— [ HSAUEES i | AMEN CNRS Na Û [LA A 14° MPMELS. 4 y *u ee. *. # ® * * + BULLETINS L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. | DE | BUREETRS L'ACADÉMIE ROYALE SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XXII. — Ie PARTIE. — 1855. BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 1855. ES, PET" L ‘ PRE RSR ET tr " L id Fur nn À * CURE #0. . anti #4 L a PE au % : “e ; RU de HE NET a + ET, VÉdUT Le done 7% d % à PU DA fi MX Aa rur 44e 4 MS serre EE vs - k É ; mi % GC! : a ‘ és id. De BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1855. — Ne 1. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 6 janvier 1855. M. ve Sezys-Lonccnawps, directeur. M. Quereer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Pagani, Tim- mermans, Crahay, Martens, Dumont, Stas, De Koninck, Van Beneden, Ad, De Vaux, le vicomte Bernard Du Bus, Nerenburger, Melsens, Gluge, Schaar, Liagre, membres ; . Sommé, Lamarle, Élie de Beaumont, associés; Duprez et Maus, correspondants. TOME xx. — ['° paRT. 1 CORRESPONDANCE. IL est donné lecture d’un arrêté royal qui nomme M. Nerenburger, directeur de la classe des sciences, pré- sident de l’Académie pour l’année 1855. — M. le Ministre de l’intérieur transmet différents ouvrages destinés à la bibliothèque de la Compagnie. — M. le président du Sénat remercie l’Académie pour l'envoi du tome XX VIII de ses Mémoires. — Il est donné lecture d’une lettre de remerciment de M. F. Duprez, pour sa nomination de membre de la classe des sciences. * Des remerciments sont également adressés à la Compa- gnic par MM. Dewalque et Houzeau, pour leur nomination de correspondant. — M. Maury, récemment nommé associé de l’Académie, fait parvenir un exemplaire d'une carte qui indique le mouvement général à la surface des eaux de l’océan Atlan- tique, d’après les indications du thermomètre, en admet- tant que le courant se dirige vers l'équateur, quand la température de l’eau est plus basse que celle qui appar- lient à la latitude, et que le courant part des régions équa- toriales dans le cas contraire. M. Quetelet fait hommage de l’Annuaire de l'Observa- toire royal pour 1855. M. De Koninck offre également un exemplaire de son Mémoire sur les Crinoïdes, et M. Mar- * os ” (9) tens, des Réflexions sur l'organisation du jury d'examen pour les grades universitaires. — Remerciments. . — L'Institut impérial et royal de Milan, l'Établissement géologique de Vienne et l’Académie des sciences, belles- lettres et arts de Besançon remercient l’Académie pour l'envoi de ses publications. — M. de Selys-Longchamps dépose les observations sur les phénomènes périodiques du règne animal faites par lui à Waremme, en 14854, et les observations botaniques faites par M. Ghaye dans la même localité. — M. Glæsener annonce qu'il a pu introduire quelques simplifications dans les appareils de télégraphie électrique décrits dans le mémoire actuellement soumis au jugement de l'Académie, et promet de plus amples détails pour la prochaine réunion académique. . — M. Maus fait connaître que c’est par suite d’un mal- entendu que son mémoire relatif à l'emploi d’une machine hydropneumatique à été seumis au jugement de l’Acadé- mie; son intention, dit-il, en communiquant oflicieuse- ment cet écrit à M. le Secrétaire perpétuel, était de con- naitre son appréciation personnelle. (#F) RAPPORTS. De la LiNGUATULA FEROX (PENT. DENTICULATUM aut SERRATUM). Notice de M. Küchenmeister. Rapport de M. Van Beneden, « La notice que M.Küchenmeister a envoyée à la classe et dont elle nous a chargé de lui rendre compte, à pour objet quelques détails anatomiques d’une Linguatule qui vit en parasite sur plusieurs mammifères et que l'on à trouvée tout récemment sur le foie de l’homme. Quoique ces parasites ne piquent plus aussi vivement l'intérêt des naturalistes, depuis que nous avons démontré leur nature articulée, il n’en reste pas moius encore des faits bien curieux à observer : leur organisation, el surtout l'histoire de leur mode de transmission à l'hôte hospitalier el aux organes qui les hébergent et les protégent, pré- sentent encore bien des lacunes. | Dans cette notice, M. Küchenmeister a surtout pour but de faire connaitre la structure si singulière de l'appareil appendiculaire de la Linguatula serrata, et, comme il a eu l’obligeance de nous envoyer des préparations sèches et des individus entiers parfaitement conservés, nous sommes à même de juger du degré d'exactutide des descriptions et de l’importance des figures qui les accompagnent. Ce sont surtout les figures IT et IV qui nous sem- blent représenter le plus fidèlement les singuliers organes d'adhésion qui arment la bouche de ces parasites. L'histoire de la Linguatule dont il est question daus (5) cette notice est assez Curieuse pour que nous l’exposions ici en quelques mots. Au mois de décembre 1788, Frôhlich trouve cinq à six Linguatules mortes, dans le poumon d'un lièvre, qu'il dé- signe sous le nom de Linguatula serrata, et dont Rudolphi fait plus tard le Pentastomum serratum. C'est l'année pré- cédente que Chabert avait découvert la Linguatule ténioïide du chien. Diesing, dans sa belle Monographie de ce geure, repro- duit la description et les figures de Frôblich, et fait remar- quer que ce parasite n’a plus été observé depuis. Dans le vol. III de la Zoologie danoise de Müller (1789), Abildgaard fait mention d’un ver trouvé sur le foie d'une chèvre, qu'il désigne sous le nom de Tenia caprina. Ce prétendu Ténia n'est qu'une Linguatule que Rudolphi nomme Pentastomum denticulatum. On l'a trouvé ensuite dans le poumon du cochon d'Inde, du bœuf, du porc-épic et sur le foie du chat. Van Setten, médecin vétérinaire à Godlinze (prov. Gro- ningen), a retiré de l'œil d’un cheval un ver long de 5” que Numann a décrit sous le nom de Monostomum Settenii, et qui n’est probablement autre chose que la Linguatule dont il est question ie (1). Ce parasite, trouvé sur ces divers mammifères, est en- core désigné sous plusieurs noms qu'il est inutile de reproduire ici. En 1847, M. Kauffmann (2) publie une dissertation inté- ressante sur les Tubercules et les Entozoaires, et, dans cette dissertation, il est question d’une Linguatule du poumon (1) Zijdschrift voor nat. geschied. en physiol., deel VIT, bl. 588. (2) Kauffmann, #nalect. ad Tubereul. et Entozoor. cognit. Berol., 1847. (6) du lapin qu’il rapporte à l'espèce dont il est question ici. Dans le Bulletin de la Société impériale de Moscou de 1849, il est fait mention d’un parasite que l’auteur désigne, d’après Creplin, sous le nom de Ling. ferox, et dont il a trouvé une trentaine d'individus vivants rampant, à la ma- nière des sangsues , dans les poumons d’un lapin mâle. En même temps que M. Kauffmann publiait sa disser- tation à Berlin, M. Prüner faisait paraître, à Erlangen , un ouvrage sur les maladies en Orient. Dans cet ouvrage, ce médecin parle d’un parasite qu'il avait observé commu- nément sur le foie des nègres, au Caire, mais il ne sait si c'est un Nématoïde ou une larve d’insecte. Il paraît que Prüner a trouvé ce même parasite sur la girafe. M. Von Siebold fit paraître, en 1855, dans son journal, un article du plus haut intérêt sur quelques parasites de l’homme; 1l y est question d’une Linguatule, vivant aux dépens de l’homme, dont le savant professeur de Munich avait soupçonné l'existence, d'après une notice manuscrite de Prüner qu'il avait reçue par l’entremise d'Érdl, en 1846, et sur laquelle M. Bilharz venait de lui donner quelques nouveaux détails dans une lettre datée du Caire. M. Bilharz avait vu des crochets (kolossalen Haken) comme il n’en avait encore observé dans aucun Helminthe, et à la vue des planches de Kauffmann, que M. Von Siebold lui avait fait parvenir en Égypte, il reconnut aisément leur origine. Oui, ce sont mes crochets, écrivit-il (Dass sind , ja , meine Haken), peu de temps après à M. Von Siebold. Tous ces détails sont reproduits dans cet article, et ce savant donne à ce parasite le nom de Pentastomum constrictum. Il y a peu de temps, le prosecteur de l’hôpital civil de Dresde (Saxe), M. Zenker, observa des kystes sur le foie de cadavres humains, et dans ces kystes se trouvèrent de Cr) véritables Linguatules. M. Zenker a, en ce moment, sous presse une notice sur ce sujet, dans le Journal de médecine de Henle et Pfeuffer (1). M. Küchenmeister ayant eu l’occasion d'observer la Linguatule du lapin et de comparer les erochets de la Lin- guatule découverte par Zenker, pense que c’est le même parasite et qu'il faut y rattacher la Linguatule observée en Égypte par Prüner et Bilharz. Nous partageons cet avis du médecin de Zittau : d’après la courte et importante description de Grüner, ét la comparaison que nous avons pu faire des crochets de la Linguatule de l’homme observée par Zenker, avec ceux provenant du lapin, nous dirons même qu il ne nous reste pas de doute à cet égard. Si nous ne nous trompons, tous les parasites dont il vient d’être question appartiennent à une seule et même espèce, et nous aurions ainsi pour synonymes de ces para- sites les noms suivants : Linguatula serrata, Frühlich. Tenia caprina, Abilgaard. Halyseris caprina, Zeder. Tetragulus caviae, Bosc. Pentastomum serratum, Rud. —. denticulatum, Rud. Pentastoma fera, Creplin. Pentastomum constrictum , Von Siehold. (1) M. Zenker a déjà observé des Linguatules sur dix cadavres : huit hom- mes, dont trois manœuvres, un commerçant, un charpentier, deux garçons ouvriers et un prisonnier ; et deux femmes, une mendiante et la femme d’un ouvrier, Leur âge était Fu 91, 44, 55, 54, 66, 68 et 74 ans, Trois étaient de Dresde, quatre de diverses p: Luis Fr la LA Su de passage, qui ne s'étaient guère arrêtés à Dresde. Le docteur Heschl en a observé pareillement à Vienne. (8) et pour patrie, au midi, l'Égypte et l'Italie, s'il est vrai que le parasite du musée d'anatomie de Bologne soit une Linguatule, au nord, l'Allemagne, la Hollande, le Dane- mark et peut-être la Russie. Nous ne sommes plus de l’avis de M. Küchenmeister, quand il émet l'hypothèse que les Linguatules des cavités closes pourraient bien continuer leur évolution en passant dans des cavités ouvertes, de manière que la Linguatule des sinus nasaux du chien pourrait bien être l’âge adulte d’une Linguatule vivant d'abord dans une cavité fermée ou enkystée. Les Linguatules de cette dernière catégorie sont aussi complétement développées que les autres; leurs organes sexuels ne sont pas moins bien épanouis que ceux des parasites qui vivent dans les sinus et les cavités ouvertes. Nous profiterons de l’occasion que nous offre ce rapport pour faire connaître le résultat de quelques observations que nous avons eu l’occasion de faire depuis la publication de notre Mémoire sur l'organisation et le développement des Linguatules. Peu de temps après la présentation de notre travail, nous avous reçu encore quatre jeunes Papions (Cyno- cephalus sphynæx); un seul portait des kystes à Linguatules dans la cavité abdominale. Les Linguatules vivaient encore, et voici ce que leur appareil circulatoire nous a révélé : On distingue, à l’aide de la loupe, les mouvements pé- ristaltiques du canal digestif, et sous la peau du dos, on voit assez distinctement des pulsations qui ne sont pas sans analogie avec les pulsations du cœur des insectes. Nous avons incisé la peau le long du dos, un peu sur le côté; un liquide blanchâtre s'est épanché, et dans ce liquide se trouvaient des globules assez régulièrement arrondies et à peu près du même volume. (9) Une partie de la peau du dos, placée sur le porte-objet du microscope, ne montrait plus de pulsations; mais une légère pression nous montrait un liquide qui se déplaçait lentement, allait tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, mouvement qui se produisait ensuite par les con- tractions spontanées du parasite. Le long de cetté gouttière longitudinale qui représente le vaisseau dorsal, le liquide qui y est contenu se répand à droite et à gauche dans des canaux qui en partent à angle droit, mais il ne nous a pas été possible de distinguer les parois. On ne voit plus de liquide se mouvoir en s'écartant de la ligne médiane dorsale. Une injection faite avec le plus grand soin sur un indi- vidu encore en vie, ne nous a rien appris de plus : la masse a passé dans la cavité commune, sans suivre aucune voie régulière. C'est donc à peu près le même résultat auquel les re- cherches faites depuis par M. Blanchard ont abouti. Après la publication de notre mémoire, M. Blanchard a repris la question du système nerveux des Linguatules, surtout sous le rapport de la signification des ganglions. Mes déterminations ne s'accordent guère avec les siennes, et malgré tout le prix que nous attachons à ses habiles tra- vaux, nous ne croyons cependant pas devoir modifier l'opinion que nous avons émise à ce sujet dans notre mé- moire. Mais revenons à la notice de M. Küchenmeister. Chaque crochet est formé d’un pédicule, dit l'auteur, d’un cou- verele avec son support et d’un vrai crochet. Tout cet appareil est formé de chitine, comme M. R. Leuckaert l'a reconnu le premier, Nous avons déjà dit plus haut que les fig. HE et IV représentent fort fidèlement la composition (10) de cet appareil, et comme cette Linguatule mérite plus que toute autre d’être étudiée avec soin, nous avons l'honneur de proposer à la classe de faire imprimer cette notice dans ses Bulletins. » Ces conclusions, auxquelles adhère M. Lacordaire, se- cond commissaire de l’Académie, sont adoptées. COMMUNICATIONS ET LECTURES. De l'influence des températures sur le développement de la végétation ; par M. Quetelet, membre de l’Académie. L'Académie royale de Belgique à pu voir avec un sen- timent de satisfaction qu'il a été répondu à l'appel qu'elle avait fait aux observateurs des différentes nations, pour recueillir les données propres à la détermination des grandes lois de la nature qui président aux développe- ments et aux différentes phases de la végétation pendant la période annuelle. En Amérique comme en Europe, nou-seulement des observateurs isolés, mais encore de grandes sociétés scientifiques, ont voulu seconder cette généreuse impulsion : l’une des plus actives est sans con- tredit la Société Silésienne de Breslau. Je demanderai à la classe la permission de l’entretenir pendant quelques instants du dernier rapport fait à ce sujet par M. le D' Fer- dinand Cohn, qui paraît avoir pris plus particulièrement à tâche de coordonner et de discuter les observations que reçoit la Société Silésienne. (11) M. F. Cohn connaît parfaitement ce qui a été fait dans le sein de notre Académie ; il a même pris soin de mettre les lecteurs de son pays au courant de nos travaux, et il l'a fait avec cette mesure et cette convenance qui con- viennent à un sincère ami des sciences et de la vérité. Je me permettrai toutefois de lui soumettre quelques observations, moins dans la vue de défendre un théo- rème que j'ai énoncé relativement à l’action de la chaleur sur les plantes, que d’arriver avec lui à la connaissance du véritable mode d'action de la nature. Puisque M. F. Cohn a pris connaissance de la partie de mon ouvrage SUR LE CLIMAT DE LA BELGIQUE qui traite des Phénomènes périodiques des plantes, il a pu remar- quer que je classe sous quatre titres principaux, « les circonstances auxquelles il convient d’avoir égard pour apprécier le développement des plantes ; » savoir : les cir- constances atmosphériques, les circonstances individuelles de la plante, les circonstances locales et les circonstances géographiques. C’est dire assez que je regardais comme insuffisante l'action de la température, qui ne constitue qu'une seule des causes influentes que j'ai énumérées. Cette cause est, à la vérité, très-puissante et plus active peut-être que toutes les autres réunies. Rien n’empêchait d'étudier son action isolée, comme cela se fait du reste dans tous les phénomènes de la nature qui se produisent sous l'influence combinée d’un nombre plus ou moins grand de forces. C'est ce premier pas que j'ai essayé de faire; cette étude ne porte point préjudice à celle qui aurait pour objet l'action de la lumière ou de telle autre cause influente. Je suis donc parfaitement d'accord avec M. Cohn qu’en établissant un système d'observations qui a pour objet de (12) donner un tableau exact et fidèle du développement de la végétation dans différents lieux et différentes années, on aurait tort de prendre pour point de départ l’action seule de la température sur les plantes. [1 faut avant tout, uné collection de faits bien observés, bien comparables et se rapportant à différentes localités et à différentes époques : c’est ce que j'ai cherché à obtenir par le programme que l’Académie royale de Belgique a bien voulu publier sous ses auspices, et c’est ce que je conseillerais de recom- mander partout où l’on s'occupera de cette étude. L’expli- cation des faits viendra tout naturellement ensuite. Cela posé, passons à l'examen des objections faites par le savant de Breslau aux méthodes proposées jusqu’à pré- sent pour tenir compte de l’action de la température sur les plantes. Je commence par reconnaître avec lui, et avec MM. Al- phonse De Candolle, Martins et d’autres naturalistes, que les plantes sont de véritables thermomètres qui ont la propriété d'indiquer non pas la température actuelle, mais la somme des températures antérieures. Une plante est en quelque sorte un instrument d'intégration qui lient compte à la fois de la chaleur et du temps pendant lequel elle a été versée. Mais à partir de quel point ce ther- momètre commence-t-il à fonctionner, d'une manière utile pour l'observateur ? Est-ce à partir du point de la glace fondante ou de tout autre point de l'échelle ther- mométrique ? Il existe en général peu de renseignements à cet égard; l'expérience montre que, pour le plus grand nombre des plantes, la température devient active quand elle s'élève au-dessus de zéro et que les liquides peuvent entrer en cireulation ; c'est done naturellement de ce point que les (15) observateurs ont compté les degrés efficaces ; et j'ai suivi leur exemple; mais, sans prétendre le moins du monde que ce point doive être le même pour toutes les plantes. Je crois avoir dit au contraire, dans plusieurs circon- stances, que la fixation de ce point formerait un sujet intéressant de recherches qui méritait d’être signalé aux observateurs. D’après ces explications, je crais, iei encore, me trouver d'accord avec M. le D' Cohn : Les températures efficaces doi- vent étre comptées à partir d'un point spécial pour chaque plante, que ce point d'ailleurs soit plus haut ou plus bas que celui de congélation ; nous pourrions, pour éviter loute con- fusion, le nommer le point de réveil de la plante. Resle à savoir à partir de quelle époque il faut tenir compte des températures eflicaces. Les physiciens du siècle dernier, et le père Colte en particulier, comptaient à parur du 4* mars; M. Cohn, ainsi que M. Fritsch à qui l’on doit d'excellents travaux sur le sujet qui nous occupe, proposent le 21 décembre, époque du solstice d'hiver. J’a- ais proposé, de mon côté, de compter à partir du réveil de la plante ou du jour où les températures moyennes, après les plus grands froids de l'hiver, s'élèvent d’une ma- mière durable au-dessus du point de congélation, mais J'ajoutais en même temps qu'il convieut d’avoir égard aux Lempératures antérieures par l'introduction d'une con- sante (1). (1) Voici comment je me suis exprimé à ce sujet dans mon travail Sun LE Cuimar bé LA BELGIQUE, 1. 1‘, chap. IV, Phénomènes périodiques des plantes : « Pour ce qui concerne la troisième question, celle qui est relative à l'état de la plante antérieurement à son réveil, on conçoit qu'il faut tenir compte des modifications que la plante a pu recevoir par l'influence de l'hiver; ( 14) L'introduction de cette constante permet de commencer à compter les effets eflicaces des températures de tel point que l’on veut. Si j'ai pris l’époque de la cessation des fortes gelées et du réveil apparent des plantes, c’est que l’on sai- sit mieux cette époque et que, d’ailleurs, nous ne con- naissons pas encore suffisamment l’action du froid sur les plantes. Il parait que, quand la température ne descend que d’un ou deux degrés au-dessous de zéro et d’une ma- nière non durable, elle ne produit pas d’effet rétrograde. Si des froids, quoique modérés, sont continus, ils replon- gent la plante dans son sommeil hivernal ; s'ils étaient excessifs et continus, non-seulement , ils produiraient le sommeil hivernal, mais ils détruiraient même tous les pre- miers indices de la végétation, et la plante se trouverait ensuite moins avancée qu'après son premier réveil : de nou- veaux bourgeons de feuilles et de fleurs devraient pouvoir se former en effet, pour suppléer à ceux que les derniers froids auraient détruits. Mais quels degrés de froid carac- térisent ces différentes nuances? On l’ignore, et c’est ce qui me fait préférer de reculer l'époque d’où l’on compte les températures et d'admettre une constante, en atten- dant que des études ultérieures nous aient mis à même de calculer cette constante d’une manière plus sûre que nous pourrions le faire actuellement. Il me semble évident que il faut avoir égard aussi à l’état où se trouvait la plante quand a commencé son sommeil hivernal. Par suite de ces diverses actions, la plante, au moment du réveil, a déjà un degré de développement plus où moins avancé qu’on peut regarder comme le résultat d’une succession de températures plus ou moins élevées. La somme des carrés de ces températures forme un nombre particulier à chaque année et à chaque plante, dont il faut nécessairement tenir compte; c’est encore une lacune qui se trouvait dans la méthode de calcul proposée par Pabbé Cotte. » (15 ) des froids très-intenses produisent des eflets négatifs dont il faut tenir compte. Ceci admis, voyons les difficultés que M. Cohn soulève contre le théorème que j'ai proposé pour calculer les effets des températures sur les plantes. Je crains bien qu’il n’y ait ici quelque malentendu ; et comme le sujet qui nous occupe n'est point sans importance, je préfère donner textuellement son argumentation pour que chacun puisse juger par lui-même. Il est très-désirable que les idées puissent se fixer sur les trois méthodes qui ont été pro- posées jusqu'à présent pour déterminer l'influence des températures sur le développement de la végétation. Voici le jugement de M. Cohn sur leur valeur : « Pour deux d’entre elles, M. Quetelet a fait voir leur insuffisance d'une manière palpable : d'abord pour la théorie due à Adanson et défendue récemment par Bous- singault et Gasparin , d’après laquelle l’influence, pen- dant un temps déterminé, serait simplement proportion- nelle à la somme des températures diurnes moyennes; ensuite pour la méthode proposée par Babinet (Compt. rend., etc.), d'après laquelle l'influence de la chaleur sur les plantes répondrait à la loi de la pesanteur dans la théorie de la chute des corps, et s’exprimerait par le produit de la température moyenne, multipliée par le carré du nombre des jours ( Bulletin de l’Académie de Bel- gique , etc., t. XIX, 1° partie, p. 545 , 1852). Le système de M. Quetelet, d’après lequel l'influence de la chaleur sur les plantes s'exprimerait par la somme des carrés des tem- pératures diurnes, manque aussi de fondement, malgré le grand suceès qu'il a obtenu; on le voit aisément par l’exemplé cité par M. Quetelet lui-même. 1H calcule l'in- Îluence que 4 jours de température à 5° C., 2 jours à 10° C. (16) et 4 jour à 20° C., exercent sur une plante, en prenant pour base les trois formules connues : QUETELET. BABINET. | ADANSON. 4 jours à 50C.. 4.25 = 2 — à 10°C: . 2.100 = 1 —, à 200 C.. 1.400 = = « Il est évident que 4 jour chaud n’a pas sur la végéta- tion la moitié de l'influence de 2 jours tempérés , et encore moins le quart de celle de 4 jours froids, comme le veut M. Babinet; d’une autre part, les trois cas mentionnés ne présenteront jamais une influence égale, comme le sup- pose Adanson. M. Quetelet approche beaucoup plus de la vérité en disant que dans 4 jour chaud la végétation se développe autant que dans 2 jours tempérés, et autant que dans 4 jours froids. Cependant il est clair que cette concordance est purement accidentelle, si l’on compare les températures en les rapportant au thermomètre anglais à l'échelle Farenheit, opération qui ne changera en rien leurs valeurs. Ainsi, puisque 5°C. = 44°F., 10°C. =50°F., 20° C. = 68° F., on aura : QUETELET. BABINET. ADANSON. 4 jours à 410F. . = 4.41? à 500F. . 2.50? à G8°F., = 1.68 » Par conséquent, l'influence d’un jour chaud , d'après la formule de M. Quetelet, serait, à l'égard de 2 jours Cp) | tempérés et de 4 froids, comme 20:22:50; selon Babinet, comme 17 : 50 : 164 (l’action de 4 jours à 5° serait donc presque 10 fois aussi forte que celle d’un jour à 20° C.); enfin, d’après l'hypothèse d’Adanson, comme 17 : 25 : 40. » On voit aussi que la différence des résultats des trois formules, d'après l'échelle thermométrique, provient de ce que leurs auteurs prennent, à tort, pour point de départ de leurs calculs, le terme de la congélation de Veau , comme si alors commençait nécessairement, pour les plantes, le chaleur efficace. Ceci est d’ailleurs, comme on l’a fait remarquer plus haut, une proposition arbi- traire, car chaque plante peut être considérée comme un thermomètre qui a son propre point 0. [l est très-pro- bable que la plupart des plantes, au commencement de la végétation , sont pénétrées d’une chaleur beaucoup plus élevée, et que, pour le développement de beaucoup de végétaux, on ne doit compter les températures qu’au-dessus de 5° C. Prenons une plante pour laquelle 5° C. répondent . au point O, alors naturellement pour les températures un peu élevées il ne faut tenir compte que des degrés qui dépassent le 5" de l'échelle centigrade, et l’exemple cité de M. Quetelet se présentera aussi tout autrement : QUETELET. BABINET. ADANSON. (*) Il y a, ici, évidemment une erreur de nombres : il faudrait lire 4.5=920, au lieu de 4.10 = 40; ce qui modifierait un peu les conclusions de l’auteur. - A. Q. TomE xx11. — [°° par. 2 | (487 » D'après cela, 4 jours à 5° C. n'auront généralement aucune influence sur la végétation ; par contre, 2 jours à 10° C., d’après M. Quetelet, en auront une 2 ‘e fois moindre, d’après Adanson une *; moindre, et, d'après Babinet, au contraire, une 2 */; plus grande que celle d’un jour deux fois plus chaud. » Il résulte de là que les théorèmes de M. Quetelet, Babinet et Adanson, sous leur forme actuelle, ne peuvent prétendre à aucune valeur scientifique, et ne sauraient servir de base à notre système d'observations. Nous de- vrons, en Conséquence, renoncer à comparer les rapports de la température et de la végétation aussi longtemps qu'il n'aura pas été donné aux mathématiques de résoudre un des problèmes les plus difficiles, celui de déterminer une fonction qui fait dépendre le développement des plantes de l’action de la chaleur et des autres influences extérieures. » Voyons maintenant si les conclusions de M. Cohn sont fondées. L'auteur admet que, dans le premier exemple, le théo- rème qui tient compte des carrés des températures, donne des résultats satisfaisants, et que les théorèmes d’Adanson et de Babinet ne sont pas admissibles. Dans le second exemple, il y a évidemment une méprise de la part du savant naturaliste. Rien n'empêche sans doute de traduire les degrés centigrades en degrés de Réaumur, de Fahrenheit ou de toute autre échelle; mais il faut bien prendre garde de ne tenir compte que des degrés efficaces, c'est-à-dire de ceux qui s'élèvent au-dessus du point de réveil de la plante, sans quoi l’on ne s’enten- drait plus; ce serait d’ailleurs essentiellement contraire à l'esprit des trois méthodes dont M. Cohn veut juger Ja (49 ) valeur. Ainsi, dans l’exemple cité par lui, 5, 10, 20 degrés efficaces de l'échelle centigrade correspondent à 9, 18, 56 degrés eflicaces Fahrenheit, et non à 41, 50 et 68 de- grés du même thermomètre, parce qu'il faut retrancher préalablement de ces derniers nombres 52 degrés qui ne sont pas efficaces et qui tombent au-dessous du point de réveil des plantes, que j'ai supposé correspondre au point de congélation, dans l'exemple que j'ai cité. La confusion provient ici de ce qu'il existe un zéro pour chaque échelle thermométrique, qu’il faut bien se garder de confondre avec le zéro ou le point de réveil des plantes, surtout quand on fait usage du thermomètre de Fahrenheit. Le calcul qu'a fait M. Cohn n’est applicable qu'à des plantes qui auraient leur réveil et leur commencement de végétation sous une température de 0 degré Fabrenheit, ou de — 17°,78 centigrades, c'est-à-dire par le froid le plus intense que lon éprouve dans nos climats. Il peut y avoir des plantes qui présentent ce phénomène, mais j'avoue que je ne les connais pas. S'il en existait réelle- ment, je ne sais trop comment elles se comporteraient en présence de températures relativement très-élevées pour elles; mais les résultats, calculés d'après ma méthode, ne présenteraient certainement rien qui pût surprendre; ils seraient, au contraire, très-probables, surtout compa- ralivement à ceux donnés par les méthodes d'Adanson et de Babinet. En ne tenant compte que des températures eflicaces, et en calculant d’après l'esprit des trois méthodes que com- pare M. Cohn, le second tableau de ce savant devrait se former ainsi qu'il suit : 5° C. = 9° Fahrenheit; 10° C. = 18° Fahr,; 20° C.= 56° Fahr.; d’où (20 } QUETELET. BABINET. ADANSON. 4 jours à 9°F.. =, 4,9° 2 18 À, print Ilest évident que ce tableau ne fait que reproduire le premier tableau de M. Cohn; les nombres présentent entre eux exactement les mêmes rapports; et l’on conçoit qu'il doit en être ainsi (1). De ce qui précède , il est facile de conclure que largu- ment soulevé par M. Cohn contre la méthode qui tient compte des carrés des températures pour estimer le déve- loppement des plantes, reste sans valeur. En ce qui concerre son troisième exemple, l’auteur ne lire aucune conclusi 1 ni pour ni contre les trois métho- des qu’il compare (2 il se borne à dire, d’une manière générale, que ces mét des, sous leur forme actuelle, sont insuffisantes. Ainsi d: :e, le seul argument avancé contre celle qui emploie les :rrés des températures repose sur une méprise. Si l’on considère que cette méthode a été mise à l'épreuve avec succès, non-seulement sur un nom- bre considérable de plantes croissant en plein air (par (1) Les échelles centigrades, de Réaumur, de Fahrenheit, etc., n'ont aucune influence sur les résultats des calculs; c’est ce que j'ai fait voir déjà dans le travail sur les phénomènes périodiques des plantes, p.10, chap. IV, €. Ier de l'ouvrage Sur LE CLIMAT DE La BELGIQUE. (2) Seulement , il semble s'étonner que les résultats calculés ne soient pas les mêmes pour les plantes qui ont leur point de réveil à 0° de température centigrade pour celles qui ont ce même point à 5" de température centi- grade. (21) M. Fritsch, à Vienne, et par moi, à Bruxeiles), mais encore sur des plantes développées en serre chaude, on peut admettre qu’elle mérite au moins un examen plus attentif. Il y a plus : on a pu, par des températures préa- lablement calculées, amener des plantes à donner leurs fleurs à des jours et en quelque sorte à des heures indiquées d'avance. Je suis loin de croire que toutes les plantes se prêteraient également bien à de semblables expériences; je dirai même que quelques-unes s’y sont montrées rebelles : je citerai particulièrement le Colchicum autumnale. On sait, du reste, que toutes les plantes ne peuvent être for- cées avec les mêmes chances de succès; mais ce genre de recherches n’en devient que plus intéressant, puisqu'il permet d'étudier en quelque sorte de plus près toutes les anomalies apparentes. De la LiNGUuATULA FEROX (Pentastoma denticulatum aut serratum) ; par Frédéric Kuechenmeister, D' en méd., méd. prat. à Zittau (Saxe). , M. Van Beneden (1) a séparé les Linguatules des Hel- minthes, et, à notre avis, il l'a fait avec raison. [Il a en effet démontré l'existence des fibres musculaires striées dans ces parasites, et on sait qué ces stries manquent tout à fait dans les muscles de la classe des Helminthes. Ïl ne faut pas, du reste, une grande habileté pour retrou- ver ces stries, figurées par M. Van Beneden dans son Wé- (1) Recherches sur l’organisation et le développement des Linguatules, Mémoines De L'ACADÉMIE, L. XV, 1° partie, Bruxelles, 1849, (22) moire sur les Linguatules, fig. 19, et il est difficile de con- cevoir comment M. A. Gros, de Moscou, ait pu dire de cette Linguatule : « Le système musculaire ne se voit pas dans cette espèce comme dans les autres (1). » Sans vouloir pénétrer dans les détails les plus profonds et les plus fins de l'anatomie de ces parasites, je parlerai des crochets et des pores d’épiderme de cette singulière espèce qui vit aux dépens de l’homme et de divers animaux. Les auteurs ne s'accordent guère jusqu’à présent sur la nature et la conformation des crochets. M. Gurlt, dans la première édition de son ouvrage, a figuré, par une erreur du dessinateur, trois paires de crochets; Creplin, Mehlis et Nordmann parlent de deux ou trois erochets supplémen- taires; M. A. Gros, de Moscou, a observé le premier que les petits crochets que d’autres auteurs ont cru voir, ne sont qu'une partie de vrais crochets. « Les quatre crochets, dit-il, qui arment son poitrail plutôt que sa tête, ne sont probablement que les supports des vrais crochets. » Mais M. Gros a observé d’une manière extrêmement légère et très-peu positive. Il prétend que les petits cro- chets sont les supports des vrais crochets, tandis qu'ils sont plutôt, comme nous allons le démontrer, un appareil particulier, porté avec le vrai crochet sur un seul et même support. J'ai eu occasion de trouver une Linguatula ferox vivante et rampant sur le diaphragme d’un lapin, et de l'observer pendant quelques heures; j'ai pu compléter ensuite ces recherches à l’aide d’une douzaine de ces ani- maux morts, que je dois à la bonté de M. Gurlt. Il n’y a (1) A. Gros, Bulletin de la Société impériale des Naturalistes de Mos: cou, année 1849, n° JE, p. 551-555, (25) que quatre crochets dans notre Linguatula, et ces quatre erochets sont situés deux à deux de chaque côté de l'an- neau corné (chitineux) de la bouche. Chaque crochet se compose de quatre parties : 4° d'un pédicule ou griffe, qui forme la partie inférieure d'une can- nelure fine, chitineuse, légèrement courbée vers la ligne médiane (linea mediana, MITTELLINIE) de l'animal. Du milieu du pédicule sortent deux branches vers le devant et vers le milieu de l'animal, destinées à porter la base du vrai cro- chet, comme une fourchette à deux pointes, et à former la base d'une charnière dans laquelle le crochet se remue. ® De la partie supérieure de celte cannelure; elle est courbée de même en avant, au niveau de la base du vrai erochet, et son diamètre diminue insensiblement jusqu’à la pointe; elle est toujours située derrière le vrai erochet. Je propose de donner le nom de porteur de couvercle (Träger des Spitzendeckers) à cette cannelure filiforme, destinée, tant à régler les mouvements du crochet et à le maintenir dans sa direction, qu’à porter sur sa tête une petile enflure creuse, naviculaire, émoussée à la pointe et destinée à couvrir la pointe du vrai crochet pendant le repos. 5° De la méme enflure dont nous venons de parler. M. J. Müller, voyant mes figures et la description du mou- vement des crochets, a donné à cette partie enflée le nom très-caractéristique de Spitsendecker, C'est-à-dire couvercle de la pointe du crochet. La concavité du couvercle et sa pointe émoussée et droite sont ordinairement dirigées vers la convexité du crochet; mais, dans les vers morts, j'ai quelquefois trouvé ces parties en arrière. 4 Du vrai crochet; c'est une griffe (unguis) simple, courbée rapidement en avant et divisée en une partie (24) basilaire et une partie pointue, On peut se passer d’une des- cription détaillée de la partie pointue. La base même n’est pas droite, mais anguleuse, laissant distinguer trois points très-remarquables, dont nous faisons ici seulement men- tion et que nous décrirons plus tard. Il y a un point médian, fig. 5 (&), c'est-à-dire l'hypomochlion du crochet, entouré par les lamelles de la fourchette du pédicule; une partie antérieure et toujours libre (B), le manubrium, et enfin une pointe postérieure (7), ascendant et descen- dant dans la caunelure filiforme du porteur du couvercle du crochet. Arrêtons-nous un moment au couvercle de la pointe du crochet (SprrzENDECKER.) Couvert et courbé en arc, en avant et en haut, mais ouvert et creux en bas et en arrière, il a des parois latérales de couleur brune, comme le tégument des insectes, et une paroi supérieure (c’est-à-dire la con- vexité du couvercle, courbée en arc), qui est, comme sa pointe , d’une couleur plus tendre et d'une structure plus mince. La pointe même est très-courte, émoussée, et pen- dant que l’animal est vivant, ordinairement droite, mais quelquefois recourbée en haut, après la mort, imitant un petit crochet, dont la pointe est opposée à celle du vrai crochet. On trouve aussi (1) des couvercles tournés autour de leurs supports, de sorte que leur convexité est dirigée vers la convexité du crochet, et que tous les deux forment une figure semblable à un æ, ou plutôt comme la sur- face de la mandibule supérieure du bec de Buceros rhi- noceros. Il y a aussi souvent, comme nous l’avons déjà dit plus haut, des couvercles dont la pointe émoussée est (1) M. le Dr Zenker, prosecteur de l'hôpital de la ville de Dresde, a déjà observé la même particularité chez la Zinguatula frrox de l'homme. (25) recourbée en haut et en arrière, comme, par exemple, la pointe de la mandibule supérieure du Loæxia curvi-rostra. Pour celui qui n’a pas eu l'occasion d'observer des Lin- guatules vivantes, 1l est très-difficile de reconuaître la vraie structure et le mécanisme du mouvement de cet appareil épineux, et on doit excuser les fautes commises par des auteurs qui n’ont vu que des Linguatules mortes, Voici le mécanisme de ce mouvement : La Linguatule étant en repos, le couverele couvre tota- lement la pointe du vrai crochet; la Linguatule s’avan- çant , le couvercle quitte la pointe du crochet, qui, deve- nue libre, est poussée dans le tissu de l’animal sur lequel elle se fixe. La Linguatule traîne son corps, et sa partie postérieure s'étant approchée de la partie buccale, l’ani- mal étend ses crochets de nouveau avec une, certaine vivacité et s'arrête. Les mouvements du, couverele sont produits et réglés par l’oscillation de la base du vrai cro- chet. La base du crochet se compose : a. De la partie médiane (a), l'hypomochlion , se mouvant entre les deux lamelles de la fourchette du pédicule, décrite plus haut; b. De la partie antérieure, le manubrium (6), destinée. à l'insertion des fibres musculaires, par l’action desquelles Je crochet se remue. Les fibres musculaires étant relàchées, cette partie est dressée verticalement au-dessus du point &, et paraît for- mer un simple prolongement vertical de la fourchette, La mesure de la fourchette, qui est à la vérité 0"",120 = 0,058", se présente actuellement longue de 0"",195 = 0,076". Dans ce moment le crochet est en repos, sa pointe est couverte de son couvercle. Les fibres musculaires étant contractées, le manubrium descend el prend une situa- (26 ) tion horizontale. [1 décrit, par son mouvement, un seg- ment de cercle. Maintenant le crochet est en action, sa pointe est libre sans couvercle, et celui-ci est placé à quel- que distance derrière elle. Mais le manubrium ne touche jamais ni à une partie du porteur du couvercle, ni à une partie de la fourchette; il se remue toujours complétement libre devant l’hypomochlion et devant la fourchette du pédicule. c. Della partie postérieure, qui est légèrement échancrée en arrière (7.) Cette partie varie selon le mouvement du crochet; celui-ci étant en action, l’échancrure est opposée à la concavité du vrai crochet et dirigée vers la concavité du porteur du couvercle. Les deux concavités qui se pré- sentent aux parois antérieure et postérieure du vrai cro- chet, sont en même temps situées horizontalement l’une après l’autre dans le même plan ; mais le crochet étant en repos, cette échancrure est située un peu plus haut que dans le premier cas. Quant à la pointe 7, le crochet étant en mouvement, elle monte dans la cannelure du porteur du couvercle, et se rapproche davantage de l'endroit où il est attaché au porteur. Le couvercle s'éloigne alors de la pointe du crochet. Pendant que la pointe 7 descend, le porteur du couver- cle, et avec lui le couvercle même, se rapproche du ero- chet par son élasticité, et protége la pointe. Il serait assez dificile de maintenir la pointe y se mou- vant dans la délicate cannelure du porteur du couvercle, s'il n’y avait pas deux lobes membraneux, fixés aux bords libres de la cannelure, et qui empêchent encore plus la chute du crochet que les deux lamelles de la fourchette du pédicule embrassant l'hypomochlion. (27) Nous n'avons rien à ajouter touchant l’action de la pointe chez l'animal vivant; le procédé est très-facile à deviner, si nous nous rappelons que le point rigide pousse contre un corps élastique, c’est-à-dire le porteur du couvercle, qui peut, par son élasticité, s'éloigner ou se rapprocher. Il reste encore à examiner les causes pour lesquelles on ne trouve plus chez les Linguatules mortes les pointes des crochets couvertes de leurs couvercles, mais posées généralement à quelque distance en arrière et un peu au-dessous d'eux. Après la mort, le porteur du couvercle, la partie la plus fine de cet appareil, se contracte et se retire plus que les autres, qui sont plus massives et plus fermes. C’est par là que le couvercle abandonne la pointe du crochet. Du reste, la pression seule facilite l'éloignement du cou- vercle de la pointe du crochet. Les mêmes causes font tourner le porteur du couverele sur son axe, et le couvercle prend des positions dont on ne pourrait se rendre compte, si nous n'avions pas eu l’occasion d'observer l’oscillation des crochets de la Lin- guatule en vie. Nous avons déjà excusé les erreurs des auteurs qui n'ont observé que des Linguatules mortes. Il est très-facile de vérifier nos observations et d'éviter à l’avenir les erreurs qui ont été commises au sujet de cet appareil. M. Zenker a déjà vérifié nos observations avec notre permission, et il a publié, dans son mémoire sur la Linguatula ferox de l'homme, le dessin d’une paire de crochets. Je ne finirai pas sans parler des pores d'épiderme de notre Linguatule. M. Van Beneden a dit, dans son mémoire (p. 8) : « L'épiderme est lisse et uni, au pourtour de l'ap- (28 ) pareil mâle surtout ; il y est pourvu de nombreux cercles, semblables à des pores. » Il y a, ehez notre Linguatule, qui est très-velu, de semblables pores, comme M. Van Beneden en a figuré, mais qui sont silués dans un autre ordre. Les épines très-petites et cunéiformes, longues de 0"",020 —0,0095"", larges à la base 0"",005 —0,002”", formant beaucoup d’anneaux parallèles, qui vont autour de l'animal, et conservant entre eux une distance d’en- viron 0"%,060 — 0,026”. Les anneaux des pores, paral- lèles entre eux et parallèles avec les anneaux épineux, ne sont pas situés dans le milieu de l'intervalle entre deux anneaux épineux, mais plus rapprochés de l'anneau pos- térieur et inférieur. La distance d’an anneau épineux de l’autre est de 0"",060; mais l'anneau des cercles res- semblant à des pores, s'éloigne de l'anneau épineux supérieur et antérieur de 0""045, de l'anneau inférieur et postérieur à 0"",015. L'animal porte sur une surface de 0"%,50 de long, une vingtaine d’épines et une dizaine de cercles, qui paraissent de véritables pores, plus remar- quables et plus nombreux à la partie antérieure qu’à la partie postérieure, où ils manquent peut-être totalement, D'abord, je croyais que ces pores n'étaient qu’une illusion d'optique, que c'était la base des épines cachées aux yeux de l’observateur, ou bien que c’étaient les bases des épines rompues et tombées. Mais leur disposition régulière en anneaux parallèles et la facilité de les voir sur une couche simple d'épiderme, prise de la paroi antérieure ou pos- térieure de l'animal , m'ont convaincu que M. Van Bene- den et après lui M. le docteur Zeuker ont bien des raisons de comparer ces cercles à de véritables pores, (29) Je dois rappeler iei l'existence des Linguatules dans le foie des habitants des pays méridionaux. M. Pruner les trouva en Égypte, et les prenant pour des Nématoïdes ou pour des larves d'insectes , les a décrites assez exactement. Elles ont la longueur d’un pouce et un peu plus, et une largeur de 2°” quand elles sont étendues. Il avait déjà observé à l'œil nu quatre crochets autour de la bouche, et ces crochets sont pro- et rétractiles; ils apparaissent , sous le microscope, d'une couleur jaune d’or. M. Bilharz les a retrouvés en Égypte, et il rapporte qu'il y avait sous la capsule péritonéale du foie des taches de la grandeur d'un grain de millet, qui sont formées de petites capsules renfermant une matière calcaire d’une couleur brun foncé, et quelques crochets énormes. Cet auteur, voyaut les dessins de M. Kauffmann , reconnut que les cro- chets appartiennent à une linguatule, mais sans lavoir déterminé. M. de Siebold a fait de ce parasite une nouvelle espèce, le Pentast. constrictum (1), et il désigne les kystes du foie et les intestins grêles des Égyptiens comme son habitation. On à indiqué, il n’y a pas longtemps, que la patrie de la plupart des parasites les plus importants est très-limi: tée (2); mais des recherches plus exactes démontrent le (1) Zeits. [. Wiss. Zool., IV, H. 1, 1852. M. Zenker pense que cette Lin- guatule appartient réellement à une autre espèce; je crois, au contraire, que le Pent. constrictum doit être supprimé. (2) M. Leuckart est d'avis que, dans le cas rapporté par MM. Fulvius Angelianus et Vincentius Alsarius, De verme admirando per nares egresso, Ravenae, 1610, il s'agit d'un Pentast. tænioid. qui sortit du nez d’un ma- lade pendant qu'il éternuait, et par cela fut guéri de ses maux de tête. Cfr. Archiv. für Physiol, Heilkunde von Fierordt, 1852, elfter Jahrgang, 2 Heft, BL 206 Anm.: R. Leuckart, Parasitismus und Parasiten. ( 50 ) contraire; la pelite carte géographique, jointe à mon ouvrage sur des vers Cestoïdes, en est la preuve (1). M. Zenker et moi nous pouvons assurer, par la com- paraison des préparations, que nos Linguatules sont iden- tiques avec celles de M. Kauffmann (Pent. dentic. Rudolphi, Tetragulus caviae, Bosc). Il faudrait donc écrire : Patria Ægyptus, Italia (Bologna) , Germania (Dresdae). Le Pen- tast. de M. Bilharz était en effet un P. dentic. Il est à regretter qu'on n’ait pas trouvé des dessins convenables chez M. Pruner ou chez M. Bilharz. Ce dernier a perdu les crochets de ces linguatules. La fig. 1 des dessins de M. Kauffmann, qui est une copie, est peu correcte. Les fig. 2, 5, 4 et 6, ainsi que la figure la plus exacte, fig. 5, sont mal dessinées. La fig. 5, par exemple, est corrigée, en disant que la petite pointe mince sous le vrai crochet est le couvercle disloqué et recourbé. La détermination systématique des Linguatules est encore très-difficile, parce que nous n’avons de bons dessins que de très-peu d’es- pèces, c’est-à-dire de ceux de MM. Van Beneden, Kauff- maun et Schubaert (2). Y a-t-il des motifs de croire que certaines espèces de Linguatules doivent être supprimées ? Rudolphi, comme on sait, a déjà réuni le Pent. denti- culatum avec le Pent. serratum; je pense qu'avec le temps on en réunira bien d’autres qui ne sont que des différences d'âge. Peut-être les espèces enkystées ne sont-elles que le (1) Kuechenmeister, Uber die Cestoden im allgemeinen und die des Menschen im besondere. Zittau, bei W. Pahl., 1855. (2) V.Siebold, UKüllikers Zeitschrift f. W'issenschaftl. Zoologie, 1852, IV, 1 Heft, BI. 117-118. Taf. VII und Taf. VIE, fig. 9-12. (31) jeune âge de celles qui vivent dans des cavités ouvertes (tube digestif, sinus frontaux, etc.), dans lesquelles ils passeraient par migration. Ainsi, nous supposons que le Pent. denticulatun de la cavité abdominale de plusieurs herbivores pourrait devenir Pent. tenioïdes dans le sinus frontal des chiens, des loups, etc. Cette hypothèse a été exposée , 1l y a quelques mois, par M. Garlt, à Gôttingue, mais nous sommes d'accord avec M. Gurlt que l'expérience seule peut décider la question. MESURES DES CROCHETS. HAMULORUM APPARATUS MENSURA, 1. Longitudo totius apparatus. 19 . Inde ab styli apice usque ad puntttit a quo egre- diuntur furcae lamellae . . Latitudo styli . Longitudo lamellarum dre ; . Latitudo id. . Longitudo fili, quod mucronis mitram ae Ja post mortem contracti. . Longitudo mitrae (naviculae, rire ; Spitzen- decker) . Latitudo mitrae maxima. . Longitudo, quam mitrae apex Lars . Latitudo id, id. . Spatium inter punctum + et hamuli muc ronem ; rectà vià observatum . . Longitudo spatii inter hypomechlion et mel Id. id. id, et y. Id. inter manubrium et y. . Longitudo spatii, quod est inter initium furcae et manubrium hamuli, mitrà detecti. (Cf. 4 et 12 tabularum) 0 465 —10 2054 0,255 — 0,115 0,045 — 0,019 0,120 — 0,058 0,025 — 0,010 0,180 — 0,070 0,112 — 0,049 0,050 — 0,015 0,015 = 0,066 0,008 — 0,035 0,210 — 0,095 0,075 — 0,055 0,060 — 0,026 0,135 = 0,060 0,195 = 0,076 (32) EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1. Une Linguatule entière. a, Anneau chitineux de la bouche. b, Les 4 crochets en repos. &, Le pédicule ou griffe du crochet. . B, Le crochet même. 7, Le couvercle de la pointe du crochet sur un pédicule filiforme. c, Le canal digestif. d, L'orifice génital (?) e, L'orifice anal. f, Rangs parallèles de petites épines. g, Rangs parallèles de pores d’épiderme. ÆFig. 2. L'appareil des crochets d’une Linguatule en action. a, Le vrai crochet. &, Son hypomochlion. 8, Son manubrium. 7, Sa partie postérieure basale. b, La griffe ou le pédicule. c, Le porteur du couvercle. d, Le couvercle même. Fig. 3. Un crochet isolé. a, Le vrai crochet. &,. L'hypomochlion du crochet. 3, Sa partie antérieure libre (manubrium où les muscles. s’at- tachent). Y, Sa partie postérieure basale. b, Le pédicule ou griffe composée de deux lamelles. 7, Le point où la fourchette commence, qui forme le soutien de la charnière du crochet. €, Le point de la charnière. €, Le porteur du couvercle. d, Le couvercle même. Fig. 4. Un autre crochet isolé. Le couvercle et sa pointe sont recourbés. Fig. 5. Un crochet isolé vu par-dessous. Fig. 6. L'épiderme avec plusieurs rangs parallèles d’épines et de pores. æ, Des petites épines. B, Des pores d’épiderme. L. | Torre. XXIT/77 “part . page Jo. = ph à RME. ; É TR yat si 0 me $ ” ae Run da PR 4 E ste vec #2: | A Je ti De ir LA s EU «41 " v s De À - «S # PA da . dis s ui à ‘+ pi & | “te in paf Lust Hisdauéié = Das Pa ON MEN TUE d. L id. à Phares ie mL #7 Je bi re Re PER be 8 Pr | $ AS L t t h à Rés 2. ERA L' dits Le He “ Le + Le LE «3142 ( 95 — La classe s’est occupée en dernier lieu de la nomina- tion de son Directeur pour 1856; après plusieurs scrutins, M. Dumont à réuni la majorité des suffrages ct a été, en conséquence, proclamé directeur. M. Nerenburger, directeur pour 1855, en venant ® prendre place au fauteuil de la présidence , exprime les remerciments de la classe à M. de Selys-Longchamps, le directeur sortant. Il fixe ensuite l'époque de la prochaine réunion au samedi 3 février. UZ TOME xx. — J"° PART. (34) CLASSE DES LETTRES. —————— Séance du S janvier 1855. M. LecLerCQ, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, le chanoine De Smet, Gachard, Borgnet, le baron J. de Saint-Genois, le chanoine David, Van Meenen , Paul Devaux, De Decker, Schayes, Haus, Bormans, Polain, Baguet, membres ; Nolet de Brauwere Van Stceland, associé; Arendt, Serrure, Ad. Mathieu, Kervyn de Lettenhove, Chalon, correspon- dants. M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition de l'arrêté royal du 12 décembre dernier, par lequel sont nommés membres du jury chargé de décerner le prix quin- quennal de littérature flamande, MM. Bormans, Carton , : (35) David, Serrure, Snellaert, le baron de Saint-Genois et Vervier. MM. Bormans et David font connaître qu'ils ont prié M. le Ministre de les remplacer dans le jury. M. le secrétaire perpétuel remet à M. le baron de Saint- Genois différents ouvrages que M. Van Duyze lui à fait parvenir, et qui sont destinés au concours pour le prix quinquennal. — M. le Ministre de l’intérieur écrit qu'il approuve le projet de publier, par les soins de la Commission royale d'histoire, le Supplément rectificatif que M. Le Glay, con- servateur des archives du département du Nord, à Lille, voudrait joindre à la collection diplomatique de Miræus. Il en sera donné connaissance à la Commission royale d'histoire. — Par une troisième lettre, M. le Ministre de l’inté- rieur fait connaître que le crédit supplémentaire de 5,000 francs alloué à l’Académie, pour l'exercice 1854, est spé- cialement destiné à la publication des anciens monuments de la littérature flamande et à la formation d’une collec- tion des grands écrivains du pays. — Le prix du concours, institué par arrêté royal du 27 juin 1854 (1), devra être également imputé sur le crédit dont il s’agit. — La Société des antiquaires de Londres, la Société numismatique de la même ville et l’université de Mar- bourg, remercient l’Académie pour l'envoi de ses publi- cations. (1) Concours pour une histoire de la littérature française en Belgique. Le prix est de 2,000 francs, et le terme assigné au concours, le 1°: février 1856. (36 ) — M. Johu Lee transmet un aperçu analytique de la séance tenue, le 21 décembre dernier, sous sa présidence, par l’Institut chronologique de Londres. — M. Roulez, membre de l’Académie, fait hommage d’un exemplaire de l'ouvrage qu'il vient de publier sous le titre : Choix de vases peints du musée de Leide. M. Ga- chard dépose également trente-huit exemplaires d’une Notice sur les comptes en rouleaux conservés aux archives du Royaume, pour être distribués aux membres et aux correspondants de la classe. — Remerciments. — M. D. Groebe demande l'autorisation de réimprimer, à Amsterdam, son Mémoire sur les monnaies, couronné par l’Académie, et imprimé, en 1855, dans le recueil de la Compagnie. — Accordé. — M. Ch. Grandgagnage transmet des tables alphabé- tiques destinées à compléter son travail sur les noms des communes actuellement sous presse. Sur les conclusions favorables des commissaires, l'impression demandée aura lieu. | — MM. Rens, président, et Rogge, secrétaire de la so- ciélé gantoise : De tael is gansch het volk, soumettent à l’Académie des observations sur le projet de rapport rela- üf aux encouragements à donner à la littérature et à l’art dramatiques. RAPPORTS. Projet d'encouragement de l'art dramatique. L'ordre du jour appelle, en premier lieu, l'examen et la diseussion du rapport présenté par M. Gachard, au nom de Ja Commission chargée de rechercher le meilleur mode d'encouragement en faveur de l’art dramatique. M. Paul Devaux critique l'ensemble du projet, dont les tendances doivent, selon lui, fournir des résultats diamé- tralement opposés à ceux qu’on espère; il propose d’en modifier le premier article, et d'accorder aux auteurs les subsides proposés en faveur des directeurs, afin d'obtenir de ceux-ci la représentation des œuvres indigènes. Il estime que ce second mode sauvegarderait davantage la dignité et les intérêts des écrivains, et s’il ne modifie que très-faiblement l’état actuel de choses, c’est que, d'après M. Devaux, le statu quo est incomparablement plus avan- tageux que l'innovation proposée. L'honorable académicien appuie cette dernière opinion par la comparaison des sub- sides jusqu'ici accordés à la plupart des auteurs dramatiques belges et par ceux qu'ils eussent reçus, si le système pro- posé avait déjà été en vigueur. Différents académiciens , et particulièrement MM. Ga- chard et Quetelet, tous deux membres de la Commission chargée d'élaborer le rapport mis en discussion, com- battent l'opinion énoncée. Ils reconnaissent que le tarif d'encouragements proposés tend à n'accorder que des avan- tages modérés; mais ils font remarquer que, d'après les ( 58 ) termes exprès du rapport, ce tarif n’est présenté que comme un cadre susceptible d'être agrandi. M. Gachard fait observer que les subsides jusqu'ici obtenus constituaient des cas exceptionnels, et n’avaient d'autre raison d'être octroyés que celle résultant du bon vouloir du Ministre; que le statu quo doit offrir de graves inconvénients, déjà appréciés par l'administration supé- rieure, puisque c'est d'elle qu'émane la demande d’un projet d'innovation; qu’enfin, allouer des subsides aux auteurs, au lieu de les octroyer avec une destination déterminée aux directeurs, serait encourager la littérature et non l’art dra- matique, but indiqué par le Ministre et considéré comme la base du travail présenté par la Commission. M. Quetelet fait observer que ce qui excite généralement les réclamations des auteurs dramatiques, c’est l'impos- sibilité qu'ils rencontrent aujourd’hui de faire représenter leurs œuvres. La Commission a voulu remédier à cet état de choses; c'était donc aux directeurs de théâtre qu'il fallait s'adresser pour faciliter la mise en seène dés pièces natio- nales, ces encouragements ne portant aucun préjudice à ceux que l'honorable M. Devaux voudrait voir accorder aux auteurs, el ces derniers encouragements seront distribués alors avec plus de chances de justice, puisque le publie aura pu les sanctionner préalablement. M. Devaux reprend et maintient ses premiers argu- ments. [l insiste particulièrement sur ce point critique : la crainte de voir échouer les pièces indigènes est, dit-il, le plus grand obstacle à leur mise en scène; or, cet obstacle subsistera après l'adoption du projet, puisque les subsides ne sont accordés aux directeurs qu'à condition que les pièces réussissent, où du moins ne tombent pas à une première représentation. (59) MM. Polain, Leclereq, Kervyn de Lettenhove et Borgnet prennent successivement la parole. La classe décide, en dernier lieu, que la question restera à l’ordre du jour, et que la discussion sera reprise à la prochaine séance. Rapport sur quelques anciens fragments d'un manuscrit des Origines ou Étymologies d'Isidore de Séville; par M. J.-H. Bormans, membre de l’Académie. Dans une de vos séances précédentes, vous m'avez chargé d'examiner une partié des vieux fragments de par- chemin que notre savant confrère, M. Gachard, venait de nouveau de recueillir parmi les enveloppes de registres ou les attaches de dossiers que le classement des archives de l'État fait de temps en temps tomber entre ses mains, et dont, par une prévoyance digne d'être imitée par tous ceux qui président à de semblables dépôts, il s'est fait une loi de soumettre chaque parcelle à un examen attentif. J'ai déjà eu l'occasion , dans un rapport adressé à la Commis- sion royale d'histoire (t. VE, n° 4, 2% série du Compte rendu), de signaler quelqnes résultats des plus encoura- geants obtenus par cette sage mesure ; la nouvelle trou- vaille dont j'ai à vous entretenir, sans avoir peut-être par elle-même beaucoup plus d'importance, n’en justitie pas moins déjà en partie la confiance avec laquelle j’accueillis alors ce premier suceès comme une promesse de quelque chose de mieux pour l'avenir. Les fragments de parchemin qui m'ont été confiés sont au nombre de dix, constituant chacun un demi-feuillet grand in-4° on petil in-folio, et provenant d'un même volume. L'écriture porte tous les caractères des manuscrits (40 ) du X"° ou du commencement du X[”*sièele. Les initiales des chapitres, de grandeur assez inégale, mais quelques- unes hautes d’un pouce, sont toutes en rouge; une ou deux seulement (ce sont des s) paraissent aussi avoir été tou- chées de vert. Les titres des chapitres et leurs numéros d'ordre sont pareillement rouges, en moyen capital ro- main , mêlé de quelques lettres onciales. Non-seulement chaque paragraphe, mais chaque nouvelle phrase, com- mence par une majuscule romaine ou une onciale de forte dimension. Le reste de l'écriture consiste en une lettre ronde ordinaire, nette et fort régulière, et n'offre aucune abréviation, si ce n’est la sigle &, qui y est très-fréquente, même dans le corps des mots. Les pages n’ont été lignées que d’un côté, tantôt au verso, tantôt au recto. Comme le parchemin était fin et très-pur, le même trait de poinçon, bien appuyé, a servi pour les deux faces. L'écriture ne court pas entre les lignes, comme dans les manuscrits d’une date postérieure ; mais elle est assise sur les lignes mêmes, qui sont entières ét qui partent toutes d’un point ou petit trou marginal. Il n’y a d’autre signe de ponctua- tion que le point; encore cette distinction est-elle souvent négligée. Dans un ou deux endroits, où l'aspiration se trouvait omise, elle a été suppléée par l'ancienne marque en forme de demi-H, qu'on ne rencontre plus guère dans le siècle suivant. Il ne peut done pas y avoir de doute relativement à l’âge de ces fragments, qui se révèle d’ailleurs beaucoup plus clairement encore par l’aspect général qu'ils présentent. I ne m'a pas été beaucoup plus difficile d’en déterminer le contenu et de reconnaitre à quel ouvrage ils ont appar- tenu. Quoique les titres rouges des chapitres soient la plu- part effacés , on y distingue encore fort bien un chapitre ; (38) De differentia dialecticae et rhetoricae, portant le n° If, ainsi que le suivant (n° UT) : De diffinitione philosophiae; puis ailleurs, en s'aidant un peu du texte même, on en retrouve un autre : De vitiis litterarum et verborum el sen- tentiarum vitandis, portant le n° XVIII, et un XX°%*° : De juncturis verborum ; plus loin, d’autres encore : De syllo- gismis, De lege, De historia et tout un demi-feuillet, mais sans titre, traitant des différents genres de poésie et où se lit une citation d'Horace, comme en d’autres endroits on voit figurer le nom de Cicéron. Il n’en fallait pas tant pour reconnaître dans ces débris l'ouvrage d’un grammairien ; qui, d’après l'étendue du cadre qu'il semblait avoir embrassé et la manière dont il avait divisé sa matière , ne pouvait être qu'Isidore de Sé- ville, dont les vingt livres d'Origines où Étymologies com- prennent, comme on sait, en premier lieu, un résumé assez complet des sept arts libéraux. J'avais d’ailleurs tout récemment renouvelé connaissance avec cet auteur, à l'oc- casion d’un autre vieux fragment compris dans le rapport que j'ai mentionné plus haut (1). (1) Je n'ai eu alors à ma disposition que l'édition de Gothofredus. Celle de Lindemann, dont je me sers en ce moment, est beaucoup plus commode, et je dois à cette circonstance de pouvoir confirmer, par l'autorité d’Isidore , une des conjectures émises par moi dans une note qui se trouve p. 50 du rapport que je viens de rappeler dans le texte. C'est bien Æolle olus qu'il faut lire dans la glose dont je parle; le reste de la correction : hoc enim non mandi- tur, pour hoc enim nomen auditur, restant aussi le même. Au lieu de Holle olus , Isidore, liv. XVIS, ch. X, 16, donne, en renversant l'ordre, Olus molle, ce qui ne fait que rendre Ja leçon plus certaine; mais au lieu de défi- nir ce qu'il entend par ces mots, comme fait le glossaire de feu Ms* Mai, il se contente d'en nommer comme exemple les trois espèces : atripleæ , bras- sica, olus atrum ou olusatrum, en un mot. Lindemann écrit mal olysa- trum , comme il a mal réuni, sous un même paragraphe, deux classes de (42) Je n'avais donc qu’à ouvrir l'ouvrage d'Isidore, au com- mencement même, puisque tous les titres que j'avais re- connus appartenaient aux matières dont il traite dans ses deux premiers livres, et que, d’un autre côté, les fragments eux-mêmes témoignaient, par quelques chiffres de pagi- nation , qu'ils avaient appartenu au commencement d’un volume. Ces chiffres, au nombre de six : 21,22, 24,95, 26 et 50, ne sont pas primitifs; ils sont arabiques, et remontent même tout au plus à la première moitié du XVrsiècle. D'où je conclus, en passant, que le manuscrit légumes entièrement distinctes. Olus molle ne devait pas être rangé avec les cucuméracées, sous le n° 16, mais être réellement précédé du chiffre 17, que maintenant on ne lui a assigné dans l’Index que par erreur. Les fautes de ce genre abondent dans cette édition; mais au lieu de me plaindre de son incorrection, je préfère citer encore un service qu'elle m'a rendu. Dans une autre notice, insérée dans le t. [V, n° 1 , 2 série du Compte rendu de la Commission royale d'histoire, en parlant des poésies latines iné- dites de certain Gaulthier, qui vivait au XI": siècle, je m'étais trouvé arrêté par le vers : Edida quodque ruit femina causa fuit , dont le premier mot, quoiqu'il dût se rapporter à Salomon ou à quelque événement de son règne, m'était absolument inconnu. Toutes les recherches que je fis pour le découvrir ailleurs étant restées sans résultat , je hasardaï quelques conjectures, dont aucune ne me satisfit, et je fus enfin obligé de passer outre en avouant mon ignorance, Quelque temps après, notre savant et honoré confrère, M. l’abbé Carton, voulut bien me dire qu'il se rappelait d’avoir vu ce mot dans les sermons de saint Bernard, et il m'indiqua plus tard l'endroit même, qui est le commencement du cinquantième sermon De di- versis. Vérification faite, je trouvai la question résolue. Voici les paroles de saint Bernard (édit. Mabill., vol. L, col. 1189) : « Egredimini filiae Sion et » videte regem Salomonhem (Gant. II, 11), Von dicit Ecclesiasten, aut » Jdidam. Nam et his nominibus appellatus est reæ lle : et significat » Jhesum-Christum, nostrum verum Salomonem, qui est Salomon, id est » pacificus, în eæilio : Ecclesiastes ; id est concionator, in judicio : Iida, DEL Rs bo 5e 2 À ph DE LV hs np M à à ‘ ( 45 ) y'a été, comme tant d’autres, mis au rebut et déchiré qu'après l'invention de l'imprimerie. Voiei le résultat de la comparaison de nos fragments avec le texte d'Isidore contenu dans la collection des grammairiens latins, publiée par Lindemann, Leipsick, Teubner, 1855. J'ai collationné minutieusement les deux textes et j'en consignerai ici toutes les variantes, quoique la plupart se trouvent déjà parmi celles que Lindemann, ou plutôt son collaborateur, Fréd. Guill. Otto, a signalées d’après les manuserits et les éditions qu'il à eus à sa dis- » ad est dilectus Domini, in regno; ubique Rex,» etc. {dida est, comme le remarque Mabillon, le mot hébreu Jededejah ou J'edidejah, radouci pour la prononciation. Il ne se trouve qu’une fois dans la Bible, 11" liv. des Rois, ch. XII, vs. 25, encore n'est-ce pas dans la Vulgate, qui y substitue la tra- duction : amabilis Domino, sous laquelle un hébraïsant de ma force ne pou- vait guère le reconnaître. J'attendais depuis longtemps avec impatience l’occasion de compléter mes observations sur ce mot, et de rendre hommage en même temps à l’érudition et à l'obligeance de notre honoré confrère , qui m’avaient mis en état de le faire , lorsque ces fragments d’Isidore sont venus me l’offrir. Invité, par suite de cette collation , à examiner un peu plus en détail l'édition de Lindemann, j'y ai trouvé non-seulement la forme /dida (qui, dans tous les cas, eût pu me suffire) , mais encore, comme dans le vers de Gaulthier, la variante Zdida, el peut-être même la source où saint Bernard a puisé. Voici le passage, liv. VIT, ch: VI, 8 65 : « Salomon tribus nominibus fuisse perhibetur. Primum » wocabuluwm ejus Salomon dicitur, id est pacificus, eo quod in regno » ejus paz fuerit. Secundum nomen Idida, eo quod fuerit dilectus et » amabilis Domini. Tertium vocabulum ejus Coheleth, quod graece Eccle- » siastes appellatur, latine Concionator, quod ad populum loqueretur. » Évidemment, si saint Bernard n’a pas profité d'Isidore, ils ont puisé l’un et l'autre à une même source plus ancienne. Quant à la variante £dida, qui se retrouve dans le Cod. Gulf. 1, elle prouve que la connaissance de ce nom était vulgaire au moyen âge. Le plus humble clere de cette époque eût peut- être souri en voyant quelqu'un se féliciter dans une longue note de savoir enfin ce que ce mot veut dire, (44) position. Outre que ce sera plus court et plus facile que de choisir, on verra plus tard qu’en agissant autrement, j'au- rais privé nos fragments d’une partie de l'autorité qu'ils méritent d’avoir aux yeux du philologue. J'éviterai avec soin tout commentaire et même toute observation qui ne présenterait pas quelque importance pour la eritique ou qui ne dût servir à mieux faire apprécier la valeur de nos fragments. Parmi les cinq manuscrits dont Otto s’est servi, c’est le n° [ (Guelf. L, celui dont il regarde le texte comme le meilleur), avec lequel nos fragments s’accordent le plus souvent. Quelquefois ils reproduisent la leçon du "n° IT (Guelf. IT). Dans certains endroits, surtout par suite d’une révision dont on voit clairement les traces, ils re rapprochent davantage du texte vulgaire. Mais ils ont aussi plusieurs leçons propres qui ne se retrouvent pas ailleurs, et dont quelques-unes ne rectifient pas seulement, mais complètent le texte d’Isidore, tronqué et rendu inintelli- gible par la négligence des copistes. Nos fragments commencent liv. f, ch. 58, De melris, au milieu du 41° $, avec les mots cecinisse probatur. Comme cette première partie n’est qu'un demi-feuillet , le recto s'arrête au $ 16 avec les mots Xerxe rege Persarum. Le verso reprend avec les mots lamentum vocamus, du $ 19, et finit avec le 24° Ç, qui est l'avant-dernier ducha- pitre. Je marque les variantes K 11 : Unde apparet, sans et; le reste du $ comme la vulg. $ 42 : Achateseus. Fere- cides ; le premier e a été ajouté après coup. post Homerum vero heroicum, bien. $ 15: Terentius. $ 14: modolatio. Te- rentius. $ 45: Hic, bien. eum prior. religata. Archilocum. $ 16: plerique Siracusis. a Lacedaemone. Namque. K 19 : versu Heremias. $ 20 : scribitur. $ 21 : disticon. moneslicon. $ 22 : gramma littera. $ 25 : addunatur, adque in singulis. f { ( 45 ) maiores. recinant. $ 24 : appellant, quasi praecisos versus integris subiectos , ut est apud Horatium , leçon qu'il fallait maintenir. Notre fragment donne ensuite avec Guelf. I : Deinde sequitur praecisus versus Ul est prisca, elc., où est, probablement répété par erreur de la ligne précédente , a fait commettre au nouvel éditeur une faute des plus gros- sières. Il devait au moins écrire : versus, ut est : Ut prisca, etc. Le feuillet suivant, dont je réunis les deux parties, con- lient au recto le chap. 59, De fabula, tout entier, moins le 4% < et la 4"° ligne du 2°. Les variantes de ce chapitre sont : $ 5 : ad naturam, bien. $ 4 : fabulas fingunt. rectus est ignis; est a été ajouté après. Mais je dois surtout faire remarquer ici que notre fragment place un point après ignis et commence par une majuscule la phrase suivante : Ut illa, etc. L'éditeur n’a pas vu qu’il s’agit ici d’un second exemple tout différent du premier, comme s’il y avait et ou aut ut illa; sans quoi il aurait au moins mis un point et virgule après ignis. Le fragment a, comme tous les livres quorum ferox, où depuis longtemps il eût fallu corriger quarum. adulescentia. dimedium. $ 5 : ipse centauri. mixto, mais changé après en mixtum. $ 6 : hissopitales. oleam. $ T : fabula usus est, avec un trait sur l’a, e’est-à-dire fa- bulam. Cprz. ch. 58, 15 : eum prior usus est. Même K 7 : in amicilia. adnuisse. J'ai déjà dit que le commencement de ce chapitre et de celui qui le précède manque. Leur titre et leur n° d'ordre manquent naturellement aussi. Je les ai indiqués , d'après l'édition de Lindemann, comme le 58° et le 59°; mais je dois faire remarquer ici que le chapitre suivant, De his- toria, qui est le 40° dans cette édition, ne porte dans notre fragment que le n° XXVE, et que ce n° comprend (46 ) en même temps toute la matière de l’histoire qui forme encore chez Lindemann, comme dans les éditions ordi- naires, trois chapitres distincts. Notre fragment n’en fait que des sous-divisions d’un même chapitre, disposées de cette manière : XXV. DE HIsTORIA. LL De vocabulis historiae. JL. De utilitate historiae. IL. De primis auctoribus histo- ILIL. De generibus historiae. riarum. Le texte vient ensuite avec les chiffres de ces subdivi- sions répétés en encre rouge. Dans les éditions ordinaires, elles forment les titres d'autant de chapitres séparés, sauf la 1° De vocabulis historiae, qui se trouve remplacée par le titre général De historia. L'absurdité de cette division saute aux yeux, surtout quand on considère que deux de ces chapitres ne comptent que quatre lignes. Celle de notre fragment n’est pas seulement plus rationnelle, mais elle est en outre seule d'accord avec la pratique constante d'Isidore, d'indiquer en tête de chaque matière les diffé- rentes sections que son exposé doit comprendre. Il s'ensuit de ces observations, d’abord que nous avons ici des fragments d’un manuscrit de bonne famille, si je puis m'exprimer ainsi, et autant qu'encore famille il y ait de lui; car le silence absolu d'Otto sur ces particula- rités pourrait faire croire le contraire et je n'ai guère le moyen de m'en enquérir ailleurs. Il s'ensuit, en outre, que la même faute doit avoir été commise dans plusieurs chapitres précédents, qu'il serait facile de reconnaître. Je me contente d'en faire l'observation; notre fragment lui- même prouve que dans les deux derniers, il n’y a que les chiffres seuls à changer, en lisant XXV au lieu de XXXIX, EN a ee + 2 mie fe ile re er CR or ne Là Eee EE ee Re, (#1) et XXIV au lieu de XXXVIH. Le point de départ de ce désordre est probablement le chap. VE, De partibus ora- tionis et de nomine (sic), où l’on est très-élonné de rencon- trer ainsi le général et le particulier confondus dans un même titre. Je passe aux variantes que, pour plus de facilité, j'indi- querai d’après les divisions du texte imprimé, mais en mettant les chiffres entre parenthèses. Nous en sommes au verso de notre deuxième feuillet. (Ch. XL. $ 1) : in practerito, de première main, mais changé en in praeteritum. apoistorim (sic). quae enim—pro- feruntur, appartient encore au K précédent, dont Otto a eu tort de détacher ce membre de phrase. (K 2) : quia quicquid dignum est memoria. Historia, de première main, à quoi une autre main à ajouté nn e. munimenta (sic). florem, mais corrigé florum. conprehensorum. (Ch. XLT). Au lieu du ütre, le chiffre IT, indiquant la section. frigius. (S 2): Ero- dotus. historia graphus. Ferecides, mais de première main l'ercides. his temporibus. lis et his ont été mille fois con- fondus, parce que dans les manuscrits du IX", du X"° et du XI"° siècle, l’i initial, allongé au-dessus de la ligne, ressemble absolument au premier jambage d’un h, et que, d'uu autre côté, his s'écrivait ordinairement avec deux à : hiis. Le choix entre les deux doit naturellement souvent diviser les critiques. Voir l'observation d'Orelli sur Cicé- ron, Tuscul., F, ch. 5, $ 5; Zumpt sur Quinte-Curce, etc. (Ch. XLIT). Titre remplacé par le chiffre HT (voir plus haut. gentium legem non impediunt legentibus ; mais le mot legem est condamné par des points placés dessous. Il est vrai qu'aucun autre manuscrit n'a ce mot; mais la locution absolue: non impediunt legentibus es si insolite et présente en même Lemps si peu de sens, que je suis fort tenté de ( 48 ) protester contre l’expulsion du mot legem, qu'on n'a qu'à prendre dans sa signification théologique pour que la pensée aussi bien que l'expression soient parfaitement dans la ma- nière d’Isidore. Ce sont sans doute les assonances qui ont induit en erreur, soit un ignorant copiste, soit quelque téméraire correcteur, et de révision en révision, le mot à disparu de toutes les copies postérieures. C’est grâce à son antiquité que notre fragment l’a conservé; encore s’y lrouve-t-il déjà condamné, in his quae (sic; voir plus haut). indiderunt. (Ch. XLHL.). Sans titre. Chiffre ETF (voir plus haut). Epimeris. namgq., mais changé en nam quod. epi- merida. ($ 5): quaeque enim. in commetariis, avec un n ajouté après. nominaverunt. ($ 4) : diligentiam. La page finit avec le mot Hieronim” ; et comme le feuillet suivant, le 25° d'après l’ancienne pagination indiquée plus haut, est perdu, il nous manque les quatre dernières lignes de ce chapitre qui termine le premier livre des Origines, et les quatre premiers chapitres du deuxième livre, à l'exception des cinq dernières lignes du chapitre quatrième. Dans ce commencement du 1° livre, les numéros des chapitres de nos fragments concordent avec ceux du texte imprimé. Le recto denotre troisième feuillet (le 24° dans l’ancienne pagination) commence done avec les mots du 7°$ du 4° ch. du HF livre : Nam vituperatio quae contraria est, ete. Va- riante : ad incertam. K 8, de première main : in facli crimen, changé en crimine. Encore de première main : non tantum in homine quantum in ipsum crimen; changé en : non Lam in homine (resté intact), quam in crimen. sedo commune in pluribus ; la lacune faite par le correcteur n’a pas été remplie. Ch. V. De gemino statu causarum. K 4 : expugnarent, de première main, changé en expugnent. S 2: coniecturae. = de rniie Pre; (82: ) adswmptiva (bis). concessio ……. criminis, relalio criminis; le mot gratté n’a pas été remplacé. $ 5 : obicitur. definitio- nibus.S 4: Tranlativa constitutio ; sans est. commotalionis. videtur. $ 5, les mots : foris autem aliquid defensionis as- sumit, manquent comme dans le Guelf. If de Lindemann. SG : et a sua culpa. S 8 : inprudentiam. Verso du feuillet. S 9: definitio. desidere pour dissidere. Legalis contrariae status est. apud plures discrepare. definitio. cum vis quasi, manque verbi. definitiva. $ 10 (dans Lindemann le 44°, par erreur) : decem et octo (sic). Tullii XVLIL. (sic). adplicavit. Ch. VI. De tripertita controversia. $ 4 : juxta Ciceronem aut simplex est. continet unam quaestionem unam, mais le 1% unam ajouté après coup. indicamus, par correction in- dicimus. $ 2 : Kartago diruatur a Kartaginiensibus. in qua per contentionem est omis. Ch. VIT. De quatuor partibus orationis. $ 1 : fidem adsertionibus facit ; de première main il y a eu adsertionis. conplectitur. K 2 : docibilem vel adten- tum; le d du dernier mot est retouché. praecando, mais il y à eu pracdicando. Le texte de Lindemann est probable- ment fautif en cet endroit. docibilem. adtentum, comme plus haut ; de première main attentum. Le feuillet finit avec argumentandum est; au suivant (25° de l’ancienne pagina- tion) : concludendum est ila, mais est ajouté entre Îles lignes. Ch. VIIT. De quinque modis causarum. $ 1 : Sunt quin- que (:V:). honestum causae genus est. Admirabile eo quod est alienatus animus eorum, leçon qu’il faudra prendre en considération. est quod neglegitur, mais quod ajouté en marge. $ 2 : entre les mots causa honestatis, le reviseur a ajouté le signe qu'Isidore, liv. 1, ch. 20, appelle positura; il s’est trompé sur le sens de la phrase parce qu'il y a aussi un point après turpitudinis. Tout le passage étant TOME xx11, — F'° PART. | d (50 ) d’ailleurs corrompu, le plus court sera de le transerire ici avec sa ponctuation tel qu’il se trouve dans notre fragment: aut causa.T honestatis el turpitudinis. particeps est ut beni- volum# vel benivolentiam pariel offensam. Les trois mots est ut benivolum sont en outre soulignés (c’est-à-dire biffés) dans le manuscrit. Plus loin : negotium, mais réduit au moyen du grattoir à negoti; on a oublié d'ajouter Ps. Ch. VIH. De silogismis rhethoricis (sic). $ 1 : Silogis- mus , et ainsi partout. proposilionis et adsumptionis, mais les trois syllabes proposi sont récrites. ex ambigentis, mais ex ajouté de seconde main. $ 2 : adsumptione. con- sentit, mais corrigé consensit. adsumpsit, el ainsi toujours ad, con , in (inlatio), etc. $ 5 : Inductio est vel oratio, avec le Guelf. 4. d'Otto; mais ensuite cum inductio, avec le Guelf. 2. Le quo n'a été ajouté qu'en marge, avec renvoi après cum. Il règne dans l’ordre des paragraphes la même confusion qu'Otto a remarquée dans ses MSS. Au $ 7 nos fragments ne s'accordent ni avec les autres MSS. ni avec la Vulgate ; ils ont modi sunt quo, et qui est, après enthi- mema , est ajouté en marge. epichirema, mais de première main epicerema. Enfin : qui est inrethoricus et latior silo- gismus, variante qui mérite d'être examinée. $ 8 : Solent artigraphi (ce sont les premiers mots du verso de notre quatrième feuillet). $ 10 : convincitur. putetis, par correc- lion; mais il n’a pu y avoir putarelis, faute d'espace , et parce que ti seul est changé. K 10 : in Catilina. immo etiam. addicit. $ 12: ….timescere, la première syllabe est illisible. $ 14 : est altera ; est en abrégé entre les lignes. definitio. est après vilanda est ajouté. Après requirenda nos frag- ments continuent ainsi : Ex sola adsumptione ut (est) illud est. Sunt autem qui mundum dicunt sine divina adminis- tratione discurrere. Ex sola conclusione. ut est illud. Vera (51) est igitur divina sentencia. Ex propositione et adsumptione. ut est illud , ete. Le mot (est) que j'ai mis entre parenthèses a été mal à propos ajouté par le correcteur pour avoir par- tout la même formule : ut est illud, et il a oublié d'effacer le est suivant. Mais le plus important, c’est que notre fragment nous fournit ici une correction certaine du texte d’Isidore évidemment tronqué par un copiste qui a passé tout à coup du premier adsumptione au second, quatre lignes plus bas; et cette erreur s’est perpétuée dans tous les MSS. Les quelques mots que deux ou trois d’entre eux ont de plus que le texte vulgaire, et qu'Otto a recueillis d'après Arevalus, ne fout que rendre Isidore plus inintel- ligible. En effet, que peut-on faire du commencement du S15: Sunt autem qui mundum dicunt, etc, si l’on n’est pas averti que c’est un exemple d’enthymème ex assumptione ? et l’on conçoit à peine que Arevalus et Otto aient pu ac- cueillir un bout de phrase que certes ils ne comprenaient pas. Si l’on demande comment il s’est fait que quelques MSS. aient conservé une partie de ces mots, tandis que la plupart ont supprimé le tout, cela s'explique par l'usage de biffer les mots à supprimer au moyen de points placés dessous, et dont il était facile d'en négliger une partie, quand il s'agissait de toute une phrase. Le commencement du $ 16 nous fournit une autre correction. Notre fragment répète le mot epichirema (de première main epicrema) de cette manière : Sequitur epichirema. Epichirema est descen- dens, etc., ce qui mettra les futurs éditeurs à leur aise. Le fragment porte rhethoricis silogismis, ce que je marque uniquement pour avoir l’occasion de dire que Otto a en tort de préférer cette leçon à celle d’Arevalus : rhetoricus syllogismus. Comme lui j'en appelle au $ 8, ou plutôt au S7, car il parait avoir oublié qu'il les a transposés. (32) Je passe au feuillet suivant, le 26° dans l’ancienne pa- gination, notre 5". Ce n’est qu'un demi-feuillet qui s’ar- rête , au recto, avec les mots quia scripla est qui terminent le $ 4% du X° chapitre. Il reprend au verso avec les trois derniers mots de ce même chapitre : civium utilitate con- seripta ; et nous donne ensuite le X["° chapitre et le XIF°*°, jusqu'au milieu du 5° (. Les derniers mots sont respon- dentia auctoritate (sic). Je continue les variantes. Le $ 16 donne encore:*V:par- titus à côté de tripertitus et quadripertilus; la raison n’en est pas dans le chiffre qui remplace le mot quinque, puis- que dans les paragraphes suivants, où il n’y a pas de chiffres, la même différence de voyelle se retrouve. K 18 : fecit, mais par correction facit ; de même sed deliberatio , par correction si. ali pars esse... potest, entre les deux derniers mots le grattoir a effacé sept ou huit lettres. vel cetera. Ch. X. De Lege. $ 1, unique dans le fragm., sans variante. Ch. XI. De sententia. $ 4 : crian erit (sic). Metrofanes. Metridatis. $ 2 : inter crian et loujours crian. adiciatur. Ch. XIL. De catasceua et anasceua. $ 1. Entre enim et non fuisse il y a deux mots de grattés, probable- ment non esse, qu'on y avait placés par erreur. Ensuite cimeram negat fuisse, aut fuisse confirmet (sie). $ 2 : cohor- tatio, de première main; mais changé en coartatio. Catas- ceue autem et anasceue. proponuntur. $ 5 : Anasceue (sic). ut si qui, de première main; une autre y a ajouté un s(quis). Enfin, auctoritate, qui termine cette demi-page. Le fragment suivant n’est point chiffré, comme n'étant que la moitié inférieure d’un feuillet; mais il n’y a pas de doute que ce ne soit du 27", Il nous manque un peu plus que les trois derniers paragraphes du XHE"*° chapitre, les chapitres XII et XIV en entier et le XV jusqu'au mot (55) certam au milieu du 2° $, une page en tout, lacune dont la perte de la partie inférieure du feuillet 26 fait la pre- mière moitié. Collation. La partie restante du ch. XV (De generibus quaestionum) ne donne point de variante; toutefois, il parait y avoir eu : nec in ea est, car deux lettres entre in et est ont été grattées. Ch. XVI. De elocutione. K 1 : efflagitat ; mais il y à eu efflagitetur. seris pour serüis. $ 2 : Huic non sit satis. Ch. XVII. De trimodo dicendi genere. $ 4 : gran- diloquium. suptiliter. $ 2. Il ne reste que les trois premiers mots de ce &, et la lacune s'étend jusqu’au milieu du 2° & du ch. XVII! , le verso de notre demi-feuillet reprenant aux mots : deinde ex pluribus membris fit perhiodos, id est extrema (sic). Il a ensuite veterum pour veterem el une seconde fois perhiodos. Ch. XIX. De vitiis litterarum et verborum et sententiarum cavendis. $ 4 : lilteris, et ainsi partout. $ 2 : in eadem; mais il est à remarquer que sou- vent à la fin d’une ligne (ea- finit la ligne) les lettres n et m sont omises dans ces fragments, ainsi que le trait qui eût dû en indiquer la suppression. Ce devait être chose admise, puisque nulle part le correcteur n’y a touché. incedat. quia in structura. Xerses. Romoli. inlisa. Ch. XX. De iuncturis verborum. La page finit avec les six premiers mots de ce chapitre. Il me reste encore à collationner un dernier demi- feuillet, qui porte le chiffre 50 de l’ancienne pagination. Il nous manque par conséquent, entre cette parcelle et la précédente, deux feuillets entiers, le 28"° et le 29°, qui contenaient tout le ch. XX de l'édition de Lindemann (à Vexception des six premiers mots dont je viens de parler) et les 58 premiers paragraphes du ch. XXI. Notre feuillet ne reprend qu'avec les derniers mots du 38°, qui sont: (54) iudicium quasi deposueramus, oportune reposcimus. Les variantes de ceux qui suivent, sont $ 59, de première main: Ethimologia ; mais la lettre m a été grattée. $ 40 : Caracte- rismos. Il y a aussi iuventa. ($ 41) : Lintrismos. omnium vestrorum. fortuna. $ 41 (42) : Yronia. quam dicit intellegi. $ 42 (45) : Dijascismos est ea quae. $ 45 (44) : Effon. emo- ramur. a (aut?) causavit. $ 45 (46) : Prosopopeia. Le recto finit avec ce paragraphe. Comme nous n'avons ici que la moitié supérieure d’un feuillet, en tout dix-huit lignes, tandis que le feuillet plein en contenait trente-trois, il y a, entre le recto et le verso, une lacune de quinze lignes du manuscrit. Sur les pages coupées par de nombreux paragraphes, comme celle-ci, donnant lieu, dans le texte imprimé, à presque autant d’alinéa, celui-ci emploie en moyenne le même nombre de lignes que le manuscrit pour reproduire la même quan- tité de matière. J'ai donc été très-surpris en voyant qu'ici une lacune de toute une demi-page, ou de quinze lignes du manuscrit, Se trouvait comblée par moins de huit lignes de imprimé. J'ai voulu compter les mots : quinze lignes du manuscrit donnent, en moyenne, cent soixante mots, el je n’en trouvais ici que soixante-neuf, parmi lesquels vingt monosyllabes. Cette différence de plus que la moitié m'aurait fait supposer que le texte de notre manuscrit avait été plus complet que celui des éditions ordinaires, si je ne m'étais aperçu en même temps que les chapitres qui sui- veut, au lieu de porter les n% XXII et XXITIT, comme dans l'édition de Lindemann, sont indiqués comme le I" et le HI, El était donc évident que, dans notre manuserit, la division en livres avait été différente, et que le I[”"° livre y finissait avec le XXF"° chapitre. Le XXIF"*° chapitre de Lin- demann était, dans le manuserit, le I° da livre FFF"*, qui ( 52 ) comprenait les dix chapitres qui traitent de la dialectique. Une partie de l’espace, que notre demi-feuillet semblait avoir eu de trop, avait dû être occupée par les titres parti- culiers de ces dix chapitres, tels qu'ils se trouvent encore dans l'édition de Gothofredus, et comme j'en ai donné un autre exemple au ch. XXV du livre [*. L'édition de Gotho- fredus, quoique établissant ici une division particulière, ne commence cependant pas un nouveau livre, ni un nou- vel ordre de chapitres; mais je vois dans les variantes de Lindemann que la plus ancienne des éditions dont Otto s’est servi (va.) et les manuscrits de Tarragone consultés par Arevalus, confirment pleinement mes conjectures, puisqu'on y lit : {ncipit liber tertius. De Dialectica. Cette division, en tout conforme aux matières (liv. [*, De Gram- matica ; liv. IE, De Rhetorica ; iv. HE, De Dialectica, ete.), est évidemment celle que l’auteur lui-même avait établie; et l’on ne comprend pas qu’on y en ait substitué une autre tellement irrationuelle, que les copistes eux-mêmes (Guelf. 2, pr. al.) en ont signalé l’absurdité, en mettant ici pour litre : INTER FIGURAS SENTENTIARUM INCIPIUNT CAPITULA DE Duzecrica! La Dialectique parmi les figures de pensées ! Otto n’a pas compris cet avertissement, et d’ailleurs, si j'en juge d’après tout le reste de son travail, il n'était guère disposé à s’y conformer. Comment Lindemann qui, en dounant cette édition , avait spécialement pour but de réhabiliter le nom saxon, un peu bas tombé dans le monde philologique (je ne fais que traduire une phrase de sa dé- dicace, — Dois-je ajouter que l’imprimeur, Teubner, a eu soin d’avertir que c’est un carton!); comment, dis-je, p'a-t-il pas prévu qu’en s’en rapportant entièrement aux soins de son collaborateur, il s’exposait à compromettre davantage ce nom et le sien par-dessus le compte? ( 56 ) Le verso de notre feuillet reprend aux derniers mots du 1° $ du XXIF”* chapitre de Lindemann (dans notre manu- serit Liv. IE, ch. [*) : disputando vera et falsa diiudicentur. Le $ 2 a, dans le texte, dialectica nascitur, avec renvoi à la variante marginale : vel sequitur. utraque. Ch. XXII (MS. ch. IT). De differentia Dialecticae et Rethoricae (sic) artis. $ 1% : Dialecticam vero et rethoricam. definiunt, de première main, mais corrigé definivit. $ 2 : après acutior et facundior, le correcteur a mis l’abréviation de est. non- numquam. $ 5 : venient exponendum definilionem philoso- phiae. Ch. XXIV (MS. ch INT). De diffinitione Philosophiae. Telle est aussi, dans ce titre, l'orthographe du fragment, quoique partout, dans le texte, il nous ait donné defini- tio. Il s'arrête après les mots : cum studio bene vivendi coniuncta, la seconde moitié de la page étant, comme je lai dit, perdue. Quand je commençai cette notice j'étais loin de prévoir qu’elle deviendrait aussi longue. Quoique Isidore, dans cette encyclopédie à laquelle il a donné le nom d'Origines ou Étymologies, nous ait laissé un ouvrage infiniment précieux sous beaucoup de rapports, ce n’est pas sous celui de la forme et du style; et la critique de son texte n’a rien de bien attrayant. Il existe d’ailleurs encore tant de MSS. de ce livre en Allemagne, en France, en Italie, en Angleterre, en Espagne et ailleurs, sans compter trois ou quatre éditions qui en ont été faites dès l’origine même de l'imprimerie, qu'il était à présumer que la collation des dix demi-feuillets que j'avais devant moi ne me donnerait, en dehors des variantes déjà recueillies par les derniers éditeurs, que quelques nouvelles fautes de copiste à enre- gistrer. J'étais donc bien décidé à me borner à la simple indication des endroits correspondants du texte imprimé. (97) Je choisis à cet effet l'édition de Lindemann comme la plus récente et comme pouvant, au besoin, m'éclairer sur les autres textes que ce savant a consultés. Vous avez vu quel en a été le résultat. Frappé tout d'abord de la grande diver- gence qui se présentait dans les divisions des chapitres et même des livres, je fus nécessairement engagé à pousser mon examen plus loin, et j'acquis bientôt la preuve que nos fragments, déjà si recommandables par leur haute an- tiquité, l’emportaient encore par l'intégrité du texte sur toutes les versions connues jusqu’à ce jour. Dès lors l’im- portance que, malgré quelques erreurs de copiste dont nul MS. n’est exempt, ils acquéraient pour la constitution critique du texte d’Isidore, me parut exiger que j'en re- cueillisse les moindres variantes, en y joignant quelques observations nécessaires pour faire connaître d’une ma- nière exacte l’état et la valeur de nos fragments. L'édition de Lindemann, qui est jusqu'ici la meilleure , laisse encore beaucoup à désirer, même sous le rapport de la correction typographique. Si jamais quelque philologue entreprend de refaire cette œuvre si mal réussie, j'ose prédire à notre savant et zélé confrère, M. Gachard, que les fragmenta Bruxellensia y obtiendront une mention fort honorable, si même ils ne contribuent à faire modifier l’économie de toute la première partie de l'ouvrage (1). (1) Je n'oserais assurer que ce dernier changement se fera jamais, parce que je sais qu'on admet aussi des droits acquis pour les erreurs dans les livres, surtout dans ceux qu’on consulte plutôt qu’on ne les lit; sans quoi la division du second livre en deux livres séparés (la dialectique formant le troisième) trouverait aussi sa justification dans le trivium du moyen âge. J'ignore s’il y aurait après cela quelque difficulté à soumettre de même les livres suivants à la division du quadriviuwm , et j'abandonne volontiers l'examen de cette question aux éditeurs futurs. ( 58 ) — M. le baron de Saint-Genois présente, à son tour, un rapport sur vingt-denx fragments de parchemin qui ser- vaient également de couvertures à différents manuscrits des archives de l'État. M. le rapporteur fait observer que ces divers fragments offrent peu d'intérêt; il se borne, en conséquence, à les indiquer sommairement. — Sur les rapports favorables de ses commissaires , MM. De Decker et le baron de Saint-Genois, la classe or- donne l'impression d’un mémoire de M. le chanoine De Smet, intitulé : Sur le grand canon de Gand et son nom populaire. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Note sur le grand canon de Gand et son nom populaire ; par M. le chanoine De Smet. art fatal qui préside aux combats, Qui dirige le bronze, instrument du trépas ! DESPAZE. * Les Anglais firent-ils usage de canons à la bataille de Créey (1)? Oui; si l’on en croit une foule d’historiens mo- dernes. Mais comme ils se sont tous copiés fidèlement les une les autres, ce n’est en réalité que le seul témoignage de Giov. Villani qu’on peut invoquer en faveur de cette opinion, C’est lui qui raconte que l’armée d'Édouard me- (1) Livrée le 24 août 1546. ( 59 ) nait avec elle des bombardes qui jetaient avec le feu de petites balles de fer pour effrayer et détruire les chevaux des Fran- çais; et plus loin, que le champ de bataille était couvert de chevaux frappés par les bombardes et les traits qu'elles avaient lancés (1). Ces engins de destruction, bien peu redoutables, étaient-ils réellement des canons, dans le sens actuel du mot? On serait en droit de le contester sans doute, car ces téxtes pourraient s’interpréter diversement , et l’er- reur est facile en cette matière : mais les expressions de l'auteur fussent-elles plus claires et plus formelles, il n’en demeurerait pas moins vrai que ce n'est là que l’assertion unique d’un écrivain isolé, étranger à la France et bien éloigné alors du théâtre des événements, accablé d’ailleurs, à cette époque, autant par l’âge que par la perte de sa for- tune et l’emprisonnement qui la suivit (2). Le silence des relations contemporaines, tant françaises qu’anglaises et flamandes (5), est d’un tout autre poids que le récit de l’auteur italien. L'apparition de la nouvelle artillerie au- rait dû vivement impressionner les combattants et les témoins oculaires de la bataille : comment done s’est-il fait que Froissart, Jean-le-Bel (4), Li Muisis et d’autres, (1) Con bombarde che saettavano pallottole di ferro con fuoco, per im- paurire e disertare à cavalli di Franceschi… Che tutto il campo n’era coperto , e de fediti delle bombarde et saëtte. NV. Histor. Fior., lib. XII, cap. 65 et 66. On y trouve encore : … Bombarde , che facieno si grande tremuoto à romore che parece che Iddio tonasse, con grande occisione di gente, e sfondamento di cavalli. (2) 11 mourut, en 1348, de la peste qui sévit si cruellement dans tout le monde connu. (5) M. D.-J. Vander Meersch a publié, dans le PLelgisch Mus. (t. VIN, p. 259 et suiv.) une chronique rimée de cette bataille. (4) Voy. les Manuscrits de la Bibl. du Roï, de M. P, Paris, t& V, p. 564. ( 60 ) qui les ont consultés, n’en aient rien appris de semblable ? Si la chose avait eu lieu, comme on le suppose d’après l'historien florentin, peut-on concevoir, demande un au- teur très-compétent (1), que les Français ne se soient pas servis des mêmes canons dans les batailles de Poitiers et d’Azincourt ? Il nous paraît évident que Villani n’a pas eu en vue de telles armes ou qu’il a été mal renseigné; d'autant plus que le savant éditeur des trois Villani, le célèbre Muratori, avoue lui-même (2) que, pendant le X[V"® siècle et dans les premières années du XV'*, on se servit rarement de canons proprement dits. Il aurait dû cependant faire une exception en faveur du Hainaut et surtout de la Flandre, où ces nouvelles bouches à feu étaient plus nombreuses et, plus fréquemment employées. Nous savons, à la vérité, que le roi d'Angleterre, Édouard HI, s’en était déjà servi dans une guerre contre l'Écosse, en 1527; mais les anti- quaires anglais, qui ont consciencieusement examiné le fait, regardent comme incontestable que le monarque dut ces puissants auxiliaires de son armée à son alliance avec les Flamands; ils pensent que le valeureux Jean de Beau- mont, frère du comte de Hainaut, lui amena ces pièces d'artillerie dont l'explosion épouvanta les Écossais. Nous voyons, en eflet, quelques années plus tard (en 1540), une partie de l’armée française, commandée par le duc de Normandie, obligée de renoncer à une entreprise sur le Quesnoy, ville du Hainaut, par l'emploi que firent les habitants des nouvelles armes à feu : Ceux qui chevau- (1) M. le général Renard, dans un excellent travail qui a été inséré au Trésor national, t. VI, p. 55 et suiv. (2) Antiq. italicae medii aevi. Dissert. XXVI. (61 ) choient devant, dit Froissart (1), approchérent la ville jusques aux barrières , et firent semblant de l'assaillir ; mais elle était si bien pourvue de bonnes gens d'armes et de grande artillerie qu'ils y eussent perdu leur peine. Toutes voies, ils escarmouchéèrent un petit devant les barrières , mais on les fit retraire ; car ceux du Quesnoy descliquérent canons et bombardes qui jetoient grands carreaux. Ces données ont paru positives aux hommes spéciaux qui ont écrit l’histoire de Fartillerie moderne; mais tel parmi eux, vu sa qualité de Français, n’a pas manqué de faire du Quesnoy, au XIV" siècle, une ville du royaume de France. On lit dans un annuaire administratif de Gand qu'en 1547, Gilles Rypegheerste, capitaine des tisserands gan- tois, se jeta sur l’arrière-garde d'une armée française qu'on venait de vaincre, et la poursuivit avec un grand nombre de ribaudequins (2). M. le professeur Lenz a vu là des ar- mes à feu (5), et son opinion est probable, puisqu'il est sûr . qu’elles étaient connues en Flandre à cette époque; mais en eut-on dès lors un si grand nombre : veel ribaudekins? M. le général Renard écrit, à la vérité, d'après Divæus, que « les Brabançons achetèrent leurs premiers canons des Flamands, en 1555. » Cela peut être vrai, sans doute, mais Vhistorien de Louvain n’est pas si explicite; il dit seu- - lement qu’en 1555, ses concitoyens achetèrent leurs pre- miers canons, appelés donderbussen, sans désigner ceux qui les avaient vendus (4). , (1) Chroniques, liv. 1, part. 1, chap. LIL. (2) Rochefort a donné de cet engin une description peu conforme à celle de Froissart, et partant peu exacte. On a eu tort de la reproduire sans examen. (5) Arch. histor., t. Il, p. 606. (4) Zerum Low. lib. HE, ch. VII, Ç 1. _ (6) Il est plus sûr que de 1560 à 1580 Ja plupart des villes de Belgique possédaient un certain nombre de canons, qui se conservaient dans les arsenaux ou garnissaient les tours des portes et des murailles; mais aucune ville n’en était aussi bien fournie et n’en fit un usage plus fréquent que celle de Gand, surtout pendant sa longue lutte contre Louis de Male et le roi de France, qui le soutenait..Ce fut la pre- mière fois, en 1580 et 1582, qu'on employa d'une manière raisonnée des canons en campagne, et les auteurs con- … temporains sont unanimes pour nous apprendre que les Gantois introduisirent l'usage de les fixer sur de petites voitures spéciales : il est, d’ailleurs, facile de le constater par les comptes mêmes de la ville. Ces canons légers se nomment encore chez le plus grand nombre des chroniqueurs ribaudequins, et chez Froissart aussi ribaudeaux ; mais on ne saurait douter celte fois qu’il ne s'agisse réellement d'armes à feu dans le sens actuel. Froissart, qui donne le même nom aux petites voitures armées qui portaient les canons, nous les décrit briève- ment : {ceux ribaudequins, dit-il (1), sont trois ou quatre canons rangés de front sur hautes charrettes en manière de brouettes devant sur deux ou quatre roues bandées de fer, atout longs piques de fer devant en la pointe. Cette artil- lerie légère et facile à atteler convenait admirablement au service de l'infanterie, qui constituait, comme on sait, toute la force des armées communales de Flandre. Aussi les Flamands en étaient-ils abondamment pourvus, puis- que , au dire des chroniqueurs, Philippe d’Artevelde com- mença la bataille de Beverhoute par la décharge de trois (1) Chroniques, liv. II, ch. CLV, note. DR ae 7 pe - de 2 (65) cents canons et pierriers, protégés par les retranchements qui couvraient le front de son armée. Le veuglaire, que les anciens documents disünguent du canon et de la bombarde, était une pelite pièce d’artil- lerie (4) qu’on appela plus tard fauconneau. Son nom, bien qu’adopté en France, est entièrement flamand, et dérive de vogel ou veugel (oiseau), ce qui suffit pour prouver son origine. Dans l'inventaire des engins qu'on conservait sous la halle d'Audenarde, en 1445, il est fait plusieurs fois mention de creppaudelen avec leurs chambres (2) : nous n'avons pu découvrir quelle machine de guerre on dési- guait par ce nom ; seulement on voit par l'inventaire même qu’elles n'avaient pas toutes la même dimension (5). Peut- être la pièce ressemblait-elle à un mortier et, d'après l’'ima- gination du temps, à un crapaud ; peut-être est-ce un croc ou grappin, en anglais crapes (4). Ce n'étaient là que des pièces de campagne; mais les Gantois ne manquaient pas de bouches à feu d’un tout autre calibre pour réduire les villes fortes. Le siége d’Au- denarde, qu'ils entreprirent de nouveau sans succès en 1582, est curieux à étudier sous ce rapport, d'autant plus qu'on y voil l’action simultanée des machines anciennes (5) (1) Comment M. Buchon a-t-il pu ÿ voir un parapet? Parce qu'il ignorait complétement la langue du peuple dont il annotait les chroniques. (2) Ztem IT creppaudelen, elc met 11 cameren.(Auden. Mengelingen, Lt. 1,p. 464.) (5) Item XLII lode ten groten creppaudelen. Ibidem. (4) V. Muratori, Antiq. italicae med. aev., t. Il, p. 485. (5) Henri Rosla, écrivain saxon , édité par Meiboom, disait en 1287: Non heie unigena fabricatur machina, nomen Haec Librilla tenet, quasi saxea pondera librans : Obtinet illa suis : sed hirundinis : at stat aselli Ille vocata nota, Quaedam fit ab ariete dicta. (64 ) et des nouveaux moyens de destruction, auxquels l’inven- tion de la poudre de guerre avait donné naissance. Nous y remarquons ainsi le moulon, qui jetait des pierres assez pesantes pour détruire les murailles et les maisons, ou pour tout ceffondrer, comme dit Froissart (1), et la truie ou troie (2), qui protégeait les mineurs : c'étaient là des engins employés depuis des siècles dans l’attaque des villes et forteresses. Mais Froissart nous montre à côté une ma- chine dont il semble malheureusement ignorer le nom, qui jetoit croisseux (5) de cuivre tout bouillant. Surtout il raconte que les Gantois, pour plus ébahir ceux de la gar- nison d Audenarde, firent faire et ouvrer une bombarde mer- veilleusement grande, laquelle avoit cinquante-trois pouces de bec, et jeloit carreaux merveilleusement grands et gros el pesants, et quand cette bombarde descliquoit, on l'ouoit par jour bien de cinq lieues loin et par nuit de dix (4). Le savant Du Cauge n’a vu dans cette bombarde qu'une machine névrobalistique : Nervis ac certis machinis lapides « vibrasse, dit-il (5); mais sa méprise n’a rien qui doive nous élonner, puisqu'il a évidemment suivi une leçon fautive de Froissart, d’après laquelle il a cru que l'engin avait cinquante pieds de long au lieu de cinquante-trois pouces de bec, ce qui difière du tout au tout. Le P. Daniel est tombé dans une erreur semblable , faute apparemment . de comprendre ce que le chroniqueur avait entendu par le bec de la bombarde. (1) Glossar. de Du Cange, v° Hulto. (2) En latin sus, scrofa. (5) Croisseux, boules creuses. (4) Chroniques, liv. Il, chap. CLXII. (5) Vo Bombarda. ( 65 ) Une tradition constante voit dans l'énorme canon que l'étranger admire à l'une des extrémités du marché au Vendredi, à Gand, et que le peuple y appelle Dulle Griete ou Margot l'enragée, la bombarde merveilleuse de Frois- sart. M. le général Renard a prouvé par les comptes de la ville, et d'une manière péremptoire, à notre avis, que c'était bien là une véritable bouche à feu (1), et que son identité avec le grand canon de Gand est plus que vraisem- blable. Ces comptes précieux nous apprennent, en effet, _ qu'en 1582, on envoya aux troupes, qui se trouvaient au siége devant Audenarde, une assez grande quantité de poudre et de soufre, et de charbon de bois pour en con- fectionner; or, cette poudre ne pouvait servir qu'aux bom- bardes. Dans un autre endroit, ils nous font connaitre que, le 17 août de la même année, date qui cadre parfai- tement avec le réeit de l'ami de Jean Lebel, on conduisit au camp d'Edelaere, qui dominait Audenarde, la plus grosse des bombardes de la ville (2). Si l'on examine avec soin notre grand canon, on se convaincra davantage que ce n'est pas à tort qu’on à cru y reconnaitre la bombarde du chroniqueur. Nous ne pou- vons mieux le démontrer qu'en reproduisant la descrip- tion qu’en a faite M. le général Renard. a Les canons, au XIV" siècle, dit-il (3), se compo- saient de deux parties distinctes : l’âme et la chambre. (1) Trésor nat., t. VI, p. G5. (2) Ztem, van de wagheneer en perden costen die de meest. vand. grot. bombarden uitheer voerden. M. le baron de Saint-Genois, qui a le pre- mier attiré l'attention sur ces comptes, a vu avec raison dans meest., mees- tersse, la maitresse ou principale bombarde. Le salaire du meester des engins est indiqué à part. (5) Trésor nat. t. VI, p. 68 et suiv. TOME xx. — ['° PART. D) ( 66 ) L'âme recevait le projectile, la chambre la charge et la bourre. Dans les fortes bombardes, comme celle du mar- ché du Vendredi, à Gand, ces deux parties pour le tir se joignaient ensemble au moyen d’un pas de vis. La chambre ayant des dimensions moins fortes que l’âme, surtout dans les canons vissés, elle devait ressortir en ar- rière, comme le ferait le plus petit cylindre d’une lunette à longue vue. Le diamètre intérieur de l'âme du gros canon de Gand est en effet de 0",64, celui de la chambre seule- ment de 0",26. Or, il n'y aurait rien d'étonnant que dans les temps anciens on eùt donné le nom de bec à cette partie principale, indépendante, saillante, destinée à recevoir la charge et ressortant de l’ensemble de la pièce, comme un bec du cràne d’un oiseau. Dans ee cas, le gros canon de Gand serait la bombarde de Froissart, car la longueur intérieure de la chambre est de 1",575, c’est-à-dire de près de 55 pouces anciens...; celle de l’âme est de 3",515, et celle de la pièce entière de 5",025. » Cet énorme canon , chef-d'œuvre de l'art du forgeur, est construit au moyen de barres de fer, placées longitudina- lement, réunies comme les douves d’un tonneau, main- tenues et cerclées par des rondelles de même métal à l'extérieur. Le tout, selon M. Voisin (1), pèse 56,606 livres, tandis que le canon que les étrangers vont voir, comme une merveille, à S'-Pétershourg, n’en pèse que 17,455. La pierre que lançait le canon de Gand pesait 780 livres et le boulet de fonte 2,077. Le célèbre ingénieur anglais, William Congrève (2), di- (1) Guide de Gand, p. 500. (2) Quelques-uns de nos auteurs l'ont élevé à la dignité de général ; mais quand il quitta le service, en 1820, il n'avait en réalité que le grade plus mo- (67) sait que, même en Angleterre, il serait impossible aujour- d'hui de faire une bouche à feu de cette dimension. Mais si c’est là réellement la bombarde de Froissart, comment se fait-il, dira-t-on peut-être, que, pendant de bien longues années, on n'en trouve plus aucune mention dans l’histoire? I! est d’abord facile à comprendre qu'une pièce d'artillerie de ce calibre ne pouvait s’employer uti- lement dans toute expédition qui demandait secret et promptitude, comme dans la surprise de Damme par Fran- çois Acekerman, ni se transporter bien loin au travers d’un pays ennemi, comme au siége d'Ypres, entrepris dans la même guerre par les Gantois et les Anglais. Gand était d’ailleurs isolée alors des autres villes du comté et devait bien plus songer à se défendre elle-même qu'à s'emparer d’autres places. Quand la paix fut enfin conclue à Tournai, ont eut le bon esprit de la conserver pendant tout le règne de Philippe le Hardi et de Jean sans Peur. Cependant, sous ce dernier prince, la Flandre ne de- meura pas spectatrice paisible des événements extérieurs : ses milices marchèrent sous les ordres de Jean contre les Liégeois, et surtout contre les Armagnacs. En 1411, elles entrèrent avec lui dans le Vermandois, au nombre de 50,006 hommes, traïnant à leur suite 12,000 chariots. Ceux de Gand en conduisaient à eux seuls plus de 14,000, qui transportaient un matériel de guerre très-considérable : des canons, des ribaudequins, des veuglaires, des car- reaux, des pierres, etc. Un auteur contemporain, et proba- blement témoin oculaire, dont le savant bibliothécaire deste de lieutenant-colonel d'artillerie. Il succéda plus tard à son père dans la surintendance de l'arsenal de Woolwich. (68 ) Ameilhon a analysé la naïve chronique, rapporte que parmi ces canons dont on se servit pour attaquer la place forte de Ham, il s'en trouvait un d’une dimension énorme. « Sa bouche était large, dit-il (1), comme une caque de hareng, et on y boutait le feu au moyen d’un fugzil. « Le premier coup fut perdu et le projectile passa au-dessus de la place assiégée, mais au second coup on rectifia le tir, en faisant la boîte plus haut un petit ravaler et on y mit le feu. Le fracas fut alors si effroyable, qu’on crut entendre tomber la foudre, et la pierre lancée avec une force irrésistible tra- versa une muraille, perça une tour en deux endroits, et, retombant dans la ville, y tua, par ricochet, huit hommes et en blessa plusieurs autres. À la vue d'effets aussi ter- ribles, Ham se hâta d'ouvrir ses portes et les autres places fortes de la Somme, telles que Chauvry, Nesle et Roye, sui- virent bientôt cet exemple; tant ils crémoient (2) Grielle (5), ajoute le chroniqueur. Des détails si précis et le nom , quoique parce detortum à la française , que le vieux annaliste donne à cette pièce d'artillerie ne permettent point de méconnaitre là notre grand canon. Comme les princes et les peuples dont elle avait servi le courroux, la redoutable bombarde vit succéder aussi à ses victoires de funestes revers. Menée de nouveau de- (1) 11se nommait Cotignés et appartenait à la maison de Croy.M. Ameilhon dit qu’il était du parti bourguignon, ce qui est tout simple; mais il ajoute que sa chronique estécrite dans le dialecte qu’on parlait alors à Namur, ce qui est plus difficile à croire. (2) Crémoient, craignaient, redoutaient. (5) Ne serait-il pas possible que le chroniqueur ait écrit Gréette? Nous ne ” pouvons pas malheureusement examiner le manuscrit. (69 ) vant Audenarde en 4452, lors de la lutte terrible que les Gantois soutenaient contre le duc Philippe le Bon, elle fut prise avec toute l’artillerie communale qui l’accompa- gnait par le comte d'Etampes, et retenue, comme un tro- phée , à l'hôtel de ville, pendant plus d’un long siècle. Ce ne fut qu'en 1578, quand les deux villes marchaient sous le même drapeau, que le magistrat de Gand obtint de celui d’Audenarde la délivrance de la vieille prisonnière de guerre. Le capitaine Charles Rockelfing, à la tête d’une compagnie de soldats et d’une centaine de bourgeois ar- més, fut chargé de la ramener à Gand, et le 18 mars, le vaisseau qui la portait aborda au quai, près du couvent des Frères Mineurs (1), à l'endroit appelé Kuipgat, d’après un ancien bastion que nous avons vu démolir de nos jours, comme beaucoup d’autres monuments de notre vieille ar- chitecture militaire. Depuis ce temps, le grand canon se repose sur la rive droite de la Lys, à quelques pas de ce marché du Ven- dredi (2), si souvent témoin de luttes et de commotions populaires. L'invalide n'est pas sorti sans meurtrissures de ses combats; les lattes de fer battu qui forment l'inté- rieur de l’âme sont détériorées par les battements des pro- (1) On lit dans un manuscrit de Philippe Van Heurne. « 1582. Mars. — Den 8 es hier van Aldenaerde gebrocht cen groot yseren geschut, dry wierendeelen wydt , ende ontrent vier ellen lanck wezende , sonder de ca- mere, niet wezende gegoten, maer met banden of latten te gaer gedaen, den naem draghende van Durre GRiETE OF DEN Roonex Duxver, midts tzelve rood geschildert es ; en wird gelost aen t Cuypgat, by de Freremineuren. (Aupen. Mec. 1. 1, p. 12.) (2) A-t-on remarqué que le grand canon est précisément placé en regard de la maison qu’occupe encore , dans la rue de Coninck, la famille de Rockel- fing de Nazareth ? (70 ) jectiles, et sept d’entre elles sont même brisées dans la partie inférieure, à 0",40, de la bouche. Mais pourquoi cette merveille de Gand a-t-elle reçu le nom de Rooden Duivel où Diable rouge, et de Dulle Griete ou Margot l’enragée? Il est aisé de se rendre compte ici de l’épithète et là du surnom, quand on se souvient de l’assertion de Froissart :.. et menoit si grande noese au descliquer, qu'il sembloit que lous les diables d'enfer fussent en chemin (1). Mais on s'explique moins facilement ce nom de Griete ou Marguerite, que l’on croit être emprunté à celui d'une de nos comtesses : c’est une question qu’on peut discuter un instant. La Flandre, parmi ses comtesses, en compte plusieurs qui portaient le nom de Marguerite, et dans le nombre il en est trois qui possédèrent le comté de leur chef: Mar- guerile d'Alsace, Marguerite de Constantinople et Margue- rite dé Male, On n’a pu faire allusion à la première, dont le souvenir était apparemment bien effacé vers la fin du XIV siècle el qui n’a laissé guère de traces dans l’histoire, bien qu’elle ait eu le bonheur singulier d’être fille et sœur, épouse et mère des princes les plus éminents qui out gouverné la Flandre au moyen âge (2). On n’a pu songer davantage à Marguerite de Male, qui n’avait pas succédé à son père en 1582. L'opinion commune rapporte à Marguerite de Constan- tinople le nom de Dulle Griete, mais cette opinion a-t-elle été examinée bien sérieusement? Nous ne le pensons pas. Il est d’abord assez difficile de comprendre qu’à la vue des (1) L’Arioste nomme aussi une énorme bouche à feu : / gran Diavolo. (2, Fille de Thierri et sœur de Philippe d'Alsace, elle épousa Baudouin le Courageux et lui donna Baudouin de Constantinople, empereur d'Orient. (71) effets terribles de la grande bombarde, les Gantois aient songé à une princesse morte depuis plus d’un siècle et à une époque où l’on n'avait pas les nombreux moyens que nous possédons aujourd'hui pour conserver et rappeler d'anciens souvenirs. Et dans l'hypothèse que le peuple flamand eût gardé la mémoire de Marguerite de Constan- tinople, comment aurait-1l pu associer l’idée de rage au nom d'une princesse qui s'élait constamment montrée la bienfaitrice de ses ancêtres et dont les institutions lui étaient encore chères et sacrées? — Mais on lui avait donné le surnom de Noire-Dame! — Oui, dans le Hainaut, et précisement en partie parce qu’on l’accusait avec raison de favoriser les Flamands au détriment des Hennuyers; parce qu'après avoir dépouillé de leurs emplois tous les baillis (4), tous les prévôts, les châtelains et les sergents du comté, elle les avait remplacés par des fonctionnaires flamands. La guerre civilé, connue sous le nom de la guerre des Ronds, fut elle-même une suite de sa predilec- lion pour ses vassaux de Flandre. C’est par là, comme l’a bien fait observer M. de Reiffenberg (2), que Marguerite, béuie par la moitié de sou peuple et maudite par l'autre, reçut des Hennuyers réduits au désespoir le surnom de Noire-Dame (5). Si le grand canon embellissait une des places publiques de Mons, on pourrait croire que c'est bien elle dont on a voulu flétrir la conduite, par le nom de la bombarde, mais rien n'est moins vraisemblable à Gand. (1) Jacq. de Guyse, t XV, p.110. (2) Æist. du comté de Hainaut, 1. II, p. 252. (5) Vinchant (1. 11, p. 328) l'appelle la Dame Brune, ce qui n'est pas bien injurieux et porterait à croire que le teint de la comtesse fut pour quel- que chose dans l'épithète qu'on lui donna. (72) Elle s'était montrée, il est vrai, envers Jean et Bou- chard d’Avesnes, non comme une mère, mais comme une cruelle marâtre. Tous les torts cependant n'étaient pas de son côté : ces fils n'avaient pas épargné à leur mère les plus sanglants outrages, et il n’avait pas dépendu d’eux qu'elle ne perdit ses domaines. Elle vivait trop longtemps à leur gré, dit Meyer (1). Les Flamands n'avaient d’ailleurs donné aucune marque de sympathie à cette aimable famille d'Avesnes , comme Bilderdyk l’appelle ironiquement quel- que part. Iperius et Meyer font de Marguerite le ‘us brillant éloge : « C'était, dit celui-ci, une femme très-entendue aux affaires du gouvernement, pleine de courage et de piété, amie dévouée des pauvres, comme le prouvent les nombreux hôpitaux et hospices qu'elle fonda. Elle par- courait fréquemment ses États, pour veiller par elle- même sur toutes les parties de l'administration. Se rap- pelant la splendeur de la maison de son père, qui avait occupé le trône d'Orient, elle eut elle-même une cour vraiment royale par sa magnificence et sa dignité. En un mot, ce fut une princesse distinguée, autant par sa gran- deur d'âme et l’activité de son génie que par une géné- rosité rare dont elle donna nombre de preuves (2). » Sous son règne, le commerce et l’industrie furent favo- risés par de nouveaux tarifs de tonlieux, des franchises de circulation et le creusement de plusieurs. canaux, parmi lesquels on distingue celui de la Lieve, de Gand à Damme. La liberté personnelle fit de grands progrès : (1) Ausus matri rebellionem facere, pertaesus longam ejus vitam, (ANNALES FLaNDRIHAE , ad an. MCCXLVIII.) (2) Annal. Flandr., ad an. MCCLXXIX. (7) tous les serfs de Flandre, domiciliés sous la justice propre de la comtesse, furent affranchis, à charge d’une rede- vance annuelle, et le droit qu'elle avait à la moitié des meubles des serfs morts (1) réduit au meilleur cattel, autre que maison ou bête de somme. Le renouvellement annuel des échevins fut introduit dans presque toutes les villes , qui s'agrandirent et furent affranchies de presta- tions serviles; Gand en particulier obtint de nouveaux pri- viléges. Le système monétaire fut organisé et plusieurs keures approuvées par la comtesse (2). Et ce serait à une princesse qui n’eut rien tant à cœur que d'améliorer, dans un sens vraiment libéral, toutes les branches de l'administration, qu'on aurait cru convenir le surnom de Margot l'Enragée! Comment qualifier, en ce cas , l'esprit de ces Gantois que la comtesse appelait : Nos boens amis les eskevins et la communitet de notre ville de Gand ? S'il fallait absolument faire dériver le surnom de la bombarde de celui d’une comtesse de Flandre, il serait plus rationnel, nous semble-t-il, de penser à Marguerite de Brabant, femme de Louis de Male. Le canon, d’abord, avait été forgé pendant que Philippe d’Artevelde faisait à ce prince une rude guerre et dans l'intention de la pousser à toute outrance. Ensuite, la comtesse avait puni, d’une manière réellement barbare, une des complices du liber- tinage de son mari, et le peuple racontait dans ses veillées que, pour venger la mort de cette femme et de ses inno- cents enfants, Louis avait condamné sa cruelle épouse à {1) Droit de Aalve have. (2) Warnkænig, t. 1, p. 180, Texte allem. (74) finir sa vie enfermée entre quatre murailles: Ce supplice n'était qu'uné fable, mais, en l’adoptant, le peuple ex- primail avec énergie Son opinion sur la conduite de la comtesse : aurait-il hésité à l’appeler furieuse ou enragée? A notre avis, toutefois aucune de nos comtesses n’est en jeu dans le nom populaire du grand canon de Gand. Le surnom de Griete où de Bette, Surtout quand il est escorté par une épithète défavorable, signifie, en général, une vieille femme quinteuse, acariâtre et entêtée, une mégère, en un mot. Tout comme Tjillen en flamand (1) et en français Gilles (2), désigne un niais; Jack-Pudding en anglais, et Hansworst (5) en hollandais, un bouffon. Le nom même de Marguerite ou Margot s'applique, chez nos voisins du Midi, à une femme qui a trop de babil, témoin Wargot la Pie. Or, dans tous lés temps on s’est plu à décorer de ces noms burlesques les vieilles tours, les canons remar- quables, les statues principales des édifices publics; il serait facile d'en trouver de nombreux exemples dans nos provinces : contentons-nous de eiter comme tel la statue qui surmonte l’élégant hôtel de ville d'Audenarde et que le peuple nomme ainsi Hansken ‘t krysgerken ou Jeannot le petit Guerrier. Dans cette manie populaire, 11 (1) M. Snellaert (Belgisch Mus., t. VIII, p. 175) pense que Djille est le même nom que Jelle. A Gand, du moins, Djille veut dire Gilles ou Égide, et Jelle Guillaume. (2) Faire gille ne signifie pas cependant simuler le niais, mais s'enfuir comme en ce vers de Corneille : Vous futes faire gille et fendites le vent ! (5) Les deux noms signifient Jean Boudin. (75 ) faut exclusivement chercher, croyons-nous, le surnom que porte notre vieille bombarde. . Dans un mémoire écrit vers le milieu du XVI"* siècle sur l’artillerie et la poudre (t), on lit : « L’artillerie fut » inventée, comine on le diet, par un … moine alquemiste, » environ l'an MCCCC ou selon aucuns en MCCCITEE:. » L'auteur, qui paraît avoir appartenu à l’armée française, avait certes pas entendu parler des canons d'Édouard II] à Crécy, mais il est plus près de la vérité que plusieurs écrivains modernes, s’il entend par artillerie des bouches à feu. Il nous parait évident qu'il, n’a eu en vue que la poudre. Un document authentique et précis qui se conserve à. Touruay (2), prouve de la manière la plus péremptoire qu'un canon réel a été fondu et essayé par ordre des magis- trats de cette ville, en 1546; et nous pensons avoir assez Dién établi dans ce court travail que les Gantois ont sou- vent fait usage de cette arme dans la seconde moitié du XIV®* siècle. Quant à l'identité de notre grand canon avec la bombarde si fameuse de Froissart, nous n'avons pu la démontrer sans doute, mais toutes les probabilités, sa Structure même el ses campagnes, témoignent en sa fa- veur. Peu importe , à la vérité, d’où vient le nom populaire qu'on lui a donné, mais il était convenable et juste de ne pas laisser le nom d’une princesse, mère aussi sage que généreuse des Flamands, flétri par une allusion odieuse. (1) P. Paris, MSS. de la Biblioth. du roi, L. V, p. 279. (2) Notice de M. Lenz, dans les Arch. histor., t. II, p. 603. Notice sur deux fragments de la traduction thioise de Roman de la Rose, par Heinrike Van Aken, de Bruæelles ; par M. Bormans, membre de l’Académie. L'ancienne langue flamande ou, pour lui donner son véritable nom, la langue thioise ou tiesche (1), ne possède aucun monument qu'on puisse, avec quelque certitude, faire remonter plus haut que la fin du XIF**° ou le com- mencement du XII" siècle. Cependant à cette époque, ! (1) Quelquefois tiexhe , qui représente l'aspiration du wallon liégeois, comme dans Æeure-le-tiexhe, nom de village, opposé à Æeure-le-romaïn, ou roumain. À propos de la dénomination de thiois (thyois) ou tiois (tyois), je citerai, moins comme preuves qu'à cause du fond même, les deux passages suivants. Le premier est d'Anenez LE Ror, Menestrel au bon duc Henri (III), dans son roman de Berte aus grans priés (édit. de P. Paris, 1, 10; déjà cité par Wolf, Ueber die neuesten Leistungen der Franxosen , etc., et par Reif- fenberg, Ph. Mouskés, t. 1, introd., p. exxiv, etc.). Voici ce qu'il nous ap- prend en parlant de l'éducation de Berte : Tout droit à celui temps que ie ei vous devis, Avoit une coustume ens el tyois pais, Que tout li grant seignor, li conte et li marchis, Avoient entour aus gent françoise tous dis Pour aprendre francois leur filles et leur fils. Li rois et la royne et Berte o le clair vis Sorent près d'aussi bien le francois de Paris, Com se il fussent nés el bour à Saint-Denis, elc. Remarquons en passant que, quoique Adenez n'ait eu probablement en vue ici que ce qui se pratiquait dans le pays thiois pour l’éducation des grands seigneurs à son époque, qui était le milieu du XIII" siècle, nous avons d’autres témoignages qui prouvent que cette coutume existait déjà long- temps auparavant, et qu'une foule de personnes, même dans les classes , inférieures de la société, étaient initiées dans la connaissance du français. À nie (71) elle apparaît déjà toute formée, aussi riche, aussi régu- lière et aussi flexible que nous la voyons sous la plame de Maerlant lui-même, qui ne commença à écrire qu'un demi-siècle plus tard et qu'on regarde communément comme le père de notre poésie. Je ne contesterai point à cet écrivain un titre qu'il reçut, pour ainsi dire, de ses contemporains et de ses rivaux, et que plus de cinq siè- cles ont consacré; mais le Reinaert qu'il cite lui-même (n'importe ici comment ou dans quel but) et qui appar- lient évidemment encore au siècle précédent, n'en est pas moins, même sous le rapport du langage, la produc- partir de 1585, sous la domination de la maison de Bourgogne, cet usage devint général et fut une des principales causes de la décadence ou, pour mieux dire, de l'extinction de la littérature thioise. Mais la langue n’en restait pas moins vivace chez le peuple, au point qu'un siècle plus tard, Maximi- lien I écrivit à Marguerite, sa fille, une lettre rapportée par Mone (4nzei- ger, ete., t. IV, p. 296), où se lit la phrase suivante : Ayés tousiours pour recommandé ……. que l’archeduc Charles apprende bientost la thios. Que cette sollicitude lui fut inspirée par le désir de réhabiliter une langue qu'il avait appris à aimer ou que ce ne fut qu'une précaution contre l'ambition et l'influence française ; que le conseil fut dicté par l'intérêt du pays ou par celui du jeune prince qui devait un jour le gouverner, le fait lui-même n’en est pas moins digne d’être remarqué. Quoique nos contrées aient aussi porté le nom d’Avalterre et les habitants celui d'Avalois, même dans nos écrivains thiois (die Avaloise), je ne me rappelle pas avoir jamais vu employer cette épithète pour désigner notre langue. Quant à la dénomination usitée aujourd'hui de langue flamande (ulaemsche tael), elle nous a été imposée par nos voisins du Midi. Les rapports si étroits qu'ils avaient avec les Flandres furent cause qu’ils comprirent, sous le nom de Flamengs ou Flamands, toutes les populations de nos contrées qui parlaient la même langue. Du temps de Maerlant et encore longtemps après, le flamenc (vlaemsc) n'était que le dialecte particulier de la Flandre, qu'on trouve à chaque instant opposé au thiois (dietsc), qui était la langue com- mune du pays, la langue littéraire. Du temps de Kiliaen , le dialecte brabançon (ingua brabantica) était réputé le plus pur. (78 ) tion littéraire la plus remarquable que le moyen âge nous ait léguée. C'est donc de là que date historiquement notre ancienne littérature. Comme la littérature grecque, elle a pour point de départ un chef-d'œuvre dont on ne connait pas mieux l’auteur que ceux qu'il à pu avoir pour maitres ou pour devanciers. Entre l’époque qui vit paraitre le Reinaert el eelle qui à dû être témoin des premiers essais de Maerlant (soit de 1200 à 1950), nous pouvons placer une demi-douzaine de noms d'écrivains el un certain nombre de fragments de poëmes plus on moins considérables, dont la plupart appartiennent au genre épique, ou si l’on veut, épico- romantique. Les premiers écrits de Maerlant lui-même se rapportent encore à ce genre, qui, dans notre ancienne littérature, comme dans celle de la France, et en grande partie par l'influence de celle-ct, a longtemps oceupé la première place. Cependant le développement de la bourgeoisie à cette époque avait amené de nouveaux besoins intellectuels. Les poëtes qui, jusque-là, n'avaient en général chanté que pour l’amusement des grands, commencèrent à écrire pour l'instruction du peuple, et la poésie didactique naquit. Maerlant en fut, sinon le premier, du moins le principal représentant durant près d'un demi-sièele. L'histoire, tant sacrée que profane, les sciences natu- relles, la morale, l'économie domestique et politique trou- vèrent en lui, pour le temps, un digne interprète. À côté de Jui , et avant la fin du même siècle, Van Heelu achève son récit de la bataille de Woeringen, et Melis Stoke com- mence sa chronique rimée de la Hollande. On sait aussi qu'ils ne manquèrent pas de successeurs qui continuèrent (79) en vers l'histoire de la patrie jusqu'au milieu du XV” siècle. Mais ce fut surtout vers la poésie morale, que je prends iei dans son acception la plus large, soit qu'elle se con- tente d'enseigner simplement les règles du devoir ou que, sous différentes formes, elle retrace le tableau de la vie humaine, que, depuis Maerlant, se portérent en grand nombre nos écrivains thiois. Je n’ignore pas que plus d'un critique moderne a déploré celte tendance presque exclu- sive du XIV et du XV"* siècle, qu'on accuse d'avoir été fatale à toute autre poésie. Mais d’abord les essais dans«dif- férents autres genres ne font pas entièrement défaut peu- dant la première de ces époques, et ces peintures de mœurs, avec les dialogues assez fréquents dans les poésies mo- rales, ont certainement contribué pour une large part au développement d'un geure nouveau dans notre liuérature, du drame , dans lequel nous avons devancé la plupart des peuples modernes, comme nous les surpassons encore tous debien loin par le nombre des productions en ce genre que letemps nous a conservées, Ensuite n’oublie-t-on pasuu peu trop que, pour une littérature aussi, vivre c'est changer, et que ces changements ne sont que l'expression ou la mani- festation mieux définie eu plus complète de l'esprit et des besoins de chaque époque? N'oublie-t-on pas que la même chose, je dis celte préférence pour la poésie didactique, se manifestait dans le même temps en France et en Alle- magne? Quelle est la littérature qui ait pu suivre librement le développement social d'un peuple où l'on ne distingue des phases analogues? Mais ce qui doit surtout faire pardonner à la poésie didactique d’avoir occupé une si large place dans notre ancienne littérature, c’est le mérite réel de quelques-uns de ces écrits qui sout parvenus jusqu'à nous en assez gran ( 80 ) nombre , et dont, après un intervalle de plus de deux cents ans, lors de la renaissance de notre littérature avec des formes plus modernes, Cats n'a été en quelque sorte que le continuateur. Tant le souvenir de ces écrits et l'impression qu'ils avaient faite avaient été profonds et durables; tant, dirai-je aussi, pendant cet intervalle même où toute vie littéraire semblait éteinte chez nous, ils se trouvaient encore en harmonie avec l’esprit réfléchi et le caractère moral de nos populations. A trois siècles de distance l'un de l’autre, au milieu de deux sociétés qui se reconstituaient sur de nouvelles bases, vanER MAERLANT et vADER CaTs ont été des poëtes populaires par excellence; 1ls ont, chacun à son époque, et bien au delà de leur époque, exercé sur les mœurs et sur ies idées de leurs compatriotes une in- fluence incontestable. Parmi les productions qui appartiennent à la poésie didactique, ou morale, dans le sens que j'ai tantôt donné à ce mot, je crois pouvoir ranger le Roman de la Rose. Ce poëme, d’une forme tout allégorique, a été, comme on sait, rédigé primitivement en français. Guillaume de Lorris, qui le commença , était contemporain de notre Maerlant, mais probablement plus âgé que lui d’une vingtaine d'années. L'ouvrage ne contenait d'abord qu’un peu au delà de quatre mille vers, soit qu’il n’eût pas été dans l'intention du poëte d'aller plus loin, comme certain manuscrit découvert par Méon le rend probable, ou que la mort füt venue l'inter- rompre. Quarante ans plus tard, Jean de Meung, dit Clopi- « nel, dont la jeunesse coïncide avec l’âge mûr de Maerlant, « en entreprit la continuation, et l’acheva avant 1505. Sous sa main, le roman s’accrut encore de 18,000 vers. Les rapports littéraires qui existaient à cette époque entre notre pays et la France étaient très-étendus. Non-seu- (81) lement nos ancêtres lisaient avec passion les productions des poëtes et des romanciens français et en multiphaient à grand frais les copies, dont quelques-unes, parvenues jus- qu’à nous, sont d’une beauté et d’une richesse qui étonnent; mais les auteurs eux-mêmes étaient accueillis à la cour de nos princes, auxquels ils dédiaient leurs ouvrages et dont ils ne pouvaient assez vanter la libéralité. On sait, d'un autre côté, que plus d’un livre que nos voisins citent avec complaisance parmi les anciens monuments de leur lan- gue, a non-seulement été composé en deçà des limites de la France, mais encore par une main belge. En dépit de son nom ou de son surnom, Marie de France elle-même était belge. Ces relations n'étaient pas circonserites chez nous dans les limites de la langue romane. La population thioise, loin de rester étrangère à ce commerce littéraire, y pre- nait une part d'autant plus grande que, d’un côté, presque toute la noblesse et la plupart des riches bourgeois de nos principales villes se trouvaient en état, par l'éducation qu'ils avaient reçue, de lire les originaux mêmes, et que, d’un autre côté, nos écrivains thiois s'empressaient de les mettre à la portée de tout le monde par des traductions aussi élégantes que fidèles. Si quelquefois, au lieu de les traduire, ils préféraient de n’en donner qu’une imitation plus libre, ou même de les réduire, par une espèce d’élagage, à des proportions moins vastes, il est permis de croire que le plus souvent ils ne consultaient en cela que l'intérêt du lecteur et de l'œuvre même. Je ne veux en citer d'autre preuve que l’ancienne version du Roman de la Rose, dont a Compagnie voudra bien me permettre de l’entretenir encore pendant quelques instants d’une manière plus spé- ciale , à l’occasion de deux fragments de manuscrits qui Tome xx11. —- F'° PART. (O (82) viennent de nouveau d’en être découverts et que j'aurai l'honneur de lui communiquer à la suite de cette notice (4). Par uue coïncidence assez singulière, cette version, rimée comme l'original, se trouve aussi être de deux mains, mais-qui , cette fois, paraissent y avoir travaillé ensemble, Les auteurs sont nommés à deux ou rois reprises, vers 9,780 et suivants, dans un passage qui offre, il est vrai, plus d’une difficulté; mais dont il résulte cependant très- clairement que l'un s'appelait /Jenri et l’autre Michel, et que tous deux étaieut bourgeois de Bruxelles. Michel, qua- lifié de courtois bourgeois (Wechiel, een hovesch poertere), (1) Après avoir relu ces lignes, je sens le besoin, pour prévenir toute fausse induction, de mettre ici en note une observation que j'ayais d’abord écartée comme étant implicitement compgise dans ce que j'ai déjà dit ailleurs sur le même sujet (Bulletins de la Commission d Histoire, t. XIV, n° 5). Si l’on concluait de ce que je viens de dire de nos écrivains thiois, qu’ils n’ont fait qu'emprunter aux Français sans leur avoir quelquefois fourni à leur tour des modèles, ce serait une grande erreur. Je me contente de nommer le roman du Renard, la plus remarquable de toutes les productions du moyen âge. Son origine flamande (ici c’est l'épithète propre) est aujourd’hui un fait reconnu par tout le monde. Dans d’autres compositions encore, les personnages et les lieux où se passe l’action appartiennent autant et quelquefois plus à la Belgique qu’à la France. Si les originaux thiois ont disparu, cela ne doit pas plus nous étonner que la perte d’une foule de traductions ou imitations dont l'existence, pendant le XIII° et le XIV: siècle, est attestée soit par des docu- ments contemporains, soit même par les fragments qu'on en découyre encore tous les jours. Les Allemands nous doivent également plusieurs longs poëmes dont il n'existe plus de trace chez nous; de quelques autres nous n’avons qué de chétifs fragments, sauvés le plus souvent par le plus grand des hasards, Outre les mille causes qui ont pu contribuer à la destruction de ces livres, pendant les cinq cents et plus d'années qui se sont écoulées depuis que la plupart furent écrits, il y en a deux qu'il faut citer en première ligne. C’est d’abord le discrédit dans lequel notre littérature était tombée depuis l’avéne- ment de la maison de Bourgogne, et qui devint surtout fatal à nos manuscrits au temps de la renaissance et après l'invention de l'imprimerie; ensuite l'im- ( 83 ) nous est jusqu'ici entièrement inconnu (1); mais Henri (Van Brucele Heinrike) est évidemment ie même que Hein Van Aken van Brusele que uous connaissons encore par d’autres compositions, parmi lesquelles je ne crains pas de ranger le Roman des Enfants de Limbourg (die Kinderen van Limborch), et par le témoignage fort honorable de l’au- teur du Lekenspiegel. La manière dont celui-ei, qui écrivait vers 1550, s'exprime à son égard, prouve qu’à cette époque Hein Van Aken était mort depuis fort peu de temps (2). C’est donc entre les années 1505 et 1328 ou 1529 que la traduction thioise du Roman de Ja Rose doit avoir été portance de jour en jour plus grande et la prédominance presque absolue de la littérature française pendant la même période. Voici, je crois, la vérité : Il n'a pas toujours sufh de la réputation de l'original français pour faire vivre une traduction thioise; mais il suffisait de la réputation d’une traduction ou d'une imitation française pour tuer l'orignal thiois. N'est-ce pas dans un seul manuscrit, retrouvé, il n’y a pas si longues années, au fond d’une biblio- thèque de la Hesse, que l’ancien texte du Reinart nous a été conservé ? L’oubli Va sauvé. Supposez que ce bouquin flamand eût attiré les regards d’un bibliothécaire cent ans plus tôt, ou qu’il n’eût pas été emporté hors du pays, peut-être, ou plutôt sans peut-être, la gloire d’avoir donné le jour au roman du Renart appartenait à la France. (1) Je dois ajouter qu’il ne s'appelle même ainsi que dans le manuscrit de Combourg, publié par Kausler; dans celui de l’Institut Neerlandais, au nom de Michel se trouve substitué celui de Zean; mais le dernier manuscrit a évi- demment subi de grandes interpolations en cet endroit. (2) Liv. IE, ch. 17, vs. 91 : Van Bruesele Heyne Van Aken, Die wel dichte conste maken (God hebbe die ziele sine !) Maecte dese tee vaersekine : a Vrient die wart langhe ghesocht, Selden vonden , sciere verwrocht. » Voir aussi mes observations dans le Belgisch Museum, t. 1, p.460 et suiv. (84) faite, mais plutôt pendant la première partie de ce quart de siècle qu’à la fin ; à moins qu'on ne suppose que Van Aken mourût très-jeune. La nature de l’entreprise, aussi bien que la manière dont le dieu d'Amour parle de lui dans le poème, ne permeltent pas de croire qu’il eût dépassé l’âge de la jeunesse; et, d’un autre côté, la vogue inouiïe que l’œuvre de Jean de Meung avait obtenue en France dès son apparition même et qui dut avoir son retentissement immédiat chez nous, ne peut laisser aucun doute que la traduction que nous en avons n'ait suivi de fort près la publication de l'original. Celui-ci a été imprimé plusieurs fois, et l'on pourra se former une idée du nombre de manuscrits qui en existent encore, par ce seul fait que Méon n'en à pas collationné moins de quarante-huit pour l'édition qu'il en a donnée en 4814. De la version thioise on n’a retrouvé jusqu'ici que deux manuscrits, dont l’un, provenant de l’abbaye de S'-Bernard, près d'Anvers, vint, en 1825, en la posses- sion de feu M. Willems, qui le céda plus tard à l'Institut Néerlandais. La copie qu’il en avait faite a été acquise, en 1846, par notre Bibliothèque royale. L'autre est celui de Combourg ou Hombourg, dans la Hesse, contenu dans le même volume qui nous a conservé le plus ancien texte de Reinaert. Il se trouve aujourd'hui à Stuttgart et a été publié, en 4844, par Éd. Kausler, dans ses Denkmäler alt- niederländischer Sprache u. Litteratur. A l'exception de ses deux manuscrits qui, quoique avec des différences notables dans le texte, contiennent le roman en entier, il n'est pas venu à ma Connaissance qu'on ait jusqu'ici retrouvé aucun autre reste de la version de Van Aken, si ce n’est les deux fragments qui font l’objet de cette notice. Le fragment dont Moue a donné ( 85 ) un échantillon d’une centaine de vers, dans son Anzeiger, vol. IV, p. 201, et qu'il croyait pouvoir rapporter au Roman de la Rose, n’a bien certainement pas fait partie de la tra- duction que nous en possédons. Le fond est en partie le même, quoique Scone Ontfaen ou Bel Accueil y soit rem- placé par je ne sais quelle Florentine. La marche et le ton sont aussi pareils; mais, sauf les vers 535 et 56, qui ré- pondent aux vers 9605-6 de l'édition de Kausler, et les vers 89-94, qu'on peut rapprocher des vers 9640 et sui- vants de la même édition, et qui en sont évidemment imités, la différence des textes est complète. Je considère ce fragment comme ayant appartenu à une imitation plus ou moins libre du Roman de la Rose, faite postérieu- rement à la traduction de Van Aken et avec des dévelop- pements dont les proportions excédaient, même en cer- tains endroits, ceux de l'original français. On saura à quoi s’en tenir quand M. Mone aura exécuté le projet qu'il annonçait, en 1855, de publier le reste de ce mor- ceau avec les autres vieilles poésies thioises qu'il possède en plus grand nombre que personne. En attendant, nous pouvons considérer les deux frag- ments de la traduction de Hein Van Aken, que j'ai l'hon- neur de mettre sous les yeux de la Compagnie, comme formant , avec les deux manuscrits mentionnés plus haut, tout ce que l’on connaît encore aujourd’hui des nom- breuses copies qui ont dû être faites de cette œuvre. Je dois le premier de ces fragments à l'obligeance de notre savant el honorable confrère M. le chanoine de Ram. Ce sont deux bandes de parchemin de 43 ‘}2 pouces de long sur 2 ‘2 de large, ayant appartenu à un volume petit in-folio. Au milieu de la longueur est un pli où l'on distingue facilement les trous et les traces de couture ( 86 ) laissés par la reliure primitive. La feuille a, par consé- quent, été décousue et détachée du volume avant d’êtré découpée en bandes pour servir à la reliure d’un autre volume. Les bandes qui constituent notre fragment ont été prises dans la partie supérieure de la feuille, y compris là marge d'en hant, qui est restée entière, et elles courent dans le sens des lignes, qui sont, sur l’une, au nombre de seize et, sur l’autre, au nombre de dix. Comme les bandes sont à peu près de même largeur, on comprend que celle qui ne compte que dix lignes a fait le haut de la feuille dont la marge a près d’un pouce ‘de largeur. L'autre y fait suite, de sorte qu’en considérant les deux fragments comme réunis et en supposant qu'ils ont fait partie d’une feuille petit in-folio, nous en possédons un peu moins que la moitié d’une feuille , et notamment dé celle qui a été la troisième d’un quaternion ou cahier de quatre feuilles. On sait que dans les anciens manuscrits les feuillets ne sont numérotés qu'au recto, soit en haut, soit en bas. Or, en pliant notre fragment comme il a été placé dans le volume auquel il a appartenu primitive- ment, nous avons deux demi-feuillets dont l’un porte au recto, à là marge supérieure, le chiffre trois (I) et l’autre, à la même place, le chiffre six (VI); de sorte que d'un cahier iu-folio, composé de quatre feuilles où huit feuillets et qui à en même temps constitué le commence- - ment d’un volume, il nous reste une partie des feuillets 5 et 6, tandis que les feuillets 4,2, 4, 5,7 et 8 sont perdus. Il $’ensuit encore qu'entre la fin du verso du troisième feuillet et le commencement du recto du sixième, il y a une lacune de deux feuillets entiers, plus la moitié infé- rieure du troisième feuillet, puisque, ainsi que je l'ai dit, touté la moitié inférieure à été coupée. (87) Chacune des quatre demi-pages de notre fragment est divisée en deux colonnes. En les comparant avec le texte du manuscrit de Hombourg, publié par Kausler, on voit que les colonnes étaient de cinquante vers lorsque la page élait entière; aujourd'hui elles sont réduites à la moitié de ce nombre et saus lidison les unes avec les autres. Le manuscrit auquel ce premier fragment à appartenu, doit avoir été fort bean , à en juger d’après là pureté du . parchemin et la netteté de l'écriture. Celle-ci consiste en une lettre ronde, de grandeur moyenne, et bien distincte, presque sans abréviations. Chaque vers commence par uné majuscule détachée, placée un peu en avant de la ligne. Les sections se distinguent par des initiales ren- trantes, alternativement rouges et bleues. À tous ces caractères il est facile de reconnaitre une copie du XIV®* siècle. Je n’y ai remarqué qu'une seule correction; mais elle prouve que le manuséril avait été revu par quelqu'un qui ne négligeait pas les fautes de langage. Au vers 469, qui est doublement fautif dans le texte dé Kausler, ainsi que dans le manuscrit de l'institut Néerlandais, le notre por: tait aussi de première main 4 Van bloumen , van crude alretiere ; MAIS une autre main a changé lé premier Van en Want et le second en ende : Want bloumen ende crude alretiere W'aren binnen den vergiere , satisfaisant ainsi à la fois aux exigences du sens et de la grammaire. La même main paraît aussi avoir ajouté en marge l'indication sommaire du contenu de chaque sec- ( 88 ) tion; par exemple, à côté du vers 562, où il s’agit de l’Oi- siveté : Ledichede poortiere van den vergier. Les autres sont plus courtes encore : Aermoede, Miltheit, Weldoen, Milt- heiden …. is. Comme la description que je viens de faire du premier fragment convient en grande partie aussi au second, il suflira d'indiquer ici ce que celui-ci a de particulier. Je le détachai de l'intérieur de la couverture d’un volume in-folio, renfermant les œuvres de Philon le Juif (Philonis Judaei, etc., Basileae, 1554), le soir même du jour que notre savant confrère M. de Ram me remit le fragment précédent. Il y avait longtemps que je l'avais remarqué sans savoir au juste quel en était le contenu, parce que deux vers seulement en étaient visibles. Le volume de Philon appartenait, en 1609, aux Augustins de Hasselt et la reliure est bien de cette même époque. Le parchemin de ce fragment est moins beau que celui du précédent, mais l'écriture, plus grande et plus carrée, en esl tout aussi nelte et aussi régulière. Les abréviations sont les mêmes et également rares. Il à fait partie d’un volume in-4° à deux colonnes, chacune de 33 lignes que, dans notre fragment, les ciseaux ont réduit à 25 en emportant les dix dernières. I} existe, par conséquent, chaque fois entre les colonnes une lacune de dix vers, sauf au milieu, entre la quatrième et la cinquième colonne, où la lacune est de 275 vers , parce qu’il faut y ajouter la perte de deux feuillets intermédiaires dont les huit colonnes ont dû con- tenir 264 vers. Il paraît être du même âge que le premier. Quoique ces deux fragments présentent certaines parti- cularités d'orthographe et de dialecte assez remarquables, gui permettraient peut-être de désigner d’une manière assez probable la contrée où ils ont été écrits, je n'entrerai ( 89 ) dans aucun détail à cet égard. Je ne saurais me résoudre à effleurer en passant une des questions les plus impor- tantes et les plus difficiles qui puissent se présenter dans l'histoire critique de l’ancienne littérature thioise; je dis celle de déterminer non-seulement la forme générale de la langue commune, mais encore les propriétés caractéristi- ques des nombreux dialectes dans lesquels il nous reste des monuments écrits de tous les âges, et dont la plupart vivent encore dans la bouche du peuple. Toutefois, comme les relations de plus en plus faciles et le mélange progressif des populations de nos diverses provinces tendent à effacer insensiblement ces différences, il est temps qu'un homme instruit et laborieux, bien exercé dans tout ce qui con- cerne la grammaire, la lexigraphie et la linguistique, en fasse enfin une étude spéciale, et essaye de tracer les prin- cipales règles qui doivent guider le philologue dans cette partie encore si obscure et si peu connue de notre an- cienne littérature. Peut-être examinerai-je un jour quels moyens l’Académie a à sa disposition pour encourager une si utile entreprise. Pour compenser ce que, sous le rapport que je viens d'indiquer et sous d’autres encore, cette notice présente d’incomplet, j'ai cru devoir mettre en regard de nos frag- ments le texte de Kausler, et y joindre en même temps les . Nariantes du manuscrit de l'Institut Néerlandais, d'après la copie de feu M. Willems qui se trouve à la Bibliothèque de Bourgogne. Les chiffres qui marquent le nombre des vers dans cette copie ne correspondent pas exactement à ceux de l'édition de Kausler. J'en fais ici la remarque, afin d’être dispensé de noter chaque fois cette différence dans les va- riantes mêmes. Je me suis borné aux indications stricte- ment nécessaires pour guider le lecteur. ("50 ) A là süite de chaque fragment de la version thioise, j'aurais désiré pouvoir placer une partie du téxté corres- pondant de l’originäl français. Mais je n’ävais malheuréu- semënt à ma disposition que la très-mauvaise édition faité à Paris, chez Fournier, an VII de la République, dont j'ai dû éviter dé mettré le texte si fautif en regard de notre aucienne version thioise, pour ne pas-êlre suspect de’ par: tialité en favétir de cette dernière. Mon bat, én transcri: vant les vers de l'original, eût été uniquement de faire voir que le traducteur thiois ne s’est pas cru obligé dé copier servilement son modèlé ét de le réproduire trait pour trait; mais que, tout en lui empruntant la matière et la forme générale de son ouvrage, il a sü corserver dans le choix | et la disposition des détails, dans la peinture des diffé- rents personnages allégoriques qui sont mis en scène, dans la conduite du dialogue, dans les descriptions de lieux, : eufin dans tout ce qui constitue plus particulièrement l'art de l'écrivain, dans le ton du récit et la couléur du style, un caractère tellement propre él individuel que son travail à en acquiert tout le mérite d’une œuvre originale. 1 On sait qué le réproche le plus gravé et le mieux mérité que la critiqué adresse àu roman français, éoncerhe Sur- » tout les intérminables et fastidieuses longueurs tant dés « descriptions que des réflexions philosophiques et morales \ (ou soi-disant telles) qu'on y rencontre à claque instant. Ce sont souvent de véritables écarts, pour ne pas dire des divagations, qui rendent encore plus sensibles le man- que de suite et de plan dans ce poëme. Ce défaut à en grande partie disparu dans la version thioise, Les 22,658 vérs de l'original s'y trouvent réduits à 44,224, et l’on. peut affirmer hardiment que, parmi les huit mille vers | que le français renferme de plus, il n’y a pas un seul pas- M (91) sage qu’un lecteur judicieux puisse regretter ne pas trouver reproduit. Kausler semble admettre qu'une partie de ces suppressions pourrait provenir des difficultés qu'avait dû rencontrer dans ce travail un traducteur d’ua esprit moins philosophique et moins bien cultivé que Jean de Meung, qui a réellement fait preuve dans ce livre d'une grande érudition. La réfutation de ce soupçon se trouve dans le travail de Van Aken même, si l'on veut bien se donner la peine d'examiner avec quelle intelligence non- seulement de l’art d'écrire, mais encore de la matière, chacune de ces coupures à été faite. Kausler est plus dans le vrai lorsqu'il ajoute : Oefters noch hat ihn gewiss ein richtiger poëtischer Takt die unendlichen Abschweifungen seines franzôsichen Originals vermeiden heissen. Wo es sich um wirklich poëtische Ausführung handelt, bleibl unser Niederländer seinem Vorbilde nie etwas schuldig. Mais à côté de cet éloge bien mérité du goût et du talent poétique de notre poëte thiois, j'aurais voulu trouver une restriction ou plutôt l'expression d'un blâme tout aussi légitime, celui de n'avoir pas compris dans ses suppressions ce cynisme systématique, et d'autant plus révoltant, de langage qui défigure en tant d’endroits son modèle, et qui n’a que trop déteint sur la traduction. Heureusément aucune tache de ce genre ue s’est étendue à nos deux fragments qu'il ne me reste plus maintenant qu'à soumettre à votre appréciation. (92) Dre Rose. ( {er fragment, fol. LI recto, col. a.) . . . . CT . . . . . . . . . . Cr . . . Ane riep met nerensticheiden. Soe ne dreef twijnt behagheleide ; 405 Maer goede ghewerke te anevane. Eù ene hare drouch soe ane Alre naest harer huut, Die soe selden dede uut. Van yastene was soe bleec eñ vale 410 Als of soe doot ware te male. An hare sceen in aller wise Dat soe die porte van paradyse Soude open vinden eñ ondaen Eñ sonder belet daer in mochte gaen; 415 Want dus ghedane liede plien, Als wi in dewangelie sien Ghescreven, dat si hare anscijn Mager houden, omme dat si sijn Willen gheprijst van den lieden 420 Die hem goeden dach om bieden ; Omme ene clene ydele glorie Die hem verblijt die memorie. Tachterst so stoet gescreven daer Armoede; dats seker waer 425 Dat emmer taller onwerste si; Want hem comt node ymen bi. Omme haere hadsoe enen sac. Hongher, cout en onghemac sy, se . . . . . . . Collation du MS. de l'Institut Hollandais, d'après la copie de feu M. Willems, déposée à la Bibl. royale de Bruxelles. Vs. 403 : met groler innecheden. 40% : sone helt havre twint met beh. 405 : gode gewerte altoes tanegane. 406 : droch si. 407 : Allernaest haerre. 408 : dede diden. 409 : was si bl. ende. 410 : Alse of si doet. 411 : abre wijs. 112 : dat hare d.p.int paradijs. 413 : Allemale svare ondaen. 414 : En sire ghereelt mochte ingaen. 415 : lieden. 416 : Alse wi in die evangelie. 417 : Gescreven. 418 : omdat. 420 : Om dat si g.d ontb. 421 : Om eene cleene. 425 : Achterste stoet ghscr. 424 : dat es seker w. 425 : emmer datonw. 426 : hem so coemt node yemen, 427 : Om hare hadde si. 498 : Honger , coude en o. (Kausler, Denkmäler, ete., vol. II, Dix Rosz, vs. 400 et suiv.) 400 Eenen soutrz halt soe in de hant; Het sceen dat soe elken sant Ane riep met neerensticheden. Soe achte twint up behaghelheden, 405 Maer goede ghewerke te anvane. Eene hare soe droch soe ane, Alrenaest haere huut, Die soe selden dede uut. Van vastene was soe bleec ende vale, 410 Recht of soe doet wa(e)re te male. An hare wies [wees ?] in alre wijs, Of haere die poerte van paradijs Altemale ware ondaen En socre ghereet in mochte gaen; 415 Want dusghedane liede plien, Alse wi in dewangelie sien Ghescreven, dat si hare anscijn Magher houden, omdat si sijn Willen gheprijst (sijn) van den lieden, 420 Die hem goeden dach ombieden Om cene cleene ydele glorie Die hem verblijt die memorie. Tachterst stont ghescreven daer Aermoede. Weet yoer waer 425 Dat emmer tonwertste si; Want hem comt node yemen bi. ; Omme hare [hJadsoe “[° sac; Hongher, coude ende onghemac [Æ]adsoe, en menighe scamelhede ; 450 Omme niet dede soe menighe bede ; Altoes croep soe achterwaert, Want] s0e met niemen es waert. Metter kele (sic) was soe ontwonden (sic). Soe stont, van daer dander stonden, 455 Achter verre een groet sticke : Die aerme heeft selden ghelucke , Achter es hi altoes ghesteken. Arem man hi mach wel spreken , Dat die ure si vermalendijt 440 £nde die wile ende die tit, (9%) Die Rose, (1er fragment, fol. II recto, col. b.) Omme den vergier als ene haghe; Daer ne was nie te genen dage 453 In comen dorper no vylain. Het was so overscone ‘I: plain, Dat ics hem met goedon zinne Hadde ghedanct, die mi daer inne Hadde ghelaten sonder scade 460 Of bi ledren of bi grade; Want ic houde wel in dien, Dat meere feeste noyt ghesien Wart, niewerijnes in geen lant, Danne men in dien vergier vant. 465 Noit ne was so soete stat Noch daer die vogle songhen bat; Noit [Z. Noch] oec maecten mecre gheluut. Der was in ioye en deduut ; Want bloumen ende crude alretiere 470 Waren binne den vergiere. Die stat rooc so:livelike, Dat man ne es in erdrike Hi ne soude verbliden ware hi der bi; En ic selve, ghelovets mi, 475 Was der of verblijt also En int herte worden vro, Dat ic niet ‘C' fb (1) ne name : Der voren, eù ic der binnen quame. Collation du MS. de l'Institut Holl. Vs. 453 : Om ‘1° verg. alse. 454 : was noyt le gheenen. 455 : scapre no vilein. 256 : over scoene ‘1° plein. 457 : van goeden z. 460: Ochte bi lecdren ; ochte bi grade. 461 : wel houde over dien. 462 : meerre feste. 463 : Niewerinc ne wart in engheen L. 46% : Alse men in din v. v. 465 : Noyt en was so sute. 466: Na daer. 467 : Noch oec m. meerre. 468 : Daer w. in ioie. 469 : Van cruden , van boemen alle manieren. 470 : Waren binnen dien. 471 : Die stat sceen. 472 : en es in erderike, 475 : ver- blidë ware hire bi. 474: gelovets. 475 : Wasser verblidet alsoe. 476 : worden soe wroe. 477 : niet .C. pont en n. 478 : Vore dat ic daer binnen en q. (1) Abréviation pour pond, livres. ( 95 (Kausler, Denkm., etc. Dis Rosr, vs. 441 et suiv.) Dati nie wart gheboren : So menighe onwerde moetli horen. Selden heefti ane goet cleet : Hem sijn oee scoen onghercel ; 445 Selden eet hi ende drinct wale : Verstoten es hi altemale. Dus waren daer de beelden gheha[u]wen Ende wel be[s]tre(e)ken, bi trauwen , Bede van goude ende van asure, 450 Daer si stonden an die mure. Hoghe was die muer ende ront, Ende vaste besloten, ende stont Om :l: vergier als een haghe. Daer ne was poyt in Le gheenen daghe 455 Comen dorpere no vilein. Het was so over scoen ‘1: plein, Dat ics hem met goeden zinne Ghedanct hadde, die mi daer inne Hadde ghelaten, sonder scade, 460 Of bi leedre of bi grade; Want ic houde wel in dien, Dat meerre feste noyt ghesien Niewerincs ne Waert in gheen lant, Alse men in dien vergiere vant. 465 Noyt ne was so soete stat, No daer de vogle songhen bat, Ende meer maecten gheluut. Daer was in joye en deduut; Van bloemen, van crude menighertiere 470 Waren binnen dien vergicre. Die stat was soe lievelike, Dat man ne was zekerlike, . FR Hine verblijdde, waer hi derbi: ñ ni Ende ic selve, ghelovets mi, a 475 Wasser of verblijt also, pri Ende int hert worden s0 vro, Dat ic niet ‘C° pont ne name Der voren , dat ic daer binnen quame. Doe ic den soeten sanc verstoct, etc. (96 ) Dre Rose. (1er fragment, fol. ITT verso, col. a.) Vaste besloten met ameïden ; = Daer cloptic voren sonder beïden 505 En riep lude eñ stiet, Eù doe hoordic of men yet Daer binnen hoorde dat ic stiete, Eñ yemen quame die mi in liete. Doe hoorde ic dat quam ghegaen 510 Ene maget wel ghedaen, Die mi dat wicket ondeide ; Wel ghemaect hadsoe die leide; Hare [hJjare was kersp en blont; Als rosen root was hare mont, 515 [Haer] voorhooft slicht eñ ront haer kin, Daer :l: clene [da]! stont in; Hare oghen lachende en fijn, Eñ clare [{. claerre] vele dan :I: robijn; Hare neise recht, dat wale sit; 520 Hare tanden als yvoor wit, Gheset, effene en clene; Hare handen soete en rene; Hare keile was wit en scone; Hen was noyt wijf onder den trone 525 Die scoonre hals drouch uppenbare, En also slecht, als of hi ware Ghepolliciet over al. Soe was lanc; ter middel smal. Collation du MS. de l'Institut Holl. Vs. 503 : humeiden. 506 : En dunne horetic ochte men iel. 507 : horde. 508 : yemenne. 509 : hoordic. 510 : maget was wel. 511 : ondede. 512 : hadsi die lede. 515: Hur hare scone. 514 : En rosen roel hadde si den m. 515 : Hare vorehoeft. slecht en r. die kinne. 516 : inne. 617 : ogen. 518 : cluerre v. danne ‘1° robin. 519 : nese. 520 : alse yvorijn. 522 : Hare adem sucle. 525 : kele. 524 : Henne es man onder dien tr. 525 : Scoenre h. droech openbare. 526 : En sol. sl. alse ocht. 527 : Gepoliceert al over al. 528 : Si was L. in midden smal. (97) (Kausler, Denkm., etc. Dis Ross, vs. 500 et suiv,) 500 Wiewer dan daer alleene Mocht men daer comen binnen. Twiketkijn was in allen zienne[n Vaste besloten met ameyden; Doer cloppedic voren sonder beiden. 505 Ic riep lude ende stiet, Ende dan hoerdic of men (hiet Daer binnen hofeJrde dat ic stiete, Ende yemene quame die mi in liete. Doc hoerdic dat quam ghegaen 510 Eene maghet wel ghedaen, Die mi dat wiket ondede. Wel ghemaect waren haer de lede, Hare haer was kersp ende blont, Ende rosenroet was haer de mont, 515 Tvoerhoeft slicht, ront haer kinne, Daer een cleene daelkin stont inne; Hare (h)oghen lachende ende fijn, Ende claerre vele dan -[- robijn; Hare nese recht, dat wel zit; 520 Hare tande als van yvore wit, Gheset, effene ende cleene; Hare hande zoete ende reene; Hare kele was scone ende wit : Noyt wijf onder den troene, verstaet dit, 525 Ne drouch scoenre hals openbare, Ende also ront, of hi ware Ghepossiciert [L. Ghepoll.] over al. So was lanc, ter middele smal ; In wane niet dat men teniger stonde 550 /n al de weerelt ‘l° wijf vonde Die haer mochte gheliken (hjiet, Der scoene maecht die mi in liet. Soc hadde van perlen eenen hoet, etc. TOME xx .— 1° par. (98) Die Rose. (4er fragment, fol. II verso, col. b.) . . . . . S 0e CM At Hadsoe an, eñ ne deide andre zake, Dan soe haer toomde tharen ghemake. 555 Doe mi die maghet aldus die dore Onsloten hadde, daer ic stont vore, So seïidic hare groten dance, En vraghede hare eer yet lanc Hoe dat soe gheheten ware. 560 Soe andw{erde] mi uppenbare Wel hoves[celek]e en seïde : Ic doe mi heten Ledicheide ; In hebbe te doene anders niet Dan mi te parerne, als ghi siet; 565 En niet [so] ne gheric el, Dan bliscap te hebbene en spel. | | Edel wijf bem ic en rike, En diene harde hemelike Deduite, die fray es en scone, 570 Die uten lande van Babilone De bome dede bringhen hier, Die hier staen in deisen vergier. Doe die bome becomen waren, Deidi desen mur te waren 575 Maken, ommetrent dit porprijs, Daer noyt binnen ne vroos ijss Eù daertoe die beilden mede Deidi maken na harer (1°: Ad. : hare) seide. Collation du MS. de l'Institut Holl. Vs. 555 : Sine hadde te doene ander sake. 554: Dan st haer selven behagel make. 556 : Ontsloten, 557 : Doe scidics. 558 : et. 559 : si. 560 : Si andworde mi openb. 561 : hoveschelike. 565 : Ine hebbe. 564 : pareren alse. 565 : Nemmer sone begheeric. 566: Dan Le sine in bliscap en in spel. 568 : En ben oec h: heim. 569 : Dedute. STA : Die b. 572 : in dit. 573 : die b. becleven w. 574 : Dedi d. muer. 575 : Maken al omme. 576 : Daer en vroes noët b. ijs. 577 : Ende die beelden oec daer mede. 5178 : Dedi elke m. na haren zeden. | (99 ) (Kausler, Denkm., ete. Dis Rose, vs. 549 et suiv.) - + + . . Diere cleederen ende rike, 550 So dat men niet vonde der ghelike, Daer menighe goude stripe in gaet, Ende menich rikelije naet, [H]Jadde soe an, ende ne dede ander zake, Dan soe hare behaghel make. 555 Doc mi die maghet aldus die dore Ontsloten hadde, daer ic stont vore, Seidix hare wel groten danc, Ende vraegde hare eer (h)iet lanc, Hoe dat soe gheheeten ware. 560 Soe andwoerde mi openbare Wel hoverschelike ende seide : Ic doe mi heeten Ledicheide; In hebbe te doene anders niet, Dan mi te pareerne, als ghi ziet, 565 Ende nemmeer ne gheer ic el, Danne te sine in bliscepen ende in spel(e). Edel wijf bem ic ende rike, , Ende oec harde heymelike Dedute, die vray es en scone; 570 Die uten lande van Babilone Dese bome dede bringhen hier, Die hier staen in dit vergier. Doe dese bome(n) becomen waren, Dede hi dese[n] muer zonder sparen 575 Maken al omme dit pourprijs, Daer noyt binnen ne vroes (hijs ; Ende die beelden , di[e] wi nomen, Dede hi maken na hare vromen, Die Gjhi saghet daer buten staen, 580 Die bleec sijn ende onghedaen. Menich waerf so comt hi hier Hem merghende in dit vergier, etc. (100 ) Dre Rose. (1er fragment , fol. VI recto, col. a.) Ghemaect was van enen dieren stene Sijn weisen ic te segghene mene : 1005 Wie dattene draghet over hem, Ic segghe u, ic dies seiker bem, Men machene niet vergheven, En oec hout hi ionc dat leven. Deise ware beiter den riken man, 1000 Dan tlant dat hout pape Jhan. Een ander steen was die marsant, Die beste steen die men nie vant ; Want diene drouch, hine dorste ontsien Dat hi verliesen soude sijn sien, 1015 Noch siecheïde oec ghewinnen. Dit gordel was in allen sinnen Besleghen met goudinen leiden, Die sere vanden goude weighen. Die vrauwe Rijcheit soe drouch daer 1020 Up hare scone ghelewe [hlaer Van gonde ene so diere crone, Dat nie ghesien was so scone : In mochts niet te hovede comen, Soudic u algaders nomen 1025 Die stene, diere in waren gheset; Maer ic wille dat ghi wet, Datter robine, mirauden, iaconsen, Binnen stoeden wel ‘III- onsen. Collation du AIS. de l’Institut Holl. Vs. 1003 (dans la copie de feu M. W. vs. 1007) : Was van enen stene diere. 1004 : Ie sal u seggen sine maniere. 1005 : datte draget over heme, Men magene met, alsict verneme, Met engheenen venein vergheven. 4008 : En occ so houd. 1009 : Dese steen w. beter enen. 1010 : houdet. p. Jan. 1011 : marchant. 1012 : Den besten enen diemen vant. 1015 : W. wviene droech. 1015 : N. siecheit oec engene gh. 1016 : Die y. 4017 : beslaghen m. quld. leden. 1018 : Die seere woghen van swaerheden. 1019 : Rijcheide die vrouwe si droech daer. 1020 : Op h. sc. ghelu h. 1022: Dat nie man en wert gesien so sc. 1023 : In mochte n. t# hoefde. 1024 : Dat ic u soude alga- der. 1025 : sleene. 1026 : iagoncen. (104) (Kausler, Denkm., etc. Die Rose, vs. 1001 et suiv. ) . Een gordel drouch s0e, diere ende goet, Daer die ghespe, als ict verstoet, Of was van eenen steene diere. Ie sal (h)u segghen sine maniere : 1005 Wiene draghet over heme, Men machne, also ict verneme, Met gheenen venine vergheven, Ende oec hout hi ionc dat leven. Dese steen ware beter eenen rike man, 1010 Danne tlant dat hout pape Jan. ‘I: Ander steen [hJadde soe, hiet maersant, Die beste steen die men noit vant; Diene drouch hine dorste ontsien Daiti verliesen soude sijn sien, 1015 Noch oec ziecheit ghewinne[n]. Die gordel was, doe ic (h)u bekinnen, Al besleghen met goudinen leden, Die zeere woughen van zwaerheden. Rijcheit die vrauwe drouch vorwaer 1020 Up haer scone ghelu haer Van goude eene so diere croene, Nie man ne sach noit so scone; In mochte dies niet te hoefde comen, Wildic{t] (h)u algader nomen 1095 Die steene , diere in waren gheset; Maer ic wille dat ghijt wet, Datter myraude, robine, ioconsen Binnen stonden wel :II[° onsen. Ne waer voren in de crone stoet 1030 ‘7: carbonkelsteen diere en goet ; Hi was so claer , gheloves mi, Dat hi, als het den avonde quam bi, So verlichte , etc. (102 ) Die Rose. (1er fragment, fol. VI recto, col. b. ) Hi hevet hem gheset in dien, Dat hi wel groten cost mach sien, 1055 En oec groot verteren; Dits algader sijn begheren. Naest desen ionghelijnc was gegaen Ene vrauwe wel ghedaen, Die Miltheit hiet, soe hadde wale 1060 Gheleert geven tallen male, En oec te verterne anders. Soe was nichte Alexanders. Miltheit soe gaf tallen tiden; Soene was niewer of so blide, 1065 Dan als soe mochte geven yet; So was hare vele wel gesciet. Giericheit, die grote keytive, Ne was nie in haren live So ghereet te nemene ene zake, 1070 Als Miltheit was, na mire sprake, Den lieden te gevene haer ghevouch; Eù God verlenets hare ghenouch. Miltheiden minnen hier omme Bede vroede en domme; 1075 Aerme eû rike al temale Minnetse [ Z. Minnense] met herte wale, Eù stoeden altoos tharen ibode (sic) : Dat was om hare gifte[n], bi Gode, [Die soe mildelike gaf.] Collation du MS. de l'Institut Holl. Vs. 1053 : heeJt sine herte. 1055 : Ende groot g. v. 1056 : Dats-begeren. 1057 : N. dien. 1059 : Meltheit h., si. h. 1. 1060 : ghevene. 1061 : En oect goet te verne (sic) anders. 1062 : Si. 1063 Die meldelec gaf. 1064 : Dése vrouwe was so bl. 1065 : Niuwerinc ane (sic) entwent niet. 1066 : Dan simochle seggen : siet. 1067 : Giricheit d. gr. keitive. 1068 : En was binnen h 1. 1069 : enige sake. 1070 : Alse Meltheit was wel te ghemake. 1071 : hare. 1073 : Melth. so minde. 1074: Beïde die wr. en die. 1075 : En.arme. 1076 : Mochten se, van h. herde w, 1077 ; Alloeste h. ghebode. 1078 : ghichten. 1079 : Die si gherne en meldelec q. (103 ) (Kausler, Denkm., ete. Dis Rosm, vs. 1051.) Hine ontsiet rover no dief, Maer (h)edelheit heeft hi lief. Hi hevet sine herte gheset in dien Datti groten cost wel mach sien, 1055 Eude groet goet mede verteeren ; Dits algader sijn begheeren. Naest desen ionghelinc was [ghegaen] Fene vrauwe wel ghedaen, Die Miltheit hiet; soe hadde wale 1060 Gheleert gheven tallen male Ende mede te vert(h)eerne (:) anders[.] Soe was nichte Alexanders. Miltheit soe gaf tallen tide(n). Dese vrauwe ne was so blide 1065 Niewer of :I: twint niet Dan als [sjoe mochte segghen : ziet. Giericheit, die grote keytive, Ne was noyt in haren live So ghereet te nemene enig[h]e zake, 1070 So Miltheit wel was Le ghemake Den lieden te ghevene haer ghevouch; (Æ. ghen.) Ende God verieenets haer ghenouch. Milthede soe mintene hier omme Beede de vroede ende de domme; 1075 So doet arem ende rike (;) alte male [:] Mochten si, van herten wale, Si stonde[n] altoes te haren ghebode. Dat was om haer ghiften, bi Gode, Die soe gherne ende mildelije gaf; 1018 Alle veeten cochte soere met af, Daer bi es, also helpe mi God, Die rike man wel dom ende zot, Die nodech [1. nidech] es ende niet wil gheven; Want hine mach in al sijn leven Prijs beiaghen no oec (heere ; ete, (104 ) Dre Rose. (4er fragment, fol. VI verso, col a.) Miltheide, die scone vrauwe, Hadde cledren vrisch en nauwe 1105 Van enen purpre alexandrijn, Dat niet beiter mochte sijn. Scone was soe, ghelovets mi; Voor hare herte sone had si Gene broke, want soese gesent Eenre vJrauwe[n] hadde in present. Dat messtont twijnt der vrauwen; Want men te bet hare kele mochte scauwen, Eù haer lijf, dat scoonre sceen Danne :I- wit yvorin been. 1115 Miltheit, die scone en die vroede, Leede [an] hare [hant met bliden moede] Enen ruddre ute vercoren, Die vanden geslachte was geboren Van Bertainien Arture des conijnes. 1120 Soe was blide des ionghelijnes. Hi voerde teken en baniere Van weldoene in alre maniere. Men telde verre van sinen doene : Hi was vrome, stout eñ coene, 1125 Eñ was niewelike comen Van enen tournoye, daer hi genomen [Hjadde en ghenomen [2. ghegheven] menighen slach Door sine amie die hi daer sach, [Eù menighen rudder gheslaghen] - . . . . . . . . . Collation du MS. de l'Institut Holl. Vs. 1103: Meltheit-vrouwe. 1104 : cleder versch ende nuwe. 1105 : purpure, | 1106 : en mochte. 4107 : Sc. wasse, gh. mi. 1108 : Vore h. h. so hadde si. 1109 : Enghene br. w. sise gh. 1110 : Eere vrouwen hadden in een prosent. 1141 : D.en messloet twint d. vrouwen. 1112 : te bat. 1114 : En wilter dan yvoryn b. 1115 : Meltheit d. scone entie. 1416 : Leidde in h. h. 1117 : Enen riddere uutv. 1118 : van gheslachten. 4119 : Bartaengen Artus d. conincs. 1120 : Si-ionghelincs. 1191 : tekene. 1122 : wel te doene. 1124 : done. 1125 : nuwelinghe. 1126-1127 : Zonder variante en met de zelfde fout, ghenomen voor ghegheven. 1128 : Doer. 1129 : En meneghe starke ioesle gereden , En menegen riddre duer af geslegen. (105 ) (Kausler, Denkm., ete. Dre Rose, vs. 4100 et suiv.) 1100 Also trect dat herte naer Die man, die heimeleke can gheven, Ende doet met hem met trauwen leven. Miltheid die scone vrauwe [H]jadde cleedere versch ende nauwe, 1105 Van :l: purper alexandrijn, Dat niet beter ne mochte sijn. Scone was soe, ghelovets mi, Voer hare herte ne [hJadde si Gheene broke, want so[e]se ghesent 1110 [Hjadde eere vrauwen in prosent. Dat ne mesfs]tont niet der vrauwen; Ne waer dat men te bet mochte scouwen Hare lijf, ende te scoenre sceen, Dat witier was dan yvorin been. 1115 Miltheit, die scone ende die vroede, Leedde met bliden moede An hare hant ‘I: rudder vercoren, Van gheslachte hoghe gheboren, Van Baertaenge Artus des coninx. 1120 Soe was blide des ionghelinx; Hi voerte [L. voerde] teekijn ende baniere Van weldoene in alre maniere, Men telde verre van sinen doene; Hi was stout, vrome ende coene, 1125 Ende was niewelinghe comen Van :l° tornoye, ende ghenomen Menighen slach ende ghegheven, Ende menighen rudder tleven Ghenomen, dor sine amie die hi sach, 1130 Die hi met crachte voerde wach. Na Milthede so ghinc daer Vrihede, weet voer waer, Eene vrauwe scone ende goct, Die niet hadde dat haer mes[s]toet, ete. (106 ) D Rosn, + . (1er fragment, fol. VI verso, col. b ) ee + + + 7 Aie tt ile Die scone vrauwe, diene drouch an, Leede enen ionghen man, 1155 Die scone was en blide, Ei blidelike gine bi hare zide. Niet ne wetic sine name; Maer te sife]ne was hi bequame. Hi was sone eens groots heere[n], 1160 Na dat [ons die wijse leeren.] Hier na gijnc Hovesceit die vrauwe, Die scone was, bi mire trauwe. Soene was hoyerdich no sot; Soe was die gone, dat lone haer God, 1165 Die mi in den dans riep, [Daer ic haestelike ane liep.] Soene was niet nodich hare woorde, Eñ al dat men haer segghen hoorde, Dat was emmer scone tale, 1170 Die soe conste segghen wale. Van hare ne wert te gere stede Man ghestort noch vererret mede. Soe was scon[r]e uppenbare Van anscine, alst die sonne ware, 1175 En van allen leiden scone : Wel was soe wert te draghéne crone In Vrankerike of in Inghelant. Enen rudder had soe bider hant, [Die scone was en wel const sprekén]. . . . . . site . L CHAN Collation du MS. de l'Institut Holl, Vs. 1153 : droech. 1154 : So leidde. 1155 : D. sc. w., hovesch en bl. 1156 : Die vriendelic g. neven harre side. 1158: te minne (hs. mine ). 4159 : groets heren. 1160 : die boke leren. 4161 : ghinc hovesceide d. vrouwe. 1162 : sem mine trouwe 1163 : Sin w. h. no sod (sic). 1164 : Si was. 1165 : ane den danse. 1166 : toe liep. 1167 : Sine w. n. nodech h. worde. 1168 : men van hure horde 1169 : D. w. beide scone antwoerde en tale. 1170 : Want sise te poynte conste wale. 4171 : wart gheere. 1172 : gestuert no geërt oec m. 1173 : Si w. van harden hogen connen. 1174: Hare anscijn verlichte als die sonne. 1175 : Si was van a. leden. 1176 : Si mochti mel eren spannen crone. 1177 : ochte. 1178 : Eene ruddere hadse. 1179 : conste, (107) (Kausler, Denkm., ete., Dix Rosx, vs. 1151 et suiv.) Die witte kydele tooghde(n) wel, Dat s0e ne was suer no fel, Die de scone vrauwe drouch an. Soe leedde eenen ionghen man, 1155 Die scone was ten selven tide, Ende vriendelijc ghinc an haer zide; Maer niet ne wetic sinen name. Hi was an te siene bequame Ende was sone eens groets heeren, 1160 Na dat ons de bouke leeren. Hier na ghinc Hoyescheit de vrouwe Die scone was, alsict scouwe. Sone was hoverdich no glot, So was, dat lone haer God, 1165 Die mi an den dans riep, Daer ic varinghe ane liep. Sone was niet diere haerre worde; Als dat men yan haër segghen hoerde, Was scone antwoerde ende vrindelike tale, 1170 Die so te poynte conde segghen wale. Van haer ne wart te gheere stede Man verstormet (sic) no vererret mede. So was van [hJarde groter conne, Haer aensichte verlichte als de zonne. 1175 So was van allen leden scone ; Soe mochte wel draghen crone Ja Vrankerike of in Inghelant. Eenen rudder [hJadde soe bider hant, Die scone was ende wel conste spreken, Sine woerde helen ende breken ; Gherne dedi den lieden (h)eere : Dies minde soene met herten zeere, ete. ( 108 ) Dre Rose. (Ime fragment, fol. [° recto, col. a.) 5420 Hijr (1) bi soe hebben si vercregen Beide haer rente en haer goet. Die prince es salech die dit doet. Nu hebbic u wel doen verstaen, Na dat mi dochte u vragen gaen; 5425 En die redene hebdi gesien, Die mi dunct dat wel vertien. Vrouwe, ghi hebt mi wel berecht, Dies danckic u, hets wel recht ; Maer ic hoerde u onlancs noemen 5430 Saken, die mi dunken komen Ute ere herten vol dorperheïden; Want die u woude in onkuscheiden Betrapen, Vrouwe, hi mocht doen wale, Ane u spreken eñ ane u tale, 5435 Ha, seide Redene, ic kinne wel Wat ghi meint, ic sal u el Seggen, en verstaen doen bat, Als ghi wilt, tere ander stat, Eñ u toenen meer onscouden, 5440 Up dat ghire u ane wilt houden; Maer mi steet tantwerdene eer Van dien dat ghi mi heden eer Collation du MS. de l'Institut Hollandais , d'après la copie de feu M. Willems, déposée à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Vs, 5121 : hare goet. 5425 : versien. 5496 : Dat. 5429 : horde. u. onl. 5432 : onkuesheiden. 5454 : wwe tale. 5455 : kenne. 5439 : Lonen m. ontscoud 5440 : Op dat ghire u vane (sic). 5441 : tantwoerdene. 5442 : dat ic heden eer Mi wilt leggen van hatien. (1) Cette orthographe hijr, et même hir, pour hier, se rencontre aussi dans d manuserits beaucoup plus anciens que notre Fragment, dans ceux de Maerlants dans la Vie de Jhesus, ete. ; (109 ) (Kausler, Denkm., ete. Di Ross, vs. 5420 et suiv. ) 5420 Hier bi hebben si die (h)eere vercreghen Ende die rente van den lieden ende tgoet : Die prinche es zalich die dit doet! Nu hebbic (h)u ghedaen verstaen, Na dat mi (h)u vraghen dochte gaen, 5425 Ende die waerheit, also si sijn, Daer ic hu [l. nu] af make den fijn. Vrauwe, ghi hebt mi wel berecht, Dies ic (h)u danke, hets recht; Newaer ic hoerde (h}u nomen 5450 Eene zake, die mi dochte comen Uter herten vul dorperheden. Die (h)u begripen wilde van den zeden, Hi mochte (h)u verspreken wale, Dat ghi spreket alsulke tale. 5455 Ha ha, seide Redene, ic kenne wel Dat ghi meent; ic sal (hu segghen el, Wel die dinc te verstane doen bet [/. bat], Als ghi wilt, teere ander stat, Ende salt (h)u toghen met onscouden, 5440 Updat ghire (h)u an wilt houden; Newaer ic moet segghen eer Van dat ghi mi heden eer Up wilt legghen van [hjatien. Mi wondert hoe ghijs durt [l. dart] lien; 5445 Ende ne weetti niet dat vrecheit [l. ghecheït ?] si, Als *I° van eere dinc wille sijn vri, Datti danne , [voor] eene zotheit, dor noot Doet eene ander, die es also groot Ofte meerre [?] dit weet gheheel. 5450 Om dat blusscen soude cen deel In (hju herte die zotte minne , Wildi mi (hju hatie maken inne. (#10) (Ile fragment ; fol. Le recto , éol. b.) . Gedinct u van [Oratiuse niet], Die s0e vroeden méestér hiet? 5455 Hi seit, die sot,,die sinen wille Up ene quaetheit hout al stille, Dat goet [l. noet?].es dat hi ene ander doet, Om dirste te werpene onder voet (1). lc wille verbieden niet die,minne; 5460 Maer verstaet in uwensinne, Dat ik die sotte minne verbiede, Die altoes quelt en pijnt die liede. Ales dat sake, hets vec waerheide, AI verbiedic dron[kenheide], 5465 Daer omme en verbiedic niet Te maten drinken,!vrient! Nu siet, Al verbiedie te grote meltheit, Die den lieden te swaer ane leit, In hete niet dat men si 5470 Daer omme te vrec, geloevets,mi; : Want dese sijn' alle beide quaet, Ic wille wel dat gi verstaet, Dat ic dese soude ;prisen noede: Ghi doet, Vrouwe! — Gilliecht, RiLGoder 5475 In cofm.. 502 game mode ot à 0 oo ne te SO Is 8 Collation dù MS. de l'Institut Holl. Vs. 5459 : van Oraciuse niet. 5154 : Die so vroed een m. Sa$6 : Op ene. 5457 :" andre. 5459 : Îc wille w niet verbieden die m. 5465: Al es die sake. 5465 : daer, omme sone verb, 5469 : ne hete. 5470 : geloves mi, 5474 : al bide. 5474 : gi liegeb, bi Goede. 5475 : Ine can uw gesmeken twent. (1) Allusion aux vers d'Horace : Dum vitant stulii vitium, in contraric currunit ; \ : et i In vitium ducit culpue fugu, si carel arte. Én. (1H) {Kausler, Denkm., ete. Dix Rose, vs. 5455 et suiv.) Ne ghedinct (h)u van Oratiuse niet, Die so vioet een meester hiet? 5455 Hi seit : die zot, die sinen wille Up eene quaetheit hout al stille, Dat goet [L. nout?] es, datti een ander doet, Om deerste te werpen ondér voel. Iu wille niet verbieden die minne, 5460 Newaer verstaet in (hjuwen zinne, Dat ic die zotte minne verbiede, Die altoes pijnt ende quelt de liede. Ales dat zake, dat es waerhede, Dat men verbiedet dronkenhede, 5465 Men verbiedet daer omme niet Te maten drinken. Dus bes(ciet, Al verbiedmen te grote miltheit | Den lieden, die te zwaer es, God weit, | Men heet hem niet dat si 5470 Te vrec sijn, ghelovets mi; Van desen es beede quaet ; Ic wille wel dat ghijt verstaet, Dat ic dese prisen soude node. Ghi doet, Vrauwe! — Ghi liegt, bi Gode! 5475 In smeekem [|. smeeke u] niet I: twint : Ghi sijt ter wijsheit ombekint , Dat ghi mi aldus yet sult vaen. Ghi ontcoppelt (h}u honde.te zaen , s Alse omme te vane den haze min; 5480 Ghine sijt noch niet goede loghisiin. pot Also ne las ic (h}u niet van minnen, Alse ghi mi nu wilt doen bekinnen , Dat men iemen soude haten. Middele minne willic (h}u latew, 5485 Die ic wille dat yhi ontfaet, Want soc wel te prisen stuct. (142) (1Ime fragment , fol. [0 verso, col. a. ) CUS ut . CC . . . DA8D 6 re LANCE MS RREnN eue toit rte Stat. Ene andre minne, geloevets mi, Es noch, die naturlec si In menscen eñ in beesten beïde ; 5490 Want hets gerechte naturlecheide, Dat elke moeder mint hare kint, Datse met hare live wint; Dit es ene minne gemeine Allen dieren groet en cleine. 5495 Dese minne en es men no mere Te prisene noch te lachterne sere; [ Wants hem dJie nature doen doet (1); En daden sijs niet, dies sijt vroet, Het ware hen lachter alte groet. 5500 Maer des soe nes en gene noet Dat ic u soude hijr af tellen; Want u andre saken quellen, Die ghi te swaer hebt ane genomen. Woudi diere noch ave comen, 5505 Eer u die pine slae te doet, Het ware u salecheide groet. Hijr bi sone begin ics niet APS LS A Pr LR LS Collation du MS. de l'Institut Holl. Vs. 5485 : Want si wel te prisene slaet. 5486 : geloves mi. 5487 : naturleker si. 5490 : naturlichede. 5492 : Datsi met haren live. 5495 : Dat es ene. 5495 : min no mere. 3497 : Want hen die. 5500 : Maer des en es en gene. 5501 : hier af. 5504 :. Wildi diere. 5505 : slaet te doet. 5506 : salicheide. 5507 : beginne ics. 5508 : Da sc wille dat gi iet. (4) Les mots que je supplée dans ce vers ont été emportés avec une partie du archemin, de maniere que je ne saurais garantir qu’il y ait eu plutôt Wants que ant, comme donnent les textes collationnés. Want lui-même est pour want het, want. (15) (Kausler, Denkm.. etc. Dix Rose , vs. 5487.) Eene ander minne [esser], ghelovets mi, Die noch also naturlic si In me(i)nschen ende in beesten mede; 5490 Want het es naturlichede, Dat elke moeder mint haer kint, Dat soe met haren lichame wint. Dit es eene minne ghemeene Alle[n] creaturen groet ende cleene. 5495 Dese minne dat es min no meere Te lachterne no te prisen zeerc; Want hem nature doen doet. Ne daden sijs niet, ic wils (h)u vroet Maken, het ware hem lachter groot. 5500 Want [/. Maer] dies nes gheen noot Dat ic (h)u hier af soude tellen ; Want (h)u andre zake quellen, Die ghi u te zwaer an hebt ghenomen. Woudire noch ave comen, 5505 Eer (h)u de pine brochte ter doot, Het ware wel (h)u zalicheit groot. Hier bi sone beghinnix niet, Dat ic wille dat ghi sijt iet Altemale zonder minne; 5510 Maer doet mi in (h)uwen zinne. Ic bem edel ende [h]arde scone, Ende vrauwe van groten lone, Ende met elken man werdich dan , Die me [1. nie] so vele doghede ghewan, 5515 Noch so vele eeren mede ; Alwaert de keyser van Rome der stede, In mochtem wel dienen met ecren. Siet, wildi (hju te miwacrt heeren, 1 ToME xx11. — ['° paRT. (114) (Ame fragment, fol. 1° verso , col. b. } Ic wille gerne u lief wesen. 5520 Nu seggic u wat u van desen Comen sal. Ontfaet mine minne, U en sal gebreken in genen sinne Dinc ne gene sekerlike, Noch mesvallen in ertrike. 5525 Ghi selt werden s0e groet here, Wildi doen dat ic u lere, Dat noit meere en wart gesien. Al u wille sal u geschien, Indien dat ghi mine werke doet, 5530 En mi minnen | {. minnet] dore oetmoet. In hete u werken en gene dine el; Eù soe mogedi u beroemen wel, Dat gi hebt ene amie, Diefr] en geleec vrouwe(n) nie (1), 5535 Soe wel geboren no soe hoege, Dat si mi iet geliken moge; Want ic ben dochter sekerlike Ons Heren Gods van hemelrike, Die mi soe scoene heft geformeert. 5540 En sijt des niet te barenteert; Spiegelt u in mijn claer anscijn. Collation du MS. de l’Institut Holl. Vs. 55929 : U sal gebr. 5531 : Eù ine hete uw werken gene. 5552 : En so m. uw beromen. 5554 : ioncfe. 5555 : hoge. 5557 : bem. 5558 : Goeds. 5539 : so scone. 5541 : clare. (1) Ce vers est corrompu. Je ne suis pas du tout sûr que les corrections que j'y propose en rétablissent la rédaction primitive; mais je l'aurai du moins rendu grammaticalement correct et un peu plus intelligible. (145) (Kausler, Denkm., ete. Die Rose, vs. 5517 et suiv.) Ic wille (h)u lief gherne wesen. 5520 Nu willic (h)u segghen van desen : Ontfadi mine minne goet, Dat (h)u de zinne verlichten doet, Ende niet ghebreken sal zekerlike Dinc negheen in aerderike 5525 Ghi sult hebben doghet ende eere, Ende sijn een gheweldich heere. Wildi doen den wille mijn, AI dat ghi wilt mach met (h)u sijn. Indien dat ghi mijn ghewerke doet, 5550 Ende (h)u mine minne dinket goet, In heete (h)u doen gheene dinc el; Ende ghi moghet (h)u beroemen wel, Dat ghi hebt de beste amie, Die vrauwe ghedaen [hJadde nie, 5555 So wel gheboren no so hoghe, Dat soe mi yet gheliken moghe; Want ic ben die dochter zekerlike Ons Heeren van hemelrike, Die mi so scone heft gheformeert. 5540 Ne sijt niet tebar[en]teert, Splileghel (h)u in mijn claer anscijn, Dat niet scoenre mochte sijn. Ghine saghet noit vrauwe so scone, No maghet van so groten lone , Die dies hevet orlof, dat ic doe. Ende ic mach (h}u wel segghen hoe : Ze hebbe orlof van minen vader Mi selven te gheven al gader Den ghenen die[n] ie met herten minne, etc. ( 116 ) Die Rose. (Hue fragment, fol. II recto, col. &.) - . . . . . . . . . . - . . . . . . . . . . Le . 5815 Met selvere, met goude eñ met siden, Met diere gesteente en gesmiden, En set alse ene conincginne, Dan dunct hare in haren sinne, Dat al dat in die werelt leeft, 5820 Iegen hare nict en he[e]ft Eren noch werdicheïden twent ; Soe groet si hare selven kent, Dat nieman en es in ertrike, Die hare dunct dat bare gelike; 5825 Soe waent si vrouwe sijn boven al. Sine ontsiet en geen mesval. Dan geet si die sale al omme, Elken muer en (sic) elke columme Besien uter maten wale. 5850 Soe verre geet si in die sale, Alse ene die haer nien ontsiet, Datse valt, cer sijs weet iet, In die cranke sale daer neder, Daer haer vercoeveren kume es weder. 5855 Dan dri[j]ft si droefheit en rouwe, Die te voren soe groeten (1) vrouwe. . . . . . . . . . . . . . . . Collation du MS. de l'Institut Holl. Vs. 5816 : Met dieren gesteente. 5822 : So. 5823 : niemenne en es in erterike. 5825 : So. 5826 : Si ontsiel, 5827 : si den sale. 58928 : en elke colomme. 5850 : in dien sale. 5851 : haer iet ontsiet. 5852 : Dat si vall. 5855 : zale. 5834 : hare. 5855: drift so. 5836 : so groele ene vrouwe vous en hadde hare so verwaent… (1) Si l’on se demande pourquoi je conserve l'n de grocten et n'écris pas groete(n), on trouvera la réponse dans ma Christine, p. 145, 344-545, Mais elle se trouve déjà ici même dans la Variante du manuscrit de l’Inst. Holl. (AT ) (Kausler, Denkm., ete. Dir Ross, vs. 511 et suiv.) Alse de Aventure ghe(h)eert wil zijn, Trec{t] so in haer palays guldijn, Ende hare gaet soe daer bereiden Met wel groter behaghelheïde, 5815 Ende gaet haren lechame verchieren Met cleederen menighertieren, Ende sit alse ‘1: coneghinne. Dan dinet hare in haren zinne, Dat al dat in de weerelt levet 5820 Ieghen hare niet ne hevet Eeren no werdichede twint. So groot so[e] haer selven kint, Dat niemen ne es in erderike, Die haer (hjiet dincket ghelike, #825 Ende waent sijn vrauwe boven al, Sone ontsiet gheen ongheval. Danne gaet soe de zale al omme, Elken muer ende elke colomme Besiende harenthare altemale. 5850 So verre gaet soe in de zale Alleene , die hare niet ontsiet, Soe dat soe valt, eer soes weet yet, In die cranke zale die helt neder, Dat haer vercoeveren cume es weder. 5855 Danne drijft soe groten rauwe, Die te voren was s0 grote vrauwe, Ende so zeere oec verwaent. Dan bepeinst sole] haer ende vermaent, Hoe wel , hoe scone dat haer stont 5840 Fan selvere, van goude, van bont , Dies so[e] nu al quite es bleven , Ende wel van allen scijnt verdreven. Danne hevet so[e] rauwe I: groot deel, Ende gaet henen crupen in I: bordeel, 5845 Ful van rauwen ende met weenenden oghen. (18) Dre Rose. (me fragment, fol. II recto, col. b.) [Dat groét gp] benne Dat si hilt eñn hadde . . . . . Eù bi die (1) omdat si es 5850 Soe verke[e]rt, geloeft mi des, Datsi goede werpt ter neder, En die scalke verheft weder; Eù he ge[e]ft groete volheit, Goet eñ ere en werdecheit, 5855 En oec nemt sijt weder hen Alst hare comet in den sen, Eù en wils niet meer gedoegen : Hijr bi sijn hare verbonden, doge[n], Om dat si weten niet en sal 5860 Wien dat si goet doet ochte mesval. Eù bi die dat dAventure Werpt up eñ neder in menege ure, Bi den kere van haren rade(n), Beide die goede en die quade : 5865 Soe laet u gedinken wat ie seide Van Socratesse, die allebeide Die avonture goet en quaet Altoes hilt in enen s[taet]. Menfech..Mirties miles Collation du MS. de l'Institut Holl. Vs. 5847 : Dat grote goet heeft si verloren. 5848 : en hadde te voren. 5849 : En bedi ommedat. 5850 : So. 5851 : werp. 5832 : verheffel. 5853 : En hen gevet grote. 5854 : - werdicheit. 5856 : he coemt. 5857 : willes n. m. gedogen. 5858 : hier. 5860 : Wien sig. d. o. mesfal. 5861 : bidie dattie avonture. 5862 : Werp op eñ n. in menichge. 5863 : Biden. 5865 : So L. u q. dat ic. 5866 : alle beide. 5869 : Menich exempel mo- gedijs vinden. (4) Je laïsse ici et vs. 5851 , etc. bi die, en deux mots, comme le donne le Frag- ment, et comme on le trouve encore dans d’autres manuserits L’inclinaison ne convient qu'aux formes bidi et bedi sans flexion. Bi die, etc. = hi dien. V. Huy- decoper, H. St.,227, etc. 5850 5855 5860 5870 5875 (119) (Kausler, Denkm., Dix Rose, vs. 5846.) Men siet haer vele iammers toghen. Hare grote r'jchede es al verloren , Die soe [hjadde ende bezat te voren. Ende hier bi, dat dAventure es So wandel, ghelovet des, Dat soe die goede werp{t] ter neder, Ende die scalke verheft weder, So dat hem toekomt groet goet, Eere, werdichede, ende heet vroet ; Nochtan neem[t] soet weder hin [in?], Alst haer comt in haren zin, Ende nemmer ne wille gheäcghen. Bedi sijn haer verbonden de oghen, Omme dat soe niet weten ne sal, Wien so[e] goet ghevet, so mesval. Ende hier omme, dattie Aventure Den eenen ghevet tsoele, dandre sure, Bede den goede(n) ende den quade(n), Bi den keeren(den) van den rade, So laet (hju ghedinken, wat ic seide Van Socrates, die alle beide Die Aventure , goet ende quaet, Altoes hilt in eenen staet. Menich exempel moghedi vinden , Wildijs (h}u te zouken onderwinden , Dar ghijt bi proeven mochtet wel : Bi Seneca , wat dat hem ghevel, Ende von Nero den conine ; Maer daer af willie corten de dine, Omme dat die redene openbare Daer af al te lanc te telne ware. (120 ) Die Rose. (Im fragment, fol. IE verso, col. «.) 5880. RON MIE TRS : . [den] senature, Hi was fel en, wreet ter cure Doe hi doetde sinen broeder En oec ontleden [£. ontleedde] sire moeder, 5885 Om dat hi die stat ane sach Daer hi negen maent in lach; En daer mense te stucken sneet, Daer besach hi ele let gereet, Die scoenheit die daer lach an. 5890 Wi sach nie soe quaden man? Alse hi alsus besach die lede, [Dede] hi in sine camere mede Den wijn langen, en woude drinken, Eù dede hem den nap al vol scinken. 5895 Bi sire suster hi oec lach. Hi nam, daer menech toe gesach, Tenen wive enen man; Daer na dede hi die cleder an, Eù clede heme (1) als een wijf, 5900 En leverde enen man sijn lijf . sinen meister goel et Collation du MS. de l’Institut Holl. Vs. 5880 : Van Romen die senatwre. 5882 : doedde. 5884 : ontleedde. 5889 : die dar L. 5890 : sach noit so. 5891 : Doe hi. 5896 : daerl m. toe sach. 5898 : dedi die cledre. 5899 : cledde h. als een. 5901 : Te Senecu sinen. 5902 : Sede hi dat hà sterven moet. , (1) La forme heme pour hem, à l'accusatif, quoique rare, n’est pas du tout inu- sitée, comme le silence de Grimm (D. Gramm., 2me édit., vol. 1, p. 787-788), pourrait le faire croire ; et le datif heme , que ce même savant regarde comme rare, se rencontre à chaque instant. Il aurait dû en croire Huydecoper (M. St., H, p- 551), qu'il cite lui-même. (AA ) (Kausler Denkm., ete. Die Rose, vs. 5879 et suiv.) Nero, die felle ende die quade, Dede bernen bi sinen rade Rome, die werdelike stat, 5880 Ende dede mede doden na dat Die rike hecren, die senature. Hi dede oec te diere ure Onuliven sinen broeder, Ende ontleden dedi sine moeder, : 5885 Omdat hi die stede an zach Daer hi ‘IX: maende in lach; Ende daer mensc te sticken sneet, Bisach hi ele let dat ondersceel, Ende hoe die vincture ghelach. 5890 Noyt man so quaet noyt zach! Ende daer hi dus besach die lede, Dedi in sine camere ter stede Den wijn bri[jinghen, ende scinken In den nap, daer sine uut drinken. 5895 Bi zire zuster hi mede lach. Oec nam hi(jt), daer ment anzach, Teenen wive eenen man; Ende daerna dedi cleedre an, Die hem cleededen alse ‘I: wijf, 5900 Eenen man te leverne sijn lijf. Te Seneca, sinen meester vroet, Dedi segghen datti sterven moet; Ve wuer hi gave hem te kiesen ter stat Hoe hi te sterven{e] gherde bat. 5905 £Ende Seneca, die meester goet, Ti coes te sitten in ‘1° cupe, die stoet Al ghereet mel watre warem, Ende dedem laten in elken (h)arem , Ende seide : nu laet mi sitten tote dien 5910 Dat men mine ziele moghe sien Blidelike te scedene van ini, Ende also varen(d)e, daer sofel begherende si. (122) Dre Rose. (ne fragment , fol. IE verso , col. b. Die hadde [in mi?] gesent, Sonder te hebbenne (1) mere torment. 5915 Dus starf daer die goede man, Daer mesdaet en gene was an, Dan dattene die keiser plach Ere te doene, waer dat hi mach, Gelije scolier den meester doet. 5920 Dies seide die keïser : en es niet goet, Noch werdech dat hi iemene ere, Die van Rome es keiser en (sic) here, Eñ oec van der werelt mede; Maer hem teerne soe es sede. 5925 Daer (2) op dat gi altemale Mine wart verstaet hier wale, Soe moechdi merken dat rijcheïde, Noch goet , noch ere, noch werdecheide, Noch gracie engene der Avonturen 5950 Den mensce en maect goet van naturen, Hine blive altoes in sinen staet, Es hi goet ochte es hi quaet ; Eù es hi mechtech, soe toent hi bat Sine quaetheit telker stat, 5935 Dan hi arm en neder ware. Collation du MS. de l’Institut Holl. Vs. 5913 : Die si hadde mi g. 3914 : meerre. 5918 : dat hine sach. 5921 : werdic dat hi iemenne. 5922 : Romen en keisere eñ h. 5924 : le eerne so es. 5925 : Maer. 5926 : wort. 5927: So mogendi m. d. rijchede. 5928 : no g., no ere, no werdechede. 5929 : gracie no gene. 5930 : Den mensce maect, 5931 : blivet. 5932 : ocht es. 5933 & machtich so. 5936 : En lage in davonture sware. NB. Ce dernier vers est dans le MS. de l'Institut. le 6319me. (1) Les deux nn sont dans le Fragment. Cprz., au sujet de cette orthographe Christina . p. 468-470. (2) Le D de Duer, qui forme dans le fragment une grande initiale rouge, es une faute du rubricateur ; lisez : Maer. « (125) (Kausler, Denkm., etc. Die Rose, vs. 5911 et suiv. ) Dus es hi al lachende ghe(h)ent, Sonder te hebben eenich torment. 5915 Endealdus doedi den goeden man, Daer mesdaet negheen was an, Danne dat hem de keyser plach Eere te doene waer hine zach, Ghelije scolier den meester doet. 5920 Doe seide de keyser : en es niet goet Dat men iemene doe eere, Danne die van Rome es heere Ende keyser van der weerelt mede : Hem te eerne es wel zede. 5925 Newaer est dat ghi mine tale Wel verstaen wilt altemale, So moghedi merken, dat rijchede Van goede, eere no werdichede Niemen geven mach die Aventuren (1), 5950 Vaste te blivene bi naturen, Hine blive in eenen vasten staet, Es hi goet, of es hi quaet; Want es ‘1° machtich, so toghedi bat Sine quaetheit, verstaet dat 5955 Danne of hi nedre ende kaytijf ware, Ende dan laghe in daventure zware , So conste hijt ghetoghen qualike, Dat hi wel toonde, ware hi rike. ete. , ete. (1) La flexion seule du mot Aventuren suffit pour nous avertir que ce vers est £orrompu, et trois ou quatre parmi les suivants le sont également. Je les laisse comme Kausler les a donnés. Quoique plus haut j'aie hasardé de temps en temps Wine correction en passant , je ne me suis aucunement proposé de faire la révision déson texte. Souvent d'ailleurs la rectification se trouve dans les Variantes. ( 124 ) — M. Kervyn de Lettenhove dépose quelques fragments de parchemin enlevés à des reliures; il est invité à vouloir bien en faire l'examen et à faire connaître le résultat de ses recherches dans une prochaine séance. — La classe procède ensuite à la nomination de son directeur pour 1856; M. le baron de Gerlache obtient ls majorité des suffrages. — Les membres de la commission spéciale des finances nommés par la classe des lettres en 1854, sont maintenus dans leurs fonctions pour 1855; seulement M. le baron de Gerlache remplacera M. Leclereq, qui, en qualité de direc teur annuel, fait partie de la commission administrative. (135 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 4 janvier 1855. M. Navez, directeur. î … M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, De Keyser, F. Fétis, -G. Geefs, Hanssens, Leys, Madou, Roelandt, Eug. Si- monis, Suys, Van Hasselt, Eug. Verboeckhoven, baron LG. Wappers , J. Geefs, Snel, Ferd. De Braekeleer, Fraikin, LPartocs, Baron, Éd. Fétis, Edm. de Busscher, membres ; | Calamatta, associé; Alph. Balat, correspondant. - M. le secrétaire perpétuel dépose la Bibliographie acade- lumique, ou liste des ouvrages publiés par les membres, cor- respondants et associés résidents. Cet ouvrage, qui vient de L paraître dans un volume de format in-12, a été rédigé con- formément à la décision prise par les trois elasses de l’Aca- | démie, dans la séance générale du 6 mai 1852. CORRESPONDANCE. Il est donné lecture de l'arrêté royal qui nomme M. le (“général Nerenburger, directeur de la classe des sciences, président de l'Académie pour launée 1855. ( 126 ) — M. le Ministre de l’intérieur informe la classe que cinq dessins, exécutés par le sieur Laureys, lauréat du grand concours d'architecture de 1849, viennent d'être envoyés au Musée royal de peinture, où ils seront exposés, comme ils l'ont déjà été à Anvers. — M. le professeur Montigny écrit qu'en occupant de l'église de S'-Aubain à Namur, il a trouvé, d’après des pièces authentiques , que la première pierre a été posée en juin 1751 et non en 1750, comme il avait été dit dans le projet d'inscription pour ce monument. Cette lettre est renvoyée à la commission chargée de rédiger les inscripuions des monuments du royaume. — M. Alpb. Rühling, chef de musique au 1° régiment d'infanterie de ligne, est admis, sur sa demande, à faire partie de l'association de la Caisse centrale des artistes belges. — M. Fr. Bonoldi, compositeur à Paris, fait parvenir douze vocalises pour mezzo soprano qu'il à arrangées d'après des morceaux de Rossini, et qui, dit-il, ont été honorées de l'approbation de ce grand maitre. L'auteur désire que son ouvrage soit soumis à l'examen de la sec- uon de musique. Il sera répondu qu'aux termes du règle- ment, il ne peut être fait de rapport sur des ouvrages déjà livrés à la publicité, — M. le secrétaire perpétuel dépose le manuscrit d’une cantate destinée au concours musical pour 1855; elle porte pour titre : Le chant des Sylphes. Le terme fatal du concours est fixé au 1° mars. (127) ÉLECTIONS. Le premier objet à l'ordre du jour est l'élection d'un membre dans la section de peinture, en remplacement de M. Van Eycken, décédé. Après trois épreuves, M. Portaels réunit la majorité des suffrages, et il est proclamé membre, sauf l'approba- tion royale. — La classe procède ensuite à l’élection de deux corres- pondants , pour remplir les places vacantes dans la section des sciences et des lettres, dans leurs rapports avec les beaux-arts. M. Adolphe Siret (pour les lettres) et M. le colonel De- manet (pour les sciences), ayant réuni la majorité des suf- frages, sont proclamés correspondants. — La classe avait ensuite à désigner son directeur pour l’année 1855, M. De Keyzer a obtenu la majorité des suf- frages. — Les membres de la commission spéciale des finances pour 1854 ont été maintenus dans leurs fonctions pour 1855; celle commission se compose de MM. Éd. Fétis, 4 Fraikin, G. Geefs, Snel et Van HasselL. — En venant prendre place au bureau, M. F. Fétis, directeur pour 1855, remercie, au nom de la classe, M. Navez, directeur sortant. LL ; OUVRAGES PRÉSENTÉS. Compte rendu des séances de la Coñmission royale d'histoire, ou recneil de ses Bulletins. 2° série. Tome VI; 4%-2%e bulletin. Bruxelles, 1854; 2 broch. in-8°. Réflexions sur l'organisation du jury d'examen pour les grades universitaires ; par M. Martens. Tirlemont, 1854; 1 broch. in-8°. Choix de vases peints du Musée de Leide; publiés et commen- tés par J. Roulez. Gand , 1854; 1 vol. in-folio. Procès-verbaux des séances des conseils provinciaux des neuf provinces de la Belgique, pendant la session de 1854. 9 vol. in-8°. Annuaire de l'Université catholique de Louvain. XIX®° année. Louvain, 1855; 1 vol. in-18. Revue de la numismatique belge, publiée sous les auspices de la Société numismatique, par MM. Chalon, Decoster et Piot. Tome IV; 4e liv. Bruxelles, 1854; 1 broch. in-8&, La feuille du cultivateur, journal hebdomadaire, n°° 414 à 16. Bruxelles , 1854; 5 doubles feuilles in-4°. Journal belge de l'architecture et de la science des construc- tions, publié sous la direction de MM. C. Versluys et Ch. Van- derauwera. 6" année. 40€ à 49e liv, Bruxelles, 1854; 35 broch. in-8°, De l'enseignement agricole et du projet de loi d'organisation d'une école supérieure d'agriculture en Belgique; par Douterlui- gne aîné. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-12. | Moniteur des intéréts matériels. 4% année, n°5 51 à 53; 5mC an- née, n° 4 à 5. Bruxelles, 1854; 8 feuilles in-4°. Annales de la Société d'émulation pour l'étude de l'histoire é@ ( 429 ) des antiquités de la Flandre. Tome IX; 2% série, n% 3 et 4. Bruges, 1854; 1 broch. in-8°. Notice sur deux manuscrits flamands, un calendrier et un livre d'heures du XV" siècle; par Louis De Baecker. 1854; 1 broch. in-8°. Revue de l'administration et du droit administratif de la Belgique, par MM. Bonjean, Bivort, Claes et Dubois. 1"° an- née. Tome I; 4e à 7me liv. Liége, 4854; 1 broch. in-4°. Messager des sciences historiques, des arts, et de la bibliogra- phie de Belgique ; par une société de gens de lettres. Année 1854. 4me iv. Gand, 14854; 1 broch. in-8°. Courte notice sur Notre-Dame de Waleourt; par Ch. de Sainte- Hélène. Namur, 4854; 1 broch. in-8°. Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique. Tome H; 4e liv. Anvers, 1854; 4 broch. in-8. Recherches expérimentales et microscopiques sur le choléra; par M. Burggraeve. Bruxelles, 4855 ; 1 broch. in-8°. Moniteur de l'enseignement, publié par Frédéric Hennebert. 5e série. Tome 1, n° 21 à 24; tome If, n°° 4 à 5. Tournai, 4854; 7 broch. in-8°. Soirées bruxelloises, histoire littéraire de l'année, ou études critiques et biographiques sur Weustenraad , Walef, Lainez et Clesse. Bruxelles, 1854; 1 vol. in-18. Archives belges de médecine militaire. Tome XIV; 1° à 6m ça- hiers; juillet à décembre. Bruxelles, 1854; 5 broch. in-8°. Annales et Bulletin de la Société de médecine de Gand. XX®° année; 41" et 49e liv. Gand, 1854; 1 broch. in-8°. . La Santé, journal d'hygiène publique et privée. 6° année, . n®9 à 14. Bruxelles, 4854; 6 doubles feuilles in-4°. _ Gazette médicale de Liége, publiée par MM. Lombard et H. Boëns. 1° année; n° 23 et 24; 2% année, n° 1 et 2. Liége, 4854; 4 broch. in-8°. La Presse médicale belge. 6"* année, n° 51 à 53; 7° année, . n® 4 à 5. Bruxelles, 4854; 8 feuilles in-4°. TOME xx11. — 1"° PART. 9 ( 130 ) Rapport annuel de la commission administrative de la caisse de prévoyance, établie à Mons, en faveur des ouvriers mineurs; 1853. Mons, 1854; 1 broch. in-#°. Rapport présenté aux exploitants associés par la commission administrative de la caisse de prévoyance des ouvriers mineurs ; 1853. Namur, 1854; 4 broch. in-8&. Rapport de la commission administrative de la caisse de pré- voyance , établie à Charleroi, en faveur des ouvriers mineurs ; 4855. Mons, 1854; 1 broch. in-8°. Rapport annuel de la cuisse de prévoyance en faveur des ou- vriers mineurs ; 1853. Liége, 1854 ; 1 broch. in-8°. Rapport de la commission administrative de la caisse de pré- voyance établie en faveur des ouvriers mineurs des houillères du centre. Houdeng, 4854 ; 4 broch. in-8°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXIX, n° 23 à 95. Table du tome XXX VII, 4° semestre 14854. Tome XL; n° { à 5. Paris, 1854; 8 broch. in-4°. Bulletin de la Société géologique de France. 2"° série. Tome XI; feuilles 27-45. Paris, 1853-1854; 3 broch. in-8°. Bulletin des séances de la Société impériale et centrale d'agri- culture. 2% série; tome IX; n° 8. Tome X; n° 4. Paris, 1854; 2 broch. in-8°. L'Athenaeum français. 4"° année; n° 4 à 5. Paris, 4855; 5 doubles feuilles in-4°. Revue de l'instruction publique. 14% année ; n°° 37 à 44. Paris, 1854; 8 doubles feuilles in-4°. Notice historique sur M. Adrien de Jussieu; par M. J. De Caisne. Paris, 1854; 4 broch. in-8°. Observations sur l'argile plastique et les assises qui l'accom- pagnent dans la partie méridionale du bassin de Paris: par E. Hébert. Paris, 4854; 4 broch. in-8°. Traité de la spédaiskhed, ou éléphantiasis des Grecs; par D.-C. Danielssen et Wilhelm Boeck. Traduit du norwégien par (97 ) L.-A. Cosson (de Nogaret); avec un atlas de 24 planches colo- riées. Paris, 1848; 1 vol. in-8° et { cahier in-plano. Bulletin historique de la Société des antiquaires de la Morinie. 3e année; 1'° et 2% liv. Janvier à juin 1854. Saint-Omer, 1854; 4 broch. in-8°. Second extrait de mon itinéraire pour les voyageurs natura- listes dans les Cévennes ; par le baron d'Hombres-Firmas. Alais, 4854; 1 broch. in-8°. ! Annales de la Société historique et archéologique à Maestricht. 4e série; Mémoires et notes. 3° fascicule. Maestricht, 1854; 4 broch. in-8. * Meteorologische waarnemingen in Nederland ; uitgegeven door het K. nederlandsch meteorologisch Institut ; 1853. Feuilles 7 à 31. Utrecht, 1854; in-4°. Flora Batava, of afbeelding en beschrijving van nederlandsche gewassen ; door wijlen Jan Kops, vervolgd door P.-M.-E. Gevers Deijnoot. 176“ aflevering. Amsterdam, 1854; 4 broch. in-4°. Université de Marbourg. — Collection de treize thèses inaugu- rales. — Verzeichniss der Vorlesungen, im Jahre 1854-1855. — Indices lectionum et publicarum et privatarum in Academia Marburgensi per semestre hibernum et aestivum 1854-1855. Mar- bourg, 4854; 17 broch. in-&. Université de Fribourg en Breisgau. — Ankündigung der Vor- lesungen, im Jahre 1854-1855. — Ueber das Gehôrorgan der Fischgattung Mormyrus. Fribourg en Breisgau, 4854; 5 broch. in-8°. Beiträge zur Anatomie und Entwicklungsgeschichte der Algen- gattung Lemanea; von B. Wartmann. S'-Gallen, 1854; 1 broch. in-4. Danae, ein griechisches Vasenbild. Fierzehntes Programm zum Winckelmannsfest der Archäologischen Gesellschaft zu Berlin; von Eduard Gerhard ; Berlin, 1854; 1 broch. in-4°. Eïin und dreissingster Jahre-Bericht der Schlesischen Gesell- schaft für vaterländische Kultur. Enthält : Arbeiten und Verän- (132 ) derungen der Gesellschaft im Jahre 1853. Breslau, 1854; 1 vol. in-4°, dei Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften in Wien. — Phi- losophisch-historische Classe. Sitzungsberichte. XIL* Band, 5 Heft, und XII Band, 1-2 Heft. — Mathematisch-naturwissen- schaftliche Classe. Sitzungsberichte. XI'* Band, 5 Heft, und XII Band, 1-2 Heft. — Archiv für Kunde üsterreichischer Geschitsquellen. XHI'** Band, 1-2 Heft. — Notizenblatt. Beilage zum Archiv für Kunde ôsterreichischer Geschitsquellen, n°° 18 à 24; 1854. — Monumenta Habsburgica, 1° Abtheilung. — Register zu den ersten X Bünden der Sitzungsberichte der Math. naturw. Classe der K. Akademie der Wissenschaften. Vienne, 1854; 11 broch. in-8. Geognostische Karte der Umgebungen von Krems und von Man- hardsberge, von Joh. Czjzek. Vienne, 1854; 1 feuille in-plano. Verhandlungen des zoologisch-botanischen Vereins in Wien; Band IIL. Vienne, 1853; 1 vol. in-8°. Die geologische Uebersichtiskarte des mittleren Theiles von Süd- Amerika, von Franz Foetterle; mit eimem Vorworte von W. Hai- dinger. Vienne, 1854; 1 broch. in-8. Jahrbuch der Kaiserlich-Küniglichen Geologischen Reichsan- stall. Vie Jahrgang ; n°2. Vienne, 1854; 1 vol. in-8°. Jahrbücher der, K: K. central-anstalt für Meteorologie. und Erdmagnelismus; von Karl Kreil. 1-11 Band. (Herausgegeben durch die Kaiserliche Akademie der Wissenschaften.} Vienne, 4854; 2 vol. in-4, Det Norske Sprogs vaesentligste Ordforraad , sc EN met Sanskrit og andre Sprog af samme Aet. Bidrag til en norsk, etymologisk ordbog af Chr.-A. Holmboe. D AR, 1852; 1:vol.: in-4°. Det kongelige Norske Frederiks Universitets. Aarsberetning for 1852. Christiania, 1854 ; 1 broch. in-12. Pharmacopoea norvegica. Regia auctoritate edita. Christiania, 1854; 1 vol. in-$°. 1 (133 ) Das Chemische Laboratorium der Universität Christiania, und die darin ausgeführten chemischen untersuchungen. Her- ausgegeben von A. Struker. Christiania, 1854 ; 1 broch. in-4°. Norsk oy Keltisk. Om det Norske og de Keltiske sprogs indbyrdes laan af C.-A. Holmboe. Christiania, 1854; 1 broch. in-8°. | Beretning om Bodsfoengslets Virksomhed à Aaret 1851-1853. Christiania, 1852-1854; 5 broch. in-8°. Beskrivelse over Skotlands Almueskolevoesen, af H. Nissen. Christiania, 14854; 4 vol. in-&. Klinik over Hudsygdommene og de syphilitiske Sygdomme à 1852, ved W. Boeck. Christiania, 1853; 4 broch.in-8. Syphilisationen studeret ved Sygesengen , af W. Boeck. Chris- üania, 1854; 1 vol. in-8°. Nyt Magazin for Naturvidenskaherne. Udgives af den Physio- graphiske Forening i Christiania, ved Chr. Langberg. VII Binds, 2 Hefte. Christiania, 1833; 1 broch. in-8°. . Norske Stiftelser. I Hefte. Christiania, 1854; 1 vol. in-8°. Diplomatarium norvegicum , af Chr.-C.-A. Lange og Carl.-R. Unger. IE Samling, V Halvdel. Christiania, 1855; 4 vol. in-8°. Saga Didriks Konungs af Bern. Udgivet af C.-R. Unger. Christiania, 1853; 1 vol. in-8°. Continuazione degli atti dell L e R. Accademia economico- agraria dei georgofili di Firenze. Vol. XVIE à XXXI. Nouvelle série; vol. I. Florence , 1839 à 14854; 16 vol. in-8&. Atti dei georgofili di Firenze della associazione agraria della provincia di Grosseto e bulletino agrario. N° 104 à 113. Flo- rence, 1852 à 1854; 10 broch. in-8°, Archivio storico italiano ossia raccolta di opere e document finora inediti o divenuti rarissisimi, visguardanti la storia d'Ita- lia. Appendice. N° 25 à 29. Cenni sull igiene della gente di mare, dedicati a il Duca di Genova, del cavaliere commendatore Benedetto Trompeo. Turin, 4854; 1 broch. in-12, ( 154 ) Intorno a Paolo Toschi, memoria di Pietro Martini. Parme, 1854; 1 broch. in-8°. The transactions of the Linnean Society of London. Vol. XXI. Part IL. Londres , 1854; 1 broch. in-4°. Proceedings of the Linnean Society of London, 1833. N° 52 à 98. Londres, 1854; in-S°. Proceedings of the Zoological Society. N°° 218 à 257. Londres, 1854; in-8. Reports of the council and auditors of the Zoological Society of London, read at the annual general meeting, april 29%, 1853. Londres, 1853; 1 broch. in-S&. On the chemical equivalents of certain bodies, and on the rela- tions between oxygen and azote ; by professor Low. Edimbourg, 1854 ; 1 broch. in-8°. The annals and Magazine of natural history, including z00- logy, botany and geologv. Second series; vol. XVI; n°° 79 à 84. Juillet à décembre 1854. 6 broch. in-8°. Astronomical observations made at the Radcliffe Observatory, in the year 4852; by Manuel-J. Johnson. Vol. XIII. Oxford, 1854; 1 vol. in-&°. The quarterly journal of the Chemical Society. N° XXVII; vol. VIT, 3 octobre. Londres, 1854 ; 4 broch. in-8°. Aduress of Thomas Bell, the president read at the anniver- sary meeling of the Linnean Society, on mai 24, 1854. Londres, 1854; 1 broch. in-8°, Bulletin de la Société géographique impériale de Russie, pour 1854. N° 1 à 4. S'-Pétersbourg, 1854; 4 broch. in-&. Recueil de recherches ethnographiques sur les peuples de la Russie. Tome II. S'-Pétersbourg, 1854; 1 vol. in-&. The american journal of science and arts. Vol. XVII. Novem- bre 1854. New-Haven; 1 broch. in-8°. PL de Ne PAU CD D t 1 . Rev. ls . 1 R [l / L2 4 _ » BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1855. — N° 2. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 5 février 1855. M. Dumoxr , vice-directeur, occupe le fauteuil. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Timmermans, Wesmael , Martens, Ch. Morren, Stas, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, le vicomte Bernard Du Bus, Gluge, Schaar, Liagre, Duprez, membres; Schwann, Spring, associés ; Maus et Dewalque, correspondants. M. Éd, Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. Tome xx. — l'° parr. 10 (156) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition d'un arrêté royal, en date du 50 décembre dernier, qui approuve l'élection de M. François Duprez, en qualité de membre de la classe. — La classe apprend avec douleur la mort de M. Fuss, secrétaire perpétuel de l’Académie impériale de Saint- Pétersbourg et l’un de ses associés, décédé le 22 janvier dernier. — La Société linnéenne de Londres, la Société entomo- logique de Stettin, l’Académie pontificale des nouveaux lyncées à Rome et la Société dunkerquoise remercient l’Académie pour l’envoi de ses publications. — M. Plateau, membre de l’Académie, fait hommage du troisième volume de sa Physique populaire (la partie de l’acoustique est de M. Quetelet). M. Nerenburger présente également le Compte rendu des opérations de la commission instituée pour étalonner les règles qui ont été employées à la mesure des bases géodésiques belges. — Remerciments. — M, Quetelet met sous les yeux de la classe trois nou- velles cartes maritimes de M. Maury, associé de l’Acadé- mie : l’une indique les vents et les routes sur mer;les deux autres se rapportent à la géographie physique. — M. E.-J. Scarpellini écrit de Rome que le gouverne- ment pontifical a adopté, pour la marine marchande, dans les voyages de long cours, les modèles du jour- (137 ) nal météorologique rédigé par la Conférence maritime de Bruxelles. « Vous trouverez certainement que cet acte généreux de notre grand pontife Pie IX est tout à l'avantage de la science, ajoute M. Scarpellini; et les membres de la Con- féreuce apprendront avec satisfaction qu’en Italie, Rome est la première qui ait connu et apprécié les avantages de la météorologie nautique, action puissante de progrès pour la surface des mers qui restait sans exploration exacte. » Sa Sainteté a créé en même temps des distinctions ho- uorifiques en faveur de la marine. Parmi les conditions à remplir pour y donner droit, se trouve celle d’avoir tenu à bord un registre météorologique, où seront consignées des observations faites trois fois par jour. M. Pegado, directeur de l'observatoire météorologique de Lisbonne , fait connaître également les mesures que le gouvernement portugais continue à prendre pour satis- faire aux demandes de la Conférence maritime. — M. Quetclet donne quelques renseignements sur la comète découverte par M. Dien, à l'observatoire de Paris, le 44 janvier dernier, à 17 heures et demie. D’après l’an- nonce de M. Leverrier , la comète se présentait sous l’ap- parence d’une nébulosité située dans le voisinage et au sud de 7 du Scorpion; elle était très-faible et ne pouvait être vue qu'avec de forts instruments; elle a présenté plusieurs centres de lumière; on ne lui a pas aperçu de queue. — M. Dewalque, correspondant de l’Académie, dépose les observations faites à Stavelot, en 1854, pour la météo- rologie et pour les phénomènes périodiques des plantes et des animaux. (138 ) | M. Kickx fait parvenir également les résultats des obser- vations sur les phénomènes périodiques faites à Ostende par M. Mac Leod. Le même envoi est fait pour Venise par M. le professeur Zantedeschi. _ M. de Martius, le savant secrétaire de l’Académie de Munich, associé de l’Académie, adresse la lettre sui- vante sur les époques de la floraison de l’Agave americana , dans leurs rapports avec les climats : « Permettez-moi d’avoir recours à votre obligeance et de demander vos conseils quant aux observations à faire sur la floraison de l’Agave americana. Je m'occupe en ce moment de la monographie de cette plante si précieuse aux habitants des tropiques, avec l'intention de la recom- mander aux Brésiliens, qui pourront en tirer plusieurs avantages. Il m’a paru convenable de diriger leur atten- tion sur celte plante, afin d'arriver à la détermination de la chaleur moyenne d’un lieu par le nombre d'années qu'il a fallu pour produire la floraison. » Dans les pays où croit l’Agave americana | Spontanea ou effarata), la température descend rarement jusqu'à zéro. Cette plante n’a pas le repos hyémal, mais seulement celui produit par la sécheresse du ciel et de la terre. Toutefois, ce dernier obstacle est vaincu par la source continue de la séve conservée dans ses feuilles épaisses et perennantes. Quoique l'état hygrométrique de l'atmosphère, l'exposi- tion au soleil, la nature du sol, etc., influent sur son développement, je pense pourtant que la série continuelle des chaleurs sera la fonction prédominante. Ainsi l'appa- rition de la fleur à la fin de la vie individuelle sera prin- ( 139 ) cipalement le résultat des températures, plus que dans aucune autre plante perennante, et le nombre des années nécessaires pour y parvenir, ou le nombre des feuilles pro- duites avant la tige florifère, pourra nous indiquer le terme moyen de la température du lieu. Cette plante croit entre les tropiques jusqu'à une élévation de 9,000 à 10,000 pieds, et elle est très-peu sujette aux dévastations des animaux et de l'homme. On pourrait en planter des séries à toutes les hauteurs et observer avec facilité les individus les plus hâufs et les plus tardifs pour en déduire un- terme moyen; la propagation des rejetons, pris sur quelques individus, pourra être étendue avec facilité jusqu'aux limites du con- tinent. » Pour ces raisons, je voudrais recommander cette plante à quelques-uns de mes amis du Brésil, et je pense qu'un Système d'observations établi par eux avec intelli- gence pourrait nous fouruir quelques données importantes pour la méthode dont la science vous est redevable. » Cependant il me paraît convenable de présénter à mes correspondants quelques traits généraux sur la relation des lieux et de leur température avec la vie des plantes, et comme les données que je possède sont très-pauvres et se rapportent à des localités dont les moments physiques me sont inconnus, je m'adrésse à votre obligeance : peut-être pourrez-vous élever ces résultats imparfaits à quelque va- leur générale. » Il va sans dire, que je dois me borner aux exemples où l’Agave à toujours vécu en pleine terre pendant l'hiver, et non dans des serres. » Voici le peu de faits que j'ai recueillis. » Woodnille, près de Salcombe, Devonshire (Angle- terre). Une Agave mise en pleine terre en 1804, à l’âge (440 ) de 2-5 ans, a fleuri en juin 1820; elle était plantée tout près de la mer, à une élévation de 40 à 50 pieds; » A S'-Pol de Léon, 48°48" latitude boréale, fleurit un aloès âgé de 28 ans; » À Rovigno (Istrie), 45°4’ latitude boréale, fleurit une plante âgée de 50 ans à peu près; » Sur le lac de Garda (Limone, Gargnano, S'-Vigilio), elle fleurit, selon les habitants, âgée de 50-55 ans; » Dans le royaume de Valence, elle fleurit à 40 ans (et à 8 ans); » (Dans la Sierra Névada, sur le versant sud, on la trouve en fleur à 4,000 pieds, et sur le versant nord, à 5,500 pieds; Plasencia est le point le plus boréal); » Dans les petites Antilles (îles Vierges), elle fleurit à 7 ans; » Dans le Mexique, de 8-15 ans; 12 ans étant peut-être (sur le plateau) l’âge où l’on tire le plus de pulque; » À Nice? » À Palerme, elle fleurit à l'âge de 9-10 ans; » À Livourne, elle fleurit à l’âge de 10-12 ans. » Peut-être possédez-vous déjà des matériaux pour cette plante, à laquelle les météorologistes et les botanistes de l'Europe ne pourront jamais attacher autant d'intérêt que les savants des tropiques... » (1H) COMMUNICATIONS ET LECTURES. MÉTÉOROLOGIE. M. Quetelet entretient la classe de différents sujets de météorologie. Il donne d’abord un aperçu de l’état de la température de l'hiver actuel, qui avait été remarquable- ment doux jusque vers le 10 janvier. Dès le commence- ment de 1855, on observait les premiers indices du ré- veil des plantes : le 4 janvier, l’ellébore était en fleurs, les plantes herbacées montraient leur verdure, le Spiraea sorbifolia et le Lonicera pallida étaient à moitié couvertes de feuilles. Les gelées sont survenues vers le 40 et se sont prolongées ensuite pendant près de vingt-quatre jours. La plus forte gelée à eu lieu pendant la nuit du 1° au 2 février ; le thermomètre centigrade est descendu à 46°,1 au-dessous de zéro. Ce minimum n’a été atteint que douze fois dans l’espace des 70 dernières années; c'est-à-dire environ 1 fois par 6 ans. Le plus grand froid de nos hivers ordinaires est de —11° centigrades. Dans la nuit du 26 au 27 janvier , il y a eu dégel par- tiel; le vent inférieur soufflait du SO., et, pendant ce temps, le courant d'air supérieur, indiqué par la marche des nuages, a fait le tour du ciel en passant par le nord, l'est et le sud, pour venir, après vingt-quatre heures, se confondre encore avec le courant inférieur. Il serait très-intéressant de pouvoir juger, au moyen des résultats des pays voisins, de la marche de ce courant d’air chaud qui a déterminé un dégel partiel aussi remarquable, et qui a commencé à l'heure de la nuit ordinairement la plus froide, Voici le tableau des observations de Bruxelles : 1855. Janvier. 26. Midi. 27. Minuit, | oh mat. 28, Minuit. 2h mat. BAROMÈTRE réduit à zéro, mm 756.54 56.1 56.13 56.2 56.2 56.3 56.50 56.6 56.7 56.6 56.8 D7.4 58.0 58.56 58.5 58.23 58.0 57.80 57.6 57.5 57.5 57.60 57.6 57.4 56.9 56.9 56.1 56,3 56.25 56.5 56.04 (14 ) VENTS TEMPÉRAT. d'après la gi- État du ciel. centigradé. rouette. Eclaircies, cum.-str. et str. du nord; la girouette qui, à 40 h., se trouvait au NO., était passée à midi, à l'OSO. Couv., cum.-str. du NE.; léger brouill. Quelques éclaircies, eum.-str., brouil- lard élevé. Cumulus de l'ENE., et plus bas amas | de brouillard chassés du SO. Quelques cirr.-str, du SE.; beau dégel, Cum.-str, du S. Couv. unif.,odeur de tourbe et brouil- lard tellement épais qu'on ne dis- tingue rien à vingt pas. Couv. unif., brumeux. Neige vers 10 h. Couvert de brouillard, (145) M. Quetelet présénte ensuite quelques remarques sur la manière de recueillir l’eau provenant de la pluie et de la neige, et montre combien ce genre d'observations laisse encore à désirer dans l’état actuel de la science. Au sujet des pluies, il fait connaitre des résultats très- remarquables que vient de lui communiquer un célèbre métléorologiste. « Je profiterai de cette lettre, écrit M. Kaemtz, pro- fesseur à Dorpat, pour vous faire quelques communica- tions. Votre travail sur la durée des périodes de pluie et de sécheresse, que j'étudiai, il y a quelques mois, avec plus de soin que je ne l’avais fait dans une première lecture, me détermina à faire des recherches analogues pour Dorpat. Mon journal contient beaucoup de lacunes et embrasse un intervalle de temps beaucoup plus court que le vôtre, en sorté que le rapport entre la durée des deux espèces de périodes n’en ressort pas avec autant d'évidence. Voiei les résultats : NOMBRE BAROMÈTRE JOURS NOMBRE BAROMÈTRE de en de temps de en périodes. lignes de Paris, clair, périodes, lignes de Paris. 334,81 5,81 5,08 2,19 1,78 2,69 1,47 1,31 1,74 1,66 0,40 2,19 1 2 3 4 à 1 © = À 19 Q Q Or (144) » J'ai groupé dans ce tableau les indications de mon journal en jours de pluie et jours de temps clair (ganz hei- tere), et j'ai tenu compte en même temps de la hauteur du baromètre observé chacun de ces jours à midi. » Mes nombres, vous le voyez, sont encore beaucoup plus irréguliers que les vôtres; mais, par contre, il en ressort presque rigoureusement la loi suivante : » Plus la période de pluie est longue et plus la moyenne barométrique est basse; par un temps clair, au contraire, la longueur de la période est en rapport avec la hauteur du baromètre. » Si je compare, en outre, la hauteur simultanée du baromètre à Dorpat et dans d’autres localités, il semble en résulter que plus la période de pluie est longue à Dorpat et plus le baromètre s'élève dans l'Europe occidentale ; tou- tefois n'ayant comparé que quelques mois d'observations faites en Russie, à celles de Paris (jusqu’en 14851), de Bruxelles (jusqu'en 1848) et de Londres (jusqu’en 1845), ces premiers résultats sont peu sûrs. Par un temps clair, l'effet contraire semble se produire. » Il se présente ici une autre question : » Il pleut presque par toutes les hautéurs baromé- triques, mais quelle est la probabilité qu'il pleuvra par une pression donnée, ou que ce sera un jour de temps entièrement ou presque entièrement clair ? » J'ai pris pour hauteur barométrique la pression à midi; la probabilité a été calculée d’après le procédé ordi- nombre de jours de es) nalre total de jours. » Voici les résultats que j'ai trouvés, année moyenne, pour Dorpat : (445 ) PROBABILITÉ + 2 Lx Hauteur barométrique. de temps clair, de pluie. calculée. Par 34510 . . . . . 0,48 0,04 0,01 543,0 . . . . . 0,50 0,04 0,04 SAD dE au 058 0,09 0,10 Suit AIS + UP ES 0,08 0,17 3385 0: LT 3b Hrgiar 0,18 0,22 381,5 sise se ever 047 0,20 0,27 Be dre 058 0,27 0:33 Mendes Uma OiT 0,40 0,59 MARS 0e à 2 00,18 0,51 0,45 555 MR MRMATERCT ET 0,55 0,52 ES im + . 110,06 0,65 0,58 DL Le. 1 5 005 0,59 0,64 0 +. 004 0,83 0,70 DD 0e eh. V006 0,66 0,75 DB LIN 2 US TO 0,75 0,01 Bb ed ee, GG 0,84 0,85 BhG be Lila : 400,08 0,85 0,90 325,0 0 0,95 0,94 230 CM FSU NU 0,99 0,99 SaLOdizadte enJb fit 0 1 1 319,0 0 1 1 » En construisant la courbe pour la pluie, je remarquai que l’on pouvait envisager le cosinus (sinus-verse) comme l’une des coordonnées et les ares correspondants comme l'autre. Considérant la probabilité 0,5 comme centre du cercle, les différentes probabilités comme cosinus et la hauteur barométrique au-dessous d'un point déterminé comme des arcs, l’on en déduisait ainsi les grandeurs calculées. Je compte reprendre sous peu ce calcul de plus près, en distinguant chaque saison , celui-ci n'étant qu'ap- proximalif : les irrégularités que présentent les jours de temps clair m'y engagent particulièrement. 11 semblerait ; ( 146 ) que la plus grande probabilité se trouve vers 559,5, mais cela résulte de ce que les grandes élévations barométriques se présentent en hiver, où, pendant des jours et des se- maines, le temps reste couvert sans qu’il pleuve. Lé grand nuage polaire qui couvre alôrs le ciel est cause que par les hauteurs données plus loin (545', etc.,), la probabilité des jours de temps clair n’est que de 0,51; 0,40; 0,55; 0,21. En prenant, au contraire, les autres saisons, je trouve pour les jours de temps clair, par lés plus hautes pressions, les probabilités suivantes : 345! 543! 541! 539,5 3385 3375 Printemps. » 1 0,64 0,84 0,76 0,62 Eee face » » 1,00 0,80 0,82 0,79 Automne. . 0,90 0,50 0,60 0,60 » » » Vous voyez que la probabilité des jours de temps clair est plus grande par les plus hautes pressions barométri- ques de ces trois saisons, et si l'automne fait exception , il faut l’attribuer au mois de novembre qui a déjà le ca- ractère de l'hiver. Bien que j'aie comparé encoré d’autres localités, je n'ai pu en déduire jusqu'à présent de loi certaine ; il est arrivé fréquemment d’ailleurs, que le baromètre était très-élevé à Paris et à Bruxelles, tandis que la préssion chez nous était très-faiblé, et réciproque- ment; mais céla est encore très-irrégulier, et il serait pro- bablement nécessaire de distinguer les vents d’est dé ceux d'ouest. » D’autres motifs encore semblent nécessiter cette dis- linction; Si je prends, notamment, les hauteurs baromé- triques correspondant aux diverses directions du vent, je ( 147) trouve pour l'hiver (jusqu'en février 1854), à l'heure du midi : N. NE. E. SE. S, SO. 0. NO, Variable, calme. 35648 359102 537,42 53406 330171 551,72 553,75 555)06 555,50 » J'ai pris à cet effet le vent moyen ou le vent dominant de chaque jour, et s’il arrivait, dans le cours d’une même journée, de souffler de points diamétralement opposés, je les classais dans la dernière colonne. Depuis plus de vingt-cinq ans, je m'étais demandé ce qui arrivait, dans certaines circonstances données, pour d’autres contrées. Mais la période qu’embrassaient les Éphémérides de Mann- heim était beaucoup trop courte pour répondre à la ques- tion que Je m'étais posée. J'ai pu en rechercher la solution pour Halle, depuis 1835 seulement. Si, par exemple, le vent souffle à Halle du NE., le baromètre ici est élevé; mais en partant de cette station, la pression, à altitude égale, augmente vers le NE. et atteint presque son maæi- mum dans le golfe de Finlande (je n’ai pas calculé exacte- ment le lieu); quand le vent à Halle souffle de l'E., le maximum se trouve dans le voisinage de Varsovie. Les phé- nomènes qui se rapportent à Halle s'étendent depuis l'Is- lande jusqu'aux monts Ourals. Les mêmes jours où j'avais à Halle un vent du NE, il souflait ici, d'après les obser- valions de Parrot, un fort vent du NO.; en d’autres mots, le vent soufllait du lieu où la pression était la plus forte vers Halle (NE.) et vers Dorpat (NO.). Quant aux vents d'ouest, les observations de Halle ne m'ont fourni aucun résultat marquant, ce point étant trop voisin de la mer. J'ai entrepris cependant ce travail sur quelques mois d’ob- servations pour Dorpat, et j'ai trouvé, par rapport à Paris, jusqu’en 1852 : (148) N. NE. E. SE. S. So. 0. NO. , Hiver. .. 759,71 757,75 75470 75446 75498 75891 76052 759,48 c'est-à-dire que les jours où le vent, à Dorpat, soufflait de l'un des points précédents, on observait à Paris la moyenne pression inserile au-dessous, el ces vents n'avaient aucun rapport avec ceux qui régnaient à Paris; mais je me ré- serve d'examiner ce côté de la question dans une autre circonstance. Le maximum a donc lieu quand soufle à Dorpat le vent d'O.; en d’autres mots, lorsque le baro- mètre est élevé à Paris, le courant se dirige à V'E., tandis qu'à Dorpat, il souffle de l'O. Pour obtenir des résultats généraux, il est nécessaire de comparer un plus grand nombre de stations, et je m'en occupe actuellement. J'ajouterai seulement qu'il ressort déjà des comparaisons faites entre Paris et Bruxelles, quelques résultats qui con- lirment ce que je viens d'avancer. » Pour étendre ce travail, au moins à une partie de l’Eu- rope, je prends la liberté de vous adresser une demande. d'ailes Annales de l'Observatoire de Bruæelles jusqu'en 1852, et je désire que vous me communiquiez, si c’est possible, la hauteur barométrique pour chaque jour, à midi, depuis le 1% janvier 4855 jusqu'au 5 novembre 1854. Ce serait d'autant mieux, si vous pouviez y joindre le vent dominant de chaque jour. » Comme vous vous occupez beaucoup de ces sortes de calculs, et que vous nous avez déjà fourni des travaux si intéressants pour la météorologie, il vous sera facile de résoudre celle importante question pour Bruxelles. Je crois, cependant, devoir vous engager à ne pas vous eu occuper de suite, car le travail auquel je me livre actuel- ( 149 ) lement a fait surgir pour moi un grand nombre de points qu'il me semble important d'étudier, et sur lesquels je pourrai vous communiquer plus tard de plus amples ren- seignements. Je dois, en outre, réfléchir encore à cetie question , afin de pouvoir, le cas échéant , faire avec facilité le même calcul pour tout autre lieu. Avant de publier mes résultats, je veux étendre et coordonner mes nombres, et avoir terminé mes recherches. » J'ajouterai encore, pour conclure, que si je classe les nombres d’après la probabilité de chaque vent à amener des jours de pluie ou de temps clair, je trouve pour Dorpat : N. NE. E. SE, S. SO. O. NO. Calme. CIRE 6,6,,6,7. 4,4 24 1,7 1,6 21 26 3,2 Temps clair (tout le jour). 2,9 2,2 92,6 5,1 50,9 50,5 16,5 6,5 5,6 » Les nombres relatifs à la pluie sont les mêmes que pour le reste de l’Europe; toutefois, ils sont plus faibles que ceux que j'ai donnés dans ma Météorologie, parce que je n'ai plus recueilli, par jour, qu’une seule indication du vent, et qu'il pouvait être tombé une petite pluie dans la journée, tandis que précédemment j'avais trois observations pour des jours où il n'avait probablement pas plu. Deux années d'observations à Nishe-Tagilsk (Oural) donnent : N. NE. E, SE. S. SO. 0. NO. AD Die loecSi 18,80 ,:95 :.-126. 05 par conséquent, de la pluie par les vents froids du Nord. » Partant vous vous expliquerez facilement l’anomalie (Lehrbuch der Meteorologie, 1, 457) qui se présente pour Moscou. » $ R (450 ) Note sur quelques espèces inédites d'oiseaux, par M. le vi- comte Du Bus de Gisignies, membre de l’Académie. » 4. VIREOSYLVIA FRENATA, V. Supra flavido-cinerea ; pileo pure cinereo ; superciliis ad nucham productis et genis dilute fulvescentibus : sublus albida; hypochondris dilute flavido-cinerascentibus; qula utrinque stria atra a basi mandibulæ descendente mar- ginata; remigibus et rectricibus fusco-cinereis, flavicante extus limbatis; tectricibus alarum inferioribus et crisso fla- vidis. Rostro et pedibus fuscis. Longueur totale, 19 ‘2 centimètres. Habite Ocaña, dans la Nouvelle-Grenade. . Espèce typique, à bec assez long, droit et comprimé, ressemblant beaucoup à la V. olivacea, L., mais facile à reconnaître au trait noirâtre qui prend naissance à la base de la mandibule et qui descend de chaque côté de la gorge. 9, CYANOLOXIA CONCRETA. Mas. C. cœrulescenti-nigra ; fronte, superciliis et genis paulo dilutioribus; humeris cyaneis ; alis et cauda nigris ; lectricibus alarum superioribus et remigibus secundariis cœrulescente limbatis. Rostro et pedibus nigricantibus. Longueur totale, 15 ‘2 centimètres. Cet oiseau a été tué à Playa-Vicente, au Mexique. Il est voisin , par la coloration, de la Loxia cyanea, L., mais, avec la même longueur totale, à peu près, il est beaucoup (154 ) à plus robuste, et il a le bec et les pieds infiniment plus forts. Il me paraît aussi différent du Coccoborus cyanoïdes, dont je ne connais que Ja courte description publiée par M. De Lafresnaye, dans la Revue zoologique de 1847. x 5. PYRENESTES PERSONATUS. Mas. P. Saturate fuscus ; capite, absque occipite, et tectri- cibus caudæ superioribus coccineis, nitentibus; pectore coc- cineo tinclo; rectricibus duabus intermediis supra, cœte- rarum pogonio externo vobsolete coceineis. Rostro nigro; pedibus fuscis. Longueur totale, 14 centimètres. Habite le Sénégal. Seconde espèce du genre, en supposant que le P. cocci- neus, Cass., ne soit autre que l’ostrinus, et plus typique encore que celui-ci. Elle a le bec proportionnellement plus épais, et la dent de la mächoire plus développée. 4. POLIOSPIZA CANICAPILLA. P. Supra, cum lateribus capitis, fusco-cinerea ; pileo lusco-nigricante et albido vario ; subtus cinerea ; superciliis, quiture, ventre et crisso albidis ; remigibus et rectricibus obscure fuscis, cinerascente extus limbatis. Rostro et pedibus cinereo-fulvis. Longueur totale, 12 centimètres. Se rapproche beaucoup des Serinus tristriatus et xan- thopygius, Rüpp., qui se trouvent en Abyssinie. Cette nouvelle espèce habite le Sénégal. 5. QUELEA CAPITATA. Q. Supra brunnea, plumis singulis albido-fuscescente TOME xxu1. — 4" parT. 11 (152 ) marginatis ; capile pure sanguineo, mento et gutlure nigris, sanguineo maculalis; subtus dilute fuscescens ; hypochondris brunneo varis ; ventre albido; remiyibus et rectricibus flavi- cante extus. limbatis. Rostro brunneo, mandibulae basi dilutiore; pedibus rubro-[uscis. Longueur totale 41 ‘2 centimètres. Habite le Sénégal, comme les deux précédents. Si les couleurs de la tête ne suflisaient pas pour distinguer cette espèce, je la croirais identique avec lEuplectes ery- throps, Haril., que je ne connais pas en nature, mais qui est décrit et figuré avec soin au tome IT des Abhandlungen herausgegeben von dem naturwiss. Verein in Hamburg, 1852, Tab. 8. Ce dernier n’a qu'un peu de rouge autour de la base du bec eu aux sourcils, tandis que l’autre a toute la tête d'un beau rouge sanguin uniforme, avec la gorge et le devant du cou maculés de noir et de rouge. Il n'est pas probable non plus qu’il n'y ait entre ces deux oiseaux qu'une simple dilféreuce sexuelle, car M. Hart- laub doune la description du mâle et de la femelle de son E. erythrops, et aflirme que celle-ci est jaune là où le mâle esl rouge. 6. CHRYSOMITRIS XANTHOGASTRA. Mas. C. nigerrima subnitens ; speculo lato alarum , rec- tricum basi, exceptis duabus intermediüis , et abdomine cum hypochondriis et crisso aureo-flavis. Rostro cœrulescenti- nigro; pedibus brunneo-nigris. Longueur totale, 9 centimètres. Habite Ocaña, dans la Nouvelle-Grenade. | | dre C'est une des plus petites espèces du genre. Elle rap- pelle, par sa coloration, le Carduelis atratus, D'Orb., mais (153) elle en diffère, notamment par sa taille, qui est moindre d'un quart, à peu près. 7. LANIO AURITUS. Mas. L. nigerrimus, subtus nigro-fuliginosus ; supercilio tenuissimo albo, pone oculos in penicillum auricularem rubro-igneum prolongato ; humeris et tergo flavissimis ;tec- tricibus alarum inferioribus , fasciculoque plumarum elon- gatarum axillari candidis. Rostro et pedibus nigris. Feu. Nigro-fuliginosa, in dorso subvirescens: subtus cinereo-ardesiaca; supercilio , penicilloque auriculari nul- lis ; tergo flavo ; tectricibus alarum inferioribus, fasciculo- que axillari candidis. Longueur totale, 16 ‘2 centimètres. Habite la Colombie. On ne connait aujourd’hui que trois vrais Lanio. Cet oiseau-ci me paraîl ne pouvoir être mieux placé que dans ce genre, bien que, sous certains rapports, il s'éloigne un peu des autres espèces. Il s’en distingue par une colora- tion différene, et il est remarquable, surtout, par des sour- cils qui, à leur naissance vers les narines, sont blancs, deviennent rouge-feu à la hauteur des yeux et s'étendent en arrière sur les côtés de la nuque, sous forme de petites aigrettes de plumes un peu allongées, et que, probable- ment , l'oiseau redresse à volonté. 8. PiPILOPSIS CR1ISTATA. P. Supra flavicanti-olivacea, uropygio paullum dilutiore ; Capile cristalo supra griseo , j ugulo et genis griseo-canescen- tibus ; pectore et abdomine lœte croceo-flavis; remigibus et ( 194 ) rectricibus brunneis, olivascente extus limbatis. Rostro cor- neo ; pedibus fuscis. Longueur totale, 17 centimètres. Cette espèce, qui vient de Colombie, a quelque chose de la couleur et des formes de l’Arremon rubrirostris, Lafr., à côté duquel elle me paraît devoir prendre place. Elle est plus grande, plus robuste et sa tête est ornée d’une huppe. 9, BUARREMON LATINUCHUS. B. Supra obscure cinereus; pileo tolo el cervice rufis ; lateribus capitis nigris; subtus viride flavus, ventre dilu- tiore, hypochondriis et crisso cinereo-flavidis ; alis et cauda subnigris ; remigum primariarum basi albida. Rostro nigro ; pedibus fuscis. Longueur totale, 18 centimètres. Cette espèce, que je crois encore inédite, provient de la Colombie et du Pérou. Elle a tous les caractères d’un petit groupe d'oiseaux de ces contrées, bien circonscrit, et au- quel appartiennent les Arremon schistaceus, pallidinuchus, albofrenatus, Boiss., et gutturalis, Lafr., ainsi que les £m- bernagra rufinucha et albinucha, D'Orb. Elle en formera donc la septième espèce (1), positivement distincte de toutes les autres, mais ressemblant beaucoup à plusieurs d’entre elles, et notamment à l'A. pallidinuchus, Boïss., et à VE, rufinucha, D'Orb. (1) Toutes les espèces ici mentionnées me sont bien connues. Mais je regrette de n'avoir pu me procurer lÆtlapetes pileatus, Wagl., type du genre, et l’AÆtl. rubricatus, Cab., que je n'ai jamais vus, et qui, bien que du Mexique, sembleraient appartenir au même genre que les sept autres espèces indiquées dans cet article. S'il en était ainsi, le genre Atlapetes se composerait aujourd'hui de ces neuf espèces. (155) Ce qui la distingue surtont de ce dernier, c'est l'absence de trait noir sur les côtés de la gorge, à la base de la man- dibule. Elle est différente du premier, notamment en ce que le roux du sommet de la tête est vif et uniforme, et qu’au lieu de se rétrécir, il s’élargit en descendant sur la nuque et sur la partie postérieure du cou. 10. NEMOSIA TORQUATA. Mas. N. supra, cum capite tolo , nigerrima ; semi-torque collari postico nitide flavo ; interscapulio medio, tergo, ju- qulo , pectore et hypochondriis nitide virescenti-flavis ; abdo- mine medio et crisso albidis; tectricibus alarum minoribus et mediis cyaneis ; remigibus et rectricibus nigris, cœruleo extus limbatis. Rostro corneo, mandibulæ basi pallida ; pe- dibus obscuris. Longueur totale, 11 ‘2 centimètres. La patrie de cette jolie espèce est la Nouvelle-Grenade. Elle a tous les caractères des vraies Némosies, avec un bec un péu plus mince et très-légèrement arqué. Ses cou- leurs sont plus vives et se rapprochent des teintes lustrées et brillantes qui décorent certaines espèces du genre Cal- liste, notamment la C. cyanoptera , Sw. 11. EUPHONIA LONGIPENNIS. Mas. E. nitens, viridis ; semi-lorque postico, uropygio et oculorum margine cyaneis; interscapulio et tergo cyaneo Mmaculatis; abdomine cum hypochondrüs et crisso lœtissime aureo-flavis ; remigibus rectricibusque nigris, viridi extus limbatis. Rostro nigro, basi cœrulescente : pedibus fuscis. ( 156 ) FEM. Interscapulio et tergo viridibus, absque maculis cyaneis; uropygio dilute cyanescenti-viridi; epigastrio et hypochondriis flavescenti-viridibus ; ventre et crisso flavidis. Longueur totale, 9 centimètres. Elle vient d’Antioquia, dans la Nouvelle-Grenade. Petite Euphone si voisine de l'E. viridis, Vieill., qu'il est difficile de la distinguer, lorsqu'on n’est pas à même de comparer des individus de l’une et de l’autre espèce. Toute- fois, elle me paraît suffisamment caractérisée par sa petite taille, la différence entre les deux étant d’un cinquième au moins, tandis que ses ailes et ses tarses sont comparative- ment plus longs, puisqu'ils ont la même longueur effective que ceux de l’autre espèce. Ainsi, à l’état de repos, dans . VE. longipennis, la pointe de la plus longue rémige atteint l'extrémité de la queue, tandis que dans VE. viridis , elle n'arrive pas même à la moitié de sa longueur. La Chlorophonia frontalis, Bp., ressemble aussi beau- coup aux deux espèces mentionnées ci-dessus; mais elle est moins difficile à reconnaître, parce qu'elle a toujours le front jaune et qu'elle n’a jamais le dos bleu. 12. EuPpHoNtA PLUMBEA. E. griseo plumbea, viridi micans; abdomine et crisso aureo- flavis. Rostro albicante, apice corneo ; pedibus cinereo-fuscis. Longueur totale, 8 ‘/2 centimètres. Habite la Nouvelle-Grenade. L'une des plus petites espèces du genre, sinon la plus petite, et que je crois inédite jusqu'à ce jour. Elle est très-facile à reconnaître à sa couleur uniformément grise partout , sauf sur le ventre. Sous ce rapport, elle rappelle ( 157 l'E. jamaïca, L.; mais elle en est très-diflérente par sa petite taille, et surtout par la forme et les proportions de son bec légèrement déprimé et qui ressemble beaucoup à celui de l'E, chlorotica. Nouvelles recherches sur la coloration des plantes; par M. Martens, membre de l'Académie. Depuis les premières recherches que j'ai publiées sur les couleurs des végétaux, dans les Bulletins de l'Académie, lu XX, 1% partie, pp. 197 et suiv., d’autres savants se sont occupés du même sujet el sont arrivés à des résultats ana- logues à ceux que j'avais déjà obtenus. Ainsi M. Filhol, daus une communication faite à l'Institut de France, en sa séance du 14 juillet 1854, a publié un fait curieux, à savoir que toules les fleurs blanches renferment un prin- cipe organique colorable en jaune par les alcalis (4); de sorle que les fleurs blanches jaunissent lorsqu'elles sont exposées à la vapeur ammoniacale. En répétant et en variant les expériences de M. Filhol, j'ai reconnu que le fait qu’il a annoncé était beaucoup plus (1) J'avais déjà entrevu ce fait lors de mes premières recherches sur la coloration chez les végétaux; car dans la notice que j'ai publiée à ce sujet, j'ai dit (pages 17, 26, 53, etc.) que dans beaucoup de fleurs on trouvait, à côté de la matière colorante dominante, un suc jaunâtre pâle, jaunissant très-fortement par les alcalis. D'ailleurs, Meyen avait avancé depuis long- teraps que les fleurs blanches jaunissent sous l’action des alcalis, parce qu’elles renferment une matière extractive se colorant en jaune à l'air et par les alcalis. (Pflanzen Physiologie , 1.1, p.44.) ( 158 ) général qu'il ne l'avait soupçonné, et que toutes les par- ties superficielles ou sous-épidermiques des plantes, tant celles qui sont herbacées que celles qui sont pétaloïdes, renfermaient ce principe colorant jaunätre, qui, selon moi, est le même que celui que j'ai découvert dans la couche sous-épidermique des feuilles du chou rouge. Voici quelques-unes des expériences qui m'ont conduit à cette conclusion. J'ai rempli de feuilles vertes et fraiches, prises sur di- verses plantes, un bocal en verre à large goulot, et j'y ai versé de l’éther, de manière que les feuilles fussent submergées. Au bout de trois jours de macération à froid, j'ai trouvé que l’éther avait expulsé des feuilles un sue aqueux d’une couleur jaunâtre pâle, tout en dissolvant la chlorophylle des feuilles avec laquelle il avait formé un liquide d’un vert intense. Le sue aqueux ayant été séparé par décantation du liquide éthéré vert, j'ai constaté qu'il prenait une couleur jaune d'or très-prononcée par l’addi- tion de quelques gouttes d’'ammoniaque, et qu'il perdait cette couleur lorsqu'on l’acidulait par de l'acide chlorhy- drique, pour jaunir de nouveau fortement en présence d'un excès d’ammoniaque. Ayant évaporé au bain-marie une partie du suc aqueux précédent, j'ai obtenu une ma- lière extractive d’un jaune pâle, jaunissant vivement à la vapeur de l’ammoniaque liquide et offrant la plus grande analogie avec la substance décrite sous le nom de æxan- theine, par MM. Fremy et Cloëz, dans le Journal de phar- macie et de chimie (1). (1) Ces savants ont reconnu que le jaune des fleurs est dû à deux principes immédiats, l’un insoluble dans l'eau, qu'ils appellent xanthine , l'autre so- luble, qu’ils nomment œantheine. Caventou avait déjà reconnu l’existence de ( 459 ) J'ai reconnu aussi qu'en triturant des feuilles vertes et fraiches dans un mortier en pierre, afin d'exprimer leur suc, et filtrant ce dernier pour retenir les granules de chlorophylle qui s'y trouvent, on obtient un liquide clair, légèrement jaunâtre, qui prend une couleur jaune d'or par l’addition de l’'ammoniaque et qui donne, par l’évaporation, la même substance extractive jaune que j'ai rencontrée dans le suc aqueux expulsé par l’éther d’autres feuilles vertes. Les feuilles contiennent donc un principe colorable en jaune par les alcalis, qui est sans doute le même que celui dont j'avais antérieurement constaté l'existence dans les feuilles de choux rouges ou roses et dans beaucoup de fleurs, notamment dans les fleurs bleues. (Martens, Recher- ches sur les couleurs des végétaux, pp. 15 et 17.) Pour vérifier jusqu’à quel point cette opinion était fondée, j'ai détaché avec précaution la pellicule purpurine superficielle des feuilles de chou rouge; j'en ai ensuite séparé la couche cellulaire incolore, immédiatement sous- jacente à la pellicule pourpre ou rouge, et ayant divisé ce tissu incolore en petits fragments, je les ai mis en macéra- es ces deux principes colorants dans les fleurs du Marcissus pseudo-narcissus. Berzelius avait aussi fait la remarque que l'anthoæanthine de certaines fleurs était résineuse et se dissolvait dans l’alcool, non dans l’eau ; tandis que celle d'autres fleurs était soluble dans l’eau et presque pas dans l'alcool anhydre. Moi-même j'ai constaté, depuis plus de 5 ans, que « la matière colorante » jaune se présente dans les plantes sous deux états, tantôt sous celui d’une » substance extractiforme très-soluble dans l’eau, d’un jaune pâle, prenant ” une couleur jaune intense par les alcalis....; tantôt sous la forme d’une » matière grasse ou résineuse, insoluble dans l'eau, ayant une couleur jaune » intense, que les alcalis et les acides dilués ne modifient pas notablement. » C'est cette dernière substance qui constitue la æanthophylle ou le jaune des feuilles automnales. (Recherches sur les couleurs des végétaux, p.55.) ( 1460 ) tion dans l'éther. Celui-ci, au bout de trois jours , en avait expulsé un suc aqueux peu abondant et incolore, mais qui se colorait en jaune par l’'ammoniaque et se décolorait de nouveau par l'acide chlorhydrique. Toutefois, je n’ai jamais pu obtenir ainsi isolément, en quantité notable, le principe colorant jaune des choux rouges; car ce prin- eipe n'existe que dans les cellules des couches superficielles du mésophylle de la feuille, très-voisines de celles qui con- tiennent le principe colorant bleu, rougi dans les choux par un acide; de sorte qu'il est presque impossible de sépa- rer mécaniquement les deux matières colorantes. Je suis même porté à croire que les cellules qui renferment le principe bleu sous forme de vésicules, comme on le voit au microscope (Recherches, elc., p. 36), contiennent par- lois, à côté de ces vésieules ou dans le liquide qui les entoure, un peu du principe colorable en jaune par les alcalis. C’est la présence de ce principe dans les infusions de chou rouge, à côté du principe bleu rougi par l'acide carbonique, qui fait que ces infusions se colorent en vert par les alcalis. Il m'a paru que le meilleur moyen de séparer dans les choux rouges le principe colorant jaunâtre du principe bleu, c’est d'enlever avec précaution la pellicule pourpre superficielle des feuilles de chou, et d'exprimer ensuite le suc du tissu parenchymateux sous-jacent, après l'avoir convenablement divisé et broyé dans un mortier de grès. Ce sue trouble et incolore ayant été soumis, pendant quel- ques instants, à une chaleur de 4100 pour en coaguler l’al- bumine, doit être ensuite filtré. On obtient ainsi un liquide elair qui jaunit légèrement pendant qu'on le concentre par évaporation ou quand on y ajoute de l'ammoniaque, et qui, après son évaporalion , laisse un peu de matière extrac- ( 161 ) tive jaune. Parfois ce suc ainsi obtenu contient encore des traces du principe bleu, et alors il se colore en rose ou rouge pâle par l'acide chlorhydrique. La grande difficulté que l'on éprouve à isoler le prin- cipe jaune du principe bleu dans les choux rouges, fait que le premier rougit en général par les acides, qualité qui w’est pas propre à l’authoxauthine elle-même, comme je l'avais pensé d’abord {Recherches sur les couleurs des végétaux), mais bien à la cyanine qui lui est associée, et dout les moindres traces donnent à l’eau la propriété de rougir par les acides. Le suc qui contient le principe extractif jaunâtre des feuilles est généralement d'autant plus coloré qu'il se trouve dans des cellules plus rapprochées de l'épiderme, comme si sa coloration était principalement due à l'action de l'air. Toutes les feuilles à couleur différente du vert, même celles qui sont étiolées ou accidentellement incolores, ren- ferment dans leur mésophylle le même principe extraetif, colorable en jaune par les alcalis et par loxygénation. Ayant laissé séjourner de l’éther sur des parties étiolées blanches tes feuilles fraiches d’un Pelargonium ribifolium , que j'avais entassées à cet effet dans un flacon, j'ai vu, au bout de trois jours, que l’éther en avait expulsé un suc aqueux légèrement jaunâtre. Ce sue prenait une couleur d'un jaune d'or par l’'ammoniague, et cette couleur jaune disparaissait en acidulant le liquide. L'évaporation du sue à fourni une matière extractive jaunâtre, semblable à celle que fouruit le suc filtré des feuilles vertes et présentant les mêmes réactions. L'éther avait pris aussi une couleur jaunâtre, qui devenait plus foncée par l'addition de l'am- moniaque, el il a donné, par son évaporation, un peu de ( 162 ) matière extractive jaunâtre, soluble dans l’eau, et dont la solution jaunissait vivement par un peu d’'ammoniaque et se décolorait par l'acide chlorhydrique. C'était évidemment le même principe colorant que celui rencontré dans le suc aqueux des feuilles, déplacé par l'éther. Il n’est donc pas étonnant que les feuilles étiolées blanches n'offrent jamais une couleur d’un blanc parfait, mais plutôt une couleur blanche légèrement jaunätre et passant rapidement au jaune lorsqu'on les expose à la vapeur de l’ammoniaque liquide. Le même principe colorant jaune se retrouve dans les feuilles à couleur pourpre foncée du Perilla nankinensis. Ces feuilles contiennent trois matières colorantes : 1° de la chlorophylle verte; 2° une matière colorante bleue (anthocyane) , faiblement rougie par un acide et occupant spécialement les cellules du derme; 5° le principe colo- rant jaunâtre ordinaire, logé à l’état de suc dans le méso- phylle. Après avoir entassé ces feuilles, récemment cueil- lies, dans un bocal allongé, je les ai recouvertes avec de l'éther, et après une macération de trois jours, j'ai trouvé l’'éther coloré en vert par la chlorophylle, et au fond du flacon se trouvait un peu de suc pourpre aqueux, rougis- sant faiblement le papier bleu de tournesol. Ce sue ver- dissait par l’ammoniaque, sans doute parce qu'à côté du principe colorant pourpre, que l'alcali fait passer au bleu, il s’y trouvait le principe jaunâtre, auquel l’'ammoniaque donne une couleur jaune foncé. | Si, au lieu de laisser macérer les feuilles pourpres du Perilla nankinensis avec de l'éther, on les met en macéra- tion dans l'alcool à 86 degrés centésimaux, celui-ci dissout toutes les matières colorantes des feuilles, en prenant toutefois la couleur verte de la chlorophylle, qui est domi- (163) nante. Si l’on délaye cette infusion alcoolique avec beau- coup d’alumine hydratée gélatiniforme, récemment pré- parée, elle se décolore, et en la filtrant au bout de quelque temps, on obtient un liquide limpide, en apparence incolore, mais contenant cependant un peu d’anthocyane, puisqu'il rougit sensiblement par l’addition d’un acide fort. Toutes les feuilles d’un rouge pétaloide ne contiennent pas, comme celles du Perilla ci-dessus, beaucoup de gra- nules de chlorophylle. Celle-c1 m'a paru manquer com- plétement dans les feuilles luisantes, à couleur rouge vive sur les deux faces, d’un Viburnum odoratissimum, Ker., cultivé dans les serres du Jardin botanique de Louvain sous le nom de Viburnum Orwatsi. Ayant laissé macérer ces feuilles rouges, découpées en pelits fragments , avec de l’éther, celui-ci en a expulsé un suc rouge et s’est coloré en jaune pâle sans aucun mélange de vert. Cette coloration jaune s’est foncée davantage par l'addition de l’ammoniaque et est devenue très-pàle en ajoutant de l'acide chlorhydrique. L’éther évaporé a laissé un résidu d’un blanc jaunâtre, dans lequel on reconnais- sait la présence de la xantheine par l’action des réactifs, et surtout erd’exposant successivement aux vapeurs ammo- piacales et acides. Le suc rouge, expulsé des feuilles par l’éther, a une faible réaction acide; sa couleur rouge devient plus intense par les acides, ce qui prouve qu'il contient de lantho- cyane; mais il renferme surtout beaucoup de xantheine, puisque l’ammoniaque lui donne une couleur brune ou d’un jaune très-foncé, masquant complétement la couleur de l’anthocyane. D'ailleurs, le principe bleu n’y existe probablement qu’en quantité très-minime, et le rouge de ces feuilles parait dériver principalement du jaune. ( 164 ) Nous retrouvons encore la xantheiïne ou l’anthoæanthine soluble dans les feuilles accidentellement jaunes, telles que celles du Croton pictum, cultivé dans nos serres pour la coloration jaune-doré de ses feuilles. Ayant découpé en fragments quelques-unes de ces feuilles et les ayant fait macérer dans un bocal allongé avec de l’éther, j'ai remarqué que l'éther en avait expulsé, au bout de 5 jours, un sue aqueux de couleur jaune, mais pâle, qui prenait une couleur janne très-intense par l'ammoniaque, et se déco- lorait ensuite, quand on l'acidifiait par l'acide chlorhy- drique. L’éther lui-même avait pris une couleur jaune et a donné, par son évaporation spontanée, une matière jaune solide, dont l’eau a séparé un peu de matière extrac- tive jaunâtre, se colorant en jaune foncé par l'ammo- niaque (c’est la xantheine), et dont le restant formait une matière Jaune graisseuse, dont la couleur ne se modifiait pas sensiblement par l’'ammoniaque et qui offrait les réac- tions de la æanthophylle de Berzelius ou de la æanthine de MM. Fremy et Cloëz, deux substances renfermant , selon moi , le même principe colorant. Pour examiner s’il y avait quelque différence essentielle entre la couleur jaune, naturelle aux feuilles précédentes, et celle des feuilles ordinaires qui sont devenues jaunes par les progrès de la végétation ou par l’état maladif qui les fait dépérir peu de temps avant leur chute naturelle, J'ai pris des feuilles d’un Erithrina caffra qui avaient con- tracté, par l'effet de leur dépérissement, une couleur d’un beau jaune-citron et étaient sur le point de se détacher de la plante. Les ayant mises en macération avec de l’éther pendant trois jours, j'ai obtenu : 4° une solution éthérée jaune; 2 un suc aqueux d'un jaune un peu rougeûtre, sous-jacent à l’éther. La couleur jaune de ce sue s’est fon- ( 165 ) cée considérablement par lammoniaque, et en y ajoutant ensuite de l'acide chlorhydrique en excès , il s’est presque entièrement décoloré. Le liquide éthéré jaune, ayant été additionné d’un peu d'eau ammoniacale, a laissé précipiter une substance jaune, dont ni l’ammoniaque ni l'acide chlorhydrique ne modifiaient sensiblement la teinte : c'était de la xanthine ou æantophylle, que j'ai obtenue également, en laissant s'évaporer la teinture éthérée jaune. Le résidu de cette évaporalion cédait toutefois à l’eau un peu de matière colorable en jaune par les alcalis; il renfermait donc encore de la æantheine. Une seule macération avec de l'éther n’enlève générale- ment pas aux feuilles jaunes toute la xantheine qui s'y trouve. Ainsi, en faisant digérer avec de l’eau froide les feuilles jaunes, qui avaient déjà été épuisées en partie par une macération préalable avec de léther, on obtient des solutions d'un jaune très-pàle, mais jaunissant vivement par l'addition d'un peu d’ammoniaque er se décolorant ensuite quaud on les acidule par l'acide chlorhydrique. Les feuilles ordinaires qui ont pris cette couleur jaune avant leur,ghute naturelle ou spontanée se sont compor- lées, sous ce rapport, de la même manière que celles qui vit une couleur naturellement jaune, comme les feuilles Jaunes du Croton pictum. Les solutions aqueuses de ces deux espèces de feuilles ont douné, par l'évaporation , des malères extractives semblables, de couleur jaunâtre, et présentant les mêmes réactions avec les acides et les alcalis. On voit, par ce qui précède, que la coloration jaune uaturelle à certaines feuilles est due aux mêmes principes colorants que ceux qui déterminent le passage du vert au ( 166 ) jaune dans les feuilles à l’arrière-saison. C'est ce qu'il est encore facile de constater avec nos feuilles jaunes autom- nales ordinaires. Ayant cueilli, à la fin de décembre 4854, sur des rosiers de Provence en plein air, un certain. nombre de feuilles jaunes, offrant aussi, dans une partie de leur étendue, la coloration rouge qui succède souvent au jaune, je les ai découpées et mises en macération dans un bocal avec de l’éther. Celui-ci s'était coloré fortement en jaune au bout de quatre jours et avait expulsé des feuilles un peu de suc jaune-brunâtre, neutre aux papiers réactifs. Ce suc, étendu de 5 à 6 fois son volume d’eau, offrait encore une couleur jaune Lrès-marquée, qui est devenue beaucoup plus foncée et a passé au brun par l'addition d’un peu d’ammoniaque. En ajoutant ensuite de l’acide chlorhydrique en excès, le liquide s’est presque décoloré complétement, sans offrir aucune trace de coloration rouge. L'absence de cette der- nière couleur, en présence des acides, devait me porter à conclure que les taches rougeñtres, observées à la surface des feuilles hivernales du rosier, ne pouvaient dériver du principe bleu, mais devaient se rattacher, au contraire, à l’anthoxanthine ou au principe jaune, et résulter de Pal- tération que peut éprouver à la longue ce principe colorant par l’action simultanée de la lumière et de l'oxygène (1). Le rouge de ces feuilles est du rouge xanthique, mêlé à (1) Meyen a fort bien observé ce passage du jaune au rouge, puisque l’on voit, dit-il, dans plusieurs cas, la coloration rouge se produire dans les mêmes cellules qui renfermaient le principe jaune (fleurs du Cheiranthus Cheiri), et surtout dans les cellules les plus superficielles, sans doute parce que la xantheine y est le plus exposée à l’action de l'air. (Weues System der Pflanzen Physiologie, t. 1, 187.) Berzelius avait observé aussi que le rouge des feuilles automnales ne provenait pas généralement du bleu. Fr ( 167 ) lanthoxanthine dans le suc jaune que l'éther avait déplacé des feuilles (1). La teinture éthérée jaune, évaporée spontanément à l'air, a laissé pour résidu une matière solide jaune, dont l’eau à extrait une partie soluble, jaunâtre, formant avec elle une solution peu colorée, qui a pris une couleur jaune intense par l'ammoniaque. Cette solution a laissé, après lévaporation, une matière extractive d’un jaune légère- ment brunâtre, prenant une couleur jaune plus foncée quand on l'expose aux vapeurs ammoniacales. Cette ma- tière extractive, étendue en pellicule mince à la surface d’une capsule de porcelaine, a pris une couleur plus intense, légèrement rougeâtre, par une exposition de quel- ques jours à l'air. Les acides chlorhydrique et sulfurique concentrés lui ont aussi donné une couleur jaune plus intense, propriété que possèdent également la xantho- phylle et même le morin. La partie colorante insoluble dans l'eau s’est présentée sous forme d’une poudre jaune, qui, vue au microscope avec un grossissement de 200 fois au moins, m'a offert l'aspect de globules jaunes, analogues à ceux de la chlo- rophylle jaune des feuilles automnales, mais un peu plus petits; de sorte que ia xanthophylle semble posséder une propriété analogue à celle de l’amidon, qui, dissous ou liquéfié avec de l’eau à 150°, peut, par le refroidissement, reprendre sa forme globulaire ou se séparer de l’eau en très-petits globules. (1) Dans mes premières recherches sur les couleurs des végétaux, je n'avais pas obtenu de suc aqueux jaune, en faisant macérer avec de l’éther des feuilles jaunes automnales; mais je n'avais employé alors que des feuilles sèches, ce qui explique la différence des résultats obtenus. ToME xx, — 1° PART. 12 ( 168 ) Il résulte des expériences précédentes que toutes les parties herbacées des plantes, même celles qui sont acci- dentellement pétaloïdes, renferment un principe colorant jaunètre, dissous dans le suc des cellules voisines de l'épi- derme, Ce principe est sans doute le point de départ des couleurs xanthiques, puisqu'il prend une couleur jaune intense sous l'influence des alcalis, et peut-être même par la seule action de l'oxygène et de la lumière sous l'influence de la végétation. C’est lui probablement qui produit la substance extraclive jaune où fauve, que l’on trouve si fréquemment associée à d’autres matières colorantes orga- niques dont elle altère les nuances ou la pureté , comme dans la garance , dans le carthame, ete.; c'est encore lui qui semble donner naissance à toutes les substances colo- rantes jaunes employées en teinture, telles que le morin, la lutéoline, le jaune de curcuma ; car toutes ces matières prennent une couleur jaune plus foncée par les alcalis. Si ceux-ci teignent en brun le cureuma, c’est que ce brun n'est que du jaune plus foncé, comme on peut s’en assurer en éteudant la liqueur d’eau. Ces substances jaunes, et entre autres le morin, tendent aussi à rougir, Comme on sait, sous l'influence de l'oxygène; nouvelle analogie avec le jaune des feuilles et des fleurs; ce qui explique l'origine du rouge æanthique dans les plantes et montre que la cou- leur rouge ne procède pas toujours du bleu par acidifica- ion, comme on l'avait pensé généralement. Si nous examinons maintenant, au point de vue de la coloration, les fleurs ou les corolles, nous y retrouvons le même principe colorant jaunâtre, tantôt isolé, comme dans les fleurs blanches, tantôt associé à une autre cou- leur, soit cyanique, soit xanthique. Ainsi toutes les fleurs blanches, celles des camellia ( 169 ) blancs, des roses blanches, des aster blancs, des Verbena blancs, jaunissent vivement dans la vapeur ammoniacale, et perdent cette couleur lorsqu'on les porte ensuite dans la vapeur d'acide chlorhydrique. Ayant laissé macérer des pétales blancs et frais du Camellia axillaris avec de l'éther, celui-ci en a expulsé, au bout de quelques jours, un suc aqueux d’un jaune pâle qui jaunit avec intensité quand on y ajoute une goutte d’am- moniaque liquide, et se décolore ou reprend sa couleur primitive quand on l’acidule par de l'acide chlorhydrique. Ce suc présente absolument les mêmes caractères que celui que, par un procédé analogue, Pai retiré des feuilles étio- lées ou décolorées; il donne, par évaporation, la même substance extractive incristallisable, et l'éther lui-même contenait un peu de ce principe colorant en dissolution, comme je m'en suis assuré en l’évaporant. Le résultat de la macération des fleurs blanches de camellia dans léther, comme aussi celui que m'ont donné des roses blanches, a élé exactement semblable, au point de vue des principes colorants, à celui que m'ont fourni des feuilles étiolées ou accidentel'ement décolorées. En opérant de la même manière avec des pélales de roses d'un blanc légèrement rougeätre, j'ai obtenu, au fond de la solution éthérée, un suc à couleur de rose ou d’un rouge pâle, prenant une couleur fauve ou jaune rougeâtre par un peu d’'ammoniaque et une couleur rouge franche par de l’acide chlorhydrique. Il y avait donc ici, outre le prin- cipe colorable en jaune par les alcalis, un peu de matière colorante différente, L’éther employé ne contenait que le principe jaune, qui est à la fois soluble dans l’eau et dans Véther, à l'instar de la xautheine de MM. Frémy et Cloëz, à laquelle il se rattache manifestement. ( 170 ) Si au lieu de prendre des fleurs blanches pour les sou- mettre à la macération, soit avec l’éther, soit avec l'alcool ou avec l'eau, on prend des fleurs colorées, on trouve généralement, à côté de la matière colorante dominante, le même principe jaunâtre, colorable en jaune d’or par les alcalis et que nous continuerons de désigner sous le nom de æœantheine où d'anthoxanthine. Voilà pourquoi la plupart des fleurs bleues verdissent par la vapeur de l’am- moniaque , le vert provenant ici du mélange du bleu avec le jaune produit par l’alcali. Ces mêmes fleurs rougissent par les acides dilués, qui font pälir le jaune et impriment une couleur d’un rouge vif au principe -bleu. Les fleurs purpurines de divers aster, dont la couleur rouge, mêlée au bleu (ce qui constitue le pourpre), appartient à la série cyanique, verdissent de même dans la vapeur de l’ammo- niaque et rougissent dans celle de l'acide chlorhydrique. Les fleurs du Verbena chamædrifolia à couleur rouge écar- late verdissent également par l’ammoniaque, qui bleuit le rouge cyanique en même temps qu'il jaunit la xantheine. Ce qui montre, d’ailleurs, que ce dernier principe colorant existe dans ces fleurs à côté du rouge, c’est que, d'après les observations de M. Filhol (Comptes rendus de l'Acade- mie des sciences de Paris, 1. XXXIX, p. 190), l’infusion alcoolique rouge des fleurs en question donne, avec l’alu- mine hydratée, une laque jaunâtre, et le liquide qui sur- nage cette laque rougit par les acides et bleuit par les alealis. L’alumine avait donc entrainé avec elle l’anthoxan- thine et laissé en dissolution la majeure partie de l’antho- cyane ou de la cyanine. Cette observation de M. Filhol m'avait porté à croire qu'à l’aide de l’alumine hydratée gélatiniforme, on parviendrait à séparer, dans l'infusion aqueuse des feuilles de chou rouge, le principe colorant (AT ) jaune du principe bleu; mais quoique j'aie employé un excès d’alumine gélatineuse, le liquide filtré, même en apparence incolore, verdissait encore légèrement par l'am- moniaque et rougissait sensiblement par l'acide chlorhy- drique; ce qui montre qu'il restait encore en dissolution tant soit peu de cyanine et de xantheine. J'ai alors ajouté à l'infusion de chou rouge de l’oxyde de plomb hydraté, précipité d'une solution d’acétate de plomb par la potasse ; j'ai obtenu une laque verdàtre, rougissant vivement par les acides, et le liquide filtré était parfaitement incolore et n'offrait plus de traces de matière colorante. Voulant séparer de cette laque les matières colorantes qui s’y trou- vent , je l'ai délayée avec un peu d’eau et l’ai soumise à l’action d’un courant d'hydrogène sulfuré, jusqu’à ce qu'il y eût excès de ce dernier; j'ai ainsi séparé tout le plomb à l'état de sulfure noir, et comme la cyanine ou l’antho- eyane se laisse décolorer par l'hydrogène naissant, j'avais soupçonné que l'hydrogène sulfuré produirait à fortiori le même résultat, et que je pourrais ainsi obtenir isolément le principe colorant jaune ou la xantheine. Toute la bouil- lie noire.a donc été jetée sur un filtre; mais le liquide filtré était incolore et ne se colorait pas même sensible- ment par l’ammoniaque; toutefois , l'ayant concentré jus- qu'au 10° de son volume, il a pris une faible teinte jau- nâtre, qui est devenue un peu plus foncée par l’addition de l’ammoniaque; il ne contenait donc pas de xantheïne en quantité notable, soit que cette substance ait été altérée, aussi bien que la cyanine par l'hydrogène sulfuré; soit qu'elle soit restée incorporée au sulfure de plomb; mais cette dernière supposition est peu vraisemblable, puisque le sulfure plombique, mis en macération, à une douce chaleur, avec de l’ammoniaque liquide, ne lui a pas cédé de matière colorante. ( 172 ) Il n’est pas inutile de faire observer ici que le principe colorant jaune se forme et se rencontre ordinairement dans des cellules moins superficielles que le principe bleu; c'est ce qui se voit surtout dans les feuilles de chou rouge, et ce que l’on peut également constater dans beaucoup de fleurs où la couleur bleue et ses dérivés font souvent partie des cellules du derme, tandis que les couleurs xanthiques appartiennent aux couches cellulaires sous-épidermiques. Meyen avait déjà constaté ce fait. (Voir Neues System der Pflanzen Physiologie, 1. 1”, pp. 187 et 188.) Je n'ai jusqu'ici rencontré aucune fleur bleue qui ne renfermäl en même temps le principe colorable en jaune par les alcalis, Les pétales de bleuet en renferment manifestement; aussi le principe bleu qu'en ont extrait MM. Frémy et Cloëz et auquel ils ont donné le nom de cyanine, verdit-il, par les alcalis, parce qu'il contient de la xantheine, qui, étant incristallisable comme la cyanine et soluble comme elle dans l’eau et dans l’alcool, ne pouvait pas s'en séparer dans le procédé de préparation employé par les deux savants chimistes français. Je ferais remar- quer aussi que la cyanine de ces savants n’est autre chose que l’anthokyane de Marquart et de Berzelius, puisqu'elle possède tous les caractères qui ont été assignés à celte dernière substance. Il est facile de constater la présence de la xantheine dans les fleurs bleues, en les laissant macérer dans de l’éther qui dissout une partie de la xantheine et en expulse une autre portion à l’état de suc jaune, si les fleurs em- ployées sont fraîches et par suite aqueuses. C’est ce qu’on remarque, notamment , avec la variété à fleurs bleues du Verbena chamædrifolia, comme aussi avec les fleurs bleues de l’Eranthemum striclum. ( 178 ) Une circonstance qu'il ne faut pas perdre de vue pour expliquer quelques phénomènes de coloration, c’est que la couleur rouge que prend la cyanine par les acides est beaucoup plus intense que la teinte bleue qui lui est pro- pre; de sorte que de très-faibles solutions de cyanine, dont la coloration bleue est à peine appréciable à l'œil, pren- nent une couleur rouge assez vive lorsqu'on les rend acides; aussi les Verbena chamædrifolia à fleurs bleues ne donnent- elles jamais, par leurs corolles, des infusions aussi colo- rées que les verveines à fleurs écarlates, et lorsqu'on vient à neutraliser l'acide contenu dans ces dernières par un peu de vapeur ammoniarale, leur teinte devient beaucoup moins intense en bleuissant. Il n’est pas rare d'obtenir avec des fleurs bleues des infusions tellement faibles qu'elles paraissent incolores, ce qui lend à faire eroire que la solution ne contient pas de principe bleu; mais l’existence de ce principe devient manifeste lorsqu'on le rougil par un acide ou lorsqu'on concentre fortement la solutiou par évaporation. Les couleurs rouges les plus vives des fleurs contiennent généralement du rouge cyanique et ne consistent souvent qu'en cyanine ou anthocyane, rougie par un acide; aussi les fleurs bleues et entre autres celles de certaines variétés de Verbena chamædrifolia n’offrent-elles pas la moindre réaction acide, tandis que les fleurs rouges d’autres variétés de cette espèce sont constamment acides, comme on s’en assure en les comprimant entre des feuilles de papier bleu de tournesol légèrement mouillées. De même l’éther qu'on fait macérer avec ces fleurs rouges, fraichement cueillies, en expulse, au bout quelques jours, un peu de suc rouge à réaction acide; mais ce suc contient beaucoup de xan- theine, car en le neutralisant, il verdit, et si on y ajoute de l'ammoniaque en excès, il devient d’un jaune foncé; ( 174 ) c'est que la xantheine masque alors complétement le prin- cipe bleu. Les fleurs rouges de verveines décolorées dans l’éther n'ont pas encore perdu toute leur xantheine:; car elles jau- nissent encore, comme les verveines blanches, à la vapeur de l'ammoniaque. Toutes les fleurs rouges de la série cyanique renferment beaucoup de xantheine, colorable en jaune par les alcalis. Ainsi les roses rouges fraiches se décolorent dans l’éther en laissant échapper beaucoup de suc rouge faiblement acidulé, qui, par un excès d'ammoniaque, devient d'un jaune brun intense, et prend une couleur rouge des plus vives en l’acidulant par l'acide chlorhydrique ; c’est que ce dernier acide, en rougissant avec intensité la cyanine, dé- colore presque le jaune produit par lammoniaque, tandis que celui-ci produit avec la xantheine une coloration jaune si vive qu'elle masque la couleur de la cyanine. L’éther lui-même qui à macéré avec les roses rouges tient en dis- solution un peu de xantheine, mais pas de cyanine qui, comme on sait, y est insoluble et se décolore, du reste, par l’action de l’éther. Les pétales rouges du Rudbeckia serotina se comportent dans l’éther comme les roses rouges de Provence. Ils se décolorent complétement dans ce liquide, qui prend une teinte jaune par la dissolution d’un peu de xantheine et expulse des pétales un suc rouge légèrement acide, qui, par l'addition lente et successive de l’ammoniaque, passe d'abord au bleu, puis au jaune brun et reprend une cou- leur rouge vive quand on l’acidule par l'acide chlorhydri- que. Le rouge de ces fleurs est donc encore du rouge cyanique. Il en est de même du rouge des fleurs de Fuchsia, qui, du reste, bleuissent à la vapeur de lammoniaque, et qui xls I cL DOS ( 475 ) ont une réaction acide, comme on s’en assure en les com- primant pendant vingt-quatre heures entre des feuilles de papier bleu de tournesol mouillées. Nous pouvons en dire autant des pétales roses du Po- tentilla nepalensis, comme des pétales purpurines de l’Ane- mone japonica, qui toutes renferment du rouge cyanique et, en même temps que ce dernier, de l’anthoxantine peu colorée, mais très-colorable en jaune par les alealis. Les fleurs rouges de l'Erythrina crista galli contiennent encore du rouge cyanique ; car elles bleuissent à la vapeur de l'ammoniaque et rougissent vivement à celle de l'acide chlorhydrique. Ces fleurs renferment moins de xantheine que la plupart des autres fleurs rouges, comme on s’en assure en les mettant en macération avec de l’éther; toute- fois , le suc aqueux rouge que l’éther en expulse prend une couleur rouge fauve, légèrement jaunàâtre, par un excès d'ammoniaque, preuve qu’il existe dans ce suc de la xan- theine mêlée à du rouge cyanique et probablement aussi à du rouge xanthique. Toutes les fleurs rouges ne proviennent pas, comme on l'a dit mal à propos, de l'action des acides sur la eyanine ou l’anthocyane. S'il en était ainsi, elles appartiendraient toutes à la série cyanique; mais ce qui montre que c’est là une erreur, c'est qu'il a été constaté par l'observation que . le jaune peut passer lentement au rouge dans les plantes sous l’influence de l'oxygène et de la lumière; cela se remarque même, en dehors de toute influence vitale, sur le morin et d'autres matières jaunes tinctoriales. Toutes les fleurs jaunes dont la durée se prolonge pen- dant plusieurs jours, de même que les feuilles automnales jaunes, qui restent attachées aux plantes, finissent généra- lement par rougir ou par prendre une teinte rougeûtre, et alors elles renferment du rouge xanthique qui s'est déve- ( 176 ) loppé aux dépens du principe jaune. L’éther dans ce cas en expulse un suc plus ou moins rouge, nullement acide, que l’'ammoniaque ne bleuit, ni ne verdit. D'ailleurs les fleurs qui ne renferment que du rouge xanthique ne changent pas sensiblement de teinte dans la vapeur ammoniaeale et ne prennent pas de coloration rouge plus intense par Îles acides; c’est ce qu'on remarque. entre autres, sur les fleurs rouges du Zauschneria californica. Comme toutes les fleurs renferment généralement de la xantheine, ou du moins le suc colorable en jaune par les alcalis, on ne trouve pas souvent des corolles dont la cou- leur soit exclusivement restreinte à la série cyanique; mais eu égard à l’altérabilité du principe bleu, il ne sera pas rare de trouver des fleurs dont la couleur appartienne ex- clusivement à la série xanthique, c'est ce que l'expérience confirme. D’après cela, on ne doit pas s'étonner de ren- contrer, dans le même genre de plantes, des fleurs à cou- leur bleue et des fleurs à couleur jaune, témoin les Linum. De même plusieurs fleurs rouges pourront renfermer à la fois du rouge xanthique et du rouge cyanique. Telles sont les fleurs de coquelicot. On explique ainsi comment l'in- fusion aqueuse ou alcoolique de ces fleurs peut rougir plus vivement par l’action des acides et prendre une couleur d'un violet pourpre (mélange de rouge et de bleu) par l’'ammoniaque, qui fait passer au bleu le rouge cyanique, sans modifier sensiblement le rouge xanthique. C’est parce que les plantes nous offrent deux espèces de coloration ronge à origine très-distinete , que les chimistes ont , depuis longtemps, reconnu que les couleurs rouges dans les fleurs étaient dues à deux matières colorantes très- différentes : l’une, se rattachant à la cyanine, est soluble dans l’eau, très-altérable et décolorable par désoxygénation:; l’autre, se rattachant aux couleurs jaunes, est beaucoup plus PERTE D PR en or LE TS (#73 ) . fixe, souvent insoluble dans l’eau ou de nature résineuse et ne pouvant guère passer qu’au jaune par désoxydation. On a trouvé aussi, à la vérité, une certaine différence entre les principes colorants jaunes des fleurs, l'un étant soluble dans l’eau et l’autre ne l'étant pas; mais ces diflé- rences semblent dues d’une part, à ce que le principe soluble ou la xantheine peut en s’oxygénant , surtout sous l'influence des alcalis, prendre une couleur jaune plus foncée, et d'autre part, à ce qu’elle s'associe souvent inti- mement à une matière grasse qui la rend insoluble dans l'eau. Aussi la substance jaune insoluble, que MM. Fremy el Cloëz ont appelée xanthine, me parait dériver constam- ment de la xantheine , avec laquelle elle est presque tou- jours mélangée dans les fleurs jaunes, comme on peut s'en assurer en soumettant ces dernières à l’action de divers dissolvants. Ayant laissé macérer avec de l’éther les fleurs jaunes de divers Helianthus, récemment cueillies, j'ai obtenu au-dessous de l’éther une mince couche d’un liquide aqueux de couleur jaune fauve, prenant une couleur jaune beaucoup plus inteuse par l'ammouiaque et par les acides minéraux concentrés. Ce liquide contenait de la xantheine. L'éther lui-même avait pris une couleur jaune; mais le résidu jaunàtre solide qu'il a donné par son évaporation, après avoir élé lavé avec un peu d’eau, ne changeait pas de couleur ni de teinte par l’ammoniaque; c'était de la xanthine, soluble dans l'alcool, non dans l'eau. Les pétales jaunes de divers Rudheckia m'ont donné des résultats semblables. En laissant macérer les fleurs jaunes en question avec de l’eau, même après avoir été épuisées en partie par l'éther , j'ai obtenu toujours des solutions jaunâtres, don- nant, par l’évaporation, une substance extractive plus ou (478 ) moins jaune, ayant tous les caractères de la xantheine. I y a donc dans les fleurs jaunes généralement deux prin- cipes colorants, dont l’un est extractiforme, soluble dans l'eau, souvent peu coloré, mais se colorant en jaune foncé par les alcalis, par les acides minéraux concentrés et même par simple oxygénation. Outre le principe jaune extractiforme , peu soluble dans l'éther et dans l'alcool, il y en a un autre de nature grasse ou résineuse beaucoup plus soluble dans l’éther et dans l'alcool, mais insoluble dans l'eau, dont la couleur, géné- ralement plus foncée, ne se modifie guère par les alcalis et par les acides, et que l’on rencontre ordinairement dans les fleurs très-jaunes, qui lui doivent surtout leur couleur, plutôt qu'à la xantheine qui l'accompagne. Déjà Marquart avait fait la remarque qu’à côté du prin- cipe jaune ordinaire des fleurs se trouvait une matière extraclive peu colorée, se colorant en jaune à l'air (4) et qui n’est autre chose que notre xantheine, tandis que le principe jaune insoluble constitue la xanthine ou la xanthophylle. C’est à la xantheine que se rattache la matière extrac- tive jaunâtre des fleurs, à laquelle Meyen croit pouvoir rapporter l'origine de toutes les substances colorantes de celles-ci; mais 1} me paraît bien diflicile d'admettre que la xantheine puisse donner naissance aux couleurs bleues comme elle donne naissance aux couleurs jaunes. En tout cas, sa coloration primitive est tellement faible, qu’elle peut exister dans les fleurs blanches sans leur imprimer la moindre couleur; ce qui, au reste, tient aussi souvent à la présence de l’air dans le tissu de ces fleurs. D'ailleurs, les fleurs blanches tendent généralement à passer au jaune (1) Meyen, Veues System der Pflansen Physiologie, t. 1, pp. 445 et 446, ( 179 ) lorsque leur durée se prolonge, et surtout lorsqu'elles com- mencent à se flétrir. Il me paraît résulter des observations qui précèdent : 4° Que toutes les plantes élaborent dans les cellules de leur parenchyme sous-épidermique un suc jaunâtre pâle qui tend à prendre une couleur jaune de plus en plus foncée par l’oxygénation, surtout sous l'influence des alcalis et de la lumière ; 2 Que le principe extractif colorant, contenu dans ce suc, peut, en se modifiant diversement par l’acte de la végé- tation ouen s’associant à des substances grasses qui le ren- dent insoluble, produire les diverses couleurs jaunes des feuilles et des fleurs, couleurs qui peuvent passer au rouge dans les plantes sous l'influence prolongée de la lumière et de l'oxygène; 9° Que le même principe extraelif, que nous avons appelé æantheine , coexiste généralement dans les plantes avec d’autres matières colorantes, et notamment avec le principe bleu ou l’anthocyane, qui, ne pouvant guère être obtenu à l’état isolé, tend, par cela même, à verdir par les alcalis qui jaunissent la xantheine; 4° Que les couleurs de la série cyanique sont générale- ment accompagnées dans les fleurs de couleurs xanthiques et que celles-ci, à raison de l’altérabilité du principe bleu ou de son défaut de production, se rencontrent souvent isolément dans les plantes et y prédominent généralement. M. Quetelet donne lecture d’une Notice sur François- Dominique Arago; cette notice sera imprimée dans l’An- muaire de l’Académie pour 1855. Re (180 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 5 février 1855. M. LeccercQ, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le baron de Gerlache, le chanoine de Ram, Gachard, Bor- gnet, le baron Jules de Saint-Genois, Paul Devaux, P. De Decker, Schayes, Snellaert, Haus, Polain, Baguet , mem- bres; Nolet de Brauwere Van Steeland, associé; Arendt, Serrure, Ad. Mathieu, Chalon, correspondants. MM. Stas, membre de la classe des sciences, Alvin et Éd. Fétis, membres de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet la copie du manu- serit original de Van Maerlant, intitulé : Alexander, qui se trouve à Munich; cette copie, acquise pour l’Académie royale de Belgique, est remise à la commission chargée de ( 181 ) la publication des anciens monuments de la littérature fla- mande. Une seconde lettre de M. le Ministre de l’intérieur an- nonce que le gouvernement des Pays-Bas à bien voulu autoriser la communication des deux manuserits de Vau Maerlant, Naturen-Bloemen et le Rymbybel. Toutefois ce dernier manuscrit ne pourra être envoyé immédiatement, parce qu'il est en ce moment l’objet d'une publication spéciale qui se fait en Hollande. — M. le Ministre de l’intérieur fait connaitre que cinq des quatorze candidats proposés par l’Académie pour faire partie du jury chargé de décerner le prix quinquennal de liliérature flamande, se sont récusés pour différents mo- uifs, et 11 exprime le désir que la classe supplée à cette lacune par cinq propositions nouvelles. Il a été accédé aux désirs de ce haut fonctionnaire. — Îl est donné lecture d’une leurre de M. Alexandre Vatiemare, directeur de l'agence centrale des échanges internationaux, au sujet de l'échange de publications avec les sociétés américaines. — M. le chanoine de Ram, membre de l’Académie, fait hommage de l'Annuaire de l’université catholique de Louvain, pour 1855; M. Quetelet fait également hommage de la Notice biographique, qu'il vient de publier, sur le baron de Stassart. — M. le secrétaire perpétuel fait connaître qu'il n’a reçu de réponse qu'a une seule des cinq questions mises au concours de 1855 par la classe des lettres. Le mémoire qu’il a reçu répond à la question : (18 ) Tracer un tableau historique et politique du règne de Jean [°, duc de Brabant. Il porte l'épigraphe : Dieu, ma patrie et mon roi. (Commissaires : MM. Schayes, lc chanoine de Ram et le baron de Gerlache.) RAPPORTS. M. le Secrétaire perpétuel annonce que la commission administrative de l’Académie s’est réunie , avant la séance, pour régler différentes affaires d'ordre intérieur et pour arrêter les comptes de 1854, ainsi que le budget de 1855. Les résultats des dernières opérations seront communi- qués, quand ils auront été approuvés successivement par les commissions spéciales de finances des trois classes de l’Académie. — L'ordre du jour appelle l'examen et la discussion du rapport sur l'encouragement de la littérature et de lart dramatique. MM. Gaéhard, P. Devaux et Quetelet, rap- pellent successivement les principaux arguments qui ont été émis dans la séance précédente, pour et contre le projet de la commission nommée par les classes des lettres et des beaux-arts. Après une longue discussion , à laquelle la plupart des membres prennent part, la majorité admet en principe : 1° Que des primes d'encouragement seront accordées aux auteurs d'œuvres dramatiques musicales , à condition d’être représentées sur un théâtre régulièrement organisé; ( 485 ) 2 Qu'il n’y aura pas de primes spéciales pour les auteurs d'œuvres dramatiques littéraires. Par suite de ces deux propositions, on supprime les articles 5, 4 et 5 du projet de la commission mixte rela- tivement au tarif des primes à accorder. Ou maintient l’art. 6 ainsi conçu : « Un prix quinquennal sera institué pour la composi- tion dramatique , à l'exemple de ceux qui ont été établis, pour les sciences et la littérature, par l'arrêté royal du 6 juillet 1851. » Deux membres auraient désiré voir demander des en- couragements en faveur de la musique de symphonie et de la musique d'église. La majorité a pensé qu’il était plus convenable de laisser l’initiative d’une pareille demande à la classe des beaux-arts. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Les docteurs de la faculté de théologie de Louvain et le duc d'Albe en 1575; par M. le chanoine de Ram, membre de l’Académie. Dans le discours prononcé à la dernière séance publique de la classe des lettres (1), nous avons mentionné un fait relatif au rappel du duc d’Albe. Le docteur Vande Velde a été le premier à faire con- (1) Bulletins de l’Académie , t. XXI, pp. 334-405. Tome xx11. — [" PART. : 15 (184) paitre ce fait qui honore la faculté de théologie de Louvain. Dans son Synopsis Monum., t. [, p. 122, il s'exprimede la manière suivante : Dux Albanus posiquam regis nomine per annos sex integros Belgium adininistrasset, 18 decem- bris 1573 hinc discessil, quinque fere mensibus antequam secunda synodus (4) iniretur.. Albanum , ob \asperitatem animadversionis ac iminodicas exactiones Belgis summopere invisum , Philippus rex in Hispaniam evocaverat, Ludo- vicum de Requesens et Zuniga, majorem Castilliae com- mendatorem, ad has provincias administrandas ejus, loco miltens. Non possumus hac occasione non memorare, quum nusquam alibi ejus rei exæstet memoria, illustre S. Facul- Latis Theologicae [actum , quod ejusdem Actis inscriptum ipsi nos quondam legimus : videlicet collegii illius Regen- tes (2), severa silent lege, jurisjurandi religione sibi ünpo- sita, quum in maximum jam odium Albanus pervenisset , de administratione ejus per literas ad Philippum regem querelas detulisse, eumque rogasse, ut hunc qubernatorem, non inutilem modo reipublicae, sed noxium magis, de provincia depelleret. C'est ainsi qu'un des théologiens les plus savants de la fin du dernier siècle parle de la part prise par ses col- lègues du XVI" siècle au rappel du due d’Albe. Dans le u DIE, pp. 4025 et 1026 de l'ouvrage cité, il y revient encore et donne l'extrait suivant des actes de la faculté de théologie : In aclis decanatus Joannis Molani ad 20 maù anni 1375 haec habentur : Domini inceperunt nonnihil sub juramento tractare, quod suo tempore Actis inscribelur, (1) Le second concile provincial de Malines célébré à Louvain, au collége de Savoie, le # mai 1574. Voyez Synodicon Belg., t. 1, p. 169 et suiv. (2) Les docteurs-régents de la faculté de théologie. ( 185 ) Domini sub juramento, ut calamitatibus patriae succurre- rent , per literas indicarunt Regiae Majestali statum miserum patriae, el expedire ut pro Albano alius qubernator mit- tatur. Harum literarum non fuit conscius Notarius facul- tatis (1); sed omnes et singulimagistri Facultalis eis subscrip- serunt, quia res erat magni momenti. Et Decanus (2) cum Senensi (5) curarunt sic literas mitti, ut non esset periculum interceptionis. Constat autem eas Regiae Majestati dalas esse in manus. Post discessum autem Albani, Facultas jura- mentum relaxavit, permisiique prudenter per opportuni- tatem dici. Lilerarum tamen copiam, ad perpetuam rei memoriam , voluit per Notarium et Bedellum suum inseri in librum literarum Facultatis, quod factum est sub deca- natu D. Michaëlis (4), anno 74 (5). On voit donc, par cet extrait des actes de la faculté de théologie, que la situation malheureuse du pays sous le régime du duc d’Albe préoccupait les docteurs de Lou- vain. Le 20 mai 1575, ils se réunissent en secret , sous la foi du serment, et prennent la patriotique résolution de s'adresser au roi lui-même pour l'informer de ce qui se passe dans les Pays-Bas et pour demander le remplace- ment du duc d'Albe. Tous s'obligent solidairement et signent une lettre qui était de la plus haute importance (1) Le Bedellus ou secrétaire de la Faculté qui signait les lettres au nom du corps. (2) Le célèbre Jean Molanus. (3) Antoine de Siennes ( Antonius de Conceptione Senensis), né à Gui- maraens en Portugal, de l’ordre de Saint-Dominique, prit à Louvain le grade de docteur en théologie le 25 juin 1571, et devint peu de temps après membre de l'étroite faculté. Voyez Paquot, Hém. t. XIII, pp. 429-459. (4) Michel de Bay, docteur régent en théologie. (5) 1574. ( 186 ) et qui aurait pu leur attirer les plus graves désagréments. Le doyen de la Faculté, Jean Molanus, et un des plus jeunes docteurs, le Portugais Antoine de Siennes, furent chargés de faire parvenir la lettre à Philippe IT. Le moyen qu'ils emplovèrent pour empêcher que la lettre ne füt interceptée par les agents du duc d’Albe eut un résultat favorable, et bientôt les signataires apprirent que leur réclamation avait été remise confidentiellement au roi. Quoique les actes de la Faculté ne nomment pas celui qui se chargea de ce message, nous sommes porté à croire que ce fut le docteur Antoine de Siennes qui, vers cette époque, dut se rendre en Espagne pour assister à un chapitre général de l'ordre des Dominicains, convoqué à Barcelone pour le commencement de l’année 1574. Après le départ du duc d’Albe, qui eut lieu le 18 dé- cembre 1575, la Faculté délia ses membres du serment qu’ils avaient fait de garder le secret sur l’acte posé par eux au mois de mai précédent, et pour en conserver la mémoire, il fut ordonné en 1574, sous le décanat du doc- teur Michel de Bay, de transcrire la lettre dans le registre des lettres de la Faculté. Le docteur Vande Velde répète, jusqu’à deux fois, avec un véritable sentiment de regret : Desunt nobis hae literae. Plus heureux que lui, nous avons trouvé cette lettre dans le Liber literarum Facultatis sacrae Theologiae in Univer- sitate Lovaniensi, vol. in-fol. dont nous avons déjà extrait quelques documents (1), et qui nous en fournira d’autres encore, Nous n'avons pas besoin de faire remarquer combien la (1) Voyez les Bulletins de la Commission royale d’historre, 2" série, t. NII, p. 184. 4 ÿ L À x À (187 ) lettre des docteurs de Louvain est pleine de dignité et d'énergie, et avec quelle noble sévérité de langage ils exhortent Philippe IT, ce prince si susceptible en fait de remontrances au sujet de sa politique, à mettre un terme aux souffrances de leurs concitoyens. Certes, il fallait plus qu'un courage ordinaire pour oser dire au plus puissant monarque de cette époque que, sil négligeait de remédier promptement à l'état désastreux dans lequel le pays était plongé sous le rapport politique et religieux , il devait redouter, lui et toute sa dynastie, la colère de Dieu qui transfère les royaumes d’une famille à une autre à cause des injustices, des violences et des outrages qu’on laisse commettre, et qui même venge sou- vent ici-bas, sur la terre, par des châtiments terribles, les tourments infligés injustement à un peuple fidèle, l'op- pression des innocents, la spoliation des pauvres, la pro- fanation des choses sacrées : Meluimusque vehementer, ne, si diutius eadem ita fieri sinantur…. adversus potentis- simam Tuam Regiam Majestatem , ejusque posteritatem pro- vocent iram omnipolentis Dei, qui, ut Scriptura sacra Lestatur, tœansfert regnum a gente in gentem propler injus- titias, et contumelias, et diversos dolos, quique non solet etiam temporaliter inultas relinquere bonorum subdilorum . wexaliones, innocenlium oppressiones, pauperum concus- siones , piaruin fundationum invasiones , personarum eccle- siasticarum absque querela Deo famulantium spoliationes , aliaque his similia. Ne pourrait-on pas dire que, dans les considérations d'un ordre si élevé, on retrouve la source des inspirations du génie de Bossuet et du comte de Maistre, proclamant les devoirs de la royauté et traçant la marche de la justice divine dans la punition des coupables? (188 ) La lecture du texte original de la lettre prouvera mieux qu’une analyse, la valeur de ce document historique resté inconnu jusqu'ici. - SERENISSIME ET CATHOLICE REX. Pro ea, quam patriae et imprimis Deo ac sedi apostolicae neenon catholicae Majestati vestrae debemus, charitate, fide atque observantia, non possumus nos continere diutius, quin eidem Vestrae Majestati suggeramus multa passim per hoc Bel- gium tuum jam annis aliquot publice gesta esse, ac etiamnum geri, non satis convenienter; usque adeo ut non tantum tempo- rali prosperitati harum florentissimarum olim regionum plu- rimum incommodarint, verum etiam ipsi catholicae fidei ae avitae religioni magnam cladem attulerint, metuimusque vehe- menter, ne, si diutius eadem ita fieri sinantur, adferant quotidie majorem, atque etiam adversus potentissimam Tuam Regiam Majestatem, ejusque posteritatem provocent iram omnipotentis Dei, qui, ut Scriptura sacra testatur, transfert regnum a gente in gentem propter injustitias, et contumelias, et diversos dolos (1); quique non solet etiam temporaliter inultas relin- quere bonorum subditorum vexationes , innocentium oppressio- nes, pauperum concussiones, piarum fundationum invasiones, personarum ecclesiasticarum absque querela Deo famulantium spoliationes, aliaque his similia. Quae tanto majori cum detri- mento catholicae religionis hic nobis fieri videntur, quanto plures intelligimus quotidie per ea conjici in impatientiam ac desperationem , et ab obedientia Majestatis Vestrae alienari atque repelli quodammodo, ut transfugiant ad partes rebellium haere- ticorum, quorum nunc, proh dolor! vires hic adeo invalescunt, ut multis oppidis atque portubus occupatis, etiam potentes (1) Eccle. cap. X, 8. ( 189 ) exercitus terra marique ducant, omniaque infestent, diripiant, perdant; plerisque etiam in locis, quae redegerunt in suam pôtestatem , avitam religionem et juge sacrificium penitus extin- guant, sacerdotibus omnibus , religiosisque utriusque sexus per- sonis, partim trucidatis, partim reclusis in carceres, partim effugatis atque propulsis, templis insuper ac monasteriis (quod numquam antea sic factum est) funditus eversis. Quae nullo pacto diutius silentio nostro dissimulanda, sed aperte potius Majestati Tuae Catholicae insinuanda duximus, ut eis per tuam potentiam , Rex invictissime, cito efficax remedium adhibeatur. Quod (salvo judicio meliori) aegre fiat, nisi aut Se- renissima Tua Catholica Majestas pro suo paterno erga afflictum nunc Belgium affectu , ipsa huc veniat; aut (si id omnino non licet) talem gubernatorem praeficiat, de quo omnes confidere possint, quod gratiam et condonationem , quam a Vestrae Ma- jestatis clementia exspectant, resipiscentibus et misericordiam implorantibus reipsa libenterque sit exhibiturus et fideliter servaturus; et quod ita rebelles atque obstinatos haereticos sit persecuturus, ut protegat interim bonos catholicos et fideles Regiae Tuae Majestatis subditos, quorum hie, laus Deo, longe maxima adhuc copia superest. Alterum horum ut cito fiat, quia in mora non modicum peri- culum inest, supplices rogamus clementissimam Catholicam Majestatem fuam, quam Dominus Jesus Christus Ecclesiae suae protegendae diutissime servet incolumem. Lovanii XV kalend. junias anno 1573. Sie subscriptum : Serenissimae Catholicae Majestatis Tuae fideles et devoti sacellani (1). Decanus et doctores sacrae theolo- (1) En vertu du diplôme de Jean IV, de l’an 1417, l'abbé de Parc près de Louvain , était archichapelain des ducs de Brabant. Le titre de chapelain fut donné plus tard aux docteurs, membres de la faculté de théologie; mais on rencontre peu de pièces dans lesquelles ils s'en servent comme dans celle-ci. Voyez Chifflet, Aula sacra principum Belgii; Antv., 1650, in-4°. ( 190 ) gicae facultatis Lovaniensis, qui omnes propria manu subscrip- serunt : Joannes Molanus, Lovaniens. Decanus Facultatis pro tempore, Michaël De Bay. Augustinus Hunnœus. Cornelius Reneri, Goudanus. Robertus Malcotius, Lovaniens. Frater Balthazar Textor, Dominicanus. Henricus Gravius, Lovaniensis. Joannes Lens, Belliolanus. Frater Antonius Senensis, Dominicanus. Laurentius Gualteri Westerhovius Henricus Crockaert ab Anderlecht. Frater, Gualterus Rotarius, Augustinensis. Superscriptio : Serenissimae et Catholicae Majestati Philippi secundi Regis Hispaniarum invictissimi. (494 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 1° février 1855. M. F. Fémns, directeur. M. QueTELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, De Keyzer, Navez, Eug. Simonis, Suys, Van Hasselt, Jos. Geefs, Snel, Par- toes, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, membres; Calamatta, associé; Demanet, Ad, Siret, correspondants. CORRESPONDANCE. à Ru M. le Ministre de l’intérieur transmet les derniers rap- ports de MM. Modeste Carlier et F. Pauwels, lauréats des grands concours de l’Académie d'Anvers. Il est donné lecture de ces rapports. — M. Portaels remercie la classe pour sa nomination de membre de la section de peinture. Des remerciments sont également adressés à la Compagnie par MM. le colonel Demanet et Ad, Siret pour leur nomination de correspon- (. 192 ) dants dans la section des sciences et des lettres dans leurs rapports avec les beaux-arts. M. le secrétaire perpétuel fait connaître que, le lende- main de la nomination de M. Portaëls, ilen à donné con- naissance à M. le Ministre de l’intérieur en le priant de vouloir bien demander la sanction royale, conformément au règlement, mais qu'il u’a pas encore reçu de réponse. — MM. Henkel, de Fulde, et de Lannoy, de Mons, rede- mandent les manuscrits de leurs symphonies, envoyées au concours, ouvert à l’occasion du mariage du duc de Bra- bant. | Il sera répondu qu’aux termes du règlement, les pièces de concours doivent rester déposées dans lés archives de l’Académie. — M. le secrétaire perpétuel annonce qu'il a reçu de nouveaux poëmes, envoyés au Concours, ouvert par le gouvernement, et qui doit être clos à la fin du mois. Les nouvelles cantates reçues sont les suivantes : N° 2. Rêve de Guillaume le Taciturue, avec l’épigraphe : © liberty! thou Goddes heavenly bright, Profluse of bliss and preynant with delight. (ADDIsoN.) N° 5. Jéanne Gray, à ses derniers moments, avec l'épi- graphe : Son front de la vertu portait l'empreinte austère. (VoLraIRE.) N° 4. Godefroid et les croisés, avec l’épigraphe : Diex le volt. il one RS ri ce CEE EE nf a OS Ace Eh RD ENE (193 ) N° 5. Le dernier chant du Tasse, avec l'épigraphe : Et sa couronne d’or brille encore à nos yeux. N° 6. Le songe de Colomb, avec l’épigraphe : Il rêve : . Et ce monde nouveau qui manque à l’univers, De ses regards ardents il l'embrasse; il l'admire. (Casimir DELAVIGNE.) RAPPORTS. CAISSE CENTRALE DES ARTISTES BELGES, M. le secrétaire perpétuel rend compte des principales décisions qui ont été prises par le comité de la Caisse centrale des artistes belges dans sa dernière réunion, et donne ensuite lecture de l'exposé général de ce qui a été fait pendant l’année 1854. | Cet exposé, approuvé par le comité, sera imprimé dans le Moniteur et dans l'Annuaire de l’Académie, conformé- ment à l'art. 15 du règlement de la Caisse centrale. Il sera ensuite publié séparément pour être distribué aux mem- bres de l'association. (194) Sur le char de St-Gertrude , à Nivelles. Happort do M. Alrin. « La classe des beaux-arts de l’Académie, se pénétrant de l'esprit qui a présidé à sa création , s'était proposé, dès ses premières séances, une série de travaux vraiment dignes de sa sollicitude. En décidant, au mois de décembre 1847, la formation d’un musée ethnographique, vous rap- peliez que déjà antérieurement vous aviez entrepris de réunir des documents pour servir à l’histoire de l’art en Belgique. Quelques travaux isolés ont répondu à votre appel; mais, par un Concours de circonstances, dont je m'abstiens ici de chercher à pénétrer l’origine et à appré- cier la portée, les projets de la classe sont demeurés abso- lument sans suite, et nous n’avons jamais pu conduire une de ces affaires au delà de la nomination de commissions spéciales; c’est encore ce qui arrive à l’occasion du char de S'-Gertrude; les mêmes causes probablement ont produit les mêmes résultats. Permettez-moi de vous rappeler rapi- dement les faits. La collégiale de Nivelles possédait encore, il y a quel- ques mois, un chariot destiné à voilurer la châsse de S'-Gertrude autour des terres qui formaient autrefois le domaine de l’abbesse de l’illustre chapitre, fondé au VIIP°* siècle par la fille de Pepin. Ce véhicule qui lui-même devait en avoir remplacé un autre, — l'institution de ces ambarvales se perdant dans la nuit des temps et ayant précédé dans nos contrées l’in- troduction du christianisme, — ce véhicule, dis-je, parais- (195 ) sait appartenir , par sa forme et par les ornements qui le décoraient, au milieu du XV”* siècle. Il méritait de fixer l'attention sous trois rapports différents : 1° Aucun monu- ment du même genre et remontant à une date aussi ancienne, ne se rencontre dans le pays; 2° sa forme et ses ornements en bois sculpté, — pour n’être point des chefs- d'œuvre, — n’en offrent pas moins un précieux spécimen ; et 5° les peintures qui le décoraient, bien que dans un état de délabrement très-avancé, étaient encore suscep- tibles de restauration. C'est en 1836 que pour la première fois, je me permis de signaler à l'attention publique le char de S*-Gertrude. Je demandai, dès lors, — il est vrai que c'était dans un feuilleton de journal — je demandai que le Gouverne- ment prit des mesures pour la conservation de ce monu- ment, menacé d'une destruction imminente par l’usage auquel il était employé chaque année, et par l'absence de tout soin pendant l'intervalle des processions annuelles. En 1848, je fis appel à votre sollicitude en faveur de ce même char , espérant que sous votre patronage mes récla- mations auraient plus de succès. Il n’en fut rien et le 24 juin dernier l'administration communale de Nivelles me fit l'honneur de me demander d'intervenir afin que des personnes compétentes fussent désignées pour faire au Gou- vernement un rapport sur le mérite des peintures qui ornent les panneaux du char. Cette démarche se justifiait en ces térmes : « Nous avions, le 28 octobre 1855 , adressé quel- » ques observations à M. le Ministre de l’intérieur sur » l'existence de ce char, et sur les dégradations qu'il subit » chaque année , en le priant de déléguer des membres de » l'Académie des beaux-arts, pour le visiter; mais jusqu'à » ce moment nous n'avons reçu aucune réponse. » ( 196 ) Me rendant au vœu des honorables magistrats, j'eus l'honneur de vous entretenir, pour la seconde fois, de cet objet à la séance du 6 juillet 4854, et, sur ma proposi- tion , vous avez décidé qu’une commission serait nommée à l'effet de se rendre à Nivelles et de soumettre à un exa- men approfondi le chariot de S®-Gertrude. La commis- sion devait vous présenter un rapport dans lequel elle vous aurait fait connaitre son avis sur les questions sui- vantes : 1e Si ce char présente, au point de vue de l'art et de l’histoire, un intérêt qui justifie votre intervention auprès du Gouvernement, à l’effet d'obtenir un subside pour la restauration du monument; 2° Si cette restauration est encore possible; Et 5° s’il ne convient pas de faire exécuter des dessins exacts du chariot et de les accompagner d’une description dans les Mémoires de l'Académie. Vous m'avez fait l'honneur de me désigner comme com- missaire conjointement avec MM. Bock, Guil. Geefs, et Navez. Une disposition de notre règlement exigeant une auto- risation préalable du Gouvernement pour les missions de cette nature, lorsqu'elles doivent entrainer quelque dé- pense à la charge du budget de l’Académie, M. le secré- taire perpétuel se chargea de solliciter celte autorisation, ce qu’il lit par lettre en date du 7 août. La réponse se fit longtemps attendre; ce n'est que le 9 novembre au soir qu’elle parvint à M. le secrétaire per- pétuel qui ne put, en conséquence , la communiquer à la classe que le 7 décembre. Voici la substance de la dépêche ministérielle. Quand le Département de l’intérieur a reçu notre de- EE Boo a ( 497 ) mande du 7 août 1854, la Commission royale des monu- ments avait déjà été chargée , depuis longtemps, de faire uu rapport sur le char de S°-Gertrude. Ce rapport, après une lettre de rappel du 18 août 1854, est parvenu au Ministre sous la date du 27 octobre suivant. M: le secrétaire perpétuel est invité à mettre ce rapport sous les veux de la classe des beaux-arts qui, — ajoute le Ministre, — jugera sans doute inutile la mission qu’elle avait proposée avant de connaitre ce document. En terminant, M. le Ministre ajoute qu'il lui serait agréable de recevoir également communication des obser- valions que la classe pourrait faire au sujel des mesures proposées pour la restauration du char. Le rapport de la Commission des monuments, Joint à la dépêche ministérielle, constate les faits suivants : 4 Le char date du milieu du XV”* siècle , il a été res- tauré il y a quelques mois ; _ 2° Les diverses couches de couleur ont été enlevées des petites figures sculptées en bois de chêne qui ornent la partie supérieure du char; 5° Ces figures ainsi que les ornements ne sont pas re- marquables, et se trouvent encore en assez bon état pour se conserver pendant bien des années ; 4 Quant aux vingt-quatre panneaux peints à la dé- trempe.el qui représenteal des épisodes de la vie de sainte Gertrude, own les a enlevés pour les remplacer par de simples planches de chêne; 5° La Commission royale des monuments adresse au Ministre deux de ces panneaux, afin de le mettre à même d'apprécier leur déplorable état; 6° Le seul parti à prendre, suivant la Commission royale des monuments, c’est de faire nettoyer, restaurer (198 ) ensuite légèrement ceux de ces panneaux qui sont les moins endommagés (douze ou quatorze), et de les réunir ensuite dans deux cadres à placer dans la chapelle de S"-Gertrude. C’est sur ce dernier point que M. le Ministre désire con- naître l'avis de l’Académie , et pour nous rendre la tâche plus facile, il a l’obligeance de nous envoyer en commu- pication les deux panneaux indiqués au n° 5 ci-dessus. La classe des beaux-arts se trouve donc en présence de faits accomplis en dehors de son concours; le char de S'-Gertrude a cessé d'exister à l’état de monument authen- tique et complet, et sa principale valeur résidaït dans son ensemble qui à disparu. Il n'en subsiste plus que des par- ties plus ou moins déguisées par des restaurations, et que l’on se propose de tenir perpétuellement séparées les unes des autres. Il me semble que, dans ces circonstances, l’in- tervention de l’Académie serait tardive et certainement inefficace, ainsi que nous le fait entendre M. le Ministre, lorsqu'il estime que la mission dont nous avions été chargés est désormais inutile. Mais un avis nous est demandé au sujet des mesures proposées pour la restauration du char; je crois que sur ce point la classe ferait sagement de s'abstenir : 1° Parce que cette affaire, qui est depuis si longtemps sur le tapis, a pris, en quelques jours, une marche si rapide et qu’elle a fait des progrès si décisifs, qu'il est désormais inutile de stimuler le zèle des autorités com- pétentes; > Parce qu’en exprimant une opinion sur les proposi- tions qui ont été faites au Département de l’intérieur, la classe s’exposerait à susciter un conflit que l'expérience doit Jui conseiller d'éviter. » ( 199 ) _ La classe adopte les conclusions de ce rapport, auxquelles ont adhéré les trois autres commissaires, MM. Navez, G. Geefs et Bock. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Physique, par J. Plateau et À. Quetelet. 1"° partie par J. Pla- teau, avec l’Acoustique par À. Quetelet. Bruxelles, 1854; 1 vol. in-12. Analectes pour servir à l'histoire de l'Université de Louvain, publiés par P.-F.-X. de Ram. N° 18. Louvain , 4855; 1 vol. in-18. Cours de construction professé à l'École militaire de Bruxelles, de 1843 à 1847, par A. Demanet. Avec un atlas. Bruxelles, 1850; 1 vol. in-8° et un cahier in-4° oblong. Compte rendu des opérations de la commission instituée par M. le Ministre de la guerre, pour étalonner les règles qui ont été employées en 1850, 1851, 1852 et 1853, par MM. les Officiers d'état-major de la section géodésique du dépôt de la guerre, à Ja mesure des bases géodésiques belges. Bruxelles, 1855 ; 4 vol. in-4°. Mémoires de l'Académie royale de médecine de Belgique. 2 fas- cicule du tome Ill. Bruxelles, 1854; 1 vol. in-8°. … Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Année 854-1855. Tome XIV ; n° 2 à 4. Bruxelles, 1854; 5 broch. -8°. Études de linguistique. N° 1. De l'étymologie du mot NEIAOS. uxelles, 4855; 1 broch. in-8°. Don Carlos, tragédie, imitée de Schiller, par Amédée de la tousselière, Liége, 1853; 4 vol. in-s?, Tome xx11. — [°° parr, 14 0 ( 200 ) Salons et coulisses, comédie, par Joseph Wilborts. Bruxelles, 1855 ; 4 vol. in-18. Brucxelles ancien et nouveau. Dictionnaire historique des rues, places, etc.; par Eug. Bochart. Feuilles 10-15. Bruxelles, 1854; 6 feuilles in-8°. À Revue pédagogique, publiée par les soins et sous la direction de MM. De Give, Sauveur, Tychon et Vanhollebeke. 2"° année, n®% 7 à 12; 5% année, n% 1-9. Tirlemont, 1854; 8 broch. in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, etc., pu- blié par Ch. Morren. 7° année. Juillet à septembre. Liége, 1854; 3 broch. in-8. Le Scalpel, rédacteur : M. Festraerts. 7° année; n° 13 à 20. Liége, 1854; 8 feuilles in-4°. Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d'Anvers. 10% année. Décembre 1854 et janvier 1855. Table du tome X. Anvers, 4854-1855; 3 broch. in-8°. Annales médicales de la Flandre occidentale; publiées par les D'° R. Vanoye et J. Ossieur. 3° année. 20" et 21% livraisons. Roulers, 1854-1855 ; 2 broch. in-8°. Annales d'oculistique, fondées par le docteur Florent Cunier. Tome XXXII, 6e liv.; tome XXXIHII, 17° liv. Bruxelles, 4854: 2 broch. in-8°. Journal historique et littéraire. Tome XXI; liv. 9-10. Liége, 1855; 2 broch. in-8. L'Illustration horticole, journal spécial des serres et des jar- dins. K* vol.; 9e à 12% liv. Septembre à décembre. I vol.; 4re et 26 liy. Janvier et février. Gand, 1854-1855; 5 broch. in-8°. Le Cordonnier, journal de la chaussure. 2"° année ; n°° 17 à 20. Novembre 1854 à février 1855. Bruxelles, 1854-1855; 4 feuilles in-4°, Mémoire sur l'action physiologique et thérapeutique des ferru- J gineux; par T.-A. Quevenne. (Extrait des Archives de physiolo- ( 201 ) gie, de thérapeutique et d'hygiène. N° 2. Octobre 1854.) Paris, 1854; 1 broch. in-8. Exposé des titres scientifiques du D" Leroy-d É tiolles , à l'appui de sa candidature à la place vacante dans la section de médecine et de chirurgie de l'Académie des sciences. Paris, 1854; 1 broch. in-4°. Monographie du coffret de M. le duc de Blacas. — Suite de la monographie du coffret de M. le duc de Blacas, ou preuves du manichéisme de l'ordre du Temple; par Mignard. Paris, 1852- 4853; 2 broch. in-4°. Découverte d'une ville gallo-romaine, dit Landunum. Examen des fouilles ; par MM. Mignard et Lucien Coutant. Paris, 1854; 4 broch. in-4°. Éducation de famille. Morale chrétienne, suivie d'un essai sur l'étude de l'histoire; par Mignard. Paris, 1851 ; 1 vol. in-8°. Du chant liturgique; par le même. Paris, 4854; 1 broch. in-8°. L'Investigateur , journal de l'Institut historique. 21° année. Tome IV ; 259% à 244% liv. Octobre à décembre. Paris, 4854; 2 broch. in-8°. Journal de la Société de la morale chrétienne. Tome IV ; n° 6. Paris, 4854-1855; 1 broch. in-8°. Sur une nouvelle extension, dans le bassin de Paris, des marnes lacustres et des sables de Rilly; par E. Hébert. Paris, 1854; in-8°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée, par M. Guérin- Méneville. 1854, n°5 41 et 42; 1855, n° 1. Paris, 1854; 5 broch. in-8. Description des fossiles du terrain nummilitique supérieur des environs du Gap, des Diablerets et de quelques localités de la Sa- voie; par E. Hébert et E. Renevier. Grenoble, 1854; 4 vol. in-8e. Rapport sur les travaux de l'école préparatoire de médecine et de pharmacie de Lille, pendant l'année scolaire 1853-1854; par M. Caseneuve. Lille, 4854; 14 broch, in-8&°. Bulletins de la Société d'archéologie lorraine. Tome IV, 2° par- tie. Nancy, 4855; 4 vol. in-8°, ( 202 ) Paléontologie du département de la Moselle ; par M. Terquem. (Extrait de la Statistique de la Moselle.) Metz, 1855; 4 broch. in-8°, Proceedings of the royal Society of London. Vol. VII, n° 8. Londres, 1855; 1 broch. in-8. The quarterly journal of the chemical Society. N° XXVIH. Vol. VIL. 4, janvier. Londres, 1855; 4 broch. in-8. Linnaea entomologica. Zeitschrift herausgegeben von dem en- tomologischen Vereine in Stettin. IX Band. Berlin, 1854; 4 vol. in-8°. Entomologische Zeitung. Herausgegeben von dem entomolo- gischen Vereine in Stettin. XV Jahrgang. Stettin, 1854; 4 vol. in-8°. Magnetische karten von Deutschland und Bayern, von D'J. La- mont. Munich, 4854; 1 cahier in-4°. Erlüuterungen zur geognostischen karte Tirols und Schluss- bericht der administrativen Direction des geognostisch-montani- stischen Vereines für Tirol und Vorarlberg ; redigirt von dem Vereins-Secretär D' H.-V. Widmann. Inspruck, 1853; 4 vol.in#°. Zeitschrift des Ferdinandeums für Tirol und Vorarlberg. HI Folge; 4 Heft. Inspruck, 1854; 1 broch. m-8°. Ferdinandeum. Fünfundzwanzigster Jahres- Bericht des Ver- wultungs-Ausschusses vom Jahre 1851-1852. Inspruek, 1853; 4 broch. in-&. Verhandlungen der physicalisch-medicinischen Gesellschaft in Würzburg; redigirt von A. Kôlliker, H. Muller, J. Scherer. V Band; 1-2 Heft. Wurtzbourg, 1854; 2 broch. in-8°. Erster Nachtrag zum Verzeichnisse der Bibliothek der phy- sikalisch-medicinischen Gesellschaft zu Würzburg. Novembre 1854. Wurtzbourg, 1854; 1 broch. in-8°. Magnetische und Meteorologische Beobachtungen zu Prag. Zwolfter Jahrgang. Vom 1 Janner bis 51 December 1851. Pra- gue, 4854; 1 vol. in-8°. Beobachtungen von Sonnen-Flecken und Bestimmung der Rota- RSR RP ES 1} ni \n " | in] eh, ( 205 ) tions-Elemente der Sonne; von D' J.-G. Bôühm. Vienne, 1852; 4 broch. in-4°. Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der vier Facultäten. 47" Jahrgang, 6 Doppelheft. 48t* Jahrgang, 4 Heft. Janvier. Heidelberg, 1854-1855; 2 broch in-8°. Gedüchtnissrede auf Jakob Bernouilli zur zweiten Säcular- feier seiner Geburt gehalten von Rudolf Wolf. Berne, 1855; 4 broch. in-8°. L’Ateneo italiano. Raccolta di documenti e memorie relaÿve al progresso delle scienze fisiche. Compilato da S. De Luca e D. Müller. Anno 1°, n° 12. Paris, 1854; 1 broch. in-&. Atti dell’ Accademia pontificia de’ nuovi Lincei, compilati dal segretario. Anno V. Sessione VI°, de 15 agosto 1852. Rome, 4854; 1 broch. in-4°. Delle due memorie sul mugnetismo delle rocce del cav. Macedo- nio Melloni; estratto del prof. Paolo Volpicelli. Rome, 1854; 4 broch. in-4°. Corrispondenza scientifica in Roma. Bullettino universale. Anno 5°; n° 40 à 43. Rome, 1854; 3 doubles feuilles in-4°. Atti della reale Accademia delle scienze, sezione della Società reale Borbonica. Vol. VI. Naples, 18514 ; 4 vol. in-4°. Rendiconto della Società reale Borbonica. Accademia delle scienze. Nueya serie. Novembre et décembre 1853; janvier à oc- bre 1854. Naples, 1854; 5 broch. in-4°. Osservazioni microscopiche e deduzioni patologiche sul cho- lera asiatico. Memoria de dott. Filippo Pacini. Florence, 4854; 4 broch. in-8°. Kendiconti delle adunanze delle R. Accademia economico-agra- ria dei georgofili di Firenze. Nol. U. Août et septembre. Flo- rence, 1854; 2 broch. in-8°. BULLETIN È L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1855. — N°5. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 5 mars 1855. M. NEeREUBURGER, président de l’Académie. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Sauveur, Tim- mermans, Wesmael, Martens, Dumont, Cantraine, Kickx, Stas, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, Edm. de Selys- Longchamps, le vicomte Bernard Du Bus, Gluge, Schaar, Liagre, Duprez, membres; Sommé, Schwann, Lamarle, associés; Brasseur, Maus , Poelman, correspon- dants. M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. Tome xx11, — [°° paRT. 45 (206 ) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de Pintérieur écrit que les vertèbres de baleine et autres objets découverts par le creusement du canal d'Hérenthals, ont eté déposés au Musée royal d'his- toire naturelle et au Musée royal d’antiquités, conformé- ment au désir exprimé par l'Académie. — La Société royale des sciences de Gôttingue donne connaissance de la mort dé Charles-Frédéric Gauss, direc- teur de l'Observatoire de cette ville, décédé dans sa 78° année, le 25 février dernier. Cet illustre géomètre était le doyen de la Société royale de Gôttingue; il était associé de l'Académie royale de Belgique depuis 1841. — L'Institut impérial et royal de Venise demande à en- trer en relation avec l’Académie et propose un échange de publications. Ces offres sont acceptées. — L'université de Christiania, la Société industrielle d'Angers, le collége de Georgetown, en Amérique, remer- cient l’Académie pour l'envoi de ses publications. — L'Académie royale de Turin fait hommage du tome XIV de ses Mémoires. M. Airy, associé de l’Académie, fait également hommage d'un éerit qu'il vient d'insérer dans les Mémoires de la Société royale astronomique de Londres, sur la différence des longitudes des Observatoires royaux de Bruxelles et de Greenwich. Remerciments. — M°° Alphonse Belpaire fait parvenir une notice nécro- logique sur son mari, et annonce comme devant paraître D LI ( 207 ) prochainement un livre intitulé : De la plaine maritime depuis Boulogne jusqu'au Danemark, pour faire suite au travail de M. Antoine Belpaire, publié, en 1827, dans les Mémoires de l'Académie royale de Bruxelles. — M. le Secrétaire perpétuel dépose (4) : 4° Les observations sur les phénomènes périodiques des plantes, faites en 1854, dans le jardin de l'Observatoire royal de Bruxelles ; > Les observations ornithologiques, faites dans les en- virous de Bruxelles, par M. Vincent; 5° Les observations sur les plantes, faites en 1854, dans le Jardin Botanique d'Anvers, par M. le docteur Sommé; : 4 Les observations météorologiques, faites à l'Univer- sité d'Oviedo, en 1854. — La classe reçoit, en outre, les ouvrages manuscrits suivants : : 4° Des invertébrés perforants et parasites de l’ancien monde-et des temps actuels, mémoire de Marcel de Serres. (Commissaires : MM. de Koninck, Nystet d'Omalius ); 2% De l'élimination d’une inconnue entre deux équa- tions, par M. Ernest Quetelet, lieutenant du génie. (Com- missaires : MM. Lamarle, Timmermans et Schaar ); 5° Recherches sur les chaleurs spéciliques de quelques métaux à différentes températures, par M. E. Bède, pro- fesseur agrégé à l’université de Liége. (Commissaires : MM. Crabay , Slas et Quetelet ). (1) En citant, dans le précédent Bulletin, un extrait de la lettre de M. de Martius sur les époques de la floraison de l’Ægave americana , on à omis de dire que la lettre est adressée à M. Quetelet. = ( 208 ) RAPPORTS. Sur la boussole électro-magnétique , proposée par M. Gloe- sener, professeur de physique à l’université de Liége. Happort de M. Vaus. « M. Gloesener, professeur de physique à l’université de Liége, a présenté, dans une note rédigée le 15 dé- cembre dernier et soumise à l'Académie dans la séance du 16 du même mois, la description d’un appareil télé- graphique auquel il a donné le nom de Boussole électro- magnétique, et qu’il avait annoncé à M. le Secrétaire per- pétuel, par lettre en date du 12 décembre dérnier. Une commission composée de MM. Crabay, De Vaux et Quetelet a été chargée d'examiner l'appareil proposé par M. Gloesener. M. Crahay n'ayant pas accepté les fonctions de rappor- teur, j'ai été désigné pour le remplacer. M. le professeur Gloesener signale une cause de retard dans la transmission des dépêches télégraphiques, puis indique le moyen de la faire disparaître. Nous rappellerons d’abord que le même fil d’une ligne télégraphique sert à mettre en communication non-seu- lement les deux stations extrêmes, mais encore plusieurs stations intermédiaires pourvues des mêmes appareils in- dicateurs que les extrémités de la ligne. Tous les appa- reils indicateurs exigent un notable développement de fil di ( 209 ) autour des électro-aimants, de sorte que le parcours du courant électrique, lorsqu'il doit faire agir tous les appa- reils, est beaucoup plus grand que l'intervalle entre les extrémités de la ligne. Ce surcroît de parcours occasionne une déperdition proportionnelle du fluide que l’on à réduite en donnant l’ordre aux stations intermédiaires d'interrompre le pas- sage du courant électrique par leurs appareils, chaque fois qu'elles sont averties qu’une dépêche doit être transmise directement entre les stations extrêmes. M. le professeur Gloesener annonce que, dans le sys- tème de télégraphes français, on n’a pas de signe pour indiquer la fin d'une dépêche directe, que l’on est obligé de fixer d'avance la durée d’une transmission de dépêche directe, et par conséquent le temps pendant lequel les stations intermédiaires devront se tenir en dehors de la circulation. [] fait remarquer, avec raison, que souvent la transmission d’une dépêche directe exigera un temps plus court ou plus long que celui qui aura été fixé d'avance, et qu'il y aurés ainsi perte de temps : dans le premier cas, pour les relations avec les stations intermédiaires dont l'inaction aura été prolongée inutilement, et dans le se- cond cas, parce qu'en rétablissant la communication avant la fin de la dépêche directe, les stations intermédiaires peuvent interrompre et obliger à répéter une partie de cetle communication directe. Pour prévenir la perte de temps ou cause de retard qui vient d’être indiquée, M. le professeur Gloesener propose un petit appareil composé, 1° d’un électro-aimant; 2 de deux aiguilles aimantées et 5° d'un timbre. Le fil qui entoure l’électro-aimant fait partie de la ligne que doit parcourir le courant électrique toutes les fois ( 210 ) que l’appareil de la station à laquelle appartient cet élec- tro-aimant est réliré du circuit général. Les aiguilles aimantées, disposées en croix de S'-André, sont montées sur un axe convenablement disposé pour permettre aux aiguilles d'osciller sous l'influence d'une très-pelite force attractive ou répulsive. Cet axe occupe le milieu de l'intervalle qui sépare les pôles de Pélectro-ai- maut. Les deux pointes d'aiguilles voisines de lun de ces pôles sont de signe contraire, de sorte que le même pôle de l’électro-aimant attire la pointe d’une aignille et repousse la pointe de l’autre. Le second pôle de l’électro-aimant, de signe contraire au premier, concourt à produire le même mouvement des aiguilles en agissant sur leurs ex- trémités opposées. Le timbre est assez rapproché de l’électro-aimant, et convenablement disposé par rapport aux aiguilles, pour être frappé par leurs extrémités lorsqu'elles s'éloigunent des pôles de l'électro-aimant. L'appareil étant ainsi disposé, l’on conçoit que le cou- rant électrique, traversant le fil de l’électro-aimant avec une intensité variable pendant la transmission d'une dé- pêche télégraphique , fera osciller les aiguilles, et que, si le courant est fort, il produira une oscillation assez vive pour que les aiguilles fassent résonner le timbre. Les employés des stations télégraphiques intermédiaires seront donc avertis, par le mouvement des aiguilles, et quelquelois aussi par le bruit du timbre, que l’on transmet une dépêche, et qu'elle est terminée lorsque les aiguilles et le timbre sont en repos. A l’aide de ces indications, les stations intermédiaires pourront se remettre dans le circuit télégraphique aussitôt qu'une dépéche directe est terminée sans crainte d'entraver sa ('ANSIMISSION, ( 211 ) M. Gloesener fait, en outre , remarquer que son appareil peut Servir, daus le télégraphe à lettres, à annoncér que l'on wa pas compris; il suffit pour cela d'interrompre le courant électrique au moment où l’on ne comprend pas, et les aiguilles de l'appareil du bureau de transmission en s’arrêtant annonceront que la dépêche n'est pas comprise. On peut même, à l’aide d’une disposition très-simple, ajoute M. Gloesener, couper le courant à l'instant même où l'aiguille indicatrice est au repos, ce qui permettrait d'avertir que l'on ne comprend pas sans déranger la trans: mission et sans ramener ensuite l'aiguille du récepteur au point de repos. Pour évaluer le temps que l'appareil proposé par M. le professeur Gloesener pourrait faire gagner, le soussigné s'est rendu au bureau central des télégraphes à Bruxelles , afin de comparer le temps demandé pour les dépêches di- rectes avec le temps effectivement employé à leur trans- mission. L'ingénieur chargé du service des télégraphes de l'État m'a appris qu'en demaudaut la communication directe, on ne fixail pas le temps que devait exiger sa transmission, parce que Loutes les stations intermédiaires et principales sont pourvues d'une petite boussole dont l'aiguille oscille aussi longtemps que la transmission a lien et Sarrête lors- qu'elle est terminée. Les bureaux des stations intérmé- diaires peuvent donc, sans perte dé temps, reméttre leurs appareils dans le cireuit télégraphique aussitôt que la dé- pêche directe est terminée. L’inconvénient que M. le professeur Gloesérier avait en vue n'existe donc déjà plus, au moins sur les lignes belges, et ma tâche était réduite à comparer l'instrument qui vient d'être décrit avec celui que j'ai vu à la station de ( 212 ) Bruxelles, el qui consiste en une petite boussole dont l'ai- guille est entourée de fil de cuivre de ‘/; de millimètre environ de diamètre enveloppé de soie. Les circuits de ce fil forment un rectangle allongé dont les longs côtés, parallèles à l'aiguille aimantée en repos, ont à peu près la longueur de cette aiguille qui occupe le milieu du rec- tangle. L'action magnétique terrestre est neutralisée par une petite masse en fer convenablement disposée, de sorte que le courant électrique traversant le fil qui entoure l’aiguille la fait dévier d’une quantité variable avec la force de ce courant et la fait osciller, pendant la transmission d’une dépêche qui modifie, à de très-courts intervalles, l’inten- sité du courant. Le développement de fil autour de l'aiguille de cette pelite boussole n’est que de 2 à 5 mètres, tandis que les bobines de l’électro-aimant de l'appareil de M. Gloesener, sont enveloppées de 50 à 500 mètres de fil de cuivre de même diamètre, ce qui permet de conclure que la petite boussole en usage produira beaucoup moins de résistance au passage du courant électrique que l'appareil proposé. Quant aux indications, les deux appareils fournissent une oscillation d’aiguilles sous l'influence d'un faible cou- rant, et l'appareil de M. Gloesener fournit de plus, sous l'influence d'un fort courant, le tintement d'un timbre; mais, comme l'intensité du courant électrique varie sous l'influence d'un grand nombre de causes difficiles à appré- cier, On ne pourra pas toujours compter sur le son du timbre, mais seulement sur le mouvement des aiguilles. Le bruit continu d'un timbre me paraît devoir incom- moder des employés, dont les fonctions exigent une orga- nisation nerveuse. ( 215 ) Je pense donc que la petite boussole employée sur les lignes du gouvernement belge doit être préférée à l’appa- reil proposé par M. le professeur Gloesener, pour faire connaître, aux stations intermédiaires, qu'il y a ou non transmission de dépêche directe par le fil de la ligne. L'emploi d’un timbre pour annoncer, dans le système de télégraphe à lettres, que l’on n'a pas compris, me parait devoir être très-limité, puisqu'il exige un fort courant et que le télégraphe à lettres est peu employé. L'appareil présenté par M. Gloesener, considéré comme un moyen de faire agir, par l’action électrique, un timbre pendant un temps variable à volonté, paraît heureusement combiné et trouvera peut-être une application utile. J'ai, en conséquence, l'honneur de proposer d'adresser à M. le professeur Gloesener, des remerciments pour la communication qu'il a faite à l'Académie, et de l’informer que le but qu'il s'était proposé était déjà atteint par un appareil qui entrave moins la marche du courant élec- trique que celui qu'il a présenté. » % Rapport de M. Ad. De Vaux. « Le but anuoncé par M. le professeur Gloesener , dans sa note du 15 décembre dernier, est de satisfaire, d'une manière simple, à deux besoins de la télégraphie. Le premier, d'éviter tout retard ou toute incertitude pour la rentrée des bureaux intermédiaires après une correspondance directe entre deux bureaux à droite et à gauche, ( 214 ) Le second, de pourvoir les appareils Foy et ceux à aiguilles traînantes, d'un moyen satisfaisant de faire savoir à celui qui transmet que l'on n'a pas compris. La boussole électro-magnétique de M. Gloesener tend à ce double résultat. Sur les lignes télégraphiques belges, le premier incon- vénient n'existe point. Jamais on ne limite la durée des communications di: rectes, et les stationnaires intermédiaires ont, pour con- stater que les dépêches sont ou non terminées, une petite boussole qui se met dans le courant au lieu de leur appa: reil, et dont l'aiguille oscille visiblement aussi longtemps que la transmission à lieu. Là où nous employons l’appa- reil Wheatstone, celui-ci réste toujours dans le cireuit, et c'est le repos de ses propres aiguilles qui indique que le champ est libre. Pour ce dernier cas, il y aurait évidem- ment avantage, si l’on tenait à restreindre l'intensité ini- tiale du courant, à écarter de la ligne les appareils des stations intermédiaires, en les remplaçant temporaire: ment soit par la boussole électro-magnétique de M. Gloe- sener, soit par les petites boussoles annexées aux télégra- phes à aiguilles tournantes. Il est à remarquer cependant que cet avantage serait aujourd’hui bien faible depuis que l'on a réduit de beaucoup la résistance au courant dans les multiplicateurs de l'appareil Wheatstone. Quant au moyen d'avertir ‘que l’on n'a pas compris, il ne laisse généralement à désirer que sur les points et dans les moments où la ligne n’est pas parfaitement isolée. Il suf lirait, en effet, de couper un instant le cireuit à la station qui reçoit pour arrêter sur le méme point l'indicateur des deux appareils; mais celui qui transmet pouvant, lorsque la ligne est mauvaise, continuer à marcher encore plus ou 5 ï ( 215 ) moins sensiblement à la faveur des pertes vers la terre, les indications ne concordent plus, et il faut subir un relard pour régler et reprendre la correspondance. L'usage du stationnaire qui ne comprend pas, c’est de troubler visiblement la transmission en manœuvrant lui-même son appareil, et aussitôt que ce signal est aperçu, chacun se remet au point de départ, et l'on s'explique. Or, je le répète, cette manière irrégulière de procéder n’a été intro- duite et ne convient qu'à cause de la fréquence d’un isole- ment imparfait, et l’on doit reconnaître que, dans cette éventualité , l'emploi de la boussole de M. Glocsener, ou de celle adoptée sur nos lignes, ne remédierait point au mal, puisqu'elle ne s’arrêterait, pas plus que l'appareil trans- metteur, lorsque l’agent qui reçoit essaye d'interrompre le cireuiL. J'adopte, en conséquence, les conclusions de notre honorable rapporteur , M. Maus. » M. Quetelet, troisième commissaire, fait un rapport verbal et s@yscrit également aux conclusions proposées par M. Maus. Ces conclusions sont adoptées par la classe. —— — M. le Secrétaire perpétuel fait connaitre que la com- mission spéciale des finances, représentant la classe des lettres, s’est réunie, avant la séance, el a donné son ap- probation aux comptes de l'année 1854, déjà approuvés par la commission administrative de l’Académie; elle a également approuvé, en ce qui la concerne, les projets de budgets pour les recettes et les dépenses de 1855, == (216) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur l'extension qu'a prise, en Allemagne, l'observation des phénomènes périodiques ; note par M. Quetelet. La classe des sciences apprendra, sans doute, avec plaisir l'extension toujours croissante que reçoivent les observations des phénomènes périodiques, particulière- ment en Allemagne. Il est intéressant de savoir, dès à pré- sent, de quels précieux matériaux les sciences pourront disposer bientôt pour suivre le mouvement des saisons si pittoresquement empreint dans les phénomènes pério- diques du règne végétal et du règne animal. Des systèmes d'observations se sont établis, à cet effet, dans chaque partie de l'Allemagne, et ils tendent aujourd’hui à se cen- traliser de plus en plus : je crois rendre service aux obser- vateurs en leur indiquant les principaux centres d'action. Je pourrai plus tard étendre ces indications aux autres pays. Prusse. — Berlin. Près du Bureau de statistique, dirigé par M. Dieterici, a été créé un institut météorologique, organisé par M. le professeur Dove. D’après la première publication qui à paru en 1851, sous le titre : Bericht über die in den Jahren 1848 und 1849 auf ‘den Stationen des meteorologischen Instituts im preussischen Staate angestell- ten Beobachtungen, il se trouvait déjà 56 stations actives dans les États prussiens; quelques-unes communiquaient déjà des observations sur les plantes et les animaux. La Société géographique de Berlin, pour exciter le zèle des observateurs, avait bien voulu traduire, dans son jour- nal, le programme de l'Académie royale de Belgique. Re, (222 ) Breslau. J'ai fait connaître, dans la séance précédente, les travaux de la Société silésienne, qui compte mainte- nant plus de 40 stations où l’on observe les phénomènes périodiques. Les travaux sont dirigés par MM. Gôppert et Cohn, et les résultats sont publiés dans le Jahres-Bericht der schlessischen Gesellschaft fur vaterländische Kultur. De concert avec le Bureau de statistique de Berlin, et avec appui de l’Académie impériale de Vienne, de la Société médicale de Wurzbourg et d’autres institutions, MM. Gôp- pert et Cohn espèrent pouvoir concentrer, à Breslau, le système entier qui embrasserait l'Allemagne. Stettin. La Société entomologique fait réunir des obser- vations et communique annuellement à notre Académie celles de M. Hess. MECKkLENBOURG. — Schoérin. Le Bureau statistique du Mecklenbourg a fait distribuer, en octobre 1852, un pro- gramme pour l'observation des phénomènes périodiques des plantes. J'ignore s’il a été donné suite à cet appel. AUTRICHE. — Vienne. Un Institut central, pour la mé- téorologie ev le magnétisme terrestre à été fondé sous lhabile direction de M. Kreil. M. Fritsch. s'est chargé de tout ce qui concerne les phénomènes des plantes et des animaux. Ce savant avait déjà publié un recueil précieux d'observations pendant son séjour à Prague. Le journal de l’Institut central est destiné à concentrer les travaux qui se font en Autriche : le nombre des stations est déjà considérable (1). (1) L'Académie reçoit, dans cette même séance, le programme que vient de publier l'Institut météorologique de Vienne pour l'observation des phéno- mênes périodiques : Znstruction für Pegetations-Beobachtungen et In- struction zur Beobachtung einiger Erscheinungen aus dem Thierreiche. ( 218 ) Bonëème. — Les observations sont également Hentai es et publiées par l’Institut central de Vienne. Bavière. — Munich. M. Lamont, directeur de J'Obser- vatoire royal, à réuni, dans ses intéressantes Annales, les observations des différentes stations de la Bavière. M. le conseiller de Martius à, de son côté, vivement appuyé le programme de notre Académie, et nous à fait parvenir annuellement les observations recueillies dans le Jardin botanique de Munich. Ratisbonne. La Société de botanique a fait traduire le pro- gramme de notre Académie dans le journal qu’elle publie, et a été l’une des premières sociétés allemandes à provoquer des observations sur les phénomènes périodiques. WuRTEMBERG. — Stuttgart. Le recueil Naturwissen- schaftliche Jahreshefte publie, par les soins de M. le pro- fesseur Th. Plieninger, les résultats annuels recueillis dans 45 à 20 stations sur la floraison, etc., des plantes. Hesse-Darmstant. — Giessen. M. le professeur Hoffmann publie, dans le journal Hessischen landw. Zeitschrift, les résultats des observations sur les phénomènes périodiques, faites dans une douzaine de stations et entre autres à Francfort, Darmstadt et Marburg. Saxe RoyaLe. — Dresde. La Société des sciences natu- relles et médicales à publié, par les soins de M. Ch. Sachse, un programme pour l'observation des phénomènes pério- diques : Jahresbericht der Gesellschaft für Natur- und Heil- kunde. Des observations ont été publiées pour 1847-1851; je regrette de ne pas les connaître. Dans l'intérêt de la science et des observateurs, il est à désirer que les savants qui sont à la tête de ces différents systèmes d'observations puissent s'entendre et observer sur un même plan, afin d'obtenir des résultats compa- … (249 ) rables. Il ne serait pas moins intéressant que toutes les observations pussent être communiquées à un centre com- mu pour faire l'objet d'une seule et même publication : peut-être y parviendrait-on et d’une manière facile en créant un journal uniquement consacré à ce genre de travaux. À défaut d'une pareille centralisation, les différents centres d'action devraient se mettre en rapport et rendre leurs travaux facilement accessibles par des échanges. Je m'engage volontiers, en ce qui concerne la Belgique, à faciliter des relations aussi déstrables. . Sur différentes questions de météorologie. Lettre de M. Kæmtz à M. Quetelet. M. Quetelet communique une nouvelle lettre qu'il vient de recevoir de M. Kæmtz, professeur à Dorpat, au sujet de différentes questions météorologiques. Le savant physicien russe commence par faire remarquer que, quand on veut suivre des, mouvements atmosphériques sur une grande étendue de pays, il fant que ces études embrassent aussi ue période de temps suflisamment longue. Ainsi, pour la perturbation atmosphérique observée le 15 novembre dernier, il serait presque nécessaire d'avoir sous les yeux les observations du mois entier. « La différence entre les extrêmes des pressions atmo- Sphériques peut faire ressortir, dit-il, combien elles sont significatives depuis le mois de septembre : sept. 121,52 (moy. de 10 années 11,94); octob. 18,29 (moy. décenn. 141,54); novemb. 16!,89 (moy. déc. 16!,48); décemb, 16!,81 ( 220 ) (moy. déc. 15,67); janv. 241,55 (moy. de 11 ans 191,25) (1), » Si ces recherches étaient continuées, comme je vous l'ai indiqué précédemment (2), ajoute encore M. Kæmtz, elles deviendraient une des plus belles confirmations de votre période : on verrait qu'uue semblable anomalie n’ar- rive pas sans précédents et sans conséquences postérieures. Je vous donnerai plus tard, à ce sujet, un beau travail sur la grêle, pour lequel j'ai réuni un grand nombre de don- nées, mais que Je ne puis coordonner maintenant. » En traduisant heiter par clair, dans ma dernière lettre, vous en avez parfaitement saisi le sens; il y a un grand nombre de jours où le ciel reste couvert, et que je ne range pas parmi les jours de temps clair, en sorte que ce que j'entends par heiter (clair) n’est pas synonyme de regenlos (Sans pluie). Fy comprends, par exemple, les beaux jours d'été où, matin et soir, le temps est serein, et que pendant la journée, il se montre des cumuli. Il en est de même des jours d'automne: et d'hiver où régnait du brouil- lard le matin, et que le temps restait elair le reste du jour. Si je n’avais pris que les jours complétement sereins, J'aurais eu à peine 40 à 20 jours par an. » Ce que vous me dites de la rigueur de votre hiver mon- tre encore une de ces anomalies qui arrivent fréquemment. Lei, la température de janvier s’est peu écartée de la moyenne ordinaire, et elle a été assez uniforme, plus uniforme même que de coutume. Le 9 janvier, à midi, on avait 1,9 R; le 10, du matin au soir, le thermomètre descendit de —5°,2 à —9°,9, le 41, au matin, il marquait —10°,5 et le soir (1) Mon baromètre se trouve à 120 pieds environ au-dessus de la mer. En novembre, la pression moyenne à midi est de 5551,02 et la température moyenne à 7h. m.—1°,55; à 2 h.—0°,11 ; à 11 h.s.— 1915 R. (2) Voyez le Bulletin de la séance précédente, pages 145 et sui. À 1 ( 221 ) —15°,0, sous l'influence du rayonnement, car le temps était presque serein; le 26, seulement, il atteignit, par un vent d'O., —14°,0, et le 50, par un vent NO. —16°,6. Par contre, on eut le 4° février —5°,4 à —8°,5; baromètre le matin 555,39, le soir 555,54; le 2 février —8°,5 le matin et —1°,6 à 10 h. s.; le baromètre de 554,50 tombe à 352/,82 (7 h.s.); il marquait 555,47 à 10 h. s. Pendant ces deux jours soufflèrent de forts vents d'O., conséquence des grands froids qui régnaient chez vous. Depuis le 12 février, le froid est devenu plus vif ici : le 12, —22°,0, et à midi —14°,2 par un temps clair et un faible vent d'O. (le soir, belle aurore boréale) ; le 45 février —22°,8 à —15°4, vent calme; le 14 février —19°,8 à —135°,6, vent calme; aujour- d’'hui 45, —17°,5 à —14°,8, vent calme le matin; depuis 10 h., il s’élève un vent dE. plus fort, par un ciel cirrheux. » Mon travail sur les observations simultanées du baro- mètre est un peu plus avancé. J'ai comparé, il est vrai, chaque vent à la pression du jour précédent et du jour suivant, mais il suflira de prendre ici la pression du jour même. Je dois, néanmoins, faire remarquer que les nom- bres ne correspondent pas exactement : les observations de Dorpat s'étendent jusqu’en février 1854; celles de Paris et de Bruxelles jusqu’à la fin de 4852 et celles de Russie jusqu’à la fin de 1851 seulement. Quand je prends des périodes à peu près correspondantes pour les diverses Stations, les nombres varient bien un peu, mais le rap- port général reste le même. L’échelle pour Dorpat est en lignes; pour Paris et Bruxelles, elle est en millimètres et pour Îles stations russes, en vingtièmes de pouce anglais. Quand souffle en hiver, à Dorpat, l’un des vents ci-après, le baromètre se trouve, le même jour, au-dessus (+) ou au-dessous (——) de la moyenne, comme suit : Tome xx11. — [° parr. 16 LIEU. enEnTsex sE.:|.S..|.50.|. 0. | No.| ‘me dl moyenne, et variab.]lM Dorpat. . +] 354,45 lign. |42.05 44.57 42.07 40.4 |-5.74)-0.74)-0.72 40.61 Paris « . | 757,27 mill. |42.56/40.48/-2.41|-4.15|-2.90|+1.72/45.26|42.21 | Bruxelles. .| 756,55 » |+5.75/+2.21|-2.95|-4.06|-5.51|-1.02,45.61 45.45 S-Pétersbourg . | 597,71 5 |40.80/49.99|47.94)+1.90|-4.19|-5.50|-2.55|-0.41 {| Catharinenbourg| 581,17 » —1.91/+3.70/+5.15),41.25|+2.19|4+0.50-2.121-2.12 Lugan. . .| 595,28 » -3.80 40.69 41.28] -0.12|-0.05 |—0.10 40.81 |+0.30 » Ces nombres montrent à l'évidence que, moyennement, l'Europe entière subit l'influence d’un même vent. S'il soullle ici un vent NE., il se produit une élévation baro- métrique au-dessus de la moyenne depuis l’Oural jusqu’à l’océan Atlantique. Par un vent du S., au contraire, le point producteur {wirksame Punkt) se trouve bien au delà des limites de l'Europe. Le calcul exact pour un plus grand nombre de stations que je compare en ce moment, mon- trera que, pour chaque vent, les courbes de pression baro- métrique atteignent leur maximum en un lieu, quand le vent souffle de ce point vers toutes les directions, et leur minimum, quand le vent arrive dé tous côtés vers ce point. Un pareil maximum se présente par un vent du NE. au delà de S'-Pétersbourg ; par un vent du S. ou du SO., il se trouve dans la même région, mais dans ces deux cas, Catharinenbourg se trouve au delà. La direction du vent est modifiée par la rotation de la terre, en sorte qu'il en résulte souvent que, par un vent du N., le maximum ne se NA trouve pas au N., mais bien au NO. Comparez les différences entre Paris et Bruxelles, et presque tous les vents vous prouveront, d'une manière remarquable, combien Bruxelles se trouve plus au N. que Paris; les nombres s'accordent particulièrement à montrer ce résultat dans les deux sta- Lee Re Le (223 ) tions quand ils portent sur un même nombre de jours, Malheureusement, je ne possède aucun journal allemand embrassant toute la période. J'espère obtenir à S'-Péters- bourg les observations de Genève et du S'-Bernard, ainsi que celles d’Archangel (manuscrits de l’amirauté), et peut- être de Leuchtthurm Orlow, sur la mer Blanche. Je n'ai presque rien pour l'Italie, et je ne sais pas même s’il s'im- prime là quelque chose. » Aussitôt que les froids auront un peu diminué, je déterminerai de nouveau les éléments magnétiques, ou tout au moins l'intensité, à l’aide de l'appareil de voyage de: Poisson, dont je me servirai pour mes comparaisons projetées avec Bruxelles. Pour autant que vous vous oc- cupez encore des anciennes observations d’oscillations et que votre appareil vous permet de lire des ares de 50° au moins de chaque côté du méridien , je veux appeler votre attention sur la particularité suivante. Prenez deux ai- guilles aussi égales que possible, et faites-en osciller une sous l'influence du magnétisme terrestre; quand vous aurez observé uns quantité d’arcs, calculez la correction; elle sera négative (—). Si vous rapprochez ensuite la seconde aiguille, dans le méridien, par le pôle ami (freundschaftli- chem), pendant que la première continue à osciller sous la même amplitude, la correction sera négative (—), mais plus grande que précédemment et d'autant plus grande que les aiguilles seront plus rapprochées. Prenez de la même façon le pôle ennemi (feindschaftlichem) , la correction sera négative (—), mais plus petite que dans le premier cas, et nulle (0) pour un rapprochement plus grand (par des ares d'environ 50° et au-dessous) ; pour un rapprochement plus grand encore, les oscillations se ralentissent à mesure que les arcs diminuent. Les observateurs antérieurs, d’après la méthode de Poisson, n’obtenaient presque aucun résultat, .: ( 224 ) parce qu'ils ignoraient cette particularité. Par des rappro- chements de plus en plus grands des pôles ennemis, il peut arriver maintenant que la durée, par une amplitude de 50°, soit le double de la durée par une amplitude de 60°, et 1l survient un moment où l'aiguille s'arrête plus longtemps dans le méridien, puis passe d’un côté et oscille; il en résulte que la durée diminue rapidement en même temps que les arcs. N » Soit NS le méridien et le cer- TIR cle ACBD l'appareil d'oscillation; D l'éloignement nécessaire est déter- DT PA miné de manière que les aiguilles APR puissent être retournées. Deux li- La ve ones, AB et CD, sont importantes. sé Si le pôle S se trouve en C ou en B, F 8 l'équilibre est stable (stabil) ; si au contraire , il se trouve en S, il est instable (labil); laï- guille (S) oscille par de grands arcs de A, par S, en D; quand l'aiguille est retournée, l'équilibre n’est stable que dans l’are AND, et instable dans les arcs AB et CD. Quand vous déterminez d'abord le point C ou D en arrêtant l’ai- guille, elle emploie pour le petit are CE le même temps que pour l'arc plus grand CF. J'ai fait un grand nombre de mesures, en 1848 et 1849, mais cette théorie laissa encore à désirer. Cependant, je suis à même de construire, d’après ce principe, un instrument très-simple, qui don- nera les variations de la déclinaison et sa force, en même temps que l’inclinaison et sa force. Aussitôt que les cir- constances politiques le permettront, je vous donnerai verbalement de plus amples renseignements. » (225 ) Sur l'hiver de 1854 à 14855. M. Quetelet avait présenté, dans la séance précédente, une notice sur les froids de janvier dernier; il complète ces renseignements pour le mois de février. La tempéra- ture moyenne de ce mois s'est abaissée au-dessous de zéro (—0°,45), ce qui n'était arrivé qu’une seule fois pendant les vingt-deux années précédentes; en 4845 seulement, la température moyenne de février a été de — 2°,7 centigr. Le plus grand abaissement de la moyenne diurne, pen- dant le mois de février 1845, a été de —11°,1, tandis qu'en 1855, deux fois il a été plus bas (—11°,5 et —11°,7). Le minimum absolu le plus prononcé en février 1845, a été. — 15°,0; en 1855, il a été de — 16°,8 le 2 février; — 450,8 le 17; et — 15°,1 le 19. On peut donc considérer le mois de février que nous venons de traverser, comme le plus froid que nous ayons eu depuis vingt-trois ans. Les observations de Bruxelles se trouvent confirmées par celles de Louvain et de Namur. Ces froids anomaux ne s'observent plus, quand on prend les résultats de sta- tions éloignées; ainsi, d’après M. Kæmtz, la température de janvier était relativement assez douce en Russie, pen- dant qu’elle était extrêmement rigoureuse en Belgique. Cependant les froids étaient devenus vifs vers le milieu de février; le 12 et le 13, le thermomètre Réaumur était des- cendu au-dessous de — 22°, À Schappach, dans la Forêt Noire (Bade), on n’a eu, d’après M. Lewall, que cinq jours de froid; maximum + T°,5, minimum — 12°,5. Il serait curieux de rechercher où s'est manifesté le pôle froid dont nous avons ressenti l'influence dans notre pays, c'est-à-dire le point où la température s’est relativement le plus abaissée. ( 226 ) Température centigr. à l'Observatoire royal de Bruxelles, TT TT Te EN FÉVRIER 1855. EN JANVIER 1855. A Murima. Minima. MOYENNE. Maxima. Minima. MOYENNE. © @Œ@ 1 OO O à CI 19 —0,43 | —6,96 Température centigrade observée à Louvain, par M. Crahay, a EN JANVIER 4855. EN FÉVRIER 1855. | 2" 22" À DATES. | Maximum. Hinimum. DATES. Murimun. | Hinimum. Le thermomètre centigrade, à limites, de Six, employé à ces observations, à élé consulté, au collége des Prémon- rés, chaque jour, à 9 heures du matin. La température marquée à l'échelle du maximum a été considérée comme “la plu forte chaleur qui a régné dans le courant du jour précé ent, et a été inscrite à cette date; celle indiquée à MécW:ile du minimum a été enregistrée comme la moindre “empérature du jour même de l'observation : c'est généra- ( 228 ) lement la plus basse température de la nuit précédente, ou plutôt de la fin de cette nuit. Température centigrade observées à Namur, par M. s: 1 FE JANVIER. MINIMA. E FÉVRIER. MINIMA, — 7 —16,4 (°) : minima au-dessus de zéro. 0,0 | | | | | | | {(t) Première gelée. | (2) Observée à 6 h. du matin. pas de gelée, 19 19 19 19 19 t9 © ES D A4 OO CG à QU ct - au F É É È Dans la séance du 9 mai 1854, M. Quetelet a présenté un mémoire de Hansteen , de Christiania, Sur les aurores ( 229 ) boréales. Ce mémoire, inséré dans le Bulletin de la séance, a été reproduit par extraits dans le journal l’Institut, et repris de là dans la Bibliothèque universelle de Genéve. Par suite d’une méprise, due bien moins aux rédacteurs de ces excellents recueils qu’à la forme même de la publica- tion, la seconde partie du travail de Hansteen a été attri- buée à M. Quetelet. Ce dernier demande à pouvoir en faire la remarque dans l'intérêt de la vérité. Note sur quelques hivers remarquables par le froid du mois de février. D'après les observations faites à Maestricht, par feu le professeur Minkelers, depuis 1801 jusqu'à 1819, et par le professeur Crahay dans la même ville, depuis 1818 jusqu'à 1834; ensuite par le même à Louvain, depuis 1835 jusqu à 1855 (1). 1803. Gelées pendant la majeure partie de janvier, et conti- puation jusqu'au 14 février. Pendant ce dernier mois, le thermo- mètre a été six fois au-dessous de —10°; la Meuse a été prise, et la débâcle n'a eu lieu que le 17 février; minimum du mois —15°,6. Les gelées ont repris au commencement de mars et ont duré jusqu'au 17. Le minimum de ce mois a été de —5°,9. 1814. Gelées pendant tout le mois de janvier; minimum —13°, De même pendant celui de février, excepté du 7 au 15. A à jours différents, la température est descendue au-dessous de —10°; le 24 il y a eu —12°,0 ; après 3 jours d'interruption, les gelées ont repris jusqu'au 19 mars. Le 9 de ce mois, il y a eu —9°,5. 1827, 4 jours de gelée au commencement de janvier; inter- (1) Les indications de température sont en degrés centigrades. ( 230 ) ruption; reprise le 48 jusqu'à la fin du mois; minimum —159,2. Gelée pendant le mois de février, excepté les 3 derniers jours; minimum du mois de — (89,2; moyenne du mois —4",12. 1829. Janvier. — Tout le mois très-froid, nrinimum —18°,5; moyenne du mois —4°,02. Le thermomètre a été dix fois au- dessous de — 10°. Février. — 90 jours de gelée; minimum —10°6; moyenne du mois 0°,0. Mars. — 19 jours de gelée, avec interruption jusqu'au 28; minimum — 4,9 le 24; moyenne du mois + 4,4. 1850. Janvier. —29 jours de gelée; thermomètre huit fois au- dessous de — 10°; minimum —18°,4; moyenne du mois —1°,90. Février. — 20 jours de gelée, jusqu'au 23, avec interruption pendant 3 jours; sept fois le thermomètre au-dessous de —12"; minimum — 19,5; moyenne du mois de —i°,05. Mars. — 7 jours de gelée du 35 au 10. 1838. Janvier. — 96 jours de gelée. Thermomètre seize fois au-dessous de — 10°; minimum —19°,2; moyenne du mois — 6,49. Février. — Gelées jusqu'au 20; minimum —11°,7; moyenne du mois —(0°,77. 1841. Janvier. — 16 jours de gelée; minimum —119,1; moyenne du mois + 09,41. FAR Février. — 16 jours de gelée; thérmomètré cinq fois au-des- sous de —10°; minimum —11°,5; moyenne du mois —(°,05. Les gelées ont continué jusqu'au 2? mars. 1845. Janvier. — 12 jours de gelées peu fortes, répartis sur tout le mois; minimum —3°,6. Février. — Gelée tous les jours du mois. Thérmomètre hütit fois au-dessous dé —40°; minimum —16°,5 ; moyenne du mois —2°,78. Mars. — 25 jours de gelée, depuis le commencemen jus- qu'au 25; thermomètre cinq fois au-dessous de — 10°; minimum —13°6; moyenne du mois —0°,25, ( 231 ) 1847. Janvier. — 20 jours de gelée, jusqu’au 23; minimum —12°,8. Février, — Gelée depuis le commencement jusqu'au 15; puis 9 jours d'intervalle; reprise depuis le 24 jusqu’à la fin; mini- mum de février —12°,5; moyenne du mois + 1°,65. Mars. — 9 jours de gelée, répartis sur tout le mois; mini- num —19°,1, le 41. Avril. — 7 jours de gelée jusqu’au 21 ; minimum —1°,4. 1852. Cet hiver a été remarquable moins par l'intensité du froid que par sa longue durée. Janvier n’a fourni que 10 jours de gelée peu forte; minimum — 70,8. Février. — Gelée depuis le 12 jusqu'à la fin ; minimum —- 49,0. Murs. — 20 jours de gelée, depuis le commencement jus- qu'au 28, avec quelques jours d’intermittence; minimum — 4°,9, le 45. Avril, — Plusieurs jours de gelée. Mon absence de Louvain pendant une partie du mois m'a empêché de marquer régulière- ment. Minimum —%, le 20. Mai. —— Gelée pendant la nuit du 1%; minimum —1°,4. 1853. Janvier. — Température très-douce, gelées peu fortes pendant 5 nuits seulement, à la fin du mois. l'évrier.— Les gelées ont commencé le 5 et ont persisté jusqu'à la fm du mois; minimum —10°,5; moxenne du mois + 0°,4. Mars. — Continuation des gelées jusqu'au 30, avec interrup- tion de 6 jours; minimum du mois —12°6; movenne du mois + 19,29. 1855. — (Voir le tableau, p. 227). D'après cette liste, les années exceptionnelles par les froids du mois de février sont revenues successivement après un nom- bre d'années 44, 13, 2, 1, 8,3,4,92,5,1,9.Il n'y à donc aucune périodicité dans ces retours. (232 ) Note sur un moyen très-simple d'augmenter, dans une pro- portion notable, la résistance d'une pièce prismatique chargée uniformément; par M. E. Lamarle, associé de l’Académie. L'objet de cette note est de signaler à l'attention des constructeurs une disposition très-simple qui permet, en certains cas, d'augmenter, dans une proportion considé- rable, la résistance des pièces soumises à la flexion. Cette disposition , que je n’ai vue indiquée nulle part et que je crois nouvelle, consiste essentiellement, soit à remplacer par des encastrements obliques les encastrements horizon- taux, soit, plus généralement encore, à établir certaines inégalités de hauteur entre les divers supports d’une même pièce , au lieu de placer tous ces supports à un même ni- veau, comme on le fait habituellement. PREMIÈRE PARTIE. CAS GÉNÉRAL DE DEUX SUPPORTS. Soit une pièce prismatique chargée uniformément et supportée de manière que l’inclinaison de son axe sur l'horizontale soit partout très-petite. Nous supposerons d'abord qu'entre les deux extrémités de cette pièce, il n'existe pas d'appui intermédiaire; néanmoins, plusieurs cas pourront se présenter, selon qu'on voudra considérer chacune des extrémités comme étant supportée par un simple appui ou encastrée sous un certain angle. Quelle que ( 255 ) soit la disposition adoptée, nous prendrons constamment pour origine des æ, y, le point où l’axe de la pièce vient percer l’une des sections extrêmes, et pour axes coordon- nés l'horizontale et la verticale menées par ce point dans le plan de flexion. A Y Soient, en conséquence, À l'extrémité de l'axe prise pour origine et B l'autre extrémité. Pour tenir compte des conditions que l’axe subit en ces points, il suffit d'attribuer aux inclinaisons qu'il y affecte des valeurs convenables. On sait d’ailleurs qu’en ce qui concerne l’état d'équilibre de la partie BA, l'effet d’un encastrement quelconque, agissant en B, peut toujours se réaliser par la réaction d’un simple appui au Celà duquel la pièce serait convenablement pro- longée. Cela posé, nommons : £ le moment d’élasticité de la pièce. À l’abscisse du point B; P la réaction qu'exercerait un simple appui placé en ce point ; A} la quantité dont la pièce doit être prolongée au delà de l'appui B vers C pour réaliser, s'il y a lieu, les effets de l'encastrement; p la charge uniformément répartie sur l'unité de lon- gueur. Il vient ainsi pour équation d'équilibre de la partie BA : ( 234 ) dy (A+aa—x) EN ai 2 — P(1— x), ’ et l’on voit aisément que cette équation se réduit à la forme 7 É Ce} (2) | . ° . = — — = = (n) dr? de | À < À A e]. a et b étant deux constantes à déterminer d'après les con- ditions particulières que la pièce subit à ses extrémités A et B. Posons pour plus de simplicité A2 R = Le De nous aurons ae = A [(;) —e (5) +0] D) RARE pe US “ s (2) de R | Ë a j +0 à d ke Lits Soit m la valeur que la tangente 2 affecte à l'origine; une première intégration donne, E] —]|+ m. À Les dy 1 ik a ti 9) Ch — = ; 4 A =) — re ke à a uiot ut On a de même, en intégrant une seconde fois, o. meft() (Ten Désignons maintenant par m' et f, les valeurs que les . d | variables 7 et y prennent respectivement en B, pour dx (255 ) æ= ); nous déduirons des équations (5) et (4). j (à) “0m —=hRA = H) 6) 1 Ra 17 12 el, par suite, 6 7 (1 1 7 (1) FES . RSR 6 RA 19! & Aie + Ra? +b) + M [2f — (m+m')x2)] 5 [2 — (im +m)2]. Considérons une section quelconque, normale à l'axe de la pièce, et passant par lé point (x, y) commun à cet axe el à celui d'équilibre. Dans cette section, le point le plus éloigné de l'axe d'équilibre est précisément celui au- quel corrémond le plus grand changement de longueur produit, soit par extension, soil par contraction. Repré- sentons par À la distance de ce point à l’axe d'équilibre et par 4 la fraction qui exprime, pour l'unité linéaire, ce plus grand changement de longueur. La relation connue combinée avec l'équation (2), nous donnera cu((s) (90) ou, Mieux encore, ( 256 ) me suf(#)-e{#) 0 la quantité u devant rester positive et, par conséquent, le signe + où — devant être adopté, selon qu’au point (x, y) l’axe de la pièce est convexe ou concave. On sait que la flexion croit avec la charge, et que la charge peut augmenter jusqu’à ce que le plus grand chan- gement de longueur, produit par la flexion, atteigne nn certain degré de grandeur déterminé d'avance et corres- pondant aux limites de lélasticité. Il est donc clair que, toutes choses égales d’ailleurs, il y a avantage à dispo- ser des quantités m, m' et f, de manière que la plus grande des valeurs affectées par # dans l'intervalle BA soit la moindre possible. D'un autre côté, il est visible que la section de plus grande fatigue est nécessairement ou bien l’une des sections extrêmes, ou bien celle des sections intermédiaires pour laquelle le second membre de l'équation (9) devient un maximum. L'abscisse qui dé- termine cette section s'obtient en égalant à zéro la dérivée du trinôme ce qui donne Il suit de là que les valeurs de x à considérer sont tout au plus au nombre de trois. Nous les désignerons respec- tivement par 4, 4, et L,, et supposant que l'axe est con- vexe pour les sections extrêmes, tandis qu'il est concave PR MUR MPDRLE 2 4 DOS CET ( 257 ) pour la section intermédiaire, nous déduirons de l'équa- tion (9) les expressions suivantes : 1° pour z = 0 4, = Rhb; a a? 2 pour pt a = Ra fe — 5); 3 pour x = À. um, = Rh(1— a +b). Ces expressions, lorsqu'on y remplace a et b par leurs valeurs déduites des équations (7) et (8), deviennent res- pectivement : Lo kR Mn — M de ? (10). . RS ne Va [2f—(m + m')àa]. ra R mm grope u on (11). A F7 == Ti + CRE + Rx [2/ —(m + m )A] à L, R m—m 3 (12). Fee gro dit [2{— (m+m')a]. Cela posés imaginons d'abord que l'axe de la pièce flé- chie soit tout entier concave dans l'intervalle BA, et qu'il y ait inflexion aux deux extrémités À et B. Ce cas est évidemment celui qui se réalise, lorsque chacune de ces extrémités repose sur un simple appui. Dans cette hypothèse, on à d'abord k;y —= 0, kB; = 0. De la résulte, en vertu des équations (10) et (12) : Mm—Mm R À 6 2f—=(m+m)aà, ToME xx11. — I" PART. 17 ( 238 ) et, substituant dans l'équation (11 PS TS PAIE MES +|E Fr: Concevons actuellement qu'une disposition différente soit adoptée. Pour que cette disposition nouvelle présente un avantage, 1l faut nécessairement qu’elle implique une diminution de la quantité m—m’. En effet, s’il en était autrement, la valeur de x, ne pourrait qu niet Posons en conséquence % = M — M R 14 . . . . . | —+ — — (14) | ê = et ne perdons pas de vue que la quantité » doit rester posi- tive. En substituant cette valeur dans les équations (10) (11) et (12), l’on en déduit immédiatement, += 4 + = [2/—(m+m')a] R 9 A Hip (2 im+m)aT ses set À [2f—(m + m')a] he NET ER La comparaison des trois équations que nous venons d'écrire conduit sans peine aux conclusions suivantes : 4° Il convient que la valeur attribuée à » soit moindre que la quantité 2 En effet, s’il en était autrement, l’une ou l’autre des quantités #,, ., deviendrait plus grande que = , et il y aurait désavantage par rapport au cas précédent, où les extrémités étaient simplement appuyées. ( 239 ) 2 » devant rester inférieur à sé il y a toujours avan- tage à poser fm man} Pour s'en convaincre, il suffit d'observer que le terme qui dépend du facteur 2 f—(m+m') à entre addilivement, d'une part, dans la valeur de g,, d'autre part, dans celle des deux quantités Z, u, qui l'emporte numériquement sur l’autre, 5° Eu égard à l'équation (15), la disposition la plus fa- vorable est évidemment celle où la plus grande des deux quantités * el è — n devient la moindre possible. Or, puisque entre les valeurs o et Le, limites extrêmes inverse- ment communes à ces deux quantités, l’une croit tou- jours, tandis que l’autre décroît constamment, il est clair que la moindre valeur de la plus grande des deux répond au cas unigee de leur égalité respective. On doit donc poser R NT CE T4 De là résulte DE L ET rh et remplaçant n par celte valeur dans l'équation (14) Mise À 24 On voit ainsi que, pour réaliser les conditions les plus favorables à la résistance de la pièce AB, tout se réduit à satisfaire aux deux équations (15) et (16). Si les circon- Slances particulières où l'on est placé laissent toute liberté, el permeltent, en conséquence, d'adopter la disposition la ( 240) plus avantageuse, les équations (15) et (16) subsistant 4 toutes deux, l’on a d'abord ; Rh } A pe Er dé ui CH LA ce qui montre que la pièce est rendue, autant que possible, d'égale résistance. Il vient ensuite , par conséquent, l'équation (2) se ramène à la forme très-simple : dy (Efuue pr (£ | :) [(l 17. =R|(-| 2 LUE PANEINS qi?) dr? [5 +3] . Hé. Nous avons vu qu'en supposant la pièce AB supportée à ses extrémités par de simples appuis, le plus grand chan- gement de longueur produit par la flexion, et rapporté à l’unité linéaire, avait pour mesure Dans le cas où l’on remplace les appuis extrêmes par des encastrements obliques convenablement déterminés, en position el en inclinaison, ce plus grand changenrent de longueur se réduit à FRA 2e L'avantage obleuu étant ainsi le plus grand possible ; on voit que, toutes choses égales d'ailleurs, il consiste & reudre moitié moindre l'extension ou la contraction maxi, mu. En d’autres termes, il équivaut à un accroissement, ( 241 ) \ de résistance qui permet de doubler la charge uniformé- ment répartie. En général, il est d'usage, pour le cas de simples appuis, comme pour celui d'unencastrement com- biné avec un appui, ou de deux encastrements, de placer les supports à la même hauteur et de diriger les encastre- ments suivant l'horizontale. Cherchons comment varie la résistance de la pièce AB, suivant qu’on adopte l’une ou l’autre de ces dispositions et que l'on y introduit, s’il y a lieu , les modifications qu’elles comportent. 1" cas. { La pièce AB est soutenue à chaque extrémité par un simple appui.) Ce cas traité ci-dessus nous à conduit aux équations suivanLes : Nm — M R Ana Jo ré 2f = (m+m')2 Rh (18) . . . . . . . B; = mere # Ces équations montrent que la résistance de la pièce est indépendante de la hauteur relative des appuis. Ici donc il est indiflérent de placer les appuis de niveau ou d'établir eutre eux une certaine inégalité de hauteur. 2°° cas. (La pièce AB est supportée en A par un encastrement, en B par un appui.) Pour exprimer qu'il ÿ a simple appui en B, il suñit (242). d’égaler à zéro le second membre de l'équation (12). Il vient ainsi : R m—m' 5 : Les er E er [2f—(m+m)1]— 0. De là résulte : 5 [R m—m er (19) f (m+m') WG F et celte valeur transportée dans les équations (10) et (11) donne : Ur d h 5 À &, R m—m' A/R m— mm’ \? une enr R 2 m—m' (m— m'}? Conÿ 1e À k. R» Supposons d’abord que, suivant la disposition généra- lement adoptée , l’encastrement en A soit horizontal et que l'appui B soit placé à la même hauteur que le support A. Pour exprimer ces deux conditions, nous devons poser en … même temps : m = 0, fit; L’équation (19) donne alors ; Ra pr NET PTS et l’on déduit des équations (20) et (21) Rh où) ! nr AUS fe VOTES (22) w : DA RUES ETATS ( 245 ) Les égalités (18) et (22) montrent que le plus grand changement de longueur produit par la flexion n’est point diminué, lorsque l’on remplace un des appuis extrêmes par un encastrement horizontal, et que, d’ailleurs, on maintient les deux supports à un même niveau. Au lieu donc de s’en tenir à cette modification, sans profit pour la résistance de la pièce AB, il convient de chercher quelle est, dans le cas d’un encastrement combiné avec un simple appui, la disposition la plus avantageuse, c’est-à-dire quelle con- dition doit être remplie pour que la plus grande des valeurs fournies pour y, et y, par les équations (20) et (21) devienne la moindre possible. Or, 4, croit avec m—m', tandis que l'inverse a lieu pour p,. Il est donc clair que la valeur à adopter pour @—m" doit satisfaire à l'égalité L22n — H;: De là résulte, en substituant R m—m R 2 m—m (m—m')? = + = + 6 À 9 3 À Ra puis réduisant (=) 8 es) 9 - == R — R , À 5 et résolvant nn 2 À 5 Cette valeur, transportée dans les équations (19), (20) et (21) donne, d'une part : D. cf ma — (BV): d'autre part ( 244 ) (26). . . . a — 4) = (3—92V9)Rh. L'équation (25) détermine la relation qu'on doit établir entre la hauteur relative des supports et la direction de l'encastrement, lorsqu'on veut porter à son maæimum la résistance de la pièce AB. Ce maximum a pour mesure inversement proportionnelle le second membre de l'éga- lité (26). Comparé à, celui qui résulte des équations (13) et (22), pour chacun des deux cas précédents, il est plus grand dans le rapport de l'unité à la fraction 4(5—92V2). Il est donc exprimé relativement par le nombre fraction- naire 1 … 3+9V2 lat de en ce — 1,457. 4(3—2V2) 4 Il suit de là qu'il suffit de satisfaire à l'équation (25) pour que la charge, uniformément répartie et correspondant de part et d'autre aux limites de l’élasticité, puisse être accrue de 457 millièmes. Cet avantage équivaut presque à 50 p. %. Veut-on le réaliser dans le cas particulier où l’encastrement en A est horizontal? tout se réduit à attri- buer à f la valeur fournie par l'équation (25) pour m — 0, c’est-à-dire à relever l'appui B de la quantité Rà? 1 4 pat JL C4 DR Le ETES nee 241). ( ) EL US (8V/2—141) L'avantage considérable que nous venons de signaler peut également s’obtenir sans changer la hauteur relative de l’appui B. Il faut alors, ainsi qu'on le voit par l'équa- tion (25), diriger l’encastrement en A suivant l'inelinaison Ra “2. pa LE M — -- [SW OPEN (QU SECARE 4 TA 2x | | (245) LA 5°° CAS. (La pièce AB est encastrée à chaque extrémité.) Considérons, en premier lieu, le cas de deux encastre- reuts horizontaux, tel qu'il se présente dans la pratique usuelle. Pour exprimer celte condition, il faut poser m = 0 et m'—o dans les équations (10), (14) et (12). De la résulte R 6f = ($+ F)4 R 56f? mn = (+ à £ =(i- LL | 6 À La comparaison de ces trois valeurs montre évidemment que, dans ce cas, la disposition la meilleure consiste, ainsi qu' on le fait habituellement, à établir les deux sup- ports à la même hauteur, c'est-à-dire à poser f—o. Il vient alors, en ne considérant que les plus grandes de ces valeurs, mt Res La limite de résistance correspondante à ce dernier ré- sultat est exprimée relativement à celle que nous avons déjà prise pour terme de comparaison et qui convient au cas de deux simples appuis par le rapport 6 = 14,50, 4 ( 246 ) Tout à l'heure nous avons obtenu un nombre peu diffé- rent, savoir : 1,457. On voit par là que la résistance de la pièce AB reste sensiblement la même, soit qu'on encastre horizontale- ment les deux extrémités, maintenues de niveau comme il convient alors, soit qu'on supprime un des encastrements pour le remplacer par un simple appui placé à une hau- teur convenable. Cette remarque n’est pas sans impor- tance, eu égard aux difficultés que peut offrir, en certains cas, la réalisation des encastrements extrêmes et au soin qu'on doit prendre d'éviter toute sujétion superflue, toute dépense inutile. Nous verrons plus loin comment elle s’ap- plique d'elle-même au cas d’une pièce soutenue en son milieu par un appui intermédiaire. Considérons, en second lieu, le cas de deux encastre- ments quelconques. Nous savons déjà que pour réaliser le maximum absolu de résistance, il est à la fois nécessaire et suffisant que les équations (15) et (16) soient toutes deux satisfaites. Nous savons, en outre, que ce maximum a pour expression inversement proportionnelle Rh EE Constatons d'abord que si l'on compare le maximum absolu de résistance ainsi déterminé à la limite trouvée ci-dessus pour le cas de simples appuis, l’on a pour ex- pression numérique du rapport de ces deux quantités : 2. #& | | ( 247 ) Il suit de là qu’en substituant à de simples appuis des encastrements convenables, l’on peut porter au double la résistance de la pièce AB, tandis qu'avec des encastre- ments horizontaux, l'on ne parvient à l’augmenter que de 50 p. %o. Cherchons maintenant à préciser quelles sont les dis- positions particulières à prendre pour réaliser l'avantage important que nous venons de mettre en évidence. L'une de ces dispositions est unique. Ce qui la caracté- rise, c'est la condition de symétrie exprimée par la rela- tion [=,0; et l'équation (16) : Ra 5 11) NN CREER ns 48 96e On voit ainsi qu'on peut atteindre le but proposé sans établir aucune différence de niveau entre les deux sup- ports. En ce cas, les deux encastrements sont symétri- ques par rapport à la verticale qui passe par le milieu de la pièce, et leur inclinaison est donnée par l'équation (29). En général, c’est par la combinaison des inclinaisons d'encastrement, avec une certaine inégalité de hauteur établie entre les supports, que le maximum absolu de ré- sistance peut et doit se réaliser. Les quantités à déterminer sont au nombre de trois, et comme il n'existe eutre elles que deux équations de condition, il est visible que l’une de ces quantités peut varier arbitrairement entre certaines ( 248 ) limites. Nous supposerons que la direction de l’encastre- ment en À, c’est-à-dire la valeur de m, soit donnée d'avance, et que, par conséquent, il ne S’agisse plus qué de fixér convenablement Îles valeurs correspondantes de m' et de f. L’équation (16) donne pour m’ exprimé en fonction de m il RA? pat EX NN ETS Pr mr Tec ne Ce résultat peut s'énoncer comme il suit : Quelle que soit la direction de l'encastrement en A, pourvu qu’elle s’écarte peu de l'horizontale, l'on’ peut ton- jours disposer lesupport d'encastrement B de manière que la résistance de la pièce atteigne le maximum absolu qu’elle comporte. I suffit pour cela qu'en B le support soit plus haut qu'en A de la quantité 27 — mà, et que linclinaison y soit exprimée par rapport à celle de l’encastrément A par la valeur relative m —?©. Il y a lieu de faire observer que les quantités m, m' et f sont toujours très-pelites relativement à 2, et que Souvent même elles sont de l’ordre dés grandeurs dont on néglige de tenir compte dans la pratique. Sous ce rapport, l'influence considérable que peut exercer sur la résistance d'une pièce soumise à la flexion un changement très-minime apporté dans la disposition des supports mérite de fixer toute l’at- tention des constructeurs. [l est visible, en effet, qu'alors même qu’on voudrait S'en tenir aux conditions générale- ns tte Res ( 249 ) ment adoptées, l’on devrail néanmoins procéder avec une extrême précision, et mettre le plus grand soin à éviter tout défaut de pose dans le sens où leffet produit serait une diminution rapide de résistance. ‘ RÉSUMÉ GÉNÉRAL DE LA PREMIÈRE PARTIE, On a vu par ce qui précède comment la charge uniformé- ment répartie qu'une même pièce prismatique peut sup- porter d’une manière permanente, varie entre les limites let 2, suivant la disposition adoptée pour les supports extrêmes. Résumons en quelques lignes les résultats prin- cipaux auxquels nous sommes successivement parvenus. Si nous représentons par l’unité la charge uniformément répartie correspondante aux limites de élasticité, pour le cas où les deux extrémités de la pièce reposent sur de simpies appuis, nous pourrons former le tableau suivant : NUMÉROS |: \ LIMITE DH DISPOSITION DES SUPPORTS EXTRÈMES. d'ordre. charge. | | Les extrémités reposent sur de simples appuis . L'une des extremites est encastrée horizontalement ; l’autre est simplement APPUY ée. Toutes deux sont de niveau . $ : L'une des extrémités est encastrée comme on voudra; l'autre est simplement sppuxe Il existe entre elles une certaine inégalité de hauteur Les extrémités sont encastrées horizontalement et à méme hauteur, Les extrémités sont encastrées suivant certaines incli- uaisons, dépendantes l’une de l'autre, et, en général, il existe entre les hauteurs des supports certaines | inégalités convenablement déterminées. Extension des résultats précédents au cas de trois suppor ls. Pour étendre au cas de trois supports les déductions qui précèdent, il suflit d'imaginer que le point A, pris pour origine, devienne le milieu d’une pièce ayant deux fois la longueur AB, et subissant d'ailleurs les mêmes conditions. Tout ce que nous avons dit ci-dessus de la pièce AB, dans l'hypothèse d'un encastrement en A, s'applique évidem- meut à chacune des deux moiliés de la pièce nouvelle. Bornons-nous à signaler deux conséquences importantes; 1° Lorsqu'une pièce prismatique doit être chargée uni- formément et reposer sur de simples appuis, placés lun en son milieu, les autres à ses extrémités, il est d'usage d'établir ces trois appuis à la même hauteur. I] résulte de cette disposition que la continuité maintenue dans la pièce au-dessus de l’appui intermédiaire n’ajoute rien à la résistance, la limite de charge restant la même que si cha- cune des deux moitiés était prise isolément et simplement appuyée à ses extrémités. Imaginons que, toutes choses égales d’ailleurs, l’on abaisse l'appui intermédiaire de la quantité En ce cas, la résistance de la pièce augmente de 457 mil- lièmes, soit d'environ 50 p. ‘0. 2% Lorsque, dans la pratique, on veut accroître la rési- stance d'une pièce chargée uniformément, et soutenue en trois points, comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, ( 201 ) on maintient les supports à hauteur égale et l’on remplace les appuis extrêmes par des encastrements horizontaux. De là résulte un accroissement de résistance précisément égal à 50 P- 0/0. Au lieu de s'eu tenir à ce procédé, concevons que l’on substitue aux encastrements horizontaux des encastre- ments obliques, déterminés par la relation Ra 24? M = — et qu'en outre, l'on abaisse l’appui moyen de la quantité En ce cas, l’accroissement de résistance sera de 100 p.%o c’est-à-dire double de celui qui correspond à l'encastrement horizontal des deux extrémités. Dans la comparaison que nous venons d'établir entre les dispositions généralement adoptées et celles qui seraient les meilleures, nous avons supposé que, de part et d'autre, la tangente en À demeurait horizontale. Cette condition répond au cas particulier où l’on veut maintenir à une même hauteur les deux supports extrêmes. Au point de vue de la résistance, elle n’est ni plus ni moins avanta- geuse qu’une infinité d’autres, exprimées , pour le premier cas, par l'équation (25) et, pour le second, par les équa- tions (50) et (51). Si nous l'avons choisie de préférence, cest à raison de la simplicité plus grande résultant de la symétrie parfaite que présente alors chacune des deux moiliés de la pièce considérée, Dans une note prochaine, nous ferons voir comment le ( 252 ) cas général d’un nombre quelconque de supports se trouve implicitement résolu par tout ce qui précède. — Sur les organes seæœuels des Huîtres; par M. P.-J. Van Beneden. \ ‘Dans une communication faite à la séance du 19 février 1855 (Académie des sciences de Paris), M. Lacaze-Duthiers paraît révoquer en doute l'opinion exprimée par M. Da- vaine sur la succession des périodes d'activité des organes mâles et femelles des Huîtres , et il ajoute : S'il en était comme le dit M. Davaine, puisque toutes glandes entrent de nouveau en activité apres la ponte , on devrait, pendant l'hiver, rencontrer des Huiîtres avec des spermalozoïdes sécrétés après la ponte et réservés pour la saison suivante. C'est ce que M: Davainé n'indique pas. Dans le but de lever quelques doutes au sujet des or- ganes sexuels des Huitres, après avoir étudié ces mollus- ques sous le rapport de leur embryogénie, je me suis pro- curé de ces bivalvés pendant tout l'hiver dernier, depuis le mois d'octobre jusqu'à la fin de janvier, et le résultat de ces observations se rapporte trop directement au doute exprimé plus haut pour ne pas en faire part immédiate- ment. Pour prévenir les observations que l’on pourrait faire au sujet des Huiîtres qui ont servi à ces recherches, je ferai remarquer que je n'ai opéré que sur des individus pêchés en place dans la pleine mer, et qui appartiennent, par con- séquent, à l'espèce dite Ostrea hippopus. Toutes les Huitres que j'ai examinées depuis le mois ( 255 ) d'octobre portaient des spermatozoïdes, et, depuis la fin de novembre, je n’ai plus vu que des spermatozoïdes désa- grégés. Jusqu’alors, il y en avait encore de réunis, comme au mois de juillet. Dans chaque envoi que je recevais successivement se trouvaient des Huîtres de tout äge. A juger de l'épaisseur de la coquille et du nombre de couches qui la composent, il yen avait depuis l’âge de un ou deux ans jusqu’à l’âge de vingt ans au moins. Toutes étaient cependant sembla- bles, sous le rapport des sexes, el montraient des sperma- tozoïdes développés au même degré. Voilà donc la lacune, indiquée plus haut, comblée; et la question de savoir s'il existe chez les Huitres une suc- cession de périodes d'activité des organes sexuels, nous semble mise hors de doute. Les Huîtres ne produisant des œufs qu’à l’âge de trois ou quatre ans, et les spermatozoïdes se montrant de si bonne heure chez elles, ces mollusques sont véritablement mäles d'abord, et ne deviennent femelles ou hermaphro- dites que beaucoup plus tard. Enlin, les spermatozoïdes qui se développent pendant une saison semblent bien ne devoir entrer en fonction que la saison suivante. L'hermaphrodisme des Huîtres, reconnu d’abord par M. Davaine, dans un travail récemment couronné par l'Académie, est donc un fait acquis que les belles et inté- ressantes recherches de M. Lacaze-Duthiers, sur les or- ganes génitaux des acéphales, ont contribué à mettre hors de doute. TomE xxur. — 1° par. 18 (234) CLASSE DES LETTRES. Séance du 5 mars 1855. M, le chanoine ne Raw, directeur. M. Querezer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Roulez, Ga- chard, David, Paul Devaux, P. De Decker, Schayes, Snel- laert, Haus, Bormans, Polain, Baguet, membres ; Nolet de Brauwere van Steeland, associé; Arendt et Chalon, correspondants. MM. Sauveur, membre de la classe des sciences, Alvin et Éd. Fétis, membres de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M* Lesbroussart, née De Waele, donne connaissance de la mort dé son mari, M. Ph. Lesbroussart , membre de l'Académie, décédé dans sa 74" année, le 4 mars, à une heure de relevée. Il sera répondu par une lettre de condoléance. La classe nomme, de plus, une députation pour représenter l’Aca- démie aux funérailles qui auront lieu le 7 du courant. ( 255 ) Cette députation se composera des membres du bureau, MM. Leclercq, le baron de Gerlache et Quetelet, ainsi que . des trois plus anciens membres résidents, MM. le chevalier Marchal, Gachard et De Decker. M. le secrétaire perpé- tuel prendra la parole, au nom de l’Académie. — M. le Ministre de l’intérieur transmet le manuserit Der naturen Bloeme , que le gouvernement hollandais a consenti à prêter à l'Académie pour faciliter la publication projetée des œuvres inédites de Van Maerlant. M. le Ministre de l’intérieur fait parvenir aussi diffé- rents ouvrages destinés à la bibliothèque de la Compagnie. — Le Sénat de Belgique rémereie l’Académie pour l’envoi de la Bibliographie académique et des derniers numéros des Bulletins. — La classe reçoit l'information que le congrès des dé- légués des Sociétés savantes des départements français ou- vrira sa session de 1855, le 20 mars prochain, à 2 heures, dans les salons de la Société d'encouragement à Paris. La classe reçoit aussi le programme des questions qui seront soumises au prochain congrès archéologique de France, dont la vingt-deuxième session s'ouvrira à l’hôtel de ville de Châlons-sur-Marne, le 21 mai 1855. — M. le Secrétaire perpétuel fait connaître qu'il à trouvé, dans les procès-verbaux de l'ancienne Académie impériale et royale de Bruxelles, des détails relatifs à un supplément au recueil diplomatique de Miræus. Comme ces détails peuvent aider à faire retrouver le manuscrit, il s’est empressé de les remettre à M. Gachard, secrétaire de la Commission d'histoire. ( 256 ) La classe reçoit les ouvrages manuscrits suivants : 1° Mémoire sur la vie d'Eugène Jacquet, de Bruxelles, et sur ses travaux relatifs à l’histoire et aux langues de l'Orient, suivi de quelques fragments inédits, par M. Félix Nève, professeur à l’université de Louvain. (Commis- saires : MM. le baron Jules de Saint-Genois et Roulez) ; 2 Notice sur un monument métrologique récemment découvert en Phrygie, par M. A. Wagener, agrégé à l'uni- versité de Gand. (Commissaires : MM. Roulez et De Witte.) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Opinion des théologiens de Louvain sur la répression admi- nistrative de la mendicité, en 1562 et 1565; par M. le chanoine de Ram, membre de l'Académie. Des travaux récents sur l’histoire de la charité publique en Belgique nous donnent des notions très-inexactes sur les sentiments des anciens théologiens de Louvain relati- vement à une question que mon savant confrère el ami, M. De Decker, considère, à juste titre, comme la plus importante peut-être de toutes celles qui concernent le perfectionnement moral et matériel des classes souffrantes de la société (1). On sait que cette question fut vivement discutée vers 1550, à Ypres, où l'on fit, d’après les principes de Vi- (1) Études historiques et critiques sur les monts-de-piété en Belgique, P. HH-IV, ( 257 ) vès (1), un règlement qui servit de modèle aux ordon- nances promulguées plus tard dans d’autres localités, en vue de réprimer la mendicité, et que la Sorbonne, par une décision du 26 janvier 4551, approuva, sous cer- taines conditions, le règlement d’Ypres comme très-utile aux pauvres et très-propre à remédier à beaucoup d’abus, comme une entreprise très-ardue en réalité, mais pieuse, salutaire, avantageuse et conforme à l'Évangile, à la doc- tine des apôtres et à l'exemple de nos ancêtres (2). On sait aussi que les annales de l’économie politique ont en- registré, avec une mention très- honorable, l'ordonnance d’Ypres et la décision des docteurs de Paris, documents qu'un écrivain français s'est plu à nommer la grande charte des indigents au XVI"® siècle (3). Mais ce qu’on ne sait pas, c’est que lorsque, plus tard, la même question se présenta à Bruges, et que l’on eut recours aux lumières des théologiens de Louvain pour s’éclairer dans une matière devenue l'objet des plus vives discussions, ces théologiens se prononcèrent avec une haute intelligence des besoins du pauvre et des intérêts (1) Son traité De subventione pauperum, sive de humanis necessitati- bus libri duo ad Senatum Brugensem, parut à Bruges en 1526. Voyez le mémoire couronné de M. Namèche, Sur la vie et les écrits de Jean-Louis V'ivès, dans les Hém. cour., t. XV, p. 109. (2) Voyez d’Argentré, Collect. judicior. Eccl. de novis erroribus, t. 1, p- vi, append., et t. II, p. 78-85 ; et un écrit trés-rare intitulé : Forma sub- ventionis pauperum quae apud Hyperas Flandrorum urbem viget, uni- versae reipublicae christianae longe utilissima. Antverpiae apud Marti- num Caesarem ;, anno MDXXXI, in-8°, 24 feuillets non chiffrés, y compris le premier feuillet formant le titre et la préface. (5) M. Segretain, dans un article sur la charité civile, publié dans l'Uni- vers de Paris, mai 1851, réimprimé dans la Revue des revues, t. I, p. 270, ( 258 ) de la société, avec cette délicate sévérité de principes qui maintiennent et détermineut nettement, pour. l'objet.en question, les droits et les devoirs de l'autorité civile comme ceux de l'autorité religieuse. Deux documents inédits vont nous en fournir une preuve incontestable. Ils se rapportent aux années 1562 et 1565. L'un concerne une ordonnance du magistrat de Bruges et l’autre les écrits de Villavicentio et de Wytsius. Nous sommes persuadé que si ces pièces avaient pu être examinées par un membre distingué de la Chambre des Représentants, une appréciation plus équitable des senti- ments des théologiens de Louvain eût été exprimée dans un travail dont nous devons citer quelques passages. La consultation de la Sorbonne sur lerèglement d’Ypres, a dit M. Orts (1), « fut demandée, parce que les règlements de cette espèce, parce que l’organisation toute laïque » de la bienfaisance par la commune..…..., et parce que la » répression de la mendicité elle-même était poursuivie » comme autant d’hérésies religieuses, de prétentions » acatholiques, par les préjugés cléricaux d'alors en Bel- » gique, et qu'il fallait aller à l'étranger pour rencontrer » » » » » E la justice et la raison. Témoin la faculté de théologie de Louvain qui, elle, condamnait, avec le père Laurent de Villavicentio, le règlement d'Ypres et ses consorts comme contraires à l’Écriture sainte, aux conciles, aux traditions de l'Église et aux habitudes des chrétiens. » M. Orts ajoute que « les antagonistes de la charité sécu- » larisée au XVE”*° siècle, Villavicentio entre autres, (1) Dans un article sur l'ouvrage de M. de Kerchove, Belgique judiciaire, auméro du 10 octobre 1852, (259 ) » niaient audacieusement l'existence de eette charte (la » résolution de la Sorbouue), parce qu’elle était la con- » dampation formelle de l'opinion émise par les théolo- » giens de Louvain. » Ailleurs l'honorable représentant de Bruxelles dit encore que le magistrat d'Ypres, pour cou- per court aux récriminalions faites contre son règlement, erut devoir s'adresser à une autorité mixte; qu'on eût pu consulter l'université de Louvain, mais que l'ALMAa MATER el ses docteurs condamnaient l'œuvre; que le magistrat in- téressé ne se rebuta point et qu'il en appela à l’université de Paris (1). , Qu'on nous permette maintenant de présenter quelques reclilications au sujet de ces assertions. M. le chanoine Carton, dans son Mémoire sur l’état an- cien de la mendicité dans la Flandre occidentale (2), travail que M. Orts lui-même nomme une dissertation impar- tiale et consciencieuse , à fait remarquer que le règlement d'Ypres était l’œuvre du prévôt de Saint-Martin d’Ypres, grand vicaire de l’église de Térouane, et de tout le clergé du diocèse, qui s'étaient concertés avec le magistrat pour le rédiger, et surtout pour en assurer l'exécution. Ce n'élait donc pas une organisation toute laïque de la bien- faisance par la commune. Nous ignorans pourquoi le magistrat d’'Ypres, désirant bien l'entretennement et continuation d'icelle ordonnance (5), et ne voulant faire chose où pourroit estre scrupule ou charge (1) Deuxième conférence sur l’histoire de la charité publique en Belgique, dans l’Observateur belge, numéro du 95 février 1854. (2) Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. IV, p. 45. (5) Lettre de la ville d'Ypres à la faculté de théologie de Paris, en date du 28 décembre 1530, ( 260 ) de conscience (1), demanda l'avis de la Sorbonne de préfé- rence à celui de Ja faculté de théologie de Louvain. Nous ignorons si, parmi les documents des archives de la ville d'Ypres, il en existe un qui puisse indiquer le motif d’une préférence, uniquement déterminée peut-être par des con- venances locales ou par les rapports personnels des délé- . gués avec la célèbre école de Paris (2). Ce que nous pouvons affirmer, c’est que de longues et nombreuses recherches sur l'histoire de l’université de Louvain ne nous ont jus- qu'ici fait connaître aucun document d'où il résulterait que le magistrat d’Ypres aurait fait, vers 1550, des démar- ches à Louvain pour obtenir un avis favorable sur son or- donnance, ou que nos docteurs auraient, par une décision quelconque, pris le parti des adversaires de cette ordon- nance. Au contraire, il arriva que la faculté de théologie appe- lée, en 1562, par l’évêque de Bruges, Pierre Curtius, à donner son avis sur une ordonnance faite par le magistrat de cette ville d’après les principes du règlement d'Ypres, se prononça pour la suppression administrative de la mendicité d’une manière plus catégorique peut-être que la Sorbonne en 1551. Les éloges qu'on a donnés à la consultation de l'école de Paris peuvent également être revendiqués pour celle de Louvain : elle aussi nous transporte dans la sphère des principes sans réclamation, sans enflure, avec cette bonne (1) Lettre de la ville d'Ypres, etc. (2) « Nous avons commis, dit le magistrat d'Ypres dans la lettre citée, et » donné charge à nos bien-aimez R. P. Jean Crocius, lecteur en théologie » des frères prescheurs, et maître Jacques le Passe, porteurs de celles, de » faire examiner et consulter nostredite ordonnance, etc, » ( 261 ) méthode scolastique qui renferme, dans les vues les plus pratiques et les plus modestes en apparence, la substance des plus magnifiques vérités (1). À Louvain, comme à Paris, la répression de la mendi- cité est considérée comme une grande et grave question : grandem illam quaestionem de vitanda mendicitate, disent nos docteurs. Ils louent, sans réserve, le magistrat de Bruges de ce qu'il s'occupe avec tant de charité et de zèle à mettre en vigueur des mesures propres à bannir de la commune la mendicité et la fainéantise, et à secourir plus efficacement les véritables indigents : Non possumus non magnopere commendare charitatem et studium vestri magis- tratus, quo studiose consilium quaerit, quo profligatis et exæclusis validis mendicantibus , quos cum gravi reipublicae detrimento et jactura hactenus conspeximus ociosa mendica- tione vitam transigere, commodius consulatur veris paupe- ribus et egenis. Is considèrent comme une chose sainte et infiniment agréable à Dieu les efforts employés par la com- mune : Sanctum sane hoc studium ac Deo apprime gratum quo provocari videtur christianus populus, ut non exspectet donee ab egentibus et mendicantibus rogetur, ut ipsorum necessitalibus subveniatur, sed magna charitate tamquam collectas quasdain paratas curet, ex quibus sine mendica- tionis pudore ullro per certos et deputatos a populo commis- sarios egenis subveniatur. La faculté reconnait l'utilité de la bienfaisance collec- tive, mais. comme la Sorbonne, elle maintient la nécessité de la bienfaisance individuelle, séve et racine de la pre- mière. Elle recommande l'exercice des œuvres de misé- (1) M. Segretain, art, cit, ( 262 ) ricorde, et demande que la répression , si désirable de la mendicité, ne dégénère pas en une sévérité excessive qui anéantisse toute liberté individuelle, qui blesse la pudeur du pauvre, qui condamne à mourir de faim celui qu'on ne peut nourrir ou entretenir suffisamment. C'est à ce point de vue seulement que les docteurs de Louvain préseutent quelques remarques critiques sur l'ordonnance de Bruges : Per ordinationes exhibitas non videtur in universum egen- tium necessitali et pudori posse satis subveniri; imo in ipsis ordinationibus quaedam inesse putamus, quae si non pror- sus impia (1) certe parum christiano homine digna viden- tur. Hs font ces remarques non pas pour empêcher la réa- lisation du but qu'on veut atteindre, mais pour qu'on ne s'écarte en rien des sentiments d'humanité et de justice, et que l’on puisse parvenir à concilier tous les intérêts. Sous prétexte de grossir le trésor des pauvres, on eût voulu détourner de leur institution primitive certaines fondations pieuses el en réunir les revenus à la collecte générale. Les théologiens de Louvain, comme eeux de Paris, réprouvent ce moyen. Iniquum nobis videtur, disent- ils, fundationes quae certis locis et personis a ps viris juslis de causis adstrictae sunt, conflare cum collectis eleëmosynis publicis el in unam collectam redigere, ut ex ea indiscrimi- natin quibuslibet civitatis aut oppidi aut pagi pauperibus subveniatur, praeserlim si id fiat privata magistratus aucto- rilate. Cependant, la faculté croit que l’évêque de Bruges doit, avec une sollicitude paternelle, avoir égard aux (1) I est inutile peut-être de faire observer que cetté épithète est usitée daos un autre sens que celui qui s'applique ordinairement à l’impiété ou à l'hérésie. Elle vaut ici ce que vaut, dans le langage classique d’un poëte ; impia mollire Thracum pectora. ( 265 ) bonnes intentions du magistrat, et qu'il convient, non pas de réprouver l'ordonnance d’une manière absolue, mais de tâcher d'en faire modifier quelques dispositions : Videtur nobis ad paternam vestram sollicitudinem pertinere non ut pium affectum oplimi magistratus aut damnes aut rejicias, sed ut in capilibus quibusdam, praesertim quae jam sub- notata sunt, aequam aliquam. moderationem fieri procuret, qua et pudori miserabilium personarum et necessitati recle consulatur, et peregrini humanius tractentur. Nous savons donc à quoi nous en tenir sur l'opinion des théologiens de Louvain , au sujet de la répression ad- ministrative de la mendicité. Malgré leur avis si favorable, eu général, aux mesures adoplées par le magistrat de Bruges, la mise à exécution de l'ordonnance continua néanmoins à rencontrer des obstacles. Le conseiller pen- sionnaire de Bruges, Gilles Wyisius, prit la défense de l'ordonnance et publia un écrit qui exeita de vives récla- mations (1). La défense outre-passait le véritable but et fit suspecter l’orthodoxie de l’auteur. I rencontra un adver- saire violent dans le père Laurent de Villavicentio, reki- gieux espagnol de l'ordre des ermites de Saint-Augustin, à Bruges, qui avait pris à Louvain, le 20 juin 1558, le grade de docteur en théologie, mais que la faculté n’appela jamais à y remplir une fonction dans l’enseignement (2). (1) De continendis et alendis domi pauperibus et in ordinem redi- gendis validis mendicantibus Egidii Wytsi, jureconsulli Brugensis consilium. Ad reverendissimum D. Episcopum et amplissimum Senaturm Brugensem. Anvers, chez Guillaume Sylvius, 1562, in-8e, fol. 79. (2) En 1561, la Faculté se trouva en désaccord avec Villavicentio, devenu le dénonciateur de Pierre Ximenius. Voy. les Bulletins de la Commission royale d'histoire, t. LIL, 2% série, n° 2, ( 264 ) Ce religieux, impitoyable contradicteur des théories de Vivès, publia, en 1564, une réfutation de l'ouvrage de Wytsius (1). La controverse devint si animée, de part et d'autre, que le magistrat se détermina à suspendre l’exé- cution dé son ordonnance et à en référer au gouverne- ment (2). La gouvernante, Marguerite de Parme, s'adressa à l’uni- versité de Louvain et ordonna aux facultés de théologie et de droit de lui donner un avis sur les deux écrits qui sou- levaient, à Bruges, des disputes opiniâtres. Valère André dit à ce sujet : Consulta facultas theologica Lovaniensis, quid de editis libellis judicaret, rescripsit sese probare scopum Villavicentii, Wytsii autem improbare (5). Le laconisme de l'historien de l’université a pu faire penser à M. Orts que nos théologiens condamnèrent l'ordonnance de Bruges calquée sur celle d’'Ypres de 4550. Mais il n’en est pas ainsi; un document inédit le certifiera encore (4). (1) De oeconomia sacra circa pauperum curam a Christo instiluta , apostolis tradita et in universa ecclesia inde ad nostra usque tempora perpetua religione observata, cum quarumdam propositionum, quae huic sacrae oeconomiae adversantur, confutatione, libri III, authore fratre Laurentio a V'illavicentio Xeresano, doctore theologo Augusti- niano eremita. Anvers, chez Plantin, 1564, in-8°, p. 266, avec un épilogue, Ad catholicum lectorem auctor libri, trois feuillets non chiffrés. En tête du volume se trouve une longue dédicace à Philippe 11, auquel d’ailleurs Villa- vicentio adressail sans cesse des rapports conlidentiels marqués au coin d’une grande exagération, comme il conste par la Correspondance de Philippe TT, publiée par M. Gachard. (2) Villavicentio, dans la dédicace au roi, donne, peut-être trop à son point de vue, une espèce de récit historique de la controverse; dans l’épilogue il développe longuement les motifs qui l'ont engagé à publier son écrit. Voyez l'annexe n°2. (5) Bibl. belg., t. I, p. 55. (4) Voyez l'annexe n° 3, ( 265 ) La réponse de la faculté de théologie à la gouvernante porte la date du 50 mars 1565. Les professeurs de la faculté de droit civil et canon, également appelés à se prononcer sur ces écrits, se bornèrent à sanctionner, par leur signature, l'avis rédigé par les théologiens. Dans cette censure théologique, nos docteurs déclarent d’abord qu’ils passeront sous silence plusieurs points :se- condaires, exposés dans les deux écrits, mais compléte- ment étrangers à la question principale, bien qu'ils puis- sent cependant être l’objet d’une critique. Ils trouvent que les deux écrivains, Villavicentio aussi bien que Wytsius, sont trop attachés à leurs opinions, et, qu'en les soutenant avec trop de violence, ils s’écartent des règles de la modes- lie, des convenances et de Ja charité chrétienne : Utriusque libelli scriptor, suae sententiae plus satis addictus, vehemen- hior est in suae sententiae defensione, non servans eam mo- destiam quae gravitati et charitati convenit christianae. Villavicentio avait consacré une partie notable de son ouvrage à exposer les principes qui militent en faveur de la liberté du pauvre et qui confirment l'autorité de l’Église concernant les fondations pieuses, autorité que les idées de l’époque tendaient à méconnaître. A ce point de vue seulement, la faculté loue le but que l’auteur s’est pro- posé : Scopus Lamen libelli . . . . . laudandus est, ut qui ex professo spectet ad defensionem tum pauperum tum auc- torilatis ecclesiasticae, quae hodie in plerisque locis gravi- ter labefactatur. Mais ce que la Faculté blâme et réprouve, c'est l'animosité de l'écrivain, ce sont ses attaques contre le magistrat de Bruges, c’est la prétention de vouloir trouver dans certaines dispositions de l'ordonnance des tendances favorables au luthéranisme. Ce qui déplait à nos docteurs c'est que Villavicentio méconnaît à son tour les droits ( 266 ) de l'autorité civile par rapport aux soins à donner aux pauvres : Rursum in eo vehementior est, quod aliquot locis a saeculari magistratu videatur tollere omnem pauperum curam, eamque solam pertinere ad episcopi jurisdictionem. Les sentiments des docteurs de Louvain diffèrent donc éssentiellement de ceux de Villavicentio. yo mainte- pant cé qu'ils pensent de Wytsius. Ils ne sauraient approuver son livre sans réserve, car quoique la partie qui traite de la répression de la mendicité soit digne d’éloges, cependant l’auteur est trop enclin à restreindre la subvention des pauvres et à étendre l’inter- vention de l’autorité civile au préjudice de l'autorité ecclé- siastique, et même à tel point que l’ouvrage dans son en- semble ne paraît pas avoir d'autre but. La Faculté blâme sévèrement ces dispositions, mais elle est loin de porter une accusation d'hérésie contre l'écrivain : Auctorem Wyt- sium etsi haereseos vel suspicionis de haeresi non pulamus condemnanduim… admonendum tamen pulamus , ut in scri- bendo et consulendo sit circumspectior atque utrique magis- tratui suam agnoscat tribuendam et tribuat reverentiam et auctoritatem. Nous ignorons ce que la gouvernante fit à la suite de cette censure ou ce qui se passa plus tard à Bruges. Nous pouvons nous dispenser de nous en préoccuper après avoir démontré, par des pièces authentiques, que ces vieux théologiens de Louvain du XVI" siècle n'avaient pas si mal compris la grave question pour laquelle les lumières et les progrès du XIX"* siècle recherchent encore une solution définitive. (267) ANNEXES. Nuw. I. — Avis de la faculté de théologie de Louvain sur une ordonnance du magistrat de Bruges, en réponse à une lettre de l'évêque de cette ville (1). Reverennissimo Domino Eriscopo BRUGENSI. Reverendissime Dne, non exisiimamus reverendissimam tuam dominationem a nobis aut requirere aut expectare ut grandem illam quaestionem de vitanda mendicatione, a quamplurimis doctis viris imo et publicis academiis cum magna contentione olim agitatam et tractatam, nos quoque diffuse ac plenius truc- tandam suscipiamus. Quod vero ad transmissum ad nos serip- tum attinet (2), quo aliqua capita comprehensa sunt, quibus constitutis et observatis existimat magistratus vester Brugensis mendicationem recte et sancte prohiberi posse, quid de hoc scripto deque suis capitibus nos pro nostro modulo sentiamus, paucis praestabimus. Primum igitur non possumus non magnopere commendare charitatem et studium vestri magistratus, quo studiose consi- lium quaerit, quo profligatis et exclusis validis mendicantibus, quos cum gravi reipublicae detrimento et jactura hactenus con- speximus ociosa mendicalione vitam transigere, commodius consulatur veris pauperibus et egenis, ac temporalia subsidia ampliora colligantur, quibus necessitates miserabilium et egen- (1) Extrait d'un MS. intitulé : Liber lüterarum Facultatis sacrae theo- logiaë în Universitate Lovanïenst, fol. 45-45. (2) Cet écrit et la lettre de l'évêque de Bruges ne se trouvent pas dans le registre cité. ( 268 ) tium personarum sublevari possint. Sanctum sane hoc studium ac Deo apprime gratum, quo provocari videtur christianus po- pulus, ut non expectet, donec ab egentibus et mendicantibus rogetur, ul ipsorum necessitatibus subveniatur, sed magna cha- ritate tamquam collectas quasdam paratas curet, ex quibus sine mendicationis pudore ultro per certos et deputatos a populo commissarios egenis subveniatur. Verum hic diligenter et sollicite advigilandum, ne dum va- lidi nebulones ab eleëmosynis merito excluduntur et ad labores rediguntur, et alia quaedam incommoda devitantur, vere panpe- ribus et egenis necessaria ipsorum necessitatibus provisio non satis procuretur, et populo christiano praesertim e vulgo qui non habet certum aliquid quod in communem collectam pro- mittat aut conferat, habet tamen vel residuum aliquid sui victus quotidiani, quod libenter egenis impartiri solebat, occasio mise- ricordiae proximo egenti praestandae adimatur, rursum ne re- frigescat misericordia quae conspectis pauperibus in plerisque solet excitari (1). Quid in rei veritate Brugensis vester magistratus repererit per experientiam rerum magistram in hac mendicationis prohi- bitione effectum esse, et quid certae inopiae egentium subven- tum sit, reverendissima vestra dominatio plenius ab eo infor- mari et discere potest. Nobis certe per ordinationes exhibitas non videtur in univer- (1) L'avis de la Sorbonne contient à peu près les mêmes observations adressées au magistrat d'Ypres : Veque ob aerarii communis impositio- nem deobligati sunt divites pauperibus subvenire, quos extrema norint seu propemoduin extrema urgeri necessitate. Deinde per praescriptam formam nullus de bonis suis pro sua devotione pauperibus clam aut palam donare prohibeatur sive impediatur ; neque imponatur poena vel mulcta his qui egenis opera impendunt misericordiae : ac potius fre- quenti eademque publica exhortatione moneatur populus de bonis a Domino collatis prompto et hilari animo in opibus supererogando elargiri. ( 269 ) sum egentium necessitati et pudori posse satis subveniri; imo et in ipsis ordinationibus quaedam inesse putamus, quae si non prorsus impia certe parum christiano homine digna videntur. Primum quod in ordinationibus constituitur, quod in singulis civitatibus, oppidis et pagis constituantur commissarii et prae- fecti publicis eleémosynis et piis fundationibus, qui eas dispen- sent suae quisque civitatis, oppidi et pagi pauperibus, et hac ratione quaeque civitas, quodque oppidum, quisque pagus suos pauperes studiose alat et sublevet, quis est qui non videat firma ratione carere ? Sunt enim civitates populosae, sunt et pagi ha- bentes numerosam multitudinem in quibus aut parvus aut nullus viget opificiorum quaestus. Unde quaeso in his civitatibus et pagis colligentur collectae, quibus refocillentur pauperes ? Quod si ad mensas S. Spiritus releges pagorum pauperes, notorium est plurimos esse pagos eosque admodum numerosos et popu- losos in quibus aut non sunt mensae pauperum aut admodum tenues, ut prorsus non sufliciant alendis suis pauperibus. Te- nuium igitur harum civitatum et pagorum pauperes jubere esse contentos domesticis collectis, et mendicationem publicam eis etiam intra suorum pagorum aut oppidorum limites interdicere, quid est aliud quam eos ad famem redigere (1)? Deinde quid, obsecro, pietatis aut aequitatis habet, quod in- terdicatur pauperi, habenti amicum aliquem pium virum, ne occulte il suam egestatem indicet, et eam ei commendet, ut (1) La Sorbonne plaidait la même cause dans les termes suivants : 4 debita subventione nullatenus secludendi sunt pauperes vicinorum pagorum , quando tanta laborant inopia , ut ex bonis suis viclum nequeant compa- rare. Tum enim aut mendicatio illis publica concedenda est, aut bursae communis beneficio sunt alendi. Nec abs re. Nam ct civitates pagis et pagi civitatibus egent ; civitates quoque ipsae aliae aliarum opibus ful- ciuntur , et quae modo opulentae sunt , postmodum terrae sterilitate aut alio quovis eventu fortuito ad inopiam vergunt ; ideoque mutuis subst- diis necesse est cas juvari. Et humanitatis certe est, id aliis sponte con- cedere quod velit sibi quis praestari ubi magnopere egeat. TOME xx11. — ['° PART. 19 ( 270 ) pro sua pietate dignetur eam sublevare, praesertim si ejusmodi pauper sit qui suam paupertatem non libenter adhue publicam faciat, confidens quod adjutus oceultis subsidiis diligenti labore tandem e paupertate eluctabitur. Simile omnino est illud, quod ordinatur ne pauperum quis- quam collectarum eleëmosynarum particeps sit, nisi signum aliquod gestet, quo suam paupertatem veluti publicam profi- teatur. Certe ea ordinatio prorsus inhumana nobis videtur, per quam in universum egentium honor aufertur. Non dubitamus quin multi sint vere egentes, quibus tam charus est suus honor et fama, ut mortem potius obeant, quamvis non certe tam pu- dibundi sint, quam publica professione suam inopiam omnibus declarent; et si tales non sint ut mori malint quam honorem perdere, impium tamen est eos qui et honori suo et necessitati occulta mendicatione consulere possunt, aut certe absque signo mendicationis , ad honoris prostitutionem compellere. Hos igitur ab occultis eleëémosynis et mendicatione arcere, nohis non potest non videri inhumanum et impium. Jam quod de peregrinis sive exteris pauperibus ordinatur, ut unam tantum noctem permaneant in hospitalibus publicis, quamquam priusquam recipiant eos praefecti hospitalium, de- beant obtinere consensum ab ofliciariis loci sive commissariis qui publicis eleëmosynis praefecti sant, et consensus ab eis ob- tenti testimonium aliquod praefectis hospitalium exhibere, an non est prorsus inhumanum et barbarum ? Primum enim, continget non raro, ut pauper peregrinus aut exterus in civitate veniat lassus et defatigatus ex itinere aut etiam aegritudinis molestia pressus; an non igitur prorsus in- humanum sive visceribus charitatis omnino contrarium est, quod sie affectum pauperem jubeas discurrere per civitatem, ut quaerat aedem aut ofliciatorum aut commissariorum, prius- quam refocillari possit ? Deinde, si peregrinus aut pauper quispiam ex provineils,_ in quibus inhumanus est populus et durior ad charitatis officia, asset APE LL” ( 271 ) peregrinatur necessitatis suae sublevandae causa ad provincias, in quibus intelligat esse populum natura mitiorem et benignio- rem; nonne inhumanum erit, ill publicam mendicationem in- terdicere et una tanlum nocte exceplum alio extrudere, videlicet vel ad pagum aliquem, ubi nec hospitalia nee publicas collectas inveniat, vel ad oppidum relegare minus opulentum quod prop- ter tenuiores collectas vix suis pauperibus sublevandis suflicit ? Non sie sane gentes etiam a fide Christi alienae peregrinantem Abrahamum tractaverunt. Quare , donec per publicam principum auctoritatem provisum non est, ut unaquaëeque regio, provincia, oppidum suos pauperes alat, et de modo quo possit id suflicienter praestari certa ratio constituta sit, nimis inbumana et severa videtur cirea miserabi- les peregrinos et exteros pauperes ordinatio (1). Et quia per hanc ordinationem caveri videtur, ne in unam aliquam civitatem tot confluant exteri ut domesticis et exteris refocillandis non sufficiat, id aliqua clementiori ordinatione per prudentes gubernatores caveri poterit. Postremo iniquum nobis videtur fundationes, quae certis locis et personis à piis viris justis de causis adstrictae sunt, conflare eum collectis eleëémosynis publicis et in unam collectam redigere, ut ex ea indiscriminatim quibuslibet civitalis aut oppidi aut pagi pauperibus subveniatur, praesertim si id fiat privata magistra- tus auctoritate (2). Canones enim decernunt, quod pias volunta- (1) La Sorbonne se préoccupait aussi des pauvres étrangers à la commune : Neque umquam indigenae aut advenae sive exteri ad extremam aut ectremae propinquam necessitatem hujus provisionis gratia redigantur. (2) La Sorbonne s’exprimait ainsi à cet égard : Caveant saeculares magis- tratus , ne sub pielatis praetexætu aut sublevandorum inopum, ausu sa- crilego ecclesiarum sive ecclesiasticorum proventus el bona quaecumque surripere aut attrectare praesumant ; id quod non catholicorum est viro rum fidelium, sed impiorum haereticorum W'aldensium, Wiclevistarum ac Lutheranorum. Nihilominus tamen non inficiamur ecclesiasticis pro suo officio maxime competere bonis operibus deservire. ( 272 ) tes defunctorum debeant curare exequi dioecesani episcopi, Can. Tua nobis, de Testamentis, et Clement. 2, de religiosis domibus, qua inquit Pontifex : Quae ad certum usum largitione sunt desti- nata fidelium , ad illum debent non ad alium, salva quidem sedis apostolicae auctoritale, converti. Reverendissime Domine, videtur nobis ad paternam vestram sollicitudinem pertinere non ut pium affectum optimi magistra- tus aut damnes aut rejicias, sed ut in capitibus quibusdam, praesertim quae jam subnotata sunt, aequam aliquam modera- tionem fieri procuret, qua et pudori miserabilium personarum et necessitali recte consulatur, et peregrini humanius tractentur. Bene et feliciter valeat reverendissima vestra dominatio. Lovanii sexta martii anno XV° LXII (1). Reverendissimae vestrae dominationis decanus et magistri facultatis theologiae in Lovanio. Nom. II. — Résumé historique de la dispute soulevée à Bruges par Wytsius et Villavicentio (2). Senatus... Brugensis qua semper in religionem catholicam fuit devotione, pauperum , quorum frequens concursus ad suam civi- tatem, divitiis, opibus et viris bonis maxime affluentem, con- eurrere solet, rationem sibi aliquam esse habendam intellexit. Cujus sanetissimae voluntatis non obseuram demonstrationem apud viros graves et eruditos theologos non semel, qui primum locum in ejus civitatis publica administratione tenent, fecerunt. Mihi sane perindeac aliis viris, qui eruditione, judicio ac singu- lari pietate valent, unice probabatur illud institutum, quod et nune etiam probatur maxime, utpote quod eximiam quandam (1) 1562. (2) Extrait de l’épitre dédicatoire de Villavicentio. p. 17-19. Cette épitre porte la date du 10 août 1564. ( 275 ) pietatem, religionem et politiam spiret. Verum cum ejus negotii consultatio in opus esset producendum, triginta et sex propone- bantur articuli, senatus auctoritate tecti et muniti, circa illam pauperum oeconomiam observandi, qui prorsus Scripturis Sacris, vetustis et laudatissimis Ecclesiae instilutis, sacrorum canonum divinisregulis et constitutionibus, quae cirea illa pauperum nego- tia per universas Belgarum ecclesias inpraesentiarum observan- tur, maxime adversari hominibus catholicis, eruditione et doc- trina claris, sunt visi (1). Hi mox sibi reclamandum duxerunt, senatumque incommodorum , quae inde gravissima in sua repu- blica suborirentur, quae etiam ipsis erant extimescenda, per civitatis episcopum omnium patrem, pastorem, istarumque rerum primarium curatorem admonendum curarunt (2) Senatus vero qui semper non nisi consideratas solitus est actiones insli- tuere, quique nihil prorsus quod in malam partem a quoquam rapi posset, praesertim in re tam gravi vellet intentare, substi- tit, remque ad supremum.. Bruxellense consilium deferendum censuit, ex cujus auctoritate et sententia res summae et maximae in Belgis solent discerni atque institui (5). Ego vero qui per hujus civitatis reverendissimum episcopum serenissimae Margaretae Belgarum gubernatricis authoritate et mandato jussus fai meae reclamationis in illam constitutionem seripto rationem reddere, quod equidem lubens feci (4), commit- (1) Villavicentio pousse l’exagération fort loin. L'avis des théologiens de Louvain, de 1562, prouve que la partie la plus éclairée du clergé jugeait plus favorablement l'ordonnance de Bruges. (2) C’est très-probablement à la suite de cette opposition que l’évêque de Bruges crut devoir consulter, en 1562, la faculté de théologie de Louvain. (5) Le recours au gouvernement ne paraît avoir eu lieu que vers la fin de l'année 1564. (4) La réclamation de Villavicentio contre l’ordonnance de Bruges est imprimée à la fin de son ouvrage (p. 262-296), sous le titre suivant : Deli- beratio Burgimagistrorum atque Scabinorum Senatlus civitatis Brugen- sis in negolio pauperum servanda, anno 1564 pronunciala cum res- (274) tere non potui, quin senatum catholicum praeter illa quae seripto mandata ipsi antea exhibueram, hujus libelli (1) doctrina etiam juvarem, ex quo , si velit facile deprehendat quam oecono- miam Christus dum inter mortales ageret, instituerit atque ob- servaverit, quam etiam apostolis constabiliendam, ut eam ad posteritatem in iisdem negotiis retinendam transmilterent , a se formatam reliquit. Unde etiam si velint colligere nullo negotio possint, quid sibi in hac causa ex Sacris Scripturis atque con- siliis vel divinis decretis intentare, et qua ratione, sit inte- grum (2). ponsione fratris Laurentii a Villavicentio Xeresani doctoris theologi, Augustinianti eremitae, R. Episcopo ejusdem civitatis, qui hoc ab ipso petierat, exhibita. Cette pièce présente au moins un intérêt, celui de nous avoir conservé un texte de l'ordonnance qui, si je ne me trompe, n’a jamais été imprimée ailleurs. Villavicentio fait suivre chaque article de ses observa- tions qui contrastent singulièrement avec celles des théologiens de Louvain de 1562. (1) Son écrit De occonomia sacra, etc., qui ne peut pas avoir été publié avant la fin du mois d'août 1564, puisque l'approbation donné par le doyen de Bruxelles, Laurent Metsius, porte la date du 28 août 1564. (2) Dans l'épilogue, Villavicentio expose, de la manière suivante, un des motifs qui l'ont engagé à faire son livre : « 7’idebam ecclesiae Christi catho- licae et fidelium animabus grave immäinere detrimentum, quin certam jacturam spiritualem, si doctrinae libellorum de subventione pauperum et de continendis alendisque domi pauperibus executioni mandaren- tur, ut quae quam plurima contineant et tradant Lutheranismo et ÆEthnicismo admodum vicina et nostrae fidei doctrinis prorsus adver- santia ac repugnantia. Proplerea non potui committere quin reclama- rem : praesertim cum re ipsa jam pridem deprehendissem libellum de subventione pauperum anno 1526 evulgatum (celui de Vivès) fomentum praestitisse, unde stillac , quae modo incendium aliquod ecclesiae catho- licae interminantur , sese attollerent. Numquam enim lle alter tibellus de continendis alendisque domi pauperibus (celui de Wytsius) èn publi- cum prodiisset, nec articuli in negotio pauperum ila essent formati (l'ordonnance de Bruges) nisi libellus de subventione pauperum (par Vivès) ipsis materiam subministrasset, stravissetque viam. » (275 ) Num. WI. Avis de la faculté de théologie de Louvain sur les écrits de Villavicentio et de Wytsius, en réponse à une lettre de la gouvernante Marguerite de Parme (1). IzLusTRIssIMA Domina , De oblatis nobis a Tua Celsitudine libellis, post maturam de- liberationem, sic judicamus. Imprimis, praeter multa minutiora quae in utroque reprehendi possent, sed quae ad rem, de qua agitur, non ila pertinent, ute- riusque libelli seriptor, suae sententiae plus satis addictus, vehe- mentior est in suae sententiae defensione, non servans eam modestiam quae gravitati et charitati convenit christianae. Scopus tamen libelli a M. N. (2) Laurentio conscripti laudan- dus est , ut qui ex professo spectet ad defensionem tum pauperum tum auctoritatis ecclesiasticae, quae hodie in plerisque locis gra- viter labefactatur. At vehementior est in eo, quod de senatu nimis Jibere scribens eum aliquot locis trahit in suspieionem Lutheranismi, ut cap. HT, libr. IE, et cum articulum quintum Brugensium dicit sapere Lutheranismum ; et rursum in eo vehe- mentior est, quod aliquot locis a saeculari magistratu videatur tollere omnem pauperum euram, eamque solam pertinere ad episcopi jurisdictionem. Scopus vero libelli Egidii Wytsii nobis non per omnia proba- tur. Nam etsi ex parte laudandus sit, quod ostendat non ila, ut (1) Extrait du registre cité, fol. 45 v°, où il est marqué que la réponse fut envoyée à la gouvernante ultima martit an. 1564, stylo Brabantiae , c'est- à-dire 1565, parce que, d’après ce style, l'année commençait le vendredi saint. (2) Mayistro nostro, qualification qu'on donnait à ceux qui avaient le grade de docteur en théologie. (276 ) passim fit, tolerandos esse validos mendicantes, non tamen qua- cumque ex parte, nam nimis constringit pauperum subventio- nem, et nimis tribuit saeculari magistratui cum praejudicio auctoritatis ecclesiasticae : in quibus duobus totus liber potissi- mum versari videtur. Quae dum agit, non solum in eo peccat, quod contemptim nimis etiam ipse in eos invehitur, qui ejus sententiam non approbant, vocans eos refractarios et blaterones, ideoque eos asserens senatus constitutiones impugnare, quod cum suis rationibus putent non esse conjunctas; sed multo magis in co quod quaedam aflirmet, quae pias et christianas aures me- rito offendant, quaeque sanctionibus canonicis palam repugnant, ut cum XI cap. sui libelli asserit per magistratum saecularem pias voluntates defunctorum in alios usus posse converti, et mensas pauperum singularum parochiarum in unum corpus posse conflari. Item cum folio 13 dicit, particularia judicia de contractibus usurariis, decimariis, matrimoniorum et votorum formis, aequalitate et justitia, non ex Sacra Scriptura peti de- bere, sed ex civilibus legibus; neque enim, inquit, Christus poli- tias ordinavit, nec leges condidit de humanis negotiis, sed rejecit ea cum rerum cognitione in civilem magistratum, quasi omnia eorum, quae ibi nominat, judicia pertineant ad tribunal civile et non ad ecclesiasticum. Caeterum quomodo negotium paupe- rum, de quo inter auctores libellorum controvertitur, ad epis- coporum pertineat officium, clare satis expressit synodus Triden- tina, cum decreto VII sessionis XXII sicut permittit , ut penes laïcos sit cura piarum dispositionum et eleëémosynarum, ita dicit, quae ad pauperes sustentandos sunt instituta, episcoporum esse, ut ex officio suo juxta sacrorum canonum instiluta cognoseant et exequantur; quod etiam leges civiles statuunt in aut. tit. 9, si quis aedificationen. C, nulli. C. Si quis ad declinandam. Cod. de episcopis, elc. Itaque auctorem Wystium, etsi haereseos vel suspicionis de haeresi non putamus condemnandum, maxime quod omnia sub- jiciat Ecclesiae judicio, admonendum tamen putamus, ut in seri- (277) bendo et consulendo sit cireumspectior atque utrique magistratui suam agnoscat tribuendam et tribuat reverentiam el auctori- tatem (1). Des moyens de s'assurer, dans l'enseignement , le concours de la volonté de l'élève; par M. Baguet, membre de l’Académie, En parlant, dans une de nos séances précédentes, du devoir du maître dans l'enseignement (2), j'ai montré jus- qu’à quel point il est important de considérer le concours actif de la volonté de l'élève comme une condition essen- tielle de l'instruction. Le maître, disions-nous, sera donc ingénieux à découvrir les moyens les plus propres à inspirer el à entretenir le goût de l'étude. En même temps, il ne né- gligera aucune des ressources que lui fourniront son zèle et sa prudence pour aider les jeunes gens à écarter les obstacles de toute nalure qui peuvent, à chaque instant, arrêter leur ardeur et entraver leurs progres. Quoique nous soyons en droit de compter sur la sollici- tude éclairée des personnes qui se sont vouées à l’enseigne- ment, nous avons pensé qu'il ne serait peut-être pas sans utilité de soumettre à leur appréciation les moyens que l'expérience nous à fait regarder comme les plus efficaces pour éveiller et soutenir l'attention de l'élève, spéciale- ment dans l'étude de la littérature ancienne. (1) Au bas de la page se trouve, dans le registre, la note suivante : His (literis) subscripsit utraque Facultas juris ad hoc per Ducissam requi- sita per communes literas. (2) Voir le tome XIX , n° 7 des Bulletins. ( 278 ) Sans doute, j'ai hâte de le dire, si le sentiment du devoir était généralement assez puissant sûr l'esprit de la jeunesse pour donner l'impulsion à la volonté, toute autre considération serait superflue. Il suflirait de faire comprendre et de rappeler aux jeunes gens que celui qui veut arriver à un but doit vouloir aussi entrer avec ar- deur et marcher avec persévérance dans la route qui y conduit, quelque longue, quelque rude qu'elle paraisse; en d'autres termes, il suflirait d’insister sur cette simple maxime , que celui qui veut la fin doit vouloir également les moyens. | Mais, il faut bien le reconnaître, Cest précisément parce que le motif puisé dans le sentiment du devoir reste trop souvent ineflicace que le maître se voit contraint de recourir à d’autres mobiles capables d'imprimer à la vo- lonté de l'élève l’énergie et l’activité nécessaires. Parmi les moyens propres à fortifier la volonté, nous n'hésitons pas à recommander de préférence celui qui con- siste à rendre l'étude intéressante par l'appel fait à l'inter- veution active de l'intelligence de Pélève. D'abord , il est incontestable que ce procédé est le plus conforme à la nature (ie l’être pensant, puisqu'il est basé sur cette noble prérogative de l’âme que l'homme ne peut abdiquer sans voir, à l'instant, tous ses actes dépouillés de leur caractère distinctif. En outre, c’est celui qui ren: ferme le motif le plus pur, puisqu'il est le seal qui m’ait pas l’'amour-propre pour fondement. Personne, en effet, n'ignore que ce n’est qu'avec beaucoup de réserve et de circonspection qu'il est permis, dans l'éducation de la jeunésse, de mettre en jeu l’amour-propre, dont les 1llu- sions faussent si souvent l'esprit et en altèrent les plus belles qualités, ( 979 ) Le maitre ne négligera donc aucun soin pour que l’in- telligence de l'élève prenne sans césse une part active à l'acquisition des diverses connaissances qui entrent dans le cadre des études. Ainsi toute œuvre littéraire, à quelque genre qu'elle apparticnne, qu'elle plaise ou non à l'imagination et au cœur, sera présentée à la jeunesse comme portant néces- sairement le cachet de l'intelligence. L'élève aura, par conséquent, pour tâche de rechercher, de saisir, à l'aide de son propre jugement , ce qui constitue le travail intel- lectuel de lécrivain. Loin de se borner à constater le ré- sultat qu'offre à ses yeux la forme réelle de la composition de l’auteur , il s'atiachera soigneusement à en pénétrer la forme intellectuelle, c'est-à-dire à découvrir les intentions qui ont guidé l'écrivain, les sentiments dont il était animé, les rapports qu'il a établis entre ses différentes idées et surtout la pensée principale qui domine l’œuvre entière. En un mot, étant parvenu à connaitre quel but l’auteur s’est proposé d'atteindre, il se rendra un compte judicieux des moyens variés qu’il a voulu faire servir à la réalisation de ce but (1). Or, qui ne sait quel intérêt, je dirai, quel charme se répand natarellement sur le travail auquel nous nous livrons, lorsque c’est notre intelligence qui préside à ce travail? Un exemple éclaircira notre pensée et fera mieux com- prendre comment cet exercice intellectuel auquel nous attachons une si grande importance produit dans l'élève l'application à l'étude. (1) Voir un exercice de ce genre sous le titre d'£tude liltéraire sur Sal- luste , extrait de la Revue catholique, 3° vol., 5° série. ( 280 ) Au nombre des matières indiquées dans le programme de certains établissements d'instruction moyenne on ren- contre parfois le traité de Cicéron sur la vieillesse, qui est, à bon droit, regardé comme l’un des ouvrages les plus parfaits de l’auteur. Cependant, malgré le mérite de cette œuvre, se peut-il que des jeunes gens s'occupent avec goût d’un sujet qui semble n'offrir aucun intérêt à leur âge? C’est là une question qui me fut faite un jour. Pour toute réponse, je me bornai à lire avec mon interlocuteur le chapitre qui sert d'introduction à ce traité, et nous y re- marquâmes, avec un intérêt qu'un élève intelligent n'eût pas manqué de partager, les paroles si affectueuses que Cicéron adresse à son ami Atticus, la délicatesse de senti- ment avec laquelle il lui offre son travail, l'intention bien- veillante qui l’a guidé dans le choix du sujet et les raisons qui lui ont fait adopter la forme qu'il à donnée à son œuvre. Mettant ensuite à profit le résultat de cette première investigation, nous pûmes apprécier la justesse et l’enchai- nement des idées, la valeur et la portée des termes, des expressions et des tours de phrase dont l’auteur à fait usage. Si, après cela, nous avions entrepris l'étude du traité lui-même, nous eussions reconnu que Lout y porte l'empreinte de cette intelligence qui se révèle dans Îles chefs-d’œuvre de l’éloquence romaine, et nous eussions constaté qu’il y a le même intérêt intellectuel à se rendre compte de la manière dont Cicéron réfute les griefs arti- culés contre la vieillesse qu'à étudier le talent avec lequel il à établi la non-culpabilité de Milon, ou forcé Catilina à sortir des murs de Rome. Et, qu’on veuille bien le remar- quer, ce procédé dont nous parlons peut seul donner aussi de l'intérêt aux études grammaticales, en les rattachant ( 281 } intimement, au lieu de les isoler, au fond même du lan- gage, à la pensée et au sentiment (1). On objectera peut-être que cette étude, qui embrasse l’ensemble d'une œuvre littéraire et qui y rapporte tous les détails quels qu'ils soient que le travail analytique fait apercevoir, n’est pas à la portée des jeunes gens, ou que du moins elle devrait être réservée, dans nos établis- sements d'instruction, aux élèves des classes supérieures. Nous avons déjà eu l’occasion de répondre ailleurs (2) à la même objection, en montrant que, dans le choix des ma- lières destinées à l’enseignement, ie maître doit toujours avoir égard à la somme relative des connaissances ac- quises antérieurement par les élèves et au degré de déve- loppement que leurs facultés intellectuelles ont atteint. En proportionnant ainsi les difficultés à la force de celui qui est appelé à les vaincre, et en ne soumettant que gra- duellement à ses investigations des œuvres plus étendues et plus compliquées, on procurera aux jeunes gens l’avan- tage inappréciable de s’accoutumer, dès leurs premiers pas dans la voie de l'instruction, à suivre une méthode qui ne cessera jamais de leur être utile et qui mettant, de bonne heure , leur intelligence en exercice, leur rendra, comme nous l'avons dit, l'étude intéressante. Il est d'autres moyens, sans doute, tels que l'émulation, l'appât des récompenses, la crainte des punitions dont l'influence sur la volonté de l'élève est généralement re- connue, mais on conçoit saus peine qu’à côté du procédé qui fait trouver dans l'étude elle-même lattrait le plus (1) Voir De l'étude de la grammaire dans l’enseignement des langues anciennes , extrait de la Revue cath., 5° vol., 5° série. (2) Voir De l'étude de la grammaire , extrait cité plus haut. ( 282 ) puissant, tous les autres ne doivent être considérés que comme secondaires. Loin de nous, ecpendant, la pensée de vouloir répudier le concours d’un sentiment qui a tant d'empire sur le cœur de l’homme et qui double en quelque sorte nos efforts en présence d’un concurrent. Nous di- rons senlement que plus ce sentiment a de puissance et d'énergie, plus il importe de le diriger avec sagesse et de mettre les jeunes gens à l'abri des dangers auxquels il les expose, On le sait, il est bién difficile de fixer la limite qui sépare l'émulation de l'envie et il n’est pas rare de voir ce noble sentiment dégénérer en une rivalité haineuse. D'un autre côté, le désir d’égaler ou de surpasser des concurrents ne peut guère se manifester que là où la lutte est possible, Or, le nombre des places d'honneur et des prix offerts à la jeunesse de nos écoles étant nécessaire- ment restreint, peu d'élèves, en réalité, se déterminent à disputer sérieusement les palmes. Nous voudrions done qu'il fût possible d'introduire dans nos établissements d'instruction un système d’émulation qui exerçàt de l'influence sur un plus grand nombre d'élèves et qui, en même temps, fût sans danger pour la jeunesse. Nous sommes heureux de pouvoir dire qu'un pareil système est suivi avec succès, depuis 1847, dans un collége communal de notre pays. Il est dû à l'initiative de feu M. Lambert (1), principal du collége de Dinant, que la mort est venue enlever au milieu des améliorations qu'il ne cessait de réaliser dans l'établissement confié à ses soins. Nous faisons des vœux pour que ce système, qui a maintenant pour lui la sanction da temps et de l'expé- (1) M. Maximilien Lambert est décédé subitement le 4 avril 1851, à l'âge de 42 ans. ( 283 ) rience, soit adopté dans nos autres établissements d'in- Struction moyenne. Rien de plus simple, d’ailleurs, que l’idée qui lui sert de base et qui n'est autre que le principe appliqué par l'État à la collation des grades académiques. Les distinctions honorifiques sont décernées aux élèves non d’après le mérite relatif, mais d’après le mérite réel, dont l'appréciation est fondée, pour chaque classe, sur les travaux de l’année entière , au lieu de l'être seulement sur les résultats d’un certain nombre de concours (1). Qu'il nous soit permis d'ajouter que l’idéal, si je puis parler ainsi, de ce système d’émulation consisterait à faire concourir l'élève avec lui-même, c’est-à-dire, à le rérom- penser en raison (les progrès réels qu'il aurait faits, plutôt qu'eu égard à la somme des connaissances qu'il aurait ac- quises (2). C'est alors surtout que le sentiment que chaque élève aurait de ses progrès deviendrait pour lui un véri- table süumulant, disons même, une haute récompense de ses efforts. Quoi qu'il en soit, l'émulation réglée selon les vues que nous venons d'indiquer n'ofirirait plus les inconvénients que nous avous signalés plus haut. Ayant pour but unique une supériorité absolue et non relative, elle montrerail aux jeunes gens, dans leurs condisciples les plus appli- qués à l'étude, non des rivaux à supplanter, mais des mo- dèles à suivre. Dès lors aussi, les moyens d'encouragement, auxquels un maître habile peut journellement recourir, (1) Voir De l’émulation, à la mémoire de M. l'abbé Lambert, extrait de la Revue cath., 5° vol., 5° série, où nous avons reproduit le discours dans lequel M Lambert a exposé son système. (2) Ce système était autrefois en vigueur dans un établissement particulier, Le Verbe incarné , à Lyon. ( 284 ) seraient nécessairement plus eflicaces et feraient sentir leur influence sur un plus grand nombre d'élèves. Tous comprendraient qu'ils peuvent aspirer aux plus hautes dis- tinctions, mais que, pour les obtenir, il faut donner, cha- que jour, des preuves de zèle et d’ardeur pour l'étude. Que dirons-nous, après cela, des moyens de répression qui, eux aussi, peuvent influer, quoique d’une manière moins directe, sur la volonté de lélève? L'expérience, croyons-nous, prouve suffisamment qu'on ne doit y avoir recours que lorsque l'emploi de tout autre moyen est resté sans succès. Et s'il est vrai que les louanges ne peuvent être décernées qu'avec modération, de crainte d'inspirer à la jeunesse une confiance présomptueuse en elle-même, qui doutera que les réprimandes données sans une grande réserve n'entrainent après elles les suites les plus funestes, et qu’au lieu de faire naître l'amour de l'étude, elles ne fassent perdre entièrement tout goût au travail? Il n’est rien, d'ailleurs, qui produise plus sûrement le découra- gement dans l'élève qu'un blâme, je ne dirai pas qui lui serait infligé sans motif suffisant, mais qu'il pourrait croire, même à tort, ne pas être mérité. Rien, en même temps, ne serait plus propre à porter atteinte à l'autorité du mai- tre, sur la conduite duquel ne peut planer, un seul in- stant, sans de graves dangers pour la discipline, le plus léger soupçon d'injustice. Si jusqu'ici, en parlant de punitions, nous avons men- tionné seulement les réprimandes, c’est que nous voudrions pe voir dans nos établissements d'instruction, selon l'ex- pression du préfet des études de l’Athénée de Tournai (1), (1) Voir le discours prononcé, l’année dernière, par M. Alvin, à la distri- (285 ) que cette sévérité morale qui n'a pas besoin d'appeler & son aide ces peines afflictives et humiliantes que réprouvent nos mœurs et notre civilisation. Nous sommes, du reste, persuadé que, malgré les efforts tentés de nos jours pour adoucir loute espèce de pénalité, malgré le désir de n’avoir en vue, en infligeant des peines, que la moralisation du coupable, on ne peut guère comp- ter, dans l’enseignement, sur aucun moyen coercilif, füt- il même employé avec le plus grand ménagement, pour contraindre les jeunes gens à substituer au défaut d'appli- cation l'amour de l'étude? Je le répète avec une entière conviction, c'est à la raison que le maître doit s'adresser directement, c'est l'intelligence de l'élève qu’il doit mettre constamment en jeu , s’il veut lui assurer, dans ses études, des succès durables. Les résultats les plus brillants qu'on obtiendrait par tout autre moyen ne seront Jamais que passagers. L'instruction solide n’est due qu’à la persévé- rance dans le travail, et la persévérance ne s’acquiert que par la volonté bien déterminée d’un esprit calme et réfléchi. De l'étude du tamoul; par . Ph. Vander Haeghen. Nous sommes déjà loin de l’époque où certains érudits, encore parlisans d'anciens systèmes, regardaient le sans- crit comme une langue factice ; leur théorie, a dit Schlegel, bution des prix du concours général entre les établissements d'instruction moyenne, Ce discours renferme des observations très-judicieuses sur les con- ditions du meilleur régime disciplinaire applicable à nos établissements d’in- struction publique. r Û Tome xx11. — L'° PART. 20 ( 286 ) est aussi heureuse que celle qui regarderait les pyramides d'Égypte comme des phénomènes de cristallisation. Le ri- dicule était la meilleure arme pour combattre des hommes qui fermaient les yeux à l'évidence, aussi le ridicule les a-t-1l mis hors de combat. Quoique la première grammaire sanscrite, — celle du P. Paulin, — ait été composée d’après les manuscrits du P. Hanxleden, jésuite allemand, il n’en est pas moins vrai que c'est à l'Angleterre qu'appartient la gloire d'avoir dévoilé à l'Occident la littérature sacrée des Hindous et ses immenses trésors, qui, après trois quarts de siècle d'investigations et de veilles, ne nous sont pas à beau- coup près lous connus; cette conquête littéraire reste due à l'Angleterre, par les travaux immenses des savants illus- tres que les conquêtes guerrières de leur patrie ont amenés sur le sol indien. Les études de ces savants, qui frayèrent la large route dans laquelle se sont lancées depuis tant de grandes intelli- gences, ont fait disparaître à jamais les tâtonnements de la linguistique ancienne; appuyée désormais sur des bases solides, guidée par des règles sûres, l’étude individuelle et comparative des langues européennes est passée à l’état de science, et le sanscrit, qui en est le fil conducteur, devra bientôt, comme l’a judicieusement démontré M. De Dumast (1), marcher de pair avec le grec et le latin, dans les études universitaires. Mais pour counaître l'Inde, le sanscrit ne suffit point. De nombreux et intéressants articles insérés dans les Asia- tic Researches, dans les revues scientifiques publiées à (1) Dans l'Orientalisme rendu classique. Paris-Nancy, 1854. ( 287 ) Madras, à Bombay, à Calcutta, à Londres, à Paris, ete., constatent pour l'Inde antique un fait que présente égale- ment l’histoire de plus d'un peuple d'Europe : la superpo- . sition de races. L'Inde était déjà peuplée, lorsqu'elle fut envahie par les Hindous, qui, après avoir fait irruption sur le plateau de l'ran occidental, franchirent l’Indus et se répandirent comme un Llorrent daus les immenses plaines septentrionales de la presqu’ile indoue. Les conquérants, dont la langue maternelle était le sanscrit comme le latin celle du peuple-roi , s'avancèrent jusqu'au delà des monts Vindhya et du fleuve Nerbondda, absorbant ou refoulant les nations autochthones qui, trop faibles pour leur résis- ter, se réfugièrent dans la partie méridionale de la Pénin- sule, dans l'ile de Geylan, les hautes vallées de l'Himalaya et diverses montagnes du pays. Moins heureux cependant ici que dans le Nord, les vainqueurs ne parvinrent jamais à anéantir les langues nationales des peuples subjugués et durent se contenter d'imposer à ceux-ci une religion nou- velle et de modifier leur littérature par l'introduction plus ou moins grande d'éléments sanscrits. L'Inde fut ainsi peuplée par des nations de deux sou- ches distinctes, à une époque que la chronologie n’a pas eucore fixée, mais que l'étude de la religion, des mœurs et de la littérature indigènes fait remonter à environ trente- six siècles. Les Indiens sanserits se superposèrent aux Hin- dous non sanscrits, comme en Angleterre les Normands aux Saxons el en France les Francs aux Gaulois. Qui ignore les faits de portée immense qu'ont acquis à l'his- toire les travaux auxquels a donné lieu l'examen conscien- cieux des circonstances qui ont précédé, accompagné et suifi le choc de différents peuples dans la Grande-Bre- tagne el la Gaule? Des études analogues ont déjà été com- - ( 288 ) mencées el se poursuivent activement pour l'Inde, surtout dans ces derniers temps. On a prouvé que la race conqué- rante est représentée par les trois premières castes du pays — doubles comme les nomment les Hindous — : celles des brahmanes ou prêtres, des kchatriyas ou guerriers, et des vaisyas ou agriculteurs et commerçants. Ceux qui font partie de ces trois castes s'appellent vénérables, aryas, synonyme de ariya, que nous trouvons dans l'inscription cunéiforme de Nakshi-Roustam (1). Il résulte des travaux de Hodgson, Briggs et autres savants, que la dernière caste de l’organisation indienne — celle des Soudras, — représente la population aborigène, placée au bas de l'échelle sociale. Si nous appliquons ces données historiques à la géogra- phie de l’Inde, nous voyons que celle-ci se divise en deux grandes régions : celle de l’Indus, au nord, l’'Hindous- tan (2), et celle du sud, le Dravida ou Dékhan (5). Le sanserit, qui personnifie l'Hindoustan, est connu de lous ceux qui sont au courant des progrès de Ja science; il n’en est pas tout à fait de même des idiomes du Dékhan, compris sous la désignation générale de dra- vidiques. Avant l'invasion de l’Inde par les Hindous ariens, les aborigènes du Dékhan parlaient tous une seule langue, ou au moins des langues sœurs; c’est aujourd'hui un fait acquis à l'histoire. Ces langues existent encore au nom- (1) Th. Bensey, Die persischen Keilinschriften. Leipzig, 1847, pp. 55 et 75. (2) Hindoustan — Sindhus ou Hindus + stana, Hindi locus sive regio. (5) Scr. nakscmiNa, meridionalis, quia meridionalis plaga ei qui ad orientem se convertit, a dextra est. (Borr, Gloss. sanscr.) ( 289 ) bre de cinq : le malayalma, le karnate, le toulou, le telougou et le tamoul. Le malabar, malayala ou mieux malayalma s'étend sur la côte de Malabar, le long des Ghates occidentales , depuis Poudoupattanam jusqu'au cap Comorin, ce qui équivaut aux anciens royaumes de Mouchicarachyam et Keralara- chyam, d’où le malabar est quelquefois appelé kerala ; cette langue est aussi parlée sur la côte N.-0,. de l'ile de Ceylan. Le karnate, karnataka, kañara, kannadi ou langue de Mysore est l’idiome parlé dans la partie de l'Inde qui a pour limites, à l’est, une ligne ondulée commençant à Pam- par et descendant par le 75°50° long. E. jusqu'au 11°50” lat. N.; au midi le bras du Cauvery passant à Sattimounga- loum et à l’ouest les Ghates occidentales jusqu'aux sources du Kistna; au nord, la séparation du karnate d'avec le mahratte est très-irrégulière : elle suit d'abord cette lati- tude jusque près de Koutni, descend ensuite vers le midi par Ramdroug et Nourgound jusqu'à Hourrghourr, puis remonte, vers le nord, par Anagoundry, Goutchountour- gour et Scholapour, d’où une courbe englobant Nouldroug et Beder la ramème à Pampar. Cette étendue de pays correspond à peu près à l’ancien Kountala ou Oupahalaka, le plateau proprement dit du Dékhan. Le toulou, toulava, toulouva, toulva ou taulava em- brasse les anciens royaumes de Toulourachyam et Kou- parachyam, aujourd'hui abusivement désignés sous le nom de Kanara, sis, d’une part, entre la mer des Indes et les Ghates occidentales, et d'autre part entre Gocarnam et Poudoupattanam. Le telougou, connu aussi sous les noms de tailanga, tilanga, tenougou, et plusieurs autres, est la langue ( 290 ) dravidique qui oecupe la plus grande étendue de pays. 1 commence, au nord, à Gandcham et aux rives de l’Indra- vati, du Pranhita et du Godavery, et se termine, au midi, près de Bengalore et de Poulicat; à l’est, 11 a le golfe de Bengale pour limite et à l’ouest il côtoie le domaine du Karnate. Le telougou comprend ainsi les circars de Gandcham, Vizapatam, Rachahmoundry, Mazoulipatam et Gountour; la plus grande partie des districts de Koud- dapah et Bellari, ainsi que la partie orientale du Mysore et la partie septentrionale du Karnatic. Le peuple qui parle le tamoul, tamil ou tamla, occupe, outre le nord de l’île de Ceylan, la région comprise entre la côte de Coromandel, les monts Piney, les Toudas et les Karnates, d’une part, et le cap Comorin, Bengalore et le Pennair, d'autre part, c’est-à-dire les anciens royaumes de Chola, Chera et Pandva, correspondant aujourd'hui à Madras et à sa banlieue, aux districts d’Arcot, Salem, Coimbatour, Tandjore, Trichinapali, Madoura, Cheva- gounga, Tinnivelli et à une partie du rovaume de Mysore; la population tamoule s'élève à environ 7,687,000 habi- lants, sans tenir compte de l’île de Ceylan et du royaume de Mysore , au sujet desquels la statistique fait défaut (1). Nous rappellerons ici que, d'après le sentiment de la majorité des linguistes, et notamment de Hodgson , nous devons rattacher à la famille dravidique ceux de ses mem- bres dispersés dans les montagnes de l'Inde et représentés par les Bhiels, les Toudas, les Gonds et les Paharias, aux- quels il faut ajouter les habitants des hautes vallées de l'Himalaya. e arren nde anglaise en 2e part., chap. . 1) De Warren, l'/nde anglaise en 1845, 9° part., chap. VIII ( 291 ) Quant au ceylanais, les uns le rattachent à la famille sanscrite et les autres à la famille dravidique; la première opinion ne parait guère soutenable après un examen atten- tif de la structure grammaticale de cette langue, qui diffère totalement de celle de l'idiome sacré des Hindous; le grand nombre d'éléments tamouls et malabars qui se rencontrent en ceylanais rend la seconde opinion plus probable : c'est celle de Rask, qui peut être utilement consulté en cette matière. « Le domaine dravidique embrasse donc la partie méri- dionale de l'immense plateau du Dékhan qui, de deux côtés, se perd sur les côtes de Malabar et de Coromandel, le long de la mer des Indes et du golfe de Bengale, et, de deux autres côtés, se Lermine aux rives du Gange et au pied du Nil-Gerri, séparé par une large et profonde vallée de l’Ali-Gerri, dont le flanc méridional forme la limite de l'Inde. A part quelques parties incultes à l'embouchure des grands fleuves, cette région fortunée ne déroule aux yeux du spectateur que des tableaux magnifiques ou riants, des forêts épaisses, des champs fertiles, que chaque année voit se couvrir de plusieurs moissons; de verdoyantes prairies, de vastes pâturages que le règne végétal et le règne animal concourent à embellir ; des arbres qui nous sont connus et d’autres dont nous ne connaissons que les noms; des arbustes utiles et des plantes odoriférantes , telles que le laurier de Malabar. Cette splendide nature a nécessairement influé sur le dé- veloppement des langues du pays. On ne peut chercher sous ce ciel d'azur la rudesse qui domine dans nos idiomes sep- tentrionaux : une atmosphère chargée et une température froide serrent nos dents et glacent nos lèvres, qui laissent (292 ) échapper avec peine et par saccades l'expression vocale de nos idées et de nos sentiments. L'air pur de l'Inde n’est frappé que de sons harmonieux, produits par le concours de voyelles sonores, dont le tamoul abonde plus que le sanscrit lui-même : chez lui la respiration libre et dégagée n’admet pas d'aspiration. Plus heureusement disposés en- core, le telougou, qu'à juste titre on appelle l'italien de l'Inde, et après lui le Karnate, surpassent les autres idiomes dravidiques en euphonie; la douceur de leurs agcords rap- pelle le faible bruit que font entendre, lorsqu'elles sont agitées par les zéphyrs, les hautes savanes qui couvrent le pays et les palmiers sacrés, dont les feuilles sont pour les Indiens ce que les tablettes d'ivoire étaient pour les Ro- mains. Le tamoul et le malabar reproduisent les caractères espagnol et portugais, et, chose remarquable, ceux-ei oc- cupent, dans la péninsule ibérique, une position géogra- phique analogne à ceux-là dans la presqu'île indoue. Le tamoul est la langue la plus importante du midi de l'Inde; grâce à sa situation topographique, elle a conservé un type antique facile à reconnaitre, et sa littérature, pleine de richesses, est marquée d’un cachet d'originalité toute primitive, Cette langue fournit la clef de toutes celles de la famille dravidique, comme le latin donne l’intelli- gence des idiomes de la famille romane, et celui qui, à la connaissance du sanserit, joindrait celle du tamoul, ac- querrait en peu de temps une ample notion de toutes les langues de l'Inde. Il est donc facile à comprendre quels avantages doivent résulter de l'étude du tamoul. Elle est indispensable aux missionnaires, dont tout le zèle sera infructueux, s'ils ne connaissent la langue du peuple; elle donnera à ceux que le commerce force d'aborder sur les côtes de Malabar ou ( 293 ) de Coromandel les moyens de se mettre immédiatement et directement en contact avec les indigènes; par elle les fonctionnaires , appelés à seconder leur gouvernement dans ces possessions lointaines, se trouveront à même de faire comprendre d'une manière plus prompte et plus sûre toute l'utilité et la sagesse des mesures prises dans l'intérêt du pays. | Mais outre ces avantages en grande partie déjà appré- ciés, surtout en Angleterre, il en est d’autres aussi im- portants qui, bien que moins connus, doivent dominer cependant la question de l'étude du tamoul. L'examen approfondi des écrits tamouls originaux doit nécessairement jeter de vives lumières sur l’état de l'Inde, peut-être même avant l'invasion arienne; il fera apprécier les preuves déjà recueillies de l'unité de race des peuples primitifs de celte contrée; il aidera à résoudre le problème encore do‘teux d£ leur origine; il reculera probablement les limites qui arrêtent les investigations indiennes, sur- tout si les recherches ultérieures confirment l'opinion du célèbre et profond orientaliste, M. Ellis, sur l'existence d’une littérature tamoule avant l’intreduction du sanserit. Alors on se rendra compte de nombreuses pratiques reli- gieuses, telles que celles des Telinga Baniyigarous, que le brahmanisme a trouvées établies et qu'il à été impuis- sant à supprimer; alors on s'expliquera ces coutumes 0p- posées et probablement antérieures à la loi de Manou, telles que celle qui autorise les femmes des Naïrs du Ma- labar à se livrer aux hommes d’une caste égale ou supé- rieure à la leur (1); alors seulement on pourra suivre pas (1) On trouverait peut-être cette particularité éclaircie dans le Xokokam , relatif aux rapports des sexes entre eux, ( 294 ) à pas ces antiques races dans la marche de leur civilisa- tion morale et intellectuelle, dans les détails de leurs usages, ainsi que dans le développement de leurs idées philosophiques, car le Dékhan a eu , comme la Grèce, ses sept sages : Avveiyar, Ouppay, Vally, Ourouvay, Tirou- vallouvan, Adikamam et Kavvilar, pléiade philosophique, à la tête de laquelle se trouvent quatre femmes. Si quelques œuvres tamoules sont d'un àge comparativement moderne, elles n’en ont pas moins une valeur scientifique réelle, parce qu’elles jouissent d'une popularité qu'elles n'auraient pu acquérir si elles ne reproduisaient les idées dominantes depuis des temps reculés. Rappelons-nous, du reste, ce qu’a dit un historien célèbre : « Tout est stable dans l'Inde; » on marche si lentement que les siècles s’y expliquent les » uns par les autres, en remontant aux plus éloignés (1). » Les Tamouls se sont exercés dans tous les genres qui forment l'encyclopédie orientale. Le père de la grammaire fut Agastya, auquel les indi- gènes attribuent l'invention de l’alphabet tamoul, qui sert aussi à écrire le sanscrit. La tradition fait ainsi jouer à ce sage du Dékhan le même rôle qu'à Cadmus en Grèce, et, par une coïncidence singulière, l'alphabet primitif des Tamouls n'eut, comme celui des Grecs , que seize lettres, que, par imitation, on pourrait appeler agastyennes. Les œuvres philologiques d'Agastya sont perdues, quoi- qu'on lui attribue l'Agastya Vyakarana, mais sa gram- maire qui contenait 80,000 règles, nous a été conservée, réduite au 10" par son élève Tolghappya, qui est regardé comme une incarnation de Vichnou. Cet abrégé, — con- (1) Cantu, Aist. univ., 5° époque, Litt. ind. ( 295 ) sidéré par quelques traditions comme amplification d'une grammaire attribuée à Vira Pandya, raja de Madoura — est tellement obscur et difficile à comprendre qu'un dé- vot, du nom de Pavananti, composa , pour le remplacer, un ouvrage intitulé : Nannoul, divisé en cinq parties, traitant respectivement des lettres, des mots, de la com- position, de la versification et de la rhétorique; on peut regarder comme y faisant suite le Dandi Alankara, traité de poésie et de rhétorique qui est, paraît-il, une traduc- tion du Kavyadersa de Dandi. Vient ensuite une série de lexiques, dont nous nous contenterons de mentionner les quatre suivants : Le Mandala Pourousha nighanta, arrangé d’après la signification des mots : il a pour auteur le pandit djain Mandala Pourousha ; Le Devakaram , disposé de la même manière et divisé en douze sections; Le Chidambara Agharadi, dans lequel l’auteur à adopté un plan conforme à celui de nos vocabulaires; Le Nighanta de Yaska, dont je possède un exemplaire. Outre des traductions et des commentaires des védas, le tamoul possède des écrits de philosophie religieuse, iels que les suivants relatifs au système védanta : Kaival- yanavanita, Pancadasaprakarana et Atmabodaprakasika, dont M. H. Graul a publié à Leipzig, en 1854, une tra- duction allemande avec commentaires et glossaires. Le lecteur, qui connaît tant soit peu les tendances et le caractère des Indiens en général, a déjà dû supposer qu'une des parties les plus considérables de la littéra- ture tamoule devait être les œuvres pouraniques et légen- daires. Cette branche est, en effet, très-étendue, mais à nos yeux elle n’est pas des plus importantes au point de vue ( 296 ) de l'histoire , parce que, traduite en grande partie du sans- crit, elle manque beaucoup de cette originalité qui permet les rapprochements dont jaillissent les lumières histo- riques. Nous nous gardons cependant de généraliser, et cette réserve se trouvera justifiée, espérons-nous, par l'analyse succincte des ouvrages dont nous parlons. Le Skanda — que M. le professeur Wilson suppose anté- rieur à la première attaque de Mahmoud le Ghaznévide contre Bénarès — paraît avoir été le pourana de prédilec- tion des Tamouls, et cela s'explique. Les [Indiens méri- dionaux, après s'être convertis au brahmanisme, ou avoir tout au moins adopté les rites de cette religion , devinrent adorateurs fervents de Siva et de son épouse Dourga, fille de Daksha : c'est un des faits historiques les mieux prouvés. Or, le Skanda pourana, qui glorifie les temples de l'Orissa comme ceux de Bénarès , a pour objet unique le culte de Siva , déjà établi dans le midi de l'Inde, il y a dix-huit ou dix-neuf siècles. Ce pourana a occupé les loisirs des rajas Viratounga, de Tingasi et Adivira Rama, de la race des Pandyas de Madoura. Les tamouls ont aussi traduit du sanscrit le Bhagavata pourana, le Vriddhachala pourana, le Vedapouristhala pourana, lArounchala mahatmya, l'Indrakila Parvata mahatmya et le Halasya mahatmya, que l'on croit être une partie du Skanda pourana. D'après M. Wilson (1), auquel nous empruntons les curieux détails que nous donnons ici, le Halasya, quoique rempli de beaucoup d’absurdités, renferme cependant des données précieuses pour l'histoire des souverains du royaume de Pandya. (1) À discriptive catalogue of the oriental manuscripts, elc., collected by the late lieut.-col. Colin Mackenzie, Calcutta, 1828. PÉ r g E É 2er: ( 297 ) Nous avons encore le Periya pourana, dans lequel la persécution contre les bouddhistes est attribuée à /nyana Samandhar , le Tirouvattoura koshamangala pourana, le Valliyamma pourana, le Palam pourana , le lamboukes- vara sthala pourana et le Nasiketou pourana, le Tirou- vadetour kovil katha et le Cholangipour Peroumal kovil katha ; le Moupountoti vollé, le Varayour grama verna- nam et le Vishnoukanchi kovil vernanam ; l’Avvaryar kovil mahatmya, précieux pour la mythologie du midi de l'Inde, le Chitrakouta mahatmya, le Madhyaryouma mahatmya, le Tirouvalliyanam kovil mahatmya, le Totiya madoura valiyamman mahatmya, le Padmachala mahatmya et le Tamraparni mahatmya. Ce dernier est l’histoire fabuleuse du fleuve Tamraparni, que la tradition dit avoir été amené du Nord par le sage Agastya. Cette légende confirme en quelque sorte l'opi- nion de M. Colebrooke , qui a supposé que le mot tamoul , que les indigènes prononcent tamla, est une corruption de Tamra ou Tamraparni. La marque distinctive de ces compositions est le sivaisme pur et rarement mêlé de vichnouisme; elles sont donc diamétralement opposées aux pouranas sanscrits, qui, comme l’a dit M. Nève, ont la plupart pour destination de fournir un riche formulaire de tout dogmatisme et de toute histoire aux sectateurs de Vichnou, plus rarement à ceux de Siva. Il est toutefois juste, pensons-nous, d'établir pour les œuvres pouraniques une distinetion entre celles qui n’ont qu'un but purement mystique ou philosophique et celles qui y font concourir l'histoire — bien que très- souvent fabuleuse — de personnages plus réels que les mythes de Vichnou et de Siva. Telle est. une série d'œuvres tamoules, gloriliant les ( 298 ) princes du royaume de Chola et connues sous les titres de Chola mahatmya, Sriranga mahatmya, Terouvanda pou- rana, Kanchisthala pourana, Sivandhi sthala pourana, Tribhouvana sthala pourana, Nalé sthala pourana, Tirapa- soura sthala pourana et Srikarani pourana, qui paraît tiré du Brahmanda pourana. Après cette catégorie, nous en rencontrons une autre composée d'écrits plus sérieux, relatifs aux castes, à l’his- toire des royaumes de Chola, Chera et Pandya et aux princes qui les ont gouvernés, et d'autres concernant le collége de Madoura ou renfermant des généalogies de familles distinguées, des monographies, etc., etc. Nous devons ici à la vérité de dire que ces écrits, — comme ceux du nord de l'Inde — ne poussent que trop souvent l'exagération jusqu’à l'absurde, et que les uns comme les autres ne peuvent acquérir de valeur aux yeux de l'his- toire que pour autant que la science d'hommes habiles les ail fait passer au creuset de la critique comparative et de l'analyse la plus rigoureuse : ils méritent cet examen appro- fondi à plus d’un utre. N'oublions pas ici qu'il existe un grand nombre d'in- scriplions lamoules sur feuilles de palmiers, sur rocs et sur métaux. Quant à la littérature, il est peu de genres dans lesquels les Tamouls ne se soient essayés , et souvent avec succès : ils nous ont laissé des drames, des romans historiques et dramatiques, des ouvrages allégoriques, des fables, des hymnes sans nombre, mais leurs poèmes didactiques el moraux sout, dans l’état actuel de nos connaissances sur l'Inde, les œuvres qui méritent le plus d'attirer l’attention des hommes studieux. L'Atisoudi, le Konnevvenden, le Moudourci, le Nadvali ( 299 ) et le Kalvi- Oloukkan, écrits polythéistes d'Avveiyar (1), sont classiques depuis iongtemps, ei servent encore aujour- d'hui à inspirer à la jeunesse des sentiments de morale et de religion et à lui enseigner ses devoirs envers les dieux et les hommes. Les sublimes stances de Tirou-Vallouvan suffiraient à elles seules pour immortaliser leur auteur et son pays, pour engager à étudier la langue qui à produit un pareil chef-d'œuvre. C'est là que l’on trouvera des ressources pour tracer l’histoire intellectuelle, morale et religieuse d’un peuple qui n'a pas été le dernier dans la civilisation 1in- dienne; c'est là que l’on trouvera réunis la concision et l'élégance, la pureté et l'élévation du style, les idées de la morale la plus sublime et les aphorismes de la méta- physique la plus abstraite. Les Kourrals du divin (Tirou) Vallouvan jouissent de la plus grande célébrité dans le midi de l’Inde, où ils n'ont pas eu moins de sept commentateurs, parmi lesquels on distingue Rangesvara, auteur du Rangesvaravemba. Dans les sciences exactes, les Tamouls ont écrit sur l'astronomie, mais malheureusement sans la dégager des erreurs superstitieuses communes aux Orientaux; dans les sciences naturelles, sur Ja chimie, la médecine, l’ob- stétrique, la pharmacologie et surtout la toxicologie; dans les arts, sur l'architecture, la navigation, etc. (2). Si telle est l’idée que nous devons nous faire des ou- (1) Avveiyar était de la secte appelée Oudchameïyam ou secte intérieure, qui place dans le corps humain les lettres na, ma, chi, va, ya, et leur attribue un pouvoir mystérieux. (2) Nous ne parlons pas ici de la littérature et de l'influence des Djains, qui méritent d’être traitées à part. a ( 500 ) vrages tamouls, en ne consultant en grande partie que la collection recueillie par le colonel Mackenzie, que serait- ce si nous avions sous les yeux ceux qui ont inévitablement dû lui échapper, ceux que le lecteur d'Europe n’a jamais le bonheur de rencontrer ? Que connaissons-nous de ces productions aussi nom- breuses que variées? L'Europe en possède à peine un seul ouvrage quelque peu considérable, celui de Tirouvallou- van, qui à trouvé un digne interprète dans M. Ellis — trop {ôt enlevé à ses études sur le tamoul, le telougou et le malayalma — et dont M. Kindersley avait déjà douné, en 1794, des extraits également en anglais, mais d'après un texte tamoul en prose (1). D'autres considérations encore doivent pousser vers l'étude du tamoul ceux-là mêmes qui ne verraient dans celte langue qu'une rivale hostile au sanserit. La population primordiale de l'Inde, subjugnée et long- temps dominée par un peuple déjà civilisé, ressentit néces- sairement l'influence des vainqueurs. Sous le rapport du langage, cette prépondérance de la victoire ne pesa point d'une manière égale sur toutes les nations vaincues : plus celles-ci étaient incultes, plus elles admirent de mots sans- crits. La force des choses devait produire ce résultat, car plus le contact des étrangers et des aborigènes donnait à ceux-ci de notions nouvelles, plus les langues dravidiques devaient adopter de termes nouveaux. La langue tamoule subit cette Loi, mais à un moindre degré que ses sœurs parlées par des peuples moins avan- (1) M. De Dumast vient de publier en vers français quelques Maæximes traduites des Courals de Tirouvallouvar. Nancy , 1854. 24 pp. ( 301 ) cés; elle exprima par des mots sanserits, surtout dans le style familier, les sentiments moraux, ainsi que les notions abstraites et métaphysiques qui lui étaient inconnues dans sa rudesse primitive. Cés mots sanscrits ne peuvent-ils pas aider à en faire comprendre d’autres qui ne se sont pas introduits en tamoul? Ces mots sanscrits ainsi dé- paysés à une époque réculée, existent-ils encore dans la littérature sanscrite elle-même? Questions intéressantes que l'étude simultanée des deux langues peut seule ré- soudre. De plus, après l'invasion du brahmanisme, les écrits liturgiques et mytholegiques du nord de l'Inde ne tardèrent pas à être traduits et commentés dans le Midi; personne, pensons-nous, ne contestera l'utilité de ces versions pour parvenir à la parfaite intelligence de l'ori- ginal, dont le sens échappe plus d’une fois malgré le commentaire et le commentaire du commentaire sanscrit. Nous n'avons sans doute pas été le premier à émettre ces considérations; elles sont trop simples pour ne pas être venues à l'esprit des indianistes, mais nous avons cru qu’en les réunissant, nous ferions ressortir plus clairement les avantages à résulter de la connaissance des langues du midi de l'Inde, et surtout du tamoul. Examinons mainte- nant d’une manière sommaire ce qui a été fait pour pro- pager l'étude de ce dernier idiome. Ce ne fut guère qu'au commencement du XVII" siècle que l’on étudia sérieusement le tamoul. Le R. P. Beschi, de la compagnie de Jésus, a l'honneur d’avoir le premier assis cette étude sur des bases solides. Au milieu des peines et des travaux de son apostolat parmi les idolâtres, il trouva assez de loisirs pour composer, outre un bon nombre de poëmes religieux, divers ouvrages de philo- logie, parmi lesquels nous distingnons : une grammaire TOME xx11. — ['° parT. 21 ( 302 ) latine du dialecte vulgaire, qui eut différentes éditions et qui fut traduite en anglais par Henri Horst (Vepery, 1806); une grammaire du diatecte relevé, écrite en latin et publiée en anglais par B. Babington (Madras, 1822) ; un dictionnaire intitulé Sadur Agharadi, probablement celui qui parut à Madras en 1827, et la Clavis humaniorum lite- raruin sublimioris tamulici idiomatis. Ge dernier ouvrage, resté manuserit, à été très-utile à R. Anderson, pour la composition de l'excellente grammaire qu'il fit éditer à Londres en 1822 (Rudiments o[ tamoul graminar ). Barth. Ziegenbalg, missionnaire luthérien, contribua également à assurer l’avenir du tamoul. Envoyé en 1705, par Frédéric IV de Danemark, à la colonie danoise de Tranquebar, il s’y distingua bientôt par son zèle à répan- dre l'instruction dans le pays. Dès 1715, 1l était parvenu à monter une imprimerie qui fournissait aux indigènes des livres en caractères tamouls. Ziegenbalg traduisit le livre de Josué de l’hébreu en tamoul et composa une première grammaire écrite en allemand, qui resta manuscrite, puis une seconde.en latin, qui vit le jour en 4716, à Halle. Outre les ouvrages de Beschi et de Ziegenbalg, il en est d’autres dont on peut utilement s’aider pour l'étude du tamoul, tels sont : Pour la grammatologie : Gramimatica portugueza, hum vocabulario em portuguez e inalabar , in-&°, Tranquebar, 1755. A grammar of the damul or tamul language, in -4°. Tranquebar, 1754. Walther, C.-Th. Observationes grammaticae ; quibus linguae tanulicae idioma vulgare illustratur, in-8°. Tran- gambar,,1759. Clémens, Jos. Grammatica malabar, in-8°. Rom., 1774. ( 305 ) A grammar for learning the principles of the malabar language, properly called the tamul or tamulian language , by the Engl. Missionn. of Madras, in-8°. Wipery, 1778, 2e éd., in-4°. Ibid., 1789. Drummond, R., Walabar grammar. { Bombay, 1799. Notices sur les langues et l'écriture des Indiens et sur celles des Tamouls en particulier , in-4°. Paris, 1806. Rhenius, C.-T.-E., Grammar of the tamil language, in-8°. Madras, 1856. Harkness, H., Ancient and modern alphabets of the po- pular Hindu languages of the southern peninsula of India. London, 1857. Pour la lexicologie : De Provenza, A., Vocabulario lamulico con a significa- zao portugueza. Ambalacatæ, 1679. (Fabricius, J.-P., and Breithaupt J.-Chr.). À malabar and english dictionary, by the English Missionn. of Madras, in-4°, Wepery near Madras, 1779. À dictionary of the english and malabar languages , m-#. Wepery near Madras, 1786. Blin, M.-A., Dictionnaire français-tamoul et tamoul- français , in-8°, obloug. Paris, 1851. Rouler, J.-P., Dictionary of the tamil and english lan- quages. Madras, 1834-41 , IV parties. Excellent vocabu- laire, mais malheureusement très-rare. Parmi les ouvrages tamouls composés par les Euro- péens, nous ferons remarquer les suivants : Schultze, Historia passionis Christi, damulice. Tranq., 1725. Liber psalmorum Davidis. Tranquabariæ , in-8°. 1724. The adventures of the Gooroo Paramartan, de Beschi, publiées à Londres, en 1822, par B. Babington. ( 304 ) L'analyse et le lexique qui accompagnent cel ouvrage en font un livre vraiment classique. En fait de traductions, nous avons déjà mentionné celle de Tirouvallouvan, par M. Ellis; nous y ajouterons celle donnée par le D' John de l’Attisoudi, du Kalvi-Oloukkan et du Xonnevvenden (1); celle du Saka Thevan sasteram , par J. Roberts (2), ainsi que celle du Vedala Cadai, par le major D. Price (5). Quant à nous, nous tâcherons, autant que le permet- tront nos capacités et nos loisirs, de contribuer à répan- dre l'étude du tamoul, soit par la publication de textes originaux ou de mémoires analytiques, soit par des tra- _ductions d'œuvres inédites. — La classe s’est occupée ensuite de prendre des arran- gements pour sa séance générale du mois de mai pro- chain. Elle a nommé, aux termes de ses règlements, la commission chargée de rédiger une liste de présentations pour les élections qui auront lieu à cette époque. Elle s’est également occupée des lectures à faire dans la séance publique qui suivra la séance générale, et M. le secrétaire perpétuel à été chargé de rédiger une notice sur M. Ph. Lesbroussart, que la classe des lettres vient de perdre. (1) 4siatic Research. , 1. VII, p. 545 sqq. (2) Miscellaneous transl. from oriental languages. Londres, t, 1, 9me partie. (3) /bid., 1. 1, 4e partie. ( 305 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 1° mars 1855. M. Suys occupe le fauteuil. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Navez, Van Hasselt, Henri Vieuxtemps, Jos. Geefs, Érin Corr, Snel, Fraikin, Baron, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, membres; L. Calamatta, associé; Balat , correspondant. MM. Edm. de Selys-Longehamps et Stas, membres de la classe des sciences, et Kervyn de Lettenhove, membre de la classe des lettres, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition de l'arrêté royal du 5 février dernier, qui approuve l’élec- tion de M. Portaels en qualité de membre de la classe des beaux-arts de l’Académie. Par une seconde lettre, M. le Ministre de l’intérieur annonce qu'il vient de proposer au Roi d'accorder un sub- side de 500 francs à la Caisse centrale des artistes belges placée sous le patronage de la classe, ( 306 ) — M. le comte Amédée de Beauffort, président de la Commission pour l'exposition, fait parvenir, conformé- ment aux intentions de M. le Ministre de l'intérieur, la somme de fr. 4,825 40 €‘, provènant de la retenue de 5 p. ‘Jo, opérée au profit de la Caisse centrale sur le prix de vente des œuvres d'art, lors de la dernière exposition triennale des beaux-arts à Bruxelles. — Le conseil d'administration de l’Académie royale d'Anvers fait connaître que l’époque de l’ouverture du grand concours, auquel est attachée, pendant quatre ans, une pension de 2,500 francs, est fixée au 14 mai prochain. La branche des beaux-arts appelée à concourir cette année est la gravure. — M. le secrétaire perpétuel met sous les yeux de la classe les annonces de trois expositions pour les beaux- arts qui vont s'ouvrir : Le 5 juin, à Mons. Le 24 juin, à Malines. Le 12 août, à Anvers. — M. Ad. Siret, correspondant de l'Académie, écrit qu’il se propose de faire une table générale des matières contenues dans tous les volumes des Bulletins de la com- pagnie, publiés jusqu’à ce jour. M. le secrétaire perpétuel dit qu'il a déjà rendu compte de cette proposition à la Commission administrative de l'Académie, qui l’a accueillie avec empressement. — S. E. M. le baron de Brockhausen, envoyé extraor- dinaire et ministre plénipotentiaire de Prusse à Bruxelles, ( 307 ) fait hommage, au nom de M. Bolte, peintre à Berlin, d'un panorama de la ville de Naples en quatre feuilles, accompagnées d'un texte explicatif. — Remerciments. CONCOURS DE COMPOSITION MUSICALE DE 1855. Poëmes envoyés au concours ouvert par arrélé du 21 octobre 1854. N° 1. Une Nuit d'automne. La nuit, pour le poëte, est pleine d'harmonie. N° 2. Songe de Guillaume le Taciturne. O liberty! thou Goddess, heavenly bright, Profuse of bliss and pregnant with delight! (Anp1son.) N° 5. Jeanne Gray à ses derniers moments. Son front de la vertu portait l'empreinte austère. (VOLTAIRE.) N° Lea Godefroid et les Croisés. Diex le volt. N° 5. Le dernier chant du Tasse. Et sa couronne d'or brille encore à nos yeux! _N° 6. Le Songe de Colomb. Il rêve : — Et ce monde nouveau, qui manque à l’univers, De ses regards ardents il l'embrasse, il l'admire! { Casimir DELAVIGNE.) Ne N° N° N° N° N° N° N° Ne 7 8. 10. 44: 15. 16. ( 308 ) Le Chant du batelier. (Sans devise.) Léopold et la Liberté, ou la Voix du Belge. (Sans devise.) Philippe d’Artevelde. (Sans devise.) Le jeune Macchabée. (Sans devise.) L'Ombre de la Reine. (Sans devise.) Le Moineau. Sub umbra alarum tuarum protege nos. Souvenirs de 1850, Révolution belge. (Sans devise.) Moïse un jour de révolte. Chanter la gloire de Dieu. Louis IX captif à Damiette. Héros et saint! L’Esclave de son serment. Entre la coupe et les lèvres, il y a place pour un malheur! Derniers moments d’un grand homme. Ma fille, on t'a volé ta coiffe et tes souliers. Les Matines brugcoises, Flandre au Lion. Ne N° N° N° N° N° 19. 29. ( 309 ) Le Travail, la Misère et la Charité. C’est l'air qui fait la chanson. Les Cris de l'humanité. (Sans devise.) Les Brabançons (en 1145). Le Vaisseau de guerre. L'Orage. Les Pécheurs pendant l'orage. Amour et Folie. Un Épisode du temps des Gueux. Agar dans le désert. Les sept pièces précédentes n’ont ni devise ni paquet pt p P paq cacheté.) Moïse. Vocavitque nomen ejus Moyses dicens : Qui de aqua tulit eum. (Exode, II, 10.) Le dernier Jour de Raphaël. L'amour et la gloire sont des poisons enivrants qui tuent ou qui rendent immortel. Cantate guerrière du Cosaque du Don. Tu regere imperio populos, Romane , memento ; Hae tibi erunt artes, pacisque imponere morem, Parcere subjectis , et debellare superbos. (Eneïde, VI, 847.) Le comte de Rochefort (épisode de la première croisade). Rege et arte. Les Templiers. Courage et foi. hi, LR” N° N° N° 39 39. 40. 41. ( 910 ) Le Réveil des moissonneurs. O dolce Valle , ove fra l'erbe e à fiori Talor madonna sospirando siede. (GrancrorGio Trissino , Sonetti.) La Révolution belge de 1850. Subit ira cadentem Ulcisci, patriam , et sceleratas sumere poenas. (VIRGILE.) Une Révolution des Gantois en 1545, ou mort de Jacques d’Artevelde. (Sans devise.) Louis XI et Charles le Téméraire à Péronne. C’est un devoir pieux de rappeler les faits qui appartien- nent à l’histoire du sol natal. Le Vœu de Jephté, Aroër, Mennith, Abel. La Paix en Belgique. {Sans devise.) La Ville sainte à la veille du combat. Et viri Judae magnificati sunt. (Macch., cvu, v. 63.) La Moisson. Si les capitales sont le foyer des arts, Les campagnes sont le berceau de la poésie. Les Rêves d'un Belge. (Sans devise.) 42, Daniel. Suspendimus organa nostra, N° N° N° N° N° NO N° N° (31) Ambiorix. Horum omnium fortissimi sunt Belgae. Pauvre Mère. (Sans devise.) Un Sabbat dans les ruines de la Tour-Magne (près de Nimes). (Sans devise.) Départ de Judith. (Sans devise.) Philippe d’Artevelde. Flandre au Lion. Avant de mourir (5 juin 1568, Bruxelles). Oh! ne dites jamais : le peuple un jour oublie. Jeanne d'Arc. L'amour de la patrie est aux peuples ce que l’amour de la vie est aux hommes isolés; car la patrie est la vie des nations. (De Lamannine, Âistoire de Jeanne d'Arc.) Jeanne d'Arc. (Sans devise. ) La Prière du pauvre. Un carré par forme de devise. 52, Vision. Utile duleri. Le Départ du Navire ou la tempête. Ponto nox incubat atra; Intonuere poli et crebris micat ignibus ether. ( VIRGILE.) (312) N° 54. Bataille de Courtrai. (AHist. de Belgique, par Th. Juste, liv. IV, pp. 254 et 255.) N° 55. La Fille de Jephté. Fais ce que peux, advienne que devra. N° 56, Le dernier Jour d'Herculanum. 1,2,5. N° 57. Le Masque de fer. Spes, fides. N° 58. Baudouin IX et Marie de Champagne. Une femme, un enfant, ces deux parts de mon cœur. N° 59, Les Éburons. (Sans devise.) N° 60, A la Belgique. Patria. N° G1. Hosanna in excelsis. Mets-moi comme un cachet sur ton cœur, comme un ca- chet sur ton bras; car l'amour est fort comme la mort. (Cantique des cantiques.) Ne 62. Mil huit cent trente. (Sans devise.) N° 65. Le Vœu de Jephté. (Lib. Judicorum , cap. XL.) La Commission chargée de l'examen de ces pièces se com- posera, comme les années précédentes, de MM. F. Fétis, Alvin, Baron, Van Hasselt, Daussoigne-Méhul, Snel et Hanssens,. ( 515 ) Une pièce envoyée par M. J.-B. de Broeck n’a pu être admise, parce que l’auteur, en se nommant, s’est mis en dehors des conditions exigées pour prendre part au con- cours. RAPPORTS. M. le Secrétaire perpétuel rend compte des résolutions prises par la classe des lettres, dans sa dernière séance, en ce qui concerne le Rapport de la commission nommée pour les encouragements à donner à l'art dramatique. Ce rapport, rédigé par une commission mixte de mem- bres délégués par la classe des beaux-arts et par la classe des lettres de l’Académie, a été envoyé à M. le Ministre de l'intérieur, avec les diflérentes résolutions adoptées par chacune des deux classes. — M. le secrétaire perpétuel fait connaître ensuite que les comptes de l'Académie pour 1854 et les projets de budgets des dépenses et des recettes pour 1855, vérifiés par la commission administrative de l’Académie, ont été approuvés, en ce qui la concerne, par la commission spé- ciale de la classe des beaux-arts, représentée par MM. Snel et Fraikin. (314) COMMUNICATIONS ET LECTURES. — — M. Alvin dépose la note suivante pour faire suite à la notice qu'il a publiée sur M. H. De Caisne. (Voyez le Bulletin de novembre 1854.) « M. le comte Amédée de Beauffort a eu l’obligeance de me donner la note exacte des ouvrages de De Caisne qu'il possède; c'est un complément du catalogue qui accom- pagne une notice insérée dans le n° 10 du tome XXI de nos Bulletins. 1° Le portrait en buste, de grandeur naturelle, de M" 1à comtesse de Beauffort (il était renseigné dans ma liste); 2 Le portrait de M. le comte, faisant pendant au pré- cédent (non renseigné); 5° Portrait en pied de Charles-Quint, de grandeur na- turelle ; : 4# Portrait en pied de Philippe IF, de même grandeur; Ces deux portraits ont été peints par De Caisne à son retour d'Italie; ce sont les portraits historiques que j'ai indiqués, sans désignation précise des personnages, comme décorant la salle à manger du château de Bouchout. 5° Dessins à la plume des vitraux peints pour une église de Paris (S'-Louis). Ces dessins représentent les quatre Évangélistes ; 6° Une tête, peinte à l'huile, de grandeur naturelle, représentant saint Mathieu l’évangéliste, étude peinte pour l’un des tableaux de l'église de S'-Louis. \ { V À 2 (315) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Statistique de la Belgique. Compte rendu publié par le Minis- tre des travaux publics sur les mines, minières, usines minéra- lurgiques et machines à vapeur. Année 1850. Bruxelles, 1855 ; j vol. in 4°. Discussion de la loi sur l'enseignement moyen du 4% juin 1850. Tômes ! et Il. Bruxelles, 1850 ; 2 vol. in-8°. Loi sur l'enseignement moyen du 1% juin 1850. Bruxelles, 1850; 4 broch. in-8°. Rapport à M. le Ministre de l'intérieur sur l'enseignement industriel et La limitation de la durée du travail en Angleterre ; par Ch. de Cocquiel. Bruxelles, 1853; 1 broch. in-8°. Rapport de M. Moxhet, consul général de Belgique à New- York, sur le commerce des tissus de lin aux États-Unis. Bruxelles, 1849 ; 1 broch. in-8°. Notice explicative sur la cuisse générale de retraile instituée par la loi du 8 mai 1850. Bruxelles, 1851; 1 broch. in-8°. Rapport sur l'exposition des produits de l'industrie française en 1849, adressé à M. le Ministre de l'intérieur par M. J. Gilon. Bruxelles, 1849; 1 broch. in-8°. Cutalogue des produits de l'industrie belge admis à l'exposition de Bruxelles de 1847.92 édition. Bruxelles, 14847; 1 vol. in-8°. Projet de loi sur les marques de fabrique et de commerce, pré- cédé de l'exposé des motifs, présentés à la Chambre des pairs de France par M. le Ministre de l'igriculture et du commerce. Bruxelles, 1845; 1 broch. in-8°. Des institutions de prévoyance et des sociétés de secours mutuels. Bruxelles, 1847 ; 4 broch. in-8°. Recueil des lois et des règlements en vigueur, sur les brevets d'invention, chez les différents peuples, précédés des rapports qui ( 316 ) ont délerminé la législation française; publié d’après les docu- ments mis en ordre par M. Dujeux. Bruxelles, 1846; 1 vol. in-8°. Rapports du jury et documents de l'exposition de l'industrie belge en 1847. Bruxelles, 1847; 1 vol. in-8°. Indicateur général des produits belges admis à l'exposition uni- verselle de Londres. Bruxelles, 1851 ; 4 broch. in-18. Sociétés de secours mutuels pour les ouvriers et sociélés d'épar- gnes pour l'achat de provisions d'hiver. Bruxelles, 1849; 4 broch. in-8°. Arrèlé royal du 10 novembre 1845, relatif aux livrets d'ou- vriers. Bruxelles, 1845; 1 broch. in-8°, Rapport de la commission nommée par l'arrêté royal du 12 mai 1851, sur les sociétés de secours mutuels. Bruxelles, 1851; 1 broch. in-8°. . Analyse des législations des pays étrangers et de la législation belge sur la propriété industrielle, les marques de fabrique, etc. Bruxelles, 1847; 1 broch. in-8. Étude sur les conseils de prud'hommes, suivie d'un avant- projet de loi réorganique; par Salvador Morhange. Bruxelles, 1849; 1 vol. in-8°. Recueil des dispositions organiques et réglementaires et des programmes de l'École des arts et manufactures et des mines, annexée à l'Université de Liége. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°. Almanach industriel populaire de la Belgique. Années 1851 et 1852. (2m et 3" année.) Bruxelles, 1851-1852; 2 broch.in-12. Annuaire de l'industrie belge. 1"° année; 1848. Bruxelles, 1848; 4 broch. in-12. Histoire de la langue et de la littérature provençales ; par A. De Closset. Bruxelles, 1845; 1 vol. gr. in-8°. Mémoires des concours et des savants étrangers; publiés par l'Académie royale de Belgique. 1° fascicule du tome Il. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-4. De la querre des paysans (de Boerenkryg), de Henri Con- 4 ( 317) _ science, et de la portée des écrits nationaux; par Th. Olivier. Gand, 1854; 1 broch. in-8°. De la royauté belge et des libertés modernes; par le même. Tournay, 1854; 1 broch. in-1°2. Les Kimris, tableau historique de la Belgique ancienne; par E. Zetterman. Traduit du flamand par le même. Tournay, 1854; 1 broch. in-12. Quelques mots dans l'intérêt de l'instruction moyenne et supé- rieure; par le baron de Waha de Wannes. Bruxelles, 1855 ; broch. in-8°. Annales des universités de Belgique. Années 1842-1848. Bruxelles, .6 vol. gr. in-8°. Enquête sur la condition des classes ouvrières et sur le travail des enfants. Tomes 1 à IL. Bruxelles, 1846; 3 vol. in-8°. Annales du Hainaut; par François Vinchent. Tome VI. Ap- pendice. Mons, 1853; 1 vol. gr. in-8°. Hlodwig en Clothildis, historische tafereelen uit de V‘ eeuw; door Hendrik Conscience. 1-3 deel. Anvers, 1843; 3 vol. in-8°. Notice sur Roland Storms, docteur en philosophie et en méde- eine; par C. Broeckx. Anvers, 1855; 4 broch. in-8&. Annales de la Société de médecine pratique de la province d'Anvers, établie à Willebroeck. Livraisons de mars à juin 1854. Malines, 1854 ; 2 broch. in-8°. Annales academiae Lugduno-Batavae. Année 1850-1851. Leyde, 1855; 1 vol. in-4°. Dissertatio historico-physica inauguralis de phosphorescentia per irradialionem, quam pro gradu doctoratus summisque in mathesi et philosophia naturali honoribus ac privilegiis in aca- demia Rheno-Trajectina , rite et legitime consequendis, erudi- torum examini submittit Petrus-Adrianus Bergsma. Utrecht, 4854; 1 broch. in-8°. Six lettres sur les mathématiques ; par M. Lintz. Trèves, 1854; 6 demi-feuilles in-4°. Die Quadratur des Zirkels, aus dem Ebenmaas hergeleitet und TOME xx11. — Î"° PART. 22 (348) durch Zahl-und Form-Verhältnisse versinnlicht, von L. Lintz. Trèves, 14855 ; 1 broch. in-4°. La Normandie souterraine, ou notices sur des cimetières ro- mains et des cimetières francs explorés en Normandie; par M. l'abbé Cochet. 2° édition. Paris, 4855; 1 vol. in-S°. Documents relatifs aux tremblements de terre au Chili; par M. Alexis Perrey. (Extrait des Annales de la Société Imp. d'agri- culture de Lyon. Lyon, 1854; 1 broch. in-8°. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1854; n° 3 et 4. Amiens, 4854; 1 broch. in-8°. Séance publique de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne, tenue à Châlons, le 24 avril 4854. Châlons, 1854; 1 broch. in-8°. Bulletin de la Société industrielle d'Angers et du département de Maine-et-Loire. XXV®®° année, Vr° de la 2" série. Angers, 1854; 1 vol. in-8°. Procédés conservateurs de la vigne et de la pomme de terre; par M. Sémon. Marseille, 1855 ; 4 broch. in-8°. Philosophical transactions of the royal Society of London. For the year 1854. Vol. CXLIV. Part II. Londres, 1834; 1 broch. in-4°. The royal Society. 50 november, 1854. — Proceedings of the royal Society. Vol. VI, n° 102; vol. VIF, n°9. Londres, 1854; 4 broch. in-4° et 2 broch. in-8°. The quarterly journal of the geological Society. Vol. X; n° 40. Londres, 4854; 1 broch. in-8°. The numismatic chronicle, and journal of the numismatic Society. Edited by John-Yonge Akerman. Octobre 1854; n° 66. Londres, 1854; 1 broch. in-8°. Notes on various discoveries of gold plates, chiefly in the South of Ireland ; by T. Crofton Croker. Londres, 1854; 1 broch. in-8°. Transactions of the royal Society of Edinburgh. Vol. F, IT et HL Édimbourg, 1788-1794; 3 vol. in-4°. Koeniglich bayerischen Akademie der Wissenschaften in Mün- ( 319 ) chen. — Abhandlungen der mathematisch-physicalischen Classe. VII Bandes; 2 Abtheilung, 4854; 4 broch. in-4°. — Abhand- lungen der historischen Classe. VII Bandes; 2 Abtheilung, 1854; 1 broch. in-4°. — Gelehrte Anzeigen. 38-59 Band, 14854; 2 vol. in-4#. — Pfalzgraf Rupert der Cavalier; ein Lebensbild aus dem XVII Jahrhundert; von D° Karl v. Spruner. Munich, 1854; 1 broch. in-4°. — Ocffentliche Sikung, der kôniglichen Akade- mie der Wissenschaften am 1 august 1854. Munich, 1854; 1 broch. in-4°. Verhandlungen des naturhistorischen Vereines der preussi- schen Rheinlande und Westphalens. Herausgegeben von profes- sor D' Budge. XI Jahrgang; 4 Heft. Bonn, 1854; 1 broch. in-8e. Flora oder allgemeine botanische Zeitung. Redigirt von D' A.-E. Fürnrobr. Regensburg, 1854; 1 vol. in-8°. Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der vier Facultäten. LXVII Jahrgang; 6 Doppelheft. Heidelberg, 1854; 1 broch. in-8°. Verhandlungen der kaiserlichen Leopoldinisch-Carolinischen Akademie der Naturforscher. XXIV Band; 1-2 Abtheïlung. Bres- lau, 4854; 2 vol. in-4°. Memorie della reale Accademia delle scienze di Torino. Série 2: tome XIV. Turin, 1854; 1 vol. in-4°. Elettroscopio del cav. Macedonio Melloni. Naples, 1854; 4 broch. in-4°. Continuazione degli atti della R. Accademia economico-agra- ria dei Georgofili di Firenze. Nuova serie. Vol. 1; disp. 1-6. Flo- rence, 1853-1854 ; G broch. in-8°. Telegrafo elettro-magnetico delle stazioni e delle locomotive delle strade ferrate, di Zantedeschi. Padoue, 1855; 1/2 feuille in-4°, Risposta del prof. Fr. Zantedeschi ai Cenni della Relazione del sig. Dott. Gintl, intorno al contemporaneo pasaggio delle cor- renti opposte in un solo filo. Podoue, 1855 ; 1/2 feuille in-4°. The american journal of science and arts. 2% series. N° 52, ( 320 ) 53, 55; juillet et septembre 1854. Janvier 1855. New-Haven, 1854-1855; 3 broch. in-8°. Verhandelingen van het bataviaasch Genootschap van kunsten en wetenschappen. Deel XXV. Batavia, 1853; 4 vol. in-4°. Tijdschrift voor indische taal-, land- en volkenkunde ; uitge- geven door het bataviaasch Genootschap van kunsten en we- tenschappen; onder redactie der heeren P. Bleeker, L.-W.-C. Keuchenius, J. Munnich en E. Netscher. Jaargang EF. Batavia, 1852-1854; 8 broch. in-8°. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1855. — N°4. CLASSE DES SCIENCES, Séance du 51 mars 1855. M. Dumonr, vice-directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Pagani, Sau- veur, Timmermans, Wesmael, Martens, Plateau, Stas, De Koninck, Van Beneden , Ad. De Vaux, Edm. de Selys- Longchamps, Nyst, Gluge, Liagre, Schaar, Duprez, mem- bres ; Sommé, Spring, associés; Maus, Mareska, Houzeau, correspondants. M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. TOME xx11. — ['° PART. 23 (32) CORRESPONDANCE. M. le Ministre des travaux publics fait parvenir, pour la bibliothèque de l’Académie, deux exemplaires de la Statistique des mines pour l’année 1850. — La Société royale de Londres et la Société géologique de la même ville remercient l'Académie pour l'envoi de ses publications. — M. Scheidweiler fait parvenir les résultats de ses observations, faites à Gand sur la feuillaison et la florai- son des plantes, pendant l’année 1854. MM. Dewalque et Alfred De Borre communiquent leurs observations sur l’état de la végétation à l’époque du der- nier équinoxe. M. Quetelet fait connaître, de son côté, que, le 21 mars, la végétation était à peu près nulle et avait considérablement souffert par les froids prolongés de l'hiver; il n’y avait guère en fleurs que les Crocus et les perce-neige. Le même membre dépose les observations météorolo- giques faites à Lisbonne, pendant les mois de novembre et de décembre derniers, par M. Pegado, directeur de l'observatoire météorologique, ainsi que les extraits de deux lettres particulières qui lui ont été adressées. Dans la première, M. Martius revient sur le projet qu'il a de faire servir l’Agave americana à l'étude des époques de la floraison, non pas relativement aux saisons, mais à l’âge de la plante. Il s'agirait donc de compter le temps ( 325 ) qui s'écoule entre la naissance et la floraison de l’Agave et d'estimer les influences des températures, des hauteurs, de l'humidité de Pair, etc. Dans la seconde lettre, M. Jean Contadini, attaché au ministère du commerce à Rome, rend compte d'expériences qui viennent d’être faites dans la vue de faire servir la lu- mière électrique comme moyen d'éclairage pour la navi- gation nocturne sur le Tibre et le long des côtes des États romains. L’instrament employé à cet effet était celui de M. Jaspar, de Liége, sur lequel l’Académie royale de Bel- gique a fait un rapport favorable, dans sa séance du mois d'avril 1855. Le principal objet de cet instrument est d'obtenir une lumière égale et continue. Voici dans quels termes M. Contadini rend compte à M. Quetelet des résul- tats des expériences : « Dans les soirées du G et du 7 mars, vers 7 heures et demie, la machine Jaspar a été établie sur la tour du Ca- pitole, en plein air, par MM. Fabri Scarpellini et Jacques Luswergh, machiniste du cabinet de physique de l’uni- versité romaine. » Le courant électrique était d’abord produit par 50 éléments de Bunsen, grand modèle; mais la force fut telle que les charbons éclatèrent en étincelant. On réduisit ensuite le nombre des éléments. M le Ministre, qui se trouvait avec M. Sgariglia , chef de division de la marine, et moi, sur le Monte-Mario, à 4,540 mètres de distance directe du Capitole, put observer non-seulement la vive irradiation produite par la lampe, sa clarté, sa force, mais encore constater que la puissance de la lumière était telle que les ondulations d’un petit brouillard étaient neltement reproduites sur la muraille. J’observai moi- même que l'ombre de mon corps était parfaitement mar- (324 ) quée sur celte même muraille, dont j'étais distant de près de 5 mètres. » Le dôme du Vatican, éloigné de 2,700 mètres du Ca- pitole, était tellement éclairé qu’on eroyait y voir le cré- puscule bien avancé du matin. Le révérend père Secchi, directeur du nouvel Observatoire du collége romain, après avoir examiné cette lumière avec l’équatorial de Mertz, put à sa lueur, lire aisément des livres à la distance de 220 mètres. » Pendant une heure et demie, l'appareil opéra sans interruption ou intermittence quelconque. On est con- vaincu maintenant qu'avec cet appareil photo-électrique de M. Jaspar, on peut augmenter aisément la lumière des phares maritimes, pourvu qu'on puisse réduire cette même lampe à des dimensions suffisantes pour tenir des charbons très-longs. » — M. le Secrétaire perpétuel met sous les yeux de la classe les premiers numéros d’un journal quotidien uni- quement destiné aux sciences et qui se publie à Paris sous la direction de M. Aug. Blum, avec le concours d’un grand nombre de savants. Ce journal, intitulé La Science, est accépté en échange de publications académiques. — La classe reçoit les ouvrages manuscrits suivants : {° Sur la probabilité de l'existence d’une cause d'erreur régulière dans une série d'observations, par M. Liagre, membre de l’Académie (Commissaires : MM. Lamarle, Timmermans et Schaar ); % Nouvelle classification des Annélides sétigères à bran- ches, par M. Jules d’'Udekem (Commissaires : MM. Van Beneden et Cantraine); 5° Sur les tables de la valeur des annuités, note par ( 325 ) M. Ch.-M. Willich (Commissaires : MM. Liagre et Schaar). — M. Quetelet fait hommage : 4° des Plans et description des instruments de l'Observatoire royal de Bruxelles; 2° de la traduction du mémoire de M. Airy, astronome royal d'Angleterre, Sur la Différence de longitude des Observa- toires de Bruxelles et de Greenwich, avec des notes sur les déterminations géodésiques antérieures de l'Observatoire de Bruxelles. COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Quetelet rappelle que l’Académie royale de Belgique a été l’une des premières à seconder l’impulsion donnée à l'esprit d'association qui s’est manifesté dans le domaine des sciences , et qui a pour but d'étudier les grandes lois relatives à la météorologie et à la physique du globe. Une première fois, en 1845, elle a dû abandonner l’œuvre com- mencée, faute d'appui de la part du gouvernement : il s'agissait d'étudier les mouvements atmosphériques qui se manifestent aux époques des solstices et des équinoxes ; plus de quatre-vingts stations répandues sur les différents points de l'Europe avaient pris part à ces travaux et com- muniquaient leurs résultats à la Belgique. Un autre système d'observations , celui des phénomènes périodiques du règne végétal et du règne animal, qui à également pris naissance dans notre pays, à reçu une ex- tension plus grande encore, et se trouve établi aujourd’hui sur presque tous les points du globe. Douze ou quinze sta- ( 326 ) tions existent chez nous, tant pour l'étude de ces phéno- mènes que pour ceux de la météorologie. Les travaux auxquels la coordination de ces observations donne lieu, en même temps que ceux qui résultent du programme de la conférence maritime tenue à Bruxelles en 1855, exige- raient un centre d'action spécial, comme en Angleterre, en Prusse, en Autriche, en Suisse, en Bavière, en Hol- lande, etc. Aucune organisation régulière n’a encore été constituée en Belgique. M. Quetelet rappelle qu’il a présenté au gouvernement belge des propositions à ce sujet et qu'elles ont été favo- rablement accueillies; mais rien n’a été décidé jusqu’à pré- sent. Il pense que l’Académie pourrait intervenir utile- ment pour recommander ce système d'observations au gouvernement, comme l’Institut vient de le faire en France et comme précédemment la Société royale de Londres l’a fait en Angleterre. La connaissance exacte du climat d’un pays n’est pas seulement du domaine des sciences physi- ques, mais elle intéresse au plus haut point l’agriculture et l'hygiène publique. La classe, après avoir entendu ces développements, pense en effet qu'il y a lieu d'inviter le gouvernement à donner une attention spéciale aux travaux de météorologie et de la physique du globe, et à constituer d’une manière délini- tive un centre où viendraient aboutir toutes les observa- tions particulières qu'il fait faire aujourd'hui; il devrait donner, en outre, les moyens nécessaires pour coordonner et publier ces observations, qui sont jusqu'à présent de- meurées stériles pour la science. il 2 —— ( 327 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 2 avril 1855. M. LecLercQ, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marehal, Steur, le baron de Gerlache, le chanoine de Ram, Roulez, Gachard, Ad. Borgnet, le baron Jules de Saint-Genois, David, Schayes, Snellaert, membres ; Nolet de Brauwere Van Stee- land, associé ; Mathieu, Serrure, Kervyn de Lettenhove, Chalon, correspondants. M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. M. le secrétaire perpétuel fait connaître que ia députa- tion désignée par la classe pour assister aux funérailles de M. Lesbroussart s'est acquittée de sa mission, et que, lui- même, il s'est rendu l'interprète des regrets de l’Académie, en prononçant quelques paroles sur la tombe du défant. Il dépose en même temps plusieurs exemplaires d'une pièce de vers que M. Ad. Mathieu, correspondant de la classe, a lue dans la même circonstance. ( 328 ) CORRESPONDANCE. M. le Ministre fait connaître que les difficultés qui s'étaient élevées au sujet de la succession de M. le baron de Stassart sont aplanies et que la formule du récépissé des legs faits à l’Académie peut être adoptée, Lelle qu’elle a été rédigée par l’exécuteur testamentaire. — Par une autre lettre, M. le Ministre annonce qu'il a adopté les propositions faites par la classe des lettres au sujet des inscriptions et des bas-reliefs à placer sur le piédestal de la statue du prince Charles de Lorraine; il propose néanmoins la suppression de deux mots dans l’une des inscriptions. Cette demande est renvoyée à la commission précédem- ment chargée de rédiger les inscriptions demandées, — MM. Chalon et Serrure, correspondants de l’Acadé- mie, font hommage d'ouvrages qu’ils viennent de publier. — Remerciments. — M. Gachard dépose, pour être placés dans la biblio- thèque de l’Académie, différents ouvrages adressés à la Commission royale d'histoire. — M. Goetmaekers fils, de Tournai, fait parvenir , pour être soumis au jugement de l’Académie , le manuscrit d'un drame intitulé : Le presbytère de Cortenberg et les trois colporteurs brabançons. Plusieurs membres font observer que l’Académie ne peut faire de rapports que sur des ( 529 ) ouvrages destinés à ses publications et, en harmonie avec ses travaux habituels; le drame sera, par conséquent, ren- voyé à son auteur. — M. de Chénedollé fait hommage de deux pièces de vers manuseriles, adressées par lui à deux membres que l’Académie vient de perdre : M. le baron de Stassart et M. Ph. Lesbroussart, — Remerciments. RAPPORTS. Sur une notice de M. Wagener, concernant un monument métrologique découvert en Phrygie. Mapport de M. Boulez. « En visitant Ouchak, ville de l’Asie Mineure, située dans l’ancienne Phrygie, M. Wagener fut conduit, par un heureux hasard, à une fontaine publique près de laquelle se trouve le monument, objet du travail soumis à mon examen. C'est un bloc de marbre blanc d’assez grandes dimensions. La face antérieure est ornée d’un feston et porte trois inscriplions grecques , gravées, deux au-dessus et une au-dessous de cet ornement ; la dernière contient le nom et la patrie du sculpteur; nous restons dans l’igno- rance du contenu des deux autres, le jeune voyageur _ n'étant pas parvenu à les déchiffrer et n’en ayant pas pris les empreintes. Elles indiquent probablement la date du monument et le nom du magistrat qui l'avait fait placer. A (350) la face supérieure se voient sept excavations de grandeur différente et ayant la forme de ruches renversées; les inscriptions qui les accompagnent nous apprennent que ce sont autant d’étalons de mesures de capacité. Sur la même face est tracée une ligne droite, dépourvue d’inscrip- tion, mais qui est, sans nul doute, létalon d’une mesure de longueur. L'auteur de la notice, après avoir rappelé les notions que nous possédons sur l’usage d’étalons pour les poids et les mesures, tant chez les Grecs que chez les Romains, passe successivement en revue chacun de ceux que pré- sente le marbre d'Ouchak; je vais le suivre dans cet examen. La ligne droite précitée a 555 millimètres de longueur; elle représente la coudée ou aune. En la comparant avec les aunes babylonienne royale, grecque, romaine et phi- létérienne, M. Wagener trouve qu’elle est à la première comme 21 est à 20, à la deuxième comme 6 est à 5, à la troisième comme 5 est à 4 et à la quatrième comme 25 est à 24. Il en conclut que la coudée phrygienne appartient à un système particulier, mais qui se rapproche beaucoup du système dit philétérien (1). La coudée, figurée sur la planche jointe à la notice, est partagée en plusieurs par- ties par des arêtes; ce sont, selon toute vraisemblance, des subdivisions correspondantes au doigt, au palme et au pied. La notice garde le silence sur cette particularité; cela me porte à croire que l’auteur n’a pas eu la précau- tion de mesurer séparément ces diverses parties. (1) La différence entre l’aune phrygienne et l’aune philétérienne serait plus petite encore, si l’on évaluait, avec M. Saigey, cette dernière à 540 milli- mètres. Voy, Traité de métrologie, p. 48, n RÉ nm E ( 531 ) La plus grande des mesures de capacité est appelée Kirpes. D'après le Traité sur les poids et les mesures attri- bué à saint Epiphane, le cyprus était une mesure pour les choses sèches chez les habitants du Pont; cependant, comme Alcée et Hipponax (1) en faisaient mention, et qu'il en est également question dans une autre inscription trouvée près de Pergame (C. J. Gr. 5561), M. Wagener pense, avec raison , que son usage n’a pas été restreint au Pont, mais qu'il s'est encore étendu à plusieurs contrées de l'Asie Mineure. Selon saint Épiphane, le cyprus conte- nait deux modi ou cinq chénices : or, le marbre d'Ouchak donne précisément le modius (uédos) et la chénice (yoïuË) comme des subdivisions du cypre. La mesure qui vient après la chénice est désignée par les abréviations yo. 6e. M. Wagener lit yévdcou éécrns, selier pour l'épeautre; son interprétation ne me paraît pas douteuse (2). La cinquième mesure s'appelle Awéruko, dicotyle; elle vaut, par con- séquent, le double de la mesure suivante, à côté de laquelle on lit: xotün élan. Le dernier de ces mots offre quelque difficulté. En effet, on s’attendrait à trouver zorûn édito, c'est à dire cotyle pour l'huile. M. E. Curtius, de Berlin, lit las et suppose qu'il s’agit d’une mesure locale ti- rant son nom de la ville d’'Elaia; mais M. Wagener, dans la conviction qu'il n'existe sur le marbre aucune trace de Z, rejette cette conjecture. Selon lui, él&n serait simplement le féminin de l'adjectif éA5. Son explica- (1) Voir le texte de saint Épiphane et les fragments d’Alcée et d'Hipponax dans Srernani, Thes. L. Gr., sub voc. 474p0;. ? 1 (2) Gazen., de Pond. et mensuris, cap. 1, t. XIX, p.751. Kuhn.: 7à dé Ë rimeiuersy 2oç0 rù € Ééaryy syuaiye Êe, ( 552 ) tion, je l'avoue, ne me satisfait pas plus que la première. L'existence d’ékiroc est fort douteuse; les auteurs du The- saurus L. Gr., sub voc., qui ont tiré ce mot d’une glose des scolies sur Aristophane, ne le eitent qu’en le corri- geant. Ensuite, dans l’une comme dans l’autre hypothèse, nous nous trouvons eu présence de la forme ionienne, qui, de l’aveu de M. Wagener, est fort embarrassante. Je ne vois, quant à moi, qu'un seul moyen de sortir de cet embarras, c'est de prendre élu» pour l’abréviation de éAnpi (1). Cette abréviation n’a rien de plus surpre- nant que celle de yévdcou qui précède. La septième et dernière mesure reçoit de nouveau le nom de setier, Eéorns. Sa place, à la suite de la cotyle, prouve, à toute évidence, qu'elle n’a de commun que le nom avee le setier cité plus haut. L'auteur de la notice soupçonne que cette mesure est la moitié de la cotyle. Eu égard à l’étymologie du mot, on devrait croire plutôt qu’elle en est le sixième, et qu’elle correspond au cyathus dans le système métrique d'Athènes. Ce point, du reste, ne peut se décider qu’en mesurant la capacité des deux exeavations. La diminution graduelle des sept mesures taillées dans le marbre d’Ouchak semblerait indiquer qu’elles forment une seule série continue. D'une autre part, leur nombre s'accorde exactement avec celui des deux espèces de mesures de capacité à Athènes, comme on peut s’en convaincre en jetant les yeux sur le tableau suivant : (1) On aura alors xoTrûAy EAumeG; on peut comparer Pozzux, X, 179, dy yEloy Encypy. Puar. Legg.V.p 746. D. méroc: Eyot. Amsrorez. Ethie. V, 7, TA oivypa nai o1Typa métps. MESURES DE CAPACITÉ ATHÉNIENNES (1) ——— “Ra MESURES DE CAPACITÉ HRYGIENNES. POUR LES LIQUIDES, POUR LES GRAINES. ; Metpytyc Médiwvos KÜrpos os ÉRTEd: môdioc Ééatyc YLIERTOY YOUNË x0TÜÀY VOTNE (xévdpou)ÉéaTys TÉTAPTOY États dixôTuAoy dEUBagoy x0TÜ)Y xoTÜAy (EAcuy| px ]) xÜAaT0S Par LE ÉÉaTys. Les considérations précédentes porteraient à croire que le marbre d'Ouchak ne contient que des mesures de capa- cité pour les choses sèches (2), à l'exception de la cotyle, qui avait un double emploi. Malgré ces apparences, Je n'hésite pas à adopter, avec M. Wagener, le sentiment de M. Curtius, qui divise ces mesures en deux groupes: d'un côté le eyprus, le modius, la chénice et le setier pour les graines; de l’autre, le dicotyle, le cotyle et le setier pour les liquides. Cette opinion me paraît se justifier par la manière dont les inscriptions sont placées et par l'addi- tion du nom d’une graine dans un groupe et de celui d’un liquide dans l’autre. Si, d’ailleurs , l’on prend en considé- ration le petit nombre de mesures de longueur tracées sur le monument, l'on ne s’étonnera pas d'y trouver seule- (1) Je donne ici ces mesures d’après M. Boeckh, Hetrologische Untersu- chungen , p. 200. : (2) Le texte précité de saint Épiphane attribue formellement cette destina- tion au cyprus , au modius et à la chénice. (354) ment quelques mesures de capacité de chaque espèce, probablement les plus usuelles. I reste maintenant à déterminer les rapports des me- sures de capacité phrygiennes entre elles, puis avec celles d'Athènes et de Rome. Ce point essentiel n’est pas traité dans la notice, et ne pouvait pas l'être. En effet, pour établir ces rapports, l'auteur eût dû connaître la capacité de chacune d'elles. Or, il nous apprend qu'il s’est dis- pensé de noter les dimensions des creux pratiqués dans le marbre, parce qu’à cause de la forme particulière de ceux-c1, les mesures de longueur n'auraient donné aueun résultat. Je doute cependant que la connaissance de la hauteur et du diamètre n'eüt pas sufli pour atteindre par le caleul le but désiré. Du reste, on peut déjà conjecturer que le système phrvygien différait des systèmes métriques précités relativement aux mesures de capacité; car celles-ci sont basées sur le pied cube, et il a été dit plus haut que la coudée d'Ouchak forme une mesure nouvelle et particu- lière. Dans la seconde partie de sa notice, l’auteur s'occupe de l’une des inscriptions du côté antérieur du monument, ainsi Conçue ! "AXéEavdpos Aompedc énoisu, Alexandre de Docimie a fait. La patrie de ce sculpteur était renommée pour ses carrières de marbre. Au rapport de Strabon (XII, 8), les Romains en tiraient d'énormes colonnes monolithes. M. Wagener énumère, d’après le témoignage d’un voyageur anglais, toutes les variétés du marbre de cette localité, et suppose que le bloc d’Ouchak en provient. Ce fait lui paraît être en contradiction avec les textes de plusieurs auteurs anciens, qui s'accordent à dépeindre le marbre de Docimie ou de Synnas comme étant d’un blanc tacheté de pourpre. Les deux choses me semblent cepen- ( 355 ) dant pouvoir se concilier. On n'estimait et on ne faisait venir à Rome probablement qu'une seule de ces différentes espèces de marbre, et les écrivains n'auront connu les produits des carrières de Synnas que par les échantillons que leur offrait la capitale de l'empire. Je ne partage pas non plus l'opinion de M. Wagener, qui veut que ce soit à cause de la renommée du marbre de Docimie que le sculpteur Alexandre a gravé sur le monu- ment son nom et celui de sa patrie. Ce monument n'est pas, à la vérité, une œuvre d'art, mais le travail exigeait une grande précision el ne pouvait être exécuté que par un ciseau habile. Je pense donc qu’en signant son œuvre, le sculpteur a été, à l'exemple des artistés, guidé simplement par l'intérêt de sa réputation, et-si à son nom il a ajouté celui de sa ville natale, il n’a fait également que se con- former à un usage assez général. La notice se termine par quelques indications propres à guider les voyageurs qui se rendront à Ouchak et qui voudront visitér le monument métrologique. En effet, pour qu'on tire tout le parti possible de la découverte de notre jeune et savant compatriote, il faut qu'un autre voyageur aille recueillir sur les lieux un complément de renseignements ; mais il serait bien préférable que le bloc de marbre vint enrichir un des musées de l'Europe. J'ai l'honneur de proposer à la classe d’ordonner l'im- pression de la notice de M. Wagener, et de lui voter des remerciments pour son intéressante communication. » apport de M. De Witte. « Je viens de lire l'intéressant travail de M. A. Wagener sur le monument métrologique qu'il a eu le bonheur de découvrir en Phrygie. Grâce à notre savant confrère, M. Roulez, ma tâche devient facile : je n’ai qu'à adopter les conclusions de son rapport. J'ajouterai que quant à la patrie du sculpteur Alexandre indiquée sur le marbre d'Ouchak, il ne faut attribuer cette mention qu'à l’usage habituel des artistes grecs. Ce n’est pas la célébrité du marbre de Docimie qui a déterminé l'artiste à indiquer sa patrie. Des objets où Part avait moins de part que dans le monument découvert par M. Wagener ont été signés par des noms propres d'ar- tistes ou de fabricants. Quant à Docimie ou Docimæum, cette localité a eu une certaine importance, puisqu’ou possède des médailles en bronze autonomes et impériales portant la légende : AO- KIMEON. Cette petite ville phrygienne regardait comme son fondateur Docimus, un des lieutenants d'Antigone qui, plus tard, abandonna son maître pour embrasser le parti de Lysimaque (Paus, F, 8, 1). La tête de ce person- nage, accompagnée de son nom AOKIMOC, est repré- sentée sur les médailles de Docünæum. Cf. Eckhel, D. N. HE, p. 151 sqq. » Les conclusions des deux rapports qui précèdent sont adoptées. ( 331 ) Mémoire de M. le professeur F. Nève sur Eugène JacqueL. HRapporë de PE. le bas’on Fules de Saint-Gexcis, « Bien que je sois fort incompétent pour ce qui con- cerne l'étude de langues orientales, vous avez bien voulu soumettre à mon examen un travail étendu de M. F. Nève, intitulé : Mémoire sur la vie et les travaux d'Eucène Jac- Quer, jeune orientalisie de la plus grande espérance qu’une mort prématurée a enlevé, il y a quelques années, à la fleur de l’âge, à des occupations scientifiques qui promet- taient les plus riches résultats. M. Jacquet, établi à Paris depuis son enfance, était né à Bruxelles, en 1811 ; c'est surtout à ce dernier titre que ses intéressantes publications doivent le rendre cher à la Belgique, et, pour notre part, nous remercions M. Nève, auteur de cet important Mémoire, d'avoir revendiqué comme un enfant de notre sol un savant du premier ordre auquel les hommes les plus illustres dans la science tels que les Humboldt, les Abel de Remusat, les Eyriès, les Burnouf étaient attachés par des liens d'amitié. Le nombre des Belges qui se sont rendus recom- mandables à l'étranger dans le domaine des arts, des lettres, de l’industrie, de la carrière militaire ou diploma- tique est considérable. Le Mémoire de M. Nève qui retrace la vie d'une de ces célébrités dont la mère patrie n'oublie que trop souvent le souvenir, ajoute un fleuron de plus à la glorieuse couronne dont nous avons le droit d’être fiers. Cest une nouvelle pierre apportée par l’auteur à cette biographie nationale, si longtemps attendue et dont notre Académie a entrepris la rédaction. TOME xx11. — "° parr. 24 ( 338 ) M. Nève est, avec M. Léopold Van Alstein, agrégé à l’université de Gand , M. Beelen , professeur à l’université catholique, et M. Burgraaf, professeur à l’université de Liége, un de ces rares savants qui, chez nous, consacrent encore leurs veïlles à l'étude des langues orientales. Il per-. pétue ainsi dans notre pays les traditions de tous ces doctes orientalistes ou hébraïisants, tels que les Nicolas Cle- nardus, Valère André, Heuschling, qui faisaient la gloire de l’ancienne université de Louvain. C’est pour la première fois, croyons-nous, que cet écri- vain présente à l'Académie le résultat de ses savantes recherches. Vous nous permettrez donc, Messieurs, d’énu- mérer ici quelques-uns des écrits que ce laborieux profes- seur à déjà publiés sur ses études de prédilection. Nous le faisons d'autant plus volontiers que quelques-unes de ces notices ont été imprimées à l'étranger et sont, par consé- quent, peu connues en Belgique. Ces différents travaux peuvent être groupés sous lrois rubriques distinctes : 4° Écrits relatifs à l'Inde, à son histoire, sa littérature, ses traditions : a. Études sur les hymnes de Rig-Véda, avec un choix d'hymnes, traduiles pour la première fois en français. Lou- vain , 1842, in-8°. b. Des portraits de femme dans la poésie épique de l'Inde. Damaynti dans la forét, tableaux tirés de Nala, épisode du Mahäbhärata. Paris, 1844, in-8°. c. De l’origine de la tradition indienne du déluge. Paris, 1349, in-8°. d. La tradition indienne du déluge dans sa forme la plus ancienne. Paris, 1851 , in-8°. e. Les Pouränas, études sur les derniers monuments de la littérature sanscrite. Paris, 1852, in-8°. ( 339 ) f. Essai sur le mythe des Ribhavas, premier vestige de l'apothéose dans le Véda, avec le texte sanscrit et la traduc- tion française des hymnes adressées à ces divinités. Paris, 1847 , in-8° (d’après les textes alors inédits). g. Le bouddhisme, son fondateur et de ses écritures. Paris, 1854, in-8°. 2%. Dissertations destinées à résumer les grands résultats des études orientales dans les temps modernes et à con- staler leur application aux sciences historiques : a. Introduction à l'histoire générale des littératures orien- tales; leçons faites à l’université de Louvain. Louvain, 1844, in-8°. b.. Établissement et destruction de la première chrétienté dans la Chine. Louvain, 1846, in-&. c. Revue des sources nouvelles pour l'étude de l'antiquité chrétienne dans l'Orient. Louvain, 1852, in-8. d. Des travaux de l'érudition chrétienne sur les monu- ments de la langue cophte. Louvain, 14854, in-8°. e. De la renaissance des éludes syriaques. Paris, 1854, in-8°. 5° Notices concernant les hommes qui se sont appli- qués autrefois, en Belgique, à l'étude et à l’histoire des langues savantes : a. Notice sur la vie et les travaux de Jean Campensis et - d'André Gennep, professeur d'hébreu au collége des Trois- Langues, à Louvain. Louvain, 1845, in-12. b. Valère André, professeur d'hébreu, historien du col- lége des Trois-Langues à l'université de Louvain. Louvain, 1846, in-12, ? c. Examen historique du tableau des langues et des al- Phabets de l'univers, que J.-B. Gramaye a publié à Ath, en 1622, Gand, 1854, in-8°. ( 340 ) Le tableau de ces honorables débuts littéraires est com- plétement en rapport avec le dernier travail dont nous avons à rendre comple. La manière judicieuse dont lau- teur a traité ces difiérents sujets, qui tous, par un point quelconque, se rattachent à la même étude, nous est un sûr garant des soins apportés à la rédaction du mémoire qui nous est présenté aujourd'hui. A ces titres incontes- tables, nous pourrions ajouter encore quelques articles publiés dans le Messager des sciences, dans l'Annuaire de l'université de Louvain, dans la Revue catholique, mais nous bornons ici cette énumération qui serait trop longue. Pour en revenir au Mémoire présenté, 1l se divise en deux parties : la première contient la biographie d'Eugène Jacquet, c'est-à-dire l'histoire de cette vie si laborieuse et pourtant si courte qui fut tout entière consacrée à la science. L’aûteur -y a intercalé çà et là et ajouté à la fin des fragments de la correspondance du savant orientaliste qui reflètent plus complétement sa physionomie, son ca- ractère, ses tendances. Nous y voyons à chaque instant que M. E. Jacquet exerça une influence considérable sur le développement de l'étude des langues orientales à Paris, et que les hommes les plus distingués attachaient un grand prix au résultat de ses recherches et à ses opinions scien- lifiques. | La seconde partie du Mémoire contient une revue cri- tique des travaux littéraires et philologiques de Jacquet. Dans ce travail d'analyse, qui à une étendue peut-être trop grande, l’auteur a longuement passé en revue les nom- breuses publications de l’orientaliste et a payé partout un légitime tribut d'hommage à sa perspicacité, à son esprit judicieux, à la netteté de ses vues; car les études de Jacquet embrassèrent à la fois les langues orientales, l’histoire lit- ( SM ) téraire, l'ethnographie, la numismatique, et l’histoire ancienne; la paléographie, les antiquités et la symbolique. Esprit varié et profond, il était parvenu à se rendre tous ces sujets familiers : son intelligence était une véri- table encyclopédie orientale, sans en avoir la confusion. L'étude auquel se livre M. Nève, en cette circonstance, m'est malheureusement trop étrangère pour pouvoir as- seoir un jugement personnel sur la valeur des éloges qu'il prodigue à M. Jacquet, non-seulement comme orientaliste, mais encore comme historien, linguiste et philologue; mais son Mémoire me semble écrit si consciencieusement , il y a tant de sagacité et d'esprit critique dans cette analyse, que je n'hésite pas à accepter ses appréciations sur parole. L’appendice qui termine l'ouvrage de M. Nève contient: a. De l'origine, de la valeur, ete., ete., des particules de la langue chinoise. b. Observations sur le mauvais système des particules chinoises proposé par M. S'-Julien. ce. Suite inédite de l'examen du Foé-Kouc-Ki, par E. Jae- quet. d. Programme des études bouddhiques. Les considérations qui précèdent m'engagent, Messieurs, à vous demander l'insertion dans vos Mémoires in-4° du travail de M. Nève, travail qui se distingue par beaucoup de méthode, par beaucoup de netteté et par une forme littéraire irréprochable. » Conformément aux propositions de M. de Saint-Genois et de M. Roulez, second commissaire, le mémoire de M. de Nève sera imprimé dans le recueil de l'Académie , et des remerciments seront adressés à l’auteur. (34) Cyr! : e A COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. le baron de Gerlache communique un fragment historique sur Charlemagne. A la demande de la classe, l’auteur consent à donner lecture de cette pièce dans la séance publique du mois de mai prochain. À Des moyens d'alténuer les inconvénients que présente, pour la science, la nécessité des examens; par M. Baguet, membre de l'Académie. | Il s'est manifesté, au sein de nos Chambres législatives, pendant la session actuelle, une tendance à restreindre l’iutervention de l'État, notamment en ce qui concerne l’instruction publique. Cette tendance Sest particulière- ment révélée dans les discussions auxquelles l’enseigne- ment agricole a donné lieu, et nous eroyons'qu'elle araussi beaucoup contribué à l'abrogation de l'art. 57 de la loi du 15 juillet 1849, qui rendait obligatoire, pour les aspirants aux grades de candidat en philosophie et en sciences, le diplôme d'élève universitaire. Enfiu, elle nous paraît ne pas être restée sans influence sur l'opinion des personnes qui, de prime abord, ont accueilli avec faveur le système de jurys d'examen dont le but est d'enlever au Gouverne- ment la collation des grades scientifiques et de ne lui réserver que les épreuves pratiques ou professionnelles. ( 345 ) Cependant, si le désir de diminuer l’action de l’État en fait d'enseignement explique, jusqu'a un certain point, l’'empressement qu’on a mis à abroger l’art. 37, dont nous venons de parler, il ne suffit pas pour justifier l'atteinte portée à l’ensemble de la loi par la suppression d'un article dont les dispositions se lient étroitement à d'autres arti- cles. Il faut donc nécessairement admettre qu'un motif plus puissant à déterminé la législature à s’écarter de la manière ordinaire de procéder dans la révision des lois. Ce motif n'est autre, pensons-nons, de l'avea même des partisans de l’examen d'élève universitaire, que l’organisa- tion défectueuse de cet examen et l'insuffisance des résul- tats qu'il a produits jusqu’à ce jour. On dira peut-être qu’en corrigeant les défauts que cette organisation présente, on obtiendrait des résultats plus satisfaisants et que, par conséquent, au lieu de supprimer Vart. 57, 1l eût été plus convenable d'appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité de modifier l'examen d'élève universitaire. Nous n’hésitons pas à répondre que, malgré la meilleure organisation possible, il resterait encore, sur ce point, un grief sérieux à redresser, le même précisément qu'on ne cesse de faire valoir en général contre tout examen scientifique où universitaire, el qui semble avoir fourni lun des principaux arguments invoqués en faveur de la création d'un jury professionnel. Les épreuves, dit-on, auxquelles sont assujettis ceux qui aspirent à un grade académique quelconque, affaiblissent ou détruisent même ce qu'on appelle l'esprit scientifique. Elles transforment l'amour de la science en un froid calcul qui ne recherche que les moyens de satisfaire aux exigences présumées des examinateurs. En un mot, elles obligent les jeunes gens ( 344 ) à substituer ,d’arides exercices de mémoire au travail si fécond et si nécessaire de l'intelligence. Ce langage peut paraître exagéré; cependant, au fond, il signale la difliculté réelle qui est inhérente à tout sys- tème d'examen, même le mieux conçu, et qui, on le sait, a résisté aux efforts tentés jusqu'ici pour la résoudre com- plétement. Cette difficulté serait-elle donc insurmontable? Oui, nous le croyons sincèrement, si l'on persiste à n'en demander la solution qu’à la loi. Tout ce que peut faire le législateur, c’est de déterminer avec sagesse le nombre et le choix, c’est-à-dire la quantité et la qualité des matières qui doivent être l'objet des examens et de l'enseignement. Il lui est impossible de formuler d'une manière précise une théorie traçant la marche à suivre par les professeurs, les élèves et les examinateurs, pour que l'esprit scientifique se développe en présence de Ja nécessité des examens. Il pourrait, tout au plus , indiquer les bases de cette théorie, poser quelques principes, prescrire certaines règles, mais il serait, du reste, obligé de s’en rapporter, pour l’exécu- tion, aux lumières et à la bonne volonté des personnes appelées à y concourir. Nous sommes donc convaincu que la solution de la diflieulté que nous avons mentionnée dépend surtout de l'harmonie à établir entre l’enseignement, l'étude et l’exa- men. Et puisqu'il est reconnu que les mesures législa- tives ne peuvent seules produire un pareil résultat, il est indispensable que ceux dont le devoir est d'enseigner ou d'étudier ou d'examiner suppléent par leur concours éclairé à l'insuflisance des prescriptions de la loi. Pour nous, nous ne voulons, en ce moment, que pré- senter. quelques remarques sur [a manière d'étudier, afin (345 ) que les jeunes gens entrevoient comment il leur est pos- sible, sans se détourner de la route qui conduit au vrai savoir, de se préparer convenablement aux examens, particulièrement à l'examen de candidat en philosophie et lettres qui précède l'étude du droit. Avant tout, il importe que ces élèves se forment une idée exacte de l’enseignement qui leur est donné et qu'ils en saisissent bien le véritable caractère. Or, un peu de réflexion suffit pour leur faire reconnaitre que cet ensei- gnement doit, sans nul doute, être considéré dans son ensemble comme préparatoire, en ce sens qu'il n’est :pas en rapport direct et immédiat avec l’exercice d'une pro- fession libérale. Toutefois, s'il sert spécialement d'intro- duetion à la science du droit, on peut dire qu’en même temps 1l rehausse et complète l’enseignement qui a pré- cédé et qu'il agrandit le cercle des connaissances propres à former l’homme, à orner l'esprit, à l’éclairer et à en développer de plus en plus toutes les facultés. Cette manière d'envisager le premier degré de l'instruc- tion universitaire peut devenir un puissant moyen de combattre une erreur fatale pour la science, erreur qui consiste à attacher uniquement de l'importance aux ma- tières qui se rapportent immédiatement à la profession à laquelle on se destine. Il n’est pas rare, en effet, de ren- contrer des jeunes gens qui ne voient dans les études litté- raires , historiques et philosophiques, auxquelles ils sont astreints avant de se livrer à leur étude de prédilection , qu'une violence faite à leurs goûts, un obstacle entravant leurs desseins. Dès lors, ne s’occupant de ces matières que parce qu'elles sont l'objet d’un examen auquel il n’est pas en leur pouvoir de se soustraire, ils regardent le succès dans cette épreuve comme l'unique but de leurs efforts. Au ( 346 ) lieu de travailler sérieusement à l’acquisition de la science, au lieu de donner tous leurs soins à leur perfectionnement moral et intellectuel, ils ne songent qu'aux moyens de transiger avec le devoir le plus impérieux, ils marchan- dent, pour ainsi dire, avec la science, et s'ils tentent de sortir triomphants de la lutte qu'ils ont à soutenir, c’est en empruntant, en grande partie, à la mémoire les armes qu'ils auraient dû surtout demander à l'intelligence. HI est aisé de concevoir que les dispositions de ces jeunes gens seraient bien différentes et qu’elles produiraient de tout autres résultats, s'ils comprenaient et s'ils ne perdaient pas de vue le véritable but assigné à leurs premières études académiques. Cependant, alors même qu'ayant compris la nature et la portée de l’enseignement qu'ils reçoivent, ils se détermi- neraient à se livrer avec ardeur à l'étude et à s'occuper avec zèle de leur tâche scientifique, ils auraient encore un écueil à éviter. Si, en effet, leur application n’est pas ré- glée avec soin, s'ils négligent de suivre une méthode rai- sonnée, ils s'exposent à ne recueillir pour fruit de leurs efforts que des connaissances incohérentes et incomplètes et à ne donner, en définitive, à leurs facultés intellec- tuelles qu’un faible développement. Il est done d'une ex- trême importance qu'ils sachent comment 1l convient de diriger leur attention pour parvenir sûrement à la serence et pour être en même temps capables de fournir la preuve qu'ils la possèdent réellement. Nous ne pourrions ici que reproduire les idées que nous avons eu plus d'une fois l’occasion d'émettre à ce sujet. Nous nous bornerons à les résumer et à dire en général que, pour acquérir une science, il faut Pétudier dans son ensemble et en vue de l'ensemble, en distinguer nettement ( 347 ) les parties constitutives et saisir Penchaînement qui les lie les unes aux autres de manière à former un tout, discer- ner les faits principaux et subordonner à ceux-ci les faits secondaires, se familiariser avec les principes et s’aider säns cesse de son jugement pour les apercevoir dans leurs conséquences et dans leurs diverses applications. Ce peu de mots ne fait que retracer, si nous ne nous trompons, la route qu'ont suivie, les uns sciemment , les autres sans s’en rendre compte à eux-mêmes peut-être, tous ceux qui ont obtenu des succès dans leurs études et qui ont acquis une instruction solide. Après cela, aurions-nous tort d'espérer que si tous les professeurs, si les examinateurs surtout prenaient sérieu- sement en considération le procédé que nous recomman- dons avec tant d’instances aux élèves, le grief qu’on ne cesse d’articuler contre les examens perdrait beaucoup de sa valeur? Nous ne nous permettrons pas d'insister sur ce point, en entrant dans les détails. Ce que nous pourrions dire à cet égard ne serait, d’ailleurs, que le développe- ment d’une pensée, assez claire par elle-même, que nous avons exprimée dans une autre séance de la classe. Pour s'assurer, disions-nous, de la capacité d'un elève dirigé dans ses éludes de la manière que nous avons indiquée , il importe moins d'examiner combien il sait que de contrôler comment il sait (1). Qui ne conviendra que l'adoption d’une pareille mesure dans les examens aurait pour effet particulier de laisser plus de liberté, plus d'indépendance à l’enseigne- ment et à l’étude et, par conséquent, de favoriser les pro- yrès de la science? (1) Voir le t. XIX des Bulletins, 1" part., p. 121. (348 ) — La classe s'est occupée, en dernier lieu, de quelques dispositions relatives à ses prochaines élections et à sa séance publique du mois de mai. Il a été convenu, d'accord avec les deux autres classes, que les séances du mois prochain auront lieu dans l’ordre suivant : Le 7 mai, séance de la classe des lettres, pour le juge- ment du concours de 1855 et pour les élections. Le 8 mai, au matin, séance de la classe des sciences ; et, après midi, séance générale des trois classes. Le 9 mai, au matin, séance de la classe des beaux-arts; et, à { heure de relevée, séance publique de la classe des lettres. ( 549 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 5 avril 1855. M. Suys occupe le fauteuil. M. Quereer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Braemt, G. Geefs, Navez, Eugène Simonis, Van Hasselt, Henri Vieuxtemps, Jos. Gcefs, Érin Corr, Snel, Partoes, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, mem- bres ; Alph. Balat, Ad. Siret, correspondants. CORRESPONDANCE M. le Ministre de l’intérieur informe l’Académie que, d’après l'autorisation qui fait l’objet de l'arrêté royal du 27 décembre dernier, il vient de confier à M. Simonis l'exécution du buste de feu M. le baron de Stassart, destiné à être placé dans la grande salle des séances. M. le secrétaire perpétuel communique trois autres let- tres qu'il a également reçues de M. le Ministre de l'inté- rieur : ; 1° Pour demander que la classe termine son rapport sur l'emploi de la toile d'amiante en peinture; ( 350 ) 2 Pour transmettre un rapport que vient de lui adres- ser M. Ed. Lassen, lauréat du concours de composition musicale de 1851 (Ce rapport a été lu en séance.) ; 5° Pour faire connaitre qu'un arrêté royal du 5 mars accorde un subside de 500 francs au comité administratif de la Caisse centrale des artistes belges. — M. J. Massart, de Liége, soumet au jugement de l'Académie un solfége élémentaire à l'usage des écoles. (Commissaires : MM. H. Vieuxtemps, Suel et F. Fétis.) — La classe avait été informée de la mort de M. Finelli, de Cavare , associé de l’Académie, dans la section de sculp- ture; une lettre, dont il est donné lecture, fait connaître que le décès a eu lieu à Rome, le 6 septembre 1853. — M. le Secrétaire perpétuel dépose les manuscrits de deux cantates destinées au concours de composition musi- cale, qui lui sont parvenues depuis la dernière séance et, par conséquent, après l'expiration du terme de rigueur, Savoir : 4° La Veille du sacre, épisode du règne de Charles- Quint. Grandes vertus font les grands rois. 2° Jeanne d'Arc, scène lyrique. Audaces fortuna juvat. Ces manuscrits sont renvoyés à la commission précé- demment nommée, qui soumettra ultérieurement ses con- clusions à la classe. — MM. H. Vieuxtemps, membre de l'Académie, Dewit, chef de musique au 5° régiment de chasseurs à pied , et ( 351 ) F. Mussels, chef de musique au 1‘ lanciers, sont admis à faire partie de l'association de la Caisse centrale des arlistes belges. — M. le secrétaire perpétuel fait connaitre qu'il a écrit, conformément à la décision prise dans la séance précé- dente, aux commissions administratives des expositions de beaux-arts qui doivent s'ouvrir prochainement à Mons, à Louvain et à Malines; il a demaudé qu'il soit prélevé un tantième sur les objets vendus, au profit de la Caisse centrale des artistes; mais il n’a point encore reçu de réponse. — M. Ad. Siret, correspondant de l'Académie, fait hommage d’un opuscule qu’il vient de publier sous le titre : Ambroise Spinola, suivi du poëme Louise d'Orléans , coa- rouné él publié par l’Académie en 1854. Après avoir réglé quelques affaires d'ordre intérieur, la classe a fixé sa prochaine séance au mercredi man, 9 mai, avant la séance publique de la elasse des lettres. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Compte rendu des travaux du conseil de salubrité publique de lu province de Liége, pendant l'année 1854, présenté à la séance du 17 janvier 1855; par M. A. Spring. Liége, 1855; { broch. in-8°. F Sur La tombe de Ph, Lesbroussart; par Ad. Mathieu. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-18. ( 352 ) Anne-Charlotte de Lorraine, abbesse de S°- Waudru, à Mons ; par R. Chalon. Mons, 1855; 1 broch. in-8°. Un gros de Thibaut de Bar, évèque de Liége, frappé à Thuin : par le même. Bruxelles, 4855; 4 broch. in-8°. Biographie montoise. Notice sur G.-J.-C. Fahnenberg; par le même. Mons, 1855; 1/4 feuille in-8°. Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome VIH; n® 14 et 12. Bruxelles, 4854; 1 broch. in-8°. Ministère de l'intérieur. — Organisation de l'enseignement normal pédagogique. — Arrêtés ministériels concernant l'école normale pour les humanités et l'école normale pour les sciences. — Attributions générales des écoles moyennes. — Organisation générale des athénées royaux. Bruxelles, 1852; 4 broch. in-8°. Catalogue des accroissements de la Bibliothèque royale. 2" série; 2e Jiv. Année 1853. Bruxelles, 1854; 4 broch. in-8°. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Année 1854-1855. Tome XIV; n° 5. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-S°. Les Pays-Bas sous Charles-Quint. Vie de Marie de Hongrie, tirée des papiers d'État ; par Th. Juste. Bruxelles, 4835; 1 vol. in-8°. Des priviléges et hypothèques, ou commentaire de la loi da 16 décembre 1854 sur la révision du régime hypothécaire; par M. Marton. Tome I*. Bruxelles, 4855; 1 vol. in-&. La Belgique sous le règne de Léopold EF"; études d'histoire con- temporaine; par M. J.-J. Thonissen. Tome I‘. Liége, 1855; 1 vol. in-8°. Annales de l'imprimerie elsevirienne, ou histoire de la famille des Elsevier et de ses éditions ; par Charles Pieters. Gand, 1851; 1 vol. in-8?, | Questions de droit concernant les coutumes de Namur; par X. Lelièvre. Namur, 4852; 4 vol. in-8°. Vaderlandsch Museum voor nederduitsche letterkunde, oudheid en geschiedenis ; uitgegeven door C.-P. Serrure. 45 en 2% stuk. Gand, 1855; 1 vol. in-8°. ( 335 ) Geschiedenis der nederlandsche en fransche letterkunde in het graefschap Vlaenderen, van de vroegste tyden tot aen het einde der regering van het huis van Burgondie; door C.-A. Serrure. Gand, 1855; 1 vol. in-8°. Revue de la numismatique belge, publiée sous les auspices de la Société numismatique; par MM. Chalon, Decoster et Piot. 2ne série, Tome V; 4" liv. Bruxelles, 1855 ; 1 broch. in-8°. Considérations sur les tendances de l'époque. Discours à l'Aca- démie d'archéologie de Belgique; par le vicomte Eugène de Kerckhove. Anvers, 4855 ; 1 broch. in-8°. La télégraphie électrique mise à la portée de tout le monde ; par Louis Strens. Bruxelles, 1855; in-12. Annales de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand. 1853-1854. 3% et 4e liv. Gand, 1855; in-8°. Essai de tablettes liégeoises; par M. Alb. d'Otreppe de Bou- vette. 13 à 15% liv. Liége, 4854; 3 broch. in-18. Nécrologe liégeoise pour 1854. Liége, 1855; 1 broch. in-12. Moniteur de l'enseignement, publié par Frédéric Hennebert. 3% série. Tome II; n° 4 à 10. Tournai, 4855; 7 broch. in-8°. Bulletin des sociétés savantes et littéraires de Belgique, sous la direction de F. Hennebert. 1'° année; n°% 4 à 4. Janvier à avril 4855. Tournai, 1855; 4 broch. in-8°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique. Directeur : M. Galeotti. 12% année; n° 9 à 12. Bruxelles, 4854; 4 broch. in-12. L'Illustration horticole, journal spécial des serres et des jar- dins ; rédigé par Ch. Lemaire. 2° vol.; 3% et 4®e liv, Gand, 4855 ; 2 broch. in-8°. Moniteur des intérêts matériels. 5° année; n° 6 à 44. Bruxelles, 1855; 9 feuilles in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles; 49% vol., cahier de décembre; 20° vol., cahiers de janvier à avril. Bruxelles, 4854; 5 broch. in-8°. TOME xxu1. — |'° paRT. 25 ( 554 ) La Santé, journal d'hygiène publique et privée. 6° année, n° 45 à 20. Bruxelles, 4855; 6 doubles feuilles in-4°. La Presse médicale belge. 7° année; n° 6 à 16. Bruxelles, 1855; 11 feuilles in-4. Journal de l'imprimerie et de la librairie en Belgique. 1"* an- née, n° 6 et 7; 2" année, n° 4 et 2. Bruxelles, 1855; in-&. Bijdragen voor vaderlandsche geschiedenis en oudheidkunde. Ste deel ; [Vie stuk à 10% deel; [te stuk. Arnhem, 1852-1854: 3 broch. in-8°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XL; n°° 3 à 12. Paris, 14855; 10 broch. in-4°. Journal de l'École impériale polytechnique, publié par le con- seil d'instruction de cet établissement. 35° cahier; tome XX. Paris, 1853; 1 vol. in-4°. Bulletin de la Société de l'histoire de tante: N®6 à 11, juin à novembre 1851 ; n° 12 à n° 12, décembre 1852 à décembre 1853; n° { à 4, janvier à avril 4854. Paris, 1851-1854; 18 feuilles in-8°. L'Athenaeum français. 4"° année; n° 6 à 12. Paris, 4855; 7 doubles feuilles in-8°. Revue de l'instruction publique. 14% année, n*% 45 à 52; 45e année, n° 4 et 2. Paris, 1855; 10 doubles feuilles in-8°. Journal de la Société de la morale chrétienne. Tome V; n° #. Paris, 1835; 1 broch. in-8°. Archives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique ; par A. Dinaux. 3"° série; tome IV; 4° Jiv. Valenciennes, 4855; 1 broch. in-8. Pierre l'Hermite. Deuxième lettre à la Société des antiquaires de Picardie; par M. Léon Paulet. Amiens, 1854; 1 broch. in-8°. De la propriété littéraire en matière de nomenclature scien- tifique; par M. Charles Des Moulins. Bordeaux, 1854; 1 broch. in-8°. Zeitschrift für allgemeine Erdkunde. Herausgegeben von D' ( 355 ) T. Gumprecht. II‘ Band; 5-6 Heft. Berlin, 1854-1855; 2 broch. in-8°. Abhandlungen der philosoph.-philologischen Classe der koe- niglich bayerischen Akademie der Wissenschaften. VII" Bandes; 26r Abtheilung. Munich, 1854; 1 vol. in-4°. Oeffentliche Sikung der kôniglichen Akademie der Wissenschaf- ten am 28 november 1854. Munich, 1855; 1 broch. in-4°. Jahresbericht des physikalischen Vereins zu Frankfurt am Main, für das Rechnungsjahr 4853-1854. Francfort-sur-Mein, 1854; 1 broch. in-8°. Geschichte der Entstehung und Ausbildung des Kirchenstaates, von Samuel Sugenheim. Leipsig, 4854; 4 vol. in-8°. Archiv des historischen Vereines für Niedersachsen. Neue Folge. Herausgegeben unter Leitung des Vereines-Ausschusse. Jahrgang 1849. Hanovre, 4851 ; 4 vol. in-8°. Zeitschrift des historischen Vereines für Niedersachsen. Jahr- gang 1850-1851. Hanovre, 4854; 2 vol. in-8°. Funfzehnte en Siebzehnte Nachricht über den historischen Verein für Niedersachsen. Hanovre, 1852-1854 ; 2 broch. in-8°. Archiv der Mathematik und Physik. Herausgegeben J.-A. Gru- nert. XXIe Theil, 4 Heft ; XXIV'* Theil, 4- Heft. Greifswald, 4854-1855; 1 broch. in-S°. Proceedings of the royal Society of London. Vol. VIE, n° 10 et 11. Londres, 4855; 2 broch. in-8°. The quarterly journal of the geological Society. Vol. XI; part. 1, n° 4. Londres, 1855; 1 broch. in-8°. The transactions of the royal Jrish academy. Vol. XXIF; part. 5. Dublin, 14855; in-4. Proceedings of the royal Irish academy, for the year 18È53- 1854. Vol. VI; part. 1. Dublin, 1854; 1 broch. in-8°. Catalogue of stars near the ecliptic, observed at Markree, during the years 1852, 1853 and 1854, and whose places are supposed to be hitherto unpublished. Vol. III, Dublin, 1854; 1 vol. in-&. ( 356 ) Mémoires de l'Institut national génevois. Tomes [ et IT. Années 1853 et 1854. Genève, 1854; 2 vol. in-4°. Bulletin de l'Institut national génevois. 1'° année; n° 4 à G. Genève, 1854; in-8°. Rendiconti delle adunanze delle R. Accademia economico-agra- ria dei georgofili di Firenze. Anno IL. Février et mars 4855. Flo- rence, 1855; 2 broch. in-8°. Corrispondenza scientifica in Roma. Bullettino universale. Anno 3°; n°® 43 à 50. Rome, 1855; 8 feuilles in-4°. Della contemporaneità o sincronismo delle opposte correnti at- traverso un conduttore comune a due circuili chiusi, e degli effetti, nonchè delle applicazioni che ne derivano ; del prof. Fr. Zante- deschi. Padoue, 1855; 1/2 feuille in-4°. Soluzione geometrica e rigorosa del problema della quadra- tura del circolo, coll ajuto della regola e del compasso di Giam- batista Malacarne. Firenze, 1854; 4 broch. in-12. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1855. — N°5. 2 — CLASSE DES SCIENCES. Séance du $ mai 1855. M. Nerengur GER, président de l’Académie. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Sauveur, Tim- mermans, Wesmael, Martens, And. Dumont, Cantraine, Stas, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, le baron de Selys-Longchamps, H. Nyst, Gluge, Schaar, Liagre, Duprez, membres ; Spring, Schwann, associés ; Brasseur, Maus, correspondants. MM. Ed. Fétis et Chalon assistent à la séance. TomE xxu1, — ['° PART. 26 (358 ) CORRESPONDANCE. M. le Ministre des travaux publics fait parvenir « une ampliation de l'arrêté royal du 10 avril qui institue un prix de deux mille francs pour le mémoire qui répondra, d'une manière complète et satisfaisante, à la question relative à l'exploitation des mines, indiquée par l’Acadé- mie, dans son programme du 16 décembre 1854. » — M. le lieutenant Maury, directeur de l'Observatoire national de Washington, remercie l’Académie pour sa nomination d’associé. — M. le Secrétaire perpétuel dépose une lettre du lord- maire de Glascow, annonçant que la prochaine réunion de l’Association britannique aura lieu dans cette ville, le mercredi 12 septembre prochain. — La Société impériale géographique de Russie re- mercie l’Académie pour l’envoi de ses publications. — Le Conseil du Musée germanique, établi à Nurem- berg, fait parvenir quelques-unes de ses publications et exprime le désir d'entrer en relation avec l’Académie. La même proposition est faite par l’Institut national génevois. Ces offres sont acceptées. — S. Exc. le Ministre des Pays-Bas, à Bruxelles, écrit qu'il se fera un plaisir de transmettre les publications ( 359 ) de l’Académie aux deux sociétés établies dans les Indes orientales, sous les noms de Société des arts et des sciences, à Batavia (Genootschap van Kunsten en Weten- schappen) , et de Réunion pour les sciences naturelles dans les Indes néerlandaises (Naturkundige vereeniging in neer- landsch Indie). — Remerciments. — $S. Exec. le Nonce apostolique, à Bruxelles, transmet au Secrétaire perpétuel les pièces de son gouvernement relatives aux observations météorologiques à faire sur mer; il lui écrit en même temps comme suit : « Dans la confé- rence tenue à Bruxelles, en août 1855, et dont vous avez été le président, à l'effet de s'entendre sur un système d'observations météorologiques à la mer, on s’y est occupé d'arrêter une méthode uniforme. Le gouvernement du Saint-Siége a voulu entrer dans les mêmes vues en obli- geant les capitaines de mer à rédiger, pendant leur voyage, un journal météorologique (1). » Vous verrez, Monsieur, par les imprimés ci-joints, les prescriptions que leur adresse, à ce sujet, le gouver- nement pontifical. Elles n’ont pas pu être tout à fait con- formes à la méthode proposée par la conférence, à cause de la destination exclusivement commerciale qu'ont ces marins. L'intention du gouvernement étant de faire con- courir les capitaines au développement de la science mé- téorologique, un journal d'observations ne doit pas être uniquement déposé dans les archives du Ministère du commerce, à Rome...» En conséquence, la lettre de- mande où il conviendrait d'envoyer une copie des obser- (1) Voyez la communication sur le même sujet, faite par M. E.-J. Scar- ellini, de Rome, p. 156 de ce volume des Bulletins. Ï ) 1 _( 360 ) vations. Les instructions de la conférence portent que « si un gouvernement, à cause de la petite quantité des obser- vations qui lui auraient été transmises ou de ses ressources limitées, ne se croyait pas en état de procéder lui-même à leur discussion , il est désirable qu’il transmette ces docu- ments, ou tout au moins leur copie, à quelque gouverne- ment voisin qui possède des ressources plus puissantes, et qui soit disposé à les utiliser. » — M. le secrétaire perpétuel fait connaître que, depuis la dernière séance, il a reçu les annonces successives de la découverte de trois astres nouveaux, savoir : 4° Le 6 avril, M. Chacornac a découvert à l'Observatoire de Paris une petite planète se présentant sous l'aspect d'une étoile de 41° à 12° grandeur. Son ascension droite apparente, vers 13" 20", temps moyen de Paris, était de 45" 59% 50°, et sa déclinaison — 7° 28’ 8”. 2° Le 11 avril, vers 11 heures du soir, M. le D' Schwei- zer découvrit, à Moscou , une petite comète télescopique dont l’ascension droite était de 184° 40° et la déclinaison —17° 20. Le mouvement diurne était d'environ —55 en ascension droite et de+55" en déclinaison. 5° M. le D' Luther, à Bilk, a découvert, le 19 avril , une planète télescopique de 11° grandeur. Son ascension droite vers 15", temps moyen de Bilk, était de 181° 14° avec un mouvement diurne de —9". La déclinaison était de —5° 11’ et paraissait ne pas varier. — M. Quetelet donne également communication des résultats des observations qui ont été faites, le 21 avril dernier, pour constater, à cette époque, l’état de la végé- tation en Belgique. D | \ ( 361 ) Les observations ont été faites, à Waremme, par MM. de Selys-Longchamps et Ghaye; à Bruxelles, par M. Quetelet; à Liége et à Stavelot, par M. Dewalque; à Grammont, par M. Alfred de Borre : elles s'accordent à constater que la végétation , par suite des gelées tardives, se trouve ar- riérée relativement à son état normal en Belgique. L’an- née 1855 offre, sous ce rapport, une grande analogie avec l'année 1855; seulement, il y avait eu, en janvier 1855, une floraison anticipée de plantes précoces, qui n’a pas eu lieu en 1855. Une autre différence assez curieuse, c’est que le retard n'a pas porté sur les mêmes plantes. Ce retard, considéré d'une manière générale, a été en moyenne de quinze à vingt jours, mais, relativement aux plantes prises indi- viduellement, il a varié assez sensiblement : ainsi, les poiriers fleurissent moyennement le 15 avril; en 1853, il y avait un retard de 12 jours, et, en 1855, de 20 jours. Les pêchers fleurissent moyennement le 20 mars; en 1855, il y avait un retard de 8 jours, et, en 4855, de 25 jours. Les froïds plus vifs de 1855 ont, comme on le voit, atta- qué plus spécialement les arbres; les froids de 1853 ont été plus continus et ont agi davantage sur les arbustes et les petites plantes : ainsi, le Daphne mexercum , qui fleurit normalement le 15 mars, était en retard de 20 jours en 1855 et de 16 en 1855. — La classe reçoit les manuscrits suivants : 1° Recherches pour servir à la flore criptogamique des Flandres, cinquième centurie, par M. J. Kickx, membre de l'Académie. (Commissaires : MM. Martens et Spring.) 2 Calendrier judaïque actuel, mémoire par M. Mah- ( 362 ) moud, directeur de l'Observatoire du Caire. (Commis- saires : MM. Liagre et Quetelet.) 5° Notice, avec planches, sur les débris d’un Plesiosau- rus dolichodeirus, trouvés dans les environs de Virton, par M. Dujardin. (Commissaires : MM, De Koninck, D'Omalius et Dumont.) 4 Notice sur l'application de l'électricité à différents instruments , par M. À. Gérard, de Liége. (Commissaires : MM. De Vaux et Maus.) 5° Résumé des observations météorologiques faites, à Bastogne, en 1854, par M. F.-J. Germain, professeur de physique. — M. And. Dumont fait hommage d’une carte géologi- que qu'il vient de publier pour les environs de Spa , Theux et Pepinster. M. Gluge appelle l'attention de ses confrères sur un ouvrage de M. le professeur Luschka, de Tubingue, con- cernant la structure des Plexus chorioïdiens du cerveau de l'homme. Ce travail se rapporte à une question proposée au concours de l’Académie, il y à quelques années, sur les mouvements du cerveau et de la moelle épinière. Remerciments, RAPPORTS. MM. Liagre et Schaar font leur rapport sur une note de M. Willich, déposée dans la séance précédente. Cette note est relative au calcul des annuités, dans l'hypothèse A de, +. LS à ( 365 ) où le taux d'intérêt que le prêteur exige de son capital est supérieur à celui qu'il accorde pour le fonds d’amortisse- ment qu'on lui restitue chaque année. MM. les commissaires font remarquer que ces questions ont élé traitées déjà dans des ouvrages spéciaux; en consé- quence, ils sont d'avis que la note soumise à leur examen n’est point de nature à faire avancer la science, et que la classe doit se borner à remercier l’auteur pour sa commu- nication. Ces conclusions sont adoptées. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Éclipse lunaire du 2 mai 1855. Note de M. Quetelet. Cetté éclipse a eu lieu par un temps très-favorable : jusque vers trois heures du matin, le ciel était parfaite- ment découvert ; quelques petits nuages ont passé ensuite sur le disque de l’astre, mais sans le soustraire un instant aux regards des observateurs. Conséquemment l’éclipse a pu être observée jusqu’à l’époque où la lune se couchait. Vers deux heures et un quart, on ne voyait encore aucun indice du phénomène, bien que, d’après le calcul, la lune fût entrée dans la pénombre à 1 heure 29 m. temps moyen de Bruxelles; la pénombre se manifesta alors seulement d'une manière sensible. Le commence- ment de l’éclipse, ou le premier contact avec l'ombre, a eu lieu à 2 h. 52 m. 45s., temps moyen de Bruxelles; le ( 364 ) calcul de l'Annuaire de l'Observatoire indiquait en nom- bres ronds 2 h. 52 m. J'ai observé ensuite, avec mon fils (Ernest Quetelet) les éclipses successives des différentes taches Grimaldi, Galilée, Kepler, Aristarque, Tycho, Copernic, etc. Le commencement de l’éclipse totale a été observé à 5 h. 53 m. 54s.; le calcul indiquait en nombres ronds 3 h. 54 m. Cette dernière observation et celles des taches qui précédaient, ont été plus difficiles à cause du voisinage de l'horizon et de l’interposition de quelques branches des arbres du boulevard, qui, heureusement, étaient encore dépouillées de leurs feuilles. Jusqu'au moment où le disque lunaire à été à moitié éclipsé, l'ombre de la terre avait une teinte grisâtre, comme serait celle d’un brouillard. Le haut du disque prit alors un aspect cuivré qui était très-prononcé, surtout à l'œil nu, quand l’astre fut entièrement dans l'ombre de la terre (1). Les observations ont été faites au sud de l'Observatoire, sur la terrasse; je me trouvais à peu de distance de mon fils. Les nombres suivants sont les moyennes de ceux que nous avons observés; cependant, pour les dernières observations, je me suis servi de mes seuls nombres, parce que j'étais placé de manière à être moins gêné par les arbres. Premier contact de l'ombre. . . 252" 4° temps moyen de Brux. Grimaldi, 1* contact. . . . . » 54 42 » » Ra DOME NE PR RE » (1) D'après le journal Za science, l’éclipse n’a pas pu être observée à Paris, à cause du temps; il en a été de même dans les localités voisines; on a été plus heureux à Rouen. L l ] ( 365 ) Galilée, milieu. + « . . » 59"18* temps moyen de Brux. Kepler, » ere Le OR A7NSS » Aristarque, » US EN MAR AS UI » Tycho, 1“ contact. . . . . » 54 17 » Copernic, 1% » S DU ET CUS LU ALT PT Tycho,' 27e » MA 1. 5100 22 » Æopernic, 2%e » SOON ER GRO "A0 ” Timocharis, milieu . . . . . 35 5 44 » Archimède, » GORE RLRC pCUTZ » Manilius, » » 10 58 » Platon, » sold! » 12 58 » Commencement de Péclipse totale. » 33 54 » Valeur absolue de la déclinaison et de l'inclinaison magne- tiques. Note de M. Quetelet. La déclinaison et l’inclinaison magnétiques ont été ob- servées annuellement à Bruxelles depuis plus d’un quart de siècle. Ces observations, à dater de 1850, se fai- saient dans le jardin de l'Observatoire, à une distance assez grande des habitations pour pouvoir admettre qu'il ne se mêlait aucune action perturbatrice à l’action de la terre. La grille, qui séparait le jardin du boulevard, avait été construite en bois, mais comme elle exigeait de fréquentes réparations, le Gouvernement résolut de la faire rem- placer par une grille en fer. La première partie fut placée en 1855; elle a été achevée depuis et se trouve, dans sa plus courte distance, à 24 mètres. du lieu où se font ha- bituellement les observations pour la déclinaison magné- tique. Les travées séparées par des piliers en pierres de ( 366 }) taille, se composent de lances verticales de 2,5 mètres de hauteur, assujetties par deux traverses horizontales de 4 mètres de longueur. D'après plusieurs séries d'observations faites par mon fils et par moi, je pense que le placement de la grille n'a exercé aucune action sur les déterminations du magné- tisme absolu. Si quelque doute pouvait exister, ce serait au sujet de la déclinaison, mais l’action supposée doit être si faible, qu’il faudrait, comme on le verra plus loin, des recherches multipliées pour la déterminer avee quelque certitude. Les observations de déclinaison absolue du 5 avril ont eu lieu, comme de coutume, en plein air et en avant du pavillon magnétique; elles ont été faites alternativement par mon fils et par moi. L’instrument était placé dans la direction de la lunette méridienne de l'Observatoire et réglée d’après le fil méridien de cette lunette. Trois séries successives ont donné : Le 3 avril, à 10h. . . . . . 195629 Adolphe Quetelet. » AAA ST 7 0. 2-2 TOO OA APTOPESL » ’ APR Ne TN NI IS JA AU, » Ces trois déterminations, si l’on a égard à la variation diurne, s'accordent fort bien entre elles; mais la valeur moyenne semble s’écarter un peu de la loi de continuité, donnée par les observations des années précédentes. J'ai donc demandé à mon fils de recommencer, el comme les résultats sont demeurés les mêmes, je lui ai fait reprendre le travail du côté nord de l'Observatoire, toujours dans la direction du méridien et à une distance de 40 mètres de la grille. Cette fois la déclinaison mesurée aux mêmes heures a été moindre de six à sept minutes. Une nouvelle série dd. tint te à ler ETS ( 307 ) d'observations faites au sud de l'Observatoire, en avant de la position primitive et plus près du bätiment de 47 mètres, lui à donné une valeur qui est à peu près la moyenne entre celles obtenues les jours précédents. Voici les nom- bres qu'il a trouvés : Le 6 avril, vers 107/,h. . . 1955’39” au sud de l'Observatoire. LepG. » midi “4, ON H Oggeéé gr, 104 » Le 7 » 11h. . . . . 19°48/48” au nord » LEE GRR RAC TERRE 19°52,49" au sud » I semblerait, même en tenant compte des variations ac- cidentelles , que la grille a pu exercer une légère influence sur le magnétisme de l'aiguille. J'ai fait alors avec mon fils des expériences directes sur l’action de la grille; nous avons d’abord étudié, au moyen d’une boussole, l’action exercée par un seul barreau vertical : dans son proche voi- sinage, nous avons trouvé, comme nous devions nous \! altendre, qu'il agissait comme un barreau aimanté, ayant des pôles à ses extrémités. Les barreaux horizontaux for- mant les traverses des grilles, ne présentaient pas cette particularité, au moins d’une manière sensible. En nous plaçant à quelques mètres de distance de la grille, les pôles des lances verticales n’agissaient plus que par la différence de leur distance à la boussole, et leur action combinée était à peu près nulle, On conçoit alors qu'à 25 mètres de distance, et surtout à quarante, l’action doit être très-problématique sur une boussole, même très- sensible, placée dans un plan horizontal passant à peu près à égale distance des pôles opposés des lances. Ce sujet, du reste, est assez important pour nécessiter de nou- velles recherches. Pour ce qui concerne l'inclinaison magnétique, une ( 568 ) première série d'observations, faites dans le cabinet ma- gnétique , m’a donné, vers 10 heures, dans la matinée du 5 avril, 67° 43,0; Une seconde série d'observations, faites entre 10 et 11 heures le même jour, a donné à mon fils 67° 49,5. L’angle d’inclinaison, avant le renversement des pôles, était, dans la première série, de 67°52/,7; et, après le renversement des pôles, de 67°55’,5, ce qui donne pour différence 19',4. Dans la série d'observations faites par mon fils, l'incli- naison, après le renversement des pôles, a été de 67° 51,5; et, après un nouveau renversement, de 67° 55,2; d’où résulte une différence de 21’,8. L’angle entre les deux positions que prend l'aiguille d’inclinaison, selon que, par l’aimantation, le pôle nord se trouve à l’une ou à l’autre de ses extrémités, a conservé une valeur qui a peu varié depuis plus d’un quart de siècle; il a été De1828 21854;;de.2t: ie jeu Nr 12246(1) De1855/431840; dé. dl. Se pheti AnEG De,18414:1854; deu ciger-taett 11400 Enfin, en 1855, de 22 ne 2076 (1) Voyez les Annales de l'Observatoire. ie SE D 0 2 7 ed ( 369 ) Résultats d'observalions astronomiques et magnétiques , faites en Espagne et en France, aux mois d'août et de septembre 1853. (Extrait d’une lettre de M. A. Erman, de Berlin, à M. Quetelet.) Positions géographiques. — Les latitudes marquées », résultent de passages d'étoiles par le premier et par le dernier vertical, observés à l’aide d’une lunette de 165 lignes (mesure de Paris), de distance focale. Les latitudes marquées ©, résultent de hauteurs méri- diennes du soleil observées à un théodolite de voyage. Les longitudes sont marquées C , x chron. ou © chron., suivant qu'elles ont été déterminées : 1° par des différences d'ascension droite entre la lune et des étoiles voisines, observées à la lunette de passage, ou par la comparaison de deux chronomètres de Kessels avec le temps du lieu dérivé; 2° de passage d'étoiles par la lunette, établie dans le méridien, et 5° par des hauteurs correspondantes du soleil mesurées au théodolite. Les hauteurs de quatre points dans le voisinage de Gre- nade, résultent d’une triangulation jointe à des lectures d'un thermo-baromètre et sont données en pieds de la toise du Pérou. Résultats magnétiques. — J'ai déterminé les inclinaisons à l’aide d’une boussole de Robison. Les déclinaisons sont obtenues par l'appareil de Pistor, que j'ai décrit dans la relation de mon voyage autour du monde (Observations de physique, vol. I‘), et les intensités par les oscillations d’un barreau et par les déviations de la boussole de déclinaison opérées par un second barreau. ( 3170 ) Les intensités magnétiques sont exprimées en mesure absolue, les unités étant le millimètre pour les distances, le milligramme pour le poids et la seconde du temps moyen pour les durées. Élévation au-dessus de la mer. Latitudes. Longitudes à l'est de Paris. Carthagene. Fonda frances. 357°55/58/,0% 35605955” x chron. — Pointe Sud dumôle. 373547 5 X 35640 0 % chron. Malaga. Phare. . 5642335 ,1% 353 1453 (@ — Tour de la cathé- drale: . . . . 364256 ,2% 5551417 , € Velez. Posada Nueva. . . 564655 () 553 54 47 © chron. Grenade. Maison Manoz . 371057 (©) 3554 G26 % chron. MvemuiduGenls 11911208 (20e "es ab 2389» Torre de la Vela (au pied de la tour). . « . 371050 ©) 354 6 52 © chron. 2711 Picachode Veletta (sommet). . . 37 358 © 35541918 © chron. 10273 See ET EN ARR ele SR ARNPER RENE DNS 8287 Santander, Tuilerie franc. . 432957 © 35534925 © chron. Éléments magnétiques pour la date 1853,66. Longitude Déclinaison Intensité Latitude. àlV'E. deParis, Tnclinaison, occidentale. horizontale. Berlin "+ -. , bar5159/ ao 5117 67029" 72 14057 3! 1,7900 Paris,e +000 +088 50:16 0 0 0 66 25 ,29 20 17 51 1,8505 Marseille . . . 451810 55658 0 61 57 ,#7 17 55 55 2,1026 Carthagène. . . 357 55 42 556 40 50 97 55 ,74 18 53 20 2,5251 Malaga . . . . 3564515 555 14 54 58 19 ,16 20 11 #1 2,5436 San Fernando. . 36 27 40 551 27 22 58 59 ,37 21 56 46 2,3352 Santander . . . 435 29 57 553 49 25 63 58 ,69 21 15 51 2,0495 Nantes -.. « 2 "4745148 556 6 44 66 2,95 21 28 57 1,9360 ERRATA. — Bulletin de la séance du 7 octobre 1854, tome XXI, 20€ partie, p. 558, lig. 14, au lieu de : t— + 320,557, lisez : 1 — + 22,557; lig. 15, au lieu de : + (1°,672—50,264 sin? 9), lisez : + (1°,672—50364 sin? ?). ( 571 ) — La séance se termine par une communication ver- bale de M. Van Beneden , au sujet de la transformation de Cœnures en Tenias, d’après des expériences faites récem- ment par lui et par d’autres savants sur différents ani- maux. M. Schwann rapporte qu'en Allemagne des expériences semblables viennent d’être faites, avec succès, sur un homme qui devait être supplicié. (372 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 7 mai 1855. M. LecLerCQ, directeur de la classe. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le baron de Gerlache, J.-J, De Smet, De Ram, Gachard, Ad. Bor- gnet, le baron J. de Saint-Genois, J. David, Paul Devaux, A.-G. Schayes, Snellaert, C. Carton, Haus, Bormans, M.-L. Polain, Baguet, le baron De Witte, membres ; Nolet de Brauwere Van Steeland , associé. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet le rapport du jury qui a été chargé de décerner le prix quinquennal de litté- rature flamande. — Le même haut fonctionnaire annonce que le Gou- vernement accède avec plaisir au vœu exprimé par l’Aca- démie et qui consiste à faire placer, dans la grande salle académique, le buste de feu M. Lesbroussart. M. le Ministre ajoute qu'il aurait pris spontanément cette mesure, sil Q1 (375) n'avait reçu une demande à ce sujet immédiatement après la mort du savant académicien. — La classe des sciences physiques et mathématiques et celle des sciences morales et politiques de l’Institut de France remercient l’Académie pour l'envoi de ses publi- cations. Les mêmes remerciments sont adressés par la société d'Émulation de Cambrai. L'Académie impériale de Bordeaux annonce l'envoi des dernières livraisons de ses actes. — Un anonyme demande que la classe veuille bien maintenir, dans son programme de 1856, la question relative aux conseils de Malines, de Brabant, de Hainaut et de Flandre. — M. Polain fait hommage du premier fascicule de ses Analectes liégeois. M. le chevalier Marchal présente égale- ment les trois premières livraisons de son Histoire poli- tique de l'empereur Charles-Quint. — Remerciments. — M. le professeur Félix Liebrecht fait parvenir un mé- moire manuscrit intitulé : La Mesnie furieuse ou le Chas- seur sauvage. (Commissaires : MM. Schayes et Ad. Borgnet.) CONCOURS DE 1855. La classe avait mis au concours cinq questions. Il n’a été répondu qu’à la question suivante : Tracer un tableau historique et politique du règne de Jean [, duc de Brabant. TOME xx, — ['° PART. 27 ( 574 ) Outre le recit circonstancié des événements, ce tableau devra faire connaître l'état social du duché de Brabant, sous le rapport de la législation, du commerce, de l'industrie, de l'agriculture, des lettres et des arts. Le mémoire reçu par la classe porte l'inscription sui- vante : Dieu, ma Patrie et mon Roi. HBapport de M. Schayes. « Ce mémoire est divisé en deux parties. La première, subdivisée en quatre périodes, traite des événements poli- tiques et militaires du règne de Jean I“. Le récit est mé- thodique, bien coordonné et les faits sont rapportés avec beaucoup de détails. L'auteur a pris pour guides principaux de cette narration les Trophées de Brabant par Butkens, et l'excellente édition du poëme de Jean Van Heelu, par feu notre confrère M. Willems. Il ne semble pas avoir connu les notes de Van Wyn sur ce dernier ouvrage, au moins ne les cite-t-il nulle part; nulle part non plus il ne cite une seule des nombreuses publications hollandaises sur le Brabant septentrional. La rubrique : Division topogra- phique du duché de Brabant au XIII" siècle, placée en tête de la première période, pourrait être plus complète, plus étendue. Elle renferme aussi quelques inexactitudes; ainsi il n’est pas vrai que Louvain eùt alors plusieurs petites villes sous sa dépendance. À propos de la naissance de Jean I°, l’auteur donne un long extrait d’une chronique latine inédite qui n’offre aucun intérêt. Le récit roman- tique de l’entrevue du duc avec sa sœur Marie, reine de France, dans sa prison, aurait dù être également écarté d’un travail sérieux et purement historique. La seconde partie du mémoire, divisée en trois cha- San, ( 379 ) pitres, concerne les points sans contredit les plus inté- ressants de la question : la législation, le commerce, l'industrie, l’agriculture, les lettres et les arts sous le règne de Jean I“. C'est aussi celle qui demandait le plus d'étude et de développement. Cependant sur les 168 pages dont se compose le mémoire, une quarantaine à peine se rapportent à ces matières si importantes. Le chapitre I” in- titulé : Communes et féodalité, législation générale et parti- culière, organisation militaire, religion, ne renferme que des données générales et fort sommaires. La législation et l'administration de la justice y tiennent la place princi- pale; encore tout ce que l’auteur dit à cet égard se ré- duit-il à la citation des ordonnances de 1267 et 1282, qui limitent à une année l'exercice des fonctions échevinales, et à mentionner que Jean I‘ s’appliqua dès son avénement à mitiger, par des ordonnances et des édits pleins de sagesse, les effets des prestations annuelles et des droits d'usage qui avaient remplacé la servitude personnelle. « Il serait superflu, ajoute-t-il, d'en faire ici l'analyse; nous » n'en finirions pas si nous voulions détailler tous les pri- » viléges qu'il accorda successivement aux habitants de » Bruxelles, de Louvain, d'Anvers et d’autres cités. En » définitive, ils n’eurent pour ainsi dire d’autres résul- » tats que de modifier les institutions déjà établies. Tout ». ce que nous ferons, sera de jeter un coup d'œil sur les » célèbres chartes de 1292, celles-là étant vraiment im- » portantes et méritant au plus haut point notre atten- » tion. » Mais n'est-ce pas précisément de l'analyse de ces nombreuses chartes de priviléges et de leur compa- raison avec les actes antérieurs de la même nature que doit rejaillir le plus de lumières sur l’état du droit publie el privé-à l’époque que l’auteur avait à faire connaitre? > (576 ) Ce travail nécessitait beaucoup de recherches, principa- lement dans nos dépôts publics d'archives que l’auteur ne paraît pas avoir visités, car il ne mentionne pas le moindre document conservé dans ces inépuisables trésors de notre histoire. Et quant à la charte même de 1292, dont il fait ressortir à juste titre l'importance, il se borne à observer qu’elle remédia à la vénalité des juges en sta- tuant des peines et des amendes fixes pour les délits dont la législation antérieure abandonnait la répression au bon plaisir des seigneurs. Le chapitre Il à pour titre : Commerce, industrie et agriculture. lei encore l'auteur est d’une extrême conci- sion. Le traité que Jean [° conclut, en 1279, avec l'arche- vêque de Cologne pour la sûreté de la navigation du Rhin, le siége du château de Woeringen, qu’il entreprit dans le même but, et la cession qu’il fit à la ville de Louvain de la balance à la laine , de la halle au seigle et des marchés où se vendaient les marchandises sur lesquelles le duc per- cevait des droits, sont les seules particularités relatives au commerce que le concurrent a jugées dignes d’être men- tionnées ; car il déclare « ne pas vouloir s'étendre sur les » prérogatives accordées par Jean [* à chacune des villes » du Brabant pour favoriser leur commerce. » L'observa- tion que j'ai faite au sujet des chartes de priviléges et fran- chises accordées aux villes s'applique avec non moins de raison à celles qui avaient pour but de favoriser le commerce ; en effet, l’histoire du commerce et de l’industrie au moyen âge se trouve presque tout entière dans les sources de celte espèce et dans les registres de comptabilité publique. La statistique industrielle du duché de Brabant, sous le règne de Jean I°, n’est pas plus approfondie dans ce mé- moire que celle du commerce. L'auteur consacre à peine (377) quelques lignes aux célèbres fabriques de draps de Lou- vain et de Bruxelles, aux manufactures de toile et de laine; il porte à plus de 2,000 le nombre des métiers de usserand qui auraient existé à Louvain, en 1267, et à 50 ou 40,000 celui des ouvriers qui y étaient employés, nombre qu’il évalue à la moitié de celui de la population de la ville à la même époque. Ce sont là des supputations tout à fait arbitraires et probablement fort exagérées, sur- tout par rapport à la population de Louvain, qui, vers le milieu du XIV”* siècle, lorsque la prospérité de cette ville avait atteint son apogée, ne doit pas avoir dépassé 40 à 50,000 âmes. L'agriculture est traitée avec plus de laco- nisme encore que le commerce et l’industrie. Les remar- ques de l’auteur à cet égard se réduisent à dire que Jean [* contribua puissamment à son développement en favorisant l'établissement des monastères ét en leur concédant des terres ingrates et incultes; le seul document qu'il rapporte à l'appui de ces assertions est une charte de l’an 1285, publiée par M. Willems, par laquelle le duc permit au chapitre d'Anvers et aux autres possesseurs de terres allu- viales de les rendre à la culture. Les arts, la littérature et l’enseignement forment la matière du troisième et dernier chapitre. L'architecture est le seul des arts du dessin sur lequel l’auteur entre dans quelques détails : il indique sommairement l’état de cet art dans la seconde moitié du XITF"* siècle et fait une courte description du chœur de l’église de S*-Gudule à Bruxelles, construit en partie aux frais du duc. Quelques lignes sont aussi consacrées à la musique et au célèbre poëte musi- sien le Roi Adenez. Mais c’est surtout l'histoire littéraire du règne de Jean [° qui laisse à désirer. L'auteur se donne la peine fort inutile de reproduire en entier la chanson si ( 378 ) connue Eens moien morgent vroeg , composée par Jean [*, el se tait complétement $ur la vie littéraire de ce prince et sur ces fameuses cours d'amour de l'Allemagne (les Minne- sänger), dont il fut un des membres les plus illustres. Un examen critique des productions littéraires de Jean [°, ainsi que du poème de Van Heelu, lui aurait fourni l’occa- sion de comparer la langue et la littérature flamandes sous le règne du duc avec la langue et la littérature fla- mandes sous les règnes précédents et postérieurs. Après ces deux écrivains et le Roi Adenez, le seul auteur bra- bançon qui ait paru au concurrent digne d’une mention est Jean de Cantimpré, dont le livre intitulé de Apibus, renferme tant de faits connus sur les idées, les mœurs et les usages de son temps et qui auraient dû être signalés. L'auteur termine ce chapitre par quelques vagues consi- dérations sur l’état de l’enseignement au XIII" siècle. « Nous finissons, ajoute-t-il, en disant que nous n’avons » pu trouver nulle part la trace d’un nom de Brabançon » qui fréquentät les universités; tout ce que nous savons, » cest que les scolastiques du Brabant formaient déjà à » cette époque, dans l’université de Paris, un corps à part » qui était réuni à la nation. » En somme, cette seconde partie du mémoire ne satis- fait point au programme de l’Académie. Mais comme la première partie de la question , plus facile du reste à trai- ter, me parait mieux résolue, je voterai volontiers pour une mention honorable. » Après avoir entendu ses autres commissaires, MM. de Ram et le baron de Gerlache, la classe décide qu'il n’y a pas lieu de décerner la médaille d’or, mais elle accorde une mention honorable à l'auteur. Ne. ic "sie Li (579 ) PROGRAMME POUR LE CONCOURS DE 1856. PREMIÈRE QUESTION. Faire l'histoire, au choix des concurrents, de l’un de ces conseils : le grand conseil de Malines, le conseil de Brabant, le conseil de Hainaut, le conseil de Flandre. DEUXIÈME QUESTION. Tracer un tableau historique et politique du règne de Jean I”, duc de Brabant. Outre le récit circonstancié des événements, ce tableau devra faire connaître l'état social du duché de Brabant, sous le rapport de la législation, du commerce, de l'indus- trie, de l'agriculture, des lettres et des arts. TROISIÈME QUESTION. Faire sommairement l'histoire des doctrines qui ont influé sur l'état social, principalement en Belgique , depuis le com- mencement du XVI" siècle jusqu'à nos jours. QUATRIÈME QUESTION. Faire l'histoire des anciens États d'une des provinces suivantes : Brabant, Flandre, Hainaut, Limbourg, Luxem- bourg et Namur. CINQUIÈME QUESTION. Faire l'histoire du collége des Trois-Langues à Louvain, ( 380 ) el exposer l'influence qu'il a exercée sur le développement de la littérature classique, ainsi que sur l'élude des langues orientales. SIXIÈME QUESTION. Quels ont été les rapports entre la littérature thioise (flamande) et la littérature française pendant le XIP", le XII" et le XIV“ siècle, et quelle est l'influence que l’une a exercée sur le développement de l'autre? Le prix, pour chacune de ces questions sera une mé- daille d’or de la valeur de six cents francs. Les mémoires doivent être écrits lisiblement en latin, en français ou en flamand, et seront adressés, francs de port, avant le 4* février 1856, à M. Quetelet, secrétaire perpétuel. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les pages des livres qu’ils citeront. On n’admet- tra que des planches manuserites. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage, mais seulement une devise, qu'ils répéteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et leur adresse. Les ouvra- ges remis après le terme prescrit ou ceux dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa propriété. Toutefois, les intéressés peuvent en faire tirer des copies à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au secrétaire perpétuel. (381) CONCOURS EXTRAORDINAIRE. Sur la proposition d’une personne qui désire garder l’anonyme, la classe des lettres a accepté d'inscrire dans son programme et de juger les mémoires qui lui seront adressés en réponse à la question suivante : Charlemagne est-il né dans la province de Liège ? Le prix, qui ne sera décerné que pour une solution affirmative ou négative de la question, consistera en une inscription au grand-livre de la dette publique belge à 2 1/2 p. ‘Jo et au capital nominal de six mille francs, avec la jouissance des intérêts, à partir du 1* janvier 1854. Le mémoire devra être remis avant le 1° février 1856. Les formalités à observer sont les mêmes que celles indi- quées pour les autres questions du programme. — C’est aussi avant le 1° février que devront être remis les manuscrits de concours pour la Notice sur le baron de Slassart. ÉLECTIONS. La classe procède au remplacement des membres, cor- respondants et associés décédés. Sont nommés membres : MM. Ch. Faider, avocat géné- ral près la Cour de cassation, et Arendt, professeur à Université de Louvain; tous deux correspondants de l’Académie. ( 382 ) Sont nommés correspondants : MM. le professeur Tho- nissen , à Louvain, et Van Duyse, à Gand. Sont nommés associés : MM. Victor Le Clerc, à Paris, le comte de Montalembert, à Paris, le chevalier de Rossi, à Rome, Macaulay, membre du Parlement, à Londres, Horace Say, à Paris, Rau, professeur d'économie politique, à Heidelberg. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Béatrice de Courtray; par M. Kervyn de Lettenhove, correspondant de l’Académie. II. Au nord de Munich, sur les bords du Danube, dans un lieu qui conserva longtemps le nom de Furstenfeld, on voyait au XIII"° siècle un monastère de chartreux d’où chaque jour d’humbles prières montaient vers le ciel pour obtenir le pardon d’un grand crime, et cette inscription qu'on y lisait en retraçait en quelques mots la triste ori- gine : Conjugis innocuae fusi monimenta cruoris Pro culpa pretium, claustra sacrata vides. C'était le père d'un Empereur, Louis de Bavière, sur- nommé le Sévére, qui, à la voix du pape Alexandre IV, avait fondé ce monument d'expiation et de pénitence, ( 3835 ) lorsque, dans l’aveuglement d’une injuste colère, il eut fait trancher la tête à la jeune duchesse de Bavière, fille du duc de Brabant (1). Louis le Sévère vivait encore quand une autre fille du duc Henri LIT, qui avait épousé le roi de France Philippe le Hardi, se vit menacée du même supplice; mais une voix protectrice s’éleva du sein de sa patrie, et l’on sait que la béguine de Nivelles parvint à la sauver en attestant « qu’elle estoit bonne et loyale et de bon cuer entière- » ment (2). » Béatrice de Courtray, qui avait épousé un frère de saint Louis d'Allemagne, aimait beaucoup sa sœur, devenue l'illustre compagne de l'héritier de saint Louis de France. Depuis qu'elle l'avait vue persécutée et malheureuse, elle conservait avec un soin plus religieux quelques hanaps d'or, que la reine de France lui avait donnés à l'apogée de sa grandeur et de sa puissance (3). Jamais l’on n'avait vu une allégresse plus vive , ni des cérémonies plus splen- (1) La mémoire de la victime est encore aujourd'hui l’objet d’un culte populaire qui attribue une vertu miraculeuse aux pierres de son tombeau. (2) Chroniques de Saint-Denis, éd. de M. Paulin Paris, V, p. 48. Marie de Brabant montra, à la mort de Philippe le Hardi, combien l'affection qu’elle lui portait était vive et sincère, Flevit eum, dit un auteur contemporain, quasi inconsolabiliter uxor sua regina Maria. Les Chroniques de Saint- Denis s'expriment dans les mêmes termes : « Nul ne pourroit penser la dou- leur que la royne sa femme ot au cuer, ne les plaints, ne les larmes que elle rendi, et tant mena grant dueil et si longuement que à paine pot avoir remède de sa vie, » (5) Voyez l'inventaire de ces hanaps, publié par M. le baron de Saint- Genoïis, Messager des sciences historiques , 1845, p.222. C'est à Jeanne de Navarre qu’il faut attribuer la mention suivante : Un hanap d’or à couvercle de sinople que me dame li royne li jone li dena, qui fu couronnée à Rains. Marie de Brabant avait été sacrée à la sainte Chapelle de Paris; Jeanne de Navarre le fut à Reims, le 6 janvier 1286. ( 384 ) dides qu'aux fêtes du couronnement de Marie de Brabant. La sainte Chapelle, à peine achevée, étalait toutes ces richesses et toutes ces merveilles de l’art que notre siècle s'efforce de restaurer et de faire revivre. Les princes et les barons étincelaient d’or et de pierreries, et, jusque dans les rues de la cité royale, les dames et les jeunes filles dansaient sous de somptueuses tentures qui serpentaient de maison en maison (1). Malgré les réclamations de l’ar- chevêque de Sens, l’archevêque de Reims était accouru lui-même pour poser la couronne sur le front de la jeune reine. Heureuse, si au milieu de ces fêtes et de ces pompes, elle put oublier qu’une autre princesse, venue également des frontières de la France septentrionale , avait reçu de Philippe-Auguste la même couronne , où l’on avait placé trois fleurs de lis, afin d’enseigner par ces trois fleurs, symboles de la foi, de la sagesse et du courage, que l’au- réole de la foi doit éclairer aussi bien la fermeté dans le malheur que la prudence dans la prospérité. Marie de Brabant était réservée aux mêmes épreuves qu'Élisabeth de Hainaut. Elle les traversa avec la même vertu. Élisabeth de Hainaut avait vécu dans un monastère de Senlis, protégée par les bénédictions des lépreux et des pauvres. Marie de Brabant se retira au sein d’un pauvre cloitre de cordeliers, construit à Vernon par saint Louis, et ce fut là qu'elle acheva pieusement sa vie, trente-sept ans après la mort de Philippe le Hardi , alors que de toute la postérité de Philippe le Bel il ne restait plus qu'un prince, lui-même sans postérité. Du moins, avant de rendre le dernier soupir, elle avait vu grandir autour (1) Chroniques de Saint-Denis, t. V, p. 59. ( 385 ) d'elle son fils, Louis d'Évreux, qui fut le père du roi de Navarre, Philippe le Sage, et ses deux filles, Marguerite et Blanche, dont l’une devint reine d'Angleterre et l’autre reine de Bohême. Plusieurs des documents que nous avons sous les yeux retracent les liens qui unissaient Béatrice de Courtray et la reine de France. A cette catégorie appartient la lettre suivante. La dame de Perwez qui l’écrivit se nommait Félicité de Traynel. Petite-fille du comte de Réthel par sa mère, elle était veuve de Godefrsi, sire de Perwez et de Grimberghe, l’un des plus puissants barons du Brabant, et l’on peut expliquer ainsi ses relations avec une prin- cesse brabançonne. À trés-noble, sa très-chère et très-amée dame, madame Beatriz jadis femme de noble home Guillaume, conte de Flandres, dame de Courtray, Félicitas, dame de Peroe, salut et soi apparelliée à ses commandemenz. | Très-chère dame, je vos merci tant com je puis et se de vos très-amiables letres, et de vostre estat, lequel je ai entendu boen, sui-je moult liée et en merci Deu. Je vous faz asavoir que, la merci Deu, li rois, madame la reine et lur enfanz estoient seins et hestiez, le jour que ces letres furent fetes, et de moi, chière dame, et de ma fille, lequel estat il vos plest asavoir, sachez que nos estions seines et hes- tiées, la merci Deu, quant ces letres furent fetes, laquelle chose je desir moult tozjours savoir et oir de vos, et, pour Deu, dame, commandez-nos tozjours vostre volonté, come à la vostre. Donné à S'-Germein-en-Laie, le mardi après la Chandeleur (1). (1) Archives de Rupelmonde, n° 201. ( 386 ) Une autre lettre adressée à Béatrice offre plus d'intérêt : c'est une princesse de la maison de Bretagne qui lui ra- conte ce qui se passe à la cour de Philippe le Hardi. A noble dame, sa très chière et très-amée dame, B. jadis femme à noble homme Guillaume, conte de Flandres, dame de Cour- trai, Blanche de Bretaigne, fille le conte de Richemont. Salus et li aparellié à faire sa volenté. Ma chière dame, je vous merchi tant com je puis de vos cor- Loises letres que vous m'avés envoiés, et de mon estat dont il vous plaist asavoir, sachez, madame que, la merchi Diu, j'estoie saine et haitie quant ces letres furent faites, ce que je désir tos- jours asavoir de vous; et de ce, madame, que vous m'avés mandé que vous estes moult lie de ce que je sui avec madame vostre suer, vous sai-je moult grant gré : car sachez, madame, que je m'i anime moult. Très-chière dame, mandés-moi vostre estat et vostre volenté comme à celi qui est aparellié du faire. Nostre Sire vous gart (1). Blanche de Bretagne était la fille de Jean, comte de Richemont, depuis duc de Bretagne, et de Béatrice d’An- gleterre, fille du roi Henri IT. Comme, dans sa lettre, elle se contente de prendre le titre de fille du comte de Richemont, il faut en conclure qu’elle l’écrivit avant le mois de juillet 4280, époque de son mariage avec Phi- lippe d'Artois, mariage fatal à la France par la naissance de ce prince ambitieux et habile, dont les conseils réveil- lèrent le génie belliqueux d'Edouard IT. (1) Archives de Rupelmonde, n° 590, ( 387 ) Dans les documents suivants, ce n'est plus une prin- cesse de la maison de Bretagne qui parle avec enthou- siasme et avec respect de la reine de France, près de laquelle elle est heureuse de passer ses jours; c'est, au contraire, le regret de vivre loin d’elle qui s'associe à son nom, lorsqu'il est prononcé par le comte de Hainaut et le- duc de Brabant. À sa très chière et amée dame et couzine me dame de Courtray, Jehans d’Avesnes, cuens de Haynnau, lui aparellet à tout sen boin plaizir. Chière dame, nous envoions à vous pour savoir vostre estat et l’estat de très-poissant dame me dame le roine, lesquels nous con- voitons adies à savoir boins, chière dame, et comme vous aïés entreprise la besongne de no chier oncle de Biaumont et des autres parties à terminer entre vous et no chière dame et mère, nous vous prions et requérons, tant comme nous poons onques plus, ke vous voelliés prendre un jour brief par koi li besongne puist estre délivrée prochainement, car li detrers (1) nous est moult griés. Dame, si en remandés un jour à me dame s'il vous plaist, auquel vous puissiez estre. Nostre Sires vous wart (2). Soit que l’on remonte aux chroniques de Baudouin d'Avesnes, soit que l’on s'arrête aux œuvres plus récentes de Jean le Bel et de Jean Froissart, le nom du sire de Beaumont rappelle des souvenirs chers aux lettres : elles ne peuvent pas davantage laisser dans l’ombre celui du (1) Zi detrers, le retard. (2) Archives de Rupelmonde, n° 595. ( 388 ) duc Jean de Brabant qui, à l'exemple des princes de sa maison, recherchait les lauriers du poëte autant que ceux du conquérant. À noble dame, sa très-chière et très-amée tante, madame Béatrices, femme jadis de noble homme Guillaume, conte de Flandres, dame de Courtray, Jehans, dus de Lothier et de Bracbant, salus et toute l'amor et l'oneur ke il li peut mandeir. Chière dame, nous soumes mout lies et mout joiaus as bones nouvelles ke nos entendons de l’estat nostre chière dame et sereur la roine et dou vostre, lesquels Nostre Sires face tous- jours bones. Si vous fasons à savoir ke nous soumes sains et haities, Dieu merci, ce ke Nostre-Sires nous doinst tousjours à oïr de ma dame la roine et de vous, et certes, chière tante, ce ke vostre besongne est en bon point, il nous plaist mout et au jour del termineir nous serons se nous i poons estre en nule ma- nière bonne ke autre besongne loaus ne le nous destourne. Chière tante, laissiés-nous tousjours savoir vo volentei, et Nostre Sires soit warde de vous. Nous usons de nostre secre sael pour faute du grant (1). Un jour, des préoccupations plus sérieuses s’'emparèrent de l’esprit du duc de Brabant : il s'agissait de réunir, par des négociations habiles, le duché de Limbourg à ses États héréditaires, et d'assurer ce résultat en résistant, l'épée à la main, aux princes des bords du Rhin, de la Gueldre et des Ardennes, ligués contre lui. Une grande bataille se livra à quelques lieues de Cologne. Ce jour-là, le duc Jean de Brabant s'appela Jean le Victorieux; mais sa tâche (1) (Vers 1285.) Archives de Rupelmonde, n° 205. ( 389 ) n'était pas achevée. Waleran de Fauquemont, le plus redoutable de ses adversaires, continuait la guerre : on mit le siége devant son château, et ce fut dans ces cir- constances que la lettre suivante fut écrite par le duc de Brabant, le 2 septembre 1288, moins de trois mois après la glorieuse journée de Woeringen. À très-noble dame et haute, sa très-chière et ameie dame et ante, la dame de Courtray, Jehans, par la grace de Diu, dus de Lot- thier et de Brabant, ses cousins, lui et son service aparelliet, salus et toute bonne amitié. Chière dame, nous avons bien entendut chu que vous nous aveis mandeit, dont nous sommes moult à messaise, quar il nous convenra tout lassier et alleir tenier convent pour défaute de dé- niers : se vous prions, douche dame, et requerons tant comme nous poons, encor soit ce chose que vous n’en nous puissiés aidier de tout, que vous nous aïdiés à mains en partie, et nous nos traveillerons de porchassier ailleurs, u autrement nous per- derons toutes nos besoingnes. Chière dame, se vous en veulliés pres prendre ausi chier comme vous aveis somme de toute nostre besoingnes et nostre honeur, quar nous ne savons autre tour à ceste fie, et Nostre Sire vous wart. Donneit devant Faucommont, l'endemain de Saint-Gile (1). Chière dame, nous usons de nostre sael secreit (2). Le château de Waleran de Fauquemont n’ouvrit point ses portes. Les historiens attribuent la levée du siége à une invasion qu'il tenta dans le Brabant. Peut-être eût-il (1) 2 septembre 1288. (2) Archives de Rupelmonde, n° 449. ToME xx1L — L'° PART. 28 ( 390 ) fallu ajouter que le prêt de Béatrice de Courtray arriva trop tard pour aider le duc Jean à faire triompher « ses » besoingnes et son honneur » (1). Béatrice de Courtray n'était pas seulement en relation avec des ducs et des princes. Plus d’une noble dame énvoyait ses messagers au château de Courtray. J'ai déjà reproduit une lettre de Ja dame de Perwez. Citons encore celle de la dame de Châteauroux ; À noble dame, sa très-chière et très-amée tante B., jadis femme à noble homme Guillaume, conte de Flandres, dame de Courtrai, Jehane de Chauvegni, dame de Chasteau Raoul, la soie nièche, salus et amitié, aparellié à faire sa volenté. Très-chière dame, je vous merchi tant com je puis de ce qué vous avés envoié à moi por savoir mon estat, du quel jé vous fai savoir que, la merchi Diu, j'estoie saine et haitie quant ces letres furent faites, et, Madame, de mon seigneur de Chavegni dont il vous plaist à savoir, sachez qu'il a esté à ces tornois et est enchore sur le deffensse le roi, et me sire Jaques mes frère (2) avecques, et aviésmes noveles d’aus qu'il s’en aloient pour tornier au Bos le Due, et de vostre neveu aussi vos fai-je savoir qu'il estoit sains et haitiés. Très-chière tante, mandés-moi vostre estat et vostre volenté et je sui aparellié du faire à mon pooir et drois est. Nostre Sire vous gart (3). (1) En 1278 Béatrice de Courtray avait fait au duc de Brabant un premier prêt de 4,500 livres, qui avait été garanti par les villes de Louvain et de Bruxelles. (Archives de Rupelmonde, n° 458.) (2) Jacques de Châtillon, seigneur de Carency et de Leuze, gouverneur de la Flandre sous Philippe le Bel; il périt à la bataille de Courtray en 1502. (5) Archives de Rupelmonde, n° 522. ( 591 ) La dame de Châteauroux était fille de Gui de Châtillon et de Mathilde de Brabant, sœur de Béatrice. Son mari, Guillaume de Chauvigny, dont les domaines s’étendaient dans la plus grande partie du Berry, avait accompagné, en 1267, le comte de Poitiers avec vingt chevaliers à la croisade, et son nom se trouve cité à côté de celui de Guillaume de Dampierre dans une charte scellée au camp de Damiette, au mois de novembre 1249, où saint Louis se porte caution d’un emprunt fait à quelques marchands italiens. Du reste, toutes les châtelaines du moyen àge n’appor- taient point dans leur correspondance cette politesse, cette abondance de protestations humbles et respectueuses qui, du XIII” siècle, se sont perpétuées jusqu'à nos Jours. Ainsi dans le château de Nevele, une noble fierté que nourrissaient les glorieuses traditions de la première croisade (1), s’alliait à un caractère rude, obstiné, récal- citrant, témoin ce Jean de Nivelles ou de Nevele qu'un vieux dicton a rendu plus célèbre que tout ce que rappor- tent de lui les historiens du XV”° siècle (2). La dame de Nevele, issue de la maison de Béthune et entrée, par son mariage, dans la maison des sires de Mor- tagne auxquels appartenaient les châtellenies de Tournay et de Courtray, était, à ce point de vue, fort digne de porter ce nom, car elle était douée d’une volonté non moins énergique et du même esprit de contradiction et de résis- (1) Lesire de Nevele fut l’un des chevaliers qui partagèrent les exploits du comte de Flandre, Robert de Jérusalem. (2) Voyez notamment ce que Jacques du Clercq raconte de sa résolution d'aller, les armes à la main, délivrer le comte de Chatolais vaincu, selon une fausse rumeur, à la bataille de Montlhéry. (392 ) tance. Déjà on l'avait entendue se plaindre du testament de Roger de Mortagne, frère du sire de Nevele (1), qui, entre tous ses légataires, avait placé au premier rang ma- dame Béatrice de Courtray, et celle-ci, de son côté, s'était empressée de lui faire élever un magnifique monument dans l’église d’Espierres (2). Bientôt naquirent d’autres griefs. Béatrice crut pouvoir, comme dame de Courtray, disposer de la main des filles du sire de Nevele, qui avait été châtelain de cette ville. Elle fit épouser l’une à Gérard de Rodes (5), l’autre à un de ses serviteurs nommé Wautier du Ham ou de Hamme, qui fut bailli de Courtray et de Bruges et sergent du comte de Flandre (4); mais ce ne fut qu'après qu’elle eut garanti elle-même l'exécution des clauses matrimoniales relatives à la dot, dans le cas où elles ne seraient pas exécutées par ceux qui en étaient tenus (5). De son côté, la dame de Nevele s’adressa à Gui de Dam- pierre pour qu’il s’engageàt à faire respecter après sa mort ses dernières volontés, si l’on y mettait quelque obstacle, comme elle avait lieu de le craindre (6). Dans la lettre de la dame de Nevele que nous allons reproduire, on ne retrouve plus ces obséquieuses formules de salutation dont nous parlions tout à l'heure. L’exorde est ex abrupto. « Sachez que je ne dois rien, s’écrie la (1) Testament du 16 mai 1275. (Archives de Lille.) (2) Il ne serait peut-être pas sans intérêt d'extraire des documents dépo- sés aux Archives provinciales à Gand, le nom des architectes et des sculpteurs qui travaillérent à ce monument. (3) Gérard de Rodes fut l’un des chevaliers qui se signalèrent à la défense de Lille au mois de juin 1297. (4) Actes de 1282, 1295 et 1296. (Archives de Lille et de Rupelmonde.) (5) Charte du 51 janvier 1286 (v. st.). (Archives de Lille.) (6) Charte du 17 avril 1281. (Archives de Lille.) ( 395 ) » dame de Nevele; je ne crois pas que vous ayez un titre » à m'opposer. Lors même que vous me le montreriez, je » ne le croirais pas davantage, et je soutiendrais que le » titre est faux. En effet, j'ai confié mon scel à Wautier » du Ham, le gendre qué vous m'avez imposé : 1l a pu en » abuser. Quoi qu'il en soit, je suis plus sensible à vos » reproches qu’à tous les dons que vous avez prodigués à » ma fille. » Si la dame de Nevele ne craignait trop de scandale et de bruit, si li siècles, comme elle le dit elle- même, ne le tenist à trop grant oustrage, elle lui renver- rait tout. Quant à donner elle-même quelque chose, elle ne le fera jamais, dût-elle en appeler au jugement du comte de Flandre, et même du jugement du comte de Flandre à celui du roi de France. A haute dame et noble me dame de Courtray, Jehane, dame de Niviele. Dame, vous fai à savoir ke des trois cens livres de quoi vous m'avés semensé, saichiés ne cuich-je de riens estre redevable, ne ja ne kerrai ke vous en avés lettre de mi. Si les verrai et se ensi est, dame, ke vous les avés, donc dich-jou ke Wautiers dou Ham les a maisement et fausement saielées; kar le jour ke en espousa me fille, lui kierkai-jou men saiel à le diu foi et à le suiwe com à celui ki est mes homs, deus fies, com pour saieler les cuincquante liv. de terre, dame, desquels vous me priastes et, dame, bien vous doit sovenir quant vous m'aparlaistes de che ma- riage et Wautiers dou Ham ausi, ke je vous di ke je n’estoie mie aisie de me fille marier et ke j'estoie adonc plus au-desous ke je n'avoie esté pièche a, et donc desistes-vous, dame, ke il ne mi convenroit plus mettre ke cuincquante livrées de terre et ke vous li donriés chou ke mestier li seroit, et, dame, je ne le dis mie pour chui ke (ansi m'ait Dius) je haich plus le vilain reprovier ( 394 ) ke vous nous en avés fait et ore et autre fie ke je ne goiche les grans biens ke vous li avés fais, et je sai bien, dame, ke ele ne desiervi onques chou ke vous li avés doné, ne ausi ne fist-ele les paroles ke vous avés dites de li, pour que je vausisse bien ke vous eussiés retenu et l’un et l’autre et encore à ele quant ke vous oncques li donastes ki a contre faiche, et (se m'ait Dius), dame, se li siècles ne le tenist à trop grant outrage, je vauroiïe moult volentiers ke vous réuissiés tout. Et certes, dame, se vous ne m'en euissiés nient plus prié ke je fis vous, et vous et jou i euissièmes pau de damage; et d’endroit chele plegerie ke vous, dame, me mettés sus et s’il estoit ensi ke bien en fuisse plegie si en seoie-je acuitée, se j'en devoie le conte de Flandres et le roi de Franche poursuiwir tant ke j'euisse le moitié de me terre despendue, et certes si ameroie-jou miels à despendre le mien en poursuiwir le roi ke Wautiers mes fius me peuist de riens tenser et, dame, Nostre Sires soit warde de vous (1). Passons à deux autres lettres adressées à la dame de Courtray. L'une appartient, croyons-nous, à frère Amaury de Flines, depuis abbé de Marchiennes, que Béatrice avait chargé d’aller réclamer des prières pour l’âme de Guillaume de Dampierre, près des abbés et des béguines du Brabant, si nombreuses alors qu’on en comptait deux mille dans la vigne de Bruxelles. L'autre ne doit quelque importance qu’au nom de Jean de Vassoigne, qui devint plus tard évèque de Tournay et chancelier de France. Il y remercie Béatrice en termes fort humbles d’avoir reçu à son service un de ses neveux, et la prie de le traiter « en petit garçon. » Ce neveu de Jean de Vassoigne parvint aux honneurs de la mitre dans la riche abbaye de Saint-Amand. (1) Archives de Rupelmonde, n° 526. ( 595 ) La lettre de frère Amaury de Flines est écrite en latin; le style est peu élégant; mais tous les clercs ne possédaient point cette érudition, grâce à laquelle science et clergie élaient devenus deux mots synonymes. ; Illustri matronae dominae Beatrici juniori Flandriae comitissae, suus frater Amalricus, suas orationes, se ipsum el si quid poterit amplius. Nobilitati vestrae, domina mi, significo quod in crastino post- quam a vobis recessi, karissimo quondam domino meo a sin- gulis beginis de vinea juxta Bruxellam vu psalmos vel officium defunctorum, quae ad duo fere milia estimantur, et a singulis sacerdotibus ordinum fratrum minorum, carmelitarum, saccita- rum ibidem missas singulas procuravi. In erastino vero Palma- rum (4) idem a singulis beginis de Hovis juxta Lovanium et de Saneta Gertrude ibidem similiter procuravi et a sacerdotibus or- dinum praedicatorum, fratrum minorum, augustinorum , missas similiter singulares, de abbatiis duabus ibidem officium defunc- torum. Missas hic acquisitas estimavi ad centum et vir psalmos cum officiis defunctorum ad H"CC. Insuper, in Villa Ducis habui de singulis monialibus psalterium et in disciplinis et aliis observantiis quod valuit duplo amplius. Insuper in Villari habui de singulis sacerdotibus tres missas quas estimavi ad novies xx. (1) Si cette lettre, comme je suis disposé à le croire, a été écrite aussitôt après la mort de Guillaume de Dampierre, elle donnerait la date à peu près exacte du tournoi de Trazegnies. Le dimanche des Rameaux arriva, en 1251 (n. st.), le 9 avril. Ce tournoi, si fatal par son résultat, aurait donc eu lieu pendant le carême, et peut-être cette circonstance augmenta-t-elle le deuil de Béatrice, en rendant plus grave la transgression de la défense religieuse renou- velée à plusieurs reprises contre ces périlleux divertissements. On reprochait aussi au comte de Flandre, Charles le Bon, de s'y adonner trop volontiers. ( 596 ) Habemus etiam amplius quam Lx sacerdotes et a singulis mona- chis non sacerdotibus et conversis psalterium unum, quae ad cc et quatuor xx psalteria estimavi. Nundum, domina mi karissima, propter transacti temporis occupationem ad alia loca divertere potui quod cum quanto citius potero, fideliter sum facturus et vobis sicut modo quod impetrare potero remandabo. Pecuniam vestram nundum ex toto expendi quod postquam fecero vobis, karissima domina, distributionem ejus per ordinem declarabo. Bene valeat karissima domina, et Deus qui omnia potest, det vobis secundum meum desiderium sanitatem et pacem (1). Le style de Jean de Vassoigne est supérieur à celui de l'abbé de Marchiennes. Jean de Vassoigne passait pour l’un des hommes les plus habiles de son temps; et si jamais les hautes fonctions qu’il occupa semblent un titre aux honneurs d’une biographie exacte et complète, la lettre que nous publions sera peut-être un document unique pour l’histoire de la période la plus obscure de sa vie. A très-haute, très-noble et très-puissante dame, sa très-chière dame, ma dame Béatris, contesse de Flandres et dame de Courtrai, Jehans de Vausonnes, canoïnnes de Lauon, ses clers, service aparliet à tout son plaisir. Très-chière dame, saciés kil m’esteut (2) aler en nostre pais sans délai pour très-grans besoingnes ke l’archeveskes de Rains a à faire et l’éveske de Lauon ausi, liquel m'ont remandé en grant haste, pour la quel cose je vous proi ke vous me tengniés pour excusé et vostre. (1) (1251) Archives de Rupelmonde, n° 400. (2) K’il m’esteut, que je dois. ( 397 ) Saciés ke se je cuidoie ke vous eussiés très-grant haste de parler à moi, je eusse tout laissiet pour aler à vous, et s’il vous est besoins ou vous aiés volenté ke je voise vers vous, faites-le moi asavoir en mon pais dedens les octaves de la Saint-Remi : je laisserai toutes coses pour venir à vous. Très-chière dame, la pais ke vous avés faite au conte de Flandres (1) vous est onnorable, ce m'est avis, tant pour l’onneur de che ke si grans homes (2) l'a faite, tant pour che ke j'ai entendu d'aucune gent ke vous porrés avoir deus mile livrées de rente à vostre vie de che ke vous en avés, tant pour le péril ki estoit en plait (3) et la griété de vo cors et les coustances ki grans estoient, pour quoi je vous lo ke vous tenés vostre cuer en boin- nes pais. Moult vous merchi de mon neveu ke vous avés retenu ou ser- viche Henri (4) et ou vostre, et moult vous pri K'il soit tenus si bas ou serviche et si obéissans com li plus petis garçons ki 1 soit. Chière dame, vous remanderés et commanderés cou kil vous plaira, car je le ferai moult volentiers, et, pour Dieu, chière dame, tenés-me pour excusé à ore endroit ke je ne vois à vous (5). Diux soit garde de vous en cors et ame. Données à Arras, le venrendi après le Saint-Maihu (6). Toutes ces lettres se rapportent aux affaires politiques du XIIF”* siècle et aux nombreuses négociations qui en (1) Ceci se rapporte à la convention du 15 septembre 1285, qui avait réglé toutes les questions relatives au douaire dé Béatrice. (Archives de Lille.) (2) Charles d'Anjou, roi de Sicile, arbitre choisi par Gui de Dampierre et par Béatrice de Courtray. (5) En plait, dans le procës. (4) Je crois que Jean de Vassoigne désigne ici un neveu de Béatrice, Henri, depuis comte de Lodi. Il était fort jeune à cette époque. (5) Ke je ne vois, que je n’aille. (6) (24 septembre 1285.) Archives de Rupelmonde, n° 521. ( 398 ) furent la suite. Il eùt peut-être été plus intéressant pour nous de retrouver les traces de la généreuse protection que la dame de Courtray accordait aux chansons des trou- vères. Nos recherches et nos efforts pour atteindre ce but ont été inutiles, et à peine avons-nous découvert quelques lignes qui, dans cette série de vieux documents, nous per- mettent de placer à côté de la fille du duc de Brabant, et presque aussi haut qu’elle, une noble et gracieuse figure, celle de Béatrice d’Audenarde, qui reçut, à Courtray, les poétiques hommages de Gilbert de Berneville. C’est à la châtelaine d’Audenarde que nous attribuerons la lettre suivante, plus élégante que toutes les autres. Très-chière dame, je Béatris, vo créature, vous merchi tant ke je puis, nient tant ke je doi, et Dius vous puist merir le grant honeur ke vous me faites ki me voleis retenir avoecque vous, et saciés, douce dame, K'il n’est dame en tout cest monde avoee cui je fusse plus volentiers ke avoecque vous, et mout sui lie, douce dame, de le pourvance ke me dame doit faire d'une demisiele com cele ki de tout mon cuer désire à estre entour vous. Très-chière dame, si me mandeis et commandeis sour ce et sour toutes autres choses vo volentei le quele je sui, si ke drois est, apparellié de faire à men pooir. Très-douce dame, Nostres Sires soit warde de vous et vous doinst bone vie et longe (1). C’est pour Béatrice d’Audenarde que Gilbert de Berne- ville écrivait ces jolis vers où sa muse a retracé la source de ses inspirations : (1) Archives de Rupelmonde, n° 525. ( 399 ) Chanson, va-t’en à Courtray droitement : Ma dame di, de par son chantéor Se il lui plaist que te face chanter (1). L'illustre veuve du héros de la Mansourah à qui Marie de France dédiait ses poëmes comme « au mieux faisant » des chevaliers, était restée fidèle à sa mémoire aussi bien qu’à celle de ses propres aïeux en protégeant les lettres et les arts. C'était dans le château de Courtray, tout orné des statues des comtes de Flandre, brisées peu d'années après par les Picards de Charles VI, vainqueurs à Roosebeke, que Béatrice aimait à réunir Gilbert de Berneville, Gilles de Neuville, qui fut l'ami du sire de Berneville, Michel d’Auchy, qui eut mêmes goûts et même séjour; et nous placerions volontiers auprès d'eux Mahieu de Gand, Jos- selin de Bruges et tous ces poëtes de la Flandre qui ne connurent ni devanciers, ni imitateurs, parce qu'ils n’eu- rent pour s'inspirer qu’un seul rayon de paix et de lumière entre les malheurs de l'invasion de Philippe-Auguste et les désastres de l'oppression de Philippe le Bel (2). Béatrice de Courtray, qui avait vu la puissance de la maison de Dampierre dans tout son éclat, mourut assez tôt pour ne pas être témoin de son humiliation et de sa décadence. Sa vie s’acheva le 11 novembre 1288. (1) Trouvères de la Flandre, par M. Arthur Dinaux, p. 196. (2) Gilles de Neuville figure comme témoin dans la charte de 1285, qui règle les prétentions de Béatrice. (Archives de Courtray et de Lille.) Quelques vers de Gilles de Neuville sont adressés à Gauthier de Vormizeele., — Le nom de Michel d’Auchy, dont nous regrettons plus vivement les poésies, en lisant la notice que lui a consacrée M. Dinaux (Zrouvères de la Flandre, p. 520), se retrouve aussi dans une charte du mois de février 1285, relative à la dame de Mortagne, (Archives de Lille.) ( 400 ) En 1280, elle avait fait un pèlerinage à Rome, au tom- beau des Apôtres, et elle laissait après elle, comme un monument de sa piété, cette célèbre abbaye de Groeninghe qui, peu d'années plus tard, devait voir Gui de Namur, neveu de Béatrice , triompher en invoquant Notre-Dame de Groeninghe, tandis que, sous l’étendard fleurdelisé, succombaient trois autres de ses neveux, Robert d'Artois, Jacques de Châtillon et Jean de Brienne, et avec eux un frère de Guillaume de Chauvigny, qui était devenu, par je ne sais quelle aventure chevaleresque, roi de Mélide en Arabie. ( 401 ) Séance publique du 9 mai 1855. M. LECLERCQ, directeur. M. le baron DE GERLACHE, vice-directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, J.-J. De Smet, De Ram, Gachard, Ad. Borgnet, le baron Jules de Saint-Genois, David, Paul Devaux, Schayes, Snellaert, Carton, Haus, Bormans, Polain, le baron J. De Witte, membres ; Nolet de Brauwere Van Steeland, associé; Ch. Fai- der, Arendt, Ed. Ducpetiaux , Ad. Mathieu, Serrure, Ker- vyn de Lettenhove, correspondants. Assistaient à la séance : Classe des sciences : MM. And. Dumont, vice-directeur; d'Omalius-d’Halloy, Sauveur, Wesmael, Martens, Can- traine, Stas, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, Ed. de Selys-Longchamps, H. Nyst, Gluge, Schaar, mem- bres ; Schwann, associé; Brasseur, Mareska, correspondants. Classe des beaux-arts : MM. Fétis, directeur ; De Keyzer, vice-directeur; Alvin, G. Geefs, Navez, L. Roelandt, Jos. Geefs, Érin Corr, Snel, Fraikin, Partoes, Baron, Ed. Fétis, Ed. De Busscher, membres: L. Calamatta, associé; Bosselet et Ad. Siret, correspondants. La séance est ouverte à une heure. M. le Secrétaire perpétuel donne lecture d’une notice biographique sur Ph. Lesbroussart, membre de l'Acadé- ( 402 ) mie. Cette notice sera insérée dans l'Annuaire de l'Aca- démie pour 1855. M. le baron de Gerlache, vice-directeur de la classe, a pris ensuite la parole pour lire un Fragment historique sur Charlemagne (1) : MESSIEURS, Charles-Martel, ce glorieux fils de la Liégeoise Alpaide et de Pépin d’'Herstal (2), avait sauvé l’Europe à Poitiers. Mais pour récompenser ceux qui l'avaient suivi à la guerre, il leur distribua les domaines de l'Église, des abbayes et jusqu’à des évêchés. Ces abus, qui étaient anciens dans l'État, se propagèrent sous ses successeurs. Charlemagne essaya d'arrêter le mal, sans pouvoir en extirper les ra- cines. Mais les services signalés que Charles-Martel rendit à la chrétienté en repoussant les hordes d’Abderam prêtes à l’inonder, la protection qu’il accorda à saint Willibrod et à saint Boniface dans leurs efforts pour convertir les Francs, les Thuringiens et les Saxons, prouvent qu’il avait conservé la foi de ses ancêtres, et doivent lui mériter quel- que indulgence aux yeux de l’histoire. Il y avait au delà d’un siècle (752) que la famille des Pépin, l’une des plus riches et des plus puissantes de la nation, gouvernait le royaume des Francs, lorsque l’on (1) Fragment destiné à faire partie d'une nouvelle édition de l’/ntroduc- tion à l’Histoire de Belgique. (2) J'ai donné des détails assez étendus sur Pépin d'Herstal et sur Alpaïde, dans mon Æistoire de Liège ; je crois inutile d'y revenir ici ( 405 ) fit demander au pape Zacharie, de la part du duc et des principaux seigneurs : € à qui il convenait de donner le » titre de roi, ou bien à celui qui l'était de fait, puisqu'il » en exerçait l'autorité, ou bien à celui qui n’en possédait » que le nom? » Le pape répondit que le titre devait appartenir à celui qui, de fait, en remplissait les fonc- tions. La race mérovingienne, depuis longtemps dégénérée, était enfin tombée dans le mépris. Et l’on peut s'étonner, lorsque l’on considère tous les crimes, les assassinats, les adultères, les trahisons, toutes les infamies dont elle s'était souillée, qu'elle ait conservé le trône aussi longtemps. Ces rois n’en descendirent qu'à force de làcheté, et après avoir mérité le nom de fainéants, qui devait être si odieux à une nation belliqueuse (1). Plus tard, les Carlovingiens furent dépossédés à leur tour lorsqu'ils perdirent les vertus qui les avaient distingués. C’est l’histoire de toutes les races royales, et même de toutes les familles particulières qui ont joué un rôle quelconque dans ce monde. Après une longue suite de guerres, Pépin le Bref avait réuni sous son sceptre l’Austrasie, la Neustrie, la Bour- gogne, l’Aquitaine , la Bretagne, vaincu les Saxons et les Frisons, lorsque le pape Étienne III vint implorer son secours contre les Lombards. Astolphe, leur prince, fut contraint de lui céder l’exarchat de Ravenneet la Pentapole, dont le roi franc fit don à Saint-Pierre, c’est-à-dire à l'église de Rome (754). Telle fut l’origine de la puissance temporelle des papes, confirmée et accrue par Charlema- (1) Eginhard trace un admirable portrait de cette race dégénérée, au commencement de sa Vie de Charlemagne. ( 404 ) gne, et qui délivra pour jamais Rome de l'intolérable domination des Lombards. Cette donation, qui atteste à la fois la piété et la sage prévoyance de Pépin et de Charle- magne, est un des actes les plus remarquables de la poli- tique chrétienne. Ne convenait-il pas en effet que celui qui est revélu de la plus haute autorilé qui soit au monde, comme dit Bossuet, fût indépendant de ceux sur lesquels il devait l'exercer ? Supposez le Pontife suprême, sujet de l’une ou de l’autre des puissances qui se partagent l'Europe, quel rôle y jouera la papauté? Les papes, même depuis qu'ils sont devenus souverains à Rome, au milieu des guerres étran- gères ou des factions, n’ont pas pu loujours s’y maintenir paisiblement; et ces temps de persécution ou d'exil ont été le plus souvent accompagnés de schismes et des plus déplorables calamités. Nul gouvernement n’est fondé sur des titres plus légitimes et plus sacrés que celui-ci, sur une possession plus longue et mieux reconnue; nul prince n’a régné plus modérément, plus justement, plus sage- ment, quels que soient les reproches que l’on peut adresser à un très-petit nombre de papes, reproches d’ailleurs qui atteignent l’homme et non le pontife. Aussi, de nos jours, lorsqu'on a essayé de rétablir l'ordre en Europe, avons- nous vu toutes les puissances d'accord pour restituer au successeur de saint Pierre les États dont la violence l'avait dépouillé et pour maintenir la grande idée carlovingienne. C’est que l’on a considéré que sa cause n’était pas celle d’un souverain ou d'un peuple, mais la cause de la chrétienté tout entière. Charlemagne est un homme d’une si prodigieuse stature que l’histoire doit renoncer à le peindre autrement que par le récit de ses actions. Doué d'une physionomie majes- ( 405 ) tueuse, d’une taille élevée, d’une puissante corpulence, il avait la voix claire et retentissante, la parole facile, une incroyable activité, une grande vigueur de corps et une invincible énergie de volonté (1). Pendant un règne de quarante-sept ans il mit à fin cinquante-trois expéditions militaires. Il fit de bonne heure l’apprentissage du rude (1) Nous rassemblons ici quelques traits, empruntés à Eginhard, et qui peignent Charlemagne au naturel. « Charles, ait-il, était gros et robuste, d’une taille élevée et bien proportionnée. Il avait le sommet de la tête rond, les yeux grands et vifs, le nez long, la physionomie ouverte et gaie. Sa per- sonne respirait la dignité et commandait le respect. Sa voix, quoique per- çante, paraissait trop grêle pour son corps. Il aimait les exercices du cheval et de la chasse; c'était chez lui une passion de famille, car à peine trouverait- on dans toute la terre une nation qui püt y égaler les Francs. Il aimait les bains d’eau naturellement chaude. Pour satisfaire ce goût, il bâtit à Aix-la- Chapelle un palais qu’il habita constamment les dernières années de sa vie. Son costume ordinaire était celui de ses pères, l'habit des Francs; l'hiver, un justaucorps de peau de loutre lui garantissait les épaules et la poitrine contre le froid. Toujours il était couvert de la saie des Wénètes.. Deux fois seulement, dans les séjours qu'il fit à Rome, d’abord à la prière du pape Adrien, ensuite sur les instances de Léon, successeur de ce pontife, il con- sentit à prendre la longue tunique, la chlamyde et la chaussure romaine... Sobre dans le boire et le manger, il avait l’ivrognerie en horreur... Élevé dès sa plus tendre enfance dans la religion chrétienne, il l’honora toujours avec une piété exemplaire. JL bâtit à Aïx-la-Chapelle une basilique superbe qu'il enrichit d’une grande quantité de vases d’or et d'argent, de marbre transportés de Rome et de Ravenne, de portes et de grilles en bronze massif. Il s’y rendait exactement pour les prières publiques et allait même aux oflices de la nuit tant que sa santé le lui permit, veillant attentivement à ce que les cérémonies s’y fissent avec décence. 11 mit le plus grand soin à réfor- mer la manière de réciter et de chanter les psaumes; lui-même y était fort habile, quoiqu'il ne chantât qu'à voix basse, avec le commun des fidèles. Toujours porté à soutenir les pauvres et à prodiguer les aumônes, il ne bor- nait pas ses charités à ses seuls États. Au delà des mers, en Syrie, en Égypte, en Afrique, à Jérusalem, à Carthage, partout où il savait des chrétiens dans la misère, il y envoyait des secours. v ToME xx, — ['* PART. 29 ( 406 ) métier des armes sous son glorieux père. Héritier (769) de ces vieilles phalanges qui, sous trois générations de héros, s'étaient promenées par toute l'Europe et avaient combattu les plus indomptables nations, tout pliait devant Jui. Rien ne le rebutait, ni les travaux, ni les dangers, ni la longueur, ni la difficulté des entreprises ; il supportait avec la même égalité d'âme les succès et les revers. Ses lieutenants essuyèrent parfois de sanglants échecs, mais partout où Charles assistait en personne, la victoire se déclarait en sa faveur (1). Comme toutes ses guerres furent heureuses et qu'il distribuait libéralement d'immenses dépouilles à ses généraux et à ses soldats, il exerçait sur eux un prestige irrésistible (2). Il surmonta tous ses enne- mis, et jamais vainqueur ne montra plus de modération. On ne le vit point, comme les hommes vulgaires, ne mettre aucune borne à ses passions, parce que la fortune n'en mettait aucune à sa puissance. Soldat et conquérant, (1) Après une brillante expédition en Espagne, son arrière-garde fut écra- sée dans une retraite à Roncevaux, non à la suite d’une bataille, mais d’une surprise au milieu de montagnes inabordables où la défense était impossible. C'est à Roncevaux que périt Roland, l'un de ses généraux , auquel les poëtes et les romanciers ont fait une si prodigieuse et si fabuleuse renommée. (2) Ils dépouillérent les Huns qui avaient dépouillé l'univers. « Les Huns, » dit Éginhard, perdirent dans ces guerres toute leur noblesse, virent périr » toute leur gloire, on leur enleva tout leur argent et tous les trésors qu'ils » avaient amassés depuis longues années. De mémoire d'homme, les Francs » n'avaient fait aucune guerre dont ils eussent rapporté un butin plus abon- » dant et de plus grandes richesses. Jusqu'à cette époque on aurait pu les » regarder comme pauvres; mais alors ils trouvèrent dans le palais du roi » des Huns tant d’or et d'argent, et rapportèrent des combats tant de » précieuses dépouilles, qu'on est fondé à croire que les Francs ravirent » justement aux Huns ce que ceux-ci avaient injustement ravi aux autres » nations. » (J’ie de Charlemagne.) ( 407 ) il aimait la paix et respectait le clergé; barbare d’origine, il comprit la civilisation romaine et en recueillit soigneu- sement les débris. « Vaillant, savant, modéré, dit Bossuet, » guerriersans ambition, ses conquêtes prodigieuses furent » la dilatation du règne de Dieu, et il se montra très- » chrétien dans toutes ses œuvres. » Cet homme, si redoutable aux yeux de ses ennemis, aimait à vivre et à se reposer au sein de sa famille. Simple et cordial, il contractait facilement des amitiés, et les cul- tivait avec un soin scrupuleux, dit Éginhard ; il était si attaché aux siens qu'on l’a accusé d'avoir poussé, à leur égard, la bonté jusqu’à la faiblesse (1). On a souvent comparé Charlemagne à Napoléon ; on a dit que c'était le même génie législateur et guerrier , la même activité, la même aptitude à toutes choses, la même protection accordée à la religion, considérée par tous deux comme base de l’ordre social. Mais en y regardant de plus près on trouverait, je crois, entre eux plus de différences que de ressemblances. Charlemagne vint à une époque de barbarie générale , et il s’efforça de tout reconstruire , en empruntant aux institutions romaines, combinées avec le "ON (1) À la mort du pape Adrien, son ami le plus dévoué, on le vit pleurer cemme s’il eût perdu un frère ou le plus cher de ses enfants. Charles lui composa une épitaphe touchante dont nous citerons quelques vers : Post patrem lacrymans Carolus haec carmina scripsi, Tu mihi dulcis amor, te modo plango pater. Nomina jungo simul titulis clarissima nostra : Adrianus, Carolus ; rex ego , luque paler, Tum memor eslo tui nati, pater oplime posco, Cum patre dic natus pergat et isle tuus. Quisque legas versus , devoto pectore supplez , Amborum mitis, dic, miserere Deus. ( 408 ) christianisme, ses principes essentiels de gouvernement. Napoléon parut à une époque de civilisation avancée, après une grande perturbation politique et sociale, et il essaya de restaurer l'État, par une espèce de transaction entre les nouvelles idées révolutionnaires et les anciennes traditions monarchiques et chrétiennes. De sorte que, si, d'une part, il refréna la révolution, de l’autre , il Lorga- nisa et la vivifia. Quant à sa conduite religieuse, elle eût beaucoup répugné à celui qu'il appelait son auguste prédé- cesseur. Charlemagne fut le constant protecteur de l'Église, dont il affermit et défendit le pouvoir temporel et spiri- tuel contre tous ses ennemis; et Napoléon, après avoir rappelé les prêtres, rouvert les temples, et s'être fait sacrer par le pape, essaya d’enchainer l'Église, fit le pontife pri- sonnier et lui ravit ses États : il est douteux que pour lui la religion ait jamais été autre chose qu'un moyen de gouvernement. Enfin, tandis que Charlemagne, dans ses conquêtes, n'avait en vue, comme dit Bossuet, que le triomphe de la cause de Dieu et la pacification des peu- ples, Napoléon, dans ses guerres à outrance, parait n'avoir songé qu’à l’accroissement indéfini de son pouvoir et de sa domination. Napoléon eroyait en lui et en son étoile, qui ne lui avait jamais manqué, jusqu'à ses deux dernières campagnes; l’autre croyait à sa mission divine, et cette foi ajoutait une force immense à sa force personnelle. Ce sont là comme les deux pôles opposés de l'esprit humain! Celui- là fut vainqueur de ses ennemis jusqu'à sa dernière heure; il descendit puissant et glorieux dans la tombe, et vous savez comment finit l’autre. Ne vous semble-t-il pas qu'il y avait dans le cœur du premier quelque chose qui man- quait au dernier? Enfin, si vous avez égard aux Lemps, si vous considérez l’homme et le prince, dans leur ensemble, PT ( 409 ) vous penserez peut-être que Charlemagne fut le génie le plus complet, le plus puissant organisateur, la plus haute personnification de la royauté qui ait jamais paru dans le monde. Cette illustre famille des Pépin peut être envisagée comme un seul homme dont l'existence se prolongerait à travers une suite de générations, animé du même esprit, attaché à la même politique, poursuivant le même but, la consolidation de l'empire des Francs, au dedans, par la fusion des races, au dehors, par la force des armes et la propagation de la foi chrétienne. Charles n’établit sa résidence ni à Rome, ni à Ravenne, ni dans les cités impériales des Gaules, mais aux lieux qui furent le berceau de sa famille. 11 n’oublia jamais sa vieille patrie germanique, dont il conserva, disent les historiens, les habitudes militaires , les mœurs simples et le pourpoint de peau de loutre, au milieu de ses officiers couverts d'or et de soie. Pendant les seize premières années de son règne, il passe la plus grande partie de ses hivers à Herstal, vil- lage près de Liége, sur la Meuse; il y revient de préférence lorsqu'il n’est pas retenu au loin par quelque expédition militaire. I] affectionnait tellement ce séjour que nous li- sons dans Éginhard, qu'ayant dû passer l'hiver en Saxe avec son armée, il bâtit un camp près du Weser auquel il donna le nom de Herstal. Cependant il finit par abandon- ner cette demeure, qui peut-être ne lui paraissait plus assez grande ou assez centrale, et durant les vingt der- nières années de sa vie, il séjourna le plus souvent à Aix-la-Chapelle. Il y fit construire un palais magnifique contenant des salles spacieuses pour la tenue des parle- ments et des conciles, pour le logement des députés des provinces et des officiers de l'Empire. (#0) Là, il recevait les ambassadeurs de tous les peuples du monde, des Saxons, des Lombards, des Arabes, des em- pereurs de Constantinople, d'Haroun-Al-Raschid, le cé- lèbre calife; là, au retour du printemps, il réunissait la grande assemblée des Francs pour conférer avec eux des besoins de l'État et de la prochaine guerre, car la nation des Francs était toujours en guerre : et puis, l'automne venue et la campagne terminée, il allait chasser les ani- maux féroces dans la forêt des Ardennes, chasse dange- reuse, qui plaisait beaucoup aux Francs; puis enfin, le très-grand et très-pieux Empereur, comme on l’appelait, revenait célébrer à Herstal ou à Aix, les fêtes de Noël ou de Pâques. Chose étrange ! Éginhard qui fut l'homme de confiance, l'intendant, le secrétaire de Charlemagne, pendant lon- gues années, qui posséda toute sa faveur et son amitié, qui fut, si l'on veut en croire certaine tradition, l'époux d'une de ses filles, ne sait rien, ni de sa naissance, ni de son enfance, ni de sa jeunesse. Les uns le font naître à Ingelheim, près de Mayence, d’autres à Jupille, près de Liége. Un écrivain français a émis le vœu de voir la France et l'Allemagne s'entendre pour élever une statue à ce grand homme; il voudrait, dit-il, qu’elle füt placée sur la fron- tière des deux pays. Qu'il nous soit permis de rappeler ici que Charlemagne, sa famille et son peuple étaient Ger- mains d’origine; qu’au siècle de Charlemagne, la France actuelle n'existait point; qu'il n'existait que le vaste em- pire des Francs, lequel embrassait les Gaules, par eux conquises, avec tant d’autres contrées soumises à leur do- mination. Il nous semble que notre Belgique, qui fut le berceau de la race de Charlemagne, et peut-être de Char- lemagne lui-même, aurait bien aussi quelque droit de ( 411 ) réclamer cet honneur. Il nous semble que la statue de Charlemagne, érigée à Liége, tout près de Jupille et de Herstal, ne serait pas plus déplacée que la statue de Char- les-Quint ne le serait à Gand, et que celle de Godefroid de Bouillon ne l’est à Bruxelles. Pépin de Herstal, Charles Martel et Pépin le Bref (1) avaient laissé une brillante renommée; Charlemagne les surpassa tous et sa gloire éclipsa la leur. Ce qui le dis- tingue particulièrement, comme tous les grands organi- teurs, c’est l'amour impérieux de l'ordre et de l’unité, Pesprit d'initiative, et cette rectitude de sens qui est le véritable apanage du génie. Son règne présente le modèle de l’accord parfait du pouvoir civil et du pouvoir reli- gieux (2). Il vit la religion de si haut qu’il en prit le parti non-seulement contre ses ennemis naturels, mais souvent contre le clergé lui-même, qui ne se ressentait que trop de la contagion de l’époque. Toutefois ceux qui s’imaginent que la politique seule le dirigeait dans cette constante sollicitude qu'il témoigna pour les intérêts de l’Église, se trompent. La foi chrétienne était innée dans le cœur de ses ancêtres. Pépin de Landen, (1) Pépin de Landen fut maire du palais sous Dagobert, depuis 622 jus- qu’en 639 , époque de sa mort. Le second Pépin, dit de Herstal, chef des Austrasiens, devint, en 689, maitre des royaumes de Neustrie et de Bour- gogne, qu’il gouverna avec le titre de duc ou de prince des Francs, jusqu’à sa mort, en 714. Charles-Martel, maire du palais, en 716, mourut en 741. (2) Charlemagne se pare du titre de défenseur dévoué de l'Église et d'auxiliaire du Saïnt-Siége apostolique en toute chose : « Karolus, gratiâ » Dei, rex, regnique Francorum rector, et devotus sanctae Ecclesiae defensor » atque adjutor, in omnibus rebus, apostolicae sedis, etc. » V. le premier capitulaire de Charlemagne dans le 1. III des Monumenta Germaniae de Pertz. ( 412) Itte sa femme et Gertrude sa fille (1), fondateurs du céle- bre monastère de Nivelles, moururent en odeur de sain- teté, saint Arnould, évêque de Metz, était le grand-père de Pépin d’Herstal du côté maternel ; Carloman, frère de Pépin le Bref, quitta la couronne pour embrasser l’état mouastique; enfin, Pépin le Bref se signala par sa magna- nime générosité en faveur de l’Église romaine. Charlemagne comprit que la société repose sur deux bases essentielles : sur le principe religieux, sans lequel il n’y a pas d'État solide, et sur la force matérielle, qui est nécessaire pour la défendre contre ses ennemis. Il mit la force au service du droit : et le droit, pour lui, c'était l'Évangile enseigné par l’Église. Là est la clef de toute sa conduite. Chef d’une nation guerrière et demi-bar- bare, pressée au nord par l’arrière-ban des peuples ger- mains, el au midi par les hordes mahométanes, il se trouve engagé dans une suite de guerres qui ont pour motifs la conservation de ses propres États, dont la défense était celle de la chrétienté. Il a guerre partout : avec les Aqui- tains, les Gascons et les Sarrasins; avec les Lombards, seuls ou alliés aux Grecs; avec les Bavarois, les Saxons, les Huss, les Esclavons, les Danois. Quand il est aux prises avec les Sarrasins, il apprend que les Saxons se révolient; quand il à dompté ceux-ci, l'incendie se rallume sur un autre point. Partout des rébellions et des complots : sa vie n’est qu'une course du nord au midi, de lorient à l’oc- cident. 11 déploie une prévoyance, une vigueur, une rapi- dité de mouvements qui entraine tout, qui surmonte out, qui abat toutes les résistances. Ses armées sont si nom- (1) Voyez Butler, Vies des Pères, martyrs (édition donnée par M. le cha- noine de Ram), 21 février, 17 mars et 8 juin. ( 415 ) breuses, si aguerries, si habiluées à vaincre, qu'au bruit de son approche les peuples sont glacés d’épouvante. Le moine de S'-Gall emprunte la forme épique pour peindre la terreur que produisait la présence de Charles sur ses enne- mis : la mise en scène peut être de l'imagination de l’auteur, mais à coup sûr l’effet est fidèle et saisissant de vérité (1). (1) Le moine de S'-Gall écrivait, environ 70 ans après la mort de Char- lemagne : « Tout ce qui se rapporte à l'état de l’Église et aux relations de l'Empereur avec les évêques ou les clercs, cet auteur le tenait de Wernebert ou Werenbert, célèbre moine de S'-Gall, contemporain de Louis le Débon- paire et de Charles le Chauve. Tout ce qui a trait aux guerres de Charlemagne, à sa vie politique et domestique, il l'avait entendu conter par Adalbert, père de ce même Wernebert, et l’un des guerriers qui, à la suite du comte Gerold, ayaient pris part aux expéditions de Charlemagne contre les Saxons, les Esclavons et les Avares, qu’il appelle les Huns. Il avait aussi recueilli les récits d’une troisième personne qu’il ne nomme pas. À coup sûr, peu d’écri- vains de ces temps barbares nous font aussi bien connaître leurs autorités, et peu d’autorités semblent mériter plus de confiance que celles qui sont ici indiquées. » (Guizot, Notice sur le Traité des faits.et gestes de Charles le Grand, roi des Francs et empereur , par un moine de S'-Gall.) Le moine de S'-Gall n’est ni un historien ni même un annaliste, propre- ment dit; c'est un curieux collecteur d’anecdotes et de contes populaires dont le principal mérite est de faire connaître l'opinion que le vulgaire avait gardée du héros dont tout le monde parlait, et qui semblait grandir encore en s’éloi- gnant. Lorsque deux ou trois siècles plus tard les romanciers se sont emparés du nom fameux de Charlemagne, mélant la fiction à la réalité, ils lui ont prêté des exploits qui appartenaient à d'autres époques, comme les poëles de la Grèce attribuaient à Hercule les actions de plusieurs autres demi-dieux. Ainsi, au temps des croisades, on a supposé, dans des histoires ou des romans, que Charlemagne, le grand et orthodoxe Empereur , avait fait jadis un voyage en terre sainte; sans doute pour donner par un tel souvenir un nouvel élan au mouyement populaire qui entraînait toute la chrétienté contre l’islamisme. Trois siècles après sa mort, on a inventé, sous le nom de l’évêque Turpin, une histoire intitulée, de Vita Caroli Magni et Rolandi, où l'on raconte les prouesses du célèbre guerrier et de son neveu Roland, en Espagne. C'est de là que date la grande réputation du héros de l’Arioste, de ce Roland dont l'histoire véritable ne dit qu'un mot, en passant, pour annoncer sa déconfi- ture et sa mort tragique à Roncevaux. ( 414 ) a Charles, dit-il, ayant épousé la fille de Didier, roi des Lombards, la répudia peu de temps après, parce qu’elle était d'une mauvaise santé et incapable de lui donner des enfants. Didier, irrité de cet affront, leva l’étendard de la révolte, rassembla une armée et se fortifia dans les murs de Pavie. Charles, à cette nouvelle, se hâta d’accourir en ltalie. Didier avait alors à sa cour un seigneur nommé Ogger (1), jadis attaché à Charles, mais qui, ayant en- couru la disgrâce de son maître, s'était réfugié chez son ennemi. Lorsqu'ils apprirent que le redoutable monarque arrivait, ils montèrent sur une tour élevée, afin de le voir venir de loin. Ils aperçurent d’abord ses prodigieuses machines de guerre, telles que pouvaient en trainer avec elles les innombrables armées de Darius ou de Jules César. « Charles (demande Didier à Ogger), est-il avec cette » grande armée? — Non, » répondit celui-ci. Le Lom- bard, voyant ensuite paraître une troupe immense de sol- dats, dit à Ogger : — « Certes, voilà Charles qui s’avance ».au milieu de cette foule! — Non, pas encore , et il ne » paraîtra pas de sitôt, » réplique ce dernier. —« Que pour- » rons-nous donc faire, reprit Didier, qui commençait à » avoir peur, s’il en vient encore d’autres? — Vous le ver- » rez tel qu'il est, quand il paraîtra, répondit Ogger, mais » pour ce qui arrivera de nous, je l’ignore. » — Pendant qu'ils devisaient ainsi, parut le corps des gardes, qui ne connaît jamais de repos. A cette vue le Lombard, saisi d’effroi, s’écrie : « Pour le coup, c’est Charles! — Non, » reprit Ogger, pas encore, et pas de sitôt! » A la suite de ceux-là, viennent les évêques, les abbés, les clercs de (1) D’autres l’appellent Otker. A 7 £ (415) la chapelle royale et les comtes. Alors, Didier, ne pouvant plus supporter la lumière et croyant voir la mort en face, s'écrie en sanglottant : « Descendons, cachons-nous dans » les entrailles de la terre, loin de la fureur de ce terrible » ennemi! » Ogger, qui connaissait la puissance redou- table de Charles, pour l'avoir vue de près dans des temps meilleurs, dit alors à Didier : « Quand vous verrez d'épais- » ses forêts de lances horriblement agitées comme les épis » de vos champs au souffle de la tempête; quand vous » verrez le sombre Pô et le Tessiz inonder les murs de » votre ville de leurs flots noircis par le fer, alors vous » pourrez croire à l'approche de Charles (1)! » I] n'avait pas fini ces paroles qu’on vit poindre, au couchant, comme un nuage ténébreux, soulevé par le vent du nord-ouest, qui convertit le jour le plus clair en ombres horribles. Alors, l'Empereur s’avançant de plus en plus, l'éclat de ses armes refléta sur la ville une lueur plus terrible que la plus terrible nuit. Puis parut Charles lui-même, cet homme de fer, la tête couverte d’un casque de fer, les mains garnies de gantelets de fer, la poitrine de fer, les épaules défendues par une cuirasse de fer, la main gauche armée d’une lance de fer, car la droite, il la tenait toujours étendue sur son invincible épée. Son vigoureux coursier était bardé de fer. Tous ceux qui précédaient le monarque, tous ceux qui marchaient à côté de lui, tous ceux qui le suivaient, tout le gros de l’armée avaient des armures semblables, autant que les moyens de chacun le leur per- (1) Quando videris, inquiens, segetem campis inhorrescere ferream , Padumque et Ticinum marinis fluctibus ferro nigrantibus muros civi- tatis inundantes , tunc est spes Karoli venientis. — Pertz, Honum. Germ. ÆAistor. Scriptor., 1. Il, p. 759. (416 ) mettaient. Ce fer si dur était porté par des hommes d’un cœur plus dur que le fer. « Que de fer, hélas ! que de fer ! » Tels étaient les cris confus que poussaient les citoyens. Enfin Ogger dit à Didier : « Voici celui que vous cher- chez! » et il s’affaissa sur lui-même comme inanimé. » — Je dis que le fonds de ce récit doit être vrai, quoiqu'il y ait peut-être de l'affectation et de l’exagération dans la forme. C'est le défaut commun à tous les écrits du temps. Mais la peinture en elle-même a trop de grandeur pour avoir été inventée par le moine de S'-Gall. Ces terribles Saxons contre lesquels il guerroya plus de trente années (de 772 à 804), étaient des Francs de même origine que ses propres sujets : les ancêtres de ceux-ci, après avoir conquis les Gaules, s'étaient policés en deve- nant chrétiens et en s’attachant au sol. De sorte que si Charles eùt été vaincu, ses peuples mêmes retombaient au paganisme et à la barbarie, et toute trace de civilisation était perdue dans l'Occident (1). C’est là le service essen- tel qu'il rendit à l'Europe et dont les calamités des règnes suivants ne sauraient effacer le souvenir. La lutte fut longue et acharnée. Charles trouva ici un rival digne de lui, égal à lui peut-être, quant au génie guerrier, et qui se défendit avec un courage obstiné pendant quatorze années. Witükind, faisant taire les divisions intérieures pour ral- lier toutes les forces nationales contre un ennemi commun, allait encore recruter des auxiliaires chez les Danois, chez ces fiers Normands, auxquels il enseignait le chemin du grand Empire, qu’ils ne devaient plus oublier. Wittikind, (1) Plus loin, en parlant des Capitulaires , nous rapporterons quelques texles, curieux monuments des mœurs féroces de cette nation. ( 417 ) dont la résistance avait coûté si cher à Charles, et qui avait donné de si rudes leçons à ses généraux, fut dompté par l'Évangile. Charles lui députa de saints évêques et obtint de lui par la persuasion ce que la force n’en eût point obtenu. Le héros saxon se fit chrétien, jura la paix avec les Francs et leur garda depuis une fidélité inviolable. Les missionnaires venaient à la suite des armées : à mesure que celles-ci conquéraient, ceux-là convertissaient. Charles érigeait des églises, établissait des couvents, et achevait par la prédication et l'enseignement, par le défrichement du sol et des intelligences, l'œuvre commencée par la victoire. Les Germains ne pouvaient avoir que du mépris pour les Romains de leur temps, race amollie, dégénérée et vaincue. A un État nouveau, il fallait un sang nouveau. Mais de ces hommes si durs, et plus durs que le fer, on pouvait tout espérer, si, en leur conservant leur énergie belliqueuse et native, on parvenait à les plier à une forte discipline mo- rale. Telle fut l'œuvre entreprise par Charlemagne. Il se considérait comme une sorte d'évêque laïque, ministre de Dieu et auxiliaire du Pontife suprême : c'est assurément la plus grande idée que jamais prince chrétien ait conçue de la royauté. Il s’érigeait en réformateur, mais en enfant soumis de l'Église, ayant toujours les yeux tournés vers le Saint-Siége, qui lui servait de boussole, et vers le clergé, qu'il s'efforçait d'élever à la hauteur de lapostolat (1). (1) La piété de Charles est ardente et infatigable. Il s'adresse au pape Léon II] lui-même pour exciter son zèle contre les abus qui règnent dans le clergé, et Charles semble parler avec l'autorité d’un docteur. Voici ce qu'il mande à Angilbert, partant pour Rome, en 796 : « Admoneas eum (papam) » diligenter de omui honestate vitae suae, et precipue de sanctorum obser- (M8 ) Charles se rattachait à Rome par divers motifs : parce qu'il trouvait là le plus solide appui pour ses grands desseins; parce que Rome était le centre de toute autorité morale, et le foyer où resplendissaient encore quelques lueurs de cette vieille civilisation païenne, qu’il voulait raviver en l'épu- rant au flambeau de l'Évangile. Le Pape, de son côté, avait » vatione canonum, de pia sanctae Dei ecclesiae gubernatione, secundum » opportunitatem collationis inter vos et animi illius convenientiam. Inge- » rasque ei saepius, quam paucorum ille, quam praesentialiter habet anno- » rum, quam multorum est perpetualiter merces, quae datur bene laboranti » eo. Et de simoniaca subvertenda haeresi, diligentissime suadeas illi, quae » sanctum ecclesiae corpus multis male maculat in locis. » (Baluz., Capitul., t. I, p. 271. Lettre de Charlemagne.) L’entière soumission de Charlemagne au Saint-Siége ne peut être l'objet d'aucun doute. Sous Adrien I‘, prédécesseur de Léon III, eut lieu le second concile de Nicée, où l’on s’occupa des honneurs à rendre aux images. Une copie, mal traduite, des actes de ce concile, fut adressée aux évêques francs qui, ne connaissant point le grec, crurent qu'il s'agissait d’un véritable culte d’adoration. Les évêques assemblés à Francfort (en 794) s'élevèrent unanimement contre celte doctrine et la rejetérent avec mépris. Charlemagne embrassa vivement leur opinion. Adrien, qui l’avait approuvée, écrivit à Charles, avec une extrême modération de langage et une grande force de raison, pour lui rappeler d’abord la suprématie attribuée à saint Pierre par le Christ lui-même et transmise à ses successeurs, en vertu d’une longue suite de faits, de traditions et de témoignages irrécusables; puis, il dévoila la méprise des Pères de Francfort et répondit à toutes leurs objections. Charles accepta docilement la décision du concile de Nicée, expliquée et confirmée par le Pape. Nous insistons d'autant plus sur ceci, que, dans un livre qui jouit d'une grande popularité (’Æistoire de la civilisation en France, par M. Guizot), la primauté du siée de Rome est représentée comme un fait nouveau, purement humain, datant seulement de l’époque carlovingienne. Ce livre, œuvre d’un homme d'un grand talent et d’un puis- sant esprit, mais systématiquement conçu, au point de vue rationaliste et protestant, est d'autant plus dangereux qu'il renverse dans ses fondements le catholicisme même, dont il fait d’ailleurs souvent l'apologie, en rappelant les services éminents qu'il a rendus à la civilisation. (419 ) tout à craindre des empereurs de Constantinople, sophistes couronnés , théologiens persécuteurs, fauteurs du schisme et de l’hérésie, ennemis mortels de l'Église romaine, et qui voyaient que peu à peu toute l'Italie leur échappait. Il était le plus souvent en guerre avec les rois lombards, voisins ambitieux et remuants, qui le tenaient toujours en alarmes. De plus, il y avait à Rome même différents partis qui se disputaient le pouvoir en excitant des désor- dres que le Pape n'était pas en état de réprimer. Enfin, le Pontife avait tout à gagner en échangeant le protectorat dérisoire ou onéreux des princes de Gonstantinople, contre la suzeraineté bienveillante du puissant monarque d'Occi- dent. La grandeur de l'Empire revivait en Charlemagne (1). J1 ne lui manquait plus que le nom pour que les peuples chrétiens eussent un chef suprême dans l'ordre temporel, (1) « Le royaume des Francs, tel que le lui transmit Pépin son pere (dit Éginhard, Vie de Charlemagne), était déjà sans doute étendu et très-fort ; mais il le doubla presque, tant il l’agrandit par ses nobles conquêtes. Ce royaume, en effet, ne comprenait avant lui que la partie de la Gaule située entre le Rhin et la Sale... Charles y ajouta par ses guerres, d'abord l’Aqui- taine, la Gascogne, la chaîne entière des Pyrénées et toutes les contrées qui s'étendent jusqu’à l'Ébre ; ensuite une partie de l'Italie, depuis la vallée d'Aoste jusqu’à la Calabre inférieure; en outre, la Saxe, portion considérable de la Germanie; plus, les deux Pannonies, la Dacie, l'Istrie, la Croatie, la Dal- matie, à l'exception des villes maritimes dont il voulut bien abandonner la possession à l’empereur de Constantinople, par suite de l'alliance et de l'amitié qui les unissait; enfin, toutes les nations barbares occupant la partie de la Germanie comprise entre le Rhin, la Vistule, le Danube et l'Océan, lesquelles parlant à peu près la même langue, diffèrent cependant beaucoup par leurs mœurs et leurs usages... » 1] sut accroitre aussi la gloire de son règne en se conciliant l'amitié de plusieurs rois et de divers peuples. Il s’attacha par des liens si forts, Alphonse, k ( 420 ) comme ils en avaient un dans l’ordre spirituel. Le pape Léon FT ayant sollicité Charles de venir à Rome pour ré- primer un horrible complot à la suite duquel il avait été cruellement maltraité et jeté dans une dure prison, ce prince fit le voyage d'Italie avec une forte armée, délivra le Pontife et châtia les auteurs de cet odieux attentat. Il se trouvait à Rome pendant les fêtes de Noël et assistait aux cérémonies de l’Église, agenouillé devant le tombeau des saints apôtres, quand le Pontife s’approchant de lui, et sans l'en avoir prévenu, dit-on, posa sur sa tête une cou- ronne d'or, à la vue de tout le peuple, accouru pour con- templer le vainqueur de tant de nations, le sauveur de l'Talie, et la multitude, ivre de joie, fit retentir l'immense basilique des cris de : Vive et victoire à Charles, grand et pa- cifique empereur romain, couronné par la volonté de Dieu ! Léon IT, en sacrant Charlemagne empereur d'Ocei- roi de Galice et des Asturies, que celui-ci, lorsqu'il écrivait à Charles ou lui envoyait des ambassadeurs, ne voulait jamais s’intituler que son fidèle Sa munificence captiva tellement les rois des Écossais, qu'ils ne l’appelaient que leur seigneur. Haroun, prince des Perses et maître de presque tout l'Orient, à l'exception de l'Inde, avait pour lui tant d'amitié, qu’il mettait son alliance au-dessus de celle de tous les rois de l'univers... Aussi, quand les envoyés que Charles avait chargés de porter des offrandes au Saint-Sépulcre (800), se présentèrent devant Haroun et lui firent connaître les désirs de leur maître. le prince des Perses ne se contenta pas d’acquiescer à sa demande, mais il | lui concéda la propriété même des lieux, berceau sacré de notre salut, et voulut qu'ils fussent soumis à sa puissance. Lorsque ensuite ces députés revin- rent, Haroun les fit accompagner d'ambassadeurs qui apportèrent à Charles des habits, des parfums et d’autres riches produits de l'Orient... C’est ainsi que peu d'années auparavant, à la prière du roi, Haroun lui avait envoyé le seul éléphant qu'il eût alors. Les empereurs de Constantinople, Nicéphore, Michel et Léon, sollicitèrent aussi , de leur propre mouvement, son alliance et son amitié... » ( 421 ) dent, ne faisait que constater un fait préexistant , éclatant aux yeux de tous, la prééminence du plus grand prince de la chrétienté; il proclamait, non pas la réédification de l’ancien empire romain, mais l’avénement du saint empire romain, constitué sur la base nouvelle de l'unité chré- tienne, dont l’idée subsista en Allemagne jusqu’à l'époque où la réforme vint bouleverser son œuvre grandiose. Et en proclamant l'alliance intime de l'État avec la papauté, c'est-à-dire avec le Christ, dont les Empereurs ne devaient être que les représentants sur la terre, il y ajoutait, par l’onction divine, la plus puissante des consécrations. Les Saxons vaincus demandaient la paix , toujours prêts à l’enfreindre de nouveau. Charles leur pardonnait avec une facilité qui ressemblait à de l’imprudence. Pourtant à la fin il se fatigua de tant de révoltes et de perfidies, de tant de dévastations et de massacres, qui ne laissaient à ses peuples ni trêve ni repos. Voulant, dit-on, frapper un grand coup, donner un exemple, effrayer les Saxons et rassurer les siens, 1l en fit décapiter, en un jour, 4,500, qu’il s'était fait livrer comme les plus coupables. C’est sans doute une tache dans la vie d’un prince chrétien. Mais nous n'aflirmons point que Charlemagne lui-même n'ait pas gardé quelque chose de son origine barbare et des mœurs de sa nation. Le magnanime Empereur fut mieux inspiré, sans doute, lorsqu'il déporta en une seule fois dix mille familles de ces incorrigibles rebelles en Belgique et dans le nord de la Gaule. Il paraît, toutefois, que les exi- gences du fisc impérial ne contribuèrent pas peu à irriter les Saxons. Alcuin, dont l'âme était naturellement portée à la douceur, et qui avait des idées politiques élevées, disait : « Les dimes ont renversé la foi des Saxons. . . . Si l’on s'était borné à leur annoncer le joug doux et léger du TOME xx11, — |" par. 50 ( 422 ) Christ, sans exiger d'eux des tributs excessifs, peut-être ne rejetteraient-ils pas le baptême (1). » Il n’approuvait pas non plus qu'on leur imposât le baptême par force : Quo- modo, disait-il, potest homo cogi ut credat quod non credit ? Impelli potest homo ad baptismum , non ad fidem. Ces pa- roles seules suffisent pour prouver quel noble caractère était Alcuin. Charles n’était pas tellement absorbé par le soin de ses expéditions militaires qu'il ne traitât par lui-même toutes les grandes questions de son temps, et il descendait à cet égard dans les plus minutieux détails. [l établit l'unité dans l'administration de son vaste Empire. Le territoire fut divisé en plusieurs provinces, dont chacune fut con- fiée à deux commissaires choisis annuellement parmi les prélats et les principaux seigneurs. Ceux-ci s’acquittaient de leur mission quatre fois par an, en tenant des plaids où devaient se rendre les comtes des cantons voisins. Les missi dominici élaient chargés de réformer les abus et de rendre compte à l'Empereur de tout ce qui se passait. Charles surveillait attentivement et dirigeait chacun de ceux auxquels il avait confié quelque portion de son pou- voir; il se préoccupait de tout et suflisait à tout. Cet homme, qui tenait en mains les affaires de tant de peu- ples, n’oubliait pas les affaires de son domaine privé (2), qu'il dirigeait avec la plus habile économie. (1) Alcuin., Op. epist. 27. (2) Il existe un célèbre capitulaire qui a excité la vive admiration de Mon- tesquieu : c'est un règlement très-long et très-détaillé, pour la régie des domaines du prince, intitulé : De Vällis. Nous avouons, pour nous, que le règne de Charlemagne nous présente des actes qui nous frappent davantage. Mais celui-ci est très-important pour faire connaître la face matérielle de la société à cette époque. Le capitulaire : De Villis, montre quel était l'état de ( 425 ) 11 n’était pas seulement guerrier, législateur, adminis- trateur, évêque laïque, il était instituteur. L'un des traits les plus surprenants du caractère de Charlemagne, c’est cette soif démesurée de savoir, à une époque d’ignorance et de barbarie générale. Tous les lettrés, tous les savants ont droit à ses faveurs; il veut être leur ami et leur disciple : il appelle à lui toutes les lumières; c’est en multipliant l'instruction qu'il veut régénérer son peuple et élever le clergé franc à la hauteur de ses devoirs. II rencontre Alcuin en Italie (1), il l’attache à sa personne ; il érige dans son propre palais cette école fameuse d’où doivent sortir des maîtres qui propageront les lettres et l'agriculture, de l’horticulture, des arts mécaniques et industriels au siècle carlovingien. Rien n’est curieux, sous ce rapport, comme l'énumération minutieuse de tous les produits en céréales, en vins, en plantes potagères, en animaux domestiques , en gibier, etc., etc., dont le grand Empereur veut que l’on tire parti pour les vendre au marché, pour alimenter ses celliers et ses vastes cuisines. Une villa, ou ferme royale, était comme une petite société, réunissant tous les arts et tous les métiers, exploitée par des serfs ou des affranchis, au profit du maître. Il ne faut pas s'étonner de l’extrême intérêt qu'y attachait Charlemagne, car c’était la principale source des revenus, à une époque où l'impôt consistait principalement en redevances, qui se payaient en nature. Cette sorte d'exploitation était dirigée par un comte ou un délé- gué du prince, qui était tout à la fois intendant, juge et capitaine; percevant les revenus, jugeant les contestations entre les sujets, et les conduisant à la guerre. La villa était organisée, sous le point de vue matériel, à peu près comme le couvent. Et beaucoup de villas sont devenues par la suite, comme les couvents, l'élément, la molécule d’où sont sortis nombre de bourgs et de cités. Les principales villas , dans le pays natal de Ja famille carlovingienne, étaient Liége, Jupille, Herstal, Spa, Visé, Thuin-sur-Sambre, etc., etc. (1) Les études laïques avaient péri dans la Gaule, après la chute de l’em- pire romain, et les études ecclésiastiques étaient tombées presque au niveau de la barbarie générale. Maïs elles s'étaient conservées, du moins en partie, dans la capitale du monde chrétien : des moines romains en avaient porté la semence dans l'ile de Bretagne; et c’est de là qu'elles revinrent à la cour ( 424 ) les arts dans tous les monastères et dans les villes de l'Empire. Pour exciter lémulation des professeurs et des élèves et donner lexemple à chacun, il assiste avec sa famille et sa cour aux leçons de Pierre de Pise et d’AI- cuin. Il fonde des bibliothèques, fait copier les chefs- d'œuvre de l'antiquité et travaille lui-même à l’épuration des textes. Sachant combien la musique sacrée ajoute à la solennité du culte et à la piété des fidèles , il fait venir des musiciens de Rome, et lui-même il se met à étudier la musique et le chant, comme il avait étudié la grammaire et les langues (1). On a soutenu , d’après un passage mal interprété d'Égin- de Charlemagne, par l'intermédiaire d’Alcuin. Alcuin, né dans la province d’York, en 755, était un homme prodigieux pour son temps : sachant le latin, le grec et l'hébreu; théologien, philosophe, historien, poëte, mathémati- cien, etc. Ayant reçu de l'archevêque d’York une mission pour Rome, il vit Charlemagne au retour, et celui-ci le pressa vivement de s'établir près de lui. Alcuin en obtint la permission de son évêque, et fut dès lors (782) l'ami et le confident de l'Empereur. Devenu vieux, Charles lui donna pour retraite la riche abbaye de S'-Martin de Tours, dont il accrut la bibliothèque en faisant copier les manuscrits d'York. Alcuin forma plusieurs élèves distingués, écrivit un fort grand nombre d'ouvrages, et mourut en 804. Alcuin, si l'on en juge par son épitaphe, composée par lui-même, avait une assez haute idée du rôle qu'il avait joué dans le monde. En voici quelques vers : Quod nunc es, fueram , famosus in orbe viator ; Et quod nunc ego sum , tuque fulurus eris… Cur tibi rura paras ? Quam parvo cernis in antro Me tenet hic requies ; sic tua parva fiel… Ut flores pereunt vento veniente minaci , Sic tua , nuwmque caro, gloria lota peril.… Alchuin nomen erat, Sophiam mihi semper amanti, Pro quo funde preces , mente legens titulum. (1) Le roi Pépin avait déjà introduit en France l'office et le chant ro- main, Charlemagne se trouvant à Rome, en 787, pour y célébrer les fêtes de ( 425 ) hard, que Charlemagne ne savait pas écrire. Mais com- ment peut-on prétendre sérieusement qu'un homme qui connaissait plusieurs langues, qui parlait parfaitement le latin, qui entendait le grec, qui corrigeait avec les érudits de son temps des bibles en syriaque et en hébreu, n’eût point appris à écrire? Cet esprit de feu ne reposait jamais, Pendant ses repas (dit Éginhard), il se faisait lire quelque histoire ou chronique du temps passé. En fait de livres religieux, les œuvres de saint Augustin, et particulière- ment la Cité de Dieu, étaient ceux qu'il préférait. Charles avait des vues larges en littérature comme en toute chose. Il fit composer une grammaire en langue teutonique et y travailla lui-même. Par ses ordres, on recueillit avec grand soin les anciennes poésies des Francs et les chansons de gestes, qui célébraient les hauts faits de la nation pour les transmettre à la postérité. Ce qui prouve que, tout en prisant beaucoup Rome et l’antiquité savante, il était avant tout l’homme de son pays et un vé- ritable Franc (1). De son temps, comme aujourd’hui, il existait une jeu- nesse riche ou aristocratique , qui prétendait tirer avantage du seul hasard de sa naissance ou de sa fortune, du nom Pâques, avait à sa suite des chantres de sa nation. Une discussion s’éleva entre ceux-ci et les Romains, qui se moquaient beaucoup de la manière dont les Francs rendaient le chant grégorien avec leur accent rude ct gut- tural, et en le surchargeant d’ornements de mauvais goût. La dispute s'échauffant, Charles intervint et dit à ses chantres : « Le ruisseau est-il plus pur, près de sa source, ou bien lorsqu'il s’en éloigne ? » Ceux-ci répon- dirent : C’est près de sa source qu'il est le plus pur. — « Retournez-y donc, » reprit Charles, car il est évident que vous vous en êtes fort éloignés. » (1) Le franc ou teuton était, comme l’on sait, la langue vulgaire non- seulement parmi le peuple, mais parmi les grands et à la cour du prince. ( 426 ) et des services de ses ancêtres, qui voulait obtenir les places, le crédit, la considération, sans rien devoir à elle-même; fière de son ignorance et de sa nullité, et qui méprisait hautement dans son orgueil insensé ceux qui cherchaient à s'élever par leur travail et leur mérite. Charles, convaincu qu'il n’y a de noblesse véritable que celle qui peut servir l'État, ne laissait passer aucune occa- sion de stimuler leur superbe indolence en leur témoignant son mécontentement et son dédain. « Il avait recueilli à sa cour (dit le moine de S'-Gall) un Écossais nommé Clé- ment, profondément versé dans les lettres profanes et sa- erées, et lui avait confié, pour les instruire, un grand nombre d'enfants issus des plus nobles races, et aussi d’au- tres qui appartenaient à des familles de la elasse moyenne el inférieure, en leur assignant un logement convenable pour y faire leurs études. « Après une longue absence, Charles se fit amener les enfants confiés aux soins de Clément et voulut qu’ils lui montrassent leurs lettres et leurs vers. Les élèves, sortis des classes moyennes et inférieures, présentèrent des de- voirs meilleurs qu'on ne pouvait s’y attendre; ceux des no- bles, au contraire, étaient farcis de fautes. Alors Charles, mettant, à l'exemple du juge éternel , à sa droite ceux qui avaient bien fait, et les autres à sa gauche, dit aux pre- miers : « Je vous remercie beaucoup, mes enfants, de votre » zèle à accomplir mes volontés et à rechercher votre » propre bien de tous vos moyens. Maintenant efforcez- » vous d'atteindre à la perfection, je vous donnerai de » bons évéchés, de magnifiques abbayes, et vous serez » toujours des gens honorables à mes yeux. » Ensuite, se tournant avec des regards irrités vers ceux qui étaient à sa gauche, il leur adressa d’une voix tonnante ces paroles ( 427 ) pleines d’une amère ironie : « Quant à vous, nobles, à » vous, fils des grands de la nation, à vous enfants jolis » et délicats qui, vous fiant sur votre naissance et votre » fortune, avez négligé mes ordres et le soin de votre » propre gloire pour vous abandonner à la mollesse, à » l’oisiveté et à de futiles amusements, j'en jure par le roi » des cieux , que d’autres vous admirent s'ils le veulent; » pour moi, je ne fais nul cas de votre naissance et de » votre beauté, et sachez bien que si vous ne changez et » réparez le temps perdu, vous n’obtiendrez jamais rien » de Charles ! » La force militaire était alors surtout dans la noblesse, et les lumières dans le clergé; ce qui restait de l’ancienne civilisation romaine s'était réfugié au sein des couvents. Dans ces assemblées, qui se réunissaient deux fois par an, au printemps et en automne, où se discutaient toutes les grandes affaires de l'État, le clergé jouissait de la plus haute influence, parce qu'il avait plus d'instruction, et qu'il représentait les principaux intérêts de l'humanité. La noblesse était spécialement consultée sur les questions militaires. Pour Charlemagne, l'Église, avec son admira- ble hiérarchie, son système de délibérations préalables, et cette autorité suprême et dernière qui tranche définitive- ment toutes les questions, était le modèle des gouverne- ments. C’est pourquoi il multipliait volontiers ces réu- nions, où l’on discutait à la fois les intérêts de la religion et ceux de l'État, où chacun, en exprimant son avis, éclairait le pouvoir sans l’entraver (1), (1) Quelques publicistes se sont imaginé que ces assemblées, dont il est souvent parlé dans les Capitulaires , étaient composées de trois ordres, et que le peuple y jouait un rôle, Rien n'est moins exact. Ce que nous enten- ( 498 ) Charles tournait fréquemment ses regards vers les dés- ordres qui affligeaient l'Église. Il avait rédigé deux mé- moires à ce sujet où il posait certaines questions qu'il voulait soumettre aux délibérations des seigneurs et des évêques. Nous en donnerons ici quelques extraits, comme spécimen des mœurs de l'époque (1). « Nous voulons, disait-il, séparer les évêques et les abbés d’avec les comtes, et proposer aux uns et aux autres les pou suivantes : . » Pourquoi ne veulent-ils pas se secourir les uns les a soit à l’armée, soit aux frontières, lorsqu'il s’agit de défendre la patrie? 2. » Pourquoi tant de procès sur les biens qu'ils voient posséder à leurs égaux ? 5.» Pourquoi donnent-ils asile aux vassaux d’autrui lorsqu'ils se réfugient auprès d’eux ? 4. » Il faut aussi leur demander, en quoi et en quels lieux les ecclésiastiques empêchent les laïques, et les laïques les ecclésiastiques, de remplir leurs fonctions? À cette occasion, il faudrait examiner jusqu'où les évêques et les abbés doivent se mêler des affaires séculières, et jusqu'où les comtes et les autres laïques doivent pren- dre part aux affaires ecclésiastiques? Il faut surtout leur demander, quel est le vrai sens de cette parole de l’Apôtre: dons actuellement par le peuple, l'ordre moyen ou la bourgeoisie, n'existait point alors. Au surplus, ces assemblées étaient purement consultatives. Charles voulait être éclairé et demandait volontiers conseil. Mais il n’était pas homme à gouverner sous la direction d'autrui. Ces théories ne datent donc point de son temps. (1) Capitulare primum, anni 811, sive capitulare interrogationis de tis quae Karolus Magnus pro communi omnium ulilitate interroganda constituit. (Baluz., Cap. TZ, 476.) ( 429 ) Celui qui sert Dieu ne s'implique pas dans les affaires du siècle, et qui elle regarde? » Dans le second Mémoire, il disait : 4. « Il faut demander aux ecclésiastiques, ce que c’est, selon eux, que de quitter le siècle, et à quoi l’on peut distinguer ceux qui le quittent d'avec ceux qui le suivent? Est-ce seulement en ce que ceux-là ne portent pas les armes et ne sont pas mariés publiquement ?.… 5. » Il faut aussi leur demander, si c’est avoir renoncé au siècle que d'augmenter tous les jéurs son bien par toute sorte d'artifices, en promettant le paradis, en menaçant de l'enfer, en employant le nom de Dieu ou de quelque saint pour dépouiller le riche et le pauvre, les esprits sim- ples et les ignorants et leurs héritiers légitimes, qui, se voyant réduits à la mendicité, se portent souvent aux plus grands crimes ? * 8. » Nous admirons comment un homme qui prétend avoir quitté le siècle et qui ne peut souffrir qu’on le nomme séculier, porte encore les armes et veut retenir son bien. 10. » Dans quel canon ou dans quel saint Père est-il marqué qu'il est permis d'engager quelqu'un, malgré lui, dans l’état ecclésiastique ou monastique? Jésus-Christ et les apôtres ont-ils prêché quelque part qu’il faille remplir les communautés de moines et de chanoines, de personnes viles et qu’on force à y entrer?.…. ».… S'il faut suivre Jésus-Christ et les apôtres dans la discipline ecclésiastique , il me semble qu'il y a bien des choses à réformer dans notre conduite. » Un tel langage peut paraitre surprenant dans la bouche d'un défenseur si zélé et si respectueux de l'Église. Mais la piété de Charles est aussi haute qu’éclairée; les abus qu'il dénonce sont flagrants, et si on ne les corrige, ils peuvent ( 430 ) devenir funestes à la religion , dont il ne confond point la cause avec celle de quelques hommes qui la déshonorent par leur cupidité et leurs intrigues. Il les dénonce, non pas en ennemi pour s’en applaudir et en triompher, mais en père et en juge, pour les réprimer et les prévenir. D'ailleurs, la liberté de cette censure n'étonnera point ceux qui savent à quel degré de licence et de grossièreté l'Église était tombée, surtout depuis l’époque où Charles- Martel avait envahi ses biens et ses dignités mêmes pour en gratifier ses créatures et ses hommes de guerre. Les Capitulaires offrent la plus fidèle peinture de l’es- prit du prince et de la nation. Tout se retrouve dans ces reliques du moyen âge : politique, morale, législation civile, pénale, religieuse, domestique. Ils se composent, notamment, d'anciennes lois publiées par les prédéces- seurs de Charlemagne, et revisées ou modifiées; d'extraits d'anciens conciles et d’actes concernant le culte ou la police ecclésiastique; de lois et de dispositions nouvelles, nécessitées par les circonstances; d’actes de pure adminis- tration, et de décisions particulières recueillies afin de servir de règles pour des cas analogues; d'instructions don- nées aux missi dominici; de questions que l'Empereur se propose d'adresser, soit aux évêques, soit aux comtes, en assemblée générale (nous venons d’en citer des exemples). « Jamais prince, dit Bossuet, n’a su mieux distinguer les bornes des deux puissances. » En réalité ces deux puissances se confondent sur bien des points; mais, au temps de Charlemagne, elles marchaient d'accord, sans défiance et sans arrière-pensée. L'Église voyait avec plaisir celui qui s'était déclaré son défenseur en toute chose, porter des règlements sur la discipline sacerdotale, sur l'instruction des cleres, ete., etc. ( 451 ) Ces règlements, d'ailleurs, étaient discutés et convenus de commun accord. C’est avec l’assentiment des évêques que Charles rappelle les prêtres à l'observation des canons; qu'il leur défend d’aller à la gucrre; de verser le sang humain; de courir lés champs et les forêts avec des chiens et des faucons; qu'il leur enjoint de combattre les prati- ques de la magie et toutes les superstitions du paganisme, qui subsistaient encore parmi le peuple (1). On se demande comment est tombé ce puissant Empire? il est tombé, parce que cette brillante suite de grands (1) Voici quelques passages du premier capitulaire de Charlemagne à Pappui de ces assertions : « Karolus, gratia Dei rex, regnique Francorum rector, et devotus sanctae Ecclesiae defensor, atque adjutor, in omnibus, apostolicae sedis. ÆZortatu omnium fidelium nostrorum, et maxime » episcoporum ac reliquorum sacerdotum consultu. » 1. Servis Dei, per omnia, omnibus armaturam portare vel pugnare, » aut in exercitium et in hostem pergere, omnino prohibemus, etc. »* 2. Ut sacerdotes, neque christianorum, neque paganorum san- » quinem fundant. » 3. Omnibus servis Dei venationes et sylvaticas vagationes cum ca- » nibus, et ut accipitres et falcones non habeant, interdicimus. » 5. Sisacerdotes uxores habuerint, vel sanguinem christianorum, vel » paganorum fuderint, aut canonibus obviaverint, sacerdotio priventur, » quia deteriores sunt secularibus. » 6. Decrevimus ut secundum canones unusquisque episcopus in sua » parochia sollicitudinem habeat, adjuvante grafione, qui defensor eccle- » siae est, ut populus Dei paganias non faciat; sed ut omnes spurcitias » gentilitatis abjiciat et respuat, sive profana sacrificia mortuorum, sive » sortilegos vel divinos, sive philacteria et auguria, sive incantationes, sive » hostias immolatitias, quas stulti homines juxta ecclesias, ritu pagano » faciunt, sub nomine sanctorum martyrum vel confessorum domini; qui » potius, quam ad misericordiam, sanctos suos ad iracundiam provocant. » 42. Ut ad mallum venire nemo tardet; primum cérca aestatem ; se- » cundo, cérca autumnum. Ad alia vero placila, si necessilas fuerit, vel » denunciatio regis urgeat, vocatus venire nemo fardet. » Dans un autre capitulaire (de 789) intitulé : Capitulatio do partibus ( 432 hommes qui avaient élevé la race carlovingienne jusqu’au trône, qu'ils avaient agrandi, s'arrêta après le plus illustre d’entre eux, et que ses successeurs n’eurent pas la force nécessaire pour tenir les rênes de tant de peuples difié- rents d'origines, de mœurs et de langage; il est tombé parce .que la loi d’hérédité qui établissait le partage entre les fils du prince était une cause radicale de division et de ruine pour l’État; il est tombé parce que les idées de la pation n'étaient pas assez avancées pour achever de son propre mouvement ce que Charles avait si heureusement Saxoniae, on voit quelles étaient les mœurs de ces populations, barbares jusqu’à l’anthropophagie. Charlemagne s’efforçait de les civiliser par le chris- tianisme, sinon de les dompter par la terreur. Nous en citerons quelques dispositions. Il porte : Art. 5 : « Si quis episcopum aut presbyterum, sive diaconum interfecerit, » similiter capite punictur. » 6. Si quis, à diabolo deceptus, crediderit, secundum morem paga- » norum, virum aliquem ant foeminam striyam (magicienne, sorcière) » esse, et homines comedere, et propter hoc ipsam incenderit, vel carnem » ejus ad comedendum dederit, vel ipsam comederit, capitis sententia » punictur. » 7. Ne corpora defunctorum crementur.. » 8. Si quis deinceps in gente Saxonum, énter cas latens, non bapti- » Satus, se abscondere voluerit, ct ad baptismum venire contempscerit, pa- » ganusque permanere voluerit, morte moriatur. » 9. Si quis hominem diabolo sacrificaverit, et in hostiam, more paga- » norum, daemonibus obtulerit, morte moriatur. » 10, Si quis cum paganis consilium adversus christianos énierit, » vel cum illis in adversitate paganorum perdurare voluerit, morte mo- » riatur. » 21, Si quis ad fontes aut arbores vel lucos votum fecerit, aut aliquid » more gentilium obtulerit, et ad honorem daemonum comederit, si nobélis » fuerit, solidos sexaginta; si éngenuus triginta; si litus (servus terrae, » adscriptus glebae) quindecim. Si vero non habuerint unde praesentialiter » persolvant, ad ccclesiae servitium donentur, usque dum ipsi solidi sol- » vantur... » (Baluz. Capitul., elc., II, 251 ct 5.) FL 5 ( 455 )) commencé; 11 est tombé parce que cette nation, affaiblie par ses querelles intestines, se trouva livrée sans défense aux coups de ses ennemis (1) du dedans et du dehors. Charlemagne voulait civiliser son vaste Empire par les idées chrétiennes, mais le temps lui manqua pour façonner les mœurs de ces nobles, qui ne connaissaient que le droit de l'épée; le temps lai manqua pour discipliner le clergé lui-même, et notamment les évêques francs, sortis pour la plupart des rangs de la noblesse, et qui en avaient con- servé l'esprit d'indépendance avee les habitudes belli- queuses et mondaines. Il en fut de l'essai de restauration scientifique et litté- raire de Charlemagne comme de ses conceptions politiques. Le peuple et le serf ne désiraient pas la lumière. L'homme d'armes dédaignait les livres, même pieux. Les études veu- lent la sécurité, la stabilité et le repos; et après Charle- magne, il n’y en eut plus. Tout lien de filiation semble rompu entre le X"° siècle et le précédent. Les barbares normands se précipitent sur cet Empire, ouvert de toute part à leurs déprédations, dévastent les villes et les cam- pagnes, pillent les monastères, massacrent les moines, (1) Nithard (l'historien des dissensions des fils de Louis le Débonnaire) parle du grand Empereur avec une admiration mêlée de regrets, lorsqu'il compare le passé avec le présent; cette administration, si ferme, si juste, si intelligente, avec les misérables intrigues et les luttes parricides des enfants de ce malheureux roi, que l’histoire à qualifié du nom de Débonnaire. « Dans » le temps du grand Charles, d'heureuse mémoire, dit-il, le peuple mar- * chait d’un commun accord dans la droite voie, la voie du Seigneur; aussi » la paix et l'harmonie régnaient partout. Mais à présent, au contraire, » chacun marche dans le sentier qui lui plaît; partout éclatent les dissensions » et les querelles. Autrefois régnaient l'abondance et la joie; maintenant, » partout, la tristesse et la disette, » ( 434 ) brülent les bibliothèques et sèment partout les ruines et la mort (1). Le seigneur, retiré dans son château, ne songe qu’à s’y fortifier contre un ennemi redoutable. Ceux qui ont échappé au fer des Normands viennent se grouper au- tour de la forteresse seigneuriale, dans l’espoir d’y trouver un abri. Et lorsque enfin les esprits commencent à respi- rer, ce ne sont plus les livres de la Grèce et de Rome que l'on cherche surtout à imiter; la littérature nouvelle, si on ose lui donner ce nom , porte l'empreinte du caractère féodal et chevaleresque, qui prévaut, avec l’idiome vulgaire qui lui sert d'expression. Mais une œuvre mémorable n’en fut pas moins accom- plie. Si Charles ne réussit point à construire une monar- chie universelle, qui peut-être eût amené la servitude des nations et de l'Église, il éleva pourtant un empire nou- veau , qui tint de Rome moderne la mission de réaliser le règne de Dieu parmi les peuples, et de Rome ancienne, les traditions du Gouvernement, le goût des arts, des sciences et des lettres, dont les chefs-d’œuvre nous furent conservés par le clergé. Et le souvenir de ce grand homme, et de ce grand Empire, est resté comme un type impéris- sable dans les pages de l’histoire. (1) Dès l’année 810 une flotte normande de 200 navires aborda en Frise et dévasta toutes les îles de la Batavie. Le moine de S'-Gall raconte que Char- lemagne, ayant apercu les premières voiles des Normands qui fuyaient à l'horizon, demeura triste et pensif, et que des larmes inondèrent son visage. Comme personne n’osait l’interroger, il dit à ceux qui l’entouraient : « Mes » amis, savez-vous ce qui m'afflige? Je ne crains pas pour moi ces pirates, » mais je m'eflraye que, moi vivant, ils aient osé insulter ces rivages, Je pré- ” vois los maux qu'ils feront éprouver à mes successeurs, » ( 435 ) — M. le Secrétaire perpétuel a fait connaitre ensuite les résultats du concours ouvert par la classe des lettres pour 1855, ainsi que les résultats des élections aux places deve- nues vacantes depuis 1854. (Voyez pages 5373 à 582.) Il a annoncé en même temps qu’un arrêté royal, en date de ce jour, élevait M. le chanoine de Ram, membre de l’Académie, au grade d’officier de l’ordre de Léopold, et nommait M. le baron Jules de Saint-Genois, également membre de l'Académie, chevalier de même ordre. M. le Secrétaire perpétuel a terminé en donnant lecture d’un arrêté royal en date du 7 mai courant, par lequel « le prix quinquennal de littérature flamande, pour la période de 1850 à 1854 (5,000 francs), est décerné au sieur H. Conscience, d'Anvers. » M. Snellaert, secrétaire du jury chargé de décerner le prix quinquennal institué par le Gouvernement, a donné lecture du rapport suivant, qui motive le jugement du jury : Verslag van den jury gelast met het toekennen van den vyfjaerlykschen eereprys voor de vlaemsche letterkunde ; door F. A. Snellaert. « De nederlandsche letterkunde, die in de middeleeu- wen, vooral in Vlaenderen en Braband met eene weel- derige pracht bloeide, zoodanig dat zy aen anderen weinig of niets te benyden had, was sedert twee en halve eeuw in onze vlaemsche gewesten aen ’L kwynen geraekt, en op het laetst der jaren zeventien honderd was zy nauwelyks nog ( 456 ) meer dan het ydel gesnor van een onttakeld getuig. Het fransch bcheer verlamde nog merkelyk de laetste pogingen van krachtbetooging, en welhacst waende het cens 700 sapryke Vlaenderen dat het door zich zelven niets meer vermogt. De geschiedenis lecfde in eenen staet van mythe voort onder het volk, dat in zyne tael bleef lezen en zin- gen alleen nog om dat het enkel zyne tael kende. De genen die de tael poogden te verheffen, de natie wilden toespre- ken, werden door een wantrouwend vreemd bestuer de middelen ontnomen om tot het harte van ’t volk door te dringen of zagen zich in hunne pogingen gedwarsboomd, terwyl niets onbeproefl gelaten werd om vreemde begrip- pen, vreemde beschaving by ons over te planten en wortel te doeu vatten. Het nederlandsch bestuer nam voor zending aen, Vlaemsch-Belgie op die helling naer verderf tegen te hou- den en het tot zyne eigenzelvigheid terug te brengen. Doch het nederlandsch bestuer, niet altyd gelukkig in zyne maëtregels, stuitte tegen hinderpalen die zyne plannen en de wenschen van velen omverre wierpen, en de scheu- ring van het koningryk was het teeken eener nieuwe stremming in de ontwikkeling van den volksgeest der Vlamingen. | Alles liep meë in die woelige dagen van 1827 tot 1830 om het voertuig der beschaving, de volkstael , in den nete- ligsten toestand te brengen. Gewestelyke eigenliefde en godsdiensthbegrippen werden te baet genomen om aen de tale twee aengezichten en twee harten toe te kennen, en terwyl de brusselche nadruk het land oppropte met al wat maër uit fransche pennen vloeide, wist het vooroordeel den weg naer Vlaenderen voor den hollandschen boekhan- del moeijelyk te maken. Duizenden teekenden uit misver- ( 457 ) stand vertoogschrifien tegen het wettige gebruik der eigene tael. Dat kostelyk goed by elke natie werd hier dagelyks bespot en gehoond door misleide jongelingen en gast- vryheid-schendende vreemden en de heilige namen Vader- land en Vryheiïd losten zich by velen op in eene kleurlooze wereldburgerschap. De Vlaming sedert eeuwen er aen gewoon dat er zonder zyn toedoen over hem beschikt werd, bevond zich na den uitgewoeden staetsorkaen meer gekneld dan ooit. Uit het vuer der worsteling by de stille haerastede terug, wendde hy vergeefs zich tot het vaderlyke goed; in naem der vry- heid, waervoor hy gestreden had, was het in beslag geno- men en hy als overwonnene behandeld. Het bestuer toonde overal, Lot op de gevels en voertuigen , dat er tus- schen hem en het vlaemsch geen gemeens bestond. De plaetselyke overheden volgden die rigting na, en nu moest de burger wel meenen dat hy opgehouden had als Vlaming voor iets te tellen, te meer daer zyne tael én uit pleitzael én uit openbare school z00 goed als gebannen was. Dit na- deelige voorbeeld sloeg als de vlam over op de byzondere inrigtingen; ja zyn laetste troost, het woord der gods- dienst hield op, op deftigen 1oon tot des Vlamings harte te spreken : de verhevene kanselwelsprekendheid vindt hy niet meer, of hy moet zyn nationalen trots laten ver- nederen om de hem vreemde klanken op te vangen van een welsprekenden buitenlander, wiens afgebedelde troost- redenen vaek geschikt zyn om onze Fepedenng nog die- per te doen gevoelen. In’ midden van deze ongunstige omstandigheden is nogtans den Vlaming de mocd niet ontzonken. Met meer betrouwen dan ooit heeft hy het verledene en de toekomst ondervraegd , en is hy Lot de overtuiging gekomen dat het TOME xx11. — 1" PART. 51 (438 ) tegenwoordige maer een toeval 1s, tegen de kracht der gezonde rede niet bestand. Men moge op alle wyzen aen- gekondigd hebben dat de tael der Vlamingen dood was, althans onbekwaem geworden om tot voertuig van bescha- vende gedachten te dienen, men moge de daed by den wensch gevoegd hebben om de tael te versmachten en een’ tyd lang geloofd hebben dat men er in geslaegd was, eens volks leven is geweld en list te taei, en van onder dien verschrikkelyken sneeuwval verhief de herlevende letterkunde het hoofd frisscher dan ooit. Alleen door het volk opgekomen draegt onze letterkunde de kenmerken dat zy in den vlaemschen grond stevig geworteld is, of- schoon wy niet mogen ontkennen dat, ten gevolge van bovengenoemde ongunstige omstandigheden , de tael niet overal even zuiver te voorschyn is gekomen. Maer wat die letterkunde byzonder aenbeveelt is de eenheïd van natio- nael gevoel, de zedelyke strekking en eene beradenheiïd om boven eene alledaegsche beuzelende letterkunde zich te plaetsen. Het volk heeft den wil en de kracht betoond om door zich zelven te denken, en het Staetsbestuer de daedzaken aennemende , heeft by het instellen van vyf- jaerlyksche pryskampen voor letterkunde erkend, dat de vlaemsche letterkunde regt en titels bezit om naest de fransche plaets te nemen. Wy volbrengen de ons opgelegde taek, den uitslag bekend te maken van het onderzoek van den jury, belast met den prys toe te kennen aen den vlaemschen schryver, die in de laetste vyf jaren het verdienstelykst zich van zyne zending gekwelen heeft. De jury heeft in overzicht genomen al wat gedurende de laetste vyf jaren in de onderscheidene vakken van let- terkunde het licht zag : tooneelkunde, poezy, schilderende : ( 439 ) prosa, kansel- en baliewelsprekendheid. Wy lazen vele tooneelstukken, meestal echter waervan de vinding elders thuis behoorde en die te weinig door eigene vinding en geest hunnen vreemden oorsprong doen vergeten. In het vak van dichtkunst mogten wy ons op eenige ryke ju- weelen vergasten, en op het gebied der romans leverde de letterkunde menig verdienstelyk gewrocht. De weinige sermoenen overtuigden ons van het reeds besprokene verval der kanselwelsprekendheid. Al dadelyk by de eerste byeenkomst werd de vraeg geop- perd of werken enkel over taelkunde (philologie) loopende in aenmerking konden genomen worden. Het is den jury voorgekomen dat, volgens den geest en de letter der instel- ling van den vyfjaerlykschen prys, dergelyke werken niet kunnen mededingen. De taelkunde evenwel is voor ons, Vlamingen, van te groot gewigt en ze wordt door som- migen te gunstig beoefend, dan dat wy hier den wensch niet zouden uitdrukken dat ook voor dit vak een afzon- derlyke en vaste pryskamp wierde geopend, dergelyk er een voor de eigenlyke fraeije letteren is. De Vlamingen trouwens verkeeren, ten aenzien van het bedongene vak, in andere omstandigheden dan hunne waelsche broeders. In welten van taelkunde toch gedragen deze zich aen de beslissingen der fransche Akademie, terwyl Vlamingen en Hoilanders wederzyds elkander gezag toekennen. By nadere beraedslaging werd de prys toegewezen aen den heer Hendrik Conscience, van Antwerpen, die in het bepaelde tydbestek van het jaer 1850 tot 1855 de volgende werken liet uitgaen : De Loteling ; Baes Gansendonck ; De arme Edelman ; ( 440 ) De Gierigaerd ; De Boerenkryg ; en Hlodwig en Chlotildis. Alle deze werken zyn romans aen de geschiedenis des Lands ontleend, de meeste echter tot het gebied van het dagelyksche leven der Vlamingen behoorende, Eenvoudig van vinding, levendig van schildering, geleidelyk in den gang, deze hoedanigheden zyn de grondslag waerop de algemeene vooringenomenheiïd ter gunste van Conscience’s gewrochten rust. By hem ontmoet men noch moeijelyke inwikkeling, noch onbevredigbare toestanden; men moet by hem geene afgetrokkene gedachten noch ontleding van handeling zoeken; alles by dien schryver is ten hoogsten cenvoudig, naïf : het zyn stille tafereelen van lyden en genot, zoo alledaegsch, maer tevens zoo dichterlyk afge- sehetst, zoo schilderachtig voorgesteld dat de meest nauw- gezette op het punt van zuiverheid van tael en styl onwillens de onnauwkeurigheden in de uitdrukking uit het oog verliest. Want van gebreken van dien aert zyn bovengenoemde werken van Conscience niet altyd vry te pleiten. En hoe zou het anders in een’ tyd dat onze tael allerlei vernederingen te lyden heeft, uit het onderwys z00 goed als gebannen is, en de Vlaming schier uitsluitelyk ia uitheemsche voortbrengselen het voedsel des geestes moet putten? Dat Conscience zich aen enkele gallicismen schuldig maekt en weleens de juiste uitdrukking mist, dit zyn gebreken waervan weinige Vlamingen dezer dagen mogten vry blyven. Doch daertegen hoe veel heeft hy niet meë geholpen om aen de tael die smedigheid terug te geven, welke eene al te groote taelkundige nauwgezet- heid haer wilde ontnemen ? En die gebreken, hoe bekla- genswaerdig, helpen zelfs om in Consciences werken de ( 4H ) afspiegeling te volmaken van het land, waervoor deze ge- schreven zyn. Ja, ze zyn wel de afspiegeling van het miskende Vlaen- deren, dat met zoo veel gelatenheid worstelt om uit den staet van ontaerding te geraken, waer een balstarrig lot het in geworpen heefl. Consciences werken bezitten vooral dat schoone dat ze den mensch voorstellen even groot in alle standen, met het bewustzyn en de kracht om het kwaed te verafschuwen en zich door het goede te ver- heffen. Hy kiest by voorkeur zyne onderwerpen in de uederigste rangen der maetschappy, hy plaetst ze in de minst vruchtbare streken des Lands — in de heide; maer de menschen doet hy niet morren tegen het lot, hy ver- toont ze groot elk in zynen stand, en verheft ze door de natuerlyke werking hunner ingeschapene deugd. — Hy redeneert minder, hy is alleen schilder; maer hy maelt met al de waerheïd die de levendigste opvatting der formen alleen terug geven kan. Conscience heeft zich met hem waerdige tegenstanders, zoo wel dichters als prozaschryvers, in’tstrydperk bevonden. Zyn er onder die bewyzen gegeven hebben van meerder zuiverheid van tael, de jury heeft gemeend niet te mogen aerzelen hem den prys toe te wyzen om de gaven z00 even toegekend, gaven welke den weldadigsten invloed op alle standen der vlaemsche maetschappy uitoefenen. De schoone tafereelen van Conscience hebben den weg ge- vonden, dien menig krachtig woord te vergeefs betracht had; zy hebben het gemoed der natie geraekt en de tale gewroken op lauwheid , onverschilligheid en afkeer. Zulk een uitslag by alle standen der maetschappy, zelfs by den Wael en den vreemde waergenomen , kan alleen door het- gene schoon is verkregen worden. ( 442 ) Heeft de terugblik op het reeds verledene tusschen de hoogstvoldoende resultaten eenige algemeene leemten aengewezen, wy betrouwen dat het gezond oordeel der natie de nog bestaende hinderpalen zal wegruimen, die haer beletten hare eigenzelvigheid in alle vryheïd te ont- wikkelen. Wy betrouwen dat vooral het Staetsbestuer, beter ingelicht omtrent de zending welke het vlaemsch in het huishouden van den Staet te vervullen heeft, niet langer de middelen verwaerloozen zal om het voertuig onzer beschaving ter beschikking te stellen van alwie zich geroepen gevoelt gedachten onder onze landgenooten voort te planten. » (443 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 9 mai 1855. M. F. Fénis, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, De Keyzer, G. Geefs, Hans- sens, Navez, L. Roelandt, Van Hasselt, Jos. Geefs, Érin Corr, Snel , Fraikin, Partoes, Baron, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, membres; Daussoigne-Méhul, associé; Bosselet, Ad. Siret, correspondants. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur fait connaître que l’ouver- ture du grand concours de composition musicale de 1855 est fixée au 2 juin 1855; il recommande en conséquence à la classe l'exécution de l’art. 4 de l’arrêté royal du 44 oc- tobre 1854, relatif à l'envoi du poëme couronné destiné à être mis en musique par les concurrents. MM. les membres du jury, présents à la séance, annon- cent qu'ils ont terminé leur travail dans la matinée, et que le rapport destiné au Gouvernement va être immé- (444) diatement transmis à M. le secrétaire perpétuel de l'Aca- démie pour qu'il puisse en faire l'envoi. — M. le Ministre de lintérieur transmet une ordon- nance de payement de 500 francs, à titre de subside pour 1855, en faveur de la Caisse centrale des artistes dont la classe s’est chargée de surveiller les intérêts. — Le même haut fonctionnaire transmet un manuscrit de M. Van Synghel, intitulé : la Typophonie, contenant une nouvelle méthode pour écrire la musique; et il exprime le désir de connaître l’opinion de la section de musique sur cette œuvre. La classe désigne pour commissaires MM. F. Fétis, Hanssens et Snel. — M. Scarpellini, de Rome, communique une notice sur feu Ch. Finelli, associé de l’Académie (section de sculpture). . RAPPORTS. Il est donné lecture des rapports de MM. Henri Vieux- temps et Snel sur le manuscrit de M. Massart, intitulé : Solfége élémentaire à l'usage des écoles. D'après les conclu- sions de ces rapports, il existe déjà des solféges parfaits, pour le fond et la forme, qui, après avoir posé les prin- cipes fondamentaux de la, musique, en abordent et résu- ment toutes les difficultés; le nouveau solfége est incom- 7 (445) plet sous plusieurs rapports et ne peut être mis en parallèle avec les ouvrages adoptés et mis en pratique avec plein succès dans les conservatoires et les écoles de France, de Belgique, d'Allemagne et d'Italie; l'Académie ne peut donc donner son approbation à l’œuvre soumise à son Jugement. Ces conclusions, auxquelles adhère M. F. Fétis, troi- sième commissaire, sont adoptées par la classe. COMMUNICATIONS ET LECTURES. JEAN STRapan. — Notice par M. Ed. Fétis. Stradan était-il, ainsi que l’affirment ses biographes, de l'ancienne famille des Vander Straten compromise, au XI siècle, dans l'attentat commis sur la personne du comte de Flandre Charles le Bon? Il serait difficile, sinon impossible, de vérifier ce fait historique dont l’in- térêt n'est d'ailleurs que secondaire relativement au sujet que nous avons à traiter. Nous laisserons les généalogistes chercher, si telle est leur fantaisie, la solution d’un pro- _ blème de leur compétence, pour nous renfermer dans la sphère, suffisamment étendue, des questions d'art. Jean Vander Straten, appelé par les Italiens Stra- dano, puis Stradan par les Français, est généralement connu sous ce dernier nom. C’est celui que nous lui con- serverons. (446) Né à Bruges, en 1536, Jean Stradan eut pour pre- mier maître son père, peintre obscur, dont il n'existe aucune production constatée. Privé dès l’âge de douze ans dé ce guide naturel que la mort lui avait ravi, le jeune artiste se rendit à Anvers et prit des leçons de Maximilien Franck, artiste connu seulement par une citation de Sandrart, puis il entra dans l'atelier du Hollandais Pierre Lungo, avec lequel il s'était lié d'amitié. Après avoir tra- vaillé trois années sous la direction de ce peintre, il se croit capable de voler de ses propres ailes. D'élève, le voici passé maître, tenant atelier ouvert et en mesure de ré- pondre aux commandes dés amateurs. Celles-ci ne lui firent pas défaut, car les bons pinceaux ne restaient point oisifs dans notre métropole du commerce et des arts. D’après le Borghini, peintre et historien, qui connut Stradan à Flo- rence, et ünt de lui ces détails sur sa jeunesse, notre artiste avait exécuté un assez grand nombre de tableaux pour les églises d'Anvers, quand il éprouva le désir de fortifier son talent par l'étude des maîtres italiens. Que sont devenues les peintures que Stradan disait avoir faites à Anvers et dont nous ne trouvons de trace ni dans les églises, ni au musée de cette ville? Peut-être sont-elles parmi les œuvres auxquelles, faute de signature ou de toute autre preuve, il n’a pas été possible d'attribuer une paternité certaine. Ces tableaux, peints par Stradan antérieurement à la célébrité qu'il acquit à l'étranger et dont le retentissement ne parvint que longtemps après dans son pays, seront vraisemblablement restés ignorés. C’est ainsi qu'on peut mettre d'accord ses assertions à Borghini, relativement aux productions qu'il avait laissées à Anvers, avec l’igno- rance où l’on est de leur sort. Fr (4417) Stradan partit donc pour l'Italie. Il traversa la France et s'arrêta à Lyon, où, suivant Borghini, grâce à l'appui qu'il trouva dans Cornelio dell Aja, peintre du roi Henri IF, il fut employé à différents travaux. Tous les biographes qui ont rapporté cette particularité, jusqu'aux derniers tra- ducteurs de Vasari, M. Jeanron et Leclanché, désignent sous le nom de Corneille dell Aja le peintre qui accueillit Stradan à son passage à Lyon. C'est une des nombreuses erreurs produites par la fâächeuse habitude qu'ont toujours eue les écrivains italiens de traduire les noms propres. Le prétendu Cornelio dell Aja n’est autre que Claude Cor- neille, né à la Haye, peintre des rois François [*, Henri IT, François II et Charles IX, et mort à Lyon après un long séjour dans cette ville. De Lyon, Stradan se rendit à Venise, où il resta peu de temps. Quoique Flamand, l’école de Titien et du Tin- toret n’était pas celle qui le séduisait le plus; 1! avait plus de penchant pour le style des maîtres florentins ; d’ailleurs il savait quelle généreuse protection Cosme de Médicis ac- cordait aux artistes, et pensant qu'il y avait chance pour lui d’être enrôlé dans la légion des peintres à ses gages, il partit pour Florence. Son espoir ne fut pas déçu. La première mission que lui donna le grand-duc fut de com- poser des cartons de tapisseries représentant des allégories relatives au soleil, le miracle attribué à Josué, etc. Ce travail lui revenait en quelque sorte de droit. L'art de fa- briquer les tapisseries avait été introduit en Toscane par deux Flamands, Jean et Marc Rost. Vasari nous apprend que Salviati ayant traité dans une série de compositions Phistoire de Tarquin et de Lucrèce, ces sujets furent re- produits par Jean Rost en tapisseries , tissues d’or, de soie et de filoselle d’une beauté extraordinaire. Déjà le duc ( 448 ) Cosme avait chargé l'artiste flamand d'exécuter en tapis- serie, pour une des salles de son palais, l’histoire de Joseph d'après les dessins du Bronzino et du Pontormo, puis d’après le Salviati, Joseph expliquant à Pharaon le sujet des sept vaches grasses et des sept vaches maigres. La beauté de ces tapisseries, ajoute Vassari, engagea le duc à introduire cet art à Florence. En conséquence, il le fit enseigner à quelques enfants qui sont devenus de très- habiles ouvriers. Lanzi est d'accord avec Vasari pour attribuer aux deux Flamands Jean et Mare Rost, qu'il appelle Rossi, toujours en vertu du principe de la tra- duction des noms propres, l'honneur d’avoir introduit à Florence l’art, car c'en était un, de peindre en tapisserie, s'il est permis de s'exprimer ainsi. Après avoir travaillé pour Cosme de Médicis, ils firent pour le duc de Ferrare d'admirables tentures historiées d’après les dessins de Jules Romain. Ces particularités nous ont semblé ne de- voir pas être négligées. Elles fournissent une preuve de plus du succès avec lequel l’art a été traité sous toutes ses formes par les Flamands. Après avoir terminé la première tâche dont l'avait chargé Cosme de Médicis, Stradan, à qui ce témoignage de con- fiance d'un prince ami des arts avait procuré l'avantage d'une prompte renommée, fut appelé à Reggio par les com- missaires du pape et invité à peindre plusieurs salles à fresque. Il était sur la route de la fortune; mais s'il lui était facile de la parcourir, il n’oubliait pas qu'il était venu en Italie pour se livrer à de sérieuses études. C'est à Rome qu'il pensait devoir aller chercher son instruc- tion complémentaire. Il prit donc le chemin de la cité pontificale, et sans se prévaloir des travaux qu’il venait de terminer à Reggio pour obtenir de nouvelles com- ( 449 ) ; mandes, sans autre ambition que celle de l'étude, il copia les chefs-d'œuvre de Michel-Ange et de Raphaël, tout en exploitant la mine féconde des monuments de l'antiquité. Stradan s'était lié à Rome avec Francesco de Salviaui , peintre florentin qui le guida de ses conseils, l'initia aux grands principes de l’art du dessin, et lui donna cette belle manière propre aux artistes de son pays. Stradan a toujours conservé les traditions du style de ce maître. Le Salviati venait d’être chargé par le‘pape Pie 1V d'exécuter une partie des peintures de la salle des Roïs. Il s’associa Stradan pour l'exécution de ce travail. Une grande rivalité s'était établie entre Salviati et Daniel de Volterre auquel le pape avait commandé plusieurs tableaux pour celte même salle des Rois. Le premier écrivait à Vasari une lettre de plaintes, sur ce qu’on lui avait donné un rival au lieu de le charger seul de travaux auxquels était attaché autant de profit que d'honneur. Vasari lui répondait de ne s'en pas mettre en peine, de terminer les cartons qu’il avait préparés, et que s'il se tenait à la hauteur des fresques de la Sixtine, on jetterait par terre les peintures commencées par ses anta- gonistes pour leur substituer lessiennes. Ce conseil est suivi de point en point. Le Salviati se met à l’œuvre etcommence par jeter bas une fresque à moitié terminée par Daniel de Volterre. Une grosse querelle s'ensuit entre les deux pein- tres ainsi qu'entre leurs partisans respectifs. Tout en prenant parti pour le Salviati, son maître et son ami, dans cette guerre de pinceaux, Stradan devait se livrer à des réflexions peu favorables aux artistes ita- liens, en comparant leur perpétuel antagonisme et leurs manœuvres déloyales, à l'union et à la cordialité qui ré- ( 450 ) gnaient parmi les peintres flamands. La pensée de ce rap- prochement lui vint sans doute plus d'une fois, ear le dissentiment qui éclata entre le Salviati et Daniel de Vol- terre, à l’occasion des travaux de la salle des Rois, n’était pas un fait isolé. Il n’était, au contraire, que trop commun de voir ces grands maitres de Rome et de Florence, dont nous admirons les œuvres et dont le caractère n’était mal- heureusement pas au niveau de leur talent, se disputer avec un avide acharnement les commandes des souverains pontifes et des Mécènes du temps. Après avoir terminé la tâche dont le Salviati lui avait confié l'exécution, Stradan revint à Florence. Il retrouva les bonnes grâces de Cosme de Médicis qui, pour lui mar- quer sa satisfaction de la manière dont il s'était acquitté de la première mission qu'il lui avait donnée, le chargea de nouveaux et importants travaux. Ce furent d’abord des vues des villes principales de l'Italie qu'il peignit dans les appartements d'Éléonore de Tolède, femme du grand-duc, puis une composition représentant la défaite de Pierre Strozzi par le marquis de Marignan. Cosme de Médicis, voulant qu'une même direction füt imprimée aux travaux d'art exécutés sous son règne, afin qu'ils présentassent un ensemble impossible à obtenir d'efforts isolés et parfois divergents, donna à Giorgio Va- sari de pleins pouvoirs pour réaliser ce plan. Vasari, qui savail à quoi s’en tenir sur le talent de Stradan, qui l'avait vu à l’œuvre à Florence même, puis à Rome lorsqu'il y secondait le Salviati et Daniel de Volterre, lui fit parta- ger ses travaux et sa gloire. Du reste, quoiqu'il füt plein de sa personnalité, il ne se montra pas ingrat pour son collaborateur. Voici le passage qu'il lui consacre dans son chapitre : Des académiciens du dessin, et que nous citons (451) d'après la traduction de MM. Jeanron et Leclanchi «a Parmi nos académiciens, n'oublions pas le Flamand Giovanni della Strada (Jean Straet) qui joint à la correc- tion du dessin la richesse de l'invention et un bon coloris. Grâce aux progrès qu'il a faits pendant les dix années qu’il a passées à peindre en détrempe, à fresque et à l'huile, dans le palais, sous la direction et d’après les dessins de Giorgio Vasari, il peut aller de pair avec le plus habile des artistes qui sont au service du seigneur-duc. Aujour- d'hui Giovanni est principalement occupé à exécuter des cartons pour des tapisseries qui doivent s'harmoniser avec les sujets que Vasari a peints dans les appartements du palais. Pour les salles de Saturne, d’Opis, de Cérès, de Jupiter et d'Hercule, Giovanni a fait environ trente car- tons d’une beauté ravissante. Nous en dirons autant des cartons des tapisseries destinées aux quatre chambres habitées par la princesse. Ces chambres sont dédiées aux vertus des femmes et tout ornées de sujets empruntés aux histoires romaine, juive, grecque et toscane. On doit encore à Giovanni les cartons du salon où est peinte la vie de l’homme, et ceux des cinq chambres habitées par le prince et dédiées à David, à Salomon, à Cyrus et à d'autres personnages. Pour vingt salles du palais de Pog- gio-a-Caiano, il a représenté de la manière la plus origi- nale et la plus heureuse tous les genres de chasse et de pêche. Les animaux, les oiseaux , les poissons, les chas- seurs à pied et à cheval, ses pêcheurs nus et ses oiseleurs diversement costumés révèlent un rare talent. On voit que Giovanni s’est approprié le style italien avec la pensée de vivre et de mourir à Florence au service de ses illustris- simes seigneurs et en compagnie de Vasari et des autres académiciens. » ( 452 ) Tout en rendant un éclatant hommage au mérite de Stradan, le Vasari ne s'oublie pas. Ainsi, il attribue les progrès de l'artiste flamand et le haut développement de son mérite à l'influence de ses conseils. Si Stradan est devenu un excellent peintre, c'est grâce à ce qu'il a tra- vaillé pendant dix ans sous la direction de Vasari. Un autre historien de la peinture, également italien , Lanzi, n’est pas tout à fait de cet avis. Voici comment il s’ex- prime : « Jean Stradano, Flamand, qui vécut pendant dix ans dans l'intimité de Vasari, prit beaucoup de son colo- ris; mais il choisit plutôt pour son modèle dans le dessin Salviati, avec lequel il avait été à Rome, ainsi qu'avec Daniel de Volterra. » Quoi qu'il en soit, sans nous arrêter à ce qu'il y avait de personnel dans les éloges donnés à Stradan par Vasari, sous la réserve qu'une partie de ces éloges lui reviendraient à lui-même, nous dirons qu'il fut très-honorable pour le peintre de Bruges d’être compris parmi les artistes appe- lés à faire partie de l’Académie de Florence. Cette acadé- mie s'était, en quelque sorte, élevée sur les ruines de l’ancienne compagnie de S'-Luc, dont l'origine remontait au XIV siècle, mais qui s'était dissoute. Ce fut le Vasari qui proposa à Cosme de créer cette institution. Non-seu- lement le prince donna sa sanction à ce projet, mais il voulut présider lui-même la nouvelle académie dans les occasions solennelles. Ce fut encore un honneur pour Stradan, honneur envié, sans doute, par beaucoup de peintres florentins, que de par- ticiper à l'exécution des peintures du tombeau de Michel- Ange. Vasari en parle dans les termes suivants : « Un peu au-dessous de l'orgue, Giovanni Strada, habile peintre flamand , avait représenté, dans un tableau de six brasses ( 455 ) de largeur sur quatre de hauteur, les honneurs rendus par le doge Andrea Griuti à Michel-Ange, qui, pendant le siége de Florence, était allé demeurer à Giudecca, près de Venise. Cet ouvrage, plein d'expression, fit infiniment d'honneur à Giovanni Strada. » La composition de notre artiste se trouvait là en belle compagnie. Tous les mem- bres de l’Académie florentine avaient mis la main à ce monument élevé par la reconnaissance nationale au génie de Michel-Ange. En travaillant avec Vasari, Stradan avait acquis une grande rapidité d'exécution. Cette qualité, qui devient un défaut lorsqu'on en abuse, était indispensable à ceux qui se faisaient les collaborateurs du peintre favori de Cosme I”. Dans sa notice sur Taddeo Zucchero, Vasari dit que ce peintre étant venu à Florence, vit avec un extrême plai- sir les quarante-quatre grands tableaux que lui, Vasari, exécuta dans la salle du palais, en moins d’un an, avec l’aide seulement de Giovanni Stradan, de Jacopo Zucchi et de Battista Naldi. Stradan n’avait pas entièrement aliéné son indépendance d'artiste. S'il prêtait à Vasari l’aide de ses pinceaux, comme c'était une obligation pour tout artiste qui voulait être en faveur auprès de Cosme de Médicis, il ne renonçait pas à s’en servir pour son propre compte. Homme d'invention autant que de pratique, il ne pouvait se contenter d’être toujours l'interprète des idées d'autrui. Délivré d’une tu- telle qui devait parfois lui peser, il exécuta ses propres compositions. Au monastère de la Charité, de Florence, il peignit une Assomption et un Christ; dans l’oratoire de Saint-Clément il fit une Passion à fresque; l’église de PAnnonciation fut enrichie par lui d’un Crucifiement qui passe pour son chef-d'œuvre. Les critiques italiens s’accor- TomE xx11. — [°° PART. 32 ( 454 ) dent à louer la belle ordonnance de cette vaste compo- sition, la noblesse de la figure du Sauveur, l'expression de celle de la Vierge, de saint Jean et de la Madeleine, le mouvement du soldat qui va présenter l’éponge au Sei- gneur agonisant; {ous signalent la science du dessin et la richesse du coloris déployées par le maître dans cette page. Dans la même église, aux deux côtés de l'autel, Stra- dan peignit à fresque deux figures de prophètes. Dans l'église de la Sainte-Croix, on voit de lui une Ascension, dans celle de S® Maria Novella un Baptéme du Christ et dans celle du S'-Esprit Jésus chassant les marchands du Temple. A l'arrivée à Florence de Jeanne d'Autriche, fille de l’empereur Ferdinand I‘, qui venait d'épouser François de Médicis, Stradan fut chargé de l'exécution de l’un des arcs de triomphe élevés en l'honneur de la princesse. Il déploya une imagination féconde dans cette œuvre appar- tenant à un genre où de tout temps les artistes flamands ont excellé et qui lui rappelait les mœurs de sa patrie. Pour récompenser le talent dont il avait fait preuve dans cette ‘circonstance, où il s'agissait de célébrer un événement glorieux pour sa maison, Cosme commanda de nouveaux travaux au peintre brugeois. Il lui fit faire, dans une suite de cartons, l’histoire des actions de Cosme l'Ancien et de Laurent de Médicis, la fable de Vertumne et Pomone, traitée dans une série de sujets allégoriques, les aventures d'Ulysse et celles de Cyrus, ainsi que des épisodes de la guerre de Sienne. Borghini, auquel on doit des renseignements précis sur la vie et les travaux de Stradan, dit que notre artiste fut appelé à Naples par don Juan d'Autriche pour peindre.ses actions militaires, et qu’il accompagna le fils de Charles- ( 455 ) Quint dans son voyage aux Pays-Bas. Aucun autre témoi- gnage ne confirme cette assertion de l'historien italien. Si Stradan quitta, en effet, le service de Cosme de Médicis et l’Académie florentine pour s'attacher à la fortune de don Juan d'Autriche, fortune rendue très-problématique par la sombre jalousie de Philippe IF, il dut faire avec son pro- tecteur le voyage d'Espagne avant de se rendre dans les Pays-Bas. Nous ne trouvons pas de trace de cette excur- sion, pas plus qu'il n’en existe de la réapparition du peintre de Bruges dans son pays. De singulières erreurs ont été commises à propos de ce fait, enveloppé d’ailleurs de beaucoup d’obscurité, par l’auteur de l’article de Stradan publié dans la Biographie universelle. « Parmi ses peintures les plus remarquables (celles de Stradan}, dit l'écrivain français, il faut citer le Christ entre les deux larrons, pièce remplie de soldats et de cavaliers d’une dimension plus grande que nature. L'amour de la patrie l’ayant enfin déterminé à revenir en Flandre, il fixa son séjour à Bruges, où il exécuta, pour l’église de l'Annonciation, un Christ sur la croix auquel un des bourreaux présente l’éponge. Cette belle composition, gravée par Philippe Galle, est une preuve de la manière grandiose et savante qu'il avait rap- portée d'Italie, et de la science du dessin qu'il y avait acquise. Stradan était membre de l'Académie de Bruges. » Combien d'erreurs en peu de lignes! D'abord le Christ entre les larrons et le Christ sur la croix, dont l’auteur que nous venons de citer fait deux tableaux difiérents, étaient une seule et même composition. En second lieu, Stradan ne s’est point fixé à Bruges; l’église de l'Annon- ciation dont parle le biographe, et qu’il place dans la cité flamande, est celle de Florence, où se trouve le tableau de notre artiste. Enfin, ce n’est pas d’une académie de ( 456 ) Bruges, qui n'existait pas, mais de la célèbre Académie de Florence que Stradan était membre. Lorsqu'on voit tant de bévues accumulées, on comprend qu'il n'est pas inutile de récrire la vie de nos artistes à l’aide de docu- ments authentiques. Stradan suivit-il don Juan d'Autriche en Espagne et dans les Pays-Bas? C'est ce qu’on ne peut ni contester ni affirmer d’une manière positive. On sait seulement que s'il quitta l'Italie, ce ne fut que temporairement, car il y signale sa présence par de nombreux travaux. Borghini place vers cette époque l'exécution des fresques qu'il pei- gnit dans le monastère du mont Oliveto, près de Naples, et qui avaient pour sujets des scènes du Nouveau Tes- tament. Une Annonciation, qu'il avait commencée dans le dortoire des moines de cette abbaye, fut terminée par son fils. Stradan se reposait de ses travaux dans les salles du palais de Florence, dans les églises et dans les monastères, en peignant des tableaux de chevalet auxquels les nobles florentins mettaient un haut prix. L’habitude de traiter le grand style de la fresque ne lui avait pas fait perdre la délicatesse du pinceau dans la peinture à l'huile. Suivant Baldinucci, ses œuvres capitales dans ce genre furent deux petits tableaux représentant, l’un la Nativité, l'autre l’Ado- ration des mages, renfermant tous deux un grand nombre de figures touchées avec autant de délicatesse que de sen- timent. Ces deux tableaux, où l'artiste avait joint le colo- ris flamand au goût italien, sont signés et datés des années 1586-1587. Ils appartenaient, dit Baldinucci, au cardinal Alexandre de Médicis, qui fut pape sous le nom de Léon XI, et qui, en allant prendre possession du siége pontifical, les donna à sa sœur Constance, épouse du comte Ugo de (457) Gherardesca. Le même historien parle aussi avec de grands éloges d’une composition de Vénus et l'Amour, qui se trou- vait dans la collection du sénateur Baccio Valori. Les tableaux de chevalet de Stradan, peints pour des nobles florentins, sont restés, sans doute, dans les palais où ils furent originairement placés, car on en trouve fort peu dans les collections publiques de l'Europe. La galerie de Florence possède deux compositions de notre artiste ; 4° le Laboratoire d'un alchimiste; 2 Circé métamorphosant en animaux les compagnons d'Ulysse. Cette dernière peinture est sur ardoise. On voit dans la galerie de Vienne deux petits tableaux de Stradan peints sur cuivre, savoir : un Repos des Dieux au bord de la mer, dans une grotte de laquelle Neptune et Amphitrile s'approchent sur une conque, et une Flagellation de Jésus-Christ. Il n'existe des œuvres du peintre de Bruges dans aucun autre des grands musées d'Allemagne, pas plus qu'au Louvre, pas plus que dans les collections de Madrid et de Saint-Pétersbourg, pas plus enfin qu'à Bruxelles et à Anvers, chose plus surprenante et plus regrettable. Aucune des branches de l’art n’était étrangère à Stra- dan. Se conformant aux traditions de ces grands maîtres florentins dont le génie s’appliquait aux choses les plus diverses, il prêtait aux orfévres le secours de son ingé- pieux crayon. Un gentilhomme anglais, Henri Howard, comte de Surrey, ayant remporté le prix dans des joutes qui eurent lieu à Florence, le grand-duc lui fit présent d’un bouclier d'argent ciselé fait sur les dessins de Stra- dan. Cette pièce, remarquable sous le rapport de la com- position comme sous celui de l'exécution, se conserve au château de Norfolk. Elle offre la représentation de trois sujets de l’histoire romaine : 4° Horatius Cocles sur le ( 458 ) pont Sublicien ; 2 Mutius Scævola étendant la main sur un brasier ardent; 5° Quintus Curtius se précipitant dans un gouffre. Ce n’est pas vraisemblablement la seule pièce d’orfévrerie dont Stradan ait fourni le modèle; mais ses autres travaux du même genre sont restés ano- nymes; du moins ne les trouvons-nous mentionnés nulle part. Ainsi que tous les hommes très-occupés, Stradan avait des loisirs. Il voulut les employer à faire des dessins dont il confia la reproduction à d'habiles graveurs. Il était na- turel qu’il employàt le burin des artistes flamands pour multiplier les copies de ses œuvres. D'abord c’étaient les plus habiles de leur temps, il faut le dire; en second lieu, bien qu'il fût devenu Florentin par adoption, Stradan devait avoir conservé des sympathies flamandes, car chez aucun de ceux de nos peintres qui allèrent chercher for- tune à l'étranger, le sentiment de la patrie ne s’éteignit complétement. Peut-être l'exécution de la nombreuse série de planches qu'ont donnée, d’après Stradan , les graveurs anversois, doit-elle être considérée comme un témoignage à l'appui de l’assertion de Baldinucei relativement au voyage que notre peintre aurait fait dans les Pays-Bas à la suite de don Juan d'Autriche. Stradan aurait profité de son séjour momentané en Belgique pour nouer des rela- tions avec les graveurs auxquels il aurait envoyé ses dessins après son retour en Italie. Ce n’est qu'une supposition et non une preuve du fait de ce voyage sur lequel nous avons dit qu'on manquait de renseignements précis, car les gra- veurs qui ont le plus travaillé d’après Stradan : Philippe, et Corneille Galle, Collaert,.Goltzius et les Sadeler, ont tous visité l'Italie, et il est possible qu'ils aient reçu de Stradan , en passant à Florence, les originaux des compo- ( 459 ) sitions que reproduisit leur burin. Nous exposons ces deux opinions sans conclure, faute de le pouvoir faire avec certitude. Nous retrouvons encore un indice des liens qui n'avaient cessé d’attacher le peintre brugeois à sa patrie dans le pas- sage de la notice consacrée, par Vasari, à divers artistes flamands, passage où l’auteur s'exprime ainsi : « J'ai eu communication de tous ces détails par le peintre Jean Stradan, de Bruges, et par le sculpteur Jean Bologne, de Douai, tous deux Flamands et excéilents artistes, comme on le verra dans notre notice sur les académiciens. » Stradan a traité des sujets très-divers. Nous n'avons pas à revenir sur les grands travaux qu'il a faits en collabora- tion avec Vasari ou d’après les inspirations qu'il recevait de ce maître; mais il nous reste à passer en revue ceux où il a pu donner un libre cours à son imagination et qui ont trouvé d’habiles interprètes dans les graveurs anversois. Parmi ses compositions, tirées de l'Ancien Testament, on remarquera la suite des Prophètes, gravée en vingt feuilles par Corneille Galle, et publiée à Anvers, en 1613, sept sujets de la Bible, gravés par Adr. Collaert, Adam et Ève chassés du paradis terrestre, gravé par Phil. Galle, et le festin de Balthazar, gravé par Crispin de Passe. Dans la série des sujets du Nouveau Testament traités par Stradan, il faut citer : la Passion, suite de quarante compositions , gravées par Phil. Galle et Adrien Collaert, précédée du portrait du peintre et d’une dédicace au car- dinal Ferdinand de Médicis; une autre Passion, en vingt et une estampes , la Vie de saint Jean le Précurseur, en dix planches, gravées par Corn. Galle; les Actes des apôtres, gravés par Phil. Galle, en partie d’après les dessins de Stradan , en partie d'après ceux d'Heemskerck et formant ( 460 ) une suite de trente-cinq estampes; Les saintes Femmes et Les Anges pleurant sur le corps de Jésus-Christ, gravés par R. Sadeler; un Couronnement de la Vierge, gravé par J. Sadeler ; Saint Jean agenouillé devant l'enfant Jésus et une Madone, gravés par H. Goltzius. Nous pourrions grossir celte liste, car les sujets du Nouveau Testament sont ceux qui forment la catégorie la plus nombreuse dans l'œuvre de Stradan; mais afin de ne pas sortir du cadre que nous nous sommes tracé pour ces notices, biographiques avant tout, nous sommes obligé de limiter nos citations. Nous rappellerons qu'il n'entre pas dans notre plan de dresser des inventaires iconographiques, mais seulement de signa- ler parmi les productions des artistes dont nous nous occupons, celles qui peuvent être considérées comme des spécimens de leur talent dans les genres différents aux- quels ils se sont appliqués. Dans ses compositions religieuses, Stradan se montre artiste d'invention et dessinateur savant; mais il est loin d'être irréprochable sous le rapport du goût. Si la figure du Christ, celles de la Vierge, des saintes Femmes et des Anges ont de la noblesse et attestent que le sentiment du beau n'était pas étranger au peintre de Bruges, beaucoup d’autres sont d’une laideur vulgaire où ne se fait guère sentir l'influence de l’école italienne. Les nains affreux que Stradan s’est plu à représenter dans la plupart de ses tableaux sont une débauche d'imagination dont on ne peut disculper notre artiste. Son intention a été, sans contredit, d'obtenir des effets d'opposition par le rap- prochement de ces êtres hideux avec la beauté des saints personnages; mais de tels contrastes ne sont pas plus conformes à la nature qu'aux vrais principes de Part. PEN (461) La mythologie a fourni à Stradan les sujets de quelques compositions. Nous avons déjà mentionné les cartons des tapisseries de Cosme de Médicis, ainsi que plusieurs ta- bleaux où il avait mis en scène les divinités paiennes. Ce ne sont pas les seuls ouvrages de notre artiste appartenant à celte catégorie. Il existait, vers la fin du siècle dernier, dans une collection particulière à Amsterdam, une suite de dessins de Stradan, représentant les douze mois de l’année, personnifiés dans des figures mythologiques. Syl- vestre, le célèbre amateur français, avait de lui un dessin d'Orphée; dans la collection du prince Charles, à Vienne, se trouve un dessin qui à pour sujet Énée, guidé par la Sibylle dans sa visite aux enfers; on connaît encore un Phaëton, conduisant le char du soleil, gravé par Philippe Galle. Les sujets de l’histoire ancienne traités par Stradan sont en petit nombre. La galerie de Gotha possède une de ses peintures représentant la réconciliation des Romains et des Sabins. Adrien Collaert à gravé d’après ses dessins Les douze Césars inspirés par Suétone, et Théodore Galle une suite de six estampes reproduisant des faits mémorables de l’histoire romaine. Les allégories étaient fort du goût des peintres de l’épo- que où vivait Stradan. Ils aimaient ces façons ingénieuses d'exprimer des idées abstraites à l’aide de figures emblé- matiques et d’attributs qui en déterminaient le sens. L’allé- gorie est passée de mode; les peintres sont devenus plus positifs. Ils représentent presque exclusivement des sujets historiques, des scènes de roman ou des épisodes de la vie familière. Stradan cultiva l’allégorie avec prédilection. Ses compositions dans ce genre sont nombreuses. Voici les principales : Les sept Vertus cardinales représentées par des ( 462 ) figures de femmes et, pour faire pendant à cette suite, Les sept Péchés capitaux; Les quatre Saisons; un recueil de cinq pièces intitulées : Pietas, Nuptiae, Arma, Venatio, Litterae, bizarre mélange d’abstractions que traduisit le burin de Raphaël Sadeler. Stradan fit encore l’éloge de la musique, Encomium musices, en dix-huit planches gravées par Th. Galle et illustrées, comme dit le titre, de vers latins par J. Bochius. Notre artiste a encore représenté dans deux scènes qui forment pendants, la mort du pauvre et la mort du riche, compositions allégoriques et philoso- phiques. Le pauvre meurt de faim; le riche meurt d'indi- gestion. Nous sommes obligé de convenir que Stradan manqua ici complétement de galanterie quand, pour exprimer cette dernière pensée, il montra une dame du grand monde surprise par la mort au milieu des plaisirs d’un opulent festin. Ces deux pièces sont, du reste, supé- rieurement gravées par Sadeler. Parmi les conceptions les plus singulières de Stradan, on remarque deux recueils de dessins gravés par Th. Galle et par J. Collaert et publiés sous le titre de Nova reperta. L'artiste y a illustré, dans des compositions dont chacune offre un ensemble d’actions relatives au sujet, les princi- pales découvertes dans lesquelles s'était signalé le génie humain aux temps modernes. Ces découvertes sont : l'Amé- rique, la pierre polaire (laimant), la poudre à canon, l'imprimerie, l'horloge mécanique, le mal contagieux (quelle découverte!) et son remède; la distillation, élève du ver à soie, l’étrier, l’art de polir les armures, le moulin à vent, le moulin à eau, la détermination des longitudes, l'huile d'olive, la gravure sur métal, la couleur à l'huile, l'extraction du sucre de la canne, les lunettes et lastro- labe. Cette dernière planche est ornée du portrait du mn, «| ( 465 ) Dante dans un cartouche avec la citation d’un passage de l'illustre poëte se rapportant à Améric Vespuce. Une suite de quatre pièces sous le titre de Americæ detectio, gravées par Adr. Collaert, est consacrée en outre à célébrer Ja gloire acquise à Christophe Colomb et à Améric Vespuce, par la découverte du nouveau monde. L'originalité de l'esprit de Stradan s’est manifestée dans l'exécution de ces dessins autant que dans le choix des sujets. Que n’a-t-il vécu de notre temps. La fécondité de nos inventeurs lui aurait permis de grossir indéfiniment la liste des Nova reperta. L'histoire moderne a fourni à Stradan les sujets de nombreuses et importantes compositions. Philippe Galle a reproduit, dans une série de 22 planches, les cartons qu'il exécuta par l’ordre du duc Cosme, et dans lesquels sont rappelés les événements glorieux du règne des Médi- cis. C'est, suivant nous, la plus belle partie de son œuvre. Nous avons dit, que dans ses sujets religieux, Stradan avait parfois manqué de noblesse et de simplicité. Ses illustra- tions de la famille des Médicis sont remarquables par l’or- . donnance des scènes représentées, par le caractère des figures et par la force du dessin. Les épisodes militaires surtout sont pleins de mouvement et d'énergie. On y trouve de précieuses indications, non-seulement sur les costumes et sur les armes du temps, mais encore sur la théorie de l’art de la guerre, tant l'artiste a mis de pré- cision dans tous les détails des siéges et des chocs d’ar- mées. En examinant ces belles compositions, on acquiert la conviction que la vocation de Stradan était d'être un peintre de batailles. Dans la catégorie des compositions historiques de Stradan, on remarque encore une suite de cinq sujets de l’histoire du duc Jean de Médicis, la ville ( 464 ) de Vienne délivrée des Turcs par la victoire de Charles- Quintet la bataille de Lépante. Stradan s'inspira du Dante dans une composition allé- gorique où sont réunies les figures du poëte de la Divine comédie, de Béatrice et de Virgile. Il peignit également le sombre épisode de la mort du comte Ugolin dans la tour de la Faim. On à vu que Stradan avait exécuté, dans les apparte- ments de Cosme de Médicis, une série de peintures repre- sentant des actions de chasse et de pêche. L'artiste com- pléta cette suite déjà nombreuse pour former un recueil qui fut gravé par Collaert, Galle et Mallery, et qui ne comprend pas moins de 418 planches. Tous les genres de chasse et de pêche, tous les piéges inventés pour prendre les animaux y sont indiqués. Stradan y à joint des combats de bêtes féroces et de sanglants épisodes des jeux du cirque chez les Romains. Dans ses batailles et dans ses chasses, Stradan avait fait preuve d’une connaissance parfaite du cheval. Il avait étu- dié soigneusement son anatomie et le peignait à merveille, soit dans le repos, soit dans l’action. Il fit une application . \ particulière de ce talent en ce genre dans un recueil gravé par plusieurs artistes et publié par Galle sous le titre d'Équile, où il donne des chevaux de tous les pays dessi- nés d’après nature, suivant une note de l'éditeur. L'une des pièces capitales de l’œuvre de Jérôme Wierix est un cheval, image de l'indépendance, qui vient de rompre ses entraves et s’élance fièrement dans le champ de la liberté : c’est Stradan qui à fourni le dessin de cette planche. Dans le célèbre cabinet de Paignon-Dijouval se trou- vaient deux dessins originaux de Stradan, sujets de chasse M ( 465 ) à la plume, lavés de bistre et rehaussés de blanc, et trois autres dessins représentant saint Pierre, sainte Marthe et sainte Madeleine. Nous ignorons ce qu’ils sont devenus. Le prince de Ligne avait dans sa riche collection, décrite par Adam Bartsch, deux dessins de Stradan : Jésus-Christ devant Hérode et la Bataille de Saül contre les Philistins, faits à la plume et lavés de bistre. C'était le système d’exé- cution adopté par notre artiste. Le baron de Rumobhr, dans sa notice sur la collection des estampes de Copenhague, expose les motifs qui lui paraissent devoir faire attribuer à Stradan l'exécution de plusieurs gravures; mais les conjectures sur lesquelles il se fonde sont si vagues, que nous ne saurions les accepter, quel que fût notre désir d'attribuer à notre artiste un mérite de plus. En revanche, nous pouvons affirmer, quoique les bio- graphes de Stradan aient été muets sur ce point, qu'à l'exemple des grands maîtres italiens, dont il partageait les travaux et la gloire, il joignit le talent de l'architecte à celui du peintre. Sadeler nous a laissé la gravure d’une fontaine qui fut érigée, d’après ses dessins, sur une des places publiques de Florence. Stradan mourut le 5 novembre 1605. Il avait fourni une longue et laborieuse carrière, car il venait d'atteindre sa quatre-vingt-deuxième année, et l’on a vu combien ses pro- ductions de tout genre furent nombreuses. Il laissa un fils nommé Scipion, dont il aurait voulu faire un peintre digne de soutenir la renommée de son nom, mais qui ne fut qu'un artiste de peu de valeur. C’est dans l’église de l’An- nonciation, où se trouvait son chef-d'œuvre, que furent dé- posés, par les soins de son fils, les restes de Jean Stradan. Au-dessus du tombeau qui les renfermait, on plaça son ( 466 ) portrait surmontant une plaque de marbre où était gravée celte inscription : Jonanxi SrraADANO BELGÆ BRUGENSI PIiCTORI CLARISSIMO IN HAC ÆDE QUIESCENTI SCIPIO FILIUS EJUS IMAGINEM AD VIVUM EXPRESSUM MOERENS BENE MERENTI POSUIT MDCVI VixIT ANNOS LXXXII OBIIT 1V NONAS NOVEMB. MDCY. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Retraite et mort de Charles-Quint au monastère de Yuste. Let- tres inédites publiées d’après les originaux conservés dans les archives royales de Simancas; par M. Gachard. (Introduction.) Bruxelles, 1854; 1 vol. in-8°. Compte rendu des séances de la Commission royale d'histoire, ou recueil de ses Bulletins. 2" série. Tome VIT; 4% Bulletin. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-8°. Histoire politique du règne de l'empereur Charles-Quint, avec un résumé des événements précurseurs, depuis le mariage de Maximilien d'Autriche et de Marie de Bourgogne; par le cheva- lier Marchal, avec la collaboration de M. Ed. Marchal fils. Livrai- sons 1 à 3. Bruxelles, 1854; 3 broch. gr. in-8°. Sur la différence de longitude des observatoires de Bruxelles et de Greenwich, déterminée par des signaux galvaniques par G.-B. Airy; traduit de l'anglais avec notes par A. Quetelet. Bruxelles, 4855; 1 broch. in-4°. Plans et description des instruments de l'Observatoire royal ( 467 ) de Bruxelles ; par À Quetelet. Bruxelles, 1855; 4 broch, in-#. Ambroise Spinola, épisode historique du temps d'Albert et d'Isabelle. Deuxième édition, suivie de : Louise d'Orléans, pre- mière reine des Belges, poème; par Adolphe Siret. Bruxelles, 4855; 1 vol. in-12. De la plaine maritime depuis Boulogne jusqu'au Danemark : 47e partie, Mémoire sur la plaine maritime depuis Anvers jus- qu'à Boulogne; par Antoine Belpaire; 2° partie, Étude sur la plaine maritime depuis Boulogne jusqu'au Danemark; par Al- phonse Belpaire. Anvers, 1855; 1 vol. in-8°. Histoire de la révolution des Pays-Bas sous Philippe I; par Th. Juste. Tome EF. Bruxelles, 4855; 1 vol. In-8°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique. Directeur : M. Galeotti. 13° année; n° 2. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-1°2. Journal belge de l'architecture et de la science des construc- tions, publié sous la direction de MM. C.-D. Versluys et Ch. Van- derauwera. 7° année, 1'° et 2% liv. Bruxelles, 1855; 2 broch. in-8°. Le Guide musical, revue hebdomadaire des nouvelles musi- cales de la Belgique et de l'étranger. N° 1. Bruxelles, 1855 ; 1 feuille in-4. Annuaire de l'enseignement moyen pour 1855; par Frédéric H. Bruxelles; 1 vol. in-18. L'Abeille, revue pédagogique pour l'enseignement primaire; publiée par Th. Braun. 4'° à 3% liv.; mars à mai 1855. Bruxelles ; 3 broch. in-8°. Messager des sciences historiques, des arts et de la biblio- graphie de Belgique. Année 4855; 4"° liv. Gand ; 4 broch. in-8°. Revue de l'administration et du droit administratif de la Bel- gique; par MM. Bonjean, Bivort, Cloes et Dubois. 1"° année. Tome F; 8m à 44e iv. Liége, 1855; 1 broch. in-4°. Journal historique et littéraire. Tome XXL, liv. 41 ; tome XXIT, liv. 4. Liége, 4855; 2 broch. in-8°. Essai de tablettes liégeoises ; offertes à la Société libre d'Ému- ( 468 ) lation de Liége; par Alb. d'Otreppe de Bouvette. 15" et 16% liv.; mars et avril. Liége, 4855; 2 broch. in-8°. Mémoires et publications de la Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut. Mons, 4855 ; 1 vol. in-8°. Revue pédagogique, publiée par les soins et sous la direction de MM. Degive, Sauveur, Tychon et Vanhollebeke. 3"° année; n® 5 et 4. Mons, 1855; 2 broch. in-8. Société historique et littéraire de Tournai ; statuts constitutifs. Tournai, 4855 ; 1 broch. in-8°. Moniteur de l'enseignement, publié par Frédéric Hennebert, 3% série. Tome IL; n°5 44 à 44. Tournai, 4833; 4 broch. in-8°. Jongelings droomen ; door Jan Van Beers. 3% druk. Amster- dam , 1855 ; 1 vol. in-8°. Kronijk van het historisch Genootschap gevestigt te Utrecht. 410% jabrgang, 1854; 2% serie. Utrecht; 1 vol. in-8°. Berichten van het historisch Genootschap te Utrecht. 5% deel ; 45e stuk. Utrecht, 1854; 1 vol. in-8°. Codex diplomaticus neerlandicus. Verzameling van oorkon- den, betrekkelijk de vaderlandsche geschiedenis ; uitgegeven door het historisch Genootschap gevestigd te Utrecht. 2% serie; 9de deel. 4°! afdeeling. Utrecht, 1853; 1 vol. in-8°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l Académie des sciences ; par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XL; n° 14 à 19. Paris, 4855; 6 broch. in-4°. Bulletin de la Société géologique de France. 2° série. Tome XI, feuilles 46-50; tome XII, feuilles 4 à 114. Paris, 1854-1855; 2 broch. in-8°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée, par M. F.-E. Guérin-Méneville. 1855; n° 2 et 3. Paris; 2 broch. in-8°. L'Investigateur , journal de l'Institut historique. 22"° année. Tome V; 5% série; 249% liv. Janvier 1855. Paris; 1 broch. in-8°. … Dissertations juridiques sur quelques-uns des points les moins éclaircis ou les plus controversés en doctrine et en jurisprudence; . par C. Le Gentil. Paris, 4855; 1 vol. in-8°. Chronique de Guines et d'Ardre; par Lambert, curé d’Ardre ( 469 ) (918-1205). Texte latin et français en regard ; par le marquis de Godefoz Menilglaise. Paris, 1855; 4 vol. in-8°. Compte rendu de l'ouvrage ci-dessus; par M. Louis de Baeker. Lille, 4855; 1 broch. in-8°. L'Athenœum français. N° 14 à 90. Paris, 1855; 7 doubles feuilles in-4°. Annuaire de la Société philotechnique. Année 1854. Tome XVI. Paris, 1855; 1 vol. in-12. Recueil des actes de l'Académie impériale des sciences, belles- lettres et arts de Bordeaux. 16"° année. 1854; 3° trimestre. Bordeaux, 1854; 1 broch. in-8&. Précis analytique des travaux de l'Acadëmie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, pendant l’année 1853-1854. Rouen, 1854; 1 vol. in-8°. Bulletin historique de la Société des antiquaires de la Morinie. 5e année; 3% Jiv. St-Omer, 4855; 1 broch. in-8°. Excursion archéologique dans la Bourgogne septentrionale ; par Mignard. Dijon, 4855 ; 1 broch. in-8°. Programme des connaissances exigées pour l'admission à l'École spéciale de Lausanne. Lausanne, 1854; 1 broch. in-12. On some points of magnetic philosophy ; by professor Faraday. Londres, 4855; 1 broch. in-8°. Proceedings of the royal Sociely of London. Vol. VI; n° 12. Londres, 4855; 1 broch. in-12. The quarterly journal, of the chemical Society. Vol. VHI; n° 29. April 4855. Londres, 1855; 1 broch. in-8°. Mittheilungen über die Handschriften - Kataloge offentlicher Bibliothcken, von welchen sich Abschriflen in der hamburgischen Stadbibliothek befinden ; von D' Friederch-Lorenz Hoffman. Leip- 2ig, 1854; 1 broch. in-8°. Zeitschrift für die gesammten Naturwissenschaften. Heraus- gegeben von dem naturwissenschaftlichen Vereine für Sachsen und Thüringen in Halle, Jahrgang 1853-1854. Halle, 1855- 1854; 3 vol. in-8°. TOME xx11. — J'° paRT. 53 ( 470 ) Wurttembergischen naturwissenschaftliche Jahreshefte. Her- ausgegeben von Prof, D' H.-V. Mohl, in Tubingen; Prof. D° Th. Pfeninger; Prof. D' Fehling; D' Wolfg.-Menzel; Prof. D° F. Krauss, in Stuttgart. 11" Jahrgang; 41% Heft. Stuttgart, 1855; 4 broch. in-8°. Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der vier Facultäten. LXVIII Jahrgang ; 2° Heft. Heidelberg, 1855 ; 4 broch. in-8°. Neues Jahrbuch für Pharmacie und verwandte Fächer. Her- ausgegeben unter Mitwirkung des Directorii, von G.-F. Walz und F.-L. Winckler. Band II, Heft 6. Spire, 1854; 1 broch. in-8°. Organismus des germanischen Nationalmuseums zu Nuren- berg. Nuremberg, 1855; 2 broch. in-8°. Anseiger für Kunde der deutschen Vorzeit. Neue Folge. 3!" Jahrgang, Organ des germanischen Museums, 4855. N° 4 à 4. Nuremberg; 5 feuilles in-4°. Il nuovo Cimento, giornale di fisica, di chimica , e delle loro applicazioni alla medicina , alla farmacia ed alle arti industriali. Compilato dai professori C. Matteucci e R. Piria, coll assistenza de’ dottori R. Felici e C. Bertagnini. Tome I. Janvier, février et mars. Pise, 1855; 5 broch. in-82. Correspondenza scientifica in Roma. Bulletino universale. Anno terzo, n° 50, 51, 52; anno quarto, n° 1. Rome, 1855; 4 feuilles in-4. ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. PROGRAMME DE La CLASSE DES LETTRES ET DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES. CONCOURS DE 1856 PREMIÈRE QUESTION, Faire l'histoire, au choix des concurrents, de l'un de ces conseils : le grand conseil de Malines, le conseil de Brabant, le conseil de Hainaut, le conseil de Flandre DEUXIÈME QUESTION. Tracer un tableau historique et politique du règne de Jean I", duc de Brabant. Outre le récit circonstancié des événements, ce tableau devra faire connaître l'état social du duché de Brabant, sous le rapport de la législation, du commerce, de l'industrie, de l'agriculture, des lettres et des arts. TROISIÈME QUESTION. Faire sommairement l'histoire des doctrines qui ont influé sur l'état social, prineipale- ment en Belgique, depuis le commencement du XVI siècle jusqu'à nos jours. QUATRIÈME QUESTION. Faire l'histoire des anciens états d'une des provinces suivantes : Brabant Flandre, Hainaut, Limbourg, Luxembourg et Namur. | CINQUIÈME QUESTION. Faire l'histoire du collége des Trois-Langues à Louvain, et exposer l'influence qu'il a exercée sur le développement de la littérature classique, ainsi que sur l'étude des langues orientales. SIXIÈME QUESTION. Quels ont été les rapports entre la littérature thioise (flamande) et la littérature fran- çaise pendant le XI"e, le XIII" et le XIVe siècle, et quelle est l'influence que l'une a exercée sur le développement de l'autre ? Le prix, pour chacune de ces questions, sera une médaille d'or de la valeur de six cents francs. Les mémoires devront être écrits lisiblement en latin, en français ou en flamand, et seront adressés, francs de port, avant le 1% février 4856, à M. Quetelet, secrétaire perpétuel. CONCOURS DE 1857. La classe adopte, dès à présent, pour le concours de 1857, les questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Établir la véritable origine du droit de succession. Rechercher si ce mode de transmission découle de la nature des choses ou s'il n'est qu'un établissement créé dans une utilité civile. Exposer la doctrine des principaux auteurs qui ont traité cette question; proposer une solution motivée. DEUXIÈME QUESTION. Constater les analogies que présentent les langues flamande, allemande et anglaise, malgre les modifications qu'elles ont subies, et rétablir la signification des mots tombés en désue- tude dans l'un de ces idiomes par celle qu'ils ont conservée dans un autre. PRIX DE LITTÉRATURE FRANÇAISE. De l'influence de la civilisation sur la poésie. PRIX DE STASSART. Feu M. le baron de Stassart a mis à la disposition de l'Académie un capital en rentes sur l'État belge, pour fonder, au moyen des intérêts accumulés, un prit perpé- tuel qui sera décerné, tous les six ans, à l’auteur d'une notice sur un Belge célèbre. choisi alternativement parmi les historiens ou les littérateurs, les savants ou les artistes. + La classe a décidé, qu'afin de rendre un hommage mérité à la mémoire du donateur, elle inaugurerait la série de ces biographies en demandant : Une notice sur le baron de Stassart. Cette notice, rédigée en langue française, devra être composée de manière à satisfaire aux conditions exigées dans un travail littéraire. Les mémoires faits en réponse à ces diverses questions doivent être adressés, francs de port, avant le 1" février 1857. CONCOURS E TRAORDINAIRE. Sur la proposition d'une personne qui désire garder l'anonyme, la classe des lettres à acceplé d'inscrire dans son programme et de juger les mémoires qui lui seront adressés en réponse à la question suivante : Charlemagne est-il né dans la province de Liége ? Le prix ne sera décerné que pour une solution aflirmative ou négative de la ques- tion et consistera en une inscription au grand-livre de la dette publique belge à 2 p. % et au capital nominal de six mille francs, avec la jouissance des intérêts à part du 4° janvier 1854. Le mémoire devra être remis avant le 1° février 18: L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les pages des livres qu'ils citeront. On n'admettra que des planches manuscrites. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage, mais seulement une devise, qu'ils répéteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et leur adresse, Les ouvrages remis après le terme prescrit ou ceux dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoires ont été soumis à son jugement , ils sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa pro- priété. Toutefois, les intéressés peuvent en faire tirer des copies à leurs frais, en s'adres- sant, à cet effet, au Secrétaire perpétuel. Fait à Bruxelles, dans la séance du 7 mai 1855. Pour l'Académie : Le Secrétaire perpétuel, A. QUETELET. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1855. — N° 6. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 2 juin 1855. M. NERENBURGER , président de l’Académie. M. Querecer , secrélaire perpétuel. Sont présents : d'Omalius d'Halloy, Sauveur, Wesmael, Martens, Plateau, Dumont, Cantraine, Kickx, Stas, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, Ed. de Selys-Long- … champs, Gluge, Schaar, Liagre, Duprez, membres ; Spring, Lacordaire, Sommé, Lamarle, associés; Maus, Houzeau, correspondants. M. Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts , assiste à la séance. TOME xx11. — 1° PART. 54 (472 ) CORRESPONDANCE. La classe apprend avec douleur la perte qu’elle vient de faire par la mort de M. Pagani, l’un de ses membres, décédé à sa campagne de Woubrechtegem, le 10 mai dernier. — M. le Ministre de l’intérieur fait parvenir les der- nières livraisons des Annales de la commission royale de pomologie. — Les Sociétés royales des sciences de Gôttingue et de Leipzig, ainsi que la Société des sciences naturelles du Wurtemberg, remercient l’Académie pour l'envoi de ses mémoires. $ — M. Pegado, directeur de l'Observatoire météorolo- gique de Lisbonne, communique la suite des observations faites dans cet établissement. RAPPORTS. Sur les rapports favorables de ses commissaires, MM. Martens et Spring, la classe ordonne l'impression d’un mémoire de M. J. Kickx, intitulé : Recherches pour servir à la flore cryptogamique des Flandres; cinquième centurie. (475) Recherches sur les chaleurs spécifiques de quelques métaux à différentes températures ; par M. E. Bede, professeur agrégé à l'université de Liége. Fapport de M. Crahay. « Les expériences ont constaté que le coefficient moyen de la chaleur spécifique des corps augmente avec les tem- pératures entre lesquelles il est compris. M. Bede s’est proposé, dans le travail soumis à notre examen, de recher- cher, pour quelques métaux, la loi de cette variation, en déterminant la chaleur spécifique élémentaire, 7, correspon- dante à un accroissement de température de {° à 4° + de, de manière que =; expression dans laquelle Q est la quantité de chaleur exigée par l'unité de masse pour éprouver une élévation de température de 0° à {°, et qui est liée au coefficient moyen c par la relation Q— ct, d’où La détermination numérique de 7 exigeant la connais- sance des valeurs de Q, correspondantes à des points très- différents de l'échelle thermométrique, M. Bede s’est trouvé dans la nécessité d'entreprendre une suite d'expériences, afin de remplir les lacunes que laissent, sous ce rapport, les travaux connus. Les recherches si précieuses de M. Re- gnault ne donnent les coefficients moyens qu'entre O° et 100° ; Dulong et Petit les ont obtenus entre 0° et 100, et entre 0° et 300° ; mais ils ne sont pas non plus en nombre ( 474 ) suffisant. Pour le fer seul , les deux derniers savants ont déterminé les coeflicients moyens de 0° à 400°, à 200°, à 300° et à 550°. La méthode employée par l’auteur est celle des mélan- ges; la description détaillée qu’il en donne dans son mé- moire inspire beaucoup de confiance dans les résultats qu'il en a déduits. Les métaux qui ont fait l'objet de ses recher- ches sont : le fer, le cuivre, l’étain, le plomb, le zinc, l’antimoine et le bismuth. Chacun a été soumis de sept à dix fois à l'expérience, à des températures qui ont varié entre 400° et 247° centigrades ; il en a déduit, pour cha- que métal, trois coefficients moyens c, correspondants à des points différents entre ces limites. Ceux qu’il a trouvés entre 0° et 100° sont tous un peu inférieurs aux nombres déterminés par M. Regnault, et varient légèrement par rapport à ceux fournis par Dulong et Petit; les différences sont de l’ordre de celles qu'il est difficile d'écarter dans ces sortes d'expériences, où les méthodes d'opérer n’ont pas été identiques, et où les corps soumis à l'examen ont pu être de composition ou d’agrégation un peu différente. La discussion des nombres obtenus a conduit l’auteur à supposer que la chaleur spécifique des corps varie avec la température d’une quantité à peu près proportionnelle à celle-ci; de sorte que si Cr, & indiquent les coefficients moyens entre 0° et (°, el entre OP et {°, et si a est un coefl- cient constant pour chaque métal, mais variable d’un métal à l’autre, on peut poser : = + a(t —1t), d’où (47 ) Dans cette hypothèse, le même métal doit fournir, pour tout autre coeflicient moyen entre 0 et t”’, un même ré- sultat Cette relation se trouve vérifiée sensiblement par les nombres déduits des expériences de l’auteur. Le mémoire présente la valeur numérique de a pour chaque métal. La formule d’interpolation, citée plus haut, conduit l’auteur aux deux expressions générales : Yx — Y% + 2aT G=1y, AT, dans lesquelles y, désigne la chaleur spécifique élémen- taire à (°, 7. celle à T; C; la chaleur spécifique moyenne entre 0° et T. De la seconde expression, on déduit : 7, — Cr —aT, ce qui fournit la valeur de y, à l’aide de C, obtenu et de aT; a étant tirée de la relation énoncée plus haut. Le mémoire présente le résultat de ces calculs pour x et pour a. À l’aide de ces deux coefficients, on peut trou- ver, pour l’un des métaux sur lesquels l’auteur a expéri- menté, la chaleur spécifique moyenne c, entre 0° et un degré donné de température. Cette formule reproduit, d’une manière satisfaisante, les nombres obtenus dans les expériences. Les valeurs de 7, , appliquées à la loi de Dulong et Petit sur la chaleur spécifique des atomes, conduisent à des produits moins divergents entre eux que ne le donnent les coeflicients moyens « entre 0° et 400°; mais, en outre; (476) l’ordre dans lequel les métaux se suivent dans les deux cas , en les rangeant d’après la grandeur des produits, est différent. On a généralement attribué les inégalités obser- vées dans les capacités calorifiques des atomes, exprimées par ces produits, au défaut de connaissances précises sur les poids atomiques, joint aux incertitudes sur les chiffres de la chaleur spécifique. Mais l’auteur du mémoire partage, à cet égard, l'opinion de M. Regnault, d’après laquelle l'égalité de capacité calorilique des atomes n'existe, pour des corps de nature et de propriétés physiques différentes, que lorsque leurs chaleurs spécifiques sont prises à des points de l'échelle thermométrique particuliers pour cha- cun d'eux et variant de l’un à l’autre. Conduit par cette idée, l’auteur calcule, pour chaque métal, la température à laquelle la chaleur spécitique de ses atomes est égale à celle de l'atome d’antimoine , supposé à 0°. Il me semble, qu’obtenue de cette manière, l'égalité des produits des cha- leurs spécifiques par les poids atomiques n’a plus la signi- fication que la loi de Dulong et Petit lui attribuait, ni la même importance en théorie. Le travail de M. Bede, que je viens d'analyser, me paraît être très-intéressant, et j'ai l'honneur de proposer à l’Aca- démie d’en voter limpression dans le recueil des mémoires des savants étrangers. » Les conclusions de ce rapport, appuyées par les deux autres commissaires, MM. Stas et Quetelet, sont adoptées. ï | . | | ” | (AT7) Nouvelle classification des Annélides sétifères abranches, par M. Jules d'Udekem. Happort de M. Van HBeneden. « Dans la dernière séance, M. d'Udekem a présenté à l’Académie un mémoire: ou plutôt une notice, intitulée : Nouvelle classification des Annélides sétifères abranches. Ce n’est pas une simple classification que M. d'Udekem propose; son travail comprend aussi le résultat de ses recherches sur les diverses espèces de Lombricins et de Naiïs qu’il a observées en Belgique, et c’en est, à notre avis, la partie la plus importante. Dans la première partie, l’auteur passe en revue les divers appareils organiques de ces vers, et c’est dans leur structure, les divers modes de reproduction et la nature des œufs qu’il trouve les caractères distinctifs des groupes qu'il établi. M. d'Udekem divise ces vers en agemmes et en gem- mipares et les agemmes comprennent trois familles : les Lombricins, les Tubifex et les Enchytrés. [l nous semble que les différences sont trop peu importantes pour l’éta- blissement de ces familles. Quant à la division proposée en vers agemmes et gem- mipares, si l’on en juge par les Annélides dioïques, ce double mode de reproduction ou la digenèse, ne semble pas avoir ici l'importance qu'on pourrait supposer au pre- mier abord. [! y a des gemmipares dans plusieurs familles tout à fait distinctes les unes des autres. Dans le genre Lombrie, M. d’Udekem ne signale aucune ( 478 ) espèce indigène en particulier, n’ayant pu, ajoute-t-il, en rassembler un assez grand nombre pour faire une étude comparative ; nous le regrettons. C’est une lacune qui reste à combler. Dans les autres genres, il signale, au contraire, six espèces nouvelles, dont trois Tubifex et autant de Naïs. De ces trois Tubifex, je lui en ai communiqué deux, pro- venant de nos côtes et que j'ai trouvés en abondance dans la vase des réservoirs de nos huîtrières d'Ostende. Une des nouvelles Naïs appartient au genre remarquable que M. Gervais avait appelé Uronaïs, et dont on attendait avec impatience quelques nouveaux renseignements. M. d'Udekem définit ces vers, que M. Grube a appelés Oligochœæta : des vers hermaphrodites sans métamor- phoses, à embryon, se développant, soit par un vitellus, soit par un albumen ; monogenèses ou digenèses, et ces derniers sans alternance de forme ou homogones, selon l'expression que nous avons proposée (1). Dans la description anatomique, M. d'Udekem fait figurer la couche externe du tube digestif comme glan- duleuse et la moyenne comme musculaire. Nous le prions de revoir cette partie de son travail. La planche qui accompagne ce mémoire est fort belle et représente : 4° la partie postérieure du corps du Dero obtusa; 2 la partie antérieure du corps de la Naïs lon- giseta et de la Naïs appendiculata. En résumé, l’auteur à réuni dans cette communication le résultat de plusieurs observations importantes; il a bien (1) Les digenèses sont homogones, quand la forme est semblable, que l'animal provienne d'un bourgeon ou d'un œuf; ils sont hétérogones quand la forme n’est pas semblable, c'est-à-dire que l'animal provenant d'un œuf diffère de celui qui provient de gemmes. ( 479 ) groupé les faits, et quoique nous ne partagions pas com- plétement ses vues au sujet de la classification qu'il pro- pose, nous n’hésitons pas à demander l’impression de ce travail , qui fait suite à ses derniers travaux. » Ces conclusions sont appuyées par M. Cantraine, second commissaire, et adoptées par la classe. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur la relation entre les températures et la durée de la végétation des plantes ; par M. Ad. Quetelet, membre de l'Académie. I. J'ai à plusieurs reprises entretenu l’Académie de l'in- fluence qu’exerce la température sur le développement de la végétation : elle sait qu'on n’est point généralement d'accord sur la manière dont il faut tenir compte de cette influence. Trois méthodes sont en présence : celle de Réaumur, celle de M. Babinet et celle que j'ai proposée moi-même : la première suppose les progrès de la végéla- tion en rapport avec le nombre de degrés de température, la seconde avec la racine carrée de ce nombre, et la troi- sième avec le carré du même nombre. M. le comte de Gasparin vient de présenter à l’Institut de France un nouveau travail sur ce sujet intéressant; il établit entre la méthode de Réaumur et celle que j'ai pro- ( 480 ) posée quelques rapprochements sur lesquels je me per- mettrai d'appeler l'attention des observateurs, non pour défendre l’une ou l’autre méthode, mais pour tàcher de répandre quelques nouvelles lumières sur la question. Je laisserai parler d’abord l'honorable membre de l’Institut de France. « En observant ces discordances, M. Quetelet pensa que la somme des degrés reçus n’était pas la seule chose à considérer, qu'il fallait aussi examiner comment ils avaient été reçus. Deux journées donnant 10 degrés de température moyenne ne pouvaient produire sur les plantes le même effet qu'une journée à 20 degrés. Alors il considéra la tem- pérature comme une force vive, dont il fallait employer la somme des carrés au lieu de la somme des degrés simples. » Cependant, en appliquant sa méthode à la floraison des lilas, les deux sommes lui ont donné des résultats identiques pendant plusieurs années , à partir de l'époque de la cessation des gelées, savoir : 476 degrés pour la somme des degrés et 1296 (il faut lire 4296) degrés pour la somme de leurs carrés. Nous avons essayé la même application sur deux années différentes où la floraison des lilas nous était donnée par Cotte, dans le climat de Laon. En 1782, du 22 février au 5 avril, nous avons 577 degrés pour la somme des degrés, et 4770 degrés pour celle des carrés ; en 1790, du 22 janvier au 40 avril, nous avons 477°,7 pour la somme des degrés et5410 pour celle de leurs : carrés. Nous n'avons ici aucun trait de ressemblance ni entre les deux années, ni avec ce qui se passe à Bruxelles. » (Comptes rendus de l'Institut, &. XL, pp. 1089 et suiv.) Cette manière de comparer est-elle bien exacte? J'ac- cepte l'exemple des lilas, bien que les nombres soient pris dans le siècle dernier et sans que nous puissions ( 481 ) savoir s'ils sont comparables aux nôtres. En 1790, pour arriver à la floraison, il a donc fallu une somme de 477°,7 de température; et, en 1782, il a fallu 100 degrés de plus. Cette différence est, en effet, bien moindre que celle qui se trouve entre les sommes des carrés des tempéra- tures et qui s'élève à 1360. Mais il est évident que ces différences ne peuvent avoir la même signification ni servir directement de bases pour comparer les deux méthodes. D’après Réaumur , par exemple, pour former 100 degrés, il faudrait cinq jours à 20 degrés de température ; et, dans la méthode des carrés, il ne faudrait, pour former le nombre 1560 , qu'un peu plus de trois jours d’une tempé- rature semblable. On arrive donc à un résultat compléte- ment inverse de celui énoncé par M. de Gasparin. Le caleul serait plus concluant encore, en employant les nombres observés à Bruxelles : je ferai remarquer, en passant , que, dans les Comptes rendus de l'Institut, 1. XL, p. 1091 , une des données pour Bruxelles a été imprimée d’une manière fautive et qui peut faire croire à une dis- cordance excessive qui n'existe pas : on lit 1296 au lieu de 4296. | On ne peut s'attendre du reste, à trouver, d'année en année et dans tous les pays, des résultats parfaitement identiques, ce serait admettre implicitement que la tem- pérature est la seule cause efficiente dans le phénomène de la floraison. C’est déjà beaucoup, paraît-il, si toutes les autres causes, en agissant ensemble et dans le même sens, ne produisent dans ce phénomène que quelques jours d'avance ou de retard par rapport à l'époque cal- culée, en tenant compte des températures seulement. On voit d’ailleurs, tous les jours, des individus de même espèce plantés dans le voisinage l’un de l’autre et, en appa- (482 ) rence, sous les mêmes conditions, produire des différences analogues dans les époques de leur végétation. Des froids rigoureux qui ont précédé le réveil des plantes exercent également une action très-sensible, et peuvent, comme cette année, causer un retard extraordinaire de plusieurs jours dans la floraison. IL. Si l’on veut, au surplus, comparer les méthodes et les soumettre à une épreuve bien autrement décisive, on n’a qu'à exposer les plantes à une température artificielle. Cette idée si simple m'était venue depuis longtemps , et je l'ai mise en expérience. Je regrette que M. de Gasparin n'ait connu qu'un premier essai, qui, bien qu’incomplet, a cependant réussi; il avait été fait à ma demande par M. de Bremaecker. L'Académie me permettra sans doute d'en rappeler sommairement les résultats contenus dans une note qu’elle a fait imprimer dans son Bulletin du 3 avril 4852 : Sur les moyens de faire donner aux plantes leurs feuilles, leurs fleurs et leurs fruits à des époques déter- minées d'avance. Voici comment j'abordais la solution du problème : « L'expérience seule pouvait décider en faveur de l’une ou de l’autre de ces deux hypothèses. Une première épreuve répondit parfaitement à mon attente (1) ; elle fut faite par M. de Bremaecker, qu'une mort prématurée a récemment enlevé aux sciences. « J'avais prié ce jeune savant de » prendre quelques pieds de lilas, de les ôter de terre, (1) Sur le climat de la Belgique, chap. IV, Phénomènes périodiques des plantes, p. 12. ( 485 ) de les jeter ensuite dans une cave pour produire un sommeil artificiel. Au bout de quelque temps, l'une de ces plantes fut remise en terre et exposée dans une serre à une température très-douce et très-égale. Cette plante se couvrit de boutons et de feuilles, mais elle ne fleurit pas (1). La somme des carrés des températures néces- saires pour arriver à l’époque de la feuillaison, fut exac- tement celle que j'avais calculée pour des lilas qui avaient pris leurs feuilles en plein air. » » Cette seule expérience était insuffisante. Depuis long- temps je cherchais l’occasion de la reproduire sur une plus grande échelle. M. Schram, contrôleur du Jardin Botanique de Bruxelles, a bien voulu se prêter à mes désirs et me remettre les quatre séries d'observations qui suivent et qui ont été faites par ses soins, dans les serres du Jardin Botanique. Il est à remarquer que M. Schram ignorait le but que je me proposais, et qu'il s’est borné à transcrire les résultats tels qu’il les a obtenus... « La serre où se faisaient les observations avait, au maximum, une température de 20 à 21 degrés Réaumur ; cette température descendait pendant la nuit à 15°, et dans quelques circonstances à 10 degrés Réaumur. J'es- time que l’on peut prendre pour la moyenne 20° centi- grades (2). » Or, d’après plusieurs années d'expérience, j'ai indi- EE 4 N° ei 0 (1) M. de Gasparin déduit quelques conclusions de ce que cette plante n’a pas fleuri; mais ce cas est purement accidentel. L'expérience de M. de Bre- maecker n’a pas été faite sur plusieurs pieds de lilas, mais sur un seul. (2) Pour que tout fût exactement comparable, les lilas varins qui, cette fois, ont été transportés dans les serres, ont été pris, au moment de leur réveil, parmi d’autres lilas varins croissant en pleine terre et se trouvant jusque-là dans les mêmes conditions. ( 484 ) qué, dans l'Annuaire de l'Observatoire, que les feuilles du lilas varin exigent une somme de températures égale à 191 degrés centigrades, pour commencer à s'épanouir, ou bien encore une somme de carrés de températures égale à 1515. D'après la méthode de calcul d'Adanson , Boussin- gault et de Gasparin, il faudrait donc de 9 à 10 jours de température à 20 degrés ; et, RARE ma méthode, 5 à 4 Jours seulement. » D'après les tableaux de M. Schram , il a fallu, en effet, trois jours et demi de température à 20 degrés pour produire l'épanouissement des premières petites feuilles, et, après 9 à 10 jours (que suppose l’autre méthode de cal- cul), la feuillaison était déjà complétement achevée. » Pour la première floraison du lilas varin , l'Annuaire de l'Observatoire montre qu’il faut 508 degrés de tempéra- ture centigrade; ou bien, dans ma manière de calculer, une somme de carrés de températures égale à 4657. Ce qui suppose, d’après Adanson, plus de 25 jours, et d’après ma méthode, 11 à 12 jours seulement. Or, ce dernier résultat encore s'accorde avec les expériences faites au Jardin Botanique, qui fixent en moyenne, à 44 jours ‘/: l’époque de la floraison du lilas varin.… » Ces résultats sont, je pense, décisifs. Dans une seconde communication faite à l'Académie, dans sa séance du 22 septembre 1852, j'ai rapporté les résultats de nouvelles observations sur une plante à flo- raison tardive, le Clethra alnifolia. Ces observations ont été faites également par M. Schram, dans une serre de la Société royale d’'Horticulture de Bruxelles, dont la tempé- rature moyenne était de 20° centigrades. Les résultats obtenus sont consignés dans l'extrait suivant de la note que j'ai publiée à ce sujet : ( 485 ) « La plante ôtée de la pleine terre le 25 février, et transportée dans la serre, a présenté successivement les phases de développement décrites dans la note suivante. On y verra que les premiers boutons de fleur se sont épa- nouis le 16 mai : ce qui donne en tout 83 jours d’exposi- tion dans la serre, avec une température moyenne de 20° centigrades. Le carré de ce dernier nombre est 400; en le multipliant par 85, on trouve 55,200. » M. Schram, dans la liste des floraisons qu'il a obser- vées en plein air, dans le courant de cette année, fixe au 8 août, la floraison du Clethra alnifolia. Fai vu fleurir la même plante, dans le jardin de l'Observatoire, le 5 août, un jour plus tard que la floraison moyenne, déduite de plusieurs années d'observation. » Or, d’après les relevés des températures, je trouve que, du 25 au 27 février, il a gelé régulièrement chaque nuit; le thermomètre n’a commencé à se relever au-dessus de zéro que le 28 février. En supposant donc les plantes soumises aux expériences comme étant identiquement dans les mêmes circonstances à l’époque du 25, je ne dois com- mencer à compter les températures, pour celles qui crois- saient en plein air, qu’à partir du 1° mars. Les tempéra- . tures moyennes ont été les suivantes : Mars. . .. 5%5;lecarréest 11, et pour 51 jours,ona 5341 Av 0 6,0; » AAT ER PT 60. 5 1,520 RES 15,2; ” 261 NE ATENE à 7,161 Juin. . . .' 16,7; ” 279, » 50 » 8,370 Juillet. . . 21,8; ” 475, ane 2101 14,725 FOrAL I POI 017 » La température moyenne des premiers jours d’août a été de 20°,1, dont le carré est 404. Ainsi, le Clethra alni- ( 486 ) folia qui a fleuri le 5 août, dans le jardin de l'Observatoire, a reçu 31,917 + 1,219 — 55,129 de température, valeur à peu près identiquement la même que 55,200, donnée dans la serre. Et le Clethra qui a fleuri dans le Jardin d'Horticulture a reçu 51,917 + 5,252 — 55,149 de tem- pérature, valeur un peu supérieure à 33,200. » Les observations sur le Clethra alnifolia n'avaient pour but que la vérification de la méthode des carrés, et non la comparaison de cette méthode à celle de Réaumur. Si nous voulions établir une comparaison pareille, nous remarquerions d’abord, quant à la première méthode, que le Clethra à fleuri en serre exactement comme dans le jardin de l'Observatoire, par un même nombre carré de degrés de température. En employant la méthode de Réaumur, on remarquera que le Clethra de la serre a reçu 20 degrés de température pendant 83 jours, ce qui donne 1,660 degrés; et la plante de pleine terre a reçu, En mars . . . . . 525 pendant 51 jours, ou 102,3 NC De mnt » 60 » 198,0 SNA Dee tien de ES, » 51 » 471,2 D D er ue gars dv à KE » 50 » 501,0 juillet NL MNM2 158 » 51 » 675,8 sfaoût ra tra 20; » 5 » 60,5 2008,6 Dans la manière de compter de Réaumur et de M. de Gasparin, la plante mise en serre a donc fleuri 47 jours trop tôt comparativement à celle croissant en pleine terre; car, au lieu de 1,600 degrés, elle aurait dû en recevoir 2,009; ce qui, au lieu de 85, suppose 100 jours de 20° de température. ( 487 ) Le titre de ma notice imprimée en 1852 montre que la méthode de calcul que j'ai proposée, a moins pour objet, comme le suppose M. de Gasparin, de corriger quelques anomalies dont j'aurais été frappé (1), que de rechercher les moyens de faire donner aux plantes leurs feuilles, leurs. fleurs et leurs fruits à des époques déterminées d'avance ; c'est l'utilité pratique que j'avais plus particulièrement en vue, HT. v L'hiver rigoureux que nous venons de traverser est très-propre à faire apprécier les eflets des froids sur la végétation, particulièrement sur les plantes ligneuses, dont les racines plongent à de certaines profondeurs. Ces froids jettent une véritable perturbation dans les époques de la feuillaison et de la floraison: quand le réveil s’est déjà prononcé pour les plantes herbacées et que la vé- gétation a repris son cours, on voit encore souffrir les arbres et les arbustes, qui éprouvent des retards plus sensibles. C’est en les observant qu’on sent surtout la nécessité de prendre en considération les degrés de tem- pérature négative. Pour me former une idée plus exacte à ce sujet, j'ai réuni, dans le tableau suivant et pour 17 années, les dates de la floraison de six plantes très-connues qui fleurissent d'ordinaire vers la même époque de l’année; je donne en même temps la date de leur floraison d’après la moyenne des observations de ces 17 années. J'indique respective- (1) Compte rendu de l’Institut, séance du 14 mai 1855, p. 1089. TOME xx11. — ['* PART. 35 . [29 avril. mr ET . (24 . 15 avril. Convallaria vulgaris 9 mai. |10 mai. 21 5 mai. . [14 mai. : . 19 avnil. MOYENNES. . On voit , au premier coup d'œil, que le 20 mai dernier, la floraison était en retard de 17 jours; ce retard, le plus fort de la période de 1838 à 1855 , était à peu près éga- lement accusé par chacune des six plantes indiquées au tableau ; pour le muguet (Convallaria maialis), qui faisait en quelque sorte exception , il n'était que de 12 à 15 jours. L'année 1855 a offert une grande ressemblance avec 2 mai. . [24 avril. 7 mai. . [28 avril. . 15 mai. . M6 avril. . [12 mai. 29,5avr. 28 avril. (488 ) ment par une ou deux barres les époques les plus précoces ou les plus reculées. caragana, 8 mai. 97 avril. 24 6 mai. il. 129 avril. 143 mai. [47 avril. 8 mai. .128 avril. 11 mai. 16 avril. 18 mai. .|1,5 mai. Æsculus 16 mai. 2 » 27 avril. 2 mai. 25 avril. 25 » 9 mai. 24 avril. 13 mai. 25 avril. 10 mai. Cratægus oxyacanthæ. laburnum 18 mai. 50avril. 29 avril. 29 » 30 24avril.|27 » 28 » 25. » 2 mai. 93 mai. | 17 mai. 16avril.| 17 avril. 14 mai. | 16 mai. 28 avril, » 7 mai. 28 avril, MOYENNE pour les 6 plantes, 13,7 mai. 29,5 avril. ( 489 ) 1855; la végétation était, vers la même époque du 20 mai, en retard de quinze jours, et ce retard était à peu près . uniforme pour toutes les plantes. Mais, ici, le réveil avait succédé à un hiver plus remarquable par sa durée que par sa rigueur ; il avait été retardé , mais les plantes n’avaient pas généralement souffert. On peut, pour 1853, fixer l’époque du réveil au commencement d'avril; tandis que, pour 14855 , il doit être fixé vers le milieu de mars (le 15). Ainsi, quoique le réveil ait été de quinze jours plus tardif en 4853 qu’en 1855, la floraison, dans ces deux an- nées, s’est faite, pour les mêmes plantes, à peu près vers les mêmes époques. Le retard a été un peu plus grand pour les arbres et les arbustes, et un peu moindre pour les plan- tes herbacées. Cette différence (de cinq jours environ) semble tenir surtout à la marche de la température dans l'intérieur de la terre. En effet , quand une forte gelée s’est manifestée à la surface du sol, il lui faut moyennement six jours pour produire son effet à un pied de profondeur, douze jours à deux pieds de profondeur, et dix-huit jours à trois pieds ou à un mètre environ de profondeur; en sorte que le réveil des plantes, à la surface du sol, pourrait avoir lieu, ou même s'être déclaré déjà depuis plusieurs jours, lorsque le froid le plus intense se fait sentir encore à l’en- droit où plongent les racines des grands arbres. Tout en admettant que la température des racines n’agit que par- tiellement dans les phénomènes de la feuillaison ou de la floraison, on ne peut disconvenir cependant qu’elle ne doive exercer une influence, surtout si le froid a été fort intense et y a produit peut-être même une couche de glace non fondue encore. Cette cause paraît suffisante pour ex- pliquer la différence de 4 à 5 jours de retard dans la végé- tation des grandes plantes par rapport à celle des plantes ( 490 ) dont les racines ne descendent qu’à quelques pouces de profondeur. J'ai été curieux de voir aussi comment le lilas avait été affecté par la température exceptionnelle de 4855. J'ai compté depuis l'instant du réveil jusqu’au 21 mai, époque de la floraison, une somme de 5359 degrés, c'est-à-dire 63 degrés de plus que dans des temps ordinaires; la plante a donc fleuri cinq jours trop tard (la température moyenne vers l’époque de la floraison était de 12°,5). D’une autre part, en tenant compte des carrés des températures, j'ai compté 5,057 au lieu de 4,296, ce qui donne une diffé- rence de 741, et suppose un retard extraordinaire de quatre à cinq jours (156 par jour). Les deux méthodes de caleul s'accordent donc à donner, pour la floraison du lilas, en 1855, un retard extraordinaire de cinq jours, résultat analogue à celui trouvé plus haut par lobservation directe. — À la suite de cette communication, une discussion s'engage entre plusieurs membres : MM. Martens, Kickx, Cantraine, Edm. de Selys-Longchamps et Spring, relati- vement à la manière dont les températures agissent sur les plantes et aux effets produits par les grands froids sur les racines des plantes qui pénètrent à des profondeurs plus ou moins grandes. M. de Selys dit qu'il se réserve de soumettre à la classe, dans une prochaine séance, la proposition d’un appel à adresser aux observateurs pour les inviter à reconnaître quelles sont plus particulièrement, dans nos climats, les plantes à feuilles persistantes qui ne résistent pas aux hivers rigoureux. | ( 491 ) Sur la lunette méridienne avec cercle de Gambey et sur le niveau fixe qui y est attaché; par MM. Ad. et Ernest Quetelet. Eu 1831, Gambey construisit, pour l'Observatoire de Genève, une lunette méridienne avec cercle divisé de trois pieds de diamètre ; cet instrument était construit sur un plan nouveau. On sait que, dans la Construction ordinaire, les deux tourillons, sur lesquels porte la lunette, tournent simultanément avec elle, tandis que, dans l’instrument de Genève, il n’y avait qu’un seul tourillon mobile, celui qui est à l’extrémité opposée au cercle. ÿ Ce mode de construction parut dès lors présenter des inconvénients (1). Pour y remédier, Gambey attacha un (1) Voici comment s'exprime à ce sujet M. Plantamour, dans sa première série des Observations astronomiques faites à l’Observatoire de Genève, 1842 : « Ce système me paraît présenter des inconvénients, soit pour la com- plication de la construction, soit pour la stabilité de l'instrument, quoique les conséquences fâcheuses pour l’exactitude des observations puissent être fort diminuées et réduites dans des limites assez étroites par l’habileté et les soins apportés dans l'exécution. En effet, pour prévenir l’ébat du tourillon dans l'intérieur de l'axe, on est obligé de lui donner une longueur de 5 à 6 pouces environ; il doit en résulter une augmentation de frottement assez considéra- ble, surtout en hiver, malgré le soin que je prends de nettoyer le tourillon et de renouveler l'huile, dès que le froid commence. L'exécution de ce tourillon et de la boîte conique dans laquelle il entre, doit présenter de très-grandes difficultés, pour faire en sorte que l’axe de cette boîte coïncide avec l’axe du tourillon. Une perfection absolue ne peut naturellement pas être obtenue dans cette partie de la construction; aussi je n'hésite pas à attribuer à cette cause une large part dans les erreurs des observations; si ces erreurs sont, ( 492 ) second niveau permanent aux deux lunettes méridiennes qu'il construisit immédiatement après pour les Observa- toires de Paris et de Bruxelles (1). Ce supplément ingé- nieux ne parut pas écarter complétement la difficulté; car, quelques années plus tard, l'Observatoire de Paris fit enlever le cercle méridien et rendit les deux tourillons mobiles (2), comme on l'avait fait aussi à Genève. J'avais remarqué, de mon côté, que les indications du grand niveau offraient une différence à peu près constante avec celles du petit; j'en avais recherché les causes, et, comme on pourra le voir, contenues dans des limites assez étroites, et qui n’excèdent guère celles que présentent d’autres instruments de même nature, on le doit à la grande habileté avec laquelle M. Gambey a exécuté un mode de construction qui présente de plus grandes difficultés que le mode géné- ralement suivi. » (1) On ne voit du moins pas qu’un niveau pareil ait été attaché à la lu- nette de Genève. Voici ce qu’on lit. dans l'avertissement répété en tête des derniers volu- mes des Observations astronomiques faites à l'Observatoire de Paris : « Avant le 50 juillet 1858, la lunette méridienne de Gambey portait, à une des extrémités de son axe de rotation, un cercle de 1 mètre de diamètre qui a été supprimé. D’après de nombreuses observations faites à l’aide d'un grand niveau et des passages de la polaire observée aux différents fils dans les deux positions est et ouest de ce cercle, on reconnut que les tourillons n'étaient pas exactement de même diamètre; il résultait de ces mêmes observations que les inclinaisons, telles qu’elles sont indiquées par le grand niveau, le cercle étant à l’ouest, devaient être corrigées, et que le tourillon de l’est devait paraître trop élevé de 5”,26 pour que l'axe géométrique de rotation fût réellement horizontal. Depuis le 50 juillet 1858, la lunette repose sur de nouveaux tourillons en acier trempé que l’on a soumis à de nombreuses vé- rifications.. » Il semblerait donc qu’il n’a point été fait usage des petits niveaux fixes. (2) Ces deux lunettes sont exactement de même forme et de même dimen- sion. (Voyez Plans et Description des instruments de l Observatoire royal de Bruaæelles, ANNALES DE L'OBSERVATOIRE, t. XI.) TA ET ( 493 ) après en avoir conféré avec Gambey, j'avais pris le parti de m'en tenir aux indications du petit niveau. Je n'avais, du reste, qu’à me louer de la stabilité de l'instrument. Dans une visite que M. Leverrier fit récemment à l'Ob- servatoire de Bruxelles, j'eus l’occasion de m’entretenir avec lui de la correction d’horizontalité de nos deux lu- nettes méridiennes. Ce savant se plaignait de l'instabilité que l'instrument de Paris continuait à avoir dans sa forme actuelle. Cette conversation me porta à faire de nouvelles recherches sur ce sujet délicat, et je les fis exécuter par mon fils, lieutenant du génie, qui se trouve temporaire- ment à l'Observatoire. Ce sont les résultats de ses ob- servations que j'ai l'honneur de présenter à l’Académie; ils peuvent offrir quelque intérêt, car je ne pense pas que le niveau fixe de Gambey ait été décrit jusqu’à présent; et il importe cependant de savoir à quoi s’en tenir sur une innovation d’un artiste aussi habile. Je reproduis textuellement la note qui m'a été remise par mon fils. « Quand une observation, faite à la lunette des pas- sages, à été réduite au fil central du réticule, on sait qu'elle doit subir les corrections dépendantes de la posi- tion de l'instrument. Si celui-ci est bien installé, ces cor- rections, en général, sont faibles et ne s'élèvent qu’à quelques secondes d'arc. Jusqu'ici on n’a déterminé di- rectement à Bruxelles qu'un des éléments de correction, Vinclinaison de l’axe de la lunette. Les deux autres, la déviation azimutale et la collimation ont été déduites de l'observation des étoiles (1). » La lunette méridienne de l'Observatoire a deux ni- (1) Bientôt un second élément sera déterminé directement, lorsqu'on ( 494 ) veaux , un grand, mobile, qu'on attache, par deux bran- ches recourbées à leur extrémité, sur la partie découverte des tourillons, et un petit qui est fixé à la lunette, à hauteur de son centre. Si la lunette reposait symétrique- ment sur les supports par deux tourillons pleins de même diamètre, et faisant corps avec elle, les indications de ces deux niveaux devraient concorder; mais il n’en est pas ainsi. Des deux tourillons qui portent sur les coussinets, un seul, celui qui regarde actuellement l’ouest, fait corps avec la lunette; l’autre demeure fixe quand on fait mou- voir l'instrument. Ce dernier tourillon: porte le cercle méridien et se prolonge vers l’intérieur de l’axe en un cy- lindre légèrement conique, qui est embrassé par un cône creux tournant avec la lunette. Le glissement du cône creux sur le cône plein dans le sens longitudinal est d’ailleurs empêché par une tige métallique; elle pénètre suivant l'axe du tourillon et se visse à l’extrémité dans la lunette même. » Il est clair, d’après ce mode de suspension , que les affections de l’axe intérieur échappent entièrement aux indications du grand niveau; aussi l’habile artiste Gambey a-t-1l construit un second niveau, qui est fixé à la lunette et qui doit indiquer les variations non-seulement des tou- rillons extérieurs, tant fixe que mobile, mais encore celles de l’axe intérieur. » Depuis le placement de la lunette, en 1855, les deux niveaux ont été observés assez régulièrement, mais chacun à des intervalles différents, tandis qu’à partir de 1848, les déterminations ont toujours été prises simultanément sur aura placé les collimateurs horizontaux, qui ont été reçus dernièrement de Munich. ( 495 ) les deux, dans le but de les comparer (1); M. Bouvy, qui les observait habituellement , à trouvé les moyennes sui- vantes : ANNÉES. PETIT NIVEAU. GRAND NIVEAU. Différence. + 3/58 +- 0/99 + 2/39 2 ? + 5,29 + 3,55 + 1,74 + 6,02 + 4,74 + 1,28 + 7,42 +- 6,54 +- 1,08 + 8,32 + 7,34 + 0,98 + 9,17 + 9,19 — 0,02 » Le signe + indique que l'axe est soulevé à l’est. Les valeurs suivent une loi assez marquée; les inclinaisons accusées par chacun des niveaux ont élé en augmentant d'année en année, tandis que la différence a constamment diminué jusqu’à devenir à peu près nulle. Vers la fin de 1855, l'inclinaison de l’axe étant de près de deux tiers de seconde en temps, on l’a corrigée en abaissant son extré- mité est, et l’on a aussi corrigé les niveaux. Les nombres ne sont donc plus comparables aux précédents ; néanmoins le petit niveau continue à accuser des valeurs plus fortes que le grand. » Toutes les observations qui précèdent avaient été faites pour la position horizontale de la lunette, tandis que l’élé- ment de correction doit s'appliquer à toutes ses positions. (1) La stabilité de l'instrument a été telle qu’il n’a point fallu, pendant six années, toucher à la vis qui sert à régler l’inclinaison de l'axe. ( 496 ) Il y avait donc quelque intérêt à rechercher si l’inclinaison de l'axe était constante ou si elle variait pour les diverses hauteurs de l'instrument. » Je me suis d’abord occupé du petit niveau représenté dans le croquis ci-joint. » L'appareil est mobile autour d’un axe horizontal aa’ parallèle à celui de la lunette, de façon à pouvoir amener successivement chacun des deux niveaux À et B au-dessus de l’autre. Il a un second mouvement autour du pivot bb’ perpendiculaire à aa’, et qui permet de retourner les niveaux bout pour bout. » Dans l'observation, on incline l’axe optique de la lunette sous l’angle déterminé, ensuite on amène le pivot bb" à être vertical, en plaçant le niveau A dans uné posi- tion perpendiculaire à celle qu’il occupe dans le croquis et en faisant tourner tout le système autour de aa’ jusqu'à ce que la bulle occupe le milieu du niveau. On ramène ( 497 ) alors les niveaux dans leur position parallèle à aa’, qu est déterminée par un arrêt contre lequel vient buter une vis. On fait la double lecture de la bulle, puis le niveau A est retourné bout pour bout, et on lit deux nouveaux nombres (1). » On amène ensuite le niveau B au-dessus du niveau A, en faisant tourner le système autour de l'axe aa’, et, avec les mêmes précautions, on a quatre nouvelles lectures, qui déterminent à leur tour la correction du niveau B et l’in- clinaison du pivot bb' (2). » Alors la lunette est tournée de 180 degrés autour de son axe, de manière à ramener l’oculaire à la place qu’oc- cupait l'objectif. En recommençant les mêmes opérations, on à huit nouveaux nombres (3). » Maintenant si, de la somme des huit lectures faites à l'est, on retranche la somme des huit faites à l’ouest, et qu’on divise la différence par seize, il est clair qu’on aura éliminé toutes les erreurs qui proviennent des niveaux et qu’on aura en divisions de ces niveaux l’inclinaison de l'axe de la lunette. Des expériences répétées ont fait con- naître que les divisions des deux petits niveaux sont à peu près exactement les mêmes et ont pour valeur 1”,15 en arc. Il est donc aisé de trouver l’inclinaison de l'axe. » En suivant ce procédé, j'ai pris, du 27 avril au 18 mai , trois séries de valeurs de l’inclinaison, et j'ai ob- tenu les résultats consignés dans le tableau suivant : (1) Ces deux premières opérations font connaître la correction du niveau A et l’inclinaison du pivot par rapport à la verticale. (2) La moyenne des indications des deux niveaux A et B fait connaitre l'inclinaison de l'axe aa’ sur l'horizon et la correction du pivot bb’. (3) De la moyenne de ces huit nombres , comparée à la moyenne des huit nombres précédents, résulte la correction de l'axe aa’. ( 498 ) 17e SÉRIE. 2ME SÉRIE. 5ME SÉRIE. MOYENNE. DS ES | ANGLES. Inclinaison en secondes. Nombre d’observat, Inclinaison en secondes. Nombre d'observat. Inclinaison en secondes. Nombre d’observat. Inclinaison en secondes. Nombre d'observat, Verticale. 0 Len 4 0/05 Équateur 5 Horizon. . 19 æ C1 O1 O1 © > Verticale . 180 © » La première colonne contient les inclinaisons de l'axe optique de la lunette : O correspond à la position verticale. Quand la lunette s'incline vers le sud, l'angle augmente; à 50° 51’, elle est dans l'équateur ; à 90°, elle est horizon- tale pour redevenir verticale à 180°. Les six colonnes sui- vantes donnent les inclinaisons de l’axe observées avec le nombre des observations qui sert à juger du degré de précision. Enfin, les deux dernières colonnes donnent les nombres moyens. » Ces quatre séries de résultats sont représentées sur ( 499 ) la planche ci-jointe. On voit que les quatre lignes affec- tent la même forme générale. L'inclinaison est faible jusque vers la position horizontale de la lunette; mais là elle éprouve une variation sensible et qui se reproduit dans les trois séries, bien que le nombre des observa- tions ne soit pas fort considérable. On peut donc en conclure qu'il y a réellement en ce point une variation dans l’inclinaison indiquée par le petit niveau. Le maxi- mum à lieu à environ 10° de part et d'autre de la position horizontale. » J'ai abordé ensuite le grand riveau. Ce qui concer- nait celui-ci a été divisé en deux parties. Le placement du niveau sur les tourillons offre une cause d'erreur assez influente. Il aurait fallu un très-grand nombre d’obser- vations pour l’éliminer. Cest pour cela que j'ai d’abord pris simplement des valeurs relatives en donnant diverses positions à la lunette sans toucher au niveau, lorsque celui-ci a été une fois bien placé. Il fallait cependant à chaque observation le ramener exactement sous l'axe de la lunette, car il s’écartait un peu de cette position par suite du frottement exercé sur les tourillons. Chaque fois aussi je déterminais un petit mouvement dans la bulle pour qu’elle prit bien véritablement sa position d'équi- libre. Après avoir observé, à plusieurs reprises, surtout pour la position horizontale, les inclinaisons données par le grand niveau, j'ai retourné celui-ci et recommencé la même opération. » En prenant les moyennes des nombres obtenus pour une même position de la lunette et du niveau , j'avais, pour chaque direction de l’axe optique, quatre valeurs de l’in- clinaison, dont la moyenne m'a donné l’inclinaison rela- live exprimée en divisions du niveau : 20° 30. 40 50 60 70 80 90 100 410 —1,20 —1,14 —1,16 —1,15 —1,15 —1,13 —1,10 —1,05 —0,94 —1,08 1200 150 140 150 160 21,07 —1,01 —1,00 —1,06 —1,00 , » J'ai cherché ensuite l’inclinaison absolue de l’axe pour la position horizontale. Chaque détermination comporte huit lectures, par le retournement de la lunette autour de son axe et par celui du niveau bout pour bout. J'ai pris successivement quatre déterminations, qui m'ont donné les nombres (1) : — 0/55 — 0,57 OUT — 0,54 Moyenne. , . . — 0,52 Les valeurs relatives deviennent alors en valeurs abso- lues : 20° 30 40 50 60 70 80 90 100 110 — 07,60 —0,57 —0,58 —0,57 —0,57 —0,56 — 0,55 — 0,52 —0,47 —0,54 « 4209 130 140 130 160 07,55 —0,50 —0,50 —0,55 —0,50 Ces chiffres ne sont pas le résultat d'un assez grand nombre d'observations, pour qu’on puisse les regarder comme fort exacts, mais ils suivent évidemment une tout autre loi que ceux déduits des lectures du petit niveau. (Voir la courbe n° 2). » En présence de ces résultats, ou de résultats qui seront de plus en plus exacts, à mesure que les observations seront (1) Une division du grand niveau répond à 0,65 en are. Landau : ( OI ) plus multipliées, quelle correction convient-il d'adopter pour réduire les observations ? Jusqu'ici on a employé par- tout l’inclinaison déduite d'observations faites dans la posi- tion horizontale de la lunette, Si l'étoile a la déclinaison 0, cette inclinaison i, exprimée en secondes d’are, donne en secondes de temps la correction LL, Mais, si l’on voulait opérer exactement , il faudrait prendre pour à l'in- clinaison de l’axe correspondante à la déclinaison d, c'est- à-dire, dans la table de correction, faire varier non-seule- ment le coefficient, mais la valeur de à elle-même. » Cependant si i varie peu, on fui substituera, sans er- reur notable , une valeur moyenne I, qui donne la moindre somme d'erreurs. En nommant a le coeficient , l'erreur en temps que l’on commettra pour les corrections du passage de l’étoile qui a la déclinaison d, sera (1—:)x. 11 faudra que la somme des carrés de ces différences, prises pour chacune des 18 positions de la des de 40 en 10», soit un minimum, et l’on en tire | — LT , 2 indiquant qu'il faut faire la somme de 18 quantités de même espèce. Il est visible à priori que, vers le pôle, « est considérable, et qu’ainsi les termes qui correspondent à cette position sont tellement prépondérants qu'ils absorbent en quelque sorte les autres. Aussi l’on trouve 1 — 07159, ce qui est le même nombre que donne l'observation unique faite à 140° de la verticale. Ce serait donc plutôt pour cette posi- tion de la lunette qu’il conviendrait d'observer l'inclinai- son de l’axe i. La plus forte différence que j'aie trouvée en adoptant à — 0°14, ne monte pas à 0°,05 en temps, ce qui est peu sensible. Si l’on voulait plus d’exactitude, il faudrait construire une table en faisant varier à la fois à et x; mais avant cela, il faudrait déterminer de temps en temps, tous les 6 mois ou tous les ans, les inclinaisons ( 02 ) exactes pour les diverses positions de la lunette et faire, en outre, des observations continues dans une même po- sition de celle-ci pour juger de sa stabilité. » Quand on emploie le grand niveau à la détermina- tion de l'inclinaison de l’axe, dans l'hypothèse où les deux tourillons sont mobiles avec la lunette, la correc- tion se partage en deux parties , dont une seule est donnée par le niveau; la seconde exige le retournement de la lunette, c’est-à-dire que le tourillon est passe à l’ouest et réciproquement. En effet, quand on fait mouvoir l'in- strument de 180° autour de son axe, le grand niveau repose toujours sur la partie supérieure des tourillons, et il donne seulement l’inclinaison de ces arêtes supérieures. Il faut donc y ajouter une seconde correction, qui est à peu près le demi-angle au centre du cône qui enveloppe ‘ les deux tourillons. » Mais la même chose existe-t-elle pour le petit niveau ? Dans ce cas, si l’on fait mouvoir la lunette de 180° au- tour de son axe, la position du niveau reste la même par rapport à cet axe ou par rapport à une même arête du cône, tandis que la position du grand niveau reste iden- tique, non pas pour la même arête avant et après le mouvement de la lunette, mais par rapport à l’arête qui est vers le haut dans les deux cas. » On peut conclure de cette simple observation, que le retournement de l'instrument, indispensable pour dé- terminer l'inclinaison de l'axe, quand il s’agit du grand niveau , devient inutile ici. » Ce n’est, certes, pas là un médiocre avantage, quand il s’agit de corrections aussi faibles que celles de la lunette méridienne. Car dans le retournement d’un instrument aussi grand et aussi lourd , on ne peut guère espérer de le pad. Lacan ‘= Verticale Petit niveau Ce 7 avr au mai, à Ji + = 1° Letit niveut uurmai. @ +1 Petit nivo 27-28 ma Petit niveau myerné Grand névente 28 mat f ( 205 ) ramener à une position parfaitement identique, et il faut toujours quelque temps avant qu'il reprenne de la stabilité, ses parties continuant à jouer après qu'il a été replacé. » Le petit niveau que Gambey a adapté à la lunette méridienne est donc un perfectionnement apporté à cet instrument, pour le cas même où la suspension de la lu- nette serait symétrique. À Bruxelles, où son emploi était absolument nécessaire, on n’a eu lieu que de s’en féliciter. Les indications qu'il a fournies ont marché très-régulière- ment et avec des écarts accidentels peu considérables. » En résumé, le grand niveau ne peut pas fournir di- rectement la correction d'inclinaison telle qu'elle doit être appliquée aux observations. Le petit, au contraire, donne exactement cette correction, et il la donne, quelle que soit la position de la lunette. » Note sur un moyen très-simple d'augmenter, dans une pro- portion notable, la résistance d'une pièce prismatique chargée uniformément ; par M. Lamarle. DEUXIÈME PARTIE. EXTENSION GÉNÉRALE DES RÉSULTATS PRÉCÉDEMMENT OBTENUS POUR LES CAS DE DEUX OU TROIS SUPPORTS. Les résultats auxquels nous sommes parvenu, dans la première partie de cette Note (1), s'étendent sans difficulté (1) Voir page 232, séance du 3 mars 1855. TOME xx11. — °° PART. 36 ( 504 ) au Cas général d’une pièce prismatique chargée uniformé- ment et supportée, non plus seulement à ses extrémités, mais aussi en un nombre quelconque de points intermé- diaires. Pour le montrer, reprenons l'équation (17), nel dr? À CRE ; et rappelons d’abord qu’elle jouit des propriétés suivantes : 1° Elle subsiste indépendamment de toute valeur attri- buée à m, c’est-à-dire abstraction faite de la direction que l'axe de la pièce AB affecte à l’origine; 2% Elle détermine en fonction de m toutes les circon- stances de la flexion, et notamment les valeurs corrélatives des quantités m’ et f. 5° Les conditions qu’elle implique, en ce qui concerne ces valeurs corrélatives, suffisent pour réaliser, dans la flexion qui se produit, le maximum absolu de résistance dont la pièce AB est susceptible. Cela posé, considérons, en premier lieu, les circon- stances qui dépendent explicitement de l'équation (17) et qui, par conséquent, subsistent toujours les mêmes, in- dépendamment de toute valeur attribuée à m. Ces circon- slances consistent essentiellement en ce que la courbe, représentée par cette équation, se compose de deux arcs convexes comprenant entre eux un arc concave, limité de part et d’autre par deux points d’inflexion E, F', dont les abscisses respectives ne sont autres que les racines de l’équation 22 x? — ÀT + Fig Il suit de là qu’en désignant ces abscisses par x, et x,, l'on ( 505 ) a évidemment, ou, Ce qui revient au même, ZT, == À — ZX... 1 On voit ainsi que les points d’inflexion sont équidistants du milieu, et qu'en conséquence, chacun des ares con- vexes à une même longueur, toujours invariable et indé- pendante des directions affectées par l'axe à ses extrémités. On à d’ailleurs 21 de ent er ef Rp ue Le 4 L 2 4 L et par suite, va LT, — L, = ——= À Ce qui donne pour la charge uniformément répartie sur . Parce concave : Ve — VE Considérons, en second lieu, les conditions que l’équa- tion (17) implique, en ce qui concerne la flexion de la pièce AB, et notamment les valeurs corrélatives des quan- tités m, m’ et f. Une première intégration donne, dy À (2) -3(6)+32] Fr luluins À :(5) -3($) LA" pe 4x (1 — x) (2x — à bi Na Hour met Le (35) | PTS ] ( 506 ) Îl vient ensuite rt, ES 1/æ\3 1 . y= MT da — TT | — | — G4 y “ ni 6|; + 5% (Ÿ be Ra? : Phi" nn NT — PT : De là résulte, ainsi que nous le savons déjà, 25 ; RàA ALT ARR D ARR TER (55) Si Ra? 56 ‘ . . > « . — À — —. (36) Î m is Plusieurs conséquences importantes découlent de ce qui précède. On sait que l’encastrement en B peut être remplacé par un simple appui, pourvu qu'on prolonge la pièce AB d’une quantité convenable. Veut-on, en outre, que, dans la partie prolongée, il y ait même état d'équilibre que dans la pièce AB? I] suffit de transporter l’origine au point B et de considérer l'équation (17) comme applicable au delà de ce point de la même manière qu’elle l’est à partir du point A pour l'intervalle AB. Cette première conséquence devient tout à fait manifeste, si l’on observe que l’inclinaison de l'axe au point B n'influe en rien sur l'étendue respective ides ares convexes et concaves situés soit en deçà, soit au delà; que, dès lors, il y a symétrie autour de ce point et que, par conséquent, les charges qui s’y transportent se réduisent nécessairement à une résultante unique. On voit, en même temps, que cette résultante est précisément égale à p. Parmi les prolongements que la pièce AB comporte, ( 507 ) dans les conditions indiquées ci-dessus, il en est deux qui sont particulièrement remarquables. Le premier a pour longueur 2+V9 a 4 Il correspond au point d’inflexion qui termine l'arc con- cave de la partie prolongée, et n’exige à l'extrémité de cet arc que l'emploi d’un simple appui placé à une hauteur convenable. Le second a même longueur que la pièce AB. Il néces- site un encastrement extrême, soumis aux conditions que fixe l'équation (17), lorsque l’origine est transportée en B. Ce que nous venons de dire de la pièce AB subsiste évidemment et de la même manière pour la partie d’égale longueur qui la prolonge au delà de B. On peut donc aussi, pour ce prolongement, comme on l’a fait pour la pièce AB, remplacer l'encastrement extrême par un simple appui et poursuivre indéfiniment ces substitutions successives à chacune desquelles correspond un prolongement nouveau. De là une suite d’intervalles, aussi nombreux qu'on vou- dra, tous égaux à À et tous limités par de simples appuis, le premier et le dernier exceptés. Pour ceux-ci, la lon- gueur À ne peut être maintenue qu’autant qu'on remplace l'appui extrême par un encastrement, et si c’est, au con- taire, l'appui extrême que l’on veut conserver, il faut ré- duire la portée correspondante à Considérons une suite quelconque de ces intervalles, ( 508 ) tous égaux entre eux; prenons-les dans l’ordre où ils se succèdent à partir du point À, et désignons par À, B, C, D, etc., ou plutôt par A,, À,, A, , À., etc., leurs extré- mités respectives. Les limites du rièm intervalle seront A,_, À,. Si, d'ailleurs, on transporte l’origine en A,et qu'on représsnte par m,, f,, les valeurs que nous avons exprimées ci-dessus par #”’ et f, pour l'intervalle AB, les équations (55) et (56) donneront en général 21 Ra (BD an Le CMS mr Si 6) p= mar te ARMES ENENT .ATTS r = Mr À — ; 48 De là résulte, en attribuant à l'indice r les valeurs suc- cessives 1, 2, 5, elc., n, d'une part, (OIL ES) ru ur bre en et, d'autre part, en vertu des équations (38) et (39), R22 ADhatrsalirs n=MÀ— (2n—1) —. (40) f. = (2n —1) ïe Si, d’ailleurs, on pose (M)... . FE =f+f + fs + ete +£, on déduit aisément de l’équation (40): R (ES - : . . of —nmi (mn À): ' 48 et tout se trouve ainsi déterminé, de manière à fournir ( 509 ) dans tous les cas possibles une solution complète de la question proposée. Prenons pour exemple le cas général d’une pièce où les supports sont disposés symétriquement par rapport au milieu. Nous supposerons d’abord que cette pièce est en- castrée à ses deux extrémités. Nous supposerons ensuite que ces mêmes extrémités reposent sur de simples appuis. On verra aisément comment la solution obtenue pour l’un ou l’autre de ces deux cas devrait être modifiée, si, au lieu de la disposition symétrique qui résulte de l'établissement des supports extrêmes à un même niveau, l’on fixait d'avance la différence de hauteur qu’on voudrait maintenir entre ces supports. A EXEMPLE. Cas général d'une pièce encastrée à ses deux extrémités et sup- portée intermédiairement par un nombre quelconque d'appuis. Soit » le nombre des intervalles à considérer, Tous de- yront être égaux. Si donc on désigne par 2L la distance comprise entre les centres des deux sections d'encastre- ment, on aura d'abord ne TA A La question se réduit, d’ailleurs, à déterminer : 1° Les directions que l’axe affecte aux deux extrémités ; 2° Les hauteurs relatives des différents supports. Plaçons l’origine à l’une des extrémités. En vertu de la disposition symétrique adoptée, par hypothèse, pour l’éta- ( 510 ) blissement des supports, l’on aura généralement, NM — Mir, F, = N : » et en particulier R npA5 Le 1 rl ar SR DELLE NATURE SEEN EE 48 96. et par suite R2? at FT Erin) esr ner) L'équation (44) donne les directions de l'axe pour les sections d'encastrement. L’équation (45) détermine, pour un appui quelconque À, la quantité dont cet appui doit être abaissé au-dessous des supports extrêmes. On voit avec quelle extrême simplicité la solution ob- tenue, d’abord pour le cas de deux supports d’encastre- ment, s'étend d'elle-même au cas général où un nombre quelconque d’appuis intermédiaires viennent s’interposer entre ces deux supports. Quant à l'avantage présenté par la disposition nouvelle, lorsqu'on la compare au système ordinaire des encastre- ments horizontaux combinés avec des appuis placés tous à la même hauteur, il est visible qu’il demeure constam- ment le même. Il consiste donc en ce que la limite de charge peut être portée à 2, au lieu de rester réduite à 1,50. (511) 2°° EXEMPLE. Cas général d'une pièce supportée par de simples appuis. Soit n le nombre des intervalles à considérer. Tous de- vront être égaux à À, le premier et le dernier exceptés. Pour ceux-ci, l'étendue sera réduite à 2+V2 n—— À COR ET : Si donc on désigne par 2L la distance comprise entre les extrémités, on aura d’abord On —2 + V2 (m2) à + Qù = ES à = 81 De là résulte 4L 2(n—1)—V® (47). . a — tn em re à Qn—92+ V9 ua À pet et, par conséquent, 24+V2 On —35—(n—2)V/2 (48) . RS SH mL | On —92 + V2 2(n—1}—1 Pour passer du cas traité tout à l'heure à celui qui nous occupe actuellement, il est visible que, toutes choses res- tant, d’ailleurs, les mêmes, il suffit de déplacer les extré- mités À,, À,, et de les transporter l’une en avant vers A,, l’autre en arrière vers A,-;, de telle façon que chacune ( 512 ) d’elles vienne se confondre avec le point d’inflexion le plus rapproché. Le raccourcissement opéré de part et d'autre est exprimé par l’abscisse 2 —V2 zx, a —— À. 4 Cette valeur, substituée à æ dans l’équation (34), donne pour l’ordonnée correspondante y, __ 8n—5—4{(n—1)V2 Rx Ter RUE on DRE OR PURE Transportons l’origine au point (x,, y,) et désignons par F',, pour cette nouvelle origine, la quantité représentée ci-dessus par F, dans l'équation (45); il viendra, sans autre intermédiaire , L 8n—3—A4(n—1}V2\ px (50). F;,=—=F,—7y,— (r (n—r) — me ec NES La formule (50) donne pour un support quelconque A,, compris entre les extrémités, la quantité dont ce support doit être abaissé au-dessous des appuis extrêmes. On ne perdra pas de vue, dans les applications, que cette formule doit être combinée avec l'équation (47), qui détermine À en fonction de L. La solution que nous venons d'obtenir se distingue, comme la précédente, par une extrême simplicité. Toute- fois il est moins facile qu'il ne l'était tout à l'heure de déterminer l'avantage que présente la disposition nouvelle, comparée au système ordinaire, où les appuis sont tous de niveau et équidistants. La difficulté provient de ce que, (545 ) dans ce système, les plus grands changements de longueur produits par la flexion ne sont point, comme ici, indépen- dants de n, et que leur détermination générale exige des calculs compliqués. Pour m'écarter le moins possible du but que je me suis proposé dans la présente note, je me bornerai à un simple exposé des résultats principaux fournis par ces calculs, me réservant d'y revenir ailleurs, et de donner alors tous les développements convenables. QUESTION INGIDENTE. Flexion d’une pièce prismatique chargée uniformément et supportée par n+ 1 appuis, tous de niveau et équidistants. EXPOSÉ DES RÉSULTATS PRINCIPAUX FOURNIS PAR LE CALCUL, Soit une pièce prismatique sollicitée par une charge uniformément répartie et supportée en n + 4 points tous de niveau et équidistants. Conservons les dispositions adoptées ci-dessus, c’est-à- dire, prenons pour axe des y et des x, d’une part, la ver- ticale qui passe par l’un des points d’appui extrêmes, d’au- tre part, l'horizontale suivant laquelle la fibre centrale serait dirigée , si la pièce ne fléchissait pas. Soient d’ail- leurs, conformément aux notations précédentes, 1° À,,A,, A., etc., À, les projections sur l’axe des x des divers points d'appui, pris dans l’ordre où ils se succèdent, à partir de l’origine ; 2° P,, P,, P,, .…..P,, les réactions des supports qui cor- respondent respectivement aux points À,, À,, À, A, ; _ 3° À la distance comprise entre deux quelconques des points d'appui successifs ; (514 ) Æ 9L l'intervalle compris entre les points d'appui extrêmes À,, À, ; 5° p la charge uniformément répartie sur l’unité de lon- gueur ; 6° e le moment d’élasticité de la pièce considérée. On aura d’abord : | Dies stores à et il est aisé de voir que, dans l'intervalle quelconque . compris entre les points (4,1, A,), l'état d'équilibre de la pièce fléchie est exprimé par l'équation différentielle, ee dy (na — x) ni (22). . . € de mA PAR | P, (ra — x). De là résulte, par une suite de déductions que nous ne reproduisons point ici, (83). ereæ (ts 1 1—(V5— me V3 1 + (V5—2 9p/ 4 et pour toute valeur de l’indice r comprise dans la suite M 1,2,5,etc.,(n—1), 0(W/8229Y re et. Distinguons, dans le développement d’une puissance | quelconque du binôme 2 + V5, les termes rationnels des termes irrationnels, et posons en général, (2+V3) = A,+ BV, MOSS NES (545 ) nous pourrons écrire : 1° Au lieu de la formule (55) : B ne . pu po (ad di ce | Pè, 2 Au lieu de la formule (54) : 2 RO ANT et 2(—1) B, La discussion de ces formules montre que, dans cha- cune des deux suites (P,, P:, P,, etc.), (P:, P:, P:, etc.), il y a convergence vers la limite commune p}, les termes de la première étant tous décroïissants , tandis que ceux de la seconde sont, au contraire, tous croissants. Il est bien entendu que, pour remplir cette condition, les termes de ces suites doivent rester compris dans la première moitié de la pièce. Suppose-t-on d’ailleurs que le nombre n croisse indéfiniment , il vient et en général lim P, — (1 en PA, la convergence étant toujours rapide. Soit Pl; + Pur + etc. + Pi, =>, Pic l'on déduit des équations (53) et (54), ( 16 ) (V9 (V3-9y + (V5 apr _ V34e , + LAB à = | > = je r AA 2(3—V3)[1+(V3-92ÿ] Les sections de plus grande fatigue sont : 4° Pour les arcs convexes, celles qui répondent aux points d'appui A;, À... etc., À, ,; 2% Pour les arcs concaves intermédiaires, celles qui répondent aux milieux de ces arcs. Considérant les changements de longueur produits par la flexion pour l'unité linéaire et à une distance de l'axe égale à h, représentons-les, en général, par p pour la section A,et par L,,,,, pour la section prise au milieu de l’arc concave compris entre les appuis A, ; et AÀ.. Cela posé, l’on démontre, relativement aux deux suites LP ss H3» 107 .……. etc., Ho, 15 Hi, 25 Ho, 35 Ms, gs se. etc. limitées chacune à la première moitié de la pièce : 4° Que les termes de rang pair sont toujours moindres que ceux de rang impair entre lesquels ils sont compris; % Que les termes de rang impair, pris à part et dans l'ordre où ils se succèdent, décrojssent constamment. On a d’ailleurs et dans tous les cas : Bo, 1 < Be Il suit de là que, pour la première moitié de la pièce, la section de plus grande fatigue est celle qui répond à l'appui A:; et puisque, dans la seconde moitié, tout se re- produit symétriquement à partir du milieu, l'on peut substituer à cette section la section A; 4 De là résulte, en vertu de l’équation (52), px 4 41—(V/3—2) 58). . da — pu, — — h. |1 — ee —— x Tr V5 124(V5 sie Avantage présenté par la disposition nouvelle dans le cas de simples appuis et comparativement au système ordinaire où ces appuis sont tous de niveau et équidistants. La portée totale étant la même de part et d'autre, ainsi que le nombre des appuis, le plus grand changement de longueur produit par la flexion a pour mesure, dans la disposition nouvelle ph x, 16e ou, substituant à À la valeur fournie par l'équation (47) : ie PR, yep, (2n—2+V9)e Dans le système ordinaire, les appuis étant tous de ni- veau et équidistants, ce même changement de longueur a pour expression LATE À arr 1 “he, de V5 1+(V3-2y el, ici, } doit être remplacé par la valeur tirée de l’équa- tion (51), ce qui donne (60). . "ef: 1 = — — —————————_—— L? = K!. V31+(V35—9) Il suit de là que la limite de charge correspondante à la (518) disposition nouvelle est exprimée, relativement à celle que comporte le système ordinaire, par le rapport (ES) (61). = Dans cette expression, le premier facteur croît toujours avec n, tandis que le second croit ou décroit à mesure que n augmente, et selon que n est impair ou pair. Néan- moins, si l'on prend à part chacune des deux suites qui répondent aux valeurs de n paires et impaires, on recon- nait aisément que, dans l’une ainsi que dans l’autre, les termes se succèdent en croissant avec n et en convergeant vers la limite commune 4(5—V5) — 1,6906. 5 Voici d'ailleurs comment procèdent les premiers termes de chacune de ces suites: Soit d’abord n impair. Il vient alors j 1,0 PET ML VE DU RE K = 120 AL DOUr, # 0 LT er bete Pour Met Soit ensuite n pair. On trouve de même | 14,457 our «à 1 pourrons K LEE PE pour 1" | RL A SO Ernie À eG | FASO RS MDOUT 7 GI Prenons pour unité et en même temps pour terme com- ( 519 ) mun de comparaison la limite de charge qui correspond au cas où la pièce est interrompue au-dessus de chaque appui, les intervalles demeurant tous égaux à 2£. Le plus grand changement de longueur produit par la flexion étant ici représenté par K”, 1l vient, conformément aux résultats précédemment obtenus, ét Maitre Ste LE. Cela posé, si l'on désigne par Q’et Q les limites de charge qui répondent, pour le cas de simples appuis, d’une part, au système ordinaire, d'autre part, à la disposition nouvelle, il est visible que l’on à généralement : En premier lieu, 63). Q= = > ——— — ; (63) nes RENE VS1+(V3—92) En second lieu, (64). . Q—=—— K” —) 0, 0171573 1,171575 A n° n Les formules (63) et (64), lorsqu'on y attribue à n les valeurs successives, 2, 5, 4, 5, etc., mettent en évidence les résultats suivants : Dans le système ordinaire, la continuité maintenue an- dessus des appuis devient avantageuse à partir de n —5. Elle produit une augmentation de résistance constamment progressive ou constamment décroissante, selon que les valeurs de n sont paires ou impaires. Le maximum de cette augmentation est de 25 p. ‘; il répond à n —5. Le TOME xx11, — ['° PART. 57 ( 220 ) minimum est de 16 à 17 p. %o; il répond à n —4. Au delà, il y a, de part et d'autre, convergence très-rapide vers la limite 3+-V3 FRE 1— 0,183, soit 18 pour 100. Dans la disposition nouvelle, l'augmentation de résis- tance, due à la continuité, est beaucoup plus considérable. Constamment croissante avec n, elle est au moins de 45 à 46 p. °. Ce minimum, ainsi que nous le savons déjà, ré- pond à n —2. Pour n—=5, l'augmentation de résistance dé- passe 62 p. °). Elle est de 71 pour n=%4, de 77 pour n=5, et ainsi de suite, en convergeant vers la limite 400. Pour plus de clarté, et comme résumé de tout ce qui précède, en ce qui concerne les divers degrés de résistance que peut offrir une même pièce chargée uniformément et supportée en un même nombre de points, nous consi- gnerons dans le tableau suivant les résultats numériques sur lesquels il nous paraît utile d'appeler plus particuliè- rement l'attention des constructeurs. Considérant d’abord le système ordinaire, nous distin- guerons les différents cas qu'il peut offrir, en désignant par 0 celui où la continuité est interrompue au-dessus de chaque appui; 0’ celui où la continuité subsiste, les extrémités n'étant point encastrées; 0" celui où il y a continuité, avec encastrement horizon- tal des extrémités. Considérant ensuite la disposition nouvelle, nous dési- gnerons par ( 521 ) N le cas où les extrémités sont simplement appuyées; N’ celui où elles sont encastrées. NOMBRE LIMITE DE CHARGE CORRESPONDANTE A des TRAVÉES. N’ 1 1,6286 1,7725 1,8361 1,8719 1,9227 1,9554 1 1 1 1 1 1 1 1 19 9 9 19 19 9 19 N 1,1667 1,1818 1,1829 1,180 1,1850 1,1850 1,1850 > ne + ne pe = ne be 19 9 19 NW 19 19 19 N On voit par ce tableau comment la résistance progresse en passant d’un système à l’autre. Tel est d’ailleurs l’avan- tage offert par la disposition nouvelle, que, à partir de trois travées, elle donne, avec de simples appuis, plus que le sys- tème ordinaire peut donner avec des encastrements. On à pu remarquer , d’après ce qui précède, que, dans le cas de simples appuis, et selon qu'il s’agit de la disposition nouvelle ou du système ordinaire, chacune des deux por- ( 522 ) tées extrêmes se distingue des autres, soit en ce qu’elle est plus courte, soit en ce que la fatigue y est plus grande. Partant de cette remarque et observant, en outre, les con- ditions qui subsistent de part et d'autre relativement à l'égalité ou à l'inégalité des fatigues maximum , il semble- rait naturel d'admettre que, tout en maintenant les appuis de niveau, il y aurait avantage, dans le système ordinaire, à réduire la dernière portée et à y rendre égaux les deux maximum de fatigue. Ce serait une erreur. Pour s’en con- vaincre, il suffit de vérifier que la disposition la plus avan- tageuse dans le cas de trois travées, soutenues par quatre appuis de niveau, est la suivante : AA,—A,A;—0,70L, A,A,—0,60L, tandis que des espacements égaux donneraient AA, = AA, — A,A, = 0,666 …. L. Ici donc, loin de devoir être diminuée, chacune des tra- vées extrêmes doit au contraire être accrue. Il en résulte, I h he 9908 etta L0 04565. 20 G4 € € . ph _ Ph lun = 0,085 — L?— 0,00133. — L?, F 64 & EXT Ve tite nf ET DNA Boi = bis == 2,6475 — L2 — 0,04156. — L?. f j Ge € Avec des espacements, égaux on aurait 2 ph h ja este ne EE re tp pal ET 45 € € On voit donc qu'il y a avantage à augmenter les travées (523 ) extrêmes et que la condition la plus favorable ne répond point au cas d'égalité des quantités x, et x, ,.. Nous avons vu que, dans la disposition nouvelle, la continuité maintenue au-dessus des appuis permet d’ob- tenir une augmentation considérable de résistance. Si des assemblages sont nécessaires pour établir la continuité dans toute l'étendue de la pièce, et que, à raison de leur imperfection , ils doivent être éloignés des sections de plus grande fatigue, on pourra, néanmoins, les mul- tiplier jusqu’à un certain degré, et pour qu'ils ne pré- sentent aucun inconvénient, il suflira qu'ils occupent les sections transversales correspondant aux points d’in- flexion I, F’. Dans le cas où l’on veut réaliser le maximum absolu de résistance, il faut encastrer la pièce à ses extrémités et suivre les directions fournies par l’équation (44). Il va sans dire que tout encastrement suppose un certain prolonge- ment, et qu'ici la partie prolongée doit offrir une résis- tance passive dont le moment soit égal à On peut satisfaire à cette condition d’une infinité de manières différentes. Bornons-nous à indiquer celle où le prolongement serait donné par la valeur _2—Ve n TL En ce cas, la partie prolongée pourrait être soutenue sur toute sa longueur par une surface cylindrique ayant pour directrice une partie de la courbe (34). L’extrémité ( 524 ) devrait, d’ailleurs, être maintenue par un poids égal à pa v2 _ 2% 4 Ces détails très-simples n’exigent pas que nous y in- sistions davantage. La présente note s'appliquant d'une manière exclusive au cas d’une pièce prismatique chargée uniformément, le lecteur se demandera, peut-être, ce qui arriverait si, au lieu d’une charge uniformément répartie, on avait à con- sidérer l’action d’un poids qui se transporterait continü- ment d’une extrémité à l’autre, ou si à l'effet d’une charge uniforme venait se joindre celui d’un poids mobile. Je me propose de traiter ultérieurement cette question complexe; en attendant, j'énoncerai les résultats suivants : Lorsqu'on applique au cas d’un poids mobile x la mar- che que nous avons suivie dans la première partie de cette note, on trouve que, pour réaliser le maximum absolu de résistance , il faut satisfaire, d’une part, à l'équation (15) 2f — (m+m')21 = 0, et, d'autre part, remplacer l'équation (16) par celle-ci : m—m' 5 à du A6 2e: L'avantage obtenu, comparativement au système ordi- aire, où les encastrements sont établis de niveau et hori- zontalement , est exprimé par le rapport 64 — = 1,0847. 59 H se réduit donc à une augmentation de résistance ( 525 ) d'environ 8,50 p. %. On estimera, peut-être, qu'un avan- tage aussi restreint ne vaut pas la peine qu'on modifie en ce cas le système ordinaire des encastrements horizon- taux. Toutefois, s’il y a en même temps poids mobile et charge uniformément répartie, il est visible que la dispo- sition nouvelle doit acquérir une plus grande supériorité. On a alors pour équations de condition, En premier lieu et comme tout à l’heure, 2%—(m+m)a = 0, en second lieu, m—m.. pr 5 A — == — + — , À A8 € 16 27€ et l'avantage est d'autant plus marqué, d'autant plus con- sidérable, que la charge uniformément répartie devient relativement plus grande. On reconnaitra sans peine que ces dernières formules permettent de calculer, de proche en proche et pour un nombre quelconque de travées, toutes égales entre elles et limitées chacune par deux supports d'encastrement : 14° Les abaissements successifs de ces supports; % Les directions de leurs surfaces supérieures. Les déductions sont les mêmes que dans le cas d’une simple charge uniformément répartie. Les calculs offrent la même simplicité. S'agit-il, d’ailleurs, de l'avantage que présente en ce cas la disposition nouvelle comparée au système ordinaire des encastrements horizontaux , voici le rapport qui en donne l'expression générale : 36pà + 64r 27pA + 097 ( 526 ) Note sur les tremblements de terre en 1854, avec suppléments pour les années antérieures; par M. Alexis Perrey, pro- fesseur à la Faculté des sciences de Dijon, SUPPLÉMENTS (1). 1852. — Septembre. — Le 22, 7 h. du matin, à Nice, secousse très-faible. (Comm. de M. Prost.) Novembre. — Le 2, 6 h. 35 m. du soir, à Richmond, Petes- bury, et Scotteville (Virginie), une secousse. — Le 6, de nuit, à Santiago de Cuba, une secousse. — Le10, à Amboine, secousses accompagnées de violents mouvements des eaux de la mer. — Le 16,7 h. 40 m. du matin, à Banda Neira et autres îles de cet archipel, tremblement de terre, et à 8 h. du matin, trem- blement des eaux de la mer. — Le 17, à Lima (Pérou), une secousse. — Le 19, à Valparaiso (Chili), une secousse. — Le 25, un peu avant minuit, en Californie, une secousse accompagnée de tonnerre et d’éclairs et d’une espèce d'éruption (bursting) d’un lac. — Le 24, à Lake-Merced (Californie), une secousse à la suite de laquelle les eaux du lac disparurent en partie. — Le 25, de nuit, à Port-au-Prince (Haïti), violente secousse. — Le 27, 7 h. du matin, à Lima (Pérou), une secousse éprouvée aussi en mer. — Le 29, midi 20 m., à San Diégo et Fort-Yuma (Californie), (1) Extrait, par M. W. Mallet, de The Annual of scientific Discovery, for 1854. Edited by D. A. Wells, Boston, p. 526-328. — J'indique les sources des tremblements non mentionnés dans cet Extrait. ( 527 ) tremblement suivi d’une douzaine de secousses dans le courant du jour ou le lendemain. On les a ressenties aussi, à Campo- Yuma sur le Gila (Californie) et sur les bords du Colorado River (Mexique) : un vaisseau à la mer a été laissé à sec, la terre s’est soulevée et est retombée ensuite à son niveau. Décembre. — Le 4, 10 h.20 m. du soir, à Acapulco (Mexique), première secousse. Le 5, il y en eut une à peu près à chaque heure, ainsi que les 6, 7, 8 et 9. — Le 5, vers 41 h. du soir, à Campo-Yuma, sur le Gila (Cali- fornie), une secousse. — Le 15, 4 h. du soir, à Carlton, Orléans (Connect.), New-York, une secousse. — Le 16, le soir, à Shangaï (Chine), une secousse aussi vio- lente que celle d'août 1846. — Le 18, à Acapulco, une nouvelle secousse. — Le 26, à Los Angelos (Californie), secousse. — Le 28, à Holquin (Cuba), deux légères secousses. N. B.M.-A. Poey, qui prépare un catalogue des tremblements de terre à Cuba, signale pour 1852, le 7 juillet, 6 h. ‘2à 7h. du matin, le 20 août, 4 h. du matin, octobre (sans date de jour), le 26 novembre, 5 1/2 h. du matin et le 14 décembre. 1853. — Janvier. — Le 7, à la Conception (Chili), trois se- cousses accompagnées de bruit; chaleur suffocante. — Le 8, 8 h. 40 m.du soir, à Milledgeville (Géorgie), secousse. — Le 11, à Santiago de Cuba, légères secousses. — Le 12, de nuit, à Fayal (Açores), deux secousses, dont une très-rude. — Le 21, à S'-Kitts (Antilles), secousse légère. — Le 25, à Santiago de Cuba, légère secousse, Le 26, phé- nomène semblable. — Le 29, à Santa-Barbara (Californie), secousse. — Le 29, à Woodstok (Virginie), secousse. Février, — Le 1°, à Santiago de Cuba, secousse légère. ( 528 ) — Le 3, en Suède et sur divers points dela Norwége, secousses. — Le 9, à Guatemala, deux secousses. Pendant le courant du mois, elles ont été fréquentes dans l'Amérique centrale. Mars. — Le 15,5 h. du matin, à S'-Catherine, Niagara, secousse. Le même jour, à la même heure, à Grimsby, Jordon, Thorold, Fells, Queenston, Fort Mississangua et tout le Canada, quatre secousses. — Le 16, à Iquique (Pérou), sur les Salt Plains, secousse. — Le 29, en mer, par 8° 10° lat. (?) et 84° 4' long. (?), secousse éprouvée par le bâtiment le Portsmouth. Avril. — Les 20 et 28 à Manado et Amoerang ( archipel in- dien}, très-fortes secousses du NO. au SE. et du N. au S. — Le 19 (sic) avril et les premiers jours de mai, à Banda, violentes secousses. (Java Courant, 5 juillet 1853; comm. de M. W. Vrolik.) Mai — Le 2, en mer, par 14 12’ lat. S. et 75° long. E secousse d'une grande violence et de 30 à 40 secondes de durée. — Le 2 encore, dans la Pensylvanie occidentale et l'État de New-York, secousses qui ont eu lieu en même temps que le tremblement qui a ruiné Chiraz en Perse. En tenant compte de la différence des heures et des longitudes, l’auteur de l’Annual, auquel j'emprunte ces faits, trouve qu'il y a eu simultanéité dans les deux hémisphères. On a ressenti ces secousses à Washington, sur le Potomac; à Lynebury (Virginie), sur le James River; à Wheeling (Virginie), sur l'Ohio, et à Tanesville (Ohio), sur le Muskingam River. — Le 4, à Antigoa (Antilles), tremblement violent. — Le 5, à Newcastle (Pensylvanie occidentale), une secousse. Juin. — Le 2, tremblement à Acapulco. — Le 17 et le 20, à Portland (Maine), deux tremblements. Août.— Le 17, à New-Bedford (Massachussetts), tremblement. Pendant le mois d'août, les secousses ont été fréquentes dans la république de Guatemala. ( 329 ) Septembre. — Le 11, à Port-au-Prince ( Haïti) à la Nouvelle- Orléans et sur les côtes du golfe de Mexique, tremblement. Octobre. — Le 4, en mer, 200 milles à l’ouest de Java, trem- blement de terre. — Le 25, dans l'Orégon et sur la côte N.-0. de l'Amérique, tremblements. Dans le courant du mois, les tremblements de terre ont été fréquents en Crimée et accompagnés de nombreuses éruptions volcaniques (1). Novembre. — Le 8, à Santiago de Cuba, tremblement. — Les 18 et 21, à San Francisco et San Jose (Californie), secousses. Du 21 novembre 1852 au mois d'août 1853, on a noté trente- deux secousses en Californie. Les effets du phénomène ont été principalement concentrés dans la section occidentale de l'État, et n’y ont excité que peu d'attention. Dans le désert, les effets ont été plus considérables; les eaux de la New-River, du Big- Lagoon et d’autres eaux qui avaient paru à la surface du sol en 1818 et 1849 ont maintenant disparu et ont été remplacées par des émanations sulfureuses. — Le 30 décembre, 6 h. du matin, à Cuba, tremblement, le seul mentionné par M. A. Poey. — Décembre (sans indication de jour), au fort Yuma (Cali- fornie), tremblement violent; dans le voisinage du fort, il s'est formé dans le sol des crevasses, d'où il est sorti de la boue, du sable et de l’eau : on a aperçu des éboulements dans les monta- gnes, à plusieurs milles de distance et à environ 40 milles au SE. du fort, dans la direction de certaines sources volcaniques, semblables à celles décrites par le docteur John Leconte, on a vu une immense colonne de vapeur. (Amer. jour. 2% sér., vol. XIX, janv. 1855, p. 6.) (1) Je n’en ai trouvé aucune trace dans les journaux français. ( 530 ) Tremblements de terre en 1854. Janvier. — Le 5, 11 ‘2 h. du soir, à Chartum (Égypte), courte secousse. — Le 5, à Mariposa (Californie), deux secousses successives. — Nuit du 5 au 4, à Thèbes ( Béotie), trois secousses se suc- cédant presque immédiatement. Le 4, 5 h. du matin, une nou- velle secousse. — Le 9,1 h. 12 m. du matin, à Ténès (Algérie), forte se- cousse, qui s’est renouvelée à 5 h. 10 m. avec la même violence. Il régnait en ce moment un furieux vent d'O. — Le9,5 h. du matin, à San-Francisco (Californie), légère secousse. — On lit dans The Hillsboroug News du 12 : « Nos conci- toyens ont été, lundi soir, entre 7 et 8 h., épouvantés par 3 ou 4 secousses qui se sont succédé à des intervalles d'environ une minute et ont été accompagnées, comme de coutume, d’un rou- lement semblable au tonnerre. » — Le Wilmington Republican du 13 demande : « Était-ce un tremblement de terre? Mardi dernier, vers 7 h. du soir, nos concitoyens ont été épouvantés par le tremblement de leurs maisons, le bruit des fenêtres et des portes accompagnés d’un roulement sourd, comme celui du tonnerre dans le lointain. Le tout a duré quelques secondes, et une minute après, on a ressenti une secousse du même genre. Les mêmes phénomènes ont été observés sur plusieurs points de l'Ohio. » Les secousses ont-elles eu lieu le lundi 8 et le mardi 9? — Le 13, un tremblement désastreux aurait eu lieu, suivant les journaux, à Finana, prov. d’Alneria, en Andalousie. D'après le rapport de l'ingénieur Manuel Caravantes, communiqué par M. Casiano de Prado, inspecteur général des mines en Espagne, c'est un affaissement de terrain occasionné par les pluies. — Le 19,2h. 10 m. du soir, à Gasteig, près de Gessenay (551 ) (Suisse, canton de Berne), forte secousse dirigée de l'E. à l'O. par 5° de chaleur. Peu de temps auparavant, il ÿ en avait eu une autre moins forte. — Le 925, 11 h. 55 m. du soir, à Grosseto (Maremme de Tos- cane, première secousse verticale. Le 24, O h. 45 m. et 1 h. 50 m. du matin, deux autres secousses ondulatoires de l'E. à l'O. La dernière fut la plus sensible; toutes deux furent accom- pagnées d’un bruit pareil à celui de la mer pendant une bour- rasque. — Le 23, à Santiago de Cuba, secousse légère. — Le 24, 7h. du matin, et le 27, même heure, à Palmer (partie occident. de Massachussetts), deux secousses, avec bruit sourd très-distinct. — Le24, 4 h. du soir, à Smyrne, légère secousse. — Le 26,3 h. 58 m. du matin, à Constantinople, secousse pendant 4 à 5 secondes. — On écrit du NE. de Picavune (Mexique), le 98 : « Il y a eu à San Juan del Rio (prov. de Queretaro), une secousse vio- lente, mais on ne parle pas de dommages. » Février. — Le 1°, dans les communes de Termoli et de Gu- glionesi (prov. de Molise), secousse verticale de courte durée. — Nuit du 4% au 2, à Oran et aux environs, trois secousses ; la 4°e à 10 h., la 2% à minuit et la 5° à 5 h. et quelques minutes du matin; les deux premières ont été peu sensibles; la troisième, marquée par deux oscillations, à quelques secondes d'intervalle, a été plus forte. — Le2, 2 h. du soir, à Bétalihém (Abyssinie), petit trem- blement. Le 4, 6 h. du matin, petite secousse. Le 5, même heure, autre petite secousse. — Le3, à 7 ‘4h. du matin, à Lorient et Vannes (Morbi- han}, une secousse avec bruit semblable à celui d’une bombe qui éclate. — Le 3 encore , 8 h. 46 m. du soir, à Urbino (États del Église), ( D32 ) secousse légère du NNE., suivie de trois chocs violents de lENE. — Le 4, au soir, à Pérouse, petite secousse. Une deuxième plus forte après minuit, suivant M. Pistolesi, de Pise. — Le 6, 8 ‘2 h. du matin, dans la province d’Alicante, à Novelda, Elche, Orihuela, etc., tremblement assez fort qui se répéta, avec moins de force à 3 !/2 h. du soir. Le Journal des Dé- bats du 25 donne la date du 11, 10 h. du matin; il signale la direction du SO. au NE., pour un bruit semblable au tonnerre qui se fit entendre quelques secondes avant le tremblement. — Le 7, à Thèbes (Grèce), nouvelles secousses. — Le 8,9h,927 m., à Raguse (Dalmatie), légère secousse pendant une tempête , avec éclairs et tonnerre. — Les 11 et 12, en Ombrie, secousses désastreuses. Les dé- tails manquent. Le 11, 6 h. du soir, à Urbino, secousse légère. Vers minuit autre secousse ondulatoire assez forte. Dans le reste de la nuit 3 ou 4 secousses nouvelles. Le 12, 6 h. 44 m. du matin, secousse violente et ondulatoire de l'ONO. à l'ESE. de 4 ou 5 secondes de durée. A Pérouse, mêmes phénomènes à peu près. Cette dernière (6 h. du matin) y causa des dégâts à plusieurs bâtiments. A Foli- gno, les dommages furent encore plus considérables, ainsi qu’à Assise, et surtout au village de Bastia. Environ 100 métairies disséminées dans la campagne, 6 églises et 5 couvents ont été détruits. Quelques-unes de ces secousses, spécialement celle du 12, à 6 h. du matin, ont été légèrement ressenties à Arezzo et Cetona (?), en Toscane. Dans la nuit du 12 au 13, nouvelles secousses et murmure souterrain, à Foligno. — Le12,5 h. du matin, à Citta Ducale (roy. de Naples), se- cousse ondulatoire sans dommages. Le même jour, 6 1/2 h. du soir, à Naples, secousse légère; elle ( 535 ) fut désastreuse à Cosenza et autres lieux voisins (Calab. citér). Le Journal officiel des Deux-Siciles, du 16 février, communiqué par M. Smith, de Venosa, cite les communes de Rende, Donnici, Piétrafitta, Paterno, Carolei, Cerisano, S. Ippolito et Turzano, comme ayant éprouvé de grands dégâts; plusieurs personnes y ont péri. À Paola, il n'y a pas eu de malheur à déplorer. Ce tremblement s'est étendu jusqu'à Catanzaro , où la secousse a duré deux secondes, mais sans dommages. Les secousses paraissent s'être renouvelées pendant plusieurs jours. Dans une longue description manuscrite, que j'ai reçue, je ne trouve rien à noter, sinon que la terre n’a pas eu de repos pendant un mois et demi. I y a évidemment de l’exagé- ration. M. Meister de Freysing me signale encore Cesena comme ayant éprouvé, le 42, une première secousse, à 1 h. du matin, et une autre très-forte dans la soirée. — Le 15, 10h. du soir, et le 46, 3 h. du matin, à Bétalihëm (Abyssinie), deux nouvelles secousses peu remarquables. Le 21, vers 3 h. du matin, secousse verticale d'abord, puis ondulatoire et faible mais prolongée. Beaucoup de maisons ainsi que l’enceinte de l’église ont souffert. Une portion de montagne voisine a produit, en tombant, un bruit épouvantable. Après celte première secousse et jusqu'à 6 h., la terre trembla quatre fois dans le jour. La nuit suivante, à minuit, une nouvelle secousse.— Bêtalihèm doit être près de Mahdara, Maryam (séjour de Marie), par 11°42° lat. N. et 35°56’ long. E dans la province de Bagénudr ou Bégamdir. — Le 19, à Thèbes ( Béotie), nouvelles secousses. — Le 24, 10 h. du matin, à Venosa (Basilicate), légère se- cousse. A cette date, on écrivait de Rome que les secousses duraient encore en Ombrie et y produisaient de nouveaux dégâts. — D'après des nouvelles de l'Orégon , allant jusqu'au 1° mars, . la montagne de S'-Hélène (côte NO. d'Amérique) était en érup- ( 534 ) tion. Des témoins oculaires rapportaient que ce volcan avait jeté plus de cendres qu'à aucune époque antérieure. 11 sortait d'épaisses fumées du cratère. Enfin, je lis dansla New-York Tribune du 4 mars: «A Truxillo, - où les secousses sont continuelles depuis plusieurs semaines, les craquements des murailles et des maisons ont grandement ef- frayé les habitants, mais il n’y a pas de dommages sérieux. » Mars. — Le 1*,2 h. du soir à Cosenza (Calabre citér.), vio- lente secousse, sans dommages. — Le 1°, nouvelles secousses en Ombrie, où, suivant M. Meis- ter, elles se renouvelèrent encore du 13 au 18. — Le 2, à 4 h. 40 m. du matin, à San Francisco (Californie), légère secousse de l'E. à l'O. — Le, dans la matinée, à Foggia (Capitanate), forte secousse ondulatoire. — Le 5, à 0h. 19 m. du soir, à Alt-Gradisca (Slavonie), une secousse ondulatoire du SSO., durée 3 secondes; baromètre 741,25, thermomètre + 1°, 0 (R. ?). On l’a ressentie aussi à Neu-Gradisca. Ciel nuageux , stratus. — Le 3, dans l'après-midi, à Thèbes ( Béotie), quelques se- cousses légères. Dans une lettre du 22 mai, M. Raynold annonce qu'il y en a encore eu une postérieurement. — Le 3 à Cagnano, légère secousse. — Le 4, à Lavino, Guglionesi et Termoli (province de Molise), secousse légère. — Le 7,à 5h. 50 m. du matin, à Porrentruy (canton de Berne), assez forte secousse avec bruit très-fort qui a varié avec la nature et l'assiette des édifices. Les eaux d'une source très- abondante, dite la Beuchire, ont immédiatement diminué, puis ont reparu plus abondantes et troubles. Un ruisseau coulant à peu près du N. au $S., a inondé sa rive orientale sans inonder sa rive occidentale, ou au moins, si cela a eu lieu, en l'inondant fort peu. La direction du mouvement a été, suivant une per- sonne, de l'O. ?S. à l'E. £ N.; mais on a reconnu généralement ( 95 ) deux mouvements, le 4* de l'O. à l'E. le 2° de l'E, à l'O. Cette secousse paraît ne s'être étendue qu'à 4 ou 5 kilomètres de Porrentruy. — Le A, à 4h. 114 m. du matin, à Alt-Gradisca (Slavonie), secousse plus légère que celle du 3 et ondulatoire du SSO. Durée, 2 secondes. — Le 14, à Wea Plains (États-Unis), on entendit, dans un puits, un bruit semblable à celui d'un orage. L'eau s’élança à 70 pieds au-dessus du sol, entraînée par un violent courant d'air. Ce bruit s'entendit à un demi-mille de distance et continua pen- dant 4 heures. Un autre puits sur la Wea, à Hillsworth, fut affecté au même moment de la même manière. — Le 15, à 4 h. du matin, à Stagno (Dalmatie), secousse ondulatoire de 3 à 4 secondes de durée, avec détonation. — Le 46, à 1 h. du matin, à Santiago de Cuba, secousse assez intense et très- prolongée ; la lune brillait de tout son éclat; le ciel était serein et la température agréable. A 5 5/4 h., on entendit un roulement souterrain. — Le 16 à midi et, à 5h. du soir, à Cosenza (Cal. citér.), deux secousses sans dommages. — D'après une lettre de San Francisco (Californie), en date du 16, on y avait éprouvé une légère secousse dans une des nuits précédentes. — Le 17, de nuit, à Santiago de Cuba, nouveau tremblement qui a occasionné quelques dégâts, surtout dans les bâtiments mouillés en rade : les secousses ont été violentes. — Le 19, à 10 ‘2 h. du soir, à Béhobie, S'-Jean-de-Luz et Guéthary (Basses- Pyrénées), une secousse en trois oscillations de 5 secondes de durée, précédées d'un bruit semblable au ton- nerre. Elle fut ressentie à la même heure à S'-Sébastien, à Tolosa et Oyarzun. Dans ces trois villes, dans la dernière surtout, le tremblement a été beaucoup plus violent qu'en France. Les oscillations dirigées du N. au S. ont duré plusieurs minutes. Le temps était couvert, mais calme (sic); le vent soufflait du N., ToME xx. — ['° PART, 58 ( 36 ) et une sécheresse complète existait depuis quelque temps. On ajoute que cet état atmosphérique à été remarqué dans le pays chaque fois que des phénomènes semblables s'y sont produits. — Le 20, à 6 h. 45 m. et 6 h. 50 m. du matin, à Macon (Géor- gie, États-Unis), deux secousses; la première dura environ une minute et fut dirigée, suivant l'opinion générale, du SO. au NE. Elle fut accompagnée d'un bruit sourd, violent et mit les fenêtres et les portes en mouvement; les arbres furent violemment agi- tés. La seconde fut plus courte et moins forte. La matinée était froide; temps nuageux et sans vent. — Le 29, à 8 h. 27 1/2 m. du matin, à la Chaux-de-Fond (canton de Neuchâtel), deux secousses, chacune d’une seconde de durée; la première sensiblement plus forte. Direction du S. au N. ou, suivant d’autres, de l'E. à l'O. Moins fortes à Berne et à Sion (Valais), elles furent dirigées du N. au S. dans ces deux villes, et du S. au N. à Lausanne. On les a aussi ressenties à Neuchâtel. À Genève, à 8 h. 23 m. 40 s., quelques secousses du S. au N. A l'hospice du S'-Bernard, à 8 h. 15 m., légère secousse de l'O. à l'E. — D'après le journal Picagun de la Nouvelle-Orléans, du 26 mars, on avait éprouvé récemment plusieurs secousses via- lentes dans le district de Mexico. Avril. — Le 1%, quelques minutes après 5 h. du soir, à Kingston (Jamaïque) et dans la campagne aux environs, violente secousse de dix secondes de durée. — À cette date, le mont S'-Hélène était encore en éruption. — Le 10, à 10 h. 38 m. du matin, à San Francisco (Californie), deux secousses violentes à un intervalle de 5 à 6 secondes; plus violentes à Point-Lobos. — Le 15, à San Salvador (Guatemala), tremblement désas- treux. Voici un extrait de la description donnée par le D' Moritz Wagner, témoin oculaire ({) : (1) Æmer. Jour., 2vesérie, vol. XVIIT, pp. 278-284; sept. 1854. ( 957 }) « Les 12 et 15 avril, l'attention des habitants et des étrangers fut appelée sur la plaine qui domine San Salvador au SO. Un bruit sourd, une espèce de roulement souterrain , se fit entendre à divers intervalles et se continua plusieurs fois, pendant plu- sieurs minutes. Il semblait provenir de la chaîne de montagnes qui s'étend en demi-cercle au SO. du volcan voisin. Ce bruit, qui répandit la terreur, fut distinctement entendu à Mont-Serrat et à une petite hacienda (ferme) appartenant à une famille prus- sienne du nom de Bogen. » Le vendredi saint (14 avril), vers 7 !/ h. du matin, deux légères secousses de tremblement de terre furent ressenties à San Salvador et dans le voisinage; elles se succédèrent à un court intervalle et furent suivies, quelques minutes après, d'une troi- sième plus forte. Je vis trembler le plafond et les murs de ma petite habitation, sans d’abord en ‘soupçonner la cause. Es un temblos, me dit tranquillement mon domestique; comme indi- gène, il est accoutumé à un phénomène qui remplit d’une pro- fonde horreur l'esprit d'un habitant du Nord. Dans le pays, les environs de San Salvador ont une mauvaise réputation, au point de vue des tremblements de terre, qui y sont fréquents, et les indigènes désignent cette contrée sous une dénomination expres- sive qui rappelle ce fait. Maïs quoique de légères secousses s'y manifestent constamment, spécialement au commencement et à la fin de la saison sèche (décembre et mai), il n’y a pas eu, de mémoire d'homme, une de ces terribles catastrophes auxquelles, comme à Lima et à Valparaiso, on s'attend une fois par siècle et qui renversent la cité de fond en comble. D'ailleurs, le volcan d'Isaleo, à seize lieues au sud de San Salvador, étant dans un état d'activité constante, est considéré comme une cheminée qui donne passage aux vapeurs et aux matières fluides qui dégagent les vastes fournaises souterraines, où, pour citer de Humboldt, comme une soupape de sûreté contre les effets désastreux des tremblements de terre. » Les secousses se continuèrent le vendredi saint, à des inter- ( 538 ) valles assez réguliers, au nombre de 2 ou 3 par heure, ayant toutes la même direction de l'OSO. àl'ENE. Dans cette direction, à une petite lieue de la ville, et à une hauteur d'environ 500 pieds au-dessus d'elle, s'élève le grand cratère de Guscatlan qui semble d’une formation plus ancienne que le volean de San Salvador et qui esten partie rempli par un lac. C'est là et non au volcan de San Salvador que les secousses semblent prendre leur origine. » A San Salvador, où la semaine sainte se célèbre avec toute la pompe religieuse imaginable, on fit peu attention aux pre- mières secousses; presque toute la population assista aux proces- sions et visita la cathédrale. Cependant, plusieurs fois dans le jour, comme ces secousses devenaient de plus en plus fortes, on vit la multitude s'élancer hors des églises. » Vers 8 1/2 h. du soir, les maisons furent ébranlées jusqu'aux fondements et les charpentes commencèrent à craquer. Des murs furent fendus, le plâtre tomba des plafonds et grand nombre de tuiles volèrent des toits. Cette secousse dura au moins huit secondes, le mouvement fut ondulatoire, et sans la construc- tion particulière des maisons, faites spécialement pour résister aux tremblements de terre, toutes seraient probablement tom- bées en masse. Élles sont basses, très-larges et d’un seul étage; les murailles sont d’un torchis doué d’une grande élasticité et les toits d’une canne flexible. Tout le monde se sauva en plein air. Une heure se passa sans nouvelles secousses et cependant presque personne n'osa rentrer chez soi. Des secousses plus ou moins violentes se renouvelèrent à divers intervalles pen- dant toute la nuit et, dans l'espace de 24 heures, on en compta 42 distinctes. » La capitale de l'État de San Salvador s'élève à une altitude de 2,100 pieds espagnols au-dessus de l'océan Pacifique, sur un plateau très-fertile, d'environ sept lieues carrées, au côté NE. duquel surgit le volcan, à une forte lieue de la cité. Vue de la ville, cette vieille montagne volcanique présente le cône le plus magnifique; le sommet mollement arrondi est couronné par un ( 539 ) pie très-élevé et couvert d'épaisses forêts. Le cratère, de plus d’une demi-lieue de circonférence et parfaitement conservé, est en partie rempli d'eau. Il domine d'environ 1,000 pieds le pla- teau sur lequel il s'appuie. Les autres collines, tant celles qui appartiennent à la chaîne volcanique du sud, que celles qui for- ment le demi-cercle mentionné plus haut, ne s'élèvent pas à plus de 1,500 pieds au-dessus de la plaine. » L'histoire n’a conservé le souvenir d'aucune période d’acti- vité du volcan de San Salvador. La tradition a, cependant, con- servé la mémoire d’une éruption qui aurait eu lieu en 1659 et qui, dit-on, aurait détruit et couvert de cendres le village de Nehapa, situé au nord-ouest. Suivant d'autres traditions, il n'y aurait pas eu d'éruption de feu, mais le cratère aurait simple- ment vomi de la boue... » Le samedi saint (15 avril), peu’après 9 heures du soir, survint une secousse violente, supérieure à toutes celles de la veille, et accompagnée, pendant toute sa durée, d'un roulement sourd. Les murs furent ébranlés, les briques et les tuiles tom- bèrent à terre, beaucoup de maisons furent lézardées…. Le jour, comme de coutume, avait été très-chaud; la température avait atteint 88° F. (319,1 C.) à midi. Les nuages (cumulo-stratus) étaient amoncelés en forme de montagnes, mais ils disparurent vers 40 heures. La lune alors brilla dans une atmosphère claire et calme; un voile vaporeux de cirrhus ou cirrho-cumulus resta seul immobile sur quelques points à l'horizon. Rien dans l'atmosphère ne semblait annoncer un phénomène extraordi- naire. » Une demi-heure plus tard (à 10 heures et demie du soir), sur- vint l’effroyable secousse qui mit San Salvador en ruines. Elle débuta par un bruit fort, accompagné d'un mouvement ondula- toire qui fit mouvoir le sol comme s'il eût été battu par une mer souterraine. Ce mouvement et le tonnerre souterrain qui l'accom- pagnait et suivait Ja même direction, durèrent une dizaine ou une douzaine de secondes; le craquement et la chute des toits pro- ( 540 duisirent un fracas épouvantable au milieu duquel on pouvait à peine entendre les cris des victimes. Il s'éleva un nuage immense de poussière... C’est alors que commença une scène que ma plume ne saurait décrire. Que toutes les circonstances de ma vie me parurent insignifiantes! Que tous les épisodes de guerre et de révolution dont j'ai été témoin dans l'ancien monde me semblèrent petits! Pas une seule maison n'avait résisté à cette dernière et épouvantable secousse! La cathédrale, édifice du dernier siècle, construction non moins élégante qu'imposante, avait, jusqu'à un certain point, soutenu le choc; mais le beffroi était renversé, le portail en ruines et les murs fortement lézardés. Toutes les autres églises, excepté celle du couvent des vieux fran- ciscains, avaient beaucoup plus souffert , et leur intérieur offrait partout l'image de la désolation et de la ruine... Une tour de l'université, récemment achevée, était encore debout, et, chose étrange, l'horloge encore en mouvement marquait les heures avec la régularité ordinaire... » Les secousses, tantôt légères, tantôt d'une violence épou- vantable, se succédèrent à de courts intervalles, pendant la nuit et la journée du lendemain; le soir, leur nombre s'élevait à 120. Je ne puis guère comparer le bruit horrible dont elles étaient accompagnées qu'aux décharges d’une sourde artillerie dans une bataille qui aurait lieu sous terre. Quelquefois le bruit prenait un caractère particulier de frémissement (rating) et le sol ondulait pendant des minutes entières sans secousse réelle. Personne ne songeait à ses biens et à sa fortune; chacun ne tremblait que pour sa vie; dans ce mouvement, le sol s'était en- tr'ouvert suivant toutes les directions, et l'on craignait à chaque instant de voir ouvrir sous ses pieds un gouffre dans lequel on allait disparaître à jamais englouti.. N’osant pas rester dans les rues, même les plus larges, grands et petits , riches et pauvres, tout le monde s'était retiré au centre de la place publique et y gisait confondu. La sévère étiquette éspagnole, qui générale- ment divise les rangs d’une manière si complète, avait tout à fait (54) disparu dans cette nuit d'horreur. Les riches et les mendiants unissaient leurs larmes, leurs cris, leurs prières, leurs supplica- tions et leurs hymnes à chaque nouvelle secousse d’une violence un peu au-dessus de l'ordinaire... Si plusieurs milliers de per- sonnes n'ont pas perdu la vie, nous devons l’attribuer aux pré- cautions suggérées par les premières secousses... » Le lundi de Pâques, le soleil, à son lever, éclaira la scène la plus désolante. Pâles de crainte et de fatigue, les habitants erraient à l'aventure, à travers la ville, sans abri, sans lieu où ils pussent se reposer. La plus grande partie s'enfuit du côté d’Apopa et de Cojutepeque; abandonnant tout au hasard derrière eux... » Les ruines de San Salvador ne m'offrant plus aucun abri, je retournai à pied, le lendemain matin, à la hacienda (ferme) d'un de mes amis... Pendant que je marchais, je ressentis encore quatre secousses, dont une, qui fut la plus violente de toutes, dura sept secondes environ, et fut accompagnée, comme à l’or- dinaire , d’une forte détonation semblable à celles qu’on entend sur les bords du Vésuve, lorsqu'il lance des tourbillons de fumée mêlée de pierres. À chaque moment, je me convainquis ainsi de plus en plus que le foyer de cette action souterraine était à une petite profondeur, et que les vapeurs et les matières embrasées des abimes s’ouvraient de nouveaux passages... » La nouvelle lune (27 avril) brille sur les ruines de la ville et sur les haciendas dont les débris couvrent la plaine....., les trem- blements de terre et les bruits souterrains continuent, et l’on ressent encore plus de cent secousses par jour. Suivant toute probabilité, action souterraine continue à lutter sous la croûte du globe et se construit une nouvelle cheminée qui donnera passage aux gaz, aux vapeurs et aux matières en fusion... » Un mois s'est écoulé depuis que j'ai écrit les lignes qui pré- cèdent. Les secousses ont diminué de nombre et d'intensité; mais de temps en temps encore, l'on en ressent et l'on entend des bruits souterrains. De toute la population de San Salvador (542) la partie la plus pauvre est la seule qui s’'aventure à retourner à ses anciennes habitations. » La capitale a été transférée momentanément à Cojutepeque, petite ville située à quelque distance du désastre, et une commis- sion a été immédiatement nommée pour choisir l'emplacement d'une nouvelle capitale, « à l'abri de pareils bouleversements et mieux située sous le rapport sanitaire, militaire et commer- cial. » (Moniteur du 25 février 4855.) Enfin, je lis dans le New York Tribune du 19 août 1854:: « La commission a choisi la plaine de Santa Técla, à quatre lieues de l’ancien site et à six lieues du vieux port de Libertad, contrée magnifique et richement pourvue d'eaux pures descen- dant des cascades des collines voisines. » Un autre tremblement avait été éprouvé à Cojutepeque et dans les environs; une trombe de vent avait passé sur le pays et renversé une cinquantaine de maisons. Enfin, les sauterelles ont détruit le septième des moissons de ce malheureux pays. A ces détails, quoique un peu longs, nous ajouterons encore la note suivante du même auteur, sur les tremblements de “terre et les volcans dans l'Amérique centrale, pendant l’année 1854 (1). Bélize (Honduras anglais), novembre 1854. — « Les trem- blements de terre qui, depuis le milieu d'avril, désolaient l'Amérique centrale, ont cessé depuis septembre. Il règne de nouveau dans les hautes et belles régions tropicales de Costa- Rica, jusqu'aux frontières du Mexique, un calme non inter- rompu, et les habitants de Guatemala qui, par suite du retour fréquent des secousses entre juin et août, redoutaient le sort de la population de San Salvador, en ont été quittes pour la peur. Les habitants de la capitale de Costa- Rica, dans la nuit du 6 au 7 août, furent tellement alarmés par de violentes agita- }) Vew-Fork Daily Tribune, January 25 D. 1) Yew-Fork Daily Tribune, | y 25, 1855 (543) tions du sol d’une force et d’une durée tout à fait inaccoutumées, qu'ils campèrent plusieurs jours en plein air, tandis que la ville voisine de Cartago, située au pied du volcan Trazu, ressentait à peine les effets de ces commotions. » J'ai, sur l'étendue du grand tremblement de terre qui, dans la nuit de Pâques, détruisit la ville de San Salvador, cherché à recueillir, dans les États voisins, le plus de détails possibles. La direction était du plateau de San Salvador vers la mer des An- tilles, Les mouvements ondulatoires furent ressentis près d'Isabal, d'Omoa et de Truxillo, et non près d'Istapa, situé à moins de distance sur l'océan Pacifique. A Sansonate, la commotion fut faible. Le docteur Carl Scherzer, qui se trouvait cette nuit-là à Gracias-à-Dios, dans l'État de Honduras, à 50 lieues espagnoles en droite ligne de San Salvador, m'a raconté que, vers onze heures moins un quart de la nuit, le sol avait, dans cette ville, très-fortement oscillé, tandis que les secousses qui suivirent ne furent pas sensibles. Dans la direction sud-est, le cercle de la commotion ne s'étendit pas au delà de la baie de Fonseca. » Les tremblements de terre ont été cette année plus rares . dañs le Nicaragua que dans le reste de l'Amérique centrale. » On n’a, dans le cours de cette année, si féconde en trem- blements de terre, remarqué aucun changement extraordinaire dans les nombreux volcans de l'Amérique centrale. Le célèbre Isalco, que le siècle passé a vu naître, et qui est le seul volcan connu du monde qui soit en activité permanente, continue à lancer avec la même énergie des masses de laves, de cendres ardentes et de vapeur. Quelques semaines après le tremblement de terre de la nuit de Pâques, je passai trois jours sur ce puis- sant volcan, dans l'espoir d'atteindre son cratère. Cette tentative échoua, il est vrai, par suite de la poltronnerie des Indiens qui m'accompagnaient; pourtant, je parvins jusqu'à 400 pieds en- iron au-dessous du cratère culminant, et je pus observer assez exactement le terrible phénomène de l'activité éruptive de ce volcan, encore dans toute sa jeunesse. Les explosions de l'Isalco ( 544 ) n'ont lieu, en aucune façon, avec une aussi complète régularité qu'on l'a dit et répété fréquemment. De temps en temps, le volcan fait de petites pauses d’une à deux heures, pendant les- quelles on ne voit plus l'argentée girandole au-dessus de sa tête, et on n'entend aucune détonation, bien que la lave continue toujours à couler, tant du cratère que des flanes déchirés de la montagne. Le spectale est, vu de près, surtout dans les nuits sereines, magnifique au delà de toute description. » Indépendamment de l'Isalco, il n’y a en activité dans la répu- blique de San Salvador que le volcan de San Miguel, dont les éruptions sont très-dévastatrices. Cette année, son activité n'a pas été grande. Dans la république de Guatemala, le grand volean del Fuego, près d’Antigua-Guatemala, est encore assez actif, bien que considérablement moins que dans les trois derniers siècles, où les observateurs espagnols parlent de tant de ravages causés par ses éruptions. » Le grand volcan de Pacaya lance encore de faibles nuages de vapeurs au-dessus du lac d'Amatillan. Tous les autres nom- breux volcans du Guatemala sont dans une période de repos, de même que tous les volcans du Mexique, où le célèbre Jorullo, que de Humboldt a décrit d'une manière si détaillée, ne donne plus actuellement aucun signe de sa vie antérieure. Dans l'État de Costa-Rica, il y a encore maintenant trois volcans en activité. Le volcan d'Hiradura (1) continue à y faire entendre ses ef- frayants retumbos (retentissenrents). La chaîne volcanique du Merabios (2), dans l'État de Nicaragua, est restée tranquille pen- dant le cours de cette année. Le nouveau cratère lui-même de Las-Pilas, que M. Squier a vu naître, a cessé de fumer. Par contre, le petit volcan de Masaya , que M. Squier croyait éteint, a, depuis septembre 1855, repris une très-grande activité, et ses épais (1) D'autres écrivent Æerradure. (2) Ou mieux Morabias. ( 45 ) fuages de vapeurs sont visibles à beaucoup de milles à la ronde. Quiconque a lu les sources de l'histoire de la conquête espagnole connaît les singulières légendes que les Espagnols racontent de cette montagne, dont les conquérants se figuraient l'intérieur rempli d'or en fusion. » Le plus terrible des volcans de notre globe, le Cosiguina, situé dans la baie Fonseca (État de Nicaragua), dont les explo- sions, semblables au tonnerre, furent entendues sur une surface de mille lieues (d’Espagne) de tour, pendant la grande éruption de 1855, et dont les cendres furent portées alors jusqu'à la Ja- maïque, à Cuba, à Vera Cruz, à Carthagène et à Quito, c'est-à- dire couvrirent une aire de circonférence double ou d'environ deux mille lieues d'Espagne, ne donne plus à présent que quel- ques faibles signes d'activité. Le 28 février 1854, j'en fis l’ascen- sion du côté de la baie Fonseca : son cratère, le plus vaste que Jaie jamais vu dans un volcan actif, a plus d’une lieue de cireon- férence; les bords en sont extrêmement abruptes. De nombreu- ses fissures s'élèvent des nuages d’une vapeur blanche que, ce- pendant, on peut difficilement apercevoir du bord de la mer. Un examen plus attentif des matières éruptives de cette bouche ignivome, formée depuis sa dernière grande éruption, jette un grand jour sur plusieurs problèmes que présente la géologie des volcans éteints d'autres contrées et dont l'activité antérieure à la période historique appartient à ces âges géologiques pendant lesquels l'action volcanique était sans nul doute beaucoup plus énergique qu'aujourd'hui. » On peut facilement, ici, rendre raison de l'apparence de stra- tification dans le tuf volcanique à une grande distance des vol- cans, sur les terrasses et les flancs d'autres montagnes, en voyant, dans le voisinage du lac Managua et à plus de trente lieues du cratère du Cosiguina, un lit (stratum) de huit pouces d'épais- seur, entièrement formé de cendres et d'éjections qui provien- vent certainement de l'éruption du Cosiguina, et non, comme on pourrait le supposer facilement, du Momotombo ou de toute ( 546) autre bouche volcanique plus rapprochée : on sait qu'elles y ont été déposées en un espace de trois jours! Cette épouvantable éruption (1) aurait-elle épuisé les forces du Cosiguina? on serait tenté de le supposer; car, depuis cette époque, il lance assez de fumée, mais ne vomit plus de pierres ni de courants de lave. » Les volcans de la chaîne péruvienne des Andes, dont nous avons, depuis de Humboldt, une connaissance exacte, sont main- tenant, dit-on, dans une période de repos absolu; car depuis longtemps on n’a pas vu de fumée sur le cratère du Cotopaxi. Les républiques de la Nouvelle-Grenade, de l'Équateur et du Pérou n'ont éprouvé cette année aucun tremblement de terre d'une vio- lence extraordinaire. » — Le 21, à5 h. du soir, à Florence, légère secousse remar- quée par plusieurs personnes. * — Le 25, à 71/4 h. du soir; à Messine, secousse non légère (sic) d'environ quatre secondes de durée. — Le 26, à 7 5/4 h. (matin ou soir?), à Athènes, une secousse qui a suivi la même direction que les précédentes et qui a dû être ressentie à Chalcis et sans doute à Thèbes et Talanti, car les secousses ont toujours eu lieu suivant toute la longueur de cette ligne, d'après les renseignements pris par M. Raynold, — Le 29, à 6 h. 56 m. du soir, à Schemnitz (Autriche), une secousse. — Le 50, vers 11 h. du soir, à Montmarault (Allier), vio- lentes détonations précédées et accompagnées d'un grondement comparable au roulement d'un caisson sur le pavé. Ce bruit sem- blait se diriger du N. au S. En même temps, la terre a éprouvé des oscillations très-sensibles. Les meubles s'agitaient violem- ment. Phénomènes semblables dans les campagnes environnantes, (1) Elle a été décrite par M. Alex. Caldeleugh, sous le titre : Some ac- count of the volcanic eruption of Cosigquina , in the bay of Fonseca, on the western coast of central America. Puiros. Trans., 1856, pp. 27-50. ( 547 ) à Ja même heure, A Chantelle, mouvement plus fort, et surtont à Montaigut (Puy-de-Dôme). Mai. — Le 5,à9 h. 42 m. du matin, à Vera Cruz, forte se- cousse qui a duré au moins 50 secondes. La ville d'Onjaca à beaucoup souffert, bâtiments endommagés. Violente à Acapulco, la secousse a été légère à Mexico et à #alapa. — Le 13, à Valparaiso (Chili), assez violente secousse de quelques secondes de durée. — Le 14, à 10 h. du soir, à Bastia (Ombrie), forte secousse ondulatoire de trois secondes de durée. Le 15, à 4 h. du matin, secousse plus intense de 6 secondes de durée; une troisième à 10 12 h., durée 8 secondes, et enfin une quatrième à 2 1/2 h. du soir, plus forte encore. Toutes ces secousses ont renouvelé les alarmes de février, mais sans en augmenter beaucoup les dommages. — Les mêmes secousses ont été ressenties, mais légèrement, à Pérouse, où l'on en aurait même compté neuf, et à peine remarquées à Bettona, Assise et Foligno. La dernière a été observée à Asinalunga (Toscane) et moins sensiblement à Sienne. — Le 15, vers 5 h. du soir, à Blidah (Algérie), une secousse assez forte pour endommager quelques maisons. Dans la Chiffa, éboulement considérable au rocher des Singes, par la même cause. — Les16 et 17, à Cosenza (Calab. citér.), plusieurs secousses. — Le 18, vers 4 !/2 h. du matin, à Lésina (Capitanate), se- cousse ondulatoire très-lègère. — Le 22, à 5h. du soir, à Florence, secousse peu considé- rable : le même jour, probablement à la même heure, secousse très-légère à Sienne et à Asinalunga. — Le 23, à2 h. 50 m., au Grand Saint-Bernard, une secousse. — Le 25, à 3 h. 27 M. du matin, dans la vallée de St-Imier (canton de Berne), quatre fortes secousses consécutives du N. au S. — Le 26, dans la matinée, à Lima (Pérou), violente secousse. ( 48 ) — Le 29, vers minuit, à Cosenza , secousse verticale et ondu- latoire, de trois secondes de durée; beaucoup plus violente que celles des 16 et 17, elle répandit partout la terreur, sans toute- fois causer de dégâts. — Le 29 encore, à Santa-Barbara (Californie), secousse légère. Juin. — Le 8, quelques minutes avant 5 h. du matin, à Gre- nade (Espagne), tremblement de peu de durée, très-sensible et accompagné d’une détonation bruyante. — Le11, à San Salvador (Guatemala), nouvelles secousses avec sourd tonnerre et nouvelles ruines. — Le 15, à Valparaiso (Chili), faible secousse. — Le 16, vers 4 h. du matin, par 18°18’ lat. N. et 22050" long. O., le temps étant magnifique et la mer très-belle, par un beau clair de lune, violente secousse qui a réveillé l'équipage du comte Roger, cap. Tombarel. Les hommes de quart tombèrent sur le pont. Au moment de la secousse, qui n'a pas duré plus d'une ou deux secondes, le navire a paru s'arrêter un instant en senfonçant dans l'eau, et a repris immédiatement sa course. Comme le temps était parfaitement clair, on pouvait tout dis- tinguer autour du navire et on n'a rien vu; il n’y eut pas une goutte d’eau aux pompes, et la sonde n'a rien accusé. On était à 50 lieues de la côte d'Afrique; à cette distance, la mer était peu profonde et l'eau blanche, comme dans certaines rivières. Après avoir examiné les environs et médité sur les circonstances, le capitaine a cru avoir ressenti une Commotion sous-marine, un véritable tremblement de terre. — Le 16,92 h. 25 m. du soir, à Parme, trés-légère secoussé ondulatoire du NO. au SE. Les aiguilles magnétiques de lObser- vatoire ont continué à osciller jusqu'après trois heures. À Bolo- logne , durée 5 secondes, même direction ; elle a été précédée, d'un rombo sensible; vers 6 h. du soir, autre secousse très-légère. Celle de 2 h. 25 m. a été légèrement marquée à Florence et plus fortement à Madigliana et dans la Romagne. | à UT € RER Er eme + de pa à M ME ( 549 ) — Le 19, à Imola et dans les environs, les secousses parais- sent s'être renouvelées pendant plusieurs jours. Elles auraient même causé quelques dégâts. — Le 24, vers 6 h. du soir, à Koevorden (prov. de Drenthe, Holl.), orage terrible pendant lequel on a ressenti plusieurs se- cousses, toutes très-faibles, à l'exception de la dernière; elle était si forte qu'elle a fait écrouler, en deux endroits, du côté du port, les remparts en terre, et qu'un autre rempart, situé du côté opposé et qui avait un solide revêtement en bois, s’est fendu et présente une large ouverture. Ces secousses se dirigeaient du SE. au NE. (sic), à des intervalles de dix à vingt minutes et sans bruit. Aucune n’a duré plus de 9 secondes. — Dans le courant du mois, à S'-Thomas (sans autre indica- tion), quelques légères secousses. Juillet.— Le 4, à midi 7 m., à Florence, secousse légère, mais bien marquée, qui n'a pas duré moins de trois secondes. « C’est la quatrième, ajoute le R. P. Antonelli, que nous éprouvons à l'Observatoire depuis un mois et demi. Il n’est peut-être pas sans intérêt de rappeler que chacune de ces secousses a été précédée d'abaissements réguliers et rapides dans la colonne barométri- que, laquelle s’est trouvée presque à la même hauteur à chaque répétition de ce phénomène. » A Bologne, elle a été très-légère, ondulatoire et a duré, dit-on, quatre secondes. A la Cavallina, dans le Mugello, on a noté la direction NE. au SO. — Le 6, à 10 h. du soir, à Sienne, légère secousse, Le 7, à 0h. 33 m. et 2 h. du matin, deux autres secousses très-légères, remarquées par Lrès-peu de personnes. — Le 7 encore, un peu avant 6 h. du soir, « à Jabare, village sur le bord de la petite rivière Jasenitza, qui découle des mon- tagnes centrales de la Servie, du Roudnik, dont les cimes ont à peu près 3,200 pieds de Paris de hauteur, assez forte secousse. Jabare a, d'après M. Viquesnel, 450 t. d'altitude et n’est éloigné ( 550 ) du Roudnik que de 6 lieues ; la route directe de Belgrade à Kra- gouiévalz passe par Jabare..... Quoique l'air, dans ce moment, fût tout tranquille, l'eau de la petite rivière faisait des ondes qui allaient au bord... La secousse se fit sentir comme un coup venant de bas en haut, et du côté des montagnes du Roudnik, donc du SO. » 1 faisait un temps clair, mais chaud; un petit vent du midi rendait la respiration lourde; tout le corps était affaissé. » …. Au pied des montagnes du Roudnik personne n'a re- marqué cette secousse; l'effet en a donc été beaucoup plus faible dans les montagnes que là où la vallée de la Jasenitza s'élargit et où les montagnes s'aplatissent. » (Note de M. Zach, commu- niquée par M. de Ségur.) — Le 41, à 7 h. 50 m. du soir, à S'-Gervais, près de Sallan- ches, deux secousses assez fortes pendant un violent orage. — Le 144 et jusqu'à la fin du mois, à Guatemala et dans les environs, violentes et continuelles secousses, qui ont causé de grands dommages. Les habitants , écrivait-on le 1° août, redou- tent le sort de ceux de San Salvador ; on passe les nuits en plein air. Au 2 août, on avait compté plus de 50 secousses, toutes horizontales et dirigées du NE. au SO. la plupart de jour et par une jolie brise du nord. Le 29 juillet est le seul jour de cette quinzaine où l'on n’a pas ressenti de secousses. — Le 15, à O0 h. 16 m. du matin, à Aspinwall (Etats-Unis), violente secousse de 6 à 8 secondes de durée. Il y a eu deux chocs distincts, séparés par un intervalle de 2 ou 3 secondes. Direction de l'ESE. à l'ONO. Quelques personnes ont passé le reste de la nuit sur des barques; mais il n’y a pas eu d’autres secousses. — Le 16, à 3 ‘2 h. du matin, à Eglisau (Suisse), fort trem- blement. — Le même jour, à 6 1/2 h. du soir, par 45°,3' lat. N. et 45°,14” long. O., le navire Susan-Jane, dans sa traversée de la côte d'Afrique à New-York, a éprouvé deux secousses distinctes. — Le 16 encore, à Mexico, légère secousse. | ( 1 ) — Le 18 et les jours suivants, à San Salvador, nouvelles secousses. — Le 20, vers 2 h. 54 du matin, tremblement qui paraît avoir ébranlé tous les départements du Midi et avoir eu son foyer aux environs de Cauterets et de Baréges. Parmi les nombreux renseignements que j'ai reçus sur ce phé- nomène, je citerai Ja note suivante, relative à Cauterets (1) : « Pendant tout le commencement du mois, le temps avait élé pluvieux, toutefois, avec beaucoup de bons intervalles. Un peu avant le 19, le temps s'améliora, et, le 19, nous eùmes une jour- née très-chaude, avec un ciel sans la moindre vapeur. La nuit même, au moins jusqu'à 11 h., fut très-chaude. Vers 3 h. du mativ, je fus réveillé par une secousse violente... J'allai immé- diatement regarder le ciel, qui était toujours très-clair, et con- sulter un baromètre anéroïde de Lerebours. Il marquait 68,20 environ. Pendant toute la première partie du mois, il était resté entre 67 et 67,50. Le 19, il se trouvait à 68 environ. » Je me recouchai.…, mais j'avoue que j'éprouvai quelque inquiétude en ressentant cinq ou six autres secousses, bien moins violentes cependant que la première, dans l'intervalle d'une heure. » Le même jour, à 6 h. {2 et 11 h. {2 du soir, deux secousses beaucoup moins violentes que celles du matin et toujours accom- pagnées ou plutôt précédées d'un bruit semblable à celui d’une diligence lancée sur le pavé ou d'un convoi de chemin de fer entrant sous une voûte. » Le même jour encore (20 juillet), vers 4 ou 5 h., la mon- tagne s'était couverte de nuages annonçant un orage. Il a éclaté, en effet, mais plus dans le sud ou le sud-ouest, et nous n'avons eu que quelques gouttes de pluie. Tous les jours jusqu'au 25 inclusivement il en a été de même; le 21 seulement il a beaucoup (1) Cette note, signée seulement des initiales G. d’'E..., a été jetée dans un bureau de poste ambulant. TOME xx11. — J'° PART. 59 (552 ) plu vers à h. du soir, Pendant tout ce temps, le baromètre s'est maintenu vers 68,20... » Le 22, 4 h. du matin, j'ai ressenti une nouvelle secousse, mais très-faible. Le bruit était semblable à un mugissement sourd ou au bruit lointain d'une avalanche. A partir de ce moment le temps a été très-beau ; nous avions chaque jour une magnifique lumière avec une chaleur modérée... » Le 51 ,nous avons eu, le matin, une nouvelle secousse légère à Cauterets. J'en suis parti le lendemain, mais j'ai entendu dire que depuis lors, on en avait encore ressenti quelques-unes. » La première secousse (de beaucoup la plus forte) n’a pas, je crois, dérangé une ardoise dans Cauterets, à plus forte raison dans les autres localités. Au débouché de la vallée, à Pierrefitte, et un peu plus loin, dit-on, à S!'-Savin et à Argelès, quelques masures se seraient écroulées. » Les gens du pays disent que tous les ans, vers l'époque de l'arrivée des neiges, c'est-à-dire vers octobre, on éprouve des secousses à Cauterets, mais moins fortes que celles du 20 au matin. Dans l'été, elles étaient inconnues, sauf, je crois, un exemple en 4815... » Suivant une lettre particulière, plus de 100 maisons au- raient été lézardées à Bagnères et à Grip, où tout près un vil- lage bâti sur une élévation se serait affaissé jusqu'au niveau de la plaine. On cite même le chifire des dommages , mais ces détails ont été niés. Je passe aux renseignements consignés dans les Comptes rendus de l'Académie, t. XXIX, p. 204-208 : « À Baréges, vers 2 h. du matin, légères secousses; quelques minutes après, une secousse violente... Vers les 7 h. du matin, de légers tremblements se faisaient encore sentir... » Quelques oscillations fort légères ont été ressenties dans la nuit du 24 au 25.» Je lis encore dans le Moniteur du 25 : « A 2h. 55 m,2h. 45 m.,2 h. 55 m., 10 h. du matin, 5 h. 30 m.et 41 hr. 1} du soir, nouvelles secousses à Baréges. ( 93 ) » Le 21,à 5h. 35 m. du matin et 44 h. du soir; puis le 22, à 0 h. 40 m. et5 h. 54, nouvelles secousses. » =— Suivant d’autres, il y en aurait encore à marquer à 9 h. du soir dans la journée du 20, pendant laquelle les bruits souterrains auraient été très-fré- quents. « Argelès. — Dans l'arrondissement, secousse terrible de 4 à 5 secondes de durée, allant et venant du SE. au NO, le temps d'arrêt ayant été peu brusque, peu d'accidents sont à déplorer. Beaucoup de maisons lézardées, plusieurs se sont écroulées en partie; grand nombre d'églises ont besoin d’être étayées : celle de S'-Savin, monument historique du X"° siècle, se trouve dans ce cas. » Les oscillations se sont fait sentir jusqu'à 2 h. du soir, à des intervalles assez rapprochés. » À 6 h. 30 m., il vient d'y en avoir une presque aussi ter- rible que la première, mais de moins de durée. » La population est tellement effrayée qu’elle passera la nuit hors des maisons. » Suivant d'autres renseignements, les secousses se sont renou- velées encore vers 4 h. et jusque vers 9 h. « Bagnères. — Secousse à 2 h. 45 m. Plusieurs secousses ont succédé à la première, mais à de longs intervalles. La terreur est parmi les baigneurs. » Les secousses s'y sont renouvelées huit fois jusqu'à 11 h. du soir. Une colonne portant une statue aurait fait un demi-tour, phénomène dont on connaît plusieurs exem- ples, et dont j'ai donné ailleurs l'explication. « Tarbes. — Vers 3 h., fort tremblement qui s’est fait sentir pendant plusieurs instants. Point de dégâts dans l'arrondisse- ment de Tarbes. » D'après ma correspondance particulière, la première secousse très-forte a eu lieu à 2 h. 45 m., et a duré 30 secondes; les meu- bles ont été agités, des pendules se sont arrêtées. Elle a été pré- cédée immédiatement d'un bruit semblable à un tonnerre loin- tain. Cinq ou six minutes après, deuxième secousse plus courte ( 554 ) et plus faible, suivie d'une troisième plus faible et plus courte encore. La direction a été du SO. au NE. A 5 h. 5/4 du soir, nouvelles secousses moins fortes, et à 11 h. 10 m., une dernière secousse plus violente que celles de 5 5/4 h., mais moins que celle du matin. On dit que l'église de Lourdes a souffert; les cloches auraient été mises en mouvement. — En résumé, tout le département des Hautes-Pyrénées a été ébranlé. « Eaux-Bonnes. (Basses-Pyrénées.) — 2 h. 45 m., tremble- ment qui a duré de 15 à 18 secondes et dont la direction était du SSE. vers le NNO. Il était accompagné d'un bruit souterrain semblable au roulement éloigné du tonnerre. Quelques pierres se sont détachées du rocher qui fait face aux maisons des Eaux- Bonnes. Les lits ont oscillé sensiblement. La journée avait été fort belle. Quelques minutes après, on a entendu un second rou- lement, et l'on croit même une seconde secousse, mais à peine perceptible. » (Comm. de M. Ant. Passy.) Dans ce département, le tremblement s'est étendu jusqu'à Pau et sans doute plus à l'ouest encore, puisque, suivant M. d'Abba- die, il a été ressenti à Saint-Sébastien, dans le Guipnscoa : c'est d’ailleurs la seule localité d'Espagne que je trouve signalée. « Sabres (Landes). — À 2 h. 55 m., deux secousses instanta- nées : la première a fait trembler les maisons et craquer les meu- bles. Point de dégât ou accident grave. » « Saint-Sever (Landes).— À 2 h. 45 m., deux secousses coup sur coup, séparées par un intervalle d'à peine deux secondes. Durée totale, 7 à 8 secondes. » M. Léon Dufour a éprouvé dans son lit un balancement successif, et la porte de sa chambre a été fortement ébranlée, comme si une force impulsive en eût pressé les panneaux. Le ciel était alors serein et très-étoilé. » Depuis quatre jours, le temps est beau et chaud. Il a été pré- cédé par deux semaines de pluie presque continuelle. Le thermo- mètre centigrade, placé à l'ombre, a marqué aujourd'hui 31°. » FPE TN UNE ( 555 ) « Arcachon (Gironde). — A 2 h. 45 m., secousses assez fortes pendant 12 à 15 secondes. » L'axe des vibrations paraissait se diriger du sud au nord. » Pendant le phénomène, le balancier d'une pendule, arrêté depuis plusieurs jours, s'est remis spontanément en mouvement. » L'atmosphère, qu'agite toujours une brise très-fraiche du N. ou du NO., pendant quinze heures du jour, était d’un calme effrayant. Quelques minutes après les secousses, le vent a soufflé avec force du NO., et s'est de nouveau calmé une demi-heure après le phénomène. » A la Teste, les mêmes phénomènes se sont produits avec la même intensité et la même durée. » (Comm. de M. Lalesque.) « Castillon-sur-Dordogne.— Ce matin, vers 2 h. 30 m., tous les habitants de Castillon et des communes environnantes ont été réveillés en sursaut par une assez forte secousse, dont le mou- vement horizontal paraît s'être fait sentir du N. au S. Les ani- maux domestiques ont montré, à la suite de ce phénomène, une agitation inaccoutumée. » La journée d'hier a été chaude. Pendant tout le jour et toute la nuit, l'air a été calme; pas un nuage ne s'est montré; le vent, qui agilait à peine les feuilles, a presque toujours soufilé du nord. » (Comm. de M. Paquerée.) A Bordeaux, à 2 h. 45 1m., le mouvement a duré 7 à 8 secondes et paraît avoir été, dit-on, dirigé du nord au sud (?). A Bègles, il à été très-prononcé. Dans le Gers, on cite Auch, où la secousse a duré plusieurs secondes. Le ciel était serein. Dans le département de Lot-et-Garonne, on cite Agen, Castel- Jaloux, Marmande et Tonneins, sans circonstances remarquables; enfin, Cahors dans celui du Lot. Du côté de l’est, ce tremblement a ébranlé le département de la Haute-Garonne : à Toulouse, à 2 h. 45 m., une forte secousse, et deux secondes après, trois oscillations successives : des cloches ont sonné d'elles-mêmes. Le phénomène a été constaté à Lavaur, ( 356 ) dans les environs de Castanet, de Villefranche et à Verfeil. A Colomiers, on a noté la direction du nord au sud. A Foix (Arriége), durée, 12 secondes; direction aussi du nord au sud. Ce tremblement, constaté à Narbonne, s'est étendu jusqu'à Montpellier et à Nîmes. « À Montpellier, m'écrit M. Parès, on a ressenti deux secousses très-légères, à quelques secondes d'intervalle. La première m'a réveillé; je puis vous rendre compte de l’autre... » Je me suis senti bercé à deux reprises, c'est-à-dire que j'ai éprouvé un double mouvement de va-et-vient qui a duré environ une seconde. | » La direction était sensiblement du NNE. au SSO. C'était si bien marqué que je n’ai pu hésiter un instant. Les relations du côté des Pyrénées indiquent le SSE. au NNO. Je ne me charge pas d'expliquer la divergence. Ce que je puis dire, c’est qu'à Pala- vos (?), à 3 lieues d'ici, au SSE., on n'a rien ressenti. » A Nîmes, la commotion a duré 7 à 8 secondes. Enfin, je trouve encore dans les Comptes rendus, t. XXXIX, p. 698, une lettre de M. Bertrand, curé de Château-Lareher (Vienne); en voici un extrait : « C'était dans la nuit du 20 juillet dernier. Il y avait long- temps que j'étais éveillé; tout à coup un bruit semblable à une explosion se fait entendre, ma maison tremble, la charpente craque sur ma tête, et je me sens fortement bercé six ou sept fois dans mon lit. Je compris que c'était un tremblement de terre. Il n'était pas jour; la lune, à en juger par sa hauteur, pouvait être levée depuis une heure à une heure et demie. D'autres personnes dans le bourg ont ressenti ces secousses; les plus proches de ma maison ont été tellement secouées qu'elles se sont levées. D'après le ballottement que nous avons éprouvé, la secousse pouvait aussi bien venir de l’est à l'ouest que de l’ouest à l'est : il est fort difficile de le déterminer; je ne pourrais pré- ciser combien de temps elle a duré. » (557) — Le 29, après 7 h. du soir, à Philadelphie, deux fortes secouêses comme celles d’un tremblement de terre, éprouvées à la même heure à West-Chester. On a supposé que la poudrière de Wilmington avait sauté, mais on n'en a pas eu de nouvelles. *— Le 30, dans plusieurs villages de l’Albanie, tremblement qui a renversé des maisons. La forteresse de Suli a souffert des dégâts considérables. La terre s’est ouverte en plusieurs endroits. — Le 51, vers 9 h. du soir, à Solignac et Saint-Paul (Haute- Vienne), secousse avec bruit sourd semblable au tonnerre loin- toin , allant du sud au nord. Août. — Nuit du 6 au 7, à Costa-Rica (Amérique centrale), secousse mentionnée dans la note de M. Moritz Wagner. (Voy. page à42.) — Le 29, à Padang (Java), tremblement très-fort, qui n'a cependant causé que peu de dommage. Il a été ressenti au fort de Kock. Pendant plusieurs jours, d'immenses colonnes de fumée se sont élevées du Mérapi, avec de violentes détonations et une pluie de cendres : le jour du tremblement, il n’a fait entendre aucune explosion. — On lit dans le Morning - Advertiser du 23 août : « Ce matin, entre minuit et demi et une heure, légère secousse à Guernesey. Air pur et très-calme. » — Dans le courant du mois, à Ternate, plusieurs secousses avec bruits souterrains. A Batyan, il y a eu un violent tremblement de terre. — Le mont Hood (Orégon), qui n'était pas regardé comme un volcan actif, ou qui du moins n'avait pas donné de signes d'activité depuis longues années, lançait de la fumée au mois d'août. ; Septembre. — Le 9, dans la soirée, à Cosenza (Calabre citér.), forte secousse verticale; pas de dégâts. — Le 10, à Madrid , une secousse. ‘ — Avant le 13, à Lavello (royaume de Naples), légère secousse ondulatoire. ( 558 ) — Le 15, entre 5 et 6 h. du soir, dans le district d'Arnaess (Norwége), un terrain d'environ 75 arpents s'est subitément affaissé de 122 aunes. Le bruit a été entendu à une distance de dix-sept lieues de France. — Le 14, vers 1 1/2 h. du matin, à Baréges (Hautes-Pyrénées), forte secousse; moins intense à Luz et à S'-Sauveur. On a cru remarquer une élévation dans la température des eaux après la secousse; mais le phénomène n’a pas été vérifié. — Le 16, à 5 h. du matin, à Schemnitz ( Hongrie), secousse avec bruit sourd. — Le 19, à 44 h. du matin, à Riprafatta (environs de Pise), légère secousse ondulatoire. — Le 24, à Bantarkawoeng, dans le district montagneux de Salem , régence de Brebès (Java), deux légères secousses, l'une à 4 h. après midi, et l'autre vers minuit; pas de dommages. — Le 26, le matin, à Santiago de Cuba, secousse presque inaperçue. Le 27, à 5 h. 20 m. du matin, nouveau et léger tremblement (1). — M. Ant. d'Abbadie, qui, comme on le sait, fait observer, chaque jour, des niveaux à bulle d'air, dans les caves de son chà- teau d'Andaux (Basses-Pyrénées), a constaté la division de bulles les 17, 18, 19, 20, 21 et 22 du mois. Ainsi, il y a très-proba- blement eu ces jours-là, dans les Pyrénées, des secousses qui n'ont pas été constatées autrement. (1) Dans les premiers jours de septembre, pendant deux nuits consécuti- ves, depuis le coucher du soleil, on entendit du fond de la baie du port de Matanzas, situé à 22 lieues de la Havane, un bruit sourd semblable au roule- ment du tonnerre, qui augmentait d'intensité à mesure que la nuit avançait. De temps à autre, on vit jaillir de la surface de l’eau tranquille de la baie une espèce d'écume qui formait comme un jet d’eau. Le bruit sourd cessa trois jours après, à 8 h. du matin. La personne qui rapporte ce phénomène n’a entendu que le roulement sourd, mais n’a pas vu le jet d’eau. Elle n'in- dique point non plus la date de l’observation, pour pouvoir constater le jet que d’autres avaient vu. (Comm. de M, André locy.) ( 299 ) Octobre. — Le 2, à 5 h. 25 m. du soir, à Cronstadt (Transyl- vanie), trois légères secousses ondulatoires dans un intervalle de quelques secondes. — Le même jour, à Humboldt (Californie), une secousse. — Le 3, à Hong-Kong, Canton (Chine), secousses qui ont mis des sonnettes en mouvement et arrêté des pendules. Elles ont élé accompagnées d’un grondement sourd semblable au ton- nerre et suivies d'ouragans épouvantables qui ont causé grand nombre de sinistres. — Le 4, par 37°4/ lat. N. et 441°54 long. O. (Greenwich), le navire Lady Jane, allant de Californie à Honolulu (Sandwich), éprouva des secousses qui firent trembler le bâtiment, comme des feuilles de tremble, pendant l'espace de trente minutes. — Le 12, à 6 ‘2 h. du soir, à Poerworedjo, Wonosobo et dans le voisinage, une secousse du NE. au SO. — Le 18, à 71/2 h. du soir, à Tjikadjang, régence de Bandong (Java), deux fortes secousses. Peu auparavant, le D' Gevers avait remarqué des perturbations dans l'aiguille aimantée. — Le même jour, à S'-Pétersbourg, secousse qui fut plus faible à Tiraspol et violente à Galatz, pendant 5 à G secondes, avec bruit sourd. — Le 21, le soir, dans le pays de Cantalegno (roy. de Naples), tremblement léger. | — Le 24, à 10 h. du soir, à Keene (New-Hampshire), secousses qui firent osciller sensiblement les maisons. — Le 29, à 10 ‘2 h. du soir, à Potenza (Basilicate), secousse légère. Le 30, à 4 ‘4h. du matin, autre secousse légère, de 7 à 8 secondes de durée. — A 2 heures du matin, à Cosenza (Calab. citér.), secousse non légère, mais sans dommages. — Le Journal des Débats du 17 novembre, d'après des nou- velles allant jusqu'au 5, mentionne un tremblement de terre à Constantinople. La même mention, sans d'autres détails, se trouve dans la Vérité du même jour. ( 560 ) Novembre. — Le 2, à 7 5/4 du soir, à Cosenza (Cal. cit.), une secousse, | Le 14, à 3 h. du matin, à Cuneo (Piémont), courte secousse suivie de deux autres dans un intervalle de quelques secondes : elles paraissent avoir été verticales. — Le 19, par 42°52 lat. N. et 88245’ long. O. (Greenw.), le navire Magnolia, cap. Patterson, après son départ de Callao, éprouva une violente secousse sous-marine, qui causa une grande émotion dans l'équipage; on erut que le bâtiment avait touché. — Le 21, vers 6 h. du matin, à Tarbes (H.-Pyrénées), une secousse de quelques secondes de durée. Elle s’est, dit-on, éten- due dans toutes les Pyrénées. Le temps était mauvais et le ciel couvert d'un épais nuage. — Le 21, tremblement dans l’île de Timor. Les détails man- quent. — Probablement avant le 1% décembre, on avait ressenti, à Bombay, un léger tremblement de terre. Décembre. — Le 3, à 4 h. du soir, des chasseurs, des environs de Sienne (Toscane), entendirent comme un vent souterrain qui produisit une rumeur sourde pendant quelques secondes, suivie d'un bruit semblable à une décharge de plusieurs canons; mais la terre ne trembla pas. — Le4,à2h. du matin, à Sienne, bruit épouvantable qui parut venir du N. au S. et fut suivi d’une horrible secousse ondulatoire; elle eut deux reprises et dura 10 secondes; un quart d'heure après nouvelle secousse ondulatoire de 3 secondes de durée. Leur di- rection fut de l'Est à l'Ouest. La population en alarme s'élança dans les rues. Ce tremblement a été ressenti aussi aux Logge, à Asuano et Montepulciano. — Le 8, à 4h. du soir, à Guilma (Algérie), une secousse de quelques secondes, qui s’est renouvelée à minuit et demi. C'était le quatrième tremblement depuis deux mois. — Le 11, à 41/4 h. du soir, à San-Francisco (Californie), une secousse. ( 561 ) — Si l'on se rappelle les secousses qui, au commencement de 1812, ébranlèrent le bassin du Mississipi, on ne lira pas sans intérêt la lettre suivante adressée à l'éditeur du New York Tri- bune et publiée dans le numéro du 1% février 4855, sous le titre de Bursting of a Mountain : « Monsieur, dans le Fort Smith Herald du 10 décembre, il a paru un article dans lequel il est dit qu'une montagne à cinq milles de Waldron à fait trois fois explosion la semaine dernière; que ces explosions ont été violentes et terribles, qu’elles ont fait trembler le sol aux environs, lancé des pierres et de la terre et rempli l'atmosphère de nuages de poussière et de fumée; que l'une des détonations a été entendue dans le voisinage de cette ville, à une distance de 40 ou 50 milles. » Des explosions ont été entendues dans cette partie de Arkansas longtemps avant celles que mentionne Herald, et il y a plusieurs localités dans les régions montueuses de l’ouest de cet État où ces phénomènes se renouvellent. Elles y sont dési- gnées sous le nom de Blow-out Mountains. L'année dernière, parcourant cette partie de l’'Arkansas, je visitai avec un haut intérêt deux de ces localités, distantes l’une de l’autre d’une vingtaine de milles au plus. J'ai recueilli des échantillons des matières éjectées. Un de ces Blow-outs est une gorge d'une chaîne de montagnes qui séparent les eaux du Fusche la Fave River (Scott County), au nord, de celles de la Ouatchita (Mont- gomery), au sud, et se trouve sur leur limite commune. J'étais accompagné par un vieux trapper qui habitait la rive sep- tentrionale de la Ouatchita et qui se tenait à une distance de six milles de cette partie de la montagne. Il m'a dit avoir entendu fréquemment de ces détonations, qu'elles avaient lieu généralement dans les jours clairs et principalement le matin, qu'elles ressemblaient au fracas du canon, — explosion unique — sans écho. On n'entendait guère ce bruit qu'une fois par semaine; il durait très-peu et il s'écoulait un assez long temps avant qu'une autre explosion se renouvelât. Dans ses chasses, ( 562 ) Fryer (c'est le nom du trapper) a rencontré sur la montagne des endroits portant des traces évidentes de très-grands désordres souterrains. Un matin, après un roulement extraordinaire (un bloom, suivant son expression), il se décida à aller examiner l'endroit du bloom et trouva que la terre avait été bouleversée et lancée d'une fissure de six pouces de large au milieu des rochers, qu'un grand arbre avait été déraciné et renversé et que les racines, qui s'étendaient à 40 yards (40 m. environ), le long de la cre- vasse, avaient été arrachées des deux côtés. » Le bois sec qui se trouvait sur cette fente ne paraissait pas avoir été déplacé par l'explosion. Le soir du même jour, le soleil, à son coucher, parut livide, et il survint un ouragan qui dura toute la nuit. Entre Ouatchita River et la montagne, le sol est ondulé et composé de lits de schiste talqueux alternant avec des couches quartzeuses. La rivière très-sinueuse coule dans une étroite vallée entre des bords souvent escarpés et d’une hauteur de 2 ou 5 cents pieds en plusieurs endroits. Elle offre un aspect pittoresque et sauvage. Les couches ont une légère inclinaison vers le sud, mais dans la montagne, les roches sont verticales; elles sont très-siliceuses et cristallines; c'est une variété de grauwake veinée de schiste d’un gris jaunâtre. L'ensemble de la stratification court du NNO. au SSE. Un petit ruisseau prend sa source dans la gorge, coule au nord d'abord, suit le pied de la montagne, passe à l’ouest de la chaîne et se jette dans le Fusche la F'ave River. Du côté du sud s'échappent deux autres ruisseaux qui coulent dans l'Ouatchita. L'entrée de la vallée est remplie de débris de roches éboulées. La pointe occidentale de la chaîne (qui se trouve à 600 pieds au-dessus de la vallée) présente l'aspect d'un mur vertical de six à douze pieds. Les éboulis forment un talus d'environ six pieds de large sur une longueur de 200 yards. En beaucoup d'endroits, le mur est percé de trous d’où ces ma- tières semblent s'être détachées. De la base au sommet, on re- marque beaucoup de fentes et de crevasses. En dehors des bords du ruisseau, la montagne n'offre rien de semblable. Quelle est la ( 565 ) profondeur de toutes ces crevasses? c'est ce que je ne puis dire, n'ayant pas pu en sonder plus de dix pieds... (W. F. R.) » — Le 20, à Turin, forte secousse. — Le 25, dans l'île Niphon (Japon), tremblement violent qui a complétement détruit la populense et florissante ville d'Ohosaca et causé de grands ravages à Simoda. Yédo a aussi considérable- ment souffert. Aussitôt après la secousse, l'eau du port de Simoda éprouva un mouvement si violent que la frégate russe Diana tourna 43 fois sur elle-même en trente minutes. Le fond de la mer oscillait tellement que les officiers craignaient à chaque mo- ment l'éruption d’un feu souterrain. Dès que cette épouvantable crise fut passée, on chercha à conduire la frégate dans une autre baie pour réparer les avaries; elle coula en route et l'équipage ne put qu'à grande peine se sauver dans des chaloupes. — Le 28, à 11 h. et quelques minutes du soir, à Gênes, légère secousse. Le 29, à 2 h. 49 m. du matin, secousse ondulatoire, plus forte, de 8 secondes de durée, suivie d’un fort retentissement, et diri- gée du N. aus. M. Élie de Baumont a communiqué à l’Académie des sciences les détails suivants que nous extrayons des Comptes rendus, t. XL, pp. 192-194, séance du 24 janvier 1855 : « Observations faites à Marseille. (Ext. d'une lettre de M. Mer- met.) — Le 28, au soir, le temps était calme; au coucher du seleil, quelques nuages bronzés bordaient l'horizon vers le nord- est. La température était à 0 degré; je n’ai pas observé ce jour-là le baromètre; dans la nuit, à 2",55", la première secousse s'est fait sentir; elle a été suivie de quatorze autres. Ces secousses étaient séparées par des intervalles égaux un peu moindres qu'une seconde. J'estime que la durée totale du phénomène a été de douze secondes. Dès la première secousse, le cadre de la porte de ma chambre à coucher a fait entendre un cri qui a été suivi de qua- torze autres qui se sont succédé à des intervalles égaux. À chaque eri de la porte, le lit épronvait une secousse. ( 564 ) » Toutes les secousses étaient dirigées du nord au sud. Pen- dant toute la durée du phénomène, un bruit semblable à un coup de vent s'est fait entendre. » Le 29, à 5 h. du matin, la température est de 4°,5. A 8 h. du matin, au Lycée, la hauteur du baromètre était de 0,770. Depuis cette époque, rien de semblable ne s’est reproduit; le temps est magnifique, le ciel sans nuages, gelée pendant la nuit; température de 9 à 14 degrés pendant le jour. » M. de Villeneuve, en transmettant la lettre dont nous venons de donner l'extrait, y joint les renseignements suivants : « À Brignoles (Var), il a été entendu un bruit pareil au rou- lement d'une diligence, accompagné d’un mouvement semblable aux oscillations d’un tamis. » À Grasse, plusieurs murs lézardés. — À Pégomas, le chà- teau de Laval fortement secoué. — A Cannes, secousses plus violentes, bruits sourds et effrayants de la mer; les navires sont ébranlés, comme si la quille frottait sur un lit de cailloux. — A Cagnes, secousses plus violentes; le château de Grimaldi s’est tellement ébranlé, que les belles fresques de Cimabuë ont été endommagées. — Au Bar, la tour gothique du château de l’ami- ral de Grasse est tombée, le tableau de Carlo Dolce fendu en deux, plusieurs maisons lézardées. — A Saint-Paul, à l'est de Grasse, maisons endommagées et deux moulins aussi : les elo- ches ont sonné. — A Menton et Vintimille, beaucoup de maisons renversées ; mais, près de Nice, le village de Comla offre seul des maisons renversées. | » 1 paraît, d'après ces phénomènes, que le foyer de l'ébran- lement était le long du rivage, et que ce foyer était d'autant plus actif que le rivage offrait des escarpements plus prononcés: » C'est là ce qui est parfaitement indiqué par les inflexions de la ligne sans fond tracée sur une carte géologique du Var. Les dislocations nord-sud que ma carte indique sur le méridien du Mont-Blanc, passant par l'Esterel, non loin de Cannes, et celui du mont Viso, passant par les îles du Liriou et par la ( 265 ) grande faille du Loup, près du Bar, semblent des traces de secousses antérieures, qui ont suivi la même direction que lébranlement récent. » « Observations faites à Nice. (Extrait d’une lettre de M. P. de Tchihatcheff, 30 décembre 1854.) — Le 28 décembre, la jour- née s’annonça fort belle et la température était aussi chaude que nous l’avions eue jusqu'alors; à 5 heures après-midi , le vent sud- est sauta au nord-est, et souffla par rafales très-violentes, en couvrant les parties sud et sud-ouest de l'horizon d'épais nuages couleur clair-cendrée, sous forme de eumulo-cirrhus, très-fran- gés et tourmentés; le coup de vent cessa vers 5 heures après- midi, et la mer, qu'il avait fortement agitée, devint de plus en plus calme; en revanche, la température baissa plus que de coutume, et le ciel brilla dans toute sa splendeur d'étoiles. A 3 heures, un léger mouvement d'oscillation de va-et-vient se fit sentir; cependant, il ne fut observé que par ceux qui, comme moi, veillaient encore; mais, huit minutes plus tard, il n'y eut plus personne en ville qui dormiît, car le mouvement revint avec assez de force pour faire quitter le lit à tout le monde. Comme le premier, il paraissait dirigé du sud-est au nord-ouest : seule- ment, cette fois le mouvement oscillatoire se trouvait combiné avec un mouvement de trépidation de bas en haut; ces secousses, à la vérité, étaient assez faibles pour ne point occasionner des déplacements appréciables parmi les meubles; toutefois, quelques sonnettes des portes tintèrent et de rares crevasses se produisirent dans quelques murs. Le mouvement de bas en haut était remarquable par la régularité avec laquelle les se- cousses se suivirent, et diminuèrent progressivement d'inten- sité; en sorte qu'elles finirent par se réduire à des pulsations semblables à celles d’un corps vivant qui s'éteint graduellement. Je n'ai pu constater aucun bruit souterrain, bien que quelques habitants prétendent l'avoir entendu. L'oscillation, qui eut lieu à 3 heures, ne dura tout au plus que deux secondes; mais celle qui lui succéda eut une durée d'au moins trente secondes. À 3 h. ( 566 ) 50 m., un troisième mouvement se fit sentir; mais il fut très- court et presque insensible : c'était une légère ondulation. Pen- dant tout ce temps, le ciel était d'une sérénité parfaite, l'air calme et la mer comme un miroir : le thermomètre était des- cendu à 1°,6, et, un peu avant le lever du soleil, il atteignit le zéro; en sorte que notre première gelée, à Nice, date de cette catastrophe. » Le lendemain, le 29, le temps était magnifique, la mer pres- que calme; mais la température conserva (et conserve encore aujourd'hui) son abaissement; cette nuit, le thermomètre a mar- qué 1°,0, ce qui est assez rare ici dans cette saison. Je suis bien fâché de m'être trouvé dans l'impossibilité de faire des observa- tions barométriques et magnéliques, vu qu'à mon retour de Constantinople j'avais déposé chez M. Lerebours tous mes instru- ments, que j'espérais reprendre en venant passer cet hiver à Paris. Cependant j'ai pu constater, par l’assertion positive des individus qui possèdent des baromètres et même les regardent (ce qui n'est pas le eas avec tous les propriétaires de ces instru- ments), que, dans la journée du 98, il avait baissé considéra- blement. D'après tous les renseignements que j'ai recueillis, ce tremblement de terre s'est fait sentir simultanément depuis Gènes jusqu'à Antibes, et il paraîtrait même que son intensité allait en croissant à mesure qu'il se manifestait dans les contrées situées au sud-sud-ouest de Nice, car des personnes venues de la frontière de France me parlent de dégâts considérables éprou- vés à Grasse, à Cannes et à Antibes; or, il n’y a pas eu à Nice de dégâts proprement dits, malgré tout ce que les journaux du pays pourraient imprimer d'après les suggestions d'une imagi- nation surexcitée, car l'impression morale a été des plus vives. » Dans une lettre de date postérieure (15 janvier), M. de Tchi- hatcheff, faisant allusion à cette première communication, remar- que qu'ayant écrit le lendemain de l'événement, il n’a pu guère parler que de ses propres impressions. « Quant aux faits signalés par d'autres personnes, ajoute- LE ad (867 ) t-il, je ne croyais pas pouvoir communiquer, sans une grande réserve, ceux qui étaient déjà arrivés à ma connaissance; mais j'ai peut-être porté la défiance un peu loin. Depuis ce temps, en effet, j'ai pu constater que le phénomène a offert des degrés d'intensité fort différents, selon les localités, et que si, dans la maison que j'habite, et qui est sur le bord de la mer, aucun dégât n’a été causé, ils ont été, au contraire, assez nombreux dans les autres quartiers de la ville, où les meubles, pendules et autres objets ont été renversés. Cet événement paraît avoir em- brassé un cercle assez considérable; car, bien que nous atten- dions encore les nouvelles de Rome et de Naples, il a déjà été parfaitement constaté qu’à la même heure les secousses se sont fait sentir à Gênes, Turin, Marseille, Antibes, etc. On mande de Rome, dans des lettres particulières et antérieures à la catastro- phe de Nice, qu'il y a eu un affaissement du sol sur plusieurs points de la ville, et qu'à Naples deux nouveaux cratères se sont ouverts sur le Vésuve. Au reste, ces nouvelles demandent con- firmation. » « Observations faites à Nice, par M. Pentland. — Le trem- blement de terre du 29 décembre a été précédé par un bruit extrêmement violent au commencement, comme si plusieurs fourgons lourdement chargés passaient sous une voûte ou porte cochère, et à la fin par un autre pareil à celui qu'on entend lors- qu'on se trouve près d’une grosse charrette déchargeant des pavés dans une rue de Paris. Ces bruits ont distinctement précédé le mouvement ondulatoire qui était du nord-est au sud-ouest, au- tant que j'ai pu déterminer, étant réveillé et assis dans mon lit; j'ai eru remarquer trois ondulations dans ce sens, dont la durée n'a pas dépassé trois sécondes, suivies de deux autres secous- ses, mais beaucoup plus faibles. Le temps avait été très-beau pendant le jour précédent et toute la nuit, le baromètre s'étant élevé depuis 9 heures du soir. La mer était calme, le ciel bril- lant, et j'ai voulu m'assurer s'il y a eu, pendant le tremblement, quelques mouvements considérables dans les eaux de la mer. TOME xx11, — |'° PART. 40 ( >68 ) Étant logé à quelques centaines de pas, j'ai pu m'y transporter très-peu de minutes après le choc. Je n'ai pas pu voir si les vagues s'étaient élevées le long de la bande de galets, qui forme ici le lit- toral, plus qu'elles faisaient par l'effet du léger vent de terre qui avait soufflé pendant toute la nuit, et les pêcheurs à la ligne, qui ordinairement commencent leurs opérations avant le jour, près de l'embouchure du Paglione, m'ont assuré n'avoir rien remar- qué hors de l'ordinaire. Le dernier tremblement de terre observé à Nice était en 1825 (1). Depuis le 29 décembre, on a senti deux autres secousses. I] paraît que le tremblement du 29 s'est étendu depuis Gênes jusqu'à l'ouest de Marseille; mais sa plus grande violence a été entre le cap Bordighera à Cannes. À Ventimiglia, la secousse fut très-violente, ainsi qu'à Onéglia, où, à en croire les rapports que j'ai reçus, elle aura eu lieu près d'une demi- heure plus tôt qu'à Nice. À Nice même, elle a été fort violente, surtout dans les étages supérieurs des maisons; plusieurs murs ont été lézardés, des meubles déplacés, des plafonds ont été fêlés et sont tombés. Dans la maison que j'habitais sur la place du Jardin publie, dans le beau quartier de la ville, les sonnettes ont été mises en mouvement, et beaucoup de pendules ont cessé de marcher; et ce qui est à remarquer, celles qui étaient placées sur des murs dans la direction E. et O. ou à angle droit avec le sens du mouvement de la secousse. » Le choc a pénétré dans l'intérieur de la chaîne des Alpes maritimes, une église ayant été fortement endommagée près du col de Tende. » Le tremblement s'est fait sentir avec une égale violence dans les environs de Nice, depuis le terrain d’alluvion sur lequel la plus grande partie de la ville est construite, jusqu'aux couches les plus anciennes des terrains secondaires dans l'intérieur de la chaîne, en passant par les couches pliocènes, éocènes, créta- (1) M. Prost en cite un le 22 septembre 1852. C'est le premier de mon Supplément. (A. P.) er + ( 14 ( 569 ) cées, néocomiennes, oolitiques et liasiques, jusqu'aux grès tria- siques du système de l'Esterel. » Nous transerivons encore la lettre suivante de M. Doublier, insérée au Bulletin de la Société météorologique de France, t. I, p- 9, séance du 9 janvier : Draguignan, 29 décembre 1854. — « Je m'empresse de vous annoncer que les habitants de cette ville ont ressenti aujourd’hui, à 2h. 45 m. du matin, un tremblement de terre. » Rien n'avait fait pressentir ce phénomène, car le temps avait été assez beau le 28 pendant le jour, légèrement couvert à 5 heures, sans nuages vers 11 heures du soir, et la lune brillait d'un vif éclat. Le froid se faisait vivement sentir, il y avait de la glace dans les rues vers les 10 heures du soir, ce qui n'arrive pas souvent. La couche, à la vérité, n'avait pas une ligne d'épais- seur. Le thermomètre à minima, placé au nord, a marqué 5° au-dessous de 0 dans la nuit du 28 au 29, ce qui, jusqu'à ce jour, n'avait pas encore eu lieu cette année. » Le 25, le temps a été assez beau, mais le vent du NO. souf- flait, et, ce qui est assez rare pendant l'hiver, il était chaud. » Le 24, le temps a été comme le 25, le vent du NO. (notre mistral) toujours chaud, mais plus fort que la veille. » Le 25, jour de Noël, et le 26 le temps a été magnifique. » Le 27, beau temps avec un vent de SO. frais. » La durée du tremblement de terre a été d'environ 12 secon- des. On a remarqué pendant cet espace de temps deux secousses bien prononcées et une troisième, mais assez faible; les oscilla- tions ont été du N. au S. et plus ou moins fortes, suivant qu'on se trouvait plus ou moins rapproché du sol. » Quelques personnes ont cru que le mouvement avait eu lieu de bas en haut, parce que de petits objets placés sur des che- minées (statueltes, petits vases), n'ont pas été déplacés; quel- ques canapés cependant ont été renversés. Pendant la durée du tremblement, j'ai bien entendu, et beancoup d’autres personnes aussi, un bruit sourd, roulant et continu et parfois un sifflement. ( 570 ) » Ce phénomène est assez rare dans nos contrées, et il n'est pas à ma connaissance qu'il eût occasionné des sinistres. » Un baromètre placé à 190" au-dessus du niveau de la mer marquait 749 millimètres, la partie la plus élevée de la ville est à 215,9. — Latitude 43°52’24”"; longitude orientale 4°7'47”. Dans le courant de la dernière lunaison, la lune était entourée de plusieurs cercles vivement colorés en bleu, en vert, en rouge. » Aux détails puisés dans les recueils scientifiques, nous en ajou- terons quelques autres empruntés aux journaux. À Draguignan, il y a eu trois secousses; la première a été la plus forte; elle a duré 6 à 7 secondes. Les deux autres ont dimi- nué progressivement d'intensité et de durée, A Grasse, mouvement de l'est à l'ouest pendant 15 secondes; Les cloches des églises ont légèrement retenti, quelques lézardes ont été remarquées dans deux ou trois maisons. Le château de Latour, à Mandelieu, a été fortement secoué, A Toulon , à 2 h. 38 m., secousses du N. au S., durée 3 secondes. Le vent très-fort du NO. s'est calmé immédiatement après. A Antibes, 2 h. 40 m., deux secousses sans dommages. A Turin, à 2 h. 5/4, deux ou trois secousses du NO. au SO. (sic), accompagnées d’un bruit sourd et d'un violent coup de vent. A Port-Maurice, à 2 h. (?), deux secousses légères, suivies, quel- ques minutes après, d'une troisième très-forte et accompagnée d'un bruit effrayant sortant des entrailles de la terre. On les à aussi ressenties à Novare, à Pignerol, dans les montagnes, jus- qu'à Chambéry et même plus au nord. M. de Charpentier écrit de Bex au Nouvelliste vaudois : Hbcest Étant déjà parfaitement éveillé depuis une heure, j'ai été à même d'apprécier assez exactement la durée des oscillations, qui étaient de 7 secondes. Elles étaient courtes, se suivaient de fort près, et sans être assez fortes pour imprimer un mouvement bien sensible à mon lit, elles faisaient fortement craquer la boi- serie, le plancher et les meubles. ae f6 Je ferai encore observer que les tremblements de terre ( 571 ) que j'ai senüs ici depuis 1813 se sont tous dirigés constamment du NNO. au SSE. ou vice vers, mais jamais dans une autre direction. Ils ont donc à peu près suivi la direction de la vallée du Rhône comprise entre Martigny et le lac. » — Dans le courant du mois, secousses à Banka. Parmi les nombreuses lettres que j'ai reçues sur les phénomè- nes seismiques de 1854, je crois devoir citer encore les deux extraits suivants, dus à deux correspondants de l’Institut : « Le 28 décembre, étant allé chasser dans les montagnes (aux environs de Menton), un berger, un de ceux qui ne descendent jamais de leur cime, dit à A... : « Rentrez, monsieur, et ne » passez pas par le même chemin, vous ne pourriez plus descen- » dre. » Après plusieurs paroles échangées, il lui dit : Nous aurons une bien mauvaise nuit à passer ! — Questions sur ques- tions auxquelles il répondait toujours : Ah! la nuit sera bien mauvaise ! À... ne put en savoir davantage, et en rentrant, il me conta cela. La soirée fut de toute beauté; à 2 4/4 h., bruit épou- vantable et violente secousse (à Menton)... un second coup une demi-heure après... La mer qui était très-forte hier au soir, était très-calme après le tremblement; mais elle a repris depuis son agitation... » Le lendemain, 50, à 2 h. du matin, secousse nouvelle, mais légère... » (Comm. de M. Fournet.) « Lors des tremblements de juillet (dans les Pyrénées), Me L.... apprit à pressentir les secousses, et peu avant celle du 14 mars 1855, elle affirma la prochaine venue du phénomène. Elle dit ne percevoir physiquement autre chose qu'un certain calme (stilness) dans l'air : je suis donc porté à ranger sa prédic- tion dans la classe des pressentiments spirituels et par consé- quant en dehors de toute appréciation physique... » Lors de la grande secousse d’Argelès (en juillet), le chien de M. L..... couchait dehors, mais ce soir-là il jappa tant que le cocher le fit entrer dans sa chambre. Le chien se blottit dans un coin, mais au moment de la grande secousse, il s’élança dans le (572) lit du cocher pour chercher un refuge auprès de l'homme. De tout ceci, M. L..... infère que son chien avait prévu le danger en entendant les bruits souterrains, ce qui lui donna l'idée de construire avec une caisse de bois blanc une sorte de stéthoscope monstre. Au moyen de cet instrument, il a perçu des sons sou- terrains qui auraient échappé autrement, et il pensait entendre les craquements du granit tiraillé en divers sens. J'ai mentionné ceci uniquement pour recommander à vos correspondants une idée qui me semble féconde..... » (Lettre de M. Ant. d'Abbadie.) — Les jours marqués explicitement par des secousses en 1854, s'élèvent à 141 seulement et se partagent ainsi : EIVER. PRINTEMPS. ÉTÉ. AUTOMNE. Jours. Jours. Jours. Jours. Janvier. . 8 | Avril . .. 925 | Juillet. . . 922 | Octobre. » 9 Fevrier. . 14 | Mai..,.. 923 | Août ... 3 | Novembre, 4 Mars ... 13 | Juin. ... 6 | Septembre. 8 | Décembre. 8 33 52 35 21 Relativement à l’âge de la lune, on trouve : Auxsyzygieshet.s ISO CAO SE AENAL étre Aux quadratures . + . . . . . 70 — — M. Houzeau, correspondant de la classe, fait hom- mage d'un mémoire qu'il vient de publier sur la symétrie des formes des continents, et il expose à ce sujet les idées qu’il a émises dans son travail. — M. Van Beneden communique l'extrait d’une nou- velle lettre qu'il a reçue de M. Kuchenmeister, au sujet de » la transformation des Cysticerques en Ténias chez l'homme et d'expériences nouvellement faites en Allemagne sur un supplicié. Em © =] C1 9 CLASSE DES LETTRES. Séance du 4 juin 1855. M. LecLercQ, directeur. M. QueTeLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, le baron de Gerlache, de Ram, Gachard, Paul Devaux, Schayes, Snel- laert, Carton, Bormans, Polain , Baguet, le baron J. de Witte, Ch. Faider, Arendt, membres ; Nolet de Brauwere Van Steeland, associé; Chalon et Ad. Mathieu, correspon- dants. MM. Alvin et Éd. Fétis, membres de la classe des beaux- arts, assistent à la séance. a CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition d’un arrêté royal du 28 mai dernier, qui approuve l'élec- tion de MM. Ch. Faider et Arendt, en qualité de membres de la classe des lettres de l’Académie royale de Belgique. — M. le secrétaire perpétuel donne lecture des lettres ( 274 ) de remerciments adressées à la classe par MM. Ch. Faider, Arendt, Thonissen, Van Duyse, Victor Leclere, le comte de Montalembert, Macaulay, Horace Say et Ch. Rau, pour leur nomination, les deux premiers en qualité de mem- bres , et les derniers comme correspondants ou d’associés de l’Académie. — La commission du Musée germanique, établi à Nu- remberg, remercie l’Académie pour l'envoi de ses publi- cations. — M. Polain, membre de la classe, fait don de trois opuscules qu'il vient de publier. M. Ducpetiaux, corres- pondant de l’Académie, fait également hommage d'un ouvrage intitulé : Budgets économiques des classes ouvrières en Belgique. CONCOURS DE 1857. Le bureau de la classe avait été chargé de présenter, dès à présent, un projet de programme pour le concours de 1857. M. le Secrétaire perpétuel fait connaître que le bureau n’a pas reçu en temps utile les renseignements promis par les membres, et qu’il a dû ajourner la présen- tation de son travail jusqu'à la prochaine réunion. Il fait en même temps quelques observations sur la forme et la nature des questions qui lui semblent devoir être posées dans l’intérêt des concours. Ces observations donnent lieu à une discussion à laquelle prennent part la plupart des membres. “sa Re (575 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Examen d'une objection relative à l'étude de la langue ma- ternelle, considérée comme base de l'enseignement; par M. Baguet, membre de l'Académie. Parmi les mesures propres à améliorer l’organisation de l’enseignement moyen, il en est une sur laquelle j'ai cru devoir particulièrement insister, parce qu’elle a rencontré, plus que toute autre, des contradicteurs. Je veux parler de la substitution de l'étude de la langue maternelle à l'étude des langues anciennes comme base de l’enseignement , dans les classes inférieures des humanités. Malgré les nombreux arguments que nous avons succes- sivement présentés à l’appui de cette mesure, certaines personnes ne partagent point encore nos convictions sur ce point. Nous nous sommes donc déterminé à tenter, à ce sujet, un nouvel effort, en examinant de près l’objec- tion principale qu'on nous oppose et en l’abordant direc- tement, abstraction faite de toute autre considération. Nous emprunterons les termes mêmes de cette objec- tion au discours qu’un professeur distingué de Grimma, M. Dietsch, a prononcé à la fin de l’année dernière et dont les passages les plus saillants ont été récemment traduits dans un recueil périodique de notre pays (1). (1) La Revue pédagogique , numéro du 15 mai dernier. ( 576 ) Nous faisons d'autant plus volontiers cet emprunt à M. Dietsch, qu'il reconnait formellement, comme nous, que le but de l’enseignement moyen est, non pas de faire des savants, mais de donner aux jeunes gens l'aptitude à la science. Voici comment il s'exprime touchant l'impor- tance de l'étude des langues : « La langue, dit-il, est la forme visible de l'esprit; rien n'est donc plus propre à développer les facultés de l'âme, rien ne donne plus d'aptitude que l'étude, non pas de la langue maternelle, mais d’une langue étrangère qu'on ne peut s'approprier que par un travail intellectuel successif, gradué, complet, remontant jusqu'aux principes les plus simples. D'ailleurs, c'est à la littérature que l'esprit hu- main confie ses trésors les plus précieux; c’est là qu'on trouve ce que la vie intellectuelle a de plus grand, de plus élevé, et par conséquent ce qu'il y a de plus propre à former l'esprit et à ennoblir le cœur de la jeunesse... C'était donc avec raison que nos prédécesseurs regardaient l'étude des langues comme la partie la plus importante de l'instruction. Et s'ils donnaient la préférence aux lan- gues anciennes, et surtout à la langue latine, cette préfé- rence s’explique-t-elle par le seul motif que les langues modernes n’en étaient encore qu'a leur période de forma- tion et que la langue et la littérature latines avaient alors bien plus d'importance qu'aujourd'hui? Nous n’oserions l'affirmer, car on doit reconnaitre que si, dans la suite, on a conservé la première place aux langues anciennes, c'est qu’elles présentent pour l'instruction des avantages particuliers : elles servent de base à cette culture intellec- tuelle que doit posséder quiconque aspire à une carrière libérale; elles l'emportent sur les langues modernes en régularité et en force aussi bien qu’en richesse; enfin, plus ( 577) elles sont éloignées de nous par le temps qui les vit fleurir et par les caractères qui les distinguent, plus leur étude constitue pour l'esprit un exercice utile et fécond. » Nous aurions pu abréger ce passage et nous borner à citer les paroles par lesquelles le professeur de Grimma donne la préférence à la langue latine sur la langue ma- ternelle pour servir de base à l'instruction; mais nous avons voulu faire connaître comment il apprécie les avan- tages qu'offre l'étude de la langue latine, afin d'avoir l'oc- casion de déclarer de nouveau que jamais nous n'avons eu l'intention de contester aucun de ces avantages. Nous nous sommes seulement attaché à faire ressortir importance qu’acquiert de plus en plus, de nos jours, la culture de la langue maternelle, et nous nous sommes efforcé de prou- ver que, pour parvenir à une connaissance salisfaisante de notre langue, il faut, dès l’abord, la regarder comme l'instrument indispensable à l'aide duquel doit s'opérer progressivement le développement intellectuel , en faire, pendant plusieurs années, une étude sérieuse, à l'exclusion de toute autre langue, et ne demander que plus tard aux langues anciennes les moyens efficaces qu’elles sont des- tinées à nous fournir, soit pour continuer le développe- ment de nos facultés, soit pour nous perfectionner dans l’art du style et de la parole. Après celte courte explication de notre pensée, nous tâcherons de préciser nettement l’objection qui nous est faite et de la présenter sous une forme qui lui conserve toute sa force. L'étude de la langue maternelle, nous dit-on, est impuissante à développer suffisamment les fa- cultés de l'âme et à donner l'aptitude nécessaire à la science, parce que, pour se l'approprier, il ne faut pas, comme pour une langue étrangère, un travail intellectuel ( 578 ) successif, gradué, complet, remontant jusqu'aux principes les plus simples. En d’autres termes : le jeune élève de nos colléges est incapable de donner à l'étude de la langue maternelle l'attention dont il est obligé de faire preuve dans l’étude d’une langue ancienne. On le voit, l’objection ainsi simplifiée devient facile à saisir. Mais, hâtons-nous de le dire, la réfutation de cette objection repose, avant tout, sur un fait plutôt que sur un raisonnement. Elle dépend d’un problème que les mai- tres doivent essayer de résoudre par la pratique et qui peut se formuler en ces termes : Faire en sorte que les élèves étudient la langue maternelle comme on veut qu'ils étu- dient une langue ancienne. Nous sommes convaineu que la chose est possible, et notre conviction est fondée sur l’ex- périence; d’autres pensent le contraire, et cela ne nous étonnera point, aussi longtemps qu’ils n'auront pas cher- ché sérieusement dans des faits la solution de ce problème. Ainsi, pour ne citer qu’un seul exemple, nous dirons qu'il nous est arrivé de rencontrer dans un établissement d’in- struction moyenne un professeur qui, après avoir, en notre présence, examiné avec beaucoup de soin ses élèves sur un auteur latin, fit ensuite lire à l’un d’eux un paragraphe du Télémaque. La lecture terminée, il se contenta de dire: il n’y a pas de questions à faire sur ce paragraphe. Je le répète, un tel procédé n’a rien qui nous étonne; il s'explique, au contraire, très-aisément, lorsqu'on n’assigne pas à la langue maternelle le rang qui lui est dû, c’est-à- dire lorsqu'on ne regarde point l'étude et la connaissance de cette langne comme le moyen naturel de l'instruction et en même temps comme le but principal auquel toutes les études littéraires, de quelque genre et de quelque nature qu’elles soient, doivent, en définitive, se rapporter. ( 19 ) Nous sommes heureux de pouvoir dire qu’on a compris en France, dans ces derniers temps, la nécessité de forti- fier l'étude de la langue maternelle dans les classes des humanités. Nous nous permettrons de reproduire ici un passage d’un document destiné par le Ministre de l’in- struction publique à assurer l'exécution du nouveau plan d’études des lycées impériaux (1). « L’explication des au- teurs français, y est-il dit, est un exercice nouveau qui n’a été introduit régulièrement dans l’enseignement universi- taire que depuis un petit nombre d'années. On avait paru supposer jusqu'alors que les auteurs français n’avaient pas besoin d’être expliqués et qu’écrits dans la langue mater- nelle, ils étaient suffisamment compris de tout l'auditoire. Les examens de baccalauréat ès-lettres démontrent tous les jours qu’il n’en est pas ainsi, et c’est peut-être sur cette partie du programme que les réponses des candidats sont le moins satisfaisantes. Le professeur doit donc attacher une très-grande importance à l'explication des auteurs français; 1l faut qu'il détermine la valeur et la propriété des termes, leurs rapports, leurs acceptions diverses , qu'il rende sensible la liaison des idées, qu’il distingue les idées principales et les idées accessoires, qu'il montre dans quel ordre elles sont disposées, quelles formes leur donne le raisonnement ou l'imagination, quels sentiments elles éveillent , quelle physionomie leur prête le génie particu- lier de l'écrivain. » Ajoutons à cela que le ministre français qualifie d’heu- (1) Nous empruntons au Moniteur de l’enseignement (numéro du 10 jan- vier de celte année) ce passage d’une instruction générale publiée par M. Fortoul, ( 580 ) reuse innovation la mesure d’après laquelle les devoirs français, dans les lyéées, ne sont plus exclusivement réser- vés à la rhétorique, mais sont aussi obligatoires pour les élèves de troisième ét de seconde. Ce sont là, si nous ne nous trompons, des faits qui donnent un grand poids à l'opinion que nous soutenons. Ils font aussi entrevoir les inconvénients qui peuvent résul- ter de l'étude simultanée de la langue maternelle et des langues anciennes, dans les classes inférieures des huma- nités. Comment, en eflet, les jeunes élèves compren- draient-ils l'importance de l'étude de leur langue et com- ment se montreraient-ils disposés à en faire l'objet d’un travail sérieux, quand on se hâte de concentrer leur attention sur l'étude approfondie d'une langue qui leur est étrangère? Quant à la mesure vantée avec raison par le ministre français, elle n'est certes pas une innovation pour notre pays. Depuis longtemps déjà, nous aimons à le constater, la langue maternelle est, dans nos établissements d’in- struction, l'objet de soins particuliers; mais nous ne croyons pas que ces soins aillent généralement jusqu’à faire observer, pour l'étude de la langue maternelle, comme cela se pratique pour l'étude d’une langue an- cienne, la méthode si bien tracée par le ministre dans le passage cité, ni à exiger ce que M. Dietsch, de son côté, nomme un travail intellectuel successif, gradué, complet remontant jusqu'aux principes les plus simples. Pour nous, c’est surtout afin de hâter le moment où la langue maternelle sera cultivée de cette manière, dès le premier degré de l’enseignement, que nous n'avons cessé de demander avec instance, comme nous l'avons fait récemment encore dans une autre séance de la i ( 81 ) classe (1), que l’on essaie d'adapter aux cours inférieurs des colléges la méthode réservée ordinairement aux cours supérieurs pour les études littéraires. L'expérience nous a appris que si le jeune élève peut étudier une fable de Phèdre, par exemple, comme il étudiera plus tard un discours de Cicéron, il est possible aussi de lui faire rendre compte d’une fable de La Fontaine, comme il devra, par la suite, apprécier un discours de Bossuet. Par ce procédé, on lui procure en même temps l'avantage incontestable d'entrer de bonne heure dans une route qu'il ne quittera plus durant tout le cours de ses études. Qu'il soit donc, dès ses premiers pas dans la voie de l'instruction, exercé graduellement à analyser, à inter- préter les œuvres écrites dans la langue maternelle; qu'il soit accoutumé à composer lui-même et à exprimer con- venablement, soit de vive voix, soit par écrit, le résultat de ses pensées et de ses réflexions. Lorsqu’après une telle préparation, le moment sera venu d'aborder l'étude des langues anciennes, il verra s'ouvrir devant lui un nouvel horizon. Alors, au travail si pénible et si ingrat auquel il eût été assujetti, d’après le système actuel de l’enseigne- ment, pendant six ou sept années, il pourra substituer une étude devenue désormais pour lui plus facile et plus intéressante. Connaissant, en effet, le mécanisme et les principes de sa langue maternelle, familiarisé déjà avec les meilleurs écrivains, il parviendra, sans trop de peine, à distinguer ce qui constitue le caractère particulier du langage et des productions littéraires de l'antiquité, et il s'appropriera d'autant plus aisément le fruit de ses nou- (1) Voir let. XXII, n°3, des Bulletins. ( 582 ) velles investigations qu’il se sera , en quelque sorte, tracé à l'avance, dans son esprit, un cadre où viendront se ranger successivement et sans confusion les connaissances qu'il aura acquises. Et ces connaissances, il ne sera plus exposé à les perdre à cause de leur isolement ou parce que l'occasion de les entretenir et de les appliquer lui échap- pera, mais, au fur et à mesure qu’elles seront en sa pos- session, il les fera servir immédiatement à accroître les ressources que la langue maternelle doit sans cesse tenir à sa disposition. - (583) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 7 juin 1855. M. F. Fénis, directeur. M. QuereLer, serétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, de Keyzer, Roelandt, Eug. Simonis, Jos. Geefs, Érin Corr, Snel, Fraikin, Partoes, Ed. Fétis, Edm. de Busscher, membres ; L. Calamatta, associé; Bosselet et Alph. Balat, correspondants. ———— CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition de l'arrêté qui confère au sieur Désiré Mergaert de Cor- temart, lauréat du grand concours de peinture de 1854, la pension de 2,500 francs à laquelle il a droit pendant quatre ans, afin de pouvoir voyager dans le but de se per- fectionner dans son art. — M. Hemleb, professeur de musique à Namur, et L.-Jos. Senez, professeur à l'Ecole de musique de Tournai, Tome xx11. — Ï"° PART. M ( 584 ) sont admis, sur leur demande, à faire partie de l’associa- tion de la Caisse centrale des artistes belges. CONCOURS DE 1855. La classe avait mis quatre questions au concours de 4855, savoir : PREMIÈRE QUESTION. Quel est le point de départ et quel a été le caractère de l’école flamande de peinture sous le règne des ducs de Bour- gogne? Quelles sont les causes de sa splendeur et de sa dé- cadence ? Il a été reçu deux mémoires portant pour épigraphes : Le n° 1. Et nolite quasi inimicum existimare, sed corripile ut fratrem. (S. Pauz ap Timoru., 1, 15.) Le n°2. Munus et officium , nil scribens ipse , docebo Unde parentur opes, quid alat formetque poetam, Quid deceat, quid non ; quo virtus, quo ferat error. (Honacr.) (Commissaires : MM. Navez, Ad. Siret et Alvin.) DEUXIÈME QUESTION. La musique exerce-t-elle sur les mœurs une influence sa- lutaire? Tous les genres de musique sont-ils également pro- ( 585 ) pres à exercer cette influence? Les formes actuelles de l'art lui assurent-elles une action morale utile; peuvent-elles étre considérées comme étant en progrés sous ce rapport, el quelles modifications doivent-elles subir pour atteindre à leur plus haute puissance civilisatrice ? Examiner à ce point de vue les différents genres de musique : la musique reli- gieuse, la musique dramatique, la musique purement vo- cale ou instrumentale et la musique populaire. Un mémoire avec l’épigraphe : La musique adoucit les mœurs et le caractère de l’homme. (Commissaires : MM. Ed. Fétis, F. Fétis et Snel.) TROISIÈME QUESTION. Faire connaître les modifications et changements que l'ar- chitecture a subis par l'introduction et l'emploi du verre à vitres dans les édifices publics et privés. Préciser l'époque de cette introduction et désigner les transformations et les amé- liorations successivement obtenues depuis par ce nouvel élé- ment. Un mémoire avec l’épigraphe : L'emploi du verre à vitres pour la clôture et la décoration des édifices a fait subir di- verses transformations à l'architecture qu'il est intéressant de faire connaître au public et aux artistes. (Commissaires : MM. Roelandt, Partoes et de Busscher.) QUATRIÈME QUESTION. A quelles causes faut-il attribuer la bonne conservation des œuvres de peinture de certaines écoles et de certains maîtres ? Quels ont été, d'une part, les motifs des altéra- ( 286 ) tions qu'ont subies les productions d'autres époques et d'au- tres maîtres ? Examiner à ‘ce point de vue les propriétés des couleurs, des huiles et des vernis, en tenant compte de la préparation des toiles et des panneaux. Indiquer les procédés d'exécution les plus propres à prévenir les altérations du co- loris dans la peinture à l'huile. La classe a reçu deux mémoires : N° 1. Avec la devise : Alterius sic Altera poscit opem res, et conjurat amice. (Horar. de Arte poetica.) N° 2. Avec l’épigraphe : Le Titien, Paul Véronése et Ru- bens , peintres célèbres et les plus grands coloristes connus, étaient d'habiles chimistes et fabriquaient eux-mêmes leurs couleurs. (M. LENorr.) (Commissaires : MM. Ed. Fétis, de Keyzer et le colonel Demanet.) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Peinture murale à l'huile. — Notice par M. Edm. de Busscher, membre de l’Académie. L'on vient de découvrir , tout fortuitement, au fond de la grande boucherie de Gand, à l’endroit où se trouvait jadis l'autel de la chapelle du métier des bouchers, et sous un badigeon plusieurs fois réitéré, une très-ancienne et très-intéressante peinture murale. (587) Ce n'est point une fresque peinte avec des couleurs délayées à l’eau , ou travaillée à la détrempe, c'est une peinture à l'huile , exécutée sur un enduit à la chaux. Si nous acceptons comme date réelle de l'exécution le millésime donné par l’inscription gothique, en lettres jau- nâtres ou primitivement en or, qui se lit au bas de la pein- ture : 1448, c’est aujourd'hui la plus ancienne œuvre de ce genre existant en Belgique, et, sous ce point de vue, un monument artistique fort remarquable. Si, malgré ce que l’on déchiffre de l’inscription : HEEFT DOEN MAKEN JACOB DE... MEN SCHREF MCCCCXLVII (..... & fait exécuter Jacques de... on écrivait 1448), il nous était prouvé que cette peinture murale fut peinte postérieure- ment à cette date, d’après un carton ou un tableau de l’année indiquée, cette preuve pourrait modifier notre appréciation esthétique, mais n'ôterait point à la décou- verte l'intérêt de chronologie qui s'y rattache. Il est con- stant, d’ailleurs, que le style du dessin, l'agencement, les attitudes et le coloris même décèlent le faire caractéris- tique d’une époque très-reculée, qu’ils offrent le cachet de l’école flamande primitive; cela est évident, surtout dans les plis et les parties drapées des vêtements, traités à la manière des Van Eyck et de leurs élèves. Aucun document contemporain ne nous met à même de préciser en quelle année et dans quelle circonstance fut appliqué sur la peinture murale le badigeon qui l'a déro- bée si longtemps aux regards, et bien certainement à la destruction. — Était-ce lors des dissentiments et de la guerre qui surgirent, en 1451, entre les Gantois et leur comte-duc, Philippe le Bon, et que termina la sanglante bataille de Gavre, en 4453 ? — Était-ce lors de leur sou- lèvement à la Joyeuse -entrée de Charles le Téméraire, en ( 288 ) 1467? — Était-ce enfin lors des troubles religieux et des dévastations des iconoclastes, en 1566 et 1578? Le sujet du tableau suggère l’une et l’autre de ces suppositions, mais le renouvellement visible de l'inscription primitive nous fait pencher pour la troisième hypothèse. En tous cas, dès le commencement du nettoiement de la peinture, on à pu se convaincre que le premier badigeon y avait été appliqué dans le but de la soustraire momentanément à quelque danger, car on y avait mis d’abord une couche préservative de colle liquide. Nous n’essayerons pas d’expliquer comment le secret de celte conservation a été si bien gardé; comment le sou- venir de la peinture murale de la chapelle des bouchers, peinture que toute la corporation a dû connaître, s’est si complétement effacé, que la tradition même de son exis- tence s’est perdue. L'histoire artistique des Flandres est pleine de ces énigmes. On ne sait pas au juste quand fut construite à Gand la grande boucherie, bien que l’on ait des données sur son existence, à l'endroit actuel , en 1404, et sur sa recon- struction vers 1408-1416 ; on ignore quand fut construite la chapelle des bouchers , incorporée seulement en 1828 au bâtiment de la boucherie; on ignore quand fut établi l'autel ou le retable derrière lequel se cachait, sous le badigeon protecteur, notre peinture murale; à peine sait- on que l’autel fut démoli sous l'ère républicaine, à la pre- mière révolution française. Depuis lors les maçons annexèrent la chapelle au bâti- ment contigu; ils pratiquèrent dans le mur du fond des trous pour les sommiers et les poutrelles, jusques au milieu de la peinture, qu’ils détérioraient sans le savoir, et l’on n’aperçut, ni l’on ne découvrit rien !.… ( 289 ) La peinture murale est à environ 4 mètres du pave- ment, et elle occupe un compartiment ogival de 3 mètres de hauteur sur 4 à 5 mètres de largeur. La composition, allégorie mystique bien agencée , représente l’Adoralion de l'Enfant-Jésus à la Nativité. La Vierge-mère est placée dans le cadre ogival au plan le plus élevé; son fils, le divin enfant, est couché à ses pieds, au milieu d'une brillante auréole, à fond d’or, entre deux anges adora- teurs. À la droite de la Vierge est agenouillée une sainte, reconnaissable au nimbe des élus; ses cheveux flottent sur ses épaules et elle est vêtue d'une robe de couleur poupre violet à reflets jaunâtres. Ala gauche est une figure d'homme en tunique bleue, et dont la tête est effacée. Au centre de la composition, à peu près sur le premier plan, est un personnage religieux, vu de dos € en buste seulement, par suite de la dégradation qu'« subie le mur en cet endroit, à la pose du retable ou du tabernacle de l'autel de la chapelle des bouchers. Les mains levées vers le Rédempteur nouveau-né, il l'adore dans une dévotieuse extase. Sur l’avant-plan sont Philippe le Bon, due de Bourgo- gne et comte de Flandre, et sa troisième femme, Isabelle de Portugal. Ils sont agenouillés, les mains jointes, de- vant des prie-Dieu, sur lesquels sont leurs livres d'heures. Philippe est en riche costume mi-guerrier, et porte sur son harnais de guerre, en cuivre doré et à jambières, une cotte d'armes ou tunique armoriée de Bourgogne et de Flandre; ses soulerets sont chaussés de l’éperon d’or de la chevalerie. Le collier de la Toison d’or, de cet ordre illus- tre qu’il institua à Bruges, en 1450, à ses noces avec l'infante Isabelle, ôterait tout doute sur son identité, s'il pouvait y en avoir. La housse de son prie-Dieu, à ses ( 590 ) couleurs et émaux, est parsemée de la devise parlante de son ordre : fusils, briquets bourguignons et étincelles d'or (Ante ferit quam flamma micat). Derrière lui est age- nouillé son fils, le comte de Charolais, en 1448 âgé de 15 ans, et surnommé plus tard Charles le Téméraire. Il est en même costume mi-guerrier armorié, et porte, comme son père, l'épée à poignée d’or. Au-dessus de leurs têtes se voient leurs écussons, surmontés du heaume à la double fleur de lis en cimier et garnis de lambrequins. L’écu supérieur est tenu par un ange. La duchesse de Bourgogne est vêtue d’une robe rose damassée de rouge amarante, et sou prie-Dieu est orné de petits blasons à ses armes. Derrière elle est aussi un personnage à genoux; sa colle d'armes est blasonnée des armoiries de Clèves. Cette figure ne se distingue que confusément ; ce côté de la peinture est encore sous le badigeon , et assez détérioré. On présume que c’est le duc Adolphe de Clèves, beau-frère de Philippe le Bon, ou plutôt, pensons-nous, son neveu, le damoiseau Jean de Clèves, jeune prince élevé avec le comte de Charolais à la cour de Bourgogne et que le duc Philippe affectionnait beaucoup : en 4451 il le créa cheva- lier de la Toison d'or. Ce qui justifie la dernière de ces hypothèses, c’est la répétition de l’écu de Clèves suspendu au-dessus de la tête de ce personnage (qu’on ne saurait dire jeune ou vieux), et le lambel que l’on croit remarquer parmi des armoiries. Le quatrième écu, placé plus haut, est indéchiffrable. C'était le blason d'Isabelle de Portugal. La composition que nous venons d'analyser comprend douze figures de grandeur naturelle, disposées avec entente dans le cadre ogival. En général, la peinture a fortement souffert, plusieurs parties en sont entièrement effacées, ou ont été endommagées par le placement des poutrelles. ( 591 ) Les portraits du duc Philippe et de la duchesse Isabelle, ainsi que la Vierge-mère et l'Enfant-Jésus ressortant sur le fond lumineux de son auréole, sont les mieux conservés. L'action mystique, qui se passe dans l’air, et la double scène qui constitue l’ensemble allégorique de la composi- tion, sont placées dans un site agreste. Entre les divers personnages on découvre un fond de paysage, d’une per- spective naturellement défectueuse, et l’on y entrevoit des arbres, des arbustes et même des animaux. Le croquis ou trait qui accompagne cette notice donne une idée assez exacte de l'aspect actuel de notre peinture murale. Le costume de la Vierge est en quelque sorte chronologique : il est bien du XV"* siècle. Elle porte le chaperon à cor- netle rouge, une ample robe de dessus bleuâtre, à doubles manches, relevées et serrées. Sa robe de dessous est d’une belle nuance écarlate. Cette peinture murale, considérée sous le rapport de l'art plastique, c'est-à-dire du dessin et du coloris, n'est pas du premier mérite, tant s’en faut; mais, comme spé- cimen de peinture murale à l'huile d’une époque aussi recu- lée que le XV®* siècle, car nous ne concevrions pas la reproduction d’un pareil sujet au X VI"° ou au XYII" siècle, le tableau de la grande boucherie de Gand est une pré- cieuse découverte pour l’histoire artistique des Flandres. La commission de conservation des monuments de Gand a été appelée par M. Kervyn de Volkaersbeke, échevin des travaux publics, à se prononcer sur le nettoiement et la restauration de cette peinture. Un subside provisoire a été voté par le conseil communal, et le magistrat gantois prend à cœur de remettre dans le meilleur état possible et de conserver ce curieux monument de l’ancienne école flamande. ( 592 ) Malheureusement le nom du peintre nous est inconnu. Ainsi que cela avait lieu le plus souvent au moyen âge, l'inscription mise au bas du tableau n’indiquait que le nom du donateur : Heeft doen maken Jacob de. nom de famille illisible, qu'un de nos paléologues, M. Charles Vervier, président de la commission des monuments, a déchiffré partiellement et complété de cette manière : JacoB DE KereLBo(etere). La plupart de nos vieux tableaux ne portent point de signature, mais sont parfois marqués, comme les premières eaux-fortes des graveurs, d’un signe distinctif, d’une espèce de rébus énigmatique ou analogique, sous lesquels la défiance de soi, la fantaisie et l'originalité artistique se cachaient. En est-il de même ici, se disait-on, et ce volatile (coq ou poule, — haen, henne), qui termine l’in- scription flamande de notre peinture murale, ne nous offrirait-il pas le mot de l'énigme, le nom du peintre? Y aurait-il de l’invraisemblance à croire à l’analogie de consonnance de l’une de ces désignations haen, — henne, et le nom de Pierre Hunne, peintre gantois, membre de la corporation plastique de Gand, reçu franc-maitre en 1495, élu juré en 1444 et doyen en 1466? Ce rapprochement linguistique n'était, en effet, ni étrange, ni inusité ; sans soutenir la réalité du résultat de la conjecture, nous étions tout disposé à l’adopter. Un peu de badigeon, détaché par hasard, à tranché la question : le bipède de basse-cour est devenu un quadrupède héral- dique, un griffon, et Pierre Hunne s'est évanoui. Le nom du peintre nous restera probablement inconnu. Mais le millésime de la peinture murale de la grande boucherie de Gand, pourquoi ne pas l’admettre, jusqu'à preuve contraire? Les archives de Gand ne recèlent-elles ( 295 ) pas des traces de l'exécution de semblables peintures, antérieures même à 1448? N'avons-nous pas, parmi nos plus intéressants docu- ments artistiques, la convention passée, en 1419, entre Jehan Sersymoens, Jehan Willaert et Pierre Weytier, receveur de la ville de Gand, d’une part, et les peintres Guillaume van Axpoele et Jehan Martins, d’autre part, pour la restauration et l'exécution en couleurs à l'huile des peintures murales du vestibule de la maison échevinale? — Ces peintures représentaient la série dynastique des comtes de Flandre, depuis Baudouin Bras de Fer jusqu’à Jean sans Peur. N'avons-nous pas aussi l’accord conclu, en 1425, entre Jehan Van den Rode et Jehan de Stoenere (ou de Scoe- nere), franc-maître peintre, pour l'exécution des peintures murales à l'huile (van olinne veruwe) de la chapelle de- N.-D. à l’église de Saint-Sauveur à Gard? — Les pein- tures conditionnées devaient représenter des épisodes de la vie de la Sainte Vierge, et dans la travée de la voûte, au- dessus de l'entrée de la chapelle, de Stoenere avait à peindre la Cène. Nous pourrions citer plusieurs autres actes analogues : nous nous bornons aux peintures murales à l'huile de 1419 et de 1425; ces exemples nous semblent concluants. » ( 594 ) Les artistes belges à l'étranger. Marmieu ET PauLz Biz; par M. Ed. Fétis, membre de l’Académie. Les deux peintres auxquels est consacrée cette notice méritent une attention particulière. Un vif intérêt s’at- tache surtout aux travaux du second. Les seuls motifs de cet intérêt ne sont pas la manifestation d’un mérite indivi- duel, le nombre et l'importance des œuvres, une renommée qui a subi victorieusement l'épreuve du temps. Ce qui donne un puissant relief à la figure de Paul Bril dans le tableau de notre art national, c’est l'influence que ce maître exerça sur le développement d’un genre qui n’exis- tait avant lui qu’à l’état débauche. Quelques-uns ont attribué à Paul Bril l'invention du paysage. D’autres ont réclamé contre cette assertion, en prouvant, ce qui était aisé, que différenis peintres avaient précédé l'artiste anversois dans la reproduction de la na- ture inanimée. Certes, Paul Bril n’est pas le premier qui ait représenté dans un tableau des arbres, des prés, des collines, des fleuves. Ces éléments pittoresques se trouvent nécessairement dans les pages des plus anciens maîtres qui ont traité les scènes extérieures de la Bible. Com- ment, par exemple, auraient-ils montré Adam et Eve dans le paradis terrestre, sans faire du paysage? seule- ment ce n'était pour eux qu'un accessoire, comme l'ar- chitecture et les objets décoratifs dans les scènes inté- rieures. Au moyen âge et dans les commencements de la renaissance, les arts n'étaient que l'expression du senti- ment religieux. On ne pensait pas qu'ils pussent avoir une autre destination, Le peintre, le sculpteur, lémail- ET PATES ( 295 ) leur, l'orfévre empruntaient invariablement leurs sujets à l'Ancien et au Nouveau Testament. Ils ne se croyaient pas plus appelés à représenter les images de la nature que les épisodes de la vie familière. Leurs œuvres, destinées à orner les églises, les chapelles des monastères et les ora- toires, devaient nécessairement rester dans les limites des idées mystiques. Si la réformation, en portant atteinte au sentiment religieux, rendit plus rares les œuvres empreintes d’un cachet de foi vive et sincère, 1l faut avouer qu’elle élargit le cercle des inspirations de l'artiste, multiplia les sujets des compositions pittoresques et plastiques, et donna aux artistes des moyens de variété qui leur avaient manqué jusqu'alors. Les scènes bibliques, les images de saints n'étaient plus d’un intérêt universel; elles froissaient au contraire les convictions d’une partie des populations. Les peintres furent amenés forcément à chercher de nouveaux motifs de tableaux et se mirent à observer la nature. Cet ordre d'idées devait donner naissance à la peinture de genre ou familière, au paysage, à la marine, à tout ce qui a pour objet la reproduction des formes du monde extérieur. Nous ne pouvons être de l'avis de M. Deperthes, auteur d’une Histoire de l'art du paysage, qui s'exprime ainsi au sujet de l’un des deux artistes dont nous allons nous occu- per : « C’est sans aucune apparence de raison que Mathieu Bril, peintre flamand, passe assez communément pour avoir le premier traité le paysage isolément, c’est-à-dire en avoir formé un genre distinct et séparé des autres genres de la peinture. » Il est vrai que l’écrivain n’est pas lui- même très-affermi dans l'opinion qu’il exprime, car il se contredit quelques lignes plus bas en ajoutant : « Tout ce qu'il serait permis de faire remarquer en faveur de Mathieu Bril, c'est qu'aucun peintre avant lui, n'ayant sans doute ( 296 ) envisagé le paysage comme devant former un genre à part, ne s’en était occupé d’une manière exclusive. » L’er- reur de M. Deperthes vient de ce qu'ayant considéré comme paysagistes les peintres qui avaient introduit le paysage comme accessoire dans leurs tableaux, il était, sous l’in- fluence de cette fausse idée, remonté jusqu’à Giotto. Né à Anvers en 4550, Mathieu Bril s'était dirigé de bonne heure vers l'Italie. À peine était-il arrivé à Rome, que le pape lui confia l'exécution de travaux considérables dans les salles du Vatican. En conclurons-nous que Ma- thieu Bril fut un grand peintre? Ce serait exagérer le mérite de notre artiste. Il devait cependant y avoir une raison à l’accueil qu’il reçut dans un pays où certes les mai- tres habiles ne faisaient pas défaut. La raison, c’est qu'il ap- portait un genre nouveau. Il fut, à la vérité, bientôt après, dépassé dans ce même genre; mais il n’en avait pas moins le mérite de la priorité. Les fresques peintes par Mathieu Bril dans le palais pontifical et représentant, celles-ci des paysages, celles-là des processions religieuses, furent louées par tout ce qu’il y avait de bons juges à Rome. Cela peut suffire à la gloire de notre artiste. Plus jeune que son frère de six années, Paul Bril se livra, comme lui, de bonne heure à l'étude de la peinture. Tous les biographes lui donnent pour maitre un artiste appelé Daniel Woltermans. M. De Laet, auteur de la No- tice explicative du musée d'Anvers, fait remarquer qu’on ne connaît pas de peintre de ce nom, et qu'il s’agit vraisem- blablement de Damien Oortelman, cité dans les archives de la confrérie de Saint-Luc. Cette supposition se fortifie d’un renseignement donné dans la description de la gale- rie Lichtenstein, de Vienne, publiée en 1767. Vicenzio Fanti, peintre et conservateur de cette collection, qui fait ( 597 ) suivre le catalogue des tableaux d’une série de notices bio- graphiques des maîtres dont il a décrit les œuvres, dit que Paul Bril fut élève d’un certain Damiano Hortemans. Il n’ajoute pas malheureusement à quelle source il a puisé cette indication. Ce ne peut être le hasard qui l'ait mis sur la voie de ce Damien Oortelman inscrit sur les regis- tres de la corporation d'Anvers, et qui le lui ait fait don- ner pour maître à Paul Bril avant que M. De Laet ne relevät l'erreur des écrivains flamands, italiens et fran- çais, au sujet du peintre imaginaire Daniel Woltermans. M. Fréd. Villot, auteur de la nouvelle Notice des tableaux de la galerie du Louvre, reproduit l'observation du catalo- gue du musée d'Anvers relative au vrai nom du premier maître de Paul Bril, mais sans citer son auteur. Paul Bril travaillait donc sous la direction de Damien Oortelman; mais il ne paraît pas que ce fût avec un grand succès. [l faisait son apprentissage en peignant des cou- vercles de clavecins. A cette époque, les artistes appli- quaient leurs talents à une foule d'objets pour lesquels leur coopération n’est plus réclamée aujourd’hui. Ce qui faisait le luxe de certains meubles, c'était les peintures et les sculptures dont ils étaient ornés. On masquait ainsi très-heureusement la simplicité des bois indigènes. Quand vinrent les bois des îles, on trouva plus commode de n'avoir plus qu'à polir les meubles pour les faire briller d’un vif éclat. Cependant on se fatigua à la longue de la monotonie de ces panneaux miroitants, et, pour en varier l'aspect, on eut recours aux incrustations faites par des moyens mécaniques et sur des modèles uniformes. Ce sont là les grands progrès de l’industrie moderne. Paul Bril peignait donc des clavecins et ne manquait pas d'ouvrage, car la fabrication de ces instruments, que les Ruckers por- ( 598 ) tèrent, un peu plus tard, à un haut degré de perfection et de prospérité, avait déjà mis en renom les facteurs d’An- vers. Les biographes nous disent que Paul Bril quitta sa ville natale pour se rendre à Bréda; mais ils ne nous font pas connaître quels furent les motifs de cette excursion. Ils ajoutent seulement que les parents de notre artiste ne tardèrent pas à le rappeler, pour combler le vide laissé dans la maison paternelle par le départ de l’ainé de la famille pour l'Italie. Paul Bril ne serait resté que peu de temps à Anvers. La nouvelle des succès obtenus par Mathieu à Rome excitant, dit-on, sa jalousie ou plutôt, sans doute, son émulation, il serait parti furtivement pour aller également chercher fortune au delà des Alpes. Il n'aurait fait que traverser Paris, se serait arrêté quelque temps à Lyon, puis aurait gagné la cité pontificale. Paul Bril avait vingt ans lorsqu'il devint l'élève de son frère. On ne peut pas dire de lui, comme de beaucoup d’autres peintres, qu’il montra des dispositions précoces. Cette formule traditionnelle ne lui est pas applicable. Ses instincts d'artiste étaient, au contraire, lents à se mani- fester. Aidé des conseils de Mathieu, il franchit cependant plus rapidement qu’on n'aurait pu le croire la distance qui séparait les peintures décoratives des clavecins d’An- vers des fresques du Vatican. Peut-être ne lui avait-il man- qué que de bonnes leçons. Peut-être aussi l'excitation causée par la vue des chefs-d'œuvre de l'art italien et par l’activité de production dont le vaste atelier romain offrait l'exemple, fut-elle le principe fécondant qui fit éclore subi- tement le germe qu'il portait en lui. Mathieu Bril n’eut bientôt plus rien à enseigner à Paul, qui l’égalait déjà et devait le dépasser à dater du jour où, en possession des procédés pratiques, il pourrait se livrer ( 599 ) à ses propres inspirations. La mort vint le surprendre au milieu de ses travaux. Il n’était àgé que de 54 ans lors- qu'il rendit le dernier soupir entre les bras de son frère. Oceupé presque exclusivement des fresques du Vatican, dans sa courte carrière, Mathieu Bril n’a eu le temps de peindre qu'un petit nombre de tableaux de chevalet. On a de lui : Au musée de Naples, une Plaine avec des chasseurs. Au musée de Dresde : 1° Un paysage où l’on voit Le jeune Tobie se rendant à Haran avec sa femme; 2 une Chasse au sanglier. Au musée de Vienne (collection d'Ambras), un Site pittoresque avec un lac entre des montagnes et de belles masses de rochers près desquels des bergers font paître leurs troupeaux. Dans la collection du Louvre, Chasse aux daims et une Chasse aux cerfs. On a gravé, d’après Mathieu Bril, deux recueils dont voici les titres : Topographia variarum regionum Hagae Comit., ab Hon- dio excusa 1614, suite de 29 pièces. Topographia aeri incisa a Simone Frisio ab C. Visschero excusa , suite de 25 pièces. Dans l'œuvre de Raphaël Sadeler se trouvent deux paysages d’après Mathieu Bril. Paul Bril fut chargé, par le pape Grégoire XII, de con- tinuer les travaux entrepris par son frère. Nul autre que lui ne fut jugé capable de remplir cette tâche. Un hom- mage, certes, très-désintéressé est rendu par un critique italien à la supériorité déployée par nos artistes dans un genre où 1l avoue qu’ils n'avaient point de rivaux à Rome même. « Bien que dans notre Italie la représentation des TOME xx11. — l'* PART. 42 ( 600 ) paysages et des vues de la nature se soit toujours avancée vers la perfection depuis l’époque où Giotto fit revivre la peinture, jusqu'à celle où lon vit paraître les. chefs- d'œuvre du Fitien et des Carrache, on ne peut nier que l’art de faire des paysages, c’est-à-dire des tableaux dans lesquels la principale intention était de montrer des cam- pagnes ou des plages maritimes, ne soit venue de la Flandre. La variété des aspects que présentent, dans ces contrées, les plaines, les collines, les fleuves et les mers, inspire les artistes qui s'appliquent à reproduire ces beau- tés pittoresques. Parmi les excellents peintres de paysages ultramontains admirés en Italie dans le siècle passé, nul ne le fut davantage et à plus juste titre que les deux frères Mathieu et Paul Bril, d'Anvers, et certes, si dans le siècle présent, les paysagistes ont appris à se rapprocher de la nature par le coloris et à disposer les vues avec goût, c’est à ces deux peintres qu'en revient la première gloire. I pourra paraître étrange qu’à une époque où l’art du dessin et celui de la peinture avaient atteint un si haut degré de perfection , les plus grands peintres de figures aient solli- cité le concours du pinceau des artistes flamands pour ceux de leurs tableaux où il y avait des vues de paysages. » Ainsi s'exprime Baldinueci. Tous les peintres flamands qui allaient visiter Fftalie faisaient des emprunts à cette contrée privilégiée. Tous en revenaient sinon transformés, du moins modifiés; tous subissaient l'influence du génie méridional dans une cer- taine proportion relative au degré d'originalité dont ils étaient doués. Mathieu et Paul Bril furent les premiers qui : portèrent en Italie une forme nouvelle de l'art. Si leur ta- lent s'y compléta par un contact prolongé avec les grands mäîtres des écoles de Venise, de Florence, de Bologne et Puletins de l'Académie, t.AXI, 17€ part, p. 6vo a pan) es | | | | «on | | : | | . | D DE | | Æ | ; £ k À Fe 2 > ER | fr. / a ÿ 74 \ 1] fr À ra? | (l = t : | | | | Nina \ (l | \ \ | 2 > \ Ÿ / À L È | 2 = | AN ë | Et À Fa | À \ IL | Y \ | \ jn | lu | | \ Tor Ân | | | E À | | l u\ x | | | at — \ | NS N INA OR EL {| P”Uf GER £ \ | a TRS TAC = z EVA Æ = = < GE = {| ) OUEN n AC0) el ( it ñ ZI | cn 2: 22 —— d2 = ( 601 ) de Rome, ils donnèrent, en définitive, plus qu’ils ne reçu- rent, puisqu'en échange du développement des qualités communes à toutes les œuvres de peinture, ils ouvrirent au génie de leurs contemporains et de leurs successeurs une route jusqu'alors inexplorée , ainsi que les historiens de la peinture italienne le reconnaissent eux-mêmes. Baldinueei n’attribue pas sans raison à la nature des sites de la Flandre, à leur caractère pittoresque, à leur variété, l’idée qu’eurent nos artistes de s'appliquer exclu- sivement à la reproduction des vues extérieures. Prairies plantureuses, fleuves et rivières aux eaux profondes, forêts où la diversité des feuillages multiplie les occasions d'effets, fabriques ayant au plus haut degré le cachet rusti- que, vallées riantes, plaines sévères, tous les éléments du paysage s’offraient à eux en abondance; ils n'avaient qu’à choisir. Les inconvénients mêmes du climat étaient un avantage. Les ciels nuageux, les brumes du matin et du soir, la vapeur dans laquelle se fondent à l’horizon les contours des objets, sont pour le paysagiste des ressources précieuses et qui manquent aux peintres du Midi. Cest donc dans nos provinces que devait naître le genre auquel se rattache glorieusement le nom de Paul Bril. À dater de la mort de son frère, Paul Bril put donner à son talent une direction vraiment indépendante. En lui communiquant ses qualités, Mathieu ne lui avait pas épar- gné ses défauts, qui étaient le manque d'harmonie et la sécheresse. N’était-ce pas, d’ailleurs, pour Paul une obli- gation que d'imiter en tout point la manière de son aîné, tant que celui-ci l'employa à l’exécution de ses peintures du Vatican? On à dit généralement que Paul Bril réforma sa manière et fit de grands progrès dans son art, lorsqu'il eut vu les tableaux du Titien et des Carrache. Nous ne ( 602 ) pouvons admettre cette explication du changement qui s'opéra dans son style, car si la cause eût été celle qu’on prétend , les effets s'en fussent fait sentir dès son arrivée en Italie, tandis qu'ils se manifestèrent seulement après la mort de Mathieu. Pour qu’on püt attribuer à la vue des chefs-d'œuvre du Titien et des Carrache la résolution qu'aurait prise Paul Bril d'entrer dans une nouvelle voie, il faudrait qu'il y eût une certaine analogie, à partir de ce moment, entre sa peinture et celle des deux maîtres dont il se serait inspiré. Or, cette analogie n'existe pas. Tout en se modifiant, il ne cesse pas d'être lui-même. Paul Bril n’a pas une de ces organisations sans reliefs et disposées à recevoir des empreintes étrangères. Le carac- tère de sa personnalité est au contraire fortement accusé dans ses œuvres. Il a eu des imitateurs, mais il n’a lui- même imilé personne. Après avoir terminé, dans les salles du Vatican, les pein- tures laissées inachevées par Mathieu et auxquelles il con- sidérait comme un devoir de ne rien changer, Paul Bril entreprit de nouveaux travaux où il donna un libre cours à son génie. L'une des entreprises les plus hardies qui aient jamais été tentées par un paysagiste est celle d’une fresque de soixante pieds qu’il exécuta dans la Salle Neuve du palais pontifical. Le sujet de cette vaste composition lui avait été désigné par Clément VIIT : c'était le martyre de saint Clé- ment, attaché à une ancre et jeté à la mer. Un succès com- plet couronna ce brillant exploit de notre artiste et lui valut de nouvelles commandes du souverain pontife qui le chargea de décorer son appartement d'été de six grands paysages offrant les vues des principaux monastères situés dans les États Romains. On assure que Clément VIF, qui honorait Paul Bril d’une bienveillance particulière, allait ( 605 ) passer des journées entières à le voir peindre, pendant qu’il exécutait ces derniers tableaux. L’approbation donnée à la fresque du Vatican engagea Paul Bril à traiter encore des sujets auxquels on peut donner le nom de marines historiques. Sous les voûtes de l'escalier de la Scala Santa, près de Saint-Jean de Latran, il représenta, dans deux grandes compositions, le prophète Jonas englouti par la baleine, puis rejeté par le monstre sur le rivage. Bien qu'il ne soit pas d'usage de faire parti- ciper la peinture de paysage à la décoration des édifices religieux , Paul Bril eut la commission de travaux impor- tants dans plusieurs églises. L'ampleur sévère de son style et l'intelligence avec laquelle il savait animer de beaux sites par des sujets appropriés à leur nature, motivait la faveur accordée à ses productions. Il peignit à la Chiesa Nuova la Création du monde, dans l’église Saint-Vital dix grands paysages et dans celle de Sainte-Cécile une com- position qui en remplit la voûte. Dans le jardin des pères théatins , à Monte-Cavallo, il fit, non des scènes de l’his- toire de saint Bernard, comme l'ont dit plusieurs écrivains, mais les paysages de ces tableaux peints par Baltazar Pe- rozzi. À la demande des jésuites, il décora d’oiseaux aux vives couleurs la chapelle de S'-François dans leur église. Nous venons de dire que la peinture de paysage n'avait pas généralement accès dans les édifices consacrés au culte. Cette exclusion est beaucoup moins absolue en Italie que dans les autres contrées de l'Europe catholique. Un peuple qui a le sentiment de toutes les poésies doit avoir com- pris que la gloire du Tout-Puissant ne peut être mieux célébrée que par la représentation de ses œuvres les plus parfaites, et que le spectacle des beautés de la nature est bien fait pour élever l’âme vers la contemplation re'igieuse. ( 604 ) La faveur du souverain pontife devait procurer à Paul Bril celle des grands dignitaires de l’Église. Il fut, en effet, employé par plusieurs d’entre eux à décorer les somptueuses demeures où ils aimaient à rassembler les chefs-d'œuvre de l’art moderne comme ceux de l’anti- quité. Le cardinal Montalti lui fit peindre un salon entier, le mettant en concurrence avec Viola, élève d’Annibal Carrache, contre lequel il soutint bravement une lutte de pinceau qui se termina à l'honneur de la Flandre. Au palais Borghèse, il travailla en même temps que le paysa- giste napolitain Philippe d’Angeli. Le cardinal Mattei lui commanda pour sa villa une suite de vues des châteaux appartenant à sa famille. C’est au palais Rospigliosi surtout que les œuvres capi- tales de Paul Bril sont en grand nombre. Dans la galerie dont le plafond est du Guide et la frise de Tempesta, Bril a exécuté quatre paysages à fresque. « On y trouve, dit l'abbé Richard, dans ses Mémoires sur l'Italie, l'élégance et le fini de ses meilleurs tableaux. » Dans le même palais, une chambre entière est peinte par Mathieu et par Paul Bril; plusieurs tableaux de ce dernier décorent encore d’autres salles en compagnie de toiles du Poussin et de Salvator Rosa. Tels sont les témoignages de son génie laissés à Rome par Paul Bril. Après avoir dit quels furent ses travaux dans la peinture monumentale ou décorative, il nous reste à le considérer dans ses tableaux de chevalet. Notre artiste a été diversement jugé, selon que les critiques ont pris leurs sujets de comparaison dans la période qui a précédé son apparition, ou dans celle qui l’a suivie. Si l'on met ses productions en parallèle avec les peintures de maitres d’une époque postérieure à la sienne, on leur trouvera des ( 605 ) défauts que n'offrent pas ces dernières et que leurs auteurs ont pu éviter, en partant du point où il avait porté le genre du paysage; mais si on les place en regard des tableaux de ses prédécesseurs, on leur donnera des éloges presque sans correctif. C’est une distinction importante et qui devrait toujours être faite, lorsqu'il s'agit d'apprécier le mérite des œuvres qui datent d’un temps où certaines formes par- ticulières de l’art n'étaient pas encore nettement fixées. Une des heureuses innovations signalées par tous les historiens de la peinture comme ayant été introduites par Paul Bril dans la représentation des sites de la nature, c'est l’abaissement de l'horizon. Ce fut toute une révo- lution opérée dans le sens du pittoresque et de la vérité. Toutefois, M. de Hagedorn, qui constate le fait dans ses Réflexions sur la peinture , ajoute que Paul Bril n'avait pas de règle absolument fixe à cet égard et qu'il modifiait son point de vue selon la disposition de la scène qu’il voulait représenter, suivant le nombre des figures qu'il plaçait dans ses paysages et selon l’action à laquelle il les faisait participer. Le même écrivain dit, en parlant de Paul et de Mathieu Bril, que les Alpes les instruisirent dans la manière de traiter le paysage et qu'elles firent naître dans l'esprit des deux frères le goût de choisir de belles contrées. M. Nagler se montre moins bienveillant, disons même moins juste pour notre artiste. Après avoir dit, comme tous les autres biographes, et cela sans raison, que Paul Bril perfectionna son style d’après Titien et les Carra- che, il lui reproche de n’avoir pas su prendre aux maîtres italiens leur gamme chaude, de tomber habituellement dans le vert. Suivant le critique allemand, les figures de Paul et de Mathieu Bril sont des paysans flamands dans des campagnes italiennes. Vient ensuite un éloge de la ( 606 ) richesse d'invention et du sentiment pittoresque de Paul Bril. « Ce peintre et Both, dit M. Nagler, ont été les pré- curseurs du maître qui trouva la plus haute expression du rendu de la nature italienne : de Claude Lorrain. » Certes, la gloire justement attribuée à Paul Bril d'avoir ouvert la route où devait s’illustrer Claude Lorrain est une large compensation aux reproches adressés quelques lignes plus haut au maître flamand. Un autre critique allemand, M. Kugler, dans son Ma- nuel de l'histoire de la peinture (HANDBuCH DER GESCHICHTE DER MaLerE‘), s'exprime ainsi au sujet de notre artiste : « En même temps qu'Annibal Carrache vivait à Rome, un grand artiste flamand, qui eut la plus notable influence sur le développement du paysage et qui s'approcha de Carrache lui-même : cet artiste était Paul Bril. » En analysant les caractères distinctifs de la peinture du paysagiste anversois, M. Kugler dit qu'on distingue dans les œuvres de sa plus belle manière une haute poésie, un sentiment en quelque sorte élégiaque de la nature. Paul Bril lui semble pouvoir être comparé à Claude Lorrain dans un paysage italien avec ruines, qui fait partie de la collection du Louvre. Vicenzo Giustiniani, marquis de Bassano, grand ama- teur de peinture, qui avait fait décorer son palais par l'Albane et le Dominiquin, après avoir énuméré les diffé- rentes manières de traiter le paysage, dans une lettre pu- bliée par l'éditeur de la collection intitulée : Raccolta di lettere sulla pittura, termine en disant : « Il y a une autre manière qui consiste à peindre le paysage avec beaucoup de soin, en observant minutieusement tous les détails de chaque chose, comme ont fait il Civetto (H. Blès), Brugalo (Breughel), Brillo (Paul Bril) et d’autres Flamands pour la plupart patients à faire les choses au naturel avec beau- ( 607 ) coup de distinction. » Cette méthode n’est pas la plus mauvaise lorsqu'elle se forme, comme chez Paul Bril, d'un mélange de l'observation exacte de la nature et du sentiment poétique sous l'influence duquel tout s’anime, tout s’embellit. L'auteur de la lettre que nous venons de citer a eu le tort de rapprocher le nom de Paul Bril de ceux d'Henri Blès et de Breughel, sans indiquer les dif- férences essentielles qu’il y a entre ses œuvres et les leurs. Paul Bril est honorablement cité par M. Rosini, dans son Histoire de la peinture italienne, comme ayant secondé Annibal Carrache dans les efforts qu’il fit à Rome pour détruire la vogue du faux goût introduit par l’école du Caravage. Une liaison intime s'établit, en effet, entre notre artiste et Annibal Carrache, qui peignit les figures de plu- sieurs de ses tableaux. C’est vraisemblablement cette cir- constance qui a fait dire que Paul Bril changea de manière en prenant pour modèle le peintre de la galerie Farnèse. Rien de plus commun, du reste, que de voir les anciens maitres se rendre de ces sortes de services. Le Joseppin et Rottenhamer firent aussi les figures de quelques-unes des vues de Paul Bril, qui, de son côté, prêtait à beaucoup de peintres le secours de son talent pour exécuter les fonds de paysages de leurs compositions historiques. On a reproché à Paul Bril la crudité de ses premiers plans. C’est, en effet, le défaut de plusieurs de ses tableaux; mais peut-être ce défaut tient-il à la perte des glacis, qui atténuaient ce qu'il y avait d’entier dans les tons de la première touche et que le temps aura fait disparaitre. Du reste, par combien de qualités cette imperfection n'est-elle pas rachetée ! Doué de linstinet des beautés de la nature, Paul Bril savait choisir dans ce qu’elle offre de plus at- trayant, les éléments de ses tableaux. Sans jamais man- ( 608 ) quer à la vérité, sans jamais la sacrifier à de trompeuses conventions, il mettait dans l’arrangement des objets dont il composait ses paysages un goût inconnu de ses devanciers, et qu'un petit nombre seulement de ses successeurs a égalé. Ses premiers plans sont d’une franchise et d’une vigueur qui font valoir la finesse vaporeuse des lointains dans les- quels il est inimitable. Ces lointains, fondus dans les ondes bleues de l'atmosphère, ne pouvaient pas naître sous le pinceau d’un artiste italien ; ils sont une réminiscence de la nature du Nord. Paul Bril était admirable dans le dessin des arbres et dans le feuillé. Ses forêts sont profondes et . : silencieuses ; les jeux de la lumière y sont merveilleuse- ment rendus, et l'air qui circule jusque dans leurs plans les plus reculés conduit la pensée du spectateur au delà même de la distance que mesure son regard. C'est la poésie de la nature comprise et réalisée. On admire encore dans Paul Bril la variété des con- ceptions. Les scènes bibliques, les sujets de la mytholo- gie, les épisodes de fantaisie dont il animait ses tableaux, donnaient à chacun d'eux une physionomie propre. Il évitait par ce moyen la monotonie dans laquelle tombent la plupart des paysagistes. Ajoutons que toujours la nature du site était appropriée au sujet mis en aclion. Le paysage restait l’objet principal, mais il empruntait un intérêt de plus à des accessoires caractéristiques. Les ruines placées par Paul Bril dans un grand nombre de ses compositions pittoresques leur donnèrent un cachet de grandeur dont le modèle n'existait dans aucune production antérieure d’un genre assimilable à celui qu’il traitait. Cette idée poé- tique, d’autres, le Poussin surtout, l'ont portée après lui à de plus grands développements; mais il lui reste l'hon- neur d'en avoir eu l'initiative. S'il n’a pas créé compléte- ( 609 ) ment le paysage héroïque, il l’a pressenti du moins, et ce qu'il en a fait entrevoir a sufli pour diriger vers le but in- diqué à leur génie les efforts de plusieurs grands maîtres. Paul Bril savait, chose rare, se faire un système d’exé- eution applicable aux proportions très-diverses de ses tableaux. Large et puissant dans ses grandes fresques du Vatican , il mettait le plus précieux fini dans les petites compositions que se disputaient les amateurs et qui font aujourd’hui l’ornement de nos musées. C’est chose rare, disons-nous ; en eflet, peu de peintres modifient leur tou- che à volonté et sortent impunément des dimensions de leur cadre habituel. Vers la fin de sa carrière seulement, Paul Bril se renferma dans les limites d’un même genre de travail. Il ne peignait plus que de très-petits tableaux sur cuivre et poussés au dernier degré d'achèvement. Les peintures de Paul Bril sont les meilleurs témoi- gnages qu'on puisse produire de son mérite. Cependant, parmi des hommages rendus au génie de ce créateur du paysage, il en est un que nous ne pouvons nous empêcher de citer ici, parce qu’il nous semble plus significatif qu'au- cun autre. On sait que Rubens avait formé une collection d'œuvres des peintres pour lesquels il professait le plus d'estime. Dans cette collection figurait un tableau de Paul Bril, ainsi qu'on le voit par le catalogue imprimé des ob- jets d’art trouvés dans sa maison d'Anvers après sa mort. De tout temps les paysages de Paul Bril ont été recher- chés des amateurs. Il n’est pas de collection célèbre, en France, en Angleterre et dans les Pays- Bas où il n'ait été représenté. Nous ne ferons pas l'énumération de ses ta- bleaux qui ont été ou qui sont encore dans les mains des particuliers, mais nous citerons ceux qui sont conservés dans les principales galeries publiques, ces galeries étant, ( 610 ) en quelque sorte, le dépôt des archives authentiques de l’art. Nous commencerons par les musées d'Italie, puisque c’est dans ce pays que s’est écoulée la plus grande partie de la carrière du peintre anversois. Nous avons dit quels furent les travaux de Paul Bril au Vatican, dans les églises et dans les palais de Rome. Il ne nous reste à mentionner dans cette ville que les tableaux qui font partie de la célèbre galerie Doria. Ils sont au nombre de cinq, parmi lesquels on remarque ceux où sont représentés un Christ au Calvaire et la faiblesse de Callisto découverte par Diane. Les figures de ce dernier sont d’An- nibal Carrache. Le musée de Naples possède deux paysages de Paul Bril. Dans l’un on voit saint Jean baptisant Jésus-Christ, et dans l’autre sainte Cécile jouant du clavecin. Le clavecin est ici un anachronisme manifeste. L'artiste aura eu une rémi- niscence de sa première profession. Dans la galerie de Florence, les tableaux de Paul Bril sont au nombre de huit. L'un d'eux, peint avec une finesse extraordinaire, à pour sujet le triomphe de Psyché. On y voit des nymphes couronnées de fleurs et qui, précédées par Mercure, se dirigent vers un temple où elles portent des offrandes. Un second représente saint Paul, premier ermite, dans le désert, avec le corbeau qui lui apporte à manger. Quatre paysages offrant des sujets moins déter- minés, une marine et une chasse au sanglier, complètent, au musée de Florence, le remarquable contingent fourni par notre artiste. Ce dernier tableau a été jugé par Gœthe comme un des plus parfaits de son auteur. Voici ce qu’il en dit : « Le meilleur tableau que nous connaïssions de Paul Bril se trouve dans la Galerie de Florence et représente une chasse au sanglier. Le ton est plein de fraicheur; il . ( 611 ) donne bien l'idée du temps matinal et s'accorde admira- blement avec les étoffages. Le paysage est simple, gran- diose et en même temps d’un gracieux aspect; les lointains fuient bien. L'artiste a su distribuer la lumière et l'ombre de manière à produire un effet calme et doux à l'œil. L’exé- cution est très-achevée ; mais elle n’a rien de léché, ni de péniblement travaillé. Un air doux semble circuler entre les arbres et les agiter doucement. Le pendant de ce ta- bleau , quoiqu'il ne légale pas, est encore néanmoins une œuvre pleine de mérite. Il représente un site sauvage où un torrent s'élance d’une forêt en bouillonnant. » L'auteur de Werther, qui a traité ou du moins effleuré tous les sujets, a esquissé une théorie du paysage. Il y parle de notre artiste en ces termes : « Paul Bril était doué au plus haut degré de l'instinct de la nature; on retrouve encore dans ses œuvres des traces de la roideur de l’ancienne école; mais tout y est cependant plus riant, plus sentimental , et les caractères du paysage y sont déjà saisis. Ses Douze mois en six doubles compositions, offrent le meilleur exemple de la façon remarquable dont il entend la disposition des lieux , dont il donne la physionomie des habitations et caractérise les usages des diverses localités. On admire comme il a su accoupler les sujets deux à deux en composant un tableau complet de la réunion de l’un à l'autre. » Ce jugement n’est pas celui d'un critique versé dans la connaissance des procédés de l’art; mais c’est celui d’un poëte, et les poëtes apprécient souvent mieux que les connaisseurs en peinture la manière dont la nature a été comprise et rendue. Voilà pourquoi nous avons reproduit les paroles de Gœthe. Dans la galerie Bréra, à Milan, on voit quatre paysages de Paul Bril, deux sur cuivre, un sur toile et un sur bois. ( 612 ) De l'Italie passons à l'Allemagne. Deux tableaux de notre artiste figurent dans la collection d’Ambras, au musée de Vienne; l’un d'eux témoigne encore de la variété que Paul Bril mettait dans ses motifs. Il représente un campement d'armée dans une vaste plaine; le mouvement du quartier général, au premier plan, est exprimé à merveille. Le second est un paysage, site montagneux avec ruines. La pinacothèque de Munich a deux paysages de Bril : dans le premier le Christ guérit un possédé; lautre est une vue de côte. Au musée de Berlin, il y a cinq tableaux du bn an- versois et tous des plus intéressants, savoir : 1° un paysage avec des ruines empruntées au Forum et admirablement éclairées par un chaud rayon de soleil; 2° une chasse pleme d'animation dans un site accidenté; 5° un paysage avec de belles masses d'arbres supérieurement éclairées; 4 une vue des bords d’un large fleuve où l’on voit des bateliers préparant leur repas et des pêcheurs occupés à tirer leurs filets de l’eau ; 5° la construction de la tour de Babel, com- position où s’agite une foule immense, tandis que sur le devant un chef entouré d’une suite nombreuse, à cheval, semble donner des ordres. Cinq tableaux formaient aussi la part de Paul Bril au musée de Dresde. Ce sont : un paysage à vastes lointains traversé par une rivière; un second paysage offrant les mêmes dispositions; un site montagneux avec ruines; un marché aux bestiaux; un paysage très-boisé et coupé par une pièce d’eau sur laquelle une société se promène en bateau. Les figures de ce tableau sont d’Annibal Carrache. À Mayence se trouve une construction de la tour de de Babel, sujet déjà traité par Bril dans l’un des tableaux . du musée de Berlin. (613 ) Le musée du Louvre ne possède pas moins de huit paysages de Paul Bril et tous de premier choix : 1° Diane et ses nymphes : 2° Pan et Syrinx; 3° saint Jérome en prière au milieu d’une gorge formée par d'énormes rochers; 4° une chasse aux canards dont les figures sont attribuées à Annibal Carrache; 5° des pêcheurs sur le bord d’une rivière qui serpente entre deux coteaux boisés ; 6° un pay- sage dont le premier plan est garni par une ferme auprès de laquelle une paysanne trait une vache; 7° un paysage où des vaches sortent d’une étable et se dirigent vers un pont de bois; 8 un site montagneux avec ruines où des bergers conduisent des troupeaux de moutons et de chèvres. Il y a plusieurs beaux paysages de Bril au château de Fontainebleau. Au musée de Madrid, si riche en productions des maîtres flamands, se trouvent quatre tableaux de Bril : une chasse, un site boisé traversé par un fleuve, un paysage avec un pont sur lequel passent des personnages ; un paysage bor- dant une rivière animé par des barques et des groupes de nageurs. Parmi les collections publiques de la Hollande, le musée d'Amsterdam est le seul où Paul Bril soit représenté. Le tableau de notre artiste qu'on y voit a pour sujet une caravane traversant une vaste plaine. Le musée d'Anvers n’a qu'un seul tableau da peintre né dans ses murs; c'est un paysage avec un troupeau de pores au premier plan , et au second une rivière bordée de rochers. Le musée de Bruxelles est moins heureux encore ; il ne possède aucune œuvre de Paul Bril. C’est une des nombreuses lacunes de son catalogue. Il n’y a pas de Paul Bril dans la galerie nationale de ( 614 ) Londres; mais il s'en trouve de capitaux dans plusieurs collections particulières de l'Angleterre, et nous les cite- rons parce que ces collections ont un caractère d'immu- tabilité qui permet de les assimiler aux dépôts publics. Au château de Blenheim appartenant aux ducs de Marlbo- rough, parmi les chefs-d'œuvre de maîtres de toutes les écoles, se trouve un paysage de Paul Bril, du meilleur temps de ce maître et qui était attribué à Claude Lorrain, quand le savant M. Waagen le vit et lui restitua sa véri- table origine. Dans la collection de M. Beckford, on retrouve encore une fois la construction de la tour de Babel, sujet favori de l'artiste, à ce qu'il paraît. Au château d'Howard, on admire une vue de Tivoli dans laquelle Paul Bril a déployé toute la magie de son pinceau. Le marquis de Strafford possède dans sa riche collection un paysage de Bril avec la fable de Pan et Syrinx, également traitée dans un des tableaux du Louvre. Les dessins de Paul Bril étaient presque aussi soignés que ses tableaux et presque aussi recherchés des ama- teurs. M. de Crozat, dans son admirable cabinet décrit par Mariette, avait rassemblé jusqu’à cent vingt et un des- sins de notre artiste. Voici ce que dit Mariette à propos de cette collection unique : « La réputation de Paul Bril s'accrut à tel point que non-seulement on fut curieux de ses tableaux, mais qu’on voulut avoir de ses dessins. Les principaux amateurs lui en demandèrent avec empresse- ment, et voilà pourquoi l'on en trouve qui sont d'une si belle exécution, car en ne les faisant pas pour son étude particulière, il se donnait tout le temps qu’il fallait pour les terminer avec soin. Il en a fait qui ne le cèdent point, pour le fini, à ses tableaux les plus soignés, et l’on peut en voir quelques-uns de cette espèce dans cette collection (615) {celle de M. Crozat) qui sont à l'encre de chine sur du vélin. M. Jabach s'était donné de grands soins pour recueil- lir la plus grande partie de ces précieux dessins, qui sont un des principaux ornements du cabinet de M. Crozat. » Ce M. Jabach qui avait réuni la magnifique collection de dessins de Paul Bril, passée ensuite dans le cabinet de M. Crozat, était, on le sait, un banquier de Cologne établi à Paris, ruiné par son goût pour le luxe et pour les arts, et qui fut obligé de vendre à Louis XIV la plus grande partie du musée princier qu’il avait formé. Les éléments du précieux recueil qui , suivant Mariette, était l’un des principaux ornements du cabinet de M. Cro- zat, ont été malheureusement dispersés. La collection du Louvre ne possède que sept dessins de Paul Bril, cinq paysages, dont l'un offre une vue de l’église de S'-Con- stance, près de Rome, une marine et une étude d’arbres. Ces dessins sont, en général, à la plume, lavés et rehaus- sés de blanc. Paul Bril, comme la plupart des peintres de son temps, a gravé à l’eau-forte. On a de lui : 1° quatre paysages qui font partie de la suite de 60 pièces gravées par Nieulant, son élève, d’après ses dessins; 2° deux autres paysages marqués Paulus Bril invent. et fec.; 3° deux vues des côtes de Campanie avec fabriques et rochers. Ces gravures sont traitées d’une manière large et facile. Sandrard cite encore comme étant de Paul Bril une grande estampe ornée de ruines et de figures représentant le Campo vac- cino (ancien marché de Rome), d'après un de ses meilleurs tableaux ; mais cette pièce est introuvable. Beaucoup de graveurs ont travaillé d’après Paul Bril. Nous nous bornerons à citer leurs noms, afin que les amateurs puissent recourir à l'œuvre de chacun d’eux. Ce TOME xx11. — ["° PART. 43 ( 616 ) sont : Nieulant, les Sadeler, C. Galle, le comte de Caylus, W. Hollar, H. Hondius, Merian, Perelle, Londersel , Ma- deleine Van Pas, Prenner, Custos, John Brown, B. Lens, Luc. Vorsterman , André Stock, Weisbrod et Le Bas. Paul Bril a eu plusieurs élèves et de nombreux imita- teurs. Parmi les premiers, on remarque Guillaume Nieu- lant, Spierings et Corneille Vroom. Nieulant, qui avait d'abord travaillé sous la direction de Savery, passa trois années à Rome auprès de Bril. C'est pendant son séisar dans cette ville qu’il grava la suite nombreuse des paysages - de son maître. Aussi reconnaît-on l'esprit et même la tou- che de celui-ci dans les eaux-fortes. Paul Bril mourut à Rome, en 1626, et fut inhumé dans l'église de l’Anima. Son portrait, peint par Van Dyck, a été gravé par P. De Jode. Par le peu d'incidents que nous avons eu à rapporter dans celte notice, on voit que sa car- rière s'écoula heureuse et tranquille depuis son arrivée en Italie. L’histoire de sa vie, c’est l'histoire de ses œuvres. En pareil cas, la postérité gagne en monuments du génie de l’artiste ce que les biographes perdent en occasions de récits dramatiques. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Budgets économiques des classes ouvrières en Belgique : sub- sistances , salaires, population; par Ed. Ducpetiaux. Bruxelles, 1855; 1 vol. in-4°. Levensbericht van G.-J.-A. baron de Stassart; baron J. de St-Genois. Gand , 4855; 1 broch. in-8°. ( 617 ) Analectes liégeois ; par M. Polain. 4% fascicule. Liége, 1855; 1 broch. in-8°. Lettres sur les Anglais qui ont écrit en français; par S. Van de Weyer. — Revue historique du droit français et étranger ; pu- bliée par MM. Ed. Laboulaye, E. de Rozière, E. Dareste, C. Ginoulhac. — Athènes aux XV”, XVI" et XVII" siècles ; par le comte de Laborde. Compte rendu de ces ouvrages; par M. Polain. Liége, 1855 ; 3 feuilles in-8. Vaderlandsch Museum voor nederduitsche lelterkunde, oud- heid en geschiedenis; uitgegeven door C.-P. Serrure. 1° en 2% stuk. Gand, 1855 ; 1 vol. in-8e. Bulletin de l Académie royale de médecine de Belgique. Année 1854-1855. Tome XIV, n° 7. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-&°. Réponse aux allégations anglaises sur la conduite des troupes belges en 1815; par un officier général. Bruxelles, 4855 ; 1 broch. in-8°. ù Annales de pomologie belge et étrangère; publiées par la Com- mission royale de pomologie. 2"° année, liv. 10-12; 3" année, iv. 1-3. Bruxelles, 14855 ; 1 cahier in-4°. Bruxelles ancien et nouveau. Dictionnaire historique des rues, places, etc.; par Eug. Bochart. Feuilles 16 et 17. Bruxelles, 1854; in-8°. : Tablettes des littérateurs belges ; publication nationale sous la direction d'Eug. Bochart. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-8°. Moniteur des intérêts matériels. 5" année; n% 15 à 95. Bruxelles , 1853 ; 11 feuilles in-8°. Recherches sur les églises de Namur et sur les objets d'art qu'elles renferment: par Ch. Montigny. (Église cathédrale de S'-Aubin.) Namur, 1854; 1 broch. in-4°. Histoire de la Société d'encouragement pour l'agriculture et l'industrie dans le département de Jemmapes ; par Camille Wins. Mons, 1855; 1 broch. in-12. Éclampsie observée pendant les suites de couche ; par C. Broeckx. Malines , 4855 ; 4 broch. in-8°. ( 618 ) Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique. Tome XI]; 4re liv. Anvers, 1854; 1 broch. in-8°. Bulletin de l'Institut archéologique liégeois. Tome II; 2e liv. Liége, 1855; 1 broch. in-8°. Bulletin de la Sociélé scientifique et littéraire du Limbourg ; Tome Il; 2 fascicule. Tongres, 1854-1855; 1 broch. in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, etc.; publié sous la direction de M. Ch. Morren. 7° année, 14° et 19% liv.; 8" année, 4'° et 2 liv. Liége, 4855; 4 broch. in-8°. Le Scalpel, rédacteur : M. Festraerts. 7° année; n°° 214 à 51. Liége, 1855 ; 11 feuilles in-4°. La Santé, journal d'hygiène publique et bite 2e série; Gne année; n° 20 à 24. Bruxelles, 1855 ; 5 feuilles in-4°. La Presse médicale belge. 7%° année; n° 15 à 25. Bruxelles, 1855; 11 feuilles in-8°. Annales d'oculistique, fondées par le docteur Florent Cunier, 18% année. Tome XXXIIL; 2% à 5e liv. Bruxelles, 1855; 4 broch. in-8°. Annales de la Société de médecine d'Anvers. 15"° année, liv. de novembre et décembre 1854; 16" année, liv. de janvier. Anvers, 1854-1855; 3 broch. in-8. Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d'Anvers. 41° année. Février à mai. Anvers, 4855; 4 broch. in-8°. Natuurkundig tijdschrift voor nederlandsch Indië; uitgege- ven door de natuurkundige Vereeniging in nederlandsch Indië. Deel VIE, nieuwe serie; deel IV, aflevering 1 en 2,3 en 4.Batavh, 1854; 2 broch. in-8°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XL; n°°20 à 24. Paris, 4855 ; 4 broch. in-#. Revue de l'instruction publique. 15° année, n°° 2 à 12, Paris, 1855; 11 feuilles in-4°. Annuaire de l'institut des provinces et des congrès scientifiques. Paris, 1855; 1 vol. in-8°. | cl (619 ) Bulletin des séances de la Société impériale centrale d'agri- culture, rédigé par M. Payen. 2" série; tome X; n° 3. Paris, 4855; 1 broch. in-8°. Archives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique. 3% série; tome IV; 5% liv. Valenciennes, 1855; 4 broch. in-8°. Revue agricole, industrielle et littéraire de l'arrondissement de - Valenciennes. 6° année; n° 10. Valenciennes, 1855; 1 broch. in-8°. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1855; n° 4. Amiens; 1 broch. in-8°. Lettre à M. de la Saussaye sur deux monuments graphiques relatifs au protestantisme; par M. le baron Chaudruc de Crazan- nes. Blois, 1855; 1 broch. in-8°. Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. 2%° série. Tome Ill; année 1854. Dijon, 1855; 1 vol. in-8°. Documents relatifs aux tremblements de terre au Chili; par A. Perrey. Dijon, 4855; 1 vol. in-8°. Principes d'ostéologie comparée, ou recherches sur l'archétype et les homologies du squelette vertébré; par Richard Owen. Paris, 1855; 1 vol. in-8°. Mélanges d'épigraphie; par Léon Renier. Paris, 1854; 1 vol. in-8°. Rouissage, par fermentation continue, des plantes textiles ; par M. L. Terwagne. Lille, 1855; 1 broch. in-8°. Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles. Tome IV ; 35. Lausanne, 1854; 1 broch. in-8°. Die Adergeflechte des menschlichen Gehirnes. Eine monogra- phie von D' Hubert Luschka. Berlin, 4855; 4 vol. in-4. Gôttingische gelehrte Anzeigen; unter der Aussicht der kônigl. Gesellschaft der Wissenschaften. 1-3 Bandes. Gottingue, 1854; 3 vol. in-12. Nachrichten von der Georg -Augusts- Universität und der ( 620 ) kônigl. Gesellschaft der Wissenschaften zu Gottingen, vom Jahre 4854. N° 1-17. Gottingue, 1854 ; 4 vol. in-12. Schriften der Universüät zu Kiel aus dem Jahre 1854. Band I. Kiel, 1855 ; in-4°. Neues Jahrbuch für Pharmacie und verwandte Fächer; heraus- gegeben unter Mitwirkung des Directorii von G. Walz und F. Winckler. Band HI; Heft 1-5. Janvier à mars. Spire, 1855; 4 broch. in-8°. Zeitschrift für allgemeine Erdkunde; mit unterstützung der Gesellschaft für Erdkunde zu Berlin. Herausgegeben von D' TE. Gumprecht. IV“ Band; 1-4 Heft. Berlin, 1855; 4 broch. in-8?. Heidelberger Jahrbücher der Literatur; unter Mitwirkung der vier Facultäten. XLVIH'* Jahrgang; 3-5 Heft. Heidelberg, 1855; 3 broch. in-8°. Verhandlungen der physicalisch-medicinischen Gesellschaft in Würzburg; redigirt von A. Kolliker, H. Müller, J. Scherer. Vi Band; 3 Heft. Wurtzbourg, 4855; 1 broch. in-8°. Gedächtnissrede auf Seine Majestät Friedrich-August, Konig von Sachsen; von E.-V.Wietersheim. Leipzig, 1854; 1 broch. in-8°. Württembergische naturwissenschaftliche Jahreshefte. XI Jahrgang; 4 Heft. Stuttgart, 1855; 1 broch. in-8°. Die Stadtrechte der latinischen gemeinden Salpensa und Ma- laca in der provinz Bœtica; von Th. Mommsen. Leipzig, 4855; 4 broch. p. in-4°. Berichte über die verhandlungen der küniglich sächsischen Gesellschaft der Wissenschaften zu Leipzig. Philologisch-his- torische Classe. 1854, n° 1 à 6; 1855, n° 1 et 2. Mathema- tüischphysische classe. 1854, n° 1 et 2. Leipzig, 1854-1855; 7 broch. in-8°. Erläuterungen zur geognostischen Karte Tirols und Schluss- bericht der administrativen Direction des geognostisch-montanis- tischen Vereines für Tirol und Vorarlberg ; redigirt von dem Vereins-Secretär, D' Herman von Widmann. Inspruck, 1853; broch. in-4°. ( 621 ) Beiträge zur Ballistik, in besonderer Beziehung auf die Um- drehung der Artillerie-Geschosse; von J.-P. Heim. Ulm, 1848; 4 vol. in 4. Beitrag zur theorie der bewegung der Raederfuhrwerke, ins- besondere der Dampfwagen ; von J.-P. Heim. Cannstatt, 1855; 4 vol. in-4°. Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften in Wien. — Phi- losophisch-historische Classe. Sitzungsberichte. XII Band, 3 Heft ; XIV Band, 1-2 Heft; XV: Band, 1 Heft. Vienne, 4 vol. in-8. — Mathematisch-naturwissenschaftliche Classe. Sitzung- berichte. XIV'** Band, 1-3 Heft; XV! Band, 1-2 Heft. Vienne, 5 broch. in-8°.— Denkschriften. VI" Band. Vienne, 1 vol. in-4°. — Archiv für Kunde üsterreichischer Geschits-Quellen. XIV'* Band, 1 Halfte. 4 broch. in-8°. — Notizenblatt. Beilage zum Archiv für Kunde ôsterreichischer Geschits-Quellen. 1855; n°° 1- 42. In-8°. — Almanach der kaiserlichen Akademie der Wissen- schaften. V'* Jahrgang , 1855. Vienne, 1 vol. in-12. Theorie der Sonnenfinsternisse, der durchgänge der unteren planeten vor der Sonne und der sternbedeckungen für die erde überhaupt; von J.-A. Grunert. Vienne, 1855 ; 1 broch. in-4. Die Landiafel des Markgrafthumes Mähren. W'° und I Lie- ferung. Bogen 1-60. Das I bis VL. Buch der Brünner Cuda. Brünn, 4855; 1 vol. in-4°. À estrada de ferro do Semmering nos Alpes noricos da Aus- tria; publié par le consulat général de l'empire du Brésil en Prusse. Dresde, 1855; 1 feuille in-plano. A formagçao de Pedra de Carvaô; publié par le consul géné- ral de l'empire du Brésil en Prusse. Dresde, 1855; 1 feuille in- plano. Catalogue of a collection of works on or having reference to the exhibition of 1851 , in the possession of C. Wentworth Dilke. Londres, 1855; 1 vol. gr. in-8°. Transactions of the royal Society of Edinburgh. Vol. XXI; part. 1. Édimbourg, 1854; 1 vol. in-4°. Vol. L New-York, 1854; 1 vol. in-8°. + compagni. Rome, 1855; 1 broch. in-8°, ( 622 ) +Procæedings of the royal Society of Edinburgh. Vol. WE, n° " ourg, 1854; 1 broch. in-8°. CA system of Mineralogy ; by James-D. Dana. Fourth edition. Atti dell Accademia pontificia de’ nuovi Lincei, compilati dal segretario. Anno V. Sessione VIF del 26 settembre 1852. Rome, 1854; 1 broch. in-4°. Antorno ad alcuni problemi d'analisi indeterminata brano d'una leltera, diretta dal Sig. A. Genocchi a D. Baldassarre Bon- + Sopra tre scritli inediti di Leonardo Pisano pubblicati da Baldassarre Boncompagni, note analitiche di A. Genocchi. Rome, 4855, 1 broch. in-8°. Intorno a tre scritti inediti di Leonardo Pisano pubblicak da Baldassarre Boncompagni, secondo la lezione di un codice della Biblioteca Ambrosiana di Milano, nota di A. Genocchi. Rome, 1855; 1 broch. in-8°. Intorno ad alcuni problemi trattati da Leonardo Pisano nel Suo Liber quadratorum brani di lettere, dirette dal Sig. A. Ge- nocchi a D. Baldassarre Boncompagni. Rome, 1855; 1 broch. in-8°. Compte rendu annuel adressé à S. Exc. M. de Broeck, ministre des finances, par le directeur de l'Observatoire physique central, A.-T. Kuppfer. Année 4853. S'-Pétersbourg, 1854; 1 broch. in-8°. FIN DE LA TS RT RARES DU TOME XXII. % ; . 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