£• !..A.*# BULLETIN DE LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE. Quatrieme Serie. TOME XX. COMPOSITION DC BUREAU DE LA SOCIETE polr 1855-1856. President. M. Lefebvre-Durxjfle, senateur. MM. le general Ai pick, senateur. Vice-Presidents. *. \ I'aUllll TaI.ABOT. \ MM. le general Auvkay. Scrtitateiii >. < _ c ,. / Vivien de Saint-Martin. Secretaire. M. CoRTAMDERT. COMPOSITION DU BUREAU DE LA COMMISSION CENTRAL! pour 1856. President. M. Constant-Pkeyost (de I Institut). Vice-Presidents. MM. Jomarii (de l'liistiliil) et d'Avezac. Secretaire general. M. Alfred Maury. Secretaire adjoint. M. V.-A. Mai.te-Brun. Section de ( orrespondance. MM. A. d'Abbadie, corr. de I'lnstitul. MMi Lal'oud. genual Aupitk. Moiin. general Anvray. Noel des Verger.-, corr. de 1'Insl. Alex, bouneau. Poulain de Bossay. Gustavc d'Eichlhal. Renard. C" d'Escayrac de Lauture. Vivien de Saint-Martin. Section de Publication. MM. Albert-Montemont. MM. Mauroy. Corlambert. Morel-Fatio. Dans&y, membre de I'Insiitnt. Guigniaut, in. de l'Inst. de Froberville. Sediilol. Jacob;. Trewaux. Lourman Section de Coniptabilite. MM. Demersaw MM. De la Roquetle. Gamier. Lefebvre-Durufle. [sambo t. Talabol. Archiviste-bibliothecaire. M. 7 resorier de 'la Societe, M. Meignen. notaire, rue Saint-Honore, 370. Membres adjoints. MM. A. Barbie du Bocage. M. A. de Froidefouds des Farges. Ferd Fabre. M. Noirot, agent de la Societe, rue Christine, 3. BULLETIN DE L'A r r SOCIETE DE GEOGRAPHIE R£d1G£ PAR LA SECTION DE PUBLICATION ET MM. ALFRED MAURY, SECRETAIRE GENERAL DE LA COMMISSION CENTRALE, ET V.- A. MALTE-BRUN, SECRETAIRE ADJOINT. QUATRltiME SERIE. — TOME ONZlfeME. ANNEE 1856. JANVIER — JU1IS. CHEZ ARTHUS-BERTRAND, L1BRAIRE DE LA SOCIETY Dli GEOGRAPHIE, RUE HABTEFEDILLE, Pi" 2 1. 1856 LISTE DES PRESIDENTS HONORAIRES DE LA SOCIETE DEPUIS SON ORIGINE. MM. De Laplace. De Pastoret. De OlATEALBRIAND. Chabrol de Vor.vic. Becquey. Al.EX. DE Hl.'MBOLDT. Chadrol de Crousol. Georges Covisr. Hvue de Neuville. Due de Doudeauvii.le. J.-B. Eyries. MM. Le vice-amiral de Ricky. Le cnntre-amiral Dumont d'Urvili.e. Due Decazes. i." de Montai.ivet. De Barante. Le general 1'ei.et. Guizot. De Salvandy. 1'UPINIER. De Las Cases. MM. VlI.r.EMAIIC. Cunin-Gridaine. L'amiral Rolssin. L'amiral de Mackau. Le vice-amiral Halgah. Walckenaer. C'e Mole. JOMARD. Le contre-atniral Mathieu. Le vice-amiral La Place. Hip. Fortoul. LISTE DES CORRESPONDANTS ETRANGERS DANS L'ORDRE DE LEUR NOMINATION. MM. H. S. Tanner, a Philadelphia W. Woodbridge, a Boston. Le It-col. F.dward Sabine, a Londres. Le docteur Reingancm, a Berlin. Le docteur Richardson, a Londres. Le professeur Rafn, a Copenhague. W. Ainsworth, a I.ondres. Le colonel Long, a Louisville, Ky. Lecapitaine Maconochie, a Sydney. Le conseiller de Macedo, a Lishonne. Le professeur Karl Ritter, a Berlin. Le cap. John Washington, a Londres. P. de Angelis , a Biienos-Ayres. Le docteur Kriegk, a Francfort. Adolphe Krman, a Berlin. Le docteur Wappa.cs , a Goeltingue. MM. Ferdinand de Luca, a Naples. Le docteur Barcffi, a Turin. Le lieut.-col. Fr. Coello. a Madrid. Le professeur Munch, a Christiania. Legen. Alhei I de la Marmora, a Turin. Fulgence Fresnel, a Mossoill, Ch. ScHEFFER.a Constantinople. Le professeur Paul Chaix, a Geneve. J. S. Abert, colonel des ingenieurs to- pographes des Etats-Ullis. Le professeur Alex. Bache, surinten- dant du Coast-Survey, auxEtatS-Unis. LErsius (Richard), a Berlin. De Martius, a Munich. Kiepert (Henri), a Weimar. Petermann (Augustus), a Gotha LISTE DES CORRESPONDANTS ETRANGERS QUI ONT OBTENU LA GRANDE MLDAILLE. MM. Le capit. sir J. Franklin, a Londres. Le capitaine Graaii, a Copenhague. Le capitaine sir John Ross, a Londres. MM. Le capitaine G. Back. Le capit. James Clark Ross, a Londres. Le capitaine R. Mac-Cliirk, a Londres. Paris, — Impritn^ri* de L. MARTINET, rue Mignon, S. BULLETIN DE LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE. JANVIER ET FEVRIER 1856. ileiiioires, etc. SUR NOTRE CONNAISSANCE ACTUELLE DE L'INDE ANCIENNE. Discours lu a la seance publique annuelle de la Socie'te de ge'ographie, le 21 decembre i855, PAR M. VIVIEN DE SAINT-MARTIN. La connaissance de l'Inde ancienne est une con- quete de notre epoque , et cette conquete marque parmi les plus grandes que nous ayons faites. II y a un siecle a peine, on n'en soupconnait pas la possibi- lity. Un voile epais couvrait alors tout le passe hislo- rique de l'anlique patrie des Brahmanes, el l'on ne croyait pas que ce voile put etre jamais souleve. Au dela du petit noinbre d'informations recucillies dans le bassin de l'lndus par les compagnons d'Alexandre, dans la region du Gange par Megastliene, et sur la zone littorale par les navigateurs alexandrins, au dela de ces quelques notions vagues et confuses, incompletes surlout et presque toujours alterees dans l'elat ou les compilaleurs de l'epoque romaine nous les ont trans- ( 6 ) misos, on ne voyait plus rien, rien que la nuit profonde et le neant. Depuis le temps de \ asco dcGama, cependnnt, des elablisseinents curopeens avaienl couvert les provinces marilimes de l'lnde; mais ees etablissemcnts n'avaient rien produil pour la science, C'est seulement avec la domination britanniquc qu'une ere nouvelle a com- mence. Ere l'econde d'investigalions et de decouvertes dont les resultals deja immenses, et que chaque jour agrandit encore, ont restilue un des chapitres a la fois les plus curie ux el les plus importants de 1'histoire de 1'Asie, — plus que cela, de l'bistoire tout entiere de l'ancien rnonde et des engines de notre race. La fondation de la Societc asiatique de Calcutta a marque le commencement de cette periode de decou- vertes, qui sera un des litres d'honneur de l'Angleterre dans les fastes intelletluels de Ihumanite. Tres lents d'abord et tres contestes, comme tout ce qui est nou- veau et rompt brusquemont avec les opinions recues, les proxies de cette nouvelle hrancbe des etudes orien- tales qui a l'lnde pour objel sont devenus bientol plus rapides et plus surs. Cbaque pas en avant a con- duit sur un sol plus ferine, el cbaque decouverte a fraje les voies a d'autres decouvertes. Deja, dans cette carriere encore si recente, de grandes notorietes scien- tiiit] u os so sont produiles, et elles y ont marque leur passage par de vastes et beaux tiavaux. Les noms de William Jones, de Wilkins, de Colebrooke el de Tbo- mas Prinscp a Calcutta, de Hayman Wilson en Angle- terre , d'Eugene Burnouf en France, de Roth, d'Al- brecbt Weber, de Bopp, tie Tbcodor Benfey, et surtoul de Christian Lassen en Allemagne, tons ces noms, — ( 7) nous ne rappellons que les plus illustres, — qui tien- nent une si grande et si honorable place dans l'histoire scientifique du xixe siecle, jettent sur la nouvelle ecole un eclat qui ne tient pas inoins a 1 'importance des resullals acquis qu'a des qualites eminences d'erudi- lion et de sagacite. La langue religieuse et litteraire de 1'Inde ancienne, le Sanscrit, a cesse d'etre un mystere renferme dans le sanctuaire bi'ahmanique , et cette premiere conquete est devenue la clef de toutes les autres. Des qu'il a ete donne a ['investigation euro- peenne de scruter les tresors ignores de la vieille littera- lure de 1'Inde, des decouvertes nombreuses, rapides, inattendues, se sont succede dans ce nouveau champ d'etudes. Sur ce sol que la conquete musulmane du xnc siecle a frappe de slerilite intellectuelle, une litte- rature riche et variee a fleuri autrefois, non pas sans doute avec le seve vigoureuse, la male beaute et le gout contenu des chefs -d'ceuvre que nous a legues 1'antiquite grecque et romaine, mais avec la grace, la souplesse, le coloris brillant inspires par une nature pleine a la fois de mollesse et d'eclat, et aussi avec la profondeur abstraite des esprits contemplatifs. De meme que Rome et Athenes, 1'Inde ancienne a eu son grand siecle litteraire, presque contemporain du siecle d'Auguste ; et les monuments de cette epoque feconde, theatre et poesie, astronomie et sciences medicales , grammaire et apologue, exegese religieuse et philoso- phic, tous ces monuments de genres si divers se sont conserves jusqu'a nos jours, domines par deux vastes compositions epiques, le Ramayana et le Mahabharata, qui sont comme le couronnement de toute la littera- lure sanscrile. ( 8) Une branche seule fait defaut dans ce riche inven- taire, c'esl la literature bistorique. L'histoire, dans sa noble et large acception, telle qu'Herodote l'a creee et que nos grands ecrivains l'ont comprise, l'liistoire qui tout a la fois point, analyse et raconle, et qui tient compte de la dignite morale de l'bomrae autant et plus que du cote materiel des faits, cette histoire n'ap- partient qu'a noire Europe : l'Asie ne l'a pas connue. L'Asie, comme les temps d'ignorance de notre moyen age, n'a eu que des cbroniques, c'est-a-dire une aride nomenclature des faits purement exterieurs. He bien ! meme cette ebauche rudimentaire de l'liistoire des cboses bumaines , on ne l'a pas trouvee dans l'lnde brabmanique. On ne saurait dire que ce soit impuis- sance, vis-a-vis des ricbes developpemenls que presen- tent d'autres parties de la litterature sanscrite ; l'ab- sence complete des documents bisloriques chez les anciens Brabmanes a ete purement volontaire. C'est le resultat de leurs idees speculatives sur le monde et sur I'honime : a quoi bon consacrer le souvenir du court passage do l'liommo sur la terre , alors que ce passage n'est qu'un etat de transition et d'abaissemenl? Cette absence complete d'ouvrages bisloriques dans la litterature brabmanique est d'aulant plus frappante, qu'en dehors du brabmanisme, ou du moins la ou son action n'a pas ele exclusive, l'lnde, comme les autres pays de l'Asie, possede des cbroniques plus ou moins developpees. Les Bouddbistes du Nepal et ceux de Ceylan ont des livres bistoriques qui renionlent jus- qu'au temps du Bouddlia Cakyamouni , au vn" siecle avant 1'ere cbretienne; les conlrees du sud, qui ont eu leur civilisation [)!opre et leur litterature indigene, (9 ) possedent de nombreuses chroniqucs locales; les pro- vinces ohdorninent les Radjpouls, dans l'lnde occiden- lale, ont aussi des ouvrages du meme genre, outre un grand poeme national qui renferme les plus vieux souvenirs des tribus, anterieurs a la lutle de deux sieclessoutenue contreles envahisseursmusulmans; le Kachmir, enfin, qui, environne de sa ceinLure de mon- ttignes, a vecu pendant de longs siecles en dehors de toute influence etrangere et a toujours garde sa natio- nalile distincte, le Kachmir a sa grande chronique en vers dont les souvenirs traditionnels remontcnt tres loin dans le passe. Ces chroniqucs indiennes ne sont le plus souvent que de rudes ebauches ou des listes arides, dont les commencements vont invariablement se perdre dans des fables sans valeur; neanmoins elles fournissent des indications indispensables pour re- constituer sinon l'histoire , au moins la geographie politique de l'lnde avant la domination musulmane, et nous serions trop heureux que la lilterature brahma- nique des pays du Gange nous eut ofl'ert quelque chose de semblable pour les temps antiques. Si exclusit cependant que soil un systeme sorti de la speculation metaphysique et impose par une theo- cratie puissante, il y a clans 1'homme, quand ce sys- teme est contraire a sa nature , quelque chose qui echappera toujours a la compression. Jamais on n'etouffera completement dans un etre pensant le desir de connaitre les choses du temps passe. Cette disposi- tion naturelle de notre esprit, les Brahmanes eux- memes n'ont pu s'en affrancbir d'une maniere abso- lue ; senlement ils ont subordonn^ 1'bistoire a la religion , et les souvenirs anciens se sont cnveloppes ( io ) des formes de la legende. lis sc sont revetus surtout des couleurs splendides de la poesie, 11 y a en dans l'lnde brahmanique des compositions tres ancicnnes, deslinees a conserver le npm des souverains apparte- nanl aux grandes dynasties, avec les traditions legen- daircs que Ton ratlachait a ces poms, et cette parlie legendaire s'est perpeluee dans les compositions d'une date beaucoup plus recente qui existent aujoutd'bui sous le nom de Pouranas; mais ce sont surtout les deux grandes epopees de i'lnde, le Raniayana el le Mahabbarala , qui sont devenues le depot le plus richc des vieilles traditions. Le Muhabharala a pour sujel la lutte de deux branches riyaj.es de la famille Lunaire , se disputant l'empire des pays gangetiques ; le sujet principal du Raniayana est la conquele de l'ile de Lanka — le Ceylan de notre geograpbie actuelle — jiar un prince de la race Solaire. Mais ce qui fait surtout l'imporlance de ces vastes compositions, e'est moins encore le theme principal que les nombreux episodes qui s'y raltachenl. De meme que les plus anciens li- tres des famillesroyales, et ceux des tribuselles-memes de la race hellenique, se relrouvenl dans les chants d'Homere, ceux des ar^as brahmaniques sont deposes dans les deux grands poemes, prineipalement dans le MabaUharata. Depuis tli\ ans les efforts des indianislcs se sont surtout attaches, pptamment en Allemagne, a degager des grandes compositions epiijues de 1'Iude ce qu'elles peinenl renfermer d'elements liisloriques. C'est une etude longue et laborieuse; M. Lassen est plus que personne en droit d'en revendiquer l'bonneur. Les deux parties puhliees de ses Antiquites de l'lnde penuettent ( 11 ) d'apprecier doja cc quo l'eruditjon la plus prot'onde, dirigee par une bonne critique et line remarquable sagacile, auront pu lirer de cette mine immense. As- surement de grandes luinieres y out deja penetre. Les livres et les inscriptions bouddhiques ont permis d'ecbelonner une seric de dates certaines en remontant jusqu'au milieu du vne siecle avant noire ere; et si la cbronologie positive n'a pu s'elever plus haul dans les temps purement brabmaniques, on a determine ce- pendant d'une manicre suffisamment approximative la succession et l'etendue des grandesperiodes ante- rieures a | 'apparition du Bouddbisme. Ce sont la sans doule des resultats considerables; j'en vois nil plus important encore etd'un plus vit'interet que la simple restitution des dynasties : c'est la reconstitution , si je puis dire , de la societe elle-meme. La vieille sociele indicnne, aux diverses periodes de son existence, revit en effet tout entiere dans les monuments de la litle- rature sanscrite qui onl ete publies et traduits depuis le commencement du siecle actuel. Non-seulement le livre de Manou en fait connaitre l'organisalion legale a une epoque qui remonte au moins a dix ou douze siecles avant notre ere ; non-seulement les doctrines religieuses, philosopbiques et morales se relrouvent dans les trades dogmatiques, mais les grands poemes nous initient a une i'oule d'usages, de pratiques et de croyances, en meme temps que les compositions dra- maticpies nous font penelrer dans les liabitudes les plus intimes de la vie domestique. Plus beureuses, et surtoul plus completes que les exbumalions contem- poraries de Ninive et de l'l^gypte, les etudes indiennes ont retrouve l'lnde tout entiere dans sa vieille litlera- ( 12 ) ture, l'lnde d'Alexandre et des ages heroiques, soute- nues d'aillcurs et dirige'es par l'ctude comparee de l'lnde actuelle, qui, en une foule de cas, apporle un vi\ant commenlaire anx anciens lextes. Ce secours de l'elude compared est encore utile sur plusieurs points tssentiels, meme quand on penetre jusqu'aux temps antiques qui ont precede" l'etablisse- inent des grandes monarchies du Gange celebr^es dans lc Ramayana et le Mahablnirata. Ces premiers siecles de l'lnde ancienne, ce sont les Vedas qui nous les ont ouverts, Le Veda est la derniere conquete de l'erudition europeenne dans le vasle domainc ties an- tiquites hindoues, et elle a et6 la plus diflicile. II a fallu vaincre le scrupule religieux des Brahmanes, gardiens jaloux de ces lextes sacrcs; et ce premier obstacle franchi, 1'archaisme de l'idiome vedique en a presente un autre non moins serieux. La sagacite perseverante de nos savants a vaincu toutes ces difficulles, et ces testes precieux , contemporains des livres de Moise, sontmaintenant accessibles a notre etude. Avantmeme que M. Max Muller en eut enlrcpris la publication inte- grale qui se poursuit a Londres sous le genereux pa- tronage de la Compagnie des Indes , un indianiste francais en avail publie la traduction complete , et deux volumes de la traduction anglaise de M. Wilson ont deja paiu , accompagnde d'un choix elendu de scolies indiennes. Les secours neccssaires pour la complete intelligence de ce venerable monument des premiers temps de l'lnde se multiplient rapidement. L'AUemagne, od se poursuivent de nombreux travaux d'exegese vedique, apporle encore ici le secours babi- tuel de son drudilion , et noire Academic des belles- ( 13 ) lctlres a couronne ricemment un travail ou la geogra- phic du Veda occupe une large place. Deja des apercus importants , sinon des resultats definitifs , sont sortis de cet ensemble d'etudes. On peut des a present se former une vue distincle de l'elat de l'lnde ancienne aux diverses periodes de son exis- tence, et des transformations que 1'etat social y a subies depuis les premiers ages jusqu'aux temps modernes. La periode primitive , a laquelle appartiennent les hymnes vediques; celle ou les grandes epopees nous transportent , et qu'on peut nommer la periode he- roique ; la periode bouddhique , qui commence avec le grand reformateur Cakyamouni, au vne siecle avant notre ere; la periode de morcellement et d'anarchie qui a suivi l'extinction des grandes dynasties ariennes qualifiees de dynastic Solaire et de dynastie Lunaire, et qui s'etend jusqu'a l'epoque de la conquete musul- mane aux xnc et xiue siecles : ces grandes epoques de l'histoire de l'lnde ancienne se detachent par masses deja ncltement accusees, avec les transformations so- ciales , politiques et religieuses qui les caraclerisent. Sous ces grandes lignes hisloriques, et leur servant de fond commun, la geographie de l'lnde sanscrite se degage aussi peu a peu des sources qui la recelent. Tousles documents anciens, depuis le Veda jusqu'aux lexicographes, fournissent une masse enorme de don- nees et d'indications. Le Mahabharata n'est pas moins riclie sous ce rapport que sous tons les autres; les inscriptions sur pierre ou sur cuivre renfermant des concessions de terres, inscriptions que Ton a deterrees ou que Ton trouve encore par milliers dans toutes les parties de la Peninsule, apportent une quantite incal- ( l/l ) culable die renseignonuMits lopograpbiqucs qui rela- blissent sous sa forme pure I'ancicnne nomenclature- indigene , denaturce par les Musulmans et apres eux par les Europe-ens. On esl bien loin encore d 'avoir tire parti de Ions ces materiaux; mais il est possible ties aujourd'bui de reslituer la carte de l'lnde sans- crite avec on detail dont n'approcbe aucune partlede la geograpbie greco-romaine. ('.'est one brancbe nou- velle de geograpbie comparee qui est sortie des etudes indiennes. Et quand on songe qu'il y a moins de vingl ans on soupconnait a peine la possibility de retablir dans son ensemble la geograpbie de l'lnde brabma- nique, on comprend mieux encore quelle a ete l'ac- tivite de ces etudes et l'etendue de leurs resultats. Je n'ai pas besoin d'insister sur Ja necessite d'une telle restilulion geograpbique , nieme pour les etudes qui toucbent plus partieulierement a l'bistoire : on ne comprend bien que les evenemenls dont on con- nalt les localiles. Sous ce rapport , l'eclaireisseinent de la geograpbie vedique a ete d'une importance capitale. On sail que le Veda esl le livre religieux de la race arienne de l'lnde, e'est-a-dire du people dont lalangue etait le Sanscrit; la partie principale decerecueil sacre, le RiJl^Vidia , se compose d'hjmnes cbanles par les sacrificateurs pendant les ofl'randcs failcs aux dieux protecteurs des An as. Ces bymnes appartiennenl tous (saulles derniers du Recueil qui y ont ete ajoutes plus tard) a une epoque ou les Aryas, parlages en tribus, menaient encore la vie pastorale dans les plaincs du Pendjab; ils sonl, par consequent, anlerieurs a l'eta- blissement de la nation arienne dans les plaincs de la ( 15 ) Yamouna et d'li Gange , et an commencement cles grandes monarchies qui s'y fonderent. La periode des temps vediques, durant laquelle furent composes les Hymnes, embrasse certainement un espace de plu- sieurs siecles; et , sans pretendre en assigner les li- mites precises , on peut admettre au moins comme extremement probable qu'elle pivole autourdu xve sie- cle avanl l'ere chretienne. Le Veda n'est pas un livre historique , quoiqu'on y trouve des faits et des tradi- tions qui sont les plus vieux souvenirs de la race , et qui devinrent plus tard la base d'unefoule de legendes contenues dans les grands poemes et dans les Poura- nas; c'est surtout par ses indications geographiques que le recueil des hymnes est important. On peut meme dire que c'est la geographie des hymnes qui leur donne une valeur historique reelle; car c'est par la seulement qu'on fixe avec certitude la demeure des tribus ariennes a cette epoque , et qu'on peut reeon- naitre leur marche progressive du Sindhou vers le Gange. Rien de plus frappant d'ailleurs que l'impression qui ressort de la lecture des Hymnes. Ici 1'esprit est transporter non par une elaboration retrospective, mais par un ensemble de documents evidemment contemporains des temps ou ils nous ramenent, au milieu menie d'une societe en qui bouillonne encore la premiere seve de la vie. On assiste aux premieres impressions qu'une nature grandiose produit sur la vive imagination d'un peuple enfant; on entend jaillir de lame emue l'exjiression ardente de radmiration ou de la terreur, du desir ou de la crainle, de la haine ou de l'amour ; on voit nallre ces expressions naive- ( 16 ) menl metaphoriques , a la fois simples et color^es, qu'une languc riche de mots et naturcllemcnt barmo- nieuse emprunte a la vie physique el aux phenomenes du monde extdrieur, alors quelle s'efTorce de rciuon- ter de 1'ell'et qui a frappe les sens a la cause myste- rieuse qui l'a produit. Plus tard viendront les raffine- ments de l'analyse philosophique on du mysticisrue religieux, qui attribueront un sens abstrait a ces ex- pressions des anciens ages ou les transformeront en realites monstrueuses. Cest alors que la doctrine et la legende se substitucronl a l'irnage naturelle de la languc vedique ; maintenant que les hymnes du Veda nous sont accessibles, il nous est facile de restituer a leur signification primitive les doctrines etles croyances des temps poslerieurs. Le culte des tribus vediques, e'est le naturalisme. Descendues des regions que do- mine 1'Ilindou-koh ou Caucase indien, elles en avaient ap])orle avec elles l'adoration du monde exterieur et de ses grandes manifestations. La terre qui nourrit les homines, les rivieres qui la ferlilisenl, le soleil qui la rechauffe et l'eclairc, la lune qui dissipe ou tempere l'obscurite des nuits, la voute eloilee du firmament, dont l'aspect iinposant et la marche reguliere etonnent et cont'ondent l'inlelligence humaine , les vents qui poussent les nuages depositaires des eaux du ciel, la foudrc qui les dechire, et qui donne a la terre les hu- mides tresors que leurs flancs recelent, tous ces phe- nomenes de la creation, ces commotions terribles, ce spectacle admirable devant lequel I'hoinme etonnc se prosterne et reconnait en dehors de lui une force su- perieure a sa force, une intelligence superieure a son intelligence, tels elaient les objets du premier culte ( 17 ) de l'Arya, et c'est a eux que s'adresseut les invocations contenues dans les Hymnes. Culle, croyances, etat social, organisation politique, tout a change , en meme temps que l'habitation geo- graphique, quand on arrive aux temps ou nous trans- poiient le Mahabharata ot le Uamayana. Lne transfor- mation complete s'est operee dansle peuple urya. Les hymnes vediques l'ont laisse dans le Pendjah et sur la Yamouna superieure ; main ten ant nous le retrou- vons dans les plaines du Gauge, et plus au sud jus- qu'au mont Vindhya. Cette seconde periode, que nous avons appelee les temps heroiques, embrasse un es- pace de cinq ou six siecles au moins anterieurement a l'apparition du houddhisme; mais les evenements qui la remplissent ont un bien plus grand caractere, et ils ont eu aussi un tout autre retentissement dans la litterature brahmanic[iie. Ces temps anciens durant lesqucls deux grandes dynasties conlemporaines se partagerent 1'empire des pays gnngetiques, ont vecu dans les traditions comme l'epoque glorieuse de l'his- toire nationale. Si l'lnde avait eu son Herodote ou son Tile-Live, celle periode de l'hisloire des Aryas aurait fourni quelques belles pages aux annales de l'huma- nite. Une nation qui sc transforme et commence une vie nouvelle, qui abandonne la vie pastorale pour les habitudes mieux reglees de la vie agricole, et qui re- coil de ses Sages une organisation politique, civile et religieuse, assez forte pour avoir traverse trois raille ansde fortunes diverses, et ne s'etre laisse entamer ni par les schismes, ni paries revolutions, ni par la con- quete, une telle nation, a l'epoque de son energie ju- venile , aurait ete pour l'hisloire un noble et grand XI. JANVIER ET FEVBIBR. 2. 2 t ( IB spectacle. Mais au lieu d'liisloire , nous l'avons Hit, l'lmle n'a quo des Ugendes , et ce n'esl pas la qu'il faut chercher le grand cole des decouvertes que Ton a pu Faire dans le champ des anliquiles indiennes. Avec les donnees que Fournissent les sources bran- maniques, il sera loujours tres difficile, sinon impos- sible, de reconstruire aunemaniere complete la suite des deux grandes dynasties antericurement a l'ere de Bouddha : etdftt-on arriver a cette restitution chrono- logique, l'interet en serait tres secondaire. tin interet lui n plus general et plus eleve s'altache a la restitution ethnologique de l'lnde ancienne, et nous en posse- dons tous les elements a commencer par les temps vediques. Avant de terminer ce rapide apercu, je vou- drais arreter encore un moment 1 attention sur ce sujel. qui est a coup sur le resultat le plus considera- ble des etudes qui se poursuivent non-seulement sur les anciens temps de l'lnde, mais aussi sur les origines de toute 1'Asie meridionals C'est un fait aujourd'nui bien connu que les tribus au sein desqueileS furent composes les hymnes vedi- ques etaient sceurs d'origine des peoples de la Bac- triane et de la Medie ; le nom d'Aryas qu'elles se don- nent loujours dans les Hymnes, etait aussi le nom national des Bactres et des Medes, et la langue du Veda, qui ful designee plus tard sous le nom de San- scrit, etailla menu- langue que le zend qui sc parlail sur les bords de l'Oxus. Lorsque les Aryas vediques, a une epoque que Ton ne saurait designer d'une ma- niere precise, mais qui no doit pas iMre tres eloignee du xxe siecle avant notre ere, deseendirent vers l'lndus par la longue vallee du Kophes, et que, fi ancbissant ( 19 ) le grand (leave , ils penetrerent dans celte region de piaihes que nous appelons le Pendjab, ils la trouve- rent occupee par une population d'une autre race et pai'lant un autre idiome. Les Aryas durent conquerir pied a pied les ierres necessaires a leurs troupeaux ; la mention de ces cuinbals journaliers se irouve a chaque instant dans les Hy nines. Le meme fait so re- produit invariablement partout ou les Aryas elendent leurs etablisseinents suceessifs : dans les plaines du Gange, dans les fertiles vallees du mont Vindbya, et enfin au sud du Vindbya, dans la Peninsule meridio- nale qui va se terminer au cap Comorin. A cbaque extension nouvelle de la race branmanique, il y a une population aborigene a soumettr'e ou a retouler. Apies le Veda , le Mababbarata et le Ramayana rendeul te- moignage de cette lougue suite de combats qui carac- terise la colonisation aiienne de 1'Inde. Ce grand i'ait , qui revel babituellemenl dans les cbants epiques la forme de la legende, a pris une va- leur bistorique reellu c'ej.iiis que Ton a ;i; [>orte une serieuse attention a i'etude des populations actuelles de la Peninsule. II suffil d'ailleurs de porter plus baul son regard pour se rendre comple d'un fait qui a sa raison gene- rale dans la distribution originaire des populations de l'Asie orienlale. On sail que la zone moyenne de l'Asie est coupee du sud au nord, entre le 70e et le 72° meridien a l'orient de Paris, par un enorme soulevement couronne de pics neigeux, qui, sous les norns de Bolor et de Mour- tagb, couvre les sources de l'Oxus et du Jaxai tes. Cest 1'Iinaiis de nos anciens geograpbes, el Ptolemee avail ( 20 ) etc bien renseigne sur ce trait saillanl de l'orographic asialique , qui determine chez lui la separation de deux grandes regions , I'une occidentale ou en deca, 1'autre orientale ou an dela de sa chalne imaienne. Cctte division est bien reelie; et elle a d'aulant plus d'importance qu'elle marque au milieu de 1'Asie non- seulement line separation physique, mais aussi une grand e demarcation elhnographique. C'esl la que vient aboutirla limite respective des deux grandes fa- milies de peoples qui se parlagent l'Asie : a l'ouest, depnis les plaines de la Transoxane jusqu'au fond de la Mediterranee, les nations de race blanche qui, de- puis I'origine des temps, ont toujours tenu la tele de I'humanile; a Test et au nord , les peuples de race jaune qui remplissent sous differents noms, eta des degres bien differents dans 1'echelle de la civilisation, l'espace immense que la mer Glaciale baigne au nord, la mer de Chine a l'orient, et la mer des Indes au midi. 11 suffit d'un coup d'oeil sur la carte pour voir que par sa position 1'Inde, ainsi que l'lndo-Chine , appartient a cette division orientale de l'Asie, et Ton comprend des lors clairement que ces deux vastes Peninsules aient clu recevoir leur premiere population du plateau eleve qui les domine au nord. On sait, en effet, que les populations de rindo-Chine, Barmahs, Arakans , Laos, Siamois et autres, appartiennent ex- clusivement a la souche mongolo-tibetaine ; il en se- rait de me me de la presqu'ile hindoue, si les colonies ariennes n'y avaient apporte un nouvel element de po- pulation qui en a profondement modific les conditions ethnologiques. Quant a I'origine mongole ou tihelaine des [)opulaiions qui couvraienl 1'Inde lors de l'arrivee ( 21 ) dcs Aryas vediques, c'est un fait qu'un grand ensem- ble d'etudes et d'observations locales a mis depuis vingt ans dans une complete evidence. Aujourd'hui encore , les descendants de cetle population primor- diale forment une proportion Ires considerable de la population generale de l'lnde, surtout dans le Dekhan, les provinces centrales et le nord-ouost; el partout ou d'anciens melanges des deux races n'ont pas modifie la constitulion physique des aborigines, leur origine est ecrite dans lours traits aussi bien que dans leurs idiomes. Ce melange des deux races a eu lieu surlout aux premiers temps de la conquete arienne , et la raison en est facile a comprendre : c'elait pour les nouvelles colonies un moyen de s'affermir en se multipliant, et de s'implanter plus solidement au sol. Plus tard , la religion brahmanique, qui voulut surtout conserver la pu'rete de la race noble pour en mieux assurer la supre- matie, proscrivit severement ces alliances, ainsi qu'on le voit a chaque page du livre de Manou ; la religion vedique, au conlraire, les accepte et les consacre, et les hymnes en ofi'rent de nombreux indices. Une classe tout entiere en sortit, qui lient une grande place et joue un role considerable aux diverses periodes de I'histoire indienne, principalement dans les legendes de l'epoque heroique. Si j'insisle un peu sur ce point, c'est que l'impor- tance en est grande pour la complete intelligence de 1'antiquile liindoue. Nous ne pouvons guere aspirer a retablir jamais I'histoire de l'lnde antique, si par la nousentendonsla connaissance intime des evenements et la suite reguliere des souverains, selon leurs diverses 22 ) dynasties. Mais si nous ne nous borpons pas a cetle vuo etroite de 1'ancienne histoire; si nous pcnsons que la vie d'un peuple des anciens temps nous inleresse beaucoup moins par les evenements purement poH- tiques, aujourd'hui sans signification pour nous, que par le cote moral et inlellectuel qui louche a I'histoire mcmc du genre iiumain ; s'il nous suffij do remontcr jusqu'aux premiers pas d'unegrande nation dans la vie sociale,d'assister en quelque sorte a son extension suc- cessive sur le lerritoire ou elle s'esldeveloppee, de con- naltre les elements dontelle s'est composite a I'origiriej et le role t;ue ces elements ont joue dans la suite des siecles; si enfin nous voulons nous contenter de la succession generate des evenements, et, dans ce large cadre, voir se derouler devant nous tout ce qui charac- terise la civilisation d'un peuple, - son organisation politique et cisile, ses croyances religieuses, ses arts et son industrie, ses usages, ses idees, ses habitudes, l-ous les details de sa vie publique et de sa vie inter ricure ; si ces objfits suffisent a la curiosite philqso- phique ^e noire esprit, alors nous pouvons dire (jue les etudes et les publications dopt 1'Inde a ele l'qbjet depuis le commencement du siecle acluel, et particu- lieremept depuis quinze ans, nous ont reconquis son passe lout en tier. Lin autre resultat de ces etudes tndienqes do notre epoque, le seul que ie veuille encpre signaler ici, est d'avoir retabli la veritable place de l'Inde aneienne dans I'histoire du monde. Jusqu'a la fin du dernier siecle, alors que le passe tout eutier de la terre des Brahmanes p'etaitencore qu'une impenetrable enigme, on avail remplace par des hypotheses el des syslemes ( 23 ) les notions positives que l'on n'avait pas; les phuo- sophes, comme on clisait alors, avaient peuple ces te- nebres des fantomes de leur imagination. De meme que le noin de Brahme etait devenu le synonyuae du sage par excellence, on avait fail de la nation indienne le plus ancien de tous les peuples, et l'on voulait rap- porter aux doctrines brabmaniques, dont on n'avait pas le premier mot, la source originaire de toules les religions du monde. La realite des fails a dissipe ces vaines fantasmagories. L'Inde veritable, celle que ses propres ecrits et ses monuments nous revelenl, reste un des cinq ou six foyers ou s'est developpte sponta- nement la civilisation humaine, mais le moins ancien de tous, a l'exception de la Grece. Les bords du Nil et 1'extremite orienlale de l'Asie, la Bactriane, le Tigre et la vallee de l'Eupbrate, avaient vu s'elever de floris- sants empires dans le temps que les aryas de l'lnde n'etaient encore qu'un peuple de pasteurs dans les plaines du Pendjab. Ce qui donne a l'lnde arienne son caraclere propre et lui marque son rang dans les fastes de l'espece bumaine, c'est la rapidite meme de son organisation politique et de son developpemeut intellectuel ; c'est la vigueur de ses institutions, mar- quees du cacbet sacerdotal ; ce sont les vastes propor- tions de ses ceuvres oil Fecial s'unit a la profondeur; c'est, on peat dire, l'absence meme de toute bistoire bumaine, qui ne nous laisse entrevoir les origines des grandes monarcbies du Gauge qu'a travers le prisme de la poesie, jetant sur ces siecles obseurs un reflet de grandeur beroique. Et puis, l'lnde se recommande encore par un autre cote a notre interet scientifique : c'est de posseder les plus anciens titles ecrits de la ( 24 ) famillc indo-europeenne, a laqnclle nous rallache un lien mysterieuxde parents origin aire. En memo tumps que le Sanscrit a jete une lumiere inattendue sur les lois qui out preside a la formation des langues euro- peennes, les chants vediques, expression naive des premieres conceptions du peuple arya sur le monde et sur Dieu, eclairent aussi d'un jour tout nouveau les plus anciennes doctrines religieuses el cosmogoniques de la Grece et du Dord de I'Europe. Yoila ce qui ex- plique la haute importance que l'lnde a prise rapide- inent dans l'erudition enropeenne ; voila ce qui fait sa grandeur dans le passe et son interet dans le present. MEMOIRE SUR LE SOUDAN. fAR M. LE CTE d'eSCAYRAC DE LAU'lTRK. [Suite.) Paris, Janvier 1 856. Aperire tcrram gentibus. Les VIII, IX, X et XIe parties du memoire sur le Soudan ont ete lues a I'Academie des sciences morales et politique?, dans les seances des 2 et 9 fe'vrier, par I'auteur, qui y avail joint ('introduction suivante. Le travail que j'ai 1'honneur de communiquer a I'Academie complete un ouvrage que j'ai puhlie il y a deux ans sous ce litre : Le Desert et le Soudan, et fait partie dun memoire assez volumineux dont j'ai fait paraltre deja deux cahiers. Ce memoire trade de la geographic, de I'ethnographie, de l'histoire, de 1'etat social et des institutions de l'AI'rique interieure. J'ai presenle a la Societe de geographie les portions de ce (25 ) travail qui l'interessaient plus specialement. J'ai pense que les details que j'etais a merae de fournir sur I'etat social et les institutions des peuples primitifs du Sou- dan pouvaient etre de nature, par les comparaisons qu'ils amenent et les reflexions qu'ils font naitre , a interesser l'Acadetnie des sciences morales et poli- tiques. J'ai pense que cette savante coinpagnie vou- drait bien, en faveur de la nouveaute des faits, excuser l'imperfection de la forme sous laquelle je les lui pre- senterais, et que peut-etre mes investigations patientes trouveraient dans sa haute approbation la recompense que j'ainbitionne le plus. Etudier l'Afrique , c'esl etudier en quelque sorte 1'avenir de la France elle-meme. L'Afrique n'est plus cetle region fabuleuse que le Tasse nous represente : « Sul mar culta e ferace, addentio solo i) Ferlil di inostri e d'infeconde arene. » Cette partie du monde, si voisine de nous, s'en trou- vaiteloigneepar deshaines seculaires etparune crainte nee du souvenir d'anliques desastres , lorsqu'au com- mencement de ce siecle, I'Egypte fut alteinle par nos amies; le prestige qui environnait ce monde inconnu tomba devant l'examen. Trente ans plus tard, l'Algerie devenait un appendice de la France. C'est toulefois moins a la force de ses amies qu'a la sagesse de ses conseils, a la prudence de sa conduite, que la France doit ses progres en Afrique. A cole de l'Algerie conquise par la force, mais soumise par la justice, se groupent : I'Egypte regencree, 1'Abyssinie decrite, TAfrique australe visitee par des Frangais , dont le prestige de nos arts, de notre sagesse ou de ( 2« ) noire religion protegeait el protege encore les loin taines enlieprises. Le Senegal, dont la eonquete paci- fiaue datait tic 17(30, longtemps improductif et ne- glige, a repris aussi le rang tju'il ileyait tenir. Lne administration intelligente etudia les ressources de celte colonie, lui revela ties richesses qu'elle ne soup- Qonnaii pas, et, par ('introduction en ISli'l de la cul- ture de l'arachide, servit a la fois les interets de la metropole et ceux de la colonie, l'industrie de Mar- seille et le commerce du Senegal. L'etablissement, en 18/|5, de nouveaux comptoirs d 'Assinie, du grand Bassam et du Gabon, a donne les plus hcureux resullats. Pendant quelques annees, a laveiite, le eomptoir du Gabon faisait pen d'affaires; mais cet etat de choses paraitbien change aujourd'hui. II v a souvent, pour les colonies, comme une periode d'incubation dont les homines d'Etat doivent savoir avec palience atlendre le lenne; ils out tiavaille pour l'avenir, 1'avenir jouira du fruit de leurs travaux. Ces eomplohs servent aujourd'hui de centre a des missions catholiques, qui, apres avoir traverse de lon- gues epreuves, paraissent en progros. Des intrigues, des revokes ont agile recemment le Senegal ; mais elles n'ont eu d'aulre resullat que tie porter plus loin notre drapeau el le renom de notre puissance. Dans la paer des Indes, d'autre part, nos etablisse- ments de Nossi-be et deMayotte, ainsi que le traite con- clu en IShll avec limam de Mascale etabli a Zanzibar, pnt accru notre Influence, developpe noire commerce, I'aciliie les investigations de la science. Enlin, dans I'Afrique australe, et jusqu'a une dis- tance de 250 lieues du Gap, les missiounaires evange- ( 27 ) liques francais <>nt fonde douze missions, d'ou le chrisliahisme ct les arts de l'Europe rayonnent et se repandenl sur des peuples plonges jusqu'alors dans l'ignorance el la barbaric la plus profonde. Ces missions, dfja assez anciennes, ont valu a la science plus d'un progres : la geographie, l'ethnogra- pbie, l'etude des langues africaines, leur ontdenom- breuses et grandes obligations. La sage reserve qui preside aux relations des missionnaires avec les Anglais du Cap et les Boers independanls, I'influence qu'ils ont su acquerir sur les peuples qu'ils dirigent, assu- rentl'avenir de ces etablissements Irancais. Ainsi, grace a des efforts sages et prevoyants, grace a l'energie tie quelques hommes d'elile , l'Afrique s'ouvre de lous cotes devant nous, et doit de plus en plus altirer notre attention, cievenir l'objet de nos etudes. vill° PAKTIE. — GOUVliRNEMENT. I. — Gouvernement ; pouvoiv des exclaves. Qualre monarchies puissanles se partagent le Soudan; cesmonarcbies ne sontpointanciennesetonleu d'hum- bles debuts. Ce n'esl qu'a une epoque recenlu que quelques princes par leurs conqueles, d'autres par 1'habilete de leur politique, ont etendu les limites de leurs fitats ou grandi l'autorilc royale. Cbez. It sBarbares la republiquc ne souffre qu'un petit noinbre de citoyens, uuetribu, une peuplade dont lous les hommes valides reunis en cercle peuvent entendre la voix d'un meme oratcur, n'ont besoin de deleguer a persoune le soin de regler leur conduite et de decider de ( 28 ) leurs actes. Mais la prerogative si precieuse tlont joiiit chaque memhrede ccs pelites socieles, nesaurait etre conservee par des millions d'hommes peu cclaires, sans qu'il en r< sullal de la negligence ou du desordre. Elle devient alors quelquefois le privilege d'un petit nombre de chefs, ou de qnelques corps influents tels que l'ar- mcc, la magistrature , le clerge, les corporations in- dustrielles, qu'on pcut alors considerer comme autant de citoyens collectifs. Mais une nation nombreuse et barbarene presente pas loujours les elements sericux d'un gouvernement aristocratique. Le despolisme alors s'y etablit des les premiers jours : l'orient musulman en fournit de re- marquables exemples. Ce despotisme, cependanl, rencontre des limites, car le people ne le souilre qu'a la condition que le coran sera la charte et le code de l'Etat. Cette garantie doit etre rcspeclee d'autant plus qu'elle est seule. Rien n'est plus dangereux pour un despote, dit Mon- tesquieu, que de vouloir changer les coutumes du peuple. Les princes du Soudan, en reduisant quelques petits chefs a leur payer tribul, out acquis des vassaux qui ne sunt point dangereux. Le sol n'elant pas la propriele exclusive dun petit nombre, il \ a peu d'hommes ri- ches ou puissants que le gouvernement doive redouler. Mais les dynasties soudaniennes ont du a rislamismc leur grandeur ou leur consecration; elles sont tenues d'y resler fidelcs, el le peuple ne leur obeit que lant qu'elles-memes obeissent au coran el se montrent dociles a la voix de ses inlcrpretes. Cos interpretes sont les eulcmas ; le prince doit les ( 20 ) consultcr sur toutos les affaires tie quelque importance; leur felwa ou decision suffit a lout juslifier et pent tout compromettre. Le souverain choisit du reste ses agents soit parmi ses enfants, soit parmi ses esclaves Les esclaves, tres nombreux dans le Soudan, y sont, pour la plupart, comme cliez les Romains et dans nos colonies, employes a la culture des terres et a divers travaux; il est rare dans le Soudan, comme dans les republiques de l'antiquite, qu'un homme libre con- sente a travailler lui-meme. Quelques esclaves cependant, appeles a exercer des functions domestiques, peuvent s'elever clans la con- liance de leur maitre; ces esclaves appartiennenl pres- que toujours a des races partirulierement estimees; e'est ainsi que les Sarwa sont traites avec beaucoup de faveur dans le Baguermi. On peut dire, en these generale, que la faveur accordee a l'esclave est d'autant plus grande que sa race differe moins de celle de son maitre. Partout, comme cliez les Juifs et les Romains, le d^biteur, con- traint de se vendre, est tiaite avec bonte par son conci- toyen devenu son maitre, ou venge par le peuple des injures qui lui sont faites. Nous voyons chez les Romains les esclaves domes- tiques s'elever du gouvcrnement de la maison de leur maitre au gouvernement meme de l'Etat. L'orgueil proverbial de la maison claudienne n'empeclia pas Tibere et son successeur d'etre conseilles ou menes par leurs affrancbis. Sans doute au temps de la gran- deur romaine, les citoyens, plus jaloux de leur gloire, n'eussent pas supporte patiemment une telle injure. ( so ) Claude, cependant, rappelaun jour auxsenateursque, ties les premiers temps de la republique, ties affran- cnis y avaient joue un rol important. L'Egypte ancienne nous montre Joseph surgissant de la servitude pour devour I'arbitre de I'empire. L'Egypte musulmane a ete longteirips possedee par des mamelouks, sorte de milice recrutee par la servi- tude, et ['empire ottoman regorge d eselaves qui re- gnent sur les enfants de leurs maltfes. Quelques eselaves noirs tiennent dans le Soudan la place que les mamelouks tiennent dans tout 1 Orient, etque les affranchis occupaient a Rome. Je cilerai, parmi ceux qui onl acquis quelque cele- brite, Barka-.Gana, qui commandait f'armee cluKanemi a I'epoque a laquelle Denhamet Clapperlon visiterentle Bornou; Kadjalla-Tae, qui la commandait auparavant; Falcha-Kano , Abd-Allah-Gabadna , Mbarama, etc., qui figurent dans I'hisloire du Baguermi; le khalifa Delduum, tjui usurpa sur Hachim de Gimir ia \ice- royaufe du Kordofan, et disputa la royaute du Dar- Four a Abd-er-Rahman II, etc., etc. L'affranchissementestvegarde dans le Soudan comme une formalite oiseuse, ou comme I'in juste rupture d'un lien qui ne doit jamais elre brise. Ainsi Barka-Gana, quoique a la trie d'une armee, dut reeonnaitre le pou- voir du Kanemi sur sa personne, et s'humilier devant cet homme remarquable qu'il avail offense el qui Iiii pardonna t'acilement. II. — Legiti mile, usurpations, insignes. En theorie, I 'islam ne peut avoir qu'un chef, qui est le ktaafife ou vicaire ctu prophete; pour elre legitime, ( 31 ) ce khalife doit etre musulman, male, majeur, sain d'esprit, de condition libre, et de la trihu de Roreych. Dans la pratique, le raonde musulman est divise entre une multitude de souveraius qui se pretehdent tous khalifes, bien que la plupart d'eutre eux ne soient pas koreychites. Le padichah des Turcs est le plus puissant de tous ces khalifes; il a pour lui l'eclat et le prestige d'un passe glorieux. La race turque a ete mailresse de l'AIgerie ; elie domine encore a Tunis, a Tripoli, en figypte; le padichah a le litre de protecteur des villes saintes; enfin la plupart des musulmans croient que les princes Chretiens en recoivent l'investiture et lui paienl tribut. On ne s'etonnera done pas si les princes du Soudan le regardant comme le maitre du monde, le veritable partageur (padichah) des couronnes, s'adressent quelquefois a lui dans leurs ernbarras, et, a defaut d'un appui materiel, qu'il ne saurait leur preter, aient recours a son appui moral : e'est ainsi que Cherif fut relabli dans sesLtals. Les princes souda- niens paraissent ineme se preter a recevoir du padichah Pinvesiiture de la royaute. Le pacha de Tripoli jouit dans le Soudan d'une grande influence : il en est de meme du pacha d'Egyple qui cherche a etendre de ce cote le renom de sa puissance. Le sultan du Maroc jouit aussi de quelque credit a Ten-Bouctou, comme parnh les fellatas, et de tous ceux qui commandent a l'Afrique mediterraneenne ; les maitres de l'AIgerie sont les seuls que le Soudan ne connaisse pas et qu'il neconsulte jamais. L'origine de la royaute dans le Soudan, comme partoul, a ete 1'election. Les rois elus out legue a leurs ( 32 ) enfants ou a leurs freres le pouvoir donl on leur avail confie l'exercice. En general , le personnagc le plus age de la famille royale a succede au tro:ie, a l'exclu- sion des enfants memes du roi decode. Cette continue est celle des Arabes et des Turcs ; lcs Soudaniens, s'ils ne la suivaient deja, ont du I'adopter des qu'ilsse sont trouves en rapport avec d'autres musulmans. Chez eux, coinmo chez les Arabes et les Turcs, le pouvoir est souvent dispute les amies a la main par plusieurs rivaux dont les droits paraissent se balancer. Le vainqueur fait alors aveugler les vaincus, ou bien il leur fait couper I'oreille ou trancher la main. En les sti^inalisant de la sorte, il les rend indignes de regner et n'a plus a les craindre ; e'est ainsi que nos premiers rois faisaient tondre leurs rivaux, ce qui valait assure- ment mieux que de les faire peril*. Dans le Soudan, du rcsle, les attentats politiques sont en general punis avec pen de i igueur, parce qu'ils sont commis par des homines puissanls qu'il est bon de menager. L'exil, dans les monts Marrah, fut le seul chatiment du khalifa Deldourn, qui avait menace le trone d'Abd-er-Rahman II. Le khalifa fut meme rap- pele plus lard par Fadel, qui, corarae beaucoup de princes, se piquait de faire en tout le conlraire de ce qu'avait fait son predecessour. Si la pcrte de la vue, celle d'une oreille ou dune main, excluent du trone, une defaitc honteuse, lafuite pendant le combat, la perte de la liberty, en excluent bien davanlage encore. Les noms des princes qu'allei- gncnt delehs malheurs sont relranchesdes lisles royales et condamnes a l'oubli. Le seul cxemple de l'usurpation de la royaule par ( 33 ) une maison nouvelle nous est offcrt par le Bornou, oiiregnent aujour d'hui les descendants de Mohammed- Ningami. Cette usurpation n'a pu s'accomplir que par Teflon patient de trois generations de maires du palais; elle rappelle par quelques traits l'usurpation carlovin- gienne. Comme je 1'ai dit plus haut, les capitales, ou plutot les residences royales, changent souvent dans le Sou- dan. Ainsi le Bornou a eu successivement pour capi- tales : Gasr-Goumo, Angala, Angornou, Kougawa ; le Waday : Nimro, Tara, Oulad-Ali, Wara, Ambache ; le Dar-Four : Bir-Nabak, Rich, Teldawa, Kabkabieh, Kobe, Tendelti; les Fellatas, depuis quelques annees, Sokkoto et Wurno; le Kordofan, Bara etLobeidh, etc. Nos anciens rois changeaient aussi volontiers de capitale, tant la Barbarie se ressemble partout, et, pour ne parler que de ceux de la seconde race, Char- lemagne tronait a Aix, Louis-le-Debonnaire a Thion- ville, Charles-le-Chauve a Compiegne, Louis d'outre- mer a Laon, etc., etc. Le signe du pouvoir royal dans le Soudan nie parait 6tre le tambour qu'ils appellenl tombol {tympanum, tymballe) a peu pres partout, et que les Arabes con- naissent sous le nom de nogara. Ces tambours, con- struits en bois, enloures de cuir, et assez ordinaire- ment de cuir d'hippopotame, jouent sur le champ de bataille le role des enseignes. On doit les suivre par- tout, les enlourer et les defendre jusqu'a la mort; leur vacarme anime au combat, annonce la victoire. lis nese taisent que si l'ennemi s'en empare ; leur si- lence indiqueladefaiteetdonne le signal de la deroute. XI. JANVIER ET FEVRIER. 3. 3 ( 34 ) IX' PARTIli. ART DU LA GUERRE. I. — Li°ues, periodes de /'art de la guerre, la guerre est 1 * e t n t normal flu Soudan, comme celui de toutes les contrees barbares. Les douceurs de la paix sonl rffusees a des peuplcs qui ne connaissent point la loi des trnites ; ils ne peuvent jouir que de ces treves passageres qui naissent de la fatigue ou du (In ■ouragement; mais bien qu'il n'\ ait pas de traites, il existe, en outre des relations de suzerain a vassal eta- blies par la victoire et maintenues par l'appareil de hi force, quelques rapports de bon vol sin age ou menu' d'alliance tacite entre divers etats du Soudan. La coin- niunaute d'origine est pour beaucoup dansces alliances qui divisent le Soudan en un certain nornbre de ligues opposees les unes aux autres. La connais.^ance exacle de ces ligues est indispen- sable a celui qui ve'ut parcourir le Soudan; bien ac- cinilli par un prince, il est assure d'une reception pareille aupres de tous ceux qui lont partie de la memo ligue; il a tout a redouter, an con tr aire, de la part de ceux qui appartiennenl a des groupes differ'ehts. Teut- on, parexemple, se rendre du Baguerini dans le Balha, il l'aul [Kisser par le Fitri ; on ne traverserait pas sans danger le MSdogo. Le Fitri, en e fl'e t , entretienl avec le Baguerini des relations de bon voisinage, tandis que le Medogo en est eloigne parses bames seculaires. Plus d'un explorateur a du SfeS echecs, dans le Sou- dan, a 1'ignoiancc de cetle situation politique, qui n'est pas parlicuiicre a i'Alriqne, mais commune a toutes les contrees barbares. ( 35 ) L'art de la guerre me parail presenter trois periodcs plus on moins bien marquees, et que j'appellerai periode heroique, periode tactique et period e meca- nique. Pendant la periode heroique, la guerre, qui jusquo la n'avait ete que lutte ininlelligenle et a forces £gales de sauvages desarmes, commence a devenir tin art; des amies offensives et defensives sonl inventees, et le cheval est appele a la defense de I'homme. Toutefois, on ne songe point encore a creer des armees perma- nentes, a les diviser, pour la faeilite du eommande- ment, en plusieurs corps destines a se soutenir les uns les autres, a regler les mouvements, 1'ordre de marche et jusqu'a la discipline et la tenue de ces armees. C'est l'elan individuel, le courage et non la combinaison savanle, qui assurenl alors la victoire. La cavalerie joue habiluellement tin grand role dans les guerres de cette periode, que j'appelle heroique, et a laquelle je pourrais aussi bien donner le nom de chevale- resque. Mais bientot la legion se forme et se subdivise ; le heros s'efface, on ne compte [)lus que paicohorte; la discipline prime le courage, on combat avec en- semble, avec ordre ; l'union des fantassins les protege contre la cavalerie, et, grace a sa mobilile, rinfanlerie devieut IViemeut principal, essentiel, des armees, la force de 1'antiquc legion romaino et celle des armees modernes : c'est la periode taelique, veritable apogee de l'art de la guerre. Mais cet art decline vite cbez des peuples riches et ratlines; la defense de la patrie est conliee a des tuer- cenaires indilieients, la moiiesse- des mceurs con ompt ( 36 ) les armees ; le soldat, devenn timide, redoulo les luttcs n I'arme blanche ; le poids de sa cuirasse fatigue le legionnaire degenere qui veut pouvoir deuiander son saint a la fuite. Un de ces princes dont l'imbecillite hate la decadence des empires, Gratien, lui perinetde se depouiller de ses amies en allendanl qu'il lifre scs enseignes. C'est aux machines alors qu'on remet le .'oin de defend re la pa trie, ou d'assurer son triomphe sur de timides ennemis. La legion d'Adrien tralne 10 onagres et 55 balistes roulantes : c'est la pe>iode mecanique, periode pendant laquclle 1'artillerie seule a encore quelque gloire a recueillir. Les peuples du Soudan ne connaissent encore que la guerre lieroiquc. Nous examincrons d'abord les armes offensives et defensives dont ils font usage, ensuite leur taclique rudimentaire ; enfin leur maniere de fortifier et d'at- taquer les places. II. — Armes offensives et defensives. Les armes offensives par excellence des Soudaniens eomme de tons les Barbares sont la lance et le javelot, qui n'en differe habituellement que par un pcu nioins de longueur. D'apres la forme du fer, on distingue plusieurs especes de lances ou de javelots : Yam-cheri du Wad ay et Yab-kreicha (pere des boyaux, kerch) ont un fer ovato-lanceole. Le girgid (pi. garagid du Dar-Four) porte au-dessous d'une lame semblable des barbelures dirig^es vers le fer. Le bellem (i. e. tu pleureras) du Kanem a le meme ( 37 ) fer des barbelures, et enlre le feret les barbelures, un croissant dont la convexite est tournee vers le haut. Le for presente un fer en forme de losange allonge; le dara-dbrd du Dar-Four y ajoute un croissant ana- logue a celui du bellem. Les tibous Goraan et Kreida font usage de javelots a lame sagittee dont la bampe est herissee de barbelures de plusieurs sortes. Les Ab-Djenoub font usage d'une lance ou javelol, dont le fer n'est pas symetrique el fail crochet d'un cote. Les Kouba se servent de javelots sans lance et bar- bells sur une certaine longueur; ces javelots sontquel- quefois entierement de fer, et les Kouba les font rougir au feu avant de les lancer sur lennemi. Enfin, on se sert dans presque tout le Soudan d'une lance ou javelot dont le fer ensiforme est separe de la bampe par un bloc de bois ordinairement cisbique. Le fer de cetle arme penetre dans l'intervalle des inailles du haubert, et perce la saye ou vetement ouate. Le bloc de bois a pour objet de l'arreter, et peut-etre aussi de porter un peu plus en avant le centre de gra- vite de l'arme, ce qui en assure mieux la direction. Le javelot est rarement lance horizontalement ; on le lance suivant un angle qui varie avec la distance, de sorte que ses coups sont en general plongeants; un guerrier exerce plante ainsi son javelot sur le crane meme de son ennemi. Les Soudaniens se servent de la grande epee droite a poignee en croix des Arabes et de nos anciens che- valiers ; cette epee est l'arme principale de la cavalerie fourienne, moius bien armee que celle du VVaday et ( 38 ) surtout que cellos (Us etats occidental**. Lta Souda- niens sc servant aussi tie hi masse d'armes et de la haolie d'armes. Lcurs arcs ont de /i a 5 pieds de longueur; leurs Heches sonl petiles et legeres, presque toujnurs barbc- lees, souvent slrieei ou eridees el empoisonneesi Le poison if, tondja sur les derrieres d'Omar, le battit coinpletement et coupa toute retraite a son arinee. IV. — Positions , forteresses. Dans le Soudan, comme partout, la possession des plaines est souvent disputee; les peuples qui les babi- tent , n'ayant de force que dans leur nombre, sont souvont defaits et quelquefois detruits. Les frontieres ( AO ) adiarnees, devienneot des marches, des deserts. Les monlagnes, cependant, asile des plus faibles, dernier refuge des vaincus. oppusenl, a la rage des oppressors , des obstacles devant lesquels elle doit presque toujours s'arreter. Les lies et les archipels des grands lacs jouissent d'une immunity pareille : on ne penetre dans les mon- tagncs que par des gorges d'un difficile acces, et dont la recherche est pleine tie perils ; on n'atteinl da meme les des des lacs africains qu'eo suivant des gues, varia- bles suivant la saison, diflicilcs a decouvrir, sinueux, traverses par des canaux profonds, ou intcrrompus par des goulTres. On ne saurait poursuivre sur un terrain V dangereux un enncmi qui en connait Unites Irs resources. Ainsi les Egyptiens perirent en s'engageanl sur uiu' route que Moise et les nominee de Gessen \enaient de suivre. II resulte de oe que je viens de dire que la popula- tion des baules montagnes et celle des arcbipels lacus- tres (lu Soudan pent, en these generate, etre regardee connne autochthons, el que l'origine de la population des plaines sans defense presente au contraire unpro- bleme f >rt oomph que. Les montagnards ne se contentent pas toujours de la defense nalurelle que leur otlre le relief du terrain ; quelquefois ils enlomvni leurs villages ou l'entree de leurs defiles d'un rideau ou d'un labyrinthe d'arbres epineux. Cost a une precaution de cettc nature que les Tamiens doivent la conservation de leur indepen- dence. Le sullai. du Waday, CJierif, drsireux de les souinettie, parul il y a quelques annees devant leurt ( 47 ) montagnes. Les taillis 6pais qui en garclaient la base ne lui permirent pas d'y penetrer : c'est en vain qu'il tenta de les incendier ; l'arbuste epineux dont ils claient principalement formes, appel6 am-dourou par les Arabes, et dousou-gara par les gens du Bornou , ne prenant pas feu facilement, et les Tamiens 6lant tou- jours pr&ts a toinber a l'ipoprbviste sur les incendiaires, Cberif se resolul alors a bloquer les Tamiens ; ceux-ci, cependant, defiant la surveillance de ses soldats, se glissaient de nuit, isolement ou par bandes, par les sentiers etroits de leur labyrinthe , jusque dans la plaine ; pen<§traient dans le camp meme de Cherif, et assassinaient ses officiers presque sous ses yeux, ou, se portant a de grandes distances, enlevaient a des villages wadayens, eloignes de plusieurs journees de marche, des troupeaux de bceufs qu'ils emmcnaient dans leurs montagnes sans etre apercus. Les signalait-on, ils disparaissaient au moment ou Ton pensail les atteindre, el c'etait courir a une mort certaine que de les suivre dans leurs sentiers. Ces sen- tiers, en effet, out si peu de largeur, que non-seule- ment on ne pent y engager qu'un homme de front, inais que encore, pour D'etre pas decbire ou plutot arrSte par les epines, cet honame doit tour a tour mar- cher de c6te ou rainper. C'est pourquoi, apres quelques mois d'un blocus inutile, et apres avoir essuye les pertes les plus sen- sibles, Client' offrit la paix aux Tamiens et regagna sa c a pi tale. Les palissades son l fort usitees dans le Soudan. Au Bornou, on emploie a faire ces defenses le bois d'un arbre appele en Ranouri kdbi, en Balebeli ddchi. Cet ( as ) arbre, qui est tres vivace et n'a pas d'epines, donne une gomme odorante qui ressemlde a la myrrhe. On fait egalcment usage des trous de loup, des petits piquets, des chausse-trapes et des abatis epineux. Les Fouriens el les Wadayens n'enlourent point leurs villes de niurailles, comme les Soudaniens occi- dentaux : ces derniers ont emprunle aux Arabes leur ancien systeme de fortification; leurs enceintes sont babiluellement carrees ; au milieu, de cliaque cote, s'ouvre une porte flanquee d'une ou dedeux tours sail- lantes, de forme quadrangulaire. Les places du Soudan ont tanlot deux, lantot quatre portes, rarement davanlage. Les Arabes placent souvcnt la porte sur le flanc d'une lour; les Soudaniens, qui elevent des tours pleines, ne sauraient en faire autant; comme, du reste, ils n'elevent de tours que pres des porles, les niurailles, qui ont souvent un developpement consi- derable, ne sont pas suflisamment flanquees. Les Soudaniens en rendent l'approche plus difficile par les defenses accessoires dont j'ai parle plus haut, et par un fosse assez profond, quelquefois inonde, et donl les deblais servent de base aux niurailles ou four- nissent les maleriaux necessaires a leur construction. Les niurailles sont done conslruites en terre melee de pierres.de broussailles; soutenues quelquefois par un clayonnage grossier ou par un revetement plus so- lide ; elles sont assez bautes pour defier l'escalatle ot leur epaisseurest souvent considerable. Dans quelques parties du Soudan, elles sont revelues d'un enduit gras d'argile ou de fumier, qui les preserve de Taction des- tructrice des pluies intertropicales : quelquefois aussi ( 49 ) le sommet ties murailles est couronne de creneaux. Loggone, capilale tin Kotoko, dans le Soudan, et Achanama, capitale cles Tibous, dans le desert, pas- sent pour des places tres fortes. D'apres un informa- teur Tibou, Achanama serait double; il y aurait la ville commerciale situee dans la j.laine, el la forteresse balie sur la inontagne; cette forteresse, de ligure car- ree, aurail deux portes : une plus petite au sud, et une plus grande au nord, destinee aux besliaux. II existerait en dedans de l'enceinte unpuits profond de cinquante coudees, et dont on puiserait 1'eau a l'aide d'un seau el d'une cbaine de fer. Je n'ai pas besoln de dire que l'art des siege sest peu avancechezlesSoudaniens ; toutefois, ils font usage de tranchees pour loger leurs archers, dont le lir inquiete le defenseur et l'oblige a abandonner les parapets ; quelques homines d'elite s'avancent alors en se cou- vrant de leurs boucliers, comblent les fosses a l'aide de fascines, forment la tortue et s'approchent des mu- railles ou des portes qu'ils renversent a coLq^s de piocbe ou rompent a coups de masse, si l'escalade n'est pas possible. Les assieges se defendent alors en faisanl pleuvoir sur l'ennemi qui les serre de si pies, des pierres, des pieces de bois, de 1'eau bouillante et toutes sortes d'ordures. Xe PARTIE. RKLIGION. I, — Marche du sentiment religieux, premieres idoles. Le spectacle admirable de la nature, d'une part, et de 1' autre, la conscience qu'il a de sa propre faiblcsse, XI. JANVIER ET FEVRIRR. k. U ( 50 ) amenent l'liomme a croire a l'existence d'un on de plusieurs etres crealeurs du monde et arbitres de la destinee. Ignorant des lois de Ja nature, l'liomme primiiif ne voit partout que des prodiges nes de quelque caprice d'une divinite faite a son image. Agite tour a tour par la crainte ou le -desii , il s'adresse a celte divinite, Cherche a detoumer par des conjurations et des sacri- fices les malheurs qui le menaccnt, ou a meriter par des (iffrandes et des prieres, les biens qu'il convoite. Cette marehe naturelle de 1'esprit ha main vers la reli- gion est-elle un transport soudain, ou seulcmenl une course plus ou moins rapide ; j lie site a me prononcer sur une si grave question, il me semble toutefois qu'il exisle dans le monde quelques peoples a 1'esprit des- quels I'idee d'une puissance supreme ne s'est pas pre- sentee encore ; les premiers missionnaires en signa- lerent en Amerique, les missionnaires actuels en rencontrent sur le fleuve Blanc. D'abord vague et indecis, le sentiment religieux arrive a se formuler en dogmes, a se traduire par un culte ; ces dogmes et ce culte se compliquent pendant les siecles de barbarie et deviennent plus simples et plus purs a mesure que l'bumanite s'ec laire davantage. La superstition alors se voit exilee d s temples; mais cumme 1'esprit du vulgaire en est avide, clle ne perit point ; repoussee par les dieux, elle se place sous I'invocation des esprits infernaux, et arrive a consti- tuer cc (jue nos peres appelaicnl la magie. Les jieuples idolalres du Soudan n'ont pas fait le principal objet de mes reclierches, leurs cultes ne me sont qu'imparfailement connus; il m'est toutefois per- ( 51 ) mis de supposer qu'ils different pen cle celui qui, dans lo Baguerrni, a precede I'islamismc. Anterieurement a Ban-Malo, premier souverain musulman do Bagyermi. les habilanls de Masiia invoquaient une divinite appelee Merem (1) Dida ■ ils lui avaient consacre une idole on plulot un fetiche de bois de Uarez, termine par une tete imparfailement degrossie. Tels sontpartoul les objets du eulte primitif. Simulacra mcesta deorum Arte carent, caesisque exstant informia truncis. (Lucan., pliars., liy. HI, v. 4') LaDiane d'fepbese, d'apres Pline, n'etait elie-meme, dans l'origine, qu'une souche ou qu'un tronc d'arbre. Les anciens, dit Clement d'Alexandrie, n'erigerent d'abord que des poteaux de bois on des colonnes de pierre a leurs dieux. Lorsquc ces simulacres grossiers etaient isoles, on les nommait chorines; et, dans la suite, lorsqu'on les transforma en figures bnmaines, ils recurent le nom de bretes. Tibulle, regrettant ee culte grossier, compagnon de la simplicity et de la bonne foi des premiers ages, s'adresse ainsi aux dieux : Nee pudeat prisco vos esse e slipite factos, Sic veteris sedes incoliustis avi. Tunc melius tenuere Gdern, cum paupere cultu Stabat in exigua ligneus aede deus. Dans plusieurs parties de l'Afrique, on retrouve des dieux pareils a Menin-Uida. On en pourrait dire au- tant de l'Oceanie et de l'Asie : les fetiches des Lapons (l) Merem, i. e. princess*' (ian-. I -i at c. Its lanjMics du Soudan ; celie divinite avail . | < i < * i < 1 1 1 ' ■ m:do;n<- :i\< - i V.'n : A - 1 ;i 1 1 1- dc-i Syricns, ( 52 ) enx-memes, wirkuaccha, Toron, elc, ne sontpas autre chose. Le fetichi' de Merem-Dida, mal pose ou mal soutenti, tomba plusieurs fois pendant les premieres annees de son existence; le peuple, emu par le frequent retour d'un si lugubre presage, voulut s'eclairer sur ses causes et en conjurer les consequences funestes. Ln de\in celebre ful consulte; sa reponse ful digne de la bar- barie superstitieuse des temps : il declara en effet que Merem-Dida exigeail le sacrifice de la fille du roi; que cette jeune fille devait etre enterree vivante, elle fetiche dresso au-dessus de sou lombeau. Le roi, autre Aga- UH'iuuon, sacrifia sa fille a sa propre folie et an fana- tisme de ses sujets : Tantuni potuit rciigio suadere ma- lorum. A partir de ce moment, on assure que Merem- Dida resta debout. J'ai exprime plus haut l'opinion que ce fetiche avait ete epargue par les musulmans, sur une de mes notes; cependant je lis a cote de son nom les mots arabes sar clebib, locution etrange et barbare dont le sens, qui m'avait echappe au premier moment, paralt etre que le fetiche a etc renverse (est devenu etendu a terre). II. — Progres de Pislamismc, missions chretiennes. L'islam a penetre par le Maroc a Tembouctou , dans 1'empire des Fellatas, le Bornou, le Baguermi; il est au contraire venu de 1'Lgypte ou du Hcdjaz daus le Dar-Four et le Waday. II a penetre dans ces Etats par voie de ricaleh ou apostolat; il ne s'y est point etabli par la force des armes. Mais, a peine convertis, ces Etats ont voulu ( 63 ) contraindre les autres a lesitniter, et leurs expeditions guerrieres sont devenues plus nombreuses en acque- rant le caraclere de Djihad ou guerre sainle. L'islam, adopte par un prince, esl souvent accepte par tous les sujets ou la plupart d'entre eux, en vertu de cette tendance qu'ont tous les hommes a itniter l'exemple de ceux qu'ils regardent comme plus eclai- res qu'eux-memes. Quelquefois aussi l'islam est im- pose par un vainqueur feroce a des populations sou- mises : dans ces deux cas, la foi, la piet6 des neophytes ne sauraient etre bien vives. II taut au fanatisme quel- ques generations pour naitre et se developper; c'est pourquoi dans le Baguermi, par exemple, il regne une grande tolerance; les idolatres y jouissent d'une secu- rite complete, bien que les Baguermiens fassent sans cesse des razzias chez les Kirdi ; beaucoup d'etals mu- sulmans emploient des troupes idolatres, et ne font en cela que suivre l'exemple de leur prophete , assez habile pour profiler loujours de tout ce qui pouvait le servir. Tandis que l'islamisme prend ainsi possession du centre de l'Afrique, le christianisme clierciie , mais avec moins de succes, a se glisser dans la parlie meri- dionale de ce continent. Les missionnaires Krapf, Rehmann, Oswell, Livingston, Arbousset, Daumas, Cazalis, y portent la religion de l'Evangile, trop epuree el trop austere peul-etre, pour des peuples aussi bar- bares. Les missionnaires catholiques, d'un autre cote, cherchent a attirer a leur culte les peuplades sauvages du fleuve Blanc, plus avides de leurs verroteries que de leur parole. Toutes ces missions, cependant, servent la science ( 54 ) grographique, redevable deji de tanl tie progres au devoiiemcnt audiuieux el a l'intelligonle activity des jesuites. I, 'ignorance des lnusnlmans soudaniens fait qu'ils coni'ondent presque toujours le chrisiiaui sine que les marcliands d'esclaves ont soin de jeur representor sous les plus Iristes couleurs, avec 1'idolab'ie grossiere de leurs vnisius. Pour tux, les idolalres et les ehreliens ne font qu'un ; aussi repondent-ils somen! a crux qui les internment sur les conlrees de I'Alrique cmtrale, (ju'elles sont peuplees tie ehreliens. Dims le mot com- pose de Rirdi-Sara, appellation des pcuples limilrophes du Baguermi et du Bornou, dans le Sildj Sara n'est autre chose que 1'arahe nsam (ehreliens, sing, nous- rani, Nazareen) legerement defigure. II est nalurel que les Egyptiens et les gens du Gliarb inspirent de prinie-abord mix noirs plus de confiance (jue nous; la figure, les mceurs, les idees des uns el des autres ne different pas dans une assez lorle me- sure pour amener de la defiance et de 1'eloigue- uienl. Le demi-savoir d'un Egyptian frappe d'admi- ration le negre ; la science de I'EuropGefi l'etonne et reffray. L'admiralion des noire est d'aiileurs acquise en genera! a ce qui le merile le moins ; l'idee dominanle, le sens philosophique dune religion, ne se revele point a eux ; ee qu'ils en voient, e'est le detail : plus ce derail est complexe, plus il leur pa rait mervrilieux; plus il est niais, j)lus il leur semhle sublime. Or, ce nest pas par la pauvrele des details que peche 1'islain : si cette religion n'a pas admis de figures dans ses temples, rile a su coiupliquer son dogme, sa morale, et surtout les f 55 ) pratiques de son culte, d'une multitude incroyable de subtilites et tie minuties. Ainsi, l'ablution la plus simple exige l'accomplisse- ment successif de dix-neuf pratiques, dont cinq sont de preceple coranique et quatorze de tradition pro- pbetique. Celte ablution est rendue necessaire par onze sortes de souilluies differentes. L'accomplisse- ment de chacune des cinq prieres journalieres, dont 1'iustant precis est determine, exige quatre conditions. Chaque priere se compose d'un nombre different de rikats, qui sont d'obligalion divine, canonique ou traditionnelle. Cbaque rikat exige 1'accomplissement de dix pra- tiques, dont l'importance n'est pas la meme. La priere, enfin, peut etrc invalidee par douze accidents diffe- rents, et perdre une portion de ses merites par un nombre bien plus considerable de petits oublis ou de petites fautes. II en resulte que le musulman, pour accomplir les moindres devoirs de ce culte meticuleux, est oblige de subir un noviciat assez long ou de consulter a cbaque instant des gens mieux renseignes que lui. Lesdocteurs des premiers siecles de l'islam, et surtout les fonda- leurs des quatre rites orlbodoxes, n'ont probablement introduit, a I'abri du coran et des traditions du pro- pbete, tant de complications dans l'islamisme, qu'afin de se rendre indispensables ; ils ont legue leur privi- lege aux eulemas, qui continuent a l'exploiter, etjouis- sent d'un credit d'autant plus grand, que le peuple au milieu duquel ils vivent est plus ignorant. II est a remarquer que cbez les peuples grossiers la connaissance du dogme, qui est rare, est estitnee bien ( 56 ) plus haul que la foi el que la piete, qui sont communes. Peut-etre cela tient-il a ce quo les croyants naifs ne comprennent pas le doute, et prennent le sour ire du sceplique pour une finesse devote au-dessus de leur porlee. Au Caire, je parlais frequemment religion avec mes informateurs noirs; el comme les dogmes, les pre- ceples, le culte de 1 'islam me sont familiers, je les leur faisais volonliers connaitre. Souvent, cependanl, je ne pouvais relenir quelques plaisanteries; il m'elait difficile, par exemple, d'expl'ujuer, sans en rire, que l'eau d'une citerne ou etait tombe un rat ne pouvait servir aux ablutions avant qu'on en eilt retire trente seaux, et qu'il fallait en puiser soixanle pour rendre pure l'eau dans laquelle etait tombe un pigeon. Mes Soudaniens, cependant, pleins d'adniiralion pour ces couceplions etranges, ne croyaient pas que j'en pusse rire de bonne foi, et me regardaient comme un pere dc l'islam ; j'aurais pu bruler le coran devanl eux sans perdre une si belle reputation, tanl la foi du vulgaire est aveugle el cntetee. III. — Instruction des Soudaniens. Les Soudaniens ne connaisscnt l'ecrilure que depuis qu'ils ont recu avec le coran l'alphabet arabe; ils en ont fail usage pour transcrire, avec plus ou nioins de perfection, leurs propres idiomes. L'alphabet arabe est peu propre a la representation ties langues elmn- gercs : malgre la richesse apparente que lui donnent ses vingt-huit lettres, il est pauvre et mal concu. Quoi qu'il en soit, presque tous les peuples du Soudan lui f 57 ) sont aujourd'hui redevables de la creation de quelques essais litte>aires, tels que chansons et chants de guerre, chroniques, traduction du coran, etc. Quelques peoples soudaniens paroissent ne devoir qu'aux Arabes la numeration deeimale : ce sont les Fellatas et les Fouriens. Ce fait remarquabie fournit un exemple de plus de la facilite avec laquelle one langue s'approprie les formes ou la grammaire d'une autre langue; rien n'est plus frequent que cette hybridite, et rien ne prouve moins la commune origine de deux peoples que l'ana- logie de leurs formes grammaticales. Peu capables de grands calculs , les Soudaniens n'avaient point d'£re avant de connaltre l'islamisme, et ne faisaient point le compte des annees. On retrouve toutefois encore chez les Fellatas etdans le Choa, une sorte d'olympiade ou de lustre de quatre annees, dont chacun porte un nom different. C'esl probablement la difficulty qu'eprouvaienl les premiers Romains a compter les annees, qui les enga- gea a planter chaque annee, aux ides de seplembre, un clou d'airain dans la muraille ique (1492), des navigateurs anglais et hollandais cbercherent, mais vainement, a deeouvrir un passage, pour se rendre parle nord des mers d'Europe dans I'lnde, et plus tard des tentatives semblablos, et tout aussi inlructueuses, furent faites par les Danois et par les Russes. Depuis que, en 1745, le navigateur danois Bcering, a cette 6poque au service de la Russie, eut d^couvert, entre l'Asie et l'Amerique, le detroit qui porte son nom (1), le (i) Vilus Jonassen Beering ayant vu et vimIp Tun des premiers ce detroit, il est naturel et juste qu'il porte exactement son noiii,et non celui deBehring que lui donnent sans aucun motif fonde la plupart des cartes modernes. La Nouvclle carte des decouvertes faites par des vaisseaux rtisses aux c6tes incontiues de l'Amerique septentrio- nn/e, etc., dressee en 1768 p.ir I'Acadeniie impe'riale des sciences de Saint-Petersboury , I'appelle detroit de Bering, et Vlihtoire des (75 ) desir de trouver par te nord, suit en venant de Test, soit en venant de l'ouest, une communication par mer entre les oceans Atlantique et Pacifique, agita tousles esprits, en Angleterre principalement. Quelqueavan- tageuse au commerce qu'on supposat la solution de la question si celebre d'une semblable communi- cation, elle fut longtemps negligee, et pour ainsi dire presque oubliee, malgre les importantes decouvertes faites dans les mers Arctiques par les Barentz, les Heemskerke, les Davis, les Hudson, les Baffin, etc., etc., lorsqu'un simple baleinier anglais, marin intelligent et intrepide, qui naviguait, depuis plusieurs annees, dans les mers du Greenland, en indiqua la possibilite. Dans une lettre, ecrite par lui a sir Josepli Banks, ce baleinier, Scoresby le Jeune, en rendant compte a l'illustre savant des observations qu'il avait ete a portee de faire, lui signala un fait remarquable dotit il avait ete ternoin lors de son dernier voyage, en 1817. II avait trouve, en effet, environ 2000 lieues carrees (18,000 milles carres) de la surface de la mer voisine du Green- land, entre le lh" et le 80e degre de latitude, entiere- ment debarrassee de glaces, qui avaient disparu pen- dant les deux dernieres annees; et il ajoulait que, quoique dans ses precedents voyages il n'eut eu que tres rarement la possibilite de penetrer la glace entre ces latitudes aussi loin a l'ouest de 0 degre du meri- voyages et decouvertes des fiusses, etc., de l'allemand Miiller, ainsi que plusieurs cartes du Depot de la marine de France, ecrivent de la meme maniere le nom du navigateur danois dont l'orthographe a ete completement retablie par le docteur Odin Wolff, dans ses Danske Soefarende (Copenhague, 1822) ou il consacre une assez longue notice a son compatriote. ( 7(5 ) dien de Greenwich , il avail depasse deux fois dans sa derniere excursion le 10e degre de ce meridicn, etc. Cet expose de Scoresby et des observations analo- gues sur de semblables brisemenls ou ecarlcments de l'immense barriere de glace , fades en 1810 et 1817 dans les parages de l'lslande et sur les cotes orien- tales du Groenland, firent rcvivre en Angleteire les anciennes idees, qui semblaienl perdues devue depuis tant d'annees, d'exploralions dans les mers Arcliques, de tentatives pour atteindre le pole nord , et enlin de recberclies pour effectuer un passage d'un Ocean u 1'autre par ces infernos mers. L'amiraute preta 1'oreille aux suggcslions de sir John Barrow, deja connu par un voyage au Spitzberg, appuyees par sir Joseph Banks, president de la Society royale, et prepara en conse- quence, au commencement de 1818, deux expeditions distinctes : l'une, sous les ordres du capitaine {com- mander) John Boss, devait explorer le passage Nord- OuGsi<\\ccY Isabella et 1' Alexander, en s'elevantd'abord par le milieu du detroit de Davis a une haute latitude septenlrionale , et se dirigeanl ensuite a l'ouest, dans l'espoir qu'ellc pourrait depasscr l'extremite septen- trionale de l'Amerique et atteindre par celte route le detroit de Beering. L'autre expedition, composee cgalement de deux navires, la Dorothea el le Trent, (hail dirigee par le capitaine David Buchan, ayant sous lui le lieutenant Franklin , commandant le second de ces deux vaisseaux. Celle-ci chargee de s'approcher le plus pies possible du pole, devait s'avancer directement au nord entre le Groenland el le Spitzberg, et dans le cas ou elle trouverait une mcr Polaiie ouverte , sans aucune terre, ce qui faisait penser qu'alors elle (77) serait aussi libre de glace, devait sc dinger direcle- ment vers le detroil de Beering, route qui serait plus courte de pres d'un tiers que la premiere (1). Le 24 mai les deux navires de Buchan atleignirent l'ile de l'Ours (Beeren-Eiland) (2). Qualre jours apres, le temps elant devenu tres obseur a cause d'un brouillard fort epais et d'une grand e abondance de (i) Un acte du parlemenl de 1776 (seizieme annee du regne de George III ) avait promis une recompense de 5,ooo livres sterling (un peu plus de i a5,ooo francs) a la personne qui ferait voile la premiere au dela du 8c/ degre de latiiude nord. Mais pres d'un demi-siecle s'ecoula sans qu'ij en result.it quelque decouverte et memc quelque tentative. Plus tard, un acte du 8 mai 1818 accorda de nouvcau !a memc somme pour le meme objet, proinit en outre, 20,000 livres sterling a celui qui le premier decouvrirait un passage entre les oceans Atlantique el Pacifique, et etablit entin trois echel- les de recompenses en faveur des personnes qui s'avanceraient plus ou moins au dela du I loc degre de longitude occidentale de Green- wich (ii2°2o' de Paris) (nous avons adopte dans tout le cours de cette notice le meridien de Greenwich, plus a I'ouest (pre celui de Paris de 20 20') et decouvriraient ainsi une portion du passage si avide- rnent cherche. Sans entrer dans les details des autres dispositions adoptees sous les regnes de George III, George IV ou meme anterieu- rement, nous citerons aeulement l'acte rendu le 25 juillet 1828 (neu- vieme annee du regne de George IV) qui revoqua l'acte du 8 mai 1818, en ce qui concerne les longitudes, sans abroger toutet'ois les dispo- sitions en faveur de ceux qui de'eouvriraient lepassage Noid-Ouest ou qui s'approcheraient du pole, pourvu que leurs navires eussent fait vode de Pun des ports d'Angleterre avant la date de ce dernier acte. (2) En 1596, un ours monstrueux ayant e'le tue dans cette ile, par les matelots du navire de Guillaume Barentz, navigaleur hollan- tlais, qui venait d'en faire la decouverte, elle requt le nooi de Becren EUand, ou ile de l'Ours: e'est done a tort, scion nous, que la plupart des cartes anglaises 1'appeltent ile Cherry, du uotn de I'alderman armateur d'un navire commande par Steven Bennet qui ne la visila que poste'rieuretnent, en i6o3. ( 78 ) neige, les vaisseaux se separerent, et le Trent s'arreta clans la baie Magdalena, lieu du rendez-vous, situe sur la cote nord-ouest du Spilzberg, ou ils jelerent l'ancre le 3 juin. Trouvant devant eux, le 6 juillet, une bar- riere impenetrable de glace par 80 degres 15' de lati- tude, ils Parent forces de s'arreler; le lendemain ce- pendant quelques canaux s'etant ouverts, et le vent les favorisant , ils s'avancercnt jusqu'a 80° 34'; inais la les glaces , en se rejoignant, les pressant de tous cotes, ils durenl renoncer definitivement a tous progres ullerieurs, et ce ne fut qu'avec infiniment de peine et en courant les plus grands dangers qu'ils purent s'ouvrir une issue. Les memes obstacles et les memes perils les ayant menaces sur les cotes du Groenland,etleursnavires, Ya Dorothea priucipalement, ayant eprouvede fortes avaries,ils se deciderent, quoi- que avec un extreme regret, a retourner en Angleterre; le 22 octobre ils arriverent a Deptford. Les details du voyage de Bucban et de Franklin, dont les resultats peuvent etre consicleres a peu pres comme nuls , malgre le talent et la fermele de ces deux officiers, n'ont eteconnus que par l'interessante relation qu'ena donnee, vingt-cinq aus apres le relour du commandant de l'expedition, le capitaine F.-W. Beecbey, qui ac- compagnait Franklin sur le Trent en qualite de lieu- tenant. Elle otlre un tableau dramatique des dangers que leur bailment eut a affronter, et peint en trails saisissanls le sang-froid et la force morale de son commandant, qui temoigna le plus vif desir de pour- suivre avec son seul petit navire, moins endommage que la Dorothea, l'execution des instructions de l'ami- raute , demande que le capitaine Bucban ne ciut ( 79 ) pas pouvoir accueillir comme contraire a ces memes instructions. L'expedition confiee au capitaine John Ross, sortie de la Tamise le 18 avril 1818, ne produisit guere plus de resultats. On atlribua generalement cet insucces a son commandant, qui fut vivement critique a son re- tour en Angleterre, surtout par sir John Barrow. On lui reprochait de s'etre borne a visiter le pourtour de la baie de Baffin, d'avoir mis de la negligence a etudier les cotes si interessantes des detroits de Wolstenholme et de Whale , et de ne pas s'etre assez avanee dans le detroit de Lancaster, qu'il avait pris pour une baie, malgre les observations de ses officiers. Or comme la direction de ce detroit semblait annoncer le passage cherche , une nouvelle expedition fut immediatement envoyee sous les ordres du capitaine Parry, qui avait ete, en 1818, le second de John Ross, pour faire ce qu'on blamait ce dernier de n'avoir point fait (1). Quoique le voyage auquel Franklin venail de pren- dre part n'eut pas rempli les esperances qu'on en avait d'abord concues, il fit connaitre le merite de cet offi- cier. 11 entra des lors en relations personnelles avec les savants les plus emiuents de Londres, qui ne tarderent pas a s'apercevoir qu'il possedait, tant par son carac- tere que par son instruction , les qualites necessaires pour diriger en chef une expedition de decouvertes; et leur opinion fut confirmee par les eloges que le (l) Le capitaine, depuis Sir John Ross, rehabilita plus tard sa reputation de in. inn intiepide et capable par sa cauipagne de 1820 a 1 833, pendant laquelle,aide parson neveu James Ross,aujoui(riiui Sir James, il a fait d'importantes decouvertes dans les parages arcti- ^ues avec le batimeut a vapeur la fido'ire arrne par souscription. ( so ) capitaine Buchan , son superieur, ainsi que tous ccux qui avaient navigue avec lui, donnaieat a son babilete comme inariii , a son calinc et aux ressources de son esprit dans des cireonstances difliciles. 11 n'etait pas enfin un de ccux qui le connaissaient qui ne rendit honnnagc a son ardent desir de fake faire des progies aux sciences qu'il aimait pourelles-memes, a son amour de la verite et a la generosite de son caractere qui le portaient a rendre une pleine justice au merile des ofliciers qu'il commandait, sans chercher a s'attribuer leurs decouverles, comme cela n'arrive que trop sou- vent. Aussi, lorsquelegouvernemcnt eulresolu de faire concourir a l'expedition confiee au capitaine Parry j unc autre expedition chargee d'explorer les cotes septen- trionaks de l'Ameriquo, le lieutenant Franklin en l'ut-il nomine lechef; elle dc\ait agir enpartiepar terre el en partie en bateau, et n'etait pas la moinsperilleuse. Tandis que Parry, faisant voile de la Tamise le 11 mai 1819 avec la bombarde V Heel a et le brig le Griper, se dirigeail vers le detroit de Davis, pour chercher aussi par mer le fameux passage Nord-Ouest en suivant le detroit de Lancaster (1) , a Franklin fut confie le soin de determiner les limites et la direction de la cote septen- trionale du continent americain; il partit deGravesend le 22 du raeme mois sur le Prince of Wales, batiment (i) Ce fut pendant cette brillante carapagne que Parry s'avanca plus loin a l'ouest que ie yroupe d'iles ct le vaste Lassin qu'il nppela Melville et qui portent aujourd'hui avec justice son propre nom ; aussi le Parlemeot lui accorda-t-il la recompense de 5 ooo livres sterling promise au premier navire qui aurait penetre au dela du I io« degrd de longitude occidental du intridien de Greemvicli.(Voyez la note I, p. 77.) (81) marchandde la compagnie de la baie d 'Hudson. Trois points de cetle cote qu'il s'agissait de relier etaient alors seulement connus , savoir : le cap de Glace (Icy Cape) que Cook avait vn en venant par le delroit de Beering, ct les embouchures des rivieres de la Mine de Cuivre (Copper Mine), decouverle par Hearne en 1774, mais placee par lui h degres Irop au nord, et de la Mackenzie plus correctement tracee en 1789 par l'habilc voyagcur de ce nom. Franklin, accompagne du docteur John Ri- cbardson, de deux midshipmen Robert Hood et George Back , et d'un marin anglais Jobn Hepburn , arriva le 30 avril (1819) a la factorerie d'York dans la baie d'Hudson. Pendant celte navigation , le Prince of Wales, surpris par un epais brouillard, loucba sur lc cap Desolation, et ne dut son salut qu'a l'habilete nau- tique de Franklin. Le 22 octobre on etait arrive au fort Cumberland , ayant deja parcouru 700 milles, en suivant ou en remontant le cours d'une dizaine de rivieres diil'erentes, apres avoir traverse neuflacs, sans parlor des rocheis, des rapides, etc., qu'on avait dil irancbir, et supporte d'incroyables fatigues. Au fort Cumberland, Franklin, Back et leur fidele compagnon Hepburn priient conge , le 18 Janvier 1820, du doc- teur Richardson et de M. Hood cjui devaient rester dans le fort jusqu'au printemps , et arriverent au fort Cbipevvjan le 26 mai, apres avoir fait 857 milles dans ce rude voyage d'hiver. Avant d'y parvenir , Franklin manqua de perdre la vie, ayant un jour glisse du baul d'un rocher dans le lit d'une riviere rapide ct profonde; il etait perdu s'il n'avait pu saisir une branche de saule pendante a fleur d'eau et altendre dans cette position Tarrivee d'un des canots. XI. JANVIER I'.T FEVIWEn. 0. 0 ( 82 ) Rojoinls par le doeteur Hiclim-ilsnn et son compagnon, el quelques jours apres par seize voyageurs canadiens, ils aiteignirent ensemble, le 28 juillet, le fort Provi- dence situe sur la vivo nord-est du lac de l'Esclave, Ils y trouverent deux inlerpretes et le chef indien Akaitcho, a\ec lesquels ils se dirigerent, le 2 aout, vers la riviere de la Mino-de-Cuivre. Le 20, on arriva an fort Enter- prise, sur les bords du lac d'Hiver [IV inter Lake), eloi- gne de Chipewyan de 550 milles. « Le trop long sejour que nous fumes forces de laire » au fort Enterprise, dil Franklin, faillit nous etre fa- » tal. En effet, la temperature fut, dans le courant du » mois de decembre , la plus froide que nous ayons » jamais eprouvee pendant notre residence en Ame- » rique ; aussi le tbermometre descendit-il souvent a » ZiO, et une fois a 57 degres au-dessous de 0, et ne » s'eleva jamais au-dessus de b* degres [Fahrenheit) (1). » Les arbres, gelds jusqu'a leur centre, devenaienl » aussi durs el plus dilficiles a couper que la pierre. » D'un autre cot6, il ne reslait plus aucune espece de liquide, les vivres etaient presque epuises, el les Ca- nadiens, de meme que les Indiens, se disposaient a les aban ionner a leur triste sort, lorsque, fort beureu- sement, le 21 Janvier 1821, d'abondantes provisions leur arriverent du fort Providence. Le temps s'etant adouci, on se mil en route le ill juin, et le 30 on s'embarqua sur la riviere de la Mine de cuivre, qu'on descendit jusqu'au rapide sanglanl [Bloody Fall), ainsi nomme par Hearne, a cause d'un atl'reux massacre (i) On sail que le zero Fahrenheit descend plus has que dans les deux autres echelles, et qu'il egale — l 7%78 centigrades, et — 1 4U, i 7 Reaumur. (83 ) d'Esquirnaux par des Indiens chipewyan ; le 18 juillet suivant, on avait atteint 1 'embouchure de la riviere, et la mer Arctique etait apercue. lis en suivirent la cole dans la direclion de Test, donnerent le nom d'Jrctic Sound a une baie, a l'extremile" de laquelle coulait une riviere qui recut de Franklin celui de Hood, en souve- nir de leur ami et compagnon traitreusement assassine par un Iroquois. lis naviguaient maintenant le long des rives d'un golfe tres large et tres profond, dont 1'une des nombreuses branches fut nommee Melville. Ayant conlourne ce golfe, appele sur leur carte Coro- nation Gulf, quia, dit-on, 30 milles environ de Test a l'ouest, et 20 du nord au sud, et visite le Bathurst-Inlet, Franklin, Richardson et Back, firent a pied 10 milles le long de la cote meridionale de la mer arctique, qui continuait de se diriger a Test. lis appelerent Point Turnagain ou du Retour le point ou ils se Irouvaient en ce moment, situe a 6 degres et demi a Test de l'em- bouchure de la riviere de la Mine de cuivre. Ce cap etait, en effet, bien nomme , car il etait plus que pro- bable pour eux, que ce serait le terme de leur voyage, le temps qu'ils avaient passe a explorer les baies Arctique et Melville ( Arctic and Melville Sounds ) et Y Inlet Bathurst , et le peu de provisions qui leur res- taienl encore, ne leur permettant pas d'atteindre la baie Repulse, ce qu'ils esperaient cependant au debut de leur voyage, pendant lequel ils avaient fait 555 milles geographiques le long des cotes profondement decou- pees de la mer Arctique. Franklin ne crut pas praticable le retour par la route qu'ils venaient de suivre, et, le 26 aout, a la grande satisfaction des Canadiens, on tourna le dos a ( 84 ) amer, et, aprt-s avoir construit de nouveaux canots, on se decida, le 1" septembre, a se dinger sur Point Lake, distant de 149 milles du lieu oil ils se trouvaient maintenant. lis etaient parvenus, le 9.6, a une hranche dc la riviere de la Mine de cuivre, lorsque Franklin, qui voyait la famine avancer a grands pas, puisqu'ils etaient rcduits a manger leurs souliers et a s'estimer fort heureux de renconlrer, pour soutenir leur exis- tence, cette sorte de lichen a odeur nauseabonde et a saveur amere, (pie les Canadiens appellent Tripe de roclie et les botanisles Gyrophora, se decida a envoyer Back, el quelques chasseurs en avant au fort Enter- prise, pour annoncer leur prochaine arrivee. Back, le plus actif et le plus vigoureux de la bande, etail lui-meme si faible neanmoins, qu'il ne pouvait mar- cher qu'a l'aide d'un baton. Franklin , Richardson et le reste de leurs compagnons, car plusieurs n'avaient pu resisler, etaient eux-mernes au mo- ment de succomber k la rigueur du froid et a la faim, lorsque, le 7 novembre, ils apercurent enfin, a l'ile de Moose-Deer, Back, suivi de trois Indiens charges de provisions. La description que fait Franklin de Fetal dans lequel ils se trouvaient en ce moment est on ne peut plusnavrante; semblables a des squelettes, ils pouvaient a peine faire un pas ou proferer une parole, et leur raison semblait les avoir abandonnes. Apress'etre un peuretabiis, ils se romirenten roule. Parvenus, le 5 juin 1822, au fori Chipewyan, ils rem- plirent les engagements conlractes par eux avec les Indiens et les Ganadiens r/ui lesavaient accompagnes, ct arrivcrent, le ill juillet, a la factorerie de York, qui fut le lerme de leur voyage, pendant lequel ilsavaieiu ( 85 ) fait, taut par eau que par terrc, en y comprenant leur navigation de la mer Arctique, 5550 milles. Dans celte expedition, Franklin avait non-seulement fait faire de grands progres a la geographie, a la geologie et a l'his- toire naturelle de cette portion des cotes septenlrio- nales de l'Amerique du Nord en dedans des regions arctiques, mais il avait plus specialement encore aug- ments les connaissances des rivages meridionaux de la mer qui les baigne. Et cependant l'epoque choisie pour faire l'explora- tion du continent arctique avait ete on ne pent plus defavorable. Deux compagnies rivales, celle du Nord- Ouest, et celle de la baie d'Hudson, faisaxenten meme temps le commerce de ces regions lointaines, sans que les limites de leurs concessions respectives fussent exactement tracees. II en resultait entre elles des em- pietements continuels, de graves discussions, souvent meme des combats sanglanls et jusqu'a de frequents assassinals. Ce ne fut que par une conduite excessive- ment prudente, et par ses manieres conciliantes, que Franklin, bien que charge d'une mission officielleparle gouvernement, put oblenir la permission de s'avancer dansle pays. Mais il s'en faut qu'aucune de ces com- pagnies consentit a lui accorder la protection neces- saire pour assurer sa surete el celle de ses compa- gnons. Pendant le premier hiver cependant, l'expe- dilion fut nourrie par la compagnie de la baie d'Hudson dans ces deserts arides; l'annee suivaute, ce fut a la chasse, a la jieche et aux presents qu'ils firent a des naturels qu'ils durent leurs inoyens d'exis- tence. A son retour en Angleterre, en 1822, Franklin, qui, ( 80) pendant son absence, avail deja ete eleve, en 1821, au grade de commander, fut nomine , l'annee suivante (20 novembre 1822), capitaine de vaisseau {post cap- tain), et elu membre de la Societe royale ; en 1823, il publia la relation de son voyage (1). II avait epouse quelques mois auparavant (aout 1823) Fdeonor Anne Porden , la plus jeune des fdles d'un arcbitecte eminent de Londres; cette dame s'est fait connaitre, dans la litterature, sous son nom de famille (2). Malgre les souffrances que Franklin venait d'endu- rer, et malgre les liens nouveaux qui l'attacbaient a son pays, cet intrepide marin ne put register a la ten- talion de soumettre au gouvernement le plan d'une seconde expedition dans les mers arctiques, de la memo nature et ayant le meme but que celle qu'il venait de terminer, et ou il avait ete au moment de perdre la vie, en se proposant lui-meme pour son execution. Aussitot qu'il fut connu que le plan de Franklin avait ete adopte, un grand nombre d'officiers de marine, distingues par leurs talents et leur experience, vinrent offrir leurs services avec un vif empressement. Le lieu- tenant Back etle docteur Richardson, ses compagnons de souffrances, et Ton pourrail ajouter de gloire, se (i) Narrative of a Journey to the shores of the Polar sea, in the years, 1819, 20, 21 and 22, by John Franklin, captain. R.-N., fellow R. S, and commander of the expedition, with an appendix on various subjects relating to science and natural history, illustrated by nume- rous Plates and Maps published by authority of the Right honourable Earl of Bathurst. London, John Murray, 1823. (2) Elle est auteur de deux poemes: Les voiles (The Veils); Cceur de Lion, ou la Troisieme c.roisade , et de quelques autres poesies qui ont obtenu du succes. ( 87 ) haterent de se presenter comme volontaires. Back, distingue par le zele et I'energie qu'il avait souvent montres, et Richardson, chirurgicn et naturaliste du premier ordre, ainsi qu'il en avait donne des preuves, remarquahle, en outre, par ses qualites mo- rales et son caractere bienveillant el sympathique. Pour suivre l'ami dont il avait naguere partage les dangers, el afin de completer lageographie ell'histoire naturelle des cotes de l'Amerique qui bordent au midi Ja mer Arctique, ce dernier abandonnail une position lionoral)le el lucrative dans sa patrie, ou il laissait une femme a laquelle il etait fort attache et qu'il perdit quelques annees apres. C'etait a leur caractere ener- gique et a leur promptitude d'action , que Franklin attribuait avec raison son salut et celui de ses compa- gnons; aussi furent-ils admis tous les deux en premiere ligne. Le lieutenant Bushman, qui avait servi avec dis- tinction sous John Ross et sous Parry, fut aussi cboisi, mais la mort premaluree de cejeune officier, annuel Franklin accordait son estime, et dont la perte lui causa les plus vils regrets, 1'empecha de laire partie de l'ex- pedition, a laquelle on attacha encore M. Kendall, contre-maitre de l'amiraute, et enfin M. Drum- mond, aide-naturalisle. Le principal objet de I'expe- dilion etait d'explorer les portions des cotes de la mer Arctique entre la riviere Mackenzie et le cap de Glace, et entre la raeme riviere Mackenzie et la riviere de la Mine de cuivre, toules deux lotalement inconnues. A la meme epoque , le capitaine Beecbey, commandant le Blossom, devait s'avancer vers Test par le detroit de Beering, de maniere que les deux expeditions pussent se rencontrer, tandis que le ( 88) capitaine Parry avail l'orclre tie penetrer dans le detroit do Lancaster el de pousser le plus loin pos- sible a 1'oucst. Trois bateaux conslruits expres , sous la direction de Franklin, ct un autre plus petit, de 9 pieds stir l\ et dcmi, couvert en canevas mackintosh prepare, et nomine walnut shell (la co- quillc de noix) , lurent mis a sa disposition, apres avoir ete eprouves a Woolwich. On placa a leur bord des instruments scienlifiques de toute espece, des fu- sils de chasse , des munitions, des tentes, des fourni- tures de lit, des vetements chauds, et d'autres imper- meables, de lafarinc, du chocolat, du the, de l'essencc de cafe, du sucre et plusieurs sorles de comestibles; on n'oublia pas surtout heaucoup de pemmican, eel article si important pour les voyageurs de l'Amerique du Nord. Lorsque tout fut en elat , Franklin et ses officiers s'embarquerent , le 16 fevrier 18"25, a Liverpool sur le paquebol americain Columbia destine pour New- York. Apres a\oir suivi le cours de plusieurs rivieres, traverse divers lacs et surmonle de nombreuses difli- cultes, ils atteignirent le fort Chipewyan le 15 juillet. Rcunis lous au bout de quelquos jours sur les bonis de la riviere du grand lac de l'Ours [Great Bear Lake River) qui sort du lac de ce nom pour se jeler sur la rive occidentale de la Mackenzie , les explorateurs , parvenus a l'embouchure de cette derniere, se parta- gerent en deux bandes conlormemont a letifs instruc- tions officielles. Les uns , sous le commandement direct de Franklin , se dirigerent vers l'ouest le long de la cote septentrionale de l'An)erique, afin d'arriver soit au cap de Glace , soil a l'entree du detroit de (89 ) Beering ou ils pouvaient esperer He trouver le Blossom, C'etait vers Test que les autres, sous les ordres du docteur John Richardson, devaicnt se rendre simulta- nement, en suivant egalement la raerae cote, jusqu'a ce qu'ils eussent atteint l'embouchure de la riviere de la Mine-de-Cuivre. Ils allaient voyager cette fois sous de meille urs auspices, les differemls exislant aupa- ravant entre les deux compagnies ayant cesse par leur fusion. Avant de se inettre en route , Franklin donna ses instructions au docteur Richardson et au lieute- nant Back, et prit avec lui M. Kendall , qu'il chargea de recueillir des informations sur l'etat general de la glace en automne et pendant 1'ele, ainsi que sur la direction de la cote, et de s'assurer s'ils pouvaient compter sur des provisions en cas de necessity. Ils s'embarquerent ensemble le 8 aout sur le Lion, le plus grand des bateaux, monte par six matelots anglais d'elile et par Augustus, l'interprete esquimau. Le lieutenant Back avait le commandement de trois canots , manoeuvres chacun par cinq homines. En descendant la Mackenzie, on loucha successivement a un point appele les Ramparts, defile de 7 milles ou la riviere se precipite avec une violence extreme entre deux rochers perpendiculaires et le fort de Bonne- Esperance [Good Hope), le dernier des etablissements de lacompagnie a 300 milles de l'endroit ou ils s'etaient embarques. Ce fort est situe au milieu d'une tribu que Mackenzie appelle Quarrellers, et que les Iraitanls nommentLoucheux ouSquinters. La riviere etait divis^e par des lies en plusieurs canaux. C'etait le sixieme jour depuis leur depart; ils trouverent a une latitude de 68° 40' les derniers sapins auxquels succedaient des ( 90 ) saules rabougris qui devenaient de plus en plus petits, a mesure qu'on se rapprocbait de la mer. Up brouil- lard tort epais s'etant dissipe, l'expansion de l'eau vers le nord etait si grande que Franklin pensa que la mer n'etail pas eloignee. II fut cunfirme danscetle opinion en alteignant d'abord les cotes de 1'ile Ellice, par 69°14'de hail, et 135° 57' de longil. pccid., puis 1'lle de la Baleine (JFkale fi.sk Island), el enfin I'ile Garry ou Ton reconnut plusieurs i oucbesde cbarbon de bois et de biluine. « Du sommet du cette derniere lie la » mer, dit Franklin, paraissait dans loule sa majeste, » entierement libre de glace, et n'ofl'rait aucun obsta- » cle a la navigation. » En debarquant pour la pre- miere fois sur celle cote, il eprouva une sensation penible par le souvenir des dernieres paroles de son epouse bien-aimee , au moment oil il allait quitter l'Angleterre. Prete a descendre dans la tombe, cette femme beroique le pressa de partir au jour indique, en le suppliant, s'il attacbait du prix a la paix de Fame de celle qui lui etait si tendrement devouee el a sa propre gloire, de ne pas retarder pour elle son depart d'un seul instant. Ses jours elaient comptes , elle en avait la pleine conviction, et ce delai meme , si elle l'eut desire, ne serait que pour qu'il lui fermal les yeux. (Elle expira, en effet, peu de jours apres son depart, et il recut a New-York la nouvelle de sa moil.) Elle lui remit en memo temps, au moment de leur separation, un drapcau de soie qu'elle avait tail elle- meme, avec l'injonction expresse de ne le ileployer que lorsque l'expediiion serait arrivee a la mer : il le lut, en etl'et, sur celle lie eloignee de la mer Polaire. En la quillanl Franklin essay a de conlinuer sa route a ( 91 ) l'ouest, pour atteindre, s'il etait possible, le pied des montagnes Roclieuses ; mais un vent impetueux, de vio- lentes rafales et l'appaience menacante du temps le forcerent enfin de renoncer a son projet : il se deter- mina done a regagner la riviere et a tenter de relour- ner au fort. II y arriva le 5 septembre; deja le docteur Ricbardson s'y trouvait avec tons les autres membres de l'expedilion : on se decida a y passer l'hiver. Le temps paraissant ensuite s'adoucir , ot toutes les disposi- tions elant terminees au commencement dejuin (1826), les bateaux fur en t mis a flot et equipes, et le 2Z| toute l'expedition quitta le fort Franklin, dont la latitude fut fjxee a 55° 11' 56", et la longitude a 123° 12' t\!\"0., et Ton s'embarqua sur la riviere du lac de 1'Ours; le soir on entra dans la Mackenzie. Arrives le 2 juillet au fort Good Hope, on se divisa encore en deux bandes. Franklin et Back se dirigerent de nouveau a l'ouest le long des cotes; quant a Richardson, il prit, comme la premiere fois, la direction de Test. La petite troupe sous les ordres de Franklin, apres avoir rencontre a l'emboucliure de la Mackenzie un nombre assez grand d'Esquimaux amies, qui se montrerent un instant hostiles et avec lesquels on n'evita un engagement que grace aux demarches de l'interprete qui appartenait a leur tribu, on remit en raer le 13. On decouvrit bientot une pointe de terre avancee a laquelle etail jointe un blpc enorme de giace. Un epais brouillard , un vent violent accompagne d'une forte pluie, mirent en dan- ger les bateaux pousses entre des masses de glaces , aussi fut-on oblige d'aller chercher un refuge un peu a l'ouest du cap Sabine. Puis, s'etant apercuque la glace se detachait de la terre, Franklin s'avanga vers une ( 02 ) riviere qu'il appela Babbage, etdontla largeur pres de son embouchure lui parut etre d'environ 2 millcs. II y remarqua que les montagnes Rocheuses courent en chaines distinctes a des distances inegales de la cole et il fixa leur latitude a69°19'et leur longitude a 138° 10'. Le 17, il entra dans unc sorle de detroitou canal entre une ile, qu'il nomma Herschel, etle continent. Depuis qu'on avail quitte la Mackenzie, e'etait le seul endroit qu'il eQt encore rencontre dans lequel un vaisseau put trouver un refuge. On arriva peu de jours apres (27) a l'cmbouchure d'une large riviere venant de la cliaine anglaisedes monlagnes Roeheuses; e'etait lecoursd'eau le plus occidental des possessions anglaises sur cette cote pres de la lignc de demarcation de la Grande-Bre- tagne el de la Russic ; elle recut le nom de Clarence, en l'honneur du lord grand amiral. A partirde cet endroit los brouillards, des coups de vents incessanls, des blocs de glace pousses ca et la , interrompirenl leur naviga- tion. Le h aout, ils purent se remetlre en route, et rencontrerent un parli d 'Esquimaux paisiblcs qui leur apprirent que la cote qu'on avait sous les yeux res- semblait a colic qu'ils venaient de parcourir. On elait mainlenanl au 70° 5' de latitude et au 143° 55 de lon- gitude. En continuant de se diriger a I'ouest, on re- connut une autre grande riviere, que Franklin appela Canning; elle eoule dans les doinaines de la Russie. Phis on avancait a I'ouest, plus les brouillards dever naient epais et permancnts ; la temperature desceudait a 35 degres, et des bouffees de vents etaient conti- nuelles ; i'eau gelait pendant la nuit, et quoiqu'on eilt atteint le milieu du mois d'aout, il semhlait qu'on fut entr6 en hiver. Get etat provenail sans doute du t 93 ) voisinage ties monlagnes Rocbeuses, et do 1'excessive" etondue desplaines marecageuses cnlre ces montagnes et la mer. Accables par un travail exces?if et par le froid, lous les marins etaient horriblement fatigues. Dans une semblable situation , Franklin se crul oblige^ de prendre un parti penible pour lui, mais necessaire, celui de renoncer au grand objet de son ambition, en trompant bien a contre-cceur la con- fiance flatteuse qu'on avait fondee sur ses travaux. « Maisj'avais, a-t-il dit, a remplir d'importants devoirs » qui devaient l'emporlcr sur ma satisfaction person- » nelle, et je fus force de conclure, apres une mure » consideration, que nous etions parvenus au point au » dela duquel la perseverance deviendrait de la lem6- » rite, et que quels que fussent nos eirorls, ils seraient » sans resullat. » II se mit done en route, le 18 aout, avec l'enliere approbation de ses compagnons pour retourner a la Mackenzie du point extreme atteint par lui , et qu'il nomma , en consequence , recif du retour {Return reef); situe au 70° 2h' de lalit., par 1/19° 37' de longit. occid. II prit cette determination a peu pres a l'epoque, ainsi qu'on l'a appris depuis, qu'un canot du Blossom, envoye par Beecbey du delroitde Beering, aborda sur cette cote, et que le point extreme auquel il parvint a Test, le cap Barroyv, n'elait separe que par 160 mil les environ du point extreme ou Franklin etait arrive, en se dirigeant a l'ouest. Celui-ci fait observer a cette occasion que, s'il avait su ou pu prevoir que quel- (ju'un du Blossom se fut trouve a une aussi faible dis- tance de lui, il aurait certainement brave tous les dan- gers et surmonte loutes les diflicultes plutot que de retourner sur ses pas. Mais la grave responsabilite qui (W ) pesait sur le commandant de I'expedition lui imposait le devoir d'agir avec la plus extreme prudence et de prendre en consideration l'inccrlitude d'une naviga- tion sur une mer obstruee par les glaces, avec un temps horrible; il ne pouvait supposer d'ailleurs que le Blossom se fut avance au dela de Yinlet Kotzebue, et surtout qu'un de ses canols eut depasse le cap de Glace. Du reste la portion de c6te laissee inexploree a cette epoque, a ete plus que remplie en 1837 pa* MM. Dease et Simpson qui sont arrives a Test jusqu'a l'embou- chure de la riviere de Back [Great Fish river), et a l'ouest au dela du cap Barrow. Le retour fut aussi faligant que Taller; nos braves explorateurs purent cependant echapper a une violente tempete qui les assaillit pres de l'ile Herschell, el ils parvinrent enfin, le 21 septembre, au fort Franklin ou ils eurent le bonbeur de trouver lous leurs amis en surete. La portion de I'expedition qui, sous les ordres de Richardson, se dirigea a Test apres s'etre separee de Franklin, Burnt d'abord une des branches de la Mac- kenzie, reconnut les collines des Rennes [Reindeer Hills) couvertes d'arbres jusqu'a leur sommet, savanga en- suite le long de la cote, et, pour se garantir d'un vont violent et du brouillard, se refugia quelques instants danslacrique de Brotvel Cove, par 70 degres de latitude. Puis, traversant Yinlet Russell, I'expedition lit voile entre quelques iles et le continent, et aper^ut ensuite la pointe Balhurst (lat. 70° 30'), le lieu le plus septen- trional du continent qu'ils eussent visite pendant leur excursion. In promonloire rocheux qu'ils virent plus lard, et auquel ils donnerenl le nom de caj) Krusen- stern, forme la cote occidentale de ce qui est appele ( 05 ) sur les cartes golfe du Couronnement {Coronation Gulf). Richardson annonga a ses compagnons qu'une courte traversed lcs porterait bientot a l'embouchure de la riviere de la Mine de cuivre; ils en furent com- hles de joie, puisque c'etait le terme de leur mission. Apres avoir atteint celte embouchure et avoir constate que la cote n'offrait pas de discontinuity , ils remon- terent la riviere jusqu'au rapide Sanglant [Bloody Fall), et, abandonnant lours bateaux avec quelques provi- sions et des cadeaux pour les Esquimaux, ils se ren- dirent par terre au fort Franklin, rendez-vous convenu; arrives le ler septembre, ils y furent rejoints, ainsi que nous l'avons deja dit, avant la fin du meme mois, par les autres membres de l'expedition. Obliges de passer dans les regions arctiques une grande partie d'un autre hiver qui fut tres rigou- reux , car le therinometre descendit une fois a 58 degrcs au-dessous du 0, et plusieurs fois a — li$, — 52 et' — 57 degres, ils se dhigerent ensuite separe- ment vers la patrie. Richardson partit le premier au mois de decembre ; ce ne fut que le 20 fevrier 1827 que Franklin quilta le fort accompagne de cinq de ses homines et de deux Indiens. S'etant embarque sur le paquebot de New-York, il arriva a Liverpool le 24 sep- tembre , apres une absence de deux ans sept mois et demi, et trois jours apres il etait a Londres (1). Le (i) La relatipn de cette secontle expedition faite dans les mers arcti(jues, sous les oidres de Franklin, fut publiee, en 1828, sous ce titie: Narrative of a second Expedition to the Polar sea, in the years 1825, 1826 and 1827, by John Franklin, captain R. N. F. R. S.,etC, and commander of the Expedition. Including an account of the progress of a detachement to the Eastward by John Richardson ( w ) gouvernemenl anglais, apprecianl les services do Franklin, qui, pendant ses divcrses excursions clans les regions aictiques, avail, au milieu des plus grand pe- rils, parcouru pres de OOOOmilleset ajoute aux cartes de rAmerique septenlrionale une ligne de cotes de plus de 1200 doilies, le recompensa en le creant che- valier en 1829. L'Universile d'Oxford lui confera les degres de docteur et la meme annee la Societe de geo- graphic de Paris lui decerna sa grande medaille d'or destinee a l'auteur de la decouverle la plus impor- lanle en geographie , en le nominant membre cor- respondant etranger; plus tard , il fut elu membre correspondant de l'Academie des sciences. Quoique les dernicres explorations cxecut6es soil parFranklin cnpersonne, soit par ledetachement place sous son commandcment, comprissent un, et, meme a un petit nombre de milles pres, deux des espaces pour lesquels le parlement avail affecte une recom- pense, le bureau des longitudes [the board of Longi- tude) ne crut pas devoir l'accorder, parle motif, dit-on, que les decouvertes donl il s'agissait avaient ete efl'ec- tuees en bateau au lieu de I'etre avec un navire. Un bill mis sous les yeux du parlement par le secretaire de 1'amiraute abrogea au surplus tout a fait la recom- pense le 28 juillet 1828 (1). Franklin, que nous appellerons desormais sir John Franklin , avait epouse en secondes noces, le 8 mars 1828, mademoiselle Jane Griflin , fille cadelte d'un M. D., F. II. S., F. L. S., etc., surgeon naturalist to the Expedition, illustrated by numerous Plates and Maps published, elc. London, John Murray, 1828. (1) Voir la note 1, page 77. ( 97 ) riche proprielaire, et descendue par sa mere a" une de ces families francaises dont la revocation de l'edit de Nantes a enrichi l'Angleterre. On lui donna en 1832 , le commandement de la fregate Rainbow (Arc-en-ciel), faisant partie de la station de la Medi- terranee. Le bien-elre dont les officiers et l'equipage jouissaient a bord de ce batiinenl lui avaient fait ob- tenir dans l'escadre une reputation proverb i ale ; aussi les malelols, qui aiment, comme on sait, a jouer stir les mots, i'appelaienl-ils !e celeste Rainbow et le paradis de Franklin. Pour reconnailre la part active prise par cet oflicier dans les affaires de la Grece, et les services qu'il avait rendus aux Hellenes devant Palras surtout, le roi Othon lui accorda la croix dor de l'ordre du Sauveur, et a son retour en Anglcterre, en 183ZI, il fut cree chevalier commandeur de l'ordre royal des Guelfes (1). Franklin venait de refuser le gouvernement d'Anli- gues, poste qui lui avait ete offert en 1836, lorsqu'il fut appele a remplir la ineme position dans la colonie plus importante de la Terre de Van Diemen ou Tas- manie. 11 accepta ce dernier poste, niais sous la con- (i) Lorsque sir John Franklin partit pour la Meditei ranee, son epouse suivit la menie route. Mais comme , d'apres les reglements adoptes en Angleterre el qui le sont e'galement en France, une Femrae ne peut resier a bord du navire coimnande par son man', lady Franklin se rcndit avec quelques amis en Syrie, en Palestine et en Egypte. ne rejoignant sir John que dans les lieux 'ou il restait quelque temps en station. File avait dcja l'habilude des voyages ayaut visite, avant son mariage, les differentes eontrees de I Europe avec son pere, grand amateur des arts, avec lesquels il lavait fanii- liarisee XI. JANVIER 1ST FEVRIEU. 7, 7 ( 98 ) ditioq qu'il aurait la faculte de resigner si, en cas de guerre, on lui proposait le commancleuient d'un vais- seau, preferant l'avancement dans la carriere navale aux avantages pecuniaires j)lus considerables du ser- vice civil. Pendant les six ou sept annees que dura son sejour dans la Tasmanie, Franklin se fit aimer et esli- mer des habitants par sa bienfaisance et ses manieres afi'ables et conciliantes, autanl que par son esprit de justice, sa rigoureuse impartiable et son judicieux devuuement aux interets de la colonie. L'une de ses rnesures les plus populaircs, qui ne tarda pas a etre imilee dans la colonie plus ancienne de la Nouvelle- Galles meridionale [New-South- Wales), fut l'ouverture au public des portes du conseil legislatif, donl les seances se tenaient auparavant a huis clos; on ne lui sut pas moins de gre d avoir soulenu, aupres du mi- nistere de la mere patrie, la petition des Tasmaniens, qui reclamaient un gouvernement representalif. Peu avant son arrivee, la colonie de Victoria venait d'etre peuplee par les habitants de la Tasmanie, et plus tard la transportation des convicts ayant ete abolie dans la Nouvelle-Galles meridionale, il fut decide par le gouvernement britannique qu'ils seraient con- centres durenavant dans la Tasmanie. Tout en s'occu- pant de pourvoir aux besoins materiels de ces etranges colons, el de maintenir parmi eux le bon ordre, en ne ncgligeant aucun moyen pour ameliorer leur moral, Franklin, dont la transformation des convicts en citojens honnetes et utiles a leur patrie n'absorbait pas tous les moments, en trouvail pour vcillcr aux interets des colons nombreux et respectables qui ha- bitaient cette contree. Pour en augmenter le nombre, (99 ) il facilitait aux emigrants, appartenant principalement a la classe agricole, sur lesquelsil avait obtenu de bons renseignements, l'acquisition de terrains achetes par lui-meme, a un prix inferieur a celui qu'ilslui avaient coute. Cestainsi que futfondee sur les bords de la belle riviere Huon, qui verse ses eaux dans le canal A'Entre- casteaux, une petite colonie, aujourd'bui l'un des dis- tricts les plus Florissants de la Tasmanie. Ce fut proba- blement l'augmentation des travaux qu'enlraina cette transportation , et le zele que deploya dans ces cir- constances le gouverneur Franklin, qui determinerenl la legislature coloniale a lui atlribuer un traitement plus eleve. 11 eut la modestie de le refuser, tout en re- presentant au gouvernement britannique, au point de vuede son successeur, que le traitement actuel etait in- suffisant compare aux ilepenses que le poste exigeait (1). Les interets de la science n'elaient pas plus negliges que ceux des droits politiques et du bien-etre des babitants. Parmi les institutions utiles qui lui durent leur creation, on doit citer un college de haute instruc- tion, dote en partie de ses propres fonds, ou etaient admis indistinctement tous les jeunes gens ayant subi prealablement certains examens, a quelque secte reli- gieuse qu'ils appartinssent. Vers la fin de 1838, une societe scientifique appelee Societe Tasmanienne fut fondle a Hobart-Town,sur la proposition et sous le patronage de Franklin, dans le (i) Le traitement accorde aujourd'hui au gouverneur de la Tas- manie et de ses dependances dans lesquelles est comprise Pile de Norfolk, choisie pour etre le lieu de transportation des convicts les plus dangereux, s'e'leve a environ 100,000 francs, outre plusieurs immeubles tant a la ville qua la campagne. ( 100 ) but de traiter lous les sujels relatifs a I'histoire natu- relle, a Pagriculture, a la stalistiquc, etc., tie la colo- nic. Les seances se linrent dans I'hotel du gouvcrncur, et ce fut a ses depens qu'il lit imprimer a 1'imprimerie du gouvcrnementlesmemoiresde sesmembres.Quatre ans plus tard (16 mars lSZi'2), la premiere picrre d'un edifice specialement destine a recevoir des collections d'hisloire naturelle, etc., el construil aux frais de Fran- klin , fut solennellement posee par lui; ce bailment recut le noni de Museum tasmanien (1). Voulant rendre hommage a la memoire du capilaine Flinders, sous les o I'd res duquel on sail cju'il avait servi, pour sa decou- veiie d'une partie du continent dela Nouvelle-Hollande, Franklin lui fit clever, a ses frais, en 1839, un bel obe- lisquc de granit dans l'Australie meridionale , avec le concours du gouvernement de cello colonic. Place au sommet d'une colline delOOO a 1500 picds dcbauleur, cet obelisque sert de signal ( land-mark ) aux marins. L'annee suivante (18/jO), un observatoire magnetique fonde a Hobart-Town, en connexion avec l'etablissc- ment principal que le colonel Sabine dirigeait a Woolwich, devint l'ohjet dc sessoins les plus constants. L'epouse de Franklin, qu'il avail amenee avec lui dans la Tasmania , lorsqu'il vint prendre posses- sion de son gouvernement, seconda aclivement ses projels d'amelioration el contribua a y populariser son noni. Aulant par modestie que par suite du tendre altachement el de 1'enthousiasme que lui (i) Un parcliemin portant une inscription commemorative en anglais, en francais, en allmnaml , en italien, en grec et en latin, fnt placee sons cette pierive. ( 101 ) inspirait l'lioimne distingue auquel le destin l'avait unio, elle reportait tout entier sur lui le merite de ce qu'elle avail pu imaginer ou faire d'utile. Us n'avaient an surplus pour ainsi dire qu'une pensee commune, celle de concourir tous les deux d'un mutuel accord et par tous les moyens possibles an bonheur de leurs compatriotes (1). « Plus je vais , plus je suis » rempli d'admiration pour le noble caractere et l'in- » telligence superieure de lady Franklin, dit Bellot, » dans la relation de son voyage. Hepburn m'a raconte » des choses surprenanles sur ce qu'elle a fait a Van » Diemen, et je sais qu'apres avoir expedie le Prince- » Albert en 1850, elle alia passer la saison dans les » Shetland, et que la elle s'occupait de recruter des » colons pour la Tasmanie, ou la plupart de ces mal- » heureux, tous mourants de faim [at home), peuvent » devenir en peu de temps, avec un peu d'induslrie et (i) INous ne cilerous qu'un seul des fails attributes plus speuiale- ment a lady Franklin parun ecrivain francais anonyme. Ilexistedans la Tasmanie Irois especes de serpents, dont la morsure est mortellp, extremement multipliees. Pour en diminuer le nomhrc, lady Franklin proposa une prime d'un shilling fi fr. 25 environ) par tele de ser- pent, payable non sur la caisse coloniale, inais sur sa propre cas- sette. On lui en apporta bientot une si graude quantite que, dans 1'espace de quelques mois, elle acquit la conviction que la depense s'eleverait au moms a plusieurs centaines de livres sterling par an; elle se vit alors force'e de reduire la prime d'abord a 6 pence (62 cen- times), et ensuite a 3 pence (3 1 centimes). Elle se trouva enfin dans la neeessite de renoncer, non sans regret, a son projet, les magistrate de la colonie ayant lepresente que ses gratifications apportaieut une sorte de perturbation parmi les dumestiques, dont la plupart, pour gagner les primes, abandonnaient leurs travaux et passaient presque tout leur temps a la chasse des serpents. ( 102 ) » de oonduite, de respectable fanners, respectable pris » dans le sens anglais. » La Tasmanie etant la slation de ravitaillement de la plupart des expeditions do d^couvertes dans les re- gions antarcliques, Franklin eut l'occasion d'y ac- cueillir les marins les plus distingues de la France et de 1'Angleterre. Parmi ces illuslres navigateurs, nous nous bornerons aciterparmi lesFrancais, Duinont d'lrville, qui devait perir plus tard d'une maniere si funeste, et Jactpjinot, son second, Cecile, Berard, etc.; et parmi les Anglais sir James Clark Ross, qui commandait alors Y Erebus et le Terror, ces memes navires dont les noms ont acquis depuis une si triste celebrite, etc., etc.; tous furent re?us avec la plusgrande cordialite, etdevinrent ses amis et ses admirateurs. Lorsque son temps de service fut expire, ou plulot depasse et qu'on apprit a Hobart-Town que Franklin elait sur le point de quitter la colonie , la Societe Tasmanienne se reunit le 3 oc- tobre 1843 pour exprimer tous ses regrets et voter une adresse a son fondateur et president; il en recut de semblablesdes dilTerents districts de la colonie. Le 3 novembre suivant tous les officiers du gouvernement, ainsi que l'immense majority de la population de la ville et des parties les plus eloignees de la Tasmanie 1'accompagnerent jusqu'a l'embarcadere, en faisant relentir 1'air de leurs acclamations et de leurs vceux pour son bonbeur. Franklin s'y rendit a pied en grand unil'orme de capitaine de vaisseau , precede1 par le major Ainsworth, son ami, et ayant a ses cot^s l'eveque de la Tasmanie et le secretaire colonial (1). (i) Hobart-Town advertiser, 7 novembre 1843. ( 103 ) II aborda en Anglelerre au commencement de lShli, apres avoir visile quelques-unes des autres colonies avant de quitter definitivement les rivagesdel'Australie. Quelques mois a peine s'etaient ecoules depuis que Franklin etait rentre dans sa patrie, lorsque sir John Barrow, desirant clore sa longue et honorable car- riere ofiicielle par la solution du probleme qui, depuis tant d'annees, occupait les esprits, soumit en decembre lSlih, a I'Amiraut^ et au conseil de la Sociele royale, un projet par lequel il proposait d'equiper une expe- dition, a l'effet de completer la decouverte d'un pas- sage Nord-Ouest, ainsi que l'exploration magnetique du globe, et, par suite, d'accroitre en mfime temps nos connaissances sur la geographie et l'hydrographie de la mer Polaire. Cetle proposition ayant ete adoptee, Franklin fut designe, d'apres ses desirs et a sa grande satisfaction , pour commander 1'expedition projetee qui allait le ramener dans les regions arctiques, ou il avait noguere acquis lanl de gloire. Lord Haddington, alors premier lord de 1'Amiraute, causant quelques jours auparavant avec sir Edward Parry, qui occupe un rang si distingue parmi les explorateurs des regions arctiques et qu'il avait fait appeler pour le consulter, lui dit, en jelant un coup d'oail sur la lisle de la ma- rine : « Je vois que Franklin est age de soixante ans ; devons-nous le laisser partir? » — « Mylord, repondit Parry, c'est sous tous les rapports l'homme le plus capable que je connaisse , et si vous ne le laissez pas partir, il en mourra certainementdedesespoir. » Parry, qui a raconte ce fait clans son dernier discours public sur 1'expedition de V Erebus et la Terror, nous fait aussi connaitre que dans une entrevue que Franklin ( 104 ) eut pen apres avec le mtme lord , celui-ci lui ayant egalement rappele son age de soixante ans, en ajou- tant : a Yous pourriez, sir John, vous reposer sur vos lauriers apres avoir tant fait pour voire pays. » Le brave marin avait repondu avee une vehemence loute juve- nile : « Mylord , j'en ai seulement cinquante-neuf. » Franklin, remarque a cette occasion Parry, elait aussi jaloux de ses quelques mois de jeunesse , lorsqu'il s'agissaitde eapacite pour affronter de grands clangers, oti pour executor de difliciles el penibles travaux, que le sei-ait une femme qu'on voudrait faire plus vleille que ne le constate le registre de sa paroisse. Dansles instructions qui furent donnces a Franklin le 5 mai 1SZ15, L'amiraule lui annoncc que quoique la de- couverte d'un passage de I'ocean Atlantique a l'ocean Pacifique fut 1'objet special de l'expedition, il lui est re- commande particulierement de ne negligcr aucune occasion de faire des observations relatives aux sciences en general, a l'bistoire naturclle, a la geograpbie, et en particulier au magnetisme terrcstre. Deux vaisseaux de 1'Etal, Erebus et Terror, sonl places sous ses ordres ainsi que le transport Ba/reto Junior destine a ])orter jusqu'a la baie de Baffin seulement, les provisions, les vetements et tout ce qui pouvait 6lre necessaire pendant un long voyage dans desclimals rigoureux, ainsi qu'unc grandc variele d'excellents instruments pour faire la serie d'observations recommandecs par le president et le conseil de la Sociele royale. Franklin avait ordre de se diriger d'abord sur le detroit de Davis, d'eulrer en- suite dans la baie de Baffin, puis dans les detroits de Lancaster et de Barrow, en poussant loujours sa route a l'ouest, a la latitude de 74° \\h jusqu'a cette portion ( 105 ) de terrc sur Iaquello est situe le cap Walker, ou vers ]e 98' degre environ de longit. 0. de Greenwich (100" 20' de Paris). L'Amiraute desirait qu'a partir de ce point il fit tous ses efforts pour penetrer par le sud ct par l'ouest jusqu'au detroit de Beering, et , en cas d'ob- stacles invincibles, de chercher a passer entre les lies Devon et Cornwallis. On faisait aussi observer que ce serait perdre son temps que de chercber par le sud-ouest Texti-emite de Tile Melville, a cause des barrieres insurmontables de glace fixe que Parry y avail trouvees en 1820 (1). Telles elaient ses in- structions generales; quant aux details de leur exe- cution , et memo quant a certaines modifications qu'il pourrait juger necessaires, l'Amiraute s'en rapportait a son habilete pratique et a sa prudence bien connues. Le capitaine Crozier, qui s'etait fait connaitre avantageusement par ses navigations dans les mers arctiques sous Parry et James Ross , com- mandait sous ses ordres la Terror, et le commander Fitz-James, son second sur 1' Erebus, etait specialement charge, a la demande du lieulenant-colonel Sabine, de tons les travaux relatifs a l'exploration magnelique du globe; les deux navires devaient enfin etre montes par un corps clioisi d'officiers et un excellent equipage. L'expedition mil a la voile de Greenhitbe dans la Tamise le 19 mai 18/|5 et des lies Orcades le h juin (i) « In consequence , portent textuellement les instructions cle rAmiraute, of the unusual magnitude and apparently fixed state of the barrier of ice observed by the Mecla and Griper, in the year 1820, off Cape Dundas., the south western extremity of Melville island, we consider that loss of time would be incurred in renewing the attempt in that direction. » ( 106 ) suivant. Lc !\ juillet, on jeta l'ancre entre les lies tie la Baleine {JFhale Fish islands) et l'lle Disco, elablisse- inent danois sur la cote surl ouest dn Grocnland , d'ou Franklin ecrivait officiellement a l'Ainiraute une lettre, dernier signe de vie qu'il ait donne personnel- lenient, dans laquelle il manifesto un vif enthousiasme et les plus grandes esperances sur le sueces de son expedition. Tout devait faire esperer en effet qu'elle reussirait dirigee par un horn me aussi experiments, ayant sous lui des officiers et des equipages d'elitc dont il avail su gagner des le debut la conliance et l'attachenient, et de bons navires paifailement approvisiounes. Aussi le commander Fitz- James ecrivait-il le ler juil- let all. Barrow, son ami, li Is du savant secretaire de l'Amiraute : « Sir John Franklin est vraiment » charmant, actif, energique, et done d'un excellent » jugement el d'une meinoire etonnante. Ce qu'il a » ete, nous le savons tons et je pense qu'il n'a rien » perdu de ses qualites. Sa conversation, a la fois » attrayante et instructive, est parsemee d'anecdotes » pleines d'interet sur ses precedents voyages. II a » gagne 1'affection de nous tous parson extreme bien- » veillance et son amenile ; et je suis convaincu qu'il » est de tous les homines le plus capable de cominan- » der une entreprise qui exige surlout un sens prol'ond » et une grande perseverance. J'ai beaucoup acquis » depuis que je me trouve avec lui et je m'estime on » nepeulplus heureux de servirsousun tel hommc...» De son cote, le lieutenant Fairholme, qui montait egalement le vaisseau de Franklin, montre a peu pres le meme enthousiasme. « Je ne saurais vous dire, ( 107 ) » ecrit-il le 10 juillel a un ami, combien nous avons » tous a nous louer de notre capitaine ; il a gagne non- » seulement le respect, mais l'attachement de toutes » les personnes du bord; el son influence sur les offi- » ciers et sur l'equipage est constamment employee a » des choses utiles. Sir Jobn semble etre rajeuni de » dix ans depuis que nous avons quitte l'Angleterre; » il prend personnellement une part active a tout ce » qui se fait et sa longue experience le rend un con- » seiller on ne peut plus precieux. » Les seuls renseignements directs qu'on ait recus posterieurement ont ete fournis par le capitaine Dannet, du baleinier le Prince de Galles , annon- cant que le 26 juillet il avail vu dans la baie Mel- ville (77° 48'latit. nord, 66° 13' long, ouest de G. ) les navires de l'expedition, qui ne laissaient rien a desirer sous aucun rapport*, et par le capitaine Mar- tin du baleinier Enterprise, qui les rencontra le meme jour et leur paria : il a declare qu'il a vu les officiers et les equipages occupes activement a tirer de nom- breux oiseaux qui les entouraient et a les encaquer. Quoique depuis le depart de Franklin pres de deux annees se fussent ecoulees sans qu'il eut donne on qu'on eut recu de ses nouvelles, a l'exception de celles que nous venonsde mentionner, et que d'assez vives in- quietudes commencassent a se repandre sur son sort, le docteur John Richardson , qui 1'avait accompagne dans ses prectdentes excursions arctiques, et qui avait pour lui le plus tendre attachement, le capitaine sir James Ross, ainsi que d'autres personnes parfaitement coinpetentes, ne croyaienl pas encore ces inquietudes fondees. II n'en fut point de meme lorsque les der- ( 108 ) niers niois de 1SA7 furent arrives sans quo le moindrc renseignement fut parvenu en Anglcterre. L'anxiele devint alors generale ; aussi a partir He I8/18 jusqu'en 185A, il ne s'ecoula pas d'annee que le gouvcrnement anglais n'envovat expedition sur expedition , a la recherche tie Franklin. Les trois premieres fnrcnl dirigees simultanement, en 184S, par trois directions differentes. L'une, composee du Plover, sous le coin- mandement du lieutenant Moore , quitta l'Angleterre au commencement de Janvier (18/]S). Penetrant dans le detroit de Beering, elle envoya des bateaux qui explorerent les cotes seplentrionales de I'Amerique, jusqu'a rembouchure dc la riviere Mackenzie, 011 on fut arrete par les glaces. Ce fut en venant de Test que les navires Enterprise et Investigator, partis d'An- gleterre au mois de juin , sous la conduite de James Ross, entrerent dans la baie dc Baffin , puis dans le detroit de Lancaster, sans pouvoir s'avancer au dela de V inlet du Prince Regent ou ils passerent l'hivcr de 18Z|8-Z|0. Le savant el intrepide sir John Richard- son, quoique recemment marie, et occupant un em- ploi lucratif du gouvernement, n'hesita pas a s'offrir pour dinger la troisiemc expedition; il avail avec lui le docleur Rae , et partit le "2h mars de Liverpool. Apres avoir traverse par lerre l'Amerique, ils devaient visiter une partie des cotes seplentrionales en bateau, lorsqu'ils auraient atteint les rivages de la mer Areli- que ; Richardson et Rae avaient a relier autanl que possible lesdeux autres expeditions. Pendant une saison enliere,ilsvisiterent avec l'attenlion la plus coin li tie use, en bateau et sur la glace, les cotes comprises entrc les embouchures de la Mackenzie et de la riviere de la Mine ( 109 ) de cuivre. Au moyen des interpreles qu'ils avnient araenes avec eux , ilsinlerrogeaient lous les Esquimaux qui s'ofl'raient a leurs yeux, recommandaient a leur bienveillance les homines blanes qu'ils apercevraient, el deposaient enfin des provisions qui rlevaient etre si utiles a leurs compatriotes en delresse dans des caches que ceux-ci pouvaient seuls reconnaitre. Malgre le zele ct I'habilele des commandants de ces trnis ex- peditions, aucune ne parvint neanmoins a decouvrir le moindre vestige des traces de Franklin. Nous donnerons a la fin de cette notice les noms de tousles navigaieurs qui, pendant six annees consecu- tives, et pour atteindrc un but aussi honorable, ont parcouru dans differenles directions les regions anti- ques par les ordres du gouvernement anglais, des les premiers niois de 18/18, c'est-a-dire du moment oil les amis de Franklin eurent juge que le temps elait enfin venu de concevoir de veritables craintes et de prendre de serieuses informations sur son sort. C'est done sans fondement que le redacteur du New-York Herald du 29 decembre 1855, en rendant compte d'un discours prononce par le docteur Kane devant la Societe americaine de geographie et de statistique, accuse ce gouvernement d'avoir mis peu d'empresse- ment a envoyer en temps opportun a la recherche de l'illuslre navigateur. « He (Franklin) might have been saved, dit en eflel ce redacteur, ij the British Government had sent to his assistance earmkr»; ce n'csl point parce que les expeditions sont parties Irop tard qu'on n'a point trouve Y Erebus et la Terror, mais plulot parce qu'on a cherche ces batiments ou Ton aurait peut-elre pu presumer qu'ils ne pou- ( 110 ) vaient se trouver. La seconde observation du jour- naliste ainericain semble avoir plus do 1'ondement : or if Kennedy had pushed further southward to explore \i\v- Somerset and Boothia... I D autre fail qui prouve encore le vif inleret qu'inspirail a l'Amiraule' anglaise la destinee de Franklin et de ses coinpagnons, c'est la declaration officielle rendue publique le 7 mars 1850, pour annoncer qu'une somme de 20,000 livres sterl. (plus de 500,000 francs) serait aceordee aux personnes, a quelque nation qu'elles appartinssent, qui decou- vriraient et secourraient dune maniere efficace, au jugeinent de l'Amirautg, les equipages de V Erebus et de la Terror; et que deux autres somines chacune de 10,000 livres sterling ("250,000 francs) seraient remises, e'galement au jugeinent de rAmiraute" , 1° aux per- sonnes qui en decouvriraient ou secourraient une par- tie, ou fourniraient cles renseignements suflisants pour venir a leur aide; 2° a celles qui par leurs efforts reus- siraient, les premieres, a oblenir des renseignemcnts certains sur leur sort [first succeed in ascertaining their fate). Nous ajouterons enfin qu'il resulte d'un releve insure dans un cahier du Chamber's Repository oj instructive and amusing Tracts, intitule : The search of sir John Fran/din, que les depenses des differentes expeditions envovees tant par le gouvernement anglais que par lady Franklin, et par .MM. Grinnell et P^abody, peuvent etre evaluees a802,A66 livres sterling, ou plus de 20 millions de francs, somme que de bonnes au- torites considerent comine exageree. Le gouvernement anglais ne fut pas, comme on vient dele voir, le seul a montrer de l'interet et a agir pour celle cause sacre'e. L'epouse devouee de Franklin prit ( 111 ) une large part a ces pieuses entreprises, en consa- crant tout ce qu'elle pouvail toucher de sa fortune pour equiper et envoyer a ses frais, et au moyen de quelques souscriptions pubhques, plusieursnaviresa la recherche de son mari, en stimulant en outre le zele des particuliers par des presents considerables qu'elle offrait aux baleiniers qui chercheraient a obtenir et fourniraient des renseignements sur le sort des equi- pages de V Erebus et de la Terror, et en/in en adressant de pathetiques appels a la sympathie du monde civi- lise. Ces appels furent entendus dans le nouveau conti- nent, ou un simple citoyen des Etats-Unis, M. Henri Grinnell, riche negociant de New-Yoik, mu par un noble sentiment d'humanite, envoya, des les pre- miers mois de 1850 dans les mers arctiques, deux navires a la recherche de sir John Franklin, et renou- vela depuis, avec 1'aide de M. Peabody, de Londres , negociant et Americain comme lui, une seinblable expedition, dont le commandeinent fut donne au doc- leur Kane. La France aussi, si elle n'envoya pas d'ex- pedition officielle, eutdu moins des represenlants dans quelques-uns de ses officiers de marine, par mi lesquels nous citerons avec un certain orgueil le jeune lieute- nant de vaisseau Bellot, qui, apres avoir pris une part active a une premiere expedition do lady Franklin qu'il commandail en second , perit si malheuieusement deux ans plustard en accompagnant le capitaine Ingle- field, envoye dans le meme but par l'Amiraute. Lin autre jeune oflicier de la marine francaise, M. Lmile de' Bray, a egalement servi avec honneur pendant plusieurs- annees pour la meme cause dans les mers arctiques sur le naviru anglais the Resolute que commandail le ( 112 ) capitaioe Kellel. l.cs habitants de la Tasmanio, aussi pour lemoigner linlc-iet qu'ils prenaient an sort de leur ancien gouverneur, dont le memoire avail laisse parmi enx de si profoods souvenirs, envoy ferent en 1852 a lady Franklin une somme de 1,700 livres sterling (42,500 francs) comme leur part conlributive en quel- que sorte, aux depenses qu'olle avail faites dans les pre- cedentes expeditions. Les genereuxTasmaniens accom- pagnerent d'une touchante adresse ce don que lady Franklin employa a l'expedilion qu'ello se preparait a faire, et dont ils n'avaient point encore connaissance. On n'avait plus entendu parler de Franklin et de son expedition depuis les informations donnees le 26 juillet 1845 par les baleiniers le Prince de Galles et V Enterprise, lorsque, au mois d'aout 1850, le capitaine Ommaney, et le meme jour, quelques heures apres, le capitaine Penny, envoyes a sa recherche, en trouverent des traces dans 1 'lie Boechey, situee a l'enlree du canal Wellington. Ils y virent, reposant sur le sol, un de ces poleaux dont on se sert ordinairement dans les expe- ditions arctiques pour diriger ceux qui veulent se rendre soit d'un navirc a l'autre, soit au rivage ; une feuille de papier sur laquelle un des officiersde quart avait trace quelques notes (1); des debris de cordes et d'habits , des centaines de caisses de provisions vides en fer-blanc , et les tombes de trois homines de l'equi- page de Y Erebus et de la Terror chargees d'inscriptions apprenant par leurs dates que Franklin avait hiverne dans celte lie au moins jusqu'au mois d'avril 1846. (i) Ceci est important, parce qu'il prouve comliien le papier se conserve en plein air dans ce climat, I'ecriture meme n'ayant i'te aiicuneineiit alieree apres un ifitervalle de plufiieora niiuees. (113 ) Malgre le grand n ombre de navires qui, pendant l'annee 1850 et posterieuremenl , avaienl explore avcc soin les mers arcliques dans le but special d'obtenir des nouvelles de l'expedition de Franklin , qualre annees s'ecoulerent sans qu'on eut pu recueillir la moindre indication. Ce futa ce moment, 19 Janvier 1854, que l'Amiiaule crut devoir decider que si avant le 31 mars suivant on n 'avail pas recu des renseigne- menls sur l'existence des officiers et des equipages de YErebus et dela Terror, leurs noms seraient rayes des lisles de la marine et qu'on les considererait comme morts an service de Sa Majeste. Cette decision, prise avant le retour en Anglelcrre de toutes les expedi- tions envoyees officielleinent a la recbercbe de YErebus et de la Terror, et anlerieurement aussi a l'expedition du docteur Rae, dont nous allons parler, donna lieu a une cbaleureuse et eloquente protestation adresseo le 24 fevrier suivant aux lords commissaires de l'Ami- raute par lady Franklin, qui, dans ces circonslances, refusa avec un noble desinteressement la pension de veuve que legouvernement luioffrait (1). Auprintemps de 1854 cependant, le docteur Rae, cbarge par la Com- pagnie de la baie d'Hudson d'une mission puremcnt geograpbique, oblint des informations tristes, mais pleines d'interet, d'une Iribu d'Esquimaux qu'il ren- contradans lecoursde son voyage. lis lui apprirentque quatre Livers auparavanl, c'est-a-dire vers le printemps de l'annee 1850, une quarantine d'bommes blancs (i) Ancric Kxpeoiiios. Copy of a Idler addressed by lady Fiiak- Ki.in to the lords COMMISSIONED of the Admiralty, dated the 24 tli day of February 1 854, etc., ordered, by Thf. House of Commons, tq be printed 24 March 1 8 5 4 - XI. JANVIER ET fevrier. 8. 8 ( 114 ) avaient ele vus, par une autre tribu, trainant un bateau sur la glace pres du rivage se|)tentrional de I'ile de roi Guillaume (A ///.;' // illiam /.y/rtw/.etqu'a une epoque plus avancee de la merne saison, raais avant la rupture de la glace, les corps de lous ces bommes avaient ete retrouves a une petite distance au nord-ouestde l'emboucbure de la grande riviere des Poissons ou de Back, oil, suivant les indigenes, ils avaient peri sans doute de froid et de faim. L'identite de ces malheureux avec les equipages de 1' Erebus et de la Terror fut demontree par differents objets qui en provenaient incontestablement, recueil- lis sur les lieux par les Esquimaux, dont le docteur Rae fit l'acquisition et qu'il a apportes en Angleterre. On remarque parini ces objets une petite pi6ce d'ar- genterie sur laquelle est grave le nom de Franklin, sa decoration de l'ordre des Guelfes portant ces mots, qui pourraient si bien lui etre appliques : Nee aspera terrent ; des l'ourcbetles d'argent avec les initiales et les armoiries du capitaine Crozier, commandant en second de I'expedition, et celles d'autres officiers , plusietirs chronomelres, des portions de cordages et aulres ap- paraux portant la marque de la marine anglaise, etc. Cetle decouverte semblait detruire tout espoir de revoir jamais I'infortune Franklin; mais le sort des autres membres de I'expedition restait toujours couvert des voiles du mystere. Aussi 1'Amiraute an- glaise out devoir inviter la Compagnie de la baie d'Hudson a envoyer de nouveau dans les parages deja visiles des bommes intrepides et intelligenls , pour verifier l'exaclitude des Tails exposes par le docteur Rae, rendreles derniers devoirs aux marins qui avaient sacrifie leur vie au service de leur palrie, el retirer ( 115 ) enfin des mains cles Esquimaux les journaux, papiers de bord et tons les autres manuscrits qui, d'apres le recit du docteur Rae , devaienl se trouver au pouvoir des naturels. La Compagnie de la baie d'Hudson s'em- pressa de se conformer a l'invitation du gouverne- ment , et des rapports authentiques de la fin de 1855 (1) nous apprennent que MM. James Anderson, chef do l'expedilion, et Green Stewart, son adjoint, tous deux employes de la Compagnie, ont ac- compli, mais seulement en partie , la mission delicate et difficile qu'elle leur avait confiee. lis ont des- cendu la riviere de Back jusqu'a son embouchure, et visite les lies de Montreal, Maconocbie, la pointe Ogle, etc. Les Esquimaux rencontres par eux ont con- firme les recits da docteur Rae, et, comme lui, ces exploraleurs ont recueilli et rapporle plusieurs objets ayant evidemment appartenu , soit aux navires, soit a Franklin ou a ses compagnons, mais ils n'ont trouve ni vetements, ni canons. C'est vainement aussi quils ont cherche les corps des marins anglais, dont les Esquimaux avaient annonce la mort; ils n'ont pas ele plus heureux dans leur recherche des papiers de bord et des manuscrits. Ces derniers documents auraient leve les doutes qui peuvent exister encore , en fournis- sant de precieuses informations sur le sort des marins anglais et sur la route suivie par les deux batiments de l'expedilion depuis que Franklin a quitle le detroit (i) Lettre ecrite du fort Resolution le 17 septembre 1 855 a sir George Simpson, gouverneur de la terre Rupert , par M. James Anderson, chief factor de la Compagnie de la baie d'Hudson ; et ren- seignements communiques aux journaux americains par M. Green Stewart, commandant en second de rexpe'dition. ( lie ) tie Borrow, pour s' engager ires probahleinent dans les detroits tie Peel et ierre tumulaire nortant une touehnnte epitaplie, consacree par lady Franklin a la niemoirede l'amiral et de ses infortunes compagnons, Cut confiee par elle an lieutenant Harstein, de la marine des Etats-Unis, au moment oil il partait, au mois de juin i 855, pour alter a la recherche du docteur Kane, parce qu'il n'y avait pas en ce moment dans les ports d'Angleterre de n a vires en parlance pour l'ile lleechey, oil cette pierre devait etre place'e. Le lieutenant Harstein n'ayant pas, connnc on sait, continue son voyaj;e, la pierre lumulaiie a etc deposee provisoire- ment parlui a l'ile Disco, juscju'a la premiere occasion favorable qui se presenteia pour l'ile Beechey. ( M8 ) premieres expeditions sur les cotes de la mer Arctique commandees par Franklin de 1819 a 1822 et de 1825 a 1827. Nous avons vu que dans la direction de l'ouest il n'avait laisse qu'une faible lacune inexploree d'en- viron 160 milles (50 et quelques lieues), lacune plus que remplie en 1837 par MM. Dease et Simpson qui s'etaient avances a l'ouest jusqu'a la pointe Barrow, et a l'est au dela de 1'emboucliure de la riviere de Back. II etait done demontre en 1837, e'est-a-dire huit ans avant le depart en 18ZI5 de V Erebus et de la Terror, que la mer Arctique etail libre et navigable de 1'emboucbure de la riviere de Back a la pointe Barrow ou plutot jusqu'au detroit de Beering, puisque la distance entre la pointe Barrow et ce detroit avait deja ete exploree. Or comme des debris des navires V Erebus et la Terror, et des objets ayant appartenu a leur commandant et a des membres de son expedition ont ete trouves pres de l'emboucbure de la riviere de Back, ou ses marins, apres avoir descendu les detroits de Lancaster et de Barrow, avaient ete" portes au printemps de 1850, en suivant probablement (1) les detroits de Peel et de (i) Nous pourrions dire certainement, car Franklin, en quit- tant en 1846 ses premiers quartiers d'hiver de File Beechev situee a I'entree du canal Wellington et presque dans le detroit de Barrow, se dirigeant sur le cap Walker et descendant a l'ouest de la cote de North Somerset et de Boothia Felix, les detroiu de Peel et de Victoria qui Font conduit aux environs de Fetnbouchure de la riviere de Back, ou tant de debris relrouves conh'rment celte supposition, aurait suivi presque a la lettre les instructions de I'Amiraule qui lui prescrivaient , apres etre arrive a ce cap, de naviguer au sud, puis a l'ouest en se dirigeant vers le detroit de Beering. When (in the latitude of about 74*1/4), portent ces in- structions, you have reached the lomjitude of that portion of land ( 119 ) Victoria, il nous parait en resulter n^cessaireinent qu« c'est a Franklin et a ses compagnons qu'appartient la gloire d'avoir resolu avant tous autres , en venant de l'esl, le faineux probleme du passage entre les deux Oceans, que plus tard Uc Clure a resolu de son cote par une autre direction en venant de l'ouest et en s'elevant a une plus haute latitude. Vivants, il est dif- ficile de croire qu'on eut pu leur refuser les benefices des actes du parlement; maintenant qu'ils ne sont plus, quelle sorte d'hotnmage ou de justice l'Angle- terre devra-t-elle rendre a leur m6moire? C'est ce qu'il ne nous apparlient pas d'examiner. Cette question a ete au surplus longuement, savam- raent discutee, et resolue affirmativement au mois de juillet 1855 devant le comite choisi par la Chambre des communes (1), par sir Roderick Impey Murchi- son, ancien president de la Societe geographique de Londres , aujourd'hui directeur general de l'explora- tion ou leve geo\og\que( Geological Survey) duRoyaume- Uni, (jui est entre a ce sujet dans de lumineux deve- loppeinents. par le capitaine de vaisseau Washington, en ce moment hydrographe de l'Amiraut^; par le capitaine Collinson , etc., tandis que le comite lui- meine ne s'est pas cru sufiisamment autorise a se prononcer en ce qui concerne les droits de Franklin ou de ses compagnons. Et en dehors du comite l'ami- ou which cape Walker is situated, or about 90° west, we desire that every effort be used to endeavour to penetrate to the southward and westivard in a course as direct towards Bherings strait as... (1) Report from the Select Committee on Arctic Expedition ; toge- ther with the proceedings of the Committee, etc., etc. Ordered, by the House of Commons, to be printed, 20 July 1 855. ( 120 ) ral sir Francis Beaufort , ancien bydrographe <.\o I'Amiraute ; sir John Richardson, Van des exploraleurs les plus renommes dcs niers arcliques auquel, sui- vant M. A. K. Isbisler, la science doit presque tout c.e qui est connu dc l'liistoire naturelle de la vaste region qui enloure la baie d'lludson (1) ; le docleur Hawks, president de la Societe g^ographique de New- York ; M. Henri Grinnell, et beaucoup d'autres personnages distingues, don t la competence ne saurait etre con- tested, ont ecrit dans le memo sens. Si nous nous sommes hasardes a traiter un sujet aussi delicat et a emettre une opinion, nous avons cm pouvoir le Faire sans inconvenient malgre noire insulfisance , en nous appuyant sur les impos:intcs autoriles qui vienncnt d'elre cities el apres avoir eludie, la derniere carte de I'Amiraute sous les yeux, les^principales publications ofliciclles ct privees qui onl paru, ou du moins que nous avons pu nous procurer, sur les actes et les tra- \aux de Franklin. II est bien a regretler que des circonslauees parti- culates aient cmpeche le commandant du Prince- Albert, envoje, en 1851, aux frais de lady Franklin, a la recherche de son mari, de suivre a la leltre les instructions de cclle femme si inlelligente el si de- vouee : guidee, pour ainsi dire, par une sorle d'inspi- raliou , lady Franklin conseillait en efl'et dc suivre precisement la route qui eut fait renconlrer V Erebus el la Terror. On ne doit pas eprouver moins de re- (i) On the Geology of the Hudson's Hay Territorh^ and of por- tions of the Arctic and North-Wasters Hegioss o/ America, by A. K.. IsdiSTER Mi A. M. H. C. P., etc. With a Coloured Geological Afap. ( 124 ) grets en voyant que, par une singuliere t'atalite, la plupart des exploratetirs charges de retrouver les traces de ces deux bailments se sont diriges vers l'ile Melville, contrairement aux instructions donnees en lShb par l'Amiraule et que nous avons rappelees plus haut.lorsque Franklin avait toujoursdit, avant de parlir pour sa derniere expedition, que c'etait le long des cotes septenlrionales de l'Amerique qu'on avail le plus de chances pour trouver le fameux passage, quoiqu'on doive rcconnailre qu'il ajoulait en meme lemps que, dans le cas ou il renconlrcrait des obstacles in- surmontables pour se diriger au sud-ouest, il cher- cherait un passage au nord en remontant le canal Wellington. Une multitude d'iles, de caps, de baies, de ports, de rivieres, etc., ont recu le nora de Franklin, en 1'hon- ncur de ce navigateur , dans l'Australie , dans la Tasmanie et sur divers autres points du globe. Nous ri'en citerons qu'un petit nombre. Dans la Tasmanie, par exemple, une grande riviere s'appelle Franklin. Deux lies Franklin doivent ce nom, l'une a sir James Ross qui la decouvrit en 18/il, par 76° 12' de latitude auslrale et 168° 20' de longitude ouest de Greenwich; c'est l'ile la plus meridionale de la region antarctique. L'autre, decouverle et nominee par le docteur Kane au printemps de 1854, par 81° 21' de latitude nord et 65° 30' de longitude ouest , est la plus septentrionale de la region arctique. On trouve sur la cote septen- trionale de l'Amerique , au sud-est du cap Bathurst, a la longitude de 125degres ouest, une baie que le doc- teur Fvichardson a appelec baie Franklin ; un cap, sur la cote nord-ouest de l'ile du roi Guillaume, longitude ( 122 ) 98 degres ouest , a recu le nom de cap Franklin de M.M. Dease et Simpson; et un autre cap, situe en face du cap lady Franklin, dans le detroit de Wellington, par 77 degres de latitude nord et 97 degres de longi- tude ouest, a etc nomine en 1851 par le capitaine Penny cap .sir John Franklin, etc. (1). L'esquisse que nous venons de tracer de la vie et des tiavaux de sir John Franklin vous a montre qu'il reunissait les quaiiles les plus diverses el les plus rares. Ne pour ainsidire marin, etentre.des sa plus tendre en- fance, a bord des vaisseauxde I'Etat, il eut la Constance de refaire, pour ainsi dire, son education litteraire ; il parvint par sa perseverance a acquerir des connais- sances ties etendues grace a ses heureuses dispositions, et aussi grace auxconseils etaux directions du capitaine Flinders, son parent et son ami , et a ses relations avec les savants de 1'Angleterre. Apres avoir parcouru presque ton les les mers et s'etre fait dislinguer par son courage a Copenhague, dans le detroit de Malacca, a Trafalgar et a la Nouvelle-Orleans , il commence sa veritable carriere, l'exploralion des mers arctiques, a laquelle sa vie fut d6s lors consacree, a l'exception de quelques annees pres , oil il commande le Bainbow dans la Mediterranee, et ou , charge ensuite du gou- vernement d'une importante colonie , il s'y montre administrateur habile el intelligent, et sail y faire ve- nerer sa rnemoire. Dans loutes les missions qui lui furent conliees, Franklin justifia lopinion que sir Joseph Banks, les navigaleurs les plus celebrcs, et les (i) Expeditions envoye'es a la recherche de sir John Franklin depuis I'annee 1848 inclusivement (voyez le tableau, p. 123). ( 123 ) savants les plus distingu&s de ia Grande-Bretagne COMMANDANTS EXPEDITIONS. OBSERVATIONS. De I'ouest a Vest par le ddtroit de Beering. Moore, capitainel P/over. . . I Enterprise Colliuson , cap Trollope, cap. Kennedy, cap. Investiga- tor Rattlesnake Isabel. . . . 1848 1850 1852 1855 | 1854 I r 1855 II avail sous lui le capitaine Mc J dure, commandant Vlnvesii 1834 I gaior. 1 854 183 Envoye par lady Franklin De Vest a I'ouest par la bale de Baffin. Ross sir James capitaine / Enterprise ■llnvestiga- lor I Resolute. . Austin (Horatio)) Assistance. capt. j Intrepid. . .Pioneer. . 1848 1830 ,Lady Fran ..' ktin. . (Sophia Ross, s.John cap. Felix.. Penny , capit. "/ Forsyth , com- mander . . ■ . De Haven. . Kennedy, cap. . Princ.Alberl Advi.ncs. ■ , Rescue. . . . Princ.Alberl /Assistance _. _ , , „ . I Resolute. . Sir Edward Bel-J/n, ld_ cher, capitaine) pionerer . . {North Star Inglelield, com mander .... Le doct. et lieu- tenant Kane. . Ingletield, com- mander .... Ingletield, capi- taine Isabel . . Advance. Phosnix. Phcenix . 1850 1850 1850 1850 1851 1 852 1832 1853 1853 1834 1849 1851 1851 1831 1850 1851 1852 1854 1852 1853 1853 1854 III avait sous lui le capit. Bird . 1 commandant I' Investigator V Assistance elait commands par le cap. Ommaney et les deux am res, qui etaient des vaisseaux a vapeur, avaient pour commandants les lieute- nants Cator et Sherard Oshorn. Lecap. Stewart commandait en second Sophia. ExpCdit. particuliere aux frais de la Compagnie de la haie d'Hudson et en partieau moyen d'une souscription publique. Envoye par lady Franklin. t Envoys par M. H. Grinnell, de j New-York, le lieutenant Grif- ( tin commandant la Rescue. | Envoye par lady Franklin. Le capitaine Kellet comman- dait en second le Resolute , et les antics navires , dont les deux premiers etaient des ba teaux a vapeur, et le troisieme un transport, I'etaient par les commander MacClintock, Os- horn ct l'ullen. Envoys par lady Franklin. Envoye par MM. Grinnell et Peabody. Expeditions envoyies par terre ou en bateau le long des cotes de la mer Antique. Richardson , sir John Docteur Rae . . Anderson James 1848 1851 1855 1850 1852 1855 II avait sous lui le docteur Rae, employe de la compagnie de la baie d'Hudson. II avait sous lui M. Stewart ; tons deux elaient employes de la comp. de la baie d'Hudson. ( m ) avaient concue de ses talents, tie son caractere, cle son intrepidile, des ressources cle son esprit dans les circonstauccs les plus difficiles, et de son habilete comme niarin. Tons ceux qui ont servi sous ses ordres lui sont resles toujours tendrement attaches; Ions ils rendent hommage a la solidite de son jugement, a la simplicile de ses manic-res, a sa droiture, a son diseernement , a son admirable franchise , a sa pie to eelairee, comine a sabienveillance et a sa modeslie, et reconnaissenl qu'il n'a jamais laisse echapper une occasion de faire valoir leur merite, en parlant pea de ses propres services. On a vu que sir John Franklin avait etc marie deux fois, et qu'il cut le bonhcur de trouver dans ses deux epousesde nobles caract6resbicndigncsde sympathiser avec le sien. II a laisse de son premier mariage, qui ne dura qu'un an et derni, une seule bile, qui a epouse en J 849 le reverend J. P. Gell. Nous nc croyons pouvoir micux clore cette notice qu'en citant un fail qui vous monlrera l'eslime que sir John et lady Franklin, dont les noms .sous plus d'un aspect sont inseparables, avaient su inspirer aux plus emincnts personnages. Au mois de mars 1853, un an environ avant qu'on eut acquis la tristc certi- tude de la mort du vaillant amiral, une jeune et gracieuse souveraine a laquelle lady Franklin avait cru devoir faire hommagc , par I'inlermediaire du capitaine Inglelield, de la relation du dernier voyage fait, a ses frais, a la recherche de sir John, sous le commandement du capitaine Kennedy et du lieutenant francais Bellot, lui adressa une let tre OU se trouvent ces lignes diclees par le cu?ur le plus lendrc ( 125 ) ot le plus eleve, que nous sommes beureux, et no nous croyons pas indiscret, de reproduire : « C'est surtout comme femunc ct eomme epouse que » je vermis avec plaisir la France associee a l'Angle- » terre dans ces expeditions g6nereus.es qui ont pour » premier but de relrouver un bomme dont les vertus » privees sont surement au niveau de ses talents el de » son courage, puisqu'il vous a inspire un si admi- » rable devoueinent. » A la fin, je l'espere , le ciel vous accordera le » succes que merite voire lendresse conjugale ; et ce » jour-la, Madame, il y aura une personne qui parta- » gera bicn \ivcment la joie de l'eppuse du comman- » dant Franklin , ce sera l'epouse de l'Empereur » Napoleon. » Helas ! les voaux et les esperances de notre Auguste Imperalrice ne se sont malheureusement pas realises. NOTE SUP. I.A CAP.TR DES DtCOUVURTES DU Dr B. K. KANE. La carte que nous meltons sous les yeux des lec- leurs du Bulletin est la reduction, a moitie, de la carte de l'Oflice hydrographique de l'Amiraute britannique (n°2/|17). Nous n'entrerons ici dans aucun nouveau detail sur le voyage du dorteur Kane, dont un de nos collogues, M. Cortambert, a donne une analyse succincte au cabier d'octobre et novembre 1855, page 31Zj ; nous constalerons settlement les resultats acquis a la science ( 126 ) geographique a la suite de cette lieurcuse exploration. Los derniers points atleints au nord du detroit de Smith [Smith's sound), par le capitaine Inglofiold, en 1852, 6taient le cap Frederic VII, sur la cote du Groen- land, et le cap Victoria, sur la cote opposee ; tousdeux situes vers le 79° 30' de latitude. Enlre ces deux points, une lie, qui semblait plus rapprochee de la cote occidentale que de la cote orientale, avait recu du capitaine Inglefield le noni d'ile Louis-Napoleon , en l'lionneur du prince Louis- Napoleon, alors president tie la Republique. Le docleur Kane, apres avoir depasse ces deux points, reconnut que le detroit de Smith s'elargissait d'ahord de maniere a determiner a l'ouest la bate de Peabody, qu'il se resserrait ensuite au dela du 80e de- gree pour former entre la terre Washington {Washing- ton land) a Test, et la terre Grinnell [Grinnell land) a l'ouest, le canal Kennedy , qu au dela du 81° 20', ce canal aboulissait a un vaste bassin ouvert, qui, malgre un fort vent du nord de plus de cinquante-deux hemes de duree, ne presentait aucune indice de glaces flot- tantes. W. Morion, un des compagnons du docteur Kane, s'avanga a l'aide d'un traineau le longde la cote de la terre Washington, jusqu'au cap lrtdependan.ee; une baie qui s'ouvrail devant lui, rec,ut le nom de bale Constitution, et deux lies \oisines furent consacrees it rappeler les noms des deux commandants de V Erebus et de la Terror: lie Franklin, He Crozier. La cote occientale, cell'1 <\q la terre Grinnell, s'avan- cait plus au nord, justjue vers le 82° 30' de latitude, et une montagne, ou du moins un groupe de hauteurs, aperQU dans cette direction, recut le nom de Monts ( 127 ) Parry, en l'honneur d'un des veterans des explora- tions polaires. L'existence de cette mer polaire ouverte : Open Polar sea, clit la carte anglaise, est un fait important qui conlirme les previsions de la science, et donne rai- son aux theories des physiciens. La glace, pour se former, a besoin d'une certaine agitation que Ton doit moins rencontrer vers les poles, ou les attractions so- laire et lunaire se font moins sentir. De plus, la tem- perature doit y etre moins rigoureuse que vers le 80e degre, parce qu'a cause de cette memo absence de glaces, elle doit gagner en calorique ce que, a cette der- niere latitude, les glaces en absorbent pour se fondre. Le rapport du docteur Kane justifie encore cette der- niere prevision : non-seuh-ment le Ihermometre accusa vers le 81e degre une temperature plus elevee, mais la vegetation et les animaux reparurent. On tiouva sur les cotes une espece d'herbe ou d'ivraie [firm weed), et un grand nombre d'animaux herbivores, que la pre- sence de l'liomme semblail ne pas inquieler. Parmi les oiseaux que les explorateurs rencontrerent, il s'en trouva qui elaient inconnus des naturalistes ; on en a meme ramene un en Europe qui ressemble beaucoup a une mouette de mer aguntee. Sur la proposition de quelques geographes anglais, et de M. Norton Shaw, ne faisant tl'ailleurs en cela que suivre l'exemple que M. Aug. Petermann lui a donne dans son Xe cahier AesMittheilungeit, la Societe de geo- graphic a decide , dans sa seance du ler fevrier der- nier, que cette mer ouverte serait designee sur la carte que nous donnons ici sous le nom de mer polaire de Kane, C'est un juste temoignage de la reconnaissance ( L-t« ) pnbliquc cnvers l'inlrepide Americain auquol nous devons ces dScouvertes, qui pendant longtemps, sans doute, maintenant qu'aucun interet n'attirera plus les navigalcurs vcrs'le pole, rosleronl les dernieres limiles dc>s connaissanccs humaines dans celte direction. Nous devons encore faire rcmarquer qu'il resulte de cetle derniere expedition, que l'ile Louis-Napoleon du capitainc Inglefield, se rallache a la terrc Grinnell; il conviendrait done de la designer dans les cartes sous le nom de promontoire ou cap Louis-Napoleon; e'est ce que nous avons fait en adoptant la designa- tion, ajoutec a la main, dans la carte de l'Amiraute, que M. le doctcur Norton Shaw, secretaire de la So- ciete royale gcograplnque de Londres, nous a adressee. Cette derniere rectification n'esl d'ailleurs pas la seule (jue nous ayons a signaler dans le bassin de l'ocean Arctique; car le commodore Rodgers, qui vient au mois d'aout 1855, de faire sur le Vincennes une campagne d'exploration au dela du delroit de Beering, declare qu'il a vainement parcouru au nord de l'ile Herald l'espace qui s'elend, a Test ct a l'ouest, enlre celte ile et le 72° 5' 20" de latitude, sans rencontrer ni l'ile Plover, ni les tares vuespar /'Herald, decouvertes par le capitainc Kellet en 1849, que ces terres n'exis- taient probablement pas. II en serait de merne des montagnes vuespar Jf 'range! au nord de la cote septen- trional e de la Siberie, vers le 72e degre de latitude. Ces designations, selon le commodore Rodgers, seraient le resultat d'erreurs d'optique, malheureusemenl Irop I'requentes dans ces parages. V.-A. Maltu-Bhun. ( 129 ) ?ttouvelIes et coMiiiaiaiiicatioiis. EXPEDITION SCIENTIFIQUE FAITE PAR ORDRE DV GOUVER- NEMENT DES KTATS-UNIS DE l'aMERIQUE DU NORD DANS l'hemispiiere meridional pendant les ANNEES 18ZJ9 a 185'2. Le gouvernementdel'Union, frappe ties observations qui lui avaienl ete I'aites par M. le lieutenant J.-M, Gil- liss, a l'instigation d'un astronome allemand, le doc- leur Gerling, sur l'incerlitude de la determination de la parallaxe solaire liree, en 1761 et 1769, ties obser- vations de passages de la planete Venus, concut le projet, il y a maintenant sept annees, d'une expedition scientifique dans l'hemisphere meridional, dans le but dc faire effectuer de nouvelles observations. II s'agissait d 'observer de nouveau la planete Venus pen- dant sa periode de retrogradation, et d'arriver ainsi a unc determination plus rigoureuse de la parallaxe so- laire.On sait quelle est, pour la navigation, 1 'importance de cette evaluation, qui entre dans le calcul des longi- tudes. La Sociele pbilosophique americaine, et plusieurs des astronomes les plus dislingues des Etats-Unis, ap- puyerent le projet dn gouvernement de Washington, d'envoyer au Cbili des observaleurs experimentes. Le congres approuva done le plan qui lui avait ete soumis en aout I8Z18. Des savants eminents de l'Angle- terre, parmi lesquels il faut eiter les amiraux Beaufort et Smith, le celebre physicien d'Edimbourg, M. Forbes, donnerent leur adhesion au plan dont M. le lieutenant Gilliss tut naturellement charge de poursuivre l'exe- culion. En consequence, ce marin quitla New-York XI. JANVIER ET FEVRIER. 9. 9 ( i&o ) en aout 1849, et se rendil par I'isthme de Panama a Santiago arlie aslronomique. II con lien t la determination des parallaxes des pla- neles Mars et Venus, dont, en vertu dc la troisieme loi de Kepler, on peut deduire celle du Soleil. 11 reste encore quatre volumes a publier, qui don- neront les observations failcs au cercle meridien, les observations magnetiques et meteorologiques; entin un catalogue de plus de 20,000 etoiles nouvellement observees dans l'bemispbere meridional. SOCIETE DE GEOGRAPHIE DE VIENNE. La Societe de geograpbie de Vienne, nouvellement fondee, a ouverl lclei decembre dernier le coursde ses travaux parundiscoursdu savant geologueM.Haidinger. Ce memhre a retrace l'bistoire de la fondation de la Societe et esquisse un plan de travaux a executer. Le 5 Janvier, la Societe a tenu une seconde seance. Parmiles fails de nature a interesser les geograpbes de toules les nations, qui se sont produils a celte seance, nous signalerons les suivants : M. le baron de Reden a oITerl une carte manuscrite dresseo par lui sur ses propres rccbercbes, et donnant le bassin de la Plata. Cetlc carte est a ^joi;nn;. L'ba- bile geograpbe gar an lit Fexactitude des documenls sur lesquelsclle est elablie. On y devra joindrecomme com- ( 183 ) mentaire I'ouvrage qu'il a publie sousle titre : Des Etats (hi bassin de la Plata dans leurs rapports avec V Europe. M. le cliev. Heufler a presente a la Societe un ou- vrage intitule : Vues da Baierischen Wald, par M. Otto Sendlner, professeur de botanique a l'Universite de Munich, et comprenant un tableau orographique, climatologique, forestier, botanique, elhnogiaphique et economique de cette contree. M. Sendlner s'est voue avec une louable perseverance a l'exploration des cliaines de montagnes de l'Europe meridionale. II a visile le Tyrol, la Carinthie, la Carniole, l'lstrie et la Bosnie, et faillit perir dans ce dernier pays sous le fer d'un Turc fanatique. Les blessures qu'il recul dans cette occasion l'ont empeche de poursuivre plus au sud son exploration. M. le docteur Siegfried Reissek a lu un tnemoire sur la distribution des Asphodeles dans 1'empire d'Aulricbe. M. le professeur F. Simony a communique un essai sur la distribution orographique du bassin du nord de la Carniole. II joint a ce memoire un pano- rama long de 7 pieds, et dresse par lui, des environs de Laybach, et qui donne dans les plus grands details la composition du terrain. M. Simony signale le can- ton de Laybach comme un des points les plus interes- sants des Alpes orientales. La plaine, dont elle occupe presque le centre, constitue la vallee la plus large de toute la chaine des Alpes. LE OUALO, PROVINCE FRANC AISE. Le Oualo (Senegal) est devenu une province francaise depuis les dernieres conqueles que la France a faites dans le Senegal, grace a l'energie et a l'inlelligence du gouverneur Faidherbe. (m ) II se divise aujourd'hui en quatre cercles : 1° Cercle de Dagana ; Comprenant Its villages compiis entre Dagana et Je marigot de la Taouey. •2° Cercle de Richard Tol ; Comprenant les villages entre ce poste et Malta. 3° Cercle de Merniaghen ; Comprenant les villages du bord du lac Paniefoul. li° Cercle de Lampsar; Comprenant les villages limitro plies de l'interieur. DEPART DV COMTE d'eSCAYRAC Le comte d'Escavrac de Lauture annonce a la Societe qu'il vient d'etre appele" par le Vice-Roi d'Egyple a prendre le commandement en chef d'une expedition a la recherche des sources du Nil. Le comte d'Escavrac va s'occuper sans retard de' l'organisalion de cette expedition, pour le succes de laquelle rien ne sera neglige; il espere, grace a l'appui magnanime du Vice-Roi et de son here Halim pacha, gouverneur gene- ral du Soudan, resoudre enfin le probleme pose depuis lant de siecles; il rappelle a la Societe les lentatives lakes par Mohammed-Ali de ce cote et les resultats interessants des expeditions que commandait Selim capitan et auxquelles ont pris part MM. D'Arnaud , L. Sahatier, Werne et Thihaut. Le journal de ce der- nier voyageur vient see par M, le lieutenant-colonel du genie Faidherhe a M. Ilase, de l'lnstitul, membre de la commission du prix de linguistique. M. le colonel Faidlierhc demande par cette lettre s'il pourrait presenter au concours les inanuscrits sur les langues Serere et Sarakolc, qu'il a deposes au bureau de la Societe. M. Jomard pense ( 4A3 ) qu'il n'y a auciin inconvenient a satisfaire a cette demande, puisque les manuscrits peuvent rentrer dans la possession de la Societe apres le jugement de l'Aca- demie. La Commission eentrale decide que, confor- mement aux intentions de 1'auteur, ses memoires seront communiques a la Commission de l'lnstitul. Le mfeme inembre donne lecture de deux letlres qu'il a recues de M. le docteur Martius et de M. le docteur Barlh. Par la premiere, le secretaire de J'Aca- demie royale des Sciences de Munich annonce 1'envoi d'un recueil de planches et de tableaux relatifs a la Flore bresilienne , et sollicite des renseignements exacts et recents sur les positions astronomiques et geograpliiques du Bresil et des pays environnanls pour servir a la redaction d'une carte qu'il prepare et qui doit donner les routes des voyageurs botanistes et l'indicalion des formations geologiques. Parlaseconde lettre, M. le docteur Barth demande lindication des documents qui auraient pu etre publies en France sur le paysdc Mzab, sur les Berbers et sur leur idioine. M. le secretaire communique la liste des ouvrages ofl'erts a la Societe. La Commission eentrale examine avec le plus v if interet 1'exposition des magnifiques cartes, atlas et ouvrages otTerts par M. Justus Perthes, directeur de relablissement geographique de Gotha, et elle decide a 1'unanimite qu'il sera adresse au genereux donaleur une collection des memoires et du bulletin de la Societe. M. Jomard presenle au nom de M. le general Dau- mas, un exeniplaire de l'ouvrage que eel oflicier gene- ral a publie sur le Grand Desert, ou itineraire dune ( Ihh ) caravane du Sahara au pays desNegres, M. V.-A. Malic- Brun offre, dc la part do M. Vullii I, I'esquisse d'une nouvollc geographic de la France; il rappelle a cette occasion que M. \ ullicl est l'autour dc la geographic physique generale sur laquellc un editeur americain a demande des renseignenients a la Sociele, dans le hul d'cii publier one traduction. MM. les colonels Ihanez ct Saavedra Meneses, mem- hres de la Commission des travaux de la carle d'Espa- gne, et M. Guillaume Lejean, geographe, sonl admis dans la Societe. M. le marquis d'Espeuilies el M. Edouard Thayer, senaleurs, ct M. Ernest Lemaltre sont presentes corame camlidats par MM. Lefehvre- Durufle et Joinard, et par MM. d'Avezac el d'Eichthal. M. Lefehvrc-Durufle, president de la Societe, fail part a 1'assemhlec du regret que lui ont exprimc plusieurs memhres, ses collegues au senat, de ne pou- voir assister aux seances et du desir qu'ils auraient qu'il put y avoir des reunions le jour, de qualre a six heures. Le meme memhre sign ale, d'apres le Moniteur, l'acte par lequel S. A. le Vicc-Roi d'Egypte vienl d'elever a la dignile de Bey l'honorahle vice-president de la Commission cenlrale qui a rendu tant de services a ce pays dans le cours de sa longue carriere, et il se rend l'organe de tous ses collegium en adressant a M. Joinard les plus vives ct les plus sinceres felicitations. M. Lourmand developpe sa proposition relative a Texecution dc plusieurs articles du reglement, princi- palement en cc qui conccrne les travaux des trois seclions dc la Commission centrale. Apres une dis- cussion a laquelle prennenl part plusieurs memhres, ( 145 ) il est decide que ces sections seront invitees a se constituer dans la prochaine seance. La Commission cenltale procede a l'election des cinq memhres de la commission speciale du concours au prix annuel pour la decouverte la plus importante en geographie, et elle nomme au scrutin, MM. Daussy, d'Avezac , Jomard , A. Maury et Vivien de Saint- Martin. La seance est levee a dix heures et demie. XI, JANVIER ET FEVRIER. 10. 'JO ( no ) OUTRAGES OFFERTS DANS LES SEANCES DE JANVIER ET FEVR1ER 1856. EUROPE. Titles des ouvrages. Donateurs. Dt'srriplMiu ilt- l'ile ile I'atmos et de file de Samos. Paris, 1856. i vol. iii-8°. Gveiiin. Recherches -ur la position de Noviodunum suessionum el do divers autres lieux soissonnais. Amiens, i 8 56, br. in-8°. Peigne-1 Iei.acoi rt. Esquisse d'une oouvelle geographie de la France. Paris, 1 856. i vol. in- I 2 . A. VoLLlI I . ASIE. Bijdragen tot de Taat-Land-en-VoIke nkunde van Neerlandsch Indie. Materiaux pour sei vir a la philologie, a la geographic ct a I ethno- graphic dis hides neerlandaises. j' vol., n°5 i et •>.. La Haye, 1 855. Fnstitdt royal des Pays-Has. AFHIQUE. Polyglotta afrieana, or a comparative vocabulary of neatly three hundred words and phrases, in more than one hundred distinct african language's, by the rev. S.-W. Koelle, missionary. London, i854. 1 vol. in-P. S.-W. Koelle. Le Grand Desert, ou Itineraire dune caravane du Sahara an pays des negres (royauine de llaoussa). Paris, i85o. 1 vol. gr. in-8c. Le general Datjmas. AMERIQUE. Apuntamientos sobre Centro -America particularmente sobre \<>> Estados de Honduras y San Salvador : su jeogratia, topogratia, (lima, problacion, riqueza, producciones, etc., y el propuesto ca- mino de Hierro de Honduras, por F.-G. Squier. Traducidos del ingles por un Hondurefio. Paris, i. 1 vol. in-8°. E.-G. Sqoier. Voyages en Californie et dans I 'Oregon, par M. de Saiut-Amant, envoye du gouvernement francais en i85i-i85a. Paris, 1854. \ vol. in-8°. De Saint- Amam. Notices sur la de*couverte de 1'Amerique par les ISorrnands et sur les rapports des Normanda avec 1'Oiient. Br. in-8°. M.-C. Rafh, ( 147 ) Titres des ouvrages. Donateun. CARTES. Mapa topogiafico de la provincia de Oviedo, formado de Orden de S. M. la Reina, por don Guillermo Schulz, inspector general de Minas, 1 855. 3 feuilles reunies. G. Schulz. Carte de I'Afrique Auslrale pour suivre les dernieres decouvertes de MM. Livingston, Oswel, Gassiot, Gallon et Andersson, de l84g a i854, d'apres les cartes de MM. J. Arrowsmith, D. Cowley et Peter- maim. 1 855, I feuille. V.-A. Malte-Brun. Discoveries of the American arctic expedition in search of sir John Franklin 1 853, 54> 55, under the command of Dr E.-K. Kane. 1 feuille. Dr Norton Shaw. OUVRAGES GENERAUX ET MELANGES. Grand Dictionnaire de geographic universelle ancienne et moderne, par M. Bescherelle aine, 2C et 3e parties. Grand in-4°. M. Devars. Expeditions cbronomctriques de 1 845 et 1846, par M. O. Struve. 2 vol. in-4°. Saint-Petersbouig, 1 853 et 1 854- — Positions geogra- phiijues determinees, en 1847 et 1848, par le lieut. -colonel Lemm dans le pays des cosaques du Don et dans le gouvernement de Novgorod. — Me'moires de M. O. Struve, in-4°. Saint- Pe'tersbourg, 1 855. — Sur la jonction des operations geodesiques, russes et autrichiennes, execute'es par ordre des deux gouvernements, par W. Struve. Saint-Pe'tersbourg, 1 853. Br. in-8°. — Rapport fait a M. le directeur de I'Observatoire central sur les travaux de ('expe- dition de Bessarabie, entreprise en 1 852, pour terminer les opera- tions de la mesure de Pare du meridien, par M. Prazmowski, astro- nome de l'Observatoiie de Varsovie. Rr. in-8°. — Nachricht von der Vollendung der Gradmessung zwischen der Donau und dera Gismeere. Saint-Petersbourg, t853. Br. in-8°. Observatoire de Poulkova. Annuaire du Bureau des longitudes pour i856. 1 vol. in-32. Daussy. Projet d'installation d'un observatoire meteorolngique a la Havane, sous les auspices du gouvernement espagnol et de S. Exc. le capi- taine general de File de Cuba. Br. in-8" — Supplement au tableau chronologique des tremblements de terre ressentis a File de Cuba de i55i a 1 855. Br. in-8°. Andres Poey. Report on the proceedings of the officers engaged in the magnetic survey of India. Madras, 1 855 . Rr. in-8*. MM. Schlagentweit. ( ns ) Titles des ouvrages. Donaleurs. Re.il tlecreto en la parte relativa a la Desamortizacion de los montes, y el informe emitiilo con este objeto por la junta facultativa del cuerpo de in^enieros del Ramo. Madrid, 1 855. Br. in-8°. Le General Zarco del Yalle. Standard alphabet for reducing unwritten languages and foreign graphic systems to a uniform orthography in curopean letters. London, l855. Br. in-8". Le Dr Lepsids. Etude biographique sur Horace. Paris, 1 855. I vol. in-12, avec cartes etvues. Noei. des Vergers. De Fetal actuel de la cartographie en Europe, et particulierement en France, a propos de 1'Exposition universelle. Br. in-8°. Vivien de Saint-Martim. MEMOIRES DES ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES, RECUEILS ET JOURNAUX PERIODIQUES. Abhnndlungen der Koniglichen Akademie der Wissenschaften zu Berlin, 1 854, ' vo1- >n-4°- — Monatsbericht, n°' d'aout 1 854 a juin I 855. AcADEMIE DES SCIENCES DE BERLIN. Memoires de la Societe royale des antiepjaires du Nord, 1848- 1849. — Annaler for Nordisk oldkyndighed of Historie, pour 1848, l85o et 1 85 i - — Saga Jatvardar Konungs hins Helga, i852. Br in-8°. Societe rotate des amiqcaires du Nord. Memorias de la real Academia de Ciencias, tome II, 1™ serie; Cien- cias exactas, t. I, p. 1. — Tome I, 3e serie, Ciencias naturales, t. I, p. 3, in-4°. — Resumen de las actas de la real Academia de Cien- cias, i85l-t852 et i852-l853. Deux br. in-8". Academie royale des Sciences de Madrid. Annates du commerce exterieur, octobre, novembre et decembre 1 855. Ministers du Commerce. Bibliotheque universelle de Geneve, et Archives des sciences physi- ques et naturelles, novembre 1 855. Paul Chaix. Zeitscheift fiir Allgemeine Eidkundc; juillet a septembre 1 855. — Mittheilungen iiberwichtige neue Erforschungen aufdemGesamuit- gebiete der Geographie, von Dr A. Petermann, 11" 10 et 11. — The church missionary Intelligencer, octobre, novembre et decembre 1 855. — Journal of the Franklin Institute, aout a novembre 1 855. — Memoires de I'Academie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, annee 1 854. ' vo'' '"-°°. — Revue des societes savantes de ( 149 ) la France et tie l'etranger, publiee sous les auspices chi ministre de l'instruciion publique et des cultes. i" livr., Janvier j 856. — Ar- chives des missions scientifiques et litteraires, 8e rabier de I 855 et icr de 1 856. — Journal de la Societe asialique, 5e serie. Tome VI, 1 855. — bulletin de la Societe geologique de Fiance, novembre 1 855. — Bulletin de la Societe imperiale zoologique d'acclimata- tion, decembre 1 855 et Janvier 1 856. — Annuaire de la Societe me'teorologique de France, 3e cahier. — Nouvelles Annales des voyages, decembre i855 et Janvier 1 856. — Revue coloniale, de- cembre 1 855 et fevrier 1 856. — Revue de 1'Orient, de 1'Algerie et des colonies, de'cembre I 855 et Janvier 1 856. — Journal des mis- sions e'vangeliques, n°' I I et n de 1 855, et i£r de i856. — Annales de la propagation de la foi, tre partie de 1 856. — Journal d'edu- cation populaire, decembre 1 855, Janvier et fevrier 1 856. — Nou- veau Journal des connaissances utiles, decembre 1 855, Janvier et fevrier 1 856. — Bulletin de la Societe francaise de photographie, de'cembre 1 855 et Janvier i856. — L'Alhenasum francais, n"9 4g a 52 de 1 855, et n"s 2, 3, 4 et 6 de i 856. — Algemeene Konst-en Letterbode, 5 Humerus. — La Science pour tous, journal illustre, io nuineros. ATLAS, CARTES ET OUVRAGES ENVOYES A l'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1855 PAR l'£tablissement g^ographique de GOTHA , ET OFFERTS A LA SOCIETY DE GEOGRAPHIE PAR M. JUSTUS PERTHES, DIRECTEUR DE CET ETABLISSEMENT. I. — Atlas executes en gravure sur cuivre. D' H. Berghaus, Atlas von Asia. l5 cartes col. I vol. in-f" relie et dore sur tranche. Memoir zu Berghaus Atlas von Asia. Gotba , i832- i836. I vol. in-4° relie et dore sur tranche. Dr H. Berghaus, Physikalischer Atlas, g3 cartes col. avec texte. Golha, 1 85a. 2 vol in-f relie et dore sur tranche. Dr H. Berghaus, Physikalischer Atlas, en 8 parties : I. Meteoroloqie uuil Klimatographie, i3 cartes col. — 2. Hydrologie und Hydro - graphic, 16 cartes col. — 3. Geologie, i5 cartes col. — 4- Tellii- rischer Magnetismus, 5 cartes col. — 5. Pjlanzengeographie, 8 cartes col. — 6. Zoologische Geographie, 12 cartes col. — 7. Anthropo- graphie, 4 cartes col. — 8. Ethnographie, 19 cartes col. Gotha, i84g-i852, 6 vol. in-f° cartonne's. ( 150 ) f)r H. Berghaus, Physikalischer Schul-Atlas, 28 cartes col. Gotha, i!S5o. 1 vol. in-4° relic et dore sur tranche. Orbis antiqui descriptio. In usuin scholarum edidit Tli. Menke. xvii tabulae Gbthae, 1 854- ' vo'- '"-4" relie ei dore sur tranche. Orbis terrarum antiquus. Schul-Atlas der alten Well nach d'Ahville, Manner!, L'kert, Reiehard, Rruse, Wilhelm u. A. bearbeitet. i5 cartes col. Gotlia, i852, 1 vol. in-4" relie et dore sur tranche. Dr Karl von Spruner's Historisch - Geoijraphischer Hand -Atlas, tre partie : Atlas antiquus, 27 cartes col. 2* partie : Geschichte der Staaten Europa's, 73 cartes col. 3C partie: Zur Geschichte Asien's, Africa s, America's und Austr aliens, )8 cartes col. Gotha, t85o-i854- 3 vol. in-f° relie's et dores sur tranche. I)r Karl von Spruner, Atlas zur Geschichte von Bayern, 7 cartes col. 1 vol. in-f° relie et dore sur tranche. Ad. Slider's Hand- Atlas iiber alle Thcile der Erde und iiber das Weltgebdude. 83 cartes col. 1 vol. in-f° relie ct dore' sur tranche. Ad. Stieler's Hand-Atlas iiber alle Theilc der Erde und iiber das Weltgebiiuile. 63 cartes col. Meme atlas que le precedent, niais moins complet. 1 vol. in-8° relie et dore sur tranche. Ad. Stieler's Atlas von Deutschland, Niederland, Belyicn und Schweiz, 25 cartes col. 1 vol. in-8° formant porlefeuille. Ad. Stieler's Kleiner Atlas der deutschen Bundcs-Staaten. 29 cartes col. Gotlia, 1 85a. 1 vol. in-4° relie et dore sur tranche. Acl. Stieler's Schul-Atlas iiber (die Theile der Erde und iiber das Weltgebdude. 4 editions de 3 1, 4°\ 4° el 35 cartes col. Gotha, [855. 4 vo'- in-4" relies et dores sur tranche. Ad. Stieler's Atlante scholaslico per la ,•,•////•«/.,/./!uu't,;iii i-./n/.nn<- Dtliout «". <,,;;.-!.- -/■■ /'\:;ii •;■■/! '-"•'■'"■f" ■■- 'MM,-./,,.//..,.,.,,,,, .,.,. , (i| ■ /!u„-l,:>„ r. fnfaOt* -"'"" "' rJ.F DE LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE MARS 1856. Memoires, etc. EPISODE D'UN VOYAGE AU SOUDAN ORIENTAL ET REMARQUES SUR I.'eSCL AYAGE. Le 12 mars ISZ18 nous rcmontions la vallee clu Haul ISil a travers los forets sans fin clu Fa-Zoglo. Les sentiers a peine traces que nous suivions serpentent a travers une haute vegetation en se delournant de chaque arbre, de chaque buisson. Jamais la main de l'homme n'a coupe une branche ni donne un coup de pie pour faciliter le passage. Dans un pays prive de toute organisation ilest loujours plus facile a chaque vovageur en particulier de tourner l'obstacle que de le detruire. Parmi les vegetaux qui viennent encore accroltre les difficultes de la route, il est certains buis- sons donl les branches nombrenses, minces et en zig-zag sont garnies d'une multitudes d'epines (jui rappelleut par leur forme le bee crochu d'un rapace. Le passant efiQeure-t-il quelques-unes de ces armes meurtrieres dont est pourvu le vegetal, il est rare qu'il n'y laisse pas quelques lambeaux de ses vctements on meme un peu de sa peau; chaque mouvement ou XI. MARS. 1. 11 ( 15A ) effort imprudent qu'il fait amenent d'autres bran- dies qui le saississent do toutes parts. Comme nous suivions ces penibles defiles nous vimes venir a nous une caravan e eomposee de cavaliers et do pielons, ou plutot un convoi , ear nous apercumes briller en l'air des baionnettes. Ellcs etaient portees par des cavaliers vetus du costume militaire egyptien. Les uns avaient pour monture des chameaux, d'autres des cbevaux ou des anes. Je remarquais avec etonnement que les pietons avaient le cou passe cTans une espece de fourclie et les poignets fortement attaches a sa bib urea tion, Les branches de celle-ci, rapprochees derriere la nuque, etaient tenues ecartees par un etresillon, ne laissant que 1'intervalle necessaire a la respiration du patient. De plus, une corde reliail celte espece de carcan a la selle des cavaliers. On se sentait emu par l'air d'abattement qui se peignait sous la sueur ruisselante de leur visage. D'autres avaient seu- lemenl le cou saisi de la meme maniere, entre les brandies d'une grosse fourche a long mancbe, lafjuelle etait attachee a la selle des cbevaux ou des chameaux. Dans ee systeme, le point d'attache etant hors de la poiiee des mains du captif, on avait pu se dispenser de les attaeher aussi; mais l'infortune elait sournis a une autre espece de supplice encore pis que le prece- dent. Ainsi lenu par le cou, il etait oblige de subir toutes les secousses causees par I'inegalite de la mar- che des animanx, les coups qui leur etaient adminis- tres ou les accidents du sol. Ceux qui etaient attaches aux Bancs des chameaux avaient en outre a endurer cette espece de tangage que produit 1 'animal dans sa marche; car la terrible lourcbe est d'une grosseur et ( 155 ) d'une force telle, qu'elle puisse resisler aux efforts les plus desesperes du captif. Comn:e le cavalier et sa monlure ne .se preoccupent pas du malheureux qu'ils traiueiit a leur suite, et que I'espace le plus libre est pris par eux, il en resulte que le captif doit de lemps a autre marcher a travers les broussailles et toutes les diflicultes de la route. Les ecorchures dont son corps est seme* n'attestent que trop quelles sont ses souffrances. Je demandai a l'un de nos drogmans ee qu'avaient fait ces hommes pour etre conduits dune maniere si cruelle ? Ce qu'ils ont fait ! oh, me dit-il, ce n'est pas pour ce qu'ils ont fait qu'ils sont conduits de la sorte, mais pour ce qu'ils pourraient faire dans le but de s'echapper : ces infortunes sont des esclaves nouvelle- ment reduits et conduits en Egypte ; ils ont encore quatre a cinq cents lieues a faire ainsi avant qu'on puisse se relacher de cetle rigueur. Jusque la on est oblige de leur laisser ces entraves jour el nuit, faute de prisons ou lieux propres a les enlermer surement. Ce n'est que quandon aura mis entre eux et leur pays loute l'etendue des deserts qu'on pourra, sanscrainle, se relacher de cette rigueur. La douleur arrache-t-elle a ces malheureux la promesse de ne faire aucune ten- tative d'evasion si Ton adoucil leur position, on leur repond qu'on n'en peul i ien faire et, comtne le loup a l'agneau, que, s'lls ne sont pas coupables, ce sont leurs peres qui 1'onl 6te en lenlanl de recouvrer leur liberie cruellement ravie. Cest ainsi qu'une premiere iniquil6 en enfante bientot une seconde, et que la necessile de s'assurer du caplif conduit I'asservisseur a la cruaute. ( 150 ) Le Drogman auquel jo m'adressais eiait un de e'es Egyptiens qui avaient etc envoyes a Paris pour suivre lescours de l'Ecole Pol y technique fondee par Mehem- met-Ali. Je ne sais par quelle circonslance il s'etail Irouvea nousservird'interprete, voir meme de domes- tiquc, car il nous servait a table (quand nous avions de quoi manger). II comprit l'impression que ces faits produisaient en moi et qui se trahissaient sans doule sur ma figure, car il enlra dans d'autres details en rapprochant son chameau du mien et en baissant la voix, comme si les personnes qui se trouvaient pres de nous cussent pu enteiulrc de notre conversation autre cbose que des sons de voix. Si encore on avait quelque reproches a leur faire, ajouta-t-il, cela soulagerait la conscience, mais il n'en est rien. Quand Hakom-Dar (le gouverneur) eut instal- ls son armee dans la belle \allee duToumate jusqu'au dela des cimes bleues du Fa-Zoglo que nous voyons devant nous, son but avoue etait d'exploiter les sables auriferes, il ne pouvait raisonnablement plus trailer en ennemis des gens qui se soumettaient. II com- mence par exiger un leger tribut des JMontagnes (1) des environs. Les exigences augmenlerent a mesure que les habitants s'appauvrirent. Ce n'est pas d'une bonne administration me direz-vous, mais tel n'est pas son but, il veut avant tout en arriver a ses fins ; pour cela il suscite des difficult^ a ces malheureuses (l) Dans ce pays il n'y a pas tie ville et meme, a proprement parler, pas de village. Les populations sont generaleinent disse'mi- nees sur les montagnes, elles recherchent surtout Its points les plus escarpe's. Ces peuplades som designees par le nom tie la montagne qu'ellea babitcrit el non par celui d'une ville on (run village. ( 157 ) peuplades, les amene a un refus faute de pouvoir payer, en un mot, il les accule a ties impossibility et feint de pretendre que cette impossibility n'est que mauvaise volonle de leur part. Puis, afin de mieux les surprendre et de les reduire en esclavage, il les laisse dans 1'incertitude de ce qu'il fera a leur egard. Pendant les excursions quo nous fimes plus tard a la recherche des terrains auriferes, nos declarations les plus pacifiques ne suffirent pas pour rassurer les populations ; si grande etait leur crainte que partout oil nous passions, les femuies, les enfanls et les vieil- lards s'enfuyaient ernportant lout ce que leur case contenait de plus precieux. Les liommes, munis de toutes leurs amies, se reunissaient sur les points les plus inaccessibles pour noiis observer passer; et, a l'approche i]u soir, ils allumaient, aux sommels des monlagnes, des feux destines, d'apres un sysleme de signaux qui leur elait connu, a annoncer aux autres montagnes nos mouvements et noire approche. C'elait un spectacle curieux de voir dans le silence de la nuit ces feux paraitre successivement sur tons les points de l'horizon. En me promenant un matin dans le camp de Kacane, sur les bords du Toumate, je fus temoins d'une scene affligeante. Je vis quelques soldals reunis autour d'un molheureux negre, achevant de consolidei ses liens; puis, afin de le faire taire, lui infliger une correclion qu'il recut en poussant des gemissements meles de paroles inintelligibles amon oreille. Ce qui m'impressionna le plus , e'est que ces cris et ces gemissements ne correspondaienl pas toujours aux effets ile la correction, et semblaient venir d'une cause ( 158 ) plus douloureuse encore, si ce n'etait pas de I'fcgtire- mcnl. Je tic in'etonnai plus de cette circonstance quand on m'eut fait connaltre sa position. Cet bomme prbvcnait de la derniere expedition qui avait eu lieu conlre la mohiagne de Kerv ; il disail , dans ses plaintes, que rodoulant les dei'hiefs exces auxquels on pouvait se porter stir les siens, il avait, pour payer le tribul, vendu jusqu'a sa derniere brcbis laitierc. Puis it s'etait vu emmener tin de ses Ills, beau et intel- ligent gargon, sous prctexte de lui donher tin emploi pres du chef de l'expedition ; il apprit plus lard (jue cetemploi n'etait autre que la plus avilissante condition de l'esclavage. La tie se bornerent pas cependant ses inalbeurs. Un soir I'arme'e rccut I'ordre de se lenir prele, sans connaltre encore dans quel but. A peine lit-il nuit, elle etail deja en marcbe el defilait silen- cieusement du cote de I'ouest. Elle alteignit a marche f'orcee la montagne de Kery qu'elle cerna, en retre- cissant son fcercle aulant que possible sans donner l'eveil a la population ; on attendil le point du jour pour £tre plus sur de ne pas laisserdchapper les babitants. Au signal donne, l'armee s'elanca sur eux, surpre- nanl, saississant et garollanl de tons coles leurs victimes, poursuivanl ceux qui luyaient, tuant ceux qui resislaient. Les babitants se del'endirent a outrance malgre l'inferiorile de leurs amies; ilsne font usage, en effeti que de javeline, de casse-tete en ebene el d'une autre arme de jet forinee d'un baton recourbe. On vit des traits d'inlrepidilo et d'abnegation remar- quables, aussi berolques qu'on de\;tit les atlcndre d'bomines quivoient innnoler leurs peres on leurs fils ou, pis encore, reduire a l'esclavage leurs lilies, leurs ( 159 ) femmes ou leurs sceurs, et cela dans un pays oil le manque de securite resserre les liens de famille d'une maniere plus puissanle que beaucoup de personnes n'ont voulu le faire croire. Neanmoins ces traits d'be- roisme et de devouement devaient succomber sous la superioritedu nombre etsous celle des amies; l'asser- vissetnent fut done consomme. C'avait ete dans cette affaire que notre malbeureux negre s'elait vu, comme tant d'autres, prive de liberte, garotte, puis contraint, avec sa famille, de porter son propre bien au camp de l'ennemi. Tout cela cepen- dant n etait encore qu'un faible prelude aux epreuves les plus affreuses de tout ce qui l'attendait encore. Degrade, avili lui-meme, et sur le point d'etre expa- trie, il vit dans le camp son dernier ills venclu et expatrie a lout jamais pour des pays lointainset incon- nus, puis sa fille adjugee a un cljellab, qui l'enlraina sous sa tente pour en (aire {'instrument le ses plaisirs et en tirer ensuite un autre lucre. Peu de temps apres, on distribua aux soldats la part de captives qui leur elait attribute en payement de i'arriere de leur solde. La femme de notre infortune echut a un soldat dont la butte etait precisemenl pres du lieu ou il etail retenu captif. Pendant la nuit, cette femme poussa des cris et des plaintes qui furent entehdus etreconnus de son mari. De la des efforts inouis et desesperes de sa part pour rompre .ses liens afin de tenter de la delivrer. Eufin, le jour etanl venu, les soldats se deciderent a emmener l'inlorlune mari au lieu oil je venais de lc renconlrer. Ce malheureux etait la etendu sur le sol, le cou et les mains emprisonnes dans les bras d'une enorme fourcbe, la flgute decomposec el refletant a ( 1(50 ) la t'ois ses douleurs physiques ct morales; il n'avait pas meme la liberie d'un de ses membrcs pour chas- ser les inseeles qui lui devoraient la figure. Les soldals se fussent exposes a perdre cette capture s'ils lui avaient laisse la liberte de quelque membre, soit la nuit, .soil le jour. Cette scene et ses details furcnt si penibles pour moi que je ne pus me decider ;'i aller voir quelqu'au- tres groupes de ces captifs ou se passaient sans doule des scenes analogues. Des mouvemenls, des cris et des bruits tutnultueux qui partaieut de temps a autre de ces groupes, m'indiquaient assez que je n'y Irouve- rais qu'un affreux spectacle. Je m'enfoncais sous les massifs de la forel qui cnloure le camp, en reflechis- sant aux douloureuses consequences qu'entiaine l'es- clavage, la plus inique de loules les institutions hu- maines. II faut croire que le bruit de lant de soupirs et de malheurs, n'arrivait a Mehemmet-Ali , qu'affaibli de toute la profondeur des deserts, pour que lui, le civili- saleur au nom duquel se commellent Lant d'actes pdieux, n'nit encore rien fait pour y porter remedc. Malheureusement le grand obstacle pour cette ques- tion vient de ce que e'est par cemoyen qu'on a jusqu'a present recrule une parlie de l'armee Egyplienne. Les homines les plus robusles de chaque prise sont envoyes dans d'aulres contrees et par l'appas de quelques avanlages, meles a un faible nombre d'Egyp- tiens, pour constituer l'armee. Cependant, tant que cette chasse aux bommes sera piatiquee, tant qu'elle i'era aux peuples civilises, des ennemis de toutes les populations negres , le gouvernement egyptien ne ( 161 ) pourra pas tirer un profit reel des mines d'ordu Sou- dan. L'aruiee qu'il faut entretenir pour protegcr les travailleurs et tons les inconvenients qui resultent de cette position abso.rberont les benefices. La science aussi ne pent pas esperer pousser ses investigations fructueusement lant que durera cet etat de chose. Ces premieres iniquites et les durs traitements qui suivent partout l'esclavage ne sont pas les seals maux qu'il entraine. Je me retracais les operations barbares qui m'ont etesouvenl et minulieusemenl decrites dans la haute Nubie, operations qu'a inventees la cupidite des marchands d'esclavcs combinee avec I'egolsme et la defiance de I'achetenr. Relativement a 1'homme esclave on connait deja les cruels procedes de la cas- tration, ou la vie sensuclle d'un homme est impune- ment sacrifice, simplement pour assurer le supcrflu d'un autre, aux depens de plusieurs existences seques- trees dans un harem. Pour les fem.nes on a recours a l'infibulation, operation moms generalement connue, que Ton pratique principalement dans la haute Nubie. Cette operation cjue 1'on conlie a des personnes spe- ciales, a pour but do retrecir les parlies sexuelles en ne laissant qu'une voie suffisante pour les besoins indispensables tie la vie; elle so pratique au moyen d'incisions qui delermincnt 1'adbesion des chairs par leu-r rapprochement, resultats cjue Ton assure par des coulures ou en privant la personne de mouvemenl pendant le temps necessaire. II faut plus tard une eontre operation pour ramener les choses dans leur etat nature); La femme qui a etesoumise a cette inesure preven- tive a beaucoup plus de prix aux yeux de l'acheteur. ( 162 ) C'est aussi, pendant l'ahsence du maitre mi moyen de s'assurerln fidelile de la fortune on la virginile de celle qui n'a point encore connu d'epoux. Toutefois celte security n'est pas complete, car non-seulemenl cette precaution peut-etre prise envers des jeunes personnes ayant joui de toules leurs faculles, inais en outre, il est des femraes qui, en depit de ce procede, ne crai- gnenl pas de se faire Faire une conlre-operation apres le depart de leur maitre on mari, puis une nouvclle operation avant son retour probable. On voit done que l'operation a laquelle l'iiomme est soumis est beaucoup plus cruelle que celle qui s'appli- que a la femme. D'abord elle le prive de ses facultes sans retour, et en outre, elle est infiniment plus dou- loureuse et determine meme tres souvent la mort. Mais qu'importe un deckel pour ces commercanls de chair bumaine , si le nombi e de ceux qui echappent a la mort vaut plus pour leur bourse que le nombre total de ceux qui ont ele soumis a cette mutilation. II est d'autres consequences de 1'esclavage qui, si elles sonl moins cruelles, sonl peut-etre encore plus deplorables paree qu'elles ont une plus grande gene- ralite. Qu'on reflecbisse , en ellet, a ces mille cir- eonstances ou la jeune esclave voit etouffer brutale- ment cette pudeur qui fail tout le cbarme de la vie j etcela, par la volonle non raisonnee d'un maitre qui, froiasant presque sans le voir, lout ce que la nature a mis de plus inelTable dans un jeune cceur, lui ap- porte, des le debut, les mceurs eorrompues de ses rapports avec les femraes qu'il a deja avilies. En effet, qu'a-t-il besoin de prendre des managements, n'est-il pas le maitre de cette creature? Aussi, bienlot fatigue ( 163 ) lui-meme de ces rapports Imp passil's, il chcrche dans la depravation les jouissances qui lui ont echappe pour avoir meconnu les lois de la nature. Ici se presente a mon souvenir un groupe de jeunes gens qui chemi- naient sur un chameau de notre earavane. lis appar- tenaient a uh officier lure qui faisait parade de cet elrange harem; si je lais le nom de cet hotntne et passe sous silence ses inceurs ehontees, ce n'est pas paregai d pour lui et d'autresOrienlaux qui font elalage de leur munificence dans cette cii Constance, mais par pudeur seulement. En Orient, on peut alleguer contre ce vicesi repandu, plusieurs causes, telle que la degra- dation de la femme, la separation Irop exclusive des deux sexes, ensuite le peu d'altrait que presente aux yeux 1'aspect des I'emmes, a cause du costume diffor- me qu'elles sotit obligees de porter en public, lequel tend plulol a eloigner l'attention des hommes qu'a la fixer, en outre, la polygamie qui donne en exces ;mx unscequ'elle retire aux autres, faute de fortune. Mais peul-ou nier que I'esclavage n'en soit la principals source, non-seulemenlpar l'absencede veritables plai- sirs que I'bomme ne saurait trouver pres de la femme avilie, mais encore, par la deplorable facilite qu'il a d'abuser des personnes qui lui appartiennent. Sans parler du prol'ond etat de demoralisation ou se trouve jete l'esclave fie tout sexe, ordinairement trop jeune encore pour eprouver autre chose que souffrance et repugnance pour les habitudes de son maitro, laissant encore toutes les alleintes qu'un pareil etat de choses porte fi la morale, toute I'injustice du principe memo de I'esclavage, tons les malheurs qu'il entraiue, on voit que, ne fut-ce ar le poele etindi- ques par lui avec lant de precision. Oil sont Mandela et le fanum Vacunop'i Ou est cette fonlaine voisine, tectn vicinus aquae Jons? Ou est le maris Lucretilis qui protegeait les chevres d'Horace contre les vents plu- vieux ? A cet appel d'un esprit sagace, tail au nom d'une ( 190 ) erudition bleinc d'intelligence, les lieux ncherches et intorpelles ne lardent pas n repondre. Ici le temple de Vacuna reparait sous le moid de roccn giovane; la, Mandela sous celtii de Cnnialupa irk bardellh. ; la source voisine appelee aujourd'hui fonte thWQr&tini (quel rapprochement de noms), continue a fournir uno eau fraiche et pure, et a former un petit ruisseau (pii va se perdte dans la Digentia ; comme autrefois le Lucre- tile, le Monte del Corgualeto, abrite la colline conlre l'ardcur du soleil et contro les vents plijvieuj mais de la villa elle-memo, nullos mines ne restcnt debout pour en preciser la place; la, comme on tant d'autres lieux, la cliarrue a passe sur la demeure de l'homme. Seulement, il est evident quo ce n'est pas. dans la val- ine, sur la rive droite de la Digenlia, qu'il Caul cber- cher l'emplacement de la maison d'Ho'rac'e, mais sur la hauteur pres du mont Lucr6tile, comme le prouve ce vers : Eigo ubi me in monies et in arcem ex urbe removi. « Or, en partanl du temple de Vacuna et en s'ele- » vanl toujours, on arrive a une colline nominee dans » le Hays mile del puetello (reniarquez ce nom); audela » de cette colline, on observe un lerrassement artifi- » ciel, regulier, maintenanl en culture, et qui toute- » fois a evidemment servi d'aire a un edifice. Des bri- » 2 ) RAPPORT SUR LA CARTE TOPOGRAPHIQUE ET MILITAIRE DES PAYS-BAS, DRESSES PAR LES OFFIf 1KRS DE l.'t J AT-MAJOR GENERAL DE CE PATS. Lu a la seance de la Commission centrale du vendredi^ mars i 856. Messieurs, II y a trois mois que noire honorable, vice-president, M. Jomard, deposait sur le bureau de \otre Societe , an noni du ministre de la guerre des Pays-Bas, baron Fbrstner de Danibenoy, les premieres fcuilles de la carte dressee par MM. les ofliciers d'etal-major de ce pays, je fus charge d'en rend re comple; je viens au- jourd'hui m'acquitter, dans la limite de raes forces, de la tache honorable que vons avez bien voulu me confier. Cette belle carte, dont l'idee premiere appartient au colonel baron Nepvcu, aujourd'hui lieutenant-ge- neral en chef, de l'etal major general de l'armee Neer- landaise, a ete dressee par les soins du bureau topo- graphique militahe. Les ofliciers qui jusqu'a present en out dhige les Iravaux, sont MM. le colonel Roloff, aujourd'hui general major en retraite ; le colonel d'elat-major, baron Forslner de Danibenoy, aujour- d'hui ininislre de la guerre; el le lieutenant colonel Goflin, de Fetal-major general, charge de continuer l'o3Uvre de ses predecesseurs. La triangulation prim aire de la carte est celle qui a ete exeeulee sur des leves geodesiques et des obser- vations astronomiques, par le general baron de Krayen- hoff, de J 802 a 1811, en vertu d'un decret du corps legislatif de la Republique batave, de l'annee 1798, et ( 1M ) qui avail deja servi a la composition 0', un peu au nord de Flessingue et de Berg'-op-Zoom. Le centre tie projec- tion determine par la rencontre de cos deux lignes est done au sucl de la carle d 'assemblage1, un peu au sud- ouest de Tilbourg. Ce choix pent paraitre etrange , car on est habitue a voir generalement le centre de projection au centre meme de la carte ; il s'explique cependant par la coincidence de ce point avec la lati- tude moyenne de I'ancien royaume des Pays-Bas, alors que la Betgique en faisait partie. Le nombrc des feuilles de la carte sera de soixante- deux ou de soixante-six, si Ton y comprend eelles ( \n ) du titre, dps signes conventionnels, du cunevas, des triangles et du tableau d'assemblage. Cbncune des feuilles porte le noin de la ville on du lieu le plus important qu'elle contient, et cc nom est grave en leltres capitales au-dessus du cadre supe- rieur. Les signes do repere des feuilles sont les memes que ceux qui sont adoptes pour notre grande carte de Franco. Cbaque feuille esl diviseo de 5 minutes en 5 minutes par la projection des meridiens et des per- pendicidaires. Le leve du terrain au 1 : 25000me, le travail d'en- semble des differentes parties de la carte au 1 :50000,n' ont permis d'entrer dans de grands details ; cbaque millimetre represente 50 metres et 20 millimetres, 1 kilometre, on compren Ira done quel'on ait pu repro- duire fidelement les moindres objets dans leurs pro- portions exacles. Les signes conventionnels importent beaucoup a la clarte des cartes; leur combinaison depend du carac- tere parliculier ilu pays que Ton est appele a repre- sentor. Dans celui-ci, les canaux et les routes tiennont une grande place; il a done fallu (aire un cboix qui ne permit pas le doute, pour cos deux voies de com- munication, ainsi que cela a lieu quelquofois. Les graveurs y sont beureusement parvenus; les routes de premiere classe sont indiquecs par un double trait dont l'intervalle est rempli en pointille, tandis que les routes de seconde classe sont indiquees par deux simples traits; les routes stratotdques se dislinguent aisthnent des precedontes a l'aide d'un trait reguliere- inent espacc1; dans l'inter\ane des deux lignes paral- leles. On a suivi pour la lettre le procede generate- ( 195 ) mcnl en usage en lopographie ; on devait seulement se preoccuper de l'idee de proportionner la hauteur dos lettres a la grandeur du cadre de la carte, ce hut a ete alteint avec un gout arlistique et une convenance scientiliqin' pnrfailes. II n'est guere de pays qui presente un relief aussi peu considerable que celui des Pays-Bas, on prevoit done que les feuilles ne sont pas assombries paries haohures multiplies destineesarepresenter les hauteurs. Les col- lines qui longentla frontiere orienlale et qui penetrent dans les provinces de Gueldre et d'litrecht , ont ete exprime>s avec le plus grand soin et leur hauteur absolue, determinee par des observations faites a la boussole nivellatrice, est indiquee en metres. Une autre particularity propre a ce pays, ce sont ses Polders; rien n'est plus curieux que de les examiner dans la carte topographique qui nous occupe, et plus specialement dans les feuilles d'Amsterdam , d'LUrecht, de Bois-le-Duc; leur position rapportee au- dessus on au-dessous du niveau de la mer a Amster- dam est indiquee en metres par des chiffres positifs ou negalifs. II existe plusieurs procedes pour expriiner le relief des terrains; on a employe ici une m^thode qui con- vient parfaitement pour rendre sensibles les ondula- tions dun terrain aussi peu tourmente; e'est celle de Lehmann modifiee en ce sens que, tandis que ce der- nier n'indique pas les pentes au-dessous de 5 degr^s, les topographes neerlandaisindiquent jusqu'aux pentes de 2 degres et de 1 degre; les pentes au-dessus de 5 de- gres sont indiquees degre par degre , tandis que Lehmann ne les donne que de 5 en 5 degres. Cette ( 196 ) mt'-thode a, clu rcste , beaucoup d'analogie avec celle qui a ele adoptee pour la carte 00 ) qu'a la demiere extrimite contre les bandes furicuses accourues du Missouri, si le gouvernemenl du lerri- toire n'etail venu lui proposer des arrangements. Le siege de Lawrence auiil autant d 'importance pour l'Amerique que celui de Sebaslopol pour 1'Europe, el uieme un pen plus ; une question vilale etail cftec- tivement en jeu , la question de l'esclavage et, peul- etre, la question tie savoir si l'Union americaine sera maintenue, ou si le iNord .ve separera du Sud. LETTHK DE S. A. II. Mcr LE DUC DE SC1MI! AU IMIESIDEIST DE LA SOCIETE DE GEOGIt API1IK. Monsieur le President, Je viens de recevoir, il \ a peu de jours, par le cointe de Rosen, le diplome que vous avez bien voulu m'aclresser, comme meml>re de la Societe geogra- phique en France. (Vest ayec beaucoup de plaisir que j'accepte limitation flalteuse de fain: partie d'une Societe aussi distinguee que celle a la lete de laquelle vous etes place, et je vous prie de vouloir bien etre aupres d'elle l'interprete de ma reconnaissance et des vceux que je forme pour le suic.es de ses iravaux aussi honorables qu'uliles. Recevez, M. le president, L'assurance des sentiments d'estime avec lesquels je suis Voire bien affectionne, Charles. ( 201 ) LETTRK DE M. CORT AMBF.RT A M. ALFRED MAURY, SUR UNE RECTIFICATION A FAIRE DANS LIS BULLETIN. Mon clier collegue, J'ai dit, dans une Notice sur le voyage du D' Kane, inseree an Bulletin de novembre 1855, el votis avez dit vous-meme, dans voire Rapport sur les Iravaux de la Societe (Bulletin de decembre) , que le capitaine Parry est alle jusqu'a 83° 15' de latitude nord, dans sa memorable expedition de 1827. Mais des recherches auxquelles je me suis livie, en m'aidant des lumieres de l'un de nos plus savants collegues, M. Daussy, me font penser que nous nous sommes trompes l'un el l'autre, el que Parry ne s'est ayance qu'a 82° kb'. Cost la, dit sir John Barrow (dans ses Voyages of discovery and research within the Arctic Regions), la latitude la plus elevee qu'il atteignit tres prohablement , et il ajoute tres probablement, parce que les glaces qui por- taient les voyageurs derivaient vers le sud, et l'obser- vation qui a suivi ne donna que 82°Z|3'5". II s'est glisse dans votre Rapport, au sujet du meme voyage de Kane, une faute typographique que tout le monde rectifiera sans peine : on a imprime, page 348, 125 000 milles, tandis qu'il est evident que vous avez voulu dire 125 milles (1). Agreez , etc. 8 mars 1856. E. CoRTAMBERT. (i) A cet erratum joigne/. celui-ci : p. 3y4, au lieu de MM. Canv, lisez MM. Carrey. (A. M.) XI. MARS. k. *« ( 202 ) KXTIUIT d'um: I.I.TTIU: DF. M. LB COMTE DE GOBINBAU A M. ALFRED MAURY. Teheran , 3i octobrc 1 855. Cher monsieur, Je crois pouvoir me considerer comme un ties plus chauds partisans de la pcrpetuile des types humains. Je regard e comtne un des principes les plus essentieb et les mieux demontres de l'ethnologie que, la, ou une famille humaine vit biep isolee ties autres, il n'y a pas d'allerations possibles pour son type, dut e)|e-meme se transporter daps les climats les plus divers el se soumettre a l'influence physique des milieux les plus completement contraslaots. 11 n'en pourra jamais resulter que des modifications sans importance et dont les efl'els ties mobiles ne depasseront pas I'epi- derme. Mais, si, au eontraire, sans cesser d habiter les memes lieux, une race se trouve exposee a ties me- langes frequents avec d'autres families, dans le cours de tres peu tl'annees et, a plus forte raison, apres des siecles nombreux, elle oflrira ties variations sans noin- bre a l'observaleur et se scindera en groupes multi- plies et beterogenes. L'Egyple offre la demonstration complete de celte verite. II est peu de pays au monde qui aient ete assaillis par des alluvions plus frequentes tie races etrangeres a son sol. Ce mouvement qui a commence a une epoque oil, probablement, la race indigene, proprement tlite, n'elait pas celle ties couquerants civilisateurs, n'a jamais tu issd dejniis et continue, sous nos yeux, avec la meme vigiieur extraordinaire. Nolle ( 203 ) part, on nc peut mieux calculor la force extraordi- naire d'expansion des peuples de 1'Afrique interieure, et depuis Alexandrie jusqu'au Caire, ou mes obser- vations personnelles se sont arretees, j'ai pu constater que, lous les jours, des affluents noirs se versaient dans les masses. Depuis 1'homme arrive d'hier des rives du Nil-Bleu, individualite tres commune a Alexandrie meme, jusqu'au mulalre, jusqu'au metis presque efface sous des influences d'alliages contraires, on trouve tout et celte domination ethnique de Tenement noir quiva toujours se renforcant a mesure qu'on s'eloigne de la mer, gagne,dit-on, en importance et en evidence du cote des calaractes et dans la haute Egypte. Rien n'est plus naturel. Aussi ne faut-il pas s'attendre a rencontrer beaueoup de specimens vivants des indi- vidualites representees dans les mouvements des Pha- raons. II en est, cependant, etj'ai observe, parmi les Fellahs, des caiques veritables de certaines peinlures appartenant aux xvme et xixe dynasties. Je me hate d'ajouter que ces exemples sont assez peu communs. lis ne me paraissent pas se perpetuer dans les memos families , mais revenir a la suite de transformations tres diverses sous l'influence de melanges semblables a ceux qui avaient forme leurs antiques modeles. Ge qu'on observe en abondance, ce sont des combinai- sons toutes nouvelles, ou les sangs albanais, turk, italien, anglais, francais viennent desormais se con- fondre avec les anciennes influences. Ce qu'on ne voit jamais, au moins ne l'ai-je jamais vu, c'est d'une part le type veritablement primordial des races dominantes, des races nobles de l'ligypte, tel que le presenlent les belles statues rapportees a Paris par M. Mariette , ( 204 ) lype qui n'a, ilu reste, rien de commun avec ce que nous considerons d'ordinaire comme le caractere egyptien proprement dit et qui n'ost autre que celui des dynasties que je vie ns de ciler tout a l'beurc. Je le repete : ee type-la, je ne l'ai jamais rencontre et je suis porte a le declarer impossible desormais. Voih'i pour le groupe egyptien , considere comme original. Si nous voulons, idealemcnt, en separer le type semitique, aujourd'bui si hien confondu avec lui, nous observerons de nicme que les Semites des mo- numents ne sunt, en aucune fa<;on, ces hommes basa- nes, aux yeux noirs, aux cheveux durs, que l'observa- lion actuelle nous presente a peu pres partout ou leurs nations sont repandues. Le semile des monu- ments les plus anciens est, au contraire, remarquable par sa carnation blanche, ses cheveux rougealres, ses yeux bleus. Ce semite-la a disparu partout et, je ne crains pas de le dire, sous des alliages multiplies qu'il a conlractes au contact permanent, insistant, viclo- rieux des varietes noires auxquelles il s'est trouve el se trouve constamment associe. II en est resulte que la famille semitique d'Egypte n'a aucune densite. C'est une matierc mouvante et soumise a des translorma- tions journalieres. Elle a absorbe, dans ses caracteres indecis, l'antique originalite des races plus particu- lierement egyptiennes qui, elles-memes, ont fait autant de chemin \ers celte confusion que cette con- fusion en faisait vers elles, et pour 1'une et pour l'autre, l'elemenl noir, d'ailleurs aide, aux epoques hisloricpies, par des apporls grecs, romains, slaves el autres, a ete et est toujours le principal element de cette destruction de tout caractere tranche". ( 205 ) Je dois faire une tlemi-exception , cependant, en fa'veur des Iribus nomades. Non pas, sans doute, qu'elles aient conserve les (raits caracteristiques des plus anciens Semites. Elles sont atteintes par le me- lange noir tout comme les autres populations locales; mais elles le sont, en quelque sorte, d'une fa^on plus normale et plus reguliere et le contact en est moins journalier. Pourne citer que les Arabes des Pyramides, ils offrenl un type assez compacte pour que les res- semblances entre les indi\idus soienl tres marquees, tres sensibles. Ils ont conserve la vigueur et la haute taille des races primitives, ils en ont la large poitrine, la souplesse et 1'activite, et bien qu'ils aient assure- meut les caracteres actuels auxquels nous reconnais- sons les races semitiques modernes, il y a dans la coupe de leur visage, dans la forme souvent droite de leur nez, dans le peu de declivite de leur menton, quelque chose qui accuse encore une parente loin- taine avec les Semites blonds et blancs des peintures antiques. Les Coptes font le plus parfait contraste avec les nomades. Cette classe qui oublie sa langue el dont le role dans la societe egyptienne, gouvernee par des etrangers, est des plus bumbles est peut-etre un peu plus degradee encore, au point de vue elbnique, que les Fellahs. Sauf la nuance de la carnation, les Coptes presenlent, dans le sein de la meme famille , une telle diversite de trails et l'indecision de ces trails est si frappante, qu'il est bien diflicile, en les isolant, de leur attribuei une nationalite quelconque. Les rues de nos capilales d'Europe ou les populations sont les plus melangees, regorgent de Copies specifiques. Nos ( 206 ) ('•tudcs d'avoues et tie nnlairos sont peuplees dc phy- siononiies coptcs. Je suis tres loin dc prelendre avoir tout vu. Au contraire, jo n'ai fait qu'offleurer la malic-re. Je voiis dirai quelques mots, dependant, d'unie famille isolee, fort nieprisee , fort meprisable que tousles voyageurs out prise pour des bohemierfs et ont assimilee aux Kourbals rfij la Syrie. Ceux-la sout, en effel, de veiitables Dzingaiis et ils parleut tin dialeetc de leur langue. Mais les Gbadjars de I'hgypte, ainsi que j'ai |)u m'en cbriVaihcre par un eiatiien un pen plus ap- profondi, n'ont rien de comiuun avec1 ce debris souille de la sou< be indo-germanique. lis ont possede et pos- sedent encore quelques fragments qui vontdisparaitre d'une langue verilablemenl et uuiquemeut semitique. II ue sVn serveht plus, meme enlre eux. J'ai c.innnu- nique a M. Merimee ce que j'ai pu recueillir, aux points de vue ethnique et linguislique, de cetle race (iirieu.se qui, physlquenieht d'ailleurs, ne se distingue en rien des Fellahs (jui la repoussent, bien qu'elle se pretende inusubnane zelee, cc dont cliacun doute. NOU\ELLES DE I. 'EXPEDITION SCIKNTIFIQUE ENVOYl^E EN S1BE1UE EN 1855 1'AU I.A SOC1ETE DE GEOIUI API1IE DE SAINT- IMTEUSBOUIG. L \x| edition scieniibque envoyee en Siberie par la Sociele imperiale de geographic deSaint-Pelersbourg a procede l'ele dernier, en trois corps, a l'accoinplisse- mentdesa mission. L'un adescendule cours del' Amour, I'aiilroapenelrepardes routes dillicilesjusqu'a la source ( 207 ) delaWithna,powr,en suivantce fleuve, arriver a la Lena, et le Iroisierne a choisi pour ses explorations les cercles les plus peuples de Nertschinsk et de Werchneudinsk. L'astronome en chef Schwarz , apres avoir determine la longitude et la latitude de Nerkschinsk , se dirigea par terre le long de la frontiere chinoise, vers l'ouest, en passant par les forteresses Zuruchaiti, Tschindakt et Akscha, atteignit le poste frontiere Rirai, et la aper- cut la montagne Schondo ou Tschondo, la plus elevee de la chaine des nionts Stanovoi. M. Schwarz n' a point vu de neige sur son soinmet; les habitants du pays pretendent qu'il n'y a de neige que sur le versant septentrional. Sokolow, le compagnon de voyage de Pallas, a seul gravi le Schondo, en deux jours. En Siberie, on n'a pas jusqu'a present decouvert de mon- tagnes couvertes de neiges elernelles, counne l'Elbrous ou Je Mont-Blanc. La ligne des neiges est beaucoup plus haute qu'en Europe. L'expedition derAinour passa I'hiver dans la forleresse delNicolai, celle de la Witima s'est avancee jusqu'au lac Rartscho. L'artiste Mayer, attache a l'expedition et qui a des- cendu TAmour, annonce que, sur le bonl de ce fleuve, des tribus de Tongouses habitent ca et la, en petit nombre, dans des huttes d'ecorce de bouleau. L'ex- peditiondescendit 1'Amour avec la plusgrande rapidite afin d'atteindre son embouchure avant l'arrivee des Anglais. Dans le voisinage de 1'embouchurede ce fleuve habile, sur la cote de TO. ean oriental, une peuplade, les Giliaques, qui s'habillent counne les Mandchous, maisqui parlent unidiome tout a fail parliculier, qui ne ressemble ni a celui des Mandchous ni a celui des Ghinois. Ce peuple est plein d'intelligence el de viva- ( 206 ) cite. Depuis deux ans que les Giliaques sont en rap- port avec les Russes, beaucoup d'entre eux out appris la langue russe. La cod forma lion du visage et de la tete est chez eux semblable a celle des kahnouks. TREMBLEMENT DE TERRE AU JAPON. Le 11 novembre 1855, a dix heures du soir, a eclale a Jeddo un violent tremblement de terre, qui a detruit 100,000 maisons, hh temples et 30,000 habitants, Le leu s'est en meme temps declare sur trente points de la vi lie. La terre s'est entr'ouverte pour se referiner sur des milliers de maisons avec ceux qui les habi- taient. Les maisons de Jeddo n'ont en general qu'un etage et sont construites de materiaux legers. Les temples sont toutefois plus eleves et balis en general en forte maconnerie. Les habitants de la partie de la ville qui a ete delruite ont el6 sur leurs gardes a temps pour que nombre d'enlre eux aient pu se sauver. Les secousses ont aussi ete forlement ressenties a Simoda. Les tremblements de terre ne sont pas rares an Japon. On se rappelle celui qui a eu lieu dans la baie de Simoda, il y a un an, a l'epoque du naufrage de la fregate russe Diana. En 1596, un grand nombre de villes du Japon furent detruiles, el il y perit des milliers dc personnes. 11 est certain que cette partie du globe a ele le theatre des phenomenes de ce genre les plus lerribles. En 1662, un tremblement de terre, qui se fit sentir a l'ekin, ensevclit 300,000 personnes, ct, dans la meme villi-, soixante-dix ans plus tard, 100,000 habitants furent encore engloutis. ( 209 ) .%ctes de la Soci£t£. EXTRAITS DES PROCES-VERBAUX DES SEANCES. Seance du 7 mars 1856. Le proces-verbal de la derniere seance est lu et adopte. S. A. R. le prince royal de Suede ecrit a la Society pour la remercier du diploine qu'elle lui a adresse comme membre. Le Prince ajoute qu'il fait des vceux pour le succes des utiles travaux de la Societe. L'Acade"mie royale des sciences de Turin adresse le tome XV de la 2° serie de ses Memoires; elle attache beaucoup de prix aux publications de la Societe- et elle exprime le desir d'en recevoir exactement la suite. M. le marquis d'Espium.LF.s, senateur, M. Edouard TiiAYiiR, senateur, et M. Ernest Lemaitre sont admis dans la Societe. — M. le baron d'Avril, redacteur au Minislere des affaires elrangeres, et M. J.-B. Alberdi, ministre plenipotenliaii e de la Confederation argentine a Paris, son t presenles comme candidats par MM.Drouyn de Lhuys et De la Roquette, et par MM. Gamier et Jomard. M. le secretaire communique la liste des ouvrages deposes surle bureau. D'autres presentations sontfaites par plusieurs meinbres. M. Jomard off re, au nom deM.Vulliet, une Esquisse d'une nouvelle geographic physique dont M. Malte- Brun est prie de rendre compte, et il appelle Pat- ten linn de la Society sur l'important travail offert par ( 210 ) M. d'Avezac, sous le litre d'Esquisse bibliographique des grands et des petHs gebgrafines grecs et latins. M. V. A. Malte-Brun fait homruage, an nom de M. Cesar Bulliac, ancien vornic (maire et prefet) de Bukharest, d'un Memoire sur la topograpliie de la Roumanie (Provinces Danubiennes) et il donne quel- ques details sur les travaux que prepare l'auteur sur la geographic et Tinstone de ce pays encore pcu connu. M. Arthus Bertrand fait hommage d'une carle geo- logique et metallurgique de la Scandinavie , par JV1. Durocher; M. De la Roquette est prie d'en rendro compte. M. le conite d'Escayrac fait hounnage du Journal de l'expe'iition a la recherehe des sources du Nil, par M. Thibaut ; M. Corlambert, d'un Rapport au niinistre de 1'instruction publi(]ue sur les documents geographi- ques de diverses bibliotheques jiubliques de France, et M. Lourmand, d'un Rapport a la Societe pour 1'instruction elementaire sur les objets d'enseigneinent admis a l'Exposition universelle de 1855. M. Alfred Maury donne quelques details sur la nou- velle Soeiete de geograpbie qui vient d'etre fondee a Vienne par les soins de fvl. le baron de Reden, et il annonce qu'il rendra compte de ses premiers Iravaux dans le prochain numero du Bulletin. M. le comte d'Escayrac annonce qu'il vient d'etre appele par le vice-roi d'Egyple a prendre le comman- dernent en chef d'une expedition a la recherche des sources du Nil, et il entre dans quelques developpe- ments sur les moyens d 'execution qu'il se propose d'employer. M. Jomard fait connaitre les conclusions du Rapport ( 211 ) cle la Commission du concours. Le prix annuel est accorde au docteur Henri Barth pour son voyage a Tombouctou, et une medauie d'argent est decernee a M. E. G. Squier pour ses explorations dans l'Amerique centrale. M. V. A. Malte-Brun lit un rapport sur la carle topographique et militaire des Pays-Bas, levee par les ofliciers de 1'etat-major general neerlandais et publiee au bureau topographique de La Haye. — Renvoi de ce rapport au Bulletin. Le meme rnembre lit, pour M. Jomard, un Rapport sur les travaux du congres international de l'isthme de Suez. M. Cortambert signale quelques erreurs qui se sont glissees dans une communication qu'il a faite au Bulletin, et il lit une note sur le territoire de Kansas qui lui a ete adressee de Saint-Louis (Missouri) par son frere, M. Louis Cortambert. — Renvoi au Bulletin. M. d'Avezac appelle l'attention de la Societe sur les travaux du P. Liousu, relatifs aux langues et dialecles de I'Oceanie. Les sections de correspondance, de publication et de comptabilite se sont reunies pour se constituer et ont noinme pour president et secretaire : la premiere, MM. Vivien de Saint-Martin et Poulain de Bossay ; la deuxieme, MM. Daussy et Alt'. Maury, et la troisieme, MM. Isambert et Demersay. La Commission centrale apprend avec regret la con- tinuation de la maladie de son president, M. Constant- Prevost, et sur la proposition de M. Gamier, elle invite le vice-president a temoigner a sa famille le vit" interet (ju'elle prend au retablisscment de sa sante. ( 213 ) Seaitce du "28 mars 1856. Le proces-verbal de la.derniere seance est lu et adopte. M. Jomard annonce qu'il s'est empresse de rempiir la mission dont ses collegues l'avaient charge aupres de la famille de M. Conslant-Prevost, et il donne a la Commission centrale des nouvelles plus rassurantes sur la sante de son honorable president. M. le colonel Blonde), directeur du Depot de la guerre, adresse a la Societe, d'apres les ordres du mi- nistre, la 19e livraison de la carte de France. M. le secretaire de la Societe royale de Londres adresse la suite des transactions de cette Societe et accuse reception du Bulletin. M. Ernest Lemaitre adresse ses remerciemenls pour son admission dans la Societe. JV1. le secretaire communique la lisle des ouvrages deposes sur le bureau. M. le baron d'AvRiL, redactcur au ministere des affaires elrangeres, et M. Ai.berdi, ministre plenipoten- tiaire de la Confederation argentine, sont admis dans la Societe. M. James Thomson et M. Ch. de La Hais d'Essonnes, avocat a la Cour iniperiale de Paris, sont presentes comme candidats par MM. Constanl-Pievost et De la Roquette, et par MM. Jomard et Alfred Maury. M. Jomard annonce que la ville de Hambourg vient de decerner au docteur Barlh une medaille portant pour inscription : A Vintrepide et heureux explorateur deVAfriqae, le docteur Henri Barth , nc a Hambourg, le Sen at. ( 213 ) M. Lourmand pr^senle I'extrait d'un travail public dans le Bulletin de la Societe d'encouragement sur le lunnel projete entre l'Angleterre et la France. M. Poulain de Bossay lit un Rapport sur la chro- niquo de Guioes et d'Ardre, publiee par les soins de M. Godeftoy de Menilglaise. — Renvoi au Bulletin. M. V. A. Malte-Briin lit egalemenl un Rapport sur la geographie physique olFerte a la Societe par M. Vul- liet. — Renvoi au Bulletin. M. Dela Roquette est priede rendre compledu grand Die! io/inai rede geographie universelle par MAI . Beschorelle et Devars dont les quatre premieres parties viennent d'etre ofl'erles par M. Devars, membre de la Societe. M. Daussy annonce, d'apres les journaux anglais, la decouverte du batiment du capitaine Kellet, abandonne par cet explorateur dans lesglaces de la baie-de Baffin, et il donne quelques details a ce sujet. M. Jomard annonce que les travaux de linguistique de M. l'abbe Boilat, du Senegal, auxquels la Societe s'est interessee il y a plusieurs annees, viennent, comme ceux de M. le lieutenant-colonel du genie Fai- dherbe, d'etre admis au concours de l'Academie des inscriptions et belles-lettres pour le prix de linguistique fonde par M. de Volney. Le merae meuibre depose sur le bureau une reponse aux questions relatives a la possibilite de faire le tour du monde par la ligne la plus courte , en trente-huit jours de steam-boat. — Renvoi au Bulletin. La Commission centrale fixe le jour de la seance generale au vendredi l\ avril. ( 21/i ) OU Ml AGES OFFERTS DANS LES SEANCES DES 7 ET 28 MARS 1856. EUROPK. Titles des ouvrages. Donateurs. Memoires pour servir a I'histoire de la Roumanie (Provinces Danu- biennes), par Cesar Bolliac, ancien vornic (maire et pre'fet) de la ville de Rucarest. i" Memoirs : Tupop,raphie de la Roumanie. M. C. Boi.i.iac. AFR1QUE. Expedition a la recherche des sources du Nil (1839-18 'jo). Journal de M. Thibaut, publie par les soins de M. le comte d'K.scayrac de Lauture. Paris, 1856. Brooh. in-8°. M. le comte i>'Kscay»ac. CARTES. Carte topographique de la France an 1/80,000'. ige livraison coni- prenant les feuilles de Bergerac, de BrraUde, do Reckon et do Rennes. 4 ten dies. Le Depot DE la ccerre. Carte geologiquc el me'tallurgique de la Scandinavie, dressee par J. Durocher d'aprcs les indications fournies par les cartes de MM. Hisinger et Keilhau, conjointement avec les observations de 1'auieur. 1 855. 2 feuilles. M. Annu s-Rkhtiiawd. OUVRAGES GENERAUX ET MELANGES. Grands et petits geographes grecs et latins; esqtnsse bibliographiqtie des collections qui en out ete publiees, entreprises ou prop tees; et revue critique du volume des petits geographes grecs, avec notes et prolefjomenes de M. Charles Midler, cotnpris dins la bibliotheque des auteurs grecs de M. Ambroise-Firmin Didot. Paris, 1 856. Broch. in-8°. M. d'AvEZAC. Esquisse d'une nouvelle geographic physique di slinee h interessei ( 215 ) Tltres des ouvraqes. Donateun. la jeunesse a I'etude de cette science a I'aide do l'histoire natu- relle , de la description dnnimaux, de mineraux , dc plantes utiles, eic, et d'un grand nombre de gravures intercalees dans le texte. Paris, ■ 854 et '855. 3 vol. in-!2. M. A. Vulliet. Grand Uictionnaire de geographie universelle ancienne et mo- derne, etc., par M. Bescherelle aine et M. G. Devars. Tome II, 2e partie. t vol. in-4". M. G. Devars. Rrevi considerazioni intorno ad alcuni piu cot.stanti fenomeni Vesu- viani. Napoli, 1 855. Bioch. in-4°. M. le chev. F. de Giudice. I)u calendrier chez les Flamands et les peuples du Nord, par M. Louis de Raecker. i855. Broch'. in-8". M. L. de Baecker. Notice sur la langue annamique. — Quelques observations snr la langue siamoise et sur son ecriture. — Extrait d'un Rapport fait a la Societe asiatique sur une nouvelle carte du royaume de Siam, dressee sous la direction de Mgr. Pailegoix. 3 broch. in-8°. M. of. Rosny. Rapport adresse a S. E. Monsieur le ministre de I'instruction pu- blique et des cubes, sur les documents geographiques de diverses bibliolheques publiques de Fiance, par M. E. Cortamberl, attacbe au de'paitement des cartes et collections {jeographiqiies de la Bibliotheque imperiale. Paris, i 855. M. E. Cortambert. Rapport general au nnm d'uhe commission de la Societe pour l'instruction e'lementaire sur les objets d'enseignement adrhis a 1'Exposition universelle de 1 855, par M. A -D. Louimand. — Extrait du Journal cV education populaire. Paris, 1 856. M. A.-D. Lourmam). Methode zum genauen Abbilden tier Erdoberflache, oder der das mathematisch begriindete Relief-Zeichnen in Beziehung zur Lehmann'schen, Sowie einigen andern jetzt gebrauchlicben topo- graphischen Zeichnen-Metlioden. VonD'GustawIenzsch. Dresden, 1 856. Brocb. in-8°. Dr G. Ienzscii. Programm des Lyceums zu Hannover womit zu dem Schulactus der Abiturienten-Entlassuna am mittwoch den 19 m'arz 10 Ubr vorin. ergebenst einladet D1' H. L. Ahrens, Director. Dr H. L. Ahrens. Notices sur le Dr Ernest Cloquet, medecin et conseiller du sbah de Perse. 1 856. Broch. in-8°. ( 210 ) MEMOIRES DES SOCIETES SAVANTES ET RECUEiLS PERIODIQDES. Philosophical transactions of tlie Royal Society of London , 1 855, part. II, in-4°. — Proceedings of the Royal Society. iN°- 1 6, 17 et 18. — Precis analytique des travaux de I'Academie des scienc -. belles-lettres et arts de Rouen, pendant l'annee i854-i855. 1 vol. in-8°. — Memoires de la Societe d agriculture et de commerce dc Caen. Tome VI, 1 855. 1 vol. in-8°. — Bulletin de la Societe indus- t ■ i 1 II.- d'Angers. 2' serie, tome VI. 1 vol in-8°. — Tin: Journal of the Indian Archipelago. IN" i3 de 1 854 •> el "'" 4> 5 et (> de 1 855. I n-8°. — Zeitschrift fiir Allgemeine Erdkunde. N°' de novemhre el de decemhre 1 855. — Milthcilungen fiber wichtige nene Erfors- chungen auf dem Gesaminlgebiete der Geographic von I)' A. Pe- (' 1 in. inn N° 12 de 1 855. — Annates du commerce exterieur. Janvier. — Ribliotheque universelle de Geneve, et Archives des sciences physiques et naturelles. Cahiers de decemhre 1 855 et de Janvier 1 856. — Nouvelles annates des voyages. Fevrier. — Revue des Societes savantes de la France et de l'etrangei. Janvier. — Revue de I'Orient, de I'Algerie et des Colonies. Fevrier. — Archives des missions scientihques et litteraires. 2e et 3e call, de 1 856. — Rulletin de la Societe geologique de France, deux cahiers. Rulletin mensuel de la Societe' d'acclimatalion. Fevrier 1 856. — Annuaire de la Societe meteorologique de France Mars 1 856. — Annates de la propagation de la foi. N° 2 de 1 856. — Journal des missions evangeliques. Fevrier. — L'Investigateur , journal de I'lnstitut historique. Aoiit, septetnhre et octobre l855. — Journal d'educalion populaire. N° 3 de ] 856. — Nouveau journal des connaissances utiles. Mars 1 856. — L'Athenaeum francais. N°' 7, 8 et 11. — La science pour tous. N°' 11, 12, 1 3, i4> 1 5 et 16. Les Autelks et Editklrs. BULLETIN DE LA r p SOCIETE DE GEOGRAPIIIE. AVRIL 1856. ASSEMBLE GENERALE DU h AVRIE 1856. DISCOURS DE M. LEFEBVRE-DURUFLE, SENATEUR. Messieurs, Si la faveur publique se mesurait a l'utilite cles institutions, il en est peu qui auraient aulant de droits que la Societe de g^ograpbie a voir une foule em- presses apporter dans cette enceinte le juste tribut de ses encouragements et de son sympathique concours. Sans que nous puissions nous plaindre d'etre delais- ses, nous ne pouvons nous dissimuler cependant que nos seances generates n'excitent pas au sein de ce que Ton appelle le monde, cette animation et cet entbou- siasme que plusieurs au Ires corps savants et litteraires ont le bonheur d'y faire nailre; c'est en quelque sorte en presence d'une famille speciale et toute d'elite, exclusivement composee d'amis de la science que nous cultivons, que se passent nos modestes solennites. On parle quelquel'ois de nous et de nos travaux avec XI. AVIUL. J. 15 ( '218 ) estiine, avec respect, mais on passe, sans y entrer, devant le sanctuaire de DOS eludes, meme aux jours oil nous en ouvrons les pprtes, Cela ne tiendrait-il pas a un prejuge (|ui, aux yeux du monde, ferait de Itrgeographie une science loute serieuse, loule abstraite, loute berissee tie foi mules de malhematiques, de phy- sique et d'astronomie? An lieu de se representer la muse qui preside a cette belle science sous les trails dune jeune femme, dont les channes sont releves des plus iicbes atours, ne se la represenlerait-on pas com me une sorle de sib) lie , aux trails sombres et faro j hes , affublee d'une robe couverle de signes cababsliques? II est incontestable que les sciences exactes sont la base indispensable et solide de la geographic; mais elles lui servenl de support comme le sysleme anato- mique du corps humain sert de soutien aux cbarmes de la Venus de Medicis. En effel,de combien d'attraits accessoires, de combien de seductions diverses celte aimable science n'esl elle pas revetue ? Car la geo- grapbie e'est le panorama du monde entier; e'est la revelation de loutes les merveilles de la creation ter- restre, e'est la contemplation successive d'une innom- brable quantite de tableaux, ou les plaines el les monlagnes, les forets et les vallees, les ruisseaux et es torrents, les fleuves et l'Ocean se combinent et se •'onfondent pour offiir des aspects que varient les in- fluences des saisons les plus extremes, depuis les glaces Au pole jusqu'aux devorantes ardeurs de la zone tor- ride, et sur lesquels se repandent et se jouent tous les aflets de lumiere que peuvenl produire les feux elin- c«lants du soleil, les molles claries de la lune, le mi- ( 219 ) rage du desert et les reflets de l'aurore boreale. La geograpbie, c'est l'exposition universelle el permanente de toutes les productions vegetales, arbres, fleurs, fruits que la main du Createur a semees sur le monde; c'est le grand bazar, oil toutes les ricbesses qui ani- ment et fecondent l'industrie bumaine sont etalees a la fois : laines, soies, cotons , metaux, pierres pre- cieuses; c'est le spectacle si vari6 de tout ce que le regne animal renferme d'etres vivants, magnifique spectacle que couronne le congres de la grande famille bumaine, si etonnante et si mysterieuse dans la diver- site de ses races. Voila, pouvons-nous dire aux gens du monde, une parlie des attrayantes etudes que vous oilre la science au culte de laquelle nous vous convions; voila ce qu'elle promet a ceux qui ne veulent saisir que ses seduisanls aspects. Mais en geograpbie, Messieurs, Futile est si intime- ment lie a l'agreable que nous ne doutons pas que parmi les neopbyies, qui se laisseraient d'abord alle- cber par les cbarmes meme les plus frivoles de noire science favorite, il ne s'en trouvat bientot un grand nombre qui s'attacbassenl a ses plus solides altraits. Comment, par exemple, aussitot qu'on a lu un des rapports que la Societe fait sur les travaux et les pro- gres des sciences geograpbiques, ne pas suivre, annee par annee, avec une curieuse anxiete la marcbe ascen- danle de ces travaux et de ces progres ! Quel plaisir d'invesligalion satisfaite n'epruuve-l-on pas a voir s'eclairer des lumieres de ladecouverte et de la science les points de noire globe restes jusqu'ici dans 1'obscu- rile 1 Comment ne pas s'attacber de l'interet le plus vif aux pas de ces intrepides voyageurs, qui s'aven- ( 220 ) turent dans le sein de pays inconnus, ou la popula- tion, le ciel ot la Icrre les entourent tout a la lois d'innombrables dangers! De quolles Amotions ne se sent-on pas saisi pour ccs conquerants et ces hdros de la geographic, soit que les celestes ardeurs de la foi les animenl, soit cpie le seul amour dc la gloirc et de la science humaine les enflamme! Que de perils n'ont-ils pas a braver dans ces entreprises lointaines ! que d'habilete etde courage ne faut-il pas y deployer! quel homme complet il fautetre pour reussir dans ces hasardeuses explorations! car ce n'est pas trop pour le voyageur de reunir les connaissances du savant, l'habilete du diplomate etlavaleur du guerrier. II i'aut qu'il puisse atteindre aux travaux et aux considerations les plus elevees de l'esprit humain , en merae temps qu'il lui faut souvent, comme un nouveau Robinson, descendre jusqu'aux soins les plus maleriels et les plus vulgaires de la vie. S'il n'etait pas doue" de con- naissances scientifiques, comment pourrait-il se livrer aux operations astronomiquesetgeograpbiques a l'aide desquelles il doit determiner la situation exacte des lieux qu'il parcourt? Comment decouvrirait-il les qua- lites du sol, s'il elait etranger a la geologie; la nature et les variations du climat , s'il ignorait la meleoro- logie ? Comment classerait-il les animaux et les plantes, si l'bistoire naturelle ne lui etait pas lamiliere? Quant aux qualites du diplomate, il en a besoin, et souvent au plus baut degre, car ce n'est presque jamais sans defiance et sans ombrage que les nations barbares, au sein desquelles il doit pen^trer, voient un etranger s'introduire dans leur pays, en observer curieusement les ressources et les acces. Que de prudence dans les ( 221 ) demarches, que de sagesse dans le langage, que de circonspection dans les gestes, que de reserve dans le regard meme, ne faut-il pas en presence de ces feroces et astucieux chefs de peuplades, dont il s'agit de s'at- tirer la capricieuse bienveillance ou d'endonnir la soupconneuse et sanguinaire susceptibilite ! Et quand tous ces moyens paclfiques et si legitimement captieux echouent, de quel courage personnel le voyageur n'a-l-il pas besoin pour defendre sa vie et sauver les tresors de ses investigations contre la rapacite des brigands ou contre les fureurs d'une population fanatique et alteree de sang ! Mais ce n'est pas tout encore, il est un autre heroisme dont le voyageur a besoin, lors- que,epuise parde longues fatigues, par la privation des choses les plus necessaires a la vie, lorsqu'en butte aux intemperies d'un ciel inclement ou d'une saison pes- lilenlielle, il se sent vaincu par la maladie, pres de mourir isolement et miserablement au tenne de ses travaux, en voyant cette gloire, pour laquelle il a tant fail, eteinte a tout jamais ou, pour le moins, ensevelie jusqu'au jour ou quelque succcsseur plus heureux viendra recueillir les vestiges de son heritage et reveler la place ou repose sa cendre. Quelle force ne faut-il pas pour envisager la mort sans desespoir, au milieu de tant de dangers menacants, de tant d'esperances decues, de tantde doux et cruels souvenirs de la famille et de la patrie ! Heros de la science, que nous cultivons ici sans dangers, et dont vous vous faites les martyrs volontaires, puisse, dans ces moments supremes, puisse votre pensee se reporter sur les amis que vous comptez au sein de nos Societes ! Que votre courage, a l'instant oil il est le plus abattu, se ranime a l'idee que tous ( 222 ) nous suivons vos pas avec angoisse, que nous veillons sur \ous, prets a vous seconder quand cela est possible, a vous venger quand la justice el 1'bumanite le reda- menl. Tournez vos yeux defaillants vers nous, en vous disant que vous avez en nous de pieux legataires de vos travaux. (impresses a arracher vos notns a 1'oUbli el a laire survivre la plus noble partie de vous-memes, voire gloire. C'est a ces titres, Messieurs, que nous vous demanderons de proclamer ici, avec le tribut de regrets, de reconnaissance et d'admiration qui leur sont dus, les noms de MM. Ricbardson et Overweg , morts 1'un et 1'autre dans l'utile el dangereuse explo- ration de l'Afrique centrale. Le prix , que vous altribuez cbaque annee a la de- couverte la plus importanle en geograpbie , va etre decern^ au docteur Bartb, conserve seul par la Providence pour recueillir la gloire de cette utile et memorable entreprise. S'il 6tait present ici , il voudrait, nous en sommes certains, faire plus que nous encore; il ne consentirait a ceindre sa couronne qu'apres en avoir detacb£ les plus verts rameaux pour les deposer sur la tombe de ses emules etde ses amis. Mais je laisse a une autre voix, qui a plus d'autorite que la mienne en pareille matiere, a faiie le pane- gyrique du vainqueur et l'oraison funebre des victimes de 1'expedition de l'Afrique cenlrale. Pour moi, Messieurs, avant d'abandonner a un plus digne successeur ce fauteuil, ou voire bienveillance ma appele et ou votre indulgence m'a soutenu, je ne me permettrai plus que quelques mots pour comple- ter 1'oBuvre de propagande geograpbique, a laquelle ( 223 ) j'ai cru devoir plus specialement me vouer pendant l'annee de ma presidence. II y a un an , en ouvrant la seance generale de la Socias aussi tribulaires de la geographie ? N'esl-ce pas a celle science qu'Homerea emprunte les plus interessantes de ses descriptions, et, apres tant de si6cles, n'est-il pas demeure le premier et le plus stir geographe de l'antiquile ? Virgile l'a suivi dans cette voie et Ton sait quelles riches couleurs il a su repan- dre sur tous les lieux oil le deslin pousse son heros. Dans notre moderne litteralure rimmortelle el ravis- sante idylle de Paul et Yirginie ne ressemble-t-elle pas par beaucoup de points a une delicieuse relation de voyage? N'a-t-elle pasdu d'abord une partie de son ( 225 ) succes a la surprise excitee par la nouveaute des ta- bleaux enchanteurs qu'oflrait la scene ou elle se passe? N'est-ce pas une seduction semblable qui a aussi de- termine la vogue des aventures d'Atala? Parlerons-nousdu peintre ? Appele a reproduire les actions de tous les siecles, les sites de tous les pays, il a besoin de reunir sursa palette les couleurs du monde entier, de meme que les formes en doivent etre fa- milieres a ses crayons. L'arcbilecle, de son cote.ne peut parvenir a connailre tous les styles qu'en par- courant, au moins par l'etude, et le globe et les ages. Enfin le musicien, pour rajeunir ses accents, ne va-t-il pas de temps en temps puiser des inspirations nouvel- les dans ces airs nationaux d'un etl'et si irresistible, mais dont on sent mieux encore le cbarme quand on connalt les mceurs des peuples qui les chantent et le caractere des lieux qui les onl inspires. Ce que nous demandons aux classes superieures, en faveur de la geograpbie, ce n'est done pas une part plus large dans leurs loisirs, car il est impossible que les necessitesde leurs professions diverses ne les pous- senc pas a celle etude d'une maniere plus ou moins directe. Ce que nous venons reclamer d'elles, e'est un interet plus ostensible, un devouement plus mar- que pour cette science. Ce n'est pas assez d'en etre le solitaire adepte, il faut s'en monlrer le patron avoue et tutelaire. Avant 18/18, notre Societe a compte jusqu'a A00 membres, aujourd'bui elle a tout au plus moilie de ce nombre. Elle aussi a souffert de ces jours nefastes du- rant lesquels la barbarie menaQait d'engloulir les sciences, les arts, la societe elle-meme. L'orage a dis- perse une partie de nos amis, il faut que les beaux ( 226 ) jours qui brillent maintenant sur la France nous rap- prochent et nous reunissent. Le sage et puissant genie de l'Einpereur, protec- teur de notre Societe, a rendu a la France, dans les eonseils de I'Europe, le rang qui lui avaitsi longteinps appartenu : c'est tin puissant aiguillon pour nouslivrer avec un legitime orgueil et avec un sentiment de pa- triotisme salisfait a l'elude de la geographic politique. Quant a la geographie de la science, de la philoso- phic, du commerce, la paix, scellee a Paris entre un trone consolide par 8 millions de suffrages et un ber- ceau entoure de lant de vceux et de tant d'esperances, la paix vienl de lui ouvrir les horizons les plus riants et les plus etendus. En effet, Messieurs, a quelle autre epoque s'est-il manifcste une disposition plus marquee a l'union fraternelle des peoples? Tout semble tendre a ne former qu'une seule et meme famille des bran- ches eparses de la grande famille humaine. Les voya- geurs en cherchent avec intrepidite les rameaux en- core inconnus ; on rapproche les continents en coupant les isthmes; les divers Etats, en faisant disparaitrs leurs limites sons le niveau des voies ferrees ; la locomotive et la vapeur s'unissent et combinent leur puissance pour faire le tour du monde en aussi peu de temps qu'on en mettait naguere a laire le tour de France, et Ton tend chaque jour qui lques-uns des lils de ce re- seau electrique, qui bientot fera circuler la pensee autour du globe avec la meme rapidite qu'elle se meut dans le cerveau humain. C'est le moment pour tous les esprils eclaires, pour tons les cceurs genereux de reunir leurs efforts et de preler leur concours a cequi pent amener la prompte realisation de si nobles pro- jets, de si sublimes enlreprises. ( 227 ) RAPPORT SUR LE CONCOURS AW PRIX ANNUKL POUR LA DECOUVERTE LA PLUS IMPORTANTE EN GEOGRAPHIB , Au nom dune Commission eomposee De MM. d'Avezac, Daussy, Vivien i>e Saint-Martin, Alfred Maury, et Jomard, rapporteur. D'importantes decouvertes ont ete faites, ces der- nieres annees, dans l'interieur des continents corame dans les mers arctiques: aucune peut-etre ne depasse en interel celles qui ont ete heureusement accomplies au cceur de l'Afrique ; mais, parmi les regents voyages qui ont revele de nouvelles parties du continent at'ri- cain, couvertes jusqu'ici d'un voile presque impene- trable, se place au premier rang celui de John Ri- chardson et de ses intrepides compagnons de voyage, le docteur Henri Barlh et le docteur Adolphe Overweg; faut-il qu'en celebrant aujourd'hui les heureux tra- vaux du second de ces explorateurs, nous ayons a deplorer la mort des deux autres! Tous etaient partis de cette capitale, il y a bientot sept ans, riches d 'intelligence, comme de courage et destruction, comme de force et de sante : tel est, helas, le sort trop ordinaire des voyageurs en Afrique, avant et depuis Mungo Park; et, pour ne remonter qu'a la memorable expedition anglaise de 1824, qui nous adevoile I'existence du grand lacTsad, du fleuve Schari et des montagnes du Mandara, il ne reste plus de Clapperton, Oudney et Denham , qu'un souvenir glorieux. Plus heureux que tous, le docteur Henri ( 228 ) Barth a triomphe des obstacles; il a triomphe du cliraat et de lous les perils; il est revenu en Europe sain et sauf; les autres ont succombe dans la terre d'Afrique a la suite de Hornemann , Park, Bowdich, et de Ritchie, de Laing, Oudney, Denham, Clapperton, et do vingt autres, victimes de leur genereux devoue- ment : qu'un dternel honneur s'attache a ces noms veneres et que celui qui seul a survecu a ses compa- gnons de voyage recueille l'expression de notre syni- palhie! Personne n'a ignore, personne n'a oublie qu'un bruit sinistre avail couru a son sujet; toutcs les appa- rences venaient a l'appui, et une leltre du sultan de Bornou confirmait la triste nouvelle (1). Grace au ciel, celui qui allait, pour sauver au moins ses papiers et ses collections, recueillir les fruits de ses decouvertes, menaces de perir comrae le voyageur, a rencontre, au lieu de ces debris seulement, le voyageur lui-meme, j)lein de vie, et ricbe de tout son butin scientilique : evenement qui a ete salue des acclamations de toute l'Europe savante ! On comprend la surprise et la joie que ressentirenl les deux voyageurs a cette rencontre, vraiment dramatique autant qu'inesperee : puisse le docteur Edward Vogel (2) qui, apres cet heureux jour, a voulu aussi, a son lour, s'illustrer par quelque grande decouverte et penetrer dans des regions inconnues, elre aussi favorise que le docteur Bartb, (i) Le docteur Vogel, par une lettre du 18 juillet, de Kouka, annoncait la mort de Barth, a Meroda, too inilles au nord-est de Sakkatou. (2) Attache a I'expedition, comme botaniste et astronome, apre» la mort de Jolm Richardson. ( 229 ) et revenir bientot nous apprendre quels pays, quelles populations separent le cours du Schari de la cote de Mombaz. L'expedition Richardson, Barth et Overweg est ge- ne>alement connue, du moins pour le theatre qu'elle embrasse, et dans ses principaux resultats. II serait superflu de revenir sur la marche des voyageurs dans le pays d'Air (Ahir), ou autour du lac Tsad, ou dans l'Adamowa, ou le docteur Barth pendtra en 1851, et rev^la l'existence du Benoue surnomme la mere des eaux, qui se confond avec la Tchadda et s'ecoule dans le Kouara. Deja la Societe" de g^ographie a reconnu l'importance de cette derniere decouverte et lui a decerne une juste recompense; mais l'annee 1 853 a 6te" signalee par un voyage non rnoins fruclueux, et qui a eu en Europe un retentissement encore plus grand : nous voulons parler du voyage a Tombouctou et au Kouara superieur. A peine le docteur Adolphe Overweg eut-il suc- combe, sous les yeux du docteur Henri Barth , que celui-ci , seul alors de toute l'expedition, entreprit, avec une nouvclle ardeur, de continuer l'exploration : il flottait entre trois voyages, 6galement difficiles et p^rilleux : aller du lac central au sud du Darfour; se porter a Mombaz sur la mer des Indes ; enfin, explorer le haut Kouara et lout le pays situe entre Sakkatou et Tombouctou. Ce dernier projet fixa son irresolution. Renoncant a l'offre que lui faisait le sultan du Bornou de le garder aKouka comme representant l'Angleterre, et aide de la protection de ce prince, il se mit en route a la fin de novembre 1852; le 6 mars de l'annee sui- vante il elait a Kaschna , et le 7 seplembre il faisait ( 230 ) son entree clans la ville celebre, en grande ceremonie, accompagi.e d'une suite uumbreusc (jue precedail le frere du gouverneur, et se disanl envoye du grand sullan de Stamboul. II avait maicbe au nord-nord- ouest, traverse le grand lleu\ e a Say, el l'avait remonte au milieu de canaux compliques et debordes, visile deux grandes villus, Libtako et Saraiyamo. Le sejour du docteur s'etait prolouge beaucoup contre son gre , tanlot par les attaques de la iievre, tantol par les obstacles de tout genre qu'on mellait a son retour a Sakkalou. Le fanatisuie et l'humeur farouche dune portion ilea babitanls, les menaces des Fellatas et des Touareg, enfin les fatigues qu'd avait essuyees depuis son depart du lac Tsad, voyage de 2000 milles, ajoulaienl beaucoup a ses ennuis. Pendant une par tie de ce sejour, il etait dans son habitation, comine enferme et au secret. Toutefois, pendant deux mois de residence, il a pu faire une multitude d'observations de toute espece. II a deter- mine la latitude, la longitude approximative, dessine et decrit les edifices de la ville , eludie son langage, ses mceurs el son importance commerciale, et, lout le temps, il a conserve la meme perseverance et le merne courage. La ville de Tombouctou est de forme triangulaire ainsi que l'avait dit Rene Caillie (1); la population n'est pas aussi considerable qu'on le croyait jadis; mais elle renfermedes maisons bien baties etde belles (i) On a fait ailleurs le parallele des deux voyages de Re'neCaillieet du docteur Hartli (voyez le Bulletin d'uetobre et novembre 1 855, pag. 3oi-3i2). ( 231 ) mosquees ; le marche n'est pas aussi important que celui de Kano. Toinbouctou est sur la lisiere meme du Sahara, an point le plus septentrional du grand fleuve. Les Touareg, campes a peu de distance, exercent sur la ville de Tombouctou une grande influence, et leur presence y entietient une agitation conlinuelle. II faudrait posseder le journal du docteur Barth, pour completer ccs notes sur son voyage et en dormer une idee juste; ce journal s'imprime en ce moment meme ou sera bientot mis sous la presse ; c'est alors qu'on pourra l'apprecier (1); mais le fait seul de l'ar- rivee a Tombouctou et d'un long sejour dans cette ville mysterieuse , suffit pour assigner au voyage du docteur la premiere place parmi tous ceux qui se rapportent a l'annee 1853; c'est pourquoi la Com- mission, dont j'ai I'honneur d'etre 1'organe, lui decerne le grand prix annuel pour la decouverte la plus im- portante en geographic La medaille d'or de la Societe francaise de geographie va prendre place a cote de celle que le Senat de Hambourg, ville natale du voya- geur, vient de iaire frapper en son honneur (2). Maintenant l'Afrique orientale appelle les investi- gations des voyageurs. Les rivieres qui debouchent dans la mer des Indes, de Mombaz aux environs de l'equateur, doivent partir d'une suite de montagnes elevees qui, sur le versant oppose, donnent naissance (i) L'ouvrage aura cinq a six volumes el sera accompagne d'un grand nombie de cartes, de tableaux, de figures, de vocabulaires et de recherches sur les idiomes. (2) Voici la legende de la medaille de la ville de Hambourg, en 7 lignes : Dem j kiihnen | und glucklichen | ertorscher Afrikas | Hamburgs Sohne 1)' Joh. Heinr. Barth | der Senat | den Ioctober i855. ( 232 ) a d'autres grands cours d'eau, tels que ceux qui s'^cou- lent clans le bassin du Nil. Or, une circonstance nou- velle s'est produile dans ccs derniers temps; le moment n'est pas eloigne oil, la nouvelle voie entre les deux mers etant ouverte, les navires arriveront a Mombaz deux a trois fois plus vitc que par le Cap. La solution des grands problemes de la geographie africaine sera, par la meine, facilitde et acceleree, et Ton pourra, enfin, faire disparaitre ce reseau inextricable de lacs en c/ta- pelet et de cours d'eau entrecroises, sans origine et sans issue connue et la plupart fantastiques, dont les cartes ont etc longtemps surchargees. La Commission a pris connaissance des explorations recentes f'aites dans l'Amerique ccntrale , a plusieurs epoques, parM. George Squier.citoyen des Etats-Unis. Le savant voyageur s'est distingue depuis longtemps par ses travaux et ses publications sur l'archeologie americaine et sur divers sujets importants de geogra- phie et de statistiquc (1). Le plus recent de ses ou- vrages qui a pour titre : Remarques sur V Amerique centrale, particulierement sur les Ktuts de Honduras et de San-Salvador a, entre autres, fixe notre attention. II a paru en anglais et en espagnol ; Honduras en est le sujet principal. L'exploration complete du territoire compris entre la baie de Fonseca, sur le Pacifique, et Porto-Caballo sur l'Allantique a ete faite en 1853 par M. Squier, le lieutenant Jell'ers de la marine des Etats- Unis et plusieurs autres Anglo-Americains: elle avait pour but d'etudier la meilleure direction a suivre pour un chemin de fer, faisant communiquer un Ocean a (i) La valleedu Mississipi, i vol. in -4° ; — Nicaragua, sa popu- lation, ses monuments, file, etc., 2 vol. New-York, i852. ( 233 ) l'autre. Ce travail a donne lieu a un grand nombre d'observations geographiques , topographiques et sta- tistiques, et il en est resulte: 1° une grande carte, tres riche en details sur les lagunes, les montagnes et tous les accidents du terrain j 2° plusieurs cartes par- tielles pour faire connailre les ports situes sur les deux oceans; 3° des observations meleorologiques. Les po- sitions des principaux lieux ont ete determinees par des niesures exacles. L'Etat de San-Salvador, les Etats de Guatemala, Nicaragua et Costa-Rica, la cote des Mosquitos, les productions du pays, les aborigenes de cesdiverses contrees, tous ces sujets ont ete traites dans les publications de M. G. Squier; enfin les antiquites americaines ont ele 1'objet de ses investigations assi- dues dans l'Elatde Nicaragua ; cet inleressanl sujet sur lequel la Societe de geographic a, la premiere (en 1826) appele, par des prix, l'altention du monde savant et les excursions des voyageurs (1), a recu des recherches de M. G. Squier les plus vives lumieres. Enlin nous signalerons comme un travail neuf et ori- ginal la coupe de la chaine des Cordilleres, dessinee sur une tres grande echelle, et qu'il a soumise a la Societe dans sa seance du 23 Janvier 1852; aussi la Commission n'a pas hesite a decerner a ce voyageur sa grande medaille d'argent. JOMARD. (l) Prix pour les antiquites americaines. (Voy. le 5* volume du Bulletin de la Societe de geographic, annee 1826, p. 5g5.) XI, AVIUL. 2. 10 ( 234 ) NOTICE SUIt I.ES DECOUVBRTES RECENTES DES MISSIONNAIRES DANS LAFRIQUE EQUATORIALE et sin l'ixistknce dk plvsieurs grands lacs DANS I.'lNTEIUEUR DE CE CONTINENT. Lue a I'asserobli'e generale du 4 avnl I 856. L'Afrique n'ost phis aiijourd'hui comme jadis celte terre inconnue et mysteiieuse que devoraient les rayons du soleil , ce n'ost plus un vaste plateau sec et aride auquel on ne parvenait de Test ou de l'ouest qu'en gravissant des clialnes de montagncs qui en ibruiaient les rampes. Au nord de l'equateur on a reconnu 1'existence d'un bassin interieur, celui du lac Tchad, recevant ties fleuves, des rivieres, et ayant dans son voisinage orien- tal d'autres lacs encore indetermines de position , comme le lac Filtre. Au sud, la decouverte d'un autre i)assin interieur, celui du lac N'gaini vient avec ses affluents ou ses deri- ves: le Chobe, le Teoge , la Liambey, etc., etc., com- bler le vide de nos cartes. II est aujourd'hui, uora de doute que le centre de l'Afrique renlerme aussides amasd'eau considerables. Nous allons faire voir que toutes les informations et surlout celles qui sont recemment parvenues en Europe tendent a faire reconnaltre egaleujent, dans la region equatoriale, ['existence d'un vaste bassin interieur dans lequel un ou plusieurs grands lacs servent de reservoir aux eaux qui s'y jetlent, et a celles qui proviennent de la i'onte des neiges ou des pluies inlertropicales. ( 235 ) Depuis longtemps d'ailleurs, il elait question de grands lacs silues dans cette region de l'Afrique, au sud de la ligne equinoxiale. Plolemee yplacailles sources du Nil. Lesgeographes du moyen age, d'apres les informations des naturels, etaient arrives a la meme conclusion. Aboulfeda, sur l'autorite d'Ibn-Said, parle d'un lac sous l'equateur meme, dont le centre avait pour lati- tude zero et dont lediametie depassait 2 degres, c'est- a-dire 50 lieues; Pigafetta en indique un dans la meme direction. Le long de la cote orientale, et vers le 12me degre, on avait par information la vague connaissance d'un lac Maravi que nos cartographes promenaient avec indecision d'un degre a un autre, sans lui assigner de position cerlaine; lorsque, dans ces derniers temps, M. Desbrougb-Coolcy l'identifia avec le lac N'yassa ou N'yassi. Ce geographe ayant eu l'occasion d'interroger , en 1835, un negre du Wahiao, apprit de lui qu'en se dirigeant de Quiloa vers l'ouest, par Kungombe etLuke- lingo la principale ville de son pays, on arrivait au pied de la montagne N'jesa et que de son sommet on pouvait voir a la distance de huit journees de marche, c'esl-a-dire hO ou 50 milles anglais, ce que les negres appellent one mer, c'est-a-dire : N'yassi, dont la sur- face est couverte de nombreuses iles. L'informaleur de M. Cooley ajoutait que ses eaux sont douces et abondent en poissons. On y navigue dans des canots faits d'ecorces d'arbres cousues ensemble et assez grands pour contenir vingt personnes. La cote oppo- ses ne peut etre apercue d'aucun endroit du Soualieli ( 236 ) ou du Wahiao, mais il estimait la largeur du lac a trois journees tie navigation ramant de six a huit hcurcs par jour et relachanl la nuitdans les lies. Sa longueur vers le nord est d'an moins deux m<»is de rnarche (1). Le meme negre donnait comine riverains du lac les habitants du Mucaranga ou du Mono-Moezi; pays marque d'ailleurs dans les cartes porlugaises, et dont le docteur Beke a precise la position dans un de ses rapports. II resulte de ces indications, que vinrcnt confirmer d'aulres informations , qu'il existe eflectiveinent en AlVique un grand lac au sud de l'equateur ; sa pointe meridionale atteinlle 12me degre, et son elendue, vers le nord, est considerable. Plusieurs annees plus tard, en 1849, M. Rebmann apprit dans son voyage au pays de Jagga, qu'a l'ouest de Mombaz, au dela de l'Ouniamesi, contree que Ton a depuis identifiee avec le Mono-Moesi, il se trouvait un grand lac du bord oriental duquel on ne pouvait voir le bord oppose, que ce grand lac sur lequel on navi- guait avait un flux et reflux; il l'indiqua meme sur la carte publiee par lui en 1850 (2). Mais d'apres 1'opi- nion du docteur Krapf, ce lac d'Ouniamesi n'est pas identique avec le lac N'yassi ou N'yassa. Sa position peut le faire regarder commc le reservoir nalurel des eaux descendant dcs massifs de montacrnes aux- •B1 (i) Recherches sur la gt>orjraphie du N'yassi, par W. Desbrough- Cooley, au tome XV du Journal of the royal rjeoyrapliicat Society of Loudon. (Voy. ('analyse de ce me'moire, par M. Vivien de Saint- Martin, aux Annales des Voyages de 1 845, t. IV, p. 257.) (2) Church missionary Intelligencer, annees 1 ij.jy tl i85o; et Annales des Voyages, 1849, t. II, p. 257. ( 237 ) quelles appartiennent le Kenia et le Kilimandjaro. Ces informations, concernant un grand lac Equa- torial, tlevaient acquerir encore plus de force du der- nier rapport que M. Erhardt, qui partageait avec M. Rebmann les fatigues de la mission de Rabbai- M'pia, a fait parvenir a Londres (1). Les environs de Mombaz oil etait le siege principal de la mission n'offrant point de deboucbe pour le com- merce avec l'inlerieur du pays, les missionnaires ne pouvaient etre en rapport avec les marcbands, qui, de rinterieur, viennent a la cote pour faire leurs ecbanges. M. Erbardl, voulant d'ailleurs apprendre la langue kikamba que parlent les Ouakamba, se rendit au petit port de Tanga, situe au sud de Mombaz vers le 5e degrE de latitude meridionale. Pendant les six mois de son sejour, il eull'occasion de voir beaucoup devoyageurs, car cette ville est le point de reunion des grandes cara- vanes qui se rendent au pays des Wakuafi et des Masai, et il constata que le commerce de la cote avec l'inle- rieur de l'Afrique se fait par trois routes principales qui out leur point de depart: 1° a Tanga et quelque- fois a Pangani, un peu au sud de Tanga ; 2° a Baga- m6yo, vers le 6° 15' de latitude; 3° a Quiloa vers le 98 degre de latitude; et qu'en partant d'un quelconque de ces points, dont la distance extreme est de pres de h degres, environ 100 lieues geograpbiques, on arrive, en se dirigeant toujours vers l'ouest, a un grand lac dont les habitants ne connaissent ni la fin, ni l'etendue. (i) Voyez ce rapport avec la carte esquisse de M. Erhardt, dans le cahier ier de i85G des Miltheilumjen d'Aug. Petennann, a la page 19. — Voy. e'galement le me'moire de M. Rebmann, dans le Church missionary Intelligencer de fevrier 1 856, t. VII. ( 238 ) Cleux (jiii partent de Tanga (1) pour le pays des Masai di.scnt que le dernier lieu habits par ceux-ci est Burgenei, dans nne conlree aiide donl le sol pierreux est inele de soube el sillonne par des sources d'eau chaude. lis ajoutent : qu'une raravane d'environ vingt homines s'etant dirigee de Burgenei vers l'ouest pour reeueillir de l'ivoire, arriva, apr6s huit journees de fatigues, a un grand lac au Lord duquel habitent des Waniamdsi, el qui s'dtend vers le noi d, le sud et l'ouest, au dela des points qu'ils peuvent voir. lis n'y decouvrirent pas d'lles; les vagues monlaient tres haut; l'eau etait douce et le poisson abondait; la distance de ce grand lac a la cote de Tanga et de Pan- gani est d'environ deux mois et demi a trois inois de marclie (de six a huit hemes par jour). Les voyageurs partis de Bagam6yo ("2) ou de M'boa- ifaa'ji, sur la cote orientale , atleignent, apres trois ou quatre mois fle marche, la ville d'Ujiji (Udchidchi ) , situee sur les bords du grand lac dans le pays d'Ounia- mesi. Cette ville est habil£e, en partie par des Arabes, en parlie pardes Wahas; les premiers possedent beau- coup d'esclaves et ont inlroduit dans le pays la cul- ture du riz. Au nord de la ville, a seize journees de marehe, et sur les bords de ce lac habitent les Wa- duisis; ce peuple parait appartenir a une belle race negre, d'une peau fortemenl coloree. A 1'est de ceux- ci sc rencontrent les Walasowis, dans le pays des- quels une grande masse d'eau sort de terre a hauteur (i) Mittheilungen de 1 856; n° I. — Church missionary Intelli- gencer tie fevrier 1 856. (2) Mittheilungen, d'Aug. Petermann, i856; n° I. — Rapport de M. Erhardt, et Church missionary de fevrier 1 856. ( 239 ) d'homme, forme un petit lac, et se dirige de la comme un fleuve imposanl, vers cette raer inlerieure. A Udjiji, on passe le lac a la voile ou a la rame; dans le premier cas, on emploie environ neuf jours, dans l'aulre, environ trente jours, pour alteindre dans une direction occidentale le pays des Wabogas oil Ton re- cueille du minerai de cuivre, que Ton traite a Udjiji meme. Ce grand lac recoit des habitants le nom de Ukereve; l'eau en est douce, mais paralt forteinent agitee, car les vagues montent Ires haut; le poisson y abonde. La route de Quiloa qui se dirige vers la parlie la plus meridionale du lac est la pluscourte et par consequent la plus frequentee, la mieux connue. Les Arabes et les Souahelis qui se rendent dans I'interieur pour la traite des esclaves, la suivent d'ordinaire. Le voyage de Qui- loa jusqu'aux bords du lac se fait en trente jours. Ces marchands onl, comme ceux du Soudan, des femmes, des enfanls, toute une famille enfin, dans chacunedes contrees de depart et d'arrivee (1). En treize jours de marche,en partantde Quiloa, on atteint les bords du Rufuma, grande riviere large et profonde qui descend des monlagnes du Wahiao. On la passe sur un pont de roseaux, mais il faut acquitler un peage de perles de verre. Un peu avant d'alteindre le Rufuma, la route se bifurque, et ses deux branches conduisent cbacune a un gue du lac N'yassa, I'un situe a l'ouest, l'aulre au sud-ouest du point de bifur- cation. (i) Mittheilungen de A. Peteimann; n° l. 1 856. — Kappoitile M. Erhardt. — Voir aussi la letire de M. Relmiann dans le Church missionary de fevrier 1 856. ( 240 ) Des niontagnes du Wahiao, quand Fair est pur, on distingue les collines du pays des Waniasas ou Wa- nianja, situt'es de l'aulre cole du lac. Le gue de l'Ouesl prend le nom de G'nombo sur la cote orien- talo el de Zenga sur la cole occidentale du lac; en ce point, sa largeur est telle que Ton pent apercevoir les habitants de la rive opposee, mais sans pouvoir toule- fois s'en faire enlendre. Ce passage est regarde comrae si dangereux, qu'il n'est entrepris qu'avec un calrne parfait, et pour cetle raison, on n'emploie pas de voile, mais seulement la rame ; la traversee dure, suivant 1'estime africaine, depuis le premier chant du coq jusqu'a ce que les poules re\iennent au perchoir. Un pere et son fils, ni deux freres, ne voudraient passer ensemble dans la memc barque, afin d'eviter la mort probable tie loule line famille. Afin de s'assurer que les eaux sont reellement calmes, on y jelte a trois reprises diffe>cntes, une petite fleur; si chaque fois, la fleur lombe droit au fond, le passage peut etre entre- pris le lendemain. Celte e'preuve s'appelle Kademba- Niandscha, l'examen du N'yassa. Lorsque les negres sont revenus heureusement de leur dernier passage, on cedehre une fete de rejouissance nomm^e Kirosi. Celui qui n'a jamais tente la traversee recoit le surnom de Kiwerenga-ftlasira, Compteur d'eru/s, e'est-a-dire homme qui se renferme chez lui (1). Le gue" du sud-ouest prend sur la rive orientale du lac, le nom de M'jenga, et sur la rive occidentale, ceux de Zangui et de Zandengue. En cet endroit, on peut heder les bateliers d'un bord a 1'autrc, e'est ce que (i) Church missionary Intelligencer de fevrier i856. — Lettre de M. Rebmann. ( 241 ) rappelle d'ailleurs le mot Zandengue , qui signifie « viens me prendre, » Les peoples de la rive occidentale sont les Wanianja dont le nom change en celui de Waniasas, designe alors toutes les tribus qui font passer le lac dans leurs barques (1). Ce lac, dans la partie situee au sud de G'nombo, porte le nom de N'janja- N' dogo , ou petit N'yassi ; mais vers le nord, ou personne ne s'aventure de peur de perdre de vue ses rives, il se nomine N'janj'a- M'Kouba, ou le grand N'yassi. On sait qu'il s'etend au loin dans l'interieur, mais personne ne peut dire ses limites ; ce que nous devons, aux informations de M. Erhardt, c'est que les Wania- sas en suivent les bords pendant plus de quarante journees de marche, du pays des Wamueras, au sud, a celui des Wakamanga, ou Wadumbunga a l'ouest, sans en trouver la fin ; en ce point, il est tres large, et d'une rive on ne peut apercevoir l'autre. Le grand lac sur sa rive orientale et principalement au nord est tres peuple « comme une fourmiliere, » dit un voyageur (2); les tribus riveraines sont : les Wase- rida, les Wadusi, les Wasonge, les Waha, les Wavinsa, les Wailala, les Wapongo et les Wafipa; vers le sud ou il tourne a Test, il y a aussi de nombreuses tribus, comme celles des Wagwido, des Wahihao et des Wa- (i) On arrive egalement aux deux passages du N'yassa, Q'nombo et Mjenga en partant de Kisanga, port situe vers le 1 2° 8' de latitude. Pour gagner le premier passage on prend alors une direction ouest- nord-ouest, tandis que pour gagner le second il suffit de se diriger franchement vers l'ouest. (a) Voir le rapport de M. Erliardt dans les Mittheilunaen de M. Petermann. ( 2A2 ) makua. etc. La rive occidentale est au nord peu peu- plee; nous n'avons a citor au point ou le lac a sa plus grande largeur (d'apres l'esquisse de M. Erliardt), que les Warua, les Waboga et les Warembe, ces derniers sontdesignes conime anthropopbages. Mais plus au sud, la ou le lac se retiecit, et est connu plus particuliere- ment sous le notn de lac i\ [yas.sa ou N'yassi, on re- trDuve les populeuses tribus des Waniasas ou peuple de N'yassa qui prennent le nom de Wakamdunda, montagnards, Wakumbodo habitants des basses terres, ou du nord, suivant qu'ils resident dans l'interieur du pays ou sur h-s cotes (1). Parmi les tribus des Wania- sas, nous devons nommer les Wamaravi; leur pays est appele Maravi, ils habitent la plaine a une demi-jour- nee a l'ouest des bords du lac, auquel on a, pendant longtemps, donne leur nom. Tels sont les principaux points du rapport de M. Erbardt en date du mois de Janvier dernier. II en resulte que les marcbands de la cote orienlalc de l'Afrique lui ont represente le lac d'Ouniamesi ou plutot Lkereve comme une extension du lac N'yassa ou N'yassi; que l'Ukerevc baignerait au nord le pied des montagnes situees sous l'equateur, et d'ou descen- dent dans le lac de grandes chutes d'eau. Du vcrsant septentrional de ces montagnes dont le massif du Ke- nia au pays d'Oukambani semble etre le prolonge- ment, viendrait sans doute une des branches du fleuve Blanc, tandis que leurversant meridional envcrrait ses eaux : en partie a l'ocean Atlantique, par le Zaire ou Congo; en partie a l'ocean Indien, par le Job et la (i) Rapport de M. Erhardi dans les Millheilunijen, n° I de i856. ( 243 ) Dana ou Ozi, et formerait, en tombantdans lelac, les grandes cascades dont nous venons de parler. M. Erhardt n'etait pas dispose a ajouter plus de foi qu'il ne le fallait aux informations de ces indigenes, mais ce qui le frappait cependant, c'etait cet accord unanime : qu'en parlant d'un point quelconque de la cote orientale, sur une etendue d'au moins quatre de- gres, environ centlieues, et en se dirigeant versl'ouest, on arrivait, forcement, a un grand lac dont les rive- rains ne connaissaient pas la fin, ni vers le nord, ni vers le sud. Au mois d'octobre 1854, il se trouvait a Risuludini pres de Mombaz, avec M. Rebmann (1), et comparait les differents rapports qu'il avait recueillis, lorsqu'un negre, qui, depuis plus d'une annee, etait au service de M. Rebmann, vint apporter une nouvelle cbance d'exactitude aux informations de M. Erbardt. II etait du pays de Kumpande, a 1'ouestdu lac N'yassa, et il affirmait que de ce pays, en marcbant le tiers d'une journee vers Test, on atteignait le N'janja ou N'yassi, et qu'on le retrouvait encore en marchant trois jour- nees vers le nord; il confirmait d'ailleurs la plupart des renseignemenls recueillis par M. Erhardt. Ce der- nier construisait alors l'esquisse de sa carte ; ces ren- seignemenls qui corroboraient ce qu'il avait appris a Tanga, le deciderent alors a admeltre la reunion du N'janja avec l'Ukereve ou grand lac d'Ouniamesi. Enfin le reverend Sir W. Koelle, auteur de la Poly- glotta africana , cite dans ce savant ouvrage (2) plu- (i) Voir la lettre de M. Rebmann dans le Church missionary de fevrier 1 856. (2) Voir les pages 1 1, 12, i3, 20 de la Polyglotta africana; et le Church missionary de fevrier i856. ( m ) sieurs temoignages de negres vcnus de l'interieur a la cote occidentale accusant l'cxistence bien loin dans Test d'un grand amas d'eau qui porterait dans leur pays le nom de Reba ou de Liba. II n'est done pas douteux qu'au sud de 1'equateur, comme le supposait Plolemec, il existe un ou plu- sieurs grands lacs. Maintcnant devons-nous enliere- njent accepter la caile conjecturale de M. Erhardt, et en ce qui concerne la reunion du lac N'yassa avee l'LJkereve et relalivemcnt a l'immense etendue de ce dernier ? Nous ne le croyons pas, il faut encore agir en cela avec la plus grande reserve, et allendrc qu'un Europecn ait vu par lui-meme ces grands amas d'eau, qui, peut-etre, ties voisins les uns des aulres, ne se joignent qu'accidentellement et seulement a l'epoque des grandes pluies intertropicales; on expliquerait alors la formation de ces gues si frequenles, par une route momentanement inondee passant entre les lacs ainsi que nous savons que cela a lieu entre les Sebkhas de notre Algerie. Quant a l'etendue du lac, on pourrait meme dire de la mer d'Lkereve, si elle approchait seulement des proportions que lui donne M. Erhardt dans son esquisse, elle serait, en prenant revaluation la plus moderee, d'environ 1200 lieues geographiques car- rees, car il l'etend du 27" degre au 22e de longitude orientale, et de 1'equateur au 10° degre de latitude meridionale. Mais ce qui demeure acquis, et ce que nous consta- lerons ici pour terminer, e'est qu'il existe au sud de 1'equateur entre la ligne equinoxiale et le 15" paral- lel, et du 20e au 35e de longitude orientale un large ( 245 ) bassin, dans lequel on rencontre des lacs, dont 1'un a une tres grande etendue, que ses eaux sont douces, nourrissent beaucoup de poissons, el s'elevent parfois en vagues tutnultueuses. Ce bassin equatorial est ana- logue aux bassins du lac Tcbad au nord, du lac N'gami au sud du continent ; il est entoure de montagnes vers le midi, 1'ouest et le nord ; a Test, il determine une vaste plaine dans laquelle s'elevent clans la direction sud-nord des massifs montagneux completement isoles paraissant rejoindre la grande cbaine qui au nord limite le bassin. Ces massifs montagneux qui coupent ainsi la grande plaine parallelement a la cote orientale sont ceux de l'Ousambara, du Pare, du Kisongo, de l'Ugono, du Kadiare, du N'dara, du Bura, du Jagga auquel apparlient le Kilimandjaro, du Kenia et du Kukuyu. D'apres les observations personnelles de M. Rebmann, ils ne forment pas une cbaine continue, mais ils laissent entre eux des espaces libres qui per- meltent au voyageur de les depasser sans les gravir : entre cette ligne de montagnes et la cote de la mer des Indes, la grande plaine se releve pour former un bourrelet qui, vu de la cote, presenle l'aspect d'une cbaine de montagnes ; telle est a l'orient la limite de ce grand bassin equatorial. L'ensemble de nos connaissances sur l'Afrique s'aug- mente done de jour en jour, ainsi qu'on le peut voir, par ce qui precede, de fails nouveaux ou d'informa- tions qui, se corroborant les unes les autres, acquie- rent souvent le caraclere de la certitude. Noussommes redevables de ces derniers au zele infatigable des mis- sionnaires de Londres. Ils ont trace aux explorateurs europeens futurs une nouvelle route vers l'interieur de ( 2*6 ) l'Afrique. Le voyageur aventureux qui , le premier, penetrera dans les montagnes que MM. Krapl'l, Reb- mann el Erbardt, n'ont Tail qu'entrevoir vers I'equa- teur ; l'bomme qui fixera la vraie position des sommets neigeux du Kenia et du Kilimaudjaro, et qui parvien- dra a reconnailre Jes cours d'eau qui en descendent vers l'un ou l'aulre des oceans, aura cortainement droit a la reconnaissance de ceuxqui portent un grand inte- ret a l'avancement des sciences geograpbiques. La gloire de pareilles decouvertcs tendant a resoudre un probleme qui, depuis Ptolemee, a ele l'objet de tant de savantes preoccupations, rejaillirait certainement sur le gouvernemenl qui aurait ordonne ou organise une telle entreprise. Est-il hesoin d'ajouter que nous serious heureux etfier de voir la France prendre aussi sa part de ces glorieuses et pacifiques conquetes dues au genie inlatigable et perseverant de nos voisins d'Outre-Manche ? V. A. Malte-Brun. L'INTERIEUR DE LA GUYANE FRANCAISE. Les premieres expeditions espagnoles qui remonte- rent l'Orenoque rencontrerent a 160 lieues dc lamer, des Indiens appeles Guayanas etablis au suddu fleuve, et dont ils emprunterent le noin pour l'imposer a toute la region comprise entre les touches de l'Ore- noque et celles du Maranon. Jusqu'a la fin du xvr* sie • cle, on employait concurrennnent le nom de Guyana et celui de Caribana ; ce dernier en souvenir des Ca- ( 247 ) raibes, signals par les rapports du temps comme un peupleredoutable, anlbropophage meme.LesGuayanas ont disparu, mais leur souvenir est reste attache a une contree qualre fois aussi vasle que la France, qui n'en possede d'ailleurs qu'une tres faible portion. Le premier voyage serieux qui nous ait faitconnaitre la Guyane est celui d'un Anglais, Laurent Key mis, marin bardi et bon observateur, qui longea toute la cote entre l'Araouari et le Maroni, et entra meme assez avant dans l'Oyapock. Nous lui devons une liste fori curieuse des tribus indiennes qui occupaient le pays a cette epoque (1596). Le voyage romanesque de Ra- leigb, qui avail precede Keymis de plusieurs annees.ne rentre dans noire cadre, cjue parce qu'il atteste la pre- sence des Francais dans linlerieur de la Guyane, an- terieurement aux autres explorateurs. Raleigb dit ex- pressementque les Francais yena'ient frequent merit dans cepays a la recherche des terres interieures ou se trouve l'or, mais qu'ils ne prenaient pas la route la plus di- recte, chercbant a y penetrer par le Maranon. Raleigb avait raison au point de vue de son temps, ou Ton crovait a l'Eldorado et au lac merveilleux de Parime, dans le nord-ouest de la Guyane. Mais la d6- couverte recente d'un gite aurilere dans le baut de l'Aprouague donne lieu de penser que les Francais du xvie siecle n'elaient pas mal inspires en chercbant a aborder les pays de l'or par les grands affluents de gauche des Amazones. Malbeureusement ces premiers voyageurs etaient des coweurs des bois plus que des decouvreurs propre- ment dits : aussi, m6me sous le regne de Louis XIII, nous n'avions sur la Guyane int^rieure que des fa- ( 248 ) Lies ridicules, comme cclles de tribus d'Indiens ac6- phales, ayant le visage au milieu de la poitrine, qui illuslraient encore les cartes de Hondius et aulres. Cependant, des 1601, le fameux Jean .Moquct avait visite les tribus deja vues par Keyrais : en 1624, une expedition avait reconnu toute la cole et notainment l'ile de Cajanabo ou Cayenne, dont les belles collines boise"es cbarmerent la vue de nos navigateurs, en se detacbant vivement au milieu d'un pays bas et noyti. Des etablissements avaient ete tenths dans cette ile et sur les bords du Maroni, et des compagnies s'organi- saient a Paris et a Rouen, sous l'impulsion de Ricbe- lieu, pour une colonisation active. L'bistoire de ces essais n'appartient pas assezanotre sujet pour que nous puissions nousy arreter : disons seulement qu'en depit de fautes innombrables, la co- lonisation marcba vigoureusement sous les regnes de Louis XIII et de Louis XIV, et ne fut pas retardee par les guerres maritimes qui remplirent ce siecle. Nous avons sous les yeux quelqucs pieces du temps qui donnent en partie le secret de cette fievre d'emi- gralion a laquelle nous devons nos plus belles colo- nies : les vers suivants, par exemple, imprime's au bas d'une jolie carte -prospectus, lancee probablement par une compagnie privilegie'e. lis prouvent que la science du prospectus n'est pas aussi nouvelle qu'on l'a quelquefois pense" : Dans ces heureux pais depuis peu recogneus Ou Pair calme et serein lit toujours sur la terre, Les homines vont sans honte et les femmes tous nuds, Libres des passions qui nous firenl la guerre. ( 249 ) La de lailles, d'imp&ts, de proces et d'exploits, D'avides procureurs toute crainte est bannie, Et suivant seulement les nahneiles loix Un cliacun vit content et selon son genie. Les vers sont plats, mais ils sont fori clairs, et sans doute le n ombre des gens qui avaient a se plainclre des impots, des exploits et des procureurs etaitfort grand en France, car dans les dernieres annees du xvne siecle, les elablissemenls francaisde Cayenne, de l'Oyac, de la Comte et des rivieres voisines elaient deja presque aussi importants qu'aujourd'bui. En re- vanche l'interieur continuait a rester ferme, et on ne le connaissait que par les relations des indigenes qui venaient aux missions ou aux etablissements. On savait vaguement que la source du Maroni etait a Irenle ou quarante journees de la mer etque les Acoquas elaient la tribu la plus puissante des hautes terres. En \Qlh, deux missionnaires, les PP. Grillet et Bechamel, partirent de Cayenne et remonterent l'Oyac pour aller evangeliser cetle grande tribu. Ce voyage offrait des dangers, car plusieurs tribus qu'il s'agissait de convertir passaient pour anthropophages. Des na- turels interroges par le P. Bechamel, lui avouerent « qu'en ce moment les Acoquas achevaient de faire bouillir dans leur marmile une nation qu'ils venaient de delruire » : mais d'autres Indiens en racontaient autant des Nouragues, qui n'en elaient pas moins a demi civilises. Quoi qu'il en soit, lapetile expedition quilla l'Oyac, a la crique Nourague, s'enfonga resolument dans les mornes et les forets, en tirant d'abord au sud, puis an S.-S.-O. , passa 1'Aralaye, et recut une llbspitalite XI. wril. 3. 17 ( 250 ) assez cordiale chez les Nouragues, ou il fallul rester tin mois en attendant la confection d'un canol qui devait servir a lemonter l'Aprouague. Le P. Bechamel employa ce temps a apprenclre le nourague. langue dilleienle du galibi qn'il savait deja, et Ires gulturale. Le 10 avril, nos Francais so rembanpierent, passe- rent .successivement trots sauts, dont le dernier sous le 2°A6'N., et enlrerent dans la riviere Tenaporibo, profondo, rapide, tortueuse et resserree par de grands arbres qui embarrassaient beaucoup la navigation, en inelanl Jeurs branches au-dessus carte du detroit Devarenne en Nouvelle-Caledonie; n° 1472? carte de l'ile Kounie ou des Pins (Nouvellc-Caledonie) ; n° 1 4"3, plan du port du sud ou ( 277 ) baie de l'Assomption a I'ile Kounie ou des Pins (Nouvelle-Caledonie); n° 1 474i plan des ports deKanala et deKoualioua sur la cote nord-est de la Nouvelle-Caledonie; n° i/{"j5, port de San-Francisco, — entree du port de San-Francisco, — plan de la baie Bodega, — plan de la baie de Monterey ; n° 147G, carte des golfes de Volo et de Zitouni, comprenant les lies Skopelo et Skyros et la partie nord de Negre- pont ; n° 1 477i carte du golfe de Saros comprenant l'entree des Dardanelles, les iles Imbros, Samothraki, etc.; n° 1478, carte des iles de Rhodes, Kos. etc., et des golfes de Kos, Doris, Symi et Marmarice; n° 1 479^ carte des temperatures et des courants ob- serves entre les Shetland et Ie Groenland; n° 1480, croquis des mouillnges du Spath et de Svartas Kioer (Islande); 11° 1481, plan de 1'embouchure de la Seine (environs du Havre); n" 1482, carte des golfes de Salonique, de Cassandre et de Monte-Santo; n° 1 4^3, carte de la cote de Karamanie, comprenant Ie golfe d'Adalie; n° 1484, carte de la cote de Karamanie depuis l'ile de Rhodes jusqu'au cap Khelidonia ; n" 1 4^5, plan des mouillages de Tabar- que; n° i486, plan du port de Tipaza et de la baie duSchenouah; n° 1487, mer Mediterranee, cote de Syrie, — mouillage de Rouad; n" 1 488, ocean Atlantique, — mer des Antilles, — l'Anguille, Saint- Martin et Saint-Rarthe'lemy(Petites-Antilles); n° 1489, ocean Atlan- tique, — mer des Antilles, — Roucbes du Dragon (ile de la Tri- nite) ; n° 1490, carte de l'entree des Dardanelles comprenant Ie golfe d'Adramyti, les iles de Mitylene, de Te'nedos, de Lemnos et Strati; n° 1 49 ' •> plan de l'entree du Hyal-Fiord (Islande); n° 1 492, plan des havres de Vieux-Ferolle et Brig-Baie (cote nord-ouest de Ten-e-Neuve) ; n" 1 493, carte des iles Naxos, Paros, Milo, San- torin, etc.; n° 1 494^ carte de Tile de Ne'grepont et des canaux d'Egripo, de Talante et d'Ore'os; n° 1 495, carte des golfes de Scala- Nova et Mandelyah comprenant les iles a Test de Naxos; 11° 1496, carte de la cote nord-ouest de Borne'o ; n" 1 497, plan du port de La Calle et de ses atterrages (c6te d'Algerie) ; n" 1 4g8, routier compteur des courants de Marees dans la Manche, la mer d'Alle- magne et leurs principaux affluents, — carte routiere de la Manche el de la mer d'Allemagne, — regime des courants de marees et compteurs des routes dans la Manche et la mer d'Allemagne; n° 1 499> ocean Atlantique, — mer des Antilles, — port de Mala (ile de Cuba); n° i5oo, ocean Atlantique, — mer des Antilles, — ( 278 ) port de Cabanas (lie de Cuba); n° l5oi, ocean Atlantique, — mer des Antilles, — port de Baracoa (ile de Cuba); n" 1 5o2 , ocean Atlantique, — mer des Antilles, — port de Mariel (ile de Cuba); n° i5o3, ocean Atlantique, — mer des Antilles, — port de Bahia- Honda (ile de Cuba); n" i5o4, oce'an Atlantique, — golfe du M.\i- que, — port de Saint- Louis (cote des Etats-Unis); n° i5o5, ocean Atlantique, — mer des Antilles, — baie de Toco (ile de la Trinite), — baie de Chaguaramas (ile de la Trinite); n° i5o6, ocean Atlan- tique,— cotes d'Afrique, — Dar-elBeida ou Casa-Blanca; n" l5o7, ocean Atlantique, — cotes d'Afrique, Mazaghan ; n° i5o8, ocean Atlantique, — cotes d'Afrique, — Safi; n" i 5og, ocean Atlantique, cotes d'Afrique, — Agadir ou Santa-Cruz; n° i5io, ocean Atlan- tique, — cdtes d'Afrique, — Babat et Sale; n° i5i I, ocean Atlan- tique, — cotes d'Afrique, — Mogador; n° l5l2, oce'an Atlantique, — mer des Antilles, — boucbes du Serpent (ile de la Trinite), — baie de Salibia et du Manzanillo (ile de la Trinite); n° i5i3, carte du Sund — port d'Elseneur (Helsingbr), — Copeuliague ; n° i5i4, carte du Kattegat ; n° i5l5, ocean Atlantique, — mer des Antilles, — ile Utila (golfe de Honduras); n" i5i6, mer des Indes, — ile Madagascar, — Tamatave; n° 1 5 1 7 , oce'an Atlantique, — cote d'Amerique, — port de Charleston (Etats-Unis); n° i5i8, ocean Atlantique, — cote d'Amerique, — riviere de Savannah (Etats-Unis /, n° 1 5 19, oce'an Atlantique, - cote d'Amerique, — port du cap Cod (Etats-Unis); n° i5ao, ocean Atlantique, — mer des Antilles, — port de Honduras anglais (cote du Honduras anglais); n° 1 5a 1 , oce'an atlantique, — cote de Portugal, — Setuval; n° l522, la theme; n° i5j3, croquis du mouillage de Lampsaki ( detroit des Dardanelles); n" 1 524, plan de l'ile de Bachgoun et de I embou- chure dela Tafna ^ote d'Algerie); n° i5'j5, carte de l'embouchure de la Loire; n° i526, plan de la cole de Crimee comprise entre Je cap Chersonese et 1'entiee du port de Sevastopol (baiesde Kasatch, Kamiech et Slrelet/.ka); 11° 1 627, carte des coles de France, partie comprise entre le cap Gris-Nez et la frontiere de Belgique; n" i528; carte des golfes deBouphani et de Monte-Santo ; n* i52g, carte particuliere des cotes de France, embouchure de la Seine ; n° l53o, carte de l'archipel et des de'troits compris entre Singa- pour et Banca; n° 1 53 1, carte de Uyre-Fiord (coteN.-O. d'lslandej; n° 1 532, plan des mouillages de Uyre-Fiord (cote IS.-O.d'Islande). ( 279 ) OUTRAGES GENERAUX ET MELANGES. Titres des ouvrages. Donateun. Annuaire des mare'es des cotes de France pour l'annee 1 856, par A.-M.-R. Chazalon, publie au Depot de la marine. Paris, 1 855. i vol. in-32. Depot de la marine. Expose du regime des courants observes depuis le xvie siecle jusqu a nos jours dans la Manche et la mer d'Allemagne, et de leur sup- putation dans la navigation generale a 1 aide du routier compteur, par F.-A.-E. Keller, inge'nieur hydrographe de la marine. Paris, 1 855. i vol. in-8°. Id. Observations chronometriques faites pendant la campagne de cir- cumnavigation de la corvette la Capricieuse, commandee par M. Roquemaurel, capitaine de vaisseau, par E. Mouchez, lieute- nant de vaisseau. Paris, ] 855 . I vol. in-8°. Id. Projet d'experiences ayant pour objet de determiner la longueur des regies d'un appareil a mesurer les bases geodesiques. Paris, 1 856. Rroch. in-8°. Notice sur le Thuya de Barbaric (Callitris qiiaclrivalvis) et sur quel- ques autres arbres de 1'Afiique borealc, par L. Leon de Rosny. Accompagnee de 2 planches. Paris, I 856. Broch. in-8°. L. de Rosny. A Paper by commodore M. C. Perry, V. S. N., read before the ame- rican geographical and statistical Society. New-York, 1 856. Rroch. in-8°. M. C. Perry. Le docteur Francia, dictateur du Paraguay, par M. Alfred Demersay (Extrait de la Biogmphie universelle Michaudj. Paris, 1 856. Broch. in-8". M. A. Demersay. Portrait de John Franklin. M. De la Roquette, La muse de la geographie, figure grave'e d'apres la description faite par M. Cortambert dans le parallele de la geographie et de 1'his- toire, lue dans la seance generale du 7 avril 1 854- M. Cortambert. MEMOIRES DES SOCIETES SAVANTES ET REGUEILS PERIODIQUES. Annales du commeree exterieur. Fevrier. — Annates hydrographi- ques, Recueil d'avis, instructions, documents et memoires relatifs ( 280 ) Titles des ouvratjes. Donaleurs. a ihydrographie et a la navigation, publie par le Depot general de la marine. Janvier a join 1 854 - — Zeitsclirift fur allgemeine Erdkunde. N°* 3i et 32. — Biblioibeque universelle de Geneve el Archives des sciences physiques et naturelles. Fevrier 1 856 (don de M. Paul Chaix), — Nouvelles annates des voyages. Mars. — Revue de l'Orient, tie I'Algerie et des colonies. Mars. — Bulletin de la Societe zoologique d'acclimatation. Mars. — Annuaire de la Societe me'teoiologique de France. Mars. — L'Atlienteum francais. N" i4 et i 5. — La science pour tous. N"' 17, 18 et ig. Les Auteuhs et Editkurs. BULLETIN DE LA SOCIETE DE GfiOGRAPHIE. MAI ET JUIN 1856. ilemoires, etc. POPLLATIONS NOIRES DES BASSINS DU SENEGAL ET DU HAUT NIGER. On s'occupc depuis quelque temps de recherche1" dans les auteurs arabes du inoyen age des notions geographiques et liistoriqnes sur J'Afrique centrale, pour reconstiluer l'histoire de ces contrees au cceur desquelies penetrent depuis quelques annees des voya- geurs serieux. Nouscroyons qu'il ne sera pas inutile, pour jeter un peu de luiniere sur hien des points ohscurs ou errones de ces documents arabes, de presenter le tableau ac- tuel d'une partie de ces contrees. Montagues de Kong et cours cVeau qui en descendant. La ligne qui sert aujourd'hui de limile entre la race blanche et la race noire dans l'Afrique occidental passe par le point le plus septentrional du cours du Senegal et par le point le plus septentrional du cours du Niger (Djialiha, Dhioliba) aTombouctou; mais, entre ces deux points, celle ligne s'incline vers le sud coinme le cours nieme de ces rivieres et descend j usque vers XI. MAI ET JUIN. 1. ^ ( 28:' ) 15 degres dc latitude, com me Ic montre la carte ci-jointe. « Vers 11 degres de latitude nord el 11 degres de lon- gitude duest se trouve lc centre d'un systemc de nion- tagnes rayonnantes qu'ou designe en geographie sous le nom de kong (en mandingue koung veut dire tete et koungo, desert), donl tin rameau se prolonge a Test parallelement a la cole du goll'e de Guinee. C'esl de cette chaine de niontagnes que sortent tous les fleuves qui se jettent dans l'ocean Atlantique, sur les sept cents lieues de coles qui s'etendent depuis l'ein! ourhuiv du Senegal, par 16 degres nord, jusqu'a l'emboucbure du Niger, au fond du golfe de Guinee, par h degres nord. L'un de ces cours d'ean, le Niger, presente dans son cours une singularity remarquable ; car., soriantd'abord de ces niontagnes vers le nord, comma le Senegal et tout a fail pres de ce dernier, d laisse celui-ci tourner a 1'ouest vers la mer pour tourner au contraire a lest vers l'interieur du continent, pousser une poinle vers le nord, jusqu'a 18 degres latitude nord, a Tombouc- tou, puis redcM i inire au sud dans le goll'e de Biafra. Ce fleuve a un cours d'au moins 900 lieues. II prend sa source vers 11 degres latitude nord et 13 degres longitude ouesl ; son principal affluent, la Tcbadda, prend la sienne vers 6 degres de latitude nord et 17 de- gres de longitude est : de sorte qu*' les sources de ces deux fleuves qui se reunissent pour former le Kouaraou bas Niger son t a pen pres a 1000 lieues I'une de l'autre. Pn^que tous les coins ci'eau qui descendant de ce systems de niontagnes roulent de l'or. Ce metal n'a cependont el<> Ju9qu'a present explode que dans les ( 283 ) sables de la cote on dans les valines, et par les indi- genes settlement. Les depots inlerieurs, qui doiventetre vers le Fouta- Dialon, sont encore inconnus. Us doivent elre lies abondants. liace negre, — Famille Malinka-Soniiike. Malinka. — Sur les versanls seplenlrionaux de ces montagnes se trouve le bereeau d'une race noire tres nombreuse, et remarquable par ses facultes et par les puissants Elals qu'elle a eonstilues. Nous appellerons cette race mandingue, paree que ce mot est consacre par l'usage ; cette race peuple enlierement les Etats de Segou et du Raarla, ou elle s'appelle Bambara. Sous le meme nom, elle people en partie le Bakhou- nou, le Beledougou, le Ouassouiou ; sous le nom de Malinko, elle peuple leBambouk, le Mandin, quebjues Etais voisins du Ouassouiou el, sous lesnoms de Ma- linke etdeSoce, certains Etats du cours de la Gambie, le Ouli, le'Kantora, etc. Ces divers Etats semblent etre les fragments separes d'un ancien empire dont il est question cbez les geo- grapbes arabes sous le nom d'empire de Mali. En Bambara, en Mandingue et en Sarakhoule, il taut ajouter an nom des pays les syllabes nka, nko, nkc, pour avoir le nom de ses habitants, Ainsi un bomme du pays de Mali s'appelle Malinka en Bambara. Ma- linko dans le Bambouk et Malinke en Sarrakhoule. Le mot Mandin est le nom d'un petit Elat habile par des Malinko enlre le Bambouk et le Ouassouiou 5 le mot Mandingue, pour design t ies Malinka, Malinko, Ma- linke, a ele adople par les e.eographes. Quant a cet ( 284 ) aneien empire de Mali, Ibn-Batlouta (milieu du xt\° siecle) dit qu'il s'etendait de Tombouclou aux frontieres du Bergou el comprenait lout le gi and angle forme par le Niger. Ibn-Khaldouo (milieu du xiv" siecle) cite l'Atakarta (Kaarta) comme elani un pays do l'empire de. Mali. Le sultan Bcllo dit que l'empire de Mali comprenait la province de Banabara. Ces deux noms sont encore aujourd'hui ceux des deux plus puissants Ltals babites par la race mandingue. Revenons a L'epoque actuelle. Tous ces peuples forment done la famille man- dingue. Ceux qui prennonl le nom de Bambara sont les plus puissants de tous, se croient superieurs aux autres, et leur langue doit etre prise pour type; ceux qui s'appellent Malinko ou Soce parlent des dialectes de cette langue. Le pays babite par cette race occupe environ 4 de- grcs du nord au sud, de 11 a 15, el 10 ou 12 degres de l'estal'ouesl, de 7 a 18; Ce qui fait de 20 a 30 000 lieues carrees, donl quel- ques parties sont ties peuplees. Cela contredit, tout d'abord, ies assertions des ecri- vains qui, pour arriver a conclure que les negres ne sont pas des homines, out avance que, sur quelques lieues de distance, on entendait une foule delangues n'ayanl aucun rapport enlre elles dans les contrees habitees par la race noire. Les Mandingues sont cultivateurs, industrieux, com- mercanls et guerriers ; leur langue est dure, saccadee ; elle se caracleiise, parmi les langues voisines, par le manque d'articles, par une terminaison qui indique lo ( 285 ) pluriel dans les notns sans changement clans le radi- cal, parte que les mots sont polysyllabes et se ter- minenl toujours par une voyelle. Soninke. — Une race analogue a la precedente, et qui doil luietre reunie dans une meuie grande famille, est la race Soninke, que l'usage a designee par le nom deSaraklioule, quo leur donnent les noirs de la cote. D'apres la regie citee plus haut, le mot Soni-nke veut dire un liouime du pays de Soni; tnais, de nos jours, aucun pays ni aueun Etal ne porte le nom de Soni : c'esit une denomination perdue comine celle de Mali. Le centre du pays babite aujourd'hui par la race Soninke est environ par 15 degres nord et 13 degres ouest. II comprend les Etals de Guoy et Kamera, t'or- mant ensemble le Gadiaga, le Diafonna, le Kingui (pays des Djiavaras), le Gangara (pays des Guidi- niakha), tous pelits Etats, divises et a la merci des Etals voisins plus puissants; de plus, il y a des villages so- ninke le long du Djialiba et dans presque tous les Etals de la Senegambie. Ce peuple est beaucoup moins nombreux el puis- sant que lesMandingues. II est, commc eux, cultivateur, industrieux et commercant; mais il est peut-elre en general un peu moins guerrier. Sa langue, avec des mots differents, a le meme genie et presque lesinemes regies que les idiomes bambara; ello est un peu moins dure. En somme, on peut les reunir en une famille ma- linka-soninke ; et alors tout le versant nord et nord- ouesl du systeme des monlagnes de Kong aurait ap- partenu a cette grande famille negre. De nos jours, une parlie de cette famille resisle encore a l'invasion ( 286 ) do I islamisme, et e'en est la partie la plus noble, les Bambara. Famille Serer-Ouolof. Si nous quittons les chalnes et ramifications de ce sysleme de montagnes et les plaices du liaut Niger et du haul Senegal pour descendre dans les immenses plaines d'alluvions enfermees entre le has Senegal, la Gamine et laFaleme, nous trouvons une autre famille negre aborigene ay ant a pen pies les memes carac- teres physiques que la precedente, mais cependant, generalement, d'un noir plus fonce : e'est la famille Sever-Ouolof. Ses instincts different un pen de ceux des Mandingues; ilssontplus indolents et plus doux; mais le contact prolonge des Europeens et des Maures peut en etre cause. Les Ouolof peuplent le Cayor, le Oualo etle Djiolof. De ces Etals, le Ca\or seul est assez puissant. Les Serer peuph.nt les petits Etals de Baol, Sin, Saloutn , Djeguem , plus ou moins tributaires du Cayor. Les langues serer et ouolof, avec des mots en gene- ra! different, ont absolument le meme genie, les memes principes, la meme grammaire. Ce sonl des langues tres remarquables. Elles se caracterisenl: l°par la perfection de l'article (jui so met apres le nom et modifie sa consonne par eupbonie suivant iaconsonne dominanle du nom, et sa tcrminaison suivant la po- sition de l'objet; 2° par la perfection du verbe qui est plus ricbe en formes que les verbes arabe ou bebreux eux- memes. Dans ces langues, les noms sont in\a- riables; le pluriel n'est indiqueque par l'article. beau- ( 287 ) coup de mots sont monosyllabes et se terminent par ties consonnes. On voit d'apres cela, que ces Jangues sont essen- tiellement difTerentes des langues malinka et soninke. Les Ouolof sont deja en partie envahis par I'isla- misme. Les Serer s'y tnohlrent rebelles. Dans cette iimncn.se etenduc de terrain qui s'etend de 10 a 16 degres latitude nord et de 6 a 19 degres longitude ouest, c'est-a-dire sur 50,000 lieues earrees de pays tres passable menl peuples et avec lesquels nous entretenons des relations plus ou moins direetes, nous ne trouvons pas d'autres families negres indi- genes, que les deux dontnous venons de parler (1). (i) Si nous consultons les geographes arabes du uioyen a(;e, outre I'emprre du Mali qui etait eelui de la race malinka-soninke actuelle, nous trouvons d'autres royaume.s ou empires, dont les voya- (jeurs arabes portent assez liaut le renom et la puissance. Nous croyons qn'on ne doit pas en conclure la dispnrilion de races noires nonibreuses et puissantes dans ces contrees. e degre de longitude ouest, entre aulres le Haoussa, s'est, comme nous I'avons lit, repandue dans les pays qui sonl a I'esl de ce meridiem Son extreme avant-garde serait notre tribu Poul de Liaoudoun qui habile le littoral memo de 1'ocean Allanlique. ('/est la situation acluelle de celte race, dans les conlrees dont nous nous occupons, que nous allons examiner main tenant. Les noms de trihus ou de peuples Poul se lerminent en be. Foulhe v'eut dire un homme de la nation Foul. Bosseiahe, Irlabe... sontdes noms de peuplades Foul. Laobe ostle noin d'une espece de caste, a pari, de cette race, caste qui fabrique exclusivement les uslensiles de menage en hois et habile les t'orels. Nous concltions lout d'ahord que les populations dont le noin est en ke sonl mandingues, ou parlent mandingue, tandis que celles dont le nom est en be sont Poul, ou parlent Poul. La langue Poul est encore plus differ en te des langues uegres que ces races ne le sonl phvsiquement entre elles. Les pluriels y sont ties differcnts du singulier ; ( 201 ) il n'y a pas d'article. La langue poul pure, est plus douce que i'italien, elle n'a pas le kh, qui est Ires fre- quent dans les langues bambara, soninke, ouolof et serer. Voici d'abord les pays oil la race Poul doinine a l'exclusion des races aborigenes. Le Masina an nord-est du Segou. La population est poul et parte poul. Le Khasso. Le fond de la population est poul, niais on no parle qu'un dialecte malinke qu'on appelle khassonke. Le peuple envahisseur a adopte la langue du pays envahi. Le Niani. Les Poul y ont conserve leur langue. Le Fouladougou dependant de. Segou. La popu- lation est poul et parle poul. Le Boncfou et le Fouta, pays habite par une race melangee de Poul et de negre; tnais le tout parlant; un poul un peu corrompu. Le Fouta Dialon, peuple en grande parlie de Poul, parlant poul. II y a aussi des Maliuke en grand nombre. Dans le Ouasoulou et dans les Etats voisins, beau- coup de villages poul sonl entremeles aux villages bambara on malinke. Les deux langues sont egale- ment entreinelees. En outre, dans tous les Etats tie la Senegambie, il v a des tribus tie poul pasteurs, qni n'ont subi aucune influence etrangere ni dans leurs habitudes, ni dans leurs langues. Ainsi les trente Etats environ que nous avons enu- meres et qui sont renfermes dans les limites geogra- phiques donnees plus tiaut, savoir : ( 292 ) Malinkc, 10: Le Segou ; le Kaarta; le Bakhounou ; le Beledou- gou (1); le Ouassoulou ; le Ouli; le Kantora ; le Bam- bouk; le Bar; le Badibou; Poul , 7 : Le Masina; le Khasso; leNiani; leFouladougou(2); le Bondou; le Fouta; le Fouta Dialou ; Soninke , 5 : Le Guoy; leKamera; le Gangara; le Diafouna; lu Kingni ; Ouolof, 3 : Le Cayor; le Oualo; le Djiolol; Sercr, h : Le Baol; le Saloum ; le Djeguem; le Sin, ne contiennent aujourd'luii que trois races distinctes. Race maiinka soninke Race serer-ouolof Race poul, etrangere; parlanl cinq langues bien distinctes, le bambara, le soninke, le ouolof, le sever, le poul. Fouta Toucoulcurs. Fondation du royaume poul cm fouta. — Disons plus specialemeni quelques mots du Fouta pour (aire con- uaitre ce qu'on appclle au Senegal les Toucoulcurs. Avant ^invasion poul, la race ouolol' s'etendait depuis la nier jusqu'a la liniile occidentale du pays occupe par la race mandingue. II serait diflicile de determiner aujourd'hui ou etait (i) Uelu Douyou, en bambara, pays Jc pierres. (2) Foula Dowgou, en bambara, pays des pouls. uborigenes. ( 293 ) cetlc limile, mais on peut supposer avec quelque rai- son qu'elle elait an moins vers le Damga actuel. Vint l'invasion poul sur laquelle on n'a que des legendes plus ou mnins melees de fables ou de niai- series ; le resultat de cette invasion Cut la formation de l'Etat du Fouta. Si nous consultons nos documents hisloriques, nous trouvons dans le pere Labat qu'a la fin du xvne siecle, il y a cent soixante ans , le Fouta existait a l'etat de mon archie absolue et hereditaire. Le roi portait le titre de siratif ; siratik, est le mot employe par le pere Labat, mais dans le pays le mot qui designait le chef du Fouta est saltigue. La famille regnante etait celle des Delianke. Or, les Delianke, quoique n'etant plus une famille regnante, existent encore. II y en a a Guede, capitale du Toro actuel, et ils forment la population dun cer- tain nombre de villages dans le Damga. Ces Delianke sont des Pouls un peu melanges de negre. Onditaussi qu'ils avaientfait quelques alliances avec les Maures tajacantes. Done, il y a cent soixante ans, l'invasion, la con- quele et la formation d'un Etat poul avaient deja eu lieu. Les iimites de cet Etat, qui avait 130 lieues de lon- gueur suivant le fleuve, etaient comme aujourd'hui Daganu a l'ouest, et le marigot de Nguerer a 1'esl. II se trouvait done dans toute cette etendue superpose sur les Etats habites anterieurement par les Guolof vers l'ouest, par quelques Mandingues vers Test. Le pere Labat appelait les habitants de cet Etat, les Foul, le mot toucouleur, mot'bizarre qui a 1'air d'etre t 29A ) franenis el par lequel les Ouolol' les designent aujour- d'fiui, ne se trouve pas dans son ouvrage. D'apres les considerations do; moos plus haul sur lo mouvement general des Pool, 1'insasion etait \enue de Tost. Kilo avait done traverse les pays mandingues et les envalrisseurs, comme le promo la finale du nom de leur famillc dominante (Delianke), etaient melanges de sang mandingue, de la nation Soco d'apres la tradition, el avaienl adopte quelquesmols mandingues. Du resle, la legeti le a laquelle nous pouvons main- lenant recourir avoc fruit, le dil positivoment. D'apres elle, avanl la conquete, lo pays etait iiabile a 1'esl par desSoce, et a l'ouest par des Ouolol' de diffe rentes tribus. II y avail un roide toute la partie ouolof qui residail aOualalde dans 1'ilc a Morfil. La tradition donne nieme lesnoms desdorniers rois ouolof. Le chef des envahisseuvs poul etait Koli (\c Id ainille des Delianke. II aurait batlu lo roi ouolol' ot se serait emparo d'abord de Oualalde par uno trahison, puis de tout le pays. Connne dans toute conquete chez les peoples sau- vages, une partie de la population indigene ful detruite, une partie dut se refugier dans les Etats voisins de meme race et une ties grande parlio resla et subit les lois du vainqueur. Pourquoi I'invasion ne poussa-t-ello pas plus loin? La legends dit que Koliattaqua le Oualo, qu'il le vain- quit, mais ([u'il fit la paix avec lui et oj ousa la fille du Brak. ( "295 ) Si Ton en cioit !;i tradition , les Saltigue auraient regne 350 ans environ, mais comme el le altribue des regnes de 80, 89, 90 ans a certains d'enlre eux, cetle duree doit eti'C exageree. En 1698, date des faits rapportes dans la relation du pere Labat d'apres Brue . le siratik etait musul- maii zele. Or, d'apres la tradition , il n'y a eu de musuiinan Deiianke trabit les siens au profit d'Abd-Oul- Kader el desTorodo. Quelques auires \illages du Toro act u el sent auBSl babiles par des Deiianke : ce sont Botol, Ndiaeeu, Edi, Ndio.un. ( 299 ) Les Delianke habilent, en outre, les villages sui- vanls chi Damga: Matam, Garli, Tiempen, Doloul, Adobere, Kanel, Barmatch, Orndolli, Bapalel, Gouriki, Ganguel, Djint-Chiang, Padalel, Sere, Bedenki, Bar- kedji capitale, Djelle, Bitel. 2° Les Torodo, marabouts, melange des iribus poul de la conquele avec les Ouolof. lis dominent dans le Foula depuis qu'ils ont renverse la puissance des Delianke. Les principales tribus des Torodo stmt, en partant de l'ouest : les Si'lobe (dans le Toro acluel) dont le chef est Eli/nan Donay ; le fameux Alha.'ji, qui boulcverse aujourd'hui toute la Sencgambie par la guerre sainle qu'il a allumee, est de cetle tribu ; Les Lao qui s'elendenl de Boki a Abd-Allah-Mokhtar. Le grand Abd-Oul-Kader etait, comme nous 1'avons dit, de cette iribu. Les Irlabe depuis Abd-Allah-Mokhtar jusqu'u Salde. Les Eliabe de Salde a Tiaski. Les Bossciabe, la iribu la plus puissante de toules, tres melangee de Maures. Uu parle presque autanl le maure que le poul chez eux. Leur chef est Eliman Bin- diao, qui nomine a peu pres a son gre 1'almami, mais qui ne peu I le prendre parini les siens. C'est cetle Iribu qui a Irahi Abd-Oul-Kader de ' conceit, avec les Bainbara, sur la fin de sa carriere. Les Nguienar, tribu dominante dans le Damga. (Les Couliabe, ils sunt plutot des Delianke que des Torodo.) 3° Les Tiouballo uu pecheurs. Cela doil elre un me- lange de pouls, envahisseurs de basse condition, avec les pecheurs indigenes ou ouoloi. ( 300 ) ZT Les Pou/spurs et pa stems qui ont continue .': vivre separes et parlent encore le poul pur; il y avait evi- demment dans le peuple envahisseur deux classes : les guerriers ou lioimnes libres qui, par leur melnng avec lcs Malinke el les Ouolof, ont forme les Delianke, les Torodo et les Tiouballo, et les pasteurs tribut aires qui sunt restes separes. Cos Pools pasteurs sont toujours tributaires de quelques chefs. Leurs principales tribus dans le Fouta, sont : les Odabe (Dimar), les Diaobe pres de Boumba, les Dial- loube dans le Damga..., etc. 5° Les pauvres diables de toute race, les captifs, les afl'rancbis, les rel'ugies des pays voisins, les vagabonds, forgerons..., etc. Les Ouolof appliquent le nom de Toucoulenrs a tous les babitants actuels du Fouta, sauf les Pools purs et pasteurs. Et ils appellent langue toucouleur le poul corrompu et melange de mots ouolof, que parlent les Toucoulenrs. Saint-Louis, le 30 aout 1855. Le chef de bat nil Inn tin genie, L. Fmdiibrbk. ( 301 ) FRAGMENTS d'une etude sur l'ile de Rhodes (1). Lus aux seances de mai et juin, de la commission centrale, Par M. V. Ghemn. Administration actuelle de Pile de Rhodes. — lmpots et revenus. — Chi f fie de la population. On sail que par le tanzimat [tanzimati khairie, 1'beu- reuse organisation) vaste code administratif et poli- tique qui, prepare en grande partie par Recbid-Pa- cha, fut proclame a la fin de 1839 par le sultan Abdul-Medjid, l'cmpire Ottoman, sous le rapport ad- ministratif et financier, a etc, d'apres une division don I le principe date de Mourad III, partage en eyalets ou gouvernemenls gencraux, lesquels se subdivisent en livas ou sandjiaks, c'est-a-dire provinces. Les livas comprenuent les cazas ou ressorts de justice formes, pour 1' ordinaire, de nabiyes ou villages, mais aussi de villes avec leurs dependances. Les iles turques de l'Archipel avaient forme, jus- rju'en 1852, un gouvernement a part, donne en apa- nage au capitan-pacba ; mais une ordonnance les a rangees a cette epoque sous la loi generale du tanzi- mat, el elles ont alors compose deux eyalets difl'erents : l'un, la Crete, qui constitue a elle seule un gouverne- ment divise en trois livas ; et 1'aulre, l'eyalet du Djizair (i) Extiait d'un ouvrage sur Trie de Rhodes, par V. Gue'rin, actuel- lement sous presse. ( 302 ) on ties lies, don I le gouverneur reside a Rhodes, et qui comprend sept livas, savoir : Rodos (Rhodes) ; Istan Kcui ou Stanchio (Kos) ; Rozdja Ada (Tenedos) ; Limni (Lemnos) ; Midilli iMityleae) ; Sakyz (Cliio) ; Qybrys (Cliypro). Le pacha de Rhodes doit faire chaquc annee l'in- speclion des livas places sous sa dependance. II resume en sa persoune tous les pouvoirs eivils et mililaires. Un divan, appele Mcdjlis, forme le conseil adminis- Iralif el judiciaire dont il est le president. Ce medjlis est compos6 : 1° du gouverneur, du defterdar ou re* cevenr general, du cadi ou juge, du mufti ou chef de la religion, et de irois ou quatre autres personnages turcs nommes a Selection, et confirmes par le gouver- nemenl; 2° de l'archeveque grec et de deux primats laiques de cette nation, elus par ieurs co-religionnaires, avec ['approbation du pacha; 3° des deux rabbins et d'un autre negotiant juif, egalement designe par le choix des siens. Le louseil souverain, auquel toules les affaires d 'ad- ministration sont soumises, est aussi le tribunal en derniere instance des lies qui dependent de Rhodes, et principalemenl de celles qui constituent ce liva pnrticulier. Ces derniures sunt : Nicaria, Palmos, Le- ros, Calymno, Nisyros, Stampalia (Aslvpakea), Epis- copi (Tilos), Khalki, Symi, Castel-Rosso (Cysthene), Scarpanlo (Carpathos) et Casso (Casos). L s diffe rentes iles que je viens d'enumerer se gou- ( 303 ) vcrnenl d'apres leurs propres lois, et elles sont seule- ment soumises a la surveillance d'un subaschi envoye par le gouverneur de Rhodes. Un autre liva est compris officiellement dans l'eya- let du Djizair, c'est celui de Samos ; mais de fait, comme je l'ai montre dans mon etude particuliere sur cette lie (1). en vertu des privileges qui lui ont et£ ae- cordes apres la guerre de 1'Independanco, elle forme une principality distincte qui ne rentre dans aucun gouvernemen!, et qui est administree par un prince grec on par son kaimakan. Elle releve directement de la Porte, a laquelle elle est tenue uniquoment d'en- voyer par an un tribut determine comme marque de sa sujetion. Auparavant, le capitan-pacha n'avait pas de traite- mont fixe, mais le pachalik de" Rhodes, ainsi que tous les autres de l'empire turc, e'tait une veritable ferme livree enlre les mains de traitants avides qui l'exploi- taient sans controle. lis pressuraient les peuples qu'ils avaient a gouverner, et ils s'empressainnt, pour s'en- richir eux-m&mes, de devorer, en quelque sorte, leurs provinces, dans la crainte d'etre bientol renverses par un rival plus heureux. Pourvu qu'ils Iransmissent re- gulierement a la Porte la somme a laquelle leur pa- chalik avait ete taxe , et qu'a force d'exactions ou d'abus de pouvoir trop exorbitants ils ne suscilassent point au sultan des embarras serieux en soulevant les pays qu'ils opprimaient, ils restaient d'ordinaire dans leur charge ; on, s'ils en otaient depossedes, ce n'etait pas le plus souvent a cause de leurs injustices sur les- (i) Descript. des ilesde Pattnos et de Satnbs, P.iiis, i85G ( 304 ) quelles le gouvernement avait coutumc de fermcr les yeux ; mais lcur chute etait plutot l'otret d'une intri- gue de palais, et lour successeur, qui s'elevait sur leur mine, redoulant lui-meme une disgrace prochaine, sc hatail de les imiter, et faisait qnelquefois regretter par une tyrannic plus grand e ct une avarice plus insatia- ble ceux qu'il vcnait de supplanter. Ce n'cst pas que je veuille dire qu'il n'y ait jamais eu de pachas hon- netes qui aienl administre leurs provinces avec droi- lure et equite. J'aime, au conlraire, a reconnaitre que plus'n urs d'entre eux ont su, par leur probite et leur humanite, rogriter I'estime et l'amour de leurs subor- donnes ; mais l'histoire, d'un autre cole, me force de repeter que c'esl la une exception assez rare, et que la plupart du temps ils ont gouverne en vainqueurs qui commandent a des vaincus, ou, pour mieux dire, a des esclavcs. De la la depopulation et la misere tou- jours croissantes de la plus grande partie des provin- ces de L' empire Lure ; et, pour en revenir a Tile de Rhodes, comment expliquer autrement que par les exces de toute nature de ceux qui I'ont tour a tour ad- ministr.ee, le petit nombre d'habitants qui la peuplent mainlenant, et l'absencc de culture sur une etendue si considerable de sa surface, malgre la fertilite de son sol et les avantages singuliers de .son clinial? Alarme par la decadence rapide do l'cmpire otto- man, qui so decomposait de plus en plus et marcbait a grands pas vers sa mine, le sultan Mabmoud, pore du sultan actuel, entreprit courageusement la reforme de tout le systeme adininislralif de ses vaslcs litats, et il mil la main a I'oeuvi-e avec l'energie qui le caracteri- sait. 11 inourul apres avoir brise' une partie des obsta- ( 305 ) cles qui pouvaient entraver la realisation tic scs sages ot utiles projets, laissant a son fjls Abdul-Medjid le soin de les poursuivre et de les appliquer. II n'entre pas dans mon sujet de developper ici loutes les reforaies qui furent solennellement decre- tees dans le celebre halti-cherif de Gul-Hane, le 3 no- vembre 1839. Je me contenterai de remarquer qu'en ce qui concerne l'ile de Rhodes, si le fermagc en a ete supprime, et si le pacha qui en est le gouverneur re- goit par mois des appointements fort eleves, tous les abus que Ton voulait corriger n'ont point ete, par cela meme, extirpes radicalement, ear les decrets et les or- donnanees no peuvent transformer les mceurs d'un jour a I'autre, et celles-ci resistent longtemps aux lois qui veulent les modifier. Ainsi, par exemple, dans l'einpire ottoman, bien que la probite lurque soit, en quelque sorte, proverbialc chez le simple particulier qui vit occupe d'un petit negoce ou chez le paysan qui cultive la terrc, par un conlrasle singulier et je ne sais quelle anomalie elrange, les fonclionnaires pu- blics, depuis ie plus eleve en dignite jusqu'au plus has et au plus humble, se sont presque tous longtemps imagine que lour place leur conferait, jusqu'a un certain point, le droit de s'en servir comme d'une oc- casion et d'un moyen pour s'enrichir eux et leurs fa- milies. Aussi, tout pour eux etait-il d'ordinaire venal, el leur conscience comme leurs faveurs appartenaient trop souvent au plus otlrant. Qu'on ne s'etonne done pas si les grandes et belles refiu'ines preparees par le sultan Mahmoud, et decrelees par son fds Abdul- Medjid, sont loin d'avoir remedie completement aux abus qui les avaienl provoquees. Le mal elait Irop ( 306 ) prolondenvnl enracinc pour fetfe arrache si vite. Ces considerations lout pressentir qu'a Rhodes, comrne ailleurs, hieiJ que le fermage de Pile ait ete aboli, la somme produite par les impols preleves sur lea habitants doit tres probableinent depasser cello qui est annuollement envoyec a la Porte, et qu'une parlie de cct argent resle entre los mains de ceux qui sont charges de le recneillir, la perception n'en etant ni assez reguliere ni assez contiolee. Le pacha, d'ail- leurs, est, en qnelque sorte, oblige de ne pas se mon- Irer trnp clairvoyant, et de tolerer dans ses employes certains abus qui sont tournes en usage, et comme consacres par une longue habitude, car lui-meme a quelquefois besoin que Ton n'examine pas de trop pros ni trop severeinent ses propres acles. L'ile t'oumit environ, par an, an moyen de l'impot et des douanes, 1,340,000 piastres (1), ou 308,200 fr. Les sources de ce revenu sont : 1° Le kbaralsch, impot personnel ou capitation qui pese uniqucinent sur les raias , c'est-a-dire sur les Chretiens et sur les juifs. II ne frappe que la popula- tion male a partir de l'age de dix ans. Cette capita- tion comprend trois categories : les homines faits, les cnfanls au-dessus de dix ans et lespauvres; la pre- miere classeest la plus imposee, la seconde Test moins, la Iroisiume moins encore. Je n'ai pu obtenir le chifl're exact de la somme qui resulte de cette capitation, mais elle doit se monter au moins a 250,000 piastres ou 57,500 francs. (i) I.. i piastre turque vdat environ a3 centimes de notre monnaie, quclqucfuis I1'11-! i|ii<'l(|iiclois moins ; cola depend des circonstances et varie avec les diiferenles [irovinces de I'empire. ( 307 ) On sail que, par le fameux halti-houmayoum du inois de fevrier dernier, il a ete decide dans le divan que le kharatsch serait supprime, et que les raias, sous le rapport de l'impot, comme desormais en tout le reste, seraient mis sur le merne pied que les Turcs. j ignore si cette mesure, juste et salutaire, dont le but est de fondre, s'il est possible, et d'unir entre elles les parties heterogeries qui composent I'empire ottoman, a commence deja a etre nppliquee. Elle exigera un remaniement complet dans l'assiette de l'impot, et probablement qu'elle renconlrera, pour etre par tout et definilivement mise en pratique, des obstacles nora- breux et une repugnance tres vive de la part du vieux parti hire, Iequel verra dispnraitre Tune des marques les plus caracteristiques qui servaient a distinguer la race vaincue et sujette de la race victorieuse et domi- natrice. 2° Le capitanlik on l'imposition du capitan-pacha ; celte contribution a retenu son ancien nom, bien que 1'ile ne soil plus maintenant l'apanage du capitan-pa- cha. Elle pese et elle est etablie sur la fortune de tous les habitants de Rhodes, Turcs ou raias. Pour les premiers, elle est de 55,000 piastres ou 12,650 francs, et pour les seconds, Grecs et Juifs, de 288,560 piastres ou 66,419 francs. 3° Le deration (Stxirw) ou le dixieme de tous les produits. 11 peut £tre evalue a 300,000 piastres ou 69,000 francs. ll° Les douanes : elles rnpportent environ /»50,000 piastres ou 103,500 francs. Les exportations de 1'ile, l'annee derniere, ontegale une valeur de 326,000 francs ; elles ont consiste en ( 308 ) fruits sees et frais, en vin, en cire, en vallonee, en oignons, etc. Rhodes est en memo temps un port important comme principal centre du commerce cles eponges. Les importations, dans cette meme annee, se sont elovees a la valour de 2 millions de francs, consistant en lde, en denrees coloniales et en differents lissus, principalement en tissus de coton ; mais il faut remar- quer que, saufle bl£, la plupart de ces articles impor- ted a Rhodes sont ensuile reexportes dans l'Archipel et sur les cotes de l'Anatolie. Si 1 'il e do Rhodes produit par an environ 1,340,000 piastres, les depenses de l'adrainistration s'y montent a 1,420,000, ce qui fait chaque annee un deficit de 80,000 piastres, deficit qui est comble par le surplus des revemis des autres iles qui dependent de cet cvalet. Lc pacha recoil par mois, pour ses appointments, 60,000 piastres, ce qui fait par an 720,000 piastres ou 173,000 francs. II doit payer la-dessus sts domestiques et ses cavas. Ceux-ci sont au nomhre de vingt-cinq a trente ; ils habitenl le rez-de-chaussee du konak ou maison du gouverneur ; ce sont, en quelque sorte, ses gardes-du-corps et les executeurs de ses volontes. Ils ont pour chef un cavasi-baschi. Les autres fonclionnaires (jui sont subordonnes au paclia et la milice indigene occasionnent par an une depense de 580,000 piastres on 133,440 francs. Celle milice se compose de 380 soldats lures, tous canon- nicis, et qui montent la garde a tour de role une fois par semaine. On nc les exerce que pendant l'lnver; ils ont pour chef un bin-baschi (tete de mille) qui a le ( 309 ) liire de colonel; mais settlement la paie d'un com- mandant d.'artillerie. C'cst avec cello l'aible milico, mal armee et mal exercee, et une trenlaine de cavas, que le pacha lient sous sa dependence File enliere tie Rhodes, ct qu'il fait respecter les ordres du sullan. La population qui habile eette ile est d'ailleurs Ires pacifique el il y a fort longtemps que des troubles graves n'ont delate dans son sein. Cette population, cornmeje 1'ai deja dit, se decom- pose ainsi : (5000 Turcs, 1000 Juifs ct 20,000 Grecs, auxquelsil faut ajouler 120 Francs ou Europeens, lous catholiques latins, a l'exceplion de deux families. Dans le chapitre suivant, je vais donner quelquos details sur ces differenls elements de la populalion acluellc de Rhodes. Quelques details suv ckacune des diverses populations de Rhodes, turques, juives, grecques etfranques. La ville capitale ou Rhodes, connue plus commune- ment par les habitants sous le nom de Kastro, ren- ferme 5500 Turcs et 1000 Juifs. 500 autres Turcs resident dans les faubourgs ou sont dissemincs dans l'interienr de l'ile. Turcs. — Ce sont les descendants de ceux qui sont venus s'etablir a Rhodes apres la conquete qu'en fit Soliman en 1522. lis vivent, a 1'exception d'une cen- taine de families au plus, renfermes dans l'enceinte des remparts. La milice dont j'ai parle est prise parmi eux, et ils serviraient tous, au besoin, d'appui au pacha contreles Grecs. Issus de la race conquerante, et heri- ( HO ) tiers ties droits qu'elle leur a legues, ils souticndront tuujouis l'autorite quant) il s'agira de maintcnir les races vaincues dans la soumission, ft ils cssaieront de la renverser, ou tout au moins la maudiront en secret ton les les Ibis qu'ils la trouveront trop favorable aux raias, el comme lendant a compromettre par la lours anciens privileges. C'est ainsi cpi'en 182*2 ils forme- rent un complol contre 1'un ties gouverneurs les plus justes et les plus eslhnables qui aient administre I'ile de Rhodes, je veux dire \ oussouf-liev. Us lui impu- taienl a crime son equite egale poor tous teux qui de- pentlaient de sa juridiclion, el, denonce pour cela comme traitre envers le sultan et envers le Koran, ii i'ut rappele. Ilsdoivent acluelleinent. ne se plierqu'avec la plus grande repugnance aux meMires nouvelles et aux reformes radicates qui viennenl d'etre decretees par la Sublime Porte, si toulefois elles sont deja ap- pliquees. Car ces reformes, que les circonstances du moment et la piession civilisatrice des grandes puis- sances de ^'Occident out pu seules arracher au divan, doivent, on le comprend sans peine, collier cber a 1'orgueil de la race oUomane, babiluee jusqu'ici a commander el a jouir tie plusieurs prerogatives ires importantes. L'un de ces privileges pour les T urcs de Rhodes, qui leur a permis de dominer plus faeilemenl les Grecs de l'ile, c'est qu'eux seuls peuvent habilcr la capitale, ou ils sont proteges par une enceinte Ires fortiiieo. Ge n'est pas que les Grecs n'aienl le droit d'y venir pen- dant le jour et d'y circuler autant qu'ils le desirent ; ils y onl meme di s boutiques oil ils se livrenl au com- merce et a dillerenls metiers ; mais a peine le soleil (311 ) commence -t-i I a decline*' a l'horizon qu'ils doivent se baler de feruier leurs magasins et de quitler la ville ; car, a l'inslant meme oil eel aslre se couche, un cou p de canon est le signal de la fermelure des portes : les ponts-levis sont aussitol leves, et malheur alors au raia qui serait surpris au dedans des remparls ! Con- damne pour la premiere fois a une amende, il serait, en cas derecidive, punipar une dure bastonnade. Getle interdiction absolue pour les raias d'habiter 1'enceinle fortifiee et leur desarmement cotnplel dans l'ile enliere ont ete deux mesures a la fois ires simples et ties habiles qui ont contriluie puissammeut a maintenir a Rhodes, avec des troupes pcu nonibreuses, la domina- tion de la race turque sur celle des vaincus. Elles sub- sisteront probablement encore longtemps ; car, autre- ment, ce serait pour les Turcs une abdication veritable de leur suprematie sur l'ile, ou du moins il leur fau- drait, pour la conserver, entietenir dans cette lie des forces plus considerables. En effel, enlre eux el les Grccs, quoi qu'on fasse, il y aura toujours une instinc- tive et invincible antipathie; vouloir opei'er entre ccs deux races, si differentes l'une de 1'autre et qu'un ablme immense separe, la difference de religion, une fusion intinie el veritable qui aboutisse a identifier leurs interels et leurs volontes, e'est, je crois, pour- suivre une cbimere. bes Turcs ne seront jamais re^el- lement aimes des Grecs ; ils pourront seulement etre moins bais, s'ils sont plus jusles et moins barbares, Mainteuant que la force est pies de leur eebapper, ils doivent s'efforcer de retenir el d'atlacber a eux par l'equile ceux que le sabre leur a jadis soumis. Les Turcs ont a Rhodes trois ecoles pour les gar- cons. Les petiles lilies n'y von I pas; aussi les femtncs mahometanes, la comnie dans tout le reste de la Tur- quio, sonl-elles plongecs clans la plus profonde igno- rance. Ellcs sortent rarement, ct Loujours voilees; les plus riches sont servies par des negresses ; les antres vaquent elles-memos aux clivers soins du manage. Aux Turcs appartiennent loules les plus belles mai- sonsde la ville, do jolis jardins clans les faubourgs, et des formes nombreuses dans l'intericur do File. Les plus pauvres sonl bateliers, marehands, ou occupes a differenis metiers. lis ont sept a liuit mosquees, donl je dirai un mot plus lard, ot a I'entretien descjuelles sont preposes plusicurs imans; des muezzins appellent les fuleles a la priere do haul des minarets. i n mufti voille a tout co qui eoncerisc la religion, et decide, par scs arrets ou felwas, lo sens dans lequel il faut entendre et appliquer les articles du Koran sur l'intcrpretation desquels il est consulte. Un kadi rend la justice. Juifs. — f.es Juifs de Rhodes so bornent a un mil- lier d'individus ; ils sont presquo tous d'origine espa- gnole et, chasses de l'ile par Pierre d'Aubusson, ils y sont revenus apres la conquelo des Turcs. Ils occu- pent dans le Kastro un quarlier a part, espece de ghetto qui n'esl point ferine, mais en dehors duquel ils no peuvent liabiter. S'ils ont le privilege de rester ainsi jour et nuit pres do leurs maitres, e'est d'abord qu'ils sont peu nombreux, etensuite que, faconnes de- puis de longs siecles a l'esclavage, ils courbent d'eux- memes sous le joug une lelc sou])lo et docile. Les Turcs les meprisent trop pour les craindre, ct en outre ( 313 ) ils les emploient volontiers, pnrce que ces clerniers ont l'art de se rend re necessaires en beaucoup de choses, el qu'ils savent se plier a tous les metiers, merae les plus humbles et les plus rampants. Aussi les gardent-ils sous la main, comrne des instruments utiles, faciles a manier, etqui nese relourneront jamais contre eux. Les juifs ont dans leur quartier deux synagogues, ils onl egalement deux rabbins, qui sunt lout a la fois pour eux les interpretes des Saintes Ecritures, leurs patrons aupres du Conseil preside par le pacha, et leurs juges dans lous les cas qui se rattachent a leur religion. Ils onl trois ecoles que frequentent environ cent vingt garcons. L'educalion de ceux-ci est achevee d'ordinaire a douze ans, ct meme plus lot ; car elle se borne a la lecture, a l'ecriture, a quelques nolions de calcul et a la connaissance des principalis dogmes de leur foi. La melhode employee par les maitres juifs est a peu pres la meme que celle qui est mise en pra- tique dans les ecoles primaires musulmanes. Les en- fants apprennent tous en meme temps leurs lecons a voix haute et legerement cadencee ; ils sont accroupis par terre en face et autour du maitre qui, lui-meme, est assis d'une fagon semblable, les jambes croisecs sur une mauvaise natte, a 1'un des angles de la salle ouil enseigne. II est ordinairement arme d'une longue baguette flexible, qui est une menace elernelle tou- jours suspendue sur la tete des paresseux ou des tur- bulenls, et qui lui permet, sans qu'il ait besoin de se deranger de place, d'aiguillonner de loin la noncha- lance des uns ou de corriger l'indiscipline des autres. XI. MAI ET JUIN. 3. 21 ( 314 ) II n'y a point d'ecole pour les pelitcs filles. De la vnnl (jue les femmes juivos, de ineme que les femmes turques, ne savent ni lire ni ecrire. Comnie celles-ci, elles vivent retirees chez elles, occupees du soin de leur menage on devidant de la soie. Elles ne sorlent guere que pour aller chercher les provisions neces- saires a la famille ou pour se rendre a la fontaine. C'est la qu'elles se voient les unes les autres et qu'elles se communiquent les nouvelles du jour. Quand elles rcviennent ensemble, tenant avec grace sur une de leurs epaules leurs urnes pleines, elles forment un tableau digue d'etre reproduil par un pinceau liabile, et qui estcomme empreint de couleurs toutes bibliques. Les juives de Rbodes sont assez remarquables par leur beaute ; le type des jeunes filles surtout ne man- que ni d'agiement ni de delicatesse. A une douce physionomie, a un teint blanc et en quelque sorte dia- phane, elles joignent une certaine langueur orientale qui se reflete dans leurs yeux, sur leurs traits et dans leur demarche. Presque toutes savent un peu jouer d'une es])ecc de guitare qui ressemble a la mandoline espa^nole, et, dans leurs fetes de famille, elles accom- pagnent du son de cet instrument, soit leurs chants, soit leurs danses. Les airs qu'elles jouent, comme ceux qu elles cliatdciit, sont peu varies, et ies memes note; reviennent souvent avec une sorte de refrain sentimental el legerement melancolique qui , sans enHiuvoir pniloiidemenl l'ame et lui imprimer des secousscs vives et diverscs, la rcmue cependaut et la punelre insensiblement. Leurs danses ont, de meme, fiucljue eliosi' de ( alme et de |)ose, et je eroirais M . I f 1 1 1 1 i i' t'K qtr'ellcs sont antiques. ( 315 ) A certains jours determines, les fern flies juives ont couliune de visiter, dans Ie cimetiere fjui a ete assigne a leur nation en dehors des rempaiis, les tombeaux ou reposent les meinbres defunts de leur famitle. Mais c'est principalement lorsqu'elles viennenlde faire une perte recente, et que celte perle a brise une de leurs affections les plus cheres, qu'elles vont sur la picrre sepulerale qui recouvre cet objet aiine donner un libre cours a leurs regrets et a leur douleur. Elles s'y ren- dent aecompagnees de leurs amies et quelquefois meme de pleureuses a gages. Celle qui mene le deuil s'avancela premiere en agitant convulsivement au-des* sus de sa tele un mouehoir, et en poussant par intcr- valles des cris percants que repelent en ehceur les autres femmes qui la suivent. A mosure rjii'on approcbe de la totnbe, les gemissements redoublent; enfm, lorsqu'on y est arrive, on fail balte. La parente du defunt ou de la definite se prosterne ou plutot se jette avec desespoir sur la pierre tumulaire; c! dans cette posture elle fait entendre de veritables hurlemenls de douleur auxquels sa suite fait echo. Puis, loutes en- semble s'aecroupissent autour du tombeau, et alors commence une sorte de chant funebre en I'honneur de celui ou de cede qui n'est plus et que cos femmes . viennent pleurer. Celle qui leur donne, pour ainsi dire, le ton improvise un hymne de deuil ct debite des especes de strophes tres courtes, entrecoupees par des sanglots et aecompagnees des gestes les plus expressifs. Bientol, s'animant elle-meme et s'exaltant de plus en plus, elle finit par tomber dans un lelire apparent, qui se communique, par une sorle tie! contagion sym- pathique, a lonte son assistance, iaquelle, si je puis ( 310 parlor ainsi, sc montc peu a peu au diapason de son lesespoir. Mais epuisee par la violence meme de ses plaintes et de ses gemissements , elle ne pent pas sc raaintenir longtemps dans cet etat desordonne et presque frenetique. Insensiblemenl sa douleur, par- venue a son paroxysme, decline et s'apaise, et ce con- cert de lamentations, de luulcments el de sanglots se ralenlil et s'eleint. Cettc affliction, qui eclaled'une manieresibruvante, n'esl pas toujours, comme on le pense bien, veritable et sincere, et quelquefois ce ne sont la (jue des dou- leurs d'emprunt et de comedie ; mais alors meme qu'elles sont fausses, elles sontsimulees paries femmes qui les jouent avec une imitation si fidele et si expres- sive de la nature que ces femmes, de comediennes qu'elles sont d'abord, s'identifient bientot coinplele- ment avec leur role, et ces scenes de deuil, qui com- mencent j)lus d'une fois par des contorsions gri- macanles et des larmes mensongeres, se terminent ordinairement par des sanglots reels et des pleurs veri- tables, qui paraissent sortir du cceur en meme temps que des yeux. II est inutile d'ajouter ici que ces lamentations fu- nebres sur les tombeaux remonlent a la plus baute antiquile. C'est un usage qui parait aussi vieux que l'Orienl, ou il est ne et ou il regne encore presque partout. On le retrouve aussi cbez plusieurs peuples de l'Afrique; enfin, dans certaines conlrees meridio- nales de l'Europe, il en subsiste ca el la quclques ves- tiges qui s'ellacent et disparaissent de plus en plus. Grecs. — J'arrive maintenant a la troisieme race qui babite l'ile de Rhodes et qui forme le fond prin- ( 317 ) cipal de la population, jo vcux dire la race grecque. Les Grecs dc cette lie sonl au nombre de 20,000, parmi lesquels 5,000 environ so sont etablis dans los fau- bourgs do la capitalo. La plupart do ces derniers exercent differents me- tiers, comuie ceux do menuisier, cle cbarpentier, de sellier, de cordonnier, etc. ; quelques-uns ont dans la ville des boutiques on ils peuvent se rendre apres le lever du soleil ; d'autres sont marins; d'autres enfin sont jardiniers et vendehl les legumes et les fruits qu'ils recoltent. Ils ont deux ecoles pour les garcons, l'une au fau- bourg de Neomaras ot l'aulre a celui de Metropolis. Elles sont frequentees par 260 enfants. On y ensoigne lc grec moderne, un peu d'hisloire, d'arithmeliquc et de geographies oint dans les Grecs de nos jours. Pour ne parler ici que de ceux qui babitent I'ile de Rbodes, je vais essayer d'indiquer en pen de mots quelques-uns des traits qui les distinguent. lis se divi- sent en trois calegories : les maiins, les petits mar- cbands ou artisans qui peuplenl les rauhourgs de la ville, et les paysans disperses dans I'interieur de I'lle. ( 320 ) Les matins rbodiens, com me presque tons les ma- rins grccs, etant babilues des I'enfance a se jouer sur do freles barques au milieu des vagues, ne manquent ni d'habilcte ni de bardiesse pour affronter les perils dc la mer, et c'est un spectacle loujours plein d'interet que celui qu'ils offrent lorsqu'on les voit kilter avec dc lege res embarcations contre les vents et les flots, et enlreprendre souvenl ainsi d'assez longs voyages. Mais ils sont maintcnant en petit nombre, et la marine rbodienne, jailis si florissante , est singulierement decline de sa gloire el de sa puissance ; c'cst meme a peine si actuellemcnt elle peut s'appeler une marine. Qu'est devenu le lernps ou la Mediterranee presque tout cntiere etait sillonnee par les vaisseaux dc Rbodcs el respectait son pavilion , oil les arsenaux immenscs de eclto ville pouvaient suffire auxarmemenls les plus formidables, ct ou son Code maritime faisait loi dans le commerce, comme le plus sage et le plus complet de tous? D e loul cela il ne resle plus" que le souvenir. Les marins dc celle ile, reduits a trois ou quatrc cents, trouvent, en outre, depuis quelques annees une con- currence redoutable, qui a Gni par les ecraser, dans les paquebots a vapeur francais et autricbiens qui des- servent la ligue de Constantinople a Alexandrie, et qui, laisant escale a Rhodes, y importent ou en expor- tent presque tous les articles qui entrentdans l'ile ou qui en so r tent. On n'ignore pas que les marins grecs dc plusieurs lies de I'Arcliipel croienl pouvoir sans desbonneur unir la piraterie au commerce : c'est pour cux un double metier qu'ils considen nt et cstiment autant 1'un que l'autre ; et, s'ils se livrcnt mainlenant plus t 321 ) raromenl au premier, c'esl qu'il est seme pour eux de beaucoup plus de dangers et de moins de profits , depuis que les parages des mers de la Grece sont raieux connus, et que les criques les plus mysterieuses qui servaient de refuges aux pirates onl ete explorees et fouillees avec plus de soin par les navires charges de leur dormer la chasse. A Rhodes, les Grecs qui appar- liennent a la classc des marins, soit par suite d'habi- tudes plus douces et plus honnetes, soit |)arce qu'etant surveilles de plus pres par le pacha ils ne pourraient que difficilement, a leurretour, echapperau chatiment de leur crime, n'ont pas la trisle renommee que I'exer- cicede la piraterie adonnee et donne encore ad'autres insulaires de l'Archipel. La seconde classe de Grecs que j'ai mentionnee est composee de ceux qui sont occupes de divers metiers, et qui tiennent de petites boutiques dans la ville ou dans les faubourgs. On pent penser naturcllement , sans que j'aie besom de le dire, que celte fecondite inepuisable de ruse et d'asluce, qui est comme inhe- rente au genie de la nation grecque, ne manque pas plus aux artisans et aux marchands de Rhodes qu'a tous les autres de la Grece; mais les occasions de la manifester sont pour eux plus rares. Dans cette lie, en eflet, le commerce et I'industrie languissent comme lout le reste, etl'amour du gain s'y montre moins arti- ficieux et moins fertile en supercheries frauduleuses, parce qu'il est paralyse dans son essor ct qu'il n'est point surexcite comme a Smyrne, par exemple , et a Constantinople, par la multiplicile des affaires, par une concurrence effrenee el incessante, et par une foule d'etrangers qui se succedeut continuellement, proie ( 322 ) toujours nouvelle offerte a la pupiditc mars de la meme annee on y transfera solennellement, et avec beaucoup de pompe, le tableau venere qui se ( 329 ) trouvait dans Pancienne chapelle. La premi&re messe y fut celebree ce memo jour par le prefet apostolique de Constantinople, Dominico da Verdese. Cetle nou- velle chapelle subsista jusqu'en 18^9, epoque a la- quelle arriva le P. Giuseppe de Lucques. Ce religieux, plein de zele, ayant reconnu qu'elle etait insuffisante pour les bcsoins du culle, et qu'elle pouvait a peine contenir une soixantaine de personnes, enlreprit de la rebatir dans des proportions plus vastes, et i! adressa ace sujetune supplique a la congregation de Lyon, qui lui envoya ZiOOO francs. C'est avec cette faible somme, suivie plus tard de quelques autres secours, qu'il se mit opurageusement a 1'tBuvre. Ayant remarque qu'un Turc, sur la pente septenlrionale du mont Saint- htienne, possedait dans son jardinles debris d'une fort ancienne eglisc calbolique jadisconsacree a ce saint, il en achetalesmateriaux, qui furent transports a dos de mulets. Ces maleriaux etaient excellents, car ils con- sistaient, pour la plupart, en pierres de taille ; e'etait, en outre, une heureuse idee que d'arracher ainsi a la profanation des infideles les restes d'un sanctuaire ce- lebre a l'epoque des chevaliers, et oil avait ete enterre le fameux Gozon. Le 5 novembre 1849, la premiere pierre de la paroisse acluelie fut posee et benitc so- lennellement, en presence des differents consuls. A peine les fondements de cet ediiice etaient-ils acheves, que le pacha de Rhodes suscita des dillicultes inat- tendues, et voulut empecher la continuation des tra- vaux. La construction fut done suspendue pendant quelque temps ; enfin, grace aux reclamations ener- giques de M. le vice-consul de France, grace aussi a la perseverance du P. Giuseppe, que rien ne decoura- xi. mai et juin. h. 22 830 j geail, et qUi dirigeail lui-m§nie les ouvriers comme un veritable aiiliitectc, l'eglise s'eleva peu a peu, et an niois de fevrier 1851 , elle etail presque terminee, lorsqu'eut lieu le 28 de ce mois le terrible tremble- ment de lerh qui renversa a Rhodes plusieurs monu- ment et une quantile considerable de maisons. Cette si eousse violenle n'ehranla pas la solidile du nouvel edifice, et aueune crevasse mettle n'y flit remarquee par le venerable religieux , qui tremblait pour la conservation de sa cliere eglise , qu'ii avail eu tant de peine a fonder. Le *2h decemhrc de la ineme annee, la dedicHCe en tut faite avec une certaine magnificence devant lous les calholiques reunis ; a leur tele etaient les divers consuls, y compris menie celui d'Angleterre qui, quoique protestant, voulut assisier a cette belle ceremonie. A pies avoir bati son eglise, le P. Giuseppe coflstrui- sil autour de la eour qui la precede un petit couvent pour lui servir a lui-meme d'hai>ilalion, ainsi qu'au pere et au frere qui lui sunt adjdints, et reni'ermanl, en outre, quelques ebambres de reserve destlhees aux elrangers. Dnevasle terrasse rcgne sur toute 1 etendue des batimenls, et de la la vue se promene avec ravis- sement sur la fillfi de Rhodes, sur la mer el sur les cotes voisines de I Anatolie. Cette terrasse est uomihee elle-meme par une tourelle t arree, au-dcssus de la- quellc on bisse lous les dimanehcs le drapeau francais. L'eglise est dans le style ilalien ; simple el elegante a la lois, tile peul conlcnir environ 500 pvrsonnes. Derriere le nialtrc autcl on a eneaslie dans le mur meini' de I'abside la i'ameuse madonc troi.Vee jadis par rWdlltVi ftli oi. dribs I" (iocoiubivs de Sainle Marie- ( ^31 ; de-la-Vietoire, et) pour fa ire revivre le nom do cetle ancienne eglise, il a ete donne a la paroisse nouvello de N6omaras. Les principales nations de 1'Europe sont represen- tees a Rhodes par des vice-consuls; l'Angleterre scule y entrelient tin consul. lis resident tous dans le Fau- bourg Neomaras, appele autrement Neokhori. Leur mission est de veiller aux interets de leurs nalionaux respectifs, et ils hissent leur pavilion particulier au haut d'un mat qui s'eleve sur leur demeure, aussitot qu'un navire de leur nation entre dans l'un des ports de Rhodes. ( 332 ) Analyses. IBapports, etc. RAPPORT FAIT SUR TROIS CARTES DE SUEBE DONEES A I. A SOCIETE DK GEOGRAPIIIE , PAR S. A. R. I.E PRINCE HEREDIT A IRE DE SUEDE, VICE-ROI BE NORVEGE, PAR M. ALFRED MAUBY. La Societe de Geographic doit a la munificence de S. A. R. le Prince hereditaire de Suede, due de Scanie, trois carles de ce royaumc, qui ont, lors de leur envoi, attire notre inleret, en meme temps qu'elles nous ont penetre de reconnaissance envers 1'auguste person- nage auquel nous les devons. Ces trois cartes sont le resultat du travail per- sonnel du prince, qui, suivant l'exemple de son illustre jere, a toujours montre pour les sciences des dispositions parliculieres, un gout serieux, que, dans d'aulres pays, on ne voit guere s'allier a des posi- tions si elevees el si voisincs d'un trone. G'est que S. A. R. est placeea la lete d'une nation qui, uioins favo- risee par la nature que ses sceurs d'Europe, et surtout que les peuples du midi, reportc en quelque sorte sur son intelligence la culture ii laquelle son sol est rebelle. Les Suedois, malgre leur inferiorite numerique, se pin- cent parmi les nations non-seulementles plus eclairees, mais les plus riches de l'univers en savants et en homines instruits. Toutes sortes de motifs doivent done attacher pour nous du prix aux cartes qui nous ont etedonnces par le prince hereditaire de Suede. Je ne vous en avais encore entretenus, messieurs, que d'une maniero generale, dans le rapport que j'ai fait en decembre ( 333 ) dernier, survos travaux pendant l'annee 1855; jeveux cette fois-ci vous faire connaitre plus en detail l'ceuvre de notre auguste confrere. Les legendes de ces cartes etant ecriles en suedois, langue a laquellc on est pen familiarise parminous, les explications que je vais essaycr de vous presenter, renclront accessible a un plus grand nombre 1'usage de ces cartes. L'une des trois cartes, la premiere que j'examincrai, donne la division judiciaire de la Suede (i) ; elle pre- sente line longueur delm,55et une largeur de 0m,68; les grandes proportions qui ont ele adoptees tant pour cette carte que pourcelle dont je parlerai ensuite, n'ont pas perinis de donner une configuration graphique de toute la Suede, avec les relations de position nalurelle de ses provinces, el unepartiedu Norrland a dti elre rejete au bas de la carte ct place dans un encadrement special. A en juger par l'ecbelle, cette carte et la sui- vante sont executees au tt£qJq. Les lignes de divisions adoptees nous monlrent que la Suede est parlagee en Irois ressorts de juridictions royales,ce que lesSuedois nomment Ho/ratt.Le premier autrement dit le plus meridional, est limite par une ligne qui s'etend au nord depuis le golfe de Labolm jusqu'a la separation de la Prefecture de Carlskrona, t et de celle de Ralmar ; elle coinprend deux sieges de Lagman, c'esl-a-dire deux bailliages ou sieges de juges de provinces, a savoir Carlshamn dans la Prefecture de Carlskrona, et Christianstad qui est lui-meme un chef- lieu de Prefecture. Le second ressorta naturellement pour limite meri- (1) Karta ofvcr Svetiges Juridiska Indelning, ar 18 j5. ( 33/i ) dionalo la lioiilo seplentrionale tki ressort precedent, et pour limito seplentrionale, la frontiere qui sopare la Gotbie do la Suede proprcment dile. Les sieges de Lawman compris dans cetto scconde division sont au noinbre de 10, a sa\oir: Linkbping, Wirnmerby, Skara, Falkenberg, Boras, Iddevall, Ovistrum, Wernamo , Wenersborg, Alfvasaa, "Wisby (dans I'jje deGotlland). Le troisieme rcssorl comprend le resto de la Suede, et renfenne vingl sieges de Lagman, a savoir: Stock- bobn, Norrfolg, Enkbping, Sbder-Telge, Linde, QEre- bro,Nora,Lcksand,Sbdorbainn, Mo-Myskje,6stersund, Huddiksvall, Gefle, Nykoping, Cailstad , Eskilstuna , Wosleras, Sundsvall, Umea, Rabyn. On voit par l'enonce de ces diflerentes villes, que les sieges de bailliage sont loin de corresponds toujours aux principals villes du royaume, el que plusieurs des cites les plus impcrtantes de la Suede n'ont point de tribunaux superieurs. Cbacun de ces ressortsse subdi- vise en un certain nombrededistriclsjudiciaires(//am<'/) qui ont aussi des cbefs-lieux lousindiques sur la carte. Souvent la residence des magistrals est dislincte du siege deleur juridiction ; un signe special indique dans cc pas celte residence. Qypiqye la division judiciaire de la Suede ait ele j'objet principal do la carle, une loule d'autres indi- cations s'y trouvent repajulues, Je ne parle pas seule- menl des cours d'eau, des lacs si nombreux dans la Suede et qui impriment a ce pays sa pbysionomic particuliere.mais encore des routes, des montagncs.des elablissenients melallurgiques. Toulefois ces dernieres indications sont plus specialementreservees a la seconds descarlesdeS. A. 11. Cede ci, dont les dimensions sont { 335 ) les nieiiics que pour la precede; :le:i'$l. inlitulee : Carte de la metallurgieduferen Suede{\). Ellenousdoune d'abord la circonscription des districts miniers, puis l'indica- tion des mines, usines a for, hauts fourneaux, forges a marteaux. Chaque mnrteau est figure au lieu de son etablissement et la legende nous avertit que chacun de ces marteaux correspond a un millier de quintaux suedois de fer en barre fabrique annuellement (2). On trouve en outre snr la carte l'indicalion des autres mines {grafwa). Des lignes ponctuees ou continues de difl'erentes couleurs, font connailre les mines qui four- nissent aux forges le fer qu'elles fabriquent, !es hauts fourneaux qui exploitent la fonle que leur fournisseot telles et telles forges, enfin les lieux d'exportalion du fer de chaque forge. - L'inspection de celt*' carte fait juger de la prodi- gieuse production du fer en Suede et du vaste com- merce dont il est I'objet. Les memes indications pour les hauts fourneaux et les marteaux ont ete adoptees sur la carte judiciaire. En etudiant ces deux cartes in leressantes,j'ai ete parti- culiercment surpris de la lichcsse melallurgique de certaines prefectures, jar exemple de celle de Jonko- ping. Les hauls fourneaux s'y rencontrent presqoe a chaque pas, surtout dans le voisinage de la celebre montagned'aimantdeTaberg, soigneu semen tindiquee sur la carte. Ce n'esl pas celle province cependant que Ton doit considerer comme la plus richc en mines; la (i) Karta ofvcr Sveritjes JeYnwerk, ar 1846. (2) Les forges et hauts fournaux son! tigure'es pur une pttiie che- minee, les mines tie fer par le signe deja plauete Mars colore en rouge, les forges a marteaux par des marteaux pi. ices sur un eer.cle bleu. ( 336 ) grande contree miniere de la Suede s'etend depuis Gefle jusqu'au lac Wener. Les mines sonl surtout abondantes clans les environs de Nora, de Philipstad, de Norberg, de Norrbank, et au sud-est de Gefle. La grande region des mines de cuivre s'etend a 1'enlour du Faldun ; le lac Runn forme comme la sepa- ration entre les districts du fer et ceux tin cuivre. Plus au nord , les elaldissements metallurgiques deviennent beaucoup moins nombreux; la carte n'en indique aucun dans 1 ile d'QEland, ni dans celle de Gotlland. Les couleurs dillerentes adoptees pour fairc connailre la circonscriplion de diverses grandes inai- liises de mines [Bergmastaredome) , nousmontrcnt que la Suede comprend 15 de ces maitrises qui sont : celles de W cster-Norrland , de Sudermanie, d'Ostrogotbie, des mines de i'ouesl, de celles de Test, de Seanie, des mines de la couronne, de Warmland, d'Lpland, de Gefleborg, des nouvelles mines de cuivre de Nora, de Nericie, du Wesler-Botten et du Norr-Botten (Botnie occidcntalo st septentrionale), Les deux carles dont je viens de parler et en parti- culier la premiere, qui n'est pas aussi chargee de lignes el d'indicalions que la seconde, permetlront a nos geo- graphes de rectifier bien des positions jusqu'a present mal donnees dans nos atlas. 11 ne faut pas moins que les grandes proportions de ces deux cartes, pour que 1'ceil ne se perde dans le dedale de lacs dont la Suede est couverle, surtout dans sa partie septentrionale. La pluparlde ces lacs sont en communication les uns avec les aulres, en sorte que la Suede n'est en realite qu'un reseau d'eau coupee paj- des etendues de terre fermc. Ce nombre prodigieux de lacs s'oppose a ce que Ton ( 337 ) puisse marquer sur la carte le nom tie chacun d'eux; voila pourquoi nous manquons en France cl'une no- menclature complete des lacs de Suede. La troisieme carte comprend trois compartiments places sur des feuiiles distinctes ; elle nous donne 1'etat forestier de la Suede. Cliaque sorte de foret est indi- quee par une leinte speciale : celles d'arbres verts le sont par cette meine couleur, et les autres sonl mar- quees par la couleur jaune ; les teintes vertfonce repre- sentenl les fulaiesqui sont presque toujours composees en Suede de pins sylveslres. L'intensite de la teinte est proportionnelle a l'age de ces futaies : les teintes vert clair represented les laillis qui sont en general com- poses d'epiceas, car c'est seulement a un certain age que le pin sylvestre prend ledessus. Le petit nombre d'espaces blaucs laisses sur la carte, surtout dans la partie septentrionale, montre combien les forets sont abondantes en Suede ; il n'y a guere que la poinle meridionale comprenant la Prefecture de Malmoe et une partie de cclle de Cliristianstad qui soil couq^letement defricbee. Les forets d'arbres verts predominent de beaucuup sur celles d'arbres a feuiiles caduques; a 1'exception toutefois de l'ile d'QEland on les bouquets, car il n'y existe plus de veritabies forets, sont formes en grande majorite d'arbres a feuiiles caduques. On ne trouve meme a vrai dire aucune forel de ces derniers arbres dans la Suede ; tandis que, les taillis d'epiceas sont tellemenl multiplies qu'ilsrecouvrent la majeure partie du pays. Le sol ne s'eclaircit que le long de certaines rivieres, telles que le Dal, le Laga, le Mjunrunda, la Liusne-Elven, ou sur les bords de quelques lacs et en ( 338 ) particular sur ceus dps lacs' Wetter ot Malar, et sur lc bord meridional clu lac Wener. En general, la contree qui s'etend dans la parlie sud de I'istlunc, si'paranl les deux grands lacs \Yener et Wetter, est relativement pep boisee et rappelle l'etat forestier cje. la Gothic ineridionale. Celte troisieme carte reproduit les indications princi- ples, consignees dans la carte metallurgique.ce qui elait indispensable, puisque l'abondance du bois sc trouve dans iini' relation etroite avec les forges qu'il alimente. Sous le rapport de l'exeeution, ces irois cartes ne peuvent lulter sans doute avec les plus beaux produils de la cartograpliie franchise on anglaise ; la Suede n'a pas encore pour cet art les ressources donl disposept desgrandspruples commelenotre. Mais si elles lajssent a desirer quant a ('elegance et a la beaute de la leltre, elles offrent du moins un caractere de nettete et de simplicity dans les moyens a l'aide dc-quels elles sont dressees, qui en rend la consultation facile. Les montagnes soul fig rees avec une sobriete de hacliures qui empeclic qu'une contree aussi accidentee (|ue la Suede, ne devienne dans scs representations carto- graphiques un dedale pour l'ceil, Ce danger existe surtout dans ties cartes telles que relics qui \iennent d'etre examinees, ou les indication' de differeptes sortes tendent a surcharger le papier. Telles qu'clles sont exe- rutt'-es, les cartes oflfertes par S A. ]{. le Prince here- ditaire de Suede seront consultees par nous avec fruit ; elles scnironl a nous faire connaitre en detail un pays emineminent curieux, el dppt la coniiguralion lopo- graphique presepte des difiicultcs nombrcuses. ( 339 ) L/EMPIRE CHINOIS, FA1SANT SUITE A UN OUVUAGE INTITUI.li : Souvenirs f/'llll -voyage dans (a Tartaric el le Thibet, par M. Hue, an- CIEH VIISSIONNAIRIC APOSTOL1QUE EN ClHNIi, 2 Vol. in -8°, Paris, 185/|. — (Analyse parM. Alber-i -Montemont, tpembre tie la Commission centrale tie la Societe tie Geographic) Dans lea Souvenirs tie peregrination en Tartarieetau Thibet, M. Hue a s a i t annonce que , par un second oinrage, il rend rait com p to de son trajet depuis les frontieres tbibetaiues jusqu'a Canton, en rappelantses relations avec les auloriles chinoises et en jelant un coup d'oeil sur les provinces qu'il avait parcourues. Tel est l'objet du livre que nous allons analyser, comme nous l'avons fait du premier. L'etape de Lba-Ssa a Tsiamdo s'etait accomplie au milieu de privations plus ou moins grandes, a travers ties pays de montagnes neigeuses bordees de preci- pices, et les voyageurs exposes a toules sortes de souf- I'rances, ainsi qu'a la rencontre de betes fauves et de brigands; la inarche (dans l'interieur du Celeste- Empire s'effecluera au sein de 1'abondance et de la civilisation. IN'oublions pas, d'ailleurs, que nos deux missionnaires s'etaient mis sur un pied beaucoup plus avantageux que dans leurs a Litres peregrinations La premiere fois que, pourse rendre de Canton a Peking, ils avaienl traverse les provinces qu'on leur allait faire parcourir, ils avaient limidement voyage par ties ehe- mins detournes , comme des ballots de contrebande ; au lieu que maintenant ils marcberont a decouvert et ( 340 ) en suivant lcs routes iinperiales; ajoutons que les mandarins toujourssi orgueilleux avec les faibles, qu'ils prennent plaisir a ecraser du poids do lour autorite, se Irouveront desormais forces a la soupiesse et aux prevenances envers deux missionnaires places sous le patronage du souverain ; ceux-ci, qui depuis deux ans n'avaient enfourche que des baridelles , ne devaient plus se mouvoir qu'etendus chacun clans un palanquin et loges ensemble dans do ricbes hotelleries. La cein- ture rouge et le bonnet jaune, attributs des rnembres de la famille imperiale, et interdits au people, sous peine d'exil a perpetuite, devaient singulieremenl les relever auxyeux des masses et inspirer le respect. On partit done danscet appareil et on gagna le cele- bre pont de Lou-ting -Kino, jele en 1701 sur la riviere de Lou, et long de ()'i metres sur 3 de large. II se com- pose de 9 enoru.es cbaines de t'er, (endues forlement d'une rive a l'autre et sur lesquelles sont posees des planches transversales; les deux rives sont tres cscar- peesetl'eau du fleuve couleavec lavitesse d'une Qeche. Le lendemain on francbissait one haute monlagne pour atleindre bientot Tsing-khi- hien , ville de Iroi- sieme ordre, d'ou Ton so rendit a Yu-Tcheou, belle ville de second ordre, donl le people s'inclina devant les palanquins de MM. Hue et Cabot, lis avaient pene- tre clans la fertile ethospitaliere province de Sse-tcbouen ou les hotelleries sont ecbelonnees le long des routes iinperiales, outre de nombreux marchandsqui vendent aux voyageurs des fruits, des cannes a sucre, des patis- series, des potages, du the, du vin, du riz et une foule d'autres friandises chinoises. Une odeur forlement musquee et particuliere a la Chine et aux Ghinois, ( m ) annoncaild'aillcursaussi qu'on avail decid^ment pene- tre dans l'empire du milieu. An boutde deux jours de marche, on arriva a Khi- oung-tc]ieou,\\\\z dont les habitants vivent tons dans une grandc abondance ; tin mandarin recut nos voyageurs dans mi Koung-Kouan, on palais communal, et leur offrit une collation pleine de recherche. Ces hotels sunt places d'elapes en etapes et reserves aux grands man- darins qui voyagent pour le service public ; ceux du Sse-lchouen sont les plus renommes dans tout l'empire pour leur magnificence, on y recoit toujours une bonne et brillante hospitalite. Apres avoir parcouru environ mille li, c'est-a-dire cent lieues, onetait arrive a Tching-tou-fou (1), capitale de Sse-tchouen; clle est divisee en Irois prefectures, chargecs de la police et de l'administration de la ville toutentiere; chaque prefet a un palais-lribunal ou il juge les affaires de son ressort ; le tribunal prefeetoral oil MM. Hue et Gabet furent introduits avait nom Hoa- Yuen, c'est-a-dire jardin de fleurs. Le prefet de ce palais etait un Tarlare mantchou, qui lit le meilleur accueil a nos deux voyageurs, leurs palanquins furent remplaces par d'autres plus com- modes, la conversation eut lieu dans la langue mater- nclle de ce prefet, qui elait tres familiere a MM. Hue el Gabet, langue des conquerants de la Chine et celle de la famille imperiale regnante, ce qui le disposa mieux encore envers eux. II leur donna un grand (l) Fou ilesiyne en Chine une ville de premier ordre; tcheou, de second; hien, de troisieme. Ces trois especes de villes sont toujours entermees dans une enceinte de remparts. ( 342 ) diner a la chin >isr oA assista 1111 di' ses Collegdesj on commenca, cotnme d'habitude parle dessert, pendabl que les echansons ne ili.se ulihuaient pasde vfefser du vin chaud dans de petits gobclels : bn passa au menu et Ion finit par le polage; on se leva de table, afin do prendre la pipe el le the" dans un autre salon. Apres une visite an vice-foi de la province de Sse- tchonen, on quilla Tching-lou-lou, unedes plus belles villesdel'empire cliinois, situee au milieu d'unc plaine extremement fertile, anosee de lelles eaux et bornee a l'horizon par de riches col lines; ses principalis rues sont larges, pavees en enlier avee de grandes dalles, et d'une telle proprele qu'on doute si l'on est bien dans une cite chinoisc. Les magasins avec leurs lougucs et brillantes enseignes, l'ordre parfait qtii regtte dans l'elahige des marebandises, le grand noinbre et la beaule des tribunaux, des pagodes et des etablisse- ments de la classe des leltres, tout contribue a faire de Tcbing-tou- -l'ou une villc exceptionnelle. De leur cote les habitants se font remarquer par l'£legauce de leurs manieres et de leurs vetements; la classe moyenne monlre aussi une grande courtoisie ct parait vivre dans l'aisance. M. Hue donne transitoirementquelques details sur le gouvernement chinois, sur l'adminislration inlerieure de Peking, sur lescours souveraines, l'Acalus ou moins elevee et qui sert pour ainsi dire dans son isolement comme d'une sen- tinelle avancee. Les pagodes, ou les temples d'idoles, sonl Ires nombreuses ; il n'est pas de village qui n'cn possede plusieurs; il y en a sur les chemins et au milieu des cbamps; on en compte plusde dix mille a Peking, oil Ton distingue par-dessus tout le temple du Ciel et le temple de la Terre. II y a en Chine trois religions principales et qui sont personnifiees dans Confucius, Laot-tze et Boudha ou F6. La religion chretienne est peu repandue et a peine toleree. La Chine possede des couvents de bonzes et de honzosses, surtout dans les provinces du midi. Les homines et les femmes de ces couvents ont tous la tele rasee. Les bonzesses ne sont pas cloilrees el on les rencontre assez frequemment dans les rues. II regno, assure-t-on, de graves desordres parmi ces assemblees de religieuses. Dans leur sejour a Ou-tchang-l'ou, MM. Hue el Gahet ( 350 ) Inn p.t temoins des pratiques ou sortileges des Chinois enveis Is malades. In inorihond devint l'occasion de detonations de petards, que 1'esperancd de ]<• sauver fit multiplier lout le snir. Los Chinois pensenl que la noort est le reanltat ctave et Antoine, un rappro- chement d'ou dependait la paix du riittritle ; Horace raconte ce voyage dans sa cinquieme satire (1), il le faisait a petites journees, car il mil 12 jours a par- courir les 378 milles (560 kilometres on 130 lieues), qui separent Rome de Brindes. Son recit, une des premieres productions du poete, est, sous le rapport du style, loin d'etre une des meil- leures, mais il abonde en particularity sur les moeurs privees des Romains, et surtout en details geographi- ques. On sail d'ailleurs avec (juelle verite Virgile et Horace out depeint les sites de la vieille Italie ; on peut done quelquefois demander a leurs ecritsles renseigno- menls geographiques qui nous font defaut dans les bistoriens de 1'antiquite. M. Ernest Desjardins s'est propose de suivre, pendant l'autommedel8<")2, l'ilinei airesuivi parle poete, jusqu'a Capoue du moms, et dc Capoue a Brio les il s'est aide des textes et des descriptions topographbjues ; il a pu ainsi se convaim re de l'insutfisanco des commentaires (i) Livre l", satire v. ( 355 ) geograplnques qui acfcompagnefit d'ordinaire les auteurs anciens, et neanmoins de lenr importance pour I'inlelligence du texte. Aussi a-t-il trouve encore a glaner la, oa avantlui, l'abbe Capmarlin de Chanpy et M. Valckenaer avaient moissonne. II suit done Horace pas a pas dans le pays memo que le poete a parcouru, et profltarit des erreurs et des lumieres de ses devanciers, il offfe dans sa dissertation one description r omparee des lieux modernes que le poete a traverses en parcourant la Voie Appienne dela Porte Capene (1) , percee dans l'eneeinte de S"rvius Tullius, entre le Coelius et l'Aventin, a Brindes meme. La premiere elape du poete voyageur fut a Aricie, reconnaissable aux 1 nines de son Temple de Diane, pres du village de Riccia ; il init ensuite une journee a gagner le Forum iV Appius silue au quaranle-lroisieme mille, et dont trois u aisons modernes designees sous lenom deFoio Appi inarquent 1'cmplacement. G'etait alors un inarche ires frequente et un lieu d'embarque- ment sur le canal qui traversait les M u-ais Pontins (2) jusqu'a Terracine, le port d Anxur. Ce canal qui, sans doute etait destine a assainir les Marais Pontins, rece- vait les eaux de trois petites rivieres que nous cberche- rions aujourd'bui en vain sur nos cartes, leAymp/iceus, \l) II n'existe aujourd'hui aucune trace de cette porte, mais on sait exactement quel etait son emplacement par It s homes inilliiires de la voie retrouvees en place; elle occupait le Casino ilellu villa Casoli. (a) Ce canal, selon M. Desjardins, devait commenrer vers Tripon- tium [aiijourd'hui Ti iponti), 3 indies au-dessus du forum d' Appius ; il avail 19 inilles de longueur, aussi Procope l'appelle-t-i) canal de9 dix-neuf {decemnovius, nom qui fill aussi applique, an temps de Cas- liodore, aux Marais I'ontins eux-metnes. ( 356 ) YJrnasenuseisonafflucm VUfens j Horace s'y embarqua et ceite navigation a souleve nien des controverses parmi les erudits. Les uns, comme Bergier, onl affil me que la voie romaine n'cxislant pas an premier siecle de notre ere entre le Forum d'Ap|)ius et Terracine, il fallait recourir a la. navigation de ce canal ; d'autres, et M. \ alckenaer est de ce nombre, peusenlque la \oie etail droite et facile jusqu'a Anxur, et que l'embar- quement d'Horace n'esl du qu'a une fantaisie du poele. M. Ernest Desjardins, apres avoir fait remarquer quo I'opinionde Bergier ne saurail etre admise, parce que vingt passages des auteurs etablissent (pie la Voie Appienne exislait avant Trajan, sans aucune solution de continuity entre Rome et Capoue , presumait que 1'embarquement d'Horace puuvaitelre attribuea l'elat de degradation momentanedelavoiedansson parcours a Iravers les Marais Pontins ; il voulut soumettre son hypothese a M. Valckenaer qui , dans une premiere letlre combatlit ['opinion de Bergier, et dans une seconde, lui ecrivit : « La Voie Appienne a ete tracee droite et terminee avant Auguste, comme les ilineraires nous la donnenl; mais, comme loules les routes tracees a travers de grands marais dont on neglige I'entretien, elle a et6 interrompue dans une on plusieurs de ses parlies, et dans cos parties, jusqu'au retablissement, on a ete oblige de marcher a cote. Auguste pendant son long regne y a fait plusieurs fois travaillcr, et dans les in- scriptions du regne de Trajan, quisont celebres par le soin que Ton a eu de faire bonneur a cet empereur des travauxpublics auzquels il n'avait eu qu'une petite part, il est |>ossible qu'il y en ail ou cet empereur se ( 3&7 ) vante d'avoir termine la VoieAppienne; cela n'esl pas, lisez l'ouvrage de Pralilli: Delia via Appia, un volume petit in-folio uniquement consacre a cette voie; lisez l'ouvrage bizarre, mais instructif, de Capmartin de Ghaupy sur la maison d'Horace, il a parcouru toute cette voie pendant des annees avec (1), et enlin les inscriptions des anciens, je crois que vous tiouverez ces resullats certains (2). » II en a ete de meme chez les modernes, les papes ont souvent fait tvavailler a cette voie, et toujours elle se degrade, voyez tic Prony (son grand ouvrage sur les Marais Pontius) qui a opere le dessecbemcnt quand M. de Tournon etail prefet. » On pent conjecturer qu'Horace no s'est embarque a Appii forum que parce que la voie etait degradee. Je ne le crois pas; cependant voire conjecture est inge- nieuse et merite examen ; je crois avoir etudie celte difficulte avec soin, et il y a des autorites qui prouvent qu'on prenait le chernin de terre et le canal a volonle, et s'il y avait eu un grand detour comme au temps de Trajan avant la reparation qu'il a faite, nous en trou- verions des traces dans les auteurs ; si je redonne une seconde edition de mon Horace, je les produirai, les autorites, puisqu'un professeur aussi instruit que vous s'est fail cette objection, je les produirai; mais, en attendant, M. Orelli, danssa seconde edition d'Horace (la meilleure qui ail paru), a donne des eloges anion (i) Mot laisse en blanc. (2) M. Valckenaer aurait sans iloute mis moins de eonfiance dans l'ouvrage de Pratelli, s'il eut appris queM. Henzen a decouveit quece trop ingenieux ecrivain avait compose' lui-meme plusieurs des inscrip- tions qu'il cite a l'appui de ses opinions et de ses raisonnemeu,u. ( 358 ) travail, il l'adopte 81 n< fail aueune mention clans son long coinincnlaiie cl' ['assertion lie Bergier ( je viens d'ouwir moil Bergier el j«' n'ai pu trouver le passage) ; je ne doute pas qu'il n'ex'iN'u cependanl, wais ce sont les testes qu'il faut voir et comparer. Vous ppuvez ecrire dans un coinmenlaire voire conjecture , mais ecrire sur une carte qu'une portipn de terre quelcon- que a ele traversee par un clieinin qui se nonunait via veins Appii, et une autre par via veins Trajani, ccla serait une faute grave, si vous n'avez pas un ancien qui la nomine. Ainsi on ne doit riep supposer en geo- graphic, ni changer les iioms par voie \' invention, mais les elablir par voie kV invent aire. » La Voie Appicnneatoi jours ele celle qui a ele tracee par les itineraires anciens, et celie-la a ele analysee, mesuree par moi, d'aj res les ineilleures cartes lopo- grapliiques, de station en station avec des resultats qui concordent avec les textes des geographes, des historiens, des poetes, et elle etait bied certainement droile entre Rome et Terracine. » Ce Irajet sur le canal des Mara is Pontins se I'aisait a l'aide de barques trainees par des mules, el pendant la nuit, afin sans doute d'evit /} • — Non* avons rendu conpte decel ouvrage ( 303 ) paraison des itineraires lui a et6 surtout d'un grand secours; son travail est aceompagne de deux cartes, l'une donne mille par mille (1) la voie Appienne de Rome a Terraeine, avec les details topograplnques les plusimportanls; l'autreestla carte generaledu voyage, elleindique tons les lieux menlionnes par Horace, ceux dans lesquels il a passe les units, les stations des itine- raires qui exislaienlalors, enlinla synonymie moderne de lous ces noms anciens. Le travail de M. Ernest Desjardins montre l'lieu- reuse application que Ion peut faire de la geograplde anx eludes purement litteraires ; vous le jugerez d'un bon exemple pour les prol'esseurs de nos lycees, que nous voudrions compter plus nouibreux el plus zeles dans nos rangs. lis trouvoraient souvent, dans une plus large et plus serieuse application de la geographie a l'etude des auleurs qu'ila commentent lous les jours, un puissant moyen d'interesser, de captiver meme l'attention des jeunes gens auxquels sadressent leurs savantes lecons. V. A. MALTK-lilUJN. dans le cahier des Nouvelles avnales des I'ovaqes de m ;ll 1 855, pages 206-2 19. (1) D'apres des inesures plusieurs foia veriliees de nulle en mille la oil il avait retiouve lei homes en place, M. Ernest Desjardins, donne au mille romain i48im,75. ( 364 ) ESQUISSE VVML ISOUVELI.E GEOGRAPIIIE PHYSIQUE , D EST IN BE A INTERESSER LA JI'.UNESSE A l'eTUDE UE CETTE SCIENCE A L'AIDE DE L'HISTOIRE NATURELLE ET DE LA DESCRIPTION d'aMIIAUX, DE MINERAUX, DE PLANTES UTILES , PAR A. VULL1ET (1). Coropte rendu In a la Seance de la Commission centiale du 4 avril. Lc tilre tie cet ouvrage indique clairement le but de l'auteur : M. Vulliet a pense qu'un abrege de geogra- pbie qui se bornaitaune nomenclature secbc etaride, herissee de noms barbares et dont l'etrangele frappait seule l'imagination des jeunes gens, qu'un lei abrege, utilo quelquefoiscomme resume de connaissances deja acquises, devenait inutile a l'enfant pour lequel il ne resumait encore rien. II a cru devoir subslituor a ces rnaigres notions elemenlaires, que la me id oi re dos eleves ne conserve que temporairement, parce qu'elles ne sont appuyees d'aucune idee pratique, des notions geograpbiques accompagnees do devcloppements empruntes a I'histoire naturelle et faisant connaltre l'emploi, la preparation, les nietamorpbosesque subis- saient dans l'induslrie les matieres premieres que Ton rencontrait dans la nature, soit au fond des mers, soil dans l'interieur de la terre ou a sa surface, dans telle ou telle contree du globe. II a cbercbe a faire ressorlir dans un petit nombre de notions simples, vraies, utiles, (i) 3 vol. in-12, avec gravures dans le texte. Chez Meyrueis et Lei- decker. ( 365 ) ce qui dans ebaque pays pouvait interesser l'£leve a la vie tie l'bomme. Voyons le plan qu'il a suivi , nous dirons ensuite si nous croyons qu'il ait reussi et atteint le but qu'il se proposait. L'Esquisse d'une nouvelle geographic physique s'ouvre par tine introduction raisonuee qui nous fait connaltro les rapports de la lerre com me planete avec le systemo solaire, les mouvemenls qui lui sont propres, et des observations generalessur les continents et les oceans. L'auteur examine ensuite la diversite de forme et d'aspecl des continents, leur temperature, le feu cen- tral, les tremblemenls de terre, les volcans, les eaux tbermales; il etudie l'influence tie la temperature sur les veg£laux et les animaux, son efi'et sur l'liomme, et les cinq grandes races entre lesquelles on a partage l'humanile. A propos des oceans, il examine le niveau des mers, les marees, les venls, les courants, il etudie la salure dela mer, sa temperature et, descendant au fond de 1'Ocean, il decrit les etres animes que Ton y ren- contre, depuis le mammifere le mieux organise jus- qu'aux mollusques et aux zoopbytes. Quand il a pre- pare lVleve a des descriptions plus detaillees par le grand tableau qu'il vient de derouler a ses yeux, il entre en matiere. Dans une premiere section, il decrit les oceans, pour cbacun d'eux il determine sa situation, ses vents, ses courants, sa temperature moyenne ; il fait connaitre les animaux qui en babitent les bords, les oiseaux qui planent au-dessus de ses vagues, les pois- sons, les mollusques, les madrepores qui en peuplent les profondeurs , les vareebs, les plantes marines qui embarrassent les eaux de leur vegetation sous-marine. ( 866 ) Dans les cinq lections suivantes, M. Vulliet decril suc- t essbement cbaeune des parlies du monde clans l'ordre suivanl : Asie, Afriqne, Europe, Amerique el Oceanic. II donne pour cbaeune d'elles an lien d'une simple nomen- clature de mers, degolfes, d'lles, de cops, do montagnes, de pays, upe rapide description de l'aspeci, du climal, des mineraux, des vegetans, des animaux curieux et utiles (jue Ton \ rencontre ; il fait connailre I'usage dans I'induslriede telle ou telle substance recbeirbee dans on pays, les transformations que doit subir telle autre sub- stance Sortie brute des mains de lanatureavant de passer iililemenl dans celles de l'bonime; ;i proposde la mer de la Cliine, il fera connailre la pecbe de la secbe el I'usage que Ion fait de ce | oisson pour la fabrication del'encre deCbine. II nous fera connailre avec l'Hima- laya, les cbi vri s du Cacbemyr, I ignameet la gomme- gutte de liudo-Cbiiie, le rubis et le lapis-lazuli du Touran ; les peebes de l'Obi, de la Lena; les forels du Canada et les bois utiles que Ton en tire. Avec les savanes du Mississipi , les llanos de I'Orenoque, les silvas des Ainazones et les pampas de la Plata, il fera connailre les animaux ei les \egelaux que Ion y ren- contre, etc., etc., etc. En un mot, il associe cbaque nouveau nom geogiapbique a une description nelte et concise de lei produil on de lei pbenomene qui lui est propre; de celte maniere il le fixe plus aiscment dans la memoire des enfanls, en profitant de ce qu'un lien atlra\anlpeutfaired'in)pressionsurunejeunememoire. Le litre est sagement ecrit, avec cetle nellele d'idees el d'expressions qui convient a un ouvrage destine a renseignement de la jeunesse; on \oit que I'auteur a beaucoup lu, qu'il a parcouru les grands recueils geo- ( 367 ) graphiques publies en France et a i'lilranger, et qu'il s'est inspire d'un ouvrage qui a une reputation meri- tee en Angleterre, la Geographic physique de madame de Sominerville. Nous pensons que M. Vulliet a atteint le but qu'il se proposait,d'interesserlajeunesse a une description phy- sique du glohe en evitant la secheresse d'une part, et de 1'autre la prolixite des descriptions trop scientifiques au-dessus des intelligences auxquelles il s'adressait ; il y aurait bien quelques observations a faire a l'auteur, et quelques legeres corrections de detail a lui signaler, telles sont, l'emploi d'une mesure uniforme, lc metre et non pas, comme il le fail, tantot le metre, tantot le pied, a lamer qui separe l'Afrique del'Asie, nest pas, comme il le (lit (tome I, p. 31), de 9 metres plus elevee que celle qui se Irouve au dela de cet isthme ; » mais ces erreurs que Ton peut faire disparaitre a une pro- chaine edition ne portent aucune atleinte a l'ensemble de l'ouvrage. C'est d'ailleursle premier essai degeographie physi- que et naturelle que l'on ait ecrit, en France, pour la jeunesse, nous lui devons done bon accueil ; il nous a paru d'un utile emploi dans les classes elementaires de nos lycees ou la geographic a conquis avec le pro- gramme universitaire, une place plus large que par le passe. V, A. Malte-Brun. ( 368 ) ^ouvelles et communication*. EXTRAITS D'CNE LKTTBE DE If. A. BONPLAND A U. ALFBED DEMEUSAY, Luc dans la seance du 4 avril. Montevideo, 25 decembre io55. Le vif desir tie rctourner en France est bien profondement grave dans mon cceur, mais comment le me lire aujourd'hui a execution? J'ai pris l'engage- ment vis-a-vis du docteur Pujol, gouverneur de Cor- rientes, de faire tous mes efforts pour decouvrir la mine de mercure sulfure qui paralt devoir exister aux environs du village de La Cruz ; et, selon toutes les probability .or la haule montagne do gres qui domine ce Pueblo, et qui est connue dans tout le pays sous le nom de los tres Serros, a cause des trois pics saillants que Ion distingue a son sommel. Vous approuyerez, je l'espere, les motifs qui ont retard*; jusqu'ici, mes travaux a La Cruz : je ne me trouvais pas capable de remplir cette tache ; je n'elais pas en 61at de faire l'analyse des minerals inconnus a ma vue qui pouvaient sc presenter; je manquais des instruments it des reaclifs necessaires a cette analyse. Eli hien ! mon cher ami, dans le court sejour que je viens de faire a Montevideo, je me suis muni de tout ce qui m'etait necessaire, et je me crois maintenant ( 369 ) capable de decouvrir la mine s une lei tie adressee a Bellot, dans latpielle le docteur Kane, en lui parlant de l'expe'lition qu'il allaitentreprendre, prbposait d'en laisser l<; coni- inanclemeni au jeune lieutenant dont il appreViait ( 38/i ) 1'experience, le talent et lecaractere, s'estimant heu- reux et dalle de d'etre que son second. i\l. Jotnard communique de la part de M. Gortam- bert une note explicative sur la muse de la geographic, a laquelle 1'auteur propose de donner le nom de Kugea, et sur 1'invitation de M. le President, le secretaire donne lecture de cette note. M. Alfred Maury est prie de rendre comple de l'ou- vrage sur la geograpbie botaniquedu Bresil, offert a la Societe par M. le docteur Martius. M. Marius Pliilippon, membre de plusieurs societes savantes, est admis dans la Societe. — M. Paul-Marie Buisson, geographe du ministere des Affaires-Etran- geres, est presente comme candidat par MM. Jomard et Duflot de Mofras. M. V. Guerin lit un fragment d'unmemoire sur l'ile de Rhodes qu'il a visitee en 1854. Ce chapitre est con- sacre au mont Atabyron, ou se trouvent les ruines tie l'ancien temple consacre a Jupiter Atabyrius. La com- mission centrale ecoute cette lecture avec interet et invite 1'auteur a lui communiquer dans scs prochaines seances d'autres fragments de son travail. M. V. A. Malte-Brun annonce que Ion a recu d'An- gleterre des nouvelles du docteur Livingston. Ge liardi explorateur dlaitderetour sur les Lords de la Liambey, de son excursion a la cole occidenlale d'Afiique. Le meme membre annonce que Petal prosperedela petite colonic de l'ile Pilca'irn, vientde necessiter une emigra- tion d'une par tie des habitants dans l'ile de Norfolk, ou ils se proposent de former un nouvel etablissemenl sur le modele de la colonic mere. M. Desjardins, de retour d'un voyage en Hongrie et ( 385 ) en Allemagne, met sous les yeux de l'Assemblee unc collection de diverses cartes, les premieres qui aient ete publiees en langue serbe ; elles out ete lilbogra- pbiees dans le pays meme, avec un soin digue d'elogea pour un premier essai de ce genre de publication; parmi ces cartes se trouve une carte de la division de la Hongrie en departements, qui avait ete proposee en 1848 par le gouvernement insurreclionnel et republi- cain de ce pays. Lememe geograpbe annonce en outre qu'il est l'auteur d'uu globe d'une grande dimension, et il invite les membres de la Societe a le venir visiter. Seance du 16 inai 1856. ■» Le proces- verbal de la demiere seance est lu et adopte, avec le cbangement de l'inscription du monu- ment du lieutenant Bellot, dont \\. de la Roquetle re- mettra une copie exacte (voir la note). M. le ministre de la marine ecrit a la Societe qu'il a recu de M. le lieutenant-colonel du genie Faidberbe, gouverneur du Senegal, une notice et une carte rela- tives aux expeditions de guerre et a 1'itineraire du faux propbele Alhadji dans le baut du fleuve du Senegal. M. le ministre ajoute que, pour repondro an desir de M. Faidberbe, il croit devoir signaler a la Societe ces documents qui contiennent la fixation de points incon- nus jusqu'ici et de contrees jusqu'alors imparfaitement indiquees. La Societe examinera avec inleret ce docu- ment lorsqu'il lui sera parvenu. M. de la Hais d'Essonne reinercie la Societe qui ( 386 ) vient do l'admettre au n ombre doses inombres, ct pro- melde concourir a ses travaux. M. Lejean, membre de la Societe, ecrit a M. le Pre- sident qu'un v'oyageur resolu et ollraut toutes lesga- ranties desirables, aerait dispose a entreprendre le voyage d'Algerie au Senegal par Toinbouetou , s'il n'etait [>as arrete par l'exiguite de ses ressources per- sonnelles, et il demande s'ilserail possible de prelever en sa favour une partie de la souscription a titre d'avance de route. La Commission centrale regrotte de ne pouvoir accueillir celte demande, parce que la tola- lite de la recompense doit elrc roservee pour colui dos voyageurs qui aura le mieux rempli les conditions du programme. M. Wauters, archiviste de la ville doBruxclles, ecrit a la Societe pour lui faire bommage de son bistoiro drs environs de Bruxelles; il ospere que les nombreux renseignements tdpograpbiques et statistiques dont il s'est efforce d'enrichir cet ouvrage, offriront quelquc interet a la Society. M. Scbuman, membre de la Societe, telegrapbisle do l'Etat. annonce l'envoi de la 2e edition de sa carte do la telegrapbie eleclrique de l'Europe centrale. Cottc carte, dessinee avec soin, pcrmettra d'embrasser d'un coup d'ceil l'ensemble du reseau qui, depuis pea d'an- nee's,couvre lesEiatsde l'Europe, etqui bientdl reliera entre ellcs les parties les plus eloigneos du globe. SI. Scbuman ajoute qu'il ospere pouvoir otlrir inces- samment a la Societe plusieurs de sesnouveaux travaux. M. de la Ro'pielte presents de la part de M. Norton- Staaw, la carle dos explorations de M. Andersson dans I'AI'rique nioridionale, depuis les baies Walviscb ct ( 387 ) Alexander jtisqu'au iacN'gami. Cette carte est destinee nu prochain volume du journal do la Sociele royale geographiquc do Londres. M. d'Avezac bflxe un facsimile d'acte de prise de possession des iles des Navigateurs, decouvertes par M. de Bougainville, le 11 mai 1768. L'original de cette piece appartierit a la famille de Bougainville. M. Jomard presenle de la part de M. le lieutenant Maury, directeur de l'ohservatoire de Washington, sa geographie physique de la mer et la 7° edition de ses descriptions nautiques, ainsi que le rapport et les cartes du lieutenant Lee sur I'expedition du hrick le Dolphin. — M. Daussy est prie de rendre compte de ces ouvrages. Le meme memhre oB're en son nom 1° los proces- verhaux des seances de la Commission international chargee tie 1'exploration de l'isthme de Suez en vuedu futur canal des deux mers ; 2" le rapport fait au con- gres americain sur I'expedition du docteur Kane dans les mers du nord, avec la conclusion portant que l'ou- vrage du docieursera publie a quinzemille exemplaires. Enfin, il communique un nouveau plan d'Alexan- drie oil Ton remarque 1'emplacement de plusieurs mines qu'on a recemment decouvertes en faisant des fouilles pour les nouvelles constructions : on y a trouve des colonnes et des entablements de marbre, des fragments de porphyre, des constructions souterraines en briquaron de Hammcr-Purgstall ecrit a la Societe pour lui faire lioimnage du premier volume de sa tra- duction de I'histoire de Wassaf, publiee aux frais de 1'Academie imperials des sciences de Vienne. Cet onvrage, qui se composera de cinq volumes, contient de piecieux renseignements geographiques sur l'lnde. — M. Sedillot est prie d'en rendre compte. M. E. Lamansky, secretaire de la Societe imperiale de geograpbie de Russie, ecrit a la commission cen- trale pour lui ofTrir toules les publications faites par cette Societe depuis la fin de 1'annee 1853 jusqu'a la iin de 1'annee 1855, et formant le complement de celles qui lui ont ete transmises a difierentes epoques. 1\1. Lamansky ajoute qu'il verra avec plaisir les deux Societes renouer leurs anciennes relations, et son desir est accueilli avec une vive sympatbie. M. Scbuman, telegraphiste de I'Etat, a Bruxelles, ecrit a la Societe pour lui ofTrir un nouvel exemplaire de la 2e edition de sa carte de la telegraphie electriquc de ['Europe, en regreltant tjue son premier envoi ne lui soil pas parvenu. M. Jomard donne communication 1"d'une letire de M. le commandant de Neveu, directeur du bureau arabe d'Alger, qui tlit avoir remarque cbez un des Touaregs recemment venus a Alger, un bracelet en pierre porlant une inscription en caracteies libyens, et il pense qu'il existe des livres tout entiers ecrit s en ( 393 ) earaeteres semblablcs ; 1" d'une gazette italienne oil M. Baruffi rend compte des derniers tiavaux de la Societe. II depose ensuite sur le bureau la deuxieme serie des documents relatifs au percement de I'isthme de Suez, avec les travaux de la commission Internatio- nale. Enfin, il rend compte d'un globe teriestre cons- Iruit, execute et peint par M. Desjardins, avec un soin particulier, et represenlant uniquement la terre phy- sique, sans nomenclature, sans aucune autre indica- tion que les mers, les lleuves et l'orographie. M. Des- jardins invite les membres de la Societe a visiter son ouvrage qui, n'etanl pas completement acheve, pour- rait recevoir les perfectionnements indiques par MM. les membres. M. Malte-Brun lit la liste des ouvrages ofl'erts a la Societe, et il ajoute a ces dons, de la part de l'auteur, une carte de l'Algerie, du Tell, de la Kabylie et du Sahara algerien, dressee par ordre de M. le marechal Vaillant, parM. Ch. De la Roche, attache au ministere de la guerre. M. Malte-Brun entre dans quelques details pour appeler l'attention de ses collegues sur cetle publication. M. le chevalier da Silva et M. Paul de Rosti s/mt admis dans la Societe. M. De la Roquelte annonce le retour de M. de Saus- sure de son voyage au |Mexique, et donne quelques renseignements sur les resultats de celle expedition. M. Malte-Brun communique une lettre de M. Ernest Desjardins, accompagnant une dissertation sur l'an- cienne Alesia (Alise ou Alaise). La lecture de ce memoire est renvoyee a la prochaine seance. XI. M4I et juijj. 8. 26 ( 39A ) Sur la demande de M. Jomard et sur ceJle de M. De la Roquette, il sera pris des mesures pour la conti- nuation do la table des malieres du Bulletin, et pour la publication du catalogue des livres et cartes de la Bibliolbeque. M. \ ivien de Saint-Martin pense qu'il serait utile de donner dans cbaque nurnero du Bulletin, sinon une analyse, du moins 1'indicalion des matieres geogra- phiques contenues dans les differents recueils adresses a la Societe. Le meuie membre annonce qu'il vient de se for- mer une association ayant pour but de publier sur un nouveau planun grand dictionnaire geograpbique plus complet que tous ceux qui existent, et entierement a la hauleur de la science. Pour donner a la Societe une idee de ce dictionnaire, il lit un fragment de l'arliclc France qu'il a prepare pour cette publication. La Com- mission centrale ecoule cette lecture avec inter£t. n o %t f i i ■ tut*, i/i// Ittiti. Iiitt<-tr. Imiii & i f. f) I I [I II I \ / / £ h b r. v « i, urn i - im - IIVSSIN;* I>1 -i Si V.W ii im ii\i i \hi r. I I ,1,11k ,i„ \ , 1/ I/-' ''■ ''■III I, I I. I ( 395 ) OUVRAGES OFFERTS DANS LES SEANCES DE MAI ET JUIN 1856. EUROPE. Titres des ouvruyes. Donateurs. Histoire des environs de Bruxelles , ou description historique des localites qui formaienl autrefois I'ammanie de cette ville , par Alphonse Wauters, archiviste de la ville de Bruxelles, membre de la commission provinciate de statistique du Brabant. Ouvrage faisant suite a l'bistoire de Bruxelles, par Alexandre Henne et Alphonse Wauters, et orne de gravures sur bois. Bruxelles, 1 855. 3 vol. gr. in-8\ M. A. Wauters. Voyage d'Horace a Mrindes (satire 5, livre I). Dissertation geo;-;ia- phique Iue a i'Academie des sciences, arts et belles-lettres de Macon, par Ernest Desjardins, docteur es-lettres, professeur d'histoire au lyce'e imperial de Macon, etc. Macon, 1 855. Broch. in-8°, avec 2 cartes. M. E. Desjardins. La pieve S. Stefano dal l4 febbraio 1 855 al marzo 1 856. Cenni Sto- rici di E. Bubieri. Firenze. i856. M. E. Bubiebi. ASIE. Geschichte Wassaf's. Persisch herausgegeben und deutsch uebersetzt von Hammer-Purgstall, iervol. Vienne, 1 856. i vol. in-4°- Baron de Hammeb. Der iNbrdliche Ural und das Kiistengebirge Pae-Clioi. Untersuclit und besrhrieben von einer in den Jabren 1847, '848 und i85o durcli die Kaiserlicli-Bussiscbe geograpbischc Gesellscbaft atisge- riisteten Expedition. Baud II. Verfasst von dem Leiter der Ural Expedition Dr Ernst Hofmann. 1 856. In-4°. SOCIETE IMPERIALE GEOGRA IHIQVJE DE BuSSIK. AFRIQUE. Extraits des proces-verbaux des se'ances de la commission interna - tionale du canal de Suez. Paris, 1 856. Brocli. in-8". — Per cement ( :>i)«3 ) Titres des ouvrages. Donateurs. de l'isthme do Sue/. Expose et documents', a' serie. i vol. in-8". F. de Lessi ps. AMEHIQUE. Journal of a tour in unsettled parts of Nortb America in 1796 et 1797. By the late Francis Baily, F. R. S. President of the royal astronomical Society. London, i8.^(). 1 vol. in-8". Mi>s Bailt. CARTES ET PLANS. Carte de PAlgerie, Tell, Kahylie et Sahara algerien, dressee par ordre de M. le marechal Vaillanf, ministre de la guerre, par C. Dela- roclie, attache au ininistere de la guerre. 1 856. 0. feuilles coloriees. Map to illustrate explorations in South Africa from Walvisch hay to lake JNgami, etc., by C.-J. Andersson, esqr. 1 854- ' feuille. M. Norton Shaw. Carte dcs DouveUes limites de la Russie, d'apres le traite du 3o mars 1 856. 1 feuille M. V. A. Malte-Brun. Carte geologique des Etals-Unis et des provinces anglaises de l'Ame- riqtie du NoriL 1 feuille. M. Mar COO. Carte de la telegraphic eleetrique de PEurope centrale, par M. Ed. Schuman, telegraphiste de i'Etat, 2e e'dition. Bruxelles, i85G. M. En. Schuman. OUVRAGES GEKERACX, MELANGES. Cnmpfc-rendu annuel adressr a S. Exc. M. de Brock, ministre He- finances, par le directeur de 1'ohservatoire physique central, annee l854- Saint-Pt'tersbourg, 1 855. 1 cah. in-4°. M. Kitffgr. Ohservations mett'orologiques faites a JNijne-Taguilsk (monts Ouial), annee 1 854- Broch. in-8". Le prince Demidoff. Almanaque nautico [iara 1857, calculado de orden de S. M. en el observatorio de marina de la ciudad de San-Fernando. Cadis, 1 855. I vol. in-8". L'oRSERVATOIRE DE MARINE DE San- FER N ANUO. Explanations and sailing Directions to aceompagny the wind and current Charts, approved by commodore Charles Morris, chief of the bureau of Ordnance and hydrography; and published by authority of hon. J.-C. Dobbin, secretary of the Davy, In M. F. Maui v. I lent . I". S. N. superintendnnl nl the U. S. N. ob*er- ( 3-97 ) Titres des ouvraqes. Donateurs. vatory and hydrographical office, Washington, seventh edition. Philadelphia, 1 855. i vol. in-4°. M. Maury. The physical geography of the sea. By M. F. Maury, lieutenant U. S. N. Fifth edition. M. Maury. Report and Charts of the Cruise of the U. S. brig Dolphin made under direction of the navy department, !>y lieutenant S. P, Lee, V. S. N. Vashington, 1 854- 2 vol. in-S°. M. Lee. Essai sur l'inegalite des races humaines, par M. A. deGobineau, pre- mier secre'laire de la legation de France en Suisse, membre de la Societe asialinue de Paris. Paris, 1 853-1 855 4 vo'- in-8°. M. A. be Gobineau. La race hellenique el I'Oceident. Reponse an Conslilutionnel , par C.-N. Levidi, re'dacteur du journal VEspdrarice. Athenes, 1 856. Broch. in-8°. C -N. Lf.vidi. Fac-simile d'acte de prise de possession des iles des Navigaleurs , decouvertes par M. de Bougainville le it mai 1768. 1 feuille. M. d'Avezac. MEMOIRES DES SOCIETES SAVANTES ET RECUEILS PERIODIQUES. Memoires de I'Academie royale des sciences de Turin, 2e serie, t. XV. 1 vol. in-4". — Memoires de la Societe impeiiale geogra- phique de Saint-Peiersbourg, I. IX et X ; Bulletin de celte Societe', 3vol.de 1 853, 6 de 1 854 et 6 de 1 855 ; Reeueil ethnographique publie par la meme Societe, t. II; Comptes rendus pour les annees 1 853 et l854 — Proceedings of the royal geographical Society of London, n°* 1 et 2. — Jahresbericht des geographischen Vereins zu Frankfurt a M. 2 cah.de 1 853- 1 855 ; Ueber Gold-und Silber- Wahrung, von D. K., broch. in-8°; Einige Worte fiber die Sta- tistik im Allgepieine.n nnd iiber die Statistik von Frankfurt insbe- sondere, von H. L. V., broch. iu-8°. — The Journal of the Indian Archipelago and eastern Asia , juillet-aoiit-septembre r85S. — Journal of the Franklin Institute, Janvier et fevrier i85G. — Mittheilungen iiber Wichtige neue Erforschungen auf dem Ges- ammtgebiete der Geographie von D' A. Peteimann, 2C, 3C et 4e canters de i85G. — Zeitsehrift fiir allgemeine Erdkundc, mni> et avril. (/,« suite auprochain iiumno.) ( 398 ) TABLE DES MATTERES I ONI BNUES DAAS LE TOME XI I)E LA &« SEUIE. Nos 61 & 66. (Janvier a Juin 1 85G. ) MEMOIR ES, ETC. I'.jei Sur notre connaissauce actuelle de l'Jncle ancienne, par M. Vi- vien de Saint-Martin 5 Me'moire sur le Soudan, par M. le cotnte d'Escayrac de Lau- ture (Suite) j /. Episode d'un voyage an Soudan oriental et remarques sur l'es- clavage, par M. Tre'maux i 53 Assemulke genehale i)U 4 avril 1 856. — Discours de M. Le- febvre-Durutle , se'nateur 217 Rapport surle concours au prix annuel pour la decouverte la plus importance en geographic, parJM. Jomard 227 Notice sur les decouvertes recentes des inissionnaires dans I Afiique equatoriale et sur I'existence de plusieurs grands lacs dans I'interieur de ce continent, par M. V. A. Malte- Brun a34 L'interieur de la Guyane francaise, par M. Lejean 246 Note sur la carte geometrique de l'Espagne, par M. Jomard. . 265 Rapport sur Iachronique de Guines etd'Ardre, par M. I'ouk-.in de Hossay 267 Populations noires ties bassins du Senegal et du haul Niger, par le lieutenant-colonel du genie L. Faidlierbe 281 Fragments d'une etude sur lile de Rhodes, par M. V. Guerin. 3oi ANALYSES, ET RAPPORTS, ETC. Notice biographique sur I'amiral sir John Franklin, par M. De la Roquette 70 ( 399 ) Note sur la carte ties decouvettes du docteur K. K. Kane, parM. V. A. Malte-Brun 125 Souvenirs d'un voyage dans la Tartaric, le Thibet et la Chine parM. Hue, ancien missionnaire apostolique en Chine. (Ana- lyse par" M. Albert-Monlemont) a 55 De l'emplacement de la villa d'Horace determine par M. Noel des Vergers. (Compte rendu parM. Poulain de Bossay). . . 188 Rapport sur la carte topographique et militaire des Pays-Bas, par M. V. A. Malte-Brun ,()2 Rapport fait sur trois cartes de Suede donnees a la Societe de geographic, par S. A. R. le prince hereditaire de Suede, vice- roi de Norve'ge, par M. Alfred Maury 33?. L'empire chmois, par M. Hue. (Analyse par M. Albert-Mon- temont 33g Voyage d'Horace a Brindes, dissertation ge'ographique par M. Ernest Desjardins. (Analyse par M. V. A. Malte-Brun). . 353 Esquisse d'une nouvelle ge'ographie physique, par M. A. Vul- liet. (Compte rendu par M. V. A. Malte-Brun ) 364 NOUVELLES ET COMMUNICATIONS. Expe'dition scientifique faite par ordre du gouvernement des Etats-Unis de l'Amerique du nord dans l'hemisphere meri- dional pendant les annees 1849 ^ '85?. 12Q Socie'te de ge'ographie de Vienne i32 Le Oualo, province francaise i33 Annonce d'une expedition ;i la recherche des sources du Nil. 1 34 Note sur le territoire de Kansas, adressee parM. Louis Cortam- bert ipt) Lettre de S. A. R. Mgr. le due de Scanie au president de la Societe de geographie 200 Lettre dc M. Coitambert a M. Alfred Maury, sur une rectifi- cation a faire dans le Bulletin 20 1 Extrait d'une lettre de M. le comte de Gobineau a M. Alfred Maury 202 Nouvelles de l'expedition scientifique envoy de en Siberie en 1 855 par la Societe de geographie de Saint-Petersbourg. . 206 Tremblement de terre au Japon 208 368 :■;-■,. ( WO ) Exti \iits d'une It lire de M. A. Bunpland J M. Alfred Deniersay. Extrait d'une lettre de M. Hermann Ludewig J M. Jomard. . . Letlre de M. le docteur Barib j M. le president de la Societe de geographic de l'.n-is 3;3 Extrait d'une lettre de M. Brun-Roliet a M. Jomavd 3-.'i Note sur le monument sieve em Angleterrea la memoire du lieutenant Bellot, et sur la souscription anglaise, par M. De la Roquelte '>-- Seance annuelle de la Societe royale des aritiquaires du Nord. '.\-q ACTES DE LA SOCIETE. Extraits des proces-verbaux des seances de la Commission centrale i3j, 209, 270,382 Outrages offerts a la Societe 1 4*->, a 1 .{•, 275, 3p5 Table generale des niatieres du tome XI 3r>8 PLANCHES. Carte des decouvertes du Dr E.-K. Kane dans les regions arctiques. Croquis des bassins du Senegal et du liaut Niger, par le lieu- tenant-colonel du genie L. Faidherbe. FIN HE LA TABLE nu XI* VOLUME. LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIETE DE GEOGRAPIIIE AU 31 SICEMBBE 1855 (1). S. M. NAPOLEON III, Empereur des Francais, protecteur. S. A. le Prince Charles-Lucien Bonaparte. S. A. R. le Prince Royal de Suede et de Norvege, due de Scanie. MM. *Abba»ie (Antoine d1), correspondant de l'Aca- demie des sciences, rue du Bac, 110. **Abbadie (Arnaud d'), rue de Grenelle, 112. Agasse, rue Jacob, 23. Albert-Montemont, rue Saint-Honore, 357. Andriveau-Goujon, rue du Bac, 21. Ansart, professeur d'histoire et de geograpbie, rue Bonaparte, 45. ARGOu-r(le comted'),gouv. delaBanque, senaleur. Arthus Bertrand, libraire, rue Hautefeuille, 21. Aspinwall, president des directeurs du chemin de fer de Panama. Aiipick (le general), senateur, rue du Cherche- Midi, 91. Auvray (le general), rue Chabannais, 2. *Avezac (d'), chef au niinistere de la marine, rue du Bac, 42. Ayrton (Fred.), au Caire. Barbie du Bocage (Amed^e), rue de la Cliaussee- d'Antin, 58 bis. Barrot (Adolphe), ministre plenipotentiaire de France en Belgique. Bartholony (Francois), r. de Larocliefoucault, 12. Bauerkeller, rue de Vendome, 12. (i) Les noms des Membres donateurs sont precedes d'un aste'- ristjue * et ceux des Membres honoraires de deux ". a ( 2 ) MM. Bazin, professeur au college de Laon. Beaujouan, librairc, rue Haulefeuille, 21. Be.noist d'Azy (le vicomte), rue de Grenello, 86. Bi.ossevii.li-: (Ernest de), a Amfieville (Euro). Bonneau (Alexandre), rue Vanneau, 40. 'Brisbane (le lieutenant general baron Thomas), au chateau de Kelso, en Ecosse. De Brossard, rue de la Fcrme-des-Mathurins, 29. Bruant (Alfred), consul de Fiance, a Danlzig. Brun-Rollet, voyageur en Afrique. Cadet, professeur au lycee imperial de Moulins. **Callier (le general) , rue Casliglione, 7. Chassant, graveur-geographe , rue du Vieux-Co- lombier, 13. Cuadveau, avocat, rue du Cherche-Midi , 21. Cocuelet (Adrien), conseiller d'Etat, rue de la Victoire, 40. Cochelet (Charles), rue Blanche, 65. Colombaki (le colonel), en Italic. Coktambert, rue de Saintonge, 64. Costaz (Anthelme), rue Joubert, 23. Dally, avenue Gabriel, 46 (Champs-Eksees). DAissv,membrede I Institut, r. de Vaugirard, 57. David (Etienne), rue du faubourg St-Honore, 95. Delamare, graveur-g^ographc, rue Saint-Andre- des-Arls, 45. Delessert (Benjamin), rue Montmartre, 176. Dei.essert (Francois), rue Montmartre, 176. Demersay (Alfred), rue de l'Linivcrsite, 32. Demidoi'f (le prince) , a Florence. Derfelden de Hikdeustein (le baton de), a Utrecht. Demonstiers-Meiunville (la comtesse de), au cha- teau du I'Yaisse (Haute-Vienne). (3 ) MM. Desjardins, prot'esseurd'hisloire et de geographic au lycee imperial de Macon. Didelot (Octave), capitaine de vaisseau. Didion (Charles), rue de la Madeleine, 26. Dinomb (l'abbe), a Orleans. Drouyn de Lhuys, rue d'Anjou-St-Honore, 12. *Dubuc, rue Lafayette, 13. Duciianoy (Hip.), ancien inspecteur des finances, rue d'Anjou-Saint-IIonore, 22. Duchanoy (Charles), ingenieur des mines, rue d'Anjou-Saint-Honore, 22. *Duflot de Mofras, rue de la Paix, 26. Dumon (Sylvain), r. delaFerme-des-Mathurins, 15. EicHTHAL(Gustave d'), r. Neuve-des-Malhurins, '6!\. Escayrac de Lauture ( le comte d'), rue Neuve- du-Luxem'nourg, 41. Fabre (Amedee), consul de France, a Christiania. Fabre, employe auministere des finances, aPassy. Ferry (Hippolyte), rue de Beaune, 31. Feeutelot , professeur, rue Neuve-des-Petits- Champs, 62. Flury (Hippolyte), consul de France, a Lisbonne. Flury-IIerard, rue Saint-Honore, 371. Fortoul (Hipp.) , ministre de l'instruction publique et des cultes. Fourment (Baron de), senateur, r.de l'Echiquier,21. *Frapolli (le colonel), a Lugano (Suisse). Froberville (Eugene de), place de la Madeleine, 21. Froidefonds des Farges (A. de), r. de Suresnes, 17. Garnier, geographe, rue de Provence, 65. *Gay (Claude), houlevart Bonne-Nouvelle, 25. Giordano (le major), directeur du bureau topo- graphique, a Naples. MM. Grosseun, rue Serpent" , 25. Grossolles-Fi.amarens (Comte de), senateur, rue de Verneuil, hh. Guerin , professeur d'histoire et de geographie, rue d'Enfer, 53. Guigniaut, membre de l'lnstitut, rueMonsieur-le- Prince, 26. Hammer (le baron de), a Vienne (Autriche). Hubert, notaire honoraire , rue de Sevres, 2. Hecquard, consul de France a Scutari (Albanie). Hercvlais (le comte d'), a Lyon. Huet, consul de France. Hyde de Neuvili.e (le baron), rue de Lille, bli. Imbert des Mottellettes, boulev. des Italiens, 26. Isambert, conseiller a la Cour de cassation , rue Therese, 10. Jacobs, graveur-geographe, rue de Conde, 1. Johnston (A. K.), esq. a Edimbourg. Jomard, membre de l'lnstitut, rue Neuve-des- Petits-Cbamps, \h. Jordan, rue des Jeuneurs, 18. Kerr (Mme Alexandre), r. du faub. St Honore, 118. Khalil bey, rue Mogador, \l\. Labarte, rue Drouot, 2. Lafond (Gabriel), place de la Bourse, 4. La Guiche (le comte Pbilibert de), r. Matignon, 12. La Place (le vice-amiral ), a Brest. Larabit, senateur, rue de I'Universite, 8. La Boquette (de), rue Mazarine, 19. Lavallee (Francis), rue de 1'Oseille, 7. Lebas (Philippe), membre de l'lnstitut, impasse des Feuillantines, 7. Leclerc (Stepbane), rue du Vertbois, 17. ( 5 ) MM. Lecocq, graveur geographe, r. Pavee-Saint-Andre- des-Arts, 5. Lefebvre-Durufle, senateur, rue Ferou,6. Levi-Alvares , rue de Lille, 17. Levi-Alvares (Theod.), cite Trevise, 7. Lourmand , rue Saint-Louis, 26, au Marais. Mahmoud, eleve aslronome de l'ecole egyptienne, rue de l'Ouest, 8. Malte-Brun (Victor-Adolphe), rue Jacob, 16. Marzolla (le chevalier Benedetto), a Naples. Mathieu (le conlre-amiral), directeur du depot de la marine, rue Caumartin, 44. Mauger, rue du Cherche-Midi, 44. Mauroy, rue de Sevres, 111. Maury (Alfred), sous-bibliolhecaire de l'lnstitut, rue de Seine, 1. Meignen, notaire, rue Sainl-Honore, 370. Meissas, rue de Conde, 14. Meevill de Carnbee (le baron), administrateur du Bureau geographique, a Batavia. Montesquiou (legen. cointede), r. de Varennes,60. Montigny (de), consul de France a Chang-bai. Morel-Fatio, consei'vateur du Musee de marine, au Louvre. Morin (Ernest), rue de Boursault, 19. Muteau, enseigne de vaisseau. Negri ( le chevalier Cristoforo), chef de division au minislere des affaires elrangeres, a Turin. Noel des Vergers, rue Jacob, 54. Nougarede de Fayet, rue de 1'Universile, 24. Oliveira (Ant. d'), a Fayal (lies Canaries). "Orbigny (Alcide d'), rue Sainl-Victor, 7. Passama (J. de), capitaine de fregate, a Toulon. (6 ) MM. Pauthonnier (Selim Bey), directeur do la mission ^gyptienne, rue de Boulogne, 23. Pelet (le general baron), senateur, rue de 1'Uni- versile, 80. Pericot, professeur au lycee imperial d'Alencon. Pinondel de Labebtoche, mo Lavoisier, 20. Ployer, boulevard Poissonniere, 'lh. Pongerville (de) , membre de I'lnstilut, rue de Bellefonds, 20. Poxjlain de Boss ay, rue de Madame, 1. Prevost (Conslanl), membre de l'lnstitut, a la Sorbonne. Prugneaux, boulevart Montmarlre, 5. Renard(Ec1.), negotiant, boul. Bonne-Nouvelle, 10. Rfvenaz (Amedee), rue du Sen tier1, 45. Ribeiro (Guillaume), a Fayal (lies Canaries). Robles (le Colonel), de Mexico. Romain des Fosses (l'amiral), senateur, rue de l'Arcade, 55. Salm-Dyk. (le prince de ) , au chateau de Dyk- Neuss (Prusse). Salzbacher (le docteur), a Vienne (Autriche). Santabem (le vicomte de), rue Blanche, hi. Saussure (Henri de), rue de Bussy, 3. *Saxe-Weimar (le due Bernhardt de), a la Ilaye. ScniEBLE (Erhard), graveur-geographe, rue Bona- parte, hh. Schuman, tel^graphiste de l'Etat, a Bruxolles. Sedillot, professeur d'hisloire, rue Monsieur-le- Prince, 4- Monseigneur Sibour , archeveque de Paris. Simons, rue Saint-Honor^, 374. Smith (Ashbel) , a Galveston , Texas (Amerique). ( 7) MM. Sparre (le comle Gustave de), an chateau do la Brunelle (Vaucluse). Stanhope (Spencer), a Londres. Talabot (Paulin), rue de Rivoli, 30. TEissBHENC (Edmond), rue Casimir-Perier, 6. Ternaux-Compans, rue Neuve-des-Mathurins, 39. Theroulde, negotiant armateur, r. Caumartin.67. Toureille (de), chancelier du consulat de France, a Caracas. *Tremaux (Pierre), rue Saint-Dominique, 81. Vandermaelen, directeur de l'Etablissement geo- graphique, a Bruxelles. Vaquez (Anatole), rue du Four-Saint-Germain, 25. Vauvilliers, r. de la Fenne-des-Malhurins, 34 bis. Vii.lemain, secretaire perpetuel de l'Academie francaise, a l'lnstitut. Vivien de Saint-Martin, rue Martel, 11. West (Gerard), rue Bergire, 29. Yel de Castelnault, rue Godot-Mauroy, 20. Zarco del VALLE(le general), a Madrid. LISTE SES CORRESPONDANTS STRANGERS dans l'ordre de i.eur moshnation. MM. H. S. Tanner, a Philadelphie. W. Woodbridge, a Boston. Le colonel Edward Sabine, a Londres. Le docteur Reinganum, a Berlin. Le docteur Richardson, a Londres. Le professeur Rafn, a Copenhague. Ainswortii (William), a Londres. Le colonel Long, a Louisville, Kentucky. Le capitaine Maconochie, a Sydney. Le conseiller de Macedo, a Lisbonne. ( 8 ) MM. Le professeur Karl Ritter, a Berlin. Le capilaine John Washington, a Londres. P. de Angelis, a Buenos-Ayres. Le docteur Kriegk , a Francfort. Erman (Adolphe), a Berlin. Le docteur Wappaus, a Goetlingue. Luca (Ferdinand de), a Naples. Le docteur Baruffi, a Turin. Le colonel Fr. Coello, a Madrid. Le professeur Munch, a Chrisliania. Le general Albert de la Marmora, a Turin. Fulgence Fresnel, a Mossoul. Scueffer (Ch.), a Constantinople. Le professeur Paul Chaix, a Geneve. J. S. Abert, colonel des ingenieurs topographes. aux Etats-Unis. Le professeur Alex. Bache, surintendant du Coast Survey, aux Etats-Unis. Lepsius (Richard), a Berlin. De Martius, a Munich. Kiepert (Henri), a Berlin. Petermann (Augustus), a Gotha. LISTE DES COREESPONDANTS ETRANGERS QUI ONT OBTEKU LA GRANDE MKDAIl.Lli DE I.A SOCIKTE. MM. Le capilaine sir John Franklin, a Londres. Le capilaine Graah, a Copenhague. Le capilaine sir John Ross, a Londres. Le capilaine G. Back, a Londres. Le capitaine James Clark Ross, a Londres. Le capitaine Roberl Mac-Clure, a Londres. Paiis. — Imp. de L. Mahivu, rue Miguun, 2.