brarxy ŒR + 301 I UIEAT où « we 4 OS , L A s] Far , À 'f F/ 4 UN = BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES CETTE CES TOME 1. NEUCHATEL , IMPRIMERIE DE HENRI WOLFRATH. 1847. . BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DB NEDGUATEBRL D RRRRARIRARIIIRIRIRIE : 1843—1841. - DISIIIISITISIISEIIESE Le NEUCHATEL , IMPRIMERIE DE H. WOLFRATH. 1644. . 2) LTTITTAPAUALANS (E AAA | 1} ! A CPU / NANE | % - SR RE En © D NE Ne EMI à ae | - 3 Le LEE CR S * D r l Fes y 18 ai :" Je ” ‘ T - À + "VIT es L ' : AURONT Axe ORNE. APTE CUS LEA LIAEO LU1 AVANT-PROPOS. En publiant des Bulletins de ses séances ; la So- ciété s’est proposé un double but, 1° de tenir au cou- rant de ses principaux travaux ceux de ses membres qui sont empêchés d'assister à toutes ses séances ; 2° d'offrir un moyen de prompte publicité aux obser- vations qui sont de nature à intéresser le public scien- tifique tout en entier. Elle se flatte en même temps que ces résumés des principales questions qui ont été agitées dans ses réunions , tant à Neuchâtel qu’à la Chaux-de-Fonds, obtiendra les suffrages de ceux qui, sans prendre une part active aux investigations de détail, encou- ragent tous les efforts qui ont pour but la recherche de la vérité , et que ces feuilles contribueront ainsi à répandre toujours plus le goût des sciences dans le public neuchâtelois. Le Président , Louis COULON fil. 409: PA 8er. en eitslld où iusidug 4 CI ao sb. sf «led sfdirof” «tir 380 onq te9'e Sida HE 288 9f 2495 Ausént Auger e08 Sb ae x 40e AGO $ skis D ebdsqies 02, LP, Zi hoitduq CE 9b as90c as noté | * pie ide CIS Snrees é £ unsA ob tie ip atoite F0 PER PDT | ROUTE Ho tros Era 140 c ri Aya). hi RER es nl 5 ; 22 72 es 5p. anoitagiles vai gs, sYDS. Hs au? bé CRT ‘4104 Jao 1 ip eriofis él auok nofet re SE 4 dinar éaliioŸ 299 Sup 1 fat PR 2 For pie hs Jia sas | N° 1. a BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DE NEUCIEATER. me CG © mme Séance du 8 novembre 1843. Présidence de M. L. Coulon. M. Agassiz fait part des mesures qu'il a fait exécuter pendant le courant de l'été au glacier inférieur de l’Aar, pour consta- ter le mouvement du glacier. Ces mesures ont été faites à deux époques différentes ; une première fois vers la fin de juin etune seconde fois vers la fin d'août , afin de faire connaître , outre la somme du mouvement annuel, le mouvement proportionnel des différentes époques, ou en d’autres termes les accélérations et les ralentissemens du mouvement selon les saisons. M. Agas- siz avait fixé pour Îles premières mesures le moment où les neiges auraient suffisamment baissé pour permettre de recon- naître les principaux signaux du réseau trigonométrique. Cette époque a été très-tardive cette année ; MM.Wild et Desor qui s'étaient chargés de cette opération, n’ont pu se mettre en roule que vers la fin de juin, et encore n'ont-ils pu me- surer que les blocs de la moraine médiane qui sont le plus en vue. Voici les chiffres du mouvement de ces différens blocs 1 CuRE RUE tels qu'ils se succèdent de haut en bas, à des distances assez uniformes (à-peu-près de quart de lieue en quart de lieue), depuis l'Hôtel-des-Neuchätelois jusqu’à l'extrémité du glacier. N° 2. 169! 2. (‘) 5. AT 8. 141! 3. 10. 150! 1 11. 133! 1. 14. 83! 7. 18. 58! 3 Il résulte de ce tableau que le N° 5 a marché le plus vite et que les N°$ suivans ont cheminé dans une proportion dé- croissante , si bien que le N° 18 qui se trouve près de l’ex- trémité du glacier, n’a fait que le tiers du même chemin. Or le N° 5, auquel correspond le maximum du mouvement, est un grand bloc de granit, situé à 2,000’ en aval du N° 2, qui est l'Hôtel-des-Neuchâtelois. D’après cela, le maximum du mouvement se trouve à-peu-près à une distance de 6000! de l'endroit où les deux branches du glacier, le Lauter-Aar et le Finster-Aar, se réunissent au pied de l’Abschwung, pour former le glacier inférieur de l'Aar. C’est sans doute à cette confluence de deux branches aussi considérables dans un lit moins large que celui de chacune de ces branches prise isolément , qu'il faut attribuer l'accélération du N° 5. Chaque bloc a en outre éprouvé un déplacement latéral plus (*) Les mesures sont en pieds suisses, de trois décimètres. ee S ou moins notable, qui est le résultat de la forme même de la vallée. Les secondes mesures donnent les chiffres suivans, pour la marche du glacier, depuis le 20 juin jusqu'au 16 août ( 57 jours ). N° 2. 90! 2. D. 04! 8. 8. 44" 0 10. le P FL. 39! 0. 14. 25! 5. 18. 18! 3. Ce tableau indique une progression tout-à-fait semblable à celle du tableau précédent. Ici aussi le N° 5 a cheminé le plus rapidement, tandis que la marche des autres a été de plus en plus ralentie. Il faut remarquer, en outre, que le mou- vement a été proportionnellement beaucoup plus considé- rable pendant ces 57 jours que pendant les 289 jours qui se sont écoulés depuis le 4 septembre 1842 , jusqu'au 20 juin 1843 ; car si la proportion avait été la même pendant toute l’année, le mouvement annuel aurait dû être de près d'un tiers plus considérable. On peut déès-lors conclure de ces données, 1° que le gla- cier, contrairement à ce que prétendent certains physiciens, avance beaucoup plus rapidement dans les régions supé- rieures que dans les régions inférieures, et 2° que ie mou- vement est beaucoup plus accéléré en été qu'en hiver. SAR Le Cette communication est accompagnée de dessins gra- phiques. M. Agassiz rapporte ensuite les expériences qu'il a faites pour connaître l'influence de l’inelinaison du sol sur le mou- vement de la glace. Ces expériences lui ont été suggérées par la communication d'expériences semblables faites par M. Hopkins, pendant l'hiver précédent. M. Hopkins, de Cam- bridge, avait réuni des fragmens de glace dans des caisses défoncées , de manière à ce que la glace débordât les bords _ de la caisse ; les ayant placées sur des surfaces diversement inclinées, il avait constaté un mouvement continu et très-sen- sible sur des pentes très-faibles (jusqu'à 1°). M. Hopkins s’autorisant de cette expérience, en avait conclu que les gla- ciers dégagés de leur adhérence avec le sol par l'effet de la chaleur propre de la terre, devaient pouvoir cheminer de la même manière, et il avait fait valoir cette expérience à l’ap- pui de la théorie du glissement. M. Agassiz a répété ces ex- périences au glacier de l’Aar; mais au lieu de se servir de fragmens de glace, il détacha du glacier des blocs de glace d’une seule pièce, du poids de cmquante à cent livres. Ces blocs de glace placés sur des dalles de granit et des surfaces gazonnées d’une inclinaison variable, subirent effectivement un déplacement très-appréciable et uniforme, pendant les premières heures. Mais au bout de quelque temps le mou- vement cessa complètement, et le fond continuait à fondre sans déterminer aucune progression. M. Agassiz conclut de cette expérience que le mouvement qu'on aperçoit pendant les premières heures, ne dure qu’aussi long-temps que la US, Se surface inférieure qui repose sur le plan incliné, présente quelques aspérités ; mais il pense que dès que la glace s’est moulée par suite de la fonte , sur la surface qu'elle recouvre, le mouvement doit cesser. Or, comme M. Hopkins opérait avec des fragmens de glace qui devaient nécessairement se déplacer par l'effet de la fonte, 1l est naturel que ce déplace- ment continuel devait empêcher la masse entière de prendre son assiette, et par conséquent permettre un mouvement plus prolongé. Mais comme le glacier n’est point une masse in- cohérente , il en conclut que l'expérience de M. Hopkins ne saurait être un argument en faveur du glissement. Du reste la quantité de glace qui devrait fondre pour déterminer de cette manière un avancement du glacier égal au mouvement annuel qu'on lui connaît, serait telle que le glacier tout en- tier aurait disparu en peu d'années ; car dans toutes les ex- périences faites par M. Agassiz, l'épaisseur de la couche fon- due à la face inférieure des blocs de glace qu'il observait, excédait la longueur du chemin qu'ils avaient parcouru. Une discussion s'engage sur ce sujet entre plusieurs mem- bres de la société. M. Guyot fait remarquer que la progression qui résulte de l'expérience de M. Agassiz, ne peut point être envisagée comme un glissement, puisqu’un glissement suppose toujours une accélération proportionnelle ; il l’envisage plutôt comme une chûte dans la perpendiculaire sur un plan incliné, chûte qui résulte de la disparition successive de la couche infé- rieure par l'effet de la fonte. M. Desor rend compte d’une course qu'il a faite dans Îles DEAR régions supérieures du glacier de Rosenlaui, pour y recon- naître de quelle manière le glacier de Rosenlaui se lie à ce- lui de Gauli. Il a remonté le glacier de Rosenlaui jusqu’au col d'Urbach où se trouve la limite entre le gneiss et le cal- caire. Remontant de là l’arête du Tosenhorn, il s’est élevé jusqu'au sommet de ce pic dont la hauteur est d'environ 11,000 pieds. De ce point élevé on domine un vaste névé, qui des flancs des Wetterhôrner descend au Nord et se déverse d’une part dans le glacier de Rosenlaui , et de l’autre dans celui de Renfer. Le Wetterhorn qui, vu de la plaine, se présente comme une large pyramide, est composé de quatre cimes orientées du N. O. au S. E. et dont la première ou la plus occidentale, qui domine la grande Scheideck, est la moins élevée. C’est entre la première et la seconde que passe la limite du calcaire. Le Tosenhorn qui s'élève comme une île au milieu de cette mer de glace, ne communique pas avec l’arête du Renferhorn et du Hangendhorn, qu'on voit depuis Im-Grund, bien qu'il forme la séparation entre le gla- cier de Rosenlaui de celui de Renfer. C’est une arête pres- que tranchante, composée de gneiss qui se délite en larges dalles. Au milieu du gneiss se trouve, près du sommet, un lit de calcaire d’une épaisseur de quelques pieds, qui est trans- formé en marbre blanc, et qui paraît être le dernier prolon- gement des couches calcaires de même nature qu'on voit sur les flancs de la vallée d’Urbach. M. Desor pense que cette al- tération du banc de calcaire ne peut guère s'expliquer que par l’action de la roche cristalline dans laquelle il est en- fermé ; mais il ne s'ensuit pas que partout où le gneiss est DEAR: es en contact avec le calcaire, ce dernier doive nécessairement être altéré; car il a vu tout près de là, dans le prolonge- ment de la même arête, un endroit où le calcaire repose en -stratification concordante sur le gneiss , sans qu’il y ait trace d'altération au point de contact. On ne rencontre pas de ro- ches polies, dans ces régions ; elles ne reparaissent que dans le voisinage des premiers chalets sur le revers du Gestelli- horn du côté d'Urbach. A. GuyoT, secrétaire. — "22 Q 9 © — — mots iso | 4 | AIR cas F No 2. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DE NEUCHATER Séance du 23 novembre 1843. Présidence de M. L. Coulon. M. Guyot expose à la société Le résultat de ses recherches pendant l'été dernier sur la dispersion du terrain erratique alpin entre les Alpes et le Jura. Il rappelle qu'après avoir déterminé, dans les années précédentes, les limites respectives des bassins erratiques de la Linth, de la Reuss et de l’Aar, et celles du bassin du Valais le long du Jura, jusqu'à la Perte du Rhône (*), il lui restait encore à explorer la ligne de contact de ce dernier bassin avec celui de l’Arve, et à poursuivre l’un et l’autre jusqu'aux limites extrêmes de leur extension hori- zontale. | Ce problème paraissait d'autant plus intéressant à résoudre que M. Guyot avait trouvé les blocs valaisans , que l’on avait cru atteindre la plaine près de Nyon, répandus en grand nombre au-delà du fort de l'Ecluse, jusqu’à une hauteur (*) Voir le Compte-Rendu des séances de la Société Helvétique des sciences naturelles à Altorf. 1842, pag. 132. 2 LEO D QE absolue de 2700’, environ 1800! sur le Rhône, élévation qui autorisait à croire qu'ils devaient s'étendre beaucoup plus loin encore. Il fallait enfin déterminer le mode de répartition du terrain erratique et les limites supérieures qu'il atteint sur les flancs mêmes des Alpes et au débouché des nombreuses vallées qui en descendent. C’est dans ce double but que M. Guyot explora les chaînes extérieures des Alpes, depuis Berne jusqu’à Chambéry et Montmeillan, dans la vallée de l'Isère , c’est-à-dire jusqu’au point de jonction des Alpes et du Jura; puis remontant cette dernière chaîne jusqu'à la Perte-du-Rhône , il relia ses observations nouvelles aux pré- cédentes. EC La détermination des limites supérieures du terrain erra- tique, sur les flancs des Alpes, dit M. Guyot, présente de nombreuses difficultés qui ne se rencontrent qu'à un faible degré sur les flancs uniformes et peu coupés du Jura et qui pourraient causer de graves erreurs. Les nombreuses vallées alpines secondaires qui débouchent dans la plaine , amènent chacune quelques débris qui leur sont propres ; ceux-ci pren- nent bientôt part au mouvement général, et se déposent en aval de la grande coulée. Pressés le long des flancs des mon- tagnes , ils ont dû occuper, au moment de leur dépôt, la partie supérieure de la ligne et ont ainsi déprimé pour un mo- ment l’erratique alpin primitif, jusqu’à ce qu'ils fussent ab- sorbés dans la masse principale. C’est là la cause qui, avec la grande irrégularité des reliefs, donne à cette ligne une apparence coupée et ondulée qu'elle n’a pas dans le Jura. La limite entre les bassins de l’Aar et du Rhône, à l'issue du DT AN et sur le flanc gauche de la vallée de l’Aar, est assez bien ex- primée par M. Studer dans la carte de M. de Charpentier, sauf une singulière anfractuosité autour du Guggershorn, à l'est duquel on retrouve les schistes lie-de-vin de Foully, jus- qu’au Schwarzwasser. Le Gurnigel est couvert de blocs de l’Aar, dont on retrouve de rares fragmens jusqu’à la source supérieure, environ 3800’ de hauteur absolue. Depuis la Sin- gine, près de Planfayon, les roches valaisannes couvrent tout le pays de la molasse et les flancs des Alpes, jusques assez haut sur la Berra. Plus loin la limite semble déprimée par les dé- bris descendus de la vallée de la Sarine , dont on retrouve des traces jusqu’à plus de 4000’. Les derniers gros blocs du Va- lais, au débouché de cette vallée, se voient à la Tour-de- Trême. Ils ne sont nombreux sur le Moleson que jusqu’au couvent de la Part-Dieu. Plus haut on ne rencontre que des blocs secondaires jusqu’à près de 3700 à 4000”. Si ce co- losse est dépourvu de blocs primitifs, c'est que la chaîne avan- cée qui domine Semsales et toute la route de Châtel-St-De— mis à Bulle les à arrêtés sur ses flancs. En avant dans la plaine, le Gibloux est couvert de blocs jusqu’à son sommet ( 3700”). A l'angle du Valais, au dessus de Vevey, la mon- tagne de la Playau en montre également jusqu'à son faite. Ces blocs sont les schistes et conglomérats lie-de-vin de Foully, qui ne s’éloignent guère des flancs des Alpes et leur sont immédiatement appliqués , formant en majorité la limite supérieure. Puis viennent avec eux et au-dessous d'eux les poudingues de Valorsine, en une seconde bande , qui va s'é- largissant de manière à couvrir la plaine entière au milieu de Set 0 - Hé laquelle s'élève le Gibloux, toutes les collines qui s'étendent à l’est, jusqu'au lac de Neuchâtel et, à l’ouest, une bonne partie du Jorat. Les granites et les gneiss n'atteignent le flanc des Alpes que dans la région de Prazroman, au pied de la Berra. Cette distribution des espèces de roches en bandes parallèles, et ce mélange tardif et incomplet sont tout-à-fait analogues à ce qui s'observe, entre autres, dans les moraines latérales du glacier de l’Aar. C'est à l'extrême obligeance de M. de Charpentier que je dois d'avoir vu de mes yeux les masses erratiques répan— dues en si grande abondance dans les environs des salines des Devens, et entre autres ce formidable rocher calcaire , descendu de la vallée de l’Avançon jusque sur la colline gypseuse du Montet, auquel M. de Charpentier a donné le nom bien mérité de Bloc-monstre. Muni de ses précieuses instructions, je traversai la vallée du Rhône pour me rendre à Monthey et reprendre le cours de mes explorations. On sait que le fond même de la vallée du Rhône est dé- garni de gros blocs. Ils ont été entraînés par les eaux du Rhône , ou enterrés dans ses alluvions. Mais à peine on ar- rive au pied des pentes qu'on les voit reparaître. Les descriptions de MM. De Luc et Charpentier ont rendu célèbre cette belle zône de blocs monstrueux, d’une seule espèce de roche, qui domine les villages de Monthey et de Colombey. Au-dessus de cette ceinture de granite, qui est si- tuée à 400 pieds au dessus du Rhône, les blocs plutoniques de toutes sortes s'élèvent à plusieurs milliers de pieds sur les flancs de la montagne qui forme l’angle occidental du Val PAS. Re d'Illiers. lei, comme dans d’autres localités que j'ai déjà citées , la zône des roches plutoniques , granites, chlorites, micaschistes, etc., est surmontée d’une seconde zône erra- tique assez considérable, qui ne se compose que de blocs secondaires descendus sans doute du Val d'Illiers. Plus loin , vers St Gingolf, les montagnes présentent des pentes si abruptes et si déchirées que le terrain erratique ne sy montre que d'une manière très-sporadique. Mais les blocs de toute espèce reparaissent en abondance dans la gorge de Novelle, dans laquelle ils ne montent cependant pas fort haut et cessent tout-à-coup. Au-delà des rochers de Meillerie, on connaît cette formidable digue diluvienne dont la base s'appuie sur le flanc des rochers de Mémise, au pied des dents d'Oche et qui, courant le long de la rive du lac, s’abaisse en pentes uniformes jusque vers Thonon où elle se confond dans la plaine. Cette digue, que M. Necker de Saus- sure a décrite avec détail, ferme, comme un immense bar- rage, l'issue des quatre vallées des Dranses, dont les tor- rens réunis se creusent un lit profond au travers de cette énorme masse diluvienne. Cependant les accumulations de galets n’atteignent guère une hauteur absolue de 3000’ et ne pénètrent que peu ou point dans l’intérieur des vallées. Dans la vallée d'Abondance, elles cessent à une demi-lieue au dessus de Vacheresse , là où la vallée se resserre ; elles s’ar- rêtent à l'entrée même de celles du Biot et de Bellevaux et ne remplissent qu'en partie le fond de la vallée ouverte de Lullin. Mais il n'en est pas de même des blocs sporadiques. On en trouve au dessus de Bernex, sur les flancs des dents d'Oche, ui Re A jusqu’à une élévation de plus de 4000’, dans la vallée d’Abon- dance, jusque tout près de l'Abbaye ; dans la vallée centrale, jusqu’au Biot et même à Marzine ; dans celle de Bellevaux, jusqu’au dessus du village de ce nom. Et ce ne sont point de simples fragments; quelques uns de ces blocs, quoique rares, appartiennent aux plus gros que fournisse cette lisière. un bloc de protogine , entre autres , situé un peu au dessous du Biot, mesure de 6 à 7 mètres de long ; un second, au des- sous de Bellevaux, est plus massif encore. La vallée de Lullin offre une de ces singulières dispositions du terrain erratique dont j'ai déjà cité plus d’un exemple. Les montagnes du flanc droit qui séparent cette vallée de celle de Bellevaux, sont complètement dépourvues de ro- ches étrangères, pendant que, sur la rive gauche, la chaîne | de Raivroz et d'Armone , qui la sépare du bas Chablais , en est couverte jusqu'à l'énorme hauteur de plus de 4000’. La limite du dépôt erratique coupe en biais la vallée, sans égard pour le relief du sol, et, remontant du niveau de la rivière jusqu'au faîte de la chaîne, passe au pied septentrio- nal des Fourches d'Habère, sans que le fond de la vallée, qui est cependant largement ouvert de toutes parts, pré- sente aucune trace de roches plutoniques Elle suit de là le faîte des montagnes extérieures qui dominent la plaine, jus- qu’au dessous du couvent des Voirons ; mais les blocs ne pé- nètrent nulle part dans la vallée de Boëge, pas même par les cols dont la hauteur est bien inférieure à celle qu'ils at- teignent eux-mêmes. Sur le flanc occidental des Voirons , qui fait face à Genève, PR De la limite des roches valaisannes descend rapidement ; elle n'est plus qu'à quelques centaines de pieds au dessus de la plaine, dans le voisinage de St Cergues. En s’avançant au Sud, vers le promontoire que la chaîne envoie dans la plaine entre St Cergues et Lucinge, on trouve les premières pentes encore couvertes d'une profusion de serpentines mêlées d’euphoti- des, de talcschistes , de granits talqueux et surtout de chlo- rites de Bagnes dans toutes leurs variétés , en blocs qui at- teignent jusqu'à # et 5 mètres. Mais bientôt toute trace de roches erratiques disparaît, et ce n’est qu'à une petite demi- lieue , que l’on rentre dans une région erratique d'un carac- tère tout différent. Ici plus de serpentines ni d’euphotides, plus de ces chlorites si caractéristiques pour tout le bassin occidental du Rhône; mais en fait de galets, des calcaires, quelques diorites , des gneiss d’une teinte sale, et d’é- normes blocs de protogine du Mont-Blanc, dispersés en nombre considérable sur l'extrémité méridionale des Voirons et sur les pentes douces qui, du pied de la montagne, s’abais- sent vers Lucinge, Bonne et les plaines de la Menoge et de l’Arve. Dans ce dernier espace, j'en ai compté plus d’une di- zaine qui mesurent entre # et 7 mètres en tous sens. Ici donc se rencontrent les deux bassins de l’Arve et du Rhône. Lei, comme ailleurs, la limite est tranchée ; point de mélange de leurs roches. La chaîne des Voirons est le grand pilier angulaire au pied duquel sont venus se réunir, sans se confondre les flots de débris descendus par les routes diverses des sommets du Mont-Rose, et des cimes du Mont-Blanc. A partir de ce point, la ligne de contact suit les collines di de Lucinge et de Monthoux , atteint le pied Nord de Salève, s'élève à mi-hauteur sur ses pentes septentrionales, sur les- quelles M. And. Deluc a signalé les groupes de blocs de pro- togine les plus remarquables, passe au village de Chäble et longe les pentes orientales du mont de Sion, entre les routes d'Annecy et de Frangy, sans en atteindre jamais le sommet. Les sommités du mont de Sion sont couvertes dans tout cet espace de débris de roches provenant exclusivement de la vallée de l’Arve. La colline qui domine à l’est d'un côté le col de Frangy et de l’autre le village de Vers est surmontée de l'un des plus beaux groupes de blocs de protogine qui existent dans ce bassin. Il a été décrit par M. Deluc. On n'y ren- contre aucune trace des roches valaisannes, mais en descen- dant vers la grande route et avant d'arriver au bas de la pente, on voit tout-à-coup reparaître, sans transition, les chlorites de Bagnes en blocs de 3 à 5 mêtres, les granites talqueux, les serpentines et toutes les roches qui caractérisent le bassin du Rhône. Ce sont ces mêmes roches qui composent les blocs nombreux et puissans qui couvrent la partie occidentale du mont de Sion jusqu’à sa jonction avec le Vouache. Cette der- _ nière chaîne en est couverte jusque près de son sommet, MAIS. nulle part ils ne l'ont dépassé. La coupure du fort de l’Ecluse est la seule issue par laquelle ils ont pénétré au delà de cette limite ; mais là même, d'un côté, ils sont tenus à distance de Ja chaine opposée du Jura par les débris jurassiques descen- dus par la vallée de la Valserine, et de l’autre, ils sont re- poussés par un terrain erralique appartenant à un nouveau. bassin, ensorte qu'ils ne s'étendent guère au-delà de Belle- HT | Les garde et des plateaux molassiques de Billiat et d'Eloise. Sur le versant méridional de la partie du mont de Sion qui avoi- sine le Vouache, les blocs valaisans sont encore nombreux et considérables, mais ils vont bientôt se perdre vers l’extré- mité méridionale du Vouache et on ne les trouve plus guère que roulés , et sur un court espace, dans le lit du torrent que longe la route de Frangi. Là se termine donc cet immense dépôt erratique du bassin du Rhône qui, à partir de la vallée centrale d'où il sort, s'étend au $. O. sur un espace égal à celui qu'il occupe au N. E. Il finit encore plus brusquement à cette extrémité qu'à l’autre ; car ici ses blocs sont encore suspendus à 15 ou 1800’ au dessus de la plaine ouverte devant eux , comme si nn obstacle invisible ou une parole magique avait suspendu tout-à-coup leur épanchement au-delà de ces limites. Le bassin de l'Arve. Les blocs et les galets descendus par la vallée de l'Arve sont essentiellement des protogines du Mont-Blanc, des gneiss plus ou moins compactes, d'une cou- leur grisätre, ou jaune sale, plus ou moins obscure, des mi- caschistes à mica très-brun, des grès-verts de la Roche-des- Fis, quelques diorites assez peu abondans et d’autres roches moins caractérisées. Comme le bassin du Rhône renferme aussi de nombreux granits tout-à-fait analogues, si ce n'est identiques avec ceux du bassin de l’Arve, il pourrait pa— raître difficile de distinguer l’une de l’autre ces deux régions erratiques ; mais , d'un autre côté, l'absence complète de toutes ces roches si variées du bassin du Rhône, si nette- ment caractérisées par leur aspect minéralogique comme par US leur origine, est à elle seule suffisante pour lever tous les doutes. . Le bassin erratique de l’Arve porte tous les caractères d’un bassin secondaire ; il débouche à angle droit contre celui du Rhône, qui continue sa marche majestueuse sans fléchir un instant sa route. Le terrain erratique de l’Arve repoussé par cet obstacle se rejette tout entier sur les plateaux molassiques qui remplissent l’espace compris entre Salève et les Alpes. Au milieu de la vallée principale, s'élève, comme une île cireu- laire, la haute pyramide du Môle. Je ne sais par quelle cause ses flancs sont presque complètement dépourvus de débris erratiques, tandis que ceux de la vallée en supportent des groupes nombreux. À peine en trouve-t-on une zône clair- semée entre Marigni, St-Joire et St-Jean de Tholomme ; encore ne s'élévent-ils guère qu’à 5 ou 600’ au-dessus de la plaine. Cependant j'ai eu la chance de trouver sur la face opposée au défilé de Cluses , à la hauteur de plus de 4700", un bloc de protogine qui semble destiné à indiquer la limite supé- rieure qu'atteint, dans ce point de la vallée, le phénomène erratique. Depuis St Joire, Les blocs, d’abord peu nombreux, deviennent plus fréquens à mesure qu’on descend la vallée. Ils pénètrent dans la vallée de la Menoge jusqu’au dessus de Boëge , et recouvrent, comme je l'ai dit, jusqu'à une hau- teur notable , l'extrémité méridionale de la chaîne des Voi- rons, au pied de laquelle ils rencontrent les blocs du Rhône. C'est ici seulement que les granites se montrent en abon- dance; plus haut, entre Bonne et St-Joire , les erratiques des Fis prédominaient. BORD LR Le long des Alpes , sur le flanc gauche de la vallée, les débris descendus par la vallée du Grand-Bornand, troublent ou effacent en partie la limite supérieure du terrain errati- que. Cependant des blocs et des fragmens plutoniques nom- breux s'élèvent jusque sur le plateau des Bornes, et plus haut encore sur les pentes des montagnes qui dominent la vallée de Thorens ; mais ils semblent presque recouverts par les débris calcaires tombés du haut de la montagne. La val- lée de Thorens elle-même n'en contient plus qu’un petit nombre. Les roches de l’Arve quittent les Alpes et traversent les plateaux jusqu'à Cruseilles, à l'extrémité occidentale du Salève , d’où leur limite va rejoindre les protogines du mont de Sion et les blocs du Valais , se mêlant encore sur un petit espace avec les roches d'un troisième bassin erratique, dont je parlerai tout-à-l’heure. Tout l'intervalle entre les Alpes et le Salève est couvert d’une quantité imnombrable de ces mêmes débris provenant de la vallée de l’Arve. On sait qu'ils remontent presque jusqu'au sommet de cette dernière chaîne, à plus de 4000, et que nulle part le Salève n’élève sa crète au dessus de la limite supérieure du terrain erratique. Nous avons vu comment les blocs passent même cette chaîne et se déversent sur ses pentes septentrionales jusqu’au contact des roches du Rhône. Le phénomène sans contredit le plus remarquable de ce bassin est cet immense dépôt de débris calcaires sans mé— lange d’aucune autre roche, connu dans le pays sous le nom des Rocailles, et dont M. Deluc a donné la description. Ce dépôt s'étend au bord de la plaine gauche de l’Arve, sur les LL NS premières pentes qui montent au plateau de Rambod. Par- tant du débouché de la vallée des Bornands, au devant de laquelle il forme une sorte de barrage , il passe par la petite ville de La Roche, par Cornier, et se termine au village de Regnier et au pont de Bellecombe. C’est une bande allongée, d’abord fort étroite et qui atteint à son extrémité une lar- geur de 25 minutes. Sur tout cet espace, qui est de près de deux lieues, on marche au milieu d’un labyrinthe de blocs et de rochers calcaires groupés souvent en véritables colli- nes, et dont plusieurs servent de base à des constructions considérables. La vieille tour de Bellecombe, la tour du Cornier et celle de La Roche sont construites sur ces ro- chers calcaires qui reposent sur un sol de molasse. Malgré ce désordre apparent, il est facile de voir que cés débris ont une tendance à se disposer en séries linéaires et parallèles qui laissent entre elles de petites vallées marécageuses. Ces digues se recourbent en demi-cintre en approchant de l’Arve, mais elles ne dépassent que fort peu le lit de la riviére. Près du pont de Bellecombe, on observe à l’intérieur un bourrelet concentrique à la digue calcaire qui ne porte que de gros blocs de granite. L'absence de mélange des roches n'est com- plète que dans le centre de ce dépôt ; sur les bords , et surtout sur le bord interne, les blocs granitiques se trouvent mêlés aux blocs calcaires , quoique toujours sur un espace assez restreint. Le Bassin de l'Isère. Au-delà du Vouache, derrière Île mont de Sion , au pied occidental du Salève, au-delà de Cru- seilles et au pont de la Caille, sur le faîte du col d'Avierne Es DR entre Thorens et Annecy, le terrain erratique change de caractère. De nouvelles roches se substituent presque sans transition aux précédentes et annoncent une autre région erratique. Parmi ces roches , je citerai surtout comme carac- téristique un granit blanchâtre , à grain moyen et égal, con- tenant dans cette pâte uniforme de gros cristaux étroits et allongés, nettement dessinés, ayant jusqu’à deux pouces de long sur quelques lignes de large. Je l’appellerai granit por- phyroïde ; puis un grès cristallin d'un blanc verdâtre rosé, contenant des grains de sable et parfois de petits galets d’un beau rouge ; quelques euphotides différentes de celles de Saas, et plusieurs variétés de roches amphiboliques qui toutes ont leur gîte primitif dans les montagnes du bassin de l'Isère. Ces débris erratiques, d'abord peu nombreux le long des Alpes, à l’est du lac d'Annecy, deviennent très-abondans soit dans les environs de ce lac, soit dans les régions si tuées dans la direction de la vallée qu'il occupe. Cette vallée semble avoir été le canal par lequel la vallée de l'Isère a versé cette grande abondance de roches qui couvrent toute cette partie de la Savoie jusqu’au bord du Jura. Elle est en effet dans le prolongement de la vallée transversale où coule l'I- sère entre Moutier et Conflans , et communique par la plaine de Faverges avec les affluens supérieurs de cette rivière. Ce terrain erratique monte sur les flancs du Semenoz jusqu’à la hauteur de 4000, et sporadiquement jusqu’à 4500/. La variété des espèces de roches qui le composent augmente en- core au-delà de la vallée du Cheran, et il recouvre jusqu’à une grande hauteur les flancs de la montagne d'Azy, ainsi cé. RS que les environs d'Aix. J'ai retrouvé ces mêmes roches à l'état erratique dans la vallée du Grand-—Désert entre la chaîne de Nivolet et le Margéria. Elles sont surtout très- abondantes dans la partie moyenne et inférieure de la val- lée, aux environs de Thoiry, et je les ai suivies comme à la piste par le col de la Thuile, jusque dans la vallée de l'Isère, à Montmeillan. Je me suis convaincu que la large vallée transversale dont Chambéry occupe la partie la plus étroite, et qui se prolonge par le lac du Bourget jusqu'en Chautagne, donne passage à son tour à une masse considé- rable de débris erratiques qui ont couvert en partie les flancs du Mont-du-Chat, et se sont déversés, avec ceux des autres vallées, par la large ouverture taillée entre cette dernière montagne et la chaîne du Grand-Colombier. C’est par cette route, qui est encore aujourd'hui celle du Rhône , que les plaines de la large vallée jurassique où sont situés Belley et Champagne , ont été remplies de ces mêmes débris. Dans les environs de Chambéry, des roches moutonnées et sillon- nées ; près du village de Culles et au-dessous de Seyssel, des roches polies avec des stries dont la direction est concor- dante, indiquent suffisamment la direction qu'a suivie le phé- nomène. Le long de la chaîne du Grand-Colombier, entre le lac du Bourget et la Perte-du-Rhône , on ne voit nulle part le terrain erratique alpin s'élever sur les pentes du Jura. Il ne quitte guère les plateaux dans lesquels le Rhône s'est creusé ses berges; encore les galets alpins y sont-ils rares. Ici, comme près de la Perte-du-Rhône , un obstacle, qui n'existe > 0 plus aujourd'hui, l'a empêché d'atteindre sa véritable hau- teur ; car sur la rive orientale du Rhône, on le retrouve beaucoup plus haut sur la chaîne de la Chautagne. Le long du Jura, sur toute cette lisière, on rencontre des accumula- tions considérables de galets et de blocs jurassiques mal rou- lés, accompagnés d'un limon de même nature, et parfois de fort belles roches polies. Ce dépôt se mélange peu à peu de quelques galets et de fragmens alpins, dont le nombre aug- mente à mesure qu'on s'approche du Rhône. Ce bassin latéral de l'Isère , ignoré jusqu'ici, est donc ce- lui qui remplit tout l’espace compris entre le Jura et les Al- pes , depuis la Perte-du-Rhône jusqu’au-delà de Chambéry, et depuis Chambéry jusqu’au pied du Salève et du Vouache. Il est l'obstacle qui a posé des limites à l’extension des bas- sins de l’Arve et du Rhône. La ligne de contact avec ces deux derniers bassins a été indiquée ; elle passe par Avierne, Cruseilles, le revers méridional du Mont-de-Sion, d’où elle va rejoindre le mont de Musiège et le Vouache. Il faut re- marquer cependant que l’espace compris entre le mont de Sion , la chaîne du Vouache avec le mont de Musiège et la vallée des Usses, est une région où les blocs des trois bassins se mélangent. Dans la moitié orientale de ce petit triangle, les galets, les accumulations diluviennes et la majorité des blocs appartiennent aux roches de l'Isère ; mais on rencontre çà et là de gros blocs anguleux de protogine du Mont-Blanc de plusieurs mètres , et j'ai même observé quelques blocs . métriques de granit talqueux du Valais jusqu’au delà des Usses. Dans la moitié occidentale du triangle, entre la route a OMR de Frangy et le Vouache, ce sont les roches du Rhône qui dominent, mais il sy mêle de nombreux blocs de l'Isère et de l’Arve. Le lit de la petite rivière qui va se jeter dans les Usses à Frangy, est rempli de blocs appartenant aux trois bassins. Le bassin de l'Isère nous offre l'exemple d'un dépôt cal- caire en tout semblable à celui des Rocailles du bassin de l'Arve. Il commence un peu au-dessous du débouché de la vallée du Cheran, entre les villages de Cusy et de St-Of- fenge. Cette traînée de blocs court parallèlement au pied des Alpes, dont elle reste cependant éloignée de près d’une lieue, et occupe un espace d’une petite demi-lieue de lon- gueur sur dix à quinze minutes de largeur. On l'appelle, dans la contrée les Rapilles de Cusy. On retrouve ici tous les phénomènes de la plaine des Rocailles; même roche, même groupement par grandes masses délitées, même ten- dance à former des séries linéaires entrecoupées de flaques d'eau et de marécages ; l'identité semble complète. Seule- ment la décomposition des masses semble plus avancée, les blocs moins gros. Il faut en chercher la cause dans la na- ture plus friable de la roche des Rapilles, qui est un calcaire crétacé blanc et jaunâtre, très-fendillé et cassant, tout pa- reil à celui qui forme en bonne partie les chaînes voisines des Bauges. Cependant la distance considérable qui sépare les Rapilles du pied des montagnes , comme leur disposition, ne permet pas de les considérer comme un éboulement. Je dois, en terminant , Signaler un caractère bien tranché du bassin erratique de l'Isère; c’est l'absence de blocs an— _— 25 — guleux. Tous les blocs, comme les galets, ont une apparence fortement roulée. Nulle part non plus on ne rencontre de ces blocs monstrueux qui nous étonnent dans les autres bassins. Je ne citerat qu'une seule exception un peu nota- ble, ce sont les blocs anguleux, pour la plupart granitiques , du Mont-du-Chat , au dessus de la Motte et du Bourget. De ce bref exposé on peut tirer les résultats suivans : Dans toute la moitié sud-ouest de la grande vallée com- prise entre les Alpes et le Jura , le terrain erratique présente des régions distinctes les unes des autres , dont les roches se touchent sur de longs espaces sans se confondre , et qui cor- respondent chacune au bassin d'une des grandes vallées al- pines qui s'ouvrent dans la plaine. C’est ce que mes recher- ches précédentes avaient constaté déjà pour la moitié nord- ouest de la Basse Suisse. Entre Berne, Neuchâtel et Chambéry, ces régions sont au nombre de trois, celles du Rhône, de l'Arve et de l'I- sère. Le bassin erratique du Rhône est de beaucoup le plus considérable ; il couvre la plaine entière jusqu'au mont de Sion. Puis vient, au second rang, celui de l'Isère, et enfin le bassin de l'Arve qui, resserré entre les deux premiers, ne joue qu'un rôle secondaire. Le bassin du Rhône et le bassin de l'Arve se terminent brusquement. Leur extrémité, au contact du bassin de l’I- sère , est marquée par une réunion de gros blocs dont le plus grand nombre mesurent plusieurs mètres, tandis que dans l'intérieur des bassins , les blocs de cette dimension sônt gé- néralement plus dispersés. SOS Li Le bassin de l'Isère semble n'être qu'un émissaire latéral de la vallée principale. Contrairement à ce qui a lieu dans les autres bassins, ses roches arrivent dans la plaine par deux issues assez distantes l’une de l’autre , et, s’échappant par le chemin du Rhône , elles se répandent hors de l’en- ceinte du Jura jusqu'à une distance encore indéterminée. Cette anomalie servira peut-être à expliquer les caractères particuliers qui le distinguent des autres. Telle est la distribution générale du terrain erratique al- pin dans les limites que je m'étais prescrites et que la na- ture elle-même semblait imposer à mes recherches. Dans une prochaine réunion, j'espère faire part à la Société de mes remarques sur la distribution des diverses espèces de roches dans l’intérieur de chaque bassin , spécialement dans ceux du Rhône et de la Reuss. Après avoir ainsi considéré la répartition des roches erratiques dans le plan horizontal , il ne me restera plus qu'à résumer devant vous la partie hypsométrique de mon travail, à vous indiquer les niveaux auxquels s'élèvent ces mêmes roches dans chaque bassin, et les lignes de pente qui en résultent, pour compléter l'en semble des élémens principaux dont pourront se déduire les lois générales de ce grand phénomène. Ces lois une fois con- nues et bien établies, et seulement alors, nous pourrons passer à la recherche des causes et de l'agent qui ont été en jeu dans le transport des masses puissantes de roches étran- gères qui couvrent notre sol , et avancer peut-être d'un pas la solution de l'un des problèmes les plus intéressans de Ja géologie. A. GuyorT, secrétaire. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES De MNEUCHATER. mars Q QC — Séance du 6 décembre 18h43. Présidence de M. L. Coulon. ‘M. Ladame rend compte de l'ouvrage de M. Saigey, inti- tulé : Petite physique du globe. Après avoir fait remarquer la clarté, la simplicité et l'originalité de plusieurs des théo- ries nouvelles que cet ouvrage renferme, il arrête plus par- ticulièrement l'attention de la société sur les trois objets sui- vants : 4° Sur les conditions d'équilibre de l'atmosphère. 2° Sur la température de l'espace. 3° Sur une explication des queues des comètes que M. Saigey considère comme étant dues à la concentration de la lumière solaire, dans une série de foyers, résultant de l’action de l'atmosphère des comètes que l'on peut envisager comme une lentille dont la densité va croissant vers le centre. M. Ladame fait remarquer l’inexactiude de la proposition que pose M. Saigey, savoir : que la hauteur totale d'une at- mosphère ne dépend nullement de la quantité de qaz qui la con- D RE stitue , lorsque l’on admet que les gaz ont une limite de force élastique qui les rend semblables aux liquides. En effet, dans celle manière de voir, toute atmosphère est terminée par une couche d'une épaisseur considérable qui a la même den- sité dans toute sa hauteur, savoir la densité minimum du gaz. Calculons maintenant de combien la hauteur de l’atmos- phère diminuerait, si la quantité d'air devenait moitié de ce qu'elle est, en supposant que sa température soit partout de 0°, et que sa limite d’élasticité soit égale à une colonne de mercure de { mm.: Dans cette hypothèse, l’atmosphère se- rait composée d’une couche de densité variable, dont la hau- teur serait de 13 et demie lieues (de 4000 mèt.), puis de la couche d'égale densité égale 2 lieues, d'où hauteur totale 15 lieues et demie. | Si nous réduisons la quantité d'air à moitié, la couche qui avait tout à l'heure 2 millim. de force élastique , n'aura plus que { millim., et la hauteur totale de l'atmosphère aura di- minué de toute la hauteur de l'épaisseur de la couche atmos- phérique comprise entre 2 millim. et { millim. de force élas- tique , soit d'environ 1 et trois huitième lieues. Si la limite d’élasticité était inférieure à celle que nous avons choisie, le calcul nous donnerait un nombre différent pour la hauteur totale de l'atmosphère ; mais la couche d'é- gale densité serait toujours de 2 lieues et la réduction de la quantité d'air à moitié donnerait encore 1 */s lieue pour la diminution de la hauteur totale de l'atmosphère. M. Saigey fixe par onze moyens différens la température de l’espace à-62° C. M. Ladame observe que ce nombre ne ee ‘M diffère pas beaucoup de celui qu'avait indiqué Fourrier, mais qu'il diffère, en échange, d’une quantité notable de celui de-140° que M. Pouillet a cru pouvoir tirer de ses ob- servations qui sont rapportées dans sa physique. Sur ce point, M. Ladame pense que les calculs de M. Pouillet ne sont pas à l'abri de toute objection, car la formule d'où est déduit ce nombre contient deux constantes relatives à la puissance absorbante que l'atmosphère exerce sur la chaleur qui pro- vient de l’espace et sur celle qui émane de la terre. Or, M. Pouillet admet que la première est plus faible que la seconde, ce qui ne paraît pas probable, d'après les lois de la chaleur rayonnante. En admettant leur égalité on retombe- rait sur un nombre qui ne différerait pas sensiblement de —400 C. À. GUYOT, secrétaire. M. Agassiz annonce qu'il a examiné avec M. Coulon une par- tie des fossiles envoyés du Pérou à M. Coulon, par M. Tschudi. Une grande partie des espèces sont nouvelles, mais il y en a aussi qui sont identiques avec des espèces bien connues des terrains d'Europe. M. Agassiz a reconnu parmi les Oursins, plusieurs exemplaires très-bien caractérisés de son Toxaster complanatus ( Spatangus complanatus ou retusus des auteurs ), cette espèce si commune dans le néocomien de Neuchâtel. Il y a également retrouvé le Diadema Bourgueti Ag., autre Our- sin , de la famille des Cidarides, qui est fréquent dans nos marnes. D’après cela , il paraît évident que le terrain néoco- mien, que l’on osait à peine, il y a quelques années, signaler | comme un dépôt particulier adossé sur les flancs du Jura neu- châtelois , recouvre de vastes étendues , non-seulement dans l’ancien continent, mais même sur les flancs des Andes. M. Agassiz signale en outre, parmi les fossiles de M. Tschudi, une espèce encore inédite de Toxaster qui, en Europe, est propre au grès-vert, le Toæaster dilatatus. En revanche, il n'a reconnu aucune espèce jurassique parmi ces fossiles. L'absence de toute cette formation dans l'Amérique du sud paraît donc être un phénomène général, ainsi que l’a annoncé il y a long- temps M. de Buch , tandis que la présence du néocomien prouve que ce terrain n’est point lié d’une manière aussi in time aux terrains jurassiques qu'on le croyait antérieure- ment. E. DEsor, secrétaire. Séance du 20 décembre 1843. Présidence de M. L. Coulon. M. Desor communique une analyse de l'ouvrage de M. d'Or- bigny, sur la géologie de l'Amérique du sud, d’après le rap- port qu'en a fait M. Elie de Beaumont à l'Académie des sciences de Paris. Il insiste particulièrement sur les obser— vations de M. d’Orbigny, relativement aux terrains tertiaires de cette moitié du nouveau continent. Les terrains ter- tiaires ne sont pas de petits dépôts isolés comme en Europe ; ils s'étendent sur de vastes espaces et ont une puis- sance considérable, ce qui conduit à penser que l'influence sous laquelle ces terrains se sont déposés a été générale. — 31 — | D'après cela, les terrains tertiaires auraient, même sous le rapport purement géognostique , comme élément constitutif de notre globe , une bien plus grande importance qu’on ne se le figure généralement en Europe. E. DEsor, secrétaire. JC HR RE #, 4 LH en s'hbieaae à: ME arr a Es Nr 2 "4e. 4 BRIE # ik _ ie & aus HER ki se a ARE, Los prés As sn os he Ki a AE ee ut u ae 2 M ' £ de no À SAS N° à. re a. [E BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DE NEVGRAMESR => 0 L'O —— Section de la Chaux-de-Fonds. Séance du 2 décembre 1843. Présidence de M. Wurflein. M. le D' rlet présente à l'assemblée un monstre humain bi- femelle, né cette année à la Chaux-de-Fonds d’une femme primipare. Ce monstre , appartenant à l’ordre des diplogé- nèses monocéphales, a une tête, un tronc, se bifurquant au haut des hanches avec quatre extrémités supérieures et inférieures. M. C. Nicolet met sous les yeux de la Société plusieurs touffes de blé multicaule (froment et seigle), qui lui ont été en- voyées par M. Louvel, de Montbéliard, qui a découvert ce mode de culture, et qui le livrera prochainement à la pu- blicité. Par ce procédé, chaque grain confié à la terre donne naissance à une plante multicaule ; chaque touffe renferme de 25 à 106 épis au plus; l'examen des touffes permet de constater que chacune d’elles est le produit d’un seul grain de semence. C'est par des expériences répétées pendant plus de sept années consécutives que M. Louvel est arrivé à ces 4 RU AE résultats qui peuvent avoir une grande influence sur l'agri- culture. M. C. Nicolet communique l'extrait d'une note sur la gi- rafe fossile d'Issoudun, lue le 27 novembre 1842 à l’Aca- démie des sciences, par M. Duvernoy. Ce géologue dit en- tre autres que les ossemens d'Essoudun ne sont pas la seule trace de ce grand mammifère, en Europe, dans les temps antédiluviens ; que M. Agassiz lui a montré, lors de son pas- sage à Neuchâtel, au mois de septembre dernier, le moule en plâtre d'une incisive externe de cet animal, dont l’ori- ginal fait partie de la collection paléontologique de M. Ni- colet, pharmacien, à la Chaux-de-Fonds. M. Nicolet a ef- fectivement découvert, en 1838, dans le terrain d’eau douce de la Chaux-de-Fonds, une incisive d’un grand mammifère. Elle ressemble à l’incisive externe de la girafe par un sillon et une échancrure, qui paraissent la diviser en deux, et par la présence d’une saillie interne. Le bord interne est forte- ment usé; le grand lobe est externe, le petit lobe est im- terne; c’est par conséquent le contraire de ce qui s'observe dans l’incisive externe de la girafe. En comparant récemment cette dent avec les fossiles du Jardin des Plantes de Paris, M. Nicolet s’est assuré qu’elle correspond à l'incisive médiane supérieur du Lophiodon de Lartet, découvert en 1838, par Lartet, à Simorre, dans le département du Gers. M. le Dr Pury lit une notice sur une chute de grêle qu'il a observée au mois d'août dernier au bord du Doubs. Des grelons observés par lui, les uns étaient elliptiques , formés de couches concentriques alternativement opaques et transparentes ; les autres étaient sphériques, ou à peu près, composés de noyaux opaques soudés par de la glace transparente. M. Pury pense qu'on pourrait expliquer la formation des premiers qu'il appelle elliptiques ou concentriques, par leur passage à tra- vers des nuages alternativement électrisés positivement et négativement , et leur forme elliptique, par l'action simulta- née de la pesanteur et d’un vent constant, qui aurait fa- cilité la condensation autour du noyau. Les autres grelons, appelés par M. Pury grelons agglomerëés ou sphériques , pré- sentaient une forme arrondie et étaient formés par la sou— dure des grelons primitifs. I les attribue à l'effet d’un tour- billon, qui arrondissait le grelon, en même temps que celui-ci s’accroissait aux dépens des plus petits grelons qu'il rencontrait dans sa chute. Ces deux espèces de grelons, dont quelques-uns dépassaient trois centimètres de diamètre, tom- bêrent pendant quelques instans chacune séparément. M. le D' Droz remarque que, d’après les obsérvations qu'il a recueillies, aucune des deux espèces de grelons com- plexes n’est tombée au haut de la Côte, élevée d'environ 1300 pieds au dessus du niveau du Doubs, mais que les seuls grelons qu'on y ait observés , étaient simples. M. le D" DuBois communique le fait pathologique sui- vant : Une jeune fille qui était convalescente de la fièvre typhoïde, eut une parotide s'étendant des deux côtés de la mâchoire, à la suite de laquelle se développa un trismus très-intense, qui l’'empêcha d'ouvrir la bouche pendant une huitaine de jours. Lorsqu'elle commença à mieux aller, elle rejeta, le 30 novembre, une portion de chair de quatre à MQUN - "eE 0 six lignes de diamètre, que M. DuBois ne savait comment expliquer. Le lendemain, ayant pu parvenir à ouvrir la bouche de cette jeune filie, 1l s’aperçut qu'une portion du voile du palais du côté droit, avec la luette, avait été dé- tachés des parties avoisinantes, par une suppuration gan— gréneuse critique, et que le morceau de chair qu'il avait observé la veille, coïncidait parfaitement avec le manque de substance qu'il avait alors sous les yeux. Deux jours aprés cette communication, cette jeune fille rejeta de nou- veau une masse de chair qui paraît s'être séparée de la même manière que la première et appartenir à la muqueuse des fosses nasales. La voix, qui était très-nasillarde avant ces rejections , l’est encore bien davantage actuellement. Dr Pury, secrétaire. Séance du 18 décembre 1843. Présidence de M. Wurfiein. M. le D' Pury présente plusieurs exemplaires de la Dentaria heptaphyllos L. trouvés par lui au haut du chemin blanc (Chaux-de-Fonds). Il fait remarquer que le nombre sept des folioles est bien loin d'être aussi général qu'on le pense. Leur nombre varie de 5 à 9; aucun des exem-— plaires qu'il a réunis, et qu'il n’a nullement choisis, n'a toutes ses feuilles pourvues de sept folioles ; les feuilles radi- cales dépassent ordinairement ce nombre , et les supérieures ne l’atteignent pas; par conséquent l'épithète de pénnata , que Lamarck a donnée à cette plante, et que M. Godet lui a RARES re conservée dans son énumération des plantes du canton de Neuchâtel, est bien mieux appropriée que celle de heptaphyl- los L. M. le D' Pury lit une notice sur le traitement des fractures de la clavicule. Après avoir esquissé les causes et le diag- nostic de cette fracture, et après avoir passé en revue les bandages ou appareils les plus connus qu'on a employés pour contenir cette fracture et en particulier ceux de Dessault, Boyer et de M. Mayor qu'il considère comme le plus simple et le plus universellement employé à l'heure qu’il est ; après avoir rappelé les inconvéniens de ces bandages, dont les principaux sont les escarres de mauvaise nature qui se for- ment quelquefois sous l’aisselle, la compression de la poi- trine et l'impossibilité de fixer l'appareil sans qu’il se desserre, M. de Pury passe à la description d’un bandage inventé par M. le Dr Droz, en 1820, à l’ocasion d'une escarre profonde qui s'était formée sous l’aisselle d’un jeune homme dont la clavicule était fracturée , et auquel il avait appliqué l’appa- reil de Dessault. Cet appareil exécuté par M. Florian Ducom- mun, mécanicien, père du blessé, et qu'il a perfectionné plus tard lui-même, d’après les conseils de M. Droz, est formé d'une tringle ou attelle en bois composée de deux pièces superposées, longues de 12 à 13 pouces, pouvant s’allonger en glissant l’une sur l’autre, et se fixer l’une contre l’autre au moyen de vis. Aux extrémités de cette trmgle s'adapte par le milieu et à angle droit une pièce de fer longue de 6 à 7 pouces, qui supporte à ses deux bouts un tube également en fer. De longues broches à tête plate s’im- EP AR plantent à vis dans ces tubes, et servent à fixer à l'appareil des pièces de fer courbées dans le milieu et plates aux ex- trémités. Pour fixer l'appareil. convenablement , on donne à la tringle une longueur en rapport avec ia longueur du dos du blessé. On place chaque épaule entre les deux tubes cor- respondans , garnis extérieurement de peau , pour éviter les lésions. La pièce de fer, courbée dans le milieu , est vissée alors au moyen de broches sur chaque épaule, qui se trouve garantie des lésions par des coussins carrés. Un long cous- sin cunéiforme se place également entre l'épaule et l’épine dorsale, sur laquelle s'appuie tout l'appareil. En vissant les broches dans les cylindres , on ramène les deux épaules en haut et en arrière, et on peut ainsi facilement maintenir en contact les deux fragmens. M. Pury présente un dessin géométrique de l'appareil, exé- cuté par M. Favre, et l'appareil lui-même, tel que M. Du- commun le lui a fait connaître. Il termine cet exposé en in- diquant les avantages que cet appareil a à priori sur les autres ( ne l'ayant jamais lui-même appliqué), et qui sont : liberté complète des mouvemens de Ha poitrine, de ceux de l’avant-bras et d’une partie de ceux da bras; immobi- lité des épaules et de l'appareil composé de pièces solides ; moins de points en contact avec l'appareil (ici il n'y a que la partie antérieure de chaque épaule et l’épine dorsale qui soient soumises à une pression ); point de compression à l’aisselle , et une extension de l'épaule plus grande que pour aucun autre apparell. D' Pury, secrétaire. Séance du 11 janvier 1844. Présidence de M. Wurflein. M. Pury, D", lit une notice sur les ruminans humains et particulièrement sur la conformation singulière de l'estomac d'un individu affecté de ce vice, qu'il a disséqué à Zurich, et que M. Arnold a décrit dans le premier cahier de son ouvrage intitulé « Bemerkungen über den Bau des Hirns und Rückenmarks, etc. Zurich, 1838». M. DuBois, D', dit à cet occasion qu'il a vu et disséqué à Bicètre un homme dont l'estomac était en partie dans le sac d’une hernie inguinale, et qu'en faisant avaler de l’eau au malade, le bruit que cette eau causait en tombant dans l’es- tomac assurait le diagnostic de la tumeur du sac. M. Droz, D’, ajoute qu'étant chirurgien-major du 5° dé- partement , il avait dû réformer un homme dont l'estomac sortait par une hernie de la ligne blanche, au-dessous de l'appendice xyphoiïde. D' Pury, secrétaire. Séance du 25 janvier 184%. Présidence de M. Wurflein. M. le D' Droz lit un mémoire d’un intérêt tout particu— lier pour les membres de la section et pour les habitans de la Chaux-de-Fonds, sur l’'insalubrité des eaux de cette lo- calité et sur les moyens d'y remédier. Après avoir rappelé que l'hygiène de notre ville à déjà éprouvé une grande amélioration, par l'éloignement des abat- NÉ toirs, M. Droz dit qu'il en reste de plus grandes à faire , en assainissant nos rues étroites, nos maisons hautes et mal aé- rées, en imprimant un autre cours aux eaux des égouts, mais surtout en nous procurant une eau saine,et légère, à la place des eaux malsaines, chargées d'immondices, que nos puits fournissent, et à la réparation desquels on con- sacre chaque année des sommes considérables , tandis qu'il serait bien moins coûteux de faire arriver des eaux lim-— pides et saines. Tous les observateurs peuvent se convaincre de l'insuffisance des puits et des citernes pour fournir de la bonne eau; en effet, ces eaux sont stagnantes dans des réservoirs mal propres, mal construits, qui laissent fil- trer les immondices des canaux voisins ; elles ne provien- nent pas de sources, mais sont l'expression des eaux de la vallée , qui entraînent avec elles toutes les matières animales qu’elles dissolvent ou tiennent en suspension. Dans les ci- ternes mêmes qui reçoivent l’eau des toits, combien de ma- tiéres animales et végétales n'y voit-on pas? Quand on les. cure, on trouve souvent un dépôt d'immondices de deux ou trois pieds d'épaisseur , qui couvre le fond. La santé des per- sonnes qui s abreuvent de pareilles eaux devait nécessaire- ment en souffrir ; aussi a-t-on vu que les habitans de la rue du Soleil et des rues environnantes, qui buvaient l’eau des puits les plus infectés , dans lesquels la présence des matières animales et végétales en putréfaction était plus que suffisam- ment prouvée par la coloration opaline de l'eau, par le dépôt grisâtre qui se faisait lorsqu'on laissait l’eau dans un verre pendant quelques heures, par la pellicule grise qui se for- ste D de mait dans le verre , lorsqu'elle y séjournait quelques jours, par une décomposition analogue à la fermentation qui se for- mait également au bout de quelques jours , sans compter les réactifs chimiques, qui tous décelaient la présence abondante de ces matières; on a vu, dit-il, que ces habitans ont été la proie d’une épidémie de fièvre typhoïde , qui a sévi au prin- temps de l’année dernière , et qui a fait un grand nombre de victimes. Cette épidémie, caractérisée par des tremblemens dans les membres, des alternatives de chaud et de froid , un pouls petit et très-fréquent, une vive douleur dans l’épigastre, des petéchies sur le ventre et sur la poitrine, une langue sèche et noire, des délires, commençait presque toujours par des diarrhées de mauvaise nature, qui devenaient plus tard sanguinolentes et ichoreuses, et qui, dans le commence- ment, cessaient ou revenaient, suivant que les malades faisaient usage d'eau de fontaine ou de l’eau du puits qui était à leur proximité , et dont l’eau , analysée par M. C. Nicolet, et plus tard par M. Ladame, contenait une énorme proportion de ma- tières animales en putréfaction. M. Droz cite une preuve de cette assertion dans les maisons Soguel et Béguin , dont les habitans, quoique dans le foyer de l'épidémie, n’en furent pas atteints, et cela parce qu'ils faisaient usage exclusive- ment de l’eau d’un autre puits. Parent-Dachäâtelet dans son ouvrage sur l'hygiène, dit qu'il fut surpris de la quantité de malades qu'avait toujours la prison St Lazare; il attri- bue cette cause à la mauvaise qnalité de l’eau que buvaient les détenus ;et qui venait d’une citerne, de Belleville et des Près St Gervais, où elle se chargeait également d’une quan- Se üté de matières animales. 1 dit en outre que Schwilgué et Pinet avaient déjà reconnu cette cause vingt ans auparavant. La cause du mal une fois reconnue, il s’agit d'y porter un remède efficace ? Sera-ce en affectant des sommes énor- mes à l’écurement et à la bonification des puits? Cela ne fe- rait que pallier le mal sans le guérir. Quoique la vallée de la Chaux-de-Fonds ne soit pas dominée par de hautes mon- tagnes, il y a cependant de bonnes sources dans le voisi- nage, dont on en aménerait facilement l'eau au moyen de tuyaux en bois ou en fer fondu. Des puits artésiens pour- raient aussi être creusés dans le pré qui appartient à la fa- mille de M. Droz, près de celui de M. Wurflein, près de la Combe-Gruerin ou dans telle autre localité déterminée par la géologie. Quant à l'eau de la Ronde, qu'on pourrait faire remonter par une machine quelconque , M. Droz est persuadé qu'elle n’est , comme celle des puits , que l'expres- sion de la vallée; d'ailleurs le prix élevé des machines - serait une raison pour faire rejeter ce moyen, lors même que cette eau serait pure. On pourrait peut-être amener les eaux depuis le contour de Suze ou depuis Boinod, mais il faudrait pour cela une galerie qui viendrait aboutir aux Pe- tites Crosettes ; on aurait affaire alors à un projet si dis- “pendieux qu'on ne pourrait l'exécuter qu'en faisant passer par cette galerie une route pour le Val de St-Imier. Il y a une troisième alternative, c’est d'amener à la Chaux-de- Fonds les sources des Crosettes de la Sagne et des Roulets, projet que toutes les personnes sensées adopteront. quand on saura que M. d'Osterwald a trouvé depuis la place de la Les CAR 2 Chaux-de-Fonds au Cernil-Bourquin , sur une longueur de 3477 mètres, une pente de 118% 23, qui est plus que suffi- sante pour faire arriver les eaux aux endroits les plus élevés de la Chaux-de-Fonds , et que, d'un autre côté, les experts garantissent une quantité d'eau suffisante dans ces localités pour alimenter douze fontaines , soit pour livrer 12,000 pots par heure. Il s'agirait seulement pour ramasser ces eaux de faire aux sources des Roulets un fossé d’une dizaine de mê- tres de profondeur, sur 200 de longueur, et de réunir ces eaux aux belles sources des Crosettes. M. Tanninger, fontai- nier vaudois, a fait, à la demande de M. Robert-Jeanre- naud, des recherches à ce sujet. M. Droz termine son mémoire en annonçant que les nivellemens fournis par M. d’Os- terwald sont à la disposition de toutes les personnes qui vou- dront les consulter. M. Dubois et quelques autres personnes indiquent comme causes secondaires de l'épidémie qui a sévi à la Chaux-de- Fonds , le peu de pente du centre du village, qui fait que les immondices restent trop long-temps dans les canaux, les boues éternelles des rues, le brouillard d'été qui vient de l'étang de la Ronde, la stagnation des eaux de cet étang qui est le réceptacle des immondices de la localité , la proxi- mité des terrains marécageux qu'on remue souvent, la mau- vaise distribution des conduits d’égoüts, les maisons hautes et les rues étroites, souvent si malsaines que le soleil n’y pénètre jamais, et surtout l’avidité des entrepreneurs qui li- vrent les maisons aux locataires quelques semaines après qu'on en à bâti les fondemens , sans que les murs et le bois aient eu le temps de sécher. D' Pury, Secrétare. RS Séance du 8 février 1844. Présidence de M. Wurflein. M. ie Docteur Pury lit une note sur une amputation guérie naturellement sur un chevreuil. L’amputation qui avait eu lieu un peu au dessous de l'articulation carpo-métacarpienne droite, s'était guérie d'elle-même avec une cicatrice triangu- laire. Les nerfs atrophiés se terminaient en s’aplatissant et en s’élargissant dans le tissu cellulaire nouveau qui entourait le moignon ; les vaisseaux également atrophiés ne montraient que fort peu d’anastomoses ; les tendons avaient contracté pour la plupart des adhérences avec le tissu cellulaire de nouvelle formation, d'autres se terminaient brusquement dans leurs gaînes, sans avoir contracté d'adhérences, et les os se ter- minaient par des saillies arrondies, imperméables au scalpel. M. C. Nicolet lit une notice sur les oiseaux européens de Macao. Sur cent vingt-quatre oiseaux appartenant à soixante- dix-huit espèces tous tués et préparés par notre compa- triote M. Henri Racine, à Macao, pendant les hostilités entre l'Angleterre et le Céleste-Empire, en 1839 et 1840, et dont 1l a fait don au musée de l’Union , se trouvent vingt- cinq espèces identiques avec celles d'Europe. Macao , situé par le 220 1%! 44°! latitude nord et par le 111° 15 0/ lon- gitude orientale , s'étend avec quelques jardins et une petite forêt, sur une presqu'île séparée de l’île de Hiang-Chan, par .une muraille que les Européens n’osent franchir. L’archipel dont l’île de Hiang-chan fait partie, situé entre le Japon, les Philippines, les îles de la Sonde et les Moluques, est fré- APS - ES quenté par les oiseaux erratiques de ces grandes îles et par quelques-uns de la Nouvelle-Hollande ; les oiseaux séden- taires du continent chinois s'y trouvent aussi. Parmi ces oi- seaux , il y en a qui sont tellement ressemblans à ceux d'Europe, que l'examen le plus minutieux ne permet pas de les en distinguer, malgré les différences de climat, de lati— tude et de hauteur au-dessus de la mer. Quelques naturalistes ont déjà constaté ce fait. Sonnerat a trouvé en Chine la pie et plusieurs autres oiseaux d'Eu- rope. Mauduyt observe dans son ouvrage que certains oi- seaux sédentaires diurnes se trouvent sous les zones tempé- rées, à de grandes distances, dans l’ancien et le nouveau monde, presque sous le même parallèle, quoiqu'on ne les trouve pas dans les régions intermédiaires. Îl cite en Chine le martin-pêcheur commun, le grimpereau de muraille , la pie, Le gros bec commun, le friquet , le troglodite commun , la pie-grièche grise, le jaseur, les corbeaux , le roitelet commun , la petite poule d'eau, le canard à longue queue, le chipeau, le souchet, le garrot, la bernache, le cigne, plusieurs autres canards, quelques harles, le pélican, etc. MM. de Siebold et Bürger, tous deux Hollandais, ont mis hors de doute la coexistence d’un grand nombre d'oiseaux en Europe, dans le Japon et dans la presqu'île de Corée. Temminck en donne la liste montant à cent neuf espèces et cinq variétés. M. Callery, naturaliste français , qui a accueilli avec bienveillance M. Racine et lui a rendu de grands ser- vices sous le rapport de la taxidermie, signale aussi la pré- sence d'oiseaux européens dans l'archipel de Tchu-San. mn UD Parmi les oiseaux d'Europe collectés par M. Racine, à Macao , il en est plusieurs qui n'ont pas encore été cités dans ces parages , outre le martin-pêcheur pie ( A/cedo rudis L. ) qui se trouve à Macao et accidentellement dans les îles de la Grèce, le martin-pêcheur ordinaire, très-commun en Chine, qui est, d'après Temminck, le martin-pêcheur du Bengale. | Voici la liste des oiseaux envoyés de Chine par M. Racine, et qui se retrouvent dans l'Europe centrale : Hibou brachyote {Strix brachyotus Lath.) Pie {Corvus Pica Linn.) Merle bleu (Turdus cyanus Gmelin.) Bergeronnette grise {Motacilla alba Linn.) Pipit des buissons {Anthus arboreus Bechst.) Gros-bec friquet (Frèngilla montana Linn.) Pic épeiche {Picus major Linn.) Colombe tourterelle /Columba turtur Linn.) Glaréole à collier ( Glareola torquata Meyer). Pluvier doré {Charadrius pluvialis Linn.) . Pluvier à collier interrompu ( Charadrèus cantianus Lath.) Vanneau huppé (Vanellus cristatus Meyer.) Héron garzette {Ardea garzetta Linn. ) Héron bihoreau à manteau noir (Ardea nycticorax Linn.) Héron grand-butor (Ardea stellaris Linn.) Héron blongios (Ardea muinuta Linn.) Bécasseau canut ou maubéche {Tringa cinerea L.) Chevalier gambette {Totanus calidris Bechst.) Chevalier sylvain (Totanus glareola Temm.) x MRC ie Chevalier aboyeur {Totanus glottis Bechst. Bécassine ordinaire /Scolopax gallinago Linn.) Grèbe castagneux {Podiceps minor Lath.) Canard siffleur /Anas Penelope Linn.) Canard souchet {Anas clypeata Linn.) Canard sarcelle d'hyver {Anas crecca Linn.) M. le docteur Pury lit un mémoire intitulé : Quelques ré- flexions sur la police médicale du canton de Neuchâtel. Ï vou- drait 1° que les pharmaciens fussent tenus de refuser toutes les ordonnances dans lesquelles on emploierait d’autres dé- nominations que celles en usage dans la pharmacopée prus- sienne, ou dans le code français, qui peut être regardé comme semi-officiel. 20 Que pour éviter des malheurs, les médecins se con- formassent à la prescription de la pharmacopée prussienne pour les remèdes dangereux , en ajoutant le signe convenu (!), toutes les fois qu'ils prescrivent un médicament à une dose -plus forte que celle que cette même pharmacopée a prescrite. Dans la seconde partie de son mémoire, M. Pury s’atta- que à la masse d’empiriques des deux sexes qu’on voit sur- gir de tout côté dans le pays. Il envisage le règlement sani- taire comme insuffisant, et pense qu'il devrait comprendre des clauses pénales. D' Pury, secrétaire. # rs de ue isa em Mémiolqure” uo asllonpeol auch -neunobne gl. ï | sdgenl-sl ess su. a 2aflos sup . ancien sens Maggie vbop ot asbl vol, 54088 à A Li as : lénéspee LAièies dréiroue Be rsinitio-icirsà dot : DL ei; guadisun. CURUNE 104. iQ: se - eee #tah nelqioasrq #6. seed # giant dns iuonne. . euonvgnüfr 29béent ah, Hd. su fé ÉMIS lé up, 210 eat. ETUI ae Au i-2H02. si ls, sup hot. clap 7° "T0 Fans PA INA" NEC Met | db ba. pi a rm 4 ab, sitnég-sbacoe st ef: ral gai à sera sl ñ nn L Le N° 5. DR. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DS NEUVUTHATEL. * . è : Séance du 10 janvier 184%, Présidence de M. L. Coulon. M. Agassiz annonce à la Société qu'il vient de terminer son ouvrage sur les Poissons fossiles. A cette occasion il fait remarquer combien les progrès ont été rapides dans cette branche de l'histoire naturelle depuis que l'attention des géo- logues a été dirigée de ce côté. Il y a dix ans, M. Agassiz con- naissait cinq cents espèces de poissons fossiles. Aujourd'hui ce nombre est plus que triplé, et celles qu'il a décrites ou énu- mérées dans son ouvrage ne s'élèvent pas à moins de douze cents. M. Agassiz signale comme un des résultats importans de ces recherches le fait que sur ce nombre il n'y a pas une espèce qui se trouve à la fois dans deux formations différentes. Ce résultat est d'autant plus significatif que les poissons ne sont pas, comme les vertébrés supérieurs, limités aux couches superficielles de l'écorce du globe, mais qu'ils se trouvent jusques dans les plus anciennes couches fossilifères , où ils sont associés à des Trilobites, des Mollusques , des Echino- dermes et des Polypes. Durant cette longue période de temps, LE - RS LT le type des poissons a subi des modifications nombreuses , dont la plus importante de toutes doit être placée, suivant M. Agassiz, à la fin de l’époque jurassique. Tous les poissons antérieurs à la craie ont une physionomie particulière et ap- partiennent en général à des familles qui n'ont plus de re- présentans dans l’époque actuelle. Les poissons des époques plus récentes sont bien plus semblables à ceux qui vivent au- jourd'hui dans nos mers et nos rivières ; et un grand nombre d’entre eux rentrent dans les mêmes familles et les mêmes genres, tout en étant cependant spécifiquement distincts. M. Agassiz a cherché à exprimer ces rapports des différentes familles entre elles dans un tableau graphique qui accom- pagne la dernière livraison de son ouvrage et qu'il met sous les yeux de la Société, en y joignant quelques explications. & E. DEsor, secrétaire. Séance du 24 janvier 184%. Présidence M. L. Coulon. M. Agassiz présente quelques réflexions sur l'importance des divers embranchemens du règne animal, sous le point de vue biologique. Passant en revue les différentes époques géologiques, il arrive à ce résultat, qu'il n’y a que les ani- maux vertébrés qui présentent un développement gradué dans la série des temps. Il est démontré que l'embranche- ment des vertébrés n’est représenté dans les terrains de tran- sition que par une seule classe, la plus inférieure de toutes, celle des poissons. Les poissons dominent en quelque sorte la SRE . MAP création dans ces premières époques , que M. Agassiz voudrait appeler le Règne des Poissons. Plus tard, quand ces premiers habitans de la terre ont disparu, nous voyons apparaître dans une autre création ( à l’époque secondaire ), à côté des pois- sons, des animaux d’une organisation plus-parfaite, de grands Sauriens , qui prennent à leur tour la prééminence; c'est le Règne des Reptiles. Plus tard encore , les oiseaux et les mam- miféres viennent s’adjoindre aux représentans des deux autres classes ; c'est alors le Règne des Mammifères, el ce n’est qu'en dernier lieu qu'apparaît l'homme. Considérée sous ce point de vue, il est évident que la classe des poissons, malgré son infériorité relative, est d’un haut intérêt pour l'étude de l'his- toire de la terre, puisqu'elle est la souche de tout cé grand embranchement des vertébrés dont se sont successivement détronquées les autres classes. Dans les animaux sans ver- tèbres , rien de semblable n'a lieu. Il y a eu dés la première manifestation de la vie à la surface du globe, des représentans de leurs trois embranchemens ; et l’on peut même sans trop de témérité admettre que la première création comptait déjà des animaux des neuf classes d’invertébrés ; car si les plus anciens insectes connus ne remontent pas au-delà dela houille, et siles seules traces connues d’Acalèphes, se trouvent dans les schistés de Solenhofen (Jura supérieur ) , on doit sans doute en cher- cher la cause dans l’organisation même de ces animaux qui n'est nullement propre à la fossilisation. Or, il est constant que depuis ces premières époques jusqu'à nos jours , aucun perfectionnement réel ne s’est opéré dans aucune de ces neuf classes. Les Mollusques et les Polypes de l’époque de transi- — 52 — tion sont aussi parfaits que ceux de nos jours ; et si la série des vertébrés indique seule un perfectionnement graduel , c'est parce qu'elle était destinée à venir aboutir à l’homme, non par filiation directe, puisque toutes les espèces sont dif- férentes d'une époque géologique à l’autre, mais par une suc- cession génitique dont la liaison se trouve dans le plan pri- mitif du Créateur. E. DEsor, secrétaire. M. d'Osterwald lit une note sur les observations baromé- triques qu'il a faites conjointement avec M. Oitt, dans la Suisse orientale. Pour le canton de Glaris, il n’a qu’une vingtaine d'observations ; mais dans le canton des Grisons il en a fait un beaucoup plus grand nombre. Il était important pour ces dernières de fixer la hauteur de Coire, qui devait servir de point de départ à ces nivellemens. M. d'Osterwald a réuni toutes les observations qui ont été faites pour la déterminer. La hauteur de Coire, ramenée au pont de la Plessoure , à la sortie de cette ville, a été déterminée par des opérations trigonométriques de M. Buchwalder qui donne pour la hau- teurde ce point .., ....,.. 505m, 89 Les travaux des ingénieurs suis- ses chargés de la triangulation se- condaire donnent pour lemême point 595", 70 moy. 399,80 Le colonel La Nicca a nivelé la route depuis le lac de Vallenstadt au pont de la Plessoure qui est plus élemde sr tal oeil sh, 8788,,,29 "ME - M Le lac de Vallenstadt est au- dessus de celui de Zurich de . . 15", 69 Celui de Zurich est au-dessus de PO He nn von) /. < - 408%, 718 moy. 597,09 L'ingénieur italien qui a cons- truit la route du Splügen et qui a fait ce nivellement en partant de l'Italie, a obtenu pour la hauteur 00, O0 Mais son point de départ, comme celui de son arrivée , ne sont pas suffisamment connus. 14 observations barométriques faites par MM. d'Osterwald et Ott, | ont donné pour moyenne . . . 999,75 120 observations barométriques de M. Mayer, professeur à Coire, et calculées par M. Ott d'après Zurich, donnent à 2 ou 3 " près le même résultat. La moyenne adoptée par M. d'Osterwald, pour servir de base aux hauteurs observées dans les diverses vallées des Grisons , est de 597 " au-dessus de la mer. Elle pourra re- cevoir une légère modification lorsque quelques mesures de détail qui sont demandées à Coire seront connues. Ces résultats, ajoute M. d'Osterwald, présentent de l'inté- rêt à cause de leur coïncidence , qui prouve singuliérement en faveur des diverses méthodes de nivellement employées en géodésie. Toutes ces observations sont mises à la disposition — 4 — de la Société pour être publiées comme elle le jugera conve- nable, ainsi qu'un certain nombre d’autres qu'il a détermi- nées dans le canton de Fribourg. | A. GuyorT, secrétaire. Séance du 7 février 184%. Présidence de M. L. Coulon. M. Vogt fait voir l'organe électrique d’une raie non-élec- trique , la Raïe ronce (Raja Rubus Lin.) Cet organe , décou- vert récemment par M. Mayer, n'est qu'à l'état rudimentaire, comme dans toutes les raies non-électriques, et se trouve placé entre le cartilage pectoral et le cartilage de la tête ; 1] est composé de cylindres creux ou tubes juxta-posés, aux- quels viennent aboutir de nombreux filets nerveux. Il diffère de l'organe électrique de la torpille, en ce que les tubes ne sont pas divisés en cellules cloisonnées. M. Vogt présente une analyse succincte de l'ouvrage de M. Kôlliker sur le développement embryonique des Cépha- lopodes. Il insiste sur l'importance de pareils travaux pour | l'étude de la zoologie et de l'anatomie comparée. M. Desor communique les observations qu'il a faites sur les accumulations de blocs que l’on rencontre au sommet des montagnes, dans les Alpes et dans plusieurs autres chaînes de montagnes. Ces accumulations de rochers, connus dans la Forêt-Noire, sous le nom de Felsenmeere (mers de rochers), et dans le Harz, sous celui de Teufelsmühlen (moulins du diable), ont de tout temps fort embarrassé les géologues. SANS" NE Dans les Alpes bernoises, on eite comme un exemple de ce phénomène, le Siedelhorn , dont les flancs sont arrondis et déblayés, tandis que le sommet est un cône composé uni- quement de blocs disloqués. La limite où les roches polies cessent, et où commence l’amas détrique , est très-tranchée ; elle se trouve , d’après les mesures de M. Agassiz, à 2438 mètres, et 1l suffit d’avoir vu la localité pour s'assurer que ces blocs ne sont pas transportés, mais qu'ils sont en place, car ils sont de même nature que la roche qui compose le massif de la montagne, sans aucun mélange de blocs étran- gers. Or cette conformation particulière des sommets, qui est si exceptionnelle dans les chaînes moins élevées, devient toujours plus fréquente à mesure que l'on approche des hautes cîmes de la chaîne, et il y a une région où l'on ne retrouve plus que des pics et des arêtes tranchantes et disloquées, témoins la Jungfrau , le Schreckhorn, l'Ewig- schneehorn , le Finsteraarhorn , etc., dont les sommets sont profondément délités, à partir d'une certaine limite. Cette limite, qui a une inclinaison déterminée (de 1° environ) n'est autre que la limite supérieure des roches polies. Or si du glacier de l’Aar ou de quelque sommité adjacente, on poursuit cette limite dans la direction du Siedelhorn, qui est situé en face du glacier, on verra qu'elle rencontre ce sommet précisément à l'endroit où commence l'accumula- tion des blocs disloqués. M. Desor conclut de cette coïnci- dence, que si la région inférieure à cette limite est dégar- nie de blocs, c’est parce qu’elle a été envahie par l'agent erratique qui, tout en façonnant et polissant ses flancs, en a = AB = enlevé les rochers détachés , tandis que ceux-ci sont restés en place sur le sommet qui surgisssait au-dessus des glaces. Il y a par conséquent concordance entre la limite supérieure des roches polies et la limite inférieure des sommités disloquées, ou plutôt ces deux lignes sont identiques. Ce fait une fois constaté, permettra aux observateurs de compléter à l'avenir l'étude de l’un des phénomènes par l’autre. Non-seulement les champs de blocs faciliteront la recherche des roches po- lies, mais ils permettront encore de tracer la limite supérieure des anciens glaciers, là même où les roches polies auraient été oblitérées par les agens atmosphériques , par conséquent de connaître leur épaisseur sur un point donné et, jusqu’à un certain point , leur étendue horizontale, d’après l’inclinaison de cette même ligne. En tous cas, M. Desor ne pense pas qu'on puisse envisager comme fondée l'opinion qui attribue à des secousses locales ces champs de blocs éboulés, car s’il en était ainsi, on ne concevrait pas pourquoi ces secousses auraient affecté de préférence les sommets et auraient épar- gné les flancs des montagnes. | M. Agassiz cite à l'appui de cette explication quelques phénomènes qu'il a observés en Ecosse. Là, tous les blocs erratiques ainsi que les galets sont arrondis et rayés , ce qui prouve qu'ils ont été transportés sous la glace. Toutes les montagnes d'Écosse sont également arrondies, mammelon- nées et même polies jusqu'à leur sommet, entre autres Shehallion. Il n'y a que les deux plus hautes sommités Ben- Nevis et Ben-Wivis qui lui aient paru être dentelées et dislo- quées à leur sommet. =. OR. M. Agassiz présente une figure du Mylodon , grand Edenté fossile du Brésil, décrit par M. Owen. Il entre dans quelques détails sur la nature et les caractères de ee singulier animal. E. Desor, secrétaire. Séance du 21 février 1844. Présidence de M. L. Coulon. À l’occasion du mémoire de M. Droz, sur les eaux de la Chaux-de-Fonds, dont le procès-verbal de la section de la Chaux-de-Fonds contient l'analyse, M. de Castella fait la re- marque qu'à Neuchâtel les parties basses de la ville sont plus sujettes aux épidémies que la partie élevée. Il a surtout constaté une certaine périodicité des épidémies dans la rue de la Poste, qui est très-humide. Il insiste sur l'importance de bien entretenir les égoüûts. M. le Président pense qu’il faut attribuer cette influence fâcheuse en grande partie aux puits perdus, qui étaient autrefois autorisés, mais qui tendent à disparaître de plus en plus. M. Agassiz annonce à la Société que M. Robert Pourtalés vient d'envoyer au Musée un fort beau chamois des Pyré- nées, qu'il a tiré lui-même. Cet animal connu sous le nom d'1- sar, est de même taille que le chamois des Alpes ; ilse distingue par un pelage plus clair, d’un jaune fauve, qui est surtout marqué sur les épaules, de manière à y former deux épaulettes. On remarque en outre sur les côtés du cou deux bandes noires qui ont paru caractéristiques à M. Agassiz ; mais comme l’a- nimal a été tué à l’époque de la mue, il est assez diflicile Us OMR OUR d'apprécier la valeur des différences relatives à la coloration. Les cornes présentent aussi quelques différences dans les anneaux de leur base et dans leur courbure qui est moins évasée ; le crochet est aussi plus serré. M. Agassiz se propose de revenir sur ce sujet, quand il aura comparé attentivement les différentes espèces entre elles. En atten- dant , il est disposé à envisager l’Isar comme une espèce différente. A cette occasion , il fait ressortir l'importance des recherches de cette nature pour l'étude de la répartition des espèces animales à la surface du globe. Les anciens natura- listes ont en général assigné un trop grand rayon aux es- pèces ; aussi les recherches des modernes tendent-elles à le restreindre toujours plus. Il n’y a pas jusques aux oiseaux les plus favorisés sous le rapport de la locomotion, qui aient un rayon bien limité. C'est ainsi qu'on a long-temps cru le Lämmergeier identique dans toutes les stations où on le ren- contre. Aujourd'hui nous savons que l'espèce du midi de l'Afrique est différente de celle d'Europe. En revanche, il pa- raît que celui des Alpes est le même que celui de l'Himalaya. Cette ubiquité, qui n’a rien d'étonnant pour un animal comme le Lämmergeier , se concevrait bien moins pour le chamois, qui pour se transplanter des Alpes dans les Pyré- nées aurait dù traverser d'immenses plaines , qui ne sont nullement appropriées à son caractère. D’après cela, l’on doit s'attendre à trouver des caractères différentiels constans entre ces deux animaux, d'autant plus que le bouquetin des Pyrénées est aussi différent de celui des Alpes. E. DEsor , secrétaire. N° 6. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DS MEUCEATEL. 2660 r——— Séance du 6 mars 1844. Présidence de M. L. CouLox. M. Agassiz annonce son intention de présenter à la So- ciété une série de tableaux sur la distribution géographique des animaux, afin de montrer que cette distribution est beaucoup plus précise et plus intimement liée aux condi- tions de sol et de climat qu'on ne l’a cru jusqu'à présent. L'ordre des Quadrumanes , qui se présente en premier lieu, mérite une attention toute particulière à cause de la position élevée que ces animaux occupent dans l'échelle animale, et des caractères précis qui distinguent les divisions de cet ordre. Une première remarque à faire, c’est que tous les Catharins ou Simges à cloisons nasales étroites ayant 55 molaires , des ongles plats, jamais crochus, et qui for- ment par conséquent une famille très-nettement circons- crite, sont propres à l’ancien continent et aux îles qui en dé- pendent. La seconde famille , celle des Platyrrhins ou Singes à cloisons nasales larges, ayant £'£ molaires et pour la plu- part une queue prenante, appartiennent tous au Nouveau- | 6 Mage 7 PE Monde. La troisième famille, celle des Ouistitis, qui a des cloisons nasales larges, ££ molaires à tubercules saillans , et des ongles plats seulement aux pouces, est également pro- pre au nouveau continent. La quatrième famille enfin , celle des Lémuriens, qui ont les doigts pourvus d'ongles plats, à l'exception du premier doigt de derriére, est propre aux grandes îles du continent africain. En Amérique, les quadrumanes en général remontent à des latitudes plus élevées dans l'hémisphère austral, où on les trouve jusqu’au 27° de latitude, que dans l'hémisphère boréal, où ils n’atteignent que le 23°. Dans l’ancien monde, les limites boréales des Quadrumanes sont par le 35° et 36° de latitude N., et les limites australes par le 37° de lati- tude S. Il est digne de remarque que cette répartition coïn- cide avec celle des Palmiers , qui, comme l’on sait, fournis- sent la nourriture essentielle de ces animaux. Dans l’ancien continent, la délimitation s'étend d'une ma- nière précise non-seulement aux familles, mais même aux subdivisions de famille. C’est ainsi que parmi les Catharins sans queue , les Orangs sont limités aux îles de la Sonde ; les Chimpansés sont propres au continent africain, et 11 1l n'est pas sans intérêt de constater la singulière coïncidence qui existe entre la couleur du pelage des singes et le teint des races humaines de ces différentes régions. L'orang rap- pelle, par son pelage rouge ou fauve, les Malais; et le Chimpansé, par son pelage noir, le teint noir des Nègres. Les Gibbons se trouvent dans les iles de la Sonde et dans l'Asie méridionale. Les Guenons, les Macaques , les Magots, = 61 ms les Semnopithèques, ont également chacun leur rayon ; mais il est plus vague que ceux des genres précédens. Les Ouistitis se montrent à-peu-près dans les mêmes ré- gions que les Platyrrhins. Les Lémuriens ont peut-être l'habitat le plus rigoureuse- ment circonscrit ; car ils sont non-seulement propres à cer- taines îles du continent africain, mais ces mêmes îles ne renferment aucune autre espèce de Quadrumanes. C’est ainsi que nous trouvons à Madagascar les Makis et les Indris, et à Ceylan le genre Lori, de même que les Tarsiers sont propres à Amboine , les Galago au Sénégal et les Galéo- pithèques aux îles de l'Océanie. Ces lois de répartition géo- graphique ne s'observent pas seulement dans la création actuelle ; elles ont régi également, à ce quil paraît, les époques antérieures. On a trouvé un singe fossile voisin des Gibbons, à Sansan, près d'Auch; une espèce voisine des Semnopithèques, dans les collines sub-himalaïennes ; une espèce de Catharin en Grèce et une autre dans le crag d’An- gleterre. Et si le nombre des Singes fossiles est encore très- restreint, nous voyons du moins que tous ceux qu'on a trouvés dans l’ancien continent appartiennent à la même grande division qui est encore aujourd'hui propre à ce con- tinent. Au Brésil, au contraire, M. Lund a trouvé un Singe fossile du groupe des Platyrrhins. Il paraît étrange au premier abord que des Singes aient vécu autrefois dans nos régions, mais nous savons qu’à cette époque le climat de l'Europe était plus chaud , et il n’est pas sans intérêt de faire remarquer que partout où l’on a trouvé ER jusqu'à présent des Singes fossiles, on a reconnu aussi la présence de palmiers pétrifiés, d’où il faut conclure que les Singes dé cette époque avaient probablement les. mêmes mœurs que ceux de nos jours, et s’il en est ainsi, nous de- vons croire que les différens types de cette famille sont au- tochthones dans les régions qu'ils habitent, et qu'ils l'ont également été jadis dans les localités où on en a trouvé des débris fossiles. M. Ladame fait voir à la société la machine de Bonijol, dont le cabinet de physique a fait dernièrement l'acquisition. Cette machine, construite d’après les directions de M. de la Rive, est destinée à mettre en évidence, par trois moyens différens, les courans électriques d'induction de Faraday. M. Ladame , après avoir rappelé les découvertes importantes : faites ces dernières années dans le domaine de l'électricité, et spécialement celles .que la machine sert à démontrer d’une manière si ingénieuse , passe aux expériences, et en explique le mécanisme et l'usage. E. DEsor, secrétaire. Séance du 20 mars 1844. Présidence de M. L. CouLox. M. Vogt entretient la Société des recherches de MM. Henie et Kôülliker , sur les corps de Pacini. Il rappelle à cette occa- sion , que déjà Pacini avait découvert sur les nerfs de la main de très-petits boutons formés de membranes emboitées et séparées par un liquide gélatineux. MM. Henle et Külliker FES ont poursuivi les recherches du savant italien et ont reconnu qu'il existe de pareils petits boutons sur les nerfs de la paume de la main, de la plante des pieds et de l'épigastre chez l'homme et chez tous les mammifères. Le rapporteur décrit la structure intime de ces boutons, appelés par MM. Henle et Külliker, corps de Pacini, dont l’organisation rappelle celle des organes électriques de la torpille. Il insiste sur la singulière coïncidence de ces petits corps avec le siége du magnétisme animal, qui, comme l’on sait, se trouve surtout dans les mains et dans l’épigastre. 5, M. Vogt rend ensuite compte des travaux de M. de Sie- bold, sur le sens de l’ouie chez les insectes. Après avoir rappelé les tentatives infructueuses faites par les anatomistes pour trouver le siége de l’ouie dans la tête des insectes , il annonce que M. de Siebold vient enfin de découvrir un or- gane tout-à-fait analogue à une oreille d’embryon, dans la jambe des sauterelles et un organe semblable dans la poitrine du grillet. M. Vogt ne doute pas que ces organes dont il fait voir les dessins, ne soient réellement de véritables oreilles. M. Agassiz continue son exposé sur la distribution géo- graphique des animaux. La famille des Chiroptéres offre sous ce rapport quel- ques faits intéressans. Le premier groupe qui se présente est celui des Roussettes , qui par leurs caractères bizarres forment en quelque sorte le passage aux Lémuriens , et qui se distinguent entre toutes les autres Chauves-Souris par ce caractère important d'être frugivores. Or, les Roussettes ont un rayon géographique très-nettement circonscerit. Le genre — NOR Pteropus se trouve aux îles de l'Océan Pacifique et sur les côtes des continens avoisinans. On les retrouve dans le sud de l'Asie, à Madagascar et sur quelques points de la côte orientale d'Afrique ; mais il manque à l'Amérique. Les Phyllostomes, les Sténodermes , les Glossophages, sont exclusivement propres à l'Amérique du sud. Leurs mœurs sont tout-à-fait l'opposé de celles des Roussettes ; ce sont des animaux sanguinaires , qui non-seulement se nourrissent de petits animaux , mais sucent aussi le sang des grands mam- mifères. Les Fer-à-cheval , les Mégadermes et les Rlunolophes sont de nouveau propres à l’ancien continent et particulièrement à . l'Afrique et à l'Asie méridionale, où ils représentent les Phyl- iostomes de l'Amérique, avec lesquels ils ont une assez grande ressemblance extérieure, Les Chauves-Souris proprement dites ( Vespertilio) sont ubiquistes dans la zône tempérée ét dans la zône tropicale et cette ubiquité s'explique en quelque sorte par leur genre de vie qui les astreint à poursuivre une proie excessivement fugace ; car ce sont des animaux essentiellement insectivores. Cependant on remarque que les Nyctilions sont plus particu- lièrement propres à l'Amérique, et les Vespertilions à l'ancien monde. Sous les tropiques, ces animaux voltigent toute l'an- née , tandis que dans nos régions ils s’engourdissent pendant l'hiver. Les débris fossiles de Chiroptères sont encore fort rares ; cependant on en a trouvé des restes dans les platrièrés de Montmartre, dans les schistes d'OEningen , dans les brêches So Rs LE osseuses de Nice et dans les cavernes de Liège et de Tor- quai. Or, tous ces débris appartiennent sans exception à la tribu des vrais Vespertilions , qui, comme nous l'avons vu ci- dessus , sont plus particulièrement propres à l’ancien conti- nent. Nous retrouvons par conséquent ici la même loi que M. Agassiz a signalée à l'égard des quadrumanes fossiles , à savoir qu'aux époques où ces animaux vivaient, la réparti- tion des différens types était déjà soumise à des lois précises et à une circonscription déterminée. Il est fait lecture d’un mémoire de M. C. Nicolet , sur les oiseaux européens qu'on trouve à Macao (Voir le procès-ver— bal de la section de la Chaux-de-Fonds, du 8 février 18#4 ). A l’occasion de cette notice qui soulève une grave question d'histoire naturelle , M, Agassiz fait remarquer que la plupart des espèces signalées par M. Nicolet, comme étant ubiquistes en Chine et en Europe, ne sont pas des oiseaux sédentaires. Il pense dès-lors qu'avant de tirer des conclusions générales de ces faits , il faudrait rechercher quel est le rayon de ces espèces et jusqu'où elles s'étendent dans les différentes direc- tions. M. le Président rappelle qu’en général les oiseaux aquati- ques émigrent beaucoup plus que les oiseaux terrestres. Le Piuvier va jusqu’au Brésil et l’'Huitrier entreprend des voyages non moins considérables. Enfin toutes les années on observe sur les côtes d'Angleterre et d'Irlande des oiseaux de l'Amé- rique du Nord qu’on n'avait jamais vus auparavant et qui selon toute apparence suivent les navires qui sillonnent ces parages, LS" - AR A l’occasion de la notice de M. Nicolet, M. Desor fait ob- server que M. Nicolet s'applique avec un soin tout particulier à recueillir non-seulement les oiseaux, mais encore tous les animaux propres au Jura. M. Agassiz fait ressortir l’impor- tance de pareilles collections , qui outre leur valeur intrin- sèque ont encore l'avantage d'exprimer d’une manière fidèle les faunes locales. Il pense que la collection de la Chaux-de- Fonds est destinée à devenir l'expression complète de la faune Jurassienne. E. Desor, secrétaire. N°7. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES | DB MNEVTEARER, Séance du 5 avril 184. Présidence de M. L. CouLox. M. le docteur Bovet lit un rapport sur un mémoire du docteur Pury, intitulé : Considérations sur la police médicale du canton de Neuchâtel. Ce mémoire a été inspiré à M. Pury par la relation d'un cas d'empoisonnement produit par le cyanure de potassium, administré au lieu du cyanure de potassium et de fer. Ce dernier médicament était souvent prescrit par les médecins sous la dénomination abréviative de cyanure de potassium. Depuis l'introduction dans la ma- tière médicale du véritable eyanure de potassium, qui est un médicament dangereux, que l'on n'emploie guère que par fractions de grains , 1l devenait très-important de spéci- lier dans les ordonnances celui de ces deux médicamens que l’on entendait employer. C'est faute de cette précaution qu'eut lieu l'accident rapporté dans le Journal de médecine légale de Henke, et cité par M. Pury. L'auteur signale à cette oc- casion les inconvéniens de la pratique illégale de la médecine dans notre pays; il voudrait que notre réglement sanitaire WU MONS contint une sanction pénale contre les mièges qui abusent de la crédulité publique. M. le docteur Junod donne quelques détails sur divers ef- fets du nouveau mode de traitement par les grandes ven- touses, dont il est l'inventeur. Les appareils du D' Junod donnent la faculté de déplacer dans une partie du corps quel- conque #, 6 ou même 8 livres de sang, sans douleur ni danger ; ils deviennent ainsi un puissant moyen thérapeu- tique dans un grand nombre de maladies. L’utilité de leur application dans les congestions locales de toute espèce et les inflammations, est démontrée par l'expérience. Elles agissent encore efficacément dans toutes les maladies ner- veuses dans lesquelles on peut soupconner qu'un trouble dans la circulation du sang et des humeurs prend quelque part. L'hypochondre en est souvent soulagé. M. Junod a obtenu la guérison complète d’un tic douloureux opimitre. L'utilité des grandes ventouses en chirurgie n’est pas moins évidente. Elles rendent possibles ou faciles de grandes opérations qu'on noserait tenter soit à cause de l'état du malade, soit par crainte d’une perte de sang trop considé- rable, si l'on n'avait en sa puissance un moyen dérivatif à la fois aussi puissant et aussi instantané. Elles paralysent les accidens qui pourraient survenir à leur suite en atténuant l'inflammation. C’est par la même raison qu'on l'emploie très-utilement dans des opérations délicates, comme celles des yeux, etc. M. Junod ajoute quelques détails sur les sensations que l’on éprouve sous l’action de ses appareils. Le pouls diminue Ses. MF graduellement de force et de volume, tout en devenant plus accéléré ; l'appétit augmente, mais non la soif; souvent la défaillance survient, surtout pendant les premières opéra- tions que l’on a faites au malade. Il ajoute, comme un phé- nomène remarquable, que si la température dans l’appareil n'est pas un peu élevée, l'effet est nul, quoique l’on agisse _au même degré, tandis que l’on obtient de grands effets avec une température plus haute. M. Junod en conclut que l’action de la grande ventouse n’est pas purement mécanique. M. Vogt explique ce phénomène par la grande contracti- bilité des vaisseaux capillaires qui peuvent être facilement réduits aux deux tiers de leur volume ordinaire par une température plus froide. M. Agassiz rend compte de ses recherches sur le genre de Mollusques auquel Lamarck, en l’établissant, a donné le nom de Pyrula, à cause de leur forme qui rappelle celle d’une poire. Peu à peu le nombre des espèces s’est considé- rablement accru, et le besoin de nouvelles coupes ne tarda pas à se faire sentir. Déjà Sowerby proposa quelques modi- fications. Plus tard Pusch sépara sous le nom de Melongena les espèces analogues au Pyrula melongena. Mais c'est Swainson qui a opéré les modifications les plus importantes dans ce genre. Cet auteur divise les Pyrules de Lamarck-en sept genres qui représentent autant de types distincts que M. Agassiz croit devoir adopter et qu'il caractérise de la ma- nière suivante : | 1) Ficula Swains. (Pyrula Lam). Coquille pyriforme uni- formément bombée. Spire très-courte, aplatie. Canal respi- ratoire large et alongé. Type: Pyrula fieus Lam. — 70 — 2) Rapella Swains. Coquille très-renflée, à ouverture fort ample. Spire très-courte. Columelle ombiliquée. Type: Py- rula RapaLa m. 3) Myristica Swains. (Melongena Pusch ). Coquille très- renflée, tuberculée , à canal respiratoire court. Columelle aplatie. Type : Pyrula melongena Lam. 4) Pyrula Lam. Swains. Spire courte. Tours de spire an- guleux et tuberculeux du côté de la spire. Dernier tour s’at- ténuant en un long canal respiratoire plus ou moins coudé. Type : Pyrula vespertilio, spirata, etc. 5) Pyrella Swains. Coquille à spire plate. Tours extérieurs de la spire anguleux. Un long canal respiratoire plus ou | moins coudé : Type: Murex Sprillus L. | 6) Leiostoma Swains. Coquille lisse et fusiforme. Spire sail- lante. Bord de l'ouverture entier. Type: Fusus bulbiformis Lam. 7) Strepsidura Swains. Mêmes caractères. Coquille réticulée. Canal respiratoire fortement coudé. Type: Fusus ficulneus Sow. Parmi ces coquilles se trouvent plusieurs espèces fossiles qu'on a confondues à tort avec des vivantes. C’est ainsi que le Myristica cornuta Ag. de Bordeaux n’est nullement iden- tique avec le Myr. melongena, comme on l’a prétendu. M. Agassiz insiste à cette occasion sur l'importance de re— cherches minutieuses dans l'examen de cette question. L’ou- vrage récent de M. Philippi sur les Mollusques de Sicile, qui admet de nombreuses identités, lui parait destiné à donner: lieu à des controverses qui ne manqueront pas de jeter un nouveau jour sur cet important problème. ( E. DeEsor, secrétare. dei DES = Séance du 17 avril 1844. Présidence de M. L. CouLox. M. Godet lit une notice sur la collection des mousses du canton de Neuchâtel, dont M. Leo Lesquereux vient de faire don au Musée. Cette collection, fruit de courses nombreuses et souvent répétées pendant plusieurs années, dans toutes les parties du canton, a outre son intérêt scientifique un intérêt particulier , en ce qu'elle forme une page importante de l’his- toire de nos tourbières, au moins pour ce qui concerne les mousses qui entrent dans la composition de la tourbe juras- sique. Elle se compose d'environ 271 espèces, et d’un grand nombre de variétés, nombre très-grand comparativement, puisque la Flore française de Duby n'en énumère que 300 espèces environ pour tout le domaine de la Flore de France. Notre canton contient donc à-peu-près les neuf- dixièmes des mousses qui croissent en France. Le genre Hypnum, le plus nombreux en espèces, qui est représenté en France par 71 espèces, l’est chez nous par 60. Le genre Orthotrichum compte en France 16 à 17 espèces, chez nous 22 ; le genre Dicranum compte en France 21 es- pèces, et 16 dans notre canton, etc. — Un des genres les plus intéressants est celui des Sphagnum , qui contribue le plus à la formation de la tourbe du Jura et en fait le fond. Toutes les espèces connues en Europe ont été constatées par M. Lesquereux dans nos tourbières, avec les nombreuses modifications inhérentes aux plantes aquatiques dont le tissu plus mou et plus aqueux est plus susceptible de subir les PER. : ARE influences locales. Ces variétés, élevées par beaucoup d’au- teurs au rang d'espèces, ont été analysées avec soin par M. Lesquereux et rapprochées de leur type avec beaucoup de sagacité. M. Lesquereux a ainsi souvent constaté dans la même espèce les formes les plus diverses et en apparence les plus distinctes, depuis les plus lâches et les plus alongées jusqu'aux plus compactes, et il a pu suivre pour ainsi dire pas à pas toutes ces modifications par une succession infinie de formes intermédiaires. Parmi les végétaux phanérogames, ajoute le rapporteur, on remarque quelque chose de sem- blable dans le genre aquatique des Potamogeton qui peuple * nos lacs, nos rivières et nos ruisseaux (!) — Le genre-si élégant des Encalypta, remarquable par la coëfle en forme d'éteignoir régulier qui couvre les capsules, est représenté chez nous par 8 espèces, tandis qu'il n'en compte que # en France. Ne possédant aucune énumération des espèces de mousses qui croissent en Suisse, M. Godet n’a pu établir leur propor- tion avec les nôtres. il se borne à faire ressortir quelques-uns des genres rares, qui ne se trouvent point partout, et quelques espèces que nous pouvons compter parmi les citoyennes de notre canton. Ainsi nous possédons le Buxbaumia indusiata , trouvé à la Poëta-Raisse et au fond du Creux-du-Vent, par M. Lesquereux, le Diphyscium foliosum, le Mnium orthorhyn- (") M. Lesquereux a constaté que tous les Sphagnum ont les capsules axil- laires , quoique se développant quelquefois en apparence au sommet des tiges : ce phénomène ne peut donc autoriser l’établissement d'espèces, comme quel- ques Bryologues l’ont fait, faute d’avoir observé suffisamment ce genre en grand et dans la nature. de PES us chum, nouvelle espèce établie par MM. Bruch et Schimper, le Timmia megapolitana , le Paludella squarrosa, les Bartramia marchica et dtyphylla, Neckera cladorhizans, Hypnum jula- ceum, incurvatum , Grimmia spirahis Br. et Sch., Dryptodon funalis et Grimmia trichophylla, sur les blocs granitiques du Val-de-Travers, blocs remarquables comme phénomène géo- logique, mais qui le sont aussi en ce que, même au milieu de nos roches calcaires, ils conservent une végétation parti- culière. Enfin on peut encore citer les Meesia fugax et cir- rhata, Trichostomum glaucescens, Orthotrichum pallens, Lyellir, Hutshinsiæ, etc. Un fait curieux, sous le point de vue physiologique, et qui na pas encore été expliqué jusqu'ici, c'est que plusieurs espèces de mousses qui fructifient abondamment dans le nord, restent chez nous constamment sans fructification : tels sont les Racomitrum mucroscopum, Dicranum glaucum et surtout le Paludella squarrosa; tandis que d’autres, qui chez nous fructifient abondamment en certaines localités, comme la Meesia longiseta, sont stériles dans beaucoup de contrées. Quelques espèces de mousses sont curieuses par leur per- sévérance à croître dans certaines localités ou sur certains arbres , abstraction faite d’autres qui semblent devoir leur convenir tout aussi bien. Ainsi le Dicranum cerviculatum s'est emparé presque exclusivement, avec le Viola palustris et le Pinguicula vulgaris, des coupes perpendiculaires provenant de l'exploitation des tourbières, le Funaria hygrometrica se plaît particuliérement sur les fours à charbon abandonnés ; DES © RER le Splanchnum ampullaceum, moins délicat encore, choisit son siége de prédilection. sur les excrémens des vaches, laissés sur nos tourhières. Parmi les Orthotrichum, les uns aiment les écorces des arbres, les autres affectionnent le peuplier, d’autres le saule, ou le hêtre, ou l’érable, d’autres encore se plaisent indifféremment sur tous les arbres de nos forêts. Nos granits roulés ont leurs hôtes particuliers, dont j'ai déjà cité quelques-uns. Enfin le sable, la terre humide, les troncs pourris, les rochers secs ou humides ombragés ou exposés au soleil ont chacun dans cette intéressante famille, des amis qui leur sont exclusivement attachés. Si le Jura ne contient aucune espèce de plantes phanéro- games qui lui appartienne exclusivement, 1l ne semble pas plus favorisé par rapport aux mousses, et aucune espèce strictement nouvelle n’a été déterminée sur des exemplaires de notre Jura. Ce fait n’a rien d'étonnant : il serait au con- traire curieux qu'il en fût autrement, car en général les végétaux d'un ordre inférieur occupent un domaine bien moins restreint que les végétaux supérieurs, et ce domaine s'étend d'autant plus que nous descendons plus bas dans l'échelle de l’organisation végétale: ainsi, tandis que les champignons, par exemple, comptent plusieurs espèces com- munes aux contrées équinoxiales d'Amérique et aux Alpes de la Suisse et de l'Europe, 1l ne se trouve pas un végétal d'un ordre supérieur commun aux deux continens sous des latitudes si différentes, à moins qu'ils n'aient été transportés et acclimatés par des agents extérieurs et qu'ils n'aient acquis de cette manière ieur droit de bourgeoisie. Les mousses, sous ce rapport, semblent tenir un juste-milieu, sinon pour les espèces, du moins pour les genres, dont plus de la moitié se retrouvent les mêmes sur presque toute la surface du globe. Si M. Lesquereux n'a pas précisément découvert de nou- velles espèces de mousses propres à notre Jura, il en a dé- terminé plusieurs espèces d’une manière plus précise qu'on ne l'avait fait jusqu’à présent. Ainsi le Sphagnum cuspidatum est caractérisé par des feuilles ondulées, plus allongées et plus étroites que le Sphagn. capillifolium. Quoique presque toujours flottante, cette mousse n'offre pas de formes intermédiaires. Le Dicrarnum Schreberi diffère du D. varium par des feuilles à base amplexicaule , très-dilatées, concaves, terminées subitement en pointe subulée entière, et par la capsule ovale. Le Meesia tristicha, souvent confondu jusqu'à présent avec le #. longr- seta, en diffère notamment par une inflorescence dioïque, par ses feuilles exactement tristiques ou sur trois rangs et par sa capsule plus grosse. — De nombreuses variétés de l'Hypnum fluitans, dont les auteurs avaient fait des espèces, ont été rapportées heureusement à leur type, par l'observation de plusieurs formes intermédiaires qui en démontrent la pa- renté. Ainsi l'Æypnum aduncum des auteurs ne peut plus être regardé que comme une forme de cette espèce, l’une des plus variables qu'on connaisse. Nous avons aussi chez nous le véritable 1. aduncum de Linné. L'Hypnum scorpioides, espèce très-rare, a été trouvée par M. Lesquereux aux environs du lac d'Etalières, et tous les échantillons de la mousse qui porte ce nom dans l’herbier de M. Chaillet, appartiennent à une 7 cs 0 mousse beaucoup plus commune, l’Hypn. lycoperdioides Hedw. L'Hypr. fallax Brid. est la forme flottante de l'H. palustre, dont les feuilles s’allongent et deviennent capillaires, à mesure que la tige est de plus en plus immergée, ce qui arrive à un grand nombre de mousses aquatiques, dont on a fait des espèces , faute de les avoir observées dans leurs transforma- tions graduelles et sur la nature vivante. Une observation intéressante à faire à cette occasion, c'est que les formes flottantes ne fructifient jamais, mais seulement celles qui croissent sur les pierres humides. — L'Hypn. glareosum, es- pèce nouvelle, que MM. Bruch et Schimper ont établie sur des exemplaires de l’herbier de M. Lesquereux, n’est, suivant ce, dernier, qu’une forme de l'A. lutescens, à laquelle elle vient se joindre par des transitions inappréciables. Ce sont des variétés locales, si l’on veut, mais qui se confondent dans les mêmes localités, et qu'il est impossible de distinguer, quand elles sont fraîches, les capsules se courbant plus ou moins, suivant la constitution plus ou moins sèche de l'atmosphère, consti- tution hygrométrique dont les mousses subissent plus parti- culièrement l'influence. Le Barbula aciphylla de MM. Bruch et Schimper n’est admise par M. Lesquereux que comme variété du B. muralis, qui est à poils blancs ou rouges , épineux ou lisses, suivant les localités. IL n’y a que l'observation sur de nombreux échantillons qui puisse conduire à ces résultats. = La détermination des espèces d’après des herbiers sera tou | jours hasardée et incomplète. | Les mousses, comme les végétaux supérieurs, ne sont point étrangères aux monstruosités produites par la piqüre er UD, 2 d'insectes, comme le Bédiguar des rosiers, etc. Une sem- blable monstruosité a été signalée par M. Lesquereux, sur le Leucodon sciuroïdes et n’est point rare sur les érables du haut Jura, aux Sagnettes, à la Joux du Plane, etc. | M. Desor communique à la Société quelques observations qu'il a faites récemment sur les bonds de Bierre, dans le can- ton de Vaud. On donne le nom de bond à des trous d’une grande profondeur, à parois verticales , creusés dans le ter- rain diluvien de la plaine de Bierre. Leur nombre est de onze, dont neuf situés au bord inférieur de la plaine, près du torrent de l'Aubonne, et deux au-dessus du camp de Bierre, non loin des sources du Toleure. Leurs dimensions sont três-variables ; il y en a qui ont plus de cinquante pieds de diamètre ; les plus grands sont entourés d’une haie de broussailles pour empêcher le bétail d'y tomber. Ordinaire- . ment les bonds sont remplis d’une eau trouble et argileuse dont le niveau varie suivant les saisons ; mais ce qu'il y a de curieux, c'est qu'à certaines époques ces bonds entrent en mouvement et vomissent autour d’eux des torrens d'eau char- gés d'argile. De là vient que les abords de chaque bond sont couverts d'un enduit argileux qui contraste avec la teinte roussâtre ordinaire de la plaine. M. le général Laharpe, qui a précédemment décrit les bonds, les compare pour cette raison à des volcans de boue. M. le docteur Nicati, d'An- bonne , et M. Necker ont plus tard réfuté cette opinion, en remarquant que les bonds sont en rapport direct avec la fonte des neiges sur le Jura, et que l’époque de la fonte est toujours marquée par un exhaussement sensible de leur niveau. M. De- CSN PE TRES sor a visité , en société de MM. Nicati et Blanchet, les bonds inférieurs et a pu se convaincre de la justesse de ces observa- tions. Deux de ces bonds, les plus rapprochés de l'Aubonne, sont situés dans le domaine d’un fermier qui les exploite pour la fabrication des tuiles et de la poterie, en enlevant l'argile à mesure qu'elle se dépose au bord du bond, ce qui arrive toujours à l’époque de la fonte des neiges. Ce fermier prétend avoir découvert un moyen d'obtenir une plus grande quan- üté d'argile, en jetant en automne des masses de pierres et de graviers dans les bonds où ils s’enfouissent pour ne plus reparaître. Pendant l'hiver ce remblais se tasse, et quant ar- rive le printemps, toute cette masse se crevasse et l’on voit. sourdre des creyasses une argile très-fine, répandant une lé- gère odeur d'hydrogène sulfuré ; en même temps le remblais s'enfonce et finit par disparaître complètement. L’un des bonds était dans cet état, lorsque M. Desor le visita le 6 avril dernier. Quelquefois l’éruption est très- violente et les bonds rejettent alors de nombreux fragmens de bois qui sont gisant tout à l’entour. Ces morceaux qui ont jusqu’à un pied d’é- paisseur sont des fragmens de troncs coupés transversale ment ; leur fibre est ordinairement conservée, mais ils ont perdu toute substance résineuse, sont légers comme de l’ama- dou et portent toutes les traces d’une forte pression. M. Desor remarque en outre, que les bonds ne sont point un phéno- mène accidentel , puisqu’alors même qu'ils se dessèchent pé- riodiquement, ils reparaissent toujours aux mêmes endroits. Leurs parois sont très-imperméables , ce qui le prouve, c'est que le fermier que nous avons mentionné ci-dessus, ayant un — T9 — jour sondé le plus petit des bonds et ayant rencontré l'argile à 91 pieds de profondeur, avait creusé à côté un trou de la même profondeur de 15 pieds de diamètre , dans l'espoir d'en retirer également de l'argile. Il fat complètement déçu dans son attente ; à l’époque de la fonte des neiges, le véritable bond entra réellement en activité (poussa d'après l'expression locale), tandis que le trou à côté se remplit d'eau claire. On a retiré de ce bond artificiel un tronc de chêne qui diffère des fragmens de bois vomis par les véritables bonds, en ce qu'il est parfaitement conservé et tellement dur que l'on en a fait toutes sortes d’ustensiles. M. Desor en conclut , avec M. Nicati, que les bonds sont des puits artésiens naturels, communiquant avec une couche imperméable dans l'intérieur ou au-dessous du grand dépôt de gravier. C'est ce qui résulte évidemment de la coïncidence de la fonte des neiges sur le Jura, avec l'irruption des bonds, qui indique en quelque sorte le trop plein des canaux intérieurs. Il reste encore à expliquer d'où proviennent les morceaux- de bois qui sont ainsi rejetés par les bonds. M. Desor dépose sur le bureau un morceau de ce bois. M. Godet pense que c’est probablement du hêtre. M. le Prési- dent ne pense pas que ce bois provienne des sommités du Jura ; il serait plutôt disposé à croire qu'il est fourni par une couche de tourbe sous-jacente au dépôt de gravier, attendu que le bois des tourbières a tout-à-fait le même aspect. Espérons que les géologues vaudois nous donneront un jour la solution de cet intéressant problème. —… Mo M. le Président de la Société communique une lettre de M. le docteur Tschudi, par laquelle ce dernier annonce, qu'après avoir comparé avec les collections du Musée de Ber- Jin la plupart des oiseaux qu'il a rapportés du Pérou, il a trouvé que le plus grand nombre des espèces qu'il croyait au premier aspect identiques avec les espèces déjà connues, sont nouvelles ; tels sont, entre autres , le Penelope rufiven- tris, qui est voisin du Pen. maral, le Pen. adspersa , Voisin du squamata. Il en est de même de plusieurs autres, tels que le Thinocorus Inga, le Crypturus Kleeï, les Odontopho- rus speciosus, Charadrius Wanterfeldii, resplendens, Crex facia- lis et femoralis, Fulica ardesiaca , Sterna acutirostris et exilas, et de beaucoup d’autres. Ainsi ce voyage aura contribué à augmenter de beaucoup le nombre des espèces d'oiseaux et même de mammifères de l'Amérique du sud, tout en nous apprenant que la Faune du Pérou différe beaucoup, non-seu- lement de celle du Brésil, mais même de celle du Chili, dé- erite par M. d'Orbigny. E Desor, secrétaire. N° 8. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES ID AMNEUCEHAUER, Séance du 1° mar 1844. Présidence de M. L. CouLox. M. le docteur de Castella lit un mémoire sur le mouve- ment de l'hôpital Pourtalès, pendant l’année 1843. L'hôpital contenait le 127 janvier 1843, 23 malades, dont 15 hom., 8 fem. Il en a été admis pen- dant l’année . . . 331 dont 228 hommes et 103 fem. Ensemble. . . 354mal. 243 hommes et 111 fem. dont 163 Neuchâtelois , soit 100 hommes et 63 femmes. 20 Vaudois LA pins): SNS 68 Bernois 43 » 25 » 38 Suisses desautres cantons30 » 8: 1,2 65 étrangers ES" Suns in 394 malades 243 hommes 111 femmes. 245 sont sortis guéris. 96 améliorés ou soulagés. 8 incurables. 21 sont morts. 24 sont restés à l'hôpital au 31 décembre 1843. D. cf & d = + DES Re Ces 354 malades ont séjourné ensemble 12,506 journées à l'hôpital ; en moyenne le séjour d’un malade a été de 35 journées (35 "'F/354). On a eu chaque jour en moyenne 34 malades (34 %/365). La mortalité calculée sur les sorties et décès , a été de 1 sur 46 (15 1/21). Sur les 21 individus qui sont morts; { est mort en arri- vant à l'hôpital sur le brancard sur lequel on le portait : 4 sont morts du premier au troisième jour de leur entrée, 2 étaient des vieillards qui ont succombé au marasme sénile, le 3° à plusieurs fractures comminutives, et le #° à une pneu- monie négligée. 2 individus ont succombé à l'antéro-périto- nite aiguë, qui a amené la gangrène et la perforation des intestins , avec épanchement des matières dans la cavité du péritoine ; 3 à la fièvre typhoïde; 3 à la phthysie; 2 à l'hydro- pisie ; { à une fracture compliquée du bassin ; 1 à l’apoplexie ou hémorragie cérébrale ; { à l'hydrencéphale aiguë ; 1 à la fracture du col et 1 à celle du corps du fémur, chez des vieil- lards et { au marasme scorbutique. Cinq opérations ont été pratiquées pendant le courant de l'année , savoir, 1 opération de cataracte faite avec succès par abaissement ; { amputation de la cuisse pour une carie au genou ; le malade, âgé de 37 ans, est parti guéri de son am- putation, mais la phthysie se développait chez lui; 1 hydro- cèle guéri par injection ; { excision de la caroncule lacry- male cancéreuse, { amputation du doigt indicateur dans son articulation métacarpienne pour la carie des phalanges, suite d'un panaris traité par les onguents d’une bonne femme. OR Les maladies qui ont été traitées pendant l’année, sont les suivantes : | 9 inflammations diverses produites par des coups, chu- tes, elc. 7 érysipelles. . 4 gangrènes. -15 abcès, dont 5 panaris. 19 plaies. 32 ulcères. Î entorse. 3 fractures. 2 nevroses. { corps fibro-cartilagineux flottant dans l'articulation du genou. , | 15 tumeurs blanches , dont sept avec carie des grandes ar- üculations. 1 fangus cancéreux de la caroncule lacrymale, extirpé avec succés. 20 ophthalmies , la plupart scrophuleuses. {1 cataracte opérée avec succès par abaissement. 2 amauroses améliorées par des vomitifs et surtout par la cautérisation frontale, à l’aide de la pommade de Gondray, et l'application de la strychnine dans la plaie. 3 hernies. { hydrocèle guéri par injection. 1 fistule urinaire compliquée d'infiltrations urineuses. us UE de: MALADIES INTERNES. 36 affections rhumatismales. 1 fièvre catarrhale. 27 fièvres typhoïdes , dont trois sont devenues mortelles. 3 dyssenteries guéries par le calomel et l’opium. 2 fièvres lentes. 3 fièvres intermittentes. Î{ urticaire. 5 hydropisies. 2 inflammations cérébrales. 1 hémorrhagie cérébrale. 3 esquinancies. 39 inflammations des organes de Îla respiration. 10 phthysies. 36 inflammations gastro-intestinales. 1 hypertrophie tuberculeuse du foie. { colique saturnine guérie par la limonade sulfurique. 4 métrities. 6 scrophules. 2 aménorhées. 8 tremblemens mercuriels. 2 paralysies. 2 marasmes séniles. 354 En moyenne, pendant 26 ans, on à eu à l'hôpital 50 malades par jour ; actuellement on en a 3%. Le séjour de cha- FE _— 85 — que malade était de 37 !/2 journées ; l’année derniére , il a été de 3% '}2 journées. La mortalité était de { sur 15 ‘2 ; elle a été de { sur 16 à-peu-près (15 ‘°/21) l’année dernière. M. de Castella ajoute à cette énumération quelques observa- tions sur le traitement suivi par lui dans les différens cas. A l'égard de la fièvre typhoïde en particulier, M. de Castella con- tinue de traiter cette maladie par le calomel à petite dose de { à 2 grains par Jour, le chlorure de soude (1 gros dans une pinte de décoction de racine de guimauve) et les lotions froides. «Nous surveillons, dit-il, l’état de la poitrine, afin de nous opposer à l'hépatisation du poumon. Cette hépatisation arrive ordinairement vers le second ou troisième septenaire ; elle se manifeste le plus ordinairement, d’après nos obser- vatons, sur le lobe moyen du poumon droit. La percussion et l’auscultation de la poitrine la font reconnaître facilement. Un son mou, l'absence du bruit respiratoire ou un râle cré- pitant, de la toux et une expectoration sanguinolente plus ou moins foncée l’indiquent. Les symptômes les plus graves de la fièvre typhoïde, précèdent ou accompagnent cette hépa- tisation : les rêveries , la surdité , l'injection violacée des yeux et des joues , les fuliginosités de la bouche, quelquefois des hémorragies nasales, les taches lenticulaires ou les pétéchies, les décubites, sont autant de signes qui surviennent et qui indiquent la stase du sang dans les vaisseaux capillaires ; et cefle stase dépend évidemment de l’'adynamie et surtout de la faiblesse des contractions du cœur ; l'asphyxie en est la suite et un grand nombre de victimes de la fièvre typhoïde succombent à cette asphyxie. » | — 86 — Pour la prévenir, M. de Castella a promptement recours aux ventouses sèches ou quelquefois scarifiées , si la pléthore veineuse est considérable, mais surtout aux sinapismes ap- pliqués sur les parois de la poitrine et sur la région du cœur, et aux vésicatoires. Il ordonne à l’intérieur, sans disconti- nuer, du calomel et des lotions salées et vinaigrées, l’oxide blanc d'antimoine à la dose d’un gros dans un looch gom- meux , ou ce qui réussit mieux, quand l’adynamie est très prononcée , une infusion de vingt grains d'ipécacuanha avec un gros de racine de polygala senega , dans six onces d’eau bouillante , à laquelle il ajoute quelquefois six grains de cam- phre , à prendre par cuillerées de deux en deux heures. À l’occasion de l’hépatisation , M. de Castella cite l'opinion de M. Amussat et celle de M. le docteur Huss , qui pensent également que la faiblesse du cœur est la principale cause de l'hépatisation pulmonaire dans la fièvre typhoïde. Il pense dés-lors que les médecins qui l’envisagent comme une suite de l'inflammation pulmonaire, sont dans une grande erreur, et que cette erreur ne peut manquer de devenir funeste s'ils ont recours à un traitement débilitant surtout aux émissions sanguines. Quant à lui, il est porté à croire que ces prétendues in- flammations locales ne sont que le résultat d’engouemens et d'engorgemens locaux , qui ont lieu pendant la période ady- namique de la fièvre typhoïde ; il peut en résulter la déchi- rure des vaisseaux capillaires, ce qui amène une extravasa- üon du sang. Les furoncles , les dépôts, les abcëès soi-disant critiques, qui surviennent si souvent dans différentes parties JL 'dR 2 du corps après des fièvres graves, ne reconnaissent proba- blement pas d'autre cause. Ce sont des matrères dont la na- ture cherche à se débarrasser. Un des individus qui a succombé, est mort subitement en prenant une tasse de bouillon sur sa table de nuit , lorsque déjà on le croyait en pleine convalescence. À l’autopsie, M. de Castella n’a rien trouvé qui pût expliquer sa mort subite, sinon un état exsangue du cœur et des gros vais- seaux : le cœur était d'une pàleur et d’une mollesse remar— quables ; on le déchirait facilement avec les doigts. Les ul- cérations intestinales étaient à-peu-près cicatrisées. Le ma- lade a probablement succombé à une syncope. Ces morts subites ne sont pas rares pendant la convalescence des fiévres typhoïdes , l’inanition et l'émacition qui en est la suite sont si grandes, qu'il est prudent de faire prendre aux malades fré- quemment quelque nourriture légère et d'éviter tout effort et toute émotion capables d'amener la syncope. Sept malades de la fièvre typhoïde sont venus de la ville de Neuchâtel dans les mois de janvier et mars ; 9 sont venus de la Chaux-de-Fonds et du Locle dans les mois d'avril, mai, juin et juillet ; 1 de Cortaillod en juin ; 2 de Neuchâtel en juin et novembre ; { du Locle en juillet et # de la Chaux-de-Fonds en septembre , octobre et novembre. D'où il résulte que les saisons les plus favorables au développement de cette cruelle maladie , sont le printemps et l'automne ; mars pour la ville de Neuchâtel et avril pour la Chaux-de-Fonds, ce qui re- lativement à ces deux localités, correspond à-peu-près aux mêmes conditions atmosphériques. Tous les malades, à l’ex- — 88 — | ception d’un seul, étaient étrangers aux pays. Deux étaient âgés de 15 à 20 ans, 20 de 20 à 30 ans, 5 de 30 à 40 ans. L'âge le plus favorable, comme nous l'avons déjà vu en 1840, est de 20 à 30 ans. E. DEsor, secrétaire. M. G. de Pury, ingénieur, rend compte d’un éboulement de terrain qui s'opère lentement près du village de Gorgier. Entre le village et le château de Gorgier, se trouve une vallée où la formation des marnes bleues du néocomien est recouverte d’une couche de terre végétale très-fertile et ar- rosée par un grand nombre de sources auxquelles on peut attribuer le curieux phénomène géologique qui s’y est passé pendant les deux dernières années.—Au printemps de 1842, l’eau s'étant fait jour entre la terre végétale et la couche de marne, rendit glissante cette dernière, et la terre végétale iendit à se mouvoir suivant la pente de la marne. Ce mou- vement de translation causa les phénomènes les plus bi- zarres, car tandis que certaines parties du terrain s'avan— caient de plus de 6 pieds, d’autres ne bougeaient pas dans le sens horizontal, mais subissaient une dépression de # à 5 pieds dans le sens vertical. Par suite de ces divers mouve- mens , les maisons situées dans cette localité subirent des dé- gradations inquiétantes pour leur solidité : l'une a perdu son aplomb ; les jambages des portes et des fenêtres ne sont plus parallèles ; le carrelage de la cuisine qui était de niveau, tend à se bomber et à s'élever, et les murs intérieurs et ex- térieurs sont sensiblement lézardés. C'est le résultat d’un LS LS tassement inégal du terrain. Le bâtiment du moulin, au con- traire, tend à se partager en deux parties et en même temps à s’enfoncer : les murs sont restés verticaux , mais sur les facades en vent et en bise , il s’est formé une fente, dont la largeur dépasse 5 pouces, le mur d'uberre tendant à s’éloi- gner de celui qui est en joran. Un mur de soutènement ayant menacé de s’écrouler, on a dû y mettre des appuis , et depuis qu'ils y sont , on remarque qu'au lieu de pencher davantage, la partie inférieure qui n'est pas appuyée tend à s'enfoncer en terre, tandis que la partie supérieure reste en l'air soutenue par les appuis. L'étendue du terrain sur lequel se sont manifestés ces di- vers phénomènes est d'environ 600,000 pieds carrés : elle est presque entièrement circonscrite par une crevasse large de quelques pouces, mais dont la profondeur va jusqu’à 5 pieds : d’autres crevasses sillonnent ce terrain dans le sens transversal, mais elles sont en général moins profondes. La cause de ce phénomène est sans doute l'infiltration de l'eau des sources, entre la couche de marne et celle de terre végétale; ce qui le fait présumer, c'est que cette année sur- tout , quoique la fonte des neiges fût considérable , le volume des sources n'a presque pas augmenté , il a même sensible- ment diminué pour quelques-unes, mais l’eau est devenue trouble. La terre végétale en glissant sur la marne a produit des craquemens qui ont été pris pour des tremblemens de terre pendant les années 1842, 1843 et 184%. M. de Rougemont ajoute que depuis deux ou trois ans les environs de St.-Aubin et Gorgier ont été réellement af- 4 ner OUR fectés à plusieurs reprises par des tremblemens de terre dont on ne parlait point avant cette époque. Il y a deux ans entre autres , que le 12 septembre , un tremblement de terre fut accompagné d'un bruit souterrain si fort, que les habitans ef- frayés sortirent précipitamment de leurs maisons. M. de Pury dit que les habitans de Gorgier confirment ces faits, et assurent même que les fentes du terrain se sont ëlar- gies à chaque secousse nouvelle. M. Desor cite le cas d’un éboulement pareil à celui de Gor- gier, qui à eu lieu ce printemps dans les gorges de l’Areuse, au-dessus de Trois-Rods, par le ramolissement des marnes bleues , et qui à entraîné dans la rivière une masse considé- rable de ces marnes et détaché plusieurs rochers restés sans appui. Au-dessus de l’éboulement se voient de larges cre- vasses dans Je calcaire jaune ( néocomien supérieur) qui re- couvre la marne. M. Guyot croit que c’est à cette même cause agissant plus en grand , que sont dûs le grand cirque néocomien et les dé- bris considérables que l’on voit au-dessous du vallon de Vèére, et au-dessus de l’éboulement de cette année. M. d'Osterwald fait un rapport verbal sur un nouveau com- pas de proportion, dont M. Piaget-Guinand, l'inventeur, a en- voyé les dessins à la Société de la Chaux-de-Fonds. L'ancien compas de proportion , qui était autrefois fort employé dans l'horlogerie était devenu sans usage, depuis l'invention des montres Lépine. M. Piaget a cherché à donner à cet instru- ment une forme nouvelle qui pût suffire aux besoins nou- veaux, et 1l semble y avoir réussi, puisqu'il en a fait lui-même ec Me usage pour sa propre fabrication. Ce même instrument a été soumis à l'examen d'experts qui l'ont trouvé parfaitement approprié à son but. Son exactitude est telle, qu'on peut me- surer directement ‘/1700 de ligne. M. Favre , auteur d’un mé- moire explicatif qui accompagne ces dessins , ne fait qu’une légère critique, c'est que la mesure a lieu sur un arc de cercle et non sur la ligne droite , comme cela devrait être, ce qui donne lieu à une erreur égale à la différence proportion- nelle entre l'arc et la corde. Cependant, comme ces mesures ont lieu sur de très-faibles longueurs , cette différence semble presque nulle en pratique. M. Guyot, à l'occasion d'un mémoire de M. Daussy, sur les découvertes dans les terres australes, présente quelques considérations sur les deux calottes polaires de glace et de terre, et sur l'idée qu'il croit erronnée de l'existence d’un continent austral. A. GUxOT, secrétaire. 4 dust &F 6 9 quest oùg À i woil au | pi ; He ee Mur à. cb 3 CHTLIUER nébasgoo bros PE : : sk ne Era 39 Me : caler me it in à 4 + ss ; pp es és e* SEE 4 us me es Eu ab put à BE FES are nc ner] A «4 is 4 Ar J. 1e fon hrobiènos ; £ ; ons “hot F3 “bit ue #, res à ee $ SE di eue inoaiaos E arcs ps : ou chef Fo Nr sel ji bag Érneir LS ds D. METIS Se: L os il, at aÈEr dé vaflon "de M'A PS 4 rene | St: rs vo ET Le title ame VE ‘ $ co È £ À] Te à derinini : Safe vy ri: SL" Yerh,: + sat tou “id NP re “#7 ‘pese proportion, deux #. Piot6 ins invente net CE Fe Sd D. : ” U de ” Chen Es mes | BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DB ANEUTCHATRIER, Séance du 15 mai. Présidence de M. L. CouLox. M. de Rougemont ht un mémoire sur les grands change- mens qu'a dû subir la surface de la terre, à trois époques distinctes , pendant la période géologique et historique ac- tuelle. La réalité de ces changemens résulte de l’accord de _trois genres de preuves. A Les unes sont historiques ; ce sont ou des témoignages po- sitifs des écrivains anciens , ou des traditions plus ou moins précises, ou enfin des mythes comprenant sous une enve- loppe bizarre le vague souvenir des révolutions les plus an- clennes. D'autres preuves sont empruntées à la géologie. Cette science atteste par des observations directes les révolutions locales dont fait mention l'histoire: elle en fait connaître d'autres dont le souvenir s’est perdu. Et si de nos jours la Suède, le Chili et les îles Chiloë, toutes les terres océaniques, d'Otahiti à Madagascar, s’élévent ou s’affaissent , si dans les siècles derniers on a vu des îles nouvelles apparaître au sein des mers et des montagnes se former dans les contrées vol- TER LE caniques , il n’est point impossible que des phénomènes ana- logues aient eu lieu sur une plus grande échelle, dans les premiers temps de cette même période. Le troisième ordre de preuves est tiré de la présence ou de l'absence de certains mammifères dans les îles ; et ici quatre cas sont possibles. Ou l’île ne nourrit aucun des mammifères terrestres qui peuplent le continent le plus voisin, et l'on peut en conclure qu’elle n’a jamais tenu à la terre ferme de- puis le commencement de l’époque géologique actuelle. C’est le cas de toutes les îles océaniques, telles que les Bermudes, les Açores , Madère, les îles du Cap-Vert, les Amirantes , où les premiers navigateurs européens des 15° et 16€ siècles, ne trouvèrent que des nuées d'oiseaux. C'est le cas des Maldives et de tous les archipels de la Polynésie , ainsi que de la Nou- _velle Guinée, et des îles qui sont situées entre cette dernière et la Nouvelle-Zélande; c'est le cas des Antilles, où Christophe Colomb ne trouva que quatre à cinq espèces de quadru- pèdes , de fort petite taille, domestiques ou faciles à appri- voiser, et dont la chair était très-recherchée des indigènes. C'est le cas de la Terre-de-Feu. L'île de Terre-Neuve, le Groënland , l'Islande, le Spitzherg , auront reçu leurs qua- drupédes du Labrador par les glaces. Faute de renseignemens suffisans, M. de Rougemont ne parle ni de la Crète, nt de la Sardaigne et de la Corse, ni de l'Irlande. Ou bien l'ile est peuplée des mêmes quadrupèdes que le continent voisin dont elle aura donc fait partie primitive- ment; ainsi la Grande-Bretagne. Selon les traditions indi- gènes, les Kymris y auraient trouvé, lorsqu'ils y abordèrent Zu ON - Le pour la première fois, des ours, des loups, des castors et _ des bisons , et l’on sait la date à laquelle ces divers animaux ont disparu de l'ile, Ainsi encore, si les renseignemens sont exacts, les îles de Fionie et de Seeland. Ainsi, en Asie, Cey- lan, avec ses éléphans, ses rhinocéros, ses singes , etc.; Haï- nan et Formose , avec leurs tigres, leurs rhinocéros , leurs singes , etc. ; les îles Lieou-Kieou , qui auraient eu jadis, d’après Klaproth , des ours, des loups et des chacals. Dans le troisième cas, l'ile aura une faune spéciale, entière- ment différente de celle des terres voisines, dont elle n'aura donc jamais fait partie; ainsi Madagascar, si tant est toute- fois qu'on ne retrouve pas un jour dans les contrées presque inconnues de l'Afrique orientale, ses mammifères caractéris- tiques , entre autres ses makis et ses écureuils noirs qu'on dit exister en Abyssinie. La Nouvelle-Hollande forme sem- blablement un monde à part, dont les animaux ne se re- trouvent, à un trés-petit nombre d’exceptions près, n1 dans les îles de la Sonde, ni dans la Nouvelle-Guinée , ni dans la Nouvelle-Zélande. Enfin , la faune d’une île peut se composer d'animaux in- digènes et propres , et d'animaux qui existent sur le conti- nent voisin. L'hypothèse la plus probable est celle d'une an- cienne communication qui aurait été rompue plus tard. Ce cas est celui de l’Archipel indien et du Japon. Il faut d’ailleurs être fort prudent dans les inductions à tirer de la présence ou de l'absence de certains animaux dans les îles. Les singes et les cerfs de l’ile de France et de l'île Bourbon , y ont été apportés, dit-on, par des navigateurs 10 hollandais ; les chacals des îles dalmatiennes , par un vais- seau venu du Levant. Les babiroussas traversent à la nage les _ détroits de l’Archipel indien , et l’on prétend qu’en Corse une foule de sangliers épouvantés par un grand incendie de forêts, se sont jetés à la mer, et ont abordé en Toscane et à Antibes. Quelque glace flottante aura porté de la Patagonie aux Ma- louines le loup renard, unique quadrupède de ces îles. Puis aussi, dans les îles dès long-temps habitées, l’homme a pu détruire de nombreuses espèces de grands mammiféres , et cette destruction aura été d'autant plus prompte que l'ile a moins d'étendue. M. de Rougemont passe après cela en revue les princi- pales contrées de la terre, comparant aux renseignemens fournis par la géologie et par la faune, les traditions relatives à des révolutions physiques, et les classant d’après leur ordre chronologique , qu'il déduit des époques diverses ( époque des dieux, époque des héros, époque historique) auxquelles elles se rapportent, et il termine en traçant un tableau de la sur- face de la terre aux temps qui ont suivi le grand déluge de Noé (Xisuthrus, Satyavatra , Coxcox, etc.). Les contours des continens et des mers étaient alors dans leurs traits généraux, ce qu'ils sont aujourd'hui. L'Aus- tralie, la Nouvelle-Guinée , la Polynésie , Madagascar, les Antilles étaient aux terres voisines dans les mêmes rapports qu'ils sont présentement. | - Le Japon, Formose, Haïnan, les Lieou-Kieou tenaient au continent. Dans la méditerranée formée par cette guir- lande de terres, était l’île Mauri, l'Atlantide orientale, célébre Se OÙ plus tard par sa terre de porcelaine et par la corruption de ses habitans. La mer Jaune s’étendait au loin dans les terres, et le Hoang-ho suivait dans la plaine basse un tout autre cours. Les hautes vallées et les plaines des plateaux môngols for- maient de vastes lacs.— L’Archipel indien faisait comme un immense appendice à l’Indo-Chine et à la Chine méridionale. Ceylan , beaucoup plus considérable qu’elle ne l’est aujour- d'hui , tenait à la côte de Coromandel. Le Malabar n'avait point sa forme actuelle , et peut-être la mer occupait ce qui forme maintenant les basses terres du Gange et de l'Indus. Cachemire et sans doute d’autres vallées encore de l'Hima- laya , étaient des lacs alpestres. — L'intérieur du plateau de l'Iran n’était point occupé, comme il l’est maintenant, par de vastes déserts de sable, et en Arabie le désert El-Ahkaf n’exis- tait pas. La mer Rouge était séparée de l'océan indien par _ une large terre et probablement unie à la Méditerranée. Le Delta du Nil, ainsi que celui de l'Euphrate et du Tigre, formait un golfe ; le Nil envoyait un bras à l'occident vers les Syrtes , et le désert Libyen était peut-être encore recouvert par les eaux de l'Océan, ainsi qu’une partie du Sahara orien- tal. La petite Syrte et le lac Triton, alors unis, s’étendaient au loin dans les terres. — Ce qui est la partie méridionale de la mer Morte, était alors la magnifique plaine de Siddim. — Chypre et Crête existaient, mais non Rhodes, ni Delos, ni Anaphé, ni Thera. Le golfe de Corinthe était un bassin ex- térieur, fermé à ses deux extrémités par des isthmes. La val- lée de Tempé ne livrait point encore un passage aux eaux de la Thessalie. L’Eubée tenait, comme Lesbos , au continent — 98 — voisin, et au nord de l'Hellespont et de la Propontide, était un isthme qui unissait l'Asie à l'Europe et isolait le Pont-Euxin de la Méditerranée. Le Pont, c'est-à-dire la mer par excel- lence, communiquait avec la mer Caspienne; la Tauride était une île, les Palus-Meotides avaient une très-grande exten- sion ; des lacs prenaient la place des marais actuels de la Li- thuanie. Les flots de l'océan ( mer Caspienne ) recouvraient les déserts actuels du Turkestan vers le S. E., et baignaient au N. O. les collines qui sont à l'O. de la Sarpa et l'Obstschey- Syrt. Cette vaste mer qui s'étendait des monts de la Transyl- vanie à ceux de la Sogdiane , communiquait, par un détroit entre l'Oural et l'Ulutau , avec l’océan boréal. L’Oural était baigné de trois côtés au moins par la mer. La Finlande était une île ainsi que la Scandinavie. La Grande-Bretagne tenait au continent ; l'archipel des Orcades n'existait pas. — Le détroit de Gibraltar était un isthme , tout aussi bien que ce- lui de Messine. L'île Erythie occupait une place plus ou moins grande dans le golfe compris entre l'Espagne et l'Atlas, et dans l'océan s’élevait la mystérieuse Atlantide, plaine basse entourée à sa circonférence de hautes montagnes. Il serait facile de tracer, d'après ces données, une carte de l’ancien monde aux temps postdiluviens , et l’on verrait alors combien l’histoire primitive des nations et de leurs migrations prendrait un aspect nouveau. Dans les siècles qui suivirent immédiatement le déluge, eurent lieu les révolutions locales les plus considérables. La terre était comme barattée dans l'océan, disent les Indiens, et elle se serait abimée, si Vischnou ne l’eüt soutenueen prenant s — 99 — la forme d’une tortue. Elle s’enfoncçait vers l'occident, selon les Javanais. Elle reçut une brèche, une fente au S. E., disent les Chinois. Traduites dans le langage de l’histoire , ces tra- ditions signifient que l'isthme qui unissait Ceylan au Décan, se brise ; que l’Archipel indien , déjà habité par ses Negritos qu'on trouve dans l’intérieur des grandes îles, se forme par la rupture de cent isthmes , par la destruction de vastes con- trées ; et qu'au S. E. de la Chine la terre s’affaisse et occa- sionne ainsi les îles chinoises et japonaises. Les anciennes limites du continent se reconnaissent encore aux guirlandes d'îles qui bordent la côte orientale de l'Asie, depuis Bornéo au Kamtchatka. Cependant Kasyapa , le petit-fils de Brahma, dessèche le lac de Cachemire; et les lacs des hautes terres chi- noises et mongoles produisent en brisant leurs digues deux déluges : lors de celui de Konkong ou de Fohi, « le ciel tomba au N. O. , et la terre recut une brèche au S. E., et Niuwa la remit en équilibre avec les pieds d’une tortue (tortue de Vischnou dans le mythe de l’'Amrita) » ; et le déluge d'Vao, quieut lieu au temps d'Abraham, est décrit comme une inon- dation des plaines basses, par les eaux débordées du Hoang- ho et de l’Yang-tse-Kiang. À l’autre extrémité de l’ancien monde, la Grande-Bre- tagne se détache du continent avant l’arrivée des premiers Kymris, qui y abordèrent, d’après leurs traditions. Wight, Man et l'Orcade existaient alors déjà, mais ils ont été témoins des révolutions qui ont séparé de la terre ferme Anglesey et diverses portions de l’Ecosse, et qui ont brisé l'Orcade en un petit archipel. C’est peut-être à ces révolutions qu'il = — 100 — faut rapporter ce que les traditions de ces mêmes Kymris disent de cette seconde calamité, postérieure au déluge, qu'elles décrivent en ces termes : « Ce fut le tremblement du torrent de feu (un tremblement universel de la terre avec un déluge de feu), lorsque la terre fut déchirée et entraînée dans le grand abîme , de telle sorte que la plus grande partie de toute vie fut détruite. » | À cette même époque primitive, les contrées centrales de l’an- cien monde étaient pareillement agitées, quoiqu’elles n’aient point subi d'aussi grandes révolutions que les régions océani- ques du S.-E. et N.-0. Les forces volcaniques (Typhon et Zo- hak) s’éveillent et commencent une lutte étrange avec les cieux (Jupiter) : Typhon foudroyé se cache sous la terre qu’il | sillonne , et fait jaillir Les sources de l’Oronte. Près de là, la terre s’enflamme sous les villes de la plaine, et la mer Morte recouvre les ruines de Sodome. Au temps du patriarche Heber , les crimes des Adites amenérent la ruine de leur belle patrie, qui est devenue l’affreux désert el Ahkaf, et des tremblemens de terre chassent des bords du golfe Persique le peuple des Phéniciens. — Le Demawend devient la pri- son de Zohak, comme l'Etna de Typhon. L’Asie mineure est en plusieurs endroits le théâtre des luttes de ce dernier, et Rhodes sort du sein des eaux pour être le lot d’Apollon, Delos pour servir d’asyle à Latone. Cette première époque de catastrophes géologiques pa- raîit avoir été suivie de cinq siècles de repos, après les- quels la terre s’agite de nouveau et prend en plusieurs con- trées une face nouvelle. Cette seconde époque à lieu dans les — 101 — temps historiques, c’est celle de Deucalion et de Moïse, avant et après l'an 1500. Le siége principal des révolutions était alors, dirait-on, ces mêmes régions centrales qui avaient été les plus tranquilles pendant la précédente époque. Le passage de la mer Rouge par les Hébreux indique quelque révolution physique survenue dans la mer Rouge, et certains détails du récit de Moïse font penser à un soulé- vement momentané du fond de la mer. Des phénomènes vol- caniques accompagnent la promulgation de la Loi sur Sinaï. Le désert s’entr'ouvre sous Coré. Les eaux du Jourdain re- fluent au loin en arrière peu de jours avant le tremblement de terre qui renversa les murs de Jéricho; et dans ce même temps la terre suspend un jour entier sa rotation, tandis qu'une pluie prodigieuse de pierres (aërolithes) tombe sur une con- trée de Canaan. — A cette même époque se rapporterait la formation du détroit de Bab-el-Mandeb, que la tradition place, non au temps des Dieux ou des héros, mais sous un roi de l'Vemen , et qui est antérieure à l'expédition mari- time de Sésostris, qui put bien sortir de la mer Rouge, mais qui fût arrêté dans l'Océan par des écueils et des bas- fonds. Ces bas-fonds n'existent plus, et le détroit de la mer Rouge se sera de siècle en siècle approfondi et élargi, comme ça été le cas de celui de Gibraltar. En Grèce a lieu le déluge thessalien ou de Deucalion. Deucalion est contemporain de Dardanus, sous lequel eut lieu la formation du Bosphore de Thrace, dont les consé- quences ont été l’abaissement du Pont-Euxin à son niveau actuel, l'inondation des basses-terres de la mer Egée et — 102 — même du Delta égyptien et de la Cyrénaïque, la transfor- mation de l’île Tauride en une presqu'île, une moindre éten- due de la mer Noire et de la mer d’Asow , et leur séparation de la mer Caspienne. — Plus-tard, Anaphé et selon quel- ques-uns Thera (Santorin) sortent des eaux au temps des Argonautes. En Italie, des éruptions de l’Etna chassent les Sicanes de l'Est de la Sicile vers l'Ouest , et c’est au temps de Deucalion qu'on a placé d’après la tradition la formation du détroit de Messine. Les volcans du centre de l'Italie entrent dans une activité telle que les Pélasges abandonnent l'Etrurie. Hercule combat contre Cacus, fils de Vulcain, et produit le lac de Cimini. La tradition varie sur le temps auquel fut formé le détroit de Gibraltar ; et la destruction de l’Atlantide, antérieure à Phaëton, doit avoir eu lieu avant le 16° siècle. En Amérique, les Florides sont inondées par le lac Theomi pendant une nuit de 24 heures (qui correspond au Jour de 24 heures de la bataille de Gabaon). À la seconde époque peuvent également se rapporter : le soulèvement de la côte de Malabar à l'ordre de Parasu- Rama, sixième incarnation de Vischnou, et les phénomènes volcaniques des monts Vindhyas au temps des fils de Pan- dou , ainsi que la destruction de l’île Mauri sous son roi Pey- ruun. | La seconde époque, dont les catastrophes ont été beau- coup moins considérables que celles de la première, a été suivie de près de mille ans de repos ; et la troisième et der- — 103 — nière est signalée par des faits d'une importance bien moindre encore. Elle comprend les quatre siècles avant et le premier siècle après Jésus-Christ. Vers les extrémités N.-O. de l’ancien monde, l’inondation cimbrique, qui est antérieure à Alexandre-le-Grand, dé- place une partie des nations demeurant sur les côtes germa- niques de la mer du Nord. Vers les extrémités S.—E. de l'Ancien-Monde, postérieu- rement à 302, la mer engloutit au nord de Ceylan neuf iles et plusieurs milliers de villages , et l'an 72 (ou 115) de notre ère , d’après les traditions Javanaises , Sumatra et Java se séparent par la formation du détroit de la Sonde.— Vers 28% avant Jésus-Christ un tremblement de terre donne nais- sance dans le Japon à un grand lac et à l'une des principales montagnes de l’île. Trois siècles plus tard une île considé- rable sort de la mer à l’est de Kiu-Siu. Dans la Méditerranée plusieurs îles nouvelles se forment par des causes diverses : en 425, l’île Atalante par la rupture de l'isthme qui la liait à la Locride ; en 327, Thérasia sort de la mer, ou Thora se divise en deux; en 197, apparaît près de Thora l'ile Hiera ; en 188, une île (peut-être Vulcanello) près de la Sicile ; en 128, une autre dans le golfe de Tos- cane ; en 87, Thia ; eten 47 après Jésus-Christ, une autre île près de Santorin, en 60, une île près de la Crête. Depuis le premier siècle de notre ère jusques aux temps modernes aucune île nouvelle n'apparaît dans la Méditerra- née; et à l'est de l'Asie, le seul fait de ce genre qui ait eu lieu pendant ce même espace de temps est la formation de — 104 — trois îles près du Japon, en 764. La terre aux premiers temps de l’ére chrétienne est rentrée dans une période de repos relatif, et l’histoire ne mentionne plus de ces grandes inondations qui font époque dans l’histoire des nations. Ce- pendant on doit noter la formation, par déchiremert, de l’île Bali en 120%; et, près de Sumbawa, de Giling-Travangan, en 1260; et Solo-Pinang, en 1280; tandis que dans le _ même siècle , à l’autre extrémité de l’Ancien-Monde, la mer donnait naissance, par l'irruption de ses flots, au Jahde, vers 1218 : aux îles du Sleswig, en 1240 ; au Dollart, de 1278 à 1287, et au Zuydersee, vers 1282. — On ne peut déter- miner l’époque où le lac Aral s’est séparé de la mer Cas- pienne , ni celle ou l'Océan Boréal est rentré dans ses limites actuelles. Les livres chinois citent à 62° de L. N. des mesures de gnomon prises sur le bord de cet Océan, et ils décrivent en 581 après Jésus-Christ un peuple nommé Katoumey, : pirate et montant de grands navires. Strabon parle d'un dé- troit de 1500: stades de longueur, qui unissait la mer Cas- pienne à l'Océan. Au temps de Ptolomée l'Iaxarte recevait sur sa rive droite deux grands affluens qui n'existent plus ; et en 1660 , un des bras de lOxus se jetait encore dans la mer Caspienne. À ces révolutions géologiques que la terre a subies dans la période actuelle, viennent s'ajouter les changemens at- mosphériques tels qu'ils résultent des traditions , de la géo— logie et de l'histoire : le climat s’est considérablement refroidi (Zendavesta), et le feu est quatorze fois moins abondant dans la nature pendant l'époque actuelle que dans la précédente — 105 — ( Inde ) ; les déserts de l'Egypte et de la Nubie , ainsi que de l'Arabie , aujourd'hui entièrement arides, portent dans leurs vallées les traces incontestables de pluies équatoriales, et à quelque distance du Caire se voient, vitrifiées, des forêts d'arbres des tropiques ; les orages { d’après Arago ) n’ont plus dans les contrées européennes de la Méditerranée l’inten- sité qu'ils avaient aux temps anciens d’après les auteurs grecs et latins, et les grottes des oracles n’exhalent plus leurs va- peurs enivrantes. La terre a donc changé pendant la période actuelle et ces révolutions physiques ont probablement exercé une grande influence sur les destinées des nations. À. Guyot, secrétaire. 22 D DIET ee e adioe dé san: de. aeuigé À +4 Dt- à 2 allbshe dhoisèget unbaggmté, Jacles sara "l “4 es Ma soupir ed. oil 1 lun à » ni oran aus matrice Lier Gal etre dan ge tnt agi Male es Leb Ettegé& 4 Le Je L. N:408 see ie APTE pores ur Haitrévd ê rés Êks je: dé tr (en Mt apres Sérus- À past: ue per EU RES À AoeR Pe à hd =. * d ARpNE ommé où de peau de vessie, ce qui émpécherait le mercure de pénétrer 5 P ; q P dans l’intérieur, et ne gênerait en rien l’ouvrier. de: NON mouvemens jusqu'à ce qu'elle ait acquis une couleur d'un jaune pâle, à laquelle le doreur reconnaît qu'elle a été suffisamment exposée au feu ; elle est alors mise à part pour subir d’autres opérations. Le passage au feu ‘est de toutes les opérations de la dorure, celle qui altère le plus la santé des ouvriers, lors- qu'elle n’est pas faite avec des précautions suffisantes, pour que le mercure volatilisé par l'action de la chaleur, s’é- chappe promptement et en totalité par le canal qui doit lui donner issue, et lorsqu'il s’en répand dans l'air de l'atelier. L'usage de gants bien faits et aussi imperméa- bles que possible, est ici nécessaire pour prémunir la peau des mains contre l’action du mercure volatilisé. Les vapeurs mercurielles agissant sur la surface de la-peau, et sur la membrane qui. tapisse l'intérieur de. la bouche et.des organes pulmonaires, donnent lieu à la longue à des accidens très-graves.. — Au bout d'un temps plus ou moins long , et en général subordonné à l'âge, à la constitution individuelle, et surtout. à l'intensité des va- peurs mercurielles, les doreurs voient leur santé s’alté- rer ; ils perdent leur coloration naturelle et prennent un teint blafard ou tirant sur le jaune. Cela leur arrive quelquefois après avoir passé au feu pendant quelques mois seulement. Par le progrès du temps, s'ils restent soumis à la même influence délétère, les mouvemens de leurs membres deviennent moins assurés et vacillans; ils y éprouvent de l'agitation, puis ils sont pris d'un trem- blement plus ou moins intense et plus ou moins sou- tenu. Quelquefois, mais plus rarement, le tremblement mercuriel survient brusquement et sans symptômes pré— curseurs. Lorsque les doreurs ne cessent pas de passer — 300 — au feu dès qu'ils sont pris de tremblement, et qu'ils con- tinuent leur travail, le tremblement d’abord borné aux membres, ne tarde pas à devenir général et comme con- vulsif, La plupart des fonctions qui dépendent de l’ac- tion musculaire, ne s’exécutent alors que d'une manière imparfaite. Les malades ne peuvent ni marcher, ni se servir de leurs mains avec assurance. S'ils veulent porter un liquide à la bouche, il leur arrive parfois de ne pas y réussir, sans renverser le vase qu'ils tiennent; quel- quefois, ils ne parviennent pas mieux à porter directe- ment à la bouche les alimens solides, incapables qu'ils sont de diriger les mouvemens de leurs mams, en sorte qu'il arrive, qu'on est parfois obligé de leur donner à manger comme aux petits enfans; le mal continuant à faire des progrès, les doreurs perdent l'appétit, la masti- cation des alimens ne s'opère plus que d'une manière in- complète, et les malades sont souvent pris d’aphonie. A une période plus avancée, l’action des vapeurs mercu- rielles continuant à agir sur ces malheureux, ils sont pris de défaillances momentanées, ils perdent le sommeil, leur cerveau s’affecte, le délire s'empare d'eux, et ils peuvent succomber à leurs maux; ce qui cependant ar- rive très-raremement. =— Le tremblement mercuriel se guérit en général assez facilement , par l’usage d’un trai- tement convenable, sur lequel il n'entre pas dans nos vues de nous arrêter. Il suffit quelquefois pour en être débarrassés , que les doreurs quittent poar un temps plus ou moins long les travaux de leur profession, et qu'ils abandonnent leur atelier. Mais une fois qu'ils en ont été atteints, ils conservent une très-grande disposition à con- tracter de nouveau cette maladie; plusieurs d’entr'eux — 301 — sont obligés pour cette raison de renoncer totalement à l'exercice de leur profession. Il est aussi un petit nombre de doreurs, qui, une fois atteints de tremblement mercu- riel; s'en ressentent toute leur vie, et qui, aprés avoir cessé d'être exposés aux vapeurs du mercure, conservent néanmoins la disposition à être pris de tremblement, dés qu'ils se livrent à quelque fatigue de corps, où lorsqu'ils éprouvent des émotions de l'âme. — Nous avons eu pen- dant long-temps à lhôpital de cette ville, ‘en qualité d'infirmière, ‘une doreuse qui avait été atteinte du trem- blement ‘convulsif à différentes reprises, et qui avait dû quitter pour ce motif l'exercice de ‘sa ‘profession. Cette femme, alors âgée d'une cinquantaine d'années, bien que guérie en. apparence de son infirmité, était momentané- ment reprise de tremblement des membres et de la tête, dès qu’elle éprouvait quelque affection de l’âme, ou lors- qu'elle avait quelque fatigue corporelle à essuyer. Depuis plus de douze ans qu’elle a quitté le service de l'hôpital, cette: fâcheuse disposition ‘n’a fait qu’augmenter par le progrès de l’âge, et actuellement cette femme ne peut presque se livrer à aucun travail manuel. Une autre femme, âgée de 75 'ans est entrée l'année passée (1843) au même hôpital, pour une tumeur cancéreuse du foie. Comme elle était souvent prise de tremblement convulsif de tout le corps, et en particulier du bras droit, je m'in- format si elle avait été doreuse. Elle: m'apprit que dans sa jeunesse , elle avait exercé cette profession à la Chaux- de-Fonds, avant l'incendie qui détruisit presque entière- ment cette ville, ’et qu'elle avait été alors très-fortement affectée de trémblement mercuriel; elle paraissait com- ‘plétément guérie, lorsqu'elle renonça à l'exercice’ de sa — 392 — profession, et vint se fixer à St.-Blaise, où elle se maria, et où elle jouit d'une santé non interrompue jusque dans ces dernières années. À cette époque, il y.a environ sept ans, elle vit reparaître le tremblement convulsif dont elle avait été atteinte #0 ans auparavant. D'abord peu notables , les mouvemens convulsifs des membres, surtout du bras droit, étaient devenus insensiblement plus in- tenses, et 1ls menaçaient de devenir habituels, de mo- mentanés qu'ils avaient été à leur réapparition. Le tremblement convulsif est, sans contredit, le plus redoutable des accidens auxquels le mercure expose les doreurs au feu; mais il n’est pas le seul. Le.contact ré- pété de ce métal et les vapeurs auxquelles il donne lieu, affectent assez souvent les glandes salivaires, et occa- sionnent une salivation plus ou moins abondante, accom- pagnée d'ulcération à la langue, aux. gencives et aux autres: parties de la bouche, et d'ébranlement des dents, qui noircissent quelquefois et tombent prématurément. Ces effets du mercure, quoique en général moins fà- cheux que le tremblement convulsif, exigent quelquefois un long traitement et des ménagemens prolongés; ce qui oblige les doreurs qui en sont, atteints, à discontinuer les travaux de leur profession pendant un temps plus ou moins long. Moyens employés pour prévenir les effets des vapeurs nercurvelles. Dans la seconde moitié du siècle dernier, de savans physiciens, frappés des accidens redoutables causés par les vapeurs mercurielles, avaient cherché les moyens d'en — 3035 — préserver les doreurs. Foureroy, dans sa traduction de l'ouvrage de Ramazzini sur les maladies des artisans, leur avait donné des conseils utiles, mais insuffisans pour s'en garantir complétement ('). Après lui, plusieurs savans de Genève se sont particulièrement occupés de cet objet. L’année même où parut la traduction française de l’ou- vrage du médecin de Modène, Tingry, pharmacien à Ge- nève, fit connaître un petit appareil auquel il a donné le nom de préservateur, et qu'il avait imaginé pour empê- cher les vapeurs de mercure de pénétrer dans l'atelier des doreurs de pièces de montres, et pour leur donner une prompte issue au dehors. Cet appareil, qui se trouve dé- crit et figuré dans le journal de l'abbé Rosier pour le mois de novembre de l’année 1777, était d’une utilité réelle, mais toutefois beaucoup moins efficace que celui qui, plus tard, a été imaginé par M. Darcet, parce qu’on ne peut pas en diriger, en activer et en soutenir le tirage comme dans ce dernier. Albert Gosse, pharmacien à Genève, dans un mémoire couronné par l'académie des sciences en 1733, sur la question qui nous occupe (Dé- termener la nature et les causes auxquelles sont exposés les doreurs au feu ou sur métaux, et la meilleure manière de les préserver de ces maladies, soit par des moyens physiques, soit par des moyens chimiques), avait proposé entr'autres (*) Essai sur les maladies des artisans, traduit du latin de Ramazzini, avec des notes et des additions; par M. dé Fourcroy, in-12°. Paris 4777, page 37. Fourcroy recommandait en particulier aux doreurs, de placer au-dessus du fourneau où ils passent au feu, un tuyau dé tôle, dont l’ex- trémité inférieure évasée en pavillon fût assez grande pour contenir ce fourneau, et dont P’autre extrémité recourbée allât s’ouvrir dans un canal de cheminée , ou en dehors, en passant par un carreau de fenétre. 23 — 904 — moyens l'emploi d'un fourneau semblable au préserva- teur de Tingry. M. Robert Guedin, également de Genève et doreur lui-même, avait construit dans son atelier un appareil auquel on peut faire relativement au courant d'air, le même reproche qu'au préservateur de Tingry ('). Des moyens d’un autre genre ont aussi été proposés, pour empêcher que les doreurs respirassent les vapeurs du mer- cure volatilisé par l’action de la chaleur. Albert Gosse, dans ses expériences sur les améliorations hygiéniques qu'il cherchait à introduire dans l'art du chapelier, s'était servi d'une éponge mouillée placée au devant des voies aériennes, afin que l'air ne parvint aux poumons que ta- misé pour ainsi dire. Le D' Gosse, mon savant ami, met- tant à profit l’idée de son père, a fait construire un petit appareil, qui, depuis sa publication, a été décrit et gravé dans le premier volume des Annales d'hygiène pu- blique et de médecine légale (*). Cet appareil se compose d'une éponge d'un tissu fin et serré, d’une forme coni- que, et qui est assez large pour recouvrir le nez, la bouche et le menton. Afin d'empêcher toute communi- cation directe de l'air extérieur à la bouche par les yeux de l'éponge, tous ceux-ci sont cousus, et au devant de l'éponge sont superposées des tranches d’autres éponges coupées avec un rasoir et tellement disposées, que les (*) L'appareil de M. Robert Guedin se trouve décrit et gravé dans le Bul- letin de la Société d’encouragement ; 15° année, Mars 1814. (?) L’hygiène des professions insalubres, par M. L. À. Gosse D. M. (Biblio- thèque universelle. Sciences T. 4.) et Mémoire sur un moyen mécanique proposé pour respirer impunément les qaz délétères; extrait d’un rapport fait à M. le préfet de police ; par MM. Darcet, Gauthier de Claubry et Pa- rent du Châtelet. (Annales d'hygiène publique et de Medecine légale ; juillet 1829 , page 435 , planche 5 fig. 5 et 6). — 305 — ouvertures d'une tranche répondent à une partie pleine d'une autre; avant de coudre chaque lame , il faut avoir soin d'en coudre les yeux trop grands et ceux qui laissent passer la lumière. De cette manière, on donne à cet en- semble d'éponges la forme qu'on veut; un ruban fixé tout autour du masque, soutient des cordons destinés à l'assujettir autour de la tête. Muni de cet appareil d'é- ponge humide, auquel, pour se préserver les yeux de l'ac- tion des gaz irritans , il avait ajouté des lunettes formées par des verres de grand diamètreenchassés dans une éponge mouillée semblable à celle de son masque , le D' Gosse sest livré à plusieurs essais assez périlleux, dont je me bornerai à rapporter celui qui a un rapport direct avec l’objet dont nous nous occupons. Ainsi, 1 mit une livre de mercure en ébullition dans un creuset, et resta pen- dant.cinq minutes exposé aux vapeurs abondantes qui s'en dégageaient. Mais celles-ci ne lui produisirent au- cune sensation. Deux lames d’or battu, qu'il avait dis- posées derrière son masque, au devant de la bouche et de ses narines, ne blanchirent pas, et conservèrent leur éclat métallique ; en pressant l'éponge , on en faisajt sortir des gouttelettes de mercure qui s'y étaient condensées. Quoique le moyen préservatif qui vient d'être décrit, -soit d'une efficacité incontestable, pour empêcher que la santé ne souffre de la respiration d’un air contenant des ma- uières nuisibles, cependant les doreurs ne l'ont pas adopté: ce qui sexplique aisément par la gène très-grande et l'embarras qu'il doit causer, C'est surtout à Darcet qu’on est redevable des perfec- tionnemens les plus utiles à la santé des doreurs. L’ap- pareil que ce savant, dont on doit déplorer la mort ré- — 306 — cente, a imaginé pour la dorure des pièces de montres, et en général pour la dorure des petits objets, remplit d’une manière beaucoup plus efficace que ceux qui vien- nent d’être décrits, le but de préservation qu'il se pro- pose; aussi mérite-t-il d'être universellement adopté. Il se compose, en général, d'une boîte en tôle, munie sur le devant d’une hotte vitrée, sous laquelle les doreurs engagent leurs mains et font les opérations dangereuses de leur profession. Cette boîte est surmontée d'un tuyau également en tôle, destiné à donner issue aux produits gazeux de la combustion et aux vapeurs mercurielles, et s’ouvrant par un coude vertical, soit directement au de- hors, par un carreau de la fenêtre, soit dans un canal de cheminée ('). Lorsque le courant d'air est bien établi dans ce petit appareil, les vapeurs mercurielles et les autres émanations dangereuses s'échappent au dehors en totalité, sans qu'il s’en répande dans l'atelier, et les do- reurs sont ainsi mis à l'abri de leur contact. — Les dan- sers auxquels les émanations du mercure les exposent, ne sont ignorés d'aucun des doreurs de notre pays. Aussi ,.ont-ils, pour la plupart, adopté successivement les appareils préservateurs construits sur les prineipes de Darcet, que M. Olivier Quartier a le premier introduits au Locle et aux Brenets, il y a environ quinze ans. Nous n'avons trouvé, dans notre visite des doreurs, que six ateliers qui ne fissent pas usage des appareïls dont il s’agit (voyez tableau A). Les propriétaires de deux de ces ateliers, établis à la Chaux-de-Fonds, et qui sont les (*) Mémoire sur l’art de dorer le bronze , ouvrage qui a remporté le prix fondé par M. Ravrio et proposé par l’académie royale des Sciences , in-8°. Paris 1818, page 165, planches 5 et G. — 307 — plus considérables de nos montagnes, ont à grands frais employé un autre moyen pour mettre les doreurs à l'abri des vapeurs mercurielles, mais que les commissaires du gouvernement ont envisagé comme beaucoup moins effi- caces que l'appareil de Dareet. Les industriels dont il s’a- git, ont fait établir dans l'atelier où les ouvriers passent au feu, des loges vitrées, dans lesquelles les doreurs sont assis, en face d’un fourneau surmonté d'un chapi- teau et d'un canal d’évaporation en tôle, qui s'ouvre dans une cheminée: c’est sur les braises de ce fourneau que se placent les pièces couvertes d’amalgame d'or et de mercure. Ces loges qui sont en bois, communiquent avec l’air du dehors, au moyen d’un canal également en bois, qui s'ouvre au haut de la loge. On entre dans celle- ci depuis l'atelier, par une petite porte. La moitié supé- rieure de la face de ces loges, qui regarde le fourneau où l’on passe au feu, est munie d'un vitrage; la moitié inférieure est fermée par un tablier en cuir garni de man- ches, dans lesquelles les ouvriers engagent leurs bras. Les doreurs placés dans ces loges y éprouvent une cha- leur considérable, qui doit à la longue avoir une in- fluence fâcheuse sur leur santé. L'air qu'ils y respirent se renouvelle mal, et il y a tout lieu de croire que ce n’est pas exclusivement par le moyen de l’air du dehors que ce renouvellement se fait, mais que cela a lieu sou- vent par l’air de l'atelier. Les commissaires du gouver- nement se sont assurés que les choses se passaient ainsi dans l’un de ces deux ateliers. Ayant appliqué la flamme d’une chandelle à l’ouverture extérieure du canal en bois, qui, de l'extérieur, communique avec une de ces loges, nous avons vu la flamme au lieu d'être infléchie vers le — 308 — canal, en être très-notablement repoussée. Dans l'ate- lier dont il s’agit, lorsqu'on passe au feu, 1} y a une abondance de mercure en évaporation. En supposant que les ouvriers occupés à cette opération dans les loges, fussent complètement à l'abri de ces vapeurs mercu- rielles , ce qui n’a pas heu, suivant nous, elles n’en nui- raient pas moins à la santé des personnes qui entrent dans l'atelier, et surtout à celles qui ont limprudence d'y séjourner. — Dans une visite que je fis en septembre 1842 de latelier dont il vient d’être question, jy trou- vai une jeune fille assise à côté d'une des loges, occu- pée à blanchir les pièces de montres, et à les couvrir d'amalgame d'er et de mercure. Cette jeune personne. agée de 20 ans, avait alors toutes les apparences de la santé ; quelques mois après , elle a été prise d’un tremble- ment convulsif intense, qui l'a obligée a cesser pendant assez long-temps les travaux de sa profession. Les com- missaires du gouvernement, en visitant l'atelier de M. Bra- bant à la Chaux-de-Fonds, à la fin du mois d’Aoùût, y ont rencontré cette jeune fille, alors assez bien remise de son tremblement mercuriel ; c’est elle qui nous raconta dans cette oceasion ce qui lui était arrivé("). L'atelier à loges vitrées, dont il vient d'être parlé, est celui des montagnes où le plus grand nombre d’oavriers ont ressenti les fâcheux effets des vapeurs mereurielles. Sur 38 doreurs atteints d'intoxication mercurielle, dont il sera parlé plus bas, cinq en avaient été affectés dans cet atelier ; mais il est vrai de dire , que c’est un des ateliers (!) Elle s'appelait Kohler (Marie) et s’occupait de la dorure au feu depuis deux ans et demi, — 309 — de dorure les plus considérables des montagnes de notré pays. | Le second des ateliers à loges vitrées existant à la Chaux-de-Fonds, est beaucoup plus salubre que le pré- cédent. Il doit cette salubrité à une cheminée construite au milieu de l'atelier où l'on passe au feu, et qui fait les fonctions d’un fourneau d'appel. Les conduits en tôle des fourneaux où se fait celte opération, s'ouvrent par un coude vertical dans cette cheminée ; de sorte, qu’on peut établir dans tous ces conduits un très-fort tirage, pour entraîner au dehors les vapeurs du mereure.' L'atelier dont il s'agit laisserait très-peu de chose à désirer sous le rapport de la salubrité, si au lieu des loges vitrées et des fourneaux qui s’y trouvent, on y élablissait autant d’ap- pareils à hotte vitrée, dont les conduits d’évaporation vinssent s'ouvrir dans la cheminée dont il vient d’être fait mention. L'autre atelier à loges, dont nous avons parlé ci-dessus, ne sera, nous le croyons, complétement as- saini et délivré de ses causes d’insalubrité, que lorsque les loges du local peu spacieux, où l’on y passe au feu, seront remplacées par des appareils à hotte. vitrée, et lorsqu'on aura la précaution d’en faire entrer les conduits d’évaporation de la fumée et du mercure, dans un canal de cheminée dont le tirage soit fortement établi, et puisse être maintenu constant par le moyen d’un petit fourneau d'appel. Les doreurs de nos montagnes donnent le nom de lan- lernes aux appareils à hotte vitrée dont ils font usage pour passer au feu. La plupart de ces lanternes sont compo- sées d'une boîte en tôle, dans laquelle est placée une pe- lite caisse également en tôle, contenant les braises cou- — 310 — \ ‘ vertes de cendres, ou les charbons ardens sur lesquels se fait la volatilisation du mercure. Cette boîte est surmon- tée d'un tuyau en tôle, muni d’une bascule mue par une clef; ce tuyau s'ouvre au dehors par un coude vertical, ou bien il aboutit de la même manière dans un canal de cheminée. Au devant de la boîte, est adaptée une petite hotte vitrée, sous laquelle le doreur passe les bras et exécute son travail. Construites sur le principe de l’ap- pareil de Darcet, les /anternes de nos doreurs en différent un peu, par la forme de la boîte en tôle où se place la pe- tite caisse destinée à contenir les braises, à laquelle les do- reurs donnent vulgairement le nom de casse. Nous n’a- vons vu que très-peu de ces boîtes qui eussent la forme d'un chapiteau comme dans l'appareil Darcet; il ne s’en est trouvé qu'une seule, qui fût munie dans le haut, comme dans ce dernier, d’une fente transversale destinée à donner issue aux vapeurs mercurielles, qui, n'ayant pas passé par la porte de la fournaise, peuvent se trouver en stagnation dans la partie supérieure de la hotte vitrée de l'appareil. Dans quelques ateliers, les appareils à pas- ser au feu, se composent simplement d’une petite caisse ayant la forme d'un parallélipipède rectangle peu élevé, où l’on place les braises , et d’une hotte vitrée surmontée d'un tuyau d'évaporation en tôle. Dans quelques-uns des ateliers où cette disposition de l'appareil à passer au feu existe, la hotte sous laquelle le travail s'effectue a la forme d'une cloche. Les conduits en tôle des appareils à passer au feu , des- tinés à donner issue à la fumée, aux gaz résultans de la combustion et aux vapeurs du mercure, s'ouvrent direc- tement au dehors, dans la plupart des ateliers de dorure — 911 — de nos montagnes, en passant par un carreau de fenêtre, et en formant un coude vertical. Nous avons trouvé cette disposition dans 51 ateliers, savoir : dans 3 aux Ponts, 21 au Locle, 2 aux Brenets et 25 à la Chaux-de-Fonds. Dans 4 ateliers du Locle, les’conduits d’évaporation s’ou- vraient dans des cheminées de cuisine ; à la Chaux-de- Fonds, il n'y avait qu’un seul atelier où cela eût lieu. Ces conduits allaient aboutir dans une cheminée de les- siverie, dans un atelier du Locle et dans un atelier de la Chaux-de-Fonds. — Il y a un danger réel à introduire les tuyaux d’évaporation du mercure dans les cheminées de cuisine, ou dans d’autres conduits en communication avec une ou plusieurs chambres d’une maison. Dans cer- tains cas, il peut se faire un appel capable de faire pé- nétrer dans les pièces où cette communication existe, le mercure volatilisé par l’action du feu. Nous avons cité plus haut un fait de ce genre, où toute une-famille d'arti- sans fut gravement affectée d'intoxication mercurielle. Aussi est-il du devoir d’une bonne police, de défendre que les conduits d'évaporation, dont il s’agit, s'ouvrent dans des cheminées communiquant avec des chambres, ou dans les cheminées des cuisines. Le ramonage des cheminées où aboutissent des con- duits qui donnent issue au mercure vaporisé par l’action du feu, ne se fait pas toujours sans danger. Un jeune homme de 16 ans, ouvrier ramoneur à la Chaux-de- Fonds, a été pris de salivation mercurielle à différentes reprises, et chaque fois qu’il ramonait la cheminée, où aboutissaient les tuyaux d’évaporation du mercure, dans un des ateliers à loges vitrées dont nous avons parlé ei- dessus. On voit par là, qu'il est nécessaire d’user de cer- — 312 — taines précautions pour le ramonage des cheminées dont il s’agit. Le mercure volatilisé par le feu , se trouve mêlé avec la suie de la cheminée où il aboutit, à toutes les hauteurs de ce canal. Beaucoup plus abondant au bas de celui-ci, comme l'ont démontré les recherches faites par Darcet ('), ce métal est toutefois porté par le courant d'air jusqu'au haut de la cheminée. Nous avons constaté ce fait dans un atelier des Brenets, ‘où le:canal en tôle, donnant issue aux vapeurs mercurielles, avait #0 pieds de baateur ; on trouvait des globules de mercure à sa partie la plus élevée. Quelle que soit la diversité de forme des appareils à hotte employés par les doreurs de nos montagnes, sous le nom de Zanternes, ils seraient suffisans pour les préserver contre les vapeurs mercurielles, si le courant d'air ascendant y était fortement établi et constant, et qu'il püt être activé dans certaines circonstances ; pourvu toutefois que les appareils dont nous parlons fussent con- fectionnés avec soin, maintenus dans un grand état de pro- preté, et qu'entre les différentes pièces de la hotte vi'rée, il n’y eût aucune ouverture qui permit au mercure vola- tilisé de se répandre dans l'atelier. La chose importante est que le courant d'air des appareils soit bon; sans cette condition ils n'ont aucune efficacité. Dans la visite que nous avons faite des atchiéré de do- rure , nous avons essayé le tirage de presque tous les appareils dont il s’agit. Nous avons trouvé plusieurs lan- ternes dont le courant ascendant était très-fort ; 1l était mé- diocre dans beaucoup d’autres, et mauvais dans le reste. Les lanternes, dont le canal d’évaporation était d’un gros (') Mémoire sur l’art de dorer le bronze , page 120. — 313 — calibre relativement au reste de l'appareil, avaient toutes un bon üirage. Dans deux ateliers, le tirage était mau- vais, parce que les tuyaux en tôle qui donnaient issue à la fumée et aux vapeurs mercurielles, étaient do- minés par les maisons du voisinage. Le peu d'éléva- lion du tuyau d'évaporation était la cause du mauvais Urage dans un autre atelier. Un doreur de la Chaux- de-Fonds, M. L'E., dont le comité d'enquête a trouvé l'appareil d'un fort bon tirage, se sert d’un ‘excellent moyen de l'activer, lorsque par l'effet du vént ou de toute autre cause, le courant d’air ascendant ne se fait pas ausst bien que d'ordinaire; ce moyen consiste à di- later l'air intérieur du tuyau d'évaporation, en plaçant au-dessous la flamme d’un quinquet; ce moyen bien connu depuis long-téemps, aurait une efficacité encore plus grande, si cet industriel introduisait le haut de la che- minée du quinquet dans le tuyau même, par une ouver- ture qui y serait ménagée, comme Darcet lé conseille. Les moyens d'établir dans les appareils à hotte un courant d'air fortement ascendant et constant, sont assez multipliés, et doivent être variés suivant les circons- tances. Les doreurs ne sauraient trop se pénétrer des ex- cellens préceptes donnés à ce sujet par le savant dont nous venons de parler, dans son Mémoire sur l'art de dorer le bronze. On peut obtenir ce résultat, indépendamment des moyens ordinaires, tantôt en augmentant le diamèêtre du tuyau en tôle, tantôt en lui donnant plus de hauteur, pour qu'il ne soit pas dominé par les maisons voisines. Il est ordinairement nécessaire d'établir un vasistas à l’une des fenêtres de l'atelier, afin'que l'air qui s'échappe par le canal d'évaporation soit facilement remplacé par — 314 — celui du dehors, sans qu’il soit nécessaire pour cela de tenir ouverte la porte ou la fenêtre de l'atelier. Quand le canal de déduction du mercure est placé dans une che- minée, on peut en assurer le tirage en bouchant exacte- ment le bas de celle-ci. Dans tous les cas, un des moyens les plus efficaces pour activer le tirage et pour le rendre constant, consiste à engager le haut de la cheminée en verre d'un quinquet allumé, dans une ouverture prati- quée à la paroi inférieure du tuyau en tôle de l'appareil à passer au feu. Dans les ateliers considérables, où dans un même local on emploie à la fois plusieurs appareils à passer au feu, le moyen par excellence de rendre le tirage fort et cons- tamment bon, serait d'établir un petit fourneau d'appel pour dilater l’air de la cheminée où ces conduits vont aboutir. — Dans la visite que nous avons faite dans les ateliers de dorure de notre pays, nous avons vu passer au feu le matin et dans l'après midi; mais d’après les renseignemens qui nous ont été donnés, 1l paraît que cette opération se fait principalement la matinée dans la plu- part des ateliers de dorure. — A la Chaux-de-Fonds un assez grand nombre de doreurs passent au feu dans des maisonnettes composées d’une petite chambre à plein pied, où se trouve une forge placée sous une cheminée destinée à donner issue aux produits de la combustion, au mercure volatilisé et aux autres vapeurs dangereuses. Dans cette même ville, et aux Ponts, d’autres doreurs font la même opération dans des loges en bois, où est placé l'appareil dont le canal de déduction des vapeurs s'ouvre au dehors en passant par un carreau de fenêtre. Dans une de ces loges, qui était plutôt une guérite fermée, 1l n'y avait pas — 315 — de canal de déduction. Plusieurs des maisonnettes dont il s’agit sont en bon état, et les doreurs peuvent y passer au feu commodément et sans inconvénient, lorsque la forge est munie d’une bonne hotte vitrée. Mais les loges en bois sont extrêmement chaudes en été, et doivent être très- froides en hiver, si toutefois on peut y travailler dans cette dernière saison. Nous sommes entrés dans plusieurs pendant qu’on y passait au feu, mais nous y avons été fortement incommodés par la chaleur, à la fin d’Aoùt. Depuis la lecture de ce mémoire, un doreur de la Chaux- de-Fonds, forcé par la rigueur du froid de quitter la maisonpette qui lui servait d'atelier dans l'hiver de 1845, eut l’imprudence de passer au feu, sans aucune précau- tion, dans la chambre qu'il habitait avec sa femme, do- reuse comme lui. L'un et l’autre qui avaient été atteints à différentes reprises de l’intoxication mercurielle, furent pris de nouveau et très-gravement du tremblement con- vulsif, pour lequel ils ont été reçus à l'hôpital Pourtalés; la femme qui était atteinte de la maladie au plus haut degré, fut prise de délire, et succomba avec tous les signes d'une congestion cérébrale, dont l'existence a été constatée à l'ouverture de son corps. Au-dessus de la chambre, où ces deux doreurs passaient au feu si impru- demment, se trouvait une chambre habitée par un hor- loger avec sa femme et sa sœur. Ces trois personnes fu- rent toutes affectées d’une salivation abondante, avec stomatite ulcéreuse de l’intérieur de la bouche, pour la- quelle elles ont eu recours aux soins éclairés du D' Georges Dubois. Il fut constaté par l'enquête juridique qui eut lieu à ce sujet, que les vapeurs mercurielles dégagées dans la chambre du doreur avaient pénétré de là dans l'appartement de l'horloger placé au-dessus. — 316 — Chez le plus grand nombre des doreurs, on passe au feu dans un local qui n’est pas affecté aux usages domes- tiques, et qui ne sert ni de chambre à manger, ni de chambre à coucher. Il serait fort à désirer que cette pré- caution d'hygiène, indispensable pour la conservation de la santé des doreurs, fût observée dans tous les ateliers. Le comité, dans sa tournée, a trouvé six ateliers où elle est tout-à-fait négligée, et où les doreurs eux-mêmes, ou d’autres personnes, couchaïent et mangeaïent dans le local où se faisait l'évaporation du mercure; cinq de ces ate— liers appartenaient au Locle et un aux Brenets. Il est d'une sage police de faire cesser un ordre de chose aussi préjudiciable à-la santé. De l'opération de mettre en couleur. Après que les pièces couvertes d'amalgame d'or et de mercure ont été soumises à l’action de la chaleur , et que la plus grande partie de ce dernier métal a été volatilisée, les doreurs de nos Montagnes plongent ces mêmes pièces dans de l'acide nitrique étendu d’une assez grande quan- tité d'eau, puis ils les exposent sur des braises couvertes de cendres, afin de dissiper complètement le mercure qu'elles contiennent encore. Les doreurs renouvellenteette opération, si le besoin l'exige, une, deux ou trois fois, jusqu’à ce que la pièce ait pris une belle couleur jaune, et qu'elle ne blanchisse plus du tout, lorsqu'on la frotte avec l’eau seconde. L'ensemble des opérations qui viennent d'être décrites, “constituent ce que nos doreurs appellent. donner la cou- — 317 — leur, Le procédé ci-dessus est généralement suivi par la presque totalité des doreurs des montagnes de notre pays. L'application de la cire à dorer et des autres composi- tions propres à donner à la dorure différentes teintes, comme celle de l'or rouge, de l'or moulu, etc., qui cons- tiltue la véritable mise en couleur, n'a lieu que dans deux ateliers, où l’on s'occupe aussi à dorer au mat ('). L’opé- ration de mettre en couleur, telle qu’elle est générale- ment pratiquée par les doreurs de notre pays, quoique infiniment moins dangereuse que celle de passer au feu, ne laisse pas d'offrir de graves inconvéniens pour la santé, lorsqu'elle est faite sans aucune précaution. Les pièces lavées à l'eau seconde puis exposées à l’action de la cha- leur, donnent lieu à un dégagement de vapeurs nitreuses très-peu considérables, et qui par cette raison ne sau-. raient avoir une influence bien marquée sur la santé: mais il se volatilise en même temps une quantité notable de mercure, dont les effets peuvent être nuisibles. — On peut s'assurer que les pièces qui ont passé au feu et qu'on met en couleur contiennent encore du mercure, en ex- posant au-dessus d'elles, lorsqu'elles sont exposées à la chaleur, un morceau d'or laminé ; on voit prendre alors à cette lame d'or une teinte blanche, qui décéle la pré- sence du mercure. Nous avons fait cette expérience dans plusieurs ateliers, et en présence des doreurs, auxquels nous en avons fait voir les résultats. En examinant l'in- térieur des espèces de boîtes vitrées, dont quelques do- / (*) 1 faut toutefois faire exception de la petite quantité d’amalgame de cuivre que beaucoup de doreurs introduisent dans leur amalgame d’or et de mercure. comme il a été dit èi-dessus. — 318 — reurs de la Chaux-de-Fonds se servent pour mettre en couleur, le comité d'enquête a reconnu la présence de globules de mercure plus ou moins abondants sur leurs parois intérieures, et en frottant celles-ci avec une la- melle d'or, nous nous sommes assurés qu’elle prenait une teinte blanche (rès-prononcée. Nous avons vu à la Chaux-de-Fonds un propriétaire d'atelier qui ne passait jamais au feu, mais qui s'occupait uniquement à mettre en couleur; cet individu, pour n'avoir pris aucune pré- caution pendant son travail, qu'il exécutait sans appa- reil préservateur, a été gravement atteint du tremble- ment convulsif. On ne saurait donc douter des dangers attachés à la muse en couleur ; malheureusement un grand nombre de doreurs s’imaginent que cette opération n'a aucun inconvénient pour la santé, et la pratiquent non- seulement sans appareil préservateur, mais même dans des chambres à manger et à coucher. Parmi les ateliers de dorure en activité dans nos montagnes au mois d'août 1843, il y en avait 28 où la mise en couleur se faisait sous des appareils préservateurs propres à mettre à l'abri du mercure volatilisé; dans tous les autres ateliers, cette opération s’exécutait sans précaution suffisante ("). Dans (?) En visitant un atelier de la juridiction du Locle , nous sommes arri- vés au moment où la femme d’un doreur s’apprêtait à mettre en couleur quelques pièces qui avaient passé au feu. Cette femme, (que nous enga- geàmes à continuer son travail en notre présence) ne se faisait pas illusion sur les dangers auxquels cette opération l’exposait ; mais le moyen qu’elle mettait en usage pour s’en préserver était insuffisant. En commencant son ouvrage, elle se couvrit à demi la bouche et les narines d’un mouchoir, qu’elle s’attacha derrière la tête. Cela fait, elle plongea dans Pacide ni- trique étendu d’eau (eau seconde) les pièces qui avaient passé au feu , ef les placa ensuite sur des braises couvertes de cendres contenues dans une — 319 — 20 ateliers sur les 25 dont il s'agit, la mise en couleur se faisait sous la hotte vitrée de l'appareil à passer au feu; dans les 8 autres, on se servait d'un appareil un peu dif- férent, mais propre à remplir le même but. C'était une sorte de caisse en tôle munie de vitres et surmontée d'un chapiteau, auquel s’adaptait un tuyau d'évaporation en tôle, s'ouvrant par un coude vertical, soit au dehors, en passant par un carreau de fenêtre, soit dans un canal de cheminée. — Au moment où le comité visitait les doreurs de nos montagnes, il y avait 14 ateliers où la mise en couleur avait lieu dans des chambres à manger ou à cou- cher (v. Ze tabl. C.). On ne saurait douter que cet état de chose n'offre des inconvéniens graves pour la santé, et qu'il ne soit urgent de le faire cesser. Les dangers attachés à l'opération de la muse en couleur sont beaucoup plus grands, lorsque les doreurs dorent au mat, et que pour donner des teintes variées à la do- rure, ils se servent de cire à dorer ou d'autres composi- tions. Il n’y a que deux ateliers dans nos montagnes où l’on dore au mat, où l’on fasse des brunis et où l’on donne à la dorure les teintes d'or moulu, d’or rouge , etc. — Ce genre particulier de dorure ne s'applique pas aux petites pièces de l’intérieur des montres, mais seulement aux cadrans et aux boîtes de montres, qu'on veut orner pour satisfaire aux fantaisies de la mode des différens pays; ce qui explique pourquoi il n’y a qu'un petit nombre d’ate- petite caisse en tôle, qu’elle tenait sur ses genoux. Nous avons fortement engagé celte doreuse à se servir d’un appareil à hotte pour y faire-cette opération. L’effroi qu’elle a témoigné lorsqu’elle a vu blanchir le morceau d’or laminé que nous exposämes au-dessus des pièces qu’elle séchait sur les cendres chaudes, nous fait espérer que cette recommandation n’aura pas été sans effet. 2! — 320 — liers qui s’en occupent actuellement dans nos monta- gnes (‘). Aussi, ne nous arrêterons-nous pas longuement (*) Voiei la manière dont on procède à la dorure au mat. La pièce qui a passé au feu, et dont la presque totalité du mercure est volatilisée, est re- couverte d’un mélange de sel marin, de nitre et d’alan liquéfiés dans leur eau de eristallisation (cette composition que les doreurs appellent le mat et qu’on leur vend toute préparée, a été analysée plusieurs fois par Darcet qui y a ordinairement trouvé : salpêtre 40 p., alun 23, sel marin 53). Cette pièce est ensuite reportée au feu, et on la chauffe jusqu’à ce que la couche saline qui la recouvre devienne homogène , presque transparente et qu’elle entre en une véritable fusion. On la retire alors du feu, et on la plonge subitement dans de l’eau froide, qui en sépare la coùche saline : on passe alors la pièce dans de l’acide nitrique étendu de beaucoup d’eau, on la lave et on la fait sécher. Il se forme et il se dégage dans cette opéra- tion, des vapeurs qui seraient extrêmement nuisibles à la santé, si elles étaient respirées par les doreurs; il suffit de savoir que parmi Les sels mercuriels qui se forment, il y a du sublimé corrosif, pour donner une idée du danger qu’elle fait courir aux ouvriers, ét de la nécessité de la faire sous des appareils préservateurs dont le tirage soit très fort. Pour donner à la pièce la couleur d’or moulu, on la recouvre avec un pinceau d’un mélange composé de pierre sanguine (hematite-rouge, fer oxydé , ou fer oligiste concrétionné de Haüy) d’alun et de sel marin; on la met ensuite sur des charbons ardens. | La couleur d’or rouge se donne, en trempant la pièce qui a passé au feu dans la composition connue sous le nom de cire à dorer, dans laquelle entrent la cire jaune, l’ocre rouge, le vert de gris et l’alun. On la place ensuite sur des charbons allumés et on la fait chauffer fortement. On fait le bruni en frottant la pièce avec un instrument muni d’héma- tite ou pierre sanguine. On trempe ce brunissoir dans de l’eau vinaigrée et on frotte la pièce toujours dans le même sens, jusqu’à ce qu’elle pré- sente un beau poli et tout l’éclat métallique. Lorsqu’une pièce doit avoir des parties brunies et d’autres mises au mat, on couvre les premières avec un mélange de blanc d’Espagne , de cassonnade et de gomme délayée dans l’eau ; c’est ce qu’on appelle épargner. Les brunis ainsi épargnes, on sèche la pièce et on la porte à un degré de chaleur suffisant pour chasser le peu de mercure qui y reste encore, ce qui est indiqué et par la couleur de la piéce et par la teinte noirâtre que la cassonade et la gomme qui com- mencent à se charbonner donnent à l’épargne. La pièce est alors retirée du feu on la laisse un peu refroidir , et on procéde à l’application du mat. — 321 — sur le détail des procédés dont il s’agit; qu'il nous suffise de dire, que les émanations qui s'élèvent alors de la mise en couleur, sont des plus nuisibles à la santé. Pour pré- venir l'effet de ces vapeurs délétères, 1l est absolument nécessaire que les doreurs fassent leur mise en couleur sous un appareil à hotte dont le tirage soit très-bon, afin qu'elles soient promptement entraînées, et en totalité, par le canal d'évaporation , et qu'il n’en pénètre pas dans l'atelier (*). Du gratte-bossage. Lorsque la mise en couleur est terminée, les pièces dorées sont plongées dans de l'acide nitrique étendu de beaucoup d'eau; puis ensuite, les doreurs les frottent en tout sens avec la gratte-bosse, sorte de pinceau en fil de laiton, quon trempe dans de l’eau où l'on a fait bouillir, infuser, ou simplement macérer des marons d'Inde dépouillés de leur enveloppe corticale. Après quoi, lorsque les pièces dorées ont pris la belle couleur jaune qu'elles doivent avoir, on les jette dans un vase plein d'eau, puis on les essuie avec des chiffons de linge ou on les fait sécher. L'opération de la dorure est alors complétement terminée. Quelques doreurs de nos montagnes, au lieu d’eau de (!) Un des doreurs qui s’occupe à dorer au mat, et qui fait usage de cire à dorer , a été à différentes reprises très gravement affecté de tremblement mercuriel, ainsi que sa femme, avant de se servir d’un appareil à hotte. Depuis qu’ils ont adapté une hotte vitrée à la cheminée de la maisonnette où ils passent au feu et où ils mettent en couleur, leur santé s’est nota- blement améliorée et ils n’ont pas eu depuis de retour d'intoxication mer- curielle. — 322 — marons, se servent pour gratte-bosser d'eau où l’on fait ‘cuire ou infuser de la racine de réglise, un très petit nombre se servent d'eau vinaigrée. Le gratte-bossage n’expose la santé à aucun danger bien sérieux. Il donne lieu au dégagement d'une très petite quantité de vapeurs uitreuses , trop faibles pour être nuisibles. Lorsque par la négligence des doreurs, l’eau de maron n'est pas con- venablement renouvelée, elle peut s'aigrir par un com- mencement de fermentation, prendre une odeur désa- gréable , et devenir de cette manière nuisible à la santé. Dans quelques ateliers, le gratte-bossage se fait, soit dans un local séparé et consacré à cette opération , soit dans l'endroit où l’on passe au feu, ou dans celui où l’on met en couleur. Mais, chez le plus grand nombre des doreurs de nos Montagnes, elle se pratique dans des chambres à l'usage du ménage, et où le plus souvent on mange , ou qui servent de chambres à coucher. Il n'y a dans notre pays, qu’un très petit nombre d’a- teliers où toutes les différentes opérations de la dorure se fassent dans un local consacré exclusivement à ces travaux, et séparé des autres pièces de la maison. Dans les deux principaux ateliers de la Chaux-de-fonds, un bâtiment entier est exclusivement affecté aux diverses opérations de la dorure au feu. Cette mesure d'hygiène est excellente; mais, il ne sera jamais possible d'obtenir que tous les doreurs s’y conforment. La plupart d'en- tr'eux sont loin d’être dans un état d’aisance, et il y en a beaucoup que leur peu de ressources pécuniaires obli- gent à se loger à l'étroit. On aurait beaucoup gagné, si l’on parvenait à faire en sorte qu'ils s’abstinssent com- plétement de pratiquer les opérations dangereuses de leur — 323 — profession (telles que le recuit, le passage au feu, la mise en couleur, la préparation du nitrate acide de mercure, son application, et celle de l’amalgame d'or et de mer- cure) dans les chambres où l’on mange et où l’on couche, et en général dans toutes les pièces qui sont à l'usage de leur ménage. e Etat de santé des doreurs de notre pays. Depuis que l'emploi des appareils à hotte vitrée est de- venu commun dans nos montagnes, la santé des doreurs y a éprouvé une notable amélioration. C’est ce qui ré- sulte des rapports de Messieurs les chefs des juridictions du Locle, de la Chaux-de-Fonds et des Brenets adressés à ce sujet à notre gouvernement au printemps de 1842, rapports qui, dans le temps, ont été communiqués à la commission de santé de l'Etat. Le comité chargé de l’en- quête qui a eu lieu l'année dernière, s’est assaré de la réalité de ce fait, tant par ses propres observations, que par les renseignements qui lui ont été fournis. Toutefois, quelque amélioration qu'il soit survenu dans la santé de nos doreurs depuis l'adoption du moyen préservateur dont il s’agit, cette amélioration n’est ni aussi générale, ni aussi grande qu'elle devrait l'être. Il est facile de se convaincre de ce que j'avance ici, en consultant le ta- bleau H annexé à ce mémoire, et en considérant que chaque année on reçoit encore à l'hôpital Pourtalès un certain nombre de doreurs pour cause d'intoxication mer- curielle. À la vérité, dans l’année 1843, ce nombre a été très petit, puisque trois doreurs seulement y ont été admis. — Le peu de temps que le comité d'enquête à — 324 — pu consacrer à la visite des ateliers de dorure de notre pays (nous avons employé cinq jours à cette visite et dix heures entières de la journée), ne nous a pas permis d'examiner assez longuement et avec assez de soin cha- cun des doreurs, pour donner une description détaillée de son état de santé et des maladies qu'il a éprouvées du- rant l'exercice de sa profession. Pour cette raison, nous avons dû nous borner à une indication sommaire, mais aussi exacte que possible, de l’état de santé de chacun d'eux. — Les doreurs, ouvriers et apprentifs compris , dont nous avons eu connaissance, étaient au nombre de 161, savoir : 62 du sexe masculin, et 99 du sexe fémi- nin (©. Tableau E). Sur 148 doreurs, maîtres, ouvriers et apprentis compris, dont nous avons pu apprécier l'état de santé d’une manière générale, il s'en trouvait 90 seu- lement, qui fussent bien portants, savoir 38 hommes et 52 femmes. Les vapeurs du mercure avaient produit leurs fâcheux effets sur 38 individus (10 hommes et 28 femmes), dont 11 (# hommes et 7 femmes) s’en res- sentaient encore au moment où nous les avons visités. — Les 20 autres doreurs (9 hommes et 11 femmes), sans avoir éprouvé ni tremblement convulsivif, ni affection de la bouche et des glandes salivaires, étaient tous maigres défaits , et jouissaient d’une santé chancelante. Dans deux familles de doreurs , nous avons vu les en- fans en bas âge participer au triste état de santé des au- teurs de leurs jours. Chez l’une d’elle, la mère était at-— teinte de phthisie pulmonaire, et des deux enfans qu’elle avait, l’un âgé de quatre ans était petit, pâle, malingre, il bavait presque continuellement et n'’articulait encore aucune parole: il ressemblait parfaitement à un idiot; — 325 — l’autre enfant âgé de vingt-deux mois était languissant et ne pouvait pas encore se tenir sur les pieds. Dans la seconde famille, le père et la mère avaient été gravement atteints d'intoxication mercurielle, dont ils se ressen-— taient encore au moment de notre visite; ils avaient aussi deux enfants en bas âge; l'aîné, qui n'avait pas plus de deux ans et demi, était pâle et défait; il avait les membres grêles, le ventre dur et tuméfé ; il ne marchait pas encore et ne pouvait pas même se tenir debout ; le second de ces enfans était blême et languissant; 1l n'avait que 9 mois. Il résulte des recherches de la commission d'enquête, que quelques doreurs ont été affectés de tremblement mercuriel dès la première année de l'exercice de leur profession ; d’autres l'ont été seulement dans la seconde année ; d’autres dans la troisième, et d’autres encore au bout d'un temps plus long. Plusieurs d'entr'eux en ont été atteints à différentes reprises. Nous avons déjà fait ci- dessus la remarque , que les doreurs, qui avaient été une fois affectés de tremblement convulsif, conservaient une disposition très grande à en être saisis de nouveau, lors- qu'ils étaient exposés de rechef à l’action des vapeurs du mercure. Tous les doreurs n’ont pas la même disposition à res- sentir les effets de ce métal. Si nous en avons trouvé qui ont été promptement atteints d'intoxication mereurielle , il s’en est rencontré d’autres, qui, dans des circonstances à peu près semblables, ont résisté longtemps, et qui exer- caient leur profession depuis dix, quinze, vingt, vingt- cinq et même trente ans, sans avoir jamais élé pris de tremblement convulsif, bien qu'ils n'eussent pas observé davantage de précautions que les autres doreurs, et même sans en avoir pris aucune. Tel était le cas d’un individu qui exerçait sa profession depuis vingt-cinq ans, et pas- sait au feu dans sa cuisine, sans aucun appareil préser- vateur. Mais il faut observer , que ce doreur qui habite les environs du Locle, menait à la campagne une vie ac- ve, alternant les travaux de sa profession, avec les tra- vaux de l’agriculture. C’est très probablement à ce genre de vie, qu'il a dù de n'avoir jamais été atteint de trem- blement mercuriel; joignez à cela, que ses occupations de doreur n’ont jamais été très considérables. Au surplus, si cet homme avait échappé à l'intoxication mercurielle, sa constitution était délabrée et sa santé chancelante ; 1l était pâle, maigre, et quoique âgé de quarante-neuf ans, il portait sur lui les marques d’une vieillesse anticipée. Ceux des doreurs, qui à la Chaux-de-fonds passaient au feu sans hotte vitrée et sans précaution , avaient tous été atteints d'intoxication mercurielle, dont deux d’entr'eux se ressentaient encore lorsque nous les avons visités. Des ouvriers doreurs et des apprentis. Le nombre des ouvriers et des apprentis employés à la dorure au feu dans les Montagnes de notre pays, éprouve des variations plus ou moins grandes. A l'époque de notre visite, nous en avons trouvé 67, dont 17 du sexe masculin et 50 du sexe féminin {v. le Tableau F). Le moins âgé avait treize ans ; c'était un jeune garçon, qui était entré en apprentissage trois ans auparavant; le plus âgé, qui était une femme, avait quarante-sept ans. Le plus grand nombre des apprentis et ouvriers se trou- — 3217 — vaient entre l'âge de quinze à trente ans; il y en avait cinquante-six pour cette période de la vie, sur le nombre total. L'apprenti le plus novice que nous ayons vu, était entré depuis dix jours seulement chez son maître ; l’ou- vrier le plus ancien, qui était une femme, exerçait sa profession depuis vingt-cinq ans. La plupart d'entr'eux logent et prennent leurs repas chez leurs maîtres ou maîtresses ; le plus grand nombre mangent et couchent dans des endroits où ils sont à l'abri des vapeurs du mercure et de toute émanation dangereuse à la santé. Cette mesure d'hygiène est, grace à l’ordon- nance rendue cette année par notre gouvernement, deve- nue obligatoire pour tous les doreurs qui ont des appren- tis ou des ouvriers. Plusieurs de ces derniers prennent leurs repas, et passent la nuit dans le local où l’on gratte-bosse les pièces de montres dorées. Lorsqu'il n'y a que l'opération du gratte-bossage qui se fasse dans les chambres à manger ou à coucher, les inconvéniens qui en résultent pour la santé ne doivent pas être bien grands, pourvu que les phioles qui contiennent l'acide nitrique soient bien fer- mées, avec des bouchons en verre usés à l'émeri et que pour la nuit, on place ailleurs le liquide qu'on emploie pour gratte-bosser. La très petite quantité de vapeurs nitreuses qui se dégage dans cette dernière opération, ne saurait nuire beaucoup aux organes de la respiration. — Il serait mieux assurément, de s’en tenir aux préceptes rigoureux de l'hygiène , et que tous les doreurs fissent le gratte-bossage comme les autres opérations de la dorure, dans un local séparé et qui ne servit pas aux usages do- mestiques. Mais, nous avons indiqué plus haut la diffi- — 928 — culté très grande d'obtenir de tous les doreurs qu'ils se soumissent à cette prescription, et la convenance qu'il y a à nexiger d'eux que ce qui est absolument nécessaire sous le rapport hygiénique. Sur 62 ouvriers et apprentis dont nous avons pu re- connaître assez exactement l'état de santé, lorsque nous les avons visités, 1l s'en trouvait ## qui jouissaient d’une santé plus ou moins forte, et qui n'avaient jamais été notablement incommodés par l'exercice de leur profes- sion. De ce nombre, il y avait 1# individus du sexe mas- culin et 30 du sexe féminin. Huit du nombre total des ouvriers et apprentis, (2 hommes et 6 femmes) étaient grêles, délicats et jouissaient d’une santé chancelante, sans avoir jamais éprouvé ni tremblement convulsif, ni salivation mercurielle. Les dix autres, qui étaient tous du sexe féminin, avaient été atteints d'intoxication mer- curielle à des époques variées ; deux de ces ouvriéres en étaient encore affectées lorsque nous les avons visitées. On trouve ici une grande disproportion, entre le nombre des doreuses ouvrières qui ont été atteintes de tremble- ment convulsif et de salivation, et celui des apprentis et ouvriers doreurs, dont aucun de ceux que nous avons visités n’en avait été affecté. Nous avons vu plus haut, que le nombre des doreurs propriétaires d'atelier qui, à des époques variées avaient ressenti les fâcheux effets du mercure, était aussi relativement beaucoup moins considé- rable que celui des doreuses qui ne sont pas dans la caté- gorie des simples ouvrières (10 hommes sur 28 femmes). À quoi tient cette fréquence relative de l’intoxication mer- curielle, beaucoup plus grande chez les femmes que chez les hommes qui s'occupent à la dorure ? Faut-il en cher- — 329 — cher la cause dans la délicatesse plus grande de la cons- titution de la femme, et dans sa mobilité nerveuse, qui doivent l’exposer à ressentir plus facilement les effets des vapeurs mercurielles ? Ou bien, la différence dont il s’a- git, tiendrait-elle uniquement à ce que les doreuses pas- sent. plus souvent au feu que les doreurs ? Nous n'avons pas eu l'occasion de faire des observations assez suivies pour résoüdre cette question ; 1l est toutelois assez vrai- semblable , que l’une et l’autre des causes indiquées con- courent simultanément à produire ce résultat. Le comité d'enquête n’a eu connaissance d'aucun cas d'intoxication mercurielle chez les ouvriers doreurs, qui fût survenue dans la première année de l'exercice de leur profession. De la première à la seconde année, il y avait eu # do- reuses d’atteintes; de la deuxième année à la troisième une doreuse; deux de la troisième à la quatrième ; une de la quatrième à la cinquième , et deux seulement de- puis la cinquième à’la dixième année de l'exercice de leur profession. Relativement à l’âge de la vie où ces ou- vrières ont été atteintes de tremblement convulsif et de salivation mercurielle, 4 l'ont été de dix-huit à dix-neuf ans; une de dix-neuf à vingt ans; une de vingt à vingt-un ans ; une de vingt-deux à vingt-trois; une de vingt-cinq à vingt-six ans et 2 de vingt-sept à vingt-huit ans. Des deux ouvrières qui se ressentaient encore de l'intoxica- tion mercurielle au moment de notre visite, l’une était. âgée de vingt-un ans:et l’autre de vingt-deux ans. — 330 — Causes de la fréquence, encore assez grande de l'intoxication mercurtelle et des autres accidens de la dorure au feu dans les ateliers de nos montagnes , et moyens de les prévenir. Les détails dans lesquels nous sommes entrés ci-des- sus , touchant la manière dont les doreurs de notre pays procèdent aux différentes opérations de la dorure au feu, conduisent naturellement à la connaissance des causes qui rendent les cas d'intoxication mercurielle encore assez fréquens parmi eux , et des raisons pour lesquelles l’état de santé de ces industriels n’a pas éprouvé toute l’amé- lioration dont il est susceptible. Ces causes doivent être rapportées : 1° Au manque d'appareil préservateur pour passer au feu, qui existe encore dans quelques ateliers de do- rure de notre pays; ces ateliers sont à la vérité en très petit nombre, puisque nous n'en avons trouvé que quatre qui en fussent complétement dépourvus. 20 Aux vices de construction, au mauvais tirage, et au défaut de soins d'entretien d’un grand nombre des ap- pareils à hotte vitrée; d’où il résulte que dans lopération de passer au feu, le mercure volatilisé par la chaleur ne s’échappe pas en totalité par le canal destiné à lui don- ner issue, mais qu'une quantité plus ou moins grande des vapeurs de ce métal pénètrent dans l'intérieur des ateliers, et se mêlent à l'air qu’on y respire. 3° À ce que plusieurs des opérations dangereuses de la dorure au feu, telles que le recuit, la préparation de l'amalgame d’or et de mercure, son application et la mise en “couleur ne se font pas avec les précautions indispen- — 331 — sables pour que la santé n'en éprouve aueun dommage. 49 Au défaut d'intelligence, à la malpropreté, à l'in- curie et quelquefois même au manque de sobriété de plusieurs doreurs. On peut espérer de remédier aux trois premières causes qui viennent d'être énumérées, et de rendre beaucoup moins insalubre l'exercice de cette profession, en astrei- gnant les individus qui l’exercent à observer toutes les précautions indispensables pour empêcher que leur propre santé, celle de leur famille et des ouvriers ou ap- prentis qu'ils emploient, n'en recçoive de fâcheuses at- teintes, et pour que la salubrité publique ne soit pas compromise. Tel a été le but du réglement dont la co- mité d'enquête a proposé l'adoption au gouvernement. Dans une profession qui expose à de si grands dan- gers ceux qui l’exercent, et qui peut devenir incom- mode et dangereuse pour le public, il est indubitable que l'autorité supérieure a le droit de prescrire les me- sures de police reconnues propres à prévenir ces dan- gers; c'est même pour elle un devoir impérieux de le faire. Aussi, notre gouvernement n'a-t-il pas hésité d’'a- dopter, dans l'intérêt général, le projet de réglement que lui a présenté la commission d'enquête nommée par lui. Le réglement dont :l s’agit, impose aux maîtres doreurs les obligations suivantes : 1° Toute personne qui voudra dorénavant se livrer à l’exercice de la dorure au feu, sera tenue d'en faire part au chef de la juridiction où elle a son domicile, afin qu'il puisse faire examiner si le nouvel atelier réunit toutes les conditions de salu- brité exigées pour que cette industrie y soit exercée sans danger pour la santé des ouvriers et du publie. 1° Chaque — 332 — atelier devra être muni d’un ou plusieurs appareils à hotte vitrée, dont le tirage puisse être bien établi. L'o— pération de passer au feu devra toujours se faire sous cet appareil, et avant d'y procéder le doreur aura soin de s'assurer si le courant d'air ascendant s’y fait bien. 3° Les conduits destinés à donner issue aux vapeurs du mer- cure, devront s'ouvrir directement au dehors de la mai- son, ou dans un canal de cheminée exclusivement des- tiné à cet usage, et n'ayant aucune communication avec d’autres conduits. 4° Toutes les opérations dangereuses de la dorure au feu , telles que le recuwit, le décapage, soit avec l'acide nitrique , soit avec le nitrate acide de mer- cure et la muse en couleur, seront faites sous un appareil à hotte d’un fort tirage, soit sous la hotte de l'appareil où l’on passe au feu, ou sous tout autre appareil préser- vateur de ce genre. Il est expressément interdit de faire ces opérations sous le manteau d'une cheminée de ceui- sine. 9° La préparation de l’amalgame d’or et de mer- cure, et celle du nitrate acide de mercure devront être faites sous un appareil à hotte vitrée d'un fort tirage. Lorsqu'on exécutera ces préparations à l'air libre, elles devront être faites à une distance assez grande des habi- tations, pour qu’elles ne causent aucun dommage et n’in- commodent personne. 6° Le local où se font les opérations dangereuses, du recuit, du passage au feu, de la mise en couleur, etc. ne devra jamais servir de chambre à manger ou à coucher pour les ouvriers. 7° Le ramonage des che- minées des ateliers considérables , où plusieurs conduits d’évaporation du mercure aboutissent dans un même ca- nal, se fera avec des précaulions suffisantes, pour que le ramoneur ne soit exposé à aucun danger d'intoxication — 333 — mercurielle. Les précautions à prendre, et les ateliers où elles devront être prises, seront indiquées par des com- missions d'experts. 8° Les propriétaires d'ateliers veille- ront à ce que leurs ouvriers observent les soins de pro- preté, et les engageront à ne pas s’écarter des habitudes de sobriété. Ils feront en sorte qu'ils se servent de gants de taffetas ciré, ou de vessie pour passer au feu, et pour appliquer l’amalgame d’or et de mercure. En quittant le travail, les ouvriers devraient toujours se laver'les mains avec de l'eau pure ou de l’eau de savon, et se rincer la bouche. — Ce réglement n'aurait que peu d'efficacité, sans la création de commissions d'experts chargés d'en surveiller l'exécution, et d'inspecter de temps en temps les ateliers des doreurs, Le comité d'enquête a, dans ce but, proposé l'établissement de deux commissions de surveillance, une pour le Locle, les Ponts et les Brenets, et. une pour la Chaux-de-Fonds, la Sagne et les Plan- chettes; chacune d'elles composées de trois membres parmi lesquels se trouve un médecin. Notre gouverne- ment a adopté les vues de son comité d'enquête, et il à fait promulguer dans nos Montagnes une ordonnance de police, que le Constitutionnel neuchâtelois a publiée dans une de ses feuilles du mois d'avril 1844. Ce sont là, ce nous semble, toutes les mesures effi- caces de police médicale qu'il soit possible de prendre à l'égard de la dorure au feu. Quant à la dernière des causes que nous avons indi- quée comme contribuant à l’insalubrité de cette profes- sion dans notre pays, il est bien difficile d'y porter re- mêde par l'intervention de la police médicale. Les soins de propreté sont pas l'exercice de la dorure au feu, de — 334 — la plus haute importance pour le maintien de la santé. Indépendamment des moyens de préservation que nous avons déjà indiqués, on ne saurait trop recommander à ceux qui passent au feu et qui font l'application de l’a- malgame, la précaution de se laver soigneusement les mains et la bouche en quittant leur ouvrage. Il serait aussi à désirer qu'ils eussent pour leur travail un vête- ment particulier, exclusivement affecté à cet usage, et qu'ils le maintinsent dans un grand état de propreté. Mais, comment parvenir à faire adopter à ceux des do- reurs qui sont négligens ou peu intelligens , les mesures d'hygiène privée nécessaires pour obtenir le but qu’on se propose ? Il est fort à craindre , que sous ce rapport, il ne reste toujours une lacune impossible à combler, et que malgré toutes les améliorations de salubrité qu'une police médicale éclairée puisse apporter à l’industrie de la dorure au feu, celle-ci ne continue à offrir des dan- gers. pour la santé de plusieurs de ceux qui exercent cette profession. Cette dernière considération doit faire vivement désirer, que le procédé de dorure électro-chi- mique qui s’est introduit depuis quelque temps dans nos Montagnes ait du succès, et qu'il puisse être adopté dé- finitivement par tous les doreurs de notre pays. La société d'émulation patriotique, appréciatrice éclai- rée de tout ce qui se fait d’utile chez nous , désirant en- courager les travaux qui ont pour but l'amélioration du sort des doreurs, et le perfectionnement de la branche d'industrie qu'ils exercent, vient de récompenser par une médaille d’or, les efforts tentés par MM. Olivier Matthey et Jeanneret du Locle, pour rendre plus parfaits les résul- tats du nouveau mode de dorure, et le zèle et le désinté- — 335 — ressement qu'ils ont mis à publier leurs recherches et à répandre dans nos Montagnes le procédé dont nous par- lons. Si les espérances que l’on a conçues à cet égard viennent à se réaliser , comme on a raison de le croire, et que la dorure par le galvanisme réussisse à réunir la solidité à ses autres avantages, nul doute que de son adoption, il ne résulte un très grand bien pour la santé des doreurs de notre pays. Car le procédé galvanique n'entraîne par lui-même, aucun inconvénient grave pour la santé de ceux qui l’exercent, et il ne serait probable- ment pas difficile de prévenir, par de bonnes mesures de police, les accidens qui pourraient résulter de la prépara- tion des cyanures et des autres dissolutions salines dont il exige l'emploi. Les commissaires de notre gouvernement ayant été uniquement chargés d’une enquête hygiénique sur la do- rure au feu des pièces de montres dans notre canton, ils se sont abstenus de toute recherche touchant les améliora- tions qu'il y aurait à apporter à cette branche d'industrie, pour en rendre les procédés plus parfaits et moins dis- pendieux. Toutefois, nous ne saurions taire l’étonnement où nous avons été, en voyant que les doreurs de nos montagnes ne s'occupaient pas à recueillir une portion du mercure volatilisé par l’action de la chaleur. Un seul d’entreux met en pratique cette mesure d’éco- nomie, tout en employant dans ce but un procédé trés imparfait. Les moyens de condenser et de recueillir le mercure ainsi réduit à l’état de vapeur, sont cependant bien connus et usités ailleurs depuis longtemps. Il suffit de jeter un coup d'œil sur les figures qui représentent les appareils préservateurs de Tingry et de Darcet, pour s'assurer combien ils sont simples et de facile exécution. 25 ANNEXE _ CONTENANT DIFFÉRENS TABLEAUX RELATIFS À L’INDUSTRIE DE LA DORUGRE AU EEBT Dans les Montagnes de Neuchâtel, et aux doreurs qui l'exerçaient au mois d'août 1843. A. TABLEAU DES ATELIERS DE DORURE AU FEU DANS LES MONTAGNES DE NOTRE PAYS AU MOIS D'AOUT 1843. Ateliers dont le comité d'enquête hygiénique a eu connaissance. LA Mairie des Ponts . . . . . . 3 Mairie du Locle . . . . . . 928 Mairie des Brenets . . ARTE Mairie de la chautMe Fondé cg À 1o" > . Oo Ateliers qui ont été visités par le comité d'enquête hygiénique. IC COS POS 27... o + Mairie du Locle :. °. . . : :. 96 Mairie des Brenets . . s hi: LA Mairie de la Cisux dé Fonds Le FOûR 4. Di APPAREILS A PASSER AU FEU. Ateliers où, pour passer au feu, on fait usage dis préservateurs. Mairie des Ponts . Lr8s9 MBA EONIE 0, Lens une + s Mairie des Brenets . . Oo Mairie de la nt de Fonds 3.) :(0 Total . +. 57 (Suite.) (Suite du tableau A.) Atelters où l’on ne fait usage d'aucun appareil préservateur pour passer au feu. MARIE Qu iAIe ”... .,. ; à 4 Mairie de la Chaux-de-Fonds . . 3 Total V4 GENRES D APPAREIL EMPLOYÉS POUR PASSER AU FEU. Ateliers où l’on emploie des appareils à hotte vitrée semblables à celui imaginé par Darcet, ou des LANTERNES , Suivant l'expression consa- crée dans nos Montagnes. Mairie des Ponts fi :4en ., … 5 Marie-du'EÔdCle . ‘2:11: 14.70.98 Mairie des Brenets |: . . . . 92 Mairie de la Chaux-de-Fonds . . 22 TOME , 52 Ateliers où l’on se sert d'appareils à hotte en tôle (cloches), ou en bois. Mairie de la Chaux-de-Fonds . . 3 Ateliers où l’on se sert de loges vitrées où se placent ceux qui passent au feu. Mairie de la Chaux-de-Fonds . . 2 Ateliers où l’on passe au feu dans un local où l’on prend les repas et où l’on passe la nuit. Maune.du.Eacle...… suce ani Van Mairie des Brenets Latal «t .of.05fà B. TABLEAU INDIQUANT LA DISPOSITION DES CONDUITS D ÉVAPO- RATION DU MERCURE DANS LES ATELIERS DE DORURE VISI- TÉS PAR LE COMITÉ D'ENQUÊTE. Ateliers où les conduits d’'évaporation du mercure s'ouvrent à l’air libre. Mrunesdes Ponts Lune, 520 motte Maure ou FOLIé En... < satr où . fase Mairie des Brenets . . . .. .:. :9 Mairie de la Chaux-de-Fonds . . . 925 Total . . 51 Ateliers où les conduits d'évaporation du mercure s'ouvrent dans des conduits de cheminée. Conduits s’ouvrant dans Au Locle PEN RANTE les cheminées de cuisine. | A la Chaux-de-Fonds . 1 5 Total Conduits s’ouvrant dans les che- { Au Locle 74 minéesréservées pourles lessives. | AlaCh.-de-Fonds 1 Total 2/"4779 Conduits s’ouyrant dans une cheminée destinée exclusive- ment à cet usage . . . . A la Chaux-de-Fonds . 4 Atelier dans lequel les vapeurs mercurielles s’échappent sans conduit d’évaporation. Mairie de la Chaux de Fonds . . . . 1 €. OPÉRATION DU RECUIT £&T pe LA MISE EN COULEUR. Opération du recuit. Ateliers où le recuit se fait. Ateliers où il n’a pas lieu Ateliers où il se fait sans l'appareil à hotte . 4 Ateliers où il se fait au foyer de la cuisine Ateliers où il a lieu sous la chemi- née de maisonnettes ou sous une cheminée ad hoc Ateliers où le recuit a lieu dans des chambres à manger où à coucher . Ponts Locle Brenets Chaux-de-Fonds . Total { Locle nt Chaux-de-Fonds Total Ponts Locle d { Chaux-de-Fonds Total Chaux-de-Fonds Total Chaux-de-Fonds . Ponts Locle . Brenels Locle . ( Brenets Total Opération de la mise en couleur. Ateliers où pour cette opération on se sert d'appareils préser- vateurs . / Ponts | Locle se ( Chaux-de-Fonds Total pm bem RQ 1 12 15 . 28 (Suite) (Suite du tableau C.) Ateliers où l’on n’emploie pas d'appareil préservateur. Ateliers où la mise en couleur a lieu sous la hotte vitrée de lappareil à hotte. Ateliers où l’on emploie des appareils particuliers. Ateliers où cette opération se fait dans des chambres à manger ou à coucher. Ateliers où pour mettre en cou- leur on ne se sert, ni de cire à dorer, ni d'autre composi- tion. . Ateliers où l’on se sert de cire à dorer et d’autres compositions. 7 Poe 0 AE Locle 13 Brénels : Oops Na Chaux-de-Fonds . 15 Total Se POSE 4 7 20 4 Locle PRE à Chaux-de-Fonds . 8 Total 20 Locle ‘ 1 Chaux-de-Fonds Fi Total. . 8 Ponts 2 Locle LL Brenets 1 Chaux-de-Fonds 7 Total 14 Mairie des Ponts . 3 Mairie du Locle . Mairie des Brenets . 2 Mairie de la Chaux-de- Fonds 28 Total 59 Mairie de la Chaux-de- FO T ES ET CA Aa D. FRÉPARATIONS DU NITRATE ACIDE DE MERCURE ET DE L'AMALGAME D'OR ET DE MERCURE. Préparation du nitrate acide de Mercure. { ya NUS Ateliers où la liqueur mercurielle ne 40h 15 se prépare au foyer de l’appa- brenelts diner] 4 reil à hotte. . Chaux-de-Fonds . 18 Total . . 55 35 Ponts lt set UT Lodle.: "7 52.28 Brenets DCE PEUT Chaux-de-Fonds . . 4 FOUT - 10 16 Ateliers où cette liqueur se pré- | Ateliers où cette préparation se fait Mairie de la Chaux- pare à l'air libre. . au foyer de la cuisine du ménage. de-Fonds __. ;:n6i & à Ateliers où elle a lieu sous une ( Mairie de la Chaux- cheminée adhoc. de-Fonds . . . . b Cas non déterminés . . . . FA ES Bi: Total à général Var 61 Préparation de l’amalgame d’or et de mercure. Ateliers où il se prépare au foyer he RE UE DRAOE ni de Pappareil à hotte. . Locle … .7. ,. 18 Chaux-de-Fonds . . 18 Potal EN 37 ( Locle ” ets CE Ateliers où il se prépare au foyer } Brenets . . . + 2 de la cuisine du ménage. . . | Chaux-de-Fonds i 6 à Total: » 1 100 40 Ateliers où il se prépare sous une | cheminée adhoc sans appareil ÿ Chaux-de-Fonds . . . 6 préservateur. . . . 4 Ateliers où cette préparation eu Ë MARS dés PéRE"—" "> 1 à l’air libre. CO A et ie dE 0 po QE 2 Total général . . . 61 E. TABLEAU GÉNÉRAL DES DOREURS AU FEU EXISTANT AU MOIS D'AOUT 1843 DANS NOS MONTAGNES. Tableau des doreurs, ouvriers et apprentis compris. Sexe mas-| Sexe fé- | Total. culin. minin. Murie des Ponts APPORTENT TS I 2 6 Manie docile LH 2:00 4 . . 20 28 L3 Maire der Drenels . 7 5 .". . . . a 2 71 Mairie de la Chaux-de-Fonds . . . . . 36 67 103 Total général . . 62. 99 161 Tableau des apprentis et des ouvriers doreurs. Sexe | Sexefé- | Total. masculin.| minin. Marie des Ponts -. P2092-09 J 458 2 — 2 Mairie du Lockéysds x oh eribstl, ) on & 3 82 FE Mairie des Brenels - huwbah 3) ..,. . = 1 1 Mairie de la Chaux-de-Fonds . . . . . 192 LH 53 Total général . . 17 50 67 Totalité des doreurs , apprentis et ouvriers compris, classés d'après l’âge. Sexe Sexe fé- To!al. masculin.| minin. De 10486 ans r énrbt-hemel} hé 1 2 5 De 15 à 20 ans SÉEOROPNT TER MP 5 21 26 RE © eu. se à AS 10 28 38 Da ans : . .:... ,900d-) 7. 12 15 27 De 50 à 55 ans ere e CDOQRE D PES B 6 11 Do 35 à 40 ans 6 10 16 De 40 à 45 ans FA PR MS EE date 8 6 : 18 OMS ne LOT has, 5 7 12 De 50 à 55 ans 2 1 5 De 55 à 60 ans 9 =? 2 Age indéterminé B n 9 Total général . . 61 100 | 161 (Suite) Apprentis el ouvriers doreurs distribués suivant l'âge. De 10 à 15 ans De 15 à 20 ans De 20 à 25 ans De 95 à 50 ans De 50 à 55 ans De 55 à 40 ans De 40 à 45 ans De 45 à 50 ans Age indéterminé (Suite du tableau E ) Total général Sexe masculin. 18 Sexe fé- minin. 2 19 16 8 1 1 1 1 9 Total, 5 2h 19 ie 2 1 2 1 2 67 Totalilé des doreurs, apprentis et ouvriers, classés d’après le laps de temps écoulé depuis qu'ils ont commencé leur profession. Depuis 10 jours à 6 mois De 6 mois à 1 an D’un an à 18 mois De 18 mois à 2 ans De 2 ans 2'/; ans Le 2'/: à ans . De 3 à 4 ans De 4 à 5 ans De 5 à 6 ans De 6 à 7 ans De 7 à 8 ans De 8 à 9 ans De 9 à 10 ans De 10 à 15 ans . De 15 à 20 ans . De 20 à 95 ans . De 95 à 50 ans . Laps de temps non déterminé. Total général Sexe masculin. 11 nr 9 © O1 Sexe fé- minin. 15 11 — YXFNOOCREN = NOT © ND D 100 Total. 2! 14 ès = NO © & & O1 + èn _ _ 5. 161 (Suite) (Suite du tableau E.) Apprentis et ouvriers doreurs distribués d’après le laps de temps écoulé depuis qu’ils ont commencé leur profession. Depuis un jour à 6 mois , De 6 mois à 1 an D'un an à 18 mois . De 18 mois à 2 ans De 2 à 2'/: ans . De 2'/: ans à 5 ans De 5 à {# ans De 4 à 5 ans De 5 à 6 ans De 6 à 10 ans De 10 à 15 ans . De 15 à 20 ans . DERNIER. One Laps de temps non déterminé . Total général Sexe masculin. 10 Sexe fé- Total. minin. 19 Les mm QT FO 9 À & © © bone | Fo mn pe O7 NO O1 SI b9O NO CE RO 8 | 67 F. OUVRIERS DOREURS ET APPRENTIS DISTRIBUÉS SOUS LE RAPPORT DU LOGEMENT ET DES ENDROITS OÙ ILS PRENAIENT LEURS REPAS. Ouvriers qui couchent chez leurs maîtres dans le local où l’on passe au feu À Ouvriers qui couchent dans le local où l’on met en couleur . Ouvriers qui passent la nuit hAns des en- droits où l’on ne passe pas au feu et où l’on ne fait pas la mise en couleur Cas non déterminé Ouvriers prenant leurs repas dans le local où l’on passe au feu, | avec appareil préservateur sans appareil préservateur Ouvriers prenant leurs repas dans le local où l’on met en couleur, avec appareil préservateur sans appareil préservateur . Ouvriers couchant dans le local où lon grattebosse Ouvriers prenant leurs repas dans le local où l’on grattebosse Sexe masculin. 17 be O1 Sexe fé- minin. !i Total. 10 11 G. TABLEAU DE L'ÉTAT DE SANTÉ DES DOREURS AU FEU DE NOS MONTAGNES, A LA FIN DU MOIS D'AOUT 1843. Totalité des doreurs, apprentis et ouvriers compris (°). Sexe Sexe fé- masculin. | minin. Total. Doreurs jouissant de la plénitude de leur santé, et n'ayant jamais été affectés de tremblement convulsif, ni d’autres symp- tômes d'intoxication mercurielle . . . 58 52 90 Doreurs dont la santé est peu forte, et qui sont d’une constitution grèle et délicate, mais n’ayant jamais été atteints d’intoxi- cation mercurielle . . . . NÉE LA 9 11 20 Doreurs qui ont été atteints RTA DEN _ mercurielle à des époques plus ou moins éloignées , mais qui en sont actuellement guéris . . . 6 91 27 Doreurs néliment atlciâts de PAT 4 Pi I EE 5, La I 8 11 Apprentis et ouvriers doreurs (°). Ouvriers doreurs jouissant de la plénitude de la santé, et n’ayant jamais été atteints d'intoxication mercurielle | Ouvriers dont la santé est peu forte, et qui sont doués d’une constitution grèle et dé- licate, mais n'ayant jamais été atteints Pintosscation mercurielle 2 6 8 Ouvriers qui ont été atteints atontton mercurielle, dont ils sont actuellement guéris — 1=8 8 Ouvriers actuellement dflactés ditucication Ie ES ER EE — 2 2 (") Sur le nombre total de 161 doreurs, il y en a 13 dont on n’a pas pu conslater l’élat de santé. (2) Sur les 63 apprentis et ouvriers dor eurs, il y en a 5 dont il n’a pas été possible de con- stater l’état de sante. Hi | Totalité des doreurs, apprentis et ouvriers compris, qui ont été at- teints d'intoxication mercurielle, dont ils sont actuellement quéris, distribués suivant les localités où ils exercent leur profession. br ee Total. ANSE POP PR ST — | 1 Au Locle . 1 à) 6 Aux Brenets a CEE ARR AMEN PPS À — 1 1 A la Chaux-de-Fonds eee Oh 5 14 19 ONE de et de TONER 27 Doreurs atteints actuellement d’intoxi- cation mercurielle. Au Locle . . RTE STE te ET de 1 1 2 A la Chaux-de- AE 1 | | 6 9 Total : anus RS ss x 11 Totalité des doreurs qui ont été affectés d'intoxication mercurielle 38 ; savoir : hommes 10, femmes 28. - Ouvriers atteints d'intoxication mercurielle à une époque antérieure , et actuellement gueéris. Sexe Sexe fé- masculin.| minin. Total. OU ne QUES, — — + A EE PE PM Ne — 2 2 Aux Brenets . . rnont iraails 4 — 6 6 A la Chaux-de-Fonds . LE CIRE LR RAR En — — 4 HO : at up parier 8 Ouvriers actuellement atteints d’intoxi- cation mercurielle Au Locle. . . À 544) Ca HARAS — | _ A la SERRE AFTR 2 Totalité des ouvriers doreurs qui ont été atteints d'intoxication mercurielle 10; tous du sexe féminin. É (Suite) (Suite du tableau H.) Tableau des ouvrières qui, à des époques plus ou moins éloignées, ont été atteintes d'intoxication mercurielle, classées suivant l’époque de l'exercice de leur profession où elles ont été atteintes. Dans la 4° année . . . . . De la 1'° à la 2° année . De la 2° à la 5° année De Ia 5° à la 4° année De la 4° à la 5° année De la 5° à la 6° année De À 6° À la 8° année: ...: :-. RS 1h09 am 7, Lo De la 9° à la 10° année . Total, à unie au 340 | nee | Ouvrières qui ont été atteintes de tremblement convulsif, ou d'autre symptôme d'intoxication mercurielle, classées suivant l’âge de la vie où elles en ont été affectées. De 18 à 19 ans ! De 19 à 20ans . . 1 De20à21ans . , 1 De 22 à 95 ans 1 De 25 à 26 ans 1 DéMA S ans 2, cu : 9 Le: | RSA ER PAIE |: BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DS NEUVCIEATER. Séance du 5 novembre 1845. Président , M. L. Courson. M. Dollfuss-Ausset, de Mulhouse, présent à la séance, est invité par la société à donner quelques détails sur un instrument hygrométrique, qu’il substitue avec avan- tage selon lui, aux hygromètres ordinaires, et quil nomme roséomètre. Les principes sur lesquels repose la valeur de cet instrument sont les mêmes que dans l’hy- gromètre de Daniell. Il s’agit de fixer la différence qui existe entre la température à laquelle a lieu le point de rosée et la température de l'air, afin d'en déduire la quantité relative ou absolue de vapeur d'eau contenue daus l'atmosphère ambiante. : Au lieu de l'instrument fragile de Daniell, M. Dollfuss prend un vase quelconque de cuivre doré, le remplit d’eau qu’il réfroidit par de la glace, et en prend la tem- pérature au moyen d'un bon thermomètre gradué sur verre , qu'il agite dans son sein, afin d'obtenir dans toute la masse une température uniforme. Le moment où la rosée commence à se déposer sur les parois du vase est très-facile à saisir en raison de sa grandeur, et comme le thermomètre peut avoir également une graduation à LES GE grande échelle, les erreurs de lecture deviennent bien moins faciles et moins grandes que dans l’hygromètre de Daniell. De plus, la température de l’eau contenue dans le vase variant aussi moins vite que celle que l’on obtient au moyen de l’éther sulfurique, comme dans l’hygro- mètre de Daniell, M. Dollfuss pense que l'indication de la température du point de rosée est plus sûre. Enfin le roséomètre a l'immense avantage d'être très-transpor- table, puisque la seule partie cassante en sont les deux thermomètres , qui peuvent même être réduits à un seul, si l’on opère successivement. Ce sont ces avantages qui ont déterminé M. Dollfuss à employer son roséomètre dans les observations qu'il a faites au glacier de l’Aar pendant cet été, conjointement avec M. Desor. Les comparaisons qu'il a faites de cet ins- trument avec les autres hygromètres et le psychromètre l'ont assuré que sa marche était tout aussi régulière. Lorsqu'il n’a pas de glace à sa disposition, M. Dollfuss substitue un mélange réfrigérant quelconque, comme celui que l’on obtient au moyen du sulfate de soude et de l’a- cide hydrochlorique, ou tout autre connu. Une discussion s'engage sur cet objet, et MM. Desor, Guyot y prennent surtout part. M. Guyot complète, par quelques nouveaux faits qu'il a recueillis récemment, la communication qu'il avait faite sur la répartition des espèces de roches dans l'intérieur du bassin erratique du Rhône. (Voir à la fin du volume). ARNOLD GUYOT, secrétaire. — 391 — Séance du 19 novembre 1845. Président, M. L. CouLox. M. Ladame présente verbalement quelques observations sur une méthode destinée à apprécier la région de l’at- mosphère dans laquelle agissent les causes qui détermi- nent les variations de hauteur du baromètre. Le principe qui sert de base à cette méthode est celui-ci : Supposons une rupture d'équilibre dans une atmos- phère en repos; si la cause qui a produit cette rupture agit simultanément dans toute l'étendue de l'atmosphère, on obtiendra un quotient constant, en divisant la course barométrique par la hauteur primitive; mais si cette cause n'agit que dans une étendue limitée, le quotient ne sera pas le même partout, sa plus grande valeur existera dans les points où la cause agit avec le plus d'énergie. En comparant pour l’année 1812 les courses baromé- triques mensuelles et annuelles pour Cornaux, la Chaux- de-Fonds, les Ponts et la Brévine avec la hauteur moyenne du baromètre dans ces localités, on arrive à ces résultats : 1° Le quotient de la course barométrique par la hau- teur moyenne est toujours plus faible dans les points plus élevés que dans les points inférieurs. 20 La différence entre ces quotients est plus grande pen- dant l'été que pendant l'hiver : d’où l’on conclut que les causes des variations barométriques ont leur source dans les régions inférieures de l'atmosphère, et que pendant l'hiver leur action s'exerce dans une plus grande éten- due de l'atmosphère que pendant l'été. Il est important de remarquer que les conséquences - 26 — 352 précédentes sont tirées d'observations faites dans des lieux très-peu distants dans le sens horizontal , et qui peuvent être considérés comme placés sur la même verticale. Cette circonstance rend ces observations particulièrement intéressantes, quoique la différence de niveau entre les points extrêmes soit seulement d'environ 650 mètres. La dernière conséquence indiquée permet d'expliquer pourquoi les variations barométriques sont plus nom- breuses et ont uné plus grande amplitude en hiver qu'en été ; en effet si les mouvemens du baromètre résultent de causes qui agissent sur une portion considérable de l'at- mosphère , une faible variation dans leur intensité pourra déterminer des oscillations barométriques très-fortes dans tel lieu donné. Un exemple rendra ceci plus sensible. Les marées sont dues, comme on le sait, aux actions combinées de la lune et du soleil ; elles ont une grandeur qui dépend de l'intensité de ces actions et de la position relative des côtes sur lesquelles on observe ce phénomène; car dans le cas où la mer est resserrée entre deux côtes rapprochées, les marées atteignent une hauteur bien su- périeure à celle qu'elles ont en plein océan ou sur des côtes ouvertes. Une faible variation dans l'intensité de l'action luni-solaire produira des effets d'autant plus ap- parens que la mer sera plus resserrée entre des côtes voi- sines. M. Desor présente quelques considérations sur les en- vahissemens des glaciers dans ces dernières années. On peut citer comme exemple le glacier de Gauli, dans la vallée d'Urbach, le glacier de Zermatt, où l’on a été obligé d'enlever les chalets qui existaient de mémoire d'homme, — 353 — plusieurs glaciers du Tyrol, et enfin le glacier de l’Aar, qui a empiété en moyenne de 20 pieds par an, depuis 1842. Les envahissemens de ces dernières années lui paraissent avoir pour cause principale les étés froids et neigeux de 1843 et 154%. L'effet des eaux atmosphé- riques sur les glaciers est très-différent, suivant qu’elles tombent sous la forme de pluie ou sous la forme de neige. Dans le premier cas, elles ne font aucun tort à l’ablation qui peut continuer malgré la pluie. Si au contraire elles tombent en neige, l’ablation non-seulement est interrom- pue pendant la chute; mais encore les jours suivans, pen- dant lesquels la chaleur atmosphérique est employée à transformer la neige en névé. En attendant, le glacier ne subit aucune ablation , jusqu'à ce qu'il soit de nouveau dégarni. Pour peu que la neige persiste deux jours, voilà l'équivalent de deux jours d'ablation, c’est-à-dire en moyenne six centimêtres de glace qui sont conservés au glacier, par le seul fait que les eaux atmosphériques sont tombées en neige, au lieu de tomber en pluie. Que de pareilles chutes de neige se renouvellent seulement trois ou quatre fois par été, et l’on aura une épaisseur de glace d'environ un pied, qui se trouve acquise au glacier. Le chiffre en a certainement été plus considérable pendant les étés de 1843, 184%; de là leurs envahissemens si frappans. Cependant ces empiètemens ne sont pas aussi rares qu’on pourrait le croire. M. Desor, après avoir comparé les do- cumens relatifs à l'histoire des glaciers dans les temps his- toriques, a trouvé que ceux qui attestent un agrandisse- ment sont beaucoup plus positifs que ceux que l’on invoque en faveur de leur retrait. Ce sont tantôt de vieilles chartes constatant des droits de passage en des lieux que les — 394 — glaces ont envahis; ailleurs ce sont des chemins pavés qu'on retrouve sous le glacier lui-même, comme par exemple au Monte-Moro et au glacier d’Aletsch. Cepen- dant il n’est guère possible de calculer d’après des docu- mens pareils la quantité dont le glacier a avancé dans un temps donné. M. Desor vient de découvrir un docu- ment qui, sous ce rapport, est plus signifeatif. C'est une carte des glaciers de l’Aar, dessinée, dans la première moitié du siècle dernier, par un médecin de Lucerne, nommé Kappeler, et publiée par Altmann, dans son ou- vrage sur les montagnes de glace de la Suisse ('). A cette époque le glacier se terminait en amont des grottes aux cristaux. D’après l'échelle qui accompagne cette carte, la distance de l’extrémité du glacier au torrent de l'Ober-Aar aurait été de deux tiers de lieue, c'est-à-dire de plus de 3000 mètres, tandis qu'à présent le talus terminal n'en est plus qu’à 90 mètres. L'auteur de la carte dit positi- vement, dans sa lettre à Altmannn, qu'à cette époque le glacier avançait beaucoup, et qu'on ne se souvenait pas de l'avoir vu aussi bas dans la vallée. Si l’on considère, ajoute M. Desor, que le glacier de l’Aar, de tous les gla- ciers, est celui qui charrie le plus de débris rocheux, n'a pas de moraine frontale, et qu'il n'en existe aucune trace dans tout le fond plat du Grimsel, on peut en inférer que le glacier n’a jamais subi de retrait; car dans ce cas il aurait laissé devant lui une quantité notable de débris. On ne peut pas non plus supposer qu'il ait subi ancien- nement des oscillations, car il aurait poussé devant lui (*) Versuch einer historischen und physischen Beschreibung der helve- tischen Eisbergen. Zurich, 1754. À — 3955 — ces mêmes débris, toutes les fois qu'il aurait été en crue, et 1l en serait résulié de puissantes digues, dont on de- vrait retrouver les traces. Or l'absence de pareilles digues combinée avec l’envahissement considérable que cons- tate la carte ci-dessus mentionnée, sont une preuve que le glacier est toujours allé en augmentant, et par consé- quent que la température des Alpes s’est détériorée dans les temps historiques. M. Desor développe ensuite quelques considérations sur l'évaporation et la condensation des glaciers dans les hautes Alpes. Il résulte des observations qu'il a faites, que, pendant la belle saison, le glacier condense pres- que continuellement, tandis que les cas où il évapore sont très-rares. Au premier abord ce résultat a lieu de surprendre, surtout si l’on songe à la sécheresse de l’air, que la plupart des voyageurs représentent comme un trait dominant de l'atmosphère dans les hautes régions. Cette sécheresse est en effet très-grande, à tel point que, passé une certaine limite (10,000 pieds environ), la trans- pivation s'évapore instantanément lorsque le ciel est serein. Il n’en est pas de même des glaciers qui, par cela même qu'ils ne s'élèvent jamais au dessus de 0°, se trouvent dans des conditions tout-à-fait différentes. En effet pour qu'il y ait évaporation , la première condition, c'est que le corps qu'on veut faire évaporer soit à une température supérieure au point de rosée. Si la température est in- férieure, il y aura au contraire toujours condensation. Qu'on place l’un à côté de l’autre, dans un appartement dont la température est à + 10° et l'air à peu près à saturation , deux vases remplis d'eau, lun à + 20° et l’autre à 0°, le premier évaporera tant qu'il conservera . — 356 — une température supérieure à 10°, le second, au con- traire, condensera aussi longtemps qu'il n'aura pas at- teint cette même température. D'un autre côté, l'évapo- ration est d'autant plus active que la différence entre le terme de la saturation (le point de rosée) et la tempéra- ture du corps évaporant est plus grande. Comme l'air contient alors une quantité de vapeur d’eau très-faible, comparativement à celle qu'il peut tenir en suspension, il en emprunte avec avidité à tous les corps humides en- vironnans, et l’évaporation est presque instantanée. Le glacier, au contraire, est à l'abri de cette évaporation; il condense, pour peu que le point de saturation soit au- dessus de 0°. C’est à ces circonstances qu'il faut attribuer les effets de l’air des hautes Alpes sur la peau qui se flétrit et se desséche sous l'influence de cette absorption. L'habi- tude des montagnards de s'envelopperle visage d'un voile, lorsqu'ils montent dans les hautes régions, quoiqu'elle soit chez eux une affaire d'expérience , est en soi tout à fait rationnelle. Ils se préservent ainsi de l'évaporation, parce qu'au moyen de la respiration, ils entretiennent autour d'eux une atmosphère plus saturée d'humidité. On s'explique ainsi tout naturellement comment il peut y avoir simullanément évaporation et condensation sur différens corps. Le glacier condense parce qu'il est à une température très-basse; notre corps évapore, au contraire, parce qu'il est à une température élevée. ARNOLD GUYOT, secrétaire. — 391 — Séance du # décembre 1845. Président , M. L. CouLox. 14 M. Agassiz communique quelques observations sur la distribution géographique des êtres organisés ; il rappelle d'abord les travaux de M. de Humboldt, qui, le premier à fait conuaître les grandes lois qui régissent la répartition des végétaux à la surface du globe ; il fait voir ensuite de quelle manière ces idées fondamentales ont été appli- quées en détail. Après avoir montré comment la végé- tation se développe des régions froides et tempérées vers les régions tropicales, et comment elle s’apauvrit de la même manière, à mesure quon s'élève au-dessus du niveau de la mer, M. de Humboldt insiste sur le mode d'association des plantes diverses, comme caractère des faunes locales. Schouw, dans sa géographie des plantes, a tracé des cartes où les régions botaniques sont limi- tées d’après la prépondérance de telle ou telle famille plutôt que d'après le mode d'assemblage de familles diverses, d'où il est résulté des limites moins natu- relles que celles que M. de Humboldt a tracées dans ses tableaux de la nature. Le principe de Schouw a quelque chose de vrai, mais son application exclusive conduit à des résultats que l'aspect de la nature dément. C'est ainsi que la limite de la végétation des arbres indique, selon M. Agassiz, une différence bien plus grande, dans les flores du nord, que ne le fait la prépondérance des saxi- frages et des mousses adoptée par Schouw pour caracté- riser une zône qui empièle d'une manière indéterminée sur la zône des arbres. Du reste cette limite des arbres ne — 358 — coïncide pas rigoureusement avec les isothermes, puis- qu’elle s’avance jusque vers le 70° de latitude nord, à l'ouest, prés de l'embouchure du Coppermine, dans l’A- mérique du nord, où les isothermes sont très-déprimées, et qu'elle s'abaisse jusqu'au 61° sur la côte orientale du Kamtschatka, où les isothermes se relèvent vers le détroit de Bebhring. Il est donc très-vraisemblable que cette limite est le résultat de phénomènes compliqués, dépendant moins de la température moyenne, que de l'exposition de ces contrées et du mode de répartition de la chaleur pen- dant l’année. L'uniformité de la végétation dans les trois continents qui convergent vers le pôle est un fait incontestable, néanmoins, M. de Martius, dans une esquisse des limites des flores qui accompagne son histoire des palmiers, dis- üingue cinq flores septentrionales, dont les parties arcti- ques sont composées d'espèces.en grande partie identiques. C'est ainsi qu'il admet encore , dans l'Amérique du sud, trois flores Andiennes qui occupent toutes trois des ré- gions dont la végétation présente les mêmes caractères naturels. Ces divisions étant essentiellement géogra- phiques, ne peuvent avoir aucune valeur pour la con- naissance des flores naturelles ; car s’il n’y a pas de doute que la forme et la position du continent exercent une grande influence sur la distribution géographique des êtres organisés, il ne faut pas oublier non plus que la tâche de la physique du globe est d'emprunter à l'étude des êtres vivants les lois de leur distribution, bien plutôt que d’énumérer les animaux et les plantes qu’on observe dans telle ou telle division géographique. En recherchant d’après quelles considérations on pour- — 399 — rait arriver à une délimitation naturelle, M. Agassiz croit en avoir trouvé le principe dans l'extension des familles naturelles elles-mêmes, tant dans le règne animal que dans le règne végélal. En effet , il est certaines familles de vé- gétlaux, par exemple, qui sont répandues sur toute la surface du globe ; ce sont celles qui servent en quelque sorte de lien à toutes les autres ; ce sont en même temps celles qui fournissent la nourriture la plus ordinaire des animaux herbivores : telles sont les graminées, les légumi- neuses, les composées. D'autres sont plus particulière ment propres aux régions tropicales; telles sont, parmi les plantes, les palmiers, et parmi les animaux, les singes et les pachydermes. D'autres sont plutôt répandues dans les régions froides et tempérées ; telles sont parmi les plantes, les conifères et les crucifères; tels sont parmi les animaux, les cétacés, les palmipèdes et les gadoïdes, etc. D'autres familles enfin sont circonscrites dans des contrées particulières ; soit dans les régions tropicales, soit dans les régions tempérées; tels sont les cactus dans l'Améri- que du sud, les bruyères en Europe, sur les pourtours de la Méditerranée, les marsupiaux de la Nouvelle-Hol- lande, et les édentés de l'Amérique du sud. Si maintenant, dit M. Agassiz, nous appliquons ces principes à la délimitation des faunes et des flores, 1l nous sera facile de reconnaître que certaines familles étant essentiellement tropicales, tandis que d’autres occupent les zônes tempéréès, ces divisions astronomiques coïn- cident en général avec les traits les plus saillants de la dis- tribution des êtres organisés. Seulement les limites or- ganiques présentent des contours moins réguliers, car ils sont accidentés, suivant des influences climatologi- — 360 — ques. Notre région arclique ne sera donc pas circonscrite par les cercles arctiques, mais par la ligne qui indique la limite de la végétation des arbres. Notre région tem- pérée s'étendra de là jusqu'aux confins de la végétation des palmiers, et notre région tropicale embrassera l’éten- due occupée par ces derniers. Quant à la délimitation des faunes et des flores en par- ticulier, il est évident que le principe d'association des types, posé par M. de Humboldt comme caractéristique des faunes particulières, est le seul vrai; mais pour ne pas tomber dans l'arbitraire en l’appliquant, je pense qu'il faut emprunter leurs limites à celles de familles localisées qui se combinent dans différentes contrées. On peut dès lors poser en principe que pour établir les grandes zônes de végétation et de la distribution des animaux, il faut se diriger d’après les limites des grands groupes de végétaux et d'animaux, tandis que c’est d’après certaines familles de plantes et d'animaux localisés qu’on peut établir les faunes et les flores particulières. Pour montrer les avantages de ces principes, M. Agas- siz fait voir comment on peut diviser les vastes étendues d'eau qui recouvrent une si grande portion de notre globe, en faunes maritimes trés-naturelles:; seulement il fait remarquer que les limites de la distribution des animaux aquatiques ne coïncident pas complétement, dans leur circonscription naturelle, avec les limites des flores et des faunes terrestres. C’est ainsi que sur les côtes de la Norwège et du Groënland la faune maritime arctique s'étend plus au sud que la limite des arbres ; mais elle descend encore plus au sud, sur les côtes américaines que sur les côtes européennes, et ici les limites de ré- — J61 — partition sont conformes aux inflexions des isothermes. Il suffit de comparer la faune du Massachussets avec celle du nord de l'Europe pour s'en convaincre. À cette occasion, M. Agassiz met sous les yeux de la Société un grand nombre de cartes sur lesquelles il a transerit les limites de distribution des principales familles de poissons, et il fait voir comment, au moyen du mode de répartition des familles les plus répandues et des fa- milles localisées, il est parvenu à tracer les contours des faunes maritimes avec autant de précision que ceux des faunes terrestres. Il rappelle en même temps quelle in- fluence les formes des continents, l'orientation des côtes et la direction des courants exercent sur ces distributions. Les faunes qu'il a distinguées sont les suivantes : la faune arctique; la faune européenne, y compris les parages de la Méditerranée et des Canaries, qui se terminent en pointe sur les côtes septentrionales des Etats-Unis; la faune caraïbe qui s'étend du Rio-de-la-Plata jusqu'aux environs de New-York; la faune de Guinée ; la faune du Cap; la faune Madécasse, avec les Séchelles et les Les de France et de Bourbon; la faune Indo-Chinoise, com-— prenant les parages du Décan, de l'Indo-Chine, des Mo- luques et des Philippines; la faune de la Nouvelle-Hol- lande; la faune japonaise; la faune polynésienne; la faune californienne ; la faune chilienne et la faune antarcti- que. Si quelques-unes de ces faunes ont un grand nombre d'espèces communes, il n’en est pas moins vrai que toutes ont leurs types particuliers. Ces études sont d'autant plus intéressantes qu'elles offrent des applications immédiates à l’étude des fos- siles et de la distribution de leurs espèces dans les ter— — 9362 — rains. Il n’y a peut-être pas de classe qui présente des faits de distribution géographique circonscrits dans des ” limites plus étroites que la classe des poissons. Ce résul- tat est complètement opposé à l'opinion qui attribue en général aux poissons une distribution géographique très- étendue. M. Agassiz ne nie pas le fait de la dispersion de certaines espèces sur de vastes aires; 1l affirme seule- ment que ces faits sont peu nombreux et qu'en général les poissons ont une répartition restreinte; 1l cite surtout à l'appui de cette proposition les poissons d'eau douce en général , et plus particulièrement ceux des familles des Characins, des Chromides, etc. En général les animaux ont des aires de répartition plus circonscrites que les plantes, et cela se comprend aisément lorsqu'on songe à la dépendance où sont un grand nombre d'animaux de l'existence de certaines plantes. Enfin M. Agassiz signale la coïncidence remarquable qui existe entre les limites de distribution de certaines familles d'animaux et de plan- tes, par exemple, des palmiers et des singes. F. Sacc, secrétaire. M. le professeur Sacc communique une note sur l'acide succinique. Il existe, dit-il, dans plusieurs parties du globe et sur- tout sur les bords de la Baltique, une substance m'né- rale qui paraît cependant avoir une origine organique ; c’est le succin ou ambre jaune. Lorsqu'on distille ce com- posé, il passe une huile particulière douée d'une odeur repoussante, et un acide particulier, volatilisable sans dé- composition. Ce corps, qu'on appelle acide succinique, est d’un brun plus ou moins foncé et très-difficile à ob- » — 363 — tenir blanc par les procédés ordinaires; aussi celui qui “est bien pur est-il très-cher, ce qui en empêche l'usage général dans les laboratoires , où 1l est très-utile pour sé- parer le fer d'avec le manganèse. Nous venons de décou- vrir un moyen facile de préparer à bon marché cet acide et de l'avoir plus pur que par tout autre moyen. Après avoir recueilli l'acide succinique, produit brut de la distillation, et l'avoir desséché aussi bien que possible entre des doubles de papier Joseph, on le dissout jusqu'à refus dans de l’acide nitrique concentré du commerce, chauffé au bain d’eau jusqu’à 100°. Dès que cette disso- lution est saturée, qu'il ne s'en dégage plus de vapeurs nitreuses, produit de l'oxidation de l'huile empyreuma- tique qui salissait l'acide brut, on l’ôte du feu. Par le refroidissement toute la capsule se remplit de belles co- lonnes cannelées , analogues aux cristaux du salpêtre, et tout aussi longues qu'eux. On jette cet acide, qui est de la plus grande pureté, sur un filtre dont on a préalable- ment bouché le bec avec quelques fragmens de verre. On brise les cristaux contre les parois de l’entonnoir avec une baguette de verre et on le couvre avec une plaque de la même substance pour empêcher qu'il n'y tombe de la poussière. On laisse égoutter pendant quelques heures, pour séparer autant que possible tout l'acide nitrique. En- suite on Jette ces cristaux dans un grand vase à précipités, où on les agite fortement avec six ou dix fois leur volume d'éther hydrique qu'on décante brusquement, afin qu'il dissolve le moins possible d'acide succinique. On jette ensuite l'acide succinique ainsi purifié sur un filtre de papier, où on le laisse se dessécher à une douce chaleur. Préparé de cette manière, l'acide succinique retient en- — 364 — core des traces d'acide nitrique, ce qui n'a pas d'incon- vénient lorsqu'on emploie cet acide à Fa séparation du manganèse d'avec le fer. Nous avons essayé d'appliquer à l'acide benzoïque ce même mode de purification, et nous n'avons pas réussi, tant parce qu'il se forme alors une substance jaune , que retient avec opiniätreté l'acide benzoïque, que parce que les larges lames de cet acide em- prisonnent l'acide nitrique, avec assez de force pour qu'il soit impossible de l'en extraire autrement, que par la sublimation. M. Sacc fait lecture d’une seconde note sur la sépara- tion de l’acide benzoïque d'avec l'acide cinnamique. Comme on extrait du baume du Pérou presque tout l'acide cinnamique dont on a besoin dans les labora- toires, et qu'il est facilement souillé par des traces d'a- cide benzoïque , on apprendra sans doute avec plaisir une nouvelle méthode de le purifier, méthode dont nous n'a- vons étudié que la valeur pratique, sans nous inquiéter de sa valeur en analyse. On sature le mélange des acides cinnamique et benzoïque avec de l’ammoniaque, et on en verse la dissolution dans un mélange fait en dissolvant du chlorure barytique dans l'alcool, et en ajoutant à la liqueur de l'ammoniaque caustique en excès. Le précipité que l’on obtient alors est formé de cinnamate barytique seul, tandis que tout le benzoate reste en dissolution, À la fin de la séance M. Sacc prend la parole à propos de l'introduction projetée des alpacas dans le canton des Grisons. Il présente à la société des échantillons de laine de ces animaux, et rappelle qu'il a publié dans le nu- méro de décembre 18#1, du Journal d'Agriculture prati- que, des considérations relatives à l'utilité qu'il y aurait à introduire ces utiles animaux sur les sommités les plus — 365 — élevées des chaînes de montagnes de l'Europe centrale. M. Sacc observe que la laine des alpacas est d’une force telle que les habits qu'on en confectionnerait n'auraient pour ainsi dire pas de fin. La laine des alpacas présente la même variété de teintes que celle des moutons; elle est plus longue et plus lustrée que cette dernière. Un seul alpaca porte jusqu'à quatorze livres de laine. L'éduca- tion de ces animaux est facile, puisqu'ils supportent sans _ danger les froids les plus violents, qu'ils sont sobres et très-doux. De plus, comme les alpacas sont de vigou- reux animaux, on pourrait les utiliser comme on le fai- sait jadis au Pérou, et comme on Île fait encore au Chili, pour le transport des effets et des voyageurs, sur les hautes montagnes. La chair des alpacas est saine et bonne. Toutes ces considérations font vivement désirer à l’auteur de cette note, que l'exemple donné par le canton des Grisons soit imité par toute la Suisse. M. le professeur Agassiz observe que la naturalisation des alpacas n'est plus un problème, et qu'il a vu il y a plusieurs années déjà un beau troupeau de ces animaux en Ecosse, où ils se portaient fort bien, et multipliaient tout aussi abondamment que dans leur pays natal. F. Sacc, secrétaire. M. Guyot rend compte du mémoire de M. Linant de Bellefonds , sur la découverte définitive de l'emplacement du lac Moeris, dans le Fayoum, ainsi que des limites, des dimensions et des usages de ce prodigieux monument des arts hydrauliques de l'antique Egypte. Il met sous les yeux de la Société les cartes dessinées par M. Linant, pour l'intelligence de son mémoire. — 366 — Séance du 18 décembre 1845. Président, M. L. CouLox. M. Agassiz expose le résultat de ses observations sur les rapports qui existent entre les faits relatifs à l’appari- tion successive des êtres organisés à la surface du globe, et la distribution géographique des différens types actuels d'animaux. Tout le monde sait que certains fossiles des régions tempérées et froides de l'époque actuelle ont leurs analogues vivans dans les régions tropicales. Mais ce que l'on n'a pas remarqué, cest qu'il existe une relation constante entre ces différences dans la distribution géo- graphique et la gradation zoologique de l’organisation de ces types. C'est ainsi qu’en thèse générale les espèces des types supérieurs actuels des classes d'animaux sont plus abondantes dans les régions tropicales que dans les régions tempérées, et à plus forte raison que dans les régions froides ; les singes, par exemple, qui occupent le plus haut rang parmi les mammifères sont entièrement circonscrits dans la zône tropicale, tandis que les cétacés sont proportionnellement plus nombreux dans les régions polaires; d’autres familles intermédiaires sont cosmo- polites. Cependant il est aussi des types d'une organi- sation inférieure, qui de nos jours sont essentiellement répartis daus les régions tropicales et paraissent former une exception à cette règle; tels sont, par exemple, les pachydermes. Mais ce fait tient sans doute à d’autres in- fluences et paraît devoir être considéré comme une ré- miniscence d'un ordre de choses antérieur. En effet, les pachydermes ont été pendant longtemps, durant l'époque — 367 — tertiaire, la famille prédominante. On peut dés-lors les considérer en quelque sorte comme la souche primitive de la classe des mammifères, et comme ces animaux ont vécu dès leur origine dans des conditions climatologiques analogues à celles de la zône tropicale actuelle , il n'est . point surprenant que leurs représentans modernes, mal- gré leur infériorité d'organisation, habitent de nos jours les régions les plus chaudes du globe. M. Agassiz cite encore de nombreux exemples, empruntés à d'autres classes, qui prouvent tous que les faunes tropicales se composent d'un côté des types supérieurs modernes de chaque classe et des représentans modernes des familles de ces mêmes classes qui ont dominé dans les temps plus anciens ; sans compter les types cosmopolites. M. Agassiz énumère une série d'autres faits de distri- bution géographique qui montrent, qu'indépendamment des familles dont on peut suivre directement la généalo- gie, ilen est qui ont entièrement disparu de la surface du globe, et qui ne se rattachent qu'indirectement aux faunes actuelles, et d’autres enfin dont les représentans modernes très-peu nombreux sont répartis de nos jours à la surface du globe, de telle sorte qu'il n’est pas encore possible de se rendre un compte très-exact de leur liaison avec les nombreux représentans que leurs familles ont eus jadis. C'est à cette dernière catégorie qu'appartiennent les Lépidostées et les Polyptérus, dont les premiers habitent les grands fleuves de l'Amérique du Nord, et les seconds le Nil et le Sénégal, et qui sont les seuls représentans actuels de cet ordre des Ganoïdes si nombreux dans l’é- poque secondaire et dès les premiers développemens de la vie sur la terre. Quant aux représentans de la premiére 27 — 368 — catégorie, l'intelligence de leurs rapports génétiques et géographiques dépend de la connaissance de faits encore trop peu étudiés pour être généralement appréciés; ce- pendant M. Agassiz fait remarquer une liaison intime entre la répartition géographique de certains types ac- tuels et leurs affinités avec des types entièrement éteints. Si l'on se bornait, par exemple, à étudier les esturgeons et les silures en Europe, on serait loin de se douter de l'étroite affinité qui existe entre ces familles, tant ils pa- raissen( différer à tous égards. Dans l’ancien monde les esturgeons sont limités aux régions tempérées de l'Eu- rope et de l'Asie, tandis que les Silures caractérisent les eaux des contrées tropicales, à la seule exception de quel- ques vrais Silures qui vivent dans les eaux douces des régions tempérées. Mais si l’on étend ces études à l'Amé- rique, on trouve, dans les contrées septentrionales de ce continent, de vrais esturgeons et des silures tout aussi différens entr'eux que ceux de l’ancien monde, et dans l'Amérique méridionale, outre de nombreux silures, une famille entièrement propre à cette partie du monde, les Goniodontes. Or les Goniodontes et les Siluroïdes sont étroitement unis, au point de vue zoologique, et ce qu'il y a de plus instructif encore, c'est que certains genres d'Accipensérides de l'Amérique du nord, les Scaphirhyn- chus, par exemple, très-semblables aux Loricaires 2 vien- nent former une sorte de transition aux Silures, si bien qu'en Amérique les familles des Siluroïdes et des Estur- geons, unies par les Goniodontes, forment un groupe très- naturel, dont on ne pouvait saisir l'affinité dans l’ancien monde où les Goniodontes manquent. Ce fait déjà très-important en lui-même tire un — 369 — nouvel intérêt de cet autre fait que les Silures, les Go- niodontes et les Esturgeons, dans leur réunion, peuvent être considérés comme l'équivalent zoologique moderne des anciennes familles de Ganoïdes qui ont peuplé si ri- chement les mers d'autrefois. Il résulte donc de là que, non seulement il existe des associations d'espèces localisées dans certaines contrées, qui peuvent être considérées comme des équivalens z00- Jogiques d’autres associations d'espèces analogues habi- tant d’autres localités; mais encore que des familles en- tières en cessant d'exister dans certaines époques géolo- giques pendant lesquelles elles ont eu une distribution géographique déterminée, peuvent être remplacées à des époques plus récentes par d’autres familles affectant , il est vrai, une distribution géographique nouvelle, mais n'en formant pas moins cependant des équivalens zoolo- giques successifs, en opposition aux équivalens zoologi- ques contemporains d'une époque déterminée. F. Sacc, secrétaire. M. Desor fait une communication verbale sur la glace des hauts sommets des Alpes. Il est reconnu, dit-il, que la glace est à son maximum de compacité et de transparence à l'extrémité des glaciers, et qu'elle devient toujours plus terne et plus légère à mesure qu’on remonte vers leur origine, où elle passe insensiblement à la forme grenue et désagrégée du névé. Cette gradation semble toute naturelle, quand on songe que la glace est le résultat d'une transformation successive de la neige au moyen de l'eau ; car comme l’eau est plus abondante, et limbibi- tion par conséquent plus complète dans les régions infé- — 370 — rieures, il en résulte que la glace doit y être à un état plus avancé. Se fondant sur cette gradation, on a admis qu'il ne pouvait pas exister de glace au-delà d’une cer- taine limite, et que les hauts sommets des Alpes n'étaient couverts que de neige. Ce qui confirmait surtout cette supposition, c'est le fait que la plupart des voyageurs, qui ont fait des ascensions-sur les hautes sommités des Alpes, y ont trouvé une température inférieure à zéro. Saussure avait trouvé au sommet du Mont-Blanc - 2 à - 3° R. à l'ombre. M. de Tilly y trouva — 14°, M. Agassiz et M. Desor observèrent au sommet de la Jungfrau — 39. Et cependant le sommet de la Jungfrau est couvert d’une calotte de glace de glacier; des parois de glaces sem- blables tapissent les flancs du Schreckhorn et du Finster- aarhorn, jusque prés de l'extrême sommet. Comme on n'admetlait pas quil pût exister à pareille hauteur de l'eau liquide capable de cimenter la neige et de la transfor- mer en glace, on eut recours à une foule de suppositions plus ou moins ingénieuses pour expliquer la présence de cette glace. On supposa en particulier qu'elle était l'effet d'une condensation très-active, favorisée par les vents chauds qui soufflent souvent dans les hautes régions. Le fait est que si la température se maintient souvent au-des- sous de zéro, même pendant l'été, il est cependant des moments où elle s'élève à plusieurs degrés. C'est ainsi que M. Desor trouva au moins d'août, au sommet du Schreckhorn , une température qui oscillait entre + 2,5 et + 3,6, et qui déterminait une fonte très-abondante à la surface des neiges et des glaces environnantes. Or il n’en faut pas davantage pour opérer la transformation de la neige en glace, R — 311 — Une autre question est celle de savoir pourquoi la glace des hauts sommets qui ne reçoit que très-peu d’eau, est cependant beaucoup plus compacte que la neige des névés, et pourquoi cette dernière, qui est à une hau- teur bien inférieure, où la fonte a lieu presque tous les jours en été, reste cependant à l’état grenu et incohé- rent. La solution de ce problème doit être cherchée, selon M. Desor, dans l'épaisseur relative des masses. Qu'on suppose deux couches de névé placées dans des conditions tout-à-fait semblables, dont l’une aurait 20 centimètres et l’autre 10 centimètres d'épaisseur. À mesure que la fonte aura lieu à la surface, l’eau qui en résultera imbi- bera la masse entière, et quand celle-ci en sera complé- tement saturée, le névé se cimentera en une glace terne et grenue de bas en haut. Supposons que la fonte enlève journellement un centimètre de névé à la surface, et qu’en même temps la couche de glace terne augmente d’un centimètre par jour, il en résultera qu’au bout de cinq jours les deux couches se trouveront dans des circons- tances tout-à-fait différentes. La couche de 10 centi- mètres aura diminué de moitié , et les 5 centimètres qui restent seront de la glace. La couche de 20 centimètres au contraire sera réduite à 15 centimètres, dont 10 se- ront à l’état de névé, tandis que les cinq centimètres in- férieurs seront seuls à l’état de glace. Les choses se pas- sent à-peu-près de la même manière dans les Alpes; mais dans des proportions bien autrement grandes. La couche de 10 centimètres d'épaisseur représente la neige des hautes régions, celle de 20 centimètres la masse de neige entassée dans les cirques. Seulement l'épaisseur de la masse des cirques , au lieu d’être double, est presque dé- — 3172 — cuple, d'où il résulte que quelque minime que soit la fonte des hautes régions, la masse qu’elle imbibe doit, à raison de sa faible épaisseur, arriver plus tôt à une sa- turation complète que la couche très-épaisse des grands cirques malgré une température très-élevée et une fonte beaucoup plus abondante. Les glaciers latéraux qui viennent aboutir au-dessus des grands cirques, et dont la glace est plus. compacte que celle de ces derniers, doivent être jugés du même point de vue. Cette communication est accompagnée de dessins pour en faciliter l'intelligence. M. Guyot fait, d'après M. de Buch ("), un rapport sur une zône volcanique remarquable, constatée dans lîle septentrionale de la Nouvelle-Zélande, par le Dr Dief- fenbach. Il y a peu d'années, dit M. de Buch, que nous étions dans une ignorance à-peu-près complète sur l'intérieur de la Nouvelle-Zélande. Il était réservé à un observateur aussi courageux et aussi attentif que M. Dieffenbach de nous initier, pour la première fois, à la connaissance de l’intérieur de ce pays, si neuf encore pour nous. Au lieu de la seule petite île fumante de #7ithe-Island, nous voyons surgir dans ces contrées une foule de phéno- mènes volcaniques qui se présentent dans une connexion que nous ne pouvions prévoir. Il résulte des observations de Dieffenbach qu'à tra- (*) Monatsberichte, ete. Bulletin de la Société de géographie de Berlin, Il, 275. — 313 — vers la Nouvelle-Zélande (Naw-Ulster), du sud-ouest au nord-est, exactement comme en Islande, s'étend une bande trachytique dans laquelle seule se manifestent les phénomènes volcaniques. C'est, dit Dieffenbach lui-même (1, 337), une grande fente qui traverse l’île du cap Eg- mont jusqu'au nord du Cap-Est, et qui, imparfaitement recouverte, donne issue aux éruptions de toute espèce. Pas même à Saint-Miguel des Açores, on ne trouve une quantité de ruisseaux d'eau bouillante aussi incroyable que celle qu'offre cette contrée. On les voit sortir de celte fente avec impétuosité et se précipiter en cascades qui disparaissent presque sous les tourbillons d’une va- peur brèlante. Presqu'au milieu s'élève le volcan encore actif de T'ongariro à une hauteur de 6200 pieds anglais, couronné par un cratère sans fond, d'un quart de mille anglais de diamètre et rempli d'épais nuages de vapeur. Des courans de lave descendent le long de ses flanes, ainsi que d'épais torrens de boue, formés par de fréquentes éruptions aqueuses, comme à Java, où tant de villages, sur bien des lieues carrées d’étendue, ont été déjà englou- us par de pareils courans boueux. Les vapeurs brülantes pénètrent la roche qui compose la montagne, la désor- ganisent et des pans entiers du volcan se mettent à couler sous la forme de masses boueuses. Les eaux, les ruis- seaux bouillants, qui, sur les bords du lac Taïpo, sifflent et mugissent comme autant de machines à vapeur, dé- posent partout de la chalcédoime: c'est la silice qui, dis- soute dans l’eau chaude, comme au Geyser et dans toutes les eaux thermales, s'élève avec les vapeurs et se dépose, comme à Carlsbad, dans les fentes des rochers sous forme de hornstein et de chalcédoine. LA — 314 — Tout à l’entour, partout où les vapeurs n’ont pas en- tièrement décomposé la roche en une argile blanchâtre, le sol est formé de couches de pierre ponce ; toutefois seu- lement sur la fente même. Au bord des fleuves #/’aïkato et Waïpa, la ponce disparaît bientôt et son absence marque les limites de la fente. Or la ponce est un signe aussi certain que précis de la présence du trachyte du- quel elle se forme; car on peut tenir pour avéré ce fait constaté par de nombreuses observations qui s'étendent sur la terre entière. Mais toute scorie poreuse n’est pas de la ponce. | M. Dieffenbach a vu le trachyte solide en place dans le voisinage de New-Plymouth, à l'extrémité ouest de la grande fente, et le haut pic d'Egmont, de 8840 pieds an- glais, dont M. Dieffenbach a fait l'ascension, est composé probablement de trachyte, quoique d’un trachyte de cou- leur foncée et semblable au basalte. Cette haute montagne n'a point de cratère à son sommet. L’extrémité orientale de la grande fente est marquée par l’île Pouhia à Wa- kari où White-Island. Cette île est le premier volcan qui fut reconnu dans la Nouvelle-Zélande ; et ce sont les do- cumens officiels publiés par Hay qui nous en ont donné connaissance. Dumont-d'Urville a également vu ce vol- can, et nous apprend qu'il fut monté par le missionnaire Williams et le botaniste Cuningham. Des vapeurs sou- frées les empêchérent d'atteindre le sommet. Depuis lors une quantité considérable de soufre est annuellement em- portée de cette île en Europe. Une seconde zône volcanique plus petite traverse New- Ulster dans la même direction; elle brise un plateau ba- saltique près de la ville d’Auckland et dans le golfe de | — 3175 — Shoharrie. Xci se montrent alignés plusieurs petits cônes d'éruption. Dans l'ile de Ranguaïtoto, toute formée de scories, un cône volcanique de 920 pieds offre à son sommet un eratère de 150 pieds de profondeur, et au cap Barrière, vis-à-vis du cap Colville, Dumont-d'Urville vit encore des cônes pareils. M. Sacc présente à la Société trois échantillons d'acide valérianique, de valérianate zincique et de valérianate quinique, après quoi il indique la préparation de chacun de ces corps. Jusqu'ici, dit M. Saac, on n’obtenait l'acide valéria- nique qu’accidentellement, par la distillation avec de l'eau , des racines dela valériane officinale. En opérant de cette manière, on n'avait souvent que de l'essence de valériane seule, et lorsqu'on obtenait ainsi de l'acide, 1l était presque toujours souillé par une très forte proportion d'essence. Une observation attentive des faits amena à dé- couvrir que les racines de valériane donnaient d'autant plus d’acide et d'autant moins d'essence qu'elles étaient plus vieilles; il n’y avait qu'un pas de là, à l'idée que la fermentation produirait le même effet que Le temps et que l’action de tous les deux, s’exercant sur l'essence de valé- riane, ils la transformaient en acide. Partant de cette idée- là, un habile chimiste, M. Gerhardt, crut pouvoir méta- morphoser l'essence de valériane en acide , en la traitant directement à chaud, par l'hydrate potassique et prétendit avoir réussi. Nous n'avons pas été aussi heureux que lui, et quoique nous ayons varié de bien des manières le mode d'opérer, jamais en traitant l'essence de valériane par l'hydrate potassique , nous n'avons obtenu de l'acide va- — 316 — lérianique, mais bien et seulement de la bornéène ou camphre liquide de Bornéo. Pour obtenir lacide valérianique on choisit des racines de valériane recueillies en automne; on les coupe en pe- lits morceaux et on les met dans un tonneau en forme de cône renversé, muni d’un robinet à sa partie inférieure et ouvert par en haut. On opère à la fois sur 25 kilog. de racines, sur lesquels on verse assez d’eau pour qu’elle les surnage de deux ou trois centimètres environ. L’expé- rience apprend bien vite combien d'eau exige chaque opération. On doit dissoudre dans l’eau qu’on emploie pour la macération des racines une certaine quantité de carbonate sodique cristallisé (à peu près 2 à 400 grammes) pour saturer l'acide valérianique à mesure qu'il se forme. On abandonne le tonneau qui contient les racines dans un endroit chauffé entre 25° et 30° € où on le laisse jus- qu'à ce que la fermentation d’abord assez vive paraisse se calmer. Alors, en ouvrant le robinet du vase on sou- tire toute la solution de valérianate sodique, qu’on enlève totalement en lavant les racines, à deux ou trois reprises, avec quelques litres d’eau chaude. On réunit la dissolution avec les eaux de lavage, on les verse dans un alambic, on y ajoute une quantité d'acide sulfurique suftisante pour décomposer tout le carbonate sodique employé et on dis- tille. On recueille seulement les dix premiers litres qui passent à la distillation, parce qu'ils contiennent presque tout l’acide formé et on les porte dans une capsule d'argent où on les sursature d’hydrate zincique en gelée; on filtre pour séparer l'excès d’hydrate zincique et on évapore la solution aussi rapidement que possible en ayant soin d'en- lever avec une écumoire d'argent le valérianate zincique — 311 — | qui se dépose au fond du vase à mesure qu'il se forme. Il n’y a plus ensuite qu'à dessécher ce sel sans le compri- mer pour ne pas lui ôter cette légèreté caractéristique que le commerce veut trouver en lui. Le valérianate quinique se prépare d'une manière ana- logue; mais, par évaporation spontanée , il est très diffi- cile de l'obtenir en cristaux aussi beaux que ceux que M. Sacc fait voir à la société. Pour obtenir l'acide valérianique on sature le produit de la distillation des racines de valériane par du carbo- nate sodique et on évapore à sec cette solution. On trouve dans le résidu du valérianate sodique qu’on introduit dans une petite cornue où on le chauffe après l'avoir décom-— posé avec une quantité suffisante d'acide sulfurique, ou, mieux, de bisulfate potassique. Ce qui distille est un mé- lange d'acide valérianique et d'eau, duquel il est facile d'extraire l'acide valérianique pur. A. GuyxorT, secrétaire. Séance du 8 janvier 1546. Présidence de M. L. CouLoN. M. le président fait lecture d’un mémoire de M. Mar- cou sur le Jura salinois, dont l’auteur fait hommage à la Société (1). M. Ladame remarque que l'observation de M. Marcou, qui constate, dans le Jura Salinois, un rapport direct entre la puissance des terrains de sédiment et le développement 41 >» La Û 4 . . = (*) Ce mémoire devant paraître prochainement en entier dans le 3° vo- lume des Mémoires de la Société , il devient superflu d’en donner ici l’ana- lyse. — 3178 — des êtres organisés, s'explique de la manière la plus heu- reuse, quand on cherche dans les êtres organisés la cause de la formation des masses sédimentaires; tandis qu'on ne comprend plus la liaison de ces deux faits lorsque l'on considère la sédimentation simplement comme un fait terrestre, résultant des éruptions volcaniques et des soulèvemens, ou que l'on veut en trouver la cause dans des actions extérieures à la terre qui auraient donné lieu à des précipités. M. Ladame rappelle ensuite les conclusions qu'a énon- cées M. Desor dans la dernière séance sur la marche constamment progressive des glaciers et la détérioration de notre climat qu'elle semblerait indiquer. Il remarque que ce fait paraît contraire à celui de l'élévation de tem- pérature de 0,°3 cent., que l’on a observée dans les caves de l'observatoire de Paris depuis 1817, où elle était de 11°, 67 jusqu’en 1835 où elle a atteint 11°, 97. La si- multanéité de ces deux faits prouve clairement que les conditions d'existence et de formation des glaciers, ne dé- pendent pas uniquement de la température moyenne, ou de la quantité de chaleur que le soleil envoie annuelle- ment à la terre. À. GUYOT, secrétaire. M. de Castellu demande quelle explication on peut don- ner de ce fait que chez les personnes atteintes d'intoxica- tion mercurielle, chez les doreurs, les dents deviennent noires comme l’ébène lorsqu'elles se gargarisent avec une dissolution d’acétate plombique? On répond que cela tient peut-être à un composé sulfuré, et que ce fait d’ailleurs n’est probablement pas lié avec celui de lempoisonnement dû au mercure. F. Sacc, secrétaire. — 319 — Séance du 22 janvier 1846. Président, M. EL. Courox. M. Desor rend compte de quelques observations qu'il a recueillies dans une course qu'il vient de faire avec M. Dollfuss, au glacier de l'Aar. Les conditions de tem- péralure à cette saison lui ont offert des particularités dignes de remarque. Partis de Berne le 8 janvier par un temps superbe, nos voyageurs ont trouvé la température toujours plus chaude à mesure qu'ils approchaient des montagnes. Sur les lacs de Thoune et de Brienz, le thermomètre marquait — 29 à—30 à l'air, tandis que l’eau avait+4°, 5. Le minimum de la nuit à Brienz fut de — 5°, tandis qu'il descendit à Berne à—11°. On remarqua une différence sensible entre les lieux élevés et les fonds de vallées. Au Kirchet, en amont de Meyringen, la température se trouva être de 4° plus chaude que dans le fond d'Im-Grund, qui n'en est éloigné que de quelques cents mètres, ce qu'il faut sans doute attribuer à la réverbération des rochers, qui, sur le Kirchet, étaient dégarnis de neige, tandis que le fond d'Im-Grund était tout couvert de neige et incapable de s'échauffer. La même différence fut observée sur le monticule qui domine Im-Grund du côté d’amont : là aussi la température était de — 4°, tandis qu'elle était de — 89 dans le fond de la vallée. La température d'une source située sur ce second monticule indiquait +6°, 5. L'air était parfaitement calme. Ce fut depuis le rocher ap- pelé la Gresprengte-flue, que l'on ressentit les premiers souffles du Foehn. Instantanément le thermomètre monta — 3380 — de — 3° à +49, indiquant par conséquent une différence de 7°. À mesure que l’on remontait, le Foehn deve- nait plus fort, et chaque coup de vent avait en quelque sorte une température propre, de manière que le ther- momèêtre oscillait constamment entre LE # et L6°. Mais lorsque le vent cessait par intervalles, le thermomètre descendait à plusieurs degrés au-dessous de zéro. La plus haute température observée fut de + 7° près du chalet de la Handeck, le 10 janvier à dix heures et demie du matin. L'air était à la même heure à — 9° à Berne. A mesure qu'on approchait du Grimsel, le Foehn diminua et la température baissa sensiblement. Pendant les trois jours que ces messieurs séjournérent à l'hospice, le maxi- mum nexcéda cependant pas zéro. Le point le plus bas fut de — 8°, le 12 à 6 heures du matin. Le point de ro- sée oscille entre — 5° et — 17° indiquant par consé- quent une très grande sécheresse, malgré le vent du sud. La température la plus basse de l’année eut lieu le 3 jan- vier à 9 heures du matin; elle fut de — 19°, 5. La température de la neige offre des circonstances encore plus extraordinaires. Trois thermomètres enfoncés, l'un à 4%, 60 centimètres dans la neige, de maniére à toucher le sol, l’autre à { mêtre et le troisième à 3 cen-— timètres, de manière à n’avoir que la boule dans la neige, ont indiqué avec de très légères variations : le premier — 3°. le second — 7°. le troisième — 13°. Les mêmes rapports ont été observés sur le glacier près de l’'Hôtel-des-Neuchâtelois, à une hauteur de 2480 mètres : la température de l'air y était, le {1 à midi, de — 381 — — 4°, 8 à l'ombre, derrière un gros bloc, et elle os- cillait entre — 2° et + 20 au soleil, suivant que le Foehn soufflait ou qu'il faisait calme. Les observations sur le mouvement du glacier, but principal de cette expédition, ont donné les résultats sui- Vans : Des signaux capables de résister à la tourmente avaient êté élevés l'automne dernier par MM. Agassiz et Desor sur plusieurs points du glacier de l’Aar, afin de servir à l'observation du mouvement d'hiver. Un observateur chargé par M. Dollfuss de recueillir les ob- servations thermométriques du Grimsel , avait continué de mesurer l'avancement, sur trois stations différentes, à l’'Hôtel-des-Neuchâtelois, au Pavillon et à l'extrémité du glacier. Ce sont ces observations qu'il s'agissait de vérifier, en combinant les données recueillies dans l'in- tervalle, avec celles qui allaient être faites. Il résulte de ces observations, que depuis le mois de septembre le mouvement du glacier est allé en diminuant aux deux stations de l’'Hôtel-des-Neuchätelois et du Pavillon. Mais ce ralentissement est beaucoup plus sensible à l'Hôtel-des- Neuchâtelois qu’au Pavillon. La moyenne de l'été depuis le 2{ juillet jusqu'au 16 août avait été à d l'Hôtel-des-Neuchâtelois de . . 0, 2226 au Pavillon: a2b o2089 ALT 09 105) 406 La moyenne actuelle du 19 décembre au 11 janvier, est au contraire à l'Hôtel-des-Neuchätelois. . . 0, 1326 au Pavillon: : : . . . . . 0, 1883 En calculant la moyenne de l'avancement d'après l’ensemble des observations faites, depuis la mi-juillet — 382 — 1845, jusqu’au 11 janvier 1846, on trouve qu'elle est à l'Hôtel-des-Neuchätelois de . 0, 1810 par conséquent inférieure de #{ millim. à la moyenne du mouvement de l'été et de 31 millim. inférieure à celle du mouvement annuel, calculé d'après les trois années de 1842 à 1845 ; la même comparaison donne une différence de 17 millim. d'avec le mouvement annuel. Par consé- quent pour arriver au chiffre du mouvement annuel , faut pour combler le déficit de trois centimètres en moyenne , qu'il survienne, avant la mi-juillet prochain, un accroissement considérable qui excède de six centi- mètres la moyenne du mois de juillet à ce jour. Il est probable que cette accélération qui compense le mouve- ment d'hiver, a lieu au printems, et M. Desor annonce que toutes les mesures sont prises pour que les observa- tions se continuent jusqu'à la belle saison. Une discussion prolongée s'engage au sujet de cette communication, discussion à laquelle prennent part sur- tout MM. Desor, Agassiz, Guyot et Ladame. À propos des inversions de l’ordre des températures rapportées par M. Desor et observées aussi ailleurs, M. Ladame rappelle qu’elles sont très fréquentes dans notre pays, et qu'il ar- rive souvent que la montagne a une température supé— rieure de plusieurs degrés à celle des bords du lac. H croit qu’on doit en chercher la cause dans la distribution et l’ac- tion des vents. Des séries d'observations comprenant plu- sieurs années, montrent que, pendant qu'à Neuchâtel 1l souffle cinquante vents d'ouest pour cinquante bises, 1l souffle soixante-six vents d'ouest à la Chaux-de-Fonds. Cette prédominance des vents chauds du sud-ouest, sur les hauteurs, nous montre qu'il y aura un bon nombre de — 383 — fois où le vent chaud du sud-ouest, souffle à la Chaux- de-Fonds par exemple, pendant que le vent froid du N. Nord-Est souffle à Neuchâtel. Ces différences s’observent toujours plus fréquemment en hiver et au printemps, c'est-à-dire à la saison de la fonte des neiges qu'en d’autres temps. M. Desor pense que le foehn est un phé- nomène différent, et en quelque sorte exceptionnel; c'est non-seulement un vent chaud; mais aussi sec, comme l'indiquent les observations du roséomètre, et non point humide comme l’alisé de S.-0. Le tems, quand il souffle, est toujours serein, et l'air, à la montagne, est plus chaud que dans la plaine. M. Sacc présente à la Société de fort beaux cristaux d'acide succinique, obtenus par la méthode qu'il a décrite dans l’une des séances précédentes. Le même offre deux mémoires dont il est l’auteur, le premier, sur les propriétés physiques et chimiques de l'huile de lin; le second a pour titre: Expériences sur les parhes constituantes de la nourriture qui se fixent dans le corps des animaux. Il ÿ ajoute une troisième notice sur les eaux minérales de Soulzhbach , dans le Haut-Rhin, par M. Kirschleger et lui. À. Guyxor, secrétaire. Sur la demande de M. le président, M. le docteur de Castella rend compte des faits qu’il vient d'observer sur un bûücheron tombé d’une hauteur de 50 pieds à peu près et mort au bout de 36 heures de souffrances. Le médiastin antérieur était ecchymosé, ainsi que la partie antérieure de la colonne vertébrale. 1 y avait du sang 28 — 9384 — répandu dans la cavité gauche de la plèvre. Le foie était déchiré à quatre places ; l’une de ces déchirures avait en- viron deux à trois pouces de profondeur et contenait un caillot de sang. Le foie tout entier était ramolli. Un des reins était gorgé de sang. L'épaule droite était fracassée et la tête de l’humérus, littéralement réduite en bouillie. Le malade avait uriné beaucoup de sang. Malgré toute la gravité de ces désordres matériels, le malade n'en a pas moins conservé toute sa présence d'esprit jusqu'au dernier moment. F. SACC, secrétaire. Séance du 5 février 1846. Présidence de M. L. CouLon. M. Guyot rend compte d’un mémoire de M. Redfeld, sur les glaces flottantes de l'Atlantique, et les cou- rans qui les transportent. Il ajoute quelques considéra- tions sur l'influence qu'ont probablement la présence et la direction de ces glaces et des eaux froides qui les ac- compagnent sur le climat de l'Amérique septentrionale. M. Alfred Berthoud fait voir à la société l'ouvrage de M. Debret sur les races humaines du Brésil. M. Sacc communique verbalement à la société quel- ques réflexions sur l’usage du calome!. Avant d'entrer en matière, il jette un coup d'œil sur les remèdes mi- néraux les plus dangereux en usage dans la thérapeu- tique actuelle, et il rappelle qu’à raison de leur action si visiblement délétère, on n’administre jamais qu'à pe- — 385 — tites doses et avec précaution le sublimé corrosif (chlo- rure mercurique), l'iode et les préparations arsenicales. Relativement à ces dernières, il rappelle l'opinion an- cienne déjà de beaucoup de sages praticiens, qui affir- ment que l'usage des remèdes arsenicaux est en général toujours suivi des mêmes symptômes capables d'amener ou bien seulement d'accélérer la mort du patient. M. Sacc explique cet effet en admettant que l’arsenic se combine aux tissus d'une manière tellement complète, qu'il les mortifie, les empêche par conséquent de continuer leurs fonctions , et amène ainsi un trouble plus ou moins grand dans tout l'organisme. Les remèdes qu'on vient de passer rapidement en revue ne sont toutefois pas fort à redouter, parce que connaissant leurs effets, on ne les administre Jamais qu'avec réserve; il en est tout autrement du Ca- lomel, connu aussi sous le nom de mercure doux, et appelé par les chimistes chlorure mercureux. Ce composé, qui ne diffère du chlorure mercurique, qu’en ce qu'il contient un équivalent de chlore de moins que ce der- nier, est administré sans la moindre crainte par beaucoup de praticiens, qui ne connaissant pas son étroite parenté avec le sublimé corrosif, le font prendre souvent à haute dose. La chimie nous apprend que le chlorure mercureux est un composé si instable, qu'il se détruit en présence de presque tous les corps, surtout des substances orga- niques, des acides et des bases fortes, et qu’en consé- quence il est probable que son action doit varier beau- coup suivant l’état alcalin ou acide de l'estomac du malade, ainsi que suivant la nature des drogues avec lesquelles on le mélange , et suivant l’âge de ces prépa- rations. Des faits confirment ces données; tous les prati- — 380 — ciens savent que peu de purgatifs sont aussi infidéles que le calomel, dont l'effet souvent nul, est d'autres fois d’une violence si excessive, qu'elle ressemble à un empoison- nement. Un coup d'œil jeté sur les propriétés chimiques du calomel aurait donné la solution du problème. Beau- coup de praticiens preserivent le chlorure mercureux sans indiquer de régime approprié; deux exemples suf— firont pour prouver tout le danger qu'entraîne après elle cette manière de faire : un fiévreux reçut dans une pe- tite ville du grand-duché de Baden du calomel; puis, ayant une soif excessive, son médecin lui prescrivit une limonade acidulée avec du chloride hydrique : le malade mourut deux ou trois heures après, avec des coliques épouvantables et tous les symptômes de l'empoisonnement par le chlorure mercurique. Un autre malade auquel on avait aussi fait prendre du calomel, reçut un peu plus tard un lavement de sel de cuisine. Ce second malade mourut de la même manière que le premier. Faut-il s'étonner de ces empoisonnemens par le su- blimé corrosif quand on administre le calomel? pas du tout; il y a bien plutôt lieu d'être surpris que ces em- poisonnemens ne soient pas de beaucoup plus nombreux. En effet, comment agit le chlorure mercureux? jamais comme tel; car tout le monde sait que les matières in- solubles n’exercent en général aucune espèce d'action sur l'organisme; comment agit donc le calomel? comme su- blimé corrosif; voilà la réponse donnée par la chimie et appuyée par les deux cas d'empoisonnement que nous venons de rapporter. Le calomel arrive non altéré dans l’estomac, où il se trouve non pas seulement en présence de matières organiques, mais aussi d'acides, ou de leurs — 387 — sels alcalins, suivant l’état du suc gastrique ; placé dans l’une ou l’autre de ces conditions, qui sont d'ordi- naire réunies toutes trois dans le tube intestinal, le ca- lomel abandonne la moitié de son mercure, dont le chlore se porte sur l’autre moitié, avec laquelle il forme du su- blimé corrosif, dont l’action se dénote par une violente sécrétion de bile qui colore les selles en vert, et par des coliques, si la transformation du calomel en sublimé a été trop grande. Il est heureux qu’à raison de son in- solubilité le calomel ne se transforme jamais totalement, ni rapidement en sublimé ; car, si c'était le cas, l'empoi- sonnement serait l'effet régulier et inévitable de ce re- mède. On sait que le calomel préparé à la vapeur, ou par voie humide, est rejeté par la plus grande partie des praticiens, qui trouvent son action peu sûre, et en tous cas trop énergique ; ce fait appuie encore ceux qu’on vient de présenter, et qui tous se réunissent pour prouver que le calomel n'agit sur le tube digestif qu'à l’état de sublimé. M. Sacc conclut en disant que, comme chimiste, il demande qu’on n’administre plus le chlorure mercureux qu'avec la plus grande précaution, à très-petite dose, et toujours seul, puisqu'en donnant ce remède on expose dans tous les cas les malades, sinon à un empoisonne- ment, du moins, à l'effet délétère ou tout au moins dé- sagréable du sublimé corrosif. Cette communication soulève des débats auxquels pren- nent part surtout MM. les D'° de Castella et Borel, qui croient que l'usage du calomel n’est pas aussi dangereux que le dit M. Sacc, et s'appuient sur leur longue et cons- ciencieuse pratique pour en être fermement convaincus. — 008 — Tous les deux n'administrent d’ailleurs jamais ce remède qu'à fort petite dose. A. Guyot, secrétaire. M. Agassiz fait ensuite un rapport sur un mémoire de M. J. Muller, professeur d'anatomie à Berlin. Ce mé- moire présente une série de faits relatifs au larynx im- férieur des oiseaux que Cuvier avait cru être un carac- tère distinctif de tous les oiseaux chanteurs. C'est en s'appuyant sur l'existence du larynx inférieur chez les oiseaux chanteurs, que Cuvier s'était décidé à les sépa- rer d'avec les Coraciens et les Grimpeurs ; eh bien, M. Mul- ler vient de découvrir et de prouver que ce caractère n’a aucune espèce de valeur, puisqu'il est dépendant de cir- constances toutes locales ; ainsi, par exemple, on aurait trouvé le larynx inférieur fort développé chez tous les Mus- cicapa d'Europe, et voici que cet organe n'existe pas chez les espèces américaines de cette famille; de même encore certains Corvus de l'Amérique possèdent le larynx infé- rieur, qui manque aux Corvidées d Europe, à l'inverse de ce qui arrive aux Muscicapa. Il y a plus, c’est que beau- coup d'oiseaux grimpeurs, tels que les Perroquets, ont un larynx inférieur beaucoup mieux développé que celui des Becs-fins, qui sont les chanteurs par excellence. Ces faits prouvent que la division établie par Cuvier pour les oiseaux, et basée sur la présence ou l'absence du larynx inférieur, est à revoir, puisqu'elle s’appuie sur une erreur. Cette division aurait d'ailleurs eu à subir de nombreuses modifications, lors même qu'on l'aurait main- tenue, parce que le larynx inférieur est conformé diffé- remment chez les divers oiseaux qui possèdent cet organe. — 389 — M. Hollard, professeur, s'étonne de ce qu'on ait con- servé aussi longtemps une division des espèces basée sur un caractère unique, comme celle que Cuvier avait établie, en en prenant pour base l'existence du larynx inférieur. M. Hollard fait sentir toute la nécessité qu'il y a à n'a- dopter pour les classifications que des cadres larges et basés sur des caractères généraux et bien saillans. Pour établir des groupes parmi les oiseaux chanteurs , c’est le larynx supérieur qu’il faut étudier, parce que c’est lui qui modifie la voix, que le larynx inférieur ne fait que lui envoyer. A la fin de la séance M. le professeur Agassiz fait voir le bel ouvrage ornithologique que M. des Murs publie maintenant sous le nom de Planches Peintes. Cette ma- gnifique iconographie des oiseaux rares appartient à M. LS Coulon, père, qui a bien voulu la communiquer à la Société. F. Sacc, secrétaire. Séance du 19 février 1846. Présidence de M. L. CouLOoN. M. le secrétavre donne lecture des procès-verbaux de la section de la Chaux-de-Fonds. A propos de la com- munication de M. Nicolet, sur les ossemens trouvés dans les cavernes de Mancenens et de Vaucluse, dans le Jura, M. Guyot attire l'attention sur quelques observa- tions qu'il serait utile de constater au sujet des cavernes à ossemens. 1° On prétend que les cavernes ossifères ne se ren- contrent que dans une certaine zône de niveau, supé- — 390 — rieure au fond des vallées et inférieure aux sommets ; au-dessus et au-dessous , les cavernes, d’ailleurs abon— dantes, sont dépourvues d'ossemens. Il serait done es- sentiel de déterminer exactement le niveau relatif et ab- solu de ces cavernes, ainsi que les autres circonstances physiques dans lesquelles elles se trouvent. Si cette cir- constance est exacte, elle pourrait nous conduire à quel- ques conclusions importantes sur la cause du phénomène et le mode d'action de l'agent auquel on doit attribuer l'extinction de ces animaux et la réunion de leurs osse- mens dans ces cavernes. | 2° Les animaux enfouis dans les deux cavernes citées par M. Nicolet, semblent confirmer le fait que les osse- mens des cavernes appartiennent à des animaux, qui pour la plupart supposent, par leurs analogues, un climat plus froid. On a trouvé dans les cavernes du Jura lPElan, le Renne même. L'époque de l'existence de ces animaux se- rait done, non l'époque tertiaire, plus chaude, mais bien l'époque diluvienne et spécialement peut-être celle des grandes glaces. M. Guyot présente à la société la carte des pays où se trouvent les sources du Nil, de Zimmermann; il fait un rapport verbal sur les progrès des découvertes, depuis 1840, dans ces régions si inconnues et sur la topogra- phie de cette partie de l'Afrique, telle que nous permet de la construire l’état actuel de nos connaissances. A. GüyorT, secrétaire. M. le D' Borel fait une communication relative à un cas de rage, qui s’est présenté au commencement de l'an- née, dans une maison isolée, sise au Pont près de la — 391 — Brévine. La malade est une femme qui fut mordue en novembre 1845 par un chat qu'elle avait perdu depuis quelques jours, et qu'elle retrouva tapi au fond d’une remise. Voulant le faire sortir de force de sa cachette, elle le frappa; au moment même le chat s'élanca et la mordit très-fortement au bras. Le chat périt quelques jours après. La plaie du sujet observé saigna beaucoup, et le bras enfla fortement. Au dixième jour le bras parut tout à fait guéri. Sept semaines après l'accident, dans la soirée du 3 au # janvier de cette année, la malade éprouva des douleurs vives dans la main et dans l'épaule ; puis elle eut des frissons, éprouva du serrement à la gorge et de l'anxiété. Le surlendemain survint de la gêne dans la déglutition et une envie de boire, que la malade ne pouvait satisfaire, parce que la vue seule de l’eau lui don- nait des étouffemens, et qu’elle avait une grande hor- reur pour tous les liquides. La sensibilité nerveuse était telle que le moindre mouvement dans l'air était excessi- vement pénible à la malade. Le 6 janvier la malade se trouvant mieux, put avaler un peu de liquide et même manger; dans la soirée, les symptômes s'aggravèrent beaucoup ; le délire survint. Le 7 janvier l'horreur pour les liquides s’accrut encore, ainsi que la sensibilité ner- veuse , il survint des crachottemens, et la malade suc- comba enfin, 72 heures après l'apparition des premiers symptômes. Des préjugés bien ridicules s'étant opposés à ce qu’on fit l’autopsie du cadavre, on ne put lui de- mander la confirmation de la réalité de ce cas de rage, bien établi d’ailleurs par le procès-verbal que fit dresser immédiatement l’autorité. Le maire de la commune eut la sage précaution de faire tuer sur-le-champ tous les _— 9392 — chiens et les chats appartenant à la maison où venait de sévir si cruellement cette horrible maladie. M. Sacc rapporte ensuite quelques observations sur le danger qu'il y a à se servir d'eaux corrompues. Il y a quelques années déjà, que M. le D' de Castella a ap- pelé sérieusement l'attention du conseil de santé sur le danger qu'il y a à laisser subsister des puits perdus dans les parties basses de la ville de Neuchâtel, dont ils infec- taient les eaux, au point qu'on pouvait attribuer à l’u- sage de ces eaux putréfiées, l’activité avec laquelle la fièvre typhoïde sévissait dans cette partie de la ville. L'effet nuisible des eaux croupissantes a été constaté tant sur les hommes que sur les animaux; c'est à elle qu'on doit presque toujours attribuer le charbon des bêtes à cornes. Comment agissent les eaux de cette nature? pro- bablement en communiquant aux êtres organisés le mouvement de décomposition qui se passe dans leur sein, ainsi que l’admet M. Liebig. Sans nous inquiéter de la cause qui donne aux eaux corrompues leur pro- priétés délétères, nous ajouterons un seul fait à tous ceux qui prouvent combien elles sont nuisibles. La partie haute de la ville de Strasbourg est entourée d’un fossé plein d’eau qui en reçoit toutes les immondices, en sorte que cette eau basse et stagnante est infecte en été. Les eaux de ce canal s'élèvent au printemps et en automne par suite des pluies et pénètrent alors dans les puits qui alimentent toute cette partie de la ville ; l’eau qu'on en tire a une saveur fade, une odeur nauséabonde; expo- sée au contact de l’air, elle laisse déposer un limon ver- dâtre et infect, qui est composé de petites conferves et — 393 — de matières mucilagineuses abondantes. Eh bien, l'épidé- mie de fièvre typhoïde qui désole ce quartier correspond justement aux époques de l’année où les eaux des puits se gâtent; ne peut-on pas en conclure qu'elles sont la cause de cette maladie? Revenant à l'application de ces prin- cipes à la ville de Neuchâtel, M. Sacc pense qu'on pour- rait empêcher totalement l'infection des eaux potables du bas de la ville, en supprimant les puits perdus, qui pa- raissent y subsister encore, et surtout en substituant aux fosses d’aisance actuelles, des fosses mobiles qu'on enlé- verait chaque jour, après en avoir désinfecté le contenu avec des terres charbonneuses, ou mieux, avec du sulfate ferreux. On conserverait de cette manière un engrais ex- trêmement précieux, qu’on jette actuellement comme une matière dépourvue de toute espèce de valeur. M. le D' Borel ne pense pas que l'usage d'eaux cor- rompues soit la cause unique du développement de la fièvre typhoïde, parce qu'il a vu des cas de cette maladie dans les parties hautes de la ville, dont les habitans ne boivent que de l’eau parfaitement pure. Quant à ce qui est de la suppression des puits perdus, il dit qu’elle a été effectuée tôt après la communication de son rapport au Conseil de ville, ensorte que ces foyers d'infection n'exis- tent plus. M. Guyot présente à la société, de la part de M. le pasteur de Gélieu, un numéro de la Bienen Zeitung, Gazette des abeilles, qui se publie maintenant en Alle- magne, et qui ne traite absolument que de la culture de ces insectes. M. de Gélieu désirant répandre autant que possible la connaissance de cet utile journal, demande que . — 394 — la société veuille bien faire un rapport sur lui, ou tout au moins en faire connaître l'existence à toutes les per- sonnes qu'elle peut intéresser. Plusieurs propositions ten- dant à remplir le but de M. de Gélieu sont faites et reje- tées; on décide enfin, sur la proposition de M. Desor, qu'on imprimera le prospectus de cette gazette sur le ré- vers de la couverture des Bulletins de la société. Sur l'invitation de M. le président, M. le D' de Castella rend compte de deux observations médicales envoyées par la section de la Chaux-de-Fonds; l’une de M. le D' Du- Bois et l’autre de M. le Dr de Pury. La première est relative à un individu affecté d’angine de poitrine, qui a succombé subitement. | Après avoir retracé briévement l'historique de l’angine de poitrine, le D’ DuBois rapporte le fait qu'il a observé. Son malade a eu pendant environ un an des accès , qui au début de la maladie consistaient uniquement dans des étourdissemens, que la saignée etles exutoires n'ont point soulagé : plus tard, lorsque l’accès le prenait, il avait une douleur très-vive dans la région du cœur, et au bras gauche jusqu'au coude; son pouls était très-irrégulier et intermittent dans les paroxismes : il mourut subitement dans un accès. À l’autopsie faite 24 heures après la mort, M. DuBois a trouvé le corps dans un état de putréfaction très-avan- cée; toute la peau œdémateuse; le cœur était énorme, tout-à-fait blanc; il avait passé presque complètement à l'état gras, et ressemblait à une masse de suif; les val- vulves et les artères coronaires étaient dans l’état normal. Si ce cas peut être rangé parmi ceux d'angine de poi- — 395 — trine, 1l prouve, comme tant d’autres, que cette maladie dépend d'un vice organique du cœur. Dans la seconde observation, M. le D' de Pury, après avoir décrit l'asthme thymique et cité les auteurs qui ont fait de cette affection une maladie particulière, rapporte le cas d'un enfant âgé de cinq mois, qui, depuis sa nais- sance, avait la respiration habituellement gênée et sif- flante, devint sujet à des accès de suffocation, et suc- comba subitement pendant la nuit à un de ces accès. A l'autopsie, M. le D' de Pury a trouvé le thymus du volume d’un gros œuf de poule. Il attribue à ce dévelop- pement du thymus la mort de l'enfant. M. le D' DuBois, dans la discussion qui a eu lieu sur ce fait dans la sec— tion de la Chaux-de-Fonds, séance du 27 décembre dernier, l’attribue plutôt à des convulsions. A l'occasion des deux observations rapportées ci-des- sus, M. le D' de Castella communique à la société deux cas d'angine de poitrine qu'il a eu occasion d'observer, et cite des cas de eroup récens qui constituent une véritable épidémie croupale existant à Neuchâtel actuellement. 1e Observation d'angine de poitrine. Es rt , âgé de 72 ans, d’un tempérament bilioso-— nerveux, sujet à la goutte et à la gravelle, ayant eu dans sa jeunesse des affections syphilitiques, éprouva pour la premiére fois en juin 1844 une violente oppression accompagnée d'une‘douleur vive derrière le sternum, qui s’étendait à la partie moyenne des bras, son pouls était fort et plein. Une forte saignée et quelques antispasmo- diques firent cesser cet accès. En mars 1845, l'oppres- sion se manifesta de nouveau subitement, et toujours — 396 — accompagnée d’une pression douloureuse derrière le ster- num, qui s'étendait sur les côtés de la poitrine, au dos et aux bras; alors un mouvement de terreur s’emparait du malade, qui croyait étouffer à tout moment ; le pouls quoique plein était peu accéléré, et la respiration n'était pas bruyante, il n'y avait point de toux. Pendant huit jours les accès se sont répétés fréquemment le Jour et la nuit, et le malade a succombé dans le désespoir, malgré Ja saignée, les ventouses et les antispasmodiques, même lopium. A l’autopsie on a trouvé une légère hypertrophie du ventrieule gauche du cœur sans ossification des valvules, ni de l'aorte. Cette artère était dilatée, mais d’une ma- nière uniforme ; elle avait deux fois son calibre ordinaire, et offrait à sa face interne des ulcérations et des cicatrices nombreuses qui s’étendaient, depuis son origine, jusqu'au delà de sa courbure : ces ulcérations avaient deux, ou trois lignes de diamètre; leurs bords étaient, les uns fran- gés, les autres coupés à pic et pénétraient jusqu'à la membrane cellulaire de l'artère ; les cicatrices qu'on re- marquait dans l'intervalle des ulcérations étaient d’un blanc mat ; elles s’étendaient sur l’orifice des troncs artériels qui partent de l'aorte ; l’orifice des artères coro- naires en était entouré. Cette altération de l'aorte a très-probablement été la cause de l’angine de poitrine dont le malade a été at- teint. Le second cas rapporté par M. le D' de Castella est celui de M. Roy le père, négociant très-estimé à Neuchâtel, âgé de 61 ans, d’une forte constitution, qui, en février 1821, a succombé, en neuf jours, à des accès d'angine — 397 — de poitrine, qui le prenaient subitement, et ne duraient que quelques minutes. Une vive douleur se faisait sentir dans la région sternale, s'étendait aux bras, surtout au gauche; la respiration était comme suspendue pendant quelques instans, et le malade éprouvait beaucoup d’an- goisse. Il mourut subitement au milieu de la nuit, dans un accés. A l’autopsie on ne trouva aucun vice organique; si- non, une rougeur foncée très-vive de la membrane in- terne des bronches et de la trachée-artère, rougeur qui se faisait aussi remarquer sur la membrane interne de l'aorte. M. Roy venait d'établir une machine à décatirles draps ; il allait passer une partie de la journée dans le local où cette machine fonctionnait; la température en était très-élevée; peu de jours après, il fut pris du premier accès d’angine de poitrine, en montant dans son galetas, où il ne put arriver; dés lors les accès se succédèrent jusqu'à sa mort. Son fils et son commis, qui comme lui avaient séjourné dans le même local et s'étaient occupés du décatissage des draps, offrirent aussi assez longtemps des accès d'angine de poitrine, mais ils ont été guéris. Les symptômes d’angine de poitrine, qui ont caracté- risé la maladie de M. Roy, celle de son fils et de son commis (le commis à été observé par M. le Dr Borel, qui a assisté à l’autopsie du père Roy et soigné son fils, de concert avec M. le D' de Castella), doivent-ils être attri- bués à une affection nerveuse des poumons et du cœur, produite par la haute température dans laquelle ils ont séjourné pour décatir leurs draps? La rougeur foncée de la membrane interne des bronches et de l'aorte ne prou- — 398 — verait-elle pas qu'il y a eu stase du sang noir dans les capillaires, et que l’oxigénation du sang n'a pas pu se faire, ce qui a produit l'asphyxie, la paralysie du cœur et la mort. Jurine a observé le même symptôme, et il pense que le défaut d'oxigénation du sang est la cause des ac- cès d’angine de poitrine; aussi conseille-t-1l de faire respirer aux malades un air chargé d'oxigène. Dans les nombreuses observations citées dans son mémoire, on trouve presque toujours à l'ouverture des cadavres un sang noir et fluide. Jusqu'ici on n’a pas envisagé l'emphysème pulmonaire comme pouvant déterminer l’angine de poitrine. M. Bo- nino l’envisage comme cause de l'asthme héréditaire (voir la Gazette médicale, année 1845, page 489), et porté à un haut point, il dit qu'il détermine l'asphyxie. M. le D: de C.... a trouvé dernièrement un emphysème inter— lobulaire considérable, chez un enfant de six ans mort du croup, et sur lequel il avait pratiqué la trachéotomie, qui a prolongé encore trois jours et demi la vie de l'enfant menacé de périr de suffocation au moment de l'opéra- tion. Plusieurs fausses membranes avaient été expulsées par la canule de M. Trousseau, la respiration était rede- venue libre. L'emphysème à l'intérieur de la poitrine s’étendait jusqu'aux fausses côtes; à l'extérieur, il occu- pait le médiastin et pénétrait dans le tissu pulmonaire ; en passant avec le manche du scapel à la surface du pou- mon, on ramassait de grosses bulles d'air, qui se dé- plaçaient facilement sous la plèvre ; la muqueuse des bronches et de la trachée-artère était d’un rouge foncé, comme chez M. Roy; il n'y avait ni fausses membranes ni mucosités purulentes dans les bronches. Pendant les — 399 — trois jours et demi qui ont succédé à la trachéotomie, l’en- fant a eu, vers le soir surtout, des accès de suffocation très-prononcés : à la fin la respiration s’est affaiblie, ce qui a amené la mort. M. le D' de Castella pense que, dans ce cas, l'emphysème pulmonaire a contribué pour beau- coup à la mort de l'enfant, et a empêché le succès de la trachéotomie, que l'on avait espéré un moment. F. Sacc, secrétaire. Séance du 5 mars 1846. Présidence de M. L. CouLon. M. Guyot fait voir à la société l’atlas de la Grèce an- cienne de Kiepert, et donne quelques renseignemens sur ce bel ouvrage, ainsi que sur les autres travaux de ce géographe. | M. Guyot analyse verbalement un mémoire de M. Mahl- mann sur le climat et la végétation du Khanat de Bou- khara , tel qu'il résulte des observations du major Cha- mkoff. Ces observations climatologiques, tout incomplètes qu'elles sont encore, tirent un grand intérêt du défaut presque absolu dans lequel nous sommes d'observations positives sur le climat des latitudes moyennes de l'Asie au sud de la Sibérie. Elles nous donnent de plus, de nouvelles lumières sur la distribution géographique des plantes propres à ces contrées, d’ailleurs peu visitées par les Européens. C'est ainsi que les observateurs russes qui, dans l’espace de peu d'années, ont livré de si importans matériaux pour la climatologie de la Sibérie méridionale, augmentent de jour en jour nos connaissances sur les par- ties de l'Asie les moins connues sous ce rapport. C'est 29 — A00 —: à eux encore que la science doit les premières observa- tions continues et dignes dé foi qui aient été faites sur la côte orientale de l’Asie, à Pékin et même dans l'Asie cen- trale. Il résulte des renseignemens donnés par M. Chanikoff que le climat de Boûükhara quoique chaud, l’est moins cependant qu’on ne pourrait l’attendre d'une contrée située sous le 390 46/ latitude nord, et à 1100 pieds d’éléva- tion au-dessus de l'Océan. Il porte à un haut degré le caractère continental. L'hiver y est rude, l'été brûlant. Les extrêmes (min.— 18,6 Réaum. max. + 31° R.) sont très-distans et les variations brusques ; les vents du nord y sont presque constans; les plus violens cependant souf- flent du nord-est. L'air y est d'une grande sécheresse, malgré des irrigations artificielles assez nombreuses dans les régions cultivées. Le ciel, habituellement d'une grande pureté , favorise singulièrement les observations astrono- miques. Les premières gelées ont lieu à la fin de novembre; la neige y tombe, mais atteint rarement un pied, à un pied et demi de profondeur. La gelée nocturne dure pres- que jusqu'à la fin d'avril. La pluie est rare, et tombe plutôt au printemps. Les arbres se revêtent de leurs feuilles à la fin de mars, dans la dernière décade, et dans la première quinzaine d'avril. Néanmoins ce climat nourrit dans les jardins de Bou- khara les plus beaux fruits du midi : le mûrier, le figuier, le grenadier, la vigne, des melons célèbres, le coton, le riz, la pistache, les abricots, on ajoute même des dattes. Le tigre du Bengale se montre parfois dans ces régions. Si l’on compare ce climat tel qu'il est de nos jours — AO — avec la peinture que nous en ont laissée les Arabes, en particulier Ebn Haukal, qui dans le cours de ses longs voyages avait pu le comparer à beaucoup d'autres, il semblerait que ce climat a subi quelque détérioration, car ils nomment cette contrée le plus beau des quatre Paradis de l'Islam : louange qui doit aujourd'hui nous paraître singulièrement exagérée. À. Guxor, secrétaire. M. Théremin présente à la société deux diamans qu'il a rapportés du Brésil ; l'un d'eux est encore dans sa gangue, appelée cascalho; l'autre, qui est libre et cris- tallisé en cube, présente le phénomène bien remarquable d'un cristal enchâssé dans un autre, de manière à ce que les angles du premier sortent par le milieu des faces du second , ensorte que leurs arêtes figurent une espèce de croix de St.—-André. A l’occasion de la communication de M. Théremin, M. Sacc fait part à la Société des réflexions suivantes sur le carbone : La nature offre le carbone pur cristallisé sous forme de diamant et de graphite; amorphe, sous forme d’anthra- cite; impur, à l’état de houille et de lignites. Il n’y a pas de corps simple qui s'offre sous des aspects plus divers, et avec des propriétés plus opposées que le carbone. Cristal- lisé, il constitue dans le diamant un corps incolore ou fort peu coloré, réfractant fortement la lumière, et n'ayant aucune espèce d'action sur les fluides colorés ou odorans, non plus que sur les gaz. Amorphe et très-divisé, comme on l'obtient, par exemple, en calcinant des bois, il absorbe avec force les rayons lumineux et calorifiques, les gaz , les — 402 — matières colorantes, et la plupart des substances odo- rantes. Le diamant ne brûle qu'avec peine, et seulement dans l'oxigène pur; le carbone amorphe alimente la flamme de nos foyers et celle de tous les hauts-fourneaux. En présence de ces singulières propriétés du carbone, on se demande si ce n’est pas à la faculté que le carbone possède de changer de forme, qu'il doit de pouvoir pro- duire, en s’unissant avec l'hydrogène, l’oxigène et l'azote, ces composés organiques, qui, quoique formés d'élémens identiques , se manifestent à nos sens avec des propriétés très-diverses et sont en si énorme quantité, que l’imagi- nation la plus hardie en est effrayée. | Les diamans n’ont été trouvés jusqu'ici que dans des terrains d’alluvion, où on les rencontre avec des zir- cons, des éméraudes et d’autres pierres précieuses , qui caractérisent les roches anciennes, et semblent prouver que le diamant a la même origine qu’elles. Il y a deux ans, un Prussien, qui voyageait au Brésil, découvrit des diamans enchâssés dans une roche d’itacolumite , qui est formée par l’agglomération de grains d’une espèce desilice assez hydratée. On crut alors que tous les diamans s’é- taient formés dans l’itacolumite ; mais cette erreur ne put durer longtemps, parce que cette roche doit être une formation assez récente, comme toutes les roches sili- ceuses hydratées, ensorte qu’il est impossible d'admettre que les diamans et les autres pierres précieuses qu'elle renferme , se soient formées dans son sein ; il est beau- -coup plus probable qu’à mesure qu’elle s’est formée, l'r- tacolumite les a entraînés et retenus mécaniquement. Le diamant paraît avoir été formé par la solidification lente du carbone gazeux, ou liquide, qui peut avoir existé — 403 — lors de la formation du monde, et avoir échappé, sous d’é- paisses couches de roches fondues, à l'action oxidante de l'oxigène de l'air, qui a transformé aussitôt en acide carbo- nique, tout le carbone qui entrait directement en contact avec lui. Il paraît que le refroidissement des diamans a été plus rapide pour les uns que pour les autres, puisqu'on en trouve dont la cristallisation a été confuse; elle s’est donc opérée, pour ces derniers, sous l'influence d'un re- froidissement trop rapide pour que toutes les parties de ce minéral aient eu le temps de se disposer les unes à côté des autres assez régulièrement pour permettre le cli- vage. On brise ces diamans dans de petits mortiers d'acier, et on prépare ainsi une poudre appelée égrisée; elle sert à polir le diamant et en général toutes les pierres pré- cieuses dures. On appelle diamans en rose, ceux qui n'ont qu'un côté taillé en facettes et l’autre plat, et diamans en bril- lans, ou brillans, ceux qui sont taillés des deux côtés; ils sont, de tous les plus recherchés. On distingue dans les brillans trois parties : le pavillon ou partie supérieure, la culasse ou partie inférieure, et le bord qui se trouve entre ces deux parties. Lorsqu'on achète des diamans de prix, il faut toujours les démonter pour s'assurer qu'ils sont d'une seule pièce, afin d'éviter d'être trompé ; car on a vu des brillans dont le pavillon était une rose et la culasse, une pièce faite avec du quartz brillant, connu sous le nom de caillou du Rhin. Les diamans taillés ont une valeur double de celle qu'ils auraient à l’état brut. On pèse ces pierres pré- cieuses avec des poids spéciaux appelés carats, du nom des graines d'une plante (Erythrina) qui servent à peser — 404 — les diamans dans les pays chauds. Le carat vaut à-peu- près quatre grains, soit grains 0,2065#%. On paie, en général, les diamans d’un carat #8 franes de France; au-delà, leur valeur se calcule en élevant leur poids au carré, ensorte qu'un diamant de deux carats vaut déjà 192 francs de France; aussi le prix des diamans un peu gros est-il vraiment fabuleux. Le graphite est du carbone cristallisé en paillettes; il est noir et fort dur, quoiqu'il le soit moins que le dia- mant; on l'emploie à la préparation des crayons de mine de plomb et des creusets réfractaires, dits de plombagine. Il se forme quelquefois dans l'intérieur du car en briques des hauts-fourneaux. Les houilles sont sans doute produites par la décompo- sition lente, ou la putréfaction, sous l'influence de l’eau salée, de grands amas de plantes celluleuses, telles que les varecs et les fucus. Les lignites proviennent de l’enfouissement spontané de forêts entières. L'anthracite paraît être due à une décomposition assez avancée des lignites, pour que toutes leurs parties hydro- génées aient disparu , de manière à ne laisser que du charbon presque pur. Ces trois espèces de charbon sont loin d'être pures; les deux premières contiennent des substances formées"de carbone, d'hydrogène et d'azote, avec plus ou moins d'oxigène ; toutes les trois laissent, quand on les brûle, une forte proportion de cendres. Il est facile de distinguer les houilles d'avec les lignites el l’anthracite quand on les soumet à la distillation ; les houilles donnent alors beaucoup de carbure hydrique, qui AR — À05 — brûle avec une belle flamme rouge; les lignites ne pro- duisent guëre que de l’oxide carbonique, qui brûle avec une flamme bleue, et l'anthracite ne donne pas de gaz, parce qu'il est formé presque tout entier de carbone pur. M. Sacc présente ensuite le tableau des principales formes cristallines du diamant. Ce tableau fait partie de ‘excellent Traité de Minéralogie, par M. Dufrenoy. À la suite de ce mémoire, M. Ladame parle de l’allo- tropie, et soulève plusieurs questions fort graves sur quel- ques parties de la théorie chimique, et en particulier sur la nature des corps qu'on regarde actuellement comme simples. M. Sacc ne partageant pas dans toute son éten- due cette manière de voir, il s'élève une discussion, que M. Ladame termine en promettant un mémoire étendu sur ces queslions. F. Sacc, secrétaire. Séance du 19 mars 1846. Présidence de M. L. CouLon. M. Sacc fait hommage à la société, au nom de M. le Prof. Will, du mémoire que ce savant vient de publier sur l'huile essentielle de moutarde. Sur l'invitation de M. le président, M. Sace fait lec- ture d’un rapport dans lequel M. Favre analyse, sur la demande de la section de la Chaux-de-Fonds, un mé- moire de M. Robert sur un moyen de découvrir immé- diatement le lieu où sont les incendies de nuit. M. Ladame, ainsi que M. d'Osterwald, approuvent beaucoup la sage critique qu'a faite M, Favre de ce mémoire. Les plans relatifs au projet de M. Robert sont mis sous les yeux de la société (”). (*) Voir plus bas Bulletin des séances de la section de la Chaux-de-Fonds. — 406 — M. d'Osterwald offre à la société de publier dans ses mé- moires les observations barométriques faites l’année der- nière au Mont-Blanc, par MM. Martins et Bravais : obser- vations que ces savans lui ont remis avec plein-pouvoir d'en faire ce qu’il jugerait bon. Ces observations présen- tent entre elles des différences assez grandes pour néces- siter des révisions que M. d'Osterwald se charge de faire de concert avec MM. Guyot et Ladame. M. Sacc présente une note critique sur le mémoire que vient de publier M. le Prof. Gobley sur l'analyse du jaune d'œuf. Il y a quelques semaines que M. Gobley, Prof, agrégé à l’école de pharmacie de Paris, a présenté à l'académie un travail fort intéressant sur l'analyse du jaune d'œuf qu'il a trouvé composé de: Eau , ..0281.penu LED sys 51,486 dde 2 Lung © 10700 Margarine et oléme . . . . 21,304 Dantesietiher "7 0. Ve Acides oléïque et margarique . 7,226 Acide phosphoglycérique . . 1,206 Chlorure ammonique . . . 0,034 Chlorures sodique, potassique et sulfate potassique . . . . 0,277 Phosphates calcique et magné- RS Mise il or ROUE Extrait de viande .21. : "7%" 0,400 Ammoniaque, matière azotée, matière colorante, traces d’a- cide lactique, de fer, etc. . 0,839 100,000 — 407 — Deux choses frappent quand on lit le mémoire de M. Go- bley ; c’est d’abord qu'il admet dans le jaune d'œuf l'exis- tence d’un acide, et ensuite qu'il ne s’est pas occupé de la composition de l’albumine des œufs qu'il analysait, non plus que de la nourriture des poules qui lui fournissaient les œufs nécessaires à son travail. Bien plus, il ne dit pas quel était l’âge des œufs dont il s’est servi, et paraît ignorer s'ils ont été fécondés ou non. M. le Prof. Gobley termine son mémoire en disant qu'il va s'occuper d'étu- dier les modifications qu'éprouvent, sous l'influence de la vie, les divers principes qui constituent l'œuf, Avant de passer à l'analyse de ce mémoire, nous pré- senterons une petite note sur le dosage de quelques-unes des parties de l'œuf de poule; cette note fait partie d’un travail étendu que nous espérons avoir l'honneur de communiquer bientôt à la société. | Deux œufs d'une poule de la variété naine, dite an— glaise ou pattue, pondus, l’un le 2, l’autre le 3 mai, ont été cuits le #; ils pesaient alors: l’un gr. 31 ,5627, l’autre gr. 32,8816; en moyenne 32,2221. La poule pesait er. 672,1550; en représentant son poids par 400, on voit que celui de l'œuf doit l'être, par 5 parties, et celui du jaune d'œuf par une. Les jaunes de ces deux œufs pesaient ensemble : gr. 19,8850; après avoir été traités par l’éther, ils ne contenaient plus que gr. 3,6614 d'albumine, et d’autres matières insolubles dans l’éther. Dans la solution se trouve une substance grasse, qu'on a obtenue en évaporant la liqueur dans un courant d'acide carbonique, afin que l'huile ne s’oxidât pas. Le résidu est formé de deux graisses, dont l’une est beaucoup plus fluide que l’autre; — 408 — ce résidu pèse gr. 6,8798. Obtenue de cette maniére, l'huile d'œuf est d'un beau jaune orangé; elle absorbe l’oxigène de l'air avec une rapidité extraordinaire et en se résinifiant. Elle a une forte odeur de phosphure hy- drique, ce qui donne à croire qu’elle contient une assez grande quantité de phosphore libre ou combiné, L’eau dosée directement et par perte pesait gr. 9,3438. En conséquence des faits établis par cette analyse, un jaune d'œuf pesant gr. 9,9425 contient : Matières insolubles dans l’éther gr. 1,8307 Matières solubles dans l’éther » 3,4399 ir. 1° Anbthsen-sésat td casfe où “e-pui 2 » 4,6719 gr. 9,9425 Soit en centièmes : Rapport. Matières insolubles . . 18,4128——9 Matières solubles . . . 34,5979——% OT VE ren 46,9893——5 100,0000 Les œufs qui font le sujet de cette note provenaient d'une nourriture composée exclusivement d'orge, depuis quatre mois; ils ont donc été faits avec ce grain. M. le Prof. Gobley admet l'existence d’un acide dans le jaune _ d'œuf, quoiqu'il dise lui-même que ce corps n'a pas la moindre action sur les papiers réactifs. Quand on chauffe le jaune d’œuf au contact de l’eau, il s’acidifie, voilà la raison pour laquelle M. Gobley admet dans le jaune l'existence d’un acide qui ne s’y trouve pas, et qui ne peut pas exister, parce que, s'il s’y formait, il serait aus- sitôt neutralisé par les alcalis que contient en grande abondance l’albumine. L'erreur commise par M. Gobley — 409 — est grave, puisqu'elle tend à infirmer ce fait établi pour tous les êtres organisés, c’est que la vie ne se développe jamais dans un milieu acide, tandis qu’au contraire la présence des alcalis en petite quantité est favorable à son développement. IL est probable que si M. Gobley avait fait des analyses avec des œufs provenant de différentes basses-cours, il n’au- rait pas obtenu des résultats aussi concordants que ceux qu’il expose dans son analyse, et je suis certain que s'il répète jamais ses recherches, il n’arrivera jamais à trou- ver des nombres semblables à ceux qu'il vient de publier. Il n’a pas tenu compte de l’âge des œufs dont il s'est servi, et cela aurait été fort nécessaire; car l’'évaporation leur fait perdre beaucoup de leur poids, surtout quand on les laisse dans une chambre chaude. M. Gobley ter- mine son mémoire en promettant d'étudier les métamor- phoses des principes constituans du jaune d'œuf, sous l'influence de la vie, et j'affirmé qu'il ne parviendra à aucune espèce de résultats, s’il ne s'occupe pas de l'ana- lyse de l'œuf tout entier; car pendant l’incubation, le poulet, qui se développe dans le jaune, absorbe toute l'al- bumine, qu'il transforme en fibrine; l'étude de ces deux principes de l’œuf ne peut donc point être séparée. M. Gobley à trouvé dans le jaune d’œuf un acide qui se produit quand on le chauffe au contact de l'air; puis un peu plus loin, il paraît tout surpris de découvrir en-— core de l’acide phosphoglycérique, et des acides oléique et margarique. La réponse précède ici la question; elle se trouve justement dans cette acidification du jaune d'œuf, au, contact de l'air, lorqu’on admet avec nous, que le phosphore se trouve dans le jaune dissous dans l'huile, — MO — sous forme de sulfide, qui, en s’oxidant, produit de l'acide phosphorique et du soufre. Mais, au moment où il se forme, cet acide phosphorique, se trouvant en présence de la margarine et de l’oléine, les décompose et leur enlève leur glycérine, avec laquelle il produit de l'acide phosphoglycérique, et met alors en liberté ces acides oléique et margarique, qui n'existent point dans le jaune de l'œuf frais; mais qui s’y produisent quand on en fait l'analyse, comme M. Gobley, au contact de l'air. Pour apprendre de quelle maniére les principes du jaune d'œuf sont groupés dans son sein, il faut opérer à l'abri du contact de l’air ; c’est ce qui rend cette étude si difficile; c'est aussi ce qui amène des différences si grandes entre les chiffres fournis par les nombreux au- teurs qui se sont occupés de ce genre d'analyse. Il est à regretter que M. Gobley n'ait pas tenu compte des con- ditions dans lesquelles il a fait cette analyse, qu'il a con- duite avec tant de zèle et de patience, et qui l'a amené à la connaissance de quelques faits très-curieux. A. Guyot, secrétaire. Séance du 2 avril 1846. M. le secrétaire donne lecture d’une circulaire adres- sée à la société par M. O. Heer, par laquelle il invite, au nom de la société helvétique, la société neuchâteloise à provoquer des observations sur les phénomènes pério- diques de la nature, d’après les instructions de Quetelet. Il prie la société de faire traduire en français, d'impri- mer ce document, et de le communiquer aux sociétés de Genève et de Lausanne. — Mi — | M. Coulon, père, fait la remarque que quelques déve- loppemens pourraient être ajoutés à ces instructions. On demande, par exemple, l’époque de l’arrivée des hiron- delles; or on confond souvent trois espèces qui n’arri- vent que successivement : le martinet, qui arrive le pre- mier; l'hirondelle qui vient ensuite; enfin le cul-blane, qui paraît le dernier. Il importe de mettre dans toutes ces observations le plus de précision possible. | M. de Castella désirerait y voir entrer en outre des renseignemens sur les épidémies, qui probablement ne sont pas sans rapport avec l'état des phénomènes météo- rologiques. Des observations de ce genre pourraient du moins servir à constater ou à nier l'existence d’une rela- tion entre ces deux ordres de faits. Le secrétaire commence la lecture d’un mémoire de M. Lesquereux sur les tourbières du Nord, qui contient les résultats généraux des observations faites par ce savant dans le voyage qu'il vient d'accomplir aux frais du roi(*). M. Sacc présente à la société quelques monnaies an- ciepnes, parmi lesquelles on distingue une monnaie de Charles-Quint et quelques monnaies brésiliennes. M. Guyot signale, d'après M. Kolenati, l'existence de vrais glaciers du premier ordre dans le Caucase. Dans la relation de son ascension du Kasbek, le 27 août 184%, dont le bulletin de la société de Géographie de Berlin donne un extrait, ce savant décrit sa marche à travers plusieurs glaciers (qu'il nomme très-improprement La- wines), qui présentent absolument tous les caractères que (*) Voir lappendice , à la fin de ce volume. — 412 — nous sommes habitués à rencontrer dans les glaciers des Alpes. Ils remplissent de vastes cavités situées au— dessous du sommet le plus élevé de la montagne. Les moraines latérales et médianes, souvent multi- ples, y sont distinctement décrites. Ces dernières se pré- sentent, ainsi que dans les glaciers des Alpes, comme des remparts élevés sur le dos du glacier, et forment des traînées continues de blocs et de fragmens de roches. Les crevasses s'y rencontrent également, nombreuses, larges et profondes. Plusieurs ont été mesurées. Dans la partie supérieure du plus élevé des deux principaux glaciers, Kolenati décrit même une large crevasse conti- nue, qui rappelle la Rimaye ou le Bergschrund de nos hauts-névés. Tous les phénomènes sont identiques. Seu- lement les glaciers , comme la ligne des neiges éternelles, sont plus élevés; le premier a été traversé par Kolenatr, à une hauteur de plus de 9000 pieds, élévation qui dans nos Alpes marque déjà les champs de neige. Le second semble plus élevé encore. A. GUYoT, secrétaire. M. Sacc donne verbalement quelques détails sur les avantages qu'offre pour notre agriculture la multiplication de la consoude à feuilles rudes {Symphytum asperrimum) pour les prés humides, et celle du Bromus Grossus pour les prairies sèches. La culture de la consoude est analogue à celle de la luzerne, dont elle a plusieurs des propriétés, tandis que celle du Brome est l’analogue de la culture du sainfoin, dont elle diffère cependant très-sensiblement, en ce qu'elle est plus épuisante, parce qu’elle laisse sur le sol beaucoup moins de débris organiques, et que ses racines | — M3 — ne s’enfonçant pas sous terre, effritent sa surface. M. Sacc engage beaucoup les membres de la société à essayer la culture de ces deux plantes, dont sept années d'expé- rience lui ont appris à connaître toute l'utilité comme fourrage artificiel. F. Sacc, secrétaire. Séance du 16 avril 1846. M. Guyot présente de la part de l’auteur, M. Sismonda, de Turin, un mémoire considérable, avec cartes et pro- fils, qui a pour titre : Notizie et schiarimenti etc. Notices et éclaircissemens sur la constitution des Alpes piémontaises. Le même fait voir à la société la Carte du fond des lacs de Neuchâtel et de Morat, dessinée d'après les sondages de M. Guyot et les siens propres, par M. Henri de Pourtalès-Gorgier. A joint quelques éclaircissements sur ce travail qui va être livré au public dans le prochain volume des mémoires de la société. Le secrétaire donne lecture de la seconde moitié du mémoire de M. Léo Lesquereux sur les tourbières du Nord ("). Après la lecture du mémoire, M. Coulon, père, fait re- marquer qu'il est étonnant que M. Lesquereux annonce qu'on trouve des troncs de chènes au fond des tourbes des Verrières, tandis que le chêne ne croît pas même au Val-de-Travers. M. Coulon, fils, répond que cependant le chène monte sur Chaumont jusqu’à 3000 pieds ; mais, 1l est vrai, sur le flanc méridional. (*) Voir plus bas l’appendice à la fin du volume. — M4 — M. Ladame rapporte les expériences de Faraday et Becquerel sur la quantité d'électricité qui tient les par- ticules des corps en équilibre, et qui se manifeste dans les actions chimiques. Il cherche à donner une idée de cet ordre de phénomènes, en rappelant que, d’après ces auteurs, la quantité d'électricité qui se développe dans la décomposition d’un gramme d'eau, est telle, qu'elle serait capable de charger à saturation 20 millions de batteries électriques d’un mètre carré de surface ; or une seule de ces batteries est assez forte pour tuer un animal de la grosseur d'un chat. Ce qui a retardé cette découverte importante, c'est qu'on ne peut recueillir cette électricité que difficilement, vu que les deux électricités se dévelop- pant simultanément, se neutralisent et restent inaperçues. Si on pouvait les recueillir séparément, on aurait en sa, uissance une force véritablement énorme. M. Ladame fait une communication verbale sur quel- ques points de la théorie des vapeurs applicable à l’at- mosphère. Cette communication, qui fait partie d'un travail plus étendu sur l’histoire météorique de l'air, a pour but de faire voir : 1° Que la hauteur des nuages et la distance qui sé- pare leurs couches successives à diverses élévations, peu- vent être déduites, par le calcul, d'expériences hygromé- triques et thermométriques faites dans les régions infé- riéures de l'atmosphère. 29 Qu'il est possible de conclure la hauteur des nuages de la mesure de leur vitesse angulaire prise depuis deux stations ayant une différence de niveau. La formule per- met également de s'assurer si les nuages ont dans toute — M5 — l'étendue de l’horison visible la même hauteur et la même vitesse absolue. 3° Que les considérations précédentes ne sont pas ri- goureusement applicables à l'atmosphère, parce qu'elles sont fondées sur son état statique, et qu'en conséquence elles ne peuvent être vraies qu’autant que l’état dynami- que de l’atmosphère a peu d'influence ; ce que nous igno- rons. Dans le but de savoir jusqu'à quel point on pouvait tenir compte des perturbations résultant des mouvemens de l'atmosphère pour atténuer et même pour renverser tout-à-fait les déductions du calcul, M. Ladame a dé- terminé à priori la hauteur des nuages, dans 80 con- ditions différentes de température et d'humidité. La ‘comparaison entre les nombres ainsi obtenus, et ceux que fournit l'observation, démontre clairement, que l’é- tat dynamique de l'atmosphère n’a pas une influence aussi grande qu'on pourrait le croire, et que les résultats que donnent ces deux méthodes, offrent un accord re marquable, quand on les prend dans leur ensemble. M. Coulon, père, remarque que la hauteur des nuages doit dépendre aussi de l’état électrique de l'atmosphère, du moins d’après les indications contenues dans un mé- moire lu à la Société de l'association britannique pour l'avancement des sciences. M. Ladame fait observer que cela a lieu en effet; mais qu'il n'a pas tenu compte de cet élément dans les calculs qu'il à présentés, parce qu'il n’est pas susceptible, dans l'état actuel de la science, d'être apprécié numérique- ment. À. Guyor, secrétaire. — 16 — Séance du 6 mai 1846. Présidence de M. L. CouLon. M. le Président dépose sur le bureau le Bulletin de la Société de Berne jusqu'au mois d'avril. Le même présente à la Société des échantillons polis du calcaire portlandien qu'on exploite depuis peu de tems dans les environs de Neuchâtel, sous le nom de marbre de Fahy. M. Chapuis assure que, d’après ses essais, l’oxfordien de Chambrelien prend aussi bien le poli que le portlandien de Neuchâtel. M. Guyot expose les résultats d’une exploration ré- cente de l’isthme de Panama et du Darien, exécutée par M. Hellert, et insiste sur l'intérêt que présente la décou- verte qu'a faite ce voyageur d'une localité plus favorable que toutes celles indiquées jusqu'ici pour le percement de l’isthme et l'établissement d’une communication mari- time entre les deux océans. M. Hellert signale l'existence de couches de houille, qui affleurent à la surface du sol. M. Sacc rapporte qu'un des membres de la société, M. Fritz Favarger, qui a traversé récemment ces mêmes régions, avait déjà constaté ce gisement de houilles, qui peuvent devenir si importantes pour l'avenir industriel de ces contrées. M. Théremin communique la notice suivante sur une pluie de manne observée en Asie-Mineure, extraite de l'Observateur autrichien du 28 janvier 18%6 : Selon des nouvelles concordantes, un phénomène rare — AÏT — et très-remarquable s'est vu dans les districts de Jenit- cher, Siwrihissar, Eskitschehr et Sidi-Gazi en Asie-Mi- neure. Îl y est tombé de la manne du ciel! Le Courrier de Constantinople du 24 janvier 1846, contient à cet égard l’article suivant : « Des lettres de Jenitchehr disent que depuis plusieurs jours il tombe du ciel, d'instans à autres, de la manne, qui sert de nourriture aux habitans. Elle tombe de la grandeur d'une aveline et en quantité considérable; on la vend dans le pays à douze piastres le killow, (mesure contenant 1724 pouces cubes français). Les habitans la pulvérisent et en font cuire du pain, qui n’est pas in- férieur à celui que l’on mange d'ordinaire. » Le Journal de Constantinople du 26 janvier 1846 porte sur le même sujet, ce qui suit : « Le même phénomène qui a été observé au printems de 1841 à Van, s'est renouvelé dans le district de Jenitschehr, avec des circonstances toutes pareilles et extraordinaires. Il résulte de lettres écrites par des per- sonnes de toute confiance, habitant le chef-lieu, qu’a- près une disette sensible de vivres, une quantité éton- nante d’une substance grisätre est tombée du ciel; elle est de la grandeur d'une aveline, ressemblant à la manne en larmes et ayant un goût assez agréable. Cette substance est tombée en si grande abondance, qu'elle couvre la terre à une épaisseur de trois pouces et suffit . pour plusieurs jours à la subsistance des habitans. La farine que l’on en obtient est blanche, mais le pain que l'on en cuit est, malgré sa beauté, sans saveur, » Le même donne lecture de la note suivante relative à l’'abaissement du tarif du sel : — be Neuchâtel, par suite de traités avec la France en tire le sel nécessaire à sa consommation dont il fixe la quan- tité et le prix. En France une loi vient d'être mise à exécution, par laquelle le prix du sel est réduit de 5 centimes par kilo- gramme, lorsqu'il est destiné à l'alimentation des bes- tiaux. Pour s'assurer que le sel est réellement destiné à cet usage et non à la cuisine, ou à un but industriel, le gouvernement français exige du consommateur rural, qui veut acheter aux dépôts au prix réduit, qu'il fasse mélanger ce sel de substances étrangères nutritives : mélange qu'il laisse, jusqu'à un certain point, au choix de l’acheteur et qui se fait à ses frais. Le choix est laissé entre les mélanges suivans : Sur 5 kilog. de sel en poudre: 5 litres d'eau et 2 hecto- litres ou 40 kilog. de son ordinaire ou mêlé de recoupe. Sur {0 kilog. de sel en poudre : 10 litres d’eau # kilog. de farine de tourteaux de graines oléagineuses, et 2 hecto- litres ou 40 kilog. de son ordinaire, ou mêlé de recoupe. Comme le sel est de première nécessité pour l'hygiène des bestiaux, il serait utile de faire jouir nos nourris- seurs de bestiaux et nos vachers de cette diminution con- sidérable sur le prix du sel; si le gouvernement de la Principauté n'avait pas déjà fait des démarches dans ce but, peut-être serait-il convenable que la Société cher- chât à l'y rendre attentif. A. GUYOT, secrétaire. M. le Président donne lecture d'une lettre de M. Au- guste Vouga dans laquelle il annonce avoir vu tout ré- cemment à Cortaillod une muscicapa parva, oiseau fort — M9 — rare, même dans sa patrie, qui est la Hongrie. Il y a peu d'années que le même ornithologiste a tué un oiseau du Bengale, la Limosa terek, au milieu d’un vol de bécas- sines. M. Hollard met sous les yeux de la société un œuf fort gros qu'il a trouvé dans la cavité abdominale d’une jeune poule qui n'avait pas encore pondu. Il fait remar- quer que cet œuf peut être tombé dans le péritoine sous forme de jaune, tel qu'il se détache de l'ovaire, et que ce serait alors dans la cavité abdominale qu'il se serait revêtu d'albumine et de la membrane qui entoure le blanc. Ici se présente la question de savoir comment s’est formée cette membrane du blanc. M. Hollard se demande si ce serait peut-être par le dédoublement de la membrane qui enveloppe le jaune. Ce qui semble appuyer cette manière de voir, c’est la mobilité du jaune dans l'intérieur de l'œuf, mobilité qui est beaucoup plus grande que celle du jaune dans un œuf bien conformé. M. Sacc s'étant aperçu que le jaune semble nager dans l'intérieur de l’œuf, comme s’il était parfaitement libre, émet l'opinion que la membrane extérieure de cet œuf n'est probablement pas autre chose que la membrane vi- telline et que la substance translucide que l’on voit dans son intérieur et qui a l'aspect d'albumine, n'est que de l'eau chargée de mucus , qui y a pénétré par endosmose. M. Sacc présente à la société une branche de l'arbre à thé et lui annonce qu'il vient d'offrir à la société d’hor- ticulture un fort beau pied de cette plante. A ce sujet il donne quelques détails sur la culture, l'acclimatation en - — 420 — Europe et la préparation qu’on fait subir aux feuilles du thé. Il expose la méthode d'extraction du principe actif des feuilles du thé et fait observer qu'il est chimiquement le même que celui du café et du Guarana. Passant en- suite à l'étude physiologique du thé et du café, et exa- minant leur action sur l'estomac et le cerveau, M. Sacc la compare à celle du vin rouge et se demande si la théine agit directement sur le cerveau. M. Hollard pense que la théine est absorbée par le sang et qu’elle agit directe- ment sur le cerveau, mais d’une manière bien différente du vin, puisque le thé tend à éclaircir et à faciliter les fonctions du cerveau, tandis que le vin, pris même en petite quantité, les entrave. F. Sacc, secrétaire. Séance du 28 mat 1846. Présidence de M. L. CouLon. M. le Président fait part de l'invitation que lui adresse le président du congrès scientifique de Gênes, de faire représenter la Sociêté de Neuchâtel à cette réunion par quelques-uns de ses membres. Le même présente à la société les mémoires de l’Acadé- mie royale de Liège dont fait partie le 127 volume de l'ouvrage que M. Lacordaire publie sur les insectes phy- tophages. Ces mémoires sont accompagnés d’une lettre dans laquelle l'académie de Liège demande les mémoires de la société en échange des siens. IL dépose encore sur le bureau les procès-verbaux de la société des sciences naturelles de Lausanne. — 421 — M. le Président annonce avoir reçu un Plongeon Lumme femelle et adulte en plumage de printems. Cet individu est le premier adulte de l'espèce qui ait été tué dans notre pays ; tous les autres étaient des jeunes. M. Hollard ayant ouvert, de concert avec M. Sace, l'œuf anomal dont il a été question dans la précédente séance, annonce avoir acquis la conviction que cet œuf, après avoir séjourné dans l’oviducte, avait rétrogradé probable- ment sous l'influence de violentes contractions muscu- laires, et qu'après avoir remonté dans les trompes il était tombé de là dans la cavité abdominale. M. Hollard admet en conséquence que ce n’est pas le jaune qui est entré dans la cavité abdominale, mais bien l’œuf tout en- tier, auquel il ne manquait que la coque. Il fait remarquer d'abord que cet œuf était bien conformé, qu'il avait un gros et un petit bout, tandis que si son enveloppe exté- rieure avait été formée par la pellicule yitelline, il aurait été sphérique, et non point ovoïde. Si l'œuf était si énor- mément gonflé, c'est parce qu'il s'est chargé de liquide ab- sorbé par endosmose pendant son séjour dans l'abdomen. L'étude microscopique des enveloppes de l’œuf a confirmé en tous points les prévisions de M. Hollard, en prou- vant que l'enveloppe extérieure de l'œuf possède exacte- ment la même structure que la membrane coquillière des œufs venus à terme. L'albumine existait dans cet œuf; la membrane vitelline avait disparu , ainsi que les cha- lazes ; une partie du jaune s'était dissoute dans la liqueur albumineuse qui le baignait, tandis que l’autre s'était solidifiée et prise en masse. Cette observation est fort importante puisqu'elle peut nous mettre sur la voie de — 122 — la cause qui produit beaucoup de grossesses extra-utérines, en nous prouvant que l'œuf, après avoir séjourné pendant quelque temps dans les trompes , peut revenir au point d'où il est parti et tomber de là dans la cavité abdomi- nale, où il continue à se développer encore pendant quel- que temps (*). A la suite de la communication de M. Hollard, M. le D' Borel rappelle que le professeur Lallemant a observé un cas de grossesse extra-utérine dont la cause pro- bable avait été une vive frayeur, au moment de la conception. M. le Dr de Castella rappelle qu'il a déposé au mu- sée de la ville, les débris d'un fœtus provenant d’une grossesse extra-utérine et extraits par lui, à l’aide de l’o- pération césarienne. La conception extra-utérine durait depuis deux ans et paraissait avoir commencé au septième mois de la grossesse, à en juger par le développement des membres de l'enfant. La cause de cette grossesse anomale peut bien avoir été aussi une frayeur, le mari de la femme observée étant épileptique. La plaie formée par l'opération resta longtemps fistuleuse et comme les règles s'écoulaient à la fois, par elle, et par la vulve, il fut tenté aussi de croire, avec M. le Dr Borel, que cette grosseur était tubaire et non pas abdominale. M. le professeur Hollard dit qu'il ne croit pas que l’œuf puisse tomber directement de l'ovaire dans la ca- vité abdominale, en échappant aux trompes; il pense que l'œuf passe toujours dans les trompes et que c'est de là, (*) Voir la notice de M. Hollard sur le même sujet, à la fin du volume. | — 123 — que, sous l'influence de causes qui, comme une violente frayeur, doivent décider une contraction de cet organe, il est repoussé en arrière et va tomber dans la cavité ab- dominale. M. le D' de Castella revenant sur les dangers si- gnalés par M. Sacc dans l'emploi du calomel , annonce avoir lu avec un vif plaisir le mémoire de M. Bussy dans lequel ce savant annonce que le meilleur contrepoison du sublimé corrosif est la magnésie. Il en conclut qu'en administrant le chlorure mercureux avec la magnésie, 1l nya plus du tout à craindre d'effet toxique de la part de cet utile médicament. M. Sacc présente à la Société les belles planches dont M. Natalis Guillot a accompagné son intéressant mémoire sur les organes de la respiration des oiseaux. M. de Castella annonce qu'il vient de trouver dans l'u- rine de l’un des malades de l'hôpital Pourtaléès, les petits cylindres observés par le professeur Henle dans la ma- ladie de Bright. L’urine de l’individu affecté de cette grave maladie est très-albumineuse ; M. de Castella lui à donné en vain l’acide nitrique, dans le but de le soulager. M. Hollard croit que les cylindres microscopiques qu'on observe dans l'urine des personnes affectées de la ma- ladie de Bright pourraient bien n’être que les cellules épi- théliales cylindriques dont M. Henle a signalé l'existence. M. le D' Borel rapporte avoir observé un diabé- tique dont l'urine excessivement abondante et d’une cou- leur de petit lait, était tellement chargée de sucre qu'elle — 424 — passait presque immédiatement à la fermentation vineuse. _ et ne présentait point du tout l'odeur habituelle de l'u— rine, mais bien celle du moût récent. Elle précipitait abondamment en rouge les sels cuivriques additionnés de potasse. M. Sacc engage beaucoup les membres de la société à aller visiter le jardin de la société horticole, dans la serre chaude duquel se trouve à présent en pleine fleur un eac- tus analogue au Cereus flagellifornus, et obtenu de grai- nes par Me Lardy-DuBois d’Auvernier. Ce Cereus pa- raît être un hybride nouveau obtenu par la fécondation accidentelle de l'ovaire d’un Cereus flagelliforme par le pollen d’un Cereus speciosissimus, puisque la forme et la coloration de ses fleurs rappellent à la fois celles des deux cierges dont nous venons de parler. Les tiges de cet hy- bride sont près de trois fois plus grosses que celles du Cereus flagelliformis; elles sont d’un vert beaucoup plus foncé et garnies d'épines brunes moins nombreuses, mais plus fortes que les siennes. Cette belle variété diffère to- talement par sa fleur du Cereus flagelliformis dont elle se rapproche par la forme de ses tiges. M. le Président clot les séances de la société jusqu'à l'automne prochain. F. Sacc, secrétaire. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DS NMETGEAIESR Section de la Chaux-de-Fonds. Séance du 13 novembre 1845. Présidence de M. WURFLEIN. M. le Président ouvre cette séance, qui est la première de la troisième année depuis l'existence de la section, par un discours dans lequel, jetant un regard sur ce qu'elle a fait, et sur ce qui lui reste à faire, il engage les sociétaires à redoubler de zèle et de persévérance pour atteindre le but modeste qu'ils se sont proposé, l'avance- ment de l'instruction dans nos montagnes. M. Nicolet dépose sur le bureau, les bulletins de la société industrielle de Mulhouse, que cette société nous envoie en échange des nôtres. Le D' Pury dépose également sur le bureau plu- sieurs brochures offertes à la société par MM. Combe, pasteur; Agassiz, Desor, Coulon et Pury, docteur , ainsi qu'un timbre pour la société gravé par M. L. Bovy, qui lui en fait hommage. — 426 — M. le D' Basswitz présente à l’assemblée la machine électro-médicale de MM. Breton frères, pour la gué- rison des paralysies. Cette machine qui est employée actuellement dans tous les hôpitaux de Paris, ressemble assez à la machine de Bonijol, elle en diffère entr'autres par une bobine graduée qui permet de varier à volonté les secousses galvaniques que l’on veut donner. Séance du 27 Novembre 1845. Présidence de M. WURFLEIN. M. le D' Pury lit une note statistique sur les doreurs au feu de la juridiction de la Chaux-de-Fonds. Il y a maintenant dans la juridiction #3 ateliers occupant 120 ouvriers. Dans ces 43 ateliers , on en compte 27 où les prescriptions du Conseil d'Etat sont exécutées ; dans les 16 autres, la hotte vitrée ou lanterne n'existe pas, ou bien les; doreurs ne prennent pas les précautions re- quises. M. C. Nicolet lit une note de M. Justin Billon, sur un arc-en-ciel lunaire observé le 8 octobre de l’année cou- rante. Le 8 octobre dernier, dit M. Billon, à sept heures trente-cinq minutes du soir, on a pu observer à la Chaux- de-Fonds un phénomène très-rare dans nos contrées : un arc-en-ciel lunaire. Au sud-ouest, et dans son premier quart, la lune brillait sur un ciel légèrement vaporeux. Au nord-ouest, un nuage se résolvait en pluie assez abondante; l’arc-en- ciel était complètement semi-circulaire et plus lumineux — 427 — à ses extrémités qu'à son sommet. D'une nuance extré- mement pâle, il ne paraissait pas offrir les couleurs de l'iris; cependant 1l se détachait admirablement du nuage noir sur lequel il se dessinait. Ce phénomène n’a duré que sept à huit minutes, la lune ayant été bientôt cou- verte de nuages, chassés par un fort vent d'ouest. Il a été suivi de mauvais tems; le ciel est resté couvert et le même vent a continué de souffler avee violence pendant toute la nuit et la journée du lendemain. Après celte lecture, M. J.-C. Ducommun ajoute qu'il a observé un arc-en-ciel semblable et dans les mêmes circonstances 1l y a quelques années à la Chaux-de-Fonds, et M. le secrétaire Huguenin ajoute qu'il y a un certain nombre d'années , il fut témoin, au Locle, d’un arc-en- ciel lunaire, qui présenta les mêmes phénomènes que celui observé par M. Billon , avec cette différence que la lune était alors dans son plein. M. Dubois, docteur , fait l'histoire de l’angine de poi- trine en général, et d'un cas de cette maladie qui a offert des circonstances particulières. L’angine de poitrine, introduite dans les sado noso- logiques à la seconde moitié du 18€ siècle, fut d’abord décrite par Sauvages , sous le nom de Cardiogmus cordis sanstre, en 1763, et par Heberden, en 1768, sous le nom de Angina pectoris. Elle a pour symptômes une constriction spasmodique très - douloureuse avec an- goisses que le malade éprouve subitement. Les malades, au moment de la crise, croyent toujours qu'ils vont expi- rer de suffocation, c’est ce qui a fait appeler cette mala- die par Swediaur Pnigophobia (de rviyos suffocation et — 428 — g08oc la peur). La douleur, dans la crise, se fait sentir au sternum, dans les épaules et dans les bras, surtout dans l'épaule et le bras gauche. Ces accès de suflocation ont été attribués par la plupart des auteurs à l'ossification des artères coronaires (Jenner, Wall, Crellius, etc.). Ils ex- pliquent l'accès par un afflux de sang, arrivant au cœur devenu rigide par l’ossification des artères coronaires, et qui détermine une compression des nerfs cardiaques, com- pression qui peut suspendre tout d'un coup les mouve- mens du cœur et amener promptement la mort; d’autres auteurs l’attribuent à l’ossification des valvules aortiques, à la dilatation de l'aorte; d’autres à une lésion organi- que du cœur, qui passe en totalité ou partiellement à l'é- tat adipeux: toutes ces lésions ayant été trouvées sur des cadavres; enfin, d'autres pathologistes (Desportes, Jurine, ete.) ont vu la cause de cette maladie dans une affection nerveuse des poumons, qui gène les fonctions de ces organes. Les sujets atteints de cette maladie ont en général dépassé l’âge de 50 ans, le premier accès les prend ordinairement lorsqu'ils montent un terrain diffi- cile ; souvent le malade, que l'intensité des douleurs force à s'arrêter dans sa marche, peut cependant inspirer l'air et l’expulser. Au début, les paroxismes sont plusieurs semaines sans revenir, mais à la fin, ils saisissent le ma- lade jusqu'à sept ou huit fois par jour, et augmentent d'intensité jusqu'à ce qu'enfin ils déterminent la mort du malade. Entre les accès, les individus atteints de ce mal paraissent être en pleine santé. Le pouls, quoiqu'un peu . rapide pendant les paroxismes, n’est presque jamais in- termittent. Le sexe exerce une influence sur cette mala- die, les hommes en étant plus souvent atteints que les - — 429 — æ femmes. Sir John Forbes avait compté sur 88 malades, 80 hommes et 8 femmes. L'indication prophylactique - est nulle, il faut attendre pour en donner une, que l’on soit fixé sur les causes de la maladie. Tout ce qu’on peut faire actuellement est de songer, une fois la maladie dé- clarée, à prévenir le retour des accès et à en abréger la durée, L'air de la campagne, un régime sévère, l'exer— cice, les bains froids et surtout les opiacés, l’eau de lau- rier-cerise , l'éther, l'’ammoniaque, l’eau de menthe poi- vrée, sont très-utiles, d'après la plupart des auteurs, ainsi que l'emploi des révulsifs, pediluves sinapisés, si- napismes et vésicatoires sur la poitrine, exutoires aux jambes, etc. Les anti-goutteux ont été préconisés par ceux qui voient dans cette maladie une affection arthri- tique. Les aloëétiques et les purgatifs salins , ainsi que les saignées ont été employés par les médecins, pour les- quels la cause de la maladie est dans un afflux de sang. Après cette exposition, M. DuBois fait l'histoire du cas qu'il a eu l’occasion d'observer. Cet homme âgé de qua- rante ans, avait ressenti les premiers symptômes de la maladie il y a environ un an, dans une promenade qu'il faisait; les premières crises consistérent uniquement dans des étourdissemens; on essaya sans succès les saignées et les exutoires :(vésicatoires sur la poitrine). Les accès ne revenaient qu'à de longs intervalles, et le prenaient ordinairement après ses repas. Il essaya au printemps de prendre les eaux du Gournigel, qui furent loin d’ap- porter un soulagement à ses maux. Ce fut à son retour qu'il consulta M. DuBois. Lorsque l'accès le prenait, il avait une douleur très-vive dans la région du cœur, qui s'irradiait au sternum, à l'épaule gauche et au bras on : 006 + gauche; d'autrefois il ressentait seulement une vive dou- # leur dans le bras gauche ; son pouls était très-irrégulier et intermittent durant les paroxysmes, qui présentaient d'ailleurs les phénomènes décrits plus haut. M. DuBois pensant qu'un épanchement pleurétique avait existé seul au début de la maladie, fit appliquer des vésicatoires sur le devant de la poitrine pour combattre l’épanchement ; plus tard, à la fin de la maladie , il prescrivit les opiacés. Le malade mourut subitement dans un accès plus fort que les autres. À l’autopsie , faite vingt-quatre heures après la mort, M. DuBois trouva le corps dans un état de putréfaction _très-avancé, toute la peau était œdémateuse ; les poumons ne présentaient aucune altération, à part une adhérence ancienne, et non considérable, du côté droit. Le cœur était énorme, totalement blanc; il avait passé presque complètement à l’état gras, et ressemblait à une masse de suif. Le rétrécissement des valvules aortiques n'exis- tait pas ; elles étaient dans leur état normal, ainsi que les artères coronaires, qui ne présentaient pas la moindre trace d'ossification. La matière grasse, bien qu'elle se présentât généralement, n'avait pas envahi la totalité de l'épaisseur du cœur, plusieurs des fibres charnues du ven- iricule gauche étaient sames. — M. Dubois termine cette dissertation en montrant le cœur de cet homme aux membres de la société. Séance du 11 décembre 1845. Présidence de M. WURFLEIN. M. le D' Pury lit une note sur deux variétés de ma- ladies, causées par le mercure, et qui ont passé jus- — A1 — qu'à présent inaperçues ; ce sont les scrophules et l'amé- norrhée mercurielles. Les scrophules mercurielles dont il a observé quelques cas, se distinguent des autres essentiellement par une marche beaucoup plus rapide. Des individus robustes soumis aux émanations du mercure en vapeur, perdent le coloris de leur teint ; leur face se bouffit quelquefois, ou maigrit d'autrefois considérablement, mais devient toujours livide, terreuse ; leurs yeux sont enfoncés dans leurs orbites; les glandes lymphatiques s’engorgent; leur sang perd sa plasticité et sa force de cohésion en perdant son albumine, sa fibrine et sa matière colorante. So-— bernheïm et Simon, dans leur traité de Toxicologie, signa- lent cette action du mercure sur le sang. Aussi voit-on chez les malheureux atteints de cette variété de sero- phules , la moindre solution de continuité à la peau se terminer par un ulcère dégoûtant. Ces symplômes vont toujours en s’aggravant , sans que le malade ait la con- science de son état; ce n’est que lorsque des tremblemens mercuriels viennent s'ajouter à cette série de maux que ces pauvres ouvriers se décident à consulter un médecin. Ces scrophules n’épargnent ni le sexe ni l’âge. Des en- fans qui vivaient dans des chambres où l’on dorait ne présentaient qu'une masse informe toute recouverte d’ul- cères et d'abcès. Si l’on néglige les remèdes convenables et qu'on laisse ces malheureux respirer les vapeurs mer- curielles, les scrophules peuvent s’aggraver au point de réagir d'une maniére très fâcheuse sur l'intelligence de ces individus, et d'en faire de véritables crétins, ou d’une fa- çon tout aussi déplorable sur leur physique, et leur causer des phthisies qui les ménent promptement au tombeau. 51 — 432 — Heureusement lorsqu'on s'y prend à temps, qu'on éloigne les malades de ces miasmes mercuriels, qu'on leur fait res- pirer l'air pur de la montagne , qu'on leur administre les remèdes convenables , entr’autres l'huile de foie de mo- rue, qui à dans ces cas là une intensité d'action qu'elle n'a pas dans d’autres, ces malades sont bientôt rétablis, beaucoup plus vite même que dans les scrophules ordi- naires. Quant à l’aménorrhée mercurielle, dont les cas sont assez fréquents, sa cause est comme celle des scrophules mercurielles, l’action délétère du mercure sur le sang. L’aménorrhée mercurielle peut exister comme les scro- phules mercurielles sans tremblemens mercuriels ; mais cette maladie-ci arrivée à un certain point détermine ta cessation des menstrues. Des occupations en plein air, la cessation du dorage, quelques légers sudorifiques, comme la fleur de soufre, combinés avec quelques ferrugineux , suffisent ordinairement pour rétablir les malades en peu de temps. Il s'engage après la lecture de ce mémoire, une dis- cussion sur cette matière; M. Nicolet cite à l'appui de la guérison des maladies mercurielles par le soufre quelques expériences relatives à l’action du mercure sur la vie végétale, consignées dans les Annales de chimie, tome vingt- deuxième, par Deiman, Paats, Van-Troostwick et Lau— werenburgh. Ces observateurs Hollandais, placèrent sous une cloche posée sur l’eau une plante de fève de marais et à côlé de cette plante une bouteille remplie de mer- cure. Une plante de menthe frisée, mise dans l’eau, fut de même placée sous une cloche avec du mercure. Un drageon de Spiræa salicifolia, attaché à la racine-mère — 33 — fut soumis au même traitement. Les feuilles et les tiges de ces plantes furent couvertes dés le troisième jour de taches noires, et le quatrième et au plus tard le sixième jour entièrement noires ; le drageon de spirée, quoique attaché à la plante-mèére n’a pu se remettre de tout l'été. Les plantes meurent si complètement, que souvent au moment où l’on soulève la cloche, les feuilles tombent et la tige s’affaisse. Ils constatèrent par plusieurs expériences, que l’ac- tion du mercure sur les végétaux est nulle, lorsqu'on recouvre ce métal d'un peu d’eau, lorsqu'il est mêlé avec la terre, ou mis en contact avec la racine des plantes. : Ils répétérent la seconde expérience et fixérent un peu de soufre aux parois intérieures de la cloche ; sous l'in- fluence du soufre la plante est restée intacte, ce qui prouve selon ces observateurs, que le soufre neutralise -les mauvais effets du mercure. M. Depierre, docteur, tout en déclarant avoir vu dans sa pratique, plusieurs cas de scrophules et d'aménorrhée mercurielles, pense que la maladie des plantes signalée par M. Nicolet, correspond à la gangrène que causent quelquefois les préparations mercurielles , tandis que les scrophules sont l'équivalent de l’étiolement des plantes ; la couleur noire que l'on observe dans la gangrène et dans cette maladie des végétaux, et la perte de matiére colorante des sucs, dans les deux derniers cas, autorisent suffisamment cette comparaison. M. Droz, docteur , ajoute qu’il avait vu de nombreux cas de scrophules mercurielles , et qu'il avait observé en dernier lieu , chez des doreurs aux Eplatures, le cas d'un enfant atteint de serophules mercurielles, qui avait une — 43% — fracture. Malgré un laps de temps considérable, cette fracture ne put être consolidée que lorsqu'on eut fait prendre au malade pendant assez long-temps le soufre et l’huile de foie de morue. M. Favre fait ensuite lecture de la lettre adressée par le comité de la lunette méridienne, au bureau de con- trôle, pour le prier de doter notre localité d’un régula- lateur, d'un compteur, d’un baromètre et d'un thermo- mètre exacts; les fonds souscrits pour la lunette ne suffisant pas à l’achat de ces objets d’une nécessité abso- lue pour notre industrie. L'assemblée décide que cette lettre sera envoyée au bureau de contrôle avec un devis des prix de ces objets. M. Droz, docteur, qui travaille à un mémoire sur la constitution médicale de nos montagnes, et sur les causes des maladies endémiques et épidémiques qu’on y observe, appelle, en attendant qu’il puisse le publier, l'attention de la société sur la fréquence des épidémies bilieuses de tout genre (pleuro-pneumonie bilieuse, métrite bilieuse, catarrhe bilieux , fièvre bilieuse, fièvre typhoïde). Il cite une maison au Versoix dont les habitans sont entassés les uns sur les autres , et boivent de l’eau d’un puits qui est malsain. Il est sorti de cette maison depuis Pâques pour entrer à l'hôpital de la Chaux-de-Fonds 19 malades, dont 3 sont morts, outre un nombre peut-être aussi con— sidérable de malades qui se sont fait soigner chez eux et dont quelques-uns aussi sont morts. Dr Pury, secrétaire. — 435 — Séance du 15 janvier 1846. Présidence de M. WURFLEIN. M. Nicolet présente à la société plusieurs ossemens de mammiféres antédiluviens provenant des grottes de Man- cenens et de Vaucluse, situées dans le canton de Maiche, partie frontière du département du Doubs. Il expose à la société la formation géologique des grottes à ossemens, leurs formes, leurs accidens intérieurs, leur origine, celle de l'argile déposée sur leur fond, celle des restes orga- niques qu'elles renferment, la cause à laquelle on doit sui- vant lui la conservation des os d'animaux antédiluviens ; il passe ensuite à la description des grottes qu'il a visitées l'année passée avec M. J.-B. Carteron de la Grand Combe des Bois. L'ouverture principale de la Baume de l'Ermutage de Mancenens, se trouve sur le versant d'un escarpement qui porte le nom de Côte-de-Valory; elle est à peu de distance d’un ermitage construit en 162%, par l’ermite Jean Regnaud Lallemand, sous l'invocation de Saint- Antoine, abbé. La chapelle, aujourd'hui en ruines, était un lieu de pélérinage pour les habitans de Mancenens , qui la dotèrent dès sa fondation; et de curiosité par sa situation dans le voisinage de la Baume. Cette grotte offre de l'intérêt par ses brillantes stalactites, par sa profondeur, ses bassins, et surtout par les ossemens d'animaux antédiluviens, qui y ont été découverts en 1840 par M. J.-Baptiste Carteron. Elle est creusée dans les couches horizontales d’un calcaire compacte qui appar- tient à l'étage supérieur du terrain jurassique. et consiste — 436 — en un couloir bifurqué long d'environ 250 mètres, qui se dirige du sud-est au nord-ouest, et se termine à son ex- trémité par une fissure, près de laquelle on observe une chambre circulaire; chaque branche de la bifurcation se termine par une ouverture. La voûte offre dans toute son étendue des stalactites qui rappellent les clefs pendantes des voûtes gothiques; plusieurs descendent jusqu'au sol et forment des colonnes massives qui ont jusqu’à huit dé- cimètres de diamètre. Dans deux endroits les stalactites réduisent le diamètre de la grotte à six décimètres. Le sol est incliné de l'extrémité aux ouvertures; il est couvert de stalagmites qui ont une puissance de trois centimètres à trois décimètres; en plusieurs endroits elles sont en saillie de quatre à six décimètres. Cette grotte paraît à M. Nicolet, résulter d’une fissure produite par l'écartement de plusieurs couches comprises entre deux couches in- tactes; le plafond horizontal des ouvertures et la fissure terminale autorisent cette conjecture. Les parois de la grotte offrent ça et là, sur les bancs qui sont en saillie, des surfaces polies, sans stries ni sil- lons, parallèles au plancher; les angles de ces bancs sont plus ou moins arrondis; ces parois sont en outre, en plu- sieurs endroits perforées. Ces érosions que présente une roche dure et compacte, sont assez généralement attri- buées à l’action de l’eau saturée d'acide carbonique. Le poli ne peut guère être attribué qu'au torrent qui s’échap- pait de cette grotte dans les temps anciens ; l'existence de ce torrent est suffisamment démontrée par le dépôt tufacé de la Côte de Valory. Plusieurs filets d’eau s'échap- pent encore ça et là de la voüte et alimentent quelques bassins. | — 37 — Les stalagmites recouvrent totalement un dépôt allu- vial ossifère, composé d’une argile jaune ou rougeâtre onctueuse au toucher, entremêlée de pierres calcaires ar- rondies, semblables à la roche qui forme les parois de la grotte et de fragmens de stalagmites. Ce dépôt a envi- ron cinq décimèêtres de profondeur ; il est plus puissant dans les fissures et dépressions du fond de la grotte. Les ossemens sont disséminés dans cette argile depuis le fond, jusqu à la bifurcation de la grotte : ils ne sont pas tous recouverts par le dépôt alluvial; plusieurs sont dissémi- nés sur l'argile même, d’autres reposent sur le calcaire ; ces derniers sont plus ou moins empâtés dans la stalag- mite. Les ossemens que la grotte de Mancenens renferme appartiennent à l'ours des cavernes (Ursus spelœus Cuv.). On y a trouvé le quatrième métatarsien droit et un cal- caneum droit du Felis spelæu Goldf. Grotte de Vaucluse. Cette grotte se trouve au-dessus de la route de Vaucluse à Belleherbe, à peu de distance du premier village. Elle est creusée dans un calcaire de l'étage jurassique supérieur ; sa plus grande longueur est d'environ deux-cents mètres. Une fissure la termine. On observe au tiers antérieur de la grotte une autre fissure très profonde. La hauteur de la grotte est de deux à dix mètres, sa largeur de deux à sept. Le sol est incliné de l'ouverture à l'extrémité. La voüte est dépourvue de sta- lactites; par conséquent le sol est privé de stalagmites et est très sec. C’est encore à M. J.-B. Carteron qu'on doit la découverte des ossemens que cette grotte renferme. Ils gisent dans une terre noirâtre avec des pierres arrondies et des blocs d’un calcaire semblable à celui qui constitue + — 438 — les parois de la grotte. Au-dessous du dépôt ossifère se trouve une couche d'argile jaunâtre qui ne contient ni pierres roulées, ni ossemens; la puissance de cette couche est de un décimètre à un mètre. Les ossemens de la grotte de Vaucluse, appartiennent en grande partie à l'ours des cavernes; ils sont méêlés à des ossemens d'espèces éteintes et vivantes. On y a trouvé un humérus droit de la Hyœna spelæa Gold. ; des phalanges du felis spelæa Goldf.; des ossemens de loup, de renard, de blaireau, de cheval et de cerf. Le D' Pury lit ensuite la traduction du mémoire de M. le professeur Heer, présenté à la Société helvétique des sciences naturelles à Coire, relatif aux observations à faire sur l'apparition annuelle des différens phénomènes périodiques des règnes végétal et animal. Cette lecture, qui intéresse à un haut point les membres de la société, leur fait désirer qu’à la Chaux-de-Fonds aussi, l’on s’oc- cupe de ces observations. C’est pourquoi la société charge le secrétaire de lui procurer des tabelles, avec l'indication de la manière dont on devrait les remplir. D' Pory, secrétaire. Séance du 12 février 18%6. M. le D' Droz lit un mémoire sur le mouvement de l'hôpital de la Chaux-de-Fonds {Chambre de secours) du 1°T janvier au 31 décembre 1845, Déduction faite de 5 à 6 malades qui étaient à l'Hos- pice au {°7 janvier 1845, on a admis, depuis le 1€ jan- vier au 31 décembre 1845, 1 14 malades, dont 76 hommes et 38 femmes. Ces malades étaient originaires des pays SuIvans : RME ST 7 de la Chaux-de-Fonds, 3 hommes et # femmes. 25 du reste du pays . . 11 » » 1% » 43 de Berne 97 » » 16 » 3 » Zurich 2 » prétrrrres 3 » Bâle. 3 » 2 » Argovie À 2 » 3 » Lucerne . 3 » 2 » Vaud. 2 » 2 » Tessin 2 » {4 » Glaris 1 » to-noUre . 1 » 2 » St-Gall 1 » et 1 femme. bumEribonre ie (9300 om og se 1 » Thurgovie . . . 1 homme Mobeyrelorventzounious vive 6 L'omiPiémont oise: {54 » 8 » différentes contrées d'Allemagne. . 8 » AilncFrançais 2h14: Lo u18ounwes et { femme. 85 sont sortis guéris, 10 améliorés ou soulagés, 3 incurables, 1% morts, 9 sont restés à l'Hospice au 31 décembre. Ces 114 malades ont séjourné, ensemble 2246 jour- nées, ce qui établit une moyenne de 19 jours par ma- lade (19 50/11). On a eu, en moyenne, 6 malades */365 chaque jour. La mortalité, calculée sur l’ensemble des sorties et décès, a été de 1 sur 8 ‘}2. Sur les 14 qui sont morts, 7 ont succombé à la fièvre typhoïde ; mais il est à re- ne I ne marquer que ces 7 individus sont entrés à l'Hospice de 10 à 15 jours après l'invasion de la maladie, et après avoir recu un commencement de traitement chez eux; les six premiers sont des hommes, et la septième est une femme, déjà traitée dans le mois d'avril RS péri- pneumonie bilieuse. Un à une phthisie tuberculeuse ancienne. Un à un érysipèle phlegmoneux général, avec chûte d'escarres de plusieurs pieds de diamètre, qui se déta- chaient de différentes parties du dos, des lombes, du scrotum, des cuisse et jambe gauches. Un à une pleuropneumonie droite avec épanchement. Un à la résorption purulente, après une amputation de cuisse pour arthrite traumatique du genou. Si, comme chirurgien, on peut avoir quelques regrets dans ce cas- ci, Cest d'avoir trop tardé à pratiquer l’amputation. Un à un régorgement de sang, par suite de récrudes- cence de pneumonie droite. Une à un anasarque général , suite d'hypertrophie du cœur, quatre jours après son entrée à la chambre de se- cours. Un, spontanément après 19 jours de séjour, pour une ancienne diarrhée, et cela au moment où ce malade al- lait sortir de la maison. Deux amputations de cuisse ont été pratiquées par M. Dubois, et avec le concours de MM. Irlet, de Pury et Droz. Un abcès douteux près de l'articulation fémoro-tibiale ouvert, a constaté la présence d’une nécrose, chez une jeune personne chlorotique. | Une amputation de deux orteils, coupés à moitié par un coup de hache. — AM — Les maladies tratées pendant l’année sont les sui- vantes ; | Une inflammation générale, par suite de contusion, Dix inflammations, dont sept érysipélateuses sympto- matiques, et trois phlegmoneuses, avec escarres gan- gréneuses, plus ou moins considérables. Cing abcès, dont un par congestion, deux scrofuleux, et les autres dans la main ou-les doigts. Huit plaies ou solutions de continuité, dans lesquelles il y a eu trois arthrites traumatiques des articulations fé- moro-tibiales ; deux d’entr’elles ont nécessité l’amputation, et la troisième a cédé à un traitement trés-actif, suivi sans succès dans les deux autres cas (frictions mercu- rielles, puis larges vésicatoires sur toute l'articulation). Six ulcères, dont cinq atoniques et un psorique. Cinq fractures. Quatre simples ; deux de cuisse; une de jambe; une de clavicule; et une consécutive du tibia et péroné avec plaie. Deux tumeurs blanches fémoro-tibiales, dont l’une a été traitée avantageusement par le feu , l’autre est sortie incurable. Trois affections rhumatismales articulaires, aiguës, traitées avec les antimoniaux et les salins. Deux affections rhumatismales chroniques. Sept inflammations catarrhales bilieuses des organes de la respiration. Cing péripneumonies bilieuses intenses, dont deux ont succombé. Cinq pleurodynies bilieuses. Deux embarras gastriques simples. Quatorze fièvres bilieuses plus ou moins intenses. 5 — KES = Quinze fièvres ataxiques, dont six ont succombé. Il est à observer que dans nos montagnes, toutes les fiévres bilieuses qui deviennent nerveuses, se terminent à-peu- près d'une manière fâcheuse , lorsque l’on a fait des émis- sions sanguines lors de l'invasion de la maladie. Deux duodénites avec ictére. Trois diarrhées dissentériques. Une phthisie tuberculeuse. Une esquinancie. Deux catalepsies bilieuses et congestions cérébrales. Une aliénation mentale, avec accès hystériques. Un ramollissement du cerveau, mort quelques mois après la sortie de l'Hôpital. Une mélancolie suicide, chez lequel les drastiques ont fait le meilleur effet. Un delirium tremens, qui s’est bien trouvé des éva- cuans et de l'opium. Deux hydropisies générales. Quatre métrites suite de fausses couches. Une hypertrophie du cœur. Deux chloroses. Une fièvre tierce , ramassée au Cul-des-Roches, par un ouvrier couchant sur le sol humide. Une variole confluente M. Nicolet lit un extrait d'une lettre de M. Desor, re- lative à sa course au glacier de l’Aar, en janvier 1846. M. Nicolet présente le tableau suivant, indiquant l'é- tat thermométrique moyen de l’air observé à la Chaux- de-Fonds pendant les premiers jours de janvier 1846. ed [g) +. (==) [g] (ae) [| Le ca 2 — 3 » 3 - "1 » % ER CE à) — 1% » 6 — 19 » 7 - 12 » 8 - 7 » 9 - "1 » 10 - 6 » Le thermomètre à minima est tombé le 3 à — 9, le 4 à — 16, le 5 à — 20, le 6 à — 23, le 7 à — 20, etc. Le froid que l’on à observé depuis le 3 janvier au 40 du même mois, est dû aux vents du N., N.-E. et E., qui soufflaient constamment; à la pureté du ciel pendant le jour, et à sa grande pureté pendant les brillantes nuits qui succédèrent à ces froides journées. Les nuits calmes et sereines de janvier favorisent singulièrement le rayon- nement de la neige, et causent le froid intense qne nous observons toutes les années à la même époque. D" Pury, secrétaire. Séance du 26 février 1846. M. le D' Pury lit l'extrait d’une lettre que M. le pro- fesseur Herr lui a adressée touchant les observations à faire sur les phénomènes périodiques de la nature (‘). (*) Le cadre des observations à faire, accompagné des instructions, à été publié en français à Neuchâtel, par les soins de la Société et distribué aux divers observateurs. - — 44% — M. Léon Robert présente à la société un mémoire sur le moyen de déterminer la position d’un foyer d'incendie. L'examen de cette proposition est renvoyé à une commis- sion composée de MM. Favre, Julien Huguenin, Is.-Ch. Ducommun, Eugène Savoye, Barbezat et Roulet-Lory. M. Pury lit le commencement d’un mémoire intitulé Sur le Crétinisme, d'après les sources les plus récentes. Après l'exposition du sujet, M. Pury dit que c’est au XIX® siècle qu'il était réservé de tenter les premiers pas pour l'amé- lioration physique et morale de ces êtres ; que c'est dans notre patrie, déjà favorisée sous tant d'autres rapports, que des hommes dévoués à l'humanité ont employé avec succès toutes leurs facultés pour rendre à ces hommes, qui avaient moins d'intelligence que la brute, moins de sensations et moins de langage que la plante, tout ce qui leur manquait pour être des hommes, et que c'est aux Sociétés Suisses d'utilité publique et des sciences na- turelles qu'est dévolu l'honneur d’avoir proposé les moyens à employer pour cette œuvre si difficile, et d'avoir songé à les exécuter. Le crétinisme est connu dans les vallées suisses de- puis bien des siècles; les plus anciens chroniqueurs de notre pays en font déjà mention (*). On trouve des crétins dans toutes les hautes vallées resserrées par des masses de rochers, où l'air ne peut pas circuler librement. Le Valais à eu, pendant longtemps, la triste renommée de fournir la masse la plus considé- rable de ces êtres; les cantons de Glaris, des Grisons, (*) Le chroniqueur Tschudy rapporte qu’en lan 1575, les trois enfans crétins du bailli Ginsing perdirent la vie dans un incendie. — 445 — l'Oberland bernois, la Gruyère, ete., viennent après ; presqu'aucun canton n'en est totalement exempt. Le can- ton de Neuchâtel en a aussi quelques-uns au Val-de-Tra- vers. On rencontre encore des crétins ailleurs que dans des hautes vallées resserrées par des montagnes; dans les villes de Berne, de Fribourg et de Bâle, et autres, il y en a, ou il y en avait autrefois une certaine quan- tité. Le crétinisme n’est point limité à la Suisse. Certaines vallées du Tyrol, du Salzbourg, du Piémont (entr'autres le Val d'Aoste), des Alpes du Dauphiné, des Pyrénées, de la Haute-Bavière et du Haut-Würtemberg, rivalisent avec le Valais sous le rapport du nombre des crétins. Depuis quelques années, les crétins disparaissent de certaines localités. Dans le village de la Battiaz, près Martigny, village renommé autrefois par le nombre de ses crétins, il n’en existe plus, non plus qu’à l’Auge, ou Basse-ville de Fribourg, et dans certaines localités des cantons de Glaris et des Grisons, ou le crétinisme était endémique. Jusque dans ces derniers temps, c’eût été tenter Dieu que de songer à sortir ces pauvres créatures de leur état d'abrutissement. Les montagnards les regardaient comme protégées spécialement par la Divinité. Créatures de Dieu, âmes de Dieu, en patois fribourgeois, crétira de Diu, armé de Diu, ou seulement crétira (créatures), tels sont les noms qu'on leur donnait. C'est de ce mot crétira que pro- bablement on a dérivé celui de crétin. M. Pury divise, avec la plupart des auteurs, les crétins en crétins complets et crétins incomplets, ou demi-crétins. Les crétins complets, remarquables par la petitesse de leur taille ({ m, 10 cent., en moyenne), ont une tête — 446 — démésurément grosse, couverte de cheveux rudes et cré- pus; un goître énorme; le nez épaté; la bouche très-grande, constamment ouverte, et de laquelle suinte sans inter- mission un liquide sanieux; des lèvres grosses, bouffies, l'inférieure pendante; une musculature très-faible ; des extrémités grèles, ne pouvant supporter le poids du corps. Ces êtres sont insensibles à toutes les sensations; le froid, le chaud, la douleur, la faim, la soif ne peuvent les for- cer à bouger de la place ; ils laissent aller sous eux leurs excrémens, dans lesquels ils se vautrent, semble-t-il, avec plaisir. Les demis-crétins partagent les tristes qualités cor— porelles et psychiques des crétins complets, mais à un moindre degré; ils sont susceptibles de quelques sen-. sations. La colère et, plus rarement, la reconnaissance envers leurs bienfaiteurs effleurent leurs âmes. Quelques- uns d’entr'eux sont susceptibles d'exécuter certains tra- vaux mécaniques, mais c'est sans conviction, sans but ; la plupart d’entr'eux sont entêtés, tracassiers, quelque fois même très-méchans. Quelques-uns ont un penchant inné pour le feu et l'incendie (pyromanie); d'autres sont plus apathiques, et sont indifférens au bien comme au mal; seulement ils ont un penchant décidé pour la men- dicité. D'autres encore un peu moins maltraités par la na- ture, sont, contrairement aux précédens, en général d'un bon caractère, et montrent de la reconnaissance en- vers ceux qui les soignent. La plupart des crétins et des demi-crétins s’adonnent à l'onanisme. Si l'anatomie des crétins n’a pas été poussée très-loin — ANT — jusqu'ici, la résistance des parens en est la cause prin- cipale. Leur cràäne est ordinairement d'une épaisseur très- grande, asymétrique, mal conformé, plat au sommet et sur les tempes; mais quelquefois il ne se distingue en rien de celui des hommes les mieux doués. Le Dr Cerise a décrit le crâne d’un crétin des Pyrénées qu'il avait appelé Lord Byron, à cause de la magnifique conformation de sa têle, qui rappelait celle de cet homme célébre. Ce pra- ticien a aussi remarqué chez les crétins, une déformation presque constante du crâne que personne n'avait signalée avant lui; c'est une dépression sur-orbitaire ou fronto- temporale plus ou moins prononcée. Le Dr Bich, méde- cin de l'hôpital de la cité d'Aoste, a observé que les trous qui servent de passage aux grandes artères étaient presque oblitérés, et qu'un ramollissement très-considérable du cerveau existait chez presque tous les crétins dont il a fait l’autopsie. Le Dr Cerise à fait la même observation sur un crétin des Pyrénées. M. Guggenbühl à trouvé dans le cerveau d'un crétin doût il a fait l’autopsie, certaines dis- positions qui rappellent tout-à-fait le cerveau d’un fœtus. D'autres observateurs qui ont fait également l’autopsie de quelques crétins, n’ont pas trouvé ces difformités. Après cette communication , M. Droz prend la parole pour dire qu’il a observé un fongus du cerveau, chez un créun du Locle, et M. le Dr Schafter, pour donner des détails sur les crétins du Pont-de-Vaux (Val-de-Travers). M. le DT Schafter présente à la section un lombric qu'un homme de 72 ans, du Locle, avait rendu par l’u- rêtre. Îl s'engage ensuite une discussion sur la manière dont ce lombric s'était introduit dans la vessie ; quelques membres pensent que ces vers peuvent percer les intestins 52 Art SU et la vessie. Le D Pury dit qu'il vient de lire dans l'A- beille médicale (février 1846) un rapport de M. Arlaud, au | sujet de plusieurs helminthes, appartenant à l'espèce du strongle géant (Stronglus gigas) voisine des Lombrics, dont l’un mesurait 22 centimètres, qu'une fille de 26 ans avait rendus à divers intervalles par l’urètre. Ce qu'il y à de remarquable, c'est que pendant tout le temps que ces vers ont été expulsés, la menstruation avait été in— terrompue. Dr Pury, secrétaire. Séance du 12 mars 1846. Le D' Pury continue la lecture de son mémoire sur le crétinisme. Le goître est de tous les épiphénomènes du erétinisme celui qui l'accompagne le plus souvent. Cependant il n'est pas lié intimement à cette maladie, car plusieurs indi- vidus crétins à un haut degré ne présentent pas de goi- tres, tandis que des hommes parfaitement sains du reste, en ont d'énormes. On attribue généralement leur exis- tence à la nature de l’eau; le D' Pury pense que l’eau n’est pas la seule cause de leur production, mais que toutes les causes du crétinisme réunies sont en même temps celles qui produisent le goître, et que l'hérédité surtout y joue un très-grand rôle; car les enfans qui deviendront plus tard des crétins, ne présentent le plus souvent à leur naissance aucun autre symptôme de ce mal qu'une tuméfaction de la glande thyroïde du volume d'une grosse noix. Le crétinisme ne commence ordinairement à se déve- lopper que dans la seconde année de la vie; l’âge de 39 — 449 — à 40 ans semble être le terme de la vie des crétins : beau- coup d’entre eux n'atteignent pas cette limite, qui n’est dépassée que par quelques-uns. Avant de traiter des causes du crétinisme, que le Dr Pury divise en causes locales et individuelles , il pré- sente une description topographique du canton de Glaris, extraite d'un mémoire du D' Trümpy. Cette description donne la clé de plusieurs causes ; car, tandis que certains villages ont très-peu ou point de crétins, d’autres situés à côté d'eux en ont beaucoup; soit que les habitans de ces derniers vivent chétivement, soit que les habitations soient mal construites, malpropres, mal aérées, non ex- posées au soleil, ou qu'il y ait en jeu d’autres causes que l’auteur examinera plus tard. M. L. Favre lit le rapport suivant sur la communica- tion faite par M. Léon Robert dans la séance précédente, et qui avait été renvoyée à l'examen d'une commission. « Lorsqu'un incendie éclate dans les localités qui envi- ronnent notre vallée, la configuration du sol, les mon- tagnes qui nous entourent, empêchent la vue de se por- ter sur le foyer même du désastre, et nous ne pouvons en apercevoir que la réverbération dans le ciel. Cette lueur souvent mal définie est insuffisante pour donner de prime- abord des inductions satisfaisantes sur le lieu de l'incen- die, c'est pourquoi toute la population est en proie à l'anxiété de l'incertitude, jusqu'au moment où les védettes apportent les premières nouvelles. « Le but de la communication de M. Léon Robert est d'offrir le moyen de découvrir le lieu précis d’un incendie, lors même que l’on n’en voit que la réflexion dans lat- — 450 — mosphère, et de l'appliquer à l’usage de la commission des incendies de la Chaux-de-Fonds. Le principe sur lequel repose son procédé, est le même que celui qui sert de fondement aux opérations de géo- désie , par lesquelles on exécute une triangulation sur le terrain. Il consiste à trouver la longueur de deux côtés d'un triangle, dont les sommets s'appuient sur trois dif- férens points d'une contrée, et dont on connaît la gran- deur d'un côté, et les deux angles adjacens à ce côté. M. Robert propose de mesurer une base de 4000 pieds qui s'appuierait d'une part au clocher du village et de l’autre à un point élevé de la vallée, d’où la vue puisse s'étendre au loin. Cette base serait dirigée de façon à être perpendiculaire à la ligne, suivant laquelle on aurait le plus souvent des secours à donner. À chacune de ses ex- trémités, on placerait un demi-cercle graduëé, muni d'une pinnule, et qui pourrait servir en le retournant à mesurer des angles dans toutes les directions. Aussitôt qu'une lueur se montrerait dans le ciel, deux observa- teurs se hâteraient de mesurer l'angle que la direction du feu fait avec la base. Ces deux observations étant faites, on prendrait une carte de notre canton, sur laquelle on aurait tracé d'avance la ligne de base en grandeur et en direction ; par les deux extrémités de cette base, on fe- rait passer deux règles, faisant avec la base des angles égaux à ceux que l’on vient de mesurer; le point de la carte où les règles se couperaient serait évidemment le lieu du pays dans lequel l'incendie a éclaté. » La commission fait sur ce projet les observations sui- vantes : Elle croit que le moyen proposé par M. Léon Robert — A5 — serait d’une application utile en pays de plaine ou dans une localité où l’étendue de l'horizon permettrait de viser directement la flamme de l'incendie ; mais dans une val- lée dominée de toutes parts comme la nôtre, l'emploi de cet instrument entraînerait dans de graves erreurs, et ne pourrait fournir que des données vagues et incer- taines. Car la lueur n'est pas toujours assez bien détermi- née pour que l’on puisse en prendre le centre avec certi- tude; le plus souvent, elle est si vaporeuse, si insaisis- sable, que les personnes chargées du soin de l’observa- tion, se trouveraient dans un grand embarras, et que des erreurs de quelques degrés seraient inévitables. De plus, on peut dire d'avance, qu'à moins d’un ha- sard extraordinaire, il n’arrivera jamais aux deux obser- vateurs de viser le même point, car il est impossible que deux hommes placés vis-à-vis d’une lueur immense, cou- vrant quelquefois de sa lueur indécise plus du quart du ciel, dirigent leur instrument absolument sur le même lieu. Cependant le moindre écart à droite ou à gauche, donnerait naissance à des erreurs d'autant plus considé- rables, que Île théâtre de l'incendie serait plus éloigné. Ainsi pour la Chaux-du-Milieu une différence de 2° pro- duirait une erreur de plus d’une lieue dans la détermi- nation de la distance. Malgré toute la célérité apportée dans l'exécution des observations, il s’écoulerait toujours 20 ou 30 minutes jusqu’au moment où le résultat serait connu. Pendant ce temps, les pompes seraient déjà parties avec une grande partie de la population , et quelle que fût l'exactitude des déterminations, elles deviendraient ainsi à-peu-près inu- tiles. — 452 — | Enfin, la base de 4000 pieds serait trop courte, lors- qu'il s'agirait de distances un peu considérables, car pour peu que la direction du feu fût oblique par rapport à cette base, l'angle qui lui serait opposé, ou l'angle du feu, deviendrait extrêmement petit, ce qui serait une nouvelle source d'erreurs. Si d'autre part on fait la base plus longue, les déplacemens des observateurs et le temps employé pour la détermination, seront augmentés en proportion. » Après la lecture de ce rapport, M. le secrétaire Huguenin du Locle, tout en louant ce qu'il trouve d’ingénieux dans le procédé de M. Léon Robert, observe que dans des cas d'incendie, il faut employer les moyens les plus prompts et les plus expéditifs. Ce qui lui ferait rejeter le procédé dont il est question, c’est la nécessité de se mettre en sta- tion aux extrémités d'une base fort longue, et par con- séquent d'occasionner des déplacemens et une perte de temps considérables. Il indique ensuite le moyen dont il fait usage au Locle, lorsqu'il est appelé par ses fonctions à déterminer le lieu d’un incendie dont on voit la réver- bération. Il prend la carte de notre canton levée par M. d'Osterwald, il l’oriente avec une boussole, et vise le long d’une règle couchée sur la carte, le centre de la lueur; il obtient ainsi la direction du feu. Pour la dis- tance, il croit ne pas s'écarter beancoup de la vérité en la fixant à une lieue, lorsque le point culminant de la lueur est à une élévation de 45°; elle est plus grande en proportion , lorsque ce point est plus rapproché de l’ho- rizon. M. le président lit une lettre du bureau de contrôle qui annonce à la société qu'il tient un crédit ouvert jusqu’à — 453 — concurrence de 3000 fr. de France, pour l'établissement de plusieurs instramens d'utilité publique. Le soin de l’a- chat et de la construction de ces divers appareils est laissé à la commission nommée pour cet objet. Il est décidé que le régulateur qui sera placé à l’hôtel- de-ville, sera construit à la Chaux-de-Fonds par les ar- üstes jugés capables d'exécuter un pareil travail, et que l’on fera ensorte que le baromètre et le thermomètre qui seront acquis au moyen des fonds fouruis par l’adminis- tration du contrôle, soient placés dans un endroit conve- nable de l'Hôtel-des-Postes que le gouvernement se pro- pose de bâtir. LS FAVRE secrétaire. Séance du 26 mars 1846. . Le Dr Pury reprend la lecture de son mémoire sur le crétinisme. Les causes locales sont : 19 L'exposition des habitations à l'ombre. L'absence du soleil empêche l'air de se changer; car la chaleur que le soleil communique à l'air produit, en le dilatant, des cou- rans d'air qui sont suffisans pour le renouveler. Les vil- lages glaronnais de Ruti et de Schwanden, situés dans une vallée étroite, et auxquels les rochers avoisinans ferment l'accès des rayons du soleil, sont remplis de cré- tins. Dans le village de la Battiaz, près de Martigny, où autrefois pullulaient les crétins, on n’en voit plus actuelle- ment, parce que des forêts qui empêchaient l’accès du soleil et le renouvellement d'air salubre, ont été abattues. 2° L'hunuidité de l'air produite soit par de hautes mon- tagnes qui empêchent l'accès du soleil, soit par des habita- — À54 — tions basses, souterraines, soit par le voisinage de l’eau, là où n'y a point de courans d'air. La quantité de crétins, ob- servés dans les parties basses des villes de Berne, de Bâle, à Klein-Huningen, en est une preuve suffisante. Dans certaines vallées étroites, où l'air humide ne peut se renouveler, tous les animaux domestiques qui y sont amenés, languissent et périssent promptement. Dans une vallée des environs de Zirknitz (district de Klagenfurth en Carniole), les habitans , qui sont en majorité crétins, ne peuvent pas élever une seule pièce de bétail; celui dont ils ont besoin doit être acheté par eux à l’état adulte. 3° La nature du sol. Le sol molassique, schisteux et argileux prédispose au crétinisme, soit à cause de l’hu- midité du sol, par lequel les eaux ne peuvent pas être absorbées comme par les terrains calcaires , soit à cause des parties siliceuses et alumineuses que tiennent en sus- pension les eaux potables fournies par ces terrains. M. le conseiller d'état D' Schneider, de Berne, chargé par son gouvernement de faire un recensement des crétins du can- ton de Berne, les trouve répartis de la manière suivante : Dans la formation molassique , 1033 crétins sur 279,103 habitans, soit 1 sur 271. Dans la formation jurassique, 119 crétins sur 73,147 habitans, soit 1 sur 614. Dans la formation alpine, 154 crétins sur 55,673 habitans, soit 1 sur 391. Les villages grisons où le crétinisme exerce ses ravages (Trimmis, Igis et Zizers) sont bâtis sur le schiste appelé par M. Studer Bündiner-Schiefer. 4° L'eau dont s’abreuvent les habitans des villages où règne le crétinisme , si cette eau tient en suspension des EN" je particules siliceuses et alumineuses. L'eau chargée de carbonate calcique n'est pas à beaucoup près aussi dan- gereuse. La mauvaise qualité de l'eau n’a pas cependant l'influence délétère qu’on lui attribue. Quelques villages glaronnais, par exemple, où la qualité de l’eau est ex- cellente, regorgent de crétins, tandis que d’autres, où l’eau est bien moins bonne, en ont peu ou point. 9° L’'élévation au-dessus de la mer. L'expérience a dé- montré que le crétinisme ne sévissait pas dans les endroits dont l'élévation atteint 3000 pieds au-dessus du niveau de la mer. 69 Le voisinage d’une eau stagnante, qui rend l'air hu- mide, et qui produit encore d’autres émanations. Quant aux lacs, leur voisinage au lieu d’être nuisible, est salu- taire par les courans d’air qu’ils déterminent. Les petits ruisseaux rendent l'air humide, et par conséquent mal- sain dans les vallées étroites où le soleil ne pénètre pas. : Les grands cours d’eau ayant d'habitude un thalweg assez large, parcouru par des courans d’air, ne sont pas une cause de crétinisme. L'exemple du Petit-Huningue ne peut pas faire admettre le contraire , car c’est au sol argileux et humide de cette commune qu’elle doit d’avoir un si grand nombre de crétins et de goîtres. Les principales causes individuelles sont : 19 Les scrophules. L’affinité de cette maladie avec le crétinisme est actuellement démontrée. L'auteur a déjà eu occasion de rapporter que des doreurs atteints de scro- phules mercurielles à un haut degré, avaient procréé des enfans presqu’entiérement crétins, et cela à la Chaux-de- Fonds que son élévation au-dessus de la mer (3070!) semblait défendre du crétinisme. — A56 — 20 Les mariages trop rapprochés. Les unions qui se font toujours entre les mêmes familles sont une cause puis- sante d’abâtardissement des races. La noble famille des Weissenfluh, demeurant près de Meyringen , qui s'était distinguée sous bien des rapports dans le moyen-âge, a pour dernier rejeton un crétin au dernier degré. Le vil- lage de Näfels, célèbre par ses crétins, a absolument la même position que Mollis qui n'en a pas et n’en a jamais eu, parce que ses habitans, tous catholiques, redoutant de se marier avec les réformés des villages voisins, sont obligés de se marier entr'eux. | 30 L'ivresse-habituelle des parens. L'ivresse, et surtout l'ivresse produite par de l'eau-de-vie, a des conséquences terribles pour les enfans conçus pendant que les parens sont dans cet état. 4° Le défaut de propreté chez les parens. 5° Les habitations malsaines, basses et humides. Ces deux causes n’ont pas besoin de commentaires. 6° La mauvaise nourriture. Les habitans des villages glaronnais où le crétinisme est endémique, ne se nour- rissent presqu'’exclusivement que de pommes de terre, de mauvais café ou plutôt d’infusion de chicorée et d’eau- de-vie. L'usage exclusif des pommes de terre prédispose aux scrophules, qui sont, comme on l'a vu, le premier degré du crétinisme ; et celui du café de chicorée produit le même effet en détériorant la masse du sang. 7° Le défaut d'éducation et de connaissance du monde extérieur. Les enfans crétins ou prédisposés au crétinisme, toujours enfermés dans des réduits obscurs, bas et hu- mides, où ils voient toujours les mêmes objets, où rien ne vient les distraire, finissent par perdre également lu- — A57 — sage de leurs facultés physiques et intellectuelles; ear l'âme est comme le corps, ses facultés se perdent, si elles ne sont pas exercées. Le défaut complet d'instruc- tion dans quelques villages retirés, perpétue le créti- nisme dans ces vallées. M. le Dr Eblin, de Coire, fait à ce sujet une comparaison curieuse avec l'enfant du Bohé- mien. Lui aussi ne recoit aucune instruction, mais les ressorts de son âme sont continuellement mis en jeu par la diversité des objets qu’il rencontre dans sa vie vaga- bonde. Il n’y a jamais eu de crétins parmi ces nomades. Le génie de leurs enfans se développe tous les jours, tan- dis que les facultés que le crétin avait reçues à sa nais- sance, meurent et disparaissent l’une après l’autre. L’Auge, ou quartier inférieur de la ville de Fribourg, était jadis célèbre par ses crétins ; ce quartier n'avait aucune re- lation avec la haute-ville, dont il était en outre séparé par le langage. Eh bien! depuis une cinquantaine d’an- nées que les communications sont devenues fréquentes, qu'on y a établi de bonnes écoles, et qu'on a accordé aux pauvres familles qui habitent ce quartier, sur les hauteurs qui environnent la ville, des coins de terre que les femmes, accompagnées de leurs enfans, vont cultiver, le crétinisme en a disparu comme par enchantement. 8° La mauvaise impression que la vue des crétins produit sur les femmes enceintes. On n’ignore pas l'influence que la vue de certains monstres produit sur les femmes enceintes et leurs fruits. C’est pour éviter les conséquences qui se- raient la suite de cette vue, que les habitans de Sion en- voyent leurs femmes enceintes sur les Mayens ou mé- tairies élevées des environs de la ville. 99 L'hérédité. Xeï, comme dans presque toutes les ma- — 58 — ladies, son rôle est immense. Des individus complètement crétins, s'ils viennent à se marier ensemble, produisent des individus qui leur ressemblent ; un demj-crétin qui se marie avec une demi-crétine, aura pour rejeton égale- ment des crétins complets. L'hérédité du père, suivant M. Guggenbühl, paraît avoir une plus grande influence que celle de la mère. Il a vu le cas d’un homme parfai- tement sain, qui, marié avec une crétine, procréa des enfans qui n'étaient nullement crétins. Fodéré dit au con- traire que si un homme demi-crétin épouse une femme bien constituée, les enfans qui naîtront de cette union ne seront que fort peu crétins. Dr Pury, secrétaire. Séance du 9 avril 1846. Le D' Pury termine la lecture de son mémoire sur le crétinisme. Le fléau est guérissable, surtout lorqu'on s’y prend de bonne heure, Le Dr Odet, de Sion, raconte dans sa dis- sertalion inaugurale, comment il a été, ainsi que son jeune frère, guéri de ce mal. Pour guérir les enfans crétins, il faut les soustraire aux causes du mal, et chercher, à force de patience et de soins, à mettre leur jeune âme en com- munication avec le monde extérieur. Mais ce à quoi les philanthropes et les gouvernemens doivent surtout vi- ser, c'est à prévenir le retour du crétinisme dans les loca- lités où il est endémique, en procurant des courans d’air et l'accès du soleil, sicela est possible, comme cela a eu lieu à la Battiaz par une coupe de forêt bien dirigée. Dans des localités où le soleil peut pénétrer, mais où d’autres causes perpétuent le crétinisme, 1} faut songer à donner à la po- — 459 — pulation un autre genre d’occupations qui développe da- vantage les facultés physiques et morales, comme on l’a fait dans la partie basse de la ville de Fribourg , où de bonnes écoles ont été instituées, et où l’on a donné aux pauvres familles qui l'habitaient, des terrains que les femmes et les enfans vont cultiver. Dans quelques autres endroits où le crétinisme a disparu, la civilisation a vaincu la routine aveugle, et des habitations propres, bien aérées ont pris la place de chenils insalubres et mal- propres. Le D' Pury estime que cest aux gouverne- mens à instruire le peuple des campagnes; à faire rem-— placer, moyennant indemnité, les masures malsaines par des maisons aérées, bien bâties; à proscrire, dans l’inté- rêt de l'humanité, les mariages entre crétins; à engager les habitans des villages, où le soleil ne pénètre pas, à faire comme les Sionnais, c'est-à-dire à transporter les- enfans sur les hautes montagnes pendant l'été. Quant à la réunion d’une masse d’enfans sur la même montagne , l’auteur ne pense pas que ce soit une mesure bien utile, parce que l'intelligence des jeunes crétins ne peut être développée suffisamment, lorsque ces jeunes êtres ont toujours devant les yeux des créatures aussi dé- gradées qu'eux. Cependant l'institut de l’Abendberg fait exception ; mais d’un côté, il n’y a qu'une quinzaine de sujets dans cet hospice , et de l’autre, les soins empressés du Dr Guggenbühl et du personnel attaché à l'établisse- ment, contrebalancent, et au delà, le mal qui pourrait résulter de cette agglomération. C'est à l'an 1813 que remontent les premières démar- ches des gouvernemens pour anéantir le crétinisme. Ce fut alors que les médecins du Valais, alors département — 460 — du Simplon, furent chargés par le ministre de l'intérieur de l'empire, de Jui transmettre leurs idées sur l’origine et la possibilité d'étendre le crétinisme. Les bouleverse- mens politiques qui suivirent, firent que cette affaire n'eut aucune suite. Le gouvernement du Valais ne s'en occupa de rechef qu'après 1830 , si l’auteur du mémoire est bien informé. Dans l'hiver de 1829, ou au printemps 1840, le D' Guggenbühl, encouragé par les résultats obtenus par les Sionnais, s’adressa à la Société suisse d'utilité publique, pour lui demander son appui pour l'œuvre qu'il allait tenter. Cette société demanda un rapport sur ce sujet à la Société Helvétique des Siences Naturelles, qui s'en oc- cupa dans sa session de 1840, sous la présidence du vénérable père Girard, qui avait déjà rassemblé un grand nombre de faits sur cette matière. La Société des Sciences Naturelles fit un rapport excellent à la Société d’atilité publique, et grâces aux souscriptions de cette dernière, de plusieurs gouvernemens et particuliers, un hospice fut construit sur l’'Abendberg, et a reçu jusqu’à ce moment une quarantaine ou cinquantaine d'enfans cré- ins, dont la position s’est bien améliorée, et le serait bien davantage, si les parens ne se hâtaient pas trop d'en retirer leurs enfans, lorsqu'ils ont appris à pronon- cer quelques mots. Le D' Guggenbühl ne leur donne pour remède, que de l’huile de foie de morue; mais l'air pur de la montagne, le soleil, l’aident efficacément à améliorer leur état physique. Pour développer leurs fa- cultés intellectuelles, le D' Guggenbühl leur fait ap- prendre à distinguer les objets qui les entourent, les dif- férentes parties de leur corps, et à les nommer. Leur — 461 — physique et leur moral se développent ainsi à la fois, et le succès est venu couronner l’œuvre du Dr Guggen- buhl (”). Le Dr Pury présente après cette lecture l'estomac et la partie inférieure de l'intestin grèle d’une jeune fille de 19 ans, morte à la chambre de secours, le quatrième ou le cinquième Jour après l'invasion de la fièvre typhoïde, et qui avait eu des délires furibonds pendant les trente-six heures qui précédérent sa mort. L'estomac était remarquable par l'épaisseur de ses parois, surtout par celle de la muqueuse qui présentait des plis longitudinaux nombreux. Ces plis, de six milli- mêtres de diamètre, étaient au moment de l’autopsie, faite 48 heures après la mort, tous d'une couleur jaune d'ocre très-foncée, tandis que les entre-deux et tout le reste de la membrane muqueuse étaient d’un blanc mat. À part ces renflemens, toutes les parois de l'estomac présentaient un engorgement et un épaississement consi- dérable. La muqueuse était celle des membranes qui pré- sentait ces phénomènes au plus haut degré. Dans le frag- ment d'intestin grèle présenté, les glandes de Peyer étaient très-engorgées, et avaient la forme d’un bourrelet ressorlant de 1 à 2 millimètres; les cryptes muqueuses étaient également considérablement engorgées et blanches: elles avaient l’aspect de petits tubercules ou ganglions de 9 à 5 millimètres de hauteur, et étaient dures au toucher. L’intestin grèle était généralement rouge-brun, au moins (*) Voir Actes de la Société helvétique des Sciences naturelles, 4840 et années suivantes; plusieurs mémoires de MM. Trümpy et Guggenbübhl et autres, dans la Gazette médicale suisse ; l’article Idiotie du Compendium de médecine pratique. — 462 — dans la partie rapprochée du cœcum; l’inflammation qui n'était pas autant développée dans la partie supérieure de ce viscère, se dénotait cependant partout par des ar- borisations très-prononcées. Dr Pury, secrétaire. Séance du 23 avril 1846. Le Dr Pury présente de la part de M. le D' Deprerre le plan d'une voiture que l’on se propose de construire au Locle pour transporter les malades à l'hôpital Pourta- lès. D’après le vœu de M. Depierre, on renvoie l'examen de ce plan à une commission composée de M. Favre, Gœnseli, et de MM. Dubois et Droz, docteurs. M. Nicolet présente à la société des dessins de l’Aga- ricus deliciosus, fort bien exécutés par M. Favre. Il com- munique ensuite une note sur l'analyse qu'il a faite du suc de ce champignon, et sur la matière qui le colore. Ce champignon est commun dans nos forêts de sapins depuis août jusqu’en novembre; son pédicule est Jaune, ferme, plein, plus tard creux, couvert souvent de taches rouges ; son chapeau est orbiculaire, ombiliqué et réfléchi sur les bords, muqueux, jaune-orange dans le jeune âge, passant ensuite au vert en vieillissant, marqué de zones Jjaunâtres; son suc est gluant, de couleur rouge-orange, d’une saveur un peu piquante, mais non désagréable. Ce champignon est souvent déformé par un parasite (Sphæ- ria lateritia F), qui s'empare des parties de la fructifica- tion, et fait disparaître complètement les feuillets. Tous les agarics laiteux sont réputés nuisibles; aussi plu- sieurs personnes, même des naturalistes , se défient-ils de — 463 — l’agaric délicieux, parce que toutes les parties de la plante émettent, lorsqu'on les entame, un suc laiteux. D'autres personnes, sans considérer ce champignon comme dan- gereux, croient qu'il ne mérite pas l’épithète de délicieux, qui lui a été donnée, et le tiennent pour indigeste. Ce- pendant nos amateurs de champignons le considèrent comme une espèce bonne à manger, et, lorsqu'il est jeune, ils en font impunément une grande consomma- tion; ils savent que tous les champignons comestibles, pris en grande quantité, sont, de leur nature, difficiles à digérer. Ce champignon communique une couleur cramoisie à l'huile de pétrole et à l'essence de térébenthine; une cou- leur rouge-orange à l'essence de lavande; une couleur orange à l'huile d'amandes douces, à l'axonge, à l’alcool et à l’éther sulfurique : il ne colore pas sensiblement l'eau et le vinaigre. L’éther sulfurique dissout très-prompte- ment le suc de l’agaric délicieux qui, séparé de son dis- solvant par l’évaporation, se prend par le refroidissement en une masse un peu molle, grasse au toucher, et con- fusément cristalline. L’acide nitrique le colore en vert- brun. En épuisant à froid cette matière par l'alcool, puis en traitant le résidu par l'alcool bouillant, M. Nicolet a ob- tenu trois produits; une matière colorante de couleur rouge-orange, une matière grasse cristalline, et une ma- tière de couleur jaune-brunâtre. La matière colorante de l’agaric délicieux est une huile d'un rouge-orange vif, sa saveur est piquante, un peu amère, et laisse sur la langue une saveur assez désa- gréable. Elle est soluble dans l'alcool, l’éther sulfurique, 33 — 46% — les huiles grasses et volatiles; elle répand, lorsqu'on la chauffe, une forte odeur de champignon. L’acide nitrique la colore en vert. La matière grasse cristalline est soluble dans l'alcool bouillant; elle s’en sépare, par le refroidissement, sous la forme de pellicules blanches, qui recouvrent la surface du liquide, et de flocons. Cette matière est de couleur blanche-jaunâtre ; son toucher est gras ; elle est fusible à une basse température; et par le refroidissement, elle se prend en une masse cristalline et radiée; elle est soluble à chaud dans les huiles essentielles, et par le refroidisse- ment le mélange se prend en une masse molle et cris- talline. Cette matière paraît à M. Nicolet êire celle qui a été reconnue et décrite sous le nom d'adipocire, par Bra- connot; ce chimiste la compare au blanc de baleine. La matière jaune-brunâtre est grasse et visqueuse au toucher, sa consistance est molle, sa saveur un peu âcre et désagréable; elle se fond à une basse température, et par le refroidissement elle se prend en une masse con- crête, non cristalline: elle est soluble dans l'alcool bouil- lant et dans les huiles grasses et volatiles. Dr Pury, secrétaire. M. le Président clot les séances jusqu'à l'hiver pro- chain. — 65 — APPENDICES. L. Séance du 28 mar 1846. Utilité des produits de la distillation sèche pour la classifi- cation des substances organiques. Par M. F. Sacc. Tout le monde sait qu’en distillant des matières qui proviennent des végétaux on obtient en général des pro- duits acides, tandis qu’en distillant celles qui sont fabri- quées par les animaux, on obtient presque toujours des substances fortement alcalines. Rien de plus facile que de reconnaître une graisse non saponifiée, à cause de la grande masse de substance âcre, d’acroleïne, qu'elle dé- gage quand on la distille; tandis que les acides gras ne donnent, lorsqu'on les soumet au même traitement, que de l'acide margarique, ou quelqu’autre de ses congénères à odeur fade. Ces deux exemples suffisent déjà pour faire sentir avec quelle facilité, avec quelle rapidité, l'étude des produits de la distillation sèche des corps nés de la vie, peut amener souvent à des conclusions positives sur leur origine et leur nature. Partant de cette manière de voir, nous avons de- mandé à la distillation sèche un procédé simple et facile pour reconnaître tous ces corps que M. Gerhardt appelle saccharigènes ; je veux parler des bois, des fécules, des gommes et 'des sucres. Ces substances sont douées de — 466 — propriétés si différentes, que la plupart des chimistes en ont fait aussi des espèces toutes spéciales, dont chacune d'elles est le type; mais peut-on admettre une division parmi des substances qui passent si facilement de l’une à l'autre? On ne peut que les réunir lorsqu'on sait qu’a- vec le bois on prépare de la gomme et du sucre, et qu'avec la fécule et la gomme, il est facile aussi de re- produire du sucre. Parmi les sucres se trouve un corps doué de la saveur qui leur est commune, mais à un faible degré; en échange, il cristallise avec la plus grande facilité; je veux parler du principe doux, du sucre qu’on trouve dans le lait. Les propriétés de cette substance sont assez extraordi- naires et le différencient assez des sucres, pour que quel- ques chimistes en aient fait une espèce spéciale, sous le nom de lactine. Ce qui établissait autrefois une diffé- rence chimique bien grave entre ce sucre et les autres espèces du même nom, c'était la faculté qu’il possède de se transformer en acide lactique. Depuis que les beaux travaux de M. Pelouze ont prouvé que tous les sucres peuvent se transformer en acide lactique, cette diffé- rence a disparu, ensorte que le travail entrepris par nous ne fait que fournir une preuve de plus à l'appui de l’a- nalogie parfaite qui existe entre les propriétés chimiques du sucre de lait et celles de tous les autres corps de la série du ligneux, des fécules, des gommes et des sucres. Quand on distille du bois, on obtient dans le récipient essentiellement de l'acide acétique et de l'acétone en quantité d'autant plus grande que le bois est plus pur. Il est possible qu’on obtienne d'autant plus d’acétone que — 467 — la distillation à eu lieu à une température plus élevée, puisqu'on la produit en soumettant l'acide acétique à une haute température; mais nous ne pensons pas que ce principe ait été produit, dans nos expériences, par le contact de l'acide acétique avec les parois brûlantes de la cornue; nous pensons plutôt qu'elle est née après l'acide acétique; c'est-à-dire que ce dernier a été produit par la décomposition de la partie de la substance organique qui se détruit sous l'influence d’une faible chaleur, tandis que l’acétone est née de l’action d’un feu assez violent pour décomposer celles de ces parties constituantes dont une chaleur peu élevée ne suffit pas pour désagréger les élémens. Nous avons opéré d'une part sur l’amidon de grains, de l’autre sur le sucre de lait. Chacune de ces substances a été réduite en poudre fine et desséchée au bain-marie, aprés quoi on l’a introduite dans une cornue de verre, qu'on a chauffée doucement au bain de sable, et on n’a cessé d'élever la température, que lorsque le fond de la cornue est devenu rouge-brun. Dans l’un et l’autre cas les produits étaient formés d'acide acétique, d’acétone, d'acide carbonique, d'eau, et de charbon qui restait dans la cornue. Pour séparer ces divers produits, je me suis servi de carbonate potassique en excès, qui retenait l’eau et l’a- “cide acétique. En distillant le mélange au bain d’eau, l'acétone passe seule; en reprenant le résidu par l’al- cool , on dissout l’acétate potassique. Il suffit de jeter un coup d’æil sur la formule de l’a- midon et sur celle du sucre de lait, pour voir avec quelle facilité elles expliquent la formation des produits pyro- génés dont nous venons de parler. — A68 — L’amidon ou fécule formée de : C3 H: O acétone, Ci Hi; O: acide acétique, C'?H'° 0° produit OC O> acide carbonique, 4 (HO) eau, \C4 charbon. Tandis que le sucre de lait formé de : : C3 H; O acétone, C4 EH: O: acide acétique, Ci2 Hi2 Os2 produit C O2 acide carbonique, l6 O) eau, Ca charbon. On voit par là que les produits de la distillation sèche de l’amidon et du sucre de lait se ressemblent en tous points, sauf pour la quantité d’eau, qui est d’un tiers plus forte, pour le sucre de lait; ainsi que sa formule devait le faire prévoir. IL. N ouvelle classification des substances organiques. Par M. F. Sacc. Frappé de la difficulté qu'offre l'étude de la chimie or- ganique', lorsqu'on lui applique un des systèmes de classification à la mode, systèmes qui, comme celui des radicaux organiques, ne s'appliquent point à tous les corps connus, ou bien qui, comme celui du savant Prof. de Montpellier, M. Gerhardt, placent tout près les uns des autres, des corps doués de propriétés chimiques assez dif- férentes, je me suis décidé à diviser les substances orga- niques de la maniêre suivante : I. IL. Substances azotées. Substances non azotées. a. Acides. a. Acides. b. Basiques. b. Basiques. c. Neutres. c. Neutres. Chacune des subdivisions de ces deux grandes classes de corps se sous-divise encore en 1. 2. Corps solides Corps liquides à la température or- à la température or- dinaire — {5° C. dinaire— 15° C. 3. Corps gazeux. Chacun de ces nouveaux groupes peut être partagé en trois, suivant que les corps qui leur appartiennent sont insolubles ou solubles. — 410 — a b c d Dans l'eau. Dans l'alcool. Dans l'éther. Insoluble dans ces trois fluides. Pour éviter les doubles emplois que produisent les corps solubles à la fois, dans deux ou trois de ces menstrues, on rangera ces corps toujours sous la lettre la moins avancée à laquelle ils appartiennent, en en tenant sn re dans les autres, seulement pour mémoire. Lorsqu'il le faut, on peut faire intervenir pour les subdivisions ultérieures l'usage des alcalis caustiques, dont l'application est très-utile pour séparer les huiles grasses d'avec les huiles essentielles et les alcools, et les savons véritables d'avec ceux de résine, parce que les premiers sont précipités par le chlorure sodique, tandis que les savons de résine restent en dissolution. ILLE Séances du 2 et du 16 avril 1846. M. Léo Lesquereux a envoyé à la Société un rapport sur un voyage qu'il a fait dans le nord de l'Europe pour l'étude des dépôts tourbeux. Nous en extrayons les faits principaux. La géographie botanique, observée comparative- ment dans les Vosges, les montagnes du Rhôn et le Hartz, offre des caractères assez semblables pour les plantes phanérogames. Les Vosges, par la variété des ac- cidens géologiques, et surtout par les stations si nom- breuses que cette chaîne présente, sont d'une grande richesse, comparée au Rhon surtout, qui presque entiè- rement basaltique, nourrit les plantes du sol calcaire de moyenne élévation. Dans les Vosges et le Hartz, les hauts sommets sont couverts de la plupart des plantes alpines, qui caractérisent les sommités du Jura. On rencontre même les anémones au point culminant du Rhôn, le Kreutzberg. Il faudrait énumérer une longue série de plantes pour établir positivement les caractères distinctifs des flores locales. Au reste, ces caractères tiennent peu à la nature même du sol. Il en est autrement quand on en vient à l'étude des plantes cryptogames. Les granits, les basaltes, les calcaires , ont une physionomie parfaite- ment distincte pour les mousses et les lichens qu'ils nour- rissent, et dans l'examen de ces petits végétaux, la géo- graphie botanique peut s'élever à des considérations tellement sévères et précises que suivant l’auteur, il suffit R — 412 — de connaître quelques-uns des cryptogames attachés au rocher pour déterminer la nature du sol lui-même. - Dans l'étude des bassins, on doit établir la même dis- tinction. Il est certain que la géographie botanique ne peut être traitée complétement d'une autre manière, c'est-à-dire qu'il ne suffit pas d'isoler les groupes suivant des délimitations politiques. Mais la marche de la dissé- mination dans les phanérogames est, chose curieuse, plus difficile à constater que pour les cryptogames, surtout pour les mousses. Sur l'inspection d'un seul exemplaire trouvé au bord d’un ruisseau dans la plaine, il est arrivé à l'auteur d'indiquer la présence de cette même espèce dans une localité plus élevée, où elle s’est rencontrée en effet. Cela n'aurait certes rien d'étonnant s’il s'agissait de l’une de ces mousses aquatiques végétant au fond des ruis- seaux, mais le Bryum uliginosum croît dans les sables hu- mides et tout-à-fait en dehors de l'influence continuelle d’un cours d’eau. De ces observations sur la dissémination des espèces végétales, l’auteur arrive à expliquer la pré- sence de certaines fourbières dans le voisinage de plu- sieurs ruisseaux, quand au contraire on n’en rencontre parfois aucune trace ailleurs dans les mêmes circonstances hygrométriques. Les formations tourbeuses sont divisées en deux classes bien distinctes, comme cela a été établi dans les Recherches sur les dépôts tourbeux (") : formations immergées par l’en- tassement des plantes aquatiques, comme les roseaux et les carex: formation émergée par le secours du sphaigne. (*) Léo Lesquereux. Recherches sur les Dépôts tourbeux en général. Mé- moires de la Société des Sciences naturelles de Neuchâtel, tome HF. — 413 — Dans les Vosges et le Hartz, éomme dans les terrains granitiques en général, moins perméables à l'humidité que le calcaire, les tourbières émergées se présentent assez fréquemment sur des pentes fort inclinées. Elles montent même jusqu'au point culminant du Brocken. Ce fait important prouve que leur présence n'est due ni à un acide particulier ni à tel autre agent préparé d’a- vance. C'est une des preuves les plus positives qu'il soit possible de fournir de l’action hygroscopique du sphaigne, autant pour effectuer l'absorption de l’eau que pour favo- riser la conservation du ligneux dans les touffes imbi- bées de liquide. Les grandes tourbières des plaines du Nord de l’Alle- magne , celles de Neumünster, près de Kiel, par exemple, ont pour caractère de présenter les deux formations super- posées. La tourbe a cru d’abord dans un bassin de plu- sieurs pieds de profondeur, et dès que le niveau de l’eau a été atteint, la croissance émergée a commencé, de sorte qu'on constate facilement, et par la qualité du combustible et par les plantes qu’on y trouve, ces deux natures fort différentes. Un troisième mode de croissance a été observé dans quelques parties des Vosges, mais surtout en Scanie et en Danemarck, dans les bassins profonds et peu étendus, où la végétation tourbeuse a commencé à la surface de l'eau. C'est par l'immersion du tapis flottant, constam— ment épaissi par l'apparition de nouvelles plantes, que ces bassins se sont comblés. On comprend que l'accès des abîmes, ainsi cachés sous la verdure, ait été quel- quefois fort dangereux ; aussi ces tourbières du nord sont-elles remplies d’une grande quantité d'ossemens et — 414 — d’instrumens divers, tant anciens que modernes, qui peu- vent aider à constater les diverses époques de la formation de ces divers dépôts tourbeux. Plusieurs questions fort intéressantes ont été étudiées d’ailleurs par M. Lesquereux en dehors de celle de la for- mation de la tourbe. Celle, par exemple, de la culture des tourbières dans les grands marais de Giffhorn, au milieu des Bruyères d'Oldenbourg, où sont depuis long- temps établies des colonies fort intéressantes sous ce rap- port. Le sol tourbeux est peu fertile; il nécessite un la- bour fréquent, des engrais souvent renouvelés, et ne produit jamais des récoltes d'une grande abondance, s’il n’est pour ainsi dire totalement changé par le mélange de l'argile. La question de la reproduction de la tourbe, dont l’au- teur a vu des exemples fréquens dans les environs de Brème et de Hambourg, et qui n’est maintenant plus mise en doute par personne. Le rapport entre les combustibles minéraux, la houille, les lignites et la tourbe se trouve établi, suivant l’auteur, par l'inspection des dépôts de lignites du Rhôn et de la Thuringe et par les couches de houille d'flmenau. Les lignites de Bischoffsheim, empâtés dans les basaltes, sont des amas de bois semi-carbonisés, et qu’on exploite à la hache. Les couches d'argile sur lesquelles ils reposent, et qui les recouvrent, présentent fréquemment des em- preintes de feuilles d'orme, de bouleau, de saule, etc. Les lignites de Mächsterstädt sont mêlées d’une immense quantité de cônes de pin. Ceux de Lützen, qu'on appel- lerait plutôt du nom de tourbe, sont couverts d'une | couche de sable et de gravier d’une trentaine de pieds — 415 — d'épaisseur. La matière combustible est noire et cassante, on y reconnaît encore quelques débris de mousses aqua- tiques, et elle est assise sur des troncs dont le bois, ab- solument noirci, est réduit à l’état de pâte molle comme l'argile. C'est un état de décomposition transitoire entre la tourbe proprement dite et les lignites ou les houilles. Ce ramollissement des plus grands végétaux explique parfaitement l'aplatissement de tous les restes de plantes qu'on peut reconnaître dans les combustibles minéraux. Nous dirons encore un mot des observations curieuses faites sur le grand âge de certaines tourbières dans les environs d'Helsingôr, où l'exploitation a mis à découvert trois forêts superposées et séparées par des hancs de tourbe d’une épaisseur considérable. L'auteur explique ce curieux phénomène par des enfoncemens successifs d’une surface surchargée, et renouvelée par la croissance de la tourbe. Mais ces formations n’ont pu se faire que dans un es- pace de temps fort considérable, puisque de ces trois forêts d'arbres de diverses espèces, l’une, celle des chênes, présente des troncs qui n'ont pas moins de deux à trois pieds de diamètre. En terminant son mémoire, l’auteur affirme n'avoir jamais pu observer de dépôts tourbeux vraiment marins. Sur le bord de la Baltique et de l'Océan, les lagunes sont comblées par la tourbe, au moyen des mêmes plantes aquatiques que celles qui végétent sur les bord de nos lacs. Nulle part il n’a rencontré de tourbières composées de fucus. La Zostera marine, rejetée parfois sur le ri- vage en grandes masses, reste pendant des temps indé- finis exposés à toutes les variations atmosphériques, sans — 476 — que sa nature et ses formes soient modifiées. Mais ce ne sont pas là des formations, et il est impossible de com- parer ces accidens aux travaux lents et continus que la nalure emploie pour la composition des dépôts tour— beux ('). (*) Voir, pour des développements plus étendus, les divers articles pu- bliés par la Revue Suisse et la Monographie des tourbières d'Europe, que Pauteur termine en ce moment et qui va être livrée à la presse. IV. Sur lu distribution des espèces de roches dans le bassin erratique du Rhône (*). Par M. À. Guyot. On sait maintenant, et mes précédentes communica- tions ont démontré, je crois, que le terrain erratique al- pin est divisé en un certain nombre de groupes de roches ou en bassins erratiques, dont les limites respectives restent parfaitement distinctes. Mais quant à la question de savoir si dans l’intérieur de chaque bassin pareil on peut constater un certain ordre dans la répartition des roches diverses qui s’y rencontrent, elle est plus difficile à résoudre; aussi à peine peut-on dire qu'elle ait été abordée. Parmi les auteurs peu nombreux qui se sont réellement occupés de l'étude du terrain erratique, M. J.-A. Deluc énumère une multitude de faits soi- gneusement enregistrés, sans chercher à en déduire un argument pour ou contre l'existence d’une loi de distri- bution. MM. de Buch et de Charpentier ont légèrement touché la question relativement au bassin du Rhône; le premier semble y répondre affirmativement quant aux _granits du Mont-Blanc et aux poudingues de Valorsine; le second, qui admet une loi de distribution pour les roches erratiques dans l’intérieur de la vallée du Rhône, paraît nier toute régularité dans la répartition des mêmes (*) Nous réunissons ici en un même compte-rendu, la substance de plusieurs communications faites par M. Guyot sur ce sujet, spécialement dans les séances du 4 décembre 4844 et du 5 novembre 1845. — 478 — espèces qui couvrent la plaine ; M. Studer, au contraire, croit en trouver une dans le bassin de l’Aar, précisé- ment dans l'espace qui est en dehors des hautes Alpes. Les faits que j'ai observés dans tous les bassins errati- ques, et spécialement dans ceux du Rhin, de la Reuss et du Rhône, me forcent à reconnaître : 1° Que la répartition des espèces de roches erratiques dans l'intérieur de chaque bassin est soumise à une loi qui a valeur pour la plaine comme pour les vallées. 29 Que cette loi est la même pour tous les bassins. Mais c’est du dernier seulement des bassins que je viens de nommer que je désire entretenir la Société. La variété de roches différentes d'aspect autant que de nature minéralogique, que présente le bassin du Rhône , et la grandeur de l'échelle sur laquelle le phé- noméne se développe, rendent ce bassin très-propre à ce genre d'étude; d'autre part cependant son double dé- versement, sa double issue, à l’est et à l’ouest, com- plique la question d’un élément qui ne se trouve point dans les bassins voisins, et dont il faut avoir grand soin de tenir compte. Je vais d'abord passer en revue som- mairement les principales espèces de roches qui distin- guent le bassin du Rhône, puis j'examinerai quel est le mode d'association et de répartition qui est propre à cha- cune d'elles. Espèces caractéristiques. Les roches que je considère comme vraiment caractéristiques pour ce bassin, sans appartenir à des espèces bien franches , forment néan- moins des groupes partout identiques à eux-mêmes et parfaitement reconnaissables. Ce sont essentiellement les suivantes : — T9 — 1° Une espèce de granite ou, si l’on” veut, defsyénite talqueuse, de couleur jaune-verdâtre, composée d’une masse talqueuse et chloriteuse le plus souvent schistoïde, intercalée de nombreux cristaux de quartz, de feldspath et d’amphibole et parsemée ça et là de très-petits cristaux de sphène. Elle affecte tout aussi fréquemment la struc— ture gneissique et même schisteuse ; dans ce dernier cas le quartz et l’amphibole et même le feldspath disparais-— sent peu à peu, et la roche passe à une sorte de schiste chloriteux.. Cette roche est le granite talqueux de M. de Charpentier, la roche à sphènes de M. de Buch; je la nommerai d’un seul mot Arkésine, nom que M. Jurine a imposé à une roche très-analogue dont j'ai trouvé quel- ques échantillons dans sa collection déposée au musée de Genève. | | | 29 Une espèce de gneiss très-riche en feldspath blanc imparfaitement cristallisé, à feuillets chloriteux, brisés ou ondulés, d’un beau vert-clair, semés de particules très-scintillantes, et à cristaux de quartz rares et irré- gulièrement distribués. Par la disparition du quartz, qui manque très-souvent, cette roche passe à une sorte de leptinite chloritée ; par la diminution du feldspath jus- qu'à une (rès-petite dose et la prédominance de la chlo- rite, elle se rapproche d’un simple schiste chloriteux. Je l’'appelerai gneiss chloriteux. 3° Des chlorites d’un vert-bleuâtre clair ou foncé, ordi- nairement schistoïdes, comme piquées régulièrement d’un grand nombre de granules de feldspath blanc ou jaunâtre, dont la grosseur est très-variable. Ce sont ces chlorites que j'ai appelés jusqu'ici roches de Bagnes, parce qu’elles constituent en bonne partie les grandes chaînes qui tra- 54 — 480 — versent la partie supérieure de cette vallée et ses envi- rons. Ces trois espèces se trouvent trop constamment en- semble dans toute l'étendue du bassin du Rhône, pour n'avoir pas appartenu primilivement aux mêmes locali- tés. Elles forment un groupe à part que j'appellerai par excellence les roches pennines; car j'ai enfin acquis la certitude que c’est dans les plus hauts sommets des Alpes pennines qu’elles ont leur gîte primitif. M. de Charpentier avait annoncé, sur ouï-dire, que l'arkésine, ou granite talqueux, provenait de la vallée de Binnen , dans le Haut-Valais , et spécialement de la chaîne qui sépare cette vallée du Val-Antigorio; j'ai par- couru cette vallée et le col de l'Albrun qui mène à Anti- gorio, sans y rencontrer même un fragment qui rappe- lât cette roche si caractéristique. MM. Studer , Escher et Desor ont traversé les deux chaînes qui bordent eette vallée, depuis le Valais jusqu'au Val-Divedro, sans y en trouver davantage. J'ignorais donc, en partant pour ma dernière excursion dans les Alpes, où il fallait aller la chercher. Guidé par la lot de distribution que j'avais re- connue dans la plaine, et par l'association constante de cette roche avec celles du Mont-Rose, je dirigeai mes pas vers le fond des vallées de cet énorme massif, et c’est là, au-dessus du glacier de Zmutt, que je l'ai trouvée enfin en grande abondance, formant une vaste moraine sur le flanc gauche de la vallée, à la limite même des roches polies, à 9,000 pieds de hauteur. Cette traïinée, que j'ai suivie l’espace d’une lieue, venait évidemment des régions très-rapprochées de la Dent-Blanche et de la Dent- d'Erin. — AS — | J'ai retrouvé l’arkésine dans le val d'Erin même tout aussi abondamment. Les deux seuls exemplaires de cette roche qui se trouvent dans la riche collection de Berne, proviennent l’un de ces mêmes régions de la Dent-d'Erin, où il a été recueilli par M. Forbes, l’autre du fond de la vallée de Bagnes, du glacier de Chermontane, d’où il a été rapporté par M. Studer. Au glacier de Zmutt, comme au val d'Erin, le gneiss chlorité, avec toutes ses variétés , accompagne l’arkésine. On peut donc affir- mer que ces roches appartiennent à la grande chaîne mé- tamorphique qui, seion M. Studer, constitue la plupart des énormes massifs des Alpes pennines depuis le fond des vallées de Bagnes et d'Entremont jusqu’à celle de Viège et au-delà (*). Quant aux chlorites granuleuses, ou roches de Bagnes, leur gîte est constaté depuis long-temps. Quoique dé- bouchant en plus grande abondance par les vallées de Bagnes et d'Entremont , elles se trouvent dans toute lé tendue que je viens d'indiquer, tout en variant beaucoup. Elles passent par divers degrés à des schistes plus ou moins {alqueux, à structure souvent filandreuse, et elles (*) Ces conclusions ont été pleinement justifiées et mises hors de doute par mes explorations de l’été dernier (1846). J’ai parcouru toute la haute chaine des Alpes pennines si peu connues encore, depuis le Mont-Blanc jusqu’au Mont-Rose. J’ai atteint ou traversé son faite sur cinq points dif- férens ; j'ai examiné le fond de toutes les vallées qui en sillonnent le flanc septentrional, depuis la vallée de Bagnes jusqu’à celle de Saas, ainsi qu’une partie de celles du revers méridional, et j’ai eu la satisfaction bien grande de découvrir enfin dans ces cimes presque inabordables le gite pré- cis de toutes les roches caractéristiques du bassin erratique du Rhôre qui sont énumérées ici et de les recueillir en place. Je rendrai compte ailleurs du résultat de ces recherches qui complètent la série de mes études sur le terrain erratique suisse. — 482 — se trouvent sous ces formes diverses dans la chaîne mé- ridionale jusques dans le Haut-Valais. L’arkésine au contraire et le gneiss chloriteux ne se montrent jamais plus haut que la vallée de Viège, encore ne les voit-on point sur le flanc droit de cette vallée, qui est occupé par les roches descendues de la vallée de Saas. On peut joindre à ce groupe des roches pennines pro- prement dites, celui des roches du Mont-Rose, qui com- prend également trois espèces particulièrement caracté-— ristiques. L 4° Les euphotides de Saas se placent ici au premier rang. Cette belle roche, dont les variétés plus ou moins riches en saussurite, en smaragdite , et en tale jaune ou blanc sont très-nombreuses, se distingue des rares eupho- tides ou des granitones des bassins de l'Isère et du Rhin. Elle est répandue sur la surface presque entière du bassin du Rhône et provient cependant, comme l’on sait, de la seule vallée de Saas. Elle descend des hautes arêtes du Saasgrat par une route unique, le glacier d’Alalein, en amont duquel je n'ai pu en apercevoir même un seul fragment. Cette provenance exclusive, jointe à sa grande extension, la rend très-précieuse pour séparer le bassin du Rhône d'avec les bassins contigus. 5° Les éclogites, compagnes fidèles des euphotides, et non moins caractéristiques, proviennent exclusivement aussi des mêmes localités. Cette roche semble avoir pour base une sorte d’amphibolite grenue; d’un vert-grisâtre, imparfaitement schistoïde, parsemée régulièrement de petits grenats d’un à quatre millimètres de diamètre, tel- lement nombreux qu'ils forment une partie essentielle de la roche , et de brillantes paillettes de mica argentin, — A83 — tout aussi nombreuses, volontiers de même grandeur et remarquables par leur distribution régulière et leur forme généralement arrondie. Cette roche, aussi répan- due que l’euphotide sous forme de galet et de petits blocs, ne se trouve guère en blocs volumineux. Quoiqu'elle des- cende surtout, comme l’euphotide, par le glacier d’Ala- lein , je l'ai découverte aussi à l’ouest du Saasgrat dans les moraines du glacier de Finnelen. 6° Les serpentines compactes et schisteuses du massif du Mont-Rose peuvent être rangées au nombre des roches caractéristiques de cette grande chaîne pennine et du bas- sin du Rhône. Car, quoique l’on puisse objecter qu’il s’en trouve également quelques-unes dans les bassins voisins de l'Arve et de l'Isère, elles parleront toujours par leurs variétés particulières , leur abondance, et par leur asso- clalion avec des roches d’une origine plus incontestable encore. Les deux groupes précédens représentent dans la plaine la grande chaîne centrale ou pennine ; les espèces sui- vanies représentent essentiellement les massifs latéraux du Mont-Blanc et de l'Oberland bernois. 7° Les granites du bassin du Rhône formant les blocs gigantesques épars sur les pentes du Jura, qui les pre- miers ont attiré l’attention du monde savant, il est natu- rel qu’on les ait considérés comme la roche principale et la plus caractéristique de ce bassin. Cependanf il n'en est point ainsi, car non-seulement ils n’y sont pas aussi généralement répandus que les roches pennines, mais, de plus, les uns lui sont communs avec le bassin de l'Arve, les autres sont très-analogues à ceux du bassin de l’Aar. — 84 — Ces granites sont essentiellement de deux sortes : Les uns à base de feldspath blanc, parfois très-légère- ment rosé, en gros cristaux parallélipipèdes, souvent mâ- clés ;. à quartz faiblement violacé ; l’amphibole et une substance chloriteuse y remplacent d'ordinaire le mica qui y est rare, et forment çà et là des amas d’un vert noi- râtre, dont la grosseur varie depuis un pouce jusqu’à un pied et plus. On dirait alors un fragment de roche étran- gère empâäté dans la masse du granite. Enfin une subs- tance talqueuse d’un vert-clair, d’une apparence terreuse, communique sa couleur à une partie de la masse. Ce sont les protogines de la chaîne du Mont-Blanc dont il existe plusieurs variétés qui sont dues à des différences dans le développement des cristaux, dans la structure, et dans l'abondance des parties talqueuses. Quoique ces variétés semblent se retrouver simultanément dans plusieurs par- ties de la chaîne, on peut dire en général que les proto— gines qui se distinguent par la grosseur disproportionnée de leurs cristaux de feldspath et leur structure gneissique, appartiennent aux aiguilles de Chamounix, au revers nord-ouest de la chaîne; celles du val Ferret, sur les pentes nord-est, ont le grain plus égal, quoique les cri- taux soient encore très-développés. Les protogines à pe- tits grains et pauvres en parties talqueuses ou passant à un vrai gneiss, se trouvent plutôt dans l'extrémité nord, entre Saint-Maurice et Martigny , comme dans le Mont. Catogne. La seconde sorte de granite diffère des précédens par plusieurs caractères ; les cristaux ne dépassent pas une grandeur moyenne ; ils sont aussi plus confusément cris- tallisés; ne sont jamais mâclés. Le mica, ou ses rempla- — 485 — çans, est plus disséminé et d’un vert plus clair. Rarement ces granites contiennent de ces amas noirâtres empâtés dans la masse ; encore sont-ils alors peu considérables et moins nettement limités. Les parties talqueuses sont souvent peu abondantes et l'aspect de la roche généralement plus blanc. Ces granites sont ceux qui proviennent du glacier du Rhône et du massif de l'Oberland bernois, descen- dent par les glaciers de Viesch et d’Aletsch, et suivent la rive droite du Valais ; de là leur analogie avec ceux qui sortent du même massif par la vallée de l’Aar. 7° Les poudingues de Valorsine, que les belles obser- valions de Saussure ont rendus célèbres, sont encore l’une des roches les plus distinctives du bassin du Rhône. Ils se composent d'un grès souvent schisteux, d’un beau gris, très-micacé, parsemé çà et là de taches schisteuses plus eu moins larges, d'un noir mat et foncé, intercalées entre les feuillets; ce grès contient des galets et des frag- ments de quartz, de gneiss et d’autres roches primitives dont le volume varie depuis la grosseur d’un gravier fin jusqu'à celle de la tête. Ces galets sont d'ordinaire si nombreux que la structure schisteuse disparaît, et ils sont si intimément cimentés que le marteau ne peut les détacher sans briser la matrice, et qu'à la cassure ils paraissent comme des taches dont les bords ne sont pas toujours nettement accusés. Le tout forme une roche d'une grande dureté. Leur gîte primitif n’est pas seule- ment la vallée de Valorsine; cette roche est encore en place sur la rive droite du Rhône, au-dessus d'Outre- Rhône, près de la dent de Morcles, à la montagne de Foully, etc. Dans les deux localités elle est accompagnée de conglomérats et de schistes rouges lie-de-vin, qui — 486 — appartiennent à la même formation. C'est de la dernière, c’est-à-dire de la rive droite de la vallée, que semblent avoir été détachés la plupart des nombreux blocs de cette espèce qui sont à l’état erratique dans le bassin du Rhône. 8° Il faut enfin signaler comme un caractère du bas- sin du Rhône qu'aucun autre bassin voisin ne partage avec lui, du moins au même degré, l'abondance remar- quable de galets de toute grosseur , d’un quartz ordinai- rement jaunâtre, qui sont répandus sur sa surface entière et dont la présence, aux abords de ce bassin, annonce invariablement la proximité des autres roches erratiques. Répartition des espèces. La répartition dans la plaine des espèces que je viens de nommer n'est point acciden— telle. Ici non plus il n’y a point désordre, point mélange absolu, mais bien un ordre et un triage qui a lieu sui- vant certaines lois. Sans doute il ne faut point cher- cher ici des limites de distribution tranchées comme le sont celles qui séparent les différens bassins; mais on peut affirmer les proposilions suivantes : 1° Telle espèce abonde dans une région du bassin et ne se trouve que rarement ou pas du tout dans une autre. 20 Les blocs des diverses espèces , à partir du lieu de leur origine, tendent à former des séries parallèles, et quand arrivés dans la plaine, ils s’étalent considérable- ment, ils n'en conservent pas moins une disposition res- pective analogue à celle qu'ils avaient dans leurs gîtes primitifs. Les blocs du flanc droit de la vallée occupent dans la plaine la rive droite du bassin; ceux du flanc gauche, la rive gauche; ceux des vallées les plus cen- trales en couvrent les régions centrales. — 487 — 3° Des groupes composés chacun d’une seule espèce de roche à l'exclusion de toute autre, se rencontrent çà et là au milieu de roches d'espèces variées, en restant toutefois dans les conditions de la règle précédente. Un mot sur la distribution de chacune des espèces que je viens de décrire suffira pour en donner la preuve. Les roches pennines, l'arkésine, le gneiss chlorité et les chlorites granuleuses sont de beaucoup les plus répan- dues ; elles couvrent les trois quarts de la surface du bas- sin. Nous avons dit qu’elles marchent toujours ensemble et qu'elles forment un groupe qui se comporte presque comme une seule espèce. Si nous les prenons à leur point de départ depuis le débouché de la vallée de Viège et du val d'Erin, nous les voyons suivre le flanc gauche de la vallée du Rhône sans jamais passer sur la rive oppo- sée. À l'issue des vallées d'Entremont et de Trient elles se recrutent des granites du Mont-Blanc qui les accom-— pagnent en formant la lisière extérieure. Au sortir de la vallée du Rhône, elles s’étalent dans la plaine en un vaste éventail, et remplissent le bassin du Léman et celui des lacs . de Neuchâtel et de Bienne. On les trouve à la fois le long des pentes extérieures des chaînes du Chablais, au pied du Salève, dans toute la plaine de Genève ; elles couron- nent de blocs prodigieux le Mont de Sion. Elles consti- tuent la grande majorité des grands blocs suspendus sur le revers du Jura depuis le fort de l'Ecluse jusqu’au pied de la Dôle, ainsi que les blocs moins nombreux qui sont épars dans les plaines du pays de Gex et sur les hauteurs de la Côte jusque dans les environs de Lausanne. Plus à l'Est, ces mêmes roches, mais en blocs moins volumi- neux et relativement moins fréquens, jonchent les pentes 7] — ÀA88 — du Jura et forment avec les granites du Mont-Blanc la limite supérieure de l’erratique. Dans la plaine où les gra- nites paraissent à peine, elles dominent de nouveau et couvrent de leurs débris toute la plaine de l’Aar, les col- lines molassiques entre Soleure et Berne, et s'étendent jusque dans les environs de Zoffingen et d’Arbourg où des blocs métriques de chlorites peuvent être considérés comme les derniers représentans des roches pennines, et marquent la limite extrême de l'extension du bassin du Rhône. Bien plus encore, ces mêmes roches sont les seules qui pénètrent dans l’intérieur des hautes vallées du Jura. Au- delà de la limite supérieure de l’erratique, marquée dans le Jura neuchâtelois et vaudois par les grands blocs de granite et l'existence des roches polies, par delà les deux ou trois premières chaînes et plus loin encore, on ren- contre , dans le fond des hautes vallées, jusqu’à plus de 3,900 pieds de hauteur, un terrain erratique qui se com- pose de fragmens et de blocs dont les plus volumineux atteignent rarement un mètre, accompagnés de nombreux galets de quartz. Ces fragmens sont ordinairement très-anguleux et por- tent cependant je ne sais quel caractère de vétusté; la roche semble profondément altérée. Ils paraissent avoir séjourné plus ou moins longtemps sous terre, où ils se trouvent encore pour la plupart. Eh bien, les roches qui composent ce terrain erratique pour ainsi dire isolé, et distinct du reste du bassin , sont encore exclusivement les roches pennines. Jamais un granite du Mont-Blanc, ou un poudingue de Valorsine ne pénètrent dans cette enceinte défendue par les hautes chaînes du Jura. Les vallées ou- — À89 — vertes vers la plaine, comme celles de Vallorbe, du Val- de-Travers, du Val-de-Ruz, sont les seules du Jura où pénètrent ces derniers. Les quartz seuls, en galets nom- breux et de toute grosseur, accompagnent dans l’intérieur du Jura les roches pennines et ils sont ainsi, avec elles, les derniers et les plus lointains représentans des roches alpines sur toute cette lisière. Mais quoique ces trois espèces de roches jouent ainsi un rôle commun, on peut néanmoins signaler une diffé- rence dans leur distribution qui confirme la loi que j'ai indiquée. Les chlorites granuleuses, qui viennent en plus grande abondance de la partie inférieure de la vallée du Rhône, tendent à conserver leur position extérieure le long de la rive gauche du bassin. Elles sont plus fréquentes et en blocs plus considérables dans la partie occidentale du bas- sin. Elles remontent très-haut sur les chaînes du Cha- blais, sans atteindre toutefois la hauteur des granites, mais laissant au-dessous d'elles les arkésines qui n'occu- pent guère que le pied de ces hauteurs. Elles sont encore en blocs de plusieurs mètres au Mont-de-Sion. Au-dessus du Pays de Gex sur les confins du Jura vaudois et du Jura neuchâtelois, sur le Suchet et le Chasseron, elles reparais- sent plus fréquentes et en gros blocs. Mais plus à l'Est, les blocs sont plus petits, moins nombreux, et des varié- tés plus talqueuses, où disparaît peu à peu toute granula- tion, se substituent aux vraies chlorites granuleuses. Le gneiss chloriteux, quoique abondant, ne forme que rarement de très-gros blocs ; sa présence est liée plus in- timément à celle de l’arkésine et on peut considérer comme Jui étant applicable ce que nous allons dire de la distribu- tion de cette dernière roche. — 490 — L'arkésine, avec ses analogues, est la plus répandue de ces trois roches ; son vrai domaine est la partie Sud- Ouest du bassin. On la trouve le long de la rive savoyarde du lac de Genève ; elle forme la grande majorité des blocs du Mont de Sion, du Vouache et du Pays de Gex. Plus à l'Est elle accompagne en blocs nombreux encore mais beaucoup moins gros, les granites du Jura. Dans la plaine on la retrouve abondante entre Neuchâtel, Fribourg et Berne ; elle forme presque à elle seule, à quelques lieues de Soleure, les plus gros blocs connus, non-seulement du bassin du Rhône mais de la Suisse entière : le grand bloc du Steinhof et tout auprès ceux du Steinberg. Ainsi donc les roches pennines se trouvent presque dans toute l'étendue du bassin. Aucune région n'en est exempte, si ce n’est la rive droite de la vallée du Rhône et hors des Alpes, les contrées situées au pied des mon- tagnes de la Gruyère. Toutefois les chlorites abondent surtout sur la rive gauche du lac de Genève, tandis que les arkésines, unies aux gneiss chloriteux, dominent dans la partie centrale du bassin, spécialement d'une part au Mont-de-Sion et dans le Pays de Gex, de l’autre, à l'ex- trémité Nord-Est, dans la plaine au Sud de Soleure. La situation respective des régions ou prédomine l’une ou l'autre de ces trois espèces erratiques, est ainsi, hors des Alpes, la même que celle qui existe entre les vallées al- pines d’où elles tirent leur origine. Les roches du Mont-Rose se comportent également comme une seule espèce. Elles suivent à-peu-près les allures des roches pennines, et les accompagnent pres- que partout à l'état de galets; mais ne les suivent pas dans les plus grandes hauteurs auxquelles elles semblent | — Yi — préférer la plaine ou les coteaux inférieurs. Les blocs un peu volumineux de ces roches ne se trouvent guëre que dans la partie occidentale du bassin. La plaine de Genève et les coteaux qui la bordent, le Pays de Gex, et surtout les environs de Nyon, voilà leur véritable domaine. Là seulement on rencontre des blocs d’euphotide de deux à cinq mètres de longueur, des masses de serpentine plus grosses encore. Au-delà de cette limite, dans la partie orientale du pays de Vaud et plus loin vers l'Est, les blocs d'euphotide deviennent d'une grande rareté ; les plus loin- tains que j'aie rencontrés sur les flanes du Jura, se trou- vent au-dessus de Neuchâtel et de la Neuveville et attei- gnent à peine un mètre. On peut en dire autant des serpentines. Les unes et les autres, et les serpentines en particulier, reparaissent cependant en abondance et en ? grands blocs entre Berne et Bourgdorf, où elles font caractère pour toute une région du bassin. Quant aux éclogites je n’en connais point de gros blocs. On les trouve d'ordinaire en blocs de petit volume, à peine métriques, et le plus souvent en galets de grosseur très-variable. On voit que les deux régions dans lesquelles les roches du Mont-Rose sont le plus abondantes, sont l’une et l'autre sur la droite de celles où dominent les roches pen- nines ; ici encore nous retrouvons dans la plaine une dis- position des roches erratiques qui rappelle la situation relative des vallées d’où elles sont descendues. La répartition des granites du Mont-Blanc offre des ca- ractères remarquables. On les trouve à la fois à la limite supérieure de tout l’erratique, le long de la rive gauche du bassin, sur les hauteurs de Chablais, et le long des pentes opposées du Jura. Cette dernière localité paraît même — À92 — être, contre toute attente, le domaine spécial de cette roche. Depuis la Dôle jusqu’au delà de Soleure, dans les environs de Niederbipp et d'Aarwangen, non-seulement les blocs de granite dominent par leur nombre et leur volume, mais ils sont disposés en bandes continues, à limites tranchées , et qui excluent même parfois toute autre espèce de roche. C'est ce qui a lieu surtout dans le Jura neuchâtelois où cette disposition est plus clairement exprimée que partout ailleurs. Sur les flancs de la chaîne de Chaumont , en effet, la limite supérieure du terrain erratique est formée par une zône de blocs de granite dont le plus gros mesure jusqu'à dix mètres. Cette zône se prolonge, en s’abaissant toujours du côté de l'Est, sur les hauteurs de Chaumont, au pied du Chasseral, près de Nods et Ligniéres, puis par les vallées d'Orvins et de Vauffelin. Elle est mélangée de blocs nombreux, mais relativement peu volumineux des roches pennines. Au-dessous de cette première zône est un intervalle de plus de mille pieds de hauteur tout-à-fait dégarni de gros blocs ; à peine y trouve-t-on çà et là quel- ques représentans des roches pennines. Mais bientôt on rencontre une seconde zône de près de vingt minutes de large, qui couvre les plateaux de Pierre-à-Bot d’une quan- üté de blocs tout aussi gros et plus nombreux que ceux de la zône précédente. C’est à cette zône qu’appartient le grand bloc de Pierre-à-Bot de dix-huit mêtres et un grand nombre d’autres presque aussi considérables. Cette bande se prolonge à l'Est et à l'Ouest-dans tout le pays de Neuchâtel et forme un peu au-dessus de Boujean, près de Bienne, un des plus beaux dépôts de ce genre que l’on rencontre sur les pentes du Jura. — 493 — Deux seules espèces de roches forment cette traînée de gros blocs, c'est la protogine du Mont-Blanc à très-gros cristaux de feldspath, provenant des aiguilles de Chamouni et en général du revers occidental de Ja chaîne, accom- pagnée d'une sorte de gneiss gris ou de mica-schiste très- dur, dont je retrouve les identiques dans la chaîne des Aiguilles rouges de Chamouni. La limite inférieure de cette zône, qui, dans les environs de Neuchâtel, se trouve à cinq cents pieds au-dessus de la plaine, est nettement tracée. Dès qu'on la dépasse, on voit reparaître aussitôt les arkésines , les chlorites , les euphotides, etc. Ces deux zônes se laissent poursuivre au loin, à l'Est et à l'Ouest, mais elles ne sont pas partout aussi dis- tinctes. La zône supérieure forme partout la limite supé- rieure de l'erratique ; elle contourne Chaumont, entre dans le Val-de-Ruz, au fond duquel elle est marquée par les gros blocs accumulés près du village du Pasquier, suit les hauteurs des Planches, le pied du pic de Tête-de- Rang, les hautes prairies des Champs-devant, passe dans le Val-de-Travers où elle forme sur tout le pourtour de la vallée, et jusqu’à la tour de St-Sulpice, une couronne de blocs à même niveau. Les granites arrivent jusqu’à l’en- trée de la vallée des Verrières , sans y pénétrer, et finis- sent brusquement au-dessous de la Côte-aux-Fées sans monter sur le plateau , tandis que ces deux vallées con- tiennent d’assez nombreux fragmens des roches pennines altérées. _ La zône de granite écharpe ensuite la montagne de Boudry, dessine une courbe semi-cireulaire au fond du couloir de Provence, dont les Prises et les hauts pâtu- rages sont comme inondés de blocs immenses , malgré les — 494 — efforts continuels de l’agriculteur pour les détruire ou les enterrer. Dans cette anfractuosité, l'intervalle entre les deux zônes disparaît, mais leur position est encore in- diquée par une plus grande abondance des gros blocs granitiques au sommet et au pied de la côte. Cette double ceinture continue à se dessiner avec des phénomènes analogues sur les flancs. du Mont-Aubert ; les granites montent au village de Mont-Borgeais près duquel le grand bloc de la Pidouse marque à-peu-près la limite supé- rieure. Celle-ci atteint son maximum de hauteur au pla- teau des Bullets, d’où elle descend lentement par Sainte- Croix sur les pentes orientales de l’Aïguille de Beaumes. De là, les gros blocs du Suchet, ceux des Granges de Valorbe, qui mesurent jusqu'à vingt mètres, les nom- breux blocs du plateau de Premier, les blocs de Mont-la- Ville, célèbres par leur grande taille, et enfin ceux que recèlent en si grand nombre les forêts de Mont-Richer, marquent partout la permanence de cette belle cein- ture de granites qui va s’abaissant et se mélangeant tou- jours davantage. Plus loin, vers l'Ouest, ces mêmes granites ne cessent pas, mais depuis la Dôle surtout, les blocs sont moins nombreux, beaucoup moins volumineux et cèdent la prépondérance aux roches pennines. On les trouve encore, il est vrai, dans toute l'étendue de la plaine de Gex et de Genève, mais sporadiques, mêlés, et non point en zône de gros blocs comme celle que nous venons de décrire. | | Dans cette ceinture de gros blocs du Jura, ce sont les variétés qui ont dû sortir par la vallée de Trient, qui do- minent. Celles du val Ferret y sont plus rares et se trou- vent plutôt au-dessous des deux zônes vers la plaine. Cette — 495 — disposition et le fait que la limite inférieure de la zône des gros blocs est tranchée, même au milieu des forêts et des rochers incultes, empêche qu'on ne puisse attribuer, ainsi qu'on l’a fait, l'absence des grands blocs dans la plaine uniquement à l'exploitation par la main des hommes et à la culture. Les granites du Haut-Valais, ou du flanc droit de la vallée jouent un rôle très-secondaire dans la plaine. Assez nombreux en Valais sur la rive droite du Rhône, dans la plaine ils sont repoussés par les poudingues de Valorsine vers l’intérieur du bassin. Ils suivent volontiers une courbe qui passe sur le Jorat entre Lausanne et Vevey, tourne lentement à l'est sur les plateaux qui environnent Mou- don, puis suivant les hauteurs au Nord de Romont, vient rejoindre les Alpes de Fribourg au pied de la Berra. La plupart des granits qui sont disséminés en petit nombre au nord de cette ligne jusque dans le voisinage de Neuchâtel, de Fribourg et de Berne, semblent avoir cette origine. D'autre part, je crois pouvoir ranger dans cette classe un bon nombre des blocs de granite, souvent considérables, que l’on rencontre sur les plateaux qui dominent Morges, près du village de Bussy et jusqu’à Aubonne et aux plai- nes de Bière. Ces blocs formeraient une seconde zône cou- rant d'est en ouest sur les hauteurs du Jorat parallèle- ment aux rives du lac, comme pour rejoindre le Jura. Les poudingues de Valorsine, avec les conglomérats rouges ou lie-de-vin, ont un domaine plus distinct que toute autre roche. [ls occupent à eux seuls la rive droite du bassin, depuis le débouché de la vallée du Rhône, couvrent le plateau du Jorat jusqu'aux environs de Lau- sanne. Les conglomérats rouges se tiennent presque ex- 35 — 496 — clusivement à la limite supérieure de l'erratique, le long de l'extrême rive droite sur les hauteurs de la chaîne qui domine Semsale, sur le Moléson et la Berra. On les re- trouve jusqu'au-delà du Gouggisberg. Les blocs de Valor- sine proprement dits occupent, à l'exclusion de toute autre roche , ou peu s’en faut, les hauteurs qui dominent Ve- vey. Ils forment une large zône qui, au sortir de la vallée s'infléchit au nord-est, et couvre tout le pays entre les Alpes d'une part, et les hauteurs au nord de Rue et de Romont jusque dans les environs de Fribourg et du Gouggisberg. On les trouve encore très-nombreux et même dominans, mais mêlés aux roches pennines et aux gra- nits sur tout le plateau entre Lausanne et Yverdon, et sur toute la rive méridionale du lac de Neuchâtel. Ils sont rares sur la rive septentrionale de ce lac et au pied du Jorat, où ils montent rarement dans la hauteur. On peut citer comme un phénomène un bloc de cette roche de deux à trois mètres situé à 400 pieds au-dessus du lac de Neuchâtel, dans le vallon de Vert, près de Boudry. A l'est de Berne et d'Aarberg , les Valorsines sont très clair-se- més. La partie occidentale du bassin n’en est point non plus : entiérement dépourvue; on en trouve à l’ouest de Lau- sanne et d'Yverdon, jusqu’au-delà d’Aubonne et près du Jura. Quelques-uns se montrent çà et là dans la plaine de Genève: mais ceux là proviennent sans nul doute de la rive gauche, de la vallée de Valorsine et du Trient. Nulle part dans ces régions, ils ne sont assez abondants pour faire caractère et la grosseur des blocs n’est jamais très- remarquable. Galets de quartz. Si j'ai donné une place aux galets de — 97 — quartz parmi les roches les plus caractéristiques, c'est qu'il est peu de roches qui y soient aussi généralement et aussi uniformément répandues dans le bassin du Rhône, Les quartzites paraissent cependant accompagner plus volontiers les roches pennines. Au-delà des limites des blocs , sur le Jura, quand toute autre roche a déjà dis- paru , on retrouve encore çà et là un galet de quartz jus- qu'à prés de 4000 pieds de hauteur, comme au sommet de la chaîne du Creux-du-Vent entre Provence et Môtiers, au faîte de la chaîne de Tête-de-Rang entre le Val-de- Ruz et la vallée de la Sagne , sur les hauteurs de Péry et du Monto, sur la chaîne qui sépare la vallée de Langen- bruck d'OEsingen et ailleurs. Les galets de quartz sont ainsi la seule trace erratique qui relie la région des blocs extérieurs au Jura avec le terrain erratique que l'on trouve isolé dans le fond des hautes vallées de cette chaîne. Ici, ils sont associés aux roches pennines , comme de coutume, mais ils sont pro- portionnellement plus abondants. Enfin nulle roche ne se montre en fragments plus nombreux, ni aussi loin des Alpes. Quand placé en dehors du bassin erratique du Rhône, on s'approche des régions qu'il occupe, en Savoie, dans le Jura, comme en Argovie, partout on rencontre, aux abords, les galets de quartz comme premiers avant- coureurs des roches alpines. C'est ainsi qu'à l'extrémité orientale du bassin, la plus éloignée des gîtes primitifs, dans les environs de Urkheim et de Zofingen, non loin des roches erratiques de la Reuss dont on quitte le do- maine, une grande abondance de galets de quartz an- nonce subitement l'approche du bassin du Rhône. Ils sont seuls d'abord, mais quelques centaines de mètres plus loin, — 498 — se montrent quelques chlorites granuleuses; les taleschistes et les granites succèdent enfin et ne laissent plus de doute: on est en plein bassin du Rhône. Cette abondance de ga- lets de quartz est d'autant plus remarquable que les blocs de cette roche sont rares et de petit volume. Peut-être leur nombre est-il dù à leur nature peu destructible, et l'absence de gros blocs à leur provenance de filons in- tercalés plutôt que de roches en masse. Pour résumer la distribution des espèces de roches dans le bassin du Rhône, coupons transversalement le bassin à l'est d'abord, puis à l’ouest de l'issue de la vallée dont elles sortent, partant chaque fois des Alpes pour aboutir au Jura; chacune de ces coupes nous montrera claire- ment l'ordre de succession qu'elles observent. Je tire la première des environs de Bulle au mont de Boudry , près de Neuchâtel, la seconde des Fourches d’Aberre, en Cha- blais, au Marchairu. En partant des Alpes au-dessus de Bulle nous trouvons dans la hauteur les conglomérats lie-de-vin qui forment la limite supérieure de l’erratique et l'extrême rive droite du bassin. Avec eux commence la région des blocs de Valorsine. Au-delà de Romont et de la vallée de la Glane, sur les hauteurs qui séparent cette vallée de celle de la Broye, quelques granits blanchâtres du Haut-Valais se mêlent aux poudingues de Valorsine, puis on voit paraître des blocs d’euphotides de Saas, accompagnés de chlorites talqueuses et de serpentines du Mont-Rose. Dans l’espace compris entre la Broye et les bords du lac de Neuchâtel se joignent aux roches précédentes les arkésines et les gneiss chloriteux. Sur la rive septentrionale, au-delà du lac, ces dernières et les chlorites deviennent dominantes ; L — 199 — les roches de Valorsine ont presque disparu. En remon- tant les pentes du Jura, de cinq ou six cents pieds de hau- teur jusqu'à mille pieds au-dessus du lac, et seulement alors, se montrent les granits du Mont-Blanc. C'est la zône inférieure des grands blocs. Enfin , au-dessus d’un espace de près de mille pieds en hauteur, dans lequel disparaissent presque toutes les ro- ches alpines, la zône supérieure des grands blocs du Mont- Blanc , auxquels se mêlent les roches pennines , forme la limite la plus élevée du terrain erratique. Il faut donc distinguer sur cette coupe trois règions principales : celle des poudingues de Valorsine le long des Alpes ; celle des blocs du Mont-Blanc le long du Jura ; et celles des roches pennines précédées de quelques granites du Haut-Valais et de roches du Mont-Rose, au centre. La coupe à travers la partie occidentale nous donne une série analogue. Les hauteurs du Chablais dans les.environs du débou- ché les Dranses, nous montrent les granites du Mont- _ Blanc, moins nombreux cependant qu’on eût pu s’y at- tendre , dans la partie supérieure ; et alliés aux chlorites qui montent presque au même niveau. Plus bas viennent s'ajouter les arkésines et les gneiss chloriteux sur les pentes qui dominent Thonon, Evian et la Tour-Ronde ; mais les euphotides et les serpentines sont encore rares. Au-delà du Léman au sud d’Aubonne et près de Nyon les roches du Mont-Rose sont très-abondantes. Enfin, plus loin, vers le Jura, on rencontre mêlés aux roches précédentes, mais dominants des granites blancs du Haut- Valais, des poudingues de Valorsine et des granites du Mont-Blanc. — 500 — Ici encore nous voyons les roches se succéder dans ie même ordre que dans la coupe précédente, et cet ordre est celui dans lequel ces mêmes roches viennent affluer de bas en haut dans la vallée principale. D'abord les gra- nites de la rive gauche et de la partie inférieure de la val- lée ; puis les chlorites de Bagnes, les arkésines et les gneiss chloriteux du Val-d'Erin, les serpentines du Mont-Rose et les euphotides de Saas, enfin pêle-mêle les roches de la rive droite avec des granites du Mont-Blanc, qui appartiennent comme nous le verrons plus bas, à l'épanchement de la partie orientale. | Il est donc vrai de dire, ainsi que je l'ai fait en com- mençant, que la répartition des espèces de roches errati- ques est soumise à une loi, selon laquelle les traînées de roches de même espèce conservent dans la plaine une po- sition déterminée , qui leur est assignée par la situation respective des vallées d'où elles sortent. Les roches qui sortent des vallées latérales les plus rapprochés du débou- ché de la vallée principale gardent les bords sur l’une et l’autre rive; celles qui proviennent des affluents les plus reculés tiennent le centre. Cette loi de distribution, je l'ai reconnue également dans le bassin du Rhin, et plus nettement encore dans celui de la Reuss qui est plus simple que les deux autres; mais une circonstance qui est particulière au bassin du Rhône, c’est le double déversement dont j'ai parlé. On a pu voir que chacune des deux branches, orientale et oc- cidentale, représente, dans leur ordre, la totalité des ro- ches de la vallée du Rhône. Or, cette disposition nous force à admettre deux périodes de déversement. Pendant la première l'écoulement n’a eu lieu que du côté nord- — 901 — est, c'est-à-dire, du côté le plus ouvert de la grande val- lée comprise entre les Alpes et le Jura. Dans une seconde époque l’épanchement a dû se faire par le bassin plus étroit du Léman , vers la plaine de Genève et du pays de Gex. L'analogie que présente cette distribution avec celle des moraines d'un glacier est évidente et doit frapper tous les yeux. La disposition en séries linéaires qu'affectent les moraines superficielles; la constance de leur situation res- pective qu'elles gardent malgré tous les angles et les con- tours de la vallée, leur élargissement et leur mélange graduel mais toujours incomplet, dans la partie inférieure où le glacier s'étale , tous ces phénomènes, si nettement tracés à la surface de chacun de nos glaciers actuels, sont précisément ceux que présente , mais sur une gigantesque échelle, la surface du bassin erratique du Rhône. Sup- posons pour un moment l'existence de ce vaste glacier du Rhône, et prenons-le au moment où, par suite de sa pro- gression, il a amené les roches des Alpes jusqu’à l'extrême limite où nous les trouvons aujourd'hui et voyons quelle serait, selon les lois reconnues du mécanisme des glaciers, la répartition des moraines superficielles que nous trou- verions à sa surface. À une première époque, celle de sa plus grande exten- sion , tout l’espace compris dans l'angle aigu formé, au sud-ouest, par la réunion des Alpes et du Jura, est en- combré par des masses de glace alimentées par les vallées de l'Isère, de l’Arve, de la Dranse et du Rhône ; les is— sues sont insuffisantes ; l'écoulement par ce côté est pres- que impossible du moins pour les glaces de la vallée du Rhône. Le déversement a donc lieu par le nord-ouest, où — 502 — Ja plaine s'ouvre et prend plus de largeur par l'écartement graduel des deux chaînes. La masse principale du glacier s'appuie contre le Jura qui la refoule vers la plaine dans aquelle les glaces s’étalent plus à l’aise et semblent même refluer légèrement vers les Alpes. Ici elles rencontrent un nouvel obstacle, c'est le glacier sorti de la vallée de l’Aar qui se presse contre le glacier du Rhône et le resserre , sans toutefois arrêter sa marche. Enfin les glaces du Va- lais, s’amaigrissant de plus en plus, vont se terminer non Lien d'Aarwangen et de Zofingue. Tel est alors le prodi- gieux glacier du Rhône. Les moraines que nous distinguons sur ce sities sont d'abord : 1° la moraine latérale droite, composée presque exclusivement de nombreux blocs de poudingues de Valorsine, détachés de leur gîte principal des pentes de la dent de Morcles; elle s'étend le long des Alpes de Fribourg jusqu’à la Singine. 2° La moraine du Haut-Va- lais, caractérisée par les granites blancs du revers sud de l'Oberland bernois et du Galenstock. 3° La moraine du Mont-Rose avec ses euphotides et ses serpentines, aux- quelles se mêlent déjà quelques roches pennines. 4° La moraine des Alpes pennines jusqu'au pied du Jura, 5° puis enfin la moraine latérale gauche formée par les granites du Mont-Blanc qui, les derniers , sont venus se joindre, par Martigny et la vallée de Salvan, aux autres roches du bassin. Cette dernière moraine l'emporte de beaucoup en lon- gueur sur la moraine latérale droite. Cette circonstance, ainsi que l'inflexion générale des moraines intérieures ou superficielles, est la conséquence nécessaire du mouve- ment imprimé aux glaces par la configuration du réser- — 903 — voir dans lequel se meut le glacier ; nous l'avons vu plus haut. | La ligne qui part du pied des Alpes du Guggisberg , forme la limite du bassin du Rhône au contact de celui de lAar, et s'étend plus loin jusqu’au delà d'Aarwangen, n'est point, malgré les apparences, la suite de la moraine latérale droite, mais bien la frontale, qu'au premier abord on eüt été disposé à chercher au côté opposé, sur le Jura même. Ce n’est pas qu'ici on trouve , plus qu'ailleurs , une accumulation qui rappelle les moraines frontales de plusieurs des glaciers actuels; mais c'est sur cette ligne que viennent aboutir de front toutes les mo- raines que nous avons nommées. Au lieu de ne trouver sur cette limite que des roches de la rive droite, comme cela serait si elle n'était que la prolongation de la moraine latérale, on retrouve, en la parcourant, et dans l’ordre indiqué, les roches de toutes les autres : les Valorsines au Guggisberg ; les granites du Haut-Valais entre Schwar- zenbourg et Koniz ; les euphotides et les serpentines dans les environs de Berne et de Bourgdorf ; les arkésines et leurs compagnes à Seeberg et au Steinhof; les granites du Mont-Blanc près d'Arwangen. À une époque postérieure, l'écoulement des glaces se fit peu à peu au sud-ouest par le bassin du lac de Genève, et les mèmes phénomènes s’y répètent. Ici, comme dans la partie orientale, les blocs du Mont-Blanc, descendus par Salvan et Martigny, forment la moraine latérale gauche. En Valais, dans le Chablais, les chlorites s'y mêlent, devien- nent bientôt dominantes et forment la limite au pied des Voirons au revers nord du Salève et jusqu'au Mont-de-Sion. Les roches pennines forment une large moraine centrale, — 504 — abimée en partie dans les eaux du lac, et qui couvre la plaine de Genève et du Pays-de-Gex jusqu’au Mont-de- Sion et au Jura. La moraine du Mont-Rose, marquée par une plus grande abondance d’euphotides , de serpentines et de roches secondaires du même groupe, passe par les environs de Nyon et de Coppet, se dirigeant vers l’ouest jusqu’au pied même de la chaîne. La moraine du Haut- Valais, déterminée par de nombreux et volumineux blocs de granite blanc, commence la latérale droite, passant par Morges, Bussy, Aubonne et Bière. Enfin les Valorsines, nombreux surtout aux environs de Lausanne et de Cos- sonay, forment, souvent avec des calcaires, l'extrême la- térale droite. Les granites du Mont-Blanc qui se trouvent dans ces dernières régions et jusques sur le Jura, appar- tenaient sans doute à la moraine latérale gauche pendant l'époque du premier déversement, et doivent avoir été en- trainés vers l’ouest au moment où s'est opéré le change- ment de direction dans l'écoulement du glacier. Dans cette partie du glacier, on peut considérer comme moraine frontale, les blocs accumulés à l'extrême limite du bassin, sur le sommet du Mont-de-Sion depuis la route de Frangy, le long des pentes du Vouache et du Jura, jusque dans le voisinage de la Faucille et de Divonne; car dans tout cet espace, on ne rencontre guère que les roches pennines et celles du Mont-Rose. Ici encore, comme dans la partie orientale, la moraine latérale gauche est plus étendue qne la moraine latérale droite ; mais la disproportion est loin d'être aussi forte, circonstance dont le relief du bassin rend parfaitement compte. C'est ainsi que s'explique, par cet écoulement succes- — 905 — sif du glacier dans deux directions opposées , la réparti- tion compliquée et cependant normale des espèces de roches erratiques du bassin du Rhône. L'ordre de succession me paraît fixé non-seulement par la nature des reliefs, comme je l'ai exposé plus haut, mais encore par celle des roches elles-mêmes. Quoique les roches ca- ractéristiques soient les mêmes dans la partie orientale que dans la partie occidentale du bassin, cependant on ne trouve guère dans la première que les espèces qui pro- viennent des plus hautes sommités des Alpes, tandis que dans la seconde ces mêmes roches sont accompagnées d'une bien plus grande variété de roches que j'appelle secondaires et qui proviennent généralement de la partie des montagnes inférieures aux plus hauts sommets. On doit. en conclure que les roches de la partie orientale se sont détachées au moment où les plus hauts sommets seuls surgissaient du sein des glaces, tandis que les roches de la partie occidentale sont tombées sur le glacier au moment où les rochers inférieurs étaient déjà découverts et lui fournissaient un contingent de roches très variées. Or tout le mode de dépôt du terrain erratique, et des blocs anguleux qu'il renferme, se présentant comme un phé- nomène de retrait continu depuis l'époque de la plus grande extension des glaces diluviennes, il s'ensuit que les dépôts Ge la partie orientale du bassin représentent le commencement, ceux de la partie occidentale la fin de cette longue période erratique. Conclusions. Les faits qui viennent d'être exposés nous autorisent, je crois, à affirmer 1° Que la répartition des espèces de roches dans l'in- térieur du bassin du Rhône est soumise à une loi. — 506 — 2° Que cette loi est en tous points conforme à celle qui préside à l’arrangement des moraines sur un glacier actuel composé de plusieurs affluens. 3° Que le grand glacier que supposent l'extension et l’arrangement des débris alpins qui constituent le bassin erratique du Rhône, avait sa tête dans ce prodigieux massif des Alpes pennines et du Mont-Rose, le plus élevé, le plus large, le plus riche en cimes neigées et en vallées profondes, le plus colossal en un mot de tous ceux que apportent leur tribut à la vallée du Rhône : vaste récep- tacie de neiges et de glaces éternelles qui, aujourd'hui encore, ne connaît pas de rival dans les Alpes ; de telle sorte que le Haut-Valais tout entier, d’une part, et les vallées qui descendent du Mont-Blanc d'autre part, se comportent comme de simples affluens. ° Ainsi s'expliquent le groupement des espèces de roches en zônes parallèles et linéaires, leur répartition dans des localités spéciales, leur situation respective toujours con- forme à la position des vallées d'où elles sont sorties. Ainsi au moyen de la loi des moraines centrales ou mé- dianes , nous nous rendons compte de ce fait si remar- quable que les blocs qui proviennent des vallées les plus reculées, et des cîimes les plus élevées, comme les roches pennines, sont aussi ceux qui, malgré leur volume sou- vent énorme, s'égarent le plus loin de leur gîte primitif. Dans cette hypothèse la conservation des blocs , leurs formes anguleuses , ou leurs surfaces striées , leur passage au travers des lacs, leur position élevée sur les'flanes des montagnes dont aucune autre hypothèse ne rend compte d'une manière quelque peu vraisemblable, les phénomènes erratiques en un mot, ne sont plus pour nous un mystère impénétrable. Note sur le Bassin erratique du Rhin. Par A. Guyot. M. Guyot donne le résultat de ses dernières explora- tions sur le terrain erratique du bassin du Rhin, pen- dant l'automne 184% et l'été 18%5. Ce bassin, dont jusqu'à présent on ne connaissait que fort peu de chose, pour ne pas dire rien du tout, est ce- pendant le plus considérable après celui du Rhône. Il n’a point comme ce dernier, un double déversement dans deux directions opposées. Au sortir de la vallée du Rhin, à l'origine du lac de Constance, il s'étend sur une lar- geur de 20 à 25 lieues, et une longueur, égale dans la direction du nord-ouest et de l’ouest, qui est celle du lac et va mourir sur les pentes du Jura Wurtembergeois, ou Rauhalp, qu'il ne dépasse nulle part. On peut donc affirmer aujourd'hui que la ligne du Jura a servi de bar- rière sur toute sa longueur au terrain erratique alpin; que ce terrrain ne l’a point franchie , pas même dans la région du confluent de l’Aar et du Rhin, où cette chaîne présente cependant un abaissement si considérable qu'on pourrait presque l'appeler une lacune. Limites. Les roches erratiques du bassin du Rhin pro- viennent essentiellement des trois vallées du Rhin an- — 908 -- iérieur, du Rhin moyen et de l’Albula, dont les deux dernières se réunissent dans le Domleschg pour se joindre, au-dessus de Coire, à celle du Rhin antérieur. Plus bas la vallée du Prættigau, et surtout la grande vallée de Montafun , sur la rive droite, fournissent à ce bassin un contingent de roches proportionnellement très-considé- rable. Le bassin du Rhin présente dès son origine une bi- furcation très-remarquable; le terrain erratique se dé- verse non-seulement par la vallée transversale que suit le Rhin depuis Meyenfeld et le Luciensteig, mais aussi par le lac de Wallenstadt et la vallée du Gaster où il rencontre les blocs de la vallée de la Limmat dans le voisinage de Wesen et Schænnis. Là, il est peu-à-peu refoulé par l’erratique plus puissant de la Linth; il l'ac- compagne et se mêle avec lui, et ne paraît plus bientôt qu'en blocs isolés le long de la lisière orientale du bas- sin de la Linth. Aux environs du château de Kybourg et de Winterthour, les roches du Rhin retrouvent leurs con- génères descendues par la vallée principale en tournant le massif des monts d’Appenzell. La branche principale suit la vallée du Rhin. Sur la rive gauche la limite longe le massif du Sentis, contourne les monts d'Appenzell, atteignant le sommet des pas- sages sans laisser échapper à l'intérieur du pays d’autres débris que quelques petits bloes ou quelques galets roulés, passe sur les hauteurs qui dominent Rheinach et Ror- chach, tourne au sud-ouest par les collines situées au sud de St-Gall, atteint presque Hérisau, passe à Tegerschen, traverse le plateau de Magdenau, coupe transversalement la vallée de la Thour, près de Jonschwyl, puis reprenant — 309 — la direction normale vers le nord-ouest, elle se dirige par Bichelsee, le Schauenberg sur Schlatt et Winterthour. Plus loin, elle suit la vallée de Tæss, et passant le Rhin près d'Eglisau, elle atteint les hauteurs voisines de Neuenkirch et du Randen, à l’ouest de Schaffhouse. La limite orientale, ou de la rive droite, effacée d’'a- bord par d'immenses éboulis calcaires dans le voisinage du Luciensteig et de Balzers, s'élève bientôt à une hau- teur considérable sur le Frastensersand au-dessus de Feldikirch. Sur le versant oriental de cette même chaîne, on trouve, à plusieurs centaines de pieds plus haut en- core, l'erratique de la longue vallée de Montafun. Au nord de Feldkirch elle longe les hauteurs du Voralberg au-dessus de Embs, de Dornbirn et du Sulzherg, passe à Holzleuten dans le voisinage de Stauffen, puis par les hauteurs de Ebrazthofen et Isny. Plus au nord les points de Schellenberg et de Pfullendorf que je dois, le premier à M. de Buch, le second au professeur Walchner, fixe- ront à-peu-près les limites extrêmes du bassin. Les roches des Alpes Rhétiennes, remontent, on le voit, jus- qu'au sommet des plateaux de la Souabe et empiètent même sur le domaine du Danube. Du côté de l’orient et du nord la limite est difficile à tracer ; les blocs sont rares et petits, pour la plupart roulés, perdus sous terre ou dans des accumulations de galets ou de fragments émoussés , en très-grande majorité calcaires, fortement striés et accompagnés , comme d'ordinaire, d'un limon plus ou moins abondant. Du reste le bassin du Rhin ne présente point comme celui du Rhône ou du Gothard de ces blocs énormes qui surprennent le géologue et reçoivent des habitants du — 910 — pays, des noms particuliers. Les blocs roulés très émous- sés y sont très nombreux , surtout le long des rives et aux limites extrêmes. Les blocs calcaires qui sont en grande abondance, surtout le long de la rive gauche, sont arrondis et striés. Les blocs anguleux et d’un certain vo- lume se trouvent plutôt en longues traînées dans le centre du bassin. Les bords mêmes du lac de Constance sont dé- pourvus de gros blocs et de blocs anguleux jusqu’à plu- sieurs centaines de pieds au-dessus de son niveau; mais les accumulations des galets des mêmes espèces y sont nom- breuses et puissantes, L'espace compris entre les deux branches du bassin er- ratique du Rhin , occupé par la masse centrale du Haut- Sentis et limité au sud par la chaîne des Kurfürsten , est dépourvu des fragments erratiques du Rhin, qui semblent n'avoir pas même dépassé le col de Wildhaus, malgré sa faible hauteur de 3,600 pieds. Les premiers fragments se voient au-dessous de Wildhaus sur la route du Rhein- thal à une hauteur d'environ 3,200 pieds. Mais les mo- lasses et les nagelfluhe de toute cette région , et en parti- culier de la vallée du Toggenbourg, sont couverts de blocs calcaires nombreux, souvent très-anguleux, par fois rou- lés, accompagnés de dépôts considérables de galets de calcaire et de grès. Ces débris constituent un terrain er- ratique très-caractérisé, descendu sans doute des hauts sommets et des vallées du Sentis et des Kurfürsten ; car on remarque souvent dans les blocs, des fossiles qui caracté- risent les couches coquillières des chaînes voisines. Le mou- vement général du transport paraît avoir été dirigé au nord. L’épanchement de ces masses a sans doute êté arrêté ou troublé par la rencontre des roches erratiques du — Hi — Rhin, mais l'influence de ce bassin du Sentis se fait sentir encore bien au-delà de ses limites apparentes par l'extrême - abondance des blocs et des débris calcaires, dont le nombre dépasse ici de beaucoup celui des roches cristallines de la vallée du Rhin, Une remarque importante, c'est que du moment où ces calcaires entrent en contact avec les roches du Rhin, les blocs anguleux disparaissent mais les nom- breux blocs roulés qui les remplacent sont presque tous fortement sillonnés et striés. Cette circonstance semble indiquer que les blocs calcaires avaient pris déjà posses- sion de ces contrées quand les roches erratiques du Rhin y parvinrent, et que c'est à l'agent qui les transporta dans ces lieux qu'est dû ce changement dans leur manière d'être. | L'existence de cette région erratique nouvelle prouve que du haut de ces sommités calcaires aussi, est descendu un terrain de transport dont les caractères sont absolu- ment les mêmes que ceux des bassins erratiques à roches primitives , et qui doit sans doute sa dispersion à des causes tout-à-fait analogues. L'isolement de cette région erratique au milieu du bassin du Rhin , son éloignement des chaînes centrales des Alpes et la nature calcaire de ses débris, sont une preuve que le phénomène erratique n’est pas nécessairement lié à la présence des roches cristal- lines, comme on l'a prétendu, non plus qu’à la plus ou moins grande profondeur à laquelle les vallées d’où sont descendus ces débris, pénètrent dans les chaînes centrales, mais qu'il dépend plutôt de conditions de hauteur qui peu- vent se rencontrer hors de la masse principale des Alpes, aussi bien que sur leur faite. Tout massif orographique suffisamment élevé pour devenir, si sa structure le per- 90 — 912 — met, un centre de glaciers, peut devenir aussi le centre et le point de départ d'un terrain erratique particulier. Il semble que des faits de ce genre sont destinés à restreindre beaucoup le champ des hypothèses au moyen desquelles on peut rendre compte des phénomènes erratiques. La distribution des espèces de roches dans le bassin er- ratique du Rhin sans être aussi compliquée que celle des espèces du bassin du Rhône , n’est pas moins intéressante par sa régularité. Elle est soumise à une loi qui est la même que celle que nous avons reconnue dans les autres bassins. | Parmi les roches variées descendues du haut des Alpes rhétiennes par la vallée du Rhin, il en est trois que nous pouvons nommer comme spécialement caractéristiques pour ce bassin. Ce sont les granites porphyroïdes de Pon- telja, ou de Trons, les granites verts du Juliers et les gneiss bruns de Montafun, trois espèces dont chacune correspond à l’un des affluents principaux de la vallée du Rhin que nous avons nommés plus haut. Les granites porphyroïdes sont une espèce de protogine qui se distingue au premier coup-d'æil par des cristaux rectangulaires étroits et allongés de feldspath blanc, or- dinairement mäclés, de la longueur de quelques lignes jusqu’à un pouce et plus, et qui se dessinent nettement dans la masse granitique. Le quartz est en grains assez nombreux , mais de petit volume; le mica vert-foncé est disséminé en paillettes ou en amas ; une substance tal- queuse, comme dans les protogines du Mont-Blanc, teint en vert-tendre une partie de la masse, sans jamais altérer cependant la blancheur des grands cristaux mâclés ; de petits cristaux linéaires d’amphibole noire se montrent ; — d13 — nombreux dans quelques échantillons, très-rares dans d’autres ; enfin, dans presque tous on aperçoit çà et là quelques très-petits cristaux de sphène jaune. Ces granites porphyoïdes proviennent, d’après les ob- servations de M. Arnold Escher , du ravin de Ponteljas, creusé dans le massif sud du Dœdi, au-dessus de Trons, dans la vallée du Rhin antérieur. Cette localité semble être la seule qui les produise, et en effet je n’en ai trouvé aucun fragment dans cette vallée en amont de Trons, ni dans aucune autre des Grisons. Les granites du Julier se distinguent des précédens par l'absence des gros cristaux mâclés de feldspath, par l’a- bondance et la grosseur des cristaux de quartz, mais sur- tout par la prédominance et la vivacité de couleur de la substance verte talqueuse qui colore la masse presque entière du feldspath et communique à la roche un aspect vert que n'ont point les granites de Ponteljas. On les re- connaît encore au premier coup de marteau à une té- nacité très-grande que n’ont point les derniers. Ces gra- nites appartiennent non-seulement au Julier, mais à une bonne partie de la chaîne septentrionale de l'Engadine. Les gneiss de Montafun ont leur origine dans les masses de roches cristallines dans lesquelles s'étend le fond de cette grande vallée. Cette roche, d’une structure grossière, est remarquable par une grande abondance de mica d'un brun sale, qui donne à la masse sa couleur générale, distribué en larges paillettes brillantes, et en amas plus obscurs , ou en lits assez étendus: elle est moins riche en feldspath qu’en quartz , qui y forme souvent de gros cristaux irréguliers , dont la masse trouble la régularité des feuillets de la roche. — 014 — On peut ajouter aux trois espèces précédentes, comme une roche qui accompagne d'ordinaire les deux premières, des talcschistes et des conglomérats rosés et verdâtres qui sont détachés des hauteurs qui bordent la rive gauche de la vallée du Rhin antérieur, et qui semblent appar- tenir à la formation qui domine dans le massif du Sernf- thal. La marche de ces diverses espèces est la suivante. Les granites de Ponteljas descendent de la vallée du Rhin antérieur qu'ils représentent dans la plaine, occu- pant toujours la rive gauche conjointement avec les talc- schistes roses et verts. Ils passent le col de Tamins et la vallée de la Tamina, quoique en petit nombre. La masse principale suit les flancs du Galanda, entre dans la val- lée du lac de Wallenstadt dont elle couvre les pentes au- dessus de Flums, sur la rive gauche, comme au-dessus de Wallenstadt et de Ammon sur la rive droite. Près de Wesen , ils sont repoussés par les conglomérats rouges du Sernfthal qui sortent de la vallée de la Linth, suivent, toujours moins nombreux, toujours plus isolés, la limite du bassin du Rhin, le long des hauteurs que nous avons indiquées plus haut. J'en ai rencontré quelques blocs encore jusque sur les hauteurs du chäteau de Kybourg et dans les environs de Winterthour. Mais ils ne remplis- sent pas cette branche du bassin du Rhin seulement, on les rencontre encore, quoique beaucoup plus rares et mé- lés aux granites de Julier, sur la rive droite du Rhein- thal le long des flancs du Sentis au-dessous de Wild- haus et sur les hauteurs du Stôss. Ils sont encore fré- quents sur les hauteurs qui entourent St.-Gall et le long de la rive gauche du bassin jusque dans les environs de Winterthour et des environs de la colline de l’Irchel, où — 915 — ils viennent rencontrer ceux qui ont suivi la première route par la vallée de Wallenstadt et le Gaster. Les granites du Julier descendent dans la large vallée d'Oberhalbstein, n'entrent point dans le Churwalden, qui serait cependant la ligne directe, et qui semble ou- vert à leur épanchement, mais suivent le cours de l’Al- bula pour entrer dans le Domleschg, sans qu'un seul fragment passe sur le flanc gauche de cette derniére val- lée. On les retrouve, mêlés déjà aux granites porphy- roïdes, au pied du Galanda, et comme nous l'avons dit, le long des bords du Rheinthal. Arrivés au lac de Cons- tance, ils deviennent la roche caractéristique dans tout l’espace situé entre la rive méridionale du lac de Cons- tance et la limite méridionale du bassin en St-Gall et en Thurgovie, ils passent même sur la rive opposée où j'en ai rencontré dans le voisinage de Mersbourg et jusqu'au delà de Ittendorf, sur la route de Ravensbourg. Plus loin encore, du côté du nord et de l’est, on les trouve fréquemment, non pas à l’état de blocs, mais de galets. Les gneiss de Montafun descendent de la vallée de ce nom, où des blocs nombreux et de très-gros volume couvrent les flancs des montagnes jusqu’à une hauteur considérable. Ils occupent tout le reste du bassin, où ils deviennent dominants, se dirigent au nord en fléchis- sant légèrement à l’est, comme les roches précédentes. C’est dans la direction de Lindau et de Ravensbourg ; mais surtout dans le voisinage du château de la Wald- bourg qu’on les rencontre nombreux et sous leur forme anguleuse. Plus à l’est les blocs sont plutôt roulés et d'es- pèces plus variées. Je n’ai point trouvé de blocs de gneiss de Montafun sur la rive gauche du lac de Constance. — 016 — Ainsi donc, on le voit, la loi de distribution est ici la même que dans les bassins du Rhône et de la Reuss. Les granites de Ponteljas, qui proviennent de la vallée du Rhin antérieur, gardent partout la rive gauche, les gneiss de Montafun, la rive droite ; les granites du Julier, le centre. Une coupe transversale à travers la partie principale du bassin, de Jonschwyl sur la Thour au châ- teau de Waldbourg, nous montre successivement les granites porphyroïdes sur les bords, les granites du Ju- lier jusqu’au lac ; au-delà du lac, les gneiss de Montafun. La situation respective de ces espèces est la même que celle des vallées où elles ont pris leur origine. Toutes les conclusions que nous avons tirées de cette loi de distribution des espèces et des autres circonstances qui accompagnent, ici comme ailleurs, le phénomène er- ratique, en parlant du bassin du Rhône, sont applicables au bassin du Rhin. L'identité des phénomènes généraux est complète. [ci encore, c’est la loi des moraines qui peut nous rendre compte de cette distribution qui se montre régulière malgré le mélange absolu des espèces que l’on _ aurait dû attendre dans une vallée aussi compliquée et aussi accidentée que celle du Rhin. FIN DU PREMIER VOLUME RAA TN de «“ d % =" Van ? rh r : 0 “TAN Êa van à LE ro RÉ CE net rt. Mate #2 NOTES “ [à CD NUE as CONTE TABLE DES MATIÈRES PHYSIQUE. Objection à la théorie de M. Saigey, sur les condi- tions d'équilibre de l'atmosphère , par M. Ladame. Description de la machine T2 Er de M. Bonijol, par M. Ladame, . Mémoire sur D 4 Der Le métaux à re di galvanisme , par M. Aug.-OI. Matthey. Machine sidi dei Lion par M. Aug.-Ol. Mat- they. : Note sur le Pen de cie à De coin Ca par M. Gerbel. PT Note sur un, mouvement LS montre de sans mer- cure, par M. Depierre. D té ronétre par M. Dollfus- Rae Exposition des expériences de MM. Faraday et Bec- querel sur la quantité d'électricité qui tient les parti- cules des corps en équilibre, et qui se manifeste dans les actions chimiques , par M. Ladame. Mémoire sur un moyen de découvrir à la ous re Fonds où sont les incendies nocturnes, par M. Léon Robert. 27 62 186 248 252 252 349 Al4 An Rapportsur le ARR mémoire par M. Fe 103 et 449 Le TABLE DES MATIÈRES. Note sur quelques points de la théorie des vapeurs, applicable à la constitution de a par M. La- dame. :° . Te À PReANE TT sur Las éme Abe . as M. Coulon, DRE DR UNE 7 NES ne . CONTES MÉCANIQUE. Rapport sur le nouveau compas de proportion de M. Piaget Guinand, par M. d'Ostervald. . . . . 90 Description du compas de proportion de M. Piaget- Guinand, par M. Favre. . . . . . . . . 421 TECHNOLOGIE. Statistique des doreurs au feu de la juridiction de la Chaux de-Fonds, par M. de Pury. . . .:. .: 426 GÉCLOGIE ET GÉOGRAPHIE, Monvement du glacier de l’Aar, par M. Agassiz. . 1 Influence de l'inclinaison du sol sur le mouvement | de la glace, par M. Agassiz. . . ) A Observation sur le même snjets par M. che 5 Note sur les changements qu'a subis la surface de la terre pendant la période actuelle, par M. de es PR 93 Note sur les Here 0e bi Pa abs tien -dant l'hiver, par M. C. Nicolet. . . . FFF Note sur le relief du fond du lac de Nenchätél, par M7 Gros. :° - - : LOS EPS Structure PATES des Héprahe sérEdreS du ie cier de Rosenlaui, par M. Desor. . . . . 5 Note sur la dispersion du terrain erratique ap entre les Alpes et le Jura, par M. Guyot. . . : 9 TABLE DES MATIÈRES. Analyse de l'ouvrage de M. d'Orbigny sur la géo- logie de l'Amérique du sud, par M. Desor. . . Page 30 Note sur l'accumulation des blocs au sommet des montagnes, par M. Desor. ; Observations sur le même sujet, par M. gaie Note sur les bonds de Bierre, par M. Desor. Observations sur le même sujet, par M. Louis Cou- NL. ©. :. TORONTO Note sur un éboulement de terrain près du village de Gorgier, par M. G. de Pury. Observations sur le même sujet, par MM. de Rou- gemont, Desor et Guyot. Examen du mémoire de M. Hopkiss sur V état de la matière à l'intérieur du globe, par M. Guyot. Observations sur le même sujet, par M. Ladame. Ascension du Wetterhorn, par M. Desor. . ] Hauteur des Rte points du pays, par M. d'Os- tervald. Quantité d'eau qui s échappe du gr saféhicu de l’Aar, par M. Desor. SR existants entre la répartition aé ablcioi et le relief général des Alpes, par M. Desor. Observations sur le même sujet, par M. Agassiz. . Note sur les crevasses des glaciers, par M. Guyot. Constitution RC de Ré us , par” M. Gressly. Distribution des aneiennes moraines de V Allée blé: che, et da val Ferret, par M. Agassiz. Féténhuba des cirques dans les Alpes, par M. Déktr: Discussion relative à ce sujet entre MM. Desor et Guyot. Rapport d'un fait L spé RAT és feu que M. Robertson a observé en Ecosse, par M, Apassiz. 67/1 56 77 79 88 90 TABLE DES MATIÈRES. Note sur les progrès de l'étude du terrain erratique, par M. Guyot. . . … « .« Page 184 Note sur un filon croiseur d sphalte par M. G. de Pury. A Observation sur de même PES par M. NAS Rapport sur les observations faites par M. Hom- maire de Hell sur la salure des lacs qui entourent la mer Caspienne, par M. Desor. Observations sur le même sujet, par MM. Au et Guyot. Deux coupes géologiques a real par M. Ni colet. , à Mémoire sur lo, terrain HER EI par M. Diet (Voy. l’Âppendice). Mémoire sur la transformation de la neige en glace, et application à la théorie des glaciers, par M. La- dame. Note sur la répartition! dés ex de AS Far l’intérieur du bassin erratique du Rhône, par M. Guyot. Envahissement des glaciers dans ces dernières an- nées, par M. Desor. Rapport sur la découverte Ge M. dt É Belle- fonds sur l'emplacement du lac Mœæris, par M. Guyot. _ Note sur la glace des sommités élevées des Alpes, par M. Desor. Rapport sur une zône vleanique de la Noires Zé. lande, par M. Guyot. Mémoire sur le Jura salinois, ie M. Mastou Observations sur le one mémoire, par M. La- dame. Des el en Dior sur le aber jé l'Aae, par MM. Desor et Dollfuss-Ausset, Rapport sur les glaces flottantes de l’ Ailinteiin ae M. Guyot. 190 490 267 350 352 365 369 372 377 377 379 384 TABLE DES MATIÈRES. Carte du pays où se trouvent les sources du Nil, dressée par Zimmermann, et présentée par M. Guyot. Atlas de la Grèce ancienne, par M. ts , pré- senté par M. Guyot. _ Analyse du mémoire de M. Mahlimann: sur k ctiindé et la végétation du Khanat de Bokhara, par M. Guyot. Note sur la découverte de buse dans le Caucase, par M. Guyot. Mémoire sur la constitution des Alpes sidi ntdigcée par M. de Sismonda, et carte du fond des lacs de Neu- châtel et Morat, dessinée par M. H. de Pourtalès, pré- sentés par M. Guyot. Rapport sur une nouvelle pré Fe séhcib de Panama et de Darien, par M. Guyot. Découverte des honiltés de l’isthme de Anh: at M. Favarger, antérieure à celle de M. Hellert. Lettre de M. Desor à M. Nicolet sur sa course hiber- nale au glacier. Diamants dans leur A RACE ses M. The- remin. x Note sur le rhone et sur ses odifcaoe par M. Sacc. RAT Oxfordien de Neuchâtel pi et employé comme marbre. MÉTÉOROLOGIE. Note sur une chute de _—. au bord du Doubs, par M. de Pury. : Résultats d’une série d observations Éorrques faites dans la Suisse orientale, par M. d'Ostervald. Note sur une chute de gréle, par M. de Pury. . Note sur une espèce de halo, par M. de Pury. . Page 390 399 399 A11 A13 416 416 442 401 401 416 34 52 230 231 . TABLE DES MATIÈRES. Note sur diflérentes chutes de grésil à gros grains, par MM. Nicolet et de Pury. . : . . . Page246 Observations barométriques faites sur le Mont-Blanc par MM. Martins et Bravais, et DE AURAS par M. d'Ostervaid. Note sur quelques points de La thédrié des ind applicables à la constitution de l Go te par M.La- dame. | Donation sur le même Re par M. Cobloi toi Rapport sur une pluie de manne observée en Armé- nie, par M. Theremin. srob Ac en-ciel lunaire observé, par M. 3. Billon. Observations sur le même A , par MM. Ducom- mun et Huguenin. Chaleur de l niaiphäré ss la Guise de- oo âe servée en janvier 1846, par M. Nicolet. Nouvel hygromètre, par M. Dollfuss-Ausset. Moyens de déterminer les régions de l'atmosphère où agissent les causes du mouvement du baromètre, par M. Ladame. PALÉONTOLOGIE. : Note sur une dent fossile de Lophiodon, par M. C. Nicolet. : +50) Note sur les ossements pui dé marnes nyim- phéennes de la Chaux-de-Fonds, par M. C. Nicolet. . ‘Rapport sur les fossiles que M. Tschudi a trouvés au Pérou, par M. Agassiz. . _ Note sur la prétendue identité que FA on admet géné: ralement entre les espèces vivantes et les fossiles de certains terrains, par M. Agassiz. Note sur des dents de Paléothérium, par M. Déios 406 414 415 416 426 427 442 349 391 34 124 29 107 154 TABLE DES MATIÈRES. * Note sur l'importance de l'étude des animaux fossi- les, par M. Agassiz. . . anodonculno «Page 189 Note sur les Crinoïdes fossiles de la Suisse, par M. Desor. . . . 21211 Mémoire sur des ossements ; foisiles trouvés Fi les cavernes de Mancenens et de Vaucluse, par M. Nicolet. 435 Observation sur le même sujet, par M. Guyot. . . 389 BOTANIQUE ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. Note sur le nombre de folioles du Dentaria ie phylos, par M. de Pury. . . . 36 Rapport sur les mousses du canton Neuchâtel , par M. Godet. . . - u2 10 74 Note sur la linaire des de par M. “Nicalbé ME Note sur deux plantes rares du Jura, par M. De- Merre. . .... . 248 Note sur la Aves de V'é écorce des sapins pr par M. L. Coulon. . . . . 166 Mémoire sur les tourbières du Non par M. L. Ke quereux. . . aa. . + . 4Met 413 Observations sur le même sujet, sh MM. Coulon, Dére.et.fils.. .. 143 Note sur un hybride des cereus é et M ciosissimus , par M. Sacc. . . . 56484 Note sur ñ agaricus deliciosus, par M. Nicolet. .…. 462 ZOCLOGIE ET PIYSIOLOGIE ANIMALE. Note sur les oiseaux européens de Macao, par M. C. Migolet. æ. 1". LA Note sur les SR del’ étude de L HE A sb nr" SEL). Widpa JR del ie cn AT TABLE DES MATIÈRES. Note sur l'importance au point de vue biologique des divers embranchements du À animal, par M. Agassiz. . . 00 88] que Pagé/50 L’Isard des ee pue au Ghaïnbis des as par M. Agassiz. :à 0 Distribution PHONE des Déntmibints) par M. Agassiz. Distribution RE AA dés s Cheropuères; par M. Agassiz. : Us Pet Note sur les prete re oiseaux aquatiques, pt M. Coulon. Rapport sur la on tué dé la Ciivie de Fonds, par M. Desor. Note sur le gtnre Pyrula de Éux par M. ete SR . : OIOOU7L A GG, PhQ A ODA FL “16e 6 Rapport sur les oiseaux que M. Tschudi a trouvés au Pérou, par M. L. Coulon. Note sur la prétendue identité pénénétértit dérise entre les espèces vivantes et fossiles de certains ter- rains, par M. Agassiz. 2 LL TUN ENT: te 9 Enumération des oiseaux sédentaires et né oiseaux de passage qui restent pendant l'hiver à la Chaux-de- Fonds, par M. C. Nicolet. Rappott sur la collection de FAT de M. "à de Pourtalès, par M. Agassiz. Note sur les vers intestinaux, par M. dc Castella, Observations sur le même sujet, par M. Agassiz. Note sur les métamorphoses des animaux des classes inférieures, par M. Agassiz. Note sur la distribution géogr HA que dés & animaux et de l'homme, par M. Agassiz. Note sur les Diptères , par M. Coulon pété Note sur les araignées, par M. Guillebert. y 29 63 65 66 69 80 107 117 144 1472 142 156 162 182 201 TABLE DES MATIÈRES. à Note sur les Becs fins et les nb par M. MA Mougaso ? : 201 4949 0149 3 59 EN 108 Jeune loup offert à tar Societé ne 97 239 Note sur trois nouvelles espèces de POduréties ae MH" Nicolet. : . :: :. ° 244 Exposé des nouvelles saëhéirühés de M. ‘Milne Ed- wards sur la circulation du sang chez les sr 50 Gastéropodes, par M. Agassiz. . . . HE ESA Distribution ue des êtres or Batsde, par M. Agassiz. . . 357 Rapports existants entre Le faits rotftiés à à appah tion successive des êtres organisés à la surface du globe, et la distribution géographique des divers types ac- tuels d'animaux, par M. Agassiz. . . . . . 366 Ouvrage de M. Debret sur la race humaine du Bré- sil, présenté par M. Alfred Berthoud. . . . . 384 Hiches peintes de M. Des Murs , relatives à ide nithologie et présentées par M. hors ARLE 389 Muscicapa parva vu à Cortaillod par M. dites Vouga. =. : . . AS Note sur un Œuf toinblé dans Ha cavité abiomisaté d’une poule, par M. Hollard. . . . . . 419 et 421 Observation sur le même sujet, par M. Sacc. . . 419 Note sur un plongeon lumme adulte tué à Neuchà- tel, par M. L. Coulon. . . . | VAE Phiahes du mémoire de M. Nat. Guillot sur ilés or- ganes respiratoires des oiseaux, présentées par M. Sacc. 423 ANATOMIE HUMAINE, ANATOMIE COMPARÉE ET TERATOLOGIE. . Note sur l'organe électrique des Raies non électri- Nes, Dar VO pt MARS IONIQUE ENS ## TABLE DES MATIÈRES. Li Note sur les corps de Pacini, par M. Vogt. Du sens de l'ouïe chez les insectes, par M. Vost. . Note sur un monstre humain bi-femelle, par M. Irlet. Description d'un fœtus humain du genre Iniops, par M. DuBois. Note sur le cerveau rs fist ph M. dpi Exposé des travaux de M. de Quatrefages sur la forme du canal alimentaire chez un certain nombre d’Articulés et de Mollusques, par M. Agassiz. Exposé des travaux de M. J. Müller sur les poissons, par M. Agassiz. Etudes sur la structure dé de par M. de, Rapport fait sur un mémoire de M. Muller relatif au larynx inférieur des oiseaux , par M. Apassiz. Observation sur le même sujet, par M. Hollard. CHIRURGIE ET MÉDECINE. Note sur un trismus suivi de RER. gangre- neuse, par M. DuBois. Traitement des fractures de la dénioitis e M. de Pury. LOS, Note sur les ruminants Er par 1 M. de Puis Observations sur le même sujet, par MM. Duboiset Droz. : Note sur l' snsalnbrité dés eaux de La Chaux. de- Fondé; par M. Droz. Observations sur le même sujets pi M. DuBois. Note sur une amputation guérie naturellement chez un chevreuil, par M. de Pury. , Mémoire sur la police médicale du canton F: Neu- châtel par M. de Pury. UT 12% Rapport sur le mémoire née Se par M. Bovet. 388 389 43 TABLE DES MATIÈRES. Périodicité des à à peu par M. de Castella. 24 90057 Effets du traitement sat les grandes: ventouses , par M. Junod. | 68 Observation sur le même site, par M. Vogt. 69 Mouvement de l'hôpital Pourtalès pendant l’année 1843, par M. de Castella. 81 Note sur un cancer de l'æœsophage, sa M. DuBois. 119 Danger des saignées répétées dans les fièvres ty- phoiïdes, par M. de Pury. 126 Influence fècheuse de la Méta au fb sur sHopgie nisme, par M. Borel. . . . . 101,07, 1435tet 143 Note sur les doreurs affectés de sétitation et de trem- blements mercuriels, par M. de Castella. 150 Observations sur le même sujet, par MM. Droz et DuBois. 258 Observation sur 7e communication did M. Lab au sujet des métamorphoses des animaux des classes infé- rieures , par M. de Castella, 159 Note sur le séjour prolongé d’un os dans l° Sbophlages par M: de Gäastella.-}.54 oLIQUO IS ce 174 Hernie étranglée opérée avec succès, par M. de Castella. 174 Note sur un cas de spasme sidgd ss par M. de se tella. 185 Observation sur de inôtié set bé M. Borel. 185 Mémoire sur l'huile de foie de morue, par M. de Pury. 225 Note sur un état spasmodiqe des adiéial pi M. Du: | Bois. 226 Observation sur if, même sélécs tv M. Div! 228 Observation sur le même sujet, par M. DuBois. .. 229 Observation sur le même sujet, par M. de Castella, 155 TABLE DES MATIÈRES, Note sur les empoisonnements occasionnés par la Bel- ladone, par M. DubBois. F8 Note sur un accouchement de sé jumeaux , par M. DuBois. L ù Extrait d’un mémoire sur La spasme En écrivains , par M. de Pury. Observation sur le même bib, par M. DuBois. Note sur deux calculs rénaux, par M. Nicolet. Observation sur le même sujet, par M. de Pury. Extrait d’un mémoire sur le trismus, par M. de Pury. Observation sur le même sujet, par M. Droz. Réfutation de l'opinion de M. de Castella sur la cause du tremblement mercuriel, par MM. de Bat el Ducommun. ; Note sur l’ Miles pa. Dniaieuin, | Observation sur un cas d’empoisonnement mercu- riel, par M. DuBois. Extrait d'une note de M. Greneli: sur ne Au de s'assurer de la pureté de l'air dans les ateliers de do- rure, par M. de Pury. Note sur les fièvres ixphoidés, der M. de Dur. Observations sur le même sujet, par MM. Droz et Débierré:: 16 sou: Opération de bu exécutée # M. De witz. PE Note sur le er d Labiles dés maisons récemment bâties, par M. Jeanneret. Considérations hygiéniques sur la does au devil “a le canton de Neuchâtel, par M. Borel. . ; Note sur la oldratof noire des dents, lors de l'in- toxication mercurielle, par M. de Castella. Autopsie d’un homme mort à la suite d'une chute, par M. de Gastella. 229 231 232 233 233 254 234 235 236 237 237 239 243 246 250 247 287 378 383 TABLE DES MATIÈRES. Dangers que présente l'usage du calomel et de quel- ques autres remèdes minéraux à la mode, par M. Sacc. Observations sur le même sujet, par MM. de Cas- tella et Borel. Un cas de rage observé sers M. Hana. Danger que présente l'usage des eaux corrompues, par M. Sacc. Observation sur le même nie pu M. oi Rapport sur les observations faites par MM. DuBois et de Pury, sur l'asthme thymique et ne de poi- trne, par M. de Castella. Note sur l’angine de poitrine et sur une e cpidénie croupale, par M. de Castella. ; Note sur l’oxide magnésique employé comme anti- dote du sublimé corrosif, par M. de Castella. Note sur la maladie de pe par MM. de Castella et Hollard. Un cas de diabétès obéctt We M. Bose. Machine électro-médicale de MM. Breton, ETRReE par M. Basswitz. Note sur l’angine de RER ea M. Dbois. Mémoire sur les scrophules et l’aménorrhée mercu- rielle, par M. de Pury. Observations sur le même sujet, bre “MM. Nicolet, Depierre et Droz. Note sur la fréquence des PNA died ds nos montagnes, par M. Droz. Mouvement de l'hôpital de la éhide Hosts Mémoire sur le crétinisme, par M. de Pury 444, 384 387 390 392 893 394 395 423 425 423 426 427 430 432 434 438 448, 453 et 458 Observations sur le “ep mémoire , par MM. Droz et Schafter. Note sur un lombric Lie ri l'aréteéls pan M. Schafter. 447 447 TABLE DES MATIÈRES. Autopsie d'une malade morte de la fièvre typhoïde, par M. de Pury. 2 Voiture pour transporter les ésaliides!, _. M. De- pierre. Fe" ; 13100, Discussion sur iék Efbselésée extra- Alrérnes, entre MM. Hollard, de Castella et Borel. ÉCONOMIE RURALE ET DOMESTIQUE. Note sur la culture du blé multicaule, par M. Ni- colet. Contitétationss sur r pci déé si sat lé — ture, par M. Ladame. Note sur le guano, par MM. kédes et ésor: Considérations sur les moyens de procurer de l’eau à la Chaux-de-Fonds, par M. Nicolet. $ Note sur l infiodnéiion des Alpacas en Suisse, par M. Sacc. . He 263 Un numéro de la FFT Zeitung péeenté à la so- ciété, par M. de Gélieu. Note sur le Symphytum ahisinah et sur le bré. mus qrossus envisagés comme gs a par M. Sacc. : Note relative à l’ Maiccneist du prix du a en F rance, par M. Theremin. L'arbre à thé, sa culture, et ses usages, par M. Sééci Observation sur la précédente communication, par M. Hollard. CHIMIE ET PHARMACIE. Exposé des expériences de MM. Villefranche et Bar- reswil, sur l'acidité du suc gastrique, par M. Ladame. AG1 462 422 39 196 155 240 364 393 412 417 419 420 195 TABLE DES MATIÈRES. Exposé des expériences de MM. Bouchardat et San: dras sur la digestion des aliments féculents et sucrés , par M. Ladame. . . . “20 Séparation de l'acide denroqie d' avec 1 He cinna- mique , par M. Sacc. . . . PT A Note sur l'acide succinique, par M. ue. . 362e1383 Note sur l'acide valérianique, par M. Sacc. . . 375 Mémoires imprimés donnés à la Société, par M. Sacc. 383 Considérations sur les dangers qu'offre l'usage du chlorure mercureux et de quelques autres remèdes mi- néraux à la mode, par M: Sacc. . . . 384 Observations sur le même sujet, par M. de Castella borehe x. . . 387 Notesur le Te et ses PRET Nes par M. Fra 401 Note sur l’Allotropie, par M. Ladame. . . . 405 Mémoire de M. Will, sur l’essence de moutarde, présenté par M. Sac. ani te à 405 Critique du mémoire de M. Ce sur l'analyse du jaune d'œuf, par M. Sacc. . . . . 406 Note sur l’oxide magnésique employé comme anti- dote du chlorure mercurique, par M. de Castella. . 423 MISCELLANÉES, CORRESPONDANCE ET DONS OFFERTS A LA SOCIÉTÉ. Notices offertes par M. Sacc. . . . 383 Circulaire de la Société Helvétique des Shine Na- tinrelles, relative à l'observation des phénomènes natu- rels périodiques. . . . Ra Peu .* M0 Observation sur cette RAT , par MM. Eobtén grd Castella. #0 © a: À À Envoi du bulletin de la Société des suisruhs Natu- ES OC De RSR, de 2 VE Sr Are TER TABLE DES MATIÈRES. Invitation pour le congrès scientifique de Gênes. . 420 Envoi des mémoires de l’Académie royale de Liège, et des procès-verbaux de la Société des Sciences Natu- relles de Lausanne. . . . 420 Envoi des procès-verbaux ä6 la section ra la État de-Fonds. Ar ae UGS SOS 1389 VÉ425 Envoi à la dite section iG avéré mémoires et d’un ‘timbre. ont (19425 Demande de dés fhstitiniéhts néon Eté pitié adressée au bureau de contrôle par le comité de la lu- nette méridienne. FRS .D00T- FILS, GS Lettre du bureau de contrôle nest gt la précédente demande. . . . . PE Traduction du mémoire de M. Heer, sur l'observa- tion des phénomènes nas de la nature, par M. ER : : VOLS Monnaies étrangères Résa ide M. Bad 17 SHTSEEER Mémoire sur l'essence de moutarde, offert par M. le professeur Will. . :. . -. 405 Lettre de M. Heer giretetE sur & Hrécédéft dires ADI DD PNNS 7. Mas (> te io De oe À PRET I. Utilité des produits de la distillation sèche pour la classification des substances organiques, par M. Sacc 465 IT. Nouvelle classification des substances organiques par M. Sacc. … 40. « 469 IL. Sur un voyage cas L Nord sg l au ne dépôts tourbeux, par M. Léo Lesquereux . . . 471 IV. Sur la TA des espèces de roches PEL le bassin erratique du Rhône, par M. Guyot . . . 477 Note sur le bassin erratique du Rhin, par M. Guyot 507 LA | n Pat ÿ #/ Ha Éd. 42 LR 4 rcË DEL A “ A } Le : T1» \'AN CCS ; PL ei PATENT NM Fa A o | n ANTTAE st a AN à A (ANSE w ANS à rer: EL AL A 1 qu 4h 7 pe Let 1X RARE D Ha | an Ne * À LE Le OUR 71 du LS AE NN | |