ter RTE PR ru bee da ER LL LE mn d : tie € mr LINET TETE PP De : 2 dé rt > AS D) À a LÉ) CET || = 4 Fr And | », [| L2s 7 F BULLETIN E LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE mn de We Lo 4 Oo BULLETIN DE LA Société Nationale d'Aceclimatation de France FONDÉE LE 10 FÉVRIER 1854 RECONNUE ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE Par Décret du 26 février 1855 ANNÉE Z#2S ANT - ANNÉE PARIS AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ DE a Te MI IE Pt NAT DE FRANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) 45° ANNÉE JANVIER 1898 avec. EN x nn fn L &. on SOMMAIRE ne travaux exécutés en 1896, à la station acquicole de nos cie Mer (à suivre) aine de quelques animaux domestiques en Europe................,...... NNET pes FOSSES. — Les productions végétales et animales de la Crète. nnemi du Criquet migrateur de la République Argentine. DÉS DOCS CL CCE PRO ndue maladie vermineuse des Truffes........... Liane à Caoutchouc du Ferman Vaz... ans les Hire VETTRS. +... .ercoseseesesesee Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. > — 5 Un numéro 2 franes ; pour les membres de la Société À fr. 50 BE — ‘2 AU SIÈGE À DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS DÉSINFECTANT ANTISEPTIQUE Le seul joignant à son Efficacité, scientifiquement démontrée, l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Corrosif. Hémostatique et Styptique puissant. Adopté par Les Ecoles Nationales Vétérinaires, le Service de Sante de L l'Armée, la Préfecture de la Seine et la plupart des Services d'Hygiène el de Désinfection des Départements. Reconnu indispensable dans la pratique vétérinaire. Envoi-franco sur demande de Rapports scientifiques ct Prospectus : SOCIÉTÉ FRANÇAISE de PRODUITS SANITAIRES et ANTISEPTIQUES 35, Rue des Francs-Bourgeoïis (ci-devant 31, Rue des Petites-Ecuries), Paris. 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M. le Secrétaire général vous fera connaître, dans un instant, la part prise, par plusieurs délé- gations de la Société ou de ses différentes Sections, tant à des Congres scientifiques qu'à des excursions pour la visite d’éta- blissements consacrés à l’acclimatation ou à l'élevage. Comme mesure récemment prise par le Conseil, j'ai à men- tionner la création d’une Section coloniale, qui vient s’a- jouter à nos cinq Sections déjà existantes : Mammifères, Or- nithologie, Aquiculture, Entomologie, Botanique. Je me borne à vous signaler cette création, dont M. le Secrétaire général doit aussi vous entretenir tout à l'heure. Vous estimerez cer- tainement, Messieurs, que l’organisation de cette Section s'imposait au moment où nous nous proposons de nouer des relations plus intimes avec nos colonies, et de faire, dans le Buileiin, une place aussi large que possible aux questions d’acclimatation intéressant les possessions françaises d’outre- mer. Par suite de circonstances diverses, la publication de notre <= Bullelin à, depuis quelque temps, souffert dans sa régularité. m1 Le Conseil, Messieurs, s’en est préoccupé. Nous espérons que - ©= tout retard aura bientôt disparu et que vous n'aurez plus, Bull. Soc. nat. Acel, Fr. 1898. — 1, & « FAR ; ce Mu BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. RS : ÿ er: 4 de ce côté, aucun regret à exprimer. Par les derniers au- méros parus, vous avez pu constater que l'intérêt offert par la lecture de notre recueil ne tend pas à diminuer, et que Fe forme et le fond de cette publication sont très satisfaisants. En terminant, permettez-moi, Messieurs, de faire appel à votre zèle pour recruter de nouveaux adhérents, afin qu'en même temps que s’accroitra le nombre de nos collaborateurs, s’'augmentent aussi les ressources budgétaires dont nous avons besoin pour assurer la bonne marche et le développe- ment de notre Société. Il n'est pas un seul d’entre nous qui ne puisse. par son infiuence personnelle, faire au moins une recrue dans sa famille, dans son voisinage, parmi ses con- naissances. Ce simple effort aurait pour résultat de doubler immédiatement notre effectif et de développer considérable 4 ment nos moyens d'action. N'est-ce pas là une raison suffi- sante pour stimuler notre active propagande ? Mettons-nous donc résolument à l'œuvre, et la session qui s'ouvre au- jourd'hui ne restera pas stérile. L'IVOIRE A L'EXPOSITION COLONIALE DE BRUXELLES-TERVUEREN (1) par E. CAUSTIER, Secrétaire des séances de la Société d’Acclimatation. Dans une communication faite le 23 avril 1897, à la Société d'Acclimatation et dans un travail récent (2) publié dans la Revue générale des sciences, nous avons montré qu'Anvers était devenu le marché d'ivoire le plus considérable du monde. Créé en 1888, ce marché importait en 1895, 362,000 kilos d'ivoire et en vendait 274,500 kilos. Le tableau suivant, emprunté au travail cité plus haut, indique les importations et les ventes d'ivoire faites sur le marché d'Anvers de 1888 à 1896 : ANNÉES, IMPORTATIONS. TOTAL DES VENTES. STOCRS. RSR Si =. AE 6,400 kilos. 6,400 kilos. » kilos. RSS Le 46,600 — 46,600 — 20,000 — HSGOMES AE 71,500 — 71,500 — 18,009 — RSC 59,500 — 59,500 — 21,000 — LPS 118,000 — 118,000 — 34,500 — HSDS ee 224,000 — 224,000 — 41,000 — LRNÉSDÉRRS EE 264,500 — 186,000 — 98,500 — JÉESSPERES 362.000 — 274,300 — 166,000 — LS GES ee. 200,000 — 265,700 — 100,300 — On voit que depuis 1894, l'importation subit une forte hausse, alors que la vente reste à peu près stationnaire ; il en résulte que les quantités er stocks vont en augmentant, d’au- tant plus que les commerçants anversoïs ont soin, afin de ré- culariser le marché, de ne mettre en vente qu'une quantité d'ivoire ne dépassant pas 70,000 kilos pour chaque vente tri- mestrielle ; c'est la quantité considérée comme suffisante pour la consommation. 1 Communication faite dans la séance générale du 17 décembre 1897. \°7 D (2) E. Caustier, L’état actuel du trafic et de l’industrie de l’ivoire, Revue générale des sciences, 30 octobre 1897. L BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. D'autre part, la presque totalité de l'ivoire vendu à Anvers provient de l'État indépendant du Congo. Cela tient à ce que le fleuve du Congo draine naturellement le commerce de l’Afri- que centrale. Or, de toutes les richesses de cette région, livoire est assurément l’une des plus exploitées. Aussi bien, il importait pour la Belgique de réserver une place d'honneur pour l'ivoire dans l'Exposition coloniale installée dans le domaine royal de Tervueren, à 13 kilo- mètres de Bruxelles. Ce parc, promenade familière aux Bruxellois, était bien le cadre séduisant qu'il fallait à cette. manifestation coloniale où l’on avait rassemblé, avec un art souvent original, tout ce qui intéresse l’ethnographie, la flore, la faune, les cultures, l'exportation et l'importation de l'État indépendant du Congo. Certes le gros public est toujours plus attiré vers les objets pittoresques que vers les caoutchoucs, les gommes, les résines ou autres produits naturels dont l'industrie retire cependant un si grand profit. Mais aussi, dans une telle Exposition, les commerçants, les industriels, les futurs agents de factorerie et même les simples particuliers peuvent, en quelques heures, connaître les richesses naturelles, s'initier à l'organisation de la colonie et se rendre compte des débouchés qu'offre cette vaste contrée africaine. Aussi les Belges, comprenant les ser- vices que peut rendre à la cause de l'expansion africaine, une telle lecon de choses coloniales, viennent de décider que cette Exposition resterait permanente, ce qui lui permettra de s'enrichir tous les jours de documents scientifiques et écono- miques. En somme, ce qui a fait le succès de cette Exposition, c'est qu'a côté de l’inévitable foire exotique qui amuse la foule, il y avait les éléments qui renseignent et satisfont les esprits sérieux. C’est un exemple que les organisateurs de notre Exposition coloniale de 1900 feront bien de méditer. De toutes les richesses accumulées dans ce palais colonial de Tervueren, l'ivoire seul doit nous occuper. Cette matière figurait en deux endroits : 1° dans un hall réservé à la faune et à ses produits; 2° dans le salon d'honneur réservé aux œuvres d'art. né PRE AN ES UN, FRE ; L'IVOIRE A L'EXPOSITION COLONIALE DE BRUXELLES, 6) I. Défenses brutes «et travaillées. La faune du Congo est disposée avec une mise en scène tout à fait pittoresque autour d'une large rampe circulaire qui mène dans la galerie souterraine réservée aux produits de la pêche. Et là, dans un paysage conventionnel, les animaux les plus dissemblables étalent leurs dépouilles et forment comme une Arche de Noé qui constitue l’une des principales attractions de l'Exposition coloniale. L'ivoire est représenté : 1° par une série de défenses saines ; 2° par des déferises ayant des défauls; 3° par des défenses monstres ; 4 par des produits {ravaullés. 1° DÉFENSES SAINES. — Les défenses sont classées comme par les courtiers des marchés d'ivoire en trois catégories : 1° les grasses dents qui pesent plus de 25 kilos ; 2° les dents moyennes qui pèsent moins de 25 kilos ; 3° les peiiles dents dont le poids est inférieur à 18 kilos. Parmi les grosses dents, nous avons remarqué une paire de défenses longues de 2 mètres 75 et pesant chacune "8 kilos ; au total, 156 kilos, que portait le crâne de leur possesseur. Ce sont, il faut le dire, des exceptions, car le poids moyen des défenses vendues à Anvers va sans cesse en diminuant, Il est descendu de 12 kilos à 10, et il ne dépasse guère aujour- d'hui 10 kilos. Le tableau suivant montre cette baisse en même temps que celle du prix moyen du kilogramme. ANNÉES, PRIX DU KILO. POIDS MOYEN. HOSSEr Le Dir IC: 9 Kk. 400 gr. J'ÉRNICRERREERE DOME 12 500 ECTS N POV] 10#%900 RSC Pre 20 02 I 200 LS DO RANCE 18 43 S 300 JDE ACESES RER 16 » 8 800 l'ERAECAPERIE ARS 1527 05 7 300 SO A TRS un 16 40 8 800 ROSE Rae 1582 6 400 Donc les défenses sont petites, ce qui prouve bien que l'on “M mg d 6 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. prend l’ivoire sur la bête vivante. Et combien d'Éléphants sont tués qui ne donnent pas même un kilo d'ivoire! Le lieu- tenant Hanolet, Commissaire général du Congo belge, dit avoir tué, il y a quelques années, à Zongo, sur l'Ubangi, cinq Éléphants qui portaient ensemble à peine 10 kilos d'ivoire. Il paraît que ce massacre était nécessaire pour supprimer un troupeau d'Éléphants qui venait chaque nuit ravager les plan- tations. Ces observations ne font qu’appuyer les chiffres que M. Bourdarie et moi avons publiés sur l'exportation totale de l'ivoire africain et par suite sur le nombre probable d'Élé- phants tués chaque année (environ 40,000). Certaines dents, parmi les moyennes et les petites, sont classées à part : ce sont les bangles destinées à fournir des anneaux et des bracelets aux Indiens et aux indigènes de la côte orientale d'Afrique. Dans ces défenses, les creux sont utilisés pour faire des bracelets et les pointes pour fabriquer des billes de billard. Ces pointes doivent être alors bien rondes et bien pleines. Si l’on en juge par les produits exposés, les défenses d'Afrique présentent deux formes principales : une droite et une courbe. Cette différence très nette, comme du reste de nombreux points ayant rapport à l’ivoire, reste inexpliquée faute d'une connaissance suffisante de l’histoire naturelle de l'Éléphant sauvage. Les dents de la côte occidentale d'Afrique fournissent la qualité connue sous le nom d'ivoire vert à cause de sa trans- parence et de son reflet. Cet ivoire est recherché par les industriels, car il est environ 30 0/0 meilleur marché que l'ivoire de l'Inde et de l'Est africain. Le climat du pays où habite l’Éléphant influe sur la qualité de l’ivoire : la finesse du grain et la transparence augmentent avec la chaleur et l'humidité. C'est pourquoi dans les parties basses des rivières, l’ivoire est plus apprécié que dans les par- ties hautes ; aussi l’ivoire du haut Congo est peu recherché. 2° DÉFENSES AYANT DES DÉFAUTS. — Souvent l'ivoire pré- sente des défauts qui, dans une certaine mesure, diminuent sa valeur commerciale. Ce sont tantôt des crevasses dues à ce que les défenses ont subi des alternatives d'humidité et de sécheresse, tantôt des formalions pathologiques dont la L’'IVOIRE A L’EXPOSITION COLONIALE DE BRUXELLES. 7 cause n’est pas bien connue. Parmi celles-ci, on trouve des cavités ayant la forme d'un œuf et qui se détachent tout d’une pièce; un de ces œufs ayant la dimension d’un œuf d'Au- truche allongé, était exposé. On trouve aussi des formations bien connues des débiteurs d'ivoire sous le nom de chandelles et de jêves. Cette question a été développée dans notre ar- ticle de la Revue générale des sciences et je ne puis qu'y renvoyer le lecteur que cette étude intéresserait. 3° DÉFENSES MONSTRES. — À côté de l’ivoire sain et de l’ivoire malade, on a placé des défenses contournées, irrégu- lières, et qui n’ont d'intérét que pour les collectionneurs. 49 IVOIRE TRAVAILLÉ. — L'usage le plus noble de l’ivoire est assurément dans la sculpture; il en sera parlé plus loin, car j'estime que le réel intérêt de cette exposition de l'ivoire réside surtout dans cette belle collection de sculptures ex- posées au Salon d'honneur. Je voudrais cependant dire la méthode employée par les organisateurs pour bien faire comprendre au public les diffé- rentes phases du travail de l’ivoire. On avait exposé trois défenses identiques de chaque modèle : 1° La première restait intacte et servait de {émoin; 20 La seconde était débitée et montrait les pièces inache- vées ; 3 La troisième était remplacée par une série d’objets ravis- sants comme savent l'être les bibelots d'ivoire. On est véritablement émerveillé du nombre et de la variété des objets qu'il est possible de tirer d’une défense grâce à un découpage ingénieux. [VOIRE D'HIPPOPOTAME. — A côté d’un crane d'Eléphant, voici un crâne d'Hippopotame avec des défenses et des objets fabriqués. Certaines de ces dents pèsent de 6 à 7 kilos ; leur ivoire est plus blanc, plus fin, mais il est aussi plus dur et plus cassant que celui de l’Eléphant. On enlève, au moyen d'acides, l'émail qui est difficile à entamer et les dents sont alors livrées au commerce sous le nom de dents brülées. Cet ivoire était recherché autrefois pour faire des dentiers à cause de sa blancheur et de sa dureté, mais depuis la vulcanisa- tion du caoutchouc, il est presque complètement délaissé. De 39 francs le kilo, son prix est descendu actuellement à 5 francs. 8 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. II. La sculpture chryséléphantine. Ce fut incontestablement le clou de cette Exposition colo- niale. Comme l’on comprend en admirant les œuvres d'art que renferme le salon d'honneur cette parole de Pline : « L'ivoire est la matière la plus précieuse pour fabriquer des dieux. » Dans ce Salon d'honneur ont été réunies toutes les mani- festations artistiques ayant rapport au Congo et qu'on pour- rait classer en deux catégories : 1° Les œuvres des indigènes constituant l’art congolais; 2 les œuvres des artistes belges» afirmant un véritable réveil de la sculpture chryséléphan- tine. 1° L'ART CONGOLAIS. — L'exposition des objets sculptés par les indigènes du Congo montre nettement l’évolution du sen- timent artistique chez ces peuples primitifs. On retrouve par- tout, même dans leurs œuvres les plus naïves, ie besoin inné de donner à ces productions une forme élégante. Avec un peu d'observation il est possible de suivre la gradation de ce sentiment du beau chez les diverses peuplades, suivant qu’on l’étudie dans la grande forêt équatoriale, ou sur la côte, ou dans une zone intermédiaire. l° Dans la grande forêl équatoriale, la lutte pour la vie ne laisse guère de loisir au noir, obligé qu'il est de disputer à la nature le droit d'exister; aussi l’indigène fabrique des objets simples dont la ligne est harmonieuse, mais dépourvue d'ornementation. Les autres arts éclosent avec la même sim- plicité : la danse, motivée par l’exubérance de natures souples et saines, reste sans recherche; la musique, nécessitée par le besoin de rendre la parole plus expressive, est réduite à une mélodie sauvage. 2 Autour de la forèl centrale, les tribus vivent dans un état de paix relative; elles ont alors des loisirs qui leur per- mettent de décorer, d’ornementer leurs objets. Dès lors, nous voyons les Congolais travailler et sculpter le bois; mais c’est surtout l'ivoire qu'ils apprécient. Il est vrai de dire que l’ivoire n'a pas toujours été pour eux une matière précieuse, car avant l’arrivée des Européens, les défenses restaient souvent L’'IVOIRE A L'EXPOSITION COLONIALE DE BRUXELLES, 9 sans emploi. C’est à peine si les indigènes s'en servaient pour fabriquer des objets usuels tels que des pilons et des mor- tiers, des bracelets, des manches de couteaux et surtout des trompes dont la taille atteignait parfois 2 mètres. 3° À La côûle, les artistes noirs décorent les défenses qu'on leur confie; ils sculptent en bas-relief de longues théories de personnages s’enroulant en spirale autour de la défense et courant l’un derrière l’autre comme sur l'escalier d’une tour: Ce travail, qui coûte aujourd'hui 1 schilling par figure, se fait aussi sur des dents d'Hippopotames et de Pacocheres. Les nombreux spécimens qui sont exposés témoignent de la bonne volonté des sculpteurs congolais et montrent que ceux-ci usent du même procédé que nos enfants quand ils commencent à dessiner : ils exagerent les détails et inter- prètent souvent d’une facon réaliste les types qu'ils veulent reproduire, montrant par exemple sur un petit fétiche les dé- tails de la chevelure, les tatouages et certaine expression de physionomie qui devient caractéristique. Dans le Bas-Congo, les ivoires ont une plus grande valeur ; ce sont des fétiches servant de pommeau aux cannes des grands chefs. Dans le Sud et surtout dans la Djuma, les ivoiriers font de minuscules fétiches et des plaques sur lesquelles ils repré- sentent des personnages accroupis semblables à des divinités indoues. Vers le Tanganyika, les féticheurs de Misiti ont des mas- ques d'ivoire qui sont, du reste, sans grande expression. Toutes ces productions indigènes ne pouvaient manquer d'attirer l'attention des artistes belges et ces modèles afri- cains qui ne sont souvent que de naïves interprétations de la nature, ont inspiré aux sculpteurs belges certains essais intéressants. 2° L'ART BELGE ET LA SCULPTURE CHRYSÉLÉPHANTINE. — Déjà en 1893, le Gouvernement de l'Etat du Congo voulant créer un mouvement artistique, une renaissance de la sculp- ture sur ivoire, avait adressé à l’occasion de l'Exposition d'Anvers un chaleureux appel aux artistes belges; et, ce qui valait mieux encore que l’éloquence, l'Etat du Congo fit dis- tribuer gracieusement, aux meilleurs statuaires belges, des défenses d’Eléphant d'une valeur considérable. Quatorze baies. : jé Là Des. 10 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. sculpteurs répondirent à cet appel et leurs envois firent pres- sentir l'importance de la future école chryséléphantine. Enfin, en 1897, à Tervueren, les artistes belges ont montré quel merveilleux parti la sculpture pouvait tirer de l'ivoire, Plus de quatre-vingts pièces d'ivoire étaient rassemblées dans le Salon d'honneur et constituaient un véritable Salon des ivoires. Quelques-unes de ces pièces sont de véritables chefs- d'œuvre de grâce et de finesse. ; Ajoutons que les artistes avaient tenu à donner à leurs œuvres un cachet particulièrement colomial en les faisant reposer sur des socles en bois de la forêt tropicale. Toute la section congolaise avait du reste ses étagères, ses meubles d'art, ses boiseries, taillés dans ce bois aux chaudes couleurs que fournissent les forêts de l'Afrique tropicale. Je citerai en particulier un magnifique bois rouge (Sarcocephalus), sorte d’acajou flammé de larges veines d'or et qui doit être d’un grand prix pour l’ébénisterie ou l’art ornemental. À côté des produits ordinaires de la sculpture sur ivoire, c'est-à-dire des Christs et des éventails, voici des figurines, des bustes, des groupes, des coffrets, des cadres et même une pendule ! Souvent le ton laiteux de l’ivoire est rehaussé par des applications fort heureuses de bronze, d'argent et d'or. Je noterai même une certaine Vierge victorieuse du Mal, en ivoire et vermeil enrichi de pierres précieuses, qui était d'un gracieux effet. De toutes ces œuvres, une des plus captivantes est celle de M. Wolfers qui a conservé à la défense sa grandeur natu- relle, et qui a fait supporter ce beau motif courbe par un Cygne de métal dont le cou et les aïles s’enroulant en spi- rale autour de la défense, ont fourni un motif décoratif réel- lement original. A côté des ivoires sculptés nous signalerons aussi des pein- tures sur panneaux en ivoire, et des incrustations fort habiles sur des objets et meubles de luxe. En résumé, cet ensemble montre chez la jeune école belge, une originalité et une vigueur remarquables. Sans atteindre l’art d’un Phidias, elle n’en atteste pas moins une véritable résurrection d'un art antique qui fut si florissant chez les Grecs et les Romains et qui semblait mort depuis le xviri° siècle, Ce L'IVOIRE A I/EXPOSITION COLONIALE DE BRUXELLES. A1 Dès la plus haute antiquité, les hommes ont utilisé l’ivoire pour orner leurs maisons et leurs temples, ou pour sculpter les images de leurs dieux, Déjà l’homme primitif de la Gaule, comme le montrait M, Piette au dernier Congrès des Sociétés savantes, tirait de l’ivoire du Mammouth des statuettes qui sont aujourd'hui ce que seront, dans les temps futurs, les fétiches congolais. Les Hébreux en décoraient leurs meubles et les murs de leurs palais, Les Musées assyrien et égyptien du Louvre pos- sèdent de nombreux objets en ivoire. Les Grecs apprennent des Phéniciens l’art de travailler cette matière. Dans leurs sculptures, ils combinent l'or et l'ivoire : l'or pour les vêtements et l’ivoire pour le nu. Avec Phidias les œuvres sont colossales : la Minerve du Parthé- non a 12 mètres et le Jupiter d’Olympie 19 mètres de hau- teur. Certes, on trouverait peut-être encore des Phidias au- jourd’hui, mais où serait le Gouvernement qui commande-. rait des Minerve et des Jupiter? L'ivoire à ce point de vue ne pourra jamais remplacer le moderne et démocratique bronze. À Rome, l’ivoire fut aussi prodigué; et l'art byzantin en fit un emploi considérable. Pour ne citer qu'un exemple, l’église Sainte-Sophie, à Constantinople, a trois cent soixante- cinq portes décorées de bas-reliefs en ivoire. L'art chrétien, comme l’art arabe et celui de l’'Extrême- Orient, a produit de nombreux objets d'ivoire. Sous Charle- magne ce sont des bas-reliefs, des statuettes et des instru- ments du culte. Au moyen àge, les ivoiriers font vivre dans de charmants diptyques tout un monde de personnages saints découpés avec une admirable candeur C’est au xve siècle que furent sculptés les grands retables en ivoire du Musée de Cluny. Au xvi° et au xvrnr siècles, l’ivoirerie prend un grand développement en France, en Allemagne et aux Pays-Bas : certains crucifix en ivoire sont attribués à Michel-Ange, et d’autres sculptures éburnines passent pour être de Benve- nuto Cellini; c’est du xvne siècle que date le célèbre bas- relief de Saint Léon venant au-devant d'Atlila, tant admiré à Saint-Pierre de Rome. Depuis le xvire siècle, cet art est tombé en désuétude, et sauf la fameuse Minerve du Parthénon que Simart exposa en 1855 à Paris et qui est actuellement conservée au château de Dampierre, dans la famille du duc À 12 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. de Luynes, on peut dire que le travail artistique de l'ivoire avait presque disparu. Les artistes belges séduits par le grain et l’éclat si cares- sant de l'ivoire, ont voulu tenter de fixer leurs conceptions dans cette riche matière que leur colonie africaine procure en si grande abondance. Il faut reconnaitre qu'ils y ont réussi et qu'ils ont produit une véritable rénovation de cet art char- mant de la sculpture sur ivoire. Ils ont montré qu'il pouvait exister un parallélisme entre l'évolution coloniale d'un pays et le développement de l’art ornemental. Cette renaissance est si frappante que notre ami Bourdarie prévoit déjà l'heu- reux momént où chaque famille possédera ses ivoires d'art au lieu de sa douzaine de couteaux à manche d'ivoire. Assurément l'art n'a pas à se préoccuper des débouchés ; mais, si sans perdre rien de sa valeur esthétique, il erée ces débouchés, pourquoi ne pas l'en féliciter? Et c'est là lim- pression qui a été ressentie par tout visiteur de l'Exposition coloniale de Tervueren. Il a senti, ce visiteur, que si les colo- nies peuvent étendre l'horizon économique et scientifique d'un pays, elles peuvent aussi apporter leur contribution à l'art, soit par les œuvres naïves des primitifs, soit par les merveilleuses matières premières qu'elles fournissent. N'est- ce pas là un fait capital pour nos artistes modernes qui s'épuisent à faire du « nouveau » et à chercher « autre chose » ? En résumé, les partisans de l'idée coloniale en Belgique, et en particulier tous ceux qui ont collaboré à cette colossale entreprise de l'Etat indépendant du Congo, peuvent être re- connaissants aux artistes et aux « ouvriers d'art » qui ont provoqué cette renaissance de l’art décoratif moderne. Aussi l'on comprend que le Gouvernement belge ait voulu flatter ses artistes en même temps que rendre hommage au Roï Léo- pold IT, en inscrivant en tête du Catalogue de cette Exposi- tion, cette épigraphe : « Le degré artistique d'un peple est l'expression La plus élerée de sa perfectibilité, el La protec- lion des arts souligne la grandeur d'un Gouvernement. » LME EME aie, hd, os "a. lie * SE ot |" y UE NT 2 à Of AL RP PS TE OU PE ET D AT VOA CP LT TS ; LA CULTURE DU BANANIER DANS L'AMÉRIQUE CENTRALE ET LE COMMERCE DES BANANES AUX ÉTATS-UNIS (1) par A.-L. PINART. Ayant été chargé, au mois de juin 1896, par M. le Pré- sident du Conseil, Ministre de l'Agriculture et M. le Ministre du Commerce, d'une mission à l’effet d'étudier les cultures tropicales et les transactions commerciales auxquelles elles donnent lieu dans l'Amérique centrale, je me suis efforcé, durant mon dernier voyage dans ces régions, de réunir les élé- ments d'un rapport actuellement en préparation.Mes notes sont encore bien incomplètes et j'attends les résultats d'enquêtes particulières qui se poursuivent à ma demande et n’ont pas en- core pris fin. Toutefois, M. le Secrétaire général de la Société d'Acclimatalion ayant bien voulu me demander de commu- niquer à la Sociélé la partie de mon rapport qui touche à la culture du Bananier dans ces régions où elle s’est déve- loppée d’une manière prodigieuse dans ces dernières années, j'ai cru devoir accéder à son désir. La banane est, comme l’on sait, l’un des principaux élé- ments de la nourriture des populations de toutes races qui habitent les zones intertropicales. Quoi d'étonnant alors qu'aux États-Unis, chez un peuple essentiellement pratique, on ait cherché à faire entrer ce produit alimentaire si consi- dérable dans l'alimentation générale ? Une livre de bananes, nous dit Humboldt, contient autant de matière nutritive que 44 livres de pommes de terre. Crichton Campbell, l'un des fervents avocats de la banane aux États-Unis 4 déclare qu'une livre de banane équivaut, comme pouvoir à nutritif, à 25 livres de pain cuit. Les Américains, ayant compris le parti important que l’on pouvait tirer de ce fruit, l'importent aujourd'hui en quantités prodigieuses. Le nombre de régimes introduits en 1896, par les ports du Golfe (1) Communication faite dans la séance générale du 17 décembre 1897, AE MEN EN ST SIMON, PANIER RE LE A “ \r72 14 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. du Mexique, la Nouvelle-Orléans et Mobile, puis par ceux de New-York, Charleston, etc., n’a pas été inférieur à vingt-cinq millions, absorbés par le commerce aussitôt leur débarque- ment. Si j'ajoute que chaque régime de banane provenant de l'Amérique centrale porte de 120 à 180 fruits, qu’il pèse de 30 à 40 kilogrammes, l'on se rendra facilement compte du déve- loppement extraordinaire qu'a dû prendre la culture du Bana- nier pour pouvoir faire face à une telle consommation. Nous ne nous occuperons pour le moment que des régions de l’est et du centre des Etats-Unis, la Californie et les autres États du Pacifique, s’approvisionnant d'autre part à la côte sud du Mexique et aux îles Hawaï. Aussi, partout dans les endroits favorables de la côte nord de l'Amérique centrale, depuis la colonie de Belize par 19° de Lat. N. jusqu’à Santa-Marta en Colombie, se sont dévelop- pées d'immenses cultures de Bananiers. La Jamaïque, Saint- Domingue, Cuba, les Bahamas produisent aussi beaucoup, mais en qualité inférieure. Des agglomérations considérables se sont formées, des villes mêmes se sont élevées dans ces contrées tropicales telles La Ceiba, Rama, Bocas del Toro, par exemple, que nous avons connue en 1883, une misérable bour- gade, absolument isolée à l'entrée de la baie de l’Amirauté, dans le Chiriqui du nord, est devenue aujourd’hui une ville importante en communication directe deux fois par mois avec la Nouvelle-Orléans: elle possède même un journal heb- domadaire Æl Criterio. En 1883, le district avait à peine 500 habitants, aujourd'hui il en a pres de 10,000. Le département de Zélaya au Nicaragua, l’ancien royaume des Mosquitos, il y a quelques années encore ignoré des géo- graphes, a lui aussi des plantations de Bananiers et des va- peurs mettant Rama et Bluefield en communication constante avec la Nouvelle-Orléans. Que dire de Port-Limon au Costa-Rica ! Les deux côtés de la ligne de chemin de fer qui unit le port à la capitale ne for-- ment dans la partie basse du trajet qu’une forêt de Bananiers et quand arrive au port le vapeur annoncé, des trains se suc- cèdent à l'infini, venant déverser sur le wharf d'embarque- ment des cent et des mille tonnes de bananes, toutes trans- portées à la Nouvelle-Orléans. Plus au Sud, Colon, Carthagène, Santa-Marta fournissent aussi un contingent considérable : mais comme dans ces ports k L à | | ; . LA CULTURE DU BANANIER DANS L'AMÉRIQUE CENTRALE. 19 le trafic se fait surtout avec New-York, il y a durant les mois d'hiver un grand ralentissement en raison des froids rencontrés dans le trajet au delà du Cap Hatteras qui ruinent parfois les cargaisons. \ Au nord, enfin, nous avons le Honduras, le Guatemala et la Colonie anglaise de Belize, desservis par une ligne hebdo- madaire de vapeurs qui mettent en communication Belize, Livingston, Puerto-Barrios et Puerto-Cortes avec la Nouvelle- Orléans. À chaque voyage, les vapeurs retournent avec un chargement complet de bananes. Une autre ligne fait le service deux fois par mois avec les ports de la Ceiba, de Trujillo et Roatan. Une fois par mois une autre ligne touche généralement dans ces ports avec attache à New-York. Nous devons mentionner encore comme port d'attache à venir des vapeurs fruitiers, celui de Galveston au Texas, appelé à devenir très important en raison de ses communica- tions directes avec l’intérieur des Etats-Unis du sud-ouest, ce port étant le terminus sur le Golfe du Mexique de la grande ligne de pénétration des chemins de fer de la Compagnie du Sud-Pacifique qui se préterait certainement à une entente pour les transports à bon marché sur son immense réseau. Nous terminerons ici ces considérations générales par lesquelles nous avons voulu rendre évidente importance énorme qu'a prise la culture de la banane et l'espoir bien fondé que l'on peut avoir de son développement encore bien plus considérable. Passons à la description du Bananier et de sa culture. Le Bananier appartient, comme chacun sait, à la famille des Musées, dont les espèces sont fort nombreuses : l’espèce cultivée dans les régions qui nous occupent aujourd'hui est de Musa paradisiaca. Il en existe de très nombreuses va- riétés mais qui jusqu'à présent, n'ont, à notre connaissance, jamais été classées scientifiquement, Horaninow lui-même, dans son Prodromus Scilaminearum (Plersburgi, 1862), y ayant renoncé. La seule variété qui soit cependant aujour- d'hui cultivée en grand, la seule qui soit admise sans contes- tation sur les marchés des États-Unis, est la variété du M. sapientum, dite Taiîla ou de Taïti : ce Bananier fut, dit-on, introduit à la côte sud du Mexique à San-Blas et à Acapulco par les galions de Manille et c’est là qu'il se serait d’abord 16 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. développé, jusqu’au moment où il fut transporté à la côte nord, où aujourd'hui il règne en maitre (1). Il a l'avantage d'être plus résistant que les autres variétés, de se reproduire très facilement par rejets, de donner un régime compact, régu- lier, d’un poids presque toujours égal, supportant plus facile- ment que tout autre les transports lointains, et dont le fruit bien formé, gros et succulent, se prête aussi bien à être mangé cuit que cru. Toutes les innombrables plantations de la région qui nous occupe possèdent exclusivement cette variété pour l'exportation : comme c’est le point qui nous intéresse spé- cialement, nous nous limiterons donc à l'étude de cette seule variété. Sur les marchés de la Nouvelle-Orléans, de Mobile et en général du Golfe du Mexique, on rencontre souvent la grosse espèce de bananes dit P{t'-au-ciel ou Dieu le veuille; cultivée surtout à Saint-Domingue, elle ne peut se manger que cuite et est assez insipide : le régime ne porte que quelques fruits, de 10 à 25, mais chacun de ces fruits pèse jusqu'à 2 kilo- grammes. A New-York, l’on introduit aussi en très petite quantité la banane-figue (Musa mensuaria) ou Neïne : c'est un fruit délicieux, bien connu aux Antilles et dans l'Amérique cen- trale : le goût en est délicieux, mais le régime est fort petit et ne dépasse guère 2 kilogrammes, c'est un fruit de luxe. Il serait superflu de décrire ici le Bananier au point de vue botanique. Tout le monde connaît, pour l'avoir vu en voyage ou au moins dans les serres et les plates - bandes estivales des jardins, cette gloire des tropiques. L'élégance de sa forme, la beauté de son port, la grandeur et l’'émeraude un peu mat de ses feuilles se développant en spi- rales autour d’un tronc gracile et souple, s’agitant au moindre souffle de la brise, en ont fait chez nous une plante d’orne- ment. Rarement, cependant, on voit le Bananier épanouir sa fleur sortant comme un fort bouton de rose écarlate se fai- (1) Nous ne croyons pas devoir revenir ici sur la question si discutée déjà de savoir si le Bananier est originaire d'Amérique : un fait curieux à signaler cependant, c’est que la banane possèie dans presque toutes les langues in- diennes de la région un nom spécial indéniable qui ne provient pas de l'étranger comme cela a lieu pour lant d’autres plantes, d'animaux. d’ubjets divers intro- duits en Amérique depuis la découverte. Banane se dit Zapalotl en Nahuatl, Tu dans la plupart des langues de la famille Maya-Quiche, Ajahaa en Chorti, Mori en Lenca, Bun en Guaymie, Xalpal en Dorasque, etc., etc. . Ts LA CULTURE DU BANANIER DANS L'AMÉRIQUE CENTRALE. 17 sant jour à travers les feuilles plus petites, d’un vert plus tendre, de son bourgeon terminal, éclatant, s’ouvrant et lais- sant voir autour de son axe floral des rangées concentriques de petites fleurs d’un blanc-jaunâtre, disposées d’une manière régulière autour de son axe et qui bientôt deviendront les ba- nanes. Dans l'espèce, ou plutôt la variété qui nous occupe, il est rare que les fleurs stériles qui apparaissent les premières sur le style ou axe floral soient nombreuses : c’est ce qui pro- duit ces beaux régimes compacts si appréciés aux Etats- Unis. Les fleurs ne tardent pas à tomber et la banane apparait, toute petite d’abord, sortant de l’ovule, mais elle s’allonge, srossit presque à vue d'œil. Le poids fait pencher de plus en plus le régime mollement caché au milieu de la gerbe feuillue qui le protège des ardeurs du soleil. Le fruit a grossi et présente maintenant une peau ferme, bien tendue, unie : il est plein, et, bien que pas entièrement mür, c'est le mo- ment de couper le régime et de l'envoyer au port d’em- barquement ; cueillie à point, la banane mürit facilement en douze et quinze jours. Si le régime doit étre consommé sur place, on le laisse sur pied quelques jours de plus, jusqu’au moment où ses fruits prennent cette belle coloration jaune d’or qui est le propre de la banane Tuila. Le régime cueilli, on abat dans toute plan- tation rationnellement exploitée, le pied qui l'a produit pour laisser la place à un autre qui, en peu de mois, aura produit aussi son régime. À la côte nord de l'Amérique centrale, le pied de Bananier produit chaque année de deux à trois et jusqu'à quatre et cinq rejets différents portant fruit. _ Le Bananier dont il s’agit varie comme hauteur suivant que la situation et le terrain lui sont plus ou moins favo- rables. Il est rare cependant de le voir dépasser 3 mètres. La banane s'emploie de différentes manières, crue ou cuite. Crue, c’est un fruit savoureux, farineux, sucré légèrement, agréable au goût, tant soit peu astringent, peu digestif pour certains estomacs qui n’y sont pas habitués, surtout chez les enfants auxquels elle est apte à donner des embarras gas- triques, si la maturité n’est pas assez complète ou bien trop prononcée : c'est cependant crue qu'on la préfère aux Etats- Ünis et qu'on la consomme dans les proportions indiquées ci-dessus. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 2 AN REP CNE M Re Rs te ê. $ | + 18 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Cuite, on prépare la banane de nombreuses manières. Sous les tropiques, on la cueille avant sa maturité, on la pèle, car sa peau, dans cet état, est fort âcre et on la fait cuire au four ou sous la cendre : elle sert alors de pain. On en fait, en outre, après dessication, une farine (pour cela, on la pile dans un mortier une fois desséchée), et on la conserve alors dans des vases ou sacs à l’abri de l'humidité : dans ces conditions elle dure fort longtemps. Cette farine, très nourrissante, sert surtout en voyage où on en fait une boisson très saine et très rafraichissante, espèce de gruau épais, que l’on mélange quel- quefois avec du sucre pour parer à un goùt un peu insipide. Coupée en rouelles ou en tranches, elle entre dans les potages comme légume et forme une des ressources du ménage comme la pomme de terre chez nous. La banane müre et cuite au four est un aliment très sain et très nutritil en même temps qu'agréable au goût ; on la fait aussi frire, on en fait des gâteaux, des bonbons, etc. etc. Crich- ton-Campbell, l'avocat principal de l'alimentation par la ba- nane aux États-Unis, conseille aux mères de ne jamais laisser aller à jeun leurs enfants à l’école et de mettre dans leur panier une banane cuite dont le goût et le pouvoir nutritif donneront à l'enfant une force de résistance infiniment plus erande qu’une tartine de pain avec de la confiture. En outre, dit-il, le prix modique de la banane (un centime à New- York, un demi-centime à la Nouvelle-Orléans), en fait un des aliments par excellence à rechercher par la classe peu aisée. Nous devons ajouter qu'avec la banane müre, fermentée, l'on distille une eau-de-vie à goût empyreumatique pro- noncé, rèche à la langue et au gosier. La proportion d’al- cool étant très forte, il serait peut-être bon d'étudier les moyens d'enlever à cette liqueur l'huile essentielle qui lui donne un goût peu agréable : les déchets qui se produisent fatalement sur une plantation pourraient ainsi étre utilisés. Les gens du pays qui, cependant, aiment une liqueur un peu forte, dédaignent l’eau-de-vie de bananes, à moins qu'ils n’aient pas autre chose pour la remplacer. Si nous passons maintenant au mode de culture en grand du Bananier, tel qu'on le pratique à la côte nord de l’Amé- rique Centrale, on reconnaitra que cette culture est des plus simples et des plus rudimentaires. Le seul Drawback pour LA CULTURE DU BANANIER DANS L’'AMÉRIQUE CENTRALE. 19 l'Européen qui veut s'y livrer, consiste dans le climat. Le Bananier pour se développer et produire à son aise demande en effet un climat chaud et humide : le minimum de tempéra- ture qui lui convienne est de 22° cent. Pour trouver les ter- rains propres nous devons choisir partout dans ces régions la zone littorale qui est certainement peu saine pour l'Européen, mais avec certaines précautions faciles à prendre, il est per- mis d'affirmer que les craintes émises généralement à cet égard, sont d'ordinaire bien exagérées. Le choix du terrain a une grande importance : il ne doit étre ni trop sec, ni trop humide. Un sol noir (back loam) ou rouge ferrugineux est préférable, dans un endroit un peu élevé au-dessus d’une rivière, à une hauteur sufisante pour que les inondations périodiques ne l’envahissent point. Nous choisirions volontiers pour un établissement de ce genre un terrain courant fortement en longueur sur les bords d’une rivière et peu épais en profondeur : ilest alors facile de trans-, porter sans grands frais aux différents degrads de la rivière les régimes de bananes afin de les embarquer sur les canots, chalands ou bateaux qui les conduiront au port d’embar- quement. L'endroit choisi doit être protégé des vents du Nord, qui soufilent souvent en tempête sur cette côte, de novembre à janvier. Dans le défrichement, on réserve généralement du côté du Nord un rideau de forêt suffisant pour protéger la plantation. Les vents violents ont pour effet de griller les ._ jeunes feuilles qui protègent le régime au début de son dé- veloppement et de l'exposer aux ardeurs du soleil qui le dessèche et le rend inutilisable. L'endroit une fois choisi, l'on procède au défrichement, ce qui, en certains points, n'est pas chose facile : la forêt est im- pénétrable, les Lianes, les Palmiers nains épineux, toute cette végétation exupérante du sous-bois tropical près des rivières, rendent souvent le travail! fort pénible : on abat à la hache ou au machete tout ce que l’on peut, en ayant soin de laisser à eux-mêmes les gros arbres qu'il serait trop dispen- dieux d'attaquer directement : le feu se chargera tout à l'heure de les réduire à néant. Le défrichement se fait au commencement de la saison sèche, en novembre et décembre, puis, ce travail terminé et les bois abattus suffisamment secs, on profite d'une journée où le vent est un peu fort, du quar- TEE ki dès ét VOL... | Lgit Li cfthsiiiel DTA 20 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. tier le plus favorable pour ne pas attaquer le rideau de forêt qui a été laissé pour protéger la plantation des vents du Nord, on répand sur les premières abattis du pétrole et on y met le feu. Celui-ci prend avec une extrême violence et net- toie en peu de temps l'espace abattu, ne laissant des grands arbres de la forêt épargnés jusqu'alors que des troncs à demi calcinés, dans lesquels le feu continuera à couver pendant plusieurs jours. Le travail de défrichement se fait généralement par con- trat avec des gens du pays qui en ont l'habitude et qu'il est toujours facile de se procurer : le défrichement d’un hectare de terrain revient dans ces conditions à environ 80 pesos, soit au change actuel de l'argent à un peu de moins de 200 francs. Nous ne parlons pas ici du prix de l’achat ou de l’occupa- tion des terrains soit gouvernementaux, soit particuliers, les prix ou redevances étant absolument minimes et négli- geables. Le terrain ayant été ainsi nettoyé, on attend les premières pluies légères pour faire la plantation des rejets de Bana- niers. Les rejets ou choquards de Bananiers de l'espèce ou variété préférée se trouvent facilement dans le pays et ne doivent pas revenir à plus de 5 pesos par centaine. Le terrain disposé, on plante ces rejets à des distances va- riables suivant le lieu et la température. Nous pensons que la distance de 3 mètres entre chaque pied est la plus re- commandable : cependant nous avons vu des plantations où la distance entre chaque pied ne dépasse pas 2 mètres et même 1 m. 50. Le rapport est évidemment plus considérable dans le second cas pour les premières années, mais après cela, il faut craindre l'étouffement qui se produira certaine- ment à moins de sacrifier chaque année partie des rejets. Nous croyons donc la distance de 3 mètres préférable parce que dans ces conditions nous parons à l’étouffement et qu'en même temps, les pieds sont assez pres les uns des autres pour empêcher que le soleil ne dessèche le sol aux alen- tours. La plantation dans ces conditions devrait avoir neuf sent quatre-vingt-dix-neuf pieds de Bananiers, mais comme il reste toujours sur le terrain, même bien nettoyé, un certain LA CULTURE DU BANANIER DANS L’AMÉRIQUE CENTRALE. 21 nombre de souches des gros arbres qui ont été brülés, nous croyons que le nombre réel de pieds à l'hectare sera de huit cents. Le rejet se plante dans un trou préparé à l’avance d'’envi- ron 20 cent. de profondeur : on rebouche et l’on a soin de tasser suffisamment la terre tout autour pour empêcher au- tant que possible l’action du soleil sur les racines. La planta- tion faite, il est nécessaire, dans les premiers temps, d’em- pêcher les mauvaises herbes et le sous-bois de repousser pour ne pas étouffer les jeunes plants. Ce travail ne dure pas longtemps, car le Bananier pousse très rapidement et étouffe bientôt à son tour tout ce qui pousse au-dessous de lui. Huit mois sont généralement suffisants pour que le Bana- nier donne son premier régime : celui-ci est la plupart du temps de petite dimension et ce n'est que dans la seconde année qu'il commence à produire régulièrement des régimes pouvant affronter les marchés américains. Dès lors la plantation à ce point n'exige plus de soins régu- liers, si ce n’est celui de veiiler à la maturation et à la récolte des régimes arrivés à point : aussitôt cueillis, les régimes sont transportés aux différents dégrads de la rivière et mis à bord des bateaux qui se rendent directement aux ports d'em- barquement. Là, au passage des bateaux fruitiers, on vend couramment le régime, soit à bord même des vapeurs, soit aux agents et suivant les points, et suivant leur poids, à raison de 30 à 60 et même 80 centimes argent : les régimes de Bocas del Toro obtiennent le plus haut prix. La main d'œuvre nécessaire à l'exploitation d’une planta- tion de Bananiers d’un hectare, une fois en production, est fort peu de chose et nous conseillons à toute personne qui voudrait tenter l'aventure, de ne pas faire de plantation de moins de 10 hectares. Dans ce cas, deux escouades de dix hommes chacune, au maximum, sont très suflisantes, cha- cune de ces escouades étant dirigée par un chef. Le prix de la main d'œuvre est généralement de 1 peso argent pour les ouvriers et de 2 pesos à 2 pesos 50 pour les chefs. La main-d'œuvre est relativement facile à recruter pour ce genre de travaux. Le transport par bateaux ou canots de la plantation au port est toujours assez dispendieux, soit que la plantation 22 © BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. possède elle-même ses moyens de transport, ce qui est le plus pratique, mais nécessite dès le principe une mise de fonds assez considérable; soit qu'elle le fasse faire par con- trat, ce qui est possible en plusieurs points. Il est donc à tous égards, préférable de s'établir près d’un port. A la côte des Mosquitos au Nicaragua, sur la rivière Rama, les vapeurs viennent chercher les bananes jusqu'aux planta- tions mêmes, la rivière étant navigable sur un assez long parcours : à Puerto Barrios, à Puerto Cortez, à Puerto Limon, à Colon, à Santa-Marta, les trains de chemins de fer amènent les bananes jusqu'aux wharfs d'embarquement, presque toutes les plantations étant situées dans ces régions, sur la ligne ferrée elle-même; il y a de ce fait grande économie dans le transport. Quoiqu'il en soit, et quels que soient les frais de transport, nous considérons la culture du Bananier comme appelée à fournir à celui qui veut s’y livrer d'énormes bénéfices, tout en s’efforçcant de produire pour la classe peu aisée, comme nous le démontre Crichton-Campbell, un aliment sain, très nutritif et bon marché. “ Enfin, nous croyons que, suivant l'exemple donné aux Etats-Unis, il serait nécessaire que quelqu'un veuille se dé- vouer, comme Crichton-Campbell et d’autres, à la diffusion de la banane dans l'alimentation : il faudrait évidemment pou- voir se la procurer à bon marché, et de bonne qualité, ce qui aujourd’hui n'existe pas. La banane que nous trouvons sur le marché parisien, par exemple, est petite, sans saveur et revient très cher. Il nous semble que dans notre colonie du Sénégal et surtout des Rivières du Sud, où le climat est ana- logue à la côte nord de l'Amérique centrale, la banane Taila se développerait à merveille et comme son fruit supporte faci- lement un voyage par mer assez long, il serait facile de l’a- mener à un prix raisonnable dans les ports français. C'est un essai que nous croyons pouvoir recommander comme devant être fructueux. 23 EXTRAITS ET ANALYSES. RAPFORT SUR LES TRAVAUX EXÉCUTÉS EN 1896, À LA STATION AQUICOLE DE BOULOGNE-SUR-MER. par Eugène Canu, directeur de la Station, Boulogne, le 4er mars 1897. Monsieur le Ministre, J'ai l'honneur de vous adresser notre Rapport annuel relatif aux études et aux travaux poursuivis à la Station aquicole de Boulogne en 1896. - Comme de coutume, ces travaux ont trait à la pêche fluviale et ma- ritime et à diverses questions importantes pour les pêcheries du nord de la France. Dans notre exposé, nous examinerons successivement les différents points ayant trait aux chapitres, suivants : I. Pisciculture fluviale. — II. Études techniques. — III. Applications pratiques. — IV. Ques- tions diverses. I. Pisciculture fluviale. 1° Repeuplement des cours d’eau. — Les essais de repeuplement exé- cutés depuis un certain nombre d'années par la Station aquicole de Boulogne avaient porté de préférence sur diverses espèces intéres- santes au point de vue de l’acclimatation des variétés étrangères dans nos rivières particulièrement riches en Truites. Ni l’une ni l’autre de ces variétés n’ont fourni de résullats satisfaisants dans nos cours d'eau, malgré des versements comptant annuellement de 2,000 à 5,000 jeunes truitelles âgées de six à dix mois. Et tandis que le re- peuplement des eaux fermées de différentes propriétés particulières a parfaitement réussi dans ceite région avec la Truite arc-en-ciel (SaZ- moirideus), cette espèce n’a nullement prospéré dans la partie de la Liane affermée par la Societé des pécheurs à la ligne de Boulogne depuis une dizaine d'années. Bien plus, la croissance ordinairement rapide de ce Poisson, qui le fait préférer par les pisciculteurs à notre Truite des ruisseaux indigènes (Salino fario), la croissance, dis-je, demeure manifestement plus lente en rivière, et les Truites arc-en-ciel intro- duites dans les eaux vives du Boulonnais par la Station aquicole ont un développement qui semble toujours tardif et précaire quand on le compare aux conditions de croissance dont l’espèce locale est coutumiere. : 24 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Quant au Saumon de Californie (Salmo quinnaf\, les versements d'alevins d’un certain âge exécutés dans nos rivières n'ont pas laissé plus de traces que l’empoissonnement tenté à l’aide des individus âges de deux ou trois mois. De même pour le Saimo fontinalis et pour l'Ombre commune (Thymallus vexillifer). De sorte que tous les essais antérieurs d’acclimatation dans les eaux ouvertes restent encore douteux quant à leur efficacité. — Aussi, suivant accord établi entre le bureau de la Société des pêcheurs et nous- mêmes, les Truites adultes de ces diverses variétés que nous conser- vions comme reproducteurs furent versées elles-mêmes dans les ruis- seaux affermés du Boulonnais, pour un dernier essai d’acclimatation : il s'agissait alors d'individus âges de quatre à cinq ans, trés vigoureux el capables de se maintenir en bonnes conditions si les eaux leur sont véritablement favorables. Il fut convenu, en conséquence, que les essais d’acclimatation d'espèces étrangères resteraient dans l'avenir une exception dans nos pratiques de pisciculture fluviale ; toutes nos ressources, malheureu- sement limitées, seront appliquées à la culture des espèces indigènes. L'élevage des Salmonides exécuté à la Station aquicole de Boulogne a comporté, en 1896 : 15,000 œufs de Truites du lac de Guéry au Mont-Dore, qui furent mis en incubation dans nos appareils. Les alevins produits furent élevés dans l’Aquarium de l’établissement pendant six et huit mois au bout desquels 10,000 truitclles furent déversées, partie en juin et le reste en septembre, dans la Liane, les ruisseaux du Brunembert, Bellozanne et Cantraine, sur les territoires de Carly et Samer. 2,000 œufs de Salmo fontinalis, provenant de l'Aquarium du Tro- cadéro, ont été élevés de même dans nos bassins. Dans le courant de juillet un accident aux conduites d’adduction de la Compagnie des eaux de Boulogne qui approvisionne la Station aquicole vint sus- pendre toute circulation d’eau dans l'aquarium et causer la perte de ces alevins, avec celle de la plupart des jeunes truitelles du Guéry, restant encore en élevage dans l'établissement. Ces accidents, trop fréquents en été, et les épidémies (Zckthyopthi- rius, mnullifiliis, Bodo necator, etc.) qui sévissent assez souvent dans nos aquariums d'’alevinage, rendent trés précaire l'élevage des trui- telles mises au delà du printemps en slabulation dans les locaux de la Station aquicole. Aussi avons-nous étudié la création d'un Eta- blissement départemental de pisciculture fluviale qui supprimerait toutes ces difficultés dans l’alevinage de nos jeunes Salmonides en élé. Pendant la saison de ponte de 1896-1397, nous avons commencé l'application de notre programme tendant à l'emploi des mélhodes de pisciculture artificielle pour le repeuplement intensif des espèces régionales. PT gt Mt d pi nel à En be f' à dt SPA TN 2 SR EE 4 A AU EXTRAITS ET ANALYSES. 25 Pour la première fois, dans cette contrée, nous avons poursuivi, sur les frayères de la rivière la Canche, la capture et la mise en stabu- lation dans des viviers flottants d’un certain nombre de reproduc- teurs, de Saumons de la Canche et Truites de mer. Pour ces opé- rations, nous avons obtenu l'autorisation et le concours actif de M. l'Ingénieur des ponts et chaussées de l'arrondissement de Mon- treuil et des agents sous ses ordres. 50,000 œufs de Saumons et de Truites de mer ont été fécondés par les soins de la Station aquicole de Boulogne, sur la berge même de la Canche, à Brimeux, en appliquant la méthode ordinaire et la mé- thode russe de fécondation artificielle. Les reproducteurs étaient des poissons choisis, d’une très belle taille, et mesuraient de 1,20 à C®,75 de longueur. L’une et l’autre des deux méthodes de fécondation nous ont donné de très bons résultats : la proportion des œufs non fécondés étant infime dans les deux lots. Ces œufs fécondés furent rapportés le jour même de leur féconda- tion par chemin de fer jusqu’à Boulogne, pour y être disposés dans les appareils de la Staiion aquicole. Depuis leur mise en incubation artificielle, nos œufs de Saumons et de Truites de mer suivent leur dé- veloppement normal. Les fécondations artificielles ont été opérées du 28 novembre au 11 décembre 1896. Les œufs de Saumon fécondés, le 11 décembre étaient le 29 décembre au milieu de l'enveloppement blastodermique du jaune, au stade F distingué dans l'Embryogénie de la Truite, par M. le docteur Henneguy (1). Le 12 janvier 1897, ils montraient les traces de leurs taches oculaires, visibles au travers du chorion, et qui restent les seules preuves convaincantes de réussite dans les operations de pisciculture artificielle pour les personnes peu instruites ou peu versées dans les observations embryologiques. Nous devons constater, Monsieur le Ministre, le tres vif intérêt porté par les pêcheurs aux opérations de pisciculture artificielle ap- pliquées ainsi aux Poissons les plus estimés de sotre contrée : nous trouvons là un grand encouragement à poursuivre avec ténacité les opérations nouvelles entreprises dans notre service, d'autant plus que la culture artificielle du Saumon indigène n'est actuellement vour- suivie en France que dans la Dordogne et dans l’Adour, toutes les autres opérations restant des essais d’acclimatation de Saumons du Rhin dont le succès n’est pas du tout certain dans les eaux fran- caises. Avec plus de ressources, il nous serait très facile, dans l'avenir, d'étendre l'importance de nos opérations de pisciculture sur les Sau- mons et Truites de mer du nord de la France, et d'élever jusqu'à plusieurs centaines de millions le nombre des sujets cultivés artifi- (1} Journal de l'Anatomie et Physiologie, 1889. ME. Dai baie VON RO An D RER LT TUE d'ADN Pie TELE de 26 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. ciellement chaque année par les soins de la Slation aquicole de Bou- logne. Pour la production des œufs et pour la mise en incubation jusqu’à l'éclosion des alevins, nous sommes suffisamment armés pour atteindre ce résullat. Il n’en est malheureusement pas de même pour l’alevinage des saumoneaux et des truitelles, ainsi que nous l'avons dit plus haut, et c’est un point que nous ne cessons de signaler à l'at- tention du Conseil général du Pas-de-Calais en vue d'un Etablisse- ment départemental de pisciculture. En outre de cet élevage, des pontes artificielles de nos meilleures espèces locales, il reste en alevinage à la Slation aquicole 500 jeunes Salmo fontanalis, mis en incubatiou dès leur arrivée de l'Aquarium du Trocadéro, et qui sont éclos du 20 au 30 janvier 1697. Ceux-ci sont destinés à être transplantés dans les cours supérieurs de la Liane et de la Course, affluent de la Canche, aux eaux très vives et très froides qui semblent convenir à cette espèce américaine. De même, cinquante exemplaires de l'Ombre-Chevalie: du lac Pa- vin, âgés de vingt mois, sont en alevinage dans les caux vives d’une propriété privée qui est gracieusement mise à notre disposilion à cet effet. Dès que la taille de ces Poissons, variant aujourd'hui de 14 à 20 centimètres, semblera suffisante pour les mettre à l'abri des dépré- dations des Saumons, grosses Truites el Brochets, ils seront trans- plantés dans l'une ou l’autre de nos rivières (probablement dans la Canche, dont les eaux sont assez profondes et dont le fond est très riche en Gammarides). 2° Projet d'Etablissement départemental de pisciculture fiuviale. — Ie territoire du déparlement du Pas-de-Calais en général et de la régicn boulonnaise en particulier est largement doté de rivières et de petits fleuves favorables au développement des espèces fluviatiles les plus recherchées pour la consommation publique. Néanmoins on se plaint vivement dans cette contrée de la disparition du Poisson et l’admi- nistration départementale s'est préoccupée sérieusement Ge cette question. Le Conseil général du Pas-de-Calais émet le vœu qu'une étude soit faite en vue de la création d’un Etablissement de pisciculture chargé du réempoissonnement des rivières. Transmis par M le Préfet du Pas- de-Calais au Service des Ponts et Chaussées, ce vœu est l'objet d’un examen approfondi, taut au point de vue technique qu’au point de yue budgétaire. Nous avons été saisi par MM. les Ingénieurs du Ser- vice des Ponts et Chaussées du désir manifesté par le Conseil général du Département, et nous avons accepté d'apporter notre appui à la solution cherchce. Une commission spéciale composée de MM. les Ingénieurs de Bou- logne et de Montreuil, de M. le Président de la Société des pêcheurs à la ligne de Boulogne et du Directeur de la Station aquicole, s'est réu- DRE à D] EXTRAITS ET ANALYSES. ÿ L nie plusieurs fois en 1896 pour l'examen de diverses localités pro- pices à cetie fondation d’une Station rurale de pisciculture; sur les bords d'un ruisseau donnant un approvisionnement d’eau suffisan:. Un rapport préliminaire fut fourni au Conseil général dans la session d'août 1896, ct les propositions définitives seront fournies à la session prochaine de 1897. Nous mentionnerons que, dans ce rapport, l’éven- tualilé de la remise de cet Etablissement départemental sous la conduite du Directeur de la Stalion aquicole de Boulogne, particu- lièrement versé dans les questions de piscicullure pralique, se irouve envisagée pour être traitée à fond dans le sens affirmatif au cours du rapport définitif. A la vérité, nous trouverions, Monsieur le Ministre, un secours très efficace dans la fondation d'une Station rurale de pisciculture affectée au repeuplement des riviéres de cette contrée, ct c'est un point que nous avons suffisamment indiqué plus haut, en men- tionnant les essais de repeuplement exécutés en 1896 par la Station aquicole. Nous avons donc fait approuver par la commission d'étude du projet deux solutions également bonnes à soumettre au choix du Con- seil général. La première comporte des dépenses d'installation assez elevées. Elle envisage la construction d’un établissement définitif, sur un ter- rain à acquérir par le déparlement, terrain alimenté par des sources fournissant l’eau à un grand nombre de réservoirs et bassins d’alevi- nage pour les jeunes Poissons élevés jusqu’à dix mois, à des bassins de stabulation pour les adultes reproducteurs, et aussi à des appa- reils d’éclosion. — Un des emplacements proposés est à la limite des bois de la Caboteric, aux confins des territoires communaux de Sor- rus, de Saint-Josse el de la Caboterie, dans l'arrondissement de Mon- treuil. Le plan coté de cet emplacement a été dresse à la demande de la commission d'étude, et le débit des sources a été jaugé pendant l'été de 1596. Nous ne croyons pas que les ressources budgétaires du département du Pas-de-Calais permettront d'entreprendre cette créa- tion coûteuse. La seconde solution, plus modeste et peut être tout aussi efficace quant aux résultalts à obtenir avec les espèces régionales, tendrait à prendre en location, à bail, l’un des nombreux moulins à eau établis sur le cours de nos rivières à Truites, rivières dont les eaux très vives et très fraîches conviennent à merveille pour la stabulation des jeunes Salmonides. Les dépendances du moulin, dans le bief supérieur ct dans le bief inférieur de la chute d'eau, permettraient d'établir des bassins ct des réservoirs flottants sur la rivière même, afin de procéder, ainsi qu’on le fait généralement en Suisse, en Allemagne et aussi au Nid-du-Ver- dier près Fécamp, à l'alevinage denombreux saumoneaux et truitelles 28 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. produits jar fécondation artificielle sur les frayères et par incubation dans les appareils de ia Stalion aquicole à Boulogne. Nous osons espérer, Monsieur le Ministre, que cette solution mo- deste aulant que pratique pourra obtenir l'acquiescement du Conseil général et du Préfet du Pas-de-Calais, 3° Causes du dépeuplement des Ecrevisses dans l'Aa. — Les rivières du Haut-Boulonnais et des collines de Picardie étaient encore peuplées d'un grand nombre d'Ecrevisses, il y a peu d'années. Ces Crustacés ont aujourd hui disparu de la plupart de ces cours d’eau. L'une de ces rivières, l’Aa, Liès riche en Truites dans son cours su- périeur, reste pour ainsi dire la seule qui contienne encore des Ecre- visses en nombre appréciable. Encore s'est-il passe là dans ces der- nières années un fait digne de la plus sérieuse attention. L’Aa, qui se jette dans la Mer du Nord sous Gravelines, compte encore quelques Ecrevisses depuis sa source jusqu'à Lumbres, les environs de Fauquembergues sont seu's suffisamment riches pour per- mettre actellement une pêche profitable. — En 1891 et 1892, les vil- lages de Rumilly, Ouve, Wirquin, Merck et Saint-Liévin étaient également très riches en Ecrevisses. Dans les communes de Merck- Saint-Liévin, en particulier, les habitants pratiquaient en grand nombre une pêche régulière de ces Crustacés, à l’aide de balances, et ils y trouvaient, par un travail du soir relativement peu pénible, le moyen d'augmenter notablement le produit du travail aux champs qu'ils exécutent le jour. Dans une bonne soirée de pêche, un homme largement équipé de balances, capturait alors jusqu'à 10 à 12 dou- zaines d'Ecrevisses marchandes. À l'époque actuelle, cette pêche a cessé complèlement par suile de la disparilion de ces Crustacés à Merck et à Sainl-Liévin. Au cours de nos recherches sur la pêche des Truiles dans la vallée de l’Aa, nous avons cu — à maintes reprises — l’occasion de recueillir les doléances des ancieus pêcheurs d'Ecrevisses de Saint-Liévin jus- qu'a Rumilly. Notre altenlion s'est naturellement fixée sur cette brusque disparition de l'Ecrevisse dans des eaux qui l'avaient abritée si largement aulrefois; et pour trouver la cause de ce phénomène, nous avons autopsié el disséqué un grand nombre de Crustacés de l’Aa, afin de rechercher à quelle sorte d'épidémie le dépeuplement rapide de la rivière pouvait êlre imputé. Ni dans les organes vitaux, ni dans les muscles du corps ou des pattes de ces Ecrevisses, nous n’avons trouvé trace de ces Distomes ou Psorospermies qui signalent le déve- loppement de ce que l’on a appelé maintes fois la Pesfe des Ecrevisses. Nous avons pu constaler toutefois de fréquents déversements d'eaux industrielles dans la rivière, et nous avons rapproché ce fait du dé- peuplement de l’'Aa en Ecrevisses, car on sait combien ce Crustacé est susceptible à l'égard de la pollution des eaux qu'il habite. Après enquête, nous avons appris que la disparition des Ecrevisses dans : EXTRAITS ET ANALYSES. | 2) cette région est postérieure à l'introduction de nomhreuses fabriques de papier qui sont venues depuis peu d'années supplanter et rempla- cer les minoteries d'autrefois. Remarquons, d’ailleurs, aussi que le cours supérieur de l’Aa, à l’amont de Fauquemberques, ne comte aucune papeterie et qu'il a conservé des Ecrevisses. Néanmoins, il est juste de dire que la richesse de l'Aa en Ecre- visses avait subi, longtemps avant le développement de l’industrie du papier dans cette contrée, des fluctuations analogues à c2lles que nous constatons dans ces dernières années sans en trouver la cause évi- dente. C’est ainsi que la grande abondance d’Ecrevisses à Merck- Saint-Lièvin ne datait guère que de douze à quinze ans, au dire des pêcheurs les plus exercés et des marchands de ces villages. Avant cette période d’abondance, les Crustacés étaient rares €ans l’Aa où _onne les pêchait que très irréguliérement. Peut-être enfin, faut-il encore tenir comote de la pêche intensive qui eut lieu sans surveillance et sans scrupule durant les dernières années d’abondance. Cette pêche s'élevant certains jours jusqu'à cent douzaines d’Ecrevisses, était aitors suffisante pour enrayer à Merck- Saint-Lièvin la reproduction d'un Cruslacé qui croît lentement et qui se reproduit aussi rarement. Des recherches que nous avons exécutées, il semble résulter, Mon- sieur le Ministre, que l’Ecrevisse est dépeuylée dans l'Aa pour des causes étrangères à l’histoire naturelle de ce Crustacé : par les déver- sements d'eaux industrielles d'une part, et par l'effet d'une pêche tres intensive d'autre part. ( | Pour la première de ces raisons, le repeuplement de cette rivière par l'élevage artificiel de ce Crustacé, nous a semblé une expérience certaine d'aboutir en ce moment à un échec, et nous l'avons différée jusqu’à l’époque où la surveillance très stricte de l’Aa pourra être exercée de manière à faire respecter les lois sur la contamination des eaux poissonneuses par les résidus de fabrique. «II. — Études techniques. 1° Observations sur l'histoire naturelle des Saumons ei Truiles de mer. — Les mœurs des Saumons et Truites de mer sont encore assez mal connues ou interprétées par les pêcheurs et par les naturalistes pour qu'il soit nécessaire de les remettre à l'étude. Après avoir organise, dans le cours de l’année 1896, les premières pratiques de pisciculture artificielle, qui aient été exécutées dans le nord de la France sur ces espèces locales (sans négliger néanmoins les quelques fécondations artificielles d'œufs de Saumon exécutées à l’île Sainte-Aragone, dans la Somme, par M. Lefebvre, d'Amiens), nous nous sommes efforcé de poursuivre l'étude zoologique des Saumons et Truites de mer dans la 1 FE LT UE LE" L. | L'or S | pi: FT PAT EU NT Me 20 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Canche, en tenant compte des découvertes scientifiques les plus récenLes. Le Saumon, abondant dans la Canche et dans l’Authie. et la Truite de mer, répauduce sur toules nos plages parsemées de rochers, sont les Poissons les plus précieux pour la pêche maritime et fluviale du nord de la France. L'altention s’est donc tout naturellement portée sur ces animaux, et déjà divers rapports des Ingénieurs des Ponts et Chaus- sées de l'arrondissement de Montreuil, ainsi que des rapports anté- rieurs des directeurs de la Station aquicole de Boulogne, ont examiné dans le cours de ces dernières annces la question du Saumon de la Canche, en particulier dans l’année 1889. — Ce dernier rapport de la Station aquicole fait remarquer que la présence du Saumon remontant en masse dans la Canche datcrait de 18$3-1884, à la suite des travaux d'endiguement des eaux du fleuve au travers des sables de l'estuaire. Néanmoins le Saumon femelle, en robe de noce, est connu dans les rivières du nord de la France depuis uu plus grand nombre d'années. Nous en trouvons la preuve convaincante dans le tome XXI de l’Æis- loire naturelle des Poissons, publiée par Valenciennes en 1818. Aux pages 129 et 130 de ce traité, le naturaliste du Jardin des Plantes signale la capture dans l’Authie, petite rivière de Picardie qui se jette dans la baie de Somme près du Crotoi (?), d'un Poisson désigné par les pêcheurs d1 pays sous le nom de éruile guilloise. Ce Poisson était une femelle de 39 pouces (0,81) de longueur, ayant le corps rempli d'œufs prèts à êlre pondus, avec le dos, les flaucs, les joues et la caudale couverts de grandes taches rouges irrégulières. Cette description permet de reconnaitre l'espèce qui nous est familière dans la rivière voisine, la Canche, où nous l'avons observée longuement sur les frayères pendant la période de la fraie, espèce dont nous avons eu nombre d'exemplaires entre les mains pour la prete des féconda- Lions artificielles. D'ailleurs, la Truite guilloise des pêcheurs de l'Authie n'est point la seule variélé qu'on ait voulu séparer des Salmonides anadromes qui nous occupent. Valenciennes décrit encore, dans le même volume de son ouvrage, sous le nom de Truite de Baillon (7rutta Builloni), une forme nouvelle découverte dans la Somme, rapportée de Norvège à Paris, et que nous avons signalée à part sous ce nom par le docteur Moreau dans son Traité le plus récent d’ichthyologie française. La Truite de Baïllon serait caractérisée par neuf rayons branchiostèges et par la présence sur ses flancs d’un petit nombre de taches noirâtres largement empourprées à leur périphérie. Nous avons retrouvé, en hiver, sur les frayères de la Cancle, des Poissons du même aspect, gonflés d'œufs mürs, et que nous n’hésitons nullement à rapprocher de la Truite de Baillon. Néanmoins, nous ne pouvons considérer cette espèce comme distincte : la variabilité du nombre de huit à douze des rayons branchiostèges est bien connue dans nos Salmonides ana- EXTRAITS ET ANALYSES. 31 dromes, d’après les recherches les plus approfondies dont ces organes furent l’objet depuis dix ans. La livrée de la Truite de Baillon se re- trouve d’ailleurs également en Norvège dans les Salmonides ana- dromes; elle est même fréquente parmi les Truites de mer ayant accompli un séjour prolongé en eau douce et qui reçoivent l’épithète de Tujmen. _ Examinant les caractères distinctifs usités dans la spécification moderne des Salmonides, nous voyons, par exemple, sur quelques-uns des spécimens capturés par nous dans la Canche, ies nombres et rap- ports suivanis : NATURE LONGUEUR PROPORTION ÉCINES ANTÉRIEURES DE L'ARC BRANCHIAL DENTITION DJ POISSON. TOTALE. DE LA TÊTE. A DROITE ET À GAUCRE. DU YOMER. =" == Te M ET > Saumon mâle... 1.04 4/4.72 1249-21 412 + 8-20 2 dents. Idem. ES 0.75 1/4,68 134 8-21 13 + 8-21 4 dents et 2 ran- gées recouvertes, Saumon femelle. 1.00 4/5:26 42 + 9-21 13 + 9-22 2 dents. Truite de mer fe- 4 dents et 2 ran- melle2: 1... 0.50 1/4,54 1117-18 11 + 7-18 gées recouvertes. Truite de Bailion femelie ....... 0:43 14/4771 1147-18 11 + 8-19 Nombreusesdents En raison des nombres et des caractères portés à ce tableau, et suivant l'opinion énoncée par le professeur F.-A. Smitt sur les rap- ports et la caractéristique des divers Salmonides anadromes, nous sommes amenés à conclure qu'il n’y a point lieu de distinguer dans nos cours d'eau entre d'autres sortes de Salmonides que le Saumon, la Truite de mer et la Truit: des ruisseaux. C’est une conclusion qui a de l’imvortance pour la conduite des pratiques de pisciculture dans notre région et pour l'étude ultérieure des conditions d'existence de ces importantes espèces de Poissons. Dans un rapport antérieur, nous avons eu l’occasion de signaler, Monsieur le Ministre, les données intéressantes pour l'étude des mi- grations et de la reproduction naturelle du Saumon qui permet de réunir la méthode dite du marquage individuel, appliquée aux Pois- sons capturés, numérotés, étiquetés et rejetés ensuite en rivière afin de fournir ultérieurement au temps voulu des données cerlaines sur leurs habitudes et sur leurs transformations, s'ils étaient recapturés et observés alors à ce point de vue. — Les conclusions de ce rapport ont d’ailleurs été publiées au Bulletin d'informations du Ministère de l’A- griculture en janvier 1896. Dans l’année qui vient de s'écouler, nous nous sommes naturellement efforcés de satisfaire à ces conclusions en appliquant dans notre région la méthode norvégienne dont nous avions exposé les avantages dans ce rapport. La Station aquicole de Boulogne ne possédait ni-les moyens, ni la liberté d'action nécessaires pour 32 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. semblable étude, nous avons provoqué l'intervention du Service des Ponts et Chaussées de l'arrondissement de Montreuil. L'Administration des Ponts et Chaussées de Montreuil avait à sa disposition, depuis plusieurs années, un crédit annuel spécial de 1,200 francs pour des observations méthodiques sur les mœurs du Saumon, dans la rivière de la Canche rattachée à cette circonscription. Nous avons obtenu qu'en 1896, on y mette à l'essai le marquage indi- viduel des Saumons capturés aux barrages par les garde-pêche, Saumons marqués jusqu'alors d'un signe distinctif sans numéro d'ordre, signe variable chaque année pour tendre uniquement à établir l’annualité ou la bisannualité de la montée et de la ponte. Soixante-seize Saumons ont été marqués cette année d'un signe distinctif individuel, avec numéro d'ordre. Ce signe consiste en une épingle d'argent piquée dans la nageoire adipeuse, repliée et tordue de manière à enserrer l’arrière de cette nageoire; l’épingle se termine par une fiche minuscule de deux à trois millimètres carrés qui porte le numéro d'ordre gravé. Capturés au barrage de Brimeux par un garde-pêche stationnant constamment en ce point très important à préserver du braconnage organisé au moment des montées de Saumons par les meuniers et usiniers, les soixante-seize Poissons furent marqués du 30 mai au 19 décembre 1896. Le marquage à l’aide de fiches numérotées a déjà permis d'établir que ces animaux relâchés dans la Canche après l'opération, exécutent dans cette rivière des allées et venues assez importantes. Beaucoup de Poissons pumérotés ont été recapturés de nouveau en 1896, ce qui indique un séjour prolongé en rivière, après la montée; de plus, plu- sieurs d’entre eux furent repris bien à l'aval du point de remise en liberté : tel fut le n° 6, marqué le 16 juin et repêché le 17 septembre à deux lieues au-dessous de Brimeux. Notons, d'autre part, le n° 4, marqué et rejeté à Brimeux le 8 juin, qui fut repris au même point le 10 octobre; puis le n° 14, marqué le 7 août et repris le 6 novembre: le n° 57, marque le 23 novembre, qui sert aux fécondations artificielles, après nouvelle capture le 8 décembre, etc. Dans le cours de nos opé- rations de fécondation artificielle des œufs de Saumon au bord de la Canche, nous avons, d’ailleurs, repris un grand nombre de Saumons marqués qui se trouvaient alors en pleine activité de la fraie. Ceci montre bien, sans aucune contestation possible, que les ani- maux remontés en rivière dès le mois d'avril et mai effectuent vérita- blement leur ponte en décembre, après un long stationnement et diverses allées et venues vers l’aval et vers l’amont qui les exposent aux captures des pêcheurs et surtout aux agissements des braconniers au filet que n'arrête jusqu’à ce jour aucune surveillance de ruit sérieusement organisée. Dans la Canche, où les dernières frayères ne sont pourtant éloignées EXTRAITS ET ANALYSES. 33 de la mer que de 6 lieues seulement, le séjour en rivière des gros Saumons reproducteurs dure de neuf à dix mois chaque année. Malgré le rapprochement de la mer et du point extrême de la montée, rapprochement qui cantonne ious les reproducteurs dans un espace restreint entrecoupé d’un petit nombre de moulins et barrages (parti- cularité diminuant beaucoup les chances de capture en faveur de la sécurité de la montée), la vie du Saumon en eau douce a donc, dans la Canche, la même durée que dans les grands fleuves où ces Poissons doivent parcourir des centaines de kilomètres avant d'atteindre leurs frayères. Dés lors, il semble bien probable qu'un séjour si prolongé en eau douce a pour but : 1° De permettre uniquement la transformation des organes repro- ducteurs et la maturation des produits sexuels; 20 De satisfaire ainsi à une nécessité physiologique constante pour tous les fleuves à Saumons, grands et petits. Le séjour prolongé du Saumon en eau douce ne dérive donc point, comme on l’a dit parfois, des exigences d’un voyage plus ou moins long et plus ou moins laborieux vers les frayères. Tels sont, Monsieur le Ministre, les premiers résultats des études que la biologie encore obscure du Saumon rous a conduit à entreprendre. Ce ne sont point, à vrai dire, les seuls résultats pratiques à attendre des marquages opérés en 1896, sur les Saumons de la Canche : des conclusions d'un ordre très intéressant doivent intervenir à la fin de la prochaine saison de pêche, s’il nous était donné de poursuivre des observations et d'étudier l’état physiologique de Saumons marqués en 1896 ef recapturés en mer ou en rivière en 1897 ou 1898. Pour nous mettre à même de poursuivre cette étude, il y aurait in- térêt, Monsieur le Ministre, à mettre à la disposition de la Station aquicole de Boulogne en 1897 et dans les années suivantes, le crédit spécial de 1,200 francs accordé en 1896 et dans les années antérieures au Service des Ponts et Chaussées de Montreuil-sur-Mer pour l’étude du Saumon dans la Cauche; et ce transfert de crédit nous parait d'autant plus désirable que l’usage de cette somme pourrait être ainsi affecté partiellement dans l’avenir aux opéralions de pisciculture arti- ficielle que nous avons déjà poursuivies cette année dans la Canche en utilisant cette ressource budgétaire du Service des Ponts et Chaussées de Montreuil. En raison même des modifications apportées dans les services de la pisciculture et de ia surveillance des pêches fluviales œui se trouvent ratlachés au Département de l'Agriculture par le décret du 7 no7embre 1896, la nécessiieé de l'affectation de ce crédit à l’un des services speciaux du Département de l’Agriculture, — comme la Station aquicole de Boulogne dans le département du Pas-de-Calais, — doit être envisagée, et nous ne saurions, Monsieur le AMinistre, solliciter trop vivement votre bienveillante attention sur ce-point. Buil. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 3. os hi élaelh die éd a NES L 34 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Nous rappellerons encore que l'étude des Saumons marqués qui s'opère en Norvège vient de conduire cet important pays de production jus- qu’à la revision de ses lois sur la pêche et ia protection du Saumon, revision qui s’exécule en 1896-1897 par les soins d’une commission technique spécialement appointée par le Storthing; nous y voyons, Monsieur le Ministre, une preuve convaincante de l'intérêt supérieur qui s’attache à la continuation des expériences entreprises méthodi- quement dans notre région en 1896 sous les auspices de la Station aquicole de Boulogne. (La fin au prochain numéro.) X< ORIGINE AFRICAINE DE QUELQUES ANIMAUX DOMESTIQUES EN EUROPE. M. le professeur C. Keller, de Zurich, a fait à la 80° session de la Societé helvztique des Sciences naturelles, tenue à Engelberg en 1897, une conférence sur les éléments d'origine africaine que l’on retrouve dans nos diverses races d'animaux domestiques. Il fait remarquer tout d’abord que l'on peut tirer des conclusions sur l'origine et l'extension de certaines races domestiques non seule- ment de l'anatomie comparée et des recherches archéologiques, mais encore de l’elhnologie. L | Geoffroy Saint-Hilaire admettait que nos meilleurs et nos plusan- ciens animaux domestiques provenaient d'Asie ; mais cette hypothèse a déjà été fortement infirmée par des découvertes précédentes, et l’au- teur montre par une série de faits que, à côté de l'élément asiatique, il existe en Europe un élément d’origine africaine beaucoup plus im- ! portant. Parmi les Chiens, ce sont les races du Sud et particulière- i ment les Lévriers, dont nous savons qu'ils abondaïicnt dans l’ancienne 4 Égypte, qui doivent être venus d'Afrique par la Méditerranée. En ce À qui concerne les Equidés, l’origine asiatique est cerlaine pour une partie au moins des Chevaux ; l’Ane de la petite race, au contraire, a . {a été domestiqué pour la première fois par les peuplades hamitiques de l'Afrique orientale et a été importé de là en Égypte et en Europe. Per- [SR sonne ne conleste l'origine africaine du Chat domestique qui a été is l'objet d'un culte dans la vallée du Nil et n’a pénétré en Europe que 4 depuis la période historique. Enfin une bonne partie de nos races < bovines d'Europe peuvent dériver de races africaines. Cette hypothèse, ÿ quoique contraire à l'opinion généralement admise, est basée sur des 1 D. données anatomiques incontestables. Le passage en Europe a dû se % faire déjà à l’époque des palaffites et des restes de ces types anciens Er se sont conservés jusqu'à 2os jours dans certaines races brunes des , # Aipes. 5 ‘#4 >< x EXTRAITS ET ANALYSES. 35 LES PRODUCTIONS VÉGÉTALES ET ANIMALES DE LA CRÈTE (l), par H. CasronneT Des Fosses. La Crète ne paraît pas être aussi fertile qu'autrefois. Son sol s’est épuisé. Néanmoins ses productions sont encore nombreuses. Il faut d'abord citer les Olives, puis les Caroubes, les raisins secs et le Vin. Les Céréales que l’on cultive sont le Blé, le Seigle, l'Orge et le Maïs. Les meilleurs Blés sont ceux de la plaine de Messara. Le Seigle n’est cultivé que dans les montagnes. Il n’en est pas de même de l’Orge. qui est répandue un peu partout, dans les plaines, dans les vallées et dans les montagnes. Néanmoins, la Crète ne produit pas suffisamment de céréales pour sa consommation et elle est obligée d’avoir recours à lPétranger. Les arbres fruitiers sont nombreux ; nous citerons : le Poi- rier, le Pommier, le Cerisier, le Prunier, le. Noisetier, l’Abricotier, le Pêcher, le Cognassier, le Mandarinier, le Grenadier, l’Amandier, lOranger, le Citronnier. Autrefois, le Mürier était beaucoup plus cul- tivé qu'il ne l’est actuellement. L'on a essayé la culture du Coton, mais l’on n’a jamais obtenu que de médiocres récoltes. Le Lin est d une espèce dégénérée. Le Tabac est de médiocre qualité, sauf celui des environs de Rethymo. L'on a voulu prétendre que la Crète conve- nait au Café. C’est une erreur. La température y est trop basse en été pour que le Caféier puisse s’en accommoder. Comme légumes, l’île produit des Fèves, des Haricots, des Tomates, des Aubergines, des Oignons, des Épinards, des Choux, des Radis, des Artichauts. La Pomme de terre, la Salade, la Betterave réussissent mal, les Carottes ne sont bonnes qu'aux alentours -de Candie. Dans les forêts devenues fort rares et beaucoup moins touffues qu'’autrefois, les arbres que l’on rencontre sont le Chêne vert, l’Arbousier, le Cèdre, le Pin, Je Cyprès; le: Myrte se trouve partout. | Comme bétail, la Crète possède : des Chevaux, des Mulets, des Anes, des Bœufs, des Moutons, des Chrèvres et des Porcs. Les Che- vaux étaient, dans l’antiquité, célèbres par leur vitesse. L'on estime à 7,000 leur nombre dans l'ile. Ils servent principalement à tourner la meule du pressoir et aux prises d'eau pour élever l'eau des puits. C'est à peine si quelques-uns sont dressés et envoyés à Constanti- nople. Les Mulets et les Anes, qui sont très beaux et très bons, servent principalement au transport des produits-et des denrées: Pour voyager däns 1 intérieur de l'île comme l'absence de routes rend impossible l’usage des voitures et des charrettes, la monture que l’on préfère est le Mulet. Les indigènes trouvent que son allure est plus douce et plus rapide que celle du Cheval. L'on estime le nombre des Mulets à 13,000 (1) Extrait d’un volume intitulé : La Crète et l’Hellénisme, Paris, 1897. 36 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. et celui des Anes à plus de 40,000. Les Bœufs sont pev nombreux, abâtardis et, comme leur race s'épuise et décroît après la première génération née dans l'ile, l'on est obligé d'en faire venir de l'Asie- Mineure. Le manque de pâturages empêchera toujours que le bétail à cornes puisse prospérer en Crète. L'on essaie d'y suppléer tant bien que mal en ensemencçant de Vesces et de Lupins, des champs où l’on fait, au printemps parquer les animaux. Les Bœufs sont exclusive- ment employés au labourage. Les Moutons forment de grands trou- peaux ; iis sont petits, à laine grossière, à la viande fade et sans goût. Les Chèvres que l’on évalue à plus de 200,000, sont là, comme partout ailleurs. un fléau pour l’agriculture. Beaucoup d'entre elles vivent à l’état sauvage. Les Porcs sont assez nombreux, mais leur chair est de mauvaise quaiité. Les Chiens sont des Lévriers abâtardis. Il n’y a guère d’autres volailles que des Poules et des Dindons qui donnent un excellent manger. Les Oies et les Canards sont très rares, prohable- ment à cause de la grande sécheresse. De tout temps, les Crétois se sont adonnés à l’apiculture et aujour- d’hui les Abeilles fournissent un miel aussi parfumé que celui de l’an- tiquité. Les fleurs sauvages que sucent les Abeilles lui donnent un goût tout particulier. Parmi ces fleurs sauvages nous citerons le Ciste ladanifère qui secrète une matière visqueuse et: odorante : on la ré- colte avec soin et c'est un parfum très apprécié et recherché des Turcs. Au commencement du moyen âge, le Ver à soie avait été in- troduit dans la Crète et, pendant longtemps, la sériciculture avait été une véritable industrie ; aujourd’hui il n’en est plus ainsi. A vrai dire, il n'existe aucune magnanerie dans l’ile.. Chaque famille possède quelques Mûriers et la soie travaillée ne donne annuellement que 4 à 5,000 kilogrammes quand elle pourrait être bien plus considérable, Enfin, après avoir parlé de l'Abeille et du Ver à soie qui ont eu la bonne fortune d’avoir élé chantés par les poëtes, n'oublions pas de dire un mot d’un Mollusque, beaucoup moins poétique, le Colimaçon.… Dans toutes les campagnes, les Colimacons existent en grand nombre et entrent dans l'alimentation. Les indigènes les ramassent avec soin et avant de les manger, ils les nourrissent, pendant une quinzaine de jours, avec de la farine et du son pour les dégorger. L'on assure dans tout le pays que le Colimacon ainsi préparé, constitue un mets des plus délicats. Comme gibier, nous citerons, les Lièvres qui pullulent, les Bécasses, les Tourterelles, les Perdrix rouges. Il n’y a pas de La- pins. La faune sauvage de la Crète ne possède qu’un animal qui mérite d’être mentionné, le Bouquetin. Le Loup et le Renard paraissent man- quer complètement. EXTRAITS ET ANALYSES. 37 2 UN ENNEMI DU CRIQUET MIGRATEUR DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE. M. le D' Sanfurgo, médecin à Mendoza (République Argentine), a communiqué à la Société scientifique du Chili, dans sa séance du 20 juillet 1896, un certain nombre de spécimens d’un Diptère ressem- blant à la Mouche vulgaire, qui s'attache au Criquet migrateur et dé- pose ses œufs dans le corps de cet Insecte. Ceux-ci donnent naissance à deux ou trois larves rarement plus, dont le développement amène assez promptement la mort du Criquet. L'Insecte attaqué est facile à reconnaître. Son vol est lourd et moins prolongé et, en relevant l’écus- son qui termine son thorax, on voit distinctement dans l'intérieur de la cavité thoracique, les petites larves blanches. Le D' Sanfurgo estime que le petit nombre d'œufs déposés dans chaque Criquet tient à ce que la Mouche, pour mieux assurer le suc- cès de l’éclosion, répartit sa ponte eutre plusieurs Criquets. Il pense, en outre, que l’aclion de ces parasites est sans doute la cause de la diminution annuelle constatée dans le nombre des Criquets. D'après M. Lataste, les Diptères envoyés par M. Sanfurgo ressem- blent beaucoup, s'ils ne lui sont identiques, à la Lucilia macellaria Fa- bricius, et qu’en tous cas ils ne doivent pas constituer une espèce de parasite particulier à l’Acridium paranense Conil. IL y a lieu, d’après lui, de n’accepler qu'avec réserves, les conclusions du D' Sanfurgo. La Mouche, en quête de substances animales en voie de décomposi- tion pour y déposer ses œufs, ne s'attaque probablement qu'aux Cri- quets ayant déjà effectué leur ponte et dont la mort est prochaine. Il y aurait lieu de se livrer à de nouvelles recherches sur ce point. >< LA PRÉTENDUE MALADIE VERMINEUSE DES TRUFFES. A diverses reprises, certains Insectes (Coléoplères, Lépidoptères, Diptères) ont élé signalés comme des destructeurs de Truffes. A cette liste de tuhérivores, il convient d'ajouter, d’après M. J. Chatin, deux espèces de Nématodes : la Pelodera strongyloïdes Schn: et la Zepto- dera terricola Duij. La présence de Vers dans les Truffes avait alarmé certains pro- priétaires qui, considérant ces Champignons comme atteints d’une « maladie vermineuse transmissible à l’homme par l'ingestion du vé- gétal », prièrent M. Chalin de les renseigner sur les parasites en question. Le Professeur de la Sorbonne reconnut bienlôt qu'il ne s’agissait que de simples Saprophytes, n'offrant aucun danger et dont l'évolu- L'ATT S. NT de WE RO ES CAE PSC STE 38 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. tion ne peut s'accomplir au sein de l'organisme humain. Bien plus, la constitution de l'appareil buccal de ces deux Nématodes ne leur per- met même pas d’allaquer, encore moins de perforer, le parenchyme de la. Truffe, en état d'intégrité normale; pour que ces Vers puissent y pénétrer, il est nécessaire que les tissus de la Truffe aient subi des altérations plus ou moins profondes. On doit donc rapprocher, au point de vue du parasitisme, le Pelodera strongyloïdes et le Leptodera terricola du Tylenchus putrefuciens, qui produit la maladie vermineuse de l'Oignon vuigaire (J. Chatin, 1881. Les amateurs de Truffes peuvent donc être tranquilles : les Truffes nématodées ne présentent pas la moindre nocuité; c'est à tort qu'on s'est alarmé de la prétendue maladie vermineuse qui leur a été si hâtivement et si gratuitement impulée. >< .LE N'Djembo, LIiANE À CAOUTCHOUC DU FERMAN-VAZ. On sait qu'une grandé partie des caoulchoucs provenant de la côte occidentale de l'Afrique est produite par de nombreuses espèces de Lianes du genre Zandolphia de la famille des Apocynées ; néanmoins, malgré leurs affinités botaniques, tous ces Caoutchoucs sont loin d'avoir la même valeur; il y en a d'excellents et d'inutilisables. Dans l’élat actuel de nos connaissances, il est impossible de rap- porter telle variété de caoutchouc à une espèce végétale déterminée ; il y a là une lacune regrettable, car on ne sait quelle espèce recom- mander.au colon ; d'autre part, les Négres profilent de notre ignorance pour mélanger au caoutchouc que nous leur achetons des lalex inu- tilisables. M. Jumelle s’est proposé de combler celte lacune et daus un pre- mier travail (1) il nous fait counailre en delail un caoutchouc connu au Ferman-Vuz sous ie nom de N Djembo et décrit par lui sous le nom de Zandolphia Foreti, sp. nov. La tige de cette Liane est brun rou- geâtre, couverte de lenticelles jaunes, et toujours glabre ; les feuilles, également dépourvues de poils, même à l’état jeune, sont ovales, avec un fort acumen au sommet, très graudes, atteignant 35 centimètres de longueur sur 20 centimètres de largeur ; elles sont arrondies à la base et portées sur des pétioles courts (15 millimètres}. La nervation est pennée ; il y a, en moyenne, douze à quatorze paires de nervures secondaires alternes, un peu obliques, bien saillantes à la face infé- rieurc, et unies eutre elles, à l'extrémité, par une nérvure marginale. La plante se soutient à l'aide de fortes vrilles axillaires ramifiées. Les fleurs, en cymes denses, sont petites, d'un blanc mat, sans (1} Comptes rendus Acad. des Sciences, 28 juin 1897. ‘EXTRAITS ET ANALYSES. 39 odeur. Les fruits, qui mürissent en janvier, sont de volumineuses baies globuleuses, brunes à l’état sec ; les plus gros mesurent 15 centimètres de diamètre et contiennent une soixantaine de graines plongées dans une pulpe sucrée et acide, comestible et recherchée des noirs. C’est là une espèce des plus intéressantes à connaître, car, en raison de la qualité exceptionnelle de son caoutchouc, il y a lieu de la cul- tiver dans nos colonies africaines ; déjà d’ailleurs, des semis ont été faits en Guinée française avec quelques graines fournies par le Musée Colonial de Marseille. ; >X< UN NOUVEAU CHAMPIGNON PARASITE DES Lys (l). Au cours de l’année 1896, une maladie nouvelle a détruit la plupart des Lys {Lilium speciosum) qu'on cultive au Japon pour être exportés en Europe. Le Jardin botanique de Kew s’est fait immédiatement envoyer des bulbes attaqués et un des savants attachés à ce célèbre établissement a été chargé de les étudier. L'affection présente différents stades : au début, le bulbe n'est pas modifié dans sa. forme ; on consiate simplement que sa base est déco- lorée et sensiblement ramollie ; mais déjà, à ce moment, l'examen mi- croscopique permet de constater que le bulbe est traversé en tous sens par un mycelium de Champignon; ce dernier, qui, pendant quelque temps, reste confiné à l’intérieur, ne tarde à faire son apparition à la surface : il s’y développe rapiéement et y forme une couche blanc de neige ; enfin il émet des appareils sporifères. Sa croissance s'arrête, lorsque toutes les matières nutritives renfermées dans le bulbe ont été épuisées ; les spores sont alors müres et susceptibles de multiplier la plante. La diagnose suivante permetira de reconnaître facilement le parasite : Rhizopus necans (nov. spec.). Hyphis sterilibus coatinuis conglome- ralis intricatis, senuibus candidis ; hyphis sporangiferis erectis simpli- cibus vel interdum furcatis 3-6 fasciculatis continuis flavo-brunneis 20-25 p. diam. circa 2 mm. altis basi stolones longos emittentibus ; sporangiis globosi circa 250 pu. diam. brunneo-nigris opacis glabris; columella subglobosa ; sporis subglobosis minutissime striatis 5-6 p. diam. pallide olivaceo-brunneis ; zygosporis doliformibus 100-120 x. diam., hispides subnigris. Parasite sur les bulbes de diverses espèces de Lys du Japon (en par- ticulier Libium speciosum). On peut facilement faire germer les spores du ÆRhzopus necans sur (1) Bulletin of Miscelloneous Informations. Kew, n°° 122-123, 1897. et UE A Fes + Ar : * L F Rt e 3 à: k 40 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Cr Pl divers milieux artificiels et reproduire la maladie en mélangeant celles- ci à la terre dans laquelle poussent des bulbes de Lys; toutefois, il convient de faire remarquer que ce parasite est incapable d'envahirun bulbe sain ; il ne peut s’'introduire que par les blessures failes au pa- renchyme, par les places des racines, elc... x En outre, on pourrait assez facilement arrêter le développement des spores : il suffirait de plonger pendant quelques moments les bulbes contaminés dans une solulion de bichlorure de mercure (à 1/100) ou d'acide salicylique ; ces mélanges n’exercent d'action nocive sur les Lys que quaud ces derniers y séjournent plus de quinze minutes. ; >< LE CuIVRE DANS LES HUITRES VERTES. On sait les phases diverses par lesquelles a passe la question du verdissement des Huîtres ; tour à tour, on a invoqué l'existence d'un pigmert ou d'un parasite. Dans un récent mémoire {1}, MM. Boyce ct Herdman, en se basant sur des analyses chimiques rigoureuses, donnent de ce phénomène l'explication suivante : toutes les huilres vertes ren- ferment une proportion considérable de cuivre, et la coloration que présentent ces Mollusques est en rayport avec la quantité de cuivre. Ce métal n'est d'ailleurs pas répandu uniformément dans les tissus de l'organisme : il est fixé sur les éléments figurés du sang. Pour les sa- vants anglais, il s’agit d'une dégénérescence des globules sanguins com- parables à certains processus pathologiques qu’on observe ckez l'homme dans certaines maladies; en effet, (anémie pernicieuse, hémor- ragie, elc), le fer, qui dans le corps joue le même rôle que le cuivre chez les Mollusques, imprègne les globules blancs du sang. Eofin, MM. Boyce et Herdman font remarquer que l’on ne peut dé- couvrir d'autre origine au cuivre, que renferment les Huîtres vertes que l'hémocyanine de leur sang {l’hémocyanine est une combinaison jouant le même rôle que l'hémoglobine, mais daus laquelle le fer est remplacé par le cuivre). 1. Boxce ET Henpwanx. On green Leucocytosis. Procezd of the Royal So- ciety Lond, n° 579, 1897. Le Secrétaire Général, gérant Versailles. — Imprimeries Cere. Juues DE GUERNE. anisé | rs | BULLETIN DE LA LE MATIONALE D'ACCUINATAT __ DE FRANCE vient d 2 esorg 452 ANNÉE FEVRIER 1898 ission de Publication , avec l'imprimeur ont d un contrat nouveau passe ice du BULLETIN essaires pour en assurer, à SOMMAIRE La SART. — Le Mammouth et l'Ivoire de Sibérie................. . \PPELLIER. — Essais de culture sur le Safran et l’Igname..... Extraits et Analyses. IE CARTE 6 ‘ les travaux exécutés en 1896, à la station aquicole de Boulogne-sur-Mer, par CANU, Directeur de la Station...........,.,.. on des petits Oiseaux. D ue ociété ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions ‘les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. æ sures néc ——— — 0 ES ——— jh numéro 2 francs : pour les membres de la Société fr. 50 nent le serv ané oment: ne, AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE Se 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET À LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE L'étude et la préparation d' : Le Bulletin paraît tous les mois. AT ENTRE UN T RARES | d RE MR PR Dé CT De eg se error DDR ERLET Ni Corrosif SVOITELLIER àMANTES (S.-40. DÉSINFECTANT ANTISEPTIQUE Le seul joignant à son Efficacité, scientifiquement démontrée, S l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Cerrosif. Hémostatique et Styptique puissant. Adopté par les Ecoles Nationales Vétérinaires, le Service de Sante de l'Armée, la Préfecture de la Seine et la plupart des Services d'Hygiène et de Désinfection des Départements. 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On a vu que l’une de ces sources n’a qu'une importance très limitée, au moins pour l'Europe, presque tout l’ivoire fourni par l'Éléphant indien étant travaillé sur place, de telle sorte que c'est à peu près exclusivement celui que produit l'Elé- phant d'Afrique que l'on trouve sur nos marchés dont les plus importants sont ceux d'Anvers et de Londres. Mais il est une troisième source dont il n’a pas encore été question ici et qui mérite cependant d'attirer l'attention : je veux parler de l’ivoire dit voire fossile, qui se récolte en Sibérie et qui provient d’une espèce éteinte, le Mammouth ou Ælephas pri- migenius. D'après Brehm, l'ivoire de Sibérie est l’objet d'un commerce plus important que l'ivoire de l'Inde. Cet ivoire, dont beaucoup de personnes ignorent l’exis- tence, est pourtant connu depuis longtemps. Il est même pro- bable qu'avant l'invention des armes à feu, et surtout avant l'importation de ces agents de destruction chez les nègres africains, l’ivoire de Sibérie était beaucoup plus répandu qu’au- jourd’hui et faisait une concurrence très sérieuse à l'ivoire indien, même en Orient, en raison de sa qualité supérieure. L'ivoire fossile était connu des anciens. Théophraste, phi- losophe grec disciple d’Aristote et contemporain d'Alexandre, cité par Pline, parle de l’ivoire que l’on trouve « enfoui dans la terre ». Cet ivoire était surtout recherché par les Chinois dont les traditions écrites et les traités scientifiques remontent, comme on sait, à une haute antiquité. Mais les savants chi- nois se faisaient une singulière idée des mœurs de l’animal qui fournissait cet ivoire. Dans les dictionnaires chinois et dans une encyclopédie d'histoire naturelle datant du xvr° siè- cle, cet animal est désigné sous le nom de T'hien-shu : on le dépeint comme un rat d'une taille gigantesque, comparable à Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 4. &£2 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. celle de l'éléphant et vivant sous terre comme la taupe. Ses os sont d'un blanc d'ivoire comme ceux de l'éléphant, sans fis- sures et faciles à travailler ; sa chair est froide maïs très saine. Cette dernière phrase nous montre que les Chinois avaient déjà connaissance de ces trouvailles de cadavres entiers, conservés dans la glace, dont nous parlerons bientôt. Eginhard, l'historien de Charlemagne, donne des détails très intéressants sur les présents envoyés à l'empereur d'Oc- cident par le Khalife Haroun-al-Raschid, en 807. Parmi ces présents figurent non seulement une paire d'Eléphants vi- vants, mais encore une corne de Licorne et une « griffe » de Griffon. Ces deux objets si rares furent conservés longtemps dans le trésor sacré de Saint-Denis, et d’après une descrip- tion de ce trésor qui se trouve dans un livre datant de 1646, il paraît certain que la « corne de Licorne » était une défense d'Eléphant fossile, tandis que la « griffe de Griffon » était une corne nasale du Rhinocéros fossile (Rhinoceros tichorinus), dont les débris, souvent encore recouverts de leur chair et de leur peau, se trouvent ensevelis dans le sol glacé de la Sibé- rie, dans les mêmes conditions que ceux du Mammouth. Il paraît qu'au 1x° siècle, époque de la domination des Arabes, la ville de Bolghari, sur le Volga (1), était un des grands marchés où se faisait le trafic de l’ivoire entre le nord de la Russie ou la Sibérie et la Perse ou la Syrie. Le frère Avril qui fit un voyage en Russie, en 1685, nous apprend que cet ivoire était importé en Asie et en Chine et qu'il y était très recherché. Les Perses et les Tures, dit-il, ont la poignée de leurs cimeterres et de leurs poignards ornée de cet ivoire qu'ils préfèrent, pour cet usage, à l'or et à l’ar- gent. Cela s'explique d'ailleurs par la belle qualité de l'ivoire fossile qui est plus blanc et d'un graïn plus fin que l'’ivoire des Indes. On lui attribuait, en outre, à cette époque, des propriétés médicinales toutes spéciales, entre autres celle d'arrêter les pertes de sang, de telle sorte que les personnes sujettes au saignement de nez devaient toujours porter sur elles quelque objet faconné en ivoire fossile. Avril nous apprend que le nom de Mammout que les Russes donnent à l'animal est une corruption du Behemot de la Bible dont les Arabes ont fait Mehemot. Les défenses de {1} Cette ville avait probablement la position et l'importance de Nijni-Novo- gorod a l’époque actuelle. LE MAMMOUTH ET L'IVOIRE DE SIBÉRIE. 43 Mammouth s'appellent encore en russe : Maminon-lob-kost. En 1722, Pierre-le-Grand donna l’ordre de lui envoyer à Saint-Pétersbourg tous les os de Mammouth que l’on pour- rait trouver en Sibérie. Les ossements furent expédiés en si grande abondance qu'une salle entière du Musée de l’Aca- démie fut remplie de ces débris amoncelés. On ne nous dit pas ce qu'ils devinrent ensuite. Aujourd’hui le Musée de l’Aca- démie de Saint-Pétersbourg est certainement très riche en débris de Mammouth : maïs la plupart de ces fossiles parais- sent y être arrivés à une époque ultérieure. Avant d'entrer dans ce que l’on pourrait appeler l'étude scientifique du Mammouth et de son ivoire, il convient de s'expliquer sur ce terme d'ivoire fossile qu'on lui applique à tort ou à raison. Si par fossile on désigne tout ce qui est enseveli dans le sol, l’ivoire du Mammouth est incontestablement fossile. Mais on sait que la plupart des ossements fossiles que l'on trouve dans les couches géologiques, et dont on peut voir de nom- breux spécimens dans nos musées de Paléontologie, ont subi une modification profonde qui en altère profondément la composition chimique. Ils sont réellement pélrifiés. L'osséine, dont on retire la gélatine, est presque entièrement détruite et remplacée par les sels minéraux qui se trouvent dans le sol où se sont conservés les ossements. Les dents subissent des modifications analogues : leur substance organique {matière collagène) est remplacée par des sels métalliques. De cette transformation, qui s'opère très lentement, il résulte que les os fossiles sont à la fois plus durs et plus cassants que les os frais; dans les régions tempérées ou chaudes, dont le sol passe, suivant les saisons, par des alternatives de sécheresse et d'humidité, de chaleur et de froid, ces ossements se bri- sent et s’effritent souvent avec une facilité qui fait le déses- poir des paléontologistes. Pour rendre à ces os la consistance et l’élasticité qu’ils ont perdues avec leur osséine, il faut les imprégner de gélatine avant de les séparer de la gangue de terre ou de sable qui leur a conservé jusque-là leur forme. Ces os, comme on le conçoit, sont impropres à tout usage industriel (1). Les dents, en général, plus compactes et déjà (1} On sait cependant que M. Scheurer-Kestner a trouvé moyen de retirer encore de l'osséine (gélatine) de certains ossements fossiles, d'origine probable- ment récente. Pots : in EE | ER 2 i 0 sa AL CALERTE — 2. 48 BULLETIN LE LA SOCIÉTÉ D’ACCL:MATATION. fortement imprégnées de sels minéraux (dans la proportion de 75 0/0), échappent plus facilement que les os à ces causes de destruction. Mais les défenses d’Éléphants, en raison de leur forme allongée. se conservent en général fort mal dans les couches géologiques. Celles que l'on trouve, par exemple en France, sont brisées en troncons de quelques centimètres de long, fendillées jusqu'au centre et leurs couches superfi- cielles s'effritent et tombent en poussière quand on les touche exactement comme ces ardoises dites « pourries » que l'on trouve dans les couches superficielles des ardoïisières et qui ont subi, pendant de longues années, les intempéries des saisons. Il faut se donner beaucoup de mal pour reconstituer de telles défenses dans un musée paléontologique, car ces dents n'ont plus rien des qualités de l'ivoire primitif, à tex- ture ferme et élastique à la fois, tel qu'on le trouve sur l'Elé- phant vivant. Cette texture n'est nullement altérée dans l’ivoire de Sibé- zie. Nous avons vu que, de l'avis de tous, cet ivoire était su- périeur comme qualité et facilité de travail à l'ivoire moderne. On peut donc dire que le nom d'izoire fossile qu'on luiappli- que n'est pas exact. En réalité c’est de l'ivoire frais qui s'est conservé sans altération depuis des siècles dans le sol gelé de la Sibérie, grâce au climat spécial qui fait de ce pays une véritable glacière. Il n'est pas sans intérêt d'examiner de plus près les condi- tions au milieu desquelles le Mammouth a vécu dans cette vaste région septentrionale et y a laissé ses dépouilles qui constituent aujourd’hui de véritables mines d'ivoire. On sait que, vers la fin de l'époque tertiaire, il a existé de nombreuses espèces d'Eléphants répandues sur tout le nord de l'Ancien continent et dont les deux espèces actuelles sont les derniers survivants. Ces Eléphants, dont on distingue, rien qu'en Europe, au moins quatre espèces (Z. meridiona- lis, E. añtiquus, E. prisens ou E. africanus {ossilis, E. pri- migenius), ont laissé de nombreux débris dans les couches pliocènes et quaternaires, notamment en France : maïs, comme nous l'avons expliqué plus haut, leur ivoire ne :peut être utilisé industriellement et c'est à grands frais que le sque- lette de ces grands mammifères à pu être reconstitué dans quelques musées. | D’autres espèces vivaient en Asie et jusqu'au Japon et dans LE MAMMOUTH ET L’IVOIRE DE SIBÉRIE. 45 l'Amérique septentrionale jusqu'au Mexique, tandis que les Mastodontes, si proches voisins des Eléphants, et munis comme eux de magnifiques défenses, s’étendaient à la même époque sur tout le nouveau continent depuis le Canada jus- qu’à la République Argentine. La plupart de ces grands herbivores se sont éteints vers la fin de l’époque tertiaire ou pendant l’époque quaternaire. Le Mammouth (Ælephas primigenius) parait être celui qui a sur- vécu le plus longtemps, au moins sur l'Ancien Continent. C’est aussi l’espèce qui s’est avancée le plus vers le Nord puisque ses débris se trouvent dans l’Archipel de la Nouvelle- Sibérie situé dans l'Océan glacial arctique au nord de la Si- bérie, presque en face de l'embouchure de la Léna. Le Mam- mouth semble avoir été une espèce circumpolaire car ses ossements se retrouvent en Amérique, dans la baie d’'Esch- scholtz, au nord du territoire d’Alaska, et dans le nord du Canada. | À Il est certain qu'en Europe le Mammouth a été contempo- rain des premiers hommes. On trouve dans les cavernes qua- ternaires du sud de la France des sculptures taillées dans de l'ivoire ou des bois de Renne qui représentent cet animal. Le plus précieux de ces vestiges d’un art primitif, est une lame d'ivoire de 20 centimètres de long sur 10 centimètres de large environ provenant de la célèbre grotte de la Madeleine, dans le Périgord, et qui représente le Mammouth avec ses défenses recourbées et les longs poils qui le couvraient. Bien que les traits du burin soient incomplets et indécis, en raison de l’imperfection de l'instrument et du peu de süreté de la main de l'artiste, on est frappé de la vérité et du mouvement que présente cette image, et l’on ne peut douter que l’auteur ait vu réellement l’animal qu’il représente et ne fût familier avec son apparence extérieure et son allure habituelle pendant la vie. Les anciens naturalistes ne pouvaient se figurer qu'un Eléphant pût vivre sous un climat aussi rigoureux que celui de la Sibérie. Comme les deux espèces qui vivent actuellement dans les parties les plus chaudes de l'Asie et de l’Afrique ont la peau presque entièrement nue, on en déduisait que le Mam- mouth devait avoir la même organisation. Par suite, on était amené à supposer que le climat de la Sibérie, et surtout celui de l'Europe, était plus doux à l'époque quaternaire que de L. 144 * + "4 Ré ns 79 vin ut‘ d D" ul, fr AT Mas :‘ PE OR EU PR FAT SORT TI ha: ’ SE ps ON A 4 * de : 46 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. nos jours, et on attribuait à l'intervention subite de la période glaciaire la destruction de cette grande espèce de Mammi- fères terrestres. Cette hypothèse n’a pu résister à l'évidence depuis que l'on a trouvé des cadavres de Mammouth conservés tout entiers dans la glace avec leur chair et leur peau. La première et la plus célèbre de ces trouvailles est celle dont le voyageur naturaliste Adams nous a conservé le pitto- resque récit. En 1999, un pécheur tungouse remarqua sur les bords de la mer glaciale, dans une masse de glace, un bloc informe. L'année suivante, ce bloc n'était pas encore assez dégagé pour qu'il en reconnût la nature. L'été d’après, le Mammouth était parfaitement reconnaissable : le flanc tout entier et une des défenses étaient à découvert. Enfin au bout de cinq ans, le bloc débarrassé par une fonte des glaces plus rapide que de coutume vint échouer à la côte. Le tungouse n’osa pas d’abord y toucher par une crainte superstitieuse : les anciens racon- taient, en effet, que sur la même presqu'ile on avait autrefois trouvé un pareil monstre et que ce fut un malheur pour la famille de celui qui le rencontra : elle périt toute entière. Ce récit effraya le tungouse au point qu'il en fut malade. Cepen- dant, les énormes défenses de l'animal excitaient sa cupidité et il résolut de se les procurer. En mars 1804 il les céda en les échangeant contre des marchandises de peu de valeur. C’est seulement en 1806, qu'Adams, alors à Yakutsh, apprit, cette découverte et se rendit sur les lieux où il trouva l'animal déjà fort mutilé. Les Yakoutes du voisinage en avaient dépecé la chair pour nourrir leurs chiens. Les ours blancs, les loups et les renards en avaient pris leur part. Néanmoins le squelette était encore entier à l'exception d'un pied de devant. La plupart des grands os étaient encore réunis par leurs ligaments et des portions de peau. La tête était couverte d'une peau sèche. Une des oreilles bien con- servée était garnie d'une touffe de crins. On distinguait encore le globe de l'œil ; le cerveau desséché existait dans le crâne et les parties génitales avaient gardé leur forme. Le cou était garni d'une longue crinière dont les poils avaient plus de 70 centimètres de long. La peau était couverte de crins noirs sous lesquels on voyait une laine ou bourre épaisse de cou- leur rougeâtre : ce qui restait de cette peau était si lourd que CE on ne Th Ste DS FN. : ‘ k. Fe LE MAMMOUTH ET L'IVOIRE DE SIBÉRIE. LT dix hommmes eurent peine à le transporter. On retira en outre du sol humide plus de 16 kilogrammes de poils que les Ours y avaient enfoncé en dévorant les chairs. La tête, sans les défenses, pesait plus de 200 kilogrammes. Tous ces débris et les défenses, qu'Adams put racheter à Yakutsk, furent transportés non sans peine à Saint-Pétersbourg. Le squelette restauré figure aujourd'hui dans le Musée de l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg. Les défenses sont fortement recourbées en spirale figurant les trois-quarts d’un cercle. Adams dit en avoir vu qui avaient 7 mètres de long en sui- vant la courbure. Des trouvailles du même genre se sont reproduites à plu- sieurs reprises dans le courant du siècle. On en cite une _demi-douzaine au moins. Malheureusement les circonstances n’ont jamais été assez favorables pour qu’on püt recueillir en son entier la peau de ce gigantesque animal, Et si l’on réflé- chit à la rigueur du climat, à l'éloignement où cette région se trouve de tout centre civilisé, à la difficulté des transports, on reconnaitra qu'il y a peu de chances de voir jamais figurer dans nos musées un Mammouth empaillé. Mais à défaut de l'animal lui-même, d'habiles naturalistes en ont fait des imi- tations factices d'une grande perfection. Tel est le gigan- tesque moulage entrepris à grands frais par M. Martin, de Berg, pres Stuttgard, en 1876, et qui, transporté en Amérique se voit actuellement dans le musée de M. Ward, à Rochester, aux Etats-Unis (1). ‘On peut donc affirmer aujourd’hui que le Mammouth a vécu sous un climat aussi rigoureux que celui de la Sibérie actuelle. La fourrure épaisse dont il était couvert et que doublait une abondante couche de graisse, en est la preuve irréfutable. On à trouvé dans les replis de ses énormes molaires des débris végétaux qui, examinés par Brandt, ont prouvé que l'animal se nourrissait des feuilles aciculées des Conifères ! arbres qui restent toujours verts. Il n’en est pas moins vrai que la végétation comme la faune du nord de la Sibérie s’est singulièrement amoindrie depuis l’époque du Mammouth. Dans le sol même où l’on trouve les ossements du Mam- mouth, on exploite parallèlement un gisement considérable de bois fossile qui prouve qu’en ce lieu même, ou à une faible (1} On trouvera deux photographies de.ce Mammouth factice dans /4 Nature du 12 mai 1877, 5° année, 1° sem., p. 376.et 3171. £8 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. distance, il a existé de vastes forêts de Conifères dont on ne voit plus trace aujourd'hui. Jusqu'à plus de cent lieues, au sud de l'embouchure de la Léna, on ne trouve plus qu'une végétation rabougrie dont les pousses les plus élevées ne dépassent pas la hauteur de nos buissons, et qui se couche en quelque sorte sur le sol pour s’abriter contre les vents vio- lents qui règnent en toute saison dans ces parages pendant le court été des régions arctiques le sol ne se dégèle pas au delà de 90 centimètres. C’est assez pour la culture de quelques céréales, mais trop peu pour permettre aux grands arbres d’enfoncer leurs racines à la profondeur voulue pour assurer leur croissance. La faune a subi également des réductions considérables depuis l'époque où vivait le Mammouth. Tschersky qui a étudié spécialement cette faune (1) cite vingt-trois es- pèces de Mammifères terrestres dont les débris se trouvent avec ceux du Mammouth. Parmi elles, il convient de citer le Tigre, l'Ours brun, le Mouflon (Ovis nonicola), le Sai- gor, l'Elan, le Cerf (Cervus canadensis), le Bœuf musqué, le Bison (ou Aurochs), le Cheval sauvage, le Rhinoceros tichorhinus, enfin le Chien domestique, indice de la présence de l'homme. Les seules qui y vivent encore aujourd'hui sont l’Ours blanc, le Loup, le Renard bleu (ou Isatis), le Renne et deux Lemmings. On remarque que plusieurs de ces grands Mammifères, notamment le Cheval sauvage et le Bison ont disparu beaucoup plus tard de l’Europe tempérée où ils: vivaient, à la même époque, avec le Mammouth et le Rhino- ceros lichorhinus, sans que cette disparition puisse étre attri- buée, au moins exclusivement, à la main de l’homme. On ne peut non plus l’attribuer au changement de la température, mais plutôt à un ensemble de causes éminemment complexes qui, en modifiant lentement le climat, et par suite la flore, ont forcé les animaux à se retirer peu à peu vers d’autres contrées (comme c’est le cas pour le Tigre, le Cerf, le Cheval, etc), ow ont amené leur extinction complète, probablement faute d'une nourriture suffisante, comme c’est le cas pour le Rhi- nocéros et le Mammouth, les plus grands de tous (2). (1) Tschersky, Beschreib. Postertiärer Säugethiere [Mém. Acad. Pétersb., xz, 4891-92, in-4°, 511 p. et 6 planches). (2) Voyez à ce sujet : Nehring, Ueber Tundren und Steppen, Berlin, 1890 (avec une bibliographie des travaux antérieurs}. - LE MAMMOUTH ET L’IVOIRE DE SIBÉRIE. 49 Une autre cause, toute locale, a dù agir sur la faune du nord de la Sibérie. Tout indique qu’à l’époque du Mammouth l'archipel des îles Liakhoff était encore réuni au continent. Lorsque se produisit le phénomène de transgression qui sépara ces îles de la terre ferme, ces animaux chassés par l'envahissement des eaux de la mer, durent se réunir en foule sur les points où l’on trouve aujourd’hui leurs ossements accumulés, en nombre incalculable, d'après le récit de tous les voyageurs. Beaucoup d’entre eux se noyèrent ou périrent étouffés dans le sable ou la vase des marais de l'embouchure de la Léna. Les cadavres que l’on trouve entiers sont restés dans la position verticale, comme si la congélation rapide du liquide où ils flottaient les avait saisis peu de temps après leur mort. Le Dr Bunge, un des derniers naturalistes qui aient visité ces contrées, nous fait un tableau peu engageant de ce pays de l’ivoire (1). Attaché comme médecin et naturaliste, de 1882 à 1884, à l’une des deux stations organisées par la Société géographique Russe, à l'embouchure de la Léna, il se rendit aux îles Liakhoff (archipel de la Nouvelle Sibérie) pour y re- cueillir des ossements de l’époque quaternaire. Situées au nord-est du delta de la Léna, ces iles sont inha- bitées. En été seulement les habitants du continent y viennent pour recueillir de l’ivoire. On peut se faire une idée de la rigueur du climat par ce fait que la température moyenne de juillet (le mois le plus chaud de l’année) ne dépasse pas + %, Dans cette saison le D' Bunge eut de la neige pendant quinze jours. En hiver le thermomètre descend à — 50° centigrades. Il y souffle un vent presque perpétuel qui souvent dégénère en ouragan. Le sol est constitué de couches quaternaires de térre gelée alternant avec des couches de glace très mince dont le mode de formation n’est pas encore connu. Les os fossiles sont siabondants qu’en deux courts étés M. Bunge put réunir une collection de 2,500 spécimens choisis, car faute de moyens de transport il dut se restreindre et abandonner sur place les quatre cinqrièmes de sa récolte primitive. Les osse- ments recueillis sont très bien conservés : on les distingue à peine des ossements frais. « Nos chiens, dit M. Bunge, man- gèrent la moëlle des os de Mammouth que nous cassâmes, et (1) Bunge, Za faune éteinte des Bouches de la Léna (Congrès international de Zoologie de Moscou en 1892, II, p. 281, 1893). pr ae MAD 252 - 50 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. parfois les Yakoutes se régalèrent des restes tendineux adhé- rant aux os ». Après le Mammouth, le Cheval sauvage est un des animaux les plus abondants de cette faune fossile. Il n’est pas rare de trouver des défenses de Mammouth en- tières et souvent d'une taille et d’une beauté remarquables. Sauër, à la suite de son voyage avec Billings, en 1802, en parle en ces termes : « Les dents de Mammouth égalent les: dents d'Eléphant pour la blancheur et la finesse de l'ivoire, mais elles sont d’ailleurs bien différentes, car elles ont une forme spirale qui fait à peu près un cercle et demi. » Voici les dimensions d’une défense rapportée par Sauër et qu'il cite comme une des plus grandes qu'il ait vue: Longueur en suivant la courbe............ 2,60 nn en disnetdroite "te CREEEEEe 12/92 Circonférence: à la racine..." PDT — à 96 centimètres de la racine.. 0,45 — AUÉMINENSE NPA CER PETER 0M,40 = detlanpante tee crereRrcere -2102,24 Cette défense pesait 37 kilogrammes. On en connaît de beau- coup plus grandes, s’il est vrai, comme l'avance Adams, qu'il en existe de 7 mètres de long. La forme de ces défenses est assez variable : celles des jeunes ont presque la même épais- seur dans toute leur longueur. D’autres sont enroulées trois fois en spirale comme les cornes de la grande Antilope nommée Koudou (Strepsiceros kudu). Patin qui vit une de ces défenses à Saint-Pétershbourg dit que sa spirale aurait enveloppé un cylindre de 38 centimètres de diamètre et que les trois tours de spire étaient éloignés l’un de l’autre, à peu près de 46 centimètres, la grosseur de la dent étant sensible- ment la même dans toute sa longueur. Toutefois cette forme de défense parait avoir été anormale et tout à fait exception- nelle. De quelle manière se fait la récolte industrielle de cet ivoire ? Les renseignements précis nous manquent un peu à cet égard. Il ne semble pas qu’il y ait de chercheurs attitrés adonnés à cette profession, mais un certain nombre de pé- cheurs Yakoutes se rendent chaque année, pendant le court été de ces latitudes, qui dure à peine un mois comme nous l'avons vu, aux iles Liakhoff pour y recueillir de l’ivoire qu'ils rapportent en traineau sur le continent. Ils vont ensuite le ’ ré ; } 5 ; | 4 À De dr A rat D ex. t A 4 1 # : ; LE MAMMOUTH ET L’IVOIRE-DE SIBÉRIE. 51 vendre à Yakoutsk, capitale de la Sibérie Orientale, ou plus souvent encore, les marchands de Yakoutsk visitent à des époques déterminées les villages de l'embouchure de la Léna pour acheter cet ivoire. Yakoutsk ou Jakoutsk, est une ville de 5,000 âmes, sur la Léna, à mi-distance entre l’embouchure du fleuve et la fron- tière de la Chine. C’est là que se trouve centralisée l’industrie de l’ivoire de Sibérie : il s’y tient des foires importantes pour le commerce des fourrures et de l’ivoire fossile. Une partie de cet ivoire est faconné sur place. Autrefois, surtout, les Yakoutes en faisaient non seulement des bijoux et des ornements variés, mais encore des objets usuels, des _percoirs et même des hamecons. Au rapport de Middendorf qui visita ce pays vers 1840, on a apporté annuellement sur le marché, depuis 200 ans, plus de cent paires de défenses, provenant non seulement de la Nouvelle Sibérie mais encore de l’île des Ours, située beaucoup plus à l'Est, en face de l’em- bouchure de la Kolyma. Il est probable que la plus grande partie de cet ivoire s’est dirigé vers la Chine, et qu'une petite partie seulement a pris le chemin de l’Europe qui en est sé- paré par une distance beaucoup plus grande. A la dernière exposition de Nijni-Novogorod, l’ivoire de Sibérie était représenté mais d’une manière assez insuffi- sante, si l’on en croit le rapport officiel (1), qui consacre dix lignes à peine à ce précieux produit sous le nom russe de Mamontob Rost (corne de Mammouth). On n'avait pas exposé de défenses brutes, mais seulement quelques objets travaillés, notammént une petite cassette d'une valeur de 25 roubles (50 fr.) et un modèle de tente yaksute du prix de 20 roubles {40 fr.). Sur le marché d'Ya- koutsk la première qualité de cet ivoire vaut 25 francs par poud ou 16 kilogrammes ; la seconde qualité 17 fr. 50; la troisième qualité 5 à 9 francs. Il n’y a dans le pays que dix à vingt ouvriers qui s'adonnent au travail de l’ivoire, et la production va, paraît-il, en diminuant. Cette diminution peut tenir aux progrès de la civilisation, aux rapports plus fréquents avec l'Europe, qui ont amené jusque dans ces contrées éloignées les objets usuels et les bi- (1) Nous adressons ici nos remerciements à M. Deniker, bibliothécaire en chef du Muséum, qui a bien voulu nous traduire le passage (en langue russe) qui concerne l’ivoire fossile, 52 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. joux que l’on fabriquait autrefois sur place avec l’ivoire. Il est difficile de croire que l'énorme quantité des défenses indi- quée par la masse d’ossements dont parlent les voyageurs qui ont visité les archipels du nord de la Sibérie, ait été épuisée dans l’espace de quelques siècles. Il est bien probable que la surface seule de ces vastes ossuaires a été explorée, et qu’en fouillant le soi à une plus grande profondeur, en s’aidant au besoin de la dynamite pour faire éclater le sol gelé, on fera encore de belles récoltes. Il est certain, d’ailleurs que tous les points où l’on trouve de l’ivoire n’ont pas été explorés. Ainsi donc, si l'ivoire africain venait un jour à nous man- quer, comme le fait est malheureusement probable et prédit depuis longtemps, on trouverait encore, selon toute appa- rence, une réserve précieuse dans l’ivoire de Sibérie. Dans une œuvre d'imagination intitulée La Floride et dont l’action se passe en Afrique, un de nos plus spirituels écri- vains, Méry, donne pour décor à l’un de ces chapitres ce qu’il appelle le « Cimetière des Eléphants ». Méry a transporté en Afrique une légende qui a cours à l’île de Ceylan. En effet, les Cingalais racontent qu’au centre de l'ile, dans un site sau- vage et retiré, abrité par de hautes montagnes, se trouve une vallée où les Eléphants chargés d’années et qui se sentent près de leur fin, vont mourir pour déposer leur dépouille près de celles de leurs ancêtres qui s'y sont accumulées de- puis de longs siècles. Il est peu probable que de teis cime- tières existent en Afrique : dans tous les cas, s’il en a existé, ilest certain qu'ils ont été pillés depuis longtemps, par les nègres africains. Par contre, on peut dire que la Sibérie est le cimetière de ce grand Eléphant quaternaire qu'on désigne sous le nom de Mammouth. C’est là, dans l'archipel de la Nouvelle-Sibérie, à l'ile des Ours et probablement aussi à l'ile Wrangel, ou sur d'autres points encore inexplorés des ri- vages de l'Océan Glacial Arctique, que de hardis voyageurs endurcis au froid des régions polaires et désireux de s'enri- chir, trouveraient encore à exploiter de véritables mines du plus bel ivoire. ESSAIS DE CULTURE SUR LE SAFRAN ET L'IGNAME par Paul CHAPPELLIER. A diverses reprises, et notamment il y a deux ans, je vous ai rendu compte de mes cultures. Je suis entré à ce sujet plusieurs fois dans des détails circonstanciés ; mes communi- cations ayant été insérées dans notre Bulletin, je n'y revien- drai pas aujourd'hui, je vous demande cependant la permis- sion de vous rappeler, aussi brièvement que possible, quelques généralités. Je parlerai d’abord du Safran. Cette plante, le Crocus sa- turus, n'est plus guère cultivée que dans deux contrées, savoir : en France, dans le Gâtinais, portion du département du Loiret, et en Espagne. Cette culture mérite quelque intérêt. Elle a fait pendant longtemps la fortune des petits cultiva- _ teurs du Gâtinais, et cependant elle est aujourd'hui délaissée précisément au moment où elle devait prendre une nouvelle extension, pour remplacer le vignoble détruit par le phyl- loxéra. L'Espagne produit dix fois plus que la France; c’est le con- traire qui devrait avoir lieu; si nos petits cultivateurs étaient moins routiniers. Depuis bien longtemps cette question me préoccupe, mes essais commencés en 1844 n’ont jamais cessé depuis cette époque. Je poursuis deux buts différents : en premier lieu, l’amé- lioration de la culture, en second lieu, le perfectionnement de l'espèce même que nous cultivons. Sur le premier point, amélioration de la culture, j'ai obtenu quelques succès. Ce système que j'ai imaginé, est approuvé et adopté par ceux des cultivateurs qui ont le courage de se soustraire à une routine vieille de plusieurs siècles. Ce nouveau système diminue sensiblement le prix de re- vient du produit; s’il était généralement adopté, il aurait pour effet de ramener en France une grande partie de cette 54 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. culture. Or, il ne faut pas oublier que le Safran est une den- rée spécialement d'exportation, la presque totalité est vendue à l'étranger et les denrées agricoles françaises d'exportation deviennent de plus en plus rares. Sur le second point, perfectionnement de la variété même du Safran que nous cultivons, notre Société m'a prêté à plu- sieurs reprises son concours. Sur ma demande, elle a fait venir des oignons de Safran de Chine et d’Anatolie, moi-même, j'en ai importé de diverses contrées. Toutes ces sortes semblaient au début différer un peu de la nôtre, ces différences tenaient sans doute à des influences passagères de climat et de culture, ont diminué d'année en année, et ont fini par disparaître entièrement. Ne trouvant nulle part une meilleure variété existante, il fallait se résoudre à en créer une. Vous connaissez les moyens employés en pareil cas, hybridation, semis et sélec- tion, etc. Mais, dès le début, je me suis heurté à une difficulté qui semblait insurmontable : le Safran ne produit pas de graines. Après bien des recherches infructueuses, j'ai fini par trouver dans une des îles de l’Archipel grec (Syro) un Crocus indigène dont le pollen féconde notre Crocus cultivé. De cette union artificielle sont sorties un grand nombre de variétés. Je ne vous citerai que la dernière obtenue. Elle a figuré à l'Exposition du Chrysanthème de 1896, et a été citée, figurée et décrite dans plusieurs recueils. Voici en quelques mots quel est son mérite. La seule partie utilisable du Safran consiste dans les trois stigmates contenus dans chaque fleur. D'après le très faible volume de l’hybride que j'avais ex- posé, on ne pouvait guère attendre qu'une seule fleur, c’est- à-dire trois stigmates ; or, il en portait une trentaine. Trente stigmates au lieu de trois ! inutile de vous expliquer quel résultat précieux ce serait pour les cultivateurs ; mal- heureusement ces stigmates ne sont pas parfaits ; ils ont un défaut, ce qui fait que mon hybride ne peut pas dès aujour- d'hui entrer dans la grande culture, il a besoin d’être encore travaillé et perfectionné, toujours au moyen du semis de sa graine naturelle ou hybridée, et de la sélection ; c'est la tâche que je poursuis actuellement. ESSAIS DE CULTURE SUR LE SAFRAN ET L’IGNAME. 99 Je dois ajouter que cet hybride présente un intérêt parti- culier au point de vue de la botanique. Non seulement les diverses pièces qui constituent la fleur : pétales, sépales et étamines, ont disparu en se transformant en véritables stigmates: maïs les écailles qui entourent l’oi- enon et les feuilles, elles-mêmes sont terminées par un frag- ment de stigmate. C’est là, au dire des botanistes qui l’ont examiné, un phénomène des plus curieux et qui n’a jamais été observé jusqu'à ce jour. En résumé, au point de vue de l'amélioration de la culture, j'ai obtenu de très bons résultats dûment constatés et entrés dans la pratique, et sous le rapport de la création d’une va- riété améliorée, je suis en très bon chemin, je possède des hybrides très intéressants, et avec un peu de persévérance et de patience on atteindra certainement le but que je poursuis depuis si longtemps. Je passe maintenant à une autre plante, le Stachys tuberi- fère, ce petit légume adressé à notre Société par le D' Brat- scheinde, auquel notre collègue M. Paillieux, son zélé propa- gateur a donné le nom de Crosne du Japon, en voici trois spécimens (fig. .....). Ce petit tubercule a beaucoup de qualités : sa forme est jolie, il est productif et rustique, mais on lui reproche deux défauts, d’abord son volume est bien faible; quel que soit le soin apporté à son arrachage, il en reste toujours en terre un grand nombre qui sont perdus, qui repoussent au printemps etenvahissent le potager, et puis il n’a pas par lui-même une saveur bien caractérisée, une pomme de terre cuite à l’eau salée a un goût très appréciable, il n’en est pas de même du Stachys. Aussi, dès l'apparition de ce légume, j'ai entrepris de l’amé- liorer, toujours par le même moyen, semis et sélection ; mais j'ai éprouvé la même difficulté que pour le Safran, le Stachy ne produit pas de graines et ne fleurit même pas habituelle ment, malgré tous mes efforts, je n’ai obtenu depuis environ huit ans, qu'une vingtaine de fleurs et pas une seule graine fertile. J'avais cependant fécondé ces très rares fleurs avec le pollen d'espèces voisines, d’abord celui du palustois, espèce indigène, et surtout avec celui d’une espèce exotique, le Flo- 56 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ridana que j'ai importée d'Amérique. Ce dernier a un volume bien plus considérable que notre légume (il pèse sept fois autant), puis il a une saveur prononcée, trop prononcée même. J'avais espéré qu'en mariant ensemble ces deux plantes et en sélectionnant leur progéniture, j'aurais pu parmi leurs enfants en trouver un ayant des qualités inter- médiaires entre ies parents, sans avoir leurs défauts ;. peine inutile, je n’ai jamais obtenu une seule graine fertile, ce qui ne m'empêche pas de poursuivre mes essais. D’autres seront, je l'espère, plus adroits ou plus heureux ; en tout cas, l'introduction du Floridana est un fait intéressant. J'arrive à l'Isname, j'ai eu déjà plusieurs fois l’occasion d'examiner ici même les questions que soulève la culture de l'Igname de Chine. Mes communications ont été insérées au Bulletin, il serait superflu d'y revenir, je vous demande ce- pendant la permission d’en résumer aussi brièvement que possible les points principaux. C'est à la Pomme de terre qu'on peut surtout comparer l'Igname. Voici, en peu de mots, ce qui ressort de cette com- paraison. Je dois dire tout d'abord que la plante chinoise n’a pas la prétention de détrôner la plante de Parmentier, surtout au point de vue de la grande culture. L’'Igname ne sort pas, pour le moment du moins, du potager et n’aspire qu’au rôle secon- daire de légume. Sa chair est plus fine, elle plaît davantage à certains palais et est mieux supportée par les estomacs délicats. La plante est aussi vigoureuse et aussi productive que la Marjolen et autres variétés potagères de Pommes de terre ; elle est plus rustique, car elle peut rester en terre tout l'hiver et n'être arrachée qu'au fur et à mesure du be- soin. Si on laisse quelques pieds dans le sol, ils repoussent au printemps et donnent l’annéé même une récolte plus abondante. La Pomme de terre au contraire doit être ar- rachée à parfaite maturité ; récoltée avant, elle se conserve mal, laissée plus tard en terre, elle repousse et perd de sa qualité. Une fois récolté, le tubercule de l’Igname se conserve sans pousser jusqu’en mars et avril, tandis que ceux de la Pomme de terre entrent en végétation même en hiver et perdent par 4 ; ï à ESSAIS DE CULTURE SUR LE SAFHAN ET L’'IGNAME. 51 ce fait une partie de leur valeur et deviennent même moins saines. Enfin, considération importante, la maladie de la Pomme de terre cause périodiquement aux cuitivateurs des pertes désastreuses et a amené parfois des famines. Cette année même, dans certaines contrées, la moitié de la récolte a été perdue. Quant à l’Isname, on ne lui connaît aucune maladie. Et cependant, malgré tout ces avantages, ce légume est à peine cultivé. La cause en est bien connue, le tubercule fusiforme est très long, 70, 80 parfois davantage, puis sa contexture est très fragile, par suite l'arrachage est difficile et couteux, de plus, dans les terrains peu profonds, un défonçage dispen- dieux devient nécessaire et est parfois impossible. C’est pourquoi notre Société, frappée de ces qualités et de ces défauts, a institué un concours pour l'introduction ou la » production d’une variété à tubercules courts rendant l’arra- chage facile. Quelques variétés exotiques paraissant remplir ces condi- tions ont été introduites maïs n’ont pas donné de résultats pratiques. L'année dernière, la Société sur ma demande, a fait venir de Calcutta une espèce qui y est cultivée en grand et qui rem- plissait le but comme l'indique son nom même, Globosa; en voici un spécimen provenant de ma culture, mais c'est une plante qui ne peut réussir en pleine terre que dans les climats chauds. C’est pourquoi j'en ai remis quelques tubercules à notre collègue M. Bourdarie qui les a fait parvenir à M. Cha- lot, directeur du Jardin d’Essai de Libreville, au Congo. L'une des plus récentes introductions a été celle du Dios- corea furgini, espèce comestible à tubercule arrondi envoyé de Chine par le Père Farges à la maison Vilmorin, qui m'en a confié quelqués bulbilles. Depuis deux ans que je les cultive, les tubercules que j'ai obtenus atteignent à peine le volume d’une noix. Si au moins ils m'avaient fourni du pollen, il aurait pu m'aider pour mes hybridations, mais je n’ai pas vu une seule fleur. Cette introduction n’a donc donné jusqu'à présent, comme toutes les autres aucun résultat pratique. Il devenait dès lors nécessaire de recourir à la production Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 5, 58 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. de la variété désirée ; c'est le travail auquel je me livre de- puis une dizaine d’années. Je vous ai tenu au courant de toutes les difficultés que j'ai eu à surmonter et des résuitats partiels que j'ai obtenus d'année en année ; ces diverses communications ont été in- sérées à nôtre Bulletin. Je me borneraïi aujourd'hui à mettre sous vos yeux mes dernières obtentions, mais auparavant je dois vous rendre compte d'un essai dont vous m'avez chargé. Un de nos distingués collègues, M. le D' Heckel, professeur à la Faculté de Marseille, nous a adressé l’an dernier, plu- sieurs tubercules obtenus par un moyen beaucoup plus simple que celui que j'emploie et par lequel il‘espérait pouvoir peut- être atteindre plus facilement le même but. Ces tubercules m'ont été remis par la Société. Je les ai cultivés mais n'ai obtenu que des tubercules fusiformes comme le type. Cela était à prévoir. En effet, l'auteur de cette expérience M. le capitaine Du- bian, vice-président de la Société d’'horticulture de Marseille, s'était contenté de fractionner des tubercules que j'avais adressées à M. Heckel et avait planté ces fragments. Or, on sait que les tubercules d’'Igname portent deux sortes d'yeux : 1° l'œil terminal et principal qui constitue ce qu'on peut appeler le nœud vital de la plante, et qui est destiné à se développer au printemps et à produire une nouvelle plante; 2 un très grand nombre d'yeux secondaires, pour ainsi dire latents et peu apparents, répandus sur toufe la surface des tubercules. Sur le tres petit fragment que je vous présente et qui ne pèse que quelques grammes, on compte quarante de ces yeux secondaires. Si vous plantez ces tubercules entiers ou simplement sa portion supérieure, sa tête, l'œil terminal seul poussera. Si au contraire vous plantez un fragment, même minime, deux ou trois et même moins, celui-ci par exemple, l’un des petits yeux latents se développera, mais le tubercule qu'il produira ne sera pas différent du type, il ne constituera pas une va- riété distincte. Ilen est de même de la Pomme de terre ; coupez en trois ou quatre morceaux une Pomme de terre très longue, la vite- lotte par exemple, chacun de ces morceaux, si toutefois il est muni d'un œil donnera naissance à un pied, maïs les tuber- be 4 ESSAIS DE CULTURE SUR LE SAFRAN ET L'IGNAME. 99 cules que ce pied produira seront toujours des vitelottes très longues. Ilétait donc à prévoir que les tubercules produits par ceux obtenus par M. Dubian au moyen du fractionnement conser- veraient la forme allongée du type. C’est ce qui est arrivé. Toutefois, l'un des tubercules que, j'ai obtenus mérite une mention spéciale, la voici : son volume est bien faible, mais il est bifurqué. Y aurait-il là une tendance à former une va- riété bifide, je ne le pense pas. Cependant, je ne manquerai pas de le replanter cette année afin que l'expérience soit complète. M. Dubian a sans doute continué et complété son expé- rience, il serait très intéressant d’en connaître les résultats. M. le Secrétaire général aurait-il l’obligeance de s’en in- former ? Voici maintenant les deux meilleures variétés que j'ai ob- tenues il y a deux ans. Sur ce tableau j'ai d'abord placé à droite et en haut, comme point de comparaison une Igname ordinaire en deux mor- ceaux. Sur le côté gauche, voici une variété à tubercules courts et nombreux, il y en a huit sur le même pied; par contre ils sont un peu maigres, il est possible que par une culture ultérieure ils deviennent moins nombreux et plus vo- lumineux. Dans la variété du milieu, également courte, il n'y a que quatre tubercules mais ils sont beaucoup plus gros. Voïci la longueur et le poids de ces trois échantillons. Longueur : Igname ordinaire 85; variété 46.40, poids; Igname ordinaire 630 ; variété à huit tubercules à peu près le mêmepoids 620, et celle à quatre tubercules 1,050 grammes. La variété du milieu est donc moïtié moins longue que l’Igname type et elle pèse deux tiers en sus. Si la variété à huit tubercules améliore un peu son volume et si celle à quatre tubercules se maintient, il me semble que le problème posé par la Société sera résolu. Sije ne craignais d'abuser de votre patience, je voudrais vous dire encore quelques: mots au sujet de l'intérét que la production d'une variété à tubercule court pourrait avoir pour:nos colonies ou au moins pour certaines d’entre elles D ne de: 60 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. permettez-moi de vous lire, ce ne sera pas long, un passage d'une communication faite ici à ce sujet il y a deux ans. « Nous assistons, depuis quelques années surtout, au spec- tacle grandiose et trop souvent sanglant de toutes les nations européennes — on étouffe dans cette vieille Europe — se ruant sur le continent africain, pour s’en arracher les lam- beaux, et s’y tailler des colonies. Loin de moi la prétention d'apprécier l'opportunité de cette immense curée; je me borne à constater le fait. La France elle-même vient de s’appro- prier un assez joli morceau : la grande ile africaine. » Or, dans les terres basses et chaudes de ces climats équa- toriaux et tropicaux, la culture de la Pomme de terre est à peu près impraticable ; à peine est-elle possible sur les hauts plateaux, mais elle y est peu productive et même, dans ces conditions exceptionnelles, les tubercules récoltés sont im- propres à la reproduction. On doit tous les ans faire venir à grands frais la semence des pays tempérés. » Ces contrées chaudes et humides sont au contraire le cli- mat d'élection des Ignames: elles y ont à l’état sauvage une végétation exubérante ; on trouve en Calédonie des tuber- cules pesant jusqu'à 100 kilos. Elles y nourrissent des popu- lations entières. » Toutefois, parmi ces Ignames indigènes et spontanées, plusieurs sont vénéneuses, d'autres sont de très médiocre qualité. L'importation dans ces contrées d'une variété d'Igname de Chine à tubercule court constituerait une pré- cieuse ressource principalement pour l'alimentation des co- lons européens. » En somme, sous ces climats, les rôles de ces deux plantes sont changés : c'est l’Igname qui est le légume de fond et de grande culture, et la Pomme de terre y descend au rôle se- condaire de légume de fantaisie. » Depuis que j'ai écrit cette note, il vient de se passer tout récemment un fait qui intéresse également la question que je viens de traiter devant vous. On ne parle de rien moins que de partager entre les di- verses nations européennes cet immense empire chinois où grouillent 400 millions d'habitants et; si ce projet de par- tage doit être regardé comme une utopie irréalisable, tout au moins peut-on prévoir le moment plus ou moins rapproché ESSAIS DE CULTURE SUR LE SAFRAN ET L’IGNAME. 61 où chacune de ces nations se mettra à grignoter un morceau de cet immense gâteau. Inutile de dire que les Chinois eux-mêmes ne sentent nul besoin de l'introduction chez eux d’une Igname plus courte que celle qu'ils cultivent depuis des milliers d'années. Ils ont toute la patience, toute la persévérance nécessaire pour ar- racher sans se plaindre ces racines de 80 centimètres de long, ils ne demandent pas comme certains de nos jardiniers la journée de huit heures et 2 à 3 francs par jour. Mais en sera- t-il de même des colons européens qui pourront s'établir dans leur pays, certainement non. Permettez-moi à ce sujet, de vous lire un court passage de ce que j'écrivais il y a quelques années dans la Revue horti- cole, au sujet d’un des modes de culture de l’Igrame en Chine. « À propos de nouveaux modes de culture de l’Igname, je rappellerai, à titre de curiosité, le suivant, qu’un voyageur m'a dit avoir vu pratiquer en Chine même. » De grands réservoirs cimentés, ayant environ 80 centi- mètres de profondeur, sont remplis de sable; les pieds sont très rapprochés, soit 30 centimètres en tous sens. Pour ar- river à nourrir des plants aussi drus dans un sol aussi mai- gre, on répand à profusion l’engrais énergique cher aux fils du Ciel; le produit est très abondant; un réservoir de mé- diocre étendue suffit aux besoins de toute une famille. Les tubercules, dûment pelés et cuits, ne conservent rien de l’odeur caractéristique de l'engrais employé. » Je sais plus d’un propriétaire et d’un jardinier auxquels cette culture répugnerait ; quelle inconséquence ! » Les Parisiens ne croquent-ils pas à belles dents, — sou- vent sans les peler, — ces jolis Radis roses, non seulement arrosés à l’eau de Seine, dont 1 centimètre cube contient, au dire de nos bactériologues, des milliers de germe typhiques et autres, mais encore irrigués avec ce liquide onctueux et parfumé dont l'égout collecteur inonde la plaine de Genne- villiers ! » Et l’engrais flamand ! Je n’ai jamais mangé de meilleures Asperges que chez un de mes parents, manufacturier dans un faubourg de Lille. Tous les hivers, les fosses étaient remplies d'une nappe liquide, de 20 centimètres d'épaisseur de l'en- grais fabriqué par ses ouvriers. Pendant huit jours, les 62 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. senteurs qui saturaient l'atmosphère rendaient l’accès du po. tager impossible ; mais aussi quelles magnifiques et:succu- lentes Asperges nous mangions quelques mois après ! »: Non. la culture de l'Igname longue ne sera jamais prati- quée par le colon européen en Chine. Aussi, même dans ce. pays, l'introduction d’une variété à tubercule court serait- elle tres’utile. Je me suis peut-être un peu trop étendu sur cette question coloniale; mais vous me le pardonnerez en raison de ce fait: que notre Société vient de créer dans son sein une nouvelle section, la Section coloniale, dont nous attendons les meil- leurs résultats, surtout si, comme nous l’espérons, cettenou- velle section obtient la coopération active du très éminent. colonial qui nous fait l'honneur de présider à nos travaux: 63 EXTRAITS ET ANALYSES. - RAPPORT SUR LES: TRAVAUX: EXÉGUTÉS. EN 1896, À LA STATION AQUICOLE DE BOULOGNE-SUR-MER, par Eugène Caxu, directeur. dela Station. { Suiterel fin.) 20: Observations sui: la reproduction halurelle des Soles dans ses relations avec le repeuplement des fonds et la pisciculture marine. — L'étude de la. reproduction et du repeuplement méthodique.et rationnel des poissons de-mer — que nous avons été le premier, il y a cinq ans, à entre- prendre dans le nord de la France, — n’a. point élé délaissée par la Station aquicole. Nous avons conduit: ces.recherches dans une voie nouvelle, er:core inexplorée dans. toute.la : France en nous attachant particulièrement à ce qui concerne. la Sole, l'espèce la plus recherchée et la plus importante pour les pêcheurs; pour le commerce et pour la consommation-publique. C'esbainsi, Monsieur le Ministre, que nous avons exécuté, en mer, —.dans la Manche. jusqu'au méridien du Tréport, et dans la mer du Nord:au large des côtes belges et françaises, — des séries de pêches quantilatives pendant trois années conséculives, dans les régions de ponte de la Sole. Ces pêches quantitatives furent faites suivant la mé- : thode ordinaire du professeur Hensen, en filtrant dans un filet approprié des colonnes d’eau de mer d’une seclion. horizontale donnée par l'ouver- ture de l'engin et d'une hauteur déterminée.:par la profondeur d’immer- sion de l'engin ramené verticalement à la surface. Elles sont, en tous points, susceptibles d'établir une évaluation aussi exacte que possible dela. quantité. d'œufs de Sole existant en. mer et provenant de la, ponte naturelle dans la région qui nous occupe. L'importance (ou le succès) de la reproduction natureïle de ce poisson accuse par ce moyen des fluctuations-annuelles très considérables dont, l'intérêt ne peut échapper à personne en ce qui concerne le: repeuplement des fonds. En pleine période de reproduction, vers la fin d'avril ou au com- mencement de mai, nous avons obtenu à l’aide. du filet vertical de Hensen; les maxima du nombre des œufs de Sole existant en mer par mètre carré de surface. Ces maxima sont d’ailleurs des moyennes dé- duites de plusieurs rendements.numériques des pêches obtenues par le-filet- Hensen durant: loute la période de vingt à trente jours où le. 1. Voir le numéro de janvier, p. 23. 64 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. produit de ces pêches est le plus élevé de toute la saison de ponte. Les maxima ont varié, sur les lieux mêmes de la ponie des Soles, entre 143 pour 1894, 59 pour 1895 et 112 pour 189,6. Un pareil rende- ment dans la ponte naturelle des Poissons de mer est très élevé en ce qui concerne les bonnes années 1894 et 1896. Je ne connais même pas d'exemple d'un plus grand nombre d'œufs d’une seule espèce de pois- son, recueillis en mer en un même endroit, si j'en juge d'apres les quelques documents publiés par divers zoologistes qui se sont occupés de cette question. Quant au maximum plus faible que nous relevous pour 1895, il est encore très salisfaisant comme rendement numérique de la ponte des Soles. Si nous examinons maintenant la moyenne des rendements évalués durant toute la période de ponte pendant les trois années qui nous occupent, nous voyons ces nombres tomber de 9.5 œufs de Soles par mètre carré pour l’année 1894, à 2.6 pour 1895 et à 6.4 pour 1896. Il ne nous est pas possible de comparer la densité numérique de ces pontes de Soles avec celle d'autres espèces de poissons, puisqu'il n’a jamais été relevé ou publié d'observations de ce genre méthodiquement réparlies sur toute la période de ponte d’une espèce comeslible considérée dans la même région. Des déductions certaines, intéressantes à la fois pour l’industrie des pêches maritimes et pour la préservalion des richesses naturelles né- cessaires à l'alimentation publique, peuvent et doivent sortir de cette étude quantitative de la ponte naturelle de la Sole dans les eaux ex- ploitées par nos pêcheurs. C’est la conviction intime qui se dégage pour moi des premiers résullals que je me suis efforcé d'obtenir dans celle voie tout récemment ouverte par Hensen dans l’observalion des pêches maritimes. Il importe de connaître réellement par le nombre des œufs naturel- lement produits et fécondées autant que par l’étendue de la période dé ponte active, l’imporlance et le succès toujours variable de la re- production des espèces de poissons les plus utiles. Il importe égale- ment de rapprocher ces données des captures de poissons faites {au bout de deux ou trois années) dans les meilleures saisons de pêche. C'est l'unique moyen, nous semble-t-il, de se mettre en mesure d’ap- précier avec toule l’exaclilude possible ct avec une précision suffisante, la puissance de production de tels ou tels fonds, en même temps qu'on pourra saisir ainsi la relation qui unit l'exploitation de ces fonds de pêche et leur dépeuplement en espèces comestibles. Toules les théories, tous les arguments énoncés sur la question du dépeuplement des mers exploilées pour la pêche ont le plus grand besoin de s’ap- puyer, à l'heure actuelle sur des preuves positives de ce genre. Nos relevés de la richesse des pontes naturelles en mer nous donnent acluellement une base suffisante pour évaluer en moyenne la quantité considérable d'œufs que la Sole dissémine annuellement dans les eaux de la région que nous avons observée. ls EXTRAITS ET ANALYSES. 65 Dans l’année 1895 la moins productive à ce sujet, toute la surface des lieux de ponte des Soles placées à notre connaissance au voisinage et à l’intérieur des eaux francaises de la Manche et de la mer du Nord, depuis le Tréport jusqu'à la Belgique, toute celte surface, dis-je, éva- luée à 360 milles marins carrés, contenait en moyenne 2.6 œufs de Sole par mètre carré, soit 1 millions par carré d'un mille de côte. En tolalilé, ceci fait, pour l’espace signalé plus haut et correspondant à un développement de côtes de 80 milles, le total de 2,520 millions d'œufs de Sole flottant en moyenne dans la mer, pendant toute la periode de pontes un peu active, c'est-à-dire pendant quatre mois de l’année 1895. La durée du développement de l'embryon dans l'œuf étant ordinairement de neuf à dix jours, cette masse d'œufs de Sole se trouve naturellement renouvelée au fur et à mesure des éclosions soit en bloc, tous les dix jours par l'effet des pontes successives. Ce qui revient à dire, en somme, que les Soles devaient pondre alors, dans la région considérée, sept miilions d'œufs par mille carré tous les dix jours, pour maintenir au chiffre moyen que nous avons constaté le contingent d'œufs en voie d’éclosion. Renouvelées ainsi tous les dix jours, soit douze fois en quatre mois, les pontes de Soles donnent le total remarquable de trois milliards d'œufs constaté au cours de nos recherches sur la ponte annuelle de ces poissons dans nos parages de la Manche et de la mer du Nord pour l’année 1895. Pourlannee SOA RER de LA milliards. Pour l’année 1896.......... Ne m9 — La connaissance positive de cette puissance de production des Soles est importante, quel que soit le point de vue auquel on se place pour envisager la question du repeuplement des fonds. Elle prend encore plus d'importance si l'on envisage la nécessité d'entrer dans la. pratique de la pisciculture marine artificielle, car l'évaluation métho- dique des fluctuations qui affectent d’une année à l'autre les pontes naturellement produites par la Sole dans notre région peut seule montrer quelle est l'échelle à laquelle il convient logiquement d'’en- treprendre la repredu“tion artificielle de ce poisson pour rétablir l'équilibre de repeuplement entre une bonne année et une mauvaise. Ainsi, nous concluons, de l'écart constaté entre les productions de 1895 et de 1895, qu'il eût fallu produire artificiellement 8,5 milliards d'œufs de Sole en 1894 pour pouvoir prétendre à un véritable repeu- plement des fonds de la mer du Nord et de la Manche. Et véritablement nous ne disposons, dans l’état actuel de la régle- mentation nationale et internationale des pêches maritimes que d’un: seul moyen pour subvenir aux insuffisances et aux fluctuations du- repeuplement naturel des Soles dans nos eaux cotieres et avoisi- nantes : c’est la pratique suffisante et raisonnée de la pisciculture marine que j'ai proposé d'appliquer dans celte région dès l'année. 66 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ: D’ACCLIMATATION. 1893, alors que celte méthode de repeuplementn'avait point subi l'expérience démonstrative faite en Evcosseet quelli :rencontrait en France plus de critiques que de partisans. III. — Applications pratiques. 1° Application-en France du: Hareng congelé. comme-appât dans la pêche aux hamerons. —. Notre. attention resle constamment fixée sur les améliorations que peut subir l'industrie des pêcheurs du Nord. de la France et nos efforts tendent toujours à démontrer l'utilité.et le profit de ces améliorations pour convaincre les armateurs et:les pêcheurs naturellement peu enclins à toute modification dans leurs pratiques ordinaires. Ce n’est qu’en insistant avec: persévérance sur-tel ou..lel procédé recommandable, qu'il nous est possible d'aboutir à un résultat dans l'introduction des procédés nouveaux applicables à Ja pêche maritime française pour le plus grand profit de l'alimentation publique. Les moyens d’action matér.els dont nous. disposons. ne nous -permettent pas en effet d'entreprendre. les démonstrations pratiques. à. grande échelle qui sont indispensables your amener la conviction nécessaire dans l'esprit des intéressés. Néanmoins, dans le cours de l'année 1896, nous avozs obtenu, dans la Voie des améliorations industrielles, un succés dont l'importance mérile d'être signalée avec détails. Depuis plusieurs années, nous avions reconnu que l'une des pêches les plus recommandables des côtes de la Manche, la pêche aux cordes, lignes de fond établies en mer et pourvues d’un grand nombre d'ha- mecons appâtés de poissons et d’encornets, souffrait grandement dans la plupart des ports d’une disette momentance ou prolongée des pois- sons d'amorce. utilisables. De plus la fourniture des amorces restait le plus souvent l'apanage de l'importation anglaise qui trouve dans ce commerce des bénéfices considérables, une étude approfondie de la question nous avait permis de reconnailre qu’une solution satisfai- sante des difficullés d'amorçage dans la pêche aux cordes se trouvait dans la méthode de conservation par la congélation appliquée aux poissons d’amorce de pêche française. Déjà, en 1894, nous avons développé à plusieurs reprises. dans diffé- rentes publications, la mise en pratique de ce procédé et nous appe- lions l'attention des intéressés sur celte utile innovation. En 1895, nous avons opéré plusieurs (ssais pratiques d'une étendue restreinte ct limités par les ressources pécuniaires dont dispose la station aquicole, Cette démonstration pratique produisait le. plus heureux effet et nous sommes heureux de pouvoir vous signaler, Monsieur le Ministre, la réussite. complète de nos études sur celte question des amorces 4 EXTRAITS ET ANALYSES. 67 congelces par la mise en application opérée à Cherbourg en 1896, suivant nos indications et sur nos plans qui ont été fournis aux inté- ressés d'une manière absolument gratuite. Notre initiative dans cette question d'applicalion technique-a donc réaiisé entièrement, l’installa- tion d’une industrie absolument nouvelle en France et nous avons la satisfaction d’avoir conduit les travaux de la station aquicole de Bou- logne de manière à répondre aux besoins les plus urgents de la pêche maritime côtière du Nord de la France. C'est'au cours du dernier semestre de 1896; dans le port de Cher- bourg; que nous avons étudié cette application pralique de la conser- vation des amorces par la congélation, faisant cette étude à la de- mande d'un homme éclairé, M. Aristide Bienvenu, armateur:et constructeur de bateaux: de. pêche, qui connaîl parfaitement les besoins et les conditions du quartier maritime de Cherbourg, dans lequel un commissaire. de la marine, M: Le Brisoys-Surmont, nous signalait, en 1894, la nécessité de rendre service aux pêcheurs à corde.en leur évitant des chômages trop fréquents uniquement dus au manque de boëtte. Nous avions d'ailleurs constaté nous-même ces chômages dans les petits ports du quartier, comme Barfleur, par exemple. Au point de vue technique, l'intérêt spécial de l'installation cons- truite à Cherbourg par: M. Bienvenu, suivant nos conseils, réside dans l’utilisation d’une bâlisse, déjà existante, d’une sorte de magasin, consiruit en pierres et couvert en tuiles, lequel peut être facilement adapté aux aménagemements des cales froides et des congélateurs à poissons d’amorce. Les congélateurs pour geler le poisson et: les réfrigérateurs pour abaisser la température des cales froides à poissons congelés sont basés sur l'emploi du mélange réfrigérant de sel et de glace pilée, mélange aussi facile à employer qu’il est simple à préparer. Cette méthode frigorifique nous a paru préférable pour l'économie même du projet, en ce sens qu’elle évite l'achat de machines réfrigérantes coû- teuses-et délicates. Dans cette industrie: dont le fonctionnement est intermittent et momentané, il importe de ne-point immobiliser un capital élevé, qui ne trouverait pas des-intérêts suffisants dans le gain des opérations. Il: est d’ailleurs facile-de se-procurer dela glace dans les ports de pêche de la Manche où on l’emploie beaucoup dansla conservation du pois- son frais. - En ce qui concerne le sel, nous-avons fait auprès de M. le Direc- teur général. des-douanes et auprès: de:M. le Ministre: du Commerce, de-l'Industrie; des Postes et Télégraphes; toutes les-démarches néces- saires pour» démontrer: l’intérèt que: présentait. la conservation des: amorces par congélation, au: point: de: Vue: du: développement. des. pêches-françaises.: À la-suite de:ces-démarches, la demande de dégrè=- 68 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. vement des droits sur le sel introduite par l'entrepreneur a obtenu l'approbation du Comité consultatif des Arts et Manufactures, ratifié successivement par MM. les ministres du Commerce et des Finances. Dans ces conditions que nous avons contribué de toute notre influence à faire établir, la conservation des amorces congelées par la méthode indiquée ci-dessus est devenue une industrie applicable dans toute la rézion du Nord, industrie mise en mesure de concurrencer heureusement l'importation des amorces d'Angleterre. Les congélateurs où les Poissons sont congelés par l’action du mé- lange réfrigérant de glace et de sel sont imités à la fois du type cana- dien des pêcheries des Grands-Lacs et du type américain des pêcheries terreneuviennes. Ce sont de grandes caisses doubles, en bois, dont les dimensions prises à l'intérieur des parois sont de 4 m. sur 1",80 et 1®,20. Deux compartiments égaux existent dans chaque caisse avec des couvercles spéciaux, qui rendent la fermeture aussi bermétque que possible. Chacun d'eux possède dans le fond un orifice d'écoulement pour le liquide de fusion de mélange. Dans ces appareils, les Poissons à congéler sont disposés à l’intérieur de caissons de fer blanc à cou- vercle emboîlant et qui mesurent 0m,80 sur 0,"60 et sur 0,08 ou bien des dimensions moilié moindres, soit 0",40 sur 0.60 et sur 0,08. Un congélateur avec ses deux subdivisions contient 48 grandes caisses ; il peut geler, en moyenne, dix à douze mille harengs en douze heures. A cet effet, les caisses en fer blanc alternent dans le congélateur en chargement avec des couches de glace et de sel de 0,10 qui en- veloppent enliérement chacune d'elles. La fusion de cette quantité de mélange réfrigérant intercalaire suffit pour assurer la congélation parfaite lorsqu'il n'y a point de déperdition de froid provenant d'une faute dans le travail et lorsque les proportions du mélange de glace pilée (trois pellef£es) et de sel {une pellelée) sont bien conservées- Si l'on excepte la construction des doubles parois isolantes, en bois avec intervalles bourrés de sciure, qui doublent les murailles et le plafond de la cale aux Poissons congelés, de manière à éviter tout échauffement de la masse provenant de l'extérieur, la particularité la plus intéressante de l'installation établie à Cherbourg consisie dans la composition des réfrigérateurs qui tapissent, pour ainsi dire, toute la paroi interieure des cales froides où sont emmagasinées les amorces après congélation. Ces réfrigéraleurs sont du type américain de Gloucester et non du: type canadien de la région des Lacs; leur section horizontale est rec- tangulaire el non pas circulaire. Vus de face, ils présentent, à droite et à gauche deux montants verticaux en bois, épais de 0"%,05, larges de 0®,20, en haut, et de 0",10, en bas. Sur ces montants sont clouées les faces interne et externe du réfrigérateur, constituées toutes deux par une feuille de fer blanc d'un mètre de largeur. En raison de :- EXTRAITS ET ANALYSES. 69 l’'amoindrissement de la largeur des montants vers le bas, les feuilles de fer blanc ne sont point verticales, maïs inclinées de 0,10 vers l’in- térieur de l’appareil considéré dans toute sa hauteur (2 mètres). La pente de 02,05 par mètre assure l'écoulement rapide du liquide de fusion produit par le mélange réfrigérant et le développement intégral de froid que ce mélange est capable de fournir. Dans le bas, chaque réfrigérateur communique avec une gouttière en planches qui recueille sur tout le pourtour des cales froides l’eau de fusion produite, pour la conduire aux déversoirs chargés de l’évacuer au dehors dans les sables perméables des mielles qui l’absorbent par infiltration. La cale froide actuellement construite à Cherbourg, pour les débuts de l'opération dans la saison 1896-1897, contient de 100,000 à 120,000 harengs suivant le mode de magasinage adopté ; en vrac ou en caisse cette cale compte un développement de surface réfrigé- rante (fer blanc des réfrigérateurs) égal à 48 mètres carrés environ, ce qui fait une moyenne de 4 à 5 décimètres carrés par 1,000 harengs. La température maintenue dans la cale froide avec la moitié des ré- frigérateurs en chargement est aisément de — 8 degrés centigrade, en bas, et de — 5 degrés en haut. Une installation très simple @e tuyaux, conducteurs d’air sous faible pression, permet d’assurer le renouvelle- ment de l’atmospheère intérieure des cales nécessaire à la bonne con- servation des produits. Ceux-ci doivent rester emmagasinés pendant trois mois au plus, période au bout de laquelle toute la réserve sera consommée. L'application de cette méthode de conservation des amorces pour la pêche est ainsi poursuivie à Cherbourg dans les meilleures con- ditions de succès. Déjà l'essai des amorces congelées a été fait par les pêcheurs de celte localité en comparaison avec les amorces fraîches qui ne manquent pas dans ia saison d'hiver. Pour ce premier essai, 1,500 ki- logrammes de harengs congelés ont servi d’amorce dans les mêmes pêches et sur les mêmes fonds que des harengs de pêche fraîche employés exclusivement jusqu'alors. Les amorces congelées ont donné toute satisfaction aux pêcheurs à cordes qui attestent leurs bonnes qualités de résistance sur l’hamecçon et leurs propriétés attrac- tives ;: l'attrait qu’elles conservent pour le Poisson est témoigné pra- tiquement par ce fait que la capture est aussi abondante sur les lignes appâtées de harengs congelés que sur celles appâtées de hareng frais. Cette épreuve est donc concluante. Elle vient démontrer d’une ma- nière complète l’avenir de cette innovation que nous avions juste- ment pronostiqué depuis longtemps. Il nous reste à en estimer l'importance au point de vue économique et financier de la pêche française et au point de vue de l’alimentation publique. 70 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. L'importance économique de l'application d'amorces corgelées telle que nous la voyons ctablir à Cherbourg ne consiste point seulement dans le développement: matériel du commerce nouveau qu'elle: com- porte, bien que ce commerce soit destiné à fournir une nouvelle source de revenus aux divers intéressés dans les pêches marilimes du quartier de Cherbourg. L'effet le plus louable et le plus utile de cette innovation est dans l'assurance d’un travail régulier qu’elle donne aux pêcheurs à cordes, au lieu des chômages forcés quiiles retiennent au port sans pêche et sans salaire. Ainsi, grâce aux réserves d’amorces, le carital et les hommes actuellement engagés dans la pêche à Cher- bourg fourniront un travail ininterrompu et régulier, autant que le permettront les circonstances ‘atmosphériques et l'abondance du Poisson, il s'en suivra de plus:un: rendement plus considérable dans les captures, pour favoriser beaucoup d’alimention publique en Nor- mandie. Si nous nous efforcons d'évaluer en chiffres l'importance du trafic nouveau acquis ainsi à la pêche dans le port de Cherbourg seul, nous constatons les relevés suivants. A Cherbourg s'approvisionnent actuellement en moyenne quinze ba- teaux cordiers, que les difficultés inhérentes à l’approvisionnement d’amorces réduisent à ne travailler efectivement que dix jours par mois, ce qu'on exprime en disant que ees pêcheurs font en moyenne dix marées par mois, alors qu’ils pourraient atleindre aisément le to- tal mensuel de vingt marées avec de l’amorce à discrélion. Chaque bateau pêcheur consomme par marée 400 Harengs employes comme appâts. C'est donc, pour l'approvisionnement des 150 marées faites par les Cordières atterrissant à Cherbourg, : un «total de 150 X 400 — 60,000 Harengs utilisés par mois. Jusqu'à 1896-1897, ces 60,000 Harengs pour amorces élaienf achetés:cà et là, en Angle- terre, à Guernesey principalement et ils arrivaient à Cherbourg pa- quetés, dans la glace, concassés, plusieurs jours après leur capture. Cette amorce était loin d'être aussi satisfaisante qu'on l'aurait'désiré et pourtant elle coûlait très cher aux pêcheurs normands, de 10 à 15 francs, en moyenne 12 francs pour cent Harengs. Il: y avait donc par mois de disette d’amorces françaises, une importation anglaise s'élevant à 7.200 francs ; et celte importation peut se trouver rem- placée favorablement aujourd’hui par des amorces congelées, de très bonne qualité et vendues à meilleur compte à nos pêcheurs. En effet, le prix de vente de ces dernières peut s'élever à 6 ou 10 francs, en moyenne à 8 francs le cent. Sur 60,000 Harengs, la four- niture d'amorces congelées établissant une économie moyenne ‘de 4 francs par cent permeltrait aux pêcheurs:à cordes cherbourgeois de réaliser par mois une économie de 2,400 francs dans leurs frais gé- néraux, en même temps qu'elle réserverait aux Harengs de pêche fran- caise un débouché nouveau de 4,800 francs par mois. Elle conserve- TA EXTRAITS ET ANALYSES. 71 rait, par suile, au commerce francais, une somme de 7,200 francs versée jusqu'alors aux mains des fournisseurs anglais. Le bénéfice total pour le port de Cherbourg serait donc de 14,400 francs par mois par le seul fait de la substitution de l’amorre congelée importée d’An- gleterre : encore n'escompterons-nous pas dans cette somme la plus- value obtenue dans le rendement de la pêche par l'emploi d’un appât mieux conservé et plus attractif pour le poisson. Tous ces avantages sont un bénéfice immédiat pour le commerce français el, nous pouvons le dire, un accroissement de richesse pour la France. Unautre bénéfice des réserves d'amorces congelées découle du tra- vail plus assidu que ces réserves permettront à nos pêcheurs Cher- bourgeois : au lieu de 10 marées par mois, avec de bonnes amorces, avons-nous dit, ces pêcheurs pourraient en faire 20, soit 10 warées en plus pour 15 bateaux. Avec 400 Harengs consommés par maree et par bateau, ceci ferait une consommation supplémentaire de 60,000 Ha- rengs par mois et, comme nous l'avons calculé précédemment, un nou- veau débouché pour la pêche haranguière et pour le commerce d’amorces évalué à 4,800 francs. En escomptant le produit net de ces nouvelles pêches à la valeur primitive des amorces importées (ce qui est‘un minimum très strict, comme le savent tous les intéressés dans la pêche à Cherbourg) nous arrivons néanmoins à une plus-value men- suelle des rendements des pêches, aux cordes montant à 12,000 francs, nouvelle somme apportée au commerce et à la pêche française par l'usage des amorces congelées. Nous ne tenons d’ailleurs en ceci aucun compte de l'augmentation (d'un tiers à la moitié en moyenne) qui résul- tera dans cetle valeur du poisson pêché, lorsqu'ilarrivera par les inter— médiaires accoutumés à la disposition du consommateur lui-même. ‘Ainsi, au total, une augmentation de la richesse publique supérieure à 20,000 francs par mois découle de cette première introduction dans les'usages de la pêche côliere du procédé que nous avons fait con- naître en lfrance pour là conservation des amorces congelées. L'innovalion appliquée dès le début à Cherbourg où elle est à même de produire les conséquence économiques que nous venons de signa- ler durant une période de cinq à six mois chaque année, ne peut man- -quer de s'étendre à d’autres ports de pêche, dès que la nouvelle de l'entrée ‘du procédé dans la pratique industrielle sera connue des intéressés. Ca et là sur les côtes françaises les mêmes disettes d’amorces existent qui contraignent à des chômages plus ou moins prolongés les pêcheurs cordiers qui nous occupent. Il en est de même en ‘Europe dans d’autres nalions qui s'appliquent à la pêche. Peut-être même notre exemple y servira-l-il-de stimulant, en par- ticulier, chez les Hollandais et les Allemands qui exploitent la mer du Nord. Nous en trouvons un témoignage dans une excellente étude développée en septembre 1896, au congrès international des pêches 72 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. de Berlin, sur la question de l’amorce envisagée au point de vue des pêcheries allemandes, par M. le D' Ehrenbaum, de l'Institut biolo- gique et aquicole d'Helgoland (Mitheilungen d. Deutsch. Seefischerei. Verein, 1896. En ce qui concerne les pêcheries françaises, nous avons été saisis depuis longtemps de demandes d'informations relatives au procédé de conservation des amorces par la congélation; depuis que nous l'avons recommandé et expérimenté pour la première fois en France, divers projets nous avaient été soumis pour des conseils et des ren- seignements. Peui-être ces projets eussent-ils été suivis d’applica- tion, si la station acquicole de Boulogne avait possédé en temps utile les movens d'action suffisants pour procéder dans tous les ports inté- ressés aux démonstrations pratiques capables de faire apprécier les qualités et la méthode si heureusement préconisée par nous à Cherbourg. 20 Etude expérimentale du pouvoir de conservation des matières em- ployées pour préserver les filets de pêche. — Nous avons conlinué en 1896 l'étude expérimentale du pouvoir de conservation des diverses ma- tières employées comme teintures préservatrices des filets de coton employés pour la pêche des Harengs, Maquereaux, etc., et qui se cor- rompent très rapidement à bord des grands bateaux pêcheurs du Nord de la France. ; Nous avons collaboré dans cette étude avec M. le Directeur du la- boratoire de chimie agricole et industrielle de Boulogne et nos essais combinés ont recu de précieux encouragements de la société agricole et des sciences industrielies de Boulogne. Les premiers résultats de ces études ont été publiés dans une bro- chure spéciale distribuée aux intéressés et dans une nole insérée dans le fascicule de juillet du Bulletin de pêches du ministère de la marine. L'observation méthodique des faits nous a montré que : 1° les pro- cédés usuels de tannage au cachou ; 2° les enduits de coaltar seul ou délayé d'huile de houille; 5° l’imbibition des filets blancs ou ca- choutés dans les huiles lourdes de houilles dites huiles créosotées sont d'excellents préservatifs contre les moisissures et la pourriture des filets de coton. Ces diverses méthodes ont pour effet de retarder plus ou moins l’'échauffement des fibres végétales mouillées et souillées par les impuretés (sang, mucus, plantes et animaux pélagiques) qui s'accumulent dans la cale des bateaux de pêche où sont remisés les filets à bord. Eu organisant nos expériences : 1° sur le filet blanc n'ayant subi aucune préparation ;-2° sur le filet cachouté ; 3° sur le filet cachoute puis coaltaré ; 4° sur le filet huilé; 5° sur le filet huilé puis coaltaré, de telle sorte qu’elles réalisent aussi exactement que possible les con- ditions auxquelles ces filets sont soumis. Durant leur séjour en mer EXTRAITS ET ANALYSES. 73 dans les bateaux de pêche, nous nous sommes convaincus nettement que l’échauffement des matières organiques n’est pas la seule cause qui agisse dans la destruction des filets aux harengs, une croyance trop répandue parmi nos praticiens. D'autre part le filet cachouté et coaltére, le filet cachouté et huilé, le filet huilé et coallaré, de même que le filet simplement huilé se sont tous montrés plus enclins à l’échauffement que le filet simplement cachouté. Rigoureusement, s'il s'agissait de combattre simplement l’'échauffement, la préférence reviendrait donc à l’ancienne méthode, ce que nous ne pourrions soutenir devant les résultats des pratiques généralement adoptées el suivies depuis de longues années. À vrai dire, il n'existe dans les méthodes de préservation an- ciennes et nouvelles, aucun procédé qui permette à l’armateur d'éviter les soins attentifs et constants que réclament les filets en service dans la pêche. La croyance qu'on en avait eue, en ce qui concerne le trai- tement aux huiles créosotées a fait place à bien des déceptions qui se sont traduites par un revirement à peu près complet plus favorable au cachou. IV. — Questions diverses. Ecole pratique des Pêches maritimes. — Au cours de l’année 1896, nous vous avons informé, Monsieur le Ministre, des efforts tentés par nous, en vue de l’organisation d’une école pratique des pêches mari- times, annexée à la station aquicole de Boulogne. Vous avez bien voulu encourager ces efforts et nous permettre de réaliser cette fondation, en même temps que vous nous faisiez con- naître, par dépêche du 13 juin 1896, qu'il nous appartenait de pour- suivre nos démarches en vue dela garantie du budget supplémentaire réclamée pour la fondation de cette école par les Chambres de Com- merce intéressées dans cette fondation. Nous pouvons, Monsieur le Ministre, vous faire connaître dans ce rapport sur nos travaux de 1896, la réalisation de ce desideratum. Les Chambres de Commerce de Boulogne, Dunkerque et Calais sont en mesure de subventionner l’école pratique des pêches qui sera orga- nisée à bord du bâtiment à voiles le Zéphir que le département de la Marine nous a cédé et remis à Cherbourg, le 1° octobre 1896. Ces Chambres de Commerce prélèvent sur leur budget une partie des subventions; elles ont obtenu sur les sommes adjugées comme primes au développement de la marine marchande les compléments néces- saires pour parfaire leurs contributions. Ces sommes seront prochai- nement ordonnancées à l’adresse de la station aquicole et l’école des pêches annexée à cet établissement pourra dès lors s'organiser d’une manière définitive. Buil. Soc. na. Accl. Fr. 1898. — 6 74 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Teiles sont les questions principales que nous avons traitées au cours de l’année 1896 dans les travaux de la station aquicole de Bou- logne. Nous nous sommes efforcés de remplir ainsi, dans toute la limite de nos moyens d'action, le rôle éminemment utile qui nous incombe dans l'étude méthodique des pêcheries du nord de la France, en vue de l'initiative des améliorations profilables aux grands intérêts que repré- sentent nos pêches nationales (1). >< LES ANIMAUX DOMESTIQUES DE L'ÉTAT INDÉPENDANT DU CONGO (MAMMIFÈRES ET OISEAUX), par E. MEULEMAN, vétérinaire de l’armée. Le Cheval n'existe pas à l'état naturel ou aborigène dans l'Etat indépendant du Congo. Ceux que l’on y rencontre sont d'importation récente et viennent le plus souvent des îles Canaries, parfois, mais plus rarement du Sénégal, de Lagos, de Sainte-Marie, de Bathurst. La Société des produits du Congo, en établissant son haras de l'ile de Mateba, a introduit un étalon et deux juments ardennais. Cette société a fait ainsi un essai qu’il était avantageux de tenter, étant donné que la présence de Chevaux sur les rives du grand fleuve africain démontrait la possibilité du parfait acclimatement de ceux-ci. Dans l’intérieur de l'Etat, outre les montures ayant conduit les voyageurs, il existe quelques Chevaux ramenés des sources du Chari par le commandant Hanolet qui les avait reçus en présent du Cheik Al-Sunusi. Ceux-ci appartiennent à la race barbe et sont destinés à former la souche d’un élevage que l’on tente à Makoanguay-Banzy ville, Yakoama& et Djabbir. L’Ane importé au Congo est généralement originaire des îles Cana- ries. Il est de taille moyenne, bien conformé, doué d’une résistance peu commune et rend énormément de services pour les explorations. Sa sobriété le fait préférer au Cheval; il se sustente parfaitement avec les herbes qu'il trouve aux environs des campements autour des- quels on le laisse brouter en liberté. Dans la partie Est de l'Etat, on rencontre une race africaine; l’Ane de Mascate, qui est pour le Nègre arabisé ce qu'est le Cheval pour l'Arabe du désert. Les grands chefs se font un luxe de couvrir leur monture de riches ‘harnais; ils l'entourent de soins spéciaux et ne consentent jamais à se séparer des sujets de valeur. (1) Rapport adressé à M. le Ministre de l'Agriculture, extrait du Bulletin du Ministère de l'Agriculture, novembre 1897. il EXTRAITS ET ANALYSES. 75 Cet Ane est plus grand et plus vigoureux que le premier; la finesse, la correction et la beauté de ses formes, en Co en quelque ‘sorte, le pur sang de son espèce. L'Etat possède quelques beaux reproducteurs de celte race, destinés à améliorer celle importée des Canaries. Le Mulet — Ce sont encore les îles Canaries et quelquefois le Por- tugal et le Sénégal qui fournissent les Mulets; mais ils sont moins répandus que les Anes et même que les Chevaux. Cela tient à leur prix élevé tout autant qu’à l'impossibilité de leur reproduction. Du reste l’Ane remplace parfaitement le Mulet dans ses divers services et n'est pas comme lui un animal de luxe; car si l’on paie 300 francs un bon baudet, on doit évaluer à 1500 et 1800 francs le prix d’une mule de réelle qualité. Le Bœuf est assez répandu dans le domaine de l'Etat; toutefois on ne le rencontre à l’état naturel que dans les districts du Kwango oriental, du Kossaï, du Lualaba, dans le Katanga, le Manyema, les environs. du lac Albert-Edouard et le Haut-Uelle. On doit à l'Etat indépendant et à diverses Sociétés commerciales de “lavoir introduit dans le Bas-Congo jusqu’au Stanley-Pool et des agents du Gouvernement en ont même conduit au prix de grandes difficultés jusqu'au Bangala. Ceux du Haut-Ubangi viennent du Wadaï. Le bétail du Bas-Congo, ainsi que celui du Kwango oriental et du Kassaï, est originaire des possessions portugaises situées au sud de l'embouchure du Congo. Il est bien constitué, fort, vigoureux, très rustique, est caractérisé par un garrot et un fanon très développés ; il fournit une chair de bonne qualité et le lait des vaches, bien qu’en petite quantité, est suffisamment riche pour êlre comparé à celui de quelques-unes de nos races européennes. Le bétail du Manyema est plus grand et remarquable par ses cornes très longues et très pointues. En quelques points de la région du Tan- ganiyka se rencontre le Zebu. Aux environs du lac Bangwelo existe une race à courtes cornes, rappelant celle de l’Alderney; au sud du Katanga, une race sans cornes; dans les environs des lacs Albert et Albert-Edouard, le bétail se ressent de la proximité du pays des Latuka et des Bari et appar- tient à la race hindoue (Zébu). Enfin, le bétail ramené des sources du Chari par le commandant Hanolet se rapproche plutôt, comme type, de celui de l’Angola, bien qu’il n’y ait entre les deux aucun lien de parenté. On comprendra aisément les avantages qui résultent de la présence du bétail dans les stations de l'Etat. C’est le point de départ d’une amélioration successive dans la nourriture du personnel blanc, et dans la suite, de celle du personnel noir. Aujourd’hui déjà, le lait, ré- servé avant tout aux fonctionnaires dont la santé laisse à désirer, est un aide puissant qui favorise leur guérison. " 76 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Différents essais d'emploi du Bœuf comme animal de trait et de bât ont été tentés, et récemment, ils ont donné de bons résultats, au camp de Zambi, où les Bœufs, dressés à tirer la charrue et la herse, com- mencent à rendre de grands services à l’agriculture. Les habitants du sud de l'Etat nous ont initiés à un emploi du Bœuf peu connu dans nos pays européens; nous voulons parler du Bœuf de selle. Sans avoir la légèreté, la souplesse et la rapidité du Cheval, il n’en fait pas moins une excellente monture résistante, vigoureuse, marchant d'un pied sûr, et demandant peu de soins. Le dressage n’est ni long ni difficile, mais nécessite l'emploi de gens qui l’ont pratiqué, et on le comprendra mieux lorsque nous aurons dit que ce sont les taureaux les plus forts qui sont destinés à ce service. Les stations de Luzambo et de Luluabourg ont toujours un certain nombre de taureaux dressés qui sont de tous les voyages et reconnais- sances. C'est ainsi que le commandant Le Marinel se servit d’un taureau de selle lorsqu'il accompagna le major Von Wissmann jusqu’à Niangwe et lorsqu'il fit son voyage d’exploration au Katanga. Citons aussi le major Von Wissmann qui l’employa pour ses deux traversées de l'Afrique, la délimitation de la frontière congo-portu-. gaise dont chaque membre possédait un Bœuf de selle et il nous serait aisé d’allonger notre liste. Terminons en disant que tous ceux qui ont eu l'occasion de l’employer lui reconnaissent ces qualités maî- tresses : la force, l'endurance, la docilité et la sobriété. La Chèvre est également très répandue el c’est à peine si deux ou trois peuplades, tels les Niam-Niam du Nord n’en possèdent pas. L'espèce commune que l'on rencontre le plus généralement est, en Afrique, ce qu'elle est en Europe, avec cette seule différence qu’elle y donne moins de lait, mais en conservant toutes les qualités de sobriété, de rusticité et de reproduction. La Chèvre des Mangbettu est différente; elle a un camail de poils longs qui se prolonge sur toute l’épine dorsale; elle est de couleur chamois avec teinte plus foncée pour le camail. Le front est forte- ment busqué; les cornes longues et faiblement recourbées. Chaque station possède son troupeau de Chèvres destiné à contri- buer à la fourniture de viande fraîche au persunnel blanc. En Europe, sous l'influence d'un préjugé qu'il serait aussi difficile de définir que de justifier, nous ne nous faisons guère à l’idée de voir la chair de Chèvre entrer dans la consommation courante ; elle n’est cependant ni mauvaise ni dure et il n‘y a guère qu’à un vieux Bouc chargé d’ans et de vermine que l’on doive faire grâce en lui reniant, vis-à-vis de ses cadets, l’égalité devant la casserole. L'émasculation se pratique sur les boucs dans la Haute-Mongala et l'Ubangi-Dua. Le Mouton existe dans presque toute l'étendue de l'Etat indépen- dant et, si quelques peuplades du Nord, du Nord-Ouest et du Centre EXTRAITS ET ANALYSES. 77 n'en possédaient plus à l’arrivée des agents de l'Etat, il faut en cher- cher bien souvent la cause dans les incursions et les razzias aux- quelles elles furent soumises, il y a peu d’années, de la part des Madhistes et des Arabes. Ce Mouton appartient à une race que l’on rencontre dans toute l'Afrique équatoriale et paraît être une variété de la race soudanaise. Elle est caractérisée par une toison de poils analogue à celle de la Chèvre. Chez le mâle, le poil de l’encolure, de la partie antérieure des épaules et du poitrail est long, tandis qu'il est court sur le restant du corps. Il forme ainsi un camail complet qui lui donne l’air d’un petit Bison. Cette ressemblance s’accentue encore par la présence de cornes spiralées semblables à celles que porte le Mérinos. Dans la Zone arabe et le Haut-Nil existe une variété à queue grosse rappelant les Moutons à queue trilobée de la Syrie (Ovis steatopyqa). Chez celui-ci, la queue est le siège d'un dépôt adipeux qui lui fait prendre des proportions volumineuses au point de fournir jusqu'à un kilo et plus de graisse. Le Mouton du Congo a la robe blanche et noire. C'est une grande exceplion que d’en trouver un qui soit d’une seule couleur. 11 fournit sa chair qui est de bonne qualité, et dans certaines régions l’émasculation des Béliers se pratique couramment et donne à la chair une réelle finesse de goût. Quant au lait de Brebis, il est employé au même titre que le lait de Chèvre. Le Porc est moins répandu que le Mouton et la Chèvre; on le ren- contre surtout dans le sud et le centre de l'Etat, tandis qu'il fait défaut dans ie nord et l’est, où la religion musulmane semble avoir été la cause de sa disparition ou de sa non-introduction. Il appartient à la race Hérique dont il constitue une variété répan- due dans une grande partie de l'Afrique. Généralement, il a la peau et les soies noires, parfois {âchées de roux ou de blanc. En Afrique, le Porc a un rôle tout spécial à remplir. Il est chargé de la proprelé des alentours des villages et à ces fonctions il doit d’être le plus souvent atteint de ladrerie. Aussi les Européens ne con- sentent-ils guère à faire entrer dans leur ordinaire que la chair des porcs trés jeunes ou dont ils ont surveillé l’engraissement. En revanche, le Noir, qui ne s'arrête pas à si peu, est friand à l'excès de la viande du Porc. C'est pour lui la meilleure et la plus chère, celle qui est de tous les festins. Dans la région des Cataractes, l'importance d'un marché est cotée au nombre de Porcs abattus et débités et c’est pour les vendeurs une réelle source de profits. Les Mangbetier ont à moitié domestiqué le Porc sauvage. Le Chien du Congo est celui de toute l’Afrique équatoriale, une race propre à cette contrée et ayant beaucoup d’affinités avec celle que l’on rencontre chez les peuples primitifs de l’Asie, l'Amérique et COTE PNR TS D CS 2 78 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. l'Océanie. C'est le Chien sauvage réduit à la domesticité par plusieurs siècles de çontact avec l’homme qui a tiré parti de ses qualités spé- ciales pour la chasse. Ce n’est pas cependant que celui du Congo soit bien remarquable à ce point de vue; beaucoup de peuplades qui ne s’adonnent pas à ce sport ont laissé se perdre cette faculté précieuse, tandis que d’autres l'ont entretenue et se sont fait du Chien un puis- sant auxiliaire dans leurs courses de tous les jours à la recherche de leur nourriture. Chez les premières, que nous trouvons surtout le long des rivières, le Chien devient, dès qu'on a franchi l'Inkisi, un animal comestible très recherché et l'on pourrait facilement dénombrer les peuplades du Haut-Congo pour qui les Caniches ne sont pas une denrée très prisée. L'on serait tenté de croire, qu’étant donnes ces deux emplois, l’indi- gene prodigue ses soins au plus fidèle ami de l’homme; il n’en est rien. Cette bête utile se ncurrit comme elle peut, se glisse furtivement la nuit dans les cases où elle dort, blotiie dans un coin, et, pour avoir une idée exacte de l'indifférence que lui témoigne le Nègre, il suffirait de connaître la besogne révoltante à laquelle les chiens ont dû en venir pour se pourvoir de nourriture. Le Nègre bakongo a, au sujet du Chien, deux croyances assez sin- gulières; un Chien est-il pris en flagrant délit de vol, il lui coupe les oreilles afin qu'il ne commette plus de nouveaux larcins, veut-il le faire grandir, il lui coupe la queue. Ainsi que nous l’avons dit, le Chien du Congo rappelle celui du type primitif à tête conique, à mâchoire supérieure pointue et forte- ment proéminente, à oreilles droites. Le corps fortement levretté devient cylindrique chez ceux qui sont gras, la queue est nouée comme chez le Bouledogue et le Carlin ou portée fortement courbée sur le dos. Dans le Haut Naboma et le Soudan existe une variété de Chiens rappelant beaucoup le Sloughi ou Lévrier des Arabes et il n’en diffère que par des proportions moindres et des oreilles attachées trop bas; il a beaucoup de vitesse et acquiert une certaine valeur lorsqu'il est bien dressé à la chasse. Signalons en passant que la rage n'a jamais été constatée dans l'Afrique équatoriale. Le Chat est d’origine européenne et se rencontre seulement dans certaines stations. Il est quelquefois remplacé par la Civette. La Poule du Congo est la Poule commune à plumage excessive- ment varié. Elle est de taille moyenne; on en fait une telle consom- mation que le Noir ne conserve guère que ce qu’il lui faut de pon- deuses pour assurer son commerce. En cela il est prévoyant, mais il ne songe pas à améliorer la race qui gagnerait beaucoup à avoir plus de taille. EXTRAITS ET ANALYSES. 79 Les Arabes ont importé une Poule de taille plus grande, haute sur- tout sur pattes. La Poule est, dans certaines régions peu riches en vivres frais, la base de l'alimentation du personnel blanc des stations. Aussi l’imagi- nation et l'initiative des Européens ont trouvé à la préparer avec des procédés qui feraient se pâmer nos Vatels en renom. Au surplus, les cuisiniers noirs, pâles émules de Brillat-Savarin, mettent-ils à varier les menus, un soin dont on ne les soupconnerait guère capables. Les œufs sont assez difficiles à obtenir en général à l’état frais; le Noir préfère les garder pour les faire couver. li les mange rarement et ne les aime que fortement avancés. Le Canard ne se rencontre que dans les régions dont les habitauts ont un commerce suivi avec la côte; il est d’origine européenne et paraît avoir été importé par les Portugais. La seule race introduite est le Canard de Barbarie, gros et volumineux, à tête garnie de caron- cules écarlates. . Quant aux races de Canards sauvages, elles sont très nombreuses. Le Pigeon — le Bizet et le Pigeon voyageur que l'on lrouve dans beaucoup de stations sont d'origine européenne. On en voit parfois chez les indigènes, mais c'est là une exception. Leur acclimatement s’est fait facilement, ils sont restés très proli- fiques, mais ont perdu toule habitude de s'éloigner du pigeonnier. D'aucuns prétendent que la présence de nombreux Oiseaux de proie a été la cause efficiente de ce changement dans leurs mœurs et, à vrai dire, nous n’en voyons guêre d'autre qui puisse le justifier. Toujours est-il que leur vie se passe entre le toit des habitations et le pigeonnier; il est excessivement rare de les voir s'élever et tourner longtemps dans les airs, comme ils le font ici. Enfin rappelons les expériences de communications par pigeons voyageurs qui furent faites dans le Bas-Congo en 1888. Elles eurent un résultat satisfaisant, mais elles furent abandonnées comme offrant trop de difficultés pratiques (1). >< LA QUESTION DES PETITS OISEAUX. Une proposition de loi vient d’être déposée à la Chambre, visant la protection des petits Oiseaux. L'exposé des motifs est vraiment suggestif et donne des détails (4) Extrait du volume publié par les soins du lieutenant Masui sous le titre de Guide de la Section de l'Etat indépendant du Congo à l'Exposition de Bruxelles-Tervueren en 1897. 80 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. dont on ne se doute pas. Ainsi le comte du Périer de Larsan, auteur du projet, constate que de septembre à février une partie de son arron= dissement se couvre de lacets à un crin. Tout ce qui passe dans l'air est pris. Et c'est de cette facon qu'un calcul, fait dans quelques stations du chemin de fer traversant la partie landaise du département de la Gi- ronde, des Oiseaux tués et exportés pendant une saison, a donné le chiffre de 17,000 kilos de petits Oiseaux expédiés en messagerie par chemin de fer et 8,000 kilos par voitures, en tout 25,000 kilos. En fixant à une moyenne de 33 grammes le poids de chaque Oiseau, on arrive au chiffre de 750,000 petits Oiseaux détruits en quelques mois dans une région seulement ! Or, si on considère que les entomologistes évaluent à deux cents le nombre de larves, insectes, chenilles, chrysalides, pucerons que dévore par jour un petit Oiseau, on arrive à cette constatation que les pauvres oiselets tués auraient, dans une année, débarrassé la terre de 55 milliards d'insectes! Le Moineau, lui-même, si redoutable en tant que granivore, rend de grands services au printemps quand il est insectivore. « Si l’on compte, dit M. Pélicot, 50 millions de moineaux en France, et s'ils détruisent 4 livres de blé à 22 francs les 100 kilos, leurs dépré- dations s'élèvent à 22 millions de francs. C’est leur budget. Mais, en regard, chacun d'eux détruisant par semaine au moins 1,680 Chenilles et 360 Hannetons (en douze jours et par nichée), on arrive au chiffre très respectable de 84 billions de Chenilles dévorces en une semaine, et de 16 billions de Hannetons en douze jours pour toute la France. » Cela se compense bien ! L'Italie, l'Autriche, l'Allemagne se sont entendues pour protéger l'Oiseau. De même en Suisse. La France fera-t-elle quelque chose ? Il y a bien eu un congrès ornithologique à Paris en 1895. Mais après des séances, intéressantesd'’ailleurs, chacun est rentré chez soi. Ce qui démontre qu'il ne faut pas attendre une entente internationale et agir nous-mêmes, seuls. re n Er éso 2 MONA DACCLTAT D DE FRANCE te _ (Revue des Sciences naturelles appliquées) à —— ou 45° ANNÉE Si : Æ Là FREE ne Es MARS 1898 La commission de Publication lavenir ë 4 j Ts à re SOMMAIRE g Le LONANO CINE 81 LU ROGERON. — L'albinisme et le mélanisme chez le Canard sauvage, .. s.... 87 Die Essais d'acclimatation en Indo-Chine..........,...,.....,.......... 97 2 Evtraits et Analyses. El 5 ent de pisciculture d'Ancourt {Seine-Inférieure) . .....,...,........e..ses 101 or umon de Californie à l'Ecole de viticulture de Éne Extrait d’une note de M. J. ES VOIRIN, professeur à l'Ecole. .......... ED CE DO OO AO El TO D 104 Ce de Székély. Expériences faites par E. J OUZIER, ingénieur agronome, professeur | à HÉblonatonalerde RENDBS: ses. ces ces oise so ae seen een of 0e » » 0 4 se 0 108 n R Canard (Holothyrus coccinella Gervais) Saone nacre 112 Ë ce un contrat nouveau passé avec l'imprimeur ont d ocièté ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions s par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. Ccessa sné ——— 0 MCD ————— t le service du BULLETIN. paration d Un numéro 2 francs : pour les membres de la Société 4 fr. 50 AU SIÈGE ve: . SOCIÉTÉ NATIONALE D’'ACCLIMATATION DE FRANCE PRES 41, RUE DE LILLE, 41 pe. se oi ie. PARIS dei ET KA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE FIUTCE Le Bulletin paraît tous pe mois. * DÉSINFECTANT ANTISEPTIQUE Le seul joignant à son Efficacité, Scientifiguement démontrée, $ l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Corrosif. Hémostatique et Styptique puissant. 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L'ensemble du plumage est vert tendre. Le bec est d’un jaune vieil ivoire, la membrane qui en forme la base et qui constitue son appareil nasal est bleue chez le mâle adulte et chez la femelle, d’un brun que l'approche de la ponte rend de plus en plus foncé. Disons en passant que les femelles étant toujours plus chères que les mâles, et que la seule différence étant dans la couleur du nez, les marchands peu scrupuleux font des fe- melles avec des mâles en humectant à ceux-ci l’appareil nasal et en le brunissant au crayon de nitrate d'argent. — La tête, la gorge et les joues sont jaunes, une tache d’un beau bleu agrémente celle-ci, au-dessus, quelques petits points noirs forment comme ses satellites. La nuque et le cou sont vert jaunâtre finement zébré de noir. Le dos est également vert jaunâtre, les ailes sont marbrées de noir. Le dessus du corps est vert pomme, la queue est composée de plumes bleues et jaunes qui s’étagent en forme d’éventail. La patte courte est, chez l'Oiseau importé, d'un bleu ardoise très ca= ractéristique, tandis que chez les sujets nés en Europe elle est gris rosé, et blanche chez les dégénérés. Les jeunes su- jets sont d’un vert plus tendre, les ondulations sont moins accentuées, la tête est zébrée de raies vertes et jaunes, le bec est rosé, les sexes sont donc dans le jeune âge très diffi- ciles à distinguer. L'Ondulée, comme tous les Oiseaux d’Aus- (1) Communication faite à la séance générale du 11 mars 1898. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 7. 82 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. tralie, est très rustique et s’acclimate bien dans l’Europe cen- trale. Les meilleures et les plus recherchées sont celles qui sont nées en France d'Oiseaux réellement importés, mais ce sont là des sujets assez rares. La reproduction de Per- ruches importées ne s'obtient pas en effet aussi facilement que l’on pourrait bien le croire. Le long voyage qu’elles ont à su- bir dans des conditions déplorables, à bord des voiliers, fait qu'à l’arrivée elles sont en fort mauvais état. Il y a parmi ces captifs des vieux sujets qui constituent une perte sèche, car ils ne tardent pas à périr, et parmi les jeunes beaucoup ne « peuvent arriver à se remettre de la traversée. Quand on est arrivé à sauver quelques couples, la plus grande difficulté n’est pas résolue. Notre saison d’hiver correspondant à leur saison d'été, ces Oiseaux demandent à reproduire dans les mois les plus froids de l’année, et c’est ce qu'il faut éviter à tout prix, car ils s’épuiseraient ainsi inutilement. Il ne faut donc laisser en volière les Perruches importées que l'on a réussi à acclimater qu’au printemps, et empêcher l'hiver toute velléité de reproduction en les tenant en cage et même en séparant les sexes. Supposons donc l'amateur en possession de quelques bons couples bien acclimatés ou issus d’importés, et le printemps venu, la première chose à faire est de les installer. La meil- leure exposition est celle du levant. Les Oiseaux ont ainsi les premiers rayons du soleil pour se réchauffer de l’engourdis- sement de la nuit et ils sont à l’abri des ardeurs du midi. Pour dix à douze couples d'Ondulées il faut un emplacement de 6 mètres carrés. L'endroit étant choisi, de préférence contre un mur bien exposé, on défoncera le sol sur toute la surface que devra occuper la volière à environ 0,30 centi- mètres de profondeur. Dans le fond, bien aplani, on placera un grillage à mailles assez fines pour que les Souris, qui gâächent et salissent la nourriture, ne puissent s’introduire par le sol, puis on montera sur ce grillage les petits murs qui doivent former le soubassement destiné à recevoir les trois parties de l'installation, c'est-à-dire l'abri complet, le demi-abri et l’air libre. L’abri complet est une cabane ou plutôt un placard adossé au mur, large de 2 mètres, profond de 1 mètre et haut de 2,50. La façade, qui sera mobile pour que l’on puisse l’en- lever l'été, est percée au milieu d’une porte et de deux LA PERRUCHE ONDULÉE. 83 petites baies vitrées pour éclairer l’intérieur. Au-dessus de la porte, tout le long de la facade, on percera des trous de 0,03 centimètres de diamètre. Au-dessus de ces trous, for- mant étagère, on clouera une petite tablette pour que les Perruches puissent y séjourner, ce sera leur balcon. Le demi-abri est constitué par le toit qui avance d’un mètre, les côtés au lieu d'être en planches comme dans l’abri complet sont en grillage. La Perruche ondulée ayant souvent la dé- plorable habitude de dormir accrochée au grillage, il sera utile pour éviter les invalides de clouer deux grillages sur les poteaux formant le bâti qui devront avoir au moins 0,05 centimètres d'épaisseur. Le premier, de la même maille que celui qui a été enfoui dans le sol, sera placé sur la face intérieure des poteaux, le second, à maille plus large sur la face extérieure. Ces gril- lages étant ainsi écartés de toute l'épaisseur des poteaux, empêécheront les Chats de dévorer les pattes des Perruches imprudentes. Il suffira pour terminer l'installation de ména- ger une porte assez basse dont le bout de la partie à air libre, puis de remettre de la terre dans cette partie et du sable dans les autres Dans la partie à air libre, qui sera le jardin de ces intéressants pensionnaires, on aura soin de planter quelques Thuyas, car les Perruches aiment beaucoup cet arbuste, et il sera nécessaire de les remplacer tous les ans. I1 ne reste plus qu’à placer les perchoiïirs et les büûches. Celles que l’on trouve chez les marchands ne conviennent pas. La büche pour être acceptée par la Perruche devra lui inspirer confiance, et c’est par sa forme, son volume et la facon dont sera placé le trou d'entrée que l’on arrivera à donner à l'Oiseau l'illusion de la sécurité. Les büches devront avoir, dimensions prises à l’intérieur : profondeur 0,28 centi- mètres, diamètre 0,19. Le trou d'entrée de 0,03 de diamètre sera percé à 0,05 du sommet et à 0,20 du fond. La partie su- périeure sera fermée par un couvercle attaché à la büche par un clou fixé dans un coin, de façon qu’on puisse le tour ner. Ce couvercle ne devra pas fermer hermétiquement afin de laisser échapper la buée qui se dégage des jeunes en moi- teur. Quelques amateurs conseillent de mettre deux büches par couple. L'expérience m'ayant démontré que presque ja- mais les couples ne changent de nid, c'est une dépense inu- tile. Les premières années, je mettais deux büûches par 84 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. couple, afin de décider les femelles à pondre aussitôt que les jeunes commencent à grandir. Ces büches doubles sont toujours restées inhabitées. Les femelles préféraient pondre dans la première, même avant le départ des jeunes, ce qui fait que ceux-ci commençaient à couver les œufs ayant que la ponte ne füt complète C’est ce qui explique pourquoi dans les nichées il y a des jeunes à peine emplumés alors que les ainés commencent quelquefois à sortir, ce qui n'arrive qu’au moment où ils sont grands comme père et mère. On place les büches sous l’abri complet et quelques-unes sous le demi-abri à hauteur convenable pour que l’on puisse facile- ment les décrocher pour les visiter et les nettoyer après chaque couvée, ce qui est indispensable. La visite des nids n’a aucun inconvénient, l'Ondulée n’abandonnant jamais sa famille, et cela permet de surveiller les couvées, d'enlever et de remplacer les femelles qui vien- draient à mourir sur leurs œufs. Ce dernier point est très important, car il faut veiller avec soin à ce qu'il y ait tou- jours autant de femelles que de mâles pour que la bonne entente règne entre toutes les couvées. La voïière terminée, meublée et les grands froids passés, il ne reste plus qu’à là- cher les Perruches et à songer à leur alimentation en vue d'une bonne reproduction. On nourrit la Perruche ondulée de Millet, d'Alpiste et de Mouron; mais avec cet ordinaire, la captivité aidant,on a vite des sujets anémiés et des générations de dégénérés. Ce sont d’abord les grandes plumes des ailes et de la queue qui manquent aux jeunes ou qui sont coupées par les parents, probablement pour en sucer le sang ; puis peu à peu arrive la calvitie complète. Dans le premier cas on peut encore tirer parti des jeunes, qui, sous le nom de trognons, trouvent pre- neurs, parce qu'ils servent aux marchands à tromper les amateurs peu connaisseurs à la recherche d’Oiseaux nés en France, en leur assurant que les plumes pousseront ce qui n'arrive jamais. Quand les jeunes sont complètement déplu- més il n'y a qu'à les tuer et ce n’est pas chose facile, car ils ont la vie extrêmement dure. J'ai remarqué que, plus la dégénérescence était accentuée, plus nombreux étaient les jeunes. Il faut croire que dans cette espèce les facultés prolifiques sont en raison inverse de la qualité physique des sujets. LA PERRUCHE ONDULÉE. 83 Pour obtenir de beaux produits, il ne faut donc pas se con- tenter de leur distribuer du Millet et de l’Alpiste, car si en captivité la Perruche ondulée se contente de graines il n’en est pas de même en liberté. — Les gros spécimens de cet ordre sont omnivores et font dans leurs pays des dégâts par- fois considérables. — Au moment des nichées les grosses es- pèces n'hésitent pas, en effet, à s’abattre sur les troupeaux de Moutons et solidement accrochés dans la toison de leurs victimes ils frappent avec leur bec terrible sur la tête de ces animaux jusqu'à ce qu'ils aient fait un trou suffisant pour vider complètement la boite cranienne. Les petits Perroquets comme l’Ondulée profitent de ce carnage et viennent manger les restes. J’ai observé le fait dans mes volières. J’ai surpris plusieurs fois des Ondulées accrochées sur le dos de Colins de Californie et cherchant à leur défoncer la tête; mais comme le Colin est un oiseau très remuant, l'instabilité fai- sait perdre aux Perruches leurs moyens d'action, et les petits Gallinacés s’en débarrassaient assez bien. L'Ondulée a donc besoin d’une nourriture animalisée, mais laquelle? La cer- velle de Mouton se présente naturellement à notre esprit, mais outre qu’il faut la leur servir très fraiche pour qu’elles daignent y goûter, c’est un aliment cher, qui se corrompt ra- pidement, et n’est pas sans danger. Après bien des essais et des expériences de plusieurs années, j'ai été amené à sup- poser que c'était l'acide phosphorique de la cervelle qui était l’aliment indispensable à la Perruche ; et les résultats surpre- nants que j'ai obtenus en leur offrant une pâtée azotée, où le phosphate de chaux rendu assimilable entrait dans une cer- taine proportion, mont prouvé jusqu à l'évidence que je ne m'étais pas trompé. En fournissant à l'Ondulée, en plus des graines ordinaires, les éléments toniques dont je viens de parler on obtiendra d'elle tout ce que l’on voudra. De février à novembre les couvées se succèderont dans les bûches sans interruption et on aura la satisfaction, tout en observant les mœurs si intéressantes de cet Oiseau, d’avoir des jeunes nom- breux et aussi vigoureux que s'ils étaient nés en liberté. La Perruche ondulée, une fois acclimatée et bien nourrie, est rarement malade. C’est la congestion causée par la trop grande chaleur qui, si on n’y prend garde, fait le plus de vic- times. Comme cet Oiseau ne se baigne qu’en se plaçant sous la pluie, il importe l'été, où les jours pluvieux sont rares, de 86 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. lui fournir de temps en temps son bain privilégié, soit au moyen d'un jet d'eau soit avec un arrosoir muni d'une pomme. Quelques sujets et, plus particulièrement, les fe- melles mal nourries, qui se laissent aller à ronger les ailes et les pattes de leurs petits, sunt parfois atteints de cécité com- plète. Je n'ai pu diagnostiquer ce mal, mais j'en ai trouvé le remède. Quand on trouve un Oiseau dans cet état, paupières fermées et soudées ensemble, joues déplumées, il suffit de lui badigeonner le tour des paupières avec de la teinture d'iode en prenant bien garde d'en mettre sur la suture qui les joint, et de placer le malade à l'infirmerie. Au bout de deux ou trois applications d'iode, il se forme des croûtes qui tombent, les paupières se rouvrent, et l'œil reprend bientôt son état normal. Les femelles périssent aussi au moment de la ponte, faute de soins. Quand on s'aperçoit, quelques jours après l'accouplement, qu’une femelle fait le gros dos, il y a neuf chances sur dix pour que ce malaise soit causé par l'arrêt de l'œuf. Après s’en être assuré, il suffit d'humecter d'huile la partie souffrante et de maintenir la malade quelques minutes au- dessus de la vapeur d’eau, puis de la placer dans une petite cage. Au bout de deux ou trois heures on y trouvera l'œuf, objet de l'accident. L'élevage de l'Ondulée donne lieu à un commerce impor- tant. Des grandes Perrucheries se livrent à cette industrie, qui était assez remunératrice il y a une quinzaine d'années, époque à laquelle ces Oiseaux valaient encore 10 à 15 francs le couple. Les prix actuels de 5 fr. le couple, payant à peine les frais de nourriture, beaucoup d'amateurs ont abandonné cet élevage. Il existe parait-il deux variétés d'Ondulées, la jaune et la bleue. J'ai eu l’occasion de posséder des jaunes qui s'obtiennent en sélectionnant les sujets jaunâtres que l'on trouve quelquefois dans les couvées ordinaires et dont la cause est de l’albinisme. Quant à la variété bleue annoncée par nos voisins les Belges, je n’ai jamais pu en voir un seul sujet et je crois, jus- qu'à preuve du contraire, que c'est une autre espèce et non une variété de l'Ondulée. 87 L'ALBINISME ET LE MÉLANISME CHEZ LE CANARD SAUVAGE //ANAS BOSCHAS) (1) par Gabriel ROGERON. La domesticité est, on sait, une cause d’albinisme et de mélanisme chez les animaux ; il n’est point d'espèce depuis longtemps domestiquée qui ait pu échapper à cette loi. Cependant tous les individus dans chaque espèce n’y sont pas soumis, beaucoup s’y soustraient continuant à porter la livrée primitive (2), tandis que les autres sont plus ou moins atteints d’albinisme ou de mélanisme au point de devenir entièrement de l’une ou de l’autre de ces deux couleurs, qui peuvent d’ailleurs se combiner, se mélanger à l'infini entre elles et avec la couleur primitive. A l’état sauvage on retrouve cependant parfois ces mêmes modifications; mais chose singulière, elles semblent avoir lieu en raison directe du voisinage et des rapports de ces animaux avec l’homme, et, chose plus singulière encore, en raison des rapports qu'ils pourront avoir plus tard avec lui, c’est-à-dire de leur prédisposition à la domesticité. On dirait que l’homme influe sur leur coloration, et cela en proportion de ses rela- tions avec eux. Les espèces domestiques, sous la puissance directe de l’homme et, par là même, en relations perpétuelles avec lui, sont, en effet, je le repète, toutes sans exceptions soumises à l’albinisme ou au mélanisme. Maïs certaines de celles qui, bien que sauvages et parfaitement indépendantes, l'approchent de très près, ne sont pas exemptes de cette influence et offrent des cas hien plus fréquents de ces sortes d’aberrations que celles qui vivent en dehors de sa sphère et loin de son voisinage. Ainsi, sans parler des Souris et Rats blancs, le Moineau qui bien que parfaitement indépendant, approche de très près (1) Mémoire lu au Congrès des Sociétés savantes le 23 avril 1897. (2) Avec des nuances cependant presque toujours affaiblies. 88 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. l'homme et vit souvent de sa nourriture (1) est fréquemment atteint d’albinisme, au moins partiel. Le Choucas habitant avec nous nos cités en présente également quelquefois des cas, et il en a fréquemment des atteintes dès qu'il se trouve à l'état de captivité; j'en ai possédé moi-même qui étaient devenus en partie gris et mélangés de blanc sur le dos, les ailes et la queue: le même fait s’est reproduit chez d’au- tres personnes, tandis que je n'ai jamais été témoin des mêmes faits, même en captivité, chez les Corneilles et les Freux qui à l'état sauvage vivent plus éloignés de nous. Enfin chez les Canards, le Canard sauvage (Anas Boschas), la souche de nos Canards domestiques, est le seul de sa nom- breuse famille à revêtir assez souvent ces couleurs blanches et noires ; et ces variations de plumage sont infiniment plus communes chez les Canards qui nous fréquentent de plus près, qui habitent pour ainsi dire parmi nous, connus en Anjou sous le nom de Canards d'Etangs, que chez les Canards sauvages de passage arrivant sans doute des régions inhabitées de l'extrême Nord. Peu de Canards d'étangs sont entièrement blancs. Dans la grande généralité des cas, cette couleur envahit seulement une partie plus ou moins étendue de leur plumage, laissant le reste avec ses nuances primitives. Il est des parties du corps plus rebelles à l’albinisme ; rarement la tête en est atteinte; aussi conserve-t-elle d'ordinaire son vert éclatant. Il er est tout autrement du bas du cou où le blanc se porte de préfé- rence, élargissant le collier chez le mäle d’une facon démesurée au point d'envahir parfois le jabot en totalité ou en partie, ainsi que tout l'avant du corps de l'oiseau. La femelle d'ail- leurs, est sujette à ces mêmes transformations de son plumage gris ou blanc. Les côtés du corps, les rémiges en tout ou partie, les plumes secondaires des ailes, peuvent également être colorées de blanc. Alors, dans ce dernier cas, le beau miroir bleu, si éclatant chezles deux sexes, se trouve décoloré complètement. À voir ces taches de blanc plus ou moins étendues suivant les individus, on dirait qu'un acide répandu sur le plumage l’a décoloré par places en laissant intacts les endroits non atteints. Cependant ce n’est pas toujours le hasard qui préside dans la distribution de ces taches, il existe (1) C’est peut-être même dans cette nourriture délicate et variée qu'il faut chercher le germe de l'albinisme. L’ALBINISME ET LE MÉLANISME CHEZ LE CANARD SAUVAGE. 89 d'ordinaire dans cette décoloration une certaine symétrie, aussi rarement un côté de l'oiseau sera différent de l’autre, et si par exemple trois ou quatre rémiges d’une aile sont blan- ches, celles correspondantes de l’autre aile le sont aussi. Quand le Canard ou la Cane doivent être entièrement blancs, ou si le blanc doit dominer dans certaines parties du corps, dès la sortie de l'œuf il est facile de prévoir la livrée future. Les jeunes canards nouvellement éclos sur le fond jaune pâle de leur duvet sont marqués de taches brunes ré- gulières qui correspondent aux parties les plus foncées de l'Oiseau emplumé (1). Si ces taches sont plus ou moins absentes, c’est qu'il sera également plus ou moins atteint d’albinisme au point de devenir parfois entièrement blanc, et le blanc correspondra toujours aux endroits où le brun aura été supprimé. Le blanc, produit de l’albinisme chez le Canard, comme du reste chez les autres oiseaux qui en sont atteints, ne se modifie jamais. Je veux dire que, si par exemple c’est un mâle, les mues qui d'ordinaire apportent tant de changement dans le plumage de cette espèce, laisseront toujours ici le blanc dans toute sa pureté, tandis que le reste du corps qui n'aura pas été atteint d’albinisme revêtira suivant les mues et les saisons les nuances habituelles, de telle sorte que le jeune canard dont le plumage gris sera maculé de plusieurs taches blanches perdra à la mue d'automne toutes ses cou- leurs hormis aux parties blanches qui ne changeront pas. Il n’en sera plus ainsi, si le blanc n’est pas le produit de l’albi- nisme, mais dela coloration naturelle des mâles revêtant leur beau plumage, comme le collier blanc faisant partie de son uniforme réglementaire qui disparaitra ou reparaîtra suivant les mues, tandis que les autres taches blanches, résultat de lPalbinisme, que sa livrée pourra porter par ailleurs, seront indélébiles. Le mélanisme chez le Canard sauvage procède de même que l’albinisme dans le premier âge. Seulement le corps du jeune Canard, au lieu d’être uniformément jaune pâle, est entièrement envahi par le noir de suie, sans qu’on puisse (1) Ainsi le dessous du corps, du cou, les côtés de la face sont jaunes, et le dessus du corps est brun coupé de jaune en quatre endroits, à la place des ailes et sur les reins au-dessus des cuisses. Sur l'œil se trouve également une tache brune oblongue ; le dessus de la tête est brun. 90 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. apercevoir la moindre trace des taches symétriques que por- tent les lamellirostres de presque toutes les espèces. Mais cette couleur ne présente pas la même intensité après le pre- mier âge que le blanc chez les albinos. Une fois que les plumes ont remplacé le duvet, le mélanisme se traduit alors par un plumage seulement un peu plus sombre chez la femelle et chez les jeunes; la tête est entièrement d’un gris foncé uniforme sans lignes blanchâtres au-dessus et au-des- sous des yeux comme chez la Cane sauvage, le reste du corps est également de couleur uniforme; il ne s’y trouve plus ces nuances plus pâles qui correspondent aux parties jaunes du jeune oiseau en duvet. Quant au miroir de l'aile, il a perdu sa couleur bleu éclatant, pour devenir entièrement d’un noir plus ou moins velouté et foncé suivant les individus. Mais là ne s’arrête pas la différence avec l’albinisme qui est toujours immuable quels que soient le sexe et la saison. Aïnsi le mâle, à la seconde mue, revétira le beau plumage de sa race, mais néanmoins avec de notables changements. Il aura la tête et le cou verts, le corps cendré, le dos et le croupion noirs, seule- ment il lui manquera plusieurs pièces de l’uniforme régle- mentaire : le collier blanc, le plastron marron et le miroir bleu. Le marron du jabot aura été remplacé par le cendré, lequel à envahi toute la partie antérieure du corps pour se souder directement au vert du cou et absorber également le petit collier blanc; le miroir bleu de l’aile continuera à être remplacé par du noir velouté. On rencontre fréquemment sur nos marchés ces Canards atteints de mélanisme. La plupart proviennent, de même que ceux atteints d’albinisme, de nos étangs et marais où ils sont d'ordinaire sédentaires. Mais ces cas d’albinisme et de mélanisme, beaucoup plus fréquents chez nos Canards d'étangs que chez les Canards de passage, deviennent encore infiniment plus nombreux dès qu'on les possède à l’état de captivité (1),même si ces Canards apprivoisés appartiennent aux plus pures races de passage, ainsi que je vais chercher à le démontrer par quelques exem- ples qui me sont personnels. Le premier cas d’albinisme qui s’est produit chez moi n’a- vait pas néanmoins eu lieu parmi des Canards de bien pure race; plus tard il en fut autrement. Mais il me semble plus naturel de procéder suivant l’ordre des dates. (1) Ou même simplement apprivoisés et jouissant de leurs ailes. —. Ex. L’ALBINISME ET LE MÉLANISME CHEZ LE CANARD SAUVAGE. 94 Je possédais alors plusieurs couples de ces Canards connus en Anjou sous le nom de Canards de chasse ou d’appel, oiseaux domestiques d’une race très près de la sauvage, dont se servent nos chasseurs de profession, très nombreux chez nous l'hiver en raison des cours d’eau et rivières sillonnant notre région en tous sens. Ces sortes de Canards, vivant à l'état libre dans nos marais une grande partie de l’année, contractent, en effet, de temps à autre avec les Sauvages des alliances qui les rapprochent constamment du type, de même les chasseurs, par de sévères sélections, tendent au même résultat; car c’est à la condition de ressembler le plus pos- sible aux Sauvages que ces derniers, trompés eux-mêmes par ure telle similitude, s’abattent pleins de confiance près d'eux, à portée de la hutte du chasseur. Ainsi, par la grosseur, la couleur, le vol même (cette race vole également très bien), ne diffèrent-ils guère des vrais Sauvages; seul un œil exercé peut les reconnaitre à leurs formes plus lourdes, moins dis- tinguées. Je possédais donc depuis plusieurs années un certain nom- bre de ces oïseaux, qu'en ma qualité d’amateur de Canards j'avais tenu à avoir de la plus belle race, et cela sans que jamais encore, dans les couvées obtenues, il se fût produit la moindre incorrection, la moindre bigarrure ou tache blanche en leur costume gris. Maïs, un printemps, je ne fus pas peu surpris de trouver une couvée d’une jeune Cane, qui pondaït pour la première fois, parfaitement partagée en cinq canetons gris qui plus tard, en s’emplumant, prirent dans toute sa rigueur la livrée des Canards sauvages sans aucune trace de blanc, et cinq autres qui, atteints d’albinisme complet, de- vinrent de ravissants petits Canards de la taille de leurs frères et volant aussi bien qu'eux, mais entièrement d’une blancheur immaculée. Cette Cane, tant qu'elle vécut chez moi, c’est-à-dire plusieurs années, ne manqua jamais de me donner désormais des couvées à peu près également parta- gées de Canards parfaitement gris et de Canards entièrement blanes, et cela bien que je ne possédasse aucun mâle blanc et qu'il n’y en eût pas non plus dans le voisinage. Malheureuse- ment, je n’attachai pas alors toute l'importance qu’il méritait à ce fait bizarre; je me défis toujours de ces albinos cepen- dant fort jolis, sans tenter de les faire reproduire entre eux ou avec des Canards gris. 92 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Quelques années plus tard, j'avais remplacé mes Canards de chasse par des Sauvages, ou plutôt à proprement parler, je les avais transformés en vrais Sauvages, et voici comment. Je m'étais procuré un magnifique Canard sauvage de passage, blessé à la chasse, et je l’avais accouplé avec une très belle Cane d'appel. J'en avais eu des produits ayant les caractères de vrais Sauvages. Maïs afin de posséder encore une race plus pure, j’accouplai de nouveau une de ces Canes demi- sang avec le même Canard sauvage. J’en obtins alors des Canards ne laissant absolument rien à désirer comme forme, comme coloris, et pouvant lutter pour l'élégance et le plu- mage avec les plus purs Sauvages. Ces Canards me donnè- rent également les années qui suivirent plusieurs couvées d'oiseaux irréprochables comme ils étaient eux-mêmes, mais il y eut une exception ; une Cane pour sa première ponte eut une douzaine de canetons dont cinq ou six portaient la livrée des Sauvages, tandis que les autres étaient jaunes sans au- cune des taches brunes ordinaires. Malheureusement, par suite d'accidents divers, je ne pus élever aucun de ces Ca- nards et je perdis la mère elle-même dans le courant de l’année ; mais il est évident qu'une partie de la couvée eût dû être entièrement blanche comme la première fois, tandis que les autres petits eussent pris la livrée ordinaire des Sau- vages. Peut-être cet albinisme était-il dû aux croisements successifs et consanguins que j'avais imposés à mes oiseaux, peut-être aussi ces sortes de croisements sont-ils la cause générale de cette anomalie si fréquente parmi les races do- mestiques. D'après ce qui s’est passé chez moi pour ces différents cas d’albinisme, il me paraît assez naturel de penser qu’à l’origine du moins, soit en captivité, soit à l’état sauvage, l’albinisme ne doit pas être partiel mais général, étendu au corps entier de l'oiseau. Je veux dire que l’albinos n’a pas dü naïtre dans le principe taché de blanc et de gris, mais entièrement blanc (1). Les Canards entièrement blancs seraient les pre- miers produits de l’albinisme dans la pureté duquel ils ne maintiendraient pas leur postérité, étant forcés par leur ra- (4) Ou entièrement atteint de décoloration générale plus ou mnoïns prononcée, avec les nuances et dessins primitifs de plumage plus ou moins noyés dans un fond de teinte blanche ou jaune, car souvent le jaune est le produit de l’albi- nisme imparfait. L'ALBINISME ET LE MÉLANISME CHEZ LE CANARD SAUVAGE. 93 reté même de s'accoupler avec des Canards gris, et ainsi ils seraient la souche première des nombreux Canards bigarrés, lesquels se reproduiraient dans les mêmes conditions de bigarrure. C’est pour cela, je le répète, que je regrette vivement de n'avoir pas conservé mes albinos. J’eusse pu ainsi avoir sous les yeux la preuve de ces transformations présumées, en les accouplant avec des Canards gris, et voir de la sorte quels en auraient été les produits, s'ils auraient pris des deux côtés et par là même s'ils auraient été revêtus de taches des deux couleurs de leurs parents, comme je le présume. Les cas de mélanisme ont encore été plus nombreux dans mes élevages que ceux d’albinisme et de plus ils continuent à se renouveler chaque printemps. Il y a une dizaine d'années, j'avais fait venir du Jardin d’Acclimatation une fort belle Cane sauvage que j'accouplai avec un Canard sauvage, très beau également, lequel était non seulement sauvage de race, mais aussi de fait, car il avait été pris adulte à l’état libre et ce n'était qu'après long- temps et beaucoup de peines que j'étais parvenu à l’appri- voiser. J’eus de ce couple plusieurs couvées, mais au bout de peu d'années je perdis la femelle qui périt en me laissant, néanmoins, un certain nombre de Canes aussi belles que leur mère. Un beau jour, je ne fus pas peu surpris de voir une de ces Canes qui avait été nicher dans les prés, me ramener une douzaine de petits dont la moitié portait la livrée des jeunes Canetons ordinaires, mais dont l’autre moitié était composée de petits Canards entièrement noirs de suie, le corps, le bec, les pieds, tout était noir sans aucune tache. N'ayant point alors l'expérience de ces Canards, j’espérai longtemps que ces petits négrillons seraient bon teint et me donneraient des Canards noirs comme des Labrador. Mais quand apparurent les premières plumes ma désillusion fut grande, et je pus voir avec regret que celles-ci ne poussaient pas noires, mais bien grises, un peu plus foncées seulement que d'ordinaire. J'élevai tous ces Canards. Ceux qui dans le premier âge avaient porté la livrée commune devinrent des Canards sauvages du type le plus pur comme leurs parents ; les autres, les noirs, prirent un plumage à peu près sembla- ble, un peu plus brun cependant, mais avec ces différences 94 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. caractéristiques dont j'ai parlé plus haut, que le miroir bleu de l’aile était changé en noir et que la tête était devenue uni- formément d’un gris foncé sans aucune de ces bandes, de ces nuances plus päles correspondant d'ordinaire aux parties jaunes des jeunes en duvet et qui relèvent la tête des autres Canards, car ces nuances différentes sont comme les traits du visage ne contribuant pas peu à leur donner, surtout à la Cane, une physionomie jolie et fine, tandis qu'ici cette teinte sombre et uniforme inflige à ces sortes de Canards un air moins agréable et même un peu maussade. Je gardai une partie de ces Canards jusqu’à la seconde mue. Les femelles restèrent les mêmes, quant aux mâles, ils revétirent un costume incomplet du Canard sauvage, tête et cou d’un vert brillant, corps cendré, dos et croupion d’un noir velouté; mais plusieurs parties essentielles de l'uniforme réglementaire manquèrent. Le noir continua toujours à rem- placer le bleu du miroir de l’aile comme dans le jeune àge ; le petit collier blanc et le large plastron marron disparurent également envahis par le cendré du corps s'étendant jusqu’au vert du cou. L'année suivante, assez désireux de voir quelles sortes de produits ces Canards pouvaient me donner et si leur descen- dance persisterait dans ce mélanisme relatif, ou retournerait à l'état normal, je laissai couver une des Canes. La nichée qui était nombreuse réussit parfaitement et eut pour résultat moitié Canetons entièrement noirs et moitié ordinaires. Pen- dant ce temps-là, une autre Cane sauvage, sœur de la précé- dente, de la même couvée, mais de celles qui n'avaient pas été atteintes de mélanisme et semblait de la plus pure race, Cane à laquelle je ne songeais ni n’apportais la moindre atten- tion, m'amenait des prés où elle avait été nicher une couvée toute semblable, de même composée de noirs et de gris. Depuis ce temps-là, toutes mes Canes sauvages atteintes ou non de mélanisme (mais, il est vrai, toutes parentes) man- quent rarement de m'amener de ces couvées également ou presque également partagées de Canards entièrement noirs et de Canards sauvages ordinaires ayant toutes les appa- rences de la pure race ; car jamais aucun de ces derniers n’a eu encore la moindre trace extérieure de mélanisme, bien qu'ils en eussent eu, eux, évidemment, les germes ; si je les conservais, ils me donneraient sans doute de même une par- L’ALBINISME ET LE MÉLANISME CHEZ LE CANARD SAUVAGE. 95 tie de leurs petits dans des conditions normales, tandis que les autres seraient, au moins dans les premiers âges, abso- lument nègres. Et cette année encore le même cas s’est reproduit chez moi; tandis qu'une Cane atteinte de mélanisme me donnait neuf petits dont quatre ordinaires et cinq noirs, une autre, celle-là nullement affectée de cette singulière anomalie, fai- sait deux couvées ce printemps, dans chacune desquelles les petits étaient également partagés en noirs et en gris (1). Un fait singulier dans ces différents cas de mélanisme, c’est la façon rigoureuse avec laquelle sont triés entre eux en une même couvée les gris et les noirs, sans que les uns parti- cipent en quoi que ce soit des autres, sans que les parties brunes et jaunes de Canetons gris soient nullement noircies et se ressentent tant soit peu de la parenté des frères nègres, qui eux de leur côté restent tous d’un noir uniforme sans la moindre altération dans leur duvet, sans la moindre trace de la coloration des autres. Mais ce qui n’est pas moins bizarre, c'est l'habitude chez ces couvées de se partager en nombre de petits à peu près égal de chacune des deux sortes, car sur une couvée d’une douzaine de petits il est rare que les gris l'emportent de plus d’un ou deux sur les noirs, et réci- proquement. Bien avant que ces faits se fussent ainsi produits chez moi, j'avais observé ces sortes de Canards, ces Canes grises sans miroir bleu, et ces mâles sans miroir également ainsi que sans plastron marron. Je les rencontrais tant parmi nos Ca- nards d'appel si voisins, je l’ai dit, des Canards sauvages, que parmi les Canards d’'Élangs, mais rarement parmi les Sau- vages de passage, si ce n’est au moment des grands froids où les étangs étant gelés les Canards qui les habitent sont éga- lement obligés de se mettre en voyage. Maïs j'étais loin de me figurer que ces Canards étaient noirs dans leur enfance; ano- malie extrêmement singulière chez des palmipèdes gris, (1) Un fait curieux s’est produit à propos de cette dernière Cane que je pos- sède depuis cinq ou six ans. Elle n’a cessé, sauf ure exception, de me donner chaque année de ces couvées à peu près également partagées en Canetons nègres et Canetons ordinaires. Et voici l'exception : un printemps s’étant ac- couplée avec un Pilet, il en est résulté neuf métis que j'ai élevés et dont aucun n’a eu la moindre atteinte de mélanisme (Bulletin, février 1896. Le sang Pilet avait, semble-t-il, fait disparaître chez cette Cane toute trace de cette anomalie héréditaire, 96 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. puisque non seulement la plupart des espèces de Canards, mais d'Oies et de Bernaches, naissent tachés de couleurs plus ou moins brunes sur un fond plus pâle. J’attribuais cette lé- were différence de plumage à la domesticité, à la fréquenta- tion plus grande de nos Canards domestiques par les Sau- vages sur nos étangs. Je me rappelle même qu'autrefois un de mes parents avait reçu d’un ami pour mettre sur sa pièce d'eau trois ou quatre couples de Canards sauvages venant de l'étang de Passavant en Maine-et-Loire, et qu’en ayant aperçu parmi eux plusieurs de cette sorte, je fus mal édifié sur la pureté de leur race ; je me figurais qu'ils n'étaient pas sau- vages ou provenaient tout au moins d'un croisement avec des Canards domestiques. Ces Canards cependant, malgré leur différence de livrée, soit dans leur jeune âge où elle est plus sensible, soit à l’état adulte, sont cependant de purs Sauvages et si vraiment sau- vages malgré cela, que ce plumage, n’est, pour ainsi dire, qu'un travestissement accidentel, puisque de ces Canards, sans transition aucune et dès la première génération, peuvent naître des Canards portant le plus classique plumage de l’es- pèce. Des faits de même nature se produisent, d’ailleurs, chez d’autres Oiseaux, entre autres, les Tourterelles à collier.J’'en ai, en effet, connu un couple donnant presque alternativement des petits, couleur de leurs parents, c’est-à-dire couleur café au lait, et des petits absolument blancs. Et voici pourquoi il est fâcheux que je n’aie pas, autrefois, conservé mes albinos, non seulement pour connaître, comme je l’ai dit, leurs produits avec les Canards gris, lesquels auraient été bigarrés, je les présume, mais encore pour les croiser entre eux, afin de voir si leur albinisme était mieux fixé que chez les Canards atteints de mélanisme, ou si, au contraire, il n’était, comme chez eux, qu'accidentel ; si, en un mot, leur progéniture aurait pu revenir d’un seul coup à la couleur primitive, comme on vient de voir pour mes Canards noirs ; ce dont je doute fort, car nos Canards domestiques blancs qui n’ont pas eu, je pense, d'autre origine que les miens, se perpétuent indéfiniment dans cette même couleur. ESSAIS D'ACCLIMATATION EN INDO-CHINE (1) par PARIS. Jadis l’agriculture était appelée l’art de seconder la na- ture ; aujourd'hui j'oserais presque dire que c’est la science de lutter contre elle, contre tous les facteurs de destruction qu’elle multiplie avec une ubiquité que nous ne pouvons mal- heureusement lui opposer dans la résistance. Des maladies parasitaires surgissent spontanément sur plusieurs points du globe pour exterminer la même plante. Et il ne faut rien moins que le concours des sciences appli- quées pour chercher à tuer ces infiniment petits si terribles par le nombre. C’est le cas de l’Xemileia vastatrix qui a détruit les caféières de Ceylan et qui attaque à la fois celles de l'Amérique, de la Réunion et de Java. Quelquefois on croirait que le sol, découragé de nourrir seul une même famille, lui rationne graduellement les vivres, et tous les membres de cette famille étiolée ne donnent plus que des produits chétifs et sans qualités. C'est le cas de la plupart des produits d'Annam. Ainsi le thé, qui est de la même famille que celui d’Assam, lui est devenu inférieur, parce que l’Annamite, le voyant également croître dans les sables et les argiles et lui attri- buant une vitalité excessive, le dépouille tous les ans comme il plume ses poulets vivants, jusqu'à la carcasse. De sorte que ce précieux arbuste qui pourrait recevoir des formes gra- cieuses et fournir des feuilles délicates, si on lui conservait quelques éléments de vitalité, ressemble là-bas à une réduc- tion de bouleau sans tête. La sélection s'étant opérée, les arbustes les plus chétifs ont succombé, et les autres, devenus rustiques à ce régime, fournissent toujours des feuilles con- tenant de la théine, maïs elles sont dures et sans saveur. Il en est de même des plantes et des arbres fruitiers qui, mal soignés, privés de leurs fruits avant maturité, contrariés sans cesse dans leur évolution, donnent des produits anémiés, (1) Communication faite à la Section coloniale (séance du mois de mars). Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 8. 98 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. qui n'ont avec leurs congénères d’autres lieux, des Antilles et de Java, par exemple, qu'une similitude organique. Telles sont la Canne à sucre, le Coton, la Goyave, la Mangue, etc. Pour enrayer cette dégénérescence, comme pour résister aux invasions parasitaires, deux moyens sont à notre portée, exigeant tous deux une grande persévérance dans la re- cherche des résultats. Le premier, c’est de rendre à la plante ses qualités primitives par des soins particuliers, ce qu’on tente de faire en Annam pour le Thé. — Le second, de beau- coup préférable parce qu'il est plus radical, c'est de remplacer la famille atteinte par une congénère exotique mieux favori- sée. C’est, je crois, ce qu'on fait en France pour la vigne. Mais la plante qu’on veut acclimater ne trouve pas toujours dans son nouvel habitat les conditions d'existence qui lui sont indispensables, elle se trouve parfois soumise à de singulières endémies et produit souvent des fruits ou des rejetons ayant, dès la première année, les caractères d’étiolement de leurs congénères indigènes. Telle est, par exemple, la Tomate, qui semée de graine française, devient appétissante et grosse comme elle l’eût été en France, mais si l’on emploie ses graines pour la reproduction, elle ne donne plus que des fruits annamites à peine gros comme une noix. J'ai fait des observations analogues sur le Coton, bien que je ne présente pas l'expérience comme définitive. J'ai essayé à plusieurs reprises de semer du Coton dans différents ter- rains, les graines, qu'elles fussent de Géorgie ou d'Egypte, ne m'ont donné la seconde année que des tiges petites et char- gées d'un nembre insuffisant de gousses, comme si elles eussent été le produit d’un coton indigène. Parmi les arbres fruitiers, je citerai le Mangoustanier qui croit dans une zone étroite de la Cochinchine et de la pénin- sule malaise. J'ai semé dans mes pépinières de Café plusieurs graines de Mangoustans cochinchinois, je n’ai pu obtenir que les deux feuilles cotylédonaires, et après cet effort qui avait demandé un an, les jeunes plantes ont péri. Ces difficultés d’acclimatation proviennent non seulement de ce que les limites entre les zones tempérées et torrides ne peuvent être complètement négligées, mais souvent aussi de la présence d’un facteur morbide, dans le sol ou le climat, comme pour le Mangoustan et le Coton. Quand les végétaux que nous voulons acclimater provien- ESSAIS D’ACCLIMATATION EN INDO -CHINE. 99 nent d’un pays de latitude et de climatologie analogues, la tâche est bien plus facile et le résultat moins aléatoire. C'est ainsi que des graines de Thé que j'ai rapportées de ma visite à l’île de Java et que j'ai semées en terre d’Annam, m'ont donné des Théiers beaux et vigoureux. Des spécimens d'arbres à pain et de Sapotilliers, n’existant pas en Annam, de Jaquiers, de Goyaviers et de ces superbes Manguiers de Sourabaya, que je devais à l’obligeance du docteur Treub, directeur des vastes champs d’acclimatation de Buitenzorg, ont pris en Annam un essor qu'on ne pouvait désirer plus florissant. Lorsque je fis mes premiers essais d’acclimatation du Café, je choisis le Libéria comme étant le plus vigoureux, et partant le plus apte à résister aux maladies parasitaires. On avait fait à ce Café, et on lui fait encore, une réputation de médiocrité qu'il ne mérite pas. — C’est en jouant des coudes qu'il doit prendre sa place au marché. — J'ai récolté à Phong-Lé près de Tourane, du Café Libéria dont l’infusion a été déclarée su- périeure par de nombreux amateurs et spécialistes. à Mais pour obtenir ce résultat, il m'a fallu veiller sur l’ar- buste transplanté comme sur un jeune enfant. Le Libéria exige des soins qui diffèrent avec la météorologie de son lieu de transplantation. En général, il lui faut de la fraicheur sans excès aux racines, et une ombre légère, dans les régions comme l’Annam où la saison chaude est en même temps la saison sèche. Au Tonkin, où les pluies coïncident avec les chaleurs, le Libéria n’a pas besoin d’abri. C'est parce que ces principes ont été méconnus que les Caféiers Libéria du Jardin botanique de Hanoï, plantés dans un bas-fond et trop ombragés, ont donné des tiges élancées peu garnies de bran- ches et de fruits, et que les feuilles respirant dans une atmos- phère constamment humide, n’ont pu résister à l’Æemileia vastalrix dont cette atmosphère favorise la génération. Je dois cependant remarquer que, malgré leur emplacement défa- vorable, les Cafés Libéria étaient moins atteints que leurs similaires plus délicats, Java, Arabica, etc., mieux exposés. L'acclimatation du Caféier en Indo-Chine est une question vitale qui devrait passionner tous les chauvins de la colo- nisation, c'est une question de fortune pour la colonie et d’af- franchissement pour la métropole. Je ne crois pas encore cette acclimatation résolue au 100 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Tonkin, pour deux raisons : 1° l'atmosphère trop humide favo- rise la manifestation de l’Æemileia et rend difficile le parfait séchage de la graine; 2° la fructification n'est pas rationnelle. Lorsque j'ai visité le Jardin d'essai de Hanoï, en décembre 1896, c'est-à-dire, pendant la saison froide, les fruits des Caféiers n'étaient pas cueillis, alors qu'ils auraient dû, comme presque tous les fruits d’ailleurs, mürir pendant l'été. Les crains de Café sont généralement bons à cueillir un an après la floraison ; ils ont besoin, pour élaborer l'huile essentielle qui leur donne cet arome que nous aimons, de la plus forte action solaire. Il faut donc absolument que ces graines soient müres, au plus tard, sur le déclin de la saison chaude. Voici comment je m'explique l’irrégularité de la végétation du Caféier au Tonkin. D’après Van Delden, auteur hollandais très compétent, il faut à cet arbuste une température mini- nimum de 15° ; le thermomètre descendant à 6° au Tonkin, la végétation du Caféier s’y trouve arrêtée pour une certaine durée à chaque hivernage, et l’évolution annuelle du fruit retarde de plus en plus jusqu’à devenir tout à fait troublée. En Annam, où la mousson chasse l'humidité et où le ther- momètre ne descend pas au-dessous de 15°, je n’ai constaté aucune trace d’Æemileix, et les graines muürissent régulière- ment d'avril à juillet. L’acclimatation du Caféier y est donc un fait acquis. J'ajouterai encore un mot sur le Libéria. J’ai vu dans ce même Jardin d'essai de Hanoï, une expérience heureuse de greffage d'Arabicas sur des Libérias. L’arbuste avait la robus- tesse de l’un et ses fruits sensiblement la forme délicate de l’autre. C’est sur cet hybride que finiront par s'entendre producteurs et importateurs. Mais les premières plantations d'hybrides seront un peu longues à établir, car il faudra d’abord greffer quelques sujets, et attendre quatre ans qu'ils donnent des fruits pour en former alors une pépinière. Voilà tout ce que je puis dire sur les essais d’acclimatation que j'ai étudiés en Indo-Chine. Il y en a eu d’autres, sur la vigne et le foin notamment, mais le vague de mes observations ne me permet pas d'en faire état, car le vague est bien près du faux. = A01 EXTRAITS ET ANALYSES. L'ÉTABLISSEMENT DE PISCICULTURE D'ANCOURT (SEINE-INFÉRIEURE). Cet établissement, dont les débuts furent modestes, peut être actuel- lement considéré comme sorti de la période des lâtonnements et des dépenses pour entrer dans celle de l'exploitation industrielle. Le pro- priétaire, M. E. Duponchez, l'a installé à côté d’une importante blan- chisserie qu'il possède sur les bords de l’Eaulne, dans une ile que forme cette rivière, au milieu même du village d’Ancourt, à huit kilomètres de Dieppe. Ayant eu occasion de lire l'ouvrage de M. Larbalétrier sur la pisci- culture, M. Duponchez trouva qu'il disposait de tout le nécessaire pour tenter un essai. L'Eaulne, au régime régulier, lui offrait ses eaux limpides, et dans son jardin, ainsi que dans une prairie attenante, pouvaient être créés viviers et bassins d'élevage. 11 commenca, en 1891, par établir un vivier de 40 m. de longueur sur 4 m. de largeur et 0m80 de profondeur, creusé tout près de la rivière et mis en.communication avec elle en amont et en aval. Quand ce vivier fut terminé en mars 1892, la saison étant trop avancée pour l'achat d'œufs fécondés, il se procura des alevins de Truite, qu'il placa dans une auge du système Coste, vers la partie amont de son bassin, attendu que l’écartement des barreaux des grilles posées à l'entrée et à la sortie du bassin (écartement imposé par le service des Ponts et Chaussées) se trouvait trop grand pour empêcher les jeunes poissons de s'échapper. Malheureusement celte auge avait été instal- lée sur une sorte de glacis, afin que le courant fût plus vif; par suite d’une baisse subite survenue dans le niveau de l’eau, elle resta à sec et tous les alevins furent perdus. Ce premier déboire devait être suivi de bien d’autres. Pour la campagne 1893, M. Duponchez construit un laboratoire d’incubation, et fait éclore 30,000 œufs achetés chez différents pisci- culteurs. Il en perd plus de la moitié pendant la résorption de la vésicule vitelline, et il met les 8,000 alevins qui lui restent dans un compartiment établi dans son vivier. Mais la mauvaise chance inter- vient encore, cette fois, sous forme d’une fissure que creuse l'eau dans cet enclos, et un jour il constate qu’il n’a plus d’alevins, ni dans Son compartiment ni dans son vivier. Le résultat final de cette opéra- tion, malheureuse pour le propriétaire, fut l’empoissonnement de 102 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. l'Eaulne; car à la suite de l’accident on constata la présence d’un plus grand nombre de jeunes truites dans le voisinage. En 1894, nouvel achat d'œufs embryonnés. Toutes les précautions nécessaires sont prises pour éviter les accidents précédents; mais la fonte des neiges trouble l’eau d’alimentation du bac d’alevinage, et, malsré l'emploi de filtres à éponges, entraîne la mort de tous les jeunes poissons. Entre temps, M. Duponchez avait essayé de faire reproduire en captivité des Truites pêchées en rivière; mais probable- ment à cause du changement de milieu, celles-ci ne fournirent qu'une petile quantilé d'œufs qui, toutefois, donnèrent des sujets bien portants. Résolu à réussir à tout prix, M. Duponchez se décide, pour 1895, à faire de nouveaux aménagements. Il se fait autoriser à établir une dérivation de l’Eaulne dans son jardin, et creuse, tout auprès, un puits de 2"50 de profondeur; celui-ci lui donne une eau abondante, et ayant une température constante de 9°. Sur la dérivation, il place une roue hydraulique destinée à faire mouvoir une chaîne à godets de son invention, qui puise l’eau de la source afin d'alimenter le labora- toire d'incubation et deux rangées de bacs d’alevinage. Il achète alors 10,000 œufs embryonnés : 5,000 de Saumon de fon- taine, 2,000 de Truite arc-en-ciel ordinaire et 3,000 de Truite arc-en- ciel à ruban rouge. L'éclosion réussit à merveille; la résorption se fait avec seulement un dixième de perte; il élève ses alevins jusqu'à trois mois dans son laboratoire, puis les verse dans ses bacs d'alevinage. Au mois de septembre, il constate que beaucoup de ses poissons meu- rent. Attribuant cetie mortalité à la nourriture composée de sang de bœuf, il y substitua de la rate. 11 avait pensé juste, car, au bout d’une huitaine de jours, toute mortalité avait disparu. Les survivants ont aujourd'hui trente mois et servent de reproducteurs. En 1896, M. Duponchez achète encore 6,000 œufs, qui, traites comme les précédents, donnent encore de bons résultats. Enfin, en novembre 1897, il constatait que ses jeunes Saumons de fontaine étaient sur le point de pondre. Les œufs fécondés artificielle- ment et mis dans le laboratoire, éclosent assez bien; toutefois il se produisit un déchet plus grand que les années précédentes, fait attri- buable sans doute à la jeunesse des reproducteurs. Quoiqu'il en soit, les alevins obtenus sont aujourd'hui bien portarts et ne demandent qu’à vivre. Disons en passant que la moitié des œufs obtenus, soit 6,000, ont été expédiés à la station piscicole de Bordeaux, par l’inter- médiaire de M. Morin, pisciculteur aux Andelys. Deux mots maintenant sur les installations. Le laboratoire d’éclosion, silué à droite de la blanchisserie, rappelle un peu la disposition des serres en usage chez les horticulteurs. Après avoir descendu quelques marches, on trouve, de chaque côté d’une allée, les bacs d’éclosion disposés sur des gradins. L’eau fournie par EXTRAITS ET ANALYSES. 103 une dérivation provenant de la source mentionnée ci-dessus, est à une température sensiblement constante de 11°; elle coule de bac en bac et se brise en tombant dans une espèce d’entonnoir extérieur, qui l'amène dans la partie inférieure du bac; elle sort, du côté opposé, à la partie supérieure. Ce système est préférable au système Coste, parce qu'il renouvelle l’eau dans toute la profondeur sans nuire aux œufs. Dans un angle du laboratoire sont rangées les terrines servant à la récolte des œufs et à leur fécondation. Les jeunes alevins restent dans le laboratoire jusqu’à l’âge de trois ou quatre mois, puis sont versés dans les bacs d'élevage. Ces bacs sont disposés perpendiculairement à la dérivation du bras gauche de l Eaulne faite en 1894. Une roue hydraulique à palettes met en mouvement une pompe à godets puisant l’eau dans le puits crensé près de là. Cet appareil élévatoire très simple a été imaginé et exécuté par M. Duponchez, il est très solide et ne s’est jamais dérangé. Son débit est de 100 litres à la minute. L'eau est recue dans un petit chä- teau d’eau, d’où elle tombe en mince filet pour s’aérer; de là elle passe dans le premier bac. Une partie peut en être distraite et envoyée au laboratoire d'éclosion. Les bacs d'élevage sont placés sur deux rangées parallèles, séparées par un passage de 1 m. de large. Le bac n° 1, peu profond, est planté de cresson; son rôle est d’aérer l’eau; il est séparé du n° 2 par une brique de champ; une grille à barreaux très rapprochés permet le passage de l’eau. Tous les bacs d’élevage ont une profondeur de 150; les n°% 2, 3, 4 et 5 sont plus petits que les trois autres, car dans les premiers on met les jeunes poissons, tandis que dans les derniers sont des Truites et des Saumons pesant déjà presque le demi-kilog. Voici quel était le contenu de ces bassins au mois de juin 1897. Dans le n° 2, alevins de Saumon de fontaine et de Truite arc-en- ciel âgés de six mois; dans 3, 4 et 5, Saumons et Truites arc-en-ciel de dix-huit mois; dans le n° 6, Saumons de fontaine, reproducteurs femelles; dans le n° 7, Truites arc-en-ciel de trente mois; dans le n° 8, Saumons et Truites arc-en-ciel, reproducteurs mâles âgés de trente mois. Dans le vivier situé au fond de l'herbage sont des Truites et des Saumons qui serviront de reproducteurs en temps utile. C’est là que l'on doit mettre les poissons au sortir des bacs d'élevage, en attendant la vente. M. Duponchez nourrit ses élèves de la façon suivante : les tout jeunes recoivent des larves de Cousins, qu’on obtient en disposant des baquets remplis d’eau près de la rivière. Plus tard on leur donne de la pulpe de rate dans de petits plats de porcelaine qu’on immerge dans les bacs d’alevinage. Quand les poissons sont assez gros, cette nourriture est remplacée par des boyaux de mouton. 104 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Il est curieux de voir distribuer cette nourriture sur laquelle les poissons se jettent avidement et qu’ils dévorent en un clin d'œil. Dans l'installation de son établissement, M. Duponchez a fait tout par lui-même; il a été tour à tour architecte, terrassier, maçon. forge- ron, selon les besoins du moment. Cette installalion lui aurait coûté certainement quatre fois plus, s’il ne s'était pas ainsi chargé de la main-d'œuvre. Pendant la nuit tous les bacs d’alevinage sont fermés par des barreaux en fer forgé, et, pour défendre ses poissons contre les maraudeurs, il a inventé des disposilifs qui, au moyen de fils élec- triques, relient son vivier à sa maison d'habitation. La nuit, dans l'obscurité, il serait difficile de passer près du bassin sans déranger un des fils et sans mettre la sonnerie en mouvement. Il faudrait d’ail- leurs, pour arriver au vivier, franchir une palissade de 2 mètres. La propreté étant une condilion indispensable du succès en pisci- culture, rien n'a été ménagé sous ce rapport. Des grillages super- posés empêchent les moindres détritus de pénétrer dans les bacs d’ale- vinage. Le nettoyage de ces grilles demande une surveillance conti- nuelle, afin que le courant de l’eau d'alimentation ne soit pas gèné. Pour enlever les déjections, les poissons morts ou pour prendre un alevin au fond des bacs, M. Duponchez a inventé un instrument spé- cial. C’est une sorte de grande pipelte en cuivre, dent le réservoir, qui peut contenir 3 litres environ, se prolonge, à la partie inférieure, par un tube recourbé, de 2 centim. de diamètre et long de 50 centim. environ; et à la partie supérieure, par un tube droit de même dia- mètre et d’une longueur de 2 mètres, qui forme le manche : on bouche avec l’index l'extrémité supérieure de ce tube, et l’on plonge dans l’eau l'appareil! qu’on approche des détritus à enlever: et il suffit de soulever légèrement le doigt pour que l’eau, se précipitant dans la pipette, les y entraîne avec elle. >< LE SAUMON DE CALIFORNIE A L'ÉCOLE DE VITICULTURE DE BEAUNE. Extrait d’une note de M. J. Vorrix, professeur à l’École. Il a élé beaucoup question, dans ces dernières années, du Saumon de Californie, ou Saumon quinnat du Pacifique. Cette espèce, qui semble atteindre des dimensions plus fortes que le Szlmo salar du bassin de l'Atlantique Nord, présente l'avantage de frayer très tôt, c’est-à-dire aux environs du mois d'août. A la fin de l’année dernière, arrivèrent d'Amérique, par les soins de la Société nationale d’Acclimatation, 100,000 œufs embryonnés de ce Saumon. L'Ecole de viticulture de Beaune ayant eu la bonne fortune EXTRAITS ET ANALYSES. 105 d'en obtenir environ 10,000, nous fûmes à même de suivre de près le développement de ce Poisson. Les œufs dont il s’agit parvinrent à l’École de Beaune le 31 décem- bre 1896 en parfait état, dans ue boîte à double paroi, suivant le mode d'emballage adopté par la Société d’Acclimatation. Ils étaient d'une grosseur remarquable, et l’on y pouvait reconnaître les deux points noirs formés par les yeux de l’embryon paraissant à travers l'enveloppe de l’œuf. Mis en incubation immédiatement, leur éclosion commenca le 5 janvier 1897 pour se terminer le 26. La mortalité n’a- vait pas dépassé 2 °/. En effet, le nombre des œufs envoyés était exactement de 9,750, desquels il faut défalquer 120 morts et 223 qui ont péri pendant l’incubation, ce qui donne un chiffre final de 9,407. Afin d'essayer de nous rendre compte de l'influence de la tempéra- ture sur l’éclosion, nous avons noté soigneusement chaque jour la température de l’eau ainsi que le nombre d’éclosions, et voici les chiffres que nous avons pu recueillir : Température Nombre. Température Nombre DATE. de l'eau. d'éclosions. DATE. de l'eau. d’éclosions. SAME: 0 10° 150 lENanvien ere 5,9 1950 GT ENTER 9° 92 Pr ER ARS 5,5 500 si —= } 650000 8° 200 18 1 Non 5000 6,5 200 ON TS CCE 10° 400 l'OMC 8,» 400 Eee 110 500 DONNE Re 100 500 10 = coco 0e 9,5 400 21 NT 00 eue 10° 990 ILES TRE RRSE 12,5 500 DD) RE NES 8° 500 12 RES ERER 8,5 500 PAP CLOS UDC 14° 1083 NS 2 Lee 90 600 Ce 15° 1582 JEU ARE 5.5 200 DOE Ie re eee 10° 500 15! LE ee 6,5 400 Ces chiffres, tout en n'ayant qu’une importance relative, mettent cependant bien en évidence l'influence de la température de l’eau sur l’éclosion. On remarque, en effet, entre autres chiffres, que le 14, à la température de 5°,5, il n'y a que 200 alevins d'éclos, tandis que, la veille, avec 9°, il y en a eu 600, et le 24, avec 15°, 1,500. Comme résultat final, nous avions donc, dans notre laboratoire d'incubation, à peu près 9,400 alevins, qui, à l'âge de quatre se- maines, avaient complètement résorbé la vésicule. Dès lors, il fallait songer à la dissémination. Aprés en avoir donné environ 4,000 à des personnes qui s'étaient inscrites pour en recevoir et chez lesquelles nous savions que les soins ne leur manqueraient pas, il nous en restait 6,000, que nous offrîmes à la ville de Beaune. Ce choix avait le double avantage de les conserver près de nous et, 106 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. par conséquent, de nous permettre d'en suivre plus facilement le dé- veloppement. En effet, la ville fit aussitôt construire, sur les bords du lac de la Bouzaise. à proximité de notre laboratoire, un réservoir d'une surface de 14 mètres environ. Les alevins y furent mis le 4 mai 1897. On les nourrissait avec du sang caillé et un peu de pain. L'eau, sans être courante, s'y renouvelait toutes les six heures environ. Pour rendre l'expérience plus concluante et voir si, comme on le prétend, le Saumon de (Californie peut vivre en eau close, nous en avons réservé une trentaine, qui furent mis dans un réservoir situé à l'intérieur de l'École. Ce réservoir n'est qu’une sorte de cuve macon- née, servant d'abri aux fleurs en hiver et de bassin pour l’arrosage en été- Il mesure 6 mètres de long sur ? de large et 1”50 de profondeur. L'eau n'y est renouvelée qu'à de rares intervalles, et sa température, en été, atteint 25°. Les alevins y furent placés le 4 mai. Leur nourriture consistait en débris de cuisine, hachés finement, qu'on leur jetait tous les matins. Le 3 juillet, voulant savoir ce qu'ils étaient devenus, on fut obligé de vider le réservoir. A notre grand étonnemennt, on retrouva 26 Sau- mons d’un poids variant de 14 à 25 grammes et d’une taille de 6 à 11 centimètres. Aprés constatation du résultat, les poissons furent remis soigneusement dans le réservoir et nourris comme précédem- ment. Enfin. le 16 octobre. on vida de nouveau. et l'on retrouva de fort beaux Poissons, dont le plus grand avait 20°/245 et pesait 124 srammes, et le plus petit 14°/°7 et un poids de 62 grammes. Si nous prenons les moyennes, nous arrivons aux chiffres suivants : Du 1% au 3° mois, le poids moyen a été de 19 gr. 5, et la taille moyenne de 85. Du 3° an 6° mois, ces moyennes atteignent 93 grammes pour le poids, ei 17°=5 pour la taille. Ces chiffres montrent que la croissance est proportionnellement plus rapide dans la seconde période que dans la première. Ce qui donne- rait à penser que le Poisson éprouve une sorte de difficulté à franchir celie première période, au delà de laquelle il croît rapidement et se montre robuste, tandis que, tout d’abord, la mortalité est quelquefois effrayante, malgré tous les soins et toutes les précautions. Pour faciliter la comparaison, nous avons voulu donner à chaque période de croissance un coefficient en prenant comme base l'unité : Âre PÉRIODE 2+ PÉRIODE (de 1 à 3 mois). (de 3 à 6 mois). Taille... 2 22e j! 2 POIRS -& SPRL ail 4,08 Pendant que nous poursuivions ces expériences à l’École d’Agricul- ture, nous suivions avec autant d'intérêt les Saumons conservés dans EXTRAITS ET ANALYSES. 107 le réservoir de la ville de Beaune, c'est-à-dire en eau courante. Leur développement était loin d’être aussi rapide. En effet, le 3 juillet, vérification du poids et de la taille étant faite, nous avons obtenu un maximum de 10 grammes pour le poids et de 6°M5 pour la taille, et un minimum de 6 à 7 grammes de poids pour 4 centimètres de taille. Au 16 octobre (époque de la pêche des Saumons du réservoir de l'École), le poids atteignait un maximum de 64 grammes avec 38 grammes pour minimum et respectivement des maxima et des minima de 155 et 6°" pour la taille. Ce qui, en résumé, donne des moyennes de 51 grammes pour le poids et de 10°"7 pour la taille. Etablissons de même que précédemment les coefficients de croissance, et nous obtenons : Âre PÉRIODE 2° PÉRIODE (de 1 à 3 mois). (de 3 à 6 mois). RAI er eee ] 2,05 Bold ete se ere jl 2 Le tableau suivant met en regard les coefficients de croissance des ‘Saumons élevés, les uns en eau fermée, les autres en eau courante : EAU COURANTE. EAU FERMÉE. PÉRIODES. ne Te Taille. Poids. Taille. Poids. 1° période (de 1 à 3 mois... il 1 1 il 2e période [de 3 à 6 mois... 2,05 2 2 4,08 D’après ces chiffres, le Saumon quinnat paraîtrait croître plus rapi- dement en eau fermée qu’en eau courante. Nous avons résolu de pousser plus loin l'expérience. A cette fin, il s'agissait de prendre des Saumonneaux des deux catégories précédentes et de les mettre les uns en eau fermée, les autres en eau courante. Pour cela, d'un côté, il a été mis dans la source de la Bouzaise et dans le lac environ 500 jeunes Saumons, et d'autre part, 1,500 autres ont été jetés dans un réservoir que la ville de Beaune a bien voulu louer d’après nos conseils. Ce réservoir a 15 mètres de long, 8 mètres de large et 120 de profondeur. Le fond, tres légèrement vaseux, abonde en Crevettes (Gammarus) et autres Crustacés qui fourniront une nourriture abondante aux Poissons. Au mois de mars 1898, il sera procédé à la pêche dans le lac et le réservoir, et il sera alors facile de se rendre compte des résultats et de voir s’ils confirment les premiers. X< 108 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. LE MaAÏïS DE SZÉRÉLY. Expériences faites par E. Jouzier, ingénieur-agronome, professeur à l'Ecole nationale de Rennes (|). Ce Maïs nous vient des environs de Udvarhély, en Hongrie. Voici comment il nous est présenté par M. Arpad de Saint-Kirally qui le cultive sur ses domaines. Ce Maïs est, de toutes les variétés agricoles, celle dont la maturité est la plus précoce ; sa végétation est si rapide que dans des cultures d'expériences faites par la Société d'agriculture, dans le Comitat de Bihar, on a pu obtenir deux récoltes parveaues à l’état de maturité : un premier semis effectué le 14 avril donnait une récolte mûre et qui a pu être présentée le 16 juillet à l'exposition de Grand Varadin; une seconde récolte ensemencée ce même jour était présentée le 6 octobre, déja mûre, à l'exposition de Csabaer. Le Maïs de Székely, le plus précoce de tous les maïs, s'était donc reproduit deux fois dans une seule el même année. Quant à ce que peut atteindre son abondante production, qu’il me soit seulement permis de citer ici, à ce sujet, le rapport de M. Ivan de Nagy, publié dans le journal d'agriculture le Wagyar Fold, d'où il résulte que le Maïs de Székely, dans une expérience comparative, entreprise conformément à mon instruclion, près de la forêt de Bakony, a produit 10 hectolitres de semence de première qualité sur 700 toises carrées, tandis que les Maïs hongrois n'ont produit, sur la même sur- face, que 5 hectolitres de grain de moyenne qualité à peine. Je rap- pellerai encore le rapport de l’Académie royale agricole hongroise de Altenbourg, duquel il ressort que dans les expériences qui furent faites à Altenbourg, le produit, par cadastral ioch, fut le suivant : Maïs de Székely. 2,464 kilog. ou 30 hectol. » (52 heclol. 11 par hectare) Cinquantino.... 1,713 — 21 — S0(37 — 1 — ) Pignoletto...... 1,184 — 14 — 80(25 — 70 — ) Voilà évidemment de belles promesses, et si le Maïs de Szekely est aussi productif et aussi précoce en France qu’en Hongrie, c'est une variété digne d’être propagée. En effet, sa précocité pourrait permettre de semer tard lorsqu'on craint les gelées de printemps, ou bien d'en faire une culture dérobée après fourrages de printemps, ou encore, de le cultiver plus au Nord que les variétés anciennement connues. Avec l'ensemencement hâtif, sous les climats favorables, on pourrait semer (1) Extrait du Journal de l'Agriculture. EXTRAITS ET ANALYSES. 109 plus tôt la culture suivante et profiter, pour la vente du Maïs, des hauts prix qui se présentent souvent un peu avant la récolte des grains. Enfin, sa productivilé assurerait un assez grand produit brut. Mais je viens de donner la traduction du prospectus publié en alle- mand par lequel M. Arpad de Saint-Kirally offre ses semences de Maïs. Cest dire que ses affirmalions peuvent contenir quelque chose d’exagéré. J'ai pensé qu'avant de faire connaître le maïs de Székely, il fallait en contrôler l'exactitude. Bien que les essais de culture faits dans ce but ne soient pas absolument concluants, je crois devoir en faire connaitre les résultats, ne füt-ce que pour en provoquer de nou- veaux et hâter, autant que possible, le moment où nous saurons quel parli on peut tirer en France de ce nouveau Maïs. _ Le Maïs de Székely a été cultivé en 1894 à Grand-Jouan, à la ferme- école de Puilboreau (Charente-Inférieure), à Ronsenac (Charente) et à Fontet (Gironde). À Grand-Jouan, on cultive depuis longtemps diverses variétés de Maïs, dans le champ d’études, et on obtient, avec chacune d'elles, quelques épis (peut-être 10 pour 100) qui, récoltés le plus tard possible, rentrés au grenier et suspendus avec soin, parviennent à une maturité suffisante pour fournir les semences. C’est dire que Grand-Jouan est franchement en dehors de la zone où l’on peut cultiver le Maïs prati- quement De plus, l’année 1894 a élé des plus défavorables. Après l’ensemencement du Maïs, le 7 mai, le temps a été relativement froid et pluvieux au point de retarder et de rendre difficiles les binages. Or, d'après M. Arpad de Saint-Kirally, cette opération est encore plus nécessaire pour le Maïs de Székely que pour les autres variétés. En août, la température a été de nouveau froide et tellement pluvieuse que la récolte des céréales n'a pu se faire que dans de mauvaises conditions, tandis que la moyenne des températures maxima a été de 269 8, pour le mois d'août 1893, elle n’a été que de 19° 9, soit 7 degrés de moins, pour le même mois en 1894. Depuis très longtemps on n'avait pas constaté une température anssi défavorable à la culture du Maïs. Cependant, cultivé sur environ 33 ares, le Maïs de Székely a pu être récolté, dans un état de malurité suffisant, du 22 au 26 octobre Il a produit sur cette surface 8 hectolitres de grains, soit 24 hectolitres à l’hectare. Ce rendement est bien au-dessous de celui obtenu à Altenbourg; mais dans les conditions où il a éte réalisé, il est très satisfaisant. En effet, la récolte a eu à souffrir, très fortement, du voisinage de grands Chênes plantés sur les bords du champ. Cultivé dans le champ d'expériences de Grand-Jouan, avec le Maïs quarantain, le Maïs Székely s’est montré sensiblement plus précoce que celui-ci. Enfin, dans le champ d’éludes de l’école, sa supériorité à ce point de vue s’est encore affirmée sur toutes les variétés anciennes : ensemencé quelques jou:s après le Maïs quarantain, le Maïs à bec et d’autres variétés moins précoces que celles-ci, il a müri sur place, 410 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. tandis que les autres Maïs ont dû achever de mürir en grenier. Il faut noter, d’ailleurs que les Maïs cultivés à Grand-Jouan sont soumis à une sélection naturelle qui en garantit la précocité. En effet, on ne renouvelle pas les semences fréquemment, on emploie de préférence celles qui ont été récoltées au champ d’études ; or, comme le climat est peu favorable, ce sont les sujets les plus précoces qui font souche, et on obtient bientôt des sous-variétés plus hâtives que les variétés primitives. C'est ainsi que, dans cette année, qui, je le rappelle, a été très défavorable, seul, le Maïs Caragua originaire de Grand-Jouan a donné quelques épis mûrs. Le Maïs Caragua de semence achetée n’a pas müri. Cette sélection est d'autant plus réelle que la remarque s’en est imposée au jardinier qui cultive le champ d'études. A la ferme-école de Puilboreau, également, la température a été très défavorable; aussi quelques fusées n’ont pas müûri, et, dit M. Boucasse, directeur, le grain a dû souffrir dans son développement. Malgré cela, le rendement a été de 24 hectolitres à l'hectare environ comme à Grand-Jouan. A Ronséenac, dans la Charente, le maïs de Székely a été cultivé par M. Decoux qui avait bien voulu s'engager à en observer le dévelop- pement et à en apprécier rigoureusement la production. Malheureu- sement, une grêle désastreuse, tombée dans la nuit du 26 au 27 août, en a presque complètement anéanti la récolte. Aussi ne peut-il pas être question äu rendement. Cependant, il a été possible de comparer cette variélé à la variété locale (issue du Maïs des Landes). Du Maïs du pays, semé quinze jours plus tôt que le Maïs de Székely, sur une surface triple et. à part cela, dans les mêmes conditions, a produit irois fois moins que celui-ci. Il aurait donc rendu neuf fois moins, ce que M. Decoux attribue à la plus grande précocité du Maïs de Szé- kely. Les grains étaient déjà bien formés, lors de la grêle, dans cette variété. et il a pu en müûrir beaucoup, tandis que les grains du Maïs commun n étaient pas encore développés. Enfin, un dernier essai a été fait à Fontet, par M. Séverin, élève de Grand-Jouan, qui en a dirigé la culture étant à l’école. D’un premier semis effectué le 2 mai, la récolte a été mûre et recueiliie le 20 juillet ; déjà le 10 jnillet, quelques épis étaient mûrs. Du grain de cette ré- colte, ensemencé le 20 juillet, a donné des produits mûrs le 25 sep- tembre. Enfin, le même jour, le 20 juillet, un second semis était effec- tué avec des semences de provenance directe et on en obtenait une récolte qui put être faite le 20 septembre. Déjà, le 15 septembre, soit cinquante-sept jours après l'ensemencement, quelques épis pouvaient être récollés. M. Séverin avait aussi fait faire un semis le 12 sep- tembre, avec des grains venus de Hongrie, et des épis qu’il m'a mon- trés le 11 octobre provenant de cette culture, permettaient, d'après leur développement, d'espérer voir mûrir la récolte en octobre. Mais une assez forte gelée a complètement arrêlé la végétation. EXTRAITS ET ANALYSES. A1 Sous le climat de La Réole, M. Séverin a donc obtenu : 1° D'un semis effectue le 2 mai, une récolte mûre le 20 juillet ; 2° D'un semis effectué le 20 juillet, avec des graines récoltées le même jour, une récolte recueillie le 25 septembre ; soit deux généra- tions en une seule année ; 3° Enfin, d'un semis effectué le 20 juillet, avec des graines reçues: de Hongrie, une récolte entièrement müre le 20 septembre. Malheureusement M. Séverin n’a pas rapporté à l'étendue cultivée les rendements qu'il a obtenus. En résumé, aucun des essais n’a fourni des renseignements com- plets et obtenus dans les conditions normales, et il ne m'est pas pos- sible d'affirmer la supériorité du Maïs de Székely sur les autres varié- tés. Cependant, il semble hors de doute qu'il est plus précoce que le Maïs quarantain et que sa productivité est suffisante. Des essais vont être renouvelés, en vue de s'assurer si ce sont là des faits constants. Mais déjà, dans les cultures que j'ai vues, j'ai pu faire quelques observalions. D’après l’aspect du grain de semence, il n’y avait qu'une seule variété, bien pure en apparence ; mais à la vé- gétation on constate des différences sensibles, suivant les plants, au point de vue de la hauteur, de la précocité, et surtout de la pro- ductivité. Il faut en conclure que la semence qui m'avait été fournie n’était pas bien pure, ou bien, et cela serait fort possible, que la va- riété n’est pas encore bien fixée et qu’il est nécessaire d’en poursuivre l'amélioration par une rigoureuse sélection. Peut-être, aussi, par ce moyen, arriverait-on à obtenir une variété plus fourragère que le type dominant actuel, sans, pour cela, voir diminuer la précocité. Ce serait un réel avantage. Voici comment se sont accomplies les diverses phases de la végé- tation pour deux cultures différentes : A PUILBOREAU A NOZAY (Charente-Inférieure). (Loire-Inférieure). Daletdusenmis:.2:. ue se 25 mai. 7 mai. Dalelderla levée. 2... 1 juin. 18 mai. Date de l'apparition des pre- mières panicules mâles..... 20 juillet. 29 juin. Date de l'épanouissement des premières fleurs mâles ..... 1er août. 22 juillet. Date de la maturité..... ..... 20 octobre (incomplète). 15 octobre. Ces premières expériences ont été faites il y a trois ans environ; mais M. Jouzier nous confirme aujourd’hui quil a fait cultiver depuis, en Charente, le Maïs de Székély et qu’il a obtenu la corroboration de ce quil promettait lors des premiers essais. 112 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. >< Le TouiLze-CanaARD (Æolofhyrus coccinella Gervais). + Sous le nom bizarre de Zouille-Canard, les habitants de l'île Mau- rice désignent un Acarien de grande taille (5 millimètres de long), de couleur roussâtre et entièrement cuirassé, qui n’était guère connu des spécialistes que par les courtes diagnoses qu’en donna, vers 1850, le Professeur Gervais, d'après des exemplaires trouvés dans les réserves du Museum. M. Mégnin vient d'attirer l'attention sur cette espèce qui jusqu’à aujourd'hui était passée inapercue mais contre laquelle le médecin et l’éleveur doivent être également prémunis. Le rôle pathogène du Touille-Canard n'est, en effet, un secret pour personne à l'Ile de France; «les éleveurs des Oiseaux de basse-cour le savent si bien qu'ils ont renoncé à l'élevage des Canards et des Oies dans les endroits élevés de l’île où cet Acare se trouve en très grand nombre, caché pendant le jour sous les mousses et les pierres des endroits humides, trop fréquentés malheureusement par les Oi- seaux en question que leur genre de vie expose à être généralement victimes de ces dangereux Acares, lesquels le sont même pour l’homme. Les enfants surtout sont principalement exposés à en souf- frir quand, imprudemment, ils portent, à leur bouche, leurs mains qui ont saisi ces Acares. On le trouve communément à Cuasipe et dans les lieux froids, alors que son absence est presque totale dans les endroits secs et chauds. Plusieurs cas d’empoisonnement ont eu lieu à Cuasipe, causés par l'ingestion de ces Touille-Canards qui déterminent immédiatement une inflammation grave des muqueuses. Le D' Drouin a signalé dernière- ment un Cas curieux de ce genre, sur un enfant de Cuasipe : des ædèmes de la langue et de toute la région pharyngienne menacaient les jours du patient par apoplexie; le D’ Drouin ne s’aperçut de ja cause de ces troubles qu'après avoir fait restituer au patient des frag- ments de l’Acare.» (Lettre de M. E. de Chaunoy, de Port-Louis, à M. Mégnin). Ces faits méritent d'autant plus d’être connus, que probablement cet Acare se trouve également à Madagascar. BULLETIN DE LA NOCHTE NATIONALE D'ACCIATATION DE FRANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) : 45 ANNÉE ANRT" Les SOMMAIRE “Cranres RIVIÈRE. — Les Progrès de l'Apiculture en Algérie (travaux du D' Reiser)... 113 RAVERET-WATTEL. — Sur les travaux de Pisciculture de M. Goubert à Rouen... 116 \C: CHALOT. — Sur le culture du Caoutchoutier de Céara au Congo français....... . 120 pe b Extraits des procès-verbaux des séances de la Société : he Section: Mammifères. — Séance du 24 Janvier 1898................ RE FIGE 0 À . 127 à Extraits de la Correspondance: Les Cantonnements de pêche dans la Méditerranée. — Vœux de la Société Marseillaise Le pots MOT OR EEE Re ER ONE AR TA RULES RES SEE RES R 129 La théorie et la pratique des Réserves de Pêche côtière. — Le cantonnement d'Endouma nuits dE Moss SAN R É SSP RR EEE RE DRASS EE OO 0 DE OO dr CAE FA Extraits el Analyses: : ÆEnouarD HO--FasMouche empoisennéelTsé-Tsé.. 240... et ° 137 de D ONE — Sur une Graminée du Soudan (Paspalum longiflorum)........... 143 La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. RD TE Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société À fr. 50 RER AU SIEGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET A LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE Le Bulletin paraît tous les mois. 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Goubert, membre de la Chambre de Commerce de Rouen, a fait établir, dans le jardin attenant à son hôtel de la rue Bihorel, une petite rivière artificielle qui serpente au milieu des pelouses de gazon, en formant plusieurs bras, et qui se pare, pendant la belle saison, de toute une collection de plantes aquatiques des pays chauds. La nature perméable du sol a nécessité le cimentage du lit de ce cours d’eau en minia- ture, qui ne présente pas plus de 50 à 60 centimètres d’eau - dans ses parties les plus profondes, et qui n’est alimenté que par une concession d’eau de la Ville, donnant 4": environ par vingt-quatre heures (2). Ce n’est certes pas là un milieu idéal pour la Truite, et c'est cependant ce que M. Goubert a su rendre suftisant pour élever et entretenir couramment, depuis plusieurs années, de la Truite commune, de la Truite arc-en- ciel et du Salmo fontinalis. Ce qui fait surtout l'intérêt de ce petit établissement pisci- cole, c'est qu'on y pratique toutes les opérations usitées en pisciculture : récolte, fécondation et incubation artificielles des œufs ; production de l’alevin, élevage du Poisson jusqu'à l’âge adulte. Sous un kiosque qui surmonte une petite butte, au milieu du jardin, a été installé, en sous-sol, le laboratoire renfermant les appareils d’éclosion. Sur trois de ses côtés, ce laboratoire est occupé par des bacs à parois de glaces, qui en font un très joli aquarium, où se voient des représentants de nos principales espèces de Poissons d’eau douce. D’autres bacs servent à l'élevage de l’alevin. Comme M. Goubert n'obtient généralement les éclosions qu'assez tard en saison, (1) Extrait d'une lettre lue en séance générale le 17 décembre 1897. (2) En réalité, le débit est de 3" 3 par jour, en hiver, et de 5" en été, sauf les jours d’orages, où l’on donne une plus grande chasse d’eau, soil environ 10 ou 12®%,. La température de l’eau, sortaut du compteur, est de 9° à 10° cent. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 9. 114 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. alors que la récolte des Daphnies et autres Entomostracés de- vient facile, il nourrit exclusivement ses alevins avec des proies vivantes, afin de s’épargner l'obligation fastidieuse de la préparation des nourritures artificielles, dont le moindre inconvénient est de nécessiter de très fréquents nettovages des bacs d'élevage. Pour se procurer des Daphnies en quan- tité suffisante, M. Goubert utilise tout simplement des ton- neaux semblables à ceux qui servent, dans les jardins, à emmagasiner l'eau pour l’arrosage. Chaque tonneau, ayant été rempli d’eau, reçoit un panier à claire-voie, suffisamment lesté avec quelques pierres pour aller au fond. et contenant du fumier d’écurie dont on a retiré toute la paille. Puis, le tonneau est ersemencé avec quelques Daphnies et, au bout de peu de temps, la récolte peut commencer. Tous les ans, M. Goubert élève assez d’alevins (2,000 à 3,000) pour pouvoir en distribuer à quelques personnes, tout en en conservant une certaine quantité pour lui. Dès que ces alevins sont assez forts, ils vont prendre place dans quatre petits ruisseaux d'élevage, d'environ 030 de profondeur. Les distributions de Daphnies sont alors peu à peu supprimées, pour être remplacées par de la viande de Cheval finement hachée. C'est cette même nourriture qui ! forme également la base de l'alimentation des sujets de deuxième et de troisième année, lesquels ont à leur disposi- tion les parties les plus profondes de la petite rivière, consti- tuant des bassins de 050 à 0"60 de profondeur. La contenance totale de ces bassins et des ruisseaux est d'environ 20°, dans lesquels M. Goubert peut élever de 2,000 à 3,000 alevins de première année, comme je l'ai dit ci-dessus, plus 200 ou 300 sujets de 100 à 200 grammes, et une centaine de repro- ducteurs de 250 gr. à 1 kilog. M. Goubert apporte dans toutes ses opérations piscicoies un soin qui explique le succès de ses élevages. Je puis en donner une idée en transcrivant l'extrait suivant d'une lettre qu'il m'écrivait ces jours-ci : « ... Nous savons tous que la durée de l'incubation des œufs de Salmonides est en raison directe de la température du milieu où ils se trouvent. Mais je n'ai, jusqu'à présent, vu pulle part que le nombre de degrés néces- saire à cette incubation ait été déterminé. » Or, depuis quelques années, en me servant du même thermomètre, j'ai relevé chaque jour, entre neuf heures et ; ‘ É | # # J TRAVAUX DE PISCICULTURE À ROUEN. 115 dix heures du matin, la température de l’eau servant à l’in- cubation des œufs de Truites, et j'ai constaté ,en additionnant les decrés régulièrement inscrits jour par jour, que la pré- sence de l'embryon, dans les œufs de Truites arc-en-ciel, cor- respondait à environ 200 degrés, et que l’éclosion commen çcait entre 310 et 315 degrés, pour se terminer entre 340 et 390 degrés. J’ai également constaté que le nombre de jours avait varié entre 35 — 40 — 42 et 47, suivant que la tempé- rature journalière avait été plus ou moins élevée; mais que le nombre de degrés était resté le même. Ceci est le résultat de quatre années d'observations. » Pour les œufs de Truite commune, l’incubation exige un plus grand nombre de degrés; ce n’est que vers 240 degrés qu'apparait l'embryon, et vers 370 ou 380 degrés que com- mence l’éclosion. » M. Goubert compte poursuivre des observations dans ce sens, en y apportant plus de précision encore, afin de réunir des données absolument exactes sur la question. On ne peut, certes, qu'applaudir à des travaux de ce genre, et les résultats déjà obtenus dans un semblable établissement, au milieu d'une ville, et dans des conditions relativement peu favorables, m'ont paru mériter d’être signalés à la Société d'Acclimatation. 29 novembre 1897. 416 LES PROGRÈS DE L'APICULTURE EN ALGÉRIE TRAVAUX DU D" REISSER par Charles RIVIÈRE, Délégué de la Société d’Acclimatation à Mustapha {1}. Tous ceux qui visitent l'Algérie au printemps sont tentés de lui appliquer l’exclamation d’Hérodote dans la vallée du Nil : « C’est une mer de fleurs. » Or qui dit fleurs dit Abeilles. Celles-ci, en effet, se rencontrent partout, et principalement dans les zones montagneuses, telles que la Kabylie, grande et petite. Déjà, en 1866, MM. Letourneux et Hanoteau comp- taient, dans ce qui constitue aujourd'hui l'arrondissement de Tizi-Ouzou, jusqu'à 8,480 ruches. Malheureusement la quartité de miel récoltée n’est pas en rapport avec le nombre des colonies d'Hyménoptères, et nous voyons toujours, dans nos possessions Nord-Africaines, l'importation annuelle de cette denrée osciller entre 200,000 et 250,000 kilos. Pourquoi ? Parce que l’indigène, primitif en Apiculture, comme pour tout le reste, ne sait pas exploiter l'exubérance fiorale du pays. Le sol aussi est riche, et ne rend pas assez entre ses mains. La charrue qu'il manie encore aujourd’hui, figure telle quelle sur les antiques monuments de l'Egypte. Il en est de même de sa ruche, dont nous sur-_ prenons l’image exacte sur les peintures murales des pre- miers Pharaons. Ajoutez à la défectuosité de l'outillage, l'ignorance absolue de la nature et des mœurs de nos labo- rieux Insectes, et vous comprendrez aisément les causes de notre infériorité vis-à-vis de l'étranger, et du tribut que nous payons au dehors. Cylindre en écorce de Chéne-liège ou parallélipipède en ro- seaux, la ruche indigène est trop petite, même pour la ponte de la reine, sans pouvoir être agrandie pratiquement. Et le cultivateur y porte le couteau pour en extraire miel et cire ! Les Abeilles usent leurs jours à réparer les brèches, quand {1} Communication faite dans la séance générale du 14 janvier 1898, - t f LES PROGRÈS DE L’APICULTURE EN ALGÉRIE. 147 l'année est propice, heureuses encore quand leur mère n’a pas perdu la vie sous la lame inconsciente. Dans ce dernier cas la colonie est détruite; dans l’aütre, elle produit fort peu, car, lorsque les bâtisses sont refaites, il n’y a plus rien à butiner. Et les petites populations qui résultent de ces tailles insensées en plein convain ! Et les ravages de la fausse teigne dans ces avortons de ruches, où les ouvrières ne sont plus même assez nombreuses pour veiller à la porte! Un apiculteur très érudit, M. le D: Reisser, prêche depuis quinze ans autour de lui, en territoire arabe, la réforme de ce système néfaste ;-il a écrit à ce sujet un livre spécial, tra- duit dans la langue du pays ; il a installé ou fait installer des ruchers modèles au milieu des douars : jusqu'à ce jour, le progrès est presque nul. Les quatre cinquièmes des habitants sont totalement illettrés ; l’autre cinquième ne lit pas, et, par morgue aristocratique, ne veut pas mettre la main à la pâte. Nos instituteurs Kabyles seuls — et la Sociéié d'A siculture vient de décerner à l’un d'eux une médaille d'argent — arri- veront à changer cet état de choses, en formant la nouvelle génération. Et les colons, dira-t-on ? Hélas! ici encore le tableau pré- sente des ombres. Autrefois beaucoup ne voulaient pas lire. Or un apiculteur sans aucune instruction ne comprendra rien à nos préceptes, et commettra journellement des fautes pré- judiciables à lui et à ses élèves. Beaucoup arriveraient à sa- voir ; mais ils ont tous hâte de s'enrichir, et alors, que peut bien un rucher pour gonfler la bourse? Ils se rappellent avoir vu des Abeilles chez leurs parents, sans que ceux-ci en aient retiré autre chose que des piqüres, et à peine de quoi sucrer la tisane des malades. On avait des paniers fort commoes, car ils ne demandaient pas de soin. Ignorance par-ci, non- chalance par-là, ou ce qui pis est, routine invéterée, voilà les obstacles qu'ont rencontrés ceux qui, comme le D' Reisser, ont voulu voir dans l’Apiculture une utile ressource complé- mentaire pour le colon. Ce n’est que depuis quatre ou cinq ans que l’on commence à accepter des idées plus saines. Et ne croyez pas que ce soit dans la grande masse, les néophytes se recrutant surtout parmi les propriétaires aisés, qui appliquent aux cultures les notions scientifiques, et qui ne prennent pas comme modèles les attelages taillés dans les colonnes de Karnac. 118 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Tout leur est offert à cette heure pour marcher de l'avant : Bureau de renseignements toujours ouvert, Bulletin, confé- rences, ruchers-écoles, récompenses aux concours. La pro- pagande s'étend à vue d’œil, et couvrira bientôt toute l’Algé- rie. Déjà quelques adeptes étonnent les voisins par leur foi, et s’'ingénient à faire de l'élevage des Mouches à miel une vé- ritable industrie. Les ruchers de quarante à cinquante colo- nies ne sont pas rares, nous en connaissons même un qui en abrite plus de mille. Et tout cela, cette fois, conduit métho- diquement. La ruche à cadres est seule employée ; les ruches arabes ne sont achetées qu’à l'effet de fournir des essaims. Aussi les récoltes ne se sont pas fait attendre, bonnes ou moyennes d'un côté, superbes de l’autre. Cela durera-t-il ? Oui, parce que nous n’avons pas ce qu'on appelle de mauvaises campagnes ; parce que l’hivernage, la pierre d’achoppement des éleveurs d'Europe, ne nécessite chez nous aucune atten- tion particulière ; parce que notre Abeille est d'une activité extraordinaire : parce que, enfin, il ne tient qu’à l'Apiculture d’avoir ici des fleurs toute l’année. Puis encore, quel produit délicieusement parfumé! Et quelle facilité de l’écouler sur place, puisque nous demeurons tributaires de l'étranger ! Aussi croyons-nous fermement à l'avenir apicole de l'Algérie. L'élite de la population immigrée est désormais gagnée à l’Apiculture ; le clergé, dont le chef hiérarchique n’a pas dé- daigné de s'inscrire dans notre phalange ; les instituteurs et même les institutrices, ces pionniers de la civilisation, dont une grande partie font figurer l’Apiculture rationnelle dans leur programme d’enseignement. Le Gouvernement même a tenu à encourager £e mouve- ment utile, et, de concert avec les assemblées départemen- tales élues, ne nous a pas marchandé son précieux appui. « Une ruche à chaque maison » telle est la devise qu'a prise pour l'Algérie le Dr Reïisser, de l'Oued-Fodda, à qui l’on doit le réveil de l’Apiculture dans la colonie. Ce très zélé propagandiste a prêché par la parole, par le livre, par l'exemple; il a fondé la Société d’'Apiculture algérienne, créé des ruches modèles, organisé des conférences, elc..., en un mot, par ses efforts persévérants, il a appelé l’atten- tion sur une production qui serait un sérieux appoint pour le petit colon dont la récolte est qeRRs, soumise à bien des aléas climatériques. LES PROGRÈS DE L’APICULTURE EN ALGÉRIE. 119 J'appelle tout spécialement l'attention de mes collègues de la Société d’'Acclimatation de France sur l’œuvre du D'Reis- ser. En la récompensant, la Société contribuera de la ma- nière la plus efficace au développement de l’Apiculture en Algérie. Les progrès accomplis, recevant une haute sanction, seront d'autant plus remarqués et les bons exemples servi- ront chaque jour davantage. 120 SUR LA CULTURE DU CAOUTCHOUTIER DE CÉARA (MANTHOT GLAZIOWII Muerr.) AU CONGO FRANÇAIS (1) par C. CHALOT, Directeur du Jardin d'essai de Libreville, La disparition progressive, mais qui sera à peu près com- plète dans un temps plus ou moins éloigné, des végétaux spontanés fournissant du caoutchouc, a mis au premier rang, depuis que l’on s'occupe d’une facon sérieuse de l'avenir éco- nomique de nos colonies, la question de culture et d’exploita- tion rationnelle des plantes dont le produit peut être utilisé par l'industrie. L'exemple de la Malaisie où la hache coupable 2 détruit en un demi-siècle pour ainsi dire completement l’Zsonandra gutta a déjà fait chercher un isolant qui puisse remplacer la précieuse substance pour la fabrication des cäbles sous- marins ; il ne semble point que l’on y soit parvenu. Dans l'Afrique équatoriale, la cupidité et l'ignorance des indigènes ont également fait disparaitre, et dans une grande proportion, les Landolphia des contrées accessibles, si l’on en juge d'après les quantités considérables de caoutchouc exportées dans ces vingt dernières années. Il est vrai qu'il en existe encore de nombreux peuplements dans les foréts du centre africain ; mais avec les moyens de transport rapides et peu coùteux dont dispose la civilisation moderne et la péné- tration politique et commerciale qui avance de jour en jour, il faut prévoir (car on ne peut songer, à cause des difficultés, à réglementer d'une manière efficace la récolte du caout- chouc), que les différentes plantes qui le produisent dimi- nueront d'année en année. Aussi, arriverait-on fatalement à manquer de caoutchouc, si l'on ne s’occupait dès maintenant de résoudre la question, soit en cultivant certains végétaux {1} Mémoire communiqué par M. Henri Lecomte, membre de la Société et lu à la séance générale du 28 janvier 1898. SUR LA CULTURE DU CAOUTCHOUTIER DE CÉARA. 121 indigènes, soit en introduisant des plantes exotiques recon- nues comme fournissant les meilleurs produits. Il ne faut pas croire en effet qu’une liane à caoutchouc qui a été coupée donnera deux ou trois ans après des pousses assez fortes pour être saignées à leur tour; il n’en est rien. Ce n’est guère qu’au bout d’une dizaine d’années et même davan- tage, c'est-à-dire lorsque les rejets auront atteint 0,15 à 02,20 de circonférence et plusieurs mètres de longueur qu'ils pourront fournir un rendement sérieux. Souvent la liane qui a été coupée meurt. Nous ne croyons pas que l’on ait expérimenté ailleurs que dans certains jardins coloniaux la culture des arbres à caout- chouc; en tout cas, rien n'a été publié sur les bénéfices que peuvent laisser ces cultures. C’est pourquoi il nous a paru utile de renseigner les personnes qui auraient l'intention d'entreprendre des plantations de ce genre, car en matière de culture coloniale surtout, il n’est pas prudent d'engager des capitaux dans une exploitation agricole dont les résultats sont problématiques malgré les espérances qu'elle peut faire concevoir de prime-abord et sans avoir été étudiée à fond. Dans cette notice, nous allons parler d'un arbre à caout- chouc introduit au Congo français en 1887, dont on s'occupe beaucoup depuis quelques années et qui existe à l'heure actuelle dans plusieurs colonies françaises, le Jardin d'Essai de Libreville ayant fait de nombreux envois de graines, notamment à la Martinique, en Cochinchine, à Madagascar et dans toutes les possessions françaises de la côte occidentale d'Afrique. Cet arbre, appelé Caoutchoutier de Céara, est le Manihot Glaziowii Muell, originaire de la province de Céara (Brésil). Il est cultivé à Ceylan depuis longtemps déjà et a été intro- duit en 1883 à San-Thomé, où il en existe actuellement un certain nombre de plantations. La plus importante est celle du commandeur Jacintho Carneiro de Sousa et Almeïda, sur son domaine de Porto-Alegre. Caractères botaniques. — Le Manihot Glasiowii est un arbre de la famille des Euphorbiacées, tribu des Crotonées ; il atteint de 10 à 15 mètres de hauteur. Ses racines tuber- culeuses, ressemblant à celles du Manioc commun, sont tra- cantes bien que parfois il y ait un semblant de pivot. Son 4122 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. tronc s'élève le plus souvent tres droit, principalement dans les sujets venus de graines, jusqu'à environ 1",50 du sol, hauteur à laquelle il se divise en deux ou trois branches prin- cipales. L’écorce qui a l’apparence de celle de notre Cerisier d'Europe, se détache facilement. Les feuilles alternes sont palmées, découpées en trois lobes, quelquefois cinq, entiers, obtus, légèrement acuminés ; elles sont glauques sur leur face supérieure et le pétiole brunâtre est long de 02,15 à 0m,20, les stipules sont nulles. Les fleurs, disposées en grappes, possèdent un périanthe verdätre, plissé, à quatre ou cinq divisions; une fleur femelle terminaie occupe le milieu de chaque cyme; son périanthe est fendu jusqu'au réceptacle : à l'intérieur se trouve un ovaire à trois loges surmonté d’un style terminé par trois stigmates divisés, Les fleurs mâles, en plus grand nombre, ont un périanthe divisé seulement jusqu’au milieu de la hauteur, renfermant dix étamines dont cinq longues et cinq plus courtes. L'ovaire est formé de trois coques contenant chacune une graine brune mouchetée de noir, à deux faces convexes et à arêtes médianes. À la matu- rité, le fruit s'ouvre en faisant entendre un bruit sec sem- blable à une crépitation, et les graines sont projetées sur le sol. Conditions climatériques.— À notre avis, le Caoutchoutier de Céara se développera parfaitement dans les pays où la température moyenne est de 26°; peut-être même pourrait-il s’accommoder d’une température inférieure. En ce qui con- cerne la quantité de pluie annuelle, il n’y a rien d'absolu ; au Gabon, où elle est d'environ 2",40 répartis sur une moyenne de 220 journées, le Mañnihot Glaziowii vient bien, mais seu- lement sur les pentes et dans les terrains pierreux ou très perméables. Par-dessus tout, il redoute l’excès d'humidité dans le sol. Préparation des graines. — Si le Caoutchoutier de Céara produit des graines en abondance, et cela à partir de la pre- mière année de plantation, on a cru pendant longtemps qu'il faudrait s’en tenir au bouturage comme moyen de multiplica- tion. En effet, le périsperme de la graine est entouré d'une coque tellement dure et cornée que dans les semis on consta- tait rarement des cas de germination. Aussi, au début, l'arbre fut-il propagé seulement par boutures. Mais l’on sait que les SUR LA CULTURE DU CAOUTCHOUTIER DE CÉARA. 193 boutures ne donnent jamais naissance à des plantes aussi vigoureuses que celles provenant de graines, et pour le Caout- choutier de Céara, on se rendit compte que les arbres venus de graines donnaient du latex en plus grande quantité que ceux provenant de boutures. C’est pourquoi nous avons cher- ché un moyen pour faire germer les graines. Il est connu depuis quelques années déjà et a été signalé dans plusieurs publications spéciales. Voici en quoi il consiste : Nous avons dit qu'à la maturité les fruits éclatent en fai- sant entendre un bruit sec et que les graines sont projetées sur le sol. Ces graines sont ramassées, et une à une on les casse de queiques millimètres, à l’aide d’un couteau assez fort au hile, extrémité de la graine où il y a une légère dépression. Un homme un peu habile peut en préparer ainsi plusieurs centaines par jour. En les usant légèrement sur une meule, on obtiendrait le même résultat. Les graines, préparées de cette facon et mises en terre de suite, germent dans la pro- portion de 90 à 95 pour cent. Culture. — Une fois en possession d’un certain nombre de graines préparées, on les sèmera en pépinière sans attendre, car les Fourmis et autres Insectes pourraient venir en manger l’albumen. Le sol de la pépinière sera plutôt incliné pour éviter que les eaux n’y séjournent, surtout si l’on effectue le semis au plus fort de la saison des pluies. Après avoir été bêché et fumé s’il était trop pauvre, on le divisera par planches de 1,30 de largeur séparées par des sentiers de 0,40. On tracera dans les planches de petits sillons dis- tants les uns des autres de 0m,20 et profonds de 0.92 à 0®,03 seulement, dans lesquels on placera les graines à Om,15 les unes des autres ; on recouvrira légèrement au rateau et on paillera les planches. La germination aura lieu dix à douze jours après le semis. Si le temps était sec, il faudrait arroser chaque soir. Après un mois et demi ou deux mois de pépinière, les plants seront assez forts pour être mis en place. Comme nous l'avons dit, le Caoutchoutier de Céara craint l’excès d'humidité dans le sol. Le Manihot Glaziowii paraît mieux venir dans les sols sablo-argileux que dans les sols où l'argile domine. Le terrain destiné à la plantation ne devra donc être ni maréca- geux, ni même trop humide. L'arbre étant assez cassant, il PTE SRE 1. MIT, NT dE trs ie ds = ES D. Lt + 124 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ne faudrait pas que la plantation fût exposée aux grands vents. Les pentes abritées seront par conséquent choisies de préférence pour la culture qui nous occupe. On peut planter en plaine, car ce Caoutchoutier n'est pas très exigeant sur le choix du sol et ne demande pas, comme beaucoup d’autres plantes cultivées dans les pays chauds, à être garanti du soleil par des arbres protecteurs. Après avoir été nettoyé, le terrain sera jalonné de 4 mètres ou » mètres en tous sens, suivant la fertilité du sol, en lignes et en quinconces comme pour toutes les cultures, bien entendu. Cette distance, qui pourrait sembler insufisante, étant don- nées les dimensions qu'atteint le Manihot Glaziowwii, est ren- due nécessaire par ce fait déjà signalé, que les arbres, étant assez fragiles, ont besoin de se soutenir les uns les autres, pour pouvoir résister aux grands vents et aux tornades de la saison des pluies. Des trous d'un mètre de côté sur autant de profondeur seront creusés et remplis au bout d’une quinzaine de jours pour que le sol ait le temps de se raffermir et de se bonifier. Les plants, enlevés soigneusement en motte de la pépinière, seront mis en place, arrosés et entourés de deux feuilles de Palmier qu'on laissera pendant quelques jours seulement pour faciliter la reprise des plants. On choisira un temps cou- vert ou pluvieux pour effectuer ce travail. Au bout d’un cer- tain temps, on remplacera les plants qui pourraient manquer. Comme dans les pays chauds, les mauvaises herbes envahis- sent rapidement les terrains qui ont été débroussés, nous ne conseillons pas le semis direct en place. L'entretien de la plantation consiste en binäges pendant la première et la seconde année seulement, car les herbes de- viennent de plus en plus rares au fur et à mesure que les arbres se développent. Au Gabon, le Caoutchoutier de Céara, comme beaucoup d’autres arbres, d’ailleurs, se laisse quelquefois envahir par des plantes parasites (Loranthacées) ; il n'y a qu'à couper les branches qui en sont garnies, car les parasites en se multi- pliant épuiseraient rapidement les Caoutchoutiers. Le Manihol-Glaziowii est bien plus vigoureux en saison des pluies qu’en saison sèche. C'est pourquoi nous croyons que la récolte du latex devrait être faite pendant la saison pluvieuse qui est celle de la végétation dans les pays chauds. SUR LA CULTURE DU CAOUTCHOUTIER DE CÉARA. 125 Dès que la saison sèche est bien prononcée, les Caoutchou- tiers perdent une partie de leurs feuilles et celles qui restent deviennent grises pour la plupart et ont leur face inférieure souvent couverte par une sorte de Puceron lanigère; mais au retour des pluies, ils se couvrent d’un feuillage abondant, bien vert, et les Pucerons, dont le grand ennemi est l’eau, ne tardent pas à disparaitre. On ne pourrait d’ailleurs songer dans une plantation d’une certaine étendue, à combattre les Pucerons par un des moyens employés en France; ce serait trop coùteux. DONNÉES MOYENNES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU Manihot Glaziowir AU JARDIN D ESSAI DE LIBREVILLE. Hauteur Hauteur à laquelle | Circontérence Are. totale commencent RE RE de l'arbre. les branches. DRE raie ST TON 1,60 021,20 2 — 9025 = 02,45 3 — 80,25 — OS S 4 — 102,00 — 0,30 Comme la plupart des arbres à croissance tres rapide, le Caoutchoutier de Céara ne semble pas devoir fournir une longue carrière, mais cet inconvénient ne saurait être un obs- tacle à sa culture, étant donnée la facilité avec laquelle on peut le multiplier. Récolte. — C'est habituellement pendant la saison sèche que les indigènes récoltent le caoutchouc, car ils sont parfois obligés de s'éloigner assez loin de leurs villages et la marche dans les forêts est alors beaucoup moins pénible que dans la saison des pluies. Pour le cas particulier du Manihot-Gla- ziowii, nous pensons que les arbres devraient être saignés en saison des piuies car, nous l’avons dit, ils sont alors plus vigoureux que pendant la saison sèche. Après avoir essayé différents procédés, les noirs ont trouvé plus pratique pour la récolte du latex, de se servir des valves d'une sorte d'Huître assez commune sur certains points du littoral de la colonie. Voici comment ils procèdent : La première écorce de l'arbre, qui se détache facilement, ayant été enlevée, la partie coupante de la coquille est enfon- 126 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. cée suflisamment pour que cette derniere tienne seule sur le tronc ou sur les grosses branches du Caoutchoutier. Un cer- tain nombre de ces petits récipients sont disposés de cette facon, puis des incisions de 0,10 à 0,20 centimètres de lon- gueur sont pratiquées au-dessus d'eux; le latex alors s'écoule. Au fur et à mesure que les valves s’emplissent, on les vide dans un vase plus grand et on les replace ensuite sur les différentes parties de l'arbre qui n’ont pas encore été saignées. Coagulation du latex. — Dès qu'on a une certaine quan- tité de latex, il faut le coaguler immédiatement par la cha- leur, mais à une température pas trop élevée, car on obtien- drait un produit poisseux, si on attendait par exemple (six à huit heures suivant le temps), il se coagulerait seul et ne don- nerait qu'un mauvais caoutchouc, car il renfermerait de nombreuses poches contenant du liquide, ce qui amèneraïit une fermentation et de la moisissure et communiquerait une odeur désagréable au caoutchouc. Rendement. — En opérant dans une plantation de Caout- choutiers âgés de cinq et six ans, et sur cinq ou six arbres à la fois, un homme a récolté en moyenne, par journée de dix heures de travail, 550 grammes de latex, lesquels four- nissent environ 177 grammes de caoutchouc; expériences faites en novembre, c’est-à-dire en saison des pluies. D'après nos propres essais, nous estimons qu'un arbre, après la quatrième année de plantation et dans de bonnes conditions ne pourrait produire annuellement plus de 150 à 200 grammes de caoutchouc. Ce chiffre doit être tenu pour vrai, Car jusqu'à ce jour, le manque de données sérieuses a fait exagérer le rendement du Manihot Glaziowii et des Caoutchoutiers en général. 127 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. Jre SECTION (MAMMIFÈRES). SÉANCE DU 24 JANVIER 1898. PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, @RÉSIDENT: M. Loyer, secrétaire adjoint, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance. Il est procédé à la nomination du Bureau et d’un Délégué à la Com- mission des Récompenses. Sont élus : Président : M. E. Decroix ; Vice-Président : M. D' Trouessart ; Secrétaire : M. Ch. Mailles ; Secrétaire adjoint : M. Loyer; Déléqué à la Commission des Récompenses : M. le D' Trouessart. La question de l'Éléphant d'Afrique étant à l’ordre du jour, M. P. Bourdarie demande à insister sur un fait déjà cité par lui et qu'il considère comme très important; il s’agit de l'emploi à Oudh, dans les États du Maharadjah de Kapurthala (Indes anglaises), de deux Éléphants d'Afrique qui sont utilisés pour toutes sortes de travaux en même temps que des Éléphants d'Asie. Au point de vue del’exécution des diverses besognes qu'on leur impose, les Africains ne se distin- guent en rien de leurs congénères d’Asie. Telle est du moins l’affir- mation de M. Mertens, l’agent à Paris du Maharadjah de Kapurthala. M. Mertens ajoute seulement que la période du rut est un peu plus difficile chez les Éléphants africains. M. le D' Trouessart fait observer que les défenses des Éléphants captifs, tout au moins dans les ménageries, sont généralement usées par les animaux eux-mêmes. M. Bourdarie répond que les faits signalés par M. Trouessart sont exacts et qu’il les a lui-même contrôlés et envisagés au point de vue de la production de l’ivoire. Mais si l’on veut en chercher la cause vé- ritable, on verra que l’ivoire n’est pas en péril. En effet, si l’on consi- dère par exemple, les trois Éléphants du Muséum, on voit qu’ils sont enfermés seuls et libres de leurs mouvements dans des boxes de pierre (rotonde du Muséum) et entourés de grilles et de portes en fer. Ces animaux, désœuvrés et livrés à eux-mêmes dans un espace restreint 128 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. font mauvais usage de leur force. Les deux jeunes pour jouer, et Sahib pour manifester ses sentiments plus ou moins violents, se précipitent contre le mur, essaient de soulever les lourdes portes, et parfois de démolir les grilles. À ces jeux, les défenses s'écaillent ct peuvent même se briser. Que ces Éléphanis, au contraire, soient employés dans la journée à des travaux variés, et que, le soir venu, on les atta- che par une patte à un poteau, ils auront toutes raisons pour rester calmes et tranquilles ; leurs défenses se développeront normalement. C'est le cas pour Sam du Jardin d'Acclimalation qui circule en trans- portant des visiteurs. A vrai dire, les animaux attachés sont sujets à prendre des tics. Mais en Afrique tous ces inconvénients disparaîi- tront. En effet : a 1° On ne bâtira pas aux Éléphants de boxes en pierre et en fer; 2° Ils seront enfermés dans des enceintes simplement palissadées ; 3° Ils seront occupés à divers travaux ; 49 Dans les intervalles de ces travaux, ils pourront même être laissés en liberté, car on est certain de les voir revenir aux heures où l'on aura pris l'habitude de leur donner à manger. Les choses se pas- seut de cette manière en Asie. Au surplus, il y a intérêt à sauvegarder par tous les moyens la crois- sance normale des défenses, puisque celles-ci aident l'animal dans les travaux qu'ils auront à effeciuer. C'est même là un usage de l'ivoire qu’il convient de ne point passer sous silence. En terminant, M. P. Bourdarie exprime le désir de voir le question- naire rédigé par les soins de la Section et du Comité de l’Éléphant, imprimé et répandu partout en nombreux exemplaires. A propos du questiounaire concernant l’Éléphant d'Afrique, M. le Secrétaire général, d'accord avec M. Milne-Edwards, pense qu'il serait utile de remanier un peu ce questionnaire, dont l'allure actuelle semble être trop scientifique. MM. Trouessart, Bourdarie et Maïilles, membres de la Commission spéciale de rédaction du Questionnaire, promettent de revoir le travail à ce point de vue et d'examiner s’il est possible de le modifier dans ce sens. La Section à l'unanimité émet le vœu que la Sociélé fasse le néces- saire pour obtenir une audience particulière de S. M. le Roi des Belges afin de l’intéresser effectivement à l'œuvre de protection et de domestication de l'Éléphant d'Afrique. Ce vœu sera également soumis à l'approbation de la Section co- loniale. M. le Secrétaire général présente une photographie d’un magasin de défenses d'Éléphants dans les docks d'Anvers (arrivages du Congo) ; cette présentation impressicnne visiblement les membres de la Sec- tion, en montrant d’un coup d'œil pour ainsi dire, le massacre extraor- dinaire d'Éléphanls qui s'’accomplit sans cesse. É EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 129 M. le Dr Trouessart fait une communication sur les Zèbres vivants et éteinits. Notre collègue veut bi2n promettre de rédiger ce travail pour le Bulletin. Un membre, qui désire garder l'anonyme, proteste contre l'emploi, que fait M. Trouessart, du mot espèce. Cette observation amène une discussion générale sur l’emploi et la définition du mot espèce. L’ac- cord ne pouvant s'établir, la Section décide de reprendre cette discus- sion lors de la prochaine séance. Il sera également traité à cette séance, du dressage des Zèbres et de l'Éléphant d’Afrique. M. le Secrétaire général fait remarquer combien la réunion qui s'achève a présenté d'intérêt, tant à cause des sujets traités, que de la manière dont ils l’ont été. M. de Guerne ajoute que les travaux de la Section des Mammifères seront heureusement complétés, à l'avenir, par ceux de la Section coloniale, beaucoup de sujets d'étude leur étant communs. En conséquence, il invite les membres présents à assister à la première séance de la Seclion coloniale, le 31 janvier prochain. Cette séance aura lieu dans la grande salle du rez-de- chaussée, sous la présidence de M. Le Myre de Vilers, président de la Société. Le Secrétaire, CH. MAILLES. EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. LES CANTONNEMENTS DE PÊCHE DANS LA MÉDITERRANÉE. — VŒUXx DE LA SOCIÉTÉ MARSEILLAISE DE PÉCHE La Lucrèce. Note de M. Macapo pe Carvazxo (1). En 1894, sur les indications de notre collègue M. le professeur Ma- rion et de M. le D' P. Gourret, directeur et sous-directeur de la Station zoologique de Marseille, i Administration de la Marine décida d'établir dans la rade de Marseille un cantonnement où toute la pêche devait être interdite ; la tolérance fut accordée dans la suite de pêcher à la canne et à la palangrote. Ce cantonnement, qui devait être perma- nent, fut établi pour une période de trois années à titre d'essai. Cette année, les résultats ayant été satisfaisants, une nouvelle prolongation allait être prononcée. (1) Communiquée dans la Séance générale du 26 novembre 1897. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 10. 130 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Une agitation ne tarda pas à se produire à cette nouvelle, agitation fomentée par quelques pêcheurs amateurs et quelques professionnels, mais surtout par de nombreux propriétaires de villas et commerçants du quartier qui prétendirent que cette réserve nuisait à leurs recettes. Des réunions eurent lieu où l’on vota la suppression du cantonnement. Devant ces réclamations, M. le Ministre de la Marine délégua M. Bobet, Commissaire de l'inscription maritime à Marseille, avec mission de se livrer à une enquête, et de fournir un rapport détaillé. Les Syndicats de pêcheurs ont, paraît-il, été consultés; nous igno- rons leur réponse, mais nous devons rappeler ici qu’au Congrès de la pêche côtière, tenu à Marseille en 1893, on se prononca en faveur de l’établissement des cantonnements sur le littoral. Quant à l'opinion de la Station zoologique, nous avons la cerlitude qu'elle n’a pas changé. Il serait peut-être utile, puisqu'on entend les intéressés par trop directs, d'écouter aussi la voix des autres pêcheurs pour lesquels la pêche n’est point une question financière; ces habitants de la ville se préoccupent plus de l’avenir des eaux provencales que des intérêts particuliers de ces quelques protestataires. À ce sujet, la Société de pêche La Lucrèce ayant été priée, par un de ses membres, de vouloir bien faire connaîlre son avis, a rédigé les vœux suivants que je communique à la Société d’Acclimatation, en priant son secrétaire de les faire insérer s’il est possible dans le plus. prochain bulletin. « La Société de pêche Za Lucrèce, dans ses séances des 26 octobre » 2 et 9 novembre 1897, présidées par MM. Coste, président, et De- » grais, vice-président, consullée sur la question du maintien ou de: » la suppression du cantonnement de pêche dit de Bonneveine, décide, » après discussion et à l’unanimité de ses membres présents moins. » une Voix : » 1° Considérant que le dépeuplement des eaux du littoral provenço- » languedocien est malheureusement un fait certain ; que la principale » cause de ce dépeuplement est sans contredit la pêche intensive à. » laquelle on s'est livré depuis de trop longues années. » 2° Considérant qu'il faut par tous les moyens s’efforcer d’atténuer » le mal présent et prévenir la disparition du Poisson en vue d’as- » surer aux générations futures une existence que la continuation de » pareils ravages menacerait. » Considérant que l'établissement de cantonnements ou réserves. » est un des moyens efficaces d'aider à la reproduction, et par consé- » quent de concourir au repeuplement des eaux ; » La Société de pêche Za Lucrèce émet le vœu que le cantonnement » de pêche, dit de Bonneveine soit, sinon agrandi jusqu’à la Pointe » Rouge, du moins maintenu pour une nouvelle période minima de {rois années; ŸY » Ÿ ÿ EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 1341 » Sollicite également la création de réserves placées sur des points du littoral propices à la reproduction du Poisson. » 30 Considérant qu’une autre cause de la disparition des Poissons est l'apport des résidus ou déchets fourni par les diverses usines établies sur la côte; > Que ces usines sont soumises à des règlements qu’elles n’obser- vent pas en général; » La Société de pêche Za Lucrèce émet le vœu que les usines et fabriques soient rappelées à l'observation des lois et décrets en vigueur ; qu’elles utilisent puisards et bassins de décantation néces- saires à la filtration des eaux impures qui proviennent de leurs fabri- ques, avant de les envoyer à la mer soit directement, soit indirecte- ment ; » Demande que certains fonds, déjà frappés de stérilité pour d’autres causes naturelles, soient affectés par l’autorilé el réservés aux jets de résidus provenant des savonneries, des boues retirées par les dragues, immondices des ports et des villes; » Réclame une répression sévère des pratiques signalées plus haut et l’application, dans les eaux salées, du texte de la loi de 1867, ainsi concu : « Quiconque aura jeté des substances de nature à détruire le Poisson sera puni d'une amende de 30 à 300 francs, et d’un emprisonnement de 1 à 3 mois. » Nous avons la certitude que, s’il a connaissance de cette opinion librement émise par des personnes désintéressées, des amaleurs cepen- dant privés d'aller pêcher dans ce cantonnement dont ils comprennent toute l'utilité, M. Bobet voudra bien joindre à son rapport les vœux formulés par la Societé de pêche La Lucrèce, afin de lui permettre de prouver en haut lieu avec quelle satisfaction elle approuve cette louable tentative à laquelle elle souhaite un réel succès. Marseille, 11 novembre 1897. La question des cantonnements de pêche, traitée par M. Machado de Carvalho ayant soulevé diverses discussions, il paraît utile de repro- duire ici, à titre de document, un article sur le même sujet re dans le Moniteur maritime du 21 novembre 1897. 132 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. LA THÉORIE ET LA PRATIQUE DES RÉSERVES DE PÊCHE CÔTIÈRE. — LE CANTONNEMENT D'ENDOUME, PRÈS DE MARSEILLE. par Albert DugBour (1). En 1893, le premier Congrès national de la Pêche côlière, réuni à Marseille, sous la présidence de M. Antide Boyer, demanda : « la création à titre d'essai, entre le fortin de l’ile des Pendus et l'octroi de Bonneveine, d'une part, et la partie de la côte comprise entre Bon- neveine et le marégraphe, d'autre part, d’un cantonnement de pêche permanent dont la surveillance serait exercée par un garde-pêche sous la direction du personnel de la Station zoologique d'Endoume ». Ce vœu fut émis à l’unanimité sur un rapport présenté par M. le D' Gourret, sous-directeur de cette Station. En outre, les délégués de divers centres de pêche demandèérent que la création de réserves semblables « fût étendue aux autres quartiers maritimes du littoral français méditerranéen, sauf impossibilité maté- rielle, et que les cantonnements fussent, autant que possible, per- manents ». L'idée de combattre par les cantonnements la dépopulation des eaux côtières répond à une conception empirique assez confuse des conditions dans lesquelles se perpétuent naturellement les espèces. Sans entrer dans aucun détail à ce sujet, nous pouvons dire que les cantonnements purement liltoraux ne sauraient protéger autre chose que du frétin, venu sur les fonds côtiers sous l'influence de causes di- verses et d’ailleurs mal déterminées. Ils ne sauraient donc être consi- dérés autrement que comme des sortes de réservoirs, ouverts du côté du large, et préservant les jeunes Poissons contre l’industrie humaine — contre l’industrie humaine seulement — pendant les quelques mois où ils demeurent en stabulalion près des rivages. Sans doule, on peut croire que la protection ainsi accordée à d’in- nomkrables jeunes Poissons doit fournir, pour le peuplement des régions voisines, des résultats plus avantageux que l'immersion de larves produites par des piscifactures; mais, comme à l'égard de celles-ci, on n’est nullement renseigné sur les chances de survie des jeunes êtres qui ont crù dans l’intérieur des réserves. Pour l'Administration, l'idée de créer des cantonnements ne pouvait manquer de paraitre très séduisante. Elle lui permettait d'espérer, en effet, qu’elle pourrait se borner à concentrer sa surveillance sur quelques points bien choisis — au lieu de la disséminer comme elle le fait actuellement sur toute l'étendue du littoral, et dans des condilions de débilité que tout le monde connaît. (1) Extrait du Moniteur maritime du 21 novembre 1891. À | . : ns EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 133 Pour la Marine donc, le cantonnement parut un moyen éminemment pratique d’assurer le peuplement — ou le repeuplement, comme on voudra — des fonds. Mais la détermination des points où devaient être créées des réserves n'allait pas sans soulever de réelles difficultés. En somme, les gens qui les demandent admettent, en principe, que les pêcheurs littoraux d'une région donnée doivent, en un nombre d'années quelconque, tirer plus de bénéfices de l'exploitation d’une partie seulement de leurs eaux que de leur totalité. Réciproquement, ils admettent que le travail de l’homme s’exerçant sur la totalité de ces eaux doit en pro- voquer, au bout d'un nombre d’années quelconque, la stérilisation. À ce sujet, il n’est peut-être pas inutile de remarquer que, quelle que soit l'intensité du chalutage exercé dans la baie de Seine ou dans la baie de Somme, ies pêcheurs y trouvent à peu près tous les ans les mêmes quantités de frélin dans leurs filets, ce qui peut bien nous faire induire que les sources productives de ce flux de vie ne sont point taries ni même appauvries dans leur débit. Quoi qu'il en soit, de nombreux problèmes se posent à l'esprit lorsque l’on voit l’autorité passer de l'hypothèse à l’action et créer une réserve. Pour que celle-ci soit utile, il faut nécessairement que les êtres provenant, soit des frayères qui y sout contenues, soit des ter- rains de stabulation qu’elle comprend, se diffusent dans les eaux avoisinantes. La productivité de la surface soustraite à l’action de l’homme doit compenser la destruction faite par l'industrie sur les terrains dont la réserve doit assurer le repeuplement. Or, cette des- truction est fonction du nombre de bateaux et de l’activité du travail des pêcheurs. L’étendue d’un cantonnement doit donc être inversement proportionnelle à sa productivité et directement proportionnelle à l’ac- tivité professionnelle des gens de mer... ou au coefficient de destruc- tion dans les eaux libres. Maïheureusement, la Productivité d'un cantonnement, le Coefficient de destruction dans les eaux libres ne sont que des mots. Nous n'avons aucun Critérium pour apprécier la valeur de ces termes. D'ailleurs le travail dans une région de pêche est multiforme, et, sous toutes ses formes, il est inévitablement, quoique inégalement, destructeur : le chalutage de la Crevette, la pêche des Oursins au Gangui, la pêche aux Pœufs, détruisent, c'est entendu, de grandes, d'énormes, d’inappréciables quantités de frélin; mais la pêche au Palangre ou à l'Entremail ne détruit-elle pas, par contre, d’effrayantes proportions de femelles roguées, qui n’ont pas encore pondu? le Thys ne capture-t-il pas des femelles de Langoustes grainées ? Si le Taréanon s’est attiré la réputation d’être un filet inutilement destructeur parce qu'il capture beaucoup de jeunes Bogues et d’infimes Rascasses, que devons-nous penser de la Boguïère — réputée inoffensive — et qui, à certaines époques, capture des banquées de femelles œuvées? Que 134 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. devons-nous penser également de la pêche de la Rascasse sur « les Moutons » qui détruit ces Poissons sur leurs frayères ? Il ne suffit donc pas, pour apprécier l'intensité du travail destruc- teur d’un quartier déterminé, de savoir les proportions de bateaux qui y sont armés pour la pêche aux arts trainants. Et, à la vérité, il est matériellement impossible de connaître le coefficient de destruction afférent à un centre de pêche. Que conclure de cela si ce n’est que l’on ne peut savoir, même d’une manière très approximative, l'étendue qu’il convient de donner à une réserve afin qu'elle soit assez grande pour assurer le peuple- ment des eaux voisines, sans être cependant trop large ? Dès lors, nous sommes plongés dans l’empirisme le plus pur. Par des tâtonnements seuls, que guident les connaissances incertaines des naturalistes, on peut faire le choix et la délimitation des réserves. Alors surgissent de nouvelles difficullés. La population pêcheuse n'accepte pas, en bloc et sans murmure, l'imposition d’une mesure qui fatalement, la lèse dans ses intérêts immédiats et la gêne dans ses habitudes. En admettant qu'il soit passé outre à leurs récrimina- tions, les pêcheurs s'efforcent de tirer parti individuellement de la région cantonnée et où ils supposent que le Poisson doit grouiller. Quand le bruit s’est répandu qu'un marin a travaillé impunément dans une réserve, on peut être sûr que tous les bateaux du quartier y travailleront à brève échéance, de nuit surtout — alors que les gardes maritimes, dans leurs coquilles de noix, ne peuvent s’aventurer sans danÿer à la mer. Avec les meilleures intentions du monde, l'Administration n'arrive donc, en créant une réserve qu’à susciter des tentatives de fraude — généralement couronnées du plus grand succès, et qui font consi- dérer ses décisions avec quelque ironie par les intéressés. Néanmoins, nous concevons que, en présence du vœu si ferme émis par le premier Congrès de la Pêche côtière, la Marine ait cru devoir seconder ce qu'elle ne pouvait manquer de prendre pour #n bon mouvement des pécheurs en vue de combattre le dépeuplement de leurs eaux — dépeuplement dont ils se lamentent si fort et depuis si long- temps. De plus, un savant professeur de Marseille, M. Marion, avait exposé dans un long et intéressant rapport les conditions que devaient rem- plir, pour produire d'’utiles effets, les réserves de pêche marines. Il avait indiqué également la région d’Endoume comme réunissant toutes les conditions nécessaires au succès d’un cantonnement. La variété des fonds, la nature des eaux, la multiplicité des espèces z00- logiques fréquentant ces eaux, tout concourait là, à former un centre de peuplement remarquablement productif pour la baie de Marseille et, par conséquent, pour les pêcheurs qui l’exploitaient. De plus, M. Marion pensait que l’on pourrait améliorer encore les EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 135 avantages naturels offerts par cette région marine. Il conseillait d'y faire des enrochements artificiels pour augmenter la surface de fixa- tion des animaux qui vivent attachés au sol et qui, par eux-mêmes, ou par les infiniment nombreuses larves qu'ils produisent, servent à l’alimentation des jeunes Poissons comestibles. Par ailleurs, la création de ces enrochements devait singulièrement faciliter la sur- veillance de la réserve en s’opposant ?pso facto à l'usage des engins traînants sur toute son étendue. Enfin, M. Marion proposait également d'utiliser le cantonnement comme centre d'expérimentation pour la propagation artificielle des espèces comestibles importantes — le Homard, entre autres, qui est actuellement disparu des eaux marseillaises ; après y avoir été abon- dant autrefois, paraît-il. Mais l'adoption de ce très intéressant projet n'allait pas sans néces- siler des dépenses assez considérables. Les services techniques mari- times s’opposèrent, du reste, à la création d’enrochements artificiels dans la crainte que ceux-ci ne constituassent des dangers pour la navigation des petits navires — des torpilleurs, par exemple. Néan- moins, les zoologistes marseillais admirent que la seule interdiction -e pêcher dans les eaux du cantonnement qu'ils proposaient ne pou- vait manquer de produire d'utiles effets. Les marins, d’autre part, appuyérent cette manière de voir, en grande majorité, et,se rangeant à ces avis, la Marine fit décréter l'interdiction de travailler avec quelque engin que ce fût dans la réserve d'Endoume, pendant une durée de trois années, à partir de septembre 1894, je crois. Or, les gens. qui se tiennent au courant des questions intéressant les pêches maritimes françaises ont pu croire que le cantonnement de Marseille avait parfaitement répondu aux espérances de l’Adminis- tration et des pêcheurs. Au dernier Congrès dela Pêche côtière, tenu à Cette, en février 1897, les délégués marseillais, en effet, ont fait adopter un vœu tendant à maintenir la réserve d'Endoume et à géné- raliser sur les côtes de Provence et de Languedoc la création de réserves du même genre. Les journaux nous ont appris loutefois que les congressistes s’en étaient remis à la Marine pour déterminer les points où elles devaient être établies. On pouvait donc induire de ceci que les pêcheurs marseillais s'étaient convaincus de l'efficacité de leur cantonnement. Tous ceux qui connaissent bien les gens de mer n’ont cependant point accueilli cette idée sans restrictions. Bien des raisons qui n’ont rien à voir avec le souci de protéger les espèces marines peuvent inciter les pêcheurs, en effet, à demander le maintien ou le retrait Td’un cantonnement. De plus, il faut avouer que le hasard eût répondu d'une manière inespérée aux tentatives de la Marine, si, par une Téserve à peine surveillée et limitée, en somme, d’une façon toute "4 136 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. empirique, elle avait pu, du premier coup, effectuer le repeuplement des eaux de Marseille. Mais voici que, comme pour donner raison à notre scepticisme, la Prud'homie de Marseille a émis au mois de mars ou d'avril le vœu suivant : « Considérant que, dans le cantonnement d'Endoume aucune recherche scientifique n’a été faite ; » Considérant que dans ces conditions il ne sera pas possible de coznaître les résultats acquis par le cazlonnement; » Considérant que le nouveau règ'ement local sur la pêche côtière sauvegarde le frai et protège les richesses sous-marines des eaux; » Par ces motifs, Za Commission demande à M. le Ministre de la Ma- rine le retraïl pur ef simple du Décret. » Ainsi, nous ne sommes pas plus fixés qu'il y a quatre ans sur le rôle que peut jouer un cantonnement en Méditerranée. De mauvaises langues affirment — et il pourrait se faire que ces mauvaises langues disent méchamment la vérité — que la demande de cantonnement, formulée par le premier Congrès de la Pêche côtière, avait pour unique but d'empêcher l’usage d’une puissante senne à petite maille, le Bourgin sur la seule plage où cet engin soit pratique- ment utilisable. Les pêcheurs au Bourgin étaient d’une origine napolitaine ou gêé- noise plus fraîche que leurs collègues, leurs filets étaient plus puis- sants que ceux de ces derniers : rivalité de race, rivalité de métier, concurrence commerciale, sont autant de facteurs qui ont concouru — beaucoup plus sûrement que les travaux des hommes de science, soucieux uniquement du bien général — à faire demander aux pé- cheurs la création du cantonnement de Marseille. Comme aujourd’hui le Bourgin n’est probablement plus employé dans les limites de leur circonscription prud'hommale, les pêcheurs marseillais renoncent au cantonuement qu'ils ont demandé. Ils pensaient, il y a quatre ans, que l’Administration ne se résou- drait pas à s'associer à leurs querelles professionnelles et qu’elle recu- lerait devant l'interdiction absolue de l'emploi du Bourgin. Par un moyen détourné — et d’ailleurs habile — ils sont arrivés à leur fin. Et, maintenant, dans le projet de Règlement local, auquel il est fait allusion dans le vœu que j'ai cité plus haut, la Commission marseil- laise se borne à insérer le petit article qui suit : « Art. 79. — Les Bregins (Bourgins) Ganguïs, Pelits ganguis... elc., sont prohibés. » Comme nous voici loin des considérations théoriques que nous rap- pelions au début de cet article, et des recherches ou préoccupations des gens de science qui étudient la fixation et la limitation des re- serves ! Hélas ! il est à prévoir que, sous une forme plus ou moins différente, EXTRAITS ET ANALYSES. 137 ce qui s’est passé à Marseille est susceptible de se produire dans tous les quartiers de notre littoral provençal languedocien... et même ponantais. EXTRAITS ET ANALYSES. LA MOUCHE EMPOISONNÉE TSÉ-TsÉ, par Epouarp Foa {1}. Tout autour du Transvaal, et sur les confins des pays voisins, les cartes marquent d’un pointillé un espace d'environ 50 milles de lar- geur. C’est le district de la Tsé-Tsé ou Mouche venimeuse dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises et que j'essayerai de décrire ici de mon mieux. Je n'ai jamais pu découvrir, malgré de nombreuses recherches, pourquoi on l'a appelée ainsi. Les Zoulous, dont le langage a servi évidemment à former la langue bautou, la nomment Ænzouezelana ou Isiba. Les Magandjas du sud du lac Nyassa, les Maravis, les Angouins et Mpesenis, la désignent sous le nom de Kamzemba ; les Yaos disent Memba ; les Magandjas du Sud disent Memba, Mzaba ou Bouboula ; enfin toutes les populations riveraines du Zambèze sans exception, de l'Océan aux deuxièmes cataracles, disent Pepsi, en parlant de la ter- rible Mouche empoisonnée. Livingstone, et après lui Capello et Ivens, parlent de cet Insecte sous le nom de 7Sseé-fse. Il faut croire que le voyageur a adopté ce mot pour avoir mal prononcé ou entendu le mot Pepsi qui se prononce P'hepsi, lh étant aspiré comme dans le mot hâter. Au temps de l’expédition anglaise en Abyssinie, la Mouche fit des ravages tels parmi les Chevaux et les bestiaux que l'attention fut appelée sur elle. Peut-être, d'ailleurs, Tsé-Tsé est-il le mot abyssin. En tout cas, il est inconnu dans l'hémisphère austral : celui de Z?mb, que certains auteurs indiquent, m'est également inconnu. Quoi qu’il en soit, va pour Tsé-Tsé. Ce Diptère est déjà classé par les naturalistes dans la famille des Muscidés, genre Glossina, sous le nom de Glossina morsitans. Les Anglais on fait quelques expériences sur son venin et une étude som- maire sur sa conformation; mais la plus grande partie du public ignore encore ce qu'est ce redoutable Insecte ; aussi donnerai-je ici quelques détails sur ses mœurs. (4) Extrait, avec l’autorisation des éditeurs, MM. Plon et Nourrit, du livre de M. Ed, Foa : Du Cap au lac Nyassa, Paris, 1897. 138 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. La Tsé-Tsé a la taille et les proportions de notre Mouche domes- tique ; son abdomen est rayé trausversalement de brun et de noir, le reste du corps est noirâtre ou gris foncé ; les ailes, lorsqu'elle est posée, ne sont pas l’une à côté de l’autre, comme dans notre Musca domestica, mais bien superposées ; en avant de la tête, elle possède de petits tentacules raides, au nombre de trois, ressemblant à Tsé-Tsé (Glossina morsitans) UN bouquet de poils. Son aspect n’a rien de de grandeur naturelle (1}. repoussant ni de particulier pour celui qui ne la connaît pas. Elle vole avec une extrême vitesse, et il est presque impossible de la distinguer dans l’espace quand elle est à jeun ; lorsqu'elle a l'abdomen gonflé de sang, son vol s’a- lourdit et elle se cache immédiatement pour digérer en paix ; en toute autre occasion, on ne la voit que juste au moment où elle se pose. Son agilité fait qu’il n’est pas possible de l’attraper comme une Mouche ordinaire. Il y a d’autres moyens que j'indiquerai plus loin. Quand elle se pose, elle le fait avec tant de délicatesse qu’on ne la sent pas; elle reste ainsi de quinze à vingt secondes immobile, son aiguillon dirigé en avant, dans une attitude méfiante, prête à s’envoler. Lors- qu'elle croit être en sécurité, elle abaisse lentement son dard, écarte ses pattes de facon que son ventre soit sur la peau, et elle pique la chair sans produire aucune douleur au début, comme le Moustique. La prévoyante nature a voulu faire secréter par ces Insectes un liquide qui insensibilise momentanément la piqüre qu'ils font, de sorte qu'ils peuvent se nourrir avant d'être chassés ; sans ce liquide ils mour- raient infailliblement de faim. Au moment où la Tsé-Tsé pénètre dans la chair, elle indique sa satisfaction par un petit bruit bz, bz... répété cinq ou six fois, et qu’on ne peut entendre que lorsqu'elle pique sur l'épaule ou dans le voisinage de l'oreille ; son arrivée près de la tête est également signalée par le /rou-frou d'ailes que l’on connaît chez la Mouche domestique, mais de très courte durée, vu la vitesse avec laquelle la Tsé-Tsé arrive et se pose. Ces légers bruits sont les seuls avertissements que recoive la victime, dans la chair de laquelle disparaît complètement l'aiguillon, qui a au moins un tiers de centi- mètre. La bestiole reste ainsi, immobile, suçant le sang, tandis que son abdomen grossit, grossit, devenant par transparence rose d’abord, puis rouge foncé. Ce n'est qu’au moment où elle a déjà pris une grande partie de sa nourriture qu'on ressent une légère douleur ou plutôt une démangeaison à laquelle on ne fait, le plus souvent, aucune attention. La plupart du temps, on porte distraitement la main (1) Cliché obligeamment prêté à la Société par MM. Asselin et Houzeau, édi- teurs du Traité de Zoologie médicale et agricole du Professeur Railliet dont il a été tiré. bérhde à, US) Ré -5—. ‘age, AS és EXTRAITS ET ANALYSES. 439 au point piqué, et les doigts rencontrent la Mouche repue qui s’échappe aussitôt. Lorsqu'on y fait attention, il est facile de tuer l'Insecte, ce qui est toujours une vengeance agréable. Il faut ajouter que le corps de la Tsé-Tsé est beaucoup plus résistant que celui de la Mouche ordinaire ; en frappant souvent de toute sa force, et assez vite pour l'atieindre, on ne parvient pas toujours à l'empêcher de s'échapper. Lorsqu'elle a le ventre plein, il est encore fort difficile de l’attraper avec la main parce que, au lieu de s'élever en volant, elle s'esquive rapidement de côte. Les indigènes m'ont enseigné à la prendre d’une autre facon : on place la lame d’un couteau à plat, à 30 centimètres de la Mouche, sur je bras ou sur la partie où elle est posée ; on fait glisser lente- ment cette lame qui vient rencontrer et saisir l'aiguillon de la Mouche, encore dans la chair, et on fait ainsi celle-ci prisonnière. Sans cesser de presser, on relève la lame, on la retourne et on tue la Mouche, ou bien on la saisit avec les doigts ; on a, naturellement déjà été piqué par elle; on se console, en pensant que c’est toujours un ennemi de moins parmi les milliers qui voltigent autour de vous. Cette facon de la prendre avec la lame d’un couteau semble prouver qu’elle n'y voit ni devant ni dessous. Examinée au microscope, d'après une note du docteur May Fi- guerra, publiée par MM. Capello et Ivens, la Tsé-Tsé offre les carac- tères suivants : les yeux, dits composés à trois facettes, occupent la plus grarde partie de la tête et sont disposés en ovale au nombre d'environ trois miile de chaque côté. Les ailes sont un peu pluslongues que celles de la Mouche domestique. L'’abdomen est formé de six sezments et couvert de poils durs, ainsi que les pattes. Celles-ci sont terminées par deux petits crochets très aigus, auxqwxæeis s'oppose un troisième tenlacule qui fait pince et sert à la Mouche pour s’accrocher sur le poil et sur la peau des animaux. La trompe ou aiguiülon n’est pas seulement un ctui souple protégeant la pointe ou dard qui fait la blessure ; elle sert également de suçoir à l’animal. De chaque côté de la trompe, sont deux légères antennes ou papilles avec lesquelles l'Insecte tâte les tissus avant de les piquer ; cette particularité existe aussi chez le Moustique. Le docteur May Figuerra ajoute qu’il n’a pu découvrir les glandes à venin; mais MM. Capello et Ivens ne lui avaient donné à étudier que de spécimens avariés (1). J'arrive maintenant aux effets de la piqüre sur les animaux domes- tiques en ne citant parmi ces derniers que ceux que l’on est appelé à posséder en Afrique : le Bœuf, le Chien, le Cheval, l’Ane, le Mulet, le Mouton, le Porc et la Chèvre. ê {1) J’ai rapporté dans mes collections plusieurs centaines de Tsé-Tsé, par- faitement conservées, afin de les soumettre à l’examen de personnes curieuses d'étudier l’Insecte et qui voudraient chercher l’antidote du venin. 140 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Livingstone dit que cette dernière, et quelquefois l’Ane, sont exempts des suiles de la piqûre, tandis que toules les autres bêtes en meurent. Je puis dire, en ayant fait plusieurs fois l'expérience, qu'aucun des animaux que je viens de citer ne survit à un nombre de piqûres suffisamment grand. La faune locale est inoculée dès sa jeunesse par le venin de la Mouche; c'est d’ailleurs sur elle que cette dernière prend sa noufriture. Mais lorsque, accidentellement, la Tsé-Tsé rencontre des animaux domes- tiques, elle s’acharne à leur poursuite d'une façon particulière. La bête sent d’instinct le danger qui la menace; elle fait des bonds, des écarts et, après la première piqûre, le bruit seul de la Mouche l’affole littéralement : elle perd la tête, s'enfuit, espérant ainsi distancer l'Insecte meurtrier qui bourdonne autour d'elle. Que sa vue soit per- cante ou son odorat exceptionnellement délicat, toujours est-il que la Mouche venimeuse vient de fort loin sur sa proie. Je pencherais plu- tôt pour la dernière hypothèse ayant remarqué que le Diptère arrive toujours dessous le vent et qu'il pique, en général, plutôt de ce côté. 11 se tient sous les feuilles, et non dessus, car on ne le voit jamais, et il préfére l'ombre au soleil. Il craint particulièrement l'odeur des excréments ; par exemple, dès qu'on tue une Antilope, la Tsé-Tsé couvre littéralement gibier et chasseurs; eh! bien, pour s'en débar- rasser, on n’a qu'à ouvrir le ventre de l’annimal et à vider les en- trailles : l'Insecle cesse aussilôt de vous harceler. Les premiers symplômes qui caractérisent l'animal piqué sont les suivants : première phase, œil larmoyant, fatigue et lassitude gé- nérales, tristesse, tête basse, nez ou naseaux brülants; deuxième phase, aballement plus prononcé, chassie abondante, humeur vis- queuse jaunâtre découlant des naseaux, faiblesse, manque d’appétit, peau chaude, engorgement des glandes sous maxillaires, poil terne, muscles flasques ; troisième phase, maigreur prononcée, aspecl trés abattu, cornée de l'œil jaune ; quatrième et dernière phase, humeur visqueuse des naseaux plus abondante et découlant également des lèvres en écume jaunâtre, urines mélangées de sang, diarrhée et enfin mort dans un état méconnaissable. Cet exemple est pris sur des Bœufs : il reproduit les diagnostics que les autres voyageurs indiquent et que j'ai vérifiés moi-même de point en point. Souvent, ou ue les observe pas tous chez le même animal; mais ils sont tous causés par la Tsé-Tsé. Il y a un élément tres important à considérer au point de vue de la marche de la maladie : c’est le nombre des pi- qûres qui ont été faites; une seule suffit pour amener la mort du Bœuf le plus robuste; cinquante piqüres le luent en une semaine, mille en quelques jours. Les symplômes augmentent d'intensité dans les mêmes circonstances. J'ai vu de mes yeux (et ceci est l'expérience dont je parlais plus baut), un magnifique Bouc apprivoisé, que j'avais avec moi lors de DAT EXTRAITS ET ANALYSES. A41 mon voyage dans la Maravie, mourir en une heure, deux ans plus tard. Ayant lu que la Chèvre était indemne, je m'intéressai d'autant plus à cet événement. Nous étions dans le lit d’une rivière à sec, où la Tsé-Tsé bourdonnait par nuées ; ce fut un tel martyre pour nous, que je levai le camp aussitôt le repas terminé, laissant mon pauvre Bouc déjà raide et froid, écumant, l'œil hors de la tête, le corps contracté. Pour asseoir plus solidement ma conviction, j'ai renou- velé cette expérience à une autre époque, en menant une Chèvre en magnifique état dans un district où la Tsé-Tsé était particulière- ment abondante, et où j'avais l'habitude d'aller chasser; j’alttachai l'animal à un piquet et l’y laissai toute la journée; le soir venu la bête était littéralement folle; elle s’élançcait sur nous, sur des arbres; elle se roulait par terre : l’inoculation ayant été moins grande que lors de mon autre expérience, elle mourut, non pas ce jour-là, mais le lendemain soir. Une humeur abondante découlait de ses yeux et de ses naseaux, et l’intérieur du corps était presque en décomposition trois heures après la mort. Il est à supposer qu'il en est de même pour l'Ane. Il se pourrait bien que la Tsé-Tsé n’aimât pas l'odeur de la Chèvre, du Mulet, de l’Ane et qu'elle leur préférât les autres animaux domes- tiques ; mais, à défaut de ceux-ci, elle pique aussi bien les premiers, qui peut-être aussi sont moins vulnérables, en ce sens qu'une piqûre ne suffit pas pour les tuer ou les incommoder ; mais le résultat qu'une seule est impuissante à obtenir, mille finissent par l’atteindre. L’autopsie sommaire d'un Bœuf mort par la Tsé-Tsé présente des signes de désordres internes extraordinaires : le cœur, le foie, les pou- mons tombent en morceaux sous la moindre pression du doigt ; leurs particules se désagrègent, les intestins sont pleins d’une humeur jau- nâtre et collante, et ils ne contiennent rien d'autre ; la vésicule bi- liaire, rebondie, atteint trois ou quatre fois son volume ordinaire ; le peu de graisse qui reste ressemble à de la corne jaune et transparente ; l’ensemble exhale une odeur sui generis indescriptible. Il n’y a plus ou presque plus de sang dans les veines. Les tissus musculaires semblent se décoller des parties charnues ; on constate quelquefois (je n’ai pu vérifier cette assertion) des hémorragies intercellulaires locales. On prétend que les animaux au poil blanc sont piqués de préférence par la Mouche ; il faut comprendre par là qu’ils succombent les pre- miers, Car ceux de couleur noire n’échappent pas plus qu'eux à leur terrible destinée, dans les districts infestés. Il n’y a, selon moi, aucun doule à avoir concernant l'innocuité de la piqûre pour les animaux sauvages. Qu'elle leur soit désagréable, comme toute Mouche aux Quadrupèdes, j’en conviens ; mais je n'ai jamais vu ou entendu parler d’une bête sauvage qui en éprouve autre chose qu’une tracasserie. Et néanmoins, la Tse-Tsé suit le grand gibier : on peut être certain qu'elle existe partout où on la trouve. 142 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Quand les animaux sauvages sont exterminés dans un endroit, la Tsé- Tsé en émigre. Elle affectionne particulièrement le Buffle et les grandes Antilopes ; aussi peut-on être certain qu’on trouve ces animaux par- tout où l'on rencontre la Tsé-Tsé, tandis que, dans certains districts de petit gibier, on ne la voit pas. Aujourd’hui, dans toute l’Afrique du Sud, au fur et à mesure que la civilisation, les armes à feu et les chasseurs s’avancent dans l'in- térieur, le gibier déserte ou recule, emmenant la Tsé-Tsé ; le jour où l'on aura détruit l’un, l’autre disparaîtra. A l'appui de mon dire, voici les districts principaux où la Tsé-Tsé (et la faune locale par consé- quent), se trouve confinée aujourd’hui, d’après les derniers renseigne- ments : limites nord et est du Transvaal, sud du Matabelé et ouest du pays de Gaza, Kalabari, bassin nord et sud du Zambèze, ouest du Mashonaland. On a essayé de plusieurs remèdes : le dégoût de la Tsé-Tsé pour les excréments a donné l’idée d’en frotter les animaux qu’on veut pré- server; l'Assa fælida a été expérimentée également, ainsi que la téré- benthine. J'ai moi-même fait oindre de pétrole, tous les quarts d'heure, par un homme chargé de ce travail, un Chien que je voulais faire passer indemne à travers un district de Tsé-Tsé; il est mort un mois après. Tous ces remèdes sont impuissants. Quelle immense reconnaissance ne devront pas les voyageurs de l'avenir à celui qui aura trouvé le préservatif contre la piqûre de la Tsé-Tsé et leur permettra de voyager à Cheval, d’avoir des Chiens et des bestiaux dans tout le pays! Et l'Homme, maintenant, que ressent-il après la piqüre de l’Insecte venimeux? L'impression de la démangeaison se change au bout de quelques secondes en un prurit douloureux qui dure à peu près un quart d'heure ; la partie piquée, rougit, enfle légèrement et continue à gêner pendant un moment. Un grand nombre de piqûres peuvent jeter incontestablement du désordre dans l'organisme ; elles ont surtout le don de surexciter outre mesure; un sentiment de rage s’ajoute à la souffrance. Les parties que la Mouche affectionne chez l'homme sont généralement celles qui sont à découvert : mains, bras, cou, jambes, joues, toujours à l’ombre autant que possible. Pendant mes nombreuses chasses et mes marches continuelles, il m'est arrivé d'être pris, à la suite d'innombrables piqûres, d’un accès de rage froide ; dans ce cas, pour me calmer, j'avais coutume de m’as- seoir, de prendre mon couteau et de capturer les Mouches ; sortant ensuile d’une petite trousse de poche de minuscules ciseaux, je m’a- musais à les torturer en leur coupant les pattes par petites tranches, ainsi que ’’aiguillon, les ailes et les antennes ; après cette opéralion, je me gardais bien de les tuer comme les Noirs, qui leur arrachent la tête. Je faisais durer le supplice en les plaçant simplement au soleil sur quelque pierre. Après une dizaine d’exécutions, nous repartions sisi EXTRAITS ET ANALYSES. 143 ainsi, continuant avec des paquets de feuilles, à nous battre par tout le corps pour claquer le maudit Insecle. J'ajouterai comme dernier renseignement, que les effets de la piqûre sont particulièrement rapides sur les animaux domestiques, au mo- ment des pluies. Une autre particularité qui aurait été observée, c’est que les petits à la mamelle ne souffrent pas de l’empoisonnement ; ils doivent néanmoins s’en ressentir ; car le lait d’une mère malade, sans appétit, subissant de grandes souffrances, ne peut être ni sain, ni nourrissant. G >< SUR UNE GRAMINÉE DU SOUDAN (Paspalum longifiorum). par J. Dysowski. Les indigènes du Soudan ne font pas entrer, comme on le sait, dans leur alimentation les céréales cultivées en Europe. Celles-ci sont rem-— placées par d’autres produits et particulièrement par le Maïs, le Sorgho et le Riz de montagne. À ces graminées dont l'usage est depuis long- temps connu, il faut en ajouter une autre qui, bien que d’un emploi très répandu, n’avait pas encore été classée parmi les céréales alimen- taircs. li s’agit d’une herbe aux rameaux Lénus, aux épis grêles et qui ce- pendant produit un grain très recherché par les indigènes du Soudan, auxqueis elle fournit un appoint important dans l'alimentation cou- rante. Cette Graminée est désignée sous les noms botaniques de Digitaria langifiora de Persoon, ou sous celui de Paspalum longiflorum de Retz (1). Elle croît à l’état spontané dans toute la région tropicale et subtropi- cale de l’ancien monde où elle couvre parfois de vastes plaines. Mais nulle part elle n’a été signalée comme alimentaire en dehors du Sou- dan occidental. Le capitaine Binger, dans la relation de son remar- quable voyage, dit qu’elle concourt à l’alimentation des indigènes du Soudan central. En Guinée française, dans le Fouta-Djalon, où elle est connue sous le nom indigène de Foundounié, elle est l'objet d'une culture réguliè- rement pratiquée. - La plante cultivée diffère du type sauvage par ses achaines plus gros et surtout plus ovoïdes ; elle offre en même temps cette particu- (1) Ex Hooker, F1, ird., t. IV, p. 17. 4 154 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. larité d'être complètement glabre, alors qu'à l'état spontané elle est hispide. De plus, les glumes sont peu adhérentes et le grain se moud avec la plus grande facilité. En Guinée française, la culture se fait en répandant la graine sur le sol que l’on a débarrassé de la brousse par l'incendie. En trois mois, la plante se développe et porte graines. Celles-ci se séparent facilement par le battage : on les moud en les triturant dans ur mortier en bois. La semoule que l’on obtient ainsi constitue un aliment d'une tres haute valeur nutritive. L'analyse chimique montre en effet que la composition de ces graines les rapproche de beaucoup du Riz; cependant elle s’en dis- tingue par une abondance plus grande de matières grasses, qui se trouvent être en quantité sensiblement égale à celle que renferment les graines de Millet. Composition chimique des graïnes de Paspalum longiflorum Reéz., comparées aux autres Graminées. AU MILLET BLÉ SEIGLE ORGE MAÏS RIZ Eee Hate lrecetect 9,20 11,66 13,65 15,06 13,77 13,02: 13,11 11,93 Protéine... …. 7,67 9,95 12,35 41,52 4114 9,85 1,85 410,30 Matières grasses... 5,34 3,50 1,75. 1,19 2,16 4,62 0,88 2,81 Amidonet dextrine. 73,33 65,95 61,91 67,81 66,93 68,41 6,52 535,81 Lrenenx- rev te 9,56. 7,29 2:53 12 DIS MP MER 0 621623 Cendres....:.,..1: 118,00 219,35 14581 MASTER OO TEST 2 Le son est relativement peu abondant. Il représente 9,35 °/, du poids de la graine. L'examen microscopique montre que les grains d’amidon du Paspa- lum longiflorum ont une grande analogie avec ceux du Maïs dont ils se distinguent cependant avec facilité par leurs dimensions plus faibles, puisqu'ils ne mesurent jamais plus de 19 millièmes de millimètre. Tous les grains sont de volume sensiblement uniforme et l’on n’en rencontre que peu mesurant moins de 12 millimètres. La forme du hile établit également un caractère optique très net; il est, en effet, large et présente une forme anfractueuse. Par ses qualités nutritives et la facilité de sa culture, cette Gra- minée mérite d’être rangée au nombre des plus utiles céréales, il peut être intéressant d'en encourager la culture dans nos colonies (1). (1) Compt. rend. Acad. des Sciences, Paris, séance du 7 mars 1898. A nu MAT DE VER eE 45e ANNÉE MAI 18598 SOMMAIRE — Essais d’Acclimatation du Rossignol du Japon aux environs de Paris. . — La Jacinthe d’eau (Piarogus crassipes) cultivée à Saint-Max-les- | . Poissons malades, noel ie STE. — Les attelages de Chiens ........................ Appel aux enfants pour la protection des Oiseaux utiles. — L’Acclima- J imbo (Chili) de Faisans importéssdAneleternes nan in 0 0. | por raits Ge Anal, ges \ 145 451 154 160 ociét ne prend sous sa responsabilité aucune des op Le DES. des articles insérés dans le Bulletin. \ tee AU SIÈGE mi LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET A DA. LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE - Le Bulletin paraît tous les mois, DÉSINFECTANT ANTISEPTIQUE Le seul joignant à son Efficacité, \ scientifiquement démontrée, NY l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Corrosif. Hémostatique et Styptique puissant. Adopté par les Ecoles Nationales Vétérinaires, le Service de Santé de l'Armée, la Préfecture de la Seine et La Dlupart des Services d'Hygiène el de Désinfection des Départements. 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Ma propriété comprend environ 34 hectares d’un seul tenant,entièrement clos de murs et limités par quatre routes; sur une des faces s'étendent des friches et des taillis qui se relient aux bois de Meaux, distants de 300 mètres; sur deux autres, des terres en culture, céréales et prairies artificielles vont rejoindre également des bois peu éloignés; enfin, sur la, quatrième se trouve un petit hameau riverain de la Marne. La propriété est divisée en deux parties assez distinctes : d'un côté, 5 hectares environ en parc à l'anglaise avec pe- louses, massifs, pièces d’eau, maison d'habitation et maison de jardinier, communs, serre et potager; de l'autre, environ 29 hectares entierement boisés, sauf une petite plaine cen- trale de près de 2 hectares au milieu de laquelle une maison- nette sert d'habitation à un bücheron. Peu de temps après l'acquisition de ma propriété, je fus frappé par l’absence presque complète de petits Oiseaux et le manque de vie et de gaieté qui en résultait. Par contre, les Insectes, surtout les Taons, pullulaient au point d’incommoder les maçons et autres ouvriers qui, pendant un été, travail- lèrent à la maison d'habitation. Ci Désireux de remédier à cet état de choses, je fis faire la (1) Lettre lue à la séance de la Section d’Ornithologie, le 2 mai 1898. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 11. 7 4 K NT AT OT | * FF 146 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. guerre aux nombreux Ecureuils qui contribuaïient à la dépo- pulation en saccageant les nids; je fis détruire une cinquan- taine de bêtes puantes, Putois, Fouines ou Belettes, quelques Chats sauvages, une douzaine de Buses, des Corbeaux, des Pies et autres Oiseaux malfaisants; enfin, je fis amener au centre du bois, dans une grande vasque plate en ciment, un courant d'eau vive, coulant hiver comme été. Les effets de ces différentes mesures furent satisfaisants et rapides : dès la deuxième année, les petits Oiseaux, devenus nombreux, égayaient la propriété de leurs chants et de leurs ébats et ramenaient à une proportion normale l'affiuence d’Insectes que j'avais remarquée l’année précédente. Pendant que je me préoccupais de la reconstitution de mes richesses en Oiseaux insectivores, un petit fait, qui ne m'eüt peut-être pas frappé en tout autre moment, vint me faire penser au Rossignol du Japon, comme appoint intéressant. J'avais, en cage à Paris, un de ces Rossignols. Un jour, une Mouche étourdie eut la malheureuse idée de vouloir traverser en volant un angle de la cage, l’Oiseau se trouvant à l’autre extrémité; ia Mouche avait bien peu à faire pour se mettre en sûreté, elle n’en eut pas le temps,le Rossignol se précipita sur elle avec une telle impétuosité, qu'il la cueillit au voi, avec la rapidité de l'éclair. L'Oiseau avait bien choisi son moment pour accomplir cette petite prouesse; étant donné mon état d'esprit, l’idée d'essayer chez moi l’acclimatation de sa race en découla tout naturellement. Je vous demandai, à cette époque, si vous aviez connais- sance que des essais eussent été faits dans cette voie, vetre réponse négative ne me fit pas renoncer à mon projet, et je me promis de le mettre à exécution au retour de la belle saison. En mars 1897, je choisis, pour préparer mon expérience, une des faces de la maisonnette du bücheron exposée au midi : profitant d’un retrait d’une partie de la construction qui for- mait un angle abrité, je fis installer, à cet endroit, une volière adossée, d'environ 4 mètres sur 1 mètre; quelques poteaux montant jusqu'à la toiture, prolongée pour la circonstance avec des planches posées à recouvrement, formaient la car- casse que recouvrait un grillage fin; une vieille porte gril- lagée fermait la volière; plantés dans le sol, deux petits chênes, encore garnis de leurs feuilles sèches, servaient de és ESSAIS D’ACCLIMATATION DU ROSSIGNOL DU JAPON. 147 perchoirs naturels; enfin, tout à fait sous le toit, y touchant presque, de petits bambous formaient, pour la nuit ou pour les mauvais temps, des perchoirs mieux abrités. A la fin de mars, j'apportai dans cette volière quinze Ros- signols du Japon, dont six mâles et neuf femelles; j'avais donné à mon bücheron, par écrit, des instructions précises sur la facon de préparer la nourriture de mes Oiseaux, en mélan- seant intimement de la mie de pain rassis, du chènevis écrasé et des feuilles de choux hachées très menu. Du pain trempé dans du lait et fréquemment renouvelé, quelques pommes et des oranges coupées en deux et posées dans les enfourchures de branches des deux petits chênes variaient ce menu; sur le sol finement sablé un abreuvoir syphoïde rempli d'eau com- plétait l'installation. Je revins à la propriété quinze jours plus tard; deux fe- melles étaient mortes, peut-être de froid, car la période avait été peu clémente et mes Oiseaux devaient être plus chaude- ment logés chez l’oiseleur qui me les avait vendus; ceux qui restaient étaient vifs et paraissaient en excellente santé. Ayant eu l’occasion d'entrer dans la volière pour déplacer labreuvoir qui, se trouvant sous un des arbres, pouvait être souillé par les déjections des Oiseaux, je fus frappé de les voir aussi peu sauvages, plusieurs restaient sur leurs perchoirs à la portée de ma main, sans paraître effrayés de ma présence. Cette familiarité, chez des Oiseaux que je voulais abandonner à eux-mêmes, me contraria un peu, j'aurais préféré les voir plus farouches. Mon intention était de les conserver deux à tr'ois semaines dans la volière pour les habituer, par une liberté relative, à leur indépendance future; j'avais aussi l'espoir qu'ils s’atta- cheraient un peu à leur nouvelle maison et reviendraient la visiter, au moins les premiers temps, pour y chercher leur nourriture habituelle. Dans mon esprit, la petite maison du bücheron devait être le point de ralliement de mes pen- sionnaires. | Les mauvais temps qui régnèrent pendant presque tout le mois d'avril et le commencement de mai me firent différer, beaucoup plus que je ne l’aurais désiré, l'ouverture de la vo- lière. J'aurais voulu mettre les Rossignols en liberté assez tôt au printemps pour leur permettre de faire leurs nids, c'était le plus sûr moyen de les attacher à la propriété; mais, d'autre 148 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. part, il fallait me préoccuper de leur subsistance, et je ne croyais pas prudent de les lâcher avant que les chaleurs n'eussent ramené les Insectes dont ils devaient faire leur nourriture. Ce n’est donc que vers le 15 mai qu’une température un peu plus clémente permit d'ouvrir un matin toute grande la porte de la volière : les Oiseaux partirent par petits groupes, et deux d’entre eux hésitèrent longtemps avant de quitter leur abri. J'avais fait préparer, sur le toit de planches de la vo- lière, des provisions appétissantes qu’on continua, pendant plus de quinze jours, à renouveler régulièrement. Plusieurs des Rossignols revinrent à la maisonnette manger les provi- sions préparées, puis leurs visites s’espacèrent; enfin, elles devinrent si rares, que les vivres furent supprimés, ainsi que la voliere. A l'une de mes visites à la propriété, au milieu de juin,mon jardinier me signala que la veille, la pluie ayant amassé un peu d’eau dans un petit creux d’une vallée en face de sa maison, deux Rossignols du Japon étaient venus s’y baigner et avaient passé là quelques instants à faire leurs ablutions en sa présence. Mon bûcheron, de son côté, continuait à voir de temps en temps un ou deux de ses élèves, et très souvent il distinguait leur chant qu’il avait appris à connaître pendant qu'ils étaient dans la volière; malgré ses recherches, il ne put découvrir de nid. À la fin de juin, j'eus l’occasion de passer dans ma pro-' priété quelques jours de vacances, mais ni ma femme, ni mes enfants, ni moi, ne fûmes assez heureux pour retrouver nos Oiseaux; deux fois cependant, de grand matin, j'entendis leur chant, facile à reconnaitre. L'été se passa, puis l’automne, je n’eus pas souvent l’occa- sion d'aller à la campagne, j'oubliai les Rossignols. Le jour de Noël, je me trouvais à la propriété par une belle journée ensoleillée; le jardinier avait ouvert largement les châssis de la serre tempérée ainsi que la porte qui la fait communiquer avec la serre chaude; ma femme, en entrant dans la serre où elle allait cueillir quelques fleurs, vit s'envoler devant elle un Rossignol du Japon qui se réfugia dans la serre chaude ; heu- reuse de cette découverte, elle ferma la porte de communica- tion entre les deux serres et vint me prévenir qu’elle avait emprisonné, pour me le montrer, un des Rossignols. C'était ESSAIS D’ACCLIMATATION DU ROSSIGNOL DU JAPON. 149 la première fois qu’il nous était donné, à ma femme et à moi, de les revoir; je trouvai, en effet, perché sur des Passiflores qui tapissent le mur de la serre chaude, un très beau Rossi- gnol du Japon mâle. J’admirai quelques minutes son joli plumage aux teintes vives et d’une netteté qu’on ne rencontre pas toujours dans les cages, puis je rouvris la porte de la serre tempérée, et l'Oiseau s’emvola, mais sans témoigner trop de frayeur. Cette apparition me causa une grande satisfaction, elle permettait de supposer que le Rossignol du Japon est un Oi- seau sédentaire, qui n’émigre pas l'hiver ; je dis permeltait d'espérer, car il est très possible que le changement d’exis- tence qui résultait pour les miens d’une acclimatation en pays inconnu et aussi leur petit nombre aient modifié temporaire- ment leur instinct habituel. Dans le courant de janvier, mon jardinier trouva un jour, dans l’orangerie dont les portes sont ouvertes quand il ne gèle pas, trois Rossignols du Japon, qui, perchés sur les Orangers, paraissaient y chercher des Insectes; ils s’en- fuirent à son entrée, mais toujours sans paraître, à beaucoup près, aussi effrayés que le seraient des Oiseaux de notre pays surpris dans les mêmes conditions. Quelques jours après, en février, en ouvrant le matin les portes de l’orangerie, un Rossignol s’envola, il avait dû y passer la nuit. Le bücheron a souvent, cet hiver, entendu le chant de nos Rossignols, surtout à l’aube, par les matinées ensoleillées ; il en a vu quelquefois un, maïs le plus souvent deux voltiger dans de grands Epiceas qui avoisinent sa maisonnette. Je n’ai pas entendu dire que, dans le village, personne ait remarqué mes Oiseaux; mais, comme je n’ai mis personne au courant de mon essai et que j'y connais très peu de monde, je ne puis - tirer de cela aucune conclusion. En somme, sur treize Rossignols du Japon mis en liberté en mai 1897, on en a revu, en janvier 1898, jusqu'à trois ensemble; il en reste peut-être un plus grand nombre, mais on ne doit régulièrement faire état que de ce qui a pu être rigoureusement constaté. Trois de ces Oiseaux, au moins, ont donc passé l'hiver en liberté, sans émigrer dans les pays chauds, et cela en Seine-et-Marne, à quelques lieues de Paris. L'expérience est encourageante et donne lieu d'espérer qu’en- treprise sur une plus large échelle, elle aurait pour résultat 150 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. de nous doter d'un Oiseau des plus utiles et des plus agréables. Avant de terminer, je crois devoir signaler, dans la facon dont j’ai procédé, deux points faibles. Mes Oiseaux ont été mis en liberté un peu tard pour faire leurs nids dans l’année même; il n’y aurait probablement pas d’inconvénient à les lâcher dès le commencement d'avril, étant donné qu’ils ont su trouver leur subsistance même en hiver, et aussi qu'ils se sont montrés très rustiques. D'autre vart, j'avais dans la pro- priété au moins quatre Chats domestiques, tous plus ou moins chasseurs; je crains bien que plusieurs de mes petits hôtes aient payé de leur vie leur douce familiarité. J'ai l'intention de recommencer cette année un nouvel essai, en tenant compte de l’expérience acquise; s’il se pro- duisait quelque fait nouveau qui puisse vous intéresser, je ne manquerai pas de vous mettre au courant. J’ai déjà promis à mon bûcheron et à mon jardinier une forte prime, pour celui qui pourra me signaler un nid de Rossignols du Japon. Je faisais plus haut quelques réserves au sujet de l’émigra- tion possible en hiver du Rossignol du Japon, il est un fait qui laisse supposer que nous avons affaire à un Oiseau migra- teur. Tous les ans, à une époque de l’année qui varie peu (décembre, je crois), les marchands d'Oiseaux recoivent d'im- portantes cargaisons de cet Oiseau, importées du Japon. N'y a-t-il pas là un indice indiquant de fortes captures de cette espèce, opérées sans doute au moment des passages; cela ne fait-il pas penser aux captures par milliers des Cailles et autres Oiseaux migrateurs à l'époque de leurs pérégrina- tions? Je laisse à de plus compétents le soin de trancher cette question, qui, de toute facon, n’est que secondaire, puisque l'émigration en hiver des Hirondelles et autres Oiseaux insectivores ne nous empêche pas de jouir de leurs services pendant la saison où ils sont le plus intéressants. 154 LA JACINTHE D'EAU (PIAROPUS CRASSIPES MartT.) CULTIVÉE A SAINT-MAX-LES-NANCY (MEURTHE-ET-MOSELLE) par A. DELAVAL (|). En lisant sous ce titre : « Une acclimatation facheuse » Fintéressant article de M. Herbert J. Webber sur la Jacinthe d'eau {Pontederia crassipes des catalogues des fleuristes) paru dans le Bulletin de la Société nationale d'Acclimatation de France, (octobre 1897), la pensée m'est venue de vous présen- ter cette curieuse plante sous un aspect plus favorable et de vous dire le parti que j'en tire pour la décoration des bassins de serre des aquariums et des appartements. Nous n'avons pas à craindre ici sous notre rigoureux cli- mat de l'Est où elle n’est pas rustique, les méfaits que sa pro- pagation rapide et son envahissement ont mis à son actif : entrave à la navigation et au flottage, obstruction et rupture des ponts par son amoncellement. Les essais que j'ai tentés pour la faire végéter et fleurir dans un bassin en plein air ont échoué jusqu'à présent. N’envisageant ici la question qu’au point de vue pitto- resque, je ne ferai aucune description scientifique, qui, du reste, ne serait pas de ma modeste compétence. Je dirai seulement que la Jacinthe d’eau fiotte librement à la surface de l’eau, soutenue par le développement considéra- ble du pédoncule de ses feuilles qui ressemblent à des vessies natatoires et la rendent insubmersible. La plante est d’ail- leurs lestée par des racines longues et touffues, composées de filaments blanchâtres à extrémité noire, hérissés de fins sucoirs assez courts, qui vus à travers les glaces limpides d’un aquarium produisent un charmant effet. Le renflement du pédoncule est terminé par une feuille ar- rondie, bien faite, d’un tissu ferme et d’un vert brillant. De la touffe des feuilles surgit brusquement une tige florale, de la grosseur d’un crayon, garnie d’un nombre variable de fleurs (1) Communication faite en séance générale le 25 mars 1898. 152 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. qui ne rappellent la Jacinthe que par leur disposition, car elles ont les dimensions et l'aspect d’une fleur de Rhododendron, d’un tissu plus léger encore et d'une délicieuse teinte lilas pâle avec une tache rouille. Cet épanouissement rapide dure rarement deux jours, et quand la fieur se flétrit, le pédoncule se plie mécaniquement par le milieu, pour rabattre en quel- ques heures sa partie florale et la plonger dans l’eau où doivent mürir les graines. Ici, aux environs de Nancy, les graines ne se sont jamais formées et c’est par cinq ou six stolons dirigés dans tous les sens que la plante se propage avec une grande rapidité ; ces tiges, lancées dans toutes les directions tout autour d'elle, en forment à leur extrémité de nouvelles qui s’enra- cinent et peuvent être séparées. Le Piaropus peut prospérer longtemps en appartement, mais il se déforme et « file » quand il ne recoit que la lu- mière oblique des fenêtres. Pour jouir pleinement de sa luxuriante végétation et de sa splendide floraison, il vaut mieux apporter dans l'aquarium ou dans une large coupe de cristal remplie d’eau limpide pour en laisser voir les racines, la plante prête à fleurir qu'on remplace successivement quand elle se fane. Plusieurs pieds fleuris, artistement groupés dans une cor- beille de cristal teinté et décoré en couleurs de plantes et d'animaux aquatiques, tel que sait le créer le génie fertile de nos célèbres verriers nancéens MM. Daum et Gallé, forment un milieu de table qui rivalise avec les plus belles Orchidées et qui aurait de plus le mérite de la nouveauté. Les récipients doivent mesurer plus de 20 centimètres de profondeur. La culture qui permettra de jouir d’une constante floraison de mai à octobre est des plus simples si l’on dispose d’une petite serre bien éclairée ou de simples coffres à châssis. Voici comment je procède : dans une serre chauffée au thermo-siphon, mais où la température s’abaisse souvent à + 49, j'ai établi sur la banquette autour du foyer un petit coffre recouvert d’un châssis où, dans des bacs de terre ver- nissée, garnis au fond d’un lit de terre de 5 centimètres et remplis d’eau que je ne fais pas renouveler, les plantes pas- sent tant bien que mal l'hiver : j'ai pu même en conserver dans des cuveaux placés sous les tablettes. LA JACINTHE D'EAU. 153 Au mois de mars, on enterre dans une couche chaude les bacs dont on a renouvelé la terre et l’eau, on y installe les plantes pour les mettre en végétation. Elles poussent avec vi- gueur, et dès le mois de mai on les répartit dans les bassins ou dans des récipients préparés pour les recevoir dans la partie de la serre la plus exposée au soleil. Les plus écono- miques sont des tonneaux sciés en deux. On dispose un lit de 5 centimètres de bonne terre, et on remplit d’eau qu'il est inutile de renouveler, il suffit de remplacer celle qui est ab- sorbée par l’évaporation. Assez rapidement la surface est couverte par une végéta- tion luxuriante d’où jaillissent brusquement, sans discontinuer de mai à octobre, ces belles hampes garnies de fleurs éphé- mères, qui se succèdent rapidement. Dès l'apparition des bou- tons on peut transporter la plante en appartement où elle achèvera sa floraison. Cette plante vigoureuse n’est pas atfta- quée par les Insectes, le Puceron l’envahit difficilement. Elle supporte l’action directe des rayons du soleil à travers le verre, elle végète dans l’eau pure, mais la plante s'y déve- loppe moins que quand une couche de terre végétale enrichit l’eau de son engrais. Si les racines ne sont pas éloignées de la terre par une couche d’eau suffisante (15 à 20 centimètres), elles s’y en- foncent et la plante n’est plus flottante. Quelques Lymnées, des tétards de Grenouilies empêchent l'invasion des Conferves, surtout avant que la surface de l’eau ne soit couverte par le feuillage qui, en interceptant la lumière, arrête le développement de ces Algues. Le Pontederia crassipes fait le plus bel ornement des bas- sins, où j'élève de nombreux Poissons télescopes, elle en pu- rifie l'eau, sans toutefois suffire à elle seule pour l’aérer. Les détritus de ses tiges charnues, en se décomposant, ai- dent au développement des Infusoires tout en fournissant une nourriture végétale aux alevins qui s’ébattent dans ses racines protectrices. À condition que les demandes ne soient pas trop nom- breuses, je me ferais un plaisir d'offrir quelques pieds de Pia- ropus à ceux de mes collègues de la Société d’Acclimatation qui m'en feraient la demande à partir du mois d'août. 154 ALLOCUTION PRONONCÉE A L'OUVERTURE DE LA SECTION DE COLONISATION Dans la séance du 31 janvier 1898 par A. MILHE-POUTINGON, Vice-président. Monsieur le Président, Messieurs, L'honneur d'ouvrir les travaux effectifs de la nouvelle Section coloniale de la Société d'Acclimatation revenait à un plus digne que moi. Il appartenait au savant botaniste, à l'infatigable explorateur que vos suffrages viennent d'élever à la présidence de cette Section et que l’état de sa santé re- tient aujourd'hui loin de nous. C’est au service de la cause de l’acclimatation que M. Raoul l’a récemment compromise. Chargé par le Ministère des Colonies d’une mission qui doit se prolonger environ durant trois ans et embrasser l'étude économique de la flore tropicale du globe entier, M. Raoul à dû interrompre son voyage au bout de la première étape, vaincu par les fatigues qu'il a endurées pendant l’explora- tion des forêts de Sumatra. Il est rentré en France, mais rap- portant avec lui une abondante moisson de plantes les plus précieuses, qu’il a confiées aux soins si expérimentés de notre collègue M. le docteur Heckel. Puis il est allé demander à son pays natal, la Bretagne, le rétablissement de sa santé. Nous avons eu récemment de lui de bonnes nouvelles, et aux re- grets que nous cause aujourd’hui son absence, s'associe du moins l'espoir de le voir bientôt, complètement rétabli, venir prendre la direction de nos travaux. En attendant, et certain d'interpréter fidèlement les sentiments de tous ici, je vous propose d'adresser à M. Raoul l'expression, et de ces regrets, et de cet espoir. S'il eùt été à cette place, il aurait, avec toute l'autorité né- cessaire, exprimé les remerciements du Bureau de la nouvelle ET ALLOCUTION DE A. MILHE-POUTINGON. 155 Section, au Conseil de la Société qui en a décidé la création. Le Conseil a bien voulu déléguer auprès d'elle un de ses membres, qui, dans la belle Revue qu'il dirige, rend journel- lement à nos colonies un des plus utiles services, celui de vulgariser la connaissance de leurs ressources (1). Nous de- vons remercier également le Conseil d’avoir bien voulu nous proposer à vos suffrages, comme nous vous remercions, Messieurs, de nous en avoir honorés. Notre gratitude doit aller enfin, d’une façon toute particu- lière, à M. le président Le Myre de Vilers, dont le nom restera attaché à la création de cette Section, et qui a bien voulu ap- porter à son inauguration le précieux encouragement de sa présence et de ses conseils. C’est un nouveau gage de son dé- vouement pour cette France d'outre-mer qu'il a contribué à étendre, dont il a si souvent au loin défendu et fait triompher les intérêts. La récente conquête de Madagascar, préparée par la sa- gesse et l’habileté de notre diplomatie, semble devoir clore définitivement la période d'expansion de ces vingt dernières années. L'ère de mise en valeur de notre empire colonial est _ maintenant ouverte et la Société d'Acclimatation est, dans cette voie, en mesure de rendre à nos colonies d’inapprécia- bles services. Depuis longtemps, d’ailleurs, Elle leur a témoigné sa solli- citude et j'ai à peine besoin de rappeler le rôle éminemment utile qu'ont rempli ici trois groupes formés des spécialistes les plus autorisés et qui ont commencé à fonctionner au sein de la Société voici plus de trente ans, sous le titre de Com- missions permanentes de l'Algérie, des Colonies, del'Étranger. Il suffit, du reste, de parcourir nos Bulletins pour y voir traités, presque à chaque page, des sujets se ratta- chant aux questions coloniales. Et actuellement encore, la Société n’a-t-elle pas pris en mains, avec une activité et un intérêt tout à fait exceptionnels, cette étude de la domestica- tion de l’Eléphant, d’une si réelle importance pour la mise en valeur de l'Afrique équatoriale, et que notre collègue M. Paul Bourdarie a fait progresser avec un dévouement et une persé- vérance que vous avez trop souvent appréciée et applaudie, pour qu’il me convienne d'en reprendre l'éloge? {1} M. L. Olivier, directeur de la Revue générale des Sciences, a été délégué par le Conseil auprès de la Section coloniale. 156 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. La Société d'Acclimatation a donné encore d’autres marques d'intérêt aux questions coloniales; elle a réservé à diverses reprises sa plus haute distinction, la médaille d’or grand module, pour récompenser les services rendus au titre colonial. C’est ainsi que dès 1882, elle l’attribuait au haut fonctionnaire chargé alors du Gouvernement général de notre belle Cochinchine française, et sous l’administration duquel cette colonie résolvait ce problème, longtemps inso- luble chez nous, de solder toutes ses dépenses et de verser en outre dans la caisse de la métropole un contingent relative- ment élevé. C’est un souvenir que j'ai d'autant plus à cœur d'évoquer, Messieurs, qu'il m'est permis de saluer dans le Président de la Société d'Acclimatation, qui nous honore de sa présence, le lauréat de la grande médaille d’or de 1882. Plus récemment encore, à deux années consécutives, en 1895 et 1896, la médaille d'or a eu pour titulaires deux hommes qui ont rendu à l'étude économique et à l’acclimatation des plantes tropicales des services inestimables : M. le docteur Heckel et M. Raoul, le président même de notre nouvelle Section. Entre ces manifestations et la création d’une Section colo- niale; il n’y avait qu'un dernier pas; il est aujourd'hui fran- chi. En fondant cette Section, la Société d’Acclimatalion n’a donc fait que s'adapter, comme elle l’a toujours fait dans le passé, aux besoins nouveaux ; et ceux de nos colonies sont, à cet égard, véritablement infinis. Les énumérer, c'est tracer en quelque sorte le programme des travaux de la Section. — Qu'il me soit permis de le faire sommairement. Nous avons un domaine colonial, qui représente huit ou neuf fois la superficie de la France, et dont la plus grande partie se trouve dans la région tropicale, si différente des nôtres comme climat et productions. Pour tirer parti de nos possessions, pour qu'elles nous dédommagent des sacrifices qu'elles nous ont coûtés, il nous faut y envoyer des colons, des planteurs, même sur certains points de la main-d'œuvre, et aussitôt vous entrevoyez, Messieurs, quel champ nous est ouvert au point de vue des études concernant l’acclimatation ou plutôt de l’acclimatement de l'homme. Que d’études aussi, au point de vue de la faune, de l’intro- duction, de l’acclimatation des animaux utiles à l'homme, des LS SE ALLOCUTION DE A. MILHE-POUTINGON. 157 bêtes de somme dont l'Afrique, équatoriale est complètement dépourvue, en dehors de l’Eléphant inutilisé ! Au point de vue de la flore, le champ est, à vrai dire, il- limité. Nous demandons à l'étranger presque toutes les productions coloniales nécessaires à notre alimentation ou à notre indus- trie : café, cacao, tabac, coton, quinquina, caoutchouc, gutta- percha, alors que certains de ces produits croissent spontané- ment dans nos colonies ou prospèrent dans des pays ana- logues comme sol et climat. Un pareil état de choses, infiniment regrettable au point de vue du commerce d’expor- tation et du mouvement maritime a pour conséquence une inféricrité marquée vis-à-vis de nos concurrents étrangers, et nous avons vu les principaux marchés de produits co- loniaux s'établir presque tous au dehors. C’est à Liverpool, à Anvers, à Hambourg que va se vendre le caoutchouc des colonies françaises, à Anvers, leur ivoire, à Liverpool, leurs bois. Par contre, nous achetons en Amérique, en Angleterre, le coton que manufacturent nos industries. Ces matières premières sont transportées par des bateaux américains ou anglais, qui, en retour, rapportent, dans nos propres colo- nies, avec des prix de fret que notre navigation ne peut concurrencer et qui avantagent le commerce étranger, les produits manufacturés de la Grande-Bretagne et des Etats- Unis. Le remède, ou tout au moins l’un des meilleurs remèdes à cette situation, consisterait manifestement à développer les productions naturelles et les exploitations agricoles dans nos colonies, afin d'y récolter d’une part et d'y exporter de l’autre les produits et les marchandises que nos colonies et la métro- pole tirent actuellement de l'étranger. Mais pour accroître notre production, pour développer nos cultures coloniales, il faut que nous introduisions, que nous multipliions dans nos colonies les végétaux, les variétés de plantes industrielles, alimentaires, médicinales, qu’elles ne possèdent pas et qu’elles auraient intérêt à acquérir ; nous de- vrons en un mot faire de l’acclimatation. C’est à cette étude que la Sociélé d'Acclimatation con- vie cette nouvelle Section coloniale. Elle nous y aidera par ses puissantes relations, par la vieille expérience qui s’est accumulée et comme cristallisée dans ses publications et dans ses traditions. Sous la direction du savant éminent que vous ee 158 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. avez placé à la tête de la Section, avec l'appui, le concours des correspondants de la Société, de ses amis d'outre-mer, de tous ceux, enfin, qui contribuent par leurs études, par leurs travaux et par leur dévouement à faire progresser cette belle et utile science de l’acclimatation, nous allons, Messieurs, entreprendre avec ardeur cette tâche, heureux de coopérer dans la mesure de nos moyens, à la prospérité de notre empire colonial. 159 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 2e SECTION (ORNITHOLOGIE. — AVICULTURE),. SÉANCE DU 31 JANVIER 1898. PRÉSIDENCE DE M. OUSTALET, PRÉSIDENT. Il est procédé au renouvellement du bureau et à l'élection d’un dé- légué à la Commission des récompenses. Sont nommés : President : M. Oustalet ; Vice-Président : M. le Comte de Chabannes La Palice; Secrétaire : M. le Comte d'Orfeuille ; Secrétaire-adjoint : M. Félix Mérel ; Délégué aux récompenses : M. Wuirion. La correspondance imprimée comyrend un certain nombre d’ou- vrages et de spécimens de journaux d’Aviculture dont l'échange est pro- posé à la Socicté. Ces demandes sont renvoyées à l’examen du Conseil. Parmi les ouvrages, il convient de signaler un important traité de Colombophilie publié en espagnol par M. Castello, de Barcelone, et le beau volume de M. André Suchetet sur les Oiseaux hybrides observés à l'état sauvage. Lecture est donnée d’une lettre adressée par M. le Ministre du . Commerce au Président de la Societé d’'Acclimatation, lui annoncant l'ouverture d’une Exposition internationale d’Oisellerie à Saint-Péters- bourg dans le courant de l’année 1898 ; M. le baron de Morenheim, ambassadeur de Russie, a informé M. le Ministre des Affaires étran- gères que le Gouvernement impérial verrait avec plaisir la participa- tion de la France à cette Exposition. La Section est toute disposée à prêter son appui à l’entreprise, mais il lui paraît utile, afin d’agir d'une manière efficace, de de- mander à M. le Ministre du Commerce communication de quelques détails pouvant intéresser les exposants en ce qui concerne notam- ment les frais de transport et de douane. En conséquence, la Section prie le bureau de la Société de vouloir bien agir auprès du Ministère pour obtenir en temps utile tous les renseignements nécessaires. La Société d'Horticulture de Villemomble (Seine), désirant joindre une Exposition d’Aviculture à son Exposition annuelle, demande com- munication de programmes d'expositions et concours analogues dont l'étude puisse l'aider dans la circonstance. 160 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Lecture est donnée d'une lettre de M. le Ministre de l'Agriculture adressée au Président de la Société d'A cclimatation concernant l’importa- tion directe des Nandous en France. Les agents du Gouvernement fran- çais dans l'Uruguay et la République Argentine recevront des instruc- tions à ce sujet par l'entremise du Département des Affaires étrangères. M. Leroy écrit d'Oran qu'il a vu dans cetle ville, le 7 janvier 1898, une Hirondelle à ventre blanc voltiger au-dessus de son jardin. C’est la première fois que pareille observation a été faite. Il s'agit sans doute d'AÆirundo urbica. M. Blaauw adresse de S'graveland (Hollande), quelques détails complémentaires sur l'élevage du Tinamou roux. D’après lui, le cli- mat de l'Algérie pourrait convenir à cet Oiseau. M. Oustalet croit utile de faire quelques réserves à ce propos, la sécheresse ne semblant pas devoir être favorable au Tinamou. Une discussion s'engage au sujet de cet Oiseau. MM. Debreuil, de Guerne et Wuirion citent divers élevages de Tinamou réussissant bien dans des conditions assez diffé- rentes. En résume, il convient surtout de veiller à la bonne alimenta- tion, en ayant soin d'y introduire toujours une notable quantité de ma- tières animales. M. Debreuil fait une communication sur l'élevage des Nandous dans sa propriété de Melun. Ces Oiseaux sont en pleine prospérité et pa- raissent tres rustiques. Il est toutefois regrettable qu'ils appartien- nent tous au sexe femelle. M. Debreuil, secondé d’ailleurs par la Société, a fait de vains efforts pour se procurer un mâle, et cest à son grand regret qu’il s'est trouvé forcé de distribuer les œufs pon- dus en grand nombre, mais dont aucun produit ne pouvait être ob- tenu, faute de fécondation. Le Secrélaire, Comte D'ORFEUILLE. 3: SECTION (AQUICULTURE). SÉANCE DU 7 FÉVRIER 1898. PRÉSIDENCE DE M. EDMOND PERRIER (DE L'INSTITUT), PRÉSIDENT. Ilest procédé à la nomination du bureau pour la session de 1898. Les membres en fonctions sont réélus à l’unanimilé; le bureau se trouve donc composé comme suit : MM. Edmond Perrier, président ; G. Roché, vice-président ; J. de Clarybrooke, secrétaire ; A. Boigeol, secrélaïre-adjoint. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 161 M. R. Blanchard, délégué aux récompenses, est également maintenu dans ses fonctions. M. le Secrélaire général rappelle que M. Raveret-Wattel est délégué par le Conseil auprès de la Section. Lecture de la correspondance. Une série de lettres concernent la distribution d'œufs d’'Ombre-Chevalier récemment annoncée. Cette distribution est chose terminée. Vingt-cinq mille œufs ont été répartis le 5 février par les soins de M. le Secrétaire général grâce à la géné- rosité de M. Berthoule. A ce propos M. le Président dit que des remerciements tout parti- culiers sont dus par la Section à M. Berthoule, sans préjudice de ceux que lui adressera le Bureau de la Société. M. le Secrétaire général présente, de la part de M. Zenk, une. notice publiée il y a une quinzaine d’années par M. Vander Snickt sur l'Établissement de pisciculture de Seewiese en Bavière et dont un certain nombre d'exemplaires sont destinés à être distribués aux Membres de la Sociélé. Il en est de même d’une plaquette de M. E. Humbert Claude, curé de Taintrux (Vosges), et intitulée : Rémy inventeur des procédés prati- ques de la pisciculture. À propos de ce mémoire, M. le Secrétaire géné- ral fait observer que l’auteur pose un peu trop en victimes le pisci- culteur Rémy et ses descendants. À plusieurs reprises, en effet, depuis 1855, et sur la proposition du D' Haxo, la famille de Rémy a recu par les soins de la Société d’Acclimatation et grâce à son initiative, des secours qui se sont élevés à la somme de 8,385 francs. Lecture est donnée d’une notice sur l'Établissement de pisciculture d’Ancourt, près Dieppe où M. Duponchez élève diverses espèces de Salmonides, notamment le Salmo fontinalis (1). M. A. Boigeol décrit l'Etablissement de pisciculture organisé par lui aux étangs de la Motte-Rouge, près Randonnai (Orne) et présente une série de photographies prises dans l’'Établissement et aux envi- rons. M. Boigeol se livre surtout à l'élevage de la Truite arc-en-ciel et de la Carpe. Un mémoire détaillé sera publié ultérieurement à ce sujet dans le Bulletin. _ M. G. Roché, récemment nommé secrétaire du Comité d’admis- sion et d'installation de la classe 53 pour l'Exposition universelle de 1900 (Engins, instruments et produits de la pêche, aquiculture), pense qu'il est utile de stimuler le zèle des Membres de la Section pouvant prendre part à cette Exposition. La concurrence étrangère sera certai- nement très vive; raison de plus pour montrer que la pêche et la pis- ciculture sont en grand progrès chez nous. La France est actuellement le premier pays d'Europe pour l’Ostréiculture ; il faut maintenir cette situation et éviter de laisser s'installer sur nos marchés les produits {) Voir ci-dessus, page 101, Bull. Soc. nat. Acci, Fr. 1898. — 12. } ; | F : 162 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ostreicoles étrangers. La Socislé d'Acclimatation est la seule Société française qui, depuis son origine en 1854 et avec une persévérance souvent heureuse et en tous cas des plus méritoires, ait fait quelque chose pour l'aquiculture aussi bien dans la théorie que dans'la pra- tique ; elle devra donc avoir uoe place privilégiée à l'Exposition uni- verselle de 1900, dans cet ordre d'idées. Pour cela il est nécessaire qu'elle prenne dès maintenant l'engage- ment d'exposer; il faut qu'elle fasse connaître à tous ses membres l’organisation de la classe 53 et qu’elle guide les exposants qui vou- draient être renseignés. Comme suite à la communication de M. G. Roché, la Section émet le vœu suivant qui sera soumis au Conseil : La 3° Section (Aquiculture, émet le vœu que la Société d'Acclima- Éation preane part à l'Exposition universelle de 1900 et qu'elle incite, par tous les moyens en son pouvoir, ceux de ses Membres s’occupant d'aquiculture à exposer les plans de leurs installations, les appareils en usage, produits ou travaux quelconques dans la classe 53, groupe IX, de l'Exposition universelle de 1900. M. E. Cachèux parle de l'Exposition internationale de pêche de Bergen, qui promet d'être Îort intéressante. A ce propos, M. le Secré- taire général annonce que la Société d'Acclimafation compte exposer en Norvège divers documents. Un vœu pourrait être formulé invitant les Membres de la Socié{é, à prendre part à l'Exposition de Bergen; les éléments de cetle exposition seraient réunis, expédiés et présentés par les soins de la Société. Ces envois ne devront présenter aucun caractère commercial ; des médailles de collaboration seraient décer- nées aux exposants. Le vœu suivant est adopté à l'unanimité. M le Secrétaire général veut bien se charger de le transmettre au Conseil. La 3° Section (Aquicullure) émet le vœu que les Membres de la Société d'Acclimafafion parlicipent autant que possible à l'Exposition internationale de pêche de Bergen, dont l'ouverture doit avoir licu en mai 1898. Il est à désirer que les envois dépourvus de carac- tère commercial soient groupés sous le vocable de la Sociélé, expédiés et présentés collectivement par ses soins. Il est désirable que des médailles de collaboration soient décernées aux exposants. M. A. Boigeol parle de la conservation des Poissons dans l’aldehyde formique et demande des renseignements à ce sujet. Divers échantil- lons de la faune ichtyologique belge ou congolaise, présentés dans ce liquide à l'Exposition de Bruxelles, semblent démontrer que le formol ne doit pas être spécialement recommandé pour l’étude des Poissons. J. DE CLAYBROOKE, Secrélaire de la Section. is 5 163 EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. MAMMIFÈRES APPRIVOISÉS AU CONGO FRANCAIS. Extrait d'une lettre de M. G.-A. Blom (1). Poste de Carnot (Congo francais), 29 mai 1897. «Depuis longtemps, les indigènes et notre chasseur sénégalais doi- vent, quand l’occasion se présentera, amener dans un des postes un jeune Éléphant. Il ne s’agit pas pour nous d’inaugurer un nouveau mode de trans- port de marchandises, mais d'ajouter cette bête si intéressante à la collection d'animaux sauvages qui vivent déjà avec nous. En effet, c'est noire distraction de recueillir et d'élever toutes les. bêtes de la brousse que les indigènes nous apportent. Nous en avons eu des quantités. Beaucoup sont mortes, d'autres retournent dans la forêt. Ce que nous avons de plus intéressant actuellement est un cou- ple de Cochons sauvages qui vivent au poste et vont se promener aux environs en pleine liberté. Ils mangent dans la main et suivent comme des Chiens. J'attends avec impatience le jour prochain où nous aurons. une nichée de marcassins, parce que les Cochons domestiques amenés de Brazzaville n’ont pas réussi. Nous avons un Chacal, des Mangoustes, de pelits Rongeurs, une: collection de Singes ct enfin un jeune Chat-tigre gros comme les deux poings, qui fait la loi à tous les autres, et qui à ce moment même, mord le bout de mon porte-plume. Pas un seul de ces animaux n’est enfermé, le Chacal seul est encore à l’attache, mais il suit déjà, et ce qu’il y a de plus extraordinaire, c'est de les voir tous vivre en bonne intelligence, mangeant et dor- mant ensemble avec les Chiens et les Chats domestiques. Il a cepen- dant fallu séparer les inoffensifs Cochons d’Inde qui souffraient trop de- la vie en commun. (Ceux-ci viennent du Nord, par les Haoussas.) Le plus curieux spécimen de la ménagerie est un grand Singe jaure- qui s'est proprio motu institué Chien de berger. 11 mène paitre les Moutons avec toutes les allures des Chiens de France, mordant rageu-- sement les jambes de ceux qui s'écartent du troupeau. Lorsque tout marche à sa guise, il enfourche le premier Mouton venu, se laisse porter et se met à chercher..... sa nourriture. C’est là le secret de son assiduité. Si je réussis à le photographier dans l'exercice de: ses fonctions, je vous enverrai une épreuve. (1} Lue en séance générale le 26 novembre 1897. T2 RU FEU 2 164 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Nos Chiens plus ou moins métissés de races indigènes, sont de bons compagnons, mais ne rendent pas de services sérieux. À mon passage à Brazzaville, M. Greshoff, de la Maison hollandaise, a bien voulu me donner trois superbes Cogs et nous, avons déjà des poussins qui ont des plumes aux pattes, ce qui me console un peu d’avoir manqué au moment du départ l'offre du correspondant de la Société d'Acclimatation à Bordeaux. Si j'ajoute que nous avons ici un troupeau de quarante bêtes à cornes qui augmente tous les jours, que sur huit Chevaux il y a trois juments dont deux pleines, qu’une pouliche née en novembre dernier se porte très bien et mangerait à table si on la laissait faire, que les bourriquots croissent et multiplient, vous verrez que le poste de Carnot n'est pas de ceux où l’on s'ennuie. Croyez-moi, Monsieur, votre très respectueusement dévoué. » G.-A. BLOM. X< MANIERE DENVOYER DES POISSONS MALADES AU POINT DE VUE DE LA RECHERCHE DES MYxOSPORIDIES. Monsieur le Secrétaire général, J'ai examiné les deux Carpes (1) que vous m'avez remises, au point de vue de la présence des Myxosporidies dans les tissus de ces Pois- sons ; l’état de conservalion, absolument défectueux, des viscères de ces Carpes ne permet pas de se prononcer; il m’a semblé toutefois que le rein d’un de ces Poissons renfermait quelques-uns de ces parasites, mais je le répète, les matériaux qui m'ont été confiés sont trop mal conservés pour autoriser une réponse catégorique. Il est nécessaire de refaire un examen sur des Poissons convenablement traites. Dans le cas où votre correspondant désirerait un second examen, je suis à sa disposition et voici la facon dont il devrait procéder : 19 Il devrait m'envoyer un ou deux échantillons (la taille n'a pas d'importance), choisis parmi les Poissons qui lui paraissent malades et les adresser de telle sorte qu'ils me parviennent dans les vingt- quatre heures (trente-six heures au maximum) après leur capture; il suffirait d'emballer ces animaux dans des herbes fraîches et de les expédier tels quels. (4) Ces Poissons provenant du réservoir de Grosbois, [Côte-d'Or] ont été présentés à la Section d’Aquiculture dans la séance du 5 avril 4897. Ils ont été adressés à la Soctété par M. Voillard, conducteur des Ponts et Chaussées sur l'ordre de M. Fontaine, ingéuieur en chef du canal de Bourgogne. Voir Bulletin 1897. EXTRAITS ET ANALYSES. 165 20 Dans le cas où cela serait impossible, il faut procéder ainsi : pré- lever dans les divers organes (foie, rale, rein, branchies, muscles, tube digestif) des fragments larges comme une pièce de deux francs et épais de 1/3 de centimètre environ. Ces fragmenis doivent êlre coupés avec une lame bien aiguisée, sans comprimer les lissus ; ils seront plongés le plus tôt possible dans l'alcool! fort à 90° ou à 95°. Ils peu- vent séjourner plusieurs semaines dans ce dernier liquide. Veuillez agréer....., etc. | A. PETTIT, Docteur ès sciences, attaché au Muséum, (Laboratoire d'Anatomie comparée). EXTRAITS ET ANALYSES. LES ATTELAGES DE CHIENS EN FRANCE (1) par Edg. TriGant-GENESTE, Secrétaire général du département de la Vienne. La voiture ou charrelte attelée de Chiens n’est pas un moyen de locomotion nouvellement inventé en France; cependant, alors que la circulation des vélocipèdes, de date relativement récente, est régle- mentée par des arrêtés, identiques sur toute l’éterdue du territoire, pris par les Préfets, à la date du 29 février 1896 et du 15 juin 1897; alors que la circulation des voitures automobiles va être, à bref délai, réglementée uniformément dans tous les départements, puisqu’une commission vient d’être chargée, par le Ministre des Travaux publics, d'étudier la rédaction d'un règlement à ce sujet, la circulation des voitures attelées de Chiens se trouve, suivant les départements, les ‘communes même dans certains déparlements, ou bien implicitement autorisée, — à défaut d’arrêlé réglementant ou interdisant ce mode de locomotion, — ou bien régie par une réglementation ayant pour prin- cipe l'interdiction, tempérée par des autorisations accordées à titre exceptionnel, ou bien enfin, absolument interdite. Les départements dans lesquels il n'existe aucun arrêlé interdisant ou réglementant la circulation des attelages de Chiens sont les sui- vanis : Ain, Aisne, Allier, Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, (1) Extrait de la Revue générale d'Administration. 1897. 166 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Ardèche, Ariège, Aube, Aude, Bouches-du-Rhône, Cantal, Cher, Corse, Côte-d'Or, Doubs, Drôme, Gard, Gers, Gironde, Hérault, Isère, Jura, Landes, Loire, Lot-et-Garonne, Manche, Haute-Marne, Mayenne, Nièvre, Oise, Orne, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Basses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées, Pyréuées-Orientales, territoire de Belfort, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Haute-Savoie, Seine, Seine-et-Oise, Somme, Tarn, Var, Vaucluse et Vosges. Dans ces départements, la circulation des voitures à Chiens, n'étant pas interdite, est tolérée. Dans quelques-uns elle est presque nulle, dans quelques autres elle est très active. Trois départements n’ont pas d'arrêté interdisant la circulation des attelages de Chiens dans l'étendue de leur territoire, mais des arrêtés pris par certains maires l'interdisent ou la réglementent dans cer- taines communes. Ce sont les Ardennes, les Deux-Sèvres et la Seine- Inférieure. Des arrêtés préfectoraux réglementent la circulation des attelages de Chiens dans les départements ci-après : Côtes-du-Nord, Creuse, Indre, Loire-Inférieure, Loiret, Lozère et Vienne. Ces arrêtés portent les dates des années 1894, 1895 et 1896. Ils sont conçus généralement comme celui de la Vienne, dans les termes sui- vants : ARRÊTÉ RELATIF AUX ATTELAGES DE CHIENS. Nous, Préfet du département de la Vienne, chevalier de la Légion d'honneur, Vu l’article 99 de la loi du 5 avril 1884; Vu les articles 471, 474, 475 et 478 du Code pénal; Vu les avis de MM. les sous-préfels; Considérant que les attelages de Chiens peuvent occasionner des accidents et donner lieu à des abus; qu'il y a lieu de réglementer ce genre de locomotion; Arrêtons : Art. 1®, — Il est interdit d’atteler des Chiens à des véhicules de quelque manière que ce soit. Art. 2. — Exceplionnellement, des autorisations d’atteler un ou plusieurs Chiens peuvent être accordées, lorsque les personnes qui les sollicitent justifient de la nécessité où elles se trouvent d'employer ces attelages, en raison de leur situation nécessiteuse ou d’infirmités. Art. 3. — Ces autorisations, essentiellement révocables, sont accor- dées ou relirées par les maires. Les autorisations ou retraits ne sont valables qu'après avoir été visés par le préfet, sur avis favorable des sous-préfets pour les arron- N K EXTRAITS ET ANALYSES. 167 dissements autres que l'arrondissement chef-lieu. Elles peuvent être accordées ou retirées d'office par le préfet. Art. 4 — Les autorisations donnent droit de circulation dans tout le département. Art. 5. — Les conducteurs des voitures attelées de Chiens sont tenus de s’arrêter lorsqu'à leur approche un cheval manifeste des signes de frayeur. Ils doivent d’ailleurs se conformer à toutes les obligations imposées aux conducteurs d’autres véhicules. 4 Art. 6. — MM. les sous-préfets, maires, commissaires de police, la gendarmerie, les gardes-champêtres et les agents de l’autorité sont chargés d'assurer l’exécution du présent arrêté, qui sera publié et affiché dans toutes les communes du département. Fait à Poitiers, le 22 mai 1896. Le Préfet de la Vienne, JUILLET SAINT-LAGER. Pour assurer l’exécution de cet arrêté, le Préfet de la Vienne a fait établir des modèles d’arrêtés municipaux ainsi conçus : POLICE MUNICIPALE. Nous, Maire de la commune de....., Vu l'arrêté préfectoral du 22 mai 1896 relatif aux attelages de Chiens; Considérant que le sieur....., demeurant à ....., nous a demandé l’autorisation de bénéficier des dispositions de l’article 2 de cet arrêté et que sa demande nous a paru justifiée; Autorisons le sieur ..... à se servir d'une petite voiture attelée de Chiens. 3 La présente autorisation sera immédiatement retirée en cas d'abus. Haitatlasmairierden-c--tle-... Le Maire, Vu à Poitiers, le Le Préfet, Lor GRAMMONT Punissant ceux qui exercent de mauvais traitements envers les animaux domestiques (2 juillet 1850). Article unique. — Seront punis d'une amende de 5 à 15 francs et pourront l'être d'un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les ani- … à "ve NAN ET CAN A * du x si) Mb L ani a No dd: us LAS MAÉ LR Ets ins AE as. CH. note ie Perche ie Li on +. 0 0 168 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. maux domestiques. — La peine de la prison sera toujours appliquée en cas de récidive. La circulation des attelages de Chiens est formellement interdite par des arrêtés préfectoraux dans les départements ci-après : Aveyron, 1887; Calvados, 1852; Charente, 1887; Charente-Infé- rieure, 1854; Corrèze, 1891; Dordogne, 1887; Eure, 1854: Eure-et- Loire, 1878; Finistère, 1874; Haute-Garonne, 1894; Ille-et-Vilaine, 1861; Indre-et-Loire, 1894; Loir-et-Cher, 1861; Haute-Loire, 1895; Lot, 1896 ; Maine-et-Loire, 1890; Marne, 1890; Meurthe-et-Moselle, 1867; Meuse, 1865 ; Morbihan. 1856; Nord, 1876; Haute-Saône, 1853 ; Sarthe, 1891: Seine-et-Marne, 1853; Tarn-et-Garonne, 1895; Vendée, 1880; Haute-Vienne, 1882; Yonne, 1875. La plupart de ces arrêtés visent la loi Grammont; nous verrons, cependant, que le fait d’atteler des Chiens à une voiture ne constitue pas une contravention à cette loi: quelques-uns s'appuient sur ceci : que les attelages de Chiens font peur aux Chevaux; d’autres sont mo- tivés par le danger de la rage; d’autres enfin invoquent la nécessité d'assurer la sécurité publique. Du coup d'œil que nous venons de jeter sur les régimes divers aux- quels sont soumis, en France, les attelages de Chiens, il nous paraît résulter ceci : que, dans la majorité des départements (59), la circula- tion est permise d’une facon générale ou tout au moins exceptionnelle (49 sans règlements, 7 ayant des règlements et 3 dans lesquels il existe des arrêtés municipaux), et que, dans 28 départements seule- ment, on trouve des arrêtés préfectoraux qui interdisent cette circula- tion d’une façon formelle. Il y a lieu de renrarquer que les arrêtés réglementant la circulation des attelages de Chiens, dans le sens d’une interdiction, tempérée par des autorisations accordées à titre exceplionnel, sont de date très récente, puisque, comme nous l'avons déjà indiqué, ils ont été pris pendant les années 1894, 1895 et 1896, tandis que les arrêtés d'inter- diction absolue sont, à l'exception de cinq, antérieurs à 1893 et remontent jusqu'à 1853. 11 semble donc qu'il existe une tendance vers la réglementation dans le sens de l'interdiction générale avec certaines exceptions. Nous pensons que cette tendance est excellente et que la réglemen- tation est désirable. Les motifs invoqués dans les divers arrêtés d'interdiction totale ne nous paraissent pas, en effet, decisifs. Les uns sont basés sur la loi Grammont; or, il a été jugé depuis longtemps par la Cour de cassation que le fait d’atteler un Chien à une voiture chargée de marchandises ne constituait pas une violation de la loi Grammont {arrêt du 10 nov. 1860. Dalloz, 62, 5, 18) et cette jurisprudence a été appliquée très fréquemment par les tribunaux de - À‘ EXTRAITS ET ANALYSES. 169 simple police; nous ne citerons qu un jugement récent du tribunal de simple police de Saint-Palais du 22 avril 1895. (Za Loi, 1895, p. 860.) Des âmes sensibles disent que les Chiens ne sont pas faits pour traîner des voitures, ignorant sans doute qu'il existe des races de Chien de trait, aussi bien que des races de Chien de chasse. La plu- part des personnes qui s’apitoient sur le sort des Chiens attelés sont des personnes aimant la chasse et qui trouvent naturel de ramener, après une journée de chasse, leurs Chiens exténués et souvent les oreilles et la queue en sang, comme elles ont trouvé tout simple de torturer horriblement leurs Chiens avec le collier de force pour les dresser à la chasse et au rapport. Les Chiens se font à la traction des voitures, lorsqu'ils y sont habitués de la même facon que les Che- vaux, les Anes et les Muleis, comme ïils s’habituent à la chasse, quelque fatigue que cet exercice leur cause souvent. Les autres arrêtés s'appuient sur la nécessité qu’il y a de prévenir les cas de rage. Or, il est démontré maintenant, de facon indiscutable, par les travaux de Pasteur, que la rage n’éclate pas spontanément, mais qu’il faut, pour la déterminer, une inoculation. Par conséquent, on peut atteler un Chien, le fatiguer, il ne deviendra point enragé si quelque autre animal atteint de rage ne lui inocule pas le virus rabique. Un autre argument mis en avant, en faveur de l'interdiction des voitures à Chiens, c’est que ces véhicules font peur aux Chevaux. Cet argument n'est plus soutenable aujourd’hui, où les routes sont sillon- nées de bicyclettes, d'automobiles, et où les Chevaux sont exposés, en circulant sur les routes, à longer ou à croiser des lignes de chemins de fer et à rencontrer des trains. Les Chevaux, qui étaient très effrayés par les trains de chemins de fer, par les automobiles et les véloci- pèdes, se sont faits à ces véhicules, et ils s’habitueront de même aux attelages de Chiens s'ils en rencontrent fréquemment. Reste la question des accidents à éviter, la question de sécurité publique. Il est certain que les personnes qui circulent dans des voi- tures attelées de Chiens ne conduisent pas leurs équipages avec la même précision que les conducteurs de Chevaux, et on peut craindre que les voitures à Chiens ne soient culbutées dans une descente rapide, ou jetées dans des fossés, ou lancées sous des voitures à Che- vaux, par le fait du rnanque de précision dans la direction de ces attelages. On signale, d’ailleurs, peu d’accidents de cette nature, et en arrivât-il, les personnes qui en seraient victimes, tombant d'une hau- teur minime, ne risqueraient pas de se faire grand mal. Mais ce motif seul suffit à expliquer l'intérêt qu’il peut y avoir à ne pas laisser ce mode de circulation prendre une trop grande extension et à le régle- menter afin qu'il ne soit utilisé que par les gens auxquels il rend des services qu'ils ne pourraient pas se procurer autrement. Les voitures attelées de Chiens permettent à de pauvres gens, à de malheureux infirmes, qui ont à transporter des marchandises ou à se LA RES PAU TA 470 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. transporter eux-mêmes, d’avoir à bon marché un moyen de locomotion pratique. Il est bon de s’apitoyer sur le sort des Chiens qui prennent de la peine à tirer des voitures, mais il est permis aussi de prendre en pilié les gens qui, ayant à promener de la marchandise pour gagner leur vie et celle de leur famille, sont obligés de trainer une charrette chargée des objets qu'ils vendent : légumes, poissons; ou de ceux qu'ils achètent : chiffons, peaux de lapins, elc., etc. Quand je vois, suant entre les brancards de sa petite charrette, une marchande des quatre saisons, qui croise un énorme Chien étendu sur le trottoir et se chauffant les membres au soleil, je n’éprouve aucune répugnance à penser que le Chien pourrait aider la pauvre femme à traîner son véhicule et gagner, en travaillant, lui aussi, le pain qu’il mange. Depuis que des autcrisations sont accordées, dans le département de la Vienne, pour atteler des Chiens, une centaine de malheureux — dont un tiers de femmes — ont demandé à en bénéficier. Aucune plainte n'est parvenue à la préfecture au sujet de la circulation des attelages de Chiens, et il est certain que ce moyen de locomotion rend de grands services aux marchands de denrées, aux chiffonniers et autres petits commerçants qui parcourent les campagnes pour l'exer- cice de leur profession. Ce qui est regrettable, c’est que ce mode de locomotion, libre dans les Deux-Sèvres, où il n’y a pas d’arrêlé préfectoral d'interdiction, soit restreint dans la Vienne, où des autorisations sont accordées excep- tionnellement, et soit completement interdit dans le département d'Indre-et-Loire. De sorte qu'une personne qui partirait de Niort avec un attelage de Chiens voyagerait librement dans les Deux-Sèvres (à la condition cependant de ne pas traverser de commune dans laquelle les attelages de Chiens sont interdits par les maires — comme la commune de Thouars), se verrait dresser procès-verbal dans la Vienne pour n'avoir pas d’autorisation et serait complètement arrêtée dans Indre- et-Loire. Il est difficile de faire comprendre aux gens que ce qui est permis dans un déparlement puisse être interdit dans le département voisin. Cela est difficile, parce qu’en réalité on n’a guère de bonnes raisons à donner de la diversité dans les réglementations de cette nature. Des prescriptions uniformes régissent la circulation des vélocipèdes dans toute la France; il en sera de même, sans doute, avant peu, pour les voitures automobiles, si la commission nommée par le Ministre des Travaux publics mène à bonne fin la mission qui lui a été confiée. Cette étude vient donc à son heure et pourra avoir quelque utilité si elle attire l'attention des pouvoirs publics sur l'intérêt qu'il y aurait à réglementer la circulation des attelages de Chiens d’une facon uni- forme pour toute la France. EXTRAITS ET ANALYSES. 171 Ce qui lui donne aussi quelque actualité, c'est qu’une commission vient d'être nommée, par décret du 24 novembre 1896, pour reviser la loi Grammont, et que cette commission pourrait, peut-être, ulilement étudier la question des attelages de Chiens. Si cette question lui était soumise, nous sommes convaincu qu'elle émettrait un avis favorable aux attelages de Chiens. La loi Grammont n’en serait pas moins res- pectée, les Chiens n’en seraient pas moins protégés; car, de même qu'on dresse des procès-verbaux contre les cochers qui maltraitent abusivement leurs Chevaux, Anes, etc.. de même on verbaliserait contre les gens qui maltraiteraient abusivement leurs Chiens attelés. Si ces quelques pages avaient pour résultat de faciliter à beaucoup de malheureux, qui en sont maintenant privés, l'emploi des attelages de Chiens qui les soulageraient dans l'exercice de métiers pénibles, nous considérerions que nous aurions fait un usage utile du temps que nous avons mis à les écrire. À notre avis, en effet, être utile aux Chiens est bien, mais être utile aux hommes est mieux. APPÉL AUX ENFANTS POUR LA PROTECTION DES OISEAUX UTILES (1). par Joseph CLARTÉ. Baccarat (Meurthe-ei-Moselle). « Aimez les petits Oiseaux, enfants, respectez-les, protégez-les; ce ne sera que de la réciprocité. Lorsque, les jours de congé, vous allez courir par monts et par vaux, daus la campagne et dans les forêts, quand, le printemps revenu, la nature en fête a secoué la couverture de neige qui la tenait endormie depuis de longs mois, que le soleil a reparu et, avec lui, toutes les harmonies de la nature, partout, sur votre chemin, les fleurs s'épa- nouissent pour charmer vos regards, les prairies reverdissent, les forêts reprennent leur magnifique feuillage, puis, par la puissance de l’astre bienfaisant, partout renaît la vie, la joie et le bonheur de vivre. Quand, courant à travers les splendeurs de cette grande et sublime nature, vous foulez de vos pieds légers ce grand livre ouvert à vos regards et sur lequel, en lettres d'or, de rubis, d'émeraude, de tur- quoise, d'azur et de lopaze est écrite l’histoire de cette terre qui, sans (1) Extrait d'un mémoire communiqué à la Section d’Ornithologie dans la séance du 3 mai 1897: le travail complet de M. Joseph Clarté a été adressé par les soins de la Société d’Acclimatation au Congrès ornithologique tenu à Aix en Provence, du 9 au 14 novembre 1897. A 172 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. cesse, produit pour vous tout ce qu'il y a de plus beau et de meilleur, suspendez de temps en temps votre course et observez ce qui se passe autour de vous; vous y verrez partoul le réveil de la vie ; vous y ver- rez des quantités prodigieuses de petits êtres qui, à peine sortis de leur sommeil hivernal, courent, affairés, chacun à son travail, au réta- blissement de leurs demeures, à la recherche de leur nourriture, à la reproduction de leur espèce. Car tous obéissent aux lois auxquelles ils sont soumis et auxquelles ils n’ont jamais essayé de se soustraire ; vous puiserez là l'exemple du travail et de l’obéissance aux lois iné- luctables de la nature. Continuant votre promenade et vos observations, vous verrez les petits Oiseaux, courant, volant, voletant, avec une ardeur fébrile, occupés, sans perdre un inslant, à la construction de leurs nids. Ah ! c'est que, dans la vie de l’Oiseau, c'est le travail le plus important, celui auquel il donne tous ses soins. C’est le berceau de la petite famille qui va bientôt y éclore. Aussi, voyez quelle attention, quels soins il apporte à la confection de ce nid qui, chez bien des es- pèces, est un véritable petit chef-d'œuvre d'architeciure, composé le plus souvent de mousse, d'herbes sèches, de menues écorces, de radi- celles, de fines büchettes, tout cela entrelacé avec un art charmant, et à l'intérieur duquel la prévoyance maternelle a ménage un lit plus doux de plumes, de bourres de laine, de crin, du duvet cotonneux qui entoure les graines de certaines plantes ; et aussilôt ce petit ber- ceau moelleux terminé, commence la ponte, puis l'incubation, à laquelle, pour nombre d'espèces, le mâle prend part alternativement avec la femelle et, quand éclosent les jeunes oisillons, voyez de quelle sollicitude, de quels tendres soins les entourent le père el la mère, ne les abandonnant pas un instant, les abritant de leurs ailes, les réchauf- fant de leur corps, leur apportant une nourriture choisie, les défendant souvent contre leurs ennemis, dont les plus terribles hélas! sont les enfarts; puis, lorsque ces pelits oisillons se sentent assez forts, ils viennent au bord du nid essayer leurs ailes, surveillés avec tendresse, avec amour, par le père et la mère ; après quelques timides essais, ces jeunes Oiseaux, impatients de liberté, prennent leur essor, surveillés et nourris quelque temps encore par leurs parents, puis arrive un jour où, pouvant se suffire à eux-mêmes, ils vont continuer la chaîne des générations de leur espèce. Respectez-les, enfants, les nids des petits Oiseaux ! n’en approchez que pour en admirer l'ingénieuse organisation, mais n'y touchez ja- mais, car ce sont des choses sacrées, car c'est la prévoyante nature qui a inspiré aux Oiseaux l'instinct de la construction des nids pour la reproduction et la perpétualion de leur race. Poursuivant vos promenades et vos observations quand l'été est arrivé, vous les verrez, ces oisillons, grands maintenant comme leurs EXTRAITS ET ANALYSES. 473 parents, dont on ne les distingue plus que difficilement, faire une chasse acharnée à tous ces vilains Insectes, qui, eux aussi cependant tiennent leur place dans l'harmonie universelle et dans l'équilibre général de notre globe, bien que le plus grand nombre soit nuisible aux besoins de l’homme ; mais leur rapide et prodigieuse reproduction fera que toujours ils résisteront à la destruction qu’en pourront faire les petits Oiseaux. Leur nombre s’accroîtra dans des proportions d’au- tant plus formidables à mesure de la trop grande diminution de leurs ennemis naturels, ei cela à notre grand détriment. Puis, quand arrive l'automne, à l'approche des frimas, quand l’homme a rentré ses moissons, a rempli ses caves et ses greniers, quand le triste hiver nous menace de nouveau, que le soleil redevient avare de ses rayons; que les Insectes vont disparaître et se replonger dans leur sommeil léthargique, que va manquer la nourriture, vous observerez un des phénomènes les plus remarquables qu'offre la classe des Oiseaux : les migrations. À une époque déterminée, et qui est presque toujours la même, vous verrez des troupes nombreuses se réunir à un même endroit, puis prendre leur volée d’un commun accord, généralement sous la conduite d’ua chef, afin d'aller dans des climats plus hospitaliers, retrouver une nouvelle patrie qui leur four- nira une abondante nourriture. Ces voyages souvent sont longs et semés de périls; beaucoup se font à travers les mers, et chose remarquable, c’est toujours la même contrée que les Oiseaux savent retrouver; le retour s'opère de la même facon. Après six mois d'absence, ils savent aussi retrouver le pays qu'ils ont quitté; leur instinct les dirige à travers d'immenses espaces. Je vais, enfants, pour compléter ces explications générales, vous parler, plus particulièrement, de quelques espèces de petits Oi- seaux, essayer de vous faire comprendre le rôle de chacun d’eux dans la nature et vous démontrer leur incontestable et absolue utilité. Je ne parlerai que de ceux qui se reproduisent dans notre région lorraine, et que j'ai pu observer; j'en ferai une description très sommaire pour qu'on puisse les reconnaître; je parlerai aussi de leur nidification et sur- tout de leur genre de nourriture, car c'est par leur facon de s’ali- menter que les Oiseaux rendent à l’homme plus ou moins de services.» >< L’ACCLIMATATION À CoQuIMBO (CHILI) DE FAISANS IMPORTÉS D'ANGLETERRE. Voici quelques détails complémentaires sur l’acclimatation aux RE ne 00 en EE ne RSS DE A à So D LT LE 6 ne ee à AT em — —— — ——- - — © 174 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. environs de Coquimbo, du Faisan commun (Phasianus colchicus L.) signalée dans le Bulletin de 1897 (page 280) et au sujet de laquelle M. Lataste, Membre de la Société d'A cclimatation, avait entrepris, avant de quitter le Chili, une enquête auprès de M. Chauwelet. Le passage suivant est extrait d’une lettre de ce dernier récemment publiée par la Société scientifique du Chili : « Voici les renseignements qne j'ai pu recueillir sur l’acclimatation du Faisan à Coquimbo. Je les dois à l’obligeance de M. Gage, de la maison Palassis et Lesté de Coquimbo. » Les Faisans ont été importés d’Anglelerre, il y a environ deux ans par M. C.-J. Lambert, au cours d'un voyage qu'il faisait autour du monde sur son yacht Wanderer. » Les essais de reproduction ont été malheureux dans le début. Par suite d’une maladie dont M. Lambert n’a probablement pas pu se rendre compte, les Faisans mouraient et il n’en resta bientôt que deux paires qu'il ordonna de lâcher dans son parc, La Compañia, situé à 6 kilomètres environ de la plage de la baie de Coquimbo. » On lâcha, en mème temps, dans ledit parc, des Perdrix anglaises importées en même lemps que les Faisans. Pendant quatre ans on n'avait plus entendu parler de ceux-ci, lorsque quelques chasseurs si- gnalèrent leur présence. » On leur a fait depuis ape chasse très aclive, et les hauts faits qui nous ont élé racontés par les disciples de saint Hubert prouvent que les Oiseaux se sont reproduits abondamment. Le foyer principal de la reproduction est à une dizaine de kilomètres de Serena. » Une remarque faile par les chasseurs, c’est qu’aprés avoir par- couru une certaine étendue de terrain, soit environ 7 ou 8 kilomèétres. sans renconirer aucun Faisan, on en trouve tout à coup; et cepen- dant le terrain est partout le même; il n'y a donc pas éparpille- ment. » Daus leurs excursions, les Faisans ne pénètrent pas plus avant que 20 à 25 kilomètres dans l'intérieur, depuis la côte. » M. Tilla qui m'a donné ces renseignements est un passionné chas- seur. Il a chez lui sept Faisans, entre cogs et poules. Ses essais de re- production n'ont pas été non plus bien heureux. Il a fait couver depuis bientôt un an nombre d'œufs et n’a obtenu que trois poussins. » M. Tilla n'est pas le seul qui possède des Faisars. Nous sarons qu’il y en a dans piusieurs maisons de Serena et de Coquimbo. » La reproduction aurait pris un plus grand développement si elle n'avait été enrayée par les gamins des haciendas qui, en vrais van- dales, prennent ces animaux avec des pièges et en détruisent les œufs sans profit. » Quant aux Perdrix anglaises, personne jusqu’à ce jour, n’en a plus entendu parler. » EXTRAITS ET ANALYSES. 175 LA CULTURE DE L'OLIVIER EN TRIPOLITAINE. (Extrait d’un Rapport adressé à M. le Ministre des Affaires étrangères par M. Lacautr, Consul général de France à Tripoli de Barbarie, 1897.) « Les progrès remarquables accomplis en Tunisie dans cette branche de l’agriculture, ont été suggestifs pour les Tripolitains, car c'est de- puis quinze ans seulement que la culture de l’Olivier en Tripolitaine a pris une certaine extension. Auparavant on se contentait de conserver à peu près les anciennes. plantations qui remontent à trois siècles, dit-on. Jadis la disposition en quinconce, l'observation des distances entre les arbres, la taille à époque fixe, le choix des emplacements, l’orien- talion, étaient à l’état de letire morte. On évalue à un million le nombre des Oliviers existant actuellement dans ce pays. Les travaux d'amélioration les plus importants au point de vue de la plantation et des soins donnés aux arbres ont été fails. dans une localité du nom de Messellata, située à trente-cinq heures à l'Est de Tripoli. L'on y compte environ 80,000 vieux Oliviers et une cinquantaine de mille plantés au cours de ces dernières années. D'ail- leurs, c’est, de toute la Tripolitaine, l'emplacement le plus favorable à la culture de cet arbre. Dans presque toutes les autres régions, les cultivateurs n’ont aucun soin de leurs Oliviers et laissent à la nature: le soin d'agir à son gré, aussi, à peine s’ils bénéficient d’une récolte à peu près satisfaisante une fois tous les cinq ou six ans. Les plantations nouvelles sont traitées de la mauière suivante en terrain argileux. Des drageons, auxquels adhère une tige assez longue, sont plantés dans des trous au fond desquels on a disposé un lit de fumier animal aussi riche que possible. Ou bien encore l’on enterre en pépinière à une profondeur approximative de 14 centimètres des tronches de vieux arbres d’une longueur de 33 centimètres environ. Elles y sont arrosées régulièrement pendant un an, puis trans- _ plantées et mises en alignement à une distance de 13 à 15 mètres l'une de l’autre. Elles continuent, dans ces conditions, à être soumises à un arrosage régulier durant trois ou quatre ans, et la superficie du terrain sur le- quel elles se trouvent est labourée trois ou quatre fois l’an. Vers la dixième année, l’arbre se développe à vue d'œil et produit. Dans les terres sablonneuses, l’arrosage se fait dix ans consécuti- vement et alors l’on obtient de beaux arbres donnant de beaux fruits. La taille, le labourage et la famure ont lieu au moins tous les deux ans. Dans les localités où il n'y a pas de puits, on pratique autour de- 176 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. chaque arbre une tranchée de 2 mètres de profondeur que remplis- sent les eaux de pluies durant la saison hivernale et que l’on comble une fois que les eaux ont été absorbées. Il existe deux variétés d’Oliviers, l'Enduri et le Gheiani. La première donne beaucoup plus de fruits : ceux-ci sont petits, ronds et d’une longueur de 10 millimètres. Le fruit du Gheiïani est gros, rond et long de 14 millimètres. Une autre variété dénommée Welahi n'est repré- sentée que par fort peu d'arbres : elle donne un fruit gros, rond et long de 15 à 20 millimètres, ne rendant pas d'huile et bon seulement pour être confit. La récolte se fait au moyen de gaules quand l'arbre est de haute taille, et à la main lorsque les fruits sont à portée. Aucune huilerie européenne n’a été fondée soit à Tripoli même, soit dans l’intérieur de la province. Deux systèmes sont employés pour la fabrication de l'huile. Les olives en entier, noyaux compris, sont triturées dans des moulins jusqu’à ce qu’elles soient réduites en pâte. Cette pâte est jetée ensuite dans un bassin rempli d'eau où les femmes la pétrissent : l’huile remonte alors à la surface et est enlevée au fur et à mesure. Le second système consiste à mettre cette pâte dans des couffes que l’on écrase sous un poids considérable. On se sert aussi de pressoirs rudimentaires. Chaque Olivier est soumis à une redevance de O0 fr. 30. 10 0/0 sont perçus sur la récolte, le droit de marché est de 0 fr. 10 par 12 kilog. d'huile; enfin, le droit d'exportation s'élève à 1 0/0. Lorsque la récolte est bonne, l'exportation des grignons est en moyenne de 2,500 tonnes, à destination de la France, de l'Italie et de la Tunisie. Ces résidus mêlés à du son servent aussi à l'alimentation des bestiaux. En résume, la culture de l’Olivier en Tripolitaine est loin d'être soignée, aussi son rendement n'est-il jamais assez considérable pour que l'on puisse exporter de l'huile. Ce qu'elle en donne ne suffit même pas à la consommation locale et l’on doit en importer chaque année en moyenne jusqu’à concurrence de 150 à 200 barils. Les huiles importées viennent de Crète et de Tunisie. » BULLETIN DE LA [TE MATINALE D'ACCENATAT 4 DE FRANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) 452 ANNÉE [ Î ——— : ( JUIN: 153958 SOMMAIRE ire NAUDIN. — Réflexions au sujet d'une plante hybride extraordinaire de la famille des Campanulacées .......... DEAR EC bo à DOS DRE OUEN CEE Ÿ. PERRET. — Cultures de la Vanille, de la Vigne, du Caféier et du Mûrier, combinées : avec l'élevage du Ver à soie en Nouvelles Calédonie nee ar Ent Extraits des procès-verbaux des séances de la Société: Procès-verbal de la Séance générale du 26 Novembre 1897......................... 3° Section : Entomologie. — Séance du 14 Février 1898........................ Na Extraits de la Correspondance : L. CHAZAL. — L'amputation de l'oreille externe n Fa pas les Chats de chasser les Oiseaux na a Ba dc HART CT OU 0 Be: à em CÉRÉALES DORE 0 Me API HT PS © D' CROS. — Cultures dans le département des Pyrénées- Once. Da LU eu 34 D' HECKEL. — Encouragement à donner aux entreprises coloniales................ HAE et ne E. BERTAINCHAUD. — Ne sur les cires d'Abeilles de nie ee ee Pe N Accidents produits par la piqûre des Acariens qu genre Ârges Prboue Re So5con _ LaTe La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. ———— LD SITE — - Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société 4 fr. 50 D CS AU SIEGE | DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET À LA LIBRAIRIE CERF, 42, RUE SAINTE- ANNE Le Bulletin paraît tous les mois, EN RE TT DÉSINFECTANT ANTISEPTIQUE / A Le seul joignant à son Efficacité, 47 scientifiquement démontrée, KYSES7 l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Corrosif Hémostatique et Styptique puissant. 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Ordinairement les produits de ces croisements sont intermédiaires entré les espèces ou variétés productrices, mais, ainsi qu'on va le voir, il peut apparaître des formes qui ne rentrent plus dans les types paternel et maternel, et sont comme une nouvelle création de la Nature. En voici un exemple : Dans ces dernières années un horticulteur anglais, M. Wil- liam Mitten ayant croisé, dit-il, deux espèces distinctes de Campanules, les Campanula isophylla et fragulis, vit naître à sa grande stupéfaction, une plante qui, non seulement n'’é- tait pas intermédiaire entre les espèces croisées, mais qui constituerait un nouveau genre et même n’appartiendrait plus à la famille des Campanulacées. Rappelons sommairement que les caractères saillants de cette famille, très naturelle et très homogène, consistent principalement en un ovaire infère surmonté de cinq petits appendices, ou sépales, en une corolle monopétale et en cinq étamines libres, qui entourent un style terminé par un stig- mate à trois lobes. Dans quelques genres de Campanulacées ces parties de la fleur sont plus nombreuses, mais leur dispo- sition générale reste la même. Or, dans l’hybride dont il est question ici, et que M. Mitten (1) Communication faite en séance générale, le 11 février 1898. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 13, 178 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. a nommée Campanula Balchiniana, le calice est transformé en un verticille ou rosace de cinq feuilles pétiolées, à large limbe, étalées et toutes semblables aux autres feuilles de la plante; du centre de ce verticille s'élève la corolle mono- pétale, conforme au type normal et renfermant en outre, les cinq étamines, l'ovaire entièrement libre, comme l’est, par exemple, celui d’un Lis ou d'une Tulipe, en un mot dégagé de toute adhérence. Les botanistes morphologistes sont fort embarrassés pour expliquer cette métamorphose d’un type floral si bien arrêté dans les nombreuses espèces de Campanulacées, et, naturelle- ment, les hypothèses vont leur train. La plus en vogue se ra- mène à l’atavisme, et consiste à supposer que la première Campanulacée sortie du sein de la Nature avait, au lieu de calice, une rosace de cinq feuilles pétiolées et étalées, avec un ovaire supère et libre, et que, dans le cours des siècles, qu'il faudrait compter ici par milliers, l’évolution aidant, ce type primordial s’est insensiblement modifié pour devenir celui des Campanulacées actuelles. L'hypothèse est ingé- nieuse, mais dénuée de toutes preuves. Il est cependant à peu près certain que, chez les animaux et chez les plantes, on voit quelquefois reparaître, dans la série des générations, des traits qui rappellent des ancêtres plus ou moins éloignés; mais de là à conclure au type pre- mier des espèces, il y a loin. Si l’atavisme avait le pouvoir de ressusCiter, par des &4-coups en arrière, les formes disparues, nous pourrions légitimement nous attendre à voir renaître un jour le Singe antique dont certains savants prétendent que nous descendons. Avouons que cette preuve de notre ori- gine ne nous flatterait guère. Malgré tous nos efforts d'imagination nous ne pouvons nous faire la moindre idée du commencement de la vie sur la planète que nous habitons. Les données du problème nous font absolument défaut. D'un autre côté, une expérience séculaire et jamais dé- mentie nous montre les espèces se conservant identiques à elles-mêmes dans le cours des générations, sans autres changements que de légères variations qui n’altèrent point ce qu'il y a de fondamental dans les caractères spécifiques, tant qu'il n’y a pas eu de croisement entre les espèces, et que la fécondation a été normale. Dans les cas de fécondations illé- L RÉFLEXIONS AU SUJET D’UNE PLANTE HYBRIDE. 179 gitimes, les variations sont naturellement plus profondes, mais nous ignorons jusqu'à quel point elles peuvent s'étendre. Ici, d’ailleurs, se présente un autre problème, celui de la sexualité, que la science est impuissante à résoudre. Pourquoi des mâles et des femelles dans tous les êtres vivants des deux règnes ? Pourquoi cette dualité d'éléments sans laquelle toute vie s’arréterait sur la terre ? Cette question est d'ordre méta- physique et échappe à la science positive dont l’objet n’est autre que d'expliquer le #nécanisme des phénomènes, et non d'en découvrir les causes. CULTURES DE LA VANILLE, DE LA VIGNE, DU CAFÉIER ET DU MURIER COMBINÉES AVEC L'ÉLEVAGE DU VER A SOIE EN NOUVELLE-CALÉDONIE (1) par V. PERRET, Vice-président de la Chambre d'Agriculture de Nouméa. L'association de la Vanille, du Mürier et de la Vigne au Caféier se justifie par les considérations suivantes : 1° Le Mürier ne se plait que sur les sols privés de calcaire, c'est Le cas de la Nouvelle-Calédonie. 2 La température moyenne de la colonie est exactement celle que l’on s'efforce de maintenir dans les magnaneries, celle des pays d’où le Ver à soïe est originaire, dans la saison où se fait l'éducation. 3° Par une heureuse coïncidence, cette température, qui ne dépasse pas celle que le Ver à soie peut supporter, est néan- moins suffisante pour la Vanille qui trouve encore dans la colonie la chaleur suffisante pour la maturation de ses gousses. C’est un fait sur lequel l'expérience s’est prononcée d’une manière décisive. 4 D'après Delteil, un des auteurs les plus compétents en la matière, aucun autre support ne plait autant à la Vanille que le Mürier; aucun n’en favorise davantage la production. 5° La valeur de la soie et celle de la Vanille sont telles, par rapport au poids ou à l'encombrement, que le prix du trans- port disparaît en comparaison; on peut le regarder comme une quantité négligeable. 6° Les marchés de la Vanille et de la soie appartiennent à la France, et néanmoins c’est de l'étranger que vient, au moins en partie, l’approvisionnement, faute d’une production nationale suffisante. 7° L'éducation des Vers à soie, la récolte et la préparation 4) Résumé d’une communication faile à la Section coloniale dans la séance du 31 janvier 1898. CULTURES DE LA VANILLE, DE LA VIGNE, DU CAFÉIER. 181 de la Vanille, la fécondation de ses fleurs, se font dans l’inter- valle qui sépare deux cueillettes de café l’une de l’autre, c’est- à-dire de septembre à janvier. La Vigne mürit de janvier à février. La récolte du café commence en avril et finit en août. : 8° Les mêmes hangars, appentis, vérandas, abris quel- conques, installés pour la dessiccation du Café, peuvent ser- vir à l'éducation des Vers à soie et aux manipulations de la Vanille. Les mêmes cadres sur lesquels le Café a été mis à sécher serviront pour recevoir et déliter les cocons. 9 Le Mürier est un arbre à racines traçantes, et la Vanille vit à fleur de terre. La fraicheur qu'il faut maintenir au pied des Vanilliers, les fumures que nécessite un produit de si haute valeur profite- ront au Caféier, si la plantation est faite en mélange. 10° C’est en effet l'avantage de cette association. Une plan- tation par rangs alternés de Caféiers et de Müriers, chacun de ces derniers supportant, soit un pied de Vanille, soit un pied de Vigne, à la convenance du propriétaire et suivant la situation, réunira toutes les conditions de sécurité, de durée et d'intensité productive. 11° Lorsque les unes ou les autres de ces plantes laisseront apercevoir un peu de fatigue ou d’épuisement, on remplacera successivement un rang de Caféiers par un rang de Müriers et réciproquement. Le Caféier trouvera un sous-sol vierge, une couche arable enrichie par les engrais et les détritus de la Vanille et du Mürier, tandis que ceux-ci n’auront pas à souffrir de l'épuisement du sous-sol par le Caféier, par cette raison qu'ils n’y pénètrent pas. 12° Les appréciations élogieuses des Chambres de Com- merce de Paris et de Lyon (condition des soies) sont de nature à rassurer sur le placement des produits. Voici, pour terminer, les conclusions d’un rapport adressé au Ministre par la Commission des délégués des Colonies à l'Exposition permanente, il y a quelques années, et très encou- rageant comme on pourra juger: « De ces divers essais, il s’est dégagé ce fait que les Vers à soie se comportent parfaitement, même dans les plus mau- vaises conditions, que leur éducation n’exige aucune précau- tion particulière et qu'on peut la renouveler plusieurs fois 182 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. sans inconvénient, même pendant les plus grandes chaleurs. En 1886, des éducations successives ont été faites avec un égal succès pendant près de dix mois. Cependant les époques les plus favorables sont les mois de septembre, octobre, no- vembre et décembre. Les Müriers perdent leurs feuilles en juillet, ils doivent être taillés en août; les bourgeons naissent dans les premiers jours de septembre. Pour déterminer la qualité de la soie obtenue en 1887, des échantillons de cocons et de soie filée ont été communiqués par l’Exposition permanente des Colonies au Conservatoire des Arts et Métiers, ainsi qu'aux deux Chambres de Commerce de Paris et de Lyon. Il résulte de leur examen que les cocons paraissent de bonne qualité et que, si la soie est irrégulière, cela tient à ce que le dévidage a été fait par des personnes inexpérimentées et avec un outillage tout à fait rudimentaire. Malgré cela, elle rappelle les grèges de Canton et offre une apparence meilleure en ce qu’elle a moins de duvet et de bouchons. Les Chambres de Commerce de Paris et Lyon ont déclaré qu'il y avait lieu d'encourager sérieusement les ten- tatives d'introduction de la sériciculture en Nouvelle-Calé- donie, où cette industrie paraissait appelée à un grand avenir, surtout si l'on substituait à celles du Japon, des graines de race française dont le rendement est supérieur et la qualité meilleure. Rien donc ne semble devoir s'opposer au succès le jour où les colons trouveront dans un établissement public, les graines, les plantes, l'exemple, les renseignements qui leur manquent actuellement. » bn = 183 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 26 NOVEMBRE 1897. PRÉSIDENCE DE M. RAVERET-WATTEL, VICE-PRÉSIDENT PUIS DE M. LE MYRE DE VILERS, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la séance du 21 mai 1897 ayant été, suivant l’usage, soumis à l’approbation du Conseil, il n’en est point donné lecture. — M. le Président prononce une courte allocution, et relate divers faits intéressant la Sociélé qui se sont produits pen- dant les vacances. (Voir ci-dessus, page 1). Il adresse les félicitations de la Société à M. le D' Raphaël Blanchard, membre du Conseil, et qui a été nommé Professeur à la Faculté de Médecine de Paris par arrêté en date du 25 juillet 1897. — M. le Président, au nom de la Société, remercie le bureau de la Société d'Horticulture des invitations envoyées pour l'Exposition des Chrysanthèmes qui vient d'avoir lieu au Jardin des Tuileries ; enfin, M. Raveret-Wattel donne lecture d'une lettre du Ministère de l'Agriculture annonçant qu'une subvention de 1,500 francs a été attribuée comme les années précédentes à la Société d’Acclimalation. M. le Ministre de PAgriculture à bien voulu en outre, par une lettre en date du 22 novembre, accorder à la Société d’'Acclimatation une mé- daille d’or, grand module, qui sera décernée au nom du Mi- nistre par la Sociélé d’'Acclimatation, avec ses autres récom- penses, dans la prochaine séance publique annuelle. Gette médaille doit être attribuée à des travaux de pisciculture pratique. M. Raveret-Wattel ajoute qu'il est particulièrement heureux, en l'absence de M. Le Myre de Vilers, de signaler Fintervention active de celui-ci pour obtenir cette médaille de M. le Président du Conseil. (Applaudissements.) DÉCISIONS DU CONSEIL, PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. Outre la décision concernant les médailles recues de Russie 184 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. et dont il sera question tout à l'heure, M. le Président an- nonce que, dans sa séance du 29 octobre, le Conseil a décidé la création d’une Section coloniale, au sujet de laquelle M. le Secrétaire général donnera tout à l’heure quelques détails. Enfin, un vœu, adopté sur la proposition de M. Imbert, et concernant l'application stricte de la loi pour la répression du braconnage, a été transmis aux pouvoirs compétents. La Section d'Aquiculture aura d’ailleurs à s'occuper ultérieure- ment de ce sujet. — Feu James Jackson, décédé à Paris le 17 juillet 1895, a légué à la Société d'Acclimatation et à huit autres Sociétés par parts égales (c’est-à-dire par neuvième), une somme de cent mille francs. Toutes les formalités exigées par la loi ayant été remplies, la Société a été autorisée, par un décret en date du 16 juillet 1897, à accepter le legs. L'encaissement en sera fait par les soins de M. Imbert, trésorier, en vertu de la délibération prise par le Conseil dans sa séance du 29 octobre 1897. Le montant du legs s’élevant à 9,834 francs, frais déduits, devra être immédiate- ment employé en rente 3 0/0 suivant un des articles du décret autorisant l'acceptation. M. Brunet, avoué conseil de la Société, a bien voulu se charger à titre gracieux de toutes les démarches nécessaires pour le règlement du legs Jackson et le Bureau croit devoir lui exprimer ici, au nom de la Société tout entière, ses biens sincères remerciements. — M. le Président proclame les noms des membres admis par le Conseil depuis la dernière séance générale : MM. PRÉSENTATEURS. E. Cacheux. Baron J. de Guerne. Imbert. DELAMARRE - DEBOU TEVILLE , ingénieur, 51, rue d’Elbeuf, Rouen {Seine-Infé- rieure). È Milne-Edwards. Calais, à Paris. me "+ Le Myre de Vilers. Ed. Blanc. Baron J. de Guerne. Imbert. FRITSCH-ESTRANGIN (Henri), 4, rue Las- B . de Guerne. Espinasse (Mademoiselle), 13, rue de aron J. de Guer Cases, à Paris. ; PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE -LA SOCIÉTÉ. LAMARCHE (C. de), secrétaire de la ré- | Boigeol. daction du journal Éfangs et Rivières, { Baron J. de Guerne. 21, rue de Vaugirard, Paris. Imbert. MILHE-POUTINGON, directeur de la Revue [| Bourdarie. des Cultures coloniales, 44, rue de la 4 Baron J. de Guerne. Chauscée-d’Antin, Paris. Le Myre de Vilers. Comte de Galbert. Picarp (Henry), conseiller général de l’I- ER NP Et 2 sère, Saint-Jean-de-Bournay (Isère). Raveret-Wattel. à Ed. Blanc. PRÉ DE Pad à (René du), 50, Baron J. de Guerne. avenue de Ségur, à Paris. Imbert. Ed. Blanc. actuel de S. M. l'Empereur de Russie, correspondant de l’Institut, 19, avenue Hoche à Paris et à Gif (Seine-et-Oise). RAFFALOVICH (Arthur), conseiller d'État Baron J. de Guerne. Edmond Perrier. Baron J. de Guerne. Milne-Edwards. Le Myre de Vilers. REBOURGEON-RYON, négociant, 23, rue de Portugal, Tunis. REFUGE (S. DE GOURIO DE), ancien rece- L À Baron J. de Guerne. veur des finances, 32, rue Ribera, Paris. f Ed. Blanc. . Le Myre de Vilers. ROUSSET (Alexis-Constant), chef de { Bourdarie. station de l'° classe au Congo français, 4 Baron J. de Guerne. en congé à Lons-le-Saunier (Jura). Le Myre de Vilers. SÉGUR-LAMOIGNON (Vicomtesse de),5,ave- ( Baron J. de Guerne. nue Hoche, Paris et château de Méry, ) Le Myre de Vilers. (Oise). ; d’'Orval. | Ed. Blanc. THOMAS-PIETRI, à Poussant-le- Haut, Ca ; Baron J. de Guerne. (Hérault). Imbert. VAFFIER, enseigne de vaisseau, château | Baron J. de Guerne. _des Correaux, par Mâcon ({Saône-et- 4 De Marcillac. Loire). Raveret-Wattel. Est également inscrit comme membre de la Société le : CENTRO AGRICOLA Vargem-Alègre, État pose i RLE Baron J. de Guerne. de Rio (Brésil). Imbert. 185. 186 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. LECTURE DE LA CORRESPONDANCE. — M. Caustier, Secrétaire des séances, s’excusant de ne pouvoir assister à la réunion, M. le Secrétaire général pro- cède au dépouillement de la correspondance. Toutefois, avant d'entreprendre ce long résumé, car l’acti- vité de la Société a été considérable pendant les vacances, M. de Guerne croit devoir déclarer que la médaille du Mi- nistre de l'Agriculture, ne sera pas la seule récompense sup- plémentaire décernée en 1898 par la Société d’'Acclimatalion. En effet la Société a recu un Brevet, trois Médailles de bronze grand module et trois Diplômes correspondant à ces médailles, qui lui sont adressés par la Société impériale d'Acclimatalion de Russie, pour être remis à diverses per- sonnes ayant participé à l'Exposition de pisciculture de Moscou, Exposition qui a suivi celle dont la Société avait pris l'initiative à Paris. en février dernier. On sait que la Société d’Acclimatation s'était chargée, d’ac- cord avec la Société centrale d’Aquiculture et de Péche, de grouper un certain nombre d'objets exposés rue de Lille, afin de les envoyer à Moscou. Les médailles et diplômes, offerts par le Ministere de l’Agri- culture et des Domaïnes de l’Empire de Russie à la Société impériale d'Acclimatation de Russie, à l’occasion de son Expo- sition, ont été attribués par celle-ci : A M. Raveret-Wattel, pour ses bacs flottants destinés à l'élevage des Salmonides; A MM. Japy frères, industriels à Beaucourt (territoire de Belfort), pour leurs auges d’éclosion en tôle émaillée ; Et à M. Vergniolle, de Reims (Marne), pour ses incubateurs en zinc perforé d’un modèle nouveau (1). Enfin le Brevet est également attribué à M. Raveret-Wattel pour : Son activité utile pendant de nombreuses années con- cernant la pisciculture, (traduction littérale du texte russe); le Brevet devait être accompagné du Jeton de la Section d’Ichtyologie, sorte de petit insigne en émail cloisonné poly- chrome, disposé pour être porté en breloque et que la Société (1) Les appareils exposés à Moscou par MM. Raveret-Wattel, Japy et Ver- gniolle, ont été offerts par eux, à l'issue de l'Exposition, au Musée des Sciences appliquées de Moscou. nas PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 187 de Moscou décerne très rarement. Le nom du titulaire doit être émaillé sur le Jeton et celui-ci n’est pas encore terminé. Il arrivera sans doute en temps utile pour être remis à M. Ra- veret-Wattel à la séance de distribution des récompenses en …_ même temps que les médailles. Le Conseil a décidé en effet, dans sa séance du 12 novembre, que ces récompenses venues de Russie seraient jointes à celles dont l’attribution est faite par la Sociélé elle-même. (4pplau- dissements.) Notifications, renseignements, avis divers, généra- lités.— Depuis la dernière séance générale (mai 1897) la So- célé a recu avis du décès des Membres dont les noms suivent : Le duc d'Aumale, Gaillard de la Dionnerie, Azarian, Dr Tholozan, Bezancon, Vuillier. Doumet-Adanson, Plusieurs d’entre eux faisaient partie de la Société depuis de nombreuses années et lui avaient rendu, tant en France qu'à l'étranger, des services signalés. — Le Dr Tholozan, dont l'influence fut si grande auprès du Shah de Perse, était dé- légué de la Société à Téhéran. Remercient de leur admission M"° la vicomtesse de Ségur- Lamoiïgnon, MM. Delamare-Deboutteville et Vaffier. — M. Albert Bouvaist, d'Abbeville, et M. Élisée Escande, missionnaire évangélique, à Ambositra, (Madagascar), deman- dent des renseignements sur le fonctionnement de la Société. — M. Gay, instituteur à Aïn-Taya, appelle l'attention de la Société sur l'Association Algérienne des Musées scolaires et des Jardins d’Ecoles, fondée par lui, il y a deux ans, dans le département d'Alger. Il sollicite les encouragements de la Sociélé et envoie divers documents à l’appui de sa demande. Celle-ci sera examinée par le Conseil. Mammifères. — M. le Ministre du Commerce awise le Président de la Société d’Acclimatation (19 juin 1897) qu’une ordonnance prohibant l'importation des Chiens en Grande- Bretagne à été promulguée à Londres, le 7 mai 1897. La traduction de ce document, qui comprend 13 articles, est jointe à la lettre du Ministre. Cette ordonnance entrera en vigueur à partir du 15 septembre 1897. 188 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. … — M. le D' Vogt {(Mb) adresse une lettre sur un procédé employé en Haute-Savoie pour empêcher les Chats de vaga- bonder et de détruire les petits Oiseaux. Ce procédé consiste dans l’amputation des oreilles. L'auteur émet à ce sujet quelques réflexions et demande des renseignements complé- mentaires. (Voir Bulletin 1897, p. 365.) — M. G. Blom adresse du poste de Carnot (Congo francais), à la date du 29 mai 1897, une série d'observations concernant la domestication de l'Éléphant d'Afrique, domestication dont. il n'est point partisan. La notice rédigée par M. Blom est renvoyée à l'examen du Comité de l'Éléphant. La communi- cation de M. Blom renferme en outre des renseignements sur divers animaux que l’on a réussi à apprivoiser au poste de Carnot. (Voir Bulletin, ci-dessus page 163.) — M. Favez-Verdier, Directeur de l'Etablissement d’Avi- culture et d’Acclimatation de Royallieu, près Compiègne, annonce qu'il a recu, dans les premiers jours d'août, un certain nombre de Mammifères, provenant de la République Argentine, Lamas, Guanaco, Maras, Tatous, etc. Ornithologie, Aviculture. — M. Blauw (Mb) envoie quelques détails sur les Tinamous (Rhyncholus rufescens) dont il poursuit l'élevage à S’graveland {Hollande) et au sujet desquels il a publié une notice dans le Bulletin de la Société (décembre 1896). M. Blauw annonce également l'envoi de quelques extraits de la Monographie des Grues qu'il vient de publier. Le texte anglais pourra être traduit pour le Bulletin. — M. Ch. Sibillot adresse divers programmes et projets de concours internationaux de Pigeons voyageurs. L'auteur se préoccupe surtout de la sélection des sujets au point de vue de la Colombophilie militaire. L'étude de ces propositions est renvoyée à l'examen de la Section d’Ornithologie qui trans- mettra ensuite son avis au Conseil. | — M. A. Rozet (Mb) proteste contre la qualification d'Oiseau utile donnée au Moïneau dans le Bulletin de juillet 1897 et signale les dégâts commis dans son jardin par ces Oiseaux. (Voir Bulletin 1897, p. 365.) — M. de Lépinay (Mb) adresse quelques détails sur les Oies d'Embden, dont l'élevage semble devoir réussir et se développer dans le département de la Vienne. PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE. LA SOCIÉTÉ. 189 — Outre les Mammifères mentionnés ci-dessus, M. Favez- Verdier signale comme arrivés récemment à Royallieu divers Oiseaux de la République Argentine : Palmipèdes ou Galli- nacés et deux Nandous blancs, qui sont particulièrement remarquables. — Le président de la Ligue ornitophile française, M. Louis Adrien Levat, invite la Société à prendre part au Congrès ornithologique international pour la protection des Oiseaux utiles à l'Agriculture, qui doit se réunir à Aïx, en Provence, du 9 au 14 novembre 1897. La Société n'ayant pu se faire représenter au Congrès, a adressé, par les soins de M. le Secrétaire général, à la Ligue ornithophile, une série de travaux publiés dans ses Bulletins, depuis 1888, concernant les Oiseaux utiles; en outre, un mémoire original lui a été remis, celui de M. Joseph Clarté, de Baccarat (Mb), commu- niqué à la Section d'Ornithologie le 3 mai 1897 et intitulé Appel aux enfants pour la protection des Oiseaux utiles. — M. le Baron d'Hamonville (Mb) et M. Machado de Car- valho (Mb) adressent diverses observations concernant le Congres d'Aix et la nécessité qu’il y a de prendre des mesures énergiques pour la protection des Oiseaux utiles. — Le Président de la Société l'Acclimalation sérinophile adresse ses remerciements pour une médaille que la Société d'Acclimatation a bien voulu lui accorder pour son concours annuel. Aquiculture. — M. Morin adresse diverses notes sur l'élevage des Salmonides , aux Andelys (Seine-Inférieure). (Voir Bulletin 1897, p. 307.) _— M. F. Zenk (Mb), écrit de Wurtzbourg qu'il compte se fixer prochainement en Italie, dans une localité où il lui serait possible de s'occuper de pisciculture; il donne quelques dé- tails sur ses projets. (Voir Bulletin 1897, p. 36r). — M. À. Pettit, docteur ès sciences, fait connaître le ré- sultat de l'examen des Carpes provenant du réservoir de Grosbois (Côte-d'Or), où une grande mortalité s’est produite sur ces Poissons. (Voir à ce sujet le procès-verbal de la Sec- tion d’Aquiculture, séance du 5 avril 1897.) La note de M. Pettit sera publiée au Bulletin, voir ci-dessus, p. 164. — À l’occasion d’un article de M. Raveret- Wattel (Bulletin 490 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 1897 p. 304), M. de Lépinay (Mb) et M. F. Hottinguer (Mb) de- mandent des renseignements sur l'usage de la farine de viande Liebig pour la nourriture des Salmonides. — M. Ledoux, adresse de Blois, à la date du 22 septembre, quelques détails sur la Société de Pisciculture dont il est le Secrétaire. Il demande si cette Société pourrait participer aux distributions gratuites d'œufs de Salmonides et en parti- culier, de Saumons de Californie faites par la Société d’Ac- climatation. La Société de Pisciculture de Loir-et-Cher n’é- tant pas afliliée à la Sociélé d'Acclimatation, cette demande, appuyée par M. le marquis de Chauvelin (Mb), est renvoyée à l'examen du Conseil. — M. Machado de Carvalho (Mb), adresse de Marseille à la date du 11 novembre, une série d'observations sur les can- tonnements de pêche dans la Méditerranée. Il transmet les vœux que la Société Marseillaise de Pêche, la Lucrèce a cru devoir émettre à ce sujet. (Voir ci-dessus p. 129.) Entomologie. — M. E. Caustier, secrétaire des séances écrit de Monthenault (Aisne), à la date du 1e octobre, qu'il recueille des documents sur l’Apiculture dans le nord de la France. — M. G. Coutagne (Mb), directeur dela Station séricicole de Rousset (Bouches-du-Rhône), adresse à la date du 30 octobre, quelques renseignements sur l'Etablissement qu'il dirige et sur l’action utile que celui-ci pourrait avoir au point de vue du dé- veloppement de la Sériciculture dans les Colonies françaises. — M. E. Cacheux (Mb) adresse plusieurs fragments de poutres rongées par des Fourmis et qui proviennent d’une maison de Neuilly-sur-Seine. Les dégâts étaient tellement graves qu'il a paru préférable de démolir l'immeuble plutôt que de chercher à le consolider. Les bois rongés ont été sou- mis à l'examen de M. Marchal qui exprime le regret de n'’a- voir trouvé aucun Insecte à étudier dans les échantillons. Il est donc impossible de déterminer avec certitude l’auteur des dégâts. — M. le D: Lecler (Mb) adresse de Rouillac (Charente), des échantillons de racines d'Erable attaquées par un Insecte. Communication en a été faite à M. le D' Marchal. (Voir Cor- respondance.) PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 191 - Botanique. — M. de Lépinay (Mb) donne quelques rensei- gnements sur la culture des Topinambours, qu'il pratique sur une grande échelle dans le département de la Vienne. Il espère pouvoir envoyer ultérieurement à la Société une no- tice détaillée à ce sujet. — M. G. d'Augy (Mb) demande des renseignements sur le Tussilage odorant où Héliotrope d'hiver. — M. Haïffner, directeur du Jardin botanique de Saïgon, adresse le Catalogue des graines que ce Jardin offre en échange à ses correspondants. — M. Jen. Solis, de Guatemala, désirant faire connaitre dans son pays l’histoire du Téosinté (Reana luxurians) écrit, à la date du 19 septembre, pour demander à la Société tous les renseignements qu'elle pourra lui procurer sur cette plante et sur les conditions diverses où elle a été cultivée. Cheptels. — Distribution de graines. — Dons en na- ture. — M. Jean Dybowski, Directeur de l'Agriculture et du Commerce de la Régence de Tunis, accuse réception (à la date du 24 juillet 1897) de l'envoi de graines du Turkestan rapportées par M. Edouard Blanc et qui lui ont été adressées par les soins de la Sociélé. « Je vous prie d'en agréer mes vifs remerciements, les graines seront semées au Jardin d'essais de Tunis où il en sera pris le plus grand soin. » — À la suite des envois de graines très importants adres- sés de la Villa Thuret en juin et juillet 1897, après la clôture de la session, par M. Charles Naudin, membre honoraire de la Société, un nombre considérable d’expéditions ont été faites, et il est impossible de mentionner au procès-verbal les noms de tous les membres de la Société qui y ont pris part. Les remerciements adressés par eux ne sauraient également trouver place au procès-verbal. — M.G.Coutagne, de Rousset (Bouches-du-Rhône) (Mb) de- mande des graines de Sorgho sucré du Turkestan, remises à la Société par M. Edouard Blanc. — M. Clos (Mb) adresse à la Soctélé, pour être distri- buées, des graines de Ginko et de Jujubier de Chine, ré- coltées au Jardin des Plantes de Toulouse. (Voir Correspon- dance.) LÉ 2 RARES 0 M hr à ” Ds MAT EU \ ee LS EEE 192 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. — M. Debreuil (Mb), grâce auquel ont été distribuées di= verses graines de Cucurbitacées africaines, qui ont très bien réussi chez plusieurs de nos collègues, adresse diverses re= cettes pour accommoder les Courgettes d'Egypte. Il offre à la Société une photographie représentant ces Courgettes dans son potager, à Melun. — M. G. d'Augy (Mb) remercie des graines qui lui ont été adressées et annonce un prochain envoi de graines d'Epinard rouge. — La Société a recu pendant les vacances un certain nombre de dons en nature, qui ont été répartis entre ses membres. M. Charles Naudin a fait (en juillet) un envoi de Dattes müû- ries à Nice, chez M. de Cessole et dont il a été plusieurs fois question dans le Bullelin ; M. le Secrétaire genéral s’est em- pressé de répartir ces fruits entre plusieurs collègues pré- sents à Paris, qui ont pu apprécier leur qualité. M. Fran- cisque Sarcey en a également goûté; les noyaux de ces Dattes ont été soigneusement conservés et semés, car ils appartiennent à un arbre unique jusqu'ici et le seul qui fournisse des Dattes mürissant en France. Plus récemment (en octobre), M. Charles Rivière, directeur du Jardin d'essai du Hamma, a remis au siège de la Société un petit régime de Bananes obtenues dans l'établissement. Ces fruits, résultat d’une sélection prolongée depuis long- temps déjà, sont excellents pour la table et l’on ne peut in- voquer à ce sujet un témoignage meilleur que celui de M. Le Myre de Vilers, Président de la Société. Pendant ses nom-— breux voyages et ses longs séjours aux colonies, il a pu com- parer entre elles les qualités si diverses des bananes. Celles du Hamma dont il a pu goüter grâce à M. Rivière, ont été: déclarées par lui très supérieures à la moyenne. Si la race: créée par M. Rivière peut être fixée et qu’on puisse la culti- ver largement en Algérie, il n’est pas douteux qu'elle n’ob- tienne un réel succès non seulement en Algérie, mais aussi en France où il sera possible de l’amener très rapidement. — M. Berthoule, Secrétaire général honoraire de la Société, a bien voulu faire récolter en Auvergne, sur les bords du lac Pavin, de la mousse d'excellente qualité qu'il offre à la So- ciélé pour emballer les œufs de Salmonides lors de la pro- chaine distribution qui sera faite par elle. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE- LA SOCIÉTÉ. 193 — M. Félix Mérel adresse à la Société une série de sacs con- tenant un produit nouveau inventé par lui pour l'alimentation des Oiseaux de basse-cour, de chasse et de faisanderie. Ce produit désigné sous le nom de Provende armoricaine est mis à la disposition de la Société par son inventeur qui dé- sire le voir soumettre à l’expérimentation chez les personnes que le Conseil croira devoir désigner comme particulièrement compétentes pour en bien juger la valeur. Parmi les dons faits à la Sociélé durant les vacances, il con- vient de signaler encore une soixantaine d'œufs de Nandous, pondus chez M. Debreuil, à Melun par des Oiseaux placés chez lui en cheptel par la Société. M. Debreuil donnera lui-même des détails circonstanciés sur ces Nandous et la production de leurs œufs. COMMUNICATIONS ORALES. — M. le Secrétaire général donne quelques détails sur la création d'une Section coloniale que le Conseil a cru devoir réaliser selon la demande d’un certain nombre de Membres de la Société. M. Louis Olivier a bien voulu accepter les fonc- tions de délégué du Conseil CHE d'organiser les travaux de cette nouvelle Section. La présidence en sera offerte à M. Raoul, pharmacien en chef des Colonies, et qui vient de rentrer en France après avoir accompli en Malaisie une mission des plus intéressantes pour l’agriculture tropicale. M. Milhe-Poutingon, de l’Union coloniale française, a bien voulu accepter d’étre proposé comme vice-président et M. Bourdarie comme secrétaire. Déjà des témoignages de sympathie et de hautes approba- tions sont arrivés à la Société au sujet de la création de cette Section. M. le Secrétaire général cite diverses lettres adres- sées à la Société et qui doivent être dès maintenant ren- voyées à la Section coloniale. (Lettres de MM. les professeurs Heckel, de Marseille, Louis Olivier, Caustier,. P. Chappel- lier, etc.) — M. le Secrétaire général rend compte très brièvement de la part que la Société dAcclimatalion a prise : 1° au Congrès de l'Association française pour lavancement des Sciences réuni à Saint-Etienne du 5 au 12 août 1897, 2° au Congrès international colonial de Bruxelles du 16 au 19 août. Bull, Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 14, 194 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Au Congrès de Saint-Etienne, le Conseil avait désigné pour représenter la Sociélé MM. Ed. Blanc, de Guerne et Raveret- Wattel. Un grand nombre de communications ont été faites sur des sujets intéressant la Société dans les sections d’Agro- nomie, de Botanique ou de Zoologie. La section de Botanique était présidée par M. Cornu, Membre de la Société. M. de Guerne avait été élu Vice-Président de la section de Zoologie. Au Congrès international colonial de Bruxelles, d'impor- tantes discussions ont eu lieu, dans le domaine des travaux de la Société, sur les cultures coloniales et sur la protection de l'Éléphant d'Afrique. Ce sujet a été traité par M. Paul Bourdarie que le Conseil avait spécialement délégué pour re- présenter la Société d'Acclimatalion au Congrès de Bruxelles avec M. le Secrétaire général. — M. le Secrétaire général donne quelques détails sur les excursions faites par la Société depuis la dernière séance. Trois excursions ont eu lieu. La première, le 23 mai, à Saint- Lambert, dans la vallée de Chevreuse, pour visiter l’Etablis- sement de Pisciculture créé par M. Philipon, Membre de la SociétéaLe 30 mai, une visite a été faite aux ruchers du Jar- din du Luxembourg et du Parc de Montsouris. Enfin, le di- manche 13 juin, la Société s’est réunie à la faisanderie de Mériel (Seine-et-Oise). L'ordre du jour étant très chargé, M. de Guerne ne peut que signaler ces excursions, sur lesquelles il y aura lieu de revenir. Mais il importait dès aujourd’hui d'appeler l’atten- tion sur cette manifestation nouvelle de l’activité de la So- ciélé d'Acclimalalion dans l’ordre pratique. Il convenait également de remercier toutes les personnes qui ont bien voulu prêter leur concours à la Sociélé dans ces circon- stances, M. Philipon, M. Galichet, de Mériel, le Bureau de la Société d'Apiculture, et en particulier, M. Clément, président de la Section d’'Entomologie. En outre de ces excursions générales, un certain nombre de Membres du Bureau et du Conseil se sont rendus à Melun, sur l'invitation de M. Debreuil, pour examiner les élevages poursuivis par leur collègue et notamment ceux des Nandous qu'il a reçus en cheptel de la Sociélé. Une autre course a été faite à l'Etablissement de Royallieu, près Compiègne où plusieurs Membres de la Société, aux- quels s'était joint M. Francisque Sarcey, sont allés voir les PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 195 animaux, récemment importés de la République Argentine, par M. Favez-Verdier et qui ont été énumérés ci-dessus. — À propos de la lettre de M. le D' Vogt sur l'amputation des oreilles chez les Chats pour empêcher ces animaux de va- gabonder et de se livrer à la chasse des petits Oiseaux, M. L. Chazal (Mb) présente quelques observations. Il a lui-même expérimenté cette méthode et ne croit pas à son efficacité. — M. E. Cacheux (Mb) annonce que la Société L'Enseigne- ment technique et professionnel des Pêches marilimes s'est chargée d'organiser une section française à l'Exposition inter- nationale des pêches qui doit avoir lieu à Bergen (Norvège), durant l'été de 1898. M. Cacheux montre, par quelques exemples, l'intérêt qu'il y a pour la France à développer ses relations commerciales avec les pays Scandinaves, où l'in- dustrie des conserves de Poisson se développe sans cesse, où l’on use entre autres choses de plus en plus d'huile d'olive et de sel. Ces produits peuvent être tres largement fournis par le midi de la France et par la Tunisie. — À propos de la lettre de M. Blaauw, sur l'élevage des Ti- namous en Hollande, et dont il a été question à la correspon- dance, M. le Secrétaire général dit que cette lettre sera lue dans une prochaine séance qu'il espère voir entièrement con- sacrée à l'étude du Tinamou. On s'occupe beaucoup en ce moment d'introduire en France cet Oiseau qui semble pouvoir fournir un nouveau gibier, de chasse et de gout agréables. Des demandes de renseignements au sujet du Tinamou par- viennent chaque jour à la Société, et c'est pourquoi il semble utile de résumer, dans une séance spéciale, les notions scien- tifiques et pratiques acquises sur ces Oiseaux. MM. Blaauw, Milne-Edwards, Galichet, Oustalet, etc., enverront pour la circonstance des documents du plus haut intérêt. — M. le Secrétaire général présente un paquet d'épis de Blé du Soudan envoyés par M. de Trentinian, Gouverneur de cette colonie. À ce propos, M. Milhe-Poutingon (Mb) donne quelques détails sur la production et la culture du Blé au Soudan. — M. Le Myre de Vilers insiste sur l'intérêt de ces cultures et montre qu'il s'agit là d'une véritable richesse. Du jour où, dans nos colonies, l’on pourra récolter sur place le Blé indis- 196 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. pensable à l'alimentation des Européens, il en résultera une économie considérable sur le prix d’une denrée de faible va- leur dont les frais de transport sont parfois décuples. — M. Paul Bourdarie (Mb) ajoute que le Mais pourra rendre évalement de grands services aux colonies, surtout si l’on s'applique à en bien choisir les races. Il communique à ce propos les résultats d’une expérience faite par M. Chalot, di- recteur du Jardin d'essai de Libreville, avec quelques grains de Maïs, dit préhistorique et que M. Bourdarie a pu envoyer au Congo grâce à la Sociélé d’Acclimatation. Ce Maïs a poussé très vite, atteignant rapidement de grandes proportions. — M. Debreuil a cultivé le même Maïs à Melun et en a chtenu aussi de très beaux pieds dont la photographie sera pré- sentée à la Société dans une prochaine séance. — Une discussion s'engage entre MM. Bourdarie, Decroix, Lejeune, Trouessart, de Guerne, sur le point de savoir si l’on peut ou non admettre comme authentique l’origine du soi-di- sant Maïs préhistorique. — Lecture est donnée d'un mémoire de M. le professeur N. de Zograf (Mb), sur les Problèmes de l’Acclimatation en Russie (voir Bulletin, novembre 1897). — Lecture est donnée d’un mémoire de M. Charles Rivière (Mb), directeur du Jardin d'Essai du Hamma, à Alger, sur le Manioc en Algérie et dans le bassin méditerranéen (voir Bul- letin, novembre 1897). Le Secrélaire général de la Société, JULES DE GUERNE. - | 197 4° SECTION (ENTOMOLOGIE). SÉANCE DU 14 FÉVRIER 1898. PRÉSIDENCE DE M. A.-L. CLÉMENT, PRÉSIDENT. Il est procédé au renouvellement du bureau ; sont élus : MM. Clément, président. Decaux, vice-président. Marchal, secrétaire. Rathelot, secrélaire-adjoint. M. Clément est en outre choisi, comme deéieégué à la Commission des récompenses (M. Edouard Blanc étant délégué du Conseil auprès de la Section). Dépouillement de la correspondance. Elle renferme justement une lettre de M. F. Decaux, retenu depuis longtemps à la chambre par une indisposition et qui s'excuse de ne pouvoir prendre une part ac- tive aux travaux de la Section. A l'unanimité, il est décidé qu'une lettre signée du Président et du Secrétaire sera adressée à M. Decaux pour l’informer que la Section tient à le conserver dans son bureau comme vice-président et pour lui exprimer les vœux que forment ses collègues pour le prompt rétablissement de sa santé. Diverses demandes d'œufs ou de cocons de Vers à soie sont adres- sées à la Société, notamment du Tonkin. À ce propos .M. le Secrétaire général rappelle la notice récemment publiée dans le Bulletin (août 1897) par M. Charles Naudin : Sur un nouveau Mürier de Tonkin et signale une lettre de M. G. Coutagne, Directeur de la Station séricicole de Rousset (Bouches-du-Rhône) où il est également question de la sériciculture aux colonies. Lecture est donnée de l'extrait d’un rapport de M. de Trentinian, Gouverneur du Soudan français, concernant la production de la soie dans cette colonie. M. le Secrétaire général fait observer que, dès son origine, vers 1855, la Société d’'Acclimatation s'est occupée de cette soie du Soudan. Le fondateur de la Société, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, avait remis précisément à notre collègue M. Naudin, un fragment d’un arbrisseau de Sénégambie sur lequel vit une chenille dont la soie passait pour être utilisable. L’arbrisseau en question est un Zzyphus et M. de Guerne donne lecture d’une note publiée à ce sujet dans le n° 7 de la “Revue des Cultures coloniales. Cette note sera reproduite dans le Bulletin. Une discussion s'engage sur l'intérêt qu'il y aurait à développer la production de la soie dans les colonies françaises, afin d’alimenter le marché du pays, en ayant le moins possible recours à l'étranger. Il convient de signaler parmi les colonies pouvant fournir à bref délai M 4 fe y +” r à ,* Fe 0 EN TT 198 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. une quantité notable de soie, la Nouvelle-Calédonie; M. Perret, qui a lonstemps dirigé les travaux agricoles du pénitencier de Nouméa et qui est aujourd’hui vice-président de la Chambre d'Agriculture de cette ville, a exposé devant la Section coloniale les résullats des essais d'acclimatation tentés et réalisés dans la colonie depuis une quinzaine d'années. La culture combinée de la Vanille et du Mürier, celui-ci servant de support à la première, est des plus recommandables. La récolte de la Vanille se fait sans préjudice de celle des feuilles du Mûrier et à des époques telles que le même personnel peut s'occuper successivement de !la Vanille et de l'élevage des Vers à soie. 1l est d’ailleurs possible de planter des Caféiers dans l’intervalle des lignes de Müriers porteurs de Vanille. La récolte du café ne nuit aucune- ment à celle des cocons et les mêmes inslallations, hangars ou véran- das, établies pour la dessiccation du café, peuvent servir à l'éducation des Vers à soie. La Section examine un lot de cocons provenant de la Nouvelle-Ca- lédonie et offerts à la Société par M. Perret. M. le Secrétaire général rappeiïle à ce propos une notice de M. Ra- verel-Waittel publiée dans le Bulletin de la Société d'Acclimatation en 1874 et inlitulée: De l'utilité d'introduire la sériciculture à la Nou- velle- Calédonie. On y trouvera, bien qu’elle date déjà de près de vingt- cinq ans, nombre d'indications pouvant être encore uiilement suivies. M. le Secrétaire général rend compte de l’excursion organisée par la Sociéfé aux ruchers du Jardin de Luxembourg et du Parc de Mont- souris. Grâce à l’obligeance du bureau de la Société centrale d'Apicul- ture qui a bien voulu en prendre la direction, l’excursion a pleinement réussi. Elle a eu lieu le dimanche 30 mai par un très beau temps et a été suivie avec un vif intérêt par une nombreuse assistance. M. de Guerne adresse les remerciements de la Section à M. Clément et le prie d'être son interprête auprès de ses collègues de la. Sociéfé centrale d'Apicullure. M. Clément présente un cadre extrait d’une ruche appartenant jus- tement à cette Société et qui renferme un nid de Guêpes ayant atteint des proportions considérables au milieu même des Abeilles. La première observation concernant ce fait exceptionnel a été relevée précisément au cours de la visite faite par la Sociéfé d'Acclimatalion le 30 mai 1897 au Rucher de Monisouris. Depuis lors, et contre toutes prévisions, le nid de Guêpes a continué à se développer jusqu’au jour où il a paru prudent de détruire ces Insectes devenus par trop nom- breux pour la sécurité des Abeilles et même des promeneurs. Une notice détaillée sera publiée à ce sujet. « Pour le Secrétaire empéché, JULES DE GUERNE, Secrétaire général. 1 199 EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. L'AMPUTATION DE L'OREILLE EXTERNE N'EMPÉCHE PAS LES CIATS DE CHASSER LES OISEAUX. Monsieur le Secrétaire général, Vous m'avez témoigné le désir de voir consignée au PBullelin la très modestie observation que jai faite dans la séance du 26 novembre, au sujet de l’amputation de l'oreille externe pratiquée sur les Chats pour les empêcher de chasser les petits Oiseaux. J’ai vu opérer cette mutilation pendant cinq années, environ vers 1850-1855, sur tous les Chats du domaine de la Brosse-Saint-Ouen (canton de Rebaïs, arrondissement de Coulommiers, Seine-et-Marne). . Cela ne les empêchait en aucune facon de chasser; c’est pourquoi on y a renoncé. J'ai vu moi-même les Chats aux oreilles coupées chasser à toutes les heures de la journée, dans les prés et dans les cultures : Blés, Ayoines, Légumineuses à tout degré d'avancement de végétation. Il n’y a que sous bois que je n’en ai pas rencontré, sans doute parce que les prés et les cultures du parc leur suffisaient. Curieux de saisir la raison de cette mutilation, je n'ai eu d’autre réponse que celle-ci : « Que les Chats ayant les cornets des oreilles coupés, la rosée leur tombait dans la conque de l'oreille et les dégoù- tait d’aller aux champs. » Comme les Chats ne m'ont pas paru choisir précisément l'heure de la rosée pour se mettre en chasse, la raison m'a paru bien spécieuse, et l'expérience m'a démontré qu’elle ne valait rien. J’ai par cette réponse même été amené à observer plus attentivement les heures de chasse de cet ennemi acharné des petits Oiseaux et de leurs couvées ; c’est l'après-midi, et surtout vers le coucher du soleil, qu’on trouve jies Chats en chasse dans les champs. Veuillez agréer, etc. L. CHAZAL. >< CULTURES DANS LE DÉPARTEMENT DES PYRÉNÉES-ORIENTALES. Perpignan, le 28 janvier 1898. Monsieur le Secrétaire général, J'ai l'honneur de vous faire connaître le résultat ces semis faits avec 200 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. les graines que la Société d’'Acclimatation a bien voulu m'adresser dans le courant de 1897. 1° Graines de Coton blancet fauve du Turkestan, rapportées par M. Edouard Blanc, semées dans la plaine à Perpignan ou à la mon- tagne, à Vernet-les-Bains, à 780 mètres d'altitude ; les graines ont levé, quelques plantes se sont développées, d’autres ont fondu ; deux sujets à coton fauve ont fructifié. Les graines avaient été semées au pied d’un mur exposé au Midi. Il y a eu là peut-être des conditions de irop forte chaleur ; pendant l’année courante, les graines seront semées en plein champ comme dans la culture du Turkestan, où la température générale, eu égard aux produits qu'y récolte la Russie, doit se rap- procher de celle du Roussillon. 20 Zizyphus mucronata. — Semis réussi. Les jeunes plantes ont atteint 20 centimètres de hauteur environ, elles sont couvertes de piquants et ont perdu leurs feuilles d'assez bonne heure. 3° Chamaerops excelca, du docteur Lecler, de Rouillac (Charente), ou Trachycarpus excelsa. Ces graines ont été semées, bien que mes Chamaerops. de 5 à 6 mètres de hauteur, se multiplient d'eux-mêmes, dans mon jardin. J’arrache chaque année nombre de jeunes sujets qui poussent un peu partout. 49 Mimosa lophanta. — Encore un arbuste commun en Roussillon, les sujets obtenus avec les graines de la Sociéfé d’Acclimatation ont atteint déjà, avec les semis de printemps 1897, une hauteur de 1 m. 80; à la date d'aujourd'hui (28 janvier 1898), ils ont toutes leurs feuilles, mais n’ont pas fleuri. 5° Acacia pycnantha, paraît devoir être une bonne acquisition, arbre intéressant par ses petites feuilles composées et bipinées au début, ‘ qui sont remplacées ensuite par de larges phyllodes, ressemblant à des feuilles de Camélias ; les sujets ont de 0,30 à 0,80 centimètres de hauteur sans ramification aucune ; les feuilles paraissent persistantes. 6° Daftier. — Douze dattes m'ont été adressées sans aucun rensei- gnement relatif à leur nom, à leur pays d’origine. Proviennent-elles du Phenix melanocarpa, de la villa Cessole, à Nice (Sauvaigo et Naudin), ou bien viennent-elies de Kairouan ? Le fruit était brun rougeâtre, la chair dure et sèche, pas trop sucrée et rappelant comme ensemble, sauf la couleur, les dattes du Hodna, de la province de Cons- tantine. Naturellement, je serais très content de savoir quel nom je dois donner aux jeunes plantes venues de ces dattes. La précocité du Phenix melanocarpa (Dattier de Nice), est trop intéressanie et c’est une chose trop rare pour justifier mon désir. En terminant, j'ajouterai que la plaine du Roussillon possède d'assez beaux spécimens de la flore si richement représentée à la villa Thuret, (1) Les fruits dont il est ici question sont les Dattes rouges envoyées d’ Oran a la Société par M. Leroy (MWote de la Réd.). EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 201 grâce aux soins assidus de notre éminent collègue, M. Naudin ; on trouve à Perpignan, dans divers jardins : (e) ; ] Phœnix canariensis de 5 à 6 mêtres Brahea glauca. de haut et 0 m. 80 de diamètre. Waskingtonia robusta. Ph. senegalensis. Jubæu spectabilis, tres forts sujets Ph. Sylvestris. réellement beaux. Cocos campestris. Faux Poivriers, (Schinus molle), — australis. Camphriers, Erythrina en arbre, Prüchardia filifera. etc. J’ai quelques graines de mon jardin que je puis vous adresser si elles doivent faire plaisir à nos collègues : Cassia marylandica. Chamaærops humilis. — farnesianx. Physianthus albens. Chameærops excelsa. D' Cros. << ENCOURAGEMENT A DONNER AUX ENTREPRISES COLONIALES. Questions de botanique appliquée à mettre à l'étude. Monsieur le Secrétaire général, « Je ferai mon possible pour vous adresser des articles coloniaux, mais je suis absorbé par mes propres Annales qui me donnent beau- coup de mal. L'idée coloniale est naissante à peine, et il faut se démener beaucoup pour la faire progresser. Qu'on ne perde pas de temps; nos colonies forment aujourd’hui un capital mort, et quand des bonnes volontés se dressent pour le faire fructifier, il faut le crier bien haut et forcer la modestie de ces pion- niers inconnus dans leur dévouement. Il appartient à la Societé d’Accli- matation de faire cette œuvre de justice dans le beau domaine qui est le sien- En ce qui concerne les questions qu’on pourrait mettre à l'ordre du jour, je ne saurais trop insister sur l’urgence des deux suivants : 1° Etude et culture des Lianes à Caoutchouc (Vahea, Landolphia) dans les colonies francaises tropicales, valeur de leurs produits. — On a pré- tendu que les Lianes sont réfractaires à la culture; les Allemands viennent de prouver le contraire, dans leur colonie du Cameroon; il faut suivre cette voie tracée largement par nos voisins du Congo, faire récolter des graines et des fruits de Landolphia ou de Vahea et les envoyer dans nos colonies de l’Indo-Chine, de la Guyane et des An- tilles. Je ne parle pas du Congo où les cultures sont tout indiquées, 202 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. les Zandolphia de la côte occidentale d'Afrique donnant un des meil- leurs caoutchoucs connus. D'autre part, il faudrait une étude sérieuse de ces Lianes sauvages et de leurs produits, afin d'en sélectionner l’ac- climatation et de ne propager que les meilleures espèces. 20 Æfude des végétaux donnant des graines grasses mal ou peu connues dans les colonies françaises, de leur diffusion et de leur acclimatation dans les colonies, valeur de leurs matières grasses ou des tourteaux qu'elles donnent. — C'est là un grand désideratum pour l’industrie nationale des huileries, des savonneries et des stéarineries : on ne sort pas des Coprah, des Arachides, des Palmistes et des Sésames, il faut évidem- ment trouver mieux comme corps gras ou comme végetaux pro- ducteurs. Si la Societé attache des prix de quelque valeur à la solution par- tielle ou totale de ces deux grosses questions, elles seront rapidement abordées, et ce sera la mise en train d’un capital colonial capable de rendre de grands services à l'industrie métropolitaine. Agréez, je vous prie, etc. E. HECKEL, Directeur du Musée et de l’Institut colonial de Marseille, EXTRAITS ET ANALYSES. LE PIGEON VOYAGEUR EST-IL UN ANIMAL DOMESTIQUE ? par Raoul DE CLERMONT, . Ingénieur agronome, Avocat à la Cour d’appel {1). Un problème qui intéresse vivement l’agriculture a été posé, il y a quelques mois, à la Cour de Cassation. Il s'agissait de savoir si le Pigeon domestique était un Oiseau et quel Oiseau. De longs débats se sont élevés, en effet, sur le point de savoir: « Si le Pigeon voyageur était vraiment un animal domestique ou s’il fallait l'assimiler aux hôtes sauvages de nos forêts, à un gibier. » Le Pigeon voyageur est-il un animal domestique ? » Celui qui le tue ou le blesse se rend passible des peines édictées par les articles 454 et 479 du Code pénal. (1) Communication faite à la Section d'Agronomie au Congrès de l’Associa- tion française pour l'avancement des sciences, Saint-Etienne, 1897, EXTRAITS ET ANALYSES. 203 Celui qui « le soustrait frauduleusement commet un vol ». Si, au contraire : Le « Pigeon voyageur est un gibier », les lois et les règlements de chasse lui deviennent applicables et, notamment aux lermes des ar- ticles 9 et 11 de la loi du 3 mai 1844, modifiée par celle du 8 janvier 1874, les Préfets peuvent prendre des arrêtés réglementaires pénale- ment sanctionnés par l’article 471, $ 15 de notre Code pénal. Les Tribunaux de paix des régions du Nord et de l'Est, que le voisi- . nage de la frontière rend essentiellement colombophiles, se sont pro- noncés invariablement pour la première solution : « Le Pigeon voya- geur est un animal domestique. » Mais la Cour de Paris, dans son arrêt du 19 février 1896, les Chambres criminelles et civiles de la Cour de Cassation, ont affirmé qu’il n'en était rien et que le « Pigeon voyageur élait un gibier ». Il appartenait à la Cour de Cassation, toutes les Chambres réunies, de trancher définitivement la controverse : condamnant le système adopté par les Chambres criminelles et civiles, elle vient de décider, par un arrêt du 8 décembre 1896, à propos duquel on a beaucoup écrit que le « Pigeon voyageur est un animal domestique ». Les partisans de la négation, au mépris des enseignements de la Zoo- logie, de la Zootechnie, nonobstant les tradilions de notre législation, n’invoquent, en somme, qu'un seul argument et, pour édifier longue- ment leur pénible argumentation, ils invoquent littéralement, textuel- lement, l’article 9 de la loi sur la chasse, qui autorise les Préfets à prendre des arrêtés pour interdire la destruction des Oiseaux. Ils insistent sur le mot « Oiseau ». Le Pigeon voyageur, disent-ils, « est un Oiseau ». Or, l’article 9 vise, sans exception, tous les Oi- seaux. Donc il s’applique aux Pigeons voyageurs. Mais pour écarter celte interprétation, à mon sens erronée, de la loi de 1844, il suffit de lire l’un des considérants favorables à la négative de l'arrêt de la Cour de Cassation du 24 avril 1896, considérant qui précise la définition de l’Oiseau auquel s'applique la loi de 1844. I1 s’agit d'Oiseaux susceptibles d’un fait de chasse, d'Oiseau consti- tuant un gibier. Les travaux préparatoires sont formels en ce sens; ils établissent expressément, nettement, que les Oiseaux visés sont uniquement des « Oiseaux utiles à l'agriculture, sauvages et insecti- vores ». Au cours de la discussion, un député ayant voulu faire mentionner le Pigeon dans le texte de la loi, le Garde des Sceaux et le rapporteur - S’y sont formellement opposés en faisant observer que les Pigeons sont essentiellement granivores, qu'ils ne sont pas sauvages, que dans cer- tains cas ils peuvent même devenir nuisibles à l’agriculture. Du reste, deux circulaires ministérielles, l'une en date du 30 jan- vier 1874, émanant du Ministre de l'Intérieur, l’autre du 6 juillet 185, émanant du Ministre de la Justice, confirmant cette interprétalion des 204 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. arrêtés préfectoraux ne concernant que les petits Oiseaux essentielle- ment insectivores. Les Pigeons ne sont pas des petits Oiseaux, ne sont pas insectivores, ne sont pas des Oiseaux sauvages susceptibles de chasse. Sans insister davantage sur des arguments d’ordre physiologique, je me bornerai à rappeler que la tradition juridique, maintenue depuis l’époque romaine jusqu'à nos jours, affirme, au point de vue légal, cette définition du Pigeon. À Rome, à Byzance, les textes du droit barbare de l’époque féodale, les ordonnances royales de 1338, 1607 et 1613 et, depuis la Révolu- tion, l’article 2 du décret du 7 août 1789, reproduit par le Code rural, la loi du 4 avril 1889, l’article 524 du Code civil et le décret du 15 septem- bre 1885, ordonnant le recensement des Pigeons voyageurs en France, considérent à l'unanimité le Pigeon comme un animal domestique. Qu'on ne vienne pas dire maintenant que les Pigeons voyageurs cons- tituent, à raison de leurs aptitudes, une espèce particulière, récem- ment constituée et qu’il faut écarter les arguments tirés de la législa- tion ancienne. Tout d’abord, le Pigeon proprement dit est « un Pigeon de colombier », est attaché à un colombier, il a un domicile. Ensuite, dès la plus haute antiquité, on a utilisé les facultés voya- geuses du Pigeon, et l’histoire nous raconte que ce fut César, pendant sa guerre en Gaule, qui l’employa, le premier, comme messager de guerre. Celte aptitude s’est développée, grâce à une éducation plus parfaite, les services rendus se sont multipliés et c'est pourquoi, dans une pensée de protection à l'égard de ces intéressants volatiles et non pas en vue de rendre la chasse plus facile en torturant les textes, on a cherché à assimiler le Pigeon voyageur à un gibier pour permettre aux Préfets de prendre des arrêtés de protection à leur égard. Je suis loin de mentionner les immenses services, qu'ont rendus et que sont appelés à rendre les Pigeons voyageurs. En 1870, ces vaillants messagers qui, bravant les balles, échappant aux griffes des Faucons que les Allemands lançaient à leur poursuite, ont assuré la communicalion entre Paris et la Province. L'un d’entre eux, notamment, qui n’avait pu franchir les lignes en-— nemies, fut envoyé par le prince Frédéric-Charles à sa mère et traité comme un hôte de distinction et fut enfermé dans une volière du parc de Potsdam. Au bout de quatre ans de détention, il parvint à tromper la vigilance de ses gardiens et, prenant son vol, il regagna directe- ment la France, sa patrie. Aussi, tout en considérant le Pigeon voyageur comme un animal do- mestique, nous pouvons formuler des vœux ardents pour qu’une loi spéciale intervienne, assurant à cet auxiliaire, aujourd’hui HUSECne sable, la protection qui lui est due. >< EXTRAITS ET ANALYSES. 205 NOTE SUR LES CIRES D'ABEILLES DE TUNISIE. La quantité de cire d’Abeilles produite en Tunisie est des plus va- riables; elle suit, comme on le conçoit aisément, l'influence des sai- sons : les années où les folicios sont précoces et par suite, la floraison abondante, sont les plus propices pour la production du miel et de la cire. Il est assez difficile de connaître exactement la totalité de la pro- duction tunisienne; l'éloignement des centres de production, l'imper- fection des voies et moyens de communication, l'indifférence des indi- gènes sont actuellement autant d'obstacles à l'établissement de chiffres précis. Dans ces conditions, les seuls éléments statistiques qui soient à notre disposition nous sont fournis par les déclarations anruelles de l'Administration des Douanes, lesquelles ne concernent que l’expor- tation. Le relevé annuel, qui nous a été obligeamment fourni par cette Ad- ministration nous donne les chiffres suivants : DÉSIGNATION PAYS MARS s % eu QUANTITES. DE VALEUR: DES MARCHANDISES. D'EXPORTATION. NA PMETAN CE ce L 56,883 | | 64,545 Algérie. cu 979 | 1,713 ne se 3,394 9,940 | Belgique...... 980 1,715 Cire brute, jaune, talent 550 TS e brune ou blanche. Malte d'A 0 01001016 9,980 17,465 Grece ere 426 145 Allemagne... 29,213 44,123 | RUSSICRT EC 2 lo, 4,751 S1,120 141,960 D'autre part des renseignements que nous avons pu nous procurer sur place chez les principaux exportateurs de cire noire fournissent les données suivantes: Dans une année de récolte moyenne, l'exportation de la cire donne lieu à un chiffre d’affaires de 300,000 francs. En 1897, un des grands négociants de Tunis a exporté, à lui seul, pour une valeur de 120,000 fr. de cire représentant un poids de 42,000 kilos. Le prix moyen de cette même année était de ? fr. 80 le kilo; ce prix a été sujet à des fluctuations qui se sont produites à la suite de l'emploi industriel 206 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. de la paraffine et de cires végétales qui ont donné les résultats suivants : Eo 1869 le prix moyen était de 4 fr. 50 le litre. 1887 — D » — 1894 — 9 :.. &5 — 1895 — 3 » _— 1897 — Dr #60 — La plus grande partie de la cire produite dans la Régence est expor- tée en France où elle est frappée d’un droit d’entrée de 8 francs par 100 kilos; l'Allemagne vient ensuite et ce produit y acquitte un droit d'entrée de 6 fr. 25 par 100 kilos. De tous les pays qui font usage de la cire d'Abeille, c'est la Russie qui tient le premier rang, quant à l'importance de cette consommation, et les cours se basent entièrement sur les demandes de ce pays. Les cires les plus appréciées sont celles de Smyrne et de Tunisie; viennent ensuite celles d'Algérie et du Maroc, cette dernière se vend 25 francs par 100 kilos, par suite des fraudes auxquelles elle est sou- vent soumise. Enfin les cires de Tripoli el de Zanzibar sont assez peu connues sur les marchés européens. Usages. — La cire d’'Abeilles servait presque exclusivement jadis à la confection des bougies; mais depuis la découverte de la siéarine et de la paraffine qui sert à la fabrication des bougies dites transpa- rentes, son usage a beaucoup diminué; elle sert surtout aujourd’hui, à la confection des cierges et des bougies du culte; on l’emploie égale- ment, en moins grande quantité, pour les modelages; la pharmacie l'utilise pour la préparation de certaines pommades ou cérats, elle entre aussi dans la confection des encaustiques. Bien que ses usages soient assez limités, il se produit de nos jours peu de cette substance; aussi est-elle bien demandée et sa production serait plus importante qu'elle trouverait de faciles débouchés. Le climat de la Tunisie, la flore abondante, la facilité d'exploilation de ce produit en rendent la production économique; il serait à désirer que celte industrie fùt développée d’une manière plus complète, la qualité supérieure de la cire tunisienne en assurant la vente avant tout autre produit similaire. E. BERTAINCHAUD, Directeur de la Station agronomique de la Régence {1). {1) Bulletin de la Dir:ction de l'Agriculture et du Commerce de Tunisie, n° 1, 15 avril 1898. EXTRAITS ET ANALYSES. 207 ACCIDENTS PRODUITS PAR LA PIQURE DES ACARIENS DU GENRE « ARGAS ». Dans une communication récemment faite par lui à la Sociélé entomologique de France (1), M. H. du Buysson donne d’intéressants détails sur les dangers que peut présenter la piqûre des parasites du genre Argas, et en particulier de l’Argas reflezus (Latr.) À. mraginatus (Fabric.), assez commun en France. En se faisant piquer expérimentalement par un Argas sur un point quelconque du corps, surtout à un endroit dépourvu de vaisseaux sanguins, on peut ne ressentir qu'une simple démangeaison plus ou moins vive, n'observer qu’une ecchymose violacée et une exsudation de sérosité incolore quand on comprime fortement le point piqué ; mais trop souvent, lorsque le venin s’est répandu immédiatement dans le sang on est exposé à des accidents beaucoup plus graves. L'A. reflezus se trouve surtout dans les colombiers, où il vit en parasite des Pigeons. Dans un colombier du château de Vernet (Allier), où se trouvait réunie une fort belle collection de Pigeons et qui était entretenue avec le plus grand soin, M. du Buysson constata la présence d’Argas, qui se multiplièrent bientôt avec une rapidité extraordi- naire. Le dessous des nids en terre ou en paille tressée en recélait un nombre considérable et les jeunes Pigeons, épuisés par ces succurs de sang, ne tardaient pas à mourir. Afin de se débarrasser des parasites, on eut recours à un moyen radical ; on supprima le colombier, toutes les boiseries furent démontées ; on opéra un grand nettoyage et l’on poursuivit partout la vermine. Cependant, quelques individus échap- pèrent au massacre. Ils pénétrèrent dans les chambres voisines et tour- mentèrent les domestiques, dont quelques-uns durent changer de chambre. Un jour, l’un d'eux fut piqué par un Argas entre le pouce et l'index. Ses lèvres devinrent très enflées et il éprouva par tout le corps une vive démangeaison. Quelques années après, M. du Buysson fut piqué lui-même sur le dessus de la main, il la sentit s’engourdir et ses doigts offraient de la raideur lorsqu'il essayait de les fermer. L'ammoniaque liquide appliqué sur la piqüre ne produisit aucun effet; ses lévres et ses paupières enflèrent beaucoup,et en peu de temps tout son corps était brûlant. Il fut pris d’atroces démangeaisons, surtout dans dans la région lombaire et sur la poitrine; sa peau était couverte de taches rouges surélevées, comme dans une violente urticaire. Un seul remède lui réussit, ce fut l’éther pris à l’intérieur. Dès qu'il en eut absorbé, une sorte de détente eut lieu; il se remit au lit et finit (1) Annales de la Société entomologique de Krance, vol. 65, p. 217, 1897, paru en avril 1897. — Note communiquée à la Section d'Entomologie dans la séance du 17 mai 1597. 208 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. par s'endormir. Le lendemain, il ne ressentait qu'un peu de lassitude et un petit point aréolé rouge marquait seul la place où il avait été pique. A plusieurs reprises et à des intervalles assez éloignés, M. du Buysson fut encore piqué par des Argas et les suites de ces piqûres furent identiques à celles que nous venons d'indiquer. En 1883 (Ann. Soc. ent. Fr., p. xcvirt), le D' Laboulbène cite plusieurs accidents analogues survenus à la suite de la piqüre du même Acarien et observés dans les environs de Charleville par le Dr Chatelain. Le colombier qui recélait ces Argas était détruit depuis six ans lorsque les effets produits par leur piqûre furent constatés. La vilalité de ces parasiles est très grande. Des Argas, conservés pendant quatre ans par M. Laboulbène, étaient encore vivants au bout de cette période. De l’ensemble des faits relevés par lui, M. du Buysson conclut que les piqûres de l’Argas peuvent être, dans certains cas, très dangereuses. Il n'a jamais observé que des piqûres uniques pour une même fois ; les accidents auraient sans doute été beaucoup plus sérieux s'ils avaient été le résultat de piqûres multiples. L'Argas reflezus mesure de 5 à 6 millimètres ; son corps est ovalaire, la bouche est placée en avant et tout à fait à la partie inférieure du corps ; les palpes sont formés de quatre articles et les pattes de six. Sa couleur est grise, à reflets rougeâtres avec les bords blanchâtres. Il acquiert un grand développement lorsqu'il est gorgé de sang et prend alors une couleur noirâtre. La femelle est d’une excessive fécondité ; lorsque cet Acarien s’est établi dans un colombier, il est extrêmement difficile de s’en débarrasser. + NUCITE MATIONALE D'ACCLNNTATIN (Revue des Sciences naturelles appliquées) 45° ANNÉE JIVPEBERE 1595 SOMMAIRE A. BENGIN: — Notes sur les Zébus de la plaine de Bône........................ . 269 Paur WACQUEZ. — Sur la possibilité de conserver des Hirondelles pendant l'hiver | SHhcticoimatities DAPISE Steele mien amandes sen aie eine d'oele o'evate a diet dou a els ee 214 Caarres MAILLES. — Domestication du Lézard des murailles.........,......... 218 J. VILBOUCHEVITCH. — L’Atriplez semibaccatum (Salt-bush d'Australie), d’après les documents communiqués par le Professeur E.-W. Hilgard............... 221 Ectraits de la Correspondance : Pauz LABBÉ. — Lettre sur l'Elevage, VApiculture et la Pêche dans le gouvernement de ‘Semipalatinsk................:........... MR NES Ne PRE EN TRS 2977 Extraits et Analyses: P. GERMAIN. — Observations sur les Llamas domestiques des hauts plateaux du Boni, 4 CE INT RS AR OT ln Se RSR Pan me ann t ai deu ce ge ele ea US 230 D° K. KISHINOUYE. — L'industrie des Pêches au Japon........................ 233 La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. EE >——— Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société 4 fr. 50 a —————— 7 OS ——— AU SIEGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'’ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET A LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE _ Le Bulletin paraît tous les mois. SD DÉSINFECTANT © / | , ANTISEPTIQUE | Le Le seul joignant à son Efficacité, scientifiquement démontrée, l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Cerrosif Hémostatique et Styptique puissant. Adobe par les Ecoles Nafionales Vétérinaires, le Service de Sant£ > l'Armée, la Préfecture de La Seine et la plupart des Services "AÆygiene ef de Désinfection des Départements. Reconnu indispensable dans la pratique vétérinaire. 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Ces pâturages, pourvus de bonnes herbes pendant la saison: humide, ne portent en été et en automne que des jones ou des. plantes sèches, desséchées, grossières, dédaignées par les Bo-. vidés de race indigène. Les demi-sang, tenus la nuit en plein air dans des parcs- formés de grilles en fer, ne furent mis à l’abri de la pluie, sous. des hangars ouverts, que pendant les gros mauvais temps; ils ne recurent comme nourriture supplémentaire qu'un pew de paille longue de Céréales ou de Lin. Doués d'un appétit remarquable, peu difficiles sur le choix de leurs aliments, ces animaux croisés grandirent et gros- sirent rapidement ; ils se maintinrent en parfait état au cœur de l'été, alors que les Bovins de race indigène pure, soumis au même régime, maigrissaient fortement ; ils furent comple- tement épargnés par la cachexie, la fièvre bilieuse, l’altéra- tion du foie, le charbon symptômatique, maladies qui en- lèvent annuellement 5 pour cent des effectifs de la race de Guelma. - Ces demi-sang mâles ont pesé, en moyenne, à un mois, . (4) Communication faite en séance générale, le 17 décembre 1897. Bull. Soc. nat. Accl, Fr. 1898. — 15, 210 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 40 kilogrammes, à trois mois, 81 kil, à six mois, 120 kil., à un an 233 kil., à deux ans, 356 kil., à trois ans, 430 kil., à quatre ans, 470 kil., à cinq ans, 500 kil., alors que le Bœuf indigène pèse 200 kil. à sa troisième année, 300 kil. à la qua- trième, 350 à la cinquième. M. Rabon a vendu quarante de ces demi-sang à Marseille ; les bouchers de cette ville ont déclaré que le rendement en viande nette était de 58 à 62 pour cent, alors que 48 à 52 pour cent forment les rendements ordinaires du Bœuf algérien. La chair du demi-sang n'est pas chargée en suif comme celle du Bœuf algérien engraissé, elle donne un poids propor- tionnellement plus élevé en morceaux de premier choix. Les bouchers de Marseille achetèrent la viande nette des demi-sang à raison de 148 francs les 100 kilograrumes, alors qu'ils n'offraient que 130 francs des 100 kilogrammes de viande nette du Bœuf algérien. On peut donc considérer le demi-sang comme une bête de boucherie avantageuse pour l'éleveur. Les Bœufs demi-sang ont été attelés, leur dressage est fa- cile à condition de ne pas les brutaliser ; ces Bœufs sont plus forts, plus résistants, plus rapides dans leur marche que les Bœufs indigènes. Dans les fermes de M. Rabon, de la Banque de l'Algérie, où on les emploie depuis deux ans au labourage et aux trans- ports, on estime que six Bœufs demi-sang font beaucoup plus de travail que huit Bœufs indigènes. La Vache demi-sang ne donne journellement que 6 à 8 litres de lait tres riche en crème; elle est très féconde et donne souvent deux jumeaux; cette Vache pèse ordinairement 100 kilogrammes à six mois, 207 kil. à un an, 237 à deux ans, 310 à trois ans. Plusieurs génisses couvertes à six mois ont donné à quinze mois un produit bien viable ; les mères et les veaux ne sem- blent pas avoir souffert de cette parturition trop précoce. M. Rabon et son beau-frère, M. Paulin, poursuivent dans leurs exploitations agricoles des Dunes, de Bordj Anna, de Sidi Ranem, une série d'études méthodiques en faisant varier la proportion du sang zébu ; ces Messieurs, possesseurs d'une grande fortune acquise par trente-cinq années de travaux agricoles en Algérie, ne font pas du produit de leurs recherches une spéculation; ils ont livré, au prix du cours des bêtes pa is: É NOTE SUR LES ZÉBUS DE LA PLAINE DE BONE. 211 indigènes, quelques Zébus pur sang, des Taureaux et des Vaches demi-sang. Ces livraisons ont été faites à divers propriétaires, à des maires, à des groupes d’indigènes, à la condition que les ré- sultats des croisements, effectués au gré de chacun, seraient portés à leur connaissance. M. Boulineau, M. Soual, éleveurs dans la région de Bône, MM. Abbo et Hirzel, directeurs des exploitations agricoles de la Banque, ont acheté des reproducteurs à M. Rabon; ils ont fait venir en 1895 et en 189,6, des Zébus de l'Indo-Chine. Ces Zébus, sous poil noirâtre et de plus petite taille que ceux de l'Hindoustan, semblent devoir donner par leur croisement avec la race indigène des résultats satisfaisants mais moins bons que ceux obtenus par M. Rabon; les produits sont trop jeunes encore pour qu’on puisse actuellement les bien juger. L'élevage du Bovidé, ayant dans ses veines 3/4 de sang de Bovin indigène ou 3/4 de sang de Zébu, est considéré comme moins avantageux que l'élevage des demi-sang. Le Zébu de race pure a une taille moins élevée que le demi- sang, il est moins docile, beaucoup plus difficile à dresser; il paraît souffrir du froid et de l'humidité même dans la plaine de Bône où très exceptionnellement le thermomètre descend à 5° au-dessus de zéro, la température en hiver variant de 10° à + 200. Plusieurs éleveurs de l'arrondissement de Bône ont prié M. Rabon de se rendre dans l'Hindoustan et à Madagascar pour examiner et juger les meilleures races de Zébus ; M. Ra- bon acheterait, pendant le cours de son voyage, un certain nombre de taureaux et de femelles pour le compte des pro- priétaires de notre région. M. Rabon a accepté cette mission, car il prévoit qu'il est utile de varier les Zébus reproducteurs de façon à éviter la dégénérescence de la race des demi-sang par abus de la consanguinité ; il attend pour se mettre en route que la peste bubonique ait complètement cessé ses ravages dans les troupeaux de l'Inde anglaise. Nous espérons que MM. les Mi- nistres de l'Agriculture et des Affaires étrangères voudront bien le recommander aux Consuls de France en Orient. 212 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Les Français cultivant le littoral algérien ont cherché, mais sans succès, à acclimater toutes les races bovines de France, de Suisse et d'Italie : les croisements de ces races avec les Bo- vins de l'Algérie n'ont pas donné des résultats bien avanta- geux; ces métis, plus forts que les Bœufs algériens, sont moins rustiques et surtout peu résistants à la chaleur, à l'humidité, aux maladies. La partie nord de l'Afrique française produit sponta- nément beaucoup d'herbes, maïs les prairies sont peu soi- gnées en général et infectées par beaucoup de mauvaises plantes. Nos fourrages ordinairement grossiers renferment une assez forte proportion d'herbes non comestibles; il faut ajouter quelques litres d'Orge ou d’Avoine à la ration jour- nalière des animaux de travail. On ensemence en moyenne chaque année dans l'Algérie entière : 1,300,000 hectares en Blé, 1,400,000 hectares en Orge, 700,000 hectares en Avoine. Les deux tiers des pailles de Céréales, jugées sans valeur sont abandonnées sur le sol. Nos Bovins n’acceptent de manger la paille qu'en petite quantité et seulement pendant l'hiver; ils trient les foins secs, refusent généralement les fourrages ensilés, ne se nour- rissent volontiers que de grains ou des herbes tendres et vertes de la saison pluvieuse ; tous nos Bovins s’engraissent au printemps et maigrissent en été, en automne; ils sont en somme d'un entretien assez coùteux. L'Arabe, possesseur de vastes communaux, fait l'élevage sans soin, il arrive à tirer un revenu net de ses jeunes bêtes qu'il amène, presque sans frais, jusqu'à l’âge de quatre ox cinq ans. L'élève d'un Bovin mäle vendu 100 francs à sa quatrième année ou d'une Vache du même âge qui vaudra 60 francs au marché, ne constitue pas une opération lucrative pour l'agri- culteur européen ; les frais de garde, de nourriture à l'étable de location des terrains de pacage, les pertes provenant des mortalités, couvrent à très peu près les prix de vente. Les excellents produits de cette race de demi-sang obtenue par M. Rabon permettent au cultivateur français de pratiquer NOTE SUR LES ZÉBUS DE LA PLAINE DE BONE. 213 avantageusement l'élevage sur la terre algérienne, de tirer bon parti de pailles et d’herbages inutilisés, d'obtenir des fu- miers à bas prix, de rendre rémunérateur le travail agricole, L'œuvre accomplie par M. Rabon est donc très importante pour le succès de la colonisation. Beaucoup de Français quittent chaqne année la Métropole pour aller cultiver les terres de la République Argentine. Ii faut les renseigner et leur donner des conseils profitables pour les retenir sur le sol national. C’est seulement la certitude de gagner largement son exis- tence qui décidera l’agriculteur de France à se joindre aux colons du nord de l'Afrique pour transformer l'Algérie en une possession de plus en plus prospère et utile à la France, 214 SUR LA POSSIBILITÉ DE CONSERVER DES HIRONDELLES PENDANT L'HIVER, SOUS LE CLIMAT DE PARIS (1) par Paul WACQUEZ, Secrélaire général du Standard avicole de France. La Sociélé nationale d’'Acclimatation de France s'étant tout particulièrement occupée en 1896 et en 1897 de la ques- tion des Hirondelles — aucun de ses Membres n’a oublié les articles de MM. Magaud d’Aubusson et Rogeron au sujet de leur hibernation en nos pays — je crois devoir signaler à l'attention de mes collègues en ornithologie, une occasion d'observer et peut-être de retenir dans l'ile de France, pen- dant les mois d'hiver, un couple de ces petites et charmantes messagères des jours ensoleillés. Dans la maison que j'habite à Villemonble (Seine), j'ai fait exécuter en février et mars 1896 divers travaux de maçon- nerie; c’est ainsi que dans la salle à manger, dont la figure 1 reproduit le plan, a été construite une porte gothique. Pendant que les plàtres séchaient, les fenêtres — principa- lement la porte-fenêtre donnant sur la cour et le jardin — restèrent ouvertes jour et nuit; des Hirondelles entrerent dans la pièce et au-dessus de l’ogive de la porte gothique bâtirent un nid! (Fig. 2.) Elles mirent à construire ce nid une dizaine de jours, n'y travaillant régulièrement toutes deux que le matin, de cinq à neuf heures environ. Les Oiseaux faisaient de fréquents voyages, entrant et sortant par la porte-fenêtre, ils apportaient de petites mottes de terre qu'ils posèrent d’abord doucement sur le plâtre de l’ogive et enfoncèrent ensuite fortement avec le bec; je relevai même une petite cavité faite par le mäle dans le but de bien tasser la terre, elle mesurait 17 millimètres de profon- (4) Communication faite en séance générale le 13 mai 1898. |" JOSSIBILITÉ DE CONSERVER DES HIRONDELLES PENDANT L'HIVER. 215 à degenwe- À norte - re ps cer d' Cour Cte?t deur et gardait, quoique la terre füt dure, l'empreinte du bec et un peu de la tête de l’Oiseau. Le nid fait, les Hirondelles 216 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. apportèrent des plumes de Pigeons, qu'elles allaient prendre jusque sur le dos de mes Volants (1). Vers la fin de mai, la femelle pondit cinq œufs et le couple éleva cinq petits, qui abandonnerent le nid et la pièce vers le 15 juillet pour aller se percher sur un Prunier, à quelques mètres de la maison, dans la cour. Jusqu'à l’émigration annuelle, les parents seuls rentrèrent quelquefois dans la pièce, mais simplement pour y pratiquer la chasse aux Mouches. Le 11 avril de l’année dernière, une de nos Hirondelles revint. Nous lui ouvrimes la porte ; elle entra, se posa sur le nid et fut plusieurs jours seule à aller et venir, puis ramena une compagne. Je crus m'apercevoir que cette compagne n'était pas la même que celle de l’année précédente. La pre- miere se tenait, excepté pendant la période d’incubation, per- chée sur un plat en faïence ancienne accroché au mur près du nid et sortait peu. La nouvelle se posait toujours sur le nid et était très coureuse. Le couple se réinstalla au-dessus de la porte gothique, net- toya le nid, en emportant dans le bec, au dehors, toutes les impuretés qui le souillaient, puis livra de grandes batailles pour garder ses prérogatives, car d’autres couples — peut- être des jeunes élevés précédemment dans ce nid — voulurent s'installer dans la pièce et commencèrent la construction d’un nouveau nid sur le côté gauche de l’ogive. Nous eüumes jusqu'à six Hirondelles qui avec un bruit assourdissant se battaient au-dessus de nos têtes. Le couple le plus ancien resta maître de la place. La femelle pondit quatre œufs, le couple éleva trois petits et toute la famille émigra en octobre. Dans le courant de ce dernier hiver, je fis poser au-dessus de la porte donnant sur la cour, une marquise vitrée. Cette marquise, de 1 m. 80 de large, a une inclinaison de 20 degrés et cache la partie haate de la porte. En plus, pour éviter l'in- vasion des Chiens dans la salle lorsque la porte est ouverte, (1) Lorsqu’un de mes Volants blancs volait seul assez haut dans le ciel, les Hirondelles d’aleatour se réumissaient en troupe autour de lui et le plumaient. Le Pigeon porlait encore, à la poitrine, des traces du larcin et je trouvais de petites plumes de Volaut blanc dans le nid de mes Hirondelles. POSSIBILITÉ DE CONSERVER DES HIRONDELLES PENDANT L'HIVER. 217 j'ai fait mettre dans le bas une claie en bois de 1 m. 15 de haut. (Fig. 5.) Je craignais que ces différents obstacles n'empêchassent les Hirondelles de revenir à leur nid, ou qu'elles ne voulussent passer à travers la vitre de la marquise. Mes craintes ne furent pas justifiées, car le 17 avril, le male était de retour et la femelle venait le rejoindre le 23. Comme l’année dernière, les Oiseaux nettoyèrent le nid qui contient quatre œufs à la date où j'écris (7 mai 1898). Je ferme la fenêtre et les volets qui produisent l’obscu- rité — ceux de l’autre fenêtre n'étant presque jamais ouverts — aussitôt les Hirondelles rentrées, à cette époque entre six et sept heures, et je ne les rouvre qu’à sept heures du matin. J'ai même, par curiosité, gardé mes prisonnières jusqu à dix heures sans les incommoder. Les jours où nous recevons à déjeuner, quel que soit le nombre des convives, les Hirondelles vont et viennent libre- ment au-dessus de nos têtes; à diner, malgré une grosse lampe et un petit lustre allumés, malgré la fumée des cigares ou des cigarettes de mes amis, elles reposent paisiblement sur les bords de leur nid. Je crois donc que, dans ces conditions, il serait facile de garder ces Insectivores pendant la saison de l’émigration et _ que la seule difficulté qu’on rencontrerait proviendrait de la nourriture à leur donner et de la facon de la présenter. C'est sur ce point que j'appelle l'attention de mes collègues s'ils estiment que ma communication peut être intéressante. Fig 5. Clos des Boulants, le 7 mai 1898. 218 DOMESTICATION DU LÉZARD DES MURAILLES (i) par Charles MAILLES. Le travail publié par notre collègue M. Rollinat (2) m'a in- téressé d’une facon toute spéciale. Depuis plus de quinze ans, j'élève des Lézards, et, notamment, Lacerta muralis. J'ai publié une courte note relative à la ponte des L. muralis, stirpium, viridis et vivipara (3). Depuis cette époque, je n'ai cessé de poursuivre mon rêve: domestiquer le Lézard des murailles et ses belles variétés. Jusqu'en 1894, je n’ai guère éprouvé que des déboires; mais, enfin, la réussite a été complète. En attendant que je publie un manuel complet de ce genre d'élevage, je vais indiquer, brièvement, quelques faits parti- culièrement intéressants. Depuis l’année 1886. j'ai pu constater que toutes mes fe- melles de Lacertaimuralis \éype),comme aussi celles de L. stir- pium, effectuent normalement une double ponte annuelle (la variété napolitaine fait, souvent, une troisième ponte). Je pense être le premier ayant constaté ce fait. contraire à la croyance générale, qui n'admet qu’une reproduction par an. Le nombre des œufs diminue à chaque ponte. L'incubation se fait sans difficulté. Le moyen qui me réus- sit le mieux consiste à récolter les œufs, aussitôt pondus, et à les placer sous châssis, dans du terreau de bois, ou de la terre de bruyère, à deux ou trois centimètres de profondeur. Il faut les entretenir légèrement humides, et le chàässis doit recevoir un peu d'ombre et être aéré, comme s'il s'agissait de semis ou de boutures. La durée de l’incubation est variable ; deux mois, environ, pour les œufs de la première ponte; un peu moins pour ceux de la seconde. Pendant les premiers jours qui suivent l'éclosion, les jeunes sont assez difficiles à nourrir, à cause de la petitesse nécessaire des proies qu'ils (1) Extrait d’une iettre adressée à M. le Secrétaire général, lue en séance générale le 14 janvier 1898. (2) Bull. de la Soc. d'Acclimatation, juillet 1897, page 281. (3) Zhid., mars 1887, p. 193. DOMESTICATION DU LÉZARD DES MURAILLES. 218 doivent avaler, et qui consistent surtout en Pucerons verts, chenilles de Microlépidoptères, très jeunes Araignées, etc... Chez la variété type, il est habituellement facile de recon- naître les sexes, dès la naissance ; cette distinction est plus difficile pour les jeunes de la variété napolitaine. La croissance a lieu d’une façon aussi variable que chez la plupart des autres Vertébrés inférieurs. Nourriture, tempé- rature, le milieu, en un mot, influent beaucoup. Dans les con- ditions les plus favorables, ces Reptibles sont aptes à la re- production vers l’âge de dix-huit mois à deux ans. Les Lézards, et particulièrement l'espèce qui nous occupe, vivent bien en captivité, pendant la belle saison ; ils y repro- duisent très volontiers, même dans des cages de petites di- mensions. Il suffit de leur fournir une alimentation variée, de l’eau pour boire, et de les garantir de la trop grande ardeur du soleil ; beaucoup d’air. Un garde-manger constitue une cage économique et pra- tique. La vraie difficulté consiste à leur faire passer l'hiver. Tous ceux qui ont tenté ce genre d'élevage seront de mon avis. Ce n’est que depuis 1894, et après de nombreux et infructueux essais, que j'ai pleinement réussi. Je laisse de côté, ici, l'hivernage naturel, peu praticable dans les villes; il n’est bon à conseiller que dans les cas où l’on peut réellement imiter ce qui se passe à l’état de liberté. Il est donc question de garder nos animaux dans les ap- partements, dans de petites cages vitrées latéralement, et soumis à la température ordinaire de 10 à 15°. Les Lézards adultes, en hiver, refusent ordinairement toute nourriture, où à peu près, même soumis à l'influence d'une chaleur assez forte ; par contre ils boivent volontiers. IL faut donc les nourrir en les abreuvant. Durant ia mauvaise saison, l'estomac de ces Sauriens ne fonctionne que tres imparlfaitement; surchargé de nourriture, il ne peut la digérer, les aliments se corrompent, et la mort survient bientot. Les jeunes de l’année mangent un peu l'hiver. Les uns et les autres seront exposés aux rayons du soleil, autant que possible, pendant l'hivernage. Il résulte de tout ceci qu'il ne faut pas songer à ingérer de force la nourriture. Quant aux boissons, le lait, pur ou coupé 220 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. d'eau, ne m'a pas donné de bons résultats ; le bouillon ordi- naire, salé, non plus. Le sel ne vaut rien pour ces Reptiles. En désespoir de cause, j'ai songé aux extraits de viande; ayant sous la main du Liebig, je m'en suis servi. Succès com- plet ! Depuis trois hivers, aucun décès. Le bouillon doit être léger, couleur infusion de Tilleul. Trop fort, il y a risque d'empoisonnement, comme il est dit plus haut. (Renouveler cette préparation tous les jours.) Bien entendu, cette préparation remplace l’eau, de novem- bre à mars, seulement, et, lorsque le soleil brille, on peut of- frir des Vers de farine aux petits captifs, surtout vers la fin de l'hiver; les Lézards, ainsi entretenus en bon état, man- gent plus tôt que de coutume, et ne souffrent nullement de l’hivernage. Comme moyen de capture, l'emploi de petites nasses en toile métallique, que je fabrique moi-même, me satisfait plei- nement; amorcées avec des larves de Ténébrion, les Lézards gris, très curieux, y pénètrent sans défiance, et il n’y a pas de ruptures de queues à craindre. Pour terminer, je dirai que les nombreuses variétés du Lézard des murailles se croi- sent entre elles, à volonté (1). (1) Je suis, en attendant un travail plus détaillé, à la disposition de mes col- lècues, pour tous renseignements concernant cet élevage. +9 19 = L'ATRIPLEX SEMIBACCATUM SALT-BUSH D’AUSTRALIE RECOMMANDÉ POUR LES TERRAINS SALANTS EN CALIFORNIE par J. VILBOUCHEVITCH (1). Cette plante, sur laquelle feu le baron F. von Mueller à été le premier à attirer l'attention des agronomes californiens et dont il leur a fait parvenir les premières graines, éveille en ce moment en Californie de si grandes espérances que les Membres de la Sociélé d’'Acclimalation nous sauront proba- blement gré de leur donner quelques détails sur cet Atriplex et sur l'expérience, d’ailleurs très courte, dont elle vient d'être l’objet en Californie. Dans une lettre à un ami, datée du 3 décembre 1895, M. Hilgard écrivait : « L’Atriplex semibaccalum occupe chez nous déjà 4,000 acres; des milliers d’acres de plus au- raient été d'ores et déjà consacrés à l'essai de cette plante si nous avions pu mettre à la disposition du public les graines nécessaires. Nous en avions récolté 200 livres anglaises; une quantité relativement considérable en a été adressée par nous à la maison Vilmorin. » Le Bulletin 109 de la Station de Berkeley, paru en novem- bre 1895 sous la signature de M. E.-J. Wickson, directeur- adjoint, donne la photographie d’un exemplaire de huit mois qui à une taille de plus de 4 pieds anglais, et, dans la partie supérieure, une épaisseur d'environ 2 pieds, toutes les pousses étant ramenées dans la même direction pour les besoins de la figuration; une autre photographie, donnée dans le même Bulletin, faite dans les conditions naturelles, donne du port de notre Salt-bush une idée plus conforme à la vérité. M. Jaffa, premier assistant de la Station, le décrit dans le Bulletin 105, du mois d'octobre 1894, comme un buisson étalé, à branches (1) Communication faite à la séance générale du 25 mars 1898; d’après les documents communiqués par le professeur E.-W. Ililgard, directeur de le : Station agronomique de Berkeley (Californie), Rs Sd. + 6 de AT 222 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 2 ei graciles extrêmement nombreuses, abondamment garnies de petites feuilles, courtes et étroites (longueur un demi-pouce à trois quarts de pouce sur 1/8 à 3/16 de pouce de large); la touffe forme sur le sol une couche circulaire verte, épaisse de 8 à 10 pouces; l’exemplaire de la photographie ci-dessus men- tionnée, semble recouvrir un espace d'environ 5 pieds de diamètre; des individus, mis à demeure sur des terrains sa- lants caractérisés, à l’état de jeunes plants, paraissent avoir atteint, vers la fin de la saison, jusqu'à 16 pieds de diamètre. Les fleurs sont fort modestes, par opposition aux fruits, cordiformes, longs d'environ 1/10 de pouce, d’un rouge bru- aûtre. La plante est vivace. Les agronomes de Berkeley calculent le rendement d’une coupe, d’après une expérience faite sur une petite parcelle d’es- sai (la dimension de cette parcelle d’essai n’est pas indiquée, ge qui est regrettable) à 20 tonnes par acre en fourrage vert, correspondant au taux de 5 °/, d’eau, à 5 tonnes de matière sèche. M. Wickson émet l'espérance que deux pareilles coupes pourront être faites chaque saison. En composant la ration de trois unités de Salt-bush à l’état vert et d'une unité de foin ordinaire, les Chevaux et le gros bétail s’en trouvent, parait- il, à merveille; les Moutons et les Porcs consomment tel quel sans difticulté, le Salt-bush vert. « À en juger par les essais faits dans le courant de 1895, dit M. Wickson dans le Bulletin de novembre 1895, cité plus haut, tant sur les terrains salants de Tulare appartenant à la Station que dans les propriétés d’une foule de particuliers auxquels la Station avait fourni des graines ou de jeunes plants, la résistance de ce Salt-bush au salant est au-dessus de tout éloge... Nos cultivateurs de la région à salants sont tellement impressionnés par notre nouvelle introduction, que des correspondants enthousiastes nous écrivent qu’à elle seule, elle suffirait à justifier tout l'argent que la Station a coûté à l'État depuis sa fondation. » M. Wickson, sans re- prendre pour son compte ce langage hyperbolique et peut- être quelque peu prématuré, pense tout de même que l’in- troduction en Californie de la culture de l'Alriplex semi- baccalum semble devoir marquer un jour une phase des plus honorables dans l'histoire de la Station de Berkeley. Si la culture de cette plante doit réellement s'établir dans le pays à titre définitif; si l'accueil chaleureux du premier L'ATRIPLEX SEMIBACCATUM. 228 moment ne se change pas quelque jour en désappointement, comme cela a eu lieu dans de nombreux cas analogues, pré- sents à la mémoire de tous ceux qui s'intéressent à l’acclima- tation, le jour du premier semis de l’Alrinlex semibaccalum à la Station de Tulare pourrait bien, en effet, devenir une date mémorable dans l’histoire de l’agriculture des terrains salants, et c’est à von Mueller, qui, pendant plus de quinze années, ne s’est pas lassé de distribuer des graines d’un nombre assez con- sidérable d'espèces de Salsolacées fourragères d'Australie, à tous les établissements botaniques du monde (1), que revien- drait, en première ligne, l'honneur de cette belle conquête; en seconde ligne, de bon droit, à la Station de M. Hilgard, dont l’organisation pour la distribution des nouveautés, en matière d’acclimatation de végétaux (2), est tout à fait excellente. Comme procédé de culture, M. Wickson recommande pro- visoirement de préférence le semis en caisse ou sur piate- bande, avec couverture très mince; la transplantation à demeure sur le salant peut être faite aussitôt que les jeunes plantules se seront tant soit peu constituées; en raison de la propriété du Salt-bush de s’étaler, on mettra des plants à quelques pieds de distance les uns des autres. Pour le semis direct sur place, il suffirait de répandre les graines sur le Salant, tout superficiellement, pourvu qu'une pluie vienne immédiatement après et que la température ne soit pas trop basse; cependant cette seconde manière serait quelque peu risquée. Une fois que le Salt-bush a pris possession du terrain, il se ressème abondamment tout seul. Il y a quelques années, nous avons déjà parlé, dans la Revue des Sciences naturelles appliquées, des essais que la Station de Berkeley avait fait faire alors par certains de ses (1) Jean Vilbouchevitch. Zes plantes wiles des terrains salés. (Mém. de la Soc. nat. d'Agriculture de France, T, CXXXIV, 1890, p. 653). — Za question des « Salt-bushes ». (Rev. des Sciences nat. appliquées, Bulletin ée la Soc. nat. d’Acclimatation de France, 20 fév. 1893). — Renseignements sur les plantes des terrains salants (Ibidem, 20 avril 1893). — Zes nüturages du Cap de Bonne- Espérance (Ibidem, 20 sept. 1893). — Za question des Salt-bushes. — L'Atriplex nummularia (Ibidem. 5 décembre 1894). — E. W. Hiigard. Considérations sur les terrains salants et alcalins (Bull. des séances de la Soc. nat. d’Agricul- ture de France 1893, p. 231). (2) Voy. E. W. Hilgard. Zes Stations agricoles et d'acclimatation en C'ah- 1ornie Revue des sciences naturelles appliquées, Bulletin de la Soc nat. d'Ac- climatation de France, 1893, ‘er semestre, p. 433). …— 224 _ BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. correspondants avec l'Atriplexz nummularia, et qui parais- saient assez satisfaisants ; {es différents Bulletins de 1894 et de 1895 n'en parlent plus, ce qui est mauvais signe. Au cha- pitre « Salt-Bush » du Bulletin 106 (décembre 1894, M. Wickson se borne à dire : « Depuis douze ans, nous avions essayé, en profitant d’envois de graines de la part du baron von Mueller, différents Atriplex — vulgo « Salt-bushes » — nous en avions distribué, en quantité limitée, des graines et des plants ; mais l'essai fait à notre succursale de Tulare avec l'Atriplex semnibaccalum est le premier qui ait donné des résultats pratiques d’une réelle importance... » Dans le Bulletin 109, il est question d’un autre Atr1i- pleæ encore, l'A. leptocarpa, originaire de l’est de l’Aus- tralie, provenant également du baron von Mueller, et qui va être expérimenté comparativement avec l'A. semibacca- tum à la succursale de Tulare et chez plusieurs correspon- dants de la Station ; de même — d’une plante du Chili, introduite on ne sait comment sur des salants du Kern County et dont un certain M. A. B. Leckenby, de Bakersfield, aurait adressé des spécimens à Berkeley, avec prière de les déter- miner, en ajoutant que la plante végète d’une manière luxu- riante sur des terrains salants caractérisés, sans irrigation ; que les Moutons la broûtent avidement, que les Chevaux paraissent s’en trouver aussi bien que de la Luzerne ; que les Vaches la préfèrent à cette dernière et donnent à ce régime davantage de lait. La plante se trouva être le Modiola decumbens; une analyse chimique révéla une richesse en matières albumi- noïdes égalant presque celle de la Luzerne. En s'appuyant sur ce qui a été observé dans le Kern County, M. Wickson pense que cette plante pourrait bien avoir de la valeur pour les sols secs et désertiques, fussent-ils fortement salants ; mais, en même temps, il met ses lecteurs en garde contre le danger que le Modiola présente par la faculté qu'ont ses bran- ches, étalées comme celles de l'A. semibaccatum, de s’enra- ciner au contact du sol — caractère qui menace de le rendre inexpugnable, une fois introduit ; la Station de Berkeley dis- tribue quand même des graines, à titre d'expérience, en aver- tissant ceux qui voudraient en faire l'essai de ne le tenter qu’en des endroits inutilisés et éloignés des terres cultivées. Nous aurons terminé l'exposé de ce qui concerne, dans ces L'ATRIPLEX SEMIBACCATEM. 225 récentes publications de la Station de Berkeley, les plantes pour terrains salants, si nous mentionnons encore que le Bulletin 105 contient une étude chimique fort détaillée de l'A. semibaccatum, par M. Jaffa, dont les résultats concordent plus ou moins avec ce qui a été trouvé pour différents Salt- bushes par M. Dixon, le chimiste australien, dont les chiffres ont été donnés par E. Raoul äGans le 1% volume du Manuel des cuillures tropicales. P. S. — Les documents qui ont servi à composer cette notice datent de 1894 et 1895, ce qui, pour une nouvelle intro- duction, est déjà un peu inquiétant ; on pourrait se demander si le temps n’a pas donné un démenti aux belles espérances des agronomes de Berkeley. J’ai donc cru prudent de me renseigner encore auprès de M. Hilgard et voici ce qu’il m'écrivit, à la date du 24 novembre 1897 : « Je n'ai rien de nouveau à dire sur notre Salt-bush ; sa culture continue à s'étendre ; le seul reproche que lui font des personnes négligentes est que les graines sont difficiles à faire lever. Je conseille donc de semer en caisses, au premier printemps; pour la transplantation à demeure, il faut espacer de 6 ou de 8 pieds en tous sens, selon le climat et le sol. Généralement le sol se trouve couvert en une seule année, et s’il reste des endroits dénudés, ils se comblent par ressemage spontané. Aucun de nos correspondants ne nous a signalé de difficultés pour le faire manger aux bêtes, ni de mauvais effets de cette alimentation. Nous nous sommes aper- çus que notre Salt-bush prospère même, en dehors des ter- rains salants, dans des sols sablonneux ou légers et profonds; nous sommes en train de faire analyser les cendres de cultures faites dans ces conditions et nous nous attendons à constater que notre plante ne fait que supporter le salant sans en avoir besoin autrement que comme moyen pour traverser plus facilement les époques de sécheresse, le salant diminuant l'évaporation; cette année, nous avons vu le Salt-bush résister à six mois de sécheresse continue, dans des terrains dépourvus d'irrigation artificielle. Nous avons expérimenté beaucoup de Salt-bushes aus- Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 16. 226 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ii traliens, et je comptais même beaucoup sur deux d’entre eux : les À. leplophylla et A. vesicaria ; mais aucun ne vaut l'A. semnibaccata (nous adoptons pour Atripleæ le féminin en dépit du baron von Mueller). Les uns lui sont inférieurs comme rendement; les autres ont un port défectueux, des tiges trop épaisses ou trop dures; aucun n’est mangé en vert aussi volontiers que le sernibaccala que nos cultivateurs manient presque comme si c'était de la Luzerne. Quant au foin, il peut, parfois, étre trop salé même pour les Vaches lorsque le Salt-bush provient d'un terrain salé, à prédominance de sel marin (chlorure de sodium), mais les terrains salants orli- naires de la Californie, alcalins, à prédominance de sel de Hauber (sulfate), fournissent un foin absolument pareil au foin ordinaire. Aucun des autres Salt-bushes ne se prétait à ce genre d'utilisation. Des botanistes du Ministère ont voulu nous imposer des Salt-bushes indigènes — plusieurs espèces qui croissent entre la Sierra Nevada et les Montagnes Rocheuses, dans la Région du Grand Bassin, — mais les éleveurs de cette région ne les considèrent pas comme un bon fourrage. Cependant, sur le versant calilornien de la Sierra, nous avons une Salsolacée tres recherchée par le bétail de toute espèce et que nous avons mise en essai, mais je ne crois pas qu'elle vaille l’A. semibaccala. » EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. SUR L'ÉLEVAGE, L'APICULTURE ET LA PÊCHE DANS LE GOUVERNEMENT DE SEMIPALATINSK. £Eeitre de M. Paul Labbé (1). Saint-Pétersbourg, 24 novembre 1897. « Je voudrais aujourd'hui dire quelques mots des occupations popu- laires dans les districts que j'ai traversés : je prendrai comme type le Gouvernement de Semipalatinsk. J'ai de nombreux chiffres, car partout où j'ai passé, les Gouver- neurs ont bien voulu me communiquer les comptes rendus annuels eè officiels dressés par leurs chancelleries. Ce qui m'a surtout intéressé pendant mon voyage, c’est l'étude des Kirghizes et avant tout les Kirghizes nomades. Pour ceux-ci, l'élevage du bétail est la seule préoccupation de la vie. Le Kirghize n’est plus un homme, mais une chose qui vit et se meut d’après les nécessités du bétail. C'est tellement vrai que jamais un Kirghize ne vous répond s'il fait beau temps ou mauvais temps: pour lui, beau temps ne signi- fie pas soleil, mauvais temps ne veut pas dire pluie ou vent; on m'a souvent dit chez les nomades : aujourd'hui nous avons beau temps quand il pleuvait. Pour le Kirghize beau temps signifie temps favo- rable au troupeau. Une autre et bien curieuse preuve de la facon dont le Kirghize n'est que, pour ainsi dire, la chose de son bétail, est la suivante. J'avais remarqué que la langue kirghize était peu riche, mais que par contre chaque brin d’herbe avait un nom : je pouvais rassembler trente ou quarante herbes différentes et toujours le Kirghize interrogé par moi m'en disait le nom. Un jour cependant, j'eus beau interroger tout le village, même les vieux, nul ne put me dire comment s'appelait une plante que j'avais ramassée. J’eus l'explication de ce fait quelques _ jours plus tard : un juge de village me dit : «Nous savons le nom des plantes utiles ou nuisibles au troupeau, mais une plante que nos bêtes ne mangent jamais, comme celle-ci, à quoi bon lui donner un nom !». Le Cheval kirghize connaît à peine l’Avoine et le gros bétail ne se- nourrit presque jamais de foin. La place qu'occupent les bêtes pen- dant l'été dépend surtout de la nature de la flore. Aïnsi dans les vo- lostes du district de Karkaralinsk, le gros bétail est au Nord, les Che- vaux et les Moutons au Sud; dans les endroits couverts par l'Absinthe,. la Stipe et par ce que les Kirghizes nomment tchi et kokpek, se trou— vent les Chameaux. (4) Communiquée par la Société de Géographie. 228 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Le Cheval kirghize « pur sang » a du train et de l'endurance; il est peu sujet aux influences atmosphériques. Les derniers chiffres relalifs au bétail ont été donnés cette année, pour l’année 1895, par le Comité de statistique de Semipalalinsk : CHETAUX---- ----ermcrt : 549.834 21° Grosbéal 15:00 291.369 11°, Pet bétail es EC CL ere 1.709.404 65°}, Chinitaux 225$: (ENS 9 61.602 2,3 °c, On voit que dans l’oblaste de Semipalatinsk, le gros bétail et les Chameaux sont peu nombreux. L'année 1895, la dernière dont les résultats seront publiés dans les Gouvernements de la steppe et du Turkestan, fut très favorable au bétail, elle fut épargnée par la famine à l’automne et au printemps, bonheur rarement réservé au bétail. Le nombre des bêtes se répartissait ainsi dans chacun des districts, — des ouièzdes : TABLEAU DISTRICTS. NOMBRE. COMPARATIF. Sermipalatinsk............. 688.627 26,3 °/o ÉTÉ OR REA os ee . 354.243 149 0/, Oustkamienogorsk ......... 301.224 11,5 °/0 Paoladars ie NET EURE 911.:64 21,8 °/o Karkaralinske: #2 666.351 20/5 On peut constater de suite, que de beaucoup, le bétail est en plus grand nombre sur la rive gauche de l'Irlych. La peste, venue deux fois du Semiretché, désola les districts de Se- -mipalatinsk, de Zaïsane et de Karkaralinsk. Rien qu’en la ville de Semipalatinsk, 174 bêtes succombèrent. Une loi du 3 juin 1879 or- donne d abattre tout animal atteint. On m'a cite telle année où dans -certains endroits 60 0/0 du bétail mourut. Les autres maladies que j'ai notées dans mon exploration sont la morve, la peste sibérienne, la congestion pulmonaire, et surtout, pour les Brebis, la gale. Eu outre, le bétail a des ennemis nombreux, les Loups et certains Insectes. L'Araignée, appelée Karakourte pique le Chameau qui en meurt. On donne comme chiffres des bêtes mangées par les Loups en l’an 1895, 48,112; et ce chiffre est un minimum; en voici la répartition : Éevaux: 07. LiLu pee 8.693 17,9 °/e Gran bétail: 5. 22:5 000 4.239 87°/o Peu bébil.. 2 2 0e 31.848 719°/ Chameauxe 5-2" 2e 632 L8°/o mt. ] EXTRAITS DE LA CORRESPONBANCE. 2% Les chiffres que m'ont donnés les Kirghizes nomades au sujet du bétail mangé par les Loups sont beaucoup plus élevés. Certain Sultan m’a parlé de vingt à trente Chevaux sur milie, quinze à vingt-cinq Bœufs, et sur mille Moutons, quelquefois jusqu’à deux cents. Dans les nuits sombres où les Loups nous entouraient nombreux, j'admirais le calme et le sang-froid des maîtres qui ne bougeaient pas, entendant les bêtes. crier. « Pourquoi me tourmenter, me dit un jour l'un d’eux, je sais combien de têtes je dois au Loup, il n'en prendra pas davantage. » Voilà aussi pour chaque tente, le chiffre moyen donné par les vété- rinaïires. Il y a dans les districts suivants la moyenne suivante pour chaque yourte : GROS PETIT DISTRICTS. CHEVAUX. : ; CHAMEAUX. TOTAL. BETAIL. BETAIL. Semipalatinsk.... 6,8 2,8 18,4 0,6 28,8 LESC OUEN 4,3 2,9 28,4 0,4 39,8 Oustkamiénogorsk 4,5 m9 11,3 0,1 18 Paolo enonese 4,8 6,3 11,6 0,2 224 Karkaralinsk..... 3 1,4 18,2 0,8 23,9 En moyenne un Chameau coûte 30 roubles, un Cheval 20, un Mou- ton 2, une Chèvre 1,50, une tête de gros bétail 10. Il est, à mon avis, certain que l’élevage est dans le Gouvernement tout entier, surtout à l’est de l’Irtych, en décadence déjà appréciable. Il serait trop long de vous donner aujourd hui les raisons de celte dé- cadence, qui dépend de raisons économiques et des habitudes primi-- iives des propriétaires. Un mot d'une autre richesse du pays qu'à Baïau-Aoul j'ai pu étu- dier : l’apicuiture. C'est à la fin du siècle dernier que les Abeilles furent apportées du Gouvernement de Kiev dans le district d'Oustkamienogorsk. Là, grâce à l'excellence de la flore de l’Altaï, les résultats furent brillants. Le miel est apporté aux foires d’Irbit et de Nijni-Novgorod. Ce sont sur- tout les Cosaques qui s’occupent d’apiculture. , MiEL. CIRE. DISTRICTS. RUCHES. Poids en pouds. L] Oustkamienogorsk ..... 14.662 4.770 1/2 353 1/2 Aaieanee elec 424 122 3/4 10 1/2 Semipalatinsk ......... 204 95 3/3 le Baolada rer. co 10 5 1/2 I 230 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. On voit qu'il n'y a pas de ruches dans le disirict de Karkaralinsk, et je crois que dans celui de Paoladar, il n'y a d’apiculture que dans deux endroits à Baïau-Aoul et le bord de l'Irtych à Ilamychevsky. * # * Quant au Poisson, qui est une richesse aussi pour le pays, voici les renseignements que j ai pu rassembler. Les Kirghizes ne mangent pas de Poisson, j'ai souvent demandé si telle rivière et tel lac sur les bords desquels je passais en pleine steppe kirghize, conlenaient du Poisson. Le Kirghize me résondaïl : Dieu sait ! Ce sont les Cosaques qui s'occupent du commerce du Poisson sur les bords du lac de Zaisau, du lac Balkach, des fleuves de l’Irtych et du Tchou (le district de Karkaralinsk va au Sud jusqu’à cette rivière). Une Société, depuis 1886, donne le droit de prendre le Poisson. Il y a trois périodes (1e7 avril-1*7 juillet, puis 1°" juillet-1er novembre, puis 1° novembre-1e" avril). Pour la première période on paie 5 roubles par homme, 10 roubles pour la seconde, et enfin pour la troisième quelques légères taxes s'ajoutent à ce dernier prix. Les grands centres de commerce pour le Poisson sont Oustkamie- mogorsk, Semipalatinsk et les stations de Dolousky et de Sémiarsk sur l'Irtych. Les Poissons conservés son! dirigés vers la Russie et sur- tout vendus aux foires d’Irbit et de Nijni-Novgorod. Les Poissons pris dans le Balkach et le Tchou au sud du Gouverne- ment sont dirigés vers Aoulié Ata. Les cbiffres qui chaque année prouvent que le commerce augmente, font présumer que ce trafic est pour l’aveair d’une importance inap- _préciable pour le pays. » PauL LaBBf. EXTRAITS ET ANALYSES. OBSERVATIONS SUR LES LLAMAS DOMESTIQUES DES HAUTS PLATEAUX DU BÉNI, EN BOLIVIE (1) par P. GErMaIN. L'Indien Aymara est presque exclusivement pasteur. On-.le ren- (4) Extrait de la relation d’un voyage d’Asuncion (Paraguay), à Molendo (Pérou), publiée en avril 1898, dans les Actes de la Société scientifique du Chili, vol. VII, 4897. L’orthographe du mot Llama est conforme à celle du texte ori- ginal, Toute la responsabilité des opinions émises est naturellement laissée à l’auteur, EN EXTRAITS ET ANALYSES. 231 contre à peu près exclusivement sur les hauts sommets des montagnes où, sous le nom de Akijaderos, il fait pâturer d'immenses troupeaux de Moutons et de Llamas. C’est lui qui a la spécialité de l'élevage de ces derniers et lui seul sait s'en servir comme bêtes de somme. Jamais il ne les frappe ; à peine leur parle-t-il. Leur demandant toujours la même chose, il les pousse un peu ayec la main; la force de l'habitude fait le reste. Il est à remarquer que les mâles seuls travaillent. Quant aux femelles, elles restent constamment et rigoureusement sous la garde des femmes, qui, seules, ont le droit de les approcher. Je pourrais donner l'explication de cette coutume, mais il me faudrait parler Tatin: . Le Llama, on le sait, est un Ruminant du genre Chameau, mais sans bosse. Les animaux de ce genre, qui sont ainsi faits, forment un groupe propre à l'Amérique du Sud et composé de quatre espèces : le Guanaco, la Vigogne, l'Alpaca et le Llama. Cette dernière n'existe nulle part à l’état sauvage ainsi du resle que l'Alpaca, et jai usé ma sagacité de naluraliste pour tâcher de découvrir son origine. J'ai tout lieu cependant de supposer que cet animal vient du Guanaco et que les différences qu'il pré- sente avec celui-ci sont simplement le résultat de la domestication, laquelle a dû être opérée à une époque très reculée par les Péru- VIERS RE Les principales différences auxquelles je fais allusion consistent d'abord dans la livrée qui, au lieu d’être d'un fauve uniforme, est blanche, fauve, noire, rousse, grise et même souvent bariolée; en outre, la taille est plus forte, le corps plus trapu, les jambes et le cou plus courts et enfin les extrémités des oreilies sont, par moments, crochues en dedans et presque contiguës. Tous ces caractères peuvent néaumoins varier et présenter des tran- sitions, ainsi il existe dans les troupeaux de Llamas des individus si semblables à des Guanacos que je me demandais en les voyant si ce n’était pas quelques-uns d'enire eux qui s’y étaient joints. Enfin j'ajouterai, à l'appui de ma thèse, cette circonstance singu- lière que les organes génitaux du mâle sont faits de telle sorte que, à l’état de liberté, ces animaux ne se reproduiraient pas. D’après les Indiens, il faut absolument leur aide pour que le coït puisse avoir lieu. L'époque désignée pour cette copulation est, pour les tribus, le sujet de grandes fêtes. Rien n'est curieux corme la vue d’un troupeau de Llamas, ma- nœuvrés par leurs conducteurs dans les vallées de ces hautes mon- tasnes. Chez ces animaux, l'expression dominante est la curiosité unie à une douceur extrême. Un tout pelit bêlement, bien plus court et moins bruyant que celui du Mouton. C'’esl lout ce qu'ils se permettent 232 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. pour faire connaître leur opinion. Cependant ils se mettent parfois en colère ; alors ils crachent sur. vous, comme c’est l’habitude chez tous les animaux de ce groupe. Quand ils ont perdu toute mesure, ils vous donnent un coup de pied, et ce coup de pied est tel que celui qui en a reçu un n'en demande pas deux ; une ruade de Mule n'est rien en comparaison de celle du Llama. Ces animaux sont d’une docilité dont on n’a pas d'idée. Quand leurs conducteurs veulent les charger, ils les réunissent en un groupe serré sur un point quelconque de la prairie. Trois ou quatre Indiens suf- fisent pour une cinquantaine de Llamas, et ils enveloppent ce groupe d’une corde de laine grosse comme le doigt; mais on m'a assuré qu’un fil serait suffisant. Puis avec la main, on leur fait tourner le derrière en dehors; cette opération s'exécute avec une telle facilité que l’on dirait des jouets de carton que l’on arrange suivant son caprice. Cela fait, le cou de tous les Llamas étant à l’intérieur, on :es enlace tous au moyen de deux autres cordes semblables à celle du dehors que l’on croise en faisant une suite de 8 ; chaque cou occupe l'une des boucles. Pas un cri, pas un mouvement ne vient déceler une velléité d’insu- bordination cu même d'impatience. Toute idée de révolte semble inconnue à ces animaux et tous attendent avec résignation ce qu'il plaira au Destin de faire d'eux. L'espèce humaine ferait bien de venir prendre un peu exemple sur ces bêles-là. On procède alors à leur chargement. La première fois que j'y assistai, c'étaient des Pommes de terre que les Llamas devaient transporter. Les Indiens les avaient placées par 25 à 30 kilos dans des sacs allongés qui étaient loins d’être remplis ; ils en plaçaient un sur chaque Llama en l’arrangeant en forme de besace, mais sans aucune espèce de bäl, puis l’attachaient, toujours au moyen d’une corde de laine, — tout est en laine ici — faisant cinq ou six tours autour du corps. Quands ils étaient chargés, ils sortaient généralement du groupe, s'accroupissaient et ruminaient tranquillement. Poùr s’accroupir, ces animaux s'agenouillent aussi bien des jambes de derrière que de celles du devant ; ils se couchent sur le ventre et jamais sur le flanc. Les Llamas ont beaucoup de laine. Quand elle est ancienne, elle se feutre et pend sous le ventre en longues stalactites ; mais on les tond souvent, car les Indiens font de leurs toisons non seulement leurs habits, mais encore leurs frondes, cordes, lazos, ainsi que les harnais de leurs Mulets. Beaucoup ne les tondent que partiellement comme nous le faisons aux barbets, puis les ornent de rubans rouges, jaunes, verts, etc. EXTRAITS ET ANALYSES. 233 L'INDUSTRIE DES PÊCHES AU JAPON par le Dr K. KiIsHINOUYE, Membre du Bureau Impérial des Pêches à Tokio. L'Empire du Japon est constitué par un grand nombre d'iles for- mant une très longue chaîne qui borde le continent et s’étend entre le 29° et le 51° de latitude Nord et le 119° et le 157° de longitude Est (méridien de Greenwich). En raison du développement consi- dérable des côtes du Nord au Sud, la température varie beaucoup suivant les régions. Je crois devoir indiquer ci-dessous la moyenne dans les trois principales villes de l’Empire : PRINTEMPS. ÉTÉ. AUTOMNE. HIVER. Kushiro (Hokkaïido). HE 20,8’ 169,8! 89,2 —"9,3" Hakyollcapriale) Je -0Me110,0: Dal 13007 30,8" Naha(Eoo Cho)... NGC re 26°,6! Doi 169,17 Deux millions et demi d'habitants sont occupés par l'industrie de la pêche qui emploie environ quatre cent mille bâtiments. Ce chiffre peut paraître exagéré, mais si l’on considère le nombre d'îles dépendant de l'Empire et l'étendue de la ligne des côtes, longue de plus de érenfe mille kilomètres, on reconnaîtra qu'il n'est certainement pas trop élevé. Les côtes du Japon sont extrêmement poissonueuses ; elles offrent une faune et une flore des plus variées. Les produits de la mer rap- portent annuellement au Trésor plus de 300,000 yex (1). Les Poissons que ’on pêche dans les mers du Japon sont aussi nom- breux que variés. Il en est de même de leur mode de pêche. En général, dans la partie orientale de l'Empire, la mer atteint très près des côtes une profondeur considérable, variant de 100 à 1,000 brasses. Entre les îles et le continent, elle est relativement peu pro- fonde ; dans la plus grande partie du Tong-Hai, elle n’atteint pas 200 brasses. Un courant chaud, appelé Xuwroshiwo, baigne toute la côte. à laquelle il apporte, en même temps que la chaleur, une grande quantité de Pois- sons comestibles; ceux de la famille des Maquereaux, par exemple. En été, ce courant est très fort et s'approche tout près des côtes. Sa vi- tesse est de 30 à 50 milles par jour. Un courant froid, appelé Ogaski1wvo, baigne la côte Nord-Est et lui apporte la Morue, le Hareng et le Sau- mon. Ce courant est très fort en hiver. Dans la S'efouchi-umi (mer intérieure) et dans quelques baies, la mer est relativement peu profonde. Les fonds sont favorables à la pêche aux filets traînants et à la culture d'un grand nombre de (1) Le yen vaut un demi-dollar — environ 2 kroner — # fr. 80. CS 23 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Mollusques et d'Algues. Les rivières et les lacs donnent également beaucoup de Poissons comestibles et de Mollusques. Cependant la pêche en eau douce est loin de présenter la même importance que Ja pêche en mer. La faunc et la flore marines du Japon peuvent être divisées en trois groupes principaux, ceux du Nord, de la mer intérieure et du Sud. Le tableau ci-dessous indique les produits les plus importants de chacun d'eux : RÉGION DU NORD. ASMIMIFÈRES, Æshydris lutris. Gtasia ursina. Bolænoptera arctica. POISSONS. Æripeastr Sp. Raja Kenosei. Chirus octagrammus. Trichodon Stelleri. Gad»s Brandtii. Godns chalchogranmus. Hippoglossus vulgaris. Gncksrynchus Haberi. > Perryi. Osmerrs cperlanus. Hyponesus-olidus. Clapea harenqus. Petroñyzon sp. MOLLUSQUES: Ommastrephes parificus. Macira sachalinensis. Pecten jessoensis. CRUSTACÉS. Zmachus sp. Lsthodes cachatica. ALGUES. ÆZsinaria japonica. Id. astrearia. Chondrus crispus. MER INTÉRIEURE. POISSONS, Mustelus manazo. Trygon pastinaca. Percalabraz japonicus. Pagrus major. » cardinalis. Platycephalus insidiator. Trigla kwmu. Lepidotrigla Buergeri. Sillago japonica. Sriena sina. Trichiurus japonicus. Cybium niphonicum. Gohius flivimanus. Loplius setigerus. C'entronotus nebulosus. Mugil cephaiotus. Ammodytes sp. Pseudcrhombus clivaceus. Pleurunectes Yokoame. Saurida argyrophanes. Hemiramphus Sajori. Cluyea melanosticte. Anquiila bostoniensis. Conger vulgaris: Mur œnesoz cinereus. MOLLUSQUES. Sepia esculenta. Seraella Maindroni. Cytherea menetriz. AYca gran0sa. Avicula Martensu. Ostrea sp. CRUSTACÉS. Peneus (vlusieurs-esp.): ALGUES. Ulopieryz pinnatifida. Porphyra laciniata. RÉGION DU SUD. MAMMIFÈRES. Delphinus longirostris. Physeter macrocephalus. Megaptera boops. Buiæna japonica. REPTILES. Chelonia viridis. » imbricata. POISSONS. Zygœna maileus. Lamnu g'auca. Sphyrœna obtusata. Scomber: coflias. Thynnus: pelamys. Orcynnus sibi. Auzis Rochet. Coryphæna hppuris. Caranz Miroadi. Mugil hematochylus. Scombresoz sairu. Erocetus agoo. Engraulis joponicus. Syratellordes gracilis. Etsrumeus micropus. MOLZLUSQUES. Loligo sinensis. Sepioteuthis lessoniata. Turbo oicarius. Haliotis gigantea. Avicula margaritifera. CRUSTACÉS: Palinurus japonicus. ALGUES. Ecklonia bycyclis. Gelidium corneum. Sarcodia montagneana. { GT YSES. EXTRAITS ET AN’ "apor,I 9P TOINOI U9 19 ‘09108 EI OP ‘aT(09 ef op toubriqejinod ‘00 ‘s/79d0n0)n ‘Snap =U0Y)) ‘UWRIP1109 “HIUOIYOT « *sipdde owtmos s99fofdusr *XNPU9 LI 9p uOrLO -Hqey e[ anod Ssorrinbor ‘sypdde owuwoo $699ord -U9 so9adsa p dnoonpog *sypdde oumtoo s994o1d -W9 S099ds9p dnoonvog “(s1rd -de anod) $24n2/97 ‘SaUoN ‘SUISINO,P SISOL ‘(Kneuo EI 0p ONE anod) ‘sorodgipes{ ‘fre10 ‘soguodsr "SHMAIC « *Soptubor « *‘saniod 19 SOII099 ‘OI0UN ‘SIOAIP SJSOT, « *SIISINO,P SJS0L ‘2501 79 93101 [ILA0") «€ * SLNHNANHO ‘019 ‘Dan ‘nssvb ps DIN PULT *SIOAID SIOIOIUNT, ‘0)9 ‘P/01POJI "SAS JE ‘SOUOCIOT « “JOUt OP OfIOY « DUAL *SIVHONY ‘219 ‘DIPOIUDS NP “0100 ‘v101/0$2m ‘2hu2 -don ‘ruvuiuny “raliyduo « é SOUSODOM JU *"SOTDURIqIT -[OtULT J9 sapodolojsen) SJUAIOTIP ‘S9H9198 ‘sodpno ‘019 ‘sis ‘soqer) ‘ sojsnos -UB'T ‘S07J0A047) ‘SPICUOFTI « ‘SUISINO ‘SOlINUJOLOIT *DSOINALIQ « "DIUOINISD DUINTON « "NOILVINANTIV OU MORE A °*':::sopodorqorag DO ODOTONOE ET Ed **t.:---sonbsnoN 0... *SD0P)SNI) Me TTS RAC MAS O À °°° SOUUHOPOUITOT “+. SpoIUelD) RTE) SAT O A 236 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. L'industrie des pêches maritimes au Japon remonte à une époque très reculce. On trouve souvent, au milieu d'amas de coquilles. des restes de Poissons. des écailles, des débris d'instruments de pêche, mêlés à des ustensiles primitifs de l'âge @e pierre et à de gros- sières poteries. Dès l’époque où on se servait d'instruments de pierre, les populations se livraient à la pêche, soit en vue de leur nourrilure, soit pour différents autres usages particulièrement pour se procurer des ornements de toiletie et, depuis une ‘époque bien lointaine, ils utilisaient les produits de la mer comme le prouve le tableau ci-dessus. Ce qu'il y a de plus remarquable dans l’industrie de la pêche au Ja- . pon, c’est l’utilisation des Algues. Ces végétaux produisent en abon- dance une matière gélatineuse, employée pour la fabrication d'une sorte de colle ou gelée d’excellente qualité. Comme je l'ai déjà dit, la mer est très profonde sur la côte orientale et les pêcheurs sont, par conséquent, obligés d'aller chercher le Pois- son à de grandes profondeurs. La ligne peut être employée sur les fonds qui ne dépassent pas 300 brasses. Comme les espèces de Pois- sons sont très nombreuses et les fonds très différents, il en résulte que les appareils destinés à la capture des Poissons doivent être très va- riés, suivant les espèces et les fonds sur lesquels a lieu la pêche. On emploie les lances et les harpons, les hamecons, les appâts et les mouches artificiels, les filets, les dragues et autres instruments desti- nés à prendre les Poissons en traînant sur le fond, les filets plongeants, les filets traînants, des filels montés sur un cercle, des pièges, des filets fixes ou flottants, etc., etc. Il existe quelques engins spéciaux à certaines régions et qui méri- tent d’être cités en raison de leur construction particulière et de leur mode d'emploi. Tels sont les lances au moyen desquelles on prend l’Haliotide à une profondeur d'environ 7 brasses, les hbamecons sans barbillon, destinés à capturer les Poissons qu’on veut conserver pen- dant un certain temps et qui sont atlachés à de très longues lignes, différentes sortes d’appâts artificiels pour la pêche des Poissons péla- giques, les hamecons garnis de mouches artificielles pour la pêche en eau douce, des lignes pour les pêches à une profondeur de 300 brasses, des Bôké-ami, Nisôbari, sortes de filets plongeants pour la pêche des petits PoissonS pélagiques, des nasses dont le Poisson, une fois entré dans l’intérieur, ne peut plus sortir. La conservalion du Poisson a lieu par les procédés suivants : La dessiccation. — On emploie ce procédé pour les Anchoiïs entiers, pour les Harengs ouverts et leurs rogues, les Morues ouvertes et dont on a enlevé l’arête, les Poissons plats, les Aya, espèce de petits Sal- monides, les Congres ouverts, les Tefrodon vidés et partagés en trois EXTRAITS ET ANALYSES. Sy morceaux suivant leur longueur, les Océopus, Crevettes, elc.; ce mode de conservation est surtout usité pour les trois premières espèces. Poissons sales el séchés. — Cette méthode est surtout appliquée aux Sardines entières, aux Congres ouverts, aux Requins découpés en pe- tits morceaux rectangulaires, à la Morue, au Maquereau, aux ZLaéilus, aux Seriola et aux Mulets gris. Je dois signaler ici un procédé particu- lier employé pour la conservation de ces deux derniers Poissons. On ouvre le ventre de l'animal et on en extrait les entrailles. On l'immerge pendant deux heures environ dans la saumure ; ensuite on le plonge dans de l’eau douce; on enlève la tête, etle corps est partagé, suivant sa longueur, en trois morceaux ; deux de ces morceaux com- prennent les flancs et le troisième le dos et la colonne vertébrale, cinq ou six entailles sont pratiquées sur les côtés. Le Poisson est alors de- posé dans le sel pendant environ une semaine, puis on le lave etonle met sécher à l’ombre pendant deux mois. Enfin, on le recouvre d’une couche desel fin blanc et on l'enveloppe dans du papier ou de la paille hermétiquement retenue par des liens pour le soustraire au contact de l’air. On le place ainsi préparé dans des chambres bien ventilées et il s'y conserve pendant de longs mois. Cependant, comme cette méthode exige beaucoup de temps et de soin, on ne l’applique généralement qu'aux Poissons ayant une certaine valeur. Poissons salés. — Le Saumon, la Morue, le Maquereau, le Hareng, le Mulet gris, se conservent par cette méthode. Le Tui, sorte de Brême de mer, peut se conserver pendant deux ou trois jours au milieu de l'été en l’arrosant de saumure chaude. Poissons bouillis et séchés. — On fait bouillir les Sardines, les Equilles, les Crevettes dans l’eau additionnée de sel et ensuite on les fait sécher. Je dois mentionner ici la préparation de la pâte de viande de Pois- son. On choisit de beaux morceaux de chair maigre de Poisson, en prenant cette chair de couleur aussi blanche que possible, on les lave puis on les plonge dans l’eau bouillante. On les met dans un sac puis on les presse pour en exprimer ensuite l’eau, on les sort du sac et on les fait chauffer dans un four et on les divise en petits morceaux en les écrasant avec la main pendant qu'ils sont encore chauds. Ce produit ainsi prépare se conserve très longtemps dans des pots bien herméti- quement bouchés. On emploie principalement pour cette préparation le Tai, la Morue, les Poissons plats, les Crevettes, etc. Poissons fumées. — On conserve par ce procédé le Hareng, le Saumon, les Poissons plats, le Maquereau, le Thon, etc. On emploie au Japon une méthode particulière pour fumer le Poisson. On met de côté les petits Poissons, les plus gros, comme le Thon, sont partagés suivant leur longueur en deux ou quatre morceaux, au moment où ils viennent d'être pêchés. On les fait bouillir dans l’eau ; on enlève soigneusement toutes les arêles, puis on les fume et on les fait s*cher. Lorsqu'ils sont 238 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. à moitié desséchés, on gratte les morceaux avec un couteau pour enle- ver les parties rugueuses, puis on achève la dessiccation. Ainsi préparé le Poisson porte le nom de Fushi et peut se conserver pendant plu- sieurs années. Poissons bouillis dans le Sohyu (sorte de sauce faite de blé fermenté, de fèves et de sel, improprement appelé Soja par les étrangers). — Cette méthode est très répandue. On emploie pour cette préparation les petits Poissons et les petits Crustacés qui peuvent ainsi se conser- ver très longtemps dans des récipients bien clos; on les assaisonne ordinairement avec du Gingembre. Poissons conservés dans le vinaïgre. — Ou emploie les petites espèces et les Crevettes ; on commence par les vider et on les met ensuite dans des bocaux de verre remplis de vinaigre a uquel en ajoute quelques condiments ; ils peuvent se conserver ainsi deux ou trois mois. Poissons conserves dans le Koji (Riz fermenté). — On prépare ainsi le Saumon, le Carassin, etc. On fait d'abord bouillir le Poisson dans l’eau salée, puis on le met dans un vase avec du Riz et de la levure; on retarde la fermentalion en agitant de temps en temps. Les vases sont bien bouchés. L'eau contenue dans le Poisson provoque bieutôt la fermen- tation du Riz; le Poisson s'imprègne des produits de cette fermen- tation, dextrine, sucre, alcool, et, ainsi préparé, prend un goût tres délicat. Poissons conservés dans lu lie de Saké (vin préparé au Japon avec le Riz). — On conserve par ce procédé le Tai, l'Ayu, etc. La méthode est exactement la même que pour la préparation qui précède. Poissons piles, cuits à la vapeur ou au four. — On conserve par ce moyen les Tai, Saurus, Sillago, Poissons plats, Congres, Requins, Cre- vettes, etc. On prend le Poisson frais, on enlève les arêles, on le pile dans un mortier de pierre, en y ajoutant une certaine quantité de sel, de la fleur de farine, du vin doux, des blancs d'œufs et une décoction d'une Algue saccharifère (Laminaria). Lorsque le mélange a pris la consistance d’une pâte assez épaisse, on en fait des pains de diffé- rentes formes, cylindriques, semi-cylindriques ou discoïdes ; on les fait cuire sur un feu de charbon, à la vapeur ou au four. Cette prepa- ration se conserve de trois à cinq jours en été, de dix à vingt jours en hiver. Poissons conserves en boîte. — Ce mode de conservalion a élé intro- duit au Japon il y a une trentaine d'années. Aujourd'hui le Saumon, la Sardine, l’Anchois, le Thon, le Maquereau, la Tortue verte, la Tortue à carapace molle, l'Anguille, l'Huiître se préparent d’après cette méthode. La pisciculture fait aujourd'hui des progrès constants au Japon. Le tableau ci-dessous indique les animaux et les plan!es marines qui offrent le plus d'intérêt. EXTRAITS ET ANALYSES. 239 à es M as FLEccetre a wi | | Clemys japonica.......,... oisson d ornement. | à Î Percalabraz japonicus ..... Alimentation. | Mugil cephalolus.......... — Onchorhynchus Haberi ..... — k 2 — POI YT- etete — : Poissons...... RE AE : : PE ! Cyprinus carpio.:......... Alimentalion et ax- | nement. Carassius auralus.......... Décoration. Anguilla bosfoniensis....... Alimentation. OA EEE Alimentation. À Avicula Martensii......... Perles. | Siguarir constriclæ........ Alimentation. Mollusques ... / Cyfherea meretriz.......... À Tapes philippinarum ....... —- | ATCG granosa...…. Se donc e = er CNSUUETENE M = eee —= Crée 7. |Ralanus :sp. 5... Le Engrais. Échinodermes. | Séichopus japonicus......... Alimentation. ee el. ST UDE RO RSSCAES Alimentalice. Gloiopeitis coliformis........ Colle. PÈCHE DES PRINCIPAUX POISSOxS EN 1895. POIDS. VALEUR. Kwan (1). Yen (2). RENE Sr me re 1,969,902 91,232 SARINO Ne e-Mee seSee 54,310.,023 4,848,263 É ECO RTS RE RER REP AERETeS 8.969,646 1,966,019 PGA ne AN: 4,674,552 1,617,655 DOIGO M este e sise dt Pl eee . 7,509,798 1,038,171 TAN CSS Pre Fee 4,001,790 1,006,373 NAGER AU 0-7 See . 6,188,374 957,974 Tom depot RP RE CCE 3,891,496 935,307 CLEMOLIES A A Ne Rs arabe ce ed 5 4,155,805 597,071 BOISSOnpplatre a ee ne 3,706,028 982.239 | Aya (Plecoplossgs) "7.2 389,285 300.283 Haliotides....... SÉERTRERRE 166,984 265,198 (1) 1 Kwan égale 8 1/3,livres anglaises. (2) 2 Yen égale 2 shillings 1 penay. 4 SAUMONE RE. Rhebe he ei - 967,195 215,794 RENNES 22e crecaste se MATE 006 196,962 US RENE PRO. 537,105 176.664 MOnHE: ee 0n RE D ICI EN 1,149,467 113,250 Hüire: sen se Lie ESS 422 769,816 99,047 HOolOtRUSES.- SLT US SSSR 547,022 92,039 MRUITE LÉ SUN ES QUEUES : . 72,480 38,112 Dans ces chiffres n’est pas compris le produit de la pêche dans le Æokkaïdo. PRODUIT DES PRINCIPAUX POISSONS EN 1895. POIDS. VALEUR. Kwan. Yen. Fushi (Thon et Bonite fumés).. 1,510,053 2,117,594 Sardines SéChes 5000 6,180,994 1,588,675 Céphalopodes secs........... 1.620,021 1,267,519 SaUMons Sacs ere- entre .- 1,879,576 518,132 Crevettes sèches............. 485,801 459,438 Maquereaux/salés". LL 1,861,517 410,518 Algues (Zaïminaria) sèches.... 5,654,752 369,649 Haliotides seches-: 4 002 =: 154,426 306,508 Holothuries sèches........... 159,328 180,710 Mhon Sale Eee UE TANST AE 523,159 157,077 Moruesèche Mere nie à 904,771 153481 Ailcrons de Requin secs..... = 59,810 104,382 Kanten |Gélatine d’Algues) ..… 36,866 83,510 Morue salée... Lee 343,714 06,665 Se ane Harengs.. 38,917,158 6,566,480 Sardines.. 5,792,413 837,033 Huïle/de Poisson... 1016019249 231,342 BULLETIN DE LA DE FRANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) 452 ANNÉE AOÛT 183983 SOMMAIRE 1. DECROIX. — Projet de langage phonétique universel pour la conduite des animaux. DE JMS — Ets et Muscardins.......... ane rie non Le 2 Extraits des procès-verbaux des séances de la Société : Section : Botanique. — Séance du 15 février 1898...........%,. .e...se..e. 6 Section : Colonisation. — Séance du ROBES RDA A NS A RTE SE Extraits et Analyses : — Les nd de - da champs d'essais de naturalisation ........ >pücob MUOLOS. — Essais d’acclimatation végétale au Jardin des Plantes de Toulouse...... — Le Jardin botanique de Saint-Pétersbourg..... D 0 DA VAE DU seeds leletele ses par les auteurs DEF articles insérés dans le Bulletin. SCD ——————m— Un numéro 2 francs ; pour les membres de la société 4 fr. 50 9 AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET À LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE NE ATOME D'ACTE 241 247 : 250 254 257 258 263 269 276 je Da Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions Le Bulletin paraît tous les mois DÉSINFECTANT Ë ANTISEPTIQUE | Le seul joignant à son Efficacité, \ AE ES scientifiguement démontrée, l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Corrosif. Hémostatique et Styptique puissant. Adopté par les Ecoles Nationales Vétérinaires, le Service de Santé de l'Armée, la Préfecture de la Seine et la plupart des Services d'Hygiène et de Désinfection des Départements. Reconnu indispensable dans la pratique vétérinaire. Dons Corrosif Pare Envoi franco sur demande de Rapports scientifiques et Prospectus : ° SOCIÉTÉ FRANÇAISE de PRODUITS SANITAIRES et ANTISEPTIQUES 35, Rue des Francs-Bourgeois (ci-devant 31, Rue des Petites-Ecuries), Paris. ET CHEZ TOUS LES DROGUISTES ET PHARMACIENS. 7 Pour év:.èr les nombreuses Contrefaçons exiger rigoureusement sur tous les emballages les Marques, Cachets et le Nom CRÉSYL-JEYES. Lits, Fauteuils, Voitures et Appareils Mécaniques e Pour MALADES et BLESSES DUPON Maisen fondée en 1872 Plus ds 400 Hédailles ot 12 Prix d'hons aille d'er, Prix d'onenble, Paris 14 VOITELLIER àMANTES(S.-+-0. COUVEUSES ABTIFICIELLES MATÉRIEL DB'ÉLEVAGE Volailles de Race ŒUFS À COUVER Baco pure do Heudan 0,84 CHIENS de chasse dressés, Havol france du Catalogue (llustes. 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C’est en vertu du premier de ces points de vue qu'il a fait ressortir les avantages de l’hippophagie, aujourd’hui entrée dans la pratique, et c’est à ce même point de vue que je me place pour appeler de nouveau l'attention sur le langage phonétique international à employer par l’homme, chez tous les peuples civilisés ou même peu civilisés, pour se faire com- prendre et obéir des animaux divers qu'il a soumis à sa domination. Il ne s’agit pas, bien entendu, de faire parler ce langage aux animaux, mais de leur apprendre à en saisir les termes. Chaque animal peut comprendre ceux de son espèce et s’en faire comprendre, dans la mesure de ses besoins, quel que soit son pays d’origine ; tandis que l’homme qui franchit une montagne ou traverse un fleuve se trouve souvent dans l’im- possibilité de demander son pain et son chemin. Il lui est beaucoup plus facile de se faire comprendre des animaux, s’il veut bien se donner la peine de s'exprimer dans un lan- gage élémentaire à leur portée et en raison des services qu'il est en droit d’en exiger. : Ainsi que je l'ai déjà dit au Congrès international des So- ciétés protectrices des animaux, à Dresde, le 13 juin 1889, bien des savants, Descartes et Leibnitz entre autres, se sont préoccupés de la création d'une langue universelle, pour l'homme, mais sans arriver à aucun résultat pratique. (1) Communication faite le 21 mars 1898, à la Section des Mammifères. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 17. 242 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Il y a une trentaine d'années, un polyglotte, instruit dans les lettres et la linguistique, M. Schleyrer, de Constance, a créé une langue universelle, connue sous le nom de Vola- pük. Son système est d’une extrême simplicité, surtout si on le compare aux règles si compliquées, si confuses des langues vivantes. Malgré cela, le Votapük ne s'est point généralisé. Je viens, à mon tour, proposer un système de langage uni- versel pour les animaux, mais surtout pour les Chevaux. Sans vouloir humilier ces précieux auxiliaires, je puis dire qu'ils sont encore moins intelligents que les hommes, et que, par conséquent, il faut leur enseigner une sorte de Volapük plus facile à apprendre que celui de Scheyrer. Cette simpli- cité se justifie, en outre, par les rapports entre le maître et le serviteur. — J'entends ici des rapports usuels, nécessaires, et non des rapports fantaisistes et variés, qui ont lieu dans les manèges, les cirques et autres écoles de hautes études. Et d’abord, nous n'avons point à faire la conversation avec le Cheval. Nous commandons, il doit obéir, sans réplique. Qu’avons-nous à exiger de lui dans les services ordinaires ? Nous avons à lui commander de marcher en avant, ou d’al- ler à droite, ou d’aller à gauche, ou de s’arrêter, ou de reculer. Donc, en principe, quatre commandements suffisent. C’est incomparablement moins que les commandements adressés aux consCrits dans les régiments. Les conducteurs de Chevaux, pour se faire obéir, ont ordi- nairement recours ou au fouet, ou à la bride, ou à l’éperon. Mais ce sont là des moyens brutaux, trop souvent appliqués brutalement. S'il n’y avait pas possibilité de faire autrement, comme peuvent le croire les personnes qui ne tiennent pas compte des souffrances inutiles, il faudrait pourtant s’y ré- signer ; car enfin, le Cheval doit travailler ; mais il y a mieux à faire, à mon avis. Quand on admire dans un cirque certains Chevaux lächés en toute liberté, exécutant à la parole, au commandement, des exercices incomparablement plus compliqués que ceux exigés dans le service quotidien des animaux de travail, on ne peut douter que notre plus précieux auxiliaire possède assez d'intelligence, d'instinct, si l’on préfère, pour obéir à la parole. Actuellement, la voix est rarement employée pour la con- duite du Cheval. Pour le faire avancer, on lui donne brus- PROJET DE LANGAGE PHONÉTIQUE UNIVERSEL. 243 quement un coup de fouet — douleur; — pour le faire aller à droite ou à gauche, on tire sur la bride d’une manière très variable — encore douleur ; pour le faire arrêter, encore la bride — toujours douleur. Et dans les cas assez exceptionnels où le conducteur em- ploie la parole, c’est dans des termes tellement confus, ba- roques, sauvages, que l'homme intelligent, lui-même, n’y comprend rien. Avec la meilleure volonté possible, les Chevaux ne com- prennent pas toujours ce que l’on veut exiger d'eux. Et alors le charretier, le cocher, le laboureur, frappent le pauvre ani- mal jusqu'à ce qu’il ait deviné, après avoir exécuté divers mouvements. Je dis qu'il est impossible à un Cheval, si docile, si attentif qu'il soit, de comprendre instantanément ce qui lui est com- mandé en passant d'un pays en un autre et même souvent, sans sortir de son pays natal, en passant des mains d’un con- ducteur en celles d’un autre. Voici quelques-uns des sons ou des cris sauvages lancés aux Chevaux, et le même cri ayant une signification variable, se- lon les contrées et les charretiers : huho, — guia, — rrro, — due ho dia, han, etc. etc. Pour rendre facile l'instruction élémentaire d'un Cheval de service ordinaire, il faut lui parler un langage clair, d’une prononciation facile, chaque mot ne formant qu’un son, une syliabe bien vibrante. On peut choisir parmi un grand nombre de mots ; mais après müre réflexion, je propose de n’employer que quatre sons exprimés chacun par deux lettres par chaque mot, une voyelle et une consonne. La lettre U doit être exclue, parce que sa prononciation varie trop (L’U francais, se prononce OÙ en allemand, IOU, en anglais, etc). Les voyelles A, E, I, O, me paraissent devoir être adoptées, en les faisant précéder de la consonne I aspirée. Il suffit de quatre commandements, comme règle générale d'un langage phonétique ou Volapük hippique universel. En certains cas, il peut y avoir nécessité de modifier légèrement les quatre mouvements principaux. Alors, pour ne pas sortir de la simplicité de langage que nous devons rechercher, on peut atteindre le but par l’accentuation de la prononciation principale. LE BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Il serait logique d'employer le son A pour le mouvement en avant, E pour l'arrêt, I pour la marche à droite et O pour la marche à gauche. Mais dans la pratique, le son I, pour faire avancer, et O, pour arrêter, étant déjà très répandus, nous croyons devoir les conserver avec leur signification déjà adoptée. Les deux sons qui restent à employer sont : À pour diriger à droite et E pour diriger à gauche. Sans m'étendre davantage sur la description du Volapük hippique, je crois que la figure ci-dessous le met à la portée de tout le monde. Hi, avancer. Hé, à gauche. Ha, à droite. Ho, arrêter. Telle est la base. Maïs dans la pratique, il y a des mouve- ments pour lesquels il est nécessaire de les modifier légère- ment. Le tableau ci-dessous répond à tous les besoins ordinaires. Hi, Hi, pour faire trotter. Hi, pour faire avancer au pas. Hé, à gauche en avançant. | Ha, à droite en avançant. Hé, He, à gauche sans avancer. | Ha, Ha, à droite sans avancer. Ho, pour faire arrêter. Ho, ho, pour faire reculer. Pour faire tourner sur place, à gauche par exemple, il n'y a qu’à continuer à répéter sur le même ton : Hé hé, hé hé PROJET DE LANGAGE PHONÉTIQUE UNIVERSEL. 245 jusqu'à ce que le Cheval soit arrivé à la direction désirée, soit 1, 2, 3 quarts de cercle. Alors, il suffit de dire ÆZo pour arrêter, Zi pour avancer. Ce langage peut être appliqué, non seulement au dressage du Cheval, mais aussi à celui de tous nos animaux domestiques, français et étrangers. Ainsi, tout mon système consiste à faire comprendre au Cheval la signification de quatre mots et de quatre répétitions ou accentuations de ces mots. On comprendra, sans que j'aie besoin d'insister, combien il serait préférable de conduire les Chevaux de bonne volonté par la parole, au lieu de les contraindre par la bride, l’épe- ron, le fouet. Quant aux Chevaux indociles, désobéissants, vicieux, il y a lieu de les faire obéir par les châtiments ordi- naires lorsque la douceur a été impuissante. Maintenant, comment faire comprendre à un Cheval que le son vocal Æ1 signifie : Avance ! Prenons pour sujet d'expérience, un Poulain auquel on n’a jamais adressé un commandement, ou, si l’on préfère, un Cheval déjà en service sous les commandements baroques ordinaires. Je lui commande, d’une voix calme, Æi/ Il ne bouge pas. Je lui fais le même commandement d’une voix un peu plus forte. Il reste encore en place. Alors pour la troisième fois, je répète Æi/ et immédiatement après, je lui donne un léger coup de fouet. Instinctivement il avance. Lorsqu'il a marché pendant quelques instants, je lui com- mande : Æo ! Il continue à marcher. Je lui répète le comman- dement, et à la troisième fois, je tire sur la bride, ce qui le force à s’arrêter. Il faut profiter de cet instant pour le caresser, lui faire comprendre qu’il a bien travaillé. Pour les autres mouvements, il y a lieu de procéder de la même façon, en évitant d'enseigner plus de deux mouvements dans chaque exercice. En fort peu de leçons, on arrivera à se faire obéir à la parole, et l’on supprimera bien des souffrances inutiles. S'il est facile d'enseigner les principes ci-dessus à nos pré- cieux serviteurs, il est plus facile encore de les enseigner en quelques minutes aux enfants, aux charretiers, aux labou- reurs les moins intelligents. Bien que le langage que je propose puisse être appliqué aux 246 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. r Chevaux de tous les services, j'ai principalement en vue les Chevaux de transport, de labour, de boueurs, en un mot, les Chevaux de gros trait. Notre Volapük peut étre enseigné à l’homme en quelques minutes par les instituteurs, les agriculteurs, les chefs d’in- dustrie, etc. Pour dresser les Chevaux, il faut plus de temps, plus de tact, plus de patience. Mais il en faut bien moins que pour dresser un Cheval de troupe. Il suffit de fort peu de lecons chez les éleveurs, les marchands, les acquéreurs et aussi dans les Ecoles d'agriculture, de dressage, etc.; en tout cas, il en faut moins que pour enseigner la signification des sons baro- ques généralement en usage. ; Je dois ajouter en terminant, que le Cheval aime qu'on lui parle ; qu’en général, il obéit volontiers aux commandements qu'il comprend; que le commandement par la parole n’est pas seulement plus pacifique et plus efficace, mais qu'il relève l’homme et l'animal, tandis que le fouet, la bride et l’éperon les rabaïissent, les rendent brutaux, méfiants, ennemis l’un de l’autre. Comme conclusion, j'ai l'honneur d'émettre les vœux sui- vants : 1° Ilest à désirer qu'un angage phonélique universel soit adopté pour la conduite des Chevaux dans les conditions ordinaires de service. 2° Sans préjuger des perfectionnements qui pourraient être proposés dans l’avenir, il est à désirer que le système exposé ci-dessus soit propagé dès à présent par tous ceux qui aiment particulièrement le Cheval. P.8$. — Si la Société d'Acclhimatation veut bien l’accepter, je mets à sa disposition une médaille de vermeil, à décerner au charretier ou au cavalier qui présentera, à la Section des Mammifères, un Cheval obéissant aux commandements ci- dessus. . LÉROTS ET MUSCARDINS (1) par DE CONFEVRON. Alors que quelques-uns de nos savants confrères se livrent à des études très intéressantes sur l'hibernation des animaux en général, je crois opportun de faire part à la Société d’Ac- climatation, des observations très modestes que des circons- tances fortuites m'ont permis de relever sur deux petits ani- maux indigènes de la famille des Rongeurs, les Lérots et les Muscardins. Il est inutile de décrire le Lérot, ce joli petit Rongeur que tout le monde connaît et qui, comme mœurs, se distingue du Loir proprement dit, son congénère, en ce qu'il habite les maisons de campagne, les murs, les vergers, les jardins et qu'il est, somme toute, assez sociable; le Loir, au contraire, ne s’écarte guère des forêts ou des bois un peu sauvages. Le pelage du Lérot, fauve er dessus, blanc en dessous, avec une bande noire dessinant l'œil, est aussi plus agréable que celui du Loir. Faisons de suite son procès, disons qu'il cause de grands dégats dans les vergers et les jardins où il mange et détériore un grand nombre de fruits. Il ne se rend pas moins nuisible en détruisant beaucoup de nids. Les Lérots sont au nombre des animaux qui s’engour- dissent des les premiers froids et passent tout l'hiver dans une sorte de sommeil léthargique, que nous appellerons som- meil Aibernal. C’est à ce point de vue que nous nous en oc- cupons aujourd'hui. A la fin de l'hiver 1895-1896, voulant mettre un peu d'ordre dans un placard s’ouvrant sur un petit salon où l’on n'était guère entré depuis le mois d'octobre, nous avons trouvé, sur un des rayons dudit placard, au milieu d’un amonceillement de papier déchiqueté,. provenant de journaux et de cahiers de musique rongés par eux, deux Lérots endormis de leur sommeil hibernal. Nous avons donc pu les examiner à loisir dans cette sorte de léthargie. {1} Communication faite en séance générale le 41 février 1898. ET 248 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Ils avaient pénétré dans le placard par une très petite ou- verture provenant d'une boiserie déclouée et communiquant avec la muraille. Leur sommeil était calme et profond; leur respiration, très régulière, faisait voir alternativement les mouvements res- piratoires d'inspiration et d'expiration. L'engourdissement était complet, on pouvait les toucher sans qu'ils fissent le moindre mouvement. Sauf cette légère agitation du flanc, dont je viens de parler, la souplesse du corps et des membres, ainsi que la chaleur naturelle, qui ne les avait point abandonnés, on eût pu les croire morts. Bien que maniés par différentes personnes, à l'exception de quelques mouvements lents, ils n'ont donné des signes d'un réveil complet qu'en tombant dans un bassin plein d'eau, où ils ont été jetés. Alors, revenant complètement à la vie active, ils ont essayé de se sauver à la nage, et ils y seraient certainement parve- nus, nageant naturellement comme tous les Quadrupèdes, si un coup de bâton sur la tête n'eüt rendu leurs efforts impuis- sants. Le Lérot est un des rares animaux qui, chez nous, sont doués de ce sommeil hibernal et ce n'est pas souvent qu'on peut l'observer aussi attentivement. C'est pourquoi j'ai cru bon d'en entretenir la Société. A quelque temps de là, c'est-à-dire en avril 1896, me pro- menant au bois avec mon plus jeune fils, passionnément épris d'histoire naturelle, nous observions un peu de tous les côtés, suivant notre habitude, lorsque nous vimes tout près de nous, sur une branche de Noiïsetier, un Muscardin (Myoxœus avellanarius), que nous ne reconnûmes pas tout d’abord comme tel, quoiqu'il n'y ait pas à s’y tromper. Mon fils lui donna de suite la chasse. C'était une femelle alourdie par la gestation et qui se laissa prendre sans grande difficulté, non sans avoir mordu légèrement la main de son ravisseur. Le Muscardin est un joli petit animal qu'on ne trouve pas LÉROTS ET MUSCARDINS. - 249 très communément sous notre climat. Plus petit que le Lérot, il est son voisin immédiat dans l’ordre des Rongeurs. Son pelage est fauve clair en dessus, de nuance café au lait, et les parties inférieures du corps sont blanchâtres. La queue, aplatie horizontalement, est garnie de poils étalés comme chez l'Ecureuil. Ce petit animal se nourrit presque exclusivement de noix, de noisettes et fait son nid sur les branches, à l'instar de l'Ecureuil, seulement moins haut. Les Muscardins ont aussi un sommeil hibernal qu'ils passent dans quelque trou d'arbre, mais nous n'avons pas pu l'obser- ver dans cet état. Rapportée à la maison, notre Muscardine, placée dans une cage à Ecureuil et après avoir fait une sorte de nid avec la ouate qui lui avait été donnée à cet effet, mit bas trois petits, au bout de dix ou douze jours de captivité. Nous espérions pouvoir élever toute la nichée et observer les mœurs de cette intéressante petite famille, lorsque la mère, qui n'était point du tout farouche et n'avait donné aucun signe de maladie, fut trouvée morte dans sa cage, cinq ou six jours après avoir fait ses petits. Jusque-là, elle se nourrissait parfaitement de noix et de noisettes, était fort alerte, gracieuse de mouvements et se suspendait toujours, la tête en bas, aux barreaux de sa cage. C’est évidemment la posture préférée de ce Rongeur qui reste ainsi, souvent très longtemps, sans bouger. Nos observations sur les animaux à sommeil hibernal furent ainsi prématurément interrompues, espérons que l'occasion se représentera de les continuer. Flagey (Haute-Marne). 250 UNE VISITE A LA FERME D’AUTRUCHES DE MATARIEH, PRES DU CAIRE (ÉGYPTE) par À. MERCIER 1. La plupart des voyageurs qui vont au Caire consacrent une demi-journée à la visite de l'établissement destiné à l'élevage de l’Autruche à Matarieh. Ayant suivi l'exemple général, j'ai été si intéressé par ma premiere visite, que j'ai résolu d'en faire une seconde pour obtenir des renseignements précis sur l'installation et l’éle- vage de l’Autruche. Je les ai obtenus aussi complets que je le désirais de M. Bernard, l’intelligent directeur de cet établis- sement, et je me plais à lui adresser ici tous mes remercie- ments pour son extrême obligeance. D'un autre côté, j'ai pensé que ces renseignements pour- raient intéresser quelques-uns de mes collègues de la Socifté «’Acclimatation, je les ai donc rédigés, aussi clairement qu'il m'a été possible, et les voici : Matarieh est une petite localité située à environ 12 kilo- mètres au N.-E. du Caire, non loin de l’ancienne Héliopolis sur la ligne qui sépare le désert arabique des terres du Delta. À gauche de la voie ferrée, les riches cultures des terrains irrigués, à droile, le désert. C'est sur ce dernier qu'est éta- blie la ferme d’Autruches à environ 400 mètres de la station de Matarieh. Un coup d'œil jeté sur le petit plan ci-contre fera mieux comprendre l'installation qu'une longue description ; je dirai seulement que le tout forme un carré parfait de 250 mètres de côté : Or 250 X 250 — 62,500 mètres, soit 6 h. 23 ares. Mais il y a à retrancher de cette superficie le sol de la maïi- son, du couvoir des magasins, du jardin, de la cour, des al- lées, et enfin celui des murs d'enceinte et des parcs, de sorte (1} Communication faite à la Section d'Ornithologie le 28 février 1898. UNE VISITE A LA FERME D’AUTRUCHES A MATARIEH. 251 que l'espace consacré à l'élevage des Autruches ne doit pas dépasser 5 hectares. C’est dans cet espace relativement très petit que M. Bernard est parvenu à faire naître, se déve- lopper et vivre le nombre presque incroyable de quinze cents Oiseaux ! . Les murs de clôture et ceux formant les parcs sont cons- truits en briques du £ SEE pays, formées de Nord terre du Nil délayée puis séchée au soleil. On y a, à tort, mé- langé un grand nom- bre de cailloux rou- lés, arrondis, si nom- breux dans le sol du désert, ainsi que de la paille hachée. Au début de l'ins- tallation on faisait éelore dans des cou- veuses les œufs d'AU- pan sommaire de la ferme d’Autruches de Mata- truche, mais les pe- rieh : À enceinte réservée à la maison d'habitation tits naissaient rachi- *! à ses dépendances, jardin, ete. B, B. allées cir- : Ë culaires donnant accès aux parcs C. C; R, route tiques, ne pouvaient conduisant a la Slation du Cnemin de fer. ou ne savaient man- ger et mouraient en grand nombre dans les premiers jours ou mois de ieur existence malgré tous les soins qu'on leur donnait. Il me parait hors de doute que le système osseux des Autruchons ne se développait pas normalement. Quand, il y à huit ans, M. Bernard a pris la direction de la ferme, il a supprimé les couveuses artificielles et il a laissé aux Autruches elles-mêmes le soin d'élever leur progéniture ; elles s’en acquittent d'une facon admirable. Voici comment les choses se passent : dans les parcs, les mâles et les femelles au nombre quelquefois de dix-huit ou vingt sont pêle-mêle. Quand un mäle entre en rut, ce qui est facile à constater par la rougeur de la peau du cou, par une certaine facon d’agiter les ailes, et enfin par des attentions particulières qu'il témoigne à une femelle spéciale, sans doute celle dont la situation correspond à la sienne, c’est-à-dire qui est ou va entrer en rut, on sépare les deux Oiseaux et on æ FA 252 BULLETLIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. les conduit dans un parc où désormais ils resteront isolés, car les murs sont assez élevés pour qu'ils ne puissent pas voir les Oiseaux des parcs voisins. Il n’y a plus qu’à les soigner. La femelle pond où elle veut et ses œufs sont souvent fort éloi- gnés les uns des autres, on n'y touche point. Quand la ponte est finie, les Oiseaux savent fort bien rassembler les œufs et s'ils en laissent à l'écart, c’est qu'ils ont déjà reconnu que ceux-là étaient clairs et non fécondés. Quand les petits sont éclos, les père et mère se chargent de les conduire, de leur apprendre à manger, de les réchauffer la nuit, en un mot de les élever. C'est ainsi que l’année dernière M. Bernard a vu augmenter son troupeau de cinq à six cents Oiseaux. La nourriture donnée aux jeunes Autruchons consiste avant tout en Poireaux hachés, Oignons hachés, et enfin en Barsim haché. M. Bernard considère le Poireau comme ab- solument indispensable aux jeunes Autruchons; le Barsim est une plante très voisine de la Luzerne, si ce n’est la Luzerne elle-même, ce dont je n'ai pu m'assurer. Le sol du parc fournit en abondance des coquilles marines et le calcaire. Plus tard on y ajoute des pâtées de son et, quand les Autruchons sont de- venus assez forts, des Fèves de marais. Ces dernieres et le Barzim qu'on cultive partout en Egypte servent de base à la nourriture des Oiseaux adultes. Les soins à donner consistent à apporter aux Oiseaux leur nourriture, à leur verser de l’eau fraîche, à enlever les excré- ments, au moins tous les deux jours, à labourer une fois par an le sol du parc, à enlever toute la croûte soulevée et à la remplacer par une égale quantité de sable du désert. Avec ces soins M. Bernard m'a affirmé n'avoir jamais eu dans ses parcs aucune mäladie épidémique, et une mortalité très res- treinte, causée le plus souvent par l’absorption par les Autruches des cailloux roulés qui se trouvent dans les briques des murs. Les Autruches, en effet, cherchent à reti- rer les brins de paille pour les manger; elles retirent en même temps des cailloux qu'elles avalent, qu’elles ne peuvent digérer et qui finissent par les faire mourir. Jamais, au con- traire, elles n’avalent les cailloux du sol. M. Bernard m'a montré toute une caisse de ces cailloux retirés à l’autopsie de l'estomac des Autruches mortes. Il faut conclure de ce que je viens de raconter que l’éle- UNE VISITE A LA FERME D’AUTRUCHES A MATARIEH. 253 vage de l’Autruche n'est pas bien difficile et qu’il ne demande pas un grand espace. Mais il faut, à mon avis, pour cela, les conditions particu- lières que voici : lo Le sol du désert, c'est-à-dire contenant le sable, les co- quilles marines ou le calcaire nécessaires au développement normal du système osseux, 2° De l’eau, 3° Et dans le voisinage de très bons terrains qui permettent de cultiver et d'apporter chaque jour aux Oiseaux leur nour- riture fraiche : Poireaux, Oignons, Barzim, le tout haché et enfin les Fèves de marais sèches et le son. Quand on aura établi en Tunisie ou en Algérie une rerme dans ces conditions, l'élevage de l’Autruche sera-t-il rému- nérateur ? Je penche pour l’affirmative, sans oser toutefois le garantir. Voici ce que m'a encore dit M. Bernard à ce sujet : Chaque Oiseau adulte, c’est-à-dire âgé d’au moins cinq ans vaut 1,000 francs. Sa nourriture coûte 20 centimes par jour, soit 72 francs par an; la récolte des plumes produit 120 francs en moyenne. Il y a lieu de faire entrer en ligne de compte la valeur des jeunes Autruchons qui naissent chaque année, mais il faut aussi retrancher tous les frais généraux, de premier établissement, de main-d'œuvre, d'entretien, d’em- ployés, etc. À Matarieh, on est arrivé à la période de produc- tion complète, c’est-à-dire qu'on a la récolte des plumes, la production de jeunes et la vente d’Oiseaux adultes qui s’y trouvent maintenant en trop grand nombre, à moins qu'on n'agrandisse considérablement la ferme en construisant de nouveaux parcs. La récolte des plumes commence à la troi- sième année, mais l'Oiseau n’est adulte qu’à cinq ans; il vit de quarante-cinq à cinquante ans. Au 25 janvier 1898 deux couvées avaient déjà fort bien réussi à Matarieh ; les jeunes Oiseaux avaient déjà, les pre- miers un mois, les derniers huit jours. Ils étaient tous très beaux. 254 ABEILLES ET GUÉPES VIVANT EN SUPERPOSITION DANS LA MÊME RUCHE {1 par A.-L. CLÉMENT, Président de la Section d’Entomologie, Lors de la visite que plusieurs Membres de la Société d'Ac- climatation firent le 30 mai 1897, au Rucher de Montsouris, appartenant à la Société centrale d’Apiculture, M. Saint-Pée, . l'excellent professeur, nous fit remarquer une Guépe, (Vespa germanica) qui, à son grand étonnement, avait commencé son nid dans la hausse d’une ruche à cadre. Ce nid avait alors la grosseur d’une noisette, il a grossi depuis et c’est lui que je présente aujourd’hui à la Société (2). Son histoire quoique incomplètement connue, est pleine d'in- térêt. La première pensée de M. Saint-Pée avait été de détruire cette Guépe dont ia présence pouvait jeter quelque trouble dans la colonie d’Abeilles qui habitait le bas de la ruche. Sur mes instances, il consentit à la laisser continuer provi- soirement son œuvre et à l'observer. Il était d’ailleurs bien convaincu que les Abeïlles se trouvant en nombre, s’en dé- barrasseraient sans beaucoup tarder ; aussi fut-il bien étonné, quelque temps après, de retrouver ce nid en bonne voie de développement. La mère avait mené à bien l'éducation de ses premières larves et de nombreuses filles l’aidaient main- tenant comme cela se passe dans tout nid de Guêpes bien or- ganisé, tellement qu'à l’arrière-saison, il avait acquis le fort beau développement qu'on peut constater aujourd’hui. Pendant tout l'été on a eu le singulier spectacle de voir dans la méme ruche ces deux colonies, l’une d’Abeilles dans le bas, l’autre de Guépes dans le haut, et l’on sait pourtant que les Guépes sont les ennemies déclarées des Abeilles (1) Communication faite à la Section d'Entomologie dans la séance du 14 fé- vrier 1898. ï (2) Ce nid a été offert par M. A.-L, Clément au Muséum d'Histoire naturelle. ABEILLES ET GUÉPES. - 255 qu’elles ne manquent jamais de dévorer quand elles en trou- vent l'occasion. Ordinairement les Guêpes entraient dans la ruche et en sortaient par deux ouvertures situées en arrière et prove- nant de joints disloqués, mais (ce qui est surtout remar- quable), on en voyait aussi quelques-unes passer à l’aller et au retour par le trou de vol des Abeilles sans que celles-ci parussent y prendre garde. La bonne harmonie n’a pas dû toujours régner dans cette double république, car à certains moments, M. Saint-Pée a vu le sol autour de la ruche jonché de cadavres d’Abeilles, tandis que d’autres fois il était couvert de Guêpes mortes. Il y avait sans aucun doute à ces moments-là, de grands combats et la victoire ne restait pas toujours aux mêmes. Mais la colonie des Abeilles à toujours été faible {ce qui n'est pas surprenant), elles étaient sûrement gênées par leurs trop nombreuses voisines. et l’on sait que pour faire de bonnes récoltes, et mener à bien l'élevage de leur couvain, une des premières conditions qu'elles réclament, c’est la tranquillité. Les Guêpes au contraire n’ont pas dû être gênées, elles étaient là sans aucun doute, DAS comme chez elles, occupant Dre + la hausse toute entière. Leur _ D colonie avait acquis un tel développement que leur pré- sence était devenue un véri- table danger pour le rucher et pour les alentours; les promeneurs du parc s'en plaignaient chaque jour et il fallut songer à les détruire, ce qui fut d’ailleurs fait. La ruche ayant été for- tement enfumée, on souleva la hausse pour y introduire BTE : ne Figure schématique montrant les places une mèche soufrée, et quel- respectives occupées par les Abeilles et ques minutes plus tard le nid les Guëêpes dans une même ruche à était enlevé avec les cadres Re Les Guêpes ont envahi toute la auxquels il est encore fixé, ; et enfermé à mon intention dans une ruche vide. 256 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Aussitôt après l'opération, les Abeilles se répandirent dans le haut de la ruche, semblant fort surprises de n’y plus re- trouver leurs voisines. Les Guépes fort nombreuses qui se trouvaient dehors à ce moment, vinrent pendant longtemps rûder autour de leur ancienne demeure, mais elles ne firent aucune tentative pour s’y réinstaller. J'ai pu constater que l'acide sulfureux qui avait eu si vite raison des Guépes adultes, n'avait exercé aucune action sur les nymphes (ce que j'avais déjà observé pour le sulfure de carbone). Elles ont continué d'éclore chez moi où j'avais transporté le nid, et jusqu'à la fin de décembre 1897, j'ai pu constater de nouvelles éclosions quoique ce nid fut placé dans une chambre sans feu. Cette singulière observation de deux colonies d'ennemis in- vétérés passant ensemble une saison entière sans inter- rompre leurs fonctions au milieu de périodes de luttes et de calme successives, pourrait donner lieu à bien des réflexions. Je laisse à d’autres le soin d’en tirer des conclusions, mais si semblable fait se renouvelait dans notre rucher, je me pro- mets d'aller l’observer moi-même sur place, et je fais les vœux les plus sincères, quoique sans grand espoir, pour que cette bonne fortune me soit donnée un jour. EXTRAITS DES PROCÉS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 5e SECTION (BOTANIQUE). SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1898. PRÉSIDENCE DE M. WEBER, PRÉSIDENT. Il est procédé au renouvellement du bureau, qui se trouve ainsi constitué pour l’année 1898 : Président, M. Weber. Vice- Président, M. Hédiard. Secrétaire, M. Morot. Secrélaire-adjoint, M. de Lamarche. Délégué à la Commission des récompenses, M. Weber. M. le Secrétaire général annonce la mort de M. Pailleux, membre honoraire du Conseil, décédé le 8 février, à l’âge de quatre- vingt-cinq ans, au moment où il préparait une 3° édition du Pofager d'un curieux. La Societé a contribué activement par son influence, ses relations, ses publications, sans oubiier les encouragements pécuniaires, aux resultats obtenus par M. Pailleux dans son jardin de Crosnes (Seine- et-Oise). On sait que l’appellation de Crosnes donnée aux tubercules du Séachys affinis est tirée simplement du nom de cette localité. M. de Guerne a représenté la Société aux obsèques de M. Pailleux et il espère pouvoir bientôt présenter à la Section le portrait du défunt qui lui a élé promis par la famille. La correspondance imprimée comprend entre autres choses, une brochure de M. Clos sur les Acclimatations végétales réalisées par lui à Toulouse, un mémoire de M. Naudin sur les Nodosités des Légumi- neuses, et un ouvrage de M. Baltet sur l’Art de greffer. M. Chappellier présente un Aiïl qu’il cultive depuis quatre ou cinq ans et qui donne des bulbes très grosses, d’un goût moins ion que celui de l’Ail ordinaire. Il recommande comme très bonne la variété verte de l’Arroche Bonne Dame, tandis que la variété rouge dont M. G. d'Augy a offert à plu- sieurs reprises des graines à la Société, est moins estimée, bien qu'elle soit cependant à conserver comme plante rustique ornementale. M. le Secrétaire général annonce la création de la Section coloniale qui peut intéresser les botanistes à divers égards; la fondation de la Revue des Cultures coloniales est également signalée à l’Assemblée. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 18. 258 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. M. de Lamarche entretient la section de la culture de l'Eucalyptus urnigera qui semble devoir résister sous le climat de Paris. Les ren- seignements qu'il possède sur ce sujet sont encore incomplets, mais il espère en obtenir de plus détaillés d’une personne qui poursuit cette culture depuis plusieurs années. M. Weber parle du poulque, boisson nationale au Mexique, extraite de l’Agave salmiana; celte boisson, qui passe pour très saine, ne se conserve pas, mais se fabrique toute l’année, au fur et à mesure des besoins. M. Chappellier indique l'emploi de l'Opuntia rafinesquiana, qui pousse très bien en plein air sur les toits de chaume, pour écarter les Chats des jardins. M. Weber fait remarquer que si les Opuntia rafinesquiana et vulgaris semblent appropriés à cet usage par leur petite taille, ils ont l’incon- vénient de ne pas présenter de forts aiguillons. Au Mexique, on emploie surtout pour écartler les animaux l'Opuntia tunicata, dont les aiguillons sont beaucoup plus redoutables. M. Weber ajoute qu'il serait plus intéressant de multiplier et de répandre les Opuntias inermes susceptibles d'être utilisés comme fourrage. Une espèce est cultivée pour cet usage aux Baléares. M. de Guerne en a également vu dans le domaine du duc d’Aumale, près de Palerme. M. Weber a recu, il y a peu de temps, de la République Argentine des graines d’une espèce dont les fruits sont paraît-il, inermes. Sur sa demande, M. Roland-Gosselin, a bien voulu culliver la plante aux environs de Nice, à Villefranche ; elle y végète très bien, mais elle n’a pas encore fleuri. Le Secrétaire, MoRoOT. 6° SECTION (COLONISATION). \ SÉANCE INAUGURALE DU 31 JANVIER 1898. PRÉSIDENCE DE M. LE MYRE DE VILERS, Président de la Société, PUIS DE M. MILHE-POUTINGON, Vice-Président de la Section Coloniale. M. le Président fait ressortir le rôle important que la Societé d'Accli- matalion est appelée à jouer dans l’œuvre de la Colonisation française PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 259 introduction et acclimatation de plantes ou d'animaux dans les colo- nies, échanges de colonie à colonie, etc. Depuis son origine en 1854, la Société n'a pas cessé de se préoccuper de ces questions, bien avant qu’elles fussent mises à l'ordre du jour par les économistes et les hommes d'État du temps présent. On peut en voir la preuve dans ses publications et dans le choix d’un grand nombre de ses lauréats. M. le Président déclare qu'en créant une Section coloniale, le Conseil de la Société d'Acclimatation n’a fait que suivre une tradition constante et à laquelle il entend rester fidèle : grouper toutes les compétences, toutes les bonnes volontés pour le bien général. L'étude méthodique des pro- duits naturels des colonies et leur mise en valeur au point de vue agricole, préoccupe aujourd’hui un très grand nombre de personnes. Elles viendront ici se renseigner et s’instruire grâce aux hommes dis- tingués, savants et praliciens, que le Bureau de la nouvelle Section coloniale ne manquera pas d'atlirer à ses séances. C’est pourquoi le choix de ce Bureau présente une réelle importance, il faut y procéder sans retard. | M. Le Myre de Vilers propose à-l’Assemblée de nommer comme Pré- sident de la Section, M. Edouard Raoul, pharmacien en chef des Colo- nies, professeur à l'Ecole coloniale, auquel la Société d'Acclimatation décernait précisément l’année dernière une de ses récompenses et dont les mérites sont bien connus. Cette proposition est accueillie par d'una- nimes applaudissemenls et M. Raoul est élu Président par acclamation. Sont elus à l'unanimité : Vice-Président : M. Milhe-Poutingon, directeur de la Revue des Cul- tures coloniales. Secrétaire : M. P. Bourdarie, chargé de Mission du Ministere des Colonies. Secretaire-adjoint : -M. Bocher, ingénieur agronome. Le délégué du Conseil auprès de la nouvelle section est M. Louis Olivier, directeur de la Revue générale des Sciences pures et appliquées. Le bureau de la Section étant ainsi constitue, M. le Président l’in- vite à commencer ses travaux et prie M. Milhe-Poutingon, Vice- Président, de prendre possession du bureau avec les Secrétaires. En prenant place au fauteuil, M. Milhe-Poulingon remercie l’As- semblée de l'honneur qu’elle a bien voulu lui faire en l’appelant à la Vice-Présidence. Il rend hommage au zèle infatigable du Président de la Société d’'Acclimatation pour tout ce qui concerne le développement des Colonies, et qui lui a valu, dès 1882, la médaille d'or de la Société d'Acclimafation, bientôt suivie du titre rarement décerné de Membre honoraire. M. Le Myre de Vilers donne une nouvelle preuve de sa sol- licitude pour les Colonies en venant inaugurer aujourd’hui les travaux de la Section. C’est un gage de succès pour l’avenir. C’est également un gage de succès que le choix fait pour la Présidence de M. Edouard Raoul dont tout le monde regrette l'absence de cette réunion. Son la- 1) NPC MERE 260 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. beur infatigable et ses fructueuses missions dans les colonies fran- caises et étrangères pour étudier ou perfectionner les méthodes de l’agriculture tropicale, et rechercher de nouvelles plantes utiles, lui donnent une autorité que nul ne peut avoir à uu plus haut degré pour diriger les travaux de la Section coloniale. M. le Président définit ensuite le rôle de la Section et fait appel au concours de tous pour rendre ses travaux intéressants et utiles. (Voir ci-dessus Bulletin, p. 154 le texte de l'allocution de M. Milhe-Pou- tingon.) Lecture est donnée de la correspondance; elle comprend entre autres documents : Une lettre de M. le professeur Heckel, directeur de l’Institut colo- nial de Marseille, promettant son concours actif à la Section et signa- lant diverses questions à mettre à l'étude. (Voir Bulletin, ci-dessus p. 201.) M. Charles Naudin, de l’Institut, Membre honoraire de la Société, remercie des marques de sympathies qu'il a recues de ses collègues et promet de continuer sa collaboration et ses envois de graines, spé- cialement en vue d'introduire des plantes utiles dans les colonies françaises. Lettre de M. Noirot, adminislrateur colonial à Timbo (Foutah- Djallon), sur une expérience faite par lui de l’emploi des Bœufs d’atte- lage au Soudan français (voyage de Konakry à Timbo). M. Bretonnet, administrateur colonial au Haut-Dahomey (Moyen- Niger), donne des renseignements sur les Eléphants dans cette région, sur la capture d'une Autruche âgée de dix-huit mois environ, sur l’In- digo et le Coton indigène. M. Robin, pharmacien à Tamatave, demande des graines de végé- taux utiles pouvant être acclimatés à Madagascar. M. P. Chappellier se félicite de la création de la Section coloniale et promet son concours le plus dévoué à ses travaux. M" Escande demande des graines pour les envoyer à son mari, missionnaire à Madagascar. Lettre de M. Jolis (Guatemala), demandant des graines de plantes fourragères des colonies françaises, et promettant des envois en échange. M. Haffaer, directeur du Jardin botanique de Saïgon, envoie le catalogue des plantes qu'il offre en échange à ses correspondants. M. Chalot, directeur du Jardin d'essai de Libreville, envoie une note sur la culture du Caoutchoutier de Ceara (Manïhot Glaziowii) au Congo français. M. le Président soumet ensuite aux Membres de la Section une série d'échantillons provenant des colonies : 1° Coton indigène du Soudan ; 2° Ouale provenant de ce coton; PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 261 3° Coton de Géorgie récolté au Soudan ; 4° Ouate provenant de ce coton; 9° Graines de Cotonnier du Soudan ; 6° Épis de Blé récoltés au Soudan (Tombouctou) ; 7° Pain fabriqué avec de la farine reçue de Tombouctou. (La récolte a été de 70 tonnes de farine, qui viennent en déduclion des frais de ravitaillement) ; 8° Arachides du Sénégal ; 9° Maïs dit « préhistorique » provenant de graines envoyées au Congo par la Societé d'Acclimatation. Ce Maïs a réussi au Jardin d’Es- sai de Libreville bien qu'il y ait atleint une taille moins élevée qu’en France. 10° Tabac du Congo français (rivière Soemé), semé et récolté en France ; 11° Collection des Caoutchoucs du Congo belge; 12° Graines de Cotonnier de Piura (Pérou); 13° Coton du Piura; 14° Cocons de Vers à Soie de la Nouvelle-Calédonie. M. le D' Maclaud, médecin du Gouvernement à Konakry (Guinée française), fait une communication sur les essais tentés par lui dans la colonie, et dont quelques uns ont donné des résultats très encoura- geants : essais très nombreux de cultures de plantes potagères reçues de France, création du Jardin d'Essai de Konakry; plantation de Manguiers, multiplication de fruits indigènes; culture de plantes en- voyees de Libreville et de France, etc. Le Jardin d’Essai, en plein pro- grès, est aujourd'hui pourvu d’un Direcleur. L D'après le D' Maclaud, les travailleurs indigènes pouvant être em- ployés dans les exploitations agricoles doivent être choisis de pré- férence parmi les Bagas de la côte. Dans leurs villages et dans leurs plantations, ils font preuve de véritables aptitudes au travail agricole. M. le D' Maclaud, critique vivement les procédés employés dans la Guinée française pour la création des plantations, procédés qui ont amené bien des mécomptes. Il donne des renseignements sur les plan= tations de M. Colin, de Hambourg (Caféiers), de M. Bouery (Caféiers et Cacaoyers) et sur diverses plantalions de Bananiers. Il termine en solli- citant les libéralités de la Section pour le Jardin d'Essai de Konakry. M. le President adresse à M. le D' Maclaud les remerciements de l'Assemblée. Il rappelle les travaux antérieurs de M. Maclaud, dont le Muséum a recu à maintes reprises de précieux envois et annonce son prochain départ pour une mission dans le Fouta-Ljallon. M. V. Perret, Vice-Président de la Chambre d'Agriculture, de Nou- mea, fait une communication sur les essais de culture en Nouvelle- Calédonie. M. Perret étudie rapidement l'histoire de la colonisation 262 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. dans ce pays où sur 1,800,000 heclares, 600,000 seulement sont couverts de végétalion herbacée et forment le périmètre exploitable pour l’agriculture et l'élevage. Les terrains situés en plaines, alluvions de haute fertilité, comportent environ 60,000 hectares. On peut d'ores et déjà, estimer à 25,000 hectares les terres qui se- ront propres aux cultures, mais elles se trouvent disséminées sur toute l'étendue de l'ile. M. Perret, expose les résultats obtenus ou cherchés au moyen des divers systèmes expérimentés tour à tour; exploitation du Santal jusqu’à destruction, culture de la Canne à sucre, colonisation pénale. Toujours, on a trop négligé les cultures indispensables à l'existence même de l’homme : Maïs, Haricots, etc. On fit ensuite des essais de culture de plantes industrielles, Niaoulé, épices, Géraniums. Le Cotonnier, cultivé jadis, ne paie plus aujour- d’hui les frais de récolte et de transport de ses produits. Après avoir passé en revue toutes les autres plantes sur lesquelles on à Cru pouvoir asseoir la colonisation agricole, plantes à fécule, Ana- nas, Tamarinier, plantes à huile, Tabac, etc., etc., M. Perret examine les résultats obtenus par l'Administration pénilentiaire. Elle suivit d’abord les premiers errements; plus tard on fit des essais de Céréales; la pre- mière tentaiive de culture du Blé parut concluante. Depuis, et malgré la création d'une minoterie, on semble se débattre dans les hésilalions et l'incertitude. La Vigne na laissé comme souvenir qu'un plant fort robuste; viennent enfin les cultures actuelles de Café et de Cacao. M. Perret pose les règles qui devront présider aux exploitalions agricoles en Nouvelle-Calédonie. Ii propose d'associer le Mürier pour l’élevage des Vers à Soie, à la Vanille et la Vigne au Caféier. (Voir Bulletin, ci-dessus p. 180.) Il conclut en exprimant le vœu que la Nouvelle-Calédonie sorte bientôt de la période des essais pour entrer dans la voie féconde du progrès agricole. M. le Président remercie M. Perret de sa très intéressante et très instructive communication et ne doute pas que l’œuvre entreprise par M. Feillet, Gouverneur de la Colonie et par de courageux Français, ne soit un jour couronnée de succès. M. le Président donne ensuite lecture du vœu concernant la protec- tion de l'Éléphant d'Afrique qui lui est transmis par la l'® Section (Mammifères) et propose son adoption à l’Assemblée. Le vœu est adopté à l'unanimité. (Voir le texte ci-dessus, p. 128.) Le Secrétaire, P. BOURDARIE. Re * EXTRAITS ET ANALYSES. LA MÉNAGERIE DES REPTILES AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS. Malgré le peu de sympathie et même le sentiment de répulsion que les Reptiles éveillent en général, l'intérêt qu'offre l'étude de ces êtres les a fait de tout temps accueillir dans les Ménageries. Sans parler de ceux observés à Versailles par Perrault, qui nous y indique l’existence du Crocodile, de la Grande Tortue des Indes, du Gecko, du Camé- léon, etc., Deleuze, dans un ouvrage bien connu {1), énumère vingt- trois espèces ayant vécu au Muséum depuis sa fondation en 1:93; cinq existaient au moment de cette publication (1823). Toutefois, c’est quinze ans plus tard que fut aménagé un local spécialement destiné à recevoir ces animaux. On connaît l’histoire de cette création, due à l'initiative de Constant Duméril. A la foire des Loges, frappé de la bonne tenue d’une Ména- gerie ambulante appartenant au sieur Honoré Vallée, il en proposa l'acquisition à l’Assemblée des Professeurs le 9 octobre 1838, avec la clause que ledit Vallée, dont il avait pu apprécier l'intelligence spe- ciale, serait pris comme gardien des Repliles. C'était un fonds peu considérable, car, mettant à part neuf animaux d’autres groupes, Singes, Ichneumon, Kinkajou, Perroquets, les hôtes cédés pour la nouvelle annexe ne comprenaient que deux Pythons et trois Caïmans, dont deux ont plus de quatre pieds de longueur, nous apprend le procès-verbal de ia séance. Le tout était acquis moyennant la somme de mille francs, plus cinq cents francs pour différents ustensiles, caisses, bouillottes, couvertures, etc., destinés à compléter l’installa- tion. Vallée touchait un traitement annuel de huit cents francs, lequel prenait fin, 2pso facto, si les Reptiles venaient à mourir sans être rem- places. Cette condition restrictive ne devait pas avoir d'effet, l’exten- sion du service fut rapide, et, dans le courant de l’année 1839, le nombre des entrées s'élevait à quatre-vingts. Ce n’était là qu’un début; les animaux affluèrent, grâce aux sollici- tations pressantes de C. Duméril qui stimulait de toutes facons le zèle des voyageurs et des correspondants du Muséum; une instruction, encore aujourd'hui en usage, fut imprimée, leur indiquant d’une ma- nière précise et pratique les précautions à prendre pour ces envois. (1) Histoire et description du Muséum royal d'Histoire naturelle, tome Il, p. 692, Paris, 1823. 264 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Le nombre des Reptiles qu'on a pu ainsi observer s’est accru, par suite, dans des proporticns inespérées; et, pour les recherches d’ana- tomie et de physiologie, pour l'étude zoologique, pour la connaissance des mœurs de ces êtres et même au point de vue artistique, cette Ménagerie a rendu et rend tous les jours d'incontestables services. Auguste Duméril, successeur de son père comme Professeur d'Herpé- tologie, a publié, dans les Archives dx Muséum d'Histoire Naturelle, quatre nolices d'un haut intérêt sur les accroissements successifs de cette colicction et -sur les importants travaux dont elle a fourni le sujet; j aurai l’occasion d'y revenir dans les pages qui vont suivre. L'installation première fut des plus modestes. On avait utilisé une pièce formant le rez-de-chaussée d'une pelite maison, maintenant détruite, siluée sur l'emplacement des parcs et bassins où, pendant la belle saison, les Crocodiles et les Toriues sont aujourd'hui mis en plein air. La singerie l’occupait à ce moment; mais le Palais, suivant le terme consacré, où les Quadrumanes se trouvent actuellement, venait d’être cons:iruit et livré à l'Administration, le local était donc dispo- nible. Perpendiculaire à la rue Cuvier, orientée ouest, car le mur opposé n'’offrait pas d'ouve rture de quelque importance, la pièce ne recevait la lumière et le soleil que d’une manière imparfaite, l’espace, au bout de peu de temps, était, de plus, devenu d'une insuffisance notoire; aussi, dans les dernières années, élablit-on, longeant le mur sur la rue, une sorie de couloir, greffé en T sur la salle primilive et lui donnant un peu plus d’étendue, il était, en partie, éclairé par un vitrage supérieur. Mais tout cela manquait évidemment d'élégance, était fort mal disposé et mal commode, bien que des observations tres intéressantes, celles de Valenciennes sur l'élévation de température chez certains gros Serpents, pendant l’incubalion, celles d'A. Duméril sur la ponte et les transformations des Axololis, sur l'enkystement estival du Protopière, et nombre d'autres, y aient été faites au grand bénéfice des sciences naturelles. Tout le monde réclamait un local plus digne de semblables richesses ; aussi, dans ces derniers lemps, un bâtiment nouveau a élé édifié d'apres les plans de J. André, membre de l’Institut, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts, en utilisant et augmentant d'anciennes cons- tructions, où se trouvaient les ateliers de menuiserie, de serrurerie et autres, destinés à l'entretien du Muséum. L'inauguration en fut offi- ciellemeut faite, le 4 octobre 1874, par M. le Professeur Emile Blan- chard, membre de l'Institut, qui, chargé du service par intérim, avait réglé les dispositions du nouveau local. EXTRAITS ET ANALYSES. 265 En entrant dans celte Ménagerie (Voir le plan ci-dessous), et se dirigeant vers la droite, on quilite une premiére pièce pour pénétrer dans la grande salle principale, située en façade ; à l'extrémité de ET SALLE DES VENIMEUX NX CONFÉRENCES $ A )} j s . nt = a , En L# Ê | ES : id f = S Ë 1 Fe Ê Lu ! x u ‘ A EE | SE , a (il e: 1 De) | | = ee J d :| É- Ÿ Œ ë VS il a = à < | Œ > ; ci E | EU : L à a < = s = =) Ê ANNE 3 = 1] ‘H © 4 Li 8 ITR | = = | = © || | E LE : L E * an pl : Ca es A | > (fl : 5 k La ui 1 Ë = /]| e FONARRRE 4 | | d. : E = {|| | À Mn ÉRSRNES | LI = NÉE | a Elf = < 4 S à LD) 2 à < celle-ci, une autre salle renferme les Serpents venimeux; elle com- munique avec la salle des aquariums, laquelle, adossée parallèlement à la seconde, ramène dans la pièce d'entrée. 266 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. La grande salle dite des Crocodiles, mais qui renferme, avec ces animaux, beaucoup d'autres espèces, et, d’une manière générale, tous les Reptiles d'une certaine taille, ne mesure pas moins de vingt-deux mètres de long sur dix de large ; elle recoit le jour à la fois par un vitrage supérieur et par la facade, qui regarde le Sud-Est. Bien éclai- rée, munie d'appareils de chauffage puissants, c’est, sans contredit, la pièce qui présente les meilleures conditions pour conserver les ani- maux. Au fond, le long du mur, se voit un vaste bassin, étendu d’un bout à l’autre de ja salle; une plage dallée donne aux Reptiles la faci- lité de s’y mettre à sec; des cloisons mobiles permettent de diviser l’espace en un cerlain nombre de compartiments secondaires. En regard, du côté de la facade, s’aligneut de grandes cages vitrées, d'un élégant modèle, dans lesquelles les animaux sont visibles aussi bien de l'extérieur que de l'intérieur du bâtiment. Ces cages, comme aussi la plage, sont chauffées par un système de tuyaux à circulation d’eau chaude, qui passent au-dessous, et la température des bassins peut être élevée, en y amenant le contenu de chaudières disposées à cet effet dans leur voisinage. Sur la plage se trouve la série des Crocoûiles et des Tortues, une des plus riches que l’on ait jusqu'ici rassemblée. Les cages vitrées ren- ferment les Serpents non venimeux, en particulier les grosses espèces : Boas, Prthons, etc., avec un certain nombre de Lézards, plusieurs de grande taille : Varans, Sauvegardes, Iguanes. Quelques cages volantes, placées contre les parties libres des murailles, donnent la facilité, si les circonstances le réclament, de mettre sous les xeux dn public de petits Reptiles, appartenant à ces deux derniers groupes, surtout celui des Serpents. Dans la salle des Venimeux existe une suite de cages destinées à recevoir ces dangereux Ophidiens. Elles sont moins spacieuses que celles de la grande salle, ces Reptiles étant d'ordinaire de taille moyenne cu petite: une circulation d’eau chaude, indépendante du service général, permet de les mairtenir à une lempérature convenable. Des grillages métalliques doublent les glaces, pour prévenir tout accident, et des cloisons mobiles permettent aux gardiens d'isoler les animaux dans une partie de la cage, perdant que l’on arrange et nettoie l’autre partie. Devant l’une des fenêtres est disposé un meuble bas, à dessus vitré, divisé en compartiments, il contient différents petits Batraciens : Crapauds, Salamandres. Un bassin adossé à la muraille en face des cages recoit des Tortues aquatiques des pays tempérés- Les aquariums, au nombre de treize, placés dans la salle en retour, sont suceptibles d’être divisés pour multiplier l’espace, car il est indis- pensable, dans la plupart des cas, de séparer soigneusement par espèces ces animaux aquatiques, excessivement voraces et qui s’entre-dévorent les uns les autres ;: souvent même, de crainte d’acci- dents, les différents individus d'une espèce, si elle est rare et pré- EXTRAITS ET ANALYSES. 267 cieuse, doivent êlre isolés chacun dans un compartiment spécial, tels sont les grandes Salamandres du Japon, les Protoplères, Ces aqua- riums, très vastes et abondamment fournis d’eau, ont été surtout construits en vue de la conservation des Batraciens : Grenouilles, Salamandres, etc.. qui trouvent là des conditions si favorables que bon nombre d’entre eux s'y reproduisent habituellement. Quelques-uns contiennent des représentants de la classe des Poissons, mais en petit nombre, l'installation n'étant pas, à beaucoup près, assez étendue pour permettre encore de développer cette partie du service. On a, depuis quelques années, mis dans un des aquariums un système de chauffage au gaz placé dans l'eau même, les résultats en sont assez satisfaisants. Des étagères supportent de pelits aquariums, où se voient des Salamandres terrestres et aquatiques, celles particulièrement des environs de Paris pour mettre sous les yeux du public chaque différente espèce isolée. Enfin deux grandes vasques, le long du mur en face, logent aussi quelques Poissons, déposés souvent là, en réserve, pour servir de pâture à d’autres animaux de la Ménagerie, dans l’une cependant ont été longtemps installés deux Silures du Danube. La salle d'entrée, dans laquelle nous nous trouvons ramenés, de même dimension que celle des Venimeux, présente du côté des fenêtres une série de petites cages sur deux rangs superposés, dans lesquelles prennent place de petites espèces appartenant aussi bien aux Tortues qu'aux Lézards, aux Serpents et même aux Batraciens. Une grande cage centrale, qui, par suite de sa situation, se trouve dans l'ombre, contient d'ordinaire des Crapauds communs, que l’on cherche toujours à rassembler en nombre, beaucoup de Reptiles affec- tionnant ce genre de nourriture. Ces cages sont convenables pour recevoir parliculièrement les animaux de nos climats ou des espèces semi-aquatiques, qui ne réclament pas une trop haute température, il est vrai qu’orientées au Sud-Ouest, elles recoivent le soleil pendant une grande partie de la journée et se trouvent, sous ce rapport, dars ure excellente situation; on y a, de plus, récemment installé un système de tuyaux à eau bouillante, qui chauffe directement les cages intérieures. Su) %X Bien que la Ménagerie des Reptiles soit relativement vaste et, sans contredit, l’une des mieux comprises en ce genre, réalisée jusqu’à ce jour, elle est loin d'être suffisante au point de vue surtout de l’espace, trop restreint eu égard au nombre de sujets qu'elle renferme. Souvent on est obligé de réunir différentes sortes d'animaux dans une même cage, ce qui n’est pas sans inconvénients graves. Tout d'abord, et bien qu'on s’efforce de combiner les choses au mieux, les accidents ne 268 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. sont malheureusement pas rares et les diverses espèces se blessent ou s'entre-dévorent encore trop fréquemment. En second lieu, cette col- lection, destinée avant tout à l'instruction du publie, ne remplit ainsi qu'imparfailement son but, les étiquettes multiples, placées sur une même cage, laissant dans le doute, quant aux individus auxquels chacune d'elles doit être rapportée. Le présent livre pourrait, dans une certaine mesure, lever cette dernière difficulté, s'il permet aux personnes étrangères à celle parlie des Sciences naturelles de s'initier aux études herpétologiques en consultant les descriplions sommaires données des espèces les plus intéressantes et que la Ménagerie renferme le plus habituellement ; il ne serait pas possible, en effet, sans sortir des limiles d’un ouvrage tel] que celui-ci, de faire connaître toutes celles qui y ont été vues. On trouvera d’ailleurs plus loin la liste générale des Reptiles ef Batraciens observés jusqu’à ce jour à la Ménagerie; elle permettra de juger quelle importance ecientifique présente cette partie des services du Muséum d'Histoire naturelle. Les animaux, dont il doit être ici question, appartiennent à ces deux classes de Vertébrés à sang froid. Dans la première, celle des Reptiles, la peau est écailleuse, elle est nue chez les Batraciens. Ceux-là com- prennent à leur tour quatre groupes : Crocodiles, Tortues, Lézards et Serpents. La seconde en comprend trois : Péroméles, Anoures ou Gre- nouilles, Urodèles ou Salamandres. Cette division naturelle est celle que nous suivrons, il eût peut-être été préférable d'adopter un ordre, si l'on peut dire lopographique, en parlant de chaque animal d’après sa place dans chacune des cages en en suivant la série, mais la chose est impraticable ; le renouvellement continu des sujets par les décés et les entrées journalières, rend par force tout arrangement provisoire et le nouvel arrivant déplace un hôte plus ancien, si les circoustances l’exigent. Les étiquettes placées sur les cages concordant avec la nomenclature ici adoptée, permettront. j espère, au lecteur de trouver sans trop de peine, les renseignements qui peuvent l'intéresser. En terminant, je ferai observer que les noms scientifiques latins sont ceux avxquels il faut de préférence s'attacher dans les recherches, les noms vulgaires, qui, pour obéir à l'usage et donner aussi certaines facilités, les accompagnent, sont moins précis, variant avec les pays, avec les auteurs. On a adopté pour ces noms vulgaires, chaque fois que la chose a été possible, ceux donnés par les anciens naturalistes, lesquels noms, dans bien des cas, sont encore usités dans le langage courant ; souvent j'ai pris les dénominations françaises de l’Erpéto- logie générale, ce qui présente l'avantage de conserver trace de la nomenclature de Duméril et Bibron, suivant laquelle est encore classée notre collection publique et qu'il est utile, pour cette rai- son, de respecler dans une certaine limite au Muséum : il a fallu EXTRAITS ET ANALYSES. 269 enfin se contenter parfois de traduire simplement en francais le nom latin (1). Au Muséum, juillet 1897. LÉON VAILLANT. EXPÉRIENCES D’ACCLIMATATION VÉGÉTALE FAITES AU JARDIN BOTANIQUE DE TOULOUSE (2) par le Dr D. CLos, Correspondant de l’Institut. Les écoles de botanique, champs d'essais de naturalisations. L'introduction en Europe des végétaux des autres régions du globe el surtout des régions chaudes acquiert chaque année de plus fortes proportions. Nos jardins et nos parcs, en présence de ces incessantes nouveautés n’ont plus que l’embarras du choix et s’enrichissent à l'envi, au grand profit de la diversité du paysage et du développement du sens esthétique. Dans ce mouvement la plante herbaceée domine (3), mais l'arbuste et l’arbre ont à ce point de vue une toute autre impor- tance. Il convient donc de viser sans relâche à augmenter dans la mesure du possible le bilan des espèces ligneuses. Les Jardins botaniques sont naturellement désignés pour accueillir ces nouveautés et les soumettre à l'épreuve. Aussi est-ce une de nos constantes préoccupations à l'établissement toulousain. Toutefois, selon l’ob- servation de M. le professeur Emery, il ne faut pas espérer voir (1) Préface du Guide à la Ménagerie des Reptiles, récemment publié par les soins de M. le professeur Léon Vaillant. (2) Extrait d'une notice intitulée : L'École botanique du Jurdin des Plantes de Toulouse et publiée par le Dr D. Clos dans les Mémoires de l’Académie des : sciences, inscriptions et belles lettres de Toulouse, 9e série, tome IX, 1897. (3) L'agriculture peut espérer trouver parfois des ressources nouvelles en certaines d’entre elles. C’est ainsi que parmi les dix-sept espèces d’Astragales cultivées à l'Ecole, l’une d’elles, l'Astragale en faux (Astragalus falcatus de Lamarck), vivace, originaire de Russie, et sur laquelle on avait attiré mon attention, m’a paru offrir la plupart des conditions réclamées pour la production d’un bon fourrage (là où la Grande luzerne ne réussit pas), et qu’à mon insti- gation elle est en ce moment l'objet de quelques essais dont il faut attendre les résultats pour asseoir un jugement définitif. Mais il n’est pas hors de propos de rappeler que déjà dès 1802, de Candolle, dans son Astragalogia, constatait la tendance à la naturalisation de cette espèce d’Astragalus en ces termes : « Re- pertus circa Parisiis, ubi probabiliter ex Horto plantarum elapsus, p. 142. » (Voir à ce sujet une note insérée au ne d'août 1895 de la Aevue des Sciences na- turelles appliquées, Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation.) SALON AS VW Eh 270 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. l'arbre des contrées cquatoriales, qui consent à vivre dans quelques parties de l’Europe, y prendre la taille du pays natal; il restera à l’état d’arbuste, car ce n’est qu'à quelques mélres au-dessus du sol qu'il rencontrera le climat analogue à celui qui règne à 20 ou 30 mètres de hauteur dans la région d’où vient l'espèce (1). A.— Naturalisation d'espèces ligneuses. L'Amérique du Nord, surtout par les Etats-Unis, la Chine et le Japon, ont déjà doté nos jardins d'Europe tempérée d’un assez grand nombre d'arbres et d’arbustes résistants, soit très décoratifs, soit aux fruits alimentaires. On en doit aussi quelques-uns au Chili et au Pérou. Mais il est une grande centrée, l'Australie avee la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande, dont la végétalion ligneuse, d’un caractère tout spécial, frappait d'étonnement les premiers voyageurs qui les ont par- courues. Or, le climat de ces régions, abstraction faite de l’inverse des saisons, n’est pas sans rapport avec celui de la France, y permettant à l’agriculture une large extension, notamment pour la production soit du Blé, laquelle s’y élève aujourd'hui à plusieurs millions d’hectolitres, soit de la Vigne, soit des pâturages ; nos arbres fruitiers, nos légumes réussissent à merveille autour de Sidney et de Melbourne(2). Pourquoi, si l'Australie est naturellement deénudée de tout produit alimentaire de quelque valeur, ne pourrions-nous pas au moins enrichir nos cultures de ces formes étranges, Acacias vrais à phyllodes, Eucalyptus, et de tant d’autres élégantes Myrtacées, ainsi que de Protéacees, Epacridées, Diosmées, Casuarinées, elc., dont le mélange avec notre flore arborescente et arbustive européenne produirait de si heureux effets de contraste? L'Algérie, l'Espagne et l'Italie se sont montrées pour elles des terres hospitalières ; mais la France a été moins privi- légiée, et ce n’est guère que sur le littoral de la Provence, de Toulon à Vintimille, que les plantes de l'Australie méridionale, de la Tasmanie, de la Nouvelle-Zélande trouvent les conditions requises pour leur développement, favorables surtout entre Fréjus et Antibes. C'est aux portes de cette dernière que prit naissance, en 1856, la Villa Thuret, destinée par son propriétaire, Gustave Thuret, à devenir, suivant l'expression de M. Henry de Vilmorin, une sorte de Musée végétal. Léguée en 1877 par M° Henry Thuret à l'Etat, elle a acquis une importance considérable, au double point de vue de la naturalisation et de travaux divers, sous le titre de Laboratoire d'Enseignement supérieur, et grâce à la savante et féconde direction du botaniste éminent Charles Naudin, membre de l’Institut. Cette impulsion s’est rapidement répandue, transformant en maintes localités l’aspect de (1) La vie végétale, p. 451. (2) Voir L'Horticulture dans la Nouvelle-Galles du Sud, par MM. Bois et Gibault, Journ. Soc. nat. d'Horticulture de France, 1897, p. 58 et suiv. EXTRAITS ET ANALYSES. 271 nos côtes méditerranéennes. Faut-il donc renoncer à tout espoir de voir notre Sud-Ouest à jamais fermé à une partie de ces formes nouvelles si propres à régénérer nos jardins paysagers ? Ce n'est pas qu’on n'ait cherché de bonne heure les moyens de vaincre, si possible, cette résistance des planies exotiques plus ou moins frileuses et de les forcer à s'adapter à des con- ditions climatériques un peu différentes de celles du pays natal. Deux opinions à cet égard ont eu cours dans les premières années de ce siècle. Pour les uns, il fallait éloigner ces plantes peu à peu de leur patrie avec stations plus ou moins prolongées dans des régions se rapprochant par degrés successifs du climat qui leur est destiné; pour les autres, certains végétaux introduits et cultivés dans un pays s'y adapteraient mieux d'année en année par une modifica- tion lente de leur organisation, qualifiée d’acclimatement. Encore, en 1859, un botaniste éminent, le professeur Edouard Morren, ae Liège, conseillait d'appliquer ce procédé à un très joli arbuste du Chili aux fruits excellents, Euxgenia Ugni Hook. (Belgique horticole de l'année 1897, p. 95 et 96.) Or, ni l’une ni l’autre de ces prévisions ne s'est irouvée réalisée par la pratique. Les exemples abondent comme preuves de l'impossibilité d’une telle acclimatation pour les plantes ligneuses. Les limites de l'Olivier en France n’ont pas varié. Tout le monde sait qu'aujourd'hui, comme à l'époque de son introduction, l'Oranger ne supporle guère des froids au-dessous de 5°; que le Ricin ou Palmna- Christi, arborescent en Algérie, est d'une végétation dans nos pares si vigoureuse qu'il figure un arbre à la fin de l'été, y meurt dés les premières gelées, mais en laissant tomber des graines qui germent sur place ; que même tel arbuste, le Garou (Daphne Gnidium L.), spontané et abondant au nord du département de l’Aude, sur le versant sud de la Montagne noire, ne franchit pas la crête peu étendue de celle-ci qui la sépare de son versant nord du département du Tarn, où cette jolie Thymélée n’a jamais montré un seul de ses représentants à l'état spontané ; et ces sortes d'exemples pourraient se multiplier à plaisir. Les tentatives faites à Toulouse, en 1808, en vue d’accli- mater le Cotonnier herbacé devaient échouer, car la plante y fleurit tard, et, contrariée dans sa végétation par les pluies d'automne, n’y trouve pas la chaleur suffisante au développement des fruits et à la maturation des graines. Mais si, en thèse générale, la théorie de l’acclimatation des essences ligneuses doit rentrer dans les utopies, l’horticulture a conquis de nos jours tant et de si ingénieux moyens d'action sur les plantes, qu'elle parvient parfois à en modifier, dans une certaine limite, la manière de vivre, ici fortifiant ou affaiblissant l'organisme, là retardant ou accé- lérant les périodes soit de la végétation, soit et surtout de la floraison et de la fructification. L'expérience a de plus démontré qu'il n’est pas rare, parmi les RE” 272 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. nombreux individus d’une espèce, d'en voir de moins accessibles que la majorité à l’action des basses températures, d'où l'on peut conjecturer qu'une judicieuse sélection, poursuivie durant une série de générations, amènerait saus doute l'obtention de races un peu moïns frileuses que le type. Malheureusement, rien dans l’organisation ne peut en général faire prévoir ni expliquer cette résistance au froid, propriété indivi- duelle de la vie résidant sans doute dans le protoplasma. Il ne saurait être ici question de l'hybridation, source à notre époque de tant d'importants résultats, notamment pour la viticulture française, donuant généralement des produits plus rustiques et d’une plus faible adaptation à tel ou tel sol, mais en général aussi trop peu stables et tendant par fécondation à faire retour au type des ascendants. Dès lors, à part quelques rares exceptions, tout se réduit à supputer, d’après les effets produits par les hivers d’une plus ou moins longue série d'années, les chances de vie ou de mort d'un certain nombre d'espèces exotiques qu'il y aurait intérêt à conserver dans la région du Sud-Ouest, dont Toulouse est le centre (1). 11 ne faut pas faire grand fonds sur les représentants des contrées tropicales ; mais il est acquis que ceux de la Chine et du Japon ne peuvent être jugés à cet égard qu'après essais. Ne sait-on pas que l'Aucuba et le Paulorwnia du Japon, d’abord condamnés à vivre en serre, y dépérissaient, ne récupérant qu'à l'air libre leur vigueur naturelle et la plénitude du développement? De deux arbres fruitiers de même origine, l’un, le Bibacier, ou Néflier du Japon, de floraison hivernale, voit ses organes floraux trop fréquemment détruits par nos gelées et ne donne à Toulouse qu'exceptionnellement des fruits ; l’autre, le Diospyros Si Tche, Kaki ou Plaqueminier, avec ses variétés (Costata, Mazeli, etc.), sy comporte bien et est fructifere. A son tour, le Juju- bier d'Afrique consent à vivre et à fleurir, sans l'intervention d'abris, sous notre climat, mais il n’y mûrit ses fruits que dans les étés ex- ceptionnellement chauds. L'Olivier y végète, mais n'y fructifie jamais, faute de la forte somme de degrés de chaleur que sa fructification réclame. J'ai donc pu croire qu'il y aurait un double intérêt, à la fois scien- tifique et pratique, à soumettre à l'épreuve de la résistance aux froids de notre climat, un choix d'espèces étrangères ligneuses. A cet effet, depuis plusieurs années, on multiplie au Jardin botanique un cer- tain nombre d’arbres ou arbustes exotiques méritants, dont on met en pleine terre et sans abris des représentants sacrifiés d'avance. {1} Cette région, que M. Félix Sabut a qualifiée de toulousaine, comprend les pays situés au nord de la région pyrénéenne et à l’est de la région littorale, et s'éteud sur une partie des départements des Hautes-Pyrénées et de l’Ariège, sur la plus grande partie de la Haute-Garonne, de la Dordogne et du Lot, et sur la totahié des départements du Gers, du Lot-et-Garonne, du Taru et du Tarn-et-Garonne. À À k à EXTRAITS ET ANALYSES. 273 En 1891, je signalais dans la Revue des Sciences naturelles appliquées (Bulletin de la Société d'Acclimatation), pages 681-691, les effets du rude hiver 1890-1891 sur les plantes de l'Ecole de botanique de Toulouse. Il est probable que de longtemps on ne reverra d'hiver aussi clément pour les plantes exotiques frileuses que celui de 1896-1897. Mais il n’a pu être supporté, en fait de plantes grasses, par les Euphorbes charnues, les Joubarbes frutescences, telles les Sempervivum arboreum, glutinosum, toréuosum ; ni dans d’autres groupes, par les Myrtacées australiennes ci-après : Aakea pectinala, Grevillea Thelemannii, Mela- leuca leucadendron, Metrosideros tomentosa, Eucalyptus macrorhkyncha, Metrosideros tomentosa, Callistemon pinifolium, Cytharezylon cyanocar— pum, Streptosolen Jamesoni, pas plus que par Tecoma capensis, Rumex lunaria, y compris les Monocotylées suivantes : Dracæna reflera, Agave vivipara (Mexique), Furcræa gigantea (Amérique méridionale). Ont résisté, indépendamment des Lauriers roses : ; De la Nouvelle-Hollande : Fabricia levigata, Melalenca hypericifolia, Kunzea cerifera, les Æucalyptus Gunnii, alpina, urnigera; les Callistemon acerosuin, lanceolaluim, sanguineum, rugulosum; les Acacia dealbata, relinoides, heterophylla, cultrata, ixiophylla, Hakea saligna, Myoporum punctatum, Capraria salicifolia, Correa viridiflora, Westringia rosmarini- formis, Pistacia palestina. De la Nouvelle-Zélande : Griselinia litloralis, les Veronica salicifolia, lindleyana et speciosa, Edwarsia microphylla, Coprosma lucida. Des Canaries : Webbia plalysepala, Lavandula abrotanoides, Cedronella triphylla, Phyllis nobla, Siderilis canariensis. De Madère : Globularia salicina, Ilex Perado, I. æstivalis. Du Cap : Leucadendron tortum, Celastrus mulliflorus. Malva capensis, Leonitis leonurus, Phygelius capensis, Agathæu amelloides, Garuleum pinnatifidum, C'hrysocoma coma-aurea, les Mesambrianthemum violaceum, barbatum, intonsum, uncinatum . De l'Amérique méridionale : Solanum jasiminoides, Abutilon vexillarium, Habrothamnus fascicularis, Yochroma tubulosum, Psidium catlleyanum, MNacotiana glauca, Eryngium Lasseauvii, Cassia corymbosa, Poincinia Gilliesit, et du Bresil en particulier : Eryngium pandanifolium, Abutilon sériatum . Du Chili : les Eugenia Ugni et apiculata, Azara dentata, Nierenbergia frutescens ; les Escalionia rubra et macrantha, les Berberis empetrifolia et Darswini, Cestrum Parqui; les Colletia. Du Mexique: Fadyenia macrophylla, Sedum dendroideum, Ceanothus axureus, Cassia floribunda. Et parmi les Monocotylées, trois espèces de Palmiers, les Dattiers commun et des Canaries, le Sabal d’Adanson; et du genre Aloës, les A. distique et des Barbades; le Priécairuia ringens, Bromeliacée. Il faut joindre à cette liste les Millepertuis d'Egypte et des Baléares, Buil. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 19. 274 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. le Poivrier d Amérique (Schinus molle) qui, d'après M. F. Sahut, ne supporte guère une température inférieure à deux degrés, le Ceanothe d'Afrique. A la suite des hivers ordinaires, il n'est pas rare de voir dans les Jardins botaniques où ont lieu les essais de naturalisation, quelques arbres ou arbustes des contrées chaudes, laissés en pleine terre, sans abri, atteints par les gelées dans toutes leurs parties aériennes, repousser du pied à l’élé, remplaçant ainsi par une cepée plus ou moins nombreuse la tige première. Naturellement, les exemples de ce genre se sont montrés cette année dans notre Ecole, plus nombreux que de coutume. Je citerai les Suivants : Verberina crocata, Mikania cordifolia (Amérique méridionale}, Bruns- felsia latifolia (Brésil), Libonia floribunda (Brésil), Barleria cristata (Inde), les Cestrum Parqui (Chili), C. roseum (Mexique), C. aurantiacum (Guatemala), Tecoma australis, Melianthus minor (Cap), Abutilon veæil- larium (Amérique méridionale), les Fuchsia globosa, coccinea, gracilis, Sparrmannia palmata, Erythrina crista-galli (Brésil). Eugenia australis, les Eucalyptus goniocalyx, citriodora, rostrata, resinifera, Bechea virgata, Curculigo sumatrana, Phyllanthus mucronatus; les Rhus tomentosa et cuneifolia du Cap. De deux pieds de PBuddleia brasiliensis et de Cordyline reflexza, de Sparrmannia africana, de Pelargonium capilatum, l'un est mort, l’autre repart du pied. Jamais jusqu ici les nombreuses espèces de Pelargoniwm livrées sans défense à l'action de l'hiver, n'avaient résisté; ont été épargnés exceptionnellement cette année, les P. radula, quercifolium, adoratis- simum, malvefolium, scabrum, gibbosum : ont succombé les 2. zonuale, inquinans, incisum, papilionaceum, vitifolium, grandiflorum, acetosum, peltatum, hederefolium, monstruosum. Le Rhapis flabelliformis, cru mort, commence à montrer les feuilles vertes d’un bourgeon terminal. Cette sorte de transformation de l'arbre et de l'arbuste en plante vivace sera puissamment facilitée si on prend le soin d'en buter le tronc vers la fin de l’automne. Il est très probable aussi que plusieurs essences d’arbres supporte- raient le climat de notre Sud-Ouest et pourraient même y prendre un grand développement, si, comme on le fait pour le Séerculia à feuilles de Platane de la Chine, on avait soin de les protéger à l’état jeune, ne les livrant à la pleine terre que lorsque leur bois a pris une suffisante consistance. Il en sera peut-être ainsi de quelques-unes de ces cent trente espèces d'Eucalyptus que voit naître l'Australie, On a déjà reconnu comme doués de plus de rusticité que l'E. globulus, les £. polyanthema, Gunnü; bien plus, l’Z. viminalis, dans la Haute- Italie, a survécu à des froids de — 9 et — 10° centigrades, et l'£. pauciflora, originaire des montagnes assez élevées du sud de l'Australie EXTRAITS ET ANALYSES. 275 et de la Tasmanie, a résisté, d’après Ch. Naudin, à des gelées de — 10 à 12° centigrades (Manuel de l'Acclimateur, pag. 265-270-271). Enfin, plusieurs espèces de ce beau genre, les E. cosmophylla, cocci- fera, cornigera, cordata, piperita, rostrata, obliqua, urnigera, se sont ac- commodées du climat de l'Irlande à Castlewellan (Gardeners Chronicle). B. — Naturalisation d'espèces herbacées. Les plantes herbacées d’un tempérament plus flexible que les ligneuses, se prêtent beaucoup mieux, par cela même, aux modifications que l’homme a intérêt à en obtenir. Aussi ses efforts continus depuis de longues années pour améliorer, par tous les moyens possibles et à l’aide d’une sélection inconsciente ou raisonnée, les végétaux d'origine étangère qui lui ont parus uliles, ont-ils détermine l’appari- tion des variétés, bientôt fixées et devenues des races ; il va sans cesse les perfectionnant et on peut les dire acclimatées, mais à la condition expresse de les entourer toujours de nouveaux soins, car, livrées à elles-mêmes, elles ne tarderaient pas à dégénérer, à retourner au type, à disparaître. Il transforme à son gré et pour son plaisir, la plante annuelle en vivace (Réséda odorant) et, en floriculture, il traite comme annuelles des espèces par nature vivaces; mais il a de la peine à plier à ses caprices ou seulement à faire vivre en captivité dans les jardins de nos villes un petit groupe de rudes montagnardes : Anéirrhinum azarina, Rhododendron ferrugineum, Arnica montana, Gentiana lutea, Alyssum pyrenaicum, ne peuvent supporter le climat toulousain, trop iufluencées peut-être par notre vent d’Autan (Sud-Est), tandis qu'on voit prospérer Æorminum pyrenaicum, Ramondia pyrenaica, Geranium pyrenaicum, Aster pyreneus, Erinus alpinus, de nombreuses espèces de Saxifrages, telles que les Saxifraga umbrosa, rofundifolia, geum, geraniodes, cespitosa, afugæfolia, aizoon. C’est grâce à la protection due aux couches superficielles du sol contre les extrêmes de température que l’amateur peut conserver un assez grand nombre de plantes vivaces des régions chaudes, telles que Sphacele subhastala, du Chili, Zepechinia spicata, du Mexique, Withania somnifera, de l'Inde et nombre d’espèces de Solanum, notam- ment les S. auriculatum, de Madagascar, S. bonarieuse, de Buenos Aires. S. sysimbriifolium, du Brésil, $. séramoniæjolium, de l'Inde, etc., et même de plantes sous-frutescentes dont une bonne portion de la tige reste implantée dans le sol, telles que les Dianella cœrulea, divaricata et longifolia, espèces d'Australie. Mais de ce que certaines plantes vivaces exotiques émettront en tous sens des rameaux hypogés de propagation, elles ne pourront être dites naturalisées, si elles ne se reproduisent spontanément de graines, telles que la Passiflora lutea et cærulea, Menispermum canadense, Tla- 276 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. diantha dubia, Rehmannia chinensis, Solidago graminifolia, les Polygonum, cuspidatum et sakhalinense, Teucrium pyrenaicum, Stachys alpina, etc. >< LE JARDIN BOTANIQUE DE SAINT-PÉTERSBOURG. Le Jardin botanique de Saint-Pétersbourg est à la fois un établis- sement d'ordre scientifique et d'application technique. Il est situé sur une des îles de la Neva, l'île des Apothicaires, entre la Grande Neva et la Karporka. Cet établissement a été créé en 1823 sur l'emplacement de l'ancien Jardin botanique médical créé par Pierre le Grand en 1714. Son prin- cipal objet est de concourir au développement des connaisseurs bota- niques el à l’acclimatation des plantes provenant d'autres pays. Le Jardin botanique occupe une surface d'environ 12 hectares, une partie est couverte de grandes et belles serres. Dans le jardin en plein air, les plantes sont groupées en massifs variés, en plates-bandes ou en corbeilles disséminées sur des pelouses, de manière à former un jardin d'agrément en même temps que d'instruction. Chaque arbre ou plante porte d’ailleurs l'étiquette de son nom en latin et en russe. On évalue à 75,000 le nombre de plantes réunies au Jardin, elles appar- tiennent à 25,000 espèces environ. Le Jardin possède un herbier en 6,000 volumes qui est considéré comme un des plus riches du monde. Sa bibliothèque renferme en- viron 12,000 ouvrages en 25,000 volumes. Un musée botanique divisé en trois parties (dendrologie, pomologie, paléontologie) ne renferme pas moins de 40,000 échantillons. Un laboratoire de physiologie végé- tale fait partie de l'établissement. Le Ministre de l'Agriculture a créé, comme annexe au Jardin bota- nique, une école pratique de jardinage dont les élèves ont les élé- ments les plus précieux pour leur instruction horlicole. Aussi ces élèves sont recherchés, surtout par les municipalités de l’Empire (1). H. SAGNIER. (1) Bulletin du Ministère de l'Agriculture, mai 1898. © BULLETIN DE LA. LATINA E D'ACOLMATATION DE FRANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) ci ————— 45° ANNÉE . — SEPTEMBRE 1898 SONSRRS Ertraits des on de séances de la Société : tion : Nétnmuless.— Séance du 21/févrien 808 0/20 Nes et 288 Ornithologie. — Aviculture. — Séance du 28 mars 1898...... cut se Peu Poeme ASéance dur7; mars 1808, 0 na Re do PAR 290 _ Entomologie. — Séance du 14 Ars 1808 en NE OP UE DE A OC 292 a . — | Séance du 15 mars 1898....... FR Ne Re Ua 293 d Colonisation. — Séance du 28 février 1898. LE AMEN SEE Eutraits de la Fo ELLIER. — (inko Dilea et pt stnensis au Jardin des Fetes de Toulouse r CLOS...................., CCD MATE eTEt en Mar ER RUE ee 298 Extraits el Analyses : RD FOA. — Les Eléphants sauvages delAfrique AUStrale Ce Receetce NAUDIN. Re au RE 305 À EDWARS. — Les arbres à Gutta-Percha à no Comores een. 308 1 L: Société ne read sous sa responsabilité aucune des opinions >s par 1es auteurs des articles insérés dans le Bulletin. | \ \ DER Le ARE RER ER Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société 1 fr, 50 ” AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS. ET A LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE C Le Bulletin paraît tous les mois. DÉSINPECTANT ; ANTISEPTIQUE / Le seul joignant à son Efficacité, à. scientifiquement démontrée, SE : l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Corrosif. Hémostatique et Styptique puissant. 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Sa présence vient, d'autre part, d'étre reconnue en Allemagne sur des fruits de provenance améri- caine : un grand nombre d’Aspidiolus vivants ont été trouvés dans une caisse de poires arrivée d'Amérique à Hambourg, et le Ministre des Finances à Berlin vient de lancer un ordre de prohibition pour empêcher l'entrée dans les ports allemands des fruits frais, des matériaux ayant servi aux emballages et des plantes vivantes de provenance américaine, prohibition fondée sur une enquête officielle conduite par M. le profes- seur Franck (2). L’alarme doit donc être donnée dans tous les pays d'Europe, qui sont exposés à être contaminés par l'importation des fruits ou des jeunes arbres ayant une origine américaine, et le signalement du nouvel ennemi qui menace nos vergers doit être partout répandu. Nous nous attacherons donc, dans les lignes qui vont suivre, à retracer les traits principaux de son histoire, et à signaler les caractères essentiels qui per- mettent de le reconnaitre et de le différencier de nos espèces ‘indigènes. (1) Communication faite en Séance générale le 23 mai 1898. (2) L’importation des fruits frais en Allemagne a été interdite au cas seule- ment où ces fruits seraient attaqués par l’Insecte en question. Par contre, est interdite d’une façon absolue l'importation des déchets, ma- tériel d’embailage et de plantes. Cette interdiction ne s'applique pas aux fruits secs. Bull. Soc. nat. Acc. Fr. 1898, — 20, 278 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ORIGINE DE L'INSECTE, MARCHE PROGRESSIVE DU FLÉAU. Cet Insecte est apparu, vers 1873, dans la vallée de San Jose (Californie) et fut décrit pour la première fois, en 1880, par Comstock, qui lui donna le nom significatif de perni- ciosus. On ignore encore quel est le pays d’origine du San Jose-Scale. Peut-être est-il venu d'Australie ; toutefois, bien qu'il ait été signalé dans ce continent, il paraît y ètre peu répandu et les Australiens sont portés à le considérer comme une espèce d'importation étrangère. Le Japon a été aussi indiqué comme étant son foyer d’origine, et ce qui donne du poids à cette hypothèse, c'est que l’on a rencontré au Japon deux variétés ou sous-espèces de l’A. perniciosus (andromelas et atbopunclatus). De la Californie, qui a été appelée le verger de l'Amérique, et qui exporte ses fruits et ses arbres dans tous les Etats- Unis, le fléau s'est progressivement répandu et a atteint la côte de l'Atlantique. L'Etat de New-Jersey paraît avoir été, dans l'Est, l’un des centres de propagation les plus actifs, et c'est principalement sur certains grands pépiniéristes de cette contrée que retombe la responsabilité de l'invasion du San Jose-Scale dans la partie orientale des Etats-Unis. DESCRIPTION, BIOLOGIE ET ÉVOLUTION. L'Aspidioltus perniciosus est un Hémiptère de la famille des Cocheniiles (Coccilæ) et de la tribu des Diaspinæ; il se présente sous la forme d’une très petite coquille discoïde, d'un gris cendré, mesurant en moyenne de imm,5 à 3m", et collée à la surface de l'écorce ; lorsque l'arbre est sérieuse- ment attaqué, les Aspidiolus sont agglomérés en masses compactes, chevauchant les uns sur les autres et formant des croûtes écailleuses que l’on peut enlever facilement avec l’ongle. La petite coquille grise, dont nous venons de parler, présente en son centre un mamelon saillant qui est générale- nent d’un jaune plus ou moins grisàtre; si on la détache de l'écorce à laquelle elle est faiblement adhérente, on trouve logée à son intérieur une petite masse jaune et molle, qui n'est autre chose que l'Insecte séparé de la cuticule et de la sécrétion cireuse qui forment la coquille. Cette propriété que L’ASPIDIOTUS PERNICIOSUS. 979 possède l'Insecte de produire une coquille distincte et séparée de son propre corps et le protégeant extérieurement, carac- térise la tribu des Diaspines à laquelle appartient l’Aspidiotus perniciosus. Les caractères qui précèdent sont faciles à reconnaitre ; mais ils peuvent s'appliquer à toute la tribu des Diaspines, et Fig. 1. — Aspidiotus perniciosus. Branche contaminée ; à gauche, de grandeur natureile ; à droite, portion grossie montrant des parasites à divers desres de développement. sont, par cela même, insuffisants pour affirmer la présence de l'espèce qui nous occupe. Sans compter les autres espèces américaines ayant un facies et des habitudes analogues, nous avons, en effet, en France, des espèces voisines appartenant à la même tribu et qui s'attaquent aux arbres fruitiers en se présentant avec un aspect extérieur très analogue à celui de l’Aspidiotus perniciosus. Il est donc utile de poursuivre plus loin l’analyse, et pour faire connaître l’Insecte d'une facon suffisante, il importe d'en retracer le développement. 250 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Ainsi que l'ont montré les belles recherches de Howard, de Marlatt et de Pergande, auxquels nous empruntons la plupart des détails qui suivent, l'Aspidiotus perniciosus est vivipare, et l'on peut voir par transparence au microscope les jeunes larves à l'intérieur du corps de la femelle (fig. 2) ; la con- statation de ce fait, seul, per- mettrait de différencier chez nous l'Insecte américain des espèces indigènes vivant sur les arbres fruitiers et d’affir- mer la présence du redou- table fléau. Chez l'Aspiliotus, il n'y a point d'œufs d’hiver. C’est la femelle qui hiverne, et, après avoir passé la saison froide, elle atteint sa maturité F:9.2.— Aspidiotus perniciosus, femelle sexuelle en avril ; elle donne renfermant un certain nombre de jeunes alors naissance à de nom- fortemert grossie). — Le petit trait à uroite indique la grandeur naturelie. breuses larves pendant une période de six semaines. met- tant au jour en moyenne neuf à dix petits par vingt-quatre heures, ce qui fournit environ quatre cents rejetons pour son existence dont le terme ne tarde pas à venir. La larve, lorsqu'elle vient d'éclore, est ovale, de couleur orange pale; elle présente six pattes et deux antennes mul- tiarticulées. En avant et en dessous, elle porte un bec qui se prolonge en un long sucoir filiforme formé de trois soies. Cette larve est active, et, par ce fait, diffère essentiellement de l'adulte: c’est à ce stade que l'Insecte peut étre dispersé d'une facon naturelle, soit par le vent, soit par le transport au moyen d'autres animaux sur lesquels les larves de la Cochenille peuvent accidentellement se fixer. Si aucune cause de dispersion n'intervient, la larve qui se promène à la sur- face de l'écorce de l'arbre ne tarde pas à trouver un endroit favorable et à implanter son long sucoir dans l'écorce ; elle est alors fixée ; peu à peu son corps se contracte et prend une forme circulaire; une sécrétion se produit à la surface du corps sous la forme de filaments de cire blanche d’une grande ténuité, et, progressivement, le corps se recouvre d'un enduit L’ASPIDIOTUS PERNICIOSUS. 281 duveteux ; puis les filaments se fusionnent entre eux et ne for- ment plus qu'une couche blanche compacte et lisse qui n'est autre chose que la coquille ; celle-ci, d’abord claire, prend en vieillissant une teinte plus sombre, à l'exception du mamelon central qui reste d’un jaune grisätre. Douze jours après la naissance, l’'Insecte mue pour la première fois et après cette mue, il devient facile, en enlevant la coquille qui le recouvre, de distinguer les sexes qui jusqu'alors pouvaient étre con- fondus. Mâles et femelles se montrent alors dépourvus de pattes et d'antennes qui sont totalement disparues ; maïs les males sont, à cestade larvaire, plus gros que les femelles et ont deux grands yeux pourpres, tandis que les femelles sont com- plètement aveugles ; il sont en outre pyriformes, les femelles étant discoïdes ; la couleur des deux sexes est alors d’un jaune citron, tandis que l’écaille ou coquille qui les recouvre est d'un gris souvent mélangé de jaune. À la deuxième mue, la différence entre les deux sexes s’accentue encore bien da- vantage ; cette mue s'effectue un peu plus tôt pour le mâle que pour la femelle : elle a lieu dix-huit jours après la naiïs- sance pour le premier et vingt jours apres pour la seconde ; à partir de cette mue, il devient possible de reconnaitre les sexes par le simple examen extérieur de la coquille ; celle-ci prend, en effet, chez le mâle une forme ovalaire allongée, tandis qu'elle reste discoïde chez la femelle; à l'intérieur de la coquille, l'Insecte mâle commence en outre à laisser voir des rudiments de pattes, d'antennes et d'ailes, tandis que la femelle conserve sa forme sacculaire primitive. Vingt jours apres la naissance, l'Insecte mâle subit une deu- xième mueet arrive ainsi au stade nymphal. Cette nymphe est jaune, avec des antennes, des pattes, des ailes repliées contre le corps, mais bien développées; elle présente à son extrémité postérieure un stylet aussi long que les tibias postérieurs. L'éclosion de l'Insecte parfait du sexe mâle a lieu quatre à six jours plus tard, soit vingt-quatre à vingt-six jours après la naissance ; il ressemble à une petite mouche orange pourvue de deux longues antennes, de deux ailes irisées, présentant chacune une nervure bifurquée, de six pattes et d’un long stylet anal ; sur la tête se trouvent, en outre, deux gros yeux pourprés (fig. 5). Tandis que les mâles éprouvent ces changements profonds, qui les transforment en Insectes actifs et mobiles, les femelles 282 BULLEIIN LE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. conservent leur forme de sac aplati et restent invariablement fixées au même endroit sous la coquille qui les abrite ; trente jours apres la naissance, elles ont atteint toute leur taille et l’on peut voir par transparence les jeunes qui se trouvent dans leur corps; une dizaine de jours apres, elles commencent à mettre les larves au jour. Le nombre des générations qui se succèdent dans une année à Washington est de quatre et il peut y avoir une cinquième génération partielle. Etant donné nn" Fig. 5. — Aspidiotus pernicicsus, mâie adulte, fortement grossi. que chaque femelle produit en moyenne 400 rejetons, on arrive ainsi au chiffre fantastique de 1,608,040,200 individus pour la descendance d’une seule femelle au bout de l'année (Howard). Il va sans dire que ce chiffre n'est jamais atteint, et loin de là, en raison des causes de destruction multiples qui assaillent les jeunes : mais il n'en est pas moins vrai que la prolixité de l'espèce est énorme et l’on comprend sans peine comment un Insecte aussi petit arrive, en peu d'années, à envahir complètement un arbre et à le faire périr. Les rameaux peuvent être à ce point Couverts par l’Aspi- diotus perniciosus qu'ils paraissent revêtus d'une couche de cendres (voir la fig. 1). Les Insectes se fixent non seulement sur les rameaux, mais encore sur les feuilles et les fruits; lors- L'ASPIDIOTUS PERNICIOSUS. 283 qu'ils se trouvent sur ces derniers, chaque Cochenille est en- tourée d’une zone rouge caractéristique ; une zone semblable, d'un pourpre intense, se voit également sur les jeunes ra- meaux autour des Insectes, lorsque ceux-ci ne se sont pas encore assez multipliés pour masquer l'écorce ; les feuilles infestées se distinguent enfin par une coloration similaire. En proie aux atteintes de l'Aspidiolus perniciosus, les arbres sont tués en un temps plus ou moins long, suivant leur force et suivant la gravité de l'attaque qui, parfois, peut étre atténuée par la présence des parasites. Généralement, les jeunes Pêchers ne survivent pas plus de deux ou trois ans; les Poiriers peuvent être tués avec une très grande rapidité, mais le plus souvent ils languissent pendant quelques années avant de mourir. Les plantes attaquées par la Cochenille américaine sont fort nombreuses. Voici la liste de quelques-unes, d'apres Lintner : Pommier, Poirier, Cognassier, Pécher, Abricotier, Prunier, Cerisier, Framboisier, Groseiller, Rosier, Cotoneaster, Fusain, Tilleul, Acacia, Orme, Noyer, Saule. Cette liste, fort incomplète, indique combien l'Aspidiotus perniciosus est polyphage, et par conséquent avec quelle facilité il s'adapte à des régimes différents, condition qui, malheureusement, est des plus favorables à son cosmo- poltisme. AUXILIAIRES NATURELS. Quelques Insectes contribuent à mettre un frein à la mul- tiplication excessive de l’Aspidiote. Une petite Coccinelie, la Pentilia misella, en fait sa principale nourriture, et plu- sieurs petits Hyménoptères (Aphelinus fuscipennis How., A. mystilaspidis le B., Aspidiotiphagus citrinus Craw., Anaphes gracilis How.) vivent en parasites à ses dépens. Il ne faudrait pas compter toutefois d’une façon trop com- plète sur ces utiles auxiliaires dont le rôle se borne à main- tenir l'espèce dans certaines limites, et c’est aux substances insecticides que l’on doit avoir recours pour traiter les arbres atteints par le San Jose-Scale. 284 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. TRAITEMENTS. La méthode, qui dans l'Est des Etats-Unis, s’est montrée la plus efficace, consiste à traiter l’arbre d’une façon complète à l'aide de forts lavages d'eau savonneuse : celle-ci estermployée à chaud avec avantage, et deux traitements doivent être faits l'un à l'automne, aussitôt la chute des feuilles, l’autre au printemps, juste avant la floraison. Les solutions doivent con- tenir en moyenne de 1 à 2 livres de savon pour 5 litres d'eau; que l'on se serve d'un savon à base d'huile de Poisson. ou d'un savon résineux, l'essentiel est que la solution que l'on obtiendra reste bien fluide à froid, et de choisir le savon et les proportions en conséquence. Ces lavages à l’eau savon- neuse, faits à l'automne, ont pour résultat de diminuer le nombre des fruits, tout en augmentant la force du feuiliage, mais cet inconvénient est largement compensé par la des- truction des Insectes. Si les arbres sont complètement envahis, et si leur vitalité est compromise, on doit agir d'une facon radicale et les déraciner pour les brüler. Il va de soi que dans un pays nou- vellement contaminé. où le mal est localisé sur un petit es- pace, cette mesure violente doit être prescrite exclusivement alors même que les arbres sont faiblement attaqués. Quelques autres traitements ont été appliqués en Amérique, au San Jose-Scale; mais ils ne présentent point, parait-il. tout au moins pour le climat de Washington, les mêmes avantages que les lavages au savon. Citons d'abord l'emploi de l’acide cyanhydrique gazeux qui donne de bons résultats, mais qui nécessite un matériel et un personnel spécial soumis à une organisation telle qu'il n'en existe actuellement qu'en Californie. Dans l'Orégon et la Californie, on a également beaucoup employé la solution sulfureuse suivante : Chaux: EL ZAR 40 livres. Soufre. :52% 5 CÉTRÉC ENS 20 — TS RE 15 — Ajouter 180 litres d'eau et remuer pendart que la chaux est en train de s’éteinäre ; faire bouïilir ensuile pendant trois heures et ajouter de l’eau de facon à obtenir en tout 360 litres ; filtrer et PR: à chaud pendant le sommeil de la végétation. ke 4 À - 148 e” + iii LR à Pond L'ASPIDIOTUS PERNICIOSUS. 289 Les émulsions de kérosène (huile de pétrole) ont été aussi conseillées comme traitement d'été. Les émulsions d'huile lourde de goudron (pittéléine) pourraient être également essayées. D'une facon générale, on opérera pour les traitements d'hi- ver avec des solutions trois à cinq fois plus fortes que pour les traitements d'été et l’on rendra l'opération encore plus efi- cace par un énergique brossage de l'écorce. fait à l’aide d’une brosse en chiendent imbibée du mélange insecticide. MESURES PRÉVENTIVES. Au point de vue des mesures préventives, la prohibition des fruits et des plantes provenant d'Amérique est le système qui semble offrir le plus de garanties; mais, pour étre efficace, il faudrait qu'elle fût générale et s’appliquat aussi aux pays voisins et notamment à la Belgique ou bien que ceux-ci prissent simultanément les mêmes mesures vis-à-vis de l’Amé- rique ; en outre, elle soulève des difficultés d’un autre ordre qu'il ne nous appartient pas ici de discuter. Disons toutefois que si l’on en arrive à des mesures aussi radicales, les plantes vivantes et susceptibles d'être transplantées, qui constituent de beaucoup les agents de dispersion les plus dangereux, devront être les premières visées. Les quarantaines et les ins- pections ont aussi leurs inconvénients, surtout lorsqu'il s’agit d'un Insecte tel que celui qui nous occupe, qui est susceptible d'être confondu avec une quantité d'autres espèces voisines n’offrant pas les mêmes dangers. Néanmoins, lorsque l’Aspi- diotus perniciosus se trouve sur les fruits, il est beaucoup plus facile à identifier que lorsqu'il occupe les autres parties de l'arbre ; car il est alors entouré d’un cercle rouge caracté- ristique, et en outre, la plupart des autres Cochenilles des arbres fruitiers à feuilles caduques ne se développent pas sur les fruits, mais seulement sur les rameaux. L'examen des fruits importés par un service spécial peut donc présenter de réels avantages : il ne saurait toutefois être considéré comme présentant une garantie complète ; car dans toute une cargai- son de fruits, si quelques-uns seulement sont faiblement atta- qués, la présence du minuscule Insecte peut parfaitement échapper à l’attention des plus consciencieux observateurs. 286 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Reste la surveillance de nos plantations indigènes ; celle-ci ne saurait être trop préconisée. Il faut que la possibilité de l'introduction de l'Insecte américain chez nous soit partout connue, de facon à ce que l'attention générale se trouve éveillée et que l'on puisse soumettre les plantes ou les fruits suspects à l'examen des services préposés à l'Entomologie agricole et notamment à celui de la Station entomologique de Paris. Dans le cas où un foyer serait signalé, on devrait pro- céder par extinction, c’est-à-dire arracher et brûler les arbres contaminés. ESPÈCES INDIGÈNES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE CONFONDUES AVEC L'Aspidiolus perniciosus. Ainsi que nous l'avons dit, il existe en France des espèces indigènes qui peuvent être facilement confondues avec l’Aspi- diotus perniciosus, et qui parfois, du reste, ne sont pas sans causer des dégâts tres sérieux. Des spécialistes compétents sont donc seuls capables d'affirmer, d'après l'examen des échantillons qui leur sont soumis, s’il s’agit de l'Insecte amé- ricain ou d’une autre especc. Les deux espèces européennes qui sont le plus susceptibles d'être confondues avec le San Jose-Scale, sont l’Aspidiolus ostrecæforimis Curtis et le Diaspis ostreæformis Signoret. L'Aspidiotus perniciosus se distingue des deux autres espèces par ce fait qu'il est vivipare, tandis que les autres sont ovipares ; il est en outre caractérisé par l'absence d'or- ganes discoïdes glandulaires (disques ciripares) qui, chez les autres espèces, sont répartis en cinq groupes, dont un médian et quatre latéraux sur la partie postérieure (pygidium) de la face ventrale de la femelle: l'absence de ces organes constitue un caractère important, qui légitime le classement de l’A4spi- diolus pernicinsus par Berlese et Leonardi, dans un sous- genre spécial (Aonidiella); d’autres détails d’une observation très délicate, résidant principalement dans les dentelures du pygidium, fournissent encore des éléments pour établir la diagnose différentielle de l'espèce américaine. L'Aspidiotus ostreæformis est très commun en France ; il abonde actuellement aux environs de Paris, et, à Sceaux notamment, il y a des vergers entièrement envahis par cette L’ASPIDIOTUS PERNICIOSUS. 287 espèce qui cause d'assez grands dégâts. J'ai vu des arbres qui en sont totalement recouverts, les générations succes- sives formant des croûtes superposées. M. Noël a également signalé la même espèce en Normandie. Le Diaspis oslreæformis, d’après les envois adressés à la Station entomologique, est moins fréquent en France que l’Aspidiotus dont il vient d’être question. Nous l'avons pour- tant recu de quelques localités et notamment de Bretagne. Confondu par Signoret avec l'espèce précédente, il en a été depuis nettement distingué par Douglas. Il en diffère, ainsi que de l'Aspidiotus perniciosus, par la forme de la coquille du mâle qui est allongée et linéaire avec une carêne au milieu ; sa taille est notablement plus petite que celle de l’As- pidiolus ostreæformis et sa teinte plus blanche. Nous ne parlerons que pour mémoire du Mytilaspis pomo- ruin Bouché, espèce qui peut être très nuisible aux Pommiers et fort commune en France, mais qui se reconnait facilement à cause de sa forme semblable à celle d’une petite coquille de Moule. Les trois espèces dont nous venons de parler peuvent être traitées par les mêmes méthodes que celles qui ont été indi- quées pour l’Aspidiotus perniciosus. L’exportation de ces trois Insectes d'Europe en Amérique est aujourd'hui un fait accompli et le Mylilaspis p rmoruin y à même occasionné de tres grands dégâts. Souhaitons qu'en échange l'Amérique, à laquelle nous devons déjà le Phylloxera et le Puceron lani- gère, ne nous envoie pas encore le San Jose-Scale! EXTRAITS DES PROCÉS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. {re SECTION (MAMMIFÈRES). SÉANCE DU 21 FÉVRIER 1898. PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. le Président signale la présence à la séance du R. P. Camboué, procureur des Missions à Madagascar, auquel la Socielé doit déjà beau- coup de renseignements intéressants sur la grande île africaine et qui compte d’ailleurs parmi nos lauréats. 11 l'invite à exposer devant la Section quelque sujet se rattachant à l'étude des Mammifères. Le R. P. Camboué fait une communication sur les Zébus et leur uti- lisation à Madagascar. Dans l’Imérina, ces animaux sont employés comme porteurs de fardeaux et comme montures. Bien qu'ils soient assez rétifs, ils rendent de grands services; mais on les abandonne de plus en plus comme montures, au fur et à mesure de l'introduction des Chevaux. Sur le littoral, à Tamalave, par exemple, on les emploie comme bêles de trait; on les attelle au moyen d'une cangue carrée et on en obtient un bon service. La taille des Zébus cst moyenne, ct leurs couleurs sont variées, comme celles de nos Bovidés d'Europe. M. de Guerne signale les produits de croisements de Zcbus et de Vaches bretonnes obtenus à Bône (Algcrie) et dont on a pu déjà goù- ter la chair même en France, à Marseille où il en a été importe. M. Bourdarie parle des services que sont appelées à rendre dans les colonies les Fermes d’'Essai où seront étudiées et améliorées les es- pêces autochtones et où l’on cherchera à obtenir des races nouvelles au moyen de croisements raisonnés. M. Decroix recommande. lorsqu'il s'agit d'introduire dans des ré- sions intertropicales des animaux domestiques, de les faire venir, non d'Europe, mais d’un pays à climat se rapprochant le plus possible de celui où l’on veut les acclimater. La même observation s'applique aux plantes fourragères dont l’étude s'impose ézalement dans les Fermes d'Essai. M. le Secrétaire général dépose sur le bureau un mémoire publié à Washington et intitulé; Mefhods and resulls of investigations on the chemistry and economy of food; il n'est pas fait mention dans cet ou- vrage de la viande de Cheval. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 289 M. Bourdarie dit qu’une des causes de la destruction des Éléphantis en Afrique est le manque d'animaux de boucherie. Les indigènes tuent les Éléphants comme tout autre gibier, non seulement pour l’ivoire, mais encore pour les manger. L'élevage des animaux domesliques serait donc de nature à détourner les nègres de massacres inuliles. M. de Guerne, tout en reconnaissant l'intérêt que présente la ques- tion, envisagée dans ce sens, fait cependant quelques réserves. Les animaux domestiques seront employés, non seulement à l’alimenta- tion, mais encore au travail et la domestication de l’Éléphant, indis- pensable pour la conservation de l'ivoire, ne semblera plus aussi né- cessaire. Aux Indes, de semblables difficultés ne se présentent pas, les Iudous ne mangeant pas la chair des animaux. Le Secrétaire, CH. MAïLLES. 2e SECTION (ORNITHOLOGIE. — AVICULTURE). SÉANCE DU 28 MARS 1898. PRÉSIDENCE DE M. DEBREUIL, MEMBRE DU CONSEIL M. Oustalet, président, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance. Le procès-verbal de la deraière reunion est lu et adopté. La Société de Géographie offre une douzaine d'exemplaires d’une brochure intitulée : ZL’Aufruche, son utilité el son élevage et qui a pour auteur M. J. Forest aîné; ces brochures sont mises immediatement en distribution. M. le Secrétaire général présente le dessin du titre du Bulletin de la Sociéié des Aviculteurs français qui sera publié chaque mois à partir d'avril et distribué avec le Journal de la Sociélé d’Acclimatation. La composilion artistique de ce titre est due à M. Remy Saint-Loup. Une discussion s'engage à propos du prix accordé, à l'Exposition d'Oiseaux de basse-cour du Concours général agricole, à uu Coq de la race de FKaverolles. Après diverses explications fournies par MM. Mérel, de Guerne, Debreuil, la Section estime qu'il serait fort utile de réunir les photographies de types aussi parfaits que possible des diverses races gallines dont on formerait un album, et elle émet le vœu qu'un appel soit fait, à ce sujet, à tous les aviculteurs. M. Mercier entretient la Section d'une visite faite par lui à la ferme d'Autruches de Matarieh près le Caire (Egypte). (Voir Bulletin ci-dessus, n° d’août.) A propos de l'élevage des Autruches, plusicurs perscnnes deman- 290 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. dent s’il ne serait pas possible de répandre cette industrie dans les colonies françaises. M. Mercier ajoute que l'élevage des Autruches paraît être assez rémunérateur en Egypte. Ce n’est pas du reste la seule industrie ayant pour objet les Oiseaux qui s'exerce dans ce pays. C'est ainsi que M. Mercier s'est embarque pour rentrer en France sur un paquebot qui transportait, entre autres denrées, 49,000 Cailles vi- vantes prises au filet et destinées au marché de Londres. On ne s’in- quiète nullement de celte destruction en Egypte où la Caille est considérée comme un Oiseau nuisible. M. le Secrétaire général parle des excursions projetées pour l’élé prochain et qui intéressent tout particulièrement la Section d’'Ornitho- logie et d’Aviculture. Il s’agit, en effet, de visiter la Faisanderie de Mériel où M. Galichet poursuit actuellement l’acclimatation et l'élevage en grand du Tinamou roux. M. Debreuil est également disposé à faire à la Societé les honneurs de la propriété où il élève, à Melun, divers animaux, parmi lesquels un grand nombre de volatiles et spécialement des Nandous. M. De- breuil n’a toujours pas pu se procurer de Nandou mâle et saisit cetle occasion pour offrir aux Membres de la Socielé auxquels cela pourra être agréable, des œufs clairs dont ia ponle commencera incessam- ment. Le Secrélaire, Comte d'ORFEUILLE. SECTION (AQUICULTURE). SÉANCE DU 7 MARS 1898. PRÉSIDENCE DE M. RAVERET-WATTEL, DÉLÉGUÉ DU CONSEIL. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Raveret-Wattel, qui arrive de Nice, rend compte de la visite qu’il a faite à M. Proschawsky, Membre de la Sociélé, amateur dis- tingué de plantes rares et de Poissons exotiques. À ce propos, M. de Guerne donne lecture d’une lettre dans laquelle M. Proschawsky, rappelant des observalions faites par lui, pendant un voyage aux États-Unis, mentionne la facilité que présenterail l'acclimatation en France du Sun-fish (Swpomolis gibbosus Linné). M. Raveret-Wattel estime que l’acclimatation de celte espèce n’est pas à recommander. Il est vrai qu'en raison de la petitesse de leur bouche, les Sun-fish ne sont pas dangereux pour les autres Poissons déjà d’une certaine taille; mais ils détruisent beaucoup de frai, et con- PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE-LA SOCIÉTÉ. 294 somment une grande quantité de nourriture, qui pourrait profiter à d’autres espèces de plus de valeur. Aussi les piscicuiteurs américains n'en font-ils aucun cas. M. Bertrand, Membre de la Société, qui a déia obtenu plusieurs fois la reproduction de l'Eupormolis gibbosus dans les étangs qu il possede près de Versailles, a vu ce Poisson cétruire des quantités considérables d'alevins de Carpe. C'est à tort que celte espèce est généralement désignce chez nous sous le nom de Calico- Bass. L'appellation est tout à fait inexacte, attendu que le nom de Calico-Bass est, aux États-linis, celui d’une espèce très différente (le Pomoxis sparoïdes Lacépède), bien préférable à tous égarés, el dont l’'acclimatalion dans les eaux douces de la France présenterait un véri- table intérêt. M. le Secrétaire général donne lecture d’une lettre de M. de Gal- bert, annonçant que les œufs d’'Omble-Chevalier qu’il a recus ne lui ont pas donné de bons résultats. M. Raveret-Wattel fait connaître qu’il n’a également obtenu que quelques éclosions du lot d'œufs transmis à la Station aquicole du Nid-de-Verdier. Presque tous ces œufs sont devenus opaques quand on les a mis dans l’eau, lors de leur arrivée à l’Établissement. M. Rathelot dit que ceux quil a reçus ne sont pas encore éclos; ce qu'il attribue à la basse température de ses eaux. M. de Gucerne donne lecture d’une lettre de M. Fontaine, ingénieur en chef du Canal de Bourgogne, annonçant une pêche prochaine à laquelle il serait heureux que M. le secrétaire général voulût bien as- sister. M. Rathelot demande si la croyance populaire répandue dans cer- taines régions de la France et d’après laquelle une goutte de sang d'Anguille fait sûrement disparaître l'ivresse, mérite d’être prise au sérieux. M. le Secrétaire général lit une note sur l'élevage et la consomma- tion des Grenouilles aux États-Unis. À ce propos, M. Bruyère insiste sur la difficulté qu'on éprouve à nourrir les Grenouilles-bœæufs adultes. À la Ménagerie du Muséum, elles ne mangent guère que des Grenouilles plus petites ou des Tétards de forte taille; leur ration est au moins de une à deux Grenouilles par semaine. M. Rathelot pense que les Grenouilles ue peuvent pas détruire les alevins en quantités appréciables à cause de la lenteur de leurs mou- vements. M. Boigeol, au contraire, estime que les Grenouilles guetlent les alevirs au passage et qu'en s’embusquant ainsi, elles peuvent en Saisir un combre assez grand pour que les dégats commis dans un établissement de pisciculture, ne soient pas du tout négligeables. M. Bruyère parle de divers arimaux aquatiques élevés à la Ména- gerie du Muséum. Dernièrement, il s’y trouvait un lot d'Anabas indicus qui se portaient à merveille; mais un accident ayant brusquement refroidi l’eau, tous ces Poissons ont péri. L'Établissement a également 2.9 . BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. recu des Protoptères (Dipnoi de l'Afrique occidentale) et des Crabes d'eau douce, Telphusa fiuviatilis. M. le Secrélaire général aunouce que M. Vaffier a importé récem- ment aux environs de Mâcon, des Écrevisses de Finlande, dont l’expé- dition peut être faile dans de bonnes conditions, vià Lubeck. M. Rathelot parle de naissances d’Écrevisses qu'il a obtenues chez lui en eau stagnante ; les sujets étaient au nombre d'environ quarante et en fort bou état. Il pense qu'ou pourrait essayer d'en élever chez soi, à l’intérieur, l’on mettrait ensuite les jeunes sujets dans les cours d’eau où ils atteindraient leur développement complet, ce qui est assez long. Le Secrétaire, J. DE CLAYBROOKE. 4e SECTION (ENTOMOLOGIE). SÉANCE DU 14 MARS 1898. PRÉSIDENCE DE M. C£ÉMENT, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance esl lu et adopté. Lecture est donnée d’une lettre de M. Decaux, remerciant la Seciien d'avoir bien voulu le nommer Vice-Président et des sentiments de cordiale sympatlhie qui lui ont été exprimés. M. Decaux fait en même temps parvenir à la Soctété différenies brochures. 1° La Carpocapsa pomonant, vulgairemeut Ver des Pommes, ses mœurs, moyens de destruction (Extrait du Journal Le Naturaliste, Paris, 1896). 2° Note pour servir à l'étude de la Mouche des Orchidées {Zsosoma orchidearum Weslwood); moyens de la combattre. (Extrait de la Revue des travaux scientifiques. — Congrès des Sociétés savanles, Paris, 1897.) 3° La transhumance des Moutons algériens, sa funeste iuflaence pour la mise en valeur et pour le reboisement des hauts plateaux; moren pratique de la supprimer par ia culture du Tamarixz articulata. — Ce travail, publié dans le Pulletin de la Sociéte d'Acclimatation en 1897, se rattache à l'Entomologie par l'étude qu'y fait l’auteur des Insectes para- sites du Zamariz articulata. Cette plante, en dehors de son ulilité à d’autres égards, porte tres fréquemment des galles produites par un Lépidoptère, l'Ablipalpis olivierella (Rag.); celles-ci, très riches en tannin, peuvent être utilisées pour la préparation des cuirs. Une nole manuscrite concernant les galles en question est jointe au mémoire de M. Decaux. M. le Secrétaire général signale les travaux de M. A. Fron sur l’Api- LIRE PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 293 cullure en mai< LA CULTURE DES MERS EN EUROPE (2). M. Georges Roché, Inspecteur général des Pêches maritimes, pré- sente à la Société un livre, dont il est l’auteur et qui vient de paraître dans la Bibliothèque scientifique internationale de la Librairie Félix Alcan. Dans cet ouvrage, intitulé : Za culture des mers en Europe, M. Roché a voulu présenter dans son ensemble l'énorme travail accompli depuis trente ans, dans le domaine scientifique et dans le domaine industriel, pour préciser les conditions d'exploitation rationnelle des eaux ma- rines. Tout d’abord, l’auteur envisage l’industrie des pêches maritimes pro- prement dites dans les mers du nord et de l’ouest de l’Europe. Il étudie leur évolution, les conditions économiques de leur mise en œuvre, et les relations qui existent entre la prospérité de ces indus- iries et l’économie sociale des populalions maritimes. Il est aussi amené à envisager l'influence que les pêches exercent ou sont appelées à exercer sur la fécondité des mers. (1) Extrait du Bulletin du Muséum d'Histoire naturelle, 1898. (2) Analyse d’une communication faite par M. Georges Roché dans la Séance générale du 28 janvier 1898, en présentant son livre intitulé : La culture des mers en Europe (Piscifacture — Pisciculture — Ostréiculture), 1 vol. in-8°, de 328 pages, avec 81 gravures dans le texte, 304 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Etudiant alors les conditions dans lesquelles les espèces sont placées par leur biologie propre pour lulter conire les nombreuses causes na- turelles ou industrielles de destruction, M. Roché examine avec grand soin les dispositifs réglementaires que l'or: a cru devoir adopter pour l'exploitation des eaux et se livre à une critique très serrée — encore que discrète — de la législation des pêches. Il semble résulter, en effet, du travail de M. Roché que la dépopulation des fonds dont se plaignent souvent les pêcheurs, est, dans son ensemble, controuvée, et que cetie dépopulation ne saurait être considérée comme vraie que pour des espèces déterminées — el, encore, dans des localilés spéciales seule- menl. L'auteur éludie également les mélhodes proposées par divers spé- cialistes pour combattre, par la piscifacture, la stérilisation des eaux. Après avoir exposé la technique de ces méthodes et les résultats aux- quels elles ont permis d'arriver aujourd'hui, il conclut que l'on ne sau- rait, sans courir le risque de cruels mécomptes, tenter leur application daus nos eaux. L’applicalion des méthodes de piscifacture au réem- poi-sonnement des lerrains épuisés ressorlit encore, suivant M. Roché, à la zoologie scientifique pure, pour le moment. De longues et minu- ltieuses études sont encore à faire avant que l’on puisse songer sérieu- sement à propager artificiellement les espèces comestibles dans les eaux libres. Par contre, M. Roché croit que, dans un avenir rapproché, la pisci- facture est appelée à rendre d'importants services à la pisciculture marine en eaux closes, dout il donne une description, complète pour les installations de ce genre, françaises et italiennes. L'étude des conditions de développement du Homard et de la Lan- gouste ainsi que des essais de propagation arlificielle qui ont été tentés pour la première de ces espèces, en divers pays étrangers, conslilue un chapilre entier du livre. L'auteur s'est soucié là, comme daus tout son ouvrage d ailleurs, de dégager, de tous les travaux et de toutes les études failes sur le sujet qui l'intéresse, les fails scientifiquement ac- quis, de tout le fatras lilléraire et assez romanesque, au milieu duquel sont en général présentées les questions relatives aux industries ma- rines. | Il est intéressant de retenir cependant cette déclaraiion de l’auteur qui ne paraît pas cependant plein d'une confiance aveugle dans les méthodes de propagaliion artificielle — à savoir que la créaticn de vi- viers flotiants pour la conservation des femelles de Homards et de Langoustes grainées ne peut qu'être ulile au maintien de la producti- vilé des fonds où l’on capture ces auimaux. L'ostréiculture et la mytiliculture forment à elles seules la moilié de l'ouvrage de M. Roché. Et c’est justice, étant donnée l'importance immédiate, réelle, qu'ont ces deux industries pour nos populations marilimes. = EXTRAITS ET ANALYSES. 305 Après avoir fait l'historique de la rénovation de l'ostréiculture en Europe, et avoir minutieusement étudié le rôle de Coste et celui de de Bon pour le développement de cetle culture sur les plages fran- çaises, notre collègue expose les méthodes qui doivent présider à l’ex- ploilation des gisements huitriers naturels. Il étudie ensuite la technique de l’ostréiculture dans les divers pays qui se livrent à cette industrie. La lecon très sérieuse qu’il donne en pareille matière est d’ailleurs rendue plus instruclive par un exposé des conditions biolo- giques des Lamellibranches comestibles, exposé mis au courant des recherches nombreuses et forl importantes accomplies dans les vingt dernières années, par des savants français et étrangers. Enfin, l’auteur se livre à des considéralions fort intéressantes, et certainement appe- lées à détruire bien des illusions, sur l’économie de 1 industrie osiréi- cole. L'ouvrage est terminé par un chapitre sur les essais tentés jusqu'ici pour la culture des Eponges industrielles. Dans son ensemble, l'ouvrage de M. Roché constitue une synthèse absolument sérieuse de tous les travaux anciens et modernes concer- nant l'exploitation des animaux marins. Sur de nombreux points, il rectifie des erreurs qui sont cependant acceptées comme vérités démontrées dans tous les ouvrages qui ont paru jusqu'alors sur le même sujet. Du reste, c’est la première fois, qu'un travail synthétique rigoureusement scientifique de ce genre ait été écrit en pareille matière. Il ne pourra manquer de servir, à la fois, aux hommes de science, aux industriels et aux administrateurs qui, à un titre quelconque, doivent connaître de ce genre de questions. >< LA SOIE AU SOUDAN. D'un rapport adressé à M. de Trentinian, lieutenant-souverneur du Soudan français, nous extrayons les passages suivants : Les Cocons envoyés à Kayes sont de provenance locale; ils ont été récoltés dans un rayon de 2 kilomètres autour de la ferme de Kati, sur un arbuste épineux qui devient quelquefois arborescent et qui est désigné par les indigènes sous le nom de Tomboro. Cet arbuste et ses cocons existent dans toute la colonie en assez grande quantité; j'ai souvent récolté ces derniers sur la ligne de ravi- taillement et même à Kayes d'avril à juin. Le Cocon est probablement construit par le ver en fin hivernage. L’Insecte parfait se dégage de la chrysalide en juillet. La Soie est, au moment de la récolte, d'une éblouissante blancheur, du moins dans toute l'épaisseur des parois du Cocon; la Soie intérieure qui enveloppe directement la nymphe est légèrement brunâtre. 306 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Nous avons essayé, avec l’aide de M. l'agent des cultures, de dé- vider plusieurs de ces Cocons, et nous avons obtenu un succès relatif qui a permis de constater un degré de résistance, sinon de finesse, très convenable du fil. Consultés sur la provenance probable de la graine, les indigènes déclarent avoir vu de tout temps ces Cocons sur le même arbuste, sans d’ailleurs s’en préoccuper davantage. Les conditions climatériques de Kati paraissent assez bien convenir à l'installation d'une magnanerie : moyenne de température, degré d'humidité et de sécheresse alternées convenables. Etant donné le caractère très rustique de la plante qui sert à la nourriture de la Chenille, on pressent que la Scie pourrait être trans- formée avantageusement en substituant au To#boro un arbre à feuilles- plus tendres et plus nutritives. L'élevage consiste essentiellement à faire éclore la graine dans des chambres spéciales et à nourrir le Ver le plus possible. L'Insecte parfait que j'ai pu réussir à obtenir a laissé dans le réci- pient où il est éclos une toute petite quantité de graines, ce quiin- dique que la ponte s'effectue en juillet-août. | Nous rechercherons à obtenir la transformation en Ver de cette graine, qui est malheureusement en trop pelite quantité. Quand tous les éléments du problème seront réunis, il y aura une tentative intéressante à faire en vue de l'élève du Ver à soie au Sou- dan. Déjà les jardins d'essai de Kati renferment quelques pieds de Mûrier blanc qui serviront ultérieurement aux premiers élevages, x" À la suite de la publication de la notice ci-dessus, M. Charles Naudin, Membre honoraire de ia Socielé d'Acclimatatlion a fait par- venir à la Æevue des C'ullures coloniales, les observations suivantes : « I1 y a une quarantaine d'années, quand j'étais aide-naturaliste au Muséum, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, fondateur de la Societé d'A c- climatation, m'avait remis, pour en avoir le nom, un petil rameau en mauvais état d’un arbrisseau de Sénégambie, sur lequel vit une Che- nille, dont la soie, lui disait-on, pourrait êlre utilisée par l’industrie. Il s'agissait, avant tout, de déterminer le genre et l'espèce de l'arbre, et, à l’aide de la Flore de Sénégambie de Guillemin et Perrottet, j'ai reconnu ou cru reconnaître que c'élait un Zizyphus, arbrisseau épineux assez voisin de notre Jujubier commun, ou Z. vulgaris. I. Geoffroy Saint-Hilaire n'ayant pas recu de graines du prélendu Ver à soie, l'affaire en est restée là, et depuis il n’en a plus été question. Il se pourrait fort bien que les Cocons récoltés à Kayes par nos offi- 2 EXTRAITS ET ANALYSES. 307 ciers fussent de la même espèce que ceux dont il vient d’être question, et que l’arbre épineux (Zo#boro) qui nourrit la Chenille fût un Z/zyphus. Il serait donc à désirer qu’on nous envoyât de Kayes des é“hantillons de cet arbre, avec feuilles, fleurs et fruits, le tout en assez bon état pour qu'on püt arriver à une détermination certaine du genre et de l'espèce. On y ajouterait des Cocons pour les faire examiner et dévider dans quelqu'une de nos Écoles d'Agriculture, celle de Montpellier par exemple, qui est parfaitement oulillée pour ces sortes de recherches. I. Geoffroy Saint-Hilaire pensait que le nouveau Ver à soie pourrait être acclimaté dans le midi de la France; ce n’est peut-être pas impos- sible, mais les probabilités de succès seraient plus grandes en Algérie, où, avec un climat plus chaud, existent plusieurs Z7zyphus indigènes plus ou moins analogues à celui de Sénégambie. : En matière de colonisation, il ne faut rien négliger : aussi me sem- ble-t-il que la question d’un nouveau Ver à soie est assez intéressante pour être tirée au clair (1). » Ca. Naupin (de l'Institut). LES ARBRES À GUTTA-PERCHA A IA GRANDE-COMORE par M. A. Mizxe-Enwanrps. de l'Institut, Directeur du Muséum d'Histoire naturelle. À la réunion des naturalistes du Muséum du 25 mai 1897, notre correspondant, M. L. Humblot, annonçait qu'il avait introduit à la Grande-Comore des pieds de Gutta-Percha (Zsonandra Gutta, Hooker). L'un d’eux, planté à 250 mètres d’altitude, était devenu en trois ans un bel arbre de 5 à 6 mètres de hauteur, dont les branches pouvaient supporter le poids d'un homme et dont les feuilles donnaient un latex abondant (2). À la suite de cette communication, M. H. Lecomte faisait dans la Revue des Cultures coloniales (3) les remarques suivantes : On peut se demander si l’arbre transporté à la Grande-Comore est véritablement l’Zsonandra Gutta de Hocker; à défaut, on ne saurait tirer de conclu- (1) Loc. cit., n° du 5 décembre 1897. (2) Humblot, Essais d'introduction de l'arbre à Gutta-Percha à la Grande Comore, Buil. du Museum d'Histoire naturelle, t. III, p. 172. La notice de M. Humblot a été reproduite dans le Bulletin de la Société d’Aculimatation 1897, p. 478. (3) Revue des Cultures coloniales, 5 juillet 1877, t. I, p. 72. 308 BULLETIN DE LA SOCIÉLÉ D’ACCLIMATATION. sions fermes des essais restreints qui sont rapportés. Ces observalions étaient trop justes pour ne pas donner à M. Humblot le désir de s'as- surer de l’exacte détermination botanique de l'arbre dont il s'agit et il m'a envoyé récemment des rameaux et des feuilles que j'ai soumis à l'examen de M. Guignard, membre de l'Institut et professeur de bota- nique à l'Ecole supérieure de pharmacie. Mon savant confrère a re- connu que ces échantillons provenaient bien de l'Zsonandra Gutla et il vient de m'adresser à ce sujet la lettre suivante : « J'ai examiné les feuilles d’/sonandra provenant des Comores que vous m'avez remises dans le but de savoir quelle est la qualité de la Gutta qu'elles renferment. Ii exisle en effet des variétés d'Zsonandra (Pelaquium) Gutta dont les feuilles contiennent des cellules laticifères aussi nombreuses et d'un produit aussi abondant que la meilleure variété de cette espèce et qui pourtant ne fournissent qu’une Gutta de mauvaise qualité. Aucun caracière externe ou interne ne permet, à ma connaissance, de distinguer une mauvaise qualité d’une borne: il faut, pour y parvenir, recourir à certains procédés. J'en ai la preuve avec des échantillons récollés à Bernco par M. de Guigne et envoyés en France comme excellents, alors qu'ils ne contenaient qu'une Gutla friable et sans qualité. >» Dans la pelile boîte que je vous adress2, vous trouverez trois préparations de feuilles dans lesquelles les laticifères à Gutta sont colorés et peuvent èlre vus facilement au microscope, à un faible grossissement. Ces préparations ont élé failes toules les trois avec des feuilles de bonne qualité, l'une provenant de Bornéo, l’autre du jardin de l'Ecole de pharmacie, la troisième des feuilles venant des Comores. Par suite, l'arbre de M. Humblot fournira sûrement un bon produit (1). » (1) Extrait du Balletin du Museum d'Histoire naturelle, 1898, n° 3. . BULLETI N CITE AATIONALE D'ACCLINATAT (Revue des Sciences naturelles appliquées) L: ï 452 ANNÉE à _ OCTOBRE-NOVEMBRE 1898 ; SOMMAIRE COSSAR EWART. — Hybrides du Zèbre de Burehell et de la Jument..:......... 300 LIVINGSTON STONE. — Les débuts de la Pisciculture aux États-Unis. .......... 3874 CLÉMENT. — Les plantes mellifères et le nectar.:........,....,.,...... Se de 349 L COUPIN. — Sur la conservation des Crosnes du DES ANNE eee ne en NEVAES ne 355 4 . La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des SiUeIeS insérés dans le Bulletin. | LS ———————— Un numéro 2 franes ; pour les membres de la Société À fr. 50 # de AU SIEGE - DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCKH à 41, RUE DE LILLE, #1 PARIS ET À LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE Le Bulletin paraît tons les mois ES Li 1 DANONE RU DÉSINFECTANT ù ANTISEPTIQUE Le seul joignant à son Efficacité, scientifiquement démontrée, l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Corrosif. 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Dans le cours des deux dernières années, j'ai obtenu cinq hybrides, par le croisement de différentes Juments avec un Zèbre de Burchell, (£quus Burchelli var. Chapmanni). Le _premier est né le 12 août 1896; les autres dans le courant de l'été de 1897. Les mères de ces hybrides sont respectivement : une Poney de l'Ile de Rum, une Poney de Shetland, une Poney d'Islande, une Jument irlandaise et une Jument croisée Clydesdale. : Le père de tous les hybrides, Matopo, est un beau Zèbre de Burchell, que je crois originaire du Transvaal. Comme le montre la fig. 1, il est bien conformé, a les jambes puis- santes, le cou fin et les épaules bien développées et, pour un Zebre, ses mouvements sont presque parfaits. Lorsqu'il trotte, ses jambes antérieures se meuvent gracieusement et ne rap- pellent en rien l'allure raide des Chevaux communs. Lorsqu'il salope, il semble le faire sans effort et sans que cette allure paraisse exiger de lui une grande dépense d'énergie. Le Zèbre a été souvent accusé d’avoir un mauvais carac- tère. Matopo fait certainement exception à cette règle. Nous perdons trop facilement de vue que, tant que les Zèbres n’au- ront pas été soumis à la domestication pendant un certain (1) Mémoire publié dans The Zoologist, n° 680, 15 février 1898, et traduit avec l'autorisation de l’auieur et du directeur, M. W, L. Distant. La Société d'Acclimatation est redevable des illustrations qui accompagnent ce mémoire à l’obligeance de MM. West, Newmann et Ce, éditeurs de The Zoologist. — Ce mémoire a été présenté à la Séance générale du 11 mars 1898 par M. Jules de Guerne, Secrétaire général de la Société. La reproduction en est formelle- ment réservée, sauf les autorisations des auteur, éditeur et traducteur. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 18G8 EE 310 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. nombre de générations, on ne peut les juger en les compa- rant au Cheval qui, après tout, n’est pas parfait. J’ai vu des Zèbres en captivité parfaitement dociles et j'ai eu en ma possession une femelle qui, capturée très jeune au Transvaal, était dès le début, aussi obéissante, aussi douce et aussi sûre que n'importe quel Poney. Différentes raisons m'ont empêché de me servir de Matopo, et cependant il n’y a jamais eu au- cune difficulté à l’'employer, sauf lorsqu'il se trouve avec des Juments ou qu’il est particulièrement excité. Lorsqu'il se trouve dans un champ avec des Juments, il est impossible de l’'approcher, car il se jette sur tous ceux qui s’aventurent au- près de lui. Il galope alors la bouche ouverte, poussant son cri caractéristique et essayant de saisir par les jambes ceux qui l’approchent. Un jour dans un petit paddock, il faisait si bonne garde auprès d’une douzaine de femelles qu'il fallut nous mettre à quatre pendant près de deux heures, pour faire rentrer ces femelles dans leurs boxes. D'ailleurs, tout bruit inaccoutumé l’émotionne : rien ne le terrifie autant qu’un coup de fouet et rien ne le surexcite comme d'entendre battre des tapis ; le claquement d’une corde le trouble profondément. Je me suis souvent demandé si le bruit cadencé du battage des tapis ne lui rappelait pas le jour, où, dans la lointaine Afrique, il perdit sa liberté alors que les Boers lui liaient les. jambes pendant que les Zoulous frappaient sur leurs boucliers avec leurs assagaies. Les rayures les plus caractéristiques de Matopo sont re- présentées dans les figures 1 et 2. J'ai décrit ailleurs (1) les rayures des différentes espèces de Zèbres. Je me bornerai à donner ici quelques détails sur celles de Malopo. Sa tête (fig. 1) est marquée d’une série de bandes brunes courbées dont quelques-unes se terminent dans une touffe de poils de deux pouces environ, placée sur le front. Faisant suite aux bandes frontales, se trouvent quelques bandes verticales descendant jusqu’au museau, dont la peau foncée est parsemée de quelques poils clairs excepté au-dessus des narines où ces poils sont tres bruns. Les Zèbres ont ordi- nairement une bande qui contourne l'épaule, passe en des- sous du garrot et se bifurque au niveau de l’attache de (1) Veterinarian, novembre 1897. PORN MEET EEE OS EU LS sut Le 2 RS, La ts ©” 312 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. l'épaule. Chez Matopo, d'un côté, (fig. 1), cette bande est double, de l’autre (fig. 2), elle va se confondre avec lune des bandes humérales. Entre cette bande et le sommet de la tête, il existe habituellement une douzaine de bandes cervi- cales qui, en aboutissant à la crinière, y forment une série Fig. 1. — Matopo, Zèbre de Burchell, père des hybrides. (D'après une photographie de M. Reid.) de touffes noires alternant avec un nombre égal de touffes claires. Entre ces deux rangs de touffes dont les poils sont dressés et continuant la ligne de la bande dorsale, se trouve la crinière proprement dite consistant en poils noirs, plus ou moins dressés. La partie antérieure de la crinière, au lieu de former un toupet, s'étend au delà du niveau d'insertion des oreilles et se projette en avant, sur le front, formant un angle "+ A PAS ae dd A SE AE GE ns ASE Qi 1 HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 313 droit sur le long axe de la face. Derrière la bande de l'épaule, du côté gauche, descendent cinq larges bandes presque verti- cales. Toutes, sauf la dernière, atteignent la bande dorsale par leur extrémité supérieure, et toutes, sauf la première, se rattachent d'autre part à la bande ventrale.*En arrière de ces Fiq. 2. — Matopo, Zèbre de Burchell, père des hybrides. (D’après une photographie de M. Swan Watson.) cinq bandes verticales, se trouvent de larges bandes obliques, entre lesquelles est une bande claire estompée au milieu d’une légère teinte brune. L'une de ces bandes obliques commen- çant à la naissance de la queue, se porte en avant au-dessus de la hanche, puis se courbe brusquement pour rejoindre la bande ventrale. Je lui ai donné le nom de « grande bande des flancs ». Au-dessous d'elle, s’en trouve une seconde, de forme 4 TA k D RC EDEN TOPIC Ur L } : HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 315 analogue, qu’on pourrait appeler « bande intermédiaire des flancs ». Ensuite vient une troisième commençant un peu au- dessous de la naissance de la queue qui traverse le flanc en se bifurquant au-dessus du grasset (1), la division antérieure se dirigeant vers la bande ventrale, mais sans la toucher. Ces trois bandes de flanc se trouvent également sur le côté droit où la bifurcation de la derniere est très apparente. Dans l’espace formé par la bifurcation de la bande de l'épaule, se trouvent quelques autres bandes courbées, peu distinctes, et au-dessous viennent les bandes transver- sales des jambes. Quelquefois, cet espace angulaire, en forme de A, renferme sept bandes courhées interrompues, et les jambes sont rayées jusqu'au sabot. Au-dessous de la bande du grasset, on trouve des bandes d'abord obliques, puis presque transversales sur les jambes postérieures et accom- pagnées quelquefois de bandes estompées. Chez Malopo, les bandes ne sont pas très visibles dans la partie inférieure des jambes de derrière, mais chez beaucoup de Zèebres, elles sont plus nettes et relativement plus larges à mesure qu’elles se rapprochent du sabot. La partie supérieure de la queue est distinctement rayée et, comme chez les Bœufs, elle se termine par un bouquet de longs poils. Les jambes de devant portent une large chétaigne, maïs celles de derrière n’en montrent aucune trace ; aucune toufte de poils n'existe surles fanons. Il y a lieu de remarquer que chez deux Zèebres ou même sur les deux côtés d’un même animal, la disposition des bandes n’est pas toujours exactement pareille (fig. 1 et 2); chez certains, le cou et le corps présentent autant de bandes secondaires que de bandes principales. Même certains Zèbres de Burchell, portent sur la croupe des bandes qui rap- pellent le gr des Zèbres communs (Æ. zebra) et, tandis qu'en été les bandes foncées sont presque noires et les bandes claires d’un jaune clair, en hiver, les premières sont couvertes de longs poils bruns, et les secondes de poils blancs également longs. Les touffes claires, de chaque côté de la crinière, sont blanches en hiver comme en été. Il convient d'ajouter que Matopo, comme la plupart des Zèbres de Bur- (1) Le grasset est la région du membre postérieur correspondant au genou de l’homme, " ; LA #7, 316 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. chell, étant conformé pour habiter la plaine, a les sabots ronds et les oreilles relativement courtes. Il diffère ainsi du Zèbre de montagne (£. zebra) et de son compagnon d’écurie, un Ane blanc d'Egypte, dont les sabots sont longs et étroits, et dont les oreilles mesurent 11 pouces 1/2, soit 5 pouces de plus que celles de Malopo. Fig. 5. — Romulus ©”, âgé de sept jours, et sa mère HMulatto. (Photographie de M. Swan Watson.) L'HYBRIDE « ROMULUS ». Le plus vieux de mes hybrides, Romulus, est né, comme je l'ai dit, le 12 août 1896. La période de gestation a été de 342 jours. Chez la Jument, elle est ordinairement de 343 à 390 jours. La mère de Romus était une Poney noire de l'ile de Rum, prêtée pour cette expérience par lord Arthur Cécil, d'Orchardmains, Kent. HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 317 La bonne race des Poneys noirs des montagnes et des iles de l’Ecosse occidentale est excellente sous beaucoup de rap- ports pour produire des croisements avec des Zebres. Les analogies que présentent les Chevaux de cette race avec ceux de l'Orient, ont fait dire qu'ils descendent d’étalons qui se. seraient échappés des vaisseaux de l’Armada espagnole (1). Romulus, quelques jours après sa naissance, était le plus intéressant petit animal que j'aie jamais vu (fig. 1). Il sem- blait réunir la grâce et la beauté de l’Antilope à l'élégance du Poulain arabe de bonne race. La disposition et la colora- tion de ses bandes et de ses taches était parfaite. La couleur du corps était jaune doré; les bandes et les taches d’un beau brun foncé. L'’éclat de sa robe était surtout remarquable et les bandes foncées avaient un lustre particulier. Au premier coup d'œil, on s’aperçcevait qu'en ce qui concerne la disposition des bandes, il n'avait aucune res- semblance avec son père et un examen attentif permettait de reconnaitre que, pour le nom- bre et la disposition des taches, il présentait beaucoup d’'ana- logie avec le Zèbre des Somalis. Il porte au milieu du front (fig. 4) une large tache brune qui res- semble à l'empreinte du doigt. Au lieu d’avoir, comme son père, quatre ou cinq baudes frontales courbées se terminant + en pointes aiguës, il présente Fig. 4.— Romulus, fils de Matopo et quatorze bandes arrondies, rap- de Mulatto, à l'âge de vingt-sept pelant celles qu’on remarque sur D ne de Me Red) le front du Zèbre des Somalis. Malopo a douze bandes cervicales; Romulus en a vingt- quatre, qui toutes peuvent être suivies jusque sur la crinière. Ce nombre relativement considérable de bandes cervicales, LA (1) Pour certains détails complémentaires relatifs à Mulatto, la mère de Ro mulus, voir Veterinarian, novembre 1897. 318 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. semble indiquer qu'il appartient à un type plus primitif que le Zèbre des Somalis, chez lequel je n'ai jamais vu plus de quatorze bandes cervicales et le rapprocher d’une de mes femelles qui porte ce même nombre de bandes, en y com- prenant les bandes secondaires. La bande de l'épaule se bifurque plus haut que chez Matopo et est accompagnée de sept bandes cintrées, comprises dans l'angle formé par la bifurcation. Derrière la bande de l'épaule (fig. 3), se trouvent neuf bandes verticales très distinctes, au lieu de cinq comme on le remarque chez son père (fig. 2), correspondant aux trois bandes des flancs, qui existent si fréquemment chez le Zèbre de Burchell, se voient, chez l’hybride, en ayant du srasset. trois rayures qui, d'abord dressées, se recourbent ensuite pour aller se terminer en arrière sous la mnais- sance de la queue (fig. 3). Dans l’espace triangulaire qui se trouve entre la première bande du flanc et la neuvième ver- ticale, on remarque un grand nombre de petites lignes étroites dont les unes se dirigent vers la bande ventrale, tandis que les autres vont rejoindre la première bande du flanc. Parallèlement à ces lignes presque transversales, il y avait, à la naissance, des rangées de taches également dis- posées transversalement sur les reins et la croupe. Aujour- d'hui que Romulus est âgé de plus d'un an (fig. 5), beau- coup de ces taches se sont réunies pour former d’étroites bandes en zigzag, analogues à celles qui marquent le train de derrière du Zèbre des Somalis. Cette fusion des taches est beaucoup plus accentuée sur le côté gauche que sur le côté droit. De l'épaule à la naissance de la queue, on compte quarante-trois bandes, — à peu près le même nombre que chez le Zèbre des Somalis: Matopo a seulement cinq bandes transversales après celle de l'épaule (fig. 2). — Le mélange des taches sur le train de derrière de Romulus semble in- diquer que dans beaucoup de cas, les bandes ne sont primi- tivement que des taches ou des lignes ondulées et interrom- pues. Entre la troisième bande des flancs et la pointe du jarret, il existe un certain nombre de bandes foncées, alter- nant avec quelques bandes secondaires ; derrière le jarret sont quelques barres transversales et enfin quelques lignes obliques moins distinctes jusqu'au sabgt. Quelques lignes semblables existent également sur les membres antérieurs. Ces bandes des jambes étaient à la naissance plus apparentes LE 6 EE il D à EN se Gr Le re a AA AC RE SR AE 1 D "Oct EE OS FONE ï \ HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 319 que chez le père. A partir de la crinière, une bande dorsale très apparente, portant de chaque côté une étroite bande. jaunâtre, se continue en partie sur la queue. Celle-ci, à la naissance de l'hybride, portait jusqu’à sa base de longs poils, et, néanmoins, était marquée de trois bandes distinctes de Fig. 5. — Romulus, à.l’âge d’un an. (Photographie de M. Swan Watson.) chaque côté ; j'ai vu une fois chez un Cheval la Irene ornée de bandes semblables. Les oreilles, arrondies à leur extrémité, ne sont pas rela- tivement beaucoup plus longues que chez la plupart des Chevaux, les naseaux, par leur forme, leur position, etc., ressemblent à ceux des autres Zèbres ; les yeux et les sourcils sont intermédiaires, mais les cils longs et recourbés, different en cela de ceux des Chevaux et des Zèbres qui sont droits et assez courts. Le pied rappelle celui du Zèbre plutôt que celui du Cheval. I paraît solide et résistant. HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 321 Dans ses mouvements, Romulus semble tenir beaucoup plus de son père que de sa mère. Quelques instants après sa naissance, il courait dans son boxe, paraissant impatient d’aller retrouver les autres animaux. Ce qui m'a surtout frappé au début, c’est son agilité et sa circonspection lorsqu'il se trouvait en présence d'objets qui lui semblaient suspects ou ne lui étaient pas familliers. Dans son enfance, lorsqu'il était surpris pendant son sommeil, il était vraiment merveil- leux de voir avec quelle rapidité il se dressait sur ses pieds, prêt à s’élancer. Le plus grand ennemi du Zèbre paraît étre le Lion. Il lui échappe non par la rapidité de la course, mais par son agilité et les bonds qu'il fait au moment où son ennemi va s'élancer sur lui. Tous les hybrides ont hérité de cette faculté extraordinaire de bondir avec la plus grande rapidité. Les Zèbres sont difficiles à conduire, non parce qu'ils sont d'un naturel vicieux, mais parce qu'ils s’effraient facilement. A certains moments, ils sont pris de panique, s’imaginant sans doute que le Lion va les atteindre; ils se précipitent, sans regarder, contre un mur ou une haie, et se jettent dans un fossé, sans que le mors ou les rênes puissent les arrêter. Dans leur éducation, on devra s'attacher surtout à combattre peu à peu cette tendance à bondir et à se dérober. On est arrivé assez facilement à corriger de ce défaut des Zèbres adultes. Il sera sans doute encore plus facile d’arriver au méme résultat chez les hybrides. Du reste Romulus est parfaitement docile ; il se laisse facilement ferrer, et supporte l'examen de ses dents ; lorsqu'il avait un peu plus d'un an, il semblait disposé & être monté par un enfant. J'ai mentionné que Mulatlo a juste 13 mains (1), tandis que l’étalon Zèbre a 12, 3 mains. A sa naissance, le 12 août 1896, Romulus mesurait 34 1/2 pouces au garrot; à deux mois 38 1/2 pouces ; à six mois 43 pouces ; et à douze mois 45 1/2 pouces. Sa croissance a été extrêmement irrégulière ; ainsi du 12 février au 12 avril, il n’a grandi que d’un demi- pouce, et du 12 juin 1897 au 12 septembre, de trois quarts de pouce seulement ; mais du 12 septembre au 12 décembre, sa taille augmenta d’un pouce un quart. Aujourd'hui, 12 jan- vier 1898, il mesure 47 1/2 pouces, presque 12 mains; ses (A) Main = 0n,4016. 322 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. jambes de devant ont 6 1/2 pouces de circonférence, le genou 10 pouces et le tour du corps à l'endroit où se place la sangle 52 1/2 pouces. Les poulains issus de Poneys noirs de l'ile de Rum sont souvent de couleur gris souris foncé avec une bande dorsale peu apparente et portant une tâche sombre sur les épaules. Après la première mue chez ceux de race pure, le poil devient plus foncé et enfin presque noir, avec quelques taches sur les flancs et l’arrière-train. Comme je l’ai dit, Romulus à sa naissance, avait le poil d’un jaune orange bril- lant, tirant sur le jaune paille sur le museau, et vers les genoux et les sabots. Le dessous du cou et du ventre étaient brun foncé et la bande ventrale peu apparente. Les oreilles étaient garnies de poils d’un jaune orange bril- lant. A l’âge d’un mois, il commença à muer. Des poils clairs commencèrent à tomber de la face et de son cou, vers le milieu de septembre et, à la fin de ce mois, sa couleur géné- rale était devenue beaucoup plus foncée. Il continua à perdre ses poils jaunes et bruns, sauf sur le dos, pendant tout le mois d'octobre et vers le milieu de novembre. Le poil orangé de ses oreilles rappelait seul la jolie robe qu'il portait dans les premiers jours de sa vie. À la fin de novembre, son nouveau poil était complètement poussé. Les bandes orangées de sa face étaient remplacées par d'autres beaucoup plus pâles; le museau était devenu brun, le cou et le corps gris souris et le bas des jambes brun foncé. Du garrot à la naissance de la queue, les poils étaient particulièrement longs et épais. A cer- tain moment, les poils recouvrant la plus grande partie de la croupe devinrent si longs que le reste paraissait avoir été tondu. Il se recouvrit d'un épais manteau de poils laineux d'un demi-pouce à 2 pouces de long et dont une partie at- teignait même 3 pouces. A leur racine, tous les poils étaient de couleur claire, de sorte que si l’animal avait été tondu, toute trace de bandes aurait disparu. Chez les Zèbres, au contraire, le pigment brun se montre des la racine des poils, et, si courts que soient ceux-ci, les bandes sont toujours très visibles. Dernièrement, Matopo éprouva un accident qui lui enleva une partie de la peau auprès de la queue en faisant disparaitre tout l’épiderme, et avant même qu'on püt distinguer les poils qui repoussaient à cet endroit, on constatait très nettement la place que devaient HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 323 occuper les bandes foncées. On a dit que la peau des Zèbres était uniformément noire, même sous les bandes claires; il serait plus exact de dire qu’elle est presque entièrement de couleur gris foncé. Vers le milieu de mars, les longs poils commencèrent à tomber et à la fin de ce mois on pouvait les enlever par poi- cnées. En même temps, les longs poils de la partie basilaire de la queue tombaïent aussi de sorte qu'à un certain moment, la queue de Romulus n’était guère plus fournie que celle de son père. À la fin de mai, tous les longs poils clairs ou foncés tombaient, et, de bonne heure en juin, les poils laineux, foncés et gris souris avaient aussi disparu. Vers le 6 juin, le poil d'hiver avait disparu autour des oreilles et au-dessus des yeux et l’on pouvait voir déjà quelle serait la couleur du pelage d'été. La mue se continua en juin et en juillet. Le 12 août, premier anniversaire de sa naissance, Romulus avait sa robe d'été. Les bandes foncées, formées de poils robustes et couchés sur la peau, étaient parfaitement indiquées. Les bandes intermédiaires étaient d’un rouge brun sur le front, mais sur le reste du corps d’une teinte rappelant celle du pelage d'été du Cerf. Pris dans son ensemble, Ro- mulus, à l'âge d’un an, était certainement d’une teinte géné- rale beaucoup plus foncée que pendant les premiers temps de sa vie. En même temps que tombaient les longs poils sur son corps et à la naissance de la queue, de nombreux crins se déta- chaient de la crinière. Chez un Mulet ordinaire issu d’une Poney de New-Forest que j'avais eue pendant quelque temps, tous les longs poils de la crinière étaient tombés pendant l’été. Mais chez Romulus, les nouveaux poils se montrèrent avant que les anciens fus- sent tombés. Bien que sa crinière füt plus courte, moins épaisse et moins dressée pendant le mois d’aouût, elle se com- posait néanmoins de poils fort longs. Aujourd’hui, cette cri- nière formée de crins ondulés de 7 à 9 pouces de longueur, tend à retomber d’un seul côté, comme chez certaines espèces de Zèbres. Vers le milieu de septembre, Romulus avait encore perdu une grande partie de ses poils les plus clairs qui furent rem- placés par de plus foncés. Probablement en raison de l’extré- me douceur de la saison, les poils les plus longs ont déjà 323 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. commencé à tomber en janvier, comme ils le firent en mars dernier. Tous ceux qui ont vu Romulus s'accordent à le considérer comme bien supérieur à son père et comme plus beau et mieux conformé que sa mère; ayant été dressé dès le début, il est aujourd'hui extrêmement docile. Quelquefois cependant, il montre bien qu'il est plein d’ardeur et n’a pas besoin d'être excité. Il témoigne beaucoup d'affection à une petite Jument, de très bonne race. Lorsqu'on le sépare de cette Jument, il se montre quelquefois aussi inquiet que son père quand on dérange celui-ci de ses habitudes. La semaine dernière, un Cheval étranger galopant dans le paddock où il se trouvait, l'hybride s’anima aussitôt, se mit à trotter et à galoper, montrant de fort belles allures et il continua encore à galoper, quelque temps après que le Cheval eut quitté l'enceinte. Romulus a été récemment cité dans le Scottish Farmer par un excellent juge de Chevaux, comme un très beau poulain, parfaitement constitué, aux actions élégantes et gracieuses ; il est remar- quable que rien ne rappelle chez les hybrides le Mulet ou le Bardeau. L’'HYBRIDE « REMUS ». La mere de Remus, Biddy, est une Jument 3/4 sang irlan- daise de 14,1 mains qui m'appartient depuis 1893 et qui a au- jourd'hui neuf ans. Elle est baie, marquée de taches noires, mais n’a de poils blancs nulle part. Reïnus est son premier produit, c'est une bonne bête. très douce, qui a toujours été en excellente condition, été comme hiver. Evidemment le Zèbre, avant de venir ici, ne s'était jamais trouvé avec des Chevaux, quand je le mis pour la première fois avec Mulatto, il se réfugia dans un coin, la queue entre les jambes, et poussant un cri particulier qui témoignait d'une grande frayeur, quelques Poneys se précipitèrent vers lui, la bouche ouverte, d’autres lui lancèrent des coups de pied. D'un autre côté, un étalon arabe et quelques Juments se mon- trèrent aussi effrayés en le voyant que s’il se fût agi d'un Tigre ou d’une bande de Lions. Pour le familiariser avec les Chevaux, je le plaçai le soir avec un Poney des Shetland, ardent, mais d’un caractère doux. Le Poney commença à taquiner le Zèbre qui bientôt fi HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET-DE LA JUMENT. 325 mine de vouloir l’attaquer. Il se mit à tourner autour de lui, en cherchant à lui mordre les jambes. Le Poney, surpris d'abord par ce mode d'attaque, adopta bientôt la même tactique et à plusieurs reprises fit tomber le Zèbre à genoux (1). Après deux heures environ, le combat prit fin, sans qu'il y ait eu du reste grand dommage de part et d'autre, et, à partir de ce moment, Matopo et Scheila devinrent d'excellents amis. Mais pendant tout le printemps de 1896, le Zèbre demeura d’une extrême timidité et, même encore aujourd'hui, à la moindre démonstration hostile, il s’empresse de battre en retraite. Biddy est le premier animal adulte qu'il se soit décidé à approcher. Un jour, j'attachai Biddy dans une cour de 40 pieds environ, après avoir pris la précaution de lui bander les yeux. Le Zèbre entra et fit quelques pas vers elle, il s'approcha, posa sa tête sur son dos, puis sur son garrot; ensuite 1l lui lècha les lèvres et lui mordilla doucement les oreilles. Enfin il parut satisfait de son examen. Le Cheval ne lui parut plus un animal si terrible; il rentra à l’écurie et acheva son repas. Il avait vu une fois ce qu'était une Jument et il ne l'oublia plus. Il y a cependant certaines Juments qu'il n'aime pas tandis qu'il a pour d’autres une grande affection ; il se montre très excité quand celles-ci passent près de que Maïs il ne fait aucune attention aux Anesses. Remus naquit le 18 mai 1896. Il était au moment de sa naissance, plus petit et moins vif que Romulus. Sa mère le . porta pendant 346 jours. Le jour de sa naissance, il mesurait 39 1/2 pouces de hauteur et 28 pouces de circonférence. Le 18 juin il atteignait 38 3/4 pouces et 36 de circonférence. A l’âge de six mois, sa taille était de 44 1/8 pouces, sa circon- férence de 47 1/2. Le genou avait 9 3/4 pouces de tour et le jarret 9 3/4 pouces. À l’âge de six mois, Romulus avait 42 pouces. Dès sa naissance, Remus fut très familierjet son caractère semblait se rapprocher de celui du Zèbre, plus que celui de Romulus. Pendant les premiers jours, ce n’était guère qu'une machine, une sorte d'automate, ne sachant que téter ou suivre (1) Je dois faire remarquer à cette occasion que toutes les fois qu’on lui tou= chait les jambes avec une corde ou un bâton, il tombait immédiatement sur les genoux ou même se couchait entièrement à terre. Cela tient, je crois, à ce que, avant son arrivée ici, on l’étendait périodiquement à terre pour examiner ses sabots. Bull. Soc. nat. Acci. Fr. 1898. — 23, 326 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. quelqu'un marchant devant lui. Tous les organes de ses sens fonctionnaient bien, mais le cerveau ne retenait aucune des impressions qu'il avait reçues. Si je marchais devant lui, il me suivait et sucait mes doigts ou tout autre objet qu'on lui présentait. Il entendait bien sa mère quand elle l’appelaït, mais il ne savait discerner d’où venait la voix et quand il la voyait à quelques pas de lui, il hésitait à la reconnaître. Il aimait l’aloès et l’eau autant que le sucre et le lait, et lors- qu'on lui présentait un flacon de sels ou de la moutarde fraîche, il semblait ne pas les sentir. Il ruait lorsqu'on le pinçait, mais il ne semblait éprouver aucune sensation parti- culière lorsqu'on lui appliquait sur la peau un objet chaud ou froid. — Lorsqu'un Chien pénétra pour la première fois dans l'écurie de Romulus, celui-ci entra dans une grande colère; il s'élanca furieux, frappant des pieds de devant, le cou tendu, la tête haute, relevant les jambes comme s’il marchait dans de hautes herbes où pouvaient se dissimuler des ennemis. Pourtant Remus, à l’âge de deux jours, laissa un petit Chien se coucher à 6 pouces de son museau et ne se leva que sur un cri d'avertissement poussé par sa mère à l'approche d’un Chien dalmate. Quand il fut sevré, en même temps que les autres poulains hybrides et de race pure, il sembla ne pas s’en apercevoir. Tandis qu'un des hybrides et un poulain arabe mordaient, ruaient et frappaient du pied, lui se con- tentait de regarder vaguement au-dessus de la clôture. Mais bientôt, comme les autres se calmaïent, il se mit à marcher de long en large, exactement comme le Zèbre son père; il con- serva cette habitude, analogue à celle des Lions en cage, seul parmi tous les autres poulains. Lorsque Romulus fut sevré, il devint furieux pendant quelques jours, ruant et frappant du pied, comme le faisait son père lorsqu'il entendait le bruit du battage des tapis. Il y a quelque temps, on fut obligé de donner aux poulains du lait mélé de thymol. Les poulains de race pure ne firent que très peu de résistance, maïs les hybrides luttèrent pour ne pas le prendre jusqu'à ce qu'ils fussent épuisés. Quant à Remus, il fut impossible de lui faire avaler une seule goutte du remède. Comme on devait s’y attendre, le fils de Biddy est de cou- leur plus claire que celui de Mulatto. À l'exception du museau et du bas des jambes, le corps est d’un joli bai brillant. Au moment de la naissance, Je museau et les jambes étaient HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 321 blanchâtres ; maintenant ils ont pris une teinte baie. Les bandes sont plus claires et moins apparentes que chez Romulus. Elles sont généralement d’une teinte brun rou- geatre, accentuée surtout sur les sourcils, la poitrine et la partie inférieure des jarrets. La disposition des bandes est la même que chez Rosnulus, mais dans son jeune âge, un certain nombre des taches qui se trouvent sur la croupe se réunis- saient déjà de manière à former des bandes étroites. La face, mesurée du sommet de l’occiput à l'extrémité des naseaux, était un peu plus allongée que celle de Romulus ; les oreilles avaient la même longueur, — 6 pouces. Quelquefois, lorsqu'un Cheval pousse un cri d'alarme, tout le troupeau se rassemble et les animaux se mettent à bondir comme pris d’affolement. Les Équidés sauvages semblent se préoccuper beaucoup de la direction d’où viennent les bruits. Probablement, plus les oreilles sont longues, plus les bruits sont vivement perçus. Si, comme il est vraisemblable, la longueur des oreilles a pour ces animaux une telle impor- tance, on s'explique facilement que, dès la naissance, elles atteignent déjà à peu près la dimension qu'elles doivent avoir plus tard. Les poulains, dans leur jeune âge, sont de nature vagabonde et, s'ils ne pouvaient aisément reconnaître les appels de leurs parents et la direction de ces appels, leur existence, à l’état sauvage, serait souvent compromise. Romulus avait, à sa naissance, les oreilles plus longues que celles de sa mère et à peine plus courtes que celles de son père. Celles de Remus étaient de même longueur que celles de sa mère; soit 6 pouces à l’intérieur. Les yeux du fils de Biddy sont de couleur noisette et ont la douceur de ceux de la Gazelle; les cils sont très longs et recourbés. La crinière était d'abord formée de poils mous, se rejetant tous du côté droit. Quelque temps après, ces poils devinrent plus rigides et maintenant, à l’âge de neuf mois, ces poils sont presque complètement dressés, sans étre cependant d’une trop grande raideur. On peut préjuger que la crinière sera dressée et courte comme celle de son père. La queue présente moins de poils que chez les autres hybrides et porte trois barres à sa racine. Confrairement à ce qui a lieu ordinairement chez les Mulets, il existe des châtaignes sur les jambes de derrière, comme sur les jambes de devant. Celles des jambes antérieures sont grandes, mais elles ne éd "aix à TEE 328 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. s'élèvent pas au-dessus de la peau, elles ressemblent à celles des Zèbres; celles du train de derrière rappellent celles des Chevaux : elles sont assez étroites, n’ont qu'un demi-pouce de long et s'élèvent au-dessus de la peau. L'absence de châtai- gnes aux jambes et derrière chez les Zebres et les Anes pro- vient sans doute de ce que leurs premiers ancêtres n'en avaient pas. Cette particularité semble indiquer, à mon avis, que les Zèbres et les Anes dérivent d'un ancêtre (peut-être l’'Hipparion) distinct de celui des Chevaux qui pourrait être le Protohippus. Si Remus survit, il pourra atteindre une hauteur de 56 pouces et sera le plus joli et le plus gracieux des hybrides obtenus jusqu’à ce jour. Comme il arrive pour tous les jeunes Zèbres, le pelage du dos et de l’arrière-train de Remus grandit rapidement et forme une épaisse toison. Les poils qui composaient cette première fourrure tombaient comme d'habitude, plutôt sur la face et le cou que sur les jambes et surtout les genoux et autour des paturons. Les premiers tombèrent à la fin du pre- mier mois, mais il en restait encore sur le museau et les sour- cils à la fin du troisième mois et sur les jambes à la fin du quatrième mois. Le nouveau pelage était complètement poussé à la fin du cinquième mois c’est-à-dire à la mi- octobre; il consistait en un épais manteau de poils bai-brun ondulés, d’un pouce et demi de long, recouvert de poils plus rares, mais plus forts, dont beaucoup atteignaient une lon- gueur de 2 pouces 1/2. Jusqu'à ce jour (janvier 1898) aucun de ces poils n’est encore tombé. L'HYBRIDE « BRENDA ». La mère de Brenda (Lady Douglas), est née d’une Jument Clydesdale, présentant les caractères de la race de Douglas, autrefois commune dans le district de Hamilton. Comme Biddy, elle est baie avec des taches noires, maïs, contraire- ment à sa mère qui est une Jument irlandaise, elle a sur le front une large étoile, une crinière et une queue très fournies, et les fanons très poilus. Elle mesure 60 pouces en hauteur, 13 1/2 pouces de circonférence au genou et 9 pouces au- dessous du genou, sa tête a un pouce de plus et ses oreilles trois quarts de pouce de plus que celles de Biddy. Je m'atten- HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 329 dais à ce que Brenda, qui est le premier produit de sa mère, ressemblât à Remus pour la couleur et la disposition des bandes; mais dans tous les croisements, il faut toujours faire la part de l’imprévu. Nous oublions trop souvent que, même avec un père de race tout à fait différente, les enfants peu- vent toujours conserver beaucoup des caractères de leur mère. Très peu d'heures après sa naissance (fig. 6), on voyait clairement que Brenda ne ressemblerait ni à Romulus, ni à Remus. D'abord, ses oreilles paraissaient très longues ; elles avaient à sa naissance 6 1/2 pouces, à peine un quart de pouce de moins que celles de sa mère et presque autant que celles de son père; elles ont maintenant 7 1/2 pouces. Sa tête estrelativement courte, plus-courte que la tête d’un hybride de Poney d'Islande de 12 mains. La hauteur au garrot était de 43 pouces, un pouce de plus que Remus et 4 pouces de plus que l’hybride d'Islande. A part ses oreilles, Brenda, à sa naissance, ressemblait assez à un poulain bai; mais bientôt des bandes un peu éteintes commencèrent à se montrer et, après un ou deux jours, ces bandes, bien qu’encore peu distinctes, étaient très visibles et paraissaient disposées comme celles des autres hybrides. Maintenant qu’elle a près de sept mois, elle peut, à une certaine distance, être prise pour une pou- liche ordinaire. Comparée à Remus, sa tête est plus courte et plus fine, les attaches sont plus fortes et les jambes plus grosses. A six mois, la circonférence des genoux était de 10 1/4 pouces et au-dessous des genoux de 6 1/2 pouces, c’est-à-dire à peu près exactement les mêmes dimensions que chez Romulus à l'age de dix-sept mois. La crinière, d’abord courte et presque droite comme chez tous les Zèbres, est maintenant composée de poils de 8 à 10 pouces de longueur à peu près comme chez un poulain ordinaire du même âge, sauf près du garrot et entre les oreilles, la crinière retombe du côté droit et une partie descend jusque sous le cou. Les poils qui se trouvent entre les oreilles sont dirigés en avant et forment une sorte ‘de toupet. Chez Remus, comme je l’ai déjà dit, la crinière est [ù L encore droite et plus que chez son père. La queue de Brenda a été, dès le début, beaucoup plus fournie que celle des au- tres hybrides et elle a été peu dégarnie par la mue. Les poils qui entourent les ergots ont maintenant plus de 2 pouces de long. Les châtaignes des jambes antérieures du Zèbre sont larges ns DE dé i 330 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. et lisses ; elles ne dépassent pas le niveau de la peau. Chez Romulus et Remus, elles sont aussi larges et s'élèvent à peine au-dessus de la peau; quelquefois il s’en détache de minces écailles. Chez Brenda, elles sont aussi larges que chez les Zèbres, maïs elles s'élèvent au-dessus de la peau autant que chez un poulain de Clydesdale, de pure race. La jambe gauche Fig. 6. — Brenda, hybride, fille de Watopo et de Lady Douglas, âgée de deux mois. (Photographie de M. Swan Watson.) de derriere porte une petite chätaigne proéminente, d'un quart de pouce de diamètre, mais la droite n’en porte aucune trace; ses sabots sont ceux du Zebre, beaucoup plus petits que ceux d'un poulain Clydesdale de méme âge. Ils sont larges en arrière et arrondis en avant, mais les barres sont relativement courtes et ne s'étendent pas plus loin en arrière que la fourchette. Je puis ajouter que les naseaux ressem- blent moins à ceux du Zèbre que chez les autres hybrides. Le museau rappelle plutôt celui de la mère que celui du père, la lèvre inférieure étant, comme chez la mère, un peu allongée. HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 331 Les oreilles arrondies sont marquées de blanc à l'extrémité, ce qüi arrive parfois chez les Poneys isabelles, aussi bien que chez les Zèbres. L'ensemble du corps et le train de derrière sont plus massifs que chez Remus et les épaules sont moins hautes, ce qui fait que chez Brenda, les mouvements rap- pellent moins ceux du Zèbre, que chez les autres hybrides. Comme on le voit sur la figure 6, Brenda porte sur le milieu du front, entre les yeux, une tache de 3 pouces de long environ. La même figure fait. clairement voir la disposi- tion des bandes à la fin du second mois. Les bandes sourci- lières (à peine visibles sur la figure) sont maintenant aussi pointues que celles d'un Poney de Norvège que je possède ef comme chez le Couagga d'Amsterdam. Le fait est remarquable, car chez tous les autres hybrides, les bandes sourcilières sont arrondies. Toutes celles qui se trouvent sur le cou, sont semblables à celles de Romulus. Vers les épaules, les bandes deviennent peu distinctes et sur le train de derrière, il n'existe que quelques taches et quelques portions de bandes. Le bas des jambes est très faiblement marqué ainsi que les jarrets et la poitrine. Maïs bien qu'aucune des bandes ne soit franchement accentuée, on voit de petites lignes entre cha- cune des bandes du cou et du corps. Ces lignes rappellent les bandes secondaires et les nombreuses bandes verticales peu distinctes du reste, qu’on remarque chez les hybrides &’Ane et de Zèbre. Cette disposition semble indiquer que cet hybride dont l’ensemble rappelle plutôt le Cheval que le Zèbre, a plus de sang de ses ancêtres primitifs que les autres hybrides dé- crits jusqu'ici. Si cet animal continue à prospérer, il sera cer- tainement vigoureux, robuste et bien fait,il atteindra 40 pouces de haut; il sera plus fortet plus solide qu’une Mule ordinaire. L’HYBRIDE « NORNA ». Le plus joli de mes hybrides de l'été dernier a pour mère une belle Jument poney des Shetlands (Nora), haute de 44 pouces. Cette Jument, qui aura six ans au printemps pro- chain, a déjà donné le jour, en 1895, à un poulain dont le père est un petit Poney noir des Shetlands, Wallace. Nora est, sous beaucoup de rapports, une reproduction en petit de Mulaito, et sa fille Norna une reproduction réduite de Ro- mulus. Dans les premiers jours de sa vie, Norna était, dans "26 AT WE ; % 4 DRE Fret Ps ra VE un O pe à F "# re ù % 332 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. sa couleur, ses mouvements et ses allures, plus élégante que Romulus lorsqu'il avait le même âge. Maintenant que sa taille (qui était de 30 pouces à la naissance, le 8 juin 1897) a atteint 41 pouces, sans compter les sabots, elle paraît appartenir à une grande race antique. Norna montra, dès le début, plus d'intelligence que tous ceux qui étaient nés en même temps qu'elle; bien que toujours en éveil, elle n’est pas irritable et ne s’effraie pas aisément. Lors des fêtes du Jubilé, elle suivit sa mère à travers une foule de plusieurs milliers de per- sonnes, sans montrer aucun signe d’hésitation ou de peur. Aujourd’hui, elle est très douce et se laisse mesurer sans faire aucune résistance. Au moment de sa naissance, Norna res- semblait à Romulus comme couleur, comme disposition des bandes et comme formes; mais sa téte était relativement plus petite et ses oreilles plus courtes. Il y avait cependant entre elle et les autres hybrides une importante et intéres- sante différence. Romulus avait la croupe et les reins mar- qués d'un grand nombre de taches placées transversalement. Lorsqu'il prit son nouveau poil, en août dernier, je constatai qu'un grand nombre de taches s'étaient réunies de facon à former deux lignes en zigzag dont la direction était la même que celle des bandes qui se trouvent sur le train de derrière du Zèbre des Somalis. Chez Norna, au lieu de taches sur le train de derrière, on remarqua d’abord un grand nombre de petites bandes étroites et à peine ondulées qui correspon- daient absolument, dans leur disposition, avec les bandes du Zèbre des Somalis; plus tard beaucoup de celles-ci rejoi- gnirent, ou à peu près, une bande traversant obliquement le train de derrière comme celle que l’on voit à la même place chez le Zèbre des Somalis et qui constitue, ainsi que je l’ai dit ailleurs, la bande fémorale la plus élevée. La remarquable différence qui existe entre les taches du train de derrière de Norna et de son père Malopo, et la ressemblance qui existe, au contraire, entre ces taches et celles du Zèbre des Somalis, me semble devoir jeter une grande lumière sur les règles qui président à l’arrangement des bandes chez les différentes espèces et variétés de Zèbres et démontrer que les différences qu’on observe entre la disposition des bandes du père et celles de ses enfants sont très probablement dues à l’atavisme (1). (1) Veterinarian, décembre 1897. HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 333 Si cette hypothèse est exacte, il en résulterait que, au moins par ses marques, le Zèbre des Somalis est le plus primitif de toutes les espèces actuelles. _ La présence des bandes secondaires sur le cou peut égale- ment être une preuve que les hybrides sont revenus à un type ancestral (peut-être l'ancêtre commun du Cheval et du Zèbre). Matopo ayant douze bandes cervicales et quelques autres Zèbres ayant, en outre, neuf ou dix bandes secondaires, et, d'un autre côté, Romulus ayant deux fois autant de bandes que Maiopo, on peut en conclure que le nombre type de ces bandes chez le Zèbre est de vingt-quatre environ. Mais chez Norna, en plus des vingt-quatre bandes cervicales, on re- marquait au moins cinq bandes secondaires. Chez les hybrides d’Anes et de Zèbres, il y a ordinairement un assez grand nombre de bandes peu distinctes sur le cou et sur le corps et de nombreuses taches sur le train de derrière. Je considère les hybrides d’Ane et Zèbre comme plus primitifs par leurs marques que les hybrides Zèbre et Cheval. En raison du grand nombre de ses bandes cervicales, Norna se rapprocherait des hybrides d’Ane et de Zèbre et semblerait par cela même porter l'empreinte d’un atavisme remontant plus haut que celui des autres hybrides ayant pour père Matopo. Pendant les trois premiers mois, la crinière de Norna, plus épaisse que celle des autres hybrides, était dressée. Pendant les quatre mois suivants, elle s’allongea beaucoup. Actuellement, la moitié de la partie postérieure pend sur le côté droit, le milieu pend sur le côté gauche, et la partie qui se trouve entre le front et les oreilles forme une sorte de toupet très fourni. Norna, avec sa tête courte et marquée de taches particu- lières, sa belle crinière dont une partie pend à droite et l’autre à gauche, est une bête originale et ne ressemble ni à son père ni à sa mère. Son poil est très serré, les longs poils qui couvrent le corps mesurent environ 3 pouces, et ceux du front 2 pouces. Si Norna se développe comme Romulus, elle sera, dans un an, une petite Poney rablée et rayée de 44 à 46 pouces de haut. De même que Romulus, elle n’a rien qui la fasse ressembler à une Mule ou à un Bardeau. Son pied est très bien fait, elle a à peine quelques poils aux fanons et ne porte aucune trace de châtaignes aux jambes de derrière. 334 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. L'HYBRIDE « HECKLA ». La mère d'Æeckla est une Jument d'Islande de 46 pouces Son pelage était si clair et le jaune qui s’y trouve çà et là si päle que je pensais que son hybride serait d’une couleur aussi claire que les Zèbres de race pure. Æeckla est au contraire le plus foncé de tous les hybrides et ses bandes sont aussi brunes que celles de Brenda. Lorsqu'elle était couchée au- pres de sa mère après sa naissance, elle ressemblait à un gros Lièvre à la tête très allongée et aux oreilles relativement longues. Son pelage consistait au début en longs poils gros- siers; les châtaignes de ses jambes de devant étaient proémi- nentes comme celles de sa mère. Elle mesurait à sa naissance 32 1/2 pouces : à six mois, elle atteignait 43 pouces et aujour- d’hui, (12 janvier 1898), 43 1/2 pouces; la circonférence de ses genoux est de 9 1/2 pouces et celle de ses jambes de devant de 5 1/2 pouces. Bien qu'Æeckla ait toujours eu un pelage épais et de couleur foncée avec l'extrémité des oreilles blanche, elle se rapproche dans son ensemble de Rornulus, mais ses allures tiennent plutôt de celles du Cheval que de celles du Zebre. Elle promet d'être aussi forte et aussi agile que Ro- mulus, plus capable que lui de supporter le froid sans en souffrir et de résister aux intempéries. Sa téte longue et son cou assez court démontrent que les Poneys d'Islande appartiennent à une autre race que les Po- neys noirs de West Highland qui ressemblent aux Chevaux d'Orient. Ils peuvent être les descendants directs de ceux que l'homme chassait à l’époque du Renne. Leurs ancêtres se se- ront retirés progressivement vers le Nord avec toute la faune des toundras, qui, alors comme maintenant, vivait dans les régions glacées. Si Heckla doit sa couleur foncée à l’atavisme, on peut croire que ses ancêtres étaient de couleur grise. Il serait difficile de savoir dès maintenant si Romulus ou les autres hybrides seront fertiles ou pourront rendre de sé- rieux services pour les travaux intérieurs ou extérieurs; s'ils résisteront à la Mouche Tsétsé d'Afrique ou si leur constitu- tion sera supérieure à celle des Mulets ou des Anes; mais on peut dès à présent assurer qu'ils semblent devoir être tres robustes. Des sa naissance, Roïnulus a toujours eu une excellente santé, comme son père, tandis que presque toutes (ren - HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 339 mes Juments et mes Chevaux ont souffert du froid et de diffé- rentes indispositions. Tout récemment, les quatre hybrides et. trois poulains ont eu à souffrir de la présence du Strongylus .armatus. Un des poulains de pure race, second fils de Mu- lato et d’un Arabe, mourut des atteintes de ce parasite le 1er janvier, et un autre poulain robuste fut presque réduit à l'état de squelette, mais les quatre hybrides, bien qu’ils fussent en moins bonnes conditions, se rétablirent rapidement et se- ront bientôt, j'espère, en aussi bon état qu'auparavant. L'éditeur du Scottish Farmer (21 novembre 1897) dit que Romulus sera inestimable pour le trait ou pour la course en raison de sa vigueur et il ajoute que tous les autres hybrides ont les pieds et les jambes aussi souples que s'ils étaient en baleine et les paturons comme on les aime dans la région de Ciydesdale. On sait du reste que le capitaine Lugard et le major von Wissmann ont chaleureusement recommandé des essais tendant à produire des hybrides de Zèbres. Le capitaine Lugard dans son ouvrage : Our East African Empire, dit : « Depuis quelques années, j'ai conseillé les es- sais de domestication du Zèbre et spécialement engagé à ten- ter le croisement de Zèbres et de Juments. Je crois que ces hyorides seraient très vigoureux et résisteraient bien à la Mouche Tsétsé et aux autres inconvénients du climat. J'irai même plus loin et je dirais que l'exportation de ces hybrides pourrait devenir plus tard une source de richesse pour ce pays, car, on le sait, la rareté des Mulets pour les batteries de montagnes et le transport a toujours été une source de difficultés pour notre armée des Indes, si bien organisée d’ail- leurs sous tous les autres rapports. » Depuis cette époque, on s’est beaucoup occupé de la redoutable Mouche Tsétsé, mais on n’a que bien peu de chances d’arriver à préserver les Che- vaux de ses atteintes par inoculation ou par tout autre moyen et d'arriver à les empêcher de périr lorsqu'ils ont été piqués par ce petit Insecte, fléau qui vient s'ajouter à tant d’autres rendant le climat si dangereux. De plus, par suite de la destruction des bestiaux par la peste bovine, les difficultés de transport se sont encore ac- crues en Afrique depuis que la guerre des Indes a énormé- ment augmenté les demandes de Mulets. Il est prouvé qu'il est relativement facile d'obtenir des croisements au moyen du Zèbre de Burchell, et si l’on en croit les gens experts en cette 326 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. matière, ces hybrides (Zebra-nules) promettent d’être aussi utiles et aussi vigoureux qu'ils sont élégants. Les premières difficultés ayant été surmontées, il reste maintenant à déter- miner à quels usages spéciaux les hybrides de Zebres peuvent être affectés dans les différentes parties de notre empire colonial, en particulier en Afrique et dans l'Inde. Je serais très désireux d'obtenir de plus amples renseigne- ments sur les hybrides de Chevaux ou sur les croisements entre Zèbres. Chevaux et Anes, et sur la fertilité des diffé- rentes espèces d'hybrides, Mulets, Bardeaux, etc. Je serais très reconnaissant des observations qu’on pourra me com- muniquer, particulièrement sur le Zèbre de Burchell et les autres espèces de Zèbres. Je n'ai pas encore entendu dire qu'on est essayé ces croisements dans l'Afrique du Sud, au moyen du Zèbre de Burchell. Peut-être quelques-uns des lecteurs de ce travail pourront-ils me renseigner à ce sujet. 337 LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS (1} par LIVINGSTON STONE. AVANT-PROPOS. Le mémoire qu'on va lire offre pour la Sociélé nalionale d'Acclimalation de France un intérêt tout particulier. Les personnalités dont l’auteur rappelle les œuvres et auxquelles il rend hommage, comptaient en effet parmi ses plus dévoués collaborateurs. Seth Green a été lauréat de Ia Société à six reprises diffé- rentes. La première fois, il y aura bientôt trente ans, le 19 fé- vrier 1869, une médaille de 1re classe (argent) lui fut décernée pour ses travaux de pisciculture. En 1872, la grande médaille d'or de la Société vint récompenser ses travaux sur la multiplication artificielle de l’Alose aux Etats-Unis. En 1875, une médaille de l'e classe était de nouveau décernée à Seth Green, en témoignage de reconnaissance pour les envois d'œufs de Salmonides des Etats-Unis qu’il avait bien voulu faire à la Société. En 1878, nouvelle médaille d’or, motivée, cette fois, par l'introduction dans les eaux françaises du Salmo-fontinalis que la Société s'occupe encore de répandre actuellement. Malgré plusieurs échecs consécutifs, Seth Green ne se découragea point, recommencçant ses envois d’année en année pour réussir enfin. Ses efforts continus lui valurent d’ailleurs, en 1879, un rappel de la médaille d’or. Enfin, en 1880, un petit traité pratique (2) de pisciculture Seth Green en collaboration avec Barnwell Roosevelt, recevait encore une médaille de 1"° classe (argent). * X * Le professeur Spencer J. Baird, Secrétaire de l'Institution (1) Lecture faite au Congrès national des Pêcheries tenu à Zampa (Floride), du 19 au 26 janvier 1898, présenté par M. Jules de Guerne à la Section d’A- quiculture, dans la séance du 4 avril 1898. (2) Fishhatching and fish catchins, 1 vol. in-8, Rochester, N. Y, 1879, 338 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Smitshonienne et Commissaire des pécheries des Etats- Unis, recevait, il y a vingt ans, en 1879, une grande médaille d’or, marquant la gratitude de la Société envers lui pour les envois d'œufs de Saumon de Californie qu'il avait bien voulu lui adresser. L'année suivante, la Société d’Acclima- tation le nommait Membre honoraire, s’honorant elle-même, on peut le déclarer hautement, en rendant hommage à la science, au talent, à toutes les éminentes qualités de Spencer F. Baird. Les souvenirs émus et si nets de M. Livingston Stone ne viennent-ils pas légitimer davantage encore la distinction dont la Société crut devoir marquer la haute personnalité de Spencer F. Baird (1). Le comte von Behr, qui sut exercer une influence des plus heureuses sur le développement de la pisciculture d’eau douce en Allemagne, fut, lui aussi, lauréat de la Société d’'Ac- climatation. Lui ayant fait parvenir des œufs embryonnés de Coregonus albus et de C. maræna, il recut en 1879 une médaille de l'° classe (argent). Enfin, M. Livingston Stone, lui-même a reçu de la So- ciélé d'Acclimatation, voici longtemps déjà, en 18%, une médaille de bronze, montrant tout l'intérêt avec lequel on suivait ici ses persévérants et heureux efforts pour élever et multiplier dans son pays d'origine le Saumon de Californie. Et maintenant j'aime à croire que les Membres de la Société d'Acclimatation comprendront le sentiment qui a guidé leur Secrétaire général quand il leur a soumis la pré- sente notice. Elle rappelle, entre tant d’autres, quelques traits de l'histoire de la Société, histoire si honorable et cependant trop peu connue, malgré son intérêt et les précieux enseignements qu’elle comporte. JULES DE GUERNE. (1) Spencer F. Baird est mort à Wood's Holl, Massachusetts, le 19 août 1887. LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS. 339 Il y a environ un tiers de siècle, une singulière nouvelle commença à se répandre dans notre pays : un homme, dans l'ouest de l'Etat de New-York, recueillait par milliers dés œufs de Truites, les faisait éclore et élevait les jeunes Pois- sons dans des étangs; le nombre de Poissons qu'il réussissait ainsi à obtenir était littéralement infini. Cette nouvelle produisit dans tout le pays une sensation profonde, et fut d’abord accueillie avec une certaine incrédu- lité. L'ère actuelle, si féconde en merveilles de tout genre, commençait à peine et le public acceptait alors plus difficile- ment qu'aujourd'hui les miracles de la science. Les Etats- Unis étaient en proie aux horreurs de la guerre civile et les découvertes pacifiques ne s’imposaient pas à l'attention, comme elles l’auraient fait à une époque plus calme. Quoi qu'il en soit, l'histoire de cet homme qui produisait des Truites par milliers et par milliers se répandit peu à peu. Les jour- naux de New-York en parlèrent et bientôt chacun fut con- vaincu des résultats merveilleux obtenus par cet éleveur d’un nouveau genre. Cependant celui-ci, continuant tranquillement ses travaux en Calédonie, arrivait à démontrer d’une facon indiscutable que la production industrielle des Truites sur une très grande échelle, passant de la période expérimentale à la période pra- tique, constituait une nouvelle conquête de pen humain et pouvait être facilement réalisée. Un semblable résultat n'avait pas été jusqu'alors obtenu. Des expériences scientifiques avaient bien été faites antérieu- rement par quelques personnes et on connaissait, depuis un siècle environ le moyen d'élever artificiellement le Poisson, mais c’est à Seth Green que revient l'honneur d’avoir intro- duit en Amérique la pisciculture pratique et industrielle et d’avoir ouvert la voie à ceux qui, depuis cette époque, lui ont fait faire tant de progres, c’est à Seth Green qu’on peut juste- ment donner le titre de Père de la Pisciculture américaine. Une année ou deux après que Seth Green eut inauguré la pisciculture en Calédonie, celui qui écrit ces lignes établit à Charlestown les « Cold Spring Trout Ponds ». Chose singu- lière, malgré l'enthousiasme qui avait accueilli à New-York, les débuts si pleins de promesses, des travaux de Seth Green, personne dans le pays, n’avait songé à les continuer. Cependant le moment était favorable pour la culture de la 340 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Truite. Très peu de temps après la création des « Cold Spring Trout Ponds », des établissements analogues s’installèrent de tous côtés. L'élevage de la Truite devint une sorte de sport à la mode et se répandit rapidement. Pendant les deux pre- mières années de mes tentatives d'élevage, je recus de presque tous les Etats de l'Union, des lettres de personnes s’occupant de la culture des Truites. Cette question semblait intéresser le pays entier et tout ce qu'on écrivait à ce sujet était lu avec avidité par ceux qui se préoccupent du Poisson. Ce furent les beaux jours de la pisciculture dans notre pays. — Les prix étaient assez élevés. Les œufs de Truites atteignaient 10 dollars le mille et les alevins 40 dollars. La Truite pour la table se vendait un dollar la livre prise à l'étang. et les hôtels de la ville la payaient 75 cents la livre par abonnement. Les demandes d'œufs d'alevins et de Truites pour la table étaient considérables. L'élevage de la Truite était prospère et cette industrie, qui avait alors l'attrait de la nouveauté, devint pour beaucoup une opération agréable et lucrative. Il serait intéressant de raconter en détail les différentes phases du progrès et du dé- clin de la culture de la Truite aux Etats-Unis, — car, hélas, la décadence est venue trop vite ! — mais ces considérations m'’entraineraient trop loin. Je me borneraiï à dire que la con- currence fit bientôt tomber les œufs et les alevins à un prix trop bas pour être rémunérateur, et le prix des Truites pour la table s’abaissant en même temps, beaucoup de ceux qui avaient entrepris ces opérations succombèrent faute de capi- taux suffisants, tandis que d’autres, qui ne cultivaient la Truite que pour leur agrément personnel, renoncerent à cet élevage à cause des risques et des difficultés qu'ils y rencontraient. C'est un fait curieux et digne de remarque, que pendant qu’au début tant de personnes s’adonnaïent à la culture de Ja Truite, aucune ne paraissait se douter que ces procédés d'éle- vage pouvaient également s'appliquer à d’autres espèces de Poissons. Il est intéressant de constater également que si, dans les trois premières années, la pisciculture industrielle s’est bornée à l'élevage exclusif des Truites, elle a été loin de prendre, pendant cette période, l'extension considérable qu’elle a acquise de nos jours et de donner des résultats aussi rému- nérateurs. Esprit hardi, novateur et intelligent, Seth Green chercha > ii LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS. 341. bientôt à élargir le champ de la pisciculture et à entreprendre l'élevage de Poissons ayant une réelle valeur commerciale. Tout le monde connaît ses essais, ses échecs et, finalement ses succès dans la culture de l’Alose. Ses efforts pour démon- trer que d’autres Poissons, également recommandables, pou- vaient être élevés avec autant de succès que la Truite, eurent un tel résultat que l'élevage de celle-ci fut relégué au second plan et sur le point d’être abandonné. Ce fut un nouveau titre de Seth Green au nom de Père de la Pisciculture américaine. Le développement de la grande œuvre de notre Commis- sion et celle de la Commission des Pécheries des Etats-Unis est entièrement dü à l'élevage d’Aloses de Seth Green, dans le Connecticut, en 1867. En 1868, je créai avec M. Joseph Goodfellow, une station d'élevage pour le Saumon sur le Miramichi dans le Nouveau- Brunswick. Cet établissement était installé sur une large échelle. Ce fut le premier effort tenté pour l'élevage du Sau- mon en Amérique. Pour donner une idée du prix élevé qu'at- teignaient à cette époque les œufs de ce Poisson, je puis citer ce fait, qu'en 1869, je reçus plus de 1,000 dollars (5,000 francs), pour un seau d'œufs de Saumon du Miramichi....…. Je ne dois pas oublier de mentionner, au nombre des évé- nements importants qui se produisirent au début des tenta- tives de pisciculture dans notre pays, la création dans l'Etat de New-Hampshire, en 1864, c'est-à-dire l’année même où Seth Green commençait ses travaux en Calédonie, — d’une Commission de pisciculture. Cet exemple fut bientôt suivi par le Massachusetts et d’autres Etats et, en 1871, le Congrès sur l'initiative du professeur Spencer K. Baird, créa la Commis- sion des Pêcheries des Etats-Unis. L'Association des Piscicul- teurs américains, aujourd'hui Société des Pécheries améri- caines, fut créée en 1870. À partir de cette époque, d'innombrables établissements d'élevage de Truites s’installèrent sur le territoire et on put dire que la pisciculture aux Etats-Unis avait passé la période des débuts et entrait en pleine activité. Lorsqu'on examine ces premiers débuts de la pisciculture et qu'on les compare à l’époque actuelle si féconde en progrès de toutes sortes, on est singulièrement frappé de l’état d’igno- rance où l'on se trouvait alors en ce qui concerne l’industrie de l’élevage du Poisson, non seulement dans la partie la moins Pull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 24. 342 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. éclairée de la population, maïs encore chez les hommes de science, chez ceux qui avaient étudié dans les universités où ils avaient pu acquérir une somme considérable de connaïis- sances. Les lecteurs habituels des revues et des journaux peuvent dire qu’on ne trouvait jamais dans ces publications autre chose que des données très superficielles sur la pisci- culture. On était tellement ignorant de ces choses que les histoires les plus invraisemblables passaient sans qu’on songeàt à les discuter. Ainsi j'entendis un jour une personne, cependant intelligente et instruite, dire qu'on obtenaïit l’éclosion des œufs de Truites, en les confiant à une Poule, dans une grange, sans que personne songeàt à émettre un doute à ce sujet, de peur de faire preuve d’ignorance. Quelle différence entre cette époque et celle d'aujourd'hui où l'existence des plus petits habitants des profondeurs de l'Océan est minutieusement étudiée, et où les plus infimes animaux microscopiques qui servent de nourriture aux Poissons des lacs sont classés et déterminés. Si je parle de ces temps déjà lointains, ce n’est pas seule- ment pour constater les progrès accomplis depuis cette époque, c’est aussi pour rappeler quelle dut être la joie et la surprise de ces chercheurs des premiers jours, lorsqu'ils vi- rent le succès couronner leurs efforts. Jamais on n'avait éprouvé — et je suis sûr d'exprimer ici le sentiment des pre- miers expérimentateurs, — et jamais on n'éprouvera plus sans doute cette émotion qui dut les saisir lorsqu'ils virent ap- paraître dans les œufs cette petite tache noire qui leur indiquait que l'embryon était vivant. Et quand nous vimes pour la pre- mière fois la jeune Truite s’élancer hors de l'œuf et essayer les premiers mouvements, pourquoi ressentimes-nous une aussi intense émotion? N’était-ce pas parce que le premier Poisson que nous voyions sortir de la coque de l’œuf pour prendre possession de son domaine nous ouvrait tout un monde d’in- finies promesses et que nous entrevoyions l’innombrable quantité d'êtres vivants dont ce frêle petit organisme était l’avant-coureur ? Et aujourd'hui, après de longues années, pendant lesquelles nous avons attentivement étudié sous le mi- croscope cette petite tache noire que les savants appellent le « pigment choroïde » nous pouvons à peine nous expli- quer comment ce phénomène qui nous paraît maintenant si LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS. 343 simple, put alors nous faire éprouver une sensation aussi vive. Lorsque nous nous rappelons ces premiers temps de la pis- ciculture, trois figures se présentent devant nos yeux avec un relief particulier. Le premier, rappelant Zachary Taylor avec sa haute stature, sa physionomie énergique et robuste et ses dehors un peu incultes, type de l’homme vigoureux, énergique et sincère, la franchise éclatait dans son regard et l’on sentait qu’une âme élevée et profondément droite se ca- chaïit sous cette rude enveloppe. Tous les pisciculteurs le connaissent. — J’avais déjà vu Seth Green en Calédonie. Mais ce fut seulement lorsque je le rencontrai et que je participai à ses travaux à Holyoke en 1861, que sa puissante personnalité fit sur moi une impression pro- fonde. Il se livrait alors à ses premières études sur l'élevage de l’Alose. Je le trouvai seul; ses premiers essais avaient été infructueux Le caractère particulier des œufs de l’Alose et le traitement spécial qui doit leur être appliqué avaient jus- qu'alors échappé à son intelligence pourtant si subtile, et je le trouvai désespéré et prêt à renoncer à poursuivre ses re- cherches et ses expériences. Ceux qu'il payait pour l'aider dans ses travaux riaient de ce qu'ils appelaient sa folie. Mais bien que seul, découragé et n'ayant personne auprès de lui pour lui adresser quelques paroles de consolation et d’espé- rance, Seth Green, avec la persévérance et la tenacité qui étaient la marque distinctive de son caractère, triompha, l’une après l’autre, de toutes les difficultés et arriva aux ré- sultats que tout le monde connaît aujourd’hui. A partir de ce moment s'établit entre Seth Green et moi, on me permettra de le dire, une solide amitié qui dura jusqu’à sa mort. Ses premiers succès dans l'élevage de l’Alose modifièrent complètement le caractère de Green. C'était, il semble, peu de chose que ce petit embryon apparaissant à travers ces œufs délicats qu'il travaillait avec tant de sollicitude. C'était peu de chose, mais il entrevoyait déjà les résultats illimités de sa découverte. La confiance dans le succès lui revint plus erande et il se remit avec ardeur à ses travaux. Je demandais un jour au général Shil Sheridan quel était le moment où il avait éprouvé la plus vive émotion, pendant la guerre de Sécession. « C’est, me répondit le général, lorsque je vis la fortune se déclarer pour nous, à la bataille de Win- chester. » Je suppose que Green dut éprouver un sentiment 344 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. analogue à Holyoke lorsqu'il vit pour la première fois les signes de la vie se manifester chez ses jeunes Aloses. I] cher- chaït la solution d’un problème que personne n'avait encore résolu et qui devait avoir d'incalculables conségæences. Tous ceux qui s'occupent de pisciculture avaient les yeux tournés vers lui. Il avait d'abord échoué et le découragement était venu. Mais la fortune venait de tourner et lui avait apporté la victoire dans cette grande bataille, qui devait pour l'avenir et dans un autre ordre d'idées, avoir pour sa patrie d'aussi féconds résultats que les batailles gagnées pour elle par le général Sheridan. La sûreté de jugement de Green et la perspicacité de son génie égalaient l'élévation de son caractère. Il fixait d’abord toute son attention sur le point le plus important de son sujet; il l'étudiait à l'exclusion de tous les autres ; il savait bien vite discerner quel était le procédé qui devait le con- duire à la vérité et il concentrait sur lui toute son attention. I1 simplifiait considérablement aussi les recherches et les méthodes sans rien leur enlever de leur sûreté ou de leur efficacité. L'appareil d'élevage des Aloses, inventé par lui, le plus simple et le meilleur qui ait jamais été établi, est une preuve de son admirable intelligence et de son habileté. Je regrette que le temps et l’espace me manquent et qu'il ne me soit pas permis d'insister davantage sur la haute valeur de cet homme si 0e — mais je suis obligé d'abréger. La seconde figure qui se présente à ma mémoire quand je me rappelle les premiers temps de la pisciculture aux États-Unis est celle d’un homme qu’on peut appeler le type de la simplicité. Il était simple en effet, mais c'était un de ceux que la nature avait marqués de sa plus forte empreinte, grand dans son intelligence comme dans sa stature, grand dans ses affections comme dans les conceptions de son esprit, grand en tout, et médiocre en aucune chose. Vous avez reconnu le professeur Spencer F. Baird, le premier Commissaire des Pécheries des Etats-Unis. Le nom seul du professeur Baird éveille un douloureux et cher souvenir dans le cœur de tous ceux qui l'ont connu. = LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS. 345 Aucune personnalité de notre époque n'a laissé une mémoire plus pure, un nom plus respecté et n’a exercé une plus grande influence dans la science à laquelle il avait consacré sa vie. Aimé de tous ceux qui l'ont connu, son nom reste vénéré par ceux qui lui survivent. Baird semblait planer dans une atmos- phère plus haute que la nôtre et respirer un air plus pur. Doux et modeste, simple comme un enfant, sa supériorité naturelle éclatait cependant à tous les yeux lorsqu'il se trouvait dans les réunions de savants et d'hommes éminents que l'hiver ramène dans la capitale. Ses subordonnés l’aimaient et le respectaient, car il savait apprécier et récom- penser le travail de ses collaborateurs et de ses plus modestes employés. Il avait le don précieux de se faire aimer de tous ceux qui l’approchaïient et de leur communiquer son enthou- siasme et sa conviction. Aussi les membres du Congrès lui accordèrent-ils avec confiance toutes les améliorations qu'il leur demanda. Comme un bon général, il avait à cœur de procurer tout le bien-être possible à ceux qui étaient sous ses ordres et, en échange, il était sûr de pouvoir compter sur. leur dévouement absolu; ce fut là certainement une des prin- cipales causes de ses succès. Tous travaillaient pour lui avec autant d'ardeur qu'ils l’auraient fait pour eux-mêmes, et on disait à Washington que les employés du professeur Baird étaient les plus laborieux et les plus actifs de toute l’'Adminis- tration. Sous la conduite de cet homme si remarquable, si laborieux, si désintéressé et si sympathique, le travail s’effec- tuait dans les conditions les meilleures, parce qu’il devenait un plaisir pour ceux qui en étaient chargés. Il était doué de facultés intellectuelles vraiment extraordi- naires et d'uné vivacité de conception qui paraissait à certains moments presque surnaturelle. Ainsi, d’un seul coup d'œil, il lisait une page entière d’un livre que tout autre n'aurait pu parcourir en moins de plusieurs minutes. Sa mémoire était merveilleuse. Non seulement elle retenait tout ce qu’il lui confiait, mais encore elle lui rappelait rapide- ment, et au moment nécessaire, tout ce dont il avait besoin. Beaucoup d’entre nous ont pu apprécier cette qualité. Son esprit était d’une clarté remarquable ; rien n’y était confus, \et dans sa conversation, jamais on ne rencontrait rien quine se rattachât directement au sujet qu'il traitait. Il avait encore augmente la puissance de ses extraordinaires facultés intel- 346 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. lectuelles en les disciplinant, pour ainsi dire ; on sentait que son jugement avait été soumis à une sorte d'entraînement rationnel, qu'il avait groupé ensemble dans son cerveau chaque genre de connaissances et qu'il pouvait, à un moment donné, évoquer ce groupe tout entier. Bien que son esprit füt essentiellement scientifique, il n’en était pas moins éminem- ment pratique. Il aimait la science et les études purement scientifiques, mais personne ne fit preuve d'un esprit plus pratique dans les affaires qu'il eut à traiter. Il est rare cer- tainement de rencontrer ces aptitudes scientifiques et pratiques réunies chez un même homme comme elles l’étaient chez Spencer Baird. Baird possédait une qualité qui était une des plus remar- quables de Napoléon 1°: en même temps qu'il saisissait dans ses grandes lignes l'ensemble d’une affaire, aucun détail ne lui échappait et il ne négligeait rien de ce qui pouvaït contri- buer au succès; c’est là, comme nous le savons tous, une fa- culté bien rare. Comme exemple de la merveilleuse mémoire de Baird et de son aptitude à embrasser à la fois tous les détails d'une affaire, je puis citer un petit incident dont je fus témoin à Calais lorsque j'allais lui faire visite, et qui est resté gravé dans ma mémoire ; il avait recu vingt-sept lettres par le courrier de la veille ; et le lendemain, il appela, après déjeuner, son secrétaire pour répondre à chacune d'elles. Comme je me levais pour le laisser à ce travail, il me pria d'une manière très aimable de rester et je n'oublierai jamais l'impression que me produisit la scène à laquelle j'assistai. Dans son attitude accoutumée, debout et les mains croisées derrière le dos, il se promenaïit lentement dans la chambre, dictant à son secrétaire les lettres l’une après: l’autre. Pour ce travail il ne consulta aucune des lettres qu'il avait recues, soit pour revoir leur contenu, soit pour s'assurer de l’adresse de ses correspondants et pendant tout ce temps, je ne remar- quai chez lui aucun signe d’hésitation ni même aucun effort mental. Il procéda ainsi jusqu'à ce que toutes les réponses fussent expédiées. N'est-ce pas là un remarquable témoignage de sa prodigieuse mémoire et de la méthode avec laquelle il était arrivé à classer dans son cerveau tous les détails dont il voulait conserver le souvenir ? Dans nos rapports ultérieurs et dans la correspondance très importante que nous échangeämes, soit intime, soit offi- LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS. 347 cielle, ses lettres étaient toujours empreintes d’une courtoisie et d’une affectueuse bienveillance qui me le rendirent de jour en jour plus cher. C’est aujourd’hui avec une joie bien sincère que je vois la Station de la Commission des Pécheries qu'il avait établie sur la rivière Mac Cloud, en Californie, porter son nom et perpétuer ainsi la mémoire de l’illustre premier Commissaire des Pêcheries des Etats-Unis. X x x J'ai parlé des deux premières grandes figures qui se pré- sentent à mon esprit et ont illustré la période des débuts de la pisciculture aux Etats-Unis. Il en est encore une troisième. C’est celle d'un homme qui ne vint jamais en Amérique, mais qui aimait ce pays et en admirait les travaux et dont l’in- fluence fut très grande sur la pisciculture américaine. Je veux parler du Comte von Behr. Par son amour pour cette science, son dévouement et son enthousiasme communicatif, von Behr fut pour l'Allemagne, dans cet ordre d'idées, ce que le Profes- seur Baird fut pour l'Amérique. Pendant de nombreuses an- nées il présida le Deulsche Fischerei Verein, la grande Société nationale de pisciculture allemande et pendant tout ce temps, il fut l’âme de cette association. Ce fut également lui qui or- ganisa d'une manière si remarquable la belle Exposition inter- nationale de Péche à Berlin, qui a laissé de si vifs souvenirs dans le monde piscicole. Bien que d’une nature toute différente de celle du Professeur Baird, il posséda cependant de remarquables qualités qui lui assurent incontestablement la première place parmi tous les pisciculteurs de son pays, comme Baird occupait chez nous le premier rang et qui lui ont mérité le nom de Prince de la Pisciculture en Allemagne. J'eus le bonheur d'entretenir pendant plusieurs années une correspondance très suivie avec von Behr; ses lettres dé- daignant toutes les formules officielles, étaient remplies de confiance et d'enthousiasme. Elles exprimaient à l'égard du Professeur Baird, la méme affection et la même admiration que lui témoignaient ses compatriotes et l'admiration qu’il professait pour Baird, il la professait également pour la pisci- culture américaine. Il me parlait souvent des malheurs domes- tiques qui avaient attristé sa vie et me disait qu'après la mort 348 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. de ses trois fils, il avait résolu de consacrer le reste de son existence à l’œuvre de la pisciculture en Allemagne. Je sais que quelques critiques se sont élevées au sujet du nom de von Behr donné en Amérique à une Truite euro- péenne depuis son introduction dans notre pays, mais quelque appréciation que l’on puisse avoir à ce sujet, per- sonne ne contestera qu'il y eut là un acte de déférence bien mérité et un témoignage équitable de reconnaissance à l'égard de l’homme qui avait rendu de si éminents services à la pisciculture, et dont nos compatriotes ont, avec justice, voulu immortaliser le nom en Amérique. Le Comte von Behr était un homme laborieux, dévoué, sympathique à tous, et dont les travaux ont exercé une influence incalculable sur la pisciculture. C'était une des trois personnalités formant le grand trium- virat de la période des débuts de la pisciculture : — Seth Green, Spencer F. Baird, Heinrich von Behr. Quelque confiants que nous puissions être dans l’avenir de la pisciculture, nous pouvons exprimer la crainte de ne plus revoir d'hommes de leur valeur. Je regrette d’être forcé de me borner à cette étude bien in- suffisante sur un sujet qui aurait mérité d’être traité d’une manière plus approfondie. J'aurais voulu pouvoir parler également de Frank Buck- land, qui fit tant pour le développement de la pisciculture dans la Grande-Bretagne, du Professeur Muller, qui fut jusqu’à sa mort, mon dévoué et actif collègue, de Robert B. Roosevelt, qui publia le premier journal de pisciculture dans notre pays, de Th. Lyman, de Massachusetts, le promoteur de la pisciculture dans la Nouvelle Angleterre, de John Bellons, du New Hampshire, qui fut le premier initiateur de la pisci- culture dans son pays, de Gov. Seymour, de New-York, et de tant d’autres qui contribuèrent, dans une plus ou moins large mesure à son développement; — mais le temps et la place me manquent, et je termine en saluant tous mes frères en pisciculture, nos dévoués collaborateurs, et en exprimant la confiance que ceux qui restent, continueront et complè- teront la tâche si glorieusement commencée par leurs illustres prédécesseurs. LES PLANTES MELLIFÈRES ET LE NECTAR (1) par A.-L. CLÉMENT, Président de la Section d'Entomologie Vice-président de la Société centrale d’Apiculture et d’Insectologie agricole. Sous le nom de plantes mellifères, on entend particulière- ment celles dont les fleurs, produisant beaucoup de nectar, offrent aux Abeilles d’abondantes ressources. Elles sont nom- breuses, mais il estun point important à ne pas perdre de vue, c'est que le climat et surtout le terrain ont sur la production du nectar une grande influence, de sorte que certaines plantes, réputées très mellifères dans une localité, peuvent très bien ne donner dans d’autres que des résultats médiocres. Les terrains calcaires paraissent en général très favorables à la production du nectar. Malheureusement toutes les plantes ne s’en accommodent pas également et dans lechoixdes plantes que l’on sèmera de préférence à portée des ruchers, il faudra rechercher celles dont les floraisons se succèdent de facon à avoir des fleurs le plus longtemps possible, et sans interruption. Il ne faut pas oublier toutefois que la qualité du miel varie avec la plante qui l’a produit. Les Labiées et les Papilionacées donnent en général un miel de bonne qualité, celui du Sainfoin, par exemple, toujours très recherché. Au contraire, la Bruyère et le Sarrazin produisent des miels épais peu agréables au goût, et que l’on n’emploie guère que pour certaines préparations, celle du pain d’épice principa- lement. Il y a aussi des miels vénéneux. D’après le naturaliste Se- ringe, deux pâtres suisses seraient morts pour avoir mangé du miel provenant de nectar recueilli par les Abeilles sur des Aconits. Nu Labillardière dit que la Ciguë du Levant communique au miel ses propriétés vénéneuses, et Tournefort put constater (1) Communication faite à la Section d'Entomologie dans la séance du 23 mai 1898. 350 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. qu'en Grèce et en Mingrélie on rencontre des miels prove- nant de l’Azalea pontica, qui sont très vénéneux. Le nombre des plantes que l’on peut ranger parmi les plus mellifères est assez considérable ; il peut étre évalué pour la France à plus de 1,500 parmi lesquelles nous citerons plus particulièrement les suivantes, groupées d’après l’époque de leur floraison : PRINTEPS. Hellébore fétide : Helleborus fefidus 1. Giroflées : Cheiranfhus cheiri L. (et les variétés cullivées). Choux : Prassica oleracea 1. (Toutes les variétés). Cardamine : Cardamine prafensis 1. Roquette : Eruca sativa L. Pastel : Zsafis tincéoria L. Erables : Acer campestre, pseudo-platanus, negundo L. etc. Maronnier d'Inde : Æsculus hippocastanum L. Houx : Ilez aquifolium L. Nerprun : Rhamnus frangula L. Trèfles : Trifolium incarnaium, repens, prafense Robinier (Acacia) : Robinia pseudo-acacia 1. Pois cultivé: Pisum saticum 1. Cytise faux ébénier : Cyfisus laburnum lL. Ajonc: Ulez europeus et nanus Sm. Sorbiers : Sorbus domestica L., aucuparia L., arica L.. etc. Ronces ; Rubus ideus, frulicosus, cæsius X.. Pruniers : Prunus imititia L., spinosa L., domestica L. Cerisiers : Cerasus avium D. C., semperfiorens D. C., domestica L., etc. Poirier : Pyrus communis L. Pommier : Walws communis Lam. Pêcher : Persica vulgaris, D. C. Néflier : Wespilus germanica L. Cognassier : Cydonia vulgaris Pers. Amandier: Amygdalus communis L. Abricotier : drmeniaca vulgaris T. Groseillers : Æibes uva-crispa L., nigrum L., rubrum L. Cornouillers : Cornus Mas L., sanguiva L. Gui: Viscum album L. Chévrefeuille cultivé : Lonicera hortensis, sylvatica, L. Tussilage : Tussilago farfara L. Pissenlits: Tarazacum vulgare L., officinale L., palustre D. C., læeviga- tum D. C. - Troënes : Ligustrum vulgare L., japonicum. Frêne : Fraginus excelsior L. PPT 4 LES PLANTES MELLIFÈRES ET LE NECTAR. 391 . Pulmonaire : Pulmonaria augustifolia L., luberosa Sehr., officinalis L. Romarin : Rosmarinus officinalis L. Euphorbe des forêts : Euphorbia sylvatica L. Buis : Buvus sempervirens L. Ormes: Ulmus campestris L., éuberosa Ebrh., montana Sm. Chênes : Quercus pedunculata Erhh., sessiliflora Em., pubescens Wild. Noisetier : Corylus avellana L. Saules : Salix caprea L., cinerea L., fragilis L., alba L. purpurea L. viminalis L., etc- Peuplier : Populus pyramidalis R., alba L., nigra L.,canescens Em., canadensis, etc. Bouleau : Petula alba L. Asperge : Asparagus officinalis L. Mélèze : Larix europæus D. C. Sapins : Abies excelsa D. C., jochinata D. C. “Pins : Pinus sylvestris L., maritima Lam. Nigelles : Migella arvensis L., damascena L. Moutardes : Sinapis alba L., arvensis L., nigra L. Réséda : Reseda luteola L., lutea L., odorata L., phyteuma 1. Tilleul : Tiia sylvestris Desf., plat Do ylla Sc., argentea Desf. Mauves : Malva sylvestris L., rotundifolia L. Vesces : Picia cracca L., ee L., {enuifolia Roth., villosa Roth. Trèfles : Trifolium incarnatum L., repens L , pratense L. Sainfoin : Onobrychis sativa L. Pois : Pismu sativum L. Melilot : Melilotus arvensis Wall., alba Lam., allissima Thuill. Luzernes : Medicago sativa L., lupulina L. Lotier : Loëus corniculatus L., major C. G. Haricots : Phaseolus vulgaris 1. Ronces : Rubus idœus L., fruticosus L., cæsius L. _ Bryone : Bryonia dioica Jacq. Melons : Cucumis melo L. Concombres : Cucumis citrullus L., sativus L. Potiron : Cucurbita maxima 1. Onagre : Œnothera biennis L. Epilobe : Epilobium hirsutum L., montanum L., syniatum Lam. Joubarbes : Sempervivum tectorum. Orpins : Sedum acre L., album L., telephium L. Panicault : Eryngium campestre L. Panais : Pastinaca sativa L. Berce : Æeracleum sphonddylium L. Angélique : Angelica sylvestris L. Chèvrefeuille des bois : Zonicera periclymeum 1. 352 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Cardère : Dipsacus sylvestris Mill., pilosus L., fullonum Müll. Verge d’or : Solidago virga aurea L. Salsifis : Zragopogon pratensis L., porrifolius L. Chicorées : Cichorium intybus L., endivia L. Centaurée : Centaurea jacea L. Chardons : Carduus nutans L., tenuifolius Curt., Cirsicum arvense L., palustre Scop., acaule All. Raiponces : Phyteuma orbiculare L., spicatum 1. Bruyères : Erica ciliaris L., cinerea L., tetralis L., Calluna vulgaris L. Vipérine : Echium oulgare L. ; Bourrache : Borrago officinalis L. Véronique : Veronica spicata L. Scrofulaire : Scrofularia nodosa L. Mufñliers : Anlhirrinum majus L. Linaires : ZLinaria striata D. C., vulgaris Moeweli. : Digitale : Digiftalis purpurea 1. Serpolet : Thymus serpyllum L., vulgaris Li. Sauges : Salvia officinalis L., verticillata L., pratensis L. Romarin : Rosmarinus officinalis 1. Menthes : Menfha puligium L., arvensis L., aquatica L., rolundifohia L. Mélisses : Melissa officinalis L. Hysopes : Æyssopus officinalis L. Germandrées : Teuchrium chamædrys 1.., montanum L., etc. Epiaires : Sfachys annua L. Phacélies : Phacelia tanacetifolia. Verveines : Verbena officinalis 1. Renouée : Polygonum fagopyrum (Sarrazin), amculare L., elc. Houblon : Humulus lupulus L. Chêtaignier : Castanea vulgaris Lim. Ail : Allium porrum L., spherocephalum L.., vincale L. Oigrons : Allium cepa 1. Orchidées : Orchis mascula, purpurea H., militaris L., maculafa L., etc. AUTOMNE. Luzernes : Medicago sativa L., lupulina L. Lierre : Hedera heliz \. Pissenlits : Taraxzacum palustre D. C., officinalis Vill., etc. Linaire : Linaria striata L.. vulgaris M. Sarrazin : Polygonum fagopyrum 1. Bruyère : Calluna vulgaris L., Erica ciliaris L., cinerea L., elc. Asclepias : Asclepias cornuti D. Réséda : Reseda luteola, odorata L. Asler : Asfer amellus 1. Phacélie : Phacelia tanacetifolia. LES PLANTES MELLIFÈRES ET LE NECTAR. 353 Un grand nombre de plantes, semées à des époques diffé- rentes, donneront leurs fleurs successivement si elles ont été bien choisies, et l'on pourra, par ce moyen, réserver tardivement des ressources aux Abeilles. La Phacélie, par exemple, montrera ses fleurs jusqu’à la fin de l’automne si la semaille en a été faite assez tard. À la liste précédente, il convient d’ajouter les fleurs de jardins. Elles sont généralement très mellifères, maïs néan- moins ne constituent, par leur nectar, qu’une faible res- source ; la raison en est qu’elles n’occupent ordinairement pas d'assez grands espaces dans les jardins pour y être très nombreuses, comme cela arrive, au contraire, pour les plantes de culture : Luzerne, Sainfoin, etc., toujours réunies en grandes masses dans les mêmes emplacements. Comment le nectar est-il produit dans les fleurs? C'est là une question intéressante pour l’agriculteur; M. Gaston Bonnier en a fait l’objet d’une thèse remarquable (Les Nec- taires, Annales des Sciences naturelles, Botanique, 1879) à laquelle nous ferons quelques emprunts. D'après cet auteur, le nectar serait produit par une exsu- dation de l’eau venant des racines, traversant la plante et entrainant avec elle une partie des sucres contenus dans le tissu nectarifère. Ces sucres sont de deux sortes : saccharoses et glucoses. Leurs proportions varient suivant les plantes; ils sont dissous dans une quantité d’eau variable. Les Abeilles recherchent naturellement les moins hydratés. Dans leur tube digestif, le nectar est soumis à l’action d'une substance spéciale : l’invertine qui transforme partiellement en glucose le sucre de canne qu'il contient. Il en résulte que la composition du miel diffère sensiblement de celle du nec- tar. Il contient moins d’eau quand on l'extrait des rayons, car les Abeilles ne manquent jamais de le faire évaporer dans leurs cellules avant de l’emmagasiner définitivement, condition nécessaire pour assurer sa conservation et éviter sa fermentation. Le nectar ne se trouve pas seulement dans les fleurs. Cer- taines plantes présentent aussi des neclaires (glandes où se fait la production du nectar) à la base des feuilles, des sti- pules ou des bractées. Le volume du nectar produit par les fleurs diminue généra- 304 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. lement jusque vers trois heures et augmente ensuite jusqu'au lendemain matin. La production en est moins abondante quand il fait chaud et sec; plus abondante, au contraire, quand le sol est humide et aussi quand l'air lui-même est humide. La puissance mellifère des plantes augmente généralement avec la latitude. Il faut rapprocher de la production du nectar celle de la miellée qui consiste en un liquide sucré suintant à la surface des feuilles (celles du Chêne, par exemple) pendant les jour- nées chaudes. Elle est parfois assez abondante pour tomber des arbres, sous forme de pluie très fine. C'est à certains moments une ressource précieuse pour les Abeïlles, mais le miel qui en provient contenant beaucoup de gomme et de dex- trine est de qualité médiocre. Nous signalerons aussi le miellat, liqueur sucrée formée par les déjections des Pucerons, dont la production est par- fois assez abondante pour la faire confondre avec la miellée. Il renferme aussi beaucoup de gomme et de dextrine, ainsi que de la mannite, et ne peut donner qu’un miel très inférieur. En tout cas, c’est seulement quand les fleurs mellifères manquent aux Abeilles qu’elles semblent rechercher la miel- lée des feuilles et surtout le miellat. En résumé, pour avoir beaucoup de miel, c’est au voisinage des cultures, surtout celle du Sainfoin, qu'il faut installer ses ruches, en observant que les Abeilles ne vont guère butiner à plus de 2 ou 3 kilomètres de leur demeure, et que moins elles auront de chemin à faire, plus elles récolteront, perdant moins de temps dans leurs nombreux voyages. Les efforts de l’apiculteur tendront à ce qu'elles trouvent des fleurs pen- dant toute la bonne saison sans interruption. Les récoltes que les Abeilles pourront faire à l’arrière-saison leur seront très précieuses, car, après qu'on a enlevé le miel des ruches, il est de toute nécessité que ces laborieux Insectes puissent encore trouver de quoi faire leurs provisions d'hiver, indis- pensables pour assurer la conservation des colonies jusqu’au printemps suivant. En cas de disette, à cette époque tardive, il faut y suppléer en leur donnant du miel, faute de quoi on s'expose, au retour de la belle saison, à trouver le rucher affaibli et décimé. 395 SUR LA CONSERVATION DES CROSNES DU JAPON (1) par Henri COUPIN. Les Crosnes du Japon sont certainement l’une des plus belles conquêtes qu'ait faite l’Acclimatation dans ces dernières années. En 1898, notamment, ils paraissent avoir eu un grand succès. À Paris, j'en ai vu vendre, à plusieurs reprises, dans les voitures des marchands des quatre saisons, à raison de 0 fr. 15 le demi-kilo. Le prix le plus élevé a été de 0 fr. 40 le demi-kilo et encore, seulement dans les quartiers riches. Les Crosnes sont donc devenus des légumes à la portée de tous ; leur vente s’étendra à mesure qu'on les connaîtra mieux. La surface plantée en Crosnes devient chaque année de plus en plus grande, ce qui fait supposer que leur culture est rémunératrice, quoi qu’en disent certains horticulteurs. Les Crosnes ont malheureusement un défaut, racheté, il est vrai, par de nombreuses qualités : c’est de se conserver assez mal. Aussitôt leur sortie de terre, ils évaporent de l’eau en grande quantité et se flétrissent. Au bout de deux ou trois jours, leur surface devient ridée, un peu brune, et leur con- sistance molle ; en un mot, ils perdent cet aspect « dodu » qui indique leur fraîcheur. Il y a là, pour le cultivateur et l’intermédiaire, un double inconvénient, car, d’une part, le client n’est pas tenté d'acheter un légume qui n’a pas l’air frais (je l’ai maintes fois constaté) et, d'autre part, le poids diminue rapidement. Si un fruitier achète un jour 50 kilos de Crosnes, le lendemain, il n’en a plus que 45 kilos et le surlendemain, que 40 kilos, d’où une perte sensible. A titre d'exemple, je donne ci-dessous la perte de poids offerte par des Crosnes très frais, étalés dans une assiette. Le 8 mars, les Crosnes frais pèsent.. 150 grammes. OAI S DCSCN EEE EP Eee 135 — 11 — A MN nt rate 115 — 12 — NN CoscuioobbE don 104 — 14 — NUE 2 RE EIRE PAIRSD D (1) Communication faite à la Section de Botanique le 24 mai 1898. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Le 15 mars, les Crosnes pèsent ...... ‘74 grammes. 16 — TO CN SEE DE . 10 — k 18 — ee fhse EX MATE 54 — IQ RE 0 SA à 50 — 22 — — Sahel ie 35 — 26 — — DR LAURE RE 30 — 4 avril +2 0 RME ERREUR 29 — 1% Et RE SEE 27 — Je dois dire que, dans la pratique courante, les pertes de poids sont bien moins sensibles lorsque les Crosnes sont entassés ; ils perdent alors moins d’eau qu'étalés. Mais la perte de poids n’est rien à côté de la perte d’ « as- pect » qui rebute le client. J'ai cherché le moyen d’obvier à Fig. 1. — Crosnes desséchés. cet inconvénient et, si je n'ai pas réussi à l’empé- cher de se produire, j'ai, du moins, mis en lumière le moyen d’y remédier. Ce moyen consiste tout sim- plement à immerger les tubercules flétris dans de l'eau pendant quelques heures. Contrairement à ce qui a lieu pour la plu- part des autres tuber- cules (1), la puissance d’ab- sorption de l’eau par les Crosnes est très remar- quable. Presque aussitôt après leur immersion dans - l’eau, ils se gonfient et re- prennent un aspect abso- lument frais : les tuber- cules redeviennent dodus et fermes comme si on ve- nait de les cueillir : c’est une véritable « remise à neuf ». 4 Quel que soil leur état de flétrissement, les tubercules ré- (1) Ainsi, les tubercules de Pomme de terre, même flétris, n’absorbent pas 4 ou prou d'eau, par suite de la présence d’une pellicule de liège à leur surface. 44 LA CONSERVATION DES CROSNES DU JAPON. 391 cupèrent, par l'immersion dans l’eau, non seulement leur fraicheur, mais leur poids primitif. On peut d’ailleurs retarder un peu leur dessiccation en noyant les tubercules frais dans le sable. Exemple (à comparer avec le tableau précédent exprimant les pertes de poids dans l'air) : Le 8 mars, des tubercules frais-pèsent.. 210 grammes. 9 -- dans le sable, ils pésent... 200 — lONE== — — O0 — 11 — == — \.2#180 — 14 — — — TOUT = 19 — == = RAD0 — PSE Co — — 180 — 4 avril, — — PA IENUGES — Mais, à mon avis, il vaut mieux les laisser à l'air et les immerger quelques heures avant de les mettre en vente. Ces faits m'ont donné l'idée de chercher si on ne pourrait pas conserver les Crosnes “indéfiniment ou, du moins, très long- temps, en les faisant des- sécher complètement. Le succès a été parfait. Les tubercules desséchés, par simple étalage à l'air (1), se conservent très bien, mais je ne crois pas qu’à cet état ils soient tres fa- ciles à vendre. Leur aspect ridé, rabougri, nain, brun, ne milite pas en leur fa- veur, surtout parce qu'on est habitué à les voir re- bondis. D'autre part, la perte de poids des Crosnes par la dessiccation est énorme, Fig. 2. — Les mêmes Crosnes après une immersion de douze heures dans de l’eau. (1) Bien entendu, ils se dessécheraient plus vite dans les « évaporaleurs » si employés en Amérique, et depuis quelque temps en France, pour la dessiccation des fruits et des légumes. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 25. RAR % dé ul 7. 2 358 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. puisqu'elle est de 75 °/,. Si, pour être rémunérateur, le prix du kilo de Crosnes était de 0 fr. 50, le prix du kilo de Crosnes desséchés devrait être de 2 francs. Les fruitiers, qui vou- draient se livrer à ce commerce, feraient mieux, au moment de la vente, de les immerger dans l’eau pendant une douzaine d'heures. Rien n’est plus remarquable alors que de voir les tubercules ratatinés grossir démesurément et reprendre l'aspect qu’ils avaient aussitôt après avoir été cueillis (com- parer les figures 1 et 2). Le pouvoir absorbant des Crosnes desséchés est de 400 ee, c'est-à-dire que 100 grammes de Crosnes secs absorbent 400 grammes d’eau; l'ensemble pèse donc finalement 500 grammes. Ce pouvoir absorbant est très. remarquable et peut-être unique chez les végétaux. On sait, en effet, que les graines qui absorbent déjà beaucoup d’eau, n’ont qu’un pou- voir absorbant d'environ 125 (Luzerne), 118 (Fève), 110 (Ha- ricot), 47 (Blé), 38 (Maïs), 8 (Canna). Les tubercules gonfiés different des Crosnes frais par un seul caractère : la teinte brunâtre de leur surface. Si l’on tient à faire disparaitre celle-ci, il suffit de soumettre les Crosnes à des fumigations d'acide sulfureux. Ils redeviennent alors tout à fait blancs, avec une légère teinte jaune soufre. Pour ces fumigations, on met les Crosnes sous une cloche et on fait brûler un petit morceau de soufre à côté d'eux. Mais la teinte brune peut subsister avec d'autant moins d’incon- vénient qu'elle disparaît en grande partie dans l’eau où l’on fait cuire les Crosnes. Cette pratique de la dessiccation permettra de vendre des Crosnes en mars, avril et mai, époque où les tubercules frais ont disparu du marché et où les primeurs ne sont pas encore arrivées. Elle satisfera ceux qui regrettent de ne pouvoir déguster des Crosnes en été. Elle permettra enfin d’en em- porter sur les navires et d’en envoyer dans les colonies qui n'en possèdent pas. J'ai fait confectionner divers plats avec des Crosnes des- séchés, puis gonflés dans l'eau et mis de suite à cuire; bien que leur cuisson soit un peu plus longue, leur aspect et leur saveur sont identiques à ceux des Crosnes frais. En résumé : 1° On peut redonner aux tubercules fiétris l'aspect frais, LA CONSERVATION DES CROSNES DU JAPON. 399 la méme consistance et le même poids qu'aux tubercules venant d'être cueillis, en les immergeant dans de l'eau. 2° On peut retarder ie flélrissement des tubercules en les conservant immergés dans du sable sec. 3 On peut conserver les lubercules très longtemps à l’état sec et les faire servir aux usages culinaires. L'immersion dans l'eau suffit à leur redonner les caractères des luber- cules frais. 4° Le pouvoir absorbant des Crosnes secs est considérable (400 °/) (1). (1) Travail fait au Laboratoire de Botanique de la Sorbonne dirigé par M. Gaston Bonnier. 7 LI} He ON NE PL F EE , b LA Ra ts Cr - 17- oi À 360 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 17 DÉCEMBRE 1897. PRÉSIDENCE DE MM LE MyYxE DE VILERS ET RAVERET-WATTEL, PRÉSIDENT ET VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. M. le Président proclame l'admission de : MM. PRÉSENTATEURS. Ch. Debreuil. Baron J. de Guerne. A. Imbert. | A. Boigeol. GALIC&ET |P.). 80, rue Taitbout, Paris et Faisanderie de Mériel (Seine-et-Oise). JaPpyx (L.-Albert), industriel à Beaucourt (Territoire de Belfort). Je CES Baron J. de Guerne. Raphaël Blanchard. Baron J. de Guerne. | A. Railliet. Général N. de Depp. Baron J. de Guerne. C. de Lamarche. | Ch. Debrewil. LuceT (Adrien), vétérinaire à Courtenay (Loiret). MaLTzxev (Serge), président de la Société de Pisciculture, rue Élisabeth, maison Pavlov, à Kiev (Russie). MÉéREL (Félix), statuaire, 29, rue Chau- PACE ee Baron J. de Guerne veau (Neuilly-sur-Seine). Pays-Mellier. {( Edouard Blanc. Baron J. de Guerue. G. de Refuge. Perron (Hen:y), ingénicur des Arts et Mauoufactures, rue Mozart, 121, Paris. DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. Généralités. — M.Ile Ministre de l'Instruction publique adresse dix exemplaires du programme du 36° Congrès des Sociétés savantes, dont la séance d'ouverture est fixée au 12 avril 1898; suivant le désir exprimé par le Ministre, ce document a été distribué aux Membres de la Société qui PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 361 ont manifesté l'intention de prendre part au Congrès. Une analyse, indiquant le sujet et le plan de toute communication devant être faite à la Section des Sciences, devra être en- voyée au Comité avant le 30 janvier 1898. — La Société de Géographie, par la gracieuse entremise de M. le baron Hulot, son Secrétaire général, communique une lettre de M..Paul Labbé sur l'élevage, l’apiculture et la pêche dans le Gouvernement de Semipalatinsk (Russie). Cheptels, Distribution de graines, ete. — M. Milhe- Poutingon, vice-président de la Section coloniale, offre à la Société des graines de Coton de Géorgie récoltées au Soudan par M. le colonel de Trentinian, Gouverneur de la Colonie. — M. A. Pinart offre à la Société un fruit de Guaco qu'il a recueilli dans le Nord du Nicaragua. Ce fruit mur, dont les graines germeront sans aucun doute, a été récolté à 600 mè- tres d'altitude; on le trouve, du reste, jusqu’à 2,000 mètres; aussi bien la plante ne devra pas être cultivée en serre chaude. Au Nicaragua, le Guaco, surtout la racine qui est très amère, sert comme succédané de la quinine. COMMUNICATIONS ORALES. Présentation d'ouvrages. — M. le D' Roché (Mb), Ins- pecteur général des Pêches maritimes, présente à la Société un ouvrage qu'il vient de publier et qui a pour titre : La Culture des mers en Europe. Dans ce volume, qui fait partie de la Bibliothèque scientifique internationale, l’auteur montre tous les progrès récemment accomplis en la matière depuis Coste, dans le domaine scientifique et dans le domaine in- dustriel. Communications. — M. E. Caustier fait une communi- cation sur : L’ivoire à l'Exposilion coloniale de Bruxel!es- _ Tervueren (voir ci-dessus page 325). A ce propos, M. Bourdarie (Mb) rend compte d’une série de conférences qui lui ont été demandées et qu'il vient de faire, devant les Sociétés coloniales de Belgique, sur l'Eléphant et la colonisation africaine. Il montre que l'établissement d'un droit spécial sur l'ivoire industriel favoriserait la renais- sance de la sculpture chryséléphantine. 362 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. — M. A. Pinart fait une communication sur La culture du Banañnier au Honduras el le coimerce des Bananes aux États-Unis (voir ci-dessus, page 345). M. le Président remercie M. Pinart et fait ressortir toute l'importance de la culture du Bananier pour les colonies francaises. M. Le Myre de Vilers demande à M. Pinart s'il lui serait possible de se procurer des pousses ou choqguarts, pro- venant des Bananiers du Honduras afin de les expédier par les soins de la Société en Cochinchine et en Guinée. . M. Pinart déclare qu'il fera tous ses efforts pour donner satisfaction au désir exprimé par M. le Président. M. Hédiard (Mb) ajoute que la consommation des bananes, assez forte déjà en France, s’accroitrait très vite et dans de très fortes proportions si l'on pouvait en introduire de grandes quantités sur le marché français en évitant de passer par l’in- termédiaire de l'étranger et particulièrement de l’Angleterre. M. Le Myre de Viiers fait remarquer que la banane s’altère facilement pendant le transport; aussi cherche-t-on actuelle- ment à établir à bord des paquebots rapides, des chambres frigorifiques spécialement aménagées pour le transport des fruits, tels que l’ananas, la banane et d’autres très appréciés dans les colonies. Le Secrétaire des Séances, E. CAUSTIER. 2e SECTION (ORNITHOLOGIE.— AVICULTURE). SÉANCE DU 28 AVRIL 1898. PRÉSIDENCE DE M. DEBREUIL, MEMBRE DU CONSEIL. M. Oustalet, président, et M. le comte de Chabannes-la-Palice, vice- président, s’excusent de ne pouvoir assister à la séance. Le procès-verbal de la dernière réunion est lu et adopté. M. Galichet offre à la Société un certain nombre d'exemplaires de la notice qu'il vient de publier sur le Tinamou; la distribution en est faite immédiatement, M. le Secrétaire Général demandant toutefois à en conserver quelques exemplaires pour les membres de la Societé habitant la province. 4 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 363 Lecture est donnée de la première partie d'un travail de M. l’abbé Charruaud, curé de Bessens (Tarn-et-Garonne) sur l'éducation de divers Oiseaux exotiques et plus particulièrememt du Cardinal de Virginie. D’après les observations de l’auteur, ce Passereau supporte facilement des froids très rigoureux, mais il est dangereux pour ses compagnons de volière et même pour les jeunes des premières couvées à l’époque de la reproduction. M. l'abbé Charruaud prépare un Manuel pratique à l'usage des amateurs d'Oiseaux de volière. M. F. Mérel fait une communication sur l'élevage de la Perruche ondulée (Voir Bulletin, ci-dessus, p. 236). Le Secrétaire, Comte D'ORFEUILLE. 5e SECTION (BOTANIQUE). SÉANCE DU 19 AVRIL 1898. PRÉSIDENCE DE M. WEBER, PRÉSIDENT. M. le Secrétaire général communique le programme des cours faits au Muséum pour les voyageurs naturalistes. Il signale un ouvrage de M. Rouanet, La vinification et la viticullure en Algérie, offert par l’é- diteur, ainsi qu'une intéressante communication de M. Sahut, faite au Congrès des Sociétés savantes, sur la météorologie appliquée à la culture et à l’acclimatation. Un certain nombre de graines sont mises à la disposition des Membres de la Société; à signaler entre autres : Graines de Xanthoceras sorbifolia, offertes par M. Cros; Graines d’un ÆRadis du Turkestan, espèce pouvant atteindre le poids d'un kilogramme, offerte par M. Roland-Gosselin. Graines de Gombo, offertes par le même, et d’autres envoyées d’Asie- Mineure par M. Xavier Dybowski. A ce propos, M. Hédiard dit que le Gombo est un légume très ap- précié aux colonies. On le mange en soupe, ou en salade; il est éga- lement très bon, conservé, si on l’accommode à la sauce tomate. Ce légume se vend toujours très cher, au début de la saison. M. Mailles conseille d’essayer en pleine terre la culture de la Patate. Elle a parfaitement réussi chez lui, aux environs de Paris. M. Hédiard fait remarquer que cette culture est pratiquée en Normandie. M. Rathelot rappelle que la Société a distribué, il y a quelques années, des Æaricots cerises du Japon. Il a cultivé cette variété, puis en 364 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. a perdu la semence; en ayant retrouvé dernièrement, il se fait un plaisir d’en offrir à la Société. C’est un Haricot à rames, atteignant 3 mètres, qui est excellent en vert. M. Hédiard signale le ÆHaricot noir du Brésil, qui a sur celui de Belgique l'avantage de ne pas déteindre à la cuisson. A propos de Légumineuses M. F. Mérel, qui a cultivé le Soja hispida en Bretagne, dit que cette plante vaut bien mieux comme fourrage que comme légume. On pourrait peut-être en faire du pain pour les diabétiques. En Bretagne on en utilise les graines en guise de café. M. Rathelot signale l'emploi analogue fait en Normandie d’une sorte de Lupin. M. Hédiard présente des Chayottes, qu'il offre à la Société. C'est une Cucurbitacée dont les feuilles peuvent remplacer les Épinards et les racines la Pomme de terre, mais dont on mange surtout le fruit, farci, cuit au jus, en ragoût, au gratin, elc. Cette plante rend beaucoup de services dans les pays chauds, où chaque pied peut donner de 100 à 150 fruits, valant 15 à 20 francs le cent. Aux environs de Paris elle re fructifie pas, mais peut êlre cultivée comme plante ornementale pour garnir les lonnelles. On met le fruit lui-même en terre, en l’entourant d’un peu de charbon pour l’empêcher de pourrir. M. le professeur Maxime Cornu dit qu’on doit une grande recon- naissance à M. Hédiard pour ses efforts persévérants en vue de propa- ger un grand nombre de légumes exotiques et notamment la Chayotte, qui n’est pas encore, à son avis, malgré ses qualités, aussi répandue qu’elle devrait l'être, surlout en Algérie. A ce propos, M. Cornu reproche aux Algériens leur attitude singu- lière concernant les inlroductions ou les acclimatations végétales, contre lesquelles ils s’obstinent à faire de la protection mal comprise. Le Phylloxera sert de prétexte; il existe dans deux provinces algé- riennes, et les Vignes phylloxérées peuvent entrer librement par la province de Constantine. En revanche la Douane n’admet dans les ports que les plantes dont les racines sont dégarnies de terre el on les lave même à l’eau de mer pour les en débarrasser. L'Algérie aurait pourtant tout avantage à introduire chez elle beaucoup de choses, no- tamment les arbres fruitiers. L'industrie des fruits secs, si développée en Californie, devrait s'implanter en Algérie et en Tunisie, mais les colons ne pourront rien faire de sérieux tant qu'ils auront leurs bar- rières fermées par suite d'une résistance très regreltable, contraire à leurs intérêts, et destinée seulement à favoriser quelques pépinic- ristes, d’ailleurs insuffisamment pourvus. En ce moment les Abricots sont mûrs à Biskra; les Abricotiers y prennent un développement considérable et pourraient être d’un excellent rapport, mais les fruits sont de mauvaise qualité et auraient besoin d’être améliorés par la greffe. Comme conclusion pratique à ces observations, M. de Guerne de- EXTRAITS ET ANALYSES. 365 mande que la Section mette à son ordre du jour la culture des arbres fruitiers en Algérie. Il signale d’autre part la concurrence de la Bosnie pour la fabrica- tion des pruneaux, et M. Cornu celle des côtes de Syrie, où se sont créés de grands établissements agricoles dans lesquels on a essayé la culture du Cotonnier et de l’Olivier, mais ce qui paraît le mieux y réussir, c'est la production des oranges et l’industrie des fruits secs. Les oranges de Jaffa, vendues dernièrement en grande quantité à Paris, devaient provenir de là. Enfin il y alieu aussi de se préoccuper des ar- rivages de fruits frais du Cap. M. Rathelot, s'appuyant sur la régénération de la Pomme de terre par le semis, demande s’il n’en pourrait pas être de même pour la Vigne, qui est, dit-il, épuisée de vieillesse, M. Cornu répond que cette théorie a été déjà soutenue ; des expériences ont été faites et n’ont pas donné de résultats satisfaisants. On a vu des Vignes émettre des sarments de 6 à 8 mètres et mourir, néanmoins, dans l'année, des at- teintes du Pzylloxera. M. Mailles fait également remarquer que des Vignes de semis ont été aussi bien que d’autres attaquées par le Mildew et le Blackroot. Le Secretaire, G. MOROT. EXTRAITS ET ANALYSES. LES SCOLYTES QUI ATTAQUENT L'ORME; MOYENS DE DÉTRUIRE CES INSECTES. L'Orme est attaqué par quatre espèces différentes de Scolytes. — Les arbres dont il est question n’ayant que leurs branches attaquées, et présentant leur tronc indemne, il est à supposer qu'il s’agit du Scolytus pygmœus, ou du ylmi. — Les Ormes qu’attaquent les Scolytes se trouvent presque toujours dans des conditions défectueuses : ce sont notamment ceux qui sont mal aérés, ou qui sont élagués trop fré- quemment, ainsi qu'il arrive souvent pour les arbres d'avenues. Il est donc essentiel de rechercher d’abord la cause à laquelle on peut attri- buer le dépérissement des arbres, l'invasion des Scolytes n'étant qu'un phénomène secondaire venant s'ajouter à une autre cause de maladie que l'on doit rechercher. — Il faut, avant tout, veiller à ce que les arbres soient bien aérés, et ne présentent pas sur le tronc de rameaux parasites détournant la sève. 366 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Le procédé de M. Robert peut, je pense, malgré les critiques qui en ont élé faites, donner de bons résultats. — Ce procédé consiste à enlever l'écorce dure de l’arbre attaqué à l’aide d’un instrument tran- chant, de facon à mettre à nu une partie des larves. — On brûle la partie de l'écorce que l’on a enlevée, et l’on badigeonne ensuite l'arbre décortiqué avec du coaltar. — Pour que cette opération ne soit pas nuisible, il faudra évidemment procéder avec une grande prudence et ne pas décortiquer de trop grandes surfaces à la fois; il ne faudra enlever l'écorce tendre en aucun point, et ne faire la décor- tication que sur des surfaces limitées n'intéressant jamais toute la circonférence de la branche. On choisira donc les points les plus attaqués. Un procédé, ne présentant aucun danger, mais dont l'efficacité serait à contrôler par l'expérience, a été aussi conseillé par l’entomo- logiste américain Packard. Il consiste à inonder le tronc ou les branches attaquées avec un jet d’eau; cette opération devra êlre répétée tous les jours au moment où les Insectes adultes éclosent et creusent leur galerie de ponte. Leur présence se trahit facilement à cette époque par la sciure qu’ils rejettent au dehors. — La méthode de Packard est basée sur l’aversion que présente le Scolyte femelle pour toute humidité dans sa galerie de ponte. Enfin, comme mesure préventive, on ne devra jamais laisser séjour- ner au voisinage d’arbres sains, des troncs d'Ormes abattus ou des branches coupées provenant de pieds attaqués, par les Scolytes, sans avoir enlevé et brûlé l'écorce (1). D' PAUL MARCHAL. NOTES SUR QUELQUES ESSAIS EN VUE DE LA DESTRUCTION DU CHARANCON DE LA Noix DE KOLA (Balanogastris Kolæ Desb.), par P. LESNE et Joanny MARTIN. Au mois de juillet dernier, le Laboratoire d’Entomologie du Muséum de Paris recevait par les soins de M. Le Cesne, administrateur délé- gué de la Compagnie francaise de l'Afrique occidentale, sur la de- mande de M. le D' Maclaud, médecin des Colonies, un envoi assez considérable de noix de Kola fraîches, attaquées en grande partie par la larve d’un Curculionide le Bealanogastris Kole Desb. (2). D'après les (1) Prière de faire adresser des échantillons de bois et d’écorce attaqués, ainsi que des insectes parfaits à la Station entomologique. (2) Voyez Desbrochers des Loges, Bull. Soc. ent. Fr., 1895, p. cLxxvi; J. Faust, Deutsch. ent. Zeitsch., 1898, Heft 1. Pour la biologie : J. Perez, Bull. Soc. ent. Fr., 1895, p. c£xxvt; P. Lesne, Bull. du Muséum, 1898, n° 3, p. 140. rime hein: + à EXTRAITS ET ANALYSES. 367 » observations de M. le D' Maclaud, celte espèce est très préjudiciable, en Guinée française, car elle se multiplie rapidement dans les provi- sions de noix de Kola fraîches et les déprécie beaucoup; les indi- gènes ne consomment pas les amandes ainsi attaquées. M. le professeur Bouvier nous chargea de procéder à quelques essais en vue de détruire ces Insectes dans les noix sans altérer celles-ci. Un tel but n’est pas aisé à alteindre. Bien que les résultats obtenus par nous ne soient pas suffisamment concluants et ne conduisent pas à une méthode applicable sur les lieux d’origine de la noix de Kola, nous ayons pensé qu'à un point de vue plus général, il n’était pas inutile de les mentionner ici. Les noix fraîches attaquées par le Balanogastris sont généralement très faciles à reconnaître. Presque toujours en effet, les galeries creu- sées par les larves dans l'épaisseur du parenchyme se rapprochent de la surface de l’amande sur une portion plus ou moins étendue de leur parcours. En cette portion superficielle, elles ne sont guère séparées de l’ex- térieur que par le tégument de la graine qui se dessèche, durcit et prend, en ces points, une coloration brune tranchant sur la couleur normale rose lie-de-vin ou blanc jaunâtre (1). La largeur de ces taches brunes plus ou moins allongées, sinueuses et souvent ramifiées est d’eaviron 2 millimètres. Elles sont quelques fois assez nombreuses, car il arrive que deux ou trois larves cohabitent dans la même noix (2). Nous citerons très brièvement les premiers essais; le séjour des aoix dans une atmosphère de vapeur de sulfure de carbone pendant deux ou trois jours, traitement parfaitement efficace, quant à la des- truction des Insectes, mais allérant les noix, les durcissant et leur donnant une teinte brun terreux sale. Mêmes résullats obtenus en un espace de temps très court avec la vapeur de chloroforme. Des essais plus intéressants furent ceux tentés en faisant agir le gaz d'éclairage. Dans une première expérience, les noix attaquées placées dans un flacon à deux tubulures furent soumises pendant trois jours consécutifs à l’action d'un courant lent de gaz d'éclairage, sous la pression ordinaire. Le gaz arrivait dans le flacon par un tube plon- geant jusqu'au fond du récipient et en sortait par un tube de dégage- ment se rendant dans un verre contenant un peu d’eau. Le résultat fut nul, les larves survécurent et ne parurent même pas incommodées à la fin de l'expérience. (1) Il ne faut pas confondre ces taches avec la suture brune des cotylédons. (2) Nous ne pensons pas que les trous de ponte puissent servir à reconnaitre les Ncix attaquées, car ces blessures peu caractéristiques ressemblent à celles que font les Balanogastris lorsqu'ils veulent consommer le parenchyme de la graine. Il semble en effet que, dans certains cas, les Charençons percent l’amande uniquement pour satisfaire leur faim, 368 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Des noix attaquées furent alors äisposées sous une cloche dont l'atmosphère pouvait être raréfiée à l’aide d’une trompe à eau, un ro- binet à trois voies permettait de la mettre en communication soit avec le gaz, soit avec la trompe. Ayant opéré un vide partiel dans la cloche, on y faisait entrer le gaz et on l’y laissait séjourner. Le vide partiel fut ainsi pratiqué à trois reprises et suivi chaque fois d'une prise de gaz. L'expérience, commencée à onze heures et demie du matin, était terminée à sept heures du soir. Le résultat fut encore né- gatif. Une larve extraite d’une noix attaquée avait été placée comme témoin sous la cloche en même temps que les noix, cette larve fut trouvée engourdie, sans mouvement, à la fin de l'expérience, mais le lendemain elle avait recouvré toute sa vigueur. Nous reprimes alors la même expérience en la prolongeant et en mesurant d'une facon approximative l’abaissement de pression obtenu à l’aide de la trompe. Nous opérâmes à six reprises un vide partiel à 25 centimètres de mercure environ et autant de prises de gaz consécu- tives afin de bien purger les noix de tout l’air qu'elles contenaient. Chaque fois nous laissions les noix séjourner dans le gaz revenu à la pression ordinaire pendant une durée variant de deux à quatorze heures. L'expérience dura en lout soixante-dix heures. Au sortir de la cloche, les noix traitées, bien que légèrement bru- nies, avaient conservé leur fraicheur et n'avaient pas ou à peine durci. Leur saveur n'était pas altérée, malheureusement nous ne trouvâmes qu’une seule larve dans ces noix attaquées. Cette larve était raidie et comme engourdie et le lenlemain, elle entrait déjà en décomposition. Ce dernier essai, nous le répélons, n’est pas suffisamment concluant. Mais il montre la profonde différence qui existe entre l'action du gaz d'éclairage et celle de la vapeur de sulfure de carbone ou de chloro- forme sur certaines graines vivantes. Il fait prévoir l'utilité qu'on pourrait Llirer de l'emploi rationnel du gaz d'éclairage pour la destruc- tion de certains Insectes nuisibles, par exemple, des Bruchus (1). < SUR UNE ÉTOFFE FABRIQUÉE AVEC DES TOILES D ARAIGNÉES A MADAGASCAR, par M. E. Simon. M. le Dr F. Delille a bien voulu me communiquer un échantillon d’étoffe qui lui a été envoyé par M. Georges Richard, avocat à Tama- tave, comme ayant élé fabriqué avec des fils d'Araignce, ce que l'étude microscopique ne permet pas de vérifrer, aucune différence spécifique n’existant entre les fils d’Araignées et ceux de Bombyx. (1) Bulletin de la Société entom. de France, 1898, ne 14. EXTRAITS ET ANALYSES. 369 Plusieurs auteurs ont déjà attiré l'attention sur la solidité et l’abon- dance des fils de certaines Araignées de Madagascar, notamment ceux du MWephila Madagascarensis, Vinson, que les indigènes appellent Halabe, mais aucun, à ma connaissance, n’a parlé jusqu'ici de l’usage industriel qu’en font journellement les Hovas d’après M. Richard. Voici ce que dit à ce sujet M. le D' Vinson : « Si jamais l’industrie tourne ses regards vers l’exploitation utile des fils de nos Araignées, c'est assurément à ces Epeires-géantes (Wephïla) qu'elle devra l’adres- ser. J.-B. Dumont et Walckenaer ont déjà fait remarquer que cette espèce donne des fils jaunes susceptibles d’être tissés. Ces fils, très forts, très longs, ressemblent à la plus riche soie orange ou or que la Chine nous envoie. Il suffit de prendre entre les doigts le volumineux abdomen de l’Araignée et de tourner le fil sur un fuseau ou sur un dévidoir, la source en semble intarissable. Après avoir ainsi tire de cetle Araignée une abondante quantité de soie, elle paraît n’en point souffrir et peut être remise en liberté. C’est avec les fils de cette espèce qu’à l’île Maurice, sous l'administration du général Decaen, les créoles élégantes tissèrent de leurs mains une splendide paire de gants qu'elles envoyèrent en hommage à l’impératrice Joséphine. Un témoin qui a vu ce chef-d œuvre de l’industrie locale nous en a fait le plus grand éloge (1). » Le R. P. Camboué dit de son côté : « J'ai constaté moi-même que l’un des fils latéraux soutenant la toile de l’Æalabe peut supporter sans se rompre un poids de 500 quintaux. L’un de mes confrères ayant longtemps habité la province des Betsileo au sud de l’Imerina m'a assuré que le fil de l’Æalabe y est employé pour la couture des lambas ou vêtements indigènes et que ce fil dure même plus que l'étoffe (2).» (Bulletin de la Soc. Entomol. de France, 1898, no 2 D291-) X< LA TUNISIE INDUSTRIELLE. Les forêts — Le Chéne- Liège. Les forêts de la Régence couvrent une superficie d'environ 500,000 hectares ; elles peuvent se diviser en deux groupes séparés par la vallée de la Medjerda : 1° Un groupe au Nord, comprenant les massifs de la Kroumirie {Mrassen, Aïn-Draham, Fernana, Tabarca, Mekora), des Neïza, des Mosods et de Porto-Farina. (1) Aranéides des îles de la Réunion, Maurice et Madagascar, 1863, p. xxu1. (2) Aranéides utiles et nuisibles de Madagascar, in Bull. Soc. nat. d'Accli- matation, mai 1887, 370 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Le peuplement des massifs de ce groupe se compose principalement de Chènes-Liège et Chênes-Zéen, formant vers certains points de ma- gnifiques futaies ; sur les pentes, on trouve des broussailles d’Oliviers sauvages, et, disséminés dans les vallées, l'Orme, le Saule, le Peuplier blanc, le Peuplier noir, le Frêne, le Houx, le Laurier, le Tamarix, la Vigne sauvage, l’Azerolier. Le sous-bois est constitué par le Myrte, le Lentisque, le Ciste, la Bruyère, le Philaria, le Genêt, le Romarin. 2° Le groupe forestier du Sud de la Medjerda, dévasté par des ex- ploitations désordonnées et l'abus des pâturages, comprend surtout des peuplements de Chènes verts et de Pins d’Alep parmi lesquels on rencontre l'Olivier sauvage, le Caroubier, le Thuya, l'Érable de Mont- pellier, l'Arbousier, le Genévrier oxycèdre. L'exploitation des forêts de la Régence porte surtout sur les Chênes- Liège et les Chênes-Zéen des forêts de Kroumirie pour les lièges. les écorces à tan, le bois destiné aux traverses des chemins de fer. Voici quelques indications sur la production et l'exploitation du Chêne-Liège. | Le Chêne-Liège occupe en Tunisie une superficie de 82,000 hec- tares. On le rencontre à l’état d'isolement au Cap Bon, à l'Enfida et dans la Begaoua ; il forme des bouquets disséminés au milieu des Chênes Kermès qui couvrent les montagnes du Mogod et constitue dans la région de la Kroumirie de superbes massifs dont l'exploitation est rendue facile par le voisinage de la mer et la voie ferrée qui relie Tunis à Bône et à Constantine. La valeur du Chêne-Liège réside surtout dans son écorce qui fournit le liège et dont la partie interne fournit un tan très renommé. Son bois est lourd, compact, de couleur jaune brunâtre, peu homogène, à grain assez grossier. Il est impropre à la fente, a des dispositions à se gercer et pourrit rapidement, quand il est exposé à des alternatives de séche- resse et d'humidité. Il n'est pas employé dans l’industrie, mais donne un chauffage très estimé et d’excellent charbon. Le Chêne-Liège peut supporter l'opération du démasclage dès qu'il a 30 centimètres de tour sous écorce, ce qui représente une circonfé- rence extérieure de 40 à 50 centimètres. Les brins de semence atteignent cette dimension vers l’âge de trente ans, les rejets de souche entre quinze et dix-huit ans. Dans les forêts de Tunisie, on démascle les arbres d’âges divers qui présentent, après avoir subi cette opération pour la première fois, une circonférence de 60 centimètres. La hauteur moyenne du démasclage est de 1*,40. La surface pro- ductive de chacun d’eux est de 72 décimètres carrés. Le prix de revient du démasclage de l'arbre, après avoir été en moyenne de 0 fr. 101 pendant la période de 1884 à 1888, est descendu les années suivantes à 0 fr. 09. EXTRAITS ET ANALYSES. 371 Le Liège de reproduction atteint, après une période de huit à douze ans, une épaisseur de 0,025 à 0",027 qui le rend propre à tous les emplois. Après que l'écorce a été détachée de l'arbre, on en enlève la partie extérieure, de consistance ligneuse, on la fait bouillir, on en forme des planches et on les met en balles. Ces diverses opérations portent le nom de râclage, de visage et de mise en balles. La Tunisie, avec les 82,000 hectares de Chênes-Liège qu’elle pos- sède, entre pour un quinzième environ dans la statistique générale des forêts de Chênes-Liège. L'écorce qu’elle produit, à en juger par les récoltes faites en 1892 et 1894, est de belle qualité Quelques exploitations de Liège de reproduction ont été faites en 1883 et 1884; ce liège provenait des démasclages exécutés par les indigènes pour se procurer les écorces dont ils avaient besoin. Les travaux de démasclage commencés en 1884 ont été continués pendant les années suivantes et la première récolte devait avoir lieu en 1892. L’Administration a fait, en effet, récolter à cette date des lièges dans les peuplements démasclés en 1884 ; mais comme le nombre des arbres exploitables était peu considérable, que beaucoup de lièges n'avaient pas atteint l'épaisseur marchande, l'opération de la récolte fut retardée de deux ans. En 1894, il a été récolté 7,523 quintaux dans les forêts de Feïdza, d’Aïn-Draham et de Tabarca. Ces produits ont été vendus par adjudication publique. Le prix moyen de vente du quintal a été de 18 fr. 23 c. Ces récoltes de Liège de reproduction continueront sans interrup- tion les années suivantes à mesure que les arbres démasclés successi- vement arriveront en tour d'exploitation. Des expériences faites lors des opérations de 1894, il résulte que le poids du liège brut marchand que chaque arbre est susceptible de produire est d'environ 5 kil. 750 gr. Le prix du quintal de liège ordinaire, bouilli, râclé, visé, mis en balies et rendu à quai à Tabarca peut être évalué à 45 francs. _ Les frais d'exploitation sont par quintal : 1° Frais de récolte (35 arbres en moyenne par 100 kil. de liège en pales OMfr.10%c:lun:..7,.....:. Radars re le ee Er 50 2° Transport du liège 4 He de l’arbre aux re de con- centration sur les chemins..,..... 10000066 Ébbo op Doaboococ LS 3° Transport à Tabarca à dos de Mulet, calculé sur une moyenne de 20 kilomètres.. .......... en ee DIE DEEE GEO DR 4° Frais généraux, râclage, ébullition, mise en balles. D NOlAIERERPEE -Er-0014450 En déduisant du prix de vente à Tabarca les frais d'exploitation et de transport, il reste pour prix sur pied du quintal de liège visé 30 fr. 50, soit 15.26 pour prix sur pied du quintal brut. 372 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Pendant les treize dernières années, la production moyenne an- nuelle des forêts de la Régence a été de : 9,000 mètres cubes de bois-d'œuvre (Chêne-Zéen); 35,000 quintaux d'écorce à tan (Chêne-Liège). Depuis 1892, il est récolté par an, en moyenne, 7,000 quintaux de liège de reproduction. Des recettes annuelles dépassent actuellement 600,000 francs et iront constamment en augmentant par suite de la mise en valeur progressive des massifs forestiers. Le service des forêts procède chaque année à trois adjudications de produits forestiers : au printemps (avril), il adjuge les coupes d’écorces à tan (gros Chênes-Liège impropres à la production); en été (fin août) il vend au quintal métrique les lièges de reproduction récoltés par ses soins et empilés sur des places de dépôt (Aïn-Draham, Babouch, Tabarca, Ghardimaou) ; en automne (octobre et novembre) il met en adjudication les coupes de bois d'œuvre (Chênes-Zéen) pour la fabri- calion des traverses de chemins de fer. La Norvège a importé en 1896, 579,330 kilos de liège valant 347,600 couronnes. La même année la Suède a recu 2,612,916 kilos de liège valant 1,776,783 couronnes et 33,636 kilos de bouchons valant 175,308 couronnes. Enfin, le Danemark, pour l’année 1894, a importé 1,339,138 kilos de liège. Ces chiffres justifient la part qui a été faite aux produits forestiers dans la Section tunisienne à l'Exposition de Bergen. (La Tunisie à l'Exposition internationale de pêche à Bergen, 1898, p. 17-20.) >< LE BoIS DE TEAK. Le bois de Teak, extrêmement dur, tres résistant, incorruptible et inattaquable par les Insectes, est excessivement précieux pour les charpentes dans les pays intertropicaux et pour les constructions navales, quoique, pour ce dernier usage, on lui reproche sa trop grande densité; ce reproche perd, d’ailleurs, sa raison d'être chaque jour, la construction en fer devenant générale pour les navires et le bois de Teak n'y entrant plus que pour les ponts qui, faits ainsi, sont inusables. à Cet arbre est une des richesses des contrées de l’Indo-Chine où il pousse naturellement et où on en rencontre de grandes forêts, mais son exploitation présente de sérieuses difficultés. La Revue francaise donne, dans l'excellent article suivant (1), les conditions actuelles de (1) Reproduit ici d’après le Cosmos, 24 septembre 1898, EXTRAITS ET ANALYSES. 373 cette industrie et les moyens he pour satisfaire à une demande toujours croissante. Les forêts de bois de Teak se rencontrent surtout dans le Nord du Siam, notamment aux environs de Nan, de Chieng-Maï, de Lampoon et sur la rive droite de Meï-Ping. Dès 1860, la Borneo Company avait des agents dans ces régions, mais c'est seulement depuis dix ans que le commerce du bois de Teak a pris une grande importance, qui date de l’époque de la création d’un vice-consulat d'Angleterre à Chieng-Maï. Presque tous les locataires des forêts de ce bois sont birmans en apparence, anglais en réalité. Le locataire birman a, en effet, fort peu de ressources, et, lorsqu'il a obtenu la concession d’une forêt, il est obligé, pour l’exploiter, d'emprunter des capitaux aux maisons anglaises de Bangkok. Ces capitaux lui sont fournis à gros intérêts, à condition, en outre, que le bois de Teak soit livré sur telle rivière et à un prix fixé d'avance. La moilié du capital emprunté est consacrée à l'achat d'Éléphants. Cela n’est pas surprenant, car un Éléphant ordinaire coûte 1,000 rou- pies, et un Éléphant de choix 3,000. Or, il en faut parfois cinquante pour des forêts éloignées et d’un accès difficile. Le reste est destiné à faire des avances aux coolies sur leurs gages et à subvenir aux dé- penses d'exploitation pendant les trois ou quatre ans qu’il faut atten- dre avant qu'aucun pied de bois de Teak n'arrive sur le marché. La première année, on fait à l'arbre, à un mètre du sol, une entaille circulaire par laquelle la sève s'écoule. A la suite de cette saignée, l’arbre sèche et meurt; cette opération est nécessaire, car l'arbre vert ne pourrait pas flotter. La deuxième année, on abat l'arbre et on l’élague. La troisième année, lorsqu'il est tout à fait sec, l'arbre est transporté par les Éléphants jusqu'aux ruisseaux, d’où il descend jusqu’à Bangkok, à l’aide du courant. Pour que l'arbre flotté arrive à bon port, il ne faut pas qu'il y ait trop peu d’eau, ni trop. Lorsqu'il y a trop d’eau, le pays étant inondé, les radeaux s’aven- turent au delà des berges normales, et, en cas de baisse des eaux, les bois restent échoués au milieu des terres et sont perdus. Lorsqu'il n’y a pas assez d’eau, il n’y a qu’à attendre à l’année suivante. On met sur les bois la marque de la Compagnie. Une fois arrivés à la rivière, les bois sont réunis au nombre d'environ 130 pieds et constituent des radeaux qui se forment en juin à Raheng, sur le Mei- Ping et à Sokotai sur le Me-Yom. Des bateliers sont ensuite engagés à raison de sept ou huit par radeau, et, se bâtissant une hutte dessus, ils descendent avec lui le cours du fleuve. Il faut quinze jours à un train de bois pour descendre de Raheng à Paknampoh; trois jours de là à Cheï-Mat, où l’on paie la taxe à l'administration siamoise; dix jours après on atteint Bangkok. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898, — 2 TS ND LES, TG dE Oh AT tes dé ere | ' er : ci io de se se 2e ce DER RDS AE RE Champignon (Un nouveau) parasite du Lys....................... L. Cnazaz. — Chats (L'amputation de l'oreille externe n'empêche pas les) defhasser les Oiseaux. . 02 CRE A. TRIGANT-GEN&sTE. — Chiens (Les atlelages de) en France....... E. BrnraincHaux. — Cire (Notes sur la) d’abeilles en Tunisie. ...... TABLE DES MATIÈRES. Crête (Les productions végétales et animales LE OM D PDG PM EE Criquet migrateur (Un ennemi du) dans la République Argentine. ..... H. Couein. — Crosnes du Japon (Sur la conservation des).......... D' Cros. — Cultures dans les Pyrénées-Orientales .........,....... V. Perret. — Cultures de la Vanille, de la Vigne, du Caféier et du Mûrier combinées avec l'élevage du Ver à soie en Nouvelle-Calé- Acute mers en RUTOPE.- lee less ie els ciel ele ee selon e Ed. Foa. — Éléphants sauvages de l'Afrique Australe (Note sur les)... P. LagBé. — Élevage (L’), l'Apiculture et la Pêche dans le gouver- nement de Semipalatinsk....................... Doodécotos D' Hecxez. — Encouragements à donner aux cultures coloniales...... Paris. — Essai d’acclimatation en Indo-Chine.............,.,..., Etablissement de pisciculture d’Ancourt (Seine-Inférieure)............ D' D. Cros. — Expériences d'acclimatation végétale faites au jardin botanique defloulouse.." "2... ....."... Oocoos Graminée du Soudan (Sur une) Paspalum longiflorum............... P. Wacquez. — Hirondelles (De la possibilité de conserver les) pendant Ébivensousiles climats de Paris. eee cle cele set Huîtres vertes (Le cuivre dans les)...,.................. RUE : Cossar-EwarT. — Hybrides du Zèbre de Burchell et de la es GHIPRUSICRERICOSSE tetes clore oleciete moto ebele = #1» eimet aie sale Tee E. CausrTier. — Ivoire (L’) à l'Exposition coloniale de Bruxelles- TERTEEM doooddodie0oodocetobvorodboubaveocoee debout A. DELavaz. — Jacinthe d’eau (La) cultivée à Saint-Max-lès-Nancy.. H. SaGnier. — Jardin botanique de Saint-Pétersbourg............. DE ConFEvRON. — Lérots et Muscardins..............,.......... Ch. Maires. — Lézard de murailles (De la domestication du)....... P. GErRMaiN. — Llamas domestiques (Observations sur les) des hauts- plateaux du Béni en Bolivie..........:..... Débovoëcbeoc de MSC RS ZÉRO SN AR em ir sie eine o Gino etetosciale etauele tel aie en io le G.-A. Bzou. — Mammifères apprivoisés au Congo français. ......., D’ TrouEssarD. — Mammouth (Le) et lIvoire de Sibérie......,.... D' A. PETTIT. — Manière d'envoyer des Poissons malades au point de vue de la recherche du Myxosporidies.........., Odoo0006b au Edouard Foa. — Mouche Tsé-tsé (La).:..........:.,............, N'Djembo (Le), liane à caoutchouc du Feruan-Vaz............,,,.. J. CLaRTÉ. — Oiseaux utiles (Appel aux enfants pour la protection des). Olivier (La culture de l’) en Tripolitaine...............,.......,.. Origine africaine de quelques animaux domestiques en Europe......... HPENLeREr-tPerruchel|ondulée (La)..,:..:.1-2262 0.2... K. KismiNouye. — Pêches (L'industrie des) au Japon........... Ds R. de CLERMONT. — Pigeon voyageur (Le) est-il un animal domes- HME-o00o0socdoececoe Sococo000bo0o RE SOS PCR LIvINGSTONE STONE. — Pisciculture (Les débuts de la) aux États-Unis. 381 202 317 LOU CET pa Rd ni EEE à 382 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. A.-L. CLÉMENT. — Plantes mellifères (Les) et le Nectar........... OMUeUX. E. Decroix. — Projet de langage phonétique universel pour la conduite des animaux fee ON EURE CCC ET 241 Question des petits Oiseaux. (La}a£ 48. SCORE ARRET. 19 E. Canu. — Rapport sur les travaux exécutés en 1896 à la station aquicole de Boulogne-sur-Mer............... manschise os, 23-63 D’ CLos. — Récolte de graines de Ginko biloba et de Zizyphus sinensis au Jardin des plantes de Toulouse......................... 301 A. DusouT. — Réserves de pêche côtière (La théorie et la pratique des). Le cantonnement d'Endoume près de Marseille................ 132 Ch. NauDin. — Réflexions au sujet d’une plante hybride extraordinaire de la famille des Campanulacées............ nor HERO SES 177 Léon VarzLantT. — Reptiles (La ménagerie des) au Muséum d histoire naturelle de Paris. 656 EE SORTE CEE AR AEET RE 263 F. TaiwsauT. — Rossignol du Japon (Essai d'acclimatation du) aux en- VIRONSIAOMBaATIS See dame CE EEE CCE DRE CO 08 LORS Safran (Essais de culture sur le) et l'Iguname........... JUAN SFr U à J. VoiriN. — Saumon de Californie (Le) à l’École de viticulture de Beaune (Côte-d Or)..... RE AO NT ce do LE 104 Ea-Soie)au Soudan. 4.3 CE EC RCE TER 305 P. CHapPELLIEK. — Stachys. Safran et Iguame de Chine (Essais de culture”sur le) LR ONE CPR CEE 298 Touille-Canard (Le) (ÆHolotyrus coccinella)........................ 112 RaverET- WATTEL, — Travaux de pisciculture de M. Goubert à Rouen. 113 Truffes (La prétendue maladie vermineuse des)..... SEE VERRE GARE 37 A. BENGIN. — Zébus (Notes sur les) de la plaine de Bône........... 209 FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. 383 TABLE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ SÉANCE GÉNÉRALE. Séance du 20 novembre 1 897........... ne AS ET PR ESS SÉANCES DES SECTIONS. 1" section. — Mammifères. 4€ section. — Entomologie. Séance du 21 janvier 1898... 127 | Séance du 14 février 1898... 197 = 21Mfévrier — "11288 = 14 mars —— oc" 200 2€ section. — Ornithologie. 5e section. — Botanique. Séance du 31 janvier 1898... 159 | Séance du 15 février 1898... 257 = 28 mars = 00 1 DO = DONNE REC 205 3° section. — Aguiculture. 6° section. — Colonisation. Séance du * février 1898.... 4160 | Séance du 31 janvier 1898... 258 — HRMarS=e -10200 —= 28 février — ... 295 FIN DE La TABLE DES SÉANCES. 384 TABLE DES GRAVURES ASUS ÉDEPMACIDSUS Nes date ee à lee De ee Ce 0219, 280,282 Brenda, zèbre..... à Se ed» 210 ee et OS pie AS ae EN Le 330 Grosnes du Japon... ...:.." "2% 42-1006 Matane, zèbre de Bürchell.%27. 2. 2 eee PTE ses. 312-343 Mouche Tsé-tsé......... SAR OCR CO EMEA ETIENNE CES > Haut 138 Plan de la ménagerie des Reptiles au Muséum d'histoire naturelle de Paris.e Menton EEE EEE CC HE RR20D Plan sommaire de la ferme d’Autruche de Matarieh..........,...... 251 Romulusszèbre sr AN, DAS ne ANNEE EEE 316, 4146 319 Ruche habitée simultanément par des Abeilles et des Guêpes......... 255 Salle à manger de M. Wacquez (plan)... 32" Re ER AA Salle à manger de M. Wacquez (porte-fenêtre)................. 215-217 Stachys-et Tgnames'de Chine... OMR CE RE CRE RE A FIN DES TABLES. VERSAILLES, IMPRIMERIES CERF, 59, RUE DUPLESSIS. BULLETIN SOCIÈTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE BULLETIN DE LA Société Nationale d'Acelimatation de France FONDÉE LE 10 FÉVRIER 1854 RECONNUE ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE Par Décret du 26 février 1855 ANNÉE IS 49 Van. À HS - ANNÉE PARIS AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ AE a BULLETIN DE LA NATIONALE D'ACCHIMATATIN DE FRANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) — 452 ANNÉE A —————— JANVIER 135399 SOMMAIRE | Boire des + ocès-verbaux des séances de la Société : >êche des Eponges en Tripolitaine SEURAT. — Sur la culture ses plantes européennes à Mexico _ La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions mises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. Un numéro 2 franes ; pour les membres de Îa Société 4 fr. 50 6) EE EC —— : AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET A LA LIBRAIRIE CERF, 42, RUE SAINTE-ANNE Le Bulletin paraît tous les mois. 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COUVEUSES . ARTIFICIBLLES MATÉRIEL D'ÉLEVAGE Volailles de Race ŒUFS À COUVER | au coin de la rue Serpenl LÀ (près l'Ecole-cs-Médeol Base pure de Heudan 06,88 NS < LES CHIENS de chasse dressés, * CRM: nt Iavol frans de Catalogse (Uestes. Z 7\V Les plus haut MAISON À PARIS EE Récompenses, Q VOITURE Expor} setLtrasg PL du Théâtre-Prançeu À mue au moyen de 1 ou 2 leviers. Lis TL N Sur demande envoi fr ER anco du Catalogce — TELEPHOR AT ne om ee 2 M bi 7 (] EAU MINÉRALE GAZEUSE, déclarée d'INTERET PUBLIC (Décret du 7Avril 1888) BUSSANG ANEMIE, GASTRALGIE, COLIQUES NEPHRÉTQUES, GRAVELLE, ARTHRITISME RER ITUANTE rüinedntoutesis CONVALESCENCES Re LAdSie A av NEW. YOAR HOT LITE À è LE CARDINAL DE VIRGINIE CARDINALIS CARDINALIS SON ÉLEVAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE (1) par l'Abbé A. CHARRUAUD, Curé de Bessens (Tarn-et-Garonne). Il n’est pas d'amateur d'Oiseaux exotiques qui ne connaisse le Cardinal de Virginie, ce splendide Coccothraustidé, si justement recherché pour la richesse de son plumage et l’éclat de son chant. Sa robe rouge écarlate, qu'il conserve en toute saison, sa voix sonore et variée dont les fugues enthousiastes et les trilles mélodieux retentissent jour et nuit, depuis le premier printemps jusqu'à l’automne, époque de la mue, en font un des plus beaux et des plus intéressants Passereaux dont on puisse orner une volière. Pour ma part, je considérerais comme déparée une collection d'Oiseaux où le nn de Virginie ne figurerait pas. Depuis nombre d'années j'élève le Cardinal rouge, m'appli- quant à l’étudier sous le rapport du caractère, des mœurs et des habitudes. Je l’ai tenu en cage et en volière, seul et par couple, isolé et mêlé à une foule d’autres volatiles plus gros ou plus petits. J’ai étendu le champ de mes expériences et de mes observa- tions à dix couples de Cardinaux, dont cinq importés et cinq nés chez moi. Trois questions intéressent plus particulièrement l'amateur qui veut se livrer à l'élevage du Cardinal de Virginie. Elles peuvent se résumer en trois mots : Acclimatement, Socia- bilité et Reproduction. I. — ACCLIMATEMENT. Pour savoir si un Oiseau est plus ou moins apte à supporter les rigueurs de notre climat, il importe de rechercher dans quelle partie du monde et sous quelle latitude la nature le ba traître. (1) Communication faite à la Section d'Ornithologie dans les séances du 28 mars et du 2 mai 1898. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899, — 1. 2 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Or, au dire de Brehm et d’Audubon, le Cardinal rouge est répandu dans tout le nord de l'Amérique, principalement dans la Virginie, pays où le thermomètre descend en hiver à plusieurs degrés au-dessous de zéro. Là, les variations de température sont si brusques que souvent, dans la même journée, on éprouve un passage subit du chaud au froid. Il est vrai que, dans les hivers trop rudes, le Cardinal émigre vers le Sud, à la recherche d’une température plus clémente ; mais, aux premiers effluves du printemps, l'Oiseau virginien reprend le chemin de sa patrie, « se glissant de buisson en buisson, volant de forêt de forêt », devançant les femelles qui ne tardent pas à le suivre. C’est le moment fixé par la Nature pour la reproduction de l'espèce. Le couple, une fois formé, s’isole, choisit le coin de bois, le taillis épais, voire même le jardin touffu qui abritera le mieux ses amours : il y construit son nid et pond. De ces quelques données, nous pouvons conclure que le Cardinal rouge est un Oiseau de climat tempéré, à l'encontre de ses congénères, le Paroare et le Bruant commandeur, qui habitent les zones tropicales. C’est donc un volatile robuste, parfaitement organisé pour résister au froid de nos hivers. Les marchands ne l’ignorent pas; aussi traitent-ils le Cardinal sans plus de ménagements que s’il s'agissait d’un Oiseau français. En décembre 1895, étant de passage à Marseille, j'allai vi- siter les magasins de mon fournisseur d’exotiques. La température avait subi une dépression qui se traduisit, au lever du jour, par une forte gelée. : A mon arrivée, mon marchand mettait à l'étalage une grande cage dans laquelle flamboyaient de gros Oiseaux, rouges comme des Pivoines. Même à distance un amateur ne pouvait s’y méprendre : c'étaient des Cardinaux. Bien qu'une longue expérience m'eût appris que ces Oiseaux sont assez solidement trempés pour résister au froid, il me pa- rut imprudent d'exposer au grand air de cette matinée excep- tionnellement rude, avant que le soleil n’eût un peu réchauffé l'atmosphère, des sujets d'importation récente. Je ne manquai pas d’en faire la remarque. Il me fut répondu le plus tranquil- lement du monde : « Ne craignez rien, M. l’abhé, le Cardinal de Virginie est robuste et n’a pas besoin d'être acclimaté. » Vous objecterez peut-être que la Provence n’est pas... la LE CARDINAL DE VIRGINIE. 3 Normandie : que le même Oiseau, qui se montre robuste sur les bords de la Méditerranée, pourrait bien succomber sur les rives de la Loire ou de la Seine. Heureusement il n’en est rien. Lisez ce passage d’une lettre que m'adressait de Poitiers, le 7 février 1896, mon honorable et excellent ami, M. Jarrassé, ancien magistrat : « Mes Cardinaux, installés dans la grande volière, ont jusqu'à présent, supporté, sans paraître en souffrir, l'hiver assez doux que nous traversons, mais plus froid depuis quelques jours. » - Et le 30 avril suivant : « Mes Cardinaux rouges se portent à merveille, bien qu'ils aient constamment refusé de se réfugier sous l’abri couvert, passant leurs nuits perchés sur les branches des arbustes, toutes ruisselantes de pluie, se- couées par les vents ou couvertes de neige. » Dans ce même mois de février 1896, une Française, domi- ciliée en Hollande, m'écrivait ce qui suit : « Je suis désolée! La semaine dernière ma femme de chambre a laissé par étourderie la porte de la volière ouverte; et mon Cardinal, mon joli Cardinal rouge, que je venais de recevoir d’Ams- terdam, en a profité pour prendre la clé des champs... Où est-il? pas bien loin sans doute, puisque ma fille l’a vu ce matin même sautillant dans les allées du parce à la recherche de sa nourriture. Et moi qui le croyais mort de froid après les nuits vraiment sibériennes que nous venons de traverser | Mais non, ilest bien vivant et plein de santé. Pourrons-nous le rattraper? Si vous connaissez un moyen quelconque, de orace | M. l'abbé, indiquez-le-moi par retour du courrier. » Enfin, voici ce qu'on lit dans L’Acclimatalion, à la page 42 de l’année 1880, sur la signature de M. Philippe Delamain : « Des Cardinaux rouges ont admirablement supporté en plein air le froid qui n’a pas dépassé 12° au-lessous de zéro, mais qui a persisté pendant plus de six semaines. » Il me serait facile de multiplier ces sortes de citations, toutes plus concluantes les unes que les autres. Maïs j'ai hâte de faire connaître le résultat de mes expériences personnelles. J’ai donc mis successivement à l'épreuve cinq couples de Cardinaux importés et cinq couples de ces mêmes Oiseaux nés chez moi. De ces derniers il ne saurait être question ici. Le Cardinal d’origine française est, en effet, bâti à chaux et à sable. Par le fait de sa naissance sous notre climat, il acquiert, |! ANA PTE 4 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. on peut le dire, un tempérament d'acier : aussi le voit-on se rouler dans la neige avec volupté et se baigner par le temps le plus froid, comme un simple Pierrot. Les autres, les importés, m'ont toujours été expédiés de Marseille dans le courant du mois de décembre ou du mois de janvier, c'est-à-dire au cœur même de la mauvaise saison. Le jour de leur arrivée, ils étaient hic et nunc lâchés dans une volière dont il importe de donner la description. Cette volière est très mal exposée, elle fait face au couchant et se trouve ainsi battue dans toute sa longueur par le vent du Nord. Deux parties la composent. L’une est une sorte de châlet d'aspect aussi gracieux que de construction peu con- fortable. En effet, à part le mur du fond qui lui sert d'appui, il est entièrement bâti en cloisons de briques posées sur champ et couvert d’une simple toiture de tuiles plates, dites à crochet. Entre la toiture et le sol, pas de plafond. Sur le devant deux portes, d’inégales dimensions et à double battant, en protègent l'entrée : la plus grande est vitrée et donne ainsi passage à la lumière qui pénètre à flots dans l’intérieur; la plus petite, qui s'ouvre sur le sol, est pleine. L'autre partie de la volière comprend le prolongement clas- sique à air libre, planté d’arbustes verts et entourés de treil- lage sur toutes ses faces. C’est là que mes pensionnaires vont humer le grand air, se gorger de soleil et s’enivrer de liberté. Comme on le voit, ce home de ma gent emplumée ne répond nullement aux exigences d’une bonne installation. Le froid, le chaud, la pluie et le beau temps s’y disputent l'empire. Quant à la maisonnette, si elle est suffisamment close pour que les Oiseaux s’y trouvent à l'abri des pertur- bations atmosphériques, en revanche sa maconnerie trop légère ne peut les protéger contre les refroidissements de la température. Aussi, que de fois au matin de ces belles nuits étoilées de notre période hivernale, et même durant ces journées grises où le vent du Nord-Ouest charrie d’épais nuages de neige, que de fois j'ai dû plonger les abreuvoirs dans l’eau bouillante pour en faire fondre la glace que le bec des Oiseaux ne pouvait plus percer ! Eh bien, c'est « dans ce modeste et simple asile », je le répète, que j'ai toujours lâché mes Cardinaux au sortir de leur cage-transport. Afin de leur rendre familier l’intérieur du châlet, où sont les mangeoirs et les abreuvoirs, je les y LE CARDINAL DE VIRGINIE. 5 tenais enfermés, en compagnie des anciens du logis, pendant quarante-huit heures au moins. Puis, un beau matin de gai soleil, j'ouvrais un côté de la porte du fond, et frroul! c'était aussitôt une envolée générale vers le grand air et la pleine lumière. À partir de ce moment, les nouveaux venus avaient, comme les autres, la libre jouissance de l’espace grillagé, Est-il besoin d'ajouter qu'ils en usaient largement, sans s'inquiéter le moins du monde de la pluie ou du beau temps ? Toutefois, lorsque le vent du Nord soufflait avec violence ou que le baromètre annonçait une tempête, j'obligeais les Cardinaux à passer la nuit dans le châlet, où se réfugiaient d'eux-mêmes leurs compagnons de captivité. Au contraire, lorsque la nuit était calme, que pas un souffle n’agitait l’air, quel que fût d’ailleurs le degré de la tempéra- ture, je laissais mes Cardinaux, mâle et femelle, agir à leur guise, et, si le cœur leur en disait, ils avaient toute liberté de dormir à la belle étoile. Eh bien, jamais je n’en ai perdu un seul. Il m'est donc permis de conclure avec le marchand de Marseille : « Le Cardinal de Virginie est robuste et n’a pas besoin d’être acclimaté. » Est-ce à dire que l’on puisse impunément faire hiverner les Cardinaux rouges en volière ouverte? Ce serait singulière- ment se méprendre sur le sens de nos déclarations précé- dentes. Un Oiseau — qu'on veuille bien le remarquer — peut être très robuste, c’est-à-dire, d’une complexion assez forte pour résister aux plus basses températures, sans avoir pour cela une constitution apte à braver sans danger l'influence autrement funeste des courants d'air et, a fortiori, des vents impétueux et glacés de la mauvaise saison. Pour un Car- dinal qui sortirait sain et sauf de l'épreuve, bien d’autres, dont la santé aurait été ébranlée par les fatigues du voyage, ou qui porteraient dans leur organisme le germe d’une ma- ladie plus ou moins grave, y succomberaient infailliblement. L’amateur prudent ménagera donc à ses Cardinaux nouvelle- ment importés un réduit quelconque où ils auront la facilité de se retirer durant le jour et à l'approche de la nuit pour se garantir des injures du temps. Mais ceci ne peut infirmer en rien notre thèse sur la rusticité de l'Oiseau virginien. (A suivre.) L RS. 2 OÉ : SUR LE TUBERCULE AÉRIEN DU DIOSCOREA HOFFA J. ne CoRDeMoOY (1) par Édouard HECKEL et Fr. SCHLAGDENHAUFFEN. HISTORIQUE ET BOTANIQUE. En 1892, dans un article inséré au Bulletin de la Société nationale d'Acclimatation de France (mars et avril) nous avons fait connaitre la valeur nutritive des bulbes aériens de Dicscorea bulbifera L. qui sont communément consommés en Océanie (notamment à Tahiti et en Nouvelle-Calédonie) et sur la côte occidentale d'Afrique, par les populations indigènes de nos Colonies françaises. Aujourd’hui, grâce à un envoi ré- cent de M. le Dr Jacob de Cordemoy, le savant auteur de la Flore de la Réunion, nous pouvons présenter un travail simi- laire sur les hulbilles d’une espèce qui paraît propre à notre Colonie des Mascareiïignes et que le même auteur a fait con- naitre sous le nom de Dioscorea Ho/ffa. Cette plante, que nous avons pu faire venir de bulbilles dans les serres chaudes du Jardin botanique de Marseille et dont nous donnons l'aspect général d'après une photographie (Fig. 4), présente beaucoup de points de ressemblance avec l'espèce linnéenne D. bulbi- fera. Toutefois, des différences assez marquées ont paru suf- fisantes à M. J. de Cordemoy pour lui permettre la création d'une section spécifique nouvelle présentant la diagnose déve- loppée que nous reproduisons ici et que nous empruntons à sa Flore de la Réunion : D. Hofza Cordemoy (ÆHofa nowe, Hofa maronne). — Grande liane volu- bile, tige et rameaux glabres, ceux-ci de la grosseur d'une plume d'Oie, subcylindriques ou parcourus par des arêtes peu saiïllantes. Feuilles alternes, simples, entierement glabres, amples, cordiformes, avec un profond sinus et des lobes arrondis à la base, brièvement acuminées au sommet, 7-9 palminerves, nervure médiane rectiligne, les autres courbes et respectivement concentriques de chaque côté, saïllantes en dessous, canaliculées en dessus, ainsi que les nervures secondaires qui sont transversales et plns ou moins perpendiculaires aux nervures (1) Communication faite en séance générale le 25 novembre 1898. LE TUBERCULE AÉRIEN DU DIOSCOREA HOFFA. vi principales, le plus souvent simples quelquefois bifurquées. Pétiole épaissi et légèrement incurvé à la base, FEEDS, aussi au sommet (20 centimètres de long) ; limbe 0,25 de long, 20 à 22 centimètres de large. Je ne l’ai jamais vu en fleurs : la reproduction se fait par les bulbilles qui se développent à l’aisselle des feuilles. — Ces bulbilles soné sessiles, compactes, gla- bres, de couleur gris brun, jamais globuleuses, maïs de forme variable, tantôt bilo- bées, tantôt arrondies à la base et aplalies en dessus comme un ellipsoide coupé suivant le plan d'un méri- dien, éantôt quadrangu- laires. ou polyédriques et limitées par des faces plus où moins planes ow courbes, séparées par des arêles vives. La surface est creusée par de petites alvéoles circons- criles par des rebords peu saillants, rangées plus ou moins régulièrement en li- gnes concentriques. Sur le milieu de la face ou des faces opposées au hile 0% latérales, se trouvent de pe- iles excavations au fond desquelles naïssent les jeunes bourgeons (1). Vivace par son rhizome, qui est de la grosseur d'une noix, cette espèce se dessèche à partir de juillet. Les bulbillés pous- sent leurs bourgeons en Fig. 1. — Dioscorea Hofa. Aspect général de la plante, d’après une photographie. septembre. Assez commune dans les ravines de l’île de la Réunion, les lieux incultes et escarpés (Saint-Benoïit). (4) Nous avons recu de M. J. de Cordemoy un lot de bulbilles de cette espèce et après en avoir planté quelques-unes au Jardin botanique, nous en pla- 8 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. En dehors des différences signalées ci-dessus dans l'appareil végétatif proprement dit, il y a lieu d'insister ici sur les dissemblances morphologiques que présentent les bulbilles dans les deux espèces D. bulbifera et Hofja ; il convient d'y joindre aussi les différences ci- dessus signalées entre les processus germina- tifs de ces deux bul- billes. Maïs un fait que nous ne devons point passer sous silence, c'est que le bulbe aé- rien du Dioscorea Hoffa, qui est consom- mé couramment par les populations malga- ches de la Réunion à l’égal de celui du Dané par les indigènes de l'Afrique occidentale et de l'Océanie, n’a jamais été tenu pour suspect de toxicité; ce qui, nous l'avons indiqué et prouvé dans notre mémoire précité sur les bulbilles de D. bulbifera, n’est pas le cas pour cette dernière espèce. C’est là une nouvelle dissemblance. Il nous a paru que pour justifier encore la séparation établie ou pour la Fig. 2, — Dioscorea Hofa. Bulbe ayant germé dans un bocal après dessiccation à l’air libre. çâmes un certain nombre dans les collections du Musée colonial de Marseille après les avoir au préalable autant que possible (par un soleil d'été), fait sécher à l'air libre. Deux mois après, le bocal qui les renfermait était rempli par les tiges roulées en spirales qui s'étaient développées avec une vigueur et une abondance peu communes et tout à fait inattendues. Rien de ce genre ne s’était produit dans le bocal renfermant les bulbes, aussi desséchées au préalable, du Dioscorea bulbifera. C’est un de ces bulbes un peu déformé par la germina- tion, que nous avons représenté ici (Fig. 2). Il est à remarquer que malgré les conditions défectueuses pour la plante dans lesquelles s’est formée la tige, chaque feuille portait à son aisselle un bourgeon transformé en bulbe déjà bien manifestement bilobé comme on pourra le voir sur le dessin donnant ce bulbe germé. Je n’ai point observé ce fait si net dans la germination des bulbes aériens de Dioscorea bulbifera, espèce que je cultive depuis longtemps au Jardin botanique de Marseille et qui n’y a jamais fleuri, pas plus que le Déoscorea Hofa planté cette année, LE TUBERCULE AÉRIEN DU DIOSCOREA HOFFA. 9 combattre, il y avait lieu de rechercher si la composition ali- mentaire de ces deux bulbilles pouvait conduire aux mêmes coefficients nutritifs. C’est une des raisons qui nous ont con- duit à rechercher la composition chimique des bulbilles de Hoffa ; il était du reste intéressant de savoir à quel point est bien fondé l'emploi alimentaire que font de ce tubercule les indigènes de la Réunion. Avant d'entrer dans le détail de l'analyse chimique, nous devons dire toutefois que, au point de vue anatomique, aucune différence sensible ne se révèle entre les bulbilles de ces deux espèces. Des deux côtés, on trouve au-dessus de l’épiderme subérifié, une couche de parenchyme verdâtre (à chlorophylle) auquel succède, en allant de dehors en dedans, un tissu in- colore constitué par de grandes cellules à parois minces con- tenant de l’amidon ayant la même forme que chez D. bulbi- fera, le tout entremélé de cellules à raphides (oxalate de chaux en aiguilles). Voici maintenant les détails de l’analyse chimique et les résultats qu’elle a donnés. ANALYSE CHIMIQUE. x Nous enlevons à l’aide du couteau l’épiderme gris brun ainsi que la couche verte sous-jacente et nous soumettons à la rape la partie centrale. La pulpe ainsi obtenue est jaune verdâtre et présente très nettement les caractères de la chlo- rophylle. Le spectroscope permet donc de décéler la présence de ce principe là où l’œil ne peut plus le reconnaître, puis- qu'à partir de 1 1/2 à 2 millimètres de la surface le tubercule n’est plus coloré. La pulpe provenant de tubercules frais est pâteuse et adhère fortement aux doigts; elle contient donc une proportion considérable d’eau et du mucilage. Une première expérience est destinée à nous renseigner sur ce point; puis nous épui- sons la matière sèche par de l’éther de pétrole, par de l'alcool et de l’eau et nous déterminons le poids des divers extraits et la nature des principes y contenus. Une dernière opération consiste à incinérer la masse ainsi épuisée, afin de connaître la quantité de sels fixes et en retranchant de 100 l’ensemble des principes dosés jusqu'alors ; on obtient, par différence, le poids du ligneux et des matières cellulosiques. C’est ainsi que D 10 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. nous avons procédé, il y a quelques années, pour établir la composition des bulbes aériens de Dioscorea bulbifera et des tubercules de Tacca pinnatifilia et involucrala(]). Nos opérations ont été faites sur deux bulbes du poids moyen de 55 gr. 2 et 51 gr. 5. Eau hygrométrique. La pulpe rapée est portée à l’étuve à air à 105° jusqu'à cessation de perte de poids. Le résultat nous donne 71,373 0/0. Extraction à l'éther de pétrole. — Aïnsi desséchée la pulpe est traitée par de l’éther de pétrole dans un appareil à épuise- ment continu. Le liquide est mordoré et fournit après évapo- ration et dessiccation un résidu sec de 0,484 0/0 composé principalement de corps gras et d’un peu de cire. Extraction à l'alcool. — La poudre provenant de l’opéra- tion précédente, soumise à l’action de l'alcool, fournit un liquide franchement vert dans lequel le spectroscope révèle aussitôt la bande d'absorption dans le rouge, caractéristique de la chlorophylle. Le poids de l'extrait alcoolique est de 5,253 0/0. Il contient 3,888 0/0 de parties solubles dans l’eau, parmi lesquelles du sucre, une faible proportion de matière amère et un peu de tannin, puis 1,365 de principes insolubles. Extraction à l'eau. — Une partie de la poudre est destinée à la recherche des matières albuminoïdes. On épuise par l’eau et l’on constate la présence de 1,820 6/0 de principes albumi- noïdes, de 0,085 0/0 de sels fixes et d’un résidu, obtenu par différence, qui est constitué par des matières gommeuses, co- lorantes et mucilagineuses soit 0,140 0/0. Un dosage spécial en vue de connaître la proportion de matières amylacées fournit 6,475 0/0 calculés d'apres la quantité de glucose pro- venant du traitement de la pulpe par l'acide sulfurique étendu. Traitement du résidu. — En traitant une partie aliquote du résidu par de la chaux sodée pour voir s’il contient ou non des principes azotés, on trouve encore 2,185 0/0 de matières albuminoïdes, nombre qu'il importe d'ajouter au précédent. Après incinération d'une autre partie du résidu on trouve qu'il fournit 1,128 0/0 de sels fixes. Faisant par conséquent la somme de tous ces principes et (1) Revue des Sciences naturelles appliquées, 1892 (mars et avril), (Bulletin de la Socisté nationale d'Acclimatation de France). LE TUBERCULE AÉRIEN DU DIOSCOREA HOFFA. 11 retranchant de 100 on obtient le résidu qui se rapporte à la proportion de ligneux et de matière cellulosique. Nous pou- vons donc, à l’aide de ces données, fixer la composition du tubercule de Dioscorea Hofja, de la manière suivante : ne RoMELIQUE Met RO MARLCNEN CT EN 4° SE 71.373 Extraction à l’éther de pétrole : Cire, corps gras..... 0.484 Sucre, matière amère | | à 3.888 Extraction à l'alcool : 5,253 CANIN CEE mat. insolubles....... 1.565 mat. albuminoïdes. .. 1.820 aoclion à let: 2.045 SeISMIXES APP LOUE 0.085 mat. gom., col. et mu- CHATINEUNSE EME LEE 0.140 Mabrerestamylacées amidons, Le Le NS 6 47 Matières albuminoïdes insolubles dans l’eau. ....... 2.185 Imcinerationetsels Axes ne 2 TSI AE AA 1.128 Par différence : cellulose, ligneux et pertes........... 11.057 100.000 COMPARAISON DES DEUX BULBILLES ET CONCLUSIONS. Le tableau que nous venons d'établir ne range pas les prin- cipes élémentaires dans les mêmes rubriques que celles qui se rapportent à notre analyse de D. bulbifera. Afin de mieux pouvoir effectuer la comparaison entre les deux produits, nous grouperons à part le poids des matières albuminoïdes solubles et insolubles, ce qui nous donne un total de 4.005 0/0. Nous réunirons de même, le poids des sels fixes: 0.085 prove- nant de l'extraction par l’eau et 1.128, obtenus après inciné- ration. De cette façon nous arrivons aux résultats suivants : D. Hoffa. D. bulbifera. Eau hygrométrique ............ He 69.234 NIatière Grasse te MUR Are 0.484 0.159 Sucre et glutine-caféine.. ..... 9.203 6.922 Matières amylacées .. ...... se 6.475 3.693 Matières albuminoïdes ......... 4.005 1.275 Matières gommeuses et mucilagi- EME RS RES ES 0.140 == Cellulose, ligneux et pertes. .... 11.057 18.410 SClSÉAxeS Tee. np a 1213 0.307 100.000 100.000 12 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. La constitution chimique n’est donc pas la même. Dans D. Hoffa, nous trouvons une proportion de matière orasse triple de celle de D. butbifera. Le poids de l'extrait alcoolique ne diffère pas de beaucoup. Mais les matières amy- lacées sont deux fois plus abondantes dans le premier que dans le second, et la différence entre les matières albumi- noïdes est encore plus grande. Enfin la proportion de cellu- lose de D. bulbifera représente 1 1/2 celle de D. Æofa. Il résulte donc de la comparaison de ces résultats que D. Hoffa serait un peu’plus nutritif que D. bulbifera. PRET + cn 13 SUR L'EMPLOI DES OPUNTIA POUR ARRÊTER LES INCENDIES FORESTIERS DANS LE SUD DE LA FRANCE (1) par R. ROLAND-GOSSELIN, Délégué de la Société d’Acclimatation à Villefranche-sur-Mer. Colline de la Paix, 26 septembre 1898. Monsieur le Secrétaire général, Vous me demandez de résumer, pour le Bulletin, les in- dications que j'ai données à Bordeaux, concernant les plan- tations d'Opuntia dans les Landes, en bordure des carrés de Pins pour former des haïes ignifuges. C’est un excellent moyen de diminuer, peut-être même d'éviter, les chances d'incendie dans les pignadas si souvent ravagées par le feu. Comme je l’ai écrit à un grand nombre d'intéressés, l’idée n'est ni neuve, ni mienne. Depuis longtemps, on a conseillé, pour l'Algérie, la confection de haïes de ces plantes, que le climat chaud permet de choisir, la rusticité des grandes espèces étant certaine. Une haïe d'Opuntia ficus-indica, par exemple, ou d'espèces mal déterminées, à grand développement, cultivées en grand nombre par les Arabes pour leur fruit édible, est impéné- trable au feu de broussailles qu'il arrête à ses pieds. Cela est un fait indéniable. Je viens d’en être témoin par hasard, et c'est le spectacle auquel j'ai assisté qui m'a suggéré l’idée d'inviter les Landais et les Bordelais à des expériences. Il ya environ deux mois, c’est-à-dire au moment où déjà les broussailles de nos rochers étaient en état d’absolue sécheresse, le feu a pris au bord de la route de Nice à Ville- franche, entre le parapet et la mer, dans un endroit ouiln'ya pas la moindre habitation. La broussaille est composée d’her- bes, Graminées et autres petites plantes basses, Cystes, etc. et de Lentisques. Le feu crépitait ferme au moment précis où je passais. Quel n’a pas été mon étonnement de voir qu'il s’arrétait court, chaque fois qu'une touffe d’'Opuntia (à cet (1) Lettre lue en Séance générale le 25 novembre 1898. CURE ONE JS 14 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. endroit Opuntia monacantha) se trouvait sur sa route! L'Opuntia ne brülait pas, à peine les jeunes articles se fanaient-ils. Vous comprenez qu'en ma qualité d’amateur de Cactées, j'ai suivi avec intérêt la convalescence de ces Opuntia que j'avais vus entourés de feu. Une semaine après, ils poussaient de nouveaux articles, les boutons à fleurs s’'épanouissaient, et le mal, en un mot, pour eux, était réparé, quand autour d’eux il n’y avait que cendres, sans la moindre trace de végétation. Actuellement, les pluies d'automne n’é- tant pas tombées encore, ces lieux sont toujours dans le même état. Chacun peut le constater. A l'endroit dont je vous parle, les Opuntia ne formaient que touffes isolées et non haie. En touffes, le feu se propa- geait tout autour, mais s’il y avait eu une haie, il se serait arrêté contre ces plantes ignifuges. Ce que je vous expose est donc un fait incontestable pour garantir des incendies de la brousse, dans tous pays où pourront croître les Opuntia assez érigés pour dominer les herbes locales. Il ne s’agit donc que de trouver une espèce s’accommodant du climat landais Je propose l'Opuntia vul- garis, var : balearica (Web.), que sa rusticité, ses articles assez érigés, épais, très aqueux, son port compact, et sa croissance rapide me font supposer un des plus aptes à rendre les services qu’on en attend. De plus il y a une autre raison. C’est la seule espèce susceptible de rusticité à Bordeaux et qui existe ici en nombre suffisant pour tenter immédiate- ment des expériences. L'espèce, sans être très abondante aux environs de Nice, se trouve sans trop de peine. On la cultive très peu, ses fruits n'étant pas susceptibles d'être confits. J'avais un certain nombre d'articles, quelques milliers, je les ai presque tous expédiés aux propriétaires de bois, sur leur demande, et à titre gratuit, bien entendu. Je réserve quelques plantes chargés de fruits qui, vers novembre, permettront aux amateurs de ce genre facile de multiplications, de nom- breux semis. Sans les essais multiples, personne ne peut affirmer, ni nier la possibilité d’acclimater cet Opuntia dans la région de Bordeaux. Je me réserve de faire, dès cet hiver, expérimenter d’autres espèces, mais des espèces de collection, dont je n'ai qu'un ou EMPLOI DES OPUNTIA CONTRE LES INCENDIES 15 deux exemplaires et qui n’offriraient pas, à mon avis, tous les avantages de l'Opuntia balearica, à rusticité égale. Néanmoins je le ferai, pour être bien fixé sur la rusticité de certaines plantes. Voici, Monsieur le Secrétaire général, au courant de la plume, l’état de la question que j'ai soumise aux propriétaires de pignadas. Je livre cette lettre à votre appréciation pour le cas où vous croiriez devoir l’insérer au Bulletin, heureux si elle peut être de quelque utilité aux intéressés. Vous avez bien raison de dire que c’est là une question rentrant tout à fait dans le domaine de la Sociélé d’Acclima- tation. Je l'ai si bien compris, que c’est toujours au nom de la Sociélé, et en qualité de son délégué, que j'ai entrepris cette campagne utilitaire. Veuillez recevoir, etc. a nie die "NN a En 16 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 25 NOVEMBRE 1898. PRÉSIDENCE DE M. RAVERET- WATTEL, VICE-PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance générale ayant été, selon l’usage, soumis à l'approbation du conseil, il n’en est pas donné lecture. M. le président présente les excuses de M. Le Myre de Vilers, président de la Sociélé, qui ne peut occuper le fau- teuil, étant retenu par ses fonctions parlementaires. Décisions DU CONSEIL, PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. M. le Président fait connaître que : dans sa séance du 21 juin 1898 le Conseil a nommé délégués de la Société : M. le D' Heckel, professeur à la Faculté des sciences, direc- teur de l’Institut colonial et du Jardin botanique de Marseille. M. Robert Roland-Gosselin, Colline de la Paix à Ville- franche (Alpes-Maritimes). M. Louis Rocher, Commissaire des Douanes impériales chi- noises à Shang-Haï. M. le Président proclame les noms des Membres admis par le Conseil depuis la dernière séance générale : MM. PRÉSENTATEURS. Baron J. de Guerne, Le Myre de Vilers. Dr Wiet. Baron J. de Guerne. Le Myre de Vilers. Raveret-Wattel. Baron J: de Guerne. Le Myre de Vilers. D' Weber. Baron J. de Guerne. Imbert. Le Myre de Vilers. AUTIER (Alfred), conseiller général de la Marne, à Sainte-Menehould. Capcar (Victor), maire de Damigny (Orne). FouLp (Achille), député, 85, avenue Mar- ceau, à Paris. GENAND (Charles), propriétaire, à l'Oasis- Vevey (Suisse). PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 17 MM. PRÉSENTATEURS. Baron J. de Guerne. ) Le Myre de Vilers. \ À. Rozet. HainAuT (Alfred, professeur de musique, à Ancenis (Loire-Inférieure). rier, 31, place Longueville, à Amiens ; De Lamarche. (Somme). . Le Myre de Vilers. LAPERRIÈRE DE Cont (Mme px), 843, Calle { D' Blanchard. Comercio, à Buenos-Ayres (République 4 Baron J. de Guerne. Argenline). Le Myre de Vilers. IlauTCœuR (Paul), ancien “aan Baron J. de Guerne. Parana (Baron DE), propriétaire, à Porto { Baron J. de Guerne. Novo do Cunha, État de Rio-de-Janeiro 4 Le Myre de Vilers. (Brésil). G. Taizon. Debreuil. Baron J. de Guerne. M. Loyer. RAMBAUD, naluraliste-importateur, à Mar- seille (Bouches-du-Rhône). Baron J. de Guerne. Comte de Saint-Innocenl. Pt de Scey - Montbéliard. Scey DE BRuN (Comte DE), à Souvans, par Mont-sous-Vaudrey (Jura). Comte de Beauchamps. Baron J. de Gucrne. Imbert. SEGONZAC (Baron DE), au château de Sorel, par Ressons (Oise). ne dé M. le Président signale la présence du R. P. Sébire, direc- teur du Jardin d’essais de Thiès (Sénégal); il lui souhaïte la bienvenue au nom de la Société et l'invite à prendre place au bureau. DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. Notifications, renseignements, avis divers, généra- lités. — Depuis la dernière séance générale (juin 1898), la Société a recu avis du décès de M. Dabry de Thiersant, Membre honoraire et de M. Hédiard, vice-président de la Section de Botanique ; l’un et l’autre ont rendu à la Société dans des domaines différents, d'importants services, récom- pensés à diverses reprises par de hautes distinctions. — M. Caustier, Secrétaire des séances, s’excusant de ne pouvoir assister à la réunion, M. le Secrétaire général pro- cède au dépouillement de la correspondance. Buil. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 2, 18 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. — MM. Hainaut et Hautcœur remercient de leur admission. — MM. Roland-Gosselin et Rocher remercient le Conseil d’avoir bien voulu les nommer délégués de la Société et lui ‘promettent leur concours le plus dévoué pour développer l’action de la Société en ce qui les concerne. — M. le baron de Parana écrit de Lordello (Brésil) à la date du 1er juin 1898, pour remercier la Société de la médaille qui lui a été décernée pour les croisements du Zèbre de Burchell avec la Jument ; il considère cette distinction, non seulement comme une sanction de ses travaux, mais aussi Comme un précieux encouragement pour les continuer et obtenir, s’il est possible, les meilleurs résultats pratiques. — M. le baron de Capanéma, délégué de la Société à Rio de Janeiro, adresse quelques renseignements sur l'introduction de divers animaux et végétaux au Brésil. Il annonce en outre la fondation, au Brésil, de la Société nationale d'Agriculture présidée par un agronome éminent, le docteur Moura Brasil. Cette Société fait tous ses efforts pour répandre au Brésil les meilleures méthodes d'élevage et de culture. M. de Capanéma qui en a été élu membre honoraire, espère que la Société d’Acclimatation voudra bien s'intéresser à cette œuvre utile. — M. Decaux exprime le regret de ne pouvoir prendre une part active aux travaux de la Société, son état de santé ne lui permettant pas de sortir. Il souhaite de voir ses collègues continuer l'étude des questions qu'il s’est efforcé lui-même d'approfondir, notamment celle du boisement des terrains in- cultes d'Algérie et de Tunisie. — M. Lamy, instituteur à Méricourt par Bonnières (Seine- et-Oise), adresse les statuts et divers documents sur la Société protectrice scolaire des animaux utiles qu'il a fondée dans l'établissement dont il est le directeur. (Renvoi à la Commis- sion des récompenses.) Ornithologie. — Aviculture. — M. L. A. Levat, prési- dent de la Ligue ornithophile française, à Aix en Provence, demande à la Société son concours financier pour la publi- : cation d’un compte rendu du Congrès ornithologique el zoophile international tenu à Gratz, en Autriche, au mois d'août 1898 (Renvoi du Conseil), PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 19 — M. L. Chazal (Mb), communique divers documents con- cernant la protection des Oiseaux utiles dans le département de Seine-et-Marne et qui sont düs aux instituteurs de la région. (Voir : Correspondance.) — M.G. Rogeron (Mb), écrit de l’Arceau (Maine-et-Loire) que les Martres et les Mulots, ont causé un grand préjudice aux Palmipèdes qu’il élève depuis fort longtemps. (Voir : Cor- respondance.) — Par l'entremise de M. E. Van Muyden (Mb), M. Atherton Curtis adresse un mémoire publié par ses soins et intitulé : Dureté de cœur des Femmes. Ce travail dont l’auteur est Mr° Celia Thaxter, doit être répandu à un très grand nombre d'exemplaires: il a pour but d’intéresser les femmes à la pro- tection des Oiseaux utiles en empêchant surtout le massacre des espèces dites de parure et qui peuvent parfaitement être remplacées par des ornements d’une autre origine. Aquiculture. — M. Rambaud (Mb), naturaliste importa- teur à Marseille, imforme la Société qu'il peut disposer en ce moment de grandes Tortues géométriques de Madagascar, pesant 6 et 7 kilogrammes (à des prix très modérés). Ces Tor- tues vivent très bien en France et deviennent très grosses. M. Rambaud possède également des Tortues du Sénégal et de diverses localités de l'Amérique. — M. Gibert (Mb), demande des renseignements pouvant l’aider dans la création d’un établissement de pisciculture spécialement destiné à la production de la Truite arc-en-ciel. — M. L. Niemeyer demande, par l'entremise de M. Milne- Edwards, des renseignements sur la reproduction de l’An° guille. I] lui a été donné connaissance de divers travaux pu- bliés récemment sur la question, travaux dont le résumé a été publié dans le Bulletin de la Société en juin 1897. — M. D. L. Morenos écrit de Venise pour demander des renseignements et s’il était possible, des photographies con: : cernant l'Exposition internationale de pêche de Bergen. — M. Vañïier (Mb), dans une série de lettres, envoie des | renseignements sur les installations qu'il organise à l’établis< sement de Pierre-aux-Grains près Cluny (Saône-et-Loire); il MORALE Ki à o ï CAL: 20 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. _ compte y réunir tout ce qui concerne la culture des eaux. Des aquariums et, en général, tous les appareils utiles ou indis- pensables à l’aquiculture (filtres, bacs à incubations, etc.), y seront fabriqués. À M. Vañffier a déjà pris part à diverses expositions agricoles qui ont eu lieu en Bourgogne, il s’efforce d'attirer l'attention des propriétaires sur la pisciculture et de faire en même temps une propagande utile en faveur de la Société d’Accli- matation qui depuis son origine a toujours montré l'exemple dans cette voie. — M. de Galbert (Mb) écrit de la Buisse (Isère), que M. le Conservateur des forêts a profité d'une vente de bois com- munaux qui réunissait les gardes forestiers, les maires et de nombreux adjudicataires de la région, pour remettre au bri- gadier Belle-Larant la médaille qui lui a été décernée par la Société pour le zèle qu'il a employé à la répression du bra- connage fluvial. Le Préfet était présent et a félicité publi- quement de cette récompense le lauréat de la Société. M. l'Inspecteur des forêts a également prié M. de Galbert de transmettre ses remerciements au Conseil de la Société pour l’encouragement donné au garde Belle-Larant. M. de Galbert adresse en outre divers renseignements sur le rapport concernant une modification à apporter à la loi sur la pêche et qu'il a précédemment communiqué à la Société (Renvoi à la Section d’Aquiculture,. Entomologie. — M. L. O. Howard, directeur du Service d'Entomologie au Ministère de l'Agriculture des États-Unis, demande l'envoi de toutes les notices, mémoires ou articles spéciaux d’entomologie pouvant intéresser son Service et qui seraient conservés à la bibliothèque de la Division entomolo- gique alors que les recueils d’où ils sont extraits sont placés dans la bibliothèque générale de ce Département. — M. Perret, vice-président de la Chambre d'Agriculture de Nouméa, adresse deux cocons formés d’une soie très fine et qu'il a recueillis sur des Orangers. Suivant le désir de M. Perret, les cocons ont été remis à M. Clément, président de la Section d'Entomologie. Ce sont plutôt des cocons d’A- raignées que de Lépidoptères. M. Clément en surveillera l’éclosion. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 21 Botanique. — La Société impériale d’'horticulture russe envoie le programme de l'Exposition qu’elle organise pour le mois de mai 1899, à l’occasion du quarantième anniversaire de sa fondation ; elle invite la Société à y prendre part ainsi qu'au Congrès qui aura lieu à la même date. — M. Prochawsky (Mb), à propos de l'article publié par M. Rivière sur le Manioc en Algérie et dans le bassin médi- terranéen (Bulletin, nov. 1897), écrit qu'il possède une plante achetée par lui sous le nom de Manihot carthaginensis ; elle semble devoir être assez rustique,ayant passé l'hiver dernier en pleine terre, à Nice. M. Prochawsky espère pouvoir mettre quelques graines de cette plante à la disposition de M.Rivière et d’autres Membres de la Société. — M. H. Correvon adresse divers documents sur le Jardin alpin d’Acclimatation de Plainpalais-Genève dont il est le directeur. — Répondant à une lettre de M.le Secrétaire-général, M. le baron Perrier de La Bathie écrit d’Albertville (Savoie), au sujet du Carex alba, une lettre qui sera publiée dans le Bullelin. — M. E. Heckel (Mb), adresse de Marseille divers rensei- gnements sur les essais de multiplication du Dioscorea ba- tatas poursuivis par M. Dubiau, vice-président de la Société d'horticulture des Bouches-du-Rhône. Deux échantillons sont présentés à l'appui de cette communication qui sera publiée au Bulletin. Colonisation. — M. F. de Fels (Mb), demande des rensei- gnements sur la culture des Arbres à caoutchouc pouvant réussir à la Côte d'Ivoire. — M. Patin (Mb), demande des renseignements pouvant l’aider à développer des exploitations agricoles en Colombie. Cheptels, distributions de graines, etc. — En abor- dant cette partie de la correspondance M. le Secrétaire- général fait observer qu'il ne peut être donné lecture en séance des lettres extrêmement nombreuses de demandes de graines. Celles-ci ont été distribuées en quantité, grâce aux dons faits à la Société par plusieurs de ses Membres ; il con- 22 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. vient de signaler entr'autres parmi eux MM. Beauchaine, Morel, Raymond, etc. Mention toute particulière doit être faite de la distribution de Jacinthes d’eau (Piaropus cras- sipes) accomplie par les soins de M. Delaval qui a bien voulu se charger de l'emballage et de l'expédition de ces plantes aquatiques. MM. Debreuil, Poubelle, Santiago Arcos, Pro- chawsky, Raymond, ont recu chacun quelques pieds de Piaropus. —. Me À. Bajac remercie des Cochons d'Inde angora qui lui ont été offerts par la Société. — M. Maurice Loyer remercie de l’envoi qui lui a été fait d'un Nandou femelle précédemment placé chez M. Favez- Verdier. — Me de Laperrière de Coni demande des cocons d'Atiucus cynthia ; eïle désire acclimater ce papillon sericigène aux en- virons de Buenos-Ayres. — M. le baron d'Yvoire, de Nernier (Haute-Savoie), et M. Mottaz, de Genève, demandent des cocons d’Atl{acus cyrnthia. — Au nom de M. Charles Patin, consul général de Belgique à Médellin (Colombie), M. L. Vallez offre à la Société des graines d’un arbre indéterminé de la Colombie (zone tem- pérée) «très convenable pour orner Jes jardins publics et produisant des panicules de fleurs d’un rouge vif; les feuilles sont grandes et d’un effet très ornemental ». | — M. Charles Naudin annonce un envoi de graines com- prenant des arbres fruitiers, industriels, d'ornement, des plantes potagères nouvelles, etc. Me de Laperrière de Coni, envoie de Buenos-Ayres une série de graines provenant des bords de la rivière Pilcomayo dans le Chaco central, touchant le Paraguay. On y trouve entre autres la fameuse Vicloria regia, Nymphéacée gigan- tesque dont les graines sont toujours peu répandues en Europe. — M. le comte R. de Chavagnac rend compte des expé- riences faites par lui à Chazeuil (Allier), sur des plantes dont les graines lui ont été envoyées par la Société, PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 23 COMMUNICATIONS ORALES. M. le Secrétaire général rend compte de divers voyages scientifiques au cours desquels il a représenté la Société : 1° au Congrès international de Pêche réuni à Bergen à l’occasion de l'Exposition ; 2° au Congrès international de Zoologie réuni à Cambridge (Angleterre). Un grand nombre de Membres de la Société ont pris part à ce Congrès comme délégués du Ministère de l’Instruction publique, de Sociétés savantes ou à titre particulier. M. Milne Edwards a été nommé docteur de l’Université. Pendant ce voyage ont été faites plusieurs excursions présentant un grand intérét au point de vue de l'élevage et de l’acclimatation, chez M. Walter Rothschild, Membre de la Société, à Tring ; chez le duc de Bedford, à Woburn-Abbey, et au Jardin zoologique de Lon- dres, où les honneurs ont été faits par M. L. Sclater, Membre honoraire. M. de Guerne a également représenté la Société au Congrès international des pêches maritimes tenu à Dieppe dans la première semaine de septembre. A ce propos, M. Cacheux (Mb), parle de l’organisation d’un Comité d'étude franco-anglais, pour l'étude des Poissons comes- tibles de la Manche ; les bases de l’organisation de ce Comité ont été jetées à Dieppe. M. Cacheux annonce ensuite que le prochain Congrès international de Pêche aura lieu à Paris en 1900 pendant l'Exposition, il espère y voir un grand nombre de savants étrangers et souhaite que la France y soit repré- sentée aussi largement que possible. M. Cacheux vient d’as- sister en Hollande, à Utrecht, à un Congrès qui avait égale- ment pour objet les pêches et toutes les questions qui s’y rattachent. On s’y est beaucoup occupé des mesures interna- tionales destinées à assurer la protection du Poisson d’eau douce. — M. Bourdarie rend compte brièvement de la mission dont il avait été chargé par le Ministre des Colonies et qu'il a accomplie l'été dernier en transportant au Congo des plants d’'Hevea et d'Isonandra Gulta rapportés en France par feu Raoul. < M. Bourdarie informe en outre la Société que le Conseil municipal de Paris a voté aujourd’hui même une subvention 24 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. de 1,000 francs accordée à la Société pour l’encourager dans ses travaux concernant ja protection et la domestication de l'Eléphant d'Afrique. — M. Debreuil présente une série de graines récoltées par lui dans son parc de Melun et qui proviennent pour la plupart de plantes dont les graines lui ont elles-mêmes été offertes par la Société. Parmi celles-ci figure le Haricot ostensoir dont les feuilles, de très grandes dimensions, sont présentées à l’as- semblée. À ce propos M. Mailles, qui a offert les graines de ce Haricot, rappelle la légende qui a motivé le nom de cette variété dont il recommande vivement la culture. — M. Rivière annonce qu'il remettra incessamment à la Société un lot de graines récoltées au Jardin d'essai du Hamma. Malgré son prochain départ pour l'Algérie, il espère pouvoir rédiger une notice concernant ces graines. — M. le Président remercie M. Rivière, qui, suivant l'exemple tant de fois donné par M. Naudin, veut bien con- tribuer aux essais pratiques d’acclimatation végétale en y faisant contribuer le bel établissement qu'il dirige. — Au nom de MM. E. Heckel et F. Schlagdenhauffen, lecture est donnée d'un mémoire sur le tubercule aérien du Dioscorea Hoffa J. de Cordemoy. (Voir Bulletin, ci-dessus, page 6). — Au nom de M. Roland-Gosselin, M. le Secrétaire général lit une notice sur les Opuntia propres à arrêter les incendies forestiers et en particuliers ceux des bois de Pins du sud- ouest de la France. M. Roland-Gosselin a déjà distribué aux propriétaires des Landes un grand nombre de raquettes d'Opuntia destinées à propager l'espèce. ( Voir ci-dessus, page. 13) Une discussion s'engage au sujet des espèces d'Opuntia pouvant vivre daus le sud-ouest de la France et M. Weber donne à ce propos des renseignements précis. M. Rivière ajoute que la question des Cactées utiles est à l'ordre du jour en Algérie, non seulement en ce qui concerne la lutte contre l'incendie, mais encore au point de vue de l’a- limentation, notamment pour le Cactus inerme propre à la nourriture du bétail, Selon M. Weber, au point de vue botanique , la plante dé- PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 25 signée sous le nom de Cactus inerme n'est pas suffisamment définie, il serait à désirer que les praticiens fournissent aux botanistes de profession, les matériaux nécessaires pour tran- cher définitivement la question. M. Rivière s'engage à re- cueillir dès son retour en Algérie une série d'échantillons qui pourraient être soumis à l'examen de M. Weber. Le Secrélaire général, JULES DE GUERNE. 2e SECTION (ORNITHOLOGIE. — AVICULTURE). SÉANCE DU 28 AVRIL 1893. PRÉSIDENCE DE M. DEBREUIL, MEMBRE DU CONSEIr. - M. Oustalet, Président el M. le comte de Chabannes-la-Palice, vice- président, s’excusent de ne pouvoir assister à la séance. Le procès-verbal de la dernière réunion est lu et adopté. M. Galichet offre à la Société un certain nombre d'exemplaires de de la notice qu'il vient de publier sur le Tinamou; la distribution en est faite immédiatement, M. le Secrélaire général demandant toute- fois à en conserver quelques exemplaires pour les Membres de la Société habitant la province. Lecture est donnée de la première partie d’un travail de M. l’abbé Charruaud, curé de Bessens {Tarn-el-Garonne) sur l'éducation de divers Oiseaux exotiques et plus particulièrement du Cardinal de Virginie. D’après les observalions de l’auteur, ce Passereau supporte facilement des froids très rigoureux, mais il est dangereux pour ses compagnons de volière et même pour les jeunes des RHÉNIÈNeE couvées, à l’époque de la reproduction. M. l'abbé Charruaud prépare un Manuel pratique à l'usage des amateurs d'Oiseaux de volière. M. F. Mérel fait une communication sur l'élevage de la Perruche ondulée. (Voir Bulletin, 1898, p. 81.) Le Secrétaire, Comte D'ORFEUILLE. 26 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. SÉANCE DU 2 MAI 1898. PRÉSIDENCE DE M. OUSTALET, PRÉSIDENT M. d’Orfeuille, secrétaire, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance et envoie le procès-verbal de la dernière réunion qui est lu et adopté. Lecture est donnée de la seconde partie de l'étude de M. l'abbé Charruaud, sur le Cardinal de Virginie. La Section, appréciant le grand intérêt des observations de l’auteur, décide que la fin de son travail lui sera demandée pour que celui-ci puisse être publié 2x exlenso. Lecture est donnée d’une notice de M. Thiebaux sur les essais faits par lui pour acclimater le Rossignol du Japon en liberté dans les environs de Paris. (Voir Bulletin 1898, p. 145.) M. le Président fait ressortir l'intérêt des expériences de M, Thie- baux et exprime l'espoir que celui-ci voudra bien les continuer. À propos des déplacements périodiques des Rossignols, une discus- sion s'engage sur les Oiseaux migrateurs. MM. Petit aîné, J. Forest et M. le Président présentent diverses observations. Il est parlé de l'expérience que va tenter M. Wacquez pour faire hi- verner des Hirondelles dans sa propriété de Villemomble (Seine). M. Wacsquez demande quelle nourriture il faudra donner aux Hirondelles. M. le Président propose des Mouches élevées dans une petite serre. M. J. Forest aîné proteste au nom de la corporation des naturalistes plumassiers dont il fait partie et qui est accusée à tort, d’après lui, d'encourager la destruction des petits Oiseaux. Le nombre d'Oiseaux employés pour la parure est bien moins considérable qu’on ne le pense. Il lit un travail tendant à prouver que les accusations sont exagérées et dont la conclusion est celle-ci : « La mode n’est pas la cause de la destruction des petits Oiseaux. » La mode emploie 3 ou 4 millions d'Oiseaux seulement sur 7 millions qu’on en détruit. M. le Président n’est pas de cet avis et pense que la mode est une cause très importante de destruction des petits Oiseaux, ainsi que l'ont déjà affirmé les Congrès internationaux d'Ornithologie. Il faut arriver, pour mettre un terme à des massacres inutiles, à emprunter aux Oiseaux d'élevage la majeure partie des plumes de parure. Pour les Secrétaires empêches, Cx. DEBREUIL. à - PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 27 5e SECTION (BOTANIQUE).. | SÉANCE DU 24 MAI 1898 PRÉSIDENCE DE M. WEBER, PRÉSIDENT Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopte. Il est donné lecture de la correspondance. lo M. de Varigny, rédacteur scientifique au journal Le Temps, demande si le Polygonum sachalinense peut être utilisé pour la nour- riture de l'homme. — Aucune expérience n'a été faite jusqu'ici à ce sujet; en admettant que les feuilles très jeunes de cette plante puis- sent, comme beaucoup d’autres, être, à la rigueur, comestibles, il est probable que le Polygonum sachalinense, ne doit présenter au point de vue alimentaire qu'un très médiocre intérêt. 2° M. le Directeur du Jardin d'essai cu Hamma, près d’Alger envoie, pour être distribuées aux Membres de la Société, un certain nombre de graines de Sapindus marginatus. L’enveloppe qui entoure ces graines contient, dans une grande proportion une matière saponifère qui peut être employée pour le nettoyage des étoffes, et en particulier de la soie. 3° M. le D' Clos, Directeur du Jardin des Plantes de Toulouse, demande à la Société de lui donner la liste de quelques plantes exotiques, arbustes et arbrisseaux pouvant vivre sous le climat de Toulouse et y être utilisés pour la décoration des squares et des jardins publics. 4° Le Président du Comité de souscription pour élever un monument à Jean Luiden, le célèbre horticulteur belge, demande à la Société de vouloir bien participer à cette souscription. — Cette demande est renvoyée au Conseil. Lecture est donnée d’une notice de M. H. Coupin sur la conser- vation des Crosnes à l’état sec. — Les tubercules de cette plante ne se gardent que très peu de temps après avoir été enlevés de terre et doivent être consommés dans un délai maximum de deux ou trois jours. — M. Coupin propose de les faire sécher et revenir ensuite dans l’eau bouillante lorsqu'on veut les utiliser. Ils reprennent la forme et le volume que la dessication leur a enlevés, mais ils conservent une teinte brune qui leur enlève une partie de leur valeur commerciale. M. Coupin propose de faire disparaître cette teinte au moyen de l'acide sulfureux. Quelques Membres font observer que l'emploi de l’acide sulfureux peut présenter de sérieux inconvénients et qu’il paraît, du reste, beaucoup plus simple et pius pratique de n'’arracher les tubercules qu’au fur et à mesure des besoins ou de les placer dans du sable humide où ils se conservent parfaitement. = 4 xs 4 PANIER 28 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. = M. Proschawsky, de Nice, donne quelques renseignements sur un Palmier dont les graines lui ont été envoyées de Madagascar sous le nom de Palmier Shara et qui s’est bien développé dans ses cultures; il prie la Société de lui faire connaître s’il est possible, le nom bota- nique de ce Palmier. M. Morel fait don à la Société de graines de Papayer et de différents Eucalyptus qu'il a rapportées de Syrie; il donne d'’intéressants détails sur les qualités de chacune de ces espèces cultivées par lui avec succès dans les jardins de sa villa Eucalypta, à Beyrouth. M. Lejeune entretient la Section de la culture du Za/hyrus sylvestris. Cetle plante, assez appréciée en Allemagne, ne paraît pas avoir jus- qu'ici donné en France des résultats très satisfaisants. M. Lejeune estime cependant qu'elle ne mérite pas l'abandon dans lequel on semble la laisser. Elle a l’avantage de prospérer dans les sols médiocres où elle donne une récolte abondante et de vivre très longtemps dans le même terrain sans avoir besoin d'être renouvelée. Elle pourrait en outre, en raison de ses racines longues et traçantes, être utilisée pour fixer les dunes. Afin d'arriver à une appréciation exacte de la valeur du Zatkyrus sylvestris, M. le Secrétaire général propose de faire expérimenter celte Légumineuse dans les Écoles d'Agriculture et les Fermes-Écoles et prie M. Lejeune de résumer dans un mémoire tous les renseignements qu'il a recueillis à ce sujet. Dépôt d’un dossier de M. Caplat, sur les Vignes de Normandie. Cette question sera mise à l'ordre du jour d’une séance ultérieure. M. le Secrétaire général entretient la Section de diverses excursions botaniques qui pourront être faites dans le courant de cet été. Après un échange d'observations, il est émis le vœu qu'une excursion soit organisée à Saint-Mandé, ayant pour but la visite du jardin de M. Char- guereaud, Professeur d’arboriculture de la ville de Paris. Le secrélaire-adjoint, C. DE LAMARCHT. EXTRAITS ET ANALYSES. LA PÊCHE DES ÉPONGES EN TRIPOLITAINE. Extrait d'un rapport du Consul général d'Angleterre a Tripoli de Barbarie. Les pêcheurs d'Éponges n’ont exploité les côtes de la Tripolitaine que depuis l'année 1889, bien que la pêche en fût pratiquée depuis EXTRAITS ET ANALYSES. 29 longtemps sur les côtes de la Tunisie et sur celles de la Cyrénaïque. En 1890, la valeur des Éponges pêchées en Tripolitaine atteint 300,000 fr. ; en 1893, elle s'élève à 1,855,000 fr., pour redescendre, en 1896, à 700,000 fr, La moyenne annuelle de 1890 à 1898 est de 825,000 fr. Les pêcheurs sont presque tous de nationalité grecque el viennent des îles de Hydra et d'Egine, quelques-uns viennent des îles turques de Kalymnos, Symi et Kharki, sous pavillon ottoman. Les pêcheries s'étendent le long de la côte, depuis Tarwab, sur la frontière tunisienne, jusqu’à Misurata. A l'Est, elles s'étendent jusqu à 5 ou 6 milles du rivage et fournissent des Éponges de qualité infé- rieure. La meilleure qualité est pêchée sur la côte Ouest jusqu'à 10 et même 20 milles de la côte. Quatre méthodes de pêche sont pratiquées en Tripolitaine : 1° La pêche par scaphandres. Les bateaux jaugeant 5 à 6 tonnes sont montés par des équipages de quinze à vingt-deux hommes; les meilleurs appareils permettent d'atteindre des profondeurs de 45 à 50 m.; les appareils ordinaires permettent la pêche jusqu'à 25 ou 30 m. Chaque groupe de quatre bateaux a un bâtiment de dépôt qui recoit chaque jour le produit de la pêche journalière et assure le ravi-. taillement des équipages ; 2° La pêche au moyen de dragues. Les bateaux qui pratiquent cette méthode de pêche jaugent de 2 à 3 tonnes et sont manœuvrés par cinq à sept hommes. Ils draguent à des profondeurs variant de 25 à 100 m., mais ont l'inconvénient de détériorer les Éponges ; 3° La pêche au « harpon », sorte de fourche à rlusieurs dents. Les pêcheurs, par groupes de trois à cinq, montent des canots de 1 à 2 tonnes. Cette méthode ne peut être pratiquée que dans des eaux peu profondes ; aussi a-t-on été contraint de l’abandonner depuis deux ou trois ans en raison de l'insuffisance des résultals obtenus; 4 La pêche des Éponges par des plongeurs ordinaires n'est égale- ment plus pratiquée sur la côte, à la suite d'accidents survenus il y a trois ans et causés par des Squales qui attaquent les plongeurs. -La saison de la pêche dure du mois d’avril au mois d’octobre. Au delà de cette période, il ne reste plus que cinq ou six bâliments de scaphandriers qui ne sortent que rarement du port, lorsque l'état de la mer le leur permet. Les Éponges de Tripoli sont d’une qualité inférieure à celles de l’Archipel et de tout le Levant ; elles sont d'une couleur brun rouge. La meilleure qualité, que l’on trouve sur les rochers, vaut de 20 à 25 fr. l’ocque. La seconde qualité, pêchée dans les endroits où abondent les Algues, vaut de 16 à 20 fr. l’ocque. La qualité inférieure vaut de 12 à 15 fr. l’ocque. La plus grande partie des Éponges pêchées à Tripoli sont, à la fin de la saison, transporlées par les pêcheurs dans leur pays d’origine C'est PAS NE PES RAR EU A Ne 8 Eee SORT PE NES TRUE 30 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. là qu'elles sont préparées avant d’être expédiées en Europe : la main- d'œuvre est à bon marché et les ouvriers plus habiles à ce genre de travail. On mélange ces Éponges avec celles de meilleure qualité pro- veuant d'autres régions. On n’exporte directement de Tripoli qu'un quart ou un tiers de la production totale. La majeure partie est prise par l'Angleterre ; le reste par la France et l'Italie. Ce commerce ne paraît pas susceptible de développement et les efforts qu’on a faits pour l’accroître sont restés infructueux. Les Éponges expédiées directement sont préparées sur place. Après les avoir nettoyées à l’eau de mer, on les plonge dans une eau contenant une légère proportion d'acide oxalique où elles prennent une couleur jaunâtre. Ce lavage ne doit pas être trop prolongé pour ne pas « brûler » l'Éponge. On les sèche ensuite et on les recouvre de sable sec, puis elles sont secouées et empaquetées pour le transport. La pré- sence du sable dans les Éponges est, dit-on, considérée comme indis- pensable par les acheteurs européens qui y voient une garantie infail- lible de la qualité. Un impôt spécial est perçu par le Gouvernement turc sur les bateaux qui se livrent à la pêche des Éponges : une part du produit de l'impôt est cédée à l'administration de la dette publique. Voici le tarif des taxes perçues par saison sur chaque bâtiment de pêche : LIVRES TURQUES. FRANCS. Bateaux à scaphandres............... 32 735 — ArAPHES Es ccm Del A 3- à 6 70 à 140 == RArBOnS score + 92 = plongeurs 2.1 -°-2e0me 10 "+280 En 1898, le nombre des bateaux de pêche, des marins et des plon- geurs était réparti de la facon suivante : BATEAUX. PLONGEURS. MARINS. Bateaux à scaphandres.,...... 53 430 933 — AAPHES Eee rte 25 » 150 Ce tableau montre la diminution considérable des bateaux à drague et l'augmentation des bateaux à scaphandres. Il est peu douteux que les pêcheries d'Éponges de Tripoli, comme celles de la Cyrénaïque ne soient exploitées d’une manière excessive. Avec le développement croissant des bateaux à scaphandres, il est peu probable que la pêche puisse encore donner des résultats satisfaisants dans quelques années (1). (4j Moniteur officiel du Commerce, 27 octobre 1898. EXTRAITS ET ANALYSES. 31 SUR LA CULTUKE DES PLANTES EUROPÉENNES A MEXICO, par L. G. SEuraT. La temperature relativement peu élevée (1) qui règne à Mexico permet de cultiver sur le plateau un certain nombre de plantes européennes : Blé, plantes potagères, arbres fruitiers (Poiriers, Pom- miers, etc.). Il existe même dans les jardins de Mexico un grand nombre de plantes communes de l’Europe. Un élément nécessaire, l’eau, faisant défaut pendant huit mois de l’année, empêche toutefois la grande culture de beaucoup de plantes européennes; les Agaves (Magueys) et les Cactées sont les seules plantes qui puissent résister à cette sécheresse extrême. Dans les lieux où l’on peut fournir l’eau artificiellement, on a de belles cultures : dans une hacienda voisine de Mexico, on obtient de magnifiques récoltes de Blé et de Maïs (deux par an), en irriguant les champs pendant la saison sèche; dans les autres haciendas, on sème le Maïs vers la fin de la saison sèche (juin) et la saison des pluies arrivant, les jeunes pousses ont de l’eau à discrétion et se développent rapidement. : Au sud de la ville se pratique la culture des plantes potagères et des fleurs. Cette culture se fait dans des conditions particulières qu’il est intéressant de signaler. Cette région était autrefois occupée par un vaste lac peu profond qui s’étendait d’ailleurs autour de Mexico. Les Aztèques ont recouvert de terre la végétation de Carex, ména- geant des sillons où s’accumulait l’eau; ces sillons limitaient des recbangles de petite dimension qui flottaient sur les eaux du lac. Cest sur ces champs en miniature que se fait l’ensemencement. Ces jardins flottants sont appelés Chinampas (de tlali, terre et ompaatl, eau). Le canal de la Viga, qui court du Sud au Nord depuis le lac de Xochimilco jusqu'à Mexico est bordé de ces jardins flottants; les Indiens circulent autour des chinampas dans des canots irès étroits et, à l’aide d’écuelles, jettent l’eau des fossés sur la petite culture. La chinampa est d’ailleurs mobile et peut être déplacée; il arrive même que sous l’action du vent, deux chinampas voisines arrivent à se toucher. Les plantes cultivées dans ces jardins flottants sont des plus variées: Blé, Orge, Maïs, Choux, Carottes, Navets, Artichauts, Poireaux, Radis cultivés, etc.; enfin il y a les fleurs, des Rosiers en particulier; je signalerai également le Dahlia sauvage. Toutes ces plantes sont transportées à la ville dans de grandes (1} Température moyenne de l’année à Mexico (ville) : 150 4 centigrades à l'ombre. 7 LA 4 "20 Mars PRIOR SEC" Len té “ Li. * au FE Class td Hé AU DES | AS CITE NomE N Ve 32 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. barques qui descendent le cours du canal de la Viga; la partie sud de … la ville où se font ces arrivages de légumes, de fourrages et de fleurs | est certainement un endroit que ce spectacle rend pittoresque et charmant. Je signalerai enfin une observation relative aux plantes à tubercules : si on sème du Radis cultivé, les graines, venant d'Europe, on obtient, à condition de semer à l'ombre et de bien arroser, des Radis semblables à ceux de France. Si au contraire on sème des graines du pays, on obtient un Radis sans tubercule, à tige souterraine (axe kypocotylé), grêle et uniforme. J'ai obtenu ainsi au bout de deux mois dans un terrain bien abrité, bien fumé et arrosé deux fois par jour, des Radis à feuillage bien déve- loppé, dont l’axe hypocotylé, mesurant 61 millimètres de longueur, avait un diamètre uniforme de 2,2 à 2,5 ; cet axe présentait d’ailleurs une région supérieure de couleur rouge, correspondant à l'endroit où aurait dû se faire le tubercule. L'absence du tubercule est facile à expliquer; la plante transportée à Mexico ayant une température uniforme d'un bout de l'année à l'autre, de l’eau à discrétion fournie par le jardinier, n'a pas à inler- rompre sa végélalion pendant l'hiver (l'hiver à Mexico est caractérise par des nuits tres froides, où le thermomètre descend aux environs de 0° et des journées chaudes, les plantes potagères sont protégées contre le froid par le jardinier) et n’ayant pas besoin de faire de réserves, perd l'habitude d’en faire des la première génération; les graines du pays sont en effet des graines de Radis provenant d'Europe. La graine doit donc être constamment importée d'Europe. Le même phénomène se produit avec les Carottes, les Navets, etc. En soumettant ces plantes à un régime uniforme en Ar ue on arriverait à des résultats identiques. Il y a enfin un autre point qui mérite d'être éclairci : on a prétendu que certaines plantes d'Europe iransportées à Mexico, ne donnaient pas de graines. En réalité il n’en est rien. Ce qui a pu donner naissance à cette croyance est le fait que les arbres fruitiers, malgré de nom- breux soins ne donnent que de maigres résultats le plus souvent; je crois que le fait est dû à ce qu'un grand nombre de fleurs ne sont pas fécondées par suite de l'absence des Insectes destinés à assurer la poiltinisation (1). (1) Revue générale de Botanique, tome X (1898), page 273. BULLETIN DE La CITÉ NATIONALE D'ACCLINAT DE FRANCE 74 (Revue des Sciences naturelles appliquées) 452 ANNÉE D FEVRIER 1899 SOMMAÏRE le dressage Priars Éléphant DRTIQUE See ee anse soin se eo US A é CHARRUAUD. — Le Cardinai de M. son élevage dans le midi de la ds (suite) nrsepeeseesees esse ND etes soin £9 c E Ne Ne en RE PU tie en ne deb ut ec eue 49 SATIS. — Les Cultures secondaires aux Antilles. — Importance de la culture du Tabac.......,..............4. esse sresssesesesss esse 59 TRE et Analyses : + Fee Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions ises par les auteurs Es articles insérés dans = Bulletin. Un numéro 2 franes ; pour les membres de la Société 1 fr. 50 AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LiLLE, 41 PARIS ET À LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE Le Bulletin paraît tous les mois. DÉSINFECTANT : ANTISEPTIQUE Le seul joignant à son Efficacité, Scientifiguement démontrée, l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Cerrosif. 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L'Éléphant d'Afrique, dit-on, n’est pas suceptible de domes- tication, et sous ce beau prétexte, des hommes, ne voyant que leur intérêt personnel, lui font une guerre sans merci. Mon intention n’est pas d'ouvrir ici une polémique et de réfuter ceux qui, sur de simples ouï-dire, font partager à l'Éléphant la malédiction qui pèserait sur l'Afrique, et, sans hésiter, le dé- clarent de beaucoup inférieur à son frère d’Asie. Je prétends seulement que l'Éléphant africain peut être pour l'Afrique, ce que le Bœuf, le Cheval ou l’Ane sont pour l’Europe. Comme le Bœuf, il peut trainer un fardeau; comme le Cheval, il peut le porter; comme le Mulet, il a le pied très sûr dans les mon- tagnes : M. Von der Decken, dans son ascension du Kilimand- jaro, a trouvé des traces d’'Éléphants à 3,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. En marche, la brousse ne l’arrête point: avec sa trompe, il écarte les branches, mange les feuilles de son goût et réussit facilement à se frayer un passage au mi- lieu des épaisses forêts africaines. S'il ne faut pas juger les gens sur la mine, il ne faut pas non plus juger l'Éléphant d’après sa lourdeur apparente. Il peut marcher très vite, pendant des journées entières et tenir tête aux meilleurs coursiers. Toutes ces choses commencent de nouveau, à être connues en Europe (2); car, il ne faut pas l'oublier, les anciens connaissaient l'Éléphant d'Afrique (1) Communication présentée dans la Séance générale du 27 janvier 1899 par M. Paul Bourdarie au lieu et place d’un Père de la Mission catholique de Sainte- Anne du Fernan-Vaz, lequel a voulu garder l’anonyme. (2}-En France, notamment, la Société d’Acclimatation suivant l'initiative de M. Paul Bourdarie, si dévoué à la cause africaine, s’efforce depuis plusieurs années d'attirer l’attention sur la nécessité tout à fait urgente de protéger et de domestiquer l’Eléphant d’Afrique. Bull. Soc. nat, Accl. Fr. 1899, — 3, | | 1 D. LÉ € er ENT 34 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. et savaient l'utiliser. Les campagnes d'Italie ont vu des Éléphants, les Carthaginois savaient parfaitement les dresser pour les batailles. Ces animaux combattaient très bien contre les hommes, mais non contre les autres Éléphants. Les Ro- mains s’en servaient pour les jeux de cirque ; c’est à eux qu'il faut reprocher la destruction de ces animaux dans le nord de l'Atlas. « On peut se faire une idée du degré d’éducation des Éléphants d'Afrique, si l’on veut bien considérer que les ba- teleurs romains leur avaient appris à reconnaître les lettres, à monter et à descendre sur une corde inclinée, à porter à quatre une civière contenant un cinquième Éléphant qui fai- sait le malade, à danser en mesure, à manger civilement et honnétement à une table couverte de vaisselle d’or et d'ar- gent. » (Brehm.) La Mission catholique de Sainte-Anne du Fernan-Vaz a essayé de tirer parti de l'Éléphant d'Afrique. Son but n’est pas de faire des Éléphants acrobates, mais d'utiliser ces ani- maux. Ses efforts, jusqu'ici, ont été, grâce à Dieu, vraiment couronnés de succès, et, après un an, l'Éléphant que nous avons dressé rend déjà des services réels. Pour n'être pas taxé d’exagération, je ne veux que rappor- ter, le plus simplement possible, les moyens dont nous nous sommes servis et les résultats que nous avons obtenus. Il y a un an à peu près que nous sommes en possession de notre Éléphant. C’est un jeune mâle. Nous l'avons acheté aux Pahouins, forte et nombreuse tribu qui habite le Gabon. Quand un village connaît un endroit de la brousse où il ya un troupeau d'Éléphants, immédiatement tout le monde s’y porte. Les indigènes forment alors une immense ceinture vi- vante, qu'ils resserrent jusqu'au moment où il est impossible d'avancer sans effrayer le troupeau. Arrivés à ce point, chacun se met à l’œuvre, et, en peu de temps une forte palissade est construite. Ceci fait, les indigènes préparent un certain breu- vage avec des herbes que je ne connais pas. Ce breuvage a la propriété d’adoucir l'Éléphant au point que l’on pourrait pres- que lui donner à manger avec la main. Quand les indigènes voient cela, ils entrent de nouveau dans la palissade, montent sur les arbres et tuent tous les gros Éléphants. Les jeunes sont épargnés pour être pris vivants. A cet effet, trois ouvertures ont été préalablement ménagées à la palissade pour tendre SUR LE DRESSAGE D'UN JEUNE ÉLÉPHANT D'AFRIQUE. 39 des cordes à nœud coulant. Les jeunes Éléphants effrayés, se précipitent vers ces ouvertures et sont pris. Nous avons re- cueilli ces détails de la bouche des indigènes ; mais nous n’en avons pas vérifié l'exactitude : ils nous paraissent vraisem- blables, c’est tout ce que nous affirmons. Une fois l'Éléphant arrivé à la Mission, nous lui avons construit une palissade formant une écurie d’une dizaine de mètres carrés. L'animal avait dû étre fort maltraité par les nègres, car au début, il ne pouvait les voir sans hurler et manifester des signes de frayeur. Autant que possible, la même personne, le bon frère Ma- thias, était chargée de le soigner. Les quatre ou cinq pre- mières semaines, l'animal serait, volontiers, retourné dans la brousse, s’il avait pu écarter les poteaux de.sa palissade. A vec le temps, il s’est adouci et a commencé par prendre la nourriture dans la main de celui qui la lui apportait et à rece- voir quelques caresses sur la tête seulement, car pendant plusieurs mois, jamais, il n’a voulu qu’on le touchât à la trompe. Après deux mois de cet emprisonnement, nous nous sommes décidés à commencer le domptage. Une grande difficulté se présentait, comment fallait-il s’y prendre? Nulle part, nous ne trouvions de renseignements sur l'élevage de l’Éléphant d'Afrique. En Asie, il est vrai, les cornacs piquent leurs bêtes avec des pointes de fer recourbées. Maïs d’après ce que nous connaissions du caractère de notre Éléphant, nous avons choisi les moyens de douceur. Nous lui avons attaché au cou, une corde que nous pouvions serrer à volonté avec un an- neau. Ce premier exercice de domptage, qui a duré une heure environ, chaque jour pendant un mois, s’appellerait mieux un exercice de marche. Quelqu'un le tenait par la corde qu'il avait au cou, et un autre le poussait par derrière. Pour le faire obéir, il suffisait de serrer la corde, ou s’il était plus dif- ficile, de l’attraper par une dent, et, aussitôt, il se laissait faire. Nous avons essayé de mettre les noirs à le conduire, mais il n'avait pas encore oublié leurs mauvais procédés et il était intraitable; force nous a été de le conduire nous- mêmes. Les choses cependant ne pouvaient pas toujours aller ainsi, et il nous était impossible de nous occuper sans cesse de lui. Avec le temps, lui aussi a perdu le souvenir des mau- 36 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. vais traitements qu'il avait recus. Nous avons essayé de l’ha- bituer avec quelques enfants. Ne se voyant plus maltraitéf il s'est laissé faire et, depuis le mois de juillet, les indigènes peuvent le conduire. Le difficile, pendant ce premier mois de domptage, était de le rentrer. Heureusement pour nous, il était gourmand; quelqu'un pénétrait dans son enclos, une banane müre à la main, la pauvre bête oubliait ses désirs de liberté et le suivait sans s'en apercevoir. Cet exercice de marche dura, je l’ai dit, un mois environ. Fritz, Éléphant d'Afrique, mâle, âgé d'environ trois ans, dressé à la Mission catholique de Sainte-Anne (Afrique occidentale française). D'après une photographie du Dr Eichmuller, communiquée par la Revue des Cultures coloniales. Nous avons alors fabriqué une espèce de collier et nous avons fait trainer par Fritz (c'est le nom que recut notre élève), un morceau de bois de 20 à 30 kilos; graduellement ce fardeau fut augmenté, et maintenant, grâce à un petit chariot pratique pour l'Afrique, il peut trainer le même poids qu'un Cheval en Europe. Huit mois après son arrivée à la Mission, notre Eléphant pouvait déjà en remontrer à beau- coup de Chevaux pour la force, l'habileté et la bonne volonté. Notre Eléphant doit être âgé de trois ans, il mesure 1 35 de haut et 1" 80 de long ; il est fort, grandit et se porte bien. Au début, nous n’osions pas le monter, dans la crainte de le SUR LE DRESSAGE D UN JEUNE ÉLÉPHANT D'AFRIQUE. on déformer, depuis, nous avons changé d'avis. La bête elle- même se prête assez facilement à cet exercice et aucun des inconvénients que nous redoutions ne s’est manifesté. Je ferai remarquer ici que nous n'avons jamais employé la violence envers l'animal, et que nous recommandions sans cesse aux noirs de le bien traiter. Quelquefois seulement des coups assez bénins pour lui montrer que nous voulons être les maîtres et commander. Nous en sommes persuadés, ces moyens de douceur sont excellents. L'Éléphant est intelli- gent, il s'attache à ceux qui le traitent bien, acquiert vite une excessive familiarité avec l’homme, et aime sa société. En avril, le voyant à demi-civilisé, nous lui fimes cons- truire une demeure plus confortable. Cette demeure était à 200 mètres environ de toute habitation; mais elle était trop éloignée, il ne l’aimait pas; la nuit, il sortait et venait derrière nos chambres. Il nous donnaït un avertissement et nous manifestait un désir, nous ne pouvions qu'y obtempérer. Nous lui avons alors élevé un hangar avec toiture, mais ouvert à tous les vents, à 25 mètres denotre maison; il s’y est installé, et depuis, il s’y est toujours plü. Là, tout le monde peut aller le voir : Chiens, Chats, Moutons, Chèvres, etc..., il les recoit tous avec la même bonté et consent volontiers à par- tager avec eux sa nourriture. Avec l’homme, il pousse la familiarité jusqu’à l’impolitesse : quelqu'un passe-t-il avec des bananes, il le suit en hurlant ; les bananes sont-elles en poche, il n’est pas plus découragé; sans aucun scrupule, il y introduit sa trompe et, bon gré mal gré, il faut que les bananes viennent. Si la porte de notre ré- fectoire est ouverte, pas plus de gêne, il y entre, vide l’assiette à dessert sans penser aux autres. Pour une banane, il se met à genoux autant de fois qu'on le veut, relève sa trompe au- dessus de sa tête et prend directement avec la bouche. Mais le meilleur moment, c’est vers neuf heures du soir; n’entendant plus aucun bruit, il est d’un calme parfait etselivre tout entier à la joie. Allez vous asseoir à côté de lui, aussitôt il vous prend par le corps, vous roule par terre, prend votre barbe, fouille vos poches et vous fait mille autres gentillesses en rapport avec sa taille. Cet animal mange surtout la nuit : le matin, s’il est ras- sasié, il restera à rôder autour de la maison, sans chercher à aller plus loin. Mais s’il a faim et si on le lâche, il s’en va 38 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. faire un voyage dans la brousse et y reste un, deux, trois et quelquefois cinq jours. Quand il tarde à revenir, il nous suffit de crier et dès qu’il entend il arrive. Cette demi-liberté lui est certainement utile, mais craignant que les noirs ne lui fassent quelque mal, nous le lächons rarement pendant plus d’un jour. Il a besoin d’air et d'exercice, mais le travail mo- déré que nous lui imposons, lui tient lieu de ces prome- ER nades dans la brousse. Je dis travail modéré, (quatre ou : cinq heures chaque jour), car, nous a-t-on dit, l'Éléphant a la poitrine faible. J'avoue que nous n’avons pas vérifié le fait : notre Éléphant s’est toujours parfaitement porté, bien plus, quel que soit le genre de travail qu'il ait dû faire, jamais nous ne l’avons vu transpirer. Comme soins de pro- preté, nous nous contentons de le laver et de le brosser tous les matins. Chose curieuse, pendant qu'il travaille il in- troduit sa trompe dans la bouche, en retire de l’eau et s’as- perge. Quand il revient à son écurie, après le travail, la pre- mière chose qu'il fait est, non pas de manger, mais de s’asperger de tous les côtés avec l’eau qu'on lui donne pour boire. Voilà, en quelques mots, ce que nous avons fait pour domes- tiquer un Éléphant. Nous croyons que cet animal est appelé à jouer un jour un grand rôle en Afrique. La guerre d’extermination qu'il subit maintenant est la con- séquence d’un amour de richesse mal compris. Il est temps de mettre fin à cette boucherie. Tous les gens qui ont à cœur la civilisation de l'Afrique ont intérêt à protéger l'Éléphant. L'entreprise est moins difficile qu'elle ne le paraît, aussi émettons-nous le vœu de voir notre exemple trouver de nom- breux imitateurs. Cart 39 LE CARDINAL DE VIRGINIE (CARDINALIS CARDIN ALIS) SON ELEVAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE par l’Abbé A. CHARRUAUD, Curé de Bessens (Tarn-et-Garonne). Suite (1). II. — SOCIABILITÉ. Le jour que je recus de Marseille mon premier couple de Cardinaux rouges, fut l’un des plus heureux de ma période d'amateur. Je ne connaissais pas encore cet Oiseau dont les descriptions sèches et ternes des ouvrages d’aviculture ne peuvent donner une idée exacte. Aussi, quel ne fut pas mon ravissement lorsque, ayant soulevé la bande d’étoffe blanche qui recouvrait le devant de la cage-transport, le male m’ap- parut dans toute la splendeur de son plumage, l'élégance de ses formes, et je dirais presque, la noblesse et la majesté de sa prestance. Ce fut un éblouissement, et j'eus comme un avant- gout des jouissances... exquises que l’avenir me réservait dans l'élevage de ce Passereau. Le temps était magnifique. Nous avions une de ces journées tièdes, calmes et sereines de fin d'hiver qui annoncent l’arri- vée prochaine de la belle saison. En moins de cinq minutes, les-Cardinaux se jouaient au soleil de la volière parmi les ar- bustes verts qu'ils éclairaient de leur robe de feu. Là folà- traient déjà deux ou trois douzaines d’oisillons dont les plus gros ne dépassaient pas la taille du Moïneau franc. C'étaient des Bengalis rouges, blancs et bleus, des Foudis vermillons, des Ignicolores orangés, des Canaris aux ailes d’or, des Com- bassous noirs et brillants comme de l’acier poli, des Perruches ondulées de Madagascar, et inséparables, plus vertes que les prés et plus rouges que des Coquelicots. Il y avait encore un {1} Voir ci-dessus, page 1. 40 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Ministre bleu de ciel, un Rossignol du Japon, quelques Oiseaux de France et deux bijoux d'acquisition récente : un couple de Papes des prairies, les premiers Diamants que j'ai possédés : bref, la variété dans les espèces et l'harmonie dans les couleurs ! Tant que l'hiver dura, la plus parfaite entente ne cessa de régner dans ce phalanstère ailé. Maïs vint le printemps. Mes Cardinaux obéissant à l’universelle loi, avaient déjà com- mencé leur nid dans un panier d’osier accroché à l’une des parois de l’abri couvert. Or, un jour que, poussé par la curiosité, j'allais me rendre compte du travail fait depuis là veille, mon attention fut atti- rée par un petit peloton &e plumes rouges tel que le vent en roule dans les coins à l’époque de la mue. Je m’'approchai, et qu’elle ne fut pas ma douloureuse surprise en reconnaissant la dépouille mortelle de mon joli mâle Bengali amarante ! Cet Oiseau, qu'on prendrait volontiers pour un Papillon égaré dans nos volières, est d’une fragilité extrême : sur dix couples lâchés en plein air, c’est à peine si l’on peut en sauver un. Le mien était parfaitement aguerri contre l’intempérie des saisons, Car il avait une année entière de captivité. De plus, en ce moment même, il élevait une nichée de trois petits dont les ailes commencçaient à se couvrir d’un léger duvet. Pauvres chéris ! qu’allaient-ils devenir sans la becquée paternelle ?.… Chose étrange ! la victime avait été décapitée. J'eus beau chercher autour de moi, fureter de tous les côtés, fouiller dans tous les coins, la tête resta introuvable : nul doute qu'elle ne fût devenue la proie de l'assassin. Maïs qui accuser ? — Un Chat ? non, le cadavre gisait trop loin du treillage pour que les griffes d’un Félin aient pu l’atteindre. — Un Rat ? pas davantage, la volière étant construite de facon que les gros Rongeurs soient dans l'impossibilité d’y pénétrer. D’autre-part, une Souris aurait attaqué les parties molles de l'Oiseau et res- pecté la tête. Mais alors ?.. Alors je me perdis en conjectures et le coupable resta inconnu. Huit jours s’écoulèrent sans incident digne d'être relaté. Cependant le panier où les Cardinaux préparaient le berceau de leur future famille se garnissait de plus en plus et dispa- raissait bientôt sous la masse de foin, de brindilles, de mousse et autres débris que le couple y avait entassés. La ponte était proche. Elle eut lieu, et ce fut avec une joie indicible qu'un LE CARDINAL DE VIRGINIE. 41 matin je constatai dans le nid la présence d’un œuf encore chaud. — C’est le premier, me dis-je, à demain le second ; et pourquoi pas un troisième après-demain?.. Sur cette agréable pensée, je me dispose à sortir, non sans avoir promené en tout sens ce qu'on a si bien appelé l'œil du maître. Satisfait de mon inspection, j'allais me retirer. Un détail, sans impor- tance en soi, me retint encore. Presque à portée de la main, sur le sable très fin et toujours très propre de l’allée du milieu, une grande feuille sèche, tombée d’un arbrisseau voisin, fai- sait tâche et choquait le regard. Je me baïssai pour la ramas- ser. O spectacle aussi douloureux qu'inattendu ! sous la feuille morte gisait le corps meurtri et ensanglanté d’un pauvre petit Oiseau sur lequel la brise compatissante avait sans doute jeté ce fragile linceul. Je reconnus bien vite mon splendide Mi- nistre qui, la veille encore, plein de vie et de santé, étalait au soleil sa robe de saphir. Stupeur profonde ! lui aussi avait été décapité ! !... Après la mort tragique de l’Amarante j'avais dit : Hélas ! Après celle du Ministre, je criai : Holà! A tout prix, il fallait découvrir le meurtrier de mes Oiseaux et le lyncher sans pi- tié si, comme je le croyais, sans pouvoir toutefois me l’expli- quer, c'était une bête malfaisante venue du dehors. À cet effet, je choisis un poste d'observation d’où le regard pouvait pénétrer dans l’intérieur de la volière et l'oreille percevoir tous les bruits insolites qui s’y produiraient. Je me tins là une bonne partie de la journée, faisant le guet, prêt à m'élancer à la première alerte. Ce fut peine perdue. Le soir, à l'heure où la maudite engeance des Rats et autres marau- deurs nocturnes quittent leurs profondes retraites pour se mettre en campagne, je repris ma faction, cette fois au point de jonction du treillage et de l’abri couvert, de facon que le plus petit cri ou le plus léger battement d’aile arrivät distinc- tement jusqu'à moi. Rien encore ne vint troubler le sommeil de mes pensionnaires. A minuit, fatigué d'attendre sous l’orme, j’allai moi-même prendre un repos bien mérité. Ce manège dura une quinzaine de jours au bout desquels trois petits Virginiens vinrent à la vie. Ah ! mes amis, quelle fête ! Tout à la joie d’être père, le mâle Cardinal ne tenait plus en place. Onle voyait partout à la fois, dans la maison- nette et dans le jardinet, allant, venant, sautant de branche en branche, bondissant de perchoir en perchoir, bousculant 42 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. les Oiseaux qui se trouvaient sur son passage, toujours la huppe droite, la queue étalée, les ailes frémissantes, sillon- nant la volière en tout sens, l’éclairant de la fulgurance de son plumage écarlate, la remplissant de sa folle gaïeté, la fai- sant retentir de ses plus mélodieuses chansons. La mère, elle, plus calme mais non moins heureuse, ne quittait pas le nid, réchauffant amoureusement ses petits tout nus et leur distri- buant du bout du bec la nourriture que son turbulent époux ne manquait pas de lui apporter. Pourquoi ne l’avouerais-je pas ? J'étais aux anges. Songez donc, trois Cardinaux en une seule nichée ! À côté de ce succès presque inespéré combien me paraissait légère main- tenant la perte d’un Bengali amarante et d’un Ministre bleu! Mais voici le revers de la médaille. Un jour — le troisième qui suivit la naissance des petits Virginiens, — comme je me dirigeais vers la volière pour y déposer la provende accoutumée, tout à coup des cris plaintifs, déchirants, pareils à ceux d’un Oiseau qu'on écorchait vif, vinrent frapper mes oreilles, D'un bond je suis à la porte. J'ouvre et que vois-je ? Le mâle Cardinal à califourchon sur un Foudi et le frappant à grands coups de son robuste bec. La pauvre bête — le Foudi s'entend — était toute aplatie sur le sol, pantelante et comme écrasée sous le poids de son énorme adversaire, qui s'enfuit à mon approche. Je relevai la vic- time : elle avait les deux yeux à demi-pochés et la tête entièrement déplumée depuis la naissance du front jusqu’au bas du cou. Cette scène fut pour moi toute une révélation. Désormais, j'étais fixé sur les nom, prénom, qualités et domicile de l’au- dacieux bandit qui mettait ma volière en coupe réglée et croquait la tête de mes Oiseaux comme de vulgaires noisettes. En outre, je savais de quelle arme redoutable il frappait ses victimes et quel genre de supplice il leur faisait endurer avant de les achever. Enfin, pour peu qu’un supplément d’informa- tion eut été nécessaire, j'aurais pu dévoiler les mobiles secrets qui le faisaient agir et les sentiments divers dont il était agité avant, pendant et après le crime... Qu’eussiez-vous fait à ma place ? Sans doute ce que je fis moi-même, c’est-à-dire rien du tout. Je laissai donc les choses en l’état et m’en remis pour le reste à la grâce de Dieu, me réservant d'agir énergi- quement lorsque les petits Cardinaux auraient pris leur essor. LE CARDINAL DE VIRGINIE. 43 Naturellement, ce qui devait arriver arriva. Insensible à mes menaces comme il l'avait été naguère à mes doléances, maître Cardinal s’en donna à bec que veux-tu. Malheur à l'Oiseau qui se risquait trop près du nid! l’imprudent appre- nait sur l'heure et à ses dépens le respect que l’on doit avoir pour la propriété d'autrui. Que si, plus agile, il échappait à son redoutable agresseur en se faufilant dans les touffes d’un arbuste, tôt ou tard Cardinal rouge savait le retrouver, et alors son compte était définitivement réglé. C’est ainsi que le pauvre Foudi, déjà si maltraité, ne fut pas longtemps sans recevoir le coup de grâce. Selon l'usage, l'Oiseau malgache avait été décapité. Toutes mes recherches pour retrouver la tête furent infructueuses : nue comme un marron, elle avait sans doute été prise pour telle et traitée en conséquence, à moins que le Cardinal s'étant acharné à la déchiqueter en eùüt dispersé les débris. Avec de pareilles dispositions, ce diable d’Oiseau ne pouvait manquer de dépeupler ma volière à bref délai si je ne trouvais un moyen quelconque d’apaiser son humeur massacrante. Lequel ? That is {he queslion... Ayant lu quelque part que : Un roi n’est un bon roi que quand il a diné, l'idée me vint de servir au tyran emplumé les mets les plus succulents et les plus variés : œufs de Fourmis, Vers de farine, toutes les chenilles vertes et grises que je sa- vais dénicher dans mon jardin, petits Grillons bien re- plets et bien dodus que, faute de Sauterelles dont les champs étaient encore dépourvus, les gamins, moyennant quelques sous, m'apportaient à pleines casquettes. Cardi- nal mangeait de tout, gorgeait la petite famille qui fort heureusement, grandissait à vue d'œil, mais ne desarmait pas. Que dis-je ? mis en gout par cette alimentation azotée et éminemment stimulante, le drôle devint effroyablement mé- chant, frappant d’estoc et de taille, tuant pour le plaisir de tuer, décimant ma volière de parti-pris, avec une férocité renouvelée de cet empereur romain qui souhaitait que son peuple n’eût qu'une tête pour l’abaître d’un seul coup. Et successivement succombèrent sous son bec assassin : la femelle Amarante, un Tarin, deux Cordons - Bleus, deux Moïneaux japonais, tous citoyens pacifiques et sans malice s’il en fut ; puis, un Chardonneret et une Linotte étourdie qui &E BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. était allée, la petite folle, se suspendre par une patte au pa- nier même des Cardinaux ; enfin, le mâle Diamant quadri- colore, mon magnifique Pape des prairies. Ce dernier fut massacré la veille même du jour où les jeunes Cardinaux, ayant abandonné leur nid, purent, sans danger pour leur vie, être transportés avec leurs parents dans une chambre basse préparée à leur intention. Vingt-quatre heures plus tard, il était sauvé. " En résumé : un Diamant, un Tisserin, deux Munies, qua Fringilles, quatre Astrilds ou Bengalis, soit un total de douze victimes dans l’espace de cinq semaines. Et voilà-comment le Cardinal de Virginie est le plus doux et Le plus débonnaire des Oiseaux! Oh! je vous entends. — « Votre Cardinal, allez-vous me dire, était un franc mauvais sujet, un affreux scélérat, un monstre abominable, la honte et le déshonneur de la gent em- plumée. Suit-il de là que tous les Cardinaux lui ressemblent? Pour un Cheval vicieux et rétif combien de Chevaux dociles et doux comme des Moutons ?... » — Vous parlez d’or, ami lecteur. Ce beau raisonnement, je me le fis à mor-même, croyez-le bien. D'ailleurs, M. Chiapella . ne m'avait-il pas appris que « sur cent Cardinaux on en ren- contrait à peine un seul se comportant mal avec ses petits compagnons »? Conséquemment, le mien ne pouvait étre qu'une exception dans la grande et intéressante famille des Coccothraustidés rouges, un individu dépravé, perverti, une sorte d'anomalie de l’espèce. Aussi, loin de me décourager, je m'empressai de lui donner un successeur en la personne au- guste de Cardinal IT, fils aîné de Cardinal Ie, héritier pré- somptif de la couronne paternelle. J'installai donc mon jeune Cardinal à la’ place — j'allais dire sur le trône — occupé précédemment par son indigne père. Seulement, comme Chat échaudé craint l’eau froide, j'avais fait construire au préalable une seconde volière où furent logés immédiatement les Oiseaux précieux, ne laissant au nouveau venu pour compagnons que des volatiles français ou de vil prix. Dans les commencements de son règne, Cardinal II se mon- tra prince doux et bon, simple et familier avec ses sujets dont il ne dédaignait pas de partager les jeux et la table. Mais les instincts pervers qui sommeillaient dans son cœur, triste T Ci LD TES PRO COUT POCTEND TANT ET 47 TOUR LE CARDINAL DE VIRGINIE. 45 lot de l’héritage paternel, se réveillèrent un jour subitement à propos d'un Ver de farine qu'une gentille petite Nonnette eut l'imprudence de lui disputer. La Nonnette ne mangea pas le Ver; elle ne mangea ni celui-là ni aucun autre, car on lui administra sur l'heure une si maîtresse raclée qu’elle en per- dit l'appétit pour l’éternité. Le châtiment ne se fit pas attendre. D'un coup de filet, Cardinal IT fut attrapé, mis en cage et remplacé par son frère cadet, qui prit sur mes tablettes le nom de Cardinal IIT. Le premier n'avait régné que trois mois et onze jours, du 2 juillet au 13 novembre. Le règne du second fut de plus courte durée encore. Vingt-cinq jours après son avènement, s'étant livré à des voies de fait sur un Bec d’argent inoffen- sif, il alla, comme son ainé, méditer dans la solitude sur le néant des grandeurs. Décidément la manie du meurtre était une maladie de famille chez mes Cardinaux. Désespérant d’en tirer jamais rien de bon, je résolus de me défaire en bloc de toute la lignée et de mettre à l'épreuve deux nouveaux couples d’importa- tion récente. Ils m'arrivérent de Marseille au mois de janvier suivant, par une matinée radieuse, mais froide. Un couple fut lâché dans la chambre basse; l’autre, plus favorisé du sort, alla jouir du grand air de la volière. Que vous dirai-je, ami lecteur, que vous ne soupconniez déjà? Cardinal IV ne fut ni meilleur ni pire que ses prédéces- seurs : même caractère hargneux, mêmes dispositions batail- leuses, même goût prononcé pour la chair vive. Au moment de la pariade, je lui signifiai son congé, et Cardinal V, ac- compagné de madame son épouse, fit son entrée triomphale dans la volière au milieu. de la frayeur générale. Celui-ci, il faut lui rendre cette justice, ne tua aucun Oiseau; en revanche, il en dépluma si bien une demi-douzaine qu'ils auraient pu être mis à la broche sans autre préparatif. Ce couple eut le sort des précédents. Je tentai une sixième et une septième expérience avec deux des petits obtenus pendant l'été. Nous étions au mois de septembre. L'année avait à peine fini sa carrière, que mes Cardinaux, parvenus à l’âge adulte, s’élançaient résolument sur la trace de leurs devanciers. Fallait-il abandonner la partie? Que dirait M. Chiapella? 46 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Que penserait M. Moreau dont l'excellent ouvrage venait de paraître? Et puis ne sait-on pas que l’amateur d’'Oiseaux est comme l'amateur d’estampes, de tableaux et de toute belle chose, en qui la passion s’avive à mesure que les difficultés surgissent ? J'allai donc courageusement de l'avant, multipliant mes expériences, achetant pour revendre, vendant pour acheter, poursuivant sans me lasser ce Cardinal fantôme, objet de mes ‘ rêves, qui, au moment même où je croyais le saisir, s’en- fuyait à tire-d’aile dans les lointains de l'idéal. Et j'arrivai ainsi au dixième couple, Gros-Jean après comme devant. Alors, je criai : halte! et je fis une croix, car mon opinion était fixée : en volière, au milieu de petits Oiseaux, le Cardi- nal de Virginie ne valait rien qui vaille..… Deux années s’écoulèrent sans m'occuper autrement du Cardinal rouge que pour en retirer le plus de produits pos- sible. A cette époque (1895), M. le marquis de Brisay publia une seconde édition de son très remarquable ouvrage : Passe- reaux. J'achetai le volume. A l’article : Cardinaux, je lus avec un étonnement mêlé de dépit la phrase que le lecteur connaît déjà. — « Eh quoi! m'écriai-je, de tous les éleveurs français, je serais le seul à n’avoir pu trouver un Cardinal selon la formule? » Voulant en avoir le cœur net, je suppliai divers amateurs de ma connaissance de me dire ce qu'ils savaient des mœurs et du caractère du Passereau virginien. Les ren- seignements sollicités m’arrivèrent peu à peu, s’échelonnant selon les distances et les occupations de mes honorables cor- respondants. La première lettre est de Me la comtesse de B**. A la troi- sième page, je lis : « N’en doutez pas, M. l'abbé, le Cardinal rouge est un Oiseau bien méchant. J'ai dû loger le mien dans un compartiment séparé parce qu'il tuait tous ses petits com- pagnons. » | La seconde est de M. J. de V** qui, le 2 janvier 1896, sou- haitait en ces termes la bonne année au Cardinal de Virginie : « Ah! le mauvais garnement! il semble n'avoir été créé et mis au monde que pour tourmenter les petits Oiseaux qu'il harcèle sans cesse et tue sans pitié. Au demeurant, assez bon camarade pour les Perruches de Swainson et omnicolores qui vivent avec lui... J’espère que l’une d'elles se décidera à lui tordre le cou. » LE CARDINAL DE VIRGINIE. k7 La troisième enfin est d’un amateur dont le nom paraît ici pour la seconde fois. Le 7 février suivant, M. Jarrassé, de Poitiers, avait la bonté de m'adresser une très longue et très intéressante relation avec licence d'y promener les ciseaux en longs et en large. J'en extrais ces quelques lignes : « Les Cardinaux rouges s'entendent à merveille avec les Faisans (comme chez M. le marquis de Brisay!); mais ils sont sans pitié pour les petits Oiseaux... Ils ont déjà mis à mal Char- donnerets, Tarins, Bouvreuils, etc., dont il ne me reste plus un seul. » À Sur six éleveurs dont je pourrais encore invoquer le témoi- gnage, quatre parlent dans le même sens,accusant le Cardinal des plus abominables forfaits; le cinquième ne sait auquel des deux, du Cardinal gris ou du Cardinal rouge, attribuer la mort de ses petits Oiseaux; le sixième enfin admet en faveur de ce dernier plusieurs circonstances atténuantes, au nombre desquelles il cite l’exiguïté de la volière, « trop petite, dit-il, pour permettre, à mes nombreux pensionnaires de prendre librement leurs ébats. De là, ajoute-t-il, des disputes inces- santes et des chocs inévitables où le plus fort finit par écraser le plus faible. C’est le struggle for life. » En résumé, beaucoup de mal et très peu de bien à l'actif de notre Oiseau. Si maitre Cardinal n’a que cela pour se faire recevoir en paradis, il peut s'attendre à ce que saint Pierre lui ferme la porte au... bec. e ° ° ° e e ° e ° . e 0 e ° Cette seconde partie de notre étude sur le Cardinal rouge serait incomplète si nous ne mettions sous les yeux du lec- teur l’ensemble des résultats obtenus durant le cours de notre long élevage et que la crainte d’allonger indéfiniment ce récit nous a fait passer sous silence. Ces résultats, nous allons les formuler en cinq ou six propositions que nous considérons, nous, comme autant d'articles de foi, mais que le lecteur pourra rejeter en tout ou en partie sans courir le risque de tomber dans l’hérésie : I. — En volière très spacieuse, où tous les Oiseaux peu- vent, sans étre génés, se livrer à leurs ébats favoris, le Car- dinal de Virginie est d'humeur pacifique et ne s'inquiète pas de ses voisins. | II. — En cage étroite, même attitude. Plus le Cardinal est 48 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. privé de liberté, moins il se montre querelleur et mé- chant (1). III. — Le Cardinal jeune reste généralement doux pour ses compagnons de captivité jusqu'au printemps suivant, c'est- à-dire jusqu'au jour où il est parvenu à l’âge adulte. En tout cas, s’il pourchasse les petits Oiseaux, il ne leur fait point de mal. Les exceptions à cette règle sont relative- ment rares. IV. — Adulte, le Cardinal devient insupportable. Seul, en volière étroite et même de moyenne grandeur, son humeur peut être simplement querelleuse et intermittente; accouplé, elle devient massacrante et permanente. V. — Le Cardinal nouvellement importé n'attaque pas les autres Oiseanx avant de s’être familiarisé avec son nouveau logis; pour partir en guerre, il attend le plus souvent l’époque de la pariade. Au contraire, le Cardinal né en captivité montre ses dispositions agressives dès les premiers jours de son entrée en volière. | VI. — Les femelles sont rarement méchantes. D'’elles, mais d'elles seules, nous dirions volontiers avec M. H. Moreau : « Sur cent... il est rare d’en rencontrer une qui se comporte avec aigreur envers les petits compagnons qu’on peut lui associer. » (A suivre.) (1) Chacun sait que deux Cardinaux mâles ne peuvent vivre en liberté dans la même volière sans s’entretuer à bref délai. Et pourtant si nous entrons dans le magasin d’un oiselier nous verrons dix, vingt... Cardinaux entassés dans la même cage et y séjournant sans se molester. Il en est de même du Sénégali rouge, dont les mâles se poursuivent en volière avec un acharnement à peine croyable chez un si petit Oiseau. sé 49 IMPORTATION DE PERCHES CRAPPIES (POMOXFYS ANNULARIS) A LA STATION AQUICOLE DU NID DE VERDIER, PRÈS FÉCAMP (1), par C. RAVERET-WATTEL, Vice-président de la Société. Dans ces dernières années, grâce surtout à la Société na- lionale d Acclimatation, deux acquisitions intéressantes ont été faites paur nos eaux douces ; deux Poissons américains de réelle valeur sont venus prendre place à côté de nos meil- leures espèces indigènes. Je veux parler de la Truite Arc-en- Ciel et du Saimo fontinalis, généralement désigné sous le nom de « Saumon de fontaine ». Tout le monde connaît aujourd'hui ces deux Poissons, qui, très voisins de notre Truite d'Europe, se recommandent par certaines qualités spé- ciales. La Truite Arc-en-Ciel, sensiblement moins exigeante que la Truite commune sous le rapport de la fraicheur de l’eau, nous permet de cultiver désormais la Truite dans des eaux qu'on était précédemment obligé d'abandonner à la Carpe ou à des Poissons de moins de valeur. Le Salmo fonti- nalis, au contraire, se plaît surtout dans des eaux tres froides, où la Truite n'aurait qu'une croissance assez lente. Les éle- veurs sont donc actuellement en possession de trois bonnes espèces, répondant chacune à des besoins différents : pour les eaux manquant un peu de fraicheur, la Truite Arc-en-Ciel ; pour les eaux déjà plus fraiches, la Truite commune; enfin, pour les eaux tout à fait froides, le Salmo fontinalis. Maïs ce sont là toujours des Salmonides ; c'est-à-dire des Poissons exigeant une eau courante et copieusement aérée. Pour les eaux plus ou moins stagnantes, susceptibles de s’échauffer, et manquant un peu d'oxygène, nous n'avons toujours que des Poissons assez peu estimés, peut-être même trop dédaignés. Nos pisciculteurs ont eu le tort de ne guère s'occuper jusqu'ici que des Salmonides. Il conviendrait main- (1) Communication faite en séance générale le 16 décembre 1898. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 4. 50 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. tenant de chercher à augmenter aussi nos ressources en Pois- sons pouvant convenir aux étangs et aux eaux dormantes. C'est ce qui m'a conduit à entreprendre un essai d’acclimata- tion, qui n'en est encore que tout à fait au début, mais dont je crois néanmoins devoir entretenir la Société. Chacun sait qu'il existe aux Etats-Unis tout un groupe de Poissons vulgairement désignés sous le nom des Sunfishes (Poissons Soleil) (1), comprenant des espèces à vaste distri- bution géographique, les unes entrant pour une large part dans la consommation, les autres, au contraire, à peu près sans valeur sous ce rapport. - Parmi ces dernières figurent le « Sunny » ou Suafñfsh commun, Eupomotis gibbosus (Linn.) (2), qui, introduit en Europe il y a une douzaine d'années, serait, parait-il, natura- lisé déjà dans plusieurs de nos cours d’eau (3]}. Chez nous, ce Poisson, que possèdent un certain nombre d'amateurs, est souvent désigné sous le nom de Calico Bass, appellation absolument erronée, attendu que ce nom de Calico-Bass est, aux Etats-Unis, celui sous lequel on désigne deux autres Sun- fishes bien différents, qui ne paraissent pas avoir encore été importés avec succès en Europe (4) : le Pomcæys syaroides Lacépède, et le P. annularis Rafinesque. Ces deux espèces, qui se ressemblent assez pour qu'on puisse facilement les con- fondre, sont, dans certaines parties des Etats-Unis, désignées aussi, l’une et l’autre, sous le nom de Crappies (5). Néanmoins, (4) C’est le Pomotis vulgaris de Cuvier, et le Lepomis gibbosus de Rafnesque. MM. Gill et Jordan l’unt classé dans leur genre ÆEwpomofis, en adoptant le nom spécifique de gi#hbosus par respect pour l'appellation de Perca gibbosa pri- mitivement donnée à cette espèce par Linné (Liun., Syst. Nat., éd. X, 293, 1758). Quant aux noms vulgaires de ce Poisson, ils sont extrêmement nombreux aux États-Unis. En voici quelques-uns : Common Sunfish, Suuny, Bream, Pumpkin-Seed, Tobacco-box, Robin-Perch, Red-Belly, Yellow-Belly, Sand- Perch, etc. | (2) Voy. : L'Intermédiaire des Biologistes, 1° année, 1897-1898, p. 61 et 104. (3) En novembre 1891, M. Max von dem Borne, de Berneuchen, reçut des Etats-Unis, six jeunes Calico-Bass (P. sparoides), qui lui furent rapportés de New-York par son fils, auquel ils avaient été remis par M. Fred Mather, de la part de M, le coionel Marshall Mac Donald, Commissaire fédéral des Pé- cheries, à Washington. Malheureusement ces Poissons périrent sous la glace pendant l'hiver suivant. (Max von dem Borne, Die Amerihkanischen Sonnen- fische in Deutschland, p. 6. Neudamm, 1889.) 2 - (4) Ces Poissons constituent, à eux seuls, toute une famille du groupe des Percoïdés, celle des Centrarchidés. (5) Voy. D.-S. Jordan et B.-W.-Evermann, The Fishes 0f North and Middle America. Washington, 1896. Part I, p. 98. IMPORTATION DE PERCHES CRAPPIES. 54 le nom de Calico-Bass est plus généralement appliqué au Pomoxys sparoides, et celui de Crappie au Pomoxys annu- laris (1). Si l'Eupomotis gibbosus, c'est-à-dire le Sunfish commun, Fig. 1. — Eupomotis gihbosus (Linn.) ou Sunfish commun (2), déjà introduit chez nous, ne présente qu'un assez médiocre intérêt au point de vue de l’alimentation, attendu que sa (1) Ces deux espèces reçoivent, d’ailleurs, suivant les localités, une foule d’appellations différentes. Ainsi, le Pomozy sparoides, presque toujours désigné sous le nom de Calico-Bass dans l'Illinois, est plus généralement chpalé Grass-Bass dans l'Ohio; Bar-Fish dans le Miscccins Speckled-Perch en Floride et dans la Caroline du Nord ; Calico-Bream dans la Caroline du Sud, Speckled-Trout en Géorgie: Bitter-Head et Lamp-Lighter sur les bords du lac Erié; Strawberry-Bass et Bank-Lick-Bass dans les environs de Cincinnati. Ailleurs, ce sont encore d’autres noms : Black Crappie, ou Croppie, Lake Croppie, Silver-Bass, Butter-Bass, Goggle-Eye, Goggle-eyed-Perch, etc. . Quant au P. annularis, le noin vulgaire de Crappie qu’il porte surtout dans la vallée du Mississiri, se change, dans certaines localités, en ceux de Croppie et de Cropet. On dit aussi : White Croppie, Timber Croppie, etc. Ailleurs, d’autres Fppeleions lui sont données : Campbellite, New-Light, Silver- pes etc. (2) Cette fixure, rapprochée de celle du Pomoxys annularis, que nous don- nons Élu (Voir page 53), montre toute la différence d’aspect qui existe entre EE deux espèces. [l est un caractère très net qui ne saurait permettre de les confondre : c’est celui que fouruissent les rayons épineux de la nageoire anale, lesquels ne sont jamais qu'au nombre de trois chez les Ewpomotis, tandis qu'il y en a six chez les Pomozys. _ RTL ES ns, À 3 ; - REV rs en D É +." 92 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. petite taille (1) n’en fait jamais qu'un Poisson de friture, les deux Pomoxys, c'est-à-dire le véritable Calico-Bass et le Crap- pie, sont, au contraire, deux Poissons se recommandant, à la fois, par leur taille assez forte (ceux qu’on vend sur les mar- chés (2) pèsent généralement une livre, en moyenne), par la qualité de leur chair blanche, délicate, comparable à celle de notre Perche d'Europe, enfin, par leur aptitude à vivre dans des eaux peu ou point courantes. Aussi, depuis quelques années, la Commission fédérale des Pécheries des Etats-Unis s’occupe-t-elle activement de pro- pager ces deux espèces de Pomozys (3). Voici, du reste, comment s’exprimait sur le compte de l’une d'elles (le Pomoxys sparoides) M. le Professeur Jared P. Kirtland, dans une note publiée, il y a déjà longtemps, . par l'American Sportsman (4), et reproduite, en extrait, par M. John N. Klippart dans un des Rapports annuels de la Commission des Pécheries de l'Etat d’Ohio (5) : « D'après la longue et sérieuse étude que j'ai été à même d'en faire, je n'hésite pas à considérer le Grass Bass (ou Calico Bass) comme étant, par excellence le poisson pour tous. Originaire des cours d’eau et des lacs de l'Ouest, où il semble rechercher les eaux profondes et tranquilles, on l’a vu (1) La plupart des individus adultes que l’on pêche n’ont guère que 0®,15 a 0®,20 de longueur. 2) D’après les renseignements statistiques publiés par la Commission des Pècheries des Etats-Unis, c’est surtout dans l’Arkansas, l'Illinois, le Minne- sota, le Missouri et la Tenesse qu'il se vend le plus de ces Poissons sur les marchés. Il s’en débite annuellement 425,000 kiloz. environ, représentant une valeur de 39,000 dollars (195,000 fr.). Mais ces chiffres sont très loin de repré- senter la consommation réelle, attendu que presque tout le Poisson pêché est consommé par les pêcheurs eux-mêmes, et qu'il en est envoyé relativement très peu sur les marchés [U. S. Comm. of Fish and Fisheries. — Rep. of the Com- missioner for 1896, p. 495). (3) Le Calico-Bass proprement dit (P. Sparoides) est surtout répandu dans la région des Grands-Lacs, dans toute la vallée du Mississipi, ainsi que daus les deux Carolines et la Géorgie, à l’est des Alleghanies. On le considère généra- lement comme recherchant plus volontiers que le Crappie (P. annularis) des eaux chaudes et pures. Ce dernier qui est surtout commun dans la vallée du Mississipi, paraît avoir un habitat moins étendu que son congénère. Mais il a été propagé déja sur un très grand nombre de points, rotamment dans le Ma- ryland, et on le pêche maintenant dans les diverses branches du Potomac, ainsi que dans plusieurs de ses affluents, En 1895, plus de 50,000 alevins de cette espèce ont élé distribués à différentes personnes, et versés dans les ri- vières. (Report of Comm. of Fish and Fisheries, 1895, p. 142.) (4) Numéro du 28 février 1874. (5) Report Ohio State Fish Comm. for 1875-1876, p. 78. IMPORTATION DE PERCHES CRAPPIES. 93 fréquemment, soit par suite de la création de canaux, soit par le fait d’importations directes, gagner, de proche en Fig. 2. — Promoxys annularis Rafinesque, Crappie. proche, des régions où il était inconnu, sel répandre? aussi bien dans des rivières aux eaux froides et'rapides que dans a Es Une , A 54 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. de simples ruisseaux, supporter parfaitement ce changement de milieu, et, en l’espace de deux ou trois ans, pulluler d’une façon remarquable dans son nouvel habitat. Comme Poisson comestible, peu d'espèces le dépassent en qualité. Au point de vue de l'endurance et de la rapidité de croissance, aucune autre ne peut lui être comparée. Naturellement, il grossit plus ou moins, suivant la qualité de l’eau et la richesse du fond, et son poids peut varier de 1/2 livre à 2 livres et au- dessus... Il convient parfaitement pour l’empoissonnement des étangs, et il réussira, sans soins spéciaux, même dans de très petits espaces, pourvu qu'il y trouve une profondeur d'eau suffisante. Il ne peut nuire en aucune facon à l'existence, dans les mêmes eaux, d’autres espèces, petites ou grosses, attendu qu'il vit en bonne harmonie avec les autres poissons. Alors que sa conformation ne lui permet pas de nuire, et qu’il ne peut s'attaquer tout au plus qu'au très menu fretin. la for- midable garniture de rayons épineux que présentent ses na- geoires le met à l’abri des attaques même du vorace Brochet. » D'après M. le Professeur David S. Jordan, ces détails sont également applicables aux Pomoæys annularis. « Cette espèce, dit-il (1), communément appelée « Crappie » dans la vallée du Mississippi, recoit ailleurs des noms différents : « Bachelor » dans la vallée de l'Ohio, « New-Light » et « Campbellite » dans le Kentucky et l'Indiana, « Sac-à-lait » et « Chinquapin-Perch » dans le bas Mississippi. On la con- fond souvent avec le P. sparoides; aussi quelques uns des noms vulgaires donnés à ces poissons s’appliquent-ils aussi bien à l’un qu’à l’autre. Le Crappie se rencontre peu dans la région des Grands Lacs ; mais dans tout le cours inférieur du Mississippi et dans les affluents de ce fleuve, il est extrême- ment abondant. Ses alevins fourmillent dans tous les bayous vaseux, le long des rivières, et il en périt des quantités considérables en automne, quand ces surfaces d’eau se des- sèchent. Sauf sa préférence pour les eaux légèrement va- seuses, nous ne voyons rien, dans ses habitudes, qui puisse le distinguer du Calico Bass, et l’un et l’autre sont considérés comme faisant d'excellents Poissons d'étangs. Tous deux mordent bien à l’'hamecon, vivent de Crustacés, de menu Poisson, etc., et tous deux frayent au printemps. » (1) David S. Jordan, 7e Sun-fishes and their allies. (The Fisheries and Fi- shery Industries of the United-States, p. 404. Washington, 1884.) IMPORTATION DE PERCHES CRAPPIES. Dh) Ces renseignements, déjà favorables, n'étaient pas les seuls que je possédasse sur les Pomoxys. On se souvient qu’en 1887 et 1888, notre collègue M. Emile Bertrand, qui avait, le premier en Europe, obtenu la reproduction de l’Eupomotis gibbosus, distribua généreusement plusieurs milliers d’alevins de cette espèce. M. Max von dem Borne, de Berneuchen, s'étant procuré quelques-uns de ces Poissons qu’il croyait être des Calico Bass (1), s’adressa à M. le Colonel Mc Donald alors Commissaire fédéral des Pécheries des Etats-Unis, à Was- hington, pour s'informer des soins qu'il convenait de leur donner et du degré d'intérêt que pouvait présenter leur acclimatation en Europe. D'après la description donnée des Poissons sur lesquels on le consultait, M. Mc Donald reconnut qu'il ne s'agissait que du Sun-Fish commun. Aussi, dans sa réponse, dissuada-t-il M. von dem Borne de s'occuper de la propagation de cette espèce, en tant que Poisson alimentaire, et lui conseilla-t-il de chercher plutôt à acclimater le véri- table Calico Bass, c'est-à-dire le Pomomys sparoides, et l'espèce voisine, le Crappie (P. annularis). « ..... Le Sun- fish commun est un charmant Poisson d’aquarium » disait-il, dans une lettre du 11 décembre 1891, que M. Max von dem Borne voulut bien me communiquer à cette époque, — « mais ‘ » c'est une peste dans un étang d'élevage, et il importerait » de ne pas le laisser se multiplier dans les eaux de l’Alle- » magne. C'est un Poisson extraordinairement prolifique, » grand destructeur du frai et de l’alevin des autres poissons; » ses œufs sont adhérents, et ils peuvent être transportés au » loin par les Oiseaux d’eau. » Le Calico Bass et le Crappie, au contraire, sont des » Poissons recommandables pour les étangs, quoique réussis- » sant bien aussi dans les cours d’eau. Ces deux espèces, » extrêmement voisines, sont très bonnes. Elles prennent un » développement beaucoup plus considérable que le Sunfish » commun, et sont bien préférables pour la table. Si vous » réussissiez à acclimater le Crappie en Allemagne, vous » rendriez au pays un service réel. » Je n'avais pas perdu de vue ces renseignements, non plus (1) On considérait alors ces Poissons comme étant de véritables Calico Bass, {[Voy. Gilbert Duclos, Za Perche argentée d'Amérique ou Calico Bass. — Revue des Sciences nat. app. — Bull. bi-mensuel de la Soc. nat. d’Accl. de France, 1889, p. 12.) 1 ; # r 56 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. que ceux donnés par le Professeur Kirtland, et ce sont eux qui m'ont conduit récemment à tenter l’acclimatation des Pomoxys. Après quelques démarches, entamées il y a déjà plus d’un an, j'ai réussi à me procurer aux États-Unis et à me faire expédier, des bords de l'Ohio où ils ont été pêchés, quelques exemplaires de Pomoxys annularis (1). Ces Pois- sons, au nombre de vingt et un, contenus dans deux bidons, furent d'abord dirigés sur New-York, où on les embarquait, le 22 octobre dernier, sur le paquebot transatlantique La Nararre. ls eurent malheureusement beaucoup à souffrir de la traversée. Le lendemain méme de son départ, le paquebot était assailli par une violente bourrasque, qui le malmena fort. Par suite de l'état de la mer, presque à chaque mouve- ment de tangage ou de roulis, une partie de l’eau des bidons se répandait au dehors, et les Poissons étaient projetés les uns contre les autres ou contre la paroi des bidons. Aussi, après quarante-huit heures seulement de route, treize d’entre eux avaient-ils déjà péri. Les huit survivants arrivèrent au Havre, fatigués, mais relativement encore en assez bon état. et ils furent immédia- tement dirigés sur la Station aquicole du Nid de Verdier, près Fécamp, où nous les avons installés dans un bassin spécial. Probablement par suite de contusions reçues pendant le voyage, deux de ces Poissons furent bientôt envahis par « la mousse » (Saprolegnia feraz) et périrent en moins d'une se- (1) Voici les caractères de cette espèce : corps relativement court, fortement comprimé latéralement; dos très élevé; hauteur du corps comprise deux fois et demie dans la longueur. Œïül grand, ayant, en diamètre, le quart de la longueur de la tête. Tête proportionnellement longue, contenue trois fois seulement dans la longueur du corps. Museau pointu et relevé en avant. Nageoire dorsale plus courte que l'anale, présentant six rayons épineux et quinze rayors mous. Anale à six rayons épineux et dix-huit rayons mous. Teinte générale blanc argent, nuancé de vert, avec de nombreuses taches d’un vert olive, particuliè- rement dans la partie supérieure du corps, et tendant à dessiner des bandes verticales irrégulières. Dorsale et anale marquées de taches sombres. Les teintes de la livrée étant très variables chez les deux espèces de Po- moxys. c'est, le plus généralement, d'après le nombre des rayons épineux de la nageoire dorsale qu'on peut distinguer le P. sparoïides de lannularis : ce nombre est de sept ou huit chez le premier, tandis qu’il est, normslement, de six seulement chez le second, Mais on trouve assez fréquemment des individus anormaux ayant un ou deux rayons de plus. La distinction peut alors être faite d’après la coloration des flancs et de la région abdominale, toujours pius claire chez l’annularis que chez le sparoïides, d’où le nom de White Crappie, donné parfois à l’annularis, et celui de Black Crappie, appliqué, par contre, au sga- roides. Chez ce dernier, tout le corps présente parfois des reflets rougeâtres, qui lui ont valu, dans certaines localités, l'appellation de Strawberry Bass. IMPORTATION DE PERCHES CRAPPIES. 57 maine. Maïs les autres paraissent actuellement bien portants et fouillent souvent les herbes aquatiques (Myriophyllum) du fond de leur bassin pour y chercher de la nourriture et faire une chasse active aux Crevettes (Gaimimarus). Mais ils montrent une préférence marquée pour les « Vers de vase » (larves de Chironome plumeux), sur lesquels ïls se jettent avec grand empressement quand nous leur en distribuons. Ce fait concorde parfaitement, du reste, avec les observa- tions faites par M. le Professeur KF.- A. Forbes, de l'Université de l'Illinois, auquel on doit de très remarquables recherches sur la nourriture d’un grand nombre de Poissons des rivières américaines, les Pomoæys en particulier (1). « ... Les deux espèces de Pomoxys, dit M. Forbes, sont assurément, parmi les divers Poissons de la même famille habitant les eaux du Mississippi et de l'Illinois, ceux qui, après les Black Bass, présentent le plus d'intérêt au point de vue de l’alimentation publique. D’après la forme et la disposition des appendices de leurs arcs branchiaux, j'estime que les sujets jeunes doivent continuer beaucoup plus tard que les autres Sunfishes à se nourrir uniquement d'Entomostracés. Six individus de 3 à 4 pouces de longueur que j'ai examinés n’avaient guère mangé que des Entomostracés et des larves de Diptères (Chironomus et Corethra). J'ai vu des sujets complètement adultes préférer les Cladocères à toute autre nourriture. Comme on pouvait s’y attendre, d’après l'aspect de leurs dents pharyngiennes, je n'ai trouvé aucune trace de Mollusques dans le tube digestif de quarante-deux individus examinés ; mais du petit Poisson avait dû servir de nourriture à vingt-sept d’entre eux, d'âge adulte. Il est vrai que c'était à l’arrière-saison, quand les En- tomostracés et les larves d’Insectes se font plus rares... (2) ». (1) S.-A. Forbes, The Food of the Fishes. (Bull. No 3. Il. State Lab. Nat. Hist., novembre 1880.) (2) « L'époque de l’année, continue M. Forbes, paraît, en eflet, influer beau- coup sur le régime alimentaire de ces Poissons, a l’âge adulte, » Cinq exemplaires capturés à Peoria, en mars, avaient surtout vécu de Cla- docères, principalement de Simocephalus vetulus et americanus. L'estomac cor- tenait une telle quantité de ces petits Entomostracés, qu’il en était distendu, et tout le tube digeslif était coloré en rougeâtre par la masse de leurs œufs. Les larves de Névroptères abondaient également dans l'estomac. Neuf exemplaires pêchés en avril renfermaient surtout des larves de Névrop- tères (principalement des Palingena bilineata), quelques larves de Gyrins, de Dytiques et de Corises. Un exemplaire capturé en mai renfermait aussi beaucoup de Névroptères ; 58 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Au point de vue du transport, il est regrettable que, con- trairement aux recommandations écrites que j'avais adres- sées à l'expéditeur, on nous ait envoyé des sujets déjà un peu gros. Ce sont des Poissons d'environ dix-huit mois, mesurant de 0®,15 à 0,16 de longueur. Si, comme je l'avais demandé, on nous avait expédié des sujets de cette année, c'est-à-dire âgés seulement de six mois (la fraye des Pomoxys ayant lieu généralement en mai) et, par suite, ne dépassant guère 02,09 ou 02,065 de longueur, ils auraient, sans doute, beaucoup mieux supporté le voyage. Maïs, d'un autre côté, avec des Poissons de la taille de ceux que nous avons recus, on peut espérer, s'ils survivent, obtenir plus promptement des reproductions. J'ai, du reste, demandé immédiatement un nouvel envoi, composé, autant que possible, d’alevins de cette année, afin de réduire les chances de perte en route. Je désirerais aussi pouvoir me procurer, en même temps, des sujets de Pomozys Sparoides, en vue d'étudier compara- tivement les deux espèces. P.-S.— Depuis ia rédaction de la note qui précède, un nouvel envoi de Pomozxys annularis m'est parvenu, de New-York, le 18 décembre dernier, par le paquebot La Gascogne. Cette fois l'expédition comprenait seize Poissons de méme âge que ceux du précédent envoi, et généralement de taille un peu plus forte encore. Deux d’entre eux périrent pendant la tra- versée, et un troisième succomba dans le trajet du Havre à Fécamp. Les treize survivants, qui paraissens tous en bon état, ont rejoint dans leur bassin les premiers arrivés. Nous possédons donc actuellement dix-neuf sujets de cette espèce. mais, en l'absence de Palinçgenia, c’étaient les Agrions et les plus grandes espèces de Libellules qui dominaient, Cinq Crappies provenant de Peoria, en octobre 1878, el cinq autres, pêchés dans la même région, en octobre 4897, m'ont fait voir qu'en automne la nour— rilure est différente. Ceux-ci avaient mangé de petits Poissons : Cyprins et Acanthoptérygiens, lesquels rsprésentaient environ trente-neuf pour cent du contenu de l'estomac. Le reste consistait principalement en larves de Palin- genia. Il y avait aussi des larves de la grande espèce d’Hellzrammite (Coryda- lis cornutus). 1] y a lieu de remarquer que, bien que ces Pomsozys fussent pêchés à la seane et examinés immédiatement, l’estomac ne renfermait guère, comme volume, que Le quart de la nourriture qu’on trouvait chez ceux capturés au printemps. , - E 4 Te LES CULTURES SECONDATRES AUX ANTILLES IMPORTANCE DE LA CULTURE DU TABAC par Charles SATIS, Planteur (1). Depuis quelques années, tous les pays coloniaux produc- teurs de sucre traversent une crise terrible qui malheureuse- ment n’est pas près de s’éteindre. La Canne à sucre qui pendant tant d'années a fait la richesse de toutes ces contrées, ne donne pour ainsi dire plus de profit, et il a fallu que le planteur cherche ailleurs des moyens de subsistance. Parmi les colonies qui ont le plus souffert, il faut citer les Antilles. En effet, la Martinique et surtout la Guadeloupe ont vu leurs plantations de Cannes à peu près abandonnées, la misère est devenue générale et les deux colonies sœurs sont arrivées bien près de la banqueroute. Il ne faudrait pas croire cependant que cette situation soit tout à fait sans remède. Quelques planteurs plus prévoyants, ou pour parler plus exactement, plus riches que les autres, ont créé des planta- tions de Café et de Cacao qui sont maintenant très prosperes. La Vanille a été introduite dans les deux îles et donne de jolis bénéfices. Mais, toute médaille, si belle qu’elle soit, a un revers, et il est à craindre que le planteur, en voyant les prix élevés qu'atteignent sur les marchés les Cafés qu'il y envoie, ne veuille plus planter que du Café. C’est exactement ce qui s’est passé pour la Canne à sucre il y a nombre d'années ; la Canne donnant des résultats magnifiques, on n’a planté que de la Canne, et lorsque le prix en est devenu dérisoire, on n’a plus rien trouvé pour la remplacer, puiqu'il n'y avait rien d'autre de planté. Voilà justement ce que je voulais indiquer : le danger des monocultures. Il faut cependant bien se dire qu’un jour ou l’autre, jour que je désire le plus éloigné possible, il y aura surproduction, {1} Communication faite à la Section de colonisation le 9 janvier 4899. 60 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. et qui dit surproduction, entend abaissement des prix. J'ai dit tout à l'heure, jour le plus éloigné possible, et je crois en effet cette époque assez loin de nous. C’est peut-être une indiscrétion, mais grâce aux efforts de l’Union coloniale française, nous pouvons espérer que nos produits coloniaux entreront en franchise complète et lutteront victorieusement contre les Cafés, Cacaos. etc., venant des colonies améri- caines, espagnoles hier encore, américaines aujourd'hui : Porto-Rico et Cuba. L’abaissement des prix est certainement un argument puis- sant contre la monoculture, mais il faut ajouter aussi que seuls, ceux qui avaient des capitaux, seuls ceux qui pouvaient non seulement faire les frais d'une plantation, mais encore attendre pendant cinq ans la récolte, ceux-là ont pu entre- prendre de planter des Cafés ou des Cacaos. Aussi avons-nous assisté à bien des ruines de pauvres planteurs qui avaient trop présumé de leurs ressources pécuniaires, et la plupart se sont endettés pour le reste de leur existence. Il aurait fallu pouvoir trouver une plante dont la consommation soit presque infinie, demandant peu de travail et surtout peu de temps avant de procurer des bénéfices. Cette plante idéale, nous l’avons pourtant ; c’est le Tabac. Les îles rivales qui jusqu'alors ont fourni le Tabac, sont ruinées par une guerre malheureuse et ne se relèveront pas de longtemps. Les fabriques de Cuba sont détruites ainsi que les plantations ; le moment est donc propice. Là où la Canne à sucre demande dix-huit mois avant de muürir, le Tabac demande trois mois et peut donner quatre récoltes par an. La France achète à l'étranger 15 millions 500,000 kilog. de Tabac, et à part l'Algérie aucune colonie française n’en fournit à la métropole. Ces tabacs étrangers nous viennent des Etats-Unis, du Mexique, de la Colombie, du Brésil, de Cuba et de Porto-Rico, et ainsi que le dit très bien un insti- tuteur de la Martinique, M. Blerald dans un petit livre qu'il vient de publier sur la culture du Tabac : « Nous aussi, aux Antilles, nous pourrions produire les Tabacs recherchés par les manufactures françaises et créer ainsi un commerce nouveau avec la France qui certes aimerait mieux faire vivre ses propres enfants que des étrangers. » Il serait trop long de m'’étendre plus sur la culture de cette plante précieuse, je renverrai à l'ouvrage de M. Albert LES CULTURES SECONDAIRES AUX ANTILLES. 61 Larbalétrier, professeur de chimie agricole à l'École d'agri- culture du Pas-de-Calais et intitulé : Le Tabac, et surtout le petit livre de M. Blerald, dont je parlais tout à l'heure, et auquel je vais emprunter quelques chiffres, qui, je l'espère, achèveront de convaincre les plus incrédules. Le rendement est variable et dépend un peu de l'état du temps, beaucoup de la fertilité du sol, et de l’engrais employé. Ainsi, en Belgique, il varie de 3,000 à 5,000 kilog. à l'hectare, soit une moyenne de 3,700 kilog. Il sera prudent au début, de ne planter que quelques milliers de pieds, afin de bien se familiariser avec les procédés de culture et les manipulations qu'exigent la dessiccation, le triage, la fermentation et l’aro- matisation ainsi que l'emballage. L'expérience aidant, l’on pourra au fur et à mesure étendre ses plantations sans incon- vénient. D’après M. Blerald, même en se servant d'engrais chimiques relativement chers, et en prenant comme moyenne de vente le prix de 1 franc le kilog., il reste encore un béné- fice net de 1,760 francs par hectare. Cetteculture laissera donc au petit propriétaire un beau bénéfice, et n'exigera pas un bien gros capital, 5,000 francs étant largement nécessaires pour commencer et donnant un résultat immédiat. Il me reste en terminant à prier la Section coloniale de la Société d'Acclimatation, de faire tous ses efforts pour fournir aux planteurs des graines de Tabac provenant de Cuba, afin de planter autant que possible les mêmes variétés. Nous arriverons ainsi à relever les Antilles françaises, et à rouvrir pour ces iles merveilleuses une nouvelle ère de bonheur et de prospérité. 62 EXTRAITS ET ANALYSES. LES RELATIONS ENTRE LE JARDIN DES PLANTES ET LES COLONIES FRANCAISES. par M. A. MrixE Enwanrps (de l’Institut), Directeur du Muséum d'Histoire naturelle. Le Muséum d'histoire nalurelle possède des ressources inappré- ciables qui peuvent être utilisées au grand bénéfice de nos cultures coloniales. Déjà, en 1790, Daubenton « le chef des bergeries du roi», Lamark, Lacepède, Fourcroy, Brongniart et les autres Officiers du Jardin des Plantes appelaient l'attention du législateur sur les services que leur institution pouvait rendre à l'agriculture. La Convention nationale, par décret du 10 juin 1793, disait : « Le but principal du Muséum sera l’enseignement public de l’histoire na- turelle prise dans toute son étendue et appliquée particulièrement à l'avancement de l’agriculture, du commerce et des arts. » En 1794, la même pensée reparait dans le rapports de Thibaudeau : il veut « associer dans l’enseignement du Muséum la théorie à la pra- tique pour former des cultivateurs qui ne soient pas uniquement con- duits par une routine aveugle ». Ë Depuis sa fondation, en 1627, le Jardin des Plantes s’est préoccupé de favoriser le développement de l’agronomie en France et dans les colonies. Er 1710, il recoit d'Amsterdam un pied de Caféier, il le multiplie et, en 1720, il en envoie un exemplaire, ainsi que des graines, à la Martinique. Le capitaine des Clieux en.est chargé et, au cours du voyage, il partage avec l’arbuste précieux sa modique ration d’eau potable, Ce fut le père des innombrables Caféiers des Antilles, et déjà, en 1776, Saint-Domingue exportait 15,000 kilogrammes de Café et, en 1789, 25,000 kilogrammes. Vers le milieu du xvui® siécle, la France fit des efforts considérables pour s'assurer la possession des arbres à épices dont Les Portugais et les Hollandais gardaient jalousement le monopole, et à l’instigation de Poivre, intendant de l’Ile de France, plusieurs expéditions furent, dans ce but, envoyées à l'archipel Indien. De 1769 à 1772, des Muscadicrs, des Girofliers, des Canneliers, des Mangoustans, des Sagoutiers, obtenus à grand’peine, furent plantés à l'Ile de France et bientôt Poivre en possédait assez pour demander au duc de Praslin, Ministre de la Marine, d’en essayer la culture à la Guyane. Céré, nommé, en 1775, directeur du jardin de l’Ile de France, conti- pua l'œuvre de Poivre; il se mit en relations avec les naturalistes du Jardin du Roi, Buffon, Daubenton, Thouin, Lamark, devint un des cor- EXTRAITS ET ANALYSES. 63 respondants actifs de cet établissement, et s'il put expédier à Cayenne un grand nombre de végétaux précieux qui y prospèrent, c'est qu'ils trouvaient au Jardin des Plantes les soins necessaires, lors de leur pas- sage en France. Aussi,en juillet 1793,le Jardin national de Cayenne avait-il distribué plus de 2,000 Girofliers, Canneliers, Arbres à pain, etc. Il lui en res- tait encore 77,000 disponibles, sans compter une pépinière d'environ 80,000 Girofliers. Quelques années plus tard, en 1608, on recueillait dans la colonie 55,000 kilogrammes de Girofles. L’Arbre à pain rapporté par La Billardière et de La Hayes, fut confié au Jardin des Plantes qui le remit, en 1798, à Joseph Martin, direc- teur des cultures coloniales à Cayenne. Il s’y multiplia si bien que dix ans après on en possédait 2,700 pieds. La Guyane, dit Joseph Martin, « est une lerre de promission pour les arbres à épiceries et pour toutes les autres espèces de végétaux des tropiques et de la zone torride qu’on voudra y cultiver (1) ». - Quand ce naturaliste revint en France, en 1802, il rapportait au Mu- séum plus de 10,000 arbres et arbustes appartenant à 1,800 espèces et. à 180 genres dont les trois quarts étaient inconnus, quatre caisses de graines de 12,600 espèces qui n'étaient jamais venues en Europe, des herbiers, des bois, etc., le tout formant un ensemble de 252 caisses. Malheureusement, le navire qui le portait fut capturé à l'entrée de la Manche par deux corsaires de Jersey ; J. Martin fut jeté en prison et le fruit de tant d'efforts fut perdu pour son pays. En même temps qu'il s’enrichissait par les dons venus de nos pos- sessions d’ outre-mer, le Muséum distribuait, en France et au loin, des graines de toutes sortes. En 1800, les colonies en recurent plus de 16,000 sachets et autant l’année suivante. Dans la seconde moitié de ce siècle, le nombre des plantes distri- buées gratuitement est tellement considérable que, s’il ne s'agissait pas de chiffres officiels ne prêtant pas au doute, on aurait peine à y croire. En 1858, le Muséum faisait plus de mille envois à des établisse- ments publics, à des savants, à des jardiniers et cultivateurs, à des employés de l'État, à des amateurs. De 1864 à 1866, il mettait en dis- tribution 237,000 jeunes arbres où arbustes, plantes de serre, tuber- cules, greffes ou sachets de graines. Parmi ces graines, je citerai celles du Quinquina officinal destinées au Jardin de l’île Bourbon et de la Martinique. Grâce à ces libéralités, le Jardin des Plantes a répandu en France. ou dans les colonies beaucoup de végétaux utiles ou d'ornement Je citerai les suivants : En 1634, Acacia commun, Pobinia pseudoacacia. -1656, Marronnier d'Inde, Œsculus hypocastanum. 1753, Cèdre du Liban, Cedrus Liban. : _ (4) Annales du Muséum, t. XH, p. 463. 64 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. En 1756, Sophora du Japon, Sophora japonica. 1760, Pin de Corse, Pinus Laricio. 1780, Planera du Caucase, Planera crenata. 1788. Faux vernis du Japon, Atlanthus glandulosa. 1790, Mûrier à papier, Proussonetia papyrifera. 1790, Plusieurs espèces de Frênes d'Amérique, d'Érables, de Tilleuls provenant des envois de Michaux. 1814, Virgilia à bois jaune, Virgilia lufea. 1816, Marronnier à fleurs rouges, Œsculus rubicunda. 1816, Maclure orangé, Maclura aurantiaca. 1821, Mûrier multicaule, Worus multicaulis. se rovenant Mûrier de l’Inde, Morus indica. P de intermédiaire, 2n{ermedia. Perrottet. 1827, Araucaria du Chili, Araucaria imbricata. 1834, Cèdre de l'Himalaya, l'edrus deodora. 1834, Paulownia du Japon, Paulownia imperialis. Plusieurs arbustes ou fleurs de pleine terre aujourd’hui très répan- dus proviennent des pépinières du Muséum. Tels sont : Le Dahlia. L'Œnothera speciosa, etc. Le Pavot à Bractées. Le Cognassier de la Chine. L'Escholtzia. Le Pommier à fleurs rouges de Le Coreopsis tinctoria. la Chine. Le Clarkia. Le Groseillier sanguin. Les plus belles Pivoines. Le Groseillier à fleurs jaunes. La plupart des Asters, des Plusieurs Berberis et Mahonia. Phlox, des Iris. Le Tamarix indica. Les beaux Lupins d'ornement. Les plantes économiques n'ont pas été négligées ; de 1810 à 1814, quarante-cinq variétés de Pommes de terre obtenues de semis ont été produites. Ce sont les premiers essais de ce genre faits pour mul- tiplier cette plante importante. La Patate a été longtemps cultivée au Jardin avant d’être largement répandue. Le Polygonuwm tinclorium est sorti des cultures du Jardin. Le Lin de la Nouvelle-Zélande (Phormium tenaz), lOrtie de la Chine (Urtica nivea), ont la même origine. A mesure que notre domaine colonial s'étendait, les demandes de plantes et de graines devenant plus nombreuses, la chaire de Culture s'est mise en mesure d'y répondre. Au moment de l'expédition de Madagascar, le Muséum s’est préoc- cupé de faire connaître au public les productions de cette grande île etil a organisé une exposition des animaux, des plantes et des miné- raux madécasses. A l'aide de cartes géographiques et de photogra- phies, il était facile de se rendre compte de la configuration du pays et de la variété des populations qui l'habitent. Cette exposition, qui EXTRAITS ET ANALYSES. 65 est restée ouverte pendant une année, a été visitée par 300,000 per- sonnes. En même temps, des conférences spéciales, faites dans le grand amphithéâtre, servaient à compléter les renseignements et à éclairer nos compatriotes sur les ressources des territoires dont la France pre- nait possession. Depuis cette époque des relations suivies se sont établies entre la ,Colonie et le Muséum; non seulement des plantes utiles ont été en- voyées à Tananarive, mais le Général Gallieni a donné ordre aux fonctionnaires chargés de l'étude du pays d’adresser à notre établis- sement les objets d'histoire naturelle qu'ils recueillent, animaux, plantes ou minéraux. Ils sont étudiés dans nos laboratoires et un compte rendu de cet examen est communiqué au Gouvernement. * Le 18 octobre 1898, on put lire dans le Jowrnal Officiel de Madagas- car les lignes suivantes : « Le Muséum d'histoire naturelle vient de manifester l'intérêt qu’il porte aux découvertes minéralogiques de la » colonie en décidant de publier, dans son Pulletin, la description des » minéraux et des roches éruptives de Madagascar, au fur et à mesure » que les échantillons lui parviendront. Il consacre dans son Bulletin, > n° 6 (année 1898), un premier article à l'examen de ceux qui lui ont » été adressés l’an dernier par M. Prince, pharmacien des colonies. > Nous croyons utile de le reproduire ?# extenso. » Le résident de la Grande-Comore a eu souvent recours au Muséum, pour obtenir des renseignements sur les cultures qu'il introduisait dans l’île. En 1889, il y transportait trois pieds de Gutta-Percha, hauts de quelques centimètres et qu’il s’était procurés à grand’peine ; l’un d'eux, planté au bord de la mer poussa fort mal, il en fut de même pour un autre à 500 mètres d’allitude ; mais le troisième, placé dans un terain favorable à 250 mètres d'altitude, prit un développement inattendu, et, au bout de six ans, il avait plus de 6 mètres de haut etses branches pouvaient porter un homme {1). C'était là un succès d’autant plus imprévu que la Grande-Comore est en dehors de la zone où la culture des Isomandra avait été recommandée. Des objections furent faites par des botanistes très compétents : l'arbre à Gutta de la Grande- Comore était-il le véritable Zsonandra guita ? N’était-ce pas une espèce voisine ne donnant que des produits inutilisables ? Le directeur du Muséum obtint alors de M. Humblot des rameaux de ces arbres et les soumit à l'examen de M. Guignard, membre de l’Institut, qui à l’aide de préparations microscopiques du tissu des feuilles, put reconnaître que l’Zsonandra de la Grande-Comore offrait tous les caractères d'un arbre à Gutla d'excellente qualité. Il y avait donc tout avantage à le répandre largement, mais il était impossible d’avoir, dans nos établissements horticoles, des plants d’Zsonandra. M. Guignard en possédait un pied dans les serres l'Ecole de pharmacie La (1) Bulletin du Muséum, 25 mai 1897. Bull. Soc. nat, Accl. Fr. - 1899, — 5. 66 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. et avec beaucoup de peine, il parvint à en obtenir des boutures (1). C'est un résultat important qui permettra de multiplier facilement ces arbres si rares. Les détails qui précèdent montrent la part que le Muséum a prise au développement économique de nos colonies, mais il peut faire plus encore ; les ressources qu’il possède le lui permettent sans modifier l'orientation de ses études, sans porter atteinte à son caractère scien- tifique. Il est, avant tout, un établissement d'enseignement supérieur ; ses immenses Collections, ses nombreux laboratoires, ses cours, ses ménageries, ses cultures sont conçus de facon à comprendre toute l'histoire de la nature dans son acception la plus large et la plus éle- vée. Ses fondateurs ont voulu en faire « la métropole des sciences na- turelles ». Tel qu'il est organisé, il peut répondre avec une incontes- table compétence à la plupart des questions qui lui seront posées sur la nature de la flore d’un pays, sur la possibilité d'introduire, dans une de nos colonies, des espèces végétales propres à d’autres régions, sur l'extraction et l’utilisation des principes actifs des plantes, sur les parasites qui déterminent leurs maladies, sur la composition du sol, sur les amendements nécessaires aux cultures, etc. Le Muséum est bien dans son rôle, en soumettant à une étude scientifique les divers problèmes à résoudre; il sortirait de ce rôle et il s’engagerait dans une voie fâcheuse s’il cherchait à appliquer et à réaliser les procédés qu'il recommande, surtout s’il voulait devenir un instrument de production économique, et faire de ses serres des établissements de multiplication horticole. obligés de répandre par centaines et par milliers les jeunes plants réclamés par nos colons. Ce sont les Jardins d'essai ou ceux du commerce libre auxquels il appartient d’en assurer la production, après que le Muséum aura fait connaître les avantages qu'on peut en attendre, les conditions nécessaires à leur développement et les meil- leurs procédés de culture. De nos serres pourront seulement sortir les espèces sur lesquelles on est en droit de fonder des espérances et dont la propagation est désirable. Ce n’est pas dans nos laboratoires que doivent être faites les analyses de terre, d'engrais ou les dosages nécessaires pour déterminer la richesse de telle ou telle espèce en pro- duits immédiats utiles. Ces recherches sont faciles, elles demandent un outillage spécial et elles peuvent se faire convenablement sans re- courir à des chimistes éminents. S'il s’agit, par exemple, de déterminer la teneur en sucre des jus de Cannes ou celle en quinine des écorces du Quinquina, c’est dans les centres de production que ces essais doivent s'effectuer. Le Muséum interviendra pour l'examen de toutes les questions nou- velles ou difficiles à résoudre, et pour tracer les voies à suivre. En s’assurant sa collaboration scientifique, on pourrait, sans grever le budget de l'Etat de lourdes dépenses, organiser un service colonial de (1) Bulletin du Muséum, 29 mars 1898. EXTRAITS ET ANALYSES. 67 consultation et d’information des plus utiles. Il suffirait de faire appel au dévouement des professeurs du Muséum qui, tous, sont prêts à donner leur temps et leur science dans l'intérêt de la prospérilé de nos possessions. Plusieurs chaïires apporteraient un concours efficace : ce sont surtout celles de Culture, de Botanique phanérogamique et de Botanique cryp- togamique, de Physiologie végétale, de Physique appliquée à l’agri- culture, de Chimie organique, de Zoologie pour l'étude des Insectes nuisibles, de Géologie et de Paléontologie. La chaire de Culture a, de longue date, droit à la reconnaissance de nos colons. C’est pour répondre à leurs besoins que, depuis plusieurs années, le professeur, M. M. Cornu, a orienté son enseignement, trai- tant successivement, dans ses cours, des cultures en Asie, en Océanie, en Amérique et en Afrique. Bien que nos serres et nos plantations aient été créées dans un but exclusivement scientifique, elles ont fourni à nos agriculteurs des colonies des indications précieuses, et elles ont pu mettre à leur disposition des espèces végétales impos- sibles à se procurer ailleurs. On a pu y faire des essais intéressants réclamant une surveillance attentive. Avant de mettre en valeur des terres vierges, le premier soin à prendre est de rechercher les plantes indigènes et de bien connaître leur distribution suivant la nature du sol et l'altitude, la sécheresse ou l'humidité. La végétation spontanée d’un pays renseigne sur ce qu'on peut lui demander au point de vue agricole. En Tunisie, c’est à la suite des études du docteur Cosson démontrant l'existence de quatre zones de végétation, qu'on a pu établir les cultures propres à chacune d’elles, et prévenir des échecs inévitables et très onéreux. C’est pour fournir ces renseignements que le Muséum a entrepris l'étude des flores coloniales. C’est seulement à l’aide de ses herbiers qu'une pareille œuvre peut être menée à bonne fin- Les Jardins d’essai n’auront d’effet utile que si les plantes qui y sont cultivées sont examinées scientifiquement et exactement nommées. N'oublions pas que c’est par suite d’une erreur dans la détermination des Arbres à quinquina introduits à Java que toutes les planiations déjà faites dans cette île ont dû être arrachées et recommencées à grands frais. C’est par une élude à la fois botanique et chimique que les Hollandais se sont assuré le marché de quinquina en produisant des écorces donnant 10 et même 12 0/0 de quinine et provenant du Calysaya ledgeriana. La France seule leur en achète plus de 6 mil- lions de kilogrammes. M. le professeur Bureau s’est beaucoup préoccupé de fournir des élé- ments d’information aux botanistes qui étudient la flore de nos colonies. Indépendamment de l’herbier par famille où chaque plante est rangée à la place assignée par la méthode naturelle, il a préparé des séries spéciales ou géographiques qui sout indispensables pour l'étude de la flore d’une région. TM TN EN Es N ! PORTE VE PAT 68 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Voici quels sont ces herbiers : Tonkin. — Collecteurs principaux : Balansa, le l'ère Bon, Brous- miche. — M. Franchet, répétiteur à l'École des Hautes-Études, est chargé de la flore. Cochinchine, Laos. — Collecteurs principaux : Harmand, Godefroy, Pierre, elc. — M. Pierre, ancien directeur du Jardin de Saïgon, est chargé de la flore. Il vient de publier le 2% fascicule d’un grand ou- vrage in-folio intitulé : Flore forestière de la Cochinchine. Inde française. — Collecteurs principaux : Perrottet, Lépine. — M. Léveillé, ancien professeur au collège de Pondichéry, étudie cette flore. Algérie. Tunisie. — L'herbier est considérable et renferme les plantes de nombreux collecteurs. La flore est en voie de publication. M. le D' Cosson a fait paraître deux volumes de la flore d'Algérie. Depuis sa mort, l'ouvrage est continué par son petit-fils, M. E. Du- rand, avec l’aide de collaborateurs. Le catalogue des plantes de Tunisie a été publié par M. le D' Bon- net, préparateur au Muséum. Obock. — Collections faites par MM. Faurot et Devau. Le catalogue est dû à M. Franchet. Sénégal, Guinée, Soudan francais. — Collecteurs principaux : Per- rottet, Leprieur, Heudelot, Richard, Thiébaut, Collon, Bellamy, Talmy, Derrien, Paroisse, Dybowski, Miquel, Maclaud, Hourst, etc. Côte d'Ivoire, Dahomey. — Collecteurs principaux : Pobéguin, le Père Ménager. Congo, Gabon. — Collecteurs principaux : Griffon du Bellay, Aubry- Lecomte, le commandant Masson, le R. P. Duparquet, Jacques de Brazza, Soyaux, Swebish, Thollon, le R. P. Claine, Dybowski, Mgr Leroy, Lecomte, etc. M. Hua, licencié ès sciences naturelles, préparateur à l'École des Hautes-Études, est chargé des herbiers et des flores de la côte occi- dentale d'Afrique. Il a déjà publié plusieurs mémoires. Madagascar. — Collecteurs principaux : Flacourt, Boivin, Richard, Boyer, Grevé, Le Myre de Vilers, Humblot, le Révérend Barc:, Catat, Grandidier, de la Bathie, Bernier, Bréon, Hildebranü!t, Douliot, Lantz, Deans, Cowan, Scott Elliot, etc. L'herbier de Madagascar du Muséum est de beaucoup le plus riche qu’on connaisse. Il a servi de base à la partie botanique du grand ou- vrage de M. Grandidier. M. Baïillon a fait paraître neuf volumes de planches in-4°. Depuis sa mort, M. Drake del Castillo continue le tra- vail et a publié deux volumes. Comores. — Collecteur : M. Humblot. L'étude n'est pas encore commencée. La Réunion. — Collecteurs principaux : Bernier, Richard, Boivin, Gaudichaud, Du Petit-Thouars, Bréon, Frappier, G. de Lisle, Jacob de Cordemoy. EXTRAITS ET ANALYSES. 69- La flore, rédigée par M. J. de Cordemoy, a paru. Elle a été imprimée à la Réunion, aux frais du Conseil général. Ile Saint-Paul, Ile d'Amsterdam. — Collecteur : G. dé Lisle. Les Cryptogames ont été décrits par des spécialistes. Jles Saint-Pierre et Miquelon. — Collecteurs principaux : de la Py- laie, Delamarre, Léon Bureau. Le catalogue a été publié par M. le D' Bonnet. Antilles francaises. — Collecteurs principaux : Plée, Leprieur, Lher- minier, Duchassaing, Picard, Mazé, Sieber, Bélanger, Coudreau, Hus- not, Hahn, le R. P. Duss. Ce dernier a fait paraître la flore dans les Annales de l’Institut colo- nial de Marseille, mais d ques son propre herbier seulement. Il y aura beaucoup à ajouter. M. J. Poisson, assistant au Muséum, est chargé de l'herbier des Antilles françaises. Guyane française. — Collecteurs principaux : L.-C. Richard, Plée, Leprieur, Melinon, Sagot, Rech, Crevaux, Huet, etc. M. le D' Sagot rédigeait cette flore (il a publié un commencement de catalogue dans les Annales des sciences naturelles, et a laissé deux volumes de manus- crits. Depuis sa mort. M. Drake del Castillo a repris pendant quelque temps ce travail, mais il a dû l’interrompre pour se donner tout entier à la flore de Madagascar. Nouvelle-Calédonie. — Collecteurs principaux : La Billardière, Vedel, Paucher, Vieillard, Deplanche, Beaudouin, Thiébaut, Balansa, Ger- main, Brousmiche, etc. Herbier très beau et très riche. Il a servi aux études d’Ad. Bron- gniart et d'A. Gris, et aujourd’hui il sert à celles de M. Ed. Bureau, professeur au Muséum, qui s’est chargé de la flore. Une dizaine de familles sont publiées. Un nombre considérable de plantes vivantes ont été décrites par M. Baillon. Polynésie francaise. — Iles de la Société, Marquises, Pomotou, Gambier, Wallis. — Collecteurs principaux : Dupetit-Thouars, Mercier, Lespine, Vesco, Morenhout, Paucher, Nadeaud, etc. La flore, par M. E. Drake del Castillo, a paru. Les herbiers se conservent très mal dans les pays chauds, ils y sont exposés à de nombreuses causes de destruction. Il n’est pas mauvais que ies Jardizs botaniques coloniaux cherchent à former des collec- tions de ce genre, mais il est cerlain qu'ils ne pourront pas les déter- miner ; il leur faudrait pour cela une bibliothèque très coûteuse, en raison de la multitude de publications à consulter et, de plus, sinon un herbier général, du moins un herbier type de toutes les régions chaudes du globe pouvant fournir des termes de comparaison. À Paris, même, il nous arrive parfois de manquer d’un échantillon type ou d’un ouvrage nécessaire. Le seul moyen pour les directeurs de Jardins colo- niaux d’avoir des plantes bien nommées, c’est de recueillir ou de faire recueillir chaque espèce en double exemplaire, d'en envoyer un au 70 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Muséuuw et de garder l’autre en donnant à tous les deux le même nu- méro. L'herbier, ainsi numéroté, sera soumis, à Paris, au botaniste chargé de la flore correspondante, c'est-à-dire à l'homme le plus com- pétent, qui en donnera les déterminations. Le travail de reconnais- sance des plantes, ainsi divisé, devient praticable, même lorsqu'il s’agit d'espèces nombreuses. Ce procédé a, de plus, l'avantage de centraliser les renseignements et de rendre aussi complète que possible la rédac- tion de nos flores coloniales qui, sans cela, manqueraient de docu- ments importants. C’est à Paris seulement que se trouvent les res- sources bibliographiques indispensables; c'est là aussi que sont les termes de comparaison et tous les anciens herbiers faits dans nos pos- sessions françaises depuis plusieurs siècles. Une collection unique des végétaux fossiles, comprenant des séries considérables du terrain houiller, permet de reconnaître l’âge des charbons de terre des divers gisements. Celte collection, formée au Muséum par M. Adolphe Brongniart, a été considérablement aug- mentée par son successeur. Une école de botanique renfermant près de 11,000 espèces sert de complément aux herbiers. La recherche des principes immédiats des plantes, que ce soient des alcaloïdes, des résines, des sucres ou d’autres produits, ne peut, dans beaucoup de cas, être confiée qu'à d’habiles chimistes. Les ré sultats obtenus sur l'opium, le quinquina et la coca ont eu des consé- quences imprévues et beaucoup de plantes exotiques recèlent des ma- tières actives que l’on n’a pas encore su extraire. C’est dans le laboratoire de chimie organique du Muséum que Cloëz a découvert cette huile des graines de l'Oleococca vernicia, l'oléomar- garine, qui, liquide à la température ordinaire, devient solide sous l'influence de la lumière, sans changer de composition ; les acides gras que l’on peut en extraire subissent les mêmes modifications : aussi considère-t-on l’oléomargarine comme l'huile la plus siccative, laissant loin derrière elle l'huile de lin employée en si grande quantité pour la peinture. En Chine et au Japon, elle sert à la préparation des laques. M. Arnaud, le professeur qui succéda à M. Chevreul dans la chaire de chimie, a trouvé une graisse, qui se rapproche beaucoup de la stea- rine du suif de Mouton, dans les graines d’un arbre de l'Amérique centrale, le Tariri. Cette graisse fournit un acide gras solide, ressem- blant à l’acide stéarique qu’il pourrait remplacer dans la fabrication des bougies, car il a le même point de fusion. L’Oleococca et le Tariri seraient avantageusement cultivés dans nos colonies. Le premier est un arbre de la taille de nos grands Pom- miers ; il peut fournir chaque année de 3 à 500 kil. de graines renfer- mant plus de 40 0/0 de graisse. Le Tariri est un arbrisseau de très facile culture qui donne aussi une grande quantité de graines. EXTRAITS ET ANALYSES. 7 M. Arnaud a récemment indiqué ce qu’on pourrait demander aux Strophantus si répandus en Afrique; il a fait connaître les différentes strophantines entrées pour la plupart dans la thérapeutique actuelle, Le même chimiste a isolé la tanguinine du tanguin employé comme poison d’épreuve à Madagascar. C’est une substance qui, par ses pro- priétés physiologiques, peut être comparée à la digitaline, et elle aura certainement un rôle comme médicament cardiaque. M. Bertrand, l’un des aides de M. Arnaud, a fait une étude des plus intéressantes sur le Café de la Grande Comore, démontrant que les grains de l’espèce indigène (Cofta humblotiana), ne contiennent pas de caféine. Les recherches de M. Maquenne, professeur de physique appliquée à l’agriculture, sur les sucres, celles de M. Dehérain sur les éléments assimilables du sol, prouvent l'utilité qu'il y aurait à s'assurer leur col- laboration. La mise en culture rationnelle de nos possessions coloniales sup- pose. entre autres choses, la connaissance du sol. L’ignorance de sa composition peut être comptée au nombre des causes les plus cer- taines d’insuccès. Chaque plante exige une nourriture spéciale, et toutes les terres ne renferment pas tous les aliments dont les végé- taux ont besoin. De telle sorte que l’absence constatée de quelque principe nécessaire dispenserait de tentatives presque toujours oné- reuses et sans espoir de réussite. C’est ainsi que les plantes à sucre demandent du phosphate de chaux, les Tabacs de la potasse. Si ces principes manquent, il serait inutile de tenter leur culture, de quelques soins qu'on les entourât et même si le terrain présentait d’autre part, une série de conditions favorables. Aussi ne devra-t-on appliquer aux essais agricoles que des sols dont les caractères seront bien connus. C’est à la suite d’études sérieuses qu’on a choisi, dans les Indes anglaises, pour y planter les Quinquina, des territoires dont le sol pré- sentait la même nature, la même composition que ceux où, dans leur patrie, les Arbres à quinquina poussent spontanément. Une prudence analogue préside au Congo à des cultures de Caout- chouc et dans divers pays à celles du Cotonnier, du Caféier et d’autres plantes. Le professeur de Géologie, M. Stanislas Meunier, a souvent insisté sur les rapprochements qu’il y a lieu d’établir entre les cartes agricoles et les cartes géologiques d’une région. Les teintes qui marquent l’exis- tence de telle ou telle couche et celles qui indiquent l’espace occupé par telle ou telle plante sont souvent exactement superposées. C’est l'étude stratigraphique et paléontologique d’un sol qui peut amener la découverte de gisements de marne, de pierre à plâtre, de phosphate de chaux, de nitrate de scude et d’autres roches pouvant servir à enrichir une terre pauvre. La trouvaille des gîtes de phosphate de chaux en Tunisie, si fruc- tueusement exploités, peut être citée à l'appui de Cette assertion. 72 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. C'est en examinant, dans les laboratoires du Muséum, les fossiles recueillis par M. Gauthier aux environs de Tulléar, qu’or a reconnu là une couche géologique riche en calcaire et favorable aux cultures forestières. Récemment, on considérait la côte orientale de Madagascar comme exclusivement formée par des terrains primitifs ou cristallins. L'étude de fossiles, envoyés des environs de Tamatave, nous a montré qu'il existait là des formations calcaires dont l'exploitation, au point de vue agricole, est des plus désirables. Dans toutes les grandes cultures où les plantes de même espèce poussent très rapprochées, les maladies se développent avec une rui- neuse rapidité : elles sont dues surtout à des Cryptogames, à des In- sectes ou à des Vers. L'étude en est particulièrement difficile et ne peut être suivie que par des spécialistes armés des moyens d’investi- gation les plus parfaits. Deux des professeurs du Muséum, M. Van Tieghem et M. Cornu, par la connaissance approfondie qu’ils ont de ces questions de cryptogamie, sont à même de donner d’excel- lents avis. € Pour ce qui concerne les ravages dus aux Insectes, le professeur d'Entomologie, M. Bouvier, est souvent utilement consulté et plusieurs fois son service a été mis à contribution. C’est un des assistants, M. Kunckel d'Herculais, qui, pendant cinq années de suite, a été en- voyé en Algérie pour organiser les moyens de protéger les cultures contre les attaques des Criquets. Un autre des assistants, M. C. Bron- guiart, a rempli une mission analogue et, en ce moment encore, la République Argentine a prié le Muséum d'autoriser M. Kunckel à aller combattre chez elle les mêmes ennemis. A la demande de l’Union coloniale, M. Bouvier a recherché quels étaient les parasites de la noix de Kola et, par une série d'expériences, il a montré comment on pou- vait détruire les larves de Charançon qui les dévorent ; il s’est assuré que d’autres Insectes appartenant au groupe des Teignes, attaquaient aussi ces noix. Je citerai encore ses recherches faites sur les animaux qui détruisent la Guitta-Percha, sur les Mouches parasites des Criquets, sur les parasites de la Canne à sucre. Cet exposé suffit à montrer que la plupart des éléments d’informa- tion, nécessaires au développement de nos cultures coloniales, se trouvent au Muséum d'histoire naturelle dont les professeurs seraient heureux de prêter un concours désintéressé à ceux qui feraient appel à leurs connaissances spéciales ; les relations les plus heureuses pourraient ainsi s'établir entre eux et les Jardins d’essai coloniaux (1). (1) Extrait de la Revue des Cultures coloniales, n° 20, 5 janvier 1899. BU LLETIN DE LA DEF RANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) 452 ANNÉE MARS 1399 SOMMAIRE Y-SAINT-LOUP. — Qu'est ce qu’une bonne espèce ? à propos du Dolichofis abbé A. CHARRUAUD. — Le Cardinal de Virginie (Cardinalis cardinalis) son élevage _ dans le Midi de la France (sutte)......... MEN 7 Lan fat alien De 20 Eee ta A le . DELAVAL. — Reproduction de l’Écrevisse à pattes rouges observée dans un ue d'appartement. ............ RAR CS Roi °.°°e9%9005s00r2°0+ - + NOTE ATUOMALE DACCUNATATON Le Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions ê mises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. DDR Dm Un numéro 2 francs; pour les membres de la Société 4 fr.. 50 à) DE > — AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET À LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE Le Bulletin paraît tous les mois. DÉSINFECTANT ; ANTISEPTIQUE scientifiquement démontrée, l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Corrosif. Hémostatique et Styptique puissant. Adopté par les Ecoles Nationales Vétérinaires, le Service de Sanf£ de l'Armée, la Préfecture de la Seine et la plupart des Services d'Hygiène et de Désinfection des Départements. Reconnu indispensable dans la pratique vétérinaire. 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Sur demande envoi franco du Catalogue — TELEPHON EAU MINÉRALE GAZEUSE, déclarée d’'INTERET PUBLIC Décret du 7Avri|1888) BUSSANG ANEMIE, GASTRALGIE, COLIQUES NEPHRÉTQUES, GRAVELLE, ARTHRITISME RECONSTITUANTE, mdquédastoutesls CONVALESCENCES QU'EST-CE QU'UNE BONNE ESPÈCE ? A PROPOS DU DOZICHOTIS SALINICOLA (Burx.) par REMY SAINT-LOUP (1). « Je reçois de M. Carlos Berg la communication qu'il a présentée au Muséum national de Buenos Aires à la date au mois d'août 1898, relativement au Dolichotis salinicola. D'après ce document, je vois que Burmeister a considéré le Dolichotis salinicola tantôt comme une espèce distincte, tantôt comme une variété de l'espèce fondamentale admise : Dolicholis patagonica. Je m'étonne qu'il soit possible de changer les classifications plutôt par caprice que par convic- tion scientifique ! (nds bien por capricho que por convic- ciôn cientifica). Avec les éléments d'appréciation que je possède, j'ai la con- viction scientifique que D. salinicola et D. patagonica sont deux variétés d’une méme espèce et il me faudrait au moins les documents de M. Carlos Berg pour modifier cette opinion. Maïs je demande à MM. les Natfuralistes du Muséum de Buenos Aires s’ils ne sont pas d'avis que les discussions sur la distinction des espèces demeureront stériles tant que l’'en- tente ne sera pas faite par un Congrès pour établir ce que si- gnifie Espèce ou Bonne Espèce en Zoologie ou en Biologie. Ne serait-il pas opportun de prendre l'initiative d’un pareil Congrès profitable à l'avancement de la science (2)? » | * * * À la note qui précède, M. Carlos Berg a répondu en main- tenant son idée de distinction spécifique, mais sans paraître disposé à admettre qu'il soit désirable de traiter devant un (1) Communication présentée à la Section des Mammifères le 6 mars 1899. (2) Comunicaciones del Museo nacional de Buenos-Aires, t. 1, n° 2, p. 43, 17 décembre 1898, Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899, — 6. 74 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Congrès la question importante de la définition de l’Espèce. Je crois devoir alors énoncer les réflexions qui suivent : Je ne puis laisser croire à M. le professeur Carlos Berg, que je veuille rompre des lances parce que, contrairement à mon avis, les Dolichotis salinicola et palagonica seraient deux espèces distinctes. Mais je suis attristé de voir que les naturalistes, au lieu de se mettre d'accord sur la signification des termes qu’ils emploient, préférent laisser subsister des incertitudes de définitions, et ne croient même pas qu'il soit possible d'arriver à une définition acceptable. Il est inutile que je m'applique à exposer toutes les raisons qui rendraient désirable une entente générale sur la signifi- cation du mot : Espèce ; tous les biologistes savent combien de questions difliciles seraient soulevées par l'étude des faits qu'il faudrait considérer pour arrêter le sens de cette expression, mais j'ai déjà souvent constaté que beaucoup de naturalistes ne veulent pas que l'expression soit définie, pour qu'il n'y ait pas de limite à leur plaisir de découvrir et de distinguer des espèces. Le cas particulier du Dolicholis patagonica ne m'intéresse pas d'une maniere spéciale ou exclusive, mais il montre combien, dans l'incertitude actuelle des termes, une question de distinction d'espèce est insoluble, et j'ajoute que nous devrions faire des efforts pour que, dans un cas sembiable, nous soyons pourvus d’une méthode rigoureuse afin de nous prononcer scientifiquement. M. Carlos Berg invoque l'autorité de M. le D' Eduardo L. Holmberg, de M. Oldfield Thomas, de M. P. Matschie, pour soutenir que D. salinicola et D. patagonica sont deux espèces distinctes. Comme je suis d’un avis contraire et que je sou- tiens qu'il s’agit de deux variétés d’une même espèce, j'in- voque l'autorité de Burmeister, on plutôt son hésitation. Par considération pour mes honorables contradicteurs, dois-je m'incliner et abandonner ma conviction ? Assurément ce serait de la politesse, mais on serait en droit de me dire qu’en matière de discussion scientifique, on ne doit avoir la poli- tesse et la raison de céder devant des savants que lorsque leur démonstration est sans défauts. Et je trouverai des défauts à leur démonstration tant que nous ne serons pas d'accord sur la signification du mot Espèce, c'est-à-dire sur un terme dont l'éclaircissement est Mere: QU'EST-CE QU'ENE BONNE ESPÈCE ? T5 d'une importance fondamentale, pour que la philosophie des sciences naturelles puisse s'exprimer et se dégager clairement des faits que l'étude accumule. Mes savants contradicteurs admettront-ils le critérium de la séparation physiologique, celui de la séparation chimique des espèces suivant une thèse que j'ai défendue ? Il est pro- bable que non, et je n'ai pas à m'insurger contre leur refus, mais je dois me refuser aussi à admettre des distinctions spé- ciliques basées sur l'observation de caractères morpholo- giques arbitrairement choisis et dont la constance n'est pas démontrée. M. Carlos Berg comprendra, j'en suis certain, que, dans ce qui précède, je ne cherche pas un prétexte ou une raison de pôlémiques. Il m'a seulement paru nécessaire d'établir par les réflexions précédentes pourquoi je pensais que les discus- sions relatives à l'espèce resteraient stériles tant qu'elles se- raient engagées seulement entre deux adversaires, et pourquoi un Congrès chargé d'étudier cette question me paraissait désirable. C’est prononcer d’avance la condamnation de ce Congres, que de déclarer au préalable comme M. Carlos Berg, quil soit douteux que l'on arrive ainsi à un résultat satis- faisant. Est-il donc préférable que les naturalistes se divisent en deux camps, et que dans chaque camp, on ne tienne pas compte de ce qui se fait dans l’autre ? Je ne puis le croire, et je persiste à penser, comme précédemment, que nous devons chercher à travailler en commun pour le progrès des sciences naturelles. LA CHÈVRE A PARIS (i) par J. CREPIN. De l’intéressante enquête ouverte, il y a quelques années, par la Société d'Acclimatation sur l’industrie chevrière en France, il ressort, avant tout, un fait : c’est l'indifférence du public pour la Chèvre, cette « Vache du pauvre », si produc- tive, si facile à nourrir, si précieuse par la salubrité, les ver- tus reconstituantes et l'abondance de son lait. Nulle part, même dans ies régions déshéritées où la Chèvre, qui sait se contenter de tout, devient la seule ressource, le seul animal possible à cultiver, nulle part nous ne constatons la moindre tentative de sélection, le moindre effort fait pour améliorer la race. Partout la routine règne en souveraine, et l'humble éleveur dont les moyens se bornent à la possession de quelques Chèvres, croit avoir tout fait quand il a choisi ses animaux parmi les meilleurs des environs. Là même où nous trouvons les Chèvres élevées en grand nombre et représentant une industrie plus sérieuse, l'absence de presque tout soin dans le choix du Bouc est la règle com- mune. Utilisé trop jeune, surmené par les montes et sacrifié à dix-huit mois, c'est-à-dire à l’âge où sa chair peut encore trouver son emploi en boucherie — maïs aussi précisément à l'äge où il deviendrait capable de procréer une génération vigoureuse — il ne donne que des produits médiocres; et telle est la cause principale de l’abätardissement de notre Chèvre commune. Cependant nos voisins les Suisses ont su tirer de ces mêmes Chèvres alpines (que nous avons en si nombreuses variétés en Savoie) des types remarquables, perfectionnés par une habile sélection, telles sont les Toggenbourg, les Saanen de l'Oberland bernois, et enfin les Schwartzhals, trois races aujourd'hui universellement connues et appréciées par l'abondance et la qualité exceptionnelle de leur lait. (4) Communication faite à la Seclion des Mammiferes dans la séance du 6 février 1899. LA CHÈVRE A PARIS. TA Pas plus dans les Pyrénées que dans les Alpes, les éléments ne manqueraient pour créer des races de choix. Nous y trou- vons — malheureusement en petit nombre — l'excellente maltaise, aux grandes oreilles tombantes, les grosses pyré- néennes et enfin — plus rare — la gracieuse Chèvre rouge de Murcie. Cette dernière, excellente laitière, malgré la peti- tesse de sa taille, est un bijou d'élégance, et mérite de fixer la faveur du public par sa douceur et la grâce de ses allures. Jen possèle une dizaine dans mon établissement du Val- Girard, où je me propose d'admettre prochainement le pu- blic à les admirer. Puisque j'ai nommé cet établissement, il faut que je fasse connaître le but que j'y poursuis. Il n'existe à Paris aucune chèevrerie, bien que tout le monde ne soit pas convaincu que le lait de Vache soit préférable au lait de Chèvre. Quiconque a eu occasion d'élever des enfants au lait de Chèvre a pu constater que cet aliment est le plus recommandable pour les bébés. Il l’est surtout pour l'enfant issu de parents anémiés, scrofuleux, etc., car, dans ces cas, il lui communique la santé, la vigueur. la vivacité même, qui constituent le fond du tempérament de la Chèvre, mais nulle- ment une excitation nerveuse exagérée, comme le supposent beaucoup de personnes, qui oublient que la nervosité est un état maladif auquel un lait sain et généreux ne saurait donner naissance. Pour inciter l'industrie parisienne à fonder des chèvreries dans Paris, il est nécessaire tout d’abord de lui donner la formule de la meilleure Chèvre, de cette Chèvre capable de fournir pendant dix mois de l’année une moyenne de 2 litres de lait par jour, et susceptible de rémunérer de ses peines le commerçant qui songerait à l’exploiter pour le plus grand bien du public. C’est cette formule que je cherche et que j'espère trouver, en réunissant chez moi des Chèvres de toutes provenances. Je fonde surtout des espérances sur le croisement de nos meilleures Chèvres indigènes avec des Boucs nubiens. Cette race nubienne est fort disgracieuse de forme, mais elle pos- sède des qualités absolument extraordinaires au point de vue du lait. On peut s’en rendre compte par les analyses suivantes. de différents laits, d'après d'Ardenne : = Tu 2 { 18 BULLETIN DE LA SOCIETE D’ACCLIMATATION. CHÈVRES. a VACHE. Communes de France, Pyréaéennes. Nubieanes. Beurre..." 2 3.43 SA) G.11 8.49 CESEIneAs ee. ele 3.50 4.67 DT DUC Ormes de De D: 02 5.28 5.40 Del EN Te u 0.93 (DEA 1.01 0.82 HAULA STI RLE 87.40 86.0$S 79 » 650.30 Albumine.... » 1235 » » Une dilfficuité que j'ai cru d’abord insurmontable a été de me procurer la race nubienne. Maïs un heureux hasard m'a mis en rapport avec M. le D' Prompt, ancien médecin du Khédive, qui veut bien mettre à ma disposition, dans les pre- miers mois de cette année, le Bouc que je cherche. L'espèce qu'il me procure a été choisie dans les troupeaux du vice-roi et se trouve déjà acclimatée en France. Voici la description que M. le D' Prompt fait de son Bouc nubien : « Le Bouc égyptien que j'ai chez moi offre les caractères » décrits par les auteurs : chanfrein proéminent, formant une » courbe tres forte, oreilles pendantes longues de 25 centi- » metres, lèvre inférieure en saillie de 1 centimètre en avant » de ia lèvre supérieure..... » (Suivent quelques détails d'un caractère tellement technique sur les qualités du Bouc nubien, que je ne pourrais me permettre de les reproduire ici qu'en recourant au latin.) ORCEPE Cet animal est vigoureux, rustique, très indifférent » au froid de l'hiver. Il n’a pas de cornes..... » Nul doute que ie Bouc décrit ci-dessus appartienne à la race rare et précieuse qu'il importerait tant, sinon d'accli- mater en France à l’état de pur sang, tout au moins d'utiliser à la création de Chèvres métisses, réunissant les qualités de forme et d'élégance de nos belles Chevres alpines ou pyré- néennes, et l’abondante lactation des nubiennes. Le jour où ce type serait obtenu, nous verrions bien vite un grand nombre de chèvreries se fonder à Paris, où cette industrie s'impose absolument. Que de mères délicates, privées du bonheur de nourrir, seraient heureuses de trouver dans Paris, à des prix abor- dables, un lait absolument sain, susceptible d'être consommé LA CHÈVRE A PARIS. 79 « à l'état cru, et de composition similaire à celui que l'enfant réclame du sein maternel! Dans ces cas, le lait d'Anesse serait bien indiqué; mais comment le conseiller aux bourses modestes ? son prix de revient est excessif, et le commerce ne peut le livrer à moins de 4 et 5 francs le litre. Le motif qui fait écarter le lait d'Anesse suffirait pour faire écarter également la solution consistant à recourir à la nourrice, s’il n'existait d’autres raisons, plus sérieuses en- core, qui conduisent souvent aujourd’hui les personnes aisées à bannir de chez elles l'allaitement mercenaire. Laissons, à ce sujet, la parole au D' Boudard, l’apôtre de l'allaitement des enfants par la Chèvre, dans tous les cas où la mère est dans l'impossibilité de remplir cette fonction (1) : « La nourrice sur lieu, qui semble offrir les conditions les plus favorables, ne tarde pas à présenter des modifications profondes dans la quantité et dans la qualité de son lait. Ces modifications, qui ne sont apparentes ni pour les parents ni pour le public, n'existent pas moins et sont très saillantes pour les physiologistes. > Pense-t-on qu’une nourrice qui vient de quitter son village, son mari, ses enfants, son ménage, qui change subitement de milieu, d'habitude, de nourriture, dont la vie est totalement bouleversée, pense-t-on que cette nourrice va offrir un lait uniforme, identique dans sa qualité et dans sa quantité ? >» Dans ce nouveau milieu, avec de nouvelles habitudes, son lait restera-t-il toujours le même? Ne variera-t-il pas avec les impressions recues ? Pensez-vous que les nouvelles du pays, bonnes ou mauvaises, ne viendront pas le modifier chaque fois? L’inquiétude, le chagrin, le plaisir même, la cupidité, viendront, à chaque instant, altérer les qualités de cette nourrice, au grand préjudice de la santé future de l'entante"" » Dans l'espace d'un mois, il arrive souvent qu'on est obligé de changer jusqu’à deux et trois fois de nourrice, au grand préjudice de l'enfant. La Chèvre n’expose jamais à de pareils mécomptes; elle permet à la mère de prodiguer à son enfant tous les soins maternels à l'exception de son sein; mais en dehors de là, elle reste sa mére, elle peut le couver tout à son aise, sans être trompée par une nourrice, qui ne manque jamais, à son insu, de faire tout le contraire de ce qui lui a été prescrit. » À défaut du lait d’Anesse et de celui de la nourrice, c’est (1) Dr Boudard, Guide pratique de la Chèvre-nourrice, p. 29. Paris, librairie Baillière, 80 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. au lait de Vache seul que la jeune mère parisienne se voit obligée de recourir, et, comme ce lait est généralement sus- pect, la chimie moderne le soumet à des préparations spé- ciales pour lui donner précisément l'innocuité et la digesti- bilité que le lait de Chèvre possède à l’état naturel. « En effet, avec la Chèvre, dit le D' Boudard, plus de maladies contagieuses à redouter pour l'enfant, plus de tuberculose ou de syphilis. » La Chèvre offre un lait toujours pur, toujours sain, et dont la composition chimique est presque identique avec celui de la jeune mère. Il en diffère seulement par une densité un peu plus grande, et par une quantité de principes salins un peu plus forte. Cette différence milite tout en sa faveur. Par sa densité il est plus tonique et, par ses sels, il favorise l’évolution dentaire et le développement du système osseux. » C'est avec non moins de conviction que M. Pion (1) s’ex- prime sur les qualités du lait de Chèvre dans le travail qu'il a publié dans le Bullelin de la Société 4 Acclimatation. sur l'utilité de la Chèvre : « Les médecins recommandent tous le lait de Chèvre. Il est plus léger, plus digestif, plus riche en crème et en substance nutritive que le lait de Vache. Les globules de graisse y sont plus petits que ceux de la Vache, plus aptes à être émulsionnés. Les estomacs délicats, les dyspeptiques ne treuveront pas de liquide plus capable de les sou- tenir. » Les enfants qui meurent d’athrepsie, faute de digérer la nourriture, ou qui contractent des diarrhées avec le lait très variable des Vaches, n'ont rien à craindre du lait de Chèvre. Ce lait donne, on peut le dire, des garanties absolues. » Ce lait est bon pour tous les âges de la vie, même pour les wieil- lards, car les docteurs (anglais) Walshorn ei Lee affirment que le lait de Chèvre, à cause de l'acide hircique qu'il contient, est bon aux vieillards presque toujours atteints d'atheroma. .... » Même inoculé, le fatal bacille ({wberculose) ne prend pas sur les Caprins. » Si je ne craignais pas d'abuser des citations, je pourrais montrer qu'à l'étranger, peut-être plus encore que chez nous, (4) E. Pion, Utilité de la Chèvre (Bulletin bi-mensuel de la Société d’Accli- matation de France, 1889, p. 180, 234, 329). LA CHÈVRE A PARIS. 81 la Chèvre a trouvé de nombreux et ardents partisans. Qu'on lise ce qu'ont écrit à son sujet des auteurs sérieux, anglais, allemands, suisses, etc. (1); partout l’on trouve le même éloge et les mêmes affirmations. Que font, d’ailleurs, les Parisiens eux-mêmes, qui se rendent en grand nombre et à grands frais dans les villes d’eau de Suisse et du Duché de Bade ? N’y pra- tiquent-ils pas avec ferveur les cures de lait dont ils retirent un si grand bien, sans se douter souvent que c’est à la Chèvre et non à la Vache qu'ils doivent leur regain de santé ? D'aucuns objecteront que le lait de Chèvre ne saurait être accepté à Paris, dans la consommation courante, en raison de son goût particulier. Cette opinion est fausse, car le goût en question n'existe qu'exceptionnellement chez certaines variétés ou lorsque l'animal ne recoit pas la nourriture qui lui convient. Les cinquante Chèvres que j'ai chez moi, pour servir à mes expériences de croisement, donnent toutes um lait absolument exempt de toute odeur hircine. Ce lait est même aussi doux et aussi délicat au palais que le meilleur laïf£ de Vache. À ceux qui voudraient insinuer que cette similitude de goût peut favoriser la fraude et la tromperie, la réponse est facile : le meilleur lait de Chèvre, en vieillissant et en tournant, prend une odeur hircine assez prononcée pour ne laisser aucun doute sur son authenticité. Les sceptiques n'auront qu'à faire cette épreuve pour se convaincre. Une opinion généralement répandue et de nature à arrêter l'industriel désireux de pratiquer le commerce de lait de Chèvre, est que cet animal a besoin de plein air pour prospé- rer, qu'à cette condition seulement, son lait est bon et abon- dant. Erreur complète. Au Mont-d’Or lyonnais, il y a plus de dix mille Chèvres en stabulation constante, et c’est par ce régime que l’on obtient le maximum de rapport. D'ailleurs, il ne. serait pas difficile, en raison de la taille relativement petite de la Chèvre, de ménager autour des chè- vreries que l’on organiserait dans les faubourgs de Paris ou dans les localités suburbaines, de petits parcours, fermés par (1) Ulrich, Commerziantrath à Pfumgstadt; Detiweiler à Darmstadt : B Rost-Hoddrup à Brême, etc. 82 BULLETIN LE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. des grillages, où les animaux circuleraïent à aïr libre. Ce régime serait certainement suffisant pour les maïntenir en parfait état de santé et de rapport. J'en fais d’ailleurs l’expé- rience moi-même en ce moment, et je m'en trouve très bien. On dit aussi communément que la durée de la lactation des Chèvres est réduite aux mois de la belle saison et que la Chèvre ne se prête au rapprochement avec le Bouc qu'à des époques déterminées de l’année. Cette opinion part évidem- ment de ce fait que, dans les campagnes, il est d'habitude de ne faire porter les Chevres qu'en automne, afin que le mo- ment de leur plein lait coïncide avec l'apparition de la ver- dure, le fourrage vert favorisant l'abondance du lait et le développement des chevreaux. Maïs quiconque s’est occupé tant soit peu de l'élevage de cet animal, a pu reconnaitre que k Chèvre est parfaitement susceptible de mettre bas en toute saison. En ce qui concerne la durée de la lactation, elle est variable selon les races : prenez des Saanen, des Toggen- bourg, des Maltaises et même nos grosses Pyrénéennes, et, si vous savez donner les soins convenables. vous aurez du lait jusqu'à six semaines avant le part. Le tout, c'est de pouvoir se procurer des bêtes en nombre suffisant; car, lorsqu'elles sont bonnes, les propriétaires consentent très difficilement à s'en défaire. De là l'urgence de créer chez nous une race, et de la répandre le plus possible. En terminant, il n’est peut-être pas inutile de signaler que le beurre de Chèvre. bien frais. ne le cède en rien, comme qualité, au beurre de Vache. Je citerai, à ce sujet, le passage suivant d'une lettre que m'adressait dernierement M. le doc- teur Prompt : « Quant à ce que je vous ai dit sur la nature de l'espêce caprine, qui est réfractaire à la maladie tuberculeuse, ce n’est pas une opinion personnelle : c'est un fait acquis à la science, absolument certain, et fondé sur un grand nombre d'observations faites par tous ceux qui s'occupent spécialement de ces queslions. » Ce que je pourrais ajouter, c'est que le danger de Ia contagion peut êlre évilé, jusqu’à un certain point, s’il s’agit du lait. La stérili- sation du lait par la chaleur détruit les germes infectieux : si elle est bien faite, le lait d'un animal tuberculeux peut être absorbé par l'homme sans grand inconvénient. » Ii n’en est pas de même pour le beurre, qui se mange toujours ou presque loujours à l’état de crudité. L'usage du beurre de Vache est, THE CT LA CHÈVRE A PARIS. 83 suivant moi, l’une des principales causes du développement prodigieux de la maladie tuberculeuse chez les peuples modernes. Cette maladie était infiniment moins fréquente chez les peuples classiques. Vous n'ignorez pas que les Grecs et les Romains ne fabriquaient jamais de beurre et que l'huile était le corps gras le plus généralement employé dans leurs préparations alimentaires. Ce sont les peuples germains qui, à la suite des invasions du iv* sièele, ont propagé l'usage du beurre en Europe. » I! serait donc très désirable que le beurre de Vache fût remplacé par le beurre de Chèvre, qui est, d’ailleurs, peu connu et peu employé, et qui a le mérite d’avoir un goût beaucoup plus délicat. Pour moi, je ne mange que du beurre de Chèrre, et depuis que j'en mange, il m'est devenu impossible de manger du beurre de Vache, qui me cause une. répulsion insurmontable. » Je reconnais que le beurre de Chèvre est très bon, quand il est consommé frais, et surtout quand ce beurre, comme celui dont parle le docteur Prompt, provient de Chèvres nubiennes, race dont le lait est de qualité absolument supérieure. En résumé, rien ne justifie l'indifférence du public parisien à l'endroit de la Chèvre et il importe, en conséquence, d’ou- vrir les yeux de la population sur les ressources qu'offre cet animal, particulièrement pour l'alimentation des malades et des tout jeunes enfants. LE CARDINAL DE VIRGINIE (CARDINALIS CARDINALIS) SON ÉLEVAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE par l'Abbé A. CHARRUAUD, Curé de Bessens (Tarn-et-Garonne). (SUITE *) IT. — SocrABILITÉ (suile). C'est un fait d'expérience que l'acclimatement d'un Oiseau, même très délicat, s'obtient assez facilement moyennant une nourriture appropriée et une température douce et constam- ment égale. Mais si cet Oiseau a recu de la Nature un caractère insociable, c’est-à-dire intolérant pour les volatiles pius petits ou plus faibles qui partagent sa captivité; s'il les poursuit, les harcèle, les déplume, les blesse ou les tue, comment corriger cette humeur agressive ? par quels procédés métamorphoser ce tyran ailé en un placide compagnon de cage ou de volière ? Tout l’art de l’éleveur se borne à agir sur les organes des Oiseaux, sur leurs qualités extérieures ou physiques, telles que celles du tempérament, de la taille, du plumage, de la voix et du chant : leurs qualités intérieures, c'est-à-dire, leurs sentiments et leurs passions, échappent à notre infiu- ence. Vainement aurions-nous recours à la violence ou à la douceur : ni les caresses, ni les menaces n'auraient le don de porter un Oiseau à se dépouiller, dans ses rapports avec ses semblables, du caractère que la Providence lui a donné. Et c'est pourquoi, vous, amateur inexpérimenté, qui venez de faire l'acquisition d’un Cardinal rouge avec la pensée d'en orner une volière déjà peuplée de Bengalis, de Diamants et autres volatiles de taille menue, ne manquerez pas de vous # Voir plus haut, pages 1 et 39, LE CARDINAL DE VIRGINIE. 85 demander : « Est-il prudent de lâcher ce gaillard-là au milieu de mon petit peuple aussi faible qu'inoffensif?... Que faire ? grand Dieu! que faire?... » — C'est bien simple, vous dirais-je. Nous avons d'excellents auteurs qui ont décrit très minutieusement le caractère et les habitudes du Cardinal rouge; pourquoi ne les consulteriez- VOuS pas”?... Voici d’abord le Manuel de l'Oiseleur el de l'Oiselier, de M. Célestin Chiapella, l'amateur heureux qui avait pu réunir dans sa vaste galerie « plus de deux cents espèces d'oisillons dont le plus gros ne dépassait pas la grosseur de la Pie », l’ornithologue consciencieux qui a possédé tous les Oiseaux dont il parle, et qui ne parle — mérite rare — que de ceux qu'il a possédés. Voyons ce qu'il nous dit du Cardinal rouge : « Il n'y a pas d'Oiseau plus débonnaire quand il ne s’agit pas de ses pareils. Sur des centaines de Cardinaux que j'ai élevés, jamais je n'ai rencontré un seul individu tourmentant les autres oisillons. » (Loc. cit., pag. 242.) Prenons maintenant L’Amateur d'Oiscaux de vohère, de M. H. Moreau. Cet ouvrage est le manuel classique par excel- lence, le vade-mecum et le bréviaire obligé de tout éleveur d'Oiseaux exotiques et français. À la page 245, l’auteur dit : « À l'éclat du plumage, il (le Cardinal rouge) joint une grande douceur de caractère. Sur cent Oiseaux de son espèce, il est rare d'en rencontrer un qui se comporte avec aigreur avec les petits compagnons qu'on peut lui associer. » Passons à un autre volume ayant pour titre Passereaux et pour auteur M. le marquis de Brisay. Auteur et livre sont trop avantageusement connus pour qu'il soit besoin d'en faire l'éloge. À la page 306, où il est question du Cardinal rouge, je lis : « Son humeur n’est point batailleuse à l'égard des Oi- seaux de sa taille et plus petits ou plus gros que lui, tels que Faisans, Colombes, etc... qu'on lui donne pour compagnons. » Eh bien, êtes-vous satisfait?... — Parfaitement! dites-vous, radieux. La cause est entendue! je sais tout ce que je désirais savoir, A l'instant même, je cours làcher mon Cardinal dans la volière. — Non, ne vous pressez pas. La question qui nous occupe est loin d'être élucidée : je n’en connais pas en aviculture qui soit plus sujette à controverse. 85 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Prenez le Nouveau Manuel de l'éleveur d'Oiseaux, ou Art de l'Oiselier, par Georges Schmitt. À la page 212, je lis ce qui suit : « Nous conseillons aux amateurs de ne pas laisser voler en toute liberté les Cardinaux rouges dans la chambre aux Oiseaux, car ils mangent les œufs des autres Oiseaux et même les petits, et tuent souvent les Oiseaux faibles et vieux. » Vous me direz peut-être que le témoignage de ce M. Schmitt, venant après tant d’autres concluant en sens contraire, n’a pas crande importance, et que ce n’est pas pour si peu que vous vous priverez du plaisir de faire à votre Cardinal les honneurs de la volière. Soit! Passons donc à un autre. Connaissez-vous le docteur Russ? Ce docteur Russ ou Rusz, allemand de nom et d’origine, a composé sur les Oiseaux importés un ouvrage en deux volumes dont le premier a été honoré d'un traduction française. Celui-ci est intitulé Monographie des Oiseaux de chambre exotiques. Nous lisons à la page 93 de la traduction française : « C’est un Oiseau pacifique par nature..... mauvais hôte cependant dans la chambre, il dévore les jeunes dans les nids des autres Oiseaux et menace même les adultes chétifs. » Que pensez-vous de cet Oiseau, pacifique par nature, qui dévore ses compagnons jeunes et massacre sans pitié les adultes? Pour un Oiseau pacifique ce n’est déjà pas si mal; que serait-ce s’il ne l'était pas?...Je donne tous mes Oiseaux et la volière avec, à quiconque saura tirer une conclusion pratique de ce fatras d’affirmations contradictoires. Mais laissons là vos auteurs dont je ne veux plus entendre parler, et veuillez me dire, vous, ce que vous savez du Cardinal de Virginie. Cet Oiseau est-il sociable? ne l’est-il pas? Je vais vous donner ma réponse. Les Oiseaux, dont l'instinct naturel est toujours quelque peu perverti par la captivité se montrent parfois différents d'humeur et de caractère selon le récime auquel ils sont soumis et le plus ou moins d'espace qui leur est ménagé. Aussi, est-ce surtout en aviculture quil est permis de dire : Vérité en decà des Pyrénées, erreur au delà. Quoi qu'il en soit, je vais vous raconter à mon tour ce que douze années d'élevage non interrompu m'ont appris sur le caractère du Cardinal de Virginie. A défaut de l’autorité que LE CARDINAL DE VIRGINIE. 87 donne le talent, ma relation aura du moins celle qui s’affache à la réalité de faits et à l'exactitude de détails corroborés par une longue expérience. III. — REPRODUCTION. De tous les Oiseaux de cage et de volière, aucun ne montre de plus grandes dispositions à se reproduire que le Cardinal de Virginie. À l’encontre d'un trop grand nombre d’exotiques, lents à s’accoupler et dont le tempérament de glace contraste si singulièrement avec les chaleurs brülantes de leur pays d'origine, le Cardinal rouge s’enflamme à la première approche de sa femelle et tout de suite parle d'hyménée. L'époque de la- période, qui varie selon les climats, est aussi pour l'éleveur une cause d’insuccès qu'on n’a pas à redouter avec le Passe- reau virginien : qu'il ait vu le jour en France ou qu’il arrive directement d'Amérique, l'Oiseau de feu adopte égalemenf nos saisons, et c'est toujours Quand l’amoureux Zcphir, affranchi du sommeil, Ressuscite les fleurs d’une haleine féconde, que le Cardinal songe à s’apparier. Le 15 mars est l’époque la plus favorable pour l'accoupie- ment. Plus tôt, on exposerait la première nichée à périr de froid pendant les nuits pluvieuses ou glacées de l’arrière- saison d'hiver. Plus tard, on pourrait perdre le bénéfice d'ure ou de deux couvées, la mue survenant toujours en automne. L'exposition du local destiné au couple n’est pas non plus chose indifférente. Une chaleur trop forte est nuisible aw Cardinal et peut lui occasionner des crampes. De même, Ia pleine lumière du soleil, qu’il recherche en hiver, semble l'ia- commoder en été, aux heures où l’astre brille de son plus vif éclat. Alors, si la volière est à double compartiment et plantée d’arbustes, c'est dans le coin le moins éclairé de la maison- * nette ou au centre d’une forte touffe de feuillage qu'il va chercher l'ombre mystérieuse qui plaît à son tempérament cu à son humeur. Naturellement, c’est là que l'Oiseau établira, s’il le peut, le berceau de sa future famille. En raison de cette prédilection pour le demi-jour, l'éleveur donnera au couple une installation inaccessible au grand soleil de l'après-diner, 88 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ou du moins largement protégée par un abondant et épais feuillage (1). Enfin, il faut autant que possible ménager au Cardinal l’iso- lement et la solitude. L'isolement lui est agréable, maïs non nécessaire. Des vo- latiles petits, maitre Cardinal n'en a cure : bien malin serait celui qui l’'empêcherait de travailler à son nid ou de pourvoir aux besoins de sa progéniture. Gênant, notre Gros-Bec rouge peut l'être et ne l’est que trop souvent, hélas ! gêné, jamais ! à moins qu'il ne soit en compagnie d'Oiseaux plus forts ou de sa taille et aussi bataïlleurs que lui-même, auquel cas le succès des nichées serait sérieusement compromis. . Quant à la solitude, une distinction s'impose, selon qu'il s’agit de Cardinaux d'importation récente ou de Cardinaux nés en volière. Ces derniers deviennent promptement fami- liers et il n’est pas rare de les voir accourir au premier signal pour prendre à la main le Ver de farine qu’on leur présente. Il n'y a donc aucun inconvénient à les loger dans un apparte- ment habité ou dans une volière sise près d’un passage fré- quenté. J'en ai fait souvent l'expérience avec succès. De son côté, M. Jarrassé m'écrivait : « Les Cardinaux rouges ont choisi le nid placé près du grillage extérieur longé par une allée du jardin... La femelle couve sans se déranger; elle permet qu'on la regarde et ne bouge pas. Mais si on passe le doigt à travers le grillage, cette indiscrète témérité est aus- sitôt punie par un vigoureux coup de bec. » Au contraire, les Cardinaux capturés en Amérique ou élevés dans des volières très spacieuses sont d’une sauvagerie extrême. Au moindre bruit, ils abandonnent leur nid et n’y reviennent parfois que lorsque les œufs sont presque refroidis. Avec ces Oiseaux on ne saurait prendre de trop grands ménagements. Pour eux, {a solitude est de rigueur. Et maintenant que tout est pour le mieux dans la meilleure des installations, làächez votre couple, ou plutôt, lächez le mâle seul et attendez pour lui donner la femelle qu'il se soit an peu jamiliarisé avec son nouveau logis. Un jour, deux : jours au plus suffisent... Là, est-ce fait? Retirez-vous donc, (1) Rusz dit : « L'expérience a prouvé que le Cardinal rouge reproduit méme au demi-jour. » (Oiseaux étrangers, p. xzv. Paris, E. Deyroile.) — Nous dirions, nous : « L'expérience a prouvé que le Cardinal rouge reproduit #ieux au demi- jour. » LE CARDINAL DE VIRGINIE. 89 mais sans vous éloigner. Plantez-vous quelque part, où vous voudrez, pourvu que de votre place vous puissiez très bien voir les Oiseaux, suivre tous leurs mouvements et entendre leurs cris. À présent, soyez tout yeux et tout oreilles, comme si vous assistiez à uue Première depuis longtemps espérée. Votre volière, en effet, s’est subitement transformée en un vrai théâtre où tous les éléments scéniques se trouvent réunis. Le parterre ? c'est vous ; les acteurs”? vos deux Cardinaux. Que dis-je ? les Dieux eux-mêmes en seront. Mars et Vénus {excusez du peu), flottant dans une atmosphère impénétrable à vos regards mortels, prendront part à l’action, l’un en pous- sant bruyamment à la guerre, l’autre en soufilant doucement l'amour ; et selon que le màäle Cardinal, à qui est dévolu le principal rôle, cèdera aux excitations du Dieu des batailles ou aux inspirations de la Bonne déesse, vous verrez ou se dé- rouler un drame ou se jouer une pastorale. Soyez attentif, vous ne tarderez pas à savoir lequel des deux. Le male se campe-t-il dans un coin, la mine en dessous, l’œil en feu, la huppe rejetée en arrière comme un panache de guerrier sous le souffle du vent ? sautille-t-il sur sa branche ou sur son perchoir, tournant à gauche, tournant à droite dans des demi-voltes qui vous le présentent tantôt de face, tantôt... de queue, baissant et relevant celle-ci d'un mouve- ment brusque et saccadé”? enfin, pousse-t-il ce petit cri per- cant, aigu, qui entre dans l'oreille comme une vrille, cri que tout éleveur connait bien : cri d'appel, cri d'alarme, cri d'’ef- froi, cri de plaisir aussi, selon les impressions ressenties, mais le plus souvent cri de haine et de fureur ? Prenez garde! ça peut n'être rien, rien qu'un moment d'humeur que l'instant d’après dissipera, une indisposition passagère contre l’auda- cieuse qui vient à l’improviste et sans être invitée troubler la solitude et partager la ration du maître de céans ; mais ca peut être aussi les prodromes d’une colère sourde prête à éclater. — Mars et Vénus. À qui la victoire ?.. Redoublez d'attention. Une, deux minutes s’écoulent... Soudain, prenant son élan, le mâle raie l’espace d’un trait de feu et tombe, pointe en avant, sur la femelle éperdue. N’en doutez pas, Mars a triomphé et le drame commence. Au lieu de vous amuser à compter les coups, allez vite séparer les combat- tants, car, du drame à la tragédie, il n’y a souvent chez les Cardinaux que la distance du bec de l’un à la tête de l'autre. Bull. Soc. nat. Accl, Fr. 1899. — 7, 90 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Saisissez-vous donc de la femelle et mettez-la dans une cage que vous accrocherez sur les lieux mêmes à une paroi quel- conque de la chambre ou de l’abri couvert. En moins de huit jours, vous verrez le mâle affolé volticer autour de la prison- nière, l'appeler de sa voix la plus mélodieuse et lui témoigner de mille façons son repentir et son amour. Laissez-vous atten- drir vous-même et ouvrez à deux battants la porte de la cage: la paix est faite. | Mais si le Cardinal, quittant sa place en même temps que sa mine rébarbative, se met à voltiger sans s’occuper autre- ment de la femelle qui, revenue de sa première surprise, se décide à en faire autant : si les deux Oiseaux vont et viennent comme indifférents l’un à l’autre; s'ils se croisent, s'ils se rencontrent sans se chamailler : rassurez-vous, Vénus l’em- porte, ou l’emportera sûrement. Pour étre discret, son triomphe n’en est pas moins réel. La petite scène que vous avez sous les yeux, très insignifiante d’ailleurs, si vous l’ob- servez en profane, n’est autre chose que le prélude d’une charmante pastorale. Aujourd’hui le prologue, demain le pre- mier acte. Question de temps, voilà tout. Si vous êtes pressé de voir l’action s'engager, nourrissez abondamment les deux futurs. Servez-leur les aliments les plus propres à réchauffer leur cœur engourdi : œufs de Fourmis, Vers de farine, etc., conformément à cette sentence qu'on devrait écrire au fron- tispice de toutes les volières : Sine Cerere et Libero friget Venus; autrement dit avec Marot : Sans Cérès et Bacchus, teujours Vénus est froide ; ou plus simplement avec la sagesse des nations : Le feu de l'amour s'allume à la cuisine. Au contraire, le mâle accueille-t-il la femelle avec une sa- tisfaction marquée? vole-t-il à sa rencontre? se montre-t-il empressé aupres d'elle, la suivant et l’accompagnant de-ci de- là, à la facon d'un homme bien élevé qui fait les bonneurs de sa maison? tient-il la huppe droite, épanouie à la base et pointue au sommet comme... un bonnet de coton ? enfin, pousse-t-il cette espèce de gloussement qui lui est assez familier, mais auquel l'Oiseau, quand il est en amour, sait LE CARDINAL DE VIRGINIE. 91 donner une intonation particulièrement langoureuse et douce? Oh ! alors réjouissez-vous ! la donzelle est agréée, et tout de suite la pastorale va, passez-moi le mot, battre son plein. En effet, voyez comme le Cardinal s'étudie à plaire lui- même en faisant ressortir toute la richesse de son plumage, toute la fierté de son allure, toute l'élégance et toute la sou- plesse de sa taille svelte et élancée. Avec une coquetterie qui rendrait des points à plus d’un dandy, il prend les poses les plus gracieuses, les attitudes les plus séduisantes : il gonfle sa poitrine écarlate, il redresse sa huppe longue et soyeuse, il déploie en éventail les plumes roses de sa queue, il bat des ailes d'un mouvement en quelque sorte cadencé, il frétille, il se trémousse, il se carre, il se rengorge, il s’allonge, il s’affine et se penche languissamment sur un côté, puis sur l'autre comme en un bercement de vague endormie. Cardinal fait le beau et il l’est. Mais il n’étale ses avantages que pour en faire hommage à sa compagne qui est moins favorisée sans en être moins chérie. Et non content de la fasciner par sa beauté, il veut encore la charmer par les accents flatteurs de son ramage. Écoutez- le chanter. De son gosier sonore et plein d’élasticité, il tire une mélodie agréablement variée où se succèdent sans se méler et se mêlent sans se confondre les fugues et les arpèges, les trilles et les trémolos, les tons graves et les tons aigus ; notes pures et éclatantes, sons moelleux et flütés, accents pleins d’âme et de vie, — vrais soupirs d'amour et de volupté qui semblent sortir du cœur — et font palpiter le cœur de la femelle délicieusement émue.. et définitivement conquise. Philis aime Tircis qui adore Philis. Des lors l’action ne peut que se précipiter. Revenez demain, vous serez témoin des serments échangés : dans une becquée tendrement offerte et non moins tendrement reçue, les futurs se donneront le gage d’un amour réciproque et d’une fidélité inviolable. — Fiançailles charmantes et pleines de poésie célébrées dans le feuillage avec le ciel bleu pour temple et le soleil pour fiam- beau ! Après les fiançailles, les justes noces. En gens qui se res- pectent et comprennent l'importance de la chose, les Cardi- naux se recueillent au moins une semaine avant d'y procéder. Le moment venu, que se disent-ils ? que font-ils ?... D'autres, plus heureux ou plus fins observateurs que moi, vous l'ap- DE BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. prendront peut-être un jour. En attendant, sachez que la cérémonie est bâclée en un clin d'œil, et que tout aussitôt, les heureux époux, obéissant à la loi promulguée à l’origine du monde : Croissez et multipliez-vous, s’en vont de compagnie d'arbuste en arbuste, de buisson en buisson. cherchant la branche feuillue, la touffe épaisse et ombragée où reposera bientôt le doux nid, cependant que le mâle murmure langou- reusement à l'oreille de sa femelle ravie la chanson toujours ancienne et toujours nouvelle, l'éternel couplet du berger à la bergère : Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu cette vesprée Les plis de sa robe pourprée Et son teint au vostre pareil (1) !... Ici finit la pastorale et avec elle votre rôle facile de specta- teur. Le couple veut monter son ménage, il s’agit de l’y aider. Avant tout, tàächez de l'amener à s'établir dans la maison- nette où les nichées seront à l'abri des grands vents et des pluies torrentielles. A cet effet, prenez une bonne poignée de petites branches d'arbre ou d’arbuste à feuillage vert, com- pact et persistant. Celles de Bruyères et de Genévriers, de Cèdres, de Pins et de Sapins, dont les feuilles aciculaires ou lancéoiées tombent au moindre choc quand elles sont fiétries, doivent être rejetées. Par contre, des tiges de Houx, de Fusain, de Thuya et autres Conifères, des rameaux de Laurier franc (zu1go, Laurier sauce) ou de Laurier-tin, des touffes de Genêt épineux ou de Genêt à balais conviennent très bien pour la circonstance. Liez-les en faisceau par les bouts li- gneux comme si vous vouliez faire un bouquet de Lilas; puis, au centre de la ramure, fixez un panier d'osier à Canaris hollandais. Le tout est solidement accroché à une hauteur de 2 mètres dans le coin le plus ombreux de l'abri couvert et le moins proche de la porte d'entrée. Enfin, si cela est néces- saire, supprimez les feuilles et écartez les branches qui em- pêchent l'accès du panier, sans oublier de rabattre sur le devant les tiges supérieures en les arc-boutant en forme de dôme. (4) Ronsard, Odes. LE CARDINAL DE VIRGINIE. 93 Ce buen retiro offrira aux époux tant d'agrément pour eux- mêmes et tant de sécurité pour leurs futurs enfants qu'ils seront probablement tentés d'y venir loger leurs amours. Votre petit travail terminé, fournissez au couple les maté- riaux dont il a besoin pour construire le nid. Ceux qui lui plairont le plus sont : des büchettes épineuses, avec lesquelles il en faconnera la charpente extérieure ; des lanières de Raphia, des bandes de papier, des filets ou coulanis de Frai- siers, des racines fines d’arbrisseau, du menu foin, du crin de queue de Cheval, des feuilles sèches, de la Mousse et de la bourre. Les Cardinaux font rarement usage de plumes. Si le berceau que vous avez préparé vous-même est adopté, il faudra peu de chose pour le matelasser ; mais si le couple fait choix d’un arbuste, il utilisera la plupart des matériaux qui seront à sa portée, en commençant naturellement par les plus grossiers. Soyez donc large dans la distribution des pré- cieux débris ; donnez de tous à la fois, donnez-en abondam- ment, à profusion même, sous peine de voir vos Oiseaux abandonner l'ouvrage commencé et « se retirer tristes et boudeurs loin l’un de l’autre aux deux coins opposés de leur habitation (1) ». La quantité ne suffit pas, il faut aussi la qualité. Le brin d'herbe fanée où brille un reste de verdure, la feuille à demi- flétrie où se figent les dernières gouttes d’une sève languis- sante, la Mousse imprégnée de rosée, les racines qu'humectent encore les sucs nourriciers de la terre sont dédaignés par les Cardinaux comme ne convenant pas à la couchette saine et chaude sur laquelle devront bientôt éclore leurs petits dénués de plumes. Ce qu'ils recherchent, c’est le foin bien sec et décoloré, c’est le filament qui pend au flanc des troncs ver- moulus, c’est la tige déflorée et vieillie, la brindille morte et cassante, un cadavre de fleur, un squelette de feuille. Et, en cela, nos Oiseaux n'obéissent pas seulement à l'instinct supé- rieur de la conservation et du bien-être tant pour eux-mêmes que pour leur progéniture, mais aussi À cette vieille loi par l'univers suivie Qui veut qu’en tout, pour tout, partout et chaque jour La mort soit le berceau d’où sortira la vie, Et qu’on fasse du deuil un asile à l’amour (2). (1) Marquis de Brisay. (2) Rémy Saint-Maurice, Les Arlequinades. 94 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Il est rare de voir les deux époux rivaliser d’ardeur dans la construction du nid ; presque toujours c’est la femelle seule qui fait le travail tandis que le mäle l’encourage de ses chan- sons. Non certes que ce dernier s’en désintéresse totalement : muni d’une büchette, d’un fragment de feuille ou d’un brin d'herbe, il vient se percher auprès de l'ouvrage commencé ; mais au lieu de déposer son léger fardeau là où il occuperait utilement sa place, notre paresseux le laisse négligemment tomber à terre. Ah! c'est que Monsieur est délicat, Monsieur a horreur des besognes grossières. A l'instar de l'architecte, il entend bien donner des ordres et diriger les travaux ; quant à manipuler la truelle, fi donc !.. Heureusement Madame est active et n’a pas de ces répugnances. En moins de huit jours, le nid est bati, tissé, intérieurement feutré de Mousse ou de bourre, prêt enfin à recevoir le fragile trésor. En Amérique, la ponte du Cardinal est, au dire des natura- listes, de quatre à six œufs. En France, elle ne dépasse jamais le nombre de quatre que j'ai assez souvent obtenn moi-même. La première ponte des femelles d’un an est ordinairement de deux œufs, la seconde et la troisième en produisent trois. Les femelles plus âgées sont aussi plus fécondes et peuvent arriver au maximum de quatre œufs si on leur donne une nourriture substantielle. Ces œufs, d'un blanc sale ponctué de roux, sont couvés par la femelle durant treize jours, « pendant lesquels, dit M. le marquis de Brisay, il faut mettre une sourdine aux battements de votre cœur, et vous garder de glisser une maïn impatiente vers le nid. Toute tentative de découverte, toute indiscrétion amène sûrement l'abandon du berceau et de la famille qui l’habite. Il faut aux Cardinaux le plus grand mystère, ils cassent leurs œufs, dévorent leurs petits s’ils s'apercoivent que le secret de leurs amours est violé (1). » Voilà certes d'excellents conseils dont les amateurs inexpérimentés feront bien de se souvenir. On ne saurait trop insister, en effet, sur les dangers de cette curiosité intempestive qui pousse certains éleveurs à fourrer journellement le doigt ou le nez dans le nid de leurs couveuses. L’œuf étant infiniment sensible au froid et tout point refroidi devant être pour le petit futur un membre mort, c'est compromettre infailliblement le succes (1) Passereaux, pag. 302. LE CARDINAL DE VIRGINIE. 95 désiré que de déranger les mères à tout propos. Au surplus, les Cardinaux, surtout ceux d'importation récente, sont ne l'oublions pas, particulièrement ombrageux. Tout bruit insolite qui se produit à l’intérieur ou dans le voisinage de la volière : le crissement de la targette ou de la serrure, le grincement de la porte sur ses gonds, le son de la voix humaine, le gémissement du sable sous les pas du promeneur, le frou-frou d’une robe, un soufïle, un rien, a pour effet immédiat la désertion du berceau, Est-ce à dire que « toute tentative de découverte, toute indiscrétion amène surement l'abandon du nid, la casse des œufs et le massacre des petits »? Nous ne le pensons pas. Si la sauvagerie du Cardinal rouge était telle que M. le marquis de Brisay se plait à la dépeindre — à seuie fin, j'imagine, d'inspirer aux curieux une terreur salutaire — il faudrait renoncer à l'élevage de notre cher Passereau en voliere étroite, et à plus forte raison en cage où les nids sont le plus souvent en évidence, toujours à portée de la main, et les couveuses exposées à être dérangées au moins une fois par jour, à l'heure de l'agrainage et de l'entretien des abreuvoirs. Or, nous savons tous que nombre d'amateurs, et non des moins compétents — MM. Leroy et Chiapella en France, le docteur Rusz en Allemagne (1) — recommandent comme ayant produit des résultats merveil- leux dans l'élevage de tous les Oiseaux, y compris le Cardinal rouge, l'emploi de certaines caisses grillagées que M. le marquis de Brisay, dont nous partageons à cet égard la légitime horreur, appelie dédaigneusement « de hideuses boîtes à savon (2) ». Donc pas de folle crainte, mais pas de confiance exagérée non plus : telle est, selon nous, la devise dont l’éleveur doit s'inspirer. Deux visites au nid noussemblent même contribuer au succès final; et, à moins d'y pouvoir suppléer par un flair spécial, qui est le fruit d’une longue expérience, ces deux visites s'imposent. La première est à faire dès qu’on soupconne la ponte terminée afin de connaître d'avance le jour où il faudra servir aux parents la nourriture qui convient à l'élève de leurs petits; la seconde, un ou deux jours après la naissance de ces derniers afin d'enlever le cas (1) L’Acclimatation, 20 février 1881. — Rusz, Monographie des Oiseaux, ete., paz. xzir et xLv. — Chiapella n'employait que la cage pour la reproduction du Cardinal rouge. (2) Passereaux, p. 4. 96 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. échéant, ceux qui seraient morts des suites d’une éclosion défectueuse. Naturellement, il faut procéder à cette double inspection avec prudence et ménagement. Et d’abord, mettez à profit les moments de relâche, assez fréquents dans la journée, durant lesquels la femelle est aux mangeoires ou détend ses membres engourdis. Puis, entrez dans la volière avec la crainte religieuse d’un musulman dans sa mosquée, le corps penché en avant, vous faisant petit, petit, rampant même. Et, dans cette attitude effacée, dirigez-vous vers le uid lentement, écartant doucement de la main les branches séuantes. Arrivé au but, relevez-vous, et délicatement, sans toucher au berceau, sans déranger un brin d'herbe, plongez votre doigt, ou mieux, vos deux yeux dans l'intérieur. Votre constatation faite ou la sélection opérée, selon le cas, regagnez l'extérieur avec ies mêmes précautions et fermez, comme ferment les gens bien élevés, je veux dire sans faire claquer les portes. Si vous suivez ponctuellement ces ins- tructions, les parents s’apercevront à peine de l’indiscrétion commise, et la mère ne tardera pas à reprendre sa place sur le nid momentanément délaissé. L'incubation, disions-nous plus haut, dure treize jours. C’est le temps normal fixé par la nature. Pendant les grandes chaleurs, ce terme n'est jamais dépassé. Il en est autrement dans les mois de mars et d'avril, où l’éclosion est quelquefois retardée de vingt-quatre et même de quarante-huit heures, selon que la température est plus ou moins favorable. Ce léger écart explique et justifie le désaccord qui règne entre les auteurs au sujet de la durée de l’incubation : les uns la veulent de treize jours, les autres de quatorze, d’autres enfin — tel l'Allemand Rusz — de quinze, suivant que ces mes- sieurs habitent le nord, lé centre ou le midi de l’Europe. Eh bien, tous ont raison. Embrassons-nous, Folleville! Cette question tranchée, passons à l’éclosion. Sous la cha- leur vivifiante de la couveuse, la matière liquide des œufs a pris consistance; les vaisseaux sanguins se sont dessinés, les organes et les membres ont apparu et, d'évolution en évolu- tion, l'embryon est arrivé à sa forme définitive. Déjà, l'heu- reuse mère percoit, par un tact délicat, les mouvements im- patients de ses chers petits et entend leur premier pépiement. ils ne resteront guère dans leur coquille. De leur bec mou, mais armé à sa partie supérieure d’une proéminence dure, ils \Ee LE CARDINAL DE VIRGINIE. 97 frappent, ils félent, ils fendent le mur de leur fragile prison qui bientôt éclate, s'entr’ouvre et met au jour les nouveau- nés. O mes charmants Oiseaux, vous si joyeux d’éclore!... Vous voilà en famille, cher confrère, et quelle famille! la plus gourmande, la plus goulue, la plus gloutonne que vous puissiez imaginer. Adieu, le doice far niente! Si les parents sont les nourriciers naturels de leurs enfants, vous êtes, vous, le pourvoyeur attitré de la famille entière. Hâtez-vous donc d'ajouter aux graines de Millet et d’Alpiste, d’Avoine et de Froment, de Chanvre et de Soleil (ces dernières avec modé- ration) qui composaient déjà la nourriture quotidienne des reproducteurs, ajoutez, dis-je, Les Vers de farine et les œufs de Fourmis secs (1) que vous teniez en réserve pour la cir- constance. Le maigre de Bœuf ou de Mouton tres frais et häché menu, en tout temps bien accueilli par les Cardinaux, vous sera aussi d'un grand secours. Enfin, le pain au lait, le pain d'œuf et les pâtées vendues sous des noms divers (2) varieront agréablement ce régime dont l'ensemble doit rem- placer, dans la mesure du possible, les Insectes vivants que le soleil de juin fera bientôt éclore. Car, ne l’oublions pas, nous sommes aux derniers jours du mois d'avril, tout au plus dans la première quinzaine de mai. La Cigale harmonieuse, encore à l’état de nymphe, n’a pas pris son essor vers la cime des grands arbres pour donner sur ses cymbales le signal qui (1) Les œufs, ou plus exactement les larves de Fourmis sèches ne doivent pas être servies telles quelles. Après les avoir arrosées d’eau bouillante on les lave à grande eau dans une passoire, puis on les presse légèrement dans la main pour en exprimer l’excédent de liquide, (2) Les meilleures que nous connaissions sont la Pôrée spéciale Duquesne et la Provende armoricaine. La première est bonne, mais d’un prix élevé (3 fr. le kil.). La seconde, d'invention plus récente, est également irréprochable et coûte trois fois moins. Pour ë fr. 30 rendu en gare et 5 fr. 50 à domicile, M. Mérel (29, rue Chauveau, Neuilly-sur-Seine) en expédie un sachet de 5 kil. C’est avec ce produit que nous faisons l’élevaze de tous nos Oiseaux : Bengalis, Diamants, Serins hollandais, Rossignols, etc., etc... Seulement, au lieu de l’humecter d’eau, comme le conseille l'inventeur, nous le mélangeons intimement au jaune d’œut dur. Ainsi préparée, la Provende a le double avantage de n’être pas ex- posée à la fermentation et de recevoir un surcroit de valeur nutritive. Pour l'usage des Cardinaux, il faut deux parties de Provende, une partie de mie de pain bianc rassis et une partie de jaune d'œuf. Le tout est jeté au fond d’un bol où le mélange se fait avec les doigts. On obtient une pâtée onctueuse et grume- leuse de préhénsion facile au gros bec du Cardinal rouge qui, contrairement à une croyance assez répandue, ne dégorge pas la nourriture à ses petits, mais la distribue au naturel après l'avoir humectée de sa salive. T LA + OR AR RES LÉ PU RER, D er le Gun /miueT ft r : Po ele À ‘ a | ne œ y En: re : CALE 5 » k SL - 4 98 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. fera sortir de terre et peuplera les champs et les jardins d'in- nombrables colonies de bestioles aux formes les plus variées et aux goûts les plus appétissants. Alors, pour nourrir votre famille ailée, vous n'aurez que l'embarras du choix. Mainte- nant, à cette époque de gelées tardives, la nature se montre parcimonieuse : le Hanneton bourdonnant, fléau des vergers et des bois, le Grillon casanier qui, dans les beaux jours, vient sur le bord de son trou demander au soleil la croissance de ses ailes, la chenille grassouillette (1) blottie sous les touffes de gazon humide, constituent à peu près toutes les ressources naturelles de l'éleveur en dehors des aliments artificiels énumérés plus haut. Ces ressources, ne les dédaignez pas, ami lecteur. Sila viande et les pätées sont bonnes et peuvent être utilisées; si les Vers de farine et les œufs de Fourmis secs sont excellents et doivent entrer pour une large part dans l'alimentation de vos élèves, rien, sachez-le, n’égale en valeur nutritive les Insectes vivant au grand air, nourris du suc des plantes et gorgés de rosée. Plus vous en fournirez aux parents, plus la santé des petits sera florissante et leur croissance rapide. D'ailleurs, la chasse à laquelle je vous convie ne peut être laborieuse qu'au temps de la première nichée. Bientôt, je le répète, sous le soufile ardent de l'été, la terre en fermentation produira des milliards de millions d'Insectes comestibles dont plusieurs espèces viendront élire domicile auprès de votre propre demeure. Pour les capturer, vous n'aurez qu'à tendre la main et à presser doucement l’un contre l’autre le pouce et l'index. Tels un grand nombre de Coléoptères de petite taille : Cétoines dorées, Cétoines stic- tiques, Trichies à bandes, Hoplies argentées, Anisoplies des jardins qu'on trouve endormis dans le cœur des roses où, sous leurs fines écailles d’or, de bronze, d’acier, ils brillent au soleil comme des perles précieuses. Tel encore l’un des plus menus, mais non le moins apprécié des Cardinaux, le Criocère rouge qui ressemble à une goutte de sang tombée dans le calice blanc des Lis. (A suivre.) (1) Il faut bien se sarder de donner aux Cardinaux les chenilles xelues qui, presque toutes, sécrètent une liqueur vénéneuse. Au mois de mai dernier, une de ces vilaines bêtes s'étant introduite dans la volière fut prise et mangée par un Rossignol du Japon qui tout aussitôt tomba comme foudroyé. Seules les che- nilles à peau lisse conviennent aux Cardinaux ; elles sont pour eux un vrai régal. 99 REPRODUCTION DE L'ÉCREVISSE A PATTES ROUGES OBSERVÉE DANS UN AQUARIUM D'APPARTEMENT (1) par A. DELAVAL, à Saint-Max-lès-Nancy, Le 10 septembre 1896, j'installais deux couples d'Écrevisses à pieds rouges, dans un aquarium mesurant 60 cent. x 30 x 30, ‘ dont le fond d’ardoise était garni de quelques centimètres de gravier fin : dans un des coins, un petit rocher en pierre meulière, creusé de cavités qui devaient servir d’abri, autour duquel végétaient quelques touffes de Fontinalis. Placé devant la fenêtre d’une bibliothèque bien exposée au midi, mais protégé en partie contre les rayons du soleil par un rideau de soie verte, mon bassin minuscule était alimenté par un filet d’eau courante qu'une petite trompe en verre saturait d’air au passage. Les nouveaux hôtes se promenaient inquiets en quête d’un domicile sur le choix duquel l’entente ne put s'établir, car le lendemain deux cadavres gisaient sur le fond: un couple male et femelle, avait succombé ; la lutte avait dû se pro- duire sexe contre sexe. Les vainqueurs, exempts d'inquiétude, ne tardèrent pas à se créer des habitudes stables. L'un choisit son gîte dans une cavité en haut du rocher d’où sortaient ses grosses pinces prêtes à saisir l’imprudent qu'aurait attiré ses antennes toujours en mouvement, l’autre creusa son trou en se pous- sant à reculons sous le rocher, la queue ployée et en expulsant le sable avec ses pattes, tous deux placés à contre-jour. Mes Écrevisses ne sortaient qu’à la nuit ou quand on leur distribuait de la nourriture, consistant en viande fraiche, petites Grenouilles, Poisson frais ou Vers de vase (Chiro- nômes), qu’elles préféraient à tout. La manière dont elles les cherchaient à tâtons dans le sable était des plus curieuses : elles y enfoncaient en se promenant leurs petites pattes (1) Communication faite en Séance générale le 10 février 1899. #09 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. comme au hasard, un tact subtil leur révélait la présence de la proie, qu'elles saisissaient au hasard de la fourchette, la transmettant de patte en patte jusqu'à la bouche. Une Écrevisse ne se détermine pas à nager sans de graves motifs : pour s'élever, elle s’aide des aspérités des rochers ou des branches des plantes aquatiques. Fort maladroite de ses pinces, elie ne parvint jamais à capturer un seul des petits Poissons que je leur avais adjoints pour animer l'aquarium, tels que « Calico-Bass, Rock-Bass, Épinoches, » etc. Mais elle emploie très volontiers une grande partie de son temps à sa toilette ; elle est très soucieuse de la propreté de sa carapace sur laquelle elle promène fort habilement ses pattes pour en extraire les poussières et surtout les végétations parasites. L'œil était l'objet d’une sollicitude toute particulière ; elle en saisissait le pédoncule avec sa petite patte pour l'étirer puis en nettoyait soigneusement la cavité. Le 20 octobre, par une température de 13° dans l'eau, ce paisible ménage manifesta une agitation inusitée et parut se quereller sans que j'en pusse deviner la cause. Aux menaces succédèrent les voies de fait, les deux antagonistes en vinrent aux mains comme deux lutteurs qui veulent « se tomber ». Du côté de la barbe est la toute-puissance. Ce n’est cependant pas pour cette raison que le mâle eut le dessus, car son épouse est aussi bien partagée que lui sous ce rapport, toujours est-il qu'il parvint à coucher la femelle sur le dos. Je crus qu'il se mettait en devoir de lui arracher les entrailles et voulus les séparer avec une pipette, mais la femelle parut aussi courroucée que le màäle de mon intempes- tive intervention. La lutte reprit de plus belle et je compris bien vite pourquoi il lui plaisait tant « d’être battue» car pour ôter tout prétexte à cette feinte pudeur, le mâle après avoir couché de nouveau la femelle sur le dos, lui saisit fort adroi- tement entre chacune de ses pinces les quatre pattes de chaque côté pour les écarter pendant qu'immobile et résignée elle étendait ses pinces en avant. Sa queue seule, repliée sur l'abdomen, formait à sa vertu un dernier rempart que le mâle eut tôt fait de relever. C'était l’accouplement. La scène et ses préliminaires avait duré vingt minutes. Quand, épuisés tout deux, ils se séparèrent, je retirai la femelle et j'observai sur REPRODUCTION DE L’'ÉCREVISSE A PATTES ROUGES. 401 l'abdomen, à la naissance de chacune des pattes, une con- crétion calcaire et déjà dure. Bientôt après, peut-être deux jours au plus (malheureuse- ment une lacune dans mes notes ne me permet pas de le préciser exactement) une sorte de mucosité gélatineuse appa- rut sous la queue, qui se résorba, et les œufs se montrèrent. Pierre Carbonnier dans son ouvrage si détaillé, indique la ponte comme s’effectuant vingt-cinq jours après l’accouple- ment : à moins à'un premier accouplement préalable et qui aurait échappé à mon cbservation, j'ai la certitude que les œufs apparurent très peu de jours après. Ils furent de la part de la mère, l’objet de soins constants : elle les caressait amoureusement avec ses pattes pour les tenir propres et enlever les parasites, elle les mettait dou- cement en mouvement et les balancait pour les aérer, ex- trayait enfin soigneusement ceux qui se gâtaient. Le couple reprit ses habitudes égoïstes, et quand le hasard de la promenade les mettait en présence, le téte-à-tête leur semblait plutôt désagréable. Ce fut le 22 mai 1897, c'est-à-dire sent mois et deux jours après l’accouplement, quand le thermomètre marquait dans l’eau 19° que j'apercus sur le sable, autour de leur mère, trois jeunes Écrevisses, grosses comme des grains de Blé et couleur de Crevette rose, très parfaites de forme, mais ayant la cara- pace très exagérément large. Je leur offris comme berceau une éponge dans les trous de laquelle les petits cherchèrent de suite un abri plutôt que de s'attacher aux pattes caudales de leur mère. Cependant, trois jours après, le 25 mai, la femelle s'étant dressée contre la glace de l'aquarium, j'ai pu observer une dizaine de jeunes, accrochés sous la mère. Il y en avait de plus rouges qui ne remuaient pas, les autres, plus vifs, étaient de couleur päle avec de petits yeux très noirs. Il me fut impossible d'observer les rapports entre enfants et parents. Je crois qu'ils furent trop intimes, car les jeunes dimi- nuëèrent rapidement en nombre, et ce fut le 27 que j'apercus les derniers circulant sur l'éponge. Le corps avait repris ses proportions normales, il était d’une teinte bleuâtre et trans- lucide, d'une finesse parfaite dans tous les détails de ses membres. 402 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. À partir du 1° juin, je ne vis plus de jeunes, la mère avait pendantes sous la queue quelques DERQR qui se résor- berent. Elle avait repris ses habitudes et son logement quand le 24 juin, vers neuf heures du matin, je remarquai chez la temelle une grande agitation que j'attribuai à l’excessive cha- leur. En rentrant, vers deux heures, je vis gisant sur le sable, un cadavre flasque et décoloré, tandis que l'Écrevisse occupait tranquillement sa place accoutumée. Je pris-eette enveloppe que l'habitant venait de quitter : on n’y voyait mi fente ni ouverture d'aucune sorte, la carapace était seulement soulevée à la naissance de la queue comme le couvercle d’une boite, aucune pince, aucune patte n'était détachée. La bête avait dû jaire un premier effort pour sortir son abdomen en soulevant sa carapace, puis avait dû extraire ses pattes et ses pinces comme d'un gant sans boutons, et avait ensuite retiré la queue de son étui. Mon expérience était terminée; pas un instant mes Écre- visses n'ont paru souffrir de leur captivité : je leur rendis la liberté, me promettant de renouveler cette curieuse expé- rience dès que j'aurais un aquarium disponible pour tenter plus efficacement l'éducation des jeunes. 103 A PROPOS DIUNE ÉCLOSION TARDIVE D'ATTACUS CYNTHIA £ L'ATTACUS CYNTHIA var. PARISIENSIS (1) par A.-L. CLÉMENT, Président de la Section d'Entomologie. J'ai l'honneur de présenter à la Section quelques Affacus cynlihia provenant de cocons acquis l'été dernier par la Société afin d’être distribués, et envoyés en particulier dans la République Argentine pour des essais d’acclimatation de ce Ver à soie, dont on n a pas su tirer en France un parti suflisant. Après l'expédition d’un premier lot de ces cocons, on s'aperçut que des éclosions avaient lieu. A ce moment, les cocons me furent envoyés pour tenter, ou d'arrêter les éclosions, ou d’en tirer parti en favorisant les accouplements et en recueillant les œufs qui pourraient en provenir. Ce fait d'une génération tardive (la troisième de l’année), de l’Attacus cynthia, est connu depuis longtemps. Je lai signalé apres bien d’autres observateurs, il y a une ving- taine d'années, à propos de cocons recueillis à Paris même, en liberté. Mais jusqu'à présent, je ne l'avais jamais vu se prolonger aussi tardivement, car à la fin de novembre et même au commencement de décembre, j'obtenais encore des accouplements et des pontes quoique les cocons aient été placés dans un endroit tres frais. Dans le courant de décembre, ces mêmes pontes sur lesquelles on croyait pouvoir compter pour les distributions, éclosaient et furent perdues, car il ne fallait pas songer à un élevage, toute nourriture convenable manquant complètement à cette époque. Néanmoins, à partir de ce moment, il a été possible d'expédier la plus grande partie de ces cocons sans craintes de nouvelles éclosions prématurées, pourvu toutefois que les envois ne soient pas soumis pendant le voyage à une température trop élevée. (1} Commurication faite à la Section d’Entomologie, dans la séance du 23 janvier 1899. 78, 104 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. | Parmi ces Papillons obtenus si tardivement, plusieurs d'une tonalité spéciale ont attiré mon attention. Les teintes roses du type ordinaire leur manquent complètement. J'en ai préparé un que je présente ici. et me reportant à ma collec- tion, j'ai vu que ce même type était apparu déjà dans des Papillons provenant de cocons recueillis il y a plus de vingt ans dans le Jardin du Musée de Cluny, à Paris. Cette persis- tance à se reproduire avec le méme caractère, dans la méme localité (car les cocons acquis l’année dernière par la Société, ont aussi une provenance parisienne), m'autorise à considérer cette variété comme constante, et je propose de lui donner dès aujourd'hui, en attendant la description qui sera publiée ultérieurement, le nom significatif de Parisiensis. Il me parait bon d'ailleurs de rappeler ici que notre A{lacus cynth1ia francais, n'est pas de race pure. En 1854 et pendant les années suivantes, H. Milne-Edwards élevait au Museum, l'Atéacus arrindia de l'Hindoustan, puis en 1858 l’Allacus cynthia de la Chine (Le Croissant de d’Aubenton, le jeune). Rs Ces deux espèces furent croisées. Leur élevage, confié & M. Vallée, gardien de la ménagerie des Reptiles, réussit à merveille, et ce sont les nombreux métis qui en résultaient et dost un grand nombre furent lächés à dessein, qui se naturalisèrent dans la région parisienne d'une facon rapide et durable. Je m'étonne que cefte espèce ait été dédaignée par l'in- dustrie. Il est probable qu'en avancant un peu, par la chaleur, les premières éclosions, on obfiendrait régulièrement trois générations par an. La soie est extrémement solide, et facilement dévidable ; l'apathie seule des filateurs semble s'opposer à l'expansion de son emploi. Ne serait-il pas bon que la Société d’Acclimalalion ‘comme elle l'a déjà fait d'ailleurs), crée de nouveaux prix pour récompenser les efforts tentés dans le but d'utiliser une espèce dont l’acclimatation nous est depuis longtemps et sûrement acquise ? | OA PET AATIONALE D'AGG 46 ANNÉE ANREL 1299 SOMMAIRE ses sv ss ose eo Le — Sur l'habitat des ou du genre Tropidonotus dans ss... VEroS. En Lot Abtragsle en faux se. 20 HR SERRE EE Re 127 Extrait des ot des Séances de la Société: AD PSE C MÉBIORIOUE CALIDO EE 14 Ertraits de la Correspondance : ipèdes aux environs d'Angers. — Culture d'Ignames améliorées à Marseille. Société. ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. si AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS _ ET A LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE Le Bulletin paraît tous les mois \ DÉSINFECTANT : ANTISEPTIQUE 7 Le seul joignant à son Efficacité, scientifiquement démontrée, S l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Corrosif. Hémostatique et Styptique puissant. Adopté par les Ecoles Nationales Vétérinaires, le Service de Santé de l'Armée, la Préfecture. de la Seine et La plupart des De Ge d'Hygiène et de Désinfection des Départements. Reconnu indisps»5zble dans la pratique vétérinaire. ARBRES SP PLPSPSTPI SE LA éneneux LA Corrosif Envoi franco sur demande de Rapports scientifiques ot Prospectus ! SOCIÉTÉ FRAAÇAISE de PRODUITS SANITAIRES et ANTISEPTIQUES 35, Rue des Francs-Bourgeois (ci-devant 31, Rue des Petites-Ecuries), Paris. 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On connaît partout le Lérot (Myoœus nilela) ce petit Mam- .mifère très gracieux d’allures, que l'on voit aux heures . crépusculaires de l'été, tantôt passer par petits bonds rapides sur le chaperon des murs ou grimper sur la façade des mai- _ sons, avec la même vélocité qu'il mettrait à courir sur le sol ; _ tantôt apparaître, comme une ombre fugitive, dans les arbres dont il parcourt les branches. avec une légèreté qui fait à peine plier les plus ténues ; sous ce rapport, il n'a rien à . envier à l’Ecureuil ; comme lui, il se montre un gymna- : siarque accompli. On sait aussi que, de même que la Marmotte, il est doué de la faculté de suspendre, pendant plusieurs mois, sa vie active et de passer l'hiver plongé dans un sommeil léthargique n ininterrompu. Il est peu d'habitants äe la campagne qui n'aient eu l’occasion de le trouver dans cet état, alors que, roulé sur lui-même et cerclé par sa queue presque aussi longue que son corps, il forme une boule aussi parfaite qu'une bille de billard. Mais, ce qui attire sur lui l’attention de tous ceux qui s'oc- _ cupent de jardinage, ce sont les dégâts quil commet dans les vergers et surtout le long des espaliers et des treilles, à . l'époque de la maturité des fruits dont il se plait à détériorer les plus beaux spécimens. Cependant, ces méfaits ne sont pas les plus sérieux qu’on ait à lui reprocher ; le plus grave est sans contredit son goût prononcé pour les œufs d'Oiseaux, qu'il mange avec délices, causant ainsi la perte d’un grand . nombre de nids. Malheureusement, si toutes ces constatations font naître à son égard des pensées de représailles, celles-ci sont rarement suivies d'effet et, à part quelques jardiniers {1} Communication faite en Séance générale le 24 février 1899. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 8. 106 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. qui, exaspérés de voir leurs plus belles pêches entamées, lui tendent des pièges, ce petit animal n'est guère menacé; i peut se multiplier en paix et poursuivre pendant les mois où il n'y à pas encore de fruits, son action éminemment destruc- tive des couvées d'Oiseaux. C'est spécialement à ce point de vue que j'entends m'oc- cuper de lui ici. Le Lérot possède un estomac particulier qui lui permet, même au moment de son réveil, qui a lieu généralement vers la fin de mars, de manger, sans en éprouver le moindre inconvénient, des substances les plus hétérogènes sous le rapport de la nutrition. Dans les combles des habitations où il a passé son temps d’hibernage, il s'attaque à tout ce qui tenterait la dent du Rat ou de la Souris; le savon, qu'il soit de toilette ou de Marseille, lui plaît tout particulièrement et j'ai eu souvent l’occasion de voir ses ravages dans des caisses de bougies dont il ne laissait parfois que la mèche. Quelles que soient les matières qu'il absorbe, il n’en éprouve aucun trouble dans ses fonctions digestives et ses excréments restent invariablement les mêmes, qu'il ait mangé du savon, des œufs, de la chaïr ou des fruits. L'aire de dispersion du Lérot occupe une grande partie de l’Europe ; il est commun partout. En France, on le trouve aussi bien dans le centre des forêts qu'au milieu des habita- tions ; mais depuis quelques années, il se montre de plus en plus abondant dans les localités comme celle que j'habite, où les bois sont transformés en d'immenses parquets d'élevage de Faisans ; les nombreux gardes nécessaires pour protéger ces basses-cours à gibier — car on ne saurait appeler cela des chasses, — contre les convoitises des braconniers, détruisent sans relâche les Oiseaux nocturnes tels que le Chat-Huant et le Hibou qui sont à peu près les seuls pondérateurs du Lérot. Ces gardes se font ainsi les protecteurs inconscients de ce petit animal, auquel ils n’attachent aucune importance et que, par ignorance, ils laissent pulluler à son aise et devenir un fléau pour les nids des Oiseaux. Le Lérot passe les nuits à se livrer à la recherche des nids et grâce à sa petite taille et à son incomparable agilité, il sait les atteindre, quel que soit l'endroit où ils sont établis. IL visite les trous d'arbres, de murailles dans lesquels les plus petits de nos Oiseaux indigènes peuvent s'établir pour nicher, Tr LE LÉROT. 107 explore les buissons les plus fourrés, les arbres les plus élevés ; inspecte les toits des maisons où pas un nid de Moïneau ne lui échappe sous les chéneaux. Je lui ai vu dé- truire jusqu’à un nid d'Hirondelle rustique placé dans l’inté- rieur d’une cheminée s’élevant de 3 mètres au-dessus du toit. Je ne connais que les nids établis en plein champ qui soient soustraits à ses inquisitions. L’année dernière, je trouvai un nid de Merle noir dans une haie d’Epine si épaisse qu’il me parut admirablement protégé même contre le Chat ; j'avais compté sans le Lérot. Chaque jour, je passais dans l’étroite allée bordée par cette haïe, et la couveuse s'était si bien familiarisée avec moi, que je m’arrétais, tout près, à la regarder dans ses yeux brillants comme des perles noires, sans qu’elle manifestät la moindre inquiétude. Un matin, trois jours avant le terme de l’incuba- tion, l'Oiseau n'était pas sur le nid et sa place était occupée par un petit dôme de mousse; je ne me trompai pas sur l'identité du nouvel hôte, j'allai chercher une carabine et tirant dans la masse, je tuai un énorme Lérot qui, après avoir fait un copieux souper, avait trouvé plus commode de s’ins- taller sur place pour digérer. C'est de cette manière que j'ai vu finir tous les nids de Merle grive (Turdus musicus) dans les bois de Gouvieux. Sur vingt et un que j'ai relevés dans mes notes, pas un seul n’a réussi, et, dans tous, j'ai invariablement trouvé un Lérot installé dans les mêmes conditions que celui du nid de Merle dont je viens de parler. Malgré mes efforts constants pour rechercher et détruire les Lérots chez moi, depuis deux ou trois ans, je les vois de plus en plus nombreux ; cela résulte incontestablement de la diminution dans la région, des Oiseaux nocturnes utiles et aussi de l'abattage qui s’est fait partout des vieux arbres troués. Privés, dans l’intérieur des bois, de ces refuges natu- rels, les Lérots tendent de plus en plus à se rapprocher des lieux habités qui leur offrent des abris favorables pour hiberner. Toujours est-il qu’en m'appuyant sur les observations de l’année dernière (1898), je dois mettre le Lérot au premier rang des destructeurs de nids, place qui, auparavant, appar- tenait de droit au Chat. Et par le fait, ce dernier trouve, en ce petit Rongeur qu'il ne parvient pas souvent à capturer, un Ré nur NF É ailes Le Le mt 2 Us cé ARE 7 Lt y + t 408 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. sérieux concurrent, qui ne laisse arriver que de rares couvées au point où les Chats les attendent généralement pour s’en emparer. Alors que je suis parvenu, à l'aide d’entourages en grillage, à mettre à l'abri des Chats les nids placés à terre ou qu'ils peuvent atteindre dans les buissons et les arbres, c'est en vain que je me suis ingénié à les protéger contre le Lérot et, dans les endroits les plus exposés aux explorations de ce petit mais bien redoutable dévastateur, je préfère jeter bas tout commencement de nid que je découvre, de facon à forcer les Oiseaux à le recommencer ailleurs, plutôt que d'assister à la destruction certaine de leur couvée à la place primitivement choisie par eux. Je vais citer un fait qui donnera la preuve que le Lérot ne s'attaque pas seulement aux nids des petits Oiseaux, mais qu'il pousse l’audace jusqu'à rechercher les œufs des Oiseaux de forte taille, comme ceux de basse-cour. J'ai une volière, dont deux des compartiments sont occupés, l’un par un couple de Swinhoë, l’autre, par un mâle Lady Ambherst; celui-ci ayant tué successivement deux femelles, je jugeai inutile de renouveler une troisième fois l'expérience et, comme, en dehors de la folie meurtrière qui prend sou- vent les mâles de cette espèce, au moment des amours, notre Barbe-bleue se montre très doux, je lui donnai comme com- pagne une Poule Nangasaki avec laquelle, du reste, il vit en bonne intelligence. C'est dans ce milieu que nous allons voir le Lérot à l’œuvre. La femelle Swinhoë, ayant couvé et amené à terme ses trois derniers œufs, qu'elle avait dissimulés, on la Jaissa libre de recommencer l’année suivante. Elle choisit la même place pour faire sa ponte, qui commenca plus tard que d'habi- tude, le 2 avril. Le premier œuf fut trouvé le lendemain percé d'un grand trou et complètement vidé. J'accusai le mâle de cet acte coupable et on le fit passer dans un autre comparti- ment au moment où, deux jours après, on s’apercut que sa femelle se disposait à pondre son second œuf. Maïs ce dernier eut le même sort que le premier et on ne douta pas cette fois que c'était la Faïsane qui, devenue tout à coup marâtre, mangeait elle-même ses œufs. Le mâle, reconnu innocent, fut donc réintégré dans le domicile conjugal et on prit le parti LE LÉROT. _ 109 de surveiller cette mère dénaturée pour lui enlever ses œufs aussitôt pondus. Quelque temps après, la Poule Nangasaki s'étant mise à couver, à son tour, les deux ou trois œufs qu’elle avait pondus, dans une case d’une boîte à Pigeons suspendue au fond de la volière, on les lui retira pour les remplacer par des œufs fécondés de son espèce. Elle couvait depuis une dizaine de jours, lorsqu'on m'apporta un œuf trouvé à côté d'elle, troué et aux trois quarts vidé. Cet œuf était bien arrivé à son degré d’incubation. Comme rien ne permettait d’incriminer de ce fait le mâle Lady Amherst, force fut d'en accuser la Poule qui, de même que la femelle Swinhoë, faisait preuve tout à coup de dépra- vation, alors qu'elle s'était toujours montrée une couveuse accomplie. Chaque jour, un nouvel œuf était trouvé mangé à côté d'elle et ïl ne lui en restait plus que trois, sur les huit qu'on lui avait donnés, quand, un soir, je l’entendis pousser des cris de colère et d'inquiétude; ce fut pour moi un trait de lumière. Les deux pauvres couveuses étaient toutes deux victimes d’une erreur ; le vrai coupable avait su jusque-là se rendre invisible et le lendemain, à la suite d’une minutieuse vi- site domiciliaire, je le découvris, au milieu d un amas de foin et de paille, rassemblé dans la case d’une autre boîte à Pigeons. Le Lérot, dont j'arrétais les exploits, vivait là comme un Rat dans un fromage et j'avais enfin l'explication de l’infécondité apparente, dont faisaient preuve depuis quelque temps, plu- sieurs couples de Pigeons. Aïnsi, notre brigand avait mangé d’abord les œufs de Swinhoë, puis, en dépit des cris de la Poule Nangasaki et de la défense qu'elle devait lui opposer, il se glissait sous elle, lui retirait ses œufs et les savourait à ses côtés. Après un tel exemple, on comprendra qu'il est parfaite- ment capable d'aller, dans les bois, chercher les œufs de Faisan sous la couveuse elle-même. Le Lérot, qui a toutes les facilités pour atteindre les nids, quel que soit l’endroit où ils sont établis, se nourrit pendant le cours de la reproduction des Oiseaux, presque exclusivement de leurs œufs, qu'ils soient frais ou près d'éclore ; si, au lieu des œufs, il trouve des jeunes, fussent-ils tout emplumés et prêts à quitter leur berceau, il les tue pour le plaisir de tuer, car ce n'est que poussé par la faim ou pour varier sa nourri- ue PRE OT IN 1] ‘ ae" + 410 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ture qu'il se repait de leur chair ; mais jamais il ne mange un jeune en entier, il entame l’un, puis l’autre, comme ül le fait à l'égard des plus beaux fruits des espaliers. Cet animal, en dépit de sa taille inférieure, tient donc une place prépondérante dans les causes qui amènent la diminu- tion progressive des Oiseaux à laquelle nous assistons. Ces causes peuvent étre divisées en deux catégories : celles qui sont naturelles, c'est-à-dire qui font partie de ce système pondérateur du développement des étres organisés, dans lequel le Lérot joue évidemment son rôle, car, depuis qu'il existe, il a dù toujours être un mangeur d'œufs et celles qui incombent directement à l'homme et qui ne sont pas les moins actives. J 1 Outre le trouble qu’il est venu jeter dans l’ordre des choses naturelles pour satisfaire ses besoïns et ses caprices, l'homme détruit lui-même les Oiseaux dans des proportions qui dé- passent celles de toutes les causes naturelles réunies. Dans son jeune âge, le but de ses courses vagabondes, à travers les champs et les bois, est la recherche des nids qui lui servent de jouets: à l’âge adulte, s’il respecte dans une certaine mesure la reproduction, en revanche, il s'attaque aux reproducteurs dont il fait d’effroyables hécatombes ; il choisit, pour rendre ses pièges plus productifs, les époques où les Oiseaux accomplissent leurs migrations de l'automne et du printemps qui les rassemblent ou les font passer en grand nombre dans certaines contrées; à cette dernière saison, c'est par millions qu'il supprime, en quelques se- maines, ces admirables petits êtres qui venaient protéger ses plus précieux intérêts contre des ennemis dont il ne sait pas lui-méme se sauvegarder. C'est encore à l'homme qu'il faut faire remonter la respon- sabilité de l’action de bien d'autres facteurs de destruction dont le Chat, qu'il entretient en nombre abusif dans les cam- pagnes, n'est pas un des moindres. Aujourd'hui, malgré les Congrès ornithophiles et toute l'encre qui s'est répandue pour démontrer la nécessité de recourir au plus tôt à une protection efficace des Oiseaux, aucune amélioration n’a été apportée à cette situation. Et ce ne sont pas les lois qu'on prépare qui remédieront au mal, car elles seront les premières à ouvrir la porte plus largement que jamais aux abus qu'on voudrait supprimer. Nous en LE LÉROT. A1 avons une preuve dans la loi déjà votée par le Sénat; elle constitue une aggravation sur celle du 3 mai 1844 qui était bonne, si on avait tenu la main à la faire observer et si on en avait supprimé un simple paragraphe, sur lequel les Préfets s’autorisent pour prendre des mesures d’exceptions deman- dées par les Conseils généraux, en vue de satisfaire leurs électeurs. : De son côté, la Chambre des Députés est saisie d’un projet de loi émanant de M. du Périer de Larsan et qui ne peut satisfaire davantage les défenseurs des Oiseaux. L'auteur, animé des meilleures intentions, a éloquemment parlé, dans son exposé des motifs, de l'utilité des Oiseaux et de la néces- sité de les protéger dans l'intérêt de nos cultures de plus en plus menacées par les Insectes; malheureusement, ainsi que ses prédécesseurs, il n’a pas su éviter des exceptions qui ne peuvent produire que des effets absolument contraires au but poursuivi. Non seulement, il a sacrifié à de misérables inté- rêts gastronomiques, les protecteurs naturels des vignobles et du blé : le Bruant ortolan et l’Alouette des champs, l'Oiseau respecté des Gaulois, mais il autorise des engins qui ne ser- viront pas seulement à détruire ces deux Oiseaux; il serait vraiment naïf de croire qu'il pourra en être autrement avec l’absence complète de surveillance qui existe dans les cam- pagnes. Alors que la loi de 1844 proscrivait rigoureusement tous les modes de chasse autres que le fusil et les bourses desti- nées au Lapin, la loi de M. du Périer de Larsan généralisera sur toute l'étendue de la France, les abus qui se trouvaient restreints à quelques départements où la chasse de l’Alouette au filet était autorisée par des arrêtés des Préfets, en trans- formant ces autorisations partielles en un droit consacré par Ja nouvelle loi. Après de tels exemples, qui montrent l’homme incapable de protéger, contre lui-même, les malheureux Oiseaux qui ne vivent que pour lui être utiles, peut-on espérer qu'on prendra en considération le rôle prépondérant que joue le Lérot dans la diminution des Oiseaux ? Je ne le pense pas. Et cependant, il ne mérite pas seulement qu'on l’inscrive en tête des animaux les plus nuisibles, mais qu’on mette sa tête à prix en fixant une prime à sa destruction. Sans parler de tous les pièges dans lesquels le Lérot donne, LARé 412 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. du moment qu’on l’y attire par un appât quelconque et qu'on peut lui tendre à son réveil dans les habitations, il est’un des animaux sauvages dont la retraite, pendant la belle saison, est des plus faciles à trouver. _ Si l’on inspecte les trous d'arbres, dans le courant d'avril, on le rencontrera par groupes de plusieurs individus réunis par le rut, qui paraît survenir peu après leur sortie de l’état léthargique. J'ai trouvé ainsi dans un trou creusé par un Gécine vert, dans un Tremble, et où l’année d'avant une Huppe avait niché, onze Lérots, dont un seul réussit à s'échapper. Plus tard, on le trouvera isolé dans les vieux nids composés surtout de mousse, de laine et de bourre, qu'il arrange pour s’en faire un refuge pendant le jour et où l’ha- bitude permet de reconnaître facilement sa présence. A la moiudre alerte, il en sort, grimpe lestement jusqu'à une fourche d'arbre et offre ainsi un but facile au chasseur. En attendant mieux, l'Administration pourrait déjà agir utilement ; il lui suffirait de donner des instructions aux gardes-forestiers pour qu'ils procèdent à la destruction du Lérot dans toutes les forêts de l'Etat; ils trouveraient certai- nement, dans cette occupation, une distraction à la mono- tonie de leur promenade solitaire et, dans tous les cas, ils sauveraient ainsi de nombreuses couvées d’une destruction certaine. C’est un vœu que j'émets, après avoir montré, en observa- teur consciencieux, le rôle considérable que joue le Lérot dans la diminution des Oiseaux par la destruction de leurs nids. #4 TNT 113 LE CARDINAL DE VIRGINIE (CARDINALIS CARDINALIS) SON ELEVAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE par l'Abbé À. CHARRUAUD, Curé de Bessens (Tarn-et-Garonne). (SUITE ET FIN *) IT. — REPRODUCTION (suite). Mais c’est dans la campagne surtout que votre chasse sera fructueuse et variée. Là, les larves de Fourmis fraîches, bien autrement savoureuses et nourrissantes que ces mêmes larves desséchées, les Grillons au ventre rebondi, les Sau- terelles succulentes de toute taille et de toute couleur, vous fourniront une ample provision de mets délicats auprès desquels la meilleure des pâtées est insipide et fade. Les Sauterelles! ah! voilà la nourriture pas excellence, le ec _ pius ultra des aliments à fournir aux Cardinaux de Virginie. Pour une Sauterelle vivante, ils délaissent tout, même le Ver de farine dont ils sont pourtant si friands. Et elle abonde, elle pullule, la délicieuse Sauterelle dans notre Midi du moins. De juin à novembre, les prés, les luzernes et les champs en sont littéralement couverts ; on n’y peut faire un pas sans en soulever un essaim bruissant qui tout aussitôt retombe en s’éparpillant sur le sol. Cueillez, cueillez la précieuse manne ; Cueillez-la le matin, cueillez-la le soir (1) : vous n’en sauriez jamais trop prendre, vous n’en prendrez jamais assez. D’après un calcul fait par Chiapella, une nichée de quatre Cardinaux consomme par jour de 300 à 500 Sau- * Voir plus haut, pages 1, 39 et 84. (1) Le matin et le soir, les Sauterelles, engourdies par la rosée ou la fraîcheur, se laissent facilement prendre. On les met dans une caisse longue, et large, mais peu profonde, et couverte de treillage à mailles fines. En leur fournissant de la verdure fraîche (Luzerne, Laïtues, etc. ..), on peut les conserver plusieurs jours en bon état. Ne servir aux Cardinaux que les Sauterelles bien vivantes, car chez ces Insectes, la putréfaction commence avant la cessation du mouvement. 114 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. terelles selon que les petits sont plus ou moins avancés en age. Quelle fringale!... Et dire que l'honorable bordelais élevait chaque année presque autant de Cardinaux qu'il en faudrait pour peupler la France entière ! Où donc trouvait- il assez d'Insectes pour rassasier tous ces estomacs panta- gruéliques ? Ce n’est pas assurément sur les Quinconces où l'on doit voir plus de sots que de Sauterelles déambuler au soleil. Le fait est que M. Chiapella donnaït beaucoup, beau- coup de ces petites bêtes à ses Cardinaux et ce, à la grande satisfaction de l’éleveur et des élèves. Moi qui vous parle, je n'ai jamais nourri autrement mes nichées de Rassignols rouges, quand la saison me le permettait, bien entendu. Il est vrai que la besogne m'était particulièrement aisée, ayant moins de bouches à satisfaire et les plus grandes facilités pour me procurer l’Insecte préféré. Deux fois, au moins, par semaine, le soir, à la sortie de l’école, je réunissais sous ma houlette pastorale trois ou quatre gamins des plus délurés et en avant! la petite troupe... Une demi-heure après nous rentrions au logis avec nos boîtes pleines. Croyez-moi, chers confrères. en aviculture, suivez mon exemple. Si vous en avez le loisir et la commodité, allez vous- même chercher l'indispensable Saüterelle sur les lieux où la divine Providence la fait naître : c’est le seul moyen pratique d’approvisionner convenablement la table de vos Cardinaux affamés. Les deux premiers jours de l’élevage, ne prenez que les petites, vertes ou grises, et préférez celles qui sautent à à celles qui volent; les unes sont généralement légères et vides ; les autres, pleines et pesantes, par conséquent plus nourrissantes, À partir du troisième jour dédaignez ce menu fretin pour vous rabattre sur les gros Acridiens et Locustiens. Les premiers sont représentés dans nos contrés par le Criquet pèlerin, assez fréquent à l’époque des moïissons ; les seconds par la Grande Sauterelle verte, Locusta viridissima, très commune dans les Blés et les Luzernes, et par l'Ephippiger ou Porte-Selle, d'un beau vert tendre. Celui-ci, qui est le dernier à disparaître et qu’on trouve encore vivant en novembre, abonde également dans les Luzernes; mais il habite aussi les chemins buissonneux, les lieux découverts et ensoleillés où on le voit accroché aux plus hautes tiges des Chardons et autres plantes épineuses tandis qu'il fait entendre son crrii! crrii! monotone et lent. LE CARDINAL DE VIRGINIE. 415 Les Cardinaux rouges raffolent de ces gros Insectes : cette fois le morceau est digne de leur gourmandise et en rapport avec l’ampleur de leur gosier. Après en avoir prestement élagué les pattes, les élytres et le corselet, ils gardent pour eux l'abdomen charnu, le mâchonnent, l'humectent d’une sorte de chyle que leur estomac sécrète et, ainsi préparé, vont le déposer délicatement dans la bouche béante de leurs petits, où il disparaît. | Enfin, il est bon de donner aux reproducteurs du Mouron blanc, de la Laitue, etc., etc., et, selon la saison, des cerises bien müres, des grains de raisin, des baies de Sureau et de Raisin d'Amérique (Phytolacca decandra), un quartier de poire, de pomme ou d'orange : dessert rafraichissant dont la famille entière fera le meilleur usage. Avec ce régime substantiel et varié, les jeunes Cardinaux grandissent comme par enchantement. Déjà, au septième jour, on les voit mettre curieusement la tête hors du nid, sans doute pour savoir ce qui se passe autour d'eux et étudier en détail leur petit domaine avant d'y folâtrer. Au neuvième, ils escaladent tant bien que mal les murs de leur habitation et s’y tiennent perchés. Après le onzième, ils prennent leur essor. Pendant une semaine encore, le père et la mère leur donnent la becquée, puis le père seul nourrit ses enfants tandis que la femelle travaille à un nouveau nid. A l’âge de vingt-cinq jours, les jeunes Oiseaux commencent à manger seuls. Ils prennent et avalent la viande, les Vers de farine, les œufs de Fourmis ; ils broyent assez bien les petites graines et dépouillent facilement le Millet blanc en grappes laiteuses. À un mois, ils se suffisent tout à fait. Les parents les abandonnent aussitôt et les maltraitent. Il faut les enlever. On reconnaît les mâles aux plumes rouges, rares encore, qui se détachent sur le fond uniforme de leur robe brune, costume du premier âge dont ils ne se dépouillent qu'à la mue d'automne. Alors, ils revêtent cette belle livrée écarlate qu'une nourriture animalisée maintient dans tout son éclat. Tels sont, décrits au jour le jour avec mes observations personnelles, les mœurs des Cardinaux reproducteurs et les soins qu’il convient de leur donner depuis leur mise en volière - jusqu’à la complète éducation de leurs nichées. Ma tâche est-elle terminée? Hélas! Non. A ce tableau 116 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. charmant il y a malheureusement une ombre qu'il importe de signaler afin d'éviter à l’éleveur de désagréables surprises. Je veux parler de cette férocité, à première vue inexplicable, qui pousse subitement les Cardinaux captifs à tuer leurs petits alors que, dans leur attitude, rien n'a fait prévoir nn si prompt changement d'humeur. Les cas de ces exterminations sou- daines sont trop fréquents pour n'avoir pas attiré l'attention des auteurs avicoles ; et comme l'usage veut qu'on ne parle jamais d'un mal sans indiquer le remède, chacun s'est em- pressé de donner sa recette. Voici celle d’une importante revue belge. Consulté par un abonné sur les moyens à prendre pour guérir les Cardinaux rouges de leur déplorable manie, le Directeur répondit : « Nous avons toujours observé que les Cardinaux tuent et mangent leurs petits lorsqu'ils ne trouvent pas la nourriture qui con- vient à l’élève de leur progéniture. Il faut à cette époque leur présenter de la viande, des œufs de Fourmis, etc.…., Suivez cet avis, vous n’aurez plus à vous plaindre de la non-venue de vos oisillons. » (1) Ce conseil, tombant de haut, ne pouvait manquer de faire du bruit. Il én fit. Ilen fittant et tant qu'il s’est répercuté, comme un écho, dans tous les ouvrages d’aviculture parus depuis lors. M. le marquis de Brisay le reproduit reli- gieusement et le recommande à ses lecteurs avec autant de conviction que s'il s'agissait d'un conseil évangélique. M. Moreau se l’approprie, ou plutôt, nous le donne accommodé de la facon suivante : « Faute d'aliments à leur convenance, souvent les Cardinaux captifs tuent leurs petits ou les laissent mourir de faim... Pour prévenir cet accident, il est de toute nécessité d'ajouter » à leur nourriture ordinaire « des œufs de Fourmis,... des Vers de farine,... des Hannetons, en plus grand nombre possible, et des Mouches. » Alors, conclut notre auteur, « on est sür de les voir élever leurs petits avec le même amour qu'en pleine liberté. » (2) Eh bien, j'en demande pardon à ces maîtres éminents, leur recette, puisque recette il y a, n’a aucune valeur thérapeu- tique : c’est un remède d’empirique et rien de plus. Entendons- nous bien cependant. (4) Acclimatation illustrée, 30 avril 1883. Cité par M.le marquis de Brisay. Passereaux, Auray, 1894. i (2) L'Amaieur d'Oiseaux de volière, p. 241. LE CARDINAL DE VIRGINIE. 117 Que les Cardinaux rouges aient absolument besoin d'une nourriture animalisée pour l'élève de leur progéniture, je me sarderais bien d'en disconvenir. (Via. sup.). Que, «faute d’a- liments à leur convenance » les Cardinaux abandonnent leurs petits et « les laissent mourir de faim », c’est une extrémité à laquelle ils sont bien forcés de se résoudre : Nemo dat quod non habet. Que, dans ce cas, « ils les tuent et les mangent » même, je les en crois, ma foi, bien capables, la faim étant très mauvaise conseillère. Indomitus latrat contra jejunta venter, dirait un certain Pallu, médecin-poète du XVII: siècle. Mais que « pour prévenir ces accidents », il suffise de donner aux reproducteurs une nourriture animalisée, et, qu’à cette con- dition, on soit « sûr de les voir élever leurs petits avec le même amour qu'en pleine liberté », au point de n'avoir « plus à se plaindre de la non-venue des oisillons » : voilà ce dont je me permets de douter, attendu que les preuves du contraire abondent. J'en ai plein les mains. En voici deux : Le 25 juillet 1897, un éleveur bien connu des amateurs d’Oiseaux, M. C. Tinot de Champforgueil, m'écrivait : « Mes Cardinaux rouges ont eu trois œufs que la femelle a régu- . lièrement couvés. Les petits sont nés treize jours après. Le lendemain, ils avaient disparu, mangés par le mâle, bien que _je tinsse constamment à sa disposition la nourriture la plus variée : pâtée, viande, œufs de Fourmis, Vers de farine, sauf pourtant des Sauterelles que je n'avais point. » L'année pré- cédente, M. Jarrassé obtenait d’un couple plusieurs nichées. Avec une sollicitude qui méritait d’être mieux récompensée, il servait aux parents «les aliments les plus propres à se- conder l'élevage ». Total des produits à la fin de l'été : une femelle !... Les autres avaient été « abandonnés ou tués par le mâle ». À ces témoignages indiscutables voulez-vous me permettre d'ajouter le mien propre ? Sur dix couples de Cardinaux que j'ai fait reproduire, je n’en ai trouvé qu'un seul — le premier — qui menât à bien ses petits. Les neuf autres étaient d’une barbarie à faire frémir la Nature. À une nichée réussie suc- cédait régulièrement une nichée massacrée. Souvent même — détail significatif — je n’obtenais d’autres jeunes que ceux 11e BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. de la première ou de la dernière couvée, alors que l’ardeur amoureuse des époux n'était pas montée à son plus haut degré, ou baissait sensiblement pour bientôt s'éteindre tout à fait. Or, s'ilest dans les cinq parties du monde un éleveur qui ait bourré ses Cardinaux de Sauterelles et d'Insectes de toutes sortes durant la période de l'élevage, c'est assurément le Curé de Bessens. | Il y à plus. Non seulement mes Cardinaux tuaient leurs petits au berceau — sanglante besogne à laquelle les femelles ne prétaient jamais l’aide de leur bec maternel — maïs j'ai vu maintes et maintes fois les mâles casser les œufs au fur et à mesure qu'ils étaient pondus, puis s’acharner sür le nid même et en jeter au vent les tristes débris. £tiam periere ruincæ ! Donc ce ne pouvait être à la privation d'aliments appropriés à l'élève d'une progéniture qu'ils n'avaient pas encore, ou qu'il leur était loisible, une fois née, de gaver à leur fantaisie, que mes Cardinaux — et selon toute appaïrence, ceux de mes honorables correspondants — devaient ces instincts féroces si funestes aux nichées (1). Et quand les auteurs insinuent qu'en tuant et mangeant ses petits, le Cardinal ne fait que céder à son penchant pour la bonne chère ou au louable désir d’arracher sa famille aux horreurs de la faim, et qu'il suffit, par conséquent, de lui présenter une nourriture à sa ‘ convenance pour le voir accomplir régulièrement sa tâche jus- qu'au bout, ces Messieurs, à mon humble avis, se trompent. Quel est donc alors le mobile qui fait agir le Cardinal ? Écoutons Chiapella. Cet aviculteur incomparable, notre maitre à tous, parlant des difficultés qu’on rencontre dans l'élevage du Passereau américain, ajoute : « Pour réussir, il n'y a pas d'autre moyen que d'enlever les jeunes vers le huitième jour de leur naïssance, car, à peine commencent-ils à voltiger, que les parents les abandonnent et les maltraitent pour s'occuper d'une nouvelle ponte. » (2) (1) Ajoutons, pour prévenir une objection possible, que ce n'était pas non plus aux indiscrétioss commises autour du nid, une longue expérience me per- mettant d’en deviner à peu près le contenu sans avoir besoin d'y regarder ou d’y toucher. (2) Manuel de T'Oiseleur et de l'Oiselier, p. 239. — Comme on l’a vu plus baut, mes Cardinaux maltraitaient leurs pelits bien avant le huitième jour. M. Chiapella élevait les jeunes à la brochette. J'ai essayé par deux fois de l’imiter, mais toujours sans succès : ou les Oiseaux refusaient d’avaler la nour- riture, ou ils devenaient infirmes au bout de quelques jours. Evidemment je ne savais pas m'y prendre. LE CARDINAL DE VIRGINIE. 119 C’est bien cela! Cardinal a le tempérament excessivement chaud. Son cœur est comme son plumage, tout de feu. Sa Tarentule à lui, c’est l'amour, et quand il se sent piqué, voyez-vous, tous les Vers de farine et toutes les Sauterelles du monde ne sauraient l'empêcher de contenter sa flamme. Pour cela, il lui faut des nichées et encore des nichées, — non pas des nichées à élever, mais des nichées à procréer. Celle qu'il a étant un obstacle à l’assouvissement de ses désirs, l’ardent Oiseau la supprime : alors la femelle, libre de tout soin, est d'autant mieux disposée à recevoir ses hom- mages. Là est le mal; vous le chercheriez vainement ailleurs. Mais le remède? direz-vous. En voici un qui semble tout indiqué. Je vous le donne vaille que vaille, ne l’ayant jamais expéri- menté moi-même. Dans le cours de cette étude, nous avons, de notre propre autorité, proclamé le Cardinal rouge Roi des volières. Ce titre, il le mérite à cause de la beauté et de la majesté de sa volatile personne. Cependant, celui de Sultan conviendrait mieux, semble-t-il, à son naturel essentielle- ment asiatique : ce Yankee a les mœurs turques. Eh bien, qui sait si un petit sérail composé de deux femelles, en lui per- mettant d'épancher la surabondance de son humeur amou- reuse, ne serait pas, par le fait même, la sauvegarde des nichées”? (1)... En liberté, le Cardinal n’est pas polygame, on le dit du moins; mais il le deviendrait, je crois, facilement en captivité. Resterait à savoir si ces dames, dont le sexe est naturellement jaloux, s’accommoderaient d’un ménage à trois — comme chez Amphytrion — pour si bien que Jupiter sût dorer la pilule?... En attendant qu'un éleveur entreprenant se décide à tenter cette expérience et nous en communique les résultats, voici un procédé qui m'a parfaitement réussi toute une saison avec un couple de Cardinaux dont je n’avais jusque-là obtenu que des œufs cassés. Son excellence est-elle suffisamment garantie par ce succès sans précédent dans mon élevage? Il me le semble, et c'est pourquoi je n'hésite pas à le recommander à mes sympathiques confrères... en Cardinaux. Oh! rien de bien génial dans ma petite invention : c’est le b, a, ba du (1) L'idée n’est pas aussi bizarre qu’elle le paraît de prime abord. C’est en donnant deux femelles au Cou-Coupé qu'on réussit l'élevage de cette Amadine également très ardente, Vid. Moreau, L'Amateur, ete., p. 154. | “A TE M Pt Ces NX tit nd ati. où 420 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. métier, quelque chose d’une simplicité enfantine et d'une ap- plication extrêmement facile. Et cependant, je mis à la con- cevoir infiniment plus de temps qu’il en fallut à Pascal pour résoudre le problème bien autrement CHE de la .cycloïde! Ayez une boîle à savon, je veux dire une caisse sans cou- vercle mesurant 1%,40 de longueur sur 0,60 de largeur et autant de profondeur. Divisez-la en deux compartiments égaux au moyen de deux cadres rectangulaires garnis de treillis à mailles assez grandes pour permettre aux Cardinaux d'y passer très aisément la tête. L'un de ces cadres est soli- dement fixé à la paroi du fond ainsi qu'au plafond et doit avoir une largeur égale aux deux tiers du plancher. L'autre cadre est destiné à remplir l’espace vide, mais seulement en temps opportun. Une rainure, facile à faire avec deux liteaux juxtaposés, lui permettra de coulisser au gré de vos désirs. Quant à la facade, il faut évidemment la garnir de treiilage fin. La place et le nombre des portes dépendent du gout et de la commodité de chacun. Reste le mobilier. Dans un des angles formés par le cadre fixe et la paroi contre laquelle il est adossé, établissez, un peu au-dessous du plafond, une bonne touffe de verdure avec panier à Canaris hollandais. De l’autre côté du treillis, en face et bien à portée du nid, placez un perchoir. Deux autres perchoirs devront également être disposés dans chaque com- partiment, à distance et à hauteur convenables. Enfin, à l'une et l'autre extrémité de la caisse, il est prudent de pra- tiquer une large ouverture contre laquelle on appliquera extérieurement une boite propre à recevoir les mangeoires et les abreuvoirs, ainsi que cela se pratique pour les cages ordinaires. De cette facon, les aliments et l’eau de boisson ne seront pas souillés par les déjections des Oiseaux, et vous pourrez les distribuer sans effrayer les reproducteurs. Les baignoires trouveront facilement leur place dans l'in- térieur. C’est tout. Votre appareil est prêt et ne demande qu'à être installé à hauteur suffisante dans un endroit abrité, chambre ou volière, et à recevoir les Cardinaux. Les avantages de cet aménagement sautent aux yeux. Tant que la ponte n’est pas terminée, le mâle doit avoir la liberté de voltiger dans les deux appartements. Maïs, après l'éclo- LE CARDINAL DE VIRGINIE. | A21 sion, ou même avant,s’il manifestait des intentions perverses Monsieur est bel et bien enfermé dans sa chambre au moyen du cadre mobile. Ainsi les époux sont séparés, mais non dés- unis : ils se voient, ils se parlent, ils se becquètent même à travers les grandes mailles du grillage; et Cardinal, ayant l'illusion de la vie commune, continue à nourrir mère et enfants, tout en étant dans l'impossibilité de fatiguer l’une de ses assiduités et d’assommer les autres à grands coups de bec. É Lorsque les petits sont assez forts pour percher, on les fait passer dans le compartiment du père, et celui-ci est rendu à sa compagne. Les parents continuent à soigner leur progé- niture tout en travaillant à un nouveau nid. Il faut remplacer le panier, ou l’échauder, afin de détruire les parasites très abondants après chaque nichée. Un dernier mot. Les naturalistes américains nous apprennent que le Cardinal rouge à l'état sauvage fait au plus une ou deux pontes par an. selon qu'il habite le nord ou le sud de son pays d'origine. S'il en est ainsi, le changement de climat doit exercer une bien prompte et profonde influence sur le tempérament de cet Oiseau, car, à peine a-t-il atterri en France que le Cardinal devient remarquablement proli- fique. Les femelles importées font trois pontes la première année. Au printemps suivant elles sont plus fécondes encore. Le 8 septembre 1897, M. Tissot de Champforgueil, m’avisait que ses Cardinaux rouges couvaient pour la cinquième fois, depuis le mois de mai. M. Chiapella obtenaïit, en enlevant les petits quelques jours après leur naissance, six nichées par an, de juin à fin septembre. En 1896, les Cardinaux de M. Jarrassé construisirent sept nids, et dans tous il y eut des œufs. Enfin, j'ai moi-même possédé un couple de ces Oiseaux qui, à l’âge de trois ans, produisirent, de mars à octobre, vingt-deux (22) œufs en huit (8) pontes successives ! Hâtons- nous d'ajouter que le mâle s’entendait merveilleusement à faire l’omelette. Au temps des nichées succède la période critique de la mue. Répétons ici, qu'une nourriture animalisée est indis- pensable à l’Oiseau rouge pour sortir de cette épreuve sain de corps et beau de plumage. Tant qu'elle dure, on peut sans danger laisser le couple vivre ensemble dans le même local; Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 9, PEAU EE TR 122 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. tristes et comme honteux d'eux-mêmes, mâle et femelle, retirés chacun dans un coin, se considèrent comme étrangers l’un pour l’autre. Ils le sont, en effet. Leur mariage n'était que temporaire. Avec les feuilles d'automne se sont envolés leurs serments. Maintenant les Cardinaux ne se connaissent plus. Bientôt, quand ils auront repris leur vigueur en même temps que leur brillante livrée, nos amoureux d'antan se traiteront en ennemis. Ce sera le moment de les séparer, si vous ne voulez pas qu'ils s’entre-tuent : z Cunvertidas sunt in iras Sas amorosas flamas (1) ! En colères se sont changées Leurs amoureuses flammes !... (1) Poésie sarde. ERRATUM. — Par suite d’une erreur de mise en pages, les deux parties du chapilre II, SOCIABILITÉ, de la notice sur le Cardinal de Virginie dont la troisième et dernière partie paraît dans le présent numéro, ont été transposées dans les numéros de février et mars derniers. La partie publiée dans le numéro de mars, pages 84 à 87;, et qui est le commencement du chapitre doit précéder la partie qui a paru dans le numéro de février, pages 39 et suivantes, et qui termine le chapitre II. —_ 19 co SUR L'HABITAT DES OPHIDIENS DU GENRE TROPIDONOTUS DANS L'EAU DE MER (1) par Raphaël LADMIRAULT (2). L'année dernière, une revue allemande de Zoologie, a publié une courte note (3), concernant une Couleuvre vivant dans l’eau de mer. L'observation m'a immédiatement frappé, en raison de faits identiques que l’on peut journellement constater sur tout le littoral du département de l'Hérault, c'est-à-dire dans les étangs salés de Thau, Vic, Mauguio, etc., ainsi que dans les canaux en communication directe avec la mer et qui bordent la côte méditerranéenne. Là, Tropidonotus viperinus Latr. est une espèce très abondante, vivant au milieu des Algues et des Zostères; quelquefois, sa voisine, Tropidonotus natrix L. s'y ren- contre aussi (deux observations personnelles), mais si rare- ment qu'il faut considérer le cas comme un simple accident dont a été victime ce Reptile si commun dans le voisinage des eaux marécageuses douces. Je suppose que dans les étangs des Pyrénées-Orientales, de l’Aude et dans les marais de la Camargue, la même observation pourrait être faite, la nature et la configuration du pays étant certainement semblables à celles de l'Hérault. Comme Ophidiens habitant la mer, je ne connaissais que les Serpents (venimeux) de la famille des Hydrophidæ, ob- . (1) Bæœse, Tropidonotus in Meerwasser (Zoologischer Anzeiger, n° 536, 19 juillet 1897). (2) Communication faite en séance générale le 16 décembre 1898. (3) La note de l'auteur allemand étant très courte peut être reproduite ici : « Il vient d’être trouvé dans l’eau de mer du golfe de Flensbourg, à 4 kilo- mètre environ du rivage, une Couleuvre à collier longue de 50 centimètres Je me renseignai aussitôt auprès de personnes tout à fait dignes de foi et qui me -déclarèrent que le cas n’est point rare dans la région. L’on m’affirma d’ailleurs à terre que par les vents du Nord, ces Serpents traversent souvent le golfe jus- qu'à Märvick, c'est-à-dire sur une distance de 3 à 4 kilomètres. » Cette observation a été faite à bord du navire de guerre allemand le Blÿcher par le Dr Bæœse, médecin de la Marine. 124 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. servés et décrits par J.-G. Fischer {1). Ils sont communs parait-il, d'apres cet auteur, dans les iles de la Sonde et dans l'Océan Indien. Je crois que Fischer parle simplement du littoral et des environs de la zone des Palétuviers. Je n'ai jamais eu connaissance d’Ophidiens pélagiques, à l'exception du Grand Serpent de mer, de légendaire mémoire. En Bretagne et en Vendée, les Couleuvres et malheureu- sement aussi les Vipères sont fort communes, maïs, je ne connais pas un seul cas authentique bien constaté, de pré- sence d’un Serpent dans l’eau salée. Le docteur Viaud-Grand- marais, dans son travail sur les Serpents de la Vendée et de la Loire-Inférieure (2), ne mentionne pas le fait. Sur le littoral vendéen de ce dernier département, dans les environs de Pornic, la Vipère aspic se rencontre fréquemment sur les rochers de la côte, de même 7ropidonotus nalrix, maïs, il n'y à certainement là, que simple voisinage. Sur la rive bre- tonne de la Loire-Inférieure, la Vipère aspic est au contraire rare et complètement inconnue sur la côte même, où l’on ne rencontre que Tropidonotus natrix. Je ne me rappelle pas avoir trouvé cette dernière dans les marais salants du Croisic ou de Guérande. Dans les endroits marécageux, où il n'y a pas mélange d’eau de mer, dans les abreuvoirs de la pointe du Croisic, au milieu des dunes de Pen-Bron où les eaux de pluie forment un petit marais, T. nalrræ est assez commune, mais, dans les salines proprement dites et dans les réservoirs qui ressemblent absolument, surtout comme végé- tation aquatique, aux étangs salés de l'Hérault, jamais je n'ai rencontré une seule Couleuvre. M. Ernest Olivier, dans son étude des Reptiles algériens (3 ne mentionne pas non plus ce fait d'habitat anormal. Ici, il en est donc tout autrement, c’est le cas général pour Tropidonotus viperinus et accidentel pour T. naëtriæ. J'ai observé maintes fois 7, viperinus dans l'usine de la com- pagnie de Saint-Gobain, à Balaruc-les-Baïns, près de Cette, (3) J.-G. Fischer, Die Familie der Seeschlangen. Abhandl. der Naturw. Ve- reins in Hamburg. Vol. III, 1856. (2) Docteur Viaud-Grandmarais, Les Serpents de la Vendée et de la Loire- Inférieure. Ceite intéressante brochure dont le tirage est épuisé, doit être rare maintenant, (3) Herpétologie algérienne ou catalogue raisonné des Reptiles et Batraciens observés jusqu’à ce jour en Algérie (Ernest Oiivier, Mémoires de la Société zoologique de France, t. VII, 1894). SUR L'HABITAT DES OPHIDIENS DU GENRE Z'ROPIDONOTUS. 125 autour d’une fontaine (fontaine d'Embressac) qui se déverse dans l’Étang de Thau. Ces Reptiles vivent là également bien, dans les eaux de la source et dans les eaux salées de l'étang, s’aventurant même au loin, sur les Algues flottantes et dans les Zostères, en pleine eau de mer. Le trop-plein de la source thermale de Balaruc qui forme un petit ruisseau de 200 mètres, se jetant dans le même étang, est aussi habité par 7. viperinus qui fréquente également là les Zostères, à plus de 150 mètres de l'embouchure du ruis- selet, qu’elle remonte quelquefois jusqu'à sa sortie de l’éta- blissement des bains où ia température de l’eau peut atteindre 40° à 420. L’embouchure de la rivière Avène (au fond du petit golfe de Bouzigues, toujours dans l’étang de Thau) possède une véritable colonie de 7. viperinus, vivant dans les mêmes conditions qu'à Embressac ou à Balaruc. Les marais de Frontignan, Vic, Mireval, plus que saumâtres parfois, donnent asile, comme je l'ai dit plus haut, à de nom- breuses Couleuvres vipérines et à quelques T. natrix, mais cette dernière espèce se rencontre surtout dans la partie nord de ces marais, partie bordant les terres et la petite chaîne de la Gardiole ; elle est donc là, plus terrestre qu'aquatique et a pour compagne dans cette région sèche, sa grande congénère Cælopeltis insignitus Geoffr., la Couleuvre de Montpellier dont certains individus peuvent atteindre 2 mètres et sont assez redoutables pour étrangler un Chien. Dans le marais de Vendres, près Béziers, dont certaines parties sont pierreuses, la Couleuvre vipérine pullule paraît- il; sous chaque caillou, l’on en trouve un ou deux exem- plaires, mais, j'ignore si ce marais est salé. D’après ces précédentes observations, j'avais crû que ces Reptiles ne s’aventuraient dans l’eau de mer que dans le voisinage des soûurces ou des rivières, mais, l’aimable et savant professeur Valery Mayet, de Montpellier, m'a indiqué un lieu où l’eau douce fait absolument défaut : c’est le canal des Salins de Villeroy, à l’ouest de Cette, à 150 mètres de la mer et qui est habité par de nombreuses Couleuvres vipé- rines. Le voisinage de l’eau douce n’est donc pas nécessaire, comme je le croyais d’abord, pour motiver ce bizarre habitat ; « cependant, je persiste à croire que les individus sont plus PR. TR 4 126 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. nombreux aux environs des sources et des rivières, que dans les régions franchement marines, comme celle de Villeroy. Le Delta égyptien est un lieu fort riche en Reptiles; là où les eaux salées se mélangent souvent avec les eaux douces, certains Ophidiens doivent habiter également les deux milieux. Les indigènes de la Trinidad prétendent que les Boas tra- versent le bras de mer qui, aux Bouches du Serpent, sépare l'ile de la côte ferme par une distance que je ne crois pas inférieure à 8 ou 10 kilomètres. A la Guyane, les nègres et les Chinois pêcheurs, m'ont affirmé que journellement les Cou- leuvres (ils appellent ainsi tous les grands Serpents) effectuent la traversée du fond de la rade de Cayenne, de la pointe Macouria à la côte, distante de 12 à 1500 mètres. En résumé, je crois que l’eau de mer n'est nullement recherchée par les Reptiles, mais que, dans certaines con- ditions de lieu, de configuration géographique, il s’en accom- modent fort bien et arrivent facilement à en faire leur milieu normal. Les Couleuvres vipérines du canal de Villeroy. témoignent, ce me semble, en faveur de cette opinion. C'est pourquoi j'ai cru devoir corroborer par de nouveaux faits l’intéressante observation du zoologiste allemand. 127 ENCORE L'ASTRAGALE EN FAUX (1) . (ASTRAGALUS FALCATUS Law. par le D' D. CLOS, Correspondant de l’Institut, Directeur du Jardin des Plantes de la Ville de Toulouse. A maintes reprises et notamment dans ses séances du 16 mars 1897 et du 28 mai 1898 (2), la Section de Botanique de la Société d'Acclimatalion s’est occupée du choix d’un nouveau fourrage légumineux vivace, à titre de succédané de la Grande Luzerne, là où celle-ci ne peut prospérer. Il n’y a été question à cet égard que du Lathyrus sylvestris qui, selon la remarque de notre collègue M. Lejeune : «assez ap- précié en Allemagne, ne paraît pas avoir jusqu'ici donné en France des résultats très satisfaisants». J’ai cultivé cette plante et constaté qu'elle pousse vigou- reusement, formant par ses nombreux rameaux un épais tapis vert à la surface du sol, maïs qu'elle s’élève peu et n’est guère du goût des animaux. J'ai eu l'honneur de communiquer à la Socrété, en 1895, une note (3), sur une nouvelle Légumineuse fourragère, origi- naire de la Russie orientale et méridionale, et qui introduite au Jardin des Plantes de Paris vers la fin du siècle dernier, s'était répandue depuis lors dans nombre d’Écoles de Bota- nique, où le même pied se maintient indéfiniment, fleurissant et fructifiant chaque année, formant de hautes et fortes touffes aux rameaux non indurés et bien garnis de feuilles composées chacune de dix-sept à vingt et une folioles lisses, à peu près glabres, et sans odeur. Il s’agit de l’Astragale en faux (Astragalus falcatus de Lamarck), auquel j'ai consacré (1) Communication faite à la Section de Botanique, dans la séance du 21 février 1899. (2) Voir ce Recueil, numéro de janvier dernier, p. 28. (3) L’Astragale en faux, plante fourragère in Revue des sciences naturelles appliquées, numéro d’août 189%. Je l'avais déjà signalé l’année d’avant à la Société d'Agriculture du département de la Haute-Garonne (voir Jour. d’Agric. prat. du Midi de la France, t. XC (1894), p. 165 à 167); et depuis lors, il en a été question dans le même Journal, t. XIVC, p. 125-127), dans le Journal de la Société d’ Horticulture pratique du Rhône, t. LIL, 1896, p. 146 149; dans le Bulletin agricole de l’Algerie et de la Tunisie, de 1897, p. 131 ; dans la Revue scientifique du Limousin, t. VI, 1898, p. 245-248. 128 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. depuis 1894 trois petits carrés au Jardin où il réussit à mer- veille, et qui m'a paru digne d’être signalé de nouveau à l’at- tention des agronomes, car il est appété par les Bœufs et les Chevaux. l. Développement. — La plante se propage au moyen de craines et peut aussi se multiplier par boutures prises au bas de la tige : mais celles-ci ne se font pas sans danger pour le pied- mère. Quant aux graines, réniformes, aplaties, jaunâtres et luisantes, de 2? millimètres de longueur, avec une cicatrice profonde au point d'attache, et {outes aptes à germer, elles ne le font que d’une manière lente, inégale et comme capri- cieuse, défaut qui a singulièrement nui à la propagation de l'Astragale dans les premiers essais de culture, mais dont on aura sans doute raison par l'emploi de quelque agent chimique. En attendant, il conviendra d'accompagner le semis en pleine terre d’un autre en vase dont les plantules serviraient, en cas de besoin, à combler les vides du premier. J'’ignore quel est le semis à préférer, du printemps ou d'automne. Au début, la raeine s’allonge, mais non pas la tigelle dont les deux petits cotylédons verts, opposés et elliptiques s'ap- pliquent sur le sol. Quelque temps après, apparaît entre eux la première feuille longuement pétiolée, à deux, plus souvent trois folioles uninerviées, les latérales elliptiques, l’impaire en ovale renversé et plus grande; quelques autres feuilles à trois ou cinq folioles naissent encore de la souche, du sommet de laquelle surgit ensuite le premier axe de la tige aérienne, atteignant seulement de 2 à 3 centimètres de longueur, à mé- rithalles très rapprochés émettant chacun une feuille à neuf- onze folioles ; du collet partent bientôt un ou deux rameaux dressés, se comportant comme l'axe primaire; et là se borne le développement de l’Astragale la première année. Au réveil du printemps de la suivante, à ces branches s’en joignent d’autres (chargées de feuilles à folioles bien plus nombreuses, vingt et une environ) qui rayonnent autour du sommet de la racine, s’étalent d'abord, mais sans émettre de racines adventives, puis se redressent et s’allongent rapi- dement, en se ramifiant et se couvrant de feuilles, jusqu'à 60 ou 70 centimètres de hauteur, terminées par les longs épis droits de petites fleurs serrées d'un jaune sale et dont les su- périeures sont stériles. Les corolles laissent sans retard sortir ENCORE L’ASTRAGALE EN FAUX. 129 de leur centre le jeune fruit pendant, courbé en faux avec une forte rainure au dos, atteignant 2 centimètres ou plus de longueur, d'un blanc grisätre, terminé en pointe, ne s’ou- vrant pas naturellement, divisé à l'intérieur en deux loges (caractère essentiel du genre Astragale) et renfermant de quatre à six graines. 2. Description et découverte. — Il m'a paru surperflu de reproduire ici les détails de l'organisation florale de l’As- tragale en faux tracés dans une note de 1895; mais, à titre de complément, on trouvera au bas de la page les premières descriptions qui ont été données de cette Légumineuse, soit par notre immortel Tournefort, qui, pendant son Voyage au Levant en 1700, la découvrit dans la Géorgie et l'Arménie russe et la signala en une seule phrase dans son Corol- laire (1), soit par Lamarck en 1783, d’après les pieds vivants nés de graines envoyées au Jardin du Roi par M. Demidow, de Moscou (2). L'espèce est restée inconnue à Linné. 3. Premiers soins. — La faiblesse et le lent développe- ment de la plante à son début impliquent l'obligation de purger soigneusement le sol du semis des mauwaises herbes qui pourraient l’étoufter. Mais, après avoir pris pleinement possession, elle y vit presque indéfiniment, à en juger par un très vieux pied qui existait au Jardin botanique de Toulouse, mais qui a succombé aux nombreuses plaies déterminées pour la formation de boutures. (1) Astragus orientalis altissimus Galegæ-foliis amplioribus, flore parvo fla- vescente (Tournefort, Corollarium ad. calc. Znstitut. Res herbar., p. 29). (2) Astragale à faucille (a) Astragalus falcatus. — Astragalus caulescens erectus, subglaber, floribus spicatis, leguminibus pendulis compressis falcatis, N. Astragalus uliginosus {(b), Sibiricus perennis. Demidorw. Ses liges sont droites, hautes d'un pied ou un peu plus (€), presque glabres et légèrement rameuses dans leur partie supérieure. Ses feuilles sont composées d'environ seize paires de folioles oblongues, un peu pointues, pétiolées, vertes en dessus et d’un vert pâle en dessous. Les fleurs naissent en épis sur des pédoncules axillaires un peu plus longs que les feuilles. Elles produisent des gousses glabres, pendantes, comprimées sur les côtés, courbées en faucille, et dont la pointe, qui est tournée en dehors, se redresse un peu. » (&) De Candolle à fait prévaloir la dénomination Astragale en faux. Quelques au- teurs ont aussi remplacé dans le nom latin l'épithète falcalus par virens. (b) Cette épithète appliquée par Demidow à l'Astragale, semble indiquer qu'il croît spontanément dans les lieux marécageux. (c) Lamarck décrit de jeunes pieds, ceux de trois ou quatre ans s'élèvent beau- coup plus (Dictionn. bot. de l'Encyclop. méthod., t. I, p. 310.) 130 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 4. Climat et terrain. — Les climats tempérés et proba- blement aussi les climats froids, à l'exception des régions olacées, conviennent à l’Astragale, qui prospère à merveille à Toulouse. Maïs quelques essais semblent indiquer que l'espèce n’est pas faite pour les contrées brüûlantes et à longues séche- resses (1). Perdant annuellement, à la fin de l'automne, ses parties aériennes mortifiées, elle peut, réduite alors au fort et long pivot de sa racine rameuse et à la souche qui la sur- monte, braver nos hivers les plus rudes. Rentrant en végéta- tion au printemps, avant la Grande Luzerne, elle est insen- sible aux gelées de cette saison et à l'abri des attaques des Insectes. Devançant aussi la Médique par sa floraison, elle doit devoir donner au moins deux coupes, mais l'indispensable nécessité d’en récolter d’abord les fruits mürs pour graines n’a pas permis d'en connaître le nombre. Je ne saurais non plus préciser la nature des terrains qu'elle préfère; je ne la crois pas difficile à cet égard; mais sa racine pivotante doit réclamer un peu de profondeur et se refuse à vivre en sous- sol aqueux. Je dois à l’obligeance de M. Daveau les renseignements sui- vants sur la culture de l’Astragale en faux au Jardin des Plantes de Montpellier : 1° « Les racines de cette Astragale sont très vivaces. Il est difficile de la faire disparaître d’un endroit où elle s'est installée sans un défoncage assez pro- fond » (lettre du 10 avril 1897); 2 « L’Asragalus falcatus a parfaitement résisté dans le jardin d'expérience où il est cultivé sans le moindre arrosement depuis une dizaine d'années. Maïs le sol est meuble, et la Luzerne aurait sans doute aussi bien végété » (lettre du 13 novembre 1898). Je viens de constater que le pivot &e la racine de jeunes pieds de trois ou quatre ans et dont les fibrilles portaient des tuber- culoïäes avait acquis en terre défoncée et meuble une lon- gueur de 0,40, rivalisant sous ce rapport avec la reine des fourragères. Reste à déterminer son mode de vie en terrains (1) M. le Dr Trabut, directeur du service botanique de l’Algérie, écrivait dans son Rapport officiel de 1896 : « Parmi les Lésumineuses, il convient de citer encore l’Astragalus falcatus, Astragale vivace très robuste, recommandée par M. le professeur Clos, de Toulouse; le carré d'essai de cette plante a bien résisté à la sécheresse de l'été et, dès les premières pluies, cette Légumineuse vivace est entrée en vegétation (Bullet. agricole de l'Algérie, de 1897, p. 131). Mais j'ai appris depuis indirectement que ces premières espérances ne se sont pas confirmées. ENCORE L’ASTRAGALE EN FAUX. 131 de médiocre qualité. Il ne doit pas être difficile, s’il est vrai, comme l’a écrit de Candolle, qu'il ait, au commencement de ce siècle, cherché à s'acclimater spontanément aux environs de Paris par graines échappées sans doute de l'École bota- nique du Muséum. 5. Essais à l'étranger.— Il semble que des essais de l’As- tragale aient été faits en Allemagne, puisque M. von Dietre, dans le premier article du numéro du 5 novembre dernier du Deutsche Landivirischaflliche Presse, écrit, p. 93%, trad. : « Les plantes vivaces suivantes, dont les premières planta- tions ont donné de meilleurs résultats que celles du ZLathy- rus, ont été semées sur une grande étendue et avec un succès partiel (2x grosserm Umfange und mit teilweisen Erfolg), et il y comprend l’Astralagus faicatus de Sibérie, dont on a encore peu, dit-il, étudié les conditions d'existence (deren Existenzbedingungen noch wenig erforscht sind). 6. Patrie. — L’Astragale en faux a été signalé dans la Province d’Iset,en Sibérie (Pallas); dans la Sibérie de l'Oural: près du village Pyskowo, rive droite du Volga, au versant sud-ouest de la montagne Olenja; dans le Caucase septentrio- nal et ibérique, vers Narlsanu; à Nacklischewan, dans l'Arménie russe; et dans la Géorgie, à Ælisabethpol, où il parait assez commun (Hohenacker et Karl Koch) (1), ce que m'a confirmé par lettre, le directeur du Musée d'histoire natu- relle de Tifis. J'aurais bien désiré disposer d’un stock de graines impor- tant, en vue d'en offrir une part au Ministère de l'Agriculture pour Essais dans les Écoles pratiques et Fermes-Écoles, une autre part à ceux de nos collègues préoccupés de toute amé- _lioration dans la production fourragère. Maïs c’est en vain que j'ai cherché à m'en procurer du pays natal. Je compte renouveler ces démarches cette année. et je fais appel, dans ce but, au concours des Membres de la Sociélé a Acclima- tation qui seraient à même de les faire aboutir ou d’en obtenir directement. En attendant, j'ai dû me contenter de (1) En 1800, Desfontaines dans son Flora atlantica, t. Il, p. 188, signalait l’Astragalus falratus en Algérie, mais il reconnut plus tard qu'il s'agissait d’une espèce différente qu’il appela Aséragalus falciformis {in de Candolle, Astraga- logia, n° 69). 132 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. répartir les 250 grammes environ de graines, représentant ma récolte de l’année, entre un petit nombre de collabora- teurs sérieux, bien prévenus à l'avance des débuts un peu difficiles de la plante. N'est-il pas étrange et pénible de penser que le genre Astra- gale, un des plus riches en espèces du règne végétal — il] en compte plus de 800, — répandues dans presque toutes les parties du globe, les tropicales excepté:s, et dont plus de vingt sont spontanées en France, n'ait point encore doté l’agriculture d'une seule d’entre elles. alors surtout qu'il ap- partient à la famille des Légumineuses si généreuse en pro- duits utiles de toutes sortes? Notre regretté collègue, le baron F. von Müller, de Mel- bourne, dans son Selecl exlra-tropical Plants, 9 éd. de 1895, déclare que plusieurs de ces végétaux, si abondants sur- tout en Orient et en Sibérie, méritent l'attention au point de vue pastoral et agronomique (Many must be vf value for pasture), et il en cite un petit nombre qui rendent des ser- vices sous ce rapport (p. 61-63) (1). 1. Rusticité. — Les quelques départements déshérités et les sols pauvres, montagneux, granitiques ou crayeux de ceux mêmes où fleurit l’agriculture, ne trouveront-ils pas, en certains cas, dans l’Astragale en faux, après essais sur ses exigences quant au terrain,une culture préférable aux Genêts et aux Ajoncs? Ne se contenterait-il pas de sols sablonneux, caillouteux ou pierreux, de terres compactes ou légères, toutes conditions que repousse la Grande Luzerne, dont les racines tendent à gagner de plus en plus les couches pro- ‘ondes? Y aura-t-il la longue durée qui le caractérise en ter- rain amendé et qui dépasse de beaucous celle de sa parente? Je n'oserai l’affirmer, mais de son origine on peut prévoir qu’il lui sera permis de bien végéter à des altitudes que ne (1) Rappelons, à ce propos, que vers la fin du siècle dernier, d'une part le botaniste Cartheuser, d’après M. le professeur R, Gérard, recommandait l’As- tragalus cicer de Linné comme un bon fourrage ; de l’autre, Thouin écrivait à propos des Astragalus alopecuroides, galegiformis, glycyphyllos : « ont été in- diqués par différents agriculteurs comme des plantes propres à faire des prairies artificielles et qui peuvent donner un fcurrage sain et très nourrissant. M.Clouet, de Verdun a cultivé ja troisième espèce pendant six ou sept ans ; il a fait à ce sujet un mémoire où il détaille sa culture et ses usages pour la nourriture des bestiaux... Il a été couronné par l’Académie d'Ériord (Encycinp. method., Agriculture, 1. TI, p. 714, année 1787) ». . 7 ENCORE L’ASTRAGALE EN FAUX. 133 supporte pas celle-ci. J'emprunte la confirmation de sa rusti- cité à un mémoire posthume d’Alphonse de Candolle récem- ment paru sous ce titre : Ce qui se passe sur la limite géo- graplque d'une espèce végélale, et où l’auteur signale l’As- tragalus faicatus de Sibérie au nombre des cent vingt-six espèces non indigènes ayant résisté, au Jardin botanique de Genève, au moins pendant six ans (de 1832 à 1837), « au froid, au chaud, à l'humidité, à la sécheresse du climat de Genève, presque sans aucun secours venant de l’homme », loestei;, p.21. 8. Utilité. — Les années de sécheresse que nous traver- sions naguère, si désastreuses pour l'élève du bétail, ont mis tous les agriculteurs en quête d’une nouvelle Légumineuse fourragère vivace, inodore, suffisamment productive et ne réclamant guère d’autres soins que la prairie naturelle. Le Galége officinal ou Rue de Chèvre, dont cette dernière déno- mination dit assez l'impropriété pour la päture, est définiti- vement relégué au rôle de plante sidérale. (Voir Grandeau, in Journ. d'Agric. prat., 6 février 1899, p. 205.) Le Lathyrus sylvestris, même dans sa variété Wagneri, est encore très discuté. Le D' Stebler, de Zurich (Les meil- leures plantes fourragères), et M. Denaïffe (Manuel pru- tique de culture fourragère) font grand cas du: Trefle de Pannonie, qui, comme l’Astragale, est vivace et d’un dévelop- pement tres lent, mais dont les feuilles sont hérissées de poils et qui, peur bien prospérer, demande un bon sol frais pro- fond, bien fumé (Denaïffe), dernière exigence qui semble devoir lui faire préférer la Grande Luzerne, et avec d'autant plus de raison qu'il ne donne que deux coupes. L’Astragale en faux vaudrait-il mieux? J'ai lieu de l’espérer, mais il lui reste à subir le double contrôle, d’abord de nombreux essais par- tiels dans les conditions les plus diverses, puis de la grande culture. A l’objection du manque d’un stock suffisant de semence pour celle-ci, on peut répondre que l’on connaît aujourd'hui un des principaux hAabitals de la plante (Æl/isa- bethpol dans les environs de Tiflis, Géorgie russe), et qu'il sera dès lors possible de s’en procurer du pays natal, si l'on attache un assez grand intérêt à sa propagation. : OL UNE D AVES : £ ap ss \ ax 134 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 2e SECTION (ORNITHOLOGIE. — AVICULTURE). SÉANCE DU 16 JANVIER 1899. PRÉSIDENCE DE M. OUSTALET, PRÉSIDENT. Il est procédé au renouveilement du Bureau. Sont élus : President : M. Oustalet ; Vice-président : M. Debreuil. M. Debreuil remercie ses collègues de l’honneur qu’ils veulent bien lui faire, mais il a le regret de ne pouvoir accepter, ses occupations ne lui laissant pas assez de loisirs pour suivre activement les travaux de la Section, qui ont précisément une heureuse tendance à se développer. Le scrutin étant ouvert de nouveau, MM. Remy Saint-Loup et Paul Wacquez obtiennent un nombre égal de voix pour la Vice-Présidence. M. le Secrétaire général fait observer à ce propos que rien ne s’op- pose à ce qu'une Section très active ait deux Vice-Présidents. En conséquence, MM. Remy Saint-Loup et Paul Wacquez sont procla- més élus. Sont élus ensuite : Secrétaire : M. le comte d’'Orfeuille ; Secrétaire-adjoïnt : M. Mérel; Délégué aux récompenses : M. Wuirion. Plusieurs Membres de la Section expriment le désir de retarder l'heure des réunions. Il est décidé que celles-ci se tiendront désormais à trois heures et demie. Il est procédé au dépouillement de la correspondance. Me la comtesse de la Boullaye adresse, du château de Bagatz (Ille- et-Vilaine), une notice sur le Coucou de Rennes. Cette race de Poules, dont Me de la Boullaye pratique l'élevage, paraît très an- cienne. M. Mérel présente diverses observalions à ce sujet et insiste sur les grandes qualités de la race dont il s’agit. Une discussion s’en- gage à ce sujet. M. Remy Saint-Loup exprime le désir de voir véri- fier, par des expériences, certaines affirmalions de Darwin, concernant le croisement. M. Forest signale à la Société un rauport de M. Salvage sur l'élevage de l’Autruche du Cap à Madagascar. La correspondance imprimée comprend les deux premiers fascicules de l’Ornis, dont M. le Président est actuellement le Directeur. M. Ous- talet fait l'historique de cette pubiication pour le titre de laquelle PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 135 M. Goubie, membre de la Société, a bien voulu dessiner un titre artis- tique. Le Conseil du S/andard avicole de France adresse un certain nombre de circulaires, faisant appel aux Membres de la Section pour grouper tous les renseignements destinés à fixer les caractères des races d’Oi- seaux de basse-cour. M. le Secrétaire général présente un calendrier artistique édité aux États-Unis par Les soins de la Sociélé Andubon, laquelle s'occupe de la protection des Oiseaux utiles. Ce calendrier, de format petit in-4°, se compose de douze feuillets mobiles réunis par un cordonnet de soie, et correspondant, chacun à un mois. Un Oiseau, représenté en couleur dans son milieu habituel, figure sur chacun de ses feuillet. Au verso se trouvent résumés l’histoire de cette espèce et les principaux traits de ses mœurs. M. Henri Bouclet, armateur à Boulogne-sur-Mer, qui pratique l’éle- vage des Gallinaces et des Pigeons blancs, cherche à se procurer un plus grand nombre de ces Oiseaux. Il demande qu'on veuille bien l’aider à en obtenir soit par achat, soit par échange. M. le Secrétaire général résume une notice de M. Bizeray sur les élevages pratiqués par lui, de 1892 à 1898, à la villa de Jaguenau, à Saumur. Dans un petit espace très accidenté et fort bien exposé sur les bords de la Loire, M. Bizeray est arrivé à obtenir la reproduction d’un grand nombre d'espèces de Passereaux, de Gallinacés, de Palmi- pèdes et des Nandous, sans parler de toute une série de Mammifères. M. Bizeray élève actuellement des Argus qui sont en parfait état, ainsi qu'ont pu le constater MM. Debreuil et J. de Guerne, qui ont visité l'établissement dans la première quinzaine d'octobre. Le mé- moire de M. Bizeray sera publié dans le Bulletin. M. Debreuil annonce qu'il a recu dernièrement, de la République Argentine, deux Nandous adultes qui lui ont été envoyés comme des mâles et grâce auxquels il espère pouvoir obtenir enfin des jeunes à distribuer aux Membres de la Sociéfe. Le Secrétaire, Comte D'ORFEUILLE. EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. ÉLEVAGE DE PALMIPÈDES AUX ENVIRONS D'ANGERS. L’Arceau, près Angers (Maine-et-Loire), 12 novembre 1898. « Les Martres et les Mulots avaient causé grand préjudice à m acol- lection de Palmipèdes et cela directement et surtout indirectement en 136 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. m'empêchant de renouveler de belles espèces par d’autres qui auraient pu être de nouvelles victimes; cependant je possède encore d’assez jolis et curieux Oiseaux, entre autres des métis de Pilets et de Canards sauvages; j'avais donné un couple de ces derniers à M. Milne-Edwards qui les avait jugés dignes de la grande volière du Jardin des Plantes de Paris: je ne sais si ce couple y est encore. J'ai en outre un superbe Cygne de Bewick, blessé dans le département et que je possède depuis vingt ans, une femelle de Bernache des îles Sandwich, Oiseau désormais introuvable, dont j'ai malheureusement perdu le mâle et qui fait chaque année deux pontes dont les œufs clairs sont naturellement perdus. » G. ROGERON. CULTURE D'IGNAMES AMÉLIORÉES A MARSEILLE. Marseille, le 15 novembre 1898. « Je vous adresse par poste deux échantillons de tubercules de Dos- co'ea batalas de Chine, obtenus par M. Dubiau, Vice-Président de la Socicte d'Horticulture des Bouches-du-Rhône. Vous savez les recherches antérieures (j'en ai fail l'objet d'une com- munication à la Sociélé d'Acclimatation) de M. Dubiau, eu vue d'obtenir des tubercules ramassés et aussi sphériques que possible. Notre con- frère procède, sur mes indications, en utilisant pour multiplier le plantes dont il veut rendre les tubercules sphériques, des points spé- ciaux (polaires) des tubercules dont les éclats sont mis en plantation. Vous verrez, par les résultats obtenus déjà, que la question semble devoir se résoudre par la méthode employée. Toutefois, les résultats ne sont pas encore ce que nous désirons dans l'intérêt de la grande culture de celte plante et M. Dubiau se propose de continuer ses re- cherches. J'en ai entrepris parallèlement dans le même sens au Jardin botanique de Marseille et j'en ferai connaître les résultats prochai- nement, quand j'aurai procédé au déterrage du tubercule. Mais déjà ceux qui ont été oblenus par M. Dubiau me paraissent devoir être communiqués à la Société el je vous serais obligé de vouloir bien soumetire les tubercules obtenus à l'examen de nos collègues de la Section de Botanique dès la plus prochaine réunion. Veuillez agréer, etc. » E. HECKEL. ciselé due dés u ta s %, à 7 il tt ie: CS +7 | | É | 1 #0, BULÉETFIN DE LA GITE AATIONALE D'ACLINATAT DE FRANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) 46 ANNÉE MAI 1899 SOMMAIRE , G. PAYS-MELLIER. — Acclimatation, reproductions et élevages de Mammifères ayant . vécu ou vivant encore dans le parc de la Pataudière (Indre-et-Loire)... ......... —_—_—— 0 LS Un numéro Z francs ; pour les membres de la Société 1 fr. 50 D ——— __ AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET À LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE 137 167 Le Bulletin paraît tous les mois CRÉSYL-UEYES Le seul joignant à son Efficacité, Scientifijguement démontrée, l'immense avantage de n'être ni Toxique ni Cerrosif. Hémostatique et Styptique puissant. | Adopté par les Ecoles Nationales Vétérinaires, le Service de Santé de l'Armée, la Préfecture de la Seine et la plupart des Services | ’Aygiene ef de Désinfection des Départements. Reconnz ind'spensable dans la pratique vétérinaire. 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MAISON A PARIS 4 Pl du Théâtre-Françeu RE mue au moyen de 1 on 2? leviers. É Sur demande envoi franco du Catalogne — TELÉPHOR EAUMINÉRALE GAZEUSE, déclarée d'INTERET PUBLIC (Décret du 7Avril1888) ANEMIE, GASTRALGIE, COLIQUES NEPHRÉTQUES. GRAVELLE, ARTHRITISME RECONSTITUANTE,ndquéedastoutesls CONVALESCENCES 137 ACCLIMATA TION REPRODUCTIONS ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES AYANT VÉCU OU VIVANT ENCORE DANS LE PARC DE LA PATAUDIÈRE (INDRE-ET-LOIRE) Notes et observations de G. PAYS -MELLIER. AVANT-PROPOS. Tous les Membres de la Sociélé d'Acclimatalion con- naissent de longue date les travaux de M. Pays-Mellier. Dès 1882, une médaille de première classe lui était attribuée par la Commission des récompenses pour les élevages qu'il pour- suivait avec un zèle infatigable dans son parc de la Patau- diere, en Indre-et-Loire. Depuis lors, les nombreuses com- munications faites à la Société par M. Pays-Mellier ont permis de juger de la persévérance et du savoir avec lesquels il con- tinuait ses études. Bien que les faits les plus intéressants observés par lui aient été relatés dans le Bulletin, il a paru bon au Conseil de prier M. Pays-Mellier de condenser dans un mémoire d'ensemble les résultats généraux de son expé- rience. Rien n'est encourageant, pour un éleveur, comme l'exposé des succès obtenus, et le récit même des déboires inévitables est souvent fort instructif. Aussi lira-t-on certai- nement avec profit les pages suivantes où M. Pays-Mellier a bien voulu résumer, sur l'invitation qui lui en a été faite, des notes recueillies depuis près d’un quart de siècle. Cette première série, consacrée aux Mammifères, sera, il faut l’espérer, suivie d’une autre ayant pour objet les Oiseaux. Enfin, et ce ne sera pas la partie la moins importante de son travail, l'exposé sera fait par l’auteur des méthodes expéri- mentées tout d’abord, puis définitivement adoptées à la Patau- dière pour mener à bien tant d’élevages divers. On y verra comment un propriétaire, isolé en pleine cam- pagne, peut arriver à créer, en utilisant les ressources d’une exploitation rurale bien conduite et avec un personnel rela- tivement restreint, un parc d’acclimatation tout à fait remar- quable où vivent et se multiplient une foule d'animaux curieux. | Bull. Soc. nat. Acc. Fr, 1899, — 10. 138 .__ BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. L'exemple de M. Pays-Mellier est l’un des meilleurs et des plus encourageants que l’on puisse proposer en France aux Membres de la Sociélé d Acclimatation, et c'est pourquoi, au risque de paraître indiscret auprès de mon distingué collègue, je les engage à aller prendre à la Pataudière, comme nous l'avons fait récemment, M. Debreuil et moi, la plus intéres- sante des lecons pratiques d’acclimatation. JULES DE GUERNE, Secrétaire général de la Société. Je n'ai pas l'intention, certes ! de faire, ici, un cours de zoologie : les ouvrages qui ont trait à cette science sont aujourd'hui assez nombreux, il est facile de les consulter, d'apprendre ou de se renseigner. Les pages suivantes et que certains peut-être trouveront trop longues sont, tout simplement, mes notes et mes remarques prises sur le vif au jour le jour, réunies et mises en ordre sur la demande expresse de la Sociélé nationale d'Acclimatation (1). CERFS. Les Cerfs comme les Antilopes ont, généralement, des formes élégantes et élancées : ils ont même des caractères qui les rapprochent. Ce qui les distingue ce sont les bois qui, chez les Cerfs, sont pleins et caducs, tombant tous les ans pour être remplacés par d’autres qui repoussent avec une rapidité extraordinaire. Les Cerfs mâles, seuls, portent ces bois qui sont pour eux des armes redoutables dont ils se servent pour se défendre ou pour attaquer. La seule exception dans le genre est la femelle du Renne, (Cervus tarandus\ qui a, aussi, des bois n’atteignant pas, il est vrai, les dimensions excessives de ceux du mâle, mais qui sont, cependant, très développés. {1) Les notes de M. Pays-Mellier ont fait l’objet de plusieurs communications aux séances de la Section des Mammifères, notamment le 9 janvier et le 6 février 1899. Elles ont provoqué en outre, de la part de M. le Dr Trouessart, vice-président de cette Section, d’intéressantes remarques présentées en séance générale le 27 janvier 1899. ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 139 Cerfs blancs (Cervus elaphus,var.alha), Rurope.—Tout le monde connaît notre Cerf commun et l’on doit regarder comme une simple variété de cette espece : le Cerf blanc qui n'est qu'un albinos. Les Cerfs blancs que je possède me viennent d'Allemagne; ils sont très beaux et très décoratifs. Leur taille est énorme, plus grande que celle des Cerfs de France et les bois du mâle sont gigantesques, à part cela, ils ont les mêmes mœurs que le Cerf ordinaire : ils sont très rusti- ques, résistent tres facilement à nos hivers les plus rigoureux etse reproduisent, chaque année, régulièrement à la fin de mai. J'ai remarqué que les grands bois du mäle sont beaucoup moins durs, plus cassants, plus poreux, plus friables que ceux des Cerfs de France. Cerf daim (Cervus dama), Europe. — Comme le Cerf élaphe, ce joli Cerf fauve avec ses nombreuses mouchetures blanches, est encore bien connu et commun dans les parcs, où il vit, souvent, à l’état presque domestique. J'ai eu deux variétés : l’une blanche, une autre noire ; ces différences de couleur caractérisent l’albinisme et le mé- lanisme; elles se sont transmises avec fixité par voie de génération. Le Daim est le seul Cerf à bois plats que nous ayons en France. Il se montre toujours très rustisque : à la Pataudière, ces animaux n'ont pour abri qu'un simple hangar, exposé au Nord et toujours ouvert. Ils deviennent vite familiers et se reproduisent très régu- lièrement, chaque année, élevant facilement leurs jeunes. En liberté, les Daims préfèrent aux grandes forêts épaisses, les bois entrecoupés de champset de collines. Lorqu'ils sont chassés, ils ne prennent pas de grands partis comme le Cerf, mais ils rusent et font souvent des retours et des randonnées peu longues, car ils sont moins vigoureux et moins vites que le Cerf et à courre, avec des Chiens rapides, ils résistent beaucoup moins longtemps. Cerf chevreuil (Capreolus capræa, Cervus capreolus), Europe. — Cette charmante et gracieuse espèce n'est pas rare en France; on la trouve dans toutes les forêts élevées de l'Europe tempérée. 140 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Le Chevreuil est monogame; il vit avec sa femelle et ses petits de l’année, mais il résiste mal à la captivité. J'en ai eu beaucoup qui se reproduisaient parfaitement et qui élevaient leurs jeunes; mais je nai jamais pu les conserver bien longtemps dans leurs petits parcs de la Pataudière. Je crois que pour bien vivre il faut à ces animaux une liberté complète dans une grande forêt ou dans un très grand parc... ou, alors, au contraire, une captivité tout à fait étroite, même dans une écurie ! Toujours, ils meurent vite dans une demi-liberté, c’est-à- dire dans un petit parc renfermé. J'ai connu à Monts-sur-Guesnes, (Vienne), un médecin qui a gardé pendant de longues années, dans une écurie avec une toute petite cour de 3 ou 4 mètres carrés, un couple de Chevreuils apprivoisés très bien portants, dont il obtenait, régulièrement, deux jeunes chaque printemps. Le Chevreuil craint l'intensité du froid et quelquefois, pendant les hivers très rigoureux, on en trouve beaucoup de morts dans les forêts. La chasse du Chevreuil est, sans contredit, la chasse la plus difficile et la plus savante; rusant sans cesse, retournant sur ses pas en bondissant. il déroute les Chiens, se rase comme un Lièvre et se fait perdre très facilement. Aussi, ce charmant animal qui a, de plus, une grande vitesse et beaucoup de fonds, échappe souvent au chasseur le plus habile. Cerf renne. (Rangifer tarandus, Cervus tarandus), Laponie, Spitzberg, Groënland, etc. — Ce Cerf habite les contrées arctiques des deux continents, c’est au delà du cercle polaire, en Europe, en Asie, et dans l'Amérique du Nord, que l’on trouve le Renne. On le rencontre au Spitzberg, au Groënland, en Laponie, dans les parties les plus septentrionales de l'Asie et de l’'Amé- rique du Nord; il est remplacé dans le Sud du Canada par une espèce très voisine (Rangifer caribou). Le Renne est assurément le don le plus précieux que la nature ait fait aux régions polaires perdues la moitié de l’année sous de tristes frimas. Il sert à la fois de bête de trait et de somme et il est devenu indispensable à la vie de l’homme. Ce singulier animal, si lourd de formes, avec ses bois d’une ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 441 dimension si extraordinaire, avec ses sabots larges, bien faits pour appuyer sur la neige sans y enfoncer est, en effet, depuis fort longtemps domestiqué en Laponie et dans la Russie septentrionale, où il est employé pour tirer sur la neige, avec une très grande rapidité, des espèces de traineaux. On dit qu'il peut faire, sans fatigue, des traites de plus de 30 lieues par jour. Sa chair est excellente et je recommande surtout, aux gourmets, les langues de Rennes fumées et conservées : que l’on trouve en Russie. Mes Rennes, à la Pataudière, sont très doux, très fami- liers : ils se nourrissent de pain, de maïs, de son avec un peu d'avoine, de carottes crues, de pommes de terre cuites, mais surtout de lichens qu'il leur faut absolument. Ils se reproduisent chaque année, mais la femelle ne donne qu'un petit et elle met bas, toujours vers la fin de juin ou au commencement de juillet, c’est-à-dire pendant les plus orandes chaleurs, ce qui nous fait perdre bien souvent les jeunes, malgré tous nos soins, dès les premiers jours de leur naissance. Les Rennes adultes souffrent aussi beaucoup pendant l’été et nous sommes obligés souvent de les rentrer dans une écurie sombre et de les toucher avec de l’eau froide. Ils ont une grande frayeur des Taons et le bourdonnement seul d’une Mouche suffit pour les affoler ; nous les frottons avec du crésyl ou autre produit qui éloigne ces Insectes. Ce Cerf a le nez garni de poil et comme je l’ai dit, la femelle porte aussi des bois, moins forts et moins longs toutefois que ceux du mâle. . Le bois de gauche des Rennes males, toujours plus déve- loppé que celui de droite, envoie en avant une branche qui longe le front et se termine au-dessus du nez par une large dilatation en forme de palette. Cerf axis. (Cervus axis), Bengale, Assam, Cochinchine, Ceylan. — Ce charmant animal se distingue nettement des autres Cerfs indiens par sa coloration immuable en toute saison, par la forme plus svelte de ses bois et par cette par- ticularité qu'offre son andouiller supérieur de naître à la face interne du merrain et d’être à peu pres vertical, tandis que chez la plupart des autres Cerfs, l’andouiller supérieur nait tantôt en avant et tantôt en arriere. 142 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. L’Axis n'a pas de temps marqué pour le rut et le male ne maltraite pas ses biches, qui reproduisent en toutes saisons, n'ayant à chaque portée qu'un seul petit qu'elles élèvent facilement, sans mortalité. Ce joli Cerf est certaine- ment apte à vivre en France ; les résultats que nous obtenons depuis de longues années à la Pataudière ne laissent aucun doute à cet égard. Il serait le plus bel ornement de nos parcs. Extrémement vigoureux et résistant, mis en liberté au milieu des grandes forêts, il fournirait sûrement, des chasses à courre magnifiques. On ne sera donc pas surpris de nous voir faire des vœux pour que dans notre pays, On propage cette belle espèce... vœux qui, probablement, hélas ! et bien mal- heureusement, resteront stériles et irréalisables, car, en France, il n’y a pas d'amateurs et les chasseurs eux-mêmes, qui se plaignent sans cesse de la diminution et même de Ja disparition du gibier, ne veulent pas essayer ces beaux ani- maux que nous leur offrons avec toute garantie. Cerf cochon (Cervus porcinus, Rusa porcinus), Inde, Birmanie. — Ce Cerf habite le continent Indien; on prétend qu'il est à demi-domestiqué au Bengale où on l’engraisse pour le manger. Ses formes sont lourdes et massives et sa téte est grosse. Ses bois sont portés sur des meules beaucoup plus hautes que chez les autres Cerfs. Les Cerfs cochons se reproduisent, ici, depuis de longues années, en toutes saisons, aussi bien en été qu’en hiver et les jeunes s'élèvent toujours très facilement. A la Pataudière, ils n'ont qu'une cabane très froide, en plein Nord et toujours’ ouverte; ils résistent aux froids les plus rigoureux et ne paraissent jamais en souffrir. En liberté, ce Cerf a beaucoup de fonds, beaucoup de vigueur, mais pas une grande vitesse; aussi il ne fait pas de longs parcours en plaine et il se tient toujours dans les ronciers et les fourrés épais, d’où les Chiens ne peuvent le déloger. Le Cerf cochon s’apprivoise facilement; j'ai eu bien souvent plusieurs de ces animaux vivant en toute liberté et suivant leurs gardiens partout dans la campagne, n'ayant aucune crainte des Gens et s'en défendant fort bien lorsqu'ils en étaient poursuivis ! ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 143 € Je n'hésite donc pas à conseiller sa domestication dans notre pays, car sa chair est excellente. Toujours gras, bien portant, n'ayant besoin d'aucun soin, se nourrissant facile- ment, se contentant des restes des autres animaux, il fournirait des ressources alimentaires précieuses. Cerf sika (Cervus sika), Japon et Chine septentrionale. — Le Sika est tres rustique et supporte nos hivers les plus durs sans jamais en souffrir et ne s’abritant même pas dans sa cabane. Il entre en rut en septembre et octobre et les petits naissent en juin ou juillet. Les jeunes sont mouchetés de blanc et ils s'élèvent toujours avec la plus grande facilité. Malheureusement, à trois ans, les mâles deviennent tres méchants; au moment du rut, ils sont mêmesinapprochables.… toujours hérissés, toujours furieux, ils foncent stupidement sur leurs gardiens, brutalisent leurs biches et les tuent bien souvent. Depuis quelques années, après de nombreux accidents, j'ai pris l'habitude de faire scier les bois des mâles étalons; c’est le seul moyen, je crois, d'obtenir la reproduction sans danger pour les biches. Il est impossible, naturellement, de laisser deux mâles adultes ensemble, dans une étroite captivité. Le Cerf sika est très vigoureux et il court bien; devenu sauvage, il serait fort joli à chasser à courre et ce serait une belle et bonne introduction à faire pour le repeuplement des forêts. Cerf du Mexique (Cervus mexicanus, Cariacus mexmica- nus), Mexique. — Comme presque tous les Cerfs américains, ces animaux s’apprivoisent facilement et leur caractère est plus doux que celui des Cerfs de l’ancien continent. Ils sont élégants et tres gracieux; un peu plus petits et plus légers que les Cerfs de Virginie auxquels ils ressemblent d’ailleurs beaucoup. La Biche du Mexique donne, ordinairement, deux jeunes à chaque mise bas et elle se reproduit régulièrement à la fin de juin ou au commencement de juillet chaque année. Le Cerf du Mexique résiste bien à nos hivers et vit très bien en captivité. J'ai, en ce moment (1898), un jeune hybride mâle très beau, 114 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. né, au printemps dernier, d’une jeune Biche de Virginie qui avait été couverte par un Cerf du Mexique. Cerf de Virginie (Cervus virginianus), Cerf cariacou (Cariacus virginianus), Mexique, Californie, Orégon, Mis- souri. — Ce Cerf qui habite l'Amérique du Nord, a deux colo- rations : en été, le pelage est couleur fauve tirant un peu sur le doré; la tête est d’un gris brun plus foncé au chanfrein et plus roux sur le front. En hiver, le pelage est gris et quel- quefois brun noirâtre. Le bois est remarquable par la forme concave de sa face antérieure. Les Cerfs de Virginie sont très rustiques et supportent bien les intempéries de notre climat; ils entrent en rut en novembre et les jeunes naissent en juillet. Ce joli animal avec sa tête longue et fine et son museau pointu est doux et d’une familiarité extraordinaire; tous ceux que j'ai et les Biches surtout, suivent comme des Chiens et aiment à se faire caresser. Cerf des bois, Guazou-Bira (Certus nemorivagus, Coussus nemorivagus). Le Cerf des bois se trouve au Para- guay, au Pérou, au Brésil. Ainsi que tous les Guazous, cette espèce est très douce, s'apprivoise fort bien et se familiarise même au point d'en devenir importune. Le Cerf reste toujours daguet et supporte bien le froid de nos hivers : nous ne rentrons jamais ces animaux, leur cabane, en bois couverte de bruyère, n’est pas très chaude. Ils se reproduisent en toutes saisons et élevent bien leurs jeunes. J'ai eu plusieurs produits d’une Biche Guazou-Bira avec un Cerf Guazou-Pila : ces deux espèces de Némorivagues s’accouplent volontiers entre elles. Cerf roux, Guazou-Pita, Coassou (Coassus rufus, Cer- vus simplicornis), Amérique méridionale. — Très joli Cerf daguet de la taille à peine d’un Chevreuil et d’une belle couleur brun-rouge-brillant. Sa tête est effilée et ses dagues à peine longues de 3 pouces. Ces charmants animaux se reproduisent facilement, mais D ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 145 nous les rentrons dans une écurie pendant les nuits trop froides de l'hiver. Ils suivent partout sans aucune crainte, sont très doux, aimant les caresses et léchant les mains, affectueusement, comme de jeunes Chiens. Le mâle et la femelle ont quelquefois une odeur infecte et suffocante : cette odeur est, je crois, plus forte au temps du rut. Un Cerf coassou a eu, ici, plusieurs reproductions avec une Biche némorivague. Cerf des champs, Guazou-Ti (Blasiocerus campestris, Cervus leucogaster), Amérique du Sud. — Le pelage, dans cette espèce, est fauve, le tour des yeux et une tache au bout de la lèvre supérieure sont de couleur blanche : à la place des cornes qu'elle n’a jamais, la femelle porte deux petits bouquets de poils blancs relevés. Le Guazou-Ti habite les pampas de l'Amérique du Sud et sa couleur est 2mmuable, comme celle de lous Les Cerfs de celle partie du Nouveau continent. Je ne possède, malheureusement, qu'une biche de cette espèce; W. Jamrach, de Londres, le grand importateur bien connu, m'écrivait dernièrement que depuis plus de dix ans, il cherchait ces animaux qu'il ne pouvait trouver. Ils sont donc très rares et la biche de la Pataudiere est, probablement, la seule vivant en Europe. Elle est tres jolie, très familière, très bien portante et elle s'est accouplée avec un joli Cerf Guazou-Bira, à peu près de même taille. Cerf muntjac, Cerf doré (Cervulus muntjac, Cervus aureus), Inde, Java, Sumatra. — Cette espèce n’est pas le Muntjac larmovant (Cervulus lacrymans) de Chine, qui se trouve au Jardin des Plantes de Paris. Les Muntjacs de la Pataudière viennent des îles de la Sonde et le premier couple avait été acheté par un Membre bien connu de la Société d’Acclimatalion, feu Cornély, du Château de Beaujardin, qui m'assurait, alors, que ces ani- maux, les premiers arrivant et les seuls existant en Europe, ne pourraient probablement pas résister aux hivers de notre région. | M PS 146 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Aussi, avant les premiers froids, il me les avait cédés et ils m'étaient arrivés en assez bon état, après seulement quelques mois d'été passés dans le parc de Beaujardin, près de Tours. Pendant les premières années, en effet, ces Cerfs se mon- trèrent tres frileux et nous les tenions très chaudement, les rentrant dans une étable réchauffée par de nombreux ani- maux domestiques, dès les premiers jours d'octobre. Ils passaient ainsi tout l'hiver, jusqu'au mois de mai, toujours enfermés. Aujourd'hui, après de nombreuses années, après de nom- breuses reproductions, presque toujours réussies, mes Muntjacs sont acclimatés... Je ne les rentre plus, je ne les chauffe plus l'hiver... ils ont une cabane bien abritée, mais toujours ouverte d’où ils sortent tous les jours, dans leur parc, même par les plus grands froids. Ils se reproduisent en toutes saisonsæt élèvent leurs jeunes sans mortalité. Mes Muntjacs sont plus sveltes, un peu plus grands aussi et plus gracieux que les Munljacs larmoyants du Museum de Paris; leur couleur rouge-marron très vif est encore plus brillante, plus luisante et leur poil est très ras. Le mâle, dont les canines sont très longues, devient souvent méchant au bout de quelques années ; il poursuit et blesse souvent ses biches. Entre eux les mâles se battent et se tuent quelquefois, car ils sont très acharnés et ne veulent pas céder. Cerf de Reeves (Cervulus Reevesi), Chine méridionale. — Ces très petits Cerfs, plus petits que les Muntjacs, sont d’une rusticité à toute épreuve; ils se reproduisent en toutes saisons, même en hiver, et les froids les plus rigoureux les laissent insensibles. C’est bien, sans contredit, l'espèce la plus intéressante et la plus précieuse à introduire dans nos chasses, car elle se reproduit abondamment, sans aucune difficulté, dans les parcs les plus étroits et dans les plus mauvaises installations. Elle n'a besoin d'aucun soin, d’au- cune nourriture particulière et les Biches entrent de nou- veeu en rut sitôt leur mise bas. Maïs, encore une fois, je le répète, l’insouciance est telle en France, que ceux que la question intéresse, que ceux qui peuvent, ne veulent rien faire, rien essayer et qu’ils se Con- ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES.. 147 tentent de se plaindre en voyant nos forêts se dépeupler davantage de jour en jour. Le Cervule de Reeves est très vigoureux; il court bien et tient bien les grands bois : sa chasse serait donc des plus amu- santes et il saurait résister longtemps et se bien défendre. Chevrotains (Tragulus). — Les Chevrotains sont encore assez peu connus: ce sont, en général, des animaux d'une extrême délicatesse qui ne peuvent pas supporter bien long- temps la captivité. J'en ai eu beaucoup, bien souvent, à la Pataudière, mais toujours, malgré les plus grands soins, je les voyais vite mourir au bout de peu de temps et je n’ai jamais pu en obtenir la reproduction. Chevrotain de Java (7ragulus napu) et Chevrotain Kanchil (7ragulus javanicus), habitent tous les deux Java et Sumatra, ce sont les deux seules espèces que j'ai eues à la Pataudière. Le Chevrotain de Java est le plus petit des Ruminants, sa taille ne dépasse pas celle du Lapin, mais toutes ses formes sont d’une élégance et d’une délicatesse admirables. Le Kanchil est un peu plus gros et un peu plus fort:il résiste un peu plus longtemps à la captivité. Mais tous les Chevrotains craignent énormément le froid et même pendant l'été, il faut les rentrer et les tenir chaude- ment la nuit. Ici, leur nourriture se compose de pain, de biscuits, d’un peu de son, d’un peu de riz crevé dans l’eau bouillante, de figues sèches, avec du maïs cassé et quelques grains d'avoine, des carottes coupées et d’un peu de luzerne bien feuillue, ANTILOPES. Les Antilopes appartiennent presque toutes à l'Ancien monde : elles sont confinées, comme au reste, presque toutes les espèces d'animaux, dans certaines limites plus ou moins étendues, qu'elles franchissent rarement et il y a entre elles un air de famille qui les fait distinguer au premier abord, malgré la diversité des formes. 148 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Elles manquent de canines et ont des larmiers : leurs cornes sont persistantes et composées d’un noyau complètement solide et d'un étui creux et élastique. Ce sont, en général, des animaux de taille élancée et légère, très agiles à la course. Gazelle dorcas (Gazella dorcas), Algérie, Nord de l'Afrique. — Les Gazelles dorcas ont des cornes rondes et annelées dans les deux sexes. Elles s’apprivoisent facilement, mais les mâles adultes de- viennent toujours très méchants. J'en ai eu plusieurs fois la reproduction, et les jeunes se sont élevés assez facilement. La Dorcas est un peu plus rustique que les suivantes : ce- pendant, elle meurt vite en captivité. Souvent, les Gazelles paraissent gaies, bien portantes, puis, un matin, on les voit, tout à coup, tristes, couchées, laissant tomber leurs oreilles, ne mangeant plus et le soir, ou le len- demain, on les trouve inanimées sans savoir la cause de leur mort et sans avoir pu prévenir la maladie. Et c’est presque toujours ainsi que meurent les Gazelles de toutes les espèces ; à l’autopsie, on ne trouve aucun dé- sordre, ni aucune lésion dans l'organisme. Ces animaux si délicats, si susceptibles, regrettent süre- ment leur liberté et leur désert : captives, elles s’attristent et languissent. Gazelle d'Arabie (Gazella arabica), d'Arabie. — Mâles et femelles ont des cornes longues et annelées de treize à qua- torze gros anneaux saillants. Elles sont frileuses et l’on doit les rentrer chaque nuit et pendant tout l'hiver. Les mâles adultes, dans cette espèce, deviennent encore très méchants. Les femelles se reproduisent assez bien mais à des époques irrégulières. J’ai conservé une femelle pendant huit années à la Pataudière; c’est la seule Gazelle que j'ai vue vivre aussi longtemps en captivité ! Gazelle du Sénégal (Gazella rufifrons), Sénégal. — Une femelle de cette espèce s’est accouplée avec un mâle de G. Subgutllurosa dont elle a eu une jeune femelle. Cette Gazelle craint beaucoup le froid, ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 149 Gazella leploceros, Sennaar, Kordofan. — Excessivement délicate et frileuse. J'ai eu un jeune mâle né d’un accouplement avec un mâle de G. arabica, et une femelle était née l’année précédente. Gazelle de Perse (Gazella subgutlurosa), Perse, Tar- tarie, Arménie. — On appelle cette Gazelle subgutturosa, parce que le mâle a le larynx très volumineux faisant saillie en dehors. Ses cornes sont longues et fortes, noires, annelées dans toute leur étendue et disposées en lyre. J'ai eu plusieurs fois des femelles de cette espèce qui avaient de petites cornes rudimentaires : mais le plus souvent, elles n’en ont pas. Cette Gazelle s’apprivoise facilement, mais comme toujours là encore, les mâles deviennent très méchants. Au château de Beaujardin, j'en ai vu en liberté, qui poursuivaient et blessaient les personnes ainsi que tous les animaux du pare, plus forts qu'eux. M. Cornély avait été lui-même attaqué par un de ces mâles et il avait dü, pour s’en défendre, faire usage de son fusil. L'animal blessé n'était pas corrigé et il était devenu si dangereux qu'on avait dû le faire abattre. J'en ai possédé moi-même de très méchants à la Pataudière et plusieurs fois j'ai eu des femelles tuées par les mâles. Cette espèce vit bien en captivité et se reproduit facilement, donnant d'ordinaire deux jeunes à chaque mise bas ; quelque- fois même trois. Cette Gazelle résiste au froid de notre pays; ici, nous les laissons tout l'hiver dehors, avec une cabane pas très chaude pour abri. C'est, je crois, la seule espèce qui puisse supporter notre climat. Antilope des Indes (Anliiope cervicapra), Inde. — Cette jolie Antilope vigoureuse et trapue a des cornes noires, à triples courbures, tordues en spirale, à anneaux nombreux. Elle a de très grands larmiers et des brosses aux genoux. La femelle n’a pas de cornes; elle porte neuf mois et ne fait qu'un petit. PACE ALAN , CET" ne 7 FC na APS Î “ ÿ 2 | pi 150 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. ; Ces animaux sont très rapides à la course et peuvent sauter à une très grande hauteur. Rien n'est joli comme de voir toute ma bande d'Antilopes des Indes, courir, en jouant, dans leur parc, bondissant à qui mieux mieux, avec une facilité de mouvement et une agilité incroyables, qui dénontent chez ces animaux une force musculaire étonnante et des ressorts d’une élasticité incom- parable. Ils touchent à peine terre et ils rebondissent sans cesse, s’élancant, passant comme une fièche devant les yeux éblouis, avec une vigueur si souple qu'ils ne se heurtent me, jamais aux grillages de leur enclos. De Ce sont des animaux très robustes qui vivent parfaitement Si en captivité et qui se reproduisent avec la plus grande facilité, Ee . en toutes saisons. Ils supportent très bien les froids les plus. . rigoureux de nos hivers, sans en souffrir et ils n'ont besoin. à d'aucun soin particulier. d : 3 Cette espèce s’apprivoise tres bien ef j'ai eu, à la Pataudière, un mäle d'A. cervicapra vivant en toute liberté et d’une familiarité vraiment extraordinaire. Tout le monde, dans le pays, a connu Papillon qui suivait encore, l'an dernier, son gardien, partout, dans la campagne, ne s’effrayant jamais et se promenant dans nos cours en tout temps, quémandant sans cesse une friandise à fous ceux qui passaient et les ennuyant, bien souvent, par son extrême *- sans-gêéne. | J'ai dû m'en défaire à cause de cette cramponnante fami- À liarité, car il entrait partout, dans la cuisine et dans tous - 204 les appartements dont il trouvait la porte ouverte... et il ne. Fe. voulait plus en sortir avant d’avoir obtenu de nombreux morceaux de sucre qu'il aimait avec passion. Antilope algazelle, Antilope leucoryx (Oryxæ leuco- Fa ryx), Nubie, Sénégal. — Les cornes -sont noires, gréles, e arrondies, annelées dans leur moitié inférieure, légèrement # courbées en arc de cercle et très longues. 5 Les femelles ressemblent aux mâles, mais elles ont des | cornes moins grosses, tout aussi longues. L'Oryx leucoryæ habite la Nubie jusqu'au Sénégal. À Cette espèce est probablement l'Oryæ des anciens qui est x souvent représenté sur les monuments d'Egypte, de profil et ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 4151 avec une seule corne, la seconde étant comprise dans le méme plan. Ce sont peut-être ces figures mal interprétées qui ont donné lieu à la fable de la Licorne. Mes Oryx leucoryx se reproduisent, mais à des époques irrégulières ; j'ai eu des jeunes en janvier et dans tous les mois de l’année. Autrefois, nous les rentrions dans une écurie pendant l'hiver, car ces animaux me paraissaient frileux ; aujour- d'hui, nous les laissons dehors, toute l’année. Ils ont une bonne cabane bien exposée au Midi et chaude pour s’abriter et ils passent ainsi, très bien, toute la mau- vaise saison. Les mâles adultes deviennent terribles et dangereux pour leurs gardiens. Ils sont tres courageux, chargent les hommes qui ne peuvent pas facilement s’en défendre, car il faudrait les tuer pour les faire reculer. Le fouet, le bâton, ne peut que les irriter. J'ai essayé même le feu, des torches pétillantes, un fer rouge, rien ne les arrête ; ils foncent avec colère, quand même. J'ai fait castrer un male qui était devenu teliement méchant, qu'on ne pouvait pas même passer devant les grillages de son parc. Il brisait tout!... Malgré cette cruelle opération, il était resté aussi méchant et aussi dangereux. ; Je l’ai envoyé au Jardin du Bois de Boulogne où je l’ai revu longtemps après; il paraissait doux et les gardiens m'assurèrent qu'il n'avait plus ses colères et ses stupides fureurs d'autrefois. On dit que cet animal se défend du Lion. Je n’en suis point surpris, car je l’ai vu terrible bien souvent, quand, sur les deux genoux, il se précipite comme l'éclair, faisant avec ses cornes d’acier si pointues, un #2oulinel inapprochable et bien redoutable. ; Antilope nanguer, Antilope dama (Gazella mohr), Nubie, Sénégal. — Les cornes sont noires, fortes, annelées sur les trois quarts de leur longueur, brusquement courbées en avant. Les femelles ont aussi des cornes moins fortes, ayant la même direction que celles des mâles. Cette magnifique espèce est d'une légèreté incroyable, elle 152 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. bondit avec une grâce merveilleuse et elle est certainement la plus décorative des Antilopes, dans un parc. Elle se reproduit facilement à des époques irrégulières. Mais les mâles deviennent encore extrêmement méchants. Ils attaquent même leurs femelles et sont très désagréables parce que toute la journée, ils défoncent, brisent leurs grillages avec leurs cornes puissantes. J'ai eu un mâle superbe qu’on ne pouvait panser ; il fallait lui jeter sa nourriture et s'enfuir à la hâte, car il ne laissait entrer personne dans son enclos. Un matin, le gardien a trouvé sa femelle prête à mettre bas, rälant dans la cabane; le mâle lui avait ouvert la poitrine et couvert le corps d’affreux coups de cornes... Antilope guib, Boute-bock (Antilope scripla, Tragela- phus scriplus), Sénégal. — Encore une bien belle espèce avec son pelage fauve-marron, marqué de bandes blanches trans- versales et de taches rondes blanches aussi, éparses et nombreuses sur les flancs et sur les cuisses. Ses cornes assez courtes, ont deux arêtes saillantes, décrivent un tour et demi de spirale et sont très pointues. Ces si jolis animaux se reproduisent facilement ; les mâles jeunes et les femelles sont charmants, d’une familiarité extrême et très caressants. J’en ai eu qui suivaient comme des Chiens et qui venaient à mon appel. Mais un rien les effraie et leur fait perdre la tête. Ici, ils avaient une peur folle surtout de l'orage et du tonnerre; ils se précipitaient alors sur les grillages, contre les arbres, les murs et tous les obstacles. Ils s’abimaient et se blessaient, car rien ne pouvait les calmer. Mais les mâles adultes sont encore plus impossibles. À Beaujardin, le gardien faillit être tué par un Guib mâle. A la Pataudière, un Guib a ouvert et brisé la mâchoire inférieure de sa femelle. Antilope nagor (Antilope redunca), Sénégal. — Les cornes du mâle sont rondes, de la longueur de la tête, cour- bées en arc, la pointe en avant. La femelle n’a pas de cornes. Ces animaux se reproduisent facilement, mais ils sont fri- leux et nous les rentrons pendant l’hiver. ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 153 Les mäles, comme presque toujours, chez les Antilopes, deviennent très méchants en prenant des années. Antilope à quatre cornes. A. tchickara (Amilope quadricornis. Tetracerus quadricornis), Népaul. — Deux cornes courtes et coniques en avant, sur le front, entre les yeux, deux autres plus longues en arrière, plus grosses, lisses, très pointues. Pas de cornes chez la femelle qui res- semble au mâle comme taille et comme pelage, lequel est fauve uniforme formé de poils assez épais et assez longs. J'ai eu des mâles, de cette espèce, extrêmement méchants : en ce moment (1898), j'en ai deux, depuis deux années, à la Pataudière, qui sont restés très doux et très familiers. Ils se hérissent et se cabrent quand on entre dans leur parc, mais ils ne font aucun mal et se laissent caresser. Je n’ai plus qu'une femelle qui vit avec ces deux mâles et qui va mettre bas au premier jour; elle est, elle aussi, tres familière et très caressante. Je rentre encore ces animaux pendant les nuits froides de l'hiver. Antilope à nez noir (Cephalophus niger), Guinée. — W. Jamrach, de Londres, m'avait envoyé un couple de ces petites Antilopes en m’assurant qu'elles étaient les premieres importées et les seules vivant en Europe. ë Après avoir passé l'hiver, renfermés dans une étable chaude, ces animaux ont eu, au printemps suivant, une jeune femelle qui a été élevée parfaitement par la mère et qui est devenue forte et belle. Ce sont de très jolies bêtes, fines, élégantes, d’un brun noi- râtre, avec le dessus du nez et de la tête roux sombre. Le mâle seul a des cornes courtes, noires et droites. Mäles et femelles ont sur la tête un petit bouquet de poils noirs, droits et longs. Ces Antilopes craignent beaucoup le froid. Antilope Guevei {Anlilope Maxwelli ; Cephalophus Maxwelli), Sénégal, Sierra-Léone, Gambie. — Cette espèce naine a des cornes courtes, mais fortes et annelées à la base. Les femelles ont aussi des cornes un peu moins grosses que celles des mäles, mais aussi longues. J'ai toujours lu, dans tous les traités d'histoire naturelle, Bull. Soc. nat. Accl, Fr. 1899, — 11, 154 BULLETIN DE LA SUCIÉIÉ D’ACCLIMATATION. que les mâles seuls, de ces petites Antilopes avaient des cornes et que les femelles n’en avaient jamais !... Maïs, n’en déplaise à tous les auteurs qui ont étudié et écrit sur la matière, dans la solitude du cabinet, j'affirme pour ma part que, dans cette espèce, les deux sexes ont des cornes et j'affirme hardiment, sans crainte de me tromper, puisque j'en parle de visu, possédant toujours et depuis long- temps, à la Pataudière, et souvent en grand nombre, ces mignonnes Antilopes (1). Elles se reproduisent bien, mais les mâles adultes se battent souvent en se jetant sur les genoux et se frappant, avec ardeur, au moment du rut des femelles qui a lieu, en toutes saisons. Tres fragiles, très frileuses, ces jolies petites bêtes sont rentrées dès les premiers froids. (A suivre.) (4) Le fait est aujourd’hui bien connu. (Vote de la Rédaction.) SUR DES IGNAMES DE CHINE ENVOYÉES À LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION PAR LE PROFESSEUR HECKEL ET SUR DEUX ESPÈCES D’IGNAMES NOUVELLEMENT INTRODUITES DE LA CHINE par Paul CHAPPELLIER (1) Notre savant collècue, M. Heckel, professeur à la Faculte des sciences de Marseille, a bien voulu adresser à la Sociélé des tubercules d'Igname en demandant deles faire examiner ; ils m'ont été confiés et je viens vous rendre compte de cet examen. Permettez-moi pour faciliter mes explications, quelques généralités préliminaires. L’Igname de Chine est un bon légume et cependant elle est peu cultivée. La raison de cette sorte d'abandon est bien connue, la voici : À côté de ses nombreuses qualités, elle a un défaut, la lon- sueur de son tubercule, 10 à 80 centimètres, ce qui entraine quelques difficultés pour sa culture et son arrachage. La Société d'Acclimatation connaissant et ces qualités et ce défaut, a ouvert il y a longtemps déjà un concours pour l'introduction ou la production d’une variété à tubercule court. Depuis cette époque, plusieurs espèces exotiques ont été introduites dans ce but. Je n’en citerai que deux. M. Paillieux, notre regretté collègue, nous a présenté le D. Decaisneana ; cette espèce, déjà connue du reste, a une forme très ramassée et végète assez bien sous notre climat, mais son produit est presque nul. Plus récemment, j'ai appelé votre attention sur le D. glo- bosa ; la forme de cette espèce est presque sphérique comme l'indique son qualificatif, et elle est cultivée en grand à Cal- cutta. Sur ma demande la Sociélé en a fait venir des tuber- cules. Mais je n’ai pu en réussir la culture en plein air parce (1) Communication faite en séance générale le 27 janvier 1899, 156 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. qu'elle exige beaucoup plus de chaleur que celle dont nous disposons sous notre climat tempéré. J'ai dû me borner à les envoyer par l'intermédiaire obli- geant du secrétaire de notre Section coloniale M. Bourdarie, à M. Chalot, directeur du Jardin d'essai de Libreville au Congo. Aucune des espèces exotiques introduites n'ayant donné de résultats pratiques, il fallait se résigner à tenter d'en produire une par les moyens usités en pareil cas ; hybridation, semis sélection, etc. C’est la tâche que j'ai entreprise depuis dix ans. Je vous ai rendu compte à plusieurs reprises de mes essais. Notre collègue M. Heckel, voyant que mes expériences se prolongeaient indéfiniment sans amener de résultats, a pensé qu'on pourrait atteindre le même but par un procédé plus simple et plus prompt. D'après ses indications M. le capitaine Dubiau, vice-prési- dent de la Société d’horticulture des Bouches-du-Rhône, a entrepris des essais et nous a envoyé des spécimens des pro- duits de ses deux premières campagnes. Ceux que nous avons reçus, il y a deux ans, m'ont été con- fiés ; je les ai plantés. Dans le compte rendu de leur culture publié dans le Bul- letin, (février 1898), je vous ai fait savoir que les tubercules que j'avais obtenus étaient très allongés et entièrement sem- blables au type originel. Un seul toutefois méritait une mention spéciale, parce qu'il était bifurqué. Je l’ai replanté de nouveau et j'ai constaté que cette bifurcation était accidentelle; elle ne s’est pas repro- duite dans cette seconde année de culture. Cette première expérience de M. Dubiau n’a donc pas donné les résultats qu'il en attendait. Voici maintenant deux tubercules provenant de son deuxième essai, la Société les a recus en novembre dernier (1898), fig. 1, A et B. Sans atteindre encore le but cherché, ils s'en rapprochent mieux que les premiers. Mais leur forme ramassée ne semble pas naturelle. Elle paraît devoir être attribuée, au moins en grande partie, à ce que le tubercule est venu buter contre un corps étran- ger, ce qui l’a forcé à se contourner, à se replier sur lui- même ; si cet obstacle n'avait pas arrêté son développement normal, le tubercule aurait probablement obéi à sa tendance ne (ee CRUekEART Se. Fig. 1. — Ignames de Chine (voir le Lexte). L’échelle placée au bas des figures correspond à 10 centimètres, SUR DES IGNAMES DE CHINE. 159 naturelle à s’enfoncer perpendiculairement dans le sol, et il aurait pris une forme plus allongée. Quel peut être ce corps étranger? Une racine, un mor- ceau de bois, une pierre ? Je croirais plutôt à un tesson de pot à fleur. Est-ce par oubli ou négligence que le jardinier de M. Dubiau a laissé ce corps étranger dans le sol? Ou bien peut-être, connaissant le but poursuivi par son maître, aura-t-il cru bien faire en interposant cet obstacle pour empêcher l'allongement du tubercule ? Je ne sais, mais ce qui est certain, c’est le fait lui-même, et l'empreinte laissée sur la partie inférieure du tubercule par le corps étranger ne peut laisser aucun doute sur ce point ainsi que vous pouvez le constater. Cette négligence volontaire ou intentionnelle du jardinier de M. Dubiau est regrettable, car elle ne nous permet pas de formuler avec précision le résultat de l'examen que M. Heckel a bien voulu confier à la Société. Pour compléter cet examen, il me paraît nécessaire de remettre ces tubercules à deux de nos collègues qui voudront bien se charger de les cultiver et de nous rendre compte du résultat qu'ils obtiendront de cette culture. Laissez-moi vous rappeler à ce propos. que l'interposition d’un obstacle dans le but d'empêcher l’allongement du tuber- cule de l’Igname a été conseillée et employée bien souvent. Certains jardiniers ont été jusqu'à planchéier, paver, bitu- mer le fond des plates-bandes où ils cultivaient cette plante, mais ce procédé n'a jamais donné de résultat pratique. Le tubercule, en s’incurvant et se contournant sur lui-même, rendait d’abord l’'épluchage très difficile et surtout la végéta- tion devenait anormale et défectueuse. J’ai cependant essayé de régulariser ce procédé artificiel et j y suis arrivé jusqu'à un certain point, ainsi que vous pou- vez le voir par ce spécimen en spirale, fig. 1, C. Mais je con- seillerai ce mode de culture tout au plus pour le cas excep- tionnel d’une couche arable peu épaisse où une défonce de 80 centimètres est rendue impossible par la nature d’un sous- sol glaiseux, pierreux ou tuffeux. J'ai décrit ce procédé artificiel dans le Bulletin de la Société d'Acclimatalion (5 mai 1895). Sur mon spécimen comme sur ceux de M. Dubiau, l’em- 460 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. preinte laissée par l'obstacle qui s’est opposé à l'allongement est manifeste. C'est un pot à fleur que j'ai employé avec un mode spécial de culture. Dans la lettre accompagnant l'envoi des tubercules de M. Dubiau, M. Heckel nous dit : . « J’ai entrepris parallèlement des essais dans le même sens au Jardin botanique de Marseille; j'en ferai connaître le résultat prochainement. » Nous recevrons avec grand plaisir la communication de notre collègue, l'examen des nouveaux résultats obtenus par lui devant présenter un réel intérêt. à Je dois d’ailleurs ajouter qu'il n’a pas imité la réserve de certains inventeurs qui cachent jalousement leur procédé ; ila bien voulu nous indiquer celui qu’il a imaginé. Voici en quels termes il s'exprime : « M. Dubiau procède suivant mes indications en utilisant » pour la propagation des plants dont il veut sphériser les » tubercules, des points spéciaux (polaires) des tubercules » dont les éclats sont mis en plantation. » Nous devons remercier M. Heckel de nous avoir ainsi indi- qué son procédé; mais il est regrettable qu'il ne précise pas autrement ce qu’il entend par cette expression points spéciaux (polaires). ; Ne trouvant rien à ce sujet, ni dans mes très faibles con- naissances physiologiques, en botanique, ni dans les ouvrages dont je dispose, j'ai consulté plusieurs personnes compé- tentes: Leur opinion peut se résumer dans les quelques lignes suivantes, que l’une d'elles m'a écrites : « Je ne puis rien vous dire sur la signification de ces points » spéciaux (polaires). C’est là une dénomination de fantaisie, » répondant sans doute à une théorie spéciale à l’auteur et de » la valeur de laquelle il est bien difficile de se faire une idée » sans autre renseignement que des termes inconnus jusqu’à » présent. » M. Heckel nous rendrait service s’il voulait bien compléter sa communication en précisant ce qu'il entend par ces mots : points spéciaux (polaires). Je vous demande à insister sur cette théorie, car elle pour- rait peut-être intéresser d’autres plantes que l'Igname. Je m'explique : Vous savez à quel point l’agriculture française se préoc- SUR DES IGNAMES DE CHINE, 161 cupe en ce moment d’une grosse question : l'application industrielle de l’alcool à l'éclairage et à la force motrice, ce qui permettrait de remplacer au moins en grande partie, le pétrole, produit étranger etimporté, par l’alcool, produit na- tional. Ce serait un débouché considérable ouvert à la culture de diverses plantes, notamment la Betterave, la Pomme de terre et aussi le Topinambour quise contente de certains sols médiocres où les deux premières ne peuvent HHOSENE Parlons seulement de la Betterave. Autrefois le cultivateur, pour faire sa graine, se contentait de choisir dans ses champs quelques plants parmi les mieux constitués. Plus tard, on a perfectionné cette méthode. Dans chacune des racines de choix, on a enlevé au moyen d'une sorte de gouge de petits cylindres de pulpe, puis on les à analysés ; et ceux qui ont accusé une plus grande teneur en sucre ont permis d'opérer une sélection plus sévère. Mais, dans ces deux cas, on se contentait de planter au printemps la racine choisie et d’en récolter la graine. Aujourd'hui on fait mieux. Le choix est encore plus sévère; on ne conserve dès lors que des sujets de surchoix tout à fait exceptionnels et par suite très peu nombreux, et cependant on ne diminue pas le nombre des graines produites. Pour y arriver, on place ces Betteraves de surchoix, de très bonne heure sous couche chaude ; sous l'influence de cette chaleur artificielle, il se développe sur chaque racine un très grand nombre d’yeux, on les sépare du pied mère et on les plante, toujours sous couche, dans de très petits godets. Après deux rempotages ils sont de- venus assez forts pour être placés en pleine terre. Ce procédé permet de récolter un beaucoup plus grand nombre de graines que si l’on s'était contenté de planter la racine tout entière toutefois quelques expérimentateurs pensent que ces graines de bouture auraient moins de qualité que celles qu'on obtien- drait en plantant le pied mère lui-même. Quoi qu'il en soit, si on réfléchit à ce que je viens de vous rappeler, on est porté à se demander si parmi ces yeux si nombreux d’une Betterave, il y en aurait, comme dans l’Igname, quelques-uns qui proviendraient de ces points spéciaux (polaires) privilégiés signalés par M. Heckel. S'il en était ainsi, il y aurait grand intérêt à appliquer le Ce LR pui, id hs ' dre CR À at ds à td fe LS 162 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. procédé de notre collègue non seulement à la Betterave, mais encore peut-être à d'autres plantes à tubercule, rhizome ou racine aptes à être multipliées par fragmentation, telles que Pomme de terre, Topinambour, Carotte, Rutabaga, etc. Pour répondre à la demande d'examen qui nous a été faite, je vous propose, de résumer comme suit le résultat de cet examen. Les premiers spécimens présentés il y a deux ans ne sem- blaient pas offrir d'intérêt, puisque, plantés l’année suivante, ils sont nettement retournés au type fusiforme très allongé. Ceux que nous avons recus cette année se rapprochent davantage du but que poursuit la Société d'Acclimatation, mais cette seconde expérience perd beaucoup de sa valeur par ce fait que leur renfiement et leur incurvation paraissent être dus surtout à une cause accidentelle, je veux dire à l'interposition d’un corps étranger qui s’est opposé à leur allongement normal. Enfin le plus grand intérêt de la communication de M. Heckel semble bien consister dans la nouvelle théorie qu'il nous présente surtout si elle peut s'appliquer à d’autres plantes à tubercules ou rhizome que l'Igname. De toute facon, je vous propose : 1° D’adresser à MM. Heckel et Dubiau, nos plus vifs remer- ciements pour leur intéressante communication : 2° De les encourager à continuer leurs essais: 3° De remettre ces tubercules à deux membres de la Sociélé qui les cultiveront et rendront compte de leur culture ; 4 De prier M. Heckel de vouloir bien nous faire connaître, ainsi qu'il nous l’a annoncé, le résultat de ses expériences personnelles ; 5° De lui demander, si ce n’est pas indiscret : Quels sont ces points spéciaux (polaires) qu'il utilise sur l’'Igname ; et si ces points privilégiés existent également sur d’autres plantes susceptibles d'être multipliées par fragmentation, telles que : Betteraves, Pommes de terre, Topinambours, Rayes, etc. Je désirerais vous dire encore quelques mots au sujet de deux nouvelles espèces ou variétés d'Ignames. Au printemps dernier, M. Maurice de Vilmorin m'a confié une très petite Igname qu'il avait recue de M. l'abbé Farges, missionnaire au Se-Tchuen. La voici fig. 2, D. et E. C. FocrErT Se, Fig. 3. — D, E, Dioscorea sp. ? H, 1, Dioscorea Fargesi FRANCHET. L’échelle placée au bas des figures correspond à 10 centimètres. SUR DES IGNAMES DE CHINE. 165 Le tubercule est de faible dimension, mais il n'y a pas lieu de s’en étonner, au contraire ; en effet la plantule que j'avais recue était dans un très petit godet, 10 cent. environ; la végétation n'ayant pas pris béaucoup d'extension, je n’ai pas cru devoir la rempoter dans un plus grand vase. Aussi lors de l'arrachage, j'ai été surpris de trouver un tubercule aussi développé dans un aussi petit pot et avec une aussi faible végétation. Cette Igname a beaucoup de rapport avecl'Igname de Chine : feuilles entières et lisses, bulbilles pareilles et peu nom- breuses, tige volubile dans le mème sens, enfin tubercule analogue. La seule différence que je puisse constater, c'est le brusque renflement et la bifurcation de l'extrémité du tubercule; il est possible que cette déformation provienne de la faible dimension du vase où il a été cultivé et que l’an prochain ces parti- cularités aient disparu; dans ce cas cette plante serait tout simplement l'Igname de Chine; si au contraire cette forme anormale persistait, nous aurions affaire à une variété intéressante. Voici enfin une autre espèce fig. 2, H et I. Il y a trois ans, M. Maurice de Vilmorin m'avait déjà confié - quelques bulbilles envoyées également par M. l'abbé Farges. Elles avaient poussé dans la caisse d’envoi et étaient en assez mauvais état, aussi n’ai-je obtenu que des tubercules de la grosseur à peine d’une noix, ainsi que je l’ai dit ici même (Bulletin, février 1898). Cette année, la plante a pris un plus grand développement _et le tubercule que je vous présente est assez gros pour être utilisé comme légume. Cette Igname differe entièrement de celle de Chine. La feuille est velue et composée de 3 à 5 folioles, tandis que celle de l’Igname de Chine est entière et lisse; la tige est filiforme et de plus, ce qui constitue un caractère botanique important, sa volubilité s'exerce dans un sens contraire à celle de l'Igname de Chine; les bulbilles aériennes ne sont pas pareilles et sont beaucoup plus nombreuses ce qui en facili- tera la multiplication. Enfin et surtout, le tubercule est fran- chement sphérique et sur ce point important il donne entière satisfaction au desideratum de la Sociélé d’Acclimatlalion. Cette Igname a parfaitement végété en plein air dans les 166 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. mêmes conditions que l'Igname de Chine et sans aucun soin spécial. à C'était du reste à prévoir, puisque son habitat se trouve à upe altitude d'environ 1,400 mètres d’après M. Franchet, botaniste du Museum qui a déterminé cette plante et lui a donné le nom de Dioscorea Fargesi, Igname de Farges. Reste une question très importante : cette Igname sera-t-elle comestible et de bonne qualité? C’est l'avis de M. D. Bois, qui a eu l’occasion d’en goûter. Sur ce point, je ne puis rien vous dire aujourd'hui, mais j'espère être en mesure de le faire cet automne si les bulbilles que je vais planter réussissent. Mais nous avons dès à présent une présomption encourageante; en effet, la fiche de l'herbier du Museum porte ces mots : racine tubéreuse comestible. En résumé, tout ce que nous savons sur cette nouvelle espèce nous autorise à dire qu'elle offre jusqu'à présent un réel intérêt. Dans la séance du 6 mars 1899, de la Section de botanique, M. Ch. Rivière a insisté sur la possibilité de l'obtention de variétés par simple sélection; c'est dans cet ordre d'idées que rentre le procédé indiqué par M. Heckel. M. Rivière a mentionné un certain nombre de variétés ou races obtenues sans l'intervention des semis des graines. Il a cité entre autres cas la création au Jardin d'essai du Hamma par sélection d'une race fort intéressante de Ba- nanier. Il a aussi rappelé le fait suivant qui vient à l'appui de la même thèse. La Section de viticulture de la Société des agriculteurs de France (Bulletin, 15 juillet 1897, p. 385), a ouvert sur ma demande un concours pour l'examen expérimental de la proposition suivante que j'ai exposée devant elle : « Sur un même sarment de Vigne, il y a des yeux qui, par le fait seul du rang qu'ils occupent sur ce sarment, sont plus fructifères. « Le nombre et la position de ces yeux ne sont pas les mêmes sur tous les cépages. « Cette aptitude spéciale peut se transmettre et se per- pétuer par la greffe. Le greffage réitéré (in and in) de ces yeux privilégiés peut amener la création et la fixation d'une race plus fructifère. » 167 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 22 SECTION (ORNITHOLOGIE. — AVICULTURE). SÉANCE DU 13 FÉVRIER 1899. PRÉSIDENCE DE M. REMY SAINT-LOUP, VICE-PRÉSIDENT. M. Oustalet, président, s'excuse de ne pouvoir assister à la réunion. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. Il est procédé au dépouillement de la correspondance. M. Kien demande s'il serait possible d'élever l’Autruche africaine dans la Republique Argentine aux lieu et place du Nandou dont les produits ne sont pas assez rémunérateurs. La collection des Bulletins de la Societe renferme un grand nombre d'articles sur l’Autruche d'Afrique où M. Kien pourra trouver beaucoup de notions pratiques. M. le Président ajoute que l’on trouverait en outre dans son ouvrage sur les Oiseaux de parc quelques renseignements utiles. M. Perron, qui s'occupe actuellement de l’organisation d’une Autrucherie au Soudan, pourrait également fournir de précieuses indications. Une discussion s'engage sur le prix de revient de la nourriture des Nandous élevés en captivité en France. D’après M. Chérer, M. Barrachin a éleve des Nandous avec du pain, mais il est évident que cette alimentation coûterait beaucoup trop cher. M. Paul Uginet conserve des Nandous en liberté, sans frais, dans le département du Calvados. Pendant l'été, ces Oiseaux paissent dans les prés sans demander aucun soin ; l'hiver, on leur donne des betleraves coupées en morceaux. Cette alimentation, qui réussit bien, a l'avantage d'être très économique. M, Remy Saint-Loup signale chez les Nandous un Tœnia qui ne semble pas nuire à leur santé. L'on voit fréquemment des morceaux de ce Ver dans l'herbe des prairies où sont parqués les Nandous. Il est à souhaiter que l'espèce soit étudiée et déterminée par un spécialiste. M. Debreuil communique une lettre de M. Pays-Mellier, relative à un Dromæus, qui ne boit ni ne mange depuis qu’il couve. Lecture es tdonnée d'une communication de M. G. Rogeron sur les Singularités du plumage chez le Canard sauvage. Cette étude a été rédigée pour le Congrès des Sociélés savantes qui doit se réunir à Toulouse en avril prochain. M. le Secrétaire général rappelle que M. Suchetet a publié diverses observations sur les particularités de couleur du plumage des Oiseaux hybrides. M. Arrigoni degli Oddi a également étudié à ce point de vue les Palmipèdes du Nord de l'Italie. 168 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. M. Remy Saint-Loup ajoute que chez les hybrides, non seulement le plumage est altéré, mais la coloration des œufs change aussi quelquefois. 11 est à souhaiter qu’une enquête soit faite à ce sujet. M. Remy Saint-Loup veut bien promettre de rédiger pour la circons- tance ses observations personnelles. Une discussion s'engage au sujet de la coloration des plumes des Oiseaux et de la transmission de celle-ci à leurs descendants. M. le Secrétaire général fait observer que ce caractère isolé ne peut être recherche indépendamment d’autres. MM. Debreuil, de Lamarche, Wacquez, croient que le climat et autres conditions de milieu ont une importance capitale, égale tout au moins, sinon supérieure, aux effets de la sélection, lorsqu'il s'agit de créer une race. Pour les Poulets de Crèvecœur, par exemple, il ne suffirait pas de prendre, en dehors de toute autre condition, des Oiseaux noirs aussi bien choisis fussent-ils. Il faudrait encore se replacer dans les conditions difficiles à connaître où l'on se trouvait à l'origine lorsqu'on a formé cette race en employant des reproducteurs sélectionnés. M. Debreuil annonce que grâce aux méthodes de réfrigération actuellement employées, le Colin de Californie (Calipeblu californica) arrive depuis quelque temps en certaine quantité, sur le marché de Paris où il est vendu à un prix relativement peu élevé; la provenance de ces Oiseaux n’a pu être exactement déterminée. M. Debreuil rapporte qu'il a trouvé à Melun des Hirondelles chargées de grosses Mouches plates qui les empêchaient de s'envoler et demande des renseignements à ce sujet. D’après M. de Guerne, ces Insectes sont des Diptères pupipares, probablement des Anapera ; ces animaux sont très voisins des Hippobosques, des Melophages el des Ornithobies qui vivent sur les Chevaux, les Moutons et les Cerfs ; les Nycteribia, bien connus comme parasites des Chauves-Souris sont égaiement très voisins des genres précités. M. Remy Saint-Loup demande si les parasites des Mammifères peuvent se fixer occasionnellement et pour un certain temps sur les Oiseaux. M. Chérer s’est déjà occupe de celte question et a demandé l'avis de M. Mégnin; la réponse de celui-ci sera communiquée à Ja Section. M. Debreuil désire que la demande suivante soit insérée au Journal : | « Les parasites, tels que les Tiques, se fixant sur les animaux, possèdent-ils une action slupéfiante qui empêche leurs hôles de s’apercevoir de leur présence? » / Le Secrélaire-adjoint, F,. MÉREL. 4 D An ET SET ME AT NN OR AE LR 2. Indice décimal, #. BULLETIN 591.52 DE LA NOCIÉTÉ AATIONALE D'ACEUATAION DE FRANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) —_——— 46° ANNÉE JUIN 183899 SOMMAIRE - À. MILNE-EDWARDS. — Allocution prononcée le 12 janvier 1899, à l'ouverture de la ‘conférence de M. le D' Trouessart sur les Mammifères à /acclimater ou à domestiquer en France et dans les colonies françaises ...........,/............. ss... << 1169 G. PAYS-MELLIER. — Acclimatation, reproductions et élevages de Mammifères ayant vécu ou vivant encore dans le parc de la Pataudière (Indre-et-Loire) (swife)......... 171 ALExANDRE SIBILLOT. — Notes sur la faune et la flore du Haut Boueni (Madagascar). 178 Extrait des procès-verbaux des Séances de la Société : . Séance générale du 16 décembre 1898 .............. Extraits de la correspondance : D' TRABUT. — Un Bananier du Brésil en Algérie ........ —- JAbec AC De er 196 ] | La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions _ émises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. SES a Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société À fr. 50 A ———— PSS —————— AU SIEGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET A LA LIBRAIRIE CERF, Â2, RUE SAINTE-ANNE Le Bulletin paraît tous les mois. DÉSINFECTANT ANTISEPTIQUE Le seul joignant à son Efficacité, D * scientifiquement dérontrée, NX l'immense avantage de n'être »’, Toxique ni Corrosif. Hémostatique et Stvstique puissant. Adopté par les Ecoles Nationales Vétérinaires, le Service de Santé de l'Armée, la Préfecture de la Seine et la plupart des Services d'Hygiène ef de Désinfection des Départements. Envoi franco sur demande de Rapporis scientifiques ct Prospectus : SOC!ÉTÉ FRANÇAISE de PRODUITS SANITAIRES et ANTISEPTIQUES 35, Rue des Francs-Bourgeoïis (ci-devant 31, Rue des Petites-Ecuries), Paris. ET CHEZ TOUS LES DROGUISTES ET PHARMACIENS. eu mi () © = ve e O .”i £ Ni Véneéneux Pour e+..cr les nombreuses Contrefaçons exiger rigoureusement sur tous les emballages les Marques, Cachets et le Nom CRESYL-JEYES. Lits, Fauteuils, Voitures et Appareils Mécaniques Pour MALADES et BLESSÉS DUPONT Fabtbrevetés.g.d.£. Fournisseur des Hôpitaux àPARIS 10, Rue Hautefeuille au coin ge la rue Serpente (près l'Ecole-de-Médecine) —4#— — Les plus hautes Maisen fendée en 1872 Pis ds 609 Médailles ot 12 Prix d'homew Eéiaille d'er, Prix d'ensemble, Paris 1284 VOITELLIER àMANTES(S.40. COUVEUSES ARTIFICIELLES MATÉRIEL B'ÉLEVAGE Volailles de Race ŒUFS$ À COUVER Bsec pure de Heudan €@,88 CHIENS de chasse dressés, Envol france du Catalogue (liurteé. MAISON À PARIS = Récompenses e VOITURE aux Paper: Françaises et trangères. El PL du Théätre-Françeu mue au moyen de 1 on 2 lemers. Sur demande envoi franco du Catalogue — TÉLÉPHONE EAU MINÉRALE GAZEUSE, déclarée d'INTERET PUBLIC (Décretdu 7Avril1868) SSANG ANEMIE, GASTRALGIE, COLIQUES NEPHRÉTQUES, GRAVELLE, ARTHRITISME RECONSTITUANTE, ndiquédastoutesls GONVALESCENCES rm 169 ALLOCUTION PRONONCÉE LE 12 JANVIER 1899 par A. MILNE-EDWARDS, (De l’Institut), Directeur du Muséum d'Histoire naturelle, À L'OUVERTURE DE LA CONFÉRENCE DE M. LE D' TROUESSART. SUR LES MAMMIFÈRES À ACCLIMATER OÙ À DOMESTIQUER EN FRANCE ET DANS LES COLONIES FRANCAISES La Société d’'Acclimatution a pris une heureuse initiative en instituant chez elle une série de Conférences où seront traitées les questions principales dont nous poursuivons en commun l'étude. M. le docteur Trouessart a bien voulu accepter de faire la première de ces lecons. — Les recherches auxquelles il s’est consacré depuis bien des années lui donnent une autorité in- contestable pour parler des Mammifères à acclimater ou à domestiquer en France et dans les colonies et c’est avec le plus grand intérêt que nous l’écouterons. Je remercie le Bureau de la Société de m'avoir désigné pour présider cette réunion. En le faisant, il. a certainement voulu affirmer une fois de plus cette étroite solidarité qui existe entre la Société d’Acclimatalion et le Muséum d'histoire na- turelle. Entre eux les relations ont toujours été fréquentes et amicales. L'idée première de la formation de notre Société n’a-t-elle pas été conçue au Jardin des Plantes, n’a-t-elle pas été pré- parée par les grands naturalistes qui s’y sont succédé, et il n'est pas sans intérêt de suivre les phases par lesquelles elle a passé avant d’être réalisée. Déjà, vers le milieu du siècle dernier, Buffon, alors inten- dant général du Jardin, écrivait les lignes suivantes: « La » nature nous a donné le Cheval, le Bœuf, la Brebis, tous nos » autres animaux domestiques pour nous servir, nous » nourrir, nous vêtir et elle a encore des espèces de réserve Bull. Soc. nat. Acc. Fr. 1899. — 12. ACTE ET we" & (+ NES Er ñ .. 170 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. » qui pourraient suppléer à leur défaut et qu'il ne tiendrait » qu'à nous d’assujettir et de faire servir à nos besoins. — » L'homme ne sait pas assez ce que peut la nature, ni ce qu’il » peut sur elle. Au lieu de chercher dans ce qu’il ne connaît » pas, il aime mieux en abuser dans tout ce qu’il connaît. » L'un de ses successeurs, Bernardin de Saint-Pierre, ex- prime la même pensée et en 1780, il proposait l'introduction des Rennes et des Lamas dans les hautes montagnes du Dau- phiné et de l'Auvergne. Daubenton, l'élève et le collaborateur de Buffon, qui fut le premier Directeur du même Jardin, réorganisé en 1793 sous le nom de Muséum d'Histoire naturelle, Daubenton, le chef des Bergeries du Roi, est allé plus loin que ses devanciers, car il ne s'est pas borné à attirer l’attention sur les avan- tages:de l'introduction de nouveaux animaux auxiliaires; il a passé « de la parole à l’action » en dotant son pays d’une race précieuse, celle des Mérinos d’Espagne. Lacépède, nommé professeur au moment de l’organisation du Muséum, s'occupe de peupler nos lacs et nos rivières d'’es- pèces étrangères à leurs eaux. Ce sont des précurseurs. — Enfin Isidore Geoffroy Saint- Hilaire dont le nom est indissolublement lié à l’histoire du Muséum, Geoffroy qui à été l’apôtre convaincu de l’acclima- tation et à qui notre Société doit son existence, avait compris qu'il vient un moment où les principes de la science pure doivent recevoir leur application et que la récolte doit être la récompense de ceux qui ont laborieusement semé. Voilà qua- rante-six ans qu'il exposait ses idées aux amis groupés au- tour de lui pour constituer la nouvelle Société et aujourd'hui le Directeur du Muséum s’applaudit de constater que jamais la bonne entente n’a été troublée entre la science pure et la science appliquée et que les deux institutions qui les repré- sentent pour l'Histoire naturelle n’ont pas cessé de s’en- raider. Dans cette soirée, elle s'affirmera une fois de plus. — Je donne la parole au docteur Trouessart. 171 ACCLIMATATION REPRODUCTIONS ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES AYANT VÉCU OU VIVANT ENCORE DANS LE PARC DE LA PATAUDIÈRE (INDRE-ET-LOIRE) Notes et observations de G. PAYS-MELLIER. SUITE (1). RUMINANTS AUTRES QUE LES CERFS, LES CHEVROTAINS ET LES ANTILOPES. Lama domestique (Auchenia glama, Auchenia pe- ruana, Camelus llama), Pérou, Chili, Mexique. — Les La- mas sont les représentants des Chameaux dans le nouveau monde et ils en possèdent les principaux caractères. L'absence des bosses, la séparation complète des doigts, leurs propor- tions plus légères, leur tête plus petite et plus gracieuse et leur taille moindre les distinguent des Chameaux. On nomme Guandeo le Lama sauvage qui vit à l'état de liberté dans la Cordillère des Andes. Le Lama domestique, qui vit à la Pataudière depuis de nom- breuses années, ne diffère du précédent dont il provient, que par la coloration de son pelage, très variable de couleur d’un individu à l’autre, et même d'une place à l’autre sur le même individu, car on en trouve, en effet, de bruns, de noirs, de blancs, d'autres blancs mouchetés de rouge, de brun, de noir. Au Pérou, au Mexique, les habitants se servent encore un peu du Lama comme bête de somme, bien moins qu'autrefois, cependant, depuis que les Mulets sont employés avec beau- coup d'avantages. Le Lama ne peut, en effet, porter que 100 à 150 livres ; il ne résiste pas aux longues marches, son pas est très lent, en re- vanche, son pied est tellement sûr qu’on s’en sert encore pour passer dans des défilés, le long des rochers, sur le bord des {1} Voir ci-dessus, page 137. 472 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. précipices où les Mulets eux-mêmes seraient exposés à des chutes. Si on surmène le Lama, si on le surcharge ou si on le fa- tigue trop, il se couche à terre, refuse de se lever, opposant la force d'inertie et se laisserait tuer plutôt que de se remettre en marche. Ces grands et beaux animaux se reproduisent facilement et sont tres rustiques : ils n'ont besoin d'aucun soin, un simple abri ou hangar leur suffit pour se mettre à couvert des pluies. Je les fais tondre l’été, car la chaleur les fatigue : leur laine est longue et tres épaisse, mais grossière et rude; on peut en faire des étoffes ou des couvertures très chaudes et surtout très solides et inusables. Pendant l'été de 1893, j'ai eu la naissance d'une petite femelle toute blanche, provenant d'une vieille mère Lama, née à la Pataudière, le 20 octobre 1884, et qui se porte encore fort bien, après avoir allaité et élevé sa jeune, qui est superbe et tres forte aujourd'hui. : Mouflons à manchettes (Ovis tragelaphus), Afrique septentrionale. — Ce sont des animaux absolument rustiques; ils ne craignent pas les hivers les plus durs : ils se reprodui- sent régulièrement tous les ans, au printemps, en avril ou mai. Je n'ai jamais eu, ici, de Mouflons méchants : ceux que je possède encore aujourd'hui sont tres doux : rien ne pourrait résister aux cornes énormes et à la force excessive des mâles adultes. L , Ces animaux qui paraissent si lourds, si embarrassés des manchettes longues et épaisses qui leur couvrent tout le poitrail, sont cependant d'une incroyable vigueur et d’une légèreté remarquable. Un vieux mäle, cet été, avait réussi à s'échapper de son enclos pendant la nuïît. Sur le point d'être repris, au matin, par les gardiens, il a franchi presque sans élan, le haut mur de 3 mètres qui entoure le parc de la Pataudière! Moutons de la race laitière du Texel. — Cette grande et belle race est très avantageuse et mériterait, certainement, l'attention des éleveurs : elle est très rustique et craint bien moins les hivers humides que les variétés du pays : sa laine superbe, très épassie et très longue, est d’une finesse remar- quable et sa chair est excellente. ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 173 Les Brebis du Texel ont souvent trois jeunes à chaque mise bas et quelquefois quatre : elles fournissent un lait exquis et très crémant qu'elles conservent jusqu’en octobre : ici, on en trait comme des Chèvres, chaque jour. Elles mettent bas vers la mi-mars, beaucoup plus tard par conséquent que les Brebis de notre région qui ont des jeunes dès le mois de décembre. Moutons à tête noire et à grosse queue, d'Abyssinie et du Soudan. — Ces Moutons sans laine, sont assez curieux et décoratifs : mais ils sont fragiles, craignent l’humidité et les grands froids. Ils se reproduisent bien, chaque année, à des époques irrégulières : j'ai eu des jeunes en décembre, janvier, avril. Chèvres d'Angora (Capra angorensis), Asie Mineure. — Cette race est bien reconnaissable par ses poils longs, frisés et très soyeux qui sont employés à la fabrication du mokair et des superbes étoffes asiatiques. Elle vit très bien en captivité et se reproduit régulièrement, chaque année, en avril ou mai. Les Boucs sentent bien moins mauvais que ceux des autres espèces, mais ils sont ennuyeux dans un parc lorsqu'ils de- viennent vieux, car ils abîiment les grillages qu'ils frottent sans cesse, toute la journée, avec leurs cornes très longues et très fortes. Chèvre naine (Capra depressa), Sénégal. — C’est la plus petite de toutes les Chèvres; son pelage ras est d’un beau noir luisant, et elle est extrêmement décorative sur les-pe- louses ou dans un petit parc. Sa taille est tellement réduite qu'elle ne peut occasionner de grands dégâts. Elle se reproduit facilement toute l’année, à des époques irrégulières, et elle a toujours deux et trois jeunes à chaque mise bas et quelquefois même quatre. Très douces, très bonnes mères de famille, les femelles nous servent souvent, à la Pataudière, de nourrices pour les petits Mammifères nouveau-nés, trop faibles, trop délicats ou qui sont refusés et mal allaités par leurs mères naturelles: ces bonnes petites Chèvres du Sénégal les adoptent, toujours, sans aucune difficulté et les élèvent parfaitement; elles nous sont ainsi bien précieuses. 474 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. MARSUPIAUX. Kanguroos ou Kangourous (Xangurus). — Les habi- tants de l'Australie donnent le nom de Kanguroo à des Mam- mifères appartenant au groupe des Didelphes, se rappro- chant de certains Rongeurs, des Pedetes et des Gerboises par exemple, par leur forme générale. Ces singuliers animaux qui appartiennent exclusivement à l'Australie et qui sont les plus grands Mammifères qu'on y trouve, ont les pattes antérieures fort petites et munies de cinq doigts armés d'ongles assez forts dont ils se servent comme de mains pour porter leurs aliments à la bouche. Leurs pattes de derrière sont allongées hors de toute propor- tion, munies de quatre doigts fort longs, dont le second ex- terne, dépassant beaucoup les autres dans ses dimensions, a pour ongle un véritable sasot. Il résulte de cette conformation que la station verticale est leur position habituelle et qu'ils s'appuient non seulement sur leurs longues jambes, mais encore sur leur grosse et puis- sante queue, qui leur sert comme de ressort quand ils sautent, car le bond est leur mode de locomotion naturel. Le corps de ces animaux est beaucoup plus gros dans la région inférieure que vers la supérieure; chez eux, le train de devant semble tout à fait sacrifié pour celui de derrière, et l'animal a une forme presque conique. Les femelles, comme celles de tous les Marsupiaux pré- sentent une bourse ou poche abdominale, cachant deux mamelles, poche dans laquelle sont placés les petits, qui naissent informes, véritables fœtus et qui achèvent de se dé- velopper dans cette poche dont ils ne sortent définitivement que lorsque leur grosseur ne leur permet plus d'y rentrer. Les Kangourous sont exclusivement herbivores et frugi- vores. Kangourou rouge (Macropus rufus), Australie. — Il ne craint pas le froid; du moins, ici, nous ne rentrons jamais ces animaux pendant l'hiver : ils se mettent à l'abri, tout bonnement, sous les arbres touffus, pendant les nuits trop froides et pluvieuses. Le Kangourou rouge atteint une grande taille; sa couleur, ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 175 avec sa grande tache rouge très vif sur le poitrail est fort jolie; il se reproduit facilement, en toutes saisons, irrégulièrement. Kangourou de Bennett(Æalmalurus Bennetli), Tasmanie. — C'est le plus rustique des Kangourous; il résiste à nos hivers les plus durs et se reproduit avec la plus grande facilité en toutes saisons. Kangourou des buissons |(Macropus ualabatus, Kan- gourov bicolor), Nouvelle Galles du Sud. — Brun en dessus et fauve pâle en dessous : sa queue est très longue et très noire. Ces animaux ne se sont pas encore reproduits ici; ils parais- sent peu délicats et s’acclimatent vite. Je sais qu'ils se multiplient facilement chez plusieurs amateurs. Kangourou de la Billardière (Xangourou Billardierei), Terre de Diémen. — Est à peu près de la taille d’un gros Lièvre. J’ai eu un couple de cette espèce, cette année seulement, mais les deux animaux sont morts au bout de quelques mois. Ils se nourrissaient mal et étaient très sauvages. Kangourou pétrogale (Pelrogaie xanthopus}, Australie méridionale. — Se reproduit en toutes saisons, mais craint les grands froids et surtout les grandes pluies de l’hiver. A la Pataudière, j'en ai perdu plusieurs pendant un hiver très rigoureux, n'étant pas rentrés, alors, parce que je les croyais moins susceptibles : nous les trouvions morts, le matin, après une nuit glacée, avec le sang leur sortant des yeux et des oreilles. En captivité, il est absolument indispensable de donner à ces Kangourous un vieux tronc d'arbre, ou mieux un rocher, car ils aiment à se percher et ils ne restent guère à terre. Kangourou rat (Æypsiprymnus murinus) et Kangourou lapin (4. cuniculus), Australie méridionale, Tasmanie. Ces deux espèces de Kangourous nains se reproduisent abondamment avec la plus grande facilité ; ils s’enfoncent dans la litière épaisse dont ils ne sortent que le soir, et ils ré- sistent ainsi aux hivers. Ils ont absolument les mêmes habi- AT PE EM TENTE 476 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. tudes et sont crépusculaires, beaucoup plus agiles, plus remuants que les autres grandes espèces. Phascolomes (PAhascolomys). — Les Phascolomes sont encore des Marsupiaux se nourrissant de matières végétales et les femelles ont une poche abdominale. Phascolome à front large (Phascolomys latifrons), Australie méridionale. Phascolome wombat (Phascolomys wombat, Wombatus fossor), Tasmanie. — J'ai eu pendant fort longtemps, à la Pataudière, les deux espèces de Phasco- lomes : le Wombai et le Front large, mais je n'ai jamais obtenu la reproduction de ces animaux qui vivent très bien en captivité et qui résistent parfaitement à nos hivers. Ce sont des quadrupèdes lourds, massifs, raccourcis, ce qui, avec des yeux très écartés, des oreilles courtes, une marche plan- tigrade, leur donne une figure peu gracieuse. Et pourtant!... Je le dis sans rire et avec conviction... le Wombat si gauche, à l’air si peu dégourdi, est très intelli- gent !.. Il devient extrêmement familier et il est, alors, bien amusant !… Tous mes voisins, dans ce pays, ont connu et se rappellent encore mon brave et aimable Piéru qui recevait si souvent de nombreux visiteurs, car on venait, et même de fort loin, rire et voir Piéru, l'original et le sans-facon !.… Piéru, baptisé de ce nom par les gardiens du parc de la Pa- taudière, était un magnifique Phaslocome wombat qui vivait à peu près en liberté tout le jour et qui n’était rentré, dans son rocher que pendant la nuit. Or, donc, Piéru avait voué une grande et prof ie affec— tion au faisandier qu’il suivait partout. Et rien n'était comique, rien n'était cocasse, comme de voir, chaque matin, mon vieux Florimond partant à la re- cherche des œufs de Fourmis, emmenant son inséparable Piéru. Piéru, avec sa dégaine d'Ours, l’accompagnait dans les bois, dans les champs, dans la campagne, trottant le nez sur ses talons, ne s’effrayant jamais, ne s’étonnant de rien, grave, stoïque et insouciant, ridicule toujours. Les gamins des villages accouraient ébaubis et les Chiens poursuivaient souvent ce grotesque animal, qui ne se déran- geait jamais d’une semelle de la ligne suivie par son guide, et ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 177 qui restait toujours d’un sérieux imperturbable et vraiment comique. Puis, Piéru revenait de sa promenade, entrait dans la cui- sine, dans l'appartement, dont il trouvait la porte ouverte, se couchaïit près du feu, dans les cendres du foyer, et ses ronfle- ments sonores et puissants indiquaient vite son repos bien mérité !.… Phalangers. Phalanger Renard (Phalanger vulpina), Nouvelle-Hollande, Australie. — Les Phalangers sont des Marsupiaux frugivores de la Nouvelle-Hollande : crépuscu- laires, ils dorment pendant tout le jour et ne sortent que le soir de leur cabane. Ils mangent de tout, excepté de la viande. Je leur donne du pain, des carottes, de la salade, mais ils préfèrent les pommes et les fruits. Ils portent leurs aliments à leur bouche avec les deux pattes de devant; leurs griffes très fortes et pointues leur per- mettent de grimper sur les arbres, et leur queue longue et couverte de poils se recourbe au bouten une sorte de crochet, dénudé en dessous, avec lequel ils s’accrochent fortement. Jamais, jusqu’à présent, je n’ai obtenu la reproduction du Phalanger-renard. Dasyure à longue queue ou Dasyure tacheté (Dasyu- rus maculalus), Australie, Nouvelle-Hollande. — J'ai reçu dernièrement, de Marseille, un bien joli petit animal : son pelage est noir, parsemé de taches blanches ; sa queue noire et touffue presque aussi longue que le corps; ses oreilles courtes et ovales ; son museau, toujours très lisse, très hu- mecté, est couleur de laque. C’est encore un Marsupial, mais carnassier de la Nouvelle-Hollande : le Dasyure tacheté, Cet élégant animal, rare, que je n’avais jamais eu, se nour- rit de viande crue et de pain au lait : il est très vorace, mais point méchant ni sauvage. La structure de ses pieds qui ont tous cinq doigts (le pouce des pieds de derrière est rudimentaire), ne lui permet pas de grimper aux arbres. Il dort tout le jour, enfoncé dans la paille, mais il se ré- veille vif et alerte, au moindre bruit. (A suivre.) Va 178 NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI (1) (MADAGASCAR) par Alexandre SIBILLOT, Chef de poste à Mahanoro (Madagascar). Mammifères. Troupeaux de Bufles. — Les grands troupeaux dont on a tant parlé, sont réduits d’une façon considérable dans plusieurs régions de Madagascar, non seulement parce qu'ils ont fourni l'élément principal de la nourriture des troupes pendant et depuis la campagne de 1895, mais encore et surtout parce que l'état d'insurrection du pays a provoqué de véritables hécatombes. Voici comment : Les Fahavalos s'emparaient régulièrement de tout le bétail qu'ils rencontraient sur leur passage et le tuaient pour avoir les peaux dont ils trouvaient l'écoulement auprès des Indiens. D'un autre côté, les indigènes se livraient à la même opéra- tion à l'approche des Fahavalos, aimant mieux sauver les peaux de leurs bêtes que de tout perdre; quant à la viande, elle était en majeure partie abandonnée. La preuve de la diminution de ces troupeaux, c'est que l'on ne peut plus se procurer le bétail aux anciens prix. En octobre 1897, le mouvement commercial auquel donnaient lieu les transactions sur les Buffles battait son plein. Il a été expédié de Marowoay pour Tananarive: En septembre, 211 têtes à 37 fr. 50, prix moyen. Dans la première quinzaine d'octobre, 470 à 490 fr., prix moyen. (4) Voir d'autre part : Population du Haut-Bouéni (races diverses, us et cou- tumes), du même auteur, dans les Comptes rendus des séances de la Société de Géographie de Paris, mars 4899. Les notes de M. Alexandre Sibillot ont été communiqués à la Sociéte d’Acclimatation par M. Charles Sibillot, l’un de ses lauréats. NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 179 Ces Bœufs étaient revendus à Tananarive de 80 à 90 fr. la tête. Les colons qui, à cette époque, se sont occupés d'élevage s’en trouvent déjà bien. En mars 1898, à Marowoay, il atteignait 70 fr. la tête. Pour acheter un troupeau important au prix moyen de 15 à 25 fr., il faudrait former une colonne assez forte et parcourir la région du Mahajamba que vient d'ouvrir le capitaine de Bouvier. On ferait alors une affaire sérieuse en opérant dans un pays où les hécatombes ont peu sévi. Les peaux seront une source de gros revenus lorsqu'on aura trouvé, dans les écorces de Palétuviers un tan qui per- mettra alors de bien les travailler. Jusqu'à présent, on n’a jamais tenté de créer une tannerie dans le Bouéni. Ce fait est regrettable. Le Malgache qui tue une bête fait simplement sécher la peau au soleil pendant quelques jours, après l’avoir salée ; il la ploie en cinq et la porte chezles « Indiens » (Hindous, gens qui ne craignent ni la saleté, ni les mauvaises odeurs). Le prix varie de 0 fr. 10 à 0 fr. 20 la livre anglaise de 475 grammes. Lorsque le marchand « Indien » a rassemblé un nombre suffisant de ces peaux, il les expédie à Bombay. Un détail : jusqu'à la campagne de 1895, le Malgache égor- geait la bête, puis découpait peau et chair en six:parties ; il s’est vite mis à dépouiller les animaux selon les procédés fran- çais devant les demandes d’achat de peaux entières. La loi malgache, maintenue par le général Galliéni, défend de tuer les vaches, qui doivent être conservées pour la re- production. Les cornes des Bovidés dont il s’agit sont grandes, fortes et paraissent pouvoir être utilisées ; sur mes conseils, un Sylam fait ramasser à Marowoay les cornes des animaux égorgés afin d’en faire le trafic dont les indigènes ignoraient la pos- sibilité. À Marowoay, l’'adjudicataire du droit de vente sur les mar- chés doit payer 7 fr. 50 par tête de Bulfle abattu. On vend la viande au tas ou au poids. Les os n’ont jamais été conservés pas plus que les sabots. On pourrait pourtant tirer profit de toutes ces dépouilles. Le Buffle peut étre facilement dressé comme bête de trait ou comme monture. 180 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION- Pour le dresser comme monture, le Malgache lui passe un anneau de fer dans le mufñe, lui coupe les cornes et la moitié des oreilles. Cette mutilation inutile a pour but, dans l'esprit de l’indigène, de faire ressembler le Ruminant à un Cheval! Le Bufile attelé n’a pas de joug comme nos Bœufs français : il tire au collier grâce à la bosse qu'il a sur le garot. On pourra peut-être avec des Taureaux importés de France obtenir de beaux croisements et relever la taille, le poids et la qualité de la race bovine malgache. L'acclimatation se fera assez facilement ainsi que pour les animaux suivants. Cheval. Mulet.— Les rares Chevaux et Mulets existant dans le Haut-Bouéni proviennent de la vente faite par l’adminis- tration après la campagne de 1895. Ils sont encore bons grèce aux soins qui leur ont été donnés. Ils se sont bien accli- matés. L'Ane est presque inconnu ; on n’en compte que quelques échantillons qui sont la propriété d'étrangers. Moutons. Chèvres. —Plusieurs « Indiens » et «Créoles » en possèdent quelques têtes, l'élevage promet de bons résultats. Il faudrait faire venir des spécimens du Sud africain ou des pays chauds, pouvant en conséquence s’acclimater rapide- ment. Néanmoins, les sujets provenant du Midi de la France ont chance de réussir. Porcs. — Quelques personnes seulement font l'élevage des Porcs qui circulent librement dans les villages. À Marowoay, j'avais exigé que ces animaux fussent enfermés dans les por- cheries. À Majunga, un créole a ouvert une charcuterie et prépare des saucissons qui sont assez appréciés. Maïs la fabrication en est trop rudimentaire. L'on n’a même pas essayé de saler la chair du Porc, de fonûre la graisse, de fumer des jambons, etc., etc. Un zrai charcutier s’installant à Majunga approvi- sionnerait toute la contrée et ferait des affaires d’or. A Marolambo, on trouve le Sanglier; maïs on ne lui fait pas la chasse, sa chair étant réputée /ady d'après les préjugés indigènes. Les colons auront à aviser à la destruction de cet animal ravageur. Les Rats et Souris sont d'autant plus nombreux qu'il y a très peu de Chats dans cette région. Ces Rongeurs se multi- plient donc rapidement malgré les Charognards qui leur font la guerre. NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 181 On trouve un Rat très petit, tenant de l’Ecureuil, dans les Bananiers. _ L’acclimatation en masse du Chat est urgente à Mada- gascar (1). Roussette. — La Fanny (grande Chauve-Souris pullule dans les Manguiers à la maturité des fruits. J’ai tué un de ces animaux qui avait 0,85 d'envergure. La chair bien pré- parée est un excellent manger. Mais la Fanny n'est redoutable que pour les Insectes noc- turnes et à ce titre mérite protection. Les Singes sont très nombreux à Madagascar ; mais dans le Bouéni, il n’y a guère que deux espèces : le Singe sauteur et le Make, gentil petit animal à museau pointu et queue très longue. Le Make ou Maki s’apprivoise très facilement ; il fait en- tendre, une fois apprivoisé, un doux ron-ron, au lieu du cri percant du premier. Pour s'emparer des Singes, les nègres emploient deux ma- nières, savoir : ils creusent un trou dans une noix de Coco, le Singe introduit la patte et..... ne voulant pas lâcher ce qu’il a gratté à l’intérieur ferme la main et reste pris. Is mettent aussi de l’arack ou de l’absinthe dans des noix vides, le Singe vient boire jusqu'à ce qu’il soit ivre mort. La chair du Singe est peu savoureuse ; on pourrait plutôt tirer parti de sa peau. Oiseaux. Le long des rivières ou vers les rizières on trouve la Spa- tule, le Héron, l’Aicrette, la Poule d’eau, la Sarcelle, la Pin- tade, etc. Ces trois dernières surtout sont comestibles. L’Aï- crette est de toute beauté, mais se laisse difficilement appro- cher ; la fausse Aïgrette est comme elle utilisable pour les modes. Les petites Perruches, les Saint-Esprit, le Tsarakoa aux plumages multicolores et étincelants remplissent l’air et les arbres; ils donnent une animation extraordinaire au paysage et on n’en détruit pas trop parce que ce sont de pré- cieux et malheureusement insuffisants auxiliaires contre les (1) De sérieuses réserves semblent devoir être faites à ce sujet. [Note de la Rédaction.) 182 BULLETIN LE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Insectes qui pullulent. Tous les Oiseaux utiles de France ‘pourraient être acclimatés, comme on l’a fait pour les Pigeons voyageurs du service militaire. Le Pigeon vert indigène, à bec crochu, ne ressemble à ses congénères européens que par la voix et les pattes. Aïles vertes et mouchetures de jaune vif, les plumes centrales de la queue brun vif (1). Le Churognard est un Oiseau de proie utile et abondant. On l'appelle « Cantonnier » car il se charge de vite nettoyer les rues et d'empêcher la putréfaction des animaux tués ou crevés ; il est toujours aidé par son pilote le Corbeau. Le Corbeau est très gros ; il a le plumage noir brillant avec une magnifique cravate blanche; le jabot est aussi d’un beau blanc ; « il appelle » le Charognard lorsqu'il a découvert quelque Rat, Chien, Bœuf, Serpent ou détritus quelconque. Il est défendu de tuer ces deux sortes d'Oiseaux parce qu'ils rendent service au point de vue de la salubrité publique, évitant des épidémies, mais quelques-uns deviennent si effron- tés qu'ils vont jusqu'à enlever au passage la viande qu’un boy inattentif rapporte du marché. On voit également beaucoup de petits Oiseaux de proie ou Tiercelets qui rendent peu de services, mais qui se chargent de casser les cages pour dévorer les petits Oiseaux, les Poulets ; ils gobent même les œufs dans les poulaillers. Le colon devra livrer une guerre sans merci à ces rapaces. Reptiles. Les Tortues sont assez rares, on les trouve surtout sur les côtes, il y a peu d'amateurs et pourtant c’est un mets tres fin. Le Caméléon est très gros, il y en a de plusieurs variétés. Le Lézard est joli tant par les nuances que par les formes et les dimensions, il ferait la joie d’un collectionneur. Le Margouillat, très petit Lézard gris, fait la chasse aux In- sectes, il habite dans toutes les cases; le Malgache qui constate l'absence de Margouillats dans sa case s’empresse toujours d’aller en chercher chez son voisin; grâce à la disposition de ses pattes, ce Reptile se tient sur les parois les plus lisses et (1) M. Charles Sibillot a bien voulu remettre à la Société d’Acclimatation la dépouille d'un de ces Pigeons. D’après M. Oustalet, il s’agit du Vinago australis ; c’est une espèce très répandue. NCTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 183 au plafond ; d'une grande légèreté, il se précipite vers l’In- secte qu'il aperçoit, s'arrête à quelques centimètres, le fascine et lorsqu'il passe près de lui sa langue, qui est très longue, le happe immédiatement. Les Caïmans (Woay) sont très nombreux dans les rivières. Le 7 juillet 1897, lors du sauvetage des bagages qui se trou- vaient à bord de la canonnière l’Zrvincible, qui venait de sombrer à Marowoay, un tirailleur haoussa a été entraîné subitement. Le lendemain, un homme allant continuer la re- cherche des épaves, a été également happé par le Caïman. Je ne dis pas dévoré; car j'ai pu me rendre compte quele Caïman entraîne sa proie, la met dessus la lerre et lorsque cette proie est entrée en putréfaction, il en fait ses délices. Les Caïmans font des victimes à chaque instant. On leur livre une guêrre sans merci, mais plus on en tue, plus il en surgit de la vase. J'ai eu l’occasion, un dimanche matin, de sept à neuf heures, en compagnie d'un camarade, d’en tuer dix-huit ; le plus petit mesurait 0®80, le plus grand 2"20. Quelque temps après, on en tuait un de 475! Les Sakalaves manifestaient une joie délirante. « Il ne faut pas qu’une femme soit présente lorsqu'on tire sur un Caïman, car le Woay refuse de mourir devant elle. » Telle est l'explication que donne le Malgache à la ténacité de la vie chez ces animaux qui ont l’âme chevillée dans le corps. La maroquinerie française pourrait utiliser la peau des Caï- mans de Madagascar pendant plusieurs années sans chômer. Les gros Serpents abondent. Leur morsure n’est pas dange- reuse; leur force seule est à craindre. Souvent des Buffles sont étouftés par des Serpents. J'ai tué un de ces Reptiles; il avait 2095 sur 0726 de circonférence. Un de mes collègues re- tournant au même endroit, le lendemain, put s'emparer de la femelle qui mesurait 282 de long sur 0"28 de tour. Les petits Serpents de 0260 à 1 mètre sont communs. La maroquinerie pourrait utiliser les peaux de Serpents. Poissons et Pêche. Les indigènes se livrent à la pêche qui entre mieux dans leurs habitudes que le travail manuel ; ils serviraient de mo- 184 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. dèles à nos pêcheurs les plus endurcis en ce sens qu'ils restent deux ou trois heures sans faire un mouvement ; ils mangent le Poisson avec le Xarry, poudre faite avec des condiments très forts et séchés avant le broyage par les Indous. Des Raiïes énormes se pêchent dans la rade de Majunga ; on ne doit pas en manger parce qu'elles sont très phosphores- centes et se décomposent vite, mais leur épine dorsale peut être manufacturée pour nombres d'emplois. Beaucoup de colons font également des cravaches avec la queue de la Raïe. Les Poissons de toutes sortes remplissent la rade où les Re- quins interdisent la baignade... nouveau supplice de Tantale! A Majunga et dans l'estuaire de la rivière, on trouve des Crabes (Drakaka) gros comméune soucoupe ; des Huiîtres de rochers qu’on est obligé d'ouvrir avec un ciseau et à l’aide d'un marteau, des Oursins de la grosseur de fortes oranges, des Crevettes superbes, de belles Langoustes. Insectes et autres Arthropodes. Le Moustique (Mouka) est le plus terrible des Insectes ; il bourdonne désagréablement à vos oreilles, sa piqüre est très irritante ; il pénètre partout et empêche de reposer ; quelle que soit la fatigue, il se charge de vous tenir éveillé; à force de vous sucer le sang, il arrive à vous anémier ou à vous communiquer les microbes de la fièvre paludéenne ou autres maladies dont il a été reconnu l’agent actif. A Marowoay, j'étais obligé d’enfumer mon logement et de faire entretenir un feu sur lequel on jetait des herbes vertes. au moment des repas! C’est un véritable supplice. Autour de la lumière, il y a, indépendamment des Mous- tiques, une foule d’Insectes divers qui voltigent, s’abattent dans les assiettes, les verres, les plats, de quoi remplir plusieurs boites de collectionneur pendant la durée d’un seul repas sommaire. Force est donc d’imiter les nègres, c'est-à- dire de manger avant la nuit et de rester dans l'obscurité le plus possible. La Fourmi ailée pullule : on doit faire attention, dans la brousse ou sous les arbres, de ne pas frôler les nombreux nids qui s’y trouvent ; sinon toute la colonie vous poursuit et vous fait payer cher votre audace ou votre maladresse. D NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 185 La Fourmi ordinaire pénètre partout en bandes; je me suis vu obligé de quitter ma natte par suite de l'invasion de ma couche, mon traversin était couvert de ces sales bêtes. La Puce. — On ne peut se figurer la quantité des Puces qui envahit une case nattée et s’y renouvellent; j'ai eu pour hôte un officier supérieur qui, sans quitter sa couche et en une heure, en ramassa « un centimètre d'épaisseur » dans un verre à pied contenant de l’eau. C’est tout dire. Si on a de la volaille à proximité de sa case, on est in- festé de Pucerons microscopiques qui pénètrent sous l'épi- derme. Les Araïgnées foisonnent ; la grosse velue laisse surtout à son passage sur la peau d'énormes cloques. Le Cent pieds, espèce de Chenille plate, dont la piqure est très mauvaise, produit un gonflement très prononcé de la partie piquée, mais son maître est encore le Millepattes, plus petit, plus long; ce dernier laisse une tache rougeâtre pen- dant plusieurs jours, même après que la piqûre a cessé d’être cuisante. Les Scorpions sont rares, leur piqûre n’est pas mortelle, mais donne la fièvre assez fortement. Le Perce-Oreille, plus petit que celui de France, produit très souvent des douleurs atroces lorsqu'il pénètre jusqu’au tympan. Les Blattes ou Cafards pullulent et sont plus gros que ceux de France ; ils ont des dessins très clairs coupés de lignes foncées sur le corps. La vente des insecticides les plus énergiques est assurée par quintaux et quintaux, avis aux exportateurs français. Le Malgache, pour se défendre contre tous les Insectes, s’enveloppe complètement dans un grand lamba, enfume sa case ou couche en plein air ! Pour le blanc, il faut débroussailler ferme autour de la case, arroser souvent avec des désinfectants antiseptiques; le « crésyl » est souverain. On doit aussi suspendre les vivres au plafond après avoir mis au milieu des ficelles des tampons imbibés de pétrole, de naphtaline ou de crésyl. Il faut en outre tenir très propre non seulement la case, mais les alentours. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 13. 186 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Bois et forêts. Acclimatation des arbres fruitiers de France. Les meilleures essences indigènes sont : le Rolva, le Sohihy et le Fondrianomby ainsi que toutes les essences des bois colorés depuis le Bonary jusqu'à l'Ébène. Toutes les essences sont bonnes pour faire du feu en atten- dant que l’ébénisterie française s’en empare. Dans le Haut-Bouéni, les bois seront à éclaircir; abattre tous les arbres serait compromettre la solidité du sol et le reboisement serait long et coûteux. De plus l'ombre n’est pas à dédaigner. Le général Galliéni, par son arrêté n° %62, a pris de sages mesures pour la protection des forêts. Par ce que j'ai pu voir dans mes reconnaissances, jene crois pas que pour le moment, une exploitation des bois soit ré- munératrice dans cette région ; il faudrait acheter une forêt, élaguer et éclaircir avec discernement afin de hâter la crois- sance de certaines essences ; les gros arbres sont rares, à l'exception des Tamariniers. La Serpitza même n'a que quelques belles pièces. D'un autre côté, l'abattage, le sciage, le transport, ne pourraient se faire sans de nombreuses difficultés et de grands frais. Le bois est extrêmement dur, mais ni long, ni gros. Les plantes à Caoutchouc en arbre s'appellent Godoa, en liane Voihini. Elles se trouvent notamment dans la mon- tagne d’Agalarafantza (Serpitza). Le village qui s’en occupe spécialement est Andsadarafa, vers Amboulemote (territoire de Marowoay). Préparé dans l’eau, le caoutchouc devient blanc ; dans la terre, il devient noir. Ne pas faire d'achats pendant la saison des pluies, car, alors, il contient beaucoup d’eau. Le Sakalave reconnait si le caoutchouc renferme de l’eau en piquant la balle, des globules sortent aussitôt. Souvent le vendeur, pour augmenter le poids de la mar- chandise ou par suite de négligence au moment de la récolte, met du sable, des petits cailloux dans les boules ; mais l’a- cheteur se rend compte de la fraude ou de la défectuosité en laissant tomber celles-ci : le caoutchouc impur ne rebondit NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 187 pas. Le Malgache dit « que le bon caoutchouc ne peut pas rester tranquille ». Le Cocotier a été essayé et réussit ; il ne donne qu’au bout de trois ou quatre ans, procure alors un revenu de 5 francs par an et par arbre. Le Tamarinier est assez rare. Le type existant produit des gousses contenant des graines de la grosseur d’un haricot ou d’une fève, cette graine se nomme Vouénimadirou, la gousse contient aussi une sorte de « confiture » qui, délayée avec de l’eau, donne une liqueur acidulée et agréable à boire. Les Palétuviers sont très nombreux. Leur bois sert à toutes les constructions du pays ; on en fait aussi des poteaux télé- graphiques, des pieux, etc. L’écorce des Palétuviers est excessivement riche en tannin et pourra servir pour le tannage des cuirs aussi bien qu'à la teinturerie. Voici les principales espèces : L'Onkovavy, dont on extrait une teinture rouge qu'on uti- lise notamment pour les parquets, boiseries, etc. Le Sakoa, qui donne une teinture marron, cette variété pousse en masse vers Antanepeka. Le Neisy-Lelay, dont on ne peut rien faire. Les écorces se pilent et ordinairement se traitent à l’eau bouillante, sauf pour l’'Onkonvavy et le Netsy-Lelay que l’on traite à l’eau froide, mais que le Malgache expose au soleil un ou deux jours après y avoir plongé l’objet à teindre. _ Bois noir. — Cette essence domine sur presque tout le ter- ritoire de Marowoay, elle produit de grandes gousses con- tenant des graines très grosses. Ces graines sont ramassées par les Malgaches et servent à compter ou à marquer les événements lorsqu'elles sont percées et enfilées à un collier. Le bois de l’Acajou ne peut être utilisé parce qu'il est d’une croissance biscornue. Il y a peut-être quelque chose à faire avec l'acide du fruit dont les femmes se servent pour le tatouage. La graine se trouve à la base du fruit. Le faux Palmier ( Voenidakoko) est un arbre très haut, mais dont le bois trop filandreux ne peut étre utilisé; se trouve surtout dans la plaine, entre Matzizou et Mevarane, produit des régimes de graines de la grosseur d’un citron; les indi- gènes font macérer ces graines pendant quelques jours dans l’eau et les distillent. Le produit de cette distillation est peu 188 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. savoureux et n’a d'emploi que dans la consommation locale, sous le nom de « Limonade malgache ». La feuille (satre) sert à couvrir les cases des indigènes, à faire des liens, des nattes, la charge d’un homme se vend 1 fr. 20 à 1 fr. 50. Le Manguier est un arbre qui se développe rapidement et atteint de belles proportions ; son fruit, la Mangue, contient de la térébenthine. Il y a là quelque chose à faire. Le Cotonnier en arbre (Assenmouranguy) produit au bout de trois ans ; il y en a peu dans la région de Marowoay ; d’après les échantillons que j'ai vus, le coton ne paraît pas être de bonne qualité ; ses fils sont trop courts et la récolte peu abondante. Le Cotonnier en buisson {Tsihativy) pousse à l’état sauvage dans beaucoup d’endroits et se reproduit vite. Pour l’ense- mencer on « remue » le sol; on le mouille et l’on jette les graines. Six mois après, Sans aucun soin, on a un petit taillis dont la récolte sera bonne. Le noir ramasse le coton sur ces buissons, le fait sécher au soleil après en avoir retiré les graines mélangées au duvet. Il en fait des matelas, des traversins, etc. Une filature locale pourrait être largement approvisionnée. Le Pignon d'Inde (Valavelo), arbuste d’une croissance ra- pide, sert à faire des tuteurs pour la Vanille, des haïes ; à la moindre lésion, il en jaillit un liquide caustique très violent, dont les noirs se servent en médecine. En prenant quelques gouttes dans le creux de la main et en frottant, on obtient une pommade que le noir met sur ses plaies. On pour- rait, après analyse, utiliser ce liquide très abondant. Le Pignon d’Inde fournit beaucoup de graines dont l’écou- lement estimportant à Marseille pour la fabrication du savon. Le Ricin donne de jolies récoltes, mais non utilisées. L'Indigotier pousse à l'état sauvage et on ne l'exploite pas encore. Le Bananier pousse sans soins et produit de beaux régimes de fruits, lui aussi donne un liquide mordant, une goutte tombée sur un vêtement fait une tache qu'il est impossible de faire disparaitre. L’Ananas a été planté par un Hova à Marowoay, l'essai a bien réussi. Ne donne qu'à la deuxième année; mais le ter- rain est très favorable à cette culture qui affranchirait la NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 189 France des envois de Singapore et autres lieux plus éloignés que Madagascar. Raphia. — La tige se nomme Bao et la palme Volotod. Ce Raphia sert beaucoup à Madagascar ; le Bao coupé en trois parties, ou seul suivant la grosseur, sert à la menuiserie pour les encadrements de portes et fenêtres, la partie intérieure (tendre) coupée en tranches dans le sens de la longueur, sert à faire les cloisons. Les fils de la palme servent à faire des cordes ou du fil qui, tissé, confectionne des rabannes, des bourgerons, des lam- bas, des rideaux, etc., etc. Le Raphia, tres léger et résistant, valait de 10 à 12 francs les 50 livres anglaises en 1897. Les Cannes à sucre poussent très bien, sans grands soins, mais ne servent qu'à la nourriture des noirs qui en mâchent avec plaisir des morceaux. Il y a place pour une sucrerie et une fabrique de rhum. Le Riz (Vary) était fourni à tout le Bouéni par le territoire de Marowoay. Un temps d'arrêt s’est produit, par suite des réquisitions d'hommes qu'il me fallait faire trop fréquemment par ordre d’un ex-administrateur en chef qui, on peut le dire, a failli dépeupler et ruiner toute cette riche contrée par ses inconcevables procédés administratifs. Les habitants espèrent que les Indiens ne leur serviront plus leur riz de Bombay et que Marowoay reprendra à brève échéance son rang pour la fourniture de cet aliment indispen- sable, car le noir ne mange du pain que comme gourmandise. Le Sakalave garde le riz en paille (Paddy) pendant deux ans et ne sait pas le conserver lorsqu'il l’a décortiqué. Pour ses besoins, il en pile tous les jours, mais rarement d'avance. Les rizieres du territoire de Marowoay s'étendent au- tour d'Amboliboka, près d'Ambolemoty, au bas de Anosifi- saka, à Ambohybary ainsi que dans la plaine qui sépare la Bet- siboka de la rivière de Marowoay concédée à demi-bénéfice, à M. Garnier, dont le fils a été tué par les Fahavalos pendant qu'il escortait un convoi de marchandises. Au bas d'Amparilava, il y a quelques rizières ; mais je le ré- pète, de 1895 à 1897, elles ont été presque désertées. Aussitôt le départ de l'administrateur dont il a été question 490 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ci-dessus, les Malgaches se sont remis au travail et le résultat de leurs efforts se fera bientôt sentir. Le Maïs n’a pas été essayé en grand dans la région et pour- tant les éleveurs en utiliseraient les feuilles avec avantage pour la nourriture du bétail. On trouverait également l'emploi des feuilles séchées pour la literie. J’ai moi-même obtenu de beaux plants et de belles graines. Le Manioc se plante par boutures enfoncées obliquement en terre et protégées par une butée assez élevée, les racines se terminent par des bulbes iongs et gros ; ne demande qu’à ré- sister à la force des eaux. On pourrait tirer de sa fécule subs- tantielle le tapioca et l’amidon. Il y en a d'immenses champs dans la région. Les Breddes. — Sous ce nom, le noir désigne aussi bien uñe espèce d’Epinard acide, que les feuilles de la Citrouille ou du Manioc qu’il hache, fait bouillir et mélange à son riz. Le Caféier paraît devoir s'implanter dans les environs de Marowoay ; d'après un noir qui a travaillé dans la région où on le cultive, il y aurait de nombreux terrains propices à cette culture. Le Caféier malgache donne des gousses dont les grains produisent un breuvage plein d’amertume et apte à faire dé- sirer ardemment l’acclimatation du vrai Caféier dans le pays. Des Légumineuses à gousses vertes et qui contiennent de petites graines semblables à des lentilles sont appréciées dans le pays; celles-ci, bien séchées au soleil et bouillies, produisent un café (Fandriatinongo) bu avec plaisir... par le noir. Ces gousses servent dans la médecine locale pour le traite- ment des hernies. On fait bouillir les feuilles tendres avec de la viandeet du riz; ce mets est recommandé aux personnes atteintes de cette infirmité. Il y a des cures très souvent réussies, à ce que l’on dit. La Vanille, qui a été acclimatée récemment sur le terri- toire de Marowoay, se présente bien ; le sol se prête à sa cul- ture qui commence à donner au bout d’un an ; maïs il y a de nombreuses opérations à faire subir à la gousse avant d’avoir la Vanille, telle que nous la connaissons en France. Les plan- teurs ont là un bel avenir. Les Graminées sont nombreuses, croissent très vite, sèchent à la saison chaude et forment parfois un fouillis inextricable. NE NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 194 Elles feraient la joie d’un botaniste, mais ne paraissent pas très riches en principes nutritifs pour les animaux. Au contraire, les fourrages de France réussiraient sans au- cune peine à être acclimatés à Madagascar. Le colon doit faire les plus grands efforts pour acclimater à Madagascar les arbres et les plantes d'Europe. Peu ou pas d'arbres fruitiers dans le Haut-Bouéni, peu de fleurs. On pourrait essayer « avec chances de succès » l’accli- matation de nos espèces fruitières supportant la chaleur, ainsi que la fiore de la Côte d'Azur : il faut séjourner dans les pays exotiques pour savoir exactement combien sont belles les fieurs de France ! Puisse la Société nationale d’'Acclimatation de France envoyer à Madagascar un grand nombre des graines qu’elle distribue si généreusement (1). (1) Un certain nombre d’envois de graines ont été déjà faits par la Société à Madagascar, mais il est nécessaire de réagir contre l’optimisme excessif des colons, disposés à tout essayer et à croire, suivant leurs désirs, très légitimes d’ailleurs, que les fourrages de France par exemple, ou la flore de la Côte d'Azur s’acclimateraient sans peine à Madagascar. (Vote de la Rédaction.) 192 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 16 DÉCEMBRE 1898. PRÉSIDENCE DE M. RAVERET-WATTEL, VICE-PRÉSIDENT, ET DE M. LE D' WEBER, MEMBRE DU CONSEIL. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. Décision pu CONSEIL. — PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. M. le Secrétaire général fait connaître que, dans ses séances des 10 novembre et 7 décembre 1898, le Conseil a décidé que durant la session de 1897-1898, une série de conférences avec projections serait faite le soir à huit heures et demie dans la grande salle. Le nombre des Sections de la Société étant actuellement de six, il a été décidé qu'une conférence aurait lieu, autant que possible chaque mois, sous les auspices de chacune des Sec- tions et sous la présidence de l’un des membres du Conseil de la Société, particulièrement qualifié pour la circonstance. La première conférence, présidée par M. Milne Edwards, aura pour sujet les Mammifères à acclimater ou à domesti- quer en France et dans les colonies françaises. Elle sera faite le jeudi 12 janvier à huit heures et demie du soir, par le Dr Trouessart, vice-président de la première Section. Les détails concernant les autres conférences seront pu- bliés ultérieurement. Chaque conférence remplacera l'une des séances générales de quinzaine, non compris la séance de distribution des récompenses. — M. le Président proclame les noms des Membres admis par le Conseil depuis la dernière séance générale : M. PRÉSENTATEURS. BERTRAND (Lucien), géomètre principal du service topographique à Madagascar, à Paris, chez M. Chappellier, 46, rue du Faubourg-Poissonnière. Chappellier. Baron J. de Guerne. Le Myre de Vilers. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 193 MM. PRÉSENTATEURS. Baron J. de Guerne. Le Myre de Vilers. Raveret-Wattel. Cræ&pix (Joseph), sous-chef de bureau au ministère de la guerre, 163, rue Blomet à Paris. Bourdarie. MICHELIN (André ingénieur, 7 rue | ( PRE HART Baron J. de Guerne. Hurod Paris- Milhe-Poutingon. Clément. Baron J. de Guerne. Le Myre de Vilers. MorTraz (Charles), naturaliste, 39, Grand- Pré, Genève (Suisse). de Varenne, à Paris, el château de la ; Le Myre de Vilers. PONTOI-PONTCARRÉ (Comtesse de), 61, rue | Baron J. de Guerne. Pierre, par Condrecieux (Sarthe). | D' Weber. DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. Notifications, renseignements, avis divers, généra- lités. — M. Caustier, secrétaire des séances, s’excusant de ne pouvoir assister à la réunion, M. le Secrétaire général procède au dépouillement de la correspondance. — M. Mottaz remercie de son admission. — M.le Ministre de l'Agriculture informe la Société qu'une médaille d’or, grand module, lui est accordée pour être dé- cernée au nom du Gouvernement dans la séance de distribu- tion des récompenses en 1899. — Remerciements. Mammifères. — M. Pays-Mellier (Mb) annonce, à la date du 20 novembre 1898, qu'il a recu de Parthenay (Deux-Sèvres) une Genette mâle, qu’il conserve à la Pataudière ; il cherche à se procurer une femelle de la même espèce. Ornithologie. Aviculture. — M. Bizeray (Mb) adresse un compte rendu des travaux d’Aviculture qu'il poursuit depuis douze ans à la Villa de Jagueneau, près Saumur. (Renvoi à la Section d'Ornithologie et à la Commission des récom- penses.) — M. P. Wacquez (Mb), Secrétaire général du Comité du Standard avicole de France, informe la Société que ce Comité, dans l’une de ses dernières réunions, a nommé deux commis- sions chargées : l’une de préparer le travail du Standard de la race de Crèvecæœur, l’autre celui du Standard du Pigeon 194 BULLETIN-DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. romain. M. Wacquez donne la composition de ces deux com- missions. Il adresse, en outre, pour être distribués à la Société, un certain nombre de bulletins d'adhésion au Comité du Standard. À ces bulletins se trouve annexé le texte de l'allocution prononcée par M. Oustalet, lors de l'inauguration des séances du Comité. Aquiculture. — M. Valery-Mayet, professeur à l'École nationale d'Agriculture de Montpellier, demande des rensei- gnements sur les établissements de pisciculture pouvant lui fournir des œufs de Truite arc-en-ciel ; il désire se livrer à l'élevage de ce Salmonide, et rappelie, à ce propos, qu'il a été chargé par la Société d’Acclimatation en 1880 et 1881, de faire éclore plusieurs milliers d'œufs de Saumons de Cali- fornie et de jeter les alevins dans l'Hérault. La Société l'a même honoré d'une récompense en 1884, pour la collabora- tion prétée par lui à ses travaux dans cette circonstance. — M. Raphaël Ladmirault adresse une notice sur les Cou- leuvres vivant habituellement dans l’eau de mer, fait assez fréquent dans les étangs salés du département de l'Hérault. (Renvoi à la Section d'Aquiculture, voir Bulletin ci-dessus, page 123.) Botanique.— M. Trabut (Mb), botaniste du Gouverne- ment général de l'Algérie, adresse une note concernant le Bananier du Hamma dont les fruits ont été envoyés à la So- ciété par M. Rivière et dont il a été question dans le Bullelin de 1898, page 192. La note de M. Trabut est publiée (voir page 196 ci-après). — M. Édouard André envoie quelques renseignements sur le Feijoa sellowiana et adresse deux fruits de cette Myrtacée tombés avant la maturité complète. — M. R. Ladmirault, répondant à une lettre de M. le Secrétaire général, donne quelques détails sur les Cactées qu'il croit pouvoir être répandues dans le sud-ouest de la France pour arrêter les incendies des forêts. Une petite en- quête à ce sujet est entreprise par ses soins dans les environs de Montpellier. Cheptels. Dons et distribution d'œufs de Vers à soie et de graines. — M. Mottaz, de Genève, remercie des co- cons d’Attacus cynthia qui lui ont été envoyés. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 195 — M. l'abbé Charruaud adresse de Bessens (Tarn-et-Ga- ronne) plusieurs 2rappes de Phytolacca et uneracine de l’an- née ; les graines sont à distribuer aux Membres de la Société. On peut recommander aux amateurs d’Oiseaux de volière la multiplication de cette plante dont les fruits sont très appré- ciés des volatiles. — La Société a recu en don, pour être distribuées entre ses Membres, diverses séries de graines : De M. Gustave Beauchaine, de Chatellerault, divers arbris- seaux et des Maïs hâtifs au sujet desquels sont données quelques explications (voir Correspondance). De M. Léon Diguet, des graines de Cereus Pringlei Watson, recueillies par lui en Basse-Californie. Ces Cactées, dont la hauteur peut dépasser 10 mètres et qui produisent des fruits comestibles, pourraient réussir en Afrique dans les régions sèches. De M. Levardois, des graines d’'Acer Saira et de Juglans ailantifolia. De M. Milhe-Poutingon, président de la Section coloniale, une série de graines de l’île de la Réunion. De M. Morel, diverses graines d'arbres fruitiers et d'Euca- lyptlus récoltées par lui à Beyrouth ; il y a joint des Physalis Franchelr provenant du département de l'Oise. De M. Proschowsky, une très belle série de plantes indus- trielles ou ornementales provenant de Nice. De M. Raymond, diverses graines d’Acacias, provenant de sa propriété de la Gaïllarde-sur-Mer (Var). Enfin de M. Rivière, une série considérable de graines très variées recueillies au Jardin d'Essai du Hamma (Alger) et dont l'envoi a été annoncé dans la dernière séance. Les listes de toutes ces graines paraîtront dans les feuilles annexes du Journal pour faciliter les demandes des Membres de la Société. _La correspondance, spéciale et très considérable, relative à ces distributions de graines, n’est pas de nature à être ré- sumée en séance. COMMUNICATIONS ORALES. M. le Président insiste sur l'importance des dons de graines faits à la Sociélé. Il remercie hautement les donateurs dont 196 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. l'exemple sera certainement suivi surtout par les personnes qui, ayant recu des graines, en auront obtenu à leur tour. — M. le Président, désirant prendre la parole, prie M. Weber de vouloir bien le remplacer au fauteuil. — M. Raveret-Wattel fait une communication sur le Po- moxys annularis des États-Unis et sur son introduction à la Station aquicole du Nid-de-Verdier (voir Bulletin ci-dessus, page 49). — M. Joseph Vallot présente une inflorescence de Musa ensele obtenue en plein air, en France, dans la région de l’Olivier, aux environs de Lodève (Hérault). Il donne sur ce fait exceptionnel des détails qui seront consignés au Bulletin. — Au nom de MM. Heckel et Schlagdenhauffen, lecture est donnée d'un travail sur le tubercule aérien du Dioscorea Hoffa (voir Bullelin, janvier 1899, page 6). — M. Debreuil présente plusieurs photographies d’un couple de Maras (Dolichotis patagonica) qu'il a recu, il y a trois semaines, de M. Pays-Mellier. Le sexe de ces Rongeurs est très difficile à reconnaitre. Ces animaux sont en excellent état et M. Debreuil espère en obtenir des produits dont plusieurs pourront être remis en cheptel aux Membres de la Société. Pour le Secrélaire des séances empéché, JULES DE GUERNE, Secrétaire général. EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. SUR LE BANANIER DU BRÉSIL CULTIVÉ AU JARDIN D'ESSAI DU HammMaA (ALGER). Le Bananier auquel il est fait allusion dans le procès-verbal de la Séance générale de la Société d’Acclimatation du 26 novembre 1898 (Voir Bullelin, juin 1898, page 192). a été envoyé au Gouverneur gé- néral de l'Algérie en 1886, par un jardinier français attaché au Jardin botanique de Rio de Janeiro. Ce Bananier, confié par le Gouverne- ment au Jardin d'essai du Hamma, y a été multiplié, mais u’y a subi aucune modification comme on pouvait le prévoir, puisqu'il s’agit d’une plante qui ne graine pas. {Note communiquée par M. le D° Trabut, Botaniste du Gouvernement général à Alger.) 197 EXTRAITS ET ANALYSES. LES PLANTES EXOTIQUES CULTIVÉES DANS LES JARDINS DE LA PROVENCE ET DE LA LIGURIE (1) par E. Sauvaigo. J’observe et je suis la nature, C'est mon secret pour être heureux. (FLorrAN, Le Savant et le Fermier.) Quand on considère le grand nombre de nouvelles plantes d'ornement dont la science moderne a enrichi l'horticullure provençale, on est frappé des services immenses que notre littoral a rendus à l'art des plantations. Celui qui n’aurait connu que les végétaux d'agrément cultivés, il y a quarante ans, à Nice et dans les environs, serait émerveillé en voyant les fleurs admirables qui, de nos jours, décorent les jardins. Etablis dans les situations les plus maritimes, au pied des rochers qui les abritent des vents du Nord et de l'Est, ces jardins forment de véritables serres chaudes où le thermomètre ne s'approche jamais du Zéro. C'est surtout sur les calcaires jurassiques, aux belles couleurs rousses, de Nice et de Menton et sur les gneiss brillants, riches en mica, de Cannes et du Golfe Juan que la chaleur, emmagasinée pendant le jour, est suffisante pour neutraliser pendant la nuit les effets du froid environnant et permettre aux végélaux de supporter presque sans souffrir les basses températures qui, ailleurs, les feraient périr (2). Trois causes primordiales conservent à nos hivers cette douceur, cette clémence dont sont privés les hivers des contrées placées sous la même latitude (43° 44’) : 1° L'exposition en plein Midi sur un rivage ouvert dans la direction (1) Préface, — reproduite avec l'autorisation spéciale de l’auteur, — d’un volume intitulé : Flora mediterranea exotica. Enumération des plantes culti- vées dans les jardins de la Provence et de la Ligurie, par Emile Sauvaigo; 4 vol. in-12, Nice 1899. (2) Les plantes ont la faculté de trouver pendant un certain temps en elles- mêmes, dans leur milieu intérieur, la provision de radiations thermiques néces- saires à l'exercice de leur vie et à leur développement. Si l’on ne tenait pas compte de cette chaleur interne, absorbée et emmagasinée, on pourrait croire alors que la plante vit seulement à la température du milieu extérieur, ce qui serait une erreur. Comme elle peut vivre ainsi dans un extérieur très froid, une plante, par son énergie chimique, peut prospérer dans un milieu trop chaud. Sa chaleur interne se maintient au-dessous de la température du milieu (Van Tieghem). Re" LEA, * è 198 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. du Sud, faisant face au soleil et à nne mer relativement peu profonde et, par conséquent, d'une température plus élevée que celle des océans à grands fonds ; 2° la barrière de montagnes interposée entre le littoral et le Nord ; 3? l'intensité de la lumière et la constante séré- nité du ciel pendant l'hiver. Aucun pays, sauf l'Allemagne peut-être, n’a été mieux exploré que cette côte et aucun aussi ne le méritait autant. Au point de vue de leur végétation indigène, la Provence et la Ligurie (Riviera) sont, en quelque sorte, le cœur de l’Europe. Par la région montagneuse, elles rappellent l'Angleterre, la Belgique, l'Alle- magne; par la région méditerranéenne, elles sont presque l'équivalent de l'Espagne et de l'Afrique septentrionale; les hautes sommités al- pines leur permettent de s'approprier la végétation de la zone arctique. Cette flore serait encore considérablement enrichie, si nous faisions entrer en ligne de compte les végétaux de tous genres importés des régions tempérées chaudes du globe, notamment de l'Australie qui possède au Nord un climat tropical et au Sud un climat presque médi- terranéen, de la Chine, du Japon, de l'Inde, du Cap de Bonne-Espé- rance, dont la flore a les plus grandes analogies, par ses caractères généraux, avec celle de l'Australie méridionale, du Mexique, de la Californie, du Brésil, de l'Argentine, etc. Il est peu de botanistes, d'horliculteurs, de personnes même les plus étrangères à la connaissance des plantes, qui n'aient visilé avec! intérêt nos montagnes ef nos parterres. Là surtout se déploient ces splendeurs de la nature que nous admirons et aimons. C'est dans ce jardin des Hespérides que les Orangers fleurissent, que les Lauriers roses s'épanouissent au soleil. C’est là que l'on fait dans les champs la guerre aux Anémones, aux Tulipes, aux Glaïeuls que l'on considère comme de mauvaises herbes. C'est dans cet immense parc aux nombreux palais qui a pour lac la Méditerranée, pour accidents de terrain les Alpes et les Apennins, que l'on passe, sans savoir où se fixer, d'Hyères à Cannes, de Nice à Menton, de San Remo à Gênes, qu'ensuite l’on revient, hésitant encore, et qu'on découvre la plage de Saint-Raphaël, les parcs du Golfe Juan, le Cap d'Antibes, les promenades de Monaco, les jardins de la Mortola, Bordighera et ses Palmiers, les villas de Pegli et mille autres endroits délicieux, cachés dans les vallées ou perdus dans un repli de montagne. C’est enfin sur ce littoral, précieuse guirlande de fleurs exotiques, que des végétaux innombrables et variés ont élé entassés dans un espace relativement restreint. Des espèces que l'on chercherait vainement dans les serres les plus somptueuses de Londres, de Paris, de Vienne, prospèrent ici en pleine terre et s’y couvrent de fleurs et de fruits. Chaque année EXTRAITS ET ANALYSES. 199 apporte son contingent de plantes nouvelles pour la science et pour la culture. L’A vocatier, l’Anona, le Goyavier y donnent des fruits qui arrivent à maturité ; le Bananier, plusieurs formes de Palmiers y fructifient tous les ans (1); environ quarante espèces d’Acacias y étalent leur élé- gant feuillage et leurs jolies et nombreuses grappes de fleurs jaunes ; quatre-vingts espèces d’Eucalyptus embaument l’air et nous réservent encore bien des surprises. Les Rhododendrons, aux nuances écla- tantes, empruntés aux hauteurs hymalayennes, les magnifiques Azalées résistent aussi aux rigueurs de nos saisons. Les Légumineuses, Synanthérées et Myrtacées, les Araliacées, Pro- téacées et Conifères, les Crassulacées, Aloïnées et Agavées sont large- ment représentées dans cette région. Les Fougères, aux feuilles de dentelles découpées de mille manières, qu’elles soient arborescentes ou herbacées, et tant de familles admirables qu'aucune description ne peut rendre, viennent ajouter leur note décorative à ce merveilleux tableau. Quel est le climat qui présente autant de conditions favorables à la santé et d’agréments pour la vie? Quelle contrée en Europe peut le disputer à celle-ci par la variété et l'importance de ses productions _ végétales ? Les végétaux introduits dans les jardins peuvent être rapportés à irois catégories : 1° Planies acclimatées ou cultivées avec succès dans des pays nou- veaux pour elles. 20 Plantes réellement naturalisées ou se reproduisant par des graines plus ou moins longtemps loin du lieu de leur origine, sans le concours de l’homme. A cette catégorie appartiennent aussi les plantes qui se reproduisent depuis de longues années, par boutures, par drageons, par bulbes et tubercules. 3° Plantes cultivées d’une manière transitoire et accidentelle. Ces plantes ne sont pas mentionnées dans cet ouvrage. La première section comprend la majeure partie des espèces et se compose notamment de plantes vivaces, ligneuses. La deuxième n'offre que peu de végétaux. Malgré les conditions favorables de notre climat et le grand nombre d'espèces introduites, les véritables naturalisa- tions et multiplications spontanées par semis spontanés et successifs sont rares. La plupart des types sont chassés de nos parterres par les nouveaux venus, ou étouffés par la végétation autochtone si jamais ils échappent (!) Les plantes à fruits exotiques et les principales espèces décoratives et commerciales, cultivées dans la région, ont été décrites dans l’ouvrage : Les cultures sur le littoral de la Méditerranée. 200 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. des jardins. Nous signalons ci-après les plantes, naturalisées sur le littoral qui font partie de la deuxième catégorie. Faire connaître les principaux végétaux exotiques de plein air, té duits depuis cinquante ans environ dans la région septentrionale ma- ritime de l'Oranger en Europe, et venir en aide aux expérimentateurs qui s'intéressent à la culture des plantes d'agrément et d'utilité de provenance étrangère, tel est notre but en publiant ces pages. - L'ouvrage, divisé en deux volumes, contient l’éenumération détaillée des plantes ligneuses ou herbacées, la plupart ornementales, quelques- unes utiles, ayant donné ici les plus heureux résultats et sur la durée desquelles on peut compter. : Après le nom scientifique généralement admis et une courte syno- nymie, nous avons mentionné la patrie de la plante, ses caractères essentiels, l’époque de sa floraison dans le Midi, la date de sou intro- duction en Europe ou, même dans la région, ses propriétés. Notre tâche eût été difficile et notre travail insuffisant si nous n'avions trouvé à la Villa Thuret, à Antibes (l), une source inépuisable de renseignements. La riche collection dendrologique de cet établissement, son vaste herbier et sa bibliothèque ont été largement mis à contribution. Il est permis de mentionner aussi le célèbre jardin Hanbury (Palazzo Orengo), à la Mortola, près Vintimille, musée végétal vivant, qui ren- ferme toutes les espèces ou races de végétaux offrant un intérêt pour le midi de l'Europe. | Nous ne saurions terminer sans payer notre tribut de reconnais- sance aux horticulieurs qui nous ont fait profiter de leurs observations. Nous gardons le meilleur souvenir de nos relations avec eux, relations que leur oblizeance a rendues si agréables (2). Nice, 4 novembre 1898. (1) La Vila Thuret est aujourd'hui un établissement de l'Etatrelevant du Ministère de l'Instruction publique. Ce jerdia d’essai a été fondé en 1856 par Gustave Thuret, né à Paris en 1817, mort à Nice en 1875, éminent algolozue et botaniste passionné. (2) Le premier volume de cet ouvrage, qui devait paraître en 4894, a subi une foule de péripéties et a dû être imprimé par tronçons à des intervalles plus ou moins éloignés. Indice décimal. B U L L ETI N NOUIBTÉ NATIONALE D'ACCUIMATATIN (Revue des Sciences naturelles appliquées) 45° ANNÉE JUILLET 1899 SOMMAIRE Gasrtez ROGERON. — Observations sur le Canard sauvage : particularités de sen plumage............... A ER ee sésnseesreneserseseessressesesseste 204 Cuarzes RIVIÈRE. — La sélection du Bananier duHammar ss rene d'la s ste Re Extraits des procès-verbaux des Séances de la Société : 219 Séance générale du 27 janvier 1899 ........ SHOT CC CIC OU ROUE BIC 0 0 D CE CE D : 48 Section. Entomologie. Séances des 23 janvier, 20 février, 20 mars et 24 avril 1899. 224 5€ Section. Botanique. Séance du 34 janvier 1899................. senc Sectes D 22 Extraits de la correspondance : Les Fundules verts du Brésil. — Sur le Cerez alba. — Les Tulipes de la Savoie. ...... D Pl La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions érnises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. —— memes Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société 4 fr. 50 AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET À LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE Le Bulletin paraît tous les mois, Er * Ni Corrosif TC Me ES Fe à (DE Moi À NL “ OT Ÿ Se NT UE lus nr 1 * Pr. - 74 À TETE Me 2 f. LA Don” $A A DR et NP 2 RCI 2 IP NN LCLT EL LIER 2HANTES(S40. ANEMIE, GASTRALGIE, COLIQUES NEPHRÉTQUES, GRAVELLE, ARTHRITISME RECONSTITUANTE füimehntoutesIsCONVALESCENCES DÉSINFECTANT ANTISEPTIQUE Le seul joignant à son Efficacité, scientifiquement démontrée, l'immense avantage de n'être »’, Toxique ni Corrosif, Hémostatique et Stvstique puissant. 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FLa É À Sur demande envoi franco du Catalogne — TELEPHONE 201 OBSERVATIONS SUR LE CANARD SAUVAGE PARTICULARITÉS DE SON PLUMAGE (1) par Gabriel ROGERON. \ Le plumage du Canard, de tous les Lamellirostres en général et de beaucoup d’autres Oiseaux, offre des particula- rités remarquables qui ne sont pas assez connues, qui même, je pourrais dire, sont ignorées par beaucoup de ceux dont la profession exigerait qu'ils étudiassent cependant la nature de plus près ; on en a maintes preuves. Ainsi, un peintre place-t-il dans son tableau un Canard sauvage volant, il manque rarement de reproduire une sorte de monstre au corps énorme, souvent obèse, soutenu par deux ailes absolument insuffisantes pour soulever pareille masse. C’est qu'il ignore que le Canard sauvage, dans l'air, perd parfois la moitié de sa grosseur apparente; il s’y di- minue, il s’y effile au point d’apparaître comme un mince’ fuseau entre deux longues ailes. Sans doute les peintres n'ont vu d'ordinaire les Canards qu’à terre ou sur des pièces d’eau (encore sont-ce rarement des Canards sauvages) ou bien à l’étalage des marchands de gibier; et tout naturellement ils ont pensé que ces Oiseaux quand ils volent, ne doivent changer ni de grosseur, ni de forme en dehors de leur cou et de leurs ailes tendus; peut- être même, afin d’être plus vrais, ont-ils poussé le soin jus- qu'à suspendre au plafond de leur atelier par des fils ingé- nieusement établis un Canard mort, les ailes étalées. Cette fois il n’y aura plus de doute, la nature a été bien prise sur le fait avec la plus scrupuleuse exactitude. Cependant, rien en réalité ne sera plus faux qu'un Oiseau de cette race ainsi interprété; car, le Canard pour le port et la tenue de son plumage, n’est plus le même pendant le vol. Encore y a-t-il vol et vol; le vol au départ, le vol à petite dis- (4) Ce mémoire, lu au Congrès des Sociétés savantes réuni à Toulouse en avril 1899, a été présenté à la Société d’Acclimatation, en séance générale, le 40 février 1899. Bull. Soc. nat, Accl. Fr. 1899. — 14. RME x. AA PTE - " : LE : 202 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. tance de terre devant être de courte durée, où l'Oiseau n'est pas lancé, et le vol rapide des hautes régions de l'atmosphère. Et, je le répète, ce que je dis du Canard sauvage que je prends ici pour type, peut s'appliquer aux autres espèces de Canards, ainsi qu'à toute la famille des Lamellirostres, Oies, Cygnes, mais de race sauvage, condition essentielle. Cette différence si notable dans l’apparence de grosseur de ces Oiseaux au vol et en dehors du vol, vient d’une sorte de mé- canisme des plumes, les faisant changer de position pendant le vol. Les plumes alors deviennent parallèles au corps, se resserrent contre lui, s’aplatissent de facon à présenter le moins de volume possible, et par là même le moins de résis- tance à l'air, tandis que dans les autres circonstances, celles- ei, ou du moins la plupart d’entre elles, se maintiennent perpendiculairement par rapport au corps, à l'exception toutefois de leurs pointes recourbées en arrière presque égale- ment à angle droit. Cette situation si opposée des plumes des Lamellirostres dans les conditions différentes de la vie journalière, n’a pas lieu chez les autres Oiseaux à un degré comparable, si ce n’est toutefois chez les Passereaux de petite taille, lesquels, en: ‘dehors du vol, ont également le plumage si peu serré, si va- poreux, qu’ils semblent deux ou trois fois plus gros qu'ils ne le sont en réalité, par exemple, les Rouges-gorges, les Bou- vreuils, les Roïtelets, etc., dont le corps est pour ainsi dire perdu dans un léger flocou de plumes aux formes et contours d’une souplesse telle, que ces charmants petits êtres varient à chaque instant d'apparence et de grosseur, ce qui leur donne quelque chose d’éthéré, de fugitif, de presque immatériel. Chez le Canard, ces mêmes changements d'apparence et de grosseur dans les différentes conditions de l'existence, au vol et au repos, ont lieu aussi, comme chez les petits Oiseaux, essentiellement en vue de l'esthétique et de la beauté. Et il faut nécessairement qu'il en soit ainsi; sinon, au lieu du bel Oiseau aux formes souples, bien prises et arrondies que nous connaissons, si nous l’apercevions sous son apparence et sa grosseur réelles, avec ses plumes serrées, nous aurions de- vant nous au contraire, un animal tout à fait dispropor- tionné, invraisemblable, absolument ridicule, maigre, étique et démesurément allongé. Pour remédier à ce grave inconvénient, pour donner plus OBSERVATIONS SUR LE CANARD SAUVAGE. 203 d'ampleur à l’Oiseau, à chaque endroit manquant d'épaisseur, les plumes y ont suppléé; elles se sont allongées, redressées suivant les besoins; même, sur la majeure partie du corps, ce redressement des plumes a lieu à angle droit ou presque droit ; et cela avec un tact, un art, une süreté admirables sup- pléant à ce que le corps peut avoir de réellement défectueux; l'Oiseau véritable, de chair et d'os, assez grossièrement mo- delé avec cette première substance, du moins au point de vue de la forme et de la grâce, a été repris, corrigé, refait à nou- veau avec la plus rare perfection dans l’enveloppe extérieure des plumes. De telle sorte que dans le Canard, comme du reste dans chaque Oiseau, il y a pour ainsi dire deux per- sonnes superposées, celle de chair, la réelle, la vraie, abso- lument informe, hideuse, et, celle de plume qui est sa per- sonne apparente; celle-là, modelée avec un goût, une gràce, un art exquis. Pour obtenir ce résultat, pour que le corps de plume soit complètement différent du véritable, auquel il a été superposé, il a fallu que la nature adoptât ici, comme on voit, un sys- tème entièrement différent de celui dont elle s’est servie pour vêtir de leur fourrure les Mammifères, laquelle chez ceux-ci est calquée, moulée sur l’animal lui-même, qu’elle ne fait que recouvrir à peu près régulièrement dans toutes ses parties, ne le regrossissant selon la longueur des poils et l'épaisseur de cette fourrure que dans les précédentes proportions; de sorte que l'animal débarrassé de son poil, tondu, par exemple, reste le même et parfois devient plus fin de formes, plus gra- cieux encore. Il en est tout autrement de l’Oiseau, s’il eût été simplement regrossi par ses plumes à la facon du Mammifère par sa fourrure et au moyen du même procédé, ses disgra- cieuses formes naturelles ainsi accentuées, augmentées, il eût abouti à un véritable monstre, à une sorte de gros Criquet aux cuisses et aux jambes repliées sous lui de la façon la plus grotesque. Afin d'éviter pareil inconvénient et de transformer au contraire l’Oiseau en un des êtres les plus ravissants, les plus légers, les plus éthérés de la création, la nature a ac- compli de véritables tours de force, des prodiges, en mode- lant la seconde enveloppe de l’Oiseau, celle des plumes, de telle facon, chose bizarre, qu'elle ne ressemblät en rien au moule vulgaire et grossier sur lequel elle était appliquée, en un mot que le moulage fût absolument différent du moule. 4 ARS, ee CÉSEETdE, E° 204 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Des bras ou moignons informes de l’Oiseau, ont surgi de longues et superbes plumes qui, réunies sous formes d’ailes, lui servent à fendre l'air; ces ailes sont du reste sa raison d'être, sans elles, l’Oiseau n'existerait pas. Maïs, quoi faire de ces longues et belles ailes, si embarrassantes ? Ingénieuse- ment repliées, elles ne tiendront que bien peu de place, s’a- daptant exactement, comme un manteau bien fait, sur les épaules et le dos de l’Oiseau. Cependant, malgré le soin de les replier en trois parties, l’une sur l’autre, ce manteau prenant si bien sur l’Oiseau en avant de sa personne, sera encore en arrière démesurément long; dépassant souvent le corps de moitié, il aurait toute une partie inutile, ne recouvrant rien; inconséquence et manque de goût, que la nature a voulu éviter à tout prix. C’est alors qu’elle y a suppléé en prolongeant artificiellement cette partie du corps d’un quart, ou d’un tiers, adaptant con- trairement à l'usage, non l'habit à la personne, mais bien la personne à l’habit, rallongeant ingénieusement celle-là trop courte pour celui-ci; ce rallongement est fictif et seulement de plume bien entendu. Pour cela, de l’extrémité postérieure du corps de l'Oiseau, gros, épais et terminé en angle, du croupion en un mot, ont surgi, comme du moignon des ailes, de longues et solides plumes, celles de la queue, qui, dans leur partie extérieure, seront la principale ossature de ce prolon- gement artificiel. C’est, en effet, sur ces plumes que vien- dront converger, s'appuyer les autres plus légères, plus molles servant de rallonge. Ces plumes légères et allongées, dont une partie part des flancs, ont en outre pour but de voiler ces cuisses et ces jambes affreuses de l’Oiseau, dont la vue serait absolument désagréable ; elles les recouvrent comme d’une robe de dessous laquelle s’échappent discrète- ment, restant seuls visibles, les pieds ou tarses de l’Oiseau. Cette partie de plumes rajoutée qui équivaut au quart ou au tiers de l’Oiseau, se prolonge, comme on voit, sur la base de la queue, l’enveloppant en une plus ou moins grande partie de sa longueur et parfois totalement, comme chez la Caille, par exemple. d C'est ce prolongement artificiel de l’Oiseau, qui, suivant qu'il est accentué, lui donne d'ordinaire une si grande appa- rence de grâce et de légèreté. Et, chose singulière, ce sont les Oiseaux pour lesquels la nature s’est montrée particulière- 0 OBSERVATIONS SUR LE CANARD SAUVAGE. 205 ment libérale en semblant unir la souplesse et la délicatesse des formes, à une vie et à des mœurs tout éthérées, dont le corps réel, le vrai, celui caché sous une trompeuse enveloppe de plumes, est le plus épais, le plus court, le plus lourd; telles sont les Colombes, les Hirondelles, les Sternes, pa- raissant extérieurement si allongées, si sveltes. En effet, pour suffire à la puissance de leur: vol, il a fallu des muscles pec- toraux fort développés, relativement énormes, lesquels re- posent sur un sternum par là même très proéminent; de sorte que la charmante Hirondelle, par exemple, ne serait qu'un affreux petit monstre, informe, anguleux, aussi épais que long, s’il n'y avait été admirablement remédié en voilant sa forme véritable au moyen de plumes allongées, disposées avec le goût et l’art les plus parfaits. Ici donc la nature, tou- jours dans son perpétuel souci de l'harmonie des choses, et jamais à court de ressources, a su métamorphoser un hideux petit corps en celui d’un de nos Oiseaux les plus charmants et absolument approprié à ses mœurs et à son genre de vie. Après la partie postérieure, c’est le devant de l'Oiseau où:il y à le plus à ajouter, à remanier pour le rendre d’un aspect correct et agréable. Ce cou, long fourreau terminé par une tête informe, ces épaules trop larges d’entre lesquelles surgit brus- quement un cou trop mince, ce jabot en avant, sorte d'estomac extérieur en forme de sac ridicule, tout cet ensemble absolu- ment heurté, disgracieux, grotesque, le plumage est venu également ici le dissimuler, le voiler de plumes, en imprimant à celles-ci les contours les plus moëlleux, les plus gracieux, les plus doux. Maïs, chez le Canard, outre l'embellissement ordinaire que la nature à eu en vue par cette sorte de métamorphose, le plumage a encore d’autres usages bien différents, ceux-ci absolument utilitaires et pratiques, mais non moins curieux. Les plumes du corps chez lui, ainsi que chez les différents Lamellirostres, sont disposées de facon à former une sorte de chambre à air très étanche, l’isolant parfaitement du liquide sur lequel il nage ; de telle sorte que celle-ci, cette chambre à air, le garantit du froid qu'il éprouverait au contact immédiat de l’eau, en même temps qu’elle l'y soutient comme une sorte de bouée ou vessie natatoire extérieure. En effet, dans toutes les parties immergées du Canard nageant, c'est-à-dire dans 206 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. toutes celles au-dessous de la ligne de flottaison, les plumes disposées à leur base perpendiculairement par rapport au corps, se replient dans leur seconde partie presqu'à angle droit en arrière pour s'appliquer sur leurs voisines, lesquelles en font autant à leur tour, et ainsi de suite depuis le jabot jusqu'aux parties postérieures. Et ces extrémités de plumes repliées l’une sur l’autre sont si bien juxtaposées que par leur réunion et par l’imperceptible vernis huileux dont elles sont oïintes, elles forment la surface la plus unie, la plus lisse, de même qu’une enveloppe imperméable à l’eau et à l'air, une sorte de chambre à air, je le répète, isolant, protégeant toute la partie inférieure de l’Oiseau contre l'humidité et le froid, laquelle est rendue plus confortable encore par le fin duvet, attaché à la peau ainsi qu’à la base de chaque plume et rem- plissant cet espace vide d’un léger et chaud édredon. Cette sa- vante et hygiénique confection du vêtement du Canard et des autres Lamellirostres était absolument indispensable à un Oi- seau passant une grande partie de sa vie sur l’eau afin de l’en isoler entièrement et par là même le soustraire au froid qui, sans cette précaution, l'aurait inévitablement envahi et para- lysé. Mais cette ingénieuse disposition de son plumage a cette conséquence singulière, bizarre, que ces Oiseaux aquatiques par excellence, se trouvent en l'impossibilité absolue, dans l'acception propre du mot, de se baïgner; avec la meilleure volonté du monde, ils ne le peuvent pas ; bien que nageant et plongeant, il leur est impossible de faire parvenir la moindre goutte d’eau, la plus légère humidité jusqu'à leur peau, et s'ils tiennent parfois à se rafraîchir, comme les simples Oiseaux terrestres, ils ne le peuvent pas; ce devrait être pour eux un vrai supplice de Tantale. Heureusement ils sont conformés, parait-il, de telle sorte qu'ils ne semblent nullement souffrir de cette privation, tant ils paraissent d'ordinaire frais et heureux sur l’eau. Et dans la chaude saison, la nature, je veux dire la Providence, n’a-t-elle pas pourvu jusqu’à un certain point à cet inconvénient en leur donnant par une seconde mue, exclusive à cette race, un costume moins soigné, moins confortable, par là même moins chaud ; puis, ne peut-on pas ajouter que par l'effet même de leurs deux mues qui durent fort longtemps et ont lieu, l’une au commencement, l’autre à la fin de l'été, beau- coup de plumes durant cette saison se trouvent à manquer « OBSERVATIONS SUR LE CANARD SAUVAGE. 207 dans leur plumage rendu ainsi moins compact et plus léger. Mais ce qui prouve d’ailleurs qu'ils ont une naturelle répulsion pour l’eau les touchant directement, c'est que quand, par une cause quelconque, un accident, une maladie, les plumes viennent à se détériorer, ou à manquer en trop grand nombre, laissant se produire une solution de continuité par laquelle l’eau pénètre dans l’intérieur du plumage, dans cette chambre à air, l’Oiseau n'étant plus soutenu par cette dernière, et au lieu de flotter comme un bateau, s’enfonçcant misérablement jusqu'aux deux tiers du corps, il présente alors toutes les apparences d'une véritable souffrance de froid ; il évite dans ces conditions de nager, et s’il y a été contraint, il ne cherche qu'à gagner la rive au plus vite et cela, même l'été, quand Peau est moins froide, tant il semble avoir horreur d’un rapport direct avec elle. | Mais le Canard quitte-t-il l’eau ou le sol pour prendre son vol, il s'opère alors en lui une transformation complète. Le cou relativement court jusque-là, qu’on ne soupconnait pas, du moins tel qu'il est en réalité, s’allonge démesurément tout à coup, tandis que le corps de son côté se rétrécit, s’amincit par le changement complet de la disposition des plumes, qui de gonflées qu’elles étaient tout à l’heure afin de donner plus d’ampleur, plus de grâce à l’Oiseau et d’y loger en outre la couche d’air isolante nécessaire à la conservation de sa chaleur natureile et à son maintien sur l’eau, se sont tout à coup aplaties, resserrées. De cette sorte, par ce resserrement des plumes pendant le vol, il est réduit du tiers ou de la moitié de sa grosseur, apportant par là même moins de résis- tance à l'air. C’est alors un tout autre Oiseau, de proportions complètement différentes de ce qu'il était avant, aux formes infiniment plus allongées et plus minces. Ainsi que je l'ai dit, cette diminution de grosseur du Ca- nard volant varie suivant la distance plus ou moins grande qu'il a à parcourir, et par là même-suivant la rapidité de son vol. S'il ne doit faire un vol que d’une distance fort courte, s'élever de terre ou de l'eau pour retomber à quelques pas de là, son volume dans ce cas n'est aucunement modifié, il con- serve sa grosseur ordinaire et parait énorme pour ses ailes. S'il vole à peu de distance du sol, à une moyenne hauteur, son volume sera de beaucoup diminué, mais pas au point d'amin- 208 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. cissemenf, il s’en faut, où il en arrive quand, complètement lancé à toute vitesse, il parcourt presque à perte de vue les hautes régions de l'atmosphère pour accomplir ses voyages à long cours. C est là que son corps semble diminué, ramené aux proportions les plus infimes ; et par suite de cette différence de volume, il parait fort allongé et réduit à très peu de chose entre ses deux longues ailes. Cette différence apparente de grosseur quand le vol est ainsi fort élevé, ne serait-elle pas un effet de l'illusion ? L'Oiseau vu de trois quarts dans un vol intermédiaire doit naturellement paraître plus épais que dans un vol tres élevé où on n'aperçoit qu'une seule de ses faces, celle de dessous. Maïs je ne crois pas que ce soit la seule cause de cette apparente diminution. Cependant, il serait bon que l’on prit quelques photographies instantanées de ces Palmipèdes dans leur plus haut vol, afin de se rendre un compte exact de cette réduction d'épaisseur. Néanmoins, il est plus croyable que cette extrême diminution de volume est bien réelle et qu'elle est produite par la pression considérable de l’air sur les plumes, grâce à la rapidité foudroyante avec laquelle le Canard, ainsi lancé, fend la couche d'air qu'il tra- verse, rapidité telle qu'il est arrivé que des Oiseaux de cette espèce fissent voler en éclats les épais vitrages des phares contre lesquels ils étaient venus frapper. Les Oiseaux de pas- sage volent, en effet, à une moins grande hauteur la nuit (et ces différents accidents de phares en sont une preuve), touten conservant la même rapidité que le jour dans les régions élevées. Le plumage ainsi resserré par cette formidable pres- sion de l'air traversé, pe doit plus présenter qu'un volume excessivement réduit, quelques millimètres seulement. C'est donc le corps du Canard qu'on aperçoit dans ces conditions à sa grosseur réelle et presque comme s'il était débarrassé de ses plumes qui ne comptent plus guère, pareïllement resserrées sous une telle pression. Et dans ces conditions, on se rendra compte de ce qu'un Oiseau de cette espèce peut perdre en réalité de grosseur, si on fait abstraction de ses plumes, en placant deux Canards sauvages morts côte à côte, l’un plumé et l'autre muni de ses plumes ; le premier paraît alors énorme et le second si petit, qu'on a peine à se figurer que ce sont deux Oiseaux semblables. Les Oies sauvages de même, dans les régions élevées où nous les apercevons traverser les airs à leurs passages pério- OBSERVATIONS SUR LE CANARD SAUVAGE. 209 diques du printemps et de l’automne, semblent également à ces hauteurs s'être amincies à un degré invraisemblable quand on connait ces gros Oiseaux; leur corps disparait presque entre leurs deux longues ailes. Il m'est arrivé bien des fois de voir des Oies sauvages s’abattre à terre ou voler à petites distances du sol, et j'étais étonné alors de leur diffé- rence d'aspect. Autant ces Oiseaux paraissent minces, légers, volant seulement du bout des ailes dans les hauteurs de l'at- mosphère, autant, à petite distance du sol, ils semblent lourds, épais, ventrus, ne soulevant leur gros corps que par de orands et laborieux coups d'ailes. Il paraîtraït ainsi que dans ces hautes régions, ils sont devenus réellement plus légers et que l'air les porte plus facilement. Il en est de même pour les Cygnes que dans nos derniers hivers rigoureux, j'ai aperçus plus d’une fois passer à assez grande hauteur au-dessus de moi. Je n’en revenais pas de la légère apparence de ces grands Oiseaux et de la facilité de leur vol ; c'était d’ailleurs le vol de nos Oies de passage avec un cou infiniment plus allongé, un corps aussi mince et plus long, entre deux ailes plus grandes encore mais au bout arrondi. En arrivant chez moi et en revoyant le beau Cygne sauvage que j'y possède, aux formes essentiellement gracieuses, mais très doublé et d'assez forte corpulence, je me demandais comment, par quelles transformations, un Oiseau semblable peut arriver dans son vol à s’allonger, à s’amincir au point où je venais d’apercevoir tout à l'heureses pareils. Les plumes du Canard et des autres Lamellirostres sau- vages ne s’aplatissent ainsi sur le corps que pendant le vol. Dans les autres circonstances de la vie, à terre ou sur l’eau, leur plumage est toujours maintenu gonflé dans son ampleur normale. Il en est de même après la mort de l’Oiseau, les plumes se maintiennent également dans leur situation à angle droit avec le corps, et par là même, à leur état ordinaire de gonfiement. C’est ce qui fausse surtout les idées au sujet des proportions réelles des Canards sauvages en les voyant ainsi sous leur plus grosse apparence suspendus à l’étalage des marchands de gibier. . Je parle des Canards et autres Lamellirostres sauvages, je le répète, avec intention; car ceux de race domestique ne possèdent pas pendant le vol la même mobilité dans leur plu- < Sur LE Carez alba. — LES TULIPES DE LA SAVOIE. Albertville, le 21 novembre 1898. Monsieur, En réponse à votre lettre du 11 courant, j'ai l'honneur de vous donner les quelques renseignements que vous. voulez bien me de- mander sur le Carex alba. STE BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. - 232 Cette plante, qui croît assez abondamment dans certaines forêts de la Savoie, a des feuilles d’un beau vert très fines, rappelant un peu celles des Zsolepis. Elles forment des touffes serrées, gazonnantes et s’emparant rapidement du terrain par des stolons formant à leur tour de nouveaux gazons sur leur trajet, ce qui explique la rapide multi- plication de cette plante. Un seul pied apporté dans mon jardin à l’automne 1896 et abandonné sans soins m'a fourni par division au printemps 1898 une bordure de 35 mètres de longueur. Quelques pieds, plantés à l'automne 1897, sous une épaisse char- À ss mille, dans une terre légère, sèche et de médiocre qualité, ont ‘a supporté l'été dernier trois mois conséculifs de sécheresse, sans arrosages. C’est une plante très rustique et qui me parait pouvoir rendre des services aussi bien sous bois qu'en plein soleil. Les tiges florifères sont peu apparentes et disparaissent bientôt, ses feuilles en touffes serrées ne s'élevani pas à plus de 15 à 20 centi- mètres n'ont pas besoin d’être tondues. Il s'est maintenu d’un beau vert pendant toute la belle saison sans arrosage. Multiplication. — Ses graines sont peu abondantes et, comme celles de la plupart des Carex, leur germination, même dans les conditions les plus favorables, est longue et difficile. Les plantes venues de semis se développent très lentement et mettent beaucoup de temps à s'em- parer du terrain. La multiplication par voie de semis n’est donc pas pratique ; mais elle se fait avec la plus grande facilité par la plan- tation de picds qui se propagent rapidement. Ce gazon me parait appelé à rendre des services pour former de jolies bordures autour des plate-bandes et des massifs dans les jardins où les cultures ne peuvent être l'objet de soins assidus. Le seul soin à en prendre consistera à en affranchir de temps en temps les bords que ses stolons tendent à dépasser. Son habitat sylvicole me fait penser qu'il pourra être utilisé pour former des pelouses sous bois où si peu de Grantesee se maintiennent bien. Je continuerai d'ailleurs à vous tenir au courant du résultat de mes expériences. + mnt. di, Puisque vous vous intéressez à la flore’ indigène, je vous dirai que nous possédons en Savoie plusieurs espèces de Tulipes intéressantes qui n'ont pas, que je sache, élé observées dans d’autres régions. Jl y a quelques années, j'ai déjà fait connaître dans la Revue horticole la Tulipa billietiana l'une des plus belles; mais j'en ai encore à l’étude quatre autres espèces non moins intéressantes et dont l’une surtout est d’une grande beauté. Je suis en voie de la multiplier pour la mettre dans le commerce. Veuillez agréer, etc. E. PERRIER DE LA BATHIE. BULLETIN DE LA QE NATIONALE D'ACCUINATA DE FRANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) 46e ANNÉE AOUT-SEPTEMBRE 1899 | TT SOMMAIRE \ A. RAILLIET. — Allocution prononcée le 9 Mai 1899 à L'ouy erture de la Conférence de je M NE. RE etre ee na Pete he nee ee a at 1 QI LA GS NN h SR SA tu 237 [A D NAUDIN. — Note sur le Machærium tipa, de la a Argentine, ..... 265 Cx. MAILLES. — Résultats de semis faits à la Varenne St-Hilaire.............. : 266 A . pe SAINT-QUENTIN. — Les travaux de Zoologie et de Botanique appliquées, É: _ présentés au Congrès de Toulouse 66 0 UE Contrat dp Doors O6 do dc 267 Eatraits des procès-verbaux des séances de la Société ce générale des 10 et 24 Février 1899............... SEERE CHE GIE snssssoeroeessee DTA e Section (Mammifères). — Séances des 19 Décembre: 1898, 9 Janvier, 6 Février, D in. ARS ON O se shoteseiclolelels te se aole le etelcieolelele lets 285 _ La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions nises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. SNS mme _Un numéro 2 franes ; pour les membres de la Société 4 fr. 50 AU SIEGE de DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET À LA LIBRAIRIE CERF, Â2, RUE SAINTE-ANNE Le Bulletin paraît tous les mois. CRÉSYL-JEYES DÉSINFECTANT ANTISEPTIQUE Le seul joignant à son Efficacité, scientifiquement dérr ontrée, l'immense avantage de n'être »’, Tozique ni Corrosif. Hémostatique et Styitique puissant. Adopté par les Ecoles Nafionales Vétérinaires, le Service de Santé de l'Armée, la Préfecture de la Seine et la plupart des Services d'Hygiène et de Désinfection des Départements. Reconnu indispensable dans la pratique vétérinaire. PL Envoi franco sur demande de Rapports scientifiques et Prospectus : SOCIÉTÉ FRANÇAISE de PRODUITS SANITAIRES et ANTISEPTIQUES 35, Rue des Francs-Bourgeois (ci-dsvant 31, Rue des Petites-Ecuries), Paris. ET CHEZ TOUS LES DROGUISTES ET PHARMACIENS. Pour ev.r les nombreuses Contrefaçons exiger rigoureusement sur tous les emballages les Marques, Cachets et le Nom CRESYL-JEYES. Ni Corros:if Lits, Fauteuils, Voitures et Appareils Mécanig Pour MALADES et BLESSÉS DUPON Maisen fondée en 1878 Pas de 680 Hill ot 12 Pr d'hmem Bille d'a, Prin d'eummble, Paris 14H à VOITELLIER àMANTES(S.+:0. Fab breveté s.£.ê.£. COU VEUSES Fournisseur des Hôpitau ARTIFICIELLES àPARIS MATÉRIEL B'ÉLEVAGE Volailles de Race ŒUFS À COUVER Base RL re Ch 1 : = 4 | = GRR Le een rene MAN /NS) Les plus hautes ra Crau à aigu uses. | DÉS {\V SPA MAISON À PARIS — U AL du Théttre-Françs aux Expos Françaises et Etrangèn —— he — Sur demande envoi franco du Catalogue — TELEPHON 40, Rue Hautefeuil à, au coin de la rue Serpent À} (près l'Ecole-ce-Médecin: Fr VOITURE mue au moyen de 1 ou 2 lemers. ANEMIE, GASTRALGIE, COLIQUES NEPHRÉTQUES, GRAVELLE, ARTHRITISME RÉCONSTITUANTE mimedmtoutesks CONVALESCENCES © ALLOCUTION PRONONCÉE LE 9 MAI 1899 par A. RAILLIET, (De l'Académie de Médecine), Membre du Conseil de la Société, A L'OUVERTURE DE LA CONFÉRENCE DE M. A.-L. CLÉMENT SUR L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS Mesdames, Messieurs, Il y a deux ans, la Société d’Acclimatation inauguraïit un nouveau système d'enseignement pratique ; elle conviait, non seulement ses membres, mais aussi toutes les personnes qui s'intéressent aux applications des sciences naturelles, à une série d’excursions organisées par ses soins, et comportant la visite des principales exploitations afférentes aux matières qu'elle cultive. L'innovation eut le plus grand succès, d'autant que les excursions ont toujours chez nous de fervents adeptes, com- prenant bien tout l'avantage que peuvent retirer et le corps et l'esprit de ces courses au grand air, où les excursionnistes rivalisent souvent d’entrain et de gaité. Deux de ces promenades, — l’une à Paris même, au Luxembourg et à Montsouris, l’autre à Fontainebleau, — ont eu précisément pour but l’apiculture pratique, le sujet dont . veut bien nous entretenir M. Clément, le distingué président de notre Section d'Entomologie, que ses études spéciales, poursuivies avec une ardeur infatigable, ont rendu si fami- lier avec ces questions, et pour qui les Abeilles n’ont vrai- ment plus de secrets. Mais, pour intéressantes et instructives que soient ces visites, elles ne constituent qu'un élément spécial d'une mé- thode d'enseignement. Elles ne réalisent donc pas entièrement le but auquel nous tendons, à savoir : la diffusion des connais- sances générales dans le domaine de l'histoire naturelle appliquée. Pour aider à cette diffusion, nous avons bien les séances générales; mais l'expérience montre que le grand public, par Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 16. 234 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. crainte peut-être de se trouver en présence de cemmunica- tions ou de discussions d'un caractère trop technique, se montre peu empressé à de telles réunions, et qu'en fait, les séances ordinaires d’une Société ne sont guère fréquentées que par ses propres membres. Aussi le Bureau a-t-il eu l'heureuse inspiration d'instituer cette série de conférences que vous avez bien voulu suivre, et dont l'intérêt s'est révélé dès le début. C’est un précieux complément de nos excursions; c'est, en même temps, un appoint de haute valeur pour notre expansion, et si nous tenons à vous remercier de l’'empressement avec lequel vous avez répondu à notre appel, nous devons exprimer aussi notre profonde reconnaissance aux dévoués collègues qui ont accepté le rôle délicat de conférenciers. Il me parait superfiu de vous rappeler en détail les mul- tiples raisons d’être d’une Société d'Acchimatation. Sa quali- fication même implique son but essentiel : acclimater des animaux et des végétaux, c'est-à-dire les adapter à la mou- vante complexité des conditions que constitue pour eux le climat nouveau. Passer en revue la série des animaux et des plantes utiles qui mériteraient d’être acclimatés chez nous serait œuvre déplacée et fastidieuse. Maïs, puisque nous assistons aujour- d’hui à une conférence d'Entomologie, permettez-moi de vous rappeler en deux mots la place que tiennent lès applications de cette science dans les travaux de la Société. I suffit de parcourir nes Bulletins pour y relever une liste imposante de communications ayant trait à des Insectes utiles. Les recherches de Guérin-Menneville, Maurice Girard, Fallou, Clément, Waïlly et tant d’autres sur l’acclimatation et l'éducation des Bombycides séricigènes sont universellement connues. Les études sur les maladies du Ver à soie, les obser- vations relatives aux Araignées utiles, aux Hyménoptères sociaux et en particulier aux Abeilles, ont toujours tenu dans nos travaux une place de premier ordre. Maïs si le rôle de la Société est de favoriser, tant en France que dans nos colonies, l'importation et la multiplication des animaux et des végétaux utiles, nous n'oublions pas non plus qu'il est nécessaire de protéger ceux que nous possédons contre les ennemis qui tendent à les décimer, et en parti_ RER PR + ALLOCUTION DE M. A. RAILLIET. 235 culier contre les Insectes dévastateurs. Nos Pullelins con- tiennent aussi d'innombrables publications relatives à ce fléau sans cesse renaissant, représenté le plus souvent par des êtres d'apparence insignifiants, — d'autant plus dangereux qu'ils sont moins saisissables, — et dont je ne veux pas vous infliger l’interminable nomenclature. Aussi bien, les ravages du Phyiloxera, du Puceron lanigère, des Criquets, des An- thonomes, des Silphes, s'imposent-ils suffisamment à votre mémoire pour vous rappeler qu’il est nécessaire d'organiser contre ces implacables ennemis une lutte vigoureuse et in- cessante. A cet égard, il faut le reconnaître, notre pays est encore bien mal armé. Tandis que les États-Unis et plusieurs con- trées de l’Europe possèdent des Stations entomologiques de divers ordres et des laboratoires de recherches admirable- ment outillés, nous n’avons en France qu'un seul laboratoire, à peine doté, qui ne peut évidemment suffire à la tache, maloré tout le bon vouloir et toute l’activité de son direc- teur. Or, si nous attendons qu'un nouveau fléau vienne ré- veiller l'attention des pouvoirs publics, nous risquons fort de voir se renouveler le désastre occasionné par le Phylloxera. En pareille matière, il faut compter tout d'abord sur les ini- tiatives particulières, et c'est ici que peut s'affirmer avanta- sgeusement le rôle d'une Société comme la nôtre, toujours prête à grouper les bonnes volontés, à centraliser les rensei- gnements, — disons d'un mot : à mener le bon combat. Messieurs, je m'éloigne peut-être un peu trop du terrain de la conférence que vous ‘allez entendre; mais je tenais à vous montrer que si nous cherchons à nous mettre en rap- ports avec le grand public, c'est uniquement dans un but d'utilité générale, c'est en visant à la fois l'augmentation de notre cheptel national et sa sauvegarde. Mais si le but est élevé, la carrière à fournir est étendue, et nombreux sont les obstacles. Pour vaincre, il faut être solidement groupés, il faut former des faisceaux imposants et compacts, et c’est pourquoi nous faisons appel à tous les con- cours disponibles. On a dit avec raison, je pense, que le siècle qui va s'ouvrir sera le siècle de l’association. C’est que le principe de la « lutte pour la vie », si barbare en apparence dans sa froïde 236 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. brutalité, a pour corollaire naturel celui de l’ « association pour la lutte », d’un abord infiniment moins rude, et surtout d’une signification plus réconfortante. Ouvrier à l'union est toujours un rôle agréable, et je le remplis aujourd’hui avec une réelle satisfaction. Il faut donc que vous veniez à nous, et en grand nombre, car, si modestes que soient les efforts, leur multiplication conduit à de puis- sants résultats. Et si je ne craignais de déflorer le sujet que va traiter notre conférencier, je vous dirais qu'une Société se com- pose comme une ruche, qui n’est productive qu'à la condi- tion d’être suffisamment peuplée. Vous pouvez d’ailleurs nous aider de facons bien di- verses, non seulement par votre affiliation à la Société, mais aussi par vos conseils, par votre propagande, par votre pré- sence même à nos conférences. Aussi je termine en exprimant la confiance que nous avons de vous rencontrer, Messieurs, et vous surtout, Mesdames, en nombre croissant à ces réunions, éloignant de nous la crainte exprimée par le poète, de jamais voir ÉÉCTE TT IE l'été sans fleurs vermeilles, La cage sans oiseaux, /a ruche sans abeilles, La maison sans enfants. Avant de donner la parole à M. Clément, je me fais un devoir, au nom de la Société, d'adresser nos souhaits de prompt rétablissement à M. de Heredia, président de la So- ciété d'Apicullure, qu'un accident empêche d'assister à la séance, et d'exprimer nos sentiments de haute et cordiale bienvenue, à M. le professeur Giard, représentant de la Sociélé entomologique de France, ainsi qu’à M. Le professeur Bouvier, représentant du Muséum d'histoire naturelle (1). (1) MM. Giard et Bouvier avaient bien voulu prendre place au bureau, ainsi que M. le Dr Paul Marchal, directeur de la Station entomologique de Paris et l’un des secrétaires de la Société d’Acsclimatation, 237 L’'ABEILLE SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS CONFÉRENCE FAITE LE 9 MAI 1899 A LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION (1), par A.-L. CLÉMENT, Président de la Section d'Entomologie, Vice-président de la Société centrale d’Apiculture. L'apiculture a fait en ces derniers temps des progrès considérables, et prend partout un grand développement. Dans l’ancien comme dans le nouveau monde, praticiens et savants ont rivalisé d’ardeur dans cette marche en avant où la France, hâtons-nous de le dire, a tenu dignement son rang. C'est avec fierté qu’elle peut nommer des apiculteurs, tels que : Debeauvoys, l’abbé Collin, Hamet, Vignole, de Layens, pour ne citer que les derniers disparus et sans parler de ceux qui aujourd’hui encore suivent dignement leurs traces. (1) La conférence de M. A.-L. Clément était accompagnée d'une très belle série de projections dont un grand nombre avaient été mises gracieusement à la disposition de la Société par M. À. Fron, Garde général des forêts à Charolles (Saône-et Loire). Une collection d'appareils d’apiculture avait été en outre envoyée pour la cir- constance par M. Raymond Gariel (quai de la Mégisserie, 2 ter, Paris), qui a bien voulu les laisser exposés pendant plusieurs jours après la Conférence. Enfin, M. Clément avait lui-même apporté, pour appuyer ses démonstrations, quelques pièces remarquables tirées de sa collection particulière ainsi que plu- sieurs planches murales encore inédites et dont il est superflu de faire l'éloge, chacun connaissant le talent, à la fois précis et artistique, de l’auteur. Pour illustrer le texte qui ne donne qu'une faible idée, on le comprendra faci- lement après ce qui précède, de la Conférence de M. Clément, la Société d’Ac- climatation a trouvé de très bienveillants concours. La Société centrale d’'Apiculture, M. Raymond Gariel, le constructeur bien connu, déjà cité, et la Librairie Larousse ont bien voulu nous prêter un certain nombre de clichés. Je leur adresse à ce sujet mes bien sincères remerciements. Les figures 1, 2, 3, 4, 5, 12, 13, 24 et 37, appartiennent à la Société centrale d’Apiculture ; les figures 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27 et 36, à M. Raymond Grariel ; les figures 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34 et 35 à la Librairie Larousse. Ces dernières sont extraites du livre de M. A.-L. Clément, L'Apiculture mo- derne, publié par la Librairie Larousse, et dont il suffit de dire qu’il est arrivé en moins de quatre ans à sa quatrième édition. — La Société d’Acclimatation a d’ailleurs attribué à cet ouvrage, en 1895, une médaille de 1'e classe, (Note de M. J. be GUERNE, Secrétaire général.) 4 de AI 4 De) % if Méta E 08 à A: FPT EN TE Ur L * # ARRET AE AE bn al Æ 5 0 1 PTE PR Cu te 938 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Si l’apiculture rationnelle peut être mise aujourd'hui à la portée de tous, c’est grâce au désintéressement, au dévoue- ment de ces hommes de bien qui ont consacré tous leurs efforts à simplifier en les perfectionnant les meilleures mé- thodes, et ont montré les importantes ressources que peuvent offrir les produits des Abeilles à ceux qui savent en tirer parti. Le temps me manque pour vous parler de ces maîtres aussi longuement qu'ils le mériteraient et pour vous montrer les importants progrès qu'ils ont fait faire à l’apiculture mo- derne; mais je crois remplir un devoir en rendant ici un juste hommage à leur mémoire. Sous leur impulsion, de nombreuses Sociétés apicoles se sont créées en France. Elles se sont depuis plusieurs années groupées en une fédération dont la Société centrale d’Apicul- ture et d’Insectologie agricole, fondée par Hamet en 1856, peut être considérée comme le centre. Elle a son siège à Paris, possède un rucher au Luxembourg, un autre à Montsouris, fait des cours et des conférences et publie un bulletin men- suel tiré à plus de trois mille exemplaires dont la valeur n’est plus aujourd’hui à discuter. Je crois pouvoir dire que la So- ciété centrale a eu sur les progrès de l’apiculture en France une influence prépondérante. Fière des services qu’elle a déjà rendus, elle poursuit avec confiance son but utilitaire sous la direction de son président, M. de Heredia, dont le dévouement et les conseils éclairés lui sont chaque jour si précieux (1). Je commencerai par vous parler de l’Abeille que peu de personnes connaissent réellement. ; J'insisterai tout d'abord sur le rôle de premier ordre qu’elle joue en agriculture en aidant, dans une large mesure, à la fécondation des fleurs. Nous ne nous attarderons pas à rechercher si les fleurs sont faites pour les Insectes et si ces derniers sont souvent indispensables à leur fécondation ; maïs je tiens à vous faire. constater l'importance du rôle de l’Abeïlle, en vous citant (4) Retenu*en ce moment à la chambre par les suites d’un accident de voiture, qu’on me permette de lui adresser des vœux bien sincères pour son prompt et complet rétablissement. L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 239 simplement ce fait: qu'une Abeille visite en moyenne deux cent cinquante fleurs par heure, qu’elle butine huit heures par jour, et qu'une seule ruche contient en moyenne qua- rante mille Abeilles, soit quatre cent mille pour un petit rucher de dix ruches, ce qui nous donne un total de quatre- vingt millions de voyages par jour (pour ce seul petit rucher). Chaque fois qu’une Abeille butine sur une fleur pour y puiser le nectar ou récolter le pollen, ce dernier se fixe à ses poils, et elle le transporte (involontairement sans doute), mais infailliblement, dans d’autres fleurs semblables, car au cours de chaque voyage, elle ne visite ordinairement qu’une même espèce de fleur. La conclusion est évidente; l'influence de l’Abeille sur l'abondance des récoltes est considérable. Le corps de l’Abeiïlle est divisé en trois parties : tête, thorax et abdomen. La tête porte les organes des sens : deux sortes d’yeux. De chaque côté un gros œil dit composé ou à facettes formé par la réunion de petits yeux dont la cornée forme chacune des facettes. Le nombre de ces facettes est évalué (par le docteur Sammelson), à trois mille cinq cents pour les deux yeux. Sur le haut de la tête se trouvent trois yeux simples des- tinés très probablement à voir de près, tandis que les yeux à facettes sont sans aucun doute destinés à voir de loin. La tête porte encore les deux antennes, organes du tact et de l’ouïe, et enfin les pièces buccales. Les mandibules sont des organes de travail. Les autres pièces buccales sont réu- nies pour former la trompe ou langue qui doit fixer un moment notre attention, car c’est elle qui sert à récolter le miel. | Il y a certaines fleurs dont les Abeïlles ne peuvent pas re- cueillir le nectar parce que leurs corolles sont trop longues, alors que d’autres Insectes viennent y puiser à loisir. Un double problème se pose dans l'intérêt de l’apiculteur : allonger la langue des Insectes ou raccourcir la corolle des fleurs. Les méthodes de sélection rendent la solution possible dans les deux sens. Je ne puis insister longuement sur ce sujet, mais je crois intéressant de vous montrer deux ap- pareils que l'on a construits pour mesurer la langue des Abeilles. 240 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Le premier est le glossomètre Charton (fig. 1, 2 et 3). Les Abeilles viennent y prendre du sirop à travers les mailles d’une CS (\ — MNT RER NN + mr DT RER, _ CLS D a TEEN, 1 1 | HU | {if} | | NII {ln {ll Al LU) (Il | ll I Fig. 1. — Glossomètre Charlton. Vue perspective, la petite grille supérieure étant soulevée. Jl HI HI Il | qu toile métallique (ces mailles ont 2 millimètres de côté). Une échelle tracée sur le fond incliné, permet de lire à 1 dixième Fig.5.— Fond montrant l'échelle graduée. de millimètre près le niveau du liquide quand les Abeilles ne peuvent plus l’atteindre. | Le deuxième est le glossomètre Legros (fig. 4 et 5). Les Abeilles y puisent le sirop'à travers des trous de 2 millimètres de diamètre, percés dans le couvercle d’un vase suspendu à la Cardan. La mesure du niveau est indiquée par la tige d’u flotteur en liège. L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 241 La mesure obtenue par ces instruments n’est pas absolue, bien entendu, mais elle permet de voir nettement s’il existe F SR RE RE M EUR E m FE Den ee tt tn — à AT 1 dE Fig. 4. — Glossomètre Legros. Vue d'ensemble. Fig. 5. — Coupe schématique. dans le rucher certaines ruches dont les Abeïlles ont la langue plus longue que les autres et de les réserver pour l'élevage. Le thorax porte les deux paires d'ailes, et trois paires de pattes. Les pattes antérieures portent un petit organe spécial pour nettoyer les organes et la trompe. Les pattes postérieures sont munies de brosses pour re- cueillir le pollen et de corbeilles pour le recevoir après qu'il a été mis en pelotes par les autres pattes. L'abdomen est formé de six anneaux. Plusieurs d’entre eux portent à leur partie ventrale des plaques où se fait la sécré- tion de la cire. Cette substance s’en détache sous forme de lamelles pentagonales. L'extrémité de l’abdomen est munie d’un aïguillon que l'Abeille fait saillir à volonté. Il est creusé d’un canal par le- 4 SR 242 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. quel s'écoule le venin que sécrètent des glandes spéciales ; sa pointe est barbelée, de sorte que, presque toujours, il s’ar- rache et reste dans la plaie quand l'Abeille s'échappe après avoir piqué. Elle meurt de sa propre blessure. Les effets de cette piqûre ne sont ordinairement pas graves. Si l’on reçoit plusieurs piqûres successives, il se produit une sorte de vaccination, la douleur devient très supportable, l’enflure presque nulle. C’est d’ailleurs un excellent moyen de guérir les rhumatismes. Je ne vous décrirai pas l’anatomie interne de l’Abeille. Je vous ferai seulement remarquer qu’il existe deux estomacs dont le premier appelé jabot, sert à transporter dans la ruche le nectar recueilli dans les fleurs. J’appellerai aussi votre attention sur les ovaires dont le développement est presque nul. C'est qu’en effet les Abeilles que vous voyez partout sont des femelles qui ne pondront pas, et dont les pattes et la trompe se sont adaptées à des fonc- tions spéciales. On leur a donné le nom d’ouvrières. On voit pourtant, mais rarement, des ouvrières pondeuses. Leurs œufs ne donnent naissance qu’à des mâles, et quand les autres Abeilles ne les détruisent pas elles-mêmes, l’apiculteur se hâte de le faire. Mais dans chaque ruche, on trouve une femelle, une seule, dont les ovaires sont au contraire très développés, dont la trompe est plus courte et les pattes dépourvues de brosses et de corbeilles. C’est la mère. On l’appelait autrefois le roi, puis on l’a appelée la reine. Le nom de mère seul lui con- vient, elle pond et ne fait que cela. Sa ponte à certains moments, s'élève au chiffre de trois à quatre mille œufs par jour. Enfin, dans la ruche et autour du rucher, vous pourrez voir au printemps et en été une troisième forme d’Abeilles : ce sont les mâles ou faux bourdons. Ils sont plus gros que les ouvrières, leurs yeux composés sont développés au point de se réunir au sommet de la tête. Is n’ont ni aiguillons, ni brosses, ni corbeïlles. Leur trompe est très courte, juste ce qu’il faut pour manger le miel dans la ruche. Leur unique fonction consiste à assurer la repro- duction de l'espèce. L'’ouvrière seule travaille, va aux provisions, construit les rayons, élève les jeunes. L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 243 . Les rayons sont formés de cellules hexagonales adossées les unes aux autres. Il y en a de petites pour l'élevage des ouvrières, et de plus grandes pour celui des mâles. Les unes comme les autres servent à l’occasion à emmagasiner le polien et le miel, et pour que ce dernier ne s'écoule pas aussi facilement au dehors, elles sont légèrement inclinées. On trouve enfin dans les rayons une troisième sorte de cellules, plus grandes encore, ovales, servant à élever les larves de femelles. ET Au fond de chaque cellule, la mère ou femelle va déposer un œuf fixé debout par une de ses extrémités. Le second jour, il s'incline; le troisième, il est complètement couché; le qua- trième, on peut en voir sortir une petite larve blanche sans pieds, contournée sur elle-même, Les ouvrières la nourrissent d’abord d’une gelée blanche élaborée dans leur estomac. La larve de mère ne recevra pas d'autre nourriture, mais pour les larves ordinaires, elle est bientôt remplacée par un mélange de miel, de pollen et d’eau. _ Cette gelée blanche jouit de telles propriétés que, quand la mère vient à disparaître de la ruche, soit accidentellement, soit quand on l’enlève volontairement, les ouvrières, choi- sissant un œuf de moins de trois jours, élargissent sa cellule qui prend le nom de cellule de sauveté et, nourrissant la jeune larve uniquement de cette gelée spéciale, en obtiennent une mère féconde dite mère de sauveté qui, après sa sortie nuptiale, reprendra la ponte interrompue de la première mère. Les apiculteurs ont là un moyen précieux et facile d’aug- menter le nombre de leurs ruches, car la mère enlevée, mise dans une ruche vide avec des ouvrières, aura vite recons- titué une nouvelle colonie : c’est l’essaimage artificiel. Mais revenons à nos larves. : Au bout de cinq jours, la cellule d’ouvrière est operculée . par les Abeilles, c’est-à-dire fermée avec un couvercle de cire légèrement bombé. La larve de mäle le sera au bout de six jours, son cou- vercle est fortement bombé. La cellule de mère est operculée au bout de cinq jours. Une fois enfermées, les larves subissent des mues, se filent une coque soyeuse et se transforment en chrysalides ou nymphes. AJ | s "SN IP TO Re 244 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. L'ensemble des œufs, larves et nymphes, a recu le nom de couvain, parce que les Abeilles restent constamment dessus pour conserver la chaleur nécessaire. Voici l'aspect d'un rayon contenant du couvain (1). La métamorphose achevée, la jeune Abeille déchire son cocon, brise le couvercle de cire, sort, étend ses ailes. Les ouvrières la brossent et lui offrent du miel. Cette éclosion a lieu au bout de vingt et un jours après la ponte pour l'ouvrière, vingt-quatre pour le mâle, quinze ou seize pour la femelle, la température étant supposée de 30° en- viron. La jeune ouvrière reste dans la ruche une quinzaine de jours, s’employant à nettoyer les rayons, à nourrir les larves, à produire de la cire. Ses premières sorties seront utilisées à rapporter de l’eau, puis du pollen, puis du miel. Les Abeilles récoltent encore sur les bourgeons une matière résineuse : la propolis qui leur sert de mastic pour calfeutrer la ruche. 1 L'ouvrière vit quelques semaines seulement en été, et quelques mois si elle éclot en automne, alors elle hiverne dans la ruche. C'est à certaines ouvrières qu'incombe le soin de garder l'entrée de la ruche, ce sont les sentinelles ; et aussi de l’aérer en battant des ailes près de la porte, ce sont les ven- tileuses. Les mâles vivent deux à trois mois. Quand ils deviennent génants, ce qui arrive à l’automne, les ouvrières les chassent, et ils meurent de faim. | La mère vit plusieurs années. Le septième jour après l’éclosion, elle sort de la ruche : c’est le vol nuptial, elle en revient fécondée pour le restant de ses jours et commence sa ponte. | ; Un seul mâle a suffi, à quoi servent les autres, puisqu'il y en a plusieurs centaines dans chaque ruche, c'est ce que nous ignorons encore. Pendant toute la belle saison, cette mère pondra et le nombre total de ses œufs peut atteindre cing cent mille dans une année. Elle pondra à son gré des œufs de mâles ou d'ou- (1) M. Clément présente divers échantillons caractéristiques faisant partie de sa collection. L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 245 vrières, et si parfois elle n’a pas été fécondée, la ponte aura lieu tout de même en vertu de la parthenogénèse, mais les œufs seront tous invariablement du sexe mâle, et la ruche, manquant bientôt d’ouvrières, ne tardera pas à être perdue. Au printemps, la ponte est abondante, si abondante que bientôt la ruche devient trop petite pour contenir la popula- tion. Par une belle journée, une partie des Abeilles sortiront en masse, accompagnées de la mère, pour aller fonder ailleurs une nouvelle colonie : c’est l’essaimage naturel. Rarement l’essaim trouve une cavité propre à lui servir de domicile, il s’accroche provisoirement à quelque branche voisine où on le recueille pour lui donner une ruche vide. Les Abeilles de l’ancienne ruche ont eu soin, avant ce départ, d'élever une jeune mère qui remplacera de suite l’ancienne. ; Elles en élèvent même souvent plusieurs. Maïs une seule doit rester. Quand il y a deux ou plusieurs mères dans une ruche, elles s’entre-tuent, c’est le seul cas où on les voie faire usage de leur aiguillon. X X * Connaïssant l’Abeïille, nous allons maintenant étudier les ruches. On les classe aujourd’hui en deux systèmes : ruches fixes et ruches mobiles. Les premières sont chez nous ordinairement construites en osier ou en paille. Elles ont plus ou moins la forme d’une cloche dans laquelle les Abeilles construisent des rayons fixés aux parois (fig. 6). Les deuxièmes sont formées de caisses en boïs qu’on peut agrandir par côté ou par le haut, et dans lesquelles on amène les Abeilles à construire leurs rayons à l’intérieur de cadres mobiles placés parallèlement les uns aux autres, et qu'on peut enlever à volonté. Fixistes et mobilistes (ces deux mots se comprennent sans autre commentaire) furent longtemps d’intraitables adver- saires. Aujourd'hui, l'accord semble vouloir, s'établir par l'apparition d'un troisième parti empruntant au fixisme le nid à couvain ou partie de la ruche occupée par les Abeilles et leurs nourrissons, et au mobilisme le grenier à miel, UPS PRES ECS 7 re dde dre Ms tu ttes d + af "us sf à ten D Sat 6 . CR, CAR, , sa nt 246 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. partie de la ruche dans laquelle les Abeilles amassent leurs provisions. La ruche fixe n’est pas à recommander, c’est un système suranné. D'abord on ne voit pas ce qui s’y passe, mais son - plus grand défaut c’est que, pour récolter le miel, il faut en chasser les Abeilles et couper les rayons. La chasse dans une ruche vide et la taille des rayons de- NÉS À NT Te EPS Fig. 6. — Ruches fixes dans un rucher abrité. mandent une certaine habitude des Abeilles. Aussi beaucoup de cultivateurs se contentent-ils de tuer les Insectes en brûlant sous la ruche une mèche soufrée ; c'est un procédé quelque peu sauvage. On a perfectionné cette ruche en créant la ruche à calotte. C’est une ruche fixe tronquée en haut et sur laquelle on ajoute une calotte ou sorte de panier renversé, ordinaire- ment en paille. Quand cette calotte est pleine de miel on l'enlève et on la remplace par une vide. C’est un achemi- nement vers le mobilisme. Là simple calotte en paille peut être remplacée avec avantage par une hausse perfectionnée ; L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. l'on a alors une ruche mixte (fig. ). Ce mode de culture est commode pour celui qui pe peut pas consacrer beau- coup de temps à ses Abeilles. Si elle nedonne pas un grand rendement, au moins cette ruche coûte bon marché, et les Abeilles n'y sont pas mal- menées, mais on ne voit tou- jours pas ce qui se passe dans son intérieur. Pour nous, la ruche du progrès, c’est la ruche à cadres mobiles. Elle peut s'acrandir à volonté pour le développement de la colonie 247 Ur H EN < (| Fig. 7. — Ruche mixte, composée d'un panier ordinaire et d’une hausse Gariel. ——— QU nn l a —— EE — = A) nant N y À — AL | ki _— Fig. 8.— Ruche verticale (Dadant-Blatt modifiée dite Znternationale), quand une abondante récolte de miel l’a rapi- dement remplie. On l’a dit avec jus- tesse, c'est un livre ouvert. On peut y re- garder à chaque ins- tant, toutefois en ne perdant pas de vue ce principe très important que les Abeilles, pour prospérer, doivent être dérangées le moins sou- vent possible. Il y a un grand nom- bre de ruches mobiles, mais elles se ramènent toutes à deux types : Celles dont l’agran- dissement se fait par le haut et qui sont dites verticales (fig. 8 et 9). Celles qui s’agrandis- 248 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. sent par le côté, et qui sont dites horizontales (fig. 10). Les premières sont formées d’une partie à peu près cubique de 40 à 50 litres de capacité, des- di: tinée au nid à couvain et recouverte 4 d’une sorte de toit. On la remplit de 4 cadres. D: Au moment de la miellée, on place . au-dessus de ce corps de ruche une à seconde caisse sans fond appelée % hausse, remplie également de cadres. Pi: = » 4 Les Abeilles déposeront dans cette “à hausse toutes leurs provisions, et 4 On ce tee quand elle sera pleine, on en pourra De sur les cadres, percé d’une ou- Mettre une seconde en la plaçant ‘# verture pour recevoir un nour- entre le corps de la ruche et la pre- ne - risseur, 5: : Re miere, pour que les Abeilles aient Re moins à monter, puis une troisième, etc., suivant le besoin. 13 Les ruches horizontales (fig. 10) sont formées d’une caisse É: ï. 2 N s HANNEMRKER —@— * Fig. 10. — Ruche horizontale (Layens). Fe allongée de 120 à 150 litres de capacité dans laquelle, au Si moyen de planches horizontales dites de partition, on limite F ? un espace de 90 litres pour le nid à couvain. Au moment de a‘ la miellée, on recule les planches de partition et on ajoute des À cadres. | | à Les cadres, quoique variant de grandeur et de forme sui- 1 4 4 vant les ruches, doivent avoir 10 à 12 décimètres carrés. Ils L'ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET. SES PRODUITS. 249 sont formés en haut d’une traverse dont les extrémités dé- passent pour former points de suspension. Celle-ci doit étre assez forte pour porter le poids du rayon plein de miel qui est d'environ 4 kilogrammes. Les côtés du cadre sont formés de deux montants plus minces que la traverse du haut, mais de même largeur, et en bas se trouve une barre étroite laissant passer l'air largement en dessous. L'épaisseur du cadre est de 25 millimètres environ. Entre les cadres et les paroïs de la ruche, on laisse 1/2 centimètre et au-dessous 1 cent. 1/2 au moins pour la circulation des Abeilles. | Entre chaque cadre, il faut 1 centimètre d'écartement, maintenu par des crochets ou des sortes de taquets. Les cadres sont placés de préférence perpendiculairement à l'entrée de la ruche (c'est ce qu'on appelle en bâtisses froides); c'est la disposition généralement adoptée par les Abeilles elles-mêmes dans les ruches fixes. Dans la bâtisse chaude, les cadres sont placés parallèlement à l'entrée ; avec le premier système l’aération de la ruche se fait beaucoup mieux. La hauteur de l'entrée ne dépasse pas 9 millimètres pour que l’accès en soit interdit aux animaux nuisibles, maïs sa longueur peut atteindre 15 centimètres et au delà suivant l’activité des Abeilles. Au-dessus des, cadres, on laisse un vide de 1 à 2 centi- mètres, surmonté d’un châssis recouvert d’une toile sur la- quelle on peut mettre des coussins quelconques ou des débris de tapis empéchant le refroidissement la nuit et l’é- ‘chauffement le jour, et pour aérer la ruche. on peut percer dans le plateau qui la sup- porte et forme fond mobile une ouverture garnie de toile métal- lique, ouverture qu'on ferme par une porte à ere Fig 1 Fixage de la cire UE ice un cadre; l’opérateur manœuvre l’éperon Woiblet. Un des plus grands progrès de l’apiculture moderne consiste dans l’emploi de feuilles de cire gaufrées imitant parfaitement le fond des cel- Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 17. | 1 lt - « TLITS Lu “ 250 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. lules et sur lesquelles les Abeïlles n’ont plus que des parois latérales à construire. Le temps qu'elles gagnent ainsi profite À |: a la récolte, d'autant plus que pour sécréter la cire, elles con- UT *IDANON JIOUONYT : somment beaucoup de miel, 7 grammes de miel pour un de cire est le chiffre généralement admis. La cire gaufrée a de grands avantages ;'elle oblige les _ Lidil WU ie ‘(orqderdojoud oun seide,p) tige souony = °ey ‘hey L'ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 253 Abeilles à construire des rayons bien droits d’où le miel s’ex- trait facilement sans les détériorer et qui peuvent resservir indéfiniment, d'où économie nouvelle de travail pour les Abeilles. On empêche en outre par ce moyen les Abeilles de cons- truire des cellules de mâles, de sorte qu’on peut limiter à vo- lonté le nombre de ces bouches qui semblent presque toutes inutiles. Les feuilles de cire sont maintenues dans les cadres, par des fils de fer auquels on les soude au moyen de l’éperon Woiblet légèrement chauffé (fig. 11). Les ruches doivent être préservées de l'humidité. On les élève au-dessus du sol au moyen de socles quelconques. Il faut les orienter de facon que l'ouverture soit à l’abri des grands vents. L'endroit où se DOUSERE les ruches s'appelle le rucher. En voici plusieurs exemples : Celui du Luxembourg, à Paris, est um y rucher à l’air libre uniquement destiné à #7 l'enseignement, mais il manque de place Fig. 14. — Uamail. pour un bon élevage. Nous ne sommes pas partisan des ruchers couverts (fig. 12); on y manque ordinairement de place. Les Abeilles se portent mieux dans les ruches en plein air, et s'y trouvent moins exposées aux maladies con- tagieuses. Il est facile l'hiver d’abriter les ruches au moyen de paillassons ou d'un toit léger (fig. 6 et 13), et si l'été on redoute pour elles les ardeurs du soleil, on peut les placer sous des arbres. Quels sont maintenant les soins que récla- ment les Abeïlles ? En février, on fait une visite au rucher. Il faut dégager l’en- trée des ruches des corps étran- gers et des cadavres d’Abeilles qui pourraient l'obstruer, et établir à proximité des vases contenant de l’eau et des récipients garnis de farine de Fig 15, — Gant d’apiculteur. sin, Mer - 7 254 BULLETIN LE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Seigle ou de Légumineuses qui remplace pour les Abeilles le pollen encore absent des fieurs. À En mars et en avril, par une belle journée, se fait la visite des ruches. Les gens timides et inexpéri- mentés se munissent d’un voile ou d’un camail (fig. 14), de gants (fig. 15), et s’arment d'un petit appareil connu sous le nom d’en- fumoir et dont les modèles sont très variés (fig. 16 à 18). Fig. 16. — Enfumoir Clark. L'apiculteur aguerri se con- tente généralement de ce dernier instrument. Il sait que les Abeïlles ne piquent guère que ceux que la peur rend hésitants et brusques dans leurs mou- vements. D'ailleurs il ne s'arrête pas à quelques piqüres. S'il est piqué, il enlève l’aïguillon de la plaie, la mouille de salive et tout est dit. L'enfumoir est indispensable ; la fumée produit sur les Abeilles un effet spécial. On la projette dans la ruche après avoir enlevé le couvercle et soulevé un coin des couvertures. Les Abeilles FiyNate = Rnfumois EL: aussitôt battent des ailes, se gor- cent de miel et font entendre un bruit particulier qu’on appelle le bruissement. À cet état, elles ne cherchent plus ni à fuir ni à piquer. On active le bruisse- ment en frappant les ae.) parois de la ruche, UE mais il faut toujours 7 | employer la fumée | DLL = modérément, sans Fig. 18. — Enfumoir mécanique de Layens. quoi on tuerait les Abeilles. La ruche enfumée, on peut retirer les cadres et les exa- miner sans crainte, nettoyer les plateaux, sécher les cous- sins, et voir si les Abeilles ont encore des provisions. Quand ‘4 * L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 255 elles en manquent, il est nécessaire de leur en donner, ce qui se fait au moyen de nourrisseurs. Il en existe de nombreux modèles (fig. 19 et20), dont le plus simple, que l’on peut faci- lement construire soi-même,consiste en une bouteille remplie de sirop épais, bouchée par une toile et renversée sur une assiette. Le tout est introduit dans la ruche. Quelques apiculteurs se contentent de placer sur les cadres des rondelles décou- pées dans un pain de sucre. L'humidité de la ruche les détrempe sufisamment. Dans tous les cas, les Abeïlles emmagasinent la nourriture donnée dans les cellules où elles la reprennent au fur et à mesure des be- en soins. Re Ce nourrissement est continué jusqu’à Ce Gariel, permet- que les fleurs offrent aux Abeilles une ré- tant de régler et colte suflisante ; il est dit spéculatif parce ee qu'il active la ponte et permet d'obtenir une nombreuse population pour le moment de la grande miellée, époque où les fleurs donnent la quantité maximum de nectar. Il faut des ruches fortes, car il est établi qu'une ruche de qua- rante mille Abeilles par exemple, ; récolte beaucoup plus que deux - ruches de vingt mille chacune. Aussi quand malgré le nourrisse- ment, on a encore des colonies peu nombreuses, on a tout avantage à en réunir deux ou plusieurs dans une même ruche, opération facile avec la fumée. En mai, au milieu d'une belle journée, heure à laquelle les vieilles | ouvrières, les plus méchantes as- Ho A0 Nenescenem ele sure-t-on, sont dehors, on fait une nouvelle visite. Si les cellules de mâles sont nombreuses; on les enlève pour n’en laisser que quelques centaines, sinon il faudrait plus tard détruire ces mâles au moyen de pièges construits ordinairement en tôle perforée (fig. 21) que les ouvrières seules peuvent traverser. Les rayons défectueux sont également enlevés. 296 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Bientôt la récolte va augmenter, il va falloir donner des rayons vides aux Abeïlles pour qu'elles les remplissent. Dans Fig. 21. — Piège à mâles. la ruche horizontale ces rayons sont placés de chaque côté du nid à couvain. De Layens conseillait même d'en remplir la ruche d’un seul coup pour ne déranger les Abeilles qu’une seule fois. Dans la ruche verticale, on place sur le corps de ruche une hausse remplie de cadres garnis de cire gaufrée ou de rayons vides. Les hausses recoivent parfois de très petits cadres auxquels on a donné le nom de sections (fig. 22). Une fois remplis de miel par les Abeilles, ils sont vendus tels quels (fig. 23) aux amateurs qui tiennent à avoir du miel Hatnr absolument pur. Ces sections peuvent d’ail- Re leurs également se placer dans les grands cadres des ruches horizontales. En juin et juillet, on voit le soir les Abeilles arriver lour- dement, s’entasser sur le plateau, se presser à l'entrée de la ruche dans l’intérieur de laquelle s’entend up fort bourdonnement. C’est pour l’api- culteur le moment de récolter à son tour. En revenant des champs, l’Abeille dé- pose le miel dans la première cellule venue près de l'entrée de la ruche où s’évapore l'excès d’eau qu'il contient. Il perd environ le quart de son poids et alors seulement est emmagasiné définitivement dans le grenier. Quand les cellules sont pleines, les Abeilles les ferment d’un mince couvercle de cire plat après avoir introduit dans le Fig. 25. — Section terminée. L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS: 251 miel un peu d'acide formique sécrété par les glandes de l'ai- guillon. Ce miel operculé se conservera indéfiniment, c’est dans cet état seulement qu'il doit être récolté. Avec les ruches à cadres, la récolte est facile. Si l’on a affaire à une ruche verticale, on enlève les hausses pleines après enfumage pour en chasser les Abeïlles. Si c'est à une ruche horizontale, les cadres pleins sont retirés un à ur, les à Fi g. 24. — Brosse à Abeilles. Abeilles brossées au 110 YEN d’une plume d’oie ou d’une brosse spéciale (fig. 24). Le chasse-Abeilles (fig. 25) rend également de grands ser- n “F f Jeénset . Go Fig. 25. — Chasse-Abeilles. vices. Cet appareil, placé la veille de la récolte, au soir, entre la ruche et la hausse, permet d’enlever cette dernière le lendemain matin exempte d’Abeilles, elle permet aux Insectes de sortir de la ruche, maïs non d'y rentrer. Ces cadres sont réunis dans une boîte fermant bien, sinon gare au pillage. Les Abeilles se jettent sur les rayons à leur portée et une fois mises en goût, pénètrent dans les ruches faibles pour y voler le miel; un désastre s'ensuit. Les rayons récoltés sont Faces au moyen d'un couteau spécial Fig. 26. — Couteau à désoperculer. trempé dans l’eau chaude (fig. 26), et soumis à la force centri- fuge dans l’extracteur (fig. 27). En un instant, ils sont vidés et le soir on les rend aux Abeilles qui les nettoient, les réparent, et les remplissent de 258 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. nouveau si les fleurs donnent encore. Sinon on les enlève pour s’en resservir l'année suivante. : Dans la récolte, il faut être prévoyant et laisser aux Abeilles des provisions suflisantes pour leur propre usage. A la fin d'août, une nouvelle vi- site est nécessaire. On égalise les provisions en donnant aux colonies pauvres ce que les autres peuvent avoir de trop. à Pour évaluer la quantité de miel que possède chaque ruche, il suffit de savoir que 1 kilogramme de miel occupe dans un rayon, en comptant les deux faces, 3 décimètres carrés, et qu'une ruche moyenne a besoin, pour passer l'hiver, de 15 à 18kilos” de provisions. Fig. 27. — Extracteur. On profite souvent de cette der- nière visite pour remplacer les vieilles mères épuisées ou défectueuses par des jeunes, éle- vées spécialement dans ce but. Je ne m'étendrai pas sur cette opération délicate du rem- placement, ni sur cet élevage spécial, la nouvelle école tendant à laisser aux Abeilles elles-mêmes le soin de ce rem- placement. Avant l'hiver, les hausses sont enlevées, les rayons défec- tueux et ceux à cellules de mâles sont supprimés. Les cadres sont recouverts de couvertures etude coussins isolants (balle d'avoine, mousse, etc.) disposés de facon à ne pas gêner la circulation des Abeilles. La ruche est soulevée légèrement sur des cales pour que l'air y circule facilement, mais pas assez pour que les Mulots puissent y pénétrer. Le plateau est légèrement incliné pour laisser couler au dehors l’eau de condensation qui descend des parois de la ruche. On ne SNS AE ANR bn, = ‘le redressera au printemps pour que les rayons soient cons- truits bien droit. Les ruches pourront être alors garnies de païllassons, et il ne reste plus qu’à attendre le printemps suivant. L'apiculteur, pendant l'hiver, met son matériel en état, construit des ruches, des cadres, etc., s’il en a le temps. { L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 259 * X x Je vous ai fait un tableau sans mélange de l’apiculture, mais il est demon devoir de vous dire qu'ici comme ailleurs la médaille a son revers. Les années ne sont pas toutes bonnes pour les Abeilles. Les grandes sécheresses comme les saisons pluvieuses leur sont funestes. Elles souffrent de toutes les intempéries, et en outre elles ont des maladies et des ennemis. Les maladies ne sont pas heureusement très nombreuses, mais l’une d'elles, la loque ou pourriture du couvain, est parti- culièrement redoutable. Elle cause parfois de telles pertes que nos voisins d'Outre- Manche et d'Outre-Rhin s’en . sont émus au point de pro- mulguer à ce propos certaines loïs d'interdiction. Peu commune en France, commune au contraire en Italie, la loque est due à un microbe, le Bacillus alvei (fig. 28). Les premiers symptômes passent inaperçus, puis les opercules du couvain se dé- priment, se percent d’un trou. Fig. 28.— Bacille de la loque (Bacillus alvei), fortement grossi, Le contenu des cellules est à. Batonnets simples. complètement décomposé, le b. Batonnets plus âgés contenant des spores. rayon tout entier tombe en pourriture et répand une odeur nauséabonde caractéristique. La contagion répand la maladie aux alentours. Jusqu'ici, on n’a pas trouvé de remède certain. Le plus sûr est encore de sacrifier la ruche et de brüler tout ce qui est contaminé, quoiqu'on assure avoir obtenu de bons résultats par des lavages à l’eau fortement acidulée et divers désin- fectants très énergiques. | Les ennemis sont plus nombreux queles maladies, mais plus faciles à combattre. *Le pire, tout le monde est d'accord là-dessus, c’est l'homme, mais hâtons-nous de le dire, l’homme ignorant qui soigne 260 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. mal ses Abeilles, et au besoin les tue pour prendre leur miel et leur cire. Vient ensuite la Fausse teigne (fig. 29, 30 et 31), dont les Chenilles se filent des galeries dans les rayons qu'elles rongent. Les fortes colonies s’en débarrassent souvent elles-mêmes. Le Sphinx tête de mort (fig. 32), par son volume, cause bien du désordre dans les ruches où il pénètre. Averties de sa pré- sence par son chant (car il possède un cri aigu), les Abeilles s'en défendent en dimi- nuant au moyen de propolis l'entrée de leurs ruches: elles ne laissent que de petites entrées par où elles puissent pénétrer seules. : Les Guépes, les Frelons, les Asiles, les Libellules dévorent les Abeïlles. Le Philanthe apivore (fig. 33) les paralyse au moyen de son aiguillon, et les donne en pâture à ses larves. Les jeunes larves de Méloé ou Triongulins s’accrochent aux, poils des Abeilles quand elles butinent sur les fleurs, se font transporter dans la ruche, man- gent les œufs qu’elles trouvent dans les cellules. Elles ne semblent pas pouvoir vivre longtemps dans la ruche parce qu'après les œufs il leur faudrait du miel, et les Abeilles ne leur en don- nent pas! Mais quand elles sont nombreuses, elles irritent les Abeïlles au point de pouvoir cau- ser leur mort. Un parasite curieux est le Pou des Abeilles ou Braula cæca (fig. 34). C'est une Mouche sans ailes qui se promène sur le corselet et la tête des Abeilles. D'après M. Perez, quand elle veut manger, elle se porte vers la bouche de l’Abeiïlle, y produit une titillation qui oblige Fig. 29. Fausse teigne {Galleria cerella). (= Fig. 50.— Sa chenille. Fig. 51. — Ses cocons. L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 261 celle-ci à dégorger un peu de miel, et se met à table. Les Oiseaux, le Blaireau, le Putois, le Crapaud mangent les Abeilles. Fig. 52. — Sphinx tête de mort (Acherontia atropos). Certaines plantes en font mourir un grand nombre. La Sétaire, par exemple, les accroche au passage, les Ascle- pias les prennent par les pattes dans leurs corolles (fig. 35). Enfin les Abeilles ont aussi des parasites internes qui les déciment. Je voudrais maintenant vous dire quelques mots des produits des Abeilles. Fig. 54. La cire a de nombreuses Pou des À beilles à ; = (Braula cecu) applications dans l'industrie fortement grossi. et l’économie domestique. Elle fond vers 65°, est un peu plus légère que l'eau qui ne la dissout pas. Les huiles, les graisses, les essences, la benzine, l’alcool, le sulfure de carbone, etc. la dissolvent tres facilement. Au moment de sa production, elle est blanche et jaunit ensuite. Exposée aux rayons du soleil, elle redevient com- plètement blanche. On la prépare en faisant fondre au bain-marie, les débris . de rayons et les rayons qu'on ne veut pas conserver. On se Fig. 55. Philanthe apivore (Philanthus apivorus). L.2- 7 262 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ‘ -sert aussi du purificateur solaire (fig. 36). L'opération est très facile et la falsification de la cire aussi. Le miel, c'est le nectar des fleurs modifié chimiquement dans le jabot des Abeilles, sous l’in- fluence d’une substance particulière, l'invertine.. Le nectar n’est pas seulement pro- duit par les fleurs, certaines plantes présentent des nectaires, ailleurs que dans les fleurs, à la base des stipules, par exemple, et les Abeilles recueillent aussi d’autres matières sucrées : la miellée exudée par les feuilles de cer- tains arbres, pendant les chaudes jour- nées d'été, et la liqueur si recherchée M Eee des Fourmis, qui suinte des cornicules clepias, retenant une des Pucerons. C’est le miellat, qui.four- Abeille prise par une ;jf d'ailleurs un miel détestable. pote Le miel conserve le parfum des fleurs, mais malheureusement aussi leurs propriétés vénéneuses quand elles en ont. Les usages du miel sont nombreux. Il peut remplacer le Fig. 56. — Purificateur solaire. sucre absolument partout, et c’est un remède excellent pour une quantité d’indispositions. Dans une foule de maladies, il peut faire beaucoup de bien. Il entre dans la fabrication du pain d'épices, du nougat, dela chartreuse, etc. Par la fermentation, il peut servir à la préparation de bois- sons essentiellement hygiéniques. J’appelle toute votre atten- il bon de chauffer un peu L'ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 263 tion sur ce point. La plus importante est l'hydromel. Il existe plusieurs méthodes pour le fabriquer, celle de de Layens est une des meilleures. On met dans un tonneau 5 livres de miel dissous dans 5 litres d’eau, on ajoute comme ferment du pol- len recueilli dans la ruche, ou mieux encore un ferment de vin quelconque. Quand la fermentation est terminée, on ob- tient un liquide titrant 15 à 17° d'alcool, d'un goût excel- lent et supportant bien l’eau, si l’on veut en faire une boisson ordinaire de table. La fermentation est longue quand la température est basse; aussi en hiver est- le liquide. Le tonneau de M. Legros nous paraît un appareil commode pour cet usage (fig. 37). L’'œnomel est aussi une ex- cellente boisson. On le pré- pare en employant pour la fermentation un mélange de miel et de raisin, ou encore I renpanr sonne Fig. 57. — Tonneau de M. Legros le sucre par du miel dans pour la fermentation de l’eau miellée (1 Je les vins du seconde cuvée. On peut de même faire de l’eau-de-vie, du vinaigre, et toute espèce de liqueurs avec le miel. Il y a là un débouché important et assuré pour la surpro- duction du miel, si elle venait à se produire, aussi on ne saurait trop propager le goût de l’apiculture. L’instituteur, le desservant, le petit cultivateur trouveront là une source de profit, sans beaucoup de travail. Leurs champs, leurs vérgers, leurs jardins seront plus productifs. Ils auront, sans grands frais, du miel pour leur consommation, et s'ils ne trouvent pas à vendre l’excédent, ils le transformeront en boissons (1) À, tonneau destiné à recevoir le liquide en fermentation ; B, moitié de tonneau servant de support; D, appareil en fer blanc fixé sous le orme A ; G, ouverture servant Sintroduire la lampe à pétrole E; F, enveloppe isolante soutenue par des bâtons. 4 | % | | E 3 Ta g + É x Le: : "+ SE UNSS ?. nr a 4 * BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 264 excellentes. La vente de la cire est toujours facile, et d'ail- leurs, par les méthodes modernes, on peut facilement amener les Abeilles à n’en produire que peu et à employer tous leurs labeurs à la récolte du nectar. _ À ces avantages multiples, il faut en ajouter un autre plus grand encore pour celui qui est sensible aux merveilles de la nature et pour qui l’apiculture prend vite un charme pas- sionnant. Rien de plus attachant, en effet, que l'observation de ce laborieux Insecte pour lequel l'homme s’est passionné depuis la plus haute antiquité, que tous les poètes ont chanté, que tant de savants ont observé, et qui, pourtant, nous cache encore bien des secrets. Pour celui qui veut, avant tout, en tirer un profit, disons qu’en année moyenne une ruche rapporte une quinzaine de francs, et que la production en France s'élève, d’après les statistiques officielles, à plus de 10 millions de francs pour le miel et à 5 millions pour la cire. ; A tous je conseillerai donc hardiment d'élever des Abeilles, et à vous, Mesdames et Messieurs, je ne craindrai pas de demander de faire de la propagande en vous disant merci pour la bienveillante attention que vous avez bien voulu m'accorder et dont je crains d’avoir abusé. 265 NOTE SUR LE MACHÆRIUM TIPA DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE (1) par Charles NAUDIN. Le Tipa (Machœærium) est un arbre de l'Argentine, appar- tenant à la famille des Légumineuses et l’un des plus précieux que nous possédions pour orner et ombrager les jardins publics, les boulevards et les avenues des villes dans les climats tempérés-chauds. On le plante à profusion dans le sud de l'Amérique où on ne lui connaît jusqu'ici aucun rival pour le but qu'on se propose. Ses feuilles, caduques au sortir de l'hiver, sont composées d'une vingtaine de folioles d’une belle verdure : ses nom- breuses inflorescences en corymbes portent des fleurs d’un jaune vif, avec une macule violette à la base ; il leur succède des fruits ailés qui ont une grande ressemblance avec ceux des Erables et qui sont dispersés au loin par les vents. L'arbre lui-même n'est pas moins recommandable par son port et son épaisse frondescence à demi-étalée et arrondie en dôme très ombreux. Le tronc s'élève droit, à quelques mètres au-dessous des premières branches ; sa couleur est d’un brun foncé qui tire sur le noir, et son diamètre atteint ou dépasse 0,70 cm. Par son tempérament, le Tipa peut être comparé aux Eucalyptus, dont il a la croissance rapide et une certaine résistance aux froids modérés ou de peu de durée. Outre sa beauté décorative, le Tipa a encore des qualités dont il faut tenir compte. Son bois, un peu léger, blanc ou un peu jaunâtre suivant les variétés, est propre à tous les tra- vaux de menuiserie; son écorce est riche en tannin et peut être employée dans l'industrie des cuirs; enfin, ses feuilles sont un bon fourrage pour les bestiaux qui les mangent avec plaisir. Ainsi donc, à ces divers points de vue, l'introduction du Machcærium Tipa s'annonce comme devant étre avanta- geuse tant dans nos colonies que dans les pays tempérés où réussissent à l'air libre les Eucalyptus et les Orangers. (1) Communicativn lue à la Section de Botanique le 14 mars 1899, C'est l’une des dernières notes écrites par Charles Naudin, décédé comme l’on sait le 19 mars 1899. Elle porte la date du 2 mars. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 18, 266 RÉSULTAT DES SEMIS FAITS EN 1898 A LA VARENNE SAINT-HILAIRE (SEINE) DE GRAINES DISTRIBUÉES PAR LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION REMARQUES SUR LA RUSTICITÉ DE FIGUIERS, GRENADIERS, ETC. SOUS LE CLIMAT DE PARIS (1) par Charles MAILLES. Haricot des Antilles. A poussé avec vigueur. Quelques gousses ont muüri complètement. Feuillage élégant, fleurs petites, insignifiantes. Jolie plante grimpante. Doit être placée à une exposition chaude. Hypericum canariense. À parfaitement germé, bien poussé ; puis, sans cause apparente, tous les pieds ont séché à l'automne. Lavatera arborescens (?). Est-ce un synonyme de ZL. ar- borea? A bien levé, poussé vigoureusement. J'espère voir fleurir ces plantes en 1899. Radis géant(?) du Turkestan. Ressemble un peu au Radis rose de Chine, n'est pas devenu plus gros qu'un Navet ordi- naire. Saveur agréable, souvent extrêmement piquante. Vitex incisa. Nommé avec doute par M. Naudin, qui l'avait envoyé. Je crois pouvoir aflirmer que c’est bien le V. incisa. A bien levé, bonne réussite. Acacia Julibrissin. Plantés en 1898. Ont passé l'hiver, doux d’ailleurs, sans abri et ont parfaitement résisté (deux sujets). Figuiers. Quatre pieds, dont trois, hauts de 3",50 à 4 mètres, vigoureux et fructifiant bien. Résistent parfaitement, sans abri depuis huit ans. Grenadiers. A fleurs simples et à fleurs doubles, pleine terre, sans abri. Plusieurs sont plantés en haie, loin des murs, d’autres contre un mur, très résistants depuis neuf ans. Melia Azedarach. Deux sujets, en pleine terre, âgés de huit ans, ayant environ 4 mètres de hauteur, ont fleuri abon- damment en 1898, très beaux arbres, résistent d’une facon remarquable, sans abri. (1) Communication faite à la Section de Bolanique le 14 mars 4899, LES TRAVAUX DE ZOOLOGIE ET DE BOTANIQUE APPLIQUÉES PRÉSENTÉS AU 37e CONGRÈS DES SOCIÉTÉS SAVANTES DE PARIS ET DES DÉPARTEMENTS, RÉUNI A TOULOUSE EN 1899. Rapport adressé à la Société d'Acclimatalion par A. de SAINT-QUENTIN, Délégué par la Société à ce Congrès. Monsieur le Président, Les travaux du Congrès auprès duquel le bureau de la So- ciélé d’'Acclimatation m'a fait l'honneur de me désigner comme l’un de ses délégués, ont été aussi nombreux que re- marquables. Mais ayant la mission spéciale de recueillir et de signaler les communications utiles au but de notre Société, j'ai dû m'attacher surtout à suivre les séances des deux sous- sections de zoologie et de botanique, et à assister à la réunion générale des sections qui a clôturé les travaux du Congrès. En effet, si remarquables que fussent d’ailleurs les études dont on a rendu compte dans les autres sections, elles n'avaient aucun rapport avec celles de notre Société, ou du moins n’of- fraient qu'un médiocre intérêt pour l’acclimatation. Ii m'a, du reste, été d'autant plus facile de suivre attentive- ment les séances des sous-sections de zoologie et de botanique qu'elles n’ont jamais été simultanées. Dans la section de géo- graphie, on aurait peut-être pu glaner quelques données utiles sur les produits susceptibles d'être acclimatés dans d'autres régions; mais cette section a tenu ses séances en même temps que celle de botanique, ce qui m'a empêché d'y assister. D'ailleurs, d’après la nomenclature des sujets abordés et d’après ce qui m’a été dit, l’on n’y a traité aucune question qui pût intéresser notre Sociélé. Je crois devoir réunir, d’abord, tout ce qui concerne la zoo logie et, ensuite, tout ce qui se rattache à la botanique, bien que les séances aient été tenues alternativement. 268 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ZOOLOGIE. A la première séance, M. Marcailhou a vivement intéressé - l'auditoire avec un travail remarquable sur la présence presque constante de l’Zsoëles dans les lacs et les cours d'eau de l'Ariège, des Pyrénées-Orientales et du Val d’Andorre où se plait la Truite. Ce végétal aurait donc une relation directe ou médiate avec l'alimentation de la Truite. Cet exposé, fruit de longues et patientes recherches, bien que n'ayant pas trait directement à l'acclimatation, pourrait être consulté utilement par ceux de nos confrères qui s'occupent de pisciculture et principalement de Salmonides. Puisque je suis sur le chapitre des Salmonides, je dois signa- ler ici quelques observations d'un membre de la sous-section qui s'est élevé contre les tentatives d'introduction dans nos eaux, des Salmonides exotiques, et, principalement, de la Truite arc-en-ciel, que l'on voudrait, d'après ce qu'il semble croire, substituer à notre Truite indigène, qui lui est supé- rieure au point de vue gastronomique. Il est vraiment extra- ordinaire de constater combien on trouve encore de per- sonnes se faisant une idée fausse de l’objectif de notre Société, et qui s'imaginent que toute acquisition d’une plante ou d'un animal utile a pour but de supprimer et de remplacer ceux que nous possédons déjà. L'honorable congressiste auquel je fais allusion partage évidemment cette erreur en ce qui con- cerne les Truites. Personne ne songe, en effet, à remplacer notre excellente Truite des Pyrénées par son congénère amé- ricain et à lui substituer le Salmo irideus. La domestication de la Pintade n’a jamais eu pour but ni pour résultat de sup- primer la Poule; l'adoption du Maïs et du Sarrasin n’a pas fait semer un seul grain de Blé de moins. En cherchant à accli- mater la Truite arc-en-ciel, on veut simplement enrichir les eaux de France qui ne sont ni assez froides, ni assez vives pour permettre à la Truite indigène d'y vivre, on veut les en- richir, dis-je, d'une nouvelle Truite pouvant y vivre et s’y reproduire; et, si cette dernière est réellement inférieure comme qualité à celle que nous possédons déjà, elle n’en cons- tituera pas moins un Poisson fort délicat, comme tous les Sal- monides. Il ne faut pas perdre de vue non plus, l’augmenta- tion du produit que les eaux fournissent à l'alimentation. Des RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE TOULOUSE. 269 essais répétés paraissent avoir démontré que, même les eaux stagnantes des étangs à Carpes, offrent à la Truite arc-en- ciel un habitat où elle se développe parfaitement, tandis que la Truite de nos montagnes n’y vivrait pas quinze jours, sur- tout en été. Ilen est de même du Saumon de Californie qui, j'en ai le ferme espoir, sera un jour naturalisé dans l'Hérault où jamais l’on n’a pu acclimater le Saumon d'Europe. Au surplus, dans cette première séance, la question des Salmonides, et surtout des Truites, a été traitée longuement. Notre collègue, M. le docteur Audiguier et M. Jammes ont exposé des considérations et relaté des expériences fort inté- ressantes sur la plasticité avec laquelle le corps des Truites se modifie suivant l'habitat où l’on place ce Poisson. Sa forme, sa couleur, ses allures se mettent rapidement en rapport avec son nouveau séjour, conformément à des lois constantes. À la séance du lendemain, on a présenté de remarquables notices, mais sur des sujets ne rentrant pas dans le cadre de nos études. Je n’en mentionnerai qu’une, sans l’analyser. C'est une communication de M. le professeur Sabatier, de Montpellier, sur la morphologie des membres pairs et impairs des Poissons osseux et cartilagineux. œuvre de zoologie pure et d'anatomie comparée, d'une haute portée. Je signaleraïi, parmi les autres communications, le travail original, ingénieux et très intéressant de notre confrère, M. Rogeron, sur les particularités du plumage chez le Canard sauvage. Cette belle étude, faite à un point de vue entière- ment nouveau, ouvre la voie à des observations qui apporte- ront sûrement à l'ornithologie des éléments d’une grande valeur (Voir ci-dessus page 201). Je me permettrai seulement, non pas une critique, mais une simple remarque sur l'impression que m'a causée de prime- abord l’énoncé du titre. L’acception généralement attribuée au mot plumage, par la plupart des gens, équivaut à celle de coloration externe, de robe, de disposition des teintes, etc... C'est évidemment une déviation du sens exact; mais enfin elle est positive et générale. Elle date d’ailleurs de longtemps. Dans La Fontaine, le Renard dit au Corbeau : Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage 270 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Et dans Florian, Junon dit au Paon : Je t’enlèverai ton plumage. : Je cite de mémoire; mais le mot est bien employé dans le sens que j'indique. Dans les deux cas, il s’agit de coloration brillante. Aussi ma première impression, en voyant le titre de la notice, fut qu'il s'agissait de singularités dans la livrée, dans la robe du Canard sauvage. Telle n’est pas, cependant, l'idée de l’auteur. Peut-être une autre expression que celle de « plumage », exprimerait mieux la nature des observations de notre confrère ; quelque chose comme : « singularités dans » l'état des plumes du Canard sauvage, selon quil vole ou » qu'il se repose; ou bien: « état physiologique des -plumes » du Canard sauvage, dans le repos et dans le vol. » S'il pense que ma réfiexion a quelque valeur, M. Rogeron trouvera, mieux que moi, un titre ayant toute la précision dé- sirable. Quoi qu’il en soit, avec ou sans titre nouveau, son travail n’en reste pas moins une excellente contribution aux études ornithologiques. M. Malet, professeur à l'école vétérinaire de Toulouse, pré- sente une étude sur l’engraissement du Cheval de boucherie. D'après ce qu'il a observé, des Chevaux amenés à l’abattoir sont souvent refusés par suite de leur état de maigreur et d'épuisement. Ces animaux sont vendus ensuite à des équar- risseurs qui en donnent un prix dérisoire. Selon les expé- riences faites par M. Malet, les Chevaux destinés à la bou- cherie, étant soumis pendant un mois ou même trois semaines à un régime qui n’entraine qu'une cinquantaine de francs de dépense, acquièrent un embonpoint relatif et un air de santé tel que les bouchers les paient facilement 100 francs et plus. Le régime préconisé par M. Malet est le suivant : donner par jour, 7 litres de paille hachée et 7 litres de son. Je ne signalerai que pour mention les objections faites par un ou deux membres de la sous-section, qui paraissaient croire que ceux qui ont préconisé l’hippophagie ont eu pour but de substituer la viande de Cheval à celle de Bœuf. C’est toujours le même malentendu que pour la Truite arc-en-ciel. M. Malet a simplement pour objectif, puisque l’hippophagie est aujourd'hui d’un usage général, de rendre meilleure la viande des Chevaux utilisés pour la boucherie; en second lieu RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE TOULOUSE. 271 d'utiliser quelques Equidés qui seraient perdus pour la con- sommation sans l’engraissement qu’il recommande, et, enfin, de permettre à ceux qui veulent se défaire de leurs vieux Chevaux, d'en obtenir un prix aussi avantageux que possible. BOTANIQUE. Comme à la sous-section de zoologie, plusieurs membres inscrits pour prendre part aux travaux du Congrès n’ont pu y assister; d'autre part, quelques communications inat- tendues ont été faites à la sous-section de botanique. La pre- mière séance a débuté par une communication de M. Comère tendant à prouver que l’Hydrodictyon femorale d'Arrondeau ne constitue pas une véritable espèce, réellement distincte de l’Æydrodicltyon utriculatum de Roth. Je ne fais qu'in- diquer ce travail de botanique pure qui, à cause des expé- riences et des observations délicates qu'il exigeait, présente une grande valeur scientifique. La deuxième communication a été faite par M. G. Héron, propriétaire. Elle est surtout agricole et pratique, et, à ce point de vue, offre beaucoup d'intérêt. Je la recommande donc à ceux de nos confrères qui s'occupent de viticulture. C'est une suite d’études et d'expériences méthodiques pour- suivies patiemment et consciencieusement, dans le but d’é- tablir que la taille longue de la Vigne qui, généralement, amène une production de vin plus abondante, ne nuit pas nécessairement, comme on l’a cru jusqu'à présent, à la qualité de ce vin. Il y a, en effet, plusieurs cépages cultivés dans le sud-ouest de la France, auxquels la taille longue ne porte nullement préjudice, en ce qui concerne la qualité du vin. Les analyses comparatives des produits obtenus avec les deux tailles le démontrent clairement. Il en est d’autres auxquels la taille longue ne nuit que d’une ma- nière insignifiante. On peut, dès lors, en choisissant les cé- pages et en traitant méthodiquement ceux que l’on possède, arriver à obtenir le plus de vin possible, sans affaiblir en rien la richesse en alcool et la finesse du bouquet de ce vin. Les observations de M. G. Héron ont été faites avec soin et paraissent très concluantes. Je n'ai pas besoin de faire ressortir quel résultat avanta- geux les travaux de M. Héron peuvent avoir pour la viticul- 272 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ture. Il a mis sous les yeux des assistants de belles photo- graphies de chacun des cépages qui ont fait l'objet de ses expériences, ainsi que des tableaux des analyses des vins obtenus par l'emploi de diverses tailles. M. Héron continuera d’ailleurs ses études, qui sont nécessairement un peu lentes, chaque expérience exigeant une année entière. Il serait à désirer que les viticulteurs des autres régions de France, sui- vissent l'exemple de M. Héron, et que des tableaux synop- tiques, faciles à établir d'après les documents obtenus, fussent placés par les soins de l'autorité, dans les écoles et les maïi- ries des localités viticoles. Voici le titre que M. G. Héron a modestement donné à l'ex- posé de ses travaux, qu'on ne saurait trop encourager : « Observations sur quelques cépages cultivés dans le Sud- x Ouest, suivies d'analyses précises sur la composition de » leurs vins. » M. Laurens, qui prend ensuite la parole, fait une commu- nication sur l'abandon immérité de la culture du Topinam- bour, autrefois très cultivé dans le Lauraguais et sur la valeur de cette plante pour la nourriture des animaux domes- tiques. Il résulte de l'échange des opinions qai a suivi l’ex- posé de M. Laurens, que l'abandon du Topinambour est dû à des causes très complexes et que les motifs de cet abandon ne le justifient pas toujours. Dans plusieurs cas, il est regret- table. En effet, dans les parties du Lauraguais où l'on a subs- titué les prairies artificielles au Topinambour, les séche- resses compromettent souvent la récolte du Trèfle ou de l'Esparcette, tandis que le Topinambour parait insensible à presque tous les inconvénients météorologiques. Dans la séance qui a eu lieu le lendemain, parmi diverses communications n'ayant pas d'intérêt pour l'acclimatation, j'ai remarqué un beau travail de M. Lamic, sur la flore de la région Sud-Ouest de France. Parmi les observations qu'on y trouve, il en est quelques-unes qui m'ont engagé à le men- tionner ici comme curieux et intéressant pour nous. Ce sont les importations et les acclimatations effectuées par la nature elle-même, au moyen des semences et des boutures jetées sur nos côtes, par le grand courant marin du Golfe du Mexique qui, après avoir contourné les rivages de ce Golfe, s'échappe par le canal de Bahama et vient mourir en s'épanouissant, RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE TOULOUSE. 973 sur les côtes occidentales de l'Europe, à partir des Iles Bri- tanniques jusqu’au fond du Golfe de Gascogne. M. le docteur Braemer, de la Faculté de Toulouse, a con- tribué à faire oublier l'absence de quelques congressistes inscrits, mais retenus chez eux, en exposant ses vues sur l'u- tilité de la photographie pour l’enseignement de la botanique. Les albums d'épreuves qu’il a fait circuler et qui contenaient des agrandissements de divers organes élémentaires des plantes, donnaient en effet,avec une rare perfection, les détails les plus minutieux de ces organes; chose d'autant plus pré- cieuse que les épreuves offrent absolument et nécessairement des reproductions d’une exactitude absolue. Je n'aurai garde d’omettre de mentionner ici une étude aussi utile qu'approfondie de notre éminent confrère le doc- teur Clos, directeur du Jardin botanique de Toulouse, sur la flore de la Provence dont les diverses zones sont caractérisées par des végétaux, en particulier certains Quercus, qui ne prospèrent que dans ces zones, ou dans des climats iden- tiques. L'étude du climat d’une région, au point de vue bota- nique, est une des choses les plus indispensables à l’acclima- teur pour réussir dans ses essais; et, si je ne m'étends pas davantage sur le travail de M. Clos, c'est qu'il faudrait le citer tout entier. J'espère qu'il voudra bien le faire insérer in exlenso dans notre Bulletin, pour suppléer à l'insuffisance de cette mention beaucoup trop courte. Enfin, pour remplir la demi-heure que nous avions encore de libre, le Président m'a autorisé à présenter quelques dé- tails sur une nouvelle Solanée à tubercules comestibles, dé- couverte dans l’Uruguay par M. Félix de Saint-Quentin, mon oncle, ancien officier d'infanterie de marine. Cette Morelle, aux tubercules d’un goût fin et délicat, prospère dans les ter- rains marécageux. C’est là une précieuse qualité. J'ai raconté dans un Bulletin de notre Société, il y a bien longtemps (n° de.....? 18..?) comment cette découverte avait eu lieu et combien je regrettais la perte des premiers tubercules que mon oncle apportait avec lui. Depuis plus de trente ans je poursuis obstinément l'introduction et l'acclimatation de cette plante en Europe, et je n'ai point encore réalisé mon 274 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. rêve. Néanmoins, grâce à l’aide de notre zélé et vaillant confrère, le docteur E. Heckel, directeur du Jardin botanique de Marseille et président de la Société d'Horticulture des - Bouches-du-Rhône, qui a fait voter par cette Société une médaille d’or pour l'introduction de la Pomme de terre dont il s’agit, j'ai obtenu un premier résultat. M. le colonel Robido, consul de l’Uruguay à Marseille, à qui j'ai parlé de l'intérêt qu'il y aurait à importer des tuber- eules de la plante si désirée et de la récompense qui en serait la suite, me fit apporter de la province de Mercédès des tu- bereules qu'il pensait être ceux que nous cherchions. Ces ra- eines furent plantées et soignées tout particulièrement au Jardin botanique de Marseille. Malheureusement la plante importée n'était pas celle qu'a découverte mon oncle. C’est une Morelle très voisine, le Solanum Comimersoni. Cette derniere a la fleur blanche, et celle de mon oncle avait des corolles violet foncé. Le fruit, ou baïe, est cordiforme chez les deux; enfin, les tubercules de la Morelle de Commerson sont croquants, non féculents et d’une amertume insuppor- table. Ils préfèrent les terrains ordinaires et la plante devient même chlorotique si l’on abuse des arrosages. Elle n’est donc pas palustre, comme celle à fleurs violettes. Toutefois, le docteur E. Heckel, qui est arrivé à obtenir, par des soins spéciaux, des tubercules de 700 grammes de la Morelle de Commerson, espère qu'avec des soins accumulés, des semis et des hybridations, on pourra l'utiliser. Ce qu'il y a de certain, c’est qu'elle est d’une rusticité remarquable; qu’elle foisonne et se répand sur de grandes étendues, par des stolons souterrains très nombreux. Je vais faire de nouvelles tentatives pour obtenir la Morelle aux fleurs violettes, non encore décrite et qui sera une excel- lente acquisition pour l’agriculture. Si quelques-uns de nos confrères ont des relations avec l’Uruguay et qu'ils veuillent bien m'aider, je leur fournirai des indications sur l'endroit précis où mon oncle trouva sa Pomme de terre. Je n’ai plus, pour finir, que quelques mots à ajouter sur la séance générale qui a clôturé les travaux du Congrès. Cette séance a été bien remplie et pleine d'intérêt. Mais ce n’est point notre Société qui aurait quelque profit à en tirer. Au contraire, la belle conférence de M. Foa sur la domestication RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE TOULOUSE. 275 de l’Éléphant d'Afrique, n’était que l'exposé, fait avec talent, d’un projet ardemment poursuivi par la Sociélé d’'Acclima- tation, projet déjà signalé depuis longtemps et préconisé par elle. Les extraits de son Bulletin, sur cette question, dis- tribués aux assistants, en sont la preuve (1). La communication sur l'emploi des épreuves photogra- phiques pour l’enseignement par la vue, faite par M. le docteur Trutat, a complété et considérablement étendu la portée du travail que j'ai déjà signalé de M. le docteur Braemer. Une note sur les meilleurs procédés à employer pour prendre des vues photographiques des glaciers et des hautes montagnes, accompagnée d'épreuves comparatives, a paru fort appréciée des amateurs présents. Enfin, le récit d’explorations de grottes et de cavernes, au point de vue de la géologie, ainsi que de la flore et de la faune spéloncales, appuyé de belles projections, ont achevé de faire paraitre fort court le temps consacré à cette dernière séance. Telles sont, Monsieur le Président, les observations qu’il m'a paru, sinon utile, du moins intéressant de recueillir pour la Société d'Acclimatation, sur le Congrès des Sociétés sa- vantes de cette année. Je serais heureux si j'avais rempli, à la plus grande satisfaction de mes collègues, la mission qu'ils ont bien voulu me confier. Toulouse, 25 avril 1899. (1) Voir ci-après page 276, la liste des principaux articles récemment parus dans le Bulletin de la Société, sur l'ivoire, la protection, la domestication et le dressage de l'Éléphant d'Afrique, etc. La Société d’Acclimatation avait d’ailleurs prêté à M. Foa un grand nombre de documents pour sa conférence et notamment une belle série de projections. 216 LISTE DES PRINCIPAUX ARTICLES RÉCEMMENT PARUS DANS LE BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE SUR L'IVOIRE, LA PROTECTION. LA DOMESTICATION, ET LE DRESSAGE DE L'ÉLÉPHANT D'AFRIQUE ANONYME. Sur le dressage d’un jeune Éléphant d'Afrique au Fernan-Vaz (Bulletin de la Société nationale d'Acclimatation de France, février 1899, 4 &g.). BLanc (Edouard). Note sur la domestication de l'Éléphant d'Afrique (/bid., novembre 1896). BouRDARIE (Paul). La domestication de l’Éléphant d'Afrique (1bid., mars et avrii 1896, 3 figures). Ip. A propos de la domestication de l'Éléphant d'Afrique (7bid., janvier 1897). CausrTier |[E.). L'ivoire à l'Exposition coloniale de Bruxelles- Tervueren (Zbid., janvier 1898). Fos (Edouard). Notes sur les Éléphants sauvages de l'Afrique australe (7Zhid.. septembre 1898). LaTasTE (Fernand). Sur la domestication de l'Éléphant d'Afrique (Ibid, juillet 1895). TROUESSART. Le Mammouth et livoire de Sibérie (ZHi4., février 1898). Le Journal de la Société d'Acclimatation a publié en outre divers documents sur l'Éléphant d'Afrique, voir en particulier les n° 3 (Hécatombes d'Éléphants); 8 (la domestication de l'Éléphant dans l'Afrique orientale allemande): 9 (Comité d’Iui- tiative scientifique et économique pour la domestication de l'Éléphant d'Afrique) ; 24 et 25 (Subvention de 4000 francs allouée par le Conseil municipal de Paris à la Société nationale d’'Acclima- tation de France pour contribuer à la protection et à la domes- tication de :'Éléphant d'Afrique). La Société d'Acclimatation a fait paraître également, en dehors de ses publications périodiques, une Volice sommaire sur la do- mestication de T'Éléphant d'Afrique, par Paul Bourdarie. Cette notice (4 pages in-£°}, publiée en août 1896, a été tirée à un grand nombre d'exemplaires et distribuée gratuitement. 211 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 10 FÉVRIER 1899. PRÉSIDENCE DE M. RAVERET-WATTEL, VICE-PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. Décisions pu CONSEIL. M. le Président fait connaître que, dans sa séance du 8 fé- vrier, le Conseil a délégué auprès des Sections ceux des Membres dont les noms suivent : 1 Section (Mammiferes), M. Debreuil; 2 Section (Ornithologie-Aviculture), M. Ous- talet; 3 Section (Aquiculture), M. Mersey; 4° Section (Ento- mologie), M. Edouard Blanc; 5° Section (Botanique), M. Bureau; 6° Section (Colonisation), M. Olivier. Le Conseil a désigné, en outre, pour faire partie de la Commission des récompenses : MM. Bureau, de Claybrooke, Hua et Marchal. Ont été délégués pour représenter la Société au Congrès national des Sociétés francaises de Géographie à Alger : M. Charles Rivière; à l'Exposition internationale d’'Horti- culture de Saint-Pétersbourg, M. G. Magne. Enfin, M. de Saint-Quentin a été adjoint aux délégués pré- cédemment désignés pour représenter la Société au Congrès des Sociétés savantes à Toulouse. Deux médailles d'argent, frappées au coin de la Société, sont mises à la disposition du Club français du Chien de berger pour être données en prix au concours annuel qui doit être organisé par ses soins, à Amiens, l’été prochain. DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. Notifications, renseignements, avis divers, généra- lités. — En l'absence du Secrétaire des séances, M. le Se- crétaire général procède à la lecture de la correspondance. — Le Congrès national des Sociétés françaises de Géogra- phie doit tenir à Alger sa 20e session du 26 mars au 2 avril 278 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. prochain, sous la présidence de M. Savorgnan de Brazza. La Société de Géographie d'Alger, qui organise ce Congrès, invite la Société à s’y faire représenter. Au programme de ce Congrès figurent diverses questions qui intéressent la Sociéié et parmi lesquelles il convient de signaler les suivantes : M. Lecq, l’enseignement agricole et colonial; M. V. Demontès, le climat algérien : ses effets sur l’homme, la faune et la flore; M. Roger Marès, les irrigations en Algérie; M. Bouzom, la question chevaline en Algérie; M. Couput, le Mouton en Algérie; M. Couput, géographie de l'Olivier dans l'Afrique du Nord; M. Ch. Rivière, le refroi- dissement nocturne en Algérie. — M le D: Clos et M. le comte de Montlezun remercient le Conseil de les avoir délégués pour représenter la Sociélé au Congrès des Sociétés savantes à Toulouse. — Depuis la dernière réunion, la Sociélé a recu avis du décès de M. L. Chazal qui suivait assidüment les séances où il a pris maintes fois la parole pour défendre la cause des Oiseaux utiles. — M. le comte de Chabot écrit de Mouchamp (Vendée) qu'il se propose d'offrir à la Société, pour sa bibliothèque, un ouvrage quil vient de publier sur la Chasse à travers les âges. Cet ouvrage, édité avec luxe et fort bien illustré, sera soumis à l'examen de la Commission des récompenses. Mammifères. — Le D' E. Bretschneider, de Saint- Pétersbourg, offre à la Sociélé la reproduction d’une photo- graphie représentant le Cheval sauvage de l’Asie centrale. Ornithoiogie-Aviculture. — M. Adriano Kien demande des renseignements sur l'élevage de l’Autruche d'Afrique. Il cherche à savoir si l'élevage de cet Oiseau réussirait dans la République Argentine, où l’on en pourrait tirer des bénéfices plus grands que de celui du Nandou indigène. — Renvoi à la Section d'Ornithologie. — M. le comte de Saint-Innocent (Mb) prie la Société de le renseigner sur l'élevage des Tinamous roux et sur la manière la plus avantageuse de se procurer ces Oiseaux. — La Sociélé des Aviculteurs français adresse le pro- gramme d'un Concours de cages pour le transport et l’expo- sition des animaux de basse-cour, organisé par ses soins. Ce PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 979 Concours sera ouvert à Paris le 27 février. Il s'agit de trou- ver un type de cage, caisse ou panier, pouvant servir à la fois au transport et à l'exposition des animaux. La cage demandée devra réunir tous les éléments de confort pour la santé et la conservation du plumage, de solidité, d'exiguité et de légè- reté pour le voyage et en même temps de régularité de mise en lumière, de facilité de nettoyage, de protection contre les voisins et de facilité de juxtaposition, de superposition, d’alignement et d'élégance pour l'exposition. Des prix impor- tants seront décernés, et le modèle qui répondra complète- ment sera, en outre, adopté pour ses expositions par la Sociélé des Aviculteurs français. Botanique. — M. Georges Rolland (Mb) demande l’indi- cation de fourrages pouvant réussir dans l'Oued-Rir. La So- ciété dont il est le Directeur s'efforce d'augmenter l'élevage du bétail et la production du fumier pour pratiquer en grand la culture de légumes destinés à être vendus en primeurs. — M. le comte de Saint-Innocent adresse quelques détails sur les cultures d’Orchidées qu'il pratique aux environs d'Autun (Saône-et-Loire) et annonce qu’il vient de créer au Brésil des relations fort utiles pour se procurer des plantes rares ou nouvelles. Cheptels, distributions d'œufs de Poissons, de graines. — MM. Francois, le comte de Galbert, Royer, le comte de Saint-Innocent demandent des œufs de Truite arc- en-ciel. Dix-neuf demandes de graines sont adressées par différents Membres de la Société et par quelques établissements publics. Il leur a été donné satisfaction d’une manière aussi large que possible. — Un grand nombre de remerciements sont parvenus àl a Sociélé à la suite des envois qui ont été faits. — M. le D: Cros, de Perpignan, joint à une demande noaw- velle de graines, l'exposé des résultats obtenus à la suite des semis de celles qui lui ont été envoyées par la Sociélé en 1897 et en 1898. IL signale à Perpignan, comme conséquence du démantèlement de la ville, la création par la Municipalité, de jardins étendus où pourront être faits divers essais d’accli- matation. (Voir ci-après Correspondanee.) 280 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. COMMUNICATIONS ORALES. _ Présentation d'ouvrages. — Parmi les ouvrages offerts à la Sociélé pour sa bibliothèque, M. le Secrétaire général signale deux volumes du plus haut intérêt envoyés par le Dr E. Bretschneider, ancien médecin de la Légation russe à Pékin, actuellement retiré à Saint-Pétersbourg. Ils ont pour titre : History of european bolanical discoveries in China et sont le fruit d’un labeur considérable. On y trouve résumée l'histoire de toutes les découvertes botaniques des Européens en Chine. Au point de vue de l’acclimatation, l'ouvrage du D: Bretschneider rendra de très grands services, car l’on y trouve les noms locaux des plantes qu’il est généralement impossible de désigner avec précision aux indigènes. Un ré- pertoire de plus de huit mille noms termine le second volume. Le D° Bretschneïder a joint à cet envoi une carte de Chine en quatre feuilles avec divers suppléments, dont il est également l’auteur et qui constitue, elle aussi, une œuvre de grande valeur. M. le Président insiste sur l'importance de l'envoi du D’ Bretschneider et se félicite de voir qu'il n’a pas oublié la Sociélé d’Acclimatation depuis son retour de Chine. M. le Président rappelle à ce propos que c’est au D’ Brets- chneider que la Société est redevable des premiers tubercules de Stachys qu'il lui adressa de Pékin et qui remis par la Société à M. Païllieux furent le point de départ de l’acclima- tation et de la culture aujourd’hui vulgaire des Crosnes dits du Japon. Le D' Bretschneïder recut à cette occasion, en 1882, une médaille d'argent de la Sociélé. — Au nom de M. Rogeron, lecture est donnée du résumé d'un rapport sur les variations du plumage du (Canard sauvage. Le travail complet doit être présenté au Congrès des Sociétés savantes à Toulouse (voir ci-dessus, Bullelin p- 201). — Au nom de M. Delaval, lecture est donnée d'une notice sur la reproduction de l'Écrevisse à pattes rouges dans un aquarium d'appartement {voir ci-dessus, Bullelin p. 99). — M.le Secrétaire général entretient la Société de la créa- tion du Jardin colonial. Cet établissement, dont la fondation PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 284 était décidée depuis quelque temps déjà, vient d’être officielle- ment créé par décret présidentiel en date du 28 janvier 1899. M. Guillain, Ministre des Colonies, a pris d'autre part divers arrêtés instituant un Conseil de perfectionnement des Jardins coloniaux et un Conseil d'administration du Jardin colonial. Ce dernier Conseil, formé de sept personnes seulement, comprend trois membres de la Sociélé d’Acclimatation, MM. Cornu, Maurice de Vilmorin et J. de Guerne. M. le Président se félicite de voir la Société aussi largement représentée dans l'administration du nouveau Jardin dont l'utilité n’est pas contestable et qui est appelé à rendre de grands services au point de vue de l’acclimatation végétale. M. de Guerne ajoute que le Président du Conseil de perfec- tionnement des Jardins coloniaux, M. Milne-Edwards, se trouve être aussi l'un de nos collègues. C'est M. Jean Dy- bowski qui a été désigné pour diriger le Jardin dit de Vin- cennes, bien qu'il se trouve en réalité à Nogent-sur-Marne. Pour le Secrétaire des séances, JULES DE GUERNE. Secrétaire général. SÉANCE GÉNÉRALE DU 24 FÉVRIER 1899. PRÉSIDENCE DE M. RAVERET-WATTEL, VICE-PRÉSIDENT, Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. En l'absence du Secrétaire des séances, M. le Secrétaire général procède au dépouillement de la correspondance. Notifications, renseignements, avis divers, généra- lités. — Avant de commencer la lecture des lettres, celui-ci fait observer que deux séances générales ont eu lieu en février bien qu’une seule ait été annoncée. Cela tient à ce que la con- férence de M. de Claybrooke qui devait être faite ce mois-ci, dû être reportée en mars. Elle est aujourd’hui définitivement fixée au jeudi 2 mars, huit heures et demie du soir. Cette Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899, — 19. 282 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATAPION- conférence, présidée par M. Oustalet, Membre du Conseil et Président &e la Section d'Ornithologie aura pour sujet : Luttes et combats chez les Oiseaux. M. de Claybrooke y - traitera de l'instinct de combattivité chez les Oiseaux, des armes qu’ils emploient, des causes, des circonstances et de l'issue des combats. Les espèces bataïlleuses seront passées en revue et les combats de Coqs seront décrits d'une facon toute spéciale. La conférence sera naturellement accom- pagnée de projections. — La Société zoologique de France adresse um certain nombre d’invitations pour la conférence qui doit avoir lieu aujourd'hui même (le 24 février), dans la grande salle de la Sociité d'Acclimatation. Cette conférence donnée à l’occa- sion de la sixième réunion générale amnuelle de la Société sera faite par M. Roule, professeur à l'Université de Tou- louse. Elle aura pour sujet : Les larves marines et sera ac- compagnée de projections. — La Société centrale d'Aquiculture et de Pêche adresse également des invitations à la séance extraordinaire qu'elle doit tenir dans la même salle le mercredi 1° mars. De nom- : breuses récompenses y seront distribuées et M. Jules de Guerne, ancien Président de la Société, fera une conférence 1: avec projections sur Les produits de la mer el la pêche en Norvège. — M. de Saint-Quentin remercie le Bureau d'avoir bien voulu le déléguer pour représenter la Société an Congrès des Sociétés savantes à Toulouse. ser PRRAEERAS nb à noté É. Mammifères. — M. Pays-Mellier (Mb) écrit de la Patau- dière (Indre-et-Loire) qu'il éprouve de grandes difiicultés à | se procurer des Gazelles. Ces animaux devraïent cependant É arriver à Marseille et s'y vendre un prix raisonnable. ? Ornithologie, Aviculture. — M. Alfred-W. Thompson, aviculteur à Liverpool, envoie une liste d'Oiseaux, particu- - lièrement de Pigeons domestiques de races choisies qu'il dé- sire se procurer. Aquiculture. — M. Charles Royer (Mb) adresse de Langres une notice sur l'époque et la durée de la fraye chez les Coré- gones. Les observations ont été faites dans le réservoir de la Liez (Haute-Marne). Renvoi à la Section d'Aquiculture. COST TS PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 283 — M. Bourgeois-Darsy (Mb), demande où il pourrait se procurer des Saumons de Californie pour en essayer l'é- levage. Cheptels, demandes d'œufs de Poissons, de graines, ete. — M. P. Zeiller, de Lunéville (Meurthe-et-Moselle) a de- mandé à recevoir pour sa collection deux ou trois des œufs de Nandou que M. Debreuil a bien voulu mettre à la dispo- sition de la Sociélé. Celui-ci, au lieu d'envoyer les coques vides que demandait simplement M. Zeiller, lui a adressé des œufs fraichement pondus. M. Zeiller remercie la Société et M. Debreuil de lui avoir permis de goûter les œufs du Nandou tout en augmentant sa collection. — MM. Canu, Bourgeois-Darsy et Gibert demandent des œufs de Truite arc-en-ciel. — M. Royer prie la Sociélé de vouloir bien faire envoyer des œufs embryonnés qui lui sont destinés, au Laboratoire municipal de pisciculture de Saint-Dizier. Cet établissement doit se charger de l’incubation. — M. Niclausse remercie des graines de Berberis sinensis qui lui ont été envoyées. Il annonce qu'il à semé quelques Néfiiers du Japon qui commencent à lever et semblent devoir réussir. — Six demandes de graines sont adressées par des Membres de la Société. Il leur a été donné satisfaction et des lettres de remerciements ont été envoyées par la plupart d’entre eux. — M. Victor-D. Fournier (Mb) annonce l'envoi de graines fraiches de Mina lobata qu'il vient de recevoir du Mexique et qu'il est heureux d'offrir à la Sociélé. Mina lobata est une Convolvulacée grimpante ornementale. — M. le D: K. Zenk (Mb) écrit de Sori (Italie) qu'il désire recevoir des graines de Palmiers peu connus autant que pos- sible et pouvant réussir sur le littoral de la Méditerranée. Il demande également des plantes capables de supporter le voi- sinage immédiat de la mer. Le D' Zenk signale quelques autres desiderata et annonce son intention d'offrir à la So- ciélé diverses graines d'Acacia, Aralia, etc. 284 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. COMMUNICATIONS ORALES. M. Xavier Raspail fait une communication sur le Lérot et son rôle dans la diminution des Oiseaux. M. le Président re- mercie M. Raspail pour sa très intéressante communication qui sera insérée au Bulletin. Voir ci-dessus, p. 105. — Une discussion s'engage à ce sujet. M. Debreuil cite de nombreux exemples à l'appui de la thèse soutenue par M. Raspail. Il a pu constater lui-même, dans sa propriété de Melun, de grands ravages commis par les Lérots dans ses volières. Ce Rongeur est extrêmement difficile à détruire. Il pénètre d’ailleurs dans les poulaillers et dans les volières par les moindres fissures. — M. Ch. Rivière fait une communication sur les Bana- niers du Hamma à Alger (Voir Bullelin, ci-dessus page 212). M. le Président remercie M. Rivière, il fait ressortir l’in- térêt que présentent ses observations au point de vue de la Botanique générale. Il espère que la publication des travaux de M. Rivière soulèvera d’intéressantes discussions dont la suite pourra être communiquée à la Société. — M. Geay, qui a longtemps séjourné sur les confins de la Guyane française, fait une communication sur les arbres à Caoutchouc et à Balata dans le contesté franco-brésilien. L'heure étant très avancée, M. le Président prie M. Geay de vouloir bien résumer à grands traits les résultats de ses études, et lui demande de réserver pour la prochaine séance de la Section coloniale l'exposé complet de ses travaux qui seront très appréciés des spécialistes. M. Geay possédant une belle série de photographies rapportées de ses voyages, des projections pourront être faites à l’occasion de cette commu- nication. Pour le Secrétaire des séances, JULES DE GUERNE, Secrétaire général. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 285 1re SECTION (MAMMIFÈRES). SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 1898. PRÉSIDENCE DE M. LE D' TROUESSART, VICE-PRÉSIDENT. Il est procédé au renouvellement du Bureau. Sont élus : Président : M. Decroix:; < Vice-Président : M. le D' Trouessart ; Secrétaire : M. Charles Mailles; Secrétaire-adjoint : M. Maurice Loyer; Délégué à la Commission des récompenses : M. le D' Trouessart, M. le Secrétaire général explique que cette réunion a été convoquée spécialement pour s'occuper de l'organisation de la conférence que doit faire, le 12 janvier, à 8 h. 1/2 du soir, M. le D' Trouessart, Vice-Président de la Section. Cette conférence est la première d’une série organisée par la Société et où seront traitées successivement les questions rentrant dans le domaine de chacune des Sections. Un Membre du Conseil de la Société, particulièrement qualifié pour la circonstance, présidera chacune de ces réunions. C’est ainsi que la première sera présidée par M. Milne-Edwards. Le Président aura pour assesseurs les Membres du bureau de la Section des Mammifères. M. le Secrétaire général prie les Membres de la Section de lui fournir des listes de personnes étrangères à la Sociéfé et auxquelles pourraient être adressées des invitations non seulement à la conférence de M. Trouessart, mais encore à toutes celles qui suivronte M. Trouessart résume brièvement les points principaux de la confé- rence qu'il prépare et qui aura pour sujet : Les Mammifères à acclimater el d domestiquer en France et dans les Colonies françaises. M. le Président annonce que le Conseil municipal de Paris vient d’allouer à la Sociefé un subside de 1,000 francs pour favoriser les études entreprises sous ses auspices, par M. Bourdarie, sur la domes- tication de l'Éléphant d'Afrique. Lecture est donnée du rapport pré- senté au Conseil par M. Parisse et qui a motivé le vote de cette subvention. Ce travail renferme des notes d'un grand intérêt recues tout dernièrement par M. Bourdarie et émanant d’explorateurs très connus. Pour les Secrétaires empéchés, J. DE GUERNE, Secrétaire général. 286 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. SÉANCE DU 9 JANVIER 1899. PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. Il est procédé au dépouillement de la correspondance ; elle com- prend un certain nombre de lettres d2 remerciements pour invitations à la conférence du D' Trouessart, laquelle doit avoir lieu le 12 janvier prochain, sous la présidence de M. Milne-Edwards. M. le Secrétaire général annonceque des places seront réservées sur l’estrade aux membres du Bureau de la 1'° Section. Une belle série de photographies a pu être réunie pour illustrer cette conférence. M. Milne-Edwards, qui doit la présider, veut bien prêter un certain nombre de clichés appar- tenant au Muséum, et M. Debreuil a fait d'autre part photographier tout exprès les Maras qu'il possède. Communicalion est donnée de la première partie d'un travail de M. Pays-Mellier, intitulé : Acclimataltion, reproductions et élevages de Mammifères ayant vécu ou vivant encore dans le parc de la Pataudièré (Indre-et-Loire). Les principales observations personnelles de l'auteur sont lues 2x7 exlenso. À l'unanimité, la Section émet le yœu que le travail de M. Pays-Mellier soit publié dans le Bulletin (1). Une discussion s'engage au sujet du croisement de divers Mammi- fères et en particulier des Chèvres, des Moutons et des Chamois. M. Trouessart pense que, pour qu'un croisement soit possible et donne des résultats, il est nécessaire que les types mis en présence soient très voisins au point de vue zoologique. Le Secrétaire, Cx. MAILLES. SÉANCE DU 6 FÉVRIER 1899. PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. Mérel s'excuse de ne pouvoir assister à la réunion. M. le Président annonce qu'il a écrit au Général Galliéni, pour appeler son attention sur l'utilité de choisir, à Madagascar, des Chevaux offrant des garanties de résistance, en vue de la reproduction. Parmi les animaux de cette espèce qui ont pris part à la dernière campagne, quelques-uns ont supporté bien, ou tout au moins suf- {1} Voir ci-dessus, pages 137 et 171; voir également ci-après page 319. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 287 fisamment les fatigues, le climat, ete. Ces Chevaux sont tout indiques pour fournir des étalons. M. le Général-Galliéni a répondu à M. Decroix, qu'après le recu de sa lettre, des informations ont été prises et qu'il y a lieu de tenir bonne note des avis exprimés par notre collègue. M. de Bonand fait observer que les étalons dont il s’agit, provenant des régiments d'Afrique, auront des origines diverses, tandis que les Juments, destinées à former un jumenterie à Madagascar, auront une origine commune, si, comme on le croit, elles sont achetées, très cher, à des Arabes du Sud Algérien. On sait, en effet, que les indigènes ne se défont pas volontiers de leurs Juments. Or, ces animaux sont surtout destinés à la production de Mulets. Eh bien, puisque des Mulets provenant d’Abyssinie ont déjà fait leurs preuves à Madagascar, pourquoi leurs mères ne seraient-elles pas tirées du même pays, ou de contrées voisines? Il faut éviter, surtout, de recommencer la fatale et coûteuse expérience d'exportation des Mulets du Poitou. Au nom de M. Crepin, qui s'excuse de ne pouvoir assister à la séance, lecture est donnée d’un travail intitulé Za Chèvre à Paris: l’auteur envisage surtout les services que cet animal pourrait rendre pour l'allaitement des enfants. Ce mémoire, qui paraîtra au Bulletin (1), provoque quelques réserves de la part de M. le D' Trouessart, partisan, aulant que possible, de l'allaitement au sein. Dans les villes, l'emploi des Chèvres semble devoir être toujours peu pratique; mais à la campagne, il peut, dans certains cas, devenir très utile. Quoi qu’il en soit, M. Trouessart pense que la question mérite d’être sérieusement étudiée, et que la création d’une chévrerie, à titre d’essai, offre un réel intérêt. A propos de l'opinion exprimée par M. Crepin, concernant la grande propagation de la tuberculose par le beurre de Vache, M. ‘frouessart dit qu'il ne croit pas que le danger soit, à beaucoup près, aussi grand qu'on l'affirme. M. Debreuil demande quel intérêt pratique pourrait offrir le croisement des Chèvres de Murcie avec la race de Nubie dont parle M. Crepin. À propos des Chèvres laitières, M. de Guerne dit quelques mots des Moutons du Texel, élevés en vue de la production du lait, chez M. Pays-Mellier à la Pataudière (Indre-et-Loire). M. le Secrétaire général résume un travail de M. Harry Johnston sur les grands Mammifères de la Tunisie (2). Un certain nombre de savons à l'Eucalyptus sont déposés sur le (1) Voir ci-dessus, page 76, mars 1499. (2) Voir ci-après. 288 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. bureau; on les dit très efficaces contre les affections parasitaires des Mammifères domestiques. A ce sujet, M. Debreuil dit qu'il a obtenu de bons résultats avec l'Eucalyptol. M. Decroix signale aussi l'emploi du jus de Tabac, toujours efficace quand il s’agit de tuer. Le Secrétaire, Cx. MAILLES. SÉANCE DU 6 MARS 1899. PRÉSIDENCE DE M. DECROIx, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. le Secrétaire général présente les ouvrages suivants : Diséribulion géographique de nos Capridés, par Hermann Goll; Le Dressage des Animauz, par Hachet-Souplet. Il signale, parmi les articles concernant les Mammifères récemment publiés dans les périodiques, une notice de M. Charles Oldbam, parue dans The Zoologist, de Londres (février 1899). Ce mémoire, dont la traduction sera insérée dans le Pulletin, fournit de curieux détails sur une Chauve-Souris indigène (Wyotis mystacinus) conservée en captivité. M. Remy-Saint-Loup adresse une notice intitulée : Qu’est-ce qu’une bonne espèce? à propos du Dolichotis salinicola (Burm ). Il s’agit d'une espèce de Mara sur la validité de laquelle les zoologistes ne paraissent pas être d'accord. Les observations de M. Remy-Saint-Loup seront publiées au Bulletin. (Voir ci-dessus, page 73.) M. le Secrétaire géncral présente ensuite des photographies de la chèvrerie de M. Crepin, sise rue Blomet, 163, à Paris, dont il a été question dans la dernière séance; il ajoute qu'il a eu la satisfaction d'apprendre que les difficultés, survenues entre M. Crepin et l’Admi- pistration à propos de l'élevage des Chèvres dans l'intérieur de Paris, sont heureusement aplanies. M. de Guerne espère que, dans le courant de l’élé, la Section pourra organiser une visite à l'établissement fondé par M. Crepin. Répondant à une question posée par M. Debreuil, le D' Trouessart donne quelques renseignements sur les Ricins Tiques ou Ixodes, qui se nourrissent du sang des Mammifères; les Chevaux, divers Rumi- vants, les Rongeurs, les Chiens, et aussi parfois l’homme sont sujets à leurs attaques. M. Trouessart dit qu'il importe d'extirper complète- ment le rostre de ces parasites de la plaie qu'ils ont faite, pour que la guérison de celle-ci soit rapide. M. Debreuil a vu, il y a quelques années, une meute très éprouvée PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 289 par les Tiques, à tel point que quelques-uns des Chiens sont morts; M. Debreuil ajoute que, l'été dernier (1898), à Melun, l'un de ses Chiens a beaucoup souffert, pour le même motif, et serait probable- ment mort s’il n'avait été débarrassé à temps des Tiques dont il était couvert. MM. Decroix et Bourdarie disent quelques mots des Chiques qui, au Mexique et en Afrique, s'attaquent à l'homme. M. de Guerne rap- pelle qu’il importe de ne pas confondre les Chiques, qui sont des Insectes véritables, avec les Tiques et autres animaux analogues qui sont des Acariens. M. de Guerne parle également d’un Diptère, le Dermatobia noxiaiis que M. le comte de Dalmas, durant l’expédition qu'il a faite sur les côles de Colombie en 1896, à bord de son yacht l'hazalie, a procuré l’occasion d'étudier à plusieurs entomologistes fort.distingués. Ils en ont été effectivement attaqués eux-mêmes. Les Dermatobies déposent leurs œufs dans la peau de l’homme et des animaux; la larve s'y développe occasionnant des douleurs plus ou moins vives suivant l'endroit où le hasard l’a fait naître. M. R. Blanchard a publié divers travaux sur les Dermatobies dont l’étude serait peut-être mieux placée à la Seclion d'Entomologie qu’à celle des Mammifères. Quoi quil en soit, M. de Guerne cite le passage d’une lettre de M. A. Forel, pro- fesseur à l’université de Zurich, l'un des compagnons de M. de Dalmas et qui raconte, d’une facon très humoristique, à M. R. Blanchard, ses impressions personnelles en ce qui concerne le Dermatobia noxialis (1). Ce sujet se termine par quelques mots concernant les Rougets et les démangeaisons qu'ils causent, et les Hippobosques, les Mélophages, les Nyctéribies et autres Insectes qui vivent aux dépens des Chevaux, des Moutons, des Chauves-Souris, des Hirondelles, etc.; Réaumur dé- signait ces parasites sous le nom de Mouches-Araignées, ils ressem- blent, en effet, à des Araignées ayant seulement six pattes. M. Debreuil rend compte dela visite qu'il a faite au Concours agri- cole. Les Chèvres de Murcie, exposées par M. Crepin, ont éte très remarquées. De beaux Moutons mérinos sont aussi exposés. La Section constate avec plaisir que les desiderala exprimés, depuis bien des années, par la Sociéfé d’Acclimatation, concernant l'admission des Chèvres aux Concours agricoles, sont ainsi salisfaits dans une certaine mesure. M. Decroix estime que les Bœufs exposés dans les Concours sont, en général, trop engraissés. M. Trouessart ajoute que, par contre, les Chevaux destinés à la boucherie manquent habituellement d'embonpoint. M. de Bonand explique qu’autrefois les Bœufs étaient amenés à pied, parfois de très loin, ce qui les amaigrissait un peu. Aujourd’hui, (1) Voir ci-après, p. 305. 290 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. on les expédie par chemin de fer, pour les fatiguer moins. M. Mailles est d'avis que les veaux consommés à Paris sont trop jeunes; il pré- fère la chair de ceux que l’on vend dans les boucheries du Sud-Ouest. La viande que fournissent ces animaux, plus âgés, est plus nourris- sante, sa teinte, au lieu d’être blanche, est déjà grisâtre. Ce veau est excellent dans le pot au feu, en particulier. Le Secrétaire, Cu. MAILLES. SÉANCE DU 10 AVRIL 1899. PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopte. M. Decroix signale la difficulté que l'État éprouve pour acheter de bons Chevaux de cavalerie. — En Algérie, les mâles seuls sont pris pour ce service, el il serait bon d'agir de même en France, afin de ne pas stériliser un grand nombre de Juments. M. le comte d’Esterno, prenant pour exemple la région qu’il habite, dit que les éleveurs du Morvan ont surtout en vue de produire des Chevaux de trait, ce qui augmente la difficulté de recrutement signalée ; d'autre part, cette difficullé est encore accrue par ce fait que Îles Allemands, tout au moins lors des foires du Morvan, viennent acheter les meilleurs Chevaux propres au service mililaire, avant que l'État français n'ait fait l'acquisition des siens. Enfin, l'État paie avec des bons, tandis que les maquignons soldent en argent, au plus grand con- tentement des éleveurs. M. le D' Trouessart demande si la résistance des Chevaux hongres est analogue à celle des Juments. M. Decroix répond qu’à Paris la Compagnie générale des Omnibus a constaté que les Chevaux hongres durent plus longtemps, mais ne donnent pas de coups de collier aussi énergiques que les Juments. M. Wuirion a entendu plusieurs éleveurs exprimer la crainte que . l'automobilisme ne prenne un développement assez considérable pour nuire à l'élevage des Chevaux. M. le comte d'Esterno signale la destruction complète des Loups dans la région du Morvan. Ces animaux, jadis très nombreux, ont été, il y a une trentaine d'années, détruits par le poison; depuis, il n’en est jamais revenu, bien que les contrées avoisinantes en possèdent encore. Comment ces animaux peuvent-ils redouter encore une localité qui ieur a été funeste, il est vrai, mais il y a si longtemps? M. Wui- rion ravporte qu’au Jardiu du Bois de Boulogne, le poison a été em- % PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 291 ployé pour la destruction des Surmulots; ce moyen, d'abord très efficace, l’est devenu ensuite de moins en moins, comme l'usage des différents pièges, d’ailleurs. Faut-il croire à des avertissements? M. Mailles raconte qu'il conserve, depuis un an, un Hérisson commun, enfermé avec des Cobayes. Ces animaux vivent en bonne intelligence,et, fait singulier, les Cochons d'Inde, peu à peu, se sont habitués à manger la viande cuite donnée au Hérisson, surtout le veau et le porc; bien entendu, ce régime n’est pas esclusif, et la ver- dure leur est fournie journellement. M. Decroix rappelle, à ce propos, que, pendant le sièéze de Metz, M. Laquerrière, vétérinaire, a nourri des Chevaux avec de la viande de Cheval. Le Secrétaire, Cr. MAILLES. 3e SECTION (AQUICULTURE). SÉANCE DU 30 JANVIER 1899. PRÉSIDENCE DE M. DEBREUIL, MEMBRE DU CONSEIL. M. Edmond Perrier, président, retenu par une élection à l’Académie des Sciences, s’excuse de ne pouvoir venir présider la séance. Le Secrétaire étant également absent, M. le Secrétaire général, après avoir fait observer qu’il paraît convenable de reuvoyer à la pro- chaine séance les élections réglementaires, procède au dépouillement de la correspondance. Celle-ci comprend un grand nombre de de- mandes d'œufs de Salmonides. M. le Secrétaire général explique à ce propos que la Sociéfé ne pourra distribuer cette année que des œufs de Truite arc-en-ciel. M. Duponchez, d'Ancourt (Seine-Inférieure), qui avait réservé pour la Société tout son élevage de Salmo fontinalis, est tombe gravement malade au moment même de la ponte et n’a pu mal- heureusement fournir les œufs sur lesquels on comptait. M. de Garilhe demande des renseignements sur les Cambarus et prie la Société de lui indiquer où il pourrait se procurer ces Crustacés pour en peupler un bassin cubant 1,600 mètres et qui est situé dans l'Isère, aux environs de Péage-de-Roussillon. A ce propos M. de Guerne dit que M. Raveret-Wattel, qui s’est occupé d'introduire les Cambarus des États-Unis à Fécamp, a constaté dans ses réservoirs les habitudes fouisseuses qui doivent être considérées comme un grave défaut de ces animaux. Il y aurait lieu de les élever surtout dans des bassins entièrement cimentés. 292 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. La Sociélé zoologique de France annonce que M. Roule, professeur à l'Université de Toulouse, fera le vendredi 24 février, dans la grande salle de la Societé d’Acclimatation à 8 heures et demie du soir, une conférence avec projections sur: Les larves marines. Les Membres de la Société d'Acciimatation et, en particulier, de la Section d'Aquiculture, sont invités à y assister. M. Raphaël Ladmirault adresse de Montpellier une note sur l'habitat des Ophidiens du genre Tropidonotus dans l’eau de mer. M. Albert Delaval, de Saint-Max-lez-Nancy, qui devait venir ex- poser les résultats de l'élevage poursuivi par lui depuis six ans, de Poissons- télescopes de la Chine, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance. L’un de ses fils, élève à l'Ecole centrale et qui l’a aidé dans une parlie de ses travaux, élait tout désigné pour le remplacer; il est également empêché. En conséquence, M. de Guerne veut bien se charger de résumer la communication de M. Delaval, mais il s'excuse de ne pouvoir le faire avec tous les délails et les remarques person- nelles que l’auteur aurait pu y introduire. Les résultats oblenus par M. Delaval sont très importants et in- diquent, en même temps qu'une grande persévérance, un sentiment très réel des nécessités de l'élevage. Lecture est donnée d’un certain nombre d'extraits d'un mémoire de M. Delaval concernant la tempé- rature et l’acration de l’eau, la nourriture des alevins, et diverses observations pbysiologiques faites au cours des élevages. M. Delaval a cherché à appliquer la photographie à l’étude de ces Poissons-lélescopes.Les premiers essais sont fort encourageants. M.de Guerne présente: 1° Un Album contenant deux grandes aquarelles représentant les Télescopes adultes des plus belles variétés élevées par M. Delaval et une série considérable de photographies qui ont peut- être été un peu trop agrandies, ce qui leur enlève de la netteté; 2° Une épreuve stéréoscopique sur verre représentant un aquarium rempli de Poissons-télescopes; 3° Enfin une série de projections photogra- phiques. Celles-ci comprennent, outre l'étude du Poisson, de différents âges ou de différentes variétés, des vues de plantes aquatiques cul- tivées également avec succès par M. Delaval. Il convient de citer entre aulres, l’'Ouvirandra fenestralis de Madagascar et le Ponfederia crossipes ou Jacinthe d’eau. On sait que M. Delaval a bien voulu offrir un certain nombre de pieds de cette plante aux Membres de la Société. M. Debreuil, entre autres, a obtenu, en série, à Melun, la floraison de la Jacinthe d’eau. M. le Président fait ressortir l'intérêt des travaux de M. Delaval, qui seront soumis à l'examen de la Commission des récompenses et dont l'exposé complet sera publié dans le Bulletin. M. Fabre-Domergue, directeur-adjoint du Laboratoire de Concar- neau, et qui s’est beaucoup occupé de la photographie des animaux marins à l’état vivant, expose le manuel opératoire qui lui a le mieux PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 293 réussi dans ses expériences. Il présente une série de projections exé- cutées d’après des photographies de Crustacés et de Poissons faites à l’Aquarium de Concarneau. La plupart de ces photographies, accom- pagnées d’un texte explicatif, ont été reproduites dans un Album édité par MM. Carré et Naud et dont M. Fabre-Domergue offre à la Société l'un des premiers exemplaires. M. le Président remercie M. Fabre-Domergue d’avoir bien voulu venir compléter par ses explications la présentation de ses photo- graphies qui, jointes à celles de M. Delaval, ont formé un ensemble vraiment exceptionnel et donné à cette séance un grand intérêt. Pour les Secrétaires empéchés, JULES DE GUERNE, Secrétaire général. SÉANCE DU 27 FÉVRIER 1899. PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE D’ESTERNO. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. Le bureau de la Section est réélu à l'unanimité. Il se trouve en con- séquence composé de la facon suivante : Président : M. Edmond Perrier (de l’Institut) ; Vice-Président : M. G. Rocheé ; Secrétaire : M. de Claybrooke ; Secrétaire-adjoint : M. A. Boigeol. En outre, M. Raveret-Wattel, est nommé délégué à la Commission des récompenses. On sait d'ailleurs que M. Mersey, Directeur du Service de la Pêche au Ministère de l'Agriculture, représente le Conseil auprès de la Section. Il est procédé au dépouillement de la correspondance. M. Edmond Perrier, président, et M. Mersey, retenu par ses fonctions au Ministère de l’Agriculture, s’excusent de ne pouvoir assister à la séance. De nombreuses demandes d'œufs de Truites arc-en-ciel sont par- venues à la Societé. Ces œufs seront distribués probablement dans les premiers jours du mois d'avril et répartis dans toutes les régions de la France. Des œufs d'Omble chevalier devaient être offerts, comme l’année dernière, à la Société, par M. Berthoule : malheureusement les opéra- tions de fécondation artificielle n’ont pas réussi et il faut renoncer pour cette année à la distribution habituelle. 294 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Lecture est donnée d’une note de M. Charles Royer, intitulée : De l’époque et de la durée de la fraye chez les Corégones. Cette étude, qui résume les observations faites par M. Royer dans le réservoir de la Liez (Haute-Marne), sera insérée au Bulletin. M. de Guerne rappelle que des œufs de Corégones venus de Russie ont été envoyés autrefois par la Société d’Acclimatation à l'Élablis— sement de pisciculture de Bouzey : malheureusement ils ont été mis en incubation peu de temps avant l’accident qui a détruit cet établis- sement, et tous les alevins ont été perdus. M. À. Boigeol regrette que l’élevage des Corégones ne soit point pratiqué en France. Il cile certains établissements étrangers qui ar- rivent à de beaux résullats en produisant des Féras pour la consom- mation. M. Bruyant parle de la pisciculture en Auvergne, et dit qu'il a tou- jours remarqué qu'au moment du frai, les grosses Truites abandonnent les premières les lacs pour remonter les cours d'eau. Les Vairons quittent les lacs de la même facon, les sujets vigoureux partant tou- jours les premiers. M. Bruyant a entendu dire qu’en certaines régions, dans le Gard notamment, les Truites frayaient deux fois chaque année, en juin et en décembre. M. de Guerne annonce que M. Canu poursuit ses études sur les Saumons et les Truites saumonées; il espère que bientôt la question de la coloration de la chair des Poissons aura fait un grand pas. M. Belloc, Président de la Société centrale d’Aquiculture et de Pêche, spécialement invité à assister à celte séance, parle du déver- sement des eaux résiduaires d'usines dans les cours d’eau, et demande le concours de la Société d’Acclimaftation pour lutter, de concert avec la Société d'Aquiculture, contre cette cause de dépeuplement des eaux françaises. M. Cacheux annonce que plusieurs Sociétés scientifiques s'occupent déjà de cette question. Après une discussion générale et qui met en lumière bien des fails regrettables, l'assemblée consultée décide de ne prendre aucune résolution à ce sujet qu'après examen de la ques- tion en séance générale. M. Charles Rivière donne quelques détails sur les Poissons d’eau douce de l'Algérie; les eaux magnésiennes de ce pays ne leur sont pas favorables ; beaucoup d’essais de repeuplement ont échoué. Le transport des Carpes n’a pas réussi dans la colonie, lorsqu'il était effectué dans des récipients ordinaires en métal : c’est seulement au moyen de seaux de pompiers, en toile, que M. Rivière a pu trans- porter avec succès un certain nombre de sujels. Les Carpes repêchees au bout de quelque temps étaient loujours maigres et de mauvaise qualité. M. lie Secrélaire général présente deux exemplaires des Truites de l'Algérie conservées dans l'alcool. Cette espèce, dont il a déjà été PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 295 question à la Sociéfe, cest très voisine de celle qu’on trouve en Sicile. M. de Guerne parle ensuite des essais d'élevage du Cyprinus carpio wudus qui sont faits actuellement dans le département de la Marne. Cette variété de Carpe, complètement dépourvue d’écailles, est élevée avec succès dans certaines régions de l'Allemagne, et passe pour être bien supérieure, comme qualité de chair, à la Carpe commune. M. le Secrétaire général espère que dans un avenir assez rapproché il sera possible de distribuer aux Membres de la Societé un certain nombre d'alevins de ces Carpes sans écailles. Le Secrélaire-adjoint, À. BOIGEOL.- 5e SECTION (BOTANIQUE). SÉANCE DU 21 FÉVRIER 1899. PRÉSIDENCE DE M. WEBER, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séanre est lu et adopté. Il est procédé au dépouillement de la corres»ondance. Me Heédiard exprime sa gratitude pour les condoïéances que ia Section a bien voulu lui adresser à l’occasion de la mort de son mari. Me Hédiard' envoie le portrait photographique du regretté vice-prési- dent et met à la disposition de la Sociéfé tout ce qui pourrait l'inté- resser, parmi les plantes, arbustes etc., laissés par M. Hédiard. Un exemplaire de la troisième édition nouvellement parue du Po’ager d'un curieux, de MM. Paillieux et Bois, est déposé sur le bureau. Cette édition, considérablement augmentée, a été entièrement re- fondue; elle est également illustrée de gravures nouvelles. Le volume ne comprend pas moins de 678 pages. On voit que depuis janvier 1884, époque du début de cette publication dans le Bulletin de la Societe d'Acclimatation, l’œuvre de MM. Paillieux et Bois s’est singulièrement développée, rendant d’ailleurs des services de plus en plus appréciés. Il est regrettable que le vénéré M. Paillieux (il était âgé de 85 ans), ait précisément disparu peu de jours avant la mise en vente de cette nouvelle édition d’un livre à l'amélioration duquel il n’a cessé de tra- vailler pendart près de vingt-cinq ans. M. H. Coupin adresse une notice résumant une série de travaux ré- cents sur les graines. Lecture est donnée d’un mémoire de M, Clos, directeur du Jardin des Plantes de Toulouse, sur l’{sfragalus falcatus. Considérant l'intérêt 296 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. de ec travail, la Section, à l'unanimité, émet le vœu quil soit com- muniqué à la prochaine séance générale. M. Paul Chappellier présente un bulbe très volumineux d'A/lium sativum. Les bulbes de cette variété sont composés de bulbilles sem- blables à ceux de l’Ail ordinaire mais beaucoup plus gros.'La saveur de cet Ail qui se reproduit régulièrement dans les cultures de M. Chappellier, est la même que celle de l'espèce généralement cul- tivée, mais un peu moins forte. M. Chappellier présente également des tubercules d'Ignames envoyés de Marseille à la Socieéfé par M. Heckel, qui cherche avec le concours de M. Dubiau, à obtenir des tubercules courts et arrondis dont la ré- colte serait plus facile que celle des tubercules très allongés de l’I- gname ordinaire. M. Heckel fait connaître qu'il utilise pour la propa- galion des plants, les points polaires des tubercules. M. Chappellier propose de demander à M. Heckel de préciser le sens de cette expres- sion yoints polaires, dont il ne comprend pas très bien la signification exacte. M. Chappellier présente enfin deux tubercules d'Ignames provenant de M. de Vilmorin qui les avait lui-même recus du R. P. Farges, mis- sionnaire au Se-Tchuen, en Chine. L'un de ces tubercules ressemble à ceux de l’Igname de Chine. L'autre a un aspect tout différent. Sa forme est à peu près régulièrement sphérique, mais il est assez petit. M. Chappellier les cultivera et rendra compte de ses essais à la Société. Si l’on pouvait arriver à augmenter le volume du plus petit de ces tubercules, tout en lui conservant sa forme sphérique, il pourrait cons- tituer une précieuse acquisition pour la culture potagère. M. le Président fait observer qu’il serait bon avant tout de s’assurer si cette espèce est comestible, comme le pense M. Farges. Un grand nombre d'Ignames croissant en Chine sont en effet impropres à l’ali- mentation. M. Chappellier signale une particularité assez singulière de cette Igname; elle est volubile de droite à gauche, tandis que toutes les autres espèces du genre s’enroulent en sens contraire, c'est-à-dire de gauche à droite. Le Secrétaire, C. DE LAMARCHE. SÉANCE DU 14 MARS 1899. PRÉSIDENCE DE M. WEBER, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. Il est donné lecture de la correspondance. PROCES-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 297 M. Charles Naudin adresse une note accompagnanr l'envoi de quelques graines de Machærium tipa. M. le Président donne des ren- seignements détaillés sur cet arbre, d'un très beau port, et qui est répandu partout dans la République Argentine. M. Roland - Gosselin remercie la Socié/é des graines de Pachyra Mmacrocarpa qui lui ont été envoyées ; il fait quelques observations au sujet des récompenses à accorder aux ouvriers horticoles et basse- courriers dont la collaboration est si utile à toutes les personnes qui s'occupent d'acclimatalion. M. Chalot, Directeur du Jardin d'essai de Libreville, actuellement à Paris, remercie également pour les graines de Pachyra qui lui ont été remises ; il va les faire germer au Muséum, pour emporter ensuite les jeunes plants au Congo, M. Fournier envoie de Blazac des graines de Mina lobata qu'il vicnt de recevoir du Mexique. M. Prochowsky annonce qu'il enverra prochainement à la Société de nouvelles graines provenant de ses cullures de Nice et demande qu'il lui soit fait un nouvel envoi de graines que la Sociélé met en distribulion. La lettre de M. Prochowsky renferme divers rensei- gnements intéressants sur la résistance au froid de plusieurs plantes exotiques. Les ouvrages suivants, offerts à la Sociéfé, sont déposés sur le bureau : Les Plantes utiles du Sénégal, par le R. P. Sebire, directeur du Jardin d'essai de Thiës ; Systematic plants introduction, par David G. Fairchild, brochure éditée par le Département de l'Agriculture de Washington (États-Unis). M. le Secretaire général fait connaître la composition de la Com- mission française chargée de l'étude et de l'examen des questions re- latives à la participation des exposants français à l'Exposition d'Hor- ticulture de Saint-Pétershbourg. Il rappelle à ce propos que M. Magne a bien voulu accepter de représenter la Sociéé d’'Acclimatution à cette Exposition. M. Mailles offre à la Société des graines de Zavalera olbia, récoltées sur des sujets ayant déjà passé dans son jardin deux hivers sans abri. Il fait connaître en même temps que deux pieds de Melia aredarackh, arbuste qui n'est vivace que dans les parties les plus méridionales de la France, persistent depuis plusieurs années en pleine terre et à l'air libre dans ses cultures à la Varenne-Saint-Hilaire, tout près de Paris. M. le Président donne quelques renseignements sur le Pacara (En- éerolïnwm timboüva), Mimosée de la République Argentine. C’est un arbre dont le fruit et l'écorce très saponifères contiennent environ 36 p. 0/0 de saponine. à Au sujet des graines de PAœnix leonensis à feuilles panachées que la Sociélé distribue en ce moment, M. Rivière, directeur du Jardin Buil. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 20. 298 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. d’'Essai du Hamma près d’Alser où elles ont été récoltées, exprime la crainte que les plantes issues de ces graines ne présentent pas sur leurs feuilles les mêmes différ:nces de teinte qui ont été observées sur la plante-mère. Il résulte en effet de constatations qu’il a souvent eu l’occasion de faire, que les panachures ne se reproduisent pas ré- gulièrement sur les plantes provenant de semis ; elles tendent à dis- paraître surtout quand ces plantes sont cultivées en pleine terre. M. Rivière dépose sur le bureau un fruit de Pachyra macrocarpa. M. Seurat fait une communication sur la culture des plateaux qui avoisinent Mexico. Il donne d’'intéressants détails sur la production des Céréales, Blé, Orge, et suriout Maïs, dans celte région, que sa haute altitude rend particulièrement curieuse; les cultures potagères en jardins flottants ont attiré son attention ainsi que les arbres fruitiers européens introduits au Mexique; ces arbres, sauf le Cerisier, n’ont donné jusqu'ici que des résultats assez peu satisfaisants. Le Secrétaire, C. DE LAMARCHE. SÉANCE DU 18 AVRIL 1899. PRÉSIDENCE DE M. £E D' WEBER, PRÉSIDENT. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. A l'occasion du procès-verbal, M. le Président présente quelques observations sur la vitalité des graines du Melia azedarach. Il en pos- sède un certain nombre récoltées depuis plus de dix ans et qui semblent êlre encore parfaitement en élat de germer et de donner naissance à des plantes nouvelles. Quelques-unes de ces graines seront confiées à M. Mailles qui les expérimentera dans ses cultures. M. le Président fait part du décès de M. Charles Naudin, directeur de la Villa Thuret à Antibes. Il rappelle les travaux considérables de ce botaniste éminent et les services qu’il a rendus à la science pen- dant sa longue carrière, particulièrement en ce qui concerne l’accli- matation des végetaux exotiques. Charles Naudin était Membre hono- raire de la Sociélé, l'un de ses correspondants les plus actifs et les plus dévoués, il lui envoyait fréquemment et en quantité considé- rable, pour être réparties entre les Membres, des graines de plantes du plus haut intérêt. M. le D' Cros adresse de Perpignan une lelire exorimant ses re- grets au sujet de la mort de Charles Naudin qu'il a particuiièrement connu. Il annonce en même temps l’euvoi de tubercules de Crosnes et d'Oxalis Deppei. L'examen de ces tubercules arrivés presque en même temps que la lettre, parait démontrer que les premiers appar- EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 299 tiendraient plutôt à l'Oxalis crenata et les seconds à l'O. floribunda. M. le Président écrira à M. le D' Cros pour lui demander quelques renseignements complémentaires permettant de déterminer exac- tement ces tubercules qui sont mis immédiatement en distribution. M. Ch. Mailles rend compte des résultats obtenus par lui dans la culture des graines qui lui ont été données par la Société en 1898. La plupart des semis ont réussi. (Voir ci-dessus, page 266.) M. Mailles fait connaître en outre que plusieurs arbustes (Melia azedarach, Figuier, Grenadier, Acacia julibrissin) qui ne résistent gé- néralement pas aux rigueurs de l'hiver sous le climat de Paris, passent la mauvaise saison en pleine terre et sans abri dans son jar- din à la Varenne-Saint-Hilaire, sans paraître en souffrir et en conti- nuant à végéter vigoureusement. Le Secrétaire, C. DE LAMARCHE. EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. CULTURES DIVERSES DANS LES PYRÉNÉES-ORIENTALES. Perpignan, 4 février 1899. Monsieur le Secrétaire général, J’ai l'honneur de vous adresser ci-inclus : 1° Le compte rendu sommaire des semis des graines que vous avez bien voulu me coufier en 1898, et quelques renseignements complémen- taires sur celles de 1897. 29 Les listes de demandes de graines pour 1899. Ici, je crois devoir vous signaler un fait très important pour la ville de Perpignan. Le Ministre de la Guerre vient de décider le démantèlement des fortifica- tions. La ville, resserrée dans ses hautes murailles, va pouvoir prendre de l'extension ; il y aura des squares à établir, des boulevards à créer, et, dans cet ordre d’idées, la Municipalité prévoyante a déjà accordé aü Professeur départemental d'Agriculture, M. d'André, qui est de mes amis, un terrain d’alluvion faisant partie de la pépinière départemen- tale, où nous sèmerons les graines demandées et où seront élevés de jeunes plants de facon à pouvoir transplanter, sans qu'ils en souffrent, les jeunes sujets dans les massifs des squares, parcs, etc. Le pare, créé, il y a dix à douze ans, par une personne étrangère au pays, est rempli d’arbustes que l’on trouve partout, tandis que le climat de 300 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Perpignan peut permettre d'offrir aux yeux du public des espèces exotiques peu connues et plus intéressantes. Avec le désir de bien faire et de pousserà l'émulation des amateurs, permettez-moi d'espérer que vous ferez bon accueil à ma demande. Veuillez agréer, etc. D' Cros. Compte rendu sommaire des semis de graines adressées en 1898, par la Société d'Acclimatation, & M. le D" Cros, à Perpignan. Phœnix menalocarpa : ont levé, une seule feuille pour 1898. Acacia mucronafz : a 25 centimètres de hauteur, feuilles composées à la base, très fines, surmontées de phyllodes allongés, minces, couvrant toute la hauteur. Très joli aspect. Acacia melanozylou : n’a pas levé. Acacia cultriformis : n'a pas levé. Eucalyptus polyanfhema : commence à caractériser des feuilles allon- gées, retombanies. Callistemon speciosus : ont levé. Trachycarpus Fortunei: c'est un Chamærops excelsa dont les pétioles sont plus allongés. Je crois que cela tient au ciel gris et hu- mide de la région océanienne, car parmi le plus grand nombre de Chamerops venus spontauément de graines à Perpignan, j'en ai qui ont ce caractère de pétioles allongés, ce sent ceux qui se développent à l'abri de grands arbres, c’est-à-dire à l'ombre et dans une atmosphère humide. Il semble donc qu'on puisse à volonté produire le C. Fortunei, qui, au point de vue ornemental est plus élégant ; il a, en effet, le port du Zafaniz borbonïca, mais non la couleur. * Semis de 1897: Les Acacia pycnantha sont une belle acquisition ; ils ont 1= 50, leurs phyllodes aussi beaux que ceux d'un Camellis, d’un vert brillant, vernissé et persistant, leur port pyramidal avec branches bien découpées, en font un bel arbuste d'ornement en attendant la floraison; ils ont maintenant deux étés et presque deux hivers. Vitez incisa : feuille finement découpée mais peu ornementale ; pas de taille encore, à peine 0° 40. Zizyphus mucronafa : pelit arbuste au feuillage vert gai, vernissé et armé de petits piquants, 0” 40 à 0” 50 de hauteur. Cassia occidenfalis : irrégulier daus sa floraison, a fleuri pendant l'été de 1397 ; un sujet a fleuri en décembre 1898-et janvier 1899 en un seul bouquet terminal de fleurs jaunes, à 0-60 de hauteur ; ne résiste pas au froid extérieur, meurt à partir de ©. EXTRAITS ET ANALYSES. 304 Mimosa lophanta : arbustes de 2 ou 3 mètres, qui ont fleuri. Phænix melanorarpa : ont grossi, mais peu, n’ont encore que deux feuilles, Je pense pouvoir aller fin février ou commencement de mars à ma propriété de Vernet-les-Bains et vous adresser de là, comme je l’ai fait l’an passé, quelques graines de 1898. EXTRAITS ET ANALYSES. LES GRANDS MAMMIFÈRES DE LA TUNISIE par Harry JOHNSTON. Il y a dix-huit ans, j’ai passé huit mois dans le Nord de la Tunisie, et j'accompagnai pendant quelques semaines une expédition militaire française opérant dans l'Ouest de la Régence. Nous nous livrâmes, avec les officiers français et tunisiens, à de nombreuses chasses, et, en une seule journée, nous pûmes tuer une Lionne, un Léopard, un Cerf de Barbarie (Barbary Stag), une quantité de Sangliers sauvages, une Hyène et plusieurs Gazelles. De telles chasses seraient impos- sibles aujourd’hui. En six semaines, à cette époque (1880), trois Lions furent tués autour de notre campement. Aujourd'hui le Lion n’existe, pour ainsi dire, plus en Tunisie. A peine en rencontre-t-on encore quelques-uns dans les épaisses forêls qui couvrent les montagnes autour d’Aïn-Draham, à l'extrême Nord-Ouest de la Régence. On trouve encore quelques Léopards dans les régions désertes du Nord- Ouest de la Tunisie. L'Hyène rayée se rencontre cà et là dans toute la Régence jusqu’au Sahara, mais on ne la voit plus autour des villes de quelque importance. Cependant, une Hyène a été tuée dans la banlieue de Tunis en 1880. Le Cheval est assez commun. J’en ai souvent vu rôder autour de mon jardin à Marsa, à 12 milles de Tunis. On trouve également des Genettes et des Ichneumons. Les Arabes parlent sans cesse d'un Chat sauvage qui sembie être, d’après leurs dires, le Felis maniculata. On rencontre quelquefois le Léopard et le Caracal dans l'extrême Sud de la Tunisie, plus bas que les lacs salés de Djérid. J'ai vu entre les mains des Arabes des peaux de ces animaux. Le Lynx se trouve dans les forêts des montagnes. On dit que le Singe de Barbarie existe en Tunisie, les Arabes et principalement les Marocains viennent sou- veut dans les villes avec quelques-uns de ces animaux apprivoisés, qu'on croit originaires du Sud du Maroc. Trois de ces animaux que j'ai examinés paraissent être le Cynocephalus hamadryas qui est origi- eu PE Nabé: EE» STORE LS a x "RATE ro 302 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. naire de la Nubie, du pays des Somalis et de l'Arabie : c’est le Babouin de l’ancien art égyptien. J’ai acheté une femelle de ces Singes à un Marocain, et elle se porte encore très bien. Celui qui me l’a vendue m'a dit qu’elle venait de Sus, dans le Sahara, au Sud du Maroc. M. Sclater, qui l’a vue, m'affirme qu'elle appartient certainement à l'espèce d'Arabie. Ceci s’écarte un peu de mon sujet, mais il m'a paru intéressant de signaler ces faits. Le petit Fennec est commun dans la Tunisie méridionale; on trouve dans les parties boisées du pays un Renard à peine différent de celui que nous avons en Angleterre. | > Dans le district de Mateur (Tunisie septentrionale), vit un remar- quable troupeau de Buffles, de cinquante têtes environ. On dit qu'ils descendent de Buffles domestiques de l'Inde, offerts il y a plus de quarante ans au Bey de Tunis par le Roi de Naples. Ces animaux se trouvent dans une propriété du Bey où il y a un grand lac au milieu duquel s'élève une île rocheuse. Ils y vivent à l'état presque sauvage, et, d’après ce que j'ai pu remarquer, leurs cornes sont bien plus déve- loppées que celles des Buffles domestiques d'Italie. Ces animaux sont placés sous la protection du Bey, et on ne pourrait obtenir la permis- sion de les chasser. L’Antilope bubale (Bubalis boselaphus), qui existait encore il y a quelque temps en Tunisie, ne s’y rencontre plus. J’ai appris cependant qu'on en trouve encore dans le Sud de l'Algérie et la Tripolitaine. L'espèce devait être autrefois assez commune dans la Tunisie centrale et septentrionale, car elle est fréquemment reproduite sur les fresques et les mosaïques romaines. M. Spatz, naturaliste allemand, m’apprend que, dans la Tripolitaine où on la rencontre encore, cette Antilope habite de préférence les plateaux recouverts de végétation plutôt que les déserts de sable, habitat préféré de l’Addax. L'Antilope du Cap est connue par les Arabes sous le nom de « Bagar-el-hamra » ou Vache rouge. L’'Addax (Addaz nasomaculatus) peut à peine être considéré comme appartenant à la faune tunisienne, car il ne depasse pas d'ordinaire la limite du désert. Dans mon récent voyage au Sabara algérien, j'ai vü la tête d’un de ces animaux qui venait d'être tué par un Arabe. Les cornes et la peau des Addax sont communes et constituent un article de commerce. J'ai pu me procurer ainsi une très belle paire de cornes d'un mâle et une tête de femelle. Un officier français possé- dait les cornes d'un mâle trois fois retournées sur elles-mêmes que j'ai pu dessiner pour le livre des Antilopes (Book of Anfelopes). Les cornes de la femelle ne décrivent qu’une tour et sont plus minces et plus recourbées que celles du mâle. Elles se rapprochent, dans leur ensemble, des cornes des mâles non encore adulles et des femelles de l’Antilope noire. L'Addax me paraît constituer un groupe particulier se rapprochant des Cobus et surtout du Cobus Marie. > hatné dt EE EXTRAITS ET ANALYSES. 303 Lrs Arabes affirment que, dans le Sahara tunisien, se rencontre un Oryæ, probablement l'Oryx leucoryæ. On peut voir un petit échantillon empaillé d'une de ces Antilopes non adulie dans la collection d'His- toire naturelle du Bey à la Marsa, près Tunis. Il est à remarquer que l'Oryxz figure comme habitant la Tunisie, dans les fresques et les mosaïques romaines actuellement conservées au Musée du Bardo. L'Udad, ou Mouton sauvage de Barharie, est encore commun dans les montagnes de la Tunisie méridionaie. Le Cerf de Barbarie est assez fréquent dans les montagnes boisées de l'Ouest, vers la frontière algé- rienne. Il est protégé par le Gouvernement français et commence à se montrer en assez grand nombre, apres avoir presque entièrement disparu. On rencontre en Tunisie trois espèces de Gazelles; j'ai vu des spécimens de chacune d'elles vivants ou morts; la Gazelle commune (Gazella dorcas), la Gazelle de montagne (4. Cuvieri) et la Gazelle de Loder (G. Loderi). Parmi les animaux représentés su: les fresques et les mosaïques romaines figurent souvent, en dehors de ceux dont j'ai déjà parlé, l’Autruche, qui n'existe plus en Tun-ie, et l'Eléphant d'Afrique, qui est représenté d'une manière très exacte. Il avait probablement été amené de la Numidie (l'Algérie actuelle), car il est peu probable qu'il ait pu vivre à l'état sauvage dans les plaines arides et sans cultures de la Tunisie où il n’aurait pu trouver les forêts qui sont nécessaires à Sa sécurité et à sa nourriture. Il est bon de rappeler à ce sujet que le Carthaginois Harmo, qui fit une expédition sur les côtes de Maroc vers l’année 520 avant J.-C.,rap- porte qu'il a vu de nombreux troupeaux d’Eléphants dans le Tensift, non loin de la capitale actuelle du Maroc (1). >< ALLOCUTION PRONONCÉE PAR M. E. OUSTALET, LE 1 JUILLET 1898, en prenant possession du fauteuil présidentiel, à la séance constitutive du Comité du Standard avicole de France. Messieurs, En prenant place au fauteuil, j'ai à cœur de vous remercier tout d’abord de l’honneur que vous m'avez fait et de la sympathie que vous m'avez témoignée en me choisissant pour présider, au moins provisoi- rement, vos séances mensuelles. Je tiens aussi à vous indiquer dans quel esprit, mes collègues du bureau et moi (car nous sommes parfai- (1) Note communiquée à la Section des Mammifères, le 6 février 1899, extrait des Proceedings of the Zoclogical Society of London, mai et juin 4898, p. 351.) Eu Tr JU 304 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. tement d'accord à cet égard), nous comptons exercer les fonctions dont vous avez bien voulu nous charger. Mais d'abord, pour couper court à certains malentendus, il ne sera peut-être pas inutile de retracer en peu de mots l'origine et le but de l'œuvre que nous avons entreprise et dont l'initiative revient à M. Wacquez. Il y alongtemps qu'on a reconnu qu'il y aurait avantage à definir les caractères des différentes races d'animaux domestiques actuellement existantes, et à les décrire d'une manière suffisamment précise et suffisamment claire pour qu'il n'y eût aucune confusion possible entre deux races voisines, aucune hésitation sur la physionomie extérieure et les qualités que doit présenter tel ou tel animal pour répondre à certaines exigences économiques ou simplement à un caprice de la mode. Des associations se sont fondées dans ce but en Angleterre, en Aï- lemagne et dans d'autres pays. IL existe chez nous, comme chez nos voisins, des Sociétés qui ont déterminé les points des diverses races de Chevaux et de Chiens, mais nous n'avions, jusqu'ici, rien de semblable au Poultry Club anglais dont M. Tegetemeier a re- produit, il y a une trentaine d'années, les principales définitions. Ce n'est pas à dire, assurément, que l’on ne se fût pas occupé chez nous, à diverses reprises, de l'étude systématique et de la classifica- tion des races de Poules, de Pigeons, de Canards et de Lapins. IL snf- fit de parcourir les procès-verbaux et les comptes rendus de l’ancienne Section d'Aviculture de la Sociéfé d'Acclimatation, si malheureusement supprimée, ceux de la Sociéfé nationale d’Aciculture, de la Societé des Aviculteurs français ou de la Société des Aviculteurs du Nord pour voir que des questions de ce genre ont été fréquemment discutées. Je n’ignore pas non plus que nombre de traités et notamment le livre de M. La Perre de Roo, ont donné les caractères de telle ou telle race française. Et cependant, en dépit de tous ces travaux, il existe en- core, chacun le sait, des divergences d'opinions au sujet des carac- tères de plusieurs de nos races, de leur valeur et de leurs limites, di- vergences qui se traduisent souvent, dans les concours, par des diffe- rences d’appréciations de la part des jurés, par des réclamations de la part des exposants. Enfin, et ceci a peut-être encore plus d'impor- tance, les types de nos races françaises sont souvent méconnus à l'étranger ; parfois, même, nos voisins se les approprient et nous les renvoient transformés et accommodés à leur goût, que nous nous em- pressons, du reste, d'adopter. Quelques-uns d'entre nous, d'accord avec M. Wacquez, ont donc pensé qu'il y aurait intérêt à créer, pour les personnes qui s'occupent pratiquement d'élevage ou qui s'intéressent simplement à nos ani- maux de basse-cour, un centre de réunion afin de leur permettre d'échanger leurs vues, d'arriver à se mettre d'accord sur les carac- tères, sur le Séandard de tel ou tel type, ou même de faire prévaloir EXTRAITS ET ANALYSES. 305 nos races nouvelles et encore contestées. Telle a été l’origine et tel est le but de notre Comité du Standard avicole français. Celui-ci, dans notre pensée, doit solliciter le concours d’aviculteurs, d'amateurs et de théoriciens appartenant à des Sociétés diverses et professant les opinions les plus distinctes et parfois les plus opposées. Nous n'avons, on ne saurait trop le répéter, aucunement l'intention de nous substituer à l’une quelconque des Sociétés actuellement exis- tantes dont nous reconnaissons l'utilité ; nous ne voulons pas nous ap- puyer sur l’une plutôt que sur l’autre; nous ne songeons pas même à favoriser la réunion de groupes dont la fusion ne pourra venir que de leur propre initiative. Nous ne voulons nullement, comme quelques personnes ont paru Île croire, créer un petit cénacle officiel qui aurait la prétention, singu- lièrement outrecuidante, d'établir lui-même une série de moules dans lesquels il ferait rentrer, de gré ou de force, toutes les races fran- çaises. Non, nous demanderons seulement à quelques commissions, élues librement par vous, de trouver, si je puis m’exprimer ainsi, des esquisses que vous pourrez ensuite modifier et compléter à votre gré, de manière à obtenir un portrait très poussé de chaque race. Ce por- trait, ce sera le éype idéal que nous chercherons ensuite à faire con- naître, à faire prévaloir par une active propagande. Un tel projet, vous le voyez, n’a rien de subversif; il ne peut porter ombrage à personne, et s’il a, comme on l’a dit, soulevéune certaine émotion dans le moude avicole, c’est assurément parce qu'il a été mal compris. Nous vous in- vitons donc à unir vos efforts aux nôtres pour atteindre un but qui nous paraît utile, je dirai même patriotique, et avec le concours de toutes les bonnes volontés, j'espère que nous réussirons. S'il en était autrement, nous aurons du moins la satisfaction de nous dire que nous avons travaillé dans l'intérêt de tous et que nous n’avons élé guidés que par des sentiments entièrement désintéressés. < LARVES DE Dermatobia noxialis DÉVELOPPÉES DANS LA PEAU DE L'HOMME. Extrait d'une lettre du professeur A. Forez de Zurich (1). « J'ai eu le plaisir d’être piqué, sans m'en apercevoir, par une Oes- tride, dans la forêt du versant Nord de la Sierra Nevada, en Colombie. Cette tendre mère m'a gratifié de cinq œufs au côté dorsal du bras droit et d’un œuf au centre de la région lombaire. J’eus la naïveté de (4) Publiée par le professeur Raphaël Blanchard, dans le Bulletin de la Société centrale de Médecine vétérinaire, 1896. Voir ci-dessus, page 289. 306 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACULIMATATION. prendre sa progéniture pour autant de furonceles, de sorte que je lui donnai le temps de me manger pendant plus d'un mois. Cela vous explique pourquoi ces jeunes larves pleines d'espérance sont si dodues. Elles ne m'oni, du resie, pas empêché de chasser des Fourmis jus- qu’au dernier jour L'une d'elles m’a rongé jusqu à l’aponévrose du tri- ceps. Ces bêtes produisent de temps en temps des élancements très désagréables. Du reste, l’enflure ressemble à s'y méprendre à un fu- roncle, sauf le petit trou par lequel la larve fait sortir parfois l'extrémité de son corps, mais que je ne pouvais voir, à cause de la position des tumeurs. Ayant fait sortir par la pression, sur le paquebot du retour, la peau d’une des larves qui avait mué, je compris du coup ce dont il s’agis- sait. Le médecin du bord me fit deux incisions, sans en rien extraire; mais plus tard, il réussit à faire sortir quatre des larves, simplement par une violente pression. Ces quatre larves sortirent vivantes, bien que deux d’entre elles eusseni éié soumises, deux jours de suile, à une injection de sublimé à 1/1000, pratiquée dans l'incision. Pour les deux autres, j'employai le procédé colombien (jus de tabac mis sous du iaf- fetas d'Angleterre à l'entrée de la cavité) ; vingt-quatre heures après, une faible pression suffit pour faire sorlir les deux larves mories. >» = SUR UNE DES SOURCES DU CAOUTCHOUC DD SOUDAN FRANÇAIS, par Henri Hua, Secrétaire du Conseil de la Soriété d'Acclimatation. Nous espérons rendre quelques services non seulement aux savants, mais aussi aux praticiens, si notre travail apporte quelque clarlé dans une question un peu confuse, comme le sont malheureusement presque toujours celles où la pratique entre en contact avec la science . 316 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. pliqué aux Pacas par Cuvier, leur vient des espèces d'a- bajoues qu'on remarque dans l'intérieur de leur bouche. Et ils ont, en outre, sur les joues, deux cavités ou poches dont l’usage est encore inconnu. Les Pacas sont exclusivement propres à l'Amérique méri- dionale; ils sont communs au Brésil et à la Guyane; ils ha- bitent les forêts humides et c'est, en général, auprès des eaux qu'ils se creusent un terrier à plusieurs issues dont ils ne sortent que la nuit pour aller chercher leur nourriture qui consiste en matières végétales. En domesticité, le Paca mange du pain, des légumes, carottes, betteraves et des fruits ; quoique de grosse corpulence, il court avec assez de légèreté et il fait des sauts assez vifs, mais ses mouvements sont toujours brusques et manquent de souplesse. Il meurt facilement, tout d'un coup; j'en ai perdu, souvent, qui, le soir paraïssaient très bien portants et qu'on trouvait, le matin, morts dans le rocher creux qui leur sert de retraite. On assure que ie Paca reproduit souvent et en grand nombre; je n'ai eu, à la Pataudière, qu'une seule reproduc— tion d’une femelle qui a élevé deux petits. Agoutis (Dasyprocla aculi)}, Amérique méridionale, Brésil, Guyane). — Les Agoutis sont de jolis Rongeurs de la taille de nos Lapins, dont l'Amérique méridionale est la patrie. Ils vivent dans les bois, mais ils ne se creusent pas de terriers et se cachent dans les trous d'arbres et sous les vieilles souches. Lorsque l’Agouti est en colère, il frappe la terre de ses pieds de derriere, absolument comme le Lapin et les longs poils de sa croupe se hérissent verticalement. Sa nourriture consiste, ici, en fruits, pain, carottes, maïs et il saisit ses aliments avec ses pattes de derrière, maïs elles ne lui servent pas à les porter à sa bouche. L'Agouti vit bien en captivité et reproduit facilement en toutes saisons : la femelle ordinairement, n'a que deux ou trois petits qu'elle allaite et qui au bout de deux ou trois jours commencent à la suivre et à courir avec les autres Agoutis. Nous ne rentrons point ces animaux pendant l'hiver : ils vivent, toute l’année, dans un petit parc, avec un rocher creux ayant de nombreuses ouvertures. ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 317 Porc-épic (Hyslrix crislala), Italie, Espagne, Grèce, Algérie. — Il n’est pas d'animal qui ait autant prêté que le Porc-Épic au merveilleux, dont les anciens aimaient tant à allonger leurs pages. | Un poète latin, dont je ne me rappelle plus le nom, pré- tendait que le Porc-Épic était lui-même le carquois, la flèche et l'arc dont il se sert pour repousser victorieusement ses ennemis..... Un autre historien assurait que le Porc-Épic se mettant en furie, ses longs piquants se détachaient de sa peau et qu'ils percaient les hommes et les bétes!..... Un troisième racontait qu’un Porc-Épic en colère, s’élançait avec une extrême vitesse, ayant ses piquants dressés et qu'il les dardait avec tant de force, qu'ils pouvaient traverser une planche... Et l’ancienne Académie des sciences de Paris a répété ce conte dans un rapport fait par les anatomistes de cette célèbre Société et dont voici la phrase : « Ceux des piquants qui étaient les plus forts étaient aisés à arracher de la peau, n’y étant pas attachés fortement comme les autres; aussi sont-ce ceux que ces añimaux ont coutume de lancer contre les chasseurs, en secouant leur peau comme font les Chiens quand ils sortent de l’eau.....» Toutes ces niaiseries n’ont plus besoïn de réfutation, l’ob- servation et la critique en ont fait justice depuis longtemps. Quand on contrarie le Porc-Épic, il fait entendre une sorte de grognement ayant de l’analogie avec celui d’un Porc, d'où lui est venu, sûrement, son nom. | Quand il est en colère, il hérisse sa crinière formée de soies roides et très longues, ainsi que les dards de son dos qu'il secoue et qui produisent un bruit formidable; puis il se précipite très brusquement, maïs à reculons, sur ses ennemis, ce qui lui permet d’enfoncer quelquefois profondément ses piquants, qui se détachent alors de sa peau et qui, très pointus, font des blessures douloureuses. En état de domesticité, le Porc-Épic se montre peu intel- ligent et il ne perd jamais une occasion de reconquérir sa liberté, si elle s’offre à lui. J'ai eu un couple de ces animaux qui nouvellement arrivés de Marseille, cherchaient constamment à couper et à ronger les barreaux de fer de leur enclos. a 2 " Ê h 318 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Pendant une nuit, ils réussirent à briser la porte et à s'échapper. Dès le matin, les gardiens du parc s’apercurent de leur fuite, les cherchèrent, en vain, toute la journée. Ils avaient creusé sous les murs et leur trace se perdait sur les routes durcies par la sécheresse. Quelques semaines après leur évasion, on m'apprit que mes deux Porcs-Épics avaient été vus plusieurs fois et qu'ils se tenaient à Port-de-Piles, dans des carrières profondes, dont ils ne sortaient que pendant la nuit. Or, Port-de-Piles est au moins à 28 kilomètres de la Pataudière. Malgré tous mes essais, malgré tous les pièges, nous ne pûmes jamais les capturer et je n'y pensais plus. Plus de huit mois après cet abandon, je lis, par hasard, dans un journal d'Indre-et-Loire, qu'un Porc-Épic, animal inconnu au pays, venait d’être pris au piège par le jardinier du château de Saché, tout proche d’Azay-le-Rideau. J'écrivis aussitôt à ce jardinier qui me rapporta mon Porc- Épic bien vivant, mais avec une patte de devant coupée par le piège et qui m'apprit que les deux animaux avaient été vus, ensemble, se suivant dans les bois, pendant la nuit. Le second Porc-Épic n’a pu étre repris et je n'ai jamais su ce qu'il était devenu. Pour se faire voir à Port-de-Piles d’abord et ensuite au château de Saché, cés deux animaux ont dù, forcément, traverser deux fois la Vienne, large et profonde rivière. Les Porcs-Épics sont des Rongeurs herbivores, se nour- rissant principalement de racines et de fruits. Ils creusent des terriers profonds et en captivité il faut leur donner un sol solidement cimenté, car leurs griffes sont fortes et puis- santes et, sans cette précaution, ils grattent et défoncent vite leur parc. Ils aiment la chaleur et cependant, nous ne les rentrons jamais pendant l'hiver, : nous fermons seulement leur cabane bien abritée, pendant les nuits trop rigoureuses. Ils reproduisent en toutes saisons et leurs femelles ont ordinairement deux et trois petits, rarement quatre : ici, ils vivent tous ensemble, dans le même enclos et dans la même cabane et les jeunes s'élèvent très faci'ement, sachant bien trouver et reconnaitre leur mère. ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. ° 349 Myopotame Coypou ou Coypu (Myopolamus coypus), Chili, Buenos-Ayres, Tucuman. — Les Coypous habitent des terriers creusés sur le bord des rivières et des lacs : ils vivent de bourgeons, d'herbes, de plantes aquatiques. A la Pataudière, ils se contentent de carottes, de pain, de mais : d’une intelligence très bornée, ils reproduisent facilement, en toutes saisons, et les femelles font cinq à six petits par portée qu'elles allaitent et dont elles ont le plus grand soin. Ces animaux sont doux et ils ne font aucun mal aux Canards et autres Oiseaux d’eau qui viennent souvent nager, au milieu d'eux, dans les bassins de leur enclos. Viscaches (Lagostoma viscaccia ou L. maximus), Amé- rique méridionale. — La Viscache est le vrai représentant, dans l'Amérique méridionale, des Gerboises de l'Asie et de. l'Afrique. Sa tête est semblable à celle d’un Lièvre, mais ses oreilles sont médiocres, nues en dedans, poilues en dehors; sa queue est longue; elle a quatre doigts aux pieds antérieurs et trois seulement à ceux de derrière; le pelage est long, doux, mélangé de brun et de blanchâtre. La nourriture des Viscaches consiste, à la Pataudière, en pain, carottes, salades, maïs. On dit que ces animaux font de grands dégats dans les cultures de l'Amérique méridionale; ils coupent les plan- tations, ravageñt les jardins et, creusant partout des trous et des terriers profonds, ils rendent les espaces, ainsi minés, très dangereux pour les personnes qui voyagent à Cheval, parce qu’elles risquent d’y faire des chutes. La Viscache reste assise sur le derrière à la manière des Lapins et porte ses aliments à la bouche, en se servant de ses pattes de devant pour les enfoncer, mais elle court avec moins de vélocité que le Lapin et sa marche se compose plutôt de sauts réguliers. Lorsqu'elle est poursuivie, elle s'empresse de regagner son terrier. Ces animaux sont de terribles rongeurs qui mordent sans cesse leurs grillages, auxquels il faut donner une grande soli- dité, car ils seraient vite coupés par leurs incisives très longues, fortes, épaisses et taillées en biseau égal. Il faut encore avoir le soin de cimenter leur cour, car les Vistaches grattent et défoncent la terre la plus dure. 320 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. L'ensemble des caractères de cet animal a engagé tous les naturalistes à laisser le genre Lagostome ou Viscache auprès des Chinchillas qui, pourtant, eux, ressemblent à de petits Écureuils. Chinchilla (Chinchilla lanigera) Chili, Pérou. — Ce charmant animal, qui habite vers le sommet des hautes montagnes du Chili et du Pérou, est en effet de très petite taille, tout au plus de la taille du Sciurus vulgaris : il se fait remarquer par la beauté de son pelage velouté, d'un gris perle. de nuance suave, ondulé de blanc. Cette fourrure si douce et si fine est très recherchée et a une grande valeur. J’ai gardé pendant longtemps un couple de Chinchillas à la Pataudière : ces animaux d'une douceur extraordinaire se laissaient prendre dans la main, sans chercher à mordre, ni méme à s'échapper et ils n'avaient aucune mauvaise odeur. D'humeur tranquille, ils restaient couchés ensemble, dans la paille de leur cage et ils se nourrissaient de petit maïs, de blé, de biscuits, de figues et ils aimaient beaucoup les fleurs et les feuilles de trèfle et de luzerne. En continuant l'étude des Mammifères élevés et observés dans le parc de la Pataudière, je ne suis aucune méthode de classification : parcourant le jardin, je décris les animaux au fur et à mesure qu'ils se présentent dans leurs enclos. Je tiens à dire seulement que je n'ai la prétention d'’impo- ser à personne mes propres opinions : je me borne, et il n’est pas inutile de l’affirmer encore, à noter ce que je vois, ce que j'observe et je tâche de faire mes descriptions aussi simples et aussi claires que possible. Coatis, Coati-mondi (Nasua fusca), Brésil, Paraguay, Guyane. — Le Coati est un carnivore plantigrade au nez extrêmement allongé et mobile, grimpant sur les arbres avec la facilité d'un Singe. et, ce qui est extraordinaire, c'est qu'il est le seul animal de son ordre qui en descende la tête en bas, Les griffes fortes et longues de ses pieds de derrière, lui permettent de se suspendre et il se tient ainsi, souvent, ac- croché aux grillages. De tous les Carnassiers, les Coatis sont les plus omnivores; ici, je les nourris de fruits de toutes sortes, de pain, de ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 321 pommes de terre cuites, de carottes, de viande, de laït. Ils sont voraces et mangent beaucoup. Ils reproduisent avec la plus grande facilité: une femelle a sept jeunes qu'elle allaite en ce moment. Ceux que je possède sont très doux : ils viennent dès qu’on les appelle et se laissent caresser. Nyctereutes procyonides, Japon, Sibérie. — J'ai recu, il y a quelques années, un couple de très jolis animaux qu'on m'avait envoyés sous le nom de Nyclereules procyonides et qui arrivaient du Japon. Plus grands, plus élégants que le Raton laveur (Procyon lotor), ils avaient un pelage long, très fourni, gris foncé parsemé de poils noirs : leur queue était grosse, très épaisse, noire au bout et ne leur descendant qu’au talon. Ils n'avaient point d'odeur et ne sentaient pas mauvais comme les Renards ou autres Carnassiers. Je n’en ai jamais vu dans les jardins zoologiques et je n'ai jamais pu connaître avec certitude leur vrai nom scientifique. Feu Cornély, du château de Beaujardin, m'avait donné à la même époque, peu de temps avant sa mort, une très belle femelle qu'il appelait, lui aussi, Nyctereutes procyonoides, mais qui venait de Sibérie. Il m’assurait qu'il n'avait jamais eu, ni vu cet animal qui était bien semblable de forme aux Nyctereutes du Japon, mais plus gros et d’une couleur plus claire, avec un pelage plus laineux et plus long. Pendant l'hiver, ce pelage épais s’épaississait encore davan- tage et se feutrail... ce qui indiquait, en effet, que cet animal était bien originaire d’un pays froid. Puis, dès le commencement de l'été, ce eutre ou plutôt cette laine épaisse tombait en grosses bourres, ne laissant que le poil. Mon couple de Nyctereutes du Japon a reproduit, régulière- ment, pendant les trois premières années de son arrivée à la Pataudière : la femelle élevait parfaitement, chaque fois, ses cinq ou six petits et j'ai pu en envoyer à Londres, à Breslau et autres lieux. A partir de la quatrième année, la mère Nyctereutes dévorait ses jeunes, sitôt la mise bas... et je n'ai jamais pu lui faire perdre cette fâcheuse et inexplicable habitude. re … ’ 4 PR RRUUT Le sr rs V'PONITEAPE SANT éd alias sh PNR LT DT - Mad L un ttinlnh Bots 7 lt fn cef PE TRZL - 10 7n24 | é te al Doa:T dar Où di. 322 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. La femelle de Sibérie n’a jee voulu S RE avec un mâle du Japon. Je nourrissais ces animaux uniquement de soupe au lait et de viande crue. Chacals, (Canis aureus), Algérie, Afrique, Inde. — Pendant plusieurs années, j'ai pratiqué l'élevage du Chacal, à la Pataudiere. Chassant, alors, beaucoup à courre, j'avais un équipage de Chiens vigoureux, auxquels je faisais courir le Chacal, lorsque je manquais de grands animaux, ce qui, dans ce pays, m'arrivait assez souvent. Ces chasses de Chacals étaient: très amusantes et toujours très goutées et très désirées par mes amis. Nous avions composé, tout exprès, pour ces laisser-courre une fanfare que nous sonnions avec entrain, et nos Chacals, lâchés le matin, dans les bois, une ou deux heures avant l’arri- vée de la meute, se défendaient bien et tenaient toujours, dans une poursuite enragée, sans un seul défaut, sans un balancer, toujours au galop, pendant trois quarts d’heure,au moins !… J'avais deux variétés de Chacals : le Chacal gris doré de l'Algérie, que tout le monde connaît et un Chacal qui venait des Indes, plus trapu, moins haut sur jambes, plus noir et plus robuste que le premier. Le Chacal d'Algérie courait plus vite que le Chacal de l'Inde, mais il avait moins de résistance et gardait moins bien les fourrés. Mes Chacals reproduisaient à merveille et les portées étaient, toujours, de six à sept jeunes. Je les nourrissais avec de la viande crue et ils restaient toujours très vigoureux. Logés loin de la maison, heureusement, en face des chenils, ils hurlaient souvent pendant la nuit, tous ensemble, et nous donnaient un concert discordant, à nul autre pareil, surtout quand mes grands Chiens faisaient la contre-partie, ce qui arrivait presque toujours. Renards. Renard ordinaire (Caris vulpes), Europe. — Je possède des Renards vulgaires qui élevés jeunes sont tres familiers : l’un, surtout, accourt à ma voix, se couche, bat de la queue, crie pour se faire caresser; comme un jeune Chien, il lèche la main. ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÊRES. 323 Renard isatis, Renard bleu (Vuipes lagopus). Islande, Russie, Norwège. — Ils ‘ont près d'eux, un superbe Renard bleu (/salis), que j'ai essayé, toujours inutilement, d’accoupler avec une Renarde commune très apprivoisée et très douce. : L’Zsatis qui se trouve sur tout le littoral de la mer glaciale et des fleuves qui s’y jettent, est fort rare et je n’ai jamais pu me procurer une femelle. La moëlleuse fourrure d’/satis aux couleurs foncées, reflétant un cendré bleuâtre, atteint un tel prix que s’il arrive à un chasseur de s'emparer d’un ou deux petits, il les apporte chez lui, leur partage le lait et les soins de sa famille, se donnant beaucoup de peine pour les élever jusqu’au moment de les tuer et de vendre leur peau. On dit que l’Zsatis, comme tous les Renards, est rempli de ruses et de hardiesse, maïs qu'il a l'avantage sur ces derniers de ne pas craindre l’eau et de nager avec la plus grande facilité. Mon Renard bleu ne se nourrit que de viande crue fraiche, et de gibier qu’il préfère à tout. Mes autres Renards communs sont moins délicats et ils mangent, avec plaisir, la soupe au lait et le pain : il leur faut cependant, de temps à autre, un peu de viande crue, de la volaille, des Oiseaux. Et pour tout ce petit monde très vorace, nous élevons, en grande quantité, de malheureux Cochons d'Inde (Apereu, Cavia cobaya), qui sont très prolifiques et toujours très esti- més par tous nos Carnivores. Civette (Viverra), Afrique, Abyssinie, Asie. — La Civette tachetée habite l'Afrique et surtout l'Abyssinie ; on la trouve aussi en Asie. Elle a près de l'anus une poche assez profonde qui se rem- plit d’une humeur, espèce de pommade, onctueuse et par- fumée, qui était autrefois tres recherchée et à laquelle on attribuait des propriétés mer veilleuses, comme aphrodisiaque stimulante; mais aujourd’hui, ses prétendues vertus sont oubliées et je croïs qu’elle n’est plus employée. En captivité, la Civette dort tout le jour, mais le soir, elle devient agile et souple comme tous les animaux de son genre et elle saute et bondit dans sa cage comme un Chat. Quoique né dans les pays chauds, cet animal s’habitue ce- 324 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. pendant tres bien dans notre climat, pourvu qu'on le tienne dans un lieu chauffé pendant l'hiver. J'ai une femelle depuis plusieurs années, elle est toujours très bien portante et nulle- ment farouche : elle mange de la viande crue et boit du lait. Genette ordinaire | Viverra genelta), France (Poitou). — Cet animal est à peu près de la grosseur d’une Fouine, mais sa tête est plus étroite et plus effilée : elle a de la finesse dans la figure, de la grâce dans les mouvements et beaucoup d'agilité. Son pelage d'un gris mélé de roux, tacheté de petites macules noires, tantôt rondes et tantôt oblongues, est fort joli et sa queue a quinze anneaux alternativement noirs et blanchâtres, avec des teintes rousses. Je croyais la Genette originaire d'Afrique, je savais qu'elle se trouvait aussi en Espagne, mais je la croyais à peu près in- connue en France.... | J'ai donc eu, il y a quelques mois, une bien agréable sur- prise, en recevant un mâle d'abord et une femelle ensuite de ces animaux, capturés tous les deux dans les environs de Parthenay (Deux-Sèvres). M. Paul Fradin, avoué dans cette ville, en me faisant ce précieux cadeau, m'assurait que la Genette se rencontrait assez souvent dans les bois de Parthe- pay et en Vendée et qu'on y voyait aussi | Hermine (Mustela herminea) et quelques fois même le Vison (Putorius vison), qu'il espérait bien pouvoir encore et prochainement me pro- curer vivants. La Genette vit bien en captivité... mais ici elle dort toute la journée dans une büche creuse, se réveillant le soir et s’agi- tant toute la nuït. Je donne pour nourriture des débris de volailles, de gibier et des petits Oiseaux. PÉPITA ET DOLLAR. — EMILE ET FRÉDÉRIC. Loutre {(Lutrn vulgaris et L. brasiliensis), Europe, Amé- rique du Sud. — Ma Loutre Pépita n’a point vu le jour sur les rives fleuries qu'arrosent l'Indre ou la Loire : elle naquit bien loin, dans quelque coin ombreux des solitudes vierges de l'Amérique du Sud. Son enfance dut être heureuse, étant libre, et n’a pas d’his- ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 325 toire, jusqu'au jour où la rencontra un Gaucho, chasseur pil- lard, sur les bords du Parana. Ajuster la pauvrette, tirer et la blesser, fut tout un pour notre croquant, gaillard sans autres scrupules, qui n’ambi- tionnait, je le crains, que la fourrure de ma bête, fourrure superbe d’ailleurs, merveilleuse en son poil ras plus brillant que satin, plus luisant que velours. Emerveillé de sa conquête gisant déjà sur l'herbe ensan- glantée, le Gaucho se précipitait sur la pauvre Pépita, couvant sans doute le sinistre projet de l’achever, quand survint tout à point, attiré par le coup de feu, notre excellent ami, le doc- teur Dubard. Il arrêta le forcené, — c'était le plus pressé à faire, — puis il plaida l’acquittement de l'animal endolori avec l’éloquence du cœur, je veux le croire, d’abord, ensuite avec l’éloquence de l'or à laquelle nul Gaucho des pampas, ne résiste jamais. Le nôtre se laissa persuader puis la bourse garnie et la cons- cience à l'aise, remit en sifflotant sa carabine en bandoulière. Et pendant que le drôle s’en allait à méfaits nouveaux, le docteur Maurice Dubard examina la victime, se demandant à part lui, s’il allait la traiter en capture ou en..... cliente ? Et comme il palpaït la blessure qu'il ne trouva pas mortelle, il fut tiré d'incertitude par les crocs de la patiente qui, assez brutalement, vinrent s’incruster en ses chairs ! Ainsi mis dans un cas de légitime défense, M. Dubard li- gotte, de main de docteur souple et ferme, la Loutre récalci- trante qu'il emporta chez lui pour mettre en observation. Quel traitement put-il lui faire subir? Persuasion ou coer- cition ?.. Je n’en sais rien !... Toujours est-il que l’animal se transforma sous sa main comme par enchantement. De la bête sauvage aux crocs toujours saillants, menace perpétuelle et combien dangereuse! — j'en appelle à vos cicatrices, mon cher docteur ! --il ne resta rien, rien qu’une douce créature, plus fidèle qu'un Chien, plus soumise qu’un agnelet! Lorsque mon excellent ami me fit ce précieux cadeau de Pépita que j'attendais impatiemment comme une merveille annoncée, avec tout au fond du cœur, une vilaine arrière- pensée que la bête avait peut-être été louée trop par avance, je fus littéralement subjugué et mis sous le charme. La bête était de noble race, avec son pelage près duquel paraîtrait terne le velours des fabriques lyonnaises et stépha- Lit RAS TN PA ER TE NOTE DS MP PP TE TS V NN LE TETE QU t 4 N : "1 > ba a ca dé LE 23 Né. indtvidhe 326 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. noises. Peut-être un peu plus petite que nos Loutres de France, elle m'apparut plus éveillée, plus leste, plus pim- pante, avec un je ne sais quoi d'’onduleux, de féminin dans la démarche, un air souple et gracieux dans le moindre de ses mouvements | Ceci pour l’entrevue première ! Et depuis, à l'essai, — car au bout de quelques jours, j'obtins de ma pensionnaire une docilité complète, — je pus me convaincre aisément que la beauté de Pépita était à ses autres mérites comme strass est à diamant! - À citer toutes ses gentillesses, l’article s’allongerait sous ma plume élogieuse comme un de ces papiers sans fin que dévore en grondant le rotatif minotaure du journalisme actuel. Mais je n'en veux dire qu'un mot qui résumera tout, elle est par- faite !... elle est merveilleusel!!... Qu'elle ait quelques caprices avec la gent canine... qu'elle lutine assez souvent, avec les Chats de la maison, et tutoie de la griffe ses habituels commensaux, je ne le nieraï point, non plus que je célerai les quelques rares accrocs faits aux ten- tures et aux fauteuils. Tout cela gaminerie pure, sans l'ombre de méchanceté, sans un soupcon de noirceur ! Hé! ce sont jeux d'animal que comprend ma chienne Mira, belle et char- mante, Saint-Germain et bonne amie de Pépita, qui fait assaut avec elle d'espiègleries, de culbutes, de coups de pattes inoffensifs et de coups de dents affectueux. - Pour l’homme, rien que des caresses ! La grâce, la douceur, la soumission faites Loutre ! Câline, elle se ploie sous la main qui la flatte, et humble avec sincé- rité, elle se courbe sous celle qui menace! Prenez-la par la queue, tirez-la par la patte, faites mine de secouer le velours de sa peau, tombez sur elle à l’improviste pour lui faire quelque agacerie, nul danger que Pépita ne vous morde ou même qu'elle gronde. Vous la verrez plutôt se rouler à vos pieds, quémandant un pardon et des caresses que vous ne marchanderiez pas sans être injuste et méchant d’une ina- vouable facon. Ordonnez! Pépila est toute soumission. Elle suit à la pro- menade, va, court, revient au moindre appel, sans que jamais un murmure ou une plainte lui échappe. Elle ne connait pas la révolte, ignore la désobéissance. Sur un mot, un signe, elle s’élancera en avant, ou docile, se ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 327 mettra derrière vos talons, comme le Chien le mieux dressé. Jamais moment d'humeur ou instant de colère, et le pre- mier appel, toujours, la trouve prête à l’action qu'on lui commande. Admirable pécheuse, elle rapporte le Poisson vivant !!! Mon désespoir était de n'avoir pas trouvé de compagnon à Pépila, quand enfin j'ai réussi à mettre la main sur Dollar, jeune... loutron superbe. Dollar — qui vaut plus que son nom — est un mäle déjà vigoureux et qui me donne grand espoir pour une colonie future de Dollar II, Pépita II, dont je me réjouis par avance ! Il est beau comme Pépita et docile presqu'autant qu'elle. C’est ainsi qu'il suit volontiers à la pro- menade, pêche à commandement, revient quand on l'appelle. Il est même curieux par ses familiarités, quoiqu'il les sup- porte très mal. Que d'aventure, la main d'un téméraire s’égare en sa fourrrure, il a tôt fait de la happer entre ses dents pointues. J'ai beau, par tous les arguments, lui prêcher l’amabilité, je prêche un endurci que je n'arrive pas à con- vaincre et à convertir. Que n'ai-je les secrets du docteur Dubard!... C'est à la pêche qu'il faut voir Dollar et Pépila ! Ils y sont l’un et l'autre, merveilleux, simplement merveilleux !... Qui se joindrait à notre équipage au moment d’un départ en serait ébaubil!... Délaissant la Pataudière qu'enserre dans ses lacis ie Mäble sinueux, assez fréquemment nous franchissons les 3 kilo- mètres qui nous séparent de Champigny pour donner un plus vaste terrain d'exercices à nos pêcheurs et retrouver notre petite rivière au moment où elle se grossit de la Veude, son affluent. | Dollar et Pepita nous suivent, non pas dans des paniers — fi donc ! — mais librement, trottant des quatre pattes comme il convient. Sur routes, voitures et équipages ne leur sont pas un embarras ; troupeaux de passage, chiens aboyant ne les effraient pas, et oncques nous n’aurions à nous occuper de nos bêtes, n'était le plaisir que nous éprouvons à l'observation de leurs petits manèges !…. Et quand, pour abréger, nous prenons à travers les prés, par les petits chemins où on ne va qu'en file indienne, nous ne sommes pas sans effrayer parfois les indigènes de l’un et l’autre sexe qui, en dépit de nos réconfortantes apostrophes, 2, RS RTS TE UN CR IPN SRE SP LE RE PET Fe, VA ALT DER CR UN AIT MP | À TS 2PTET NI 328 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. nous abandonnent assez souvent la place pour prudemment se répandre par les côtés. C’est quand Emile et-Frédéric font partie de la caravane, car ces deux Carpinchos, quoique doux comme on ne l’est pas, ont dans leurs physionomies d'Ours l’air bien un peu rébarbatif! Emile et Frédéric, noms biens connus et souvent pronon- cés dans notre pays : on rit à se tordre en se rappelant ces deux personnages si grotesques ! Emile et Frédéric, les insé- parables de Pépita, sont deux énormes Cabiais venus d'Amé- rique avec elle, amenés par le docteur Dubard. Très jeunes, ils se promenaient libres sur le bateau, pen- dant la traversée, chéris des matelots qui s’en amusaient! Emile était le bon camarade, d'humeur joyeuse et aimable ; il buvaïit sec, toujours sans refus, se piquant le nez trop sou- vent et... ce qu'ilétait drôle alors! Son penchant si prononcé pour la dive bouteille l'avait fait nommer Emile par l’équi- page du nom du capitaine dont il partageait si bien les gouts, m'a-t-on dit?... Frédéric, au contraire, était taciturne, grincheux, et de même que le second du navire dont il portait aussi le nom, il restait toujours à l'écart, peu aimé, ou, du moins, jamais cajolé, jamais affriandé, comme était son frère Emile, le gai compagnon ! | Mais je continue l'histoire de Pépila, ma brune favorite... Nous voilà arrivés près de la rivière, nos quatre animaux nous suivant toujours avec docilité, au milieu des très nom- breux curieux que nous récoltions toujours sur notre chemin et qui venaient, bien souvent, de fort loin pour voir, eux aussi, et pour prendre part à nos pêches vraiment merveilleuses! Donc, je fais un signe... Mes deux bêtes noires s’élancent..… un clapotement de l'eau, deux trous aussi vite aplanis que creusés par les deux corps, voilà Dollar et Pépita en chasse! C'est dans son élément, c’est là qu'il faut la voir pour com- prendre combien est juste cette appellation de terroir de Lobilo de agua qui désigne la Loutre en son pays d’origine. « Petit Loup de rivière », oui! Et jamais maraudeur ter- restre ne dépeupla les bergeries autour de son repaire mieux que Dollar et Pépita ne dépeuplent les cours d’eau! Nageant avec prestesse, plongeant comme l'éclair plonge dans la nuée, ils fondent sur leur proie avec un égal acharnement. ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 329 Que sert au Brochet sa vitesse? Nul Poisson ne peut échap- per à la dent du Loup de rivière! Mais Dollar est un mal-appris — je ne devrais pas m'en vanter! — qui pêche pour son propre compte et mange gou- lüment toutes ses prises! Aussi souvent qu'il peut, il est même un larron, et, malgré notre indignation, il enleve, à notre barbe, de la bouche de Pépita, la proie qu'elle a con- quise et qui frétille entre ses dents, tout juste assez serrées pour la maintenir captive et nous la rapporter intacte. Pépila, toujours bonne et douce, ne se fàâche jamais des incartades de son ami. Seulement, il lui arrive de plonger sournoisement pour soustraire à sa gloutonnerie une proie qu'elle nous réserve. Et quand nous la voyons émerger près du bord, avec, entre les dents, un Poisson secoué de spasmes, Dollar a beau s’empresser, faire rame des quatre pattes, la conquérante et son butin sont tôt à nos pieds et le larron n'arrive que pour recevoir, de notre part, des rebuffades justifiées par sa traitrise, et, de la part de Pépita choyée et caressée, des moqueries qu’on peut lire en ses yeux malins ou dans les ondulations railleuses de tout son Corps. Penaud et dépité, Dollar retourne à ses affaires, suivi de Pépila courant à poursuites nouvelles, guignant Poisson et gibier d’eau, attentifs l’un et l’autre aux passages qui s’effec- tuent sous eux dans les profondeurs en surveillant le voletage des Râles et des Gallinules s’aventurant le long des rives. Nageant doucement, avec discrétion et mystère, ils arrivent à bonne portée, puis, tout d'un coup, s’élancent sur l'Oiseau que ses ailes ne sauvent pas toujours. D'autres fois, il n’est pas trop des efforts combinés du couple pour effectuer la conquête d’une prise difficile : un gros Rat d’eau surpris dans son gîte et luttant pro focis avec l'énergie du désespoir est-il trop récalcitrant, l’assaillant, par un cri, appelle son compagnon qui accourt à la rescousse. Et alors il n’est griffe ni dent qui puisse sauver notre Rat! IL est pris, il est roulé en dépit de toutes ses malices, et il est happé par Dollar qui ne connaît pas, lui, de capitulation et qui chasse, on le sait, pour le bon motif, j'entends la satisfaction d’un appétit toujours éveillé. C’est que, s’il veut bien condescendre à jouer dans son élé- ment avec Pépila sa compagne, quand la pêche ne va pas, ce Buil. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 22. 330 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ne sera jamais lui qui lâchera la proie pour quéter... des compliments! Au rebours, Pépila muse parfois comme femme coquette et fait la belle pour la galerie, alors que l'assistance est nom-:. breuse et surtout brillante! Elle nage et elle plonge avec art et avec étude, dédaigneuse du Poisson et ne se préoccupant que de déployer ses grâces! Elle accrobatise sous l’onde et à sa surface, évolue en tous sens, allant, venant, virant, pour repartir ensuite, tantôt avec une lenteur gracieuse, savam- ment, tantôt avec une furia inattendue, stupéfiante! Dollar, lui, renfermé en son moi égoïste, méprise ces manèges ; mais ce sceptique, jamais, jamais, ne vaudra Pépia, l'aimable et gracieuse coquette, la Loutre phéno- Malheureusement, je n’ai jamais pu obtenir la reproduction de Péjita, pas plus que celle des autres Loutres qui ont vécu souvent à la Pataudière. J'en ai élevé de très jeunes : elles sont devenues très fami- lières, très douces, me suivant comme des chiens, toujours très intelligentes, mais jamais je n'ai pu les faire reproduire en captivité. Tatou encoubert (Dasypus seæcincius), Amérique méri- dionale, Paraguay. — Ce singulier animal, à la tête large, aplatie et triangulaire, est recouvert d’un bouclier osseux, et cette cuirasse qui lui couvre le dos et qui est dentelée en scie sur les flancs, est composée de six à sept bandes mobiles. Le Tatou ne se roule point en boule, mais quand il est menacé d’un danger, il s’aplatit contre la terre, dont il a un peu la couleur, au point de disparaître aux yeux de ses ennemis. Il ressemble à un énorme Cloporte. J’ai toujours entendu dire que ces animaux étaient craintifs, nocturnes, très inoffensifs, n’attaquant jamais les êtres plus faibles qu'eux. .... Ceux qui sont à la Pataudière se montrent toujours très alertes, courant toute la journée, avec beaucoup de vitesse, en plein soleil, autour de leur grillage. Ils sont d’une voracité extraordinaire : tout dernièrement, un gros Ara bleu étant tombé maladroitement dans leur cour, a été immédiatement saisi par mes Tatous et entièrement dévoré, malgré ses cris désespérés, ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 331 Ils se nourrissent de viande crue, de soupe au lait et même de fruits. J'ai souvent la reproduction des Tatous et ils reproduisent en toutes saisons; une femelle vient de mettre bas, au- jourd'hui même (fin de janvier 1899), et elle allaite ses trois petits. Ces animaux creusent la terre avec une telle vitesse, que sous ce rapport, ils ne peuvent être comparés qu'à la Taupe; aussi leur enclos doit-il être solidement cimenté, ou pavé avec soin. Originaires des contrées chaudes et tempérées de l’Amé- rique méridionale, telles que la Guyane, le Brésil, le Para- ouay, le Chili, ils sont frileux et nous les rentrons, toujours, dès le commencement de l'hiver, dans un endroit chaud. Damans, Marmotte du Cap Æyrax capensis). Cap de Bonne-Espérance, Arabie, Abyssinie, Syrie. — Les formes du Daman sont lourdes ; sa tête est épaisse, son museau obtus, son pelage est joli, doux, soyeux, très fourni. Il habite le Cap de Bonne-Espérance, l’Abyssinie, l'Arabie, le Liban et ne se trouve que dans les montagnes hérissées de rochers. De la taille d’un Lapin, il se creuse un terrier et Buffon l'avait placé avec les Rongeurs, auprès de la Marmotte, dont il a un peu les formes. Et certes, personne avant le grand naturaliste Cuvier, n’eût deviné que le Daman, aux mœurs douces et intelligentes, était le portrait en miniature du Rhinocéros, c'est-à-dire du plus stupide et du plus brutal des Quadrupèdes. J'avoue que j'aurais toujours pris le Daman, non pour un Rhinocéros, mais pour un Raf. C'est donc grâce à l'anatomie que les naturalistes ont trouvé et décidé que ce joli petit animal est un Pachyderme ...que sauf la taille, il a de très grands rapports avec les Rhinocéros et que même son système dentaire présente une certaine analogie avec celui de ces gros animaux. Quoi qu'il en soit, mon couple de Damans, très vif, très remuant, mais très apprivoisé, se retirait dans sa petite ca- bane, à la moindre apparence de danger. Ces deux animaux ont vécu longtemps à la Pataudière, je les nourrissais de pain et de tous les débris de la cuisine, mais ils n’ont jamais reproduit. Assez communs, m'a-t-on hé 332 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. assuré, en Palestine et en Arabie, je n'ai, cependant, jamais pu me procurer d’autres Damans. Pécaris, Pécaris à collier {Dycolyles torquatus), Amé- rique méridionale. — En toute franchise, j'avouerai, sans détour, que ces vilaines bêtes n’ont pas mes préférences. Depuis très longtemps, j'ai des Pécaris à collier : ces ani- maux ont toujours été, à la Pataudière, sauvages, peu intel- ligents, méchants et ne reproduisant point. On dit, pourtant, que le Pécari s’apprivoise, qu'il accourt à la voix, qu'il parait même goûter les caresses et qu’en cap- tivité, il reproduit très bien... Je possède, en ce moment, deux mâles et une femelle née à Reims, chez le docteur Wiet qui avait un couple reprodui- sant, à merveille, chaque année. Depuis trois ans, les miens n'ont jamais eu de petits. Le docteur m'a encore envoyé, il y a peu de temps, une jeune femelle douce, point sauvage, en m'assurant que je pouvais la lâcher avec les trois autres, ses frères plus vieux... Mais, cette malheureuse petite bête, mise dans l’enclos de ces trois stupides et féroces animaux a été aussitôt et litté- ralement dévorée. Un matin, le gardien étant entré pour faire le pansage ac- coutumé, avec deux seaux d’eau, dans le parc de quatre Pécaris que j'avais alors et qui paraissaient doux, ces ani- maux sans provocation, sans motif, se jetèrent à l'impro- viste sur ce malheureux et le mordirent cruellement, lui dé- chirant les jambes affreusement... Les Pécaris ont sur le dos, près des lombes, une ouverture glanduleuse d’où suinte une humeur dont l'odeur alliacée est tres pénétrante et très fétide, surtout quand ils sont irrités… C'est cette glande que l’on a comparée à un second nombril qui leur a valu ce nom générique de Dicolyles. A la Pataudière, les Pécaris se nourrissent de foin, de ra- cines, de grains de Maïs, ils aiment surtout les Pommes de terre crues, les fruits, les salades. , MAKIS ET SINGES. Pour terminer cette trop longue notice biographique sur les Mammifères du parc de la Pataudière, il me reste encore LE PN PRO EE el . i JC, JE RPENEE L— sù. ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 333 à donner une courte description de mes Quadrumanes, autrement dits de mes Singes, car j'en possède plusieurs espèces intéressantes et rares! J’y joindrai les Makis. Makis. — Les Makis font le passage naturel des Quadru- manes aux autres Mammifères ; leur museau est effilé comme celui du Renard; leur queue . longue, leur poil doux et laineux ; ils aiment la chaleur, même dans leur pays, et ils sont difficiles à conserver en captivité dans notre climat. Maki vari (Zemur vari), Madagascar, — Aussi, j'ai eu beaucoup de Makis varis et j'en ai perdu beaucoup: ce sont, je crois, les plus délicats de tous les Makis ? J’en possède cependant un très beau couple qui vit depuis plus de trois ans à la Pataudière et qui passe ses hivers, tou- jours, dans le plus parfait état de santé, mais qui, malheu- reusement, n'a pas encore reproduit. Maki à front blanc (Leur albifrons) et Maki à front noir (Lemur nigrifrons), Madagascar. — Tous ces Makis ont les mêmes instincts et les mêmes habitudes ; ordinaire- ment somnolents et paresseux, ils déploient par moments, une telle vivacité que les yeux ont peine à les suivre, tant est grande la rapidité avec laquelle ils sautent en jouant, aux cordages ou sur les vieux troncs d'arbres placés dans leur chambre. Les Makis à front blanc, surtout, montrent une vigueur extraordinaire et ils grimpent sans effort, s’élancent en fai- sant des bonds prodigieux, surpassant en agilité, même les Singes les plus lestes. Une femelle Maki à front noir a eu un petit qu’elle portait en travers de son ventre où il s’attachait avec ses quatre pattes, restant collé, caché et enfoncé dans le pelage de sa mère qui l’allaitait et qu’elle a élevé pendant plusieurs mois ; maïs il est mort avant d’être adulte. Les Makis ne se trouvent que dans l'ile de Madagascar où ils vivent, en troupe, dit-on, dans les grands bois. A la Pataudière, nous les tenons toujours dans un appar- tement très chaud et que nous chauffons encore pendant tout l'hiver : nous les nourrissons de soupe au lait, de biscuits, de pain, de fruits, surtout de figues et d’oranges. 334 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Ils lapent en buvant à la manière des Chiens. Mais les Varis font entendre de temps à autre dans le cou- rant de la journée, des cris rauques et si effroyables qu'ils sont fatigants et tout à fait désagréables. Singes ouistitis (Jacchus vulgaris), Brésil, Guyane. — Il y a peu d'années, j'avais dans une cage construite tout ex- près, bien chauffée à l’eau bouillante et toujours placée dans un appartement très chaud, une demi-douzaine de charmants petits animaux qui n’atteignaient pas la taille d’un Ecureuil, toujours chéris à cause de leur petitesse, toujours recherchés à cause de leurs gentilles manières. J'ai nommé le Tüi ou Ouistiti du Brésil. Ces jolis petits Quadrumanes, qui s’apprivoisent aisément, sont très difficiles à conserver et malgré toutes les précautions les plus minutieuses, ils meurent promptement. J'ai pourtant réussi, une fois, à avoir la reproduction d’un couple : trois petits ont été élevés par les parents et ont vécu pendant plusieurs mois. Bien souvent j'ai voulu avoir des Ouistitis, essayant par tous les moyens, et en leur donnant les soins les plus assidus, de les faire vivre en captivité... mais toujours au bout de quelques mois, ou pendant l'hiver, je les ai perdus, et je crois qu'il est très difficile, sinon impossible, de garder ces jolies bêtes bien vivantes dans notre climat. Les Ouistitis mangent des biscuits, des fruits doux, raisins, figues et ils boivent du lait. Guenon dorée (Semnopilhecus auratus), Indes. — J'ai un couple de ces jolis Singes au pelage d’un beau jaune doré. Voilà bientôt deux ans qu'ils sont ici et ils passent leur second hiver encore très bien portants. Un peu défiants, mais cependant très doux, ils viennent et se laissent caresser dès qu'on les appelle : ils sont d’une légè- reté sans pareille ; ils semblent voler plutôt que sauter et ils s’élancent sur leurs trapèzes et sur leurs cordages avec une grâce et une vivacité extraordinaires. Ils ont la singulière ha- bitude de rouler dans leurs mains, tout ce qu'on leur donne avant de le manger. Ils se nourrissent de pain, de lait, de bis- cuits et de fruits. ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 335 Callitriche, Singe vert (Cercopithecus sabœus), Séné- gal. — Le pelage de ce Singe est vert olivâtre en dessus avec la face noire ; la queue est plus longue que le corps. Je n'ai qu'une femelle : elle vit depuis longtemps à la Pa- taudière ; elle est douce, très gaie, bondissant, gambadant sans cesse, faisant toujours des malices et des niches à tous ses camarades. Mangabey (Cercocebus fuliginosus), Gongo. — C'est une des espèces que l’on apporte le plus fréquemment en France et qui supporte le mieux notre climat. Tous les Mangabeys que j'ai eus se sont toujours mon- trés doux, familiers, caressants. J'ai encore un couple de ces animaux ; toujours en action, d’une pétulance et d’une agilité étonnantes, ils prennent toutes les attitudes et souvent les plus grotesques ; ils font toujours des grimaces très drôles et quelquefois de jolies petites mines pour exprimer leurs désirs, relevant leurs lèvres comme s'ils voulaient rire, ou les agitant avec rapidité, comme s'ils par- laient avec vivacité. Ce sont des Singes très amusants et qui résistent longtemps à la captivité, à la condition de les tenir chaudement à l’abri des intempéries. Bonnet-Chinois, Guenon couronnée { Macacus sinicus), Bengale et Rhesus (Macacus rhesus), Inde. — Macaque à face rouge (Macacus speciosus), Indes Orientales. — Ma-- caque à face noire (Macacus carbonarius), Sumatra. — Une femelle Bonnet-Chinois s’est accouplée avec un mâle Rhesus et elle a eu, de cet ascouplement, une jeune femelle déjà très forte et très bien portante. Toutes les femelles de ces Macaques restent douces et fami- lières, tandis que les mâles, et surtout les Rhesus, intelligents et doux dans leur jeunesse, deviennent très méchants, sou- vent féroces, en vieillissant, et j'ai dù en faire tuer plusieurs qui ne se laissaient plus approcher. Ces Singes vivent très bien en captivité et ils sont toujours bien portants, plusieurs depuis six, sept années et même plus, qu'ils sont à la Pataudière. Tous sont sortis pendant les beaux jours d'été et ils 330 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. grimpent en faisant des grimaces qui amusent, sur de hauts mâts placés çà et là dans le jardin. Sajous, Sajouassous (Cebus apella), Guyane.— Quoique vifs et turbulents, tous les Sajous sont d’un naturel doux, aimable, très affectueux. Je recois souvent ces jolis Singes qui, malheureusement, sont très frileux, très délicats et que je n’ai jamais pu con- server bien longtemps, car pendant l'hiver, ils sont sujets aux maladies de poitrine qui les enlèvent promptement. 2 ai png 331 DE L'ÉPOQUE ET DE LA DURÉE DE LA FRAYE CHEZ LES CORÉGONES DANS LE RÉSERVOIR DE LA LIEZ (HAUTE-MARNE) par Charles ROYER (|) Il est, en France, bien peu de pisciculteurs qui aient vu frayer des Corégones; voici, à ce sujet, quelques renseigne: ments précis. Introduites dans le vaste réservoir de la Liez, près Langres (Haute-Marne), plusieurs espèces de Corégones ont admira- blement réussi et se reproduisent aujourd'hui naturellement dans ces eaux (2). En 1898, il m’a été donné d'assister à la fraye; c’est vers le 20 novembre, par une température voisine de zéro, que celle-ci a commencé; le plus fort s’est produit vers le Ier décembre, et le 5 du même mois, la fraye m'a paru finie. Il faut dire cependant qu'à partir du 3 décembre, le vent s’est élevé et que, par suite des vagues qui agitaient la surface de l’eau, il m'a été assez difiicile de me rendre compte de ce qui se pas- sait, toute navigation étant devenue impossible. Remarquons que les grandes espèces, telles que le Corego- nus maræna (des exemplaires dépassant le poids de 3 kilo- grammes ont été pris dans la Liez) commencent à frayer avant les espèces plus petites, le Lavaret par exemple. Les Corégones se réunissent par groupes de deux, trois, rarement quatre ou cinq individus, et se placent sur des fonds sablonneux ou pierreux par un mètre de profondeur d’eau environ. Les femelles, en se frottant sur le gravier pour se débarrasser de leurs œufs, produisent un »pruit assez fort (1) Communication faite à la Section d’Aquiculture, le 27 février 1899. (2) Le grand bassin artificiel de la Liez a été créé dans la Haute-Marne, à deux kilomètres à l’est de Langres pour l'alimentation du canal de la Marne à la Saône. Sa superficie atteint près de 3C0 hectares, sur une profondeur moyenne de 6 à 7 mètres. Le réservoir complètement rempli peut contenir 16 millions de mètres cubes d'eau. La digue qui ariête cetle masse liquide mesure 440 mètres de longueur; elle a 100 mètres d'épaisseur à la base. C’est au mois de novembre 1886 que le bassin de la Liez a été mis en eau. 338 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. pour être perçu par l'oreille d’un observateur placé à une petite:distance. De temps à autre, des groupes de Poissons s'élèvent jusqu'à la surface de l’eau en produisant une vive agitation; ils sont alors si serrés les uns contre les autres que, dans les violentes secousses qu’ils donnent, ils s’enlèvent réciproquement des écailles qu’on voit flotter sur l’eau. Les femelles, comme cela arrive, du reste, pour beaucoup d'espèces, sont plus hâtives que les mâles sur les points où les frayères ont lieu. Aussi, le 3 décembre, dernier jour où j'ai constaté la fraye, je n’ai pu capturer que deux femelles, tandis que je prenais soixante-trois mâles. Il n’en était point ainsi les jours précédents. Nous ajouterons que la nourriture des Corégones se com - pose surtout d’autres Poissons et tout spécialement d'Épi- noches. J’ai constaté qu’un Coregonus maræna, pesant environ 3 kilogrammes, avait dans l'estomac quarante-quatre Épinoches, dont la plupart mesuraient de 2 à 3 centimètres de longueur et deux Goujons également tres petits. Ceci est entièrement contraire aux assertions des nombreux ouvrages qui prétendent que les Corégones ne vivent que de Vers et d'Insectes. 339 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 24 MARS 1899. PRÉSIDENCE DE M. RAVERET- WATTEL, VICE-PRÉSIDENT. En ouvrant la séance, M. le Président annonce la grande perte que vient de faire la Société en la personne d’un de ses Membres honoraires les plus éminents, M. Charles Naudin. Il s’est éteint le 19 mars dans sa quatre-vingt-quatrième année à Antibes, à la Villa Thuret, établissement scientifique dont il était le Directeur. Les travaux de ce botaniste, dont le nom vivra dans la science, sont trop considérables pour pouvoir être résumés en quelques mots, et le Président fait simple- ment ressortir les services rendus à la pratique de l’acclima- tation par le défunt dont les envois de graines étaient si appréciés de tous les Membres de la Société. Une lettre de condoléances a été adressée à Mme Naudin à la suite d’un vote unanime du Conseil, auquel se joindra certainement la Société tout entière. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. Décisions DU CONSEIL. M. Charles Couvreux a été délégué pour représenter la Sociélé à l'Exposition internationale d'Aviculture qui doit avoir lieu, en mai prochain, à Saint-Pétersbourg. Cette dé- légation s'applique également au Congrès qui se réunira pendant l'Exposition, sous la présidence d'honneur de $. A. I. le Grand Duc Nicolas Nicolaïevitch. Le Conseil prenant en considération un projet présenté par M. Paul Wacquez, vice-président de la Section d’Ornitho- logie- Aviculture, a décidé qu’une série de petites Expositions d'Oiseaux et de Plantes aurait lieu successivement au siège de la Sociélé, dans la grande salle du rez-de-chaussée. Ces Expositions feront passer sous les yeux du public les plus beaux types d'Oiseaux de volière, de parc et de basse-cour. Elles comprendront, en outre, diverses plantes utiles ou orne- mentales, pouvant intéresser l’acclimatation. 340 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. La première de ces Expositions, consacrée aux Oiseaux de cage exotiques, s'organise en ce moment. Elle sera ou- verte, en effet, les 25 et 26 mars. Un certain nombre de ré- compenses y seront décernées. Une Commission formée des Bureaux des Sections d’Ornithologie-Aviculture et de Bo- tanique-Culture et comprenant, en outre, le Président, le Secrétaire général et le Trésorier de la Société, est chargée de tout ce qui concerne les Expositions. Enfin, le Conseil a fixé, comme suit, le prix des ouvrages d'Ichthyologie de feu le Dr Emile Moreau, dont les héritiers ont offert l'édition à la Société. Histoire naluielle des Poissons de la France, trois vo- lumes grand in-8 avec 220 figures dessinées d’après nature. Volume 1 : VII-480 pages. — Volume 2 : 572 pages. — Vo- lume 3 : 698 pages et un supplément de 144 pages avec sept figures. Paris, 1881-1891; prix : pour les Membres de la Sociélé d'Acclimalalion, broché, 20 fr. Pour le public: 32 francs. L'ouvrage complet se vendait 73 fr. en librairie. Manuel d'Ichthyologie française, un volume petit in-8 de VIII-650 pages avec trois planches. Paris 1892. Prix : pour les Membres de la Société à’ Acclimatation,hroché, ? francs. Pour le public : 4 francs. L'ouvrage se vendait 8 francs en librairie. Le Conseil se félicite de pouvoir contribuer ainsi à ré- pandre, en les mettant à la portée de tous et avec un avan- tage particulier pour les Membres de la Société d'Acclima- tation, les livres les meilleurs et les plus complets qui aient été écrits sur les Poissons de la France (1). ELECTION D’UN MEMBRE HONORAIRE. M. le Président informe la Société que le Conseil lui pro- pose de conférer à M. le Dr Bretschneïider, de Saint-Péters- bourg, le titre de Membre honoraire. L'Assemblée, à l’unani- mité, ayant accepté cette proposition, M. le Président pro- clame Membre honoraire de la Suciélé d’Acclimatation, M. le Dr Bretschneïider, ancien médecin de la Légation de Russie à Pékin. (Applaudissements.) (1) Il est intéressant de rappeler ici qu’à l’époque de son apparition, le grand ouvrage du D' Moreau fut distingué par la Société d’Acclimatation qui décerna à son auteur un prix de 500 francs, l’une des plus hautes récompenses dont elle put disposer. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 341 PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. M. le Président proclame les Membres admis par le Conseil depuis la dernière séance générale : MM. PRÉSENTATEURS. BruyAnr (Charles), professeur à l’Uni- { A. Berthoule. versité de Clermont-Ferrand (Puy-de- j Baron J. de Guerne. Dôme). Le Myre de Vilers. J. de Claybrooke. Baron J. de Guerne. Wuirion. H. Bocher. Baron J. de Guerne. Le Myre de Vilers. | | Baron J. de Guerne. Couvreux (Charles), propriétaire, 33, rue Vineuse, Paris. DECKER-DAVID, ingénieur agronome, dé- puté du Gers, 1714, boulevard Males- herbes, Paris. DEJEAN (Jules), négociant, 53, quai de Bose, Cette (Hérault). C. de Lamarche. Le Myre de Vilers. H. Bocher. Baron J. de Guerne. Le Myre de Vilers. Debreuil. Baron J. de Guerne. Le Myre de Vilers. GaurTiEr (Melchior), administrateur de la Compagnie lyounaise de Madagascar, 29, rue de Trion, à Lyon. MERLIN, notaire, 37 bis, rue de Bourgogne, Paris. DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. En l'absence du Secrétaire des séances, M. le Secrétaire général procède au dépouillement de la correspondance. Aquiculture. — M.le D' Wiet (Mb)demande où il pourrait se procurer des Perches crappies et des Cambarus. Botanique. — M.le Professeur Heckel, de Marseille, (Mb), répondant à une demande de renseignements sur la signi- fication morphologique des points polaires des tubercules d'Ignames, adresse à M. le Secrétaire général une lettre qui sera insérée au Bullelin. — M.le Dr Wiet demande s’il existe des Opuntia pouvant supporter le climat de la région située à la limite nord du bassin de Paris. Cheptels, distribution d'œufs de Poissons et de graines. — M. le comte de Vergennes (Mb) adresse un rap- port sur les Tinamous roux qu'il a reçus en cheptel et qui se 342 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. trouvent dans le département de l'Yonne, aux environs de Saint-Fargeau. — Des œufs de Truites arc-en-ciel sort demandés par dix- huit membres de la Société. — La Sociélé a recu également un très grand nombre de demandes de graines. Il a pu être donné satisfaction à la plu- part d’entre elles. — M. le Professeur Igino Cocchi, de Florence (Mb), offre à la Sociélé des graines de Ginko biloba récoltées au nord de la Spezzia. Il donne sur les arbres qui les ont produites des détails intéressants qui seront publiés au Bullelin. COMMUNICATIONS ORALES. Présentation d'ouvrages. — M. le Secrétaire général signale, parmi les livres récemment offerts à la Sociélé pour sa bibliothèque, un volume édité avec un grand luxe par M. le comte de Chabot et qui a pour titre : La Chasse à tra- vers les dges. L'envoi de cet ouvrage avait été annoncé par l’auteur lors de la dernière séance. — M. Mouillefert, Professeur à l'École d'Agriculture de Grignon, adresse l'ouvrage considérable dont la publication, commencée il y a plusieurs années, viens d’être terminée et qui a pour titre : Trailé des arbres et arbustes forestiers industriels el d'ornement cullivés et exploités en Europe et plus particulièrement en France. Ces livres seront soumis à l'examen de la Commission des récompenses. — M. Thorndike-Nourse (Mb) adresse un exemplaire de son travail illustré de photographies originales sur les Valli de la Vénétie, présenté au Congrès international des pêches mari- times à Dieppe. — M. Paul Bourdarie communique diverses lettres rela- tives à la protection et à la domestication de l'Éléphant d'Afrique, il se félicite de voir que la question semble inté- resser de plus en plus le public. C'est ainsi que M. Foa va faire, à Toulouse, au Congrès des Sociétés savantes qui doit se réunir en avril prochain, une conférence sur l’Eléphant d'Afrique. M. de Guerne dit qu'il a prêté à M. Foa toute une série de projections pour cette conférence dans laquelle il PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 343 sera rendu hommage au zèle de M. Bourdarie et à l’œuvre poursuivie sous les auspices de la Société d'Acclimatalion. M. le Secrétaire général ajoute qu'il a prié les délégués de la Sociélé au Congrès de Toulouse de distribuer à cette occasion un certain nombre de tirages à part de la notice publiée dans le Bullelin sur le dressage et la domestication d’un jeune Eléphant d'Afrique au Fernan-Vaz. — M. le Secrétaire général annonce que la Section des Mammifères se préoccupe d'organiser une excursion à la Chèvrerie modèle du Val-Girard, fondée par M. Crepin, et sur laquelle celui-ci a déjà publié dans le Bulletin un intéres- sant article (voir ci-dessus, p. 76). La production du lait dans l'établissement est aujourd'hui régulière et assez abon- dante. Plusieurs Membres de la Société, et notamment M. De- breuil, ont pu goûter à ce lait sans saveur spéciale et qui ne rappelle en rien celui des Chèvres quelconques. — M. E. Belloc, président de la Société centrale d'Aqui- culture et de Pêche, spécialement invité à assister à la séance, fait une communication sur la nécessité qu'il y a de faire observer les lois relatives à l'épuration des eaux industrielles avant leur déversement dans les rivières. Il n'existe aucune cause aussi grave de dépeuplement des eaux douces que les empoisonnements constants provenant de ce chef. Peu im- porte de poursuivre des travaux de pisciculture, si on laisse détruire sans cesse les produits obtenus à grande peine et souvent à grands frais. La Société d’Aquiculture a entrepris auprès des pouvoirs publics Les démarches nécessaires pour arriver à faire observer la loi. M. Belloc demande à la Société d’Acclimatation de vouloir bien s’associer au mouvement qui a été ainsi provoqué. Une discussion générale s'engage à la suite de la commu- nication de M. Belloc. M. Decroix demande si la question des eaux résiduaires a été complètement étudiée et si l’on a pro- posé des moyens réellement convenables pour épurer ces eaux avant de les rejeter dans les rivières. M. le comte d'Es- terno dit qu il ne s’agit pas d'étudier aujourd’hui des moyens nouveaux à proposer aux intéressés, mais simplement de faire observer une loi existante et au sujet de laquelle les agents de l’autorité semblent être souvent mal renseignés ou trop tolérants. Le rôle de la Société qui défend les Poissons, (ICE. Le d'a EEE he or Ne = 344 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. consiste actuellement à faire poursuivre l'application de la loi. Cela n'empêche pas les industriels de travailler d'autre part, de concert avec les chimistes, les hygiénistes et tous les techniciens, pour découvrir, s ilse peut, des moyens nouveaux et perfectionnés d’épurer les eaux des usines. ; M. le Secrétaire général dit que la question a été discutée à la dernière séance de la Section d'Aquiculture dont l'avis paraissait favorable aux idées de M. Belloc et qu'il ne voit pour sa part aucun inconvénient à ce que la Société d'Accli- matation appuie de son influence et de son autorité les justes revendications formulées par la Société d'Aquiculture. Après un échange d'observations de M. Cacheux, qui se place surtout au point de vue de l'hygiène, du D' Trouessart, de MM. Berthoule et de Guerne, M. le Président déclare la discussion close et consulte l'assemblée sur le point de savoir si elle est d'avis de s'associer au mouvement provoqué par M. Belloc. Un vote unanime étant émis dans le sens affir- matif, le Conseil de la Sociélé prendra les mesures nécessaires pour agir comme il convient. — Au nom de M. le D° Clos (Mb), Directeur du Jardin botanique de Toulouse, lecture est donnée d’un travail inti- tulé : Encore l’Astragale en faux (voir Bullelin, ci-dessus, p. 127). Le mémoire communiqué à la Section de Botanique, dans sa dernière réunion, lui a paru devoir être présenté en séance générale, étant donné son intérêt. M. le Président insiste sur ce point et exprime le vœu que les Sections ren- voient souvent ainsi à l'assemblée générale des études dont les spécialistes ont pu apprécier la valeur. La séance prenant fin, M. le Secrétaire général invite l’as- sistance à se retrouver le lendemain et le surlendemain (25 et 26 mars) dans la même salle. Celle-ci, complètement trans- formée, sera remplie d'Oiseaux de cage exotiques qui, pour la première fois, peut-être, dans une Exposition semblable, seront exactement déterminés. Ce résultat est dû à M. Ous- talet, qui a bien voulu mettre au service de la Sociélé sa science ornithologique. j Pour le Secrétaire des séances, JULES DE GUERNE, Secrétaire général. ue. BULLETIN ‘ss DE LA NUGIETE NATIONALE D'ACCINATATEON DE FRANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) LI 46° ANNÉE é NOVEMBRE 1299 SOMMAIRE A. DELAVAL. — Elevage de Poissons télescopes de la Chine et du Japon à Saint-Max- me ae Romans dédudunen set tr Jets ALAN e ee cie GA PP LE “H. SARRAZIN.— Sur la production du Caoutchouc au Soudan français. .............. 359 G. MAGNE.— Rapport sur l'Exposition internationale d’Horticulture de Saint-Pétersbourg. 371 | Extraits des procès-verbaux des Séances de la Société : : ; Séances générales du 28 avril et du 26 mai 1899................................. Er 3° Section (Aquiculture). — Séances du 27 mars et du 24 avril 1899......,............ . 389 J Extraits de la correspondance : ; PROCHO WSKY.— Cultures diverses aux environs de Nice...............,........ 391 D ZENK.— Demande de graines......,........ ss... PNR dec ss HAS LIA La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. Ra ————— Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société 4 fr. 50 AU SIEGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, 41 PARIS ET À LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE Le Bulletin paraît tous les mois. DÉSINFECTANT ANTISEPTIQUE Le seul joignant à son Efficacité, scientifiguement dér ontrée, l'immense avantage de n'être »’, Toxique ni Corrosif, Hémostatique et Styytique puissant. Adopté par les Ecoles Nationales Vétérinaires, le Service de Santé d l'Armée, la Préfecture de la Seine ef la plupart des Services d'Hygiène ef de Désinfection des Départements. 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Deux baraques de bois blanc recouvertes de carton bitume et tendues de jut l’une imprégnée du nouveau produit, l'autre à l’état naturel, ont été remplies de copeaux imb Dé d'éther. Les copeaux ayant été allumés, la baraque qui avait subi la préparation resta complèleme intacte, tandis que l’autre était détruite en quelques instants. Mis en presence d’un chalume dégageant 1,200 degrés de chaleur, le bois n’est percé qu'après 25 minutes et le carton bitumé # contracte, mais ne brûle pas et ne se fond pas. Les objets en celluloïd ne s'enflamment pas lOr qu’ils ont été traités par l'Aéi-Pétroleur. Après les mêmes expériences faites en grand à l'Exposition de Bruxelles, au parc du Cinqu an tenaire, le Jury international a accordé, à l'unanimité avec ses plus sincères félicitatic nt à l'Anti-Pétroleur, un diplômé de médaille d'or, la plus haute récompense dont il poux disposer. | Le produit inventé par M. de Preux rendra d'immenses services. Il est déja employe dans certain nombre d'usines et il a été adopté parla Compagnie du Nord qui s’en sert dans & dépôts de machines. 4 S'adresser pour les commandes et les renseignements au régisseur du château de la Ville à Saultain (Nord). 345 ÉLEVAGE DE POISSONS TÉLESCOPES DE LA CHINE ET DU JAPON À SAINT-MAX-LEZ-NANCY (1) par Albert DELAVAL. Études photographiques d’après les Poissons vivants. — Description des diffé- rentes races ou variétés de Poissons télescopes. — Pontes. — Éclosions. — Élevage des alevins. — Alimentation des jeunes et des adultes. — Plantes propres à garnir les aquariums. — L’Ouvirandra fenestralis de Madagascar. — Observations sur les Fundules verts du Brésil, Je désirais vivement présenter à la Société d’Acclimatation de France le résultat de mes essais d'élevage et de repro- duction en aquarium d'appartement du Poisson télescope de la Chine et du Japon, tenant surtout à remplacer par des photographies prises sur le vif, les descriptions toujours longues, souvent peu claires et plus ou moins fantaisistes : mais jusqu'alors, les procédés connus pour obtenir des images nettes à travers les glaces et la couche liquide étaient si com- pliqués que je n'avais pu réussir. Au mois d'août 1898, un jeune ami, M. H. Carquillat, ingé- (1) Les observations de M. A. Delaval, résumées par M. J. de Guerne dans la séance de la Section d’Aquiculture le 30 janvier 1899 (voir ci-dessus, page 292}, n'étaient, dans l'esprit de l’auteur, que des commentaires fournis par lui à l'appui de divers documents [Album d’Aquarelles et de Photographies : Deux en couleurs et trente-six planches ; — Photographies stéréoscopiques sur verre : — Diapositifs par projections). Ces documents, présentés à la Soriété et soumis à la Commission des récompenses qui les a jugés dignes d’une haute distinction (Grande Médaille d’argent hors classe à l'effigie d'Isidore (xeoffroy Saint-Hilaire, 1899), ont été favorablement appréciés de tous ceux qui ont pu les examiner. _— Pour donner l’idée de l’œuvre si consciencieuse poursuivie par M. A. Delava), il a paru utile de publier ses notes dont il est superflu de faire ressortir l’intérét. Le Comité de rédaction a cru devoir leur conserver la forme que l’auteur lui même leur a donuée ; c’est avant tout une explication de planches, donnant lieu à divers commentaires et excluant aiusi, dans l'exposé des faits, ua ordre rigou- reusement méthodique; de là également le renvoi aux illustrations, bien que celles-ci n’aient pu être reproduites. La Société d’Acclimatation a publié déjà plusieurs notices sur les Poissons télescopes. Voir notamment : Carbonnier, Sur la reproduction et le développe- ment du Poisson télescope originaire de la Chine, novembre 1872; Vaillant, Les Poissons d’aquarium, mai 1892 ; de Schaeck, Histoire du Poisson doré, 5 et 20 août 1893. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899, — 93 346 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. nieur agronome, eut l'idée de photographier un de mes aqua- riums placé au dehors, en plein soleil. Ses clichés, de très petite dimension, furent confiés, pour être agrandis, à notre habile constructeur nancéien, M. H. Belliéni. Séduit par la curiosité et l'originalité du sujet autant que par l'intérêt qu'offrait cette expérience à son esprit chercheur, celui-ci voulut la tenter lui-même, avec des plaques spécialement pré- parées ; après quelques essais sur des fonds différents, le ré- sultat d’une épreuve prise à contre-jour et sans fond décida M. Belliéni à procéder de cette facon pour les autres. Les vues stéréoscopiques sur verre obtenues avec la photo- jumelle Belliéni, ainsi que les clichés pour projections que j'ai l'honneur de présenter à la Sociélé, donnaient quelques plaques d’une grande finesse et d’une certaine valeur artis- tique qui furent communiquées aux Sociétés photographiques de Paris et de Nancy. Toutes les planches de l’Album soumis à l'examen de la Sociélé sont des agrandissements des clichés en question : elles offrent, au point de vue biologique, l'intérêt très réel de représenter avec une scrupuleuse exactitude le Poisson téles- cope, qu'on pourrait prendre pour un être fantastique, dans toutes les phases de son développement et de saisir, dans les attitudes les plus variées, le mécanisme de sa queue, de ses nageoires ainsi que les différentes formes d'exophtalmie et de gibbosité qu'il présente. J'ai essayé de reproduire à l’aquarelle en tête de cet album cinq des plus beaux Poissons qui formèrent la souche prin- cipale de presque tous ceux qui s'y trouvent photographiés et que je ne possède plus. * x * Sans prétendre écrire ici un traité sur l'élevage du Téles- cope, j'ai tenu cependant à résumer les observations que j'ai pu faire depuis six années et que j'ai pris soin de noter jour par jour, pour aider ceux qui comme moi voudraient tenter de dérober à la Chine et au Japon le secret de l'élevage et du perfectionnement de l'hôte le plus curieux et le plus brillant de nos aquariums. * 0x Autour d'un pied de Sfaliotes aloïdes, nagent une trentaine ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 347 d'alevins de Poissons télescopes âgés de six semaines (1). La différence déjà sensible dans le développement des sujets, s’'accentuera de plus en plus sans qu’il me soit possible d'en déterminer la cause. Pendant les huit premiers jours, l’alevin est alimenté par la résorption de la vésicule ombilicale, il se met ensuite à la poursuite des Infusoires et des végétaux microscopiques qui se produisent naturellement dans l'aquarium. Aussi ne faut-il pas laisser plus d’un alevin pour une contenance de 2 litres d’eau à une température minimum de 18° C. On ajoute de pe- tites Daphnies dès que les jeunes Poissons sont de taille à les saisir. Il est bon de laisser en faible proportion, des détritus végétaux. Le tableau ci-après indiquera les époques les plus favo- Tables à la ponte ainsi que la température à laquelle elle se fait généralement. Année. Date des pontes. Température de l'eau. Date des éclosions. Durée de l'incubation. 1893. 14 mai. 19° C 19 mai. 5 jours. 17 juin (matin). 24° 19 juin (soir). DR 27 juin. ? 1er juillet. 4 » 4891. 12 février. 7e Ponte sans résultat. 23 février. ? Id. 30 mars. 200 Id. 9 avril (midi). 26° 11 avril. 22 12 mai. 11/4 17 et 18 mai. 5 » 1er juin (matin). 220 5 juin (midi). AD OU 10 septembre. 1501/2 Ponte sans résultat. 24 septembre. 2 30 septembre. 6 » 1895. 2 mai. x Ponte sans résultat. 11 mai. 9 Id. 16 juin (2). 18°1/2 24 juin. 8 » 1896. 1° juillet. 229 Ponte sans résultat. 24 juillet. ? Id. 25 juillet. 21°1/4 29 juillet. 4 >» 1897. 5 juin (matin). 20°1/2 9 juin (matin). 4 » 14 août. ? 20 août. GED 1898. 21 mai. 16° Ponte sans résultat. 12 août. 2BON PE TS août, SH (1) Planche 1. (2) Cette ponte a été effectuée dans un bassin recevant peu de lumière, ce qui a manifestement retardé l’éclosion. 348 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 47 TABLEAU. 2: TABLEAU. Époque et nombre Concordance de la température des pontes et des éclosions de l’eau (4893-1898). avec la durée de l'incubation. Nombre des Degrés J Mois. Pontes. Éclosions. centigrades. Durée de l'incubation. Par mois. Janvier. ee .ae » » 15° 1/2 HMEVRET ee ce 1 » 16° Mars ALERTE L » ire Aves: à FT - 1 1 17°1/4 5 jours. 1, ÉTÉ ANERR ESS 5 4 18°1/2 8 >» (peu de lumière). LIT) 19230 + 4 190 5.2» Juet:--------2e 2 1 20° AOHÉ= Eee 2 2 200 1/4 4 » Septembre....... 2 1 20° 1/2 4 » Helohre = 7.-- » » 22° 4 >». 1/2 Novembre ....... » » 229 Décembre........ » » 23°1/2 31% 249 2] DEAR 26° 24% Voici quelques Poissons photographiés au hasard dans un élevage âgé de trois mois (1). Deux ont déjà pris couleur — dans des conditions identiques, certains Poissons commencent à deux mois, d'autres à un an et au delà — l’un est d’un blanc nacré pur avec le bulbe des yeux bleu outremer, l'autre rouge et blanc. Dès les premières semaines, quand ils ont encore la couleur du bronze, les Télescopes présentent deux nuances distinctes, une claire et une foncée, les blonds et les bruns. Le phénomène de la mue s’accomplit sans que les écailles tombent : c'est le pigment qui change de couleur, les plus foncés deviennent noirs avec des reflets veloutés prune et presque toujours prennent des tons d'or rouge, soit en tota- lité, soit en partie, les nageoires noires restent souvent opaques. Les autres couleurs sont le blanc perle avec un superbe orient irisé rose tendre ou bleu céleste, le jaune paille plus ou moins ocré, le rouge saturne et le vermillon allant jusqu'au carminé. Toutes ces couleurs, sauf celle du blanc et (1) Planche 2. ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 349 du noir que je n’ai jamais trouvées réunies, se juxtaposent capricieusement sur un même Poisson. Le bulbe des yeux se colore des teintes d’or et d'argent les plus brillantes, du noir le plus velouté, de toute la gamme des rouges, et des plus beaux bleus à reflets de bronze. A cet âge, les Poissons se nourrissent dé Vers de vase (larves de Chironomus plumosus) et de vermicelle fin aux œufs. Tous les Poissons, reprégntés dans les planches suivantes sous tous leurs aspects (1), proviennent d’un élevage de 1897. La ponte eut lieu le 5 juin, à sept heures et demie du matin par 20° C de température dans l’eau, d'une femelle âgée de deux ans, déjà née chez moi, accouplée à deux beaux mâles (représentés sur la planche coloriée n°2, sous les numéros III et IV). L’éclosion commenca le mercredi 9 juin, à onze heures du matin. Les alevins restèrent pendant deux jours immobiles contre les plantes et les parois de l’aquarium exposées à la lumière. Les parents avaient été retirés sitôt la ponte finie, (elle dure environ deux ou trois heures), car leur premier soin à tous deux eût été de dévorer leur progéniture, et l'épouse dénaturée de ce nouveau Saturne se ferait sa complice dans l’'assouvissement de son aveugle passion. Sur un élevage de cent cinquante alevins, j'en retirai le 13 juillet, onze à queue simple et normale et vingt-huit à queue double, qui s'étant beaucoup moins développés que les autres, risquaient d'être mangés par eux. - Voici le résultat d'une expérience d'alimentation artificielle des alevins : quatre furent placés dans un aquarium et nourris exclusivement avec de la farine de froment : au bout d’un mois, trois restaient qui n'avaient pas grossi. Quatre autres, également séparés, furent alimentés avec une poudre très fine faite de chrysalides de Vers à soie sé- chées : un seul a survécu, plus gros du double que les pré- cédents, mais n’atteignant pas la moitié de la taille des Pois- sons du grand élevage. L'alimentation artificielle n’est possible pratiquement, que si l’on dispose d’un filet d’eau courante pour empêcher l’eau de se décomposer au contact des matières organiques telles (1) Planches 3 à 10. 350 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. que jaune d'œuf dur délayé, lait d'œufs de Fourmis frais pressés, Vers de vase découpés. J’ai essayé également de la poudre de rate séchée au four, pilée et tamisée dans une mous- seline fine; cette poudre, trop lourde, tombe trop vite au fond où le Poisson ne se décide pas à aller la chercher. Sans en garantir absolument les bons effets, je lui préfère la poudre fine des chrysalides de Vers à soie séchées, à la- quelle on ajoute (au moment de la distribuer, pour l'empêcher de prendre un mauvais goût), un quart de farine de Froment et un peu de phosphate de cha. Cette préparation, très légère, flotte à la surface et tombe lentement au fond en exci- tant par sa chute la convoitise de l’alevin. Il faut en donner peu et souvent, en enlevant tous les jours avec une pipette les parcelles non absorbées. On peut sus- pendre à cet effet au-dessus de l'aquarium un petit tamis garni de mousseline qu'il suffit de secouer légèrement pour en faire tomber la quantité nécessaire. Quand on a un filet d’eau courante, il est bon d'adapter au tuyau d'arrivée une de ces petitestrompes en verre de 12 cent. de long que j'ai trouvées en Allemagne, pour la saturer d'air. Grâce à elles, j'ai pu garder bien longtemps en aquarium des Truites, des Écrevisses et tous les Poissons qui ont besoin d’une eau très oxygénée. En hiver, cela permet d'introduire dans l'aquarium beaucoup d'air avec très peu d’eau de facon à ne pas en abaisser la température. Les planches qui viennent ensuite montrent divers Poissons du même élevage au milieu desquels se trouve un mâle ja- ponais (Wakin), âgé de deux ans, dont nous parlerons plus tard (1). Parmi les autres, on distingue deux types prin- Cipaux : 1° Poissons globuleux de forme ovoïde, plus ou moins gibbeux, exophtalmie prononcée, queue en éventail, moins souvent flottant en voile; 2° Poissons plus allongés, corps déprimé, exophtalmie plus ou moins prononcée, queue plus longue et flottante. Les Poissons très globuleux, souvent ronds comme un œuf et qui ont la queue en éventail, c'est-à-dire portée comme celle d’un Paon qui fait la roue, sont souvent sujets à un (1) Planches 12, 13 et 14. ES ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 351 déplacement ou à une atrophie de la vessie natatoire ; dans ce cas, on les voit nager pendant toute leur vie le ventre en l’air, la tête en bas, ou sur le flanc. Les uns tournoient comme des Pigeons culbutants — et portent aussi ce nom de Culbutants — les autres demeurent au fond de l’eau. J’eus la curiosité d'équilibrer par un flotteur en liège main- tenu par un fil d'or fixé après un des rayons de la nageoire dorsale, l’un de ces individus trop lourds, et de suite mon Poisson se mit à nager d’un air satisfait. Quand, au contraire, la vessie natatoire prend un trop grand développement, le Poisson reste à la surface. Ces ano- malies n'apparaissent pas avant la première année et quelque- fois à la deuxième ou troisième seulement. Tous ces difformes sont destinés à périr faute de nourriture si on ne prend soin de la leur présenter avec une pince. L'exophtalmie peut n'atteindre qu'un œil ou être plus marquée d’un côté. Le jour arrivant par les parois latérales de l'aquarium parait favoriser le développement des yeux. Sur bien des centaines de Télescopes que j'ai élevés, je n’ai jamais observé l'absence de nageoire dorsale : elle est un des signes distinctifs d'une variété coréenne appelée au Japon Maruko ou Ranchiu. Le doublement de la nageoïire anale chez le Télescope se montre indépendant de celui de la caudale; chacune de ces deux nageoires peut se présenter sous quatre formes dif- férentes : 1° simple; 2 double et complètement séparée ; 3° double à la base et réunie au sommet; 4° réunie à la base et séparée au sommet. Chacune des quatre formes de la caudale pouvant, sur le même sujet, coïncider avec chacune des quatre formes de la nageoïire anale, il en résulte seize combinaisons différentes. Cette aptitude au doublement de ces deux nageoires semble particulier au Cyprin doré comme celui d’un doigt chez la Poule de Houdan. L'intéressante étude d’un savant japonais, M. S. Watase, qui suppose le développement de plis transmis par atavisme d’un ancêtre inconnu, semble reculer la question sans la ré- soudre (1). (1) S. Watase, Vogakuski, of the Sapporo agricultural college and of the imperial University : On the caudal and anal fins of Goldfishes, Journal of the col- 352 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Voici maintenant des Poissons âgés de deux ans, ayant re- produit cette année (1), les alevins représentés à la planche 1 en sont issus. De forme globuleuse, à queue quadrilobée avec des yeux très saillants, ils sont rouges ou tachés de blanc, le dessus de la tête chez quelques-uns commence à être caronculé, ce qui indiquerait une parenté avec le Coréen, de même que cer- taine excroissance cornue sur un des rayons externes de la caudale. Viennent ensuite deux Poissons japonais Wakin (2), l'un rouge et l’autre blanc nacré. En dessous, cinq Télescopes glo- buleux avec les yeux très développés. Ils sont âgés de deux ans. La nourriture à cet âge consiste en une petite quantité de vermicelle aux œufs, distribuée tous les matins, plus abon- damment en été qu'en hiver, à laquelle on ajoute, au moins deux fois par semaine, des Vers de vase (Chironomus plu- mosus).Les Chinois, m'écrivait le R. P. Desgodins, nourrissent leurs Poissons avec du riz cuit haché. On recommande aussi la semoule. J’ai préféré le vermicelle aux œufs, d’abord parce qu'il fournit une nourriture animalisée, mais surtout, et ceci est très important, parce que l’albumine qu'il contient l'em- pêche, quand il est incomplètement digéré, de se délayer dans l’eau et de la troubler. | J'ai dit qu'il fallait nourrir avec modération, car le Téles- cope absorbe sans cesse, et les aliments se poussant dans l'intestin finissent par sortir non digérés. Les restes du repas doivent être enlevés avec une pipette au bout d’une heure. Deux Poissons importés, ägés de plus de quatre ans, de la variété à queue en voile appelée Yen-lan-yen sont représentés ensuite (3). C’est à cette variété qu'appartiennent ces mer- veilleux Poissons de l'Empereur du Japon et dont la queue atteint, dit-on, jusqu’à 30 centimètres de longueur. La femelle, dont les yeux ont un développement extraordi- naire, a souvent reproduit en aquarium; elle est la souche du plus grand nombre de mes ;.lus beaux sujets. lege of science,vol, I, Part. III, publié par l’Université impériale de Tokio, Japon. (1) Planches 15, 20 et 21, (2) Planches 16. (3) Planches 17, 18, 19. ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 353 Voici maintenant les Poissons les plus beaux que j'ai ob- tenus (1). Issus de la femelle japonaise Riukin, peinte sur le frontispice même de cet album, ils sont âgés de près de trois ans. Ce sont deux mâles : l’un blanc et rouge, a des yeux très saillants, la tête courte, le corps assez long et déprimé et la forme distinguée. La queue comme les nageoires sont très développées et d’un tissu fin et transparent, son ampleur la fait retomber comme une draperie en plis gracieux et cha- toyants, et les mouvements saccadés que lui imprime la pro- aression du Poisson dans l'éclat d'un rayon de soleil, pro- duisent, grace au miroitement de son tissu, des jeux de lumière dignes d’une Loïe Fuller. L'autre est rouge, sans exophtalmie, sa queue double, divisée en quatre lobes, est bien séparée par le milieu. Il représente exactement, comme coloris, proportions et forme, le Riukin que nous montre la planche 18, fig. 1, de l'étude de M. Watase, citée plus haut. Au dernier Poisson décrit ci-dessus, est adjoint un autre male japonais Riukin, issu de la même ponte, remarquable par le grand développement et la régularité de ses nageoires dorsales, ventrales et caudales, mais surtout par son écla- tant coloris (2). Le corps a la couleur et les reflets de la nacre la plus blanche, passant du rose tendre au bleu d’azur, se dégradant en jaune paille à partir des ouïes pour prendre une teinte d’ocre à l’extrémité du nez. La queue et les na- geoires sont à leur naissance d’un jaune ocré qui s’atténue progressivement et passe au blanc laiteux et transparent. Au milieu de ce froufrou d’étoffes légères, il semble une gra- cieuse mariée qui se drape dans son voile de gaze. Trois Poissons japonais Riukin nés en 1896 (3), le plus petit est une femelle dont la bouche est d’une exiguïté extraor- dinaire. Ils ont pondu le 21 mai 1898, les jeunes avaient atteint rapidement la grosseur d’un noyau de prune, quand je les trouvai tout à coup flottant à la surface le ventre en l'air. Leur bon état, la parfaite limpidité de l’eau où crois- saient des touffes d'Ouvirandra, me firent attribuer cet acci- ‘ 4) Planches 22 et 23. (2) Planches 24 et 25. {3] Planches 26, 27 et 28, t2. L't , * à à cedate A s 0 nat dl oi rs dette D MT Rd dt LS (ee D) MA ds VASE A, Led De D nn de jé Es D Las i3 L' ANS Dr Gad: TL dre Ne, 354 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. dent à une cause extérieure, telle qu'un violent coup de soleil à travers les vitres, qui n'avaient pas été ombrées. L'action trop directe d'un soleil ardent est nuisible aux Poissons, mais j'ai constaté que plus ils ont de lumière, plus ils prennent de vives couleurs, et qu'ils acquièrent difficile- ment sous nos climats cette belle teinte d’un vermillon car- miné que leur donne le Soleil d'Orient. Ceux qu'on garde loin du jour restent d'un rouge orangé plus pâle. Ces planches (1) établissent une intéressante comparaison entre l'élevage en aquarium et l'élevage dans de grands bas- sins extérieurs. Le’ plus gros des Poissons qui s'y trouve re- présenté est né en 1895 dans une pièce d'eau cimentée parmi les Nymphæas et les Sagittaires du Japon. Il passe en ce moment son quatrième hiver dehors, sa rusticité égale l’en- durance du Poisson rouge vulgaire. Sa taille est double de celle de son compagnon élevé en aquarium : si la queue est moins allongée, elle est aussi plus nerveuse. La tendance au retour au type est manifeste, grâce à une sélection naturelle qui s'établit dès que la race échappe à la protection de l'homme. Elle s'opère de plusieurs facons, d’abord par les animaux de proie, Insectes, larves. Sangsues, Oiseaux pé- cheurs, Rats d’eau et Chats, qui capturent plus facilement ceux que leur difformité met dans l'impossibilité de fuir. Leurs gros yeux les génent pour voir le danger ou pour trouver leur nourriture, leurs nageoires molles les empêchent de se dégager de l'enchevétrement des Algues, ils périssent retenus par un simple fil de Conferve comme un Lièvre pris au collet, ou y laissent au moins leurs yeux, si bien qu’au bout d’un certain temps, il ne reste plus que les mieux armés dans la lutte pour la vie, à l'exclusion de tous ceux qui étaient atteints de difformités. Le Créateur a voulu que le privilège de perpétuer la race füt réservé aux plus vigoureux. Aussi bien, la reproduction du Poisson télescope, qui serait si facile dans nos pièces d'eau, ne peut s’y pratiquer dès qu'on veut maintenir ou perfectionner les anomalies et les monstruosités. Les planches 32 et 33 représentent le type le plus commun (1) Planches 29, 30 et 31. ; | | ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 355 du Riukin mis en liberté et abandonnés à eux-mêmes dans de grands bassins ou des pièces d’eau à l’air libre. Leurs vives couleurs, leur corps ramassé, leurs longues nageoires flottantes et surtout leur queue large, étalée et transparente, produisent un curieux effet décoratif qui doit les faire préférer au Cyprin doré ordinaire. Ils supportent les mêmes abaissements de température et leur ponte se fait dans les mêmes conditions. Je dirai à ce propos que si le Poisson télescope, à quelque variété qu’il appartienne, exige pendant le premier âge une température qui ne soit pas inférieure à 18 cent., je conserve cependant tous les ans une certaine quantité de Poissons adultes les plus beaux, dans le bassin d’une orangerie non chauffée où l’eau garde durant plusieurs mois une tempé- rature de 3 1/2 à 1°. Is mangent peu, se tiennent au fond de l’eau, mais de- meurent en parfaite santé. L Il ne faut pas attribuer seulement à la nourriture la diffé- rence d’accroissement qui existe au profit des Poissons nés et élevés dans de grandes pièces d’eau, car il paraît certain qu'un animal déterminé se développe jusqu à un certain point en proportion de l’étendue du milieu où il vit et que l’espace favorise sa croissance. Pour obtenir une plus grande netteté dans les épreuves photographiques, j’ai dû présenter mes Poissons dans des aquariums dépourvus de plantes, de mousse, de sable, enfin de tout ce qui aurait pu enlever à l’eau de sa limpidité. Ceux où ils vivent habituellement sont au contraire garnis de plantes, de sable et même d’une certaine quantité d'humus favorable à la végétation et à la digestion des Poissons qui en absorbent constamment. Les plantes les plus rustiques sont les Fontinalis Mousses qui prospèrent indéfiniment sans terre, attachées à des mor- ceaux de roche et se contentent de peu de lumière ; il faut les tailler pour empêcher leur développement excessif, elles ne jaunissent jamais, conservant une belle teinte vert foncé sur laquelle les jeunes pousses se détachent en ramifications lé- gères d’un vert gai. Le Riccia filuilans, sorte d'Hépatique nageante d’eau douce, à les mêmes qualités pour garnir la surface de l’eau. 356 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Et l'élégant S{ratiotes aloïdes, flottant entre deux eaux, s'élève ou s'abaisse selon que la température monte ou descend. Bien d’autres plantes peuvent garnir momentanément l'aquarium : une des plus curieuses est l'Ouvirandra fenes- tralis que ces planches reproduisent bien imparfaitement. Elle me fut envoyée de Madagascar par mon ami le com- mandant de Mondésir, chef du génie à Beforona, dans une boite en fer blanc bien soudée et remplie de mousse qui en contenait douze racines semblables à celles des Scorsonères. Arrivés à Nancy, le 20 janvier 1898, par un froid de — 10° C., elles furent plantées en pots : quatre pieds dans de la vase, quatre dans de la terre de Bruyère et quatre dans du sable de rivière, les pots furent submergés. La température de l'eau fut d'environ 13° C. pendant trois mois. Ce n'est qu'au mois de mai qu'ils entrèrent en pleine végé- tation (vers 19), quatre pieds seulement reprirent, mais celui qui avait poussé dans le sable pur avait les feuilles plus courtes et plus étroites. Les Ouvirandra demeurèrent tout l'été dans le bassin d'une serre tempérée, placé près du verre, sans ombrage et profond de 35 centimètres. Les températures extrêmes furent 14 et 29°. Je n’ai pas obtenu cette année la floraison qui consiste, m'écrivait le commandant de Mondésir, « en deux petits ba- » lais roses sentant la Vanille et ressemblant à de la Bruyère. » L'Ouvirandra pousse dans la Beforona entre les pierres, » immédiatement après les cascatelles, légèrement abritée par | » 50 centimètres de fond — lit de sable quartzeux et de roches ; » de gneiss —. Température moyenne de l’eau : 23 à 24, en- » droits ombragés où le soleil pénètre tamisé, où il y a au bord » des Fougères arborescentes, qui, elles aussi, ont besoin » d'ombre. Écrevisses et Caïmans dans le vivier, Singes dans » les arbres, Serpents dans les buissons, nègres aux alentours » — tächez de bien réunir ces conditions — eau très claire » et tres bonne à boire (1). » Ses grands ennemis, sous notre climat, où l'eau courante n’a jamais une température assez élevée pour qu'on puisse l'y garder, sont les Conferves et les Mousses qui obstruent (1) Lettre du commandant de Mondésir, novembre 1898. ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 357 les délicats fénestrages de ses feuilles, ajourées comme une dentelle : pour empêcher le développement de ces végétaux, quelques Tétards, de jeunes Cyprins et des Lymnées en petit nombre sont d'excellents auxiliaires. La Lymnée est le meilleur agent d'assainissement des aquariums, elle absorbe les matières végétales ou animales en décomposition, maintient les glaces en parfait état de pro- preté en broutant les végétations qui y apparaissent si rapi- dement. La fécondité de ces Mollusques fournit aux alevins et même aux adultes, une nourriture très recherchée et très riche en calcaire. D’après M. Joret (extrait du Maluralisle, 15 décembre 1893), Ouvirandra viendrait de Ouvé qui veut dire Igname et Rano eau, car la racine est comestible comme l’Igname. Les feuilles ont atteint chez moi 30 centimètres de longueur sur 6 centimètres de largeur, ce sont les dimensions de celles qui m'avaient été envoyées de Madagascar à l’état sec. Plus facile encore à transporter temporairement en aqua- rium est la Jacinthe d’eau (Pontederin crassipes ou Pia- ropus crassipes). Gràäce au renflement du pédoncule de ses feuilles qui lui tient lieu de vessies natatoires, elle se soutient sur l’eau, lestée par ses longues racines toutes velues de fines radicelles. La tige, garnie de fleurs qui rappellent comme dimension, transparence et aspect celles d’un Rhododendron, est d’un tissu plus léger encore, tendrement coloré de lilas avec une petite tache rouille au milieu du pétale supérieur. Cette tige se replie au bout de quelques heures pour immerger son pro- longement floral qui doit murir ses graines sous l’eau (1). Les Poissons qui animent l'aquarium où se trouve le Pon- tecleria sont des Fundules verts du Brésil, nés en grand nombre dans un bassin de serre pendant le courant du mois de juillet à mon insu. La température de l’eau était de 20 A 250 C. À Ce sont de très rustiques petits Poissons, supportant de basses températures, car j'en ai repris de très vigoureux sous une couche de quelques millimètres de glace. (1) Voir Bulletin de la Société d’Acclimatation, mai 1898, p. 151, La Jacintle d’eau, par A. Delaval. 358 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Peu difficiles sur la qualité de l’eau qu’on peut ne pas renou- veler, ils doivent être recherchés pour les petits aquariums. Ils sont essentiellement carnassiers, leur nourriture consiste en larves de Chironômes (Vers de vase) et Daphnies. Nos essais pour leur faire accepter de la poudre de Vers à soie ont échoué. Le Fundule vert est un Poisson vif, capable de faire des sauts de plus de 15 centimètres hors de l’eau, il a des mouve- ments de petite Truite; au soleil, ses bandes transversales alternativement vertes et nacrées à reflets bleus, produisent le plus charmant effet. Il a l'avantage, moins peut-être que son compatriote, un joli Cyprinoïde translucide, appelé je crois Telragonopterus, de conserver à l’eau qu'il habite sa limpidité, en prévenant la formation des Conferves, à l'encontre des Callicktys qui sem- blent la favoriser. C’est une spécialité qui doit le faire introduire dans tous les bassins où l'on cultive des plantes submergées. Je demande pardon à mes collègues d’avoir abusé si long- temps de leur bienveillante attention en les entretenant d'un sujet aussi exclusif, J'ai tenu cependant à ne donner ici que le résultat des essais que j'ai faits moi-même pendant six ans. J’ose espérer qu’à l'exemple de ce qui se passe à l'étranger, le goût des aquariums d'appartement se vulgarisera de plus en plus en France. Ils réclament, qu'on le sache bien, des soins moins assidus que toute cage ou volière qui ne saurait être oubliée impunément pendant deux jours de suite. Ne mettent-ils pas aussi sous nos yeux tout un monde nouveau, végétal et animal, dont l’observation offre un si captivant intérêt ? L'élevage indigène abaïissera le prix toujours élevé des Pois- sons importés et, grâce à la progression des demandes, res- tera cependant fort rémunérateur. 359 SUR L'ORIGINE ET LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC AU SOUDAN FRANÇAIS ÉTUDE DE DIVERSES ESPÈCES DE ZYTHOPHILUM (1) par H. SARRAZIN, Vétérinaire de l’armée. Dans plusieurs ouvrages, publiés par des auteurs de marque, on trouve la Liane : Landolphia Heudelotii À. D. C., in- diquée comme productrice du caoutchouc en Guinée et dans les régions méridionales du Soudan. Il y a là une grosse erreur scientifique qu'il s’agit de relever d’abord ; nous en- trerons ensuite dans des détails commerciaux qu’entraine nécessairement l'étude de cette question du caoutchouc. Les auteurs qui ont cité le Landolphia en question ne l’ont pas étudié sur place. C’est par l'analyse de feuilles, de fleurs et fruits, par des renseignements qu'on leur a donnés, qu'ils ont décrit cette plante. Or on sait combien ces genres d’études peuvent être entachés d'erreurs. Dans son traité des Plantes utiles des Colonies, M. de Lanessan a donné la diagnose suivante du ZLandolphia Heudeloti : Plante frutescente, à feuilles opposées, oblongues, subaigues, pé- tiolées, entières, glabres; fleurs en panicules, terminales, pédon- (1) Le travail de M. H. Sarrazin conlient des documents d’un grand intérêt et le Comité de publication, en décidant son insertion au Bulletin, a montré tout le cas qu'il en fait. Il croit cependant devoir insister sur ce point, que la xesponsabilité entière de ses opinions est laissée à l’auteur, notamment en ce qui concerne ses conclusions de botanique pure. . D’après un mémoire récent, publié dans le Bulletin du Muséum d'Histoire naturelle et dont les parties les plus importantes sont reproduites ci-dessus, page 306 (Hua, Sur une des sources de caoutchouc du Soudan français), le caoutchouc du Soudan semble bien provenir en majeure partie du Zandolphia Heudelotii. Quant au Lytophilum Kissii, il ne parait correspondre à aucune espèce décrite, autant qu'on en peut juger toutefois sans avoir vu d'échantillons de la plante, ‘C'est en tous cas aussi, suivant toutes probabilités, un Zandolphia. — Le mot Lythophilum, dont l’auteur ne donne point l’étymologie, est orthographié confor- mément à son manuscrit, : (Note de la Rédaction) 360 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. cules opposés à quatre et cinq fleurs, les deux inférieurs plus longs ; corolle gamopétale, à cinq lobes étalés, cinq étamines alternes, libres; ovaire libre, uniloculaire, turbiné, à dix côtes; deux placentas parié- taux, chargés d’ovules ; style filiforme, glabre; baie ellipsoïdale, petite, monosperme, à endocarpe ligneux ; graines albuminées. Cette espèce donne du caoutchouc par incision. Le caoutchouc actuellement fourni par le Soudan et la Guinée ne provient pas du Landolphia Heudelotii (famille des Apocynées), mais d'une autre Liane qui n’avait pas été définie, que nous avons étudiée et pour laquelle nous avons établi la diagnose suivante : Lythophilum viridis (H. Sarrazin, 1896). Famille des Caprifoliacées de Linné. — Liane longue, grimpante, à souches multiples; feuilles opposées, simples, entières, sessiles, lancéolées, glabres; fleurs en cymes allongées ; calice gamosépale, à cinq divisions ; corolle mono- pétale, tubuliforme, à cinq lobes égaux, blanche; cinq étamines alternes avec les pétales ; un seul style; un seul stigmate; fruit uni- loculaire, sphérique, sans placenta ; graines réparties dans une pâle épaisse, de teinte chocolat, albuminées. Fruit jaune orange à maturité. Par cette seule description, on voit rapidement qu’on ne peut avoir affaire à une Liane du genre Landolphia ni à aucune autre du groupe des Apocynées. Quoi qu'il en soit, la Liane qui fournit le caoutchouc du Soudan et de la Guinée est généra- lement connue sous le nom de Liane got par les indigènes de toutes races ; par les Toucouleurs, elle est désignée sous le nom de poré. C'est de cette Liane qu’on retire le caoutchouc existant actuellement dans le Soudan. On a dit, bien trop a priori d’ailleurs, en parlant des qualités diverses de caoutchouc expédiées à l'examen com- mercial français, qu’elles provenaient de végétaux différents. Il n’en est absolument rien, et les qualités commerciales du caoutchouc sont dues purement et simplement aux procédés de récolte et au moment de la récolte, comme nous allons le voir tout à l'heure. La Liane goi est répandue un peu partout dans le Soudan, mais les points où elle est exploitable sont circonscrits à quelques régions. D'une facon générale, les provinces du sud- ouest de la Colonie sont des points d'élection remarquables. C’est ainsi qu'on la trouve dans le Fouta-Djallon en petites. quantités, puis, à profusion, dans le cercle de Kouroussa. Il en à ALIAS SCT SRE TU PE SEE EME APS RG r TRE ete te LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC AU SOUDAN FRANCAIS. 361 existe dans les cercles de Siguiri, de Farannah, de Kankan, de Kérouané, de Beyla, etc. La province du Ouassoulou, est la plus riche de toutes en Liane goï; malheureusement cette province, totalement désolée par Samory, est presque inha- bitée aujourd'hui. Malgré cette grande extension de la Liane goi, il est bien loin d’être indiqué qu’elle soit exploitée dans tous ces points. Nous avons vu quelques villages, comme Koundian par exemple, près de Siguiri, dont les environs sont peuplés de Lianes go, aller acheter dans le cercle de Kouroussa l'impôt en caoutchouc qu'on leur demandait, au lieu de le fabriquer sur place. C’est bien l'indice de cette vieille routine nègre qui se manifeste là sous un mode spécial. Il est, en effet, établi chez les indigènes que quelques régions fournissent du caoutchouc et que c'est là seulement qu’on doit aller se le procurer, de même qu’un forgeron de race, seul peut forger et jamais un homme libre. Nous avons déjà lutté contre cette routine et nous avons obtenu quelques succès en ce qui con- cerne le caoutchouc. A nous d'insister encore sur ce point. Les procédés d'extraction äu caoutchouc ne sont pas nom- breux, on peut même dire que les indigènes n'en emploient qu'un seul et, si le caoutchouc est de qualité variable, c’est à cause du plus ou moins de soins apportés dans son extraction. Le bagage d’un chercheur de caoutchouc est simple; il se compose d’un nombre aussi grand que possible de tessons de calebasses, troués pour être plus facilement réunis les uns aux autres par une corde, d’un petit pot soit en terre, soit d’une calebasse sphérique destinée à en tenir lieu, suspendu à une ficelle, et enfin d’un couteau. Le chercheur s’en va, de Liane en Liane, et, à l’aide de son couteau, il fait des incisions profondes et circulaires, autant que possible sur des branches horizontales. Le suc ou latex coule goutte à goutte dans les tessons dis- posés à terre. Quand il en a ainsi disposé un certain nombre, l'indigène s'empare de son petit pot et s’en va encore de Liane en Liane. Il recueille une aussi forte provision que possible de latex qui, non exposé à une forte évaporation et en plus grande quantité que dans les tessons de calebasses, ne se coagule pas au contact de l'air. Sa journée terminée, le travailleur de caoutchouc a donc, d'un côté, une série de Buli. Soc. nat, Accl. Fr. 1899, — 24 362 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. tessons dont le fond est couvert de caoutchouc concreté et, d'autre part, un petit pot avec une réserve de latex liquide. Avec les doigts, il détache les plaques de caoutchouc ainsi formées et les réunit en une petite boule (on sait que le caoutchouc récemment formé se soude à lui-même). C'est cette boule primitive qui fait la base, la partie centrale des boules qu'on trouve dans le commerce. Enfin il ne s’agit plus que de coaguler le latex liquide renfermé dans le petit pot. Ce suc est coagulable instantanément par tous les liquides acides, même à un faible degré, et c'est pour cela que les _ indigènes emploient des procédés variables. Les uns se servent de la pulpe du fruit du Baobab délayée dans l’eau (elle est acide par une assez forte proportion de tanin soluble et de tanin insoluble qu'elle renferme), ou bien des jus de citron et d'orange, d’autres du da, espèce de feuille acide d'une plante du genre Rumex et de la section des Acelosella, d’autres encore de certaines écorces d'arbres riches en acide tannique, etc. Le coagulum est coupé en une longue lanière qu'on enroule autour de la boule précitée ; dans ce cas encore, le caoutchouc se soude à lui-même. En roulant cette lanière, le travailleur de caoutchouc ménage une petite anse formant anneau et permettant plus tard de réunir un grand nombre de boules les unes aux autres à l’aide d’une corde. De ce mode d'extraction, lé seul que nous ayons vu employé, — et nous avons visité tous les points du Soudan où ce genre de commerce se pratique, — il résulte qu'avec le caoutchouc recueilli dans les tessons se trouve une proportion plus ou moins grande d’'impuretés. Ces substances étrangères sont en général composées de fragments d’écorce ou de bois et de feuilles. Leur quantité varie suivant le soin avec lequel les récipients ont été disposés et aussi suivant le degré d'agita- tion de l'atmosphère. Il n’est point douteux que les jours de grands vents ces impuretés sont précipitées en plus forte abondance. Nous insistons d’une facon toute particulière sur ces faits parce que de tout cela dépend en grande partie la qualité commerciale du caoutchouc. Nous avons dit plus haut qu’on avait écrit bien légèrement que cette qualité pouvait dépendre de l’essence d’arbre em- ployée pour la production. Nous ne sommes pas sans con- naitre la nature des arbres pouvant donner du caoutchouc et LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC AU SOUDAN FRANCAIS. 363 nous en indiquerons même, plus loin, un tout particulier, absolument inconnu et des indigènes et des Européens, mais nous n'ignorons pas non plus que la Liane got est seule exploitée dans le pays. Étant donné que cette Liane nous donne le caoutchouc actuel du commerce soudanais, il est bien certain que ce caoutchouc ne peut pas avoir une compo- sition chimique très variable et que sa qualité intrinsèque est toujours à peu près la même. Il ne nous reste donc plus que sa qualité commerciale à envisager, qualité subordonnée di- rectement à la quantité des impuretés qu’il renferme, un peu à son mode de préparation et très peu à l'époque où la récolte a été pratiquée. Il nous faut rappeler un fait, non signalé encore et pour lequel nous revendiquons la priorité, c’est que le suc de la Liane got, recueilli liquide et soumis à l'action d’un acide, pourvu qu'il soit très fortement dilué, se coagule en éliminant de sa substance toutes les matières étrangères qu’elle peut renfermer. Ces impuretés remontent à la surface du liquide coagulant. Il n’y a donc plus lieu de s'étonner maintenant de la pureté absolue des lanières enroulées formant l'extérieur de toutes les boules livrées au commerce. Il en résulte aussi une conclusion bien nette et bien précise, c’est que si tout le caoutchouc était recueilli liquide, il serait toujours exempt de substances étrangères. Malheureusement, exiger sa ré- colte de cette facon, ne peut être qu'une pure utopie pour un grand nombre de raisons. La Liane goï, à chaque incision faite, ne laisse écouler que quelques gouttes de latex; ce n'est que par la multiplicité des incisions qu’on peut arriver à récolter un peu de caoutchouc et c’est pour cela que les indigènes, dans leur bon sens bestial, font de nombreuses incisions au-dessous de chacune desquelles ils disposent un tesson-récipient. La quantité recueillie dans leur petit pot, destinée à faire une lanière, est toujours bien faible et cette lanière n’est elle-même faite que pour donner de la cohésion à la boule commerciale. Le suc ou latex de la Liane goë se trouve plus particulie- rement dans les gros laticifères situés entre l'écorce et le bois. On a dit, à tort, que les indigènes sectionnaient la Liane pour avoir un rendement supérieur. Nous ne les avons jamais vu faire cette opération et ce serait d'autant plus stupide 364 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. qu'ils n'auraient pas été sans s’apercevoir que le suc n'existe que dans les points que nous venons d'indiquer. Leurs incisions circulaires sont défectueuses et nuisent à la vitalité de la plante; cependant, elles ne sont pas toujours totalement circulaires. Il serait bon de préconiser des en- tailles verticales ou en forme de croix. Si, incisés, les lati- cifères donnent peu de suc, il ne faut accuser que ce suc lui- même, trop facilement coagulable à l'air. Aussi, les noirs, pour que les incisions atteignent leur maximum de rendement, ne négligent rien pour les déterger souvent. Les chercheurs de caoutchouc s’absentent quelquefois du- rant huit ou dix jours ou plus, dans la brousse, pour faire une récolte; ils sont munis de leurs simples instruments de travail et d’une peau de Bouc, chargée de vivres. Ils rentrent chacun avec une charge de 25 à 30 kilogrammes de caout- chouc. Ils aiment les fruits de la Liane goÿ qui renferment une pâte épaisse, sucrée et légèrement aigrelette. La qualité du caoutchouc ne pouvant, ici, être due qu’à la quantité des substances étrangères qu'il renferme, son examen devient des plus faciles. Pour ceux qui n’ont pas en- core vu le caoutchouc de près, il est simple d’entailler les boules et de se rendre compte de la proportion approximative des impuretés. Pour ceux dont l'expérience est complète, la qualité s’apprécie au degré d'élasticité des boules, soit en les comprimant dans la main, soit en les laissant tomber sur le sol. Plus une boule est élastique, plus elle est appréciable et c'est d'autant plus exact que le degré d'’élasticité du caout- chouc varie peu avec son avancement en âge. Le mode de préparation peut influer légèrement sur la qua- lité du caoutchouc de la Liane goÿ, du goïdien, suivant l’ex- pression locale. En effet, quand on coagule le latex, si on le laisse tomber en mince filet dans le liquide acide, on obtient un coagulum qui, malaxé soigneusement à la main au fur et à mesure de sa formation, ne renferme aucune inclusion liquide ou gazeuse, ou d'impuretés. En versant le latex trop vite, comme il se coagule instanta- nément au contact de la dilution acide, il arrive qu’une partie plus ou moins forte de ce latex ne se trouve pas en présence du coagulant et qu'elle reste incluse au milieu du caoutchouc. Ces inclusions, lorsqu'elles sont nombreuses, ne disparaissent pas par le malaxage. Il y a aussi augmentation du poids réel LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC AU SOUDAN FRANCAIS: 369 du caoutchouc, car le latex est un liquide qui n’est pas tout entier composé de cette substance, bien loin de là même. En versant les liquides acides employés dans le suc recueilli, les inclusions sont encore plus fortes et plus nombreuses. Au moment des pluies, le suc de la Liane go, est aqueux, moins riche par conséquent en caoutchouc; il renferme aussi des résines qui, en dehors de ce qu’elles constituent des im- puretés, rendent les produits obtenus très poisseux. Le caoutchouc de la Liane goi, d’après les quelques rensei- gnements qui nous sont parvenus, aurait une composition chimique à peu près identique à celle du caoutchouc provenant du Brésil, de la province de Para. Sa densité varie de 911 à 939 ; d’abord blanc nacré, il prend une teinte brune sous la pure action de la lumière prolongée. Il est souple, élastique, jusque vers la température de 50°; amené à Oo, il est dur et à peine extensible. À une température de 100, il devient vis- queux et se soude facilement à lui-même; il entre en fusion vers 1800. Quand il est de fabrication récente et que deux surfaces viennent d'être fraichement coupées, elles peuvent adhérer par pression. Le caoutchouc, insoluble dans l’eau, peut néanmoins être dissous dans un mélange de sulfure de carbone et 5 à 6 th d'alcool absolu. Troost décrit succinctement la préparation définitive du caoutchouc de la façon suivante : « On commence par le déchiqueter et le réduire en feuilles persillées de trous en le faisant passer, sous un filet d’eau, entre deux cylindres qui tournent avec des vitesses inégales ; on le débarrasse de cette facon des débris de bois dont il est mélangé. Les feuilles séchées et saupoudrées de soufre ou d'oxyde de plomb passent entre les cylindres d’un laminoir; on les pétrit ensuile dans un loup, pour leur donner plus d’homogénéité; enfin on les comprime sous une presse hydrau- lique, et on abardonne, pendant des mois, dans une cave, le caout- chouc ainsi amené en bloc (caoutchouc bloqué). Le caoutchouc, rendu homogène par ces opérations, est découpé par des scies mécaniques en lames minces. Celles-ci peuvent être divisées en fils de diverses grosseurs (les fils les plus employés sont assez fins pour qu'il en tienne 7,000 mètres par kilogramme). » Au lieu de coaguler le latex de la Liane goï, à l’aide de di- lutions acides, on pourrait le faire en chauffant au bain-marie. 366 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Vers 90° à 95°, le latex se sépare en deux parties, l’une surtout composée d’eau, de glucose et de quelques sels minéraux, l’autre de caoutchouc. Cette séparation est assez lente et ilne se produit pas d’inclusions liquides ou gazeuses. Le caoutchouc ainsi préparé, ainsi que celui qui est coagulé, par évaporation au contact de l'air, dans les tessons de calebasses, doivent être considérés comme de toute pureté. La nature des dilutions acides employées parait influer beaucoup sur la densité et la cohésion du caoutchouc. Nous avons fait, à ce sujet, un certain nombre de recherches qui sont caractéristiques et nous exposons les différentes boules que nous avons préparées. L’acide sulfurique dilué à 2°/. semble donner les meilleurs résultats. Le coagulum produit est sans inclusions, dense, élastique ; il brunit moins vite au contact de la lumière pro- longée. Avec les acides azotique (5 °/.), acétique (10 °/.), oxalique (10 c/,), tartrique (15 °/.), on obtient également des coagula de toute beauté. L’acide chromique (5 °/.) donne un coagulum noïrâtre, peu élastique maïs très poisseux. Le sulfate de fer, l’acétate de plomb coagulent aussi le caoutchouc. Il y auraitlieu, nous pensons, de faire des essais nouveaux car il pourrait arriver que certains réactifs aient une in- fluence spéciale sur les produits obtenus par eux; l'effet de l'acide chromique permet de faire une semblable hypothèse. Le latex de la Liane go ne donne pas plus de 35 °/, de caoutchouc en saison sèche; en hivernage, la proportion peut se trouver réduite à 25 */.. Ce liquide, traité par la liqueur de Bareswil, fait constater la présence d’une substance sucrée qui doit être la dambonite de Girard. Tout cela dit, nous n'avons plus qu’à indiquer les quantités approximatives de caoutchouc produites par le Soudan. Il n'est point douteux que les chiffres que nous allons signaler vont être entachés d'erreur, mais cela tient à la méfiance qu'ont encore les indigènes de venir chez nous déclarer l’objet de leur commerce. Au poste de Kouroussa, il a été constaté par le service des laisser-passer, un passage de : LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC AU SOUDAN FRANCAIS. 367 1° En novembre 1896 . . . . . . ‘7,800 kilogrammes. 2 En décembre 1896. . . . . . . 9,677 — DRÉDMARNEr 1897000 US | 19,492 — MEME NAIER ONE, 5, 16,085 — Soit, en quatre mois, 52,994 kilogrammes de caoutchouc- Nous avons pu nous rendre compte qu’une grande quantité d'individus, Dioulas ou autres, transportaient à la côte une proportion bien plus considérable de caoutchouc que celle déclarée au Poste et nous estimons que le chiffre précité peut être au moins doublé, ce qui porterait la production mensuelle, à Kouroussa, à 25 tonnes environ pour les mois indiqués. A côté de cela, il faut tenir compte des boules de caoutchouc amenées au marché de Banko, marché beaucoup plus impor- tant que celui de Kouroussa. Si, pour ne rien exagérer, on ne le porte que comme équivalent à celui de ce Poste, on arrive au chiffre mensuel de 50,000 kilogrammes de mouvement commercial, en caoutchouc, dans le pays. Le prix des boules de caoutchouc, en 1897 et toujours dans la méme région, variait entre 20 et 25 centimes, ce qui faisait osciller le prix du kilogramme entre 1 fr. 80 et2 fr. 25 (nous comptons environ neuf boules au kilogramme). A la côte, soit à Sierra-Leone, soit dans nos comptoirs français, le caout- chouc est vendu en général 0 fr, 45 à 0 fr. 50 la boule, c'est-à- dire de 4 fr. 05 à 4 fr. 50 le kilogramme. Actuellement, les indigènes exportent plus de caoutchouc à Freetown qu’à la côte francaise, qu'à Konakry, Benli ou Du- breka. La Liane goi aime les terrains arides, les plateaux à roches ferrugineuses; elle se plait dans les fentes des roches. Elle préfère un gros arbre pour s'élever, sinon elle pousse sous forme de buissons noueux très ombreux. On ne la rencontre presque jamais à proximité des cours d’eau. Elle se reproduit très bien par semis ; on peut les faire à l'apparition des premières pluies. Dès la fin de juillet, c'est- à-dire quand l’hivernage bat son plein, on peut la multiplier à l’aide de boutures. Sa culture n'a pas encore été mise en pratique, que nous sachions; il faut espérer que quelques colons la tenteront, car elle est simple, facile, demande peu de soins et serait d’un gros rapport. On peut établir les pieds à une distance de 2 mètres au minimum, ce qui représente 368 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 2,500 arbustes par hectare. Une Liane en plein rapport peut donner dix boules de caoutchouc par an sans souffrir. Un hectare qui fournirait alors 25,000 boules de caoutchouc, c’est- à-dire 277 kilogrammes de ce produit, à 4 fr. 50 sur place, rapporterait 1,146 fr. 50. Le rapport réel serait certainement plus important si on compte que le caoutchouc acheté 4 fr, 50 par le commerce, ici, est revendu en Europe avec gros béné- fices. Il est vrai que nous n’avons pas tenu compte de la main- d'œuvre; son prix est peu élevé dans ce pays. Dans ces dernières années, nous avons rencontré, dans le Kissi, dans la vallée de Guiandan, chez les Tômas, une Liane de la même famille que la Liane go, donnant un caoutchouc d'une grande valeur, de plus gros rapport, et désignée par les indigènes tômas sous le nom de siallé. Lylhophilum Kissii (H. Sarrazin, 1896). Famille des Caprifoliacées. Grande Liane en souches nombreuses ; corps mince, dépassant rare- ment la grosseur du poignet. Feuilles simples, alternes, lancéolées, glabres, à face dorsale très brillante. Fleurs en cymes blanches; calice monopétale, à cinq petites divisions; corolle gamopétale à cinq #g-andes divisions égales; cinq étamines alternes ; un seul style sur- rionté d’un seul stigmate. Le fruit est une grosse baie globuleuse; les graines sont noyces dans une pulpe jaunâire, albumen corné. Cette diagnose est suffisante pour reconnaitre cette plante, botaniquement parlant. Dans la pratique, on peut la confondre avec la Liane goÿ ou la Liane sagoué, toutes trois d'ailleurs appartiennent au même genre Lythophilum. Ses tiges sont plus minces que chez les deux autres; ses feuilles sont plus petites ; le fruit surtout est globulaire, bien plus gros que celui de la Liane go et surtout à pulpe jaunâtre; il se con- somme aussi. La Liane siallé se rencontre seulement dans les régions que nous avons indiquées; nous ne l’avons remarquée nulle part ailleurs. Les indigènes ignorent qu’elle produit du caoutchouc. En y faisant des incisions en croix, nous avons obtenu un suc blanc laiteux, plus épais que celui de la Liane go?, un peu moins facile à concréter au contact de l’air. Il nous a paru doué des mêmes propriétés vis-à-vis des dilutions acides. Il LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC AU SOUDAN FRANCAIS, 369 renferme une proportion de caoutchouc qui peut atteindre 40 0/0, bien supérieure par conséquent à son congénère. Nous avons rapporté quelques échantillons fabriqués en 1897. Parmi eux nous avons placé un litre de latex aseptisé où on remarque le coagulum de caoutchouc au milieu d’un liquide aqueux, sucré, aigrelet. Il serait nécessaire de s'intéresser à cette plante nouvelle et de la mettre en exploitation. Nous ferons remarquer en passant qu’il est impossible d’a- septiser le suc des Lianes goi et siallé sans qu'il n’y ait sépa- ration du caoutchouc d'avec le reste liquide. PLANTES DIVERSES POUVANT DONNER DU CAOUTCHOUC ET NON EXPLOITÉES. Dans le genre Ficus, de la famille des Ulmacées, on trouve, au Soudan, un nombre assez considérable de variétés pouvant toutes fournir du caoutchouc. Nous allons nous contenter de les citer avec quelques indications sommaires. Ficus Afzelii. Cette espèce est une des plus grandes, maiss elle pousse avec une extrême lenteur. Elle est facile à recon- naître à son écorce blanchätre et lisse. Son latex ne donne pas plus de 10 0/0 de caoutchouc. Ficus angustissima. C'est une des variétés les plus répan- dues. Dans le Grand Beledougou, les Bamanas savent en faire du caoutchouc, mais ne l’exploitent pas. Ils ne fabriquent que la quantité qui leur est nécessaire pour enduire les petits bätonnets servant à jouer du bala {sorte d'instrument de musique), afin de rendre le choc plus doux. C’est un très bel arbre ne perdant ses larges feuilles que durant un mois à peine. Son écorce est rugueuse, d’un brun foncé. Il ne donne pas plus de 20 0/0 de caoutchouc. * Ficus ferruginea. Il n'est pas moins répandu que le précé- dent et possède également un feuillage très touffu. On le distingue facilement à son écorce légèrement rugueuse, mais 370 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. de teinte rouge brique clair. C'est, de tous les Ficus, celui qui donne le plus de caoutchouc et de la meilleure qualité ; il en fournit jusqu'à 26 0/0. Nous citerons encore les Ficus foliorubra, laurifolia, ma- crophylla, opposilifolia, racemosa, Tugosa. Le caoutchouc de tous les Ficus se forme en perdant son eau de combinaison par évaporation. Il jouit d’une particu- larité des plus curieuses, c'est de ne jamais se coaguler au contact des dilutions acides. Il est d’une qualité supérieure à tous les autres caoutchoucs connus et se fait remarquer par la finesse de son grain et par une sorte de transparence quand sa préparation est récente. 311 RAPPORT SUR L'EXPOSITION INTERNATIONALE D'HORTICULTURE OUVERTE A SAINT-PÉTERSBOURG EN MAI 1899 par G. MAGNE, Délégué de la Société. A Monsieur le Président de la Société nationale d’Acclimatation de France. Monsieur le Président, J'ai l'honneur de vous rendre compte de la mission que le Conseil a bien voulu me confier, de représenter notre Société à l'Exposition internationale d’'Horticulture de Saint-Péters- bourg. Cette Exposition a été ouverte le 5/17 mai 1899, sous le haut patronage de Son Altesse Impériale la Grande-Duchesse Elisabeth Feodorowna. Nous étions cinq délégués français : MM. Henry de Vilmorin, Truffaut et Chatenay, représen- tant le Gouvernement; — votre délégué ; — et M. Maurice de Vilmorin, délégué de la Société des Agriculteurs de France. A la constitution du bureau d'honneur, j'ai été nommé secrétaire. Lors de ma présentation à la Grande-Duchesse Elisabeth Feodorowna, Son Altesse Impériale, qui a fait aux délégués français le plus bienveillant accueil, a bien voulu me dire qu'elle s’intéressait beaucoup à la Société d’Acclimatalion. Nous avons recu les marques de la même bienveillance au- près des hauts fonctionnaires de l'Empire de Russie à qui nous avons été présentés ; et je saisis avec empressement l’occasion qui m'est offerte de remercier publiquement ces Messieurs de leur affectueuse hospitalité. M. Yermoloff, Ministre de l'Agriculture et des Domaines, M. le général de Speransky, Président de l'Exposition, M. le 372 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. baron Witte, chargé de l'administration de l'Exposition, M. Fischer de Waldheim, Vice-Président de la Société impé- riale russe d'Horticulture et Président de la Section étrangère de l'Exposition, nous ont fait le meilleur accueil et nous ont donné à tout instant des preuves de leur bienveillante sym- - pathie. Je remercie tout particulièrement M. Fischer de Waldheim qui dirige avec une si haute autorité le Jardin botanique de Saint-Pétersbourg, l'un des plus intéressants de l'Europe. Dans une audience qu'il a bien voulu m'accorder, M. Fis- cher de Waldheim m'a dit qu'il connaissait bien la Sociélé d'Acclimatalion, qu'il l’aimait beaucoup et qu'il était prêt à l'aider en Russsie de toutes ses forces. Notre Société peut donc compter sur lui pour le dévelop- pement de son action en Russie. Pour témoigner € à M. Fischer de Waldheim nr ma recon- naissance, j'ai cru devoir offrir au Jardin botanique quatre collections de plantes alpines que j'avais exposées et qui ont obtenu une médaille d'or et trois médailles d'argent. Il m'a remercié dans les termes les plus flatteurs en quali- fiant ces collections de « très précieuses ». Il y avait trois collections de plantes de rocailles que le cli- mat ne permet pas de cultiver en Russie, des.Sedum, des Saxifrages et des Sempervivum. En outre, une collection d'environ cent cinquante plantes alpines variées parmi lesquelles je puis vous énumérer le Gnaphaliuin leontopodium, les Gentiana acaulis et verna, toutes les variétés de Cypripedium de nos montagnes, les Rhododendron hirsutum album, ferrugineum album, Asler alpinus, Daphne cneorum et Daphne alpina, de nombreuses variétés de Primula, l'Aquilegia cœrulea, etc., etc. Le Jardin botanique avait aussi exposé un lot de plantes alpines sortant de ses serres, et par conséquent en bien meil- leur état que ces plantes fatiguées par un aussi long voyage, mais pour être exact, j’ajouterai que les plantes du Jardin bo- tanique m'ont paru être de celles queje cultive en pleine terre à Boulogne-sur-Seine, sans aucuns soins particuliers, telles que Doronicuim caucasicuin, Primula denliculata, Aqguile- gia canadensis, Pelasites officinalis, Scrofularia vernalis. Allium alexjanum, Uvrilaria perfoliata, Mizogabum bou- cheanum, etc., etc. EXPOSITION D’HORTICULTURE DE SAINT-PÉTERSBOURG-+ 373 L’Exposition internationale de Saint-Pétershbourg, placée sous l’auguste patronage de Sa Majesté l'Empereur de Russie, a obtenu un brillant succès. Les Français, les Allemands, les Belges et les Russes étaient nombreux à exposer. Les Français étaient au nombre de soixante-dix. 4 prix d'honneur, outre des prix spéciaux, 9 grandes médailles d’or, 13 moyennes médailles d’or, 24 petites médailles d’or, 30 grandes médailles d'argent, 16 moyennes médailles d'argent, 11 petites médailles d'argent, et 1 médaille de bronze, tel est le bilan de nos succès, dans lequel votre délégué a figuré pour 4 médailles d’or et 3 médailles d'argent, en tout sept récompenses. Les collections de Rhododendrons, d'Orchidées et les fleurs coupées ont eu des prix d'honneur. Le Palais de la Tauride où l'Exposition avait été organisée se prétait à un bel effet décoratif. Notre commissaire général, M. Martinet, avait apporté tous ses soins à donner à la Section française l'éclat qu’elle com- portait ; il a droit à toute notre reconnaissance. Nous devons aussi remercier M. de Montebello, notre am- bassadeur, qui nous a témoigné la plus grande bienveillance. Tous les exposants ont quitté la Russie enchantés de l'accueil qu'ils avaient recu et sollicités de tous côtés pour revenir dans ce pays ami de la France. Ces Expositions internationales, en dehors des résultats immédiats qu'elles procurent aux exposants, ont un autre avantage bien plus important pour eux : c’est de créer des liens de bonne confraternité, et même dans certains cas de camaraderie, entre les divers nationaux qui prennent part à ces luttes pacifiques. Il en résulte, dans l'intérêt de l’horticulture en général, un échange de vues, de communications, d’études, qui, une fois créé, ne doit plus s'interrompre. 374 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Notre Société ad’ Acclimalation trouvera certainement un grand avantage à participer à ces Expositions. Nous compléterons ainsi nos relations dans tous les pays du monde et, par des dons ou des échanges, nous verrons le nombre des graines ou des plantes à distribuer à nos socié- taires augmenter dans des proportions considérables. Je serai heureux si je puis contribuer à ce progrès pour une petite part. J'ai visité en allant en Russie le Jardin botanique de Ber- lin, qui m'a paru fort intéressant même après Kew. Il y a pour les collections de plantes alpines une disposi- tion de rochers toute particulière qui met tout à fait en valeur ces bijoux de nos montagnes, 315 EXTRAITS DES PROCÉS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 28 AVRIL 1899. PRÉSIDENCE DE M. WEBER, MEMBRE DU CONSEIL. M. Raveret-Wattel, vice-président, s'excuse de ne pouvoir assister à la réunion. En l'absence du secrétaire des séances, M. le Secrétaire général procède au dépouillement de la correspondance. DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. Notifications, renseignements, avis divers, généra- lités. — La Sociélé a recu avis du décès de Me Drouyn de Lhuys, veuve du regretté président de la Société. Me Drouyn de Lhuys a maintes fois donné des témoignages de l'intérêt qu'elle portait aux travaux de la Société. Du vivant de son mari, elle fit partie, dès l'origine, du Comité de patronage du Jardin d'Acclimatation, où on a pu la voir par exemple, donner en public, dans un but d'intérêt général, des démons- trations pratiques de sériciculture. Une lettre de condo- léances a été adressée à la famille de Mme Drouyn de Lhuys. — La Société vient de faire une perte sensible en la per- sonne de M. Charles Brongniart, décédé le 18 avril 1899, à l’âge de quarante ans. Le défunt, assistant au Muséum d'His- toire naturelle, avait été pendant deux ans Secrétaire de la Sociélé pour l’intérieur, M. Brongniart s'était consacré spé- cialement à l'étude de l'Entomologie. Il laisse inachevés d'importants travaux. — M. Roland-Gosselin (Mb) que le Bureau avait délégué pour représenter la Société d’Acclimatalion aux obsèques de Charles Naudin, écrit que Mme Naudin a été très sensible à cette attention, qu’elle l’a prié de vouloir bien tenir un des cordons du poële et de transmettre à la Sociélé ses remer- ciements et ceux de ses enfants. — M. le D' Bretschneider, de Saint-Pétersbourg remercie la Sociélé d'avoir bien voulu le nommer membre honoraire. 376 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Il est très sensible à cette distinction et s’efforcera de justi- fier la confiance que la Société a daigné lui témoigner. — M. de Montlezun (Mb) remercie la Sociélé d'avoir bien voulu le déléguer pour la représenter au Congrès des Sociétés savantes à Toulouse. — M. Pays-Mellier (Mb) envoie quelques détails complé- mentaires sur le parc de la Pataudière où il élève depuis plus de vingt ans de nombreux animaux. (Voir Bullelin ci- dessus, p. 137, 177 et 313.) — M. le Directeur du Muséum adresse le programme des cours spéciaux faits pour les voyageurs dans cet établis- sement. Mammifères. — M. le Baron de Parana (Mb) envoie de Lordello, Brésil, de nouveaux détails sur les hybrides de Zèbre de Burchell et de Jument dont il poursuit l'élevage. Les Zébroïides sont appelés, d’après lui, à un grand avenir dans les pays chauds. La lettre de M. de Parana sera publiée in exlenso. Ornithologie, Aviculture. — Le Comité du Congres in- ternational d’Aviculture qui doit se tenir à Saint-Péters- bourg en mai 1899 adresse le programme et le règlement de cette réunion à laquelle prendront part un grand nombre de savants et de praticiens de tous les pays. — La Ligue ornithophile francaise annonce qu'elle vient d'organiser son quatrième concours ayant pour sujet : Définir les espèces d'Oiseaux insectivores disparues ou en voie de disparaître. — Etablir les dommages causés actuellement à l'agriculture par la pullulation des Insectes, avec exemples à l'appui. Ce concours sera clos le 3 juin et le résultat pro- clamé le 18 juillet 1899. Les mémoires devront être adressés à M. L.-A. Levat, à Avignon (Vaucluse). — M. Joseph Clarté (Mb) signale de Baccarat, la publica- tion faite dans le Bon cultivateur, par les soins de la Société centrale d'Agriculture de Meurthe-et-Moselle, de son mémoire sur les Oiseaux utiles et leur protection. M. Clarté a fait exé- cuter de ce mémoire un tirage à part destiné à être répandu parmi les instituteurs et en général dans tous les milieux où l'on a intérêt à protéger les Oiseaux. Dre PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 377 Aquiculture. — La distribution d'œufs de Truite arc-en- ciel récemment faite aux Membres de la Sociélé a donné lieu à une volumineuse correspondance qui ne peut être résumée ici en détail; elle comprend les demandes d'œufs, divers échanges de lettres relatives à des renseignements concer- nant les envois, enfin des accusés de réception et des remer- ciements. Les envois sont généralement arrivés à bon port et les résultats de l'opération paraissent devoir étre satis- faisants. — M. le général N. de Depp (Mb) écrit d'Odessa, à la date du 4 avril, qu'il vient d'obtenir une variété fort curieuse du Cyprin doré parle croisement du type commun de cette espèce avec le Poisson rouge à queue à éventail. Afin d’en fixer la race, qui parait très remarquable par sa couleur, M. de Depp cherche à faire reproduire ces Poissons, mais il n’a pu y réussir jusqu’à présent. — M. le comte G. Barbo demande si la Société pourrait lui procurer des Macropodes. Un accident vient de lui faire perdre tous les Poissons de cette espèce dont il n’a jamais cessé d'obtenir la reproduction depuis vingt-cinq ans. C'’é- taient les descendants de sujets achetés en 1873 au fameux pisciculteur français Carbonnier. — M. À. Lucet (Mb), après avoir décrit la petite rivière de Clery, qui coule à Courtenay, dans le département du Loiret, constate que les Ecrevisses en ont brusquement disparu. Elles y abondaient autrefois, de même que divers Poissons. Les Truites sont, du reste, toujours nombreuses en aval, à 8 où 10 kilomètres de l’embouchure de la Cléry dans le Loing, mais elles ne semblent plus exister à Courtenay. M. Lucet demande ce que l’on pourrait faire pour repeupler ces eaux désertes. Botanique. — M. Roland-Gosselin (Mb), à propos de Ia mort récente de Ch. Naudin, adresse quelques réflexions con- cernant la villa Thuret dont le défunt était directeur. Il est à désirer, dit M. Roland-Gosselin, pour toutes nos colonies et pour la France continentale, qu'on ne modifie rien à l'état. actuel. Les travaux de M. Naudin sont considérables, mais. n’ont pas tous encore porté fruit. Il faut un certain temps pour en tirer le profit sur lequel il comptait. Toute modifica- Bull. Soc. nat. Accl, Fr. 1899. — 25. Pb af 1 EE LAS 378 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. tion actuelle serait fâcheuse et de nature à priver la science des résultats préparés par les efforts constants de M. Naudin. — M. Pierre Saby demande des renseignements sur l'£uw- calyptus urnigera dont on vante la résistance au froid et dont il cherche à se procurer des graïnes. — M. le Président de la Société d'Agriculture de Cannes demande des renseignements sur la Canaïigre, dont la culture lui semble devoir être tentée dans le midi de la France. — La Société forestière française des Amis des Arbres adresse des invitations pour son assemblée générale annuelle, qui doit avoir lieu le dimanche 6 mai, à deux heures et demie, dans la grande salle de la Société d'Acclimatation, sous la présidence de M. le sénateur Calvet. M. H. Gadeau de Ker- ville y fera une conférence avec projections sur les arbres célèbres de la Normandie. Colonisation. — M. Cordeiro da Silva écrit de Marseille, à la date du 8 avril, qu'il se dispose à partir pour Madagascar, où il va diriger une exploitation agricole aux environs de Diego-Suarez. Il se met à la disposition de la Sociélé pour tout ce qui pourrait lui être utile. Cheptels, distributions et dons de graines. — Les demandes et envois de graines, tres actifs pendant le mois d'avril, ont donné lieu à de nombreux échanges de lettres. - — MM, Gache de la Roche-Courbon, Cros, Roland-Gosselin, DrZenk, Niclausse et Berton remercient des graines qui leur ont été envoyées. — M. Cros, de Perpignan, a fait parvenir à la Sociélé un certain nombre de graines recueillies à Perpignan et à Vernet- les-Bains (Pyrénées-Orientales). Il envoie également des tu- bercules de Crosnes. — M. Henry Perron offre à la Société du Riz, du Mil et du Blé, provenant des environs de Tombouctou. COMMUNICATIONS ORALES. A propos des Crosnes envoyés de Perpignan par M. Cros, M. Weber fait connaître qu'il à signalé à celui-ci une erreur de détermination concernant ces tubercules. Il s’agit en réa- | PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 379 lité de l'Oxalis crenata, plante tout à fait différente des Crosnes. M. le Président ajoute que M. Cros l’a immédia- tement remercié de cette communication qui lui permettra de réfuter une erreur répandue dans la région pyrénéenne où beaucoup de personnes prennent pour des Crosnes les tubercules d'Oxalis crenata qui sont d’ailleurs également comestibles. — Une discussion s'engage au sujet du Blé du Soudan en- voyé par M. Perron. M. de Bonand ne croit pas que ce Blé soit d’un bon rendement. M. le Secrétaire général répond que la question de rendement dans un pays où les conditions de culture sont tout à fait différentes de celles des pays plus civilisés, n’a pas une importance capitale. Ce qu'il faut chercher avant tout, c'est le moyen d’obtenir sur place une denrée de premier ordre, toujours recherchée pour l’alimen- tation des Européens, et que les frais de transport rendent extrêmement coûteuse, si l’on veut l’amener de l'extérieur. La culture du Blé n’est pas nouvelle au Soudan. Elle semble avoir été florissante dans les environs de Tombouctou il y a une quarantaine d'années. Elle a été tout récemment re- prise avec activité, et M. de Trentinian s’est efforcé de lui _ donner une grande impulsion. Les essais dont M. Perron en voie aujourd'hui les produits ont été tentés à Bamakou par MM. Gillium et Pillet. M. le Président insiste sur l'importance de la question qui a déjà été traitée à la Sociélé d'Acclimatalion par M. de Trentinian lui-méme, dans la causerie si intéressante qu'il a faite lors de la séance de distribution des récompenses, le 16 mai 1898, sur la colonisation agricole au Soudan français. — M. le Secrétaire général, à propos de la distribution d'œufs de Truite arc-en-ciel dont 1l a été question dans le dé- pouillement de la correspondance, présente un rapport d’en- semble sur cette opération. Les œufs, au nombre d'environ cent mille, ont été expédiés dans la première quinzaine d'avril et répartis dans dix-sept départements : Aisne, Cher, Côte- d'Or, Doubs, Eure, Gironde, Haute-Marne, Isère, Loire, Marne, Nièvre, Orne, Puy-de-Dôme, Saône-et-Loire, Seine et Seine-et-Oise. La plupart ont été demandés par des propriétaires soucieux de tirer parti d'eaux improductives ou de favoriser le repeu- 380 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. plement des rivières. Un certain nombre d’Etablissements publics et plusieurs Sociétés ont pris part également à la dis- tribution, notamment la Station aquicole de Boulogne-sur- Mer, l'Ecole d'Agriculture de Beaune, la Société de Pisci- culture de Loir-et-Cher, la Société de Pisciculture du Sud- Ouest, etc. Pour la première fois, les œufs distribués ont pu être obte- nus en quantité suffisante d’un producteur français. Jusqu'ici la Société d’Acclimatalion avait dû importer de l'Etranger les œufs distribués par ses soins. Aussi doit-on considérer l'opération actuelle comme un réel succès pour la Société elle- même dont les efforts, poursuivis depuis plus de vingt ans, ont porté leurs fruits. C’est, en effet, grâce aux distributions antérieures analogues à celle-ci qu'ont pu se développer les élevages français, où la Société trouve enfin aujourd’hui les œufs qu’elle continue à distribuer dans l'intérêt public. Les œufs ont été fournis cette année par l'Etablissement de Bessemont, près Villers-Cotterets, dont le directeur, M. de Marcillac, a précisément reçu en 1898, pour ses travaux de pisciculture pratique, la grande médaille d’or offerte à la So- ciété d’Acclimatation par le Ministère de l'Agriculture. L'exemple de M. de Marcillac ne manquera pas d'être suivi, et la Société pourra certainement, à l'avenir, se procurer en France une notable quantité d'œufs de Truite arc-en-ciel. — M. Decroix fait une communication sur l'hippophagie. D'après lui, 4 kilos de viande de Cheval équivaudraient dans l'alimentation à 5 kilos de viande de Bœuf. Il en résulterait, au bout d’un certain temps, une notable économie. Il faut d’ailleurs tenir compte de ce fait que les Chevaux consommés ne sont pas élevés spécialement pour la boucherie. M. De- breuil rappelle que la viande de Cheval est couramment employée en pisciculture. C’est ainsi que M. de Marcillac nourrit les Truites arc-en-ciel. M. Wacquez dit que les avi- culteurs emploient également la viande de Cheval pour corser l'alimentation des Poules. On a observé, paraît-il, que l’usage d’une certaine quantité de cette substance améliore la qualité des jaunes d'œufs. — M. le Secrétaire général rend compte d'un voyage qu'il vient de faire en Espagne, aux Canaries, au Maroc et à Ma- dère. Au cours de cette excursion, il a pu recueillir des docu- PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 381 ments et des observations intéressants pour la Sociélé. Aux Canaries notamment, tout ce qui a trait à la culture des fruits et des légumes que l’on expédie surtout en Angleterre, a par- ticulièrement appelé son attention. Les Bananiers se déve= loppent de plus en plus, et les terrains propres à la produc- tion de la banane acquièrent une très grande valeur. Le climat des Canaries favorise l’acclimatation de toutes sortes de végétaux ; l’on peut y voir, dans de très beaux jardins particuliers et aussi dans certains établissements comme le Jardin botanique d’Orotawa à Ténériffe, par exemple, des spécimens remarquables d’une flore extrêmement variée. Des faits analogues s’observent à Madère où le climat, plus humide qu'aux Canaries, est peut-être plus favorable encore à l’acclimatation végétale. Le marché aux fruits de Funchal est très intéressant par la grande variété des produits qui y sont exposés et dont plusieurs sont excellents. M. de Guerne a exposé d’autre part devant la Section d’A- quiculture, dans sa séance du 24 avril, diverses observations concernant la pêche et sur lesquelles il n’y a pas lieu à re- venir (voir Bulletin ci-après, p. 390). M. le Président remercie M. le Secrétaire général de sa communication et déclare que la Société profitera encore cer- tainement dans l'avenir du voyage dont il vient d’être ques- tion, des rapports ayant été établis sur place avec un certain nombre de personnes pouvant lui être fort utiles. — M.le Secrétaire général rappelle qu'une conférence avec projections doit être faite le 9 mai à huit heures et demie du soir par M. Clément, président de la Section d’Entomologie. Cette conférence sera présidée par M. Railliet, Membre du Conseil. Elle aura pour sujet : L’Abeille, son élevage ét ses produits. Un certain nombre d'appareils et diverses pièces de collections seront présentés au cours de la séance. Quelques jours après cette conférence, les 11, 12 et 13 mai s'ouvrira, dans la grande salle de la Société, la deuxième Ex- position d'Oiseaux et de Plantes. Elle sera exclusivement consacrée aux volailles naines de toutes races. On ne peut que lui souhaiter la même réussite qu’à l'Exposition d'Oiseaux de cage exotiques organisée les 25 et 26 mars. En prenant cette nouvelle initiative, la Société poursuit, dans un esprit désintéressé, conformément à ses statuts, un but d’utilité gé= 382 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATA TION. nérale. L'étude, l'agrément ou la simple curiosité, voire même les intérêts professionnels, trouveront à se satisfaire dans ces Expositions. Il n’est pas douteux, par exemple, que les mar- chands et les amateurs, s'y rencontrant dans un milieu favo- rable, ne profitent de la circonstance pour nouer d'utiles relations. Enfin, pour terminer ce qui à trait à l'activité de la Société qui reprend, comme on peut le voir, avec une grande inten- sité après les vacances de Pâques, M. le Secrétaire général annonce que la séance générale de distribution des récom- penses est actuellement en préparation et que la date en sera fixée très prochainement. Pour le Secrélaire des séances empêché, JULES DE GUERNE, Secrétaire général. SÉANCE GÉNÉRALE DU 26 MAI 1899. PRÉSIDENCE DE M. LE D' WEBER, MEMBRE DU CONSEIL. Le procès-verbal de la séance précédente-est lu et adopté. M. le Président souhaïte la bienvenue à M. le professeur G. Kojevnikov, conservateur du Musée zoologique à l’Uni- versité impériale de Moscou, et le prie de vouloir bien prendre place au Bureau. M. Kojevnikov remercie la Sociélé de son bon accueil et lui transmet les témoignages de sympathie de la Société des Amis des Sciences naturelles de Moscou, dont il a l'honneur d'être Secrétaire général. D'excellents rapports existent depuis longtemps entre celle-ci et la Sociélé d'Acclimatation, qui a su apprécier les travaux des savants russes et les distinguer en leur attribuant à plusieurs reprises quelques- unes de ses plus hautes récompenses. M. Kojevnikov est chargé lui-même de remettre à la Sociélé d'Acclimatalion, qui voudra bien les faire parvenir aux lauréats, un certain nombre de médailles décernées à des Français à l’occasion de l'Exposition de’pisciculture à Moscou. 4 POLE NT Tr PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 383 Décision pu CONsEir. Dans sa séance du 3 mai, le Conseil a décidé, par un vote unanime, que la médaille d'or de la Sociélé serait décernée au général Galliéni, Gouverneur général de Madagascar pour les efforts qu'il n’a cessé de faire afin de mettre la Colonie en valeur par l’agriculture (introduction d'animaux et de plantes utiles, reboisement, etc.). M. Le Myre de Vilers, président de la Sociélé, a bien voulu se charger de remettre lui-méme cette médaille au général Galliéni dès son arrivée à Marseille. PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. M. le Président proclame les noms de Membres admis par le Conseil depuis la dernière séance générale : MM. PRÉSENTATEURS. traite, 114, rue de Paris, à Meudon { Le Myre de Vilers. (Seine-et-Oise). Raveret-Wattel,. | Ch. Debreuil. CHANOT (Joseph), chef d’escadrons en re- ) Baron J. de Guerne. L'abbé CHARRUuAUD, curé, Bessens (Tarn- 1 : Baron J. de Guerne. et-Garonne). F. Mérel. CuÉnOT (L.), professeur de Zoologie cut R. Blanchard. l’Université de Nancy (Meurthe-et-Mo- ) A. Delaval. selle). | Baron J. de Guerne. Ch. Debreuil. Baron J. de Guerne. M. Loyer. Durour (L.), oiselier, passage Tivoli (rue d'Amsterdam), à Paris. DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. En l'absence de M. le Secrétaire des séances, M. le Secré- taire général procède au dépouillement de la correspondance. Notifications, renseignements, avis divers, généra- lités. — M. Le Myre de Vilers, président de la Société, exprime ses regrets de ne pouvoir venir présider la séance. Il se trouve actuellement à Marseille, où il est allé recevoir à son arrivée le général Galliéni, Gouverneur général de Ma- 384 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. dagascar, et lui remettre la médaille d'or que lui a décernée la Société a’ Acclimatation. Le général Galliéni a débarqué le 25 mai, c’est-à-dire hier. La Sociélé était représentée à son arrivée par MM. Milne- Edwards (de l’Institut), Binger, Membre du Conseil, Alfred Grandidier (de l’Institut), Heckel, du Pré de Saint-Maur, etc. — Depuis la dernière séance, la Société a reçu avis du décès de M. Brot, de Genève. — M. le Ministre de l'Agriculture annonce qu'il vient d'accorder à la Société une subvention de 1,500 francs. — M. de Saint-Quentin adresse son rapport sur les com- munications de zoologie et de botanique appliquées pré- sentées au Congrès des Sociétés savantes réuni à Toulouse en avril 1899. M. de Saint-Quentin était délégué pour repré- senter la Sociélé au Congrès. Son rapport sera publié 2x exælenso. (Voir ci-dessus, page 267.) Aquiculture. — A l'occasion de la distribution d'œufs de Truite arc-en-ciel, dont le compte rendu lui a été envoyé, M. le Ministre de l'Agriculture félicite la Société des efforts qu'elle fait pour le repeuplement des eaux douces en France. — M. Emile Maison adresse un mémoire sur l'histoire de la Pisciculture en France et notamment sur l'histoire de la famille de Rémy, le pisciculteur vosgien, à laquelle la Société d'Acclimatatlion a donné à maintes reprises des marques de sympathie, sans parler des subsides qui lui ont été fournis. Le mémoire de M. Emile Maison sera publié dans le Bullelin. Entomologie. — M. Bouvier, professeur d'Entomologie au Muséum, remercie la Sociélé des cocons d’Altacus cynthia qui lui ont été envoyés et qui prendront place dans la col- lection d'Entomologie appliquée dont l’organisation se pour- suit par les soins du Muséum d'Histoire naturelle. Cheptels. Distribution de graines. — M. Loyer an- nonce la mort du Nandou qui lui avait été remis en cheptel par la Sociélé. C'était une femelle dont la santé semble d'ailleurs avoir toujours été assez délicate. — MM. Ch. Rivière, Debreuil et Jacoulet remercient des graines qui leur ont été envoyées. Le dernier d’entre eux se PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 385 préoccupe particulièrement d'étudier les fourrages nouveaux spécialement utilisables dans les colonies françaises; il a créé dans ce but à l'Ecole de cavalerie de Saumur où il est vété- rinaire principal, un petit jardin d'essai. — M. le Dr Zenk et M. le Président de la Société horticole de l'Allier adressent des demandes de graines. COMMUNICATIONS ORALES. A l'occasion de la lettre de M. Loyer annonçant la mort d'un Nandou, M. Debreuil demande si l’on a des nouvelles des Oiseaux de la même espèce qui ont été confiés à M. P. Uginet. M. Trouessart, à propos du même fait, dit qu'il con- viendra d’avertir les Membres de la Sociélé exposés à perdre des animaux intéressants, qu'ils peuvent les envoyer au Muséum d'Histoire naturelle pour étre autopsiés et examinés. Il vaut mieux faire des envois directs au Muséum que d’a- dresser à la Société des dépouilles qui doivent être ensuite transmises par ses soins dans divers laboratoires. M. le Se- crétaire général ajoute qu'il donnera très volontiers aux intéressés les indications nécessaires pour la bonne direction de leurs envois. — M. Mérel fait une communication sur la race de Poules dite « Coucou de Rennes ». (Voir Bulletin.) — M. Paul Chappellier fait une communication sur les Blattes qui infectent les cuisines. Ces Insectes sont fort abondants chez lui et beaucoup plus nombreux qu'on ne pourrait le croire. Il cite le nombre des individus capturés pendant une période déterminée et indique les moyens qu'il emploie pour détruire ces commensaux désagréables. Une discussion générale s'engage à ce sujet. MM. Trouessart, Weber, Decroix, Debreuil et de Guerne donnent divers ren- seignements et explications. M. Decroix signale l'extrême abondance des Blattes qu'il a pu observer à Lyon lorsqu'il y était en garnison, M. Weber confirme ce fait qu'il a également constaté: il s'agissait toujours de grosses Blattes qui se trouvaient aussi bien aux étages supérieurs qu'au rez-de- chaussée, bien qu’on ait affirmé que les Blattes de petite espèce seules, montent dans les maisons. M. de Guerne dit que les Blattes sont recherchées par beaucoup d'éleveurs. Il 386 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'AOCLIMATATION. cite notamment l'exemple de M. Rollinat qui confe.des pièges aux boulangers d’Argenton, de façon à avoir toujours une certaine quantité de Blattes vivantes pour la nourriture des Reptiles indigènes qu'il entretient chez lui en grand nombre et qui en sont très friands. M. le comte d’Esterno demande si la petite et la grande Blatte ne peuvent vivre simultanément dans les mêmes endroits; on sait que certaines espèces d'animaux très voi- sines les unes des autres comme le Surmulot et le Rat noir, le Lièvre et le Lapin, semblent s’exclure réciproquement, — M. le Secrétaire général présente au nom de M. Heckel de Marseille, les tubercules d'une Solanée provenant de l'Uruguay et qui pourrait remplacer la Pomme de terre dans les pays chauds et humides. Les tubercules demanderaient toutefois à être améliorés par la culture. Leur volume est en effet encore assez faible et leur saveur fort amère. Cette espèce porte le nom de Solanum Cemmersoni. M. Dawvin, chef des cultures au Jardin botanique de Marseille, s'occupe de cette amélioration. Les tubercules envoyés par M. Heckel ont été répartis entre MM. Nanot, directeur de l'Ecole d'Horticul- ture de Versailles, Rivière, directeur du Jardin d'Essai d'Alger, et Debreuil, qui en surveillera la culture à Melun. M. Chap- pellier s’est chargé d’autre part d’en faire parvenir quelques spécimens à l’un de ses petits-fils, M. Bertrand, actuellement à Madagascar. — M. Clos ayant envoyé de Toulouse un pied d’Astra- gale en faux cultivé en pot, cette plante est soumise à l’exa- men de l'assemblée. M. le Secrétaire général fait observer qu'une excellente occasion va s'offrir de la montrer au public à l'Exposition d'Oiseaux et de Plantes, la troisième, qui sera ouverte au siège de la Société, les 10, 11 et 12 juin prochain. — M. de Guerne présente divers échantillons de café rap- portés par lui des Canaries et qu'il a en partie récoltés lui- méme pendant le voyage qu'il a fait dans ces îles le mois dernier. o PROCLAMATION DES RÉSULTATS DU VOTE. M. le Président proclame les résultats du vote pour le renouvellement du Bureau et d’un tiers du Conseil. Le scrutin 7 4" DORE be MURS OR PNE e à RO OU ET METRE ES OU UE LANPNENTS PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 387 aété dépouillé pendant la séance par une Commission com- posée de MM. de Lamarche, Rathelot et Wacquez. Le nombre des votants étant de 161, voici le chiffre des voix obtenues par chacun des candidats : BnesidentaMerEelMyre deniers. 2... 20.3. 2. 160 Mice= Présidents: MM. B: Bureau... ................ 160 11: IEEE do 0e colo 0 160 Comte de Pontbriand......... 160 Raveret-Watlel.............. 160 Secrétaire général : M. le baron Jules de Guerne..... 161 Secrétaires : MM. P. Marchal (Znférieur) ............ 161 El ne (Cora oemoscnscoeeno 161 F'Mérel (Ségncesh ut... 161 Le comte R. de Dalmas (£franger). 161 Membres du Conseil : MM. Debreuil................. 160 De Faboulaye... "1... 161 RANEtE ES etienne 160 VUE lo de brod oiéenée 160 PauWenappeltiens.: "1". 160 En conséquence, chacun des candidats est proclamé élu. M. Paul Chappellier remplace M. Camille Dareste, décédé. — M. le Président félicite M. Mérel, nommé Secrétaire des séances et M. Paul Chappellier nommé Membre du Conseil, qui vont pour la première fois apporter leur concours à l’ad- ministration de la Société. — Au moment de lever la séance, M. le Président rappelle que le dimanche 4 juin, aura lieu une visite spécialement ré- servée aux Membres de la Société à la Chevrerie du Val- Girard, 163,rue Blomet, à Paris. M. Crepin, dont on connait les persévérants efforts pour introduire le lait de Chèvre dans l'alimentation des enfants à Paris, fera les honneurs de son établissement aux excursionnistes qui pourront en outre déguster le lait de Chèvre, soit pur, soit transformé en crème ou en fromage. Pour le Secrétaire des séances empêché : JULES DE GUERNE, Secrétaire général, 388 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 3e SECTION (AQUICULTURE). SÉANCE DU 27 MARS 1899. PRÉSIDENCE DE M. DEBREUIL, MEMBRE DU CONSEIL. M. Boigcol, secrétaire-adjoint, s'excuse de ne pouvoir assisler à la reunion et envoie le procès-verbal de la dernière séance qui est lu et adopté. M. G. Roché, vice-président, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance. La correspondance comprend un grand nombre de letires relatives à la distribution d'œufs de Truite arc-en-ciel qui se poursuit en ce moment même par les soins de la Société. M. le Secrétaire général dit qu'il pourra donner le mois prochain un compte rendu détaillé de cette opération. M. le Président exprime le désir que des œufs de Salvelinus fontinalis ou Saumon de fonlaine, soient également distribués. Ce Salmonide, moins répandu que la Truite arc-en-ciel, mérite d’être connu et il ne semble pas que son élevage soit bien difficile. M. Debreuil l’a réussi sans peine dans sa propriété de Melun. M. le Secrélaire général fait observer que la Sociéfé s'était préci- sément assuré les moyens de distribuer cette année des œufs de Salvelinus fontinalis. Malheureusement, comme il l’a expliqué déjà au cours de la séance du 30 janvier, M. Duponchez, d'Ancourt (Seine- Inférieure) qui devait fournir les œufs, est tombé malade à l’époque même de la ponte et celle-ci a été perdue presque entièrement. M. Lagrange, horticulteur à Oullins près Lyon, qui se livre à la culture des plantes aquatiques, fait ses offres de service à la Société. Divers catalogues étant présentés à la Section, une discussion s’en- gage au sujet des espèces aquatiques étrangères que l’on peut cultiver en France et notamment aux environs de Paris. M. À. Clément adresse le résumé des communications relatives à la pisciculture et qui ont été faites pendant la dernière session de la Société des Agriculteurs de France. M. le Secrétaire général observe que les documents présentés dans cetle circonstance sont pour la plupart anciens déjà. 11 en est même que leur caractère de propagande commerciale, insuffisamment déguisé, aurait dû faire éliminer de l’ordre du jour. M. Thorndike-Nourse offre à la Société, en priant tout spécialement les Membres de la Section d'Aquiculture de vouloir bien l'examiner, un mémoire récemment publié par lui et intitulé : Les Valli de la Vénétie. L'auteur a pu recueillir les éléments de ce travail au cours d’un PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 389 voyage qu'il a fait dans l'Italie septentrionale. De nombreuses photo- graphies originales illustrent la brochure de M. Thorndike-Nourse. M. le Secrétaire général présente un modèle nouveau de l'appareil à incubation construit par M. Vergniolle, de Reims, sur les plans de M. de Marcillac. Divers perfectionnements y ont été introduits depuis l'Exposition faite à la Société en 1897 et où cet appareil fut soumis pour la première fois à l’apprécialion des spécialistes. On sait qu'il obtint une médaille de bronze à l'Exposition de Moscou. À propos d’Expositions, M. Rathelot annonce que M. Dagry a recu de $. M. le roi des Belges un diplôme commémoratif de sa collabo- ration comme Membre du Comité d'organisation de l'Exposilion de Bruxelles en 1897. M. de Claybrooke a également recu ce diplôme et une médaille pour le même molif. Le Secrétaire, J. DE CLAYBROOKE. SÉANCE DU 21 AVRIL 1899. PRÉSIDENCE DE M. J. DE GUERNE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL. En l’absence des Secrétaires, il ne peut être donné lecture du procès- verbal de la dernière séance. A la correspondance imprimée figurent un certain nombre de journaux et notamment divers articles extraits de la France du Nord (Boulogne-sur-Mer), qui protestent contre la nouvelle réglementation de la pêche fluviale dans le Nord, le Pas-de-Calais et la Somme. M. Debreuil estime qu'il y aurait avanlage à s'associer aux récla- mations formulées dans ces articles, les pêcheurs à la ligne de la région du Nord et ceux du Boulonnais, en particulier, sont en effet constitués en groupes sérieux et disposent de moyens d'action qu'il sera bon d'utiliser pour favoriser le repeuplement des rivières et la répression du braconnage. La correspondance comprend un grand nombre de lettres relatives à la distribution d'œufs de Truite arc-en-ciel qui vient d’être terminée. Les œufs sont généralement parvenus en très bon état; mais l’é- closion a suivi de très près l’arrivée, ces œufs se trouvant déjà assez âgés au moment de leur expédition. M. de Guerne se propose de pré- senter à la Séance générale du 28 avril un rapport d'ensemble sur cette opéraiion. Lecture est donnée d’une lettre du général N. de Depp, d’Odessa, concernant une variété curieuse du Cyprin doré obtenue par le croise- ment du type vulgaire de cetie espèce avec le Poisson rouge à queue en éventail. Il n’a pas été possible encore d’en obtenir la multiplication. 390 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. M. Lucet, après avoir donné quelques détails sur les eaux des en- virons de Courtenay (Loiret). demande quelle serait la manière la plus pratique de les repeupler en Truites ou en Écrevisses. M. le comte G. Barbo écrit de Milan qu'un élevage de Macropodes poursuivi par lui avec succès depuis vingt-cinq ans vient d'être anéanti par un accident. M. Debreuil signale la capture, dans le Loing, à Moret (Seine-et- Marne), d’une Truite arc-en-ciel pesant 4 kilogrammes 500. C'est le 13 avril dernier que ce beau Poisson a été pris à la ligne par un pêcheur de la localité. La Truite arc-en-ciel prospère évidemment dans les eaux du bassin de Paris bien qu'on n’y ait jamais observé sa mul- tiplication à l'état de liberté. La Société des pêcheurs à la ligne de Morct a fait, depuis plusieurs années, un grand nombre de déverse- ments d’alevins de Truite arc-en-ciel dans le Loing. Il est donné lecture d'un mémoire de M. A. Dissard intitulé : - Comment meurent les Poissons. M. le Président estime qu'il convient de faire quelques réserves au sujet de cetie étude souvent par trop élé- mentaire et qu’on ne pourrait sans inconvénient publier £n ezfenso d ans les termes où elle est écrite. Une discussion s'engage à ce sujet, M. de Lamarche pense qu'il vaut toujours mieux iuer le Poisson plutôt que de le laisser souffrir et s’asphyxier avant d'être livré à la | consommation. M. de Guerne rend compte des observations qu'il a pu faire au point de vue de la pêche et de la pisciculture dans un voyage récent en Espagne, en Portugal, à Madère et aux Canaries. A Lisbonne en particulier, l'accueil le plus cordial lui a été fait par M. Girard et il a pu visiter au palais des Vecessidades, la collection océanographique de S. M. le roi de Portugal. Depuis plusieurs années, celui-ci poursuit, avec l’aide de M. Girard, l'étude des Poissons comestibles du littoral, et, en particolier, du Thon dont il existe d'importantes pêcheries le long des côtes de Portugal. Le déplacement de ces Poissons, dont l'im- portance commerciale est considérable, a été étudié avec grand soin, et S. M. prépare une publication où seront consignes les résultats de ses études à ce sujet. Aux Canaries, on se préoccupe vivement de la pêche aux environs du Cap Blanc et particulièrement sur le banc d’Arguin. M. le comte de Dalmas, l'un des secrétaires de la Société, a envoyé précisément dans ces parages une expédition qui venait de prendre fin lors du passage de M. de Guerue à Las Palmas, où se trouvaient exposés les produits de la pêche. Ce sont de grands Poissons dont il n'a pas été possible de déterminer l'espèce à cause du mode de préparation qui fait disparaître la tête et dénature les formes de l'animal. Ces Poissons salés ou séchés trouvent un écoulement facile aux Canaries ou sur la côte occidentale d'Afrique. RATS M. Debreuil annonce qu'il a recu de M. Rollinat, d'Argenton-sur- se, mi ré dl bande. db ss 2 és EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 391 Creuse, six petiles Tortues (Cis/udo europe). Elles sont nées chez ce dernier qui en a parfaitement réussi l'élevage sur lequel il a promis de donner à la Sociéfé des détaïls circonstanciés. En attendant, M. De- breuil se propose d'élever ces animaux à Melun, d’après les indications que notre collègue a bien voulu lui fournir. Quelques-unes de ces petites Tortues ont la carapace déformée. M. Bruyère dit que cela se produit assez fréquemment chez les jeunes Tortues mais que ces animaux tendent à reprendre en vieillissant leur forme normale. Pour les Secrétaires empéches, C. DE LAMARCHE. EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. CULTURES DIVERSES AUX ENVIRONS DE Nicë. Grottes Saint-Hélene, chemin de Fabron, Nice (A.-M.), 25 février 1899. Monsieur et cher collègue, Je me permets de vous demander encore quelques graines. J'en demande beaucoup, mais j'espère que tous les ans je serai en mesure d'envoyer à la Sociefé, pour ses distributions, une quantité toujours plus considérable et une plus grande variété des graines ré- coltées dans mon jardin. Comme dans mes demandes antérieures, j'ai mis plusieurs espèces franchement tropicales, parce que je trouve de plus en plus que ce n'est qu’en essayant, et essayant toujours dans différentes conditions de terrain et d'exposition, qu’on pourra savoir d'une manière certaine, si une plante est capable de résister ou non dans un climat plus froid ou plus chaud que celui de son pays d'origine. Je prépare une liste des graines qu’au commencement de l'été je me permettrai d'envoyer à la Section de Botanique, quand je commaîtrai exactement les plantes qui seront définitivement mortes et celles qui repousseront du pied. Des listes semblables donnant des renseignements sur la rusticité des plantes dans les différentes régions, comme celle du D' Clos, parue dans le Bulletin, de 1898, pag. 269, sont de la plus grande utilité pour tous ceux qui s'occupent d’acclimatation végétale. Au hasard de la plume, je nommerai parmi les plantes, qui jusqu'à 392 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. présent n'ont pas du tout souffert du froid, les Cofez wrabica L., Cofea liberica Hook., Ficus Cooperi Regel, Ficus elaslica Roxb., Musa ensete Gmelin, Musa paradisiaca L., Jacaranda mimosæefolia Don. et, ce qui m'étonne surtout, le Durio zibethinus L., l’arbre fruitier de la. Malaisie, si fameux par ses fruits, qu’on dit des meilleurs qui existent. Un assez grand nombre de Palmiers d'espèces que je n'ai pas vu cul- tiver ici en pleine terre, ont également résisté jusqu’à présent. Mais il faut ajouter que l'hiver a été d’une douceur exceptionnelle ! Veuillez agréer, etc. A.-R. PROSCHOWSKY. DEMANDE DE GRAIÏNES. Sori (Italie). Monsieur le Secrétaire général, J'ai recu votre lettre dont je vous remercie beaucoup en ma qualité de Membre très ancien toujours plein d'intérêt pour le but que pour- suit votre célèbre Sociéfé. J'attends avec grand plaisir l'envoi an- noncé et je suis prêt de mon côté à vous offrir des graines d’'Aga- panthus mollis, Aralia Sieboldi, Acacia floribunda, Cotione {?), très belle plante rampante, Gentsta grandissima, Quercus ilez (toujours vert), Mespilus japonica. Je recommande la culture de cetle dernière plante; c’est un bel arbre avec de grandes feuilles toujours vertes et des fruits très fins ap- paraissant dès le mois de mars. Toutes les plantes réussissent ici excellemment, grâce au climat et à la situation très chaude de ma villa. Je cultive avant tout dés Ro- siers, des Camellias et des plantes fleurissant l'hiver. J'aimerais beaucoup recevoir des graines de Palmiers, peu connus au- tant que possible et pouvant réussir sur le liltoral de la Méditerranée. Je voudrais aussi des plantes capables de supporter le voisinage immé- diat de la mer (bruschia del mare), telles que Tamariz, Evonymus, Pit- tosporum, désirant faire une descente vers le rivage et y planter des végétaux convenables. Je désire essayer également l'Erythrina cristagalli et le Xanfhorrez Pretssi. Agréez, etc. D' F,. ZENK. Lee EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 393 HOMMAGE À LA MÉMOIRE DE CHARLES NAUDIN. ENVOI DE GRAINES. Perpignan, 5 mars 1899. Monsieur le Secrétaire général, J'ai l'honneur de vous accuser réception du magnifique envoi de graines qui m'est arrivé samedi passé; naturellement tout a été semé aussitôl dans les meilleures conditions, je crois : sous châssis, à demi- ombre avec couche de mousse à la surface pour conserver l'humidité dans la terre en godets. Quelques paquets de graines portaient encore l'écriture du regretté M. Naudin. Sa disparition est une perte immense pour la Société d’Ac- climatation et pour le monde savant. Sa vie de souffrances physiques a cessé sans qu'on s’en apercoive, m'écrivait M Naudin; il paraît s'être éteint en dormant. Je l’aimais autant que je l’admirais; j'avais eu l’occasion de le voir souvent quand il était dans notre région à Collioure. Dans ses conver- sations, chacune de ses paroles avait sa valeur. Très accueillant du reste, il communiquait son feu sacré à ceux qui avaient le bonheur de pouvoir le connailre. Vous avez certainement recu mon petit envoi de graines de Vernet- les-Bains, dans lequel je m'élais permis de glisser deux Crosnes du Japon, pour prouver que ce légume peul se conserver au moins trois mois. Veuillez agréer, etc- D' Cros. << CULTURES D'IGNAMES AMÉLIORÉES À MARSEILLE. Marseille, le 19 mars 1899. Monsieur le Secrétaire général et cher collègue, Je vous remercie de la communication que vous avez bien voulu me faire, tant à moi qu'à M. Dubiau, des résolutions prises par la Section de Botanique au sujet des résultats obtenus dans la cullure des Ignames, en vue d'acquérir de nouvelles formes de ce tubercule, plus favorables à la culiure. Les résultats que la Société d'Acclimatationa pu constater sont obtenus en plantant des sections différentes du tuber- eule. Comme je l’ai déjà fait connaître à la Société, je me suis placé dans ces expériences à un point de vue théorique en partant de ce fait que le tubercule de l’Igname, qui a une signification morphologique comparable à celui de la Pomme de terre (rameau tubérisé) doit avoir aussi, comme ce dernier, deux pôles différents, dont l’un, celui de Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 26. 394 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. l'extrémité libre plus riche en azote que celui de l'extrémité attachée à la tige. Pour le Solanum tuberosum, M. Prunet, professeur à la Faculté des sciences de Toulouse, a fait la démonstration scientifique de l'existence de ces deux points polaires dans différentes communi- cations à l’Académie des sciences. Dès lors, j'ai invite M. Dubiau, vice-président de la Société d’Horticulture, à sectionner les tubercules d’'Igname en trois parties : apicale, basilaire et médiane. Les deux dernières n'ont donné jusqu'ici que des tubercules de très grande longueur, ceux que nous ne recherchons pas. La première, par contre, a fourni certains tubercules (mais pas tous) qui tendent vers le rac- courcissement et la sphérisation. C'est un commencement. En continuant pendant plusieurs géné- rations la méthode de sélection, nous espérons, M. Dubiau et moi, arriver à des résultats de plus en plus accusés dans le sens que j'indique; mais ce ne sont encore que des espérances. Nous verrons plus tard si les résultats déjà acquis se maintiennent et si le progres vers le but désiré s’accuse régulièrement. Pour cela, on plante chaque année la portion libre des tubercules ayant déjà subi un commencement de modification. C’est bien la méthode de la sélection. Nous sommes très heureux de voir que ces recherches intéressent la Société et nous sommes touchés des remerciements qu’elle veut bien nous adresser: ce sera un stimulant de plus pour les poursuivre régu- lièrement avec le désir d'arriver à une solution conforme aux intérêts culturaux en ce qui touche cet excellent aliment. Il est déjà très ap- précié par tous ceux qui, dans notre région, n'ont pas été arrêtés par les difficultés inhérentes à son obtention, et vous savez quelles sont très grandes. Veuillez agréer, etc. E. HECKEL. >< ENVOI DE GRAINES DE BEYROUTH (SYRIE). Beyrouth, avril 1899. Mon cher Secrétaire général, Je profite d’une occasion qui s'offre à moi pour vous envoyer un certain nombre de graines récoltées à Beyrouth dans les jardins de ma villa £ucalypla; j'espère qu'elles seront bien accueillies par quelques-uns de nos collègues. En voici l'énumération : Acacia cyclopis, Curcubigo sp ? Carica papaïa (Papayer), Eucalyplus citriodora, Chimonanthus fragrans, — dealbata, Cryplomeria japonica — gomphocephala, EXTRAITS ET ANALYSES. 395 Eucalypius marginata, Montanoa sp ? — rostrata (gros red gum), Poincinia Gillesii, Jacaranda mimosæfolia, Slerculia platanifolia, Mimosa pudica Tecoma stans. Voici, par la même occasion, la liste des espèces dont j'ai recu des graines de la Société d'Acclimatation, et qui ont levé à Beyrouth. Les plantes sont encore trop jeunes pour que je puisse donner d’autres détails à leur sujet : Plantes provenant de la Villa Thuret à Antibes : Crotalaria Paulina (Légumineuse du Brésil, arbuste), Ficus altissima, Hibiscus cannabinus, Manicaba (Variété du Manihot Glaziovii, plante à caoutchouc du Brésil), Phenix canariensis, — melanocarpa (de Nice), Sophora Moorcrasiana (de Chine). Plantes d'origines diverses : Bombaz malabaricum, Courge fausse orange, Luffa cylindrica (du Congo), Maïs préhistorique, Melalenca viridiflora (du Congo), Paterygospermum, : Psidium pomiferum. Je vous tiendrai au courant des observations qui pourront être faites par la suite. H. More. EXTRAITS ET ANALYSES. DE L'EXISTENCE D'UNE CORNE CIHEZ UNE BICHE WAPITI (Cervus canadensis), Par A. MrLne Enwanps, de l’Institut, Directeur du Muséum d'Histoire naturelle, Les Biches, en vieillissant, prennent parfois les attributs du mâle et on voit alors se former sur l'os frontal des bosses qui portent des bois peu développés. Des faits de ce genre ont été signalés par Brehm chez la Chevrette (Capreolus europæus) et par M. E. R. Alston chez la Biche 396 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. ordinaire (Cervus elaphus), la Biche de Virginie (Cariacus virginianvs), celle d’Aristote (Rusa Aristotelis) et celle de l’Élan (Aices Machlis) (1). J'ai eu l’occasion d'observer à la Ménagerie du Muséum une Biche des Moluques (Cervus moluccensis) fort âgée, dont la tête portait de petits bois. En ce moment, on peut y voir une Biche wapiti (Cervus canadensis) pourvue d’un seul bois im- pair, mais de très grandes dimensions. Cette Biche est née au Jardin des Plantes en 1883, elle est donc âgée de seize ans. C'est en 1893 que celte corne a com- mencé à se montrer, elle a rapidement grandi, mais elle n'avait pas d'adhérence avec le crâne et elle suivait les mouve- ments de la peau de la tête. Peu à peu elle s’est fixée, et maintenant, elle fait corps avec le squelette et elle est très solide. Depuis son apparition, elle est NEC restée enveloppée dans so enveloppe > ET 227} d t : dé Dane l d 1 e LE, cutanée, désignée sous le nom de velours, OCR : = : SE 2 ce qui explique l’activité de sa crois- sance. Elle se compose d'une perche de Cervus canadensis, 0 m. 50 de longueur portant à sa base un Wapiti, Re ee portant andouiller dont l'insertion, très rappro- PAST IPB chée de l'os frontal, se trouve en partie cachée par les poils de la tête et dont l'extrémité est très légèrement bifurquée. Du côté droit, on ne voit aucune trace de pédoncule. Cette altération des caractères propres à la femelle est comparable à celle que l’on observe souvent chez les Oiseaux. Les Poules-Faisanes et les Canes revêtent parfois dans leur vieillesse le plumage du mâle. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire a signalé plusieurs exemples de ces changements chez les Faisans ordinaires, le Faisan argenté et le Faisan doré (2). J'ai fait les mêmes remarques sur le Faisan vénéré, enfin Florent Prévost a vu des femelles de Pinsons qui devenaient semblables aux mâles (3). >< LA VESPERTILION A MOUSTACHES (Wyofis mystacinus) EN CAPTIVITÉ, par Charles OLpxHam. En raison de leurs habitudes nocturnes et de leur genre de vie parti- (1) Voir Proceedings of the Zoological Society of London, 1819, p. 296. (2) Mémoires du Muséum d'Histoire naturelle, tome XII, p. 222. (3) Bulletin du Muséum, 1899, n° 3. EXTRAITS ET ANALYSES. 397 culier, il est trés difficile d'étudier les Chauves-Souris en liberté, et on connaît très peu les mœurs de celles qui habitent la Grande- Bretagne. On peut, jusqu’à un certain point, se livrer à quelques observations sur ces animaux en captivité, mais il est difficile de pou- voir offrir à ces petits Chéiroptères, qui, du reste, ne vivent que fort peu de temps enfermés, les Insectes qui constituent leur principale nourriture. Ces considérations suffiront pour justifier la publication des notes suivantes relatives à une Chauve-Souris que j'ai prise vivante et que j'ai conservée, l'hiver dernier, pendant plus de cinq semaines. Le 27 novembre 1898, je capturai dans une des galeries de l’an- cienne mine de cuivre d’Alderney-Edge un /yotis mystacinus (Leisler) mâle. L'animal refusa d’abord de marger les Vers de farine que je lui présentais, mais il but avidement l’eau que je lui offris au moyen d’un pinceau de poil de Chameau ou dans le creux de ma main. Cinq jours plus tard, après plusieurs tentatives infructueuses pour déter- miner ma Chauve-Souris à manger, je me procurai quelques Papillons de nuit (Scofosia dubitata) des mines de cuivre et les plaçai dans sa cage; mais elle ne sembla y faire aucune attention. Le lendemain soir, je plaçai ma Chauve-Souris sous une cloche de verre avec six Papil- lons, et, en allant la visiter une heure après, je vis qu'elle les avait tous pris et mangés, ne laissant que les ailes et les pattes. J'eus bientôt épuisé ma provision de Papillons et je commencais à désespérer de pouvoir conserver vivante ma petite prisonnière qui sem- blait ne pas s’apercevoir de la présence des Ténébrions, même lorsqu'ils se promenaient sur sa figure et sur ses ailes. Le 5 décembre, j’attachai une aile de Papillon à la moitié du corps d’un Ténébrion, et je le pré- sentai sous le nez de ma Chauve-Souris. Ma ruse réussit admirable- ment. L'animal se jeta sur le faux Papillon et dévora le Ténébrion avec avidité. Depuis cette époque, elle accepta facilement ces Insectes et apprit bien vite à les saisir quand je les lui présentai au bout des doigts. Je lui donnai ainsi à manger tous les jours, et, pour un aussi pelil animal, il était doué d’un extraordinaire appétit. Un jour, après avoir mangé la veille au soir sept Ténébrions, mon #yofis en dévora, entre deux et neuf heures, huit nouveaux, une grosse Araignée et six $. dubitata, elle attrapa ensuite quelques Papillons, mais ne les mangea point. La nuit suivante, elle mangea sept autres Papillons que j'avais placés sous la cloche. Un autre soir, elle mangea deux morceaux de Lapin cru, sept Ténébrions, un S. dubitata et deux Papillons très gros de l’espèce Gonoptera libatrix.Le 28 décembre, elle semblait en excellente santé. Je ne lui donnai rien à manger le 29, et, le matin du jour sui- vant, je la trouvai suspendue par les pattes et semblant dormir. Seulement les jambes étaient droites au lieu d'être fléchies comme elles le sont habituellement. En la touchant, je constatai qu'elle était morte. 398 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. La Chauve-Souris me mordit assez profondément lorsque je la pris dans le tunnel et que je la plaçai dans mes mains pour la réchauffer, mais, dans la suite, elle ne donna plus aucun signe de colère et, en peu de jours, elle s'apprivoisa complètement. Elle semblait aimer très peu à voler, surtout après avoir mangé, et si on la forcait à s'envoler, elle faisait deux ou trois tours dans la chambre, s’arrêtait sur un panneau, s’accrochait à une tenture ou se posait sur une chaise et parfois sur ma tête ou sur mes vêtements. Quand elle se trouvait sur une surface verticale, elle se tenait la tête en l’air et suspendue par ses griffes, toujours prête à reprendre de nouveau son essor. Pour s’en- voler d’une surface plane, elle s'élevait par un saut et en déployant en même temps ses ailes. Elle aimait peu à voler, mais elle ne se fatiguait jamais de se promener au milieu des papiers et autres objets qui se trouvaient sur ma table, et bien rarement, sinon pendant ses repas, elle restait en repos. La cloche dans laquelle je l'avais enfer- mée était placée sur des supports dont la hauteur avait à peine un quart de pouce, — exactement 7 millimètres, — lorsqu'on enlevait la plaque de zinc perforé qui garnissait le fond, la Chauve-Souris sortait ea rampant par cette ouverture. La lumière de la lampe qui brülait sur ma table ne semblait pas l’incommoder; elle se posait souvent sur cette lampe, appuyée sur ses orteils et mangeant les Ténébrions à quelques pouces à peine de la lumière ; en somme, elle ne paraissait, en aucune facon, rechercher l'ombre ou l'obscurité. Souvent elle se promenait sur mes mains ou sur mes manches, probablement à cause de la sensation de chaleur que lui procuraïit le contact de ma peau. Le sens de la vue paraît peu développé chez ces animaux. La Chauve-Souris dont je parle était incapable de distinguer un Téné- brion d’un pinceau humide à une distance d'un pouce. Le Wyolis mys- tacinus est, du reste, plus diurne que les autres Chauves-Souris anglaises, et il sort fréquemment l'été en plein jour. L’impuissance où se trouvait mon captif de distinguer les objets placés à plus d'un pouce de ses yeux ne peut être attribuée à l’éblouissement résultant d’une lumière trop vive, puisque cette faiblesse de vision se produisait aussi bien le jour qu’à la lumière de la lampe. Le sens de l’ouïe semble également peu développé; je n’ai jamais vu ma Chauve-Souris faire même un mouvement de tête à un bruit soudain, par exemple, lorsque je faisais claquer mes doigts ou lorsque mon réveil se mettait brusquement à sonner. Souvent elle dormait sur le plancher les ailes appliquées au corps; quelquefois elle dormait également suspendue par les griffes à un coffre en bois. Pendant son sommeil, qui souvent élait très profond, sa température s’abaissait sensiblement, et elle devenait presque froide. Elle se réveillait à l'approche de la nuit, mais rarement le jour, à moins qu’on ne la réveillät en la touchant. Lorsque je désirais la faire manger pendant le jour, j'étais obligé de la garder une minule ou deux entre mes mains pour la réchauffer. Elle était EXTRAITS ET ANALYSES. 399 constamment altérée et elle buvail volontiers du lait ou de l’eau, même sans être complètement éveillée, avant de prendre aucune nourriture. Elle poussait de légers cris, moins percants que ceux de la Chauve- Souris à longues oreilles. Lorsqu'elle avait saisi un Insecte, elle relevait la tête et allongeait les pattes quelquefois au point de perdre l'équilibre et de tomber sur le dos. En lui donnant à manger sur une plaque de verre, de façon à pouvoir la voir par-dessous ou, mieux encore, en lui donnant un Insecte lorsqu'elle se tenait suspendue par les patiles, on se rendait compte de la cause de cette singularité. La queue se dirigeant en avant sous le corps, la membrane interfémorale formait une poche qui s’avançait jusque sous la tête et l’empêchait de saisir sa proie qu'elle était ainsi exposée à manquer. Cet inconvénient ne se produisait pas lorsqu'elle volail, mais seulement lorsqu'elle se trouvait sur une sur- face plane, et, dans ce cas, elle laissait souvent l'Insecte s'échapper. Elle ne cherchait pas alors à le saisir de nouveau, et celui-ci glissait entre ses ailes ‘et sa queue. Lorsqu'elle était suspendue, elle ne le manquait jamais. Elle semblait avoir appris, par experience, que les Ténébrions ne pouvaient lui échapper en s’envolant. A l’état libre, les Chauves-Souris, saisissant presque toujours leur proie au vol, doivent souvent manquer, à la première attaque, les Insectes qu'elles pour- suivent, et il leur est difficile de le saisir de nouveau ; aussi l’aban- donnent-elles habituellement, comme le faisait la mienne pour les Ténébrions. Des observations ultérieures montreront probablement que cette habitude est commune à toutes les Chauves-Souris de nos pays, sauf peut-être la Chauve-Souris Pied-de-Cheval dont la mem- brane interfémorale est relativement petite et qui, au repos, tient la queue d’une tout autre facon. Après avoir fortement saisi sa proie par la tête ou par les ailes, ma Chauve-Souris l’avalait dans le sens de la longueur, la croquant par des mouvements rapides jusqu'à ce qu’elle eût disparu dans son gosier. Jamais elle ne se servait de ses pieds ou de ses griffes pour tenir sa proie, lorsqu'elle les saisissait au vol. Elle prenait les Papil- lons et les Araignées qui se trouvaient à sa portée, mais les Téné- brions que je lui présentais au bout de mes doigts semblaient l’éton- ner. Une fois seulement je l’ai vue en prendre un, bien que souvent je lui aie placé ces Insectes devant les yeux. Elle ne mangeait jamais les pattes et les ailes des Papillons. Cependant une fois ou deux, ayant trouvé, en se promenani autour de ma table, une aile de Papillon, elle la saisit et la croqua. Quant aux Ténébrions, elle les dévorait complé- tement, mais elle laissait quelquefois la partie cornée qui constitue leur tête. Après avoir mangé, ma Chauve-Souris procédait à sa toilette. Elle se suspendait par une patte et, avec l’autre, peignait, par un mouve- ment rapide, les poils de sa figure et de son corps; puis elle se sus- _ 500 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. pendait par l’autre patle et répélait la même opération. Elle soignait particulièrement ses ailes et la membrane interfémorale, qu'elle lissait + en dedans et en dehors et qu'elle étendait en frottant son nez dans les plis. Tous ses mouvements étaient d'une souplesse remarquable. Malgré les soins qu’elle prenait, elle était, comme toutes les Chauves-Souris, attaquée par beaucoup de parasites. Je pris un jour sur sa membrane interfémorale, près de la naissance de la queue, une grosse Tique, et, dans sa fourrure, deux Puces que M. Edward Saunders a reconnu être des 7yphlopsylla hezactenus (|). >< CULTURE DE LA TKOSINTE À LA FERME DES EXPÉRIENCES DE TUNIS. La Teosinte (Euchlens luzurians) est une Graminée originaire du Guatémala au point de vue de son mode de végélation. Cette plante “A offre des analogies avec la Canne à sucre; son développement foliacé abondant, ses tiges sucrées en font un excellent aliment pour le bétail et sa culture semble devoir être recommandée en Tunisie. : ; L'essai fait en 1898 à la ferme d'expériences a porlé sur une surface de 3 ares. Lé semis a eu lieu le 13 juin en lignes écartées de 1 mètre. + La levée s'est faite d’une facon régulière le 20 juin et, grâce à desar- rosages fréquents, la végétation s’est montrée de suile très luxuriaste. Deux coupes de fourrage vert ont élé faites le 10 aoûtetle5oc- tobre; elles ont donné les résultais suivants : première coupe, 35 kil; deuxième coupe, 753 kil. soit au total, 1,488 kil. sur 3 ares, corres- < pondant à 49,600 kilogrammes à l’hectare. " Ce rendement est égal à celui d'une récolte ordinaire de Maïs- fourrage. Mais les tiges de la Teosinte sont plus sucrées, plus tendres | et par suite plus goûtées par le bétail que celles du Maïs (2). ; (1) The Zoologist, n° 692, février 1899, pp. 49-53. (2) Bulletin de la Direction de l'Agriculture et du Commerce de la Régence a à Tunis. — 15 janvier 1899. ë. feel BULLETIN DE LA LA F EL AATIONALE D'ACCEDATATION DE FRANCE (Revue des Sciences naturelles appliquées) 46° ANNÉE DÉCEMBRE 1899 SOMMAIRE “Baron DE PARANA. — Documents nouveaux sur le Zébroïde,............,......... 201 “Eucère BIZERAY. — Notes sur les élevages de mammifères exotiques et d'oiseaux f indigènes GE EROIQUES 0 Dodo SPAM RANEERRA MERS ERNEST RSR 405 ROME" P2#Poule-Coucoude Rennes: :..4.:..1..:....) .. 4... 411 “Eure MAISON. — Remy le Vosgien et l’industrie piscicole en France............... 414 PPaur CHAPPELIER. — Les Blattes domestiques .. ......:..............,........ 426 Harno COCCHI. — Observations sur la culture du Gizko Biloba en ltalie.............. 134 7 Æxtraits et Analyses. AL NESCENIAKOFF. — Les Pécheries en Russie ......... eee De JE D — Sur la maladie des Pruniers en Lot-et-Garonne............ ..,.:............. 445 …. La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. —————_—_—_ RGO Un numéro 2 franes ; pour les membres de la Société 4 fr. 50 AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 41, RUE DE LILLE, #1 PARIS ET À LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE Le Bulletin paraît tous les mois. ht » Peur NL es chi Nez 4 5 > ++ - 24 LÉ. 2e a + MONET ET * CSN AE l'E DÉSINFECTANT ANTISEPTIQUE Le seul joignant à son Efficacité, scientifiquement démontrée, l'immense avantage de n'être »’, Toxique ni Corrosif. Hémostatique et Styptique puissant. Adopté Par les Ecoles Nationales Vétérinaires, le Service de Santé de l'Armée, la Préfecture de la Seine et la Dlupart des Services d'Hygiène cl de Désinfection des Départements. Reconnu indispensable dans la pratique vétérinaire, LA CÉLIICENREUX . 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La description qu'il fait de ses hybrides s'accorde tout à fait avec les ca- ractères de mes Zébroïdes; sans nous connaître, sans sup- poser l'existence l’un de l’autre, dans des pays extrêmes, nous avons eu la même idée et nous avons obtenu les mêmes résultats presque en même temps. Le premier hybride de M. Cossar-Ewart, Romulus, est né en effet Le 12 août 1896, et, mon premier Zébroïde, Lordeilo, est né le 5 décembre 1896, c'est-à-dire, quatre-vingt-cinq jours après. En novembre de l’année passée (1898), je vous ai annoncé la naissance d’un autre Zébroïde et je vous ai envoyé un exemplaire d’un mémoire que j'ai publié ici et que j'ai fait tirer à part. Je vous en adresse encore quelques exemplaires avec la présente lettre. Le 30 décembre 1898 j'ai obtenu un autre Zébroïde, du sexe féminin, de la Jument ÆZlla (mère du deuxième Zébroïde, Mé- nélick) et du Zèbre Canon. Ils sont maintenant cinq; j'espère autant de naissances pour cette année. Le croisement du Zèbre avec la Jument va entrer mainte- nant dans la pratique courante et bientôt il y aura beaucoup d’éleveurs de Zébroïdes ; c’est ce que je souhaite, parce que je continue à croire que le Zébroïde est un animal de grand avenir. . (1) D’après M. Prazak (Bulletin du Muséum d'Histoire naturelle, 1899), le véritable Zèbre de Burcheli serait une espèce éteinte depuis une quarantaine d'années. Les animaux que l’on désigne sous ce nom ou sous celui de Dauw dans les Jardins zoologiques appartiendraient tous à l’Equus Chapmannt Gray et à ses nombreuses variétés. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 297. £02 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. La naissance sucessive des cinq Zébroïdes, énumérés ci- dessous, nés de Juments différentes, prouve que le croi- sement du Zèbre de Burchell avec la Jument est un fait acquis. Lordelio, du sexe masculin, né le 5 décembre 1896, de. la Jument Sfael et du Zèbre Canon; est bai brun, rayé de noir. Ménélick, du sexe masculin, né le 15 janvier 1898, de la Jument Ella et du Zèbre Caron ; est gris, rayé de noir. Saba, du sexe féminin, née le 22 juin 1898, de la Jument Denise et du Zèbre Canon; est de couleur isabelle, rayée de noir. Salomon, du sexe masculin, né le 2 juillet 1898, de la Jument Zngleza et du Zèbre Canon; est de couleur isabelle clair, rayée de noir. Erythrea, du sexe féminin, née le 30 décembre 1898, de la Jument Ella et du Zèbre Canon; elle est baie avec des zébrures brun foncé. Tous ces Zébroïdes sont très vifs, très agiles, maïs très doux et s'habituent très facilement aux personnes qui les. soignent; ils mangent aussi bien au râtelier qu’au pâturage et sont d'une force musculaire extraordinaire. La grandeur, la gracilité des formes, les qualités d’allure et les aptitudes des Zébroïdes dépendront toujours de leurs mères; par conséquent, on pourra en faire des animaux de selle, de labour, de trait léger ou lourd, à volonté; on n'aura qu'à pratiquer le croisement du Zèbre avec la Jument ayant les qualités et les aptitudes que l'on voudra obtenir. Ainsi le- Zèbre croisé avec des Juments des races lourdes, comme les. Percherons, Suffolk, Clydesdale, etc., donnera des Zébroïdes, grands, très forts, pas aussi lourds, ni aussi trapus que leurs- mères, mais on distinguera bien en eux la race de celles-ci ; ils seront très bons pour les services où il faut plus de force- que de vitesse; si on croise le Zèbre avec des Juments de races légères, comme les Arabes, Normandes, Tarbes, Anda- louses, Anglo-arabes, Anglo-normandes, etc., on aura des Zébroïdes, grands, élancés, aussi forts que les premiers, mais mieux appropriés aux services où il faut plus de vitesse que de force. L'accouplement du Zèbre avec la Jument est très facile et dépend seulement de la coïncidence du rut du Zèbre avec DOCUMENTS NOUVEAUX SUR LE ZÉBROIDE. 403 celui de la Jument; toute la question est là; il faut toujours se rappeler que la domestication du Zèbre date de peu d'an- nées et que, par conséquent, il conserve encore la caractéris- tique des animanx sauvages qui ne s’accouplent que quand mâle et femelle sont en rut; ils ne sont pas comme les Chevaux, Taureaux, Anes, Chiens, etc., dont la domestication Lordello, le premier Zébrcide né au Brésil chez le baron de Parana. (D'après une photographie.) datant de plusieurs siècles a rendu les mâles vicieux et, par conséquent, toujours disposés à saillir les femelles, pourvu qu'elles les acceptent; le Zèbre ne se trouve pas encore dans ce cas; la Jument peut être très en rut, si lui-même ne l’est pas, il ne saillit pas. Ici, à Rio de Janeiro et je pense qu'il doit en être de même dans les pays chauds, le Zebre est en rut en automne et au printemps; avec les grandes chaleurs il saillit difficilement ; avec les grands froids il ne saillit pas. 40% BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Convaincu que le Zébroïde, par ses qualités et ses aptitudes, . prendra une importance économique très grande surtout pour | les pays chauds, j'engage tous ceux qui s'occupent d'élevage dans ces pays à prendre ce nouveau produit en grande con- sidération parce que, dès qu’il sera plus connu, on ne voudra 1 plus du Mulet fils de l’Ane et de la Jument. . Le Zébroïde sera le Mulet du xx° siècle. NOTES SUR LES ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES EXOTIQUES ET D'OISEAUX INDIGÈNES OU EXOTIQUES Pratiqués de 1892 à 1898 à la villa du Jagueneau, à Saumur (Maine-et-Loire) (1) par Eugène BIZERAY. Monsieur le Secrétaire général, Vous me demandez le résumé de mes travaux d'élevage et d’aviculture ; je les poursuis depuis douze ans avec des succès variables, mais toujours avec persévérance et beaucoup d’in- térêt. J'ai commencé par construire à granäs frais une vaste volière où j'ai installé une quantité de petits Oiseaux. Comme ils mouraient les uns après les autres, j'ai bien vite compris qu'il y avait mieux à faire; au lieu de renouveler sans cesse les victimes, il fallait les remplacer naturellement par des sujets se reproduisant dans la volière même. Je me suis mis à l’œuvre avec l’aide de mon domestique et de quelques ouvriers; en peu de temps, j'avais couvert de volières, de cabanes et d’enclos, la totalité presqu’entière de ma petite propriété. Sa superficie ne dépasse pas 92 ares, elle est en-. tourée partout de hauts murs. Aujourd’hui, tous les logements sont occupés par des Quadrupèdes et par des Oiseaux dont l'observation fait la plus grande distraction de ma solitude. Mes élèves se comportent assez bien quelquefois, comme vous le verrez par le résumé qui va suivre. Je n’ai commencé à prendre régulièrement des notes qu’en 1892, les années antérieures ayant été consacrées à l'orga- nisation et aussi à mon apprentissage. Je regrette de n’en _avoir pas gardé la trace, car certaines années m'ont donné des élèves dont l'échange m'a permis d'acquérir des sujets nouveaux et plus rares. (1) Communication faite en séance générale le 26 mai 1899, Viila du Jagueneau à Saumur (Maine-et-Loire). (Vue prise de la rive droite de la Loire.) | : ay LUE Mar | $ NOTES SUR LES ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES EXOTIQUES. 407 On trouvera ci-après le compte rendu sommaire de l’éle- vage des Mammifères. Ce qui concerne les Oiseaux a été résumé par année sous forme de tableau. 1896. Mara (Dolicholis patagonica), un mâle et trois femelles. Deux femelles ont avorté dans le mois de février ; une a mis bas le 8 août un jeune, la seconde, le 22 août, deux jeunes et la troisième le 7 septembre, un jeune. La première a eu, le 28 décembre, une seconde portée de deux petits, soit six jeunes pour trois fe- melles dans l’année. 1897. Les mêmes animaux m'ont donné cinq jeunes élevés dans l’année : Agoutis dorés de la Guyane (Dasiprocie Aguti L.), deux jeunes nés le 24 août. Antilope cervicapr'a, un couple a donné une femelle le 5 juin. | Cervulus Reevesi (Og.) un couple a donné une femelle le 7 juin. Kanguroo Wallaby (1) (Æalmalurus Benneiti (Wat.), un jeune mâle est sorti définitivement de la poche de sa mère le 28 juin. 1898. Agouti doré, le 11 janvier, deux naissances nouvelles. Anlilope cervicapra, le 29 maï, un jeune mâle. Cervulus Reevesi, le 8 avril, un jeune mâle. Kanguroo Wallaby, le 20 mars, trouvé la femelle morte avec un jeune dans la poche marsupiale; ce- lui-ci vivait encore, on l’a enlevé et installé sur un petit nid placé dans un panier; il a été élevé au biberon. C'est une femelle, aujourd'hui aussi forte que le vieux mâle dont elle va devenir la com- pagne. (1) Le nom de Wallaby s'applique non seulement à cette espèce, mais à tous les Halmaturus. > IL « « gt 12 LT d GT .% 2 6 L 8 GT £ « « « 0€ 08 % 9 L F9 8 &L Er." L « L « L GT 6 td 8 ag 1 6 l (2 l G k Û « « & G 1 « « & 6 À 8 Ford L 68 +; Le LT pr I 8c 1% 18 2 cg ( ur à al 2 OT 11 Le 4 81 &l 0€ Il [OL d F L IT 8 GI D: gl (] (nt &l \( q « ( £ 8 à « « « (Q (0 À « « «€ « « 5 8 & G € ol # G 3j 8 > &l | GI & LT G rad E 9 & & 6 il Le 68 G F6 « F£ 4 « ( I ‘g y “ 18 OT 1F s y En, G Il ol G 1& s « « &« & & L gl [ GI { (a ; & & y rs L *S9AO ‘SOIN *80[0ff ‘SAU|) "SNpUO RD Re SANQAL SA HUAWON < NC rt À es ne. 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Dans chaque case de Faisans, est installé un couple de Colombes soient des Lumachelles, des Lophotes, des Dia- mants, des Zébrées, des Tranquilles ; toutes ont fait plusieurs nichées dont la plupart ont réussi. | a ——— LA POULE COUCOU DE RENNES (1) par Félix MÉREL. Il est impossible d’assigner une époque à l'apparition des races de Poules dites Coucou et que l’on trouve dans tous les pays, mais il est plus facile d’en expliquer l’origine. Voici. en effet, longtemps que Dareste a démontré que cer- taines races ont pour point de départ des anomalies acciden- telles devenues héréditaires, qui se perdent, se transmettent, disparaissent ou reviennent suivant que les sujets sont soumis à une sélection plus ou moins sévère. Que ces anomalies, faciles à perpétuer, soient dues à des causes accidentelles ou qu’elles soient, comme le croient Brent et Darwin (2), pour les races coucou, le résultat de croisements entre Oiseaux blancs et noirs, on ne saurait nier leur existence. Sans prétendre en faire un article de foi, je suis, d’après mon expérience personnelle, partisan de l’idée de Darwin. Il est, en effet, impossible de n'être pas frappé par la persistance avec laquelle, malgré la sélection la plus étroite et la plus sévère, les Poules de cette race deviennent noires, et les Cogs clairs. La fréquence de l'apparition de la couleur noire chez la Poule et de la nuance claire chez le Coq, malgré les soins les plus assidus, semble donc indiquer que l'origine de cette race provient, comme le pensent les deux auteurs cités plus haut, du croisement de Poules noires et de Cogs à plumage clair, et il faut avouer que c’est la théorie plus logique et celle que semble consacrer la pratique de l'élevage. Quoi qu'il en soit, la race coucou est aujourd’hui fixée, bien que les variétés en soient assez nombreuses. La Coucou de Rennes en comporte quatre; celle à crête droite, celle à crête frisée, la variété foncée, la variété claire. (1) Communication faite en séance générale le 16 décembre 1898. (2) Darwin, De la variation des Animaux et des Plantes, tome I, pages 259 et 274. 412 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. La variété type la plus jolie, la plus pratique est la Coucou foncée à crête droite. Indépendamment de la mode qui la préfère, son plumage foncé passe moins que celui des variétés claires, sa chair paraît plus blanche. La crête simple est la plus nenasens connue, et c’est, elle qui se reproduit avec le plus de fixité. C’est cette variété que M. Ramé, l’aimable et distingué avi- culteur de Nouvoitou, près Rennes, sélectionne avec soin, depuis quinze ans et avec laquelle il a remporté et remporte encore très justement dans tous les concours français et étrangers, les plus hautes récompenses. La Coucou de Rennes est une volaille de ferme et de rap- port et non de luxe. Sa place est à la campagne où sa préco- cité, sa rusticité, sa sobriété, son aptitude à chercher sa vie, la rapidité de sa croissance, ses qualités comestibles excel- lentes, sa ponte abondante, peuvent être une source de sérieux bénéfices; mais elle réussit aussi fort bien dans des parquets réduits qu'elle orne très agréablement, et l’expé- rience nous a démontré que là, comme en liberté, elle récom- pensait largement l’éleveur de ses soins. Le Coq non engraissé pèse 3 kilos. Son aspect général est celui d’un Oiseau trapu, ramassé, mais sa démarche est fière et son maintien élégant. Sa tête, de grosseur moyenne, est ornée d’une superbe crête simple, droite, à dents séparées, régulièrement dentelées, profondes et aiguës, avançant sur le bec et postérieurement détachée de la tête et flottante. Le bec est couleur corne, l’œil brun clair, les joues et oreillons rouges, ces derniers souvent sablés, les barbillons longs. Le cou est court, le dos large, la poitrine très développée, profonde et bombée. La patte, d’un blanc rosé, marbrée de gris, est assez longue, forte, entièrement dénudée, munie de quatre doigts et d’un éperon volumineux, même dans le jeune âge. Le plumage coucou d’un bout à l’autre fait ressortir les lancettes du croupion et du camail qui sont grises à reflets argentés. La queue est longue, très fournie et ne doit pas avoir de faucilles à courbure intérieure se rapprochant de la tête. | La Poule pèse en moyenne 2 kilos. Elle est très bonne pondeuse et donne des œufs blancs pesant de 55 à 60 grammes. LA POULE COUCOU DE RENNES: 413 Elle est assez médiocre couveuse, mais très bonne mère. Le poussin, gris ou noir à la naissance suivant les variétés, a sur le sommet de la tête une petite calotte ronde et blanche. I1 s'élève très facilement, grandit très rapidement et peut donner à trois mois un rôti des plus délicats et suffisamment abondant. En résumé, le Coucou de Rennes selectionné est une race pratique possédant un ensemble de qualités qu'il est très dif- ficile de trouver réunies et qui mérite, au plus haut point, d'attirer l'attention et la sollicitude de tous les agriculteurs amateurs et éleveurs. + FPUOINT Le D H15 REMY LE VOSGIEN ET L'INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE par Émile MAISON (1. Dans la séance du 2 mars 1855 de la Société d'Acclimata- tion, M. Jules Haime prenait la parole en ces termes, au nom de la Section de pisciculture : j « Un homme vient de mourir qui, malgré l'étroite sphère dans laquelle se sont accomplis ses travaux, malgré les faibles ressources dont il a pu disposer. a cependant cet honneur insigne d'avoir doté la France d'une nouvelle et importante industrie. Joseph Remy n'était pas un savant : c'était un simple pêcheur ignorant ce qu’enseignent les livres et les écoles, complètement étranger par conséquent aux progrès des sciences naturelles ; mais il possèdait un grand talent que ne donne pas toujours l'éducation la mieux dirigée : il savait observer el mettre à profit ses observations. Sans maîlre, sans conseil, sans appui, il est parvenu, à force de pénétration et de persévérance, non seule- ment à refaire une à une les expériences qui ont occuré toute la vie de Jacobi, mais à pénétrer plus avant encore dans la voie de la pratique, et à conduire le problème de l’éléve des poissons jusqu’à une solution presque complète. Les services qu'il a rendus à la pisciculture sont considérables, et avec lui s'ouvre une ère nouvelle pour cette branche de l’économie rurale » Longtemps avaut que Remy eût commencé ses travaux, la fécon- dation artificielle des œufs de poissons avait été imaginée et pratiquée à plusieurs reprises. Divers physiologistes s'étaient servi de ce procédé dans leurs recherches scientifiques, et même, en Allemagne et en Angleterre, on tenta de l'appliquer an repeuplement des cours d'eau (2); mais les résultats qu'on obtint alors étaient de peu d'importance et tombérent bientôt dans l'oubli. » L’humble pêcheur, perdu au fond des Vosges, dans l’obscur village de La Bresse, ne soupconnait même pas que jamais tentatives semblables eussent été faites, il ignorait jusqu’au mode de génération des poissons, et il a eu cette puissance de ne jamais reculer devant l'observation directe, et de trouver par lui-même ce qu’il lui importait de savoir. Il allait pendant des jours entiers et par les nuits froides, (1) Communication faite le 16 décembre 1898. (2) Voy. article sur l’histoire de la pisciculture publié par M. Jules Haime dans la Revue des Deuz-Mondes, livraison du 1er mai 1854. REMY LE VOSGIEN ET L’INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 415 épiant les Truites le long des rivières et suivant d’un œil avide les manœuvres qui, chez ces animaux, précèdent la ponte etla fécondation des œufs. Aussitôt que ces phénomènes lui furent connus, il comprit que ce qui se passait dans la nature, il serait possible de le traduire artificiellement et dans des conditions souvent meilleures, d'opérer plus intimement le mélange des œufs avec la laitance, et d'éloigner des produits ainsi fécondés les nombreuses chances de destruction auxquels ils sont naturellement soumis. L'’éclosion devrait s'effectuer ainsi d'une manière beaucoup plus certaine et plus complète que cela n’a lieu dans les circonstances ordinaires. L'expérience ne tarda pas à confirmer ces prévisions : Remy s'entoura de précautions telles et sut prendre des dispositions si habiles, que bientôt il put voir une multitude de jeunes Truites éclore et nager dans ses appareils. > Mais il restait d’autres obstacles à surmonter. Ce n’était pas tout d'avoir soustrait les œufs aux dangers qui les ménacent quand ils restent abandonnés à eux-mêmes ; il fallait encore assurer le dévelop- pement des jeunes Truites et leur trouver une nourriture en rapport avec les besoins de leur âge. Remy. aidé alors d’un de ses compa- triotes Géhin, eut également raison de ces difficultés... » Et après ce légitime hommage rendu au fondateur de l’in- dustrie piscicole en France, M. Jules Haime appelait la bien- veillante attention de la Société sur la veuve et les enfants de Remy, mort dans un état voisin de la misère, et nous aurons soin tout à l'heure de rapporter quelques chiffres éloquents, afin de montrer avec quelle sympathie la Société d'Acclimalalion répondit à cet appel. Peut-être eussions- nous pu nous dispenser de reproduire, presque en son entier, le discours du rapporteur; mais il nous a paru que, à la dis- tance de près d'un demi-siècle, cette réédition avait sa raison d'être. Combien peu, en effet, parmi ceux qui nous liront dans ce Bulletin, peuvent remonter aussi loin dans leurs sou- venirs ? Et n’eût-ce pas été dommage de les priver du bel exemple de solidarité humaine que donne alors la Société en venant au secours d’une famille dont le chef s'était dépensé pour le bien public avec si méritoire effort, et auquel l'État n'avait pas su offrir décemment le pain quotidien ? C'est en lisant la brochure consacrée à Remy par M. E. Humbert-Claude, curé de Taintrux (Vosges), et récemment parue à Nancy sous le titre de : Une gloire vosgienne, Remy inventeur des procédés pratiques de la pisciculture (l), que (1) Extrait du Congrès provincial de la Société bibliographique et des Publi- cations populaires, A. Crépin-Leblond, Nancy, 1897. 516 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. l'idée nous est venue de consulter d’abord la précieuse col- lection des Bulletins de la Société. Ce nous est à présent un vif regret de n'avoir pu rendre compte de l'écrit non moins documenté qu'apologétique publié par M. Humbert-Claude, où nous trouvons dès la première page l'indication du tres louable sentiment qui lui a fait prendre la plume en cette circonstance, à lui dont les habituelles occupations s’éloignent si sensiblement de celles qui occupèrent toute l'existence tourmentée de son compatriote de La Bresse «Il y a, dit-il, des mérites méconnus, comme il y a des gloires usurpées, grâce souvent à d’audacieuses légendes créées on ne sait comment, crues on ne sait pourquoi. Presque toujours les victimes de ces injustices du sort n’obtiennent en ce bas- monde qu’une réparation posthume. Car la vérité est lente à _se dégager des brouillards de la légende, et la justice, cette vieille matrone béquillante, ne vient communément que sur le tard, avec ses balances rouillées, pour rendre à chacun ce qui lui est du. » 11 apparait tout de suite, ici, que l'honorable ecclésiastique entend séparer la cause de Remy de celle de son associé Géhin, tous deux confondus dans la même gloire par Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, au titre de bienfaiteurs de leur pays. Et pourtant, à part les amateurs de curiosités biographiques de Géhin, alors que ie nom de Remy demeure indissolublement lié à une des grandes découvertes du siècle, la désassocia- tion est donc faite depuis longtemps, que, cependant, M. Humbert-Claude ait éprouvé le besoin de reprendre toute cette histoire et de proclamer encore plus haut le mérite (non méconnu) du seul de ces deux hommes ayant droit à l'apologie; rien de plus naturel de sa part, dirions-nous volontiers, n’était qu'il nous plait mieux de le grandement féliciter d’avoir fait acte de justicier. Aussi bien, quoique le docteur Haxo, d'Épinal, secrétaire perpétuel de la Société d'émulation des Vosges, ait été des meilleurs amis de Géhin, lorsqu'il publia, en 1854, le Guide du Pisciculleur, eut-il le soin d'ajouter : « D’après des notes et des documents fournis par J. Remy, pêcheur de La Bresse ». Géhin, lui, faisait un autre métier, et il n'était en peine d'aucun. « Né en 1804, Remy, nous raconte sa biographie, s'était fait REMY LE VOSGIEN ET L’INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 417 pêcheur vers l'âge de seize ans, parce que la pêche était dans ses goûts et selon ses moyens, son choix étant nécessairement limité entre des professions modestes ; il était du reste bien placé, près du ruisseau de Vologne (1), et à proximité des lacs des Corbeaux et de Blanchemer. On sait ce qu'un pêcheur à la ligne peut acquérir de patience dans la bonne et dans la mauvaise fortune : Remy apporta à son métier des aptitudes spéciales ; car il était plus qu’un pêcheur, c'était un amant de la nature, attiré vers les Poissons par un charme presque étrange, ét doué d’un rare esprit d'observation, en même temps que d’une persévérance à toute épreuve. Il se disait assurément que plus la rivière serait peuplée, plus la pêche aurait d’agréments et de profits : mais il n'avait pas à déplorer, du moins autant qu’on l'a dit, la dépopulation des rivières. Là, à la tête des bassins, les cours d’eau trouvaient, dans les étangs et les lacs non encore ruinés, des réserves de reproduction inépuisables. Et puis, il n’y avait pas d'usines à cette époque pour détourner les eaux, assécher les cours d’eau sur de longs parcours, ou pour empoisonner de détritus chimiques les rivières limpides. » Le lecteur ne manquera point de souligner dans son esprit toute cette dernière phrase, qui précise si bien la cause de tant de ravages, tous attribués aux braconniers. Ce n'est point que nous voulions plaider ici les circonstances atté- nuantes en faveur de ces messieurs; nous voulons simple- ment constater à notre tour que la chimie fait une concur- rence déloyale au braconnage. Nous sommes également d'accord avec l’auteur quant à l’assèchement des lacs, sous couleur de protection à l’agriculture, maïs cause certaine d’une notable dépopulation piscicole. Le lac d'Annecy, dans la Haute-Savoie, a vu disparaître toutes ses frayères par suite de travaux d'art... que sa population aquatique ne réclamait certainement pas. Ainsi donc, dans les Alpes comme dans les Vosges, soit du côté administratif, soit du côté industriel, c’est le même parti pris de venir à bout d’une richesse pu- blique. On s'apercevra bientôt que le dépeuplement de nos rivières est un crime de lèse-nation, mais il sera trop tard. C’est ce que pressentait Remy, tout en donnant des coups de ligne qui sont légendaires, et, quand venait le moment du (1) M. Humbert-Claude nous avertit de ne pas confondre ce ruisseau avec la Vologne, « l'antique charrieuse de perles et l’une des gloires de Gérardmer ». Celui-là est formé des ruisselets du Châtelet, de Blanchemer et des Corbeaux, et réunit ses eaux à celles du ruisseau du Chajoux,à La Bresse même, pour former la Moselotte, Bull. Soc. nat, Accl. Fr. 1899, — 28, È Les dl à 4 voti Pie. CA made sé oui" à 418 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. frai, il pouvait à loisir se rendre compte de la flagrante dis- proportion qui existe entre les myriades d'œufs pondus à l'automne, et le maigre fretin qu'on trouve au printemps dans les mêmes ruisseaux. Outre les intempéries climatolo- giques, les Oiseaux de proie sont là, puis la Loutre, le Rat d'eau et les Poissons à peine adultes, qui ruinent toutes les expériences de l'automne. Remy continuait d'observer avec la patience du chercheur obstiné qui veut pénétrer un secret. « Le soir, aux pâles rayons de la lune, couché dans les hautes herbes mouillées ou sur la neige, il attendait sans mouvement, retenant son souffle, que, par un hasard heureux, l’œuvre mystérieuse vint comme d'elle-même s'accomplir sous ses yeux... Peu à peu, il vit ce qu'il voulait savoir, ce que personne encore peut-être n'avait vu (1).» Entre autres observations intéressantes pour l’histoire na- turelle, retenons celle-ci au passage : « Remy observa que la Truite n’agrée guère qu'un compagnon sur sa frayère et que tous deux réunissent leurs efforts pour expulser les impor- tuns, en manifestant des symptômes non douteux de jalousie et de colère; — que la petite Truite des hautes régions ne donne sa ponte qu'après la Truite de rivière, les plus grosses commençant les premières; — qu'un certain nombre d'œufs pour n'être pas fécondés s’altèrent rapidement et commu- niquent leur mortalité aux autres, etc. ». Enfin, à voir se répéter les manœuvres de la Truite-mère avant sa ponte, à voir surtout se renouveler sur la frayère le même manège de la Truite-mâle, Remy soupconna que ce léger frottement avait pour but de faciliter chez l'une la parturition des œufs, l'éjaculation de la laïitance chez l’autre. Alors, ayant pris un couple en cet état, il essaya quelques légères frictions sur le ventre de la mère, qui, presque aussitôt, semblant s’assoupir sous la douce pression des doigts de l'opérateur, cessa de faire résistance, tandis que les œufs venaient d'eux-mêmes s'égrener dans la terrine; ensuite, ayant provoqué l’écoule- . L (1) « Assurément, dit une note de M. Ilumbert-Claude, assurément les natu- ralistes connaissaient les lois de reproduction naturelle du poisson, théorique- ment du moins, par l'examen physiologique de leurs organes et par analogie; mais quel naturaliste a surpris aiasi sur le vif, dans leur application même, la longue série de ces lois? » Les savants répondront à ce point d'interrogation; il est bien certain, en tout cas, que Remy a su voir et meltre en pratique, par un procédé hors de conteste, ce que la nature lui avait enseigné. REMY LE VOSGIEN ET L’INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 419 ment de la laitance dans le vase, l’eau prit pendant quelques instants la même teinte laiteuse, si souvent observée, et une fois encore il vit sur les œufs devenus presque diaphanes la même nuance dorée et le même petit point noir. Il avait trouvé le secret de la fécondation artificielle (automne 1840). Maïs auparavant, combien d'essais infructueux, qui eussent découragé un tout autre homme! En mars 1843, apres plusieurs expériences décisives, il fit part de sa découverte au Préfet des Vosges, en se servant de la plume d’un secrétaire, lui n’ayant pas « la main aux écri- tures ». Le Préfet, bien entendu, jeta aux papiers la lettre de Remy. À La Bresse, par contre, on n’appréciait pas trop son genre d’occupations; sans doute, on aimait le bon « père Remy », mais on comprenait médiocrement sa « graine de Truites », et plus d’une fois, dit-on, des sots, des malfaisants saccagèrent ses réservoirs. Il ne se rebutait point. Sur ces entrefaites, ayant été recommandé à un savant mulhousien, le D' Mullenbert, dont les relations s’étendaient au dehors, Remy lui porta un document sans réplique, un vase d'œufs fécondés dont il annonça l’éclosion pour une époque précise; et il en fut ainsi qu’il avait annoncé. Malheu- reusement, le protecteur mourut peu de temps après. De cette époque (fin de 1843) date dans l’histoire de Remy l’in- tervention de Géhin sur laquelle M. Humbert-Claude s'étend longuement. « C’est du reste, nous dit-il, une odyssée qui n’est pas banale, celle de ce cabaretier intrigant et hableur qui, mis au courant des affaires de Remy par le hasard d’une conversation, saisit de suite le rôle à jouer, se faufile aux côtés du naïf inventeur, papillonne à l'alentour comme la mouche du coche, le relègue peu à peu au second plan, finit par se substituer à lui, trouve accès, crédit et faveur dans le monde officiel et dans le monde savant, jusqu'à la Cour même de l'Empereur, et termine sa carrière en bonhomme tranquille, presque dans l’opulence, couronné des lauriers de sa victoire. » Ajoutons que Géhin n'avait eu jusque-là d’autres rapports avec l’élément liquide que par l'alcool qu'il débitait sur son comptoir, « n'ayant de sa vie mis une Truite hors de la ri- vière », selon la pittoresque expression d’un pêcheur de La Bresse. Cependant, sur le conseil de M. Haxo, l'inspecteur d’Académie d'Épinal étant venu au village dans les premiers 420 -_ BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. jours du printemps de 1844 et ayant vu Remy à l'œuvre, il se fit apporter à Épinal, et eut le plaisir de montrer dans son salon des petites truitelles sortant de l'œuf, qui « se mirent à » nager dans l’eau avec une extrême vivacité ». Quelques semaines après, « sur un rapport circonstancié », la Société d'Emulation des Vosges votait une médaille de bronze et une somme de cent francs à... «chacun des deux pécheurs », qui reçurent en même temps les félicitations préfectorales, le dispensateur d'icelles ne pouvant faire mieux. L'adminis- tration communale leur céda ensuite la jouissance gratuite d’un terrain forestier à l'état de mare, appelé Séchemer, dont Remy fit un étang avec chaussée pour le peupler de petits Poissons à l'élevage dans ses réservoirs. Puis, à son compte, Remy acheta un autre étang, et cela au moment même où il allait être obligé de vendre sa maison, son bétail et son mobilier. « Ce fait de l’acquisition de l’étang de la Cuve, après 25 ans de peines sans salaire, avec de pareilles charges de famille et en face de la ruine menaçante, ne nous donne pas précisément l'idée d’un Remy au cœur débile, toujours découragé et toujours réconforté par Géhin, tel que nous le peint M. Haxo. » Non certes. Mais ce n'était pas tout d’avoir deux pièces d’eau à exgloiter, il fallait nourrir ces carnivores qu'on y avait mis, et c’est avec d’autres d'espèces plus petites et her- bivores que Remy, seul, s'employait avec succès; ce qui ne devait point empêcher M. de Quatrefages d'insérer cette phrase dans son rapport de la Société philomatique (1852) : « Dans la rivière de MM. Géhin et Remy, tout se passe donc main- » tenant comme dans la nature entière. Ces pêcheurs sont arrivés à » appliquer à leur industrie une des lois les plus générales sur les- » quelles reposent les harmonies naturelles de la création animée (1). » (1) Ceci, ne l’oublions pas, fut imprimé en 1852; or, bien avant, l’illustre naturaliste avait lu à l’Académie des Sciences un rapport sur la fécondation artificielle appliquée à l'élève du Poisson {séance du 23 octobre 1848) ; mais, à ce moment, Quatrefages ignorait encore les travaux de Remy. Afin d'assurer « aux deux pêcheurs » la priorité d’invention et d'attirer sur eux l'attention, M. Haxo s’empressa d'adresser à l'Académie un mémoire sur les résultats ob- tenus à La Bresse ; et déjà, quoique ruiné, Remy « nageait dans la joie comme ses poissons dans l’eau ». Le pauvre homme ne devait pas tarder à en rabattre, l'Insutut, en dépit de l’abbé Moigno, lui faisant grise mine; « mæussaderie de quelques savants contre ce nouveau-né, enfant de la nature et d’un père sans diplôme », nous dit M. Humbert-Claude, REMY LE VOSGIEN ET L’INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 421 On le voit, Géhin est déjà passé au premier plan, et cela grâce au trop complaisant M. Haxo, dont l'illusion n’avait pas le droit de se méfier. La Moselotte et ses affluents avaient d’ailleurs été consciencieusement réempoissonnés par les soins de l’honnête Remy. C’est alors que M. Coste eut l’idée de s’ap- proprier la méthode du pêcheur, quant à la nourriture des jeunes du Saumon et de la Truite au moyen de proies vivantes (Instructions pratiques, p. 50 et 51); seulement, remarque avec justesse le biographe de Remy, M. Coste en fit une méthode presque ridicule, en proposant de donner aux Truites du jeune Brochet. « C’est là, dit-il fort sensément, un luxe que tout le monde ne peut se permettre, qui équivaut à nourrir des Corneilles avec des jeunes Faisans. Puis, jeter du jeune Brochet dans un lac, un étang ou une rivière, c'est s’exposer à les peupler, s’il en réchappe un seul couple, de pirates qui n’y laisseront pas une Truite. » Maïs peut-être n’est-on pas obligé de savoir ces choses-là au Collège de France. M. Coste fut si imprudent, de si mauvaise foi dans cette affaire, qu'il s’attira de Genève ce trait barbelé : « On cher- cherait en vain à citer M. Coste dans l'histoire des travaux scientifiques sur la question de la fécondation artificielle. » Signé Vogt, qui s’y entendait celui-là ! Depuis, le hasard nous a fait découvrir une petite brochure imprimée à Versailles, dans laquelle un certain M. Lecoq reproche véhémentement au père putatif de la pisciculture de lui avoir « volé» son Épinoche ; histoire par nous racontée dans Élangs et Rivières (n° du 15 août 1897), et qui éclaire d’un nouveau jour la phy- sionomie sournoise d’un savant officiel. Revenons à La Bresse avec M. Humbert-Claude. « Par le fait de la concession commune de Séchemer, pendant 15 ans, Géhin réussit à imposer à Remy un parasitisme dont celui-ci ne put jamais se dégager entièrement, mais nous l'avons dit, il laissa très bien son associé s’user seul au travail et se ruiner à la dépense. Quand vint/la période des profits, Géhin ne se connut aucun wssocié, il alla de l'avant, pour son compte, sans se préoccuper un instant ni des intérêts, ni des droits de Remy, de rien il devint tout. » On était au printemps de 1851, et les « deux pêcheurs », sur le conseil des députés vosgiens, devaient entreprendre le 422 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. voyage de Paris, mais Géhin s’arrangea pour y venir seul; et il fut un moment l’homme à la mode, eut tous les honneurs « et sut. faire bonne figure »; qu'on retienne bien ce détail. Présenté au Président de la République, Géhin lui expliqua « son affaire » et Louis-Napoléon s’y intéressa tant, que, lors de son voyage présidentiel à Strasbourg, il eut plaisir à revoir Géhin. Qu'on juge, après cela, de la rentrée triomphale du caba- retier de La Bresse dans son village! Mais il n’était pas homme à vivre seulement de gloire ; aussi le trouvons-nous dès lors, en quête de faveurs d’espèce sonnante, remuant ciel et terre pour amener l’eau à son moulin, à quoi il réussit. M. de Quatrefages et même M. Milne-Edwards avaient recom- mandé les deux pêcheurs à l'intérêt du Ministre, en conseil- lant de leur confier, comme moyen de récompense et comme mesure d'utilité publique, des missions de réempoissonnement des cours d’eau francais. Le Ministre adressa une circulaire en ce sens aux préfets, les autorisant à prélever sur les fonds départementaux les sommes nécessaires à cet effet. C'était bien; seulement ce fut Géhin qui fut demandé de tous côtés pour ces missions, étant réputé partout « le plus apte à ce rôle », comme dit son fidèle cornac M. Haxo, M. Humbert- Claude en veut de cela à M. Haxo, et peut-être n’a-t-il point tort. Et voici Géhin parcourant la France et recueillant partout les hommages du monde officiel, les diplômes des Sociétés scientifiques, et surtout des émoluments très appréciables. Quant à Remy, sauf une mission à Huningue et une autre dans la Haute-Loire, il eut pour sa part l'agrément de voir Géhin promener dans toute la France les fructueuses lecons de choses surprises à sa bonne foi. En outre, Géhin obtint pour son fils une bourse entière au lycée de Strasbourg, faveur rare à cette époque; quant aux nombreux petits enfants de Remy, ils allaient à l’école pendant l'hiver, quand ils avaient des sabots; l'été on les louait pour un écu, et la pitance par dessus le marché comme de juste. Enfin, le caba- retier fut gratifié d’un bureau de tabac, à Strasbourg, d’un rapport annuel de 1,400 francs; tandis que Remy était en- voyé dans un village perdu du Haut-Rhin, avec un bureau d’un rapport maximum de 400 francs. Après quoi, pour équi- librer la situation, une allocation de 1,000 francs fut accordée REMY LE VOSGIEN ET L'INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 423 à chacun d'eux ; mais cette allocation se convertit, seulement pour Géhin, en une pension annuelle de 1,200 francs, dont il jouit jusqu'à sa mort, en 1859. En vérité, il y a des grâces d'état stupéfiantes ! À moins qu'il n’y ait autre chose? Eh ! oui, et M. Humbert-Claude en convient lui-même : « Que, dit-il, Géhin ait été utile, par son agitation, à ébruiter l'œuvre de Remy, nous l’avouons volontiers et c’est justice. Mais on ne saurait oublier qu’il mit son activité au service de cette cause pour l’exploiter, par une substitution frauduleuse, à son seul profits! détriment de Remy. » Evidemment, c’est le fait d’un vilain homme, avec cette circonstance atténuante que, ayant fait tous les métiers, Géhin ne pouvait guère autre chose. On verra cependant que, à l’article de la mort, il eut un bon mouvement, le pre- mier de sa vie. Quoique sans haïne et sans envie, après vingt-sept ans d’ef- forts, de déceptions et de misères, le brave et honnête Remy se sentit découragé par tant d'injustices. En dépit de son âge — il n'avait alors, en 1851, que quarante-sept ans, — c'était un vieillard et un infirme, et sa pauvreté était telle que, pour gagner 400 francs, il s'était résigné à s’expatrier avec sa fa- mille, quoique l’exil fût à peine le pain quotidien. Toutefois, cédant aux instances de ses nombreux amis, il vint à Paris pour intéresser quelqu'un à son sort; ce quelqu'un c'était M. de Ravinel père, député des Vosges, qui, d’ailleurs, savait son mérite et lui voulait du bien. Ce galant homme ayant présenté Remy au Ministre de l'Agriculture, celui-ci s’em- pressa d'accorder une récompense de 1,500 francs à l’ancien pêcheur de La Bresse, avec promesse de pension à l'avenir et de la croix d'honneur dans un temps prochain. Autant en emporta le vent! « Cela dit, ajoute notre biographe, nous avons un acte de réparation suprême à mettre à l'actif de Géhin : sur le point de mourir, il regretta ses torts et une de ses dernières paroles fut une recommandation faite à sa femme de laisser à sa mort tout son avoir aux enfauts de Remy. Ce vœu ne devait être plus tard réalisé que d’une façon bien imparfaite, mais nous sommes heureux de l'enregistrer ici et de finir l’histoire de Géhin sur une parole de pardon et d’oubli. >» 424 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. Maïs que fit la Société d'Acclimatation en apprenant la mort de Remy et la détresse des siens ? Elle ne se contenta point, comme bien on pense, de souscrire à l’éloge du fon- dateur de l’industrie piscicole de France ; tout de suite elle prélevait un premier secours immédiat sur les fonds dont elle pouvait disposer et elle ouvrait, dans ses bureaux, une souscription en faveur de la famille de Joseph Remy. Le tout se chiffra par une somme de 8,200 francs. D'autre part, l'ainé des six enfants de Remy commencant à se montrer habile dans les pratiques de la pisciculture aux- quelles son père l'avait de bonne heure initié, « à celui-là, disait l’honorable rapporteur, nous pouvons mieux faire que de lui donner de l’argent, nous pouvons demander du travail », et la 3° section émettait le vœu « que la Société veuille bien le prendre en quelque sorte sous son patro- nage, en engageant ceux de ses membres qui désireront obtenir des œufs fécondés, à s'adresser désormais au jeune Laurent Remy ». On ne pouvait mieux dire, ni mieux faire ; aussi sommes- nous surpris de ne point trouver trace de cette généreuse initiative de la Société d’'Acclimatalion dans la brochure pourtant si documentée de M. Humbert-Claude. Nous savons seulement par lui que, malgré les sollicitudes filiales qui l’en- tourèrent, la digne compagne de Remy eut une vieillesse bien attristée : « Quand vint la guerre, cette pauvre femme élait depuis longtemps déjà atteinte d'une paralysie qui devait durer douze ans. L'annexion lui enleva encore sa seule ressource, le bureau de Saint-Amarin, et il fallut chaque année mendier un secours de l'Etat. On lui accorda tantôt 100 francs, tantôt 60, une aumône, la plus chétive assurément qu’une patrie comme la France püt faire à la mémoire d’un de ses glorieux enfants. » Hélas ! Il nous reste à dégager une moralité de cette histoire de Remy, une moralité ou un enseignement; c’est le Phyl- loxéra qui nous servira de point de comparaison. En 1865, lorsque le Puceron américain exerça ses premiers ravages sur les riches vignobles du Rhône, il eût suffi de quelques centaines de mille francs, — l'exemple de la Suisse et de l'Allemagne en témoignent, — pour arrêter l’Insecte dévas- tateur dès son premier essor. Depuis, il nous en a coûté REMY LE VOSGIEN ET L’INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 425 des milliards, sans parler des ravages de l'alcoolisme. On s’apercevra bientôt que le dépeuplement de nos rivières est un crime de lèse-nation, mais il sera trop tard. Et cependant, nous avons eu Remy. Si donc cette moralité est quelque peu déconcertante, la faute en est à la non- chalance invétérée des pouvoirs publics ; quant au métier de moraliste, Dieu merci, ce n’est point le nôtre, au désert préférant la rivière. 426 LES BLATTES DOMESTIQUES OBSERVATIONS FAITES A PARIS (1) Par Paul CHAPPELIER, Membre du Conseil de la Société. Je n’ai pas l'intention de traiter la question des Blattes au point de vue scientifique ; un de nos anciens collègues, ento- mologiste distingué, Maurice Girard, l’a fait autrefois devant la Société d’Acclimatation (2). Je n’envisagerai la question qu’au point de vue pratique. Voici d’abord quelques généralités empruntées à Maurice Girard (3) : «Les Blattes..... , poussées par leur voracité insatiable, font leur proie avec indifférence des substances d'origine animale ou végétale, semblant rechercher surtout celles qui servent à l'alimentation de l'horame ou à ses usages domestiques, pour la confection de ses vête- ments ét l'ornement de ses demeures. Leur corps aplati leur permet de passer à travers les fentes des caisses, lorsque leur odorat leur indique à l’intérieur des substances d'origine organique. Aussi, dans les voyages au long cours, on est obligé de protéger contre leur voracité les provisions alimentaires, les tissus, les papiers, en enfermant les caisses dans des boîles extérieures en fer blanc soudées à l’étain.» Il y a notamment une espèce qui fort heureusement n'est pas encore installée dans les habitations de nos climats tem- pérés ; c’est la Blatte américaine. Voici en ce qui la concerne, à titre de curiosité, un extrait du mémoire de Maurice Girard (4) : « La grande Blatte américaine est très abondante à la Havane et de- vient un véritable fléau dans les maisons..... On y conserve avec {1} Communication faite en séance générale le 40 novembre 1697. (2) Voir Bulletin, La domestication des Blattes, 1871, p. 296. (3) Loc. cit, p. 291. (4) Loc. cit., p. 302. LES BLATTES DOMESTIQUES. 497 soin les Crapauds que les dames tolèrent même sous leurs robes, en raison de leurs continuels services, car ils se promènent sans cesse à la recherche des Kakerlacs. » « M. de Saulcy rapporte qu’il a vu à Londres, à bord d’un navire revenant des Indes, des officiers de marine avoir les lèvres excoriées pendant la nuit par les Kakerlacs lorsqu'ils s’endormaient après avoir bu un verre d’eau sucrée. » « M. Renard dit qu'on a vu parfois des marins avoir la partie cornée des pieds et des mains entamés par ces voraces Insectes. » Les espèces de Blattes sont très nombreuses ; mais on n’en cite guère que deux qui se soient acclimatées dans les habita- tions de nos climats tempérés, notamment à Paris. L'une, petite, n'a que 12 à 15 millimètres de long; elle est d’un fauve jaunâtre, et vole facilement ; elle est assez rare à Paris; je n’en dirai que quelques mots en terminant cette communication. C’est la Blatte germanique (Blatta ger- manica). L'autre est, au contraire, très commune ; elle est beaucoup plus grosse et plus longue, 25 millimètres environ; sa couleur est d’un brun noirâtre ; c’est la Blatte orientale (Periplanela orientalis) ou Blatte des cuisines, vulgairement appelée Ca- fard ; c’est d'elle surtout que je parlerai. Et d’abord, cette question mérite-t-elle quelque intérêt ? 7 Souvent une dame, car il s’agit surtout ici d’un détail de ménage, souvent une dame m'a dit : « Mais je n'ai jamais apercu dans mon appartement les bêtes dont vous me parlez; ma cuisinière en voit bien quelques-unes, mais elle ne s’en plaint pas autrement. » Cette réponse n’a rien qui doive étonner. En effet, le Cafard présente deux caractères particuliers : il est lucifuge et exige la chaleur ; aussi est il très commun dans les usines à feu et surtout dans les boulangeries et les paätisseries qui lui offrent en même temps un logis chaud, des retraites obscures et une nourriture abondante. Dans les appartements, il est confiné presque exclusive- ment dans la cuisine et l'office. Étant lucifuge, il reste dans sa cachette tant qu'il y a du jour ou de la lumière, et n'en sort que pendant la nuit. On comprend dès lors que la maïi- tresse de maison et même la cuisinière, qui ne vont pas sou- vent dans la cuisine en pleine nuit, ne se préoccupent pas de cette question. 428 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Moi-même, qui savais cependant avoir chez moi de ces vilaines bêtes, je me suis fait pendant longtemps illusion sur le nombre de celles auxquelles je donnais l'hospi- talité. Dans le premier mois de ma chasse, j'ai pris 3,025 indivi- dus, soit environ 100 en moyenne par nuit. Certaines nuits chaudes m'ont fourni jusqu’à 275 victimes. Pendant les quelques jours qui ont suivi cette première période, le nombre des captures est descendu à 5 environ en moyenne. J'en avais conclu tout d’abord que l’extermination était complète, c'était une erreur; cette diminution apparente tenait uniquement à un abaissement subit de température, la chaleur étant revenue, la chasse s’est montrée de nouveau assez fructueuse comme le prouvent les chiffres suivants : Denxième mois. 7-27 2,454 individus Troisième mois. . . . . . . 1,309 — Quatrième mois. . . . . . . 1,188 — En ajoutant le premier mois: 3,025 — on arrive, pour cette période de quatre mois, à un massacre LAN AE CS EPS RENTREE . 1,976 individus Et ce n’est pas tout. Voici en effet le tableau de mes quatre dernières chasses : 22, 27, 32, 41. Il est probable que plusieurs d’entre vous sont dans le même cas que moi; je n’ai en effet aucun motif pour étre pri- vilégié. Il n’y a dans l'immeuble que j'habite et dans les mai- sons voisines, ni boulangerie, ni pâtisserie, ni épicerie, ni usine à feu. Pourrais-je accuser l'ancienneté de ma maison, située dans “un quartier populeux ? Je ne le pense pas, car je puis citer le cas de deux de nos collègues. L'un d'eux occupe l’un des étages d’une belle habitation construite récemment avec soin boulevard Malesherbes, l’autre habite seul un hôtel qu'il s’est fait construire dans ces derniers temps près de l'avenue de Villiers. Ces deux habitations sont infestées de Blattes. On s’est souvent demandé quel pouvait être le mode de propagation de cette vermine. Je serais tenté de l’attribuer à LES BLATTES DOMESTIQUES. 429 l'apport des œufs ou des jeunes larves avec des pains, de la pâtisserie, des corbeilles de fruits, et d’autres provisions de bouche. Veut-on savoir maintenant en quoi ces bestioles sont nuisibles et quel intérêt il peut y avoir à les détruire ? J’indi- querai plusieurs motifs. | Voici d’abord ce qui m'est arrivé. Un jour, on me sert une tranche de jambon. Je trouve à la première bouchée une odeur désagréable rappelant celle de la Souris ; quelques jours après, c’est le tour d’un reste de vo- laille froide ; la même odeur me frappe, et au moment où je commence à découper, un horrible Cafard s'échappe de l’in- térieur. Dès lors, je jure d'en exterminer la race et dès le lendemain, je commence la chasse. Même en ne tenant pas compte de cette désagréable odeur, n'est-il pas répugnant de penser que toute la nuit une bande de bêtes immondes à couru sur le pain, les mets, les fruits qu'on vous servira le lendemain. Voici un autre motif. Chacun de nous est ou propriétaire ou locataire, parfois même les deux, car on n’habite pas toujours l'immeuble que l’on possède. Eh bien! le Cafard peut devenir une cause de discorde entre propriétaires et locataires. On a raconté ici même autrefois, l'histoire d’un procès survenu à ce propos et notre Bulletin en fait mention. On sait d’ailleurs qu'il peut en être de même d’autres parasites domestiques, par exemple les Fourmis. | Laissez-moi vous raconter un fait de ce genre et qui est relatif aux Fourmis. Une personne achète un immeuble habité bourgeoisement; elle en modifie la destination et loue le rez-de-chaussée et l’entresol à un res- taurateur. Un jour le chef aperçoit quelques Fourmis et s’en plaint au patron. Eh bien! détruisez les, répond celui-ci; les moyens sont nom- breux et connus : la suie, le marc de café, l'éponge miellée, les insec- ticides, etc..... Le chef essaie ces divers procédés sans beaucoup de succès; puis survient un incident. Un client, découpant une volaille froide, y trouve trois Insectes qui s'étaient attablés avant lui sans être invités. Trois Fourmis! C'était un grincheux; il crie et fait du scan- dale. Pour le coup, le restaurateur survient, va se plaindre au proprié- taire qui se contente de lui répondre ce que le patron lui-même avait dit 430 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. à son chef : Vous avez des Fourmis, eh bien! détruisez-les : les moyens sont connus, la suie, etc... Peu satisfait de cette réponse, le restaurateur va conter son cas à son avoué : Avez-vous essayé les moyens connus, la suie, etc... Oui, eh bien! votre propriétaire doit vous assurer la libre jouissance de l'immeuble qu’il vous a donné en location. Je verrai son avoué. En effet, les deux hommes de loi se rendent sur les lieux, cons- tatent l'existence des hôtes incommodes et nomment des experts. Ceux-ci commencent naturellement par mettre en œuvre quelques-uns des moyens connus, la suie....., qui ne produisent qu'un résultat tout à fait insuffisant. On en vient alors aux grands moyens : omenlève des papiers de tenture qui cachent des fentes dans le mur, on arrache des plinthes et des lames de parquet. Ces travaux, coûteux pour le propriétaire et très gênants pour le locataire, diminuent momentané- ment le nombre des envahisseurs, mais ceux-ci ne tardent pas à revenir en foule. Bref, le procès continue et aboutit à la condamnation du propriétaire ; il est forcé de consentir la résiliation du bail avec in- demnité et après avoir perdu, assure-t-il, une vingtaine de mille francs; désespérant de vaincre ses ennemis, il vend sa maison de malheur. Serait-on exposé aux mêmes difficultés à propos de Ca- fards ? Un avoué que j'ai consulté à ce sujet m'a répondu : « C'est plaidable ! » et ce mot, dans la bouche d’un homme de loi, est gros de conséquences. | En tout cas, cette épée de Damoclès semble assez mena- ante pour faire réfléchir propriétaire et locataire, c'est- -dire tout le monde. À Il y a d’autres raisons pour détruire les Blattes. Un de mes amis a des Cafards. Tous les ans, il quitte son appartement de Paris pendant quatre mois. Je me suis sou- vent demandé de quoi pouvait bien vivre pendant ces quatre mois la multitude de bêtes affamées qu'il possède vraisembla- blement chez lui. Les Blattes passent pour être omnivores; on dit qu’à défaut de leur nourriture habituelle et préférée, elles attaquent les étoffes et les vêtements et que certains dégâts qu’on attribue d'ordinaire aux Mites pourraient bien leur être imputables. Je citerai enfin un dernier motif. Une nourriture animale est utile et parfois indispensable à certains Oiseaux. On recherche à cet effet différentes pâtées, les Vers de farine, les œufs de Fourmis ; pour les suppléer, on en fabrique même d’artificiels. Ç à LES BLATTES DOMESTIQUES. &31 Pourquoi n'utiliserait-on pas les Cafards? Un de nos an- ciens collègues en nourrissait ses Rossignols. KT x J'arrive au moyen de se débarrasser de ces désagréables bêtes, au moins en grande partie, car il ne faut guère compter les détruire radicalement, pas plus que les Mouches si impor- tunes, les Mites, et nos autres très petits ennemis domes- tiques. Il existe deux manières principales de combattre le Cafard. On trouve partout des insecticides, des poudres, des pâtées qui, au dire des vendeurs, détruisent radicalement ces bes- tioles. Il y a aussi des industriels qui, à l'instar des taupiers, s'engagent à vous en débarrasser avec garantie et moyennant un prix fixé à forfait. Je ne puis rien dire de ces procédés, ne les ayant pas es- sayés ; mais, en vérité, je me méfie un peu de l'introduction dans ma cuisine et dans mon office de ces ingrédients dont je ne connais pas la composition. Quelques-uns contiennent, dit-on, de l’arsenic, du sublimé, etc. s Il y a un autre moyen parfaitement inoffensif et assez effi- cace, puisqu'il m'a permis de prendre chez moi, dans l’es- pace des quatre derniers mois, près de 8,000 individus : c'est le piège que voici. Ilse compose d’un vase en fer - blanc, à parois très lisses à l’intérieur pour em- pêcher la fuite des prisonniers, et au contraire couvert à l'extérieur de pe- tites aspérités pour en faciliter l'accès. L'ouverture supé- rieure est en partie fermée par des ailettes mobiles ; au milieu de ces aïlettes est ménagé un petit plateau destiné à recevoir l’appât. Le meilleur est un reste de Langouste ou d’Écrevisse, ou Piège à Blattes, 532 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. encore un morceau de viande plutôt avancée que fraiche ; l'intérieur d'une volaille est aussi très apprécié par ces In- sectes; la farine réussit et d’ailleurs à peu près tous les ali- ments. Les Cafards, par l'odeur alléchés, grimpent sur le vase et comme ils sont très agiles et courent toujours très vite, ils se lancent étourdiment sur les ailettes, les font SRE et tombent dans le piège. Le matin, la cuisinière jette un peu d'eau bouillante sur les prisonniers et le tour est joué. Malheureusement le poids des très jeunes individus est trop faible pour faire osciller les ailettes. On en prend cependant quelques-uns, ce sont les petits imprudents qui, pendant qu'ils se hasardent sur ces ailettes, sont bousculés par les gros et tombent avec eux. Cette difficulté de prendre les très petits, explique pourquoi la chasse se prolonge aussi longtemps ; il faut que ces larves minuscules grossissent pour qu'on puisse les attraper. D’ail- leurs, il y a toujours, quoi qu'on fasse, quelques mères adultes qui échappent et qui entretiennent la colonie, ce qui empêche la destruction complète. Tout ce que je viens de dire s'applique seulement au véri- table Cafard, cette grosse Blatte brun noirätre des cuisines, que les entomologistes appellent Blatte orientale { Periplaneta orientalis) ; c'est de beaucoup la plus répandue. J'ai dit qu'on trouve à Paris dans quelques habitations une autre Blatte beaucoup plus petite, de couleur fauve jaunâtre, c'est la Blatte germanique (Blatta germanica). N'en ayant pas chez moi, je n'ai pu l’étudier. Elle ne se prend pas dans ce piège. Probablement en raison de son poids très faible, elle peut circuler sur les ailettes sans les faire osciller, et que si, par hasard, elle y tombe, elle peut en sortir en grimpant même sur la paroi très lisse de l'intérieur. Je ne vois donc à employer contre elle que les insecticides. Cependant, des observateurs ont remarqué que les deux espèces ne se trouvent jamais ensemble dans le méme local. Quelques-uns ont pensé que les gros dévoraient les petits. Je ne le crois pas, car j'ai conservé dans la même boîte les deux espèces ensemble et n'ai constaté aucun meurtre. D'autres en ont conclu qu'il y aurait, entre ces deux espèces, LES BLATTES DOMESTIQUES. 433 une antipathie de séjour comparable à celle qui existe, par exemple, entre le Lièvre et le Lapin. En tôut cas, en présence de la difficulté de détruire les petites Blattes, on a été jusqu'à conseiller l'introduction du gros Cafard dans les maisons où il n’y en a que des petits, es- pérant que ces derniers disparaîtraient et qu'ensuite on se débarrasserait facilement des gros ! J’en ai donné le conseil à l’un de nos collègues qui n’a chez lui que la petite Blatte, mais il n'a pas goûté cette sorte d’ac- climatation qui aurait pu avoir pour résultat la possession de deux ennemis au lieu d’un seul. Je lui ai proposé alors de lui confier seulement des mâles de ma grosse espèce, il m'a répondu par un : Timeo Danaos. En résumé, ces deux espèces de Blattes sont des hôtes incommodes dont il y a lieu de se débarrasser, les uns avec des pièges, les autres avec des insecticides, et il semble inté- ressant d'étudier la question de leur utilisation pour la nour- riture de certains Oiseaux. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 29, 434 OBSERVATIONS SUR LA CULTURE DU G/ZNXO BILOBA EN ITALIE (1) par le Professeur IGINO COCCHI. A M. le Secrélaire général de la Société d'Acclimatation de France, Paris. Ayant lu dans le Bulletin que des graines de Ginko biloba offertes pour être distribuées aux Membres de la Société ont été agréées, je me permets de vous en envoyer quelques- unes dans le même but. Elles ne sont pas très nombreuses. Malheureusement les Rats, Mulots et autres Rongeurs s'étant aperçus depuis peu que l’amande est bonne à manger, en détournent la plus grande partie à leur profit. L’amande rôtie ne plaît pas à tout le monde à cause de son goût légèrement résineux et les drupes, müûrissant au temps des Châtaignes, dont il y a en quantité dans le pays, il en résulte que la ré- colte des Ginkos est restreinte, ou presque, à l’ensemence- ment. L'automne prochain, on les récoltera avec soin avant que le gaspillage qu’en font les Rongeurs ne soit commencé, L'on pourra ainsi contenter ceux de nos collègues au dési- reraient en avoir en quantité. Mes Ginkos sont âgés d’une quarantaine d’années. Ils viennent tous de graines que je fis semer en terrine à Pise en 1859. L'arbre qui les produisit se trouvait dans le Jardin bo- tanique de Padoue. Il y en avait à Pise plusieurs, dont un presque centenaire à cette époque, mais tous à fleurs mâles. Mes élèves furent plantés un peu partout dans une pro- priété que je possède à une quinzaine de kilomètres au nord de la Spezzia et à des hauteurs qui varient de 70 à 120 mètres. Dans les terrains compacts et stériles, tels que certains schistes tertiaires, ils ont végété très lentement et n’ont pas donné de bons résultats. Dans les terrains profonds, faciles à (1) Extraits d'une lettre adressée à M, le SOEUne général, lue en séance générale le 24 mars 1899. OBSERVATIONS SUR LA CULTURE DU GINKO BILOBA. 435 remuer, ils ont poussé rapidement et ont donné les meilleurs résultats. Il paraît que les arbres mâles sont beaucoup plus nombreux que les arbres à fruits ; c'est du moins ce qui est arrivé chez moi. C'est depuis quatre ou cinq ans seulement que mes arbres à fruits — et il faut entendre ceux qui ont atteint le plus grand développement — ont commencé à donner des drupes müres; léur fructification a donc débuté à l’âge d’en- viron trente-cinq ans. Le Ginko est très rustique, il se passe très bien de tout soin ; il supporte les hivers les plus rigoureux aussi bien que la chaleur et la sécheresse de l'été. Son feuillage et son port sont charmants. Aussi je cherche à le multiplier, et depuis que j'en ai des fruits en quantité, je le fais cultiver dans une autre propriété très éloignée de la mer et à environ 200 mètres de hauteur; d’où je me propose d'en transporter des sujets de choix à 800 ou 900 mètres d'élévation sur les Apennins. J'ajouterai que nous avons ici à Florence des promenades publiques dont les allées sont plantées de ces arbres à la fois majestueux et élégants, mais qui n’ont pas encore donné des fruits, du moins que je sache. Dans l'espoir que ce petit envoi vous sera agréable, toujours prêt à me rendre utile à notre Sociélé à laquelle je suis fier d'appartenir depuis presque son origine, je vous prie, Mon- sieur le Secrétaire général, d’agréer l'expression de tout mon dévouement. Florence, 17 mars 1899. 436 EXTRAITS ET ANALYSES. LES PÉCHERIES EN RUSSIE, Notice statistique par W. WESCHNIAKOFF, Président de la Société Impériale Russe de Pisciculture et de Pêche. Il n'existe pas de statistique officielle, régulière et complète, pour les pêcheries en Russie; il n'y a que des estimations plus ou moins approximatives de la quantité et de la valeur des produits de la pêche. Les premières évaluations on été faites par une expédition, à laquelle le Gouvernement avait confié en 1851 l'exploration des pêcheries russes dans différents bassins et à la tête de laquelle avait été placé le célèbre naturaliste Charles E. von Baer, membre de l’Académie Impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg. Les travaux de l’expé- dition ont duré près de vingt ans et ont été publiés en neuf volumes in-4° avec quatre grands atlas de dessins. Un résumé succinct des résultats obtenus par l'expédition a été donné par M. Danilevsky, collaborateur principal de von Baer, dans une brochure, écrite pour l'Exposition universelle de Paris en 1867, sous le titre : Coup d'œil sur les pécheries en Russie. D'après les calculs de M. Danilevsky, les pêcheries de la Russie d'Europe livraient à cette époque un total de produits de 25 millions de pouds ou 408 millions de kilogrammes, d'une valeur de 20 millions de roubles ou de 80 millions de francs. Une vingtaine d'années plus tard, M. Grimm, docteur en zoologie et inspecteur général des pêches en Russie, dans une brochure, écrite pour l'Exposition internationale de pêche à Londres de 1883: Fishing and hunting on russian 1vafers, portait déjà la quantité approximative de Poisson qu'on retire annuel- lement des eaux appartenant à la Russie, à 40 millions de pouds ou à 654 millions de kilogrammes et la valeur à 43 millions de roubles ou à 130 millions de francs. Actuellement, grâce à des études plus récentes de divers bassins et aux comptes rendus, publiés depuis quelque temps par les adminis- trations de certaines localités, riches en pêcheries, M. Grimm croit pouvoir estimer la production totale des pêcheries de la Russie d'Eu- rope à 67 millions de pouds ou à plus d'un milliard de kilogrammes et la valeur de ces produits à 65 millions de roubles, ou près de 200 millions de francs. Pour avoir un tableau complet de la production totale des pêches en Russie, il faut encore tenir compte des pêches de la Finlande et de celles des bassins de l'Asie centrale russe et de la Sibérie. Pour la EXTRAITS ET ANALYSES 437 Finlande, les tableaux statistiques de l'administration locale constatent pour 1885-1890 la moyenne de 20,611,000 kilogrammes. Quant aux bassins de l'Asie centrale et de la Sibérie, nous ne possédons que des chiffres très approximatifs et quelquefois même problématiques. Pour- tant nous nous sommes hasardés à réunir ces chiffres dans notre ou- vrage, publié en russe en 1894: Péche er législation, et d’en tirer la conclusion, que la valeur de ces produits ne peut être au-dessous de 2 1/2 millions de roubles, ou près de 7 millions de francs. La création des Compagnies, récemment créées avec des capilaux considérables pour exploiter la richesse piscicole des mers et des fleuves de nos possessions dans la Sibérie orientale, parle mieux que tous les chiffres en faveur du rôle que doit jouer un jour l’industrie de la pêche dans ces parages. Il existe déjà une exportation de près de 260,000 pouds (4 1/4 millions de kgr.) de deux espèces de Saumons, inconnues en Europe, mais très estimées en Orient, Keta [Salno lagocephalus Pall.) et Gorbuscha (Szlmo proteus Pall.) et presque autant de Guano, pour la confection duquel il faut plus de 150 millions de Harengs pris dans les eaux de l’île de Sakhaline. Pour en revenir aux pêcheries de la Russie d'Europe, on doit avant tout constater la répartition suivante du chiffre susmentionné de 67 millions de pouds de Poisson entre différents bassins. Poups. KGr. Pour 100. Le bassin de la mer Caspienne... 30,7 m. 500 m. 46 0/0 Les lacs et fleuves intérieurs..... 25,0 » 400 » 37 0/0 Le bassin de la mer d’Azof...... 5,4 » 90 » 8 0/0 » Niro .e.e 2,8 » 46 » 4 0/0 » Baltique... 2,0 » 33 » 3 0/0 » Blanche et de l'Océan Glacial.......... 1,2 » 20 » 2 0/0 ANR NANAO NES Oct 1,2 » 20 » 2 0/0 Si l'on compare la valeur de la production des pêches en Russie (200 millions de fr.) avec celle des autres pays, on verra qu'elle les dépasse toutes, à l'exception des États-Unis, qui retirent de cette industrie plus de 500 millions de francs. Le caractère distinctif qu’offrent les pêcheries russes, comparées aux principales pêcheries des autres pays, est que les Poissons for- mant la base de l’industrie de la pêche en Russie appartiennent aux espèces fluviales et lacustres, ou du moins à des espèces, qui, quoique marines, préfèrent une eau saumâtre à une eau franchement salée. En classant les espèces de Poissons en catégories, d’après leur im- portance commerciale, nous devons placer dans la première catégorie les cinq espèces d’Esturgeons, connues sous le nom de Poïsson rouge, 438 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. c’est-à-dire excellentes. Ce sont la Bélouga (Acipenser huso L.), l'Es- turgeon (4. Güldenstädtii Br.), le Sévriouga (A. séellafus Pall.), le Schyp (A, schipa Lovetzky) et le Sterlet (4. rufhenus L.). Les espèces d’Esturgeons russes, qui remontent les rivières pour frayer, ne se plaisent et ne sont nombreuses que dans les mers de faible salure. Ainsi il y en a beaucoup moins dans la mer Noire que dans la mer Caspienne et celle d’Azof, qui sont encore moins salées. Le total de la pêche des Esturgeons est de plus de 2 millions de pouds (33 mil- lions de kgr.), qui donnent les produits de la plus grande valeur. Outre leur chair fraîche ou gelée, ces Poissons procurent encore au com- merce et à la consommation le caviar, l’ichtyocolle, la vésiga (la corde dorsale) et le balyk (dos d'Esturgeon essoré). Le Sterlet habite surtout dans le bassin de la Volga, ainsi que dans celui de la Dvina septentrionale. Il a une grande valeur et devient de plus en plus rare, à cause d’une pêche trop intensive et de la trop grande consommation sur place. Les différentes espèces de la famille des Salmonides, à laquelle appartiennent les diverses variétés de Corégones, habitent principale- ment les bassins du Nord, mais quelques-unes aussi le bassin de la mer Caspienne, le Terek et la Coura. Le Saumon blanc (Coregonus leu- cichtys Pall. v. S'{enodus nelma) entre pour frayer de la mer Caspienne dans la Volga, ainsi que dans son aïfluent, la Kama; mais on en prend aussi dans la Dvina septentrionale et dans la Petschora. Presque le tiers de la produclion totale des Salmonides (2,800,000 pouds) appar- tient à l'Eperlan lacustre (Ssnétok, Osmerus spirinchus Pall.), la plus petite des espèces employées pour la nourriture de l'homme. Ce sont les lacs de Peypous, le Bélo-Oséro et les autres lacs à fond de sable qui en fournissent la plus grande quantité. Ce Poisson se vend pour la plus grande partie gelé et sert de nourriture comme assaisonnement de potage pendant le carême. En Finlande, ia pêche des différentes espèces des Salmonides s'élève à 6 millions de kilogrammes; les deux tiers de ce chiffre sont donnés par de petils Corégones, appelés Riapouschka (Coregonus albula), que l'on prend aussi dans quelques lacs du nord de la Russie. Les différentes espèces de Hareng appartiennent à la mer Blanche et à la mer Baltique, mais principalement à la Volga, à la mer Cas- pienne et à la mer d’Azof. Dans le bassin du Nord, ainsi que dans celui de la mer Baltique, on ne prend que 20 0/0 de toute la pêche du Hareng en Russie. C'est le Hareng maritime (C/upea harengus L.), qui est familier à ces eaux, mais en outre on prend aussi beaucoup de Salaka (C1. stroemling) et de Killo (Clupea sprattus) le long des côtes de la Finlande (près de 12 millions de kgr.) et des provinces Baltiques. Dans la mer Caspienne et la mer d'Azof, on pêche Clupea pontica et Clupea caspia Eichw. Autrefois les Harengs, qui remontaient la Volga; ne servaient qu’à l'extraction de l'huile; car un préjugé populaire, EXTRAITS ET ANALYSES. 439 fondé sur ce que le Hareng tourne sur lui-même quand il fraye, lui avait donné le surnom de Poisson enragé et l'avait fait considérer comme ne pouvant servir à la nourriture de l’homme. On n’en salait qu’une petite quantité dans quelques pêcheries sous la dénomination méprisante de marchandise de Mordva. L’académicien Ch. von Baer, pendant ses explorations de la mer Caspienne, essaya de faire com- prendre aux pêcheurs que le Poisson si méprisé pouvait être pré- paré et mangé tout aussi bien que les autres espèces qui sont très recherchées partout. Ces conseils furent suivis; la guerre de Crimée, ayant fait cesser l'importation du Hareng étranger par les ports de la Baltique, favorisa le débit du Hareng de la mer Caspienne. Depuis ce temps, ce Poisson commenca à entrer de plus en plus en usage sous le nom de Hareng d’Astrakhan. Actuellement il joue un grand rôle sur le marché. En 1885-1890, on en prit de 330 à 200 millions de pièces; en 1890-1896 on ne pêcha que de 150 à 100 millions; en 1897, 71 mil- lions ; en 1898, 58 millions, ce qui a fait notablement hausser les prix du Hareng ; la meilieure qualité a monté de 28 à 90 rbl., la deuxième de 24 à 54 rbl. et la troisième de 19 à 44 rbl. Parmi les espèces de moindre importance qui sont connues dans le commerce sous la dénomination de Poisson blanc ou Poisson de filet à mailles fines (Z'chastikovaja ryba), nous noterons le Sandre, la Carpe, la Wobla, la Brême, la Tarane (Zeuciscus Heckelii) etc., que l’on prend en très grandes quantités dans la basse Volga, la delta de Coubane, l'Oural, le Don, les lacs et les fleuves intérieurs. On estime la quantité de tous ces Poissons à près de 50 millions de pouds. Quant aux Poissons de mer, il faut nommer la Morue (Gadus mor- rhua L.), qui ne trouve de débouché que dans les trois provinces septentrionales (Arkhangel, Vologda et Olonetz), et en moindre quan- tité à Saint-Pétersbourg. Une espèce, spéciale au nord de la Russie, Gadus navaga, que l'on pêche dans les golfes peu profonds de la mer Blanche et pres des embouchures de la Petschora, jouit d’une grande renommée partout en Russie, où on la présente sur les meilleures tables. On ne la transporte qu’à l’état frais pendant l'hiver. Les Ma- queraux et les Muges ne se trouvent que dans la mer Noire. Nous ne nous arrêterons pas ici sur les instruments et les méthodes employés pour la pêche dans différents bassins; nous recommandons à ceux qui s'intéresseraient à ces questions, de consulter, outre les brochures déjà mentionnées, deux travaux récents sur les pêcheries russes : 1° l’article de M. Grimm dans la brochure publiée en anglais par le Ministère des Domaines à propos de l'Exposition universelle de Chicago de 1893: Aussian À griculture and Forestry et 2° la brochure de M. J.-D. Kusnetzoff: Fischerei und Thiererbeutung in den Gewässern Russlands, publiée en 1898 par le Département de l’Agricullure à l’oc- casion de l’Exposition internationale de pêche à Bergen. Les pêcheries russes peuvent être divisées en deux catégories quant 440 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. à leur organisation économique. Les unes appartiennent à l'État, aux apanages, aux différentes associations et communes (villes, villages, Cosaques, couvents, églises) ou aux simples particuliers ; les autres ne peuvent pas constituer de propriété privée. A la première catégorie appartiennent les pêches dans les différents fleuves et cours d’eau intérieurs; à la seconde les mers et les lacs d'une certaine étendue. L'État et les grands propriétaires afferment ordinairement leurs pêches à des entrepreneurs, qui arrangent des établissements spéciaux pour la pêche et la préparation du Poisson. Les plus grands établisse- ments de ce genre, appliquant largement le principe de la division du travail, se trouvent dans le bassin de la mer Caspienne. Le plus im- portant de la Russie et probablement le plus grand du monde entier, se trouve dans la Transcaucasie sur la Coura, à 30 verstes en amont de son embouchure. Il est conuu sous le nom de Bogii-promyssel (Pêcherie divine). Les établissements affermés par l'État dans la Volga inférieure lui rapportent plus de 330,000 rbl. et ceux de la Coura, 1,300,000 rbl. Pour juger de l'extension de la pêche dans la basse Volga il suffit de citer les chiffres suivants. Un recensement spécial, fait en 1896, a constaté que 825 établissements employaient au printemps 46,000 ou- sriers et en automne 26,865; mais il existe en outre encore 210 éta- blissements qui n’avaient pas fourni de renseignements analogues. Tous ces 535 établissements sont munis pour la salaison du Poisson de 32,000 cuves, qui peuvent contenir 12 1/2 millions de pieds cu- biques. La pêche la plus intensive et la plus lucrative s'exerce surtout dans les parties adjacentes à la mer. On compte ici 546 établis- _sements de pêche au printemps et 317 en été avec près de 30,000 ouvriers. Des eaux d’une vaste étendue, savoir des parties de la mer Cas- pienne et de la mer d'Azof, ainsi que des portions considérables des fleuves qui s’y jettent, tels que le Terek, la Volga, l’Oural, le Coubane et le Don, appartiennent aux corporations des Cosaques. Les pêches dans ces eaux sont considérées comme une propriété indivisible et collective de ces corporations, qu'elles ont recues des souverains en rémunération de leurs services militaires. Dans la région des Cosaques de l’Oural, toutes les pêches doivent se faire collectivement, d'après un plan fixé une fois pour toutes, où l'on n’admet chaque année que de légers changements selon les cir- constances. Les traits caractéristiques de ce plan sont : 1° la concen- tration des pêches dans le fleuve préférablement à la mer; 2° la pêche pendant la saison froide préférablement à l'été ; et 3° l’exercice collectif de la pêche dans les localités et à des termes fixés d'avance sous la surveillance d'un chef spécial appelé Attaman de la pêche. M. Borodine a donné une description très intéressante de ces pêches dans une bro- chure, rédigée en anglais pour l'exposition de Chicago et réimprimée RTE UE ETS EXTRAITS ET ANALYSES. LA pour celle de Bergen,.sous le titre: 7e Ural Cossacks and their fisheries. ' D’après les derniers comptes rendus, la valeur totale des résultats de toutes les pêches des Cosaques de l’Oural est près de 5 millions de rbls. (15 mill. franc). La plus grande partie de ces produits est exportée dans l’intérieur de la Russie ou à l'étranger. Depuis la cons- truction d’un nouveau chemin de fer entre Ssaratoff et Ouralsk l’ex- portation a presque doublé; la moyenne de cette exportation a été de 1,286,000 pouds en 1877-1886, et l’année de 1896 constate une expor- tation de 2 1/2 millions de pouds. Le nombre des Cosaques qui prennent directement part à la pêche est de 33,371. Les frais de production sont de 982,000 rbls.; savoir: 365,000 employés pour les instruments de pêche, 454,000 rbls. pour le salaire des ouvriers (Cosaques, 318,000 rbls. et non Cosaques, 136,000 rbls.), pour la nourriture des Chevaux, 128,000 rbls. et pour l'achat de 358,000 pouds de sel, 37,000 rbls. Le produit net de la pêche des Cosaques de l’Oural peut être estimé à plus de 2 millions de roubles. Tous les produits de la pêche des Cosaques de l’Oural sont frappés d’un impôt montant à 3 0/0 de leur valeur en moyenne et perçu au profit de la caisse commune des Cosaques. Les Cosaques d’Astrakhan afferment une partie de leurs pêches pour une somme de 100,000 roubles par an; quant à leur propre exploi- tation, elle varie entre 200 et 400,000 roubles. D'après le compte rendu du chef des Cosaques du Don pour 1897, il y a eu deux cent douze établissements de pêche, mais la quantité de Poisson pris, surtout des Harengs, a diminué, tandis que celle des Esturgeons et du Caviar a augmenté. Le résultat pécuniaire a été de 1,860,000 de rbls., ce qui donne une augmentation de 1 million com- parativement à l’année précédente. En somme, toutes les corporations des Cosaques retirent de leurs pêches au profit de la caisse de la communauté: 400,000 roubles. L’Administration des apanages (biens de la famille impériale) recoit de ses pêches près de 100,000 rbls.; les villes presqu’autant. Quant aux pêches appartenant aux couvents, le chiffre exact de leurs revenus n’est pas connu; mais comme les monastères avaient été dotés encore dans les siècles précédents de grandes pêcheries, leurs revenus ne peuvent pas être moindres que ceux des villes et des apanages. Avec cela elles leur fournissent une nourriture pendant les jours gras. Quant aux pêches qui forment la propriété privée des particuliers ou des communes rurales, nous ne possédons aucun chiffre pouvant nous servir de base pour en tirer une conclusion plus ou moins ap- proximaiive. Aussi nous abstiendrons-nous de donner des chiffres dépourvus de toute valeur. Dans toutes les mers, à l’exception de quelques parties minimes, concédées aux corporations des Cosaques, ainsi que dans les grands 442 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. lacs avec les fleuves qui s’y jettent, où les pécheries ne sont ni con- centrées dans les mains d'un propriétaire ou d’un fermier, ni soumises au contrôle, la pêche s'exerce librement par des pêcheurs de peu de fortune, isolés ou réunis en pelits groupes (artèles). Le nombre de ces pêcheurs ne sera connu probablement, même approximativement, que quand les résultats définitifs du premier recensement per professions de 1896 seront publiés. En attendant, nous ne pouvons citer que le chiffre des pêcheurs munis de permis pour la pêche, là où elles.-sont établies comme dans la mer Caspienne, mais ce chiffre, qui est de 40,000 personnes au printemps, de 28,000 en automne et de 7,000 en hiver, doit probablement être doublé, sinon triplé, à cause de la pêche illégale qui est favorisée par les sinuosités des embouchures de la Volga, par sa faible profondeur près du rivage et par les roseaux, où les pêcheurs peuvent facilement se soustraire à toute poursuite du contrôle. Malgré la grande abondance de Poisson, la Russie en importe annuellement de grandes quantités; car le peu d’étendue de ses côles, relativement à son énorme masse continentale, peuplée par une popu- lation de 125 millions d'habitants, ne suffit pas à approvisionner de Poisson le peuple russe, qui pendant cent cinquante jours de carême ne prend que du Poisson pour toute nourriture animale. L'importation en Russie des produits de pêches étrangères, qui ne dépassait pas autrefois la valeur de 2 millions de roubles, est montée en 1877-1890 à 8 millions; er 1898 elle a été de 13 millions. Quant à l'exportation, elle n’est que de 1 million de pouds de la valeur de 4 à 5 millions de roubles. Les principaux produits d'exportation sont : le Caviar et le Poisson salé et fumé; quant à l'importation, c’est le Hareng qui occupe la première place: 80 0/0. Les pays d'importation du Hareng en Russie se répartissent de la manière suivante : la Grande-Bretagne 47 1/20/0; la Suède et la Norvège, 37 1/2 0/0; l'Allemagne, 12 1/2 0/0; la Hol- lande, 1 1/2 0/0; les autres États, 1 0/0. En Finlande, c’est l’exportalion du Poisson frais qui domine sur l'importation ; la première atteint la valeur de 2 1/2 millions de francs, dont près de 2 millions pour la Russie, la seconde est de 1 1/3 millions; 10 0/0 pour la Russie. Pour le Caviar, les conserves et les Crustacés comestibles, l'importation (259,000 francs) dépasse l'exportation (203,000), qui se fait aussi principalement pour la Russie. La moitié de tous les produits de la pêche de la Russie d'Europe est consommée sur place ou transportée par voie de terre à l'état gelé; 36 0/0 sont transportés par les chemins de fer et 17 0/0 par les cours d’eau. La fabrication des conserves de Poissons est une industrie encore jeune en Russie, mais elle a déjà fait des progrès et a pu concourir à EXTRAITS ET ANALYSES. 443 l'Exposition internationale de Bergen, en 1898. On compte plus de trente établissements pour la préparation des conserves avec une pro- duction de près d’un million de roubles. Outre la pêche des Poissons, on fait encore en Russie la chasse à quelques Mammifères marins. Pour les différentes espèces de Phoques, qui fréquentent les régions du Nord, la chasse ne donne que des résultats relativement insignifiants, et c’est encore la mer Caspienne qui tient sous ce rapport la première place. Dans la période de 1867 à 1897 on a tué dans la mer Caspienne 3,594,390 Phoca vitulina, c'est- à-dire 116,000 pièces par an. Il y a eu des années où l’on en tua jusqu’à 225,000 individus. La quantité d'huile extraite de la graisse de cet animal s’élève à 86,000 pouds par an et le poids de ses fourrures à 12,000 pouds. L'État perçoit sur ses produits un impôt qui varie de 30 à 45,000 roubles. La chasse à la Baleine, bien que son origine en Russie remonte au xvirié siècle, n’a pas donné jusqu'aux derniers jours de résultals favorables. Plusieurs compagnies fondées au nord de la Russie ont complètement échoué, il n’y a qu’une entreprise toute récente, à la tête de laquelle se trouve un officier de la marine russe, M. le Comte de Keyserling, qui promette un meilleur avenir. Soutenu par le Gou- vernement, celui-ci a fondé en 1895 près de Wladivostock, sur un terrain concédé par l’État, une factorerie et dispose de neuf baleiniers. Jusqu à présent il a pris 220 Baleines dont on a extrait 20,000 pouds d'huile. Une autre chasse, bien plus productive, appartient aussi à notre extrême Orient. C’est celle du Phoque à fourrure (O/aria ursina, Per) qui formait autrefois la richesse des iles de la mer de Behring. La Compagnie Russe-Américaine qui exploilait cette chasse de 1799 à 1867, a pris pendant cette période 2,300,000 Phoques à fourrure ou près de 33,000 pièces par an. Depuis la vente, en 1867, des possessions russes en Amérique aux États-Unis, la Russie n’a conservé qu'un petit groupe d'îles dans la mer de Behring, et la quantité de Phoques que l’on prend ici baisse visiblement les dernières années. En 1894 on en prit 25,000 pièces, en 1895 — 17,000, en 1896 — 14,000, en 1897 — 13,009. La cause de cette diminution n’est autre que la chasse irré- gulière, que se permettent depuis longtemps déjà les flibustiers anglais, américains et japonais en pleine mer, ce dont se plaignent également les Gouvernements intéressés à la conservation de ce précieux animal. Ni les négociations entre ces Gouvernements, ni les arrêts du tribunal international de Paris en 1893, n’ont pu jusqu’à présent mettre fin à cet état de choses anormal. Une diminution croissante se laisse également constater pour les résultats de la chasse aux animaux marins, tout aussi bien que pour ceux de la pêche, surtout dans les fleuves et dans les lacs, auxquels doit être rapportée la mer Caspienne, comme close entièrement. La 444 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. richesse d'autrefois de ces cours d’eau, telle qu’elle a été décrite à la fin du siècle passé et au commencement du siècle actuel par quelques savants naturalistes, Pallas et Humboldt entre autres, semble de nos jours presque fabuleuse. — Les plaintes continuelles au sujet de cet appauvrissement de nos eaux en Poisson ont décidé le Gouvernement à envoyer en 1851 une expédition de naturalistes sous la direction de l'académicien Ch. von Baer pour explorer les principaux bassins de la Russie d'Europe au point de vue ichtyologique afin d'étudier les causes de cet épuisement de nos cours d'eau et les mesures qui seraient à prendre pour assurer la sécurité nécessaire à la propagation naturelle du Poisson. Une série de lois et de règlements sur la pêche fut publiée depuis, mais comme l'exécution de ces lois n’a pas toujours été partout suffisamment surveillée et comme le nombre des grands établissements de pêche et des petits pêcheurs isolés ne fait que s’accroître, les abus d’une pêche éminemment destructive continuant à se produire, les plaintes contre l'état de choses actuel ne discon- tinuent pas. Aussi le Gouvernement s’occupe-t-il sérieusement de ces questions, et une longue série de nouveaux projets de lois sur la pêche dans différents bassins est-elle à l'étude dans les bureaux de l'administration centrale, aussi bien qu’au Conseil de l'Empire. Les intérêts de la pêche ressortent du Ministère de l'Agriculture et des Domaines et sont confiés aux soins d’une section du Département de l'Agriculture qui est assistée par un inspecteur des pêches et quelques spécialistes ichtyologues. Pour la direction des affaires de pêche sur place, surtout là où elles touchent aux intérêts du fisc; sont inslituées des administrations locales, comme à Astrakhan et à Bakou sur la mer Caspienne, ou des inspecteurs des pêches comme à Ar- khangel, en Turkestan, dans la Sibérie occidentale. Dans quelques bassins, le Ministère de la Marine met à la dispo- sition du Ministère de l'Agriculture des croiseurs spéciaux pour sauvegarder les intérêts de la pêche. Les frais de l'administration pour la pêche s'élèvent à près de 200,000 roubles. Quant aux revenus de l'État ils sont de plus de 3 millions de rbl., dont 2 1/2 millions pour le fermage des pêches et 425,000 roubles pour les permis de pêche. Plus de 2 millions de roubles sont perçus en outre comme droits d'entrée sur les impor- tations des produits de pêche. Une partie de la somme allouée aux dépenses est employée en frais d'études ichtyologiques, ou pour favoriser les progrès de la piscicul- ture artificielle. Les premiers essais en pisciculture ont été faits par un propriétaire- amateur, M. Wrasski, dont le nom est certainement connu de tous les pisciculteurs grâce au procédé de fécondation sèche qu’il a inventé. Il a placé toute sa fortuue dans la construction d’un établissement dans son bien Nikolskojé, (Gouv. Novgorod), mais n’a pas eu la joie de le 4 ] 1 | : EXTRAITS ET ANALYSES. L45 voir prospérer. Après sa mort l'État a pris possession de son bien et continue son œuvre. Outre cet établissement central, qui, avec sa section filiale au Musée agricole à Saint-Pétersbourg, livre 1 1/2 million d'œufs fécondés de différentes espèces de Salmonides, il existe déjà plus de vingt établissements, dont trois ont été fondés en 1897 et 1898 aux frais ou avec le concours de l'État, qui livrent 5 millions d'œufs et d’alevins de Saumons et de Corégones. Parmi les établis- sements privés, il faut citer celui de M. Kirsch, près de Riga, qui donne déjà 2 1/2 millions d'œufs de Saumons et de Truites. La Société Impériale russe de Pisciculture et de Pêche, avec le con- cours des Sociétés de pêche d'Allemagne et d'Autriche, contribue au repeuplement de la Vistule par le Saumon. Placée sous la présidence honoraire de S. A. I. le Grand-duc Serge Alexandrovitsch, la Société Impériale russe forme la Société centrale pour le développement de la pêche en Russie. Elle compte plus de 300 membres et 7 sections filiales dans les provinces. Le but de la Société est d'étudier et de favoriser les questions de pêche et d'en appeler au Gouvernement pour les intérêts de cette industrie. La So- ciété jouit d'un subside de 5,000 roubles de la part de l'État et publie outre la Revue internationale un journal mensuel Messager de la péche (rédigé en russe). >< SUR LA MALADIE DES PRUNIERS EN LOT-ET-GARONNE. Destruclion des Scolytes ; soins à donner aux arbres. Depuis l'été de 1897 on a constaté, sur les Pruniers d’ente en Lot- et-Garonne, une maladie qui amène chez ces arbres une mortalité rapide et a produit déjà de sérieux dégâts. Jusqu'ici, le mal ne s’est pas étendu au delà de quelques localités de l'arrondissement de Ville- neuve-sur-Lot. Les arbres atteints périssent par le sommet des jeunes rameaux qui perdent leurs feuilles et se dessèchent progressivement. On voit ap- paraître en même temps un écoulement abondant de gomme qui s’é- chappe en général par de petites perforations circulaires placées à la base des bourgeons. Sur les branches plus grosses, ces perforations aboutissent à des galeries latérales qui sont dues à un Insecte du genre Scolyte. Les auteurs n’ont pas rencontré l’Insecte, étant donnée l’époque tardive où il leur a été donné de faire leurs investigations. Les bles- sures faites par les Scolytes aux Pruniers sont la cause essentielle de cette production gommeuse qui épuise les arbres rapidement et les fait périr. Cependant les Scolytes ne s’'attaquent qu'à des arbres dépérissant NL 4. :2474"+ ‘CUOMRES Re A VE Lee DEEE 446 BULLETIN LE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. et ce n'est que par exception qu'ils envahissent des arbres sains, lorsque, par exemple, les arbres malades où ils s'étaient installés au début sont tout à fait morts. Il est probable que les choses se sont passées ainsi dans le cas actuel. Il y a, de plus, des raisons de penser que dans l’Agenais, les Pruniers se irouvent depuis assez longtemps dans un état d’affaiblissement qui a pu favoriser l'invasion des Sco- lytes. Ces causes de dépression sont en premier lieu une mise à fruit prématurée qui affaiblit les arbres et abrège leur existence et, en se- cond lieu, l'influence d’une sécheresse exagérée de l'été, pendant plu- sieurs années, qui a aggravé l'état déjà précaire d’un bon nombre d'arbres. Le traitement préconisé comporte la destruction des Insectes et l'emploi d'une méthode rationnelle de culture et d'exploitation des Pruniers. La destruction des Insectes devra se faire par le feu. l’action des substances insecticides étant, dans le cas actuel, assez incertaine. On arrachera pendant l'hiver les arbres morts ou dépérissants atteint par les Scolytes et on les brülera sur place de façon à détruire les larves qui se trouvent dans les galeries et se transformeraient en Insectes parfaits à la fin du printemps. Les petites et les moyennes branches seront entièrement brûlées; pour les très grosses et les troncs on pourra se contenter de les écorcer. Les écorces seront jetées au feu et les corps ligneux seront grillés superficiellement. On pourra encore les utiliser. Au point de vue cultural, on devra s’efforcer d'assurer aux Pruniers une végétation aussi active que possible en leur prodiguant tous les soins requis. On ne leur ménagera pas les engrais, azotés surtout, le fumier par exemple. On évitera, par une taille raisonnée, de pousser à une production fruitière excessive les arbres qui présentent le moindre symptôme de faiblesse dans leur végétation. D'un autre côté, si l'on veut remplacer les Pruniers morts, on s’abstiendra de replanter dans le même trou, car il est facile de comprendre que sur un sol qui a longtemps nourri un Prunier, un autre Prunier ne puisse trouver en quantité suffisante les éléments fertilisants indispensables à une bonne végétation (1). (1) Résumé du rapport de M. Prillieux, directeur de la Station de pathologie végétale à Paris et de M. le docteur Delacroix, chef des travaux à cette Sta- tion, chargés de l'étude de cette maladie. 417 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. Bizeray (Eugène). Notes sur les éle- vages de Mammifères exotiques et Oiseaux indigènes ou exo- tiques, 405. CnaPPeLLier (Paul). Les Blattes do- mestiques, 428. — Sur des Ignames de Chine en- voyées à la Société d’Acclima- tation par le professeur Heckel et sur deux espèces d’Ignames nouvellement introduites en Chine, 155. CuarauauD (l'abbé A.). Le Cardinal de Virginie (Cardinalis Cardi- nalis). Son élevage dans le Midi de la France, 1, 39, 84, 113° Crémenr (A.-L.). Conférence faite le 9 mai 1899 sur l’Abeille, son élevage et ses produits, 237. — À propos d’une éclosion tardive d'Attacus cynthia. L’Attacus cynthia var. parisiensis, 103. Cros (D' D.). Encore l’Astragale en faux (4 stragalus falvatus), 121. Coccar (Igino). Observation sur la culture du Ginko biloba, 434. Crépin (1.). La Chèvre à Paris, 76. Cros (D'). Compte rendu des semis de graines adressées en 1898 par la Société, Decrox (Henry). Les Vignes japo- naises recueillies sur place, rap- portées et cultivées en France à Crespières (Seine-et-Oise), 187. Bull. Soc. nat. Accl. Fr. DELavaz (A.). Note sur les Fun- dules verts du Brésil, 231. — Élevage de Poissons télescopes de la Chine et du Japon, 345. — Reproduction de l'Écrevisse à pattes rouges, observée dans un aquarium d'appartement, 39. Hecxez (E.). Culture d’Ignames améliorées à Marseille, 136. Hecxer (Edouard) et ScHLaGDEN- HAUFFEN. Sur le tubercule aé- rien du Dioscorea hofa J. de Cordemoy, 6. Hua. (Henri). Sur une des sources du Caoutchouc du Soudan français, 306. ; Jonnsron (Harry). Les grands Mammifères de la Tunisie, 301. LaomimauLzT (Raphaël). Sur l'habitat des Ophidiens du genre Tro- pidonotus dans l'eau de mer, 1200 MaGxe (G.). Rapport sur PExposi- tion internationale d’Horticul- ture de Saint - Pétérsbourg, d7lile Maires (Ch.). Résultats de semis faits à la Varenne-Saint-Hi- laire, 266. Maison (Émile). Remy le Vosgien et l'industrie piscicole en France, 414. Mérez (Félix). La Poule Coucou de Rennes, 411. 1899. — 30. PRO EE CF d'une DATES Cu Vide eR TT 448 Mazwe-Enwarps (A.). Allocution prononcée à l'ouverture de la conférence de M. le D' Troues- sart sur les Mammifères à ac- climater ou à domestiquer en France et dans les colonies françaises, 169. — Les relations entre le Jardin des Plantes et les colonies fran- çaises, 62. MouiczererT (P.). Les Vignes ja- ponaises de M. Degron, 195. Naupin (Charles). Note sur le Ma- chærium Tipa de la République Argentine, 265. Ousrazer (E.). Allocution pronon- cée le 7 juillet 1898 à la séance constitutive du Comité du Standard avicole de France, 303. Parana (baron DE). Documents nou- veaux sur le Zébroïde, 401. Parix (Charles). Sur les avantages que le Jatropha Cursas présente comme support, pour la culture du Vanillier. Emploi du Ja- tropha gossypüifoha contre la Lèpre, 203. Pays-Meruier (G.). Acclimatation, reproductions et élevages de Mammifères ayant vécu ou vi- vant encore dans le parc de la Pataudière (Indre-et-Loire), 197; AE PERRIER DE La BaTRie (E.). Notes sur le Carez alba, 231. — Note sur les Tulipes de la Savoie, 231. RaiLier (A.). Alloculion prononcée le 9 mars 1899 à l'ouverture de la conférence de M. A.-L. Clément sur l’Abeille, son éle- vage et ses produits, 233. Raspaiz (Xavier). Le Lérot et son rôle dans la diminution des Oiseaux, 105. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. : Raspaiz (Xavier). Le Hanneton { We- lolontha vulgaris) au point de vue de sa progression dans les années intermédiaires de ses cycles, 171. RavereT- WaTrTEL (C.): Importation de Perches crappies (Pomozys annularis), à la station du Nid- de-Verdure, près Fécamp, 49. Rexuyx SainT-Lour. Qu'est-ce qu'une bonne espèce? à propos du Dolichotis salinicola, 73. Rivière (Charles). La sélection du Bananier du Hamma, 212. RoGeroN (Gabriel). Observations sur le Canard sauvage. Particula- rités de son plumage, 201. — Élevage de Palmipèdes aux en- virons d'Angers, 135. Rozanp-GosseziN (R.). Sur l'emploi des Opuntia pour arrêter les incendies forestiers dans le Sud de la France, 13. Rover (Ch.). De l’époque et de la durée de la fraie chez les Co- regones. SaixT-Quexrix (A. DE). Les travaux de zoologie et de botanique ap- pliquées présentés au 37° Con- grès - des Sociétés savantes réuni à Toulouse en 1899 (Rapport sur les), 267. SarraziN (H.). Sur la production du Caoutchouc au Soudan fran- çais. Études de diverses espèces de Lithophilum, 359. SarTis (Charles). Les cultures secon- daires aux Antilles. Importance de la culture du Tabac, 59. SCHLAGDENHAUFFEN. (Voir HECxEeL.) SEBILLOT (Alexandre). Notes sur la faune et la flore du haut Boueni (Madagascar), 178. SEURAT (L.-G.). Sur la culture des plantes européennes à Mexico, 31% FIN DE LA TABLE DES AUTEURS. 449 INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX Abeilles, 237. Agoutis, 316. Antilope algazelle, 150. Antilope Cervicaria, 149. Antilope dama, 151. Antilope Greevei, 153. Antilope Guib, 152. Antilope des Indes, 149. Antilope leucoryx, 150. Antilope Mazmelli, 153. Antilope nagor, 152. Antilope Nanguet, 151. Antilope à nez noir, 153. Antilope quadricornis, 153. Antilope à quatre cornes, 153, Antilope redunca, 152. Antilope scripta, 152. Antilope Tchickara, 153. Atiacus cynthia, 103. Auchenia glanca, 111. Auchenia peruana, 111. Blastocerus campestris, 145. Blaite, 426. Bonnet chinois, 335. Boute-bock, 152, Cabiais, 313. Callitriche, 335. Celogenys, 315. Cambarus, 341. Camelus lama, 171. Canards, 201. Canis aureus, 322. Canis vulpes, 322. Capivare, 313. Capra Angorensis, 173. Capra depressa, 173. Capreolus Capreo, 139. Capybara, 313. Capyigoua, 313. Cardinal de Virginie, 1, 39, 84, 113. Cardinalis Cardinalis, 1, 39, 84, 113. Cariacus mexicanus, : Cariacus Virginianus, 144. Carpinchos, 313. Cebus apeila, 336. Cephalophus Marwelli, 153. Cephalophus Niger, 153. Cercocebus fuliginosus, 335. C'ercopithecus Sabæus, 335. Cerf axis, 141. Cerf blane, 139. Cerf des bois, 144. Cerf Cariacou, 144. Cerf des champs, 145. Cerf Chevreuil, 139. Cerf Cochon, 142. Cerf Daim, 139. Cerf doré, 145. Cerf Muntac, 145. Cerf du Mexique, 143. Cerf Renne, 140. Cerf de Reeves, 146. Cerf roux, .144. Cerf Sika, 143. Cerf de Virginie, 144. Cervulus aureus, 145. Cervulus lacrymans, 145. Cervulus Muntjac, 145. Cervulus Reevesi, 146. Cervus ais, 141. Cervus Capreolus, 139. C'ervus dama, 139. Cervus elaphus var. alba, 139. Cervus leucoguster, 145. Cervus mezicanus, Cervus nernorivaqus, 144. 450 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. C'ervus porcinus, 142. C'ervus Sika, 143. C'ervus simplicornis, 144. C'ervus tarandus, 140. Cervus Virginianus, 144. Chacal, 322. Chèvre, 76. Chèvre d'Angora, 173. Chèvre naine, 173. Chevrotains, 147. Chevrotain de Java, 147. Chevrotain Kanchil, 14 Chinchilla, 320. Chinchilla lanigera, 320. Civette, 323. Coassou, 144. Coassus nemorivagus, 144. Coassus rufus, 144. Coati-mondi, 320. Coatis, 320. Coregones, 337. Damans, 331. Dasyprocta acuti, 316. Dasipus sexciuctus, 330. Dasyure à longue queue, 177. Dasyure tacheté, 177. Dasyurus marulatus, 171. Dermatobia noxtialis, 305. Dolichotis patagonico, 314, 407. Dolichotis sanilicola, 73. Dycotyles torquatus, 332. Écrevisse à pattes rouges, 99. Eléphant, 276. Éléphant d'Afrique, 33. Éponges, 28. Fundule vert du Brésil, 231. Fundule, 358. Gazella Arabica, 148. Gazella dorcas, 148. Gazella leptoceros, 149. Gazella Mohr, 151. Gazelia rufifrons, 148. Gazella subquttwrosa, 149. Gazelle d'Arabie, 148. Gazelle Dorcas, 148. Gazelle de Perse, 149. Guzelle du Sénégal, 148. Genette, 324. Guazou-Ti, 145. Guazou-Bira, 144. Guazou Pita, 144. Guenon couronnée, 335. Guenon dorée, 334. Halmaturus Bennetti, 175. Hanneton, 177. Hydrocherus capybara, 313. Hypsiprymnus Cuniculus, 175. Hypsiprymnus murinus, 175. Hyraz Capensis, 331. Hystriv Cristata, 311. Jacchus vulgaris, 334. Kangouroos ou Kangurous, 174. Kangourou bicolor, 175. Kangourou de Bennett, 175. Kangourou Billavdisrei, 175. Kangourou de la Billardière, 175. Kangourou des buissons, 175. Kangourou Lapus, 175. Kangourou Naiabatus, 175. Kangourou pétrogale, 175. Kangourou rat, 175. Kangourou rouge, 174. Kangurus, 174. Lama domestique, 171. Lagostoma, Lemur albifrons, 333. Lemur nigrifrons, 333. Lemur vari, 333. Lerot, 105. Lièvre des Pampas, 314. Lièvre de Patagonie, 314. Loutre, 324. Lutra brasiliensis, 324. Lutra vulgaris, 324. Macacus carbonarius, 335. Macacus rhesus, 335. Macacus Sinicus, 335. Macacus Speciosus, 335. Macaque à face noire, 335. Macaque à face rouge, 335. Macropus rufus, 174. Maki, 333. Maki à front blanc, 333. Maki à front noir, 333. Mangabey, 335. Maqui vari, 333. Mara, 314, 407. Marmotte du Cap, 331. Maruko (Poisson coréen), 351. Mouflon à manchettes, 172. INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX. 451 Renard, 322. Renard bleu, 323. Renard Isatis, 323. Mouton à tête noire et à grosse queue d’Abyssinie et du Soudan, 173. Mouton de la race laitière du Texel, 17e Myopotame Coypon, 319. Myopotam's coypus, 319. Nasua fu:ica, 320. Nyotereutes procyonides, 321. Oryz leucoryz, 150. Ouistitis, 334. Ovis tragelaphus, 172. Pre, Sie Peccari à collier, 332. Pecaris, 332. Perches crappies, 49. Phalanger Renard, 177. Phalanger vulpina, 111. Phascolomes, 176. Phascolome à front large, 176. Phascolome Wombat, 176. Phascolomys, 176. Phascolomys latifrons, 176. Phascolomys Wombat, 176. Poissons télescopes, 545. Pomoxzys annularis, 49. Porc-épic, 317. Poule Coucou de Rennes, 411. Ranchin {Poisson Coréen), 351. Rangifer tarandus, 140. Rhesus, 335. Rinkin (Poisson japonais), 353. Rusa porcinus, 142. Sagouassous, 336. Sagous, 336. Semnopithecus auratus, 334. Singes Ouistitis, 334. Singe vert, 335. Tatou encoubert, 330. Tetrucerus quadricornis, 153. Tetragonopterus, 358. Tragelaphus scriptus, 152. Tragulus, 147. Tragulus Javanicus, 147. Traqulus Napu, 141. Tropidonotus, 123. Viscaches, 319. Viscassia, 319. Fiverra, 323. Viverra genetta, 324. Vulpes Lagopus, 323. Wakin, poisson japonais, 350. Wombatus fossor, 116. Xanthopus, 175. Yan-tan-Yen, Poisson japonais, 352. Zebroïde, 401. FIN DE L'INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX. a! À F x, È f Pc der TEE WE CNP TER. € “12 nm Or. A De ’ ét st 2 z. + nr Nr Al. Ls nn +). 352 INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. Aralia Veitchi, 215. Astragale en faux, 127. Astragalus falcatus, 121. Bananier, 212. Cacao. 213. Café, 213. Caoutchouc, 359. Caoutchouc, 306. Carex alba, 231. Dioscorea hoffa, 6. Draræena gracilis, 215. Dracena marginata, 215. (Ginko biloba, 434. Ignames, 136, 155. Jatropha Curcas, 203. Jatropha gossypüfolia, 203. Landolphia viridis, 360. Liane goï, 360. Lithophilum, 359. Macherium Tipa, 265. Opuntia, 13. Opuntia, 341. Opuntia inermis, 216. Oreopanaz nymphefolia, 216. Ouviranda fenestralis, 353. $ Piaropus crassipes, 351. Pontederia crassipes, 357. Pruniers, 445. Riecia fluitans, 355. Stratiotes aloides, 356. Tabac, 59. _ Tulipes de la Savoie, 231. Vanillier. 203. Vignes japonaises, 187. Vitis Cognietie, 187. FIN DE L’'INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX. TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES PUBLIÉS DANS CE VOLUME. . Abeille (L'), son élevage et ses produits. Conférence de M. A.-L. Clé- ment, le 9 mai 1899........ Allocution prononcée par M. Oustalet, le 7 juillet 1898, à la séance constitutive du Comité du Standard avicole de France........ Se Allocution de M. Railliet à l'ouverture de la conférence de M. De sur l'Abeille, son élevage et ses produits, le 9 mai 1899.......... Allocution prononcée le 12 janvier 1899 par M. A. Milne-Edwards (de l’Institut), Directeur du Muséum d'histoire naturelle, à l'ouverture de la conférence de M. le D' Trouessard, sur les Mammifères à acclimater et à domestiquer en France et dans les colonies françaises. ........ Antilles (Les cultures secondaires aux). Importance de la culture du MA bAC DAC RENSAPIS SE ee ee D ONATE DATO TC CAR RSE - Astragale en faux (Encore l'), par le D' Clos Attacus Cynthia, var. parinensis [À propos d’une éclosion tardive d’}, mr Ateile CÉMEN Es ne RSR PE PO 000 Bananier (La sélection du) du Hamma, par Ch. Rivière Blattes (Les) domestiques, par P. Chappellier ss... ess sets esse ts. Canard sauvage (Observations sur le), particularités de son plumage, MAD CLER OC ELOH PRE mile ce dec eue sec ces Caoutchouc (Sur une des sources du) du Soudan francais, par H. Hua. — (Sur la production du) au Soudan français. Étude de di- verses espèces de Lithophilum, par H. Sarrazin.................. Cardinal de Virginie (Le) (Cardinalis Uardinalis), son élevage dans le Midi de la France, par l'abbé A. Charruaud........... 159787 Carez alba (Note sur le), par Perrier de la Bathie.................. Ghevre(lra)lalParis, par At Crépin..." -.............. ERAHIN EVE Coregones (De l’époque et de la durée de la fraie chez les), par Ch. IEtooscoudancecs toc Ar ce DIEM CRAN CE D : _........ 453 PO. + le ri, EM. Dé 7/0 2 18 454 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Dioscorea Hoffa. I. de Cordemoy (Sur le tubercule aérien du), par HARHECKElRERE EST ECEEETEE DA DOD ele cale cute at n/0 0 m0 6 0 à 6 Dolichotis Salinicola. Qu'est-ce qu'une bonne espèce ? (A propos du), par RemyiSaint- DOUp-- eee -2ecccee CERCLE Pl nn 1e Écrevisse à pattes rouges (Reproduction de l') observée dans un aqua- rium d'appartement, par A. Delaval .............. Soocvosooone 39 Éléphant (Sur le dressage d’un jeune) d'Afrique au Fernan-Vaz, par Paul Bourdaris en -tre-ccece--ettR CEA CCRE Dobbouhoboggon 33 Éléphant. Liste des principaux articles récemment parus du. le Bulle- tin sur l’Ivoire, la protection, la domestication et le dressage de l'Élé- phant d'Afrique. cree PE SE PRE TRES dise ee 276 Éponges (Lapêche des) ‘en tTripolitaine CREER ER 28 Fundules verts du Brésil (Note sur les), par Perrier dela Bathie..... 231 Ginko biloba (Observation sur la culture du), par I. Cocchi...,....... 434 Graines. Compte rendu des semis de graines adressées en 1898 par la Société a M'tle D Cros, atPerpionan Re CT CETTE 300 Hanneton (Le) au point de vue de sa progression dans les années inter- médiaireside sesteyeles; (par XMRaspail ee PR CEE 177 Haut-Boueni. Notes sur la faune et la flore du Haut-Boueni (Madagas- car), Shan ARE SEbILIOE RAP ER EAP Rte do 178 Ignames (Culture d’) améliorées à Marseille, par M. Heckel......... 136 — de Chine (Sur des) envoyées à la Société d'Acclimatation par le professeur Heckel et sur deux espèces d’Ignames nouvellement introduites de la Chine, par Paul Chappellier ................... 155 Jardin des Plantes (Les relations entre le) et les colonies françaises, par AMilne-Fdwardse eee ete ecrit do atsorooseduao 62 Jatropha Curcas. Ses avantages comme support pour la culture du Va- nillier, par Ch: /Patin. "AMEN CPE RENE ERNEST 203 Jatropha gossypüfotia son emploi contre la Lèpre, par Ch. Patin...... 203 Lérot (Le) et son rôle dans la diminution des Oiseaux, par X. Raspail.. 105 Macherium Tipa de la République Argentine {Notes sur le, par Charles Naudin reel Joocooodeécbodceceue PRÉ 2 OO D 060 265 Mammifères (Acclimatation, reproductions et élevages de) ayant vécu ou vivant encore dans. le parc de la Pataudière (Indre-et-Loire), par G. Pays-Mellier.. LECLERC RTE ASTON LS Mammifères exot'ques ct Oiseaux indigènes et exotiques (Notes sur les élevages de), par E. Bizeray.................. A OH ne . 405 Mammifères (Les grands) de la Tunisie, par H. Johnston ......... .. 301 Opuntia (Sur l'emploi des) pour arrêter les incendies forestiers dans le Sud de la France, par Roland-Gosselin............... he so 13 Palmipèdes (Élevage de) aux environs d'Angers, par G. Rogeron..... 135 Pécheries en Russie (Les), par W. Weschniakoff.................. 436 Perches Crappies (Pomorys annularis) (Importation des) à la station aquicole du Nid-de-Verdier, près Fécamp, par C. Raveret-Wattel.. 49 Plantes européennes (Sur la culture des) à Mexico, par G. Seurat.... 131 ne era cé at: Es chntdt tri nisS éh de etes ur Gé dd TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES. Poissons télescopes de la Chine et du Japon (Élevage de), par A. De- Poule Coucou de Rennes, par F: Mérel.................. ne Pruniers (Sur la maladie des) en Lot-et-Garonne.....,............. Remy le Vosgien et l’industrie piscicole en France, par E. Maison... Travaux de zoologie et de botanique appliquées présentés au 37° Congrès des Sociétés savantes réuni à Toulouse en 1899 (Rapport sur les), BEM A SES ant Ouentin ee... 0) NRA Tropidonotus (Sur l'habitat des Ophidiens du genre) dans l’eau de mer, par Re Letrant ie Lo 06 86e SE LE TRROOMENORORET ECO CRC Tulipes de Savoie (Notes sur les), par Perrier de la Bathie........... Vignes japonaises de M. Degron (Les), par P. Mouillefert........... Sn — recueillies sur place, rapportées et cultivées en France à Crespières (Seine-et-Oise), par Henry Degron............... co Zébroïde (Documents nouveaux sur le), par le baron de Parana....... FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES. TABLE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ SÉANCES GÉNÉRALES. Séance du 25 novembre 1898.. 25 janvier 1899 ... 10 février — .... 2 — = 2: 16 218 277 281 Séance du 24 mars 1899. a .. _ 25 avril he 2 Re F6 9: — 26 mai —"'...: SÉANCES DES SECTIONS. 17€ section. — Mammifères. Séance du 19 décembre 1898... 9 janvier 1899 ... 6 février — ... GPmar 10e == 277 2€ seclion. — Ornithologie. Séance du 28 avril 1898..... D'nab—rRe 16 janvier 1899 .. 13 févriee — ... 9 avril = et 3€ section. —: Aquiculture. . Séance du 30 janvier 1899 .. L he. — 27 février — FIN DE LA TABLE DES SÉANCES. Séance du 27 mars 14899..... = 24 avril SAS ER À 339 275 282 Éd uma _ Séance du 23 janvier 48990 _ 59 section. — Botanique. Séance du 24 mai 1898...... — 31 janvier 1899 ... — 20 févriee — .... — 44 mars — — 28 — A EEE — 14 avril — .... 229 107 296 298 298 TABLE DES GRAVURES Bhollle de los sosie SELS PCR 0660006 Brosse à AMOR RSS RESTES RER EEE Cadrea section pour ruches .....:.....#"cere. Camail d’apiculteur........ 2e Cage No RC PR RE A RU EEE Re STE RER ne Cocotiers (Plantation de) à la Guadeloupe... Coussin pour recevoir le nourrisseur Couteau à désoperculer....... RATE Dé 0 000 — Hofa — mécanique Layens - Eupomotis gibbasus....., Étracicundenmieleneteemnmieeiclee lets eee else 00008 Hausseitelanelecr tt ne — sarchenillen te Ciel ele 13000 = T — SON COCON...00 ° 0e eee eee 0e eee eee. 0960 0e + e © e © © © e + © e © © © © © + © os. Fixage de la cire gauffrée dans un cadre au moyen de l’éperon Voiblet. Fleurs d’Asclepias retenant par une patte une Abeille ....,....... ... (Gent Caen see RNA D 'ÉRrcoe D'Ab dom eu Ddanboë Glossomètre Charton, vue perspective......... Hoootcoo0deococoo . — —' . Ci cocvoscaenaoon oo noob idéoec — — fond montrant l’échelle graduée... .......... ‘ — Legros, vue d'ensemble. .......... obéoonc CHsdoevod oc = COUPE SCHÉMATIQUE . - ee... » bbobouo ‘ Habitation au Matouba (Guadeloupe) ................ sé debocta ÉanmeSde CG hine SEE ere cn cecile Sopoocboe Lordello, Zébroïde .. 5... ee ° AE ET EE CI 0000800 Nourrisseur anglais... ................... Das TS ner lenen ete 508 D 0e . We d RUE oh Lee: SA D ue 458 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Nourrisseur Grariels 2... 120.2 TC ES Philanthe apivore (PAilanthus apivorus) ....... ss ne CEE EU Piège à Blattes...................... RCE SC RPÉRELEE — Ma BOURIONS. --.- se -ielesee sie se POS SERENE BEA Pomoxys annularis......... Nos 80e ste NPA re FLE Pou des Abeilles (Braula cæca). "ee Ex EPA : Punhcateursolaitese--te-cc-c-r--cecCCR eee So ot bo 780 Ruches fixes dans un rucher abrité........... ste AOARERÈGRE SU horizontale Na VERS EEE RE EE EC RRE SE HAT Sos QU — mixte, composée d'un panier ordinaire et d’une hausse Gariel.. — verticale Dadant-Blatt, modifiée, dite Znternationale.......... Ruchen opté eee PTE RC ER CCR CRE CPC RO à ins Te M ICOUVEL EE ete SOC DID OP 0 00 DES à 0 25 00 do ss... . SCOIVIES- rec. Sadogordonsoopes Jbdode ec Due Oo EN Edo = Seclion de ruche terminée, ..... RAA sir re SIRET Sphinx tête de mort (Acherontia atropos).............. ASS DUT Tonneau Legros pour la fermentation de l’eau miellée........... ne Villa du Jagueneau à Saumur ....................... LR ÉMERNERETS FIN DE LA TABLE DES GRAVURES. "a _ VERSAILLES. — IMPRIMERIES CERF, 29, RUE DUPLESSIS. des Antilles à l’Union coloniale française Président de la Section coloniale à la ‘80 ë tionale d'Acclimatation de France. { Créée sous les auspices de l'Union coloniale française, cette publication a pour but de ne m EE en France, les diverses cultures et les productions coloniales ; de re dans les co COMITÉ DE PATRONAGE DE LA AVS prince D'ARENBERG, député, vice-président du Groupe “colonial, président du Comité de l'Afrique française. e ommandant- BINGER, ancien gouverneur de la Côte- voire, directeur des affaires de l'Afrique au Ministère des BOURDE, ancien directeur des contrôles et de l'agri- re en Tunisie, ancien secrétaire général à Madagascar. IREAU, professeur de botanique au Muséum. CHAILLEY-BERT, professeur à l'Ecole des Sciences poli- = tiques, secrétaire général de l'Union coloniale française. CHARLES-ROUX, ancien député, membre du Conseil supérieur … du commerce, vice-président du Groupe colonial. ! CORNU, professeur de culture au Muséum. DE ERAIN, membre de l'Institut, professeur de chimie agri- Cole au Muséum et à l'Ecole d'agriculture de Grignon. ARCEL DUBOIS, professeur de géographie coloniale à l'Uni- -versité de Paris. DYBOWSKI, Institut national agronomique. FLAHAULT, professeur de botanique à l’Université de. lontpellier. UIS GRANDEAU, directeur de la Sfalion agronomique de ist, rédacteur en chef du Journal d'Agriculture pratique. ANDIDIER, membre de Aout directeur, professeur de cultures coloniales à. MM: BARON JUTES DE GUERNE, seRevrnne général de la s tionale d'Acclimatation. » Dr HECKEL, professeur à la Facullé des Sciences, de l'Institut colonial de Marseille. LE MYRE DE VILERS, député de la Cochinchine, prés: la Société nationale d'Acclimatation. Mgr LEROY, supérieur général des Missionnaires du MILNE-EDWARDS, membre de l’Institut, directeur du M CNE docteur ès sciences, directeur de la Revu nérale des Sciences pures et appliquées. r PRILLIEUX, sénateur, inspecteur général de l'Enseignem asricole, profesr de Botanique à l'Institut National agronome POISSON, assistant au Muséum. RISLER, directeur de l'Institut national agronomique. RIVIÈRE, ancien président de laSociété d'Agriculture d’ directeur du Jardin d'essai du Hamma, D' TREILLE, ancien inspecteur eu chef du service de sa des Colonies. VIALA, professeur de viticulture à PInstitut one agr mique, directeur de la Revue de Viticulture. ZOLLA, professeur à l'Ecole d'agriculture de Grignon et l'Ecole des sciences PoRRques alt nn un an : France, 18 on — recouvré à ‘domicile, 18 fr. 80. — Colonies et stale, 20 TS — Pour les abonnements et annonces, s’adresser à En vente au siège de la Société d’Acclimatation, M, M. Gaston Noblet, admi rue de Lille, Paris Les ouvrages suivants de M. RicHARD DE po Graveur - TRAITÉ SR QUE PIGEON VOYAGE UR ACTUEL CONTENANT les dernières perfections ek les secrets de lélevage colombophile pPphcnbies à l’Art Militaire et Maritime AINSI QU'UNE tude D des Maladies des Pigeons avec les remèdes pour les quérir promptement Prix : 3 fr. 75 FRANCO Dessinateur el Colombophile - Aviculteur NOUVEL ATLAS COLOMBOPHILE CONTENANT LES DESSINS EXACTS de toutes les espèces de pigeons VOTAGEURS, DE FERMER et de fantaisie 4 Prix : 2 fr. 75 FRANCO Savons vétérinaires à l'Eucalyptol, DO Chiens ou autres Animaux Les Membres de la Sociélé d’Acclimatation qui désirent essayer ce savon très _ efficace contre la vermine et les maladies cutanées sont informés qu’il peut leur n être envoyé quelques pains à titre d'essai, à des prix extrêmement avantageux Pour plus amples renseignements, s'adresser au Secrétariat de la Société. \ FE < : CHOIX DE PERS 4 RECOMMANDÉES POUR L'AGRICULTURE, L'INDUSTRIE ET LA MÉDECINE ï * Adaptées aux divers climats de l'Europe et des pays tropicaux ; re OUVRAGE PUBLIÉ AUX FRAIS ET SOUS LES AUSPICES DE LA 2 Société nationale d’'Acclimatation de France g Un volume in-8° de près de 600 pages avec portrait è A — 4 INTRODUCTION : Considérations générales sur l’acclimatation des plantes ; culture, formant un dictionnaire des végétaux à acclimater dans les divers se L'ACCLIMATEUR. Charles NAUDIN Re Membre de l’Institut (Académie des Sciences): RE : Directeur du laboratoire de botanique de la Villa Thuret, à Antibes pr ET Le Baron K. Von MUELLER Botaniste du gouvernement anglais à Melbourne MANUEL Aperçu général des genres de plantes auxquels sont empruntées dt espèces déjà utilisées ou qui peuvent l’être ; * FL Description sommaire des familles ou groupes naturels rquels rattachent la plupart des plantes indiquées dans ce volume ;: ; 1 Noms vulgaires des plantes et synonymes rapportés aux noms botaniqn es Enumération par ordre clphabétique des plantes, leurs usages et leu régions du globe ; usitées. Prix : ‘7 FRrANoS | DE: Pour les Membres de la Société Nationale d’Acclimatation de France, 3 fr. 50 L EN VENTE AU SIÈGE DE LA Société nationale d’'Acclimatation de France, 41, Rue de Lille, PARIS. L Versailles. — Imprimeries Cerr, 59, rue Duplessis. Le seat Cotal à pus DE GUER « , R4 A ï p. =” sé me 7 Tes « €” as s sf > 7! N it? Au iy ) / j à 3 5185 00259 9106 NS LT fol PT a po apte PO OR er ge M DRE attet eo" AT Da ES PATTES WE à LT PR TER