in'hi'-n i H'.i, ! i, Ht;uiui mm :J;M, ;) r;;!' :;;;.:?, .!,i'7;i-î:!,' ! ,'• > 1 ■ ' ^ :*'■!■ iM'i^ri-rH^riiiii'iiN' UNIVERSITE DE BORDEAUX SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON STATION BIOLOGIOLIE TRAVAUX DES LABORATOIRES RECUEILLIS ET PUBLIES PAR Le D"- F. JOLYET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE LA STATION PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX LeDT. lalesque PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE MEMBRE CORRESPONDANT DE 1/ ACADÉMIE DE MÉDECINE LE D'' B. DE NABIAS PROFESSEUR A La FACULTÉ DE MÉDECINE DÉLÉGUÉ DE I.'UNIVERSITÉ DE BORDEAUX SEPTIEME ANNEE (igoS) PARIS JBRAIRIE OCTAVE DOIN, ÉDITEUR 8 — Place de l'Odéon — 8 SOCIETE SCIENTIFIQUE DARCACHON STATION BIOLOGIQUE Présidents d'honneur. M. le RECTEUR de l'Université de Bordeaux; M. le DOYEN de la Faculté des Sci(;nces de Bordeaux; M. le DOYEN de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux; M. le PRÉFET de la Gironde ; M. le MAIRE d'Arcachon; M. le professeur PITPiES, doyen de la Faculté de Médecine de Bor- deaux. Président honoraire perpétuel. M. le D"- Gustave HAMEAU (Arcachon) f. Bibliothécaire et Conservateur honoraire du Musée. M. PAULIN FILLIOUX, ancien pharmacien (La Teste). Conseil d'administration. Président: D' F. LALESQUE, membre correspondant de l'Académie de Médecine (Arcachon). ' G. SÉMIAC, pharmacien (Arcachon) ; Vice-Présidents : D"" de NABIAS, professeur à la Faculté de Méde- ' cine, délégué de l'Université. Secrétaire général : D'" PAILLÉ (Arcachon). Trésorier : Dr CAZABAN (Arcachon). Bibliothécaire et Conservateur du Musée .^D'" A. HAMEAU (Arcachon). J. SABY', conducteur principal des Ponts et Chaus- sées (Arcachon) ; . . ^ G. BUSQUET, entrep.de trav. publics (Arcachon); Admmtstrateurs : ^ ORMIÈRES, ancien élève de l'École des Beaux- Arts, architecte (Arcachon) ; E. DURÈGNE, ingén. des télégraphes (Bordeaux). Directeur de la Station : D^ JOLY'ET, professeur à la Faculté de Médecine de Bordeaux (Arcachon). Directeur-adjoint :ïi^SELLlEY{, chef des travaux de physiologie à la Faculté de Médecine de Bordeaux. IV SOCIE'lE SCIENTIFIQUE D ARCACHON EXTRAIT DES STATUTS Article premier. — La Société Scientifique d'Arcachon, fondée en 1863, a pour but de faciliter l'étude, l'avancement, la vulgarisation des sciences naturelles et des procédés d'aqui- culture marine : 1" par l'organisation et l'entretien d'un Eta- blissement comprenant un Musée, une Bibliothèque et un Aquarium, avec des Laboratoires destinés aux recherches et aux études biologiques; 2° par des conférences et des cours publics. Art. 23. — Les membres de la Société, les professeurs et tous les attachés à l'enseignement scientifique dans les Facultés ou autres écoles de l'Etat, les élèves des Hautes-Etudes ou des Facultés, munis d'un certificat constatant leur mission à Arca- chon, seront admis à jouir gratuitement des Laboratoires et de leurs annexes. Pour les autres travailleurs, il sera perçu une rétribution dont le taux sera fixé chaque année par l'Assem- blée générale. EXTRAIT DU REGLEMENT DES LABORATOIRES X. — Tous les travaux commencés, poursuivis ou com- plétés dans les laboratoires libres de la Station, quel que soit leur mode de publication ultérieure, devront faire mention spéciale de la part qui revient à la Station d'Arcachon. En outre, chaque travailleur, à son départ, est tenu de remettre au Directeur, soit une note résumée, soit un mé- moire in extenso de ses travaux à la Station, pour être insérés, après avis de la Commission spéciale et aux frais de la So- ciété, dans le fascicule annuel : Travaux des Laboratoires de la Station biologique d'Arcachon. XI. — Nul ne peut engager une dépense quelconque au nom de la Station sans avis préalable du Directeur et sans un bon muni de la signature de ce dernier. N. B. — La Société dispose, annexées à ses Laboratoires, de six chambres dans lesquelles elle peut loger gratuitement les travailleurs qui en font la demande. STATION BIOLOGIQUE INDEX BIBLÎO&RÂPHIQUE DES TRAVAUX SORTIS DES LABORATOIRES D'ARCACHON (1867-1902) Paul Bert. — Note sur la présence de VAmphioxus lanceolatus dans le bassin d'Arcachon et sur ses spermatozoïdes {Méin. de la Soc. des Se. phys. etnat. de Bordeaux, t. IV, 1867). — Sur la mort des poissons de mer dans l'eau douce {Ihid., t. IV et V, 1867). — Reproduction des parties enlevées chez les Annélides {Ibid., t. V). — Sur la respiration des jeunes Hippocampes dans l'œuf (Ibid.). — Sur les appendices dorsaux des Eolis {Ibid.). — Sur le sang de divers Invertébrés {Ihid.). — Mémoire sur la physiologie de la Sèche {Sepia officinalis, Lm.) {Ibid., t. V. Extrait in Comptes rend. del'Acad. des Se, 1867). — Sur l'Amphioxus (anatomie et physiologie) {Comptes rendus, 1867). GiiÉRON. — Des conditions anatomiques de la production des actions réflexes chez les Céphalopodes {Comptes rendus, 1868). Fischer (P.). — Note sur un Gétacé {Grampus griseus) échoué sur la côte d'Arcachon {Ann. des Se. nat., 1868). — Mémoire sur les Cétacés du genre Ziphius, Cuv, {Nouv. Ann. du Muséum d'Hist. nat. de Paris, t. III). — Observations sur quelques points de l'histoire naturelle des Cépha- lopodes {Ann. des Se. nat., t. VIII). — Recherches sur les Actinies des côtes océaniques de la France {Nouv. Ann. du Muséum, t. X). — Faune conchyliologique du département de la Gironde et du Sud- Ouest {Actes de la Société Linnéenne, t. XXV, XXVII, XXIX). — Bryozoaires, Echinodermes et Foraminifères du département de Ja Gironde, etc. {Ihid., t. XXVII). Fischer (P.). — Crustacés podophtalmaires et cirrhipèdes, etc. {Ibid., t. XXVIII). — Anthozoaires, Synascidies, etc. {Ibid., t. XXX). VI SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON Charles des Moulins. — Note sur une forme allongée du Tapes aurea, Gmel. {Actes de la Société Linnéenne, t. XXVI, 1868). Alexandre Lafont. — Note pour servir à la faune de la Gironde conte- nant la liste des animaux marins dont la présence a été constatée à Arcachon pendant les années 1867-68 {Actes de la Société Linnéenne, t. XXVI). — Note sur l'organisation des Pennatules {Ihid.). — Note sur les organes de la génération de V Ommastrephes sagit- tatus {Ibid.). — Observations sur la fécondation des Céphalopodes {Ibid. et Ann. des Se. nat., t. XI). — Note pour servir à la faune, etc., années 1869-70 {Ibid., t. XXVII). — Observations sur l'Amphioxus, sur la Torpille {Ibid.). — Observations sur les Syngnathes {Ibid. et Ac. de l'Acad. de Bord.). — Journal d'observations faites sur les animaux marins du bassin d'Arcachon pendant les années 1866-67-68 (Bordeaux, 1870). — Description d'une nouvelle espèce de Raie {R. Brachyura) {Ibid., t. XXVII). — Observations sur l'anatomie des Cétacés capturés à Arcachon en 1867-68 {In Fischer, Cétacés du Sud-Ouest. Ibid., t. XXXV). MoREAU (A.). — Recherches physiologiques sur la vessie natatoire. — Recherches physiologiques sur la Torpille électrique, 1869. MoREAU (E.). — Note sur la région crânienne de l'Amphioxus, etc. {Comptes rendus, 1870). — Poissons de France; note sur quelques espèces nouvelles des côtes de l'Océan {Rev. et Man. de Zoologie pure et appliquée, 1874). — Histoire naturelle des Poissons de la France (Faune d'Arcachon étudiée en 1869). Paris, Masson, édit., 1881. QuATREFAGES (de). — Note sur quelques animaux invertébrés du bas- sin d'Arcachon (Association française pour l'Avancement des Sciences, session de Bordeaux, 1872). JoBERT. — Étude d'anatomie comparée sur les organes du toucher chez divers Mammifères, Oiseaux, Poissons, Insectes (Th. de la Fac. des Se. de Paris, 1872). Viault. — Recherches histologiques sur la structure des centres ner- veux des Plagiostomes (Th. de la Fac. des Se. de Paris, 1877). Pérez. — Ovologie des Sacculines. Sur la fécondation de l'Oursin {Comptes rendus, 1877). Franck (Fr.). — Observations graphiques des effets des nerfs sur le cœur des Poissons. — Des effets de l'asphyxie graduelle (Tra- vaux inédits). KuNSTLER. — Histoire naturelle dés Infusoires parasites (description de deux espèces nouvelles) {Ann. des Se. nat. de Bordeaux et du Sud-Ouest, Ire ,série, no 4). — Dumontia opheliarum, type nouveau de la sous-classe des Sarco- dines {Bull, de la Soc. Zoologique, 1885). STATION BIOLOGIQUE VU JoLYET, — Recherches our la Torpille électrique (Ann. des Se. nat. de Bordeaux et du Sud-Ouest, 2*^ série, n° 2, et Mém. de la Soc. des Se. phys. et nat. de Bordeaux, t. V, 2^ série). DuRÈGNE (E.). — Sur le Chitonactis Richardi, Marion (Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, t. XL, p. iv, xxviii, liv), — Sur le Pleurophyllidia l'meata, Otto {Thld., p. xxvi, xxxviii). — Sur VAda'tnsia palliata, Bohadsch (Ibid., p. xxviii). DuRÈGNE (E.). — Sur VEledo7ie octopodia, Pennant (Ibid., p. xxxviii). — Sur le Cheiiopus pes carbonis, Brongn. {Ibid., t. XLI, p. xxix). — Sur les dragages en eau profonde au large d'Arcachon {Ibid., p. XXXIIl). GoTCH (F.). — The electromotive properties of the electrical organ of Torpedo niarmorata {Phil. Transactions of the Royal Society of London, 16 juin 1887). BouRY (E. de). — Observations sur la faune conchyliologicpie marine des côtes de la Gironde {Journal d'Histoire naturelle de Bor- deaux et du Sud-Ouest, 1888, n^ 9, p. 99). DuRÈGNE (E.). — Sur la présence du Porania pulvillus dans le golfe de Gascogne {Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, t. XLI, p. XLViii). — Sur la présence dans le bassin d'Arcachon du Polycera Lessoni et de VAlcyoniuni palmatu7n {Ibid., t. XLII, p. xxv). Fischer (P.). — Note sur la présence du genre Corambe Bergh dans le bassin d'Arcachon (BitiL de la S. Zool. de France, \. XIiI,p.215). GoTCH (F.). — Further observations on the electromotive properties of the electrical organ of Torpedo marmorata {Phil. Trans, of the Royal Society of London, 8 mars 1888, t. CLXXIX, p. 329). — Experiments on some curarised Torpedoes (Proceedings Phys- Society, 1888, t. II, p. v). Lagatu (H.). — Anomalies de coloration observées chez une Sole et une Raie. Poissons rares capturés à Arcachon {Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, t. XLI, p. lxxvi). Petit (L.). — Effets de la lésion des ganglions sus-œsophagiens chez le Crabe (Carcinus mxnas) (Comptes rendus de V Académie des Sciences, 24 juillet, et Actes de la Société Linnéemie de Bor- deaux, t. XLII, p. lxxxvi). Durègne (E.). — SiiK. un maxillaire de Baleinoptère trouvé à Arcachon au siècle dernier (Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, t. XVII, p. LXXl). — Liste des espèces marines nouvelles trouvées à Arcachon depuis le commencement de l'année (Ibid., p. lxxxvii). — Note sur le Chitonactis Richardi, Marion (Ibid., t. XLIII, p. 312). — Sur la présence de la Chanta griphoïdes sur les côtes océaniques d'Europe (Ibid., p. xl). Fischer (H.). — Note préliminaire sur le Corambe testudinaria (Bull, de la Soc. Zoologique de France, t, XIV, p. 379). VIII SOCIETE SCIENTIFIQUE D ARCACHON Fischer (P.). — Sur la disposition des tentacules chez les Gérianthes {Bull, de la Soc. Zoologique de Frmice, t. XIV, p. 24). — Note sur le Pavonaria quadrangular is et sur les Pennatulides des côtes de France (Ibid., p. 34). — Nouvelle contribution à l'actinologie française {Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, t. XLIII, p. 351, avec 1 pi.). KuNSTLER et DE LusTRAC. — Sur le Dumontia libera nov. sp. {Bull. scient, de la France et de la Belgique, III, 2, p. 293). Lagatu (H.). — Caractères distinctifs de l'espèce et du sexe dans les coquilles types de quatre Sepias {Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, t. XLII, p. 105, avec 4 pi.). Ménégaux (A). — Contribution à l'étude de la turgescence chez les Bivalves siphonés et asiphonés {Bull, de la Soc. Zoologique de France, t. XIV, p. 40). — Sur les homologies de différenls organes des Tarets {Ibid., p. 53). Bernard (F.). — Recherches sur les organes palléaux des Gastéro- podes prosobrajiches {Th. delà Fac. des Se. de Paris, avril 1890). Bouvier. — Sur un cercle circulatoire annexe chez les Crustacés déca- podes {Bull, de la Soc. Phil, de Paris, 8® série, t. II, p. 135). — Variations progressives de l'appareil circulatoire artériel chez les Crustacés anomoures {Ibid., p. 179). DuRÈGNE (E.). — Animaux nouveaux pour la région, recueillis à Arca- chon {Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, t. XLIII, p. X et Lxxv ; t. XLIV, p. xix). Ménégaux. — Recherches sur la circulation des Lamellibranches marins (Th. de la Fac. des Se. de Paris, 30 juin 1890). Perrier (R.). — Recherches sur l'anatomie et l'histologie du rein des Gastéropodes prosobranches (Th. de la Fac. des Se. de Paris, 28 mars 1890). Viallanes (H.)- — Sur quelques points de l'histoire du développement embryonnaire de la Mante religieuse {Mantis religiosa) {Revue Biologique du Nord, n» 12, septembre 1890). — Note sur la ponte d'une Seiche d'espèce indéterminée {Ibid., n» 3, décembre 1890). — Sur la structure des centres nerveux du Limule {Limulus polyphe- mus) {Comptes rendus de l'Acad. des Se, i'^^ décembre 1890). Fischer (H.). — Sur l'anatomie du Corambe testudinaria {Comptes rendus de VAcad. des Se, 2 février 1891). — Recherches anatomiques sur un Mollusque nudibranche appar- tenant au genre Corambe (Bull, scient, de la France et de la Belgique, 1891, t. XXIII, 40 p., 4 pi.). Phisalix (C). — Sur la nature des mouvements des chromatophores des Céphalopodes {Comptes rendus de r Académie des Sciences., 19 octobre 1891). Faurot (L.). — Sur le Cerianthus membranaetus {Mém. de la Soc. Zoologique de France, 1891, 10 p., 1 fig.). STATION BIOLOGIQUE IX ZuNE (A.-J.). — Traité général danalyiô des beurres (2 vol. in-8o de 400 p. chacun. Paris et Bruxelles, 1892j. Grehant et JoLVET (F.). — De la formation de l'urée par la décharge électrique de la Torpille (Société de Biologie, 1891). JoLYET et ViALLANES (H.). — Recherches sur le système nerveux accé- lérateur et modérateur du cœur des Crustacés (Comptes rendus de iAcad. des Se, 2.5 janvier 1892). ViALLANES (H.). — Sur la structure de l'œil chez les Crustacés macrou- res {Comptes rendus de l'Acad. des Se, 4 mai 1892). — Sur la structure de la lame ganglionnaire chez les Crustacés déca- podes {Bail, de la Soc. Zoolog. de France, 1891, 9 p., 3 fig.). — Sur quelques points de l'histoire du développement embryonnaii-e de la Mante religieuse {Ann. des Se. nat. et zoolog., 7^ série, t. XI, 1891, 45 p., 2 pi. doubles). RocHÉ (C). — Rapport, sur une mission de dragage dans le golfe de Gascogne {ArcJi. des Missiojis scient.). — Le chalutage à vapeur dans le golfe de Gascogne {Revue des Se. nat. du Sud-Ouest, janvier 1892). Certes (A.). — Sur la vitalité des germes microscopiques des eaux douces et des eaux salées (G. R. de l'Acad. des Se, 22 fév. 1892). Fischer (H.)- — Recherches sur la morphologie du foie des Gastéro- podes (Th. de Paris, 88 p., 7 pi., et Bull, scient., t. XXIV). Phisalix (M.). — Slructure et développement des chromatophores chez les Céphalopodes {Arch, de Physiol., juillet 1892, 11 p., 1 pi.). Bouvier (E.-L.). — Sur la graisse du foie des Crustacés décapodes (Buf^. de la Soc. PInlomathique, 8^ série, t. III, no 4, 5 p.). — Observations sur l'anatomie du système nerveux de la Limule polyphème {Bull, de la Soc. Phil., 8^ série, t. III, 12 p., 3 fig.). Thoulet. — Recherches d'océanographie sur le bassin d'Arcachon {Comptes rendus de l'Acad. des Se). Nabias (de). — Recherches sur la structure du système nerveux des Mollusques (Association française. Congrès de Pau). ViALLANES (H.). — Recherches comparatives sur l'organisation du cer- veau dans les principaux groupes d'Arthropodes (Commîtes rendus de la Soc. de Biol., 30 avril 1892). ViALLANES (H.). — Recherches sur la filtration de l'eau par les Mol- lusques et applications à l'ostréiculture et à l'océanographie {Comptes rendus de l'Acad., 1 juin 1892). — Recherches anatomiques et physiologiques sur l'œil des Arthro- podes {Ann. des Se. nat., 36 p., 2 pi.). — Contribution à l'histologie du système nerveux des Invertébrés {Ann. des Se. nat., 15 p., 1 pi.). RocHÉ (G.). — La pêche au grand chalut dans le golfe de Gascogne. Paris, Masson. Phisalix. — Recherches physiologiques sur les chromatophores des Céphalopodes {Arch, de Physiol, norm, et pathol., 1893). X SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D AHCACIION JoLYET. — Recherches sur la respiration des Cétacés {Arcli. de l'InjsioL norm, et pathol., 1893). Jansskns (Fr.). — Les branchies des Acéphales (Louvain). Nabias (de). — Recherches histologiqiies et organologiques sur les centres nerveux des Gastéropodes (Th. de la Fac. des Se. de Paris, 1894). JoBERT, — Recherches pour servir à l'histoire du parasitisme {Comptes rendus de la Soc. de Biol., 1894). Sellier. — Influence de la tension de V oxygène sur Vhématopoièse et sur les combustions respiratoires (Th. de la Fac. de Méd. de Rordeaux, 1894). Sabrazès et CoLOMBOT. — Action de la hactéridie charbonneuse sur un poisson marin, l'hippocampe (An^iales de l'Institut Pasteur, oct. 1894, p. 696-706). JoLYET et Viallanes (H.). — Contribution à l'étude du sang et de sa circulation chez les Arthropodes {Trav. dos Laboratoires, 1895. 0. Doin). Rivière. — Étude d'un nouveau Streptothrix parasite de l'homme {Ibid.). Lalesque et Rlvière. — La prophylaxie expérimentale de la contagion dans la phtisie pulmonaire {Ibid.). — Analyse bactériologique de l'air de la ville d'Arcachon {Ibid.). — Analyse bactériologique de l'eau du lac Cazeaux et de la ville d'Ar- cachon {Ibid.). Pallas et Lalesque. — Recherches expérimentales sur la perméabihté de l'Alios {Ibid.). JoLYET et Rivière. — Simultanéité des décharges des divers départe- ments de l'organe électrique de la Torpille {Ibid.). Jobert et JoLYET. — Expérience montrant que la Torpille reçoit par- tiellement la décharge qu'elle lance {Ibid.). Sabrazès et Colombot. — Les procédés de défense des vertébrés infé- rieurs contre les microbes {Revue scientifique, 31 août 1895, p. 272-274). Hubert (E. d') et Roussus. — Note sur les végétaux panachés {Trav. des Laboratoires, 1896-97. 0. Doin). Durègne (E.). — Station robenhausienne d'Arcachon (rive Sud des Pusses) {Ibid.). — Les dunes primitives des environs d'Arcachon {Ibid.). Cannieu (A.). — Contribution à l'étude de la voûte du quatrième ven- tricule du Phoque. Les trous de Magendie et de Luschka {Ibid.). JoLYET et Rivière. — Du retard du raccourcissement du muscle sur son gonflement {Ibid.). Nabias (de). — Sur quelques points de la structure du cerveau des Pulmonés terrestres. Symétrie et fixité des neurones {Ibid.). Sellier. — De l'action du système nerveux sur la circulation veineuse du foie {Ibid.). STATION BIOLOGIQUE XI foLYET et Sellier. — Contribution à l'étude de la respiration du Phoque (Ibid.). Lalesque. — L'Huître et la Fièvre typhoïde (Conférence annexée aux Trav. des Laboratoires, 1896-97). Rivière. — Variations électriques et travail mécanique du muscle {Travaux des Laboratoires, 1898). Nabias (de). — Recherches sur le système nerveux des Gastéropodes pulmonés aquatiques. Cerveau des Limnées {Lirnnxa stagnalis) {Ibid.). PoLOUMORDWiNOFF. — Recherches sur les terminaisons nerveuses sensi- tives dans les muscles striés volontaires (Ibid.). Cannieu. — Recherches sur la structure des ganglions cérébro- spinaux et leurs prolongements cylindraxiles et protoplasmi- ques {Ibid.). Lafite-Dupont. — Note sur le système veineux des Sélaciens {Ibid.). Cannieu et Lafite-Dupont. — Recherches sur l'appareil musculaire du gros intestin chez le phoque et quelques autres mammifères Ubid.). BoHN. — Du rôle des poils dans l'enfouissement des « Atelecyclus ». — Des adaptations des pattes thoraciques chez les Homaridés {Ibid. et Acad. des Se, novembre 1898). — Des migrations saisonnières dans le bassin d'Arcachon. Crustacés décapodes (septembre et octobre 1898) {Ibid.}. Fischer. — Liste des mollusques marins recueillis à Guéthary et à Saint-Jean-de-Luz {Ibid.). Gruvel. — Excursion zoologique au Laboratoire d'Arcachon (22 mai 1898) {Ibid.). Nabias (de). — Nouvelles recherches sur le système nerveux des Gas- téropodes pulmonés aquatiques. Cerveau des planorhes fplanorbis corneus) {Travaux des Laboratoires, 1899). Sabrazès et L. Muratet. — Granulations mobiles dans les globules rouges de certains poissons {Ibid.). F. Lalesque. — Les ressources de la Station zoologique d'Arcachon {Ibid.) A. Gruvel. — Quelques mots à propos de deux excursions à la Station zoologique d'Arcachon {Ibid.). R. QuiNTON. — L'Invertébré marin fermé anatomiquement au milieu extérieur lui est ouvert osmotiquement {Ibid.). Nabias (de). — Noyau lobé des cellules nerveuses chez les Gastéro- podes pulmonés aquatiques (Limnaea stagnalis et Planorbis corneus). Action des anesthésiques généraux (chloroforme; {Ibid.). Lafite-Dupont. — Fibres et fibrilles musculaires striées du manteau de Sepia offici7ialis {Ibid.}. — Remarques sur la substance fondamentale du cartilage des os jeunes de Triton et de Crocodile (Ibid.). XII SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON F. JoLYET eL StLLiER. — Contributions à l'étude de la physiologie com- parée de la contraction musculaire chez les animaux invertébrés. (Ibid.). J. Sellier. — Recherches sur la digestion des poissons (Ibid.). E. RoDiER. — Observations et expériences comparatives sur l'eau de mer, le sang et les liquides internes des animaux marins (Ibid.). J. Chaîne. — Constitution de la Matière vivante (Travaux des Labo- ratoires, 1900-1901). H. DuPHiL. — Recherches chimiques, mici'ographiques et bactériolo- giques sur l'air marin et l'air des forêts de pin maritime (Ibid.). J. Sabrazès et MuRATET. — Le sang de l'Hippocampe; la phagocytose chez ce poisson (Ibid.). A. Gruvel. — Excursions zoologiques à la Station d'Arcachon et à son annexe de Guéthary (Basses- Pyrénées) pendant l'année scolaire 1900-1901 (Ibid.). G. BôHN, — Quelques vues nouvelles sur les mécanismes de l'évolution (Ibid.). Mendelssohn. — Sur les courants électrotoniques extrapolaires dans les nerfs sans myéline (Ibid.). J. Sellier. — La lipase chez quelques groupes d'animaux inférieurs (Ibid.). GuÉNOT. — La valeur respiratoire du liquide cavitaire chez quelques invertébrés (Ibid.). Note sur un cachalot femelle échoué sur le littoral, au nord du Cap Ferret (Ibid.) Rodier. — Sur la coagulation du sang des poissons (Ibid.) J. Bergon. — Étude sur la Flore diatomique du Bassin d'Arcachon (Ibid.). L. GuÉNOT. — Contributions à la faune du bassin d'Arcachon. Échiu- riens et sipunculiens (Travaux des Laboratoires, 1902). A. Gruvel. — Excursions zoologiques à la Station d'Arcachon et à son annexe de Guéthary (Basses -Pyrénées) pendant l'année scolaire 1902-1903 (Ibid.). P. Bergon. — Etudes sur la flore diatomique du bassin d'Arcachon et des parages de l'Atlantique voisins de cette station (Ibid.). J. Kunstler et J. Chaîne. — Kiefîeria musse (nov. gen., nov. spec). Cécidomyide nouvelle (Ibid.). J. Sabrazès et L. Muratet. — Trypanosome de l'anguille. P. Bergon. — Note sur un mode de sporulation observé chez le Biddul- phia mobiliensis Bailey (Ibid.). F. Jolyet. — Sur quelques conditions de l'adaptation des mammifères cétacés à la vie constante aquatique (Ibid.). Cavalié et Jolyet. — Sur le rein du Dauphin (Ibid.). J. Sellier. — De l'action favorisante du suc intestinal sur la digestion pancréatique des matières albuminoïdes chez les poissons carti- lagineux (Ibid.). STATION BIOLOGIQUE CONTRIBUTIONS A LA FAUNE DU BASSIN D'ARCACHON III. — DORIDIENS L. CUENOT Professeur à l'Université de Nancy. Cette Contribution est consacrée à la famille de Mollusques Nudibranches caractérisée par une couronne branchiale péri- anale, en saillie sur la surface dorsale du corps, c'est-à-dire aux Doridiens. Les Doridiens vivent d'habitude sous les rochers, pour bien des raisons apparentes : leurs instincts obscuricoles qui leur font fuir la pleine lumière, leur goût pour les Éponges dont ils font leur nourriture à peu près exclusive, la présence d'un large pied, fait surtout pour ramper sur des pierres, enfin la nécessité de fixer solidement leurs pontes compliquées, à l'abri du sable et des heurts. Aussi, à Arcachon, faut-il cher- cher les Doridiens là où ils peuvent rencontrer des conditions d'existence qui leur conviennent : sur les piUers de débarca- dères, sous les collecteurs des parcs à Huitres, surtout les vieux collecteurs abandonnés sur le sol, ou dans les rares points où on a accumulé artificiellement des pierres pour se défendre de l'érosion (Trincat d'Arams, pointe de Bernet); ces pierres abritent une faune assez riche d'animaux fixés, notam- ment des Éponges, Ascidies, Annélides, et on y rencontre à coup sûr, aux grandes marées, de nombreuses espèces d'Eoli- diens et de Doridiens. Les renseignements que l'on possède sur les Doridiens d' Ar- cachon sont renfermés dans quelques travaux de P. Fischer, Société se. d'Arcàchon. 1 2 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D*ARCACHON rédigés d'après les matériaux qu'il avait recueillis sur place et aussi d'après des notes fournies par A. Lafont. Je suis obligé de dire que ces travaux ne méritent qu'une confiance très limitée, sans doute parce qu'ils datent d'une époque où on ne'se dou- tait guère des difficultés d'une bonne détermination : ainsi, sur les huit espèces de Doris signalées par P'isclier dans le Bassin, trois sont données comme nouvelles (biscayensis, eubalia et seposita)', or, il est tout à fait certain que ces trois formes sont l'état jeune d'une grande espèce commune, parfaitement con- nue de Fischer; de même, Doris tomentosa que Fischer sépare de Doris Johnsloni est de toute évidence identique à cette dernière espèce. Ailleurs, Doris pilosa est citée, sans autres détails, comme existant à Arcachon ; or, il y a au Musée un exemplaire ainsi étiqueté, qui est sans aucun doute une Archi- doris luherciilata. Aussi, dans le tableau de détermination des Doris du Bassin, j'ai fait figurer seulement les espèces que j'ai recueilHes moi-même, sans tenir compte de celles signalées par Fischer ou Lafont, que je n'ai pas retrouvées (pilosa, incons- yicua et muricata); leur authenticité est beaucoup plus que douteuse. J'ai adopté, à l'exemple des spécialistes, les nouveaux noms génériques proposés par Bergh, qui a établi un grand nombre de coupures dans le vieux genre Doris; peut-être même les a-t-il multipliées un peu plus qu'il n'était nécessaire. I. — Doi'idiens à branchies complètement rétractiles (Cryptobranches) 1. Corps aplati, recouvert de petits tubercules, presque toujours mar- bré de taches plus ou moins violacées; teinte allant du rouge garance au jaune clair. De 7 à 9 branchies. {Archidorls tuhefculata Guvier.) 2. Corps recouvert de très gros tubercules arrondis; teinte allant du jaune vif au blanc jaunâtre. Une quinzaine de branchies. (Staurodovis verrucosa Cuvier.) 3. Corps recouvert de tubercules si petits qu'il parait veloulé; teinte jaunâtre; rhinophores piquetés ou cerclés de brun. {Jorunna Johnstoni Aid. Hanc.) 4. Petite espèce, de 13 millimètres de long environ. Couleur rouge vif. (Rostanga coccinea Forbes.) ^ STATION BIOLOGIQUE 3 1. Archidoris tuderculata Guvier, Doris tuherculata Cuvier, Ann. dti Muséinté, t. IV, p. 469, 1804. ArcJiidoris tuherculata Bev^h, Malacolog. Untcrs., Hft XIV, p. 617, 1878. Staurodoris verrucosa Vaj'ssière, Ann. Mus. Hist. nat. Marseille, t. VI, p. 18, 1901. Habitat, durée de vie. — Au mois d'avril, j'ai trouvé cinq beaux échantillons adultes, de 5 à 6 centimètres de long, au parc de Mapouchette, sous de vieilles caisses à collecteurs, et non loin de là trois rubans ovigères d'un blanc jaunâtre, fixés aux caisses et aux algues. L'époque de ponte se prolonge pro- bablement jusqu'en mai et juin, comme à Roscoff (Hecht). En septembre, à la pointe de Bernet. on trouve sous les pierres un grand nombre de jeunes Archidoris, provenant évidemment des pontes du printemps; leur taille est très variable, mais n'excède pas 25 millimètres. Il est donc probable, ainsi que cela a été démontré pour d'autres Nudibranches, que V Archi- doris tuherculata a une durée de vie d'un an environ : les Doris, nées au printemps, se développent pendant l'été, hiver- nent, atteignent leur taille adulte au printemps suivant, s'ac- couplent, pondent et meurent. Spécification. — Les échantillons recueillis, ainsi que leurs pontes, répondent parfaitement aux descriptions et aux figures données par les auteurs, notamment Aider et Hancock (voir fam. I, pi. 3) et Bergh. Vayssière a aussi décrit cette espèce d'une façon très reconnaissable (01), mais je ne sais pour quelle raison il a interverti les noms de Staurodoris verru- cosa et Archidoris tuherculata, attribuant à l'une les carac- tères de l'autre, et vice versa. On sait qu' Archidoris tuherculata est une forme à grande répartition géographique, qui se rencontre à partir de l'Atlan- tique nord (Bergen, Kattegat), sur les côtes de la Manche, la côte ouest de France, jusqu'en Méditerranée et dans l'Adria- tique ; elle présente naturellement des variétés locales, qui ne diffèrent les unes des autres que par des caractères de taille et de couleur; la forme d'Arcachon est plutôt de petites dimensions et de teinte foncée ; les adultes que j'ai recueillis /. 4 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON avaient la face dorsale de couleur chocolat, marbrée de taches violacées plus sombres encore, et bien visibles surtout à la face inférieure du manteau. J'ai toujours compté 8 branchies (leur nombre oscille de 6 à 9 dans les descriptions des auteurs). Homochromie avec les Eponges. — A propos d'Archidoris tuberculata se pose un problème intéressant, c'est celui de V homochromie possible avec les Éponges. Bien des auteurs ont déjà constaté qu'il y avait souvent une ressemblance frappante de couleur et même d'aspect général entre certaines Doris et les Éponges sur lesquelles on les trouve. Giard (88, p. 500) et Garstang (90, p. 443) remarquent que, dans le Boulonnais et à Plymouth, V Archidor is tuberculata dévore surtout VHalichon- dria panicea Johnston, et qu'elle présente les mêmes teintes que celle-ci. Stewart (cité par Garsiang) a vu quelques individus d'une Doris indéterminée (tuberculata ?), du môme rouge que Hymeniacidon sanguinea sur lequel ils se trouvaient ; VArchi- doris flammea Aid. Hanc. (Plymouth) a tout à fuit la -couleur d'une Éponge rouge dont elle se nourrit. D'après Hecht (95), Rostanga coccinea présente à Roscoff une ressemblance abso- lument décevante avec une belle Eponge rouge, Microciona atrasanguinea Bowerbank : non seulement la teinte générale est identique, mais les plus petits détails de coloration et d'aspect de l'Éponge sont fidèlement reproduits par la Doris, qu'il est très difticile de distinguer de son support. A Arcachon, j'ai constaté également des colorations homo- chromiques chez les jeunes Archidoris tuberculata : à la pointe de Bernet, la face inférieure des pierres est souvent recouverte d'Épongés (') en croûtes minces, une jaune, Dendoryx incrus- tans Johnston, et une rouge garance, moins abondante que la première, Esperella œgagropila Johnston, qui poussent souvent à côté l'une de l'autre, sur la même pierre. Sur ces Éponges, on trouve en septembre une quantité de jeunes Doris, de taille variée, mais dont la longueur n'excède pas 25 millimètres; celles qui mangent l'Éponge jaune sont exac- tement du même jaune ; celles qui mangent l'Éponge rouge, (1) Je remercie bien vivement M. Topsent, qui a eu Tamabilité de me déterminer ces liponges. Il est à remarquer que toutes les Éponges qu'affectionnent les Doris appartiennent au groupe des Halichondrides. STATION BIOLOGIQUE 5 exactement du même rouge; de plus, le corps est largement étalé et ne dessine pas de saillie; les petits tubercules rappel- lent des accidents de surface du Spongiaire, à un tel point qu'il faut une attention soutenue pour découvrir les Doris; maintes fois, après avoir enlevé les individus les plus appa- rents, je me suis aperçu qu'il y avait encore sur la même pierre d'autres Doris parfaitement en vue, mais qui avaient échappé au premier examen. La coloration des Doris jaunes et rouges n'est pas due seulement aux téguments; elle se retrouve plus ou moins iorte dans tous les viscères, comme si l'organisme était imbibé d'une matière colorante qui se fixe par places : le tissu conjonctif des téguments, les organes génitaux et la poche radulaire sont fai- blement teintés, l'organe phagocytaire sus- cérébral et le foie le sont très nettement; l'œsophage et surtout les centres ner- veux ont une coloration très intense. Tantôt la teinte est dilTuse comme dans le tissu conjonctif, tantôt elle est due à de -fins granules très réfringents, comme dans l'épithélium œsophagien et les cellules nerveuses. Les deux variétés jaune et rouge diffèrent en ceci que toutes les pigmentations de la première sont représentées chez la seconde avec un ton beaucoup plus vif; pour s'en convaincre, il est surtout intéressant de comparer les centres nerveux de l'une et de l'autre, en les examinant sur le frais, dans l'eau de mer : dans le cytoplasme des grosses cellules ganglionnaires, on voit de belles granulations réfringentes, jaune clair dans la variété jaune, orangé vif, presque rouge, dans la variété rouge. Si l'on compare ces pigments à la matière colorante des Éponges, on ne peut qu'être frappé par l'identité d'aspect et de ton, et il est tout naturel d'admettre que c'est le pigment même de l'Éponge ingérée par les Archi- doris, qui passe à l'état dissous dans l'organisme du Mollusque et se fixe dans divers tissus de celui-ci. En d'autres termes, c'est une homochromie nutriciale. On connaît déjà bien des cas d'homochromie nutriciale. Voici les plus saillants : Le Champignon Pilobolus renferme un produit orangé (carotine) qui est dissous dans des gouttes d'huile; un autre Champignon {Pleotracheliis fulgens Zopf), parasite sur le pre- o SOCIKTE SCIENTIFIQUE D AliCACHON mier, absorbe l'huile colorée, et par suite a la même teinte que son hôte (Zopf, 92). Diverses Synascidies sont la proie d'un Polyclade, le Cycloporus papillosiis Lang (Planavia Schlosseri Giard) et d'un Gastropode, le Lamellaria perspkua L., qui présentent avec les Synascidies sur lesquelles ils reposent l'homochromie la plus surprenante. Francotle (98) a démontré très nettement que le Cycloporus emprunte bien sa couleur à sa proie : un Cycloporus, décoloré à la suite de quelques jours de jeûne, est placé sur un Botrylle jaune; au bout de trois jours, l'homo- chromie est parfaite. On décolore à nouveau le Polyclade par le jeûne, et on le place sur un Botrylle violet; il ne tarde pas à prendre la même teinte, etc. Dans le cas du Cycloporus, c'est le tube digestif ramifié, rempli de matière pigmentaire, qui assure l'identité de couleur générale; on citerait facilement d'autres cas d'animaux transparents qui doivent leur teinte aux aliments colorés renfermés dans le tube digestif, et qui pour cette raison sont forcément homochromes avec l'être, animal ou plante, dont ils se nourrissent. Mais il y a mieux : le pigment ingéré peut être assimilé et colorer tous les tissus d'une façon plus ou moins diffuse ; c'est à peu près ce qui se passe lorsqu'on fait vivre des têtards dans des solutions très étendues de Neutralroth ou de bleu de méthylène ; les animaux prennent alors une coloration totale rouge ou bleue, sans que leur santé soit visiblement altérée. Les pigments animaux se comportent de la même façon; par exemple, Hecht cite le cas cVEolis papillosa L., colorés totale- ment en violet à la suite de l'ingestion (V Actinia equina L. Ce sont les pigments mêmes des Synascidies ou des Éponges qui colorent plus ou moins complètement les tissus de Lamellaria perspicua et Archicloris tuberculata, de telle sorte qu'au lieu de changer de couleur ou de se décolorer facilement comme Cycloporus, ces Mollusques gardent longtemps leur teinte originelle lorsqu'on les enlève de leur support et qu'on les place sur un autre différemment coloré. Giard l'a très juste- ment remarqué à propos de Lamellaria : « L'harmonisation ne paraît pas se faire immédiatement ni même d'une manière bien rapide, car lorsqu'ils quittent l'Ascidie, les Lamellaria trahissent leur présence par les vives couleurs qu'ils conser- STATION BIOLOGIQUE 7 vent encore longtemps en parcourant les parois des vases dans lesquels ils sont renfermés (72, p. bSS) ». Garstang a montré expérimentalement que la coloration originelle persis- tait un temps très long : « Un certain nombre d'individus (Archidoris tuberculata) différemment colorés furent gardés dans un des petits bacs du laboratoire et nourris de la même façon sur les mêmes morceaux (VHalichondria, de couleur aussi uniforme que possible. Après plusieurs mois, aucun changement ne fut remarqué dans la coloration des Nudibran- ches (90, p. 443). » J'ai refait une expérience analogue avec les Archidoris jaunes et rouges d'Arcachon, en les laissant jeûner; au bout de plusieurs semaines, on distingue les deux variétés aussi bien qu'au premier jour; les Doris rouges ont seulement une teinte un peu moins franche qu'au début. Il est permis de penser que les Lameliaria et les Doris restent pendant un temps très long sur la même colonie, de telle sorte qu'on n'a presque jamais occasion de constater un désaccord entre les teintes respectives du support et du Mollusque. Je crois que pour les Archidoris tuberculata, rhomochromie nutriciale n'existe que dans les premiers temps de leur vie; en effet, lorsqu'elles avancent en âge, la pigmentation spéci- fique se superpose à la pigmentation d'origine alimentaire et la masque; de larges taches violettes se développent sur un fond qui varie du jaune clair au brun chocolat, de sorte que les Doris ne ressemblent plus à aucune Éponge, sans compter que leur grande taille permet de les découvrir facilement. Du reste, à l'époque de la ponte, les Archidoris deviennent vaga- bondes, et on les trouve aussi bien sous les rochers que sur le sable, en pleine lumière, où elles sont très visibles. Mais il ne suffit pas d'avoir élucidé l'origine nutriciale de rhomochromie des Archidoris; on peut se demander si cette homochromie a une signification, un rôle à jouer dans la biologie de l'animal. On sait que Wallace, suivi par une mul- titude de naturalistes, a émis une vaste théorie sur l'utililé de la couleur, théorie admirablement coordonnée, appuyée sur de nombreux exemples, très générale, très simple, très sédui- sante, et qui reste, à mes yeux, comme l'une des plus belles constructions de l'esprit humain. La couleur des Doris, sem- 8 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aKCACHON blable à celle de leur entourage, rentrerait dans la catégorie de la coloration protectrice (protective resemblance, procryplic colours des Anglais, Schutzfarbung des Allemands). Il est naturel de supposer que l'identité de couleur et d'as- pect, qui est assez parfaite pour tromper l'œil exercé et prévenu d'un zoologiste, doit avoir le même effet sur les carnassiers à la recherche d'une proie; ceux-ci, ne distinguant rien d'anor- mal à la surface d'un substratum qu'ils connaissent comme non comestible, s'en vont plus loin ; les animaux comestibles ont donc échappé à la destruction grâce à leur coloration ho- mochromique, qui doit être considérée comme un moyen de défense passif. De plus, comme c'est un caractère utile, il a dû se développer par sélection naturelle ; à chaque génération, les individus fortuitement les mieux protégés échappent à la mort accidentelle, tandis que les moins homochromes succombent; d'étape en étape, l'espèce atteint ainsi un état de perfection qui ne donne plus prise à la sélection, et que l'on peut consi- dérer comme à peu près réalisé, actuellement, par Archidoris, Lamcllaria, Cycloporus, etc. Assurément, ces raisonnements sont très séduisants, et ils le sont encore bien plus quand ils s'appliquent à des êtres, comme certaines Chenilles arpenteuses, le Papillon Kal- lima, etc., qui présentent l'absolue perfection de l'imitation. A la réflexion, on voit bien que ce sont des raisonnements anthropomorphiques, qui attribuent aux animaux carnassiers les mêmes sensations et les mêmes sentiments qu'à l'Homme, mais pour être anthropomoi'phiques, ils peuvent néanmoins être exacts. Enfin, comme ce déguisement s'adresse à la vue, il est évident qu'il ne pourra avoir d'effet que sur les êtres qui ont des yeux à peu près analogues aux nôtres, c'est-à-dire que les seuls carnassiers intéressés par la coloration protectrice sont les Vertébrés et les Céphalopodes. L'homochromie nutriciale des Archidoris (et aussi celle des Lamellaria et Cycloporus) est- elle une coloration protec- trice? Je ne le pense pas. En effet, on peut remarquer que les Doris vivent, non pas en pleine lumière, mais sous des rochers, dans des retraites à demi obscures, et même tout à fait obscures lorsqu'elles sont recouvertes de plusieurs pieds d'eau; les finesses de l'homochromie sont assez inu- STATION BIOLOGIQUE 9 tiles, puisque rien n'est plus nettement visible. Cela juge la question. D'ailleurs, quels sont les carnassiers que pourraient redouter les Doris? Les Céphalopodes sont hors de cause, puisqu'ils se nourrissent de Crustacés ; restent donc les Pois- sons. Or, il est bien difficile à un Poisson de décoller une Doris de son support, qu'elle soit ou non homochrome avec lui, vu l'aplatissement de son corps et la large surface d'adhé- sion ; enfin, incontestablement, les Doris sont très coriaces en raison de l'abondance des spicules dorsaux, peu ou point comestibles, et il n'est pas croyable qu'un Poisson puisse les rechercher comme nourriture. Dans les bacs de la Station d'Arcachon, il y a différentes espèces de Poissons ('), parfaite- ment acclimatés, qui acceptent très volontiers la nourriture qu'on leur jette: à plusieurs reprises, j'ai laissé tomber dans les bacs de petites Archidoris, jaunes ou rouges; les Poissons se précipitent dessus, les mordent ou les avalent, mais pour les rejeter aussitôt après; parfois ils reviennent à la charge sur les Doris tombées au fond de leur bac, mais presque toujours avec le môme insuccès; évidemment, c'est une proie trop coriace pour être recherchée. Les Doris qui n'avaient pas été déchirées par les morsures, ont gagné en rampant les parois latérales des bacs, où je les ai vues pendant plusieurs jours, très apparentes du reste, et n'attirant plus du tout l'attention des Poissons (2). On peut donc conclure hardiment que dans les cas d'homo- chromie cités plus haut, les ressemblances de couleurs et d'as- pect, si étonnantes qu'elles soient, n'ont pas d'effet protecteur; ce sont des caractères inutiles, fortuits, corrélatifs du mode d'alimentation, et dont le rôle biologique est nul. Je ne pense pas qu'il faille généraliser ces résultats négatifs et nier la valeur défensive de toutes les ressemblances de couleurs; par exemple, il est difficile de douter que l'homochromie variable 0) Mulle (MugiV, Vieille ^Labrusj, Griset (Cantharus cantharus L.), Grondin {Trigla hlrundo Bloch), Loche (Gobius niger L.) (-) Bien avant moi, Herdman et Clubb (90) ( nt fait celle expérience : ils ont offert des Lamellidoris bilamellata L. à divers Poissons acclimatés; ils ont constaté, com- me je viens de le faire pour Archidoris, que les Poissons se précipitent sur les Doris, les avalent, mais pour les rejeter aussitôt; une seule fois, une Doris fut avalée d'un seul coup et gardée, par une grande So'c. Les auteurs pensent que ce sont les spicules de la peau ou le mucus abondant qui rendent le Mollusque non comes- tible. 10 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON si parfaite des Céphalopodes nageurs, ÎSeiches, Sépioles et Cal- mars, ne soit un moyen de dissimulation souvent efficace à l'égard des Poissons et Cétacés qui les pourchassent (dans le bassin d'Arcachon, il est très fréquent de voir flotter à la sur- face des corps décapités de Sepia officinalis L.) Mais il n'est plus possible de générahser, comme le faisaient Wallace et surtout les auteurs qui l'ont suivi; chaque variété d'homo- chromie doit être examinée en particulier, et c'est surtout à l'expérience de décider si elle a ou non la valeur d'un moyen de défense. 2. Staurodoris verrucosa Cuvier. Doris verrucosa Cuvier, Ami. dit Muséum, t. IV, p. 447, 1804. Doris derelicta Fischer, Journ. Conchyol., t. XV, p. 7, 1867.— Actes Soc. Linn. Bordeaux, t. XXVII, p. 116, 1869. — Id., t. XXIX, p. 180, 1874. — Id., t. XXXII, p. 14, 1878. Doris Biscayensis Fischer, Journ. Conchyol., t. XX, p. 6, 1872.— Actes Soc. Linn. Bordeaux, t. XXIX, p. 181, 1874. Doris seposita Fischer, Journ. Conchyol., t. XX, p. 8, 1872. — Actes Soc. Linn. Bordeaux, t. XXIX, p. 183, 1874. Doris eubalia Fi.scher, Journ. Conchyol., I. XX, p. 10, 1872. — Actes Soc. Linn. Bordeaux, t. XXIX, p. 183, 1874. Staurodoris verrucosa Bergh, Malacolog. Unters., Hfl XIII, p. 57Ô, 1878. Staurodoris verrucosa Yayssière, Résultats campagne Caudan, fasc. I, p. 243, 1896. Arclddoris tuberculata Vayssière, .4nn. Mus. Hist. nat. Marseille, t. VI, p. 13, 1901. Mœurs et hcMtat. — Cette belle espèce est assez abondante dans le Bassin, où je l'ai trouvée un peu partout, de juin à octobre, par les grandes et moyennes marées : dans les clayon- nages et sous les vieux collecteurs des parcs à Huîtres (la Humeyre, Mapouchette), parfois sur les piliers de débarcadères (pointe de Bernet, Eyrac), sous les pierres (pointe de Bernet, Trincat d'Arams); c'est surtout dans cette dernière station que l'on rencontre de nombreux et magnifiques échantillons, mesurant jusqu'à 7 centimètres de long. Comme d'habitude, cette Doris se nourrit d'Épongés et sou- STATION BIOLOGIQUE 11 vent elle est à demi enfoncée dans une loge qu'elle s'est creusée à la surface du Spongiaire qu'elle dévore. Elle vit longtemps en aquarium et y dépose sa ponte sur les parois; malgré sa grande taille, elle rampe facilement renversée à la surface de l'eau. J'ai trouvé des lanières ovigères récentes, venant d'être déposées, depuis le 25 juillet jusqu'au 3 octobre; c'est durant ce même laps de temps qu'on obtient facilement des pontes en aquarium. Staurodoris verrucosa est donc une forme estivale ou mieux automnale, contrairement à Arehidoris tiLberculata, qui est nettement printanière. Description (fîg. 1 et 5). — Bien que Bergh ait décrit cette espèce d'une façon très suffisante, j'ai cru devoir en donner une nouvelle description, basée sur l'examen de nombreux individus de tous les âges, qui complète sur quelques points les renseignements donnés par cet auteur. L'animal est elliptique; le manteau est large, fortement voûté sur les exemplaires un peu contractés, et ondulé sur son bord libre; il porte un grand nombre de tubercules arrondis ou pyriformes, de taille variable, un peu écartés les uns des autres; les plus volumineux occupent la partie centrale du dos, puis ils diminuent graduellement de taille à mesure qu'on se rapproche des bords ; entre les gros tubercules, on en voit de moyens et de petits; de la base des gros tubercules partent des lignes blanches rayonnantes qui sont des spicules vus par transparence. Les tubercules se différencient en deux points : 1° deux gros tubercules, l'un interne, l'autre externe (et quelquefois un troisième plus petit), bordent la cavité tenta- culaire; ces tubercules sont aplatis ou concaves sur la face qui regarde la cavité, convexes sur l'autre face; 2° la houppe bran- chiale est entourée d'une couronne de tubercules plus ou moins digitiformes; le plus souvent, il y en a de sept à dix gros, qui alternent avec autant de petits; mais la disposition de ces tubercules péribranchiaux varie beaucoup suivant les individus. Les rhinophores sont très rétractiles, renflés à leur base; la partie distale porte une douzaine de paires de lamelles obliques (de 11 à 14 paires). Les branchies, très rétractiles, sont de longues plumes qui forment une houppe élégante ; celle-ci ne 12 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON s'étale pas largement sur le dos de l'animal, mais est plutôt rejetée vers l'arrière. Toutes les branchies sont insérées régu- lièrement sur le pourtour d'un cercle dont le tube anal occupe le centre ; une petite lame mésenlérique rattache le tube à un point du cercle situé dans le plan médian, du côté céphalique. Il est assez difficile de compter avec rigueur les branchies, car très souvent une plume branchiale se bifurque plus ou moins haut, de sorte qu'on peut aussi bien la compter comme simple ou double; une branchie peut aussi être trifurquée; j'en ai même vu une qui présentait six branches à son extrémité libre. De plus, le nombre des branchies augmente nettement avec la taille de l'animal. J'ai compté : 10 branchies chez un individu de 10 millimètres de long. Une douzaine de branchies chez des individus de 11 et 12 millimètres. 13 branchies dont plusieurs bifurquées. \ ^ ,• • , ,. j . , . V.C • ■ i Individus adultes 15 branchies dont plusieurs biturquees ou rami- f mesurant fiées. ( de 30 à 70 millimèties 14, 16 et 18 branchies simples. / de long. En somme, le chiffre moyen est d'une quinzaine de branchies. J.a bouche est bordée de chaque côté par une masse charnue, qui représente des tentacules buccaux très massifs. La coloration de l'animal varie depuis le jaune pâle ou jaune grisâtre jusqu'à l'orangé vif; très souvent on voit sur le dos une zone noirâtre dessinant une ellipse concentrique au bord du manteau; les branchies et les rhinophores sont grisâtres. Dans le formol, les teintes disparaissent et la Doris devient blanche et translucide; l'alcool conserve un peu la couleur jaune. La ponte est un large ruban (fig. 2 et 4) qui décrit une spire à deux tours, plus ou moins régulière suivant le substra- tum auquel elle s'attache ; la couleur du ruban ovigère varie du blanc pur au jaune vif. Progénèse. — Le 10 août, en même temps que de nombreux individus adultes de belle taille, je trouve trois petites Doris, mesurant respectivement 10, 11 et 12 millimètres de long (fig. 3); leur identité spécifique ne pouvait faire aucun doute; c'étaient bien des Staurodoris verrucosa, ne différant des STATION BIOLOGIQUE 13 adultes que par leurs dimensions et le nombre des branchies (une .douzaine au lieu de 15); il est probable qu'elles prove- naient de pontes très tardives (octobre) de l'année précédente, ou peut-être d'une ponte excessivement précoce de l'année. Mises en aquarium, les Doris de 11 et 12 millimètres ont pondu le lendemain un ruban ovigère spirale {/ig. 4), miniature de celui que déposaient dans les aquariums voisins les individus adultes de grande taille; au microscope, on constate que les pontes des petites Doris ditîèrent légèrement des pontes nor- males; dans celles-ci, les œufs sont groupés, c'est-à-dire que les coques réfringentes engluées dans le mucus incolore ren- ferment chacune de deux à cinq œufs; dans celles-là, au contraire, les coques sont beaucoup plus petites et ne contien- nent chacune qu'un seul œuf, de mêmes dimensions du reste que les œufs des adultes; la segmentation suivait une marche normale, et il n'est pas douteux que les œufs déposés par ces petites Doris étaient parfaitement viables. Staurodoris verrucosa est donc capable de se reproduire avant d'avoir atteint son complet développement ; le soma, lors- que des circonstances défavorables ont entravé sa croissance, présente encore des caractères juvéniles, alors que les organes génitaux, qui ont évolué indépendamment du reste de l'orga- nisme, sont parfaitement mûrs, précisément à l'époque où pondent les individus normaux. Giard (87) a donné le nom de procjénè:e à ce phénomène, dont on connaît quelques exemples : dans l'espèce humaine, les enfants de l'un et l'autre sexe, qui sont capables de reproduire bien avant l'âge habituel, sont des individus progénétiques; les mâles nains des Bonellies, des Girripèdes, des Rotifères, les femelles aptères des Stylops, des Lampyrides, de certains Papillons {Heterogynis, Psychides), sont souvent cités comme des exemples de progénèse limitée à un seul sexe, l'autre sexe ayant un développement normal; la. progénèse se relie intimement à la néoténie, phénomène qui consiste en l'apparition de la reproduction sexuelle chez des individus qui ont gardé certains caractères larvaires (Axolotls et larves de Tritons qui, les uns normalement, les autres accidentellement, pondent en ayant encore leurs branchies). Il y a un certain intérêt à constater la possibilité et la fré- a SOCII^TÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON quence de la progénèse chez les Doridiens; en effet, les zoolo- gistes descripteuis, lorsqu'ils constatent qu'un individu, est à maturité sexuelle et pond, le considèrent instinctivement comme un adulte, arrivé à sa taille défmitive; déplus, comme les progénétiques présentent forcément des caractères juvé- niles, plus ou moins différents des caractères de l'adulte à son complet développement, il est bien naturel, lorsqu'on ne pense pas à la progénèse possible, de les décrire comme une espèce particulière. C'est précisément ce qui est arrivé pour Stauro- doris verrucosa, comme je le montrerai tout à l'heure, et on peut se demander si, parmi les nombreuses petites espèces de Poris, il n'y en aurait pas quelques-unes qui seraient tout sim- plement des formes progénétiques d'espèces plus grandes. Synonymie. — La synonymie de Staurodoris verrucosa est assez compliquée : elle a été tout d'abord décrite et figurée par Guvier, d'une façon très reconnaissable, d'après des échantil- lons conservés en alcool ; mais, trompé par quelque étiquette erronée, il a cru qu'ils provenaient de l'Ile de PYance, à l'est de Madagascar. Mais, comme Eergh l'a fait remarquer, il n'y a pas dans la mer des Indes d'espèce de Doris qui ressemble de près ou de loin à la forme décrite par Cuvier; certainement, ce dernier a eu entre les mains des échantillons provenant des eûtes de France ; l'examen de ses figures ne peut laisser aucun doute sur ce point. Avec raison, plusieurs naturalistes médi- terranéens, Délie Ghiaje, Philippi, Yérany, ont rapporté à la Doris verrucosa de Cuvier les échantillons qu'ils ont trouvés en différents points des côtes méridionales. P. Fischer, d'autre part, rencontre en abondance la Doris verrucosa dans les eaux d'Arcachon; mais, comme Cuvier, suivi par Lamarck et Deshayes, donne la mer des Indes comme patrie de son espèce, Fischer a cru qu'il était impossible d'iden- tifier les deux formes, et a attribué à la Doris d'Arcachon un nom nouveau, celui de derelicta (délaissée). Plus tard, Fischer trouve à Arcachon trois formes qu'il croit nouvelles, et qu'il décrit sous les noms de D. eubalia, seposita et biscayensis; il n'est pas douteux, à mon avis, qu'il a eu affaire à de jeunes Staurodoris verrucosa; en effet, il a recueilli seulement un exemplaire de chaque espèce, à peu près à la même place, au mois de septembre; la description qu'il en donne concorde STATION BIOLOGIQUE l5 parfaitement avec celle de verrucosa: corps recouvert de gros tubercules, formant couronne autour de la cavité branchiale, deux tubercules bordant la cavité des rhinophores, couleur jaune, lobes buccaux arrondis, etc. A la vérité, le nombre des branchies paraît dilTérent : l'individu de 6 millimètres de long (eubalia) a 9 branchies, celui de 16 millimètres (seposita) en a il, celui de 20 millimètres (biscaijensis) en a 13; mais nous avons montré que précisément le nombre des branchies aug- mente quand l'animal grandit. De plus, Fischer dit avoir vu, en septembre, la ponte spira- lée de l'individu de 16 millimètres (seposita), et de celui de 20 millimètres (biscaijensis) ; ce sont évidemment des pontes progénétiques, comme celles que j'ai obtenues au mois d'août avec des Staurodoris de 11 et 12 millimètres de long. Lafont (71, p. 267) signale sans la décrire Doris muricata MûUer, sur les tuiles des parcs à Huîtres (crassats de Lahillon); il indique qu'il l'a déterminée dans Meyer et Môbius {Fauna der Kieler Bucht, 1865); or, il y a une très grande ressembl-ance superficielle entre la Doris muricata, figurée par Meyer et Môbius, et une jeune Staurodoris i'er?'ucosa de 10 millimètres : corps tuberculeux, couleur orangée, etc. Aussi, je suis per- suadé que Lafont s'est trompé dans sa détermination, et que Doris muricata est à rayer de la liste des Nudibranches d'Ar- cachon. Enfin, dans un important travail sur la faune des Opistho- branches des côtes de Provence, Vayssière décrit à nouveau notre espèce d'après des échantillons méditerranéens ; mais, par une confusion que je ne m'explique pas, au lieu de lui con- server le nom de verrucosa qu'il lui avait du reste attribué dans une publication antérieure (96), il l'identifie à VArchi- doris taberculata de Guvier, qui ne lui ressemble absolument pas, tandis qu'il donne le nom de Staurodoris verrucosa à la vraie tuberculata. La description de Vayssière est du reste très bonne, ainsi que la figure coloriée qui représente un individu adulte et vivant, de sorte qu'il ne peut rester aucun doute sur l'identité de fespèce que Guvier, Délie Chiaje, Philippi, Vérany et Vayssière lui-même appellent verrucosa, et de celle que Vayssière a qualifiée de tuberculata dans ce dernier travail. Cette confusion est d'autant plus regrettable que Vayssière 16 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON étant une autorité en matière d'Opisthobranches, on aura souvent recours à son mémoire pour déterminer des Doris, ce qui ne laissera pas que d'embrouiller quelque peu les futures synonymies. Répartition géographique. — Staiirodoris verrucosa a été souvent signalée dans la Méditerranée (Marseille, Nice, Gênes, Livourne, Naples, Catane) et dans l'Adriatique. Dans l'Atlan- tique, elle a été recueillie par le Caudan dans le golfe de Gascogne, à 480 mètres de profondeur, c'est-à-dire sur la terrasse sous-marine qui longe la côte S.-O.; comme on l'a vu, elle est abondante dans le bassin d'Arcachon, par quelques mètres de fond ; P. Fischer la signale encore à l'îlot de Cor- douan (Gironde), à Royan, la Rochelle, île de Ré (Charente- Inférieure). Elle ne paraît pas remonter au delà de la Cha- rente-Inférieure ou de l'embouchure de la Loire, car cette espèce n'est mentionnée nulle part sur les côtes anglaises, non plus qu'à Kiel, à Roscoff et à Wimereux, dont la faune de Nudibranches est parfaitement connue. Splanchnotrophus parasite. — Le 10 août, au Trincat d'A- rams, j'ai trouvé une petite Staurodoris de 10 millimètres de long (fig. 5), qui était infestée par des Copépodes du genre Splanchnotrophus, genre qui jusqu'ici est particulier aux Nudibranches (^). Malgré sa petite taille, elle hébergeait trois parasites, deux reconnaissables de l'extérieur grâce à leurs sacs ovigères externes, à droite et à gauche du pied, et un troi- sième interne, n'ayant pas encore pondu. Naturellement la Doris était fort amaigrie; ses tubercules étaient grêles et presque noirâtres, les spicules basilaires très apparents. A mon grand regret, je n'ai pu extraire les Splanchno- trophus en assez bon état pour pouvoir les étudier à fond; mais il est certain qu'ils appartiennent bien à ce genre, qui compte jusqu'ici cinq espèces, plus ou moins bien décrites; contrairement à ce qui arrive d'habitude pour les parasites, ces espèces peuvent être hébergées par des Nudibranches variés, de sorte qu'on ne peut pas les déterminer d'après leur hôte. L'échantillon le plus complet, dont j'ai donné (/ig. 6) un (') Voir bibliographie relative à Splanchnotrophus dans Heclit (95). STATION BIOLOGIQUE 17 mauvais croquis, mesurait Im^^o de long; le corps, de couleur orangée comme les viscères de la Doris, est assez massif et porte trois paires de longs appendices dans lesquels sont logés surtout les ovaires; par leurs dimensions, ces appendices rap- pellent assez ceux des trois formes Splanchnotrophiis gracilis Hancock, Willemi Ganu, angulatus Hecht. Les antennes et l'armature buccale sont analogues à celles qui ont été figurées pour S. gracilis et angulatus; les sacs ovigères sont des cylindres contournés, de teinte orangée, fixés à l'abdomen du parasite par une de leurs extrémités, ce qui distingue cette espèce de tous les autres Splanchnotrophus connus, chez lesquels les sacs ont soit une forme ovoïde, soit un mode d'in- sertion tout différent. Il est donc probable que le parasite de Slaurodoris verrucosa représente une espèce nouvelle, mais qui reste à retrouver et à décrire. 3. JoRUNNA JoHNSTONi Aider et Hancock, Doris tomentosa Cuvier, Aiut. du Museum, t. IV, p. 470, 1804. Doris Johnstoni Aider et Hancock, Brit. Nudibr. Mollusca, fam. I, pi. 5, 1845. Doris Johnstoni Fischer, Journ. Concliijol., t. XVII, p. G, 1869. — Actes Soc. Linn. Bordeaux, t. XXVII, p. 118, 1869. Doris tomentosa Fischer, Journ. ConchyoL, l. XVIII, p. 290; t. XX, p. 6. — Actes Soc. Linn. Bordeaux, t. XXIV, p. 184, 1874. Jorunna Johnstoni Bergh, MaJacol. Unters., Supplement-Hft H, p. 114, 1881. — Hft XV, p. 683, 1884. Habitat. — J'ai trouvé quelques échantillons de cette espèce, aux grandes marées d'août et septembre, en divers points du Bassin, sur un vieux pilier du débarcadère d'Eyrac, sur des collecteurs de la pointe du Tes, sous les pierres à la pointe de Bernet. Plusieurs fois, j'ai vu la Doris en place, dans une petite loge creusée à la surface du Spongiaire dont elle se nourrit, et avec lequel elle est parfaitement homochrome. D'après Aider et Hancock, la ponte a lieu en mai et juin; or, à la fin de septembre, les individus recueillis à Arcachon ont déposé en aquarium des pontes spiralées, d'un beau jaune, ce qui est assez extraordinaire, les Doris n'ayant pas l'habitude de pondre plusieurs fois par an Société se. d' Arcachon. 2 18 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ArICACHON Spécification . — Les échantillons répondent parfaitement à la description et aux figures d'Aider et Hancock; les dimen- sions seules sont moindres; tandis qu'Aider et Hancock (côtes anglaises), Bergh (Ti'ieste) et Vayssière (Marseille) ont recueilli des Jorunna mesurant jusqu'à 45 millimètres de long, le plus grand individu d'Arcachoil ne dépassait pas 16 millimètres. Le nombre des branchies et des lamelles rhinophoriques varie avec l'âge : Aider et Hancock et Garstang comptent de 12 à 15 branchies et 10-15 lamelles chez leurs échantillons; Vayssière trouve 11 branchies seulement chez une Jorwma de 45 millimètres; des Jorunna d'Arcachon, mesurant 10 millimètres (précisément ceux qui ont pondu en acjuarium), présentent aussi 11 branchies et une douzaine de paires de lamelles; un petit exemplaire dé 3 millimètres de long, recueiUi en septembre, et provenant évidemment d'une ponte récente, avait 9 branchies et 6 paires de lamelles. Il est probable que les Jorunna Johnstoni d'Arcachon constituent une variété locale, relativement naine. Synonymie. — Cuvier (04) a décrit d'une façon absolument insuftisante, sous lé nom de Doris tomentosa, urië ÎDoris conservée provenant des côtes de La Rochelle; or, P. Fis- cher (70), qui a pu examiner au Museum de Paris les tyjpës de Cuvier, se dit certain de l'identité de cette forme avec une Doris trouvée par lui à Arcachon, qu'il avait rapportée précédemment, non sans une certaine hésitation, à Doris Johnstoni Aid. Hanc. J'ai sûrement retrouvé l'esp^èce de Fischer, celle qu'il appelle tomentosa, et je trouve qu'elle répond avec la plus grande exactitude, sauf la taillCj à la diagnose et aux figures données par Aider et Hancock pour Doris Johnstoni. Il est possible que ce soit l'espèce que Cuvier à eue entre les mains, mais comme il ne l'a pas décrite, il est évident qu'on doit adopter le nom de Johnstoni^ comme l'ont fait du reste tous les auteurs qui ont eu à citer cette espèce. 4. RbstANGA cocciNEÀ Forbes. horis rubra d'Orbigny, Màg. dé Zoologie, l. VU, p. 102, 1837. Doris coccinea Forbes, Report Brit. Asioc. fur iM3, p. 133. STATION BIOLOGIQUE 19 Doi'is rubra Fischer, Journ. Conchyol, t. XV, p. 6, 1867. '— AcVeé Soc. Linn. Bore/eaux, t. XXVIl, p. 417, 1869. Bôstanga coccinea Bergh, Malacot. Uiiters., Supplement- Hft II, p. 99, 1881. Au mois d'avril, par une grande marée, j'ai trouvé sous les pieires à la pointe de Bernet deux individus de Roslanya coccinea tout à fait conformes à la description et aux figures d'Aldei' et Hancok (Fam. 1, pi. 7); cette jolie espèce, très reconnaissable à sa teinte rouge vif, est certainement assez rare dans le Bassin, comme du reste dans la plupart des loca- lités où on l'a signalée. II.— Doridiens à branchies non réti*actîies (Plianërobranches). 5. GoNiODORis CASTANEA Aider et Hancock. Habilat. — Pctrc de Mapouchette (en avril, juin et août, d'après les notes manuscrites de Lafont); en septembre, j'ai trouvé un petit exemplaire, de 5 millimètres de long, sous les pierres à la pointe de Bernet, correspondant parfaitement, malgré sa petite taille, à la description et à la figure d'Aider et Hancock (fam. I, pi. 19). C'est une forme printanière qui porid en avril. 6. Triopa clavigera Mùller. Habitat. — Deux exemplaires adultes, sous les pierres, à la pointe de Bernet (avril), parfaitement identiques à la descrip- tion et à la figure d'Aider et Hancock (fam. I, pi. 20). Forme printanière. Il est probable qu'il existe encore dans le Bassin bien d'autres Doridiens, mais difficiles à trouver en raison de leur petite taille, de leur rareté ou de leur apparition sporadique. P. Fischer signale dans son catalogue Goniodoris (Chromo- cloris) elegans Cantraine, Tdalia aspersa Aid. Hanc, Drepania (Ancula) fusca Lafont (74); cette dernière espèce n'a pas été 20' SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON retrouvée en dehors du Bassin d'Arcachon, mais on a décrit des formes voisines dans la Méditerranée et l'Adriatique. Dans la collection du Musée, il existe quelques exemplaires de Polycéride(*) (Palio Lessoni d'Orbigny = Polycera ocellata Aid. Hanc); dans ses notes manuscrites, Lafont dit avoir recueilli Palio au parc de Mapouchette (juin). Il y a encore au Musée deux échantillons d'Idalia, provenant de Mapouchette (sous les tuiles), étiquetés I. aspersa Aid. Hanc. ; il me semble, autant qu'on peut le dire d'après des animaux en alcool, que c'est plutôt JcZaZm pulchella Aid. Hanc. Somme doute, la faune d'Arcachon est plus riche qu'on n'aurait pu le croire, en raison de la rareté des abris rocheux dans le Bassin; elle comprend surtout des formes banales, à grande répartition géographique, qui ont été signalées dans bien des points, sur les côtes de l'Atlantique, de la Manche, de la Méditerranée et de l'Adriatique, comme Archidoris tuher- culata, Jorunna Johnstoni, Rostanga coccinea, Goniodoris castanea, Triopa clavigera, Palio Lessoni; l'espèce la plus abondante est Staurodoris verrucosa, qui se trouve aussi en Méditerranée et en Adriatique; c'est une forme un peu méridionale, puisque, dans l'Atlantique, elle parait ne pas remonter plus haut que la Loire-Inférieure. Enlln, une seule espèce, Drepania fusca, parait spéciale au Bassin, mais je ne l'ai pas revue. Il est assez singulier que le Copépode Licho- molgus agilis Leydig, qui vit en commensal sur les téguments de divers Doridiens et Eolidiens, n'ait pas été rencontré jus- qu'ici à Arcachon ; malgré une recherche attentive, je n'en ai pas vu sur les Archidoris et Staurodoris, dont j'ai cependant examiné un grand nombre d'individus, tandis que sur les côtes anglaises, dans le Boulonnais, à Roscoft", dans la baie de Goncarneau, on le trouve fréquemment sur la peau des Archidoris, Jorunna, Triopa, etc.; ce Lichomolgus a été signalé aussi dans la Méditerranée et l'Adriatique, mais il y parait plus rare que dans les régions septentrionales. Nancy, 20 février 1904. (•) Recueillis probablement par Durégnc, qui a signalé eu 1«88 la présence de l'cUio Lessoni dans le Hassin (BuU. de la Station zooJogique, 1889, p. 30). STATION BIOLOGIQUE 21 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE Alder et Hancock. — A monograph of the british Nudibranchiate Mollusca (Ray Society, London, 1845). Bergii. — Malacologische Untersuchungen (Reisen im Archipel der Philippinen, von Semper, 1870-1888). — Die cryptobranchiaten Dorididen (Zool. Jahrb., Abth. fur System., Bd. VI, 1892, p. 103). Carus. — Prodromus faunae Mediterranese, voL II, 1893. CuviER. — Mémoire sur le genre Doris (Annales du Museum, t. IV, 1804, p. 447). Fischer (P.). — Catalogue des Nudibranches et Céphalopodes des côtes océaniques de la France (Journ. de Concliyologie, t. XV, 1867, p. 5). — le' supplément (id., t. XVII, 1869, p. 5). — 2« supplément (id., t. XX, 1872, p. 5). Fischer. — Faune conchyologique marine du département de la Gironde et des côtes du S.-O. de la France, supplément (Actes Soc. Linn. Bordeaux, t. XXVII, 1869, p. 71). — 2« supplément {id., t. XXIX, 1873, p. 193). Fischer. — Essai sur la distribution géographique des Brachiopodes et des Mollusques du littoral océanique de la France (--le fes Soc. Linn. Bordeaux, t. XXXII, 1878, p. 171). Fischer. — Note sur quelques espèces du genre Doris décrites par Cuvier (Journ. de ConchyoJogie, t. XVIII, 1870, p. 289). Francotte. — Recherches sur la maturation, la fécondation et la segmentation chez les Polyclades (Arch. Zool. exp., [3], t. VI, 1898, p. 189). Garstang. — Report on the Nudibranchiate Mollusca of Plymouth sound (Journ. of the marine biol. Assoc, t. I, 1889, p. 173). Garstang. — A complete list of the Opisthobranchiate Mollusca found at Plymouth (Journ. of the marine hiol. Assoc, t. I, 1890, p. 399). Giard, — Recherches sur les Ascidies composées ou Synascidies (Arch. Zool. exp., t. 1, 1872, p. 501). Giard. — La casli-ation parasitaire (Bulletin scientifique, t. XVIII, 1887, p. 23). Giard. — Le laboratoire de Wimereux en 1888 (recherches fauniques) (Bulletin scientifique, t. XIX, 1888, p. 492). •32 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON Hecht. — Contribution à l'étude des Nudibranches (Métn. Soc. Zool. de France, t. VIII, 1895). Herdman et Clubb. — Third report upon the Nudibranchiata of the L. M. B. C. district (Proceed, and Trans, of the Liverpool Biol. Soc., vol. IV, 4890, p. i3I\ Lafont. — Note pour servir à la faune de la Gironde {Actes Soc. Linn. Bordeaux, t. XXVI, 1866, p. 518). — Id. (t. XXVIII, 1871, p. 237). Lafont. — Description d'un nouveau genre de Nudibranches des côtes de la France (Journ. de Conchyohigie, t. XIV, 1874, p. 369). Meyer et Mobius. — Fauna der Kieler Bucht. Opistohranchiafa. t. I, 1865. Vayssière. — Mollusques nus {TtésuHats scientifiques de la campagne du Caudan dans le golfe de Gascogne, fasc. I, 1896, p. 243). Vayssière. — Recherches zoologiques et anatomiques sur les Mol- lusques Opistobranches du golfe de Marseille {Annales du Mia^ée de Marseille, t. VI, 1901). Vayssière, — Étude comparée des Opistobranches des côtes françaises de l'Océan Atlantique et de la Manche avec ceux de nos côtes médi- terranéennes (Bulletin scientifique, t XXXIV, 1901, p. 231). ZoPF. — Zur Kenntniss der Farbungsursachen niederer Organismen (Beitràge zur Phi/s. und Morph. nied. Organ., Hft II, 1892, p. 3). Explication de la Planche. FiG.l. — Staurodoris verrucosa Cuv., adulte, trouvée au mois d'août, en train de pondre. Gr. nat. FiG. 2. — Ruban ovigére probablement incomplet, pondu par une Staurodoris de grandg taille (22 septembre). Gr. nat. FiG. 3. — Staurodoris de petite taille, trouvées le 10 août ; l'une mesure 11, l'autre 12 millimètres de long (individus progénétiques). Gr. nat., mais les animaux sont coiitiactés. FiG. 4. — Ponte progénétique provenant d'une des Staurodoris de la (ig. 3; le ruban ovigére est fixé sur un fragment d'Ulve. Gr. nat. FjG. 5. — Face ventrale d'une Staurodoris de 10 millimètres de long, trouvée le 10 août, hébergeant trois Splanchnolrophus ; à droite et à gauebe du pied, on voit les sacs ovigéres externes de deux de ces parasites. FiG. 6. — Croquis d'un Splanchnolrophus extrait de la Staurodoris delaifig. 5 ; l'ab4oinen dp p?n:as|t^ a été| ç^éçhiré. ■ fipi-^t"- ■ Fig. 1. Fig. 2. Fig. 5. ,.xi««*%A :^.^ )l Fig. 4. i/' Fig. 5. HfH V Fig. 6. STAURnnnRis VERRUCOSA cuv. L Cuenot, del. D' L Muratet, se STATION BIOLOGIQUli 23 II LA mm m\m et sa ciriil'latioîi artérielle CHEZ TORPEDO GALVANI CHEZ GALEUS CANIS ET CHEZ SCYLLIUM CATULUS Le D' M. CAVALIÉ Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Bordeaux. Chez Torpedo galuani, chez Galeus canis et chez Scyllium catulus, le foie comprend deux lobes, un droit, un gauche, à grosses extrémités antérieures soudées sur la ligne médiane ('). FiG. 1. La vésicule biliaire est accolée directement à la face ventrale du lobe droit, sans interposition d'un mésocyste {Torpedo galvani) ou bien enfouie dans l'épaisseur de l'extrémité anté- rieure de ce lobe (Galeus cam's, Scyllium catulus). D'une forme arrondie chez Torpedo galvani et chez Galeus canis, elle ressemble à un tire-bouchon chez Scyllium catalus. (>) L'animal est envisagé horiiontal, la tête en avant, la queue en arrière. 24 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARC4CH0N Il existe chez ces poissons des relations entre la circulation artérielle du foie et la circulation artérielle des parois de la vésicule biliaire. J'ai injecté de la gélatine carminée à chaud soit par le bulbe aortique, soit par le tronc de l'artère hépatique, soit mieux par l'aorte abdominale, en sens inverse de la direction Rahc FiG. 2. du courant sanguin, après ligature de l'aorte au-dessus du tronc cœliaque. L'artère hépatique se divise en deux branches : l'artère hépatique droite, l'artère hépatique gauche. L'artère hépatique droite aborde l'extrémité antérieure ou base du lobe droit du côté ventral, s'engage dans un court sillon, puis dans l'épaisseur de la substance hépatique. Chez Torpedo galuani, lorsque l'artère hépatique droite a abordé, par la face ventrale, la base du lobe droit, elle s'engage dans un petit sillon sur le côté externe duquel se trouve la vésicule biliaire, sphérique et adhérente au foie par la portion STATION BIOLOGIQUE 25 supérieure de sa circonférence. Le reste de la circonférence est libre. En écartant en dehors et à droite la vésicule biliaire, on aperçoit l'artère hépatique droite dans son sillon ; cette artère fournit à la vésicule plusieurs rameaux cystiques directs (fig. 2). D'autre part, sur toute la surface vésiculaire qui adhère au foie, on voit des rameaux artériels qui vont des ramifications FiG. 3. FiG. 3 bis. intra-hépatiques de l'artère hépatique droite vers la vésicule (rameaux cystiques indirects ou hépato-cystiques) et qui s'anastomosent parfois avec les rameaux cystiques directs. Chez Galeus canis, l'artère hépatique droite passe d'abord à côté de la vésicule biliaire enfoncée dans l'épaisseur de la base du lobe droit, puis continue son trajet dans le reste du lobe, vers son extrémité postérieure. L'artère hépatique droite fournit un rameau cystique direct, puis des rameaux hépa- tiques, qui, dans l'épaisseur de la base du lobe droit, envoient des branches artérielles aux parois de la vésicule biliaire (ra- meaux cystiques indirects ou hépato-cystiques) (flg. 3, S^'«, 4). 26 SOCIÉTÉ SPIENTIFIQU^ D'aRCACHON Chez Scy Ilium catuîus, l'artère hépatique droite abandonne un ou deux rameaux directement à la vésicule biliairg (fig. 5 Les ramifications de l'artère hépatique dans la base du lobe droit envoient des branches sur les parois de la vésicule (rameaux cystiques indirects ou hépato-cystiques). Les relations qui existent entrp le^ circulation? artérielles du lobe droit et des parois de la vésicule biliaire chez Torpedo galvani, chez Galeus canis et chez Scyllium catuliis sont à FiG. 4. rapprocher de celles que j'ai observées chez l'homme et chez quelques mammifères (^). Il est fies mammifères qui n'ont pas de vésicule, et chez ceux qui en sont possesseurs, elle est adhérente au foie ou flottante. (') a) Relations vasculaires entre la vésicule biliaire et le foie chez l'homme et chez quelques mammifères. Travail du laboratoire de M. le professeur Mathias- Duval (CQngrrès des Sociétés Savayites, Paris, juin 1900). b) Les branches hépatiques de Tarière cystique chez l'homme; en collaboration avec le D' Paris (Comptes rendus Soc. de Biol , 18 mai 1900). c) Les branche- hépatiques de l'artère cyslique chez le chien; en collaboration ayec le D' Billard (Lopiptes rendus Soc. de Biol., 1": juin 1900). d) La vésicule biliaire et l'arlère cystique chez Phomme ; communication' à la Section "d!»natomie du XIII' Congrès internat, de ©édec, Paris, apùt lUOQ. STATION BIOLOGIQUE 27 Lorsque la vésicule est accolée au foie, comme chez Fhomme, chez le bœuf, chez le lapin et chez le chien, il y a des liens étroits entre leiirs circulations artérielles. Chez l'homme, chez le bœuf et chez le lapin, l'artère cys- tique envoie des rameaux dans la substance hépatique voisine de la vésicule biliaire (artères cystico-hépatiques). Chez le chien, l'artère principale et l'artère accessoire des- FiG. 5. tinées à la vésicule (artères cystiques) fournissent des ranieaux à la substance hépatique des deux lobes inférieurs (artères cystico-hépatiques). Par contre, des ramifications artérielles hépatiques de ces deux lobules passent inversement du foie sur la vésicule (artères hépato-cystiques). Il s'établit ainsi chez le chien un échange anastomotique de rameaux artériels entre la cir(,ulation artérielle de la vésicule et celle des lobes hépatiques voisins. Chez Torpedo galuani, chez Galeus canis et chez Scyllnim catulus, les ramifications intra-hépatiques de l'artère hépa- tique droite fournissent des artères hépato-cystiques, dispo- 23 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON sition qui existe chez le chien et non pas chez l'homme. Chez le chien, il existe, en plus, des artères cystico-hépa- tiques, qu'on rencontre seules chez l'homme, chez le bœuf et chez le lapin. Légendes. FiG. 1. — Vésicule biliaire en glomérule chez ScyUium catulus : Cch, canal cholédoque. — Ch, canaux hépatiques. — Ce, canal cystique. FiG. 2. — Foie de Torpedo Galvani (face ventrale) : LD, lobe droit. — LG, lobe gauche. Aa, aorte abdominale. — Ad, aorte droite. — A g, aorte gauche. Acœ, tronc cœliaque. — Ahd, artère hépatique droite.— Ahg, artère hépatique gauche. Ah, tronc de l'artère hépatique. Rac, rameaux artériels cystiques. Rahc, rameaux artériels hépatocystiques. FiG. 3. — Foie de Galeus canis (face dorsale) : LD, lobe droit. — LG, lobe gauche. VB, vésicule biliaire. A, portion de la la vésicule biliaire qui émerge du foie. FiG. 3 l)is. — Foie de Galeus canis (face ventrale) : Ah, artère hépatique. Rc, rameaux artériels cystiques directs. — Rhc, rameaux artériels hépato- cystiques. FiG. 4. — Extrémité antérieure ou base du lobe droit, du foie de Galeus canis (face ventrale) : Ahd, artère hépatique doite. Red, rameaux cystiques directs. — Rhc. rameaux artériels hépatocystiques. FiG. .f). — Foie de ScyUium catulus (face dorsale) : LD, lobe droit. — LG, lobe gauche. — Vb, vésicule biliaire. FiG. 5 bis. — Foie de Sciflllum catulus (face ventrale) : LD, lobe droit. — LG, lobe gauche. Ah, artère hépatique. — Ac, artère cystique. Rhc. rameaux artériels hépatocvstiqiies . STATION BIOLOGIQUE 29 III SUR LE POyïOIR AMYLOLÏÏIQI'E Dll SAl DES PflISSOl ET DES CRUSTACÉS (») PAU J. SELLIEK On sait depuis Magendie et Cl. Bernard que le sang des animaux supérieurs possède la propriété de saccharifier l'amidon. Bial ("^) a le premier fourni les preuves de l'action diastasique du phénomène, et Dubourg (^) a montré que l'amy- lase du sang comme celle de l'urine poussait l'hydratation de l'amidon jusqu'au glucose. Or, on savait déjà que les amylases du malt, de la salive et du suc pancréatique ne donnent dans les mêmes conditions d'expériences que du maltose. Il semble donc, d'après ces faits, qu'il existe plusieurs variétés de dias- tases amylolytiques ; et Duclaux a été amené à admettre dans le sang l'existence d'une maltase capable de transformer le maltose en glucose, et d'une amylase proprement dite donnant des dextrines et du maltose. De nombreux travaux ont fait connaître les propriétés des diastases amylolytiques du sang des animaux supérieurs, mais à ma connaissance rien n'avait encore été fait de général chez les poissons et les invertébrés. Ch. Richet (^) pourtant avait signalé Texistence d'une diastase amylolytique dans le pancréas et le liquide peritoneal des poissons, ainsi que dans le foie des crustacés. (1) Extrait du Bulletin de la Société de Biologie, ly février 1904. (*) Pfl'ùyer's Arch.,X. LUI et LIV. (3) Ann. de l'Institut Pasteur, t. III, 1889. (*) Ch. Richet. De quelques faits relatifs à la digestion des poissons, Archives de physiologie, 28S«. /^^l^ 30 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON Une pareille étude était facile à réaliser à la Station biolo- gique d'Arcachon, grâce à l'abondance de poissons d'espèces diverses et d'animaux invertébrés de toute sorte. Dans chacune des très nombreuses expériences que j'ai réalisées, le sang était obtenu par saignées pratiquées asepli- quement sur des animaux vivants. Le sérum était obtenu par centrifugation. Des volumes déterminés de ce dernier étaient mis en contact avec un volume constant dé la solution ordinaire d'empois d'amidon, tbymolisée ou toluénée. Après vingt-quatre heures de séjour à l'étuve à 40 degrés, et après défécation préalable au sous-acétate de plomb, les matières réductrices obtenues étaient dosées avec la liqueur de Fehling ferro-cyanurée, mais avec la technique, importante pour un dosage précis, préconisée par Denigès et Bonnans. Un flacon témoin accompagnait toujours chaque expé- rience. Mes recherches ont porté sur plusieurs espèces de poissons (Galeus canis, Torpedo marmorata, Scyllium catii- llis, Squdtina angélus, Conger vulgaris, Trigon pastinaca et dé crustacés (Maïa sqiiinado, Cancer pagiirus, Carcinus mœnas, Portunus puberj. J'ai presque constamment trouvé dans le sang de ces êtres Une diastase saccharifiante, mais avec des teneurs diverses. Toutefois, il m'est arrivé de ne point obtenir trace de réduction de la liqueur ferro-cyanurée en opérant avec le sang d'espèces qui en avaient fourni antérieurement (Galeus canis, Maïa squinado, Cancer pagurus). Cette diastase ne serait donc pas constante dans le sang, et sa présence résulterait très proba- blement de certaines conditions physiologiques qui restent à déterminer. Dans les expériences où je faisais varier lé volume de sérum et par- conséquent la quantité d'amylase, en maintenant cons- tantes lès autres conditions (volume de la solution d'empois, température, réaction neutre du milieu), j'ai constamment trouvé Une variation de l'activité dans le même sens, sans cependant obtenir une proportionnalité correspondante. L'activité amylolytique du sérum déterminée après des temps variables de séjour à î'étuve à 40 degrés, les autres conditions restant les mèmes^ augmente aussi avec le temps, jusqu'à une certaine limite où la quantité de matières réduc- STATION BIOLOGIQUE 31 trices produites reste constante, quelle que soit la durée de l'expérience. Ces derniers faits sont en concordance avec ce qui est actuellement connu sur les propriétés des ferments solubles, etc. J'ai, de plus, longuement étudié la marche de la saccharifi- cation à des températures diverses. Le maximum d'action, dans les conditions expérimentales déterminées plus haut, m'a toujours paru être vers 40 degrés. STATION BIOLOGIQUE 33 IV LA QUESTION SARDINIÈRE ET LA CRISE AQUICOLE EN G^ÉNÉFIAL. PAR J. KUXSTLER L'histoire de la sardine et de ses applications pratiques a été envisagée de façons multiples, et l'ensemble des publications qui y sont consacrées forment une véritable bibliothèque. Des savants comme Coste, Pouchet, etc., et des praticiens comme MM. Dupouy, Deluc, etc., lui ont consacré des Mémoires documentés. Moi-même, en collaboration avec M. Ch. Bénard, président de la Société d'Océanographie, j'ai rédigé sur cette question un rapport demandé par la Chambre de commerce de Bordeaux. L'importance économique des pêches maritimes est énorme. Leur rendement est d'autant plus précieux que, jusqu'ici, il a été inutile de semer pour récolter, et que, selon la parole de Franklin, c'est là un revenu tout gratuit que nous fournit la Nature. Cette manière d'être durera-t-elle indéfiniment? Les échos plaintifs qui, de toutes parts, nous annoncent une dépo- pulation progressive sont de nature à nous faire craindre qu'il n'en sera pas toujours ainsi, quoique l'unanimité n'existe pas sur ce point et que beaucoup de techniciens croient à de sim- ples déplacements de faunes sous des influences diverses, naturelles ou môme dues à l'action humaine. Quoi qu'il en soit, la crise sardinière actuelle semble donner une vraisemblance plus considérable aux appréciations des pessimistes. SociÉTK se. dWucachon, - .3 34 SOCIÉTÉ SCIÈNfIF'IQUÈ D'ARCACHON Les remèdes à apporter aux calamités dugenre de celles que suscite la crise de la sardine sont de deux ordres : ceux qui ont une action directe et ceux qui n'ont qu'une portée indirecte. C'est dans cette dernière catégorie qu'il convient de ranger, notamment, la refonte des règlements, réclamée par l'immense majorité des intéressés et destinée à rendre leur action protec- trice et reconstitutive plus efficace. Nous sommes loin de contester l'importance d'une régle- ■ mentation rationnelle. Mais, pour élaborer des règlements judicieux, il est de première nécessité que les conditions biolo- giques marines, les mœurs des poissons et les faits connexes qui s'y rattachent soient suffisamment connus. Ceci ne saurait être que le résultat des études des naturalistes, études qui n'ont guère encore été faites que d'une façon peu méthodique et seulement en certains points spéciaux, choisis quelque peu au hasard, alors qu'il serait d'utilité primordiale d'adopter un plan d'ensemble rationnel, d'api'ès lequel les recherches futures porteraient avec méthode sur les golfes et bras de mer pratiqués par les pêcheurs. 11 est, en effet, bien regrettable que le domaine de la mer et sa culture n'aient pas encore été l'objet d'une attention plus persévérante, malgré les bénéfices de tous ordres que Ton peut espérer en tirer. Il est indispensable que les naturalistes consacrent à l'industrie maritime des ellorts féconds, qu'ils recherchent les causes fondamentales des mutations de faunes et des migrations des poissons, de telle sorte qu'un remède efficace puisse être opposé, si possible, à des perturbations aussi inattendues que malheureuses. La vSociété de Pisciculture du Sud-Ouest consacre de longs et persévérants efforts à l'étude des questions si nombreuses et si importantes qui se rattachent à l'industrie des eaux. Les mêmes intérêts bénéficient de la bonne volonté éclairée de toute une série de Congrès où toutes les compétences viennent apporter les résultats de leurs patientes recherches, et dont la sollicitude s'étend à tout ce qui touche à l'intérêt du marin. Les progrès de l'art de la pêche et de la multiplication des poissons de mer et d'eau douce, la réglementation rationnelle de ces importantes questions, l'économie professionnelle des marins (assurances, mutualité, hygiène, sauvetages, etc.), la STATION BIOLOGIQUE 35 technique professionnelle de la pèche, les armements mariti- mes, le transport et la conservation du poisson, l'ostréicul- iLire, la mytiUculture, la culture du homard, de la langouste et même la pêche à la ligne sont inscrits dans les programmes des travaux de ces Congrès. Nous altribuons une importance toute spéciale à ces solen- nités du labeur intellectuel venant apporter un concours pré- cieux aux efforts souvent si rudes de nos marins et de nos pêcheurs. Que l'on ne vienne pas dire que ce sont là dés réunions où l'art oratoire joue un rôle prépondérant, sinon exclusif, au grand détiiment de la pratique, et dont la prin- cipale utilité est de mettre en relief les orateurs les plus abondants. Il est assez ordinaire d'entendre répéter que nous manquons de cet esprit piatique nécessaire à la réussite de toute entreprise de longue haleine, et que, chez nous, les paroles servent trop souvent à masquer ce que les actes peu- vent avoir d'insuffisant. On nous cite communément les Amé- ricains qui, « avec leur robuste bon sens, » n'auraient jamais étudié la science de la pisciculture, mais qui auraient immé- diatement passé à la pratique avec un succès complet. Ce n'est pas le lieu ici de répondre à de pareilles aflirma- tions. La réussite, en toute chose, est la conséquence directe de facteurs favorables, aussi bien en Amérique que dans notre vieille Europe. Nous ne saurions admettre que l'exclusivisme pratique soit l'idéal à rechercher. L'expérience journalière nous montre bien que les praticiens ne suffisent pas pour développer une œuvre. Ils engendrent trop souvent la routine. Une réorganisation aquicole, comme celle qui est entreprise chez nous, a besoin d'une base scientifique qui soit un sûr garant d'une marche continue dans la voie des progrès de la science universelle. L'esprit d'investigation et d'érudition doit toujours être associé à la pratique quotidienne. C'est, du reste, ce qu'a bien compris l'Amérique elle-même, ainsi que certains autres pays tels que l'Allemagne et l'Angleterre, qui se distinguent parleur initiative et aussi, il faut bien le dire, par leurs succès en toute chose, et où existent des laboratoires d'études spéciaux, ainsi qaé des enseignements de zoologie pratique inconnus chez nous. Les conditions économiques qui sont faites aux peuples 36 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON deviennent de plus en plus pénibles à supporter. La concur- rence vitale des peuples acquiert de nos jours une acuité qui nous fait un devoir de développer les ressources nationales et qui nous impose le progrès comme un processus de première nécessité. La grandeur d'une nation dépend autant de sa richesse économique que de sa force armée, et les défaites les plus considérables ne sont pas toujours subies sur le champ de bataille. Si, dans les temp- les plus reculés, l'homme pouvait se contenter de vivre au jour le jour des produits de sa chasse et de sa pêche, ainsi que des 'fruits spontanés de la terre, le besoin de se créer des réserves plus sûres s'est fait jour avec l'aurore de la civilisation et dès la constitution des premiers groupements humains. La domestication des animaux et la culture du sol ont produit les peuples pasteurs, errants, et les peuples laboureurs, sédentaires. Ainsi a été inaugurée une marche continue vers une perfection progressive. La société humaine s'organise d'une manière de plus en plus parfaite, de façon à augmenter le bien-être de ses membres, aussi bien qu'à lutter pour l'existence du groupement social lui-même. Dans l'état actuel de la société, en ces temps d'âpre concur- rence, développer une source de richesse nationale, c'est faire œuvre de prudence et preuve d'esprit de prévoyance. L'industrie des eaux touche à une question humanitaire du plus haut intérêt, celle de l'alimentation à bon marché. Par exemple, par les pratiques d'une pisciculture rationnelle, no- tamment en eau douce, il peut être possible d'espérer la pro- duction, en quantités énormes, en quelque sorte indéfinies, de substances alimentaires de qualité nutritive supérieure, de façon à constituer ainsi une ressource publique précieuse, sans préjudice pour aucun produit naturel. Malheureusement," pour des raisons diverses, ce but si désirable est loin d'être atteint, et il est d'une nécessité absolue d'organiser la piscicul- ture sur de nouvelles bases et de remanier ses procédés habi- tuels. La réforme nécessaire n'est pas surtout administrative; elle doit avoir une portée pratique et générale. Le respect des deniers publics, ainsi que l'intérêt réel de la pisciculture elle- même, exigent des efforts féconds. L'absence de tout résultat positif et utile serait imputée à la science et non à la façon dont elle est servie. C'est cette science qui subirait tout le contre- STATION BIOLOGIQUE 37 coup du discrédit que sont capables de jeter sur une bonne cause les efforts faits dans une mauvaise voie. L'organisation i^ationnelle de la pisciculture serait une innovation qui, à la place de dépenses considérables, mais stériles, permettrait d'espérer la production do quantités de poissons suffisantes pour avoir une répercussion profonde sur tout le pays, contri- buer au bien-être des classes malheureuses et adoucir en partie les souiTrances de ceux qu'un labeur continuel ne met pas à l'abri du besoin. Mais, outre ces résultats généraux, il ne faut pas oublier que l'industrie des eaux est le gagne-pain de toute une classe sociale nombreuse et intéressante. L'étude de la crise actuelle de cette industrie en France montre que les anciennes méthodes sont devenues insuffisantes devant les progrès croissants de la consommation, alors que les nouvelles méthodes n'ont pas encore été adoptées. Mais les pouvoirs publics et la masse considérable de tous ceux que leur foi en elle porte à la croire capable de rendre d'éminents ser- vices sentent bien toute l'importance des résultats à espérer, et prévoient combien la culture rationnelle des eaux est appelée à changer la face des choses et à permettre de tirer un parti considérable de nos forces naturelles. Ce qui apparaît surtout dans la question de la pisciculture, telle qu'elle est posée actuellement, c'est l'infériorité des résultats pratiques constatés devant les sacrifices les plus considérables. La décroissance progressive de la population des eaux semble continuer d'une manière générale, malgré tout ce qui a été fait jusqu'ici. Les pouvoirs publics ne manquent pas de s'inquiéter de cet état de choses et de rechercher la solution du problème sou- levé par la nécessité du repeuplement si urgent de nos eaux. Un gros budget annuel n'a pas encore réussi à modifier ces résultats négatifs. Des sommes considérables, bien employées, ne sauraient poui'tant pas manquer d'aboutir à des résultats tangibles. La pisciculture est susceptible de rendre d'énormes services, de contribuer à l'augmentation et à la consolidation de nos richesses nationales, et de servir directement la cause des déshérités de la fortune, pour lesquels l'État travaillerait ainsi sans augmenter ses débours. •B* Nos connaissances des mœurs de la sardine sont encore bien 'àS socn'iTi'; ^ciE.NTii'igirE d'arcachox incomplètes. Chaque année, au printemps, avec des variations de date qui paraissent dépendre des conditions climatériques dominantes, etc., on peut constater l'arrivée vers la cùte de grosses sardines dites sardines de dérive. Ce sont des individus adultes se rapprochant de la maturité sexuelle et ayant des œufs ou de la laitance; ils montent pour pondre, et leur chair est de qualité inférieure. Ces sardines sont consommées fraî- ches. Elles ne sont capturées qu'avec des filets de dérive, car elles ne travaillent pas à la rogue; elles ne mangent pas et ne sont pas attirées par cet appât ordinaire de la sardine com- mune; elles ne sont pas employées pour les conserves. D'une manière générale, à propos de ces singularités de cap- ture, la pêche des poissons de mer dépend de facteurs de tous ordres, souvent bien dilTérents de ce que l'on pourrait croire au premier abord. C'est ainsi que, pour les poissons qui se prennent à la ligne, il se peut qu'ils soient très nombi'eux aux lieux de pêche, mais sans mordre à l'hameçon. Cela peut, sans doute, dépendre, par exemple, de l'abondance de la proie vivante naturelle qui suffira à leurs besoins. Dans ces condi- tions, le pêcheur n'en capture pas, et, pour lui, le « passage » ne paraît pas avoir lieu; le poisson « ne travaille pas ». Le mal ne saurait être pallié que par une modification du pro- cédé de pêche. De plus, les individus plus ou moins rapprochés de la maturité sexuelle ne mangent plus, et, partant, ne sont pas capturés par les pêcheurs à la ligne, de telle sorte qu'il est fort difficile de se procurer des poissons reproducteurs pour les étudier. C'est là un phénomène à peu près général chez les poissons; les individus éloignés de leur période repro- ductrice sont les seuls voraces, à l'exclusion de ceux qui en sont plus ou moins rapprochés. Il existe souvent même une véritable métamorphose sexuelle précédant ces phénomènes. Arrivées pi-ès des côtes, loin des grandes profondeurs, les sardines pondent dans des conditions encore imprécises. Le plus souvent on admet que les œufs sont flottants, quoique certains affirment qu'ils ne se soutiennent qu'entre deux eaux ou même qu'ils tombent au fond. La période incuba- trice est courte, et l'éclosion donne naissance à des alevins, pourvus d'une petite vésicule vitelline, qui tombent au fond de la mer pour se nourrir et se dissimuler au milieu du tapis STATION BIOLOGIQUE 39 végétal et animal qui le recouvre et où se passent les pre- mières périodes de leur existence. La ponte paraît avoir lieu surtout au mois d'août, à environ une lieue des côtes. Chaque femelle pond plusieurs milliers d'œufs, jusqu'à 6,000 dit-on. L'incubation dure environ neuf jours, pendant lesquels les œufs flottent entre deux eaux. Telle est, du moins, l'opinion probable à laquelle se rallient la plupart de ceux qui ont fait des études sur ces poissons, car l'on n'a pas encore pu pêcher les alevins de sardine dans les immensités de l'Océan. Ces petits êtres semblent donc descendre peu à peu vers les fonds océaniques, où ils trou- veront non seulement une nourriture favorable, mais encore une température moyenne d'une quinzaine de degrés néces- saire à des organismes si délicats. Au contraire, dans Ja Méditerranée, on en capture en quantités considérables, à raison de plus de 1,000 kilogrammes par jour. Ils sont livrés au commerce sous la dénomination de pontine et sont très l'echerchés. La sardine pondeuse, dite de dérive, a deux ans et présente une longueur d'environ 25 centimètres. Les sardines de rogue arrivent, par bancs immenses, quelque temps après le passage des reproducteurs ; ce sont elles qui entretiennent la grande pêche bretonne et qui sont mises en conserve. Elles sont non seulement nombreuses, mais aussi voraces, à un point tel qu'on peut les capturer en immenses quantités au moyen de l'appât appelé rogue. Leur âge est, sans doute, d'un peu plus d'une année. Elles appa- raissent dans les mers bretonnes en mai et y restent jusqu'en octobre, et elles se tiennent à huit ou dix kilomètres des côtes. Les déplacements de la sardine ont été pris pour l'indice de longs voyages, àeynigralion^ étendues. Des théories spécieuses ont été édifiées sur ces mœurs, et la bibliographie de ce sujet est importante et considérable. Toutefois, l'examen des faits, dégagés de toute idée préconçue, a fait naître des vues nouvelles et, en apparence, du moins, plus rationnelles. Aujourd'hui, on est tenté de croire tout le contraire de ce qu'on affirmait autrefois, et la théorie des longues migrations semble avoir reçu des atteintes irréparables. Les migrations des poissons constituent un phénomène A 40 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'arCACHON encore obscur. On paraît avoir souvent observé que leurs appa- ritions momentanées en certains lieux correspondent avec des époques où, grâce à la présence de petits organismes ani- maux et végétaux, les eaux se troublent quelquefois au point de devenir jaunâtres. La faune plus ou moins microscopique qui peut animer ainsi pendant des laps de temps variables certaines régions de la mer, et qui flotte autant à la surface que dans les couches profondes, est le plankton, que l'on admet souvent être la nourriture de prédilection des alevins, nourriture qui leur permettrait de vivre pendant les premières phases de leur développement. La température ne semble pas non plus être sans influence sur le déplacement des formes organiques dans la mer, et, pour les poissons dits migrateurs, tels que, par exemple, le maquereau, le thon, la sardine, etc., il paraît bien établi que la température moyenne des lieux exerce une action considé- rable. Par exemple, lorsque l'hiver a été rigoureux, le mouve- ment se produit avec un retard d'autant plus considérable que les phénomènes météorologiques ont été plus importants. On sait bien que le thon ne se rencontre pas dans les régions dont la température est moindre de 13° ni dans celle où elle dépasse 20<», et que la morue ne quitte guère les eaux à température voisine de 8®. Ces migrations paraissent être encore soumises à l'influence des courants chauds et froids, momentanés ou permanents, qui font varier les faunes locales d'une manière profonde, on pourrait même dire absolue. Des faits de ce genre sont déjà démontrés par les résultats acquis par l'étude des fossiles qui caractérisent les différentes couches de l'écorce terrestre. On a pu établir que, dans le cours des âges reculés, la faune de certains points spéciaux a varié brusquement, alors qu'elle continuait à persister dans des lieux plus ou moins voisins. Il a été établi, notamment, que certains courants polaires avaient pour effet d'éloigner plus ou moins complètement la faune marine existante des régions atteintes. Les courants chauds et les courants froids amènent avec eux leur propre faune; les poissons, en réalité, paraissent quelquefois amenés par les eaux favorables à leur existence : chaudes, froides, à plank- ton, etc., et il n'y aurait pas véritablement (.< passage », dans le STATION BIOLOGIQUE M sens spécial du mot. Si l'ensemble du phénomène est complexe, si ses causes sont encore obscures et réclament des études approfondies et prolongées, il n'en est pas moins constant que des déplacements constants de faunes sont la caractéristique de l'état momentané des mers, et la disparition de la sardine des côtes de Bretagne n'est qu'un cas particulier d'un phénomène général. Les phénomènes météorologiques et astronomiques sont en relations étroites avec les manières d'être des poissons. A huit ou dix jours près, nos pécheurs trouvent, dans des con- ditions normales, les mêmes espèces à la même époque de l'année ; mais les lieux de pêche varient d'une façon fort nette avec les vents dominants ou momentanés, qui paraissent jouer un grand rôle. Étant donnée la douceur du climat, les sardines méditerra- ne^nnes ne se dirigent guère vers les grands fonds, d'où il résuiu'^ que les migrations font défaut, et aussi que, pour les pêcher, on peut se dispenser de semer de la rogue pour les attirer. Au contraire, dans l'Océan ces déplacements sont de l'ègle, et ils sont susceptibles d'être expliqués de deux façons principales. Les uns pensent qu'après l'hiver elles viennent des mers chaudes et qu'elles vont du sud au nord avec la belle saison, de façon à ne revenii- qu'au bout d'un an. D'au- tres croient qu'elles arrivent de la haute mer et des grands fonds. Le contenu de leur estomac, consistant souvent en débris de mollusques, de crustacés, de spongiaires, de bryo- zoaires, etc., ainsi que les traces de vase qui maculent souvent leurs écailles, militent en faveur de cette dernière hypothèse. De plus, d'autres arguments viennent encore la fortifier. On a cru jusqu'ici que la sardine, qui est d'une famille de nomades {Ciupéidés : hareng, melette, harenguie, sardinelle, alose, anchois), était un grand migrateur, se livrant à des voyages considérables dans l'Océan, dans le golfe de Gasco- gne, dans la Manche et sur les côtes d'Espagne et de Portu- gal. Mais il y a immédiatement lieu de faire remarquer que, étant donnée l'étendue du parcours qu'on lui assigne, étendue extraordinaire par rapport aux minuscules dimensions de ce petit poisson, la chose devient bien peu vraisemblable. D'un autre côté, des études scientifiques précises ont donné une ■42 SOCIKTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON base encore plus solide aux adversaires de la théorie des migrations. On a pu établir, notamment, qu'il existe des races locales à caractères propres et dilT'érentiels non douteux, d'une façon assez nette pour qu'on puisse en déduire l'affir- mation qu'il n'y a aucun déplacement d'une région à une autre. Il résulte de ces faits et de ceux relatés plus haut qu'il est bien probable que les bancs de sardines n'exécutent normalement que des sortes de migrations réduites et locales, de plongée ou de remonte, qui ne sont que des résultantes de changements de la température ambiante et des conséquences de leur action sur les modifications du plankton qui leur sert de nourriture. 11 semble donc que les bancs de sardines se bornent à s'éloigner ou se rapprocher des côtes et de la surface, ou à plonger à des profondeurs variables, ceci suivant les varia- tions des saisons et les conditions climatériques momentanées. Ce sont là des migrations en miniature. Il est à remai'quer qu'en général ce ne sont pas les individus rapprochés de la maturité sexuelle qui sont le plus enclins à voyager, et nous sommes à même de faire connaître un certain nombre de faits et d'observations précises sur les mœurs de quelques poissons de mer, montrant bien de quelle façon se gîtent les reproducteurs, et de quelle manière se déplacent les individus non encore transformés, dans une recherche inten- sive des êtres dont ils font leur proie. Dans ces déplacements, de grandes dilférences peuvent être observées suivant les espèces, les unes arrivant à la surface le jour, les autres la nuit; mais, en général, ce sont les gros individus qui appa- raissent avant les petits. Cependant, pour les poissons que l'on peut qualilier de pélagiques, tels, par exemple, que le maquereau, le thon, la sardine, etc., il paraît peu contestable que la température moyenne exerce une action nette. Par exemple, dans le cas où l'hiver a été rigoureux, le mouvement se produit plus tard. Les résultats des recherches de Sa Majesté le roi de Portu- gal sont discordants à ce point de vue. Cet illustre personnage a publié un superbe atlas de cartes et de planches, traitant surtout du thon et des conditions de sa pêche qui représente environ un cinquième de la pêche maritime totale, dans la proportion de trois millions sur quinze, de son pays. Pour lui, STATION BIOLOGIQUE -43 il n'existerait pas de relations entre les variations météoro- logiques et les passages de thon, contraii-ement à l'opinion générale des marins. Ce souverain a exécuté ses belles recherches sur la côte des Algarves. Depuis 1870, le yacht Aurélia fait des campagnes actives et fructueuses. Sa prin- cipale préoccupation est la connaissance exacte des mœurs du thon; mais ces recherches n'ayant été sérieusement enre- gistrées que depuis peu d'années, on ne saurait en déduire des lois. Cependant, il a observé que, de mai à juin, le thon se dirigeait vers l'est et qu'il y a correspondance, à cinquante- deux jours de distance, entre l'arrivée et le retour des bandes de thons. Si l'eau n'a pas atteint au moins 13°, on ne trouve pas de poissons. Le thon et le germon ont un régime différent. D'un autre côté, on a observé, aux îles Lofoden, où la saison de pêche est de trois mois par an, et où l'on prend 20 mil- lions de morues, que l'on ne pourrait aflirmer qu'il y ait une rotation quelconque enti'e la pèche et la température des côtes. Cette remarque semble concorder avec l'hypothèse courante qu'à partir de 00 à 80 lieues des côtes, il existe une sorte de faune pélagique universelle s'étendant à presque toutes les mers (chaudes ou froides), d'où viennent les bandes dites de passage, lorsqu'elles sont poussées par des agents divers et souvent encore obscurs. A cette distance des côtes, les condi- tions physiques du milieu océanique varient très peu, à peine d'une demi-douzaine de degrés de température (entre 13 et 20 degrés), ce que les espèces pélagiques supportent très facile- ment. Comme complément indispensable des données qui précè- dent, l'étude du contenu intestinal des poissons, et notamment des sardines, fournit des documents péremptoires sur leur régime et leurs mœurs, en démontrant qu'elles suivent les zones d'eau contenant des micro-organismes dans leurs déplacements pour être toujours à portée de leur nourriture. Celle-ci, en effet, consiste essentiellement en animalcules mi- croscopiques (infusoires, dinoflagellés, etc.), dont leur tube digestif est rempli. La disparition de la sardine en Bretagne est un mal périodique, ^^ SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON irrégulier, dont les causes réelles n'ont pas encore pu être scientifiquement établies. Les saisons de pêche olïrent les va- riations les plus diverses, soit qu'elles présentent une unifor- mité remarquable ou qu'elles soient déconcertantes par leur irrégularité. Des phénomènes anormaux peuvent se produire au cours des périodes d'apparition, sous l'influence de causes encore inconnues, mais qui, a priori, semblent nettement correspondre soit à des modifications de la température des eaux, soit à des phénomènes météorologiques généraux, qui mettent en mouvement les eaux du nord de l'Atlantique, soit enfin à des phénomènes qui modifient le. régime des eaux côtières. Pour ce qui est du malheureux état de choses qui désole la Bretagne, quelques réflexions spéciales seront de nature à éclairer l'opinion. La pêche maritime est une industrie trop importante pour le pays pour que tout ce qui y tou<*,he n'intéresse pas ceux qui ont le légitime souci du bien public. Les statistiques publiques nous fournissent des renseignements précieux sur ce sujet. Pour ne citer que Paris, le marché au poisson occupe aux Halles centrales la plus grande partie des pavillons 9 et 11 . L'importance des apports y progresse constamment, ceci d'en- viron 500,000 kilogrammes par an, et elle atteint actuellement une trentaine de millions de kilogrammes. Ce sont les ports français qui pourvoient, à peu près seuls, ce grand marché, et ce sont les Parisiens qui consomment à peu près complètement cette énorme quantité de poisson. C'est ainsi que l'Angleterre ne nous expédie guère que 1,500,000 kilogrammes, et qu'on ne réexpédie en province qu'environ 5 0/0 des arrivages. C'est Boulogne qui est le plus important de nos ports de pêche. Il expédie vers Paris environ 7,000,000 kilogrammes de poissons, consistant essentiellement en maquereaux, harengs, merlans, congres, rougets, raies, colins et grondins. l\ y a aussi quoiqu'en moindres propoTtions, des turbots, des soles et des barbues. Un esprit d'initiative hardie caractérise ce port. Sa flotte de pêche consiste en une trentaine de chalutiers à vapeur et le double de grands bateaux à voiles, dont l'équipage est d'une vingtaine d'hommes. Ces bateaux vont chercher le STATION BIOLOGIQUE 45 maquereau au large de Tlrlande, ou le hareng très haut dans la nier du Nord, à partir de la fin du mois de juin, pour le sui- vre jusqu'aux côtes de France, où il arrive en octobre et où on le pèche encore pendant environ deux mois. Beaucoup de ces navires se livrent aussi à la pèche au chalut pour prendre prin- cipalement des poissons plats, turbots, soles, raies, limandes, carrelets, barbues, mais aussi des rougets, colins, etc. Les bateaux à voiles, eux-mêmes, sont munis d'un treuil à vapeur pour amener à bord le chalut, aussi bien que pour haler les filets employés pour la pèche du hareng et du maquereau, filets pouvant alteindre une longueur de plusieurs kilomètres. Outre les navires qui précèdent, la flottille bolonaise comprend encore nombre de chalutiers plus petits, destinés à pratiquer la pêche du hareng à l'aide de filets, en vue des côtes, et celle de la raie et du congre au moyen de très longs câbles garnis d'hameçons. L'année dernière, deux chalutiers à vapeur bolonais se sont rendus dans les eaux de l'Islande et en ont rapporté une cargaison d'une trentaine de mille francs de morues. A côté de Boulogne, le petit port Le Portel possède aussi une flottille d'une quarantaine de petits vapeurs qui ont pour objectif essentiel de prendre le merlan à l'hameçon. Ce poisson, ainsi capturé et emballé sur le bateau même dans de petites caisses d'environ 5 kiloorammes, conserve sa fraîcheur et son brillant et est très recherché. L'appât employé dans cette pêche est une annélide qui se rencontre surtout dans la baie de l'Authie, où de nombreuses femmes s'occupent à la capturer el à la placer aux hameçons. De plus, ces vapeurs se livrent aussi à la pêche du congre, à l'aide de câbles de plu- sieurs kilomètres de longueur sur lesquels de petites ficelles attachent des hameçons appâtés de morceaux de poisson. Moins importants que Boulogne, Dunkerque et Calais n'en possèdent pas moins une notable quantité de chalutiers de moyennes dimensions, capturant principalement des turbots, des soles, des barbues, des raies, des limandes, des merlans, et, dès le commencement de l'automne, les premiers harengs pris sur nos côtes, ainsi que des maquereaux, dont la pêche se fait au moyen de filets disposés presque à la surface. Presque tous les bateaux de Gravelines sont à voiles, péchant 46 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON le ma(iuereau en septembre et en octobre au moyen d'hame- çons, et en hiver le merlan. Par ces simples moyens, ce port expédie annuellement à Paris plus de 800,000 kilos de poisson. A Etaple et à Berck, tous les bateaux sont aussi à voiles et pratiquent la même pêche qu'à Gravelines. De plus, en octo- bre et en novembre, on capture beaucoup de harengs. Ces deux ports expédient à Paris environ 1,500,000 kilogrammes de poisson. A DieppC;, on retrouve de grands vapeurs qui pèchent au chalut ou qui capturent le hareng. De plus, une dizaine de bateaux à vapeur pratiquent tantôt la pêche à l'hameçon, tan- tôt la pêche au chalut, et capturent surtout des turbots, des soles, des barbues, des raies, des merlans, des maquereaux, des congres. Fecamp possède des vapeurs qui font la pêche hauturière, à l'instar de ceux de Boulogne, et capturent, dans le Nord, une grande quantité de harengs utilisés de diverses façons. A chaque voyage, ils ramènent plusieurs centaines de barils de harengs salés, destinés à l'alimentation des campagnes, dont une partie est fumée à l'arrivée et transformée en harengs saurs et en keepers. Ils rapportent aussi du hareng simple- ment conservé dans la glace, le dernier péché, et qui n'a guère que de deux à quatre jours de conservation lorsqu'il arrive au port. Pendant les deux mois où les bancs de harengs sont près de la côte, ces bateaux en capturent de grandes quantités, dont une partie notable est expédiée fraîche à Paris, sans glace ni sel. Lorsqu'on février et en mars, le hareng se trouve plus à proximité du Havre, les bateaux de Fecamp débar- quent pour la plupart, leur poisson dans cette ville. A la même époque, les petits bateaux de Honfleur pèchent le hareng à l'entrée de la baie de Seine avec assez de succès pour expédier à Paris, en deux mois, environ 500,000 kilos de ce migrateur. La flottille de ïrouville est constituée par des bateaux à voiles, montés par une dizaine d'hommes, qui prennent, sur- tout au chalut, des raies et moins de turbots et de soles. Les bateaux de Cherbourg rappellent les précédents. Ils pèchent suitout à l'aide de cordes munies d'hameçons amor- cés avec des morceaux de poissons. Pendant l'automne et le STATION BIOLOGIQUE -47 printemps, on pêche le congre et la raie. En novembre et en décembre, on prend aussi de grandes quantités de harengs qui sont expédiés frais dans toute la Norman(Ue et à Paris. Les villes de Cancale, Granville, Saint-Brieuc, Saint- Malo possèdent des bateaux à voiles, montés par huit à dix hom- mes, péchant au chalut et prenant surtout des turbots, des soles, des barbues, des raies et des congres. Par les grands froids de l'hiver qui amènent certains poissons vers la côte, la pèche à la senne aboutit à la capture de grandes quantités de muges et de loubines, ainsi que cela se voit, du reste, aussi le long de toute notre côte océanique. La pèche à la sardine se fait, en été, à l'aide de centaines de bateaux légers, à Lannion, Concarneau, Douarnenez, Brest, Carnaret, Audierne, Groix, Quiberon, Elel, Le Groisic, Belle- Isle, ports dans lesquels sont installées les nombreuses usines où se fabriquent les conserves de sardines à l'huile. On en expédie aussi qui sont fraîchement glacées, sous le nom de royans, ou bien légèrement salées, sur le marché de Paris, ainsi que dans l'ouest et le centre de la Fiance. Les filets employés, appelés rels, sont très lins et à ralingue horizontale; ils sont seuls autorisés, mais ils ne prennent la sardine que quand elle est en grande abondance et ils ont pouf corollaire une grande consommation de rogue. Ils sont pratiques quand la sardine est nombreuse; ils exigent l'emploi d'une quantité de rogue d'autant plus considérable que le poisson est plus rare. Ces fdets sont rectangulaires, d'une trentaine de mètres de long et d'une demi-douzaine de mètres de large; leur coût est d'environ 80 francs. Leurs mailles sont diverses. On se sert d'une douzaine de sortes de rets, dilï'érant entre eux par les dimensions des mailles, et on fait usage de ces divers iilets selon la grosseur du poisson. Sous peine de manquer leur pêche, nos marins sont tenus de porter toujours avec eux, leurs divers fdets, de façon à s'en servir selon les dimensions des sardines. La ralingue supérieure est garnie de lièges et la ralingue inférieure de plombs et même de pierres, de façon qu'ils tiennent verticalement. Les marins bretons montent de lourdes barques, non pon^ tées. à voiles et à avirons, à la merci des vents contraires, et 48 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON ne contenant pas moins de cinq à sept hommes, quelquefois davantage, quand elles sont plus grandes. Pour pêcher, les bateaux sont tournés au vent, et le filet, qui est prêt à l'ar- rière, est jeté et reste amarré derrière. Ils remorquent ce filet en ramant et se dirigeant debout à la lame. Pendant que les rameurs entretiennent une légère « erre », le patron sème dans la mer de la rogue mélangée de sable, ou du tourteau d'arachide salé, ce qui a pour but de faire « lever » les sar- dines. Quand le poisson est levé et qu'il nage autour du filet, on jette de la rogue pure, et le poisson à sa poursuite «: se maille », si la maille du filet n'est ni trop grande ni trop petite. On est donc forcé d'essayer successivement un certain nombre de filets jusqu'à ce qu'on en ait trouvé un dont les dimensions des mailles soient convenables. Lorsque tout est bien à point, l'équipage se met à ramer doucement, tandis que le patron, à l'arrière, dévide lentement le filet, en continuant à répandre de la rogue. Le trajet du bateau décrit de lentes circonférences autour du banc de sardines qui se maillent pendant ce temps. Dans ce trajet, le filet est vertical et traîné par une corde de trois à quatre mètres qui le rattache au bateau. On continue à répandre de la rogue en tournant tou- jours autour du banc, et on s'arrête quand on estime que le nombre des captures est suffisant, d'après la charge des flot- teurs qui s'enfoncent. Le filet retiré de l'eau est remplacé par un autre et ainsi de suite. Un coup sec sur le filet chargé suffit -pour faire tomber une grande quantité des poissons dans le fond du bateau. Au retour, les femmes et les enfants retirent les sardines qui y restent. Nos pêcheurs sont donc forcés d'appâter, c'est-à-dire de jeter de la rogue pour attirer le pois- son, et d'attendre qu'il veuille bien monter à la surface pour manger cette rogue et se faire prendre dans les rets à fleur d'eau. Quand il ne travaille pas à la rogue, la pêche est stérile. Grâce à tous ces efforts, et dans de bonnes conditions, une barque peut arriver à prendre de 3 à 6,000, quelquefois 10,000 poissons dans sa journée. Cette pêche se pratique généralement près des côtes, et lorsque les bancs de sardines passent au large, elle est infructueuse. Ainsi devient aléatoire une industrie essentielle pour l'alimentation de toute une STATION BIOLOGIQUE ' 49 région et qui exige des dépenses préalables d'une certaine importance. La rogue est typiquement constituée d'œufs salés de morue; elle est importée en général de Norvège, dans de petits barils. Elle valait autrefois de 30 à 40 francs le baril d'environ 120 kilos. Par suite de spéculations particulières, elle revient souvent aujourd'hui à 120 ou 140 francs, c'est-à-dire à 1 fr. 10 le kilogramme. Sa valeur moyenne est de 100 francs, quel- quefois de 90, d'autres fois de 130. Il faut une vingtaine de barils par bateau, et nous possédons environ 4,000 bateaux de pêche pour la sardine. Nous dépensons donc environ 6 millions de francs pour la rogue. Aussi, on la mélange dans une cuve avec du son de blé un peu délayé dans de l'eau, ce qui a pour avantage d'exiger moins de rogue et de mieux troubler l'eau. Ce n'est donc qu'avec regret que les pêcheurs sèment parcimonieusement une denrée aussi dispendieuse, alors que, pour attirer le poisson, des quantités considérables seraient nécessaires. Il y a là, naturellement une question de balance des dépenses et des recettes. Cer- taines usines bordelaises ont cherché à faire adopter un autre appât, et, il y a quelques années déjà, nous avons été consultés à ce sujet. Il s'agit ici des tourteaux d'arachides saumurés et autres résidus de la fabrication de l'huile. Malheureusement il semble bien avéré que les sardines ainsi capturées se con- servent moins longtemps que les autres, ce qui leur donne une infériorité marquée. Les ports de Douarnenez, Audierne, Goncarneau, Groix, Le Guilvinec, Lesconil, Quiberon fournissent le plus fort appoint, du 15 mars à fin mai, des envois du marché de Paris, c'est-à-dire près de 5 millions de kilogrammes. C'est à cette époque que l'on pêche le maquereau au moyen de très nombreux bateaux, comme pour la sardine, mais l'on n'appâte pas. Le plus grand nombre des bateaux est désarmé en hiver et au printemps. Cependant, les plus grands se livrent alors à la pêche des turbots, raies, soles, congres, grondins, colins, daurades. Enfin, certains bateaux ne pratiquent jamais la pèche à la sardine; en été, ils capturent des langoustes et des homards, très abondants dans ces régions. On les expédie Société se. d'Arcachon. 4 50 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE DARCACHON vivants sur Paris, et on 'les conserve dans des « viviers » dont l'eau de mer est renouvelée à chaque marée. Dans les environs de Roscoiï et de Primel, la mer est si violente que les marins ne sauraient l'affronter que par les temps calmes et les faibles marées. Du reste, les marins de ces ports se servent de bateaux légers et sans ponts qui ne sauraient résister au gros temps. On y capture à peu près uniquement des raies et des congres au moyen de câbles munis d'hameçons. A Port-Louis et aux Sables-d'Olonne, les bateaux sont pres- que tous à voiles, de moyennes dimensions, mais tenant bien la mer; ils se livrent à peu près exclusivement à la pêche au chalut, et expédient surtout des soles, des limandes, des raies, des loubines, des muges, des surmulets, des colins. On prend aussi beaucoup de thons. A La Rochelle, les bateaux de pèche sont aussi presque tous à voiles, quoiqu'il y ait un nouîbre notable de vapeurs. On pêche au chalut, et les espèces capturées sont les mêmes que ci-dessus. Chose remarquable, La Rochelle expédie en Angle- terre une certaine quantité de soles, grosses et moyennes. Arcachon, Cap-Breton, Rayonne possèdent des chalutiers à vapeur et beaucoup de bateaux à voiles. Le produit de leur pêche n'est guère expédié vers Paris; il est plutôt dirigé vers le Midi de la France, notamment vers Marseille. Saint-Jean- de-Luz pêche la sardine, de petits maquereaux et des daurades, qui se vendent dans le Midi. Martigues, sur l'étang de Berre, produit des muges et des loubines remontant de la Méditerranée par le canal de déversement. Marseille pêche des sardines, des loubines et des muges ; Bizerte prend beaucoup de muges qui ne peuvent guère être expédiés, en raison de la chaleur et de la distance. Malgré la glace, ces poissons n'arrivent dans de bonnes conditions que par les temps froids. La marine de pêche française augmente sans cesse; les ton- nages s'élèvent progressivement, et les bateaux s'éloignent de plus en plus des côtes. Certes, il arrivera bientôt que les plus grands vapeurs iront pêcher jusqu'à moitié chemin de l'Ame" rique, et que des « chasseurs » ou bateaux rapides transpor- •STATION BIOLOGIQUE 51 teroiit eu quatre à six jouis les poissons jusqu'à nos ports, si toutefois ou arrive à créer des installations conservant bien la fraicheur du produit de la pêche, de façon qu'il reste en état d'être consommé. L'industrie de la pèche est en voie de pleine transformation ; une véritable révolution s'accomplit dans ses procédés et ses résultats. Mais nous avons le regret de constater que certains de nos pécheurs, soit par routine, soit pour toute autre raison, semblent se refuser à suivre le progrès et à modifier leurs engins et leur manière de faire, ceci à leur plus grand détri- ment. Les pécheurs bretons nous fournissent un exemple malheureux dans cet ordre d'idées.' La terrible misère qui sévit actuellement sur les côtes de la Bretagne et de la Vendée a pour cause déterminante immé- diate l'absence de la sardine. C'est là un événement qui, en apparence, est indépendant de la volonté humaine. Malgré cela, il n'en est pas moins avéré que les pécheurs eux-mêmes ont une certaine responsa- bilité dans les tristes circonstances actuelles. S'ils ne s'étaient pas contentés de suivre d'antiques errements et s'ils s'étaient mieux outillés, ils auraient pris des sardines en quantité suffisante pour éviter toute catastrophe. Malheureusement, ils sont quelque peu réfractaires aux idées de progrès, et continuent à pêcher selon les principes qu'ils tiennent de leurs ancêtres. Cependant, dans l'état actuel des choses, il ne saurait guère être mis en doute qu'il ne peut qu'y avoir avantage à aug- menter l'intensité et la puissance des moyens d'action mis en œuvre dans la pêche à la sardine de rogue, quoiqu'il paraisse non moins évident qu'il y aurait de graves inconvénients à capturer sans merci les premiers bancs de reproducteurs. Il semble donc, a priori, qu'il soit indispensable d'établir une restriction légale concernant la pêche des bancs de sardines de dérive qui arrivent, en somme, à la côte pour y déposer leurs œufs. Tout d'abord, il est juste de constater que les pêcheurs bretons ne sont pas toujours restés sans chercher à améliorer leurs instruments de pêche. Beaucoup d'entre eux ont adopté 52 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON la senne Belot, la senne Eyraud, la senne Guézennec, etc., basées sur le principe de l'enveloppement des poissons. C'est un décret de 1862 qui donnait l'autorisation officielle de s'en servir en toute liberté. Malgré cela, l'usage ne s'en répandit que lentement, et ce n'est qu'à partir de 1874 que l'on em- ploya ces différentes sennes. Les pêcheurs qui se servaient des anciens filets à la rogue faisaient de maigres prises à côté de ceux qui étaient ainsi armés. Mais, en lb88, un nouveau décret a retiré cette autorisation. La marche progressive du perfectionnement des instruments de capture a été arrêtée par le fait d'empêchements légaux, sous l'influence de craintes particulières dérivant des idées économiques des intéressés, et ceci d'après l'avis d'une Commission constituée en majorité par des pêcheurs. Ils ont oublié qu'avant d'user d'une lointaine prévoyance, il faut d'abord vivre et que, partant, il est nécessaire de suivre l'exemple des voisins et de perfectionner les moyens de capture. Les craintes que peuvent susciter les procédés de pêche trop perfectionnés sont de deux sortes : d'ordre économique et d'ordre théorique, visant un dépeuplement possible. Il ne saurait, certes, être considéré comme tout à fait chi- mérique de craindre qu'une pêche trop intensive n'ait pour résultat de faire baisser le cours actuel. Mais le mal ainsi redouté serait plus ou moins pallié par l'augmentation de la production totale; il pourrait même être plus ou moins évité par quelques restrictions réglementaires. Les produits français se vendent un peu mieux que leurs similaires étrangers. Toutefois, l'introduction de ces derniers sur le marché n'en constitue pas moins une grande gêne par comparaison avec l'époque où nos Bretons avaient le mono- pole de la fabrication de la sardine de conserve. Jadis, les mauvaises pêches trouvaient une compensation toute naturelle dans l'élévation du prix de la denrée vendue. Aujourd'hui il n'en saurait plus être de même, car la présence de produits étrangers maintient la variation des cours dans d'étroites limites. De ces considérations, il appert qu'il semble indis- pensable que nos pêcheurs perfectionnent leurs procédés de capture, tant pour pouvoir lutter contre la concurrence étran- STATION BIOLOGIQUE 53 gève que pour être à l'abri des tristes conséquences de dépla- cements de faunes, dont le résultat immédiat est de les réduire à une profonde misère. Certes, nous ne saurions nous dissi- muler les inconvénients considérables qu'il y aurait à encom- brer brusquement le marché d'une quantité de sardines dont l'écoulement deviendrait aléatoire. Mais cet inconvénient serait, sans conteste, infiniment moindre que le pénible état de choses qui peut découler d'une pénurie analogue à celle qui vient de se produire, et, de plus, il n'est pas impossible d'admettre que l'établissement d'une réglementation judicieuse soit de nature à remédier, en grande partie, au mal entrevu par des esprits prévoyants jusqu'à la timidité. Il peut nous être douloureux de constater que certains pays voisins ont été mieux inspirés. La pêche de la sardine, qui ne se faisait qu'en France, est devenue une grande industrie espagnole et portugaise. C'est ainsi qu'en Portugal on a aban- donné les anciens errements bretons; on pêche économique- ment, sans rogue, sans aucun appât et d'une façon bien plus pratique que ce qui se voit en Bretagne; on y a adopté des procédés perfectionnés, grâce auxquels l'abondance des cap- tures est relativement extrême. On pêche la sardine avec des filets de plusieurs'centaines de mètres de longueur ou de plus d'un kilomètre, appelés madragues, qui constituent des sortes de véritables baies flottantes d'où le poisson ne peut plus sortir lorsqu'il s'y trouve enfermé. Ces engins sont coûteux et peuvent valoir jusqu'à 40,000 francs. Au centre, il y a une vaste poche dans laquelle les sardines s'engagent pour chercher l'issue du filet mouillé en manière de barrage. On relève cette poche plusieurs fois par jour et l'on en retire des centaines de mille, et quelquefois, d'après certains, des millions de sardines. Sur les côtes d'Espagne, la pêche se fait avec de vastes sennes tournantes, le cedazo ou circo-real, pouvant avoir de 1 à 2 kilomètres de longueur et 30 mètres de hauteur, qui enveloppent des bancs entiers de poissons et dont le coût se rapproche d'une centaine de mille francs. Les pêcheurs s'associent en grand nombre pour se procurer et employer ces immenses engins. Ils ont même apporté un perfectionnement bien spécial à cette pêche. Considérant que les dauphins et les marsouins sont à la poursuite des bancs de o4 SOCIÉTÉ SCIENTIFIUIE D'aRCAGHON sardines dont ils font leur proie, les pêcheurs se mettent en quête des endroits hantés par ces cétacés, s'y rendent le plus rapidement possible sur de petits bateaux à vapeur et mettent vivement à la mer un énorme filet à coulisse, muni de flotteurs de liège à sa partie supérieure et de plombs et d'anneaux à sa partie inférieure. Lorsqu'un banc de sardines est signalé dans une baie, ils l'entourent avec leur filet qui est ensuite tiré à terre. A l'aide d'une corde, passée dans les anneaux du bas et dont on tire les deux bouts, on arrive à retirer de l'eau tout le filet avec d'énormes quantités de sardines, jusqu'à 200,000, dit-on, d'un seul coup. Quand le filet est clos, il est facile d'y prendre le poisson avec une senne plus petite. Les pêcheurs basques français sont aussi armés de façon à opérer des pêches fructueuses. Actuellement, ils se servent de petites chaloupes à vapeur pochant avec une senne à coulisse, dont ils en possèdent déjà plus d'une trentaine, construits en une période de deux à trois ans, et, en quelques heures et d'un seul coup de filet, ils peuvent arriver à capturer plusieurs centaines de mille de poissons, c'est-à-dire plus que n'en pren- draient, avec beaucoup de travail et d'efforts, vingt- cinq bar ques bretonnes dans le même laps de temps. C'est le triomphe des nouvelles méthodes sur les vieux usages: Toutefois, cette nouvelle manière de faire ne diffère pas si essentiellement qu'on pourrait le croire au premier abord des anciennes méthodes basques, qui, du reste, sont encore fort employées, quoiqu'elles tendent à disparaître de plus en plus. La pêche coutumière des basques diffère notablement de celle des bretons ; elle est le point de départ des perfection- nements modernes, adoptés par les Espagnols et les Basques eux-mêmes. Pour pêcher la sardine de dérive, les Basques mettent à profit les mœurs du marsouin {Phocœna commu- nis). Celui-ci, plus petit que le dauphin (Delphinus Delphis), est d'une longueur de près de deux mètres et son naturel est doux et confiant. Sa voracité est médiocre ; il ne chasse guère que la sardine libre et n'en avale qu'une seule à la fois. Il apparaît en février avec les sardines, dans le golfe de Gas- cogne, et quitte ces régions en mai ou juin pour se diriger vers le nord. Non seulement ses inconvénients sont suppor- tables, mais encore il rend service. Le dauphin vulgaire, au STATION HIOLOGIQIE 55 contraire, cause de grands dégâts ; il se jette sur les sardines maillées et déchire les filets. Aussi, les marsouins apparus, les pêcheurs se mettent en mesure de profiter de cette manne printanière, et la pêche commence. Il faut se rappeler qu'en poursuivant les sardines, les mar- souins les rassemblent en bancs compacts qui apparaissent dans l'eau comme de vastes taches brunes. Les bateaux basques, légers, longs et rapides, les trainières, sont larges de 2 mètres et ont un faible tirant d'eau ; ils portent une senne d'une soixantaine de mètres de long et d'une dizaine de mètres de large, avec des lièges en haut et des plombs à la ralingue inférieure, en même temps que des anneaux, par lesquels passe une soUde cordelette. C'est là un filet flottant susceptible d'être transformé en un sac par traction sur la corde inférieure passant dans les anneaux. Pour pêcher, on recherche une bande de marsouins que l'on suit jusqu'à ce qu'elle ait réussi à former un banc compact de sardines. Puis la senne est mise à l'eau, en môme temps que les rameurs impriment au bateau un assez rapide mouvement en cercle. On entoure ainsi les marsouins aussi bien que les sardines. Lorsque le cercle est terminé, oxï tire vivement sur la coulisse inférieure pour fermer aussi vite que possible le filet par en bas. Cette manœuvre excite la méfiance des marsouins qui plongent verticalement et se sauvent par l'ouverture inférieure, mais sans s'éloigner après en être sorti, ce qui a l'avantage de maintenir les sar- dines dans le filet au-dessus d'eux, retenues par la crainte. On finit de former ainsi une poche complète, dans laquelle on puise les poissons avec des épuisettes. Ce procédé dépêche est destiné à disparaître rapidement, car il a subi une atteinte profonde grâce à l'esprit d'initiative d'un pêcheur de Saint-Jean-de-Luz. M. Duluc nous apprend que c'est Pierre Letamendia qui, le premier, construisit deux cha- loupes à vapeur destinées à remplacer les bateaux à rames. Comme les résultats obtenus furent considérables, on imita le procédé en France et en Espagne, et bientôt tous s'ingénièrent à se procurer des bateaux à vapeur. Aujourd'hui, leur nombre est considérable, et les constructions se continuent avec acti- vité. Grâce à ces petits vapeurs, l'équipage peut être réduit 56 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON de moitié, et cependant les pêches sont plus faciles et plus abondantes, quoique moins fatigantes. Après l'émigration des marsouins, on se sert de rogue pour les remplacer et attirer le poisson. Un examen rapide des sennes bretonnes, proscrites par le décret de 1888, est de nature à montrer que les procédés de pêche ci-dessus mentionnés n'en sont pas essentiellement dif- férents, et que l'idée sur laquelle ils sont basés n'est pas si étrangère aux Bretons que l'on pourrait le croire de prime abord. La grande senne Belot, qui coûte de 3 à 4,000 francs, est plus petite que la madrague portugaise ; elle est cependant fort grande, assez pour exiger au moins deux bateaux pour la manœuvrer. Ce coûteux filet est assez peu pratique et présente les inconvénients des filets traînants aussitôt que la profon- deur des eaux exploitées n'est pas suffisante. Les deux bateaux, traînant le filet par les deux bouts, rament en convergeant, de façon à finir par se rencontrer. Le filet forme ainsi un sac, d'autant plus que la corde inférieure est disposée de manière à coulisser, de façon qu'il se clôt à la rencontre des deux bateaux. En 1878, un décret interdit les grandes sennes dans la baie de Douarnenez du 1"^" janvier au 15 octobre, en se fon- dant sur le fait que, à cause de leurs dimensions, elles se trans- formaient en véritables filets traînants quand elles étaient em- ployées dans les eaux peu profondes. Cette décision a été i)rise après des désordres assez graves qui ont éclaté à Douarnenez. Plus tard, cette interdiction fut étendue plus loin. Quoique les dégâts que l'on peut attribuer aux sennes ne sauraient être mis en balance avec l'étendue du malheur qui frappe toute une population, lorsque le filet ordinaire ne prend rien, on ne sau- rait cependant pas se refuser à admettre le poids des raisons invoquées pour légitimer ces interdictions. La senne Eyraud ne coûte que de 150 à 500 francs, suivant le modèle; le prix moyen est de 4 à 500 francs; elle est plus petite et plus facile à manier. La senne Guézennec est encore plus petite que la senne Eyraud; elle est longue tout au plus de 50 à 60 mètres et large de 8 mètres; sa ralingue inférieure présente des anneaux à coulisse. La direction du bateau est curviligne, et l'on jette de STATION BIOLOGIQUE 57 la rogue dans le cercle décrit. On finit par amener le second bout du filet au bateau, et on ferme la coulisse du bas. Un seul filet suffit à un bateau, et il capture en usant moins de rogue et plus vite que le filet ordinaire. Dans les eaux bretonnes, la campagne sardinière en 4903 paraît avoir été aussi désastreuse que celle de 1902. Le com- merce international a été surtout favorable aux produits espa- gnols et portugais. En France, on a capturé environ 1,200,000 caisses, dont la moitié a été exportée. En Espagne et en Portu- gal, la pêche a donné des résultats extraordinaires. Dans ces pays, les usines se sont tellement multipliées qu'elles font aux nôtres une concurrence plus que menaçante. En 1903, l'Espa- gne nous a envoyé plus de 200,000 caisses. La sardine espagnole est bien plus grosse que la française ; la boîte n'en contient que cinq à six exemplaires. La concurrence étrangère a de tels effets qu'en France le législateur se préoccupe déjà d'élever des barrières douanières pour sauver notre industrie nationale d'une ruine irréparable, dans un pays favorisé tout d'abord par une prospérité inouïe. En etïet, en une vingtaine d'années, de 4800 à 4880, d'obscurs petits ports bretons se transformaient en centres industriels actifs, à population trois fois plus consi- dérable. Par exemple, la population de Concarneau passait de 2,000 âmes à 5,000; celle de Douarnenez de 4,000 à 42,000. Que l'on juge de la situation due à une suppression brusque et complète du gagne-pain de toute une industrieuse population! M. René Béziers, un des principaux industriels de la côte bre- tonne, a déclaré : « Mes six usines qui, en année normale, produisaient chaque an un million de boîtes environ, n'ont fabriqué que quelques milliers. » M. Dupouy, par une statis- tique des plus précises, a établi pour Penmarch-Saint-Guénolé que les salaires des ouvriers sont tombés à des taux regretta- bles. Beaucoup de pêcheurs n'ont guère gagné que Ofr. 36 par jour, et les plus heureux n'ont pas dépassé 4 fr. 44. Ces chiffres sont malheureusement d'une éloquence suffisante. Cette sta- tistique fournit d'éloquents renseignements sur la marche de la concurrence étrangère. En 4879, fonctionnaient cent soixante usines françaises. L'Espagne n'en possédait que sept et le Por- tugal une seule. En 1881, il y avait presque deux cents usines françaises. Dès 4884, nous n'en possédions plus que cent trente •">8 SOCIÉTÉ SCIliNTII IgUE D'aRCACHON tandis que l'Espagne en avait une quarantaine, le Portugal une vingtaine, Tltalie et l'Autriche deux chacune. Ce sont les mau- vaises années de 1880 à 1887 qui ont favorisé la concurrence étrangère, et le mouvement de recul qui frappait notre indus- trie nationale ne fit que s'accentuer par la suite. En 1886, nous ne possédions môme plus la centaine complète d'usines, alors que ce nombre est bien dépassé à l'étranger. Aujourd'hui, la concurrence étrangère a acquis la prépondérance ('). Beaucoup d'auteurs n'admettent pas que la sardine bretonne ait réellement disparu par suite de pêches abusives. Pour eux, l'Océan a des réserves trop vastes pour que les pêches les plus intenses puissent les épuiser en des laps de temps rela- (') En Portugal et eu Espagne, on pêche à peu de chose près toute l'année. Les pèches les plus fructueuses ont lieu au printemps et en automne, les meilleurs mois étant de mars à juillet et de septembre à novembre. Le poisson d'hiver est maigre, à chair filandreuse, tandis que les pèches estivales fournissent des individus gras, à écailles c, aisses. Quoique beaucoup de pécheurs travaillent toute l'année, la majorité d'entre eux ne pêche que du 15 mai au 15 novembre. Le port le plus important de la côte portugaise est Setubal. La moyenne des barques se livrant à la pêche au piintemps est d'une cinquantaine, rapportant chacune une centaine de mille de po'ssons par semaine. Les lieux de pêche sont peu éloignés, car tous les jours trois petits va|ieurs vont à la mei" chercher les barques pour les rame- ner en'les lernorquant à .Setub il. En général, ces trois vapeurs font chacun un voyage au lever du jour et un autre l'après-midi. Les modes de pèche sont de deux sortes. On se sert de filets fixe-, disposés le long de la côte. Mais, le plus souvent, on emploie les filets à poche. Plu-ieurs barques vont à la recherche du poisson, et l'une d'elles porte les engins. Lorsque le banc de sardin^îs est découvert par l'un des bateaux, des signaux spéciaux attirent les autres sans bruit; on l'entoure et la pèche est partagée. C'est à Setubal que se trouvent la plupart des usines. 11 y en a 35 ([ui, chacune, peuvent préparer 200,000 poissons par jour. En Espagne, le mode de pèche le iilus en faveur est la traîne se pratiquant avec des vapeurs. Mais il y a aussi de nombreuses barques, j)èchant à proximité des côtes et rapportant une quantité de poissons à peu près égale à celle des chalutiers péchant plus loin et à de plus grandes profondeurs. Vigo t.ent la tète de l'industrie sardinière avec ses vingt usines. Les autres centres de pêche et de fabrication sont Bilbao, qui possède quatre usines, Santander, avec trois usines, et Gigon, avec deux de ces établissements. Eugénie et Muros ont la s[iécialité des sardines pressées, car dans ces parages le poisson est trop gros et de qualité trop inférieure pour pouvoir être conservé à l'huile. La Corogne a six usines et est un centre de production important. Une foule d'autres villes constituent des centres moins importants. Espinoa (une usine), Dros (une usine), Azimba (deux usines), Lagos (cinq usines), Portuinos (qua- tre usines), Olhào (cinq usines), etc. se livrent aussi à la fabrication de ce genre primitif de conserves, qui attesie toutefois l'abondance de la sardine en Espagne. Cette superbe production a-t-e!le des chances de durée? Les Espignols et les Portugais nesubiront-ib pas, à leur tour, les elfets d'une crise analogue à celle qui nous atteint? Il y a, malheureusement, de légitimes raisons de le craindre. Les dernières pêches sont mauvaises; en décembre et en janvier, les captures ont été insignifiantes et les fabricants de conserves ont dû refuser de nouveaux marchés, de crainte de ne pas pouvoir faire face à leurs engagements. STATION BIOLOGIQI E 59 tivement restreints, ceci d'autant plus que la pèche ne se pra- tique guère que quelques mois par an en Bretagne, alors qu'elle dure presque toute l'année en Portugal, grace à la douceur de la température de ce pays. Sans examiner immé- diatement le bien fondé de ces vues ni nous y associer sans réserve, nous nous bornerons à constater que les moyens employés n'aboutissent pas, actuellement, en Bretagne, à la capture des sardines qui ne maillent pas dans les filets, d'où résulte une situation à laquelle il est urgent de trouver un remède rapide et pratique. La petite senne Guézennec, proscrite en 1888, est un engin assez perfectionné pour parer au plus cuisant du mal et pour fournir un remède de transition, susceptible de trouver son application avec la flottille actuellement existante. 11 sera bien facile de la substituer au filet ordinaire. Mais, après ce palliatif, il faudra, sans doute, trouver plus et mieux. Il sera nécessaire d'arriver à substituer des bateaux à moteur à la flottille de pêche actuelle, pour aboutir à l'acquisition d'un champ d'action plus étendu. Ce sera là un changement consi- dérable, long et dispendieux, dont on ne saurait se dissimuler les multiples inconvénients, et la réforme ne sera ni facile ni rapide. Si, en elTet, elle est appelée à augmenter indubitable- ment les moyens d'action des pêcheurs, par un effet inverse- ment parallèle, elle accroîtra aussi les difficultés de la pêche. S'il est, en effet, facile de découvrir des sardines cantonnées dans une baie, il est, certes, plus malaisé de les rencontrer plus au large dans les espaces océaniques, immenses en étendue comme en profondeur. Pour les trouver, il faudra du temps, quelle que soit la vitesse des bâtiments employés. D'un autre côté, les fabricants de conserves constatent, au point de vue de la qualité, une différence appréciable entre les sardines prises à la senne et celles qui ont été maillées dans les rets. Les premières, capturées à l'épuisette et jetées sur le fond des bateaux, se débattent, s'écaillent et leur chair s'amollit. Celles qui meurent dans les mailles sont blanches, brillantes, raides et conservent leurs écailles. Tout en ne diminuant pas leurs qualités essentielles, cet aspect diminue leur valeur commerciale. 60 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON Quant à ce qui est du filet à adopter définitivement, c'est là une question qui exigera de soigneuses études préalables. Le gouvernement pourrait prendre en main la cause des pêcheurs et tenter des essais sur de nouveaux engins destinés aux pêches du large. A ce point de vue, il peut n'être pas indiffé- rent de faire remarquer que la topographie de nos côtes ne se prête que médiocrement à l'emploi de certains filets coû- teux étrangers, par exemple, de la madrague portugaise, et qu'il sera indispensable d'adopter des engins plus appropriés au rôle qu'on désire leur faire jouer. A ce point de vue de notre travail, nous avons à envisager l'éventualité d'une dépopulation progressive et possible de nos côtes par l'emploi d'engins trop perfectionnés. D'excellents esprits pensent qu'une opinion solidement mo- tivée est impossible à formuler dans l'état actuel de la science, et que, seule, la pratique des choses est susceptible d'aboutir à une solution définitive du problème. D'un autre côté, il paraît jusqu'à un certain point puéril à certains naturalistes, devant l'immensité des océans, de craindre un dépeuplement de nature à compromettre une précieuse ressource, et il faut convenir que l'abondante multiplication de la sardine crée une présomption suffisamment fondée en faveur de cette opinion. Pour eux, la quantité de sardines ne diminue aucunement, et si on n'en prend pas, c'est que la rigueur des saisons les chasse vers la haute mer. Pour qu'elles se rapprochent de la côte, il est nécessaire que la température moyenne de l'eau soit au moins de 15» et que les vents dominants soufflent du large vers la côte. Enfin, un grand nombre d'observateurs croient à une irrémédiable dépopulation, d'où résulteront de grands dommages pour les industriels de la pêche. f]n un mot, l'on est réduit à émettre des vues spéculatives étayées sur le plus grand nombre de probabilités apparentes. Le problème, ainsi posé, n'est peut-être pas tout à fait aussi insoluble que les ardentes contradictions ci-dessus signalées pourraient le faire croire. La connaissance de certains faits de biologie générale sont, du reste, de nature à donner aux opinions scientifiques une base moins aléatoire. C'est ainsi que, notamment, les auteurs qui ne craignent pas STATION BIOLOGIQUE 61 qu'on puisse épuiser la mer se fondent sur la considération de l'immensité des espaces océaniques. Ils ne tiennent ainsi aucun compte du fait que le développement de la vie est tout littoral et que la masse des êtres vivants passe au moins ses premiers stades vitaux près des côtes. En épuisant ces zones littorales, on frappe la vie dans ses sources les plus directes. 11 est donc de toute probabilité que les procédés de pêche qui ont pour effet d'anéantir ou de bouleverser les conditions vitales de ces espaces relativement restreints sont susceptibles d'aboutir à une perturbation dont les conséquences peuvent être graves, au point d'amener une dépopulation locale non douteuse et qu'on ne saurait confondre avec de simples déplacements de faunes. Quoiqu'il nous paraisse indéniable que les conditions météo- rologiques générales exercent une influence de premier ordre sur la façon de se comporter momentanée des poissons, il n'en semble pas moins bien établi que certains errements de ceux qui tirent leur gagne -pain de la pêche ont aussi une action souvent fort regrettable. Telle est sans contredit celle de la grande pêche par le chalutage à vapeur, qui, chaque année, fait des progrès rapides et qui renforce sans cesse ses engins et ses moyens d'action, non seulement au détriment du poisson, mais encore souvent à celui du petit pêcheur. L'in- dustrie de la pêche à la voile, qui fait vivre tant de braves marins, court un danger incontestable. C'est accepter bien bénévolement une erreur trop commune que de confondre l'évolution de la société humaine, considérée dans sa marche actuelle, avec certaines conceptions théoriques, comprises sous la dénomination générique de « socialisme ». Toutefois, il n'en est pas moins incontestable que la marche progressive des phénomènes sociaux confère de plus en plus à l'ensemble de cette évolution une tournure spéciale et une signification particulière. Dans l'industrie de la pêche, comme il en est de presque toutes les industries, l'individualisme est menacé d'une dispa- rition plus ou moins imminente au bénéfice de groupements collectifs plus capables d'engendrer les grands efforts rendus indispensables par une universelle et implacable lutte pour l'existence, et plus aptes à communiquer cette force de résis- 62 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON tance qui devient de plus en plus nécessaire à tout et à tous. Les tentatives individuelles sont fatalement dépourvues de l'ampleur désirable; elles ne sont que rarement caractérisées par une continuité d'action suffisante. La marche du progrès impose des méthodes plus scientifiques. Le chalutage à vapeur se généralise dans tous les pays civilisés. A peine né d'hier, il a déjà eu pour résultat d'en- gendrer un commencement de métamorphose de l'industrie de la pèche, de même qu'il a abouti à la pleine transformation de la cari'ière du pécheur, La puissance croissante des bateaux de pêche crée la nécessité de capitaux plus considérables, rarement à la disposition d'individualités isolées et, à plus forte raison, de simples pécheurs. Leurs équipages, plus nom- breux, imposent le principe de l'association, aussi bien pour le travail que pour le capital. Ce sont là des faits matériels de constatation facile et même de nécessité fondamentale. Mais, envisagés à un autre point de vue, les termes de l'espèce de problème social qu'ils engendrent sont, en quelque sorte, renversés. Si l'on tient compte du produit proportionnel du travail des chalutiers à vapeur, les résultats pratiques obtenus dé- montrent que leurs frais généraux sont relativement plus faibles. En d'autres termes, leur efficacité, comparée à celle des engins primitifs, est proportionnellement bien plus consi- dérable. Au point (le vue de la capture du poisson, le progrès est incontestable, et il ne saurait subsister nul doute sur le gain définitif de leur cause. Leur triomphe est une simple question de temps. Le principal point faible de ces entreprises peut se trouver dans la multiplicité des participants aux bénéfices. Leur pros- périté peut en être enrayée. L'Angleterre nous a précédés dans la voie du chalutage à vapeur, qui y est déjà fort développé. En 1890, le produit annuel de la pêche, dans ce pays, se chiffrait par une centaine de millions. Aujourd'hui, il dépasse 150 millions. Les grands voiliers disparaissent peu à peu, et les grands chalutiers tendent à accaparer le monopole de toute la pêche. Les sociétés anglaises par actions distribuent jusqu'à 30 0/0 d'intérêts. STATION BIOLOGIQUE 6J Mais ce n'est pas au capital de centaines de mille francs qu'elles se constituent, ainsi que cela se passe chez nous. Il en est qui sont fondées à un capital de plus de dix millions, et qui possèdent plus de soixante navires, montés chacun par un équipage de huit à douze hommes. Leur action s'étend au loin; elles exploitent la Manche, la mer du Nord et l'Océan Atlantique; elles vont faire concurrence aux Français et aux Espagnols sur leurs propres côtes. Depuis un certain nombre d'années, le Golfe de Gascogne est exploité par une douzaine de chalutiers à vapeur, dépendant de trois Sociétés arcachonnaises. Ces navires, montés chacun par un équipage d'une dizaine d'hommes, fournissent non seulement les marchés du Sud-Oue^t, mais encore expédient du poisson au loin. Les chaluts labourent le fond de la mer comme une charrue laboure un champ ; ils y font un désert d'où disparaissent les algues, les bryozoaires et l'ensemble des animalcules infé- rieurs. Ils y changent complètement l'harmonie générale établie par la Nature, ce qui ne saurait se produire sans entraîner de graves conséquences biologiques. Il pourrait donc sembler logique d'organiser des commissions internationales chargées de limiter les zones de chalutaoe, d'oreraniser une surveil- lance effective et d'en étudier les conséquences au point de vue personnel marin, ainsi que de la dépopulation générale. Les chalutiero traînent en tous sens, sur les fonds océaniques, de vastes et lourds filets, dans lesquels s'entassent pêle-mêle les espèces les plus diverses, qui s'accumulent au fond de l'immense poche dont chaque chalut est muni. Ces filets sont relevés à peu près toutes les cinq heures, ce qui correspond à environ cinq fois par vingt-quatre heures. De cette façon, des quantités considérables de poissons sont capturées, et c'est svrtout la pêche de nuit qui donne les plus grands résultats. Lors de la levée des filets, tout est mort dans la poche: la pression de la masse des poissons y est même tellement violente que les individus du fond passent à travers les mailles, écrasés en bouillie. La manière de procéder des chalutiers n'a pas été sans soulever de légitimes protestations. On les accuse d'amener progressivement un regrettable dépeuplement de nos côtes, 04 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON de ravager les fonds où les poissons se reproduisent et de frapper la repopulation dans ses sources les plus directes. Des procédés de pêche non réglementaires jouent un rôle important dans ces néfastes résultats. Les chalutiers se rapprochent trop des côtes, excepté à l'époque où l'abondance des méduses qui surchargent leurs filets, les retient au large. La plupart des filets employés n'ont pas les mailles réglementaires, et cela ne fùt-il pas, le mal ne serait guère moindre, car les premiers poissons capturés ne tardent pas à obstruer ces mailles, de telle sorte que le fretin de toutes dimensions est retenu aussi sûrement que les plus gros individus. Ainsi se trouve elïectuée fatalement la destruction de quantités incroyables de petits poissons qui sont ensuite rejetés à la mer. Certaines espèces habitant le fond de la mer, notamment les poissons plats (soles, turbots, carrelets, etc.), sont ainsi menacées d'une dis- parition plus ou moins rapide. Chaque coup de filet amène à bord un nombre énorme de poissons. De l'amas ainsi capturé, l'équipage trie les plus beaux exemplaires; le reste est rejeté à la mer. On prend les belles soles, les beaux grondins, les grands merlus, etc. C'est ainsi que, par exemple, les merlus d'une trentaine de centimètres de longueur ne sont souvent même pas conservés. Si l'on considère que tout le fretin rejeté est mort, et que sa masse totale est infiniment plus considéra- ble que celle du stock des poissons conservés, il sera possible de se faire une idée de la dévastation due à ces regrettables pratiques. Chaque chalutier détruit tous les ans, d'une façon lamentablement inutile, des milliers de quintaux de petits poissons. Le produit utile de la pêche n'est pas en proportion avec le mal fait! Jamais destruction méthodique n'a été plus inutile. On pourrait nourrir des provinces entières avec les débris d'un gaspillage inexcusable. Si jamais criants abus ont légitimé une énergique inter- vention des pouvoirs pubhcs, ce sont bien, sans contredit, ces pratiques de pêche confinant à la sauvagerie. Les États auraient le droit, sinon le devoir de réglementer de pareils abus, et de ramener les industriels de la mer à une plus saine compréhension de leurs devoirs humanitaires. En somme, le chalutage à vapeur constitue une industrie STATION BIOLOGIQUE (35 naissante, dont les rapides progrès sont dignes de l'intérêt de tous. Comme toute industrie nouvelle, il a ses points faibles, que Taction des pouvoirs publics devra avoir pour résultat d'atténuer dans la mesure du possible. Une réglementation rationnelle, imposée par une surveil- lance efTective, supprimera bien des maux et sauvegardera l'intérêt public, en attendant que l'avenir et les futurs perfec- tionnements aient conféré une modalité définitive à l'industrie de la pêche. Les modifications progressives de cette industrie seront, certes, d'ordres divers. Jusqu'à présent, nous n'avons même pas encore atteint le degré de perfection de nos rivau.x: anglais qui, entre autres choses, savent mieux conserver le produit de leur pèche. Le laisser-aller de quelques-uns nous a fait donner l'exemple peu flatteur d'un chalutier mis dans la nécessité de rejeter toute une cargaison avariée. Mais les progrès que l'on peut prévoir ne sauraient, sans doute, se borner à des détails techniques. Ne peut-on pas entrevoir que le bateau de pêche, tout en fournissant son contingent de poissons frais, puisse devenir une véritable usine flottante, avec ses ouvriers spéciaux, d'où sortiront les conserves prêtes à être livrées au commerce? Quelles que puissent être les dénégations intéressées des industriels de la pêche, il est avéré que le chalutage, tel qu'il est pratiqué actuellement, aboutit à pas de géants au dépeu- plement des mers. Du reste, les intéressés l'avouent eux- mêmes implicitement par le fait qu'après avoir épuisé leurs lieux de pêche habituels, ils vont se concurrencer les uns les autres dans leurs pays réciproques. Le cri d'alarme est jeté depuis longtemps. Au Congrès de pi..ciculture et de pêche des Sables-d'Olonne, en 1896, le délégué de la Société de pisciculture du Sud-Ouest a énergiquement réclamé la stricte application des règlements, une surveillance réellement efficace et la répression des pratiques abusives. En 1899, le Conseil général du département des Landes, sur la pro- position de M. Germain, a émis un vœu tendant au même but. Les chalutiers à vapeur se rapprochent trop souvent des côtes en deçà de la limite réglementaire de trois milles; ils causent ainsi des ravages intolérables. A ce point de vue SociiixÉ se. d'Ap.cachon. 5 66 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D ARCACHON ' spécial, la loi est formelle, et le rôle des pouvoirs publics nous semble nettement tracé par l'ensemble des faits ci-dessus énoncés. Une sur-veillance effective doit précéder toute dis- position législative nouvelle. L'application préalable et stricte des règlements existants, éloignant les vapeurs chalutiers d'une distance de ti'ois milles des côtes, c'est-à-dire les ramenant à la limite où les étrangei's eux-mêmes seraient en droit de venir les concurrencer, est la mesure prélinjinaire la plus urgente avant toute étude d'une réglementation nouvelle. Il pour- rait, en elTet, sembler peu rationnel qu'un État quelconque protégeât individuellement la population des mers dans des limites plus étendues, avant tout accord international, devant la considération que, si ses nationaux ne bénéficient pas du dépeuplement pratiqué sur les fonds océaniques au delà des trois milles réglementaires, ce seront les étrangers qui ne man- queront pas de venir le faire. La force de ce raisonnement n'est, toutefois, pas inattaquable ; en d'autres termes, on ne saurait ériger en dogme intangible qu'il faille tout détruire parce que « si on ne le fait pas, d'autres le feront ». Ce mode de logique donne tous les jours sa mesure dans notre Sud- Ouest pour la chasse. Tl a abouti à la destruction presque totale du gibier sédentaire. Il n'est pas douteux que le chalutage à vapeur constitue un pas en avant pour l'industrie de la pèche, sans cependant trop nous arrêter aux pittoresques affirmations de certains armateurs, dont les supputations tendancieuses ont pour but de montrer que c'est en grande partie grâce à l'apport de leurs chalutiers que le cours du poisson a haussé d'environ ^6 0/0. Mais, sans méconnaître un instant ici ces faits, qui sont aussi réellement intéressants que spécieux, il n'en est pas moins établi d'une façon indubitable que celte pêche spéciale a l'in- convénient d'exercer des ravages énormes et d'anéantir une masse incalculal)le de petits poissons, et, par le fait même, la nécessité d'une réglementation s'impose. Tant que les pays voisins pratiqueront un chalutage à vapeur intensif, il faudra bien que nous les suivions. Mais ce ne sera pas une des moindres tâches des Commissions internationales, dont nous réclamons l'inslitutioa, que de trouver une lormule assez élastique pour concilier les intérêts opposés en pré- STATION BIOLOGIQUE 67 seiice, avec les nécessités d'une sauvegarde de l'avenir, dont l'implacable urgence ne se fera peut-être que trop sentir. En résumé, l'œuvre de destruction des chaluts est, sans aucun doute, incommensurable, si l'on considère l'immense nombre de vapeurs qui bouleversent le sol de la mer et qui ravagent de fond en comble le fond de l'Océan dans tous les sens. Ils y changent complètement l'harmonie générale, l'équilibre naturel, le régime normal de la faune et de la tlore, ce qui ne saurait se produire sans entraîner de graves conséquences biologiques. Le plankton qui se voit à la surface de la mer, sous l'aspect de vastes taches rouge jaunâtre, errant lentement au gré des courants et des vents, est formé de nuées d'organismes pi'ovenant de ces fonds marins, où ils se développent au milieu du tapis organique qui est leur habitat normal. La dévastation de ces fonds semble donc constituer un dommage irréparable pour les animalcules du plankton, et, par contre-coup, pour les sar- dines qui s'en nourrissent. Ces fonds ravagés n'oirient plus au poisson les lieux favorables à la protection des alevins et au frai, et la nourriture des adultes y est aussi compromise que celle du naissain. Qui peut évaluer à quel point est ainsi effectuée la destruction des alevins de sardines qui vivent dans ces fonds? Aussi les bandes de poissons qui ne sont pas détruites émigrent-elles vers des régions plus hospitalières, s'éloignent-elles des côtes dévastées, de façon qu'il faut les chercher de plus en plus loin des côtes. De plus, si l'on songe qu'à chaque coup de drague c'est par tonnes que l'on rejette le fretin mort, mêlé à toutes sortes d'autres débris, l'on n'aura pas seulement la notion d'un dommage iri'éparable, mais encore celle de l'inanité de tout essai de repeuplement en face de pareils procédés. Pour se développer, les jeunes poissons et crustacés doivent vivre dans des fonds tranquilles, souvent loin du lieu de ponte, qui devient ainsi d'importance secondaire. C'est ainsi que les poissons plats pondent au large, et ce n'est que plus tard qu'ils se rapprochent de la côte. A ce point de vue, l'on voit que l'idée souvent émise pour assurer le repeuplement des mers de créer des réserves ne sera pas sûrement elllcace, car les poissons viennent per- pendiculairement vers la côle, et les cantonnements voisins ne 68 SOCIÉTÉ SClEiNTIFiQUE D'aRCACHON participeront pas, théoriquement du moins, à ce mouvement. Il semljle bien qu'on puisse établir un véritable parallé- lisme universel entre l'acuité des pratiques du chalutage et le dépeuplement en poissons et, plus spécialement, la pénurie de sardines. Tant que ce procédé de pêche n'est pas appliqué d'une manière intensive, la pêche seml)le continuer à être rémunératrice. Elle périclite avec son développement, fait d'autant plus compréhensible que, ainsi que nous l'avons dit, les races sont locales. Sur les côtes danoises, près de la côte, on capturait autre- fois des carrelets de grande taille, dont les similaires ne se prennent plus aujourd'hui que dans le Galtégat, c'est-à-dire dans une région où les roches sous-marines rendent impossible l'emploi du chalut. Partout ailleurs, les dimensions de ces poissons diminuent de plus en plus. Des faits analogues sont connus pour la sardine. Celle-ci avait disparu en Sicile. La prohibition des filets traînants a eu pour résultat, au bout d'une demi-douzaine d'années, une hausse de la pêche qui est redevenue rémunératrice. Ces exemples ne sont -ils pas lumineux et péremptoires? Actuellement, on a l'habitude de citer l'Espagne comme exemple de prospérité sardinière, ceci étant quoique les cha- lutiers y soient nombreux. Si l'on considère que le chalutage y est de date plus récente, on pourra prévoir que ce pays pourrait être exposé, lui aussi, à tuer sa poule aux œufs d'or. On y constate déjà une baisse sensible, qui peut être inter- prétée comme présageant un plus grand mal (i). La côte algé- rienne est riche en sardines; les chalutiers y sont relativement rares. Nos nationaux ont le tort d'aller s'établir en Espagne, où ils portent la prospérité, alors qu'ils abandonnent nos côtes algériennes aux étrangers. Quoi qu'il en soit, les sardines algériennes constituent une race locale abondante en cette époque de pénurie universelle. Une administration prévoyante pourrait donc intervenir à temps pour s'opposer au renouvelle- ment de ce qui a été relaté pour la côte sicilienne, phénomène d'autant plus facile à concevoir que les gîtes des faunes locales (1) Actuellement, la pêche espagnole est assez peu rémunératrice pour que cer- taines maisons se décidmt à vendre leurs bute.iux à des prix très réduits. Nous pourrions citer telle Société qui olîre en vente trois de Fes bateaux sur quatre. STATION BIOLOGIQUE 69 étant bouleversés, le dépeuplement en découle comme consé- quence fatale. Cette simple notion scientifique de « faunes locales », dont nul n'eût pu soupçonner l'importance a priori, aboutit donc à la compréhension des causes du dépeuplement des côtes. C'est ainsi que la science de la mer infiltre son utilité par les voies les plus détournées. Sillonnée en tous sens, depuis une succession de siècles, par de hardis marins, portant au loin les pacifiques et bienfaisants produits de l'industrie humaine ou arborant fièrement leur pavillon altier, l'immensité des mers est, en apparence, chose fort connue. L'océan, grand évocateur de sentiments d'une variété sans limite, source inépuisable de sensations de tous ordres, exerce une action d'une incalculable diversité sur tous ceux qui le hantent. Le malade y recherche la santé, et le pêcheur y con- quiert son pain quotidien; le travailleur harassé y trouve le repos, et le désœuvré la distraction ; le marin en lait son séjour d'élection, et l'artiste y puise ses effets les plus {grandioses; la mélancolie de l'àme se fixe à la lisière bleue de l'horizon. Malgré tous les emprunts quotidiens qu'on a pu lui faire, le cycle de l'activité humaine se trouve, aujourd'hui encore, sin- gulièrement limité en ce qui concerne l'étude de cette grande mer, dont l'énorme superficie couvre les quatre cinquièmes de la surface du globe terrestre. Tout ce (jui est acquis ne fait que soulever un petit coin du voile sur ce qui reste à conquérir. Seul de tous, le savant a relativement délaissé cette mer, objet de tant de prédilections et visitée par tous. Il ne l'a pas encore étudiée scientifiquement comme elle mérite de l'être. C'est là le sort assez commun de ce qui nous est le plus fami- lle: ; inconsciemment ou non, l'on semble supposer qu'un cos- mos si fréquenté ne saurait plus guère cacher de bien grands mystères, et le chercheur scientitique se sent plutôt altiré vers d'autres problèmes. C'est à une semblable erreur que nous devons de nous trouver devant un véritable monde scientifique nouveau, offrant aux Colomb savants d'incommensurables tré- sors et leur promettant d'inappréciables résultats. La connaissance de la mer est une science naissante, à laquelle on commence à peine à appliquer les rigoureux 70 SOCIÉTÉ SCIENTIIU^l'E d'ARCACHON procédés que la science moderne met à la disposition de l'investigation humaine. La science de l'océan, d'après les résultats déjà acquis, semble promettre une profonde réno- vation de nos connaissances ainsi que de la pratique de la mer, conçue dans son acception la plus large. Des problèmes d'une importance dogmatique et pratique extrême se ratta- chent à cette science. Toutes les autres sciences, la phy- sique, la chimie, les sciences biologiques aussi bien que les sciences mathématiques, l'observation et les combinaisons d'abstractions aussi bien que l'expérimentation directe sont mises à contribution par elle, et leur alliance étroite est à peine suffisante pour jeter quelque lumière sur l'ensemble des questions obscures et complexes dont la résolution est son but suprême, et qui sont de celles qui ont encore échappé jusqu'ici cà l'insatiable activité humaine. Cette science a dans son domaine la connaissance exacte de l'atmosphère, des eaux et des fonds de l'Océan, envisagés à tous les points de vue possibles, soit dans leur action, soit dans leur constitution. Sa tâche est de nous faire connaître les fonds, aux points de vue géologique, faunistique, géographique, topo- graphique, pétrographique, physique et chimique, avec toutes les conséquences qui en découlent. Nous avons à connaître les eaux, leurs courants, leur salure, leur densité, leurs tempé- ratures, leur faune et leur flore. L'étude de l'atmosphère et des phénomènes météorologiques, en général, grâce aux- quels on commence à entrevoir les points de départ de ce qui pourra servir à fonder des lois générales, par exemple, pour la direction et la vitesse des vents, touche aux intérêts maritimes les plus fondamentaux. Nul doute que le perfec- tionnement de nos connaissances n'aboutisse à la création prochaine d'un enseignement de météorologie pratique ap- pliqué à la navigation, et dont pourra aussi, en grande partie, bénéticier l'agriculture. Nous pouvons nous faire une idée, d'ores et déjà, de ce que produirait un service d'avertissement rationnel des pêcheurs, par celui qui fonctionne — quelque rudimentaire qu'il puisse encore être — dans certains pays étrangers, nouveaux venus dans la carrière maritime, auxquels il confère une supériorité qui n'est même plus contestée. La parfaite connaissance de la faune et de la flore marines. STATION BIOLOGIQUE 71 ainsi que celle de tous les faits biologiques qui s'y rattachent, n'a pas seulement cet intérêt scientifique qui jette un lustre brillant sur tout un pays et concourt à la marche progressive de la civilisation. Elle détient aussi les lois secrètes qui prési- dent à la production et à l'utilisation de l'une des ressources les plus importantes de l'humanité future. Les espèces comes- tibles, traquées par des engins de plus en plus perfectionnés, se raréfient avec les progrès de la consommation. Les pêcheurs sont forcés de rechercher de plus en plus loin des côtes les bancs de poissons dont la capture est leur gagne-pain. Naturel- lement, le tonnage de leurs bateaux doit augmenter en raison directe du service qu'on exige d'eux. Une conséquence inéluc- table de cet état de choses est l'intervention du capital dans l'industrie de la pêche. Le coût des vapeurs nous fait entrevoir la suppression pro- chaine de la petite pêche et son remplacement par ces sortes d'usines flottantes. Là, par une véritable division du travail, des bateaux légers seront chargés du rôle d'intermédiaires avec la côte, et le grand vapeur fonctionnera avec continuité et régularité. La rentrée du marin ne se fera plus après chaque pêche faite. Par une spécialisation inévitable, son travail sera continu et toujours le même. 11 devra rester à son bord pen- dant des périodes régulières, comme l'ouvrier de toute autre usine est tenu d'être assidu à son travail et de s'adapter aux besoins de l'exploitation générale. Du reste, le vapeur lui- même devra rester au large le plus longtemps possible et fonctionner avec une continuité qui sera un pas de plus vers la perfection. Sans vouloir être grand prophète, nous pouvons prédire, sans aucune crainte de nous tromper, que la carrière, tant poétisée, du pêcheur est en pleine voie de métamorphose. L'iiidividualisme tend à disparaîti-e en matière de pêche comme ailleurs, et, par le fait, une sorte de groupement collectif indus- triel et commercial semble s'y imposer. C'est là une modalité de la lutte pour l'existence, dont la concurrence vitale entre peuples voisins fait une nécessité inévitable. La rigoureuse connaissance de la science de la mer sera d'autant plus indis- pensable que toute fausse direction aura des conséquences pé- cuniaires et autres plus désastreuses. La lutte financière sera la 72 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D ARCACHON véritable guerre future. Malheur au pays qui n'aura pas fait le nécessaire pour pouvoir la subir sans trop de désavantage ! L'alliance intime de l'art et de la science pourra permettre un travail de repeuplement qui sera une nécessité. Outi'e ces essais d'intervention directe, une connaissance parfaite de l'histoire de la vie des êtres marins dont l'homme tire un bénéfice quel- conque, par exemple, celle des mœurs et des migrations des poissons, facilitera la tâche professionnelle dans sa lutte perpé- tuelle contre les éléments. L'étude de la mer, science jeune mais pleine d'avenir, mérite d'attirer l'attention de tous les esprits éclairés. Elle est appelée àrendre d'éminents services, non seulement aux professionnels des pêches, mais encore à la généralité des habitants des ré- gions maritimes et même à l'ensemble du pays. Son œuvre est appelée à devenir grande et féconde, mais son rôle est com- plexe et hérissé de difficultés. Presque tout est encore à faire dans son domaine insuffisamment exploré, et, cependant, il faut apprendre à nos marins et à nos pêcheurs à tirer parti des ressources qu'elle peut déjà offrir. Il peut nous paraître douloureux pour notre amour-propre national et funeste pour nos intérêts économiques de constater que la France, seule parmi les nations maritimes, ne se préoccupe pas assez de ces questions d'importance capitale, non pas uniquement au point de vue de la science pure, mais aussi pour notre commerce, notre industrie et la sécurité des nôtres. Ce qui précède est aussi vrai pour ce qui concerne l'étude des eaux douces que de la mer, et, à ce point de vue précis, elle a même une importance dont l'ampleur est bien souvent méconnue par le public non familiarisé avec ce genre de con- sidérations. Un coup d'œil rapide sur la question des eaux douces ne saurait être déplacé ici. La France possède près de 300,000 hectares d'eau douce, dont le revenu est à peine d'un million. Depuis un demi-siècle, on dépense, en quelque sorte, sans compter et ceci avec un résultat à peu près négatif. La dépo- pulation de nos eaux va en s'accentuant. S'il peut être légi- time de juger une méthode par les résultats qui en découlent, STATION BIOLOGIQUE lo le regrettable épuisement de nos eaux semble bien mon- trer, qu'il faut faire autre chose que tout ce qui a été tenté jusqu'à présent. Ne sommes-nous pas, en effet, suffisamment renseignés sur le manque de logique des tentatives de repeuplement que l'on constate de toutes parts? Quelle augmentation de la pêche est venue démontrer leur utilité pratique? N'avons-nous pas l'exemple indéniable de l'éta- blissement typique du Trocadéro de Paris, qui, suivant les errements ordinaires, peuple régulièrement depuis quinze ans la Seine d'alevins dont on n'a plus jamais d'autres nouvelles. L'immersion dans nos fleuves, telle qu'elle est faite, de petits alevins à vésicule vitelline à peine résoi'bée ne saurait donner de grands résultats. Si l'eau vaseuse ne les étouffe pas, les grands courants du printemps tendent à les entraîner vers la mer, ou bien les débordements les attirent au loin pour les abandonner lors du retrait des eaux. D'autre part, on préconise souvent la dissémination d'alevins un peu plus âgés, nourris pendant deux mois. Ces petits êtres donnent lieu à des remarques analogues à ce qui précède, avec cette circonstance aggravante que, par ce procédé, les inconvénients de la foule de petits établissements médiocres que nous possédons se présentent sous une face nouvelle et regrettable. Au lieu de prospérer, les alevins y souffrent, et, au bout de deux mois, on en tire des sujets amaigris, alanguis, de mauvaise mine et encore moins susceptibles de résister que le fretin du premier âge. Il est, en elTet, aisé de faire éclore des œufs embryonnés un peu partout, et nos établissements si défectueux peuvent donner ainsi aux inexpérimentés l'illusion d'un succès réel. Au lieu de disséminer les alevins directement dans les eaux publiques, il serait très utile de les élever dans des étangs, où ils s'habitueraient à la vie libre et atteindraient des dimensions qui leur permettraient de se soustraire plus facilement à leurs ennemis. Ce stade intermédiaire entre l'état de liberté complète et la véritable stabulation aurait l'avantage de permettre d'étendre celle-ci à volonté. La pisciculture française actuelle repose sur l'édification de quelques vagues bâtisses, décorées du nom pompeux d'éta- 74 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON blissements de pisciculture, qui font éclore des œufs achetés à l'étranger et mettent dans les fleuves des alevins malingres et non viables, sans que jamais un seul fait authentique ait montré que petit poisson soit devenu grand. Nous pouvons ajouter à cela l'idée qui nous paraît peu judi- cieuse d'imposer à des professeurs d'agricultuie, qui ont autre chose à faire et qui, du reste, ne sont guère préparés à remplir ce rôle, des conférences de pisciculture à l'usage des oisifs. Il serait aussi à désirer qu'on n'imposât jamais à des pêcheurs qui sont des praticiens, l'obligation de créer, en des lieux généralement mal choisis, des officines de pisciculture absolument en deliors de leurs attributions. Les pêcheurs ne sont pas des pisciculteurs, et les lots de pêche sont généra- lement peu propices aux pratiques de la pisciculture. D'un autre côté, imposer cette obligation pour l'amodia- tion des lots de pêche équivaudrait à frapper d'une sorte d'ostracisme les industriels les plus intéressants, c'est-à-dire les vrais pêcheurs et les nécessiteux, en général, pour créer des privilèges souvent exorbitants. Les capitaux à engager et les connaissances techniques à acquérir constituei-aient une difficulté réelle, assez puissante pour en éloigner les pêcheurs, sans qu'il soit bien établi que l'introduction de ces pratiques soit sûrement utile. Une grande unanimité semble s'être établie dans toute la France pour réclamer des subventions pour la foule d'établis- sements de pisciculture 82 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON dans ses études comparatives sur la faune de ces fjords et celle de la mer libre, a trouvé que les eaux de cette dernière contenaient incomparablement plus déjeunes poissons et d'œufs que les fjords. Il en conclut que les pratiques de la pisciculture marine appliquées à ces derniers sont condamnées à une sté- rilité plus ou moins absolue. Il ajoute qu'à partir d'une certaine profondeur, la nappe d'eau ne contient plus que 8 dixièmes pour 100 d'oxygène au lieu de 35 pour 100 de gaz atmosphériques dissous, comme dans l'eau normale. Il y a là une manière d'être qui rappelle quelque peu ce qui se voit dans la mer Noire. L'État dépense des sommes considérables pour l'entretien de laboratoires maritimes destinés à fournir aux travailleurs les matériaux qui leur sont nécessaires, à leur permettre d'étudier sur place la faune des côtes et la constitution des êtres marins, et à faciliter les recherches scientifiques aussi bien au bord même de la mer qu'en tout autre point. A ce double point de vue, ces laboratoires- ne donnent pas toujours les résultats désirés, et ceci pour des causes mul- tiples. Dans les conditions actuelles de l'organisation des Facultés, ils ne sauraient guère être fréquentés que pendant les périodes de vacances. Ils ont ainsi l'inconvénient de se trouver en une sorte de concurrence directe avec le besoin de repos et de villégiature qui s'impose fatalement à tous ceux qui ont con- sacré tout le reste de l'année à des efforts plus ou moins fatigants. D'un autre côté, les circonstances influent aussi souvent sur les recherches d'une façon peu avantageuse. Que de fois ne se voit-on pas réduit à se contenter d'étudier des êtres que l'on rencontre, représentés souvent par quelques rares spécimens, et presque toujours en dehors de leurs conditions naturelles! De plus, il faut les utiliser dans la période, relativement courte, qui s'écoule entre leur capture et leur mort ou leur putréfaction. Il est relativement rare qu'on puisse les conserver vivants pendant quelque temps, et ce ne sont guère que les espèces banales que l'on possède ainsi. Une autre cause importante est que le travailleur, brus- quement transporté au bord de la mer, ne se trouve pas dans STATION BIOLOGIQUE 83 les conditions normales de repos d'esprit et môme de tran- quillité favorable à rexécution d'un travail de longue haleine. Par le fait, et à peu de choses près, ces considérations pour- raient aussi être appliquées au travailleur qui reçoit des envois et qui est forcé d'utiliser rapidement des organismes vivants ou morts, quelles que puissent être ses dispositions momen- tanées. Dans ces différents cas, les observations sont faites trop hâtivement. Pour la masse des chercheurs, un laboratoire placé sur le bord de la mer est susceptible surtout de servir de lieu d'ap- provisionnement; il ne peut servir de centre d'études que dans des cas plus restreints, le travail le plus utile étant celui qui est effectué sans hâte, dans le calme de la vie de laboratoire. Du reste, en général, ce n'est qu'au laboratoire qu'on étudie d'une manière approfondie les matériaux qui ont été recueillis au bord de la mer, et le travail porte alors sur une matière inei'te plus ou moins bien conservée, d'où il n'est possible de tirer que des renseignements d'une valeur relativement moins grande. Ces considérations conduisent aune conclusion particulière. Tout autre serait la situation si, en sus des laboratoires marins, les Facultés possédaient des aquariums rationnel- lement installés et contenant des habitants vivants d'une existence normale, se nourrissant, se développant et se repro- duisant, avec tout l'ensemble des phénomènes qui caractéri- sent leur vie ordinaire. De cette façon, on n'aurait plus affaire à de simples échantillons d'oro-anismes, endommagés ou non, placés dans des conditions vitales quelquefois vraiment énigma- tiques, ou à des restes difficiles à étudier dans de semblables conditions. Il serait alors possible de suivre plus facilement le cycle vital tout entier d'une même forme organique, de l'étudier à tous les âges, tant au point de vue anatomique que physiologique. On pourrait arriver ainsi à posséder des formes qui n'ont été vues que sur de rares exemplaires frappés d'une mort rapide, ou même trouver des espèces nouvelles' plus ou moins remarquables. Les petits aquariums d'eau de mer que l'on voit dans cer- taines Facultés étrangères, quelque rudimentaire que soit leur installation, ne nous font-ils pas prévoir d'une manière 84 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON frappante tout ce qu'on pourrait attendre d'une semblable organisation? C'est aux aquariums de laboratoire que nous devons la découverte du Calcituba polymorpha, ce Foraminifère qui a eu une si grande influence sur la conception actuelle de tout le groupe. L'étude journalière, au sein d'un aquarium de laboratoire, de cette forme remarquable a arhené les zoolo- gistes à une véritable métamorphose de leurs connaissances. De même, les Annélides, dont les affinités ont toujours été si douteuses, possèdent actuellement des formes précurseurs qui les relient à la trochosphère. N'est-ce pas aux aquariums de laboratoire que l'on doit la découverte du Dlnophylus apatris, ainsi qualifié parce que l'on ne sait où il vit et qu'on ne l'a jamais observé qu'en aquarium? Bien d'autres exemples pourraient encore être cités. Si des aquariums, installés selon des principes insuffisants, dans lesquels la pluralité des animaux marins ne saurait subsister, ont pu être la source de pareils résultats, que ne pourrait-on pas espérer d'une organisation plus parfaite, grâce à laquelle la généralité des organismes pourrait vivre et se développer normalement, en quelque sorte, sous les yeux de l'observateur, et susceptible de réserver ainsi aux zoologistes la découverte de véritalDles trésors scientifiques? Il semble donc qu'il serait d'une haute utilité de voir, dans chaque Faculté, un petit aquarium marin peu coûteux, mais rationnellement organisé, où l'on pût conserver à l'état vivant, voir vivre et se perpétuer les principales espèces de nos côtes. Dans ces conditions, les travaux faits sur la faune marine deviendraient plus nettement de véritables recherches de laboratoire, exécutées en toute quiétude et, partant, seraient d'une importance difficile à atteindre de toute autre façon, si ce n'est peut-être dans des laboratoires organisés d'une ma- nière spéciale, comme celui de Naples. D'un autre côté, une semblable fondation mettrait ces études à la portée d'un plus grand nombre, presque de tous. En résumé, au point de vue scientifique, les laboratoires maritimes ordinaires doivent être complétés par la création d'aquariums permanents dans les Facultés des sciences. Mais, en dehors de ces deux précieux instruments de travail, il nous STATION BIOLOGIQUE 85 paraît indispensable, dans l'intérêt du progrès de l'industrie maritime, de réclamer la création de laboratoires techniques spéciaux, ayant pour but exclusif d'élucider les problèmes de la piscifacture pratique, en dehors de toute préoccupation spéculative. CONCLUSIONS De toutes les considérations qui précèdent, nous tirerons les conclusions suivantes : i° Il serait urgent d'étudier une refonte rationnelle des règlements ; 2» Il y aurait lieu de restreindre le droit de pêcher la sardine de dérive composant les bancs de reproducteurs. Cette restriction serait d'une application aisée, attendu qu'elle n'apparaît pas en même temps que la sardine de rogue; 3° Il nous paraît indispensable d'autoriser, de favoriser même, sur les côtes de France, l'usage d'engins perfectionnés pour la capture de la sardine de rogue. Une mesure de tran- sition utile pourrait être l'adoption du filet Guézennec; 4^ Il paraît aussi rationnel d'étudier un plan de substitution définitive de vapeurs, avec instruments appropriés, aux bateaux actuels; 5° Il serait éminemment désirable d'établir une surveillance effective de la pêche maritime; 6® Il conviendrait de faciliter la création d'un laboratoire d'études biologiques des animaux marins, en vue d'arriver à Là connaissance complète de leurs mœurs et des conditions de leur reproduction, et d'aboutir à la création d'établissements de piscifacture capables de remplacer, au fur et à mesure, dans les eaux salées, comme on l'a fait pour les eaux douces. 86 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON les vides désastreux provenant de la pêche de plus en plus intensive ; 7° Il serait utile de provoquer la réunion d'une Commission internationale compétente, chargée d'étudier les inconvénients du chalutage à la crevette et du chalutage à vapeur, de limiter les zones de chalutage, et d'élaborer une réglementation rationnelle, susceptible, grâce à une surveillance eilective, de sauvegarder le patrimoine des pêcheurs dans l'intérêt de l'alimentation et des chalutiers eux-mêmes. Fait à Bordeaux, le 1" novembre 1903. STATION BIOLOGIQUE 87 L'ORGANOGENÈSE ET L'HISTOGENÈSE AXJ POINT DE VUE PU YLOGÉ NIQUE Ch. GINESTE Licencié es sciences naturelles, préparateur à la Faculté des Sciences. AVANT-PROPOS La présente publication est tirée de l'enseignement de M. le professeur Kunstler. Depuis plus do vingt ans, il a énoncé cette doctrine scientifique, et il y a consacré un certain nombre d';irticlcs, mémoires ou cours publics. Il y a quelques années, MM. Delage et Labbé ont abordé le même sujet à un point de vue quelque peu particulier. Depuis ce temps, ces au eurs ont conservé un silence persistant. D'un huire côté, le travail de M. Luscpiel sur les « Etres vivants », paru en 1899, n'a pas répondu à l'esprit exact de cet ens ij;nemei)t. Devant ces consi- dérations, nous avons obtenu l'autorisation de faire cette publication sous notre !-eule responsabilité, plein j et entière. Le règne organique est actuellement constitué par plus de quatre cent mille espèces animales et par plus de cent cin- quante mille espèces végétales. Pnrmi les groupes qui le cons- tituent, les uns sont caractérisés par une richesse inouïe en espèces, tandis que d'autres sont plus parcimonieusement dotés. Par exemple, les Oiseaux sont très nombreux et l'on n'en compte pas moins de treize mille espèces, tandis que leurs ancêtres directs, les Reptiles, ne sont guère qu'au nombre d'environ trois mille, parmi lesquels il y a environ seize cents serpents (dont trois cents venimeux). Les Amphibies tombent à treize cents, alors que les Poissons remontent à une dou- zaine de mille. Les Insectes aussi sont très nombreux, et il faut parler ici d'au moins trois cent mille espèces, dont les Coléop- 88 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON teres comprennent cent vingt mille, les Lépidoptères cinquante mille et les Hyménoptères une quarantaine de mille. Le groupe voisin, les Arachnides, ne comportent plus que vingt mille espèces, et les Vers huit mille. Les Échinodermes sont au nombre de trois mille, tandis qu'avec les Mollusques on remonte à une cinquantaine de mille. Dans la suite des siècles, nous constatons la succession d'une foule de formes organiques. Quoique ces formes soient bien caractérisées par l'organisation typique du groupe auquel elles se rattachent, il n'en est pas moins digne de remarque que les espèces ne passent pas d'un terrain à un autre, consta- tation qui a donné naissance à la théorie des créations succes- sives d'organismes venant après d'autres plus ou moins ana- logues ou différents, détruits par des cataclysmes, ceci par l'action de forces inconnues, qualifiables, sans doute, dans l'esprit de leurs créateurs, de divines. D'un autre côté, une foule d'esprits philosophiques se sont refusés à admettre l'intervention directe de forces mysté- rieuses; ils ont pensé que le règne organique devait son ori- gine à ses propres ressources, et que les forces naturelles suffisaient à expliquer l'état actuel de l'univers. Une seule hypothèse pouvait rendre compte de la succession des faunes et des flores à travers les âges, celle d'après laquelle les êtres dérivent directement les uns des autres. Cette théorie dite de la descendance a été envisagée par une foule de savants illustres, et chacun Ta comprise à sa façon. Chacun a donné une importance prépondérante aux procédés de transformation des êtres qui lui paraissait le plus probable, et, si l'idée philo- sophique de la descendance est une, les théories sont aussi variées que les auteurs qui les ont imaginées. Quoique le pont qui relie la science à la philosophie ne soit peut-être pas tout à fait achevé, les problèmes morphologiques d'un intérêt général à tendances philosophiques n'en ont pas moins tenté certains esprits hardis, et Féclosion des théories n'a pas attendu un accord complet sur les faits. Mais, si les phénomènes ne sont pas encore suffisamment connus, on comprend aisément que, dans cette sorte de camp philoso- phique, l'accord ne soit généralement pas absolument parfait. Quoique certains naturalistes eussent déjà fait quelques STATION BIOLOGIQUE 89 timides essais théoriques, c'est le naturaliste français de Lamark qui est le fondateur officiel de la théorie de la descen- dance. Ayant observé que les êtres les plus différents peuvent posséder des organes homologues, il en a déduit qu'ils ont une origine commune et qu'ils se sont transformés progres- sivement. Pour lui, c'est sous l'influence des actions extérieures que se produisent les variations, et il accorde aux causes ambiantes une importance profonde; par exemple, les besoins physiques urgents sont le point de départ d'une foule de variations : si le cou de la girafe s'est allongé, c'est qu'elle broutait les feuilles des arbres et que sa constitution anato- mique favorisait cette manière de vivre. C'est l'usage ou le non- usage des organes qui était invoqué comme cause de premier ordre, la partie exercée se développant beaucoup, la partie non exercée tendant à s'atrophier. Pour Darwin, qui fonda la doctrine transformiste sur d'autres bases, les efforts et les besoins des animaux ont moins d'im- portance. Il admet que les variations spontanées sont fré- quentes et qu'elles ne se produisent pas chez l'adulte, mais dans l'œuf. Ces variations sont le résultat d'une lutte cons- tante entre l'hérédité, qui tend à la conservation des anciens caractères, et le rajeunissement du protoplasma, qui est un phénomène provoquant toujours des propriétés nouvelles. A ces causes de variations et de complications du règne animal, Darwin joint l'étude de processus spéciaux de nature à mieux expliquer la constitution actuelle de l'échelle zoologique. Les animaux luttent entre eux pour la vie, et les mieux armés ou les mieux adaptés aux conditions dans lesquelles ils se trouvent l'emportent sur les autres. La lutte pour l'existence a donc pour effet d'exagérer les propriétés utiles sous l'influence des conditions de milieu et de ne laisser persister que les formes les mieux adaptées à celles ci; elle aboutit donc à une véri- table sélection, dite sélection naturelle. Les travaux de Lamark et de Darwin, ainsi que ceux d'une foule d'autres auteurs, ont mis hors de doute que les agents extérieurs et les conditions de milieu exercent une action de premier ordre sur les organismes vivants, et la théorie de la descendance moderne, telle qu'elle résulte de la riche aecumu- 90 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON lation des travaux consacrés à cet important sujet, est basée principalement sur cette influence des forces naturelles durant la succession des âges. Les êtres sont tenus de s'adapter aux conditions du milieu et de se défendre contre leurs voisins. Cette lutte pour l'existence ne se constate pas seulement entre les organismes. Dans le corps même des êtres, elle s'observe entre les différents organes, entre les différents tissus, entre les différentes cellules d'un même tissu. La lutte entre les voisins paraît être la loi fondamentale et fatale de l'organisation. Si l'on peut dire que la concurrence vitale est surtout active entre les animaux de la même espèce et que la destruction d'un être favorise son voisin, que l'homme lutte contre toute la nature, que les races d'hommes luttent entre elles, que les variétés régionales sont en concurrence ouverte, nous ne trouvons donc même pas là le spectacle de la con- corde et de la solidarité rêvée par de doux philosophes, parmi les parties d'un même organisme. Dans ce choc de forces, les éléments faibles se trouvent plus ou moins sacrifiés et les parties fortes deviennent plus florissantes. La théorie du balancement des organes n'est pas tout à fait sans applications dans la marche de ces phénomènes. Ce processus s'exerce sans cesse dans le corps des êtres vivants. Les éléments vieillis par l'usage se détruisent et sont remplacés par des éléments nouveaux. Cette activité qui renou- velle les éléments usés se manifeste aussi lorsque, par suite d'un manque d'usage, les éléments d'un appareil ne possèdent pas l'activité nécessaire. Ils succombent dans la lutte. Les éléments de remplacement sont d'abord plus forts, et le pro- cessus de renouvellement des organes est un véritable renfor- cement. Mais, ils sont aussi plus dilïérenciés, plus individua- lisés, moins malléables et, somme toute, le renforcement des organes se fait par des éléments moins jeunes. Les agents d'excitation, les climats chauds, l'alcool, l'exer- cice, la fatigue, les théâtres, etc., stimulent ces processus et aboutissent à un remplacement plus rapide des éléments usés de façon à hâter la marche vers la vieillesse. Sous l'influence de ces excitations spéciales, les éléments, plus hâtivement développés, n'atteignent jamais tout l'épa- STATION BIOLOGIQUE 91 nouissement dont ils seraient susceptibles s'ils étaient pro- duits par une évolution lente et normale. Cette constatation est de haute importance si l'on envisage ses conséquences sociales possibles. Par exemple, dans l'éducation de la jeunesse, si l'on ne s'ingénie pas à éliminer tous les agents susceptibles de hâter l'évolution organique, il est à craindre que l'individu n'aboutisse jamais au développement dont il serait norma- lement susceptible et qu'il soit usé avant l'âge. Nous savons bien, par exemple, que des collectivités humaines soumises à certain surmenage (fatigue, alcool) sont sujettes à un grand abaissement de la taille. La théorie de la descendance est dominée par un ordre de faits dont l'action est plus importante qu'on ne pouirait le croire de prime abord. Lorsque des modifications se pro- duisent chez un être par suite de son genre de vie, surtout si elles sont survenues lentement, elles se transmettent plus ou moins à ses descendants. L'hérédité des caractères acquis est bien connue dans le domaine de la pathologie; elle est tout aussi réelle pour toutes les autres particularités acquises. Les individus avancés en âge procréent des descendants à matu- rité plus hâtive, mais dont les forces sont de moins longue durée. Les enfants de vieillards sont plus vifs, plus éveillés, plus précoces ; c'est parmi eux qu'on rencontre le plus souvent les petits prodiges. Une remarque générale est de haute importance dans les théories transformistes auxquelles il est fait allusion plus haut. Les variations dues aux agents extérieurs sont lentes et minimes, quoiqu'elles puissent devenir très tranchées par l'accumulation des siècles, mais les caractères modificateurs ainsi acquis sont surtout externes. Ce n'est pas par leur fait que se constitue l'organisation proprement dite, qui semble avoir une évolution autonome dont l'histoire est au moins aussi importante que celle des formes extérieures. La science est encore pauvre sur l'histoire de l'évolution organique proprement dite. Les causes en sont obscures, et l'on en est réduit à invoquer de vagues forces internes. Toutefois, il existe quelques théories cherchant à expli- quer plus ou moins partiellement i'anatomie comparée actuelle du règne animal, sinon en en faisant connaître les 92 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON causes réelles, tout au moins en cherchant à montrer la voie suivie. Toutes les théories scientifiques, en général, au point de vue de l'accueil qui leur a été fait, ont trouvé des partisans et des adversaires, des contradicteurs ou des amis. La théorie colo- niale est une des rares qui fasse exception à cette règle géné- rale; elle n'a pas eu à se défendre contre la contradiction ou tout au moins fort peu. Le première idée de la théorie coloniale peut être ramenée à Aristote, qui émit une opinion d'après laquelle les êtres vivants n'étaient qu'un assemblage de petits organismes. Dans les temps modernes, Gœthe fut un des premiers à avoir une idée bien nette de la théorie, mais il l'énonça d'une manière un peu fantaisiste. Gœthe était un esprit Imaginatif; il constatait que les feuilles des arbres se ressemblaient toutes et il assimilait l'arbre à une colonie de ieuilles; il généralisait même, il pensait que tous les êtres vivants étaient une colonie d'individus plus simples. Quelques années auparavant, il avait déjà émis la première idée de la théorie vertébrale du crâne. La simple constatation des fragments de dissociation d'une tête de biche altérée par l'humidité avait suffi à lui faire remarquer quelque analogie dans les plans de constitution de ces os avec les ver- tèbres. L'imagination aidant, il n'avait pas hésité à faire l'assi- milation complète. La théorie vertébrale du crâne était déjà d'ailleurs une théorie coloniale. Haeckel, reprenant la même idée, lui donna une expression bien plus scientifique en prenant pour point de départ des bases beaucoup plus sérieuses; mais, dans les temps moder- nes, c'est à M. Edmond Perrier que nous devons le travail le plus considérable sur cette question, travail dans lequel sont envisagés tous les cas particuliers favorables à l'édifi- cation de la théorie coloniale. Cette théorie n'est pas demeurée dans le domaine de la science pure ; des esprits généralisateurs Font appliquée par comparaison à la constitution et à la marche de l'humanité. La loi de la différenciation a été par certains auteurs, comme M. Espinas dans son traité des Colonies animales, calquée d'après la constitution même de la société moderne* STATION BIOLOGIQUE 93 La base de la théorie coloniale a pour point de départ cette idée de Von Siebold et de Hœckel, à savoir que les Proto- zoaires sont des animaux unicellulaires, tandis que tous les autres êtres sont pluricellulaires. Entre ces deux grands groupements, il y aurait une difîé- rence essentielle, celle qu'il y a entre une seule cellule et un assemblage de cellules. Les êtres supérieurs ne présentent pas seulement cette différence, mais encore une complexité de structure plus considérable et toute une série d'organes. Les Protozoaires, animaux inférieurs, en allant vers la base du groupe, sont de plus en plus simples, ne présentant souvent comme par exemple les Amibes, aucun appareil différencié. Il y aurait donc une série complète d'individus formés d'élé- ments anatomiques constitués par un fragment de protoplasma englobant un noyau à valeur morphologique définie susceptible cependant de montrer les degrés de différenciation les plus divers. Partant de là, on a voulu voir entre ces éléments anatomiques et les Protozoaires, non seulement une ressem- blance, mais encore une identité, une équivalence, et l'on a considéré les Métazoaires comme représentant une colonie de Protozoaires. Entre la constatation d'une semblable similitude de consti- tution et l'hypothèse de Téquivalence morphologique de ces deux sortes de corps. Cellule et Protozoaire, il n'y a eu, en apparence du moins, qu'un fossé insignifiant, que les auteurs n'ont pas hésité à franchir, et cette idée est admise implicite- ment ou explicitement. Les Protozoaires sont donc considérés comme des êtres élémentaires isolés, et les Métazoaires deviennent ainsi des individus d'un ordre plus élevé, formés par la réunion des premiers en colonies et réduits au rôle de simples éléments cellulaires. A la notion d'élément anatomique distinct, on rattache donc une idée d'individualité spéciale. Si le Protozoaire est un individu simple, le Métazoaire est un individu multiple, un assemblage d'individualités primitives, il est polyzoïque. Il faut remonter aux confins des deux groupements consi- dérés pour comprendre cette dérivation. La reproduction des Protozoaires se fait par division, par simple scission en deux 94 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON parties égales. Quand on étudie le début du développement individuel chez les êtres supérieurs, on constate que le mode de production des cellules est analogue; la division des sphères de segmentation est plus ou moins régulière et donne des formes plus ou moins équivalentes. La reproduction des Protozoaires aboutit à la formation d'êtres distincts le plus souvent, mais susceptibles dans bien des cas de demeurer unis en colonie. C'est l'existence dépareilles colonies chez les Pro- tozoaires qui est re- gardée comme le point de départ essentiel de la Constitution des êtres dits Métazoaires. Dans ces derniers, la forme coloniale est demeurée la forme persistante. Il y aurait donc, dans la théorie polyzoïque, des êtres unicellulaires et des êtres pluricellulaires, les Protozoaires étant considérés comme des sortes de cristallicules vivants à valeur primordiale fixe et déterminée, assimilables à une cellule unique des Métazoaires. Ce serait un processus de reproduction primitive, arrêtée dans sa marche, dont les produits s'associeraient pour consti- tuer des individus d'un ordre plus élevé, et c'est ce phénomène qui a été comparé à la division de l'œuf en blastomères qui restent unies entre elles. Le Volvox est une forme précieuse qui semble créée tout exprès pour montrer une sorte de stade de passage entre les Protozoaires isolés et les Métazoaires, colonie de Protozoaires, quoique l'on doive faire remarquer qu'en réalité, dans le Volvox, les individus constitutifs sont séparés les uns des autres ou associés par une sphère gélati- neuse, de façon qu'ils ne sont pas arrêtés dans leur séparation Fia. 1. — Volvox globator. Coloii'e de Protozoaires sexuée. STATION BIOLOGIQUE 95 pour s'organiser autrement. Quoi qu'il en soit, dans le Voluox, il y aurait même déjà une certaine division du travail FiG. 2. — Antophysa vegetans. Colonie de Protozoaires (infusoires flagellés). Indi- vidus isolés, individualisés (d'après Stein). physiologique, certains individus remplissant seuls la fonction reproductrice. En efFet, par suite d'une différenciation commençante, la grande masse des individus demeurent iden- 96 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'ARCACHON tiques, tandis qu'un petit nombre se distinguent de leurs congénères par leur transformation en corps reproducteurs, œufs ou spermatozoïdes. On retrouve même ces deux formations réparties dans différentes colonies; il semble donc qu'il y ait déjà dans cette forme une sexualité acquise, et c'est cette acquisition qui, dans la théorie polyzoïque, joue un rôle important dans la distinction des colonies de Protozoaires des différentes formes de Métazoaires. A côté des colonies de Protozoaires où les individus sont tous identiques, nous trouvons donc le polymorphisme des Métazoaires, colonies dans lesquelles les individus se subor- donnent à l'ensemble dans le but d'être aptes à remplir pour le mieux de l'être les diverses fonctions. Ces sortes d'agrégats tireraient phylogénétiquement leur origine de colonies de Protozoaires formées par des divisions successives d'un indi- vidu unique, comme dans les colonies de Flagellés, de Ciliés et autres, de la même manière que les blastosphères dérivent de la sesfmentation de l'œuf en constituant des individualités nouvelles qui ne se séparent plus. Cette ditférence essentielle entre les deux groupes réside dans l'apparition, chez les Métazoaires, des tissus. Les individus cellulaires groupés en colonies se sont adaptés aux rôles les plus divers en prenant des formes et une constitution appropriées à leur but, soit isolément, soit par groupes. Ce polymorphisme a permis de comparer les Métazoaires à des sociétés organisées, compre- nant en quelque sorte des corps de métier divers où chacun travaille pour le mieux au bien général. C'est là une unité de composition d'après le principe de l'association, constituant une loi générale simple et séduisante, qui permet de voir pour ainsi dire directement le passage des individus simples aux formes complexes et la transition insensible des individus aux organes, les premiers étant descendus au rang des seconds. Il y aurait donc, d'après la théorie coloniale, quelque chose comme une société policée (Espinas) dans les Métazoaires, par adaptation d'une seule cellule ou d'un groupe de cellules à un rôle spécial dans le nouvel État, image frappante d'un socialisme idéal, mais malheureusement probablement irréalisable. En un mot, la caractéristique de la théorie polyzoïque est STATION BIOLOGIQUE 97 dans la structure cellulaii-e, dans ce fait que la cellule est l'élément morphologique fondamental de toute organisation, qu'il n'est rien en dehors de la cellule et que toute masse organisée est unicellulaire ou un composé de cellules. L'étude de la théorie cellulaire, qui est la base de la théorie polyzoïque, fera l'objet d'un examen spécial après l'exposé de la théorie polyzoïque telle qu'elle est enseignée actuelle- ment. A la suite des vues d'Aristote, de Gœthe, de Haeckel sur cette question, M. Edmond Perrier a consacré aux colonies animales un gros volume pour fixer les détails de leur évolu- tion. Après la segmentation de l'œuf, les éléments produits sont des masses protoplasmiques auxquelles Haeckel donnait le nom de plastides, et qu'on appelle plus généralement des cellules, pouvant demeurer séparées entre elles ou unies eu colonies, pour constituer un organisme, une unité nouvelle qui disparaît quand on en sépare les parties intégrantes qui lui donnent son caractère d'individu. Les plastides associés demeurent très rarement semblables entre eux; le plus souvent, ils se diiïérencient; les éléments différenciés se limitent à des fonctions spéciales et, par ce fait même, les remplissent d'une manière plus parfaite. Ces éléments ne jouant plus le même rôle, n'ont plus à se trouver dans le même rapport avec le milieu ambiant. SI les éléments nutritifs, respiratoires, sensitifs, doivent garder une connexion avec le milieu extérieur, d'autres éléments ayant acquis la propriété d'emprunter aux premiers cet excès de matériaux, qui leur est inutile, peuvent s'enfoncer dans le corps de l'indi- vidu et donner naissance aux éléments musculaires osseux et en général de soutien. Ainsi, l'être quittant la série linéaire primitive, peut se composer de plusieurs couches de plastides, les uns super- ficiels, les autres profonds, et prendre ainsi une épaisseur, une massivité. Plus grand sera le nombre des plastides, plus accrue sera l'activité physiologique de l'organisme. La perfection de l'orga- nisme peut donc se mesurer au nombre et à la variété des plastides composants. Mais, à cette association des plastides et Société se. d'Arcaghon. 7 98 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHÔN à cette différenciation des parties correspond une solidarité, une dépendance des éléments les uns des autres : la séparation devient alors synonyme de mort. La disparition seule d'un groupe de plastides associés pour remplir une fonction essen- tielle doit amener le même résultat. L'individu n'est donc qu'un complexe de parties intégrantes, les plastides ou élé- ments anatomiques. Cependant, cette association d'éléments anatomiques n'est pas aussi indépendante qu'elle le semble. Si, artificiellement, certaines conditions de milieu suffisent à remplacer les conditions absentes ou suppléent partiellement à leur état primitif, la séparation devient possible. Toutes les transitions, d'aille'.irs, exis- tent entre cette indépen- dance à peu près complète et l'absolue solidarité des éléments organiques. Les plantes, par exemple, sem- FiG. 3. — Jeune larve d'Annélide, en voie blcnt pOSséder à UU très de segmentation li-ansversale (métaméri- , , , » tt • j ' sj^tion). baut degré cette mdepen- dance relative, par exem- ple, dans les cas de marcottage, de bouture et de greffe. Pour les animaux, cette indépendance des éléments orga- niques, nette'chez les êtres inférieurs (^Protozoaires, Polypiers, Echinodermes), moins accentuée chez certains Invertébrés (Vers et Arthropodes) est beaucoup moins sensible chez les Vertébrés. L'autotomie de la queue de lézard, sa rénovation plus ou moins parfaite, dénotent bien une indépendance rela- tive; jamais cependant une portion quelconque de l'individu ne pourra, comme chez les plantes ou les animaux inférieurs, reconstituer l'individu complet. Certains cas chirurgicaux, néanmoins, tels que la rhinoplastie, la greffe osseuse ou mus- culaire, montrent encore, même chez les Mammifères, une solidarité des éléments assez incomplète. Tous ces faits ont été recueillis par les auteurs à l'appui de la théorie polyzoïque et ont comme fortifié sa base. Bien plus, pour ceux-ci, les formes compliquées des Invertébrés sont telles que les moins élevées d'entre elles se laissent facilement décomposer en parties dont chacune est l'équivalent de formes plus simples de la division correspondante. STATION BIOLOGIQUE 99 Dans un aulre ordre d'idées, l'aplatissement de l'animal et sa symétrie bilatérale apparaissent dans la théorie comme les conséquences d'un déplacement sur le sol ou sur une surface solide. Cette règle, sans doute, ne paraîtrait pas absolue, si l'on ne considérait que l'hérédité complique singulièrement le pro- blème en permettant à certaines formes de subsister alors que, depuis longtemps, ont disparu les causes qui les ont déter- minées. L'apparition de la bouche par le procédé embryolo- ^ gique normal détermine encore dans l'individu une partie antérieure et par suite une partie postérieure, et, en même temps, le plus souvent, une face ventrale et une face dorsale. Tandis que chez les animaux libres, la symétrie se dispose par rapport à un '^ ' • j • f IG- ■4- — Segmentation dun embryon de plan, la symétrie des ani- vertébré /Ampftioœus; (d'après ciaus). maux fixés a lieu par rap- port à un axe (polype, embryon des Echinodermes). Telle serait, dans la théorie polyzoïque, l'origine de la symétrie bilatérale et celle de la symétrie radiaire. Les phénomènes de bourgeonnement qui se produisent ensuite, sont tantôt arbo- rescents, tantôt radiaires chez les êtres fixés; chez les orga- nismes libres, le développement se fait suivant une série linéaire et aboutit à la formation d'anneaux. Quant aux bour- geonnements latéraux qui constituent les membres, ils demeurent chez ces derniers toujours plus ou moins insigni- fiants par rapport aux autres. Cette série linéaire ou à anneaux se présente chez les ani- maux qui ont atteint le maximum de complication organique (Arthropodes, Annelés); elle serait un peu elYacée, mais encore visible chez les Vertébrés. La segmentation linéaire est donc le propre des animaux à symétrie bilatérale. Rarement la segmentation linéaire a lieu avec des ramifications latérales, comme chez les Echinodermes, Nous avons essentiellement deux types : un type ramifié rappelant les plantes, ce sont les Phytozaires et un type linéaire propre aux animaux (Arthro- podes, Vers, Mollusques, Vertébrés), les Artiozoaires. Cependant, la différenciation entre ces deux types n'est pas 100 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON absolue. La symétrie bilatérale primitive est tellement en rapport avec la locomotion dans un sens déterminé, qu'elle peut s'effacer, malgré l'hérédité, chez ceux qui ont subi une modification dans les conditions d'existence, tandis qu'elle peut, au contraire, apparaître chez des êtres à symétrie radiaire devencus aoptes à la lomotion définie. C'est ainsi que les Géphyriens, qui habitent des trous dans FiG. 5. — Plasmode (d'après J. Kunstler). le sable, perdent leur symétrie bilatérale pour en prendre une radiaire; les larves vermiformes des Echinodermes voient leur symétrie première s'altérer dès la phase cystide déjà fixée et devenir radiaire à la phase pentacrine. Cependant, tandis que le centre de l'individu qui représente le reste du cycle primitif conserve la symétrie bilatérale, la périphérie, au contraire, bourgeonne dans un sens rayonné. La symétrie radiaire, par contre, s'efface chez les Holothu' rides, qui se déplacent suivant une direction fixée et, même chez les Oursins, l'apparence radiaire du corps ne masque STATION BIOLOGIQUE 101 qu'une symétrie bilatérale très évidente (bivium, trivium). Les conditions d'existence, aussi variées qu'elles peuvent être, suffisent amplement à amener cette transformation de la symétrie radiaire à la symétrie bilatérale; c'est le cas des fleurs dites zygomorphes, c'est aussi le cas des Polypiers. •:^^».^ :.'!.* .FiG. 6. — Phalansterium digitalum Colonie de Protozoaires (d'après Stein). En dehors des différencesphysiologiques essentielles, de nouvelles différenciation: peuvent s'établir entre les plastides d'une association, aussi bien chez les Phytozoaires que chez les Artiozoaires, et, ainsi, il se produit la différenciation en régions. Telles sont les grandes lignes de la théorie polyzoïque dont nous avons exposé l'idée générale; résumons en quelques mots la classification de M. Edmond Perrier : 1° A la base du règne animal se trouvent les êtres monocel- lulaires, les Protozoaires correspondant à la cellule des Méta- zoaires. C'est le Cytula de Ha^ckel correspondant à l'état de Cytsea, 402 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON 2° En suivant la filiation de l'œuf aboutissant à la planule, au nauplius, à la trocophore, suivant les groupes, nous obtenons des associations de premier ordre que l'auteur appelle des mérides. Ce deuxième ordre est formé simplement d'une réunion de cellules et est théoriquement comparable, au point FiG. 7. — SaUnclla adulle (d"après Frenzel). de vue de la constitution, au Voluox déjà signalé; généralement il est formé d'individus à éléments cellulaires disposés en anneaux ou bien isolés. Ce sont alors des zonites. Quand ils sont en série régulière comme les anneaux des Annélides, ce sont des métamères; ce sont des antimères dans le cas FiG. 8. — Dicyémide, extrémité antérieure montrant la cellule axiale et les cellules ectodermiques. contraire. Antimèresi et me^amères représentent ici les anneaux isolés, mais non les individus entiers qui les comprennent, qui font partie de l'ordre suivant. Ces animaux de deuxième ordre sont relativement rares, ce sont les larves d'Annélides rattachées à la forme trocosphère, les Orthonectides et les Dicyémides et les parties élémentaires ou mérides des animaux de troisième ordre. »io Les zoïdes (Moquin-Tandon) constituent la troisième STATION BIOLOGIQUE 103 classe de celte classification. Ils constituent une agrégation des formes précédentes, et ceci par formation de bourgeons sem- blables à elles ou d'aspect très varié. Ils peuvent se montrer sous forme de colonies linéaires, en une seule file (méla- mères, zonites, anneaux), ainsi que cela se voit chez les Tœnias et les Annélides; ou bien ce sont des colonies radiaires à symétrie rayonnée (antimères) comme les Anémones de mer et les Cœlentérés en général. 4° Le quatrième ordre comprend les dèmes ou cormuSy dans FiG, 9. — Dicijèniide. Vue d'ensemble (d'après Kunstler). iosquels les zoïdes constitutifs peuvent prendre une disposition arborescente ainsi que cela se voit dans le corail (zoantho- dèmes) et dans lesquels il peut même se produire du polymor- phisme (Siphonophores). Chez les animaux segmentés, les A rtiozoaires, par conséquent, Hœckel appelle chaque zoïde constitutif du cormus un méta- mère, et par suite, l'être est une association de métamères. Les antimères sont les segments correspondants des Phyto- zoaires, ceux qui constituent l'élément essentiel des parties rayonnantes autour du centre; ils peuvent aussi bien corres- pondre à un méride qu'à un zoïde ou à un dème. De même qu'il y a indépendance relative des plastides entre eux, de même il y a indépendance des mérides, des zoïdes, des dèmes, qui peuvent se comporter souvent chacun comme un organisme parfait. Après séparation, ils peuvent à leur loui- 104 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON bourgeonner et donner des mérides ou des zoïdes semblables à ceux dont ils sont issus (autolytus). Le méride ou le zoïde isolés constituant un individu, l'asso- ciation des élé- ments en un dème formé en quelque sorte d'individus dis- tincts a été ap- pelé une colo- nie; c'est une associât, d'or- dre ultime dont les éléments sont relative- ment indépen- dants. Au con- traire, on ap- pellerait indi- vidu simple ou unité indivi- duelle, une as- sociation dont on ne retrouve pas les élé- ments isolés au- jourd'hui (Ar- thropodes, Ver- tébrés). A ce quatriè- me groupe se rattacheraient donc les articu- lés et les verté- brés. Les Arti- culés sont, il est vrai, formés d'anneaux, mais ces anneaux sont groupés en régions, en dèmes; le même raisonnement est apphcable aux Vertébrés. A ces quatre groupes ne s'arrête pas la complication, car ces diverses catégories peu- FiG. 10. — f^Myrianida fasciata (d'après Malaquiii). Cones- pond aux animaux de troisième ordre (zoïdes) de M. Penier. Segments individualisés. STATION BIOLOGIQUE 405 vent se combiner entre elles. Dans l'Étoile de mer, les bras sont composés de vertèbres ou éléments métamériques; l'en- semble de l'individu, composé de cinq br-as, est une combi- FiG. 11. — Leontis Dumerllii. Formation d'individus jeunes d'après Caparède). naison antimérique de ces éléments métamériques. Les Méduses acalèphes, dans leur stade de strobilation, sont des FiG. 12. — Gunda segmentata. Métamérisation typique des organes (d'après Lang). formations métamérfques, mais par leur structure radiaire elles ont une constitution antimérique, ce sont donc des colonies FiG. 13. — Echinoderes Dwjardinii. Métamérisation des téguments ne correspondant pas à une métamérisation des organes. métamériques d'individus par eux-mêmes antimériques, c'est- à-dire exactement l'inverse de l'Étoile de mer. 106 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON Ainsi, la théorie coloniale des êtres nous enseigne que les animaux dérivent les uns des autres très simplement, p.u- une progression tout arithmétique. Par suite, l'individualité supé- FiG. 14. — Difîéi enciation croissante des métamères de l'extrémilé céphalique (céphalisation). A. Compodea slaphylinus. l'ieure dérive de la subordination à l'ensemble de la colonie d'individualités inférieures; c'est un effet de bonne volonté de la part des éléments fondamentaux primitivement distincts ■^ B. Japyx gigas. pour aboutir au bien général. Il n'y aurait en somme, d'après la théorie poiyzoïque, aucune différence essentielle entre la colonie et l'individu simple. La G. Machilii marilima (d'après J. Peyloureau). dépendance plus ou moins relative des éléments, dans l'un et l'autre cas, ne serait qu'un caractère d'ordre secondaire et d'importance absolument accessoire. M. Edmond Perrier définit l'individu : un ensemble de plastides ayant même STATION BIOLOGIQUE • 407 origine, unis soit par continuité, soit par contact, soit par une substance interstitielle. Au point de vue purement descriptif, il n'y a là aucune différence avec ce que nous avons appelé colonie. Une colonie de polypes serait un individu au même degré qu'un vers ou qu'un insecte, ou même qu'un poisson, car on y trouve, comme chez ces derniers, communauté de sensation, de circu- lation, de nutrition. Si l'indépendance des éléments constitutifs est grande chez les Végétaux, les Phytozoaires et certains Artiozoaires (Vers), la solidarité est évidemment très puissante chez les Artiozoaires. De cette solidarité même est née la question d'individualité, que l'on a crue longtemps propre aux êtres supérieurs, mais que l'on peut retrouver déjà chez des organismes inférieurs. Non seulement dans les groupes inférieurs, mais encore dans les formes inférieures de chaque grande série zoologique, mériaes et zoïdes conservent une indépendance, une auto- nomie suffisante pour se dissocier. Dans les formes élevées, au contraire, une organisation puissante empêche la disso- ciation. C'est que, dans ces formes, la ditîérenciation maximum est atteinte; les segments atteignent un nombre fixe, la cépha- lisation qui apparaît ensuite dans les formes supérieures contribue à leur réduction, mais aussi à l'immuabilité plus absolue, à la centralisation plus parfaite des éléments : une tête, un thorax, un abdomen que l'on peut retrouver chez tous l'^s Artiozoaires. Un Artiozoaire comprend donc autant de mérides que de segments, du moins à l'origine. L'embryogénie comparée confirme très nettement cette idée de l'indépendance de formation des éléments, pour certains êtres tout au moins (bourgeonnement du Nauplius). Et ici, le polyzoïsme prétendrait donner la clef de la repro- duction asexuée : la division dans le sein latéral ne serait autre chose que le bourgeonnement des auteurs; celle qui se fait dans le sens linéaire ne serait rien moins que la division, division directe bien entendu, la karyokinèse n'étant qu'un phénomène interne corrélatif à la fécondation. Telle serait d'après M. Edmond Perrier, la métagénèse^ forme particulière du polyzoïsme, la plus divisée de toutes, celle où chaque élément acquiert une complète indépendance. 108 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON Dans certains cas, plusieurs mérides s'associent pour simuler un simple méride ou un zoïde, et les formes ainsi produites se rattachent cependant à d'autres animaux dont les mérides ou zoïdes sont indiscutablement individuels et distincts, on a alors une coalescence. Celle-ci se produit aussi bien chez les Caelen- térés que chez les Arthropodes; elle ne semble indiquée par rien chez les Mollusques, mais chez les Vertébrés, les myo- tomes et les vertèbres constitue- raient un rappel de cette seg- mentation primitive. La théorie polyzoïque, dont Heeckel a été l'initiateur, a été fortifiée dans ces dernières an- nées par les découvertes em- bryogéniques. Haeckel voyait dans la représentation vivante de chaque stade évolutif le pre- mier indice de l'association des plastides entre eux pour donner les premiers métazoaires. Les stades morula, blastula, gas- trula, étaient pour lui un état transitoire de plastides asso- ciés sans accolement ni pénétration, mais où apparaissait déjà la ditïérenciation des éléments et leur spécialisation dans des sens divers. Le métazoaire ne représentait alors que le résultat de la réunion d'éléments ayant évolué par groupes, adaptés à des rôles variés. Tandis que le proto- zoaire remplit toutes les fonctions avec un seul élément, le métazoaire les remplit avec un groupe d'éléments, de cellules, en un mot, constituant les tissus et se disposant pour des rôles divers. Ainsi envisagée, la théorie polyzoïque ne manque pas que d'être très séduisante; elle n'échappe pas, cependant, à des objections sur lesquelles nous aurons l'occasion d'insister et, loin d'expliquer tout, elle aboutit bien souvent à des impossibilités physiologiques et anatomiques. La théorie coloniale a pour elle quelque chose de très par- ticulier qui lui a attiré de nombreux partisans, c'est qu'au fond elle est assez spécieuse et paraît justifier un certain nombre FiG. 15. — Dolioluni (Tuniciers). Co- lonie de vertébrés offrant un poly- morphisme. STATION BIOLOGIQUE 109 de faits demeurés jusque-là inexpliqués; elle est, en somme, très favorable à la théorie évolutive. Mais, si elle satisfait d'une manière plus ou moins complète l'esprit de curiosité qui caractérise le naturaliste et le désir qu'il a de se rendre compte de tous les phénomènes et d'en trouver l'explication naturelle, elle n'a jamais fourni aucun lait positif qui permette la généralisation à la série des êtres des caractères rencontrés dans des fails bien isolés. On peut, en effet, constater l'existence de véritables colonies formées dans des circonstances particulières par des bourgeons restés adhérenls, mais susceptibles, dans d'autres formes voisines, de se séparer. La colonie n'est alors que la fixation pour une durée [)lus ou moins longue d'une reproduction agame d'êtres tels que l'hydre, dont les éléments demeurent associés quand il y a pénurie d'éléments nutritifs. D'une façon générale, les colonies vraies ne se rencontrent que dans certains groupes. Protozoaires, Gaelentérés, Tuni- ciers, formés par la croissance en commun d'individus cons- tituant un ensemble d'ordre plus élevé à un point de vue purement physiologique, mais dont la valeur morphologique est difficilement estimable. Ces associations ne se constatent guère que dans les formes inférieures des groupes. M. Edmond Perrier considère l'individu comme une association de parties combinées en vue de former un tout capable, par lui-même et sans secours étrangers, de repro- duire des associations semblables k elle-même. Il met sur le même rang les colonies de polypes à individus phylogénétique- ment distincts et les êtres supérieurs eux-mêmes; chaque polype de la colonie est alors seulement un organe, et la colonie due à leur réunion un individu d'ordre supérieur. La principale objection que l'on puisse formuler contre la théorie coloniale, c'est que, nulle part, on ne constate le passage d'une individualité supérieure à une individualité inférieure, même en parcourant tous les groupes des diverses classifi- cations. Beaucoup d'auteurs modernes, parmi lesquels M. Y. Delage, ont essayé de discuter la théorie coloniale et ce dernier auteur a montré les quelques points faibles de cette théorie. , Mais le point de vue auquel, après MM. Caldwell et Sedgwick, 110 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D*ARCACHÔN s'est placé M. Delage ne nous paraît pas assez général et le processus qu'il cherche à mettre en relief ne constitue, à nos yeux, qu'un cas particulier d'un phénomène plus répandu et dont la signification réelle dilYére essentiellement de celle qu'il lui attribue. D'autre part, il demeure incontestable que toute question de moi'phologie généiale, dans son exposition, demande à être étagée sur un faisceau suffisant de preuves éminemment solides et indiscutables. Ces vues, néanmoins, consacrent un grand fond de vérité. Dans la nouvelle théorie, les métazoaires ne seraient plus des êtres polycellulaires formés par une agrégation de colonies animales d'ordre moindre, mais bien des individualités FiG. 16. — Microstonium lineare. Iiifusoire en voie de reproduction par scission trarsversale. réelles, dépendant phylogénétiquement d'ancêtres identiques à elles, c'est-à-dire seraient des êtres indécomposables. Sans doute, la constitution de formes supérieures aux dépens d'individualités inférieures existe et peut être constatée, mais ce fait réel est très limité et est d'une importance secondaire. Les Tuniciers, les Cselentérés à polypes multiples sont, comme nous l'avons vu, de véritables colonies, mais parmi les métazoaires ce sont à peu près les seules réelles ; tous les autres êtres à métamères et antimères ne doivent leur similitude ou leur analogie avec les premiers, leur symétrie par rapport à un axe ou à un plan, qu'à des conditions biomécaniques indépendantes de tout fait de polyzoïsme. En dépit de leur aspect, ces êtres sont simples et demeurent des unités indécomposables, des individualités complètes et irréductibles. La colonie n'est très fréquemment que la conséquence de certains changements d'état, facteurs de simples conditions de milieu, tel est le cas des zooglées. 11 y a des colonies animales; elles ont pour origines des êtres dus à une reproduction STATION BIOLOGIQUE 111 asexuée, agame, dont les produits peuvent demeurer isolés ou groupés suivant les conditions extérieures. Dans des espèces tout à fait voisines, cette reproduction asexuée aboutit à la constitution d'individus isolés ou groupés en colonie. Dans une même espèce, l'hydre d'eau douce, de simples conditions de nutrition peuvent amener la séparation des individus bourgeonnes et leur isolement en individus distincts ou bien la formation de colonies. Le point de départ de la colonie est donc ici tout spécial, peu important, c'est-à- dire d'origine toute superficielle. L'essence même de la théorie coloniale gît dans ce principe que le processus fondamental de la constitution des êtres est un phénomène de concentration combiné avec le polymor- phisme. Les êtres simples sont préformés, ils changent progressive- ment de forme et d'attributions de manière à se subordonner plus intimement au reste et à devenir des organes. Ce serait là un processus physiologique dont les elïets morphologiques sont variables et qui aboutissent de l'individu à l'organe ; ce processus serait l'individualisation en un seul et même individu de l'association ainsi formée. M. Perrier pense même que, si dans certaines formes à organes primitivement multiples les organes d'un seul individu hypothétique de la colonie individuahsée paraissent subsister, ce n'est pas parce que ceux des autres ont disparu mais bien parce qu'ils se sont fusionnés avec eux. La formation des êtres dans la théorie coloniale est donc subordonnée à la constitution de la colonie : des êtres pré- formés arrivent progressivement à se grouper, changent de forme, deviennent des êtres moins élevés, se subordonnent à l'ensemble et forment une association qui acquiert une indi- vidualité nouvelle. C'est là un processus unique dans la théorie coloniale. Les dents des animaux supérieurs, par exemple, deviennent une colonie de dents plus élémentaires, ce que la théorie appelle des dents composées. Les mêmes vues sont appliquées dans la constitution des autres organes. En somme, la théorie coloniale, dans son fond même, consacre une erreur; le principe de la perte de l'individualité est faux; 112 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON tout, au contraire, dans la formation des êtres tout nous mon Ire une tendance à la dissociation, à une dilatation centrifuge absolument universelle. En opposition avec la théorie coloniale, on peut essayer de dresser une théorie nouvelle, tirée de faits scientifiques probants. Nous ne constatons, en effet, que les phénomènes apparents, mais nous ignorons le fond des choses et par conséquent, dans une théorie il est forcément indispensable de laisser dans l'ombre une série de causes qui nous échap- pent, comme elles échappent aux explications physico-chi- miques qu'on a essayé de donner d'elles. Ce qui caractérise, avons-nous dit, la colonie, c'est la forma tion d'individus par l'association d'individualités primordiales. La présence, chez certains êtres, d'anneaux successifs a fait admettre que toute partie qui se répète dans le règne animal tire son origine de la réunion d'êtres élémentaires infédérés à un tout nouveau, les êtres élémentaires perdant leur rang et leur valeur primitives. Cette conception bizarre étendue aux Vertébrés a fait de ces êtres comme une colonie de vertèbres, quelque chose comme une Annéhde qui aurait modifié son orientation primordiale et transformé sa partie ventrale en partie dorsale, modifié aussi la position de sa bouche et qui présenterait par suite de ce changement inexpliqué le système nerveux primitivement ventral tout entier à la partie dorsale. En un mot, dans hi théorie coloniale, les animaux perdent leur rang, se réduisent au rôle de seguient du corps de l'individu nouveau et for- ment des êtres d'un ordre plus élevé en se groupant entre eux. Ce sont en somme des êtres libres qui, par une sorte de servitude acquise, deviennent de simples parties plus ou moins vagues d'animaux d'un ordre plus élevé. Une conséquence inéluctable de la théorie coloniale, c'est que les êtres inférieurs se sont produits immédiatement avec une valeur morphologique définie. C'est ce que Hseckel nous enseigne pour la constitution cellulaire dans son remarquable Traité de Morphologie géné- rale, puissant travail non encore traduit, et que les auteurs se sont plu à démarquer. Ces faits fondamentaux qui caracté- risent la théorie cellulaire ont pour base cette conception que STATION BIOLOGIQUE 113 les êtres se sont produits au début des temps par un processus vaguement comparable à une sorte de cristallisation, aboutis- sant à la formation de corpuscules ayant tous une valeur morphologique primitive, constituant tous des cellules corres- pondant morphologiquement aux éléments cellulaires des êtres plus élevés, La théorie cellulaire, que nous aurons l'occasion d'étudier, est donc la base fondamentale qui a permis d'édifier l'idée de la constitution des organismes en sociétés. Si nous laissons quelques instants la théorie de côté, voyons ce qui se passe dans la Nature. Tout d'abord, à propos de l'idée de cristallisation de Hœckel, nous devons faire une remarque physico-chimique. Qui dit cristallisation, dit stabilité, corps défini; qui dit substance vivante, au contraire, dit instabilité même et surtout impossibihté de cristallisation. S'il s'agit réellement dans la Nature de la formation d'êtres limités, à valeur morphologique fixe, on devrait constater, en montant dans la série des êtres, une décroissance de l'indivi- dualité. Au contraire, le règne animal, d'un bout à l'autre, n'est que la répétition, la confirmation d'un même phéno- mène : l'être jeune a peu d'individualité, l'être âgé en a, au contraire, bien davantage. Si dans un groupe élevé il est facile de reconnaître l'individu, à la base du règne organique, l'individualité est diffuse, peu tangible et elle semble disparaître aux confins du règne. L'être 'inférieur est susceptible de se diviser à l'infini, il possède une forme variable, c'est simple- ment de la substance vivante, mais de la substance qui ne possède pas encore grand'chose de ce qui caractérise l'individu. Tous les faits constatés semblent montrer qu'au début de la vie il y a absence d'une individualité considérable ; celle-ci est donc acquise. Mais, si l'on ne peut concevoir un être, un individu formé de toute pièce par genèse spontanée, on peut, au contraire, admettre la constitution d'une substance élémentaire à l'origine. Si, notant ce phénomène, l'on compare la valeur morphologique des organes ou des individus, on constate que celle-ci est fixée chez les êtres déjà bien différenciés et qu'elle diminue en descendant l'échelle du règne animal. Au début, il n'y a pas d'organe, partant pas de valeur mor- phologique. Société se. d'Ahcachon. 8 114 SOCIÉIÉ SCIENTIFIQUE d'ARCACHON Et, ici, l'on peut avec beaucoup de vérité utiliser la notion banale d'équivalence morphologique. 11 y a des cas où il y a équivalence quand il s'agit d'êtres plus ou moins voisins, mais, chez des êtres différents, cette équivalence ne peut pas exister. Des phénomènes s'intercalent ici, absolument de la même façon que des modifications interviennent entre la notion de source et celle de lleuve ; il y a un apport nouveau qui modifie l'équivalence. Aussi, quand on parle d'organes mor- phologiquement équivalents dans des groupes peu voisins et inégalement élevés en organisation, on commet l'erreur de ne pas tenir compte de cette épigénèse de signification qui fait que l'organe plus avancé, s'il tire son origine d'un organe simple, analogue à celui de l'être visé, a acquis bien plus, et peut ne lui être plus du tout comparable. Il peut donc paraître plus juste, dans les comparaisons morphologiques, de substi- tuer à la notion banale d'équivalence morphologique celle d'origine commune qui ne préjuge pas de la valeur. Ce point de départ posé, voyons comment cette idée s'ap- plique à la constitution des organes. Notre raisonnement est applicable à la généralité des cas et donne la clef de bien des complications dans l'organisation des êtres. Mais, il faut s'adresser aux organes simples et aux êlres simples, c'est- à-dire aux formes situées à la base des groupes, car quoi qu'on en dise, il n'existe pas entre les êtres la série animale imaginée par certains auteurs. La même remarque s'applique aux organes isolés, qui, lors- qu'ils se développent apparaissent toujours simples. C'est ainsi que, au début, la peau est délicate et sert d'une façon générale à la respiration; puis cette fonction se localise à certaines régions; il y a en même temps à cet endroit une augmentation de surface aboutissant à une augmentation d'in- tensité de la fonction par des divisions, des bourgeonnements, une complication autonome. C'est donc là une localisation fonctionnelle. Les caractères généraux de la répétition des parties sont au contraire les suivants : les parties répétées sont d'abord nom- breuses, mal définies, irrégulières, disparaissent avec facilité, se produisent aisément et n'ont pas d'individualité bien précise. Cette tendance universelle est un phénomène vague et mal défini ; STATION BIOLOGIQUE 115 puis, lorsque dans un être il se produit un perfectionnement, une fixation dans la forme apparaît en même temps qu'une différenciation, et l'organe acquiert une valeur morphologique FiG. 17. — Dnmontia Opheliarum. Être unicellulaire à axe bouigeonnant et avec de nombreux noyaux. Pseudopodes lamelliformes et digités (d'après Kunstler et Gruvel). précise, plus au moins nette, plus ou moins considérable et, tandis que les parties initiales sont nombreuses et mal définies, les parties aboutissantes sont beaucoup moins nombreuses, mais infiniment plus développées; par suite d'une sorte de 116 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON sélection, on voit comme une tendance à l'isolement. Ce sont là de grands faits qui dirigent l'organisation des êtres. Chez les êtres à mouvements amiboïdes, les phénomènes sont simples; le corps est uniforme, les pseudopodes rares et non différenciés, l'être semble coule»* plutôt que se mouvoir réellement sur le fond qui le porte. Puis, à mesure qu'on s'élève, la faculté locomotrice de l'enveloppe est moins géné- ralisée, il se forme des lobes plus différenciés, qui ne sont pas encore des organes, puisqu'ils manquent de valeur mor- FiG. 18. — Crjiptomonas Giardi. Infusoire flagellé (craprès J. Kmistler). phologique définie, qui n'ont pas de fixité dans la forme et disparaissent incessamment. Comme suite aux pseudopodes temporaires, nous assistons à l'apparition de pseudopodes plus définis aboutissant à la constitution de pseudopodes assez fixes et assez durables, qui nous amènent insensiblement aux organes différenciés et permanents que constituent les cils et le flagellum. En même temps, ces organes propulseurs deviennent moins nombreux et acquièrent déjà une valeur morphologique susceptible de comparaisons. Nous voyons ainsi l'éclosion d'organes définis, de pseudopodes fixés dans leur forme, transformés nettement en éléments locomoteurs. Il n'existe donc pas, dès le début, d'individualité dans les organes, mais celle-ci est acquise; les organes acquièrent parallèlement une valeur morphologique, et ceci dans toute l'étendue des groupes. Chez les êtres les plus inférieurs, les fonctions rudimentaires s'accomplissent sans l'existence d'organes spéciaux et éga- lement dans toute leur masse; ils se meuvent, se nourrissent, sentent, sans que souvent rien puisse faire penser que l'une STATION BIOLOGIQUE 117 quelconque de ces fonctions s'etïectue plus spécialement dans telle partie de leur corps plutôt que dans telle autre. Les organismes ne présentent d'aucune manière et nulle part de nombreuses parties originelles qui se concentreraient et se métamorphoseraient par la suite de l'évolution. Il existe, au contraire, une tendance universelle à une dissociation des régions primitivement simples en parties nombreuses^ et répétées, en masses ou séries diverses et susceptibles d'une foule de ditférenciations suivies souvent d'une sorte de fausse concentration. Les organes sont, au début, le plus souvent, des parties nombreuses, fugaces, irrégulières et peu aptes à fonc- tionner; puis, du fait même des progrès de l'organisation, les fonctions primitivement remplies par une foule de parties imparfaites sont attribuées plus particulièrement à certaines d'entre elles qui puisent, dans cette spécialisation même, un développement relatif des plus considérables. D'une façon générale, dans leur évolution progressive, les parties ainsi répétées et primitivement similaires ont les destinées les plus variables. Les unes sont sans avenir, d'autres se différencient plus ou moins, soit isolément, soit par groupes, d'autres enfin peuvent avoir d'autres destinées. Il y a des passages graduels entre les parties répétées et les organes nettement différenciés, de même que, par un processus particulier, entre les organes et certains individus de nouvelle formation. Un des termes ultimes de ce pro- cessus est, en effet, une réelle genèse d'êtres nouveaux ayant acquis les organes qui leur sont nécessaires pour leur permettre de vivre d'une façon autonome et constitués d'après un plan plus ou moins différent de celui des formes souches. Ainsi peut paraître infirmé d'une certaine manière et jusqu'à un certain point l'adage de Linné : JSatura non facit saltus. Ainsi se trouvent expliquées certaines prétendues lacunes de la série animale. Bien différents, en effet, apparaissent les processus de déve- loppement des êtres, quand on se dégage de toute idée pré- conçue et qu'on se contente d'observer les faits tels qu'ils se présentent, c'est-à-dire dépouillés de tous leurs masques théoriques, qui nous les font envisager à un point de vue particuher et qui nous font abstraire d'un tout non divisible 118 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON des propriétés particulières susceptibles d'amener à une con- ception fausse. Par le genre de développement, que nous venons de signaler, s'expliquent aisément toutes les lacunes de la série animale; nous voyons pourquoi les séries zoologiques sont disjointes et ne répondent qu'à des idées préconçues, puisque des types, ei\ apparence les plus différents, peuvent être unis par les liens de la plus étroite parenté. Si ces vues répondent à la réalité des faits, on comprendra sans peine combien elles sont de nature à modifier les théories évolutives courantes. Il est donc impossible de comparer les formes moyeimes à des colonies de formes organisées primitives, car avec la complication apparaît le perfectionnement. L'agent modificateur de la marche du phénomène réside dans ce fait que, dans les organismes, les parties sont en lutte constante pour la place et pour la vie, et que les plus forts l'emportent. Déjà, autrefois, Geoffroy Saint-Hilaire, dans sa théorie du balancement des organes, admettait une quantité de force évolutive unique et fixe, susceptible de se porter dans telle ou telle direction physique ou physiologique. Par consé- quent, dans l'individu vivant, les parties multiples disparaissent, par suite de leur indécision même, pour céder la place à des formations nouvelles. Les parties ne sont donc pas subor- données à l'ensemble pour former un tout nouveau, mais elles tirent leur origine de l'ensemble et se distinguent de plus en plus de la masse primitive. C'est généralement sous l'intluence de besoins physiologiques qu'un organe se développe, prend une constitution compliquée et aboutit, dans une direction déterminée, à une compUcation qui lui donne une constitu- tion un peu autonome. Le moteur apparent de la genèse des organes est donc le besoin physiologique qui aboutit à leur perfectionnement. Bien plus, quand on étudie la repro- duction chez les êtres simples, on constate que ce n'est que le résultat de la division pure et simple d'une cellule qui grandit. C'est là, en somme, un procédé imparfait. Dans bien des cas, il y a pour les œufs une enveloppe protectrice, et déjà, chez certaines formes d'êtres, comme les Hydrozoaires, on constate la présence d'une forme reproductrice. Les tran- STATION BIOLOGIQUE 119 Fig. 19. — Œuf de IHydre se présentant à Tétai ainiboïde. sitions d'un groupe à un autre se font par les formes infé- rieures. C'est ainsi que l'Hydre, qui est une forme élémentaire d'un groupe supéiieur, les Sertulariens, a des œufs simples, tandis que les Sertulariens marins produisent de petites Méduses. On trouve donc, dans le même groupe, des gono- zoides ou individus plus gros que l'être souche et plus compliqués qu'eux. Les petites Méduses sont ainsi une véritable genèse d'orga- nismes nouveaux construits sur un plan très dissemblable de celui de l'être souche. Les organes re- producteurs des Flydrozoaires nous donnent toute la série du passage aux Méduses. Il y a là, une disso- ciation d'un organisme plus élevé, par l'évolution lente et progressive d'un organe à la forme d'individu; il n'y a donc pas ici associa- tion. Bien plus, il apparaît dans l'or- gane, très souvent, une individualité nouvelle, et ceci très rapidement. Cer- tains Flagellés, par exemple, se scindent en deux parties dont l'une devient An- nibe, tandis que l'autre demeure Fla- gellé. Nous voyons dans ces divers faits une explication des générations alter- nantes, de la formation des types nou- veaux issus d'ancêtres différents. D'une façon générale, dans tout le règne ani- mal, la division donne des êtres qui se ressemblent les uns les autres. Au con- traire, les individus formés par bourgeon- nement, plus gros que les précédents, ne ressemblent pas le plus souvent à leurs générateurs. Cependant, il reste toujours quelque chose de l'origine première; c'est ainsi que la Méduse, malgré son aspect général, a une constitution radiaire comme le polype et se ramène plus ou moins au type primitif; bien plus, à certains me- FrG. 20. — Scijphistonie montrant nettement la disposition segmentée transversalement. Fig. 21. — Jeune Méduse formée par segmentation du scyphistome. 150 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON ments de son existence, elle est fixée et passe par le stade polype. Il y a une tendance atavique constante, en vertu de laquelle, tout fragment détaché tend à reprendre à un moment donné la constitution de l'être primitif. Les Méduses elles- mêmes, qui sont des êtres élevés cependant, présentent quel- quefois ce phénomène, et Merejkoneski a vu certaines Méduses d'Hydraires même se retour- ner, se fixer, et se transfor- mer en une sorte de polype. La reproduction ordinaire dans tout le règne animal abou- tit donc à la formation d'êtres identiques à l'organisme sou- che, tandis que les types dus à notre fragmentation évolutive et progressive sont dissembla- bles d'une façon plus ou moins no- table. Néanmoins, par une sorte de souvenir évolutif et par des pro- priétés héréditaires communes, les nouvelles formations, organes, élé- ments ou êtres autonomes tendent à reproduire les principaux traits de l'organisation des êtres souches, ils tendent à s'organiser identi- quement, sans toutefois y parvenir, et ceci dans des limites fort varia- bles. Ce processus diffère donc de la reproduction ordinaire et donne des êtres plus grands que l'être sou- che et différents de lui. Le Taenia nous fournit à ce sujet un excellent exemple. Le Taenia, à son état le plus simple, constitue ce que l'on nomme un scolex. Celui du Solen a une structure fort sim- ple. C'est une forme aplatie ne présentant aucune trace de tube digestif, par suite de son parasitisme, et possédant assez tard son appareil reproducteur. Tandis que dans cet être les organes reproducteurs demeurent simples, dans certaines formes du même groupe, on rencontre deux ou trois masses FiG. 22. — Jeune Lirve de Méduse à forme polypoïde après sa fixa- tion. La segmentation (strobi- hition) donnera la scyphistome. STATION BIOLOGIQUE 121 génitales. Si nous cherchons la cause du phénomène, nous la trouvons dans ce fait que l'activité vitale étant à l'abri des influences extérieures, en vertu du balancement organique dont nous avons parlé, elle se porte sur les éléments de la reproduction, qui deviennent ainsi multiples. Dans les formes qui possèdent plusieurs anneaux, les derniers sont toujours plus gros, et ce fait est la conséquence du développement très accentué des corps reproducteurs. Dans certains Taenias, les anneaux n'existent qu'en apparence FiG. 23. — Scolex du Solen (d'après .f. Kunstler). et les divisions du corps sont seulement artificielles. Dans les formes munies réellement d'anneaux, les organes repro- ducteurs se répètent régulièrement dans chaque segment, de la même manière que, chez d'autres êtres, on voit se répéter d'autres appareils, comme le foie, les organes excréteurs, le système nerveux ou le squelette. Plus l'être est inférieur, plus facile est l'individualisation de certaines parties du corps. Cette individualisation est souvent poussée très loin. C'est ainsi que le cucurbitin du Taenia ordinaire, placé sur du fumier, change l'orientation de son axe, s'allonge et rappelle par sa forme un véritable Trématode, constituant ainsi une nouvelle forme d'être, sans classifi- cation nette, mais réellement autonome. Le Taenia adulte est donc une sorte de colonie, non par association, mais bien par différenciation, donnant naissance à des individus capables de vie autonome, grâce à un procédé de bourgeonnement spécial. Ce phénomène ne se rencontre pas seulement chez des animaux 122 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON absolument inférieurs. Chez des êtres à organisation très élevée, le même phénomène se produit avec quelques diffé- rences. Il y a des régions plus favorisées les unes que les autres; il y a des individualisations qui se produisent plus généralement en certains points du corps et, ici, c'est ordi- nairement la partie antérieure du corps qui tend à s'indivi- dualiser, tandis que se réduit ou disparaît la partie postérieure. Que sont la réduction de la queue chez certains poissons et la disparition de cet appendice chez la Grenouille, sinon une individualisation de la partie céphaliqueaux dépens des parties organiques demeurées sans but appréciable et qui tendent à se réduire. Chez le Ttenia, au contraire, l'individualisation de la partie postérieure du corps est plus ou moins accentuée et multipliée. Quand les formes considérées sont relativement complexes, elles sont incapables de constituer des parties nettement indi- vidualisées; au contraire, plus l'être est inférieur, plus cette individualisation d'une partie du corps est aisée. Nous avons un exemple de ce phénomène chez les Vertébrés; l'évolution aboutit à la constitution d'un individu unique chez lequel néanmoins il y a un développement exagéré de la partie antérieure du corps, développement qui amène une modifi- cation appréciable dans la forme générale de l'être, dont la partie postérieure du corps demeure réduite ou devient caduque. Cette individualisation toute relative est la cêphali- salion. Entre les deux formes extrêmes, il existe toute une série de passages. Mais y a-t-il, comme dit M. Edmond Perrier, similitude, homologie ou équivalence entre les anneaux et les métamères? Nous ne trouvons en réalité pas grande individualisation dans les anneaux des Annélides. Quand on suit l'évolution onto- ou phylogénique, on voit que chez l'individu, ou dans la série des formes, le corps est d'abord uniformément simple, puis coupé de plissements qui vont s'accentuant de plus en plus. Ces organes qui se répètent forment des séries d'anneaux, de zonites qui rappellent l'organisation fondamentale de l'Annélide entière. En étudiant le développement, on voit que le mode de production de ces segments est bien différent de celui que l'on constate chez le Taenia. Chez ce dernier, il y a accrois- STATION BIOLOGIQUE 123 sèment du corps, puis différenciation consécutive à des plis- sements de la région postérieure, et celle-ci augmente peu à peu ses dimensions. Ainsi, chez ces êtres, c'est le dernier anneau qui est le plus vieux. Chez l'Annélide, au contraire, le dernier anneau est aussi le dernier formé, le premier étant le plus ancien. . A côté de ces constatations, qui confirment l'unité de l'Annélide, il en est d'autres qui tendent à créer la notion de régions : les organes excréteurs sont développés surtout dans certains anneaux, les organes reproducteurs également; dans certains cas même, ces derniers sont avortés dans les FiG. 2i. — Autolijlus cornutus montrant la formation d'un individu fille sur l'individu souche (d'après Agassiz). anneaux antérieurs et bien développés dans les segments postérieurs. Il semblerait qu'on put voir là une tendance à la dissociation du corps en deux régions, l'une antérieure, végétative, l'autre postérieure, reproductrice; cette dilTéren- ciation est évidemment purement physiologique. Des phénomènes concomitants viennent encore rappeler en partie ce que l'on constate soit chez le Taenia, soit chez les Vers du même groupe, mais avec ce caractère particulier, que la modification est plus élevée que chez ces êtres. Pendant la période reproductrice, tandis que la région antérieure conserve les caractères primitifs des Annélides métamérisées normales, la partie postérieure, d'abord gonflée sous l'influence du développement des organes reproducteurs, arrive, chez certaines formes à une individualisation à peu près totale. Il y a constitution d'un nouvel être par l'apparition d'yeux et d'organes céphaliques à la limite du segment, qui se détache ainsi, et s'individualise. Il existe toute la série de passages entre les anneaux fixes et ceux qui sont complètement détachés. Ils prennent assez souvent un aspect rappelant quelque peu les crustacés infé- lieurs nageurs et se distingue des individus souches, par ce 124 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON seul fait qu'ils sont incapables de se reproduire identiques à eux-mêmes, mais qu'ils doivent nécessairement passer par le stade primitif d'annélide. Nous aurions peut-être là une explication du phénomène dit de génération alternante; si ce stade fût resté localisé à la phase embryonnaire ou ontogénique de l'être considéré, nous assisterions là au phénomène clas- sique des métamorphoses. Il y a donc des passages graduels entre les parties répétées et les organes nettement différenciés, de même qu'entre certains organes et certains individus de nouvelle formation. Il y a ainsi une réelle genèse d'organismes ayant acquis des organes leur rendant une vie autonome possible et constitués d'après un plan plus ou moins particulier, mais ayant toujours la marque fondamentale de Tètre souche. En résumé, nous constatons dans l'étude de ce processus, quelque divers que soient les voies parcourues et les résul- tats atteints, l'emploi d'un certain nombre de procédés évolutifs spéciaux. Les diverses parties se forment, soit par division, soit par répétitions et pénétration de cloisons, soit par bourgeonnement ou même par simple différenciation au sein de la substance. En principe, il y a une tendance à la dissociation des parties dont les étapes successives sont des changements d'axes variés, des mutations constantes d'organes, phénomènes qui rappellent des sortes de déplacement de vitalité d'une région à une autre. Il y a comme des genèses nouvelles de parties n'ayant pas leurs équivalents chez les ascendants, et, consécutivement à ces actes d'épigénèse éche- lonnées, des éliminations successives qui font disparaître les parties non comprises dans la nouvelle évolution. Il se fait, en même temps, une acquisition d'organes nécessaires à une vie autonome, et, par suite, une augmentation plus ou moins nette de volume, de telle sorte que le plus souvent l'individu a des dimensions supérieures à celles de l'ascendant. Ce phénomène est d'autant plus net que les individus considérés sont plus élevés en organisation. La descendance des êtres ne nous apparaît donc pas ici comme une simple suite de modifications successives. L'arbre généalogique courant du règne animal ne représente pas la filiation réelle des êtres. Il paraît bien établi aujourd'hui que tii.,-i«-im ^^•vis^-'^'V^ STATION BIOLOGIQUE 125 le cheval n'a jamais été un hipparion, et les formes dites de passage deviennent de plus en plus problématiques. Les poissons siluriens sont aussi nettement poissons que ceux que nous péchons de nos jours, et la vie apparaît souvent dans les terrains géologiques comme si elle y avait toujours existé. La notion de l'infmi tend à se substituer à celle d'une évolu- tion rapprochée. La succession des formes paléontologiques présente du reste un caractère général assez énigmatique. Les formes organiques sont d'abord grandes, puis les espèces similaires deviennent de plus en plus petites. Ces phénomènes d'évolution régressive, si communs, concordent mal avec nos idées de descendance pro- gressive et ascendante telles qu'elles sont vulgarisées. De plus, d'un terrain à l'autre, les formes organiques dispa- Fig. 25. — HopUtophrya segmentata. raissent et sont remplacées ^^^^'ozoaire fragmenté en métainè- par des espèces plus ou moins voisines, ce qui ne laisse pas que de constituer un phéno- mène quelque peu mystérieux à quelque point de vue que l'on se place et de quelque façon que l'on veuille l'envi- sager. La marche générale de l'organisation a été regardée comme le résultat d'une concentration centripète; les dégénérescences des composants auraient eu alors pour résultat direct l'éléva- tion organique du composé. L'association a pour corollaire obligé la subordination et la discipline. Bien plus souvent, au contraire, nous assistons à la dissociation centrifuge qui se produit de la base au sommet du règne animal et, de même dans chaque groupe, il y a d'abord des êtres simples, et les complications sont le résultat d'une évolution. Les hypothèses généralement admises sur le mode de descendance des organismes et sur les affinités des types entre eux doivent subir une modification importante, notamment en ce qui concerne la descendance progressive par un changement lent et minime sous l'influence du milieu. Aussi la représen- tation de la filiation et de la parenté des formes organiques au moyen d'arbres généalogiques donne-t-elle une idée peu juste 126 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON de leurs affinités zoologiques réciproques, du moins en ce qui concerne les grands groupes. La segmentation métamérique qui joue un rôle considérable dans certaines vues théoriques, au point qu'elle a paru suffi- sante pour démontrer l'existence de liens de parenté entre des êtres tels que les Annélides et les Vertébrés, est comme la répétition de toutes les parties en série linéaires ou non, d'essence multiple et variable, non comparable d'un groupe à l'autre, sans équivalence morphologique, et inapte à servir de FiG. 26. — Desmocolex miniitiis. Fausse métamérisation de la peau. base à un rapprochement systématique. Les métamères se constituent toujours dans l'étendue des groupes, ils ne sont que la manifestation de cas particuliers du phénomène général déjà signalé. La segmentation, comme la répétition, constituent un processus fréquent; elles se présentent avec les plus grandes dissemblances de forme, de constitution et de valeur morphologique. Dans chaque groupe ce sont là des fonctions nouvelles et sut generis^ de nature plus ou moins différente de ce qui s'observe chez les autres formes selon leur constitution, leur individualisation ou leur perfectionnement organique. Plus encore, dans le même groupe ou chez les mêmes individua- lités, on peut constater l'existence de métamérisations super- posées, de valeur la plus disparate. Et, l'on se voit contraint de choisir arbitrairement parmi tous ces phénomènes, ceux auxquels on croit devoir attacher une importance plus consi- dérable qu'à d'autres que l'on néglige. La théorie coloniale ne rend pas compte du phénomène si constant de la réduction du nombre des parties répétées et de leur remplacement par des parties prédominantes isolées ou moins nombreuses. Théoriquement, une colonie polymorphe STATION BIOLOGIQUE 127 ne semblerait-elle pas pouvoir posséder, dans certaines limites, des nombres très variables et dans certains cas indéfinis d'organes? L'étude du développement ontogénique des êtres cadre FiG. 27. — Œil composé d'arthropode (Hipj)éiinej. Coupe transveisale montiant rassociation des groupes de rhabdoines et de leurs cellules mères simulant une colonie d'yeux élémentaires (d'après .1. Kunstler et Cli. Gineste). d'une manière parfaite avec ces vues ; mais aussi, nulle part elle ne montre une condensation progressive des prétendues individualités primitives qui entreraient dans leur constitution. En fait, comme processus général, il existe une tendance universelle à une dissociation du régions simples en parties nombreuses, répétées de façons diverses et susceptibles d'une foule de différenciations. Ce phénomène de répétition paraît souvent être suivi d'une sorte de fausse concentration, par le fait qu'une région à constitution multiple se développe et que les anciennes parties disparaissent plus ou moins pour faire place à quelque chose de nouveau, par exemple, le céphalo- thorax des Articulés. 128 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON Les métamères sont d'essence multiple; ce sont des parties répétées, non comparables d'un groupe à l'autre et ne pouvant pas être comprises sous une désignation commune, à plus forte raison sont-ils inaptes à établir des liens de parenté. En général, les parties répétées ont les destinées les plus variables. Les unes sont sans avenir, d'autres se différencient plus ou moins, soit isolément, soit par groupes, en organes plus ou moins définis; d'autres peuvent avoir les plus hautes destinées et arriver à l'individualisation complète. L'individualité est donc acquise, elle n'existe ni à l'origine des choses, ni aux degrés inférieurs du règne animal, et elle se développe parallèlement à la différenciation et à la division du travail. La confirmafion de ces faits se retrouve quand on remonte l'histoire phylogénique des êtres. Dans la théorie évolutionniste, la première substance vivante était constituée par ce que l'on nomme le plasson, substance albuminoïde constitutive du corps des êtres, vivant isolément d'après Haeckel à l'état de monère. Chez ces premiers êtres, l'individualité était diffuse; ils se différenciaient faiblement encore du milieu dans lequel ils étaient plongés. Non seule- ment, ils n'avaient aucun noyau, pas de nucléole ni de mem- brane, mais leur substance ne présentait même pas cette structure vacuolaire que les récents travaux des histologistes ont mis si nettement en évidence dans le protoplasma de presque toutes les cellules. C'est sur cette matière vivante, sans structure encore, qu'est venue se greffer l'individualité morphologique, dont l'apparition a été le résultat d'une longue et laborieuse évolution. Le développement de l'individualité peut être suivi facile- ment, quand on considère la série des êtres oi'ganisés; nette déjà chez bien des animaux inférieurs, elle s'accentue insen- siblement en remontant vers les êtres supérieurs. Elle se manifeste d'autant plus énergiquement que les différentes parties du corps d'un être sont moins semblables entre elles, et, dans une certaine mesure, plus nombreuses: elle est en rapport direct avec la division du travail physiologique. La valeur morphologique, elle aussi, varie corrélativement et d'une manière analogue. Plus ou moins nulle, au début, STATION BIOLOGIQUE 129 elle s'affirme de plus en plus à mesure que l'être accuse son individualité. Le développement phylogénique de l'individualité rappelle sa marche ontogénique. Si l'on considère les êtres qui se trouvent aux degrés élevés de l'échelle zoologique, l'individualité orga- nique apparaît nette et précise; l'individu est une unité limitée et indivisible. Mais si l'on essaie de faire la même constatation chez les organismes inférieurs, le caractère individuel perd toute sa force, le moi toute sa netteté. Tandis que chez les êtres inférieurs toutes les parties du corps diffèrent faiblement et que les moindi-es variations de l'organisme aboutissent à la constitution d'une espèce nouvelle, chez les êtres supérieurs, au contraire, la différenciation peut atteindre son degré maximum, aboutir à des changements notables, sans que, pour cela, l'espèce en soit nettement affectée. L'individu est, en somme, bien difficile à définir chez les organismes dépourvus de reproduction sexuelle, se multipliant par scissiparité et par bourgeonnements, et ce n'est pas chose facile que d'établir chez eux un critérium de l'individualité. Hseckel admet une valeur morphologique primordiale, une individualité propre aux êtres inférieurs dès les premiers débuts de la vie. Il généralise môme, et dans une certaine mesure, dans le règne inorganique, le cristal serait, pour lui, un individu tant à cause de sa forme fixe que pour ses pro- priétés spéciales ; il serait la plus haute expression de l'indivi- dualité minérale dont les stades inférieurs seraient formés par les minéraux amorphes. C'est au-dessus du cristal que com- mencerait l'individualité organique en continuité absolue d'ailleurs avec celle de la matière minérale. Il y aurait donc, dans la nature, un phyllum individuel s'élevant du minéral amorphe au cristal, de celui-ci à l'être inférieur, pour aboutir au summum de l'individualité psychologique de l'homme. En réalité, ce n'est pas dans le cristal qu'il faut chercher l'origine de cette individualité; la substance amorphe se rattache plus directement au règne organique, et c'est au bout de la série des matières les plus amorphes, les moins cristal- lisables, les plus complexes, qu'il taut s'attendre à trouver la matière vivante qui se présente comme l'opposé du cristal. En suivant le développement de l'individualité dans le règne Société se. d'Aucachon. 9 130 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON inorganique, on constate que cette propriété s'affaiblit de plus en plus à mesure qu'on descend vers les êtres inférieurs, de telle sorte qu'il devient probable que les premières masses vivantes en étaient dépourvues; il n'y aurait donc pas un moi, partout où il y a une substance vivante. L'individualité mor- phologique semble un résultat acquis, qui progresse à mesure que l'on remonte la série des êtres. Si, réellement, elle n'est pas primitive, elle doit présenter comme la différenciation et l'organisation tous les degrés dans les divers échelons orga- niques. De plus, l'individualité est d'autant plus énergique que les différentes parties d'un corps vivant sont moins semblables entre elles et, dans une certaine mesure, plus nombreuses, et que leur faculté de vivre d'une façon autonome est moins développée. Un Protozoaire est moins individualisé qu'un Vertébré, chacune de ses parties est plus semblable au reste que chez l'être élevé et plus capable d'une vie autonome. En considérant donc que les êtres dérivent successivement les uns des autres, par une sorte d'individualisation de régions partielles, il serait presque possible de rendre cette notion par ce résumé caricatural en quelque sorte, à savoir que le vertébré, être élevé à individualité issue du développement local et, dans un sens spécial seulement, de celle du Protozoaire, n'est pas une colonie de protozoaires, mais bien l'équivalent morpho- logique d'une partie du corps de cet être (si du moins de pareilles comparaisons peuvent être établies). L'individualité est susceptible de varier, non seulement dans les séries organiques, mais encore suivant l'âge d'un même individu. C'est ce qu'on observe dans le cours du développement ontogénique. Le jeune, plus malléable, plus variable, est aussi plus sensible aux influences extérieures; l'être âgé est, par contre, plus personnel. Il y a un développement de la valeur morphologique corré- latif au développement de l'individu tout entier. Il y a ensuite une complication, un développement de cette individualité et de la valeur morphologique dans les organes et, dans chaque organe, on peut voir un individu greffé et subordonné à l'en- semble, à l'être souche, mais ayant cependant une certaine STATION BIOLOGIQUE 131 indépendance propre. L'être nous apparaît alors comme une sorte de colonie, mais non une colonie d'association formée d'une série d'éléments constitutifs, de bonne volonté associés pour les besoins du tout; au contraire, les parties cherchent à se fuir, l'être est une colonie de différenciation, de dilatation, FiG. 28. — Coupe ciliée de la cavité générale du Physonia granulatum (Ch. Gineste). c'est-à-dire exactement l'inverse de l'association. Des faits pathologiques nous confirment dans cette opinion; le cancer, par exemple, n'est-il pas comme un individu nouveau venant se greffer sur la soi-disant colonie animale? La colonie animale est formée par la genèse d'individus nouveaux arrivant à une individualité relative, sorte de parti- cules vivantes détachées de tissus subordonnés à l'organisme. Nous sommes donc des individualités astreintes à une certaine 132 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'AkCACHON vie et y étant subordonnées. C'est comme une symbiose rela- tive entre les différentes parties du corps et les organes, ana- logue à ce que l'on constate dans l'organisation des lichens. L'individualité n'est d'abord, ou du moins peut être comparée dans son essence primitive à une sorte de plan d'évolution par lequel l'être se développe et se constitue d'une façon définie, ,FiG. 29. — Urne libre de la cavité générale du Siponculus nudus (Ch. Gineste). aussi longtemps et aussi loin que ses forces et le milieu ambiant le lui permettent. Par exemple, l'accroissement des arbres continue plus ou moins indéfiniment, quoiqu'il puisse y avoir des branches mortes qui ne se régénèrent pas, pas plus que les branches coupées ne se reforment identiques à elles-mêmes et à la même place. Ainsi, nous trouvons tous les degrés dans l'individualisa- tion, depuis des organes sans fixité morphologique jusqu'à des organismes absolument autonomes. Cette théorie, sans doute. STATION BIOLOGIQUE 133 est encore une sorte de théorie coloniale, puisque les parties sont plus ou moins des individus, mais ce sont des individus en voie de genèse et non des individus en voie de régression personnelle. Par conséquent, l'individualité paraît plutôt liée à un certain plan d'évolution qu'à une constitution bien précise. Les Urnes des Siponculides sont à ce sujet très intéressantes à considérer. Ce sont des formations ciliées qui, à l'oiigine paraissent être de simples cellules péritonéales qui se pédicu- lisent et se détachent peu à peu pour tomber dans la cavité générale. Dans ce milieu où cesse toute lutte pour l'existence, ces éléments vivent en vér itables parasites quoiqu'ils dérivent en réalité de parties individualisées de l'être souche. L'indivi- dualisation est poussée à ce point que, dans la cavité générale, par des phases régulières et successives ils reconstituent l'Urne type. Ce sont, en somme, des endoparasites de l'être issus de l'être lui-même. Bien plus, ces intéressantes formations, dans leur phénomène évolutif, reproduisent la phase embryonnaire gastrnla des animaux supérieurs. Ce qui revient à dire que, pour évoluer, toute substance subit une évolution propre en dehors des causes extérieures, évolution qui est d'abord une dissociation de la matière, laquelle est amenée par ses propres forces, en dehors de toutes causes extérieures, à reconstituer des formes évolutives antérieures et ancestrales. Ce processus de dilatation générale donne les résultats les plus divers qui se manifestent par la. tendance à la multipli- cation des parties semblables et à la disjonction des parties ainsi formées. Le phénomène de multiplication des parties n'est pas le seul à donner un faciès aux êtres, il y a d'autres faits subséquents qui aboutissent souvent à des résultats très divers. Notons, tout particulièrement, le changement d'axe de certains indi- vidus, changement qui est la conséquence d'une localisation de la vitalité, dont le résultat général est la formation d'organes plus ou moins individualisés. Ce résultat est souvent dépassé. Nous avons des cas où les organes individualisés augmentent de dimensions, acquièrent des modifications nécessaires à une vie autonome et produisent ainsi des êtres nouveaux par une genèse particulière. Ce processus a, à nos yeux, pour résultat 134 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'ARCACHON de détruire les vieilles idées sur la classification, idées qui établissent pour la généalogie des espèces et des individus une véritable série animale. C'est ainsi que l'On considère couramment l'Hipparion comme une forme de passage des Vertébrés ordinaires au FiG.30. — Entonnoir Cî7ie fixe du canal œsophagien du Siponcle, rappelant la constitution générale de l'Urne (Gh. Gineste). cheval. Cette idée consacre une erreur. Les formes de tran- sition n'existent pas; tel poisson silurien était aussi complet et aussi avancé en organisation que tel ou tel poisson actuel. Les types organiques, en fait, nous apparaissent comme éter- nels; nous n'avons pas de types réels de passage. Les mol- lusques des terrains primaires ont la môme valeur, en lant qu'espèces, que les mollusques actuels. La notion d'infini tend donc à se substituer à nos yeux à celle de descendance; le fait est d'ailleurs patent. Dès le début de l'histoire du globe, il parait avoir existé des espèces nettement définies, et nous ne trouvons pas, dans la suite des âges, la série animale des auteurs. Bien plus, il est impossible d'admettre l'existence de STATION BIOLOGIQUE 135 cette série, car, dans un même groupe, nous voyons les formes simples de la base différer, par leur simplicité même, des formes élevées du groupe immédiatement inférieur. Les groupes paraissent donc absolument autonomes. Il y a à la fois individualité dans l'être considéré et indivi- dualité du groupe dont l'être fait partie. FiG. 31. — LVne libre, de grande dimeasion et vue de lace, de la cavité générale du Siponcle (Ch. Gineste). Au point de vue de l'être que l'on étudie, sa substance cons- titutive a tout au plus l'individualité de la matière amorphe, l'individualité physiologique; mais celle du groupe, qui donne la forme à l'individu et le rapproche de ses parents ou l'en éloigne, c'est l'individualité morphologique qui est de tout autre nature. C'est une acquisition ultérieure, le résultat d'une évolution et d'une différenciation. Chez les êtres inférieurs, nous trouvons seulement la première individualité ou indivi- dualité physiologique conférée par la substance vivante elle- même qui la tient de l'élément minéral originel; l'absence de la seconde est attestée par la tendance de ces êtres à la proli- 136 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON fération, car l'individualité morphologique, encore à l'état latent, n'est guère transmissible ici de l'ascendant au descen- dant. Giàce à la structure homogène de l'individu, on peut consi- dérer la division de l'être qui se produit constamment comme éternelle, le manque d'indi- vidualité propre faisant du descendant la continuité pour ainsi dire ininterrompue du parent. Chez les êtres supérieurs, au contraire, il y a genèse d'un nouvel individu, à indi- vidualité acquise dès le dé- but, dont l'élaboration lente et pénible s'est faite aux dépens même de l'ascen- dant, a exigé un soin plus complet, une préparation plus suivie, qui, par là même, a exclu la multiplicité. L'observation de l'ensem- ble du règne animal mon- tre donc que la base de l'échelle zoologique, aussi bien que la base de tous les groupes particuliers, est cons- tituée par des êtres simples et que les complications sont le résultat d'une évolution. L'individualité est acquise. Elle n'existe ni à l'origine des choses, ni aux degrés les plus infé- rieurs du l'ègne animal. Elle se développe de plus en plus par une continuelle marche ascendante, parallèlement à la diffé- renciation et à la division du travail. Les premiers êtres ne paraissent pas s'être produits comme des sortes de cristaux vivants d'une valeur morphologique primordiale, qui cons- titue la clef de voûte de tout le système philosophique, par cette sorte de progression arithmétique que consacre l'hypo- thèse polyzoïque. Les Métazoaires ne sont pas assimilables à des agrégats de Protozoaires polymorphes; leur complexité est d'origine diffé- FiG. 32. — Urne libre tie la c.ivité générale da Siponcle en voie de division trans- versale (Cil. Gineste). STATION BIOLOGIQUE 137 renciative. En d'autres termes, l'unité ne dérive pas de la multiplicité, mais celles-ci de l'unité. Les Métazoaires sont des pseudo-colonies ayant pour point de départ uns autoditTé- renciation, et non de vraies colonies de Protozoaires dérivant de sortes d'altérations de processus re- producteurs qui seraient transmises par hérédité et modelées par le poly- morphisme. En réalité, le seul clément qui demeure universel est la cellule, élé- ment qui a d'abord une in- dividualité purement phy- siologique et auquel les théoriciens ont accordé, pour les besoins de la cause coloniale, une valeur morpholo- i^ique primordiale. Les naturalistes et les philosophes sont, en effet, d'accord pour admettre aujourd'hui que la cel- lule est l'élément morphologique pri- mordial, qu'elle constitue la base de tout corps vivant, que ses diiYérencia- tions donnent naissance aux tissus qui s'y rencontrent et qui remplissent sou- vent des rôles si divers, que toute masse vivante est une cellule ou un composé de cellules dérivant elles- mêmes d'une cellule primitive, et que morphologiquement chaque cellule représente un être unicellulaire. La théorie cellulaire est une hypo- FiG, 33. — Larve de Polygordius. Changement d'axe; l'embryon passe de la symétrie radiaire à la forme métamérique (d'après Halschek). thèse qui a eu le sort bien rare de régner depuis plus d'un demi-siècle dans tout le domaine des sciences biologiques. Cette théorie a fait plier à ses besoins les faits en apparence les plus irréductibles, et l'unanimité et la durée de l'accord qui se sont faits sur cette théorie sont presque uniques dans 13S SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON les annales des sciences naturelles. Si l'on en croit les auteurs, la cellule est l'élément morphologique fondamental des êtres, c'est-à-dire l'individualité morphologique primitive : une cellule serait, suivant l'expression de Claude Bernard, « l'image de tout organisme, si élevé qu'on veuille le choisir ». C'est là le point de départ de ce que Valentin, en 1839, a appelé la théorie cellulaire, hypothèse d'après laquelle la cellule, constituant une individualité propre, primitive et bien distincte, est capable d'évoluer, et, après division et transfor- mation successives, de donner naissance aux différents tissus des êtres organisés. Cette théorie, acceptée sans conteste par l'universalité des savants, a été attribuée à deux observateurs allemands, Schleiden et Schwann qui, en 1838-1839, l'auraient, dit-on, nettement établie pour les tissus animaux et pour les tissus végétaux. Quinze années auparavant, toutefois, Dutrochet entrevoyait les grandes lignes de cette constitution des êtres, quand il disait : « Tout dérive évidemment de la cellule dans le tissu organique des végétaux et l'observation vient nous prouver qu'il en est de même chez les animaux. » Deux ans plus tard, un autre Français, Turpin, recon- naissait, lui aussi, la constitution cellulaire comme étant la structure essentielle des êtres. Cette conception de la cellule chez les animaux et les plantes a subi de nombreuses variations. Lorsque Hooker, Marcello, Malpighi, Nehemia, introdui- saient le mot de cellule, ils entendaient par là de petites logettes entourées de parois solides et remplies soit d'air, soit d'une substance fluide. Plus tard, le botaniste anglais Brown y découvrit le noyau, sans que l'ancienne manière de voir des auteurs fût changée le moins du monde. Schleiden et Schwann considéraient la cellule comme une vésicule close entourée d'une membrane sohde, contenant un liquide dans lequel est le noyau avec son nucléole, et pouvant renfermer des grains d'amidon, de chlorophylle et des cristaux. Schleiden allait même jusqu'à considéi-er la cellule comme provenant d'une sorte de liquide mère, le cytoblastèmc, où se formait d'abord un grain, le noyau, sur lequel se déposait une membrane cellulaire, puis une autre membrane de dépôt, la membrane cellulaire; STATION BIOLOGIQUE 439 La découverte par Dujarditi et par d'autres auteurs d'élé- ments sarcodiques sans membrane apparente amena un changement dans les premières idées. La cellule fut alors définie «une masse de protoplasme avec noyau»; Hseckel, même, appelait cellule des amas de protoplasme avec ou sans membrane n'ayant même pas de noyau. On a donc admis, en somme, que tout corpuscule de substance vivante, qu'il soit dépourvu de noyau, d'enveloppe, de cavité cellulaire, qu'il appartienne à un animal ou à un végétal, constitue une cellule et que les cellules animales pos- sèdent une enveloppe azotée, le plus souvent souple, au lieu de la membrane cellulosique qui caractérise les végétaux. Les cellules qui semblent s'u- nir pour former le corps des êtres constitueraient les divers organes de ceux-ci par leur dif- férenciation très variable. Les diiférences qui se remarquent dans les tissus de l'organisme seraient consécutives et non es- sentielles, car, malgré des varia- tions sans nombre, toujours comme élément de tout être vi- vant, on remarquerait le même organite constitutif: la cellule. Toutes les cellules, quel que soit leur volume ou leur struc- ture, seraient équivalentes, de valeur morphologique identique. FiG. 35.- Cri/ptomonas cun^ato.Infu- L'j|j.pg J^ns lequel OU ne peut soire flagellé très différencié. Organi- . . . m ' sation générale (d'après J. Kunstier). decouvrir nettement Cet element primordial correspondrait mor- phologiquement, par tout son corps, à une seule cellule d'un être plus complexe; on admet qu'il est unicellulaire. Il n'existerait, en somme aucun être vivant qui ne soit une cellule ou un complexe de cellules. Cependant, certains Protozoaires, dont la complexité a frappé 14.0 SOCIÉÉT SCIENTIFIQUE d'aRCACHON plusieurs auteurs, ne paraissent quelquefois pas être, même par les partisans intéressés de la théorie cellulaire, considérés comme des animaux unicellulaires. M. Edmond Perrier conclut que a les Infusoires ne sont pas de simples cellules, mais de réelles colonies de cellules à mode de développement inconnu encore, à individus à peu près entièrement fusionnés » . FiG. 36. — Cladophora glomerata. Une cellule du filament contenant de nombreux noyaux (d'apiès Strassbùrger). L'une et l'autre manière de voir ne nous paraissent pas exactes. Aussi séduisante que puisse paraître cette existence de la cellule, admise, par la plupart des auteurs, comme univer- selle, il n'est malheureusement pas possible de la constater partout d'une manière satisfaisante. Bien plus, cette conception semble, dans bien des cas, contraire à toute constatation exacte de l'anatomie de l'être. C'est en vain, d'ailleurs, qu'on cherche dans les auteurs l'indication d'un critérium précis pour distinguer ce qui est «la cellule ». Il semble même que cela ne soit énoncé nulle part d'une façon explicite, et que cette idée repose impli- citement sur l'existence d'une membrane enveloppante ou de cloisons cellulosiques ou azotées délimitant des corpus- cules. Certains auteurs appellent des cellules les masses de proto- plasme contenant plusieurs noyaux que l'on trouve chez les Confervacées. Par contre, les cloisons qui divisent les feuilles de certaines algues et qui se produisent sans aucun rapport avec les noyaux délimitent, elles aussi, des cellules. On a du reste si bien senti qu'il y avait là quelque chose d'anormal STATION BIOLOGIQUE 441 qu'on a proposé de donner le nom de syncytium, d'articles, à ces cellules à plusieurs noyaux. Des cellules plurinucléées se rencontrent, normalement, dans l'albumen ou le sac embryon- naire de certaines plantes aussi bien que dans l'épiderme de diverses Cactées. Qui ne connaît de nom, les Caulerpa, dont le thalle affecte la forme de racines, de feuilles, de tiges et que l'absence de cloisons a fait considérer com- me un simple élément cellulaire? Et, cepen- dant, des êtres uni- cellulaires complexes que nous citons ici aux formes pluricellulaires , il n'y a qu'un pas : que des cloisons appa- raissent entre les noyaux et l'on aura immé- FiG. 37. — AntoplnjCHS longifollus. Algue non cloisonnée et très dilTéreiiciéc (d'après Van Thieghen). diatement un être pluricellulaire normal. Des faits de cet ordre se consta- tent journellement. Un simple changement de milieu, le passage de la vie aquatique à la vie aérienne, par exemple, de simples modifi- cations des conditions extérieures suffisent à amener l'appa- rition de la membrane, le passage de l'être monocellulaire à l'être pluricellulaire. La polycellularité provient donc directement, chez les plantes inférieures, de la structure unicellulaire plurinucléée, par le développement de cloisons de plus en plus nombreuses, qui semblent n'avoir qu'un rôle mécanique et de soutien. La constitution cellulaire n'apparaît alors, dans bien des cas, que comme une simple modification de la structure con- tinue. Bien plus, dans bien des circonstances, et même chez des êtres élevés, on constate que la pluricellularité d'un indi- vidu n'est qu'une apparence et n'existe pas au sens strict du mot. Si, chez les plantes supérieures, des cloisons paraissent 142 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON exister qui limitent une individualité cellulaire, de nombreuses recherches ont montré la non-interruption du protoplasma d'un bout à l'autre de l'organisme. D'après les travaux d'Oli- vier, etc., il semblerait prouvé que dans certains végétaux tels que le buis et le réséda, le protoplasma se poursuit sans inter- FiG. 38. — Trois algues à structuie simple, uiiicellulaires. A. Valonia iitricalaris. Forme simple. B. Udolea /labeUala. Forme ramifiée, peu différenciée. C. Caulerpa proliféra. Forme ramifiée et différenciée (d'après Reiiike). ruption aucune à travers les cloisons incomplètes, de l'extré- mité des racines jusqu'au sommet des feuilles. De pareilles constatations ont été faites sur les tissus des animaux supérieurs. Les travaux de Ranvier, ceux de Renaut, ont montré que de semblables communications existent entre les cellules des tissus de certains êtres, notamment dans les tissus épithéliaux. Non seulement ces faits ont été constatés par Sedgwick pour les éléments constitutifs du corps du Péri- pate, mais encore chez les Vertébrés, Henneguy a pu montrer que toutes les cellules épithéliales de la queue des larves de STATION BIOLOGIQUE 143 l'Axolotl, les éléments cellulaires des Sélaciens et des Oiseaux formaient, le plus souvent, un tout continu, grâce à des fila-- ments très réguliers et très déliés qui, à travers la membrane, semblaient former de réels ponts protoplasmiques mettant en continuité les diverses parties constitutives de l'être. Dès lors, ne semble- 1- il pas excessif de considérer un certain nombre de Protozoaires, dont le noyau peut être envi- sagé comme un agrégat d'éléments intimement unis dans le même ani- mal, comme des êtres unicellulaires, par ce seul fait qu'ils possè- dent une seule enveloppe non cloisonnée transversalement? Basée sur la présence de la membrane, la conception de la cellule ne peut être regardée que comme la manière particu- FiG. 39. — Sphœroplea annulina (d'après Cohii), FiG. 40. — Holostichia (lava. Protozoaire pluriiiucléé (d'après Kunstler). Hère de se comporter d'un produit de la matière vivante qui la constitue; sa notion même dépend d'une production secon- daire, souvent absente; elle ne repose sur aucune condition essentielle. La formation même de la cellule, savamment mise en lumière par Schultze, montre bien que la membrane n'est qu'un attribut secondaire et non immédiat de la cellule. La condensation progressive de la couche de protoplasma externe qui la constitue est un fait de processus lent, si bien que les naturalistes considèrent déjà comme une cellule la masse de protoplasma entourant un noyau, mais dont la membrane est encore à l'état d'ébauche. Quelle est donc la valeur de la membrane? La membrane cellulaire est un produit de l'acti- vité vitale du protoplasma, dont le rôle, tout à fait secondaire, ■m ^44 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON est un rôle de protection, donnant à la cellule sa forme, sou- tenant l'organe et le protégeant contre les agents extérieurs et la pression intérieure. Sa nature n'est pas primitive et essen- tielle, elle est secondaire et ac- quise. Capable de vitalité et d'accroissement au même degré que le protoplasma, elle se voit renforcée par une cloison trans- versale, quand un développe- ment trop considérable de sa surface a compromis sa solidité. Elle perd de très bonne heure sa vitalité, aussi sa formation n'est-elle suivie que dans les tissus jeunes, dont les éléments débiles encore exigent une pro- tection et un soutien plus effi- caces. Sa nature est le résultat, nous l'avons déjà vu, des con- ditions ambiantes. Cellulosi- que, chez les plantes, sa rigi- dité même est en corrélation avec le mode de vie toujours fixé de ces êtres. Chez les mas- ses rampantes, à protoplasma très mobile, elle est extrême- ment souple et, dans ce cas, il n'existe souvent aucune cloison intérieure qui fragmente la Quand le besoin de protection a membrane disparaît généralement. à l'intérieur des tissus et dans les WM FiG. 41. — Spongomonas inteslinum. Avec de nombreux noyaux dont quel- ques-uns en voie de division (d'après Stein). substance protoplasmique cessé de se faire sentir, la Aussi, trouve-t-on souvent parties profondes, des cellules de grandes dimensions conte- nant plusieurs noyaux. Le cloisonnement est donc d'autant plus abondant que l'élé- ment possède des membranes plus faibles et exige un soutien plus parfait; très abondant dans les tissus jeunes, il cesse dans les tissus âgés, dont les membranes épaissies sont STATION BIOLOGIQUE 145 rendues plus résistantes par des incrustations chimiques (fibres végétales); par inutilité elles peuvent se résorber; c'est ainsi que plusieurs cellules contribuent à former les vaisseaux. La question se complique quand on étudie les champignons. Les filaments mycéliens présentent souvent la constitution des longs tubes non fragmentés par des cloisons et présentant de nombreux noyaux. Le naturaliste y voit, par définition même, des cellules plurinu- cléées atteignant sou- vent de grandes di- mensions. Chez ces végétaux, dans les- quels les cloisonne- ments tan^entiels sont rares, la forma- tion des tissus a lieu par un procédé tout spécial. Lesfilaments mycéliens s'enche- vêtrent en tous sens pour former ce que les botanistes appel- lent des pseudo-tis- sus ; ils se fusionnent dans divers sens et délimitent à la fois des espaces vides de protoplasma, des cavités remplies de substance protoplasmique, mais sans noyau, des éléments enfin où, dans un protoplasma abon dant, le microscope décèle un grand nombre de noyaux. Toutes ces parlies de l'organisme sont de valeur différente, sans doute, d'origine totalement distincte, et cependant ces cavités nettement délimitées par des membranes ne consti- tuent elles pas, d'après la définition même, et pour le natu raliste, autant de cellules? — La conception cellulaire n'es basée que sur un fait secondaire, sur l'existence de la mem- brane que le protoplasma sécrète. Aussi la critique de la théorie cellulaire peut-elle débuter par celle de la cellule végétale qui, cependant, lui a servi de base FiG. 42. — Coupe de V Epidémie du pied de l'homme. Communications protoplasmiques en- tre les cellules (d'après Rauvier). SOCIÉTÉ d'ARCACHON 10 146 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON et constitue la cellule type (c'est des végétaux, en effet, que la théorie en question s'est étendue aux tissus animaux). Les innombrables formations que l'on désigne sous le nom de cellules ont une forme si différente chez les êtres et dans les divers tis- sus, que l'on conçoit parfaitement que les partisans de la théorie cellu- laire se soient attachés à ce seul cri- térium du prétendu organite fonda- mental et universel, à la membrane cellulaire. Rien n'est plus dissemblable, nous l'avons vu, que l'aspect de l'élément cellulaire, quand on le considère dans les divers tissus; aussi, l'homo- logation de ces diverses formations entre elles peut-elle sembler souvent chose fort difficile. Mais, si l'on con- sidère que le mot de cellule ne cor- respond à rien de défini ni de précis, on conçoit aisément que les auteurs de la théorie cellulaire n'aient pas eu de peine à retrouver cet élément partout, même dans les organismes, où il semble ne pas pouvoir exister. La notion de cellule n'est pas sans contradictions évidentes. Deux amibes, deux rhizopodes, avant de se conjuguer, constituent chacun une cellule; après la fécondation, la péné- tration des deux éléments, leur fusion en un seul individu, ils constituent une masse unique à individualité évidemment supérieure à la précédente, mais qui, dans la théorie cellu- laire, n'a ni plus ni moins que la valeur d'une seule cellule. Le myxomycète, cellule munie de son noyau, quand il s'associe à ses semblables pour former un plasmode, malgré la multi- plicité des noyaux de l'élément nouveau, malgré le degré d'individualité plus élevé de cet élément, ne sera, par défi- nition, rien de plus qu'une cellule. Les botanistes ne donnent- ils pas la valeur d'une simple cellule à ces immenses laticifères qui parcourent les racines de certaines plantes, qui sont dus à l' IG. 43. — Cellules du Parenchy- me cortical de Nerium olean- der montrant des anastomoses protoplasmiques (d'après Kie- nitz-Gerloll). STATION BIOLOGIQUE 147 la fusion de plusieurs milliers de cellules et qui présentent un nombre considérable de noyaux? Ne semblerait-il pas plus rationnel de considérer autant d'éléments cellulaires que de noyaux dans l'organite nouveau. L'existence de ces cellules, toute théorique en quelque sorte, ne serait certainement pas aisée à vérifier, elle servirait néanmoins à affirmer la présence, dans le nouvel élément, d'une individualité supérieure à celle d'une simple cellule. Le noyau paraît susceptible, dans certains cas, d'établir un crité- rium exact de la constitution cel- lulaire, car il représente, dans la cellule, une sorte d'énergide grou- pant autour de lui le protoplasma, dirigeant le plus souvent sa vita- lité et suscitant sa division ou sa reproduction. Malheureusement, l'examen at- tentif des faits nous montre que certaines cellules possèdent un grand nombre de noyaux, alors que, dans la majorité des cas, il n'y en a qu'un seul, et que, dans bien des circonstances, on ne le rencontre pasdu tout. La division du noyau entraîne avec elle celle du protoplasma et celle de toute la cellule en même temps que l'apparition de la membrane, mais on voit dans des conditions naturelles, de même que dans des conditions spéciales artificisUes et purement expérimentales, la division nucléaire continuer à s'effectuer indépendamment de la division cellulaire. Dans les groupes simples comme organisation, et peu élevés dans la classification, ce fait est d'une constatation journalière; Lœb et Norman ont artificiellement reproduit le phénomène chez des individus plus élevés. Il résulte des expériences de mérotomie faites par Balbiani, que le noyau isolé ne tarde pas à disparaître et que, de son côté, le protoplasma cellulaire dépourvu de tout noyau vit mal et dure peu de temps. FiG. 44. — Cellules cpithéliales de la queue d'une larve d'Axo- lotl. Communications proto- plasmiques (d'ap. Henneguy). 148 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON Il a montré que, chez les Infusoires ciliés, le mérozoïte pourvu d'une portion de noyau se régénère petit à petit avec la forme qui caractérise l'espèce. Une seule exception lui au- rait été fournie par les Paramécies dont les portions nucléées auraient vécu plusieurs mois sans se régénérer. M. Verw^orn, de son côté, en coupant la coque d'un radio- laire, a vu le fragment contenant le noyau reproduire le plastide avec sa forme caractéristique. FiG. 45. — Diverses formes de noyaux, allongés, segmentés, ramifiés. Dans tous les phénomènes d'assimilation, le noyau paraît intervenir d'une façon plus ou moins nette. Cette intervention peut avoir lieu, soit qu'il y ait transport direct vers le noyau des produits de la réaction produite à la surface du plastide, soit que, sans qu'il y ait réaction directe des nouvelles subs- tances ingérées, ce soient les parties voisines du protoplasma affecté de la nouvelle substance qui réagissent successivement entre elles et de proche en proche jusqu'au noyau pour pro- voquer une intervention. Dans tous les cas, il y a transmission à cet élément des réactions localisées intéressant le plastide. Le fait même de cette transmission est indéniable, les faits de mérotomie nous montrant que l'absence de cet élément ou sa non-intervention empêche toute réparation ou transformation des influences locales. C'est seulement en présence du noyau que la synthèse des substances nouvelles incorporées au pro- toplasma du plastide peut s'effectuer, pour reconstituer la substance spécifique de l'être. STATION BIOLOGIQUE 149 Noyau et protoplasma forment donc, par leur union intime, ce que nous avons appelé, d'après Sachs, une énergide. L'erreur des uaturalistes nous semble avoir été jusqu'ici dans l'identification qu'ils ont tenté de faire d'une unité physio- logique indiscutable, avec une unité morphologique primitive qu'ils ont cru entrevoir, la cellule, dont la valeur est évi- demment susceptible de controverses. L'hypothèse cellulaire n'a pas été sans subir diverses atteintes plus ou moins directes depuis un certain temps. De divers côtés, des objections ont été opposées à cette quelque peu tyrannique doctrine scientifique. Dés 1882, Kunstler a mis en relief une longue série de faits de telle nature qu'ils ne ten- daient rien moins qu'à faire changer la signification de l'hypothèse cellu- laire. Assez récemment, Delage a consacré à cette question une revue critique à peu de chose près péremp- fig. 4G. — Maitipiication ceiiu- toire. Du reste, une foule de noms ^ '^ ^lï,r^r"Sû! peuvent être cités à ce propos. branche (d'après Chatin). Whitmann, Sedgwick, Labbé, Bus- quet, etc., parmi les zoologistes, ont apporté à ces vues pri- mordiales, avec certains faits importants, l'appui de leur auto- rité. Des botanistes, et des plus marquants, à des époques diverses, sont entrés dans la même voie. Les éléments cellu- laires des végétaux, en effet, malgré leur apparence, varient encore plus aisément que les cellules animales; ils sont moins définis, et, dans une foule de cas, ne semblent pas avoir acquis cette constitution stable et fixe qui est le point d'appui le plus solide de la théorie cellulaire. Des esprits éminemment scien- tifiques et d'une autorité incontestée, tels que Hofmeister, Van-Tieghem, Sachs, de Bary, etc., ont éloquemment mis en lumière la valeur de la compréhension particulière qui doit être celle de la « cellule. » Si l'entité cellulaire ne saurait rien perdre de sa valeur spéciale dans le domaine de l'histologie, il ne saurait plus en être de même à un point de vue zoologique. Il résulte de l'ensemble des travaux auxquels il a été fait allusion plus 150 SOCIETE SCIENTIFIQUE D ARCACHON haut, que les Protozoaires simples, ceux-là même qui pos- sèdent cette constitution comparable à celle de la cellule théo- rique, ne sont pas les équivalents des éléments, histologiques. Il n'y a; entre ces deux sortes de corps, qu'une analogie de constitution physique, et non une homologie morphologique. En envisageant cette question à un point de vue phylogénique, la structure cellulaire semble tirer son orif^ine de nécessités FiG. 47. — A. Opalina dimidiata. Protozoaire plurinucléé (.1. Kunstler et Ch. Gineste). physiologiques diverses,, soutien, nutrition, (énergides), etc., autant que de différenciations proprement dites. La valeur morphologique des cellules est fort variable, sou- vent plus ou moins nulle, elles peuvent n'être que des indivi- dualités physiologiques consécutives à des comphcalions de structure. Le noyau n'est pas partout intimement lié au pro- toplasma. Contrairement à ce qu'on a cru pendant longtemps, les cas de continuité de protoplasma d'un élément anatomique à l'autre deviennent de jour en jour plus nombreux et établissent péremptoirement l'unité organique* STATION BIOLOGIQUE 151 L'individualité cellulaire primitive est en opposition directe avec une foule d'observations qui nous ont fait connaître cer- taines manières d'être d'un haut intérêt. 11 est établi que le synchronisme dans les phénomènes de la division des dilïé- rentes parties d'une cellule est loin d'exister toujours. Nous FiG. 47. — B. Opalina dimidiata. Vue à un plan un peu difTérent du précédent. savons que le protoplasma peut se diviser sans que le noyau y prenne part, ou bien réciproquement la division de ce dernier est loin d'entraîner toujours celle du protoplasma. D'un autre côté, dans certains cas où les besoins de nutrition et de pro- tection des éléments cellulaires ont, pour des raisons de divers ordres, reçu une large satisfaction, l'on voit fréquemment les éléments cellulaires montrer une infidélité inattendue au schéma habituel et vulgarisé. Les cellules géantes, les élé- ments végétaux ou animaux uninucléés, les êtres unicellulaires 152 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON énormes et plus compliqués que les êtres pluricellulaires voi- sins, constituent autant de faits à l'appui de cette manière de voir. La notion de la valeur originelle des cellules en est direc- lement atteinte. L'élude de ces faits semble bien montrer que ta définition organique et stricte des cellules est le résultat d'une évolution qui les fixe progressi- vement; mais elles deviennent cepen- dant d'autant plus nombreuses dans les tissus similaires que l'être consi- déré est plus élevé en organisation. Dans l'ontogénie, leur genèse, par une segmentation, peut sans doute être ramenée à un pbénomène de cœno- génie, d'une manière analogue à ce qui se voit pour les diverses invaginations embryonnaires (gastrula, tubes médullaires, riG.48. — Opalina ranurm)i. FiG. 49. — Glande unicellulaire de VHtppérine [schématique] (d'après J. Kunstler). saoules cœlomiques, etc.),qui ne paraissent aussi dues qu'à des abréviations d'un genre analogue. L'origine des éléments cellulaires par différenciation n'est pas un fait isolé dans le règne organique. Leur genèse rentre, au contraire, dans le cadre général de la marche de l'organi- sation. Ces éléments ne sont, en quelque sorte, que des STATION BIOLOGIQUE 153 résultats spéciaux d'un processus général, résultats très ré- pandus et à évolution parallèle. Le principe de la concentration centripète, d'après lequel la dégénérescence individuelle des composants aurait pour résultat direct l'élévation organique du composé, n'a pas pour base un seul fait probant. Il doit y être substitué celui de la dissociation centrifuge. FiG. 50. — Glandes nnicellulaires d'Hippérine, accouplées, type de différenciation cellulaire. Figure réelle (J. Kuustler et Ch. Gineste). L'étude des divers tissus confirme du reste ce principe. A part les epitheliums, d'une façon générale, les produits cellulaires se substituent à la cellule, dans la fonction organique, et le rôle de cette dernière s'efface de plus en plus. Si nous suivons, en effet, le développement du muscle, nous voyons une cellule primitivement épithéliale s'enfoncer, s'allonger et multiplier ses noyaux en donnant un élément plurinucléé sans cloisons cellulaires. C'est cet en- semble qui, par dilTérenciation, donnera naissance au faisceau primitif. Ce n'est donc pas par une association cellulaire, con- courant à la formation de la fibre primitive, que se forme l'élément musculaire, c'est une seule cellule plurinucléée qui jX' :\ ■ --'^"^ 154 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQliE D'aRCACHON engendre cet element, mais qui est susceptible, plus tard, de produire entre ses noyaux des délimitations cellulaires par disparition de la substance intermédiaire ou par sa transfor- mation. C'est encore là un procédé de formation d'un élément qui marche parallèlement à la phylo- génie de la cellule, qui, dans le cas présent, se forme ontogéniquement sous l'influence du noyau déterminant un groupe- ment particulier (éner- gide). Nous passons là à l'état pluricellulaire, sans multiplication de cellules au sens exact du mot, et les éléments produits, corpus- cules ou cellules, ne sont que la conséquence de la répartition des énergides consécutive à une aug- mentation de surface du produit cellulaire. Les cellules sont donc des for- mations ultérieures, qui doivent leur origine à une sorte de FiG. 51. — Crypto»}Qnaf! nvafa. Protozoaire fla- gellé très diflérenc'ié (d'après J. Kunstler). FiG. 52. — Formation de jeunes cellules cliez la Testucelle. — A. Couche protoplasinique semée de noyaux. B. C. Noyau en partition, ébauche de la différenciation cellulaire. division du travail physiologique opérée dans la substance constitutive des organismes pluricellulaires; et les diverses cellules ou les différents groupes de cellules (tissus) qui s'y trouvent sont adaptés à des rôles variés. Une comparaison paradoxale fera bien comprendre cette manière de voir. Un végétal supérieur, un arbre, par exemple, serait comparable à une immense amibe plurinucléée dont les pseudopodes auraient été fixés dans leurs formes et dont la STATION BIOLOGIQUE 155 substance constituante serait divisée intérieurement par un certain nombre de trabecules de soutien, et protégée extérieu- rement du milieu ambiant par un épaississement de la mem- brane limitante. Toutefois, la- cellule actuelle ne se forme plus, et ne peut native comme dans un blastème, ainsi que le font supposer certaines vues pu- bliées il y a quelque temps, pas plus que des anneaux ne se forment dans les groupes à structure sim- ple. Les animaux qui ne sont pas nettement annelés n'auront jamais d'anneaux, du moins dan-s les limi- tes des époques actuelles et le hasard des circonstances ne saurait jamais arriver à une pareille genèse dans le développement on- togénique. Ce sont là des acquisitions à tra- vers les âges, qui^ par la loi de l'accéléra- tion embryogénique, se développent vite et régulièrement et qui ont abouti à l'acquisition de parties bien définies à valeur FiG. 53. — Trois jeunes cellules épidermiques de larve de Libel- lule eu voie de ditTérenciatioii (d'après Chai in). FiG. 54. — Bacillus sublilifonnis. Coupe optique mé- diane montrant le corps central et sa structure. Fia. 55. — Bacille en double virgule. Coupe optiijue montrant la con-titution du corps central. morphologique déterminée et se produisant par un processus réjTulier. Ce n'est donc que l'origine réelle des cellules qui est en cause ici et non leui" valeur, (jui n'est pas nial)le et qui n'est pas un fait de structure banale. Nous ne sommes donc pas anti cellulaires, comme le dit 456 SOCIETE SCIENTIFIQUE D ARCACHON Busquet, puisque, bien que niant la valeur morphologique ancestrale de la cellule, nous lui accordons toute la valeur phy- siologique et acquise et, à certains points de vue, individuelle, qui lui appartient. La valeur morphologique de la cellule étant détruite, en tant qu'élément primordial, par l'ex- posé des faits précédents, il nous reste à voir si cette valeur peut être accordée au noyau, que beau- coup d'auteurs considèrent com- me éminemment ancestral. Nous ne le croyons pas davantage. Le noyau n'a pour nous qu'une va- leur de deuxième ordre, valeur plus importante, sans doute, que celle de la cellule, mais non absolument essentielle. Il varie, d'ailleurs, chez le même individu avec son état de fonctionnement, et par FiG. 56. — Chromatium Okenii montrant sa structure et quel- ques grains rouges dans la région corticale et de très nombreux dans le corps central. FiCx. 59. Saccharomyces cerevisias. FiG. 57. — Saccharomyces cerevisiœ. Coupe optique d'un fragment du corps avec formation du bourgeon (d'après Kunstler et Busquet). Fragment de coupe montrant un noyau débutant sous forme de prolon- gement pariétal. Comparer avec la for- mation dun bourgeon. Fig. 57 (d'après Kunstler et Busquet). sénilité ou inutilité, peut disparaître dans des éléments à rôle important comme les hémacies. Nous pouvons lui considérer une double origine : un procédé de différenciation secondaire mis en lumière très récemment et le procédé physiologique primaire que tout le monde connaît. Sans descendre jusqu'aux masses protoplasmiques vivantes et dépourvues de noyau de la théorie haeckelienne, nous trouvons STATION BIOLOGIQUE 157 des algues comme les Vancheria, les Gaulerpa, qui semblent ne pas posséder de noyaux. Les réactions chromatiques, si elles sont exactes, semblent, il est vrai, y déceler des éléments pulvérulents de nature nucléaire, mais aucun corps figuré représentant le noyau ne s'y rencontre avec netteté. Des études plus récentes ont montré que le noyau, que tant d'auteurs se sont efforcés de reconnaître dans tous les organismes, n'existe réellement pas chez les êtres inférieurs. Universellement répandu dans l'immense majorité des cellules et absolument indispensable à leur existence, le corps nucléaire semble dis- paraître brusquement aux confins inférieurs du règne orga- nique, ou inversement, apparaître brusquement, dès les degrés les plus humbles de l'échelle des êtres. Chez les Bactériacées, en effet, et jusque dans ces derniers temps, l'on n'avait pu constater la présence d'élément nucléaire, et les recherches modernes ont montré que ni le « corps central », ni les « grains rouges » de Bûtschli ne correspondaient à ce corps. On peut dire, d'ailleurs, que s'il est un élément dont la manière d'être primitive et le point de départ soient obscurs, c'est sans contredit le noyau cellulaire, auquel les récents progrès de la science attribuent une importance si fondamen- tale. Les études récentes de Kunstler sur les Bactériacées ont montré que chez ces êtres il apparaît comme un bourgeon cuticulaire interne à la façon des spores ; il est alors éminem- ment simple, a une structure élémentaire et ne semble jouer encore aucun rôle, c'est un élément précurseur. Si l'on étudie méticuleusement tout l'ensemble du développement des spores de Bactériacées, on ne saurait manquer d'être frappé d'un fait bien spécial. Par exemple, chez le Bacteriodomonas sporifera (Kunstler), le développement des spores se présente avec de telles apparences que, pendant toute une première phase de leur existence, elles ont tout l'aspect de noyaux indéniables dont elles possèdent toutes les propriétés spéciales, vis-à-vis des colorants notamment. Ces individus ont longtemps semblé constituer des corps cellulaires nucléés. La similitude est par- faite, tant au point de vue histologique qu'au point de vue du développement. Leur origine reproduit avec fidélité l'apparition sous forme de bourgeon centripète émané de la couche sous- cuticulaire du noyau du Saccharomyces cerevisiœ ou du Cryi> 158 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON lococciis guttulatus. La formj, l'aspect, les propriétés chi- miques, sont également identiques. Mais, bientôt, des phéno- mènes régressifs apparaissent, les spores rétractées présentent des phénomènes microchimiques à peine constatables. En même temps, l'être souche semble assimiler fort mal, et sa substance présente des indices non équivoques de dégéné- rescence aboutissant en peu de temps à la mort. Au lieu de la FiG. 58. — Saccharomijces cerevïsiœ. Coupe optique médiane. Noyau. Deux vacuoles alvéolo'^s. Granules disséminés (grains rouges) (d'après Kunstler et Busquet). sporulation exogène du Saccharomyces et du Cryptococcus, le Bacteriodomonas a une sporulation endogène à laquelle il ne survit pas. Tandis que le noyau des précédents persiste à son état normal, après les phénomènes de reproduction, ce noyau, absent chez le type considéré, semble momentanément i-em- placé par les spores endogènes, à caractères généraux, d'ail- leurs, des noyaux des Bactériacées. Le Cryptococcus nous montre un état plus avancé dans l'évo- lution du noyau. Les très jeunes bourgeons ne présentent jamais de noyau ; celui-ci apparaît à une époque du développement qui paraît assez variable, souvent ti'ès hâtive, d'autres fois, au contraire, d'une façon relativement tardive. Cet organite se montre toujours situé d'abord à l'extrémité distale du corps et se rapproche secondairement et peu à peu de la région centrale. STATION BIOLOGIQUE 159 L'ensemble de ces faits dénote des analogies étroites entre certains noyaux et certaines spores de nature à attirer l'atten- tion sur des liens de parenté possibles entre eux. Une spore est un bourgeon interne qui a pour suite la destruction de l'individu souche. Si le noyau dérive de la spore, il a pour effet de per- FiG. 60. — Cryptococcus guttulatus. Coupe optique médiane. Noyau. Vacuoles, gra- nules disséminés (siains rouges) (d'après .1. Kunstler et .1. Chaîne). mettre au protopîasma de continuer à vivre. S'il en est ainsi, nos connaissances morphologiques en subiront un contre -coup d'une haute importance. Le noyau cellulaire nous appa- raît alors, comme le résultat de la transformation d'un bourgeon sporogène adapté à un rôle nou- veau, comme le vestige d'un pro- cessus reproducteur détourné de son but primitif. Une semblable hypothèse, qui corrobore certains faits constatés dans la structure des infusoires où nous trouvons le noyau végétatif issu du noyau reproducteur, nous explique ia vitalité intense du noyau; elle nous rend compte de l'appa- rition de cet élément qui jusqu'ici ne semblait tirer son origine d'aucun précurseur, de môme qu'elle permettra de comprendre la constitution de certains êtres pluricellulaires, en quelque sorte d'emblée. Enfin, dans le domaine de la pathologie, elle pourrait nous fournir l'explication de certains phénomènes d'envahissement FiG. 61. — Cl yplococcus gutlu- lalus. Segment médian du corps avec noyau en forme de semelle, au début de sa forma- tion (J. Kunstler et Busquet). 160 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON de l'organisme souche par les éléments de l'être lui-même, certaines tumeurs, epitheliomas ou cancers, nous apparaissent comme une prolifération, une sporulation intense de noyaux se développant en parasite dans l'individu et au détriment de FiG. 62. — Bacteriodomonas ondulans. Deux spores à l'intérieur du corps (J. Kun- stler). FlG. 63. — Balantidium elonga- tuni. Coupe optique médiane montrai t le noyau principal et le noyau accessoire inclus dans le précédent (.T. Kunstler et Ch. Gineste). sa substance et, ceci, sous l'influence d'excitations ou d'affai- blissements morbides. Si donc, chez les êtres élevés que nous connaissons, l'appa- rition du noyau de la cellule se fait non plus par bourgeon- nement, mais par division seulement, nous pouvons voir là une sorte de procédé d'accélération embryogénique, un fait de cœnogénie anologue à ceux que nous constatons dans l'appa- rition des organes. Le noyau nous apparaît donc comme un élément déchu de son rôle, devenu, accidentellement et par un processus secon- STATION BIOLOGIQUE ICI daire, le centre d'une différenciation centrifuge plutôt que l'élément effectif d'une association centripète. Aussi, la constitution pluricellulaire semble-t-elje provenir, chez les êtres inférieurs, de la structure unicellulaire direc- tement par différenciation. De même que dans les êtres dits unicellulaires la structure est continue, de même chez les êtres pluricellu]aires,elle semble ininterrompue, et ceci, aussi bien dans les groupes inférieurs que chez les individus qui sont au sommet de l'échelle zoolo- logique, car ni le noyau ni la cellule ne nous apparaissent comme des entités morphologiques primordiales et essentielles. Au principe de la concentration centripète de formation ancestrale doit s'opposer celui de la dissociation centrifuge de la matière vivante une et universelle. Bordeaux, avril i904. Société se d'Arcachon. i [ STATION BIOLOGIQUE 163 VI NOUVELLES RECHERCHES SUR DN MODE DK SPORULATION OBSERVÉ Chez le BIDDULPHIA MOBIUENSIS Bailey. PAU P. BE KG ON. Lorsque je découvris, chez le Biddulphia mobiliensis Bailey, le processus de spoi'ulation dont j'ai donné une des- cription sommaire dans le précédent Bulletin de la Société Scientifique d'Arcachon (Note sur un mode de sporula- tion, etc.), je ne pus à mon grand regret suivre minutieuse- ment toutes les phases de ce processus, étant à ce moment fort occupé par la publication de mes Études sur la flore dia- tomique du Bassin d'Arcachon. Mais je me promis, estimant que cette sporulation devait se faire chaque année à la même époque ou à peu près, d'observer avec la plus grande atten- tion le Biddulphia mobiliensis pendant le cours de l'année 1903, et, lorsque le processus apparaîtrait de nouveau, de pénétrer plus avant dans la connaissance des phénomènes particuliers à ce mode de reproduction si intéressant. Ainsi que je l'ai dit dans ma première Note, le Biddulphia mobiliensis devint moins abondant dans les eaux du Bassin à partir du commencement de février, Y Asterionella spathuli- fera Cleve étant entré à cette époque en végétation active. Au moment même où je terminais cette Note, on ne le trouvait plus qu'en exemplaires très peu nombreux dans les récoltes de surface, et tout faisait supposer qu'il allait disparaître com- plètement et qu'une longue période s'écoulerait avant sa Société se. d'Ahcachon. il. 164 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON réapparition, ainsi que cela a lieu pour beaucoup d'espèces pélagiques. Il n'en fut rien et l'étude attentive que je fis, pendant l'année 1903, de récoltes pélagiques très souvent répétées, me montra qu'à aucune époque le Biddulphia mohiliensis ne cesse de se rencontrer dans les pèches au filet, plus ou moins rare suivant les moments. Bien plus, les recherches que j'en- trepris ultérieurement au mois de février 1903 semblent indi- quer que le Biddulphia, comme chassé momentanément des eaux de surface par l'extraordinaire abondance de VAsterio- nella spathulifera, n'avait pas encore terminé, dans ces couches d'eau supérieures, sa période de végétation active, laquelle ne parut vraiment prendre fin qu'au commencement de mai. Voici d'ailleurs, avec plus de détails, les résultats de mes observations à ce sujet : Après sa disparition presque totale des pêches pélagiques dans le courant de février, au moment de la végétation active de VAsterionella spathulifera, le Biddulphia mohiliensis devient moins rare dans les premiers jours de mars, et sa fréquence augmente alors rapidement dans les pêches. Le 9 mars la récolte pélagique, dans laquelle le Biddulphia est abondant, contient, à côté d'autres plus petits, d'assez nom- breux frustules de très grandes dimensions, provenant très certainement d'un processus récent de rétablissement de taille ou, pour parler plus justement, de rajeunissement de la cellule. Dans cette pêche, fait remarquable, je rencontre une cellule en état de sporulation. Les jours suivants l'abondance du Biddulphia augmente encore et le 16 mars on le trouve en très grande quantité. On est en droit de conclure de l'ensemble de ces observa- tions que le Biddulphia, à cette époque, était encore en végé- tation active. Il devient ensuite moins abondant (fin mars), n'est pas rare pendant tout le mois d'avril, vers la fin duquel il diminue sensiblement de fréquence. C'est au commencement de mai que semble se placer la fin de sa période d'activité végétative (*). Il est rare ou assez rare (!) Je dois dire que, malgré les plus minutieuses recherches, je n'ai jamais ren- contré, ni à cette époque ni à d'autres époques, une seule cellule de Biddulphia inobiliensls avec endocyste, pouvant se rapporter au dessin de Murray (Proceedings STATION BIOLOGIQUE 165 à partir de ce moment, pendant tout le mois de mai, en juin (recrudescence soudaine et isolée le 29), en juillet (nouvelle recrudescence isolée le 25), en août, dans la première moitié de septembre, pendant laquelle il est très rare (les récoltes pélagiques de cette époque sont d'ailleurs remarquablement pauvres en organismes microscopiques). Le 21 septembre, recrudescence isolée. Puis il redevient rare, mais moins cependant qu'au commencement du mois. Ce n'est que dans le courant d'octobre qu'il augmente en quantité d'une façon continue, et c'est au mois de novembre qu'il entre manifestement en végétation active et reparait en exemplaires nombreux dans les couches d'eau supérieures du Bassin. Il résulte donc des observations de 1903, en les réunissant à celles de 1902, relatées dans ma Note de Tannée dernière, que la péi'iode d'activité végétative du Bkldulphia mobiliensis dans les eaux de surface, — pour le Bassin d'Arcachon, — semble commencer en octobre-novembre et se terminer en avril-mai, c'est-à-dire durer environ six mois. Dès que je constatai, en novembre 1903, les premiers indices de l'entrée en végétation active du Biddulphia mobi- liensis, je fis faire journellement au moins une pêche péla- gique et je puis dire que, depuis cette époque, j'ai suivi minu- tieusement toutes les phases de sa période végétative, étudiant chaque jour avec le plus grand soin les pèches journalières, renouvelées souvent à plusieurs moments de la journée ou même de la nuit. Au cours de l'hiver 1903-1904, la sporulation a été sensi- blement contrariée et retardée par le mauvais temps qui n'a cessé de sévir pendant le mois de décembre 1903 et une partie of R. s. of Edinburgh, vol. XXI, ii° III, Sess. 18J6-97, pi. 1, fig. 3). 11 ne faut pas d'ailleurs en conclure qu'un tel processus n'existe pas chez cette espèce, car on sait combien, en ce qui concerne les diatomées, il est difficile de saisir les manifestations de phénomènes souvent si fugitifs et dans beaucoup de cas ne se renouvelant qu'à de grands intervalles. Comme nouvelle preuve à l'appui, je citerai le fait suivant: Ce n'est que tout récemment, en examinant une récolte de surface du 12 février 1903, fixée avec la liqueur de Flemming, que je découvris plusieurs cellules d'un Biddulphia très différent du B. mobiliensis (je ne puis dire encore avec certitude si c'est le Biddulphia granulata Roper), contenant chacune un gros endocyste très analogue à la cellule-mère. J'avais cependant déjà, à plusieurs reprises, étudié cette pêche, sans rien apercevoir de particulier. Je reviendrai sur ces endocystes, dans une publication ultérieure. 166 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON du mois de janvier 1904. A cette époque, le degré de salure des eaux du Bassin, à cause de l'apport considérable d'eaux douces charriées par les rivières qui s'y jettent et qui étaient alors grossies par les pluies continues, avait diminué dans de si grandes proportions que les huîtres étaient à peine comes- tibles, tant leur saveur était douceâtre et fade. Or je crois que le degré de salure a une très grande action sur les manifesta- tions d'intensité végétative des diatomées marines pélagiques, et la sporulation que j'ai décrite est très pi'obablement le point summum d'activité auquel puisse atteindre le Biddiilphia. J'ai remarqué en outre que le calme des eaux est nécessaire pour que se produise une sporulation complète et générale. Ce processus de sporulation, que j'avais observé le 25 décembre 1902 et qui avait duré seulement quelques jours, se manifes- tant d'un seul coup et chez un grand nombre de cellules dans tout le Bassin, ne se montra que le 25 janvier 1904 (c'est-à- dire en retard d'un mois), à la faveur de quelques belles journées, les vents violents s'étant apaisés. La courte période d'accalmie et de relative sécheresse que l'on eut à Arcachon à la fin de janvier 1904, en rendant d'une part aux eaux leur tranquillité, d'autre part en leur permettant d'augmenter leur salure, avait favorisé l'apparition de la sporulation. Elle se montra néanmoins hésitante et partielle. Puis, de nouvelles tempêtes s'étant déchaînées, elle fut arrêtée immé- diatement, pour se produire de nouveau quelques jours après, mais encore une fois contrariée par les vents et les bourras- ques. Elle traîna tout le mois de février, réapparaissant dès que le temps se mettait au calme, mais jamais générale ni vraiment décisive. VAsterionella spathulifera s'était d'ailleurs montré dans les pèches pélagiques à la même époque qu'en 1903 et, au commencement de février 1904, il entrait en végétation active et devenait bientôt très abondant. Cet envahissement des eaux de surface par V Asterionella n'eut pas pour effet, comme l'année précédente, de faire disparaître momentanément le Biddulphia mobiliensis. Peut-être doit-on attribuer la cause de cette différence à ce fait que, cette année, au moment de la période d'activité de V Asterionella, le Biddulphia n'avait pas encore terminé son piocessus de sporulation. STATION BIOLOGIQUE 167 Quoi qu'il en soit, on trouve Je Biddiilphia, pendant tout le mois de février et la première moitié de mars, très abondant encore et mêlé à VAsterio7iella spathulifera et au Ditylium Bi'ightwellii. Suivant les jours, c'est l'une de ces trois espèces qui prédomine dans les pêches. Puis, tandis que le Biddiilphia continue à se montrer assez fréquent, VAsterio- nella décroît et disparait peu à peu, car il faut noter ce fait intéressant qu'à l'encontre du Biddiilphia l'ère d'intensité végétative de VAsterionella paraît être, — pour le Bassin d'Arcachon, — de courte durée, et qu'il semble ensuite aban- donner les couches d'eau supérieures pendant de longs mois. De nouvelles recherches sont d'ailleurs nécessaires pour mieux préciser les différentes phases du cycle végétatif de cette espèce. Pendant la dernière période de végétation active du Biddul- phia à la surface du Bassin, période commencée en novembre 1903 et non encore terminée au moment où je rédige cette Note (mars 1904), j'ai observé plusieurs fois, ainsi que je l'avais fait pendant la période de novembre 1902 à fin avril 1903, le processus de rajeunissement de la cellule. J'avais cru entrevoir, l'année dernière, en raison de la coïncidence cons- tatée par moi, dans une même récolte, des processus de spo- rulation et de rajeunissement de la cellule, une corrélation possible entre ces deux processus. Je dois dire que, cette année, je n'ai rien découvert au cours de mes études qui pût justifier cette hypothèse. Il faut d'ailleurs, en ces matières, se garder des conclusions trop hâtives et les nouvelles observations que j'ai faites récem- ment sur le mode de sporulation du Biddulphia mobiliensis sont la confirmation éclatante et pleine d'enseignement de cette vérité. Frappé de l'analogie qui existe entre les paquets de cellules que Murray a décrits et figurés {Proccedinçi.^ of B. S. of Edinburgh, vol. XXI, n° 111, 'Sess. 1896-97, p.' 214, pi. II, f. 4-5) en les rapportant au Coscinodiscus concinnus, et ceux que je rencontrais chez certaines espèces pélagiques, • telles que Astenonellaspathulifpra, BhizozoleniaSlolterfothii, etc., — sans que d'ailleui's j'eusse encoi-e pu rien trouver de semblable pour le Biddiilphia mobiliensis, — j'avais considéré, dans ma Note parue l'année dernière, la formation de pareils 1(38 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON paquets agglomérés comme très possible chez le Biddulphia, cette formation faisant suite immédiate au processus de sporu- lation. La découverte toute récente d'une grande partie des phéno- mènes consécutifs à ceux que j'avais déjà observés l'année dernière est venue donner à ces suppositions un démenti formel. Je vais exposer ci-après les faits nouveaux, très inté- ressants et très curieux. Il importe avant tout de dire que, cette année, les premières phases du processus de sporulation se sont manifestées abso- lument identiques à celles que j'ai décrites dans ma précédente Note. L'authenticité de ce mode de sporulation est donc net- tement et définitivement établie. J'en rappelle ici brièvement les premières phases déjà connues : division du noyau et du contenu cellulaire, formation de deux membranes spéciales dont les surfaces externes bombées sont en contact par la partie supérieure des courbures convexes (i); puis, à l'intérieur de chacune des deux cellules-filles, division successive du noyau et du contenu cellulaire en 2, 4, 8, 16 spores (et peut- être même davantage). C'est à ce point que s'étaient, l'année dernière, arrêtées mes observations. J'ai pu m'assurer, cette année, que le nombre des spores, pour une seule cellule-fille, pouvait atteindre et même dépasser 32. Je me suis rendu compte, en outre, que les spores d'une même cellule-fille, au cours de chacune des phases de division (division de 2 en 4, de 4 en 8, etc., etc.) ne se divisent pas toutes en même temps, et l'on rencontre très souvent des cellules-filles contenant des spores de différentes grosseurs, (1) Un examen minutieux m'a démontré que chacune de ces membranes n'est pas une soite d'outre fermée destinée à envelopper de toutes parts les spores future-, mais bien une simple cloison ou valve bombée et très peu robuste, sans connectif attenant, et pouvant glisser par frottement contre les parois internes des conneclifs de la cellule-mère. La carapace de chacune des deux cellules-filles ainsi formées se compose donc de la moitié de la cellule mère (une valve avec son connectif) et d'une nouvelle valve- cloison fermant intérieurement l'orifice de ce connectif un peu en arrière de son bord libre. C'est en somme l'équivalent de ce qu'est la carapace d'une cellule-fille ordinaire (dans le processus de simple division de la cellule) au moment précis ou la sécrétion des valves-filles est achevée et où celle des nouveaux connectifs n'est pas encore commencée, à cela près que, dans le cas présent, les nouvelles valves ne sont pas semblable> à celles de la cellule-mère. STATION BIOLOGIQUE 169 par conséquent en nombre ne faisant pas partie de la pro- gression 4, 8, 16, 32. Peut-être, les divisions étant toutes terminées, le nombre des spores est-il le plus souvent exac- tement égal à 32 ou même à 64 par cellule-fille. Tout ce que je puis dire jusqu'ici (les recherches sur ce sujet étant très laborieuses à cause de la difficulté qu'on éprouve à compter des spores très nombreuses, superposées et agglomérées si étroitement), c'est que j'ai observé, dans certaines cellules- filles, beaucoup plus de 32 spores ('). Une heureuse chance m'a permis de constater qu'après un certain nombre de divisions successives les spores devenaient mobiles, à Vintérieur même des cellules- filles. Il m'a semblé que c'était le plus souvent pendant la phase de division des 16 spores de chaque cellule-fille en 32 qu'elles commençaient à se mouvoir, c'est-à-dire que les spores produites par cinq divi- sions successives (en ne comptant pas la première division de la cellule-mère en deux cellules-filles) acquéraient alors leur motilité. De nouvelles observations sont nécessaires pour fixer définitivement ce point délicat. Les spores sont douées d'un vif mouvement de rotation et munies de flagellums (2 ordinairement) relativement longs et renflés globuleusement à leur extrémité libre. ' Lorsque j'aperçus pour la première fois une cellule con- tenant ces spores en mouvement, je fus très intrigué par la présence, également dans l'intérieur de chaque cellule-fille, de petits points très brillants et très réfringents, s'agitant vive- ment et comme spasmodiquement. Plus tard seulement je me rendis compte que ces points brillants n'étaient autres que les extrémités renflées des flagellums. Les spores possèdent-elles (') .fe dois dès à présent signaler un fait des plus importants et des plus intéres- sants. J'ai vu, sans qu'il puisse subsister le moindre doute à cet égard, dans des cellules de Biddulphia en voie de sporulation, des figures typiques de karyoki nèse à l'intérieur desnoyaux au moment de leur division, notamment dans le noyau en division de cel- lules-tilles tout récemment formées s'apprètant à partager leur contenu en deux parts arrotidies-subglobuleuses (première phase de la série des divisions successives à l'intérieur des cellules-filles). Je compte me livrer à de nouvelles recherches sur ce passionnant sujet et m'as- surer, grâce aux divers procédés de coloration du noyau, si ces figures de karyokinèse sont visibles au moment de ch 'Cune des divisions successives. Pour Pinstant, j'ai tenu seulement à relater un fait certain et du plus haut intérêt. J'ajouterai qu'il m'a semblé apercevoir également, à l'intérieur du noyau de cellules de Biddulphia en voie de simple division, des figures de karyokinèse. Mais un examen plus appro- fondi est indispensable avant que je puisse affirmer rien de précis avec certitude, 170 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON ces flagellums dès qu'elles deviennent mobiles et ces tlagellums sont-ils seuls la cause de leur motilité? Gela, je ne puis le dire encore. J'ai observé une cellule-fille dans laquelle se trouvaient de nombreuses spores mobiles, dont quelques-unes plus grosses que les autres environ du double. Toutes s'agitaient vivement et l'on constatait la présence de nombreux points brillants mobiles, prouvant l'existence des flagellums. Mais je ne pus me rendre compte si les plus grosses spores avaient une motilité propre où si elles étaient entraînées dans le tourbil- lonnement provoqué par les plus petites. Elles semblaient d'ailleurs totalement dénuées de flagellums, autant toutefois que je pus le distinguer dans un tel enchevêtrement de cor- puscules sans cesse agités par des mouvements si rapides. Je vis l'une des grosses spores, d'abord sphérique, prendre une forme ovale de plus en plus allongée. Puis il se fit dans la partie médiane un étranglement qui s'accentua progressi- vement (l'équivalent absolu de l'étranglement précurseur du retrait des masses plasmiques et de la séparation définitive des deux noyaux récemment divisés, dans le processus de simple division de la cellule), les chromatophores, très peu nombreux, étant groupés de part et d'autre de l'isthme d'étranglement (très probablement agglomérés autour des noyaux lout nouvelle- ment divisés, que je ne pus apercevoir), et la grosse spore se divisa en deux plus petites, un filament plasmique m'ayant paru subsister pendant un temps très court entre elles. Pendant les dernières phases de la division de la grosse spore observée, l'une des autres grosses spores avait com- mencé à prendre une forme ovale, de sphérique qu'elle était. Puis les premiers indices d'étranglement se manifestèrent et la division s'elTectua comme pour la première spore. Il en fut de même pour une autre des grosses spores. Par malheur, à ce moment, la mort du contenu plasmique des spores les immobilisa et vint arrêter l'observation commencée. Il m'avait été impossible, malgré la plus minutieuse attention, de vérifier, au milieu du tourbillonnement continu des spores, si les deux petites formées par la division de chacune des grosses possédaient déjà, immédiatement après la division, leurs flagellums. STATION FilOLOGIQUE 171 Il reste encore, comme on le voit, pour cette phase du processus de sporulation, quelques points douteux à éclaircir. J'espère que de nouvelles et patientes recher- ches me permettront de les élucider par la suile. Un fait important est néanmoins acquis, c'est que les spores, par- venues à un certain degré de division, sont mobiles et munies de flagellums, à V intérieur même des cellules- filles. Que deviennent ces spores, les divisions successives une fois terminées? Voici ce qu'il m'a été possible d'observer à ce sujet, jusqu'à présent : J'ai pu constater que, dans chaque cellule-fille, les spores, en s'agitant et en tournoyant, en frappant les parois internes avec les extrémités renflées de leurs flagellums, poussent en avant la valve-cloison très fragile qui pour l'instant ferme toute issue, et font glisser cette valve à l'intérieur du con- nectif qui l'entoure, ces petites poussées répétées sans relâche (produites tantôt par les spores d'une cellule-fille, tantôt par celles de la cellule-fille opposée, par conséquent alternatives et en sens contraires), provoquant un désemboitement pro- gressif des connectifs. Au bout d'un certain temps, les con- nectifs étant entièrement désemboîtés, les deux cellules-filles se disjoignent. A ce moment, chez chacune d'elles, la partie centrale de la surface bombée de la valve-cloison commence à dépasser légèrement le plan dans lequel est située la ligne de contour du bord extrême libi-e du connectif. J'ai observé qu'alors, les spores continuant à s'agiter, elles sont libérées tantôt par la poussée des valves-cloisons hors des connectifs, tantôt par une sorte de déchirement de ces valves, si délicates, et rendues moins résistantes encore par le choc répété des flagellums. Les spores s'échappent donc des cellules-filles et l'on aper- çoit très distinctement les flagellums à extrémités globuleuses. Elles vont et viennent pendant un certain temps, puis parais- sent se mouvoir plus lentement et perdre sinon les deux flagellums, du moins l'un d'eux, les renflements des extré- mités disparaissant d'abord. Elles semblent ensuite se fixer ou s'enrouler (?), à l'aide d'un flagellum, aux corps étrangers voisins (par exemple aux cornes des Chœtoceros). Les mouve- ments se ralentissent tout à fait, n'étant plus que de faibles 172 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON spasmes ou oscillations, de temps à autre; enfin les spores paraissent s'immobiliser. C'est là que se sont arrêtées mes observations, et je n'ai pu me rendre compte de ce que les spores devenaient par la suite. Dans la description que je donne ci-dessus des phénomènes constatés par moi, je certifie l'exactitude absolue des faits jusqu'à et y compris la sortie des spores mobiles flagellées hors des cellules-filles. Ainsi qu'on le sait déjà et que je l'ai maintes fois répété, rien n'est plus facile que de confondre, en ces subtiles matières, un état morbide commençant avec un état normal soit de rétraction du plasma, soit d'immobilité de la cellule. Il me faudra, pour acquérir la complète certitude au sujet des phénomènes consécutifs à la sortie des spores, faire des observations répétées et minutieuses sur de nombreuses cellules en voie de sporulation, ce qui m'a été impossible cette année, à cause du peu d'extension qu'a prise, dans le Bassin, la manifestation de ces phénomènes. Si, l'hiver prochain, une heureuse chance et une tempéra- ture plus clémente viennent favoriser le processus de sporula- tion du Biddulphia mobiliensis et lui donner les caractères d'intensité et de généralité qu'il a eus en décembre 4902, j'espère pouvoir enfin élucider entièrement tous les points restés douteux encore et toutes les phases de ce processus si curieux et si particulier. Avant de terminer cette Note, je veux reproduire ici un passage bien intéressant d'un ouvrage de Rabenhorst (Die Sûsswasser-Dtatomaceen, Leipzig, 1853), et qui acquiert, après l'énoncé des faits que j'ai relatés plus haut, une saisis- sante actualité. C'est mon ami le commandant H. Peragallo, à qui j'ai fait part de mes découvertes^ qui a retrouvé et m'a communiqué le texte de Rabenhorst, que je connaissais pour l'avoir autrefois parcouj'u, mais dont l'existence n'était plus présente à ma mémoire. Ce texte étant en allemand, j'en donne ici la traduction: « elles se reproduisent (Rabenhorst parle des diato- mées) : » a) par division, etc.; y> b) par simple ou double copulation, etc.; » c) par véritable sporulation (durch wirkliche Frucht- courte durée (zeigen ein leichtes Schwarmen), se fixent et « atteignent en un temps très court la taille de la cellule-mère » et la dépassent même. L'existence de la cellule-mère cesse » avec l'acte de procréation... » (Rabenhorst, Die Sûsswasser- Diatomaceen, page 3). Et il donne, dans le même ouvrage (PL X, Supplément, Fig. 18), un dessin représentant le processus qu'il décrit et qu'il dit avoir observé chez le Melosira varians. Il reproduit enfin la même observation, en la résumant, à la page !2 de sa Flora Europeœ Algarum (Leipzig, 1868), sous la forme d'une courte note : « In Melosira zoogonidia oblonga polo anteriori ciliis vibra- » toriis binis instructa semel observavi. » Il est hors de doute que ces quelques Hgnes, d'un si grand intérêt, et qui pendant tant d'années sont restées dans l'oubli, se rapportent au processus que j'ai récemment découvert chez le Biddulphia mobiliensis. Le texte de Rabenhorst semble même fournir de précieuses indications sur ce que peuvent devenir les spores, chez le Biddulphia, après leur sortie des cellules-filles. Mais j'ai déjà dit combien les hypothèses par voie d'analogie sont dangereuses en ces matières, et j'attendrai, pour formuler à ce sujet le moindre jugement, que j'aie observé directement les phénornènes consécutifs à la sortie des spores. Il peut paraître à première vue extraordinaire que, depuis l'année 1853, ce mode de sporulation dont Rabenhorst, par un hasard heureux, a pu suivre les dernières phases chez un Melosira^ ait continuellement échappé aux patientes investiga- tions des diatomistes. 174 SOCÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON On comprendra mieux la raison d'un tel lait, si l'on songe que ce processus, lorsqu'il n'est pas contrarié par des causes extérieures, dure très peu de temps et paraît ne se manifester qu'une fois par an, du moins en ce qui concerne le Biddul- phia mobiliensis. De plus, les cellules sporulant, lorsqu'on a la chance très rare de les rencontrer, contiennent presque toujours (i), si elles ne sont pas examinées au moment de la pêche, des spores qui ne sont plus vivantes ou qui le sont à peine (bien que paraissant encore posséder un contenu normal), et par conséquent ne sont plus mobiles. C'est en tenant au repos des récoltes faites de façon spéciale, et en les conservant dans des conditions que j'indiquerai lorsque je publierai la descrip- tion complete et les figures du processus de sporulation, que j'ai pu constater de nombreux cas de formation de ces spores mobiles, que je n'avais' auparavant observées qu'une fois seu- lement dans des pêches au filet étudiées cependant aussi fraî- ches que possible. Il faut ajouter que les spores ne restent pas longtemps, une fois devenues mobiles, à l'intérieur des cellules filles et que dès qu'elles sont sorties de ces cellules, il est très difficile de les récolter, car je ne les ai pas retrouvées à l'état libre dans mes pêches pélagiques, à l'exception de quelques rares exem- plaires très malaisés cà découvrir. Au lieu de se fixer aux corps étrangers voisins, la majeure partie de ces spores stagnerait-elle de plus grandes profon- deurs ou se laisserait-elle même tomber dans les fonds? C'est ce que j'espère pouvoir élucider par la suite, à la faveur d'une sporulation plus générale et répandue plus abon- damment dans le bassin d'Arcachon. Quoi qu'il en soit, les causes que je viens d'énumérer expli- quent suffisamment, à mon avis, l'absence complète, depuis cinquante ans, dans les ouvrages traitant des Diatomées, de documents relatifs à ce mode de sporulation, et j'attribue à la fréquence des récoltes faites et étudiées par mof, récoltes presque sans interruption journalières pendant plus d'un an, la faculté que j'eus de ne pas laisser échapper, au cours de (1) Je ne parle ici que des espèces pélagiques, n'ayant pas encore observé de spores chez les autres espèces. STATION BIOLOGIQUE 175 mes recherches, ce processus dont les manifestations sont si fugitives. Il me reste à signaler encore deux faits intéressants dont j'ai été récemment témoin et qui viennent apporter à l'étude des spores mobiles quelques éléments nouveaux et d'une impor- tante signification. J'ai observé, dans une pêche de surface du 31 janvier 1904, chez un Chœtoceros que je crois être le Ch. Weiss flogiiScHiJTT ou le Ch. teres Clkve (i), la formation de spores sphériques parais- sant à peu prés identiques à celles du Biddulphia mobiliensis. A l'extrémité d'une chaîne composée de cellules sporulant, se trouvait une demi-cellule ouverte du côté du bord libre de son connectif et contenant encore quelques spores de petites dimensions, douées de mouvements très nets, bien que peu rapides. Je vis alors deux de ces spores sortir lentement par l'ouverture du demi-frustule et je m'aperçus qu'elles étaient munies de flagellums. Maltieureusement, un accident survint à ce moment même, qui m'empêcha de compléter mes observations et de me ren- dre compte exactement du nombre et de la nature des tlagel- lums. Je cherchai à m'assurer s'il existait, soit dans les cellules closes encore, soit près de l'orifice ou à l'extérieur de la demi-cellule ouverte, une trace quelconque de valves- cloisons analogues à celles que l'on rencontre dans les cellules sporulant du Biddulphia mobiliensis : il me fut impossible d'en découvrir le moindre vestige. Mais, étant donné le peu de temps que j'eus à ma disposition pour vérifier ces détails, je ne puis rien affirmer de définitif à cet égard. Quant à la lenteur des mouvements que je constatai, elle était due pro- bablement à un état morbide des spores. Une autre fois (pêche de surface du 24 février 1904), j'aper- çus, dans une très longue cellule de Ditylium Brightiuellii (^j, (1) Ces deux espèces sont d'ailleurs bien voisines, et peut-être même ne sont-elles pas distinctes l'une de l'autre. J'y reviendrai dans une publication ultérieure. (-) J'ai remarqué souvent, pendant la période où l'on rencontre le Ditylium Brightwellii dans les eaux de surface du Bassin, mais seulement certains jours et à certain moment de cette période, des cellules de Ditylium très allongées et très par- ticulières, correspondant très piobablement à une phase spéciale du cycle végétatif de cette espèce, p ^ut-être au processus de sporulation. Je chercherai par la suite à déterminer exactement le rôle qui est attribué à ces cellules et les fonctions qu'elles ont à remplir. 176 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'aRCACHON de très nombreux petits corpuscules allongés, sublinéaires, un peu irréguliers et doués d'un très vif mouvement de tour- hillonnement. Par malheur encore, je n'eus que le temps de constater le fait : je dus, par suite d'accident, interrompre mes recherches. Mais il est très vraisemblable que ces cor- puscules étaient des spores mobiles. Ce qui est à retenir dans ces deux observations bien incom- plètes, mais néanmoins très significatives, c'est que la forma- tion de spores mobiles est certaine pour une espèce de Chœto- céros, très probable pour une espèce de Ditylium. Gomme d'ailleurs elle est hors de doute pour le Biddutphia mobilien- sis et pour le Melosira varians, il en résulte que, chez trois espèces appartenant à trois genres essentiellement distincts (Biddulphia, Chœtoceros, Melosira) — et très probablement aussi chez une espèce appartenant à un quatrième genre (Ditylium) — la manifestation, à un certain moment de leur période de végétation active, d'un processus spécial de sporulation, avec formation de spores mobiles, est un fait désormais établi. On est conduit dès lors à penser, avec beaucoup de vrai- semblance, que des recherches ultérieures amèneront la découverte du même processus chez d'autres espèces, peut- être même chez toutes, ainsi que je le dis plus haut. C'est dans ce sens que je compte dorénavant orienter mes études. Dès qu'une heureuse chance m'aura fait découvrir les pha- ses dernières du processus de sporulation chez le Biddulphia mobiliensis, je publierai la description détaillée et les figures de toute la série des phénomènes. Je suis heureux de pouvoir annoncer dès maintenant que le commandant H. Peragallo a bien voulu se charger de tous les dessins de cette publication et je tiens à lui en exprimer ici ma vive gratitude. J'ai l'intention de donner également, dans ce même ouvrage, la description et les figures du processus complet de rajeunissement de la cellule chez le Biddulphia mohiliensis, processus dont j'ai pu déterminer toutes les phases. TABLE DES MATIERES r»ges Conseil d'administration de la Société scientifique d'Arcachon (Station biologique) m Extrait des Statuts iv Index bibliographique des travaux sortis des laboratoires d'Arca- chon (1867-1902) V Travaux de 1903. I. CuÉNOT. — Contributions à la faune du Bassin d'Arcachon. Uoridiens l II. M. Cavalié. — La Vésicule biliaire et sa circulation artérielle chez Torpedo Galvani, chez Galeus Canis et chez Scyllium Catulus 23 III. J. Sellier. — Sur le pouvoir amylolytique du sang des pois- sons et des crustacés 29 IV. J. KuNSTLER. — Question sardinière et la crise aquicole en général 33 V. Gh. GiNESTE. — L'Organogénèse et l'Histogenèse au point de vue phylogénique 87 VI, P. Bergon. — Nouvelles recherches sur un mode de sporula- tion ob.servé chez le Biddulphia mohiliensis Bailey. . . 163 UNIVERSITE DE BORDEAUX SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'AUCAClIOiN STATION BIOLOGIOllE ri^ l'RAVAUX DES LABORATOIRES RECUKILLIS ET PUnLlES PAR Le DT JOLYET UIRtCTEUR UfS LABORATOIRES DE LA STATION PHOFIîSSEUH A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX LeD'^F. lalesque PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ SCIENTIFiQLI MKMHR1-; CORRESPONDANT DE I/aCADÉMIE de MÉDECINE LE D' B. DE NABIAS PROFESSEUR A La FACULTÉ DE MÉDECINE DÉLÉGUÉ DE I.'UNIVERSITÉ DE BORDEAUX SEPTIÈME ANNÉE (1903) PARIS LIBRAIRIE OCTAVE DOIN, EDITEUR t^ - Place de l'Odéon — 8 NOUVEAUX OUVRAGKS PUBLIÉS PAR LA LIBRAIRIK 8, Place de VOdéon, Paris. Traité d'hygiène et de pathologie du nourrisson et des enfants du premier âge, publié sous la direction du D' Henri de Rothschild, médecin en chel de la polyclinique H. de Rothschild, directeur de la Revue d'hygiène et de médecine infantile. Tome I. Un vol. grand in-8o Jésus de 800 pages, avec 40 figures dans le texte et 12 planches hors texte 12 fr. Traité élémentaire et pratique des maladies de la gorge, du pharynx et du larynx, par le D"" E. J. Moure, chargé du cours de laryngologie, d'olo- logie et de rhinologie à la Faculté de médecine de Bordeaux. Un vol. in-S» de G50 pages, avec 202 ligures en noir et en couleur 12 fr. Précis de thérapeutique, par les D^s Bourget et Rabow, professeurs à l'Université de Lausanne. Deuxième édidion. Un vol. in-8o de 400 pages, avec fig-ures et i planche en couleur. Broché : 10 fr.; relié. . . 12 fr. Maladies de l'appareil digestif. Notes de clinique et de thérapeutique, par les D" Albert Mathieu, médecin de l'hôpital Andral, et Jean Ch. Roux, ancien interne des hôpitaux Première série. Un vol. in-S" de 144 pages 3 fr. Les accidents du travail et les affections médicales d'origine trauma- tique, par le Df Thoinot, professeur agrég-é de médecine légale à la Faculté de médecine de Pans, médecin des hôitaux, expe t près le Tri- bunal de la Seine, membre de la Société de médecine légale de France. Un vol. in-8o de 600 pages, avec un tableau hors texte 10 fr. Manuel de diagnostic chirurgical, par Simon Ddplay, profess^eur de cli- nique chirurgicale à la Faculté de médecine de Paris, membre de l'Aca- démie de médecine, et E. Lochard et A. Demoulin, chirurgiens des hôpitaux de Paris, membres de la Société de chirurgie. Troisième édition, revue, corrigée et augmentée. Un vol. in-18 colombier, lelié peau pleine, de 820 pag-es, avec 85 figures dont 56 en couleurs dans le texte. 12 fr. Les maladies de la respiration (médecine et hygiène), par le D"" E. Monin. Un joli volume in-18 de 400 pag-es, cartonné, fers spéciaux. . . 4 fi'. Formulaire pratique de thérapeutique et de pharmacologie, parA.Gii- RERT, professeur de thérapeuti(|ue à la Faculté, médecm de l'hôpital Broussais, membre de la Société de biologie, et P. YvoN, pharmacien, membre de l'Académie de médecine, membre de la Société de pharmacie et de la Société de biologie (Ancien formulaire de Uujardin-Beaumetz). Seizième édition, revue, corrigée et augmentée. Un vol. in-18 carré, car- tonné toile, de 850 pages 4 fr. Chimie pharmac3utiqae minérale, par G. Blas et F. Ranw^ez, professeurs à l'Université de Louvain. Troisième édition. Un vol. grand in 8° de 800 na- ges, avec figures. 20 fr. Le premier fascicule (Métalloïdes, 300 pag-es, avec 15 figures) vient de paraître ; le second (Métaux), payé d'avance, est sùks presse. Bordeaux. — Imiir. G. Cocnouilhoi', rue Cuiraude, '3 & il. \ÛH ITYX / mMM §?Ji>ï hi\U^ m Miim S'i'l*; *' i^UH >(M.fi-.,U 'O'.'^}^'