BULLETIN UK LA STATION BIOLOGIQUE D'ARCACHON TRAVAUX DES LABORAÏOIRES «/ UNIVERSITÉ DE BORDEAUX ET SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON BULLETIN DE LA STATION DlOLOGiaUE D'ARCACHON DOUZIEME ANNEE (1909) BORDEAUX FERET & Fils, Libraires-Editeurs 15, Cours de l'Intendance, 15 1909 QUELQUES OBSERVATIONS SUR LAUTOTOiMIE DES CRUSTACÉS Par Anna DRZEWINA L'autotomie s'observe chez de nombreux représentants du règne animal, mais nulle part elle n'atteint un développement aussi considérable que dans le groupe des Arthropodes : c'est ici que l'on trouve les exemples les plus typiques, et c'est ici aussi que la question de la nature volontaire ou réflexe du phénomène a soulevé le plus de discussions. Pendant mon séjour à la Station biologique d'Arcaclion (i), j'ai pu étudier l'autotomie chez plusieurs espèces de Crustacés, dont quelques-unes n'avaient jamais encore été examinées à ce point de vue. Je désirerais consigner ici les résultats de mes obser- vations, non point que celles-ci présentent quelque chose i\c particulièrement saillant, mais parce que, convenablement enchaînées, elles sont susceptibles d'apporter une contribution à un problème dont l'importance biologique est indéniable. Parmi les auteurs qui se sont occupés de l'autotomie chez les Crustacés, je signalerai en premier lieu Frédericq, dont les belles recherches sur le Carcinus mœnas resteront classiques. Dewitz, DE Varigny, Frenzel, Demoor, F^ethe, Morgan et, tout récemment. PiÉROiN ont étudié ce phénomène chez divers Crustacés, soit au point de vue de son mécanisme, soit au point de vue de ses manifestations et de sa nature. Poyr ma part, j'ai fait des expériences sur l'autotomie chez les espèces suivantes : Astacus fluviatilis Rond., Nephrops norvé- giens L., Gebki slellata Leach, Palœmon, Palœmonetes varians (1) Je profite de l'occasion pour exprimer mes remerciemenls les plus vifs ù MM. les Professeurs Jolyet et Sellier pour la large liospitalilé qu'ils oui lùeii voulu m'accorder dans leurs laboratoires. Z SOCIKTli SCIENTIFIQUE IVARCACnON he^oh, Eupagurus bernnrdusL.. /s. Prideauad Leach, E. exca- vatus Herbst, Pagurus striatus Latr., Clibanariu.s misanthropua Riss., Mimida bamffia Leach, Pored lana longicornis Penn.. Atelt'cgclus crucntatus Desm., Cancer pagurus L., Platgoniehus latipes Penn., Portunus puber L., P. depurafor L.. P. holsatus Fabr., Polgbius Henslowi Leach, Carcinus mcenas Penn., Pachygrapsus inarmorntus Fabr., Pinnotheres pisum L., Maia squinado Herbst. L'autotomie chez l'EcrcAissc a donne heu à des observations contradictoires. D'après Huxley, une Ecrevisse maintenue par la patte autotomisc celle-ci. Frenzel nie l'autotomie des pattes immobilisées. Dewitz n'admet pas, d'une manière générale, Tautotomie des pattes, que celles-ci soient faiblement ou forte- ment excitées ; il n'y aurait que les pinces qui peuvent se rompre, et encore faut-il soulever l'animal au moment où on sectionne la pince; quand on la coupe au moment où l'animal est en train de marcher, il n'y a aucun effet. Frédericq. enfin, conteste l'autotomie des pinces. J'ai pu constater, chez l'Ecrevisse, une autotomie des pinces sans excitation, ou du moins sans excitation immédiate, dans deux cas suivants : 1» Une Ecrevisse maintenue pendant cinq ou six jours dans un cristallisoir dont l'eau n'a pas été changée a autotomisé spon- tanément une pince. 2" Une Ecrevisse dont on a sectionné un connectif œsopha- gien est maintenue dans de l'eau courante. Deux jours après l'opération il y a autotomie spontanée d'une pince. Chez le Nephrops norvegicus. je n'ai pas pu obtenir l'autotomie des pattes immobilisées, ni même celle des pattes violemment excitées, même en soulevant l'animal par le membre blessé et en exerçant une traction sur celui-ci (sous excitation violente, je comprends presque toujours section du membre, section faite le plus souvent au niveau du carpopodite). Cependant, les pinces blessées tombent, non pas immédiatement, mais au bout de quelques minutes. Au point de vue de l'autotomie, le Nephrops se rapproche donc de l'Ecrevisse, sauf que l'autotomie des pinces est plus facile à obtenir. Les Gébies, qui vivent en assez grande abondance dans la BULLETIN DE LA STATIOX BIOLOGIQUE 3 vase noire du rivage d'Arcachon, se sont montrées particulière- ment intéressantes par la facilité avec laquelle se produit chez elles l'autotomie. Placées au laboratoire, dans une cuvette remplie d'eau, elles se battent constamment entre elles, et au bout de peu de temps le fond du cristallisoir est jonché de pattes autoto- misées. Sur 20 Gébies qui ont été placées dans l'aquarium à trois heures de l'après-midi, il n'y en avait plus une seule intacte à huit heures du soir; toutes ont autotomisé une ou, le plus souvent, plusieurs pattes. Quand on sectionne soit une pince, soit une patte, celles-ci tombent, mais pour que l'autotomie soit immédiate et constante, il faut suspendre l'animal pendant un instant, ou encore exercer une légère traction sur le membre opéré. D'ailleurs, la traction, à elle seule, suffit amplement pour produire la rupture des pattes. 11 n'y a qu'à maintenir légèrement avec les doigts la patte de l'animal pour qu'elle autotomisé. On peut obtenir de cette manière l'amputation des pinces et de toutes les pattes chez le même individu; bien entendu, quand il ne reste plus que peu de membres, la traction exercée doit être un peu plus forte. Les Crevettes (Palœmon, Palœmonetes) se rapprochent des Gébies, mais offrent une particularité intéressante. On admet- tait que les Crevettes n'autotomisent pas leurs membres. De Varigny n'a pas pu obtenir d'amputation chez le Palémon et le Crangon. Or, d'après ce que j'ai vu, les Crevettes autotomisent fort bien, seulement il faut s'abstenir d'exercer une excitation violente. Quand on sectionne un membre, celui-ci reste adhérent au corps. Mais que l'on tire légèrement dessus, ou mieux encore, que l'on l'immobihse, l'effort que fait l'animal pour se dégager entraine la rupture de la patte. Il faut remarquer que, vu la fragilité des pattes, la cassure peut se produire à un autre endroit que celui d'autotomie, mais ces cas sont peu frecjuents. Chez le Palœmonetes, quand on saisit doucement la patte au moment où l'animal est en train de nager, celui-ci abandonne aussitôt le membre autotomisé ; on peut ainsi obtenir l'auto- tomie de tous les membres, chez le même individu, dans l'espace de quelques minutes. Chez les Pagures, l'allure générale du phénomène d'autotomie n'est plus la môme que chez les Gébies ou les Crevettes. Une immobilisation de la patte, une traction légère ou même forte 4 SOCIliTK SCIENTIFIQUE I) ARCACITON ne suffisent pas pour provoquer la rupture, du moins clans la majorité des cas. Il est nécessaire d'avoir recours à une excita- tion violente, et encore n'est-on pas toujours certain de l'obtenir. D'un individu à l'autre, il y a des différences appréciables : le mendire sectionné peut tomber immédiatement, ou après un certain temps, ou pas du tout. D'habitude, après la perte de plusieurs membres, les autres autotomisent plus difficilement, mais ceci non plus n'est pas la règle; il arrive que l'excitation violente de une, de deux, de trois pattes ne produit aucun effet; on s'attaque à la suivante, et voici qu'elle tombe immédiatement. Cependant, et d'une manière générale, l'autotomie des pinces est plus facile à obtenir que celle des pattes (1). Un fait tout à fait caractéristique pour les Pagures est que le membre blessé ne tombe pas de lui-même ; le plus souvent, soit une pince, soit une patte du même côté, ou du côté opposé, viennent saisir le moignon; leur intervention semble faciliter l'acte d'autotomie. (Il est curieux de rapprocher ces observations de celles faites sur les Gébies et les Crevettes, où une traction suffit à elle seule à produire la rupture.) Il arrive que le membre blessé se rompt aussitôt, mais reste en apparence adhérent au corps : la traction détermine alors le dégagement complet. D'autres fois, après excitation violente, on n'aperçoit aucune rupture, môme partielle; les pinces (ou les pattes) interviennent alors à plusieurs reprises, et la traction qu'elles exercent sur le membre blessé peut être tellement violente qu'elles l'écrasent littéralement; quand la cassure se produit, elles se saisissent du membre autotomisé et le laissent tomber ou le déposent au loin. Souvent, entre l'excitation et l'autotomie s'écoule un intervalle prolongé : un quart d'heure, jusqu'à une heure ou même plusieurs heures; dans ces cas, c'est presque toujours une traction exercée soit par l'expérimentateur, soit par l'animal lui-même, qui est la cause immédiate directe de la rupture. Ouand lexcilation d'un membre n'est pas suivie (1) D'après de Varigkv, rainputalion des [lalles ambulatoires ne se fait que chez les Pagures de dimensions plus grandes; elle ne se rencontrerait pas chez les petits. Il me semble, au contraire, que les petits individus autotomisent plus facilement que les grands, du moins dans les limites de mes expériences. En tout cas, j'ai conslammenl noté l'autotomie des pattes chez des individus de taille peu élevée. BULLETIN' OK LA STATIO.X BIOLOGIQUE O d'il ne réponse des pinces ou des pattes voisines, et quand, après (quelques tentatives, l'animal n'essaie plus de détacher le membre blessé, il faut irriter la blessure : aussitôt le moignon est saisi et fortement tiraillé. Quand les tentatives d'autotomie échouent, l'animal meurt fatalement, le plus souvent dans la nuit qui suit l'opération. Tn Pagure Bernard n'a pas autotomisé la 2' patte sectionnée: celle-ci tombe la nuit; dans la matinée, la patte du cùlé opposé, et qui n'a subi aucune sorte d'excitation, tombe d'elle-même. Chez le Pagurus strialus, l'autotomie me semble suivre de plus près l'excitation que chez VEupagwus beraardus. \jE. exravatus et l'/i. Pr'uleauxi autotomisent très facilement les pinces, moins facilement les pattes. Dans presque tous les cas, l'autotomie est facilitée par l'intervention de membres non atteints, qui arrachent en quelque sorte le membre blessé ou (jui lui font subir un mouvement de flexion qui détermine la rupture. Je me suis demandée si dans cette intervention des membres ([ui viennent débarrasser le corps d'un moignon qui saigne et qui met en danger la vie de l'animal, il ne faudrait pas voir un phénomène d'ordre psychique, ou du moins un phénomène qui serait sous la dépendance des centres supérieurs. A cet effet, j'ai coupé, chez un Pagure Bernard, les deux connectifs nerveux (esophagiens, afin d'éliminer complètement les ganglions céré- broïdes. J'excite ensuite violemment soit une pince, soit une patte : aussitôt la pince du côté opposé fait un mouvement pour saisir le membre blessé. Ce fait me semble aussi présenter un certain intérêt au point de vue de la conductibilité de l'influx nerveux et de la communication entre les deux moitiés du système nerveux central chez les Crustacés. Chez le Clibcmarius misanthropus, l'autotomie se produit beaucoup plus facilement ({ue chez les Pagures précédents. Dans l'espace de quelques minutes, on peut obtenir, sur le môme individu, l'amputation des trois premières paires de membres ; la 4" se rompt plus difficilement. Gomme chez le Pagure Bernard, les pattes viennent saisir le membre blessé ; mais comme l'auto- tomie suit de très près l'excitation, la réaction des pattes voisines peut se faire après coup et elle est alors sans utilité. Quand on sectionne une [)ince. celle du côté opposé étant (h'jà tombée. 6 SOCiKTK SCIEiVTIFIQUE D"ARCACnO>' on voit intervenir les pièces buccales, qui se saisissent du membre 'blessé. Je n'ai pas obtenu (ou tout à fait exception- nellement), chez le Misanthrope, l'autotomie après immobilisa- tion ou suspension momentanée, ou légère traction des pattes ; cependant, j'ai l'réquemment noté que les pinces ou les pattes peuvent s'amputer à la suite du choc qu'on fait subir à l'animal en tapant sur la coquille pour l'en faire sortir. Mwiida hamffia. Des excitations faibles ne déterminent pas l'autotomie. Mais les membres blessés se détachent surtout quand on suspend l'animal par le moignon ou quand on exerce une traction. Souvent, la réaction ne se produit qu'après un certain temps. Avec les Porcellanes, l'autotomie est des plus faciles : il suffit de pincer légèrement la patte, ou môme la maintenir sans pincer, pour qu'elle se détache ; on peut ainsi déterminer l'amputation de plusieurs membres. Pour les pinces, il faut exercer une excitation plus vigoureuse. Voyons maintenant ce qui se passe chez les Crabes. Atelecyclus cruentatus. Pas d'autotomie sans excitation violente et, môme dans ces conditions, l'effet n'est pas toujours certain et varie suivant le membre attaqué. Ainsi les pinces s'amputent presque instantanément, mais la 4'' et surtout la î)" paire sont beaucoup plus résistantes. J'ai pu conserver pen- dant ([uelques semaines un individu avec la 5" paire et la i' patte droite sectionnées; il s'est formé une sorte de bouchon noirâtre, mamelonné, au niveau de la plaie. Chez le Cancer pag unes, l'autotomie des pattes, même après excitation violente, n'est pas constante et souvent peut faire défaut ; celle des pinces a lieu surtout quand, après section, on exerce une traction sur le membre blessé. Parmi les Portunes, j'ai examiné trois espèces : /^ dépura for, P. holsatus et P. puher. Chez le premier, une excitation vio- lente des pinces provoque une autotomie immédiate qui parfois se produit dès que les ciseaux commencent à entamer le mem- bre. Il n'en est pas de même pour les pattes, où la réponse à l'excitation est assez variable. Le plus souvent, aussitôt après section d'une patte, les pinces ou les pattes voisines intervien- nent pour s'emparer du membre blessé et en achever la rupture. Quand les premières tentatives ont été infructueuses, les pattes Bl'LLETIiV DE l.A STAilO> HlOLOGIQUlî 7 reviennent à la charge après un certain temps, variable d'ail- leurs. L'expérimentateur peut faciliter l'autotomie en exerçant une traction plus ou moins forte sur le membre blessé ; l'opé- ration réussit surtout si on fait subir au membre un mouvement de flexion. Ce mouvement de flexion, l'animal peut l'exécuter lui-môme, en secouant violemment le membre blessé. J'ai obtenu, sur un indi\idu, dans l'espace de quinze minutes, l'autotomie de tous les membres, sauf la 3' patte gauche (]ui a résisté à toute excitation violente et à la traction consécutive ; il est à noter, d'ailleurs, qu'elle n'a pas été attaquée en dernier lieu. Ce fait de la variabilité du réflexe est d'autant plus curieux que, chez le môme animal, l'autotomie de la 2" patte gauche s'est produite sans excitation presque, au moment où l'on a touché à la patte. Chez le Port anus hohatus, l'autotomie des [)attes est un peu plus difficile à obtenir que chez l'espèce précédente. Une patte blessée peut ne pas tomber longtemps ou même pas du tout. La traction facilite l'autotomie, môme quand elle survient assez tard, une demi-heure, une heure après l'opération. L'excitation d'une pince provoque aussitôt la réaction de la pince opposée, qui vient arracher le membre attaqué. Chez le Porfumts puber, enfin^ les pattes et surtout les pinces cmtotomiscnt facilement après excitation violente. Le Polybius Ifenslowi est un Crabe nageur par excellence : il chasse les Poissons tels que des Merlans ou des Maquereaux, qu'il saisit avec ses pinces puissantes. Or, chez ce Crastacé, je n'ai pu obtenir l'autotomie des pattes, ni môme celle des pinces, malgré la traction répétée des membres blessés. Je n'ai d'ailleurs eu ([uim seul exemplaire à ma disposition, mais il était, en apparence, très vigoureux. Quelques heures après l'opération, qui, comme je viens de le dire, n'a pas été couronnée de succès^ l'animal a succombé. Chez le Carcmus maenas, l'autotomie est trop connue pour qu'il soit utile de l'exposer à nouveau. Je noterai seulement que chez un Crabe qui a mué dans la nuit qui a suivi l'opération, il a fallu exercer une traction sur les membres blessés pour les faire tomber, tandis que, normalement, la section seule suffit. Ouand l'autotomie ne se fait pas immédiatement, les pinces peuvent intervenir pour la faciliter. Un (]arcinus qui a subi une section unilatérale du collier nètv-^i 8 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'ARCACDON veux œsophagien a autotomisé spontanément une patte plusieurs lieures après l'opération. L'autotomie chez le Pachi/yrapsus marmoratus présente cer- taines particularités sur lesquelles je désirerais insister, parce qu'elles ont donné heu récemment à une discussion sur la nature de l'autotomie, discussion dans laquelle je m'étais vu obligée de prendre parti contre M. Piéron. Si je dis : certaines particu- larités, c'est peut-être à tort. En somme, l'autotomie du Grapse ne diffère pas de celle d'un Fortune ou d'un Pagure ; s'il présente, à un haut degré, à côté de -l'autotomie protectrice, consécutive à une excitation violente, une aulotomie evasive proprement dite, consécutive à une excitation faible (immobilisation, sus- pension de la patte), il en est de même, comme nous l'avons vu, chez les Gébies par exemple ; d'autres Crustacés, le Steno- rhynchus longicornis, l'Inachus scorpio (Fuenzel), les Galathées, les Porcellanes brisent également leurs pattes avec la plus grande faciUlé. Il serait possible d'établir toute une série de stades intermédiaires, la faculté de rompre les pattes étant plus ou moins bien développée et nécessitant pour se déclancher, \d une légère traction, là une excitation violente, là celte même exci- tation suivie d'une traction. A une excitation violente, soit d'une pince, soit d'une patte, le Grapse répond par une aulotomie immédiate ; mais cette règle comporte des exceptions. Il arrive fréquemment qu'une des pattes, ou deux, ou trois, résistent à l'autotomie ; ceci se produit surtout quand ces pattes sont coupées en dernier lieu ; on pourrait l'expliquer alors par un affaiblissement de l'animal. Mais il arrive aussi qu'une des pattes, n'importe laquelle, ne tombe pas après l'excitalion, tandis que plusieurs pattes que l'on attaque ensuite se l'ompent aussitôt. L'irrégularité du réflexe se manifeslo dans ce ctis sans cause apparente. Quant à l'autotomie evasive, qui consiste en ce (ju'un Grnpse saisi par la patte s'échappe en laissant celle-ci entre les doigts de l'agresseur, elle est bien connue de tous ceux qui ont cherché à attraper ces animaux dans les rochers du littoral qui leur servent d'abri. M. Piéron a consacré plusieurs études à cette aulotomie evasive du Grapse. Elle serait, d'après lui, d'ordre psychique; elle serait « volontaire », et ceci parce que : 1" l'ani- mal autotomisé « d'autant plus facilement qu'il se trouve plus BULLETliN Dli LA STATION B10L0GIQUIÎ U près d'une mare, ou d'un abri sous rochers où il sait trouver un refuge inaccessible » ; 2^ parce que, après la section des com- missures qui unissent les ganglions cérébroïdes à la masse ventrale, l'autotomie sans excitation violente ne se produit plus ; elle est donc sous la dépendance des ganglions cérébroïdes. Or. voici ce que j'ai observé à ce sujet : I ' A différentes reprises, j'ai attaché des Grapses de toutes tailles à des pieux plantés pnrmi les rochers mûmes qui leur servaient d'abri; pendant des heures ces animaux s'épuisaient en efforts stériles, tiraid sur la ficelle ([ui maintenait leurs pattes; mais pas un seul des individus observés n'a autotomisé. Et cependant, si la conscience de la proximité du refuge influen- çait l'acte d'autotomie. les Grapses auraient dû facilement se libérer dans ces conditions. Du fait, exact d'ailleurs, que l'autotomie clie/ les (irapses est beaucoup plus facile à obtenir dans leur habitat naturel qu'au laboratoire, M. Piéro.n conclut que les « modalités du milieu perçues par le Crabe » déterminent sa réaction autotomique. Je ne crois pas que cette affirmation soit basée, voici pourquoi : j'ai remarqué que les Grapses pris sous les rochers ensoleillés ou à sec depuis deux, trois heures, abandonnaient leurs pattes assez rarement; tandis que si on les prend sous des rochers très humides la proportion de ceux qui mutilent leurs pattes pour fuir est beaucoup plus considérable. Ainsi, dans le premier cas. sur 4b Grapses, 10 ont autotomisé une ou plusieurs pattes par lesquelles on essayait de les saisir; dans le second cas, V,\ indi- vidus sur 20 ont autotomisé. Cette différence, si nette, ne peut tenir qu'aux différents états physiologiques de l'animal, et je crois que si. dans l'expérience de M. Piéroin, les Grapses trans- portés dans une pièce close n'autotomisaient plus pour fuir, ce n'est pas parce qu'ils se rendaient compte de l'inutilité de l'auto- tomie. le refuge inaccessible faisant défaut, mais parce qu'ils se trouvaient dans un état de misère physiologique, qui est très facile à obtenir chez ces animaux. En effet, quand on poursuit un Grapse, il fuit très vite et est beaucoup plus agile qu'un Carcinus, mais aussi se fatigue-t-il plus vite. Après avoir par- couru quelques mètres, il ralentit et bientôt s'arrête, épuisé. II est à remarquer à ce sujet que, parmi les auteurs qui ont fait des recherches sur l'autotomie, plusieurs ont signalé le 10 sociihi': sciiiiNTiKinuiî u'arcachok rapport étroit qui existe entre la vitalité de l'animal et la facilité (le l'autotoniie. D'après Gontejean, on n'oi)tient plus d'autotomie chez les Sauterelles et les Lézards affaiblis par un jeune prolongé : « En général, dit-il, les expériences réussissent d'autant plus facile- ment et sont d'autant plus brèves que l'animal est plus actif ». Pour BoRDAGE, « les phénomènes d'autotomie sont très marqués chez les larves et môme chez les nymphes des Phasmes, à condition, toutefois, que l'on expérimente sur des spécimens en pleine vigueur ». D'après Frenzel, les Termites s'amputent faci- lement, sauf quand ils sont affaiblis par un jeune prolongé. Les Garcinus, laissés à jeun ou refroidis expérimentalement, rom- pent leurs pattes beaucoup plus rarement que d'habitude. 2" Dans ces conditions, il ne serait pas étonnant que l'autoto- mie evasive ait disparu chez les Grapses opérés, car il est évi- dent que leur vitahté a dû être profondément atteinte. M. Piéron avoue lui-même que ses Grapses mouraient aussitôt après l'opération : « Ghez tous les Gmbes ainsi opérés et qui survivent peu parce que, pour aller vite, je sectionnais brutalement et qu'une artère était atteinte, il n'y a plus de mouvements coor- donnés, plus de marche, etc.. ». Or on connaît bien l'effet néfaste d'une saignée sur les Grustacés : la faculté d'autotomie est très précieuse pour eux, justement parce (ju'elle leur permet de rompre le membre blessé h un endroit où il existe un diaphragme obturateur qui empêche l'hémorragie (Fréde- ricq). Mais, môme chez les animaux dont on a sectionné les com- missures, il est eneore possible, si l'opération est faite avec soin, d'obtenir parfois une autotomie sans excitation violente. Je sectionnais les commissures chez les Grapses en faisant pénétrer par une incision au niveau inférieur de l'espace prélabial une pointe de très fins ciseaux. .l'éhmine tous les cas où j'ai obtenu l'autotomie au moment môme de la section, ou quelques ins- tants après, car ces cas pourraient être dus à une excitation centrale. Les animaux opérés ont été transportés dans un aqua- rium et là, de temps en temps, on les soulevait par une patte pour voir l'autotomie se produire. Dans ces conditions, j'ai obtenu une autotomie 3 fois sur 44 individus opérés : le premier cas a eu lieu vingt minutes, le second cinq heures, le troisième BULLIiTI.N UK LA STATIO.N BIOLOGIQUE 11 sept heures après ropéralioii. Bien eiiLendu, dans tous ees eus, la section des commissures a élé vérifiée par une autopsie consécutive. L'autotoniie evasive du Grapse se présente donc, aux points de vue pliysiologique et psyclioiogi(jue, comme l'autotoniie du Carcinus, magistralement étudiée par Fréderjcq, sauf que pour la déclancher il suffit souvent d'une excitation légère. Gomme chez le Carci)ius, l'autotoniie evasive du Grapse persiste après élimination des ganglions cérébroïdes : tout comme le Carcinus, le Grapse attaché par une patte reste indéfiniment attaché sans avoir l'idée de rompre la patte qui le retient prisonnier. Dans les deux cas, il s'agit d'un réflexe, et au même titre. Je voudrais relever ici encore un détail. D'après M. Piéron, la douleur peut provoquer l'autotoniie. « Je maintiens, dit-il, un Grapse sur le dos parses deux pinces et je commence à enfoncer les deux pointes d'une paire de ciseaux au-dessous de la bouche ])our aller sectionner les commissures. Le Crabe autotomise aussitôt ses deux pinces, se retourne et s'enfuit ». Bien entendu, je n'ai nullement l'intention de soulever ici le problème si dis- cuté de la douleur chez les animaux. Je tiens simplement à signaler ce fait que très fréquemment le Grapse que l'on main- tient sur le dos par ses deux pinces en brise soit une, soit deux, pour se retourner et fuir. C'est même un des moyens les plus surs d'obtenir au laboratoire l'autotoniie sans excitation vio- lente. Un autre moyen, qui réussit souvent, est d'essayer d'ouvrir les deux doigts de la pince. Un fait encore, relatif à l'autotoniie sans excitation, ou du moins sans excitation directe. Un Grapse qui a subi une section unilatérale du collier nerveux œsophagien a autotomise le len- demain, spontanément, ses deux pinces. Deux heures après, il a amputé, sans qu'on y ait touché, deux pattes: la 5' gauche et la \Y droite, et bientôt après il est mort. Ce cas pourrait bien rentrer dans la catégorie des phénomènes d'autotomie qui se produisent quelquefois avant la mori : on sait, par exemple, (]uc VAntedon rosaceus rompt ses bras avant de mourir et que les Vers de terre se cassent en plusieurs segments. Je ne note que pour mémoire les cas d'autotomie que j'ai obtenus chez le Graj3se, après chloroformisation, car ces faits sont bien connus (Demoor). 1:^ sociihi': sciiî.NTiFiQUE u"arc.vcho.\ Il nous reste à examiner deux types encore : Le Pinnotheres piswn brise aussi bien les pattes que les pinces, après excitation A^olente. Si le membre blessé ne se rompt pas de suite, il suffit d'exercer une légère traction pour le voir tomber. La Maia squlnado, enfin, ampute facilement les pattes bles- sées ou sectionnées ; l'intervalle entre l'excitation et la réaction est variable. J'ai même pu observer chez la Maia une autotomie sans excitation violente. Un individu est maintenu sur le dos dans le but de repérer l'endroil par où il faudrait faire la sec- tion des connectifs nerveux. L'animal est replacé dans de l'eau sans avoir subi l'opération. Dix miuutcs après, il autotomise spontanément la 3' patte droite, ([ui n'a nullement été violentée. Si, maintenant, on essayait de tirer des conclusions générales des observations précédentes, on serait quelque peu embarrassé. Car ce qui domine dans le phénomène d'amputation, chez les Crustacés, c'est précisément la cariahilitè de ses manifestations. Certes, on pourrait dire que les pinces autotomisent plus faci- lement que les pattes et que l'excitation violente est un moyen plus sûr d'obtenir Tautotomie qu'une excitation faible, une suspension ou une immobilisation de la patte ; on pourrait dire également qu'une traction ou une flexion d'un membre favorise la rupture de celui-ci, et qu'un animal vigoureux autotomise^ plus facilement qu'un auimal qui se trouverait dans un état de misère physiologique. Mais aussi combien de restrictions ! Chez le Carcinus par exemple, chez leGrapse, l'autotomie après exci- tation violente est immédiate ; mais il arrive constamment qu'un membre, n'importe lequel, même écrasé, môme brûlé, reste adhérent au corps. Et d'autre part, chez les Crevettes, l'excita- tion violente reste sans aucun effet, tandis qu'il suffit de saisir doucement la patte pour qu'elle vous l'este entre les doigts. Chez les Gébies, l'un et l'autre mode réussissent également bien ; il en est de même chez les Grapses, sauf que le nombre de mem- bres amputés est limité, et il n'y a pas de règle indiquant qu'une telle patte ou une telle autre résisterait ou non. Parmi les excitants faibles, l'immobilisation du membre, la suspension, la traction déclanchent le phénomène ; mais ils peuvent ne pas réussir là où un choc réussit : exemple le Pagure misanthrope. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 13 Il paraît certain que plus l'animal est vigoureux, plus l'autoto- niie est aisée ; ceci n'exclut pas les cas où elle peut se manifester chez un animal dont la vitalité est profondément atteinte : exemple ce Grapse qui, quelques heures avant sa mort, autoto- mise, sans excitation aucune, quatre de ses membres, successi- vement. Il y a des variations d'une espèce à l'autre et d'un individu à lautre ; il y en a, chez le même indiAidu, suivant le membre attaqué, et il y en a. dans le môme membre, suivant le segment. Si j'insiste tellement sur la variabilité que présente le phéno- mène d'autotomie, ce nesl pas sans raison. Nous avons vu plus haut que M. Piého.n distingue entre autotomie réflexe et auto- tomie volontaire. Voici comment il détermine le sens de ces termes dans un tout récent Mémoire (octobre 1908) qui vient de me parvenir : a J'appelle réflexe une réaction qui suit constam- ment et de façon invariable un excitant donné, quelles que soient les circonstances extérieures accompagnant cet excitant, et j'appelle volontaire une réaction (jui n'est pas déterminée nécessairement par un excitant pris isolément, mais qui varie avec les circonstances extérieures agissant sur l'animal par voie sensorielle ». Je crois que si l'on s'en tenait à ces définitions, il ne serait guère possible de parler d'une autotomie réflexe, car jamais, chez aucune espèce, et quelle que soit l'excitation, la réaction ne suit constamment et de façon invariable un excitant donné. Elle est variable, éminemment variable, et les observa- tions que j'ai rapportées plus haut le prouvent surabondamment. Elles ne concernent que les Crustacés, mais il parait qu'il n'en va pas autrement dans d'autres groupes. Les Holothuries, par exemple, excitées, expulsent leur tube digestif. Souvent, il suffit de sortir l'animal de l'eau pour obtenir une evisceration complète. D'autres fois, on a beau le brutaliser de toutes les manières possibles, l'autotomie ne se produit pas. Une Holothurie que Frekzj-l. après avoir essayé piqûres, brûlures, etc., a jetée dans de l'eau chaude à 40", est morte sans avoir expulsé ses viscères. Dans ses premières notes sur l'autotomie volontaire. iM. Piéron admettait que le caractère dislinctif de celle-ci est qu'elle néces- site l'intervention des gangUons cérébroïdes. J'avoue que j'aimais assez cette définition, car c'était là un caractère bien net et 14 SOCIHTK SCIENTIFIQUE d'aRCACHON susceptible d'un certain rapproclienient avec ce (jue l'on connaît chez les animaux supérieurs, où les mouvements volontaires disparaissent après qu'on enlève les hémisphères cérébraux. Malheureusement, l'autotomie « volontaire » peut avoir lieu en l'absence des ganglions cérébroïdes. Au point de vue oi!i je me place en ce moment, ceci pourrait n'avoir cju'une importance secondaire, car je peux très bien admettre que le siège central d'un acte n'est pas un critère suffisant de sa nature. Ce que j'admets moins, c'est le terme « volontaire ». A quoi bon se servir d'un mot qui a un long passé derrière lui, qui est intime- ment lié à l'activité psychique supérieure, et qui fait une si mauvaise figure dans l'occasion que M. Piéron doit constamment rappeler qu'il l'emploie dans un tout autre sens que les autres mortels. Car, pour tous, acte volontaire implique nécessairement le choix entre plusieurs possibilités. Il est réellement regrettable qu'au moment où la psychologie des animaux prend en France un si bel essor, on vienne entraver sa marche par un lest de mots inutiles, pouvant donner lieu à des malentendus. h'DEX RIBLIOr.RAPniQUE DES TRAVAUX CITÉS 1897. Bethe (A.). — Das Nerwonsyslem von Carcinus mo'nas. Arr/iiv f. mikr. At, al., m. L., p. 389. 1903. BoKDAGE (E.). — Recherches anatomiqiies et biologiques sur l'autotomie et la régénération chez divers Arthropodes. Ihill. scient, de la France et de la Belgique, t. XXXIX. 1890. CoiNTEJEAN (Ch.). — Sur l'autotomie chez la Sauterelle et le Lézard. Compt. rend. Acad. Sciences, t. CXI, p. Cil. 1891. Demoor (J.j. — Etude des manifestations motrices des Crustacés au point de vue des fonctions nerveuses. Arc/i. de Zool. expér. et (jènér., 2" série, t. 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LIMON Professeurs sujipléants à l'École de Médecine de Besaii(,'on Introduction Au cours de recherches eutreprises dans le but d'élucider le problème de l'élasticité musculaire à l'état de repos et à l'état d'activité, nous avons pensé qu'en raison de leurs propriétés spéciales, les muscles adducteurs des Mollusques Acéphales méritaient une étude particulière. Leurs fibres sont rigoureuse- ment parallèles et s'insèrent directement sur les valves sans l'intermédiaire de fibres tendineuses : ce fait permet d'éliminer les causes d'erreur que peuvent amener, dans les mesures de Lélasticité, le non-parallélisme des fibres musculaires et la présence de tendons. D'autre part, ces muscles sont en activité constante plus ou moins intense pendant toute la durée de la vie du Mollusque, luttant à chaque moment contre l'élasticité du ligament d'union des valves (2). Cette activité est indépendante du système nerveux central du Mollusque, puisque l'éviscération complète de lanimal (1) Travail fait au Laboratoire depliysiologie de l'École de Médecine de Besançon et à la Station biologique d'Arcacbon. (2) L'un de nous (F. Marceau) va publier très prochainement un travail anato- mique, histologique et physiologique sur ces muscles. 2 18 SOGIÉTÉ SCIENTIFIQUE i/aRCACHON (y compris rcnlcvement des trois paires de ganglions) ne fait pas cesser immédiatement l'action de ces muscles. Une Huitre complètement éviscérée, par exemple, demeure fermée pendant deux ou trois jours et ne s'ouvre ensuite que très lentement, bien que le ligament exerce sur le muscle adducteur une trac- tion constante de 2oO à 350 grammes, suivant la taille. Cette (( contracture physiologique » des muscles adducteurs est très probablement sous l'influence de cellules ganglionnaires intra- musculaires, sur lesquelles agirait par inhibition le système nerveux central, lorsque le Mollusque ouvre spontanément ses valves. Il n'existe, à notre connaissance, aucun travail entrepris sur les Mollusques Acéphales, se rapportant à l'élasticité muscu- laire. Ces animaux fournissant un matériel facile à se procurer et d'une expérimentation aisée, nous avons étendu sur eux des recherches commencées sur d'autres animaux (1). Un muscle donné, soumis brusquement à l'action d'un poids, s'allonge aussitôt d'une lon- A gueur déterminée (allonge- \ W ^ ment primitif); cet allonge- ;\ \ ment se produit de suite et '\ — -_A , rapidement. Si on laisse le , , , i, , , , , , ■ I I I I , . poids agir pendant un cer- tain temps, le muscle, après FiG.l. — Allongements et raccourcissements Cette phase d'allongement du muscle gastrocnémien de Grenouille brusqUC, continue à s'al- sous l'action d'un poids de 200 grammes. , i i i t i . , ... , , . ^ „ .. longer plus lentement et — A, position du levier avant Taction ^ ^ du poids; AB, aUongement primitif; Bt:, régulièrement (allongement allongement secondaire; CD, raccour- secondaire). Un phénomène cissement primitif ; DE, raccourcisse- , i •. i ment secondaire. Amplification du analogue SC produit lors- levier : X 10. Temps marqué en secondes. qu'on supprime brusque- ment l'action du poids. Le muscle commence tout d'abord à se raccourcir brusquement (raccourcissement primitif), puis continue à se raccoui^cir plus lentement (raccourcissement secondaire). Les raccour- (I) F. Marceau et Limon, Recherches sur l'élasticité musculaire à l'état de repos (c )inmunication préliminaire). C. JR. Association pour l'avancemenl des Sciences. Conf/rés de Jieinis, 1907. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUIi 19 cissemcnts secondaires sont en générnl moins marqués que les allongements coiTespondants. (Voir les différents graphi- ques et en particulier les figures 1 et 2.) Avec les corps inanimés (métaux, caoutchouc, etc.), les phénomènes d'allongement ou de raccourcissement secondaires ne se produisent pas. FiG. 2(rédiiilp de moitié). — Allonjicinenls priiiiilif cl secfindaire tie la imrlic vilreuse du muscle adduclenrde l'erlen rariiis sous l'aclion d'un poids de 100 grammes. - AH, allongement primitif; BC, allongement secondaire égal à rallongement pri- mitif au bout d'un tour du cylindre enregistreur, soil îio secondes. Amplification de l'allongement du muscle : X 2i. Temps marqué eu secondes. S'il était possible de faire agir ou de supprimer, successive- ment et individuellement, une série de poids en un temps très court, chacune de ces charges influencerait le muscle indépen- damment des charges ajoutées ou supprimées antérieurement. Des difficultés matérielles rendent une telle expérience peu aisée à réaliser. Les allongements ou les raccourcissements produits par l'action ou la suppression de charges successives sont diminués de plus en plus par les allongements ou les raccourcissements secondaires dus à l'action des charges ayant influencé antérieurement le muscle. En soumettant successivement un muscle à l'action de poids égaux ajoutés les uns aux autres, nous avons pu constater que les allongements diminuent rapidement et d'une manière progres- sive. De même, quand on les supprime successivement, les raccourcissements augmentent de plus en plus ; mais le muscle ne revient pas tout à fait à sa longueur primitive. Lorsqu'on traduit graphiquement ces faits, on obtient une courbe comparable à celle que Marey et d'autres observateurs ont produite dans leurs travaux. A s'en tenir à cette courbe, on pourrait conclure, comme ces auteurs l'ont fait, que le coefficient d'élasticité musculaire, à l'état de repos, n'est pas constant connue celui des corps inanimés, mais qu'il augmente progres- sivement avec la charge. Les allongeiuents ou raccourcissemenW*'^'^^,^^ / --"^%<« 20 SOCIlhÉ SClEiNTlFIQUE D ARCACIIO.N croitraienL moins vile que les charges dont ils sont la consé- quence. En réalité, on doit tenir compte des allongements secondaires provoqués par la continuité de l'action des poids auxquels le muscle a déjà été soumis. Un poids alors^ surajouté FiG. 3. — Alloiigeiiiciils el raccourciseeineuls produils par Taclioa de pouls de 20 grammes ajoutés, puis supprimés successivement, au muscle gastrocuémien de Grenouille. — Alî, allongement, total; BC, raccourcissement total; AC, allongement permanent provoqué par l'action totale des poids surajoutés. Ampli- fication du levier inscripleur: X 20. Lorsque le muscle supporte SOO grammes, la suppression successive de poids de 20 grammes n'enlraîne au début que des raccourcissements ne compensant pas les allongements secondaires provoques par l'action des poids auxquels le muscle demeure soumis. produit un allongement en apparence beaucoup moindre que si ce dernier poids av'ait été suspendu seul au muscle (fig. 3). C'est pour réduire au minimum l'influence des allongements BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 21 secondaires que nous avons fait agir les poids pendant un temps aussi court possible. Descriptiox de l'appareil employé En principe, l'appareil qui nous a servi à effectuer ces recher- ches permet de soumettre instantanément les muscles adducteurs à l'action d'un poids déterminé et de supprimer cette action à volonté. L'allongement et le raccourcissement provoqués ainsi s'inscrivent par l'intermédiaire d'un levier amplificateur sur un cylindre enregistreur à axe vertical. Pour soumettre le ou les muscles adducteurs à l'action du poids, on fixe solidement l'une des valves du Mollusque et on attache au bord de l'autre valve un fil souple et résistant, qui porte à son extrémité libre un plateau pouvant recevoir des poids croissant régulièrement. Ce plateau repose sur un support de hauteur réglable qu'on peut abaisser instantanément et à volonté en agissant sur une manette. On supprime instantané- ment et à volonté l'action des poids en déterminant à l'aide d'une autre manette la chute brusque d'un contrepoids de valeur suffisante, qui soulève les poids auxquels le muscle est soumis. Notre appareil se compose essentiellement : 1° D'un dispositif permettant à la fois d'immobiliser l'une des valves du Mollusque en expérience et d'inscrire sur le cylin- dre enregistreur aA-ec un levier amplificateur les mouvements de l'autre A-ah^e sur laquelle agissent les poids ; 2" D'un dispositif permettant de faire agir brusquement et à volonté les poids et de supprimer leur action de même. La première partie de l'appareil est formée par un solide support en forme de potence. La base (B) du support, constituée par un épais plateau de bois, est échancrée largement h son centre et recouverte par une plaque de tôle d'acier, maintenue par des boulons, qui assurera la conlention des Mollusques. A cet effet, nous avons préparé un certain nombre de petits billots de bois dont la face supérieure est creusée de dépressions représentant aussi exactement que possible le moule en creux de n SOCllÎTK SCIENTIFIQUE d'aRCACHON l'une des valves des différents Mollusques, Le Mollusque étant préalablement éviscéré par une fenêtre pratiquée à l'une des valves, on retranche à la lime une portion du bord des deux valves en trois points limitant un triangle aussi étendu que FiG. 'i. — Schéma de Tappareil employé pour Télude de l'élaslicité musculaire. possible. On place l'animal sur le billot et. par les trois ouver- tures que l'on vient de ménager, on introduit trois forts crochets dont les extrémités inférieures sont filetées. Ces crochets traver- sent la plaque d'acier par des orifices convenablement disposés BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 23 à cet effet. Des écrous de serrage vissés sur les crochets au-dessous de la plaque appuient fortement contre celle-ci la valve du Mollusque reposant sur son billot et l'immobilisent complètement. La potence est constituée par une barre de bois horizontale (B) portant à son extrémité libre une poulie très mobile sur son axe et une tige verticale munie d'un levier enregistreur. La branche horizontale de la potence peut glisser sur la branche verticale, de façon à pouvoir être amenée à des hauteurs variables. La valve libre du Mollusque sert de point d'attache à deux fils dont l'un est directement relié à la courte branche du levier et dont l'autre, après s'être réfléchi sur la poulie, redescend verticalement et porte un plateau destiné à recevoir les poids. La deuxième partie de l'appareil, installée au-dessous de la table à expériences, comprend un solide bâti rectangulaire en bois qui peut se visser sur le plancher du laboratoire pour éviter les vibrations. Au tiers environ delà hauteur du moulant de gauche s'articule, par une charnière très mobile, une barre de bois {T) qui est maintenue dans la position horizontale par un taquet de bois (/). Ce taquet, maintenu vertical par l'action du ressort(r), est susceptible d'être déplacé facilement sous l'influence d'une faible traction en sens opposé à celui de l'action du res- sort (r). Les frottements de la barre (7") sur le taquet sont faci- lités par un galet très mobile qui roule sur l'extrémité du taquet, quand celui-ci est déplacé. Un ressort, constitué simplement par une double lanière de caoutchouc, appuie fortement la barre (T) sur le galet dans la position de repos et l'entraîne instantané- ment contre le montant gauche de l'appareil lorsqu'on tire le tacjuet on dehors de sa position de soutien de la bari-e. Ce der- nier résultat est obtenu en appuyant sur une manette (M) fixée au bord de la table d'expérience et reliée au taquet par un fil de fer souple dont la traction est rendue efficace par un renvoi à angle droit sur une poulie (;j,). Pour compenser l'abaissement des poids produit par l'allon- gement du muscle au cours de l'expérience, le dispositif suivant adapté au support 7 permet de régler la longueur du fil porteur des poids. Une plaque circulaire en laiton est portée par l'extré- mité d'une vis micrométrique (F) tournant dans un écrou encastré dans la tige de bois (7"). Les déplacements de la plaque 24 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D ARCACHON sont guidés par deux tiges verticales fixées à sa face inférieure et qui s'engagent dans des trous pratiqués dans la tige T. En tournant la vis, on fait varier la hauteur de la plaque, tout en conservant constamment son horizontalité. Le plateau (P) destiné à recevoir les poids repose par trois pointes sur la plaque. Il est constitué par une sorte de lanterne formée de deux disques de laiton mince, reliés par trois tiges d'acier verticales. Les poids employés ont été soit des décimes qui, comme on sait, pèsent exactement 10 grammes, soit des disques de plomb coulés spécialement au poids de 50 grammes. Les deux lanternes, disposées de façon à reccA^oir ces poids empilés, pesaient elles-mêmes respectivement 10 et 50 grammes. La lanterne portant les poids est réunie au fil fixé à la coquille du Mollusque par une fine tige d'acier {a) qui passe hbrcment à travers un trou pratiqué dans une barrette de bois {b) mobile verticalement et maintenue toujours horizontale par deux guides verticaux agissant sur ses extrémités. La tiger d'acier supportant la lanterne est munie vers son extrémité supérieure d'un arret disposé de manière telle que la barrette {b) soulève la lanterne dans ses mouvements d'ascension. Ces mouvements ascensionnels de la barrette sont provoqués par la chute d'un contrepoids {Cp) qui agit sur les extrémités de celle-ci par l'intermédiaire de deux fils souples et solides passant sur les trois pouHes p^, p^, p^. Le contrepoids est formé de disques de plomb qu'on peut empiler sur une tige métallique munie à sa partie inférieure d'un arrêt. La valeur du contre- poids peut de la sorte être toujours maintenue notablement supérieure à celle du poids agissant sur le muscle, ce qui effectue aisément son soulèvement brusque. Le contrepoids, quand il ne doit pas agir, est soutenu par une console à charnière (c) maintenue horizontale par un taquet (/') dont l'écartement en dehors, commandé par la manette (M), détermine l'abaissement de la console sous la traction énergique de deux lanières de caoutchouc tendues. La console s'étant ainsi effacée contre le montant droit de l'appareil, le contrepoids tombe brusquement. Description crime expérience. — Le Mollusque est préparé et fixé comme il a été dit. En manœuvrant la vis micrométrique V on amène le fil porteur du plateau à une tension exactement BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 23 réglée pour que le poids agisse sur le Mollusque dès que son support est abaissé. On règle alors la position du levier inscrip- teur par rapport au cylindre enregistreur (1). On met le cylindre en mouvement à une vitesse très faible (un tour en 29 ou oo secondes), on appuie sur la manette M. Le support du plateau à poids s'abaisse brusquement, et celui-ci agit sur le muscle. La plume du levier, qui traçait un trait horizontal, amplifie ce mouvement d'abaissement sur le cylindre enregistreur, et après quelques oscillations, prend une position d'équilibre stable. La différence de niveau des deux traits indique l'allongement primitif amplifié du muscle sous l'action de la charge employée. Quand le trait inscrit a S à 6 centimètres de longueur, on appuie sur la manette M'. Le con- trepoids n'étant plus soutenu tombe, soulevant brusquement la charge à laquelle le muscle était soumis, La plume enregis- trante se relève brusquement et prend une position d'équilibre après une ou deux oscillations. La différence des deux derniers niveaux traduit le raccourcissement primitif amplifié du muscle sous l'action de la suppression de la charge (2). Pendant que le cylindre achève sa rotation, on prépare l'appa- reil pour une expérience suivante : on ramène les manettes au repos, on replace le support des poids et celui des contrepoids dans leur position de soutien. On ajoute une surcharge au poids et on règle, s'il y a lieu, la tension du fil suspenseur du poids. Pendant toutes ces opérations, qui s'effectuent rapidement, le muscle ne demeure soumis à aucune influence. (1) Les déplacements du levier sur le cylindre étant très rapides et parfois très étendus, il arrive qu'une plume ordinaire quitte la génératrice du cylindre. Pour éviter cet inconvénient, nous avons employé la plume figurée ci-contre (fig 4 A) dont la pression contre le cylindi'e est légère et continue. Dans cette plume, la pointe inscrivante, en clinquant d'aluminium, est reliée à l'extrémité du levier par l'intermédiaire d'une mince lame de baleine coudée. D'ailleurs, en relevant le levier au-dessus de l'horizontale, on diminue dans une certaine mesure l'écartement de la plume hors de la génératrice du cylindre lorsque les déplace ments de celle-ci sont étendus. (2) Si le muscle était un carps parfaitement inerte, comme par exemple le caout- chouc, les deux dernières parties du graphique seraient rigoureusement horizon- tales. En réalité, l'une s'abaisse régulièrement, l'autre se relève de même. Ceci est dû aux phénomènes d'allongement et de raccourcissement secondaires que présen- tent les muscles soumis pendant un certain temps à l'action d'une charge qui est supprimée ensuite brusquement (voir plus haut), 2G SOCIKTIi SCIENTIFIQUE d'aRCACHON On répète alors les mêmes manœuvres que précédemment, en ayant soin (Vimbriquer avec régularité les courbes. Cette façon d'opérer offre le double avantage de faciliter la lecture des gra- phiques et d'uniformiser la durée du soutien des charges par le muscle. L'expérience peut être continuée jusqu'à la rupture du muscle sous l'influence de la charge. Quand les muscles sont peu extensibles (fortement élastiques), comme c'est le cas pour les parties nacrées des muscles adduc- teurs, l'action des charges agissant brusquement sur eux diminue leur résistance. Ils se rompent sous une charge inférieure à celle FiG. 5. — Grapliiqiie des allongcmenls cl des ruccourcisseinonls d'une liuiide de caoutchouc sous raclion de charges croissant régulièrement (par 10 grammes). On voit que ces allongements et raccourcissements croissent d'une façon abso- lument régulière comme les charges, c'esl-à-dire rpie l'élasticité du caoutcliouc est parfaite. qui serait capable d'amener leur rupture en ayant agi progressi- vement et en une seule fois. La partie nacrée du muscle adduc- teur d'une Huître, par exemple, se rompant sous une charge de G kilogrammes, celle d'une Huître de même taille soumise à l'action d'une série de charges égales à 400 grammes se rompt BULLETIN DE LA STATIOiX BIOLOGIQUE 27 SOUS une charge notablement inférieure, égale à 3.230 grammes. Avec la Moule, le Pecten, la différence est bien moins marquée, comme le montrent les nombres suivants : Moule S P^i'ti^ nacrée : 2.2o0 grammes et 1.900 grammes ) — vitreuse : 1.730 — 1.400 — Pecten, partie nacrée : 725 — 3o0 Avec les parties vitreuses, bien plus extensibles, les ruptures se produisent dans les deux conditions indiquées sous des charges sensiblement égales. Pour nous assurer du bon fonctionnement de notre appareil, nous avons voulu d'abord l'expérimenter avec une bande de caoutchouc. Cette substance possède, comme on le sait, une élasticité à peu près parfaite. La figure 3 représente un graphi- que obtenu au cours d'une de ces expériences d'essai. Sa régu- larité met en évidence le fonctionnement satisfaisant de l'appareil. III Elasticité des muscles adducteurs a l'état de repos Pour avoir les muscles adducteurs à l'état de repos, il faut d'abord éviscérer le Mollusque, puis attendre que la tonicité de ces muscles ait été vaincue complètement par la résistance du ligament élastique (1). On s'assure que cette dernière condition est remplie en enregistrant le mouvement d'ouverture des val- ves, avec un levier amplificateur, sur un cylindre enregistreur vertical à mouvement très lent (un tour en 12 heures). Pendant que les muscles adducteurs se relâchent graduellement, la plume du levier trace une courbe descendante; lorsque le relâchement des muscles est complet, la courbe devient horizontale. Les muscles adducteurs ont pris enfin leur longueur définitive sous l'influence de la traction qu'exerça sur eux la force élastique du (1) Par /o?H(î7e musculaire, nous entendons l'état de contracture provoqué dans les muscles adducteurs par l'action des cellules ganglionnaires intra-musculaires. Cet état persiste plus ou moins longtemps après la destruction du corps du Mollus- que et nous ne connaissons pas encore le moyen de la faire cesser brusquement sous l'influence de substances injectées dans ces muscles. ZO SOCIETE SCIENTIFIQUE D ARCACHON ligament de la charnière, et probablement aussi par suite de l'épuisement de l'action des cellules ganglionnaires intra-mus- culaires. Il y a lieu de noter qu'à ce moment l'élasticité du liga- ment est devenue très faible, puisque les valves bâillent large- ment. Aussi lavons-nous considérée comme négligeable dans l'évaluation des charges agissant sur le muscle. Dans cet état de relâchement complet, les muscles adducteurs ont conservé leur excitabilité et peuvent encore déterminer l'occlusion des valves sous l'influence d'excitants appropriés. Chez les Pecten, l'éviscération est suivie immédiatement du relâchement de la partie vitreuse du muscle adducteur, de sorte que les expériences peuvent être entreprises immédiatement. Le relâchement de la partie nacrée demande, au contraire, plusieurs heures. Chez les Solen et les Lutraires, le relâchement des muscles adducteurs, qui sont entièrement vitreux, est presque aussi rapide que chez le Pecten. Chez les autres Acéphales, le relâchement des parties vitreuses des muscles adducteurs est bien moins rapide et demande en général quelques heures. Les parties nacrées se relâchent encore plus lentement : chez l'Huitre, la Moule, par exemple, il faut de un à trois jours sui- vant la température. Enfin chez le Cardium edule, en raison de la très faible résistance élastique du ligament, le relâchement des muscles ne se produit que lorsque la putréfaction commence à les gagner. Pecten variiis . — Des expériences ont été faites séparément sur la partie vitreuse et sur la partie nacrée du muscle adduc- teur (1). Pour la partie vitreuse, les allongements et les raccourcisse- ments varient régulièrement avec les charges (fig. G). L'élasticité de cette partie du muscle pourrait être considérée comme parfaite si cette dernière revenait à sa longueur primitive après l'action et la suppression de chaque charge. On obtiendrait en ce cas un (1) La partie vitreuse est constituée par des fibres striées d'une très petite sec- tion, s'étenclant dans toute la longueur du muscle. Elles émettent ou reçoivent fréquemment des liranches de dimensions très inégales, parfois réduites à un très petit nombre de fibrilles et qui sont fusionnées avec les fibres voisines. La partie nacrée est formée de fibres fusifnrmes très allongées, à section arron- die et munies dans toute leur masse de fibrilles anastomosées en réseau à mailles losangiques régulières. BULLETIN DE LA STAllOX BIOLOGIQUE 29 graphique analogue h celui que donne le caoutchouc (fig. o). Mais l'influence des allongements permanents dus à Taction de chacune des charges empêche le retour du muscle à sa longueur initiale et diminue d'autantles allongements et les raccourcisse- ments efi'ectifs du muscle (i). FiG. G (réduite de moitié). — l'ecleii varias éviscéré, partie vitreuse du muscle adducteur relàclice. Grapiiicxue des allongement s et des raccourcissements proAO- yués par l'action successiAe de charges égales à 20 grammes, sauf la première qui est seulement de 10 grammes. Durée moyenne de soutien des charges : 173 amplification due aux Les charges agissant sur le i'I secondes. Amplification du levier enregistreur valves r^; amplification totale '■ ~\l ^ \T\^ 24,7 muscle sont multipliées par le rapport ^ — 2. Section du muscle adducteur au début de la première expérience : 90 millimètres carres; longueur moyenne de ses fibres : 2.'! m/m o. (1) Il serait intéressant de savoir si vérital)lement, à supposer qu'après chaque expérience le muscle revienne à sa longueur initiale, l'allongement primitif est égal à la somme de l'allongement permanent antérieur et de l'allongement primitif effectif dû à l'action de la charge expérimentée. La constatation de ce fait ne nous parait malheureusement guère réalisable chez les Pecten, pas plus que chez les autres Acéphales. 30 SOCllÎTIi SCIENTIFIQUE d'aRCACUON Le tableau suivant (I) donne numériquement les variations de la longueur du muscle adducteur en fonction des charges, Tableau I Perten voriiis éx'iscérv. Partie vitreuse (lu muscle adducteur relâchée. Amplification du levier enregistreur :-^. Rapport du bras de levier de la résistance à celui de la jiuissance : 11= 2. Ami)liflcalion totale des allongements et des raccour- cissements du muscle 7;i X 38 = 2i,7. Le muscle est en partie déchiré après la 14 X l'J dernière expérience. Section du muscle adducteur au début de la première expérience : 80 millimètres carrés; longueur moyenne de ses fibres : 2om/m 1/2. Charges Charges Niveaux de la plume Allongeur"'" primitifs Niveaux de la plume Raccourcis- brutes mises sur le vraies agissant sur au moment (le au moment de la sements plateau le muscle Taction des charges suppression des charges primitifs grammes grammes millimètres millimètres millimètres millimètres 10 20 0 2 3 1/2 1 1/2 30 60 2 1/4 3 3/4 10 1/4 3 1/2 oO 100 3 8 16 8 1/2 70 140 7 1/2 10 1/2 20 3/4 Il 1/4 90 180 9 1/2 13 23 1/2 13 3/4 110 220 11 3/4 10 1/4 31 16 12 130 200 14 3/4 17 1/4 33 18 1/2 ISO 300 17 19 39 20 3/4 170 340 19 20 3/4 42 1/2 22 1/4 190 380 21 3 4 23 1/2 48 24 210 420 23 24 32 23 230 460 27 1/2 24 3/4 33 3/4 26 1/4 250 300 30 1/4 23 3/4 39 1/2 27 270 340 33 1/2 20 1/2 63 3/4 28 290 380 36 1/4 27 1/4 67 12 29 310 620 39 28 12 71 14 30 330 600 41 1/2 31 1/2 76 31 1/4 330 700 43 32 1/4 80 32 3/4 370 740 47 33 86 1/4 36 390 780 30 38 91 1/2 38 1/2 410 820 32 1/2 41 1/2 97 40 430 860 33 1/2 43 103 44 1 2 430 900 38 1/2 47 108 46 1/4 470 940 01 32 113 31 490 980 64 37 123 1/2 32 3/4 olO 1020 09 1/2 02 133 36 330 1060 73 1/2 63 140 1/2 38 1 2 8S« 1100 81 63 146 63 d'après les mensurations précises faites sur un graphique très complet, qu'un accident de fixation ne nous a pas permis de reproduire. La progression des nombres obtenus pour les divers éléments l-iG. /. — /-ecicn rcu-nis evisct-re; parlie vilreuj;e du muscle adducteur. Graiihique construit avec les dounées du tableau I. En abscisses les charges croissant par 20 grammes; en ordonnées, les allon- gements et raccourcissements primilifs et secondaires. OA, niveau de la plume au début de la première expérience; B, niveau de la plume au début d'une expérience ultérieure; BC, allonge- ment primitif provoqué par une charge de 210 grammes; C", niveau de la plume au moment de la suppression de la charge de 210 grammes. La différence de niveau entre C et C mesure l'allon- gement secondaire du muscle produit par la charge de 210 grammes soutenue pendant 12 secondes; C'B", raccourcissement primitif du muscle après suppression de la charge de 210 grammes; B", position de la plume au début de l'expérience suivante. La différence de niveau entre B' et B" indique le raccourcissement secondaire du muscle avant l'expérience suivante ; ODEF et O'D'E'F', courbes des allongements et des raccourcissements primitifs, en supposant constante la longueur du muscle au début de chaque expérience; c'est-à-dire les allongements permanents nuls; section du muscle adducteur au début de la première expérience : 80 millimètres carrés ; longueur moyenne de ses fibres : 25 m/m o. 32 SOCIÉTÉ SClEiSTlFlQUE d'arCACUON de l'expérience est assez remarquable par sa régularité. Nous avons traduit graphiquement (fig. 7) les données de ce tableau pour les rendre plus saisissantes. De l'examen de ce graphique on peut tirer les conclusions suivantes : Au cours d'une série d'expériences où les charges croissent régulièrement et agissent sur le muscle adducteur pendant des temps égaux : 1" Les allongements permanents (1) sont proportionnels aux charges employées ou, d'une façon plus précise, l'allongement permanent au début d'une expérience est proportionnel à la . ... ... AB OA charcfequi va agir sur le muscle, amsi on a : =: A,B, OA, Cette proportionnalité persiste jusqu'à la rupture du niuscle. Lorsque celle-ci va se produire, les allongements permanents augmentent un peu plus rapidement que les charges. 2" Les allongements totaux (allongements primitifs + allon- gements permanents déterminés par les charges ayant agi anté- rieurement sur le muscle) sont également proportionnels aux char- ges produisant les allongements primitifs, ainsi on a : —7-= — ^ Cette proportionnante se poursuit un peu moins longtemps que celle des allongements permanents et, bien avant la rupture du muscle, ces allongements totaux croissent un peu plus vite que les charges. 3» Les allongements primitifs, considérés indépendamment de la longueur variable du muscle, paraissent aussi être sensible- ment proportionnels aux charges qui les produisent. La deuxième partie du graphique permet de formuler une loi plus précise. Pour les faibles charges (de 0 à 120 grammes), les allongements primitifs sont exactement proportionnels aux charges (partie OD). Pour les charges moyennes (de 120 à 350 grammes), les allongements primitifs, qui croissent assez régu- lièrement, sont encore proportionnels aux charges mais augmen- tées chacune d'environ 260 grammes (partie DE). Enfin, pour les fortes charges et jusqu'à la rupture, les allongements primi- (1) L'allongement permanent à un moment donné est égal à la différence entre la somme des allongements primitifs et secondaires et celle des raccourcissements primitifs et secondaires provoqués par l'action et la suppression des charges ayant agi antérieurement sur le muscle. BULLETIN DE LA STATIOiN BIOLOGIQUE 33 til's sont encore pm[)Oi'Lionnels aux charges, mais diminuées chacune d'environ 310 grammes (paiiie EF). 4° Les raccourcissements primitifs, provoqués par la suppres- sion des charges, se comportent comme les allongements pri- mitifs, mais leurs valeurs sont toujours un peu plus faibles que celles des allongements primitifs corrrespondants (courbe OD'E'F). Pour la partie nacrée (fig. 8), les nllongcmcnls et les raccour- Fk;. s (réduile de raoilii'O. - l'erlcn raniis éviscéré: partie nacrée du muscle adducteur complètement relâchée. Graphique des allongements et des raccour- cissements provoqués par l'action successive de charges égales à 20 grammes. Les charges agissant réellement sur le muscle sont multipliées par le rapport 34 ^ = 1,62. Durée moyenne du soutien des charges : li secondes. Amplification 17;î ."54 du levier enregistreur : ^\ am[)iilicatian due aux valves : .^; ami»lificati()n totale "Yj ^ot ~ -*^'- Section du muscle adducteur au dél)ut de la première expé- rience : 12 millimètres carrés; longueur moyenne de ses l"il)res : 16 millimètres. cissements varient aussi d'une façon régulière avec les charges. Gependaiît, lorsque celles-ci deviennent élevées et que le muscle est prêt de se rompre, ils croissent plus vite que les charges. Le tableau II reproduit les données numériques relatives au graphique de la fig. 8 et permet de construire le graphique 34 SOCIETli SCIENTIFIQUE U AKCACUO.\ (fig. 9), beaucoup plus démonstratif et analogue au précédent (I'ig- ■)• Tableau II (données de la fig. 8) Chnrges l)i-iites Cliai-gos vraies Niveaux (le la plume au moment Allongem"" Niveaux de la plume au moment Raccourcis- mises siii- le plateau agissant sur de l'action primitifs delà suppression sements primitifs le muscle des chai-ges des charges grammes grammes millimèlros millimètres millimcMres millimètres 20 .•Î2 , 4 0 0 1/2 2 1/2 1 40 64,8 1 1/2 1 1/2 6 2 1/2 60 97,2 4 3 1 /2 10 1/2 4 80 12'J,6 6 1/4 5 1/4 14 1/2 5 12 100 162 9 7 1/4 19 1/2 6 1/2 120 1<)4,4 12 9 24 1/2 8 1/4 140 226,8 15 1/4 11 30 9 1/2 1(50 259,2 18 14 12 34 1/2 11 1/4 J 80 291,6 20 1/2 15 1/2 38 1/2 12 1/2 200 324 23 1/4 17 1/2 43 14 220 3o6,4 25 1 4 21 48 1/2 16 1/2 240 388,8 28 24 12 54 18 1/2 260 421,2 30 28 1/2 60 21 1/4 280 433,6 32 1/4 34 1/2 68 23 3/4 :{00 48(> 37 35 1/2 74 27 a2o 518,4 39 3/4 41 81 1/2 31 ^40 550,8 41 3/4 50 93 35 1/2 360 583,2 43 1/2 Uuplure " *' L'examen de ce graplii({uc permet de formuler, pour la partie nacrée du muscle adducteur, les mêmes conclusions que pour la partie vitreuse. Il y a lieu cependant de faire les deux remar- ques suivantes : 1" Le muscle nacré, étant donnée sa bien plus petite section que le muscle vitreux, est bien moins extensible (plus forte- ment élastique) que le muscle Aàtreux. 2° Les allongements et les raccourcissements pi-imitifs, considé- rés indépendamment de la longueur variable du muscle, croissent plus rapidement que les charges, et cela d'une façon assez régulière (courbes OAB et O'A'B'). BLLLETIiX DE LA STATION BIOLOGIQUE 35 OMmgmutmB Skcia , lm.m =QOgz 9\ciocouAoù)0&merU(> Fjg. 9. — Graphique analogue à celui do la figure 7, construit avec le tableau II, provenant lui-même du gnipliique précédent (t'ig. 8). Ostrea edulis (1). -- Pour la partie vitreuse du muscle adduc- teur, les allongements et les raccourcissements varient, avec les (1) La partie vitreuse du muscle adducteur est formée de fibres fusiformes, très allongées, à section arrondie et dont les fibrilles, occupant toute la masse de ces fibres, sont enroulées en hélice. La partie nacrée est constituée comme la partie vitreuse, mais les fibres sont plus volumineuses et les fibrilles sont exactement l)arallèles à l'axe des fibres. 30 sociiÎTiî SCIENTIFIQUE d'arcachon charges, d'une faron au moins aussi régulière que chez le Pecten et cela jusqu'à la rupture (fig. 10). Le tableau III dont les données sont tirées de la figure 10 et surtout le graphique (fig. 11), qui eu est la représentation, montrent encore plus • "^1^^^ FiG. 10 ^gramleur réelU'X — (txirca cdulis évisci-rt-e : partie vilreiise du muscle adducleui" couiplèlemenl relàcliùe. Graphique des allongemenls et des raceour- cisseraenls provoqués par Faction successive de charges égales à 30 grammes. Le muscle se rompt sous la charge de 270 grammes. Les charges agissant réellement sur le muscle sont multi[)liéi'S par le rapport !jp — l,."j. Dui'ée moyenne du sou- lien (les charges : 3 secondes. Auiplit'ication du levier enregistreur : -zrj ; amplifica- ."50 168 X 39 lion due aux valves : ijjr; amplification totale : -^ . '^~ = 18. Section du niufcle adducteur au début de la première expérience : 00 millimètres carrés; longueur moyenne de ses fibres : 16 m/m 1/2. Tableal" m (do)inèc's de la fig. 10) Charges brutes Cliarges vraies Niveaux (le la plume AUongeni'"" Niveaux de la plume Raccourcis- mises sur le agissant sur do •• ir de la plateau le muscle 1 action des charges suppression des charges primitifs gnuiunes grammes milliuièlres millimètres millimètres millimètres :$o io 0 1 12 2 12 1 (iO UO 0 1/2 3 1/4 3 2 1/4 90 123 1 1/4 3 7 1/2 4 120 180 2 G 1/2 10 3 3/4 loO 223 2 1/2 8 12 1/2 7 3/4 180 270 3 1/2 10 13 3/4 9 1/4 210 313 3 11 3/4 19 10 3/4 240 330 () 13 3/4 22 1/2 12 270 393 7 3/4 Rupture BL'LLETIiN DE LA STATION BIOLOGIQUE FiG. 11. — Graphique analogue à ceux des figures 7 et 9, construit avec talileau 111, provenant lui-même du grapliique précédent (fig. 10). Ftg. 12 (réduite de moitié). Oslrea ec/ulis éviscérée, partie nacrée du muscle adducteur complètement relâchée. Graphique des allongements et des raccour- cissements provoqués par l'action des charges égales à 100 grammes. Le muscle se rompt sous la charge de 1.200 grammes. Les charges agissant réellement 48 sur le muscle sont multipliées par le rapport ôô ^ Ij'J- Durée moyenne du soutien des charges : 3 secondes. Amplification du levier enregistreur : -=-; ampli- fication duc aux valves : 09; amplification totale : 7 y t> ~ ^^" ^^'^''i'^" ^^ muscle adducteur au déhutdela première expérience: 55 millimètres carrés ; longueur moyenne de ses fibres : 13 m/m 1/2. 38 SOCIETE SCIENTIFIQUE D ARCACHON nettement ce fait. Il faut noter surtout que les allongements et les raccourcissements primitifs, considérés indépendamment de la longueur variable du muscle, sont rigoureusement propor- tionnels aux charges (courbes OA et D'A'). Tableau IY (données de la fuj. 12) Charges Charges Niveaux de la plume Allongcm'"" piimitifs Niveaux de la plume Raccourcis- brutes mises sur le vraies agissant sur au moment (le au moment de la sements plateau le muscle l'action des charges suppression des charges primitifs grammes grammes millimètres millimèires millimètres millimètres 100 150 0 0 0 0 200 300 0 3/4 0 1 1/2 0 300 4oO 2 0 3/4 3 1/2 0 400 000 4 1 1/4 3 1/2 0 300 730 3 3/4 2 3/4 9 1/2 0 [Il fiOO 900 y 4 3 4 16 1/4 1 700 1030 14 1/2 8 1/2 26 1/2 3 800 1 200 21 1/2 13 1/2 39 0 1/2 !»00 1350 29 17 il2 30 1/2 9 1/2 1000 1300 33 24 1/2 02 1/2 13 1/4 1100 1630 41 30 1/2 81 22 1/2 1.00 1800 46 Rupture " Pour la partie nacrée du muscle adducteur, les allongements et les raccourcissements croissent bien plus rapidement que les charges et cela jusqu'à la rupture (fig. 12). Le tableau IV et surtout le graphique (fig. lli) qui en sont tirés le montrent d'une façon encore plus nette. Eu examinant ce dernier graphi(jue, on voit que les allongements permanents, les allongements totaux et même les allongements ou raccourcissements primitifs, consi- dérés indépendamment de la longueur variable du muscle adducteur, croissent bien plus rapidement que les charges et cela d'une façon très régulière, jusqu'à la rupture de ce muscle. Mytilus edulis. — Chez cet Acéphale, nous avons constaté que les propriétés élastiques des deux parties du muscle adduc- teur postérieur, le seul à considérer au point de vue physiolo- gique (1), sont très voisines l'une de l'autre. Les expériences faites (1) Chez Mijtilus edulis, les muscles adducteurs sont très inégaux. L'antérieur, très réduit et très rapproclié de la charnière, a une action négligeable vis-à-vis de celle du posiérieur beaucoup plus développé et plus éloigné de la charnière. Ce BULLETLX DE LA STATIOiX BIOLOGIQUE 39 sur ces deux parties, prises isolément ou ensemble, nous ont donné des résultats comparables à ceux que nous avons obtenus pour la partie nacrée du muscle adducteur de l'Huitre. La partie Q\(xztjcAJJv^/Ji^mx\jirakl^ FiG. 13. — Graphique analogue à ceux des figures 7, 9 et 11 construit avec le tableau IV, provenant lui-même du grapliique précédent (fig. 12). A^treuse du muscle adducteur postérieur de la Moule est cependant un peu plus extensible (moins fortement élastique) que la partie nacrée. Le graphique (l"ig. 14) que nous nous bornons à reproduire est suffisant pour établir les propriétés dernier est formé de deux parties, d'aspect nacré et vitreux, mais dont la structure et les propriétés contractiles sont très voisines de celles de la partie nacrée du muscle adducteur de l'Huitre. 40 SOClETIi; SCIEiNTIFIQUIÎ I) ARCACHOiV élastiques de ce muscle. Eu comparant ce graphique avec le précédent (fig. 13), ou voit que les allongements et les raccour- cissements primilifs du muscle adducteur postérieur delà Moule, Fri;. i't. — Graphiqne des allongcmcnls cl des raccourciss^praenls du muscle adduc- lenr postérieur de A/i/lilii.i rdiilis. complètement relàctié, sous l'action de charges égales à 100 grammes. Les charges agissant réellement sur le muscle sont multipliées jtar le rapport ^,7; l,i3. Durée moyenne du soutien des charges ICS i secoudes 12. Auiiilificalion du levier enregistreur : -_- : 40 . 11)8 X 40 ^ ; ami)lincalion totale : -_ ,0 adducteur au début de la première expérience : 40 millimètres carrés; longueur movennc de ses fibres : 13 millimètres. aniplificalion due Section du muscle BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 41 considérés indépendamment de sa longueur variable, croissent d'une façon moins rapide avec les charges que ceux de la partie nacrée du muscle adducteur de rHuîtrc. Mactra glauca (1). — Chez la Mactre, dont les muscles adduc- teurs sont complètement relâchés, l'élasticité du ligament est encore très grande et nous avons dû en tenir compte dans l'évaluation des charges qui agissent réellement sur ces muscles (voir début du paragraphe IV pour la manière dont nous avons l'ait cette évaluation). Le tableau V reproduit les données de l'un de nos graphiques et les corrections qu'elles ont dû subir en raison de l'élasticité du ligament. Tableau Y Mactra glauca éviscérée. Muscles adducteurs coraplèlement relâchés. Graphique des allongements et des raccourcissements dus à l'action successive de charges égales à 100 grammes. Ces charges, augmentées de l'action du ligament, sont multipliées par le rap[)ort ■ 2,7. Amplification du levier enregistreur : -4j- amplification due aux valves : ^; am|)lificalion totale : X54 = 66,7. L'ou- 20' ' " " ^ ■ 7 X 2U vcrture du bord ventral des valves a varié de 12 millimètres à 16 m/ra 1/2. Section totale des muscles adducteurs au di-lmt de la première expérience : 203 millimètres carrés; longueur moveune do leurs fibres : 18)n/m3/i. Niveaux Niveaux Charges brutes Action Charges vraies (le la pluMie au Allonge- de la plume au Raccour- mises (lu Total agissant moment ments moment cissem" • sur le plateau ligament sur les muscles de l'action des charges primitifs de la sup- pression (les charges primitifs grauimes grammes grammes grammes milliuièt. luillimèt. milliuièt. uilllimètJ ao 230 280 730 0 0 3/4 0 3/i 1 1/4 i 100 230 330 891 1 1 3/4 4 2 1/2 i 1;)0 227 377 1018 4 1/2 6 1/4 13 3 200 22o 423 1147 7 9 1/2 19 6 3/4 2o0 222 472 1274 11 14 12 1/2 27 1/2 9 3/4 :ioo 2io 32) 140Î 16 14 17 3/4 38 12 3/4 3.30 210 3(>0 1332 24 1/2 22 1/4 49 1/2 13 1/2 400 203 ()03 1033 31 1/2 26 1/2 61 1/2 18 ioO 200 030 1733 39 31 1/4 72 1/2 20 1/4 oOO 193 ()!)3 1871 47 31 80 1/2 23 1/2 ooO 1!)0 740 1998 31 1/2 33 87 23 1/2 600 18o 783 2119 56 34 1/2 93 26 1/2 GoO 180 830 2241 60 33 1/2 98 1/2 28 700 180 880 2376 63 1/2 36 1/4 102 28 1/2 im 17o 923 2497 66 3/4 36 103 1/2 28 (1) Les muscles adducteurs de cet Acéphale sont formés chacun d'une partie nacrée extrêmement réduite et d'une partie vitreuse beaucoup plus développée, ayant respectivement la même structure que chez l'Huilre. SOCIKTE SCIENTIFIQUE D ARCACHOX Le graphique (fig. lo) été construit avec les données de ce tableau. Si Ion met à part la tension à laquelle sont soumis les <^ûùl>^ •. i m.rrt - 60 gr. 0laxxJOv^fuM/i>mv^fn^/:> Via. 1.". — (iraphique analogue à ceux des figures 7, 0, 11 et 13, consiruit avec les données du tableau V. muscles adducteurs lors de la première expérience (origine o' au lieu de o), il montre les faits suivants : BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 43 1° Les allongements permanents et les allongements totaux croissent d'abord plus rapidement que les charges, puis ils crois- sent ensuite moins rapidement (courbes rappelant un S ren- versé \g\). 2° Les allongements et les raccourcissements primitifs, consi- dérés indépendamment de la longueur variable des muscles, croissent, sauf tout à fait au début, proportionnellement aux charges (courbes AB et A'B'). Pour de fortes charges (à partir de l.SOOgr.), ils croissent moins rapidement (courbes BG et B'C). L'appareil que nous avions à notre disposition ne nous a pas permis d'augmenter les charges jusqu'à la rupture des muscles adducteurs. Mais il est très logique de supposer qu'après cette période de diminution relative des allongements et des raccour- cissements serait venue une nouvelle période d'allongements et de raccourcissements proportionnellement plus grands qui se serait continuée jusqu'à la rupture dos muscles. Peut-être faut-il attri- buer ce mode spécial d'allongements et de raccourcissements des muscles adducteurs de la Mactre à leur très grande résis- tance ainsi qu'à leur souplesse, ces muscles ayant, en effet, une grande force bien que leurs parties nacrées soient extrêmement réduites. IV Elasticité des muscles adducteurs a l'état d'activité Pour expérimenter sur les muscles adducteurs à l'état d'acti- vité, il est encore nécessaire d'éviscérer les Mollusques pour empêcher la production de mouvements volontaires ou réflexes; mais il faut mettre les animaux en expérience immédiatement après l'éviscération. 11 serait, certes, préférable de détruire les deux paires de ganglions pleuro-cérébroïdes et pleuro-viscéraux qui sont eu rapport respectivement avec les muscles adducteurs antérieur et postérieur; on obtiendrait les mêmes résultats, tout en conservant les muscles dans leur condition physiologique de nutrition. Mais une telle opération serait très difficile à réaliser sans endommager les valves ou leur ligament d'union. Les valves étant fermées au début de l'expérience, il faut tenir compte de l'élasticité du ligament dans l'évaluation des charges réelles qui agissent sur les muscles adducteurs. Pour faire cette évaluation, il faut construire une courbe des valeurs de l'élasticité du liga- 44 SOCIETE SCIEIN'TIFIQUE D ARCACHON ment en fonction de l'ouverture des valves. Après avoir fixé l'une des valves du Mollusque éviscéré, on suspend à l'autre valve, et au point où ont agi les charges, un plateau destiné à recevoir les poids. On mesure au compas les écartements des valves correspondants aux poids qu'on a mis dans le plateau. Sur du papier quadrillé au millimètre, on porte en abcisses les écartements mesu- rés, et en ordonnées les charges corres- pondantes à une échelle déterminée, par exemple 1 millimètre pour 1 gramme ou pour 10 grammes, suivant la valeur plus ou moins grande de l'élasticité du ligament. Les courbes ainsi obtenues sont presque rigoureusement rectilignes depuis la fer- meture jusqu'à une ouverture très large, c'est-à-dire que dans des limites très éten- dues la résistance du ligament élastique est inversement proportionnelle aux ou- vertures des valves. Près de la limite d'ouvei'ture des valves, la droite s'incurve progressivement pour se confondre avec la ligne des abcisses. En réalité, les muscles adducteurs se rompent bien avant que ces larges ouvertures soient atteintes, de sorte qu'on n'a pas à tenir compte de ces por- tions de courbes dans la pratique. Deux des courbes que nous avons obtenues ont été reproduites à titre d'exemple (fig. 16 et 25). Pour déterminer les valeurs de l'élasticité du ligament correspondant aux ouvertures amplifiées sur les graphiques du bord des valves, on en reporte abcisses, sur papier quadrillé, ces ouvertures amplifiées correspondant aux débuts des expériences. On mène par les points ainsi obtenus des ordonnées jusqu'à la rencontre de la droite représentant les variations de l'élasticité du ligament. Cette droite s'obtient en joignant les extrémités de deux ordonnées menées à l'origine et à l'ouverture extrême des valves et égales respectivement aux valeurs correspondantes de î. 10. — Courbe des va- riations (le l'élaslicilé du ligament du Peririi rariiis ulilisé pour l'ob- 1 en lion du graphique fig. 17. En abcisses, les ouverlures des valves en millimètres et en ordonnées les valeurs correspondantes d e l'élasticité du ligament (1 m/m = 1 gr.). OA, ouverture utilisée dans l'exécution du graphiquefig. 17. BULLETIN [)E LA SJATIOiN BIOLOGIQUE 40 l'élasticité du ligament relevées sur la courbe primitivement construite. La figure ainsi obtenue n'est, en somme, que la courbe des variations de l'élasticité du ligament en fonction de l'ouver- ture des valves, amplifiée dans le sens de la ligne des abcisses. La longueur des différentes ordonnées mesure les valeurs cher- chées de l'élasticité du ligament au début de chaque expérience. Les valeurs de l'élasticité du ligament varient en réalilé au cours des divers allongements ou raccourcissements, mais d'une quan- tité assez petite pour qu'on puisse n'en pas tenir compte. Peclcn varius. — Nous n'avons pu étudier à l'état de contrac- Tableau VI Peclen rnriiiit fraichemenl éviscéré, paitie nacrée muscle adducteur non encore relàcliée. Giaphi(iue des allongomenls et des raccourcissements provoqués par l'action successive de charges égales à 2J grammes. Le muscle se rompt partiel- lement sous la charge de 380 gi'ammes. Chaque charge agissant réellement sur le muscle est égale à la somme de la cliarge mise sur le plateau et de la force élastique du ligament, multipliée par le rapport q= 1,43. Durée moyenne du soutien des charges : 12 sec. Amplification du levier enregistreur : ^ ; ampli- fication due aux valves : || ; amplification totale : ^^^^^ = 20. Section du muscle adducteur dans la position de fermeture des valves: 13 milli- mètres carrés; longueur moyenne de ses fibres : 9 millimètres. Niveaux Niveaux Charges Ijrutes Elasticité Charges vraies de la plume au Allonge- de la plume au Raccour- mises du Total agissant moment ments moment cissem' sur le plateau ligament sur le muscle de l'action des charges primitifs de la sup- pression des charges primitifs grammes grammes grammes grammes milliiuèt. millimèt. millimèt. millimèt. 20 40 60 87 0 0 1/4 2 1/2 0 40 39,3 79,3 113 3 0 1/2 7 1/2 0 1/4 60 38,3 98,3 140 7 1/2 0 3/4 13 0 1/4 80 37,5 117,3 170 12 1/2 1 19 0 3/4 100 36,3 136,3 193 18 1/4 1 1/2 26 1/2 1 120 34,3 134,3 223 27 1/2 3 1/2 38 1 1/2 140 33 173 230 33 1/2 4 46 3/4 2.1/4 160 31,3 191,3 273 43 3 36 3 180 30 210 303 51 1/2 7 66 1/4 4 200 28 228 328 60 9 77 1/2 5 1/2 220 26 246 333 69 3/4 11 1/2 89 1/2 7 240 24,3 264,3 380 78 1/2 13 1/2 100 1/2 9 260 23 283 407 86 1/2 19 1/2 111 1/2 12 1/4 280 21,3 301,3 431 94 24 121 1/4 15 .•ÎOO 20,3 320,3 400 99 1/2 27 1/2 129 17 :m 19,3 339,3 487 104 30 1/2 136 1/2 18 1/4 ^40 19 339 318 103 1/2 33 1/2 141 1/2 19 1/2 360 19 379 343 106 41 147 1/2 21 1/4 380 1 19 399 573 106 1/2 Rupl. part. » » ^ôuiô: -imjn «SOgt ! ^(çvccjcnjiAciiomierUù 1 ê(?0t=l7n.m ^. ^\-: (r:>ÎH,i'/|^i^;V;^p'^ fïï^^^P ^'V:' ■\ -':':: A!:'^^^^]: tîj-^ Ë:- ■" -■:;:-iT :"-:""'-l/-: ;T:- . . : -^ . U. - ~'::.-t ::r^^^'■ --_ :_-L;ii:^^:,i.:\:_i— - -^--—U^^-- l._l J; __| -- L_4- -:— ■^r^-' -': ' :; •:;MiHi:: : : __^ '^_; ■: - ! : , ;_'L' ;if; :itr 4L; ilI -z':':'-:-: ''m'-': ' ■ : ; itH « j' • ■ - ^.[■■: : . , 1 , ; T' ' - 1 - ; 1.;];-' -■ ■" , ■ - ■ 1 . ,' :;|; ■ . I. ^^ ^:::^:: t : . ■ :■!' ■-::■ ^:";:i' -fl.i:vi-:: , I ■ Si :ii,.- ■T' ]-^ 1 ■■ ' . r ;'ti--:: " ■ . . , ■ -, ~'r :1; i u ---^ — -:. ........... --.]- J--:-^^ Li':::^ ::' ^^1" ■ .'--':- ■: i • ■■;i..i .. ]■'■'-' ai- ,'. -~.-r~r- 1 '-- .-^^;~r:-^■ :(, """ """";" '■'" \ t: : , : . ■ ■1 •1 ■:■■ ■ ''- -\ :.:; ■-]-■-'-■' ■ ■ ' ! |r-[~" ^— :-- ::l m^ |_:_4^LT __!_.' -rr- ^^ri: " ' -1 1 ■.i_L :::::•- 1 1 ; i'iLL-L..-^^-l.__.__.Jl.- ' ', ; J ,._,:.;.':l ' ■■ i- -- '-n^' ■ '5: :-.:- - U ^ziil ;!i|jj:n: S ;;.:;.!:■.: :■ ■: . :: ; -<:''' r I .-h--:-'! f ±L";Trr^': Q^'M^'^ir^'i ^ N'^r --j:— !•■;: ■:■ n"~> ' ■ "^:i:^:-;-!^: ^ Ihrilr ■,.r^>- Oi Mn^.:^^' ^;''\\'. i :'(;' ^"i'" "/ %' \ ' ■ i ' " :::. i-.-; :■-:!:-: I'--^A' :'■ ■ 1 • i ■ ■ : /i -:t:-::. ttfîjTHÎ ZSZlZZiX:' '■'t:: BJÉB V'--'.""r: "'■■: \. ;i %:r :.;:: ;. ,■::'■■'. ■".; [ V. . 1 * . - . I " ■ - - '^'-^-X 1 ■ ^ « ■ : ■ • ■. - i ■ ■.. :, j .'1^ ■ . ' 1 J ■. . : , ; ! : \ : :4:::;:.: ' ::•:::- ^1 \ wi''--i ■ ■' •.i:--i '^~T~' m^- -- 1— ^ -'-^r:--' -I ^M--r;■• : : ! . , 1 -,_ 4„-:_ Fig. 17. — I'ccten varius. — Graphique analogue à ceux (\Q:i figures 7, 1», 11, etc., et conslruil avec les données du tableau VI. BULLET1^ Dlî LA STATIOiX BIOLOGIQUE 4/ ture que la partie nacrée du muscle adducteur de ce Mollusque, puisque la partie vitreuse se relâche immédiatement après l'éviscération. Le tableau VI traduit numériquement les données dune de nos expériences que nous avons reportées comme plus haut sur le graphique figure 18. Si l'on met à part la tension à laquelle est soumis le muscle adducteur lors de la i)rcmière expérience origine o au lieu do o), on peut y faire les constatations suivantes : 1° Les allongements permanents, ainsi que les allongements totaux, croissent bien plus rapidement que les charges dans la plus grande partie du graphique. Puis, un peu avant la rupture du muscle, ils croissent moins vite, et plus spécialement les allongements permanents. 2» Les allongements primitifs croissent au début plus rapide- ment que les charges (partie OA^ de la courbe), puis ils augmen- tent ensuite proportionnellement aux charges diminuées cha- cune d'environ 260 grammes (partie AB de la courbe). 3° Les raccourcissements primitifs, notablement moins grands que les allongements primitifs correspondants, subissent des variations analogues (courbe 0',A'B'). (Jsirea rdulis. — La partie vitreuse et la partie nacrée du FiG. 18 (réduile de moitié). — (Jsin-a edulis fraicliement éviscérée, partio vitreuse du muscle adducLeur non encore relâchée. Graphique des allongemeuls et des raccourcissements provoqués par l'action successives de charges égales à 30 grammes. Le muscle se rompt sous la charge de 270 grammes. Chaque charge agissant réellement sur le muscle est égale à la somme de la charge mise sur le plateau et de la force élastique du ligament, multipliée par le rapport -^ = 1,52. Durée moyenne du soutien des charges : 3 secondes 1/2. Amplification du levier enregistreur : ^; amplification due aux valves : ^\ amplification totale : .. y 23 ~ 18, 2i. — Section du muscle adducteur dans la position de fermeture des valves : 70 millimètres carrés ; longueur moyenne de ses fibres : 11 m/m 1/2. 48 SOCIÉTÉ SClEATlFinUE U ARCACUON muscle adducteur se comportent à peu près de la même manière à l'état de contracture, avec cette restriction que la partie nacrée est bien moins extensible (plus fortement élastique) que la partie vitreuse. Partie vitreuse : tableau Vil, figure 18 et graphique 19. Partie nacrée: tableau Vlll, figure 20 et graphique 21. Tableau Vil (provcnanl du yraphiqw fig. 18) Chn^se^ sur 11 plaU-a Ni\eaux Niveaux Elaslicité Charges vraies l. ('iiaplii(iiu' consiruit avec les données du tableau VIII, traduisant lui- lurnie numériquement la^figure 20. Il ressort de l'examen des graphiques que les allongements permanents, les allongements totaux, les allongements et les raccourcissements primitifs croissent plus rapidement que les charges jusqu'à la rupture du muscle, si l'on met à part, comme précédemment, la tension à laquelle est soumis le muscle adduc- teur lors de la première expérience. Il faut noter aussi que les raccourcissements primitifs sont bien moins grands que les allon- gements primitifs correspondants, spécialement pour la partie vitreuse du muscle adducteur. Ces résultats sont, en somme, comparables à ceux obtenus avec la partie nacrée du muscle adducteur du Pecten; ils en diffèrent seulement en ce que, chez ce dernier, aux approches de la rupture du muscle, les allongements permanents restent presques constants. Myiilus ediilis. — Les résultats obtenus avec les deux parties du muscle adducteur sont tout à fait analogues à ceux que nous venons^de donner pour Oslrea edulis. Il nous a paru inutile de reproduire les graphiques s'y rapportant. BULLIiTI.N DE LA STATION BlOLOr.lQUE q1 Cardium edule (1). - Chez ce Mollusque (graphique fig. 22), SWo : 1 mm «- $ 7 6 1/4 5 ;{oo 765 1 1/4 6 1/2 1) 6 .HoO 892,5 212 1) 13 7 3/i iOO 1020 1 3/4 11 1/4 17 3/4 î) 1/4 450 1147,5 8 13 1/2 23 1/4 11 500 1275 10 3/4 16 28 1/4 13 550 1402,5 14 18 34 15 600 1530 20 20 1/2 42 1/2 18 1/2 650 1657,5 23 30 1/2 54 1/2 26 d'environ :}8."> grammes (parties AH et A'|]'). Ils dimimient ensuite (parties HC et B'C) pour augmenter de nouveau jnsiiu'à la rupture des muscles (parties CD et CD'). Le fait important à noter, c'est la diminution de ces allongements et raccourcisse- ments primitifs dans la période qui précède la rupture des mus- cles. Cette particularité se retrouve aussi chez la Macfre (voir plus loin). En limitant la durée de soutien des charges à 1 seconde, et BULLHTI.N \)li LA STATIOX BIOLOGIQUE 53 par suite en diminuant autant que possible les allongements permanents, nous avons constaté que les allongements et les raccourcissements primitifs sont proportionnels aux valeurs des charges diminuées d'environ 250 grammes. I/élasticité des muscles adducteurs est donc à peu près parfaite lorscpi'ils sont soumis à des charges comprises entre 25(1 et 1.250 grammes (voir tableau IX et graphique figure 23). FiG. 23. - Cardiuni ediile. Graphique construit avec les données du tableau IX. Mactra c/iaiica. — Les données de Tune de nos expériences sont consignées dans la figure 24, le tableau X et le graphique figure 26. Ce dernier graphique montre les faits suivants, si l'on met à part la tension ù laquelle sont soumis les muscles adduc- teurs lors de la première expérience (origine o' au lieu de o): i" Les allongements permanents et les allongements totaux croissent d'abord plus rapidement que les charges, puis ils crois- sent ensuite proportionnellement à ces charges diminuées res- pectivement d'environ 600 grammes pour les premiers et de 500 grammes pour les seconds. L'appareil ({ue nous avions à o4 SOCIKTli SCIEMIFIQLE I) ARCâ<:HOX notre disposition ne nous a pas permis d'augmenter les charges jus(|u'à la rupture des muscles. Néanmoins, d'après l'allure du graphique et de la ligure 24, il est permis de supposer que, comme chez Cardium edule, ces deux éléments ont de la ten- dance à diminuer de nouveau avant la période de rupture. LA STATin.N BIOLOGIQUE 5o 2" Les allongements cl les raccoiircissemeiils [)i'iiiiilil"s crois- sent proportionnellement aux charges diminuées de la tension 1 laquelle sont soumis les muscles adducteurs lors de la première F ■'f- -RTTTpTT ittt^tp: m ^' \ • ':^^::' j .' V i:-!;;;; ^ 'A K • :; : i , ■ :: ,: j:: :i a u "*"! \ ; 1 : : .::,:.i:__ -- t ^^r: .-,.1 ..:,; :■ ■:.;■: * iiirpr: ■-.:-;::':• ^ 'ï: ... "^■|:'A \ \^ 1 ' ■^^^^.^ ' ■ 0 A ] B FiG. 25. — Courbe des variations de l'élaslicilé du li?;amenlde Mactra (//aiifn. Va abcisses, les ouvertures des valves en mlllimèlres el en oi'données les valeur; correspondantes de l'élaslicilé dn ligament (I m/m --- 10 i;r.). AB, ouverture des valves ulilisi'-e pour les g;rapliiques fijiures 21 et 20. Tarle.m- X (proi-L'Udnl du f/rnphlquc jUj. 2i) Niveaux Niveaux Charges brutes Élasticité Charges vraies (le la plume au Allonge- de la plume au Raccour- mises (lu Total agissant moment ments moment cissenv"- sur le plateau ligament sur le muscle de l'action des charges primitifs de la sup- pression des charges primitils gianimes grammes granunes grammes millinuH. millimèt. millimt''tr. luillinuH. .'10 4()0 310 1283,20 0 0 1/2 2 2 100 4(Î0 300 1411,20 0 3/4 3 1/2 0 1/2 4 1/2 laO 438 ()08 1332,10 1 1/2 3 1/4 10 1/2 3 1/2 200 434 ()34 1048 3 / 13 1/2 G 1/2 230 430 700 1704 8 7 1/2 20 7 1/4 :}oo 447 747 1882,44 12 13 33 8 1/2 .•{•iO 4;{:] 783 1973,10 23 13 il 2 43 1/2 9 3/4 400 424 824 2070,48 •]•) 17 30 1/2 11 iaO 410 800 2102,10 43 18 1/2 70 12 1/4 oOO 398 898 2208 33 22 87 14 oSO 383 933 2330,2 08 1/4 23 100 10 OOO 370 970 2444,4 80 23 1/2 111 1/2 17 1/2 ()50 3U0 1010 2343,20 89 1/2 24 1/2 122 1/2 19 700 330 1030 2040 99 23 131 1/2 17 1/2 36 SOCIUTIÎ SCIEiVÏIFlQUE D ARCACHOiN experience (coiirl)es O^A et 0\A'). Plus tard, ils subissent une diminution notable, comme chez le Cnrdiimi. I ni^ii iL _| ;-ii: iui)-i -XT-rrr ^oucxotuovMe/mye/njto FiG. 26. — Mficira (/laiico. Graphique construil avec les données du tableau X, pro- venant lui-même de la t'ieure 2">. BUI.LETl.X I)K LA STATIO> BIOLOGIQUE 57 Conclusions Pour résumer les conclusions de nos expériences exposées précédemment et en permettre la comparaison plus facile, nous les avons groupées dans le tableau sui\(\nt (voir page ô8) : Les conclusions mises en regard dans ce tableau doivent être complétées par les conclusions plus générales suivantes : 1" Les muscles adducteurs des Acéphales, à l'état de repos ou de contracture physiologique, se comportent en général et dans des limites étendues comme des corps parfaitement élas- tiques. Les allongements permanents, provoqués en partie par l'action brusque des charges et en partie par leur soutien, ne diminuent pas sensiblement l'extensibilité de ces muscles sous l'action de charges agissant ultérieurement, comme cela a lieu pour les muscles striés des Vertébrés (voir notre travail cité au bas de la page 18). Ces allongements permanents sont cependant assez importants, surtout pour les muscles adducteurs en état de contracture physiologique. 2° Chez tous les Acéphales, les allongements permanents et les allongements totaux des muscles adducteurs, soumis à des charges égales, sont plus grands quand ces muscles sont à l'état de contracture physiologique que lorsqu'ils sont à l'état de repos. Le contraire a lieu pour les allongements et les raccourcissements primitifs qui, pour des charges égales, sont plus grands pour les muscles à l'état de repos que pour les muscles à l'état de contracture physiologique. Il est bon de noter que les muscles adducteurs à l'état de repos ont déjà subi une déformation consi- dérable sous l'influence de l'élasticité du ligament des valves et que leur longueur est plus grande qu'à l'état de contracture physiologique. Pour pouvoir faire une comparaison rigoureuse entre les propriétés des muscles adducteurs à l'élat de repos et à l'état de contracture physiologique, il faudrait les prendre à la même longueur, ce qui est impossible tant qu'on n'aura pas trouvé le moyen de paralyser l'action des cellules nerveuses intra-musculaires . Pour terminer, nous donnons un tableau des coefficients M Se compor- tent comme les allongements primitifs, mais sont plus pe- Se compor- tent connue les allongements primitifs, mais sont bien plus pelils. Se compor- tent ccminie les allongements primitifs, mais sont notable- ment plus })e- tits. Se compor- tent connue les alhnigements piiniitifs, sont pres(me aussi grands. Se com])or- tenlconmieles allongements primitifs, sont presciue aussi grands. -^11 pi 5 = s M- Htili .2 1 1 1 lllll llll f! a*., » c -S -L — = 111-'=^^ Pi 6 lit! Îlîî 111?- pilîîî! -îi.is:Si ii.ii |i illîîlïîi Il 1-^ yîiilt. illlii ? i- aSS • "2 = 1 il il!: Il K nil ill IJtPi sBàé 4- E f' '^ 5^ £ S ~ 1 1 1^ . u o £ II! II l i 'Hi ésft .2.2 « '^o 0 s s "" = IÉ2 îïit 11 1 «î 3 fil ^ ff! m mm 111 = llittlf 5 c; 1 is II lO-.^! 2a.i2c II. ill! liai ils lui i - S « -5. iilï ill u 1 1 es y. a. îf 11 «il 1 > 1 s 1 à 2 _! s 3 ■S ^ t- ■2 S s M i 8 t l 1 S s ^ <3 BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE o9 d'élasticité des muscles adducteurs de quelques Acéphales, ces muscles étant pris dans différentes conditions. iNous rappelons que le coefficient d'élasticité est la charge, exprimée en kilo- grammes, qui, appliquée à l'extrémité d'une portion du muscle adducteur de section égale à 1 millimètre carré, serait capable de doubler sa longueur si, bien entendu, il ne se rompait pas. Tableau XII NOM ETAT des PARTIE des Charge qui a agi Action du ligament CoelTicient d'élastici- té calculé, dans le cas de contracture du muscles muscles sur les muscles sur les muscles En tenant compte Sans tenir compte MOLLUSQUE adducteurs considérée En En de l'action du de l'action du grammes gi-ammes ligament ligament Pecten ravins relâché partie vitreuse partie nacrée 140 460 860 2o9,2 " 0,107 0,161 0,163 0,303 contract. 171,6 49,33 1,008 0,782 >' » 400,4 30,74 0,378 0,332 Ostreu edulis relâché partie vitreuse 180 ,) 0,123 contract. n 136,8 209,76 1,044 0,412 „ „ 273,6 174,80 0,180 0,110 relâché partie nacrée 600 1200 1500 : 4,276 0,948 0,380 contract. » 332 312,33 0,626 0,394 » " 1197 289,94 0,264 0,212 MijtUus edulis relâché deux parties 713 >, 0,438 contract. » 392 414,4 0,773 0,436 i " 1332 323,6 0,367 0,293 Maclia (jlduca j relâché deux parties 673 399,4 0,627 0,333 i contract. " 378 1134,16 1,362 0,336 Caidiumcduli'i contract. deux parties 1020 " 0,380 L'examen de ce tableau permet de tirer les conclusions suivantes : 1" Le coefficient d'élasticité des muscles adducteurs des Acéphales varie dans des limites assez étendues non seulement avec l'espèce considérée, mais encore pour les muscles d'une espèce déterminée, suivant les charges auxquelles ils ont été soumis. 60 SOCIKTK SCIEiNTIFIQUR d'aRCACHOiX 2' II est plus grand pour les parties nacrées que pour les parties vitreuses prises dans le même état. 3° Il varie notablement pour une partie musculaire, avec la déformation plus ou moins grande qu'elle a subie sous l'action des charges. Pour les muscles relâchés, il augmente avec la déformation. Pour les muscles contractures, il diminue au contraire avec elle. 4" Il est plus grand en relâchement qu'en contracture pour les parties nacrées, plus petit au contraire en relâchement (ju'en contracture pour les parties vitreuses. RECHERCHES SUR LE MUiUUl DE LA PRUCESSIONNARiE DU PL\ MARITLME F. LALESQUE C. MADER Membre correspond an l de I'Aeademie Licencié es sciences naturelles de médecine Ces recherches consUluent un nouvel apport à l'étude de l'anatomie et de l'histologie du miroir chez la Processionnaire du Pin. Cet organe fut, en effet, l'objet d'un travail publié anté- rieurement par le docteur Parazols-Danoy ; ce n'est donc point un sujet absolument nouveau que nous avons traité. Mais cet auteur, n'ayant eu à sa disposition que des pièces anatomiques défectueuses, fut obligé de laisser à l'hypothèse une large place dans ses conclusions. En outre, les planches qu'il donne ne sont d'aucun renseignement précis, aussi bien au point de vue anato- mi(iue qu'histologique. Il était donc nécessaire de reprendre ce travail avec des documents meilleurs et des procédés nouveaux. C'est ce que nous avons fait, et les résultats obtenus ont différé si profondément de ceux indiqués par Parazols-Danoy, que nous avons jugé utile de les publier. Nous ne dirons rien de la Chenille Processionnaire du Pin. Les mœurs des Cnelhocampa ont attiré, en effet, depuis fort long- temps déjà, l'attention d'un grand nombre de naturalistes. En outre, tous les ouvrages de classification pour les Lépidoptères donnent des renseignements suffisamment précis sur leurs for- mes larvaires, pour que tout ce qu'il nous soit possible de dire à ce sujet puisse être considéré comme une redite. Aussi abor- derons-nous directement l'anatomie et l'histologie du miroir. Cette étude faite, nous dirons quelques mots de la physiologie de cet organe ; il nous sera alors des plus faciles, avec toutes 62 sociÉTi': sciEMiFiniK d'arcacuo.v ces données, d'aboutir à une conclusion qui, basée sur de nom- breuses observations et non sur des bypothèses, se rapprochera davanlao;e de l'exactitude des faits. MIROIR Nous conserverons ce nom, bien qu'il ne soit justifié par aucune qualité caractéristique des organes ainsi appelés dans la série animale. A l'état normal, il est, en effet, recouvert et pro- tégé par un épais rideau de poils sous lesquels il disparait à peu près complètement. Ce n'est qu'au moment de la défense que ces poils s'écartent, le démasquant plus ou moins entièrement, suivant l'état de contraction de la ChcnUle : à ce seul moment, le plateau de la surface chitineuse en saillie, plus vivement coloré que le reste du corps de la Chenille, se détache avec assez de netteté en rouge brun, mais une nouvelle coidraction arrache les poils urticants et le miroir disparait à nouveau sous les plis du corps de la Chenille et sous les poils protecteurs. En somme, c'est un organe exclusivement défensif, et encore dans certaines conditions: à aucun moment il ne rappelle une formation mimé- tique ou un caractère sexuel secondaire qui pourraient ainsi justifier ce terme de miroir. Au sujet de l'examen superficiel du miroir, Parazols-Danoy écrit ces lignes : « Sur le milieu de la face dorsale des anneaux, sauf sur les trois premiers et les deux ou trois derniers, on trouve une plaque de corne en forme de coussinet : elle porte le nom de miroir, sa couleur est rouge orange et elle est couverte sur toute sa surface de touffes héris- sées de poils très pointus. Lorsque l'on n'excite pas l'animal, on voit sur le dos des taches de formes ovales, couleur velours noir, qui ont un sillon en longueur et en largeur. Les quatre extrémités de ces sillons, en faisant saillie sur les contours, donnent à ceux-ci à peu près la forme d'un cœur. Lorsqu'on excite l'animal, le miroir s'ouvre violemment et projette une espèce de poussière brune dont nous verrons la composition plus loin. » Dans cette description assez embrouillée du miroir, Parazols- Danoy ne considère guère cet organe que d'après les descrip- tions de certains auteurs, descriptions auxquelles il ajoute ce BULLETliN DE LA STATION BIOLOGIQUE 63 qu'il a vu sous le microscope. S'il est exact que le miroir soit en saillie sur la partie dorsale du corps de la Chenille, il n'a jamais affecté la forme d'un ovale ou d'un cœur; il se présente plutôt comme un rectangle à lignes irrégulières, se coupant tantôt à angles aigus et tantôt s'arrondissant. En outre, le miroir lui- même ne s'ouvre pas: ce sont les bourrelets protecteurs qui s'ouvrent, et encore d'une manière passive. Les pièces articulées du miroir se placent sous différents angles, suivant l'état de contraction de la Chenille, mais il n'y a aucune ouverture indé- pendante de la part des lamelles, à proprement parler: leur liaison n'est jamais rompue. Ceci posé, étudions maintenant le miroir lui-même. Cet organe est formé de quatre lamelles chitineuses : deux lamelles supé- rieures, deux lamelles inférieures. Les deux lamelles supé- rieures sont d'un tiers moins grandes que les deux inférieures; mais chaque lamelle duu même plan est l'équivalente comme taille et comme forme de sa voisine. Autour et entre toutes ces lamelles se trouve une chitine très molle, qui assure à cet appa- reil la souplesse nécessaire pour les mouvements défensifs. Les quatre lamelles peuvent donc se placer chacune dans des plans différents, normalement : horizontaux; au maximum de défense : obliques. Les deux lamelles supérieures ont une forme semi- lunaire, Tune de leurs extrémités est coupée en son milieu, tandis que la seconde s'arrondit au contraire régulièrement ; il en est de même pour les deux inférieures, mais celles-ci repré- sentent surtout un carré. Comme nous l'avons dit précédem- ment, ces lamelles sont portées par une chitine souple, mais elles ne se trouvent pas placées sur le même plan qu'elles. Les bords de la lamelle, en effet, s'incurvent très légèrement avant de se terminer, et c'est par ce léger rebord qu'elle se tïxe sur la chitine, se trouvant par cela môme sur un plan plus élevé que cette dernière. Toutefois, les bords inférieurs latéraux et internes des deux lamelles du bas du miroir se relèvent pour former un rebord, déterminant ainsi une concavité de peu d'importance au-dessous de laquelle se trouve la ligne d'insertion de la cuti- cule molle et des lamelles. Tous ces détails de structure ne sont guère visibles qu'en faisant varier continuellement l'éclairage et la mise au point du microscope. C'est à ce moment-là, d'ailleurs, que la surface des lamelles parait criblée d'une 64 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHO.N multitude de petits orifices, qui se distinguent avec beaucoup de netteté lorsque l'on dispose le miroir et le diaphragme de manière à ne donner qu'un éclairage très atténué. Ces orifices sont les pores lamellaires sur qui s'insèrent les poils urticanls; Plaxche I. — Vue île face du miroir. A. Lamelles supérieures du miroir. — />'. Lamelles inférieures du miroir. Les orifices qu'elles préseulent sont les orifices d'inserlion des poils urticauts. Les saillies cliitineuses ne sont j^as représentées afin d'éviter la confusion. — c. Capuchon protecteur supérieur. — d. Capuchon protecteur inférieur. L'un et l'autre avec les poils protecteurs qui les hordent. — K. Bouton chilineux avec sa bordure de poils protecteurs. — /-'. Cuticule souple. Tout autour du miroir se trouvent les diverses zones de la cuticule de la Chenille avec les séries pigmenlaires qui leur correspondent. comme ils ne se retrouvent dans aucune autre partie du miroir, on doit donc conclure que ce sont les lamelles seules (jui jouent dans le miroir le rôle prépondérant; tous les autres organes ne sont que des annexes. BULLETIN IJE LA STATION BIOLOGIQUE 05 Pigments Notre intention n'est pas de faire une étude suivie des pigments et de leur distribution sur la cuticule de la Chenille. Mais comme ils sont différents suivant les parties du miroir que l'on considère, et que, souvent, ils permettent de distinguer nettement une zone cutanée de sa voisine, nous pensons qu'il est préférable de les étudier rapidement et d'en donner une classification qui, si elle ne correspond pas à une formation physiologique des amas pigmentaires, sera pourtant suffisante pour éviter de refaire, à chaque fois qu'ils se rencontreront à nouveau, la description des pigments déjà décrits. Tout d'abord, nous trouvons des masses pigmentaires que nous qualifierons de pigments de premier ordre. Ce sont eux, en effet, qui présentent le minimum de complication; ils sont formés par nne masse unique, noire, sans forme définie, mais généralement ovale avec des saillies irrégulières ; ils sont d'une très petite taille et, en section transversale, ils se présentent sur les coupes comme une légère saillie noire de la chitine. C'est tout ce que les plus forts grossissements permettent de déceler de leur constitution. Ensuite viendraient les pigments de deuxième ordre: ce qui les distinguo des premiei's. c'est uniquement leur taille; celle-ci est, en effet, double et triple des pigments de premier ordre. Ils se présentent vus de face sous une forme habituellement ronde ou ovalaire, présentant sur tout leur pourtour quelques protu- bérances vaguement épineuses; en coupe transversale, ces saillies se détachent bien plus nettes que les précédentes, mais la masse pigmentaire affecte plutôt une forme triangulaire : la base du triangle se trouvant insérée sur la cuticule de la Che- nille. Enfin viennent les pigments de troisième ordre. Ici, ce n'est plus une unité que nous considérons, mais un système. En effet, les pigments de troisième ordre sont caractérisés par une masse pigmentaire d'une taille plus grande que les autres, occu- pant le centre d'une circonférence formée par des granulations pigmentaires de moindre importance. Celles qui appartiennent à un même cercle ne sont point strictement équivalentes de 66 SOCIKTÉ SCIENTIFIQUE u'aRCACHOA' taille entre elles et le nombre est variable pour chaque cercle: 4, 6 et même plus. Quoi qu'il en soit, la masse pigmentaire située au centre du cercle atteint à une dimension quelquefois double, mais presque toujours triple de celles qui l'entourent. Cette formation se distingue si nettement des pigments de premier et de deuxième ordre qu'il est inutile de la décrire davantage. En section transversale, comme les précédentes, elle donne un triangle do grande taille sur le même plan que des triangles plus petits qui se trouvent être ceux que la coupe a rencontrés sur un certain rayon de la circonférence. Tous ces triangles sont insérés par leur base sur la chitine. Leur masse noire est hérissée de formations vaguement épineuses. En somme, il y a similitude complète de constitution entre ces divers pigments; ce qui nous a permis de les distinguer les uns des autres, c'est leur taille et leur orientation. Bien que ces formations pjgmentaires soient à la fois des excreta cellulaires et des produits de défense, nous ne continuerons pas davantage leur étude dans le présent travail. Cette classification n'a pour but actuellement que de permettre de préciser certaines régions annexes du miroir qui, sans la description de ces pigments, deviendrait singulièrement confuse. Mais pour ces derniers, leur enumeration reste com- plètement en dehors des données physiologiques : c'est un procédé descriptif, rien de plus. Organes annexes du miroir Tout d'abord, comme annexe du miroir nous rencontrons la cuticule sur laquelle se trouvent insérées les lamelles. Celte cuticule se distingue de celle qui recouvre normalement les autres parties du corps de la Chenille en ce qu'elle est très souple, d'une coloration jaune clair que les masses pigmentaires obscurcissent fort peu. Comme cette cuticule se trouve répartie extérieurement et intérieurement entre les lamelles, elle affecte parfois certains plissements qui sont dus à l'état de contraction dans lequel la chenille est morte. Les pigments, malgré l'analogie de toutes ses parties, ne sont pas les mêmes partout. Ils appar- tiendraient aux pigments de premier ordre pour la partie inférieure et aux pigments de troisième ordre pour la partie supérieure. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 67 Immédiatement après, et comme continuation de cette cuticule, tout autour du miroir nous rencontrons une série de formations chitineuses affectant la forme d'un bourrelet ovale et entourant le miroir. Ce bourrelet se montre sans solution de continuité dans la plupart des préparations; mais après reconstitution des coupes et dans les préparations faites dans le but d'une étude approfondie des organes annexes par le moyen du raclage des masses internes du corps de la chenille et par l'emploi des éclaircissants appropriés, il est aisé de se rendre compte que cet aspect n'est pas absolument exact et que ce bourrelet est constitué de plusieurs parties de même origine, mais de formes différentes. En commençant par la partie supérieure, on trouve deux bourrelets latéraux qui s'incurvent de manière à former une concavité interne. La partie supérieure formant capuchon protec- teur est recouverte d'un feutrage très épais de poils. Les deux bourrelets, qui semblent (Mre indépendants l'un de l'autre, ne le sont pourtant pas en réalité, car ils ont une origine commune dans la cuticule souple du miroir. Bien qu'ils se terminent séparément dans une zone fortement pigmentée de la peau de la Chenille, ils n'en demeurent pas moins liés l'un à l'autre : l'espace qui les sépare ne devant pas être considéré autrement que comme une dentelure de la cuticule originelle. Il est à remarquer que dans la partie supérieure il ne se trouve presque exclusivement que des pigments de premier ordre, tandis que dans la partie profonde il n'y a guère que des pigments de troisième ordre, entre lesquels apparaissent quelques rares poils protecteurs. Ces deux bourrelets prennent leur origine à peu près en face de la ligne de rencontre des lamelles du miroir, et cela latéralement. C'est d'ailleurs à cet endroit que se trouve un organe qui se distingue fréquemment, dans les préparations non colorées, par une teinte tantôt rouge, tantôt jaune orangé diffuse, et auquel nous donnerons le nom de « bouton chitineux du miroir ». Ce bouton chitineux se présente sous la forme d'un ovale des plus irrégu- liers. Il joue un rôle assez important au point de vue anatomi- que : il sert, en effet, d'insertion par sa partie profonde à des muscles contracteurs, tandis que sa partie superficielle porte sur sa face intérieure la plus éloignée du miroir un grand nombre de poils protecteurs venant se joindre à ceux des bourrelets bo SOClIiTt; SClEiMIFIQUE D ARCACUO.N cliilineux pour former un rideau continu; sans celai celte région du miroir ne se trouverait nullement protégée. Il est à remarquer que la partie superficielle et interne du bouton chitineux ne porte aucun poil dans la partie proche du miroir et ne présente que des pigments de premier ordre. L'origine de ce bouton chitineux est identique à celle des bour- relets. C'est simplement un repli de la chitine, formant un plateau présentant parfois une zone plus sombre sur les bords, zone qui n'est pas autre chose que la ligne d'incurvation de ce plateau venant s'insérer sur la peau de la Chenille. Ce bouton chitineux se distingue nettement des parties voisines en ce qu'il se trouve situé pres({ue complètement à l'intérieur de l'ovale formé par le miroir et les autres organes annexes, bien que la cuticule de soutènement des lamelles du miroir s'incurve légè- rement à son niveau. Nous trouvons enfin à la partie inférieure deux autres bourrelets protecteurs; ils sont identiques aux bourrelets supérieurs comme origine, mais leur disposition est sensiblement différente. Tout d'abord, le capuchon est de très faible dimension, il porte sur son bord interne un feutrage de poils protecteurs aussi épais cjue le feutrage supérieur; toute- fois, son obliquité est bien moins accentuée que celle du premier par rapport aux lamelles. En outre, le premier bourrelet inférieur diffère considérable- ment de taille et de forme d'avec son voisin. Il est, en effet, plutôt rectangulaire, tandis que le second se présenterait surtout sur une forme ovalaire des plus allongées. Leur pigmentation partout est identique, pour l'un comme pour l'autre elle est du premier ordre. Entre ces pigments se trouvent insérés quehjues poils protecteurs, dont il ne reste souvent que la base d'inser- tion. Ces deux bourrelets sont séparés, mais ils ne le sont que superficiellement, car ils proviennent tous deux de la cuticule du miroir, dont ils ne sont, comme tous les autres organes que nous venons d'étudier, que des plissements formant saillie. Entre toutes ces formations se trouve la cuticule molle du miroir, que la pigmentation diviserait en deux régions : l'une supérieure, à pigments de troisième ordre; l'autre inférieure, à pigments de premier ordre. La ligne de séparation se trouverait à peu près indiquée par le bouton chitineux lui-même. Cette distinction à part, la pigmentation n'a aucune importance, car BULLETIN DK LA STATION BIOLOGIQUE 69 la culicule molle a une épaisseur identique partout : elle est aussi souple dans la zone inférieure que dans la zone supérieure, et les forniafions histologiques, telles que les poils protecteurs, ne l'ont pas plus défaut dans la première que dans la seconde. Autour du miroir se trouve délimité un espace clair, relative- ment moins pigmenté que le reste du corps de la chenille. La pigmentation de cette région comprend surtout des pigments de deuxième ordre sans poils; ensuite apparaît une autre partie ne comprenant que des pigments de premier ordre, parmi lesquels on voit apparaître un assez grand nombre de pigments de troisième ordre. Par suite de l'écartement existant entre les pigments, cette zone parait d'une teinte aussi claire que la cuticule souple du miroir. Les pigments se disposent sur le corps de la chenille suivant des orientations caractéristiques. Dans toute la région dont nous venons de parler les lignes pigmentaires (formées par un nombre variable de pigments de même ordre) se coupent les unes les autres, pour former des angles obtus à somiuet intérieur vis-à-vis du miroir, ce qui rend leurs côtés obliques par rapport à cet organe. Mais quand on arrive aux lignes pigmentaires situées près des rebords des capu- chons, celles-ci tendent à se disposer suivant des séries paral- lèles des plus régulières. Il reste maintenant à étudier de quelle manière tous ces organes fonctionnent quand la Chenille est tranquille et quand elle se trouve inquiétée. Fonctionnement des organes annexes et du miroir Le fonctionnement de cet appareil est des plus simples. Dans l'état de repos, les lamelles du miroir sont à peu près horizon- toles : les capuchons supérieurs et inférieurs, avec les boutons chitineux latéraux, forment un rideau protecteur des plus efficaces par les poils qu'ils présentent tout autour du miroir. Les quelques poils protecteurs qui se trouvent sur les lamelles chitineuses parmi les poils urticants coopèrent, ainsi que les poils défensifs insérés dans la cuticule molle, à la protection de l'appareil tout entier. Ce feutrage de poils est assez épais pour empêcher la pénétration ou la chute de corps étrangers parmi les poils urticants que la Chenille teud à conserver le plus long- temps possible. Lorsqu'elle est inquiétée de manière à être 70 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACIIO.N forcée de se défendre, elle se recourbe plus ou moins fortement et, comme le font un grand nombre de chenilles, la cuticule molle, qui à l'état de repos se trouvait plissée, s'étale, les capu- chons découvrent largement le miroir, tandis que les deux boutons chitiueux, par suite des muscles insérés à leur base, tendent à faire saillir davantage le miroir, et cela dans un plan différent de celui des capuchons. Mais ce « geste » est unique- ment pour intimider : les poils urticants, en effet, ne sont point détachés; si la Chenille retrouve sa quiétude, tous les organes reprennent leur position première. Si l'on force a nouveau la Chenille à se mettre sur la défensive et cjue l'on ne lui permetle pas de demeurer en repos, celle-ci, après avoir à nouveau présenté le miroir découvert, se recourbe, et alors, par des contractions générales et des plissements particuhers exécutés par les organes annexes, sous la commande de muscles spéciaux, les poils urticants sont arrachés et par les différentes contrac- tions amenés à l'extérieur suivant une incision cruciale, le plan horizontal de cette incision se trouvant situé en face du bouton chilincux et le plan perpendiculaire entre la dentelure des deux bourrelets. L'un comme l'autre correspondent donc aux lignes de séparation des lamelles du miroir qui, on s'incurvant, forme un sillon collecteur des plus nets. Les poils urticants ne se déta- chent pas tous ensemble, ils se présentent par masses de A'^olume variable et de forme irrégulière, que les contractions successives font cheminer à travers les poils protecteurs. 11 faut plusieurs contractions pour détacher d'un seul miroir tousles poils urticants qui y sont insérés, et souvent même il en reste encore. Il est à remarquer que les miroirs de la Chenille n'entrent pas en défense tous en même temps : un seul parfois, quelquefois deux ou trois, rarement plus, car la chenille ne se défait de ses armes que lentement et forcée. Il en est de même, d'ailleurs, dans toute la série animale, pour tous les organes défensifs dont la régénération n'est pas immédiate. En outre, lors môme que la Chenille voudrait projeter tous ses poils urticants en même temps, elle ne le pourrait pas, puisque sa forme annelée ne lui permet, contractée, de ne mettre en saillie que quelques anneaux seulement, et pas tous. Ce ne sera donc que par des contractions successives et différentes qu'elle agira sur tous les miroirs. En somme, le miroir n'a qu'un rôle passif : le r(Me actif BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE appartient aux bourrelets, aidés dans leur mouvement de frottement par les contractions de la Chenille elle-même. HISTOLOGIE DU MIROIR ET DES ORGANES ANNEXES 1) Nous aurions voulu, si cela avait été possible, étudier paral- lèlement avec Parazols-Danoy l'histologie du miroir et de ses organes annexes. Malheureusement le résultat de nos recherches diffère trop complètement de celui obtenu pnr cet auteur pour que nous puissions même les comparer. Cela vient, sans nul doute, de ce qu'il nous a été des plus faciles de nous procurer autant de matériaux qu'il nous a été nécessaire et que tous ces matériaux étaient dans un état de conservation qui ne laissaient absolument rien à désirer. Nous avons pu fixer les Chenilles sous l'arbre même qui supportait leur nid. Pour Para/ols-Danoy il n'en était pas de même, car il écrit en effet: « Malheureusement, toutes nos chenilles ayant été conservées dans l'éther, il ne nous a pas été possible de retrouver certains éléments qui avaient été détruits par ce mode de conservation ». En outre, la technique qu'il a employée pour ramollir la chitine devait fatalement avoir des résultats déplorables pour la recher- che d'éléments cellulaires délicats : « Si l'on prend des solutions d'eau de javelle (solution d 'hypochlorite de potasse) allongées de 4 volumes d'eau et que l'on y fasse macérer des organes chitineux pendant vingt-quatre heures ou plus, selon leur gros- seur, la chitine n'est pas dissoute, mais devient transparente, molle et perméable pour les solutions colorantes aqueuses, aussi bien qu'alcooliques. Les structures les plus délicates, telles que les terminaisons nerveuses, ne sont pas altérées de ce traite- ment. » (1) Il nous aurait été facile, si nous avions voulu pousser à ses plus extrêmes limites l'étude histologiqiie des éléments cellulaires, de ramener les formations protoplasmiques à la constitution vacuolaire. Celte constitution, d'ailleurs, s'est trouvée réalisée souvent d'une manière immédiate pour divers éléments. Mais dans ceux oil elle n'a pas apparu d'emblée avec netteté, nous nous sommes tenus exclusivement à l'aspect que nous qualifierons de a superficiel ». Nous n'avons donc pas recherché à faire une reconstitution optique des coupes pour avoir les divers plans protoplasmiques en profondeur ; les différences qu'ils présentaient de prime abord étaient en effet un excellent moyen pour caractériser, sans risque de confusion, les diverses cellules dans lesquelles ils se trouvaient inclus. 72 SOCIÉTK SCIE-NTIFIQUE D ARCACHON Cette opinion est discutable lorsqu'elle ne s'appuie, pour démontrer l'indifférence relative de l'hypochlorite de potasse, que sur les terminaisons nerveuses; celles-ci sont, en effet, délicates, mais comme c'est presque toujours par les procédés d'imprégna- tion qu'on les décèle, on est en droit de conclure que cette bonne conservation peut fort bien n'en pas être une et que l'im- prégnation, après un pareil traitement, n'a lieu que sur des éléments ayant subi une histolyse plus ou moins complète. Dans les cas particuliers où les tissus sont traités par des liquides caustiques comme celui dont nous venons de parler, on pourrait, à la rigueur, expliquer ainsi les aléas continuels qui se pré- sentent pour les recherches des terminaisons nerveuses. En outre, l'imprégnation n'est nullement comparable à la coloration. Elle peut avoir lieu dans les cavités d'éléments absents, ou dans des espaces extra-cellulaires (tels les endotheliums). Nous ne pouvons entrer ici dans la discussion soulevée entre les différents histo- logistes, pour expliquer le mécanisme de l'imprégnation, mais ce que nous venons d'en dire nous parait suffisant pour nous permettre de considérer la conservation d'une terminaison nerveuse, ou du moins de ce que l'on croit être sa conservation, comme sans grande valeur pour établir un critérium d'inalté- rabilité des éléments histiques les plus délicats. « On peut avantageusement traiter de cette manière (par le procédé à l'eau de javelle ci-dessus indiqué) des Xématodes et leurs œufs, des Coccidies (ol)jets dont la résistance est bien connue). Après lavage, on peut passer par les alcools à la paraffine. La chitine est suffisamment ramollie pour faire de bonnes coupes. On peut colorer en masse avant l'inclusion par le picro-carmin. » (Loos, ZooJ. Anzcig., 1883, p. 333. Hist. Zeil. F. Win. Mik., 1886, p. 212.) Malgré cela, nous ne modifierons en rien notre opinion sur l'action des caustiques pour les éléments cellulaires délicats et pour leur protoplasma. En outre, la coloration par le picro- carmin, bien qu'excellente presque toujours, devient absolument insuffisante dans une étude histologique approfondie et dans toute recherche où il est nécessaire d'individualiser autant que faire se peut les divers tissus. Très nombreux sont les procédés de fixation (|uc nous avons utilisés: ils ont varié suivant la partie de la cclkde que nous BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE l6 désirions spécialement étudier: noyau, protoplasme ou mem- brane cellulaire ; mais nous avons toujours éliminé de leur composition les acides à doses massives et les caustiques quels (juils fussent. La chitine est restée intacte, et il nous a été sou- vent fort difficile d'obtenir des rubans de coupes parfaitement réguliers, sans déchirure et sans cassure. Lorsque l'un de ces accidents survenait, il était de suite réparé sur la lame, et si le travail mécanique était plus long que par le traitement à l'eau de javelle, nous avions du moins l'avantage de pouvoir étudier des coupes n'ayant subi comme altération ([ue les altérations inévitables des différents alcools. Quant aux procédés de coloration dont nous nous sommes servis, leur enumeration serait aussi oiseuse que celle des diverses fixations. Nous indiquerons, seulement lorsque ce sera nécessaire, la coloration qui permet le mieux l'étude de tel ou tel élément. Toutefois la coloration par le carmin ^Yoodward et le carmin d'indigo nous a permis de différencier très nette- ment certaines parties des tissus qui, sans cela, se seraient con- fondues avec leurs voisines. Gomme ce travail n'a pas d'autre but que létude du miroir, nous allons donc étudier les organes qui s'y rapportent exclusivement. Si toutefois nous considérons certaines parties indépendantes du miroir en apparence, c'est qu'il nous sera impossible de les ignorer, car elles ne sont pas autre chose que les génératrices de certaines régions du miroir, et par dérivation du miroir lui-même. Telle est, en effet, la couche sécré trice de la cuticule. Histologie de la couche sécrétrice de la cuticule Si dans un grand nombre de Chenilles la couche cellulaire sécrétrice de la cuticule présente des cellules de taille et de forme nettes, définies, il n'en est pas de même chez Cnetho- campa Pithyocampa, où cette couche cellulaire est de très faible importance, du moins pour toute la partie supérieure du corps de la Chenille adulte. Cette couche cellulaire est constituée de cellules épithéhales pavimenteuses formant un epithelium simple. Leur taille est excessivement réduite en comparaison des autres éléments histi- ques qui les entourent ; un examen attentif est nécessaire pour 74 SOCIiiTl': SCIEiSTIKIQUE D ARCACHON les déceler. Limitée à sa pnrlie supérieure par la membrane culiculaire qu'elle sécrète, la cellule épithéliale repose sur une membrane anhiste, qui n'est pas autre chose que sa membrane basilaire propre, la séparant du cœlome. Par ses côtés, elle est en relation continue avec les cellules de même nature qu'elle et les rapports de contiguïté deviennent des rapports de conti- Planciie n. Iransi'rrsiile du lia II Ion ■liilinrii.i a. Couclic sc'Ci'élrice de la cnlicule. — b. Première /.one eut iciilaire. — r. Deuxième zone culiculaire. — d. Troisième zone culiculaire (pigraenlaire). — A'. Glande sécrélrice d'un poil protecteur. — F. Poil prolecteur. — g. Masse musculaire en section longitudinale. — //. Masse musculaire en section transversale, — /. Bourrelet protecteur. — /. Bouton cliitineux. - K. Massif glandulaire sécré- teur des poils urticants. — L. Poil urticanl. — M. Tube Iracliéen à section oblique. — .V. Massif glandulaire à cellules vacuolaires. — 0. Cii'ur avec hématies. unité au fur et à mesure que la Chenille avance en âge. Un grand nombre, en effet, de ces cellules subissent la dégénéres- cence pigmentaire et il est impossible alors d'y retrouver trace de protoplasme, de noyau et de limites cellulaires latérales. Quand la cellule est encore jeune on y rencontre un noyau, presque toujours volumineux, entouré d'une très petite quantité de protoplasme granulaire, relativement très dense. Maintes fois. BILLETLN DE LA STATION' BIOLOGIQUE 75 dans le proloplasme, apparaissent des formations pigmentaires de diverses tailles, don! la coloration invariablement noire et la forme arrondie empêchent ton le confusion avec d'antres éléments. Certaines cellules présentent un noyau en voie de division par karyokinèse plus ou moins aA ancée. Parfois une légère saillie de cette couche sécrétrice s'individualise, pour former un massif de régénération épithéliale facilement reconnaissable au grand nom- bre de noyaux qui s'y rencontrent. ÏNlais ces dispositions se trou- vent très rarement et la couche sécrétrice apparaît surtout comme un très mince ruban pigmenté appliqué intimement contre la cuticule, ou flottant dans la cavité générale du corps de la Che- nille suivant les hasards de la préparation. Pourtant de très gros renflements la dénoncent toujours et permettent de la réta- blir dans ses vrais rapports. Ces renflements ne sont que les cellules sécrélrices des poils protecteurs et de revêtement (1): ce sont des cellules de cette couche sécrétrice de la cuticule qui s'individualisent, pour former un nouvel élément histique, que nous îdlons étudier. Histologie de la cellule sécrétrice d'un poil protecteur La cellule épithéliale pavimenteuse sécrétrice de la cuticule de la Chenille est devenue maintenant une cellule glandulaire sécré- trice à la fois d'une saillie chitineuse et d'un produit glandulaire: cela seul serait suffisant pour la différencier de ses voisines, mais, par suite du nouveau travail auquel elle est adaptée, elle se transforme complètement. Tout d'abord sa taille devient considérable, à un point tel que la coupe d'une cellule glandu- laire est parfois visible sans le secours du microscope. Mais ce fait est assez fréquent chez un grand nombre d'Arthropodes pour qu'il soit superflu d'insister. La disposition interne de la cellule variera suivant sa grandeur. Dans une cellule glandu- laire, de petite taille, on rencontre un unique, mais très volu- mineux noyau, tantôt rejeté sur le côté de la cellule, tantôt situé vers la base. Le protoplasme éminemment colorable est granulaire: mais ces granules tendent à s'orienter dans certaines coupes pour former une disposition nettement A'acuolaire. A^n's (1) Voir à ce sujet les recherclies du docteur F. Lalesque : Urticaire et prurigo de la Processionnaire du Pin maritime, pour paraître prochainement. 76 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON le milieu du protoplasme et à sa partie supérieure voisine de la cuticule et, par conséquent, de la base du poil protecteur, se délimite une vacuole de dimension et de forme variables suivant la section déterminée par le rnsoir. Quelquefois même, on ren- contre deux ou trois vacuoles : il n'en est rien pourtant ; si l'on rétablit la série des coupes, on peut voir que c'est une unique vacuole que certaines travées protoplasmiques divisaient superfi- ciellement. Dans les cellules glandulaires de grande taille on voit fréquemment deux noyaux toujours situés dans la partie infé- rieure du protoplasme, généralement de même volume, délimi- tant autour d'eux une zone cytoplasmique plus fortement colo- rable que le reste du corps cellulaire, par suite de l'accroisse- ment des granules qui, malgré cela, se disposent toujours de manière à former des vacuoles. La membrane cellulaire de la glande est de forme variable, ovnlaire, lorsque la cellule est jeune ; elle devient irrégulière au fur et à mesure qu'elle avance en âge. Lorsque parfois il y a deux noyaux elle semblerait vouloir se segmenter; elle ébauche en s'incurvant un semblant de division, mais le phénomène ne va jamais plus loin. C'est un plissement exclusivement superficiel et qui peut avoir lieu sans la présence de deux noyaux dans le cytoplasme. Quand on considère la lumière de la glande, lumière aboutis- sant au canal du poil, on A^oit qu'elle renferme intérieurement un produit liquide que les fixateurs, dans lesquels entre de l'acide picrique, précipitent sous forme de filaments muqueux, que le carmin d'indigo colore en bleu. La même substance ne se retrouve pas dans le canal du poil ou du moins n'y est pas colorable, il est probable que cette substance semi-fluide doit servir de véhicule aux granulations qui se rencontrent dans le poil et qui, elles, sont facilement colorées en brun foncé par l'hématoxylinc à l'alun de fer. En somme, la glande formatrice du poil protecteur sécrète deux substances : l'une sous forme de filaments muqueux ; la seconde, sous forme de granulations, d'autant plus nombreuses qu'on s'éloigne de la base du poil. Les glandes ne sont pas uniformément réparties sur la cuticule de la Chenille. Leur position est subordonnée naturellement à la position des poils, qui, très nombreux dans une région, peuvent faire complètement défaut dans une autre. Leur aire de distri- bution ayant été indiquée lorsque nous avons parlé du miroir BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE il et de ses organes annexes, celle des glandes a élé par cela même définie et ne nécessite pas, par conséquent, une étude nouvelle. Poils de rccètement. — 11 existe bien queltiues poils de revêtement (jui diffèrent des poils défensifs en ce qu'ils sont complètement dépourvus de piquants latéraux; mais ils ne pré- sentent qu'un bien faible intérêt vu leur nombre excessivement réduit. Lors([ue ces poils de revêtement se rencontrent parmi des poils protecteurs, ils ne se distinguent de ces derniers que par ral)sence des pi({uaids latéraux, aulrement ils ont la même formation cuticulaire, le même genre d'implantation et une ressemblance absolue, tant au point de vue de la forme que de la constitulion cellulaire de la glande sécrélrice : il n'était donc intéressant de les signaler que pour mémoire. D'ailleurs, leur peu d'importance fait que nous n'en reparlerons plus, car nous venons d'en dire tout ce (ju'il était nécessaire d'en savoir. Histologie de la glande sécrétrice du poil urticant Si la glande sécrétrice du poil urticant n'avait pas un rôle physiologique d'une importance capitale au sujet de cette étude, il nous aurait été impossible d'établir pour elle un paragraphe spécial, car cette glande n'est que la continuation de la couche sécrétrice de la cuticule : mais ses formations si caractéristiques du miroir et des poils urticants chez les Gnethocampa lui assigne une place à part, que son histologie à défaut de formations physiologiques suffirait même à justifier. Quand on suit la couche sécrétrice de la cuticule et que l'on arrive à la parlic médiane dorsale supérieure du corps de la Chenille, on voit brusquement les cellules qui se suivaient côte à côte et qui étaient parallèles à la cuticule s'individualiser, grandir, prendre une direction oblique, puis perpendiculaire et quitter la forme pavimenteuse, pour prendre la forme de cellules épithéliales cylindriques; ces cellules, qui sont tout d'abord séparées les unes des autres, ne tardent pas se réunir pour former un massif glandulaire dont la forme intérieure rappelle celle d'un acinus. Cet acinus ne se continue pas tout le long de la surface du miroir : il s'arrête, en effet, lorsqu'il ib SOClhih: SCIEATIFIQUE D ARCAC1I0.\ arrive à peu près au milieu de cet oi'gane, malgré cela il n'y a pas de solutiou de contiuiiilé dans la couche secret rice de la cuticule. On voit alors, en effet, réapparaître la couche sécré- trice de la cuticule avec tous ses caractères et sa direction parallèle à la chitine. Cet arrêt daus le massif glandulaire correspoud à la zone de cuticule molle qui relie et supporte les deux lamelles cliitiiieuses sur lesfjuelles sont conservés les poils du miroir. D'ailleurs, immédiatement après cette aire extrêmement réduite apparaît, à nouveau, un nouvel acinus correspondant à la seconde lamelle chitineuse. Cette formation identique fi la précédente se continue et se termine, comme la première avait commencé, par la couche sécrétrice de la cuticule. C'est sur les bords intérieurs de la lamelle que l'étude d'une glande sécrétrice du poil urticant est des plus aisées. En effet, à cet endroit, elle est souvent seule, séparée de sa voisine i)ar un vaste espace extra-cellulaire qui la délimite aisément et empêche de la confondre avec ses voisines. Cette cellule ne présente pas une vraie membrane ; il y a simplement une membrane protoplasmifjue. Tous les fixateurs et toutes les colorations teintées ne nous ont jamais décelé une autre forma- tion que cette membrane protoplasmique. Il en est d'ailleurs de même pour les cellules sécrétrices de la cuticule. Mais, à sa partie inférieure, la cellule est limitée par une membrane basale et, à sa partie supérieure, par la cuticule; toutefois il ne serait pas exact de considérer cette cuticule comme une séparation de la cellule. Elle est, en effet, perforée comme dans les cellules glandulaires des poils protecteurs, et par cette perforation elle assure la communication de la glande avec les organes extérieurs, qui, dans ce cas, sont les poils urticants. Il était nécessaire de préciser dès maintenant ce point spécial, car il a une très grande importance, comme on le verra par la suite. Intérieurement ces cellules présentent un protoplasme granu- laire, extrêmement dense. Ces granulations tendent à s'orienter en fil)rillcs qui se dirigent toutes dans le sens du poil; elles se colorent d'une façon intense par tous les colorants. Au centre de chaque cellule se trouve un noyau allongé. Comme la masse de l'acinus est formée d'une ([uantité considérable de cellules BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 79 glandulaires correspondant chacune à un poil et accolées les unes aux autres, sur les coupes épaisses, il est à peu près impossible de distinguer autre chose qu'une masse protoplas- nii(|ue, fortement colorée, à contours intérieurs irréguliers, et renfermant en elle une grande quantité de noyaux. Ce n'est que (K 1 .1. ("onche sécrétrice de la culiculi'. — />'. l'reinirre zone culiculaice. — C Deuxième zone culiculaire. — />. Troisième z( ne eiiliculaire. — K. Pigment vn en coiipc transversale. — A'. Massif de régénéi'alion épiliiéliale trinucléé. — (). Glande d'un poil pvolecleur. — //. Sdii noyau. — /. Vacuole. — ./. Protoplasme. — K. Filaraeuls muqueux. — L. Poil proleclenr. — J/. ("iranulalions. — X Poil urlicant. — 0. Zone culiculaire snrhupielle s'insèrent les poils nrlicanls (1' el 3° zone). — p. Zone culiculaire correspondant à la [)remière zone avec les fins canalicules aboutissant aux pores lamellaires. — <(. Cellule de la couche sécré- trice de la cuticule. — H. Cellule du massif glandulaire sécréteur du poil urticanl. — .S. Cuticule souple. — T. Cellule de la couche sécrétrice de la cuticule faisant le passage entre les deux massifs glandulaires sécréteurs des poils urticants. dans les coupes les plus minces que chaque cellule s'individua- Hse, se délimite, et qu'il est possible d'étudier sa constitution interne : chaque cellule n'étant pas absolument semblable à sa voisine comme taille (il eu est de même pour le poil urticanl), on comprendra ainsi aisément que le massif glandulaire paraisse 80 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHO.N' si irrégulier par ces contours intérieurs, maliiré lliorizoutalilé du même plan sur lequel toules ces cellules viennent s'insérer. Cuticule et insertion des poils Puisque la cuticule est « une couche résistante développée à la périphérie d'une partie épithélialc » et qu'elle « est la somme des formations cuticnlaires dues à chaque cellule », son é(ude aurait dû être faite en même temps que celle de chaque celkde. La séparation que nous étahUssons, ici, entre un élément histologique et une de ses parties constitutives est purement factice, toutefois elle nous permeltra de préciser davantage les relations des diverses parties du miroir, des organes annexes et voisins. Si l'on considère la couche cuticulaire au-dessus de la couche épithélialc dont nous avons parlé, on voit, après un examen attentif, qu'elle est formée de trois couches succes- sives. La première va du centre vers la périphérie : elle est la plus importante ; elle représente, en effet, les deux tiers de la cuticule. Nettement visilde sur les côtés, elle devient extrême- ment fine près du miroir et se confond avec la deuxième zone, de manière à rendre à peu près impossible une ligne de démarcation vraiment précise. Ensuite vient la seconde zone cuticulaire : elle se colore avec beaucoup plus d'intensité que la précédente, ce qui rend sa distinction des plus faciles. En outre, cette deuxième zone se desquame aisément et suit fréquemment les lamelles quand elles se détachent au moment de leur rencontre avec le rasoir; elle entraine presque toujours, dans ce cas, la troisième et dernière zone, qui demeure intimement liée avec elle. Cette troisième zone est de beaucoup la plus importante. C'est elle qui forme les lamelles du miroir, ces lamelles sur lesquelles vont s'insérer les poils urticants. C'est elle, en outre, qui se charge des forma- tions pigmentaires et qui constitue les bases cuticnlaires des poils protecteurs ou simplement de revêtement. Si l'on compare le rôle que jouent ces diverses zones cuticn- laires pour la base d'un poil protecteur ou de revêtement on voit que celte base est formée d'une sorte de bouton chitineux, BULLETIN 1)1-: LA STATION BIOLOfilQUE 81 FiGLUE II. — Diiers nspccis qiw jn'iit prendre la rouclie riiliciildire serrant de base d'insertion aux poils urlieants (rue à un très fort grossissement). a. Sc-clion de la chiline suivant un plan Iransverso-oblique. — b. Section (le la cliiline snivant un caïuil vecteur. — c Poil uiiicant. / 3. Figure III. — Mi'iiic riir 'pie rrlle de la fujure //, mais arec un fait/le grossisseinent. A. Coupe transversale du plateau lamellaire porteur de poils urticanls. — h. Partie détachée de la lamelle, vue de face. FiGVRE lY. — /'lie partie (lelaeliée de la lamelle du miroir vue de faee. A. Orifice de communication de la glande sécré trice avec le poil virticanl. — H. Sail- lie chitineuse de la lamelle, non perforée, intercalée entre les orifices de communi- cation. Figure V. — Région de la lamelle du miroir vue en coupe transversale. A . Canal et orifice de com- munication des pores lamellaires. — /?. Sail- lie cliilineuse interca- laire. 82 socii'niî sciE.NTiFiQUK u'ahcachon qui emprunte son origine aux deux couches cuticulaires super- ficielles, car la cuticule superficielle forme le squelette externe du poil et l'enveloppe du bouton cliitineux. Si Ton compare le rôle que jouent ces diverses cuticules dans la formation des poils urticants et des poils protecteurs, on rencontre certaines analogies et certaines différences qui méritent d'être signalées. L'enveloppe du poil protecteur ou de revêtement doit sa formation exclusivement à la première couche externe de la cuticule : il est à remarquer que cette couche cuticulaire se présente fréquemment, sur les coupes dépourvues de pigments, avec une coloration jaune clair à. peu près identique à celle du poil. Les colorants employés pour les coupes sont sans action sur elles, mais le bouton chitineux qui sert de base aux poils a une double origine : son enveloppe intérieure est due à la cuticule superficielle. Celle-ci, en effet, forme une sorte d'anneau continu; mais l'intérieur de cet anneau est formé par la seconde couche cuticulaire. Les colorations électives par le carmin d'indigo sont des plus instructives à cet égard; les deux zones cuticulaires ne se continuent pas plus bas et le canal de la glande du poil s'ouvre brusquement au travers de la première zone cuticulaire. Lorsque l'on arrive au miroir, les zones cuticulaires s'amin- cissent considérablement et seules les colorations électives permettent de préciser l'origine de telle ou telle formation. Cet amincissement est surtout extrêmement sensible pour la première zone cuticulaire qui forme une sorte de plancher perforé au-dessus du massif glandulaire dont nous avons parlé précédemment. Ensuite apparaît la deuxième zone cuticulaire qui, avec la dernière zone, formera ces figures géométriques carrées ou triangulaires, suivant la section, dans lesquelles sont implantés les poils urticants et dont l'ensemble constitue la lamelle du miroir. La manière dont les poils urticants sont insérés sur la lamelle n'a aucune analogie avec celle des poils protecteurs ou de revêtement. Une coupe perpendiculaire d'une lamelle du miroir se présente habituellement comme une série de rectangles étroitement serrés les uns contre les autres. Parfois aussi l'un des côtés de l'un de ces rectangles se continue pour former deux lignes brisées se heurtant pour déterminer un angle plus BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 83 OU moins aign. Ces différences d'aspect sont dues à la dureté de la chitine qui sur le rasoir se présente sous différents plans; quand ce plan est horizontal, la section qui en résulte est elle-même horizontale quand la coupe est triangulaire, c'est qu'elle a rencontré une des saillies du miroir et c'est à la base de ce triangle que se trouve l'insertion du poil urticant. Par conséquent, la forme triangulaire est la seule qui soit intéressante, toutes les autres ne sont guère que le résultat de préparations défectueuses. En outre, on voit apparaître dans le corps môme de ces figures géométriques des parties ombrées, qui varient suivant le point du microscope. Ces ombres indi- quent tantôt la lumière du canal glandulaire, tantôt la rencontre de la surface cuticulaire avec le rasoir sur un plan oblique, par suite de la résistance de la chitine au fil de la lame. Seule, la multiplicité des coupes sous divers plans permet d'interpréter, sans grandes difficultés, la position réelle de chacun des éléments dont nous venons de parler. PHYSIOLOGIE Dans les recherches physiologiques sur les poils de la Chenille Processionnaire du Pin, Parazols-Danoy écrit ceci : « Dans le cours de notre étude sur les Chenilles, nous avons pu recueillir des poils longs, nous les avons fortement broyés sur la face de flexion du coude et nous n'avons jamais pu obtenir la plus petite rougeur ou démangeaison ». Cette expérience est fort peu concluante, car Parazols-Danoy reconnaît plus haut n'avoir eu à sa disposition que des Chenilles conservées dans l'éther. Dans ces conditions, il est fort probable, sinon certain, que la diffu- sion des produits contenus dans les poils n'ait eu lieu très rapi- dement. En outre, Parazols-Danoy n'a pas fait la distinction du poil prolecteur avec piquants latéraux du poil de revêtement sans piquants. La différence entre ces deux sortes de poils est trop nette pour que les résultats des expériences faites avec l'un soient strictement identiques aux résultats des expériences faites avec les autres : il est donc nécessaire de réserver à ce sujet toute xléduction scientifique. L'habitude de nous servir des solu- 81. SOCIKTK SCIENTIFIQUE D ARCACIiniN lions lormolées très concentrées pour le tannage des peaux et la conservation des pièces anatoiniques nous avait rendu indem- nes de l'action des poils urlicants du miroir môme, et à plus forte raison de l'action, si action il y a, (]ue pourraient exercer sur la peau humaine les poils protecteurs. Il est fort possible que les poils protecteurs de cette espèce de Chenille soient sans action sur l'homme, mais nous n'avons pas le droit d'en conclure que ces poils vis-à-vis de tous les êtres sont indifférents. D'abord, Figures VI et VII. /"//■'' Ils asjiccis ijiie priil pi a. Lamelle siiperieiife du inii'oii'. — h. Lamelle iiilÏTii^iire du miroir. — c Classe de poils urlicanls encore adliiTcnls au miruir. — d. (liiliciile souple. — K. lîoii- lon cliilitieux avec les poils protecleiirs. — F. l'oils proleeleurs représeiilés sans leurs piquants latéraux. — (j. Base d'insertion des poils prolecteurs. — //. Bour- relet iirotecteur. le fait |)our ces poils d'être armés do piquants latéraux, comme les poils urlicants du miroir, alors que d'autres poils, les poils de revêtement, n'en présentent pas. nous donne le droit de dire que les premiers ont, sans nul doute, un but différent de celui auquel les poils de revêlement simples sont destinés. Or ce but est d'assurer une défense plus effective encore de l'orga- nisme. Ils sont légion, et de toutes sortes, les ennemis des Che- BULLETIN DE LA STATlOiN BIOLOGIQUE !S;) nilles (1), si seul des oiseaux le coucou ose s'attaquer à la Processiounaire, celle-ci a encore bien d'autres adversaires contre qui les poils protecteurs peuvent être des moyens de protection plus ou moins efficaces. En plus de l'armature exté- rieure du poil, le contenu doit avoir un rôle chimique autre qu'une action indifférente. Histo-chimiquement, la glande du poil protecteur ne diffère en rien de la glande du poil urticant. Si l'on étudie le contenu d'un poil protecteur, on voit qu'il est composé de deux substances : l'une liquide, demi fluide, située surtout à la base du poil ; l'autre solide, granulaire, de plus en plus épaisse au fur et à mesure que l'on se rapproche du som- met du poil. La première de ces substances sert toujours de véhicule à la seconde ; la réaction de l'une et de l'autre de ces parties est nettement acide. Les solutions picriques précipitent la substance liquide et permettent son étude sur les coupes. Si l'on fixe par un autre procédé, tel que celui des alcools à divers titres, il ne reste plus que les granules, qui eux demeurent facilement colorables, se décelant aisément par les solutions hémaloxyli(pies. L'hématoxyline de Kleinenberg, en particulier, les colore rapidement en brun très foncé. Il n'en est pas de même pour la partie liquide, qui même précipitée u'apparait que sous forme de filaments faiblement teintés. Voici, en somme, brièvement résumée riiisto-chimie et la physiologie de ces poils qui coopèrent sans nul doute à la défense de la Processionnaire. Mais le principal procédé de défense de la Cnethocampa réside en ses poils urticants ; ce sont du moins ces poils qui, chez Thomme et chez les mammifères de grande taille, peuvent déterminer des accidents plus ou moins graves, revêtant la forme de l'urticaire. Ils ont d'ailleurs été Ijien étudiés par Parazols-Danoy et par les divers auteurs qui se sont occupés de cette question. Leur forme est caractéristique ; c'est simplement une ampoule dont les deux extrémités sont coniques. Il est à remarquer que toutes ces ampoules ne sent pas de même taille; un poil urticant peut fort bien, en effet, être le double comme grandeur de celui qui (1) Des Caraljiques, lels cjue le Calosome Sycophante, et des Hyménoplères Térébranls, Iclineumoninès, sont des ennemis redoutables des Processionnaires, soit qu'ils les attaquent directement pour les dévorer, soit qu'ils les parasitent par leurs larves enlomopliages. 80 SOCIÉTÉ SCIEiNTIFIQUE d'aRCACUON le précède ou de celui qui le suit. Les mesures faites jusqu'à ce jour assignent à ces poils une longueur de deux dizièmes à un centième de millimèlre et une largeur de trois à six millièmes de millimètre. Do même que pour les poils protecteurs, leur lon- gueur est donc des plus variables, mais pour si réduits qu'ils soient un très faible grossissement du microscope suffit pour les étudier. Ils se présentent donc comme des ampoules parfai- tement fermées (1), de coloration jaune due à la chitine qui les constitue. Intérieurement, ils sont remplis d'une masse liquide (|ui contient fréquemment comme inclusion des bulles d'air, mais il n'y a aucune granulation comme dans les poils protec- teurs. Parazols-Danoy dit avoir vu, dans le canal du poil, une sub- stance grisâtre que l'on peut faire sortir par pression. Il est fort probable que celte prétendue substance grise n'était pas autre chose que le liquide contenu dans le poil et qui, par la pres- sion, éttrit devenu le véhicule de nombreuses bulles d'air de tailles très réduites. Pour notre part, nous n'avons jamais pu constater la présence de granulations dans le contenu du ])oil urticant. • L'opinion des auteurs a différé sur la nature de la substance contenue dans le poil. Goosens et Girard attribuent à la can- tharidine l'action urticante des poils de la processionnaire. Il nous semble que cette opinion est erronée pour les motifs suivants: tout d'abord, nous avons dit n'avoir rencontré dans les poils qu'une masse liquide et non granulée. Or la cauthari- dine, qui est une substance blanche et cristallisée, devrait si elle existait, pour expliquer l'action énergique et immédiate du poil, apparaître avec cette teinte et avec son aspect cristallin. Or il n'en est rien. En outre, la cantharidine est insoluble dans l'eau, et le produit du poil urticant se mélange aisément avec celle-ci pour disparaître sans laisser de traces. Schmidt, Will, Gorup et Parazols-Danoy considèrent plutôt l'acide formique comme le vrai produit urticant du poil. Cette opinion nous paraît la plus exacte, et nous nous y rangeons très volontiers. Mais il est étonnant que Parazols-Danoy parle d'une substance grise, car s'il en était ainsi, le produit étudié (1) Voir les recherches du docteur F. Lalesque à ce sujet, Loc cil, BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 8/ ne serait nullement de l'acide formique, qui est un liquide inco- lore, fondant à 8". Or il est à peu près certain que Parazols- Danoy a pu étudier ces poils à une température égale, sinon supérieure, à celle qui est nécessaire pour que l'acide formique soit à l'état liquide, et, selon toutes probabilités, l'erreur qu'il a commise est une erreur d'interprétation microscopique non chimique. Nous avons tenu à vérifier l'exactitude de ces réactions pour les poils urticants, car, en somme, Parazols-Danoy n'a opéré, comme il le dit lui-même, ({u'avec l'éther de conservation des Chenilles. Dans ces conditions, les matières organiques peuvent avoir joué le rôle attribué aux poils urticants et avoir été seu- les les causes de décomposition de l'azotate d'argent. Nous avons donc pris des solutions assez concentrées de nitrate d'argent : 6 et 10 % dans leau distillée, et nous les avons fait réagir sur les lames et dans des tubes à essais avec les poils urticants, que nous avions broyés soit entre la lamelle et la lame, soit dans le mortier après les avoir prélevés en ([uantité sur le miroir de Chenilles Processionnaires vivantes. Nous avons laissé les réactions se produire dans la plus complète obscurité, et la réduction des sels d'argent s'opérail après un laps de temps assez irrégulier, qui pouvait varier d'un quart d'heure à plusieurs heures. Sans nul doute, c'était la/[uantité de poils urticants qui était cause de cette inégalité, car nous nous sommes efforcés d'opérer toujours dans les mêmes condi- tions de température. Nous avons aussi tenté d'obtenir la réaction sur le porte-objet du microscope, et pour cela sur des poils brisés nous avons fait agir la solution argentique. La réduction a eu lieu de même, mais comme l'azotate d'argent subissait l'action de la lumière, il se peut fort bien que ce soient les rayons solaires qui aient agi. Par conséquent, cette expérience ne présentant pas toutes les garanties nécessaires, elle ne serait pas concluante par elle- même si les deux autres expériences contrôles, déjà citées, n'étaient là pour justifier l'exactitude des déductions. En dehors de ces réactions chimiques et des faits précédem- ment indiqués, l'action physiologique des poils urticants sur l'Homme et les Vertébrés permettrait de conclure plutôt en faveur do la présence de l'acide formique que de la canthari- 88 SOCIÉTIÎ SCIENTIFIQUE d'ARCACHO.X' dine dans les organes défensifs de la Chenille Processionnaire. En effet, aucune observation médicale n'a indiqué, pour les accidents résuUanl de l'action des Processionnaires, un phéno- mène qui puisse se rapporter à ceux qu'entraînent l'absorption, par voie digestive ou cutanée, d'un principe tel que la cantha- ridine. Et cela malgré la gravité que pouvait revêtir le cas présenté, il n'y a jamais eu aucune manifestation vésicale. L'irritation est localisée à la région cutanée ayant subi le contact du corps, ou des poils urticants de la Chenille. Or comme il suffit de lo centigrammes de canlharidine pour déterminer du délire et une irritation des plus graves des organes urinaires, on est en droit de conclure (juc le produit existant dans les poils urticants n'a aucune analogie avec la cantharidine. Par contre, le prurit, la formation de papule urticarienne (exanthème papu- leux contre exanthème huileux de la canlharidine), parfois des douleurs sourdes dans la région atteinte par le principe uocif rappellent, d'une manière tiès remarquable, les accidents qui surviennent après un contact plus ou moins prolongé avec de l'acide formique ou des solutions formolées à divers titres. Tous ces faits réunis militent donc beaucoup plus en faveur de l'opi- nion de Parazols-Danoy, Schmidt, Will et Gorup qu'en faveur de celle de Goosens et Girard. Ce sera donc- à l'opinion des premiers que nous nous rangerons, d'autant plus volontiers qu'elle concorde parfaitement avec le résultat de nos expé- riences. Quant au fonctionnement du poil uiticaiit, il est des plus simples et son aspect seul indique de quelle façon il doit se comporter lorsque la masse des poils urticants, détachés du corps de la Chenille, se trouve en contact avec la surface épithé- liale de l'épiderme de l'Homme ou d'un Vertébré. L'une des pointes de l'extrémité du poil urticant se fixe soit sur la cellule épilhéliale elle-même, soit sur l'un de ses côtés. Quel que soit d'ailleurs le mode de fixation, le poil ne tarde pas à cheminer à travers les masses épidermiques, grâce à ses barbelures latérales, d'une manière absolument identique à celle qui fait progresser un épi de blé le long des masses musculaires du bras, par exemple, et du vêtement qui le recouvre. Dans cette pro- gression, il arrive un moment oi^i le poil urticant est forcé de se rompre ; il émet le principe urticant ciu'il renferme, comme une BULLIÎTIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 89 FiGUiiE VIII, — Formes et rapports des poils protecteurs et des poils urliranls X i'ôd. /'. Poils pi-olecleurs. — C. Poils urticanls. 90 sociirrii sciektU'IQue d ahcachua ampoule qui se brise : c'est alors qu'apparaissent les phéno- mènes urticariens. Ce procédé est sans nul doute le plus fréquent, mais il n'est sûrement pas le seul. D'après les travaux antérieurs du docteur Lalesque sur cette question, il se ren- contre parfois des surfaces épidermiques cornées, comme la plante des pieds des résiniers, qui s'oppose à l'action mécanique du poil : il faut donc qu'il y ait une action chimique à peu près exclusive, et il n'est pas douteux que l'opinion de Laboulbènc à ce sujet ne soit en contradiction avec le résultat précis des faits. Il se peut que le poil urticant soil recouvert par un liquide caus- tique de même nature que celui qu'il renferme ; mais l'examen microscopique ne donne rien à ce sujet, aussi bien à sec que dans des solutions diverses. Gela se comprend sans peine, car en admettant que ce liquide superficiel existe, il doit, fatale- ment, être en couche excessivement mince par suite de \i\ pelile taille du poil urticant. En outre, ce liquide ne peut exister que fort peu de temps, et quand la dessiccation arrive, il s'évapore rapidement, s'il n'a pas formé déjà des sels relativement indifférents. Il est donc bon de réserver son opinion au sujet d'un liquide caustique revêtant les poils. Mais s'il arrive qu'un épidémie s'oppose à la pénétration des poils, ceux-ci peuvent fort bien agir quand même en se brisant superficiellement et en inoculant par une sorte d'imbibitioii aux cellules épitlié- liales le produit urticant qu'elles renferment. Le fait de subir le contact de Processionnaires dépourvues de poils urticants peut parfaitement être quand même la cause de lésions plus ou moins graves; la surface des lamelles du miroir laissant, en effet, suinter par ces milliers de pores l'acide formique sécrété par les glandes. Ces deux faits expliquent aisément l'apparition de certains phénomènes urticariens dus aux Chenilles de Pro- cessionnaires, en l'absence de poils urticants, aussi bien à la surface de l'épiderme que dans la profondeur des tissus sous- jacents. Il était nécessaire de faire connaître cette action défensive indirecte chez les Cnethocampa, qui permet d'expliquer l'absence des poils urticants dans les tissus lésés, absence que, seul, le docteur Lalesque avait constatée et signalée. Celte constatation peut avoir une grande imporîance, car elle permet de diagnos- tiquer, en l'absence de toutes preuves, c'est-à-dire de poils BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 91 iirticaiits, inclus dans l'épidermo ou le derme, un accident d'urticaire dû aux Processionnaires du Pin et d'ordonner, pur conséquent, le traitement le mieux approprié à la gravité du cas. Nous aurions voulu, pour terminer ce travail, établir les FlGLRE IX FlOLRE X Mur/i/iiiliiijie (lu /Jnil uiiictinl fit de ses épine». FiG. IX. — l'oil lu'ticant type é^jines de ronces X (350. FiG. X. — Poil m-ticanfe- avec son canal central à liqneiir urticante X 800. points de similitude et de divergence existant entre les recher- ches de Parazols-Danoy et celles-ci. Malheureusement les [Ran- ches établies par cet auteur sont trop confuses pour qu'il soit possible de les interpréter sans erreur. Quant au texte lui-même, il n'est que l'expression d'uue 92 SOCIÉTÉ SCIEi>TIFlQi:E d'aRCACHO^ hypothèse que rien ne justifie. « Si nous examinons maintenant dans toute sa longueur cette couche à grosses cellules, nous voyons qu'elle a l'aspect d'un canal, ou du moins semble être très voisine d'un canal ou plutôt d'un réservoir occupant toute la surface du miroir sous la couche cuticulaire, et auquel viennent aboutir d'un côté des canaux émanés de la couche située immédiatement au-dessous, d'un autre côté les stries perpendiculaires de la couche sous-cuticulaire. Selon nous, nous fondant sur ce que ces stries perpendiculaires aboutissent du côté de la périphérie au point d'implantation des poils, nous en avons conclu que ces mêmes stries n'étaient autres que des canaux faisant communiquer le poil avec le réservoir, lequel serait alimenté par des canaux collecteurs Amenant de la couche à aspect glandulaire que nous avons représentée etc. » Nous ne donnerons ici que notre opinion personnelle pour ce qu'elle vaut, n'ayant pas pu, pour les raisons exposées plus haut de conservation défectueuse des Chenilles, démontrer l'existence réelle des glandes et découvrir les canaux qui vien- draient s'aboucher avec les canaux collecteurs alimentant le réservoir dont nous parlons. » Sans entrer dans la criticjue de cette citation, qui nous entraî- nerait inutilement dans un nouvel exposé des faits, nous dirons seulement que Parazols-Danoy a tenté de donner une interprétation logique de ses coupes, mais que, malheureusement, cette interprétation est en désaccord alisolu, non seulement avec les faits, mais encore avec les probabilités scientifiques, sans (|u'il soit besoin d'avoir recours au microscope et au microtome. Keller, en effet, dit « avoir pu compter sur un miroir de Chenille du pin sylvestre jusqu'à cinq mille glandes ; Will à son tour, avec les Chenilles du pin sylvestre, a pu mettre en com- munication le canal intérieur du poil avec sa glande. Ces deux faits auraient dû attirer l'attention de Parazols-Danoy et l'empc- clier d'accepter son hypothèse d'un réservoir. 11 y a évidem- ment des changements de détail lorsque l'on considère les différentes variétés d'une même espèce, mais il n'y a jamais une modification aussi absolue que l'indique le travail de Parazols-Danoy dans un plan anatomique commun à une même espèce, et il était de toute évidence que la Processionnaire du Pin n'allait pas présenter dans un organe défensif homologue. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 93 et absolument comparable, superficiellement, à ceux des autres espèces de Gnethocampa, une différence anatomique et histolo- gique telle que tout terme de comparaison entre deux espèces aussi voisines que G. Pinivora et G. Pityocampa (1) ne puisse être utilisé. Les différences, quand différences il y a, doivent résider dans la taille, le contenu des cellules, et à la rigueur dans leur agencement relatif. Enfin toutes les données de l'ana- tomie comparée et de l'embryologie s'opposent à ce qu'un organe de môme aspect, de même situation, de même nature, de même fonction, pour deux variétés d'une même espèce, subisse dans sa partie profonde, et seulement dans celle-ci, une modification telle ({u'il n'y ait plus d'analogie possible entre les divers organes et les divers feuillets qui les constituent. Lors même que le résultat de nos recherches n'aurait pas conclu à l'unicellularité de la glande du poil urticant pour G. Pityocampa, et par conséquent h un résultat analogue à celui obtenu par Keller et AVill pour G. Pinivora, nous nous trouverions dans l'obligation de donner la préférence à ces deux auteurs sur Para/ols-Danoy, car Will a pu par exemple pousser le contenu du poil dans la glande et, inversement, le contenu de la glande dans le canal du poil, et Keller a pu compter le nombre de glandes. Parazols-Danoy, au contraire, n'a pu, comme il l'a dit lui-même, renouveler ces expériences chez la Processionnaire du Pin, et dans sa conclusion même il ne garantit nullement la valeur de son opinion : il la réserve, incontestablement, en se retranchant derrière « la conservation défectueuse des Ghenilles ». Les procédés utilisés, en même temps que le parfait état de nos éléments d'étude, nous ont permis d'obtenir des résultats précis, nous dispensant de toute hypothèse. La conclusion s'im- pose d'elle-même, et en généralisant cette conclusion grâce à des recherches dont nous n'aA'ons pas parlé au cours de ce travail, mais qui furent menées parallèlement avec lui (2), (1) En effet, pour ccrlains ailleurs, Cnelliocampa Pinivora (Processionnîiire A-ivanl sur le sapin), cmnmtnie en Suède, en Kiissie el dans le nord-esl de rAllemagne, ne sérail qu'une variélé de la Cnelliocampa Pityocampa ou Pro- cessionnaire du Pin. (2) Nous avons mené parallèlement à réiude de l'analoraie et de Pliistologie dn miroir chez Gnethocampa Pityocampa celle du même organe chez Cnethocam[)a processionea (Processionnaire du chêne). Le résultat de ces recherclies fera sans doute plus tard l'objet d'une publication particulière. 94 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON' nous terminerons par ces mots : L'organe appelé miroir chez les Giiethocampa n"a c|u'im but défensif. Il est constitué par quatre lamelles entourées d'organes annexes protecteurs. Sur ces lamelles sont insérés des poils à produits urticants suscep- tibles de se détacher en masse et de déterminer dans les tissus, où ils se brisent, des phénomènes pathologiques de gravité variable. Chacun de ces poils est en communication avec une glande sécrétrice du liquide urticant. En outre, celte glande n'est qu'nnc cellule épilhéliale de la couche sécrétrice de la cuticule différenciée en une fonction spéciale. Quelle que soit l'espèce de Processionnaire considérée, le miroir suffirait à lui seul pour empêcher toute confusion d'espèce avec les autres larves éruciformes des Lépidoptères, sans qu'il soit besoin d'avoir recours aux autres caractères ; il est, en effet, par lui-même caractéristique de ces Bombycidés. Anatomiquement et histologiquement, sa situation et son origine demeurent les mômes chez les différentes espèces de Cnethocampa, car les variations qu'il présente ne sont jamais que des variations de détails, qui n'altèrent en rien les rapports des divers organes entre eux. Dans toute la série des Cnethocampa, l'homologie est complète dans tous les organes du miioir, aussi bien dans leur anatomic superficielle que dans leur conformation cellu- laire la plus délicate et la plus complexe. REGHEIIGHES SUR LES YABIATIOXS DE TEMPÉRATURE, DE DENSITÉ ET J)E TENEUR EN OXYGÈNE DE L'EAU DE LA GOTE A ARGAGHON Par R. LEGENDRE J)octeiir es sciences Préparateur de Physiologie générale au Muséum d'Histoire Natui-elle La région littorale est une des plus iutéressantes pour le biologiste, tant par la richesse que par la diversité de sa faune et de sa flore. De plus, les auiniaux qui ITiabitent ont été l'objet, depuis quelques années, d'uu grand nombre d'observations sur les variations de leurs réactions physiologiques. Eul'iii, la région littorale a encore une grande importance au point de vue pratique, puisqu'elle est la région de pèche la plus exploitée. Gependant, les données physico-chimiques sur cette zone sont très peu nombreuses, la plupart des recherches de température, de densité, de gaz dissous ayant eu lieu au large et n'ayant porté le plus souvent que sur les variations en profondeur. Pendant deux étés consécutifs (1907, 1908), j'ai étudié les variations de température, de densité et de teneur en oxygène dissous de l'eau de la côte à Goncarneau. Ges recherches m'avaient fourni les renseignements suivants : [" Variations de température. — La température varie pendant la journée; son maximum a lieu de 2 à o heures de l'après-midi, son minimum, un peu avant le lever du jour. Le maximum de température a lieu à une heure différente suivant la marée : pendant les marées de morte eau (basse mer vers 0 heures), il a lieu vers o heures de l'après-midi ; pendant les grandes marées (basse mer vers midi), il a heu vers 2 heures. Ges faits avaient déjà été signalés par Pouchet et Ghabry. La comparaison des températures prises alternativement à 96 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON l'entrée du port (port formé par l'estuaire de la rivière du Moro) et sur la côte montre que le maximum a lieu environ deux heures plus tôt dans le port pendant les grandes marées et deux heures plus tard pendant les mortes eaux. Ces différences peuvent s'expliquer, ainsi que les déplacements de l'heure du maximum, par le fait que l'eau littorale est plus chaude que celle du large. Pendant les grandes marées, le maximum de température a lieu à marée montante; sur la côte, l'eau du bord est la plus chaude parce qu'elle vient de passer sur un fond qui était à découvert et exposé au jour; à l'embouchure du Moro, l'eau la plus chaude est déjà passée, remontant l'estuaire, et celle qu'on examine vient du large et n'a pas été réchauffée par son passage sur un fond découvert. Pendant les mortes eaux, au contraire, k^ maxi- mum a lieu à marée descendante et l'on observe à l'embouchure, jusque vers l'heure de la mer basse, une eau mélangée de l'apport du ruisseau, apport qui est resté toute la journée exposé à la lumière sous une faible épaisseur. On peut donc dire que la marée influe plus sur l'heure du maximum de température dans l'estuaire que sur la côte. 2° Variations de densité. — La densité varie avec la marée : les plus faibles densités s'observent peu après la mer basse, les plus fortes peu après la haute mer. Cependant, les variations de densité sont loin d'être aussi régulières que celles de tempéra- turc; divers facteurs atmosphériques (insolation, pluie), océani- ques (courants) ou géographiques (ruissellement et infiltrations d'eau douce) peuvent les modifier. La comparaison des densités prises alternativement à l'entrée du port et sur la côte permet de constater que les deux eaux sont presque également salées après une période de beau temps, très inégalement au contraire, après une pluie abondante. Après la pluie, l'eau du port présente des variations assez grandes et rythmiques comme celles de la marée ; après une période de sécheresse, ses oscillations sont plus faibles et l'on n'observe plus de différence avec l'eau de la côte qu'au moment de la mer basse; à ce moment, l'écart est faible pendant les mortes eaux, plus considérable pendant les grandes marées. ^^ \'^a7'iatioîïs d'oxygénation. — La teneur en oxygène dissous de l'aau de la côte varie pendant la journée; elle est maxima vers 2 à 3 heures de l'après-midi, au moment du plus grand BVLLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE . 97 éclairenicnt, minima un peu avant le lever du jour. Le maxima est un peu plus élevé pendant les journées ensoleillées que par temps de brume ou de pluie. L'agitation de l'eau ne semble pas avoir une grande influence; en effet, on n'observe pas de diffé- rences constantes entre les eaux prises pendant la houle et celles prises en calme plat. Les marées et les variations de densité qu'elles produisent ne semblent pas agir beaucoup sur la teneur en oxygène. La cgmparaison des nombres obtenus alternati- vement à l'entrée du port et sur la côte montre peu de différences; toutefois, l'eau du port est un peu plus oxygénée que celle de la côte quand sa densité est plus faible. La variation journalière de la teneur en oxygène de l'eau de la côte a déjà été signalée par Morren (1844) et Lewy (1846). Elle est évidemment liée à l'activité chlorophyllienne des algues tapissant le fond sous une faible épaisseur d'eau. La teneur en oxygène est souvent infé- rieure pendant la nuit au coefficient de solubilité de ce gaz dans l'eau de mer; cette diminution est explicable par la respiration des plantes et des animaux, très nombreux et peu éloignés de la surface. Elle est souvent supérieure pendant le jour à ce même coefficient sans que j'aie pu expliquer cette apparente contra- diction aux lois physiques (1). Ces résultats n'étant valables que pour la région et la saison étudiées, il importait de déterminer ceux d'entre eux qui sont généraux de ceux qui sont particuliers à Goncarneau et à l'été. Trois gTOupes de recherches s'imposaient donc : étude des mômes facteurs en divers points du littoral, en diverses saisons et à une distance variable de la côte. J'ai entrepris cet été l'étude des mêmes facteurs : température, densité, teneur en oxygène, sur l'eau de la côte à Arcachon, point très différent de Goncarneau, tant par la nature sablonneuse de sa côte que par le régime saumàtre de ses eaux et la nature de sa flore et de sa faune. Mon séjour à Arcachon m'a permis de recueillir de nombreux renseignements et les conseils de M. le Professeur Jolyet qui s'est occupé depuis longtemps de (1) Lecendre (R.), Recherches octkinojjçraphique? faites dans la réj^ion littorale fie Goncarneau i)endant Télé de l',»07. Bulletin (le l'Imlilut Oeéanograpltiiiiie, n° 111, 21 février 1908. Lege.xdre (R.), Recherches physico-chimiques sur l'eau de la cote à Goncarneau. Ibid., n° 144, 30 juin 1909. 98 SOCIIÎTÉ SCIENTIFIQUK d'aRCACIION ces questions. Je le prie d'agréer, ainsi que M. le D' Sellier et la Société Scientifique d'Arcachon, tous mes remerciements pour leur très bienveillant accueil. Recherches antérieures sur le Bassin d'Arcachon Le Bassin d'Arcachon est un vaste bassin triangulaire ayant 84 kilomètres de côtes, d'une surface de 4.900 hectares à mer basse, de lo.oOO à mer haute. Près de sa côte ouest s'élève faiblement l'Ile aux Oiseaux. Sa profondeur est minime ; elle n'atteint 11) mètres qu'à l'extrémité du débarcadère d'Eyrac. « Presque aussitôt, le sol immergé s'élève rapidement jusqu'à — lo mètres, moins rapidement de — 15 à — 10 mètres, plus lentement de — 10 à — 5, très lentement de — 5 à 0, avec une excessive lenteur et très irrégulièrement depuis le 0 des basses mers jusqu'à + 3, hauteur des marées moyennes et + 5, hauteur maxima atteinte par l'eau dans le Bassin lorsqu'à l'effet des fortes marées s'ajoute l'action des vents d'ouest (1) ». Le Bassin communique avec l'Océan par un chenal de 2.500 mètres de large, encombré de bancs de sable et soumis à des déplacements qui ont été maintes fois étudiés et récemment encore signalés par Guérin-Ganivet (2). D'autre part, il reçoit l'apport d'eau douce d'une vaste région ; en effet, la pluie qui tombe sur toute l'étendue comprise entre Hourtin, Mimizan et la source de la Leyre s'infiltre dans le sol sablonneux jusqu'au contact de la couche d'alios et coule ensuite pour la plus grande partie vers le Bassin d'Arcachon, soit qu'elle s'y déverse directement, soit qu'elle grossisse les nombreux ruisseaux qui y ont leur embou- chure, soit encore qu'elle alimente les étangs qui communiquent avec le Bassin. Les côtes nord-est et sud du Bassin d'Arcachon reçoivent, en effet, de nombreux cours d'eau dont le plus important est la rivière de la Leyre. Le Bassin d'Arcachon se trouve ainsi soumis à deux influences variables, celle de la marée et celle des eaux douces provenant des pluies. (1) Thoui-et (.1.), Notes d'Océano^'raphie vclalives au Bassin d'Arcaclion. Ucvuc maritime et coloniale, 189i. (2) Guérin-Ganivet (.T.), Xotes pivliaiinaires sur les gisements de Motlus([iies comestibles des côtes de France. La côte des Landes et le Bassin d'Arcachon. /îiill. de ilnstilut Océanographi([ue, n° 135, 5 mars 1909. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 99 Des recherches sur la température, la densité et la teneur en oxygène des eaux du Bassin ont déjà été faites à diverses reprises. 100 SOCIKTl': SCIENTIFIQUE d'aRCACHO.\ Thoulet, dans une note parue en 1892 (1) et deN'^eloppee en 1894 (2), a étudié la vitesse des courants de marée dans le Jîassin au moyen d'un appareil de son invention. Les résultats qu'il a obtenus sont résumés dans un graphique reproduit ci-contre (fig. 1). Au point de vue qui nous intéresse, Thoulct a constaté que la température semble suivre la vitesse du courant, « de sorte qu'un abaissement de cette température correspond aux deux étales et un maximum à mi-marée mon- tante et descendante, instant de la plus grande vitesse de l'eau ». Il signale aussi que Yiallanes « a obtenu pour l'eau puisée à l'extrémité du débarcadère d'Eyrac et à la température in situ, c'est-à-dire S j, le 27 avril 1892 un maximum de 1,02472 et le 22 avril 1892 un minimum de 1,01904. » Hautreux, en 1895 (3) et 1900 (4), a publié deux importants mémoires sur les variations de densité et de température de l'eau du Bassin et de la côte des Landes. Bien que ces recherches aient été malheureusement faites avec des instruments insuffi- samment précis, elles fournissent cependant d'intéressants rensei- gnements. Le premier mémoire est consacré à l'étude des densités. Sur la côte des Landes, l'écart mensuel entre les densités maxima et minima ne dépasse guère 0,002; les observations poursuivies de septembre 1893 à août 1895 moutrent des minima en septem- bre 1893 (1,023), février, septembre et octobre 1894 (1,024), mai et juillet 1895 (1,023) et des maxima en décembre 1893 (1,032), janvier 1894 (1,030), mai 1894 (1,031), février et avril 1895 (1,027). Ces variations ne coïncident ni avec les périodes pluvieuses ou sèches ni avec les changements de température. Dans le Bassin d'Arcachon, en rade d'Eyrac, les variations sont plus considérables; l'écart mensuel entre les densités maxima et minima atteint 0,010 en décembre 1893, 0,010 en janvier et (1) TiiouLET (J.), 01)servations océanographiques relatives au IJassin d'Arca- chon (Gironde). Comptes Rendus Acad. des Se, t. CXV, 1892, p. o33-o35. (2) TiiouLET (.1.), Notes d'Océanographie relatives au Bassin d'Arcachon. /(erue maritime et coloniale, 189 i. (3) Hautreux (A.), Côte des Landes et Bassin d'Arcachon; densités de la surface de la mer. Bull, de la Soc. de (iéngraphie commerciale de Bordeaux, 18° année, 21 octobre 1895, p. 4oo-i67. (4) Hautreux (A.), La côte des Landes de Gascogne. La Geograpliie, lii novembre 1900, p. 337-312 et 103-483. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 101 0,010 en février 1894. D'une manière générale, on observe chaque mois, dans le chenal d'Eyrac, des densités minima de 1,020 à 1.022 et d'autres maxima voisines de celles du large bien qu'un peu inférieures. Les densités prises à la pleine mer sont constamment supérieures à celles de la mer basse. A la fin de 1894, les densités prises à la pleine mer dans le chenal d'Eyrac furent presque identiques à celles de l'eau du large; au début de 1895, la pluviosité ayant augmenté, elles leur devinrent inférieures, puis s'en rapprochèrent en mai après une période de sécheresse de vingt-cinq jours; le même fait se reproduisit fin juillet 1895. Ainsi, l'eau du chenal d'Eyrac subit nettement l'influence des pluies et de la marée. La densité la plus faible, 1,011, fut observée les 2 et 3 février 1894, la plus forte, 1,028, le 7 avril 1894. La comparaison des densités prises simultanément en divers points du Bassin montre d'importantes différences. A la pointe de l'Aiguillon, à l'est d'Arcachon, la densité de l'eau est supérieure à celle d'Eyrac, ses oscillations sous l'influence de la marée sont très faibles ; de plus, elle ne subit que très lentement l'influence des périodes sèches ou plu- viales. A la Villa Algérienne, les conditions sont très voisines de celles de la pointe de l'Aiguillon, sauf que l'influence des périodes pluvieuses y est beaucoup plus sensible, presque autant qu'en rade d'Eyrac. D'une manière générale, « les pluies ont une action dessalante très marquée dans les chenaux d'Ares et du ïeich, tandis que leur action est faible sur les crassats et dans les canalettes éloignés des grands courants ». Ainsi, « malgré le régime des marées, le Bassin a un régime spécial, et dans le Bassin lui-même, chaque région se localise et subit des perturbations qui lui sont particulières. Les chenaux d'Eyrac et du Piquey reçoivent le contingent des eaux douces provenant de la Leyre et de la décharge des étangs; ces volumes d'eau, insuffisants pour remplir la largeur des chenaux, oscillent dans ces canaux et y amènent de brusques variations dans la salure. Les petits canaux latéraux et les crassats qui découvrent ne reçoivent pas ce tribut des eaux des Landes; les eaux de marée qui viennent les recouvrir ont été déjà mélangées dans la partie maritime et se sursalent dans les régions qui ont été soumises pendant plusieurs heures à l'évaporation solaire ; aussi la densité y est plus forte que dans les grands chenaux. Le chenal du 102 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'ARCACHON Piquey est naturellement moins affecté que le chenal d'Eyrac. Ce dernier forme un véritable estuaire dans l'intérieur du Bassin ; c'est la prolongation du cours de la Leyre au milieu d'une nappe marine oh les eaux se mélangent lentement. » Le deuxième mémoire d'Hautreux est une étude plus géné- rale de la côte des Landes et du Bassin d'Arcachon. On y trouve des renseignements sur les températures et les densités de l'eau de la mer. Au large, les températures de la surface sont relati- vement fixes; elles subissent à peine les variations diurnes de la température de l'air et ne sont sensibles qu'à des baisses thermales prolongées plusieurs jours. La température la plus basse observée l'hiver est + 10°. Les extrêmes sont : Au large de la côte des Landes jusqu'à 30 milles. Sur la route de la Gironde au cap Finistère. . Sur la route de la Goubre à New-York jusqu'à 40° long. 0 1 Arcachoii, rade d'Evrac A Arcachon, la température de l'eau peut atteindre + 20° et descendre à -t- 1 et -p 2. Les variations y sont donc beaucoup plus grandes qu'au large. La température du Bassin n'est égale à celle de l'Océan qu'aux mois d'avril et octobre. Les observa- tions de densités confirment les faits établis dans le mémoire précédent. Les deux graphiques suivants, que je reproduis d'après les deux travaux d'Hautreux, résument les points les plus impor- tants de ces longues séries d'observations (fig. 2 et 3, voir pages 0 et 10). En 1899, Roilier (1) a examiné la densité, la salinité et le point de congélation de l'eau du Bassin d'Arcachon, en collabo- ration avec M. le Professeur Jolyet. Ses conclusions relatives à la densité sont les suivantes : La densité en un même point varie suivant les saisons et surtout suivant les quantités de pluie (1) UoDiER (E.), Observations et expériences compai-atives sur l'eau de mer, le sang et les liquides internes des animaux marins. Travaux des Lahor. de la Sio/ion zooL d'Arcachon, 1899, p. 103423, [inima Maxima 11 22 11 19 11 18 0 25 ■ J ■ ■ _ — r \. y^ _ 1 \ : ^ \ ^ szi \ ^ ^ ^. ^ ( ^ S: Sk I \ ~ ^\ \ = ^ ^ / i ^^ 1 /-^ ^ , /. . = Fig. :i. Varialions de lerapéniture el de ileiisilé (le lean de la cnle des Landes el de divers |)oinls Bassin d'Arcachon ; leur rapports avec les chutes de pluie. (D'après A. H.utreux.) I BULLETIN DE LA STATIO.N BIOLOGIQUE lOo tombées dans le vaste territoire qui déverse ses eaux superfi- cielles dans le Bassin. Les valeurs extrêmes observées furent : Bouée 1: \ Maximum 1,0258 le 10 janvier 1900 / Minimum 1,0109 le 15 avril 1900 ,. i Maximum 1 ,02o0 le 14 janvier 1900 ParcBourdiu ] ... . , moo i jo -i ihaa / Minimum 1,0138 le 13 avril 1900 à mer descendante Après une période de sécheresse, les premières pluies sont absorbées par les couches superficielles du sol et l'eau ne se déverse dans les cours d'eau tributaires du Bassin que lorsque le sol des Landes est imbibé à saturation. Le même jour, au même moment de la marée, la densité de l'eau est d'autant plus élevée que le lieu de son prélèvement est plus voisin de l'embouchure du Bassin et plus éloigné des chenaux que suivent les eaux de la Le\ re. La densité varie avec la marée, baissant à mer descendante, augmentant à mer montante. La densité du fond est constamment supérieure à celle de la surface. Elle n'est jamais, ni au fond, ni à la surface, égale à celle de l'Océan. Enfin, en lî)01, Bohn (1) a publié les résultats de quelques analyses de gaz dissous dans l'eau du Bassin d'Arcachon, faites sous la direction de M. Jolyel. 11 les a réunies dans le tableau suivant : 2 heures avant la liante mer CO^ 0 Az combiné T 17 oct. 1898 Débarcadère d' K vrac . 9,19 2,96 13,05 » 18^^ 18 — Passe nord à 10" de profondeur. 11,0 6,2 11,7 )) 18" 19 — Débarcadère d'Evrac. 3,6 6,0 12,6 » 18" 22 — — 7,1 5,9 11,7 42,3 165 25 1,82 7,21 10,86 42,3 15" 29 \ ( 1,7 3,0 6,4 3,8 12,2 12,0 ^G,l \^ 46,4 S 1 (1) BoHK (G.), Des mécanismes respiratoires chez les Crustacés décapodes. Essai de physiologie évolutive, éthologique et phylogénique. Bull. Scient, de la France el delà Belgique, t. XXXVI, 1901. 106 SOCIliïK SCIENTIFIQUE d'aRCACHON' Ukciierches personnelles ^fes analyses ont porté sur l'eau du rivage. Cn vase de Aerre était rincé plusieurs fois dans l'eau à analyser, pour être en équilibre de température avec elle, puis il était empli d'eau. On y plongeait le thermomètre, le densimôtre et la pipette. Les mesures étaient ainsi aussi exemptes que possible de causes d'erreur. La température était prise avec un thermomètre gradué en dixièmes de degré, la lecture étant faite dans l'eau. La densité était lue sur un aréomètre de Thoulet (appareil de Gha- baudn" 12) donnant une approximation de 0,(J0003, puis ramenée à S - d'après les tables de correction de cet instrument. Le dosage de l'oxygène dissous fut fait par la méthode d'Albert Levy et Marboutin, que j'ai décrite l'année dernière. Je rappellerai briè- vement la technique de ces analyses. Une pipette à deux robinets, modèle d'Albert Levy, dont le volume est exactement connu, est emplie de l'eau à analyser. Le remplissage se fait, sans barbotage d'air, en plongeant dans l'eau la pipette, ses deux robinets ouverts. Quand la pipette est pleine, on ferme les deux robinets, puis on la place sur un support, de façon que son extré- mité inférieure plonge dans un petit vase contenant 2 centimètres cubes d'acide sulfurique au 1/2. Dans l'entonnoir supérieur on verse 2 centimètres cubes de potasse à 10 pour 100 qu'on intro- duit dans la pipette par le jeu des deux robinets, en ayant soin de ne pas laisser pénétrer de bulle d'air. Il se forme dans le liquide un précipité riziforme de magnésie qui se dépose au fond ; ce précipité ne gène en rien l'analyse et se redissout d'ailleurs en milieu acide à la fin de l'opération. L'entonnoir supérieur est lavé à l'eau distillée, puis essuyé pour qu'il n'y reste aucune trace d'alcali. On y verse alors 4 centimètres cubes d'une solution de sulfate de fer ammoniacal (solution à -^= 31 gr. 3o par litre, à laquelle on ajoute 4 centimètres cubes d'acide sulfurique pur pour éviter sa rapide altération). La solution de sulfate pénètre dans la pipette par le jeu des robinets et y produit, après agitation, un précipité brun d'oxyde de fer. Pour revenir en milieu acide sans contact avec l'air, on verse dans l'entonnoir supérieur 2 centimè- tres cubes d'acide sulfurique au 1/2, puis on ouvre seulement le BULLETLN DE LA STATIOiN BIOLOGIQUE 107 robinet supérieur. L'acide, grâce à sa densité, descend dans la pipette, se môle au liquide et dissout les grains de magnésie el les composés du fer. Quand la liqueur est devenue incolore, on la verse dans un récipient, ainsi que le liquide du petit vase infé- rieur et l'eau de lavage de la pipette. Le liquide ainsi recueilli contient un mélange de sulfate ferreux et de sulfate ferrique, le sulfate ferreux y étant d'autant moins al)ondant que l'eau de mer était plus oxygénée. Au moyen d'une burette de Mohr, on lit la quantité de la solution titrée de bichromate de potasse (solu- tion à^ = 0 gr. 9(S3 par litre) nécessaire pour ramener tout le fer à l'état de sulfate ferri(|ue, la fin de la réaction étant indi- quée par le procédé de la touche, au moyen du ferricyanure de potassium (sel rouge) en solution à 1 pour 1.000. On déduit faci- lement par le calcul, de cette lecture comparée à celle obtenue avec une solution de sulfate de fer acide servant de repère, le noml)re de milligrammes d'oxygène que renferme un litre de l'eau de mer analysée. L'analyse doit toujours être faite immé- diatement après la prise. J'ai, à trois reprises, par ces méthodes, observé d'heure en heure, pendant vingt-quatre heures, les variations de tempéra- ture, de densité et de teneur en oxygène de l'eau de la côte prise devant le Laboratoire, auprès du débarcadère d'Eyrac. Les tableaux et les graphiques suivants représentent les résultats de ces recherches. 108 SOCIÉTÉ SClEiNTlFlQUE D ARCACHON Ta BLEAT I Eau prise d'heure en liewre, devant le LalKU'utoire, du 21 juillel 1009, à 6 heures du malin, au h-nch^main 22, à la même hfun-, le lendemain d"une jiraude marée. HEURE de la 6h m. 7 8 9 10 11 midi 1^30 s. 2 20 3 10 4 o 6 7 8 4o 9 30 10 15 11 minuit l'' m 2 3 4 o 6 PRESSION atmosphérique 700,0 760,0 700,0 700,0 700,0 700,0 700,0 700,0 700,0 705,7 705,7 705,5 705,5 765,3 705,8 700,0 706,1 700,1 700,0 700,2 765,8 765,3 765,2 765,2 765,2 20,7 21,1 21,3 22,1 23,4 23,8 23,9 25,0 25,1 25,4 25,2 25,1 23,8 23,0 21,4 21,3 21,3 21,3 21,7 21,8 21,1 20.4 19,9 20,2 21,0 DENSITE 0 t 1,0222 224 1,0226 224 220 216 209 198 1,0207 207 207 209 218 221 1,0220 223 220 223 217 213 213 1,0216 219 219 220 7,0 7,0 8,1 7,9 9,1 7,0 9,0 8,4 9,1 7,3 8,1 8,0 7,8 8,6 8,4 8,3 8,2 8,7 7,6 8,0 7,0 5,5 7,0 0,9 7 2 OBSERVATIONS Soleil, mer calme Haute mer à 7 h. 10(H=;36)(') Soleil, mer calme. Basse mer à 1 h. 41 H=6,.- Soleil, brise NO, mer calme. » » clapotis. Haute mer à 7 h. 30 (H=36) Nuit étoilée, léger clapotis. Basse mer à 2 h. (H=6,,^) Nuit étoilée, mer calme. Petit jour, nuages, mer calnu Brume, mer calme. (1) Heure et hauteur de la marée, d'après VAnnuaire des Marées. Les rensei- gnements fournis par le marégraphe d'Eyrac sont un peu différents par suite de l'influence A-ariable du vent. BULLETIN DE L.\ STATION BIOLOGIQUE lOD Graphique I I VIII X XII II lY Yl ïlli X XII II (V VI 110 SOClETli SCIENTIFIQUE D ARCACHO.N Tableau II Eau prise d'lieure en heure, devant le Laboraloire, du 27 juillel 1900, à 6 heures du in.ilin, au lendi'uialn i8, à la même heure, pendant une marée de mr)rte eau. 11ELRI-: de la P R I s K PRESSION atmosphérique e -S DENS.TÉ Si M OBSEHVATIONS Basse mer à 5 h. 53 (H^ll). 045 m. 704,7 19,8 1,0223 0,3 Soleil, mer calme. 7 704,5 20,2 222 0,0 „ 8 704,4 19,7 223 7,8 » 9 704,0 20,8 220 7,9 >, 10 704,0 21,0 219 9,2 ,, 11 703,8 22 2 224 9,2 Haute mer à 11 h. 58 (Hi^29). midi 703,0 22 2 1,0227 8,7 Soleil, nuM- calme. IKiO s. 703,2 23,3 210 8,1 » faitjle venl 0, mer calme. 2 15 703.0 24,2 218 9,0 » 3 703,0 23,9 217 9,0 » 4 702,9 23,3 217 9,2 » 5 702,8 22,9 212 8,0 Nuages » » G 702,4 22,3 211 8,8 Basse mer à G h. 26 (H=ll), 7 702,3 21,9 1,0213 8,4 Nuages, faible veut 0, mer calme. 8 45 703,0 21,1 212 8,5 » nuit, faible vent NO, mer calme. 9 30 703,3 20,9 215 8,1 ,. 10 15 704,0 20,9 210 7,0 ., 11 704,1 20,7 221 8,5 » » » NNO, » minuit 704,2 20,0 224 S,2 Haute mer à minuit 25 (H=30). 1" m. 704,2 20,4 1,0220 7,8 Nuit calme, nuages, mer calme. 2 704,2 20,5 230 8,1 ., 3 704,1 20,4 227 8,1 » n » 4 704,2 20,7 224 7,0 Aid)e, » » 5 6 704,7 704,7 20,8 20,0 220 220 0,9 7,9 Jour, temps couvert, faible vent 0, mer calme, légère pluie. Jour, temps couvert, faible vent 0, mer calme. Basse mer à 6 h. 59 (H=10). BULLETIN DE LA STATlOiN BIOLOGIQUE 111 Graphique II w m X AH n IV VI m x m w iv vi 112 SOCIETE SCIENTIFIQUE D ARCACHON Tableau III Eau prise d'heure en heure, devant le Laboratoire, du i août 1909, à 6 heure? du malin, au lendemain o, à la même lioure, pendant une grande marée. HEURE delà PRISE PRESSION atmosphérique 1 •" DENSITÉ OBSERVATION'S e^ m. 767,8 19,3 1,0234 9,8 Soleil, faible vent E, clapolis. Haute mer à 6 h. 21 (H=42) 7 767,8 18,7 1,0230 9,3 Soleil, faible vent E, clapotis. 8 767,9 18,9 229 9,8 » » » 9 768,0 20,0 228 9,8 » » » 10 768,0 20,9 227 9,8 » » mer calme. 11 30 768,0 20,8 220 9,9 >, midi 10 768,0 21,4 218 10,5 » » » Basse mer à midi 56 (H=l,5). 2^15 s. 767,7 23,4 1,0217 10,1 Soleil, calme, mer calme. 3 767,6 24,7 212 9,8 » très faible vent NE, mer calme. 4 767,6 24 2 214 9,3 » 5 767,2 23,0 220 9,0 » » » » G 767,0 22 2 226 9,1 Haute mer à 6 h. 43 ^H=43). 7 766,8 21,2 1,0233 8,7 Soleil, vent NE, mer calme. 9 767,2 20,2 233 8,7 Nuit étoilée,vent NNE, mer calme. 10 767,2 20,4 232 9,4 Nuit éloilée, clair de lune, vent NNE, mer calme. 11 767,0 20,4 228 9,6 ,, iiiinuit 767,1 20,6 226 8,7 » » » » 1'' m. 767,1 19,8 225 8,7 » » » » Basse mer à 1 h. 18 (H=l;. 2 767,1 19,8 1,0226 8,9 Nuit éloilée, clair de lune, vent NNE, mer calme. 3 766,4 16,2 226 7,6 ., 4 766,2 18,6 231 7,3 Petit jour, vent E, mer calme. 5 766,0 18,6 233 7,6 Soleil, vont E, clapotis. 6 766,0 18,9 233 7,7 Haute mer à 7 h. 7 (H=42). BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE Graphique III 113 VI wii X XII II ly X M !i IV n 114 SOCIIÎTÉ SClEiNTIFlQUE D'ARCACHO^' Afin d'avoir quelques renseignements comparatifs sur l'eau de Tableau IY Eau prise d'heure en heure, à 300 mètres 'SO du cap Ferret, le 2 août 1909, de 10 h. 30 du matin à 4 h. 30 de l'après-midi, l'avant-veille d'une grande marée. HEURE delà PRISE PRESSION atmosphérique 1 -" 1 - DENSITÉ St OBSERVATIONS 10^35 m. \ 20,3 1,0243 9,2 Soleil, nuages, légère houle. Basse mer à 11 h. 22 (H=2,ô). 1140 \ 702 20,2 1,0244 8,9 Soleil, nuages, vent 0, houle. midi 50 20,8 236 8,7 „ 1^50 s. ' à 22,1 241 8,9 ,. » » 2 30 21,0 244 8,4 ), 3 30 764 20,2 246 9,3 » » » » 4 30 20,2 245 9,2 ■ » Il 1 Haute mer à 4 h. 48 (H= 38). Graphique IV -) 015"- 0 s "- -v^ 11 1.0l'4 - 7 \ 11 - /\ jiS. 1.023 , t/ ^- yèû. 10 - P P T D 0 . H , ' / Il lï rOcéan, j'ai fait une série d'analyses sur l'eau de la côte, près du cap Ferret, dans le prolongement de l'endroit oi^i se termine le petit tramAvay du débarca- dère Lavergne. Par suite des difficultés de communi- cation et d'installation, cette série n'a pu durer que de dix heures et demie du matin à quatre heures et demie de l'après-midi, entre la basse mer et la haute mer consécutive. Les résul- tats en sont figurés sur le tableau et le graphique ci- contre. Enfin, pour me rendre compte des variations de den- sité dans les divers points du Bassin, j'ai fait deux BULLE FLN DE LA STATION BIOLOGIQUE Tableau V Efiux prises le 31 juillet 1900 depuis le débarcadère d'Eyrac jusqu'au large de la Salie. HEURE f 1 DENSITÉ X» de la LIEU DE LA PRISE ■l 'z St OBSERVATIONS PRISE s 1 2 7^20 m. 7 2o Chenal, près du débarcadère d'Eyrac. Chenal, devan Ha place Thiers. 20,9 20,9 1,0219 1,0218 Temps calme, cal- me plat. 3 7 83 Chenal, devant la jetée de la Chapelle. Chenal, en face du chenal de Pique y. Bouée 12. 21,1 1,0221 4 7 40 7 43 21,0 21,1 1,0225 1,0226 0 7 7 50 7 53 Bouée 12 par le sémaphore, clocher par le phare. Bouée 10. 20,8 20,8 1,0227 1,0228 8 9 7 58 8 5 Entre les bouées 10 et 8, le Moulleau par le phare. Bouée 8. 20,8 20,8 1,0227 1,0228 10 11 8 10 8 15 Entre les bouées 8 et 6, le Moul- leau par le sémaphore. Bouée 6. 20,7 20,7 1,0228 1,0230 12 13 8 21 8 25 Entre les bouées 6 et 11, le cap Ferret par la maison du Pilât. Bouée 11. 20,7 20,7 1,0230 1,0232 14 lo IG •8 33 8 40 8 50 Entre les bouées 11 et 4, le phare par le sud de la grande dune. Entre les bouées 4 et 9, en face le sud de la grande dune. Bouée 9. 20,4 20,4 20,2 1,0234 1,0236 1,0239 17 18 9 9 10 Entre les bouées 9 et 5, la pointe d'Arcachon par le Moidleau. Entre les bouées 9 et 5. 20,1 20,0 1,0239 1,0241 Nuages, léger vent SSE. 19 9 25 Le phare par le sémaphore. 20,0 1,0241 20 9 30 Bouée 5. 20,0 1,0242 21 22 9 40 9 50 Bouée 2. Bouée 1. 19,8 19,7 1,0243 1,0245 Basse merau cap Ferret 9h. 4!»(H=5). Soleil, faible vent NE. 23 10 20 Au large, en face des passes Nord. 19,1 1,0250 Eaux bleues. 24 10 50 Au large, plus au nord. 19,4 1,0249 „ 25 11 20 Au large, retour au sud. 19,8 1,0247 Faible vent NO. 26 11 30 Au large, plus au siul. 19,8 1,0247 27 12 25 Bouée à cloche. 19,4 1,0248 28 12 40 Au large de la bouée Rastey. 19,5 1,0247 29 12 55 Au large, en face la Salie. 20,0 1,0247 116 SOCIÉTÉ SCIEiNTIFIQUE d'aRCACHOA' séries de prises d'eau de surface, l'une à bord du yacht de M. Jolyet, Y Atlantis, depuis le débarcadère d'Eyrac jusqu'au large, au moment de la mer basse; l'autre, à bord du canot automobile de la Station Biologique, depuis le débarcadère d'Eyrac jusqu'au pont de Lamothe, dans la rivière de la Leyre, au moment de la mer haute, pendant une grande marée. Les deux tableaux 5 et G indiquent les températures et les densités observées. Les lieux de prise indiqués se trouvent l'eportés sur la carte du Bassin ci-contre : Tableau VI Eaux prises le 3 août 1909 depuis le débarcadère d'Eyrac jusqu'au pont de Lamotiie sur la Lèvre. HEURE 3 g DENSITÉ N" de la PUIS i; LIEU DE LA PRISE s4- OBSERVATIONS 2 3 ;}'■ s. 3 o 3 Vô Chenal, près du débarcadère d'Eyrac. Chenal Teychan, en face la Teste. Chenal Teychan, en face la Hume. 23,0 22,0 22,1 1,0225 1,0228 1,0223 Temps calme, fai- ble vent E jjuis NO, léger clapo- tis. 4 3 25 Chenal Teychan, en face Gujan. 22,3 1,0221 5 6 3 3o 3 4o Chenal de Certes, en face la pointe de Branne. Chenal de Certes, en face Certes. 22,8 23,4 1,0218 1,0200 7 3 o5 Chenal de Certes, en face Au- denge. 20,0 1,0101 8 4 o Embouchure de la Leyre. 28,8 0,9981 9 4 15 Dans la Leyre, au port de Bi- ganos. Dans la Leyre, au pont de La- 24,2 0,9974 Eau douce. 10 4 50 23,8 0,9974 >, 11 12 5 20 5 30 Dans la Leyre, au port de Bi- ganos. Embouchure de la Leyre. 27,2 25,2 1,0033 1,0153 Haute mer â Evrac 51i. 58(H=43). BULLETLX DE LA STATION BIOLOGIQUE 117 Carte des lieux de prise des densités r^ .A \(;uUHm. 118 SOCIÉTÉ SCIEiVIlFIQUE d'aRCACHON Conclusions Bien que des recherches sur l'eau du Bassin d'Arcachon dus- sent nécessiter, pour être complètes, des observations continuées régulièrement pendant plusieurs années, j'essaierai, en rappro- chant mes cfbservations de celles de mes devanciers et les comparant à celles déjà faites à Concarneau les étés précédents, d'en dégager les conclusions qui paraissent les plus nettes. a) Température. — A Arcachon, la température de l'eau de la côte varie pendant la journée; son maximum a lieu de deux à trois heures de l'après-midi, son minimum un peu avant le lever du jour. Ces variations sont beaucoup plus grandes qu'à Concar- neau pendant la môme saison. Ce fait est vraisemblablement dû à la nature de la côte : tandis que la côte rocheuse de Concar- neau absorbe lentement la chaleur solaire et la perd de même, la côte sableuse d'Arcachon subit rapidement les variations de température de l'air, s'échauffe très brusquement sous l'influence de l'insolation et se refroidit de môme quand la nuit est venue. Cette différence de nature du sol de la côte n'influe pas seule- ment sur la température de l'eau, mais aussi sur l'intensité et la direction des vents journaliers. Hautreux a montré en effet (1) que, sur toute la côte des Landes, pendant l'été, les vents souf- flent le matin de directions variées, suivant les mouvements généraux de l'atmosphère, tandis que le soir ils viennent avec une grande régularité du nord-ouest, aspirés par la région lan- daise surchauffée. Ces vents solaires sont beaucoup moins nets et moins intenses à Concarneau. L'heure de la marée ne semble pas avoir dinfluence sur l'heure du maximum de température, contrairement à ce qui se passe à Concarneau, où celle-ci est reportée de deux heures pendant les grandes marées, à cinq heures pendant les mortes •^aux. Cette différence est-elle due également à la nature de la côte, l'eau qu'on observe au débarcadère d'Eyrac ayant été constamment au contact du sable, qu'elle provienne du fond du (1) Hautreux, Loc. cit., 1900, BULLETIN DE LA STATIOiN BIOLOGIQUE 119 Bassin pendant la marée descendante ou de sa région d'aval pendant la mer montante? Je n'ai pas observé les variations thermiques corrélatives de la vitesse du courant signalées par Thoulct. Par contre, j'ai remarqué que les variations journalières de température sont plus grandes pendant les grandes marées que pendant les mortes eaux. De plus, les courbes thermométriques ont une forme diffé- rente dans ces deux cas. Tandis que celles des jours de grande marée (graphiques I et III) ont des angles aigus indiquant des variations rapides au moment du maximum et du minimum, celle des jours de morte eau (graphique II) a des angles plus émoussés traduisant des variations moins l)riisqucs au voisinage des températures extrêmes. Ces faits s'observent également, quoique moins nettement, à Goncarneau, comme on peut le remarquer sur les graphiques que j'ai déjà publiés, bien que je ne l'avais pas signalé. Ils s'expliquent par le plus grand apport d'eau froide du large à marée montante et surtout par la plus grande surface soumise à l'insolation ou au rayonnement à marée basse pendant les grandes marées. Outre ces variations que j'ai pu observer, il en est d'autres saisonnières, considérables, qu'a déjà signalées Hautreux. L'étude simultanée de divers points du Bassin fournirait sans doute d'autres renseignements sur les températures de ses eaux. Malheureusement, nous ne possédons sur ce sujet que les obser- vations d'Hautreux, et je n'ai guère à y ajouter. La série d'ana- lyses faite au Cap Ferret montre que la température de l'eau y est plus basse et ses variations plus faibles. D'autre part, les prises d'eau faites en divers points du Bassin et au large indi- quent que l'eau augmente de température depuis FOcéan jusqu'au fond du Bassin, mais mes observations sont trop peu nombreuses pour qu'on puisse en rien conclure; de plus, il est probable, d'après les travaux d'Hautreux, qu'elles seraient inverses l'hiver. b) Densité. — La densité varie avec la marée, les plus faibles s'observant à marée basse, les plus fortes à mer haute. Ces faits ont déjà été signalés par Hautreux et par Rodier. L'écart entre les extrêmes est considérable, beaucoup plus grand que celui observé à Concarneau, môme dans l'estuaire du Moro. Il est dû à ce que, à marée descendante, l'eau douce du fond du Bassin et de 120 SOCIIiTÉ SCIEiNTIFIQUE d'ARCACHON l'embouchure des rivières qui s'y jettent est appelée vers le large et vient se mêler à l'eau saumàtre en abaissant sa densité, tandis qu'à mer montante cette môme eau est refoulée vers le fond par l'eau du large qui, se mélangeant à l'eau du Bassin, augmente sa densité. La densité minima est plus faible le jour que la nuit; cette différence est due à la différence de tempéra- ture, la môme eau devenant moins dense quand elle s'échauffe. Les variations de densité sont moindres pendant les mortes eaux que pendant les grandes marées. Outre ces variations rythmiques, il en est d'autres beaucoup moins régulières. Parmi celles-ci, les plus importantes sont dues aux pluies, ainsi que l'ont signalé Hautreux et Ilodier. Toutefois, cette action n'est pas instantanée; après une période de séche- resse, les premières pluies servent seulement à imbiber le sol des Landes, et ce n'est qu'après qu'il est saturé que l'eau douce arrive dans le Bassin; de même, après la fin d'une période pluvieuse, l'eau pure continue encore quelque temps à s'écouler. C'est à cette dernière cause qu'est due la différence de densité entre le graphique I et les autres : la première série d'observa- tions fut faite quelques jours après une période de pluies. Les variations saisonnières de la densité ont été étudiées par Hautreux; elles sont en rapport avec les chutes de pluie : la densité diminue en hiver et augmente à la fin du printemps. Les différences de densité des divers points du Bassin pré- sentent un grand intérêt, car, précisées, elles permettraient de connaître la direction et la force des courants qui le parcourent. Les recherches d'Hautreux montrent de grandes différences entre l'eau de la côte de l'Océan, celle de la Villa Algérienne, celle de de la rade d'Eyrac et celle de la pointe de l'Aiguillon. Sur la côte de l'Océan, les variations dues à la marée sont petites, les variations saisonnières irrégulières, faibles, sans rapport avec la pluviosité ni avec la température. A la Villa Algérienne, les A^ariations de marée sont petites, celles dues à la pluie assez grandes. En rade d'Eyrac, la marée et la pluie influent forte- ment ; à la pointe de l'Aiguillon faiblement, au contraire. Ilodier indique de plus que l'eau du fond est plus dense que celle de la surface ; que nulle part elle n'est supérieure à celle du large et qu'elle augmente de densité à mesure qu'on la prélève plus près de l'embouchure et plus loin des chenaux que suivent les eaux BULLETIN UE LA STATION BIOLOGIQUE 121 de la Leyre. Mes observations, bien que peu nombreuses, me permettent d'ajouter que les variations de densité dues à la marée sont beaucoup plus faibles au Cap Ferret qu'à Arcachon; qu'à marée basse, on ne trouve pas encore l'eau de mer pure, de densité normale, au large des passes, depuis le nord du Cap Ferret jusqu'à la Salie, dans les points où j'ai fait une série de prélèvements (tal)leau V); qu'à mer haute, pendant une grande marée, on ne rencontre l'eau complètement douce que dans la Leyre, au delà du port de Biganos. De plus, les densités de l'eau du Bassin ne sont pas régulièrement croissantes, même dans les chenaux de la Leyre, depuis son emljouchure jusqu'à xVrcachon et depuis Arcachon jusqu'au large. On observe, au contraire, des zones où la densité varie faiblement, séparées d'autres sem- blables par des régions où les variations sont plus rapides; ces régions à densités très variables sont justement celles où le diamètre des chenaux varie et celles où la direction des courants change. Malheureusement, mes recherches sont insuffisantes pour préciser ces faits dont l'étude serait des plus intéressantes. Les variations de densité de l'eau de la côte en dehors de l'influence des pluies, signalées par IIautreux\ sont vraisembla- blement dues à des changements des courants côtiers sur lesquels nous n'avons encore aucun renseignement. La sursalure des eaux indiquée par Hautreux, niée par Rodier, doit être tout à fait exceptionnelle, si même elle n'est pas due à l'imperfection des instruments employés par le premier. Elle ne serait possible qu'en des points très spéciaux où l'évaporation serait intense, semblables à la mare supra littorale que j'ai observée à Concarneau . c) Oxygène dissous. — La teneur en oxygène dissous de l'eau de la côte à Arcachon présente des variations journalières. Elle est maxima vers midi, reste élevée pendant une partie de l'après- midi et devient minima un peu avant le lever du jour. Toutefois, ces variations sont loin d'atteindre l'amplitude qu'elles ont à Concarneau et, de plus, la moyenne journalière des teneurs en oxygène de l'eau d'Arcachon est moindre que celle de l'eau de Concarneau. Ces différences s'expliquent de la même façon que les variations journalières : Le jour, sous l'influence solaire, et surtout au moment du plus grand éclairement, les algues du fond, situées à une faible profondeur, ont une assimilation chloro- phyllienne intense ; la nuit, au contraire, les plantes et les 122 SOCIHTIÎ SCIIÎMIFIQUE i/aRCACHON animaux consomment l'oxygène de l'eau, lequel n'est remplacé que lentement par dissolution à la surface de celui de l'air. Les variations d'oxygénation de l'eau de la côte sont donc en rapport a\xx la richesse de sa faune et de sa flore. « Le Bassin d'Arcachon n'a certainement pas la riche faune de Saint-Yaast. Roscoff ou Concarneau (1)». Sa flore est également moins nombreuse que celle de la baie de la Forêt où se trouve Concarneau ; les seules espèces abondamment représentées dans le Bassin sont les Fucus et les Zostera, et encore n'occupent-elles que certains points limités (2). Cette pauvreté relative de la faune et de la flore suffit vraisemblablement à expliquer les faibles variations d'oxy- génation de l'eau de la côte à Arcachon. Toutes mes séries d'analyses ayant eu lieu par beau temps, je n'ai pu remarquer si l'eau est un peu plus riche en oxygène dissous pendant les journées ensoleillées (lue par temps nuageux, brumeux ou pluvieux, comme je l'avais observé à Concarneau. Le clapotis ne semble pas avoir d'influence sur la teneur en oxygène; j'avais déjà constaté à Concarneau que l'agitation de l'eau ne produit pas de variations constantes d'oxygénation. Les marées et les variations de densité qu'elles produisent ne paraissent pas agir beaucoup sur la teneur en oxygène. Toute- fois, les courbes de variations d'oxygénation obtenues à Arcachon sont moins régulières que celles de Concarneau; elles présentent de nombreuses oscillations dues, peut-être, à ce qu'on observe successivement en un même point des masses deau inégalement oxygénées, suivant qu'elles ont passé sur des fonds d'algues ou des fonds de sable. La connaissance des courants de marée dans le Bassin pourrait peut-être expliquer ces inégalités ? Les variations saisonnières de la teneur en oxygène sont pro- bables, mais leur étude nécessiterait des séries de recherches continuées pendant plusieurs années et elle fait défaut actuelle- ment. Les variations diurnes d'oxygénation de l'eau de la côte à Arcachon, bien que moins intenses que celles observées à Concarneau soulèvent cependant le même problème. Contraire- Ci) CuÉxoT (L.), Conlribulions à la faune d» Bassin d'Arcachon. Trav. des Labor, de la Slat. Biol. d'Arcachon, 1002. (2) Cf. Sauv.\geau (.C), Sur deux Fucus récoltés à Arcachon. Trav. des Labor, de la Slal. Biol. d'.ircac/ioii, 11)08. BULLETIN Dli LA STATION BIOLOGIQUE 123 ment à ce que supposait Dittmar, elles sont ù peu près synchro- nes et non inverses de celles de la température; elles ne sont donc pas simplement ducs aux variations des facteurs physicjues (température, densité), mais subissent aussi, et plus fortement, l'influence des facteurs biologiques (respiration, assimilation chlorophyllienne). Si la teneur en oygène est souvent inférieure pendant la nuit au coefficient de solubilité, elle le dépasse fréquemment pendant le jour, contrairement aux lois de solul)i- lité. Le volume de 7 ce. 21 d'oxygène dissous par litre indiqué par Hohn, les teneurs plus grandes que 9 milligrammes trouvées par moi sont nettement supérieurs aux coefficients de solubilité pour les températures et densités observées (1). Celte discor- dance semble d'ailleurs assez fréquente et Jacobsen en a récem- ment signalé une saisonnière dans les eaux danoises (2). Mais si cette apparente contradiction aux lois physiques est nettement établie, elle n'est pas encore expliquée. Est-elle due à une sus- pension de bulles de gaz microscopiques dans l'eau sursaturée ou à une combinaison facilement dissociable avec un des éléments de l'eau de mer? Je serais plus tenté d'en chercher l'explication soit dans une grande richesse en oxygène du corps des animaux planktoniques, soit plutôt dans la production par les plantes d'une forme particuhère d'oxygène plus soluble que l'oxygène de l'air? Mais des recherches manquent pour élucider ce problème. Ces brèves recherches sur l'eau de la côte à Arcachon nous ont fourni de nombreux renseignements sur ses variations pen- dant l'été. Comparées à celles faites antérieurement à Concar- neau, elles nous ont permis certaines interprétations de leurs résultats différents. J'espère les continuer en d'autres lieux et arriver ainsi à préciser les diverses variations du milieu qui peuvent influer sur la biologie des animaux littoraux. (1) Oïl troiivei-a la laljle de solubilité de l'oxygène dans l'eau de mer, avec double entrée pour les températures et les teneurs en cblore, étai)lie par Ch.-J.-J. Fox, dans mon travail de juin dernier. (2) Jacobsex (J.-P.), Der Sauerstoffgelialt des Meerwassers in den daenischen Gewaessern innerhalb Skagens. Meddelelser fra Kommissionen fur llavimdersuyeher, Série Hydrografi. Bd I, 1908. RECHERCHES SUR LA SARDIME DU GOLFE DE GASCOGNE Par M. C. MADER Licencié è:^ science^; naturelles n pourrait sembler téméraire de venir à nouveau traiter une question sur laquelle tant d'auteurs compétents, et d'autres qui l'étaient moins, ont écrit non seulement quelques pages, mais encore des volumes, si cette question n'était demeurée assez obscure pour nécessiter de nouvelles recherches (1). La pèche à la Sardine dans le Golfe de Gascogne, et spécia- lement près du bassin d'Arcachon, a pris, en l'espace de moins de deux ans, une extension telle que les diverses locaUtés de la région : Arcachon, La Teste, Gujan-Mestras ont vu s'élever, en quelques mois, des usines de conserves de Sardines qui ont donné un nouvel essor à l'industrie sardinière française menacée par suite de la pénurie de la pèche sur le littoral Ju-eton. En outre, la population autochtone, ne pouvant fournir à elle seule (1) L'on rencontrera au cours de ceUe élude des lignes qui seront, sans doute, considérées par beaucoup comme des longueurs et des répétitions. Pourtant nous avons jugé nécessaire de ne supprimer ni les unes ni les autres. Les premières, en effet, pour si oiseuses qu'elles paraissent, à première vue, indiquent l'importance considérable que revêt, dans la biologie des Chipes, un ou plusieurs détails en apparence insignifiants. Les secondes démontrent que dans un pareil sujet il n'y a point de phénomène qui soit vraiment indépendant — cause et fin — en luisent. Par exemple, la température, la densité, la profondeur, etc., des couches d'eau marine constituent un ensemble de fadeurs réagissant les uns sur les autres et aliou lissant, dans la nature, à la formation du milieu où vit l'être marin, eu l'occurrence les Sardines. Il est donc nécessaire, chaque fois que l'un de ces facteurs est étudié séparément, hors de son cadre, de rappeler qu'il n'est que la partie détachée d'un tout homogène qui n'est rien sans lui et sans lequel lui-même n'est rien. SI l'un de ces détails infimes échappe à l'observation, si l'on ne tient pas cjmpte de l'enchaînement qui lie tous les phénomènes marins entre eux. toute déduction de^■ient incertaine. 11 est dans certains cas, et en particulier dans les questions ayant trait aux choses maritimes, une interprétation si spéciale des faits de la part même des intéressés que bien des idées, pour aboutir, doivent s'imposer par kf puis- sance de l'obsession et l'automatisme du réflexe. 126 SOCIÉTIÎ SCIEMIFIQUE d'aRCACHON toute la main-d'œuvre réclamée par ces usines et la quantité de Poisson apportée chaque jour, a vu se renouveler l'exode des Bretons, des Bretonnes de Goncarneau, de Douarnenez, comme il avait eu lieu autrefois, avec moins d'intensité il est vrai, qnand la pèche hauturière commençait à prendre l'impor- tance qui a fait du Bassin d'Arcachon un des plus grands ports de chalutiers de France. De pareils changements n'étaient point dus à l'apparition brusque et en masse de la Sardine. De fort longue date, en effet, cette pêche était pratiquée par les marins de Gujan-Mestras, comme les marins de La Teste prati(|uaient jadis la pèche d'un grand nombre de Poissons de l'Océan avec leurs filets de péougue. En réalité, l'industrie sardinière sur celte partie dn littoral doit son essor à l'emploi de moteurs à essence ou à pétrole. Les avantages, que nous étudierons tout à l'heure, de ces propulseurs ont été tels que l'année 1907-1908 n'a eu comme arrêt dans les jours de pêche que les jours où des tempêtes rendaient les passes infranchissables. Gertains mois d'été, particulièrement favorables, donnèrent comme moyenne de pèche journalière un million de Sardines et s'il y eut quelques rares journées de chômage, elles furent dues à l'impossibilité de trouver des acquéreurs pour des milliers de Poissons que les fortes chaleurs empêchaient d'expédier. Quand une idée vraiment nouvelle apparaît, elle Irouve géné- ralement de la part de beaucoup l'accueil plein de suspicion et de réserve que l'on offre aux inconnus; mais quand cette idée a pu justifier de l'excellence de ses qualités en agissant surtout comme la pierre philosophale, c'est à qui en réclamera la pater- nité : il était donc fatal qu'il en fût de même pour celle qui consistait à juger favorable l'adaptation du moteur aux embar- cations servant à la pêche à la Sardine. Maintenant que cette conception a donné des résultats inespé- rés, il est juste que d'aucuns ne recueillent point les éloges qui ne leur sont point dus, malgré le grand désir qu'ils en ont, au détriment moral de celui qui, le premier et le seul parmi tous ceux qui se sont occupés de la question sardinière, a osé dire que les moteurs seraient susceptibles de modifier les résultats de la pêche à la Sardine. Il fallait, en effet, «oser», dans tout le sens audacieux de ce mot, pour parler aux marins, au BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 127 public, d'un changement dans les procédés de pêche et de recherche de la Sardine! L'indifférence, la pitié méprisante avec lesquelles cette idée fut d'abord accueillie par ceux-là mêmes qui insinueraient volontiers à l'heure actuelle qu'ils furent les seuls à l'émettre et à l'exécuter nous obligent à rétablir les faits dans toute leur exactitude et à rendre à chacun, dans celte inno- vation, la part qui lui est due En 1903, dans le liuUetin de la Société Scientifique d'Arca- chon, paraissait un travail du professeur J. Kunstler « Sur la question sardinière et la crise aquicole en général». Ce travail, fort documenté, contenait un grand nombre d'idées nouvelles sur la j)êche à la Sardine, hauturière, sur des questions de bio- logie marine et de piscifacture. Mais ces idées, bien qu'étant de celles dont tout le monde reconnaît l'excellence, ne pouvaient plaire à tous et pour cause. Aussi n'eurent-elles pas le reten- tissement que des rapports plus ou moins scientifiques obtinrent et obtiennent aisément sur des questions d'Océanographie étudiées loin des côtes, d'après les données imprécises de quelque brave marin facétieux avec, comme « coordonateur », le seul concours de la logique et, comme critique, la seule aide de la raison pure. Comme les idées trop justes du professeur Kunstler allaient troubler dans leur quiétude bien des intéressés, et non des moindres, on jugea que le mieux était de laisser respectueusement ces idées ensevelies sous le voile d'Isis. Malgré cela, il y avait dans ce travail certaines pensées qui étaient susceptibles d'être d'un bon rapport ; elles furent bientôt mises en pratique et volontiers démarquées. Quand le professeur Kunstler écrivait : «Il sera nécessaire d'arriver à substituer des bateaux à moteurs à la flottille do pêche actuelle, pour aboutir à l'acquisition d'un champ d'action plus étendu», il exprimait une idée dont l'exécu- tion devait avoir pour la pêche à la Sardine une importance aussi grande que celle qui a eu lieu, toute proportion gardée, il est vrai, lors de la substitution pour la pêche hauturière du chalutier à vapeur au chalutier à voile. Par suite, les premiers armateurs des bateaux automobiles pour la pêche à la Sardine, armateurs qui habitaient exclusivement la région arcachonnaise, avaient eu connaissance des recherches précitées. Le professeur Kunstler peut donc revendiquer hautement la priorité d'une idée qu'il fut le seul à avoir et à émettre ! Quant à ceux, aujourd'hui. 128 SOCIÉTÉ SCIEMIFIQUE d'aRCACIJON qui la réclament comme leur, ils n'ont d'autre mérite que celui d'avoir tenté, avec quelques milliers de francs, une spéculation commerciale qui s'annonçait comme extrêmement brillante dans ses débuts; et leur mérite se trouve singulièrement diminué si l'on considère que presque tous ces armateurs étaient ou très fortunés, ou très aisés. Cette tentative hasardeuse, si hasard il y avait, ne pouvait par conséquent être pour eux la cause d'aucun souci grave! C'était une mine d'or, à revenus hypothétiques peut- être, mais l'actionnaire gardait son capital. Que de fortunes brillantes, que l'on considère comme solidement assises, ne pré- sentent pas pourtant autant de sécurité! Les premiers armateurs furent des habitants de Gujan-Mes- tras; ce sont les seuls, en effet, ayant armé dans le but précis de la pêclie à la Sardine. Ensuite, devant les résultats et les bénéfices obtenus, un grand nombre de personnes d'Arcachon, possédant des canots de plaisance, les confièrent à des marins pêcheurs. Mais ce n'est que trois mois après le port de Gujan- Mestras qu'Arcachon arma de vraies embarcations de pêche. Le mouvement fut suivi d'aUleurs presque simultanément par le port de La Teste. Il ne devait pas s'arrêter, et ce fut au tour d'Andernos, d'Aiès, de toutes les régions du Bassin, d'imiter d'une manière plus ou moins intelligente l'exemple qui leur avait été donné! Actuellement même, après une campagne de pêche qui a donné à des armateurs des avertissements graves, l'engouement n'est pas encore calmé; les chantiers des cons- tructeurs de bateaux et de moteurs sont surchargés de travail, la population maritime est insuffisante pour donner assez d'équi- pages de vrais pêcheurs; malgré cela on arme toujours! Nous étudierons plus loin les conséquences qui résulteront d'un pareil enthousiasme, conséquences qui, d'ailleurs, ont déjà commencé à se faire sentir. Certaines personnes, à l'heure actuelle, se basant sur des K on dit », se refusent à admettre comme une innovation l'em- ploi de moteurs pour la pêche à la Sardine, donnant comme motif que dans d'autres pays on se sert depuis longtemps déjà de ces propulseurs. Or comme il n'y a qu'une analogie toute superficielle entre les pêches de ces pays et celle de la Sardine, et que c'est simplement une confusion de leur part, il est néces- saire de remettre la question au point. Nous ne parlerons pas BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 129 ici des vapeurs qui, en Espagne et en Portugal, pratiquent la pèche à la Sardine: leurs procédés de capture, les filets employés, le tonnage de ces navires, le générateur d'énergie placent ces bateaux dans une catégorie absolument à part des barques légères, pontées ou non, et à faible force motrice. Dans toutes les autres régions où les moteurs sont employés, ils ne le sont que pour des pèches côtières spéciales ou pour des pèches hau- turières. En effet, le Danemark compte actuellement plus de oOO navires à moteur dont le tonnage varie de 3 jusqu'à 50 ton- neaux; il est à remarquer que ces bateaux se servent plutôt de leur moteur à titre auxiliaire qu'à titre de service continu. En outre, point n'est besoin de dire qu'ils ne font, et pour cause, la pèche à la Sardine : si jamais ils la capturaient dans les condi- lious biologiques actuelles des mers, ce serait par une exception aussi extraordinaire que celle qui a fait apparaître, il y a quel- ques années déjà, un banc de Harengs sur le littoral du Golfe de Gascogne. L'Allemagne maritime, trop voisine du Danemark pour ignorer et, par conséquent, ne pas utiliser des procédés avantageux, augmente de plus en plus sa flottille de bateaux à moteurs; mais ces essais sont encore récents. Quant à l'Angle- terre, adonnée presque exclusivement aux grandes pèches et à la construction des navires de haute mer, elle est assez puis- sante pour dédaigner ces timides tentatives; aussi n'y a-t-il point lieu de s'étonner qu'elle soit dcA^ancée de beaucoup par ses voisins du Nord et par la France elle-même dans l'excellence et le fini des moteurs automobiles pour bateaux. En France, on peut citer le Jeau, de Boulogne, appartenant anciennement à la maison Altazin-Pityt, bateau destiné suivant les saisons à pécher le Hareng dans la mer du Nord et le Maquereau sur la côte dislande. Mais ce bateau actionné par un moteur de 200 chevaux ne peut nullement être comparé à un bateau sardinier : la puis- sance de son moteur comme le genre de pêches auxquelles il se livre le classent surtout dans la catégorie des chalutiers. Les goélettes Couslellation, Vida, Mi-liown, Saladin sont encore des bateaux pratiquant la pèche hauturière aux Maquereaux, etc., et si, par exemple, le Saladin ne présente que 25 chevaux de force, sa longueur qui est de 32'"40 et sa jauge brute de 158 tonneaux ne permettent aucune assimilation avec une pinasse à pétrole, même de 12 mètres de long, et non pontée. Ce n'est 130 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHOX pas tout encore, le navire valant plus de 2o.000 francs, on com- prendra sans peine qu'une pareille mise de fonds pour un bateau spécialement affecté à la pèche à la Sardine serait pure folie. Ce ne serait donc, en somme, qu'en Amérique qu'il pourrait y avoir quelque analogie lointaine avec les bateaux actuellement en service dans le Golfe de Gascogne. En effet, dans l'Etat de Massachusetts, on se sert de doris, mues par des moteurs à pétrole, pour la pèche côtière de la Morue; ces doris ont 9 mètres de long, 7"'20 de quille, 2"'30 de large, O'"7o de creux; la puissance de leur moteur est de 4 HP, la vitesse réalisée de 7 nœuds. Les bateaux bordés à clins, pontés à l'avant, sur l'ar- rière et sur les côtés, atteignent comme prix 800 dollars. Il y a évidemment dans ce cas une très grande ressemblance avec les pinasses à pétrole, mais on ne peut dire pourtant qu'il y ait similitude et confusion d'idée. Faire la pèche à la Morue est tout autre chose que faire la pèche à la Sardine ! La réussite de l'une avec certains procédés n'implique pas la réussite de l'autre avec des procédés identiques. C'est pour ce motif d'ail- leurs que les Américains pécheurs de Sardines n'ont point jugé utile d'imiter les pêcheurs de Morue ! Il était nécessaire de parler de ces questions, dont l'intérêt est surtout historique, pour rendre à chacun ce qui lui est dû, car la vérité à ce sujet commençait singulièrement à être vêtue au goût de quelques-uns et il n'était pas douteux qu'avec le temps la confusion ne fût profitable, moralement, à ceux qui réclament les idées d'autrui comme leurs propres idées quand il n'y a plus à retirer de celles-ci que des avantages. Passons maintenant à l'étude de la pêche à la Sardine dans le Golfe de Gascogne. Habitant la région depuis plusieurs années, il nous a été facile de suivre non seulement les résultats écono- miques de cette pêche, mais encore les conditions biologiques spéciales dans lesquelles se trouve la Sardine dans le Golfe de Gascogne et spécialement près du Bassin d'Arcachon. Les lignes qui vont suivre se trouvent être le résultat de nos recherches, non seulement au jour le jour, mais encore fréquemment heure par heure. De là naîtra souvent la différence que l'on rencon- trera entre l'opinion de certains auteurs et la notre : la cause en est des plus simples: à part quelques rares naturalistes com- pétents vivant continuellement au bord de la mer, la majorité BLLLETLX DE LA STATION BIOLOGIQUE 131 de tous ceux à qui leurs études antérieures permettraient de mener à bonne fin des travaux d'Ichtyologie ou d'Océanogra- phie ne restent que quelques mois de l'année dans un Labora- toire maritime et se trouvent obligés, les vacances terminées, de reprendre à nouveau des fonctions qui fréquemment ne sont pas des sinécures. Faute d'observations précises et continues, faites à l'Océan même, quand il s'agit de recherches sur un sujet aussi vaste que la biologie de certains Poissons, le travail entre- pris aboutira fatalement à une conclusion de détail, alors qu'il serait utile d'avoir une conclusion d'ensemble ! En admettant même que l'on essaie, malgré l'insuffisance des données, de formuler cette conchision, il y aura encore inévitablement une grande part laissée à l'hypothèse Malgré cela, nous n'avons point la prétention d'apporter une conception nouvelle sur la question sardinière; nos recherches devront être considérées surtout comme une contribution locale. Si le cadre où nous l'avons enfermée semble trop étroit pour certains, il ne tient qu'à eux de l'agrandir et la question sera encore loin d'être épuisée. Nous indiquerons, au cours de cette étude, les divers auteurs dont nous avons utilisé les travaux, mais c'est pour nous un bien agréable devoir d'adresser ici au docteur Marcel Hérubel, professeur d'Océanographie à l'Institut ^laritime, nos remerciements amicaux pour ses précieuses notes, pour les documents personnels puisés durant ses croisières et ses voya- ges qu'il nous a si généreusement communiqués. Nous serons heureux si, en lisant ces lignes, elles évoquent pour lui les heures déjà lointaines dans le temps, et pourtant si rapprochées dans notre souvenir, durant lesquelles, ensemble, au large, dans l'encombrement des filets, des agrès, nous regar- dions monter des profondeurs bleues des masses plus bleues encore, que striaient parfois des éclairs argentés, tandis que là-bas, vers la Pointe du Sud, vers le Cap Ferret et sur les Bancs du Nord, les larges lames de l'Atlantique venaient se briser éter- nelles, monotones, dans l'opacité de la brume que l'approche de la nuit rendait encore plus sombre et qui sur des plages de sable faisaient rêver au ciel breton. L'accueil si généreux que, depuis des années, nous ne cessons de rencontrer à la Station Zoologique d'Arcachon, de la part du docteur F. Lalesque, du professeur Jolyet et du docteur André 132 SOCIÉTÉ SCIEMIFIQUE D'ARCACnO>- Hameau, nous crée une ol)ligation de reconnaissance cjue nous sommes heureux de pouvoir exprimer publiquement. Nous leur adressons donc, ainsi qu'au docteur Sellier, au docteur Festal et au docteur Cazaban, l'expression de notre sincère gratitude pour la bienveillance qu'ils nous ont toujours témoignée. Historique de la pèche a la Sardine près du Bassun d'x\rcachOi\ Ce serait une erreur de supposer que la pèche à la Sardine dans la région du Bassin d'Arcachon date seulement de quelques années. Aussi loin que l'on peut faire appel à la mémoire des vieux habitants du pays, il n'y a pas de période où l'on puisse considérer cette pèche comme étant une innovation. Toutefois, il est à remarquer que ce n'est que depuis une trentaine d'années à peu près que celte pèche fut exercée d'un manière régulière. Jadis, en effet, bon nombre de pécheurs de Gujan et de La Teste pratiquaient la pèche à l'Océan avec des filets spéciaux, filets de péougue ou autres, qui leur permettaient de capturer des espèces de Poissons tels que les Merlus par exemple, les Grondins, les Soles et bien d'autres encore. Ces Poissons, qui se trouvaient en nombre tel, parfois, que certains pécheurs se sont vus dans l'obligation d'abandonner leurs filets, étaient destinés à l'alimen- tation de la région ; et comme il n'existait aucun moyen pratique de communication, les pécheurs, ne pouvant écouler le produit de leur pèche, qui pourtant était d'une valeur marchande relati- vement fixe et d'une capture sûre, ne s'adonnaient guère à la pèche de la Sardine, pèche d'abord coûteuse par elle-même et qui n'aurait pu être très rémunératrice par suite du manque absolu de débouchés existants. Si certaines régions, en effet, telles que la Chaume d'Olonne, possédaient dès 1747 un établis- sement de conserves de Sardines, (pii fut qualifié un peu trop exclusivement du terme de « presse », il n'en était pas de même pour le Bassin d'Arcachon, qui ne présentait, tout récemment encore, qu'une seule usine de préparation de ce Poisson et cette usine n'avait une existence que de quelques années. Ainsi tout s'opposait, dans la région qui nous occupe, à ce que la pèche à la Sardine fût pratiquée d'une manière suivie et sérieuse. Ce n'est que lorsque les vapeurs chalutiers eurent rendu la côte littorale BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIOrE '133 des Landes à l'état de vaste désert marin, fréquenté seulement par les Poissons au moment de leur migration, que certains pêcheurs, fils ou petits-fils de ces mômes pêcheurs qui s'en allaient à l'Océan sur leurs barques à claire-voie, non pontées, se livrèrent à la pêche à la Sardine, tandis que leurs frères ou leurs proches parents formaient, avec les Bretons, les équipages de ces mêmes chalutiers qui avaient ruiné l'industrie de leurs pères. Mais ces pêcheurs étaient en petit nombre; ils étaient les représentants de plus en plus rares de cette race indigène issue des croisements des Anglo-Saxons et des Grecs que le hasard des migrations ou le bonheur des naufrages avait jetés sur la côte argentée des Landes. Et ce fait est important à remarquer, car jusqu'à ces dernières années, les seuls marins dignes de ce nom furent les pêcheurs de Sardine; leur nombre en était des plus réduits d'ailleurs, si on l'oppose à celui du reste de la popula- tion maritime du Bassin. Malgré cela, il y eut cependant des périodes où l'abondance des Sardines fut cause d'un avilissement des prix momentané. La crise sardinière pour ce pays, comme pour bien d'autres, ne date pas seulement de quelques années. Ainsi la pêche à la Sardine, près du Bassin d'Arcachon, eut pour prin- cipale origine la disparition, du fait des chalutiers, des poissons côtiors du littoral des Landes : à cause de cela elle aurait une origine relativement moderne. Mais il ne faudrait pas en conclure pourtant que cette pêche date seulement de l'apparition des vapeurs. Dans Vlfistoirc gênh'ah des p(k-hes micicnnes et modernes, de J.-B. Noël, imprimée à l'Imprimerie Boyale en 1813, au para- graphe des pêches du moyen âge on trouve la pêche à la Sardine citée uniquement dans un règlement de Gelmcry, archevêque de Gompostelle, publié en 173.'i, et divers autres documents au sujet de la Sicile et de la Provence. Quant à la pêche à la Sardine sur le littoral des Landes, il n'en est pas question... Mais les difficultés de communications que cette région présentait alors expliquent aisément ce silence ou cet oubli. M. Amédée Odin, directeur du Laboratoire maritime des Sables-d'Olonne, dans un travail remarquablement documenté, intitulé : Vllisloire de la 'pèche à la Sardine en Vendée et sur les côtes les plus voisines, travail dont nous nous servirons fréquemment au cours de cette étude, écrit ceci, en citant Duhamel du Monceau, auteur du Traité 134 SOCIÉTK SCIE>TIFIQUE d'aRCACIION général des pèches et Histoire des poissons qu'elles fournissent : « A Royan, la pèche de la Sardine commence en juin pour finir en septembre... La pèche dite o Sardina » ne se fait dans le Bassin d'Arcachon que pendant avril, mai et juin ». Comme on le voit, il n'est point parlé de la pèche au large dans l'Atlantique. Si, toutefois, l'on considère que non seulement Royan mais encore Saint-Jean de Luz étaient à celte époque des localités oii l'in- dustrie sardinière se trouvait par moment des plus florissantes, on peut conclure que certains pécheurs du Bassin connaissaient la pèche à la Sardine dans l'Atlantique et s'y livraient suivant la saison, l'apparition de la Sardine et surtout les commodités de la vente ; car il est évident que la pèche à la Sardine dans l'Océan devait être d'une importance secondaire, si on l'oppose aux autres genres de pêches qui donnaient alors, avec certitude, du Poisson de vente et de conservation plus faciles. Une plus longue critique des faits écoulés, comme de nouveaux détails, seraient, nous scmble-t-il, superflus... En somme, le fait précis qui se dégage des documents et des souvenirs est que la pèche à la Sardine fut connue et pratiquée depuis des dates très loin- taines dans la région du Bassin d'Arcachon, mais toutefois cette pèche ne prit une réelle extension que lorsque des débouchés nouveaux lui furent ouverts. Procédés de pèceie .Nous ne considérerons ici (1) que les seuls filets actuellement employés, c'est-à-dire les sardinières, filets flottants, ou rets comme on les appelle en Bretagne, réservant, dans un para- graphe à part, l'étude d'autres engins, tels que les sennes tour- nantes préconisées par certains auteurs. (1) Le filet de fond, dans la région arcachonnaise, n'est pas antre chose qu'une sardinière ordinaire à qui l'on supprime les lièges, l'ar son propre poids et par celui des plombs, ce filet tend à aller au fond ; on l'immerge sur le lieu habituel de pèche et au bout de plusieurs heures on, le lève. Les Sardines qui se trouvaient près de ce filet, en se déplaçant, ont pénétré dans les mailles et s'y trouvent capturées. Mais on voit quelles conditions particulières et combien aléatoires, sont nécessaires pour cette capture ; aussi ne prend-on généralement que quelques centaines de Sardines. Ce procédé d'ailleurs, bien que ne nécessitant aucun frais en dehors de ceux de déplacement, puisque l'on ne jette pas de rogue, est fort peu utilisé ; les résultats en sont par trop précaires. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 18o Arrivé sur le lieu de pèche, le filet une fois mis à l'eau, le pêcheur rame, en jetant tout autour de la sardinière l'appât, rogue généralement mélangée de sable, qui doit servir à attirer la Sardine. La direction du bateau se trouve déter- minée par les vents d'une manière à peu près générale. La proue doit être debout au vent. Cette manœuvre est due à la nécessité dans laquelle se trouve le marin de donner à son filet le maximum d'extension, pour qu'il ne fasse pas une masse à plusieurs plis, réduite par conséquent de grandeur et susceptible par son épaisseur d'impressionner défavorablement le poisson. Or, comme sur la côte des Landes les courants superficiels sont des courants dus presque exclusivement aux vents régnants et que la sardinière, filet flottant, les subit d'une de ses extrémités à l'autre, il faut donc pour la développer entièrement l'entraîner dans le courant et, par conséquent, ramer contre le vent. Cette manœuvre qui, à première vue, semble des plus simples, puisqu'il suffit de prendre la direction du vent, se trouve souvent modifiée du tout au tout par des courants à la fois profonds et superficiels, agissant dans une direction opposée aux vents régnants. Nous ne voulons pas entrer dans des détails sur les courants des côtes des Landes, détails qui ne seraient nullement ici à leur place et qui nous entraîneraient dans de trop lointaines digressions. Toutefois, il est nécessaire de signaler le fait sui- vant qui, par sa fréquence, prend une importance considérable: par suite de conditions particulières, échauffement de couches superficielles de l'eau (?), orage, aire de A'ent commençant à s'éta- blir assez loin des lieux de pêche pour que le vent particulier local n'y soit pas sensible, etc., toutes ces conditions séparées ou réunies peuvent établir un courant à direction Sud-Nord, alors que le vent régnant est direction Nord-Sud. C'est à ce moment que l'on voit les pêcheurs « d'occasion » ramer contre le vent et les vrais pêcheurs modifier leurs dispositions ; les premiers, ensuite, les imitent servilement, mais comme dans la capture de la Sardine quelques minutes suffisent parfois pour réussir ou manquer la pêche, il est évident que les meilleurs résultats sont l'apanage des plus adroits. Ce sont encore ceux-ci qui font certaines manœuvres, telles que la rotation du filet autour d'un axe se déplaçant dans le sens du courant, ou bien encore la traction de la sardinière dans un sens oblique 130 SOCIÉTÉ SCIEMIFIQUE d'arCACHON rant ou au A'ent... On voit qu'en dehors du procédé de pèche ordinaire, il peut s'en présenter d'autres, mais il n'y a guère que les a virtuoses w de la pèche à la Sardine qui peuvent avec succès faire des essais pareils, à l'instant propice ; quand les autres marins les imitent, c'est généralement sans comprendre, par simple imitation et fréquemment à contre-sens. Maintenant quels sont les indices qui permettent aux pécheurs de penser que telle région sera plus favorable pour la pêche que telle autre, dans le cas fréquent oii la Sardine demeure invisible ? 11 n'y a, en somme, pour les pêcheurs de la région arcachonnaise qu'un seul indice, et il est de bien peu d'impor- tance : c'est l'habitude que l'on a, suivant la saison, de capturer la Sardine à tel ou tel endroit. Quand cette donnée simpliste manque, la presque totalité des marins ne sait que faire et conclut aisément, après une tentative avortée, à l'exode de la Sardine vers des régions sans nul doute très lointaines. L'esprit d'ini- tiative est, en effet, l'un de ceux qui manquent le plus aux populations maritimes. C'est d'ailleurs pour ce motif qu'elles sont incapables de vivre quand leur métier habituel, pour une cause quelconque, ne peut plus s'exercer. En résumé, la grande majorité des pêcheurs du littoral allant pêcher la Sardine et ne la voyant pas, pose ses filets et jette sa rogue, d'après un prin- cipe qui pourrait se résumer ainsi: « d'habitude, l'on prend de la Sardine ici; essayons; si cette tentative ne réussit pas, nous verrons si d'autres dans une direction différente ont pu faire lever le banc»! Loin de compter sur soi-même seulement, le pêcheur compte sur tous les autres et sur la toute-puissance du hasard et de la chance d'autrui. C'est évidemment un peu d'exa- gération du sens d'union, aussi les résultats commerciaux n'en sont-ils pas parfois des plus brillants. Il est juste de reconnaître cependant qu'en dehors de l'indice dû à une connaissance anté- rieure des lieux de pêche, certains marins se fient volontiers aux bandes d'oiseaux de mer qui se réunissent à certains endroits, ou aux traînées huileuses de la surface de l'eau, comme aux plongées des Marsouins. iMais ces indices sont si quelconques et s'adressent à une telle quantité de diverses espèces de Poissons, que leur utilisation pour la pêche à la Sardine n'a qu'une valeur des plus relatives. Les oiseaux de mer en effet pèchent fréquem- ment dans les bancs d'Anchois, de Maquereaux, d'Aiguilles, et BULLETLN DE LA STATION BIOLOGIQUE 137 si ces Poissons se trouvent avec les Sardines ils empochent fré- quemment leur capture par l'épouvante qu'ils leur causent; de même pour les Marsouins. Quant aux traînées huileuses, elles se rencontrent aussi bien pour les x\nchois et pour les « Sardinons » que pour les Sardines elles-mêmes et leur signification indique un banc de Poissons, mais n'en précise nullement l'espèce. Pour- tant il y a des données au sujet de la profondeur, de la nature du fond, de la température, qui ont une importance considé- rable, suivant la saison, pour la capture de la Sardine. Nous les indiquerons plus loin quand nous parlerons de la biologie de la Sardine. Si certains pêcheurs en ont connaissance, ils gar- dent jalousement leur secret pour eux et la majorité des autres pêcheurs jette son filet toujours dans les mêmes parages, parce qu'il en fut toujours ainsi ! Périodes de pèche a la Sardike Pour parler utilement des périodes de la pêche de la Sardine, il serait presque nécessaire d'établir d'abord la biologie de ce Poisson. Nous réseiverons pourtant cette question si complexe, afin de préciser un fait caractéristique de la région arcachon- naise : la pêche à la Sardine a lieu toute l'année dans l'Atlan- tique, au large du Bassin d'Arcachon. De tout temps, aussi bien durant le mois de janvier que durant le mois de juillet, les pêcheurs de Sardines allaient jeter leurs filets à l'Océan; les résultats de leur pêche dans les saisons ne varient guère qu'au point de vue de la taille de la Sardine : la Sardine d'hiver attei- gnant presque toujours, en effet, le double de la Sardine d'été. S'il y a normalement des pêches de plusieurs milles l'été, il en est de même fréquemment en hiver, mais toutefois avec un peu moins de régularité. La cause en est due au déplacement des bancs à la suite des tempêtes et aux modifications sexuelles subies par la Sardine, mais comme celles-ci n'intéressent qu'un certain nombre d'individus, les autres assurent au pêcheur qui peut les trouver une réussite le dédommageant largement de ses peines. C'est d'ailleurs l'espoir de cette réussite qui, le 3 janvier 1904, faillit causer la perte de deux cents marins; ceux-ci, en effet, furent surpris par une tempête et ne durent 138 SOCIÉTÉ SClEiNTIFlQUE d'aRCACHON leur salut qu'à deux bateaux chalutiers à vapeur (1) qui les recueillirent alors que leurs embarcations allaient se briser et se perdre, avec tous leurs agrès et leurs filets, sur les bancs de sable des passes du Bassin d'Arcachon que la violence des lames rendait infranchissables. Régularité de la pèche Jusqu'à la période actuelle, la pèche à la Sardine dans la région arcachonnaise offre ceci de particulier (pie l'on ne peut dire qu'il y ait eu nue année où la Sardine ait manqué. Cette régu- larité dans la pêche ne signifie pas grand'chose en réalité et la soi-disant abondance de certaines années pourrait fort bien n'être en réalité qu'une pénurie non reconnue. En effet, jusqu'à l'année dernière, c'est-à-dire en lî)08, il n'y avait qu'un nombre peu considérable d'embarcations et de pécheurs qui se trouvaient forcés, par suite des vents et des courants fréquemment défavo- rables, de partir et de revenir avec le seul secours des rames ; dans de pareilles conditions, les captures se trouvaient forcément limitées par l'encombrement immédiatdu bateau d'abord, ensuite par les difficultés d'une vente qui, en été surtout, pouvait être des plus défectueuses, jusqu'à l'obligation même de jeter, ce qui s'est vu fréquemment, plus de la moitié de la pêche, puisqu'il y avait impossibilité absolue d'en trouver l'emploi. Ce n'est pas tout encore : les mauvais temps, dont la durée varie suivant la saison, mais qui se rencontrent aussi bien en été qu'en hiver, s'opposaient à une pêche régulière et lorsque les pêcheurs allaient à nouveau jeter leurs filets à l'Océan, ils concluaient de suite, s'ils ne trouvaient pas la Sardine, que celle-ci était partie et, s'ils la rencontraient à nouveau, qu'elle n'avait nullement quitté les parages, et que c'était toujours le même banc alors même que la taille de la Sardine capturée eût augmentée ou diminuée du double. Il est l)ien difficile, par conséquent, de dire s'il y avait autrefois ou abondance ou pénurie, les quelques dizaines de mille capturées par les pêcheurs étant à cette époque largement suffisantes pour satisfaire à peu près toutes les (1) Le Morse et le SaiiU-Geurges. BLLLETIiV DE LA STATlOiV BIOLOGIQUE 139 demandes. Nous conelurons pourtant en disant que la pêche à la Sardine dans cette région fut des plus régulières dans son rendement moyen et que les oscillations, dans ce rendement, furent plutôt en rapport avec certains phénomènes particuliers (ponte, froid, chaleur ou tempête) qu'avec un phénomène plus ou moins précis de déplacement de plusieurs années ou même encore de plus vaste amplitude dans le temps. Espèces A notre connaissance, il n'a été fait aucun travail précis de détermination des Sardines du Bassin d'Arcachon. En réalité, toute recherche sur un pareil sujet n'aurait qu'une bien faible valeur scientifi({ue. Si l'on considère, en effet, les variations considérables de taille, de forme, d'aspect qui se rencontrent pour les diverses Sardines capturées, non pas dans le cours d'une année, mais encore dans une saison et parfois même durant une seule journée, dans la région atlantique voisine du Bassin d'Arcachon, on se rend compte de l'inutilité et du factice qui présiderait à la spécification de cette Glupe. Quant à certaines A'ariétés locales, elles ont, à notre avis, la valeur des variétés que pourrait établir un ornithologiste pour des Alouettes séden- taires de même espèce sur des terrains sablonneux gris et sur des argiles rouges. Ces variétés ne sont après tout qu'une adaptation individuelle à un certain milieu. Si certains auteurs considèrent ces formes comme des preuves militant en faveur du régime sédentaire de la Sardine, l'hypothèse des migrations ne subirait pas, par suite de ce motif, s'il était seul, une attaque bien redoutable. La croissance de la Sardine jusqu'à une certaine taille est sans conteste des plus rapides (1) : il suffit, en effet, de remarquer la célérité avec laquelle s'accroissent les jeunes ou « Sardinons o; cette croissance, d'ailleurs, n'a rien d'extraor- dinaire, puisqu'un nombre considérable de Poissons marins la présentent à des degrés plus ou moins importants, mais en tous (l) D'aprrs Marion, il apparat Irai I au printemps, sur les côles médilorranéennes, une petile Sardiue de 23 millimètres. Celle-ci atteindrait au mois de novembre une taille de 12 centimètres. Cette augmentation de taille était intéressante à signaler comme preuve de croissance rapide. 140 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON cas toujours sensibles. Si la croissance a lieu rapidement, il est évident que les actions du milieu : température, densité, etc., joueront un rôle immédiat assez important pour que l'individu prenne un faciès quelque peu particulier, à valeur locale, indivi- duelle et temporaire; ce faciès ou plutôt ces modifications résul- tant du milieu trouvent leur expression la plus nette chez les Artemia de Schmannkevitch et les Gardium de Batcson, pour citer des exemples célèbres. Mais ces modifications sont loin, chez la Sardine, d'avoir la valeur considérable qu'elles atteignent chez les Crustacés et Mollusques précités et sont incapables de justifier à elles seules la formation d'une variété précise, comme certains auteurs tendraient à vouloir l'établir, dans la classifica- tion des Clupes. D'ailleurs, l'influence du milieu sur la Sardine, sans faire intervenir la complexité de facteurs dus à l'hérédité, se rencontre d'une façon indéniable dans le phénomène suivant, signalé par Gourret au sujet du régime de la Sardine dans l'étang de Berre : dans cet étang, en effet, la Sardine reste phis petite qu'à la mer; elle ne se reproduit pas. « du moins d'une manière efficace chaque année ». Cette diminution de la taille, nous ne considérons pas la stérilité, qui est fréquemment en rapport chez bon nombre de Poissons marins avec les variations dans la densité, est assez importante pour justifier la création d'une nouvelle variété de la Sardine méditerranéenne, et si pourtant on établissait cette variété, il serait flagrant que ce serait une division bien factice et une complication inutile. Cette Sardine de Berre serait, malgré tout, une Sardine méditerra- néenne qui, transportée 50 kilomètres plus loin, prendrait d'autres caractères, une taille normale — en l'occurrence, — qui ne permettraient plus aucune différenciation. Pour nous, bon nombre des autres caractères semblant justifier la création de A'ariétés parmi les Clupes ont une Amateur analogue au cas ([ue nous venons de citer et ne permettent pas de conclure à la vie sédentaire ou migratrice de la Sardine. Nous reprendrons d'ailleurs cette question plus loin. En tout cas, pour notre part, nous nous refusons à admettre une variété « Arcassonensis » quelconque, après avoir examiné avec le plus grand soin divers individus provenant de Bretagne, d'Espagne et de Portugal, et les Sardines pèchées à diverses époques près du Bassin d'Arcaclion. Vaillant, Ilenneguy, Guillard disent que l'on peut reconnaître une Sardine BULLETIN DE LA STATIO.N BIOLOGIQUE 141 de Douarneiicz d'une Sardine d'Arcachon. Gela est exact si l'on considère les Sardines qui se rencontrent le plus communément dans chacune de ces régions et à divers moments de l'année; mais si l'on compare divers individus de taille et de forme variables, sans s'occuper de la date de capture, on trouve dans les sardines arcachonnaises du Golfe de Gascogne (1) toutes les formes des régions voisines et toutes les transitions possibles entre ces formes, non seulement au point de vue de la taille, mais encore au point de vue de l'aspect général (dos et ventre, tête et disposition des teintes, grandeur des écailles, etc., etc.). Durant toute l'année 1907 et 1908, nous avons tenté d'établir, chaque jour de pèche, un tableau indicateur de ce que nous suppo- sions être des caractères propres de la Sardine de cette région; en réalité, ce tableau a été parfaitement inutile, car il ne nous a donné aucun résultat sérieux. Son élude offre comme conclu- sion celle que toute personne habitant la région toute l'année aurait pu établir après un examen superficiel et qui pourrait se résumer ainsi : en hiver, grosse Sardine de 15 à 20 centimètres dominant; en été, Sardines de 10 à 12 centimètres. Ce sont donc seules les variations de taille qui se présentent avec quekiue netteté, et encore! Quant aux autres caractères, ils sont tous fonction de la taille et, comme nous venons de le dire, celle-ci n'a qu'une valeur saisonnière des plus relatives; on voit qu'il est difficile, sinon impossible, d'établir une variété de quelque valeur. En réalité, ce que beaucoup de personnes considèrent comme Sardine arcachonnaise, c'est la sardine de 15 centimètres capturée généralement en octobre et durant l'hiver, et qui diffère considérablement de la Sardine de Bretagne, dont la taille est bien plus réduite, la tète plus allongée et le corps plus arrondi. Mais si l'on oppose à cette Sardine de Bretagne des individus capturés en juin, juillet, août, au large du Bassin d'Arcachon, la différen- (1) Les Sardines qui nous onl servi de termes de comparaison provenaient d'Audierne, de Douarnenez, de La Roclielle,de Bayonne, de divers ports d'Espagne el de la Méditerranée. Parmi les Sardines arcaclionnaises, des types analogues de ces diverses espèces ne se rencontraient qu'à certaines périodes, parfois même seulement durant certaines années, et naturellement jamais en même temps : les formes du IVord et méditerranéennes surtout l'été; les formes plus méridionales plutôt l'hiver. Nos recherches ont porté sur plusieurs millions de Sardines arca- chonnaises; elles furent des plus faciles, puisqu'elles pouvaient s'exercer lors de la veute du Poisson aux entrepôts ou de sa réception duns les usines. lu 142 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACUON ciation est à peu près impossible. Certaines personnes de notre connaissance prétendent, d'après le goût, distinguer la région de pèche de la Sardine: les confusions que nous avons vu fnire à ce sujet nous dispensent de tout commentaire. Si l'on o[)pose une forme régionale unique, typique d'une des régions litto- rales atlantiques, à une forme semblable prise parmi les variétés nudliples de Sardines que l'on rencontre dans la région océanienne proche du Bassin d'Arcachon, on est en droit de conclure, d 'ci près la ressemblance de ces diverses Clupes entre elles, que cette région est un lieu de rendez-vous des Sardines bretonnes, espagnoles et portugaises... Mais s'il en est ainsi, c'est l'hypothèse des migrations qui reparait dans toute son ampleur! BiOLOGn; de la Sardlne Les lignes qui vont suivre ne sont guère que le journal, établi parfois heure par heure, de la pèche à la Sardine durant les années 1907 et 1908 et de ce qu'il nous a été donné d'observer, non seulement pendant ces périodes de pèche, mais encore durant les années antérieures. Nous nous sommes efforcé de voir de quelles manières la Sardine réagissait quand elle se trouvait placée dans certaines conditions qui, pour la plupart, sont parti- culières et locales, il est vrai, mais n'en demeurent pas moins susceptibles d'expliquer certains phénomènes d'ordre absolument général. L'importance de ces réactions est, en effet, considérable, car c'est d'elle que se trouve fait le résultat bon ou mauvais de la pêche ! Nature du fond Comme le sol des Landes, la plate-forme du littoral atlantique du Bassin d'Arcachon est exclusivement sablonneuse. Quand la sonde indique les rochers, c'est qu'alors une nouvelle région de l'Océan commence, mais cette région est sans intérêt dans cette étude, car elle est trop lomtaine pour que les pêcheurs du Bassin d'Arcaciion puissent aller y jeter leurs filets. Par conséquent, la Sardine que l'on peut qualifier d'«arcachonnaisc))(?) a un habitat parfaitement délimité. Il est juste de reconnaître que, pour un BULLETIN IJE LA STATIOiN BIOLOGIQUE 143 être pélagique durant l'été comme ce. Poisson, la nature du sol sous-marin na qu'une bien faible valeur; c'est \m refuge, à la rigueur, durant quelques heures, mais sa constitution est indifférente, qu'il soit de gravier, de sable, de vase ou de rocher ! La température de l'eau seule importe et cette température est en rapport avec la profondeur. Aussi l'été, la Sardine se ren- contre-t-elle aussi bien sur des fonds exclusivement de sable fin et pur que sur des fonds de toute autre nature. On la voit, en bancs plus ou moins compacts, errer à travers les flots... Comme à cette époque la Sardine est presque exclusivement pélagique, il est à peu près inutile, quand elle disparaît dans les couches plus profondes de l'eau, de tenter sa capture. Sa disparition étant liée, en effet, à des varialions de milieu, elle va chercher ailleurs des conditions plus favorables : aussi lorsqu'elle se rencontre sur le sol immergé lui-même, ce n'est qu'accidentellement et elle n'y séjourne jamais. En hiver, il en est tout autrement ; le froid, la violence des vents, l'abaissement de la densité sont des facteurs immédiats qui forcent la Sardine à s'enfoncer plus ou moins profondément, de manière à rencontrer son optimum de vie. L'action de ces facteurs, en outre, se trouve considérablement augmentée par le fait que, durant certains des mois de la saison hivernale, la Sardine entre dans la période de reproduction et que cette période est pourelle, comme pourbeaucoupd'autresPois- sons, une période critique. Aussi les Glupes, pour échapper aux inconvénients de cette saison et pour subir dans une paix relative les modifications résultant de la fonction sexuelle, rechei'chent-elles des fonds d'une nature beaucoup plus spéciale que durant l'été. Ce sont ces causes qui nous semblent expliquer la fixité remar- quable avec laquelle les bancs de Sardines quand ils se « lèvent» apparaissent tout d'abord au-dessus de zones vaso-sablonneuses. Naturellement, durant la pèche, lorsque la Sardine suit le bateau d'où l'on jette de la rogue, elle peut être entraînée sur des fonds de nature toute différente, mais c'est en somme un phénomène tout à fait superficiel, qui n'a aucun intérêt, puisque la Sardine est devenue momentanément pélagique. Le seul fait qu'il importe de retenir ici, c'est la montée durant l'hiver des bancs de Sardines au-dessus des régions vaso-sablonneuses. Le terme de vaso-sablonneux est malheureusement des plus imprécis. Comme toutes les déterminations superficielles de la nature des 144 SOCJETE SCIEINTIFIQUE D ARCACHON fonds sous-nicirins, les valeurs qualitatives sont indéterminables sans le secours des procédés de laboratoire impossibles à réaliser sur un bateau de pèche; quant aux valeurs quantitatives, elles Avarient suivant chaque personne : un fond sablo-vaseux [)our un auteur peut fort bien, pour un autre auteur, devenir un fond vaso-sablonneux. Toutefois, pour donner encore plus de préci- sion au terme que nous avons employé, nous dirons que ce fond A^aso-sablonneux se différencierait des autres par la prédomi- nance de la vase sur le sable. La confusion n'est pas évitée, cela est malheureusement trop certain, mais en tout cas nous pensons que par ce détail elle sera rendue plus difficile. Si le plateau sous-marin qui continue dans l'xVtlantique, jusqu'à une certaine profondeur, le sol des Landes pouvait être délimité en diverses zones d'étendue variable, plus ou moins parallèles entre elles, il serait des plus faciles d'indiquer la zone intéressante oîi se réfugie la Sardine durant l'hiver; mais il n'en est pas ainsi, du moins près du littoral. Toute la côle landaise, depuis l'embou- chure de la Gironde jusqu'à Bayonne, est constituée par un sol sablonneux qui présente des plages isolées, sans aucun rapport entre elles, dont la constitution est tantôt vaseuse, tantôt formée de graviers, et cette constitution varie non pas à quelques kilo- mètres, mais à quelques centaines de mètres et parfois même à une distance moindre. Tous les intermédiaires peuvent se ren- contrer ; sable, vase, cailloux, avec prédominance de l'un de ces trois éléments, sans qu'il soit possible a priori de pouvoir dire, après sondage des fonds limitrophes, de quelle nature pourra ètrelazone qu'ils enclavent. Par cela, on voit sur quelles données précaires reposerait la recherche de la Sardine durant l'hiver, si un fait de première importance ne venait pas apporter une pré- cision plus grande et restreindre ainsi le champ des investigations. D'une manière générale, aussi bien durant les hivers froids que durant les hivers à tempêtes fréquentes, les bancs de Sardines dans leur presque totalité quiltcnt le littoral, s'en vont vers le large et, descendant vers le sud, se réfugient dans des régions dont la profondem' varie entre 35 et 100 mètres. Il est nécessaire d'indiquer ici, sommairement, les diverses modifications des fonds du plateau landais, près du Bassin d'Arcachon, Ce plateau subit une inclinaison scalariforme de l'est vers l'ouest ; mais cette inclinaison dont la chute, ainsi que l'a BULLETIN DE LA STATIO.N BIOLOGIQUE 145 montré E. lleclus, est près de deux fois plus accusée que celle du sol émergé, peut, jusqu'à la profondeur de 150 mètres, être considérée comme une pente douce où l'on peut prévoir, rien que par la connaissance de la distance de la côte, la profondeur de la région sous-marine sur laquelle on se trouve. Mais à cette première inclinaison vient s'en ajouter une autre qui, sans importance dans un examen d'ensemble, en prend au contraire une très grande dans une étude des fonds littoraux et qui joue, sans doute, un rôle très considérable au point de vue de la localisation de la sardine arcachonnaise. Vers le sud du Bassin d'Arcachon, en deçà d'une ligne idéale allant de l'est à l'ouest, passant au-dessous des bancs du Nord, coupant les bancs du Toulinguet vers le milieu et les bancs d'Arguin vers le tiers de leur partie nord, on voit se produire une dénivellation à direction sud-nord qui détermine pour un point situé au sud de cette ligne et à une distance égale de la laisse de basse mer une profondeur supérieure, parfois de plusieurs mètres, à un autre point situé au nord de cette ligne et à même distance du sol découvert; ou plus simplement, mais aussi avec moins de précision : deux points situés à même distance de la côte, au-dessous de cette ligne idéale, auraient une profondeur différente suivant qu'ils seraient sur la plate-forme nord ou le versant sud: le versant sud étant naturellement plus [irofond que la plate-forme nord. Ainsi se trouvent délimitées deux régions qui bien qu'ayant une ligne de démarcation exclusivement idéale n'en constituent pas moins deux zones d'importance très grande, au point de vue de la distribution de la Sardine durant l'hiver. Celle-ci, en effet, durant cette saison se « cantonne « dans la région sud, par des fonds oscillant entre 25 et 75 mètres comme extrême et 35 mètres ordinairement. Ces fonds sont principalement de nature vaso-sablonneuse, mais ils ne sont pas spéciaux à cette région. Ils se rencontrent, en effet, fort bien sur la plate-forme nord par des fonds de 15 et de 20 mètres et si la Sardine se tient de préférence sur les fonds vaso-sablonneux de 35 mètres du sud, c'est que ceux-ci présentent pour elle des conditions toutes spéciales tant au point de vue de la température que de la nourriture et de la sécurité. Nous verrons d'ailleurs plus loin que ces deux pre- mières conditions sont fréquemment réalisées durant l'hiver 146 SOCIÉTÉ SCIE>'TIFIQUE d'aRCACIIOX dans cette région, tandis que des fonds de nature semblable, mais moins immergés, tels que ceux de la zone nord et de la zone côtière sud sont bien moins privilégiés. Cette constance de la levée des bancs de Sardines durant l'hiver sur des fonds vaso- sablonneux est des plus intéressantes, car elle montre, avant toute tentative de pèche, l'utilité d'un sondage préalable pour reconnaître la nature du fond et sa profondeur dans des régions de pêche peu connues ou nouvellement pratiquées. Parmi les anciens pêcheurs de Sardines, il s'en trouvait quelques-uns, en nombre absolument infime d'ailleurs, qui effectuaient un ou plusieurs sondages avant de mettre flotter leur filet; mais ces tentatives avaient plutôt pour but de préciser, par la connais- sance de la profondeur, la région de pèche que de donner un renseignement quelconque sur la nature du fond. Le fait pour la Sardine de se tenir durant l'hiver dans les zones vaso- sablonneuses du littoral des Landes, par plus de 25 mètres d'eau, est fort intéressant non seulement pour la pèche comme nous venons de le montrer, mais encore pour la biologie de ce Poisson, car il s'agit sans nul doute d'un phénomène général, si l'on consulte, en effet, les divers travaux qui ont été faits au sujet de l'hivernage de la Sardine. Malheureusement la majorité des auteurs, par suite du peu d'importance, sans doute, de la pêche d'hiver, ont signalé en passant seulement les quelques faits permettant de conclure à un enfouissement plus ou moins profond des Clupes dans les régions vaseuses marines, durant la mauvaise saison. Gourret, dans un travail déjà cité au sujet de l'étang de Berre, considère que presque toutes les jeunes Sardines qui pénètrent dans l'étang sont tuées par un hiver rigoureux, mais toutefois certaines échappent à la mort en s'enfonçant dans la vase. Marion, dans ses remarquables recher- ches sur la Sardine des côtes de Marseille, dit que celle-ci hiverne sur la vase et que les premières capturées présentent entre leurs écailles des traces de bouc. En outre, pour cet auteur, la Sardine descendrait jusqu'à 10 et 4o brasses : cette constatation était intéressante à signaler, bien qu'au point de vue des conditions de température on ne puisse rien conclure de bien précis ; cette zone de 45 brasses, en effet, est tout d'abord comprise dans la masse des eaux acces- sible aux radiations solaires, puisque celles-ci peuvent atteindre BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 147 200 mètres; de plus, la Méditerranée présentant jusqu'aux abysses, à partir de 350 mètres une température de + 12"7 et supérieure à + 12°, au fur et à mesure que l'on s'élève vers la surface, on se trouve amené à conclure que si la Sardine médi- terranéenne s'enfonce plus ou moins profondément dans les cou- ches marines, ce n'est point ^ — spécialement — pour échapper à la rigueur du froid hivernal, tandis qu'au contraire sur la €Ôte atlantique, la disparition de ce Poisson de la surface de l'eau, les jours rigoureux, pourrait fort bien être, comme nous le verrons plus loin, en plus des causes auxiliaires.,, en rapport avec l'abaissement de la température. Bien d'autres auteurs affirment que beaucoup de Sardines d'hiver présentent du sable dans leur estomac. Cette opinion était iatéressante à signaler, puisqu'elle présenterait la Sardine comme un Poisson nettement de fond, momentanément du moins. Mais il est absolument nécessaire de faire une réserve, car il peut fréquemment y avoir confusion lorsque l'observa- teur n'est pas sur les lieux de pèche pour ouvrir la cavité abdo- minale de la Sardiue au moment oi!i celle-ci se trouve capturée. La majorité des pêcheurs, en effet, mélange du sable avec de la rogne pour troul)k'r davantage l'eau, pour alourdir la rogue et surtout par économie; on comprend sans peine que la Sardine qui absorbe la rogue au moment de sa descente, absorbera avec elle les nombreux grains de sable qui s'y trouvent mélangés; on les retrouve alors en nombre relativement considérable, jusqu'à un sixième de la cavité abdominale; il est donc absolument nécessaire, lorsque l'on étudie le contenu stomacal des Sardines et que l'on constate la présence de pareils corps étrangers, de s'informer si ceux-ci n'ont pas une origine artificielle, ce qui est presque toujours le cas. Seules, les Sardines capturées au filet de fond (1) ou au chalut sont susceptibles de fournir (1) H arrive fréquemment qui', iliiraiit l'Iiiver, ]es chalutiers capturent des Sardi- nes. Or, comme le filet est trainé durant plusieurs, heures et que le Poisson se trouve plus ou moins dans une eau vaseuse, il est nécessaire d'examiner attentive- ment la disposition de la boue entre et sous les écailles, celle-ci ayant pu y pénétrer durant le « traînage » et étant par conséquent accidentelle. Ce n'est que lorsque les Clupes sont capturées par les sardiniers et avec la rogue que la pré- sence de la vase, sous et entre les écailles, devientnette et intéressante. Verslemois de mars, il nous a été donné de voir de nombreux individus présentant, sous quelques écailles, des indications précieuses sur les fonds^ où précédemment ils avaient demeuré. 148 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHOi\' des renseignements exacts, au point de vue absorption pour un corps inerte tel que le sable. Mais ces Sardines ne sont jamais capturées qu'en très petit nombre et si l'on n'est pas absolu- ment certain de la provenance cl du procédé de pèche, il est donc nécessaire de réserver son opinion. Gourret a trouvé des Sardines dont les écailles présentaient de la boue, Henneguy a fait une observation identique. Il serait superflu, pensons-nous, de multiplier les exemples. La consta- tation importante qui résulte de tout ceci est que la Sardine durant l'hiver, quand elle quitte la surface de l'eau, s'enfoncera de préférence sur des fonds vaso-sablonneux et que c'est donc sur ceux-ci qu'il sera nécessaire de la rechercher plus particu- lièrement. Profondeur Déjà quelques mots ont été dits sur celte question: mais comme il y a eu, parfois, certaines captures intéressantes à diverses profondeurs, nous pensons qu'il est utile de rassembler ces constatations éparses pour donner plus de précision à la recherche de ce Poisson surtout durant Ihiver. En été, la Sardine mène une vie presque exclusivement pélagique; elle apparaît, suivant le mois, tantôt en bancs compacts et innombrables, tantôt en troupes peu importantes et disséminées. D'une manière à peu près générale, d'ailleurs, les premiers se rencontrent en plein cœur de la saison, quelle qu'elle soit, et les autres vers les époques de transition de ces saisons. Ce qui est vrai en été l'est aussi en hiver. Ceci dit, considérons seulement la Sardine d'été. Son aire de distribution sur la côte est immense; on la rencontre aussi bien par des fonds de 10 mètres que de oO mètres, mais ici la profondeur ne signifie rien et la nature du fond pas davantage. Il arrive parfois que la Sardine disparaît de la sur- face; celte disparition est toujours en rai)port avec la tempéra- ture et les conditions superficielles de l'eau (tempête, dérivation du plankton, etc.). Il est évidemment possible que la Sardine vienne en contact avec le sol immergé, mais ce n'est qu'acci- dentel, car jamais, à notre connaissance, un bateau chalutier faisant le chalut de fond n'a ramené dans son chalut des Sardines capturées avec les autres Poissons, en nombre appré- BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 149 ciable pour permettre de conclure à la présence continue sur le fond de l'Océan des Glupes durant l'été; les Sardines, à ce moment-là, se tiendraient entre deux eaux et spécialement dans la couche d'eau qui présente pour elles, suivant l'heure de la journée, l'optimum de température. D'ailleurs, quelques bateaux faisant le chalut Aolant en ont capturé, et si l'on oppose ce résultat à celui obtenu par des chaluts de fond, on voit que l'hypothèse admettant l'existence momentanée des Glupes entre deux eaux n'est sans doute point erronée. Par conséquent, pour l'été, la profondeur où se tient la Sardine ne peut être déterminée que par la connaissance des diverses températures des zones d'eau sous-marines, — tempéra- tures variant, vu la proximité des côtes à laquelle se trouvent les Chipes, suivant le mois et l'heure de la journée. Pour l'hiver, les apparitions et les disparitions des Glupes sont en rapport avec les conditions atmosphériques, comme durant l'été, et la constance des températures de certaines masses d'eaux suivant la profondeur permet, avec diverses autres conditions biologi- ques, de prévoir sur tel ou tel fond la présence ou l'absence de ce Poisson. Nous citerons seulement ici, sans nous occuper de la température, qui fera l'objet d'un paragraphe à part, les diverses profondeurs oii il a été capturé des Sardines. Il est évident que ces captures ne peuvent être faites qu'avec une seule sorte de iilet, c'est-à-dire le chalut. Bien que durant l'hiver la majorité des bateaux chalutiers du port d'Arcachon voguent vers des parages lointains, tels que les côtes du Maroc par exemple, il arrive parfois que certains d'entre eux traînent leurs chaluts sur le littoral des Landes et qu'ils capturent ainsi des Sardines en nombre parfois appréciables. Ges captures sont d'ailleurs vite connues des pécheurs sardiniers du Bassin d'Arcachon, qui savent, lorsqu'ils n'ont pu aller à l'Océan de plusieurs jours, que les bancs, les « bast », se trouvent plus spécialement dans telle ou telle région. Ges renseignements évitent donc souvent aux marins bien dinutiles tentatives. Evidemment, ce ne sont que des données éparses et trop fréquemment sans suite. Malgré cela, en comparant les documents de plusieurs années, on peut arriver à une conclusion qui sera forcément un peu imprécise, mais pourtant intéressante. G'est ce que nous allons faire, sans entrer dans d'inutiles détails de dates. loO SOCIIiTK SCIENTIFIQUE d'aRCACHO^ Quand les hivers ne se font pas remarquer par une predomi- nance exceptionnelle des vents du secteur nord, nord-ouest, c'est-à-dire par des vents violents et froids qui abaissent la tem- pérature d'une manière sensible, en même temps qu'ils troublent les eaux sur le littoral, la Sardine (1) se tient, d'une manière à peu près constante, par des profondeurs moyennes de 25 à 30 mètres, vers le sud, et surtout dans une sorte de fosse particu- lière que les marins indiquent par un repère de la côte : « la Maison-Rouge ». La nature principale des fonds de cette zone est vaso-sablonneuse. Mais, dans les hivers peu rigoureux, la Sardine est plus pélagique que bathyale; elle ne le devient que durant les tempêtes, pour reparaître très vite dès que celles-ci ont cessé. Mais les conditions climatériques dues aux vents océaniens et du sud ne sont pas réalisées tout l'hiver et sont quelquefois remplacées par celles qui résultent des vents de terre et du nord; ceux-ci, d'ailleurs, ne durent qu'un temps variable et apparaissent durant l'hiver à des dates qui n'ont rien de fixe. Le froid qui en résulte, le trouble des eaux déterminent un exode de la Sardine vers des fonds plus considérables: ce qu'il y a de remarquable, c'est que cet exode n'est pas le même pour toutes les Sardines : celles de IS centimètres (2) et plus ne descendent guère au delà de fonds de 40 brasses; celles de taille inférieure descendent jusqu'à 80 brasses. Naturellement, tous les chiffres de sonde intermédiaires peuvent se rencontrer. Toutefois, ceux que nous indiquons peuvent être considérés comme les extrêmes. En outre, lorsque des froids tardifs ou des tempêtes d'assez longue durée se font sentir dans les premiers jours du printemps, la Sardine peut encore fort bien se rencon- trer par des fonds pareils : c'est par exemple ce qui a eu lieu le 2 avril de l'année 1008. Par conséquent, il ne faudrait pas conclure que le déplacement de la Sardine de la surface vers les grands (?) fonds est particulier à l'hiver seulement: si normale- (1) Fait digne de remarque, à cet endroit les bancs sont composés d'individus de tailles différentes, ce qni n'a guère lieu quand on les rencontre plus au lai-ge, où les bancs sont extr^'mement homogènes. (2) Les pécheurs désignent généralement la taille de la Sardine par la grandeur de la maille du filet; mais l'imprécision inévitable qui résulte, pour ceux qui ne sont pas du métier, de ce mode de mensuration, nous a fait préférer comme plus nette l'indication en centimètres de la longueur du corps (mesures prises de l'œil i\ la naissance de la queue). BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE lol ment il l'est, à n'importe quelle saison de l'année, en cas de perturbations atmosphériques de durée et d'intensité variables, le même phénomène peut se rencontrer. Nous avons précédemment signalé l'estimation de Gourrct au sujet des profondeurs que semblerait atteindre la Sardine dans la Méditerranée. Bien que ces chiffres ne correspondent pns d'une manière absolue avec ceux que nous avons indiennes, ils ont pourtant une grande analogie entre eux, si l'on considère la constance de la température dans les zones marines de la Médi- terranée. Marion, dont l'importance des travaux sur la Sardine méditerranéenne est telle qu'il serait nécessaire de citer hi extenso ses recherches, dit que, l)ien que la Sardine soit superficielle, elle se pêche quelquefois au guangui, par 3o mètres, et qu'elle se trouve dans l'estomac des Merluciens, par 80 mètres au moins. Guillard considère que la Sardine peut rester dans les bas-fonds. D'ailleurs, en avril 1890 (jour de l'aqui-mission de MM. Guillard, Chabot, Karlen), cet auteur signale qu'à 60 milles de Groix et à 12 milles de Bellc-Isle tous les Poissons carnassiers capturés que l'on rencontrait à toutes les distances et à toutes les profondeurs avaient mangé des Sardines. A 10 milles au sud-est de Glenans se trouvaientd'immensesbanquées de Sardines, tous les Merlus et les Merlans en avaient dans l'estomac. Pour Vaillant et Henneguy, la Sardine hiverne au fond de l'eau... De l'étude de tous ces documents, il ressort que la disparition de la Sardine dans des conditions de vie climatériques défectueuses se traduit par un exode vers des profondeurs variables. Il y a donc là un phénomène de migration de faible amplitude, si l'on veut, mais il y a quand même migration, puisqu'il y a un dépla- cement dont l'importance est subordonnée à la rencontre des profondeurs présentant des conditions de vie favorables; et il est logique de supposer que la Sardine chercherait, jusqu'à ce qu'elle les trouve ou jusqu'à ce qu'elle meure, ces conditions. Par conséquent, un faible déplacement dans certains cas peut devenir une migration à longue distance dans d'autres : simple question de kilomètres, et pour un Poisson puissant nageur comme l'est la Sardine, l'importance à ce sujet, l'on en convien- dra, est bien minime. D'après le sens de ce déplacement est-ouest, il serait donc rationnel d'abaudonner. cette idée, particulière, il est vrai, surtout 152 SOCIHTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHO.N aux marins, que le départ de la Sardine, quand celle-ci quitte la région côtière, s'effectue vers le sud, vers le JNlidi... En réalité, la Sardine va au large (1), de l'est à l'ouest, car c'est au large, par des profondeurs d'eau plus ou moins considérables, que les Glupes peuvent trouver la quiétude pendant les tempêtes et une température plus fixe que celle des zones littorales, sans compter la quasi invariabilité, tant au point de vue de la densité que de l'apport planktonique, des immensités océaniques. Température Guillard et Henneguy, pour ne citer que ces deux auteurs, considèrent la température du milieu marin comme extrêmement importante pour la Sardine. Guillard estime qu'au-dessous de + 1-° l'on ne rencontre guère plus de Sardines. A notre avis, il ne faudrait pas cependant se montrer trop exclusif pour un degré thermométrique, car il est évident que la Sardine peut supporter des variations de plusieurs degrés durant l'été; et l'hiver, elle demeure encore même quand la température marine n'est que de + 11". De cela, nous avons les preuves les plus certaines, accumulées pendant trois années de la façon la plus rigoureuse et sans qu'il y ait eu un seul fait venant à rencontre de ces constatations. Il se peut, et il est assez juste d'ailleurs de le reconnaître, que la présence de la Sardine dans les eaux à température de + 11 à + 12" soit exclusivement temporaire. Ce Poisson recherchera, en effet, toujours de préférence une tem- pérature voisine de son optimum quand les conditions qui l'éloignaient momentanément de cet optimum (recherche de la nourriture, ou nécessité de la reproduction) auront cessé. Mais ceci est une considération relevant plutôt de la théorie que de la pratique : elle peut avoir évidemment un très grand intérêt pour la biologie générale des Glupes, lorsqu'on l'oppose à celle des Morues, Poissons de mer froide, ou à celle des Thons, Poissons (1) Ceci d'ailleurs trouve encore sa juslification dans une observation des plus intéressantes faite par Guillard. Pour cet auteur, les « banquées » de Sardines attei- gnent les côtes de Bretagne par l'ouest-nord-ouest et non par le sud-ouest, comme on Ta cru fort longtemps. Nous verrons plus loin quelle interprétation doit être donnée, à noire avis, à ce fait. BULLETliN DE LA STATION BIOLOGIQUE lo3 de mer plus chaude; mais, comme la Sardine est surtout un Poisson pélagique, force lui est donc de subir jusqu'à une cer- taine limite les variations saisonnières que peuvent présenter les eaux superficielles. Il y a donc nécessité pour elle de présenter vis-à-vis de ces variations une certaine tolérance ; celte tolérance, nous avons pu l'établir pour la Sardine du Golfe de Gascogne, en comparant les températures de l'eau avec le résultat des captures suivant les mois et les saisons. Il nous serait facile de donner le résultat de nos propres recherches au sujet des degrés thermométriques présentés sur les diverses couches marines de la côte landaise, mais cette étude a été faite bien avant nous et avec une précision à laquelle nous sommes heureux de pouvoir rendre hommage, par A. Haulreux, dans un travail intilulé : Côtes des Landes et Bassin d'ArcacIion. Il est donc des plus justes de citer les recherches de cet auteur avant les nôtres et quand ces dernières, qui ont été faites dans un but précis au sujet de la Sardine, seront nécessaires pour compléter certains détails, nous les utiliserons. Nous ne pourrons cependant nous servir des moyennes fournies par Hautreux, attendu que celles-ci ne peuvent donner les extremes et que ce sont justement ces extrêmes qui pour la biologie de la Sardine sont les plus inté- ressantes. Les seules températures dont nous nous servirons seront donc les maxima et les minima. D'une manière générale, on peut dire que toute l'année la Sardine arcachonnaise se tient à la surface de l'eau, sauf bien entendu ccrlains jours et certaines heures durant lesquels « le milieu ambiant » lui est par trop défavorable. Ainsi durant le mois de janvier, comme durant le mois d'août, les bancs vont et viennent, avec plus ou moins de lenleur ou de rapidité, à la surface, à la recherche du plankton. D'ailleurs, ce fait ne serait pas une exception pour la région des Landes, puisque Vaillant et Henneguy disent que les pécheurs de Quiberon, de Belle-Isie voient, durant les belles journées d'hiver, la Sardine remonter à la surface, de la mer. Comme nous l'avons déjà indiqué, la Sar- dine du littoral landais, durant l'hiver, a une tendance marquée à s'écarter du rivage et à se réfugier dans des régions qui, par leur profondeur et leur éloignement des côtes, présentent une très grande constance au point de vue de la température. En janvier, février, première quinzaine de mars, dernière quinzaine lo4 SOCIÉTÉ SCIEMIFIQUE d'aRCACUOiN de décembre, la température superficielle de l'eau de cette région peut être considérée comme atteignant un minimum de -[- 10". Ce minimum, nous ne l'avons rencontré qu'une fois, et encore à neuf heures seulement du matin, après l'action des vents d'est- nord-est, durant plus de cinq jours (1), en janvier J909. Hautreux l'indique pour janvier et mars 1895. Les campagnes de pèche 1907, 1908, 1909 nous ont donné comme minimum à peu près constant jusqu'à 45 mètres, + 11° 5; quant à ce nouveau minimum, Hautreux le constate pour le mois de février 1893 de la manière suivante : -f 11" jusqu'à 20 mètres, puis un abaissement commençant à 30 mètres avec + 10" 8, atteignant son maximum à 40 mètres avec -f 10° 1 se relevant à 50 mètres avec -r 10" 5 et donnant encore à 00 mètres + 10° 5. Par ces chiffres, l'on voit qu'il était facile à la Sardine d'atteindre sans déplacement considérable une zone marine voisine, sinon abso- lument semblable à son optimum de température. Quant à l'abaissement de -- 10" de la surface de l'eau, il doit être consi- déré comme exceptionnel. Hautreux indique, en effet, comme maxima pour janvier, février, mars 1894 + 12", pour décem- bre + 14"5 et en janvier, février, mars 1896 il donne + 14" 5. Nous avons cité ces chiffres, car ils montrent quelle température relativement élevée la Sardine rencontre dans les zones de sur- face des eaux atlantiques, près du littoral des Landes. Mais ces chiffres varient d'un moment à l'autre et 4- 14° ne sont pas plus courants pour un hiver que ne le sont les + 10" déjà cités. Quoi qu'il en soit, ce sont ces derniers seuls qui nous intéressent pour le moment. On peut donc conclure : à -f 11°, température hivernale habituelle (2), la Sardine est fréquemment pélagique dans le Golfe de Gascogne. Elle « maille » avec plus ou moins d'énergie, suivant le mois considéré, c'est-à-dire surtout suivant la plus ou moins grande maturité des produits sexuels. Si la température s'abaisse à + 10", seuls,, quelques individus sont pélagiques. Ils se meuvent avec lenteur, maillent mal (juand ils témoignent, ce qui est toujours rare, d'un certain appétit pour la ' (1) La per^islance des vctils desl-nord-est est rare dans la région landai!*e atlantique où ils sont, presque toujours, contre-balancés par les vents du large à l'heure des marées. (2) « Le maximum de l'hiver à + 1 1° est la température de la masse océanique du Golfe de Gascogne jusqu'à l.UUO mètres de profondeur ». (H altreux, Iov . cil.) BULLETIN DE LA STATION' BIOLOGKJUE • Itio y l'oguc : Celle lempéralui'c de + 10" leur est doue nellenlent défa- vorable; il sufl'il d'observer, en effet, uiibaiic qui est à la sui-face ou encore que l'on vient d'attirer de la profondeur, et il est cer- tain que si la Sardine ne devait pas rencontrer dans les couches marines profondes une température plus élevée, elle déserterait une région où la menace de la mort serait partout autour d'elle. A noire avis, il nous parait donc juste de reculer jusqu'à + 11" la limite de tolérance lliormi({ue de la Sardine et ce ne sera pourtant pas encore le minimum, puisqu'il nous a été donné — très exceptionnellement, il est vrai, — de voir la Sardine pélagique par + 10° de température marine superficielle. Bon nombre de pécheurs du littoral arcachonnais soutiennent très volontiers que les froids de l'hiver sont sans grande impor- tance pour la Sardine. Si on leur demande le motif de celte opinion, ils répondent que par des froids excessivement rigou- reux, capables de causer le gel des sardinières quand on les retire de l'eau, la nécessité pour eux de faire du feu dans les embarcations est une preuve que le froid n'influe pas sur la capture des Sardines. Quand on leur demande quelle est l'iiu- |)ortance de la capture à ce moment, ils répondent presque inva- riablement 0 plusieurs milles » ; si, toutefois, on les prie de préciser davantage, ils se trouvent forcés d'avouer que ces pèches de plusieurs milles sont exceptionnelles et que, d'une manière générale, ils n'en prennent que quelques-unes, tout au plus quelques centaines, et encore plus fréquemment aucune. L'opi- nion de ces marins est évidemment sans aucune valeur scienti- fique, mais elle est intéressante à signaler pour les faits qu'elle invo(jue, tels que la prise à l'air des filets en nappes glacées, indice d'un froid excessif (pii pourtant n'a pas déterminé l'exode de la Sardine et n'a pas empêché quelques bancs ou quelques individus d'être momentanément pélagiques, malgré l'abaisse- ment du degré thermique des eaux marines superficielles. Si durant le printemps et l'automne, époques de transition et relativement tempérées, la Sardine est presque constamment pélagique, sauf naturellement dans les cas de perturbations almos[)hériques dont l'action peut se faire sentir sur les eaux superficielles, il est loin d'en être de même pendant l'été. C'est durant cette saison, en effet, que la Sardine présente de remar- quables modifications dans sa manière de vivre. L'élude de ces [lo6 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE DARCACHON modifications va nous retenir assez longtemps, car c'est à elles que se trouve due la soi-disant pénurie de la Sardine durant certains mois d'été, pénurie que quelques esprits simplistes avaient considérée comme une migration sans retour. Loin d'èlre en banc compact, comme durant l'hiver, la Sardine pendant l'été, tout en formant encore des compagnies nom- breuses, est considérablement plus disséminée. L'instinct social demeure, cela est de toute évidence, mais l'individu vit beau- coup plus pour son propre compte que durant la mauvaise saison et le môme banc qui, par exemple, en janvier ne se serait étendu que sur 30 mètres de' surface, peut fort bien en été en couvrir 80 et même davantage. Toutefois il peut se faire que la Sardine quitte la surface lorsque les Maquereaux, les Marsouins poursuivent les bancs; les Sardines se rassendîlent alors aA'ant de disparaître, se serrent les unes contre les autres jusqu'à former une masse presque d'un seul bloc ; cette défense devant le danger est parfaitement connue d'ailleurs des pécheurs de l'extrême sud-ouest du Golfe de Gascogne, qui ne manquent pas à ce moment d'entourer le banc avec leurs seines. De même si une tempête sévit ou commence à sévir: la Sardine se réunit comme durant l'hiver et finit par s'enfoncer dans des eaux plus calmes, parlant plus profondes, si la tempête est de longue durée. A part ces conditions, que l'on peut quali- fier d'exceptionnelles, la Sardine en été demeure donc à la surface (1) de l'eau, en troupes éparses et disséminées un peu partout. Lorsqu'il en est ainsi, le pêcheur n'a plus qu'à mettre ses filets à l'eau et à jeter sa rogue, en attendant le bon plaisir des Clupes, en cette occurrence, leur appétit. Mais il arrive très souvent que les bancs sont invisibles, qu'ils apparaissent ensuite quelques minutes autour des sardinières, maillent, puis disparaissent pour ne plus reparaître de toute la journée, quelle que soit d'ailleurs la quantité de rogue jetée. Si la pêche n'a pu être effectuée au moment précis où les Clupes voulaient « travailler », il vaut mieux remettre toute tentative au lende- main, lorscjue l'on ne peut attendre très tard vers la soirée ou (1) iS'oiis entendons par « surface de l'eau » la zone enlièrenient superficielle et celle plus protonde où il est possible de distinguer encare nettement les Sardines. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 137 dans la nuit, car toute dépense, comme toute fatigue courent grand risque de demeurer vaines. Quelle est donc la cause de cette « abstention )^ et de cette disparition momentanée ? Presque toujours la chaleur. « Une nappe d'eau surchauffée existe tout le long du rivage des Landes, de Gordouan à Biarritz; elle a une épaisseur de 2o mètres près de la côte et s'étend au large jusqu'à 100 milles de distance à l'époque du maximum du mois d'août. » Tant que cette nappe d'eau n'est pas trop chaude pour la Sardine, celle-ci reste pélagique ; mais si la température s'élève à un degré nuisible, il faut donc bien que ce Poisson cherche ailleurs un milieu plus favorable. Il n'est point nécessaire qu'il s'en aille vers le large. Si d'ailleurs il effectuait un pareil dépla- cement de plus de 100 milles, malgré sa puissance de natation, ce devrait être considéré comme un véritable départ et les pécheurs du Golfe de Gascogne en ce cas pourraient considérer leur industrie comme morte tant que la Sardine fréquenterait ces lointains parages. En outre, d'après les campagnes scienti- fiques du Talisman, on connaît la haute température de la zone marine superficielle vers le sud et le large, par conséquent au delà même de Biarritz. Ces conditions de température ne changeraient guère qu'en augmentant. Si la Sardine demeure l'été près du littoral du Golfe de Gascogne, il faut donc qu'elle y rencontre son milieu optimum ou du moins approchant de cet optimum, « car les animaux sont des économistes de premiei' ordre et, comme ils n'ont pas de doctrine, ils ne se trompent jamais (i)^). Or ce milieu favorable, les Sardines le trouvent sans aller bien loin, à quelques kilomètres quelquefois des régions côtières, à peine un peu plus au large et dans des fonds analo- gues à ceux sur lesquels elles se tiennent durant l'hiver. Cette facilité pour la Sardine du littoral de Gascogne de rencontrer à peu de distance du rivage des conditions favoraljles en toute saison explique ainsi aisément sa capture durant toute Tannée. Bien que la disparition de la Sardine durant l'été, dans des couches d'eau profondes ou sur le fond lui-même, soit de moins longue durée que pendant l'hiver, il n'est pas moins intéressant de rechercher dans quelle zone ce Poisson ira se réfugier quand (1) Marcel A. Hérlbel, L'Océanograpliie et la Biologie. 11 158 SOCIIiTIi SCIENTIFIQUE d'arCACHOX les conditions extérieures le forceront à quitter sa surface de dispersion h;d)ituelle. Tout d'abord, il est nécessaire de dire quelques mots sur cette surface de dispersion. Durant l'été, on peut considérer les bancs de Sardines comme formant des lignes parallèles depuis l'entrée du Bassin jusqu'à 10 milles an large : certaines lignes étant plus riches que d'autres. Cela est dû à l'apport du plankton plus considérable dans certaines directions que dans d'autres, par suite de l'action de plus ou moins longue durée des vents régnants. En outre, l'entrée des passes semble former un « seuil » allant à plus de 20 milles au large et établissant une sorte de barrière idéale entre Sardines de dif- férentes tailles : Les Sardines de 16 centimètres se tenant de pré- férence vers le sud et le large, tandis que les autres Sardines de 12 centimètres et même moins se rapprochent de la côte et s'en éloignent alternativement, errant du sud au nord à partir de la bouée du large et restant plutôt côtières si on les oppose aux individus de plus grande taille. Cette particularité de la biologie des Clupes était intéressante à signaler, car, suivant les régions qu'elle occupe, la Sardine du littoral de Gascogne arrive plus ou moins rapidement dans les zones d'eau favorables ; dans le premier cas, elle n'a qu'à descendre suivant une verti- cale, tandis que dans le second cas cette descente est insuf- fisante, si elle n'est pas effectuée en môme temps qu'un déplacement horizontal vers le large, par suite de la distribution des profondeurs du sol immergé des Landes. On voit quel intérêt présente pour la capture d'individus de taille définie la connaissance de leur aire de distribution normale et extra- ordinaire (au sens étymologique du mot), quand les conditions climatériques modifient jusqu'à les rendre inhabitables les zones superficielles, côtières ou du large de l'Atlantique. Nous avons vu que durant l'hiver on peut considérer, au point de vue thermique seul, qu'à partir de + 11° de température superficielle de l'eau la Sardine était pélagique; durant l'été, il en est de même jusqu'à réchauffement des nappes liquides à une température comprise entre + 19"5 et + 20°. A partir de ce degré, les bancs de Sardines quittent la surface et vont chercher dans les couches sous-marines des conditions meilleures. Ilautreux estime qu'au maximum d'août la surface de la mer est de + 22" ; mais, en août 189o, il avait trouvé + 23° et en juil- BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 159 let 1907, en face le Ferret, à G milles au large, le thermomètre nous a donné jusqu'à + 22o7, après quelques jours de beau temps avec vents est, nord-est (1). Cette température fut d'ailleurs le maximum de l'année 1908, dont l'été ne fut pas extrêmement chaud, par suite de la fréquence des vents nord-ouest. En com- parant ces températures obtenues avec celles données par ïh. Par- fait, dans le a Rapport sur la campagne scientifique du Talisman » , on voit que le degré atteint par les eaux superficielles durant les mois d'été a une immense répartition géographique, puisque le maximum, dans la mer des Sargasses, fut le 4 août, avec + 24°5 par 2o"04' (latitude nord) et 37"36' (longitude ouest) et de 4- 25°2 (maximum observé durant cette campagne) aux appro- cliesdesAçores, le9aoiit, par 33"19' (latitude nord), 30^04' (longi- tude ouest); par conséquent, comme nous l'avons déjà dit, il serait sans avantage pour la Sardine de quitter les zones côtières pour aller au large chercher une température superficielle plus basse, puisque, en réalité, cette température dans les régions ouest, sud-ouest serait égale, sinon supérieure, à celle des eaux du Golfe de Gascogne (2). Cette question de température de surface établie, il ne reste plus qu'à voir dans quelle proportion l'abaissement se fait suivant la profondeur. A une température superficielle de + 22°, on trouve normale- ment par 10 mètres ou + 19"7 ou + 20° ou encore + 20°1. Ces (1) Nous avons pris les tempcraliircs du mois d'août comme indiqiiani (rnnc façon normale les maxima. Mais, comme l'a très justement fait remarquer Jules Girard, ce maximum est quelquefois atteint seulement en septembre. Il en est de même pour le minimum de l'hiver qui se présente fréquemment en février « et parfois en mars ». Il est donc nécessaire de ne pas considérer ces mois comme pré- sentant des valeurs tliermométriques absolues et nullement revei'sibles sur les au 1res. La pèche subira donc, de ce fail, des variations en rapport avec l'élévation ou l'abaissement thermique et les résultats d'une année ne seront pas assimilables aux résultats des années successives ou précédentes. (2) Nous avons insisté sur cette question de température du large, parce que les marins, voyant la Sardine, durant certaines journées d'été, quitter les parages habituels pour s'en aller plus au sud et plus au large, en concluent que ce dépla- cement vers le sud-ouest n'a pas d'autre but que d'aller chercher une température de surface « plus fraîche », qui ne se rencontre que dans ces régions. Les résultats des recherches océanographiques que nous venons de citer montrent quelle est la valeur de cette température « plus fraîche ». Cette migration n'est due, comme nous le verrons plus loin, qu'à des apports planktoniques par suite de coui-ants momen- tanés dus à des actions particulières. 160 SOCIÉTÉ SCIEiMIFlQLE D'ARCACHOiV variations sont dues probablement à des phénomènes locaux de glissement de masses d'eau, de marées et de constance des vents ; mais nous n'avons point à les étudier ici. La seule constatation intéressante à faire réside en ce fait que par des fonds tie 10 mètres la Sardine rencontre une température qui ne lui est pas nuisible; à 15 mètres, le degré thermique est très voisin de -f 19°; à 25 mètres, il oscille entre + 19° et + 18° et à partir de 30 mètres, il est en moyenne de + 10''5. Ces chiffres, évidemment, ne sont pas absolus et ce que nous avons déjà indiqué au sujet des oscillations de températures à 10 mètres peut à nouveau être répété ici. Quoi qu'il en soit, ces résultats sont assez instructifs et il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'à des profondeurs de 50 et de 75 mètres, par des températures de + 13°5 et de + 12" (1), pour trouver des zones d'eau où la Sardine puisse se réfugier durant l'été. Ces zones se trouvent, en effet, tout près de la côtedurantl'été, par des fonds de 15 à 25 mètres et à une distance souvent inférieure à 3 milles de la laisse de basse mer. C'est donc l'ensemble de ces conditions favorables qui permet d'expli- quer la présence de la Sardine dans les zones côtières durant l'été, bien qu'elle soit invisible; cette présence est, en effet, révélée tout d'abord par des bulles d'air que les marins appellent «couscouilles» (2), bulles d'air qui se dégagent de la rogue par suite de la dilacération des morceaux de cet appât par la Sardine. Ensuite, le chalut volant, dans certaines conditions particulières de réglage, nous a donné quelques exemplaires de Clupes dans les parages indiqués plus haut. La durée de la disparition de la surface de l'eau des bancs de Clupes pendant l'été est éminemment variable, elle peut n'être que de quelques heures comme de plusieurs jours, mais évidem- ment c'est le premier cas qui est de beaucoup le plus fréquent. Cette disparition n"a rien de bien extraordinaire en elle-même. (1) Keclierches faites durant l'été 1907-1908. D'après Hautreux : Surface de la mer au maximum d'août + 2:2" à 25 mètres de profondeur, + 18°u à oO mètres, -f- 18°5 à 7;) mètres, +12°; « au delà de 7o mètres, il n'y a plus de variations saisonnières. » (2) Les pêcheurs font grand cas de cet indice qui indique pour eux, tout d'abord la présence de la Sardine et ensuite le désir de ce Poisson de « travailler». Ouand les bulles montent et crèvent à la surface de l'eau et que leur origine est connue, il ne reste plus qu'à attendre le moment favorable : élévation de la température en hiver ou abaissement en été ; cette attente, variable suivant l'heure delà joui'née, aboutit souvent à de fort belles pêches. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 161 La majorito, l'on pourrait dire la presque totalité des êtres de surface, Plankton, Poissons, Mollusques, etc., étant aussi capa- bles de disparaître dans les eaux profondes que de demeurer dans les zones superficielles, et si bon nombre d'êtres pélagiques ne le sont durant l'été que la nuit, on peut dire que la Sardine à ce sujet leur est en tout point comparable quand il y a une trop grande élévation de la température. Nous ajouterons qu'il n'est point nécessaire à la Sardine de revenir à la surface pour se nourrir, car les couclies d'eau profondes renferment une faune pélagique « nombreuse et dense » qui leur appartient en propre et que la seconde campagne de YHiroiuk'lle a déjà signalée dès 1880; et lors même que celte nourriture manquerait, la tolé- rance de l'estomac de la Sardine pour bien d'autres aliments lui permet d'attendre le retour de conditions meilleures sans qu'elle soit obligée pour cela de se déplacer, sous peine de périr d'ina- nition (1), Densité Habitués à ne rencontrer les bancs de Sardines que dans « l'eau bleue », nous pensions, avant de nous livrer à une étude approfondie de la biologie de ce Poisson, que la densité jouait un rôle des plus importants pour son séjour ou son apparition dans les eaux marines côtières. En réalité, si la diminution en sels du milieu ambiant, diminution plus ou moins considérable, peut avoir une action nocive et même mortelle pour les Clupes, celles-ci, comme pour la température, tolèrent assez aisément certaines variations. Tout d'abord, anticipant sur certains para- graphes, nous dirons que dès l'éclosion de l'œuf les premiers stades de la vie de la jeune Sardine réclament la pureté, l'aéra- tion et la haute densité de l'eau du large ; cette exigence va en s'alténuant au fur et à mesure de la croissance; mais lorsqu'une certaine dimension est atteinte, — qui nous semble très voisine (1) Toutefois il n'est pas douteux que les bancs de Sardiues non seulement de passage mais encore sédentaires dans une région ne tarderaient pas à quitter cette région lorsque leurs « prévisions » leur montreraient la disparition du plankton comme définitive ou de longue durée; car, en effet, quels que puissent èlre les aliments variés trouvés dans l'appareil digestif des Clupes, il est incontestable que leur nourriture préférée est composée des animaux et des œufs de toutes espèces qui constituent le plankton. Les autres substances sont ou des éléments étrangers ou une nourriture absolument accidentelle. 162 SOCIÉTÉ SClEiNTIFIQUE d'aRCACHON de la taille de 12 centimètres, — les bancs de Sardines recher- cheront à nouveau les conditions biologiques de la haute mer; et plus elles vieilliront, plus ces conditions leur seront néces- saires. Voici, en effet, les faits sur lesquels nous basons notre opinion. Dans le Bassin d'Arcachon et dans toute la zone littorale des Landes, dont la densité varie suivant les conditions atmo- sphériques, il ne nous a jamais été donné d'observer des œufs de Clupes et l'éclosion des jeunes des premiers stades (1); au contraire, dans la zone inaccessible aux changements de densité nous avons rencontré assez fréquemment, aux époques favora- bles, des œufs et très accidentellement, il est vrai, quelques jeunes. Ces jeunes sont extrêmement délicats, très difficiles à capturer et passent très probablement les premiers temps de leur existence entre la surface et le fond. Le filet semi pélagique ne nous ayant donné que quelques exemplaires dans des condi- tions particulières et le chalut, la drague, filet de fond ou autre n'en ayant, à notre connaissance, jamais ramené un seul individu, cette capture serait pourtant possible, malgré la taille exiguë de la jeune Sardine, si l'on considère que le chalut, comme la drague, finissent au bout d'un certain temps par former, par suite des Poissons et des êtres capturés, un vase clos d'où toute sortie est à peu près impossible. Après les premiers stades, quand l'individu atteint 4 centimètres de longueur, il se rapproche des côtes et forme en se réunissant avec d'autres, sur toute la côte des Landes, de nombreux petits bancs qui ne se confon- dent presque jamais entre eux, malgré leur absolue similitude d'espèce et de taille. Par les temps calmes, ils déterminent à la surface de l'eau des rides caractéristiques de leur passage. A partir de b à 6 centimètres, ils apparaissent en bancs nombreux dans le Bassin d'Arcachon oii ils séjournent, grandissent et se déplacent, allant fréquemment dans des régions où la tempéra- ture comme la densité subissent des variations d'une amplitude bien plus considérable qu'à l'Océan. Ces bancs, qui ont reçu des habitants du pays le nom caractéristique de « Sardinons », ne sont guère estimés, bien que certaines usines en fassent des conserves, et sont détruits en nombre considérable par les pêcheurs à la seine. Mais à partir du mois de septembre, pre- mière quinzaine d'octobre, ils disparaissent, s'en vont à l'Océan (1) Sauf une seule fuis, el bien accidentellement encore, BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 163 et s'éloignent considérablement des côtes. Il est à remarquer que leur disparition est en rapport avec la précocité des froids. Ils continuent à grandir au large et l'on peut dire qu'une nou- velle apparition dans les eaux littorales et dans les eaux du Bassin d'Arcachon n'a plus lieu qu'exceptionnellement (1). Quant à la venue de la Sardine de rogue dans le Bassin d'Arcachon, elle peut être considérée comme des plus irrégulières; à plus forte raison la venue de la Sardine de dérive dans la même zone constituerait-elle un fait extraordinaire; en réalité, c'est ce qui a lieu. Nous n'avons jamais capturé, et à notre connaissance il ne fut jamais signalé la capture d'un seul individu de Sardine de dérive dans l'intérieur même du Bassin d'Arcachon. Par consé- quent, les deux phases extrêmes de l'existence de la Sardine réclament les conditions biologiques du large, mais la phase intermédiaire se passe ou peut se passer dans des conditions sensiblement différentes du miheu précité. Voyons maintenant quelle serait la tolérance des Clupes vis-à- vis des variations dans la densité. Les variations ayant lieu durant la fin de l'automne et durant Ihiver ne doivent pas nous retenir ici, puisqu'à cette période la Sardine, sous toutes ses formes, ne se rencontre pas plu-s dans le Bassin d'Arcachon qu'elle ne se rencontre dans les zones immédiatement cotières. Ce n'est, en somme, qu'à partir du mois d'avril et surtout du mois de mai que les chiffres ont une valeur intéressante. Avant l'étude de ces chiffres une remarque s'impose : le Bassin d'Arcachon n'est point un lac, c'est une formation nettement deltaïque, à notre avis, subissant, d'une part, l'action des eaux de l'Océan, d'une autre, celle des eaux douces fortement canalisées par la Leyre. Il résulte de ces divers courants antagonistes lun de l'autre une configu- ration géographique particulière, formation de canaux d'écoule- ment qui sont les chenaux et déhmitation de plateaux sédimen- taires qui sont les « crassats » dans la langue du pays et que les (]) Les pêcheurs de Sardines Amendent assez souvent, en été et en automne, même au printemps parfois, des Sardines qu'ils disent avoir prises dans le Bassin. En réalité, ces Sardines ont été prises sur les passes, ou à proximité des passes, ou encore dans les premiers bancs de sable, après l'entrée du Bassin, à une époque oîi il y a similitude absolue entre la température, la densité de l'Océan et de la région du Bassin où la capture a eu lieu. Ces prises ne sont d'abord jamais aussi nombreuses qu'à l'Océan et, en outre, elles correspondent à un déplacement momentané de la Sardine, mais en aucune façon à un séjour vraiment constant. 164 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON marées recouvrent plus ou moins; ces derniers sont sans intérêt clans la question qui nous occupe, mais les chenaux présentent deux zones très spéciales, difficiles à délimiter d'une manière précise, il est vrai, mais qui existent pourtant. La première comprendrait celle où la densité des eaux est voisine de celle de l'Océan et celle jusqu'où pourrait aller sans risques les Poissons tels que la Sardine ; la seconde comprendrait la zone qui subit un abaissement sensible par suite du voisinage immédiat de l'eau douce. Ces délimitations sont évidemment des plus factices, par suite du réseau très compliqué formé par les chenaux qui com- muniquent tous entre eux et qui subissent des conditions locales susceptibles de faire varier la densité dans des proportions des plus appréciables. Quoi qu'il en soit, une ligne de démarcation est nécessaire et nos recherches nous la font situer avec une direction nord-est, sud-ouest, à partir du port d'Ares, pour aboutir aux prés salés de La Teste, en passant par le milieu du crassatdit d' Arams. Ce serait donc dans toute la région ouest du Bassin, en deçà de cette ligne, que se rencontrent aux saisons favorables les bancs de Sardines. Nous n'étudierons donc que les variations de densité subies par les eaux comprises dans celte zone (1). Les résultais indiqués parllautreux, lors de ses recher- ches sur les densités du Bassin d'Arcachon, portent sur des chenaux et des régions parfaitement localisés, mais l'extension de ces chiffres à des zones plus vastes reste malgré tout d'une parfaite concordance; et pour divers endroits d'un même chenal, dans la partie du Bassin où se tiennent généralement les Chipes, on peut considérer qu'il n'y a pas de variations appréciables. En avril 1899, en rade d'Eyrac, la densité maxima indique à la pleine mer 1028 et le minimum do basse mer tombe à 1020; (1) En réalité, les bancs de Sardines ne remonlent que fort peu vers l'est. Ils se tiennent principalement dans la ré^^ion nord du Bassin et au voisinage des bancs de sable tels que Muscla du sud, Muscla du nord, Banc blanc, etc. Ce sont presque toujours des bancs de passage, comme bon nombre de bancs de Maqnereaux d'ail- leurs. Mais comme durant certaines années nous avons capturé quelques Chipes beaucoup plus vers l'est, il était nécessaire de reculer d'autant leur zone de disper- sion. Ce sont d'ailleurs ces captures qui sont les plus intéressantes, car elles indi- quent nettement jusqu'oii peut aller la tolérance de la Sardine pour l'abaissement de la densité. Nous ne nous occupons pas ici, bien entendu, des bancs de « Sardi- nons » qui s'adaptent aisément à des milieux Aariés et dont l'aire de dispersion comprend, en somme, le Bassin d'Arcachon tout entier ; cependant la majorité de ces bancs se tient plutôt à l'ouest qu'à l'est. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE IGo en mai 1025; en juin 1024 h. m., 1022 b. m. ; juillet 1026h. m., 1021 b. m.; en août 1025 h. m., 1021 b. m.; en septembre 1027 h. m., 1020 b. m.. En 1895 : avril 1025 h. m., 1016,5 b. m mai 1025 h. m., 1010.5 b. m.; juin 1021 b. m., 1014 b. m juillet 1025 h. m., 1017 b. m.; août 1023 b. m., 1019 b. m septembre 1025 h. m., 1018 b. m. Nous n'indiquons pas ici les densités trouA'ées par Hautreux pour la Pointe de l'Aiguillon, car les bancs de Sardines ne se rencontrent jamais, à notre connaissance, dans cette région du Bassin. Pour la Villa Algé- rienne, la moyenne de basse mer donnée par Hautreux fut, pour juin 1895, 1020,4, juillet 1024,3, août 1023,5, septembre 1024. Les variations de densité entre la marée haute et basse sont dues à l'apport des eaux douces par la Leyre et les divers canaux qui se déversent dans le Bassin, principalement dans sa partie est. Il résulte de ceci que cet abaissement dans la densité n'est jamais que momentané et, à la marée montante, une augmen- tation sensible s'établit, permettant à des Poissons tels que les Maquereaux, par exemple, d'étendre les limites de leurs pérégri- nations vers l'extrême est du Bassin. Les quelques heures durant lesquelles les eaux douces diminuent la teneur en sels ne sont guère préjudiciables aux Poissons de haute mer, tels que les dupes et les Scomberidés, dont nous venons de parler. En effet, c'est surtout dans le A^oisinage des bancs de sable du Cap Ferret que se tiennent les Sardines qui pénètrent dans le Bassin, et A^oici quels ont été les chiffres extrêmes dans les densités de cette région durant l'été 1908 : mai 1025,2, 1019,5, 1027, 1020,5 (deuxième quinzaine); juin 1026, 1020; juillet 1029, 1025,1; août 1030, 1025; septembre 1029, 1024 (deuxième quinzaine). Les chiffres relativement élevés et constants des derniers mois sont dus à la persistance des Agents nord, nord-est, durant cette période : vents chauds et secs. La faible densité relative du mois de mai est due aux vents nord-ouest qui furent suivis de vents sud, sud-est, sensiblement secs et chauds, qui relevèrent ainsi de près de deux unités la densité précédente. Or c'est à partir de cette seconde quinzaine de mai que des Sardines furent capturées dans le Bassin et ces captures se renouvelèrent d'ailleurs tout l'été (1). Par la simple lecture des chiffres, on voit que la (1) Celte année, les Sardines ne furent pas pècliées à la rogue dans le Bassin d'Arcachon, comme cela arrive parfois certaines années. Les individus capturés 106 SOClÉTl'ï SCIEIVTIFIQUE d'aRCACHON densité la plus basse que puisse tolérer la Sardine est Aoisine de 1020. Pourtant, il serait nécessaire de faire à ce sujet une réserve. Il est probable que si les bancs de Glupes quittent ou n'npparaissent pas dans les eaux du Bassin d'Arcachon, quand la teneur en sels s'abaisse au-dessous du degré précédemment indiqué, ce n'est point tant par cet abaissement lui-même que par les conditions défavorables à l'existence du plankton, partant de la nourriture de la Sardine. Ce chiffre de 1020 est donc intéressant en lui-même, mais nous doutons fort, . malgré la constance du résultat de nos recherches (1), qu'il soit l'expres- sion d'une donnée absolue. Il nous reste maintenant à exposer les chiffres de la densité de la côte des Landes. Ces chiffres varient d'une année à l'autre et ceci, non point tant par les grandes chutes de pluie orageuse sur l'Océan lui-même, chutes dont l'importance pour si grande qu'elle soit ne peut guère influer sur l'immensité éternellement en mouvement dans laquelle elle s'ensevelit, que par l'apport des fleuves el courants côtiers qui, drainant les eaux de toute une région, ont un débit dont la puissance est en corrélation immédiate avec les chutes de pluie elles-mêmes. A ce premier fait vient s'en joindre un autre d'une importance plus consi- dérable encore: ce fait est dû au vent régnant. Tous les vents du secteur nord, principalement nord-ouest, ramènent le long de la côte des Landes les eaux de la Gironde et des divers courants du littoral, déterminant ainsi un vaste courant côtier, visible même de terre, s'étendant parfois jusqu'à 10 milles au large et dont les eaux superficielles, du moins, présentent un abaissement de la densité tel que les Poissons désertent en quel- ques heures un milieu si défavorable (2). le furent avec la seine ordinaire et par accident. La pèche n'eut pas lieu dans le Bassin, parce que les passes étant des plus tranquilles les marins préférèrent aller à l'Océan où ils péchèrent fréquemment plusieurs dizaines de mille de Sardines, résultats qu'ils n'auraient jamais pu obtenir, même espérer, dans le Bassin. (1) Nous avons, en effet, remarqué que lorsque la densité du Bassin d'Arcachon atteignait les chiffres voisins de 1022 et plus faibles, les larves de toute espèce de plankton disparaissaient en majeui-e partie ; celles qui demeuraient encore avaient une vitalité sensiblement moindre que dans les conditions de salure plus élevée. (2) Quand les eaux reprenaient leur densité habituelle, l'exode vers la cole s'effectuait en quelques heures. Vingt-quatre heures après des tempêtes du nord- ouest, il nous a été parfois impossible de prendre, en huit heures de chalut, une seule raie bouclée dans une zone oîi habituellement nous en prenions cinq ou si^ BULLETIN DE LA STATION' BIOLOGIQUE IG7 Pour le Bassin d'Arcachon, nous n'avons indiqué que les chif- fres de quelques mois. Pour la côte des Landes, nous indique- rons les chiffres obtenus durant toute l'année, puisque la Sardine s'y rencontre indifféremment durant le mois de juillet et cehii de janvier (1). Voici le tableau des résultats des recherches d'Hautreux : Année 1893 Septembre Octobre Novembre ^Maxima 1027 102(3 1031 Minima 1023 1024 1034 Année 1894 Janvier Février Mars Avril Mai Juin Maxima 1030 1027 1028 1030 1031 1028 Minima 1028 102i 102.'> 1028 1027 1023 Juillet Aoiit Septembre Octobre Novembre Décembre Maxima 1028 1027 102G 1026 102G,o 1027 Minima 1023 102i 102i 1024 1023,3 1024.3 Nous pourrions donner le tableau complet et joindre nos pro- pres recherches; mais ces données sont à notre avis suffisantes, leurs variations dans l'Atlantique ne correspondant plus à des déplacements de la Sardine; durant aucune période, en effet, on ne constate un abaissement de la densité voisin ou égal de celui que la Sardine semble redouter. Les bancs s'éloignent ou se rapprochent de la côte non point surtout lors des modifica- tions de la salure", mais principalement lorsqu'une aire de vent s'établit dans une direction déterminée. Ce sont ces phénomènes que nous allons maintenant étudier. Vents Un auteur qui se proposerait détudier rapidement les faits qui déterminent l'apparition des Glupes sur nos côtes pourrait passer sous silence toutes les conditions exigées par la vie de la en trois quarts d'heure. Ces Poissons, et l)ien d'autres, se rencontraient alors juste à la limite de séparation des eaux troubles et des «eaux bleues ». (1) Ce n'est pas la même, évidemment, mais peu importe, puisque ce sont tou- jours des Clupes. 168 SOClÉTl'i SCIENTIFIQUE d'aRCACHON Sardine et ne s'occuper que de la direction des vents (1); il aurait ainsi le facteur essenliel auprès duquel tous les autres apparaîtraient comme accessoires. Nous avons à considérer deux conditions dans l'étude des vents : d'abord leur vitesse. Qu'il existe ou non, à certains moments, une immobilité absolue d'une certaine zone de l'atmosphère, cette question n'a d'intérêt que pour l'aviation et nous ne reprendrons pas ici les polémi- ques qu'elle a suscitées et qui sont loin d'être closes. Le calme absolu, comme le vent seulement sensible (1 mètre à la seconde (2) et le vent modéré (2 mètres à la seconde) n'ont qu'une influence relative sur l'apparition cle la Sardine à la sur- face de l'eau. Toutefois, le calme « plat » qui est l'indice eu été d'une température élevée, avec renouvellement inappréciable ou très faible des couches d'air, empêcherait dans certaines condi- tions la Sardine d'être pélagique, mais ce serait là un phéno- mène dû à une action indirecte, au même titre par exemple que l'apparition à la surface de l'eau des bancs de dupes lorsque souffleraient les vents précités, celles-ci venant se nourrir du plankton nouvellement apporté. A 6 mètres (3), à 9 mètres (4) et jusqu'à 13 mètres la Sardine ne s'enfonce pas dans des cou- ches d'eau plus tranquilles. Les bancs, toutefois, commencent à se rassembler davantage, mais la pêche devient alors de plus en plus difficile, sinon impossible, par suite des « lançades » de l'embarcation, de la fatigue éprouvée à la maintenir par le seul secours des rames contre des vents contraires et par la dissé- mination de la rogue, ce qui équivaut à sa .perle à peu près complète. Quand la vitesse du vent atteint iO mètres à la (1) En réalité, en nous exprimant ainsi, nous sommes loin d'un paradoxe. Bon nombre de savants, en effet, considèrent actuellement (jue l'aelion des vents est l'origine première des courants. Cette idée, toutefois, nous semlîle par trop absolue si on la pousse à ces extrêmes limites, en ne s'occupant que des condi- tions immédiates et purement mécaniques des vents. Mais si l'on admet cette liaison intime ou du moins le très grand rapport qui existe entre les vents et les courants, on ne peut s'empècber de reconnaître que notre opinion n'a rien d'exagéré; car, alors, étudier les vents, c'est étudier les courants, et de l'étude de ceux-ci est faite toute la biologie des Clupes, les cou- rants n'étant en somme que les condensateurs de conditions biologiques plus ou moins favorables et plus ou moins particulières des divers êtres marins. (2) D'après E. Fernet et .1. Faivre-Dupaigne. (3) Veut frais qui tend les voiles. (4) Bon, frais (bon pour la marche des navires). BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 169 seconde (1), les bancs disparaissent dans des eaux plus tran- quilles et y demeurent jusqu'à cessation complète de la tempête. Exceptionnellement ils peuvent remonter à la surface, par suite de causes ignorées, mais un pareil fait est toujours exception- nel, momentané et sans retour (2). Nous ne parlerons pas des vitesses atteintes durant les bourrasques : 20 à 27 mètres à la seconde dans nos régions exigent de graves perturbations atmosphériques et les vitesses de 30 à 40 mètres ne se rencon- trent que dans les cyclones tropicaux et, de toute manière, n'ont ici aucun intérêt. Cette première question de vitesse des vents étudiée, il reste la seconde, de beaucoup la plus importante : celle de leur direc- tion. Deux aires de vents se trouvent ici en présence et en opposition, d'un côté les vent d'est, continentaux et rares et les vents d'ouest, océaniens et prédominants. A chacun d'eux vien- nent s'ajouter les vents de nord et sud, dont l'action sur la Sar- dine est des plus variables, suivant qu'ils dérivent de la première aire ou de la seconde. Il est évident que si les vents influent sur l'apparition ou la disparition de la Sardine dans telle ou telle région, ce n'est que par suite des conditions particulières de « milieu » qu'ils déterminent. Ces conditions sont, d'une part, la température, d'autre part, l'apport de la nourriture. La première ayant été déjà étudiée, reste la seconde. Dans une région comme celle du Golfe de Gascogne, où les recherches les plus récentes des océanographes n'ont point trouvé de courants particuliers et permanents autres que des courants de surface (3) dus à la seule action des vents, on conçoit quelle importance considérable peuvent jouer, au point de vue du drainage du plankton, l'origineetla direction du vent régnant. Les bancs de Sar- dines, comme la majorité des êtres pélagiques doués de puissants moyens de natation, remontent presque toujours le courant (4), (i) Vent impétueux (E. Fekiset et J. F.uvre-Dlpaigke). (2) Peut-être celte apparition serait-elle en rapport avec un bouleversement des fonds sous-marins essiMitiellenient meubles, des fonds vaseux, par exemple, puisque l'on sait que TacLiou des vagues peut se faire sentir jusqu'à lîiOet même 20U mètres au-dessous de la surface. Dans ce cas, la Sardine fuirait un milieu pollué, appauvri en oxygène, et son apparition à la surface de l'eau serait l'indice d'un exode vers une région plus favorable. (3) Reclierches du Prince de Mo.naco, d'HAUiREux, etc. (4) Xous parlons évidemment ici du courant de surface charriant le plankton; mais il arrive, dans certaines conditions particulières que nous étudierons dans 170 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'arCACHON celui-ci leur apportant, table éternellement et richement servie, une nourriture qu'ils n'ont qu'à prendre sans la chercher, sans la poursuivre. Si toute la surface océanienne était également riche en plankton, il serait sans doute possible d'établir, connais- sant le vent dominant d'une région, la topographie générale de cette région, ses courants et contre-courants particuliers, les zones où aboutiraient les bandes condensées de plankton, et dans celles-ci môme on pourrait alors situer les êtres c|ui s'en nourrissent, en l'occurrence les bancs de Sardines. Mais il est loin d'en être ainsi : certaines régions sont des centres intenses de formation planktonique tandis que des régions voisines en sont complètement dépourvues; enfin, comme complication suprême d'une question déjà singulièrement complexe, vient s'ajouter le fait que les essaims planktoniques voient leur impor- tance croître ou diminuer suivant la saison que l'on considère. ^Malgré la difficulté, nous pourrions môme dire la témérité de vouloir formuler une conclusion avec toutes ces données éparses dont certaines sont inconnues et la plupart changeantes, nous allons tenter de le faire; mais cette conclusion sera locale exclu- sivement; en outre, elle ne sera pas plus immuable que les faits qui lui ont donné naissance : feuillets détachés d'un journal, le vrai cju'ils expriment aujourd'hui peut ne plus l'être demain (1). Les vents d'ouest ne sont jamais dans la région du Bassin d'Arcachon des vents de longue durée. Presque toujours ils s'établissent, après des vents de sud. Leur action n'est donc que momentanée, mais elle n'en est pas moins intéressante. Elle se traduit de trois manières différentes : modification de la tempé- la suite, que les bancs de Sardines, loin de remonter le courant, le descendent au contraire; mais ce fait est exceptionnel et c'est avec une certaine hésitation que nous avons essayé d'atténuer parle mot « presque » ce qu'il y avait de trop absolu dans « toujours ». A la nécessité de remonter le courant pour prendre plus aisé- ment'leur nourriture, viennent sans nul doute s'ajouter des conditions particu- lières de déplacement plus favorables par la natation contre le courant qu'avec le courant, conditions de même nature que celles qui régissent les phénomènes de migration normale de tous les Oiseaux migrateurs. (1) Il nous est impossible, sans sortir complètement du sujet que nous traitons ici, de nous occuper des conditions particulières de formation et de dispersion du plankton. Nous renvoyons pour cela aux documents particuliers des divers océano- graphes qui se sont occupés de cette question, d'ailleurs des plus nettement exposée dans « l'Océanographie et la Biologie » par Marcel-A. Hérubel, cours fait à l'Institut maritime et publié dans la Revue srienlifujue du 13 avril 1907. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 171 rature, action mécanique sur les vagues et apports planlv toni- ques. Il résulte de la première un abaissement ou une élévation de la température de l'eau ou des zones superficielles de l'eau, suivant que l'on se trouve en été ou en hiver. Ces écarts ther- miques (1) ayant été étudiés précédemment, nous ne les repren- drons pas de nouveau. La seconde est de beaucoup la plus importante, par suite de la topographie régionale. L'entrée du Bassin comprend, en effet, des chenaux de faible profondeur et de peu de largeur, enclavés dans des bancs de sables mouvants, sur lesquels Aàennent buter les vagues de l'Océan. Si celles-ci, par suite d'une tempête, voient leur niveau s'élever, elles se brisent (2) en écumant sur ces hauts fonds, formant une barrière qui peut devenir infranchissable dans cer- taines conditions. La passe est alors fermée et les bateaux ne tentent guère de la franchir. En outre, quand le vent d'ouest s'élève, c'est l'annonce presque certaine d'une tempête ou de mauvais temps et tous les pêcheurs abandonnent précipitam- ment la pêche pour aller se mettre à l'abri s'ils ne s'y trouvent déjà. Ainsi le vent d'ouest est pour les pêcheurs de Sardines du Bas- sin d'Arcachon la cessation brutale et immédiate de leur industrie. Quant à la Sardine, lorsque le vent d'ouest s'élève, elle se com- porte de diverses manières. Si elle est pélagique, les bancs deviennent plus compacts et s'ils suivaient une direction con- fuse au début, ils ne tardent pas à se diriger nettement vers l'ouest, progressant, il est vrai, d'une façon inégale et quelque- fois s'arrêtant à peu près complètement. Ils remontent donc nettement le courant, sans doute parce que la progression leur est singulièrement facilitée, et surtout parce que le vent d'ouest rassemble dans une direction unique les essaims planktoniques épars à la surface des flots et amenés soit par les courants soit par les vents de nord ou de sud. Si le vent souffle avec une violence croissante, les bancs quittent la surface et se réfugient dans des couches d'eau plus tranquilles. Mais il peut arriver, par suite d'un trop grand froid ou d'une chaleur excessive, que les (1) Cfs élévations ou abaissements de température peuvent atteindre jusqu'à 10°. (2) Si des ciialutiers ou des bateaux pontés peuvent passer dans une lame qui brise, à condition que celle-ci ne soit pas évidemment des plus violentes, il n'en est pas de même pour les embarcations non pontées qui sont recouvertes et sub- mergées par la vague au moment où celle-ci décrit sa volute. 172 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON bancs de Sardines ne soient pas pélagiques : il n'est pas rare alors de les voir, pendant que le vent d'ouest s'élève, apparaître brusquement à la surface et, fait digne de remarque, avant même que l'effet thermique de ce vent ne se soit fait sentir. Il est vrai que l'effet mécanique a pu parfaitement être perçu dans les zones profondes oi!i se tenaient les Sardines. Quoi qu'il en soit, ce phénomène est assez constant pour qu'il puisse se ren- contrer même lorsqu'un orage localisé sur l'Océan a déterminé momentanément une direction ouest-est des vagues; alors, la Sardine apparaît brusquement, d'une manière inexplicable, si l'on ne remarque pas la direction subitement prise par la l^artie superficielle ou immédiatement sous-jacente de l'eau et qui à ce moment-là se trouve nettement opposée au vent régnant (1). A cette apparition brusque peut correspondre une disparition non moins brusque, qui laisse le pêcheur étonné, concluant ù l'humeur fantasque d'un Poisson mal intentionné. A part ces faits plutôt particuhers, le vent d'ouest est un vent dont l'action, quelle que soit la saison, est plutôt favorable à la montée et au séjour à la surface de l'eau des bancs de Sardines. Ce n'est que lorsque la houle devient très forte, que les bancs disparaissent pour « remonter » à nouveau quand le calme s'établit. Le vent sud-ouest, de longue durée dans la région qui nous occupe, bien plus fréquent que le vent d'ouest, en est presque toujours le début et quelquefois la fin (2). S'il souffle sans violence, il est (1) Ce fait se présente en été, par exemple, quand les vents soufflent de l'est- nord-est avec temps calme et ciel clair et qu'un courant de surface ou plus profond porte contre le vent, dans ce cas particulier, de l'ouest vers l'est. La direction prise par les sédiments, ([uand on n'est pas très éloigné de la côle ou par les êtres marins mauvais nageurs, tels que les Cœlentérés pélagiques, est l'indice de celte modification qui agit en déterminant un déplacement momentané de la Sardine; celle-ci devenant fréquemment pélagique dans une zone oii ne se trouA^ent pas les pêcheurs, ceux-là pour la majorité persistant à ramer contre le vent, sans remarquer que les courants immédialementsous-jacenls viennent de se modifier. Et si un marin observateur, ce qui est rare, modifie ses procédés de l)rclie, il ne retire pas toujours un grand bénéfice de sa sagacité, car le courant qui vient tie déterminer la montée des Sai dines ne tarde pas à disparailre, puis- qu'il est l'indice d'une perturbation locale momentanée; les conditions du milieu superficiel redeviennent alors ce qu'elles étaient au début et les Chipes s'enfoncent à nouveau dans les régions profondes. (2) Normalement, le mauvais temps débute, dans la région du littoral des BULLETIA' DE LA STATION BIOLOGIQUE 173 incontestablement, quelle que soit la saison, le vent le plus favo- rable à l'existence pélagique et à la pèche des Sardines. Les marins le qualifient de vent de « sud mouillé », bien que par- fois ils étendent ce terme d'une manière beaucoup trop générale aux divers vents du sud, qui accidentellement peuvent amener la pluie. Dans ce cas particulier, les vents de « sud mouillé » agissent exclusivement comme des régulateurs thermiques et leur apport planktonique peut être à peu près nul. Pour le venl du sud-ouest, il n'en est pas de même: après des recherches suivies et nombreuses, ce vent nous a donné des résultats au filet fin réellement supérieurs à tous ceux obtenus alors que soufflaient les autres Aents. Les larves pélagiques dominantes du plankton, entraînées par le A^ent du sud-ouest, sont, avec les Cœlentérés, les Larves de Crustacés. Ce vent collecte au large, et sans nul doute bien plus loin encore que les côtes d'Espagne, les essaims planktoniques qu'il dirige suivant une ligne oblique le long de ces côtes pour venir les abandonner sur le littoral landais. Cette remarquable richesse en plankton du vent de sud- ouest dans le Golfe de Gascogne est due sans doute à plusieurs causes particulières. Hautreux, dans ses recherches précitées, avait remarqué que les atterrissages de ses flotteurs se faisaient principalement « sur la côte des Landes, à l'exclusion des côtes d'Espagne ». Dans ces conditions, les traînées planktoniques ne subiraient pas de déperdition appréciable et arriveraient, sinon intactes, du moins peu diminuées. En outre, la poussée des vents de sud-ouest s'exerce vers le nord-est et surtout vers l'est-nord- est, par suite des à-coups de Aent d'ouest. Le résultat de ces « sautes » de vents aboutit à une direction presque perpendicu- laire à la côte des Landes de la partie superficielle des vagues, par conséquent du plankton qu'elles charrient. Mais cette ten- dance à l'atterrissage se trouve singulièrement contrariée par le Landes, pai- vin venl de sud, suivi du venl de sud-ouest, de durée variable, passant à l'ouest par à-coups et finissant par tourner complètement au nord-ouest. Arrivé d;ins celte direction, il peut à nouveau repasser à Touesl par le sud-ouesl; alors le mauvais temps continue; mais plus fréquemment, il s'établit après les vents nord-ouest des vents d'est el de nord-est qui peuvenl être de longue durée, tandis que les vents de nord s'élanl établis par l'ouest, sud-ouesl, sud, sud-est, esl-nord- est, ne sont jam'ais de longue durée; habituellement, celle-ci n'excède pas vingt- quatre heures, lorsque, par hasard, elle seniblî devoir persister. 12 174 SOGIIÏTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACUON fait que « le rivage exerce une sorte de répulsion » (1) que nous avons pu parfois constater comme s'exerrant à plus de 10 kilo- mètres au large. Par suite de ce phénomène, les traînées planktoniques au lieu de s'épanouir en nappes éparses tout le long de la côte, sous la seule action du A'ent du sud-ouest, se condensent, au contraire, en bandes compactes dont la distance de la côte varie suivant la violence du vent sud-ouest et l'inten- sité de sens contraire exercée par le rivage. En plus de ces conditions particulières, vient enfin s'ajouter celle qui est due au vent nord-ouest. Ce vent, de terminaison régulière, comme nous l'avons déjà dit, de tous les mauvais temps de la côte des Landes, se présente comme une force d'opposition considérable à la dispersion du plankton apporté par les vents du sud près du littoral des Landes. Il advient, en effet, presque toujours, durant les tempêtes, que le vent passe brusquement du sud- ouest à l'ouest-nord-ouest pour revenir à nouveau au sud- ouest : or, à durée comme à vitesse égale, l'action du vent nord-ouest sur la côte des Landes prime celle de tous les autres vents; ainsi se trouve établie une barrière s'opposant à la dispersion du plankton entraîné par les vents du sud-ouest. Naturellement, l'efficacité de cette barrière varie suivant la durée et l'intensité des vents de sud-ouest; mais, quoi qu'il en soit, elle n'en exerce pas moins une action parfaitement sensible, si Ton s'en rapporte à ce que nous venons de dire précédemment au sujet de l'action des vents nord-ouest opposée à celle des autres vents. Or, ce n'est pas tout encore : les vents nord-ouest sont les Agents dominants de la région, ainsi que l'avaient établi les recherches de l'ingénieur Pairier, dès l'année 1856 (2). Par conséquent, ces (1) Hactreux, Loc. cil. Nous ne pouvons malheureusement ici entrer dans lï-lude des courants de la côte des Landes. Celte question nous entraînerait, en effet, bien au delà des limites de ce travail; nous n'indiquerons donc en passant que les points particuliers qui seront intéressants ou nécessaires au sujet de la Biologie des Sardines. (2) Ces recherches furent publiées dans \\n des plus sérieux ouvrages qui aient été jamais faits sur les conditions géographiques et de naAigabilité du Bassin dArcachon ; mais elles ont eu le sort commun à bien des travaux remarquables, car, actuellement, l'oubli le plus profond les a ensevelies. Elles furent publiées sour le titre de : « Documents relatifs à l'avant-projet des travaux à exécuter pour l'amélioration de l'entrée du Bassin d'Arcachon », publiés par ordre de M. le Minisire de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics (Décision du 18 février 1856). WLLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE l"o vents, en plus de leur intensité, viennent par leur fréquence encore aider au maintien des apports planktoniques dans cer- taines zones du littoral des Landes, zones délimitées par les con- ditions géographiques particulières et par des conditions clima- tériques normales. Il se peut aussi que le plankton entraîné par les vagues lors des vents nord-ouest se fusionne en partie avec celui que charrient les courants du sud-ouest, ajoutant ainsi de nouveaux éléments à des essaims pélagiques déjà abondamment pourvus (1). Ceci n'est pas d'ailleurs une simple supposition, car nous avons fréquemment constaté qu'après les vents nord-ouest le plankton prélevé dans les mômes régions de recherches con- tenait, en plus des êtres déjà cités, une proportion bien plus élevée de formes larvaires de Mollusques et de spores d'Algues (2) que lors des prélèvements antérieurs. Il y aurait donc eu fusion (1) La répulsion du rivage s"exerce aussi bi(^n contre les vents de nord-ouest que contre les A'ents de sud-ouest et tant que ceux-ci n'ont pu la vaincre par une action plus forte elle crée une sorte de «zone morte» où peuvent demeurer les corps flottants. Or quant il s'agit d'êtres pélagiques doués de mouvements propres et capables de s'enfoncer plus ou moins profondément quand ils le veulent, on voit quelle peut ùtre l'importance d(^ cette zone. (2) La proportion des éléments constituant le plankton est essentiellement variable suivant la saison. Le contenu stomacal d'un Poisson aussi vorace que la Sardine est des plus intéressants; cependant, quoiqu'on en dise, les renseignements qu'il fournit manquent de précision au point de \ue régional. La Sardine montre eu effet, vis-à-vis de bien des aliments, une tolérance des plus «généreuses». Depuis longtemps déjà, les recliercbes qui ont été faites à ce sujet et qui furent signées Henneguy, Marfon, Pouchet, de Guerne, etc., ont fait connaître ce que peuvent ingérer les Sardines : larves de Crustacés, Copépodes littoraux ou de haute mer, Peridiniens dans la Corogne, débris d'Annélides, Hydraires, tels que des Serlulaires ; spores d'Algues dans l'Amérique du Nord; diatomées, radiolaires, infiisoires, noctiluques. La liste n'est pas près d'être close; elle comprend des êtres pélagiques, benthoniques, abyssaux même, entraînés à la surface par des tempêtes sous-marines; les uns préférés aux autres, digérés ou traités comme corps étran- gers, mais tous également ingérés au hasard de l'appétit et des rencontres. Nous n'entreprendrons pas de décrire les différents aliments que nous avons rencontrés dans l'estomac des Clupes de la région arcachonnaise ; tous ont déjà été signalés et ce que nous A-enons de dire au sujet des rapports de nombres et d'espèces nous dispense d'enti-er dans de plus longs détails qui, après les recherches des auteurs déjà cités, ne seraient qu'une inutile répétition. Nous remarquerons cependant que les formes larvaires (Stellerides) Brachiolaria ou Bipinnaria, parfois très nombreuses à la surface de l'eau sur la côte des- Landes, sembleraient n'être ingérées que d'une manière accidentelle par les Clupes : les larves de Crustacés étant toujours absorbées en nombre proportionnellement bien plus considérable. Gela signifierait peut-être que, malgré leur passivité parente dans le fait de se nourrir dans les essaims pélagiques, les Sardines seraient susceptibles de choisir... ce qui leur plaît. 1/b SOCIKTE SCIENTIFIQUE D ARCACHOA' des traînées planktoniques ; quoi qu'il en soit, le vent de sud- ouest est l'un des plus favorables, sinon le plus favorable qui soit pour les bancs de Sardines. Malheureusement, il n'en est pas de même pour la pèche. Les vents de sud-ouest, en effet, ne présentent guère une faible vitesse que durant l'été ; mais durant les trois autres saisons de l'année, ils sont ou des vents de tempête ou des vents annonciateurs de tempête. Dans le pre- mier cas, la pèche ne peut avoir lieu et, dans le second, elle devient si hasardeuse que presque tous les marins sont obligés d'y renoncer sous peine de trouver la passe, en admettant qu'ils puissent la franchir à leur sortie, complètement fermée à leur retour (1), car la traversée de la passe lors d'un vent violent du sud-ouest est compliquée par ce fait que les chenaux qui forment les passes sont enclavés dans des bancs de sable qui dévient sensiblement vers le nord-ouest la direction des eaux. Le bateau est donc obligé de lutter contre des vents et des courants con- traires pour ne pas être drossé sur les bancs de sable qui déter- mineraient sa perte certaine. Quant à l'augmentation du A^olume d'eau sur la passe, par suite d'une tempête de sud-ouest, c'est un avantage bien minime, si l'on considère que cette augmen- tation est toujours en rapport directavec la violence de la tempête. En résumé, le vent du sud-ouest, excellent pour la capture de la Sardine, est, durant les trois quarts de l'année, préjudiciable aux marins du Bassin d'Arcachon, par suite des dangers que la disposition des passes leur fait courir. Le vent nord-ouest, bien qu'exerçant une action sensiblement plus froide que celle des vents d'ouest et du sud-ouest, ne déter- mine pas de perturba lions atmosphériques, dans le sens thermique, capables de nuire aux bancs de Sardines. En outre, comme il rassemble en partie le plankton du large et des régions nord, il leur serait plutôt favorable. Mais son action mécanique, lorsqu'elle est violente et prolongée, ce qui est de règle, sauf l'été, et encore ! devient absolument désastreuse par suite de la force qu'elle oppose aux eaux de la Gironde. Celles-ci, ne pouvant s'écouler librement vers le large, sont déviées vers le sud-ouest en une nappe parallèle au rivage des Landes. La longueur, comme l'étcn- (1) La où les passes sont fermées lorsque les lames «brisent» d'une mauièi continue depuis le Cap Ferret jusqu'à la l'oinle du Sud. BrLLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 177 due de cette nappe, varie naturellement suivant rintensilé et la durée des vents nord-ouest, mais elle peut atteindre plus de vingt kilomètres à l'ouest et se retrouver au sud le long de la côte, plus loin même que lecourantde Sainte-Eulalie: l'eau est «brouille » comme disent les marins, et il faut aller très loin vers «l'eau bleue» pour tenter de trouver des Sardines : d'où de longues heures de navigation absolument perdues pour la pèche. Déplus, celte action perturbatrice du vent nord-ouest continue à se faire sentir, lors môme qu'il a cessé, durant plusieurs jours. Le dépôt des sédiments se fait lentement sur une côte peu profonde et oîi les éléments vaseux de certaines zones, remués par la tempête, sont venus s'ajouter à ceux qui se trouvent normalement et abondamment entraînés dans la masse liquide d'un fleuve tel que la Gironde. Ce sont ces sédiments qui jouent le rôle capital dans l'exode des Sardines vers le large, car si, à la rigueur, celles-ci peuvent supporter sans trop de dommage un certain abaissement de densité, si l'on s'en rapporte à ce que nous avons dit à ce sujet, ce ne serait donc pas le mélange de l'eau douce avec l'eau de mer qui suffirait à expliquer, à lui seid, ce départ. Le vrai motif serait dû à ce que les eaux rendues ainsi impures ne sont plus un milieu môme supportable pour le plankton; dans ces conditions, il est donc nécessaire aux Glupes d'aller dans des régions où elles puissent à nouveau rencontrer leur nourriture éternellement voyageuse. En gagnant l'eau bleue, elles nagent contre le courant, ce qui est leur habitude, et elles atteignent ainsi les régions où se trouvent les essaims pélagiques que leur amène le vent régnant. En plus de ce départ des bancs de Clupcs, qui forcent les marins à se livrer à des recherches et à des tentatives coûteuses et bien souvent inutiles, il faut considérer que les vents nord- ouest sont dans la région du Golfe de Gascogne, comme dans beaucoup d'autres d'ailleurs, les vents les plus pénibles pour la navigation, sans oublier que pour le Bassin d'Arcachon viennent encore s'ajouter les risques présentés par la traversée des passes. Lors des tempêtes de nord-ouest, les bateaux sont en effet déviés vers la côte et vers les bancs de sable du sud-ouest, aussi inhospitaliers que ceux du Nord. Les vents du sud sont loin d'être, dans la région, des vents constants et de longue durée ; ils ne soufflent guère que durant 178 SOCIÉTÉ SCIEIVTIFIQUE d'aRCACHON quelques heures, tout au plus une journée, car ils ne tardent pas à virer vers le sud-est, mais le plus fréquemment encore vers le sud-ouest. Ils sont presque toujours l'annonce d'une pertur- bation atmosphérique à brève échéance ; ordinairement froids et humides en hiver (1), ils deviennent dès le printemps chauds et desséchants, au point de flétrir en quelques heures les plantes délicates des jardins. Dans ces conditions, ils soufflent avec vio- lence. L'Océan est alors agité d'une houle de surface qui rend les manœuvres de pêche pénibles et quelquefois inutiles, car si ces vents soufflent en été ou même au printemps après quelques belles journées ensoleillées, ils élèvent la température superfi- cielle de l'eau à un degré tel que la Sardine cesse d'être péla- gique, malgré la richesse des traînées de plankton que ce vent amène presque toujours avec lui. L'hiver, ce même vent de sud'serait plutôt favorable, dans le sens thermique, car pour si froid qu'il soit, il ne l'est jamais comme les vents de nord et d'est, mais son action mécanique crée une houle de fond fré- quemment dangereuse sur les passes. 11 n'est pas toujours possi- ble, en effet, en hiver, par suite de la brièveté des journées, d'attendre la pleine mer (2) et il arrive alors que la passe peut briser, demeurer par conséquent infranchissable, tant que la marée haute ne sera pas atteinte; et si celle-ci ne s'établit que la nuit, on comprend sans peine quels risques peuvent courir, dans un passage étroit de quelques centaines de mètres, des embarcations n'ayant pour se guider dans l'obscurité et parfois le brouillard que les renseignements pleins d'imprécision donnés par la boussole et par des bouées que seul le hasard peut faire découvrir (3). Lors du vent de nord, les mêmes considérations thermiques vont se présenter, avec ceci en plus, ù savoir que durant l'hiver ce vent est presque toujours des plus violents et des plus froids. Ces deux conditions réunies sont suffisantes pour s'opposer à (1) Quelquefois au contraire très cliaud, mais beaucoup plus rarement. (2) Pour aA'oir moins de peine et de temps perdu, les pêcheurs presque toujours s'en vont de leur port à la marée descendante ; ils restent à l'ancre devant les passes jusqu'au lever du jour, et si celles-ci sont belles, ils gagnent l'Océan; ils ne rentrent alors à nouveau dans le Bassin que durant la marée montante. (3) Les bouées sans feux sont en effet invisibles la nuit et le son de la cloche que porte l'une de ces bouées — la bouée du large — se perd dans le bruit de la boule et du veut, BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 179 toute pèche sérieuse de la Sardine ; d'abord par l'action méca- nique brutale qu'exercent les vagues sur l'embarcation et ensuite par la disparition à peu près complète de la surface de l'eau des bancs de Sardines, quand ceux-ci n'ont pas abandonné déjà leur région de prédilection, pour fuir la pollution des eaux marines par celles de la Gironde, pollution antérieurement commencée avec les vents de nord-ouest. L'été, ce vent, qui dans notre hémisphère est surtout le vent du temps beau et sec, est favo- rable à la pêche de la Sardine et il est rare qu'il souffle avec assez de vitesse pour rendre absolument impossible le maintien de l'embarcation nécessaire avec le seul concours des rames. Mais la pêche n'en reste pas moins subordonnée à la venue des Clupes dans la couche d'eau superficielle qui baigne les filets. Habituellement cette condition est réahsée, mais si durant l'été les vents soufflent constamment du nord, il en résulte une tem- pérature très élevée qui force la Sardine à n'être pélagique que momentanément, par exemple à l'aube ou au crépuscule : le temps favorable pour la pêche se trouve alors des plus limités, puisqu'aucun marin pêcheur de Sardines du littoral arcachon- nais n'a voulu jusqu'ici rester la nuit à l'Océan pour exercer son industrie. Avec les vents d'est, des résultats à peu près analogues vont avoir lieu. L'hiver ce sont, en effet, des vents froids et presque toujours accompagnés de brouillards qui rendent la navigation des plus difficiles, sinon des plus dangereuses, dans la passe. De plus, l'abaissement thermique des couches d'eau superficielles rend la pêche très aléatoire et lors même que la Sardine appa- raît à la surface lorsque les rayons du soleil ont percé l'opacité de la brume, il n'en résulte pas pour cela de la part des Clupes une énergie a allant jusqu'à travaillera la rogue». L'été, ces vents continentaux, secs et desséchants, s'ils soufflent avec constance durant plusieurs jours sans aucune variation, ne tar- dent pas à rendre les eaux littorales absolument défavorables aux bancs de Sardines, qui gagnent le large autant pour échapper à des conditions thermiques trop élevées que pour aller recher- cher les essaims pélagiques qui se trouvent de plus en plus loin vers l'ouest et qu'aucun apport planktonique des vents d'est ne vient remplacer. Ce que nous venons de dire pour ces vents, nous pourrions le 180 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHO.X répéter pour les vents de nord -est, tout en remarquant que ceux-ci sont généralement encore plus froids et plus violents durant l'hiver que les vents d'est, jusqu'à rendre fréquemment la pêche complètement impossible. En outre, l'action de côtoie- ment littoral qu'ils exercent sur les eaux de la Gironde, sans égaler celle des vents nord-ouest, n'est pas compensée par leur apport de larves pélagiques, qui n'est jamais d'une richesse comparable à celle des vents océaniens. L'été, s'ils sont plus frais que les vents d'est, ils sont aussi de plus longue durée, de plus grande constance et une élévation thermique défavorable pour les bancs de Sardines finit toujours par se produire dans les eaux côtières. Les vents de sud-est ressemblent au vent de sud en ce qu'ils sont surtout des vents de transition, ils annoncent et préparent des vents plus ou moins constants des secteurs est ou ouest. Ils sont, au point de vue de la température, excessivement varia- bles. Durant l'hiver, ils peuvent être froids et secs (1), comme ils peuvent être doux et humides. Toutefois, la première condi- tion est la plus fréquemment réalisée. Elle entraîne presque toujours dans ce cas des brouillards assez épais, qui disparais- sent dans l'après-midi ou vers l'heure de la marée montante par suite de l'augmentation de la vitesse des vents, augmentation qui se produit habituellement à ce moment. Ils ne sont pas défavorables à la pêche, car la Sardine est fréquemment péla- gique durant tout le temps qu'ils soufflent. En outre, ils sont assez riches en apports planktoniques, sans pourtant que cette richesse devienne à aucun moment comparable à celle des vents d'ouest. Si, durant le printemps et l'automne, ils peuvent parfois entraîner avec eux des pluies de durée variable, un pareil fait devient tout à fait exceptionnel durant l'été, ils se présentent à cette saison comme desséchants et très chauds, presque à l'égal des vents du Sud et les couches d'air surchauffées qu'ils entraî- nent élèvent considérablement la température des couches d'eau de la région côtière. Les bancs de Sardines ne tardent pas alors à quitter cette région pour se porter plus vers le nord et (1) Cependant leur rigiieuv considérée à la même période de l'année n'égale jamais celle des vents de nord et de nord-est. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 181 plus au large (1). Ce vent, comme tous les autres d'ailleurs, peut atteindre une assez grande vitesse, susceptible par son action purement mécanique d'empêcher la pêche. Mais d'une manière générale, comme tous les vents d'est d'ailleurs, son action sur la passe est incomparablement moins dangereuse que celle des vents d'ouest. Bien qu'en réalité chacun des vents que nous venons d'étudier soit susceptible d'avoir une durée qui peut, pour certains, dépas- ser plusieurs fois vingt-quatre heures, il est plus fréquent de voir à chaque saison certains phénomènes se produire avec une très grande régularité, expliquant le séjour dans des parages à peu près toujours les mêmes des bancs de Sardines, ce séjour sem- blant à première vue en contradiction avec un déplacement des bancs de dupes contre le vent régnant. Durant l'hiver, les vents présentent une plus grande fixité dans leur direction que pendant l'été, mais les conditions de milieu exigées à cette saison par les Glupes masquent ou annulent en grande partie les déplacements qu'elles pourraient être obligées de faire. L'été et durant toute la saison chaude les vents sont plus réguliers, mais leur action réciproque arrive à se détruire complètement. Par exemple, les vents vont souffler du nord-est durant la nuit ; au lever du soleil, ils passeront à l'est, puis au sud-est, du sud au sud-ouest, à l'ouest, au nord-ouest pour revenir au nord-est et recommencer le lendemain le même cycle (2). a Le vent suit le soleil » disent les marins. Bien que par exemple le vent nord-ouest s'élève parfois dans l'après-midi avec assez de vitesse, les composantes de toutes ces directions s'annihilent en grande partie et si elles peuvent parfois agir sur des corps flottants, elles demeurent sans aucune valeur pour les essaims pélagiques qui disparaissent dans les couches d'eau profondes, (1) Cette direction vers le nord alors que soufflent les vents de sud-est semblerait indiquer une modification importante dans la natation des Chipes, qui remontent toujours le courant. Xous croyons toutefois qu'il n'en est rien ; il doit exister, bien que jusqu'ici il nous ait été impossible de le constater autrement que par des traînées de plankton dérivant Aers le sud, un courant temporaire, à direction nord-sud, résultant de l'action momentanée des vents de nord, ceux-ci ayant en effet presque toujours soufflé, avec une durée vai-iable, quelque temps avant l'apparition des vents de sud-est. (2) Bien plus rarement ce cycle peut s'effectuer en sens contraire, mais il revient presque toujours durant la nuit à son point de départ, c'est-à-dire au nord-est. 182 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'ARCACHO^ quand les conditions thermiques deviennent dans la journée trop défavorables. Les bancs de Clupes suivent d'ailleurs cette dispa- rition pour des motifs identiques. En outre, l'action particulière exercée par le rivage, aidée de celle de courants temporaires, s'ajoute à tous ces phénomènes pour créer une zone où se tiennent de préférence les Sardines. Cette longue étude sur les vents dans la région littorale landaise nous permet de conclure en ces termes : « Les vents océaniens sont favorables à la pèche des Sardines ; les vents continentaux, au contraire, lui sont nettement défavorables. » Cette constatation importante, car elle évite bien des tenta- tives inutiles, a été faite depuis longtemps déjà sur les côtes méditerranéennes. Marion a^ait longuement étudié, ces phéno- mènes. Or, si l'on oppose ces résultats avec ceux déjà obtenus dans d'autres régions, on constate qu'il existe une similitude si étroite entre tous que cette conclusion pourrait presque devenir une loi. En effet, Marion avait déjà signalé la dispaii- tion des Sardines méditerranéennes dans les couches profondes marines quand le mistral souffle et leur dispersion dans des régions diverses selon la direction dominante des vents. De ses remarquables travaux Marion avait pu conclure que tout cou- rant qui sort de terre est mauvais et que tout courant qui y mène est bon. Dans ses recherches, Louis Fagcs (1) a montré le rapport étroit unissant les apports planktoniques de certains courants et la direction suivie par les bancs de Sardines. Henne- guy avait aussi, dès 1891, signalé l'aclion des vents et des cou- rants au sujet de la distribution des bancs de Clupes sur les côtes atlantiques. Il faut aussi encore signaler pour mémoire les recherches de Ciuillard, de Vaillant, de Pouchet et de bien d'autres autorités scientifiques. Mais nous nous contenterons de les indiquer, sans entrer dans de plus amples détails, pour ne pas allonger davantage ce paragraphe déjà long. (1) '( Aperçu sur l'exploration des fonds maritimes du quartier de l'ort-Vendrcs Louis Faces, Bull. Soc. A(iui. et Pèche, février 1907. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 183 Conditions complémentaires IIklires de la journée. Action des marées, des phases lunaires, etc. Nous avons réuni dans un paragraphe particulier un ensemble de phénomènes présentant un certain intérêt pour la pêche et susceptible de donner lieu à des considérations d'ordre général d'une très grande portée. Le premier que nous étudierons est représenté par l'existence pélagique menée par les bancs de Sardines suivant l'heure de la journée. Ce sera uniquement, d'ailleurs, cette existence pélagique que nous considérerons, puisque par elle un des aléas les plus importants de la pêche se trouve supprimé. L'heure de la journée la plus favorable pour « la montée » de la Sardine est variable pour l'ensemble des saisons, mais se trouve relativement fixe pour chacune d'elles. L'apparition des bancs à la surface de l'eau est, comme nous l'avons déjà dit, dans un rapport étroit avec la température superficielle. En hiver normal, par conséquent froid, la montée est lente, tardive et ne s'effectue que plusieurs heures après l'apparition du soleil, qu'il soit ou non capable de percer les brumes ou les brouil- lards. Fait digne de remarque, elle s'effectue davantage dans la matinée que dans l'après-midi. En outre, cette montée est de courte durée, parfois elle n'excède guère quelques minutes ; elle semble plutôt correspondre à un simple déplacement des bancs qu'à une recherche d'aliment de la part des individus qui les composent. Durant le printemps et la fin de l'automne, l'existence pélagique menée par les Glupes est plus constante, les disparitions dans les profondeurs sont, en effet, l'indice à peu près certain de phénomènes anormaux. L'été, au contraire, cette disparition est de règle toute la journée ; ce n'est qu'à la fraîcheur de l'aube ou à celle du crépuscule que les « banquées » apparaissent innombrables. Il peut arriver que, par suite de laclion des vents océaniens, ou d'un ciel couvert (1), l'échauffe- (1) Il est probable que durant l'été l'insolation des masses d'eaux superficielles, en dehors de toute considération thermique, possède une action peu favorable parfois à la montée des Sardines. Avec des vents de même vitesse, des apports 184 SOCIÉTÉ SCIEiNTlFIQUE D'ARCACHOiV mont des zones superficielles marines soit assez lent, alors la Sardine reste pélagique durant un temps A^ariable, quelquefois même la journée entière ; mais ce fait est plutôt exceptionnel et l'on peut dire avec certitude que la pèche à la Sardine sur le littoral des Landes, durant toute la saison chaude, n'a un bon résultat qu'à la condition d'être pratiquée dès les premières heures précédant ou suivant l'aube. Pour le crépuscule, il en sera de même ; mais le succès de la pèche ira croissant à mesure que la nuit tombera. Bien qu'aucun pécheur sardinier de la côte des Landes n'ait exercé d'une manière constante son industrie la nuit, on est en droit de conclure que la Sardine est un poisson plus volontiers pélagique durant la nuit que durant le jour. Ce ne serait guère que l'hiver qu'elle semblerait faire exception à cette règle ; toutefois, même en cette saison, nous avons eu de nombreux exemples de bancs de Sardines pélagi- ques aux premières lueurs du jour (i). L'importance de cette constatation est considérable : elle montre, en effet, ce qui était à prévoir d'ailleurs, la grande analogie des manières de vivre entre la Sardine atlantique et la Sardine méditerranéenne (2). Celle-ci vivant durant toute la belle saison et pendant la nuit d'une existence pélagique des plus régulières, les pêcheurs méditerranéens pratiquent, en effet, leur industrie au clair de lune, au crépuscule et à l'aube et ils obtiennent ainsi des résul- tats incomparablement supérieurs à ceux qu'ils obtiendraient s'ils péchaient durant le jour. Bien que les pêcheurs du littoral des Landes ne se soient pas encore décidés à demeurer la nuit à l'Océan pour pêcher, il est intéressant de remarquer que si la campagne de 1908 fut aussi brillante, la cause est due unique- ment à ce que, grâce à leur grande vitesse, les embarcations planktoniques à peu près identiques comme ricliesse et composition, une tempé- rature exactement semblat)le, nous avons vu les bancs de Clupes pélagiques sous un ciel couvert ; le lendemain, par une journée ensoleillée, les bancs n'indiquaient plus leur présence que par des bulles d'air se délaclianl delà rogne, mais aucun d'eux ne se trouvait à la surface. (1) Or comme nous avons rencontré ces bancs sur l'eau, avant toute tentative de pèche, il est permis de supposer qu'ils y étaient déjà même avant l'aube et cette supposition est d'autant plus plausible que certains individus capturés avaient l'estomac à peu près rempli du plankton qui composait alors les essaims pélagi- ques de la surface de l'eau. (2) Voira ce sujet les travaux de Mariox, Goirret, etc., etc. BULLETIN DE LA STATION' BIOLOGIQUE 18o étaient sur les lieux de pèche dès les premières heures du jour; mais si les marins avaient dû s'y rendre comme jadis, avec le secours des rames ou de la voile, les résultats obtenus auraient été sûrement comparables à ceux de certaines mauvaises années des côtes de Bretagne. 11 est probable, sinon certain, que la pèche de nuit (1) s'im- posera durant certains étés, bien qu'actuellement les marins sardiniers du Bassin d'Arcachon y soient réfractaires (2). jNIais quand d'autres populations maritimes seront venues, la concur- rence et la nécessité de vivre forceront bien les premiers à utiliser les conditions et les procédés assurant le meilleur ren- dement. Nous avons, en outre, recherché si l'action des marées exer- cerait une infhience sur « la montée des Sardines » ; ces recherches ne nous ont point donné des conclusions d'une extrême netteté. Les courbes tracées à ce sujet s'enchevêtrent les unes les autres et il en résulte une assez grande confusion. Toutefois on peut en dégager un fait assez général, se résumant ainsi : Pour un vent constant, quelle que soit la saison consi- dérée, mais à la condition formelle que le degré thermique superficiel de l'eau ne soit pas défavorables aux Chipes, la montée des bancs de Sardines, quand ceux-ci ne sont pas déjà à la surface, s'effectue avec plus d'intensité au moment de la marée montante que de la marée descendante. Toutefois, si les vents soufflent du secteur est à la marée montante et qu'ils arrivent au secteur ouest à la marée descendante, la « montée (1) Nous pourrions, en outre, en indiquant divers faits qui se sont passés dans des années antérieures, montrer que des pèclies ayant eu lieu presque entière- ment durant la nuit ont donné des résultats bien supérieurs à celles qui furent pratiquées durant le jour. Ces résultats se passent de commentaires. (2) Bon noml)re des équipages actuels se refuseraient absolument à aller passer la nuit à l'Océan. Toutefois, le 20 juin 1909, il nous a été possible, ainsi qu'à M. Ver- deau, directeur de l'usine « La Sardine française », à Gujan, de former deux équi- pages qui ont bien voulu tenter, jour et nuit, avec nous la recherche des Sardines « disparues ». Dans les deux bateaux qui partirent ainsi à la découverte il y eut quatre marins de Gujan et trois marins ]>retons : on voit que l'élément étranger l'emportait — cinq à quatre — sur l'élément indigène. A notre avis, il n'est pas douteux qu'il en sera longtemps, sijion toujours ainsi. En effet, malgré l'heureux résiiltat de cette tentative, qui nous permit de relever la zone dans laquelle se trouvaient les Sardines, elle ne fut pourtant pas renouA^elée par ceux qu'elle intéressait tout particulièrement lors d'un nouvel éloignement des Sardines. 186 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACBON des Sardines » se fait davantage à ce moment-là qu'au premier. Au contraire, si les vents n'ont pas de direction constante, ou bien passent de l'ouest à l'est, le flot aura une action plus intense sur la montée que le précédent. Par conséquent, on peut conclure que l'action exercée par certains vents est supé- rieure à celle des marées elles-mêmes. Si l'on considère ce que nous avons déjà dit au sujet de vents différents, il y aurait sans nul doute une liaison étroite, cons- tante, entre la montée des Sardines et l'apparition du plankton. Continuant ces recherches, nous avons essayé de savoir si les marées, au moment des époques de quadrature ou de syzygie, n'exerceraient pas non plus une action particulière sur la montée des Sardines. Nous avons eu à ce sujet encore plus de difficultés que pour les études précédentes. D'abord, parce que les obser- vations n'ont pas été faites avec une régularité journalière ; ensuite parce que les coefficients des marées n'ayant pas une valeur constante, un des facteurs se trouvait modifié par des oscillations irrégulières ; enfin surtout parce que la température et la direction des vents se modifiant trop fréquemment, les données pour une période ne sont pas absolument comparables à celles d'une autre période de même nature: syzygie ou quadra- ture. Toutefois, certains faits se sont présentés avec assez de régularité: à ce titre-là, ils méritent d'être signalés. Durant tout le temps que dure la nouvelle, la pleine lune et le premier quartier, l'apparition et la montée des bancs de Sardines est à peu près constante ou nulle et reste subordonnée à l'action des vents et de la température, sans qu'il soit possible de trouver une variation quelconque en rapport avec la grandeur de la marée. Mais au moment du dernier quartier, et surtout vers les derniers jours de cette phase lunaire, il n'est pas rare de cons- tater que les bancs de Sardines semblent plus nombreux et sont plus fréquemment pélagiques que dans les périodes précé- dentes. Ce phénomène ne nous semble pas avoir pour origine exclusive l'action des marées dans le cycle lunaire. En effet, dans la région de la côte des Landes et particulièrement près du Bassin d'Arcachon, au moment du dernier quartier, il y a prédominance des vents d'ouest et, fréquemment, établissement de ceux-ci durant tout le dernier quartier; or comme ces vents ont une action thermique favorable à la Sardine, en même BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 187 temps qu'ils drainent vers la côte le plankton du large, il n'est pus douteux que le rôle joué par eux, ait plus d'importance que celui que l'on pourrait attribuer aux marées elles-mêmes durant les variations lunaires. Ce serait donc un phénomène des plus normaux qui se passerait au moment du dernier quartier, n'ayant avec la phase lunaire qu'un rapport... atmo- sphérique. Nous avons tenu à préciser cette question, car certains pécheurs croyaient, superstitieusement, à l'action des périodes lunaires sur la pèche des Sardines et les perturbations climatériques de ces diverses époques leur donnaient un sem- blant de raison. Cycle de déplacements Nous avons réuni dans ce paragraphe un certain nombre de faits normaux chaque année et d'autres plus exceptionnels dont l'origine semble être indépendante des conditions précédemment étudiées ; mais leur importance est trop grande pour qu'ils puis- sent être passés sous silence. Si, durant l'hiver, la Sardine n'effectue pas de déplacement de grande amplitude et send)le se confiner dans des régions à densité, température et apport de nourriture à peu près invariables, il n'en n'est pas de môme durant le printemps, l'été et l'automne. Durant ces trois saisons sur la côte des Landes, les bancs quittent le large et se rappro- chent du rivage jusque parfois à ne s'en trouver éloignés que de quelques centaines de mètres. Ce n'est que vers la fin de l'automne (1) que l'exode vers la haute mer s'effectue de nouveau, et ce départ ne semble point d'ailleurs être en rapport avec les modifications atmosphériques annonçant l'hiver. Durant la période pendant laquelle la Sardine se rapproche des côtes, on peut constater deux mouvements particuliers : l'un, perpen- diculaire à la direction du rivage, se résumant en des oscilla- (1) L'atterrissage des bancs de Sardines le long de la côte des Landes, vers les mois d'août, de septembre et d'octobre, est en rapport généralement avec les phé- nomènes atmosphériques de ces mois. En effet, ce sont les vents du large qui a cette époque jjrédominent : ils arrivent à créer ainsi un courant côlier sud-oncsl, nord-est, riche en apports planktoniques et en même temps certaines conditions thermiques faA'orables se trouvent réaliïées le long du littoral. 188 sociÉTi': SCIENTIFIQUE d'arcachon tions continuelles entre la côte et le rivage ; l'autre, parallèle à la côte et se dirigeant tantôt vers le nord, tantôt vers le sud. Vers le nord durant le printemps et l'été, vers le sud durant l'automne. Cette direction est si nette que les pécheurs en ont conclu immédiatement que la Sardine effectuait à ce moment sa migration saisonnière. En réalité, ce phénomène n'a qu'un rapport des plus lointains avec la migration, c'est un déplacement d'amphtude variable, dû à des causes qui n'ont aucun rapport avec les conditions biologiques fondamentales déterminant l'exode de certaines espèces animales. Voici, en effet, quels sont les mobiles de ces déplacements. Dans notre hémisphère, durant le printemps et l'été, d'une manière géné- rale, les vents les plus fréquents sont les vents de nord et du secteur est. A partir de l'automne s'établissent les vents océaniens, débutant presque toujours par des vents de sud. Les bancs de Sardines remontent, aux diverses saisons, les courants déterminés par les vents dominants et c'est tantôt vers le nord, tantôt vers le sud, suivant la prépondérance momentanée de chacun d'eux. Et cela est si évident que si par hasard les vents soufflent du sud avec persistance au printemps et en été, de manière à annihiler l'action des vents de nord précédents, les bancs de Sardines modifieront cette direction, vers le nord, qui semble immuable aux pécheurs, et s'en iront vers le sud, de manière h toujours rencontrer le courant et aller au-devant du plankton entraîné par les flots. Si les vents soufflent par extra- ordinaire du nord, à l'automne, la Sardine se dirigera vers le nord. Il n'y a donc qu'une migration apparente, déterminée par les caractères généraux des saisons. La seule migration que l'on pourrait admettre se ferait non du sud ou du nord, ou du nord au sud, mais de l'ouest à l'est et réciproquement. Parfois durant l'été, alors que pendant plusieurs jours les Agents ont soufflé de l'est, nord-est, on voit les bancs de Sardi- nes brusquement gagner le sud. sans qu'il y ait eu une « saute de vent» justifiant ce départ « dans le courant». Ce phéno- mène est des plus curieux, car il est contraire, comme nous l'avons vu, à la progression habituelle des Chipes. En réalité, ce déplacement équivaut à celui d'un oiseau migrateur tel que le canard, effectuant son exode hivernal Axnt arrière. La cause en est simple, l'urgence de se nourrir. Par suite de la persis- BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 189 tance des Acnts du secteur est, le plankton côtier océanien ne tarde pas à s'appauvrir et les pèches au filet fin sur la côte des Landes, vers la région nord, ne laissent pas de doute à ce sujet. Au contraire, vers le sud (1), il y a souvent des essaims pélagi- ques entraînés peut-être dans cette région par des courants du nord et maintenus par des courants régionaux particuliers, mais plus probablement encore amenés du sud par des courants tem- poraires, dus à des perturlDations lointaines, orage ou tempête sous-marine ; quoi qu'il en soit, les l)ancs de Sardines, devant l'appauvrissement continu du plankton des régions nord du littoral gascon, sous l'influence des vents d'est, nord-est, gagnent le sud et s'y rassemblent innombrables, tantôt très près de la côte, tantôt à des distances supérieures à 10 kilomètres, mais toujours au milieu des essaims pélagiques. Il est nécessaire aussi de signaler comme causes certaiues, parfois, du départ des bancs de Sardines, l'apparition au milieu de ceux-ci des Poissons carnassiers. Les Sélaciens en particu- lier, les Carcharidès, ne sont jamais, dans la région qui nous occupe, en nombre considérable pour déterminer un déplace- ment général des dupes, mais il n'en est pas de même des Maquereaux, des Aiguilles, des Vives, qui forment à certaines époques de l'année de véritables bancs acharnés à dévorer les Sardines. Celles-ci' alors ne maillent pas, ou maillent mal, et quittent les régions où elles sont poursuivies pour des zones plus tranquilles, sans toutefois suivre une direction définie. Mais comme ces Poissons ennemis de la Sardine effectuent une migration de durée variable et ne sont nullement sédentaires, du moins en bancs aussi nombreux, dans les régions où se tiennent les Chipes, l'arrêt momentané qu'ils occasionnent ainsi à la pêche n'est jamais de bien longue durée. Quant aux Marsouins, ils n'ont jusqu'ici jamais été aussi nom- breux sur la côte des Landes que dans certains parages et, vraisemblablement, bien qu'ils affolent littéralement les bancs de Sardines, ceux-ci ne s'éloignent pas beaucoup de leur séjour habituel. La cause de ce fait est due, sans doute, à ce que le Marsouin, seul ou en troupe, ne séjourne jamais longtemps au (1) Vers Sainte-Eulalip, mais pins particiilièn ment vers Conlis, qui présente des zones marines où les Mollusques nous ont semblé fréquemment plus abon- dants que partout ailleurs. 13 190 SOCIIÎTÉ SCIEiNTIFIQUK d'aRCACIIO.\ môme endroit, les grands parcours lui sont familiers et, en outre, les variations de température et de densité n'ont pas pour de pareils Cétacés l'importance considérable qu'elles ont pour cer- tains Poissons. Son aire de déplacement se trouve de ce fait presque illimitée. Les Oiseaux tels que les Goélands, les Mouet- tes, les Macareux et les Guillemots, etc., qui se nourrissent de Poissons, se tiennent, surtout l'hiver, en troupes toujours affa- mées, sur tout le littoral des Landes. Malgré cela, ils n'arrivent pas à éloigner les bancs de Sardines des régions qui leur plaisent, seul le vol puissant ou la plongée d'un Fou de Bassan peut parfois causer la disparition des Glupes dans des couches d'eau plus profondes ; mais le danger passé, les Sardines reviennent souvent à la surface de l'eau, môme près de l'endroit qu'elles avaient quitté. L'importance de ces déplacements est donc par conséquent insignifiante. Reproduction Si le phénomène de la reproduction, chez la majorité des ôtres vivants, se présente à des dates relativement fixes et brèves il n'en est pas de même chez les Sardines ; cette exception doit, sans doute, son origine à l'inégalité de croissance des divers individus et surtout à la sensibilité remarquable que ce Poisson témoigne vis-à-vis des influences extérieures. De nombreux auteurs ont remarqué et signalé cette particularité. Pouchet considère que l'époque de l'année influence peu la maturité sexuelle et que la ponte n'est point soumise à l'influence du cycle solaire. Henneguy avait remarqué déjà que les Sardines de rogue d'Arcachon présentaient, en mai, un ovaire volumi- neux qui après cette époque devenait rudimentaire ; ce n'était qu'à partir de novembre que les ovaires reprenaient à nouveau une grande importance fonctionnelle. Nous ne pouvons reprendre les diverses opinions émises au sujet de la ponte chez la Sardine de rogne et la Sardine de dérive ; nous indiquerons seulement ici ce que des recherches suivies, fréquemment, jour par jour, nous ont permis de constater au sujet de la Sardine de la région arcachonnaise. Nous étudierons d'abord la Sardine de rogue : dès les pre- BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 191 miers jours du mois d'octobre, chez des individus capturés à une moyenne de JO milles de la côte, on constate que les glandes génitales mâles et femelles sont le siège d'une vascularisation intense ; les ovules commencent parfois à s'individualiser en grains arrondis, nettement séparés les uns des autres, sans qu'il soit besoin pour les distinguer d'avoir recours môme à la loupe. Plus l'hiver s'avance, plus ces organes prennent de l'importance et, dès le mois de novembre, il est fréquent de A^oir la cavité générale envahie par les organes sexuels. Mais les individus aussi près de la ponte, dès le début de l'hiver, doivent être considérés comme des exceptions. Ce n'est guère que vers les mois de janvier et de février, en effet, que la croissance des gonades commence à s'indiquer chez la plupart des individus. Toutefois, il serait inexact de considérer que ces phénomènes sont communs à toutes les Clupes. Voici, en effet, ce qu'il nous a été donné d'observer. Dans une môme région et pour des bancs composés d'indivi- dus de même taille, de même âge et ayant vécu dans des condi- tions semblables, autant qu'il est permis de le supposer, le moment de la maturité sexuelle n'est jamais absolument iden- tique pour tous. En outre, dans le môme banc, des individus à caractères extérieurs tout à fait comparables présenteront tous les degrés possibles dans l'évolution génitale : depuis des organes à peine développés jusqu'à des glandes si volumineuses qu'elles masqueront complètement, à première vue, les autres appareUs de l'économie. Comme considération importante au sujet de la pèche, il est intéressant de signaler que plus les Clupes arrivent près du terme de la sexualité, plus elles témoignent d'indifférence à la rogue. Ce fait les rapproche donc beaucoup de la manière d'être des Sardines de dérive au moment du frai. En outre, les Sardines de rogue se trouvent aussi à cette période dans un état nettement pathologique; il en est ainsi, d'ailleurs, pour beaucoup de Poissons ; cela n'a donc rien de bien remarquable. L'activité des Clupes à ce moment est considérablement diminuée; elle peut être même nulle, malgré les conditions extérieures parfois très favorables; de plus, l'aspect des masses musculaires n'est pas absolument sem- blable à celui qu'elles présentent la ponte terminée : elles semblent plus fragmentaires ; quant h l'activité circulatoire, elle 192 SOCIÉTÉ SClEiMlFlQUE D'ARCA(JHU.\ parait s'être condensée sur les glandes sexuelles, au détriment des autres organes qui sont pâles et dégénérés. Il nous parait rationnel d'admettre que le moment du frai pour la majorité des Sardines de rogue du littoral des Landes se trouve de janvier à fin mars. Mais si certains individus semblent plus précoces, d'autres aussi peuvent présenter une évolution génitale i)lus tardive, n'atteignant son apogée que vers avril, parfois même au moi de mai. Toutefois les Sardines qui à celle époque de l'année sont sur le point de frayer doivent être considérées surtout comme des exceptions. Pour notre part, nous n'accep- tons pas comme vraies les iliéories réservant aux seules Sardines de dérive le phénomène de la ponte. En effet, quand on ouvre la cavité abdominale des Sardines de rogue, à l'instant même oi^i elles sont capturées, que l'on constate la vascularisa- tion intense des glandes génitales mâles ou femelles et que de jour en jour on suit le développement de plus en plus intense de CCS organes, comme l'individualisation de plus en plus nette de leurs éléments constituants, on est en droit de conclure qu'il s'agit bien à ce moment d'une phase non douteuse de la repro- duction. Gomment expliquer, en effet, qu'un organe aussi évolué puisse être non fonctionnel ou entrer en régression ? Dans quelle série animale trouverait-on un phénomène d'auto- phagie ou de phagocytose se portant sur des gonades au moment de leur sécrétion ultime ? et il nous parait absolument impossible d'expliquer cette évolution génitale par un phéno- mène banal d'excrétion de ptomaines que le rein ne pourrait éliminer et qui nécessiterait la formation de produits sexuels non viables, simples véhicules d'excréta ! La puissance créa- trice de la nature ne pourrait s'arrêter en un geste pareillement avorté, et bien qu'il nous ait été impossible de voiries Sardines de rogue expulser leurs œufs, nous sommes pourtant convaincu qu'elles pondent et que par cette ponte elles assurent, au même titre que les Sardines de dérive, la continuation de l'espèce. Il existe une grande inégalité dans la distribution des sexes et de nombreuses recherches nous ont donné comme moyenne, pour les mâles, de 30 à 3o "/o- Il y aurait donc une prédomi- nance très marquée du nombre des femelles. Fait remarquable, dans le même banc il n'est pas rare de cons- BULLETIN DE LA STATION' BIOLOGIQUE 193 tatcr que la presque totalité des mâles, par cxemi)le, est moins près de la maturité sexuelle que les femelles. Il est donc néces- saire, pour que la fécondation puisse s'effectuer, que les différents bancs se fusionnent et perdent momentanément leur autonomie. Cette condition doit être réalisée au moment du frai et expliquerait peut-être l'apparition vers la fin de lliiver et dans le début du printemps de bancs formés d'individus de tailles différentes, dont les organes génitaux sont inégalement évolués. Celte «fusion», malgré sa brièveté, apparaît des plus régu- lières chaque année, vers une époque à peu près fixe et semble être par conséquent en rapport avec un phénomène (1) dont la date est à peu près invariable. Maintenant, de quelle manière s'effectue la ponte? Les Clupcs iraient-elles, comme les bancs de Harengs, se frotter sur le fond du sol immergé pour se débarrasser de leurs œufs, ou l'évacua- tion se ferait-elle à la surface ? Il nous est impossible actuel- lement de nous prononcer affirmativement dans un sens ou dans l'autre. Toutefois les résultats de certaines recherches semblent s'opposer à ce que la i)onte ait lieu sur le sol immergé. En effet, jamais les filets de toute espèce traînant sur le fond ne nous ont ramené un seul individu sur le point de frayer. Pourtant, comme à ce moment-là l'activité des Clupes est consi- dérablement atténuée, on ne conçoit guère comment elles pour- raient faire pour éviter un filet tel que l'otter-trawl, par exemple, qui les capture souvent en grand nombre, alors qu'elles ont encore toute leur agilité. Nous pensons au contraire que l'émis- sion des œufs s'effectue à la surface de l'eau, sinon dans les couches immédiatement voisines de la surface. Nous avons, en effet, fréquemment constaté l'existence pélagique des bancs de Sardines arrivés près de leur maturité sexuelle et le filet fin nous donnait assez régulièrement, lorsqu'on opérait dans les zones fréquentées par ces bancs, d'assez nombreux œufs de Clupes à divers sladesdeleurévolution. Certains mêmes, qui sans doute venaient d'être pondus, présentaient encore nettement la (l) Il peut se faire que les bancs de Sardines de différentes tailles se mêlent à n'importe quelle époque de l'année, surtout dans l'été, mais cette confusion n'a aucune date fixe, comme dans le cas précédent, et se trouve déterminée par des causes très spéciales : apparitions d'animaux carnassiers, accumulation d'essaims pélagiques, etc. 194 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON goutte d'huile qui les caractérise si bien et qui permet de les déceler au premier au coup d'œil parmi les autres êtres, œufs et larves de toutes espèces qui les entourent. Le fait est intéressant, car il montre que l'œuf de la Sardine atlantique comme l'œuf de la Sardine méditerranéenne est essentiellement pélagique, au moins dans ses premiers stades. Cette constatation nous permet donc de nous ranger sans réserve h l'opinion des auteurs qui considèrent l'œuf de la Sardine comme un œuf flottant. Nous ne reprendrons pas à ce sujet les diverses hypothèses déjà émises dans l'un ou l'autre sens (1), nous ajouterons toutefois qu'il nous a été facile de faire flotter à la surface de l'eau des œufs retirés du cœlome de Clupes prêt de pondre. Mais cette expérience doit être tentée dès la capture des Poissons, car au bout de quelques heures les œufs sortant des ovaires des femelles sont, pour la plupart, incapables de flotter. Nous n'avons nullement la prétention d'avoir trouvé un fait nouveau, puisque Cunningham avait déjà obtenu des résultats analogues. Nous avons tenu seulement à signaler la similitude de résultats de l'expérience. Il nous reste maintenant à préciser quelques points de détail. Gomme les bancs de Sardines près de pondre se tiennent relativement assez rapprochés des côtes, nous consi- dérons que la ponte ne s'effectue pas, comme certains l'ont pensé, tout à fait au large des immensités océaniennes ; sur la côte des Landes, la répulsion déjà citée s'oppose pourtant à ce que les œufs viennent s'échouer et ils demeurent ainsi dans des conditions optima durant tout le temps nécessaire à la jeune Sardine, jusqu'à ce qu'elle soit susceptible de mouvements pro- pres. Or comme les phases évolutives sont extrêmement rapides pour ce Poisson, cette condition est vite réalisée. Ensuite, que devient l'embryon, quand ayant rompu les enveloppes de l'œuf il s'en va vers ses destinées ? Nous ne pouvons émettre à ce sujet que des suppositions rendues probables par certains faits, mais non certaines, car ces faits ne sont malheureusement pas assez nombreux. En mai 1903, nous avons capturé au filet fin (1), que nous aA^ions immergé à 1"'80 de profondeur, dans (1) Voir Fabre-Domehgue, Biétrix, Poucuet, Marion, elc, etc. (2) Le filet que nous utilisons est un filet identique aux filets de surface pour pêche pélagique, mais dont l'ouverture située dans le sens du courant fissure un développement complet de la poche. Ce filet ancré au fond était BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 195 le chenal de Teichan (Bassin d'Arcachon), une jeune Sardine de quelques jours présentant l'aspect d'une des premières formes larAaire indiquées par Cunningham. Deux années plus lard, à 2 milles au large de Contis, à la fin du mois d'avril et au mois de mai, à neuf heures du matin, avec le filet fin flottant à 3 mètres au-dessous de la surface, nous avons pu recueilUr la première fois une larve, la seconde, trois larves, présentant encore leur vésicule vitcUine non résorbée. Evidemment, il serait téméraire, d'après le petit nombre d'individus capturés, d'édifier une théorie sur l'existence « larvaire » des Sardines atlantiques ; aussi nous ne donnerons guère l'opinion exprimée dans les lignes qui vont suivre que comme une supposition. Après l'éclosion, la jeune Sardine, susceptible de se déplacer par elle-même pendant la période de résorption de la vésicule vitelline et après cette période, vivrait dans des zones voisines de la surface, relativement près de la région littorale. Il nous parait toutefois rationnel d'admettre que les limites de cette région sont assez éloignées du rivage et qu'elles peuvent être voisines, sinon se confondre, avec les masses océaniennes dont la densité comme la température demeurent à peu près inva- riables. Quand les masses marines immédiatement côtières présentent à leur tour une certaine fixité dans leurs conditions générales, ce qui se trouve assez fréquemment réalisé, dès le prin- temps les jeunes Sardines peuvent fort bien s'y rencontrer et y demeurer... Cette existence semi-pélagique, semi-bathyale d'êtres à peu près transparents et de taille exiguë expliquerait aisément la remarquable facilité avec laquelle ils échappent aux recher- ches les plus minutieuses. Il ne nous reste plus maintenant qu'à dire quelques mots sur les jeunes Sardines plus évoluées. Au large du Bassin d'Arcachon, pourtant près de la zone côtière océanienne et dans le Bassin lui-même, les jeunes Sardines revêtues de leurs écailles forment les bancs de « Sardinons » que les pêcheurs capturaient jadis et qu'ils dédaignent aujourd'hui. Les bancs, qui commencent à apparaître dans le Bassin dès le mois de mai pour y demeurer immergé à la profondeur désirée, après sondage, et sa situation indiquée par ui flotteur. 196 SOCIÉTÉ SCIE.NTIFIQUE d'aRCACIIOi\ jusqu'à la fin du mois de septembre, ont une existence plutôt pélagique, mais à la moindre alerte ils disparaissent dans des zones plus profondes, sans pourtant demeurer longtemps sur le fond. L'existence plutôt littorale menée parles jeunes Sardines a déjà été signalée par bien des auteurs. Roche écrit que sur le littoral d'Arcachon, en juillet, on rencontre de petites Sardines de 33 à 34 millimètres. La Sardine des côtes anglaises, d'après Cunningham, va frayer dans les golfes et c'est dans la zone littorale que se rencontrent les alevins. Il en est de même en Espagne et en Portugal, et les recherches de Marion sur la Sardine méditerranéenne sont une preuve de plus en faveur de l'uniformité d'existence côtière des jeunes Sardines. Quant à la Sardine de dérive, sur le littoral landais, elle ne présente aucun intérêt commercial et sa pêche n'est point prati- quée. Parfois, et cela toute l'année, quelques individus se trouvent capturés avec des bancs de Sardine de rogne (1), mais c'est un fait plutôt exceptionnel. Tous les auteurs, sans aucune exception, s'accordent à recon- naître dans la Sardine de dérive la forme adulte des Clupes à maturité sexuelle certaine. Pour nous, son aire de ponte serait considérablement plus étendue que celle de la Sardine de rogne. Celle-ci, plutôt momentanément sédentaire, ne s'écarte pas, lorsque les conditions sont favorables, de la région où elle se tient d'hatjitude lorsque l'époque du frai est terminée. La Sardine de dérive, au contraire, est vraiment « coureuse ». Il nous est, en effet, arrivé de rencontrer des individus à un point précis de la côte (2) et le lendemain ils avaient complètement disparu de ces parages; pour les retrouver, il fallait remonter jusqu'à 40 kilomètres, et même davantage, vers le nord. Evidemment, il (1) Ces caplures ne sont pas absolument extraordinaires durant Diiver, eu novembre, décemljre, janvier, mais il n'y a guère plus d'une à deux Sardines de dérive pour cinq à six mille Sardines de rogue; les premières sont donc toujours très rares. (2) Eu disant que la Sardine de dérive va dans les eaux littorales ou près de la côte, nous n'entendons pas parler des eaux immédiatement cùtières, mais bien de celles qui se trouvent situées par 15 ou 20 milles au large, distance faible et litto- rale par opposition à la surface océanienne. De plus, on doit considérer la Sardine de dérlA'e, en dehors des périodes de ponte, comme demeurant dans l'extrême limite des eaux littorales : ce serait, en somme, un Poisson bien plus de haute mer que la Sardine de rogne. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 197 serait un peu téméraire d'affirmer que ces Sardines de dérive rencontrées à divers endroits sont les mêmes. Mais nous avons des données sérieuses pour le supposer : même aspect général, évolution à peu près identique des organes génitaux, apparition et disparition brusque, etc. En outre, grâce à certaines observa- tions régulièrement faites sur le littoral espngnol, landais et breton nous avons pu constater que l'apparition dans diverses loca- lités avait lieu successivement du sud-ouest vers le nord-est, quelle que soit la direction des Agents dominants, mais avec plus ou moins de précocité ou de retard, suivant l'état de la tempé- rature. Nous n'avons pu malheureusement étendre ces recher- ches aux côtes de la Cornouaille anglaise, où abondent à certaines époques les Sardines de dérive. Mais de l'ensemble de faits qu'il nous a été donné d'observer ou de contrôler, nous n'hési- tons pas à conclure que la Sardine coureuse serait la forme la plus nettement migratrice des Clupes, si l'on veut bien admettre que le phénomène de migration commence dès que l'être vivant se déplace en dehors du périmètre dans lequel s'exerce constam- ment son activité et par suite de conditions particulières se renouvelant à dates à peu près fixes. Coste, avec Gerbe, dès 1872, avait signalé que la ponte est loin d'être un phénomène simultané pour tous les individus ; « commencée en mai par les individus les plus hâtifs, elle se termine à la fin de juin par les individus les plus tardifs. Mais quoique ce phénomène soit soumis- à des influences de température qui avancent ou retardent le moment de son apparition, on peut dire, d'une manière géné- rale, que la plus grande activité de la ponte porte sur la dernière quinzaine de mai ». Il y a donc une ressemblance remarquable, au sujet de la ponte, entre la Sardine de dérive et la Sardine de rogne. En outre, il nous a été donné d'observer, le 11 novembre 1903, une Sardine de dérive femelle dont la ponte était faite; ce fait, malheureusement unique, justifie l'opinion de Couch, qui assure que la Sardine coureuse se repro- duirait une seconde fois, vers septembre ou octobre. Sans doute, ces pontes successives expliqueraient l'inégalité de taille des jeunes Sardines à la même date de l'année et dans des condi- tions biologiques semblables. 198 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON Pèche de la Sardine de dérive La Sardine de dérive, de même que la Sardine de rogne, au moment du frai, ne maillant pas à la rogue, est capturée sans cet appât, par le moyen de filets tendus durant la nuit dans lesquels elle « donne « inA'olontairement. Celte pêche n'est pas pratiquée sur le littoral des Landes, mais en Bretagne certains pêcheurs s'y adonnentassez régulièrement. Cette industrie asuscité de nombreuses polémiques, surtout parce que la Sardine en cet état est un Poisson de qualité absolument inférieure, à peu près inmangeable, et que les conserves faites avec sa chair portent une atteinte préjudiciable, lors de la vente, à l'excellente réputa- tion des produits français. C'est pour ce motif, d'ailleurs, que la Chambre de commerce de Nantes, en 1874, demandait l'interdic- tion de cette pêche, sous le prétexte que cette Sardine en conserves ne donnait que « de mauA-ais produits, de nature à compromettre l'industrie en général ». Nous ne nous occuperons point de cette question, car elle n'est pas de notre compétence, mais nous estimons que la pêche de la Sardine de dérive en tous temps est préjudiciable (1) à la conservation de l'espèce, pour diverses raisons que nous allons indiquer. Le professeur Coste, inspecteur général des pêches, donne comme conclusion à son rapport sur la pêche à la Sardine de dérive les lignes suivantes : « D'après les faits que je viens d'exposer, il faut conclure qu'il n'y a pas lieu d'interdire, ni d'une manière absolue ni d'une manière temporaire, la pêche de la Sardine dite « coureuse ». Cette pêche, d'ailleurs, est toute au bénéfice des gens de mer qui s'y livrent, attendu que pour la pratiquer ils n'ont pas besoin de recourir à l'appât, si dispendieux, que fournissent les œufs de Morue. » (1) Il est évident que, grâce aux pontes des Sardines de rogue, le rendement de la pèche ne diminuerait pas immédialenient d'une façon brutale; mais il ne fau- drait pas conclure qu'à la longue il en serait toujours de même, car les Sardines de rogne, par suite de la pèche intensive et qui ne fait que s'accroître qu'elles subis- sent dans toutes les régions habitées, et durant toutes les saisons où leur capture est possible, ne peuvent pas être considérées comme privilégiées au sujet de la conservation de l'espèce. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ BIOLOGIQUE 199 Nous reconnaissons, très volontiers, que le sentiment qui inspire ces lignes reste évidemment des plus humains, mais nous doutons fort qu'il réserve l'avenir. Parmi toutes les classes sociales qui demandent au travail manuel le subside journalier, il n'en est pas une qui vive plus indifférente du lendemain que la classe des pêcheurs. Et cela serait sans grande importance, car la misère de la veille peut au bord de la mer se transfor- mer le lendemain en une aisance très réelle, suivant les hasards de la pêche et l'énergie du pécheur. Mais ce qu'il y a de plus redoutable, c'est que cette insouciance ne tient aucun compte de l'épuisement possible des richesses continuellement offertes. Au geste destructeur que le pêcheur fait déjà pour vivre s'ajoutent d'autres gestes que son ignorance et sa mauvaise volonté ren- dent pleins de menaces lointaines. Vivant depuis des années au bord de la mer, et cela d'une manière continue, au milieu des populations maritimes, il ne se passe pas de journée oii nous ne puissions constater des actes de vandalisme dont l'échéance, pour des régions telles que le Bassin d'Arcachon, commence déjà à se faire lourdement sentir. Combien d'exemples aurions- nous à citer ? Des parqueurs, gênés par les quelques rares Zostères qui demeurent encore dans les chenaux et qui sont le refuge de jeunes alevins et d'innombrables espèces animales, enseve- lissent cette maigre végétation sous des bateaux de sable, forçant ainsi les êtres qui venaient y chercher un abri à périr ou à s'éloigner vers des régions plus hospitalières. C'est fréquemment par dizaines de kilogrammes que les pêcheurs à la courtine lais- sent périr sur le sable, durant tout le printemps et l'été, les jeunes Carrelets, Grisets, Soles, etc., inutilisables pour la vente à cause de leur faible taille, qui se trouvent entraînés et retenus dans la dernière chambre de leur filet ; il suffirait pourtant de jeter ces jeunes Poissons dans l'eau, souvent à 2 mètres à peine de cette chambre, pour faire que cette stupide destruction n'ait pas lieu ; mais d'un pareil geste le pêcheur est incapable, alors même qu'il n'en pourrait nier l'utilité, sa paresse et son égoïsme s'opposent à tout effort qui n'a pas pour lui un résultat pécuniaire immédiat. A la faveur de la nuit, que de pêches clandestines ! la surveillance est désarmée ! Beaucoup de politique, une parenté plutôt bretonne parfois avec les gardes-pêche permet- tent au marin de considérer avec mépris les règlements et font 200 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHO.X de lui une sorte de a Cives Romanus » moderne promenant sur le littoral des Landes ou d'ailleurs sa personnalité intangible. Ce n'est malheureusement pas tout; en plus de ces sentiments s'en ajoute un autre que bien des âmes humaines portent, il est vrai, à peine assoupi en elles, mais que les pécheurs peuvent mal- heureusement trop souvent exercer: c'est le goût de la destruc- tion, sans aucune utilité. Il s'est bien montré ce sentiment certains jours de l'été de 1908 ! où les pécheurs, avec des pèches de 25.000 Sardines par embarcation, mettaient encore d'autres filets à l'eau « pour voir comme la Sardine voulait bien faire », alors qu'il savait fort bien par les captures des bateaux voisins qu'il y aurait pléthore, mévente assurée, et qu'en outre, par suite de la forte chaleur, plusieurs milliers de Sardines seraient à peine bonne pour faire du fumier C'est pour toutes ces causes que nous considérons que certaines concessions accordées aux pêcheurs sont éminemment dangereuses et, lorsque ces tolérances portent sur un Poisson tel que la Sardine, dont la ponte est d'environ 00.000 œufs, c'est-à-dire un chiffre excessi- vement réduit en comparaison de bien d'autres Poissons, on peut craindre à juste titre que des captures trop répétées de Sardines prêtes à pondre ne finissent par causer une diminu- tion sensible de l'espèce. Cène serait pas un fait extraordinaire: le Turbot(l), jadis si commun sur la côte des Landes il y a une vingtaine d'années, est devenu actuellement, par suite du chalu- tage à vapeur, un Poisson extrêmement rare et pourtant la femelle pond jusqu'à 9 millions d'œufs et cette formidable puis- sance prolifique n'a pu pourtant réussir à le protéger. Coste, pour conclure à l'autorisation de la pèche de la Sardine de dérive en tout temps, se basait sur le fait que les relevés établis de dix en dix années, de 1815 à 18G5, par les pêcheries de Pil- chard, sur les côtes de Cornouailles, démontraient que durant cette longue période la pèche « au lieu d'avoir diminué aurait (1) Même des Crustacés, tels que le Homard, donl la capture est pourlaul assez difficile, ne peuvent, malgré leur extrême fécondité, compenser la destruction qui résulte de la pêche intensive qui leur est faite, aussi bien en Amérique qu'en Europe. In outre, la grande consommation d'œufs de Homards faite par l'Améri- que, où ils entrent dans la confection et la décoration d'un grand nombre de plats, laisse redouter un dépeuplement que les « caisses incubatrices » de Norvège seront peut-être impuissantes à empêcher si les autres nations demeurent indiffé- rentes. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 201 plutôt augmenté ». Evidemment, un pareil fait aurait une cer- taine valeur s'il était l'expression du résultat de pêches prati- quées de la même manière, sans qu'il y ait eu d'accroissement du nombre des pécheurs, mais comme cette augmentation du rendement de la pèche fut en rapport avec de nouvelles exigences commerciales, les conclusions que l'on pourrait établir sur les relevés seraient des plus précaires ; car, en somme, il n'y a aucune preuve pouvant justifier que le nombre de Sardines de dérive en 1813 était limité à tant et que ce nombre s'est accru de tant avec les années (1). Par conséquent, les données fournies par les pêcheries de Gornouaihcs n'ont qu'un intérêt purement théorique, pas davan- tage. Par exemple, on aurait des résultats analogues si l'on prenait le rendement en tonnes de Poissons de certains bateaux chalutiers d'Arcachon en été, alors qu'ils pèchent dans le Golfe de Gascogne. Sans difficulté aucune, le chiffre obtenu serait de beaucoup supérieur à celui qui pouvait être atteint alors que les marins péchaient avec leurs filets de péougue ; il serait aisé de conclure que, loin d'être dévasté, le Golfe de Gascogne donne une quantité de Poissons beaucoup plus considérable qu'autrefois. Cela serait vrai..., car ce sont les nouvelles mé- thodes de pêche qui sont cause de ce rendement, mais en réalité ce serait faux, car la côte des Landes, jadis si poissonneuse, peut (1) Quelle sei'ait la formule mathématique capable de fournir la solution d'un problème où toutes les données sont des inconnues ? Ou ne saurait être trop circonspect dans la comparaison du nombre des Poissons actuels avec celui d'épo- Cfues antérieures. Et ce que Zittel a dit en parlant de la distribution géologique et géographique des Poissons fossiles, nous le redirions volontiers en limitant cette opinion, non plus aux périodes géologiques, mais à des périodes modernes, compre- naut tout au plus pour chacune d'elles le laps de temps durant lequel s'agite une génération humaine: « De longs espaces de temps représentent par conséquent, pour la connaissance de l'histoire du développement des Poissons, un feuillet blanc dans leur histoire et si la faune ichlhyologique actuelle, composée d'après une estimation de A. GïmUier d'environ 9 à 10.000 espèces, surpasse considéra- blement comme richesse de formes celle des périodes géologliiues passées, car de ces derniers on ne pourrait pas citer beaucoup plus de 2.b00 espèces, cela ne prouve pas du tout que les eaux des temps passés étaient peuplées par les Pois- sons dans une plus faible proportion que les rivières, les lacs et les océans de l'époque actuelle. L'étude de quelques localités privilégiées laisse plutôt supposer que pendant l'époque tertiaire, par exemple, la faune ichthyologique était com- posée d'une façon tout à fait analogue à ce qu'elle est à l'heure présente et ne le cédait à la faune actuelle ni en variété ni eu nombre de genres ou d'espèces. » 202 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'arCACHON être considérée maintenant comme un vaste désert où seuls les Poissons migrateurs apparaissent par moment. De même pour les pêches de la Sardine sur le littoral arcachonnais ; les bancs de Sardines sont-ils devenus plus nombreux puisqu'on pêche en une journée ce qu'il fallait parfois un mois pour capturer! Pas le moins du monde, car ce résultat n'est dû qu'aux procédés nouveaux, à des demandes plus considérables de la part de l'industrie et à une augmentation très sensible du nombre des pêcheurs. Il y a bien longtemps déjà que des sceptiques ont pu dire que les statistiques exprimaient ce que l'intérêt exigeait d'elles. Ce qui est de toute évidence, c'est que l'augmentation des richesses maritimes ne va pas de pair avec leur destruction. Nous ne pouvons mieux faire que de répéter ici ce que le profes- seur J. Kunstler écrivait en 1904, au sujet du chalutage à vapeur, avec une implacable logique que nul n'a osé attaquer : «Quelles que puissent être les dénégations intéressées des indus- triels de la pêche, il est avéré que le chalutage, tel qu'il est pra- tiqué actuellement, aboutit à pas de géant au dépeuplement des mers. Du reste, les intéressés l'avouent eux-mêmes implicitement par le fait qu'après avoir épuisé leurs lieux de pêche habituels, ils vont se concurrencer les uns les autres dans leurs pays réci- proques». Et quant aux théories qui considèrent qu'il n'est pas nécessaire que l'homme mette une barrière, même temporaire, à son pouvoir destructeur, car les richesses de l'Océan sont iaépuisables et que la vie est sans cesse renaissante dans rimmen- sité des eaux, il est aisé de répondre, encore avec le professeur Kunstler, « qu'ils ne tiennent ainsi aucun compte du fait que le développement de la vie est tout littoral et que la masse des êtres vivants passe au moins ses premiers stades vitaux près des côtes. En épuisant ces zones littorales, on frappe la A^e dans ses sources les plus directes. Il est donc de toute probabilité que les procédés de pêche qui ont pour effet d'anéantir ou de bouleverser les conditions de ces espaces sont susceptibles d'aboutir à une perturbation dont les conséquences peuvent être graves, au point d'amener une dépopulation locale non douteuse et qu'on ne saurait confondre avec de simples déplacements de faunes.» BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE '203 Pèche au chalut (1). Pèche a la Sardine Fréquemment, la pèche soit au chalut, soit à la drague, exer- cée concurremment avec la pèche à la Sardine furent rendues responsables de rinsuffisance de rendement de cette dernière. Il y eut, suivant les quartiers de pèche, des interdictions ou des restrictions pour ces modes de pèche qui ue luanquèrent pas de soulever de nombreuses protestations de la part des intéressés. C'est ainsi que les pêcheurs des Sables-d'Olonne, comme l'indi- que AmédéeOdin, après les années difficiles de 1830,1831, 1832, demandèrent au ministre de la Marine l'autorisation de pratiquer «la pèche au chalut concurremment avec celle de la Sardine pendant le temps prohibé ordinairement». Enfin le Conseil municipal des Sables-d'Olonne s'engageait avec celui de Saint- Gilles dans une discussion qui de 1840 devait durer jusqu'en 1830. Nous ne discuterons pas ces controverses qui ont les unes les autres des arguments de réelle valeur. Les pèches au chalut, quel qu'il soit (à patin, à perche ou à panneaux, otter-trawl des chalutiers à vapeur), ou à la drague (2) n'ont pas une action immédiate sur les bancs de Sardines . Fréquemment nous avons vu des chalutiers à vapeur du Golfe de Gascogne lever leur chalut parmi les pécheurs de Sardines sans que les bancs de Poissons eussent témoigné, lors du traînage ou du levage du filet, et cela durant d'assez longues périodes, la moindre inten- tion de départ. La Sardine étant surtout un Poisson de surface, ce filet de fond n'a pour elle qu'une action assez indifférente. Même l'hiver, pendant les périodes où les bancs de Clupes vien- nent en contact avec le sol et durant lesquelles le chalut en capture souvent de grandes quantités, les déplacements sont absolument insignifiants et ils sont toujours en rapport avec les conditions atmosphéri(|ues. Il se peut que, par suite du «labourage» des herbiers sous- (1) Nous sommes heureux de pouvoir adresser à M. Daigre, administrateur de îa Marine à Arcaclion, l'iiommage de nos sentiments profondément reconnaissants pour l'extrême obligeance avec laquelle il a mis à notre disposition les diverses réglementations qui nous intéressaient. (2) Ce que l'on a dit du chalut peut aussi être dit de la drague; si les captures diffèrent, le. mode de pèche est identique. 204 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE DARCACHON marins el des bouleversements du fond, les bancs de Sardines se déplacent à la longue et cherchent des régions plus tranquilles et moins changeantes ; mais, en somme, le mécanisme seul du chalutage est sans influence immédiate sur les bancs de Chipes et, comme tel, il ne serait pas juste de lui attribuer des méfaits dont il n est pas coupable. Il a commis et commet encore assez de fautes pour qu'il puisse bénéficier d'un doute favorable dans cette accusation. Si même la pèche au chalut était responsable delà disparition des Sardines, elle devrait quand môme bénéficier d'une tolérance de faveur, car, en somme, c'est elle qui fait les vrais marins et non point la pèche à la Sardine. Justice, d'ailleurs, lui a été rendue à ce sujet par le Conseil municipal des Sables-d'Olonne, en ces termes : «La pêche au chalut est une école où nos jeunes marins se forment; sans elle, les enfants prendraient des métiers ou des professions de terre. La marine royale perdrait une recrue d'excellents sujets si cette pèche était absolument défendue pen- dant la saison d'été. » La pèche de la Sardine, se faisant par le beau temps et près des côtes, emploie indistinctement des vieillards marins ou non marins et ne peut, par conséquent, contribuer à augmenter le nombre des sujets propres au service de l'Etat; le gouvernement doit les protéger par les produits et l'aisance qu'elle répand dans nos contrées; mais il serait contre son intérêt de prohiber com- plètement pendant l'été celle au chalut, pou ries raisons que nous donnons ci-dessus. » Et si par hasard un conflit s'élevait entre les deux modes de pèche, exigeant la suppression définitive de l'une de ces pèches, il est de toute évidence que ce serait la pèche à la Sardine qui devrait disparaître la première. Indépendamment des causes que nous venons d'énoncer qui militent en faveur du chalutage, il est à remarquer que la portée d'une crise sardinière n'atteindrait jamais l'importance ni la gravité d'une crise de la pèche liautu- rière. Et c'est encore pour ce motif que cette dernière devrait, à tout prix, sortir victorieuse d'un confht qui n'est, en somme, dans l'état actuel des choses, nullement jusiifié même par les apparences. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 20o Pèche aux Sardinons La pèche aux ce Sardinons)) est inconlestablement Tune des pèches où le génie destrucleur de bon nombre de populaLions maritimes s'exerce dans toute son intensité. Nous ne parlerons pas ici de la manière dont cette pèche est pratiquée dans la Méditerranée, puisque les centres industriels de cette région n'ont guère à redouter les effets d'une crise sardinière. Toutefois la capture de ces jeunes Poissons dans le Golfe du Lion, malgré leur extrême abondance, demeure, quelles que puissent être les dénégations des intéressés, un véritable acte de vandalisme à certaines périodes. Mais comme ce sont les côtes atlantiques qui se plaignent continuellement de la dispari- tion des Sardines, nous n'allons considérer la pèche aux Sardi- nons que dans cette région et plus spécialement encore dans le Bassin d'Arcachon. L'apparition des bancs de Sardinonsdans le Bassin d'Arcachon, comme d'ailleurs sur tout le littoral atlantique, est variable sui- vant les saisons. En mai, les bancs de Sardinons de taille exiguë se rencontrent fréquemment; ils grossissent rapidement et en juillet, août, atteignent jusqu'à 7 centimètres (longueur prise de l'œil à la naissance de la queue), quelquefois même davantage. Leur séjour dans les eaux du Bassin d'Arcachon, comme dans la zone côtière marine, est subordonné à certaines conditions atmo- sphériques; aussi leur disparition lors des vents nord-ouest est- elle fréquente. La cause en est due à l'abaissement de la densité et à la pollution des eaux marines par les eaux de la Gironde, phénomène dont nous avons déjà parlé précédemment. L'existence des Sardinons est surtout pélagique; la présence des bancs se reconnaît facilement, par un temps calme, à une légère « frisure » ou risée de l'eau indiquant le sens de leur progression. 11 est donc extrêmement facile de les trouver, d'autant plus qu'ils se rencontrent partout, depuis les passes jusque vers Le Teich ; mais on doit remarquer que plus on remonte vers la partie est du Bassin, c'est-à-dire que plus on s'éloigne de l'Océan, plus la taille diminue. Le «Sardinon» tendant toujours, au fur et à mesure de sa croissance, à gagner des eaux de plus en plus voi- 206 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D ARCACHON siiies de la densité, de la température, etc., des eaux océa- niennes. Durant toute la belle saison, il est donc sédentaire dans le Bassin et c'est durant cette période que les pécheurs le captu- rent par dizaines de milliers. Quand la pèche à la Sardine est d'un bon rapport, les pécheurs ne s'occupent guère des Sardinons. Ils ne prennent ces jeunes Poissons que lorsque le rendement de la première pèche est insuffisant. Toutefois quelques pécheurs, trop vieux ou trop craintifs pour aller en mer, se livrent à cette industrie quand les usines de conserves le leur demandent. Dans ces conditions, cette pèche, qui n'est évidemment pas des plus louables puisqu'elle détruit sans grand profit des Poissons qui, quelques mois plus tard, auraient eu une valeur marchande considérable, n'est pas très préjudiciable, car elle est limitée. Mais il n'en est plus de même quand toute une population mari- time ou à peu près s'y adonne : c'est ce qui est arrivé durant l'été de 1909. Bon nombrede pécheurs, mécontentsdes résultatsdelapèche à la Sardine, se mirent à pécher le « Sardinon». La destruction de ce Poisson devint certains jours formidable; les pêches de 10 à 12.000 étant des moyennes minima, celles de 35 à 40.000 n'étantnuUement extraordinaires, l'on arrivait ainsi sans peine à 1 million de Sardinons, souvent même davantage, capturés en une seule journée. Or des pêches pareilles n'exigent guère que quelques kilogrammes de rogne mélangée à du sable et, avec quelques francs de déboursés, tout pêcheur peut espérer réussir brillamment, les insuccès dans les tentatives étant tout à fait exceptionnels. Cette pêche, qui ne demande guère de capacité professionnelle, par suite de la facilité avec laquelle les bancs de Sardinons se rencontrent, peut être pratiquée par tous : femmes, enfants, etc. Il n'y a, en effet, aucune fatigue et, en quelques heures, le Poisson est rendu aux usines, iices causes de destruc- tion vient s'en ajouter encore une autre. Les bords du Bassin d'Arcachon durant le printemps, l'été et l'automne sont le séjour d'une population étrangère qui pratique comme distraction, et souvent comme économie, toutes les pèches et, en particulier, la pêche à la seine. Bien qu'il existe une grandeur de maille minimum pour ce filet, nul n'en tient compte, pas plus profes- sioiuicl qu'amateur; et tous les jours, c'est par dizaines de mille, parfois par centaines de mille que les «Sardinons» sont amenés sur le sable où ils meurent sans profit pour personne : les usines n'utilisant point le Poisson ainsi «fatigué». BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 207 Si les Sardines se comptent nne par une, il n'en est pas de même pour les Sardinoi^s qui se vendent au poids, le kilogramme de Sardinons représentant 135 à 150 Poissons atteignant en moyenne 7 cent. 5 de l'œil à la naissance de la queue. A cette dimension, ils sont parfaitement utilisables pour les usines qui les paient, en moyenne, de 2 francs à 2 fr. 50 le mille; or, une usine (1) de conserves ayant la vente de ce Poisson peut travailler 130.000 à 200.000 Sardinons par jour. On voit quel chiffre for- midable de Poissons capturés peut être atteint au boutde quelques jours lorsque plusieurs usines utilisent ce Poisson, ce qui a eu lieu durant l'été de 1909. Le prix du mille, bien que très faible, représente certains jours un très gros bénéfice pour le pêcheur, qui, avec peu de frais, peu de filets, peut en capturer, comme nous l'avons dit précédemment, plusieurs dizaines de mille. Or cette pêche nous semble, à tous égards, déplorable; elle détruit pour un bénéfice relativement des plus minimes, en comparaison du Poisson pris, de jeunes Sardines qui, au boutde quelques mois, auraient atteint une taille suffisante pour représenter un prix par tête rémunérateur pour le vrai pêcheur et de réelle valeur pour le maintien du bon renom de l'industrie sardinière fran- çaise. Il serait donc à souhaiter qu'une réglementation intervienne de manière h limiter le nombre de filets par bateau et la maille de ce filet, car il est évident que l'interdiction définitive de cette pêche ne pourrait avoir lieu, bien qu'elle fût à désirer. Nombre de pêcheurs sont, en effet, des puissances électorales que l'on se garderait bien de mécontenter et les directeurs d'usines, aussi bien du littoral des Landes que de celui de Bretagne qui achètent les «Sardinons», ne manqueraient pas de faire agir des inter- A^entions politiques pour faire rapporter toute interdiction qui léserait leurs intérêts, lors même que cette interdiction aurait (1) L'achat des Sardinons, à certains moments, par les usines de conserves peut même, économiquement, devenir nne faute; lorsque, par exemple, le rapport de la pèche à la Sardine est inégal et quelque peu irrégulier, il est fréquent de voir hon nombre de pêcheurs désarmer pour s'adonner complètement à la pèche des Sardinons qui ne comporte guère d'aléas. Or, si les usines de conserves n'avaient point demandé et acheté ces « Sardinons », ces pêcheurs se seraient trouvés dans l'olîligation derenon- veler leurs tentatives de pèche à la Sardine et, sur le nombre, il n'est pas douteux que certaines de ces tentatives eussentétéfavorables.LePoissonainsi capturé aurait été à la fois d'une meilleure vente pour les pécheurs et d'une valeur commerciale bien plus considérable que le Sardinon pour les usines elles-mêmes. 208 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON pour but de sauvegarder l'intérêt général. En fixant la grandeur du filet (hauteur et longueur), une maille minima, l'on retarde- rait ainsi la période de pèche, l'on restreindrait, en outre, le nombre de captures par bateau et, par conséquent, la destruc- tion illimitée et sans profit de jeunes Poissons. C'est par pinasses entières, en effet, que nous avons vu jeter dans les porls le Poisson, durant l'été de 1909, lorsque les usines ne voulaient plus en recevoir. Quant aux autres destructeurs, tels que les sei- neurs professionnels ou «d'occasion», il sera facile de faire cesser leurs abus en exigeant d'eux qu'ils pèchent aA^ec des filets à la maille réglementaire, aussi bien à la poche qu'aux ailes. 11 est vraiment étonnant que certains défenseurs de l'autono- mie des faunes régionales sardinières ne se soient pas inquiétés de cet état de choses, qui suffirait à lui seul à expliquer la pénu- rie de pèches de certaines années. La protection des alevins qui, pour diverses espèces de Poissons, a donné lieu à une régle- mentation très complexe, devrait bien s'exercer aussi pour ceux de la Sardine. Dans toutes les régions gasconnes ou bretonnes, oîi la pèche de ces jeunes Poissons est une véritable industrie, il n'est que temps de prendre des mesures très sérieuses contre des destructions inutiles qui, malgré toutes les statistiques plus ou moins intéressées, ne permettront pas plus de conclure à l'insignifiance de l'abus qu'à l'augmentation des Clupes. On ne cesse de parler de la crise de l'industrie sardinière, mais nulle tentative vraiment sérieuse n'est faite pour tenter d'en supprimer les causes évidentes et la destruction inconsidérée des Sardinons, à notre avis, est loin d'y être étrangère ; elle exige donc, impé- rieusement, une réglementation qui n'aura été, malheureusement, que trop tardive. Filets toiriNants (1) Par suite de l'incertitude que présente parfois la pêche de la Sardine, au moyen de la rogue et du filet dit « sardinière », de nouveaux engins furent inventés, ce furent les « seines ». Nous n'entreprendrons pas ici d'en donner la description, pas plus que nous ne rappellerons les diverses vicissitudes par lesquelles (1) Voir noie pages 209-210-211. BULLETIiX DE LA STATION BIOLOGIQUE 209 elles passèrent pour aboutir à une interdiction réclamée parles marins eux-mêmes. Cette question ayant été étudiée par le pro- fesseur Kunstler dans le travail déjà signalé, nous considérerons seulement ce qui pourrait résulter de l'emploi de pareils procédés, s'ils se généralisaient, en faisant abstraction des règlements concernant ces seines, car bien des prohibitions pour les choses maritimes, sur les côtes françaises, demeurent lettre morte et il serait quelque peu naïf de supposer que les populations mari- times accepteraient une interdiction qui leur paraîtraient léser leurs intérêts immédiats, alors môme que ce serait l'unique et sur garant de leurs intérêts futurs. Le respect des règlements demande d'abord une intelligence un peu spéciale de la part de celui qui est appelé à les respecter, intelligence qu'il est exces- sivement rare de rencontrer chez le marin, et ensuite une auto- rité que les pouvoirs publics sont incapables actuellement d'exercer efficacement même dans les zones côtières. Nous le constatons tous les jours dans une région oii pourtant la sur- veillance est des plus aisées. Quelques essais timides de ces seines furent tentés il y a près de deux ans sur le littoral des Landes, mais les résultats obte- nus, des plus médiocres, surtout par suite du peu de pratique des pêcheurs, furent bien plus la cause de l'abandon de ces filets que la crainte d'enfreindre des règlements prohibitifs. Quels sont les avantages de ces engins ? Arrivé dans la région de pêche, si le pêcheur voit que les bancs de Sardines sont à la surface, ou tout au moins dans une profondeur acces- sible à ses filets, il lui suffit de développer sa seine, d'entourer le banc et d'effectuer, lorsque les deux extrémités de la seine sont suffisamment proches l'une de l'autre, l'occlusion définitive de la partie inférieure du filet. Si cette manœuvre est exécutée avec précaution et rapidité, le nombre des Sardines capturées est considérable. En un laps de temps très court, sans frais d'appât ou avec une dépense extrêmement minime de rogue (1), (1) Les défenseurs des seines insistent toujours sur l'avantage que présenteut ces engins sur les autres procédés, puisque avec eux il n'est pas besoin de rogue, produit d'origine étrangère. En réalité, il est toujours nécessaire d'en jeter quelque peu si l'on veut rassembler davantage le banc. Si les populations maritimes françaises sont tributaires des pays étrangers pour l'achat de leur rogue, elles en sont les premières responsables. Il est juste de reconnaître que les pouvoirs publics on 210 SOCIÉTÉ SCIEMIFIQUE d'aRCACHON ]a pêche est donc terminée. En outre, comme les mailles de ce filet peuvent être extrêmement réduites, la Sardine quelle que fait leur possible à une certaine époque de l'histoire, en 1816, pour que le pêcheur français puisse acheter des rogues françaises, les faire lui-même et gagner ainsi doublement. Il était, en effet, accordé par une ordonnance du 8 féA^rier 1816, « une prime de 20 francs par 100 kilogrammes de rogne importés en France et provenant des pêcheurs français ». Et le gouvernement d'alors alla, dans sa sollicitude, jusqu'à donner des instructions « dans les différents ports se livrant à la pêche à la iMorue, pour être répandues parmi les armateurs, avec promesse d'encourage- ment à ceux qui importeraient de la rogue provenant de pèche française ». Cette tentative n'eut guère de résultat et la majorité des équipages français laissèrent, comme par le passé, les nations maritimes du Nord se réserver le monopole de la vente et de la fabrication de la rogue. Ainsi les marins avaient témoigné à l'ordonnance ministérielle une sympathie de fonctionnaires... L'on reconnaîtra que leurs protestations actuelles contre les ventes des pays étrangers sont quel- que peu injustes; d'autant plus que l'augmentation du prix des rogues est bien moins l'œuvre des producteurs étrangers que celle des acheteurs en gros français. En outre, certains de ces acheteurs habitent les ports de mer et éta- blissent, par une entente préalable, les prix qui leur plaisent, puisqu'ils sont les seuls maîtres du marché et que le pêcheur est incapable de se mettre en rapport avec d'autres vendeurs. D'ailleurs il n'est pas douteux que si les rogues employées étaient d'origine française, les prix ne s'abaisseraient pas davantage. La sur- production dans ce genre de commerce n'est guère à redouter, puisque le surplus de stock d'une année d'abondance peut fort bien, par suite des procédés de conservation actuels, être reporté sur une année moins fortunée. En outre, comme les premiers vendeurs de rogue sont les armateurs pour la grande pêche, ils n'ont point à redouter une concurrence nombreuse; il leur sera donc toujours possible de maintenir leur prix au taux qu'il leur plaira, sans que nul ne puisse sincèrement leur en faire un grief : leur manière d'agir étant parfaitement d'accord avec la manière d'être de toutes les transactions commer- ciales. De plus, si les marins se plaignent d'être exploités, au sujet des rogues naturelles, c'est qu'ils le veulent bien. Bon nombre de chercheurs ont établi des rogues artificielles : si certaines sont évidemment défectueuses, il est juste de reconnaître que d'autres peuvent donner des résultats analogues à ceux obtenus avec les meilleures rogues naturelles ; nous en avons été le témoin plusieurs fois. Mais si ces rognes artificielles n'ont pas eu le succès auquel elles avaient droit, cela tient à ce que le cerveau du pêcheur est en général plus réfractaire à toute innovation que ne le sont à la pénétration européenne les déserts glacés du Thibet, et à notre avis on peut prévoir comme condamné à un avortement certain l'effort de ceux qui, devançant l'heure propice, tenteront, quel que soit leur dévouement et quelle que soit leur intelligence, de faire comprendre aux populations maritimes l'utilité de modifier certaines pratiques, certaines routines ancestrales : la force brutale des événements est seule^capable d'un pareil résultat. Et c'est pour ce motif que les rogues artificielles, pour si excellentes qu'elles soient, sont actuellement mortes avant d'avoir vécu. Une des autres causes de l'insuccès des rogues artificielles est due à ce que le marin peut en cas de pénurie ou de trop grande cherté de la rogue de la Morue préparer un appât qui ne lui coûte rien ou presque rien. Si dans beaucoup de régions les Crabes triturés des pêcheurs de l'Adriatique seraient parfois sans grand secours pour faire monter les bancs de Sardines et les faire mailler, il n'en est plus de même avec la rogue utilisée sur BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 211 soit sa taille, ne peut s'échapper, il n'y a donc pas à bord des bateaux l'encombrement qui résulte de l'emploi des « sardi- nières » ordinaires, de mailles nécessairement différentes. Toutefois, pour que l'emploi de ce filet soit possible, il est abso- lument nécessaire que la Sardine se tienne à la surface ou tout au moins dnns une masse d'eau peu profonde, voisine de la surface et où les évolutions du banc soient nettement visibles. Dans le cas contraire, toute tentative est inutile et le pêcheur au (( filet tournant » n'a pas plus d'avantages que le pécheur à la rogue. Gomme inconvénients : on constate tout d'abord que la Sardine capturée à la seine « se débat, s'écaille et donne une chair amollie. Celles qui meurent dans les mailles sont blanches, brillantes, raides et conservent leurs écailles. » Par suite des trépidations subies par la coque du bateau avec les moteurs actuels, il est rare qu'en été, surtout, les Sardines capturées à la rogue puissent arriver aux usines dans un brillant état de fraîcheur; un grand nombre de celles qui se trouvent placées sous les autres sont fréquemment à jeter, pour peu que la pèche ait réussi. Et cet état préparé déjà par la seine ne pourra que s'accroître, d'autant plus que le filet touruant est susceptible de donner en une seule fois jusqu'à 200.000 Sar- dines. Pour peu que la pêche ait eu lieu à quelques heures des usines, on peut estimer, en étant sur de rester dans une esti- mation faible, que sur un pareil nombre plusieurs milliers de Clupes seront juste bonnes à faire de l'engrais. Mais l'inconvénient qui nous paraîtrait le plus redoutable, si jamais la pêche au filet tournant se généralisait, ce serait de déterminer d'abord aux périodes de pêche un avilissement con- ies côtes marocaines el appelée M'Hasa, à base de Sardines, de rogue de Maque- reaux, d'Oursins, de sable et d'huile, dont les proportions intelligemment combi- nées et adaptées à chaque région de pèche peuvent donner d'excellents résultais sur d'autres côtes et dans d'autres mers. En outre, il existe dans toutes les régions maritimes certaines espèces de Poissons qui sont susceptibles de remplacer parfois même très avantageusement les rogues de Morue. A Vancouver, on a préconisé les rogues de Saumon et nous considérons que sur le littoral des Landes, lorsque les bancs de Maquereaux seront exploités autrement qu'à la ligne, les pécheurs pourront se procurer, à la condition que les œufs des Maquereaux soient utilisés comme rogue, un appât de premier ordre pour la pèche à la Sardine. Pour ces multiples raisons, l'achat de la rogue pour le marin ne se présente pas comme un des problèmes les plus complexes dans la question sardinière et il serait injuste d'exagérer son importance, comme certains le font volontiers. 212 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACIION sidérable des prix et de causer ensuite une destruction de Sardines telle que l'industrie sardinière se trouverait frappée à mort dans l'avenir, car le pouvoir prolifique de la Sardine serait impuissant à compenser les Acides considérables accomplis en un jour. Si, en effet, quelque temps avant la ponte. Sardines de dérive et Sardines de rogue peuvent assurer la reproduction parce qu'elles sont indifférentes à l'appât, il n'en serait plus de môme avec les seines tournantes qui les coptureraient à tout moment et lors môme que des règlements prohibitifs inter- viendraient aux époques du frai, règlements dont l'application susciterait bien des difficultés par suite de l'irrégularité de ponte des dupes, le danger ne serait pas pour cela conjuré, car la destruction s'exercerait incessante, redoutable ; en effet, avec les moteurs actuels, la rapidité de déplacement des bateaux assurerait une manœuvre plus facile et une capture plus cer- taine, qui se renouvellerait jusqu'à l'impossibilité de trouver une place disponible pour le résultat de nouveaux coups de filet, en admettant même qu'un seul « lancer de seine » n'ait pas été suffisamment rémunérateur. Ce serait mal connaître l'esprit du marin, en général, que de supposer qu'il saura se limiter dans sa pèche. La jalousie réciproque que les pécheurs se portent entre eux et qui les pousse jusqu'à la destruction clandestine quand ils sont en petit nombre, et ouverte quand ils se sentent en force, des engins qui ne sont pas héréditaires !!! annihilerait la lueur fugitive de raison, leur conseillant de réser- ver pour le lendemain ce qui ne pourrait être utilisé le jour même. Mais ce n'est pas encore tout. Si l'emploi des seines tour- nantes autorisées devient général, des questions d'ordre écono- mique naîtront successivement et leur solution nous semble singulièrement complexe. Tout d'abord, les pêches de Sardines nombreuses et régulières détermineront un avihssement rapide des prix, avilissement qui ira en croissant, selon les règles de l'offre et de la demande. Il suffit d'étudier les fluctuations de la vente des Sardines durant un mois, dans n'importe quel port de mer, au moment des périodes de pèche, pour se rendre compte avec quelle rapidité les fluctuations, surtout vers la baisse, s'établissent. D'ailleurs, au sujet de cette question, nous ne pouvons mieux faire que de citer ce qu'Amédée Odin écrit BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 213 dans son livre si documenté : Histoire de la pèche de la Sardine en ]^endée et sur les côtes les plus voisines : « Dans les années de pêche moyenne, l'effectif des embarca- tions est déjà depuis longtemps suffisant pour alimenter les nombreux mareyeurs des ports et les fabriques de conserves créées sur les côtes de Vendée ; malgré l'activité développée dans ces établissements, ceux-ci ne peuvent dépasser dans leurs achats quotidiens un nombre déterminé de Poissons, et lorsque la fin de la campagne approche et que l'abondance persiste, les derniers arrivants sont souvent obligés, faute de vente, de jeter leur pèche à la mer. C'est par appréhension de cette éventualité que les marins de nos ports vendéens ne voulurent pas tenter l'usage onéreux de diverses seines proposées pour prendre du Poisson en abondance (1). Ceux d'entre eux habitués à mettre à profit toutes les innovations avantageuses apportées dans les différents genres de pèche usités A'oulurent laisser faire l'expérience en Bretagne, tout en se tenant au courant des résul- tats. A même d'opter, ils préférèrent la pèche par bateau isolé, avec l'aléa se modifiant du jour au lendemain, suivant les con- ditions de l'offre et de la demande, plutôt que de s'exposer, disaient-ils, à déverser tout d'un coup sur les quais des ports des monceaux de Sardines plus ou moins, fatiguées, dont le nombre devait au bout de quelques jours entraîner, faute de débouchés suffisants, l'avilissement des prix. » A cet encombrement par le poisson, certains théoriciens répondront, sur le papier, naturellement, par la création de nouveaux débouchés, c'est-à-dire de nouvelles usines de con- serves. Mais, pour de nouvelles usines, il est nécessaire d'avoir un nouveau personnel et alors naîtra la crise de la main- d'o^uvre, où nulle solution n'est possible. Durant les années d'abondance, dans les centres industriels maritimes, il y a déjà impossibilité à peu près absolue de suffire au travail avec tout le personnel normal, sans faire appel à un personnel supplémentaire et sans travailler fort avant dans la nuit. Avec des usines nouvelles, la population d'une région étant insuffi- (1) Cela est d'aiitant plus remarquable que Tacliat de la rogue, comme l'écrit Odin Barrot, représente pour les pêcheurs vendéens « un quart du produit de la vente. » 214 SOCIÉTÉ SCIEiMlFIQUE d'ARCACHON santé, il faudra faire appel à des populations plus éloignées; cela est possible évidemment, puisque cet appel a lieu pour les A^endanges dans certaines localités, mais, pour ceux qui seront déplacés, les journées de chômage se présenteront toujours comme une éventualité redoutable, qu'elles soient supportées par la population ou par les usines elles-mêmes. En outre, si la population d'une région s'accroît, le prix de la vie s'accroîtra avec elle, d'où augmentation forcée des salaires, sans plus de bien-être, et la menace de revendications ou d'exigences plus ou moins justifiées, endormies dans l'àme de celui qui est seul, mais réveillées et douloureusement âpres dans l'àme tumultueuse des foules. Certains défenseurs des filets enveloppants objecteront que certaines régions des côtes de l'Espagne vivent grâce à ce pro- cédé de pêche depuis de nombreuses années. Ainsi que l'a dit, dans un petit opuscule d'une haute valeur documentaire (1), le prince Albert de IMonaco, « de tout temps la Sardine enrichit le nord-ouest de l'Espagne ; à l'heure présente (1887), 16.000 pêcheurs en vivent. Depuis Bayonne de Galice jusqu'à Vivero, elle soutient 400 fabriques de salaisons et de conserves ». Mais il nous est aisé de répondre «vérité en deçà des Pyrénées... », les conditions de pêche ne sont plus les mêmes; l'immense (( Cedazo » est la propriété d'un armateur qui, par sa situation sociale (2), se trouve obligé de respecter la réglementation. En outre, les captures ne sont faites qu'au fur et à mesure des besoins. « Si la Sardine prise est en nombre supérieur à celui que l'outillage de la fabrique peut saler d'une seule fois, ou si les coups de filets se renouvellent avant que cet outillage soit dispo- nible, la Sardine reste le temps nécessaire, voire quinze jours dans sa prison flottante». Ce n'est plus alors la destruction stupide à laquelle nous avons assisté bien des fois et qui fait jeter à l'arrivée au port des quantités considérables de poissons que l'on n'utilise même pas comme engrais. (( Les méthodes, les règlements et la tolérance dont celte pèche est l'objet en Espagne varient suivant les régions; mais (1) L'Industrie de la Sardine sur les cotes de (lalice. il) Le Prince A. de Monaco estime à plus de UM.OOO francs le matériel de pi'-che. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 215 ils restent toujours sous riufluence d'un esprit conservateur qui sauvegarde cette richesse. » Et même dans la baie de Vigo, où la pêche serait pour ainsi dire plus « démocratique », en ce sens que le pêcheur est son propre armateur, certains filets tels que la seine ne sont autorisés que le jour. D'autres, qui peuvent fermer certaines petites criques, « sont rigoureusement prohibés à cause du fracas nécessaire pour y faire entrer le poisson, et la Sardine, fort craintive, dit-on, regagnerait le large devant ces manœuvres bruyantes », et en outre, dans cette région, sauf les tolérances variables, la pêche des Sardines est fermée du lo février au 15 juin. Grâce à cette prohibition, les bancs de Sardines peuvent donc frayer au moment où la majorité des indiA'idus sont arrivés à une parfaite maiurité sexuelle. Et malgré ces protections, on constate que le rendement des pêches actuelles n'est plus celui qu'il fut jadis. « Suivant les données qui précèdent, le développement des Sardines sur ce point de la côte aurait eu son maximum vers 1834. Les approches de 1870 figuraient encore avec des quan- tités annuelles de 23 à 24 millions ; maintenant on ne dépasse guère le sixième de ces chiffres.» En 1904, le professeur Kunsller écrivait : Les Espagnols et les Portugais ne subiront-ils pas à leur tour les effets d'une crise analogue à celle qui nous atteint ? Il y a malheureusement de légitimes raisons de le craindre. Les dernières pêches sont mauvaises ; en décembre et en janvier, les captures ont été insignifiantes et les fabricants de conserves ont dû refuser de nouveaux marchés, de crainte de ne pas pouvoir faire face à leurs engagements. Et si dans des pays comme la Galice, où la mentalité du pêcheur, plus respectueuse des règlements et plus couserva- trice (1) que sur le littoral français, ne peut pourtant empêcher l'avenir d'apparaître sous un aspect inquiétant, que ne pourrait- on redouter en France, le jour où des engins destructeurs, (1) « La maille du filel à Sardines employée sur la côle française est beaucoup plus petite que la maille des grands filets de la Corogne ; celle-ci est de 0"030 aux ailes et de 0"15 au cenîre. Les filets droits français ont jusqu'à O^OlSu ». (Prince Albert de Monaco, Loc. cit.) 216 socn'iTii SCIENTIFIQUE d'arcaciion comme le sont les seines, seraient entre les mains de tous et partout ? Nous sommes bien loin (1) de la vieille ordonnance du 23 avril 1726 qui condamnait le « maître » à l(iO livres d'amende, à la confiscation des bateaux et des filets, du poisson, à la déchéance de son titre, sans pouvoir à l'avenir être reçu pilote, locmaneur oulocman, et en cas de récidive à trois ans de galères s'il se servait de filets prohibés, qui étaient jadis les rets et les dragues pour la haute mer et les seines ainsi que divers filets tournants pour les côtes et les embouchures des rivières. Gela pourrait peut-être sembler exagéré à quelques-uns et pourtant déjà, dès cette époque, les populations maritimes avaient besoin d'être protégées contre elles-mêmes, puisque l'article 39 de cette même ordonnance sévissait contre ceux qui jetaient « à la mer, le long des côtes et aux embouchures des rivières, dans les mares et les étangs salés, de la chaux, des noix vomiques, noix de cyprès, coque du Levant, momie, musc, et autres drogues ». Il se peut que ce fussent les « engins de pêche » d'une minorité, mais cette minorité atteignait encore un chiffre respectable, puisque l'intérêt public s'était trouvé menacé. Sans demander l'application de lois draconiennes, que seul l'absolutisme de jadis était assez puissant pour faire respecter, il est à souhaiter que, tout au moins dans certaines régions du littoral français, la population maritime ne soit point autorisée à se servir d'engins trop destructeurs. Car, ainsi que l'écrit le prince de Monaco, dans le travail déjà cité, « pourquoi la Sar- dine jouirait-elle d'un privilège quand d'autres voyageurs aqua- tiques, le Saumon notamment, disparaissent devant la destruc- (1) Ceux qui sont vraiment coupal)les de cet état de clioses ce ne sont pas plus les gardes-pêche que l'Administration maritime elle-même, qui peut évidemment constater les délits, mais ne peut les punir : ce sont les influences politiques qui jouent le rôle néfaste ; pour si rationnelle, en effet, que puisse être une interdiction, elle ne tarde point à demeurer lettre morte lorsque les intérêts d'un grand nom- bre se trouvent lésés; et si l'Administration maritime tente de réprimer les abus, des influences occultes interviennent fréquemment pour sauver l'électeur, rédui- sant à néant toute l'œuvre de répression commencée, si toutefois ces influences ne vont pas jusqu'à la critiquer. Et ce que nous avons dit pour le Bassin d'Arcaclion nous pourrions le citer pour bien d'autres régions du littoral français; les abus A^ainqueurs s'étalent au grand jour, quant aux règlements ils sont ensevelis dans « le linceul de pourpre où dorment les dieux morts » et il est des narcotiques puissants pour prolonger leur sommeil. BULLETIN Dlî LA STATION BIOLOGIQUE 217 tioQ ; les moyens que celle-ci déploie quand ils ne sont pas modérés, par un esprit conservateur, ont toujours le dernier mot. » Mais il est à craindre que dans l'état actuel des choses les vœux les plus sages pour la protection des intérêts maritimes ne soient considérés que comme des berceuses, vaines accom- pagnatrices du tumulte de l'Océan. .. « m deserto voces... » MiGHATRICES... OU SÉDENTAIRES ? Loin de nous la pensée de vouloir reprendre la discussion sur un sujet aussi controversé que celui-là, discussion qui parait actuellement avoir été close par des arguments de réelle valeur. Mais il nous semble qu'il serait nécessaire de ne pas établir des limites aussi absolues que celles fixées par certaines théories au sujet de la vie migratrice (1) ou sédentaire des dupes. Les mou- Ci) Parmi les objections faites à l'iiypotlièse d'iine vie migratrice, il en est une que la haute valeur scientifique de ceux qui l'ont émise nous empêche de passer sous silence. C'est le parasitisme, par un Copépode, des Sardines de certaines régions. A notre avis, malgré les découvertes nouvelles faites à ce sujet par Marcel Baudoin et d'autres chercheurs, la question n'est point assez avancée pour que la conclusion soit vraiment définitive. En voici une preuve, par exemple, pour la Sardine du littoral des Landes. Kous avons remarqué, en effet, que certains bancs étaient infestés de parasites, tandis que d'autres de même taille et capturés dans les mêmes parages, parfois à moins de 2(J0 mètres de distance, étaient absolu- ment indemnes. En outre, Tintensité de parasitisme varie suivant les années dans des proportions parfois considérables et se fait sentir d'une manière très inégale sur les divers individus ; au moment de la ponte, la presque totalité des Sardines infestées sont stériles. C'est évidemment un phénomène banal de castra- tion parasitaire. Toutefois certains individus semblent plus atteints que d'autres : l'état pathologique ne s'arrête pas seulement aux organes génitaux, il a une répercussion sur l'organisme tout entier : on constate, en effet, parfois que la taille est un peu inférieure à celle d'autres individus du même banc, eux aussi parasités. 11 y a donc des degrés dans la réceptivité parasitaire, tout comme dans la réceptivité bactérienne. La complexité des phénomènes du parasitisme s'en trouve accrue d'au- tant. Un des plus remarquables exemples que nous ayons rencontrés de ce phéno- mène dans un autre groupe d'animaux est dans le parasitisme de certains chevaiix dans quelques prairies de la Nièvre : certains individus demeuraient indemnes, tandis que d'autres de même âge, de même condition, de même espèce et de même sexe succombaient rapidement : la mort dans la totalité des cas étant causée par l'Ascaris megalocopliala qui déterminait une obstruction intestinale et le plus souvent même une rupture duodénale foudroyante. Par conséquent, il est utile de réserver son opinion devant des faits si variables et dont les origines sont encore, à l'heure actuelle, à peu près inconnues. Ensuite, comme l'on avait constaté que les Sardines infestées venaient au rivage 218 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHÔN vemenls complexes que décrivent les bancs de Sardines à l'Océan résultent sans nul doute d'un ensemble de faits qui créent des composantes, mais élever celles-ci à la hauteur de principes immuables, c'est vraiment donner à l'intelligence des Sardines une faiblesse d'esprit par trop humaine. Semblable au flambeau dont a parlé Lucrèce « ubi bene, ibi palria » est une formule de bonheur que se livrent avec leurs caractères spécifiques toutes les générations d'êtres vivants, dans tous les océans, sur tous les continents et à travers tous les âges. Si les êtres fran- chement migrateurs la Auvent parfois jusqu'à en mourir, elle demeure chez les êtres plus casaniers ensevelie dans un léger sommeil que l'occasion propice éveillera toute-puissante. Aussi, pour notre part, nous garderons-nous bien de nous prononcer d'une façon formelle et définitive: toutefois les hypothèses que nous allons émettre ont été étayées sur des faits longuement étudiés, dont la régularité comme la fréquence peuvent être constatées par tous ceux qui vivent au bord de la mer, dans des régions oi!i les bancs de Sardines trouvent les conditions qui leur plaisent. Il se peut que ces faits ne satisfassent point la tendance à l'absolu de l'esprit humain, mais l'anthropomor- phisme ne règle ni la conduite ni la pensée animale. Bien que certains de ces faits aient été déjà étudiés, il est nécessaire de les reprendre cependant à nouveau, pour voir quelles déductions on peut en tirer. Considérons d'abord les Sardines de roKue : Venant de avec les aulres, on avait conclu que celle apparition sur les côtes n'aA-ait pas seule- ment lieu pour le frai. 11 est évident que les Chipes dont les gonades étaient avor- tées n'entraient pas dans les eaux littorales pour assurer la repi-oduction de l'espèce, mais l'on ne peut rien en conclure davantage. A notre avis, il y a là des phénomènes de psychisme particuliers déterminant des actes d'imitation dont les causes lointaines nous échappent. Voici un autre exemple, à peu près analogue encore, emprunté à la biologie des Sardines : Il arrive parfois, au cœur de l'hiver surtout, au milieu d'un l)auc de Sardines de rogue commençant à travailler, qu'il apparaisse deux ou trois Sardines de dérive. Celles-ci nagent activement parmi les aulres, se ruent après la rogue qu'elles ne louchent point et finissent par « mailler». Si, immédiatement après la capture, on ouvre leur estomac, on n'y découvre aucune trace de rogue. Tous les gestes accomplis autour de la rogue ont donc été parfaitement inutiles pour la nutrition et il nous semble rationnel, comme pour les précédentes, de considérer <.<. l'esprit d'imitation », le « panurgisme », comme leur unique, sinon leur principal mobile. BULLETIN DE LA STATIO.N BIOLOGIQUE 2l9 l'ouest (1), leur berceau, elles abordent les côtes sous différents angles, déterminés par la direction des apports planktoniques, c'est-à-dire des courants de surface ; mais il est fort douteux, à notre avis, que le sens invariable de leur migration se fasse du sud au nord, comme le prétendent les marins. L'opinion do Guillard nous semble être plus juste, puisque, pour cet auteur, l'atterrissage se fait par l'ouest-nord-ouest. Si le courant de lienell, si discuté, n'en est pas la cause, il faut reconnaître qu'au moment de l'apparition des banquées de Sardines par l'ouest- nord-ouest, la composante des vents est fréquemment est-sud- est. Certaines années où les vents se sont établis d'emblée à l'est- nord-est, par exemple en 190G et 1908-1909, nous avons cons- taté l'apparition des bancs par le sud-sud-ouest ; ces deux faits réunis et opposés l'un à l'autre semblent justifier ce que nous venons de dire et se trouvent d'accord avec la direction prise par les Clupes dans leur déplacement, c'est-à-dire en sens inverse du courant. Durant tout l'été et le printemps, arrivées dans la région qui leur plaît, elles errent dans diverses directions déterminées par les conditions extérieures. ÎNlais quand la saison hivernale approche, les bancs de Sardines de rogue effectuent alors une nouvelle migration des zones littorales vers le large, jusqu'à une région qui semble être toujours la même toutes les années. C'est une migration de faible amplitude de l'est vers l'ouest d'abord, mais qui dévie ensuite fréquemment vers le sud-ouest, l'intensité de la déviation vers le sud étant en rapport avec la région considérée : très faible sur la côte des Landes, elle est à peu nuUe sur les côtes plus méridionales de l'Espa- gne. Les déplacements qu'effectuent alors durant tout l'hiver les bancs de Sardines doivent plutôt être considérés comme des oscillations en rapport avec les diverses conditions et exigences de la vie que comme des phénomènes de migration : le retour dans la région primitivement choisie étant de règle dès que la perturbation atmosphérique ou autre a cessé. A la fin de l'hiver, un second déplacement s'effectue, déterminé par la ponte ; ce déplacement aboutit à un nouvel exode vers le large ; malgré (1) Il est intéressant de signaler l'analogie de ce mouvement migrateur avec celui du Thon. Ce Poisson, d'après les recherches du roi de Portugal, se dirigeant vers l'est de mai à juin. (Voir J. Kunsller : La question sardinière et la crise aquicole en général.) 220 SOCIÉTÉ SCIliINTIFIQUE d'aRCACHON cela, les bancs de Sardines se trouvent encore dans des régions marines qui, opposées aux immensités océaniennes, doivent être considérées comme côtières. La ponte effectuée, les dupes reprennent leur vie errante, mais ne reviennent à la côte qu'ex- ceptionnellement (1). Leur séjour constant semble être la haute mer (2); elles y demeurent jusqu'au jour où la croissance défi- nitive a fait d'elles les Sardines de dérive ; elles sont alors, comme on les a justement nommées, « les coureuses » ; elles reviennent alors plus près des côtes, elles y effectuent leur ponte, cet acte oii toute leur énergie vitale semble s'être concentrée et qui pour un grand nombre d'entre elles est la fin d'une existence brève, mais combien aventureuse ! Voici maintenant, à notre sens, la conclusion que l'on pourrait tirer de l'enseml^lede ces faits. Les bancs de Sardines ne sont sédentaires dans une région que quand ils trouvent dans celte région des conditions favorables. Alors dans ce cas, le séjour plus au moins prolongé aura pour résultat immé- diat de leur donner un faciès local aboutissant peut-être à des varié- tés temporaires, mais nullement à des espèces. En outre, cette existence se compliquera de déplacements peu importants, il est vrai, en rapport lanlôtavec les conditions extérieures, tantôt avec des phénomènes internes et individuels. Dans les autres régions, où les modifications du milieu ambiant en tant que nourriture, température, densité des eaux seront susceptibles de descendre à un niveau inférieur à la tolérance des Glupes, on assistera à de véritables phénomènes d'apparition et de disparition, qui seront les homologues d'une migration. Pour notre part, enfin, nous considérerons comme une vraie migration tout déplacement saisonnier de la Sardine de l'est à l'ouest, ou réciproquement. Il n'est point, en effet, nécessaire pour qu'il y ait phénomène migrateur que la direction prise, lors de leur exode, par des (1) Si toutefois elles y reviennent ! Il arrive parfois en effet, Aers la fin de l'été surtout, que dans les bancs de Sardines de 12 centimètres par exemple se mélan- ^'ent des Sardines de taille plus élevée ; en réalité, ces nouvelles Sardines sont des Ciupes dont l'éclosion a élé antérieure à celles qui composent les premiers bancs et qui, très probablement aussi, se sont trouvées dans des conditions de xie plus favorables. (2) « La Sardine n'est pas un poisson indigène, nou, c'est un poisson voyageur qui émigré des profondeurs de l'Océan, son berceau ; nn banc gigantesque en étendue et en profondeur, et qui parait suivre l'itinéraire du Gulf Stream » (Ch. Basset). BULLETIN DE LA STATIOiN BIOLOGIQUE 221 êtres marins tels que les Clupes, soit sud-nord ou nord-sud. La constance de la température, de la densité et de bien d'autres conditions biologiques font que le milieu océanien, à une cer- taine distance des côtes, présente un optimum que les Sardines ne rencontreraient pas si, en hiver par exemple, elles descen- daient vers le sud en se tenant toujours dans des zones littora- les. Il est donc rationnel de considérer le déplacement qui a lieu de l'est à l'ouest (i) comme une migration absolument analo- gue à celle des oiseaux, qui s'en vont vers le sud pour y trouver et leur nourriture et une température plus clémente. Lorsque sur la direction primitivement suivie et toujours fondamentale de l'est vers l'ouest ou de l'ouest vers l'est, il se produit des déviations vers le sud ou le nord, celles-ci sont encore absolu- ment comparables à certains phénomènes (2) qui dans les migra- lions saisonnières des oiseaux font que certains d'entre eux s'arrêtent et s'en vont vers l'ouest ou l'est, coupant à angle droit la direction qu'ils suivaient jusqu'alors et qu'ils ne reprendront qu'à une nouvelle migration annuelle. Quant à l'autonomie des districts où vivraient les diverses variétés de Sardines atlantiques, nous nous refusons à écrire « espèces », pour les raisons déjà données; on est bien forcé d'avouer qu'elle ne repose que sur des données vagues. Si l'on essaie, en effet, de délimiter sur une carte les « régions sardiniè- res », on voit de suite que les éléments dont on procède ont été surtout fournis par les pêcheurs ; avec de pareils documents, les espaces circonscrits sont fatalement restreints,, puisque la pèche à la Sardine est exclusivement côtière et le tracé ainsi obtenu donne de suite l'impression de l'artificiel, de l'irréel et de l'incomplet. Que deviennent, en effet, tous ces bancs de Sar- dines durant le reste de l'année oi^i la pêche n'est pas pratiquée ? Ils gagnent le large, cela est évident ; mais ces mêmes bancs vont-ils à nouveau constituer une agglomération impénétrable pour les bancs d'autres régions, ne se déplaçant que dans une aire limitée par leur seule volonté ? Nous ne le croyons pas. Durant toute l'année et quelle que soit la région considérée, on (1) Ou de Fouesl à l'est : à opposer alors à la migration priutanlêre des oiseaux. (2) Ces phénomènes ne sont pas autre chose que des arrêts de la migration dans un point quelconqne de la grande aire de dispersion de fespèce, arrêt dû à l'arrivée d'un ou plusieurs individus dans leur aire de dispersion individuelle. 222 SOClÉTti SClEiNTIFIQUE u'aRCACHO.N constate l'apparition brusque de bancs de Sardines de taille supé- rieure ou inférieure à celles que l'on prenait habituellement ; ces bancs gardent tantôt leur autonomie, tantôt ils se fusionnent avec ceux que l'on pourrait considérer comme les indigènes. De quelle région précise de l'Océan viennent ces bancs? Nul ne peut le dire ! Mais comme ils diffèrent — ne fut-ce que par la taille — de ceux au milieu desquels ils viennent d'apparaître, il est néces- saire d'admettre que la localisation des bancs dans une région limitée, sans empiétement sur les zones limitrophes, n'est pas plus absolue que la vie autonome et sans immixtion étrangère des diverses variétés de Clupes. D'ailleurs, un pareil fait serait contraire même à certaines grandes lois biologiques déjà signa- lées par Spencer et d'après lesquelles, pour toutes les espèces, l'accroissement de leur aire de distribution est un but vers lequel se tendent sans trêve leurs plus actives énergies ! Et si les dépla- cements ont lieu non loin des côtes, où un ensemble de phéno- mènes tend à réunir dans une région favorisée les bancs plus ou moins épais, au large les conditions o])tima recherchées par les Sardines sont réparties sur une zone immense... il nous semble donc rationnel de ne donner comme limites aux péré- grinations des Clupes que la limite de cette zone elle-même. Dans le cas contraire, il faudrait créer de nouveaux districts, homologues des districts côtiers. Gomme pareille création ne répondrait à rien de réel, il nous parait impossible, en effet, de dire que les bancs de Sardines du nord de l'Espagne demeurent dans ces parages, immuablement cantonnés, sans descendre plus au sud ou remonter plus au nord vers les côtes landaises. Lorsque dans la formation araucanienne d'Ameghino de l'Amé- rique du Sud, on voit apparaître les mammifères des Loups Fork- beds du Nebraska, du Colorado, du Texas, et que les formes autochtones du pliocène de Alonte-IIermoso remontent vers le nord, on ne peut que s'étonner devant une migration pareille et si des êtres aussi peu migrateurs que le sont les mammi- fères ont pu traverser deux continents immenses, il nous semble singulièrement injuste de refuser à des êtres aussi puissants nageurs que le sont les Sardines la possibilité de franchir quel- ques centaines de kilomètres (1). Et lorsqu'un pareil ou même (1) Ts'ous avons pu constater, et cola à maintes reprises, que les Sardines des côtes landaises effectuaient aisément en quarante-huit lieures, et même en moins de temps, un déplacement de plus de 80 liilomèlres. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE ^23 beaucoup plus infime déplacement est effectué, c'est la pénétra- tion de Sardines d'un district dans un autre district, c'est le mélange assuré de la faune régionale avec des éléments étran- gers, et- par conséquent la suppression à échéance plus ou moins rapprochée de l'autonomie de la variété locale. Pour nous, qui considérons comme un phénomène migrateur tout déplacement de quelque amplitude qu'il soit, effectué à des dates à peu près constantes par suite des nécessités de l'existence ou de la repro- duction, nous sommes amené à classer les Sardines parmi les êtres migrateurs. En effet, leur apparition sur les côtes se produit à peu près à date fixe, comme leur exode vers le large, et dans l'un comme dans l'autre cas la recherche de la nourriture et la ponte, sont les deux causes initiales et prépondérantes. On objecte souvent à ceux qui considèrent la Sardine comme un être migra- teur l'apparition des bancs de Clupes sur les côtes tropicales de l'Afrique, apparition f|ui a lieu en môme temps que l'arrivée de ce Poisson sur notre littoral. S'il y avait migration, il y aurait apparition successive, non simultanée. Il nous semble que rien n'autorise cette déduction ; le sens de migration des Poissons tels que la Sardine n'est nullement comparable à celui des oiseaux et les directions nord-sud ou sud-nord ne sont que des dériva- tions de la ligne primordiale ouest-est. Nous avons déjà dit dans quel sens nous jugeons nécessaire de considérer la migration des Poissons; par conséquent, les apparitions aussi bien au nord qu'au sud n'ont qu'une signifi- cation d'intérêt local (1), pas davantage, et ne corroborent pas plus qu'elles ne détruisent l'hypothèse de la migration. Il est une tendance de l'esprit à peu près générale qui consiste à ne quaUfier de migration qu'un déplacement s'effectuant sur des espaces considérables. Ainsi on retrouve parfois d'anciennes cartes oîi la migration des Harengs est représentée par une armée innombrable de ces Poissons, formant autour du globe un cercle (1) La valeur thermique des régions allantiqiies n'est pas identique partout du sud au nord. En effet; la température de la côte des Landes, «lors du maximum d'août, est plus élevée de 3° à 4° que celle de l'Océan voisin, entre le Cap Finistère ou Ouessant ». Ces conditions jouent incontestablement un rôle dans la date d'appa- rition des Clupes, mais par suite de l'incertitude oîi l'on se trouve actuellement pour la prévision des phénomènes météorologiques à longue échéance, toute conclu- sion serait à ce sujet quelque peu prématurée. 224 SOCIÉTÉ SCIEKTIFIQUE d'aRCACHON continu que ni les glaces polaires ni l'ardeur des tropiques n'ar- rête dans sa marche incessante. Actuellement, cette opinion, comme bien d'autres, a vécu et l'on sait que le cercle migrateur des Harengs s'effectue dans un espace infiniment plus restreint. Si certaines découvertes — surtout océanographiques — établis- sent nettement que bien des formes animales ne sont pas exclu- sivement cantonnées dans certaines régions, on constate fré- quemment que des délimitations de plus en plus précises de l'aire de distribution d'autres espèces restreignent singulièrement le territoire qu'on leur accordait jusqu'alors. Il n'est poiut néces- saire, pour que la Sardine soit un poisson migrateur, qu'elle vienne du Gap de Bonne-Espérance ou môme des côtes algérien- nes. Tout être migrateur limite son déplacement à ses besoins et à sa force individuelle. Dans les cohortes pressées des voliersqui remontent vers le nord ou le sud combien s'arrêtent dans leur voyage, séduits par le pays tout à coup traversé? Et pourtant ceux qui se séparent du groupe avec lequel jusqu'alors ils allaient de compagnie ne sont pas d'une espèce différente et ils n'en sont pas moins, eux aussi, des oiseaux migrateurs! Ainsi la tourte- relle qui, ayant vécu le printemps et l'été dans les sapins des Vosges ou des Ardennes, effleure de son aile rapide, lors de sa migration d'automne, la calme immensité des grands lacs africains, n'est pas d'une espèce différente de celle qui, de goûts plus sédentaires, bornera son vol hivernal des forêts de la Roumanie aux jardins du Bosphore. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 225 DEUXIEME PARTIE L'extraordinaire essor pris par l'industrie sardinière dans le Bassin d'Arcachon, depuis une année, a mis aux prises des questions complexes dont certaines ont donné un enseignement immédiat que nous allons tenter de dégager. Moteurs L'agrément que présente, pour la navigation de plaisance, la région ouest du Bassin d'Arcachon, a été cause que, depuis de nombreuses années, divers bateaux employaient ce mode de progression ; mais il a fallu les résultats de la pèche à la Sardine pour qu'il y eut généralisation, au point de faire que le nombre des marias de la région se trouvât insuffisant pour armer toutes les nouvelles embarcations. Nous ne tenterons pas de décrire les vicissitudes par lesquelles passèrent les divers moteurs marins, pour aboutir à ce qu'ils sout aujourd'hui ; mais pourtant certaines fautes ont été commises et c'est peut-être éviter des regrets à certains que de les faire connaître. Il est un principe dont tout bon Français ne se départit jamais et que l'ironie, loin de tuer, laisse vivre tout-puissant : c'est la denigration systématique des inventions françaises comparées aux inventions étrangères. C'est ainsi que certains jours on vit apparaître des moteurs aux noms plus flamboyants encore que leurs cuivres etdontla complication réclamait pour le moins toute la sagacité d'un Edison. Alors bon nombre de marins de la région, admirant d'autant plus qu'ils n'y comprenaient rien, après bien des discussions savantes qui laissaient les mécaniciens plutôt rêveurs, firent armer ou armèrent pour leur propre compte des bateaux qui se traînèrent 226 SOCIÉTÉ SCIEINTIFIQUE d'aRCACHON lamentablement ou refusèrent délibérément d'avancer (1), tout comme des chevaux immobiles, mais avec cette différence qu'il était impossible d'employer avec eux le procédé si vanté par tous les conducteurs — sans doute — de palmipèdes, « le bouchon de paille enflammé sous la coque». Certains de ces bateaux d'outre-mer semblaient pourtant devoir faire un service assez régulier quand des pièces se brisèrent, démontrant ainsi en toute franchise qu'en ayant « l'éclat du verre ils en avaient aussi la redou- table fragilité». Quelques-uns pourtant firent preuve d'un naturel plus conciliant et d'une constitution plus solide, mais ils ne purent résister à la concurrence française et les pêcheurs les abandon- nèrent avec autant d'enthousiasme qu'ils les avaient accueillis. D'autres armateurs — ceux que l'on ne trompe pas — voulurent de moteurs de voitures d'occasion faire des moteurs marins. Mais le roulis et le tangage demandent une accoutumance et même une sorte d'hérédité que des « terriens » ne sauraient avoir et c'est pour ce motif, sans doute, que les moteurs de voiture témoignèrent de suite, par leurs explosions précipitées, mais sans force, d'une telle aversion pour les promenades en mer que leurs propriétaires ne poussèrent pas la cruauté jusqu'à renou- veler un essai... par trop convaincant. Il nous serait facile de continuer sur ce ton-là et de citer les nombreux avatars des moteurs dont on attendait des prodiges : nous n'insisterons pourtant pas, car bon nombre d'auteurs de ces tentatives malheureuses ont eu à souffrir plus profondément encore que dans leur orgueil; ils avaient, en effet, parfois mis toutes leurs économies dans l'armement d'un bateau de pêche et le rêve d'or s'est A'ite éveillé devant l'appel d'une réalité aussi brutale que décevante. Un moteur marin doit présenter une robustesse que bien des constructeurs ignorent, môme à l'heure actuelle. La navigation de rivière n'a rien de comparable avec la navigation en pleine mer. Bon nombre de personnes croient pourtant qu'à part quel- ques faibles différences il y a similitude et c'est ainsi que nous avons vu des marques réputées, excellentes en rivière, franchir (1)11 en est même qui, le jour de leur lancement, sans marche arrière, reculèrent victorieusement jusqu'à leur port d'attaché et, doués d'une volonté inébranlable, ne se portèrent jamais en avant. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 227 les passes et revenir silencieuses, remorquées jusqu'à l'atelier de réparafions le plus proche. Les conditions de travail à l'Océan sont telles que tout moteur qui n'a pas été fait spécialement pour la mer donnera des résultats déplorables à tous égards. Les mouvements de tangage et de roulis exigent du moteur et de ses annexes une stabililé poussée à ses extrêmes limites, sinon c'est la rupture de l'arbre de couche, le carter crevé par les têtes de bielles et toute la série des « fractures » plus ou moins irréparables. Et ces conditions de travail sont si sévères que nous avons vu des moteurs d'assez bonne fabrication, parfaitement fixes, présenter tout à coup une rupture bien inat- tendue de l'arbre de couche, et pourtant le diamètre de cet arbre avait été calculé non point d'après la formule ordinaire (1). 3 3 d = 0,100 V-", mais avec d= 0,12o V^ Il est vrai que c'était durant un gros temps de nord-ouest, reçu par le travers et durant lequel le bateau avait marché longtemps sur des à-coups brusques de plongée et d'enlevée de l'hélice, par conséquent dans des conditions de fatigue particu- lière; il avait alors siaffi d'une modification infime pour déter- miner cette brusque rupture. Et combien de faits analogues se sont présentés pour des moteurs de rivière dont on avait voulu faire des moteurs marins! Quant aux moteurs de voitures trans- portés au bateau, ils n'ont pu donner, malgré leur rendement théorique parfois très élevé, un travail quelque peu sérieux ; en outre, leur régime de marche augmentait la dépense de combus- tible, que ne compensait à aucun moment l'énergie obtenue. Gela était évident, même a priori; en effet, un moteur marin doit fournir après démarrage un effort constant qui n'est pas comparable à celui de la voiture en marche, et c'est ainsi que des moteurs marins donnant au frein un certain nombre de chevaux se trouvaient dans l'eau supérieurs du triple et même davantage à des moteurs de voiture d'égal rendement au frein. Nous n'aurions pas insisté sur celte question si quelques construc- teurs de voitures automobiles n'avaient point cru qu'ils étaient (1) rf = diamètre en mètres. N = force du moteur en chevaux-vapeur. n = nombre de tours effectués par la tnansmission en une minute. 228 SOCIÉTÉ SCIE.NTIFIQUE U AKCACHON capables, sans éducation préalable, de faire de leurs moteurs de voiture des moteurs marins. Or cette supposition faite par des personnes compétentes sera, à plus forte raison, encore plus plus fréquente dans le grand public. Il était donc nécessaire de ne pas passer sous silence ces malheureux mais instructifs essais. Bien que nous soyons fixé, pour les avoir vus à l'œuvre, sur la valeur des divers moteurs marins, on comprendra sans peine le sentiment qui nous empêche d'indiquer quels sont, parmi ces moteurs, ceux à qui, en toute justice, doivent aller les préfé- rences... Notre silence sera sans importance à ce sujet, car ù l'heure actuelle quiconque veut se renseigner sur la valeur d'un moteur n'a qu'à consulter les journaux de la région ayant donné le nom des diverses embarcations de pèche et les résultats obtenus lors de quelques courses; il lui sera facile de se faire une opinion : la marque dont le nom se renouvellera le plus souvent sera évidemment la meilleure, car une sélection impi- toyable s'est opérée parmi toutes les marques qui se sont trouvées en concurrence, et seules sont demeurées celles qui présentaient des garanties de bon fonctionnement, de solidité et de simplicité certaines. La documentation faite de cette manière vaudra mieux que celle faite auprès des marins; si certains, en effet, avouent franchement et sans détours leur opinion, bon nombre d'entre eux feront des réponses confuses, laissant un doute général dont les mauvais moteurs pourraient profiter au détriment des bons. Il est vrai qu'en demandant — sans transition — aux pêcheurs quels sont les moteurs avec lesquels ils pratiquent ou voudraient pratiquer leur industrie, on obtiendra une réponse qui, faite à ce sujet par tous ou à peu près, sera le critérium certain de l'excellence de certaines marques; ce sera le cas de conclure : Vox populi. vox ver it at is. Actuellement, on peut dire que certains moteurs en usage pour la pêche à la Sardine sur le littoral des Landes sont près de la perfection et que les modifications que l'on y apportera ne seront que des modifications de détail absolument secon- daires. Toutefois, par suite des bateaux avec lesquels ils sont généralement utilisés, certains inconvénients se présentent que l'on pourrait éviter. Avant cette étude, il est nécessaire de dire d'abord quelques mots sur les embarcations utilisées actuelle- ment dans la région pour la pêche à la Sardine. • BULLETllS DE LA STATION BIOLOGIQUE 229 Les bateaux a en honneur » dans le Bassin et sur la côte sont tes pinasses, ainsi appelées parce que le bois de pin entrait autrefois, et même encore actuellement, pour une grande part dans leur construction. Ces bateaux présentent une forme bâtarde : ils sont intermédiaires entre les bateaux à fond plat et les bateaux à quille. Leur forme élancée et élégante rappelle la pirogue avec laquelle, d'ailleurs, ils partagent certaines qualités de navigation. Grâce à leur faible tirant d'eau, ces pinasses offrent pour la navigation sur le Bassin, encombré par les cras- sats et les bancs de sable, des avantages considérables. C'est l'embarcation locale par excellence. De construction légère, elle est facile à manier à la rame; elle exige cependant pour la manœuvre à la voile un certain apprentissage. Sa défense à la houle est des plus remarquables. Dans un gros temps, il est curieux en effet de voir avec quelle légèreté la pinasse se tient sur les vagues ; il semble qu'à chaque moment elle va s'enfoncer dans la lame, mais de suite relcA'ée, elle s'enlève à nouveau. Malgré ces avantages indiscutables, elle présente un grand inconvénient dû à sa construction même : c'est son manque de stabilité. Un déplacement de poids, même peu important, se fait sentir immédiatement par une inclinaison brutale ; enfin c'est une embarcation non pontée et c'est, à notre avis, son plus grave défaut quand elle doit servir à la pêche à l'Océan. Si certaines régions utilisent aussi des bateaux non pontés pour la pêche en mer, on doit reconnaître que cela est sans grand inconvénient, car si les pêcheurs sont surpris par une tempête, ils peuvent tenter de rallier le port et, par consé- quent, ne subir que durant un temps limité la violence des vagues. Pour le Bassin d'Arcachon, il n'en est plus de même. Si le mauvais temps apparaît brusquement, les passes deviennent rapidement infranchissables ; les marins se verront alors obligés de se tenir au large durant toute la tempête, et cela pendant plusieurs jours ; ils se trouveront donc dans des conditions non seulement défectueuses, mais encore dangereuses, car une vague peut en brisant subitement, même au large, submerger l'embar- cation et la faire ainsi couler. Cet inconvénient ne se serait pas présenté si l'on avait adopté les bateaux pontés. Mais, en somme, les marins du Bassin d'Arcachon sont les seuls responsables de cet état de choses. 11 leur était possible avec bon nombre d'ar- 230 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON maleurs d'obtenir plutôt des bateaux pontés, chalands ou autres, que des pinasses. La dépense plus considérable, il est vrai, pour les premiers que pour les seconds aurait peut-être fait hésiter quelques-uns de ces armateurs, mais la plupart d'entre eux n'auraient pas demandé mieux que de donner aux marins des bateaux plus sérieux et qui auraient été utilisables pour bien d'autres pèches. Si les pêcheurs ont surtout demandé des pinasses, c'est que toute iunovation leur paraissait, en l'occurrence, redou- table. « Les anciens péchaient avec des pinasses et ils rentraient le soir! les jeunes devaient en faire autant !» Il est étonnant de voir qu'au bord de la mer, oi^i le spectacle tous les jours offert se trouve éternellement changeant et montre sans trêve l'ina- nité du passé, les hommes ne puissent s'empêcher de revivre les faits et les pensées de leurs aïeux comme les tares d'une héré- dité maladive ! L'objection que l'on a faite aux bateaux pontés d'être d'un moins bon rapport que les pinasses n'a qu'une bien faible valeur. S'il y a plus de « parts » à faire par suite de plus d'hommes d'équipage, on peut répondre que cet inconvénient (qui a sa compensation dans plusde chances de pêche) a été bien vite oublié, puisque la majorité des pinasses armées ont fréquem- ment autant et même plus d'hommes que n'en avaient les anciens chalands. Et il est de toute évidence que les pêcheurs, s'ils l'avaient sincèrement voulu, eussent trouvé des armateurs qui leur auraient confié des bateaux pontés, montés au maximum par cinq hommes. La dépense supplémentaire qu'auraient exigé ces nouveaux modèles eût d'abord été peu de chose et ensuite elle eût été largement compensée par l'utilisation du bateau à d'autres pêches que celle de la Sardine — lorsque celle-ci n'au- rait pas donné — par une durée plus longue du bateau lui- même et par la possibilité de pêches plus sûres, car les pêcheurs auraient pu attendre à l'Océan les moments favorables à leur industrie. Mais il est vrai qu'ils ne conçoivent guère actuelle- ment une pareille pratique de la pêche, leur tempérament, leurs goûts, leur situation ne les y portent point. Que les pêches aient, en effet, réussi ou non dans la journée, ils rentreront chez eux sans attendre à l'Océan, comme, par exemple, le lont les Bre- tons sur la région de pêche elle-même, l'instant plus propice et des conditions meilleures. Pour des rentrées journalières, la pinasse est évidemment suffisante, mais l'avenir est peut-être BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 231 proche où les pêcheurs du Bassin regretteront, lors d'un cyclone, de n'avoir pour se défendre contre l'assaut des vagues que des bateaux protégés par une légère et insignifiante toile. Peut-être même leur faudra-t-il, sous peu, s'ils veulent revoir les années de prospérité du début de l'industrie sardinière, s'armer pour aller chercher plus au large de leur côte cette éternelle voya- geuse, rester à l'Océan et le jour et la nuit, accepter enfin une nouvelle existence pour laquelle, il est vrai, ils semblent bien peu qualifiés. En tous les cas, le principal inconvénient des pinasses actuelles (1) est de se trouver dans un gros temps continuellement menacées d'être remplies par l'eau ; le taud. cette sorte de toit fait avec une voile soutenue par un màt posé longitudinalement et parallèlement à l'axe de la pinasse, n'em- pêche pas les paquets de mer de se suivre et de s'assembler dans la coque... C'est une protection contre la pluie et contre les lames d'une mer un peu houleuse, mais si une tempête se lève, l'eau « embarquera » par le travers, par la poupe et le taud lui- même, pour si bien tendu qu'il soit, fléchissant sous le poids des masses liquides, ne sera pas une barrière bien efficace con- tre les gerbes d'eau qui retomberont en partie dans l'arrière du bateau. Sur les passes, la lame en brisant submerge l'embarca- tion qui se trouve dans le mouvement de volute et le taud n'a ici aucune utilité, car la violence du choc abat le màt, ainsi que son système de soutien qui est d'ailleurs des plus défectueux. Le moteur, brusquement recouvert par l'eau, s'arrête; l'embar- cation, incapable de gouverner par suite du poids d'eau qui l'alourdit, s'en va à la dérive et, si l'on peut la remettre ou la maintenir à flot, le moteur noyé exige pour pouvoir reprendre sa marche des soins d'une durée de plusieurs heures, bien sou- (1) Certaines embarcations présentent les commandes d'embrayage, d'avance à l'allumage, indépendantes de l'homme qui gouverne, et nécessitent par suite de leur éloignement un marin s'occupant spécialement de la mise en marche de ces organes. ?»ous avons pu, maintes fois, constater les inconvénients d'un pareil système, l'exécution rapide de la manoeuvre nécessaire se trouvant parfois extrê- mement gênée par le bruit du vent et des A^agues. Senl, le pilote peut prévoir et exécuter, en temps voulu, le geste utile deA'ant certains coups dangereux de la lame et pour cela il est nécessaire qu'il puisse modifier lui-même la vitesse du bateau ; le levier d'embrayage et le régulateur de l'avance à l'allumage doivent par conséquent se trouver toujours à sa portée, et s'il confie à un autre le soin de leur manœuvre, le peu de distance qui sépare les deux hommes assurera une précision et une bonne entente que le premier dispositif est incapable de donner. 232 SOCIÉTÉ SCIIÎNTIFIQUE D'aRCACHON vent rendus impossible par le mauvais temps et la délicatesse des opérations. Pourtant il serait possible d'obvier à cet incon- vénient de la manière suivante : les deux pièces annexes du moteur les plus délicates et qui ont tout à redouter d'un contact brutal avec l'eau sont la magnéto (1) et le carburateur. Pour la première, il serait possible de l'isoler ainsi que ses commandes, engrenages, fils, bougie, dans une boite métallique mobile, fixée sur le moteur et dont les joints seraient rendus étanches par la céruse. Pour le carburateur, la prise d'air, au lieu de se trouver libre, serait enfermée dans un réservoir à prise d'air très élevée pouvant s'obturer aisément dans les coups de lame dangereux sans que cette obturalion momentanée puisse nuire à la car- buration. Ce dispositif empêcherait l'absorption de l'eau par le carburateur, et par cela même l'arrêt du moteur. Certains nous objecteront que ces modifications ne sont pas nécessaires et que les bateaux actuels s'en passent fort bien, malgré les coups de lames reçus. A ceci, il nous sera facile de répondre que si certains de ces bateaux n'avaient pas eu les secours immédiats des autres embarcations pour les remorquer loin de l'endroit dangereux, elles se seraient infailliblement perdues; car une embarcation alourdie par l'eau gouverne toujours mal, lorsqu'elle gouverne encore, par conséquent elle est incapable de se défendre à la lame et donne de la bande continuellement. Quant à une manœu- vre de fortune à la rame ou à la voile, elle est absolument vaine et nous ajouterons même impossible dans la presque totalité des cas. Quand à remettre le moteur en marche, il est inutile (1) Certains bateaux ont à leur disposition, en plus de l'allumage par magnéto, l'allumage par accumulateur. Ce dernier n'est, il est vrai, qu'un allumage de faible secours en cas de panne irréparable de la magnéto, car les organes supplé- mentaires qu'il exige : accumulateurs, bobines transformatrices, etc., par leur délicatesse et par leur perte constante d'énergie, ne sont utilisables que dans cer- taines conditions et durant un certain temps; en outre, souvent le moteur éclal)0ussé par l'eau ou sali par la graisse, l'allumage ne se fait pas ou se fait mal. Quoiqu'il en soit, .cet allumage par accumulatexu-, en temps normal plus souple que celui de la magnéto, par les services qu'il peut rendre inopinément, doit exister de pair avec la magnéto dans tout moleur marin utilisant l'allumage électrique. Nous ne par- lerons pas des systèmes d'allumage par brûleurs, tubes incandescents, bien que certains bateaux se servent uniquement de ces appareils, les inconvénients qu'ils présentent ne sont nullement compensés par leurs faibles avantages. L'allumage électrique leur sei'a, en effet, toujours de beaucoup supérieur par la sûreté, la rapidité et la simplicité qu'il présente. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 233 de le tenter avant d'avoir abaissé la hanteur de l'eau à un niveau inférieur h celui de la prise d'eau du carburateur et de la plaque de soutien delà magnéto. Ceci terminé, il faut encore démonter le carburateur, la magnéto, sécher les pièces délicates; si durant ce temps l'embarcation a pu à travers les coups de lames, par ses propres moyens, s'empêcher de sombrer, on peut reconnaître que c'est grâce à un hasard heureux, mais ce serait vraiment un tort de conclure qu'il en serait toujours ainsi. Par le système de protection que nous avons indiqué plus haut, le moteur se trouverait protégé contre les nappes d'eau s'abattant accidentellement sur lui et, .brusquement arrêté, il pourrait reprendre son fonctionnement après une nouvelle mise en marche d'aspiralion et de compression, la carburation (i) et l'allumage étant encore susceptibles de se produire dans les conditions normales. En écrivant ces lignes, nous avons surtout en vue les services que peuvent rendre les moteurs à essence à des pêcheurs ne craignant pas de s'en aller, seuls, la nuit et le jour à l'Océan et de ne compter, en cas de mauvais temps, que sur la solidité de leur embarcation et sur l'énergie de leur carac- tère. Il est malheureusement vrai d'avouer que ces qualités ne sont l'apanage que d'un petit nombre de marins du Bassin et que la majorité, n'osant point aller trop au large et restant toujours assemblée, n'éprouvera guère l'utilité d'avoir un moteur protégé contre les coups de mer et capable de marcher dans des condi- tions dangereuses et même anormales. Cette union sans courage, et souvent sans profit, assure du moins la certitude d'une aide en cas de besoin ; c'est plus qu'il n'en faut évidemment pour (1) Quant aux dangers d'incendLe présentés par les moteurs à essence, ils ont été singulièrement exagérés. Lorsque les réservoirs sont élanclies et les tuyaux parfai- tement ajustés, ce qui doit être de règle dans tout bon moteur, on peut considérer un incendie comme impossible. Nous nous sommes trouvé fréquemment de jour et de nuit avec des marins grands fumeurs, à bord de bateaux utilisant des moteurs à essence, et malgré des vérifications et des manœuvres faites avec des lumières, jamais le moindre accident n'est arrivé. Il est évident que les lumières n'étaient pointa feu nu et que toute flamme libre était éloignée du moteur et des réservoirs à essence. Il serait, en outre, très facile de diminuer les risques d'un incendie à bord en revêtant l'intérieur du bateau aux endroits que l'essence, l'huile et la graisse peuvent "imprégner, d'une mince feuille de tôle ou mieux de cuivre, la propreté du bateau d'abord et la combustion rapide de l'essence ensuite réduiraient l'accident à des dégâts matériels peu importants, pour peu que les per- sonnes à bord fussent susceptibles d'avoir quelque sang-froid. 234 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE u'aRCACHON maintenir le « statu quo ». Mais pour notre part, ayant constaté que certains inconvénients seraient faciles à éviter, nous avons jugé bon de les indiquer : l'initiative de quelques-uns fera le nécessaire, sans nul doute, à ce sujet. Il nous reste maintenant à parler d'une modification que l'on a apportée à l'hélice, modification qui, à notre avis, n'est pas des plus heureuses. Au début, la majorité des moteurs présentait une hélice à deux ailes pliantes qui se mettaient, lors de l'arrêt du moteur, dans une ligne presque droite avec l'axe de l'hélice. Le grand avantage de cette disposition était de permettre une navigation mixte au moteur ou à la voile, car certains jours, avec vent favorable, les embarcations atteignaient et dépassaient parfois la vitesse fournie par le moteur. Ainsi les pécheurs pou- vaient réaliser parfois une économie sérieuse de combustible lorsqu'ils se rendaient sur les lieux de pèche et lorsqu'ils les quittaient. Mais comme une fièvre de vitesse, due surtout à l'orgueil, excitait les marins à réclamer des constructeurs d'auto- mobile tous les perfectionnements possibles, afin d'obtenir pour un moteur donné une vitesse maxima, ces derniers établirent une hélice à trois branches fixes que son origine quelque peu étrangère rendait encore plus séduisante. Evidemment, grâce à cette nouvelle hélice, la vitesse du bateau se trouva augmentée d'une manière sensible, mais non considérable. Quoi qu'il en soit, toutes les préférences des pécheurs lui furent vite acquises et la majorité des armateurs qui n'avaient pas cette hélice se virent obligés de la faire adopter à la place de la première... Qu'un bateau tel qu'un chalutier, un transatlantique, utilise comme force motrice la vapeur et qu'il considère la navigation à la voile comme seulement une aide en cas d'avarie grave, cela se conçoit aisément : la pêche sûre de l'un, le transport sur de l'autre ne créent pas un aléa redoutable dans la balance des profits et pertes, qui sont en quelque sorte connus d'avance. Mais il est loin d'en être de même dans la pêche à la Sardine, où l'incerti- tude des résultats se présente au début de toute tentative : il faut d'abord qu'il y ait des Sardines ; mais les déplacements fré- quents de ce Poisson jettent un point d'interrogation que nul ne peut résoudre bien avant dans l'avenir; ensuite, il est nécessaire de les trouver; la découverte faite, il faut que les Sardines veuillent mailler ou qu'elles soient visibles si on les capture à BULLETIN DE LA STATIOS BIOLOGIQUE 23o la seine tournante; toutes ces conditions sont loin d'etre fré- quentes, et bien souvent le pêcheur rentrera au port avec ses frais d'essence et de rogue qui se renouvelleront plusieurs fois de suite sans que nulle pêche n'amortisse le chiffre croissant des dépenses. Il est donc nécessaire qu'il utilise chaque fois que l'occasion s'en présentera les vents favorables et qu'il consi- dère la voile, non seulement comme le complément, mais encore comme le remplaçant du moteur, lorsqu'il y a équiva- lence dans l'énergie utilisable fournie par ces deux propulseurs. C'est pour ce motif que Ihélice pliante se trouve supérieure à l'hélice à branche fixe qui cause, lorsqu'elle est immobile, un remorquage diminuant la vitesse normale du bateau et l'on ne peut dire que la perte de vitesse ainsi créée est insignifiante, car un simple cordage de quelques mètres jeté à l'eau déter- mine une résistance à la progression parfaitement mesurable et perceplible; dans le cas de l'hélice fixe, cette résistance sera bien plus considérable, puisqu'elle s'exercera non seulement sur toute la longueur des ailes de l'hélice, mais encore sur toute leur surface. En outre, un choc violent contre un corps dur flot- tant entre les eaux ou immergé à demeure peut briser aisément une hélice à branche fixe, tandis qu'une autre hélice à ailes pliantes pourra, lors d'un choc analogue, demeurer intacte ou présenter seulement une avarie légère, l'aile n'ayant point fait résistance. Pour ces divers motifs, l'hélice à ailes pliantes nous semble de beaucoup préférable à l'hélice à aile rigide. L'avenir justifiera sans doute l'opinion avisée de certains armateurs dans un retour à l'ancien système, opinion qui leur a fait garder soigneusement la première hélice pour la remettre à la place de l'héhce à ailes fixes, le jour où l'engouement des pécheurs pour cette dernière sera tombé et où l'incertitude de la pêche exigera moins d'orgueil, mais plus d'esprit pratique. Il est une question intéressante que nous ne pouvons passer sous silence, c'est celle de l'armement d'embarcations de diver- ses grandeurs ; la campagne de pèche de 1908-1909 a donné à ce sujet un enseignement que nul ne peut contester. Lorsque les premières embarcations pour la pèche à la Sardine furent lancées, la plupart des armateurs comme des pêcheurs, incer- tains de l'avenir, n'avaient pas risqué un gros capital, aussi les moteurs utilisés n'excédaient guère, comme force maxima, 236 SOCIÉTÉ SClEiMIFIQUIi d'aRCACHOM 8 chevaux ; toutefois, même à cet époque, certains armateurs ignorants des questions de pêche, mais orgueilleux de leur for- lune, n'hésitèrent point à faire construire des bateaux de force beaucoup plus considérable (1) et, semblant vouloir s'assurer la supériorité sur les autres, ne cessaient de proclamer qu'au fur et à mesure du lancement de bateaux susceptibles d'égaler les leurs, ils feraient mettre sur le chantier d'autres bateaux encore plus rapides. Justice est faite actuellement de ces « gascon- nades ». Leur triomphe fut de bien courte durée, pas même d'une saison ! et actuellement ils sont perdus dans la foule des chalands, des pinasses.... Quoi qu'il en soit, ils ont joué, nous n'hésitons pas à le dire, un rôle des plus néfastes et ils sont moralement responsables de la tendance malheureuse à l'augmen- tation irraisonnée de la vitesse, et parlant de la dépense, pour des embarcations destinées à une pèche incertaine. Ils n'ont même point l'excuse de dire qu'ils ont cédé aux exigences des pêcheurs, car si ceux-ci demandaient les armateurs étaient à leur tour libres d'accorder, et c'était à ces derniers de prévoir qu'une limite s'imposait dans les vitesses à atteindre ; cette limite une fois dépassée, les résultats de la pêche, quels qu'ils fussent, n'étaient plus susceptibles d'amortir les dépenses et d'assurer un rapport convenable aux marins et à l'armateur lui- même. Il s'agissait d'une spéculation et non d'un match de vitesse qui en l'occurrence était absolument ridicule, la rapidité d'un bateau n'ayant par suite des nouveaux armements qu'une valeur éphémère : le premier d'aujourd'hui, le dernier de demain. Ce n'est pas tout encore ; si à une dépense de combus- tible du double, du triple, du quadruple correspondait une vitesse double, triple, quadruple, ces tentatives seraient jus- tifiées, mais il est loin dcn être ainsi. Un moteur de J6 che- vaux n'a jamais donné, dans des conditions analogues, une vitesse double de celle d'un moteur de 8 chevaux et ce n'est (1) Il nous est impossible d'indiquer les tonnages de ces diverses embarcations ; ceux-ci en effet, ayant subi une série de Aariations qui entraînerait une confusion certaine, nous préférons rester dans les termes vagues de grande et moyenne embarcation ; nous limiterons pourtant cette imprécision en disant que les embar- cations moyennes, sont caractérisées pour nous par des moteurs de o à 12 HP elles grandes embarcations par des moteurs excédant 12 HP. Celle indication sera suffi- sante, puisqu'elle permettra d'établir assez aisément un chiffre non douteux de dépenses minima. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 237 qu'au bout de plusieurs heures que le nombre de milles qui sépare les deux embarcations peut atteindre une certaine impor- tance, mais durant ce temps la consommation d'essence (1) du premier aura doublé au moins par rapport à celle du second. Si l'on objecte que le premier bateau pourra arriver plus tôt sur la région de pèche et en repartir plus tard, que par consé- quent il a plus de chances de réussite dans sa pèche, nous reconnaîtrons volontiers que théoriquement il peut en être ainsi, mais en réalité le résultat de la pèche donne très souvent un démenti brutal à une hypothèse un peu trop optimiste. Tout d'abord, il suffira à l'équipage de l'embarcation de 8 chevaux de partir quelques heures plus tôt que le second équipage, pour arriver sur la région de pêche non seulement en même temps, mais encore avant lui. Quant au départ, la volonté de chacun en règle l'heure et la vitesse de l'embarcation ne joue à ce sujet qu'un rôle des plus indifférents. Sur la région de pêche, une embarcation eùt-ellc plus de 100 chevaux de force, est obligée d'attendre, comme une barque de deux rameurs, le bon plaisir des Sardines ; ce bon plaisir peut fort bien ne pas lui être favorable et l'être au contraire à sa voisine. Mais enfin admettons qu'il le soit et que l'embarcation de 16 chevaux arrive, grâce à sa vitesse, la première au port, chargée de Sar- dines ; elle aura évidemment preneur pour un certain prix, qui peut aussi bien être le maximum de la journée que la moyenne, ou le prix le plus faible, suivant qu'il y aura beaucoup pu peu de Sardines apportées après lui ; son seul avantage sera la vente (1) La consommation d'essence fl'iin molenr dépend d'un très grand nombre de condillons. En effet, un moteur d'un nombre >' de cbevaux pourra dépenser plus ou moins d'essence qu'un moteur d'éj^ale force, d'un même nombre N de che- A^aux. Bien que le carburateur ne joue qu'un rôle bien secondaire dans la dépense, on peut au moins régulariser son débit par divej."S dispositifs. En outre, une avance exagérée, et par conséquent inutile, à l'allumage entraine une dépense superflue d'essence; il est donc difficile, aA^ec tous ces facteurs divers, d'établir un cbiffre absolu de consommation minima d'essence par moteur. A notre avis, un moteur, et certains actuellement en plein service se tiennent dans ces proportions, ne dépensant qu'un demi-litre d'essence par ciieval et par lieure peut être couLii- déré comme ayant une consommation des plus raisonnables. D'ailleurs ce cliiifre se rapproche beaucoup de la consommation Ibéorique, ainsi que le dit René Gham- ply, dans un de ses excellents ouvrages : « La consommation d'essence d'un bon moteur est d'environ 4 à 6 décilitres d'essence ou de pétrole et de 6 à 7 décilitres d'alcool par cheval-heure. Le moteur consomme davantage quand il est froid, il convient de le maintenir pendant la marche à environ 7o degrés centigrades. » in 238 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACIION à peu près assurée de son stock de Poissons; mais là se borne le bénéfice certain. Il y aurait môme un inconvénient à cette arrivée rapide; en elfet, les acheteurs ayant constaté que la journée, par suite dos pèches des jours précédents, est suscep- tible de donner un bon résultat, n'ont aucun motif d'établir un prix élevé immédiatement, il est au contraire dans leur intérêt d'offrir un prix minima qui leur permettra de ne pas acheter cher du Poisson qu'ils sont susceptibles d'avoir peu après en grande quantité et très bon marché ; et si, par hasard, les résul- tats de la pèche sont au-dessous de ce que l'on supposait, ce seront les derniers pécheurs arrivés qui bénéficieront d'une plus- value dans les prix. D'ailleurs, les directeurs d'usines de con- serves n'ont aucun motif d'établir des fluctuations excessives dans les prix ; la Sardine est taxée suivant sa valeur commer- ciale et l'arrivée plus ou moins rapide du Poisson n'a d'intérêt pour eux que si elle leur assure une meilleure conservation de la pèche. Nous verrons plus loin que les moteurs de grande vitesse à ce sujet ne sont pas supérieurs à ceux de moindre ren- dement. En outre, comme dans certaines périodes, par suite de l'impossibilité des expéditions, les directeurs d'usines sont les maitres du marché, leur bon sens commercial leur fait établir un prix que leur intelligente entente assure général et à peu près constant. Quant à dire qu'une vitesse plus grande assure la vente totale du Poisson, c'est vendre la peau de l'ours bien avant qu'il ne soit mort: il faut, en effet, capturer ce Poisson; il faut que toutes les pèches soient faites au même moment et que la quantité de Poisson pris soit supérieure au nombre de celui qui peut être utilisé, éventualité possible, nous le reconnaissons, mais en tout cas bien rare et qui n'est jamais de longue durée. Devant une pareille abondance, des débouchés nouveaux ne tar- dent pas à se créer. Les usines rapidement établies sur le bord du Bassin d'Arcachon en sont une preuve éclatante. A une augmentation de la vitesse des moteurs devait fatale- m.ent correspondre un bateau plus grand, avec plus d'hommes d'écjuipage, de manière à diminuer les frais par des pèches plus rémunératrices. On conçoit qu'avec des déductions pareilles il était inévitable d'aboutir à un résultat des moins brillants. En effet, on ne peut le répéter assez souvent, la pêche à la Sardine est, de toutes les pèches, celle qui présente le plus d'aléas et BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 239 pour laquelle il est de loute nécessité de réduire les frais au strict minimum. Examinons, maintenant que nous connaissons les avantages (f) d'une grande vitesse, quels peuvent être ceux de l'augmentation du nombre des. hommes de l'équipage. Gomme pour, une embar- cation donnée, une certaine force motrice ne doit pas être dépassée, sinon en marche l'cmljarcation « s'enfonce » dans l'eau encore davantage, il a fallu augmenter le tonnage du bateau, d'où plus de place à bord ; cette place ne pouvait demeurer inutilisée, car il y avait une augmentation certaine de dépenses qu'il fallait — pour ramener au taux ordinaire des frais — faire supporter à un plus grand nombre d'hommes. Alors l'équipage de cinq hommes s'éleva à sept et même à neuf, avec deux, trois ou quatre canots supplémentaires. Si les Sardines maillent, le total de milliers de Sardines se trouve évidemment plus considérable que lorsqu'il y avait seulement à bord cinq hommes et trois canots de pèche. Mais il ne faudrait pas en conclure que le résultat de la pêche se trouve en rapport étroit avec le nom- bre de pêcheurs de l'embarcation ; ce résultat, lors même que la Sardine cesse de mailler, se trouve en effet limité par le nombre de filets, qui ne peuvent excéder un certain chiffre, déterminé par la place disponible à bord. Une fois ces filets, barils de rogue, canots, moteurs, hommes dans l'embarcation, il ne reste plus qu'une surface restreinte pour «tamiser» les Sardines et les placer ensuite. C'est ici qu'apparaît un inconvé- nient sérieux de grandes embarcations. Durant les journées chaudes, les milliers de Sardines entassées les unes sur les autres ne tardent point à fermenter et à s'altérer : or cette altération est d'autant plus rapide et profonde que le nombre des Glupes est plus considérable. Les grandes embarcations sont donc celles qui réalisent le mieux cette condition désavanta- geuse; on a essayé de mettre les Sardines dans des petites caisses de bois à claire- voie, le résultat a été favorable; mais ce procédé présente le grand inconvénient d'être encombrant, et par cela même ne pourra être utilisé les jours de pèches intenses pour toutes les Sardines. Il ne serait pas non plus très difficile de créer un produit conservateur, non toxique; mais ce serait encore une augmentation des frais. En résumé, ces divers procédés ne seront jamais que les faibles palliatifs 240 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON d'un inconvénient qu'ils ne feront jamais disparaître complète- ment et les embarcations de taille moyenne et de prise moyenne, en employant les mômes systèmes de protection, apporteront un Poisson plus frais, par conséquent plus vendable, susceptible d'atteindre un meilleur prix que celui fourni par les grandes embarcations. Si nous considérons les périodes durant lesquelles les Sardines, soumises à des influences diverses, travaillent d'une manière inégale, les résultats vont être encore plus désas- treux pour les grandes embarcations. Que les passes du Bassin d'Arcachon, par suite d'une houle de fond violente, brisent d'une manière continue, sans « embellie » d'une durée satisfaisante pour pouvoir franchir sans risque le passage dangereux, les embarcations de 15 et de 20 chevaux, par exemple, vont avoir une dépense immédiate de combustible double de celle de l'embarcation de 8 et 10 chevaux. Or cet état de la passe peut se présenter durant plusieurs jours avec une mer très belle, des journées splendides, et le Bassin d'Arcachon sans la moindre ride : mais il faut aller dans les parages des passes pour constater d'une manière certaine si l'on doit rester ou sortir (1); et s'abstenir de quitter le port, c'est courir le risque de voir à la marée montante les autres pécheurs revenir chargés de poissons. Tant qu'il existe des probabilités de « sortie » possible, il est donc nécessaire de les tenter et si ces tentatives sont infruc- tueuses plusieurs jours de suite, les frais de déplacement s'accumuleront de plus en plus, grevant déjà les l)énél"ices futurs plus ou moins lourdement, suivant l'importance de l'em- barcation. Admettons maintenant que l'embarcation puisse sortir, qu'elle mette à l'eau ses canots et ses filets et que la Sardine ne «maille» pas; à la fin de la journée, l'embarcation de 20 chevaux aura au moins 100 francs de frais et celle de 8 chevaux n'aura guère plus de 50 francs : dans cette tentative, ce qui se trouvera le plus coûteux, ce ne sera pas tant l'essence utilisée que la rogue qui aura été jetée et l'on peut dire qu'il y a d'autant plus de rogue jetée que le Poisson maille mal, la réciproque étant d'ailleurs parfaitement vraie. Si, durant plusieurs (1) Il est possible de savoir, dès les bancs de Bernet, si la mer est « forte » ou non, par certaines lames de fond dont la répercussion s'étend jusqu'à cette région mais on ne peut rien en conclure sur la possibilité ou rinipos.îibililé de francbir les passes. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ BIOLOGIQUE 241 jours, les mêmes résultats se renouvellent, l'augmentation des frais forcera les pécheurs à rester au port (1), des discussions naîtront entre les marins, puis entre les marins et l'armateur et presqu'inévitablement le remplacement, toujours difficile, de l'équipage sera la solution d'uu conflit dans lequel l'armateur n'aura eu que des ennuis, s'il n"a pas eu à solder des frais inattendus. Lors môme que certaines journées auront donné de bonnes pêches, il ne sera pas rare de voir, après les diverses dépenses payées, une somme de quelques dizaines de francs à partager, comme béuéfices, entre l'équipage et l'armateur d'une grande embarcation, alors que le même bénéfice pourra s'élever pour chaque homme à plus de 100 francs dans une embarcation de moindre importance. Si l'on objecte que certains jours, par suite de la pénurie de Poisson, une pèche « miraculeuse » rappor- tera une somme assez considérable, il est facile de répondre que toute embarcation, quel que soit son tonnage, est dans des conditions identiques et qu'une pareille hypothèse va à l'encontre des faits habituels: il faut tout d'abord, en effet, que la pêche n'ait eu depuis plusieurs jours que des résultats insignifiants, or dans ces conditions les frais se sont accrus incessamment et nul n'est autorisé à dire qu'une chance particulière favorisera soudai- nement une embarcation plutôt qu'une autre. Si, théoriquement, un plus ou moins grand nombre de canots accroît les probabilités de réussite, il se trouve que, pratiquement, ces probabilités durant l'hiver sont plutôt nettement dans le sens des pêches défavorables que dans le sens contraire : par cela même, la brillante réussite d'un jour court le risque d'être ramenée à presque rien par les mauvaises pêches des jours précédents et des jours à venir, quand les frais se trouveront dépasser le strict minimum, ce qui est le cas pour les grandes embarcations. Espérer de brillantes pêches, lorsque les conditions sont désa- vantageuses à tous, nous semble aussi déraisonnable que l'espoir (1) Nalurellement, un pécheur st'Ticux Icra peu de dépense de rogne quand il verra que la Sardine n'est pas du tout disposée à « travailler » et que les conditions ne sont point favorables à la pèche ; mais il suffira d'une activité quasi individuelle et de courte durée de la Sardine pour entraîner le pêcheur à jeter une grande quantité de rogue, dans l'espérance de voir le banc mailler. Mais celle espérance est fréquemment déçue à la fin de la journée, devant le résultat des plus insigni- fiants de la pêche. 242 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON d'un spéculateur peu fortuné qui donnerait sa préférence et achèterait en Bourse des valeurs ne présentant aucune stabilité et sur lesquelles il n'aurait aucun renseignement, sous le prétexte qu'elles peuvent atteindre une hausse considérable... et encore dans ces cas aurait-il comme excuse que la hausse et la baisse des valeurs pécuniaires ne suivent pas toujours les lois de la raison et qu'une fin heureuse peut justifier parfois un principe hasardeux. Mais il ne peut en être de même pour un armateur, qui en agissant ainsi prouverait qu'il ose espérer un rapport certain de ses bateaux lorsque ceux-ci se trouveront dans des conditions oii justement les résultats de la pèche sont à la fois des plus incertains et des plus précaires. Nous n'avons aussi longuement discuté cette question que pour mettre en garde les armateurs d'autres régions contre un engouement momentané pour les grandes vitesses et pour les grands bateaux (1) destinés à pratiquer la pêche à la Sardine, En résumé, à notre avis, les bateaux à moteurs susceptibles d'atteindre entre 8 et 9 nœuds à l'heure contre des courants de vitesse moyenne et montés par cinq hommes d'équipage, avec trois doris auxiliaires, sont dans les conditions actuelles de (1) Loin de nous ridée que les grands bateaux sont sans utilité réelle pour la pèclie à la Sardine, car nous ne parlons ici que des bateaux de quelques tonneaux, tels qu'ils sont actuellement armés pour cette pèche. Kous pensons que ces arme- ments partiels, où toutes les classes de la société ont coopéré, n'auront qu'une durée momentanée et qu'ils seront, au contraire, supplantés par des conceptions plus hardies de particuliers riches ou de sociétés puissan tes qui centraliseront pour une proiluction p!us intense toutes ces forces éparpillées pour qui lejmanque d'union est parfois une cause de longue stérililé. Mais, à noire avis, ce ne sera pas la simple augmentation du tonnage qui jouera un rôle avantageux dans cette question. On a pu juger, en 1907, de quelle valeur sont pour la pêche à la Sardine les grands bateaux de quelque importance qu'ils soient, lorsque leur seul but est d'embarquer un grand nombre d'hommes et de doris auxiliaires. Les grands bateaux amont seulement sur les autres de sérieux avantages lorsqu'ils disposeront d'un matériel leur assurant sinon l'utilisation immédiate de la pècbe, du moins une conservation certaine durant un laps de temps de plusieurs jours. Or, et comme l'a dit excellemment le professeur Kunsller : « Dans l'industrie de la pèche, comme il en est de presque toutes les industries, l'individualisme est menacé d'une disparition plus ou moins imminente, au bénéfice de groupements collectifs plus capables d'engendrer les grands efforts rendus indispensables par une universelle et implacable lutte pour l'existence et plus aptes à communiquer cette force de résistance qui devient de plus en plus nécessaire à tout et à tous. Les tentatives individuelles sont fatalement dépourvues de l'ampleur désirable : elles ne sont ((ue rarement caractérisées par une continuité d'action suffisante. » BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 243 pèche à la Sardine les mieux disposés pour être d'un rapport satisfaisant à la fois pour l'armateur et les pécheurs. Si une augmentation de vitesse devenait nécessaire, par suite d'un déplacement à grande amplitude des bancs de Sardines, cette augmentation devrait être atteinte au détriment des hommes de l'équipage dont le chiffre de cinq pourrait être abaissé à quatre ou même à trois, avec réduction semblable du nombre des doris, qui pourrait ne plus être que de deux ou d'une. Naturellement, le tonnage et la grandeur totale du bateau devraient subir une diminution en rapport avec ces diverses modi- fications, mais il ne faudrait pas non plus les abaisser au-dessous de certaines limites fournies par l'expérience, à partir desquelles la force de progression donnée par le moteur se transforme inu- tilement en force de pénétration dans les couches plus profondes de l'eau. A ces seules conditions il sera possible aux armateurs et aux pêcheurs de Sardines de supporter les périodes de chô- mage et de mauvaises pêches, sans se trouver dans l'obligation de désarmer prématurément, après quelques jours de pêche peu rémunératrice. Une pareille mesure est, en effet, préjudiciable à l'intérêt de tous et il est nécessaire de s'efforcer d'en reculer le plus possible l'échéance; c'est pour ne pas l'avoir compris assez tôt que les armateurs et pêcheurs du Bassin d'Arcachon ont vu la campagne de pèche de 1908-1909 de beaucoup infé- rieure à toutes celles qui l'avaient précédée. Et l'on peut prévoir, sans crainte d'erreur, que si les procédés de pêche ne se modi- fient point, d'autres années, et elles seront nombreuses, auront des résultats pour le moins aussi médiocres. Avant de terminer ce paragraphe, il est nécessaire de dire quelques mots sur un système de propulsion qui, peut-être, dans l'avenir rendra de sérieux services à la pêche à la Sardine. Nous voulons parler des propulseurs-pompes, c'est-à-dire de moteurs utilisant les pompes rotatrices, ordinaires ou centrifuges, par conséquent plus spéciales, pour aspirer l'eau à l'avant et à l'arrière du bateau, suivant le sens de la marche. Les avantages d'un pareil système ont déjà été indiqués par René Champly : « L'installation dans un bateau dun propulseur-pompe est plus facile que celle d'une hélice, puisqu'il ne comporte que le place- ment du moteur et de la pompe accouplés et de tuyaux placés à fond de cale. Pas de transmission, pas de traversée de la coque 244 SOCIÉTÉ SCIEiNTIFlQUE d'aRCACHON dans le tube d'étambot, pas de cage d'hélice, aucun mécanisme extérieur; tels sont, a priori, les avantages du propulseur- pompe. Ils paraissent assez grands pour inciter les chercheurs à amener ce procédé au degré de perfection nécessaire. » En outre, la suppression de l'hélice aurait plusieurs avantages : d'abord l'inutilité de la suspension à la cardau dans les bateaux dont riiélice s'abaisse ou s'élève et une navigation plus sûre : il n'y aurait plus à redouter la rupture de l'hélice ou de ses organes annexes, extérieurs à l'embarcation, par suite d'un choc contre un corps immergé et de cette suppression résulterait une aisance plus grande dnns la navigation mixte à la voile, dans le cas où le bateau aurait utilisé jusque là une hélice h ailes fixes. Enfin le grand avantage de ce procédé consisterait surtout en ce que le bateau porteur des cloris pourrait prendre une part effective à la pêche quand les conditions l'exigeraient. Actuelle- ment les chalands ne peuvent pêcher et leur rôle consiste à porter de la rogue et des filets aux canots en pêche, lorsqu'ils sont à l'Océan. C'est pour ce motif que certains marins persis- tent à vouloir des pinasses plu tôt que des chalands, sous le prétexte que les premières peuvent pêcher avec quelques rameurs à bord, alors que le chaland en est incapable. Toutefois il est juste de reconnaître que bien souvent les conditions atmosphériques et l'état de la mer font de la pinasse l'égale du chaland, avec le manque de sécurité en plus, dû à l'absence de pontage. Avec le propulseur-pompe, il n'en serait plus de même. Tout bateau, quel que fût son tonnage, pourrait pêcher et il pourrait même tenir son filet dans une merde vent, alors que la progression par rames devient difficile sinon impossible. Tl n'aurait point à redou- ter de voir non seulement son filet « aspiré w et déchiré par le mouvement de l'hélice, ce qui à la rigueur peut être évité, mais surtout il n'y aurait point ce mouvement créé dans l'eau par l'hélice et qui chasse, presque aussi sûrement qu'une troupe de Marsouins, les bancs de Sardines. Actuellement, cette question est encore plus du domaine de la théorie que de la pratique, mais il serait à désirer que des tentatives sérieuses fussent faites dans un sens déterminé, par des personnes compétentes, et que la question pécuniaire n'entravât point dans son essor une con- ception qui mérite mieux qu'une simple mention. BULLETliN DE LA STATION BIOLOGIQUE 245 Pécheurs, Armateurs, Usiniers Nous savons d'avance que les lignes qui vont suivre n'auront pas l'heur de plaire à certains ; mais cela nous importe fort peu, car notre intention n'est point de flatter, mais de représenter la situation actuelle sous ses véritables couleurs. Comme nous ne sommes lié par aucun intérêt commercial et par aucun intérêt politique, nous pouvons dire hautement ce que d'autres n'osent que penser.... silencieusement. Si quelques personnes ont trouvé que jusqu'ici nous ne parlons pas du marin avec assez de dithyrambes, nous leur répondrons qu'ayant eu depuis de nombreuses années l'occasion de vivre en rapport étroit avec eux, nous avons constaté que bien souvent les éloges (( littéraires » qui leur étaient faits outrepassaient la mesure. Ce n'est point un motif, à notre avis, parce qu'un homme est un marin pour qu'on lui accorde des qualités qui ne sont l'apanage que de quelques-uns parmi eux, courage, énergie, générosité, esprit de sacrifice, et combien d'autres encore. Le mineur, à genoux, sous la faible lueur de sa lampe, creuse un roc qui à chaque pas peut devenir son tombeau, a un métier aussi et même parfois plus pénible que celui du pécheur et il ne peut espérer à aucun moment de ces coups de fortune qui apporteront chez lui, sinon la richesse, du moins l'aisance pour quelque temps. Les deuils que crée parfois l'Océan sont après tout les risques inévitables que présentent tous les métiers, et l'homme qu'une vague engloutit ne connaît point les heures douloureuses des lentes agonies sans espoir. Il est des métiers plus obscurs et pourtant plus nécessaires encore que celui de bien des marins, faits de labeurs pénibles, tous les jours recommencés et qu'une heure peut détruire, métiers que Musset glorifia à jamais dans un vers d'une ironie puissante : « On voit des fainéants qui labourent la terre. » Il nous parait bien injuste, par suite d'une sensiblerie dépla- cée, d'excuser chez certains individus des défauts qui à 30 kilo- mètres plus avant dans les terres seront jugés vices impardon- nables. Il ne faut donc pas s'étonner de ne point trouver sous 246 SOCIIiTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON notre plume de semblables complaisances. Qu'on ne croie point pour cela que nous ayons recherché spécialement des fails défavorables; au contraire, il en est de graves que nous passons volontairement sous silence, nous les réservons pour le cas où certains, pris d'une ardeur combative imposée plus, peut-être, par les circonstances et leur « situation » que par un zèle véri- table, voudraient partir en guerre contre des vérités pénibles à entendre. Comme il ne nous semble pas douteux que d'aucuns modi- fieraient volontiers ce que nous venons de dire et concluraient à une généralité sans exception, nous nous trouvons dans l'obli- gation de préciser davantage notre opinion. Nous avons, en effet, rencontré dans le Bassin d'Arcachon, puisque nous par- lons surtout de cette région, de vrais marins, dont les qualités de courage, de dévouement, d'énergie méritent tous les éloges. Certains de ces marins, qui s'en allaient encore, il y a quelques années à peine, chercher à l'Océan les bancs de Sardines en ramant nuit et jour, sont les dignes descendants des pêcheurs de jadis, qui ne craignaient point de demeurer au large, dans leur embarcation à claire-voie non pontée, lorsque les ouragans fermaient la passe. Mais, parfois, devant l'arrogance d'une géné- ration plus jeune, bon nombre de ces marins ont abandonné leur ancien métier, que le bateau à moteur rendait accessible à tous. En outre, depuis des siècles, le littoral du Bassin d'Arca- chon a été envahi par des populations étrangères et les croise- ments inévitables ont alangui une énergie que la douceur du climat avait déjà sensiblement affaibhe. Dans l'âge d'or de l'industrie ostréicole, des éléments « terriens » venus des Landes se sont immiscés et ils ne furent point des revivifiants. De plus, la femme, par l'aide qu'elle apporte dans les travaux mari- times des parcs, s'est trouvée appelée à vivre trop souvent de la vie des marins : par son exemple, elle a enseigné la crainte et, qui pis est, les défaillances. Tous ces éléments déprimants réunis ont agi sur la race actuelle et l'ont faite ce qu'elle est. Force donc nous a été de ne pas tenir compte des exceptions qui se sont effacées, submergées par le grand nombre de ceux qui n'ont guère de marin.... que le nom. C'est de la majorité que nous entendons parler, en rendant tou- tefois à la minorité d'élite qui existe l'hommage qui lui est dû. BULLETIiV DE LA STATION BIOLOGIQUE 24/ Une des plus grandes fautes qui ait été faite dans l'arnienient des bateaux à moteur pour la pêclie à la Sardine a consisté dans le mode de recrutement de l'équipage. Quand le bateau était sur le chantier, l'armateur trouvait assez facilement, surtout dans les débuts de l'industrie sardinière, un marin qui s'enga- geait à recruter parmi ses parents ou amis les hommes néces- saires à l'équipage. Souvent même, les marins étaient retenus avant la mise en construction du bateau. Mais tous ces enga- gements étaient exclusivement verbaux et nul écrit ne liait les parties contractantes. Dans certaines régions où le respect de la parole donnée a force de loi, un écrit serait sans grande utilité, mais sur le littoral du Bassin d'Arcachon il n'en est nullement de tyiéme. Pour beaucoup, en effet, dès qu'il peut être préjudiciable de tenir sa parole, on l'oublie ou délibé- rément on s'en dégage par un faux-fuyant quelconque. C'est ainsi que certains armateurs, trop confiants, firent construire des bateaux de la force motrice et du tonnage demandés par leurs marins et virent ces derniers, parfois après quelques jours de pêche, leur faire part de leur intention de les quitter sous des prétextes divers : ou le bateau ne marchait pas assez, ou le moteur dépensait trop, ou des conditions meilleures leur étaient proposées ailleurs. Il fallait donc que l'armateur cherchât un nouvel équipage ou se décidât à faire des concessions plus ou moins importantes. Si, en effet, lors des débuts des bateaux à moteur, les premiers armateurs purent faire une sélection parmi ces équipages, cette situation fut de courte durée, cardes que le grand public eut connaissance du fort rapport de ces bateaux, presque tous ceux qui disposaient dans le pays de 3, 4 ou 5.000 francs, même en se privant, n'hésitèrent pas à les engager dans la construction d'un bateau, convaincus d'avance que la fortune leur était désormais acquise. Du moment que toutes les classes de la société s'étaient lan- cées dans cette spéculation, il fallait s'attendre à des procédés peu corrects de la part de certains armateurs : ceux-ci n'y manquèrent pas. En effet, lorsque de bons pêcheurs se trouvaient engagés à bord d'un autre bateau, ces armateurs leur conseil- laient de le quitter et, pour cela, ils offraient un embarquement à leur bord dans des conditions meilleures que celles qui étaient faites à ces pêcheurs jusqu'alors. Il est vrai que s'ils arrivaient 248 SOCIÉTÉ SCIE,^TIF1QUE u'aRCACHON à leurs fins, les conditions d'abord offertes n'étaient pas toujours tenues. Evidemment, la classe sociale à laquelle certains de ces armateurs appartenaient atténuait beaucoup la responsabilité morale de pareilles incorrections commises, d'ailleurs, d'une ma- nière plutôt cachée. Mais le résultat n'en était pas moins déplorable pour tous les propriétaires de bateaux. Les équipages, en effet, sûrs de trouver un embarquement quand il leur plairait, n'hési- tèrent plus à poser leurs conditions et ces conditions, en l'occur- rence, étaient parfois un véritable «chantage», puisque l'arma- teur se trouvait presque toujours dans l'obligation de céder, car, même habitant le pays, il lui était difficile de recruter un nouvel équipage, le nombre de vrais pécheurs disponibles étant inférieur à celui des embarcations. Si cet armateur ne s'inclinait point devant les volontés mauifestées, son bateau restait au port jusqu'au jour où un nouvel équipage le prenait; mais ce «repos forcé» pouvait être de longue durée, car la réputation qui était alors faite à l'armateur rendait hésitants les marins désireux de s'embarquer: c'était parfois une véritable mise à l'index. L'on conçoit sans peine combien elle pouvait être préjudiciable à tous ceux parmi les armateurs qui n'habitaient point la région. Certains même, mécontents dès les premiers résultats, préférèrent vendre à vil prix une embarcation qui n'avait été pour eux qu'une cause d'ennuis et de dépenses. Et ce qu'il y a de plus étrange dans la conduite de ces pécheurs, c'est que de nombreux armateurs ne s'étaient décidés à se lancer dans cette spéculation que sur les conseils et les demandes réitérées des premiers qui leur faisaient espérer des revenus splendides et un « dévouement à toute épreuve »... Quelques mois après, bien avant que la mise de fonds n'ait été récupérée, ces mêmes pêcheurs réclamaient, exigeaient plutôt, des conditions nouvelles et toutes autres que celles qui avaient été établies lors du lancement du bateau. Si des contrats écrits avaient lié l'armateur et les marins, en établissant de part et d'autre des conventions intangibles, il eût été moins facile pour ces derniers de ne point tenir leur parole: l'armateur eût été assuré que ces pêcheurs resteraient à bord du bateau qui avait été construit à leur intention et que des exigences nouvelles ne lui seraient point sans cesse imposées. On objectera que l'armateur gardait aussi toute sa liberté et qu'il lui était aisé de « débarquer » un ou plusieurs hommes de son équipage, quand BULLETIN DE LA STATIOiN BIOLOGIQUE 249 il avait un motif de mécontentement; mais cet avantage est bien insignifiant si l'on considère qu'avec un contrat rationnellement établi et accepté en parfaite connaissance, l'armateur pas plus que le marin ne doivent et ne peuvent avoir de griefs l'un contre l'autre. Il suffisait pour cela de ne laisser aucune ambiguïté dans les diverses clauses ; les intérêts de chacun se trouvaient ainsi sauvegardés. L'équipage n'avai-è point à redou- ter d'être supplanté et l'armateur était sûr que durant un certain temps son bateau serait utilisé et à des conditions précises. Il est un autre fait où la nécessité d'un contrat s'imposait : c'était pour certaines réparations du moteur. Il était de règle, en effet, que toutes les avaries du moteur fussent supportées exclu- sivement par l'armateur. Cette condition est acceptable lorsqu'il s'agit d'une rupture d'une pièce ou d'une avarie quelconque qu'aucune précaution n'eût pu éviter, mais elle devient incom- préhensible quand la cause de cette avarie est imputable au manque de soins où à la mauvaise volonté de ceux qui sont à bord. Nous allons en donner une preuve. La pompe de circula- tion d'eau pour le refroidissement du moteur se trouve parfois obstruée par le sable ou des matières étrangères, par conséquent elle est incapable de remplir son but; un nettoyage de quelques minutes suffit pour tout remettre en état. Nous avons vu des marins dont les moteurs étaient ainsi «gênés» ne se décider à les arrêter et à faire le nécessaire que lorsque les craquements de la fonte et la diminution de vitesse du moteur tout entier exigeaient une réparation immédiate. D'autres fois, c'est le bateau lancé en pleine vitesse et sans aucune attention dans les parages où les cages à tuiles (1), par exemple, peuvent causer une avarie plus ou moins grave à l'hélice et aux pièces annexes extérieures au bateau. Enfin, ce qu'il y a de plus fréquent, c'est le manque de soins pour le graissage du moteur, entraînant réchauffement, l'usure prématurée des têtes de bielle, des seg- ments du cylindre, de l'arbre de couche sur ses divers paliers. Les constructeurs se sont bien efforcés, connaissant «l'état d'àme» des marins pour celle question de graissage, de simplifier le (1) On appelle ainsi des sortes de cages eu bais placées habituellement en bordure des chenaux, renfermant des tuiles enduites de chaux sur lesquelles les larves véligères des Huîtres viennent se fixer après la ponte des Huîtres mères. 250 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON travail par des graisseurs automatiques, mais la surveillance de riiomme est et sera toujours nécessaire, du moins par moment. Evidemment, ces marins peu soigneux ne vont pas encore jusqu'à employer la poudre d'émeri qui assure h certains chauf- feurs un respectable «fond secret», mais leur insouciance finit par devenir coûteuse à l'armateur qui voit une grande partie, sinon la totalité de ses bénéfices, absorbée par des réparations trop fréquemment renouvelées. A notre avis, il eût été juste que toute avarie où la faute de l'équipage se trouve nettement éta- blie fût supportée, non par l'armateur seul, mais par tout l'équipage dans les proportions qui réglaient les parts de béné- fices. Gela seul eût été capable de modérer l'insouciance de certains pécheurs que nous avons entendu bien souvent résumée dans celte phrase : « Oh ! ce moteur est gagné, il est temps qu'on en mette un autre à sa place ! » ou bien encore : « L'arma- teur est riche, il peut bien payer les réparations, le tort ne sera pas grand». Agréable opinion pour celui qui, ayant sacrifié quelques milliers de francs dans la construction d'un bateau, se voit dans l'obligation de faire un nouvel armement, alors môme que la pèche ne lui a pas encore rapporté le capital engagé avec un revenu minimum assuré par un égal dépôt de fonds en rente sur l'Etat. Evidemment, certains armateurs ont pu, en un laps de temps très court, «gagner leur embarcation». Mais ces «heureux» sont la minorité, bien que les marins ne cessent de citer leurs noms quand ils essaient de convaincre une personne sceptique de l'excellence du placement qui consiste à armer un bateau pour la pêche à la Sardine. Les seuls arma- teurs qui sont rentrés actuellement intégralement dans leur mise de fonds sont ceux qui eurent leur bateau en marche dès le début de l'industrie sardinière ; une embarcation pouvait alors en une journée gagner aisément plus de oOO francs ; mais les taux de vente, depuis longtemps, ont cessé d'être les mêmes. En effet, systématiquement pour ainsi dire, bon nombre de pêcheurs, d'accord il est vrai avec leurs armateurs « prêts à devenir borgnes à la condition que leur voisin devint aveugle», ont avili les prix en allant à la pèche les jours fériés, par exemple, et en encombrant le marché d'un stock de poissons qu'ils savaient parfois ne pouvoir être que très difficilement utilisé. Ainsi, alors qu'en octobre-novembre 1907 le mille de Sardines atteignait BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 251 jusqu'à 70 francs, il n'était déjà plus, en octobre 1908, que de 15 francs et, fréquemment, le cours était encore plus bas (1). Si les armateurs de la première heure n'ont eu qu'à se louer du sacrifice consenti, il est certain que beaucoup de ceux qui les ont imités plus tard, et sans réflexion, le regretteront amèrement. Il est enfin un fait (2) que nous ne pouvons passer sous silence et dont les résultats auraient été sans grande impor- tance pour l'armateur, s'il avait pu se couvrir par un contrat d'engagement d'une certaine durée. Voici, en quelques mots, ce dont il s'agit. Lors du règlement de comptes il était prélevé, sur les sommes provenant de la vente du Poisson, l'argent nécessaire pour couvrir les frais d'essence, de rogue, d'huile et de graisse. Certains armateurs prenaient cet argent et ensuite soldaient directement les notes ; d'autres s'en remettaient à un homme de l'équipage qui acquittait les factures; il n'y aA^ait donc pas de malentendu possible. Mais certains marins, peu scrupuleux, on ne peut les qualifier autrement, gardaient pour eux les sommes destinées au paiement des barils de rogue et des caisses d'essence. Les fournisseurs n'étant plus payés, et ayant parfois plusieurs milliers de francs en souffrance, se retournèrent Acrs les armateurs. Et pour éviter le renouvelle- ment de faits analogues (3), le 28 février 1909, le Syndicat des 1 Le relèvenipiit que les prix semblent avoir sulii en 19D8-1909 esl dû à la pi'nurie des pèches. Devant les désarmements continuels des équipages, les usiniers se décidèrent alors lentement à majorer les prix et à payer une moyenne de 20 à 2u francs le mille ; or cette moyenne était, à même date, de beaucoup inférieure à celle payée en Bretagne où le rendement de la pèche était pourtant devenu assez important. Malgré les objections que l'on pourrait faire sur les différences de qua- lité du poisson des deux régions, objections sans valeur, car elles proviendraient seulement des intéressés, il y a justement eu, en effet, à ce moment similitude entre les poissons péchés; on doit considérer cette infériorité relative des prix dans la région arcachonnaise comme le résultat de l'encombrement irraisonné du marché en 1908 et la création d'un précédent dû à l'impossibilité d'une entente entre les armateurs d'une part et les marins de l'autre. Ces derniers, en effet, permeltaient l'union des usiniers contre eux, car ils remettaient leur poisson fréquemment sans savoir quel prix en était donné ; ce prix, en effet, ne leur était connu que le lendemain, après entente des différents directeurs d'usines. (2) Evidemment, ce ne fut pas général, mais la nécessité pour le Syudicat d'avoir recours à une lettre collective prouve que ces procédés étaient pratiqués par plusieurs. (3' Nous pourrions d'ailleurs citer des fails de mrme gravité morale sur bien d'autres points du littoral français. En Brelagne, des propriétaires de bateaux 252 SOCIÉTIi SCIENTIFIQUE d'aRCACHON' marins de Gujan-Mestras adressait aux armateurs la lettre suivante : « Monsieur, » J'ai l'honneur de vous informer que le Conseil d'adminis- tration du Syndicat a décide de ne faire aucune avance de rogue aux équipages faisant partie du Syndicat, si l'armateur ne répond pas des rogues employées par son équipage. En consé- quence, je vous serais bien obligé de me faire savoir si vous devez vous conformer à cette décision et me dire également la quantité de barils au maximum qu'il faudra livrer. » Dans l'attente de vous lire... etc. » Là responsabilité de l'armaleur se trouve, à notre avis, dans ces conditions beaucoup trop engagée, si l'on considère qu'un équipnge embarqué à bord d'un bateau peut quitter ce bateau quand bon lui semble, pour un motif quelconque qu'il lui est toujours facile de faire naître, puisque des conventions verbales sont seules existantes. Si l'équipage n'a pas l'iionnèteté d'acquitter avant son départ sa part de frais, l'armateur peut de ce fait avoir, nprès une semaine seulement, plus de 500 francs à versera divers fournisseurs : il est donc de toute justice qu'il puisse exercer un droit de reprise contre des marins qui ayant eu leur part des bénéfices doivent fournir par conséquent leur part dans les dépenses. Un contrat écrit est encore une fois, à notre avis, la seule garantie sérieuse de l'armateur contre de pareils procédés. Ce contrat, hàtons-nous de le dire, devra être établi avec soin, car certains marins de la région, possesseurs de parcs, de maisons, de terres, de vignes, se sont arrangés par d'adroites cessions à n'être que des propriétaires fictifs et ils se rient des poursuites que l'on serait tenté d'exercer contre eux. Combien de fois n'avons-nous pas entendu cette phrase, qui est tout un programme ; « Que peut-on me faire ? je n'ai rien à moi, tout est à ma femme, à ma somr, à ma more ». Un commerçant retors ne parlerait pas mieux! thoniers, dans la Cliareate-Infcrieure, des armateurs de cotres ctialutiers se défont des parts qu'ils possèdent sur ces divers bateaux, caria A^enle du Poisson se faisant fréquemment dans différents ports, l'équipage accuse les bénéfices qu'il lui plaît, sachant que le contrôle de vente est pratiquement impossible. BLiLLETIN DE LV STATION BIOLOGIQUE 253 Actuellement, il serait évidemment inutile pour un armateur de tenter d'établir un contrat quelconque, puisque les marins peuvent poser les conditions qui leur plaisent, le nombre de bateaux disponibles étant supérieur à celui des pécheurs, comme nous l'avons déjà dit. Mais si d'autres pèches se créent, il sera à souhaiter que des conventions écrites règlent, dans l'intérêt de tous, les rapports de l'armateur et de l'équipage. S'il en avait été ainsi dès le début, la question des parts (1) de pèche ne serait pas entrée dans une crise grosse de menaces pour l'avenir. En effet, lors des débuts des bateaux à moteur, il était de règle que, tous les frais payés, le bénéfice restant fût partagé en autant de parts qu'il y avait de pécheurs, l'armateur préle- vant toutefois pour son compte personnel deux parts. Dès que le nombre de bateaux s'accrut, ces conventions ne furent plus observées, certains armateurs offrant des conditions meilleures que d'autres afin que leur bateau fût armé, ou les acceptant de la part de leur équipage, sous menace de désarmement. C'est ainsi que certains bateaux furent donnés à une part et demie, à une part. Des armateurs dont les moteurs consommaient plus que d'autres se virent dans l'obligation de ne prélever qu'une part et deuiie et de payer, eu outre, l'essence. Cette dernière concession nous semble dépasser les limites raison- nables.... de la générosité, car l'armateur ne peut être juste- ment tenu qu'à supporter les frais d'essence excédant ceux que tout bon moteur marin peut atteindre. Xous avons déjà dit à combien cette dépense normale pouvait être estimée. Accepter de solder la totalité des frais de combustible est méconnaître ses propres intérêts. Il est inutile de discuter davantage ces diverses conditions qui n'auront, comme les autres, qu'une assez brève durée si des éléments étrangers ne viennent pas amener à composition des volontés parfois trop exigeantes. Les marins du littoral arcachonnais sont, en effet, pour la plupart imbus d'idées socialistes, tout en étant des conservateurs féroces pour eux-mêmes. Ils l'ont bien fait voir lors d'un incendie dans la forêt usagère. Ces idées, ou plutôt ces semblants d'idées qu'ils (1 Voir à ce sujet pour toutes ces questions : La pèche française à la fin de 1908, par Marcel-A. Hérubel. Edition de la Ligue maritime française. 17 ZDt SOCIHTK SClEl^TIFIQUE D ARCACllON agitent en foule « dans les hangars » et dans lours réunions, aboutissent fréquemment à ces conclusions : « Puisque nous courons tous les risques cl que nous avons toutes les peines dans la pèche, pourquoi un armateur serait-il plus privilégié que nous, alors qu'il reste chez lui et ne- court aucun danger » ou encore : « F^e revenu d'une année atteint par ces bateaux, grâce à nous, n'aurait jamais pu être espéré d'une valeur de Bourse ; par conséquent, au delà d'une certaine somme, l'armateur est notre obligé et nous devrions exiger un partage.... plus équitable ». Ces opinions émises d'abord timidement ont fini par prendre corps et elles ont abouti à la situation actuelle. Il serait évidemment facile d'y répondre par les arguments sui- vants : « Il ne peut y avoir analogie entre un placeme"nt de Bourse et l'armement d'un bateau. La sécurité, la valeur à peu près constante et facilement négociable d'un titre de rente, par exemple, en même temps que le revenu certain sont des avantages assez grands pour que le possesseur s'en déclare satisfait. Avec le bateau de pèche, il n'en est plus de même; la valeur marchande de ce dernier se trouve en effet soumise à des fluctuations ([ui aboutissent presque toujours à une perte consi- dérajjle sur le prix d'achat. Le temps est même une cause suffisante et certaine pour l'avilissement de ce prix. En outre, il peut se faire que la campagne de pèche soit d'un rapport nul ou à peu près. L'armateur subira donc de ce fait une perte qu'il n'aurait point avec une valeur de Bourse sûre et se trouvera, en outre, engagé dans de nouvelles et inévitables dépenses pour l'entretien de son bateau. Sil a tous les risques d'une spécu- culation hasardeuse, il est juste aussi qu'il ait certains avan- tages et ces avantages ne doivent point être taxés et ramenés au rapport d'un titre de rente. Nous reculerons même davantage encore la limite de cette discussion en disant que puisque les bateaux à moteur actuel- lement établis, d'après la demande des marins eux-mêmes, pour la pêche à la Sardine sur le littoral des Landes sont incapables de faire — d'une façon régulière — toute autre pèche sérieuse à l'Océan, l'armateur se trouve moralement en droit de demander davantage que s'il s'agissait d'un bateau susceptible d'être en pèche constamment. La pêche à la Sardine, en effet, subordonnée à des conditions BULLETIN DE LA STATIOIN BIOLOGIQUE 200 diverses, peut être sans aucun rapport (1) durant un laps de temps susceptible de durer plusieurs mois ou plusieurs années; le bateau demeure de ce fait absolument improductif, perd de jour en jour de sa valeur, exige des frais d'entretien qui peuvent, comme le capital engagé, n'être jamais récu- pérés (2)... Arrêtons ici cette discussion, qui ne modifiera assu- rément rien à l'état actuel des choses, et abordons une autre question qui démontrera que si « l'entente est parfaite entre armateur et hommes d'équipage » comme certains l'ont écrit en jugeant d'après les apparences, c'est que les premiers ne sont guère exigeants (3). Lorsque le rendement de la pèche et le prix de vente des Sardines assuraient au pêcheur des revenus de a député», beaucoup d'entre eux pratiquaient la pèche tous les jours où elle était possible et les essais, même avortés, ne les rebutaient point. Ils remettaient alors à des mains mercenaires, lorsque leur famille ne pouvait suffire à ces travaux, l'entretien de leurs parcs et de leurs terres. Mais l'enthousiasme tomba d'autant plus vite qu'il avait été plus grand, et l'on continua à beaucoup parler de la pêche à la Sardine tout en la pratiquant moins. Les marins, convaincus, par suite des bateaux dont ils dispo- saient et des nouvelles usines qui se construisaient, que la pêche et la vente du Poisson seraient désormais faciles, renvoyèrent la pèche à des dates qu'ils fixaient en quelque sorte d'avance, se réservant les « malines » et les journées les plus favorables à chacun de leurs travaux pour le « détroquage », le « blanchi- ment des tuiles », la culture de la vigne, etc., etc., en se souciant fort peu de voir que ces journées eussent pu parfaitement convenir à la pèche. Alors il arriva que les périodes projetées pour" la pêche furent justement les moins convenables, soit que (1) Comme la campagne de p(k-he de riiivei- i'JOS et du iiriiileinps et de l'éti' 1909. (2) Pour nous, un partage équitable devrait èti-e t'ait dans les conditions sui- vantes : l'armateur prélèverait deux parts jusqu'au paiement intégral de son bateau; à partir de ce moment, il ne prélèverait plus qu'une part et demie. En outre, il aurait tout intérêt à fournir, sans réclamer aucune redevance à ce sujet aux pécheurs, l'huile et la graisse nécessaires à l'entretien du moteur, car il suppri- merait ainsi bien des discussions parmi son équipage, qui n'ayant point à supporter cette dépense, pourtant bien minime, ne lésinerait point pour le graissage des organes du moteur, assurant ainsi à ce dernier des conditions de marche meilleures, une usure moindre des pièces et une durée plus grande : ce qui, en somme, consti- tuerait pour l'association armateur et pêcheur de sérieux avantages. (3) Il est vrai qu'il leur serait difficile de I'etre, s'ils tlésircnl garder leur équiiiage. 2o6 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON l'état de la mer rendit les passes impraticables, soit que des conditions particulières et momentanées fussent un obstacle à la capture des Glupes. Lorsque l'on tentait de faire comprendre aux marins que dans une région comme celle du Bassin d'Arcachon il était de toute nécessité de profiter des journées bonnes pour la pèche, alors qu'elles se présentaient, et que le fait de fixer certaines dates ])Our exercer cette industrie était pour le moins téméraire, voici les réponses qui étaient faites : « Nous désirons finir notre travail particulier d'abord, nous nous occuperons ensuite de la pèche. Nous ne comptons que sur nos parcs et nos terres; l'argent que peut rapporter la vente des Sardines est un bénéfice imprévu, rien de plus. Et lors même que la Sardine disparaîtrait de la région, nous n'en serions pas plus malheureux, puisque aupara- vant nous vivions sans elle et nous vivions bien! » Nous admettons parfaitement que dans ces conditions l'intérêt de l'armateur fut sacrifié pour l'intérêt du marin, mais nous trouvons ce dernier assez mal fondé — tout en étant conséquent avec lui-même — dans ses exigences vis-à-vis de celui qui est, en somme, l'associé ayant assumé les plus lourdes charges... Un peu de pudeur ne mcssiérait point, il nous semble, à un égoïste désireux de bénéficier de l'application de théories altruistes. Si encore ces mêmes marins rachetaient par de réelles qualités d'énergie et de courage à la mer cette indifférence vis-à-vis de l'intérêt de celui qui les aide, il pourrait en résulter une certaine compensation. Malheureusement, il n'en est pas toujours ainsi, et nous sommes loin, bien loin parfois, de ces populations mari- times de la Bretagne, de la Manche pour qui la barque est d'abord le berceau et devient plus tard la tombe. Qu'on ne suppose point, encore une fois, que nous fassions aux marins du Bassin d'Arcachon dont nous parlons, un grief de leur « état d'âme »; nous constatons un fait, pas davantage. Ces marins, en effet, subissent les conditions extérieures et ce sont celles-ci qui, par leur douceur, leur ont fait perdre, parce (ju'inutilisées sans doute, les qualités de leurs ancêtres. Car les pêcheurs du Bassin d'Arcachon vivent dans une région privilé- giée où les risques de naufrage, pour un homme prudent et tant soit peu énergique, sont absolument nuls. En outre, l'industrie ostréicole s'exerce plus à terre que sur l'eau, réduisant à un tout BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 20/ petit nombre d'heures le temps passé dans le bateau lui-môme. Si l'on joint à cela les diverses occupations qui, à certaines époques, retiennent à terre les marins : culture de la vigne, des prairies, des pins, etc., etc., on est forcé de conclure qu'ils se trouvent dans des situations peu favorables pour acquérir et conserver ces qualités d'endurance, de sang-froid et de courage devant le danger sans lesquelles un homme ne peut prétendre au titre de marin. Quant aux pêcheurs tels que les pêcheurs de Sardines, dont l'industrie ne peut guère s'exercer qu'à l'Océan, ils ne sont guère davantage favorisés, se trouvant presque tou- jours ensemble, ne perdant point la côte de vue, arrivant au jour à l'Océan et le quittant avant la nuit, ils ne peuvent, dans des conditions pareilles de navigation, se comparer à ceux qui, aux heures de danger, ne comptent que sur eux-mêmes et pour qui la nuit sur les flots déserts est acceptée sans terreur et sans affolement. Evidemment, il existe pour les pêcheurs sardiniers un terrible danger : ce sont les passes, ces chenaux enclavés dans des bancs de sable dont la mobilité sans cesse grandissante en fait des écueils qui, à certains moments, sont aussi redoutables que ces récifs de Bretagne dont les noms fatidiques évoquent une mort certaine. Mais la manière très spéciale dont on franchit les passes lorsqu'elles deviennent « mauvaises » n'est point d'un enseignement de réelle valeur pour le métier de marin. Tenter le passage alors que la mer brise, sans interruption, par coups de lames de fond, par des coups de « Hastey » (1), est une folie; il est donc nécessaire d'attendre l'embellie et, lorsque celle-ci se produit, la manœuvre qu'il convient de faire est toute d'expectative et doit plutôt sa réussite à l'estimation juste du temps nécessaire pour franchir les passages dangereux qu'à l'aide assez peu efficace que pourrait apporter l'équipage aux bateaux à moteur actuels. Ceci a, d'ailleurs, été bien constaté en 1907-1908, quand, après un coup de lame ayant brisé sur une embarcation, celle-ci s'en allait infailliblement se perdre sur les bancs de sable, si d'autres bateaux ne l'eussent point prise à la remorque. Or, comme les marins du Bassin ne vont pas à l'Océan lors (1) Nom donné à une des bouées des passes qui se trouve être située à un des endroits les plus dangereux. 2o8 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHO?; d'une tempête et qu'ils rentrent dès que celle-ci s'annonce, ils ne se sont jamais trouvés jusqu'ici dans des conditions analogues à celles qui se renouvellent fréquemment pour les marins d'autres localités, c'est-à-dire demeurer la nuit à l'Océan, supporter en cape la tempête, perdre la côte de vue et ne compter que sur soi et les quelques hommes du bord pour faire fac3 à tous les périls. L'accoutumance à ces dangers s'est perdue depuis que les anciens pêcheurs à la péougue ont vu leur industrie ruinée par les chalutiers à vapeur; peut-être aussi la possibilité de vivre sans passer des jours et des nuits à la mer fut la cause principale, nous aimons à le croire, de l'indifférence témoignée par la génération actuelle à une manière de vIatc qui fut celle de ses pères. La pêche à la Sardine se trouve ainsi des plus aléatoires dans ses résultats, puisque ceux-ci se trouvent subordonnés à des conditions dont — seules — quelques-unes sont acceptées des marins. L'inconvénient de limiter les périodes et les heures de pèche commence déjà à se faire sentir. Sans aller jusqu'à dire, comme les femmes de la localité, que la belle taille de la Sar- dine du littoral des Landes doit être attribuée à la quantité de rogue jetée par les pêcheurs (1), on doit reconnaître que si les conditions sont également favorables aux dupes dans diverses régions, la Sardine demeurera de préférence dans les régions oi!i la pêche à la rogue sera pratiquée d'une façon régulière. C'est pour avoir méconnu ce fait que les pêcheurs ont vu les campa- gnes de pêche 1908-1909 présenter pour la recherche des Ijancs de Sardines des difficultés bien plus grandes que les années précédentes, sans que les conditions atmosphériques fussent les seules causes de cet exode, comme les marins semblaient vouloir le dire. Certaines périodes furent nettement défavorables, cela nous le reconnaissons, mais d'autres, au contraire, présentèrent des optima (2) en tous points comparables à ceux de la cam- (1) Celte opinion est évidemment erronée, car la Sardine des côtes de Galice, par exemple, est presque toujours d'une taille supérieure à celle de la Sardine du littoral des Landes, et pourtant les pêcheurs des côtes espagnoles et portugaises n'utilisent guère la rogue avec leurs seines tournantes. Seule, la date de prche joue un rôle important. (2) Vitesse des vents, direction des courants, apports planktoniques, tempéra- ture des masses d'eiiux marines, densité. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 2o9 pagne 1907-1908... L'appel et le maintien du Poisson par l'attrait de l'appât dans un certain rayon (1) et durant un certain temps ne peuvent en aucune façon être niés; les pécheurs d'eau douce se servent, en effet, fréquemment de ce procédé et le résultat répond presque toujours à leur attente. A l'Océan il en est de même, toutefois avec plus de difficultés, il est vrai. Ainsi, pour certains auteurs, l'exode des bancs de Sardines des côtes de Bretagne aurait pour cause, en partie, une modification de la route suivie par le Gulf-Stream qui n'apporterait plus, par conséquent, dans les eaux où il passait auparavant les déchets viscéraux de Poisson collectés sur les côtes américaines, au voisi- nage des grands centres de pêche. En outre, la manière actuelle de procéder des pêcheurs est en tout point déplorable; non seu- lement ils sacrifient pour d'autres travaux certains jours favo- rables à la pêche, mais encore ils attendent, pour se décider à aller à l'Océan, que le banc de Sardines ait été découvert par quelques embarcations. Alors le lendemain ils partent tous, sans remarquer que les conditions sont devenues défavorables. Pour peu que ces dernières persistent, ils en concluent que la Sardine est partie vers des pays inconnus... Et pourtant, il y a quelques mois à peine, lorsque l'on tentait de les mettre en garde contre la possibilité d'un déplacement de la Sardine qui arrêterait brutalement leur industrie, les grands parleurs, et ils sont nom- breux dans la région, assuraient qu'ils iraient chercher et qu'ils trouveraient avec leurs bateaux à moteur les bancs de Sardines partout où ceux-ci s'en iraient. Et ces nouveaux « conquista- dors «, prêts à voguer vers des pêches lointaines, se refusent non seulement à perdre la côte de vue, mais encore à demeurer la nuit à l'Océan. Evidemment, on ne manquera pas de nous objecter que ces pêcheurs n'ont pas hésité à franchir les passes (1) Dans certains pays de pèche à la Sardine il fui même volé des primes pour que l'on jetât de la rogue, afin de maintenir le Poisson dans des régions à captures faciles. C'est ainsi que le l)udget départemental de la Vendée, en 1833, accorda une somme de 1.200 francs à partager entre les deux porls des Sables et Saint-Gilles pour jeter de l'appât. « Les jets 'de rogue abondants, secondés de ceux des parti- culiers faits par l'ensemble des bateaux sur les points où le Poisson aurait paru, produiraient probablement l'effet que l'on désire et l'opération fréquemment renouvelée au moyen des réserves qui se trouvei-aient en magasin tendrait de plus en plus à fixer la Sardine dans les parages voisins de la côte: c'est le but proposé. » (Voir Amédée Odin,) 2G0 SOCIÉTÉ SCIIÎ^NTIFIQUE d'aRCACHO.^ alors qu'elles élaieiit dangereuses; cela nous le savons, mais nous avons vu aussi quelle angoisse se lisait dans bien des yeux quand, au retour, la houle de fond s'épanouissait en une gerbe d'écume sur les bancs de la passe et la bouée du Rastey; nous sommes convaincu que si jamais le Bassin d'Arcachon voit de nouveaux sinistres s'ajouter à la liste déjà longue des navires perdus corps et biens, la cause en sera due à ce que presque tous les marins auront tenté de franchir la barre sur une « embellie « trop brève, plutôt que d'attendre au large (1) en cape, la fin de la tempête, comme le faisaient leurs ancêtres. Franchir la passe alors que les anciens maitres-jurés l'eussent jugée impraticable ne sera jamais, à notre avis, un titre de gloire, car la témérité ne fut jamais le vrai courage. L'arrêt brutal que la pêche a subi en 1909 n'est pas sans étonner quelque peu. Il était évident que l'enthousiasme du début ne pourrait tenir toutes ses promesses, mais on pouvait espérer que les inévitables tentatives infructueuses de certains jours de pèche ne seraient point la cause d'un découragement de longue durée. Ce fut pourtant justement ce qui arriva et la majorité des pêcheurs loin de continuer à se rendre, après quel- ques mauvaises pèches, normales d'ailleurs par suite de la saison oi^i elles furent faites, sur les régions de pêche, attendait l'an- nonce d'une pêche miraculeuse. Alors les tentatives isolées, mal dirigées et trop brèves, furent d'un résultat plutôt médiocre, comme il était aisé de le prévoir; et pourtant, avec plus d'en- tente, la coopération de tous, un effort plus régulier, l'effet éco- nomique brutal créé par cette crise pouvait être sinon sup- primé, du moins considérablement atténué. Il est vrai que de pareils actes se rencontrent pins fréquemment dans les socié- tés animales que dans les associations humaines. A ceux qui (1) Evidemment, les heures sont longues et les manœuvres difficiles durant une tempête au large. Mais on peut toujours tenter de se défendre contre les lames. Bien des faits antérieurs donnent espoir de succès. En 1808, Taffard écrivait : « La mer n'est pas aussi mauvaise sur cette côte que le ferait croire ie préjugé général ; la lame y serait longue et d'une moyenne élévation et la tenue très bonne. Les marins citent comme preuves les bateaux de pêcheurs de 8 à 9 tonneaux non pontés qui résistent quelquefois au mouillage pendant de très mauvais temps et des navires se sont sauvés en jetant l'ancre à 2 ou 3 lieues du port et par des vents affreux de l'ouest. » BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 261 croient au progrès incessant d'espérer des jours meilleurs, car actuellement ils n'ont pas encore lui. Lorsque des usines nouvelles commencèrent à être construites dans les diverses localités du Bassin d'Arcachon, bien des pécheurs et des armateurs en furent des plus satisfaits, car ils en concluaient qu'il leur serait facile d'écouler désormais les pro- duits de leur pèche et que la rivalité des diverses usines leur assurerait des taux élevés. Vivant dans l'avenir, ils acceptèrent sans trop murmurer des prix que, seules, la grande quantité de poissons capturés et la dépense assez minime des bateaux, ren- daient encore rémunérateurs. Mais les directeurs d'usines, loin de se livrer à des guerres intestines, donnèrent l'exemple, renou- velé de l'antique, d'une entente à toute épreuve. Le prix établi par l'un coïncidait d'étrange manière à celui qu'établissait l'au- tre... Entre temps de nouveaux bateaux étaient lancés qui dépas- saient du double, du triple, du quadruple même la force motrice de ceux qui les avaient précédés; l'hiver vint, il fut rigoureux ; le printemps ne le fut guère que de nom et pour diverses cau- ses la pêche ne donna point ce qu'on attendait d'elle. Les usines élevèrent les prix et il est juste de reconnaître que le Poisson offert à certaines périodes n'était point, comme taille et comme quahté, comparable à celui qui, l'année précédente, avait été vendu à un prix sensiblement inférieur; mais cette augmenta- tion était insuffisante, car les dépenses doubles et triples d'es- sence et de rogue des grandes embarcations absorbaient le plus clair des bénéfices, laissant parfois des sommes dérisoires comme part à l'armateur et aux hommes d'équipage. Malgré cette preuve évidente de la bonne volonté des directeurs d'usines, des protestations ne tardèrent pas à s'élever, mais elles ne furent pas unanimes, hàtons-nous de le dire. Quelques pêcheurs recon- naissaient en effet que le prix offert pour la Sardine d'une certaine taille et qualité était encore acceptable et des armateurs tou- chèrent encore des bénéfices raisonnables, mais ce furent ceux qui s'étaient sagement tenus aux embarcations de vitesse moyenne et d'équipage peu nombreux. Il était alors facile aux directeurs d'usines de répondre en ces termes aux autres arma- teurs : « Vous vous plaignez que par suite de nos prix d'achat, il vous soit impossible d'atteindre les bénéfices que vous espé- riez ; or ces prix se trouvent être supérieurs à ceux que vous accep- 262 SOCIÉTÉ sciEîsTiFiQrE d'arcachon liez, il y a quelques mois à peine, et vous les trouviez alors assez rémunérateurs puisque vous donniez en échange un Poisson de taille et de qualité supérieures à celui que nous achetons actuel- lement. Vous en prenez moins ! dites-vous. Mais ce ne sera pas une augmentation des prix qui fera que vous en prendrez davan- tage, et pour tout Poisson d'une qualité particulière nous som- mes obligés d'établir un maximum que nous ne pouvons dépas- ser, sous peine de ne pouvoir amortir nos frais généraux de main-d'œuvre et le capital engagé. La principale cause de vos plaintes est due à ce que vous avez fait armer, sans réfléchir aux aléas de la pêche, des bateaux dont la consommation et les frais allaient absorber une bonne partie des revenus. Votre orgueil a voulu des bateaux allant toujours de plus vite en plus vite; vous avez sacrifié à un esprit sportif, peut-être, mais pas à un esprit commercial. Acceptez-doncune situation que vous avez créée sans que nous y fussions pour quelque chose. Puisque vous avez commis des fautes, supportez-en les conséquences, sans en ren- dre autrui responsable ! » Naturellement, les mécontents voulu- rent créer un syndicat, de manière à s'opposer, par un atM'êt général delà pêche, à l'avilissement (1) des prix par les direc- teurs d'usines. Il est peu probable que cette idée prenne corps, et lors même qu'elle aboutirait à l'association demandée, cette der- nière aurait sans doute une existence éphémère. L'entente entre les marins est bien douteuse, ceux-ci, lors du Syndicat ostréicole, ayant démontré de quelle manière ils entendaient cette nouvelle conception sociale. Entre les armateurs, elle ne se présente pas non plus sous un jour très favorable, plusieurs d'entre eux n'ayant qu'un intérêt des plus relatifs à voir aboutir ces reven- (1) Il faut aussi reconnaître que cet avilissement des prix a en grande partie pour cause le trop grand nombre de bateaux en pèche qui apportent, certains jours sur le marché, une quantité de Poisson que les expéditeurs, les usines de conserve ne peuA'ent pas toujours utiliser. Mais la plupart des marins et des armateurs ne cessaient d'engager leurs parents et amis à faire construire des bateaux leur promet- tant de superbes revenus, sans considérer que par suite des débouchés alors notoi- rement insuffisants la crise de la mévente allait s'exagérer et qu'elle ne serait que très faiblement palliée par la création de nouAelles usines, dont bon nombi e ne reposaient que sur des on-dit. Les récriminations que certains ne cessent de faire entendre sont d'autant plus surin-cnantes que ce sont ceux-là justement qui furent les promoteurs d'un armement exagéré et qu'il leur était facile, puisqu'ils habitaient la région, de se rendre compte des inconvénients de toute sorte résul- tant d'un trop grand nombre de bateaux. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE Zbô dications. Ce sont, eneffet, ceux qui n'ont pas voulu suivre le mou- vement croissant de l'augmentation de force des moteurs, et, comme nous l'avons déjà dit, ils réalisent d'assez beaux, bénéfices, alors que les propriétaires de grandes embarcations ne retirent de pèches égales, sinon supérieures, que des revenus dérisoires. Les premiers armateurs pourraient répondre aux autres: « En armant des embarcations à vitesse plus grande que les nôtres votre but était de vous rendre les maîtres du marché, en écou- lant les premiers votre stock de Poisson, et nous qui devions, théoriquement, arriver après vous, nous nous serions vus dans l'obligation d'accepter les prix résultant d'un encombrement possible; par conséquent, nous étions, dans A^otre combinaison, les sacrifiés et vous étiez alors nettement défavorables à l'éta- blissement d'un prix minima. Plus réfléchis ou moins riches, nous ne pouvions vous suivre sur la route où vous vous enga- giez. Il arrive que, contre toutes vos prévisions, nous nous trou- vons avoir plus d'avantages que vous lors de la vente du Poisson. Il serait vraiment déraisonnable de notre part d'accepter une union qui permettrait peut-être un prix de vente plus élevé, mais par cela môme vous faciliterait la concurrence vis-à-vis de nous et le résultat de cette concurrence serait qu'arrivant après vous nous nous trc^uverions, les jours où le marché serait encom- bré, dans l'obligation d'accepter presque comme aumône des prix bien inférieurs à ceux que vous auriez reçus ; ou bien encore, nous serions dans l'impossibilité de nous défaire de notre Poisson. Vous ne pouvez, en effet, forcer les usines à prendre plus de Poisson qu'elles ne peuvent « en travailler ». D'ailleurs, toutes les fois que l'on a tenté de taxer à longue échéance le prix de vente du Poisson, comme d'ailleurs le nom- bre de poissons à prendre par bateaux, des difficultés insurmon- tables sont apparues dans la pratique, faisant de la plus bril- lante des théories la plus fausse des utopies. Le mieux que vous nous proposez sera, peut-être, pour nous la cause de désa- gréables surprises; nous sommes satisfaits de notre situation actuelle, vous en connaissez les éléments, vous n'aurez qu'à nous imiter, quand vous serez las devons plaindre». A cette pre- mière difficulté d'une entente générale des armateurs, vient s'en joindre une autre qui suffirait à faire échouer à elle seule les projets les mieux établis. Un certain nombre d'armateurs sont 264 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHOIN aussi expéditeurs de Poisson. Lorsque l'expédition est impos- sible, par suite de trop fortes chaleurs et de la qualité trop infé- rieure des Sardines, ces armateurs évidemment ne demande- raient pas mieux de voir les directeurs d'usines acheter le Pois- son offert à des prix très élevés, mais, dès que la saison se montre plus favorable, ces armateurs ont au contraire un très gros intérêt à ce que les prix soient des plus réduits; s'ils achè- tent par exemple pour 10 francs le mille de Sardines et qu'ils revendent ce môme mille, par l'intermédiaire de leurs correspon- dants, !{0 francs, ils n'auront h partager que les 10 francs d'achat avec leur équipage, gardant pour eux et le revendeur les 20 francs de la vente définitive (1). Il est encore une autre cause de faiblesse qui à la première difficulté déterminerait des scissions irréparables. Gomme nous l'avons déjà indiqué, bien des armateurs des bateaux actuel- lement en service appartiennent à des classes peu favorisées sous le rapport de la fortune et certains d'entre eux ont mis toutes leurs économies dans la construction d'un bateau, espérant en retirer un gros bénéfice. Ceux-ci sont, par consé- quent, incapables de soutenir une lutte de longue durée contre les propriétaires d'usines, dont la plupart se trouvent être de puissants capitalistes. Forts de l'impuissance des uns, de la pusillanimité des autres, les « usiniers » pourraient répondre à l'ultimatum d'un syndicat d'armateurs : « Si vous mettez à exécution votre menace de ne plus pêcher tant que vous n'aurez pas obtenu les prix que vous réclamez, nous fermerons nos usines pour un temps illimité. Et ne croyez pas que ce chô- mage volontaire nous réduise à votre merci. Les années de (r Evidemment, le marin pécheur est souvent la victime de ceux qui spéculent sur son incessant besoin d'argent, car il abandonne trop fréquemment à un prix bien inférieur à sa valeur réelle une marchandise dont la valeur se double et se triple maintes fois dès qu'elle se trouve entre les mains du revendeur ou de l'usinier. Aussi ces protestations sont-elles parfois très légitimes, cela nous le reconnaissons très volontiers.il est même des fautes que certains industriels devraient avoir à cœur d'éviter toujours; par exemple, durant la campagne de pèche de 1909, bon nombre d'usiniers n'ont pas su mettre leurs prix en rapport avec l'abondance ou la pénuriede la pèche: les faibles majorations parfois consenties sont passées inaperçues, car elles étaient trop voisines d'une moyenne que les résultats alors très variables de la pèche ne justifiaient plus. Aussi ces industriels ne doi- vent-ils s'en prendre qu'à eux-mêmes si, durant certains mois, le chômage pour leur usine fut à peu près constant. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 2G5 pénurie de pèche des Sardines nous ont appris à compler avec rincertain et notre puissance financière nous permet de poser des conditions, non point d'en recevoir... ». La crainte de voir leurs bateaux demeurer improductifs, alors que la pèche est possible et pourrait être rémunératrice, malgré les faibles prix de vente, empêchera les armateurs et les pécheurs de faire une grève dont les résultats immédiats seraient do causer un pré- judice certain et inestimable à leurs propres intérêts. Si les propriétaires d'usines armaient à leur tour, pour les périodes propices pour la pèche, des bateaux dont les équipages seraient payés au mois, avec un bénéfice de tant pour cent sur le Pois- son capturé, il en résulterait pour les armateurs actuels une situation si critique qu'ils ont tout intérêt à ne prendre une décision aussi grave qu'un désarmement général qu'après mûre réflexion et api'ès avoir tenté tous les moyens de conci- liation possibles. Un directeur d'usine, en effet, ne pourra volontairement, quoi qu'on dise, établir un prix de famine, l'abondance et la pénurie, avec la qualité du Poisson péché sont les seuls facteurs agissant sur le marché ; ce sont eux qui déterminent le prix minima offert par l'acheteur et ce dernier no peut de son plein gré le fixer a priori, il se trouve même dans l'obligation, lorsque la marchandise offerte lui convient, d'établir une moyenne assurant non seulement le recouvre- ment intégral des frais, mais encore un certain bénéfice pour l'armateur et les pêcheurs ; sinon, ceux-ci se trouveraient dans l'impossibilité de continuer leur industrie, ce qui ne tarderait pas à être préjudiciable à l'usinier lui-même. Il serait donc injuste de rendre ce dernier responsable d'un avihssement des prix que les événements déterminent à peu près seuls. Toute- fois, certains directeurs d'usines auraient tort de dire que la journée d'un pêcheur ne doit pas excéder un certain prix, toute estimation à ce sujet sera fatalement fausse, car elle ne pourra tenir compte des périodes où la pêche sera impossible ou infructueuse, périodes qui pour le Bassin d'Arcachon sont d'une importance considérable et nullement comparables comme moyennes à celles qui se présentent dans d'autres régions. Le prix des bateaux actuellement utilisés pour cette pêche rend cette estimation même plus difficile, car si l'on taxe la journée du marin, on taxe par cela même le rapport des bateaux, et 266 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON nous avons déjà vu que les termes de comparaison que l'on pourrait établir d'après les revenus de valeurs de Bourse ne sont point de même nature et ne peuvent, par conséquent, en l'occurrence être utilisés d'aucune manière. Marins, armateurs, usiniers ont donc tout intérêt à attendre des événements la con- duite à tenir, plutôt que de tenter de la régler d'après des principes qui ne s'appuieront jamais que sur des faits toujours inconstants. L'avenir de la pècue a la Sardine dans la région DU Bassin d'Arcachon Dans toute autre région des côtes atlantiques ou méditerra- néennes, il serait absolument téméraire de tenter de prévoir, même à brève échéance, l'avenir de l'industrie sardinière. Mais la situation particulière du Bassin d'Arcachon crée pour la pêche à la Sardine, avec les bateaux actuels, des conditions spéciales qui autorisent une conclusion nullement hypothétique, car elle peut se déduire aisément de faits incontestables. Si l'on consi- dère que les périodes les moins favorables à la pêche à la Sardine sont dues à l'action des vents est-nord et que les périodes les plus favorables se trouvent déterminées au contraire par les vents ouest-sud, on se trouve obligé de reconnaître que le Bassin d'Arcachon est le moins privilégié pour la pêche à la Sardine de toutes les régions côtières de France. Froid rigoureux ou chaleur excessive, telle est la résultante des vents de nord et de terre ; quant aux vents du sud et du large, ce sont des vents de mauvais temps qui rendent les passes dangereuses, sinon infranchissables et s'opposent ainsi à toute tentative de pêche. Il ne reste donc pour cette industrie que les vents combinés des deux secteurs; or ceux-ci sont des vents de transition pour la plupart et, par conséquent, d'une durée assez brèA^e. Pourtant l'un d'eux, le vent nord-ouest est, ainsi que l'ont établi les recherches de tous les auteurs, le vent dominant de la région et il se trouve que c'est justement l'un de ceux dont l'action mécanique rend la pèche sinon impossible du moins très difficile. En outre, grâce à sa situation atlantique, le Bassin d'Arcachon est soumis au climat océanien et subit de ce fait l'action tem- BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 267 pérée des vents du large durant la presque totalité des saisons; s'ils sont évidemment favorables, comme nous l'avons déjà indi- qué, pour la pèche à la Sardine ils rendent rapidement les passes infranchissables et forcent les marins à demeurer au port. Il faut donc un ensemble de conditions exceptionnelles pour (jue la pèche à la Sardine dans la région arcachonnaise du littoral des Landes puisse à la fois être d'un bon rapport et pratiquée régulièrement. Bien que ce soit «de terre que le flot aérien (1) souffle sur les rivages de la Méditerranée », les pécheurs du Golfe du Lion, par leurs pèches de nuit, ne subissent point tout en la connaissant l'influence néfaste des vents de terre pour la montée des Sardines ; grâce à cette pratique, ils peuvent donc se dire privilégiés s'ils se comparent aux pécheurs arcachonnais. D'après ces inconvénients, peut-on s'attendre à voir la pèche à la Sardine sur le littoral des Landes présenter des garanties de longue durée :^ Siins hésitation, on peut répondre « Non! » Pour si loin, en effet, que l'on remonte dans l'histoire des régions où cette industrie fut exercée, il n'en est pas une seule dont on puisse dire qu'aucun arrêt n'entrava l'essor d'une manière brusque, et durant parfois des années. De plus, la zone côtière du Golfe de Gascogne ne se trouve soumise à aucun courant vraiment constant, les seuls courants à action effective sont, en effet, ceux qui résultent des perturbations atmosphériques; on ne peut prédire même à quelques mois d'avance ce que pourra être une campagne de pèche, puisque les données que l'on possède sur les phénomènes de l'air sont encore bien incomplètes. C'est donc l'imprévu qui régnera en maître pour les opinions que l'on pourrait avoir sur ce que sera une campagne de pèche. Toutefois, d'après les travaux de Briickner (2), il existerait des oscillations climatériques de trente à trente-cinq ans, avec des minima et des maxima, c'est-à-dire des périodes chaudes ou froides comprenant plusieurs années. Si durant une période froide une année semble faire exception à ce cycle, la théorie n'en demeure pas moins exacte : une preuve de cette exactitude se trouve d'ailleurs établie par les recherches de Uichter au (1) Elisée Ukclcs, Nouvelle (iéofj rapine universelle. IL La France. (2) Kdiiard Bruckner: « Klima Sckwankiiiificen seil 170i) nebst beinerkungen iibei die Klima schwankungen der Diluvialzeit ». 268 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON sujet de la genèse des lacs glaciaires alpins. Si une vague de froid, ou une vague de chaleur, cause durant quelque temps une température rigoureuse, un pareil phénomène doit être classé parmi les faits extraordinaires et se trouve sans répercus- sion sur la moyenne générale; de plus, la modification thermi- que considérable qui en résulte est presque toujours préjudiciable à la pèche à la Sardine et, lors même qu'elle lui serait favorable, ce ne serait qu'exceptionnel et momentané. Si l'on tente d'élablir des probabilités d'après les faits indiqués par Briickner, on voit qu'une année froide doit présenter durant l'hiver la prédomi- nance des vents de nord et d'est et durant l'été celle des vents d'ouest et de nord-ouest; il en résultera donc pour l'industrie sardinière des conditions défectueuses. Et ces conditions seront d'autant plus redoutables pour le littoral des Landes que celui-ci, nous l'avons dit, se trouve soumis pour le degré thermique des masses d'eaux superficielles (1) à toutes les modifications résul- tant de l'action des vents, par conséquent de l'état atmosphéri- que lui-même. Il résultera de ceci que durant un cycle d'années froides qui, par exemple, d'après l'estimation de Bruckner, sera une moyenne do quinze ans, la pêche à la Sardine durant l'hiver sera d'un résultat des plus médiocres par suite de la dominante des vents froids; ces vents froids agiront aussi en partie durant le printemps. Pendant l'été, la pèche dans une région comme celle du littoral des Landes se trouvera entravée par les vents du large, combinés avec les vents d'origine polaire et circumpo- laire. x\u contraire, durant un cycle d'années chaudes, les vents dominants l'hiver seront les vents tempérés océaniens et des régions équatoriales dont l'action sur les passes du Bassin sont dangereuses; seul le printemps avec des vents intermédiaires, de sud-est, toujours de faible durée, sera favorable à la pêche. Car l'été, par suite des fortes chaleurs atmosphériques, détermi- nera une élévation thermique des masses d'eau superfi- cielles s'opposant à l'existence pélagique des Glupes, sauf cependant durant quelques heures crépusculaires, nocturnes ou matinales, restreignant ainsi, lorsqu'elles ne les rendront pas (1) Le seul intéressant, en effet, au point de vue des résultats de la pêche: car suivant ce degré la Sardine sera ou ne sera pas pélagique. Dès qu'elle devient bathyale et qu'elle se refuse à « monter », la pèche est impossible. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 269 impossibles, les possibilités dépêche. Evidemment, ces considé- rations ont un intérêt bien plus théorique que pratique, car il suffira de quelques modifications atmosphériques, toujours possibles, pour que les résultats de la pêche à la Sardine soient des plus rémunérateurs pour les marins et les usiniers. Il est même sans grande importance que plus de la moitié par exemple des jours de l'année ne puissent être utihsés pour la pêche, si ceux durant lesquels cette industrie est exercée sont d'un rapport suffisant, capable de compenser les périodes de chômage. Mais pour qu'il en fût ainsi, il faudrait des conditions exceptionnelles, en désaccord, comme nous venons de le voir, avec l'ensend^le des probabilités; par conséquent, toutes les spéculations actuellement tentées ou qui vont l'être incessamment, comme armement de bateaux et construction de nouvelles usines, nous semblent dans l'état actuel des choses aller au-devant sinon d'un échec, tout au moins d'une grave désilkision. Il est même certains faits (i) qui, en dehors des questions de rapport possible de la pêche, s'opposent à l'extension illimitée des moyens de pêche et d'utili- sation de cette pêche. Pour armer les bateaux actuellement en marche, il a fallu composer des équipages avec des marins d'autres régions maritimes de la France, en particulier de la Brstagne, puisque le pays, même en employant ses infirmes et ceux qui n'avaient jamais été marins, n'a pu fournir les hommes (1) Xous ne nous occupons pas ici de la crise économique qui pourrait résulter (le la surproduction due à une insuffisance de demandes et à une trop grande abon- dance de la fabrication. C'est aux indusiriels à suivre attentivement les fluctuations de leur commerce. Toutefois l'industrie sardinière franc^aisc sera peut-être obligée dans un avenir assez rapproché de compter avec la concurrence étrangère. En quel- ques années, en effet, la fabrication de conserves de Sardines, en Amérique, a passé de quelques centaines de mille francs à plusieurs millions. Le Japon à son tour met en esploilalion les colossales ri(,'hesses de ses mers et, avec la puissance d'ini- tiative de ce pays, la menace qui semble lointaiiie peut devenir danger imminent. 11 se peut que la fabrication éti-angère soit inférieure à la fabrication francjaise, mais comme cette infériorité est due surfout à l'emploi d'huile de colon ou de qualité médiocre, il suffira d'un changement dans les procédés pour que les qualités des conserves deviennent identiques. L'exportation ayant diminué, fimporlation étrangère sera à redouter: tenter de l'enrayer par des tarifs douaniers prohibitifs, c'est engager la lutte qui peut être des plus préjudiciables à d'autres branches du commerce français bien plus importantes encore que l'industrie sardinière. Ainsi par suite des conditions spéciales de la pèche à la Sardine sur les côtes atlanti- ques françaises et devant des menaces de conflits pareils, la création incessante et irraisonnée d'usines de conserves mais semble plus que téméraire. 18 270 SOCIÉTÉ SCIEiNTIFIQl'E d'aRCACHON nécessaires. L'armement de nouveaux bateaux va donc nécessiter l'exode d'autres marins et va créer de ce fait une situation pré- caire pour beaucoup. Tant que la pèche à la Sardine sera possible et d'un bon rap- port, il n'y aura nul inconvénient à. ce que la population littorale du Bassin d' A rcachon voie son nondire augmenter ; mais durant les longs mois d'hiver, où il est parfois impossible d'aller pécher à l'Océan, il faudra quand même que ce surcroit de pécheurs vive et force leur sera d'exercer des mélicrs tels que celui de pécheur de crevettes et de coquillages ou celui de seineurs. Mais ces métiers qui, actuellement, sont d'un bon rapport, ne larderont pas à être réduits à néant s'il y a trop de concurrents. Ce serait une grave erreur de supposer que le Bassin d'Arcachon présente en tout temps des ressources ilUmitées ; ses faibles pro- fondeurs, ses herbiers continuellement ravagés, sinon complète- ment détruits, ne sont le refuge du Poisson que lors de périodes très brèves, surtout printanières et estivales, au moment, par conséquent, où la pèche à l'Océan devient possible : mais en hiver le Poisson a regagné les profondeurs du large et ceux qui demeurent sont pour la plupart d'une taille trop exiguë pour que la vente en soit autorisée ou même possible. Quant aux cre- vettes, aux coquillages de diverses espèces, leur taille et leur nombre va sans cesse en diminuant. Les Myes, par exemple, sont devenues si rares qu'elles sont prises alors qu'elles n'ont même pas atteint le quart de leur taille d'adulte. Or, comme ces Mollusques n'oid aucune valeur en Bretagne, cet exemple suffit à démontrer que la richesse du Bassin est plus faite de souvenirs que de réalités. Quant à la culture des Huîtres, depuis de longues années elle ne tient plus ses promesses et pour s'y livrer il est nécessaire de posséder un parc, et un bon parc ; or tous les parcs qui réalisent ces conditions sont entre les mains des marins de la région ; pour ceux qui sont encore libres, les demandes adressées au ministère de la Marine se comptent par centaines. Lors mêmeque par les procédés américains les pêcheurs sans travail tenteraient de faire la culture des Huîtres, ils ne se sauveraient point de la misère, mais ils détermineraient sans nul doute une crise redoutable pour l'industrie ostréicole, crise autrement grave que celle qui éclata lors de la venue des Lan- dais. BULLETIIS DE LA STATION BIOLOGIQUE 271 Quant à utiliser ces bras sans emploi dans la culture, c'est oublier que celle-ci demande des travaux à peu près constants, un long apprentissage et que le métier d'agriculteur et celui de marin sont absolument incompatibles. Quant à la création de nouvelles usines, elle se trouvera singulièrement gênée par le défaut de personnel ; depuis Tannée 1908, dès que la pêche fut en plein rapport, la plupart des usines qui venaient de se fonder furent obligées de faire venir des Bretonnes de Concarneau, de Douarnenez, d'Audierne, pour travailler les Sardines, puisque le nombre des femmes de la région, et l'on s'adressait même à des localités nullement maritimes, se trouvait insuffisant. Il en fut de même en 1909 ; mais le rendement de certains mois de pêche de cette année fut absolument nul et les usines se virent obligées de payer un nombreux personnel sans avoir pu l'occuper. Celles qui se fonderont après les autres vont courir évidemment des risques analogues, mais, en outre, elles éprou- veront des difficultés de plus en plus grandes pour le recrute- ment de leur personnel, dont le nombre ne peut être indéfiniment diminué par le travail des machines. Quant au licenciement de ce personnel, par son renvoi dans son pays d'origine lors d'un chômage dans la pêche, c'est un palliatif, rien de plus ; car la pêche à la Sardine étant susceptible, d'un moment à l'autre, d'être d'un grand rapport et de cesser de même, il est nécessaire de pouvoir être toujours prêt à travailler : le labeur d'un jour pouvant compenser, et au delà, l'arrêt forcé du lendemain. Si le directeur de l'usine ne donnait point des appointements fixes à ses ouvriers et ouvrières, s'il les payait seulement en raison du travail fait, il n'aurait point évidemment à supporter des charges qui peuvent devenir fort lourdes par suite de pénurie de pêche. Mais il rejetterait tous ces obscurs collaborateurs dans une situation aussi précaire que celle des marins pris dans d'au- tres régions. Si l'on considère, en outre, que cet accroissement de la population serait une augmentation dans le prix de revient de la vie, augmentation que le rapport de la pêche à la Sardine peut ne point compenser, on est amené à conclure que loin d'être la fortune, comme on se plait trop à le répéter, l'extension exagérée de certaines spéculations serait, au contraire, pour beaucoup une cause de misère plus grande. La solution du pro- blème, qui bientôt va se poser, tentera sans doute quelques éco- 272 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON nomistes, mais nous cloutons fort qu'ils paissent la résoudre, avec succès, autrement qu'en théorie. Ces armements et ces constructions, dont le nombre croît sans cesse, auraient encore leur raison d'être si, par un cata- clysme de l'importance de ceux qu'avait conçus Cuvier, les côtes de Bretagne (1) eussent vu les rocs de leurs falaises baignés désormais par les eaux glacées descendues des pôles et si, h toutes les profondeurs, le règne des faunes boréales se fût établi sans partage. iMais il n'en est pas ainsi, « la disparition (2) de la Sardine en Bretagne est un mal périodique, irrégulier, dont les causes réelles n"onl pas encore pu être scientifiquement établies. Les saisons de pêche offrent les variations les plus diverses, soit qu'elles présentent une uniformité remarquable, ou qu'elles soient déconcertantes par leur irrégularité. Des phénomènes anormaux peuvent se produire au cours des périodes d'appari- tion, sous l'influence de causes encore inconnues, mais qui, « priori, semblent nettement correspondre à des modifications de la température des eaux, soit à des phénomènes météorologiques généraux qui mettent en mouvement les eaux du nord de l'Atlan- tique, soit enfin à des phénomènes qui modifient le régime des eaux côtières. » Ces lignes, parfaitement vraies, devraient modérer les enthou- siasmes irraisonnés et arrêter aussi les trop grandes désespé- rances. D'un moment à l'autre, en effet, la Bretagne reverra les bancs de Sardines revenir nombreux et prêts à travailler tout le long de ses côtes. Evidemment, la pénurie de pêche de quelques années semble longue pour la brièveté de la vie humaine, mais rien ne justifie l'opinion d'un ahandon définitif des régions bre- tonnes par la Sardine. Cet abandon, d'ailleurs, est complètement inexact, puisque, dans les années où le rendement de la pêche à la Sardine fut complètement nul, tous les bateaux thonniers ou autres ont signalé les «banquées» à diverses distances de la (l)Rien que la campagne de p;-che de 1909 ait été favorable à riudustrie sardi- nière dans certaines régions bretonnes, il est de toute nécessité pour la Bretagne qu'elle se décide à modifier ces procédés de déplacement pour la recherche des Sardines et qu'elle utilise par conséquent les bateaux à moteur, sinon elle souf- frira, plus longtemps encore peut-iHre qu'elle n'en a souffert, du manque de Sardines dans ses régions côtières. ,2) La (jueslioa sardinière et la crise aquicole en général, par .1. Kunstler. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 273 côte. Du moment que l'on ne péchait plus de Sardines, c'est que celles-ci avaient disparu. Explication facile, mais qui se trouvé en contradiction formelle avec des faits que certains ignorent et que d'autres oublient. Les bateaux à moteur, qui ont donné de si merveilleux résultats sur les côtes des Landes, rendront, sans nul doute, des services inappréciables en Bre- tagne. Nous avons bien entendu dire que la délicatesse de ces rouages aurait à souffrir de la compétence des marins bretons et que la presque totalité d'entre eux serait incapable de s'en servir. Cette opinion nous semble bien sévère et bien injuste, car, du moment que les marins du Bassin d'Arcachon se servent de ces moteurs, et s'en servent bien, les Bretons sauront s'en servir aussi. D'ailleurs, il suffira qu'un marin sur cinq comprenne le fonc- tionnement si simple des moteurs actuels pour assurer la sécu- rité et la régularité de marche du bateau et nous sommes convaincu, pour notre compte, que cette moyenne se trouvera et sera même fréquemment dépassée. Maintes fois, en effet, sur les côtes de Bretagne, nous avons pu constater que bon nombre de marins de ce pays étaient aussi adroits et d'une intelligence pratique aussi grande que les marins d'autres régions du littoral des Landes, de la Manche ou de la Méditerranée et ils avaient déplus pour eux un courage devant le danger que bien d'autres populations maritimes ne possèdent point. Ce n'est pas un motif suffisant parce qu'une race demande à l'alcool l'aide pour de durs travaux et l'oubli d'heures pénibles, pour dénier, même à une minorité de cette race, l'intelligence nécessaire à la mise en marche et au simple entretien d'un moteur. Nous avons bien souvent aussi entendu dire que les moteurs actuels seraient sans aucune valeur contre les courants des côtes bretonnes! Si cette opinion ne s'était pas accréditée, nous ne l'aurions même pas citée, car elle révèle une ignorance complète de la vitesse des courants et du rendement des moteurs actuels. Evidemment, toute navigation maritime sérieuse est impossibleavec certains appareils qui n'auraient jamais dû quitter les rivières et les étangs pour lesquels ils furent construits ; mais il en est d'autres dont les tempêtes les plus sévères ne peuvent arrêter la marche et que les courants les plus violents ne peuvent empêcher de progresser. Sur les passes du Bassin, près de la 274 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON bouée de Toiilinguet, les courants filent fréquemment 2"'32 à la seconde (1) et, à certains moments, cette vitesse est dépassée; malgré cela, les bateaux actuels la remontent victorieusement et remonteraient encore aisément des vitesses supérieures. «Chaque marée de niveau introduit dansle Bassin 336 millions de mètres cubes et les plus faibles marées de morte eau un volume de 120 millions». Ilépartie d'une manière uniforme pen- dant les six heures du flot, cette quantité se déverserait sur la Barre au taux de 15 ooO mètres cubes d'eau par seconde, près de deux fois autant que le Danube à sa portée moyenne (2). Quand un bateau peut progresser contre un torrent pareil, il peut être utilisé avec confiance contre les autres courants des côtes de France. En effet, si des barques de pèche à la, rame ou à la voile peuvent remonter certains courants, il nous semble rationnel d'admettre que les bateaux à moteurs actuels les refouleront à leur tour sans grande difficulté. Et seuls des esprits prévenus ou d'une ignorance qu'il est inutile d'enseigner peuvent soutenir une opinion contraire. Nous savons que jusqu'ici les marins bretons se sont montrés réfractaires à ce nouveau mode de navi- gation. Ni les conseils ni les démonstrations faites à terre ne seront susceptibles de faire accepter les moteurs pour bateaux par ceux qui en ignorent les avantages ou qui ont assisté à des essais malheureux de mécanismes encore trop imparfaits. Pour les faire accepter maintenant, il faudra d'abord vaincre la méfiance de toute population maritime contre le nouveau et contre l'incer- tain. Mais pour vaincre cette défiance il sera nécessaire, du moins durant quelque temps, de partager la vie du marin à son bord. L'exemple d'un jour vaudra mieux que les conseils de toute une année. L'enseignementpar l'exemple est un apostolat comme bien d'autres et celui-là n'est pas des plus pénibles. Si l'on considère que les bateaux actuels peuvent couvrir aisément lï30 kilomètres en mer pour dix heures de marche, on ne peut que souhaiter leur utilisation par les marins employant encore, pour la pèche à la Sardine, des bateaux à voile ou à rame. Le champ d'investigation se trouve ainsi singulièrement (1; Estimation de l'ingénieur Paiiier. (2) Elisée Reclus, Loc. cit. BULLETIN DE LA STATIOiV BIOLOGIQUE 275 agrandi, des régions de pèche inaccessibles peuvent être explorées et la rapidité du déplacement permettra de nombreuses tentatives, augmentant ainsi les possibilités de réussite de la pèche. Grâce à eux, la Bretagne reverra, sans doute plus tôt que si elle l'attendait du retour des conditions anciennes, les années de prospérité sardinière. Mais alors le personnel breton employé par les usines nouvellement fondées sur les bords du Bassin d'Arcachon sera rappelé par les maisons mères de Bretagne, car cette région, plus que celle des Landes, est favorable à l'indus- trie sardinière par ses ports d'un accès plus facile(l) qui assurent des journées de pêche plus nombreuses et l'apport de cette pèche plus rapide et plus certain. Le littoral des Landes, de ce fait, se trouvera délaissé. Evidemment, les usines qui ont fait appel au concours des femmes de la région continueront leur industrie, mais ce rêve, qui fait voir à certains le littoral du Golfe de Gas- cogne couvert do cités ouvrières, aura le sort de celui qui berçait la Commission nautique de 1856 et lui faisait dire, en des termes où vibrait encore le souvenir de l'épopée napoléonienne, que l'amélioration des passes était « une œuvre digne de l'initiative d'un gouvernement comme celui de l'Empereur, qui a l'intelli- gence de tous les grands intérêts et qui poursuit la réalisation de toutes les gloires. » Que ce soit sous un ciel gris, alors que les vents d'ouest chassent devant eux, en un troupeau sinistre, les nuages qui semblent, dans le lointain, s'élever de la crête des vagues, ou sous un ciel d'une clarté implacable, le long ruban d'argent qui se déroule sur le rivage des Landes clame sans cesse l'incertitude d'une pèche qui exige un océan toujours calme et un havre toujours proche et toujours accessible. Une longue réflexion doit précéder et modérer toute tentative nouvelle dans ce pays, car il est des enseignements inoubliables. Les rizières ont abrité des nichées de vanneaux et la silhouette anguleuse des droma- daires a, dans la lande rose, fait revivre des tableaux dignes de Fromentin. Et comme dernier vestige de cette époque, pourtant prospère, il ne reste plus que quelques étriers rongés par la (1) Aiulierne, évidemment, est d'un accès parfois difficile, mais les ports voisins compensent cet inconvénient. Tandis que les « passes fermées », les bateaux sont obligés de demeurer au large, jusqu'à l'attente d'une accalmie, ou de gagner Bordeaux ou Bayonne, c'est-à-dire s'éloigner ainsi beaucoup du centre industriel. 276 SOCIÉTÉ SCIE.MIFIQUE D ARCACHON rouille... Puis ce fureut des champs de pommes de terre qui, s'étendnnt à l'infini, étoilaient de leurs fleurs mauves et blanches le sable blond. Mais, faute d'une main-d'œuvre suffisante, l'exploitation ne put se faire. Alors des vignes furent plantées. Cette tentative colossale où furent engloutis des millions ne put donner, faute d'ouvriers encore, ce qu'on attendait d'elle. Maintenant l'ajonc et la bruyère régnent en maîtres sur le sol que, vainement, on tenta de leur arracher. Or, non seulement la cause de tous ces échecs demeure entière pour l'industrie sar- dinière dans le Bassin d'Arcachon, mais il est encore à craindre que d'autres causes aussi redoutables ne viennent jeter un décou- ragement définitif pour tout armement dans l'esprit de ceux qui furent trop enthousiastes pour être réfléchis. C'est afin d'éviter ce sentiment regrettable que nous avons tenté d'indiquer ce que l'on pouvait raisonnablement espérer des résultats de la pèche à la Sardine sur le littoral landais. 11 est, en effet, plus au large, dans les flots bleus, des richesses encore inexploitées, capables de compenser largement les sacrifices consentis et dignes de susciter des énergies nouvelles. Le 7 juillet 1909. bassin d'arcachon et region goïlere des landes tempi:ratures et densités Par A. HAUTREUX LieulenanI de vaisseau eii n-lraile Durant un séjour de six semaines à Arcachon, pendant l'été de 1009, nous avons fait dans le Bassin des observations journalières de températures et densités de l'eau du Bassin, h marée haute et à basse mer, entre la Place Thiers et le Grand- Hôtel, sur la Plage où l'on se baigne, et ensuite fait des excur- sions autour de l'Ile aux Oiseaux et vers l'embouchure de la Leyre, pour déterminer à quel point du Chenal se rencontrent à marée basse les eaux absolument douces de la Leyre. Nous désirions aussi contrôler les observations bien plus suivies et complètes que nous avions fait faire en 1893, 1894 et 189o, avec la collaboration du capitaine au long cours II. Durand. Les recherches actuelles nous ont montré la permanence saison- nière des résultats obtenus, lesquels comprenaient non seule- ment l'étude des eaux du Bassin, rade d'Eyrac, mais encore celle des eaux océaniques côtières de la région marine comprise ent-re les Phares d'Hourtin, du Ferret, de Contis, soit sur une étendue de 30 milles au nord, 30 milles à l'ouest et 30 milles au sud de l'entrée du Bassin. Cette région oceaniipie est particulièrement intéressante à observer, en raison de l'uniformité du sous-sol marin et de la régularité des pentes du sol, depuis le rivage jusqu'au delà de 30 milles nautiques, soit 55 kilomètres de la côte. Aucune rivière importante n'y vient apporter ses troubles ni ses eaux douces ; l'eau de mer y est d'une pureté notable et les effets de la pénétration lumineuse solaire s'y font sentir également partout, sur les fonds de sable et sur les fonds vaseux ; les sables purs occupent non seulement tout l'estran 19 278 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON recouvert par les marées, mais encore une bande riveraine assez étendue, plus large vers le nord que vers le sud, de même que la pente du terrain marin est plus faible au nord qu'au sud du Bassin. Nous exposons d'abord les résultats obtenus dans le Bassin d'Arcachon, puis ceux obtenus dans la région côtière océanique avec ses températures mensuelles à la surface de la mer et dans les profondeurs jusqu'à 100 mètres de fond. Bassiix d'Arcachon Le Bassin forme un vaste triangle rectangle, dont les côtés sont : le Cap Ferret nord-sud, Arcachon, La Teste, Gujan- Mestras et Le Teich est-ouest, et dont l'hypothénuse est le rivage d'Audenge à Ares vers le nord-ouest. Les longueurs sont : Du Cap Ferret à Ares 20 kilomètres. Du Phare du Ferret à Audcnge. . 20 kilomètres. Du Teich à Ares 20 .kilomètres. La surface que vient remplir la marée est d'environ 250 kilo- mètres carrés. La passe de communication avec l'Océan a environ d kilomètres de largeur, mais elle est obstruée par de nombreux bancs de sable, qui découvrent à marée basse, en sorte que la nappe d'eau qui y passe pour remplir le Bassin à marée haute n'a pas plus de Î5'"o0 d'épaisseur en moyenne. Deux chenaux servent à cette tâche : celui du Picquey, le long du Cap Ferret, et celui d'Arcachon et d'Eyrac, oi^i se trouve le mouillage des navires, par 12 et lo mètres de profondcui' de mer basse. Une Ile dite des Oiseaux est au milieu du Bassin; elle est entourée de nombreux bancs qui découvrent et sont les parcs à Huîtres. Ces bancs sont sillonnés de petits canaux peu profonds servant pour les embarcations des parqueurs ; le plus profond de ces canaux a 5 mètres de basse mer, il fait le tour de l'Ile à certaine distance. La largeur des deux grands chenaux est d'environ 2 à 3 kilomètres ; c'est de là que la marée s'étend pour recouvrir les parcs; on conçoit la résistance que ceux-ci lui opposent, ce qui explique le retard considérable que met le flot pour se rendre de rembouchure du Bassin vers celle de la BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 279 Leyrc, à 25 kilomètres do distance, retard qui est de près d'une heure. Ces quelques considérations permettent de comprendre les variations de densités et môme de températures que l'on observe dans les différentes parties du Bassin. Tempéiiatures et Densités Ces observations ont été faites du l*^' juillet au lo août 1900, chaque jour à la pleine mer à l'époque du maximum thermal de ^ ,ià Ï3M 0 tl .%t t ^ 'â/i f5/J/S MLL im^ ïSà^t JML lôii Pf^ ^\ / /^iâ r'- '1/j. Ù)0->rv'ke'La/^i£.i ^^e l^ 'f-'i£->^^ P__^f, IL t F^ li' A A n il \ -^% i \i 280 SOCIÉTÉ SCIEIVTIFIQUE d'aRCACUON l'année. Les circonstances météorologiques furent très belles ; cier clair dans l'après-midi, vent de ouest-nord-ouest, jolie à belle brise, temps sec, sauf un seul jour, grande luminosité et chaleur modérée; mais le mois de juin avait été pluvieux et frais. Ces observations nous montrent d'abord les faibles modifica- tions qu'apportent les marées dans les densités et dans les températures des eaux. Les densités se maintiennent à 1021 et 1022 pendant tout le mois de juillet ; elles augmentent de 1 gramme au maximum du mois d'août. Les températures de la mer sont à 19" au commencement de juillet en syzygie ; elles s'abaissent à 18° en marée de quar- tier, montant à 21° en nouvelle lune et s'y maintiennent jusqu'à la pleine lune des premiers jours d'août, puis s'affaissent à 20° vers la quadrature ; elles suivent un peu les oscillations des maxima de température de l'air surtout pendant les quadratures. Ces modifications de température des eaux sont une consé- quence de l'action thermale du soleil sur la surface des bancs, d'une si grande étendue dans le Bassin, et qui sont exposés à l'ardeur solaire pendant qu'ils sont découverts. Cette influence des bancs, qui canalisent les courants de marée et modifient, suivant les lieux, température et densité, ressort pleinement d'excursions que nous avons faites soit autour de l'Ile aux Oiseaux, soit vers l'embouchure de la Leyre. Ces observations ont été faites chaque jour, aux environs de la Place Thiers, sur les plages où l'on se baigne, et avec des instruments très ordinaires, pendant le mois de juillet et la première semaine d'août. Le temps qu'il a fait dans la région, dans les mois précédents, a été, en avril et mai, relativement sec et chaud ; le mois de juin a été très pluvieux, il est tombé plus de 100 milUmètres d'eau dans le pays environnant, ce qui est le triple de la quantité ordinaire; les sables ont été forte- ment imbibés. Les cinq semaines de juillet et août ont été remarquablement sèches, la température n'a pas dépassé 30 degrés, les vents ont régné de l'ouest au nord-ouest, joHe brise saut le 0, le 7 et le 10 juillet avec bonne brise de l'ouest; puis les vents d'est ont dominé du 4 au 7 août. Le mouvement des densités a été remarquablement uniforme BULLETIN DE L\ STATION BIOLOGIQUE 281 aux environs de 1021, par conséquent un peu inférieur de 5 unités à la densité de l'Océan; on remarquera que le 6 juillet et le 0 août il y a eu une densité de 1024 ; dans le premier cas il y avait bonne brise de sud-ouest et pluie ; dans le second cas, 6 août, temps clair, sec, vent de nord-est, fraîche brise ; les vents un peu frais paraissent .donc avoir une certaine influence sur la salure. Les températures de la mer de cette période ont été naturel- lement en augmentant avec très peu de variations journalières; elles se sont maintenues, pendant la première moitié de juillet, aux environs de 10 degrés ; pendant la seconde moitié, entre 21 à 22 degrés, sauf la première semaine d'août oi^i les vents du nord-est l'ont fait baisser à 20 degrés. Les températures de l'air prises dans la matinée et vers le maximum de la journée se sont maintenues pour le matin, pen- dant la première quinzaine de juillet, aux environs de 15 degrés et les maxima de l'après-midi vers 20 degrés. Dans la seconde quinzaine de juillet, les minima da matin ont été d'environ 20 degrés et les maxima de 26 à 27 degrés. La première semaine d'août a donné des écarts plus considé- rables, le minimum du matin a été de 15 degrés, les vents étant du nord-est, et le maximum fut de 27 degrés le 6 août. PrEAUÈRE EXCURSIOiX A LA LeyRE Des observations de densités et de températures ont été faites en remontant vers l'embouchure de la Leyre, pour s'y trouver à marée basse à la limite extrême des eaux salées. Celte excursion fut faite le 7 août, en marée de quartier de basse mer, jusqu'à échouage de l'auto-canot qui nous portait. Les eaux y furent trouvées absolument douces au goût et leur température alleignail 27 degrés. Au départ d'Arcachon, vers la Place Thiers, l'eau avait été trouvée à 21 degrés et l'air également 21° ; lèvent, qui le matin avait été calme, avait tourné à l'ouest, jolie brise, ciel très clair, luminosité ardente. Nous donnons ci-après le tableau des échantillons d'eau recueillie dans cette promenade, dans les chenaux du Teichan d'abord jusqu'à l'eau douce, puis dans le chenal de Gujan-Mes- tras au retour. 282 SOCIÉTÉ SCIEiNTIFIQUE d'aRCACHON Échantillons. N" 1. Entrée du Teiclian : densité .1022, trois heures après- midi fin de jusant. N° 2. En face de Baoure, chenal du Teichan : densité 1020, trois heures et demie, vent d'ouest, joHe brise. No 3. Pointe de Gomprian : densité 1019, A'ers quatre heures jusant. N° 4. Par le travers du chenal de Gomprian : quatre heures et quart, densité 1019. N° o. Entrée du canal du Teich : densité 1012. N" 6. Par le travers du Teich : quatre heures et demie, eau douce, hmite du parcours, échouage, densité 1000, température de l'eau 27°, basse mer. Quatre heures quarante, flot, l'eau monte et nous déséchoue ; au départ, eau légèrement salée au goût. N° 7. Par le chenal de Gujan-Mestras : densité 1020, cinq heu- res et demie. N° 8. Par le travers de La Hume : densité 1021 , tempéra- ture 22°, six heures moins le quart; rade d'Eyrac, arrivée Place Thiers six heures et demie. Deuxième excursion (tour de l'Ile aux Oiseaux) La deuxième excursion fut entreprise le 10 août, entre quatre heures et six heures de l'après-midi, à la basse mer, dans les petites marées de quartier. Le temps était absolument semblable à celui que l'on avait eu à la première excursion ; calme le matin, vent d'ouest, jolie brise pendant l'excursion, luminosité ardente, température de l'air 24°. Les observations de tempéra- ture et de densité ont donné le résultat suivant. Echantillons . N° 1. Ghenal de Gousse: densité 1022, température de l'eau 22°. N" 2. Ghenal de l'Ile : densité 1021, température de l'eau 22°. N° 3. Ghenal du Piquey, étale : densité 1021, température de l'eau 22"^. N° 4. Ghenal de l'Herb, commencement du flot: densité 1021,5, température de l'eau 22°. N° 5. Gap Ferret : densité 1022, température de l'eau 22°. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 283 Au retour Place Thiers, à six heures et demie : densité 1021,5, température 22", flot bien dessiné. En résumé, ces deux excursions nous donnent, dans des con- ditions analogues, une connaissance précise des faits qui se passent en petite marée dans toute l'étendue du Bassin. Dans toutes les parties des bancs qui entourent l'Ile aux Oiseaux comprises entre le Cap Ferret, le Piquey, le chenal de l'Ile, le chenal de Gousse, la rade d'Eyrac, Gujan-Mestras, la Place Thiers et les plages où l'on se baigne, on a trouvé la tempéra- ture de la mer constante à un degré près et sa salure presque identique, très peu inférieure à celle de l'Océan. Dans tout le parcours de ces chenaux l'eau est assez profonde pour que les bateaux à A^apeur puissent y circuler. Au contraire, entre le chenal de Gujan-Mestras ou du Teichan et Le Teich, la décrois- sance de la densité est rapide et l'augmentation de la tempéra- ture de l'eau très sensible, la profondeur diminue rapidement, les bancs qui découvrent resserrent le chenal, se réchauffent au soleil, le volume d'eau douce qu'apporte la Leyre, s'y concen- tre et nous avons trouvé, à marée basse même de petite marée, l'eau absolument douce, que nous avons pu goûter et boire, par le travers du Teich, notre bateau étant échoué dans le che- nal de la Leyre par 50 centimètres de profondeur, fonds de sable tout à l'entour. Ce qu'il faut constater dans ces observa- tions, c'est la séparation marquée entre la nappe des eaux douces et celle des eaux salées, les mélanges entre ces eaux de densités si différentes; agitées par l'alternance des marées, sur un si vaste espace, ces mélanges, disons-nous, ne se produisent qu'avec une très grande difficulté. C'est, du reste, ce que nous avions déjà observé dans des recherches antérieures faites, non seulement dans le Bassin d'Arcachon et aussi sur la côte des Landes, avec la collaboration du capitaine Honoré Durand, capitaine au long cours, employé à la surveillance des bateaux de la Compagnie des Pêcheries de l'Océan. C'est aussi ce que démontrent nettement les faits qui se pas- sent en plein Océan, où les eaux du Gulf-Stream, par exemple, se mélangent si peu avec les eaux de salure et de température moindres qui les séparent de la côte des Etats-Unis, au nord du cap Hatteras, que les Américains désignent cette séparation par 284 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON le terme expressif de Cold Wall (muraille froide), que celte séparation existe tout le long du banc de Terre-Neuve, où s'opère la fusion des glaces arctiques et que les eaux océaniques ne sont réellement mélangées par les coups de vent qui les bouleversent si fréquemment, été comme hiver, qu'entre le 40" méridien ouest de GreenAvich ou le 42° de Paris, les côtes de l'Europe, et particulièrement vers les côtes de Gascogne et d'Espagne, où se dirigent les eaux épanouies du grand courant américain du GuU'-Stream. Région cÔTif^RE des Landes Des observations analogues ont été faites antérieurement à Arcachon, rade d'Eyrac et dans l'Océan côtier, avec de nom- breuses études mensuelles de températures sous -marines, jusqu'à 100 mètres de profondeur; les échanges entre l'Océan et le Bassin sont ainsi constatés. Nous croyons utile de donner quelques indications à cet égard en analysant les tableaux dressés à cette époque. Ces tableaux ayant été publiés et accompagnés de graphiques dans le Bullelhi de la Société de Géographie de Bordeaux du 21 octobre 1895, nous rappelons les faits principaux qui décou- lent de leur examen : Les densités de l'Océan côtier ne varient pas sensiblement de l'hiver à l'été, les variations atmosphériques journalières n'ont aucune influence sérieuse. Celles du Bassin, en général plus faibles que celles de l'Océan sont très affectées par les périodes pluvieuses longues et conti- nues; cette influence est d'autant plus grande qu'on s'éloigne davantage de l'embouchure. De l'embouchure jusqu'au Phare, dans les parties profondes des chenaux, la décroissance est assez faible. Dans la rade d'Eyrac, elle est déjà sensible; enfin dans les périodes pluvieu- ses, en se rapprochant de la Leyre, on trouve rapidement des eaux saumàtres et même tout à fait douces à marée basse. Par les temps secs, il se produit quelquefois sur les bancs de la sur- salure. Tous ces faits sont très localisés et mériteraient des observations suivies jour par jour; le graphique des densités si ï l^ ( :^ ^ iSp im //fr ^ \A ^^i> ;^^ 157 %. W '•^f II ^ M_ SI m w ^ Variations de température et de di'iis d'Arca ;hon ilé d ; leu e Teau r rappoi de la côte des Landes et de divers points du Bassin ts avec les chutes de pluies. >s^ BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 287 faibles observées en rade d'Eyrac, d'octobre 1896 à mai 1897 en est un exemple frappant. Ce graphique montre tout d'abord que pendant cette période hivernale de six mois, la densité s'est maintenue entre 1004 et 1012. Les quantités de pluies recueillies chaque mois, jour par jour, montrent que tous les abaissements de densités ont corres- pondu à des périodes de grande pluviosité et qu'aussitôt que le temps devenait moins humide la densité se relevait un peu . Un autre fait à noter, c'est que le commencement des grandes pluies a eu lieu vers le 10 octobre et a duré vingt jours; la chute de la densité se fit sentir brusquement dans la rade d'Eyrac, le 13 octo- bre ; ce n]est qu'au bout de trois jours de pluies torrentielles que les eaux douces de la Leyre et l'imbibition des sables côtiers, aidées par une marée de syzygie, ont atteint la rade d'Eyrac, mais cette dessalure des eaux a duré jusque vers le 3 novembre. Le même fait se reproduisait au mois de février de l'année suivante. L'influence des pluies est donc manifeste dans ces cas de dessalure extraordinaire du Bassin. Les températures subissent aussi d'autres inOuences; tandis que dans l'Océan, à l'ouvert du Golfe de Gascogne, on note en été 18° et en hiver + IT ; Dans le Bassin, on note, en rade d'Eyrac : été + 23°, Dans les périodes des grands froids : hiver + 1°. Sur les bancs : en été + 27". Quand il gèle : en hiver 0°, à marée basse. Les influences qui agissent sur ces eaux sont bien évidentes pour les densités; à la suite de pluies abondantes, la décharge des eaux d'imbibition des sables landais et celle des ruisseaux et rivières du pourtour diminuent la salure, surtout dans les petits canaux peu profonds. Quant aux températures, c'est la vaste étendue des bancs qui découvrent à basse mer qui affecte les eaux de marée que le flot leur amène et d'autant plus qu'ils sont plus longtemps découverts et exposés aux ardeurs du soleil ou aux froids de l'air glacé. Ce sont encore des faits locaux qui agissent avec d'autant plus de vigueur qu'on est plus éloigné de la mer. Z»8 SOCIKTK SCIENTIFIQUE D ARCACHON Pendant qu'on prenait à l'Océan les températures de la surface de la mer, on notait celles que l'on trouvait aux diverses pro- fondeurs qu'atteignait le chalut; comme ces constatations peuvent intéresser les biologistes et les pêcheurs, nous donnons le tableau de celles qui furent observées pendant les différents mois de l'année. Les points marquent les observations et le trait leur moyenne. i 7 % V -^4' V. 001 ' / ^ 7 M ^* °& i J' ï r li~ 1 09 \ ""/ fT'lî" ti 06 i . • r r^^"!-^^" . 09 ;| • 1 : • oç • j ^ • 1 : 07 • i j ; oi 7 ::r:::":H: 0^ Z ' r 01 -r nxjmC^ ; ' • ÇiK»}x>e^.x^(j) ^ « V3ÎT1^' iî>d iut>C) h^. «i i-.' o' iir, W Vi V< — 0 >rs vt-' tTi c^ •-■ ^ tn cy '— ■ ê^' ^' Q °^ '■■ \ \ '■ ■■ \ '■ \ \ 1 7 00^ / • 1 06 ^ /: 1 • ' . Oi 1 """"1 / . ^^ : 'J '^ i. --. / . :/ ^^ " ,7. /• • ï'- oç l • / ot y / ' / / oz V. / • y oz -—/- — V" / 01 / t ^ iry^'^Ç» ; ■çuff^r^nyc-çj^- -j à^ï BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 289 rri —• ta 1 OÔT 1 S i>\ OU « sf 2 o OOP ^ § b 06 ^ 2 ^ £j ^ S8 iî 08 •^ oi (f ] S ^ RL è 5-0 OL •S?< ^ «fvl 89 'h A 09 2 "^"^ ^ 1?^ .^ lî^1 S8 ^ OS 2 ^ -^ "^ >* î^ 1 Sf «^ Ot ài io ^ ^ éz^ fis Sz ^ ?>! '"" OC X) « f2 2! !^ SS 00 o o . -=0 . OS i 2 81 â 01 S 50^ 30V;ia.lS ^ ^ C>1 ^ ^ 1- C^l ^ -h" ^ - " 2 S v: 1893 Juillet Août Septembre. . Octobre .... Novembre. . Décembre . . 1894 Janvier Février Mars. . . Avril . . S suoneAJ9sqos8p aaaKO.v; ■-^ ^ ?? ^ 2 2 (M ILe >^ (M i3C vj. .30 290 SOGIKTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON Ce tableau fait connaître la marche des températures sous- marines en toute saison pour la région qui nous occupe. Ainsi, été comme hiver, à 100 mètres de profondeur, on observée 11°; en hiver, depuis la surface jusqu'à cette profondeur, la tempé- rature est sans changement à 11°. En été, la surface s'échauffe jusqu'à 24° et s'affaiblit avec la profondeur jusqu'à tomber à 11°, comme en hiver. Cette décroissance de la température suit une loi spéciale; elle est peu rapide jusqu'à 30 mètres; elle s'accélère de 30 mètres à 50 mètres, puis se ralentit beaucoup pour devenir presque uniforme de 75 à 100 mètres et au delà. Les raisons en sont bien simples : c'est d'abord la faible incidence du rayon lumineux qui frappe la surface de l'eau et se réfléchit en pénétrant très peu dans la masse liquide pendant l'hiver, tandis que pendant l'été elle se réfléchit moins et pénètre davantage ; il faut compter aussi avec l'absorption des rayons lumineux dans l'eau. Tous ces faits se rapportent à la côte landaise voisine d'Arca- chon dont la latitude est de près de 45°; ce sont des faits locaux, variables, par conséquent, et qu'il ne faudrait pas généraliser. Cette côte est protégée d'un refroidissement plus considérable que 11° par une nappe océanienne d'une épaisseur de 1.000 mètresqui possède une température de 10° à 11°. C'est une véri- table garantie que nous voudrions voir divulguer pour combattre certaines craintes qui ne peuvent se réaliser. Nous présentons ces diverses observations à la Société scien- tifique d'Arcachon dans l'espoir qu'elles pourront être utiles aux pêcheurs et aux médecins de la Station. Septembre 1909. UNE QUESTION DE NOiMENGLAïUUE BOTANIQUE FUCUS PLATYCARPUS OU FUCUS SPIRALIS Par M. Camille SAUVAGEAU Professeur à la Faculté dos Sciences de Bordeaux J'ai publié l'année dernière dans ce recueil un travail sur les variations du Fucus platycarpus (1). J'en ai profité pour essayer de régler un détail de nomenclature, car je trouvais déplorable qu'une espèce aussi répandue fût appelée F. platycarpus par les uns, F. spiralis par les autres. J'espérais avoir démontré la nécessité d'abandonner le nom de F. spiralis L. parce que la plante ainsi désignée est impos- sible à caractériser avec précision, tandis que Thuret a bien décrit et bien figuré son F. platycarpus. Je disais que le F. spiralis de Linné est un ensemble de formes appartenant à diverses espèces, tandis que le F. platycarpus de Thuret est un type nettement caractérisé auquel il devient possible d'ajouter des A'ariétés plus ou moins bien délimitées.. Cela est si évident que les anciens auteurs abandonnèrent le nom de F. spiralis et inclurent dans le F. vesiculosus les plantes qu'ils supposaient lui correspondre dans l'intention de Linné. En créant son F. platy- carpus, Thuret reconnaît d'ailleurs qu'une partie du F. spiralis L. , espèce composite, doit y rentrer. Cependant, depuis quelques années, les auteurs septentrionaux reprenaient l'usage du nom F. spiralis et, dans un Mémoire sur les Algues des Feroë, M. BoRGESEN, cherchant à justifier ce choix, considérait môme le F. platycarpus comme une variété du F. spiralis (2). Cela m'avait engagé à mettre la question au point. (1) C. Saivageau, Sur deux Fiicux récollés à Arcachon (Fucus platycarpus elF. luia- riiis). liuUetin de la Station biologique d'Arcaclion, année XI, 1908, p. 65-224. (2) F. BÔRGE3EN, The marine Algîe of the Ftcrôes. Botany of the Fferôes, part II, Copenhague, 1902, p. 339-332. 292 SOCIÉTÉ SClEiMlFIQUE DARCACHOIV Mes arguments n'ont pas convaincu M. Bôrgesen, qui m'a répondu dans un article paru en août dernier (1). Je ne voudrais pas laisser supposer que cet article a modifié ma conviction. L'auteur débute par une réédition des quelques pages qu'il avait consacrées au F. spiralis en 1902, puis entre dans la discussion en disant (loc. cit., p. 110) que je voudrais appeler F. platijcarpus Tlmr. var. spiralis Sauv. ce qu'il a appelé F. spiralis L. var. platycarpa (Thur.) Borg. Cela laisserait supposer au lecteur non prévenu que si je refuse d'accepter la nomenclature de M. Bôrgesen, c'est par amour-propre d'auteur d'une A^ariété spiralis. Or, rien ne serait moins exact. Je suis seulement le père adoptif de cette variété, et je le suis pour être agréable au vrai père, qui n'a pas renié mais a regretté sa paternité. Voici ce qui s'est passé : En 1895 et 1896, peu familiarisé encore avec les variations des Fucus, j'avais récolté sur la côte d'Espagne une plante me paraissant appartenir au F. platijcarpus, quoique notablement différente du type figuré par Tulhet. Je fis part de mon embarras à M. RosENviNGE et je lui demandai conseil. Il me répondit, le 12 mars 1897, qu'il trouvait sur la côte danoise une plante identique à la mienne, qu'il la supposait correspondre au 7^\ spi- ralis de LhNiNÉ et qu'il inclinait à croire que le /'^^^c?/* d'Espagne, ainsi que celui de Danemark, pouvait être regardé comme une forme du F. platijcarpus . Pour me démontrer cette identité, M. RosEiNYLNGE m'cuvoyait obligeamment deux exemplaires danois marqués de sa main F. platijcarpus var. spiralis. J'étais donc fondé à employer cette nomenclature dans mon travail de 1897 (2). Malgré cela, M. Bôrgesen insinuant déjà en 1902 (loc. cit., p. 475) que j'avais mal compris M. Uose.wlngi;, j'ai dû prouver le contraire en fournissant la copie des étiquettes accom- pagnant les échantillons danois (Sur deux Fucus etc., p. 91). Cependant, d'une part, M. Roseinvinge n'a jamais imprimé lui- (1) F. Bôrgesen, Fucus spiralis Linné, oi' Flucus ptalycarpus Thuret : A question of Nomenclature. Extracted from tlie Linnean Society's Journal. ^ Botany, vol. XXXIX, Londres, août 1900, p. 10-i-il9 et pi. IX. (2) C. Saivageau, Xote prélimiaaire sur les Algues du Golfe de Gascogne. Juuniai de bolanique, t. XI, 1897. Depuis, M. Chalon, citant cette plante, a écrit, avec raison, F. plalycarpus A-ar. spiralis Rosenv. (Liste des Algues marines observées jusqu'à ce jour enlre l'embouchure de l'Escaut et La Corogne. Anvers, lOOu.) BULLETIN DE LA STAT10i\ BIOLOGIQUE 293 même cette combinaison trinominale et, d'autre part, je tenais de lui, en 1908, que s'il avait aujourd'hui à citer la variété, il la désignerait comme JNI. Borgesei\ la désigne dans les Marine Algœ of the Fœroes. J'aurais eu vraiment mauvaise grâce à insister et je me suis résigné à écrire F. platycarpus ïliur. var. spiralis Sauv., mais je le répèle, je suis seulement le père adoptif de cette variété. J'espérais ne pas avoir à l'expliquer une fois de plus. Et cependant, dans sa Note de 1909 (p. 118), M. BoRGESÈN cite tout au long quinze lignes par lesquelles j'ai signalé en 1897 cette variété en Espagne, pour démontrer que ce que j'en dis n'est guère supérieur à la diagnose de Linné. Je ne m'attendais point à ce procédé de discussion ; j'eusse préféré que M. BôRGESEN ne s'arrêtât pas en chemin et qu'il citât ma phrase en entier. Sa citation, en effet, se termine ainsi : « Ce serait l'ancien F. spiralis de Linné. », tandis que j'ai écrit : « Ce serait l'ancien F. spiralis de Linné, que M. Rosenvinge appelle F. platycarpus var. spiralis ». Cela change singulièrement le sens. M. Rosenvinge étudiait spécialement les Algues du Dane- mark; je n'avais pas à décrire une variété nommée par lui et qu'il désirait peut-être publier lui-même ; je la citais seulement comme référence (1). M. BôRGESEN consacre quelques pages à l'historique du F. spi- ralis. Je rappelle que j'ai publié une bibliographie plus détaillée et plus complète pour démontrer la thèse inverse de celle de mon contradicteur (2). (1 Pour éviter de nouvelles rectificalions trop pi'écipitées ou de nouvelles cita- lions incomplètes, j'ajoute que j'ai employé, en 1897, le nom F. platijcorpus \av. spi- ralis pour désigner la plante de San Vincenle et de Danemark sans avoir à me préoccuper du F. spiralis L. et bien que M. Rosenvinge eût peut-ètn^ l'intenlion d'y comprendre celui-ci tout entier, .le sais actuellement que le F. spiralis de Linné n'est reconnaissable ni comme espèce ni comme variété; le nom F. platycarpus \av. spi- ralis Sauv. s'applique donc, en 1908 comme en 1897, à la forme que le F. platycarpus prend sur les côtes de France et d'Espagne à son niveau supérieur, et qu'il prend aussi dans des conditions différentes qui ne sont pas encore précisées, .l'ai dit aussi (Sur deux Fucus, p. 1G8j que 1' « on trouve dans un même lieu tous les intermé- diaires entre la var. typica et la var. s/tiralis ». Enfin M. Rosenvinge m'a déclaré que si M. Rouges en m'avait accusé de l'avoir mal compris, il en était responsable parce que, en documentant son collègue, il avait oublié ce qu'il m'avait écrit autrefois sur le F. platycarpus \ar. spiralis. Cet oubli est tout à fait excusable. Néanmoins, le nom existe, a été publié, el M. Rorgesen ne peut le supprimer dans une citation. 2 L'historique publié par M. Rorgesen est un choix dans la littérature du sujet. On reste surpris, par exemple, que les noms de G. Agardh et de J. Agaruu n'y soient 20 294 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE d'aRCACHON La seule chose nouvelle dans la Note de M. Bôrgeseix est la photographie des deux échantillons conservés par Linné dans son herbier. L'un paraît être, en effet, ce que j'appelle var. spi- ralis, mais l'autre est tout différent, probablement le F. inflatus. M. BôRGESEN se console de la présence de celui-ci en disant que ses réceptacles n'étant pas tous de môme taille, il pourrait bien être un hybride entre le F. spiralis et le F. inflatus. Les lecteurs qui savent combien rares sont les hybrides de Fucus judicieusement constatés dans la nature ne prendront pas l'argu- ment au sérieux. En outre, de ce que l'un des deux exemplaires conservés par Linné se rapporte probablement au F. spiralis de M. BôRGESEN, il me paraît tout à fait exagéré de conclure que l'espèce de Linné est homogène ! J'avais dit, et je maintiens, que le F. spiralis L., étant données les conditions dans lesquelles il fut récolté, les termes dans lesquels son auteur l'a décrit et les connaissances algologiques de l'époque, était nécessairement, fatalement, un capharnaiim de Fucus non vésiculifères et je disais que, parmi ceux-ci, devait figurer le F. vesiculosus var. sphœrocarpus. M. Borgesen (p.ll3) triomphe de ce que l'herbier de Linné ne renferme pas de F. vesi- culosus sous le nom de F. spiralis et admet que cela anéantit ma thèse. Il n'en est rien. Je me déclare satisfait par deux échantillons conservés sous le même nom et correspondant cependant à deux espèces; jamais je n'ai supposé que deux échantillons pourraient représenter trois espèces, mais tout me laisse croire que si Linné en avait conservé trois, le troisième eût été un F. vesiculosus non vésiculifère. Il existe nombre d'espèces d'Algues au nom desquelles on accole le nom de Linné par la force de l'habitude et dont on ne pourrait prouver que la paternité lui appartient; ce n'est i^as une raison pour vouloir utiliser tous les noms employés par Linné et en particulier pour dire, malgré l'évidence, que son F. spiralis est bien caractérisé. Au reste, il me paraît inutile de discuter plus longuement sur ce que Linné pensait ou ne pensait pas, le principal intéressé ne pouvant plus nous renseigner. Je demande seulement aux algo- logues hésitant à choisir entre les dénominations/', platycarpus même pas menlioiinés. .hisqu'à présent, j'avais cru que les deux saA'ants algologues suédois ne sont pas de valeur négligeable. BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE 293 et F. spiralis de ne se décider qu'après comparaison de ce que M. BôRGESEN et moi avons écrit sur la question (1). Ils convien- dront alors, j'aime à le croire, que le nom F. spiralis L., dépourvu de signification, doit disparaître de la nomenclature; que si les auteurs septentrionaux estimaient utile de séparer comme espèce distincte leur Fucus spirale à réceptacles globu- leux et hermaphrodites que j'appelle F. platijcarpus var. spiralis, ils le nommeraient F. Areschougii Kjellm., et ne pourraient reprendre le nom F. spiralis qu'à la condition d'écrire F. spi- ralis Borg. , ce qui serait contraire à la règle de priorité; qu'enfin cette séparation, qui semble peu fondée en l'état de nos connais- sances, ne se justifierait qu'après une étude anatomique compa- rative qui est tout entière à faire. (1) Je profite de l'occasion pour signaler, à la page 200 de mon Mémoire, ime faute d'impression qui n'a pas été corrigée sur tous les exemplaires. A la ligne 14, il faut remplacer/^, vesica lostis par F. l'oliiliilis. TABLE GÉNÉRALE DES MATIÈIIES 12" Année (1909) Pages Anna Drzewina : Quelques observations sur l'autotomie des Crustacés 1 F. Marceau et M. Limon : Recherches sur l'élasticité des muscles adducteurs des Mollusques Acéphales à Fétat de repos et à l'état de contracture physiologique 17 F. Lalesque et G. Mader : Recherches sur le miroir de la Proces- sionnaire du Pin maritime 61 R. LegeiXdre : Recherches sur les variations de température, de densité et de teneur en oxygène de l'eau de la côte à Arcachon 93 C. Mader : Recherches sur la Sardine du Golfe de Gascogne. . . . 123 A. Hautheux : Bassin d'Arcachon et région cotière des Landes. Températures et densités 277 C. Sauvageau : Une question de nomenclature botanique : Fucus platycarpus ou Fucus spira/is 291 3 8870 1*^^ Fascicule UNIVERSITÉ DE BORDEAUX ET SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE DOUZIÈME ANNEE (1909) BORDEAUX FERET & Fils, Libraires-Editeurs 15, Cours de l'Intendance, 15 1909 UNIVERSITÉ DE BORDEAUX ET SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON BULLKTIN STATION BIOLOGIQUE D'ARCACHON (TRAVAUX DES LABORATOIRES) FONDE PAR LE D^ F. JOLYET UIKKr.TKVr. 1)K I.A STATION l!t()I.O(i ly i i; nmi-ESSIill* A LA lACLLTli UE MKDliC.INK Dli BOnDEAfX LE D^ F. LALESQUE iuii'.sii)i;nt iionoi:' di; i.a s<)(;ii':i k scientifique MEMiiiîi: cor.iîKsi'ONDANT ui; l'académie ni; MÉOKCINE Les Mémoires dolceiil rire adressés à M. le JD^' J . SELLIER, Secrétaire de la Pnbliration , Directeur adjoint de la Station biologiciue (2i), rue Jioudet, à Bordeaux). Ils sont soumis à l'acjrénienl d'un Comité de publication. Les auteurs reçoivent gracieusement oO exemplaires de leur Mémoire. Ils peuvent en faire tirer un nombre plus considérable à leurs frais ou tarif ci-dessous; dans ce cas, ils devront lindic/uer sur le inanuscrit, en retournant les épreuves corrigées : Un quart de feuille (4 pages) F. Une dcmi-fcuillc (8 pages) Une feuille entière (10 pages) uO 100 IbO 200 i.-iO ;.oo exemp . exemp . exemp. exemp . exemp. exemp . 0 7 10 12 14 18 8 12 10 18 20 2-) 12 18 25 .30 ;i2 42 SOC[I^TÉ SCIENTIFIQUE D'AHCACHOX STATION BIOLOaiQUK Présidents d'honneur .M. le UECTIÎL'Ii de l'Uni veisilé de IJordeaffx ; .M. le DOYEN do la Fai-iillé des Sciences de Bordeaux ; M. le DOYEN de la EacuUé d(> Médecine et de Pharmacie de IJonleanx ; M. le PHÉFET de la Gironde : M. le MAlHIî d'Ai'catlion : Président honoraire perpétuel M. le I)' (iiislavc HAMEAU (Arcaclioni 7. Président honoraire M. le D' F. LALESOUE, niendire i-orrespondanl de rAcidémic de médcciiie I Ai'cachon). Conseil d'administration rrcsiilnil : D' A. HAMEAU (Airaclion). i C. SÉMIA(]. pharmacien lAiraehon) ; Virf-/'irsi(lrnls : \ M. U. SAUVAGEAU, profcssenr à la Faculté des Sciences ( de Bordeaux. Scnrldirc (jnirral : D' PAILLÉ ( Ai'ca(dion). Tn-mrier : M. Gaston NOEL (Ai-cachoni. /iihiiotfu'cain- et Conserralciir du Miisik' : D' DUPOUY. pro lessen i' à la Faculté de MédecJne de Bordeaux. / J. SABV, condncieiii' principal des i'onis et, Chaussées l (Arcachou) ; ] G. BUSQUET, entrep- de Iravanx . , ... „^„^..„., .j^. piililics ( Arcachon) ; M. 0UMIE1{E>. ancien eleve de I Ivole des Px-aux-Arls, archilecle (Arcachon) ; D- CAZAIJAN (Arcachon). hirnlcin- de la Station Itiolofjn/tK; : D' JOLYET, pi'ofesseur à la Kacull/' de Médecine de Bordeaux (Arcachon). Diri'rteui- adjoint de la Station Ijiolofjifpii- : D' SELLIER, chargé de cours à la Fai-uUé de Médecine de iiordeaux. /)rlr(ju(' de ri'nirei'sitr : M. G. PEHEZ, jtrolesseur à la Faculté des Sciences de Bordeaux. Imprimerie Moderne oQo o A. DESTOUT Aîné & C< 8, Rue Patil-Bert, ; BORDEAUX k 2^ Fascicule (i5 Décembre 190g) UNIVERSITÉ DE BORDEAUX ET SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON BULLETIN DE LA STATION BIOLOGIQUE DOUZIÈME ANNÉE (1909) BORDEAUX FERET & Fils, Libraires-Editeurs 15. Cours de l'Intendance, 15 1909 UNIVERSITÉ DE BORDEAUX ET SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE D'ARCACHON BULLKTIN STATION BIOLOGIQUE D'ARCACHON (TRAVAUX DES LABORATOIRES) FONDE PAR LE D-^ F. JOLYET DIRECTECR DE LA STATION BIOLOGIQUE PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE iîonnii,\rx Le D-^ F. LALESQUE PRÉSIDENT HONOR' DE LA SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE MEMBRE CORRESPONDANT DE l'aCADÉMIE DE MÉDECINE Les Mémoires doivent être adressés à M. le D^ J. SELLIER, Secrétaire de la Publication , Directeur adjoint de la Station biologique (29, rue Doudet, à Bordeaux). Ils sont soumis à l'agrément d'un Comité de publication. Les auteurs reçoivent gracieusement 50 exemplaires de leur Mémoire. Ils peuvent en faire tirer un nombre plus considérable à leurs frais au tari f ci-dessous ; dans ce cas, ils devront l'indiquer sur le nmnuscrit, en retournant les épreuves corrigées : Un quart de feuille (4 pages) Une demi-feuille (8 pages) . . Une feuille entière (16 pages) oO 100 150 200 250 500 exemp. exemp. exemp. exemp. exemp. exemp. 5 _ 7 10 12 14 18 8 12 16 18 20 23 12 18 25 30 32 42 socii:tk scientifique dargachon STATION BIOLOaiQUK Présidents d'honneur M. le llECÏEUll (le l'Uiiivorsité de Bordeaux ; M. le DOYEN de la Faculté des Sciences de Bordeaux ; M. le DOYEN de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux ; M. le PRÉFET de la Gironde ; M. le MAIRE d'A reaction. Président honoraire perpétuel M, le D^ Gustave HAMEAU (A reaction; f. Président honoraire M. le D' F. LALESQUE, membre c()ries[)ondant de l'Académie de médecine (Arcachonj. Directeur honoraire de la Station biologique M. E. DURÈGNE, ingénieur (Bordeaux). Conseil d'administration Pn-mktit: D' A. HAMEAU (Arcachon). ( G. SEMIAC, pharmacien (Arcachon) ; Vice-Prcsidcnls : ■ M. G. SAUVAGEAU, professeur à la Faculté des Sciences ( de Bordeaux. Secrétaire (jénéral : D' PAILLÉ (Arcachon). Trésorier : M. Gaston NOEL (Arcachon). RUdiothécnire et Conserrateur du Musée: h" DUPOUY. professeur à la Faculté de Médecine de Bordeaux. ' J. SABY, conducteur principal des Ponts et Chaussées l (Arcachon) ; .,..,, ) G. BUSQUET, entrep"^ de travaux publics (Arcachon) ; Adintinslraleurs : \ ^, <^„AiTiNnT-o • -■• i .m'^ ■ i r, 4^ M. ORMIERES, ancien eleve de 1 Ecole des Beaux-Arts, architecte (Arcachon) ; D^ GAZABAN (Arcaclion). Directeur de la Station biologique : H" JOLYET, professeur à la Faculté de Médecine de Bordeaux (Arcachon). Directeur adjoint de la Station biologique: D" SELLIER, chargé de cours à la Faculté de Médecine de Bordeaux. Délégué de l'Université : M. G. PÉREZ, professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux. MBl. Il iiiïiiiî'' il UH iiiiiiiiiiiii H y.