'♦ i.l,(UV'' •''W' KiV. 0 TctRONTt) ÜBRÄRY BULLETIN DE L'INSTITUT OCEANOGRAPHIQUE DE MONACO ►«f«-&-ô€i >~J N- 324-336 MONACO AU MUSÉE OCÉANOGRAPHIQUE '917 ''«ii^ty"^"' TABLE DES MATIERES PAR ORDRE ALPHABETIQUE Brian (A.). — N° 324. — Note sur trois Gopépodes parasites provenant des collections du Musée Océanographique de Monaco. Georgévitch (J.). — No 328. — Esquisses protistologiques. KoPAczEwsKi (Dr W.). — N"» 320-327. — Recherches sur le Sérum de la Murène {Murœna Helena L.). KopAczEwsKi (Dr W.). — No 329. — Sur le venin de la Murène (Murœna Helena L.)' KoPAczEvvsKi (Dr W.). — No« 33o-335. — Recherches sur le Sérum de la Murène {Murœna Helena L.), (Suite — III-VIII). NusBAUM-HiLAROwicz (DrJozcf) et OxNER (Dr Micczyslaw). — No 325. — Contributions à Tétude de la régénération chez les Echinides. {Note préliminaire). Pettit (Auguste). — No 336. — Mycose chez une Tortue de mer {Thalas- sochelys caretta L.). TABLE DES MATIERES Le 7iuméro de chaque article se trouvant au bas du recto de chaque feuillet il est très facile de trouver rapidement l'article che?xhé. Nos 324, — Note sur trois Copépodes parasites provenant des collections du Musée Océanographique de Monaco, par A. Brian. ^/À 325. — Contributions à l'étude de la régénération chez les Echinides, (Note préliminaire), par le Prof. Dr Jozef Nusbaum-Hila- Rowicz (Lwôw) et le Dr Mieczyslaw Oxner (Monaco). '^ W\ - 326-327. — Re:herches sur le Sérum de la Murène [Murœna Helena L.). — I. La toxicité du sérum de la Murène. — II. Les pro- priétés physiologiques du sérum, par le Dr W. Kopaczewski, de l'Institut Pasteur de Paris. ^>1,^««^À 328. — Esquisses protistologiques, par J. Georgévitch. \'L ^i 329. — Sur le venin de la Murène [Murœna Helena L.), par le Dr W. Kopaczewski, de l'Institut Pasteur de Paris, l^ iL . 33o-335 — Recherches sur le Sérum de la Murène [Murœna Helena L.). cf\^1fi^' (Suite — III-VIII). — III. Les propriétés physiques du sérum. t\ \*r ' ^^ — ^^' Influences des radiations lumineuses sur la toxicité. — y^ V. Influence de la dialyse et de la précipitation par l'alcool sur ^1^.^ la toxicité du sérum. — VI. Essais d'immunisation contre la toxicité du sérum de la Murène. — VIL L'équilibre molécu- laire et la toxicité du sérum. — VIII. Le mécanisme de la toxicité du sérum, par le Dr W. Kopaczewski, de l'Institut Pasteur de Paris. 336. — Mycose chez une Tortue de m&v [Thalassochelys caretta L.), par Auguste Pettit. r x^, Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 324. — 25 janvier 191 7. > Note sur trois Copépodes parasites provenant des collections du Musée Océanographique de Monaco. Par A. BRIAN Nous donnons ici la détermination de trois spécimens de Copépodes parasites provenant des collections du Musée Océa- nographique et que M. le D'' Richard a bien voulu nous confier pour l'étude. Dans une Note précédente (i) nous avions déjà eu occasion de présenter la Pemiella sagitta qui avait été trouvée sur des AntennaiHus à la Stn. SSgS. Nous reviendrons de nouveau ici sur l'examen de cette espèce car nous devons ajouter de nouvelles stations. Quant aux deux autres formes ici enregistrées il s'agit du Sph/rio7t laevigatum et du Peniculus ßstula qui sont des copépodes des plus intéressants au point de vue de leur régression parasitaire. Leur corps est dépourvu de toute trace de segmentation (à l'état adulte) : les membres sont atrophiés. Le Sphyrioit surtout appartient au groupe des parasites les plus curieux par leur forme bizarre et par leurs rapports éthologiques. Comme la Pennella sagitta déjà examinée par nous, il s'enfonce en partie, d'une façon singulière, dans les chairs de certains poissons, pénétrant (avec sa portion antérieure) (i) No 286 du Bulletin de l'Institut Océanographique, 5 mars 1914, jusque dans Tintérieurdu corps de son hôte pour être en contact direct avec ses entrailles et pour en absorber les sucs nutritifs. Le Peniciilusßstula, au contraire, vit presque en ectoparasite mais solidement attaché aux nageoires du poisson : son corps a de même un aspect tout à fait vermiforme. Les deux premiers crustacés, peut-être, déterminent la stérilité des hôtes par castration parasitaire. Quoique nous n'ayons pas fait d'obser- vations spéciales à ce sujet, nous croyons pouvoir retenir que cela est possible, par analogie avec ce que M.Giard avait vérifié sur les sardines affectées par le Peroderma cylindricum^ copé- pode présentant le même degré de parasitisme que celui du SpJiyrion et du Penicuhis. Ces derniers sont bien connus et ne présentent rien de nouveau au point de vue systématique. Cependant l'examen réitéré de certaines formes rétrogradées par le parasitisme, est toujours utile car il peut se trouver parmi eux des individus qui s'éloignent de la forme typique déjà décrite en présentant des variations individuelles. Par exemple dans les spécimens de Sphyr^ion et de Penicuhis que nous venons de citer, nous devons signaler une sorte d'inflexion de la partie antérieure du corps ou du cou, que personne n'avait jusqu'à présent mise en évidence sur ces espèces. C'est probablement une anomalie de peu d'importance pour des parasites, et de laquelle nous tâcherons de donner une expli- cation vers la fin de cette note. Pennella sagitta, Linné, Ç Stn. i36et 146, surface. Sargasses, 2i-3o juillet 1887. Quatre spécimens femelles parasites sur un Antennainus hisb^io L. Le poisson est long de 54"^'". De ces Pennelles, deux étaient fixées du côté droit, et les deux autres du côté gauche du corps de l'hôte, entre la nageoire dorsale et celle latérale. Deux spécimens sont adultes et ont une longueur de jgmm environ, et les autres sont des formes immatures, à différents états de développement. La plus jeune ne présente pas encore de cornes céphaliques latérales (sauf deux mamelons); elle est longue de 12""", et l'autre, un peu plus âgée, atteint - 3 — 1 4'""™ 5 de longueur. Les deux spécimens adultes sont pourvus de cordons ovifères d'une longueur de lo à !2"'"\ Stn. 3400, surface. Sargasses, 191 3. Un seul spécimen femelle à l'état adulte, parasite d'Anten- narius hisb^io L. Le poisson présente 44""" de longueur. Ce parasite se montre plongé et caché pour la plus grande partie entre les muscles de son hôte, pénétrant sur le côté gauche près de la nageoire dorsale de ce poisson, et ne laissant voir en dehors que l'extrémité postérieure de son abdomen, sur une longueur de i'"'"5 seulement, tout l'appendice penni- forme (long d'environ S"^'") et ses tubes ovifères libres. Ces derniers sont longs de 1 1""". Nous avons déjà donné une courte notice sur cette espèce à propos d'autres spécimens en plus grand nombre, provenant de la Stn. 3396 et qui se présentaient à diverses phases de développement (i). Plusieurs auteurs se sont occupés de cette forme, mais bien que Linné ait été le premier à nous faire connaître, en 1754, la Pennella sagilta, suivi par Ellis, Esper, Lamarck, Blainville, etc. une description rigoureusement scientifique de ce parasite ne date que de i832, quand Nordmann publia ses célèbres Mikt^ographische Be tirage. Steenstrup et Lütken plus tard ([861) en complétèrent la description. L'hôte habituel de cette Pennelle est V Antennariiis histf^io Linné, poisson très répandu dans les mers tropicales ; en grand nombre surtout dans la mer des Sargasses, au sud des Açores parmi les algues flottantes [Sargassum bacciferum). De ce poisson il a été décrit beaucoup d'espèces, mais on a démontré qu'elles ne forment que les variations d'une seule et même espèce, qui est cosmo- polite. Le parasite semble n'être pas rare sur cet hôte. Sphyrion laevigatum, Cuv., 9 N« 2738 — 3. Three Anchor Bay. Don de M. Nenduk Abra- ham de Cape Town. (Hôte inconnu). Un beau spécimen femelle avec ses sacs ovifères complè- (i) No 286 du Bulletin de l'Institut Océanographique, 5 mars 1914. (324) — 4 - tement développés. Son corps présente trois régions nettement distinctes : la tête ou marteau, le cou et le segment génital que termine un abdomen rudimentaire. Tête. — La tête ou marteau, de forme bizarre, est élargie latéralement et irrégulièrement en deux grands lobes ou cornes. Elle est pourvue aussi de quatre mamelons, placés respec- tivement, deux sur son bord supérieur et deux sur son bord inférieur; mais ces derniers sont plus éloignés de la ligne médiane de la tête que les premiers. La plus grande largeur de la tête est de lô"^'". Sa longueur est de 7'"'^ 5 et son épaisseur de 5 à G'"™. FiG. I. — Vue latérale. Fig. 2. — Vue dorsale. Sphyrion lœvigatum, femelle adulte (faiblement grossie). Sa surface dorsale est lisse et convexe tandis que sa surface ventrale est légèrement et irrégulièrement concave, et ici se trouve vraisemblablement la bouche avec ses appendices. Cou. — Du milieu de la face dorsale du marteau prend naissance et s'élève le cou (thorax) qui suit une direction perpendiculaire à cette surface. Mais au point d'union avec le segment génital, il subit une inflexion de façon que cette portion moyenne du corps vient former un angle presque droit avec la surface ventrale du segment génital. Ce cou est presque cylindrique ; il est long de S"'" et atteint 2^""^ de diamètre. — 5 — Segment génital. — Le segment génital a la forme d'une ellipse plus large que haute. L'axe transversal et l'axe longi- tudinal mesurent en effet respectivement io"""5 et 9""". Il est biconvexe et sa plus grande épaisseur atteint b"^"^ au centre et 3'"'" sur les bords. La convexité dorsale est la plus marquée. Uabdomen est très réduit. Il est peu visible dorsalement et porte sur sa face ventrale deux toutfes d'appendices chitineux dichotomiquement ramifiés et rigides. Chaque touffe forme une masse compacte de g™'" de long, 6 de large et 7 d'épaisseur et l'une se trouve disposée symétriquement vis à vis de l'autre. Les ramifications digitiformes de ces touffes sont légèrement renflées à leurs extrémités et ne surpassent pas 2""^ de longueur. Les opisacs, insérés dorsalement au bord postérieur du segment génital, des deux côtés de l'abdomen, sont cylindriques et leur longueur atteint 26'""^ et leur diamètre est presque de i'"'"5. Ces spécimens ressemblent à l'espèce figurée et décrite par Quoy et Gaimard (1824), par Cuvier (i83o) et par Guérin(i84o). On remarque pourtant dans notre spécimen une petite différence c'est-à-dire une inflexion du cou, qui ne s'aperçoit pas dans les dessins ou descriptions des auteurs. Cette différence, comme nous le dirons plus tard, n'a point d'importance (selon moi) au point de vue de la détermination. Il s'agit probablement d'un simple caractère variable selon des individus et causé par la vie parasitaire. Ce parasite, avait toute sa tête ou marteau plongé dans une partie de son hôte (poisson inconnu). Mais le cou, le segment génital avec ses appendices, étaient complètement libres. Les membres de la tête pour le Sphfrion ont été déjà signalés et étudiés par Cuvier et reproduits dans ses figures, ils consistent en deux petits crochets à la bouche. Nous ne les avons pas pu distinguer dans notre spécimen, mais nous avons seulement réussi à voir sur la face ventrale du marteau, un petit creux au contour ovalaire, rempli par deux ou trois bourrelets réunis ensemble, vraisemblablement la cavité orale. Nous avons nommé plus haut les premiers auteurs qui se sont occupés de cette espèce. Plus tard Steenstrup (1869) reconnut dans le genre Sphjrion de telles aflinités avec le (324) — 6 — genre Lesteira Kröyer, qu'il fut contraint de regarder comme synonymes les deux genres. Thompson en 1889 a fait aussi l'objet d'une étude, de notre espèce, et l'appella Lesteira Kröjeri. Dernièrement M. Quidor (19 12) a aussi publié un intéressant mémoire sur le genre Sphyrion qu'il plaça parmi les Leniae- idae. Il nous a fait connaître plusieurs espèces nouvelles et nous a signalé l'aflinité du genre Sphyrion avec le genre Hepa- tophflus Quidor (i). Peniculus fistula, Nordmann, 9 N*'273i. Près de Monaco, entre la Vieille et le Larvotto. Environ 5o™. 20 mars 191 5. Un spécimen fixé aux rayons de la nageoire caudale (sur le côté gauche) d'un Sargus annulajns. Le poisson avait environ 12 cent, de longueur. Le parasite, atteint à peine 6™" 5 sans les tubes ou cordons ovifères et avec ceux-ci, 16'"'^ environ de longueur totale. En vrai ectoparasite il était fixé au milieu des rayons de la nageoire caudale se distinguant du poisson surtout par sa coloration jaunâtre (dans le liquide de conservation). Son extrémité céphalique était très solidement soudée avec deux appendices chitineux (antennes crochues) aux parties osseuses des rayons, de sorte que l'extraction n'a pas pu s'obtenir sans une déchirure de ces rayons mêmes. Ce spécimen, à première vue, se présente différent des formes typiques de l'espèce décrite par Nordman (1882), Claus (1868) et par nous (1906) à cause d'une inflexion ou courbure du cou (ou céphalothorax) très distincte. Généralement on remarque dans les spécimens normaux' que le céphalothorax suit la direction rectiligne longitudinale du segment génital. Dans notre spécimen la partie antérieure du corps, longue de 1™", se plie brusquement d'environ 90 degrés (i) Le genre Hepatophylus Quidor présente de telles affinités surpre- nantes avec le genre Lophoura Kolliker (Rebelula Poche) qui vit aussi sur les Macriirus, que je n'hésite pas à regarder les deux genres comme syno- nymes. Les rapports de parenté, d'autre part, du genre Lophoura avec le Sphyrion avaient été déjà relevés par moi en 1901. (Brian k. Sulla Lophoura Edwardsii KolL, Atti. Soc. Lig. Se. Nat. e Geogr. Genova, vol. xiv). sur le côté ventral du corps. L'inflexion se présente sur l'extré- mité antérieure du segment génital après le premier renflement qui forme la base du céphalothorax, et probablement il ne s'agit pas d'un caractère spécifique, mais seulement d'une variation individuelle que déjà, une autre fois, nous avions observée à Gênes sur un exemplaire de la même espèce, parasite de Lampris guttatus (1898). La courbure de la partie antérieure du corps, dans certains Lernéens, est un carac- tère fréquent, probablement causé par une adaptation dépendant de la force de pression qu'exerce l'eau sur le corps du parasite, quand l'hôte est en mouvement. Si le copé- pode en se fixant sur le poisson, ne s'est pas arrangé de façon à se trouver orienté paral- lèlement à l'axe longitudinal de celui-ci, et de l'avant à l'arrière, il lui est nécessaire, pour vaincre la résistance de l'eau, de s'in- fléchir dans sa partie la plus faible qui est évidemment le cou. Le caractère devient peu à peu stable et persistant pour certains individus. Le même phénomène d'inflexion s'est produit aussi dans le beau spécimen de Sphyrion que nous venons de décrire plus haut. Quelquefois la force du courant ou de la pression de l'eau peut aussi s'exercer avec , , . , ViG. 3. — Peniculus torsion sur le corps du parasite et engendrer ß.^^i^^ femelle adulte, un phénomène de torsion qui est permanent (gross. 12 fois). et normal parmi certains autres Lernéens. Gomme Nordmann l'a fait observer le premier, on aperçoit, à l'aide d'une loupe, dans le Peniculus, le long du segment génital, des petites taches brunes, rondes, qui sont disposées ou rangées parallèlement entre elles et en séries. Ges taches sont colorées en rouge très vif dans les spécimens vivants et proviennent, sans doute, du pigment de certaines sphères granulées de l'hypoderme que Glaus (1868) a vu en rapport (324) avec l'extérieur par des pores ou conduits. Peut-être leur fonction est celle de glandes sécrétoiresde la peau (glandes subcutanées). A l'appui de cette interprétation nous pouvons rappeler, parmi les Copépodes libres, un exemple presque semblable chez les Sapphirines. Sur celles-ci on remarque des glandes unicel- lulaires en partie sous la matrice, en partie sous la cuticule, contenant de même un pigment brun et rouge, sortant de la peau par un conduit en forme d'entonnoir ou cylindrique. Ces organes sont regardés comme des glandes de sécrétion de la peau. Gerstaecker (1870-71). Bronn, Kl. d. Thier-R. V. p. 64'd. Nous devons la première connaissance de ce parasite, découvert par Rudolphi sur les lames caudales de Zeusfaber^ à Nordmann, qui en donna en i832 la description et appela le genre Peniculus et le plaça près du genre Anchorella (qui appartient au Lernéopodides). Plus tard Milne-Edwards crut mieux faire en le transportant près de Cj'cnus {Clai'ella) parmi les Chondracanthiens. Mais Claus (1868) démontra, bien à propos, que c'est un Lernéen et que nous devons le regarder comme un type intermédiaire entre les Lernéens et les Dichelesthiens. L'espèce a été trouvée plusieurs fois dans la Méditerranée, d'abord par Rudolphi à Naples, puis par Heller sur un poisson inconnu, par Brian à Gênes sur le Sargiis Sahiani et sur le LampjHs guttatus et à Naples sur VAthetnna Boj^eri Risse. Claus, enfin, étudia des spécimens de la même espèce pro- venant du Chili récoltés sur le poisson Perds semifasciata. Le Peniculus ßstiila adulte (9) a été bien étudié surtout par Nordmann (i832) et par Claus (1868). Ce n'est donc pas le cas de revenir ici à une nouvelle description. En exceptant les cas d'anomalie du genre présenté par notre spécimen, il n'y a que les dimensions qui peuvent varier d'in- dividu à individu, selon l'âge ou les conditions plus ou moins favorables de nutrition. Voici les dimensions des difterentes portions du corps dans notre spécimen : Longueur du cou ou céphalothorax, compris le renflement basai (4'ne segm. thoracique) : imm 5 Longueur du segment génital - 5«"" Largeur maxima (vers le tiers inférieur du corps) ... i""" Longueur des tubes ovifères, environ lo«»«« Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 325. — 25 Février 191 7. Contributions à l'étude de la régénération chez les Echinides. (Note préliminaire) par le Prof. Dr Jozef NUSBAUM-HILAROWICZ (Lwow) et le Dr Mieczyslaw OXNER (Monaco). (Tî^avail exécuté au Laboratoire du Musée Océanographique de Monaco). A part quelques observations, citées par Priib?^am (i) (1909, p. 45-46) et concernant la régénération des piquants ou des pédicellaires, il n'existe dans la bibliographie aucune description exacte d'une observation ou d'une expérience, concernant la régénération des plaques du test des Echinides, Les expé- riences sont difficiles à exécuter, étant donné que les Oursins ne supportent pas assez longtemps la vie en captivité. Nous avions pu cependant trouver en examinant de nombreux oursins, que dans la nature ces animaux non seulement guérissent les lésions, mais possèdent aussi la faculté de la régénération et même celle de la suprarégénération du test. Nous avons pu ainsi recueillir un certain nombre d'obser- vations de la régénération du test dans la nature et, en dehors de ces observations, nous avons commencé un travail expé- rimental. (i) Expérimental-Zoologie. Regeneration 1909. Dans la présente note nous communiquons quelques-unes de nos observations de la régénération du test dans la nature, faites sur des oursins (des environs de Monaco quand le contraire n'est pas spécifié). Après avoir enlevé soigneusement les piquants, vidé les intestins etc. et imprégné le test, bien séché, avec du terpinéol ou de l'huile de vaseline, nous avons pu examiner, à la loupe, tous les détails de la structure macroscopique du test. De cette façon nous avons constaté chez plusieurs espèces d'Echinides, sur le test, des bosses bien prononcées, des ren- forcements locaux ou des fossettes irrégulières. Toutes ces irrégularités ont l'aspect bien net de lésions, qui ont été tout simplement réparées (guéries) ou même ayant parfois donné suite à une régénération. On sait qu'en général les parties blessées du squelette dur provoquent une croissance hypertrophique du tissu chez les différentes espèces d'animaux ; nous croyons aussi de ne pas être en erreur -en déclarant ces bosses sur le test des Echinides, comme une croissance hypertrophique à la suite de blessures. On peut très bien distinguer ces bosses de la face interne ou externe du test ; souvent elles sont même plus fortement pig- mentées que le reste du test. En ce qui concerne les fossettes irrégulières, elles seraient provoquées par une pression venant de l'extérieur ; de telles parties enfoncées du test auraient été ensuite guéries. Cependant, à part les simples guérisons dans les lésions citées ci-dessus, nous avons pu constater aussi des cas très intéressants dans lesquels les parties du test guéri ont formé des plaques surnuméraires ; il y avait donc dans ces cas une suprarégénération. Ceci présente une analogie avec les cas, par exemple, lorsque les pinces blessées des crustacés {Schult;^^ Nusbaum^ Priibi^am), ou les membres blessés des extrémités des insectes [Tornier) forment des appendices surnuméraires, ou encore, lorsque les os blessés des Amphibiens donnent suite à la formation d'os ou membres surnuméraires {Bj^aiis, Tornier^ Barfiirih, etc.). Voici la description de quelques cas intéressants de régéné- ration que nous avons trouvé dans la nature. — 3 — Exemple A Le test d'un Sphaerechinus gt^anularis accuse, au niveau à peu près du tiers de sa hauteur, des dépressions intéressant trois rangées voisines de plaques interambuiacraires ; ces dépressions sont assez profondes, irrégulières et dactyliformes. Cependant les plaques du squelette sont ici complètement normales quant à leur nombre et à leur forme. Probablement ici le test a été blessé, mais les blessures ont été guéries tout à fait, et, ce n'est que ces dépressions qui certifient qu'une pression extérieure a agi à cet endroit. Il est fort probable qu'une Astérie a déterininé les dépressions en question. La pression n'ayant pas été assez forte pour provoquer une rupture locale ou même un trou dans le test. Exemple B Le test d'un Sphaerechinus granulai^s accuse à la hauteur du quart supérieur des dépressions locales assez fortes, situées près de deux interradiaux voisins ; toutefois les plaques inter- ambuiacraires, comme dans Vexemple A sont normales. Il est probable qu'ici encore les causes ont été semblables à celles de Vexemple A. Exemple C Chez un autre Sphaerechinus granularis nous avons trouvé au milieu d'une rangée de plaques interambuiacraires, à peu près à la hauteur des 2/3 supérieurs du test, une bosse de la grandeur d'un petit pois ; à cette bosse de forme triangulaire correspondait sur la face interne une légère dépression. En examinant la déformation en question à contre-jour on constatait facilement que toute cette partie du test était plus épaisse que la région qui l'entourait. L'aspect général de la déformation indiquait qu'à cet endroit le test a été fortement endommagé, (325) — 4 — peut-être même cassé. Une croissance très énergique du tissu squelettogène à la suite de la lésion a produit Tépaississement local du test et la bosse mentionnée ci-dessus. Il est très inté- ressant de remarquer qu'une plaque surnuméraire s'est formée dans cette bosse ; ceci constitue une suprarégénération. On voit tous ces détails dans la fig. i . L'espace (e), entouré du trait pointillé, représente l'épaissis- sement du test, et, c'est justement dans cette région que se trouve la plaque interambulacraire surnuméraire régénérée. Les deux rangées des plaques interambulacraires normales de Yintei^radius en question sont étirées horizontalement en longueur ; elles sont pourvues de 6 à 8 grands tubercules arti- culaires et de nombreux petits tubercules. La plaque impaire surnuméraire, intercalée entre les deux rangées des interambu- lacraires, revêt une forme pentagonale ; elle compte un groupe de 6 grands tubercules et quelques petits. Les deux plaques interambulacraires normales du côté droit et les deux du côté gauche, entourant la plaque surnuméraire régénérée, ont subi une déformation assez importante, pour faire place à cette plaque surnuméraire. La fig. i montre d'une façon bien claire tous ces changements dans la forme des plaques, dans le nombre et la disposition des tubercules, etc. — 5 — Exemple D Chez un Echinus acutus nous avons trouvé dans un inter- radius^ à peu près à la 1/2 de la hauteur du test une bosse forte et irrégulière rappelant vaguement par sa forme un fer à cheval (fig. 2,^). Cette bosse était bien visible aussi sur la face interne du test. Dans le voisinage immédiat de la bossti, ou plutôt même • * > a >/ .0) ■ p V / ®. 01 ) '0 , '®. o\ sous la branche inférieure de ce fer à cheval, se trouve une plaque interambulacraire dédoublée (suprarégénération). Cette plaque est composée de deux plaquettes presque parfaitement symétriques : la plaquette de gauche (fig. 2) est pentagonale, celle de droite est carrée, irrégulière. Les deux plaquettes sont dépourvues de grands tubercules articulaires, tandis que sur les intcrambulacraircs normales voisines on voit un grand tubercule entouré de plusieurs petits. Sur la plaque dédoublée on ne voit que de très petits tubercules. Nous supposons qu'ici comme dans les cas précédents, il y avait une lésion, suivie d'une réparation : hypertrophie du tissu squelettogène (bosse, e, fig. 2) et suprarégénération (dédou- blement d'une plaque). (325) — 6 - Exemple E Chez un autre Echinus acutus nous avons trouvé (fig. 3) un cas presque identique à celui de la fig. 2, mais au lieu d'une bosse, nous trouvons ici une de'pression d'une plaque du test. Dans la fig. 3 cette dé- pression est délimitée par le //^y. 3. pointillé (p). La plaque inter- ambulacraire voisine est dé- doublée. Sans doute il y avait eu ici une plaie, provoquée par une pression localisée et venant de l'extérieur. Le trou, s'il y en a eu un, a guéri, et ensuite une suprarégénération a eu lieu. On remarquera encore dans la fig. 3 les détails concernant les tubercules articulaires et les petits tubercules. Exemple F Chez un Echmus esculentus de Roscoft (faisant partie d'un lot qui nous a été envoyé obligeamment par le Professeur Yves Belage) nous avons trouvé dans une rangée ambulacraire à la hauteur de la moitié supé- rieure du test une légère dépression, témoi- gnage probable d'une plaie guérie ; à cet endroit a eu lieu une régénération irrégulière, une sorte de régénération hétéromorphotique (fig. 4). Dans la rangée ambulacraire d'un radius nous voyons une plaque presque deux fois plus large que les plaques voisines du même i^adius ; cette plaque porte 3 grands tubercules articulaires, au lieu d'un. La portion du test du même radius, faisant face à la plaque large, que nous venons de décrire, est divisée en 5 plaques très étroites, parallèles et bien délimitées : trois de ces plaques étroites portent, chacune, un grand tubercule articulaire, tandis que les deux amtres en sont dépourvues. n^. êl Sans aucun doute une blessure guérie a provoque' ici une sorte de régéne' ration hctcromorphotique du test. Il faut admettre, qu'ici, dans chacune des deux rangées du même radius, deux plaques ambulacraires ont été blessées : dans une rangée (à gauche) nous avons comme résultat la régénération d'une seule plaque large, au lieu de deux plaques normales ; dans l'autre rangée, 4 plaques étroites et une de largeur moyenne remplacent les deux plaques normales. Il faut encore remarquer une autre particularité : pendant que dans chaque plaque ambulacraire normale il y a 3 paires de pores pédieux, la large plaque régénérée compte 16 paires de pores pédieux de taille normale et un certain nombre de pores minuscules ; sur les quatre plaques étroites régénérées (de la rangée limitrophe), il y en a trois qui ont le nombre normal de grands pores pédieux tandis que la quatrième (la plaque supérieure) n'en a que 2 paires ; la cinquième plaque, celle de largeur moyenne, (voir plus haut), a le nombre normal de 3 paires de pores pédieux. La régénération hétéromorphotique est caractérisée ici surtout par le nombre et la disposition des pores pédieux dans la plaque large, tandis que ces conditions sont presque normales dans les quatre plaques étroites. Exemple G Chez un Spatangus purpureus nous avons trouvé dans le radius postérieur droit, au niveau de son tiers supérieur, une légère dépression du test (fig. 5), pro- venant sans doute d'une pression extérieure. La pression a provoqué dans le test une blessure qui guérit en amenant une régénération, \ /i-y^v-rw^-^*.-»*- .2>- Le radius présente à cet endroit un aspect, comme s'il aurait été étranglé, et la disposition des pores Ficj.ô- pédieux est très irrégulière ; nous attribuons cette disposition à la régénération hétéromorphotique. La figure 5 nous montre une partie du test vue du pôle apical ; on y voit l'étranglement {x^ fig. 5) du radius. (325) Tous ces cas que nous venons de décrire nous démontrent que dans la nature le test des Echinides est exposé souvent à des lésions, que ces lésions peuvent bien guérir et que souvent aussi la guérison est accompagnée d'une régénération, d'une suprarégénération ou d'hétéromorphoses dans la structure du test. (Travail terminé et rédigé en juillet igi4). Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 32Ö. — lo Juillet 1917. Recherches sur le Sérum de la Murène (Miirœna Helena L.) I. — La toxicité du sérum de la Murène. par Dr W. KOPACZEWSKI de l'Institut Pasteur de Paris. On savait d'après les travaux de Phisalix et Bertrand (i) que le sang de la vipère est toxique. La même constatation a été faite par Calmette (2) et ses e'ièves pour d'autres serpents veni- meux. Mosso (3) a prouvé que le sang d'anguille possède éga- lement des propriétés toxiques. On trouve dans la littérature une indication vague sur la toxicité du sang des murénides. Nous nous sommes proposé d'étudier de plus près cette toxicité sur la murène. Voici comment nous avons procédé pour obtenir le sérum : Une murène de 85 cm. de longueur et d'un poids de 2. 1 00 gr. est clouée vivante sur une planche ; le cœur est dénudé. On fait une ligature sur la partie étroite du bulbe aortique (bulbus arte- riosus), qui aussitôt commence à se gonfler ; par un point cau- térisé on introduit la canule d'un tube à essais effilé et stérilisé. (i) Phisalix et Bertrand. Archives de Physiologie 1894 et Revue Gén. des Sciences. (2) Calmette. Soc. Biol. 1894. (3) Mosso. Arch. italiennes de Biologie 1888 et 1889. Le sang afflue dans le tube; à la fin de l'opération on incline la planche, de façon que la tête de la murène soit plus bas et on aspire — les dernières gouttes de sang sont récupérées. Une telle murène fournit environ 3ocmc.de sang qu'on laisse 12 heures dans le tube et dont on prélève aseptiquement le sérum. On récolte environ 12 cmc. d'un liquide légèrement jaunâtre et opalescent. Avec ce sérum nous avons fait aux cobayes une série d'in- jections sous-cutanées aux doses suivantes : No I. Cobaye de 3oo gr.— 1 cmc. du sérum — Animal survit. No 2. » 275 gr.— 2 cmc. » — Au bout de i5 min. frissons, dyspnée. Animal survit. No 3. » 2 5o gr. — 3 cmc. » — Mort en 4 heures. A l'autopsie le cœur gonflé est arrêté en diastole ; pas d'em- physème pulmonaire, le sang reste liquide. Nous avons également expérimenté ce sérum en injections intraperitoneales. No I. Cobaye de 220 gr. — o.5 cmc. — Mort en 48 heures. No 2. » 210 gr. — i.o cmc. — Mort en 4 heures. No 3. » 36o gr. — i.5 cmc. — Mort en 2 heures. Les expériences suivantes nous ont permis de constater que le sérum de la murène est de beaucoup plus actif en injections intrajugulaires. N° I. Cobaye de 445 gr. — o.3 cmc. du sérum — Mort instantaném. après quelques crampes. » — Mort instantaném. après quelques crampes. » — Mort instantaném. après quelques crampes. » — Mort après quelques se- cousses et crampes. » — Dyspnée, secousses vio- lentes ; survit. On peut donc constater que la dose de o.o5 cmc est mortelle pour un cobaye. Etant donné que le sérum expérimenté contient 8.37 °/o de matières sèches, dont o.Sg % de cendres, on peut calculer que la dose mortelle correspond à 4. 1 9 mgr. de matières solides. No 2. » 485 gr. — 0.2 No 3. » 423 gr. — o.i No 4 » 4-|0 gr.— o.o3 No 5. B 485 gr. — 0.023 3 — Voici ces expériences : Sérum. No I. No 2. 0.2 cmc. No 3. 0.4 cmc. No 4. 0.6 cmc. Sol. pliys. I cmc. 0.8 cmc. 0.6 cmc. 0.4 cmc. Suspension -f I cmc. — Pas de lyse. -f- I cmc. — Id. + 1 cmc. — Id. -\- I cmc. — Lyse partielle. No 5. 0.8 cmc. 0.2 cmc. -f- i cmc. — Lyse presque totale. No 6. 10 cmc. + I cmc. — Lyse totale. Les expériences sur les propriétés lytiques du sérum de la murène nous ont permis de constater qu'il ne possède pas de propriété précipitantes ni agglutinantes. Conclusions. — Le sérum normal de la murène possède des propriétés hémolytiques très accentuées ; chauffé à 50" pendant 1/4 d'heure il perd ces propriétés et la solution de lécithine ne peut pas remplacer le complément détruit. Ses propriétés bactériolytiques ne sont pas très marquées, seul le Staphylococcus aureus Q^i dissous après un contact pro- longé. Le sérum étudié ne possède pas de propriétés agglutinantes ni précipitantes. (Travail exécuté ail Musée Océanographique de Monaco. — ,\ote pré- senté à rAcadéniie des Sciences par S.A. S. le Prince de Monaco le 10 juin '9'7-J (326) Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 327. — i5 Juillet 1917. i i / - <* Recherches sur le Sérum de la Murène (Jdurœna Helena L.) II. — Les propriétés physiologiques du sérum. par Dr W. KOPACZEWSKI de l'Institut Pasteur de Paris. Après avoir mis en évidence les propriéte's toxiques du sé- rum de la murène (i)nous avons e'tudié ses propriétés physiolo- giques, savoir : l'hémolyse, la bactériolyse, la précipitation et l'agglutination. Le sérum obtenu par le procédé indiqué dans notre première note a été dilué de son volume d'eau salé à 8 p. 1000. Les glo- bules rouges du cobaye o.nt été lavés 3 fois avec la solution physiologique par centrifugations successives ; la suspension employée par les expériences était de 1 p. 100; des doses crois- santes du sérum normal ont été mélangées avec i cmc. de cette suspension et le volume complété avec l'eau salée. Ces mélanges ont été portés à l'étuve de 87°. Sérum Sol. phys. Glob. rouges No I, i.o cmc. + I cmc. — Pas d'hémolyse. No 2. o.i cmc. -|- 0.9 cmc. -j- i cmc. — Hémolyse partielle. No 3. 0.2 cmc. -]- 0.8 cmc. + i cmc. — Hémolyse complète. N° 4. 0.4 cmc. -{- 0.6 cmc. -f- i cmc. — • Id. No 5. 0.6 cmc. 4- 0-4 cmc. + ^ cmc. — Id. No 6. 0.8 cmc. -)- 0.2 cmc. -j- i cmc. — Id. No 7. i.o cmc. I cmc. — Id. (t) W. KopAczEWSKi. C. R. Ac. des Se, 18 juin 1917. Nous avons chauffé le sérum normal pendant 1/4 d'heure à 56° et répété les mêmes expériences. Voici ce que nous avons observé : Sérum chauffé Sol. phys. Glob. rouges No I. i,o cmc. -f I cmc. — Pas d'hémolyse. N° 2. o.i cmc. + 0.9 cmc. + i cmc. — Id. No 3. 0.2 cmc. + 0.8 cmc. + i cmc. — Id. No 4. 0.4 cmc. + 0.6 cmc. -j- 1 cmc. — Id. No 5. 0.6 cmc. -|- 0.4 cmc. + i cmc. — Id. No 6. 08 cmc. -|- 0.2 cmc. + i cmc. — Id. No 7. i.o cmc. I cmc. — Id. Nous nous demandions alors si l'addition de lécithine au- rait eu comme effet de rendre au sérum ses propriétés hémoly- tiques. C'est pourquoi nous avons ajouté aux mélanges ci-dessus 0.5 ccni. d'une solution de lécithine à i p. 10.000, préparé de la façon suivante : i gr. de lécithine pur d'œuf ayant été dissous dans 100 cmc. d'alcool méthylique pur, nous avons dilué 1 cmc. de cette solution dans 100 cmc. de l'eau salée. On porte les tubes de nouveau à l'étuve et au bout d'une heure on constate que l'hémolyse n'a pas eu lieu. On peut donc conclure que les propriétés hémolytiques du sérum sont détruites par le chauf- fage à 56° et que la solution de lécithine ne peut nullement remplacer le complément détruit par le chauffage. Nous avons essayé si le sérum de la murène possède des propriétés bactériolytiques. On enlève les voiles de 3 tubes de bouillon d'une culture de 72 heures de Bacillus siibtilis, dont on centrifuge le reste ; le résidu est repris 3 fois par la solution physiologique et finale- ment suspendu dans 20 cmc. de cette solution. On mélange ensuite des quantités variables et on complète le volume final avec de l'eau salée. Après 2 heures d'étuve à 37° aucune bactériolyse ne se produit; non plus après l'addition de lécithine. Nous avons également constaté que le sérum est sans effet lytique pour d'autres espèces microbiennes étudiées — bacille typhique et colibacille. Seul le Staphylococcus aureus est dissous après un contact de 8 heures, à 37°. — 3 — Nous avons fait ensuite des essais sur d'autres animaux afin d'examiner leur sensibilité vis-à-vis du sérum de la murène, notamment sur des lapins et chiens. On injecte o.4cmc. du sérum dans la veine marginale d'un lapin de 25oo gr. Deux minutes après l'injection, l'animal présente des signes de faiblesse et tombe aussitôt après inerte ; la respiration devient très gênée ; la dyspnée et les secousses violentes apparaissent ; quelques crampes et au bout de 4 minutes l'animal meurt. A l'autopsie le cœur est arrêté en diastole et il regorge de sang liquide — non coagulé ; les poumons sont rétractés. A un chien de 5 kg. on injecte i.3 cmc. du sérum dans la veine saphène. Dix minutes après l'injection l'animal ne se tient plus debout, s'affaisse lourdement et reste dans la position où on le place; i5 minutes après, dyspnée ; 20 minutes après, la respiration devient de plus en plus gênée ; au bout de 4b minu- tes de véritables crampes apparaissent. et dans une heure et 10 minutes le chien succombe dans des sursauts. D'après ces résultats nous pouvons conclure que le sérum de la murène est éminemment toxique. Une dose suffisante pro- voque la mort instantanée. Cette rapidité d'intoxication et le tableau à l'autopsie rappellent dans une certaine mesure le choc anaphylactique. Dans une prochaine note nous étudierons les propriétés physiologiques de ce sérum. (Travail exécuté au Musée Océanographique de Monaco. — Note pré- sentée à l'Académie des Sciences par S. A. S. le Prince de Monaco le 18 juin igij.) (327) Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) N" 3-28. — 25 Septembre 191 7. -I- - -'^ -h. r Esquisses protistologiques* Par J. GEORaÉVITCH III. Sur le cj'cle épohitif de Ceratomyxa Coris Georgév. Nous avons déjà donné une description sommaire de cette espèce (i) et nous nous sommes proposé de donner une étude plus détaillée de son développement et de la formation des spores. En nous acquittant de cette tâche nous voulons ajouter encore quelques mots de la vie en commun de cette espèce et de Glugea marionis chez les mêmes hôtes : Coris jiilis et C Giofredi. Nous avons déjà attiré l'attention sur cette tolérance des parasites appartenant à des ordres diiîérents, et nous tenons à mentionner que depuis lors nous savons d'après une commu- nication orale de M. L. Léger, qu'il a trouvé le même fait chez de mêmes sujets. Mais comme nous avons déjà publié (2) le cycle évolutif d'une autre Ceratomyxa dans toute l'étendue que l'importance des faits révélés l'exigeait, nous ne ferons pas à cette place une étude systématique de cette espèce ; nous allons exposer les faits de façon à montrer les traits communs et les différences, et à révéler l'extrême variété de cette évolution chez les espèces les plus proches. * Travail fait aux laboratoires de Monaco et de Villefranche. (i) Gkorgévitch J. — Note sur les Myxosporidies des poissons de la baie de Villefranche et de Monaco, Bull. Inst. Océan, n» 322. Monaco 1916. (2) Georgévitch j. — Recherches sur le développement de Ceratomjrxa Herouardi, Arch. Zool. Exp. T. 56. 1917- Nous avons déjà attiré Tattention sur rimportance du cycle schizogonique dans l'évolution des Myxosporidies, et nous allons maintenant donner d'autres preuves à l'appui de cette thèse, que les formes à spores très voisines, voire même les espèces du môme genre peuvent sporuler et faire leur cycle schizogo- nique de manières variées et différentes. I , La ger mination des spores et le phénomène de sexualité. Les fig. I et 2 nous donnent l'idée de la manière dont les sporesse délivrent de leur sporoplasma. Tout en écartant les bases de leurs cônes valvaires, elles laissent un trou large par où s'échappe le germe amiboïde. Les capsules vidées de leur filament sont accolées à des parois valvaires même chez des spores qui ne laissent plus rien voir de leur contenu et de leur structure de jadis, fait que Thélohan avait déjà très bien compris. - 3 — Le sporoplasma (fig. 3), gamétoblaste délivré, contient toujours deux noyaux (noyaux de gamètes) nettement séparés, pendant un certain temps et ce n'est que plus tard, que les deux noyaux vont en se touchant (fig. 4) se conjuguer en un syncarion. Après une caryogamie complète, on obtient un zygote (panspo- roblaste) uninucléé (fig. 5, 6, 7, 8), avec un caryosomc excen- trique, très grand, entouré d'un halo clair et une couche de chromatine extracaryosomique, faiblement colorée. Le proto- plasma est encore hyalin, homogène, sans aucune trace d'in- clusions ou de granulations. C'est certainement un stade de repos, pendant lequel le pansporoblaste amasse quelque énergie nécessaire pour l'accomplissement des divisions futures. Nous voyons qu'encore ici nous avons à faire avec une auto- gamie typique, qui s'accomplit vers la fin du processus de la sporulation. Nous avons trouvé le même fait chez C. Het^otiardi et chez Henneguya gigantea (i). 2. Les diverses formes des divisions et de la schiiogonie. Le premier signe de l'activité est représenté par les fig. 6, 7, 8, quand le noyau laisse voir nettement une partie extracaryo- somique fortement colorée et de beaucoup plus large que dans le pansporoblaste en repos. En même temps l'aspect sphérique change et le germe agrandi devient amiboïde avec diverses inclusions dans son protoplasma. La division est conduite par le caryosome (fig. 9) dans lequel pénètre toute la chromatine extracaryosomique, après quoi le noyau perd sa membrane et le spireme (fig. 10), se trouve en contact direct avec le protoplasma. La première division est toujours inégale, pour toutes les plasmodies entrant en sporu- lation, et le grand noyau est toujours sous forme de noyau du pansporoblaste et tranche nettement avec un petit noyau ou de petits noyaux, chez lesquels la chromatine est plus condensée, ce qui fait qu'ils sont toujours plus colorés que le grand noyau (fig. II, 12, i3). Le même fait se présente chez C. Herouardi avec une plus grande différence dans les dimensions de ces deux sortes de noyaux. (i) Georgévitch J. — Étude du cycle évolutif che^ les Myxosporidies, Arch. Zool. Exp. T. 54. 1914. (328) — 4 — Nous considérons le grand noyau comme noyau végétatif, puisque son sort ultérieur est lié à la plasmodie, tandis que les petits noyaux entrent directement ou indirectement dans la composition des spores et par conséquent sont des noyaux sporaux. Aussi pour éviter toute confusion nous proposons le nom de no/au plasmodial, pour le grand noyau, étant donné le fait, que chaque fois qu'il est présent, le pansporoblaste s'est transformé en une plasmodie amiboïde. Ces plasmodies sont loin de présenter celte complexité d'aspects que nous avons trouvée chez C. Herouardi. Nullement les zygotes ne revêtent ici ces formes bizarres, dont la variété peut aller à l'infini chez Ceratomyxa Heroua7\ii. Elles se présentent presque toujours sous l'aspect piriforme, avec un seul pseu- dopode unique ou bilobé à la partie postérieure, amincie. Aussi n'avons-nous trouvé nulle fois les bourgeons extérieurs, qui sont caractéristiques du cycle de C. Herouardi. Tout de même, la vraie schizogonie est réalisée par les divisions répétées des pansporoblastcs, divisions dont les produits sont égaux et très souvent groupés en petits amas. Elles sont rares les préparations où on peut trouver la trace de cette schizogonie et la fig. 22 en présente une vue. Mais la multiplication excessive du parasite peut s'obtenir par d'autres mo3^ens, par la formation de bourgeons internes, d'agamontes, qui s'effectue ici de très bonne heure, tout-à-fait le contraire de ce que nous avons vu chez C. Herouardi. Très souvent elle est liée à des plasmotomies intenses, représentées par la fig. 27. 3. Le cj'cle direct de la sporulation. L'espèce est disporée ou polysporée et c'est à l'occasion d'études des causes de cette polysporée que nous étions amené à distinguer les deux modes de la sporulation. Dans la disporée typique nous avons affaire à des plasmodies qui, tout en s'ac- croissant dans une certaine mesure sont le siège de la sporulation, ne présentent que treize noyaux dont un plasmodial et douze sporaux. Après une division inégale du noyau du pansporoblaste (fig. 10, I i) on obtient deux noyaux, dont un plasmodial et l'autre plus petit, sporal. En étudiantla fig. i 1 on a l'impression que le petit noyau au stade du spireme, se divise pour en donner un — 5 — autre, de grandeur égale (fig. 12, i3). Nous obtenons ainsi un stade à trois noyaux, dont un plasmodial et deux sporaux. Ce stade assez fre'quent dans nos pre'par^tions indique un stade de repos et quelquefois il y a lieu de distinguer la lignée directe de ces noyaux (fig, 18) avant l'apparition des sporoblastes; on peut être amené à considérer les deux spores comme descendants distincts de ces deux noyaux. Nous étions jusqu'à présent en doute si le noyau plasmodial se divise une ou deux fois. D'après la fig. 1 1 on peut conclure à une seule division. Les fig. 14-18 nous présentent les divisions successives des noyaux sporaux dans les plasmodies d'abord à trois noyaux, puis à quatre, cinq, six et ensuite par une division plus ou moins simultanée à douze noyaux, après quoi on arrive à la formation des sporo- blastes (fig. 18-21) de la manière déjà bien connue et nous n'in- sisterons pas davantage. Partout, dans toutes ces plasmodies, le volumineux noyau plasmodial est facile à distinguer des noyaux sporaux. Sa place est dans le protoplasma non occupé par les sporoblastes, quelquefois dans le pôle aminci du plasmode piri- forme (fig. 14-18), quelquefois au milieu de la plasmodie (fig. 19, 21). La fig. 23 présente en outre les prolongements valvaires, unilatéraux, qui ont percé la masse plasmodiale, finissant en une pointe à des distances variées des spores. Ce fait peut nous éclairer sur la forme de la spore de cette Cer'atomyxa. Les spores se présentent toujours sous l'aspect plus ou moins sphé- rique, sans les prolongements valvaires, si caractéristiques des spores des Ceratontyxa. On sait depuis Thélohan, que ces pro- longements de l'enveloppe sont repliés sous la spore jusqu'à leur maturité, ce qui leur donne alors l'aspect des spores de Leptotheca. Il est fort probable que ces prolongements sont repliés jusqu'à la mise en liberté de la spore et ce n'est qu'au moment du changement du milieu, qu'ils se déplient. Il se peut aussi, que ces prolongements se déplient de bonne heure et se cassent quelque temps après avoir traversé la masse plasmique de la plasmodie ; par ce moyen les spores peuvent se délivrer de la plasmodie qui les a engendrées. Ce cas me semble plus conforme avec le fait que les spores nombreuses, délivrées dans la cavité de la vésicule biliaire du même hôte, se présentent toujours sous la forme sphérique, sans les appendices valvaires. La délivrance de spores est rendue difficile chaque fois, quand (328) — 6 — elles se trouvent au milieu des plasmodies à protoplasme dense, hyalin et homogène. C'est en accomplissant ce travail, en perçant ce protoplasme dense, que ces appendices s'usent et finissent par tomber au moment de la délivrance des spores. En effet, nous avons trouvé des Ceratomyxa avec les grands appendices valvaires bien conservés chaque fois qu'elles se trouvaient dans les plasmodies dont le protoplasma était riche en vacuoles et diverses inclusions, moins dense, et par conséquent plus facile à traverser. Tel est le cas pour C. arcuata,, C. pallida et C. sphœ- rulosa, que nous avons eu l'occasion de retrouver chez les mêmes hôtes ou chez d'autres, non signalés par Thélohan. La disporée typique fait partie de ce que nous appelons le cycle direct, caractérisé par la formation de douze noyaux sporaux, répartis en deux sporoblastes. Chaque pansporoblaste transformé en plasmodie contient treize noyaux, dont un plas- modial. Les huit noyaux sporaux et tout le protoplasma non employé à la formation des enveloppes valvaires forment trois cellules pour chaque spore, dont deux capsulogènes à un seul noyau, et une de germe amiboïde à deux noyaux. 4. La formation des capsules polaires Ayant fait de nombreuses préparations nous en avons trouvé quelques-unes qui nous montrent avec la dernière netteté la formation des capsules polaires et de leur filament. Les fig. 24 et 25 nous présentent de telles images et l'on voit clairement les cellules capsulogènes bien différenciées et dans leur intérieur les capsules polaires et les noyaux capsulogènes. La fig. 26 plus particulièrement montre l'individualité de deux cellules capsu- logènes, qui maintiennent leur forme et leur structure même après la délivrance du sporoplasma. La fig. 25 présente le mode de formation du filament capsulaire. C'est justement cette origine qui n'est pas encore bien éclaircie, malgré les travaux tout récents de Schroder, d'Awerinzew, à côté des travaux anciens, tels que ceux de Biitschli, Thélohan, Doflein, etc. Biitschli croit que le filament se forme en dehors de la capsule et qu'il est au commencement en ligne droite et que ce n'est que plus tard qu'il s'enroule en spirale. Thélohan croit que la capsule se développe au dépens d'une vacuole dans laquelle s'invagine ensuite un bourgeon d'un protoplasme différencié. Ce n'est que plus tard que le filament apparaît ; mais Thélohan n'a pu suivre ni son origine, ni la manière dont il se loge dans la capsule ainsi formée. Doflein trouve dans les capsules polaires de Myxoproteus les traces du filament enroulé en spirale, contrai- rement à l'assertion de Biitschli. Schroder donne des descriptions trop schématiques sans apporter du nouveau pour Torigine du filament. Le pas en avant a été fait par Awerinzev/. D'après lui, il se forme une vacuole non loin du noyau capsulogène. Cette vacuole devient piriforme et laisse voir la chromatine à sa surface. Dans cette vacuole apparaît une matière qui se laisse colorer par les couleurs d'aniline et qui rappelle le bourgeon protoplasmique de Thélohan. Dans l'intérieur de la vacuole apparaît le filament comme invagination de la paroi chromatique de la capsule. On voit, que d'après Awerinzew la chromatine du noyau collabore et à la formation de la paroi de la capsule et à la formation du (328) filament. Il y a lieu de distinguer une partie axiale du filament et une autre, enroulée en spirale, tout-à-fait comme on le voit dans les nématocystes des Coelentérés. En nous rapportant aux fig. 23 et 25, nous croyons contrai- rement à tous les auteurs, qu'il se forme d'abord, au voisinage du noyau, une zone plasmatique, condensée dans la cellule capsulogène, dans l'intérieur de laquelle apparaît ensuite une vacuole. Du noyau contigu se sépare la chromatine d'abord sous forme d'un filament droit, qui traverse la paroi capsulaire et se loge dans la vacuole centrale. Ce n'est que plus tard, quand il devient assez grand pour ne pouvoir plus se loger dans la vacuole en ligne droite, que le filament commence à s'enrouler en spirale. Le noyau continuant l'émission chromatique finit par n'en avoir plus, et finalement on voit sa trace accolée à la paroi de la capsule polaire, qui est ici presque toujours sphérique et formée au dépens du protoplasma condensé. On voit que la manière de voir de Bütschli quant à l'appa- rition du filament se trouve confirmée par nous, quoiqu'il se soit trompé sur le lieu de son apparition. De même les assertions de Doflein ne sont pas exactes, et il a eu affaire avec les stades déjà avancés, quand le filament commence à s'enrouler. 5. La polysporée et le cycle indirect de la sporulation. Nous avons déjà indiqué que chez cette espèce la schizogonie est très réduite, représentée par les divisions égales des panspo- roblastes et par la formation des bourgeons internes, d'aga- montes, dans des plasmodies agrandies. Très souvent ces plas- modies (fig. 27) présentent des plasmotomies. Par les divisions égales des pansporoblasles, le parasite atteint directement le nombre élevé des plasmodies, qui à leur tour peuvent engen- drer chacune une ou deux spores, dans le cas du cycle direct, ou des spores plus ou moins nombreuses, dans le cas de polysporée, c'est-à-dire du cycle indirect. Dans ce dernier cas, la plasmodie après avoir passé le stade à trois noyaux, multiplie le nombre des noyaux sporaux de beaucoup plus que les douze. Chacun de ces noyaux s'entoure d'une partie du protoplasma de la plasmodie (fig. 27, 28) de la même manière que nous avons déjà décrite chez C. Herouardi^ — 9 — pour devenii- bourgeons internes, agamontes. Ces agamontes représentent en réalité des pansporoblastes internes, au sein de la même plasmodie. au lieu d'être libres, comme c'est le cas pour la disporée. Mais tout de même il y a une différence, car le nombre des noyaux que chacun d'eux forme ne dépasse pas ordinairement six, c'est-à-dire juste la moitié de ce que les pans- poroblastes libres produisent. On voit que chaque agamonte forme une seule spore, tandis que les pansporoblastes libres en forment deux. C'est ainsi qu'on voit dans de telles plasmodies les spores éparses et non en sœurs jumelles, comme c'est le cas dans la bisporée. D'après lout cela, les agamontes ne représentent que la moitié des pansporoblastes ; c'est-à-dire ce ne sont que des sporoblaf=.tes. Mais très souvent la formation d'agamontes peut être précoce et nous avons trouvé des plasmodies avec quatre (fig. 29) ou six (fig. 28) de ces formations. Aussi quelquefois le nombre des noyaux dans quelques agamontes peut atteindre celui du cycle direct, et par conséquent l'apparition des sœurs jumelles quand la sporulation est achevée. En ce cas-là, les agamontes ont la (328) — 10 — valeur de vrais pansporoblastes. La fig. 29 présente quatre spores issues de deux agamontes. 6. L'infection mixte par Ceratomyxa Goris et par Giugea Marionis. Nous avons déjà attiré l'attention sur ce fait curieux de la coexistence dans la vésicule biliaire du même hôte de ces deux espèces de parasites d'ordres fort différents. Il nous est parfai- tement incompréhensible que Thélohan qui a découvert Giugea Marionis chez des Girelles, n'a pas trouvé des Ceratomyxa^ quand c'est le cas le plus fréquent. Nous avons déjà montré que de cent cinquante C. julis^ une centaine s'est montrée parasitée par ces deux espèces et quant à C. Gioffredi de soixante poissons examinés, trente se sont montrés parasités également par ces deux espèces des parasites. Mais ce qui est le plus frappant, ce n'est pas leur coexistence, le fait s'observe assez fréquemment chez d'autres parasites, mais -_-■* le fait, que dans une large proportion ces deux parasites, dont un myxosporidien, l'autre microsporidien, peuvent accomplir leurs sporulations dans une même plasmodie, apparemment. La fig. 3o montre très clairement que dans la plasmodie à un grand noyau plasmodial et deux spores de C. coris il y a de nombreuses spores de G. Marionis. On ne peut autrement s'expliquer ce fait, que par la plasmogamie accidentelle des plasmodies de ces deux parasites. La coalescence est ensuite — II — assez intime, pour ne plus permettre de distinguer aucune ligne de division des deux plasmodies. 7. Résumé du cycle évolutif de C. coris. Le phénomène sexuel, une vraie autogamie (3, 4, 5), s'ac- complit à la fin de la sporulation, de la même façon que nous avons déjà observée chez C. Her^ouardi et Henneguya gigaviea. Après un stade de repos, vient une période de divisions suc- cessives, dont les produits sensiblement égaux entre eux, de forme arrondie, les pansporoblastes (8, 9) servent à l'auto- (328) — 12 — infection. Passé ce stade de scliizogonie, tout au début de l'infection, les pansporoblastes devenus des plasmodies piri- formes peuvent accomplir la sporulation de deux manières : par la voie du cycle direct ou par la voie du cycle indirect. Dans le cas du cycle direct (10-17) ^^ut se passe comme nous l'avons annoncé pour C. Herouardi. Il y a lieu de distinguer un gros noyau plasmodial et douze noyaux sporaux, qui se répar- tissent par six pour chacun des sporoblastes. C'est le cas de la bisporée typique. Dans la polysporée (18-20) on a affaire avec le cycle indirect, pendant lequel il y a formation de bourgeons internes, aga- montes, de la valeur des sporoblastes, puisque dans leur intérieur ne se forment généralement que six noyaux, c'est-à- dire le matériel nécessaire à la formation d'une seule spore. Dans de pareilles plasmodies les spores ne sont plus groupées par couples, mais sont éparses, séparées. Quelquefois, quand les plasmodies deviennent assez grandes il y a des plasmo- tomies (19). C'est pour la première fois que nous trouvons un pareil mode de polysporée, tout à fait caractéristique pour l'espèce. On voit d'après cet exposé que les cycles schizogoniques ou de la sporulation peuvent varier d'une espèce à l'autre, tout en arrivant au même but, comme nous l'avons annoncé dans l'in- troduction de cet article. Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) N" 329, — 5 Novembre 191 7. V>. Sur le venin de la Murène. {Murœna Helena, L.) Par le Dr W. KOPACZEWSKI de rinstitut Pasteur de Paris. r Pour obtenir le venin de la murène on enlève les palais de 10 murènes de tailles différentes, on les hache finement et on les broie avec du sable de mer traité de la façon suivante : Ce sable préalablement tamisé est bouilli avec de l'acide chlorhydrique pur ; on le lave ensuite dans l'eau courante jusqu'à disparition totale de la réaction acide. On le sèche et on humecte 100 grammes de ce sable avec 20 cmc. d'eau salée additionnée de 10 ^/o de glycérine pure ; on filtre au bout de deux heures, on ajoute de nouveau 10 cmc. du liquide et on filtre. Cette opération est répétée 4 ou 5 fois. Au bout de huit heures on recueille le liquide filtré qu'on précipite par 3 volumes d'alcool absolu ; il se forme un précipité blanc granuleux, peu abondant. On le filtre, on le sèche dans le vide à la tempéiature du laboratoire (27*^ à 3o°) et on obtient de cette façon environ 0.14 grammes d'une substance blanche amorphe se détachant du cristallisoir en paillettes. Le venin ainsi obtenu est soluble dans l'eau salée à 7.6 ^joo- On éprouve sa toxicité chez les cobayes par des injections intia- jugulaires. No I. Cobaye de 323 gr. — 5.0 mg. — Secousses cloniques au bout de 2 minutes ; mort en 4 minutes. No 2. » 38o gr. — 2.5 » — Inquiétude pendant 3 minutes : secousses violentes de plus en plus fortes ; mort en 5 minutes. No 3. » 320 gr. — 1.5 » — Au bout de 2 minutes cris plaintifs ; se couche sur le côté ; secousses assez fortes ; se remet ; survit. No 4. » 400 gr. — 1.5 » — Secousses cloniques persistantes et mort en 10 minutes. No 5. » 440 gr. — i.o » — Polypnée ; tremblements; survie. Nous n'avons pas pu constater avec des doses très fortes du venin une mort instantanée comme dans les cas d'intoxication par le sérum de la murène. Nous avons soumi le venin à Tinfluence de la température et nous avons constaté que par le chauffage de i5 minutes à 56° C. son action n'est pas affaiblie. No I. Cobaye de 420 gr. — i.5 mg. — Inquiétude ; au bout de 5 minutes secousses violentes ; se remet ; mort en 36 heures. No 2. » 375 gr. — 1.8 » — Secousses violentes et mort 5 mi- nutes après. Après le chauffage de i5 minutes à 78° on constate encore les propriétés toxiques marquées. No I. Cobaye de 450 gr. — i 5 mg. — Polypnée ; quelques secousses assez fortes ; survie. No 2. » 520 gr. — 18 » — Au bout de cinq minutes secousses assez fortes caractéristiques et répétées (20 à la minute) se remet ; meurt en 3o heures. Seul l'ébullition abolit les propriétés toxiques du venin. Si nous examinons ces propriétés hémolytiques nous cons- tatons que I mg. de venin hémolyse i cmc. d'une suspension à I °/o de globules rouges du cobaye au bout de 3o minutes de contact à 40° C. (i) Les propriétés hémolytiques peisistent après chauffage pendant i5 minutes à 56" ou 75°. Nous ne nous croyons pourtant (i) W. KoPAczKwsKi, C. R. 25 juin 191 7. pas autorisé de conclure à un parallélisme entre les phénomènes d'intoxication et d'hémolyse. CONCLUSIONS. — Le venin de la murène est mortel à la dose de i.5 mg. pour un cobaye d'un poids de 400 à 5oo grammes. La mort survient dans des secousses cloniques violentes au bout d'un temps variable, jamais instantanément. * Ce venin est remarquablement thermostabile ; après le chauffage de iS minutes à 75° il possède encore ses propriétés toxiques ; seule la température d'ébullition fait disparaître sa toxicité. Le venin de la murène a un pouvoir hémolytique assez marqué qu'il conserve même après le chauffage à 76*^ C. f Travail exécuté au Musée Océanographique de Monaco. — Note préli- minaire présentée à l'Académie des Sciences par M. le Professeur Laveran, le 8 octobre 1 gj'y). (329) ^ ^ - - ) - Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 33o. — i5 Décembre 1917. u V-^ Recherches sur le Sérum de la Murène Jji/^ (Murœna Helena L.) a^J ^ :jW- r>*U III. — Les propriétés physiques du sérum. ^*^ par Dr W. KOPACZEWSKI de l'Institut Pasteur de Paris. %> v^ Après avoir étudié les propriétés physiologiques (i) du sérum de la murène, nous allons étudier ses propriétés physiques, savoir : les caractères physiques généraux, l'influence du temps, de la lumière, de la température, de l'absorption et de la dessication. Caractères physiques. — Le sérum de la murène, obtenu par le procédé indiqué dans la note précédente (2), est un liquide absolument transparent, opalescent et d'une couleur jaune pâle. Desséché dans le vide à la température du laboratoire (27 à 30° C), ce sérum a montré une teneur moyenne en matiè- res sèches de 8.41% dont 0.34% de cendres. Sa densité moyenne est de 1.0192 à 27° G. Sa tension superficielle, mesurée à l'aide d'un stalagmo- mètre de Traube est de 43.18 dynes à 27« C. Stabilité. — Le sérum est mis en ampoules scellées et conservé un temps variable à l'abri de la lumière du jour; au bout d'un certain temps on éprouve sa toxicité chez les cobayes en injections intrajugulaires. (i) W. KoPAczEwsKi, G. R. 25 juin 1917 et Bull. Inst. Océan, no 826. (2) W. KoPACZEwsKi, C. R. 18 juin 191 7 et Bull. Inst. Océan, n» 327. No I. Sérum eonservé 5 jour«. — Cobaye 4?,5 gr. — o.i cmc. — Secousses violentes; mort en 5 min. No 2. » 10 » — )' 275 » — o.i )) — Secousses violentes et mort i m. après. No 3. » 20 » — » 410 » — o.i » — Secousses, convul- sions et mort au bout d'une minute. No 4. » 3o » — » 575 » — o.i » — Dyspnée; 5 minutes après quelques se- cousses, toux ; tremblements; po- lyurie; survie. No 5. » 3o » — » 58o » — 0.2 » — Secousses violentes au bout de 2 min. Polypnée. Au bout de 10 min., nou- velles secousses. Se remet lente- ment ; survit. A rencontre des faits observés par Cosmovici (i), Gley et Camus (2), Grimard et Dumarest (3), nous constatons Textraor- dinaire stabilité du sérum au point de vue toxique. Influence de la lumière. — Pour éviter Faction de la tem- pérature, nous avons plongé les ampoules scellées du sérum dans des cuvettes, remplies d'eau ; cette eau était changée de façon à ne jamais dépasser la température de 40° G. Les ampoules ont été exposées pendant 12 heures par jour aux rayons solaires. Voici les faits observés : No I. Sérum irradié 24 el conservé 5o Leures.- Cobaye 45o gr.- o.i cmc- Mort en 2 min. No 2. » 48 » 5 jour«. - » 5oo » -o.i » - Dyspnée ; quel- ques secousses, tremblements ; survie. No 3. » 48 » 5 » - » 560 » - 0.2 » - Secousses violen- tes ; survie. No 4. )) 48 » 5 » - » 480 » - 0.5 » - Secousses violen- tes et répétées ; mort en 5 min. Il y a donc une action destructive nette. Nous étudierons prochainement l'influence des différentes radiations sur la toxi- cité du sérum de la murène. (i) Cosmovici, Thèse. Faculté des Sciences, Paris igi5 (2) Gley et Camus, Recherches sur l'action physiologique des ichtyo- toxines, 1912. (3) Grimard et Dumarest, G. R. Soc. Biol. 1897, p. 415. Influence de la température. — Nous avons d'abord étudié l'influence des congélations successives, des températures de 56° G et de la température d'ébuUition ; ensuite de la tempéra- ture de 75° G, afin de préciser davantage le point de destruction des propriétés toxiques du sérum. No I. Serum congelé 3 fois. — Cobaye 52o gr. — o.i cmc. — Mort instantanée. No 2. Sérum chauffé lu minutes à b6o C, — » 425 » — o. i » — Mort instantanée. No 3. » » à 730 C. — » 610 » — o.i » — Polypnée légère ; survie. No 4. » » » — » 570 » — 0.5 » — Polypnée; paraly- sie passagère ; survie. No 5. Sérum porté à l'ébuHition. — » 440 » — 0.5 » — Pas de réaction caractéristique. No 6. » » — » 5oo » — 0.8 » — Pas de réaction caractéristique. Nous constatons donc que les propriétés toxiques, quoique fortement diminuées, persistent après le chauffage de i5 minu- tes à 75° G, tandis que les propriétés hémolytiques n'existent plus, ainsi que nous l'avons signalé dans nos notes précédentes. 11 n'y a donc aucun parallélisme entre ces deux phénomènes. Absorption. — Parmi les poudres indifférentes, nous avons étudié le noir animal et le kaolin purs exempts de cendres, ajoutées dans la proportion de i5 °/o du liquide. No I. Sérum traité par le noir animal. — Cobaye 35o gr. — 0.2 crac. — Mort en 10 min. No 2. Sérum traité par le kaolin. — » 470 » — 0.2 » — Mort en 2 min. Dessication. — On dessèche 2 cmc. du sérum frais dans le vide à 27° G. Au bout de 36 heures, on suspend la substance jaunâtre-amorphe, qui se détache en paillettes, dans 2 cmc. d'eau distillée et on éprouve la toxicité. Cobave 240 gr. — o.i cmc. — Convulsions au bout de 2 minutes; dyspnée; survie. » 23o » — 0.2 » — Convulsions violentes ; dyspnée ; convul- sions nouvelles ; mort en 10 minutes. » 200 » — 0.3 » — Mort instantanée. GoNCLusioNS. — Le sérum de la murène possède la propriété remarquable de garder sa toxicité même après 3o jours de con- servation en obscurité. Par contre les rayons solaires exercent une action destruc- tive nette. (330) — 4 — La température de congélation est sans effet sur la toxicité- cette toxicité disparaît au voisinage de 70° C. Le phénomène d'absorption par les poudres est sans influence sur la toxicité. On peut dessécher le sérum de la murène sans affaiblir d'une façon appréciable ses propriétés toxiques. (Travail exécuté au Musée Océanographique de Monaco. — Note pré- sentée à l'Académie des Sciences par S. A. S. le Prince de Monaco, le 22 octobre igij). i^-^r^'^^SXîWTS'^c^ ; - Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 33 1. — i5 Décembre 191 7. ,3 ' Recherches sur le Sérum de la Murène (Murœna Helena L.) IV. — Influences des radiations lumineuses sur la toxicité. Par Dr W. KOPACZEWSKI de l'Institut Pasteur de Paris. Ainsi que nous Tavons constaté (i), l'irradiation du sérum par la lumière solaire pendant 48 heures affaiblit notablement ses propriétés toxiques. Nous avons étudié l'influence des diffé- rentes radiations lumineuses, afin de savoir quelles sont les radiations qui possèdent la propriété de détruire la toxicité du sérum de la murène. Influence des rayons ultra-violets. — Comme source de ces rayons, nous avons choisi la lampe U-Viol de Zeiss, qui fournit les rayons très purs de longueur d'onde entre 400 et 3oo [iij.. La lumière d'un arc de charbon-fer de cette lampe passe par un filtre double en verre u-viol ; le premier filtre contient du sulfate de cuivre à 20 %, le second une solution à i p. 10.000 de nitrosodiméthylaniline. Le sérum a été exposé soit en am- poules de verre scellées, soit en cuvettes en quartz, sans qu'on puisse observer une différence quelconque. Les ampoules ou les (i) KoPAczEwsKi, C. R. 2g octobre 1917 et BuH. Inst. Océan, no 33o. cuvettes se trouvaient à une distance de 17 cm. de la source lumineuse et immédiatement contre la paroi du filtre. Le temps d'irradiation variait entre 3o et 270 minutes. Au bout de ce temps, on vérifiait la toxicité et nous avons constaté que ces rayons n'avaient exercé aucune action destructive. Nous avons eu recours à une source lumineuse beaucoup plus forte et fournissant des radiations ultra-violettes d'une longueur d'onde aUant jusqu'à 224 [x[j. (i). Nous nous sommes servis d'une lampe à vapeur de mercure en quartz de Cooper Hewitt, marchant sur 270 volts et 2 5 ampères ; son intensité lumineuse est d'environ 8.000 bougies. Le sérum a été mis dans une cuvette en quartz, fermée avec du papier-filtre et collodion et placée à 5 cm. du coude de la lampe; le tout dans un courant d'eau froide. Voici les faits observés : N° I. Sérum irradié lo rainnles. — Cobaye 480 gr. — o.i5 cmc— Convulsions et mort en 2 minutes. No 2. » 3o » — » 520 » — o.i5 >) — Secousses; couché sur le dos ; paralysie ; dyspnée ; survie. — » 56o » — o. 3 » — Convulsions répétées et mort en 10 minutes. — » 5oo » — o. 3 » — Pas de symptômes ap- préciables. — )) 460 )) — o. 5 » — Pas de symptômes ap- préciables. D'après les observations de V. Henri (2), les serums absor- bent les rayons ultra-violets d'une longueur d'onde au-dessous de 290 [j.;j.. Nous constatons également que, pour le sérum de la murène, cette absorption sélective a eu lieu. Influence des rayons X. — Voici les caractéristiques de notre expérimentation : le sérum a été irradié soit en ampoules de verre scellées, soit en cuvettes de quartz placées à une dis- tance de 25 cm. de l'anticathode ; l'ampoule marchait soit sous I soit sous 4 milliampères; la longueur d'étincelle était de 7-8 cm. ; la dureté de l'ampoule d'environ 5 Benoist. Le temps (i) V. Henri, C. R. 27 décembre 190g. (2) V. Henri, ibid. No 3. » 3o No 4. » 90 No 5. » QO d'exposition variait de 6 minutes sous 4 milliampères à 3o ou 60 minutes sous i milliampère. Am '^-•■'- ' blissement dans la " Conclusions. ■— Les rayons ultra-violets de i. 1 uaUc supérieure à 3oo [X[x n'ont aucune action sur les p., ...ifs toxi- ques du sérum de L lUirène après un temps de 270 minutes. Par contre, les r ^ rieurc à 3oo [;,;x et jusqu'à 224 \).'^. possèdent des propriétés destructives nettes. L'irradiation pendant 90 minutes abolit tout le pouvoir toxique du sérum. L'action des rayons X prolongée pendant 60 minutes a été nulle sur le sérum. (Travail exécuté au Musée Océanographique de Monaco. — Note préli- minaire présentée à la Société de Biologie de Paris par M. le Professeur Portier, le 1 0 novembre igijj- -. » » driiile Paralysie pasiagère; cris pluintiTs. Len- demain uormal. () 25/7 2 . I 20 o.3o » » llvpodermiqne Pat de réaction 7 26/7 2. i5o 0.35 « » Veine marginale gauche » 8 3o/7 2. 190 o.5o » )) » droite » 9 2/8 2 . 1 5o 0.60 » » » droite » jIO 6/8 2.o5o 0.80 » » » gauche » II 8/8 2.000 — — — (2 i3/8 2. i5o 1. 00 » » Veine marginale droite Pas de réaction i3 20/8 2. i5o 1.20 » » » gauche » ^14 23/8 2. I 10 i.5o » » » droite )> i5 28/8 2. 120 1.90 » » » droite » ' i6 3/9 2.180 2.5o » » » gauche y 17 6/9 2 33o 3.20 » » » droite » 18 10/9 2.250 4.00 » » » gauihe » '9 16/9 2. 100 4.50 » » » gauciie Inquiétude. Se remet. 20 17/9 2 o5o Sacrifié i On prélève alors le sang aseptiquement et on obtient environ i5 cnic de sérum antitoxique. Nous avons examiné ses pi-opriétés antitoxiques. Son pouvoir préventifa été essayé en injectant dans la veine mar- ginale des lapins d'abord du sérum antitoxique et au bout de 3o minutes la dose sûrement mortelle du sérum normal de la murène dans l'autre veine marginale. Chez les cobayes les injections ont été pratiqué dans les deux veines jugulaires. Lapin 25oogr.- Sérum antilox. 2.00 cmc. et Sérum de la murène o.40cmc.- Dyspnée forte. Pa- ralysie. Survie. Lapin 3o5o » - Cobaye 3io » - Cobaye 410 » - Cobaye 38o » Cobaye 540 » 4.00 » o.3o » 0.75 » i.5o » 3.00 0.40 » - Pas de symptômes appréciables. o.i5 » -Mort instantanée, o.i5 » -Au bout de 10 minutes convul- sions et mort ca- ractéristique. o.i3 » -Quelq. sursauts: dyspnée ; trem- blements. Survie. o.i5 » - Polypnée ; incon- tin. d'urine. Snrvie. (333) — 3 — Le pouvoir neutralisant du sérum obtenu a été examiné en mélangeant in vitro des doses mortelles (0.4 cmc. pour les lapins et o.i5 cmc. pour les cobayes) du sérum de la murène avec des doses variables du sérum antitoxique. Après un contact de 3o minutes la toxicité des mélanges a été épiouvée en injections intraveineuses. Cobaye 45o gr. - Mélange en proportion 5 do Sér. anlilox. p. i du Sér. lo\. - Mort en lo minutes. Cobaye 5oo » - « lo « p. i « - Dyspnée légère. Sarvie. Cobaye 58o » - » 20 >' p. i » - Pas de symptômes caractéristiques. Tchistovitch (i) a constaté, en immunisant des lapins contre la toxicité du sérum d'anguille, que les propiiétés antitoxiques diminuent à mesure que les doses du sérum toxique augmentent et que le maximum du pouvoir antiioxique est atteint avec la 4'"^ injection. Nous avons immunisé un lapin contre 9 doses mortelles du sérum de la murène et le sérum obtenu possédait, grosso modo, des propriétés antitoxiques analogues à celui obtenu avec les i5 doses mortelles. Il était très intéressant de vérifier si le sérum antitoxique obtenu possédait des propriétés antivenimeuses. Nous avons déterminé la dose mortelle du venin de la murène. — elle est de i .5 mg. pour un cobaye de 400 - 5oo gr. (2) On dissout o.i5 gr. du venin sec dans 3 cmc. d'eau salée à 7.5 '^/oo et à o.i cmc. de cette solution — qui représente la dose mortelle — on ajoute des proportions variables du sérum anti- toxique ; après 3o minutes de contact, on éprouve la toxicité des mélanges par des injections intraveineuses chez les cobayes. Cobaye 480 gr. - Mélange de 10 p du Ur. antilox. p. 1 dose mortelle dn Venin. - Secousses violentes et fréquentes : mort au bout de i5 minutes. Cobaye 5 3o » - » 3op. » p. » - Secousses caracté- ristiques répétées. Polypnée très ac- centuée, survie. Cobaye 38o » - » 90 p. » p. » - Quelques secousses caractéristiques. Tremblements. Survie. (i) Tchistovitch, Annales de l'Institut Pasteur 1899, p. 406. (2) KopACZEwsKi, C. R. 8 octobre 1917. — 4 — Nous constatons que les propriétés antivenimeuses du sérum des lapins immunisés contre la toxicité du sérum de la murène sont indiscutables, mais beaucoup moins accentuées que ses propriétés antitoxiques. Conclusions. — Le sérum de lapin ayant supporté 1 5 doses mortelles du sérum de la murène possède des propriétés anti- toxiques — il neutralise la toxicité du sérum de la murène — en le mélangeant en proportion de 20 pour une dose mortelle. Le sérum antitoxique est en même temps antivenimeux, mais ses propriétés antivenimeuses sont beaucoup moins mar- quées — pour neutraliser une dose mortelle du venin il faut 90 doses du sérum antitoxique. (Travail exécuté au Musée Océanographique de Monaco. — Note préli- minaire présentée par M. le Professeur Portier à la Société de Biologie, le 24 novembre iqij). (333) - ; Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) N" 334. — i5 Décembre 1917. ) Recherches sur le Sérum de la Murène (Murœna Helena L.) VII. — L'équilibre moléculaire et la toxicité du sérum. par Dr W. KOPACZEWSKI de l'Institut Pasteur de Paris Il était intéressant d'examiner les relations entre la structure moléculaire et la toxicité du sérum de la murène. Chaque fois que le sérum a été soumis à l'influence des agents physiques dont les résultats ont été publiés précédemment (i), nous avons étudié le sérum à l'ultra-microscope et photographié les images observées (2). Voici ce que nous avons constaté : Dans les cas ou le sérum a été inactivé, soit par les rayons solaires, soit par les rayons ultra-violets extrêmes ou par une conservation prolongée, nous avons observé l'apparition des agglomérations: tout d'abord les micelles séparées se réunis- saient par 4-6 pour former finalement soit des gros amas à la structure granuleuse, soit des grains très lumineux, qui à leur tour se rassemblaient en amas amorphes. Par contre, dans les cas, ou malgré l'influence des agents physiques, comme les rayons X, les rayons ultra-violets longs, (i) KoPACZEwsKi. C. R. 29 octobre 1917. (2) Les documents photographiques paraîtront prochainement dans les Annales de r Institut Pasteur. — 2 — le sérum est resté toxique, nous n'avons jamais vu de chan- gements appréciables. Les recherches remarquables de I)an3'sz(i) sur la formation in vitro des complexes entre les toxines et les ami-toxines, nous ont suggéré l'idée d'étudier l'action réciproque du sérum de la murène et du sérum normal d'un animal d'expérience à l'ultra-microscope. A cet effet nous avons placé une goutte du sérum de la murène frais à proximité immédiate d'une goutte de sérum de lapin. Au moment de les couvrir avec une lamelle, nous avons commencé l'observation à l'ultra- microscope et nous avons constaté la formation rapide d'agglo- mérations qui, en se réunissant et en perdant leur mou- vement brownien, formaient, après lo minutes de contact, des masses nébuleuses. C'était une véritable précipitation ultra- microscopique. Le sérum du cobaye ou du lapin intoxiqués est optiquement presque vide — l'ultra-microscope, avec notre grossissement (167 diamètres), ne nous a décelé que des micelles excessivement petites en mouvement très vif. La même apparence a été observée avec le sérum de lapin sensibilisé et examiné après le choc anaphylactique En présence de ces faits nous avons cherché à les corro- borer, en soumettant le sérum de la murène à l'influence des agents qui soit empêchent, soit facilitent la formation des complexes entre les colloïdes dont le signe visible est l'appa- rition des agglomérations micellaires. Les recherches de Perrin (2), Victor Henri (3), Hardy, Van Bemmelen, Wo, Ostwald, Traube, Michaelis, etc., ont prouvé que parmi ces agents sont surtout à retenir — la tension super- ficielle, la viscosité et la charge électrique. Si la formation des amas micellaires provoqués par la température, la lumière ou l'hysteresis peut être empêchée en augmentant la viscosité ou en diminuant la tension superficielle, on devait avoir le sérum d'une toxicité normale, à la condition, bien entendu, que tout se passe, comme si l'apparition d'agglomérations et la dispa- rition de la toxicité soient uniquement le résultat d'une modi- fication d'équilibre moléculaire. C'est ce que nous nous sommes (i) Danysz, Annales de l'Institut Pasteur, 1902. (2) Peurin, Les Atonies, igi3, et Journal de chimie physique, 1904. (3) V. Henri et A. Mayer, Soc, de Biol., 1906, II, p. 435. (3341 efforcé de prouver. Il va sans dire que les expe'riences de ce genre, étant donné l'introduction dans le sérum de substances différentes, qui souvent peivent ne pas être indifférentes au point de vue chimique, sont tiès délicates, et i! fallait mul- tiplier le nombre d'expériences témoins pour éviter les causes d'erreurs. Finalement, en nous servant d'une suspension de cliolcs- térine à i p. loo et d'une solution colloïdale d'oléate de soude à 2 p. 100, toutes les deux substances étant électronégatives et sans influence notable sur la viscosité naturelle du sérum, nous avons pu modifier sensiblement la tension superficielle du sérum dans les deux sens. En augmentant d'environ 3 dynes la tension superficielle du sérum de la murène par l'addition de la Cholesterine, nous avons pu inactiver le sérum par le chauffage de i5 minutes à 66°, température à laquelle le sérum normal résiste parfaitement. En diminuant d'environ 8 dynes la tension superficielle du sérum de la murène par l'oléate de soude, nous n'avons pas pu conserver la toxicité primitive du sérum après le chauffage à 76° C, quoique ce sérum provoquait chez le cobaye des symptômes d'intoxication indiscutables. C'est pourquoi il nous a semblé que le point thermique ou la toxicité du sérum diminue doit être plus rapproché de 56° que de 75. Cet experimentum crucis nous a prouvé que cette toxicité faiblit entre 60 et 65°. Avec la disparition ou la conservation de la toxicité pri- mitive du sérum de la murène concordaient les résultats ultra microscopiques, c'est-à-dire l'apparition ou l'absence des agglo- mérations micellaires. Conclusions. — Chaque fois que le sérum de la murène, soumis à l'infîuence des agents physiques tels que la chaleur, les rayons ultra-violets extrêmes ou la conservation prolongée, a été inactivé, on observe des changements profonds dans sa structure ultra-microscopique : les micelles séparées et en mou- vement brownien vif, se groupent par plusieurs unités, tout en perdant leur mouvement. Une véritable précipitation ultra-microscopique a lieu si on mélange le sérum de la murène avec le sérum d'un animal d'expérience. 4 — En modifiant la tension superficielle du sérum de la murène soumis à l'influence des agents ph\'siques destructifs, on peut volontairement faciliter ou retarder l'apparition des agglomé- rations miccllaircs et, ipso fado, faciliter ou retarder la diapa- rition de cette toxicité sérique. (Travail exécuté au Musée Océanographique de Monaco. — Noie prélimi- naire présentée par S. A. S. le Prince de Monaco à l'Académie des Sciences de Paris le ig novembre igij). (334) - i - Bulletin de l'Instittjt Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 335. — i5 Décembre 1917. % If- Recherches sur le Sérum de hi Murène (Murœna Helena L ) VIII. — Le mécanisme de la toxicité du sérum. Par Dr W. KOPACZEWSKI de l'Institut Pasteur de Paris. Nous avons (i) observé l'apparition des agglomérations mi- cellaires chaque fois que, sous l'influence des différents agents physiques, le sérum de la murène perdait ses propriétés toxi- ques. Cette constatation nous a suggéré l'hypothèse qu'on doit chercher l'explication de la toxicité sérique dans une réaction d'ordre physique-colloïdal. Dans ce cas trois facteurs peuvent intervenir pour faciliter ou empêcher la formation des complexes coUoidaux : la viscosité, la tension superficielle et la charge électrique. Et en effet, nous avons démontré (2) qu'en modifiant la viscosité ou la tension superficielle du sérum de la murène, soumis à l'influence des agents physiques destructifs, on peut volontairement faciliter ou empêcher l'apparition des agglomé- rations micellaires et, ipso facto, faciliter ou empêcher la dispa- rition de cette toxicité sérique. D'autre part, dans les réactions de précipitation des colloïdes la tension superficielle après la précipitation doit être sensible- ment identique au liquide intra-micellaire. Si l'intoxication par le sérum de la murène des animaux d'expérience est une réaction physique de précipitation, la tension superficielle du (i) KoPAczEwsKi, G. R. ig novembre 1917 et Bull. Inst. Océan, n» 334. (2) KoPACzEWSKi, ibid. 2 — sérum après l'intoxication doit avoir baissé. Nous avons observé le fait analogue dans le choc provoqué par « l'anaphyla- toxine » (i). Cosmovici (2), dans un travail fait sous la direction de Portier, a observé cet abaissement dans l'intoxication par le sérum de congre ou d'anguille. Nous avons de nouveau constaté cet abaissement : la tension superficielle du sérum de cobaye tombe de 68.90 à 65.22 dynes après l'intoxication par le sérum de la murène. Nous avons cherché à constater la formation d'un complexe colloïdal par le transport électrique, mais sans résultat, quoique ce transport a été effectué tout en évitant l'électrolyse. Toute- fois, d'après les travaux les plus récents de Henri, Meyer, Bottazzi, Hardy, Wo, Oswald, la formation de ces complexes peut avoir lieu sans qu'on puisse nécessairement la constater au moyen de transport électrique. En suivant l'hypothèse que la toxicité du sérum est due à sa structure moléculaire siii genei^is, nous avons trouvé à son appui des faits observés par Gley (3), Camus et Gley (4), Briot (5), sur la toxicité du sérum de la lamproie, de la raie, de la torpille et surtout dans le fait connu de la toxicité du sérum de poisson non venimeux : de congre, d'anguille. Nous avons vérifié la toxicité du sérum de la raie décrite par Camus et Gley (6) et nous avons expérimenté le sérum du Scj'lliiim catulus, qui s'est montré pourvu d'une toxicité assez accentuée. Cependant chez les poi^^sons cités, à l'exception du congre et de l'anguille, appartenant à la même famille que la murène, cette toxicité n'est jamais si foudroyante. Nous savons que le sang des serpents est toxique. Cal- mette (7) a constaté que le sérum antivenimeux est en même temps antitoxique contre la toxicité du sang des serpents et vice- versa. Nous avons, après beaucoup de difficultés, immunisé des (i) KoPACZEWSKi et Muttermilch, C. R. Soc. Biol. 1914, vol. 77, p. 417. (2) Cosmovici, Thèse de la Faculté des Sciences de Paris, iyi5. (3) Gley, Soc. Biol. igiS, vol. 78, p. 116-118. (4) Camus et Gley, Soc. Biol. igiS, vol. 78, p. 2o3. (5) Briot, Arch. Physiol. iqoS, vol, 5, p. 271. (6) Camus et Gley, loc. cit. (7) Calmette, Les venins. Masson, Paris 1907. (335) lapins contre 9 à i5 doses mortelles du sérum de la murène et le sérum obtenu possédait des propriétés préventives contre le venin et contre le sérum de la murène. Ces faits montrent que le venin doit être en relation étroite avec la toxicité sérique. Phisalix et Bertrand (i) concluaient de ce fait à la présence du venin dans le sang des serpents, grâce à une sécrétion interne; par contre Calmette a réfuté cette hypothèse étant donné que le sérum perd ses propriétés toxiques après le chauffage à 60°, tandis que le venin résiste parfaitement à cette température. En ce qui concerne le sérum de la murène, nous avons constaté que non seulement le venin est de beaucoup plus thermostabile que le sérum, mais que les symptômes d'intoxication et le tableau à Tautopsie diffèrent sensiblement. Nous savons, en plus, que le venin est précipitable par l'alcool; or, après la précipitation du sérum par l'alcool, on retrouve les propriétés toxiques dans le filtrat (2). Ce n'est donc pas le venin tel que, qui se trouve dans le sang. Est-ce donc, comme le veut Calmette, une substance diastasique qui en même temps soit une partie essentielle dans la constitution complexe du venin des serpents? Nous savons que les diastases sont précipitables par l'alcool, qu'une action diastasique est improbable en l'absence d'électrolyses spécifi- ques (Bertrand) et qu'en tous cas le facteur du temps est essentiel dans les réactions diastasiques. Or, le choc toxique, provoqué par le sérum de la murène est pour ainsi dire instan- tané; le sérum dialyse est toxique et après la précipitation par l'alcool, ce n'est pas le précipité qui est toxique, mais bien le filtrat. Eliminons donc une action diastasique d'un ferment hypothétique. Résumons. Une relation entre le venin et la toxicité sérique est indiscutable. Est-elle due à une substance qui intervient ici ? Et serait-ce une substance dans le genre des pro-ferments, un pro-venin ? Nous n'en savons rien et nous n'en voyons aucun indice précis. Dans tous les cas, la toxicité d'une telle substance hypothé- tique serait liée à sa structure moléculaire et à ses propriétés colloïdales. Ce fait est nettement établi par les expériences sur (i) Phisalix et Bertrand, Arch, de Physiol. 1874. (2) KoPAczEwsKi, Bull. Inst. Océan, n« 332. la tension superficielle, la viscosité' et la structure micellaire des serums expérimentés. Conclusions. — Après l'intoxication des animaux d'expé- riences par le sérum de la murène, la tension superficielle de leurs serums baisse, l'ultra-microscope ne décèle plus des micelles de la même grandeur que dans le sérum normal, mais des micelles infiniment plus petites. Le sérum de quelques poissons non venimeux, le Scyllium catulus, la raie, la torpille, s'est montré toxique pour les cobayes, mais cette toxicité est de beaucoup inférieure à celle de la murène. Cette dernière semble être en relation étroite avec le venin, ainsi que le prouvent les expériences sur l'immunisation : le sérum de lapin immunisé contre 9 à i5 doses mortelles du sérum de la murène est pourvu de propriétés antivenimeuses, La toxicité extraordinaire du sérum de la murène n'est pas due à la présence du venin tel que dans le sang, parce que le sérum de la murène perd sa toxicité presque totalement après le chauffage à 65°, tandis que le venin résiste à cette tempé- rature. Ce n'est pas une substance diastasique dans le sens de Cal- mette, étant donné la toxicité du sérum dialyse ou précipité par l'alcool et la rapidité du choc d'intoxication. Etant donné la toxicité du sérum des poissons non-venimeux, il faut plutôt admettre que la toxicité du sérum de la murène réside dans sa structure moléculaire, stii generis^ de sorte que l'injection de ce sérum dans le sang hétérogène provoque une rupture d'équi- libre moléculaire, qui se traduit expérimentalement par l'appa- rition d'agglomérations micellaires et par l'abaissement de la tension superficielle du sérum d'animal intoxiqué. Mais cette toxicité est exagérée grâce au venin, 'avec lequel elle doit être en relation étroite. La nature de cette relation reste à éclaircir. (Travail exécuté au Musée Océanographique de Manaco. — Note préli- minaire présentée par S. A. S. le Prince de Monaco a V Académie des Sciences, le 26 novembre igij). (335) Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) N» 336, — 3o Décembre 1917. Mycose chez une Tortue de mer. [Thalassochelys caretta L./ Par Auguste PETTIT Dans un lot de pièces pathologiques recueillies à diverses époques, au cours des croisières scientifiques de S. A. S. le Prince de Monaco, par le D*"!. Richard, directeur du Musée Océanographique, j'ai constaté chez deux Tortues de mer [Thalassochelj's car^etta Linné) l'existence de lésions qui me paraissent mériter une brève mention. Les observations consignées ci-après sont basées uniquement sur l'examen de fragments fixés (i) du mésentère, du foie et du poumon, provenant de deux individus ; les lésions réalisées chez ceux-ci se superposent assez exactement pour qu'il soit possible de les réunir dans une commune description. L'affection en question est évidente macroscopiquement : mésentère, foie et poumons sont farcis d'innombrables granu- lations, irrégulièrement globuleuses, blanchâtres, semées capri- cieusement dans le parenchyme ; fréquemment, celles-ci sont assez nombreuses pour devenir presque confluentes (fig. i). Parvenues à leur complet développement, ces formations sont constituées par une accumulation de leucocytes (2), dont le cytoplasma, les noyaux et les granulations sont d'autant plus altérés qu'ils occupent une position plus voisine du centre ; le cytoplasma se détruit rapidement ; mais les granulations et surtout les noyaux devenus pycnotiques persistent beaucoup (i) Dès que les circonstances le permettront, je me propose naturel- lement d'entreprendre l'étude microbiologique du parasite. (2) Il s'agit des leucocytes granuleux qui, à l'état normal, représentent la majorité des éléments blancs dans le sang circulant. 2 — plus longtemps (fig. 2). A la périphérie, les colorations appro- priées décèlent un réseau mycélien, semé par places de massues caractéristiques (fig. 2). L'examen du foie, et surtout du poumon, permet de se rendre /. iS-y '1 ßfß-tH''^'>/h''^-. '^ Fig. I. — Th. caretta. Coupe du poumon farci de granulations, gr. (Gross. 14/1). compte du mode de formation des granulations. Dans son ensemble, le tissu pulmonaire Hyperplasie est infiltré d'hématies et de leucocytes granuleux ; la proportion de ces derniers est toujours de beaucoup supérieure à celle réalisée dans le sang circulant et, par endroits, il y a égalité numérique entre les deux espèces cellulaires. La granulation debute par l'accumulation de ff'^ h..:', ■/:>;: P'ig. 2. — Th. caretta. ^r, granulations avec noyaux plus ou moins altérés, développée dans le foie ; m, mycélium et massues ; p, zone d'irritation où le tissu hépatique est remplacé plus ou moins complètement par des leucocytes granuleux, et accessoirement par des cellules géantes ; h, tissu hépatique. Fig. 3. — Th. caretta. Origine d'une granulation. Ig, leucocyte granuleux, quelques leucocytes (fig. 3) autour de productions mycéliennes ; (336) — 4 — progressivement, de nouveaux éléments granuleux viennent s'incorporer au foyer initial, qui augmente ainsi de volume. Presque aussitôt, le cytoplasma perd ses limites et se fusionne avec celui des cellules voisines ; au contraire, comme nous l'avons vu, les granulations leucocytaires persistent plus long- temps et des noyaux pycnotiques s'observent jusque dans les parties centrales (fig. 2). Simultanément, des cellules géantes (fig. 4) apparaissent en quelques points de la périphérie. Quant J "fkm *^ «> ew ' ä. ... " ?5 ^ ®ö> « ÄTAMTin- Fig. 4. — Th. caretta. Coupe tangentielle d'une granulation, cg, cellule géante. au mycélium et aux massues, ils sont localisés (fig. 2) dans une couche intermédiaire aux leucocytes confluents et aux leucocytes diapédétiques qui vont s'incorporer à la granulation. En somme, il s'agit d'une infection grave, provoquée par un Champignon, sévissant sur les Thaîassochelj's caretta vivant en liberté et paraissant présenter, à certains moments, une assez grande extension puisque les deux spécimens examinés ont été capturés l'un (1906) dans les parages des Açores (Stn. 2178), l'autre (1906) dans les environs de Monaco ; au point de vue histologique, d'autre part, on notera l'intensité de la diapédèse manifestée par des leucocytes bourrés de nombreuses et volu- mineuses granulations. Comptes rendus des Séances de la Société de Biologie, lxxx, 853-856, 1917. BULLETIN DE L'INSTITUT OCEANOGRAPHIQUE DE MONACO N^« 337-349 -rz^Jl^^ MONACO AU MUSÉE OCÉANOGRAPHIQUE 1918 TABLE DES MATIERES IWR ORDRK ALI'IIABKTIQUE Dantan (J. L.). — No 341. — La biologie des huîtres et l'industrie ostréicole. Delage (Yves). — N» 338. — Le Mésorhéomètre et la mesure des courants pélagiques entre la surface et le fond. Fauvel (Pierre). — No 347. — Tableaux analytiques des Annélides Poly- chetes des côtes de France. — L ( Aphroditiens, Amphinomiens, Hésiotiiens, Sphœrodoriens et Alciopiens.j Gravier (Gh.). — No 343. — Note préliminaire sur les Antipathaires recueillis par la Princesse-Alice, de 1903 à iqi3 inclusivement. Gravier (Gh.). — No 344. — Note sur une Actinie [Thoracactis n. g., Top- senti n. sp.) et un Annélide Polychète (Hermadion Fauveli n. sp.), commensaux d'une Eponge siliceuse [Sarostegia oculata Topsent). Gravier (Gh.) — No 346. — Note préliminaire sur les Hexactiniaires recueillis au cours des croisières de la Princesse-Alice et de V Hirondelle de 1888 à 1913 inclusivement. JouBiN (L.). — No 33/. — Le Gomité royal Thalassographique italien. JouBiN (L.). — No 33q. — Études préliminaires sur les Géphalopodes recueillis au cours des croisières de S. A. S. le Prince de Monaco. 5e Note : Moschites verrucosa (Verrill). JouBiN (L.). — No 340. — Études préliminaires sur les Géphalopodes recueillis au cours des croisières de S. A. S. le Prince de Monaco. 6c Note : Vitreledonella Richardi Joubin. JouBiN (L.) et Roule (L.l. — No 348. — Observations sur la nourriture des Thons de l'Atlantique [Germo alalonga Gmelin). J0ÜBIN (L.). — No 349. — Note sur l'utilisation des Hydravions pour la pêche et les recherches océanographiques. Roule (Louis). — N» 345. — Considérations sur la biologie du Thon commun [Orcynus thynnus L.). Sauvageau (G.). — No 342. — Sur la dissémination et la naturalisation de quelques Algues marines. /^ V TABLE DES iMATIERES Le numéro de chaque article se trouvant au bas du recto de chaque feuillet il est très facile de trouver rapidement l'article cherché. Nos 337. — Le Comité royal Thalassographiqùe italien, par L. Joubin, professeur au Museum d'Histoire Naturelle et à l'Institut Océanographique. 1 {, U„ 338. — Le Mésorhéomètre et la mesure des courants pélagiques entre la surface et le fond, par Yves Delage, Directeur de la Station biologique de Roscoff. I\ VU. 33g. — Etudes préliminaires sur les Céphalopodes recueillis au cours des croisières de S. A. S. le Prince de Monace. 5^ Note ; Moschites verrucosa (Verrill), par L. Joubin, professeur au Muséum d'Histoire Naturelle et à l'Institut Océanographique. ///4' 340. — Etudes préliminaires sur les Céphalopodes recueillis au cours des croisières de S. A. S. le Prince de Monaco. 6« Note : Vitre- ledonella Richardi .loubin, par L. Joubin, professeur au Muséum d'Histoire Naturelle et à l'Institut Océanographique. ^^U 341. — La biologie des huîtres et l'industrie ostréicole, par J. L. Dantan.j^i, 342. — Sur la dissémination et la naturalisation de quelques Algues marines, par C. Sauvaqkau, professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux. 2. 9)»]^ 343. — Note préliminaire sur les Antipathaires recueillis par la Prin- cesse-Alice, de U)ü3 à i()i3 inclusivement, par Ch. Gravier.^»)/. 344. — Note sur une Actinie [Thoracactis n. g., Topsenti n. sp.) et url Annélide Polychète [Hennadion Fauveli n. sp.), commensaux d'une Éponge siliceuse {Sarostegia oculata Topsent), par Ch. Gravier. "^^ Û ik 345. — Considérations sur la biologie du Thon commun iOrcynus thynuus L.), par Louis Roulk, professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle, ^.u VV 346. — Note préliminaire sur les Hexactiniaires recueillis au cours des croisières de la Princesse- Alice et de V Hirondelle de 1888 à iqi3 inclusivement, par Ch. Gravier. », ., , ^ }} 347. — Tableaux analytiques des Annélides Polychetes des côtes de France. — I. (Aphroditiens, Amphinomiens, Hésioniens, Sphœrodoriens et Alciopiens.), par Pierre Fauveu, professeur à l'Université' Catholique d'Angers. "r - /■ 348. — Observations sur la nourriture des Thons de l'Atlantique ( Germo alalonga Gmelin). par L. Joubin et L. Roule, professeurs au Muséum d'Histoire Naturelle. "i ki, 349. — Note sur l'utilisation des Hydravions pour la pêche et les recherches océanographiques, par L. Joubin, professeur au Muséum d'Histoire Naturelle et à l'Institut Océanographique. Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 337. — 10 Janvier 1918. m^ Le Comité royal Thalassographique italien. Par L. JOUBIN Professeur au Muséum d'Histoire Naturelle et à l'Institut Océanographique Les Italiens ont entrepris, depuis quelques années, une œuvre scientifique de premier ordre : les applications aux industries les plus diverses des ressources de toute sorte que l'on peut tirer de la mer. Il est très important de faire connaître en France, où ce mouvement scientifique est à peu près ignoré, sauf de quelques spécialistes, Torigine et le mécanisme de cette œuvre, appelée à rendre à nos voisins les plus éminents services. L'Italie la doit à son « Comité royal thalassographique italien » (Regio Comitato talassograßco italiano : R. C. T. L). Cette dénomination, un peu compliquée, appelle une expli- cation : nous traduirons le mot « talassografico » par océano- graphique, ce qui indiquera tout de suite le but de Tinstitution. Quant au mot î^egio, il montre qu'il s'agit d'une œuvre officiel- lement reconnue et patronnée par l'Etat, qui, en raison de son importance, la considère comme un de ses services légalement constitués. C'est donc tout autre chose qu'un simple comité ou qu'une société privée, ce que, d'ailleurs, elle était à ses débuts; mais son développement a marché si vite qu'elle est devenue un grand organisme d'État, rendant déjà d'importants services et appelé à un avenir des plus intéressants. La guerre, si elle a diminué l'activité du Comité, ne l'a point arrêtée, et les prépa- NoTE. — Le présent article est extrait du Larousse mensuel n° 12g, novembre 1917. L'auteur remercie la direction et, plus particulièrement, M. Auge, de l'autorisation qu'il a obtenue de le reproduire avec les clichés. — 2 — ratifs continuent pour qu'aussitôt après la cessation des hosti- lités, son action reprenne tout son essor. La situation géographique de Tltalie dans la Méditerranée est telle que les travaux océanographiques, exécutés au large de ses eaux territoriales, arrivent de toute part et rapidement au contact des mers baignant les côtes des nations voisines. Aussi les questions scientifiques deviennent-elles bientôt internationales et touchent-elles promptement aux questions économiques. C'est pour ces raisons qu'avec la meilleure grâce du monde nos amis italiens nous ont convié, déjà depuis plusieurs années, à prendre part aux conférences préliminaires -.Cascrte. Bénevent j'* :ipi\s ; ^-•.^^X-^ Jorente lerne f^^^v 1 ^ Fojtcastco I I Ischi M K J\ ->ô;> , \_''' ?/Eggà.(i's mzerte\':. A^§^ \\'> Turns / c.^-.vl. ^ I llammaiAet ■^k ^Mahadïa ""\o °-^ => s^ Bèlvçder& ' .•Strom bol i \ \ ( nt.\ .los V-". ^-•'"".1 I ir^ \\cs. / \T Y/B.. RJFJ E N i E N I\r\E\ >ao/d\ ' t^^a^^ ^.^d. teûca « ■"■"' ''-^•^ -' ' ^ ']^isf'jm<3 Wçtrûpé- .^ ^ ^ «• ^ ^•b Colonne— iooo \'^^,Z^J /^ SüuiUacef , . \ « ■«'K' • >s I en I. K é\i '^^ i ■ / \ \ Sciacck^ * Caffanisâîa \dthn.e ■% ■•.éuUa Ter'papov^ / ^.fjracusé. ■ -< . .' .''' Pantel 1er i a Tozzaîté^ \ \ \ * ;C.Passer(>.\^.\ MER I. Gozo.. Liiosa 100 '■- § i§'2 ' --■• Malte ;Lampeausa ^^ïavWétte^'S \ Echelle Les grands fonds de la Méditerranée, au nord et au sud du détroit de Messine. chargées d'élaborer un vaste plan de recherches océanogra- phiques à exécuter de concert avec eux. On verra, en lisant cet article, combien il est utile et nécessaire pour la France de répondre à l'offre de collaboration de l'Italie et de poursuivre avec elle, dans la Méditerranée, l'œuvre dont elle a déjà exécuté chez elle une notable partie, suffisante pour mettre en évidence tout son intérêt. Les espagnols ont accepté cette collaboration; ils travaillent activement de leur côté ; ils ont même commencé divers travaux préliminaires et suivent les plans proposés sur quelques points particulieis, en attendant que les circonstances permettent de le faire partout. La collaboration de l'Autriche- Hongrie fut effective jusqu'à la guerre. La France peut-elle rester la seule puissance riveraine de la Méditerranée occidentale qui ne ferait rien ? Peut-elle accepter de laisser ses voisins et rivaux effectuer dans ses eaux euro- péennes et africaines la part qui lui revient légitimement ? Ce serait déjà un échec moral grave, s'il n'était question que de recherches de science pure, n'ayant qu'un intérêt théorique pour une poignée de savants. Mais ce n'est là qu'un petit côté de la question, car les travaux en vue sont la base même de recherches industrielles multiples relatives aux pêches, à la vie, à la reproduction, aux migrations des poissons, aux produits commerçables que l'on peut en tirer. Puis il s'agit de faire la carte du fond de la Méditerranée, qui est, bien que cela semble étonnant, une mer très mal connue, d'en étudier les courants, les marées, la composition des eaux, leur chimie et leur physique, l'utilisation des plantes marines littorales, etc. Notons encore toutes les questions de météorologie qui peuvent entrer dans ce vaste programme, où les Italiens ont même introduit l'aviation dans ses rapports avec la navigation. Ajoutons à cette liste les questions relatives au personnel marin, aux écoles de pêche, de pilotage, etc., qui appellent souvent des solutions internationales. Remarquons, en outre, que, si la France se décidait à colla- borer à ces travaux avec les autres nations riveraines de la Méditerranée, rien ne l'empêcherait de profiterde cette organi- sation pour étendre, pour son compte personnel, une partie du programme à ses eaux de l'Océan et de la Manche et de ses colonies. Il suffit de signaler à titre d'exemple, quelle impor- tance il y aurait à résolument aborder l'étude des moyens pratiques d'utiliser la force des marées. Nous laissons perdre des millions de chevaux-vapeur et, pourtant, si, depuis quelques années, on avait sérieusement songé à en tirer parti, la question du charbon ne se poserait plus. Revenons au Comité thalassographique italien. Son origine, très modeste, remonte à i88i. Un ingénieur- hydrographe, Magnaghi, l'un des précurseurs de l'Océano- graphie, et le professeur Giglioli commencèrent des recherches (337) — 4 — marines qui n'étaient qu'un essai préliminaire. Ils s'adressèrent à l'académie des Lincei pour assurer la continuité de leurs travaux. Sur le rapport de l'illustre savant Blaserna, présidant une commission composée de représentants de cette académie et des ministères intéressés, une première campagne thalasso- graphique fut exécutée, en août i883,par le Washington', elle servit en quelque sorte d'expérience ; puis les choses en restèrent là jusqu'en 1908. C'est alors que la Société italienne pour le progrès des sciences (qui correspond à notre Association française pour l'avancement des sciences) reprit la question et institua un comité provisoire qui se réunit à Rome et à Padoue en 1909 et commença immédiatement, sous les auspices du ministère de la marine, une série de croisières périodiques. Il faut, dès maintenant, signaler l'activité féconde d'un grand savant italien, le professeur-sénateur Vito Volterra, qui fut •l La station biologique de Messine. — Façade du côté sicilien, montrant les réservoirs d'eau de mer. réellement l'initiateur et l'àme de ce comité ; la France l'a appelé à faire à la Sorbonne un cours de hautes mathématiques, et il a été nommé Associé de l'Académie des sciences de Paris. Nous retrouvons à côté de lui le professeur Blaserna, également membre correspondant de notre Académie des sciences, le professeur-sénateur Grassi, le professeur Vinci- guerra, le chimiste Bruni, l'ingénieur Ravà, l'hydrographe Magrini, l'amiral Cattolica, etc. Tous ces hommes sont connus pour leurs beaux travaux dans les sciences de la mer : biologie, hydrographie, chimie, etc. En 1910, le gouvernement italien, sur la proposition des ministres Luzzatti et amiral Cattolica, de'cida de transformer ce comité privé en un organisme d'Etat. La loi fut promulguée le i^*" juillet 1910 et complétée par une autre, le 5 juin 1913. En voici les traits caractéristiques : Artici.k i«r. — Est institué le R. C. T, I., ayant fonctions executives pour l'étude physico-chimicjue et biologique des mers italiennes, en tant qu'elle se rapporte surtout a l'industrie de la navigation et de la pêche et pour l'exploration de la haute atmosphère dans ses rapports avec la navi- gation aérienne. Le Comité aura à sa disposition et administrera les revenus suivants: 1° Contribution du gouvernement de 60.000 francs par an ; 20 Contributions fixes ou temporaires d'autres administrations publiques, de corps scien- tifiques et privés ; 3° Le ministère de la marine pourvoit aux moyens de transport pour les croisières et les campagnes thalassographiques ; 4° Une somme de 100.000 francs, en cinq annuités, est attribuée à la construction et à l'ameublement d'une station dite Institut central de biologie marine à Messine. La loi organise ensuite le Comité, où nous trouvons un sénateur et un député élus par leurs collègues, deux délégués de la Société italienne pour l'avancement des sciences, un du Syndicat technique des pêches, les présidents des académies et sociétés scientifiques qui contribuent aux dépenses, du Magis- trato aile Acque, de la Commission géodésique, du Conseil des pêches, du Bureau central météorologique, de l'Institut hydro- graphique, de la Ligue navale, les directeurs de l'Ecole navale, de la marine marchande, de l'aéronautique militaire, enfin les techniciens appelés dans son sein par le conseil lui-mêine. Cette enumeration, un peu longue, donne bien l'idée des intentions et du but poursuivi par cette réunion de spécialistes compétents. Le siège officiel du Comité est à Gênes, auprès de l'Institut hydrographique; cependant, les réunions du bureau directeur ont presque toujours lieu à Rome, au ministère de la marine ; mais le Comité se réunit tous les ans, dans une ville différente, en coïncidence avec le congrès de l'Association pour le progrès des sciences. Le personnel scientifique du Comité est composé de spécia- listes en diverses sciences, d'assistants et de préparateurs bio- logistes, plus spécialement versés dans les questions de pêche; les autres, physiciens, chimistes, aviateurs. Ils résident auprès des divers Instituts du Comité, notamment à la station de (337) — 6 — Messine, à Tuniversité de Padoue ; là, sous la direction du professeur Bruni, se font les analyses spéciales à la chimie marine et, sous la direction du professeur de Marchi, sont coordonne'es les observations hydrographiques. Une des organisations scientifiques qui donnèrent les meilleurs re'sultats fut celle de ces croisières périodiques pré- parées par la campagnes du Washington. Il s'agissait d'étudier, aux diverses saisons de Tannée, dans des points parfaitement déterminés d'avance, les modifications physico-chimiques de La station biologique italienne (-{-) à l'entrée du port de Messine, en bordure sur le détroil l'eau de mer à différentes profondeurs. Mais ces observations devaient être rigoureusement faites, suivant des méthodes précises et fixées une fois pour toutes. Le Comité se mit en rapport avec le gouvernement austro-hongrois ; il se réunit à Venise avec ses délégués pour conclure un accord préliminaire. Une commission internationale fut nommée, qui se réunit plusieurs fois à Monaco, sous la présidence du prince Albert I"*", elle arrêta le plan de travail à faire dans l'Adriatique, détermina dans cette mer les lignes transversales et longitudinales suivant lesquelles le navire devait exécuter des observations et précisa les méthodes d'étude des matériaux recueillis. Cette première organisation fut le germe d'où sortit un programme beaucoup plus vaste, applicable à toute la ^Méditerranée, que la guerre actuelle a fait remettre à des temps meilleurs. Il fut réalisé dans l'Adriatique, régulièrement tous les trois mois, quatorze croisières, jusqu'à Tété de 1914. C'est le navire le Cyclope qui, pour le compte du gouvernement italien, fit ces croisières en suivant un réseau de huit lignes transversales. Tous les dix milles marins, il fit une station, dite de « premier ordre », en recueillant des échantillons d'eau à la surface, puis à 5, 10, 20, 3o, 5o, 100, 200, 5oo mètres et au fond, avec les températures correspondantes. Dans les intervalles, on fit des stations plus courtes ; partout, on exécuta des pêches de toutes sortes, des prises de plancton, des observations météorologiques, des dosages des gaz dissous dans l'eau, des études sur la trans- parence de l'eau, les dépôts du fond, les courants, etc. Les matériaux et les observations innombrables furent répartis entre plusieurs spécialistes pour être étudiés ; leurs travaux sont publiés dans un recueil quia pour titre Bullelin de la Commission permajiente internationale pour letiide de l'Adriatique. Dans les intervalles des croisières régulières, on en exécuta d'autres accessoires, notamment sur les côtes de Libye, pour l'étude des bancs d'épongés ; puis on en fit spécialement, pour l'étude des poissons, dans les mers Ionienne et Thyrrhénienne, enfin sur les côtes albanaises pour l'étude de la technique scien- tifique de la pêche. Il faut encore citer une croisière spéciale pour l'étude des dommages causés aux câbles télégraphiques sous-marins par les animaux perforants. Toutes ces importantes recherches furent confiées à de hautes personnalités scientifiques ; le commandement des navires était entre les mains d'officiers savants, spécialistes de la marine royale italienne. Mais d'autres travaux étaient organisés en vue des recherches dans les eaux littorales. On croit généralement que la Méditerranée est une mer sans marées ; il est vrai qu'en bien des points du littoral elles ne sont pas apparentes, du moins pour les profanes ; mais, dans d'autres, elles sont très marquées, d'amplitude et de rythme variés. Ce sont justement ces variations locales qu'il s'agit d'étudier et qu'il faudrait suivre, non seulement sur les côtes italiennes, mais sur tout le littoral méditerranéen. Aussi le Comité a-t-il institué (337) une commission maréographique chargée d'organiser les recherches par rapport à l'hjMrographie, à la navigation, aux travaux publics. Elle a institué un réseau maréographique de premier ordre, composé de dix-sept stations, réparties sur le littoral italien, sarde et sicilien ; les observations y sont faites avec des appareils, selon des méthodes identiques et un s\'nchro- nisme absolu. Le Comité a pris l'initiative d'une réorganisation complète des stations météorologiques côtières, sous la direction de l'Ins- titut hydrographique. Il a fallu, en effet, refaire toute l'instru- mentation surannée et obtenir que les navires marchands fassent à bord, pendant leurs voyages, des observations précises. Le Comité, pour obtenir ce dernier résultat, a publié un Manuel pour les observations météorologiques en mer, rédigé par le professeur Marini. Il organisera plus tard un service régulier de prévision et d'annonce des tempêtes le long de la côte et en haute mer par la télégraphie sans fil. Il faut encore signaler l'important service de l'exploration de la haute atmosphère que le Comité a organisé ; il est destiné à centraliser et grouper les observations, pour fournir rapi- dement aux voyageurs de l'air les indications météorologiques et aérologiques dont ils ont besoin ; un conseil, siégeant à Rome, dont dépendent 3o stations acorologiques, gouverne ce service. Celles-ci lancent des ballons-pilotes, et les résultats sont, télégraphiés de façon à constituer un bulletin quotidien. La tâche du Comité est donc la solution de problèmes d'intérêt général italien; mais il est des questions d'intérêt plus local. Pour les exposer et les résoudre, on forma, dans chacune des principales villes maritimes de Titalie, un centre de culture et d'action, afin de coopérer aux travaux d'ensemble et aux problèmes locaux. A Gênes, a été établie la section Ligurienne du Comité ; à Venise, la section Adriatique ; à Naples, la section Parthénopéenne, présidée par l'amiral Cattolica ; à Messine, se constitue la section Sicilienne, présidée par le prince di Scalea. Toutes ces organisations scientifiques nécessitent des publi- cations destinées à faire connaître le plus promptement possible les résultats théoriques et pratiques obtenus. Nous trouvons là aussi une grande activité qui, si elle a été ralentie par la guerre, n'a pas été, cependant, interrompue. Le Comité a publié d'abord des monographies relatives aux poissons (muré- noïdes, par Grassi ; scopélides, scombéroïdes, par Sanzo) ; puis — 9 - une très importante série de mémoires, relatifs surtout aux animaux marins, à la pêche, à la physique et à la chimie de la mer. On y trouve des notes sur le développement des murènes, de l'anguille, du thon, par Grassi ; sur les larves de divers poissons, par Sanzo; puis des travaux du professeur de iMarchi sur la saluie et la température des eaux, du professeur de Toni sur les algues, de Levi Morenos sur la pêche en Libye, de Sella sur les bancs d'épongés de Libye et de Tunisie... Nous ne pouvons tout citer ; di- sons seulement que le 56^ mé- moire vient de paraître. Un bulletin trimestriel don- ne des comptes rendus des ac- tes officiels, les procès-verbaux des commis- sions, des pro- a, b, c, trois états successifs de la larve de Tanguille vulgaire (leptocéphale). grammes de recherches à entreprendre, de courtes notes scien- tifiques, enfin des résumés des travaux relatifs à l'océanographie. Cinq volumes sont actuellement publiés. lYois volumes ont été, en outre, spécialement consacrés à la publication des travaux dans l'Adriatique; deux autres constituent un bulletin mensuel maréographique. Ces deux publications ont été interrompues par la guerre. Parmi toutes les créations dues à l'activité du Comité thalas- sographique italien, il faut signaler maintenant la magnifique station biologique centrale, récemment ouverte à Messine. On peut dire que cette station compte parmi les plus intéressantes et les mieux organisées du monde entier. Au cours de la mission qui me fut confiée par le gouvernement, en Italie, à la fin de 1916, je fus chargé de représenter la France ainsi que S. A. S. le Prince de Monaco, à l'inauguration de cet établissement, qui eut lieu à Messine le 1 1 décembre 1916. Un court séjour dans cet admirable pays m'a permis d'étudier cette station et de voir les traits les plus caractéristiques de sa faune. Le rapporteur de la commission internationale, qui siégea (337) — 10 à Rome en 1914 et dont il sera question plus loin, s'exprime ainsi au sujet de cette station : Le Comité sentait l'absolue nécessité d'un Institut biologique central qui permît, outre l'exécution, par des moyens proportionnés, d'études im- portantes de biologie marine, un premier examen du matériel biologique recueilli en mer et sa distribution à différents spécialistes. On discuta longuement sur la localité où construire cet Institut; mais, par suite d'un ensemble de circonstances et d'un vote unanime des biologues, on choisit Messine, appelée le Paradis des ^oologues. Cette dénomination a été, en effet, employée depuis long- temps par les naturalistes pour désigner Messine, et la suite de cet article en fera comprendre la raison. La station fut, d'abord, prévue très modeste ; mais l'extension du littoral italien, dû à l'acquisition de la Lybie, d'autres accroissements, prévus dans l'avenir, décidèrent le Comité à construire une station beaucoup plus considérable. Une école de pêche en est une annexe, que l'on est en train de réaliser actuellement, en vue de l'instruction des jeunes marins de la région et de leur orientation vers des méthodes moins surannées et plus scientifiques que les méthodes actuelles. II est nécessaire, maintenant, d'expliquer la très curieuse raison de la richesse si vantée de la faune de Messine, qui lui a valu une réputation universelle parmi les naturalistes. Si l'on examine la carte bathymétrique des mers italiennes, on voit tout de suite deux grandes fosses. La Méditerranée atteint là ses deux profondeurs maxima : la fosse tyrrhénienne au nord de la Sicile, la fosse ionienne au sud-est. La première est à peu près au centre du grand triangle formé par la Corse et la Sardaigne à l'ouest, la côte italienne à l'est, la Sicile et la Calabre au sud. La seconde occupe la région limitée au nord par la Calabre et l'entrée de l'Adriatique, au sud la côte africaine, à l'est la Grèce et la Crète. La première dépasse 3.5oo mètres, la seconde 4.440 mètres de profondeur, maximum actuellement connu dans la Méditerranée. Or les deux mers sont complètement séparées, sauf une communication par l'étroit chenal qu'est le détroit de Messine. Cette disposition réalise deux entonnoirs opposés par leur tube de sortie, au point le plus resserré desquels se -trouvent Messine et Reggio de Calabre. Entre ces deux villes, le sol sous-marin se relève brusquement en une crête, véritable muraille à pic, qui n'est au-dessous de la surface des eaux que d'une centaine de mètres. Quatre fois par jour, deux fois dans chaque sens, un violent courant, dû probablement à la marée méditerranéenne, s'en- gouffre alternativement de l'entonnoir du nord dans celui du sud, et réciproquement ; il vient se heurter contre la crête sous- marine, qui le force à se relever. Il arrive alors à la surface, où il forme de grands tourbillons. Ces courants amènent avec eux à la surface les animaux flottants des grandes profondeurs. Si l'on veut bien se souvenir de la peine que, depuis un demi- siècle, les naturalistes prennent pour se procurer de rares échantillons des habitants de la mer profonde, de tous les navires qu'ils y ont employés, de l'argent dépensé en croisières, on conviendra que c'est pour eux une joie de trouver là, en parfait état et en grand nombre, une partie des êtres mystérieux qu'ils ont tant de mal à pêcher, qu'ils ne voient habituellement que morts et en mauvais état. C'est pour le biologue une jouis- sance scientifique de voir ces êtres abyssaux parfaitement intacts vivre dans les aquariums de la station ; ils ne ressemblent guère, alors, aux échantillons défigurés qu'il n'avait vus que conservés dans l'alcool... Quand le temps est beau, rien n'est plus simple que de les capturer en utilisant un petit canot et un filet à main à l'entrée même du port de Messine. A cette faune si curieuse, si spéciale et si riche, vient se superposer la foule des êtres flottants qui vivent normalement à la surface ; le vent du sud, ou sirocco, les entraîne dans l'entonnoir du détroit, où on les capture en grand nombre. Il est assez facile, pour un naturaliste spécialiste de ces faunes marines, de séparer celle qui vient des grandes pro- fondeurs de celle qui vit dans les eaux superficielles. Les animaux abyssaux possèdent quelques caractères très nets, dont voici les principaux : beaucoup d'entre eux ont des organes lumineux ; ce sont de petites lanternes, dont les rayons sont projetés par des lentilles cristallines et des réflecteurs argentés. Quelquefois, une mince lamelle translucide colorée vient s'inter- caler à l'origine du jet de lumière et la fait devenir verte, rouge, jaune, bleue, à la volonté de l'animal. C'est toujours sur la face ventrale du corps que ces appareils sont placés dans la peau j mais, chez certains poissons, il y en a jusque dans la bouche, derrière une formidable ligne de dents aiguës qui fonctionnent comme un piège à loup, appâté par la lumière. Les poissons, les céphalopodes, les crustacés possèdent très souvent ces organes ; ils sont plus rares et plus simples dans les autres groupes d'animaux marins. (337) — 12 Ces animaux bathypélagiques sont souvent transparents comme du cristal ; telle est la célèbre larve de l'anguille, qui ressemble à une lame de verre et n'a aucun rapport de forme I. Vinciguerria lutetia. — 2. Macrurus cœlorhynchus. — 3. Myctophum Gemellari. — 4. Argyropelecus affinis. — 5. Opisthoproctus soleatus. — 6. Chauliodus barbatus. avec celle qu'elle aura après sa transformation. Ces larves pullulent à Messine, où on les trouve avec celles, analogues, des autres poissons de la même famille. Très souvent, les — i3 — animaux de grande profondeur, surtout les poissons, présentent sur leur corps une cuirasse argentée, bronzée, dorée ■; leur peau peut être rouge, brune, noire, bleu d'acier. Ces caractères donnent à ces bêtes un aspect tout à fait spécial. Nos connaissances sur la vie de ces êtres sont très rudi- mentaires, puisque nous n'en possédions jusqu'à présent que de rares individus, lesquels, presque toujours, sont ramenés morts par les engins qui les capturent dans les grandes pro- fondeurs, ou très détériorés. C'est précisément ce qui fait l'originalité de la station de Messine d'être placée dans un endroit unique au monde, où l'on peut observer ces êtres abyssaux parfaitement vivants. La station a été établie suivant le mode général des constructions de Messine adopté après le tremblement de terre de 1909; un rez-de-chaussée, un étage bas, le tout en ciment armé. Tout le Messine nouveau, qui s'élève à côté et sur les ruines de l'ancien, est construit sur ce type imposé. Elle est située sur une langue de terre en demi-ceicle, dont la concavité enferme le port de Messine et la convexité borde le détroit, face à la merveilleuse côte de Calabre. Les laboratoires sont donc à portée de leurs embarcations abritées dans le port et aussi des courants qui, à quelques mètres de l'entrée de la station, apportent les animaux dont il vient d'être question. Le rez-de-chaussée est occupé tout entier par les cabinets de travail, où chaque naturaliste trouve, à côté d'un confortable bureau, des aquariums alimentés par un courant continu d'eau de mer. La lumière est, cela va sans dire, éblouissante dans ce pays et permet les photographies les plus difficiles. Les services annexes : bibliothèque, collections, bureaux, sont installés à côté des laboratoires. Le premier étage est affecté au logement du personnel. Le sous-sol est aménagé en magasins pour la verrerie, les réactifs, les engins de pèche, les collections d'animaux conservés pour étude ultérieure; etc. Des pompes électriques amènent l'eau de mer dans de vastes bassins où elle se décante, puis elle est répartie au moyen d'ingénieux systèmes de conduites dans les aquariums, où la pression la projette en un jet entraînant de l'air pulvérisé nécessaire à la vie des animaux. Les embarcations destinées aux travaux scientifiques con- sistent en un vapeur de 460 tonneaux, ayant une machine de (337) — 14 — goo chevaux, destiné aux croisières de longue durée et à grande distance ; il est aménagé pour opérer tous les sondages, dragages et autres recherches prévues dans le plan des croisières pério- diques et de l'exploration scientifique de la Méditerranée. Le Comité possède, pour les recherches en Adriatique, un autre bateau à fond plat, à très faible tirant d'eau, spécialement amé- nagé pour permettre les travaux délicats, même quand la mer est agitée. Des embarcations lé- gères, vedettes à pétrole, canots, permettent la pêche dans le port et le détroit de Messine. La direction de l'établis- sement est confiée au professeur Sanzo, Tun des spécialistes océa- nographes les plus qualifiés par ses travaux sur les poissons de grandes profondeurs ; il a, comme adjoints, deux assistants et deux préparateurs. Il nous reste encore à envi- sager une des fonctions du Co- mité. Ce n'est pas seulement en Italie que son action se fait sentir. Nous le trouvons encore à la tête d'une vaste entreprise interna- tionale, à laquelle il a été fait allusion plus haut et qu'il est indispensable d'exposer maintenant avec quelques détails, car la France s'y trouve intéressée au premier chef. Il s'agit du projet d'étude scientifique de la Méditerranée dans son ensemble. Cette mer, centre séculaire de la civilisation, est, quelque éton- nement qu'on en aie, très mal connue au point de vue oéano- graphique ; si l'on pouvait élucider une série de questions complexes qui composent le problème méditerranéen, non seu- lement on aurait fait une acquisition de premier ordre pour la science pure, mais encore une quantité de conséquences éco- nomiques et industrielles en découleraient : les pêcheurs, les navigateurs, les météorologues, les ingénieurs y trouveraient largement leur compte. Ce serait, en outre, une occasion de mettre en contact les savants et les industriels des pays latins, Histioteuthis bonelliana. I — i5 — qui trop souvent s'ignorent et ne savent pas mettre en commun leurs découvertes pour en tirer parti. C'est à l'exécution de ce vaste plan international que le Comité italien s'est dévoué, sous la haute direction du Prince Albert de Monaco. C'est à Genève, au congrès international de géographie réuni en août 1908, que, sur la proposition du professeur Vinciguerra, une commission provisoire fut constituée sous la présidence du Prince de Monaco, pour établir un plan d'étude scientifique de la Méditerranée. Elle se réunit à Monaco en 1910, à l'occasion QN. .0 I. Aristeus antennatus. — 2. Phyllosome de scyllaride. de l'inauguration du Musée océanographique. Le programme des travaux fut communiqué à toutes les puissances intéressées. En février 1914, une nouvelle séance de la commission eut lieu, sous la présidence du professeur-sénateur Volterra, dans la salle de l'académie des Lincei, à Rome. Les pays représentés étaient l'Autriche-Hongrie, l'Espagne, la France, la Grèce, l'Italie, la Principauté de Monaco, la Tunisie. Les sommités du Comité thalassographique représentaient l'Italie, qui, sous la direction du professeur Volterra, mit au net et établit définiti- vement le plan des travaux à exécuter non seulement en haute (337) — i6 — mer, mais sur les côtes de la Méditerranée. Une entente fut pré- conisée entre les nombreuses stations biologiques qui entourent la Méditerranée pour faire des recherches simultanées et uni- formes sur diverses questions, notamment sur les migrations et la reproduction des poissons dans les zones côtières de pêche. Il fut convenu que les délégués, à leur retour, feraient les démarches nécessaires auprès de leurs gouvernements afin d'obtenir les pouvoirs indispensables pour signer les accords définitifs dans une réunion plénière de la commission inter- nationale. Celle-ci devait avoir lieu à Madrid, en mai 191 5. On devait y apporter les déclarations et les engagements des pays intéressés de participer financièrement aux travaux, de fournir chacun un bateau et le personnel nécessaire pendant trois années consécutives à partir du i*^'" janvier 1916. Il fut, en outre, convenu que le centre de la commission internationale de la Méditerranée serait à Monaco et que cet office central serait présidé par le Prince de Monaco ; celui-ci désigna le D*" Richard comme secrétaire général. Enfin, une commission fut nommée par M. René Viviani, alors ministre de l'Instruction publique, pour établir les voies et moyens de participation de la France. Le plan financier et scientifique fut adopté après plusieurs séances de discussions approfondies ; il fut remis au ministre Viviani, qui était tout disposé à faire le nécessaire pour la présentation d'une loi au Parlement. La guerre a tout fait remettre à des temps meilleurs. La conférence de Madrid a été ajournée sine die. Mais, en Italie et en Espagne, on n'a pas arrêté les préparatifs ; on travaille. Le navire du Comité thalas- sographique italien, dont il a été parlé plus haut, est destiné à exécuter les plans et programmes des cioisières. En Espagne, le navire [Nuîiei de Balboa) et le personnel travaillent déjà, notamment dans le détroit de Gibraltar. Dans ces deux pays, tout est prêt pour que, dès que la paix sera signée, les travaux commencent. Chez nous, il est malheureusement impossible d'en dire autant. Il est bien certain que la France se devra à elle-même de répondre à l'invitation du Comité thalassogra- phique italien. Mais il faudra un long espace de temps pour obtenir la loi nécessaire, signer les accords, construire le bateau spécial et commencer l'exécution de notre part de recherches. Souhaitons que les temps nouveaux amènent la prompte réali- sation d'une œuvre scientifique et utilitaire dont la France ne saurait se désintéresser. Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 338. — i5 Janvier 1918. i/-^- // Le Mésorhéométre et la mesure des courants pélagiques entre la surface et le fond. Par Yves BELAGE Directeur de la Station biologique de Roscoff. L'auteur de ce travail a décrit dans ce même Bulletin (n° 23 1, 1912) un instrument auquel il a donné le nom de bathyrhé- omètre, qui permet Tenregistrement continu de la direction et de la vitesse des courants de fond. Dans un numéro récent des Annales de l'Institut Océanographique (Vol. vn, Fasc. xi, 191 7) il a fait connaître les perfectionnements successifs, on pourrait dire l'évolution de cet instrument ainsi que les premiers résultats de son emploi. On peut donc dire que la mesure des courants de fond, sous réserve de perfectionnements ultérieurs en voie de réalisation, est un problème résolu. L'étude des courants de surface n'est plus un problème, tant sa solution est simple et complète, au moins pour les mers oil la profondeur est compatible avec l'ancrage d'un bateau. Il suffit, en effet, d'un bateau ancré et d'un loch enregistreur dérivé de ceux en usage dans la marine. Le bateau étant immobile, la vitesse du courant par rapport à lui est identique à la vitesse absolue de ce courant. Mais pour les courants pélagiques intermédiaires au fond et à la surface il en est autrement : il semble même que le problème n'ait guère attiré l'attention des océanographes, car un personnage haut place' dans les services hydrographiques de la Marine, m'écrivait il y a quelque temps qu'ayant eu besoin de renseignements sur cette question, pour une chose de haute importance pratique, il n'en avait trouvé nulle part. D'ailleurs, il ne semble pas qu'il soit nécessaire d'obtenir pour eux un enregistrement continu, s'il devient possible, comme il est légitime de l'espérer, de déduire leur vitesse par un simple calcul de celles des courants de fond et de surface dans le même lieu, lorsqu'on aura déterminé, une fois pour toutes, la loi de leur variation progressive au moyen d'un nombre suflisant de déterminations expérimentales. Peut-être l'analyse mathéma- tique dû phénomène permettrait-elle de trouver cette loi; mais ce procédé échappant à ma compétence, j'ai dû recourir à l'expérience, et c'est pour ce but que j'ai imaginé le mésoi^héo- mèh'e. Le principe de cet instrument est d'une grande simpli- cité. Un objet lourd et volumineux, de forme géométrique simple, est immergé à la profondeur voulue, suspendu par un câble de fils d'acier suffisamment résistant, mais assez souple et assez fin pour rester toujours rectiligne sous la tension du poids qu'il supporte. Ce câble passe sur une poulie surplombant la mer par le fait qu'elle est portée par un tangon débordant l'arrière du bateau ; de là, le câble vient s'enrouler sur un petit treuil muni d'un linguet et fixé au mât. Supposons le bateau ancré : s'il n'y a pas de courant, le poids immergé donne au câble la direction du fil à plomb ; si un courant survient, un conflit s'établit entre le courant, qui tend à écarter de la verticale le câble fortement tendu et rectiligne, et la pesanteur qui tend à l'y ramener. Si l'on appelle P, le poids dans l'eau du corps immergé, F, la pression exercée par le courant dans la direction horizontale, le système se trouve dans la condition d'un pendule qu'une force étrangère horizontale F tendrait à écarter de sa position d'équilibre. Le fil suspenseur s'écarte de la verticale d'un angle a. La force verticale P se décompose en 2 composantes. L'une, P si?i a, perpendiculaire à la direction du fil, par conséquent tangentielle et qui a pour effet de maintenir le système écarté de la verticale de l'angle a, l'autre, P cos a, sur le prolongement du fil et qui a pour effet de le tenir tendu. De même la force F se divise en deux autres : F cos a, tangentielle et opposée à Psin a et une, F sm a, dirigée sur le prolongement du fil et s'ajoutant h P cas 7. pour maintenir le fil tendu et rectiligne. Le corps immergé étant en équilibre dans la position écartée de la verticale, on a : F cos Cf. = P sin a d'où : F = P tg. a. Cette équation va nous permettre de mesurer la vitesse du courant ; mais dès maintenant elle nous met sous les yeux une valeur plus expressive de la double force qui tend le fil. On a en effet : F sin y. -\- P cos OL = P tg a sin a + /-* cos a. = P sec a. Sec a est toujours plus grand que l'unité et grandit très rapi- dement avec a, surtout au delà de 45°, limite qu'il n'est pas prudent de dépasser sous peine de voir se rompre le cable de fils d'acier. Pour introduire dans l'équation la vitesse du courant, il suffit de remarquer (voir mes Mémoires antérieurs) que : F= 5/rS 2g en appelant 5 la densité de l'eau de mer, 5, la surface de la projection du corps immergé sur un plan perpendiculaire à la direction du courant et k, un coefficient spécial donné dans les traités d'hydrodynamique et variable suivant la forme géomé- trique de l'objet. Dès lors on a : c k S cos oc = P sin a, d où : F = - ' -^^ \/TTT V/g- La seule variable à mesurer est l'angle a, et c'est aussi le seul point délicat de l'expérience. Avant d'en venir à ce point, disons d'abord quelques mots du câble et du corps immergé. Le premier mesure i"'"' 5 de diamètre ; il pourrait supporter près de 100 kg. A l'objet im- mergé, j'ai donné tantôt la forme d'un cylindre à axe horizontal (tuyau de tôle galvanisée, rempli de ciment et suspendu par une balancine), tantôt celle d'un panneau carré (plaque de tôle, soutenue en arrière par un cadre en fer cornière entretoisé) (338) muni sur sa face postérieure de deux ailerons stabilisateurs. Le cylindre, en raison de sa forme, présente toujours au courant la même surface. Pour obtenir le même avantage avec le panneau carré, celui-ci a été suspendu de telle façon que les deux bras de la balancine s'attachent sur lui suivant une ligne droite horizontale, correspondant exactement au milieu de sa hauteur, par suite de quoi les pressions du courant sur ses moitiés supérieure et inférieure s'équilibrent toujours réguliè- rement, en sorte que le plateau, maintenu vertical par un poids additionnel qu'il porte sur sa face postérieure, au niveau du bord inférieur, reste toujours vertical, c'est-à-dire perpendi- culaire à la direction du courant, quelle que soit la force de celui-ci. Par suite de ces dispositifs la projection de la surface du corps immergé sur un plan perpendiculaire à la direction du courant est constante et indépendante de l'angle a; aussi cos a du premier terme de l'équation, au lieu d'intervenir à la 2"^^ puissance, comme dans le cas de l'anémomètre par exemple (Voir Annales de l'Institut Océanographique, Vol. vu, Fasc. xi), reste à la première puissance et la formule s'en trouve heureusement simplifiée. Quand le corps immergé est de forme cylindrique, il est peu sensible à l'action des tourbillons. Le plateau carré en tôle mince, au contraire, est très sensible à l'action des tourbillons et fait de grandes embardées pour peu que le courant soit violent. Je suis arrivé à lui procurer une stabilité suffisante en le munissant sur sa face postérieure de deux ailerons stabilisateurs, sous la forme de deux lames de tôle mince verticales, perpendiculaires à la surface du plateau et par conséquent dirigées perpendiculairement à la direction des mouvements latéraux qui constituent les embardées. Arrivons au point délicat qui est la mesure de l'angle a. Théoriquement il suffirait pour le déterminer d'attacher en un point de la partie du câble qui est hors de l'eau, un fil à plomb, et de mesurer l'angle du fil à plomb avec le câble. Pour rendre le dispositif plus pratique, j'ai construit un secteur évidé en tôle d'acier mince, de 45° d'ouverture (voir la figure ci-contre). La graduation a été tracée en degrés sur l'arc du secteur, le zéro de la graduation correspondant au milieu de la largeui- d'une des branches. Pour faire coïncider le câble avec ce zéro d'une 0 — Le mésorhéomètre à niveau amortisseur. (338) — 6 — part, et avec le centre du secteur de l'autre, cette branche du secteur a été pourvue de deux petits retours en équerre, formés en ployant le métal et percés chacun d'un petit trou dans lequel s'enfile le câble : ce dernier coïncide donc avec le rayon initial d'où part la graduation. Une pince à vis permet au secteur de glisser sur le câble quand elle est desserrée, et le fixe quand elle est serrée au point quelconque qu'on a choisi. Du centre du secteur part un fil à plomb qui oscille devant la graduation et marque à chaque instant la valeur de l'angle a. Tout cela est très simple et serait parfait si la mer était toujours calme comme un lac. Mais dans les conditions habi- tuelles, le roulis et le tangage impriment au bateau des oscil- lations désordonnées qui rendent impossible toute lecture précise. J'ai dû, pour y remédier, imaginer un système amortisseur qui, en laissant à la détermination de la verticale moyenne toute sa finesse, supprime les eifets de ces variations brusques et momentanées de part et d'autre de sa position moyenne. Le procédé auquel je me suis arrêté a été le suivant : j'ai fait construire un tube de verre bien calibré, d'un diamètre intérieur un peu supérieur à lô'""" et je lui ai fait donner une courbure en arc de cercle bien régulière et d'un rayon un peu plus grand que celui du secteur, puis je l'ai fixé au moyen de deux pinces sur le secteur, parallèlement à son arc (i). Ce tube a été fermé aux deux bouts, sauf un petit col pour le remplissage, après qu'on y eut introduit une bille d'automobile d'un diamètre à peine inféiieur à son calibre intérieur. La bille circule librement dans le tube et se place toujours exactement au point le plus bas, indiquant ainsi par sa ligne de tangence la direction du fil à plomb. Pour adapter à son but cet appareil aussi instable dans sa condition actuelle que le fil à plomb lui-même, il suffit de remplir le tube avec de l'huile de vaseline dont la viscosité frêne de façon très efficace les mouvements désordonnés de la bille, sans modifier sa position moyenne. Le secteur étant ainsi préparé, si, tout en le laissant dans un plan vertical, on l'incline en le faisant tourner dans son (i) J'adresse ici tous mes remerciements à M. H. Pilon, 53, rue de Paris, à Asnières, qui a construit très habilement ce tube et qui, travaillant pour la Science, n'a voulu accepter aucune rémunération. plan, autour de son centre, on observe nettement ce qui suit. Si le mouvement est lent et de durée appréciable, la bille suit avec un léger retard la direction du fil à plomb et rattrape bientôt celui-ci dès que survient une phase d'immobilité de quelques secondes. Si, autour d'une position moyenne constante, on imprime au secteur de brusques oscillations dans son plan, de part et d'autre de la position moyenne et sans qu'il soit besoin qu'elles soient égales une à une de part et d'autre de la verticale, on voit le fil à plomb soumis à des oscillations désordonnées tandis que la bille ne bouge pas. C'est donc bien un niveau amortisseu?^ sensible au moindre déplacement de la verticale moyenne et insensible aux brusques oscillations autour de cette moyenne. Pour éviter au cours du travail la perte d'une petite quantité d'huile et son remplacement par une bulle d'air qui gênerait les mouvements de la bille, on peut munir le col de remplissage d'un petit tube de caoutchouc dans lequel la vaseline remonte Jusqu'à une certaine hauteur et qui est fixé à la branche du secteur voisine. C'est au secteur ainsi muni de son niveau amoi^lisseur remplaçant le fil à plomb, que j'ai donné plus particulièrement le nom de mésorhéoniètre. Pour exécuter une expérience, on procède de la façon suivante : le bateau étant ancré en plein courant, avec une longueur de câble aussi faible que possible, pour limiter au mieux les embardées, et le fil d'acier ayant été au préalable divisé par des traits de peinture de 5'" en 5"", on immerge d'abord le poids à quelques décimètres au-dessous de la surface, puis à 5"^, lo"", iS"", etc., par la manœuvre du petit treuil, en le laissant à chaque station juste le temps nécessaire pour faire une lecture et la noter en même temps que l'heure exacte. Lorsqu'on est arrivé au fond, on remonte par une manoeuvre inverse, de 5™ en 5'", aussi vite que possible, de manière à avoir pour chaque niveau de 5*" en b"^ deux lectures : l'une en descendant, l'autre en montant, et séparées l'une de l'autre par un intervalle de temps aussi faible que possible. On va voir dans un instant l'utilité de cette manière de procéder. Une demi-heure après, lorsque le courant de marée s'est modifié dans un sens ou dans l'autre, on recommence une double série de mesures, et ainsi de suite autant de fois que l'on veut pendant toute la marée. (338) J'ai d'abord fait un certain nombre d'expériences prélimi- naires, en vue de déterminer les conditions optima non seu- lement de l'instrument de mesure mais aussi de l'appareil immergé, forme poids, surface. Puis j'ai commencé les expé- riences définitives et je donne ci-dessous comme exemple les résultats de l'une d'elles. Elle a été faite le 14 novembre de cette année avec le plateau à ailerons stabilisateurs, sur la basse d'Astan, à 3 milles environ de la côte, par une profondeur de 3i'" au commencement et 32'" 25 à la fin de l'expérience, par une marée moyenne, ayant pour coefficient 82 ; le temps était beau et la mer modérément agitée. Le tableau ci-dessous donne, pour chaque profondeur, l'angle observé ainsi que la racine de la tangente de cet angle, qui est proportionnelle à la vitesse du courant, et cette vitesse elle-même, obtenue en multipliant es V tans a par le coefficient constant \, / — K Les valeurs d \/ c k S constantes étant calculées en C. G. 5., on a : G= 981 P = lyyGo (poids du corps dans l'eau de mer) c = i,o3 (poids d'un cent, cube d'eau de mer) 5 = 3740 . k = 1,25 (coefficient de résistance du plan mince) d'où V = . / 2 X 981 X 17.760 ,_ ,- \ / • 5 -^ S tgo: ^ 85,067 S tga \l I,o3 XI, 2D X 3.740 ^ ' / 6 Les mesures étant prises en C. G. -S, les vitesses sont obtenues en centimètres par seconde. Rappelons que le mille marin à l'heure ou le nœud de vitesse des marins correspond à 5i cm. 44 par seconde. Voici le tableau de l'expérience : Profondeur Descente : i h. 5o m. Montée : i h. 28 m. Descente : i h. 04 m. Montée : o h. 5o m. en mètres avant la demi-marée. avant la demi-marée. avant la demi-marée. avant la demi-marée, au-dessous Durée: i3miuutes. Durée : 27 minutes. Durée: 12 minutes. Durée: i3 minutes. surface, \ngle a. Vtg a. Vitesse. Anglea. y'ty a. Vitesse, .\nglea. \'tg a. Vitesse Aiiglea. y'tg a. Vitesse. I.... (3 0,3242 27,58 25,5 o,6()o6 58,75 32 0,7905 67,25 45 1,0000 85,07 5.... 7 0,3^04 29,80 20 o,6o33 5i,3o 3i 0,7751 65,92 45 1,0000 85,07 10 .. 7 0,3504 29,80 i5,5 0,5266 44,80 29,5 0,7522 63,99 40 0,9160 77,91 i5.... 7,5 0,3628 3o,85 i5 0,5176 44, o5 29,5 0,7522 63,99 ^4 o,82i3 69,87 20 7,5 0,3628 3o,85 14 0,4993 42,48 28,5 0,7377 62,75 29 0,7445 63,32 25 10 0,4199 35,70 11,5 0,45 II 38,38 28,5 0,7377 62,75 26 0,6984 59,40 3o. .. II 0,4409 37,50 II 0,4409 37,50 28,5 0,7377 62,75 28,5 0,7377 62,75 — 9 — Ce tableau donne lieu à diverses remarques : 1° La vitesse du courant à une même profondeur va toujours en croissant de la première experience à la dernière. Cela s'explique aisément si Ton remarque que les 4 expériences se placent entre Pétale de basse mer et la demi-marée suivante, c'est-à-dire dans une phase où la vitesse du courant va en s'accélérant de façon progressive ; 2° Si Ton compare la vitesse à des profondeurs croissantes, on voit que sa variation, quoique généralement positive, n'est pas du tout régulière : pendant la descente elle est faible et souvent nulle, pendant la montée au contraire, elle est presque toujours très notable. En somme, rien de bien net ne pourrait être déduit de la comparaison de ces chiffres. Cela tient à ce que la variation dépend de deux variables indépendantes qui tantôt s'ajoutent, tantôt se retranchent Tune de l'autre. En effet, par le fait que, au fur et à mesure que l'expérience progresse, on se rapproche de la demi-marée, la vitesse du courant croît avec le temps. Ce phénomène est bien connu et l'on en a donné une valeur approximative en disant que dans les 6 heures qui séparent une étale de l'étalé suivante, la vitesse varie proportionnellement aux nombres i, 2, 3, 3, 2 i, la vitesse maxima 3 correspondant à la demi-marée. Mais ces données ne sont pas assez précises pour permettre d'isoler cette variable par le calcul. D'autre part, à mesure qu'on s'éloigne de la surface, la vitesse du courant, à un moment donné, va en diminuant : elle diminue donc avec le temps, pendant la descente et se retranche de la variation positive due au progrès de la marée ; au contraire, elle augmente avec le temps pendant la montée et s'ajoute alors à la variation due au progrès de la marée. Ainsi, à la descente le poids passe par la côte io"\ par exemple, avant d'arriver à la côte 20'" ; pendant le teinps qu'il va de l'une à l'autre le courant de marée a quelque peu augmenté de vitesse et cette augmentation se retranche de la diminution de vitesse tenant à l'augmentation de la profondeur, en sorte que la variation progressive suivant la profondeur apparaît plus faible qu'elle n'est en réalité. Au contraire, à la montée, le poids passe par la côte 20"^ avant d'arriver à la côte 10"', le chiffre relatif à la côte 20'" est donc diminué à la fois par la profondeur et par le moment plus précoce de la marée, tandis (338) 10 — que celui relatif à la côte lo'^ est augmenté à la fois par la moindre profondeur et par le moment plus tardif de la marée. En sorte que la difference entre les i chiffres se trouve indûment exagérée. De là résulte que la courbe n'exprime en aucune façon les variations de vitesse dues à la profondeur seule. Nous avons vu qu'il est impossible d'isoler par le calcul la variation duc à la marée par le mojœn de la formule empirique qui exprime très grossièrement cette variation, mais on peut y arriver par un artifice; soit X la variation due à la profondeur et Y celle due au progrès de la marée. Chaque différence entre deux lectures successives s'exprin"ie à la descente par X-Y tx "k la montée par X-|- Fen sorte que si l'on fait la mo3'enne des 2 observations, Y s'élimine automa- tiquement. On a en effet : (X-Y)^-{X^Y) 2 Pour que cette équation soit rigoureusement exacte, il faudrait que la variation due au progrès de la marée soit régulière, constante, toujours égale à elle-même dans des temps égaux, et que le temps entre deux lectures successives soit toujours égal à lui-même; or, ni l'une ni l'autre de ces conditions n'est rigoureusement remplie ; mais, étant donné le peu de durée de chacune des phases successives d'une expérience complète, on peut admettre que l'équation est suffisamment ex.acte pour les besoins de la pratique. D'ailleurs, l'examen de la série des moyennes va nous dire si l'on est autorisé à juger ainsi. Si cette opinion est exacte, on devra voir dans les moyennes une variation régulière se substituer à la variation désordonnée des expériences successives. Voici le tableau de ces moj^ennes. Profondeur Vitesse dans la Vitesse dans la Vitesse en moyenne des mètres premiere experience deuxième expérience 2 expériences I Descente Montée Moyenne Descente Montée Moyenne Moyenne générale 27,58 58,75 43,16 67,25 85,07 76,16 59,66 5 2Q,80 5i,3o 40,33 65,92 85,07 75,49 58,o2 10 29,80 44,80 37,30 63,99 77.91 7«,95 54,J2 i5 3o,85 44,o5 37>43 63,99 6q,87 66,93 32, iq 20 3o,85 42,48 36,66 62,75 63,32 63, o3 - 49,85 2 5 35,70 38,38 37,04 62,75 59,40 ()i,07 49,o5 3o 37, 5o 37,50 37,5o 62,75 62,75 62,75 30,12 — Il — L'examen des moyennes lues en colonnes verticales de haut en bas montrent bien une diminution progressive de la vitesse avec la profondeur, mais cette progression n'est pas régulière et Ton rencontre même parfois un chiffre plus fort que le précédent. Cela n'a pas lieu de nous surprendre, car il ne s'agit pas ici d'un phénomène rigoureusement réglé, comme les phénomènes astronomiques, et parfois Ton observe de courtes diminutions de vitessse entre l'étalé et la demi-marée, ou de courtes recrudescences entre la demi-marée et l'étalé suivante. Il n'est pas de pêcheurs qui n'aient observé la chose sous la forme suivante : la bouée marquant la place des cordes ou des filets a été réglée de manière à n'émerger qu'au voisi- nage de l'étalé. Arrivant un peu avant l'étalé, le pêcheur l'aperçoit et s'approche pour la saisir, mais celle-ci disparaît de nouveau sous l'eau pour ne reparaître définitivement cette fois qu'après plusieurs minutes. C'est là l'indice d'une recru- descence momentanée de vitesse dans un courant en train de diminuer avant de s'annuler. Mais ces variations, par le fait même qu'elles sont acciden- telles, tendent à s'annuler à mesure que les expériences augmentent de nombre : c'est pour cela qu'elles sont moins accentuées dans la moyenne générale des quatre expériences que dans les 2 moyennes individuelles. En fait, il ne reste plus dans la première qu'un seul chiffre un peu aberrant, le dernier. Il résulte de là que pour obtenir du mésorhéomètre des indi- cations valables, il faut faire toujours les observations par paires, les deux d'une même paire étant aussi rapprochées que possible l'une de l'autre dans le temps. J'arrêterai ici cette étude préliminaire, conscient que des expériences nombreuses et très variées sont nécessaires pour fournir des éléments d'où l'on pouria peut-être déduire la loi de variation du courant suivant la profondeur et la formule per- mettant de calculer sa vitesse à un niveau quelconque quand on connaîtra par le loch sa vitesse à la surface et par le bathyrhé- omètre sa vitesse au fond. (338) Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 33g. — 25 Février 1918. f} — — . Cl ETUDES préliminaire;s SUR LES Céphalopodes recueillis au cours des croisières de S. A. S. le Prince de Monaco. 5" Note : Moschites verrucosa (Verrill). Par L. JOUBIN Professeur au Museum d'Histoire Naturelle et à l'Institut Océanographique Au cours de la campagne de 191 3, à la station 3437, située par 42° 40' N., 62'' 49' 3o" W., au sud-ouest d'Halifax, à peu près à la latitude du Gap Cod, un coup de chalut rapporta de 1468 mètres un très bel exemplaire, parfaitement intact, de Moschites verrucosa (Verrill). Avant de décrire ce Céphalopode fort intéressant il est néces- saire de donner un aperçu historique des variations de nos connaissances relatives à cette espèce dont on ne connaît encore que quelques exemplaires. Deux échantillons, l'un mâle, l'autre femelle furent capturés au cours de l'expédition du BLAKE^ dirigée par le professeur A. Agassiz, dans deux localités voisines de la station 3437 du Prince de Monaco qui vient d'être indiquée, Tun par erriicosa Verrill, Challevgeri Berry, M. media Joubin). Espèces polaires : (M. Charcoti Joubin, M. Tui^queti Joubin). (340) — 40 — B. — 2® Sous-famille : Bolit^:nid^: Chun. Adaptation bathypélagique, corps plus ou moins trans- parent. 1° Système nerveux central condensé, peu différent des Ele- donidas normaux. Genre Bolitsena Steenstrup [13. diaphana Hoyle). IF S3^stème nerveux central dissocié par Técartement des yeux. a) Ganglion pédonculaire au milieu du nerf optique très long (voir Chun). Genre Eledonella Verrill [E. p/gmœa Verrill). b) Ganglion pédonculaire adhérent au ganglion optique ; nerf optique très long sans ganglion sur son trajet. Genre Vitreledonella Joubin iV. Richardi Joubin). Bulletin de l'Instittjt Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 341. — 25 Juin 1918. U.l- lé, . La biologie des huîtres et l'industrie ostréicole. (0 Par J, L. DANTAN. Une connaissance, aussi complète que possible, de la biologie des huîtres est d'une importance pratique aussi grande que son intérêt scientifique, puisqu'elle peut nous amener à perfectionner nos méthodes d'ostréiculture. Les huîtres appartiennent à ce groupe de mollusques que les anciens naturalistes désignaient sous le nom de Bh'alves\ et, ici, les deux valves de la coquille ne sont pas semblables, la gauche est beaucoup plus creuse que l'autre. Cette coquille, constituée par une matière organique im- prégnée de sels de chaux, est sécrétée par un mince tégument, qui recouvre l'huître toute entière et qui peut accroître la coquille en épaisseur, ou encore en augmenter la circonférence, en déposant, sur son bord, une matière semblable à celle qui la constitue. C'est là, pour l'animal, une opération délicate, qui s'effectue habituellement au printemps ; la nouvelle substance qui est déposée, graduellement, au-delà du bord de la coquille déjà formée, se présente d'abord comme une frange transparente, extrêmement cassante. Les ostréiculteurs savent qu'il faut éviter, autant que possible, de brasser les huîtres pendant la période de croissance, (i) Conférence faite à la Société scientifique d'Arcachon (17 mai 1914). car la cassure de la coquille nouvellement formée tend à affaiblir l'organisme, par suite du travail de reformation qu'il est obligé de fournir, et aussi parce que le bord reformé, souvent irrégulier, nuit à la beauté de la coquille ; enfin, si le dommage est sérieux, la croissance peut être complètement arrêtée. De ce que la croissance est discontinue, et n'a lieu, en règle générale, chaque année, que pendant le commencement de la saison chaude et qu'en outre la partie de la coquille nouvel- lement produite, plus mince, se distingue nettement de celle qui a été formée l'année précédente, il résulte qu'il est possible, avec un peu d'habitude, de distinguer les unes des autres les poussées successives et par suite de déterminer approximati- vement l'âge d'une coquille. C'est là un fait intéressant et d'une grande importance pratique. Il peut arriver que, chez les individus âgés, les coquilles soient rongées par une éponge perforante [Clione celata) : elles deviennent alors très friables et présentent, quelque temps après leur sortie de l'eau, une odeur désagréable ; cependant ces huîtres parasitées peuvent être consommées sans aucun risque. Lorsque l'on place une huître dans un aquarium contenant de l'eau de mer pure, on la voit, au bout de quelques instants, s'ouvrir légèrement : c'est là, pour elle, une attitude naturelle, prise sans effort, au moyen d'un ligament élastique qui unit ses valves, à leur sommet, et qui agit comme un ressort les forçant à s'écarter l'une de l'autre. Mais, lorsque l'huître est avertie, par des organes sensoriels, situés sur le pourtour de son corps, qu'un danger est voisin, elle contracte un muscle puissant, le muscle adducteur (Fig. i), que les ostréiculteurs appellent le nœud : la coquille se ferme alors, les valves s'appliquent fortement l'une contre l'autre et restent ainsi aussi longtemps que le veut l'animal. 11 résulte de là que, chez une huître morte, le muscle s'étant relâché, la coquille est presque toujours baillante. Il peut arriver aussi que les huîtres ne se referment pas parce qu'elles sont atteintes de la « maladie du pied » découverte par Giard. Ce savant a reconnu qu'elle était due à un microbe, le Myotomus osti^eajnim^ qui désorganise le muscle, empêche la coquille de se fermer et finit par faire mourir l'animal. Cependant les huîtres, atteintes de cette maladie, ne sont - 3 - nullement dangereuses, mais seulement de qualité inférieure à cause de leur maigreur. Enfin les huîtres que l'on trouve aux étalages des marchands sont aussi, quelquefois, entrouvertes parce qu'elles ont perdu plus ou moins complètement leur eau ; elles ont souffert et il vaut mieux se garder de les acheter. Il existe un autre moyen de reconnaître si des huîtres sont fraîches, mais il ne peut être employé qu'après avoir ouvert la nt.cù. Fig. I. — Ostrea edulis. Morphologie externe, a, anus ; b, bouche ; br., branchie ; eh., charnière ; /, foie ; m, manteau ; m. a., muscle adducteur ; p. /., palpes labiaux ; p. m., papilles du bord du manteau. coquille et l'on sait qu'il suffit, pour cela, de rompre le ligament et de couper le muscle adducteur des valves. Celui-ci se montre formé de deux parties : l'une, tendre, translucide, d'aspect vitreux, est constituée par des fibres musculaires dont les fibrilles, enroulées en hélice, peuvent réaliser des contractions rapides, l'autre, dure, opaque, d'aspect nacré, est formée par des fibres musculaires lisses, très allongées, dont la contraction (341) — 4 — est plus lente. Les premières servent à fermer la coquille, les secondes à la maintenir dans cette position : il y a là une remarquable division du travail. Si l'on examine une huître ouverte, on voit que son corps est enveloppé par un tégument mince qui, lorsque l'animal est vivant, s'étend jusqu'à la limite de la coquille, mais qui se rétracte au moment où l'on introduit le couteau entre les valves : c'est le jnanteaii^ qui forme la coquille et dépose constamment de nouvelles couches sur sa surface interne. Le manteau est bordé d'une double rangée de papilles sen- sitives et, pour voir ces papilles dans l'accomplissement de leur fonction, il faut examiner une huître, que l'on laisse parfai- tement tranquille, dans un aquarmm contenant de l'eau très pure. La coquille s'ouvre alois peu à peu et les papilles se meuvent dans tous les sens, prêtes à donner l'alarme à l'approche du danger. A cause de sa grande sensibilité, le bord du manteau permet de reconnaître, aisément, avant de l'avaler, si une huître est bien fraîche ; il suffit de le toucher avec l'extrémité d'un couteau ou d'une fourchette : s'il ne se rétracte pas, c'est que IJhuître est morte et il peut être dangereux de la manger. Sous les replis du manteau se voient les branchies ou organes de la respiration, qui ont, en outre, à remplir une autre fonction importante. Elles se présentent sous l'aspect de quatre minces lamelles (d'où le nom de Lamellibjwiches donné encore aux Bivalves) qui s'étendent entre les lobes du manteau ; ceux-ci délimitent en effet une chambre, dans laquelle on trouve éga- lement, pendant la période de reproduction, des œufs à divers états et que l'on appelle la cavité palléale. Les membranes qui forment les feuillets branchiaux paraissent à l'œil nu, striées et la striation est produite par des replis très fins. Grâce à ces plissements, la surface de la branchie se trouve considérablement accrue: la membrane respiratoire, qui permet au sang de venir prendre l'oxygène dissous dans l'eau, a, par suite, une très grande étendue. Ces branchies sont recouvertes de cils vibratiles et l'examen, au microscope, d'un fragment de cçs organes montre que ces cils, animés de mouvements très rapides, déterminent, à travers tout l'appareil respiratoire et sur toute sa surface, un courant d'eau qui sort par le côté postérieur de l'animal. Ce courant ne sert pas seulement à apporter au sang l'oxygène nécessaire, il est encore le seul moyen que l'huitre ait, à sa disposition, pour prendre sa nourriture. La bouche (Fig. 2) est située au voisinage de la charnière (on ne peut pas dire sur la tête, car, ici, il n'y a pas de tête distincte) et, autour d'elle, se trouvent quatre lamelles, deux de chaque côté, que Ton appelle les palpes labiaux. Ceux-ci ressemblent à de petites branchies et sont également recouverts de cils p./?l. m.a. Fig. 2. — Ostrea edulis. Anatomie, a, anus ; b, bouche ; br., branchie; eh., charnière ; cœ., cœur; e, estomac ; /, foie ; g, glande génitale ; /, in- testin ; m, manteau ; m. a., muscle adducteur; v. L, palpes labiaux ; p. m., papilles du bord du manteau ; r, rectum. vibratiles, dont les mouvements contribuent à amener les particules nutritives jusqu'à la bouche. A quelque distance de la bouche se trouve Vestotnac, entouré par une masse brunâtre qui est la glande digestive, le /o/V, puis vient Vinlesthi contourné, dont on peut voir, sans dissection, la région terminale le rectum : ce dernier est situé à la partie dorsale du muscle adducteur des valves. (341) - 6 - Le courant d'eau, dû à l'action des cils qui recouvrent les branchies, passe au voisinage de la bouche et, lorsqu'il s'y trouve des organismes, animaux ou végétaux, qui lui conviennent, les cils des palpes labiaux les entraînent à l'intérieur de la bouche. On peut donc dire que l'huître filtre l'eau qui pénètre entre ses valves et retient, pour se les incorporer, les particules nutri- tives. Il en résulte que plus l'activité filtrante sera grande, plus l'animal absorbera de nourriture et plus rapide sera sa croissance. L'activité filtrante des huîtres et des moules a été déterminée par Henri Viallanes. Ce naturaliste a établi, par des expériences très intéressantes, faites au laboratoire de la Société scientifique d'Arcachon, que notre huître indigène avait un pouvoir filtrant beaucoup moindre que ceux de l'huître portugaise et de la moule. L'huître portugaise a une activité filtrante cinq fois et demie plus forte que celle de l'huître plate, celle de la moule n'est que trois fois plus forte. 11 s'ensuit que les huîtres portugaises et les moules peuvent, si elles sont assez nombreuses, accaparer la plus grande partie de la nourriture et affamer les huîtres indigènes. Puisque le courant qui pénètre à l'intérieur de la coquille doit lui permettre à la fois de respirer et de prendre sa nourriture, on a admis pendant longtemps, qu'il était nécessaire, pour que l'animal se trouve dans de bonnes conditions, que l'eau soit pure, bien oxygénée, convenablement mélangée d'eau douce, peu chargée en particules de sable et de vase et qu'elle contienne, en outre, une nourriture abondante. Récemment, le D'' Kellog, dans un important travail sur les mécanismes ciliaires des Lamellibranches, est arrivé à cette conclusion : que ces mollusques, et particulièrement les huîtres américaines, ne peuvent se nourrir que dans des eaux relativement pures et seulement lorsque les particules nutritives arrivent à la surface de la branchie en petit nombre, à la fois. Dans des eaux très vaseuses, toutes les matières en suspension, quelle que soit leur nature, seraient rejetées et l'animal ne tarderait pas à mourir de faim même si le milieu contenait une nourriture abondante. Cette opinion a été discutée et rejetée par Caswell Grave, dont les expériences, plus précises et surtout mieux conduites, ont montré que les huîtres peuvent parfaitement se nourrir dans des eaux très troublées. De plus, pour ce naturaliste, et contrairement aux observations du D"" Kellog, les huîtres auraient, comme beaucoup d'autres organismes, le pouvoir de renverser de battement de leurs cils vibratiles et par suite d'accepter ou de rejeter les particules nutritives qui se pre'sentent à elles : elles pourraient donc choisir leur nourriture. Cette importante question de la nourriture a été très discutée. D'après Hoek et Redeke, les huîtres, en Zélande, seraient ali- mentées, presque exclusivement, par les diatomées qui vivent sur le fond. Les diatomées sont de petites plantules microscopiques, mobiles, recouvertes d'une carapace siliceuse, dont certaines espèces vivent sur le fond tandis que d'autres sont toujours en suspension dans l'eau. Ces derniers et les autres animaux flottants ou planktoniques ne formeraient, d'après les naturalistes hol- landais, qu'une très faible proportion de la nourriture : ce seraient presque uniquement les formes du fond ou benthiques qui se trouveraient dans l'estomac des huîtres. C'est également l'opinion du savant danois Petersen. Le procédé Albano montre cependant que l'huître peut se nourrir exclusivement aux dépens des formes planktoniques ; puisque, par cette méthode de culture, elles sont suspendues à une certaine distance du fond. C'est au printemps et à l'automne que la nutrition est le plus active : pendant la période de reproduction et l'hiver, l'estomac est toujours à peu près vide. Une région sera donc d'autant plus favorable à l'ostréiculture qu'elle sera plus riche en animalcules et algues microscopiques ; mais l'abondance de ces organismes varie en même temps que les conditions de milieu : lumière, température, salinité, etc.. conditions sur lesquelles l'homme est sans action. L'ostréi- culteur peut cependant faire quelquefois beaucoup pour modifier quelques conditions mauvaises qui peuvent, pendant un certain temps, prévaloir. Les parcs ne doivent pas être tenus trop propres, du moins quant à la végétation. Il faut se garder d'enlever les petites algues, à moins qu'elles ne soient trop abondantes, car elles abritent des diatomées et d'autres petits organismes qui, sans elles, seraient entraînés par les courants. Il arrive aussi, souvent, que les ostréiculteurs entassent une trop grande quantité d'huîtres sur leurs parcs : ils devraient, autant que possible, en diminuer le nombre dès que se montrent des signes d'une nourriture insuffisante. Les aliments sont digérés par des sucs, sécrétés par le foie, et les substances assimilées sont transportées à toutes les parties de l'organisme par l'appareil circulatoire, qui comprend deux (341) parties : le cœur et les vaisseaux. Le cœur, situé en avant du muscle adducteur, est composé de deux réservoirs, une oreillette et un ventricule, renfermés dans une poche, le péricarde. Il part du ventricule des vaisseaux qui se rendent aux organes et le sang retourne à Toreillette, après avoir respiré dans les branchies. L'huître possède aussi un appareil urinaire et un système nerveux mais leur étude, bien qu'intéressante, a une importance beaucoup moindre que celle de ses organes de reproduction. Parmi les découvertes les plus intéressantes, faites par les biologistes, se trouve celle-ci, que notre huître indigène est hermaphrodite. Pendant longtemps, on a cru que les cellules sexuelles mâles et femelles, les œufs et les spermatozoïdes, étaient produites, en même temps, par le même individu : de sorte qu'il y avait, croyait-on, autofécondation ; un seul animal aurait pu, par suite, assurer la reproduction puisqu'il pouvait féconder ses propres œufs. Les choses ne se passent pas ainsi. Une même huître donne bien des œufs et des spermatozoïdes, mais elle ne les produit pas en même temps, de sorte que l'auto- fécondation n'est pas possible ; il faut donc deux individus pour qu'il y ait production de jeunes. Des recherches récentes ont, en outre, montré : que le nombre des individus fonctionnant comme mâles est toujours beaucoup plus grand que celui des femelles, la proportion des premiers étant de yS à 80 "Z^; comme chaque màle produit des millions de spermatozoïdes, ceux-ci sont déversés, dans l'eau, en quantité prodigieuse. Il a été aussi montré, récemment, qu'une huître pouvait être sucessi- vement màle et femelle dans le cours d'une même année. Les spermatozoïdes arrivent, par suite de l'attraction sexuelle et du courant d'eau déterminé par les cils vibratiles des branchies, dans le corps des femelles et fécondent les œufs. Ceux-ci restent, après leur sortie de la glande génitale, entre les feuillets des branchies et c'est là que s'effectuent les premières phases du développement Les changements qui se montrent, au début, dans l'œuf, sont à peu près semblables à ceux que Ton observe chez beaucoup d'animaux. Il se fait une série de divisions qui finissent par produire un très grand nombre de cellules ; en même temps, la forme change et l'œuf prend, peu à peu, l'aspect d'une petite larve, d'un petit naissain. Tant que celui-ci n'est pas complè- tement formé, la masse des œufs ou des larves a une couleur blanchâtre : on dit que l'huître contient du naissain blanc. Puis, progressivement, au fur et à mesure que les organes se développent, que le foie et l'œsophage se pigmentent, la masse prend une teinte grise, puis ardoisée et enfin noire au moment où les larves vont quitter la cavité incubatrice de la mère, pour mener une vie libre. Un naissain bien développé est représenté par la figure 3. Il O.S. m. a. m. r. Fig. 3. — Naissain de VOstrea edulis. a, anus ; b, bouche ; c, coquille ; e, estomac ; /, foie ; i, intestin ; m. a., muscle adducteur ; m. r., muscles rétracteurs du voile ; o. s., organe sensoriel ; v, voile. possède une coquille, dont les deux valves sont semblables, et il nage activement au moyen d'une expansion de son tégument, qui porte des cils vibratiles, le voile. Celui-ci peut être, au moyen de muscles, rétracté à l'intérieur de la coquille, dont les valves sont, ensuite, appliquées Tune contre l'autre, par la contraction du muscle adducteur. Cette larve a déjà une organisation très (341) 10 compliquée :. son tube digestif, par exemple, comprend : un œsophage, un estomac, un intestin, un foie. Nous ignorons quelle est la durée du développement qui s'effectue dans la cavité incubatrice de la mère, autrement dit nous ne savons pas quel est le temps nécessaire pour que les œufs se transforment en une larve parfaite. Möbius, d'après des obser- vations déjà anciennes, faites sur les côtes du Schleswig, admettait qu'il fallait une vingtaine de jours ; il est probable que ce laps de temps est beaucoup trop long, mais c'est là un point qu'il est bien difficile de préciser. Une autre question, a laquelle il a été facile de répondre, est celle-ci : à quel âge une huître peut-elle se reproduire et combien de naissain donne-t-elle ? La plupart des huîtres d'élevage peuvent, sur le littoral français, se reproduire dès leur première année. Toutefois, à cet âge, la proportion des individus fonctionnant comme femelles est toujours plus faible que lorsque la croissance est à peu près achevée, elle n'est que de 6 à 7 %. En outre, il est à remarquer que les individus qui produisent des œufs ou des spermatozoïdes, surtout les premiers, ne sont jamais les plus grands : il y a là, comme partout ailleurs dans le règne animal, une sorte d'anta- gonisme entre la croissance et la faculté reproductrice ; lorsque la pousse est trop rapide, elle retarde le développement de la glande génitale. Une huître peut, dès sa première année, donner un nombre relativement très grand de larves, environ 1 00.000 ; l'année sui- vante sa fécondité est, à peu près, deux fois et demie plus grande, elle produit 25o.ooo œufs et, à trois ans, elle pourra émettre de 700.000 à 800 000 naissains. Les individus plus âgés n'ont pas été étudiés à ce point de vue, mais il est probable qu'ils donnent au moins i. 000. 000 d'œufs. Il est facile, pendant l'été, de se procurer des naissains de l'huître plate, de VOstreaedulis, en ouvrant un certain nombre d'individus : mais, on chercherait en vain, par ce procédé, des larves de l'huître portugaise. Dans cette dernière espèce, les sexes sont séparés, aussi n'est-elle pas, pour les naturalistes, une huître, mais une gryphée [Grjphea ajigulalà). De plus, les œufs ne sont pas gardés, par la mère, dans sa chambre branchiale, mais, au contraire, rejetés hors de la coquille, aussitôt après leur sortie de la glande génitale. Il résulte de là, qu'ils se trouvent, pendant 1 1 — leur développement, dans des conditions beaucoup moins favo- rables que ceux de notre huître indigène, puisque rien ne les protège contre leurs très nombreux ennemis. Les naissains de VOstrea ediilis sont émis surtout pendant les mois de Juin, Juillet et Août, avec un maximum en Juin ou Juillet suivant les régions et les années ; on en trouve cependant, déjà, en Mai et la période de reproduction se prolonge jusqu'en Octobre, D'une façon générale, on peut dire que c'est surtout pendant les mois sans r que les huîtres laiteuses sont le plus abondantes ; ce qui n'empêche pas qu'elles soient consommées, en quantité prodigieuse, pendant tout l'été, dans tout le bassin d'Arcachon. Ceci démontre, une fois de plus, qu'elles peuvent être mangées, pendant toute cette, période, sans occasionner aucun accident. On ne sait pas exactement quelle est la durée de la vie libre du naissain : elle varie certainement beaucoup suivant les conditions extérieures et en particulier selon la température. On a reconnu, en effet, que si les eaux sont froides, les naissains ne se fixent pas ; pour Petersen, qui a fait ses observations sur les côtes du Dane- mark, il n'y a jamais de fixation au-dessous de i3° G. Sur ce point, les opinions des ostréiculteurs français sont loin d'être concordantes ; ceci tient à ce que ceux qui prennent des tempé- ratures, le fond souvent mal : ils se contentent d'aller plonger un thermomètre plus ou moins précis, sur le bord de la mer, à marée haute. Or, suivant l'heure du flux, suivant que l'eau, à sa montée, s'est échauffée ou non, en passant sur les sables ou les vasières, ils obtiennent des chiffres très différents de ceux qui leur seraient donnés par des observations bien faites. Cependant, il me paraît raisonnable d'admettre, avec nos meilleurs ostréiculteurs, qu'il faut, dans les rivières de Bretagne, et pendant plusieurs jours i8° C. pour avoir chance de voir se produire une fixation abondante. Les larves, après un certain temps de vie pélagique, ne tombent pas sur le fond, comme on le croyait autrefois et comme le dit encore un récent traité français de la pisciculture et des pêches, mais recherchent un support convenable. Ce qui prouve bien qu'elles ne tombent pas, comme de» pierres, au fond de l'eau, c'est que les jeunes huîtres que l'on peut observer sur les bancs naturels ou sur les collecteurs artificiels (tuiles ou plateaux), se trouvent surtout sur le côté inférieur, parce que plus propre, des supports. Lorsque, par hasard, elles se fixent sur leur partie (341) 12 supérieure, elles ont beaucoup moins de chances de survivre : elles risquent d'être 'étouffe'es par les dépôts de vase ou d'être tuées par les tempêtes. Les naissains, après avoir trouvé le support qui leur convient, se fixent par leur valve gauche, qui devient ensuite beaucoup plus creuse que Tautre. On s'est demandé combien, sur ces millions de larves, arri- vaient à Tétat adulte : quelle était la proportion des survivantes. Les recherches n'ont pas été suffisamment poussées, pour que nous puissions être fixés sur ce point. Certains auteurs ont admis que, sur les bancs naturels, il n'y avait guère qu'une larve sur un million qui arrivait à donner un individu bien développé. Il est certain qu'une très petite quantité seule survit et que, par suite, il faut un nombre considérable d'adultes pour être sûr d'avoir une récolte abondante. Dans la pratique, la pose des collecteurs doit avoir lieu un peu avant la principale émission des naissains. Immergés trop tôt, ils se salissent et se recouvrent d'une foule d'organismes qui prennent la place des jeunes huîtres ; placés trop tard, ils prennent une récolte moins abondante et les produits sont, à la fin de la saison, de plus petite taille. On emploie, presque partout, en France, comme collecteurs, des tuiles ; mais, pour que les jeunes huîtres puissent être détachées, il est nécessaire de les recouvrir d'un enduit que l'on pourra ensuite enlever facilement. On chercha, pendant longtemps, une matière assez adhérente pour ne pas être décollée par le choc des vagues et cependant assez peu résistante pour que l'on puisse enlever facilement les jeunes huîtres fixées. C'est un Arcachonnais, Michelet (i), qui eut l'idée de recouvrir les collecteurs d'une couche de chaux et de sable, dont le mélange forme une pellicule remplissant très bien les conditions énoncées précédemment. Cette découverte, minime en apparence, a été le point de départ de modifications importantes, apportées aux anciens procédés, et ceux qui sont au courant de l'industrie ostréicole pourront, seuls, en apprécier toute la portée. A Arcachon, les tuiles sont placées dans des cages en bois, dont la partie inférieure est surélevée, de façon que la première couche de collecteurs soit à quelque distance du sol : les rangées suivantes sont disposées en croix, ce qui permet à l'eau de circuler entre elles, d'amener le naissain et la nourriture dont il a besoin. (i) Certains attribuent cette découverte au D"" Kemmerer, qui l'a, le premier, publiée ; mais il convient de remarquer que son procédé compliqué est moins pratique que celui de Michelet. - i3 - En Bretagne, les tuiles sont quelquefois disposées de la même façon, sur des sortes de tréteaux; mais, le plus souvent, le fond des rivières, dans lesquelles se fait la récolte du naissain, étant recouvert d'une épaisse couche de vase, on emploie des collecteurs en bouquets ou en champignons. Les tuiles, trouées, sont assem- blées, au nombre de dix à douze, avec du fil de fer, en bouquets, puis fixées à l'extrémité d'un piquet de châtaignier. Elles sont, ensuite, plongées dans un lait de chaux, qui forme un enduit moins épais, moins bon que le mélange de chaux et de sable, employé à Arcachon. Les bouquets sont transportés, au moyen de chalands, sur les parcs et les piquets plantés dans la vase à marée basse. Enfin, en rivière d'Auray et de Saint-Philibert, on emploie aussi, comme collecteurs, des plateaux, formés par quatre ou cinq planches assemblées par des traverses assez épaisses. Après les avoir chaulés, on les dispose sur les parcs, horizontalement, en ayant soin d'isoler du sol le plateau le plus inférieur. Ce dernier système présente l'avantage d'être moins coûteux, mais il a cet in- convénient que la chaux adhère moins bien aux plateaux, surtout lorsqu'ils sont neufs ; de plus, le naissain, récolté de cette façon, est plus plat et certains ostréiculteurs prétendent qu'il donne ensuite des huîtres de moins jolie forme. Les tuiles et les plateaux sont mis à l'eau en Juin-ou Juillet et enlevés au printemps suivant ; ils sont ensuite lavés et au moyen de couteaux spéciaux on détache les jeunes huîtres : c'est l'opé- ration du détroquage. Le mélange de chaux et de sable, dont sont recouvertes les tuiles, sert non seulement à permettre aux ostréiculteurs d'en- lever les naissains sans les blesser, mais il a aussi ce résultat de les protéger, en renforçant la valve fixée et en empêchant qu'elle ne soit brisée aussi facilement par les crabes et autres ennemis. A Arcachon, on récoltait, autrefois, les jeunes huîtres au moyen de chapelets de coquilles de sourdons [Cardium ediilé) et c'est un procédé analoque que l'on emploie en Angleterre et dans certaines parties de la Zélande, où l'ostréiculture est entre les mains de grandes compagnies et de riches propriétaires qui possèdent d'immenses concessions. On recueille des coquilles de sourdons et d'autres bivalves qui sont, ensuite, exposées à l'air, pendant un certain temps, pour leur faire perdre leur vernis superficiel et les rendre légèrement rugueuses, puis semées sur les (341) -14- parcs. Ceux-ci sont presque tous en eau profonde, sur des fonds qui ne découvrent jamais, de sorte qu'il faudra ensuite draguer pour recueillir les Jeunes huîtres : c'est ce que Ton fait deux ans plus tard. Les tuiles sont très peu employées en Angleterre, — en Hol- lande, elles le sont davantage; mais, comme dans les régions froides, les huîtres croissent moins vite, les naissains ne sont détroqués qu'à l'âge de dix-huit mois ou deux ans. En France, la récolte ne se fait guère qu'en deux points, à Arcachon et dans le Morbihan, Le bassin d'Arcachon, qui est encore le centre le plus important, fournit la majeure partie des huîtres consommées chez nous. Malheureusement, depuis quelques années, les collecteurs tendent, à être envahis par les portugaises; celles-ci, malgré les conditions moins favorables dans lesquelles se trouvent les œufs au début de leur dévelop- pement, arrivent à supplanter VOstrea edulis par leur fécondité, leur plus grande vitalité et leur rapidité de croissance. Si les ostré- iculteurs arcachonnais veulent continuer, et même étendie, la culture de la portugaise, ils risquent fort de la voir piendre, peu â peu, la place de l'huître indigène ; si, au contraire, l'Adminis- tration de la Marine juge qu'il est de l'intérêt général de pour- suivre l'élevage de l'huître plate, elle doit immédiatement prendre les mesures nécessaires pour combattre cet envahissement. L'huître indigène et l'huître portugaise sont trop différentes l'une de l'autre pour qu'il puisse y avoir, entre elles, des croi- sements. Mais, contrairement à l'opinion de presque tous les ostréiculteurs, toutes les huîtres plates, qu'elles viennent de Cancale, d'Auray, d'Arcachon, d'Angleterre ou de Hollande, ne sont que des variétés de la même espèce et par suite peuvent se multiplier entre elles. Suivant les régions dans lesquelles se fait le développement, elles acquièrent un faciès particulier qui fait que les ostréiculteurs reconnaissent très bien leur provenance ; mais, malgré ce que croit la plupart d'entre eux, du naissain d'Arcachon, transporté à Auray, donnera de l'huître bretonne et inversement. Il s'ensuit que l'amélioration des variétés par croisements n'est pas aussi facile que certains se l'imaginent, bien que cependant elle puisse être tentée et qu'elle devrait l'être, en beaucoup de points, dans le bassin d'Arcachon notamment. Le naissain, après le détroquage, est placé, habituellement, pendant quelque temps, dans des caisses ostréophiles ; puis semé — i5 — dans des barrages, qui ne sont autre chose que des parties de parcs, entourées d'un grillage de quinze à vingt centimètres de hauteur, de façon à empêcher les crabes de venir y faire des in- cursions trop fréquentes. Elles sont, ensuite, semées sur les parcs d'étendage, d'où elles sont enlevées, Tannée suivante ou deux ans après, pour être expédiées dans les centres d'engraissement. Mais il ne faut pas croire que l'ostréiculteur récolte toutes les huîtres qu'il a semées : les crabes, les bigorneaux perceurs {Murex erina- cens), les étoiles de mer, les terres {Tiygon pasiinaca, Leiobatus <2^w//a) et d'autres ennemis en font disparaître un grand nombre : il faut compter sur une perte de 40, 5o, 6o°/o, quelquefois même davantage. Les huîtres d'Arcachon sont expédiées et consommées dans le midi de la France ou transportées, pour y être améliorées, dans le bassin de la Seudre. Cette dernière région s'approvisionne aussi en Bretagne, cependant une partie des huîtres bretonnes sont engraissées dans le pays même, surtout dans les rivières de Belon, l'Abervrac'h et rAber-Benoit,quidonnentdes produits excellents, pouvant rivaliser avec les meilleures huîtres de Zélande. Il n'est pas possible de décrire, ici, avec quelques détails, la pratique de l'industrie ostréicole dans la région de Marennes. On sait que, là, l'engraissement se fait dans des bassins peu profonds, creusés dans l'argile, dont l'eau est renouvelée à chaque grande marée, que l'on appelle des c/a/res. Dans celles-ci se développe ce que les ostréiculteurs appellent la verdem^ : le fond des claires, parfois aussi toute la masse de l'eau, devient vert, et les huîtres qu'elles contiennent prennent alors, surtout dans leurs branchies et leurs palpes labiaux, cette couleur vert-bleuâtre, caractéristique des huîtres de Marennes. Ce verdissement est dû à une diatomée dont une partie de la matière vivante est colorée en bleu et que l'on appelle le Navicula osirearia. Cette navicule est mangée par l'huître, son pigment passe dans le sang et se fixe sur les branchies et les palpes labiaux : elle l'engraisse en même temps rapidement et contribue, vraisemblablement, à lui donner son goût particulier. Les huîtres dites grasses se reconnaissent aisément à ce que leur foie est tout entier recouvert par un tissu blanchâtre, que l'on prend habituellement pour de la graisse, mais qui est une subs- tance bien différente, une matière de réserve le glfcogène. Ceci s'explique de la façon suivante : pendant la fin de l'été, l'huître se (341] - i6 ^ nourrit activement et accumule de la graisse ; puis, lorsque l'hiver arrive, il y a une perte considérable de graisse et formation de glycogène. C'est là un fait très ge'néral que l'on observe chez tous les animaux hibernants. La plus grande partie des huîtres provient de l'élevage pra- tiqué comme il vient d'être dit. Autrefois, il n'en était pas ainsi.. Avant la découverte de Michelet, avant les expériences de Coste, toutes, ou presque toutes, les huîtres provenaient des gisements naturels. Il y a eu, dans le bassin d'Arcachon, de très riches huîtrières qui, reconstituées vers i860, sur les conseils de Coste, donnèrent, certaines années, un revenu de plus de iSo.ooo fr. ; une exploitation abusive a amené leur disparition à peu près complète. En Bretagne, les huîtrières n'ont pas encore toutes disparu, mais leur importance est beaucoup moindre qu'autrefois ; un grand nombre d'entre elles ont été ruinées par une exploitation déréglée et celles qui restent sont exploitées avec si peu de mé- thode qu'elles finiront par disparaître. Ces bancs n'existeraient déjà plus, depuis longtemps, si les régions dans lesquelles ils se trouvent, n'étaient extrêmement favorables à leur dévelop- pement. Il en résulte que des fonds, qui, autrefois, donnaient, chaque année, des revenus appréciables aux pêcheurs, sont, aujourd'hui, à peu près stériles. Sur les bancs naturels, en profondeur, l'huître est vraiment dans son milieu ; les conditions y sont pour elle, beaucoup moins changeantes et par suite meilleures. Les huîtres anglaises, réputées meilleures que les nôtres, doivent probablement, en partie, leur supériorité à ce que, par suite des méthodes em- ployées, elles sont placées dans des conditions plus naturelles qu'en France. Les osti"éiculteurs doivent donc faire tous leurs efforts pour se rapprocher des conditions réalisées dans la nature et, en premier lieu, reconstituer tous leurs bancs naturels ; en ce faisant, ils amélioreront sûrement leurs races d'huîtres et évi- teront cette sorte de dégénérescence qu'amène parfois la culture artificielle. û • Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 342. — ler Août 1918. ki'f" '»' » ' Sur la dissémination et la naturalisation de quelques Algues mannes. Par C. SAUVAGEAU Professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux. Malgré l'uniformité de composition du milieu dans lequel elles vivent et leur indiiférence pour la constitution chimique de leur support, les Algues marines occupent des aires de distri- bution aussi nettes que celles des plantes terrestres. Les rochers battus ou abrités, superficiels ou profonds, etc., sont des stations bien caractérisées ayant chacune leur population ; en outre, des régions étendues sont en rapport avec le climat. Les conditions atmosphériques agissent avec intensité sur nombre d'espèces et si certaines fructifient quasi toute l'année, d'autres, même parmi celles qui vivent profondément, ont une saison de reproduction très nette. La plupart des individus appartenant à des espèces de durée éphémère ou annuelles apparaissent et disparaissent ensemble, chaque année, à des dates déterminées, autrement dit sont soumises à l'action des saisons, et l'on constate, en herbo- risant plusieurs années de suite dans une même localité, un retard ou une avance de la végétation, comme lorsqu'il s'agit de plantes terrestres. Les conditions d'existence des plantes marines étant néanmoins soumises à un moindre nombre de facteurs, les régions dites naturelles sont plus étendues. Au catalogue des Algues d'un pays, les auteurs ajoutent souvent le relevé des Algues d'autres pays, pour faciliter la comparaison de leur végétation marine respective, et en déduisent parfois d'intéressantes conclusions sur les centres de dispersion des familles ou des genres. Toutefois, cette comparaison n'a généralement pas la même valeur scientifique que celle des plantes vasculaires, tout au moins en ce qui concerne la richesse numérique en espèces. A part quelques districts bien étudiés, l'inventaire général des Algues marines est, en effet, moins avancé que celui des plantes terrestres ; en outre, le nombre des espèces de petite taille, ou distinctes seulement par l'analyse microscopique, est si grand qu'une liste se ressent nécessairement de la compétence du collecteur ou de l'auteur dans la connais- sance de tel ou tel groupe, en supposant même que les explo- rations aient eu lieu aux mêmes saisons. Pour des régions non explorées méthodiquement il faudrait, pour ces comparaisons, s'en tenir aux espèces d'une certaine taille, dont la présence ne peut passer inaperçue et encore devrait-on faire le départ entre les espèces récoltées en place et celles qui furent ramassées à la grève. Voici une douzaine d'années, j'avais entrepris de comparer la végétation du golfe de Gascogne avec celle de la Méditerranée, du Maroc, des Canaries, de la Bretagne et des Iles Britanniques et j'avais dressé un tableau comparatif d'après mes récoltes personnelles, d'après les livres, l'herbier Thuret et les collections du Muséum, mais je me suis heurté à de telles difficultés de synonymie et à tant d'incertitudes que j'ai abandonné cette tâche. Les algologues de l'époque de Bory, de Grateloup, de Montagne, etc., n'herborisaient guère sur les rochers ; ils se contentaient généralement de fouiller le goémon rejeté après des coups de vent ; les belles découvertes de Thuret, Pringsheim, etc., ayant prouvé l'insuffisance de l'étude des herbiers, on reconnut la nécessité de récolter les plantes vivantes et la cou- tume s'établit d'explorer les rochers littoraux. Si les anciens auteurs avaient cueilli leurs plantes sur place, nous serions mieux documentés sur l'époque d'introduction dans telle ou telle flore de certaines Algues en apparence indigènes. La pré- cision que les auteurs récents apportent dans leurs détermi- nations spécifiques et dans l'énoncé des conditions d'existence, en rendant possible un pareil travail dans l'avenir, le rendra plus fructueux. « L'intérêt des voyages d'exploration entrepris avec l'in- tention d'inventorier la flore d'un pays commence à s'épuiser. La récolte méthodique de nombreux exemplaires des espèces — 3 — d'un même genre ou de quelques genres seulement, qui nécessite des connaissances préalables plus approfondies de la part du collecteur, apporterait des résultats autrement importants » (i). Les peuplements se font par des migrations brusques ou pro- gressives ; on n'a guère étudié les modifications qu'entraînent les migrations ; parfois, cependant, elles sont frappantes, comme dans le cas du Sphacelaria cirrosa dont les branches des pro- pagules varient de nombre avec la latitude à laquelle vit la plante (2). Le peuplement algologique de la Méditerranée s'est effectué aux dépens de l'Océan et progressivement de l'ouest à l'est ; si certaines espèces ont passé d'une mer dans l'autre sans se modifier, ou à peine, d'autres plus malléables, comme les Cfstoseira^ ont considérablement varié. Les Cj^stoseira de la Méditerranée orientale dérivent de ceux qui s'étaient préala- blement adaptés dans la Méditerranée occidentale et different davantage des espèces océaniques. Théoriquement, une étude faite pas à pas periiiettrait de suivre la transformation de leurs espèces, mais elle serait si longue, devrait tenir compte de tellement de facteurs, qu'elle ne se réalisera sans doute jamais. Les conclusions à en tirer auraient toujours d'ailleurs un caractère spéculatif. Chercher à connaître les espèces qui, de nos jours, émigrent ou sont fortuitement transportées d'un point à un autre, et savoir si elles s'y maintiennent, est un but plus modeste et plus précis, encore n'est-il possible que pour des Algues passant difficilement inaperçues et habitant des régions suffisamment explorées. Malgré l'uniformité du milieu dans lequel elles vivent, malgré leur transport par les courants, les bateaux, etc., les Algues ma- rines se naturalisent assez rarement dans des localités éloignées de leur habitat ordinaire. Je voudrais donner ici quelques exemples de naturalisation et montrer la difficulté qu'éprouvent d'autres espèces à s'introduire dans la flore d'un pays. Je prendrai les exemples dans trois régions : la Méditerranée, le fond du golfe de Gascogne, la Manche, en me bornant aux espèces indiscutables et de grande taille, sans m'arrêter à des plantes minuscules ou séparées d'espèces anciennement connues d'après des caractères peu apparents à première vue. (i) G. Sauvageau, Sur la possibilité de déterminer l'origine des espèces de Gystoseira. G. R. de la Société de Biologie, t. lxxii, Pans, 1912. (2) G. Sauvageau, Sur les variations du Sphacelaria cirrosa ef sur les espèces de son groupe. Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux, 6« Sér., t. m, Bordeaux, igo8. (342) I. Méditerranée. L'absence dans la Méditerranée des grandes Laminaires océaniques est surprenante. Puisqu'elles vivent vers la limite de la zone littorale, ou au-dessous, Tasséchement périodique par la marée ne leur est point nécessaire et elles y trouveraient, semble-t-il, nombre de stations favorables. Le Saccorhi^a bul- bosa, en particulier, qui descend jusqu'à Tanger, où il n'est pas rare, ne craint donc pas une certaine élévation de température ; néanmoins, il est inconnu au delà de la pointe de Tarifa (i). Ed. Bornet relève qu'on l'a cité plusieurs fois : à Gênes (sur la quille d'un navire), à Portofino, à Messine, à Chio, d'où l'officier de marine Blosseville l'avait rapporté à Bory, mais toujours dans un port ou au voisinage d'un port (nulle part sur une côte isolée et loin de toute importation) (2) ; il paraissait et Tannée suivante on n'en voyait plus trace. Falkenberg a trouvé le Lai7iinaria saccharina à Messine « en telle quantité, au mois de juillet 1878, qu'on aurait pu en charger des voitures ; la plante croissait sur un haut-fond devant l'entrée du port ; depuis elle a disparu et n'a pu être retrouvée » (3). Ces Laminaires furent certainement introduites beaucoup plus souvent en Méditerranée ; il faut une circonstance fortuite, le passage d'un algologue, pour que leur présence nous soit révélée. L'apparition du L. saccharina à Messine s'explique très plausiblement : un bateau venant de l'Océan, portant sur sa coque un individu fructifié (fixé naturellement ou simplement accroché), se trouvait dans le port au moment où la plante émettait ses zoospores. Sa pullulation prouve que la plante peut y vivre et même y lutter contre les espèces autochtones. Falkenberg ne dit pas si elle y a fructifié ; le L. saccharina vivant plusieurs années sur nos côtes, il se comporta sans doute de même à Messine et disparut faute de pouvoir s'y reproduire. (i) G. Sauvage AU, Recherches sur les Laminaires des côtes de France. Mémoires de l'Académie des Sciences, t. 56, Paris, 1918 (sous presse). (2) Ed. Bornet, ISIote sur une twuvelle espèce de Laminaire (Laminaria Rodriguezii) ie la Méditerranée. Bulletin de la Société botanique de France, t. XXXV, Paris, 1888. (3) Ed. Bornet^ loc. cit. De toute e'vidence, les bateaux essaiment plus souvent des Algues de moindre taille et de durée éphémère qui restent inaperçues. On peut citer cependant le cas de VHalurus equisetifolius, jolie Floridée de l'Océan, qui forme des cordons spongieux ramifiés, longs d'un à deux décimètres, du diamètre d'une grosse ficelle. Vers i838, J. Agardh l'a récolté dans le port de Livourne (sous le nom de Gviffithsia) où il n'était pas rare. Corinaldi l'y récolta aussi en 1845 et le distribua à diverses col- lections italiennes (i). C'était sa seule station méditerranéenne et les auteurs italiens s'accordent pour dire qu'on ne 1'}^ rencontre plus. J. Agardh et Corinaldi ont vraisemblablement vu le produit du même essaimage, mais nous ignorons depuis combien de temps VHalurus habitait le port de Livourne avant la visite de J. Agardh, combien de temps il s'y maintint après la récolte de Corinaldi, s'il s'y maintenait sexuellement ou par bouturage. Quant aux introductions de nouvelles espèces à une certaine profondeur. la constatation en est encore plus aléatoire. J'ai dit naguère (2) que les Araignées de mer {Maia squiiiado) sont parfois couvertes d'une végétation variée, soit parce que des éléments motiles se fixent sur leur carapace et y germent (c'est aussi le cas des Gastropodes), soit parce que leurs épines accrochent et arrachent des fragments aux Algues parmi lesquelles elles se meuvent ; ces animaux deviennent inévitablement des agents de dissémination, agents plus eflicaces que les exemples classiques des moutons qui passent dans les buissons ou des palmipèdes qui pataugent sur la vase. Je ne vois pas d'autre explication à la présence simultanée d'un Cjstoseiî^a cantonné dans la pro- fondeur et incapable de flotter, comme le C. platj'clada Sauv., qui vit dans le golfe de Gascogne sur le plateau de Saint-Jean- de-Luz et, dans la Méditerranée, à Marbella (côte d'Espagne) et à Melilla (Maroc) (3). En opposition avec le L. saccharina et avec VHalurus^ voici (i) A. Preda, Catalogue des Algues marines de Livourne. Bulletin de l'Herbier Boissier, t. v, Genève, 1897. (2) G. Sauvageau, Sur les Algues qui croissent sur les Araignées de mer dans le golfe de Gascogne. G. R. de l'Académie des Sciences, t. cxxviii, Paris, 1899. (3) G. Sauvageau, Sur les Fucacées du détroit de Gibraltar. G. R. de l'Académie des Sciences, t. clvii, Paris, 1913. (342) une autre Algue franchement naturalisée et qui n'est nullement en voie de disparition. Cantonné au niveau supérieur de la marée et exigeant une fréquente exposition à l'air, le Fucus platycarpus^ très répandu sur nos côtes de l'Océan, paraît, à priori^ moins adaptable qu'une Laminaire aux conditions méditerranéennes. Assurément, il fut souvent importé, ne serait-ce que par des bateaux chargés, comme lest, des pierres sur lesquelles il pousse et, grâce à sa résistance à la dessication, il a dû être déposé à l'état d'individus adultes encore vivants. Son hermaphrodisme favorise sa transplantation. Je l'ai vu à l'entrée de la Médi- terranée, à Algésiras (Espagne) et à Ceuta (Maroc), mais Je doute qu'il pénètre beaucoup plus avant. Cependant, on le connaît dans l'Adriatique où il ne peut être le vestige d'une distribution autrefois plus étendue ; en outre, l'Adriatique étant de formation quaternaire et n'ayant jamais communiqué avec l'Atlantique il n'a pu y pénétrer directement aux époques géo- logiques ; sa présence s'explique par l'importation fortuite d'un individu océanique, importation déjà ancienne puisque Ginanni et Donati l'y mentionnaient au milieu du iS""^ siècle. Après bien des hésitations, les auteurs l'appelèrent F. virsoides J. Ag., bien plus, sans doute, à cause de son isolement géographique que de ses caractères différentiels. Après étude d'individus reçus d'Abazzia et de Rovigno, je l'ai rapporté au F. platycarpus var. spiralis ( i ), si abondant sur nos côtes ; depuis, l'ayant moi-même récolté à 'V^enise, en mai 191 i, sur les murs du grand canal, j'ai vérifié l'exactitude de cette détermination. Le transport du F. plat/cajpus ne Ta donc pas modifié, et il fait désormais partie de la flore adriatique. Les étangs marins formés par des cordons littoraux dans lesquels un apport exagéré d'eau douce ne trouble pas les con- ditions normales d'existence, sont intéressants à étudier au point de vue qui nous occupe. J'ai parcouru au printemps de igi3 la Mar Chica (Maroc espagnol) et j'indique, dans un supplément à mon étude sur les Cfstoseiî-a [loc. cit.), les quelques espèces qui y ont pénétré. (i) G. Sauvageau, Sur deux Fucus récoltés à Arcachoti (Fucus platy- carpus et Fucus lutarius). Bull, de la Station biologique d'Arcachon, iif"« année, Bordeaux, 1908. — 7 II. Golfe de Gascogne. Après avoir parcouru la côte nord de l'Espagne jusqu'à la Corogne, en iSgb et 1896, Je suis arrivé à cette conclusion que la flore y présente de grandes analogies avec celle de la Bretagne ; celle du fond du golfe (Biarritz, Guéthary, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Sébastien), où manquent la plupart des Fucacées et des Laminariacées donne au paysage marin une caractéristique plus méridionale (i). Les Fucus serratus^ Pelveiia, Bifurcat^ia, Himanthalia^ Chorda Filum^ Lat?iinaria sacchaj^iua, L. ßexi- caulis, L. Cloustonii franchissent le golfe de Gascogne sans s'y arrêter, depuis l'Aunis et la Saintonge jusqu'à la côte de la Vieille-Castille. Ce n'est cependant pas que les germes de certaines espèces n'y soient fréquemment apportés et répandus par les courants ou après les mauvais temps. Il y a ici plusieurs cas à distinguer selon le mode de vie habituel des plantes en question. Petit pour une Laminaire, \q Phyllaria renifo7'mis, dont l'un des anciens noms est L. brevipes. est cependant assez grand pour s'imposer à l'attention du chercheur. Son aire de distri- bution s'étend sur une portion de la Méditerranée et de l'Atlan- tique. A Minorque, Rodriguez le cite seulement de 46"^ à i3o'" de profondeur. A Banyuls (Pyrénées-Orientales), où d'ailleurs je ne l'ai pas cherché dans la profondeur, on le récolte près du Laboratoire Arago, lorsque la mer est calme et basse, en entrant dans l'eau jusqu'aux genoux; il y évite cependant la pleine lumière et croît sur des rochers mal éclairés ou légèrement en surplomb. Dans l'Océan, on le trouve à Gijon, sur la côte canta- brique, fixé aux rochers qui découvrent. Lorsque je commençais à visiter le golfe de Gascogne, Ed. Bornet attira mon attention sur le P. renifoj'jyiis parce que, ainsi que je l'ai déjà rapporté (2), Thuret et lui. herborisant en juin 1870 aux rochers de la Gou- reppe (entre Biarritz et Guéthary), en avaient trouvé une trentaine (i) C. Sauvageau, Note- préliminaire sur les Algues marines du golfe de Gascogne. Journal de Botanique, t. xi, Paris, 1897. (2) C. Sauvageau, Note préliminaire... etc., p. 4. (342) d'exemplaires dans une rigole qui n'assèche pas à marée basse, du côté du large; la plante était alors bien fructifiée et à la fin de sa végétation. Bien que ces auteurs aient visité les rochers de la Goureppe à tous leurs séjours dans la région, ils ne trou- vèrent le P. renifo7^mis que cette seule fois. Lespinasse l'y a cité, mais seulement d'après les indications de Thuret (Bornet in litt.) et, comme je m'en suis assuré, la plante ne figure même pas dans son herbier. Par leur disposition variée, les rochers de la Goureppe sont d'ailleurs, de toute cette côte, le point le plus favorable à son implantation. Je l'y ai soigneusement cherché à maintes reprises en février et mars 1894, juillet et août 1895 et 1896, puis aux meilleures marées de mars, avril et juin 1898 sans le rencontrer ; il n'appartient donc pas à la flore littorale (i). Mais l'observation de Thuret s'explique, car cette Laminaire habite certainement le vaste haut-fond ou plateau de Saint-Jean-de-Luz situé au large de la côte. Après les mauvais temps, la mer rejette des Algues qui en proviennent sûrement et qui manquent sur les rochers littoraux comme Zauardinia collaj^is, Carpomitra Cabt^erœ., Spatoglossiun Solierii^ Bonne- maisonia aspar^agoides et même Schiminehnamiia Schousboei ; or, en fouillant le goémon, j'y ai souvent rencontré quelques exemplaires de P. j^eniformis. L'observation de Thuret cor- respond donc à une apparition fortuite et brusque de cette espèce; un, ou plusieurs individus apportés par le flot essai- mèrent leurs zoospores à La Goureppe et, par hasard, y ren- contrèrent des conditions favorables à leur germination et au développement de la plante, mais insuffisantes néanmoins pour la perpétuation de l'espèce ; il s'agit d'ailleurs d'une espèce de durée éphémère, vivant seulement quelques mois, et pour laquelle le retour des conditions favorables devrait se retrouver chaque année. Le fait constaté en 1870 s'est vraisemblablement produit à d'autres reprises, mais il n'a pas été vérifié, et le P. reniformis appartient à la flore sublittorale. Le P. î^eniformis atteint là sa limite connue vers le nord. Inversement, les deux espèces si communes sur la côte bretonne, (i) Dans sa Liste des Algues marines (Anvers, 1905), J. Chalon ajoute son nom à ceux de Thuret et de Lespinasse pour indiquer qu'il a récolté le P. reniformis à la Goureppe. Je reste sceptique ; l'auteur l'aura confondu avec de jeunes individus de S bulbosa. Inversement, J. Chalon cite à tort le S. bulbosa à Banyuls, au lieu du P. reniformis {Herborisations à Banyuls, Bull. Soc. botanique de Belgique, t. xxxix, 1900). — 9 — Laminaria ßexicaulis et L. Cloustonii n'ont jamais été vues sur les rochers littoraux du fond du golfe ; elles réapparaissent ensuite sur toute la côte nord de l'Espagne. Cependant, elles y sont apportées de temps en temps, en petite quantité et toujours en petits exemplaires, après les coups de mer. Ces individus ne peuvent venir de très loin car, jetés à la mer de nouveau, ils tombent au fond presque aussitôt ; l'agitation de Teau par la tempête est donc nécessaire pour les maintenir entre deux eaux et finalement les amener sur la grève. Ils arrivent donc d'une station toujours submergée, peut-être même du plateau de Saint- Jean-de-Luz ; toutefois, rien n'indique si tous les exemplaires y sont rabougris, comme ceux qui sont rejetés, ou si les grands exemplaires n'atteignent pas la côte (i). Quoi qull en soit, et bien que certains individus rejetés soient fructifies, jamais aucun représentant n'a été vu en place sur les rochers. On sait maintenant que le développement des Laminaires comporte une alternance de générations avec prothalle sexué et l'on comprend mieux les difficultés qu'elles doivent éprouver pour se répandre et se naturaliser. Certaines Fucacées, dont le développement est ininterrompu, permettent néanmoins de semblables constatations. L'Ascoph/llum nodosum QtVHalidiys siliquosa arrachés des rochers flottent facilement et longtemps ; la mer en apporte souvent et parfois en quantité, surtout du premier, des fragments ou de grands individus stériles ou fructifies. Or, VHaîidîys n'a jamais été vu en place, pas plus d'ailleurs que sur la côte nord de l'Espagne ; son niveau, à vrai dire, est assez bas, bien qu'à l'île de Ré, qui est peut-être, avec l'île d'Oléron, sa dernière station vers le sud, il forme sur les rochers d'Ars-en-Ré (Pointe de Gri- gnon) un tapis continu à partir de la limite du Fucus serratus. U Ascophjllum^ qui exige des conditions spéciales, n'a guère chance de s'y implanter, si ce n'est à Saint-Jean-de-Luz ; il réapparaît avec un très beau développement à 12 kilomètres de la frontière, dans le goulet de Passages. (i) Je crois être le premier à avoir rencontré les L. ßexicaulis et L. Cloustonii sur la côte basque ; ce serait exagéré d'en conclure que leur apport par le flot s'eff'ectue seulement depuis peu et que leur présence au large est récente. (342) — 10 Plus curieux est le cas de VHimanthâlia Lorea, excellent flotteur aussi, dont les réceptacles isole's ou encore attachés à l'appareil végétatif intact arrivent parfois en immense quantité. A diverses reprises, je me suis rendu compte du parfait état des organes reproducteurs de ces individus flottés ; la dehiscence, la fécondation, la germination des œufs s'effectuent aussi faci- lement que chez un Fucus ou un Cfstoseira fraîchement arraché (i). Chaque année, des milliers de germes ensemencent donc les rochers ; les points où croît le Sacc. bulbosa, ou plus élevés, sembleraient à priori favorables à son existence et cependant il manque à la flore du fond du golfe, ou, du moins, les individus qui s'y développent sont d'une extrême rareté. Ainsi, dans mes excursions de 1893, j'ai trouvé un seul individu fixé, encore à l'état végétatif; en 1898, j'ai séjourné à Guéthary de fin mars à fin septembre sans rencontrer un Himanthalia ; en janvier 1904, Un individu fixé sur les rochers du Port-Vieux, à Biarritz, présentait une partie végétative large et un réceptacle grêle, long de 20 centimètres, deux fois dichotome, paraissant avoir terminé sa croissance. Un troisième individu, rencontré à Guéthary le 14 novembre 1909, possédait un large réceptacle femelle long de 25 centimètres à sommets tronqués ; dans chacun des conceptacles examinés, un ou deux oogones étaient bruns, ridés, morts ou en voie de dégénérescence, les autres semblaient en bon état. Les conditions furent sans doute particulièrement favorables en 191 1, à Guéthary, car le 27 juin je trouvais à quelques mètres l'un de l'autre trois individus dont les récep- tacles mesuraient une vingtaine de centimètres que je n'ai pas eu le loisir d'étudier ; le lendemain, je rencontrais un individu de même longueur mais grêle et stérile ; enfin, le 3o juin, dans un autre endroit, je voyais trois appareils végétatifs. Pendant ces dernières années, et pour cueillir le Sacc. bulbosa, j'ai maintes fois traversé les stations où les Himanthalia se trouvaient en 191 1, sans en voir. Même en supposant que les quelques individus développés sur les rochers eussent des réceptacles en parfait état de reproduction, leur dioïcité serait un obstacle au maintien de cette espèce monocarpique. Leur petit nombre étonne surtout à cause de l'immense quantité d'œufs qui chaque (i) Quelques individus sont pourvus de réceptacles aussi longs, plus étroits et de section arrondie, mais complètement stériles. J'en ai vu de semblables dans le goémon de Bretagne, toujours en petite quantité. — Il — année et à chaque saison tombent sur les rochers. On conçoit que VHimanlhalia pourrait, une anne'e ou l'autre, être abondant sur les rochers du fond du golfe, répétant l'histoire du P. j^eni- formis de La Goureppe ou du L. saccharina de Messine, mais il en disparaîtrait comme ces deux espèces ont disparu. L'interprétation des échantillons des collections induit parfois en erreur. De ce que l'herbier Thuret renferme des exemplaires entiers rapportés de Saint-Sébastien par Bory en 1827, Ed. Bornet concluait que V Himanthalia devait y croître (i). Je suis persuadé que, si on l'y rencontre, c'est accidentellement, et que les exemplaires conservés par Bory furent trouvés à la côte. U' Himanthalia flotte si bien que des individus apportent parfois avec eux des fragments de la roche ou du Lilhothamnion sur quoi ils ont poussé ; des frondes végétatives isolées ou pourvues de tout jeunes réceptacles ne sont pas très rares parmi le goémon. L'origine de VHijnanthalia apporté sur la côte basque est impossible à déterminer. Il n'arrive vraisemblablement pas des mêmes localités que les deux Fucacées exotiques citées plus loin auxquelles il est souvent mélangé, ni directement de son lieu d'origine ; le premier courant qui l'entraîne l'amène dans un point mort d'où un coup de vent le poussera vers le fond du golfe. En 1894, 1895, 1896 et surtout en 1898, j'ai suivi sur la côte des milliers à' Himanthalia rejetés ; ils m'ont rarement pré- senté VElachistea scutulata^ jamais VEclocajyus pelutinus, ces deux parasites si fréquents sur les réceptacles des côtes fran- çaises et anglaises. Sur la côte nord de l'Espagne, VEct. veliitinus est aussi fréquent, tandis que VEl. scutulata est rare. Je fus tenté d'en conclure que ces Himanthalia pourraient avoir une origine lointaine. Il semble, en effet, d'après Kjellman (mer arctique) et Börgesen (F^eroë), que ces deux parasites manquent ou sont rares sur V Himanthalia septentrional. D'après Rosen- vinge (2), 44 espèces étrangères au pays sont rejetées sur la côte du Jutland, parmi lesquelles 89 sont apportées par V Ascophyllum et V Himanthalia. « Il est évident, dit Tauteur, que presque toutes les espèces ont été apportées de la Manche, des côtes de la Grande Bretagne ou de la Norvège ; mais comme elles sont (i) Ed. Bornet, Les Algues de P.-K.-A. Schousboe, Mémoires de la Soc. nat. des Sciences naturelles et mathématiques de Cherbourg, t. xxviii, Cherbourg, 1892. (2) K. RosENviNGE, Sur les Algues étrangères rejetées sur la côte occi- dentale du Jutland. Botanisk Tidsskrift, t. xxvii, Copenhague, igoS. (342) 12 répandues, à peu d'exceptions près, le long de toutes ces côtes, leur présence ne donne pas de renseignements sur la direction du transport » ; toutefois, l'absence de VEct. veliiiinus et de VEl. scutulata sur la liste de Rosenvinge rendait l'origine norvé- gienne plus vraisemblable. Or, le temps était mauvais depuis deux semaines lorsque j'arrivai à Guéthary le 3 juillet 1909; \'Hu7îanthalia abondait parmi le goémon qui encombrait la grève et les individus pourvus âCEct. velutinus et d'El. scutulata n'y manquaient pas. J'ai alors constaté qu'un fragment sain, même long seulement de 2 centimètres, jeté à l'eau, flotte à la surface ; un fragment envahi, cassé un peu au-dessus du parasite, flotte entre deux eaux ou debout à la surface, l'extrémité saine en haut; un fragment long, très envahi, tombe immédiatement au fond, même s'il comprend plusieurs plages saines intercalées. Le flot apporte donc à la côte seulement les individus sains ou peu envahis par VEct. velutinus et VEl. scutulata., à moins qu'ils soient emmêlés aux autres et soutenus par eux. Le Cfstosewa concatenata, auquel des rameaux creusés d'aé- rocystes en chapelets procurent une remarquable flottabilité, est un exemple frappant de l'impossibilité, pour certaines Algues, à s'acclimater dans un pays. Les herbiers prouvent qu'on l'a trouvé dans nombre d'endroits : Brésil, Cap Vert, Açores, Canaries, Maroc, Cadix, Saint-Jean-de-Luz, Gibraltar, Cher- chell, Alger, Malaga, Nice et cependant on ignorait oij il vit (1). L'examen attentif des exemplaires des collections montre que la plupart flottèrent longtemps avant d'être récoltés ; ceux de Tanger sont plus bruns, comme s'ils provenaient d'une moindre distance, et ceux d'Alger dûs à Bory et aux frères Monnard, provenant du port d'Alger et du fort Bab-Azoun, furent seuls cueillis en place, mais je me suis assuré, en 191 o, que la plante n'y existe plus, à la suite des transformations subies par cette côte depuis la conquête. C'était sa seule station connue et cependant elle arrive chaque année sur la plage de Guéthary, pendant les mois chauds, souvent à l'état de fragments, parfois en quantité et en grands exemplaires complets. (i) C, Sauvageau, a propos des Cystoseira de Banyids et de Guéthary. Bulletin de la station biologique d'Arcachon, 14™« année, Bordeaux, 1912. En outre, je résume ici des renseignements inédits empruntés à un Sup- plément qui était prêt au milieu de 1914 et dont la guerre retarde l'impression. — i3 — Pendant les premiers mois de 191 3, je me suis appliqué à découvrir ses stations dans le détroit de Gibraltar et aux en- virons (i). Après maintes recherches inutiles et grâce aux faci-' lités que me fournissait M. Odon de Buen, fondateur et directeur du Laboratoire de Malaga, j'ai pu en découvrir une vaste étendue sur la côte d'Espagne, au large de Marbella (entre Malaga et Gibraltar), par 10 à 12 mètres de profondeur. Puis, la station étant repérée, l'obligeance de M. Rafaël de Buen m'en a valu des envois en juillet et octobre ipiS et janvier 1914, de sorte que je connais sa végétation à toutes les saisons. Le C. co7icalenata est donc actuellement connu dans une seule localité, à Marbella ; s'il vit toujours aussi profondément, bien que ce mode d'exis- tence soit singulier pour une plante aussi vésiculifère, notre ignorance de ses autres gisements surprend moins. Cependant, la nature des courants du détroit ne laisse guère supposer que les épaves observées dans l'Océan proviennent de la Méditer- ranée. En outre, l'état des tophules des individus qui arrivent dans le golfe de Gascogne indique une adaptation aux saisons, à la manière du C. granulata^ comme s'ils habitaient moins pro- fondément qu'à Marbella. Le C. concatenata vit donc quelque part dans l'Océan, sur la côte du Portugal, du sud de l'Espagne ou du Maroc, et un courant de surface, non mentionné par les océanographes, longe ces côtes et amène la plante dans le golfe (2). Quoi qu'il en soit, des individus, souvent à l'état de débris, parfois entiers, sont rejetés chaque année sur la côte de Gué- thary pendant la saison chaude. Malgré leur long voyage, les réceptacles sont parfaitement vivants, les dehiscences et les fécondations s'obtiennent facilement et, deux jours après, les embryons montrent déjà l'indice des rhizoïdes (3). Bien qu'un nombre considérable d'œufs bien constitués tombe inévita- blement sur les rochers, je n'ai jamais observé aucune plantule pouvant se rapporter à cette espèce. L'organisation du Sargassum vulgare var. flavifolium^ plus favorable encore à la dissémination que celle des deux précé- dentes espèces, n'entraîne pas davantage la naturalisation. Le (i) C. Sauvageau, Sur les Fucacées etc. loc. cit. (2) C, Sauvageau, Sur l'existence probable d'un courant marin venant du sud et aboutissant au golfe de Gascogne. G. R. de la Société de Biologie, t. Lxvii, Paris, 1909. (3) G. Sauvageau, A propos des Gystoseira,.., etc., loc. cit., p. 17g. (342) — 14 — flot l'apporte fréquemment sur la grève de Gue'thary pendant la saison chaude, à l'état de fragments isolés, parfois en individus entiers et nombreux, et cela depuis longtemps car Kützing créa le S. flavi folium en 1849 pour des exemplaires reçus de Biarritz {Species Alg-arum) ; il l'a figuré dans les Tabulae, (vol. XI, fig. 26), j'en possède un échantillon trouvé par Grateloup à la même côte en 18 19. Il accompagne généralement le C. concatenaia, mais on ne connaît pas davantage son habitat européen ou africain (i). Kützing le citait en outre aux Antilles et je tiens de M. Collins [iji litt.) qu'il croît sur les rochers peu profonds des côtes de la Floride [Ph/cotheca Boreali-Americana n° 178), mais son apport d'Amérique est douteux (2), car son compagnon habituel, le C. concatenata, est inconnu en Amérique. La plante est rarement rejetée sur la côte anglaise : Greville {Algœ Britannicœ^ pi. I) a donné une bonne figure d'un exem- plaire abandonné par le flot aux îles Orcades, qu'il devait à un correspondant. Hai^vey ne l'avait jamais rencontrée et quand il voulut la figurer dans son Phycologia^ pour être complet, il dut représenter un exemplaire américain. Batters ne la cite même pas dans son Catalogue de 1902. Les individus apportés à Guéthary ont certainement flotté longtemps et viennent de loin ; leurs réceptacles sont néanmoins (i) D'après J. Agardh il croît sur les cotes atlantiques d'Afrique, d'Amé- rique, de l'Europe chaude et dans la Méditerranée voisine de l'Océan. Mais l'auteur inclut sous le nom de S. vulgare var. linearifolium le S. ßavifoliuni de Kützing et le S. ynegalophylluju de ^\onXas,nQ {Species Sargassorinn Aus- tralien, p. 108). La mention « parties chaudes de l'Océan européen « semble s'appliquer uniquement au S megalophyllum qu'il cite de Tanger, de Cadix et du Portugal. La détermination des Sargassian, particulièrement des variétés du 5. vulgare est d'ailleurs difficile et souvent incertaine; toutefois, la plante rejetée dans le golfe est toujours semblable à elle-même. (2) Douteux, mais non invraisemblable. Mon ami et collègue, le DrGuillaud [Les graines d'Amérique à la côte du golfe de Gascogne, Journal d'Histoire Naturelle de Bordeaux et du Sud-Ouest, i883) a récolté en juin 1881, au cap Ferret (entrée du bassin d'Arcachon), les graines de trois (légumineuses abondantes aux Antilles C'étaient VEntada scandens Benth., Mimosée grim- pante tropicale naturalisée près des côtes de tous les pays chauds; le Guilan- dina Bonducella L. ou Bonduc, arbrisseau grimpant à graines grisâtres connues sous le nom (X œil-de-chat, qui habite aussi le littoral des pays chauds, notamment les Antilles; enfin, Vœil de bourrique, graine du Mucuna iirens, véritable liane des forêts qui bordent les rivières, dans les pays tro- picaux. Faisant une enquête, le D"" Guillaud apprit que les œil-de-chat sont assez fréquemment rerïcontrés au sud, sur la côte du Vieux-Boucau (près de Bayonne), et au nord, sur la côte d'Angoulins (Charente-Inférieure). Des — ID — en excellent état. J'ai dit ailleurs (i) que les oosphères, puis les œufs, restent adhérents aux réceptacles, englobés dans un épais mésochiton gélatineux où les embryons se développent en cours de route. Ceux-ci abandonnent assez tard leur support et le mésochiton et tombent ; la couche gélatineuse protège donc leurs débuts contre les bactéries ou d'autres causes de destruction. La contiguïté des conceptacles mâles et femelles sur un môme réceptacle favorise la fécondation, et des œufs ou des embryons garnissent souvent les réceptacles rejetés à la côte. Les récep- tacles étant rapprochés les uns des autres et très fructifères, d'autre part les fragments qui les apportent étant d'excellents flotteurs, le sol de Guéthary et de Biarritz devrait être jonché de jeunes germinations. D'autant plus que la plante est très résis- tante et peut être impunément abandonnée et reprise par le flot : une branche que j'avais ramassée sur la grève où elle gisait depuis plusieurs heures, par un temps chaud et un ciel couvert, dont toutes les oosphères déhiscées étaient aplaties dans un mésochiton contracté, fut mise dans l'eau ; le méso- chiton se gonfla, les oosphères reprirent leur forme et le len- demain elles fournissaient des embryons. Tout semble donc concourir à assurer l'implantation et la propagation de la plante dans le golfe de Gascogne. Néanmoins, douaniers lui envoyèrent des graines recueillies de i5 à 35 kilomètres au sud du bassin d'Arcachon ; c'étaient encore des graines d'Entada scandens, de Miicuna urens et d'une autre Légumineuse indéterminée. Ces graines se rencontrent surtout pendant l'hiver, après les gros mauvais temps et les forts vents d'ouest ; l'auteur admet qu'elles sont transportées par le Gulf- Stream. 11 rappelle que les graines américaines, trouvées par Sloane en Ecosse en 1695, appartenaient aux mêmes espèces et que Charles Martins a ramassé au Cap Nord (Scandinavie), parmi les galets du rivage, une graine dCEntada scandens. Je ferai remarquer que ces trois plantes sont sans intérêt com- mercial, ne sont plus usitées en pharmacie depuis longtemps et ne furent jamais expédiées en assez grande quantité pour laisser supposer qu'elles proviennent de naufrages ou plutôt de colis éventrés dans les ports. Ce dernier cas, en effet, est assez fréquent ; lorsque Thuret habitait Antibes, il récolta plusieurs fois, sur la côte, des gousses de Cassia Fistula ; elles pro- venaient de Marseille et non de leur pays d'origine (Bornet in litt.). Enfin, le D"" Guillaud ajoute à sa Note qu'une petite Euphorbe, originaire de l'Amérique du Nord, E. polygonifolius L., voisine de VE. Peplis, s'est répandue sur tous les sables maritimes du golfe de Gascogne ; il est possible qu'elle se soit introduite chez nous par des graines transportées par les courants. (i) C. Sauvageau, a propos des Gystoseira... etc. loc. cit., p. 33. (342) — i6 - elle est d'une extrême rareté sur les rochers littoraux ; Thuret et Bornet en ont récolté un individu à Biarritz ; j'en ai trouvé un à Guéthary en 1893, deux en 1898 et un autre à Saint-Sébastien en 1898 ; Je ne l'ai pas revue depuis. Ces cinq exemplaires étaient complets, munis d'aérocystes et de réceptacles rameux; l'examen de celui de 1893, le seul que j'aie conservé, montre que ses éléments reproducteurs mûrissaient et que les embryons se développaient sur les réceptacles comme chez les individus rejetés. Cependant, le fait que des Sargassum d'origine lointaine, transportés par le courant superficiel qui vient du sud, peuvent développer quelques individus sur les rochers, éclaire la trou- vaille du Cfsloseiî^a abrotanifolia par Bory, en i8i3, sur les rochers intérieurs de Saint-Jean-de-Luz (i). Cette espèce médi- terranéenne déborde dans l'Atlantique, à Cadix, Tanger, Madère ; on l'a signalée plusieurs fois ailleurs, par méprise avec les C. fœniculacea et rnyriophylloides. Les exemplaires de Bory sont au contraire parfaitement caractérisés. Un apport d'une branche fructifiée a suffi pour ensemencer la baie de Saint- Jean-de-Luz ; des individus se sont développés, mais la plante ne s'est pas maintenue. Tout autre est le cas du Cystoseira gr^aiiulata^ seule espèce tophuleuse de nos côtes de l'Océan, commune en Irlande, Angle- terre, Normandie, Bretagne, Vendée. Les exemplaires les plus méridionaux de l'herbier Thuret avaient été récoltés par moi aux îles de Ré et d'Oléron, où il est très répandu ; j'entends des exemplaires récoltés sur place, car ceux que divers collecteurs rapportèrent de Bayonne, de Cadix ou même du Sénégal avaient manifestement été ramassés à la côte. Ses rameaux flottent bien, à cause de leurs aérocystes en chapelets, comparables à ceux du C. concatenata ; la plante entière flotte moins bien, car la tige est épaisse, alourdie par les tophules et par les nombreux epi- phytes animaux et végétaux qu'entraîne la présence des tophules. Dans mes excursions de 1895 à 1898, alors que je m'appliquais à établir l'inventaire de la flore algologique du golfe de Gascogne, j'arrachais souvent des Cfstoseira pour y rechercher les espèces qui s'insèrent sur leurs tiges et je fouillais le goémon rejeté; fi) C. Sauvageau, a propos des Cystoseira..., etc., loc. cit., p. 35. — 17 — je ne l'ai cependant jamais rencontré. J'en connaissais seulement deux mauvais spécimens, deux sommets, envoyés de Bayonne à Bory par Fauché, en i823, et que les courants y avaient certai- nement apporté. Or, le 5 juillet 1909, j'ai trouvé sur la plage de Guéthary, parmi un goémon abondant, un très bel exemplaire entier dont la tige mesurait une vingtaine de centimètres et qui ne pouvait venir de loin (i). Le lendemain, j'ai cherché la plante sur les rochers, où je n'avais pas herborisé depuis l'automne de 1898 (2), et je l'ai rencontrée en nombreux exemplaires de tout âge parmi des Cfsloseiî^a ericoides sur la bordure intérieure d'un étang de basse mer, précisément à l'endroit où, en 1898, je recherchais de préférence le Sphacelaria Hjslrix sur le C. ericoides et tout près duquel je passais pour me rendre à la station où abondent le Cutleria adspersa et V Aglaoio7iia melanoidea. Puis, je l'ai vue sur divers points du littoral de Guéthary; elle n'y était pas rare, mais on ne la rencontre pas dans la zone du Saccorhiia bulbosa où abonde le C. ericoides. Elle n'aurait donc pu échapper à mon attention, lors de mes précédentes excursions, si elle avait existé. Je n'ai pas eu le loisir de la chercher à Biarritz où je n'ai pas herborisé depuis 1-904. En outre, Thuret et Bornet séjournèrent à Biarritz et Gué- thary en 1834, i858, 1868, 1870 à différentes époques de l'année, au total de mai à octobre, pour y préparer plusieurs des Mono- graphies des Etudes pliycologiques et des Notes algologiques et en étudier la flore marine en général ; au début du 19*^ siècle, Thore, Faucher, Bory, puis Grateloup, Darracq, Lespinasse herborisèrent dans la région ; de nombreux représentants de leurs récoltes d'Algues figurent dans l'herbier Thuret et cependant le C. granulata y est réduit aux deux exemplaires de Bayonne cités plus haut. Sans craindre de se tromper, on peut donc affirmer l'implantation récente du C. granulata observé pour la première fois en 1909. La tige des plus anciens exemplaires vus alors atteignait 25 centimètres et, d'après la disposition des tophulcs, ils n'avaient pas moins de cinq à six ans d'âge. La plante semble avoir actuellement plutôt une tendance à s'étendre qu'à dispa- raître. (i) C. Sauvageau, Sur le Cystoseira granulata et la difficulté de la natu- ralisation de quelc^ues autres Algues dans le golfe de Gascogne. C. R. de la Société de Biologie, t. lxvii, Paris, 1909. (2) Je ne mentionne pas deux excursions, des 10 et 11 avril 1902, entre- prises dans un but trop spécial pour en faire état. (342) De toutes les grandes Algues brunes citées plus haut, la seule qui, depuis un siècle, se soit implantée dans le fond du golfe de Gascogne est précisément celle que le flot ou les courants y conduisent le plus rarement ; l'importation du C. gj^aniilata est toute récente, mais comme il est vivace et très fertile, que ses plantules sont nombreuses sur les rochers de Guéthary, sa natu- ralisation est sans doute définitive (i). Gette émigration n'en- traîne pas de modifications précises dans l'état du C. g?^ajiulata ; toutefois, il devient iridescent, ou plutôt augmente son irides- cence, propriété physiologique qui, chez d'autres Cystosei?^a, s'accentue pareillement du nord au sud. Le C. granulaia et le C. concatenata paraissent proches parents ; le premier s'étant naturalisé dans une région où le second est importé chaque année, une hybridation entre eux deviendrait possible. En s'implantant sur la côte basque, le C. granulata a dû entrer en lutte avec les espèces qui déjà avaient pris possession du sol. Dans un autre point du golfe de Gascogne, le bassin d'Arcachon, nous assistons au peuplement d'un espace libre. De Bayonne à l'embouchure de la Gironde, la côte est constituée par le sable fin des dunes, par conséquent stérile. Avant que le bassin d'Arcachon fut un centre ostréicole, et que ses rives fussent transformées en stations balnéaires, il était pareillement sableux ou vaseux ; le flot y apportait des Algues variées qui ne s'y installaient pas. Depuis, les conditions ont changé. Le relevé des espèces, peu nombreuses d'ailleurs, que l'on y rencontre, n'a pas été fait. J'ai eu récemment l'occasion d'en citer quelques unes et j'ai insisté sur la présence de deux espèces, Codiiim elongalum et Hypnea musciformis, celle-ci extrêmement abon- dante, qui, venues du sud, y atteignent probablement leur limite septentrionale actuelle. Je renvoie le lecteur à cette Note (2). (i) Autant que pareille chose peut être définitive. Dans le Supplément à mon Mémoire sur les Cysioseira (voir plus haut) j'émets l'idée que le C.sela- ginoides méditerranéen a pour origine le C. granulata, ce qui suppose à priori, la présence du C. granulata, dans les temps anciens, aux alentours océaniques du détroit de Gibraltar. (2) C. Sauvageau, a propos du Colpomenia sinuosa signalé dans les huî- trières de la Rivière de Vannes. Bulletin de la Station biologique d'Arcachon, ge année, Paris, igo6. — 19 III. Manche. A cause de sa position avancée dans TOcéan et de l'incessant mouvement de ses ports, la région de Brest reçut sans doute fréquemment des Algues étrangères ; une comparaison avec le catalogue des frères Crouan établirait facilement si quelques- unes se sont acclimatées, mais les frères Crouan n'ont pas laissé de successeurs. La région de Cherbourg est plus favorisée : M. Corbière y continue l'œuvre de Le Jolis ; le regretté Creuiy et M"^ Doublet y ont fait d'intéressantes récoltes ; la flore marine de la région est donc attentivement surveillée. L'un des plus curieux exemples d'envahissement d'une Algue marine est celui du Colpomenia sinuosa ; les circonstances dans lesquelles il s'est signalé à l'attention l'ont rendu d'emblée presque célèbre (i). Au printemps de 1906, les ostréiculteurs du Morbihan furent la proie de vives inquiétudes. Une Algue en forme de vessie, d'un jaune brunâtre qu'ils appellaient « Ballon » s'était développée en quantité prodigieuse dans la région dite « Rivière de Vannes» ; fixée sur les Huîtres, elle les soulevait et les entraînait au moment du flot ; on tendit des filets autour des parcs pour em- pêcher la fuite des Huîtres ; c'était une calamité. L'inspecteur des pêches maritimes, M. Fabre-Domergue, consulté par les parqueurs, soumit l'Algue en question à Ed. Bornet qui reconnut aussitôt le Colpomenia sinuosa, fréquent dans la Méditerranée et dans les parties de l'Atlantique immédiatement voisines, mais jamais vu encore sur les côtes océaniques de France. M. Fabre-Domergue en conclut que le Colpomenia avait dû être importé dans le golfe du Morbihan sur la coque d'un bateau et que le premier hiver un peu rude l'anéantirait complètement. Cela paraissait vraisemblable; néanmoins, la première hypothèse restera toujours incertaine et si le Colpomenia a disparu de diverses parties de la Rivière de Vannes, il prospère actuellement dans des régions plus froides. La seule difficulté que présentât le diagnostic de la plante ( I ) Il y a toute une bibliographie récente sur cette espèce ; on la trouvera dans Mme Paul Lemoine, L'envahissement progressif d'une Algue sur le littoral français. La Géographie, t. xxvi, Paris, 1912. (342) 20 était la confusion possible avec une Algue abondante chez nous, le Leathesia difformis^ mais Texamen microscopique ne laisse aucun doute sur l'identification de l'une et l'autre espèce ; il suffisait d'être prévenu. M. Fabre-Domergue avait publié sa Note le 28 mai 1906. Pendant les vacances qui suivirent, divers biolo- gistes occupèrent leurs loisirs à rechercher cette « voleus-e d'Huîtres », comme l'appelait Giard, et on la trouvait à Belle-Ile- en-Mer, à Cherbourg, à Saint-Vaast-la-Hougue (Mangin et ses élèves), dans le Pas-de-Calais et sur la côte anglaise de la Manche. On ne saura jamais d'où vint le Colpomenia^ ni où ni quand il apparut réellement sur nos côtes. En effet, le premier moment de surprise passé, on fit des enquêtes. M. le Pontois, ostréiculteur et maire de Vannes, m'a affirmé que ses parcs, ravagés en 1906, l'abritaient depuis plusieurs années, en trop faible quantité tou- tefois pour mériter l'attention au point de vue ostréicole ; l'année 1906 ne fut donc pas celle de l'apparition, mais celle d'une formi- dable multiplication grâce à laquelle les botanistes s'aperçurent de sa présence. M. Corbière publiait que M''^ Doublet possède des préparations faites à Cherbourg en mars 1906 (et vérifiées par Ed. Bornet), de Colpomenia fixés sur des Laurencia. Mangin rapporte qu'on l'aurait vu en septembre 1905 à Saint- Vaast. D'après A.-D. Cotton, à qui nous devons presque tout ce que l'on sait sur le Colpomenia anglais, Tun de ses correspondants l'aurait vu aux îles Sorlingues(Scilly Islands) en août 1905. Puis M. Hen- neguy le trouvait en 1907 au Croisic^ l'un des endroits de nos côtes bien connus au point de vue algologique et je le voyais en abondance à l'île d'Oléron en avril 1909 et à l'île d'Yeu en 191 1 que les naturalistes ne fréquentent guère. L'ordre de ces consta- tations ne signifie rien et il serait puéril de discuter si, une fois les premiers germes importés, la migration se fit du sud au nord ou inversement ; il parait évident qu'un peu avant 1906, la plante existait, assez rare, sur divers points de la côte bretonne et de la Manche, et que cette année-là fut particulièrement favorable à sa puUulation. Le seul document précis sur son apparition en un lieu déterminé est fourni par mes observations à Guéthary où abonde le Leathesia ; d'après mes excursions de igioet 191 i, pendant lesquelles je l'ai soigneusement cherchée, je puis situer son apparition sur les rochers littoraux à la fin de l'année 1910. Depuis, je l'ai surveillée à diverses reprises ; elle est fréquente vers la fin de l'hiver et diminue beaucoup en été ; le Leathesia se développe plus tard. — 21 — Les craintes qu'il avait fait naître ne se sont pas réalisées ; il est epiphyte ou saxicole et ne recherche pas particulièrement les Huîtres. Il a même disparu de certaines parties de la Rivière de Vannes à la suite d'un curieux phénomène de lutte contre une autre espèce et dont M. Le Pontois fut le témoin. Au printemps de 1907, le Colpomenia apparut de nouveau dans les huitrières, menaçant, mais bientôt une Algue verte filamenteuse ramifiée, V Enteromorpha clathrata, connue d'ailleurs sur les côtes de France et d'Angleterre, se développa avec une telle profusion, de mai à juillet, fixée sur le sol ou sur les Huîtres, en filaments longs de 3o centimètres, qu'elle 1' « étouffa » et l'extermina; M. Le Pontois n'est même pas certain d'en avoir vu au printemps de 1908 et, désirant me l'envoyer en juillet 1908, il le chercha vai- nement sur toute l'étendue de ses parcs (i). Il a bien voulu m'in- former, au moment où j'écrivais cette Note, que V Enteromorpha continue à protéger efficacement ses parcs contre le Colpomenia, mais que celui-ci habite encore les parcs de certains de ses confrères. (i) Cette curieuse lutte entre Algues marines a été constatée parce qu'elle s'est produite dans des cultures d'Huîtres, et elle a été mentionnée à cause du célèbre Colpomenia ; sinon, les botanistes l'auraient ignorée. La concurence vitale pour la possession du sol est incessante entre les Algues annuelles, et les phénomènes comparables à ceux dont la Rivière de Vannes fut le théâtre ne sont pas rares, mais on remarque le vainqueur de la lutte sans prendre garde au vaincu ; c'est ce qui arrive toutes les fois qu'une espèce se multiplie dans un lieu avec une intensité inhabituelle. Ainsi, VHel- tninthocladia purpurea est une plante peu commune sur la côte basque ;. en juillet-août i8g5, j'en trouvai seulement quelques exemplaires rejetés ; en 1896, à la même date, on en trouvait çà et là sur les rochers ; en 1898, il était abondant mais sur son déclin, tandis que d'avril à juin son abondance et son développement avaient été prodigieux ; c'était alors l'Algue la plus apparente ; de loin, les rochers de mi-marée paraissaient roses ; en juin, en particulier, beaucoup d'exemplaires plus gros que le pouce à la base étaient si longs et si ramifiés qu'on ne pouvait les étaler sur une feuille d'herbigr même en les repliant et les contournant. Il disparut vers le milieu d'août. Je ne sais quel fut son état pendant les années suivantes, mais de 1909 à 1914 j'ai parcouru les rochers à toute saison sans le rencontrer autrement qu'en individus épars. Son anormale multiplication et l'énorme développement des individus en 1898 s'effectua assurément aux dépens d'autres espèces dont il prenait la place. Des faits de ce genre ne sont pas rares. Ed. Bornet m'a raconté que le Gigartina pistillata se trouve aux environs de Cherbourg en échantillons rares et isolés ; cependant, une certaine année, Pelveî le vit littéralement tapisser les rochers de Sainte-Antie ; l'année suivante il avait repris sa distri- bution habituelle. Des Algues rempantes, comme les Ralfsia, Aglao^ionia, Lithophylluin, Lithothamnion... etc., détruisent quantité d'Algues petites ou très jeunes sur lesquelles ils s'étalent; une année favorable à leur développement augmente le nombre de leurs victimes. (342) 22 — Il n'en fut pas de même partout. La plante se maintint dans la Manche ; actuellement, elle n'est pas rare à RoscofF et elle abonde à Cherbourg où elle apparaît en janvier pour atteindre son développement maximum eu mai. En 1907, M. Corbière m'en envoyait des exemplaires de i5 centimètres, et, comme si sa taille croissait avec l'accoutumance au climat, des individus non gênés par leurs voisins atteignaient, en 191 2, 3o à 35 centimètres de diamètre. Je n'en ai point vu d'aussi gros ni à Ténériffe, ni à Banyuls, ni à Palma. Sur la côte anglaise, que M. Cotton voit progressivement envahir, le Colpomenia est devenu l'Algue dominante en hiver et sa fructification est abondante surtout en pleine saison froide, de novembre à avril. Cet envahissement et ce changement de climat comportent aussi un enseignement pour les géologues dans leur appréciation des anciens climats d'après les végétaux fossiles. La naturalisation du Colpomenia simiosa sur toutes nos côtes de l'Océan et son exubérance sur celles de la Manche sontd'autant plus intéressantes qu'il est annuel ; des individus arrachés et flottants le répandent, mais il se multiplie exclusivement par des éléments reproducteurs motiles. Une autre Algue exotique, une Floridée, cette fois, introduite aussi à Cherbourg voici quelques années, ne s'y maintient que parce qu'elle est vivace ou plutôt possède des organes de conservation ; c'est le Bonnemaisonia hamifera dont l'existence scientifique est toute récente. Hariot publia, en 1891, une Liste de 54 espèces d'Algues marines récoltées par le D'" Savatier à Yokoska (Côte sud du Japon), dont la moitié environ habite aussi les côtes de France. L'une de ces espèces était entièrement nouvelle et très distincte ; l'auteur la nomma B. hamifera pour rappeler la transformation de certaines pinnules en crochets fixateurs fortement recourbés, très caractéristiques. La plante portait des cystocarpes remplis de spores paraissant bien constituées, mais l'auteur ne signale pas les anthéridies. Or, en août 1893, Buffham(i) rencontrait à Falmouth (Angle- terre) trois fragments flottants d'une Floridée inconnue pour lui qu'Ed. Bornet identifia avec le B. hamifera à' WanoX'^ leur parfait état de fraîcheur laissait supposer qu'ils provenaient de quelque (i) T. -H. BuFFHAM, On Bonnemaisonia hamifera Hariot, in Cornwall. Journal of the Queckett microscopical GIub,sér. 11, vol. vi, i8g6,avec planche. — 23 — point ignoré de la côte anglaise. Ces trois individus étaient femelles, ils portaient de nombreux procarpes munis de leur trichogyne, et aussi des cystocarpes, assez volumineux, mais dépourvus de spores et entièrement stériles ; le crampon d'un individu s'accrochait solidement à un brin d' Ahnfeltia plicata. En mai, puis en Août 1896, Holmes (i) trouvait le B. hamifera à rîle de Wight et, en juin 1897, il récoltait en deux semaines environ i5o spécimens à Falmouth, la plupart flottants, les autres accrochés à des Cystoseh^a granidata, Ceramiiim et Corallina, répartis sur une longueur d'environ i5 kilomètres. Entîn Cotton, après Tavoir récolté à Weymouth, le signalait récemment sur la côte ouest de l'Irlande (2). Ed. Bornet reconnaissait encore le B. hamifera dans une plante que Greuly, amateur cherbourgeois, trouva pour la première fois en 1898 aux Flamands, station des environs de Cherbourg. C'était dans un endroit calme, qu'une ceinture de gros blocs, placés autrefois pour l'établissement d'un parc à Huîtres, abrite des vents du large. Creuly m'en offrit de beaux exemplaires en 1906 ; il m'écrivait en 1907 que les pêcheurs qui y cherchent des vers bouleversent l'habitat de la plante dont il ne put trouver la moindre trace en juin 1908. Mais en novembre suivant on la découvrit dans Tanse Saint-Martin, à une vingtaine de kilomètres de Cherbourg et M. Corbière en connaît actuel- lement plusieurs stations. Or, d'après Ed. Bornet (m /zY/.), les exemplaires cherbourgeois, comme ceux de Buffham, sont femelles; les procarpes abondent, des péricarpes se développent parfois, acquièrent même un certain volume, mais ne renferment jamais de spores. La plante se conserve par ses crochets qui sont épais, charnus et persistent pendant le repos de la végétation. Au printemps, il s'en élève des pousses dressées qui deviennent des thalles hauts de i5 à 20 centimètres et disparaissent après quelques mois. Un seul individu, un individu femelle, fut donc importé en Europe, vraisemblablement sur la coque d'un bateau ; c'est le même individu qui se conserve et se propage par boutures natu- relles ; l'invasion débuta peut-être sur la rive anglaise pour se répandre sur la rive française mais l'inverse est possible. De ce (i) E.-M. Holmes, Note on Bonnemaisonia hamifera Har. Journal of Botany, 1897. {2) A.-D. Cotton, Marine Algce ; Clare Island Survey, Dublin, 1912. (342) — 24 — que le B. hamifera fut d'abord récolté au Japon, il n'en résulte pas nécessairement que la première bouture européenne vint du Japon; Gardner a retrouvé la plante dans l'état de Washington où elle possède des cystocarpes, des anthéridies et des tétras- poranges (i). UHjynea miisciformis a des crochets, comme le B. hamifera^ et ces organes ont peut-être facilité son introduction dans le bassin d'Arcachon. Or, Gomont et Malard l'ont vu à Saint-Vaast* la-Hougue (Manche) deux fois seulement, dans les huîtrières ; son importation à Saint-Vaast par les Huîtres expédiées d'Ar- cachon,, pays d'élevage, est très vraisemblable (2), mais il ne s'y est pas maintenu. UAlaria esciiîenla (3), longue Laminaire boréale qui recherche les endroits battus, descend sur la côte anglaise et n'y est pas rare ; depuis longtemps, on le connaît chez nous sur la côte du Finistère ; il s'est introduit à Cherbourg depuis moins d'un demi siècle. Plusieurs algologues avaient exploré les environs de Cher- bourg avant Le Jolis et sa Liste, publiée en i863, utilisait les récoltes de ses devanciers, les siennes et celles de Thuret et Bornet « qui, pendant cinq années, dit-il, ont exploré notre littoral à toutes les saisons » ; il y mentionne les espèces récoltées sur place et celles que la mer rejette commxC épaves, même excep- tionnellement. L'Alaria n'y est pas mentionné. Or, l'herbier personnel de Le Jolis en renferme deux individus avec la mention « Digue de Cherbourg, 4 juin 1875 » et l'herbier Thuret en ren- ferme quatre, récoltés au même lieu par Rostafinski en janvier 1877. Depuis une douzaine d'années, M. Corbière le rencontrait comme épave à la Baie Sainte-Anne et à Nacqueville, et le plus souvent en parfait état de fraîcheur; avec le concours de M^'^ Doublet, il a profité des marées de mars, avril, mai 1918 pour découvrir ses gisements ; en prenant beaucoup de peine, car l'exploration est fort pénible, ils ont réussi à élucider cette intéressante question. (i) Setchell et Gardner, Algce of northwestern America. University of California Publications. Botany, t. i, Berkeley, igo3. (2) G. Sauvageau, a propos du Golpomenia, etc. he. cit. (3) Pour plus de détails, Cf. G. Sauvageau, Recherches sur les Lami- naires... etc. — 25 — La vaste rade de Cherbourg est artificielle ; elle est limitée au N. par une digue ancienne ou grande digue, longue d'environ 3700 mètres qu'une passe de iioo mètres sépare, à TW., de la digue pareillement exposée au N., appuyée aux rochers de Querqueville, achevée seulement en 1896 et longue d'environ I [00 mètres. A TE., une passe de 900 mètres sépare la grande digue de Tîle Pelée, et enfin la digue des Flamands, longue de 2000 mètres, relie l'île Pelée à la terre. La grande digue et celle de Querqueville sont furieusement battues ; d'énormes blocs de quartzite ou de béton en protègent le pied contre la violence des vagues. Or, VAla?^ia abonde sur les blocs protecteurs extérieurs des deux digues exposées au N. et sur les musoirs de la passe de rW ; il manque à l'île Pelée et à la digue des Flamands. Ainsi, un peu avant 1875, VAlaî^ia s'établit sur quelques blocs de la grande digue, se répandit progressivement sur tous, franchit les iioo mètres de la passe de l'W., pour envahir les blocs de la digue de Querqueville, et ceci depuis 1896 ; enfin, M. Corbière l'a découvert sur les rochers mêmes du fort de Querqueville et l'a suivi sur une centaine de mètres. La plante est donc bien naturalisée à Cherbourg et ses stations sont beaucoup plus étendues et mieux fournies qu'à Roscotf; elle envahit la côte vers l'Ouest et pourra se répandre davantage. Mon obligeant collègue m"a fait part de l'observation sui- vante : UAlaria s'est répandu avec autant de facilité sur les blocs de quartzite ou de béton artificiel, parce qu'il trouvait là un terrain neuf; on pourrait presque dire un terrain constamment neuf, car, la mer les remuant malgré leur poids de plusieurs tonnes et les usant assez rapidement, leur durée moyenne est d'une quinzaine d'années et on les remplace continuellement. Sur les rochers de l'île Pelée, où les conditions seraient en appa- rence très favorables, d'abondants Laminaria^ Fucus ser^î^atus^ Rhodymenia palmata, qui occupent le niveau où il eût pu s'établir, ont soutenu la lutte et n'ont pas cédé leur place ; sur les rochers de Querqueville, où d'ailleurs sans être rare il est moins abondant que sur les blocs, M. Corbière l'a vu seulement dans les points où les autres grandes Algues manquaient. L'introduction de VAlaria en France s'est vraisemblablement faite par Ouessant et de là sur différents points du Finistère. Vivant sur les rochers fortement battus et n'existant point dans les ports, un bateau n'a pu l'importer à Cherbourg où, comme (342) — 26 — M. Corbière Ta vérifié, il ne s'est pas introduit dans la rade, hormis aux musoirs de la passe de l'ouest. A condition toutefois qu'il ne soit pas trop chargé de sporophylles, VAlai^ia est bien plus léger que les autres Laminaires océaniques ; un courant a conduit un individu fructifié devant la grande digue de Cher- bourg où le flot l'a déposé sur les blocs. Cet individu n'a pu arriver par la Mer du Nord ; il a dû suivre le courant qui vient de l'ouest et arriver soit de la côte anglaise soit de la côte du Finistère ; ce qui surprend, c'est que le phénomène ne se soit pas produit avant 1870. Cette recherche de VAlaria sur les rochers battus de la basse mer permit à M. Corbière de faire la trouvaille intéressante du Lomentaî^ia rosea Thur., Floridée boréale rare en Angleterre et qui n'avait encore était vue sur le littoral français qu'à Brest par les frères Crouan. Cette plante longue de quelques centimètres est beaucoup moins apparente que l'yl/ar/a, mais les alentours de Cherbourg furent si soigneusement explorés naguère qu'on l'eût certainement vue si sa présence n'était récente. D'ailleurs, la population algologique des deux rives de la Manche diffère surtout par la présence, sur la rive anglaise, de quelques espèces de la Mer du Nord qui se sont avancées le long des côtes d'Ecosse et d'Angleterre plus favorables aux migrations à petite distance que celles de Hollande, de Belgique ou du nord de la France. A moins d'introductions nouvelles, la flore des deux rives s'uniformisera tôt ou tard. Inversement, une autre Laminaire tout récemment importée et naturalisée dans la Manche a dû y venir par l'intermédiaire d'un bateau. Il s'agit du Lammaria Lejolisii Sauv., vu pour la première fois à Roscoff en 19 16 (i). Les environs de Roscoff sont moins bien connus que ceux de Cherbourg ; cependant, des algologues comme M"^ Karsakoff, M"^ Vickers, J. Chalon y ont herborisé à maintes reprises et la Station biologique y attire de nombreux naturalistes. Or, une Algue, de basse mer il est vrai, dont la tige dépasse i mètre de longueur et 3 à 5 centimètres de diamètre à sa base, dont la lame digitée atteint jusqu'à 2 *" 5p de longueur avec une largeur (i) C. Sauvageau, Sur une Laminaire nouvelle pour les côtes de France (Laminaria Lejolisii Sauv.). G. R. de l'Académie des Sciences, t. ci.xiii, Paris, 1916. — 27 — proportionnée, pourrait d'autant moins passer inaperçue que sa lame blanchâtre, comme e'tiolée, la distingue au premier coup d'œil des L. Cloustonii et L. ßexicaulis parmi lesquels elle vit ; d'autant moins encore qu'elle existe à l'île Verte, située tout près du Laboratoire, et qu'elle abonde aux Roches Duon, lieu d'ex- cursion classique où travailleurs et étudiants sont conduits chaque année. De croissance plus rapide que le L. Clouslonii, le L. Lejolisii pourra l'évincer en partie si son envahissement continue. Le plus étonnant, c'est que cette grande plante, nou- velle pour Roscoff, n'a jamais été décrite et que j'ai dû la nommer ; ceci laisse croire que ses stations antérieures en les supposant européennes, ne sont pas sur une côte, mais sur un îlot, un écueil ou un haut-fond éloigné de terre, ou séparé de terre par une fosse profonde, d'où les tempêtes l'arrachent sans la conduire à la côte. Dans ce cas, un bateau de surface n'aurait pu l'amener dans la Manche et j'ai supposé qu'un sous-marin, ayant séjourné sur quelque haut-fond où elle habite, en aurait transporté un fragment fructifère. Tandis que les C. concatenata et S. vulgai'e trahissent leur origine méridionale, on ne pourrait dire si le L. Lejolisii est venu du nord ou du sud. Je ne l'ai pas encore cherché en dehors de la région de Roscoff et ni M. Corbière ni M"^ Doublet, qui s'y sont intéressé, ne l'ont vu aux environs de Cherbourg. En résumé, les importations fortuites d'Algues marines sont certainement fréquentes, mais nous ignorons la plupart de celles qui donnent des résultats éphémères et il ne peut en être autrement. La motilité des éléments reproducteurs n'entre guère en considération quand il s'agit d'expliquer l'extension d'une Algue d'un point à un autre, si ce n'est de proche en proche et pour ainsi dire sans solution de continuité, car la motilité dure peu et la vitesse, comparée à celle d'un courant, même d'im- portance minime, est insignifiante. Les Algues vertes et les Algues brunes ne sont donc pas plus favorisées sous ce rapport que les Floridées ; elles le sont cependant par le nombre immense de leurs germes. L'extension de l'aire géographique se réalise surtout par le transport d'individus ou de fragments fertiles qui mûrissent en cours de route et essaiment à leur arrivée. La naturalisation du Cjstoseira grauiilata dans le fond du golfe de Gascogne correspond à des conditions normales de la (342) — 2» — vie marine puisque la plante existait, abondante, à faible distance et l'on prévoit que, avec le temps, elle atteindra la côte espagnole et s'y répandra. Il en est de même de VAlaria esciilenta qui se répandra autour de Cherbourg. L'un et l'autre furent vraisem- blablement importés comme épaves. La migration des Colpo- nienia sinuosa, Laminaina Lejolisii^ Bonneuiaisonia hamifera fut accidentelle ; les fragments ou les individus émigrés étaient vraisemblablement fixés à un support flottant, de préférence un bateau. L'envahissement rapide et l'extraordinaire pullulation du Colpo7nenia sinuosa sont comparables à ceux de certaines mau- vaises herbes, parmi les plantes terrestres, qui se répandent à profusion là où elles s'introduisent, et réussissent à évincer celles qui s'y étaient déjà établies. Le Bonnemaisonia hamifera stérile se maintient et se propage lentement depuis 25 ans par multiplication végétative, comme font VElodea canadejisis et bien d'autres Phanérogames. Au contraire, la fréquence des apports de certaines espèces dans un même lieu, comme ceux de VHimanthalia Lorea^ du Cystoseira concatenata^ du Sa?^gassmn vulgare var. ßavifolium dans le fond du golfe de Gascogne prouve qu'ils resteront infructueux. Si ces Algues pouvaient y vivre, on les trouverait depuis longtemps sur les rochers. Bulletin de l'Instittjt Océanogr aphiqi; f. (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 343. — 5 Août igiS. kï'l-'if Note préliminaire sur les Antipathaires recueillis par la Princesse-Alice, de 1903 à 1913 inclusivement. Par Ch. GRAVIER Les Antipathaires recueillis par V HIRONDELLE de i885 à 1888 et par la PRINCESSE-ALICE de 1888 à 1902 inclusivement ont fait Tobjet d'un travail étendu de L. Roule (1905). Au cours des croisières de la PRINCESSE-ALICE de 1903 à 1913 inclusivement, dans les mêmes parages que dans la période antérieure 1888 - 1902, c'est-à-dire dans la région des Açores, des Canaries, des îles du Cap Vert, au voisinage des côtes du Maroc et de la péninsule ibérique, ont été draguées les 10 espèces suivantes : Sticlîopathes flagellum Roule. Slichopalhes Richardi Roule. ? Sticlîopathes gracilis (Gray). Stichopathes robusta n. sp. Tflopathes atlantica Roule. Leiopathes glabcr^rima (Esper). Aphajiipathes Wollastoni Brook. Parantipathcs larix (Esper). Bathypathes patiiLi Brook. Bathfpathes lyra Brook. Si Ton remarque que, comme le dit L. Roule lui-même, le Leiopathes Grimaldii Roule se rapproche du Leiopathes glaber- rima, qu'en outre, le même auteur est disposé à croire que VAphanipathes (Aiitipathes) squamosa W. Koch (du golfe de Guinée), V Anlipathes spinescens Gray, V Antipalhes siibpiwiata Gray, VAphanipathes Wollastoni iîrook et peut-être même ]' Antipalhes alopecuroides Ellis and Solandcr sont synonymes, (343) on constate, en comparant la liste pre'ce'dente à celle qu'a donne'c L. Roule en igoS, que les campagnes de la PRINCESSE-ALICE^ de 1903 à 191 3 n'ont fourni que trois nouveaux noms d'espèces à la liste dressée par Roule, ce qui n'a rien de surprenant, puisque, durant cette période, ce sont les mêmes régions de l'Atlantique nord qui ont été explorées. L'une de ces trois espèces, le Slichopathes robiista paraît n'avoir jamais été décrite jusqu'ici. La seconde, le Stichopalhes gracilis Gray, a été précé- demment trouvée en premier lieu à Madère et en second lieu par la VALDIVIA sur le Banc de Seine (Station 25 : lat. 33° 43', 8 N. ; long. 14° 20' W.). Quant à la troisième, le Bathypathes lyi^a Brook, il est intéressant de constater qu'elle n'est connue jusqu'ici qu'en deux points du Pacifique, où elle fut récoltée par le CHALLENGER, à la station 181, à environ 4400 mètres de profondeur, à l'est du Japon et à la station 246, au sud-est de la Nouvelle-Guinée, à 3700 mètres environ de profondeur. Ce sont les profondeurs les plus grandes auxquelles ont été dragués des Antipathaires. Comme on le voit, le Bathjpathes Ijra semble mériter entre tous le nom d'espèce abyssale. De même que beaucoup d'autres Cœlentérés, certains Anti- pathaires peuvent vivre à des profondeurs très diverses. C'est ainsi que le Stichopalhes assimilis Roule a été trouvé par la PRINCESSE-ALICE k 240 mètres (Stn. 1242, 1901) et à (423 mètres (Stn. 806, 1897) ; que VAphanipathes squamosa Koch a été dragué à 02 mètres de profondeur (Stn. ii52, 1901) et à 1642 mètres (Stn. 1223, 1901); que le Slichopalhes Poiirtalcsi Brook est très commun aux Antilles entre 46 brasses (91 mètres) et 878 brasses (i58o mètres), etc. En revanche, le genre Bathy- palhes semble localisé dans les grandes profondeurs. Toutes les espèces de ce genre connues jusqu'ici proviennent de profondeurs comprises entre 1930 mètres {Bathjpathes patitla Brook et ^440 mètres [Bathjpathes If va Brook) ; sauf cependant dans l'Antarc- tique, où le Bathypathes patula et le Bathypathes alteniata Brook ont été récoltés par la « Scottish National Antarctic l'ixpedition » à 100 mètres environ de profondeur (56 brasses) au Burdwook Bank (lat. 54° 25' S. ; long. 57° 32' W.). Dans ces parages, les Bathypathes trouvent sans doute des conditions de température très voisines de celles qu'elles ont dans l'Atlantique et dans le Pacifique, à des profondeurs plus considérables. Il est curieux de remarquer que le CHALLENGER qui a lon- guement parcouru l'Océan Atlantique, au nord et au sud de l'Equateur, n'y a recueilli aucune espèce appartenant aux genres Stichopalhes^ Leiopathes, Antipalhes et Parantipalhes. De l'Atlantique septentrional, il n'a rapporté qu'un seul Antipa- thaire, le Pteropathes fragilis Brook ; or, en tenant compte des collections de V HIRONDELLE et de la PRINCESSE-ALICE et aussi de celles de la VALDIVIA (L. S. Schultze), du CAUDAN — 3 — (L. Roule), de celles faites à Madère (Gray, Brook, J. Y. John- son), on connaît aujourd'hui 25 espèces d'Antipathaires dans la partie orientale de TAtlantique. Comme les Antipathaires, en majeure partie, habitent les grands fonds, il est étonnant que la « Tiefsee-Expedition » n'ait dragué que 5 espèces, dont 3 nouvelles, de ces animaux. G. Brook, dans son étude des Antipathaires du CHALLENGER soulignait la pauvreté de la faune de TAtlantique nord au point de vue de ces animaux, comparativement à celle de la mer des Antilles, où 27 espèces avaient été signalées. Grâce surtout aux croisières de V HIRONDELLE et de la PRINCESSE-ALICE, on sait maintenant que les Antipathaires sont aussi largement représentés dans la partie orientale de TAtlantique que dans la partie occidentale de cet Océan. Il faut dire que lorsqu'on aura pu étudier les polypes de nombre de formes dont on ne connaît — et souvent imparfai- tement — que le squelette, il faudra procéder à une révision qui réduira sûrement le nombre des espèces admises aujourd'hui. Stichopathes robusta n. sp. Campagne de 191 1 : Stn. 3ii3, profondeur 1700 mètres. Un exemplaire. Incomplet à ses deux extrémités, l'exemplaire de la station 3ii3 a 14 centimètres, 5 de longueur. L'axe indivis, un peu infléchi à sa partie supérieure, est de couleur jaune brun foncé ; son diamètre, à la partie inférieure, est de i"^'", o5 et, à l'extré- mité opposée, de o™'", 4b. Il porte, dans la partie la plus large, des épines nombreuses et petites, à disposition un peu irré- gulière, où l'alignement en séries longitudinales est un peu confus en certains points (Fig. i). Il s'effile graduellement à sa partie supérieure (Fig. 2). Deux bandes transversales sombres paraissent dues à des brisures qui ont été sans doute suivies de soudure. Les épines, dans cette région, conservent sensiblement les mômes dimensions et le même vague alignement qu'à l'autre extrémité ; elles sont un peu moins drues qu'à la base ; nulle part, elles ne transpercent le cœnenchyme et ne font saillie à la surface. Les tissus mous sont conservés, mais malheureusement en assez mauvais état. Ce qui caractérise les polypes, c'est surtout leurs grandes dimensions par rapport à celles des polypes de la plupart des autres Antipathaires. Sur les 14 centimètres environ recouverts de leurs parties molles chez l'exemplaire de la station 3ii3, il n'y a guère qu'une vingtaine de polypes ; ceux-ci ont une longueur moyenne de 5'"'", 5 dans le sens de l'axe. Les tissus sont très contractés, de sorte que la figure 3 qui représente l'un '343) — 4 — de ces polypes ne donne pas une ide'e exacte de l'aspect de ces derniers à l'état vivant. La masse buccale est très saillante et se termine en haut par un bourrelet qui encadre une fente normale à l'axe solide et correspondant à Touverture de la bouche. Les tentacules médians sont insérés un peu plus bas que les latéraux et sont un peu plus longs qu'eux. Tous ces appendices sont trapus, larges à la base et terminés en pointe mousse, ce qui tient probablement à leur état de contraction. La distance qui sépare deux polypes consécutifs est d'un milli- mètre environ. P'ig. I. — Axe so- lide du Stichopathes robiista, dans la partie la plus large. Fig. 2. — Le même axe so- lide, à la partie supérieure. Fig. 3. — Vue de profil d'un polype de la partie moyenne. Par la disposition des épines, l'espèce décrite ci-dessus se rapproche un peu du Stichopathes occidejiialis {Gray) ', mais ici, les épines paraissent être plus petites et aussi plus nombreuses que chez l'espèce de Gray, dont les polypes n'ont pas été décrits. Je propose d'appeler cette espèce qui me semble bien différer de toutes celles dont on possède les diagnoses, Stichopathes robusla. Peut-être sera-t-elle à identifier un jour, quand elle sera moins incomplètement connue, avec l'une de ces nombreuses espèces dont l'axe corné seul a été vu. Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 344. — 3o Septembre 1918. Vif— V** ^ Note sur une Actinie (Thoracactis n. g., Top- senti n. sp.) et un Annélide Polychéte (Hermadion Fauveli n. sp.), commensaux d une Éponge siliceuse (Sarostegia oculata Topsent). Par Ch. GRAVIER I. Aux îles du Cap Vert [Station 1144 (828 mètres de profon- deur); Station 1193 (i3ii mètres de profondeur)], la PRIN- CESSE-ALICE a recueilli en 1901 de nombreux fragments vi- vants d'une Hexactinellide décrite par E. Topsent en 1904 sous le nom de Sai^ostegia n. g., oculata n. sp, (i). Cette Éponge a la forme d'une colonne reposant sur une plaque étroite et qui se divise par dichotomie irrégulière en un grand nombre de rameaux situés sensiblement dans le même plan; l'ensemble a la forme d'un élégant éventail qui peut atteindre une grande taille, mais trop fragile pour être ramené intact par le chalut qui le brise et n'en rapporte que des débris. Tout cet édifice est creux ; les rameaux, tantôt droits, tantôt et le plus souvent diversement incurvés, ont au plus 8 centimètres de longueur; leur diamètre varie entre 10'""^ à la base et 2""° à la périphérie; l'épaisseur de leur paroi est comprise entre 2'"'" à la base et o™"'5 dans les ramifications les plus grêles. Ils sont percés, presque toujours dans le plan de l'éventail, d'orifices exhalants (i) E. Topsent, Sarostegia oculata, Hexactinellide nouvelle des îles du Cap Vert, Bull. Mus. océanogr. Monaco, noio,i904, p. 4, 3 fig. dans le texte. — i — de forme allongée dont le grand axe, parallèle à celui de la branche correspondante, a de 5 à 6™"^ sur les principales bran- ches. Le squelette du Sarostegia oculata est formé essentielle- ment par plusieurs assises de spicules à trois axes rectangulaires deux à deux. Entre les spicules du derme, se dressent^, en les dépassant d'environ iSoix, une foule très dense de spicules dont l'extrémité saillante est toute barbelée et qui sont appelés sarules, parce qu'ils ont la forme de balais minuscules (i). D'après une aquarelle faite à bord de la PRINCESSE-ATICE en 1901, le Sarostegia oculata offre, à l'état vivant, un aspect très curieux. Il se montre couvert de très nombreuses petites Actinies étudiées plus loin, dont les plus grandes n'ont pas plus de 4"^"^ de largeur; en certains points, les intervalles qui les séparent n'ont pas plus de 2 à 3"^'". L'Éponge, semi-transpa- rente, est d'une belle teinte jaunâtre-rosé; les Actinies sont d'un jaune orange assez vif; c'est à elles, qui figurent comme des yeux à la surface de l'Eponge, que fait allusion le nom spéci- fique à'oculata. L'association est étroite entre l'Eponge et l'Actinie; celle-ci n'est absente que sur les rameaux morts; elle laisse, comme trace, la dépression sur laquelle elle était fixée. C'est le Talisman qui a dragué les premiers fragments de cette Eponge et dans les mêmes parages des îles du Cap Vert que la PRINCESSE-ALICE (16° 5i'-i6° 62' lat. N. — 25° 09'- 25'' 01' long. W., profondeur ögS-öSS"".) Il semble bien, comme me l'a écrit le professeur E. Topsent, que la Valdivia a rapporté aussi quelques fragments fortement macérés de la même Eponge que F.-E. Schulze a décrite très sommairement, en 1904, sous le nom de Ramella n, g. tubulosa n. sp. (2) sans connaître le travail de Topsent. L'auteur allemand signale les orifices exhalants s'ouvrant dans la cavité centrale des rameaux. Il a remarqué également les dépressions irrégu- lièrement réparties à la surface de l'Eponge et qui corres- pondent aux emplacements des soles pédieuses des Actinies les plus développées ; il s'est demandé si elles ne doivent pas être considérées comme des orifices de la paroi fermés après coup; (i) De aapoç, balai. (2) F.-E. Schulze, Hexactinellida, Wissensch. Ergebn. der deutsch. Tiefsee-Expedition auf dem Dampfer Valdivia (1898-1899) 4er Bd, 1904, p. 38, Taf. XIV, flg. 7-9, 1 figure dans le texte. mais il n'exprime pas d'opinion ferme à ce sujet (i). Comme F.-E. Schulze n'a eu entre les mains que des débris macérés, ainsi qu'il le dit lui-même, et comme la description contempo- raine de E. Topsent, faite sur des matériaux en bon état, est beaucoup plus explicite, le nom donné par le zoologiste français est seul à conserver si, comme cela paraît cer- tain, il y a synonymie. Du reste, l'un des fragments dragués par la VALDIVIA provient aussi des îles du Cap Vert, au N. E. de Boa Vista (i6« 14', I lat. N.; 22°38',3 long. W.; profondeur 1694 mètres); deux autres venaient du canal de Nias, à l'ouest de Sumatra (0° i6',5 lat. N.; 98° 07', 5 long. E.; profondeur 677 mètres). En étudiant les Actinies si nom- breuses à la surface des ramifications de divers ordres du Sai^ostegia ociilata Topsent, j'ai découvert, à l'intérieur de celles-ci, une nouvelle espèce de Polychète, du genre Hermadion qui est décrite ci-après et qui semble être sans rapport avec l'Actinie voisine (fig. A). II. Dans la collection de Sarostegia oculata recueillie par la PRINCESSE- ALICE aux Stations 1 144 et 1 198, les Actinies se présentent, à la surface de l'Eponge, comme des taches grisâtres sur le fond jaune brun de leur support. Elles ont la forme de disques peu épais; le peristome est profondément invaginé ; la hauteur de la colonne est, d'ailleurs, peu considérable. La sole FiG. A. — Photographie d'un fragment de l'Eponge montrant les Actinies fixées sur le fond de légères dépres- sions de la surface. A la partie inférieure et à travers l'un des orifices exhalants, on voit partiellement le Polychète commensal. Gr. 4 environ. (i) « Ob einige dellenförmige Vertiefungen welche hierund da in unre- gelmäsziger Verteilung auftreten, vielleicht als nachträglich geschlossene Wandlücken anzusehen sind, kann ich nicht entscheiden ». (344) pédieuse des plus grands exemplaires est fréquemment située au-dessous de la surface de l'Éponge qui a dû croître autour d'eux, au fur et à mesure qu'ils grandissaient eux-mêmes. Il en résulte que ces Actinies sont peu saillantes sur leur substratum. Leur base a un contour irrégulier, souvent allongé suivant un grand axe qui ne dépasse qu'exceptionnellement 4 millimètres, et qui, chez la plupart des adultes, a entre 3 et 4 millimètres de longueur. Chez les jeunes, la forme est plus arrondie et la base est relativement moins étalée que chez les grands spécimens. La teinte grisâtre de ces animaux tient à ce que la paroi de la colonne est incrustée d'une couche dense de corps étrangers, en très grande majorité de Foraminifères dont le test est généra- lement intact; à ces carapaces calcaires, s'ajoutent de petits FiG. I. — Actinie commensale de l'Éponge, dépouillée des corps étrangers fixés à sa surface ; on voit par transparence les tentacules invaginés. fragments de spicules d'Épongés, vraisemblablement empruntés au support et quelques débris organiques. Si on enlève avec précaution ces corps étrangers, on ne voit pas les tentacules, puisque le disque buccal est invaginé, mais on aperçoit par transparence (fig. i) les fentes correspondant à leur base. On distingue aussi chez la plupait des exemplaires, comme des côtes faiblement indiquées, dont chacune correspond à un tentacule et qui sont peut-être exagérées par l'état de con- traction des tissus. La sole pédieuse qui est très mince, se moule sur les spicules superficiels du squelette de l'Eponge et adhère fortement à son support ; lorsqu'on détache une de ces Actinies, — 5 — quelles que soient les précautions prises, la sole pédieuse reste en place. Si Ton examine par la face inférieure un de ces ani- maux, dont la base est absente, on constate qu'autour de l'ori- fice circonscrit par le sphincter, il existe une double couronne de tentacules, dont les plus petits sont les internes qui formeraient le cercle externe de ces appendices chez l'animal à l'état d'exten- sion. Chez les grands spécimens, le nombre total des tentacules est d'une trentaine; chez celui qui est représenté fig. i, il est exactement de 3o; chez un autre, j'en ai trouvé 34. Sur l'animal contracté, les tentacules ont une forme trapue ; quelques-uns FiG. 2. — Coupe longitudinale et axiale de l'Actinie commensale. t. i, tentacule de la rangée interne, quand l'animal est à l'état d'extension ; t, e, tentacule de la rangée externe ; e, lambeau d'épiderme resté en place ; s, muscle sphincter; 0, orifice buccal ; p, pharynx. La moitié gauche de la coupe est seule représentée ici. du cercle interne se terminent en pointe mousse; les autres et tous ceux du cercle externe conservent le même diamètre dans presque toute leur longueur. Une coupe longitudinale et axiale d'un individu jeune (fig. 2) montre h profonde invagination du disque buccal. On voit que la paroi relativement épaisse de la colonne est incrustée, jusque dans sa couche profonde, de corps étrangers, dont les Forami- nifères forment la presque totalité. La nature des débris orga- niques qui sont incorporés ça et là, n'est pas toujours très (344) - 6 - reconnaissable. Les éléments du revêtement de l'Actinie ne sont pas simplement superficiels, ils s'avancent jusqu'au voisinage immédiat de l'endoderme, ce qui paraît indiquer que les plus profondément situés d'entre eux se sont fixés sur l'Actinie à un stade précoce du développement de celle-ci, car ils ne se sont pas enfoncés dans la mésoglée ; c'est elle qui, en s'accroissant, les a recouverts. Avec une pareille cuirasse de Foraminifères qui envahit même le peristome, il ne reste plus que de rares lambeaux d'ectodermc en place, comme en e (fig. 2). Le revê- tement de corps étrangers s'arrête juste à la base de la colonne, la séparation est nette entre celle-ci et le disque pédieux, dont l'épaisseur diminue de la périphérie au centre. La même coupe longitudinale met en évidence les tentacules des deux rangées ; l'un de ceux du cercle externe, chez l'animal invaginé, est sectionné transversalement au-dessus du pharynx qui est relativement peu développé. L'épaisseur de la mésoglée, considérable dans l'étendue de la paroi de la colonne, diminue vers le bas en passant au disque pédieux ; elle se réduit davantage dans les tentacules et plus encore dans le peristome et reprend un peu plus d'importance dans le pharynx. L'ectoderme, pour ainsi dire absent sur la colonne, par suite du revêtement de Foraminifères, est assez développé sur les tentacules ; il l'est davantage sur la partie du peristome voisine de l'orifice buccal. Quant à Tendoderme, il conserve partout une épaisseur uniforme et faible ; il est finement granuleux et possède un grand nombre de noyaux de petites dimensions qui se colorent fortement par le carmin. Enfin, la même coupe montre encore en place le sphincter qui est enveloppé complètement par la mésoglée. Des lames de cette couche moyenne le traversent dans toute son épaisseur à certains niveaux. Ce sphincter peut fermer presque complètement la cavité dans laquelle se logent le peristome et le double cercle de tentacules. De même structure dans les deux cycles qu'ils forment, les tentacules se montrent recouverts d'un ectoderme épais, avec des noyaux de petite taille, particulièrement nombreux au voisi- nage de la surface, plus rares en profondeur. Les nématocystes, en grand nombre également, sont un peu arqués, en forme de boudins, avec une spire serrée qui les fait paraître finement striés ; les plus longs ne dépassent pas 12 à i3i;. et la largeur maxima excède peu 2 [x. La mésoglée, assez épaisse, s'effiloche — 7 — du côté de l'ectoderme ; entre ces prolongements mésogléiques, on distingue des fibres musculaires longitudinales. L'endoderme a les mêmes caractères que dans les autres re'gions du corps ; les granulations sont le plus denses au contact de la surface libre. La figure 3 est fort instructive ; elle représente une coupe FiG, 3. — Coupe transversale dans la région située un peu au-dessous de l'orifice d'invagination, s, sphincter; c, colonne ; t. e, tentacule de la rangée externe, chez l'animal à l'état d'extension; p, peristome ; t. i, tentacule de la rangée interne. transversale dans la région située un peu au-dessous de l'orifice d'invagination. De dehors en dedans, on y voit successivement en coupe transversale la paroi de la colonne, le peristome, le cercle des grands tentacules internes qui, par suite de l'invagi- (344) nation profonde du peristome, se trouvent situe's extérieurement au cercle des tentacules internes plus petits et enfin le pourtour de l'orifice d'invagination contenant à son intérieur les fibres circulaires du sphincter. Entre la coupe du peristome et celle de la colonne, on voit celles des cloisons au nombre de 3o corres- pondant à 1 5 couples. Je n'ai pu faire, de ces cloisons, une étude assez complète, l'état du matériel, qui n'a pas été préparé pour des études histolo- giques, ne s'y prêtant pas. Je n'ai pu dis- cerner dans le pha- rynx, en somme assez réduit, aucun sipho- noglyphe, ni recon- naître avec certitude les cloisons direc- trices. Cependant, les coupes transversales faites dans la région basilaire comme celle qui est représentée parla figure 4, mon- trent que les organes génitaux ne se déve- loppent pas dans les loges situéesde partet d'autre du plan du pe- tit axe de l'ellipse cor- respondant au disque pédieux des formes adultes, ce qui donne à penser que les loges directrices sont celles qui correspondent à ce plan trahsversal médian, car chez presque toutes les Actinies, les cloisons direc- trices sont stériles. En outre, la même disposition, au point de vue de la symétrie, existe chez les formes étirées sur un support FiG. 4. — Coupe transversale faite un peu au-dessus de la sole pédieuse ; c, colonne ; cl, cloisons ; p, peristome ; 0. g, organes génitaux. — 9 — étroit, chez les Stephanactis, notamment. Les espaces entre les cloisons, loges et interloges grandissent de chaque côté, à mesure qu'on s'éloigne de ce plan supposé de symétrie vers le plan médian normal au précédent et correspondant au grand axe. Dans la région voisine de ce dernier, certaines cloisons sont incomplètes. Nulle part, on ne voit nettement de fibres musculaires constituant les fanons des Actinies normales. On remarque seu- lement, et presque toujours sur les parties des cloisons les plus voisines de la colonne, une série de plis de la mésoglée très serrés les uns contre les autres et qui, sur certaines cloisons, existent sur les deux faces de la couche moyenne ; je n'ai pu distinguer de fibres musculaires sur les plis de la mésoglée ; je ne puis même certifier que ces plis sont permanents. En tout cas, s'il existe une musculature longitudinale pariétale, elle est extrêmement réduite. Je n'ai rien vu non plus qui ressemblât à un filament mésentérique sur le bord des cloisons. Chez tous les individus adultes, les intervalles entre les cloisons, sauf dans ceux voisins du plan supposé de symétrie sont partiellement remplis de petites masses de formes variées qui sont des organes génitaux. Parmi ces masses, les unes sont libres dans les cavités des loges et des interloges, les autres sont encore attachées à la paroi sur laquelle elles se sont développées. C'est à l'endoderiiie de la colonne et non à celui des cloisons que restent adhérentes celles d'entre elles qui ne se sont pas encore affranchies de la paroi génératrice et cette situation des glandes sexuelles se voit tout aussi nettement sur les coupes trans- versales (fig. 4) que sur les coupes longitudinales (fig. 6). Cette dernière permet, en outre, de constater l'absence de toute muscu- lature basilaire. Or, chez les Actinies, les organes génitaux se développent, d'après ce que l'on admet actuellement, dans la mésoglée des cloisons, aux dépens des cellules endodermiques; il y a donc ici une dérogation à cette disposition générale. L'origine vraie des cellules sexuelles n'a pu être établie ici ; quoi qu'il en soit, le lieu de développement change. Il n'y a pas ici d'en- globement des cellules sexuelles par la mésoglée et ces cellules sexuelles sont empruntées, non à la paroi de la cloison, mais à celle de la colonne. 11 est à remarquer que, parmi les nombreux individus que j'ai disséqués ou débités en tranches minces, je n'en ai pas trouvé un seul avec des ovules. Dans la (344) lO — plupart des testicules, la partie corticale est occupée par les cellules-mères des spermatozoïdes, tandis que le reste de la masse est forme' par des spermatozoïdes complètement déve- loppés, avec leurs queues rayonnant vers le centre de la glande mâle. On peut supposer que les individus des deux sexes ont une répartition différente sur l'Eponge qui les porte, ou bien qu'il y a hermaphrodisme avec protandrie bien marquée. En tout cas, j'ai pris les individus que j'ai étudiés dans les parties les plus différentes des fragments de Sarostegia que j'ai eus à ma disposition et je n'ai obtenu que des mâles. Les principaux caractères de l'Actinie décrite ci-dessus sont les suivants : FiG. 5. — Coupe longitudinale et axiale, c, colonne avec les corps étrangers qui l'incrustent; o. g, organes génitaux; p, pharynx. Disque pédieux bien développé, avec une musculature basi- laire extrêmement réduite, sinon complètement absente; Deux cercles de tentacules endacmiens ; Ni aconties, ni cinclides; Sphincter épais, inclus dans la mésoglée ; Musculature des cloisons, rudimentaire. Par le développement du disque pédieux et du sphincter mésogléique, c'est de la famille des Paractinœ que cette Actinie s'éloigne le moins. Mais elle présente vis à vis des Paractinœ une différence importante, c'est l'extrême réduction de la mus- culature basilaire. Quant à l'inégalité des cloisons, si fréquente chez les Pa?'actinœ, elle n'est pas évidente ici ; mais il faut remarquer que le nombre des cloisons est très restreint chez — II — l'Actinie en question, qu'il est souvent fort élevé chez les Paractmœ et que, chez les Actinostola notamment, ce n'est guère qu'à partir du quatrième cycle que l'inégalité des cloisons de même paire devient bien apparente. Dans la mésoglée de la colonne de l'Actinie commensale du Sarostegia ocidata, je ne vois que de très rares cellules ; je n'y trouve ni zooxanthelles, ni canaux, ni lacunes, ni îlots cellu- laires. Ces caractères me paraissent exclure l'animal en question des Zoanthaires, avec lesquels il ofFre des traits de ressemblance indiscutables, notamment avec certaines espèces du genre Gemmarta Duchassaing et Michelotti qui est solitaire ou qui forme de toutes petites colonies. Extérieurement, par exemple, l'Actinie de la PRINCESSE-ALICE offre une similitude indé- niable avec le Gemmatua o//^omr^r/a Wassilieff (i), dont Was- silieff a trouvé de nombreux exemplaires sur une Éponge cornée et dont les cloisons ont une musculature longitudinale faiblement développée. Il faut remarquer que chez l'Actinie du Musée de Monaco, le sphincter est traversé par des bandes de mésoglée ; il est fragmenté par la mésoglée chez les Zoanthaires. De plus, Haddon et Shackleton ont trouvé dans le cœlenteron du Gem- maffia mutuki (2), de nombreuses masses de sperme à maturité. Mais l'absence de canaux et d'îlots cellulaires à l'intérieur de la mésoglée, le faible développement de celle-ci dans les cloisons qui ne semblent présenter ni le type brachycnémique, ni le type macrocnémique, me font regarder le Cœlentéré décrit ci- dessus, comme une véritable Actinie, en dépit de ses ressem- blances avec certains Zoanthaires. Quant à l'incrustation de la colonne, on ne peut lui attribuer d'importance systématique, comme G. H. Fowler (3) l'a fait observer au sujet de VOctineon Lindahli W. B. Carpenter qui a absolument le faciès d'un Zoan- thaire, avec son revêtement continu de sable. (i) A. Wassilieff, Japanische Actinien, Abhandl. tnathem.-phys. Klasse Königl. bayer. Akad. der Wissensch., it Suppl. Bd. 1909-igii, p. 47, Taf. II, fig. 29, fig. 29 dans le texte. (2) A. C. Haddon et A. M. Shackleton, Reports on the zoological Collections made in Torres Straits by Professor A. C. Haddon 1888-1889. Actiniae. I. Zoantheae, Scient, trans. Roy. Dublin Society, Vol. IV, Ser. 11, 1891, p. 689, pi. LXI, fig. 10. (3) G. H. Fowler, Octineon Lindahli {W. B. Carpenter), an undescribed Anthozoon of novel Structure, Quart. Journ. of microsc. Sc. Vol. 35, p. 461- 480, pi. 2g-3o. (344) 12 — Quoi qu'il en soit, l'Actinie des Stations 1 144 et 1 193 ne se rattache aux Paractinœ que par de faibles liens ; elle est le type d'un genre nouveau (et peut-être même d'une famille nouvelle) que je propose d'appeler Thoracactis (i), à cause de la cuirasse de Foraminifères qui renforce la colonne ; l'espèce nouvelle sera appelée Thoracactis Topsenti, en l'honneur du naturaliste qui a si fortement contribué à faire connaître les Éponges des grandes profondeurs et qui a décrit, en particulier, le Sai^ostegia oculata, sur lequel vit l'Actinie nouvelle décrite ci-dessus. La colonne du Thoracactis Topsenti est recouverte de tests de Foraminifères, fréquemment intacts, appartenant à plusieurs espèces, et dans lesquelles on ne trouve pas de protoplasme, même dans la première loge. Il se forme ainsi un revêtement analogue à celui qu'on observe chez diverses Actinies, notamment chez les Asteractis qui se couvrent de fragments de coquilles, de grains de sable; chez plusieurs espèces du genre Cribrina qui utilisent dans le même but des débris de toutes sortes ; chez les Zoanthes, dont la plupart ont leur paroi murale imprégnée d'une couche de grains de sable, etc. D'après les notes de couleur prises sur le vivant, l'Éponge serait semi-transparente, Jaunâtre- rosée et l'Actinie, d'une teinte orangée assez vive. Avec son manteau de Foraminifères, la teinte de l'Actinie doit être fort atténuée et, par conséquent, moins visible à la surface de l'Éponge. Mais il ne saurait être question ici de couleur mimé- tique protectrice, car aux profondeurs où vivent ces animaux, au-dessous de 600 mètres, il ne pénètre pour ainsi dire plus — pratiquement — de radiations lumineuses. On ne voit pas contre quels animaux la cuirasse de l'Actinie pourrait la défendre, à moins que ce ne soit contre des animaux rampant à la surface de l'Éponge et qui seraient friands d'Actinies. Certains Nudi- branches se nourrissent volontiers de Coelentérés et il en est qui vivent à de grandes profondeurs, comme le Bathydoris abfs- sorum qui a été dragué par le CHALLENGER^ dans le Pacifique, à 5ooo mètres de la surface. On peut se demander comment se fait la fixation des Fora- minifères sur la paroi de l'Actinie. Le Thoracactis Topsenti est éminemment sédentaire ; les petites cuvettes dans lesquelles sont fixés les exemplaires les plus développés montrent que (i) de oopaÇ, axos, cuirasse. — i3 — l'animal ne se déplace plus dès qu'il s'attache à la paroi de l'Éponge ; d'ailleurs, sa musculature, le sphincter mis à part, est exceptionnellement faible et n'est guère comparable qu'à celle des Corallimorphus. Ses tentacules paraissent incapables de jouer un rôle actif dans la préhension des Foraminifères et leur application sur la paroi de la colonne. Les Foraminifères qui proviennent du milieu ambiant peuvent ramper à la surface de l'Éponge ; mais comment viennent-ils s'agglutiner sur la colonne de l'Actinie ? On n'en voit aucun, sur l'Éponge, dans les intervalles qui séparent les Actinies. Il faut avouer que le mécanisme par lequel des corps étrangers s'implantent dans la profondeur des tissus vivants des Actinies qui se déguisent est encore inexpliqué. Avec sa colonne à mésoglée épaisse, alourdie et rendue rigide par le revêtement de Foraminifères, le Thoracactis Topsenti est un animal peu actif; il peut se fermer vers le haut, au-dessus de la couronne de tentacules et très lentement, sans doute, grâce à son sphincter. En dehors de cela, ses mouvements doivent être bien limités. Ses tentacules, presque dépourvus de fibres musculaires, semblent peu aptes à la capture des proies. Cette Actinie ne se nourrit vraisemblablement que des orga- nismes divers en suspension dans les couches d'eau qui se déplacent à la surface de l'Eponge. On sait que, chez les Éponges cornées, tout au moins, la vie est intense et la circulation de l'eau, à l'intérieur de l'animal et tout autour de lui, est très active. La commensalité ici, confine, de la part de l'Actinie, au parasitisme ; car le Sarostegia oculata ne tire guère profit des hôtes dont il est constellé. Tout au plus le défendent-ils contre les organismes encroûtants, comme les Bryozoaires, qui pourraient l'envahir peu à peu et amener çà et là la nécrose de ses tissus. Ce qui montre bien que l'Éponge ne joue pas le rôle de simple support, c'est que, sur les rameaux morts, aucune Actinie ne persiste ; les petites cuvettes qu'elles abandonnent marquent seules les emplacements de leur sole pédieuse. Le sort de l'Actinie semble lié à celui de l'Éponge. C'est, à ma connaissance, le premier exemple connu de l'association intime d'une Actinie et d'une Éponge. Les Ané- mones de mer commensales s'établissent très généralement sur des animaux rampants ou nageants et se procurent ainsi, dans des couches d'eau renouvelées, des sources fraîches de nour- (344) — 14 - riture. A l'état adulte, elles recherchent de préférence les Mollusques et plus particulièrement les Crustacés et, à l'état larvaire, les Méduses et les Cténophores. Entre le Sarostegia ocidata et le Thoracadis Topsenti^ s'est constituée une asso- ciation d'animaux sédentaires. III. A l'intérieur des branches creuses de l'Hexactinellide arbo- rescente des îles du Cap Vert décrite par Topsent sous le nom de Sarostegia ocidata^ vit un Polychète de la tribu des Poly- FiG. 6. — Extrémité antérieure du Polychète commensal de l'Éponge siliceuse. noïdiens. Les plus grands individus ont, au plus, 20 millimètres de longueur. Leur coloration actuelle, après un long séjour dans l'alcool, est d'un brun jaunâtre uniforme plus ou moins foncé. L'exemplaire étudié ici a i3 millimètres de longueur; le maximum de largeur, dans la région moyenne du corps, non compris les soies, est de 2™'", 2. Le nombre des segments seli- geres est de 45. Fortement bombé, plus large que long, le prostomium présente une échancrure médiane antérieure peu profonde correspondant à l'antenne médiane (fig. 6). C'est au niveau des — i5 — yeux antérieurs qu'il est le plus large; il se rétrécit sensiblement en arrière de ceux ci. L'antenne médiane est presque aussi longue que les palpes ; elle est finement étirée en pointe dans sa partie terminale et s'insère sur un large article basilaire, en arrière duquel une petite dépression sépare les deux parties latérales très bombées du prostomium. Les deux latérales sont insérées tout à fait sur les côtés du prostomium ; très distantes Tune de l'autre, de longueur médiocre, elles s'effilent graduellement à partir de leur base un peu renflée. Les palpes sont longs et épais, brusquement étirés en pointe près de leur extrémité distale. Leur surface est unie, comme celle des F'iG. 7. — Parapode du 16« segment sétigère, vu par la face antérieure. antennes. Les yeux antérieurs, presque circulaires, un peu échancrés en avant sont situés tout à fait sur les bords latéraux du prostomium. Les yeux postérieurs, plus petits, ont une forme elliptique ; leur grand axe est transversal ; ils sont plus rapprochés que les précédents de la ligne médiane. Les cirres tentaculaires qui ont une ou deux soies à leur base sont fixés sur des articles basilaires très longs ; les dorsaux ont sensi- blement la même longueur que lès palpes, mais sont beaucoup plus grêles ; les ventraux ont la même physionomie, sont plus courts et, comme les précédents, s'effilent graduellement vers leur extrémité distale. Le parapode représenté par la figure 7, correspond au 16^ (344) — i6 — segment sétigère et est vu par la face antérieure ; il se compose de deux rames bien développées. Le cirre dorsal, très long, à surface unie, est inséré sur un puissant article basilaire situé un peu en avant du plan médian du parapode. L'aciculese prolonge dans Taxe d'une languette triangulaire fort saillante, au milieu et un peu en arrière du faisceau des soies qui sont ici au nombre de i6. Celles de la partie supérieure sont moins saillantes que ^ Soie de la partie supérieure de la rame dorsale. — inférieure — — supérieure de la rame ventrale. — inférieure — celles du reste du faisceau. Elles sont aussi plus fortement arquées (fig. 8) dans leur partie terminale que celles de la région inférieure du faisceau (fig. 9), dont quelques-unes sont presque droites. Toutes se terminent par une pointe mousse et sont couvertes de fines stries longitudinales. Aux segments antérieurs, les soies dorsales arquées de la partie supérieure du faisceau — 17 — sont dentelées sur leur bord convexe ; les autres soies du même faisceau sont striées transversalement. A la rame ventrale, le mamelon sétigère porte également une grande languette conique, un'peu recourbée vers le haut, insérée en avant des soies et de Tacicule. Il y a, dans cette rame, 26 soies, dont les plus saillantes sont celles de la partie supérieure du faisceau. Elles sont élargies dans leur région distale, dont l'extrémité en pointe mousse est assez brusquement coudée ; la région élargie est plus développée dans les soies de la partie supérieure (fig. 10) que dans celles de la partie inférieure du faisceau (fig. 1 1). Elles sont couvertes de fines stries longitudinales et elles présentent, en outre, au- FiG. 12. — Elytre de la partie antérieure du corps. dessous de la pointe coudée, de délicates stries transversales un peu obliques sur l'axe de la soie, parallèles entre elles et ne correspondant à aucune saillie appréciable sur les bords de la région élargie de la soie. Aux segments antérieurs, les soies ventrales sont nettement épineuses sur le bord. On trouve assez fréquemment, au milieu des soies, surtout dans le faisceau dorsal, une ou deux « sarules », spicules de THexactinellide se terminant par une sorte de balai à l'une de ses extrémités. Quant aux élytres (fig. 12), dont beaucoup sont tombées, elles recouvrent entièrement la face dorsale ; quelques segments (344) — 18 — restent à nu à la partie postérieure du corps. J'en ai compté i5 paires qui sont réparties comme d'ordinaire. Celles de la partie antérieure du corps, non frangées sur leur bord pos- térieur, sans coloration spéciale chez l'animal conservé étudié ici, ont sur toute leur face supérieure de petites papilles au sommet un peu déprimé, particulièrement nombreuses à la périphérie (fig. 12). Les autres, plus blanches, plus molles, n'ont pas de papilles ; elles sont lisses dans toute leur étendue. En ce qui concerne les papilles néphridiennes, elles sont peu saillantes chez le Polychète décrit ici ; elles le sont davan- tage chez certains individus de la même espèce. A la trompe, qui est pigmentée en brun et qui est pourvue de l'armature normale, les papilles, au nombre de 9/9, ont leur région axiale colorée en noir. S'il est une famille d'Annélides Polychètes pour laquelle une révision approfondie serait particulièrement désirable, c'est assurément celle des Aphroditiens et tout particulièrement celle de la tribu des Polynoïdiens. La détermination générique présente de très grosses difficultés, parce que les limites des genres, chez ces animaux si polymorphes n'ont pu être établie strictement jusqu'ici. J'ai fait remarquer, en particulier, combien la distinction entre les genres Lagisca, Harmothoë et Hermadiofî est difficile en bien des cas (i). Le Polynoïdien des Stations 1144 et 1193 a la forme allongée des Poljnoe \ mais l'ensemble des caractères le rapproche davantage des Lagisca et plus encore des Hermadio?i qui ont souvent des soies dorsales lisses et des soies ventrales unidentées ; c'est à ce genre qu'il me semble devoir se rapporter. L'espèce nouvelle dont il est le type prend le nom de Hermadion Fauveli, en l'honneur de M. le Professeur P. Fauvel, auteur de nombreux travaux relatifs aux Annélides Polychètes et en particulier, d'un important et remarquable mémoire sur les Polychètes recueillis par VHIRONDELLE et la PRINCESSE-ALICE, dans les grandes profondeurs de l'Atlantique septentrional. Dans les diverses ramifications du Sarostegia oculata Topsent, j'ai trouvé d'assez nombreux exemplaires de VHej^tna- dion Fauveli. Chez cette Éponge arborescente et fistuleuse, la paroi des branches, formée de plusieurs assises de spicules à (i) Ch. Gravier, Annélides Polychètes, Deuxième Expédition antarctique française, 191 1, p. gS. - 19 — trois axes, est percée de larges fenêtres ovales (orifices exhalants) à grand axe parallèle à celui du rameau correspondant et souvent alignées sur une même génératrice ou sur des génératrices voisines. Sur les faces opposées d'une même ramification, de distance en distance et non au même niveau, se montrent des fenêtres semblables. Le Polychète a donc, dans sa demeure tubulaire, de nombreuses portes d'entrée et de sortie à sa dispo- sition. Le bénéfice que tire TEponge de la présence du Poly- chète n'est pas très apparent. Peut-être, celui-ci empêche-t-il l'envahissement des galeries où il se meut par des formes en- croûtantes comme les Bryozoaires qui diminueraient la vitalité de l'Eponge, en préparant l'obstruction des cavités qu'elle possède. En tout cas, on voit très bien l'avantage que celle-ci offre au Polychète ; elle lui assure avant tout, un abri sûr, car la paroi constituée par le squelette siliceux de l'Eponge est très solide. Il y circule constamment de Teau mise en mouvement par les tissus de l'Eponge elle-même ; peut-être l'Annélide trouve-t-il quelque chose à glaner dans ce torrent ? Mais ce ne peut être suffisant pour lui. Avec les mâchoires qu'il possède, il doit avoir besoin de rechercher de plus grosses proies que celles que peut lui offrir le courant continu qui le baigne. Il peut sortir de son gîte très spacieux et y rentrer quand il le veut, car il s'y meut à son aise. D'ailleurs, les cas de commensalisme temporaire ne sont pas rares chez les Polynoïdiens. Nombre d'entre eux vivent en parasites externes sur les Stellérides, les Echinides, les Holo- thurides, les Mollusques ; ils sont surtout commensaux d'autres Annélides. Verrill, en outre, a trouvé le Polynoe acanellœ sur un Alcyonaire, VAcanella Normani (i). Marenzeller a décrit comme commensal de deux Hydrocoralliaires {Stenohelia pi^o- fiinda Moseley et Errina macrogastra Marenzeller), un Poly- noïdien, le Lagisca irrilajis (2) qui est remarquable par la réduction de l'armature de soies à la rame dorsale. (i) E. Verrill, Notice of recent Addition to the marine Invertebrata of the N. E. Coast of America P. V, Annelida; Proceed. U.S. Nation. Museum, X. VIII, i885, p. 425. (2) E. von Marenzeller, Lagisca irritans sp. nov., ein Symbiont von Hydrokorallen, Bull. Mus. Compar. Zool. Harv. College, Vol. xliii, no 3, 1904. p. 91, I pL (344) — 20 — IV. Ainsi, THexactinellide Sarostegia oculata Topsent donne asile à deux êtres bien différents : l'un à l'extérieur, sédentaire comme elle, semi- parasite externe, dont le sort paraît être lié étroitement à celui de son hôte, c'est l'Actinie, Tliot^acactis Topsenti Gravier ; l'autre, à l'intérieur des cavités circonscrites par les parois de ses ramifications successives, c'est le Polychète Heî^madion Fauveli Gravier, bien armé pour la lutte et beaucoup plus indépendant que le précédent de son hôte, dont il peut se séparer à son gré. Dans cette association hétérogène, le bénéfice, s'il est réciproque, est sûrement inégal ; il est plus grand pour le Polychète et bien plus encore pour l'Actinie que pour l'Eponge. Un tel groupement rappelle, sans lui être identique au point de vue biologique, il s'en faut, celui que réalisent le Bernard l'Ermite [Eupagurus Prideauxi Leach) abrité dans la coquille du Buccin, sur laquelle s'établit parfois VAdamsia palliata Bohadsch et au fond de laquelle se retire le Ne?^eilepas fucata (Savigny). BuLi.ETiN DE l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 345. — 10 Octobre 1918. >M^- '^H Considérations sur la biologie du Thon commun [Orcynus thynnus L.) Par Louis ROULE Professeur au Museum National d'Histoire Naturelle I. Le présent travail est destiné à donner une première suite à Tétude que j'ai publiée Tan âerniev {Ajmales de r Institut Océano- graphique^ tome vu, fascicule 7) sur les aires de pontes et les déplacements périodiques du Thon dans la Méditerranée occi- dentale. J'y faisais remarquer, en terminant, que, selon plusieurs de mes constatations antérieures, le Thon se comporterait dans son milieu comme un être sténotherme et sténohalin. Ses déplacements de concentration, à l'époque de la maturité sexuelle, reconnaîtraient pour cause une hypersensibilité qui correspondrait à l'exagération temporaire d'un habitus normal le poussant à se maintenir dans les eaux les plus tièdes et les plus denses de la région où il se trouve. Selon mon opinion, cette double réaction de l'organisme à la température et à la densité donne à la biologie du Thon sa base essentielle. Il est notoire, en effet, sur le premier point, d'après les indications fournies par les rendements de la pêche, que, sauf à l'époque de la reproduction, où une condition plus pressante exerce son influence, l'abondance des individus erratiques sur nos côtes est en raison directe de l'élévation du degré thermique. Toutes autres circonstances semblables ou peu dissemblables, les pêches sont, dans leur ensemble, plus fructueuses en été qu'en automne, et en automne qu'en hiver ou au printemps. Si parfois, dans ces deux dernières saisons, le fait de capturer des Thons en assez grand nombre ne paraît point s'accorder avec cette règle, ceci n'est qu'une apparence, car ces prises ont lieu au cours de périodes prolongées de temps calmes et relati- vement tièdes, ou immédiatement après Tune de ces périodes. D'autre part, je suis d'avis, avec plusieurs ichthyobiologistes contemporains, que les questions de la densité du milieu marin par rapport au poids spécifique total de l'individu, et des écarts variables qui se manifestent entre la première et le second, jouent un rôle important, sinon prépondérant, dans les phéno- mènes des déplacements et des migrations des poissons. On comprend, en effet, que chez les espèces pélagiques nageuses, la plus ou moins grande résistance offerte par le milieu envi- ronnant puisse influer sur la rapidité et la direction de la propulsion. Moins l'écart est considérable entre les deux termes précités, moins l'effort de la natation doit être prononcé ; cet effort tend vers un minimum lorsque les chiffres de ces deux termes se rapprochent, et vers un maximum lorsqu'ils s'éloignent l'un de l'autre. Or, la densité du milieu marin n'est point uniforme, comme on sait, même dans une région limitée ; elle varie selon les localités, les profondeurs, les circonstances. D'autre part, le poids spécifique total de l'individu est également sujet à variations. Parmi ces dernières, plusieurs peuvent être de faible durée et, par suite, n'exercent aucune action prolongée; mais il n'en est pas ainsi pour celles qui proviennent de l'état de maturité sexuelle, principalement chez les individus femelles. En ce dernier cas, le corps s'amplifie, occupe un plus grand volume, et les éléments nouvellement façonnés, qui sont ceux de la reproduction, possèdent une densité relativement faible à cause des principes gras qu'ils contiennent. Pour cette raison, le poids spécifique total diminue, le corps s'allège, et les individus éprouvent plus d'aisance à se dirigervers les zones superficielles tie la mer, comme à y demeurer, qu'à descendre en profondeur. Ces divers cas semblent être ceux du Thon, poisson pélagique de surface et de fond, nageur puissant, qui fréquente à la fois les régions littorales et la haute mer. Les alternatives dç ses apparitions et de ses disparitions en un lieu donné montrent, dans leur ensemble, qu'il est sensible à la température de son milieu, et à sa densité. Pourtant la possessioti et la limite de ces qualités doivent être prouvées et précisées au moyen de cons- tatations directes. Je me suis attaché, depuis plusieurs années, à cette étude. Elle m'a déjà conduit à renverser l'ancienne théorie migratrice, si bien ancrée encore dans l'esprit des praticiens de la pêche, pour lui substituer celle d'un déplacement de concentration vers les aires de ponte ; et à remplacer la théorie abyssale de Pavesi'(i889) et la théorie hydrodynamique de Bounhiol (191 1), par une théorie halothermique (1914) seule capable d'expliquer ces alternatives avec leurs variantes. La - 3 - précision nécessaire ne s'obtient, toutefois, qu'au prix de cons- tatations répétées et prolongées. Aussi mon intention est-elle de ne rien négliger pour parvenir progressivement au but cherché, autant à cause du puissant intérêt économique de la pêche au Thon, que de la conception biologique générale du problème migrateur chez les poissons. Mes premières observations, faites en 1912, igiS, 1914, ayant porté sur le Thon génétique ou en état de reproduction, mes recherches se sont adressées ensuite au Thon erratique de notre littoral méditerranéen, à Cette et à Port-de-Bouc. Leurs résultats (1916), quoique corroborant ceux qui les avaient pré- cédés, étaient encore trop peu nombreux pour leur attribuer une portée suffisante. J'ai donc entrepris de nouvelles études, plus longues et plus complètes, en septembre 1917, et j'ai fixé à Carro-la-Couronne (Département des Bouches-du-Rhône), afin de mieux éliminer toutes les questions connexes et contestables, le lieu où ces études devaient avoir lieu. Les praticiens de la pêche, en effet, attribuent volontiers les déplacements du Thon, ses apparitions et ses disparitions brusques, à diverses causes différentes. L'une d'elles, la plus plausible et sans doute exacte assez souvent, serait celle de l'ali- mentation : les Thons, poissons de proie, poursuivent les bancs de Sardines, d'Anchois, de Sprats, d'Athérifies, de jeunes Maqueraux, apparaissent avec eux pour disparaître de même, et la question les concernant dépend de celle qui regarde les espèces poursuivies. Une autre est celle des vents et des courants, plus favorables les uns que les autres. Une troisième se réfère au tempérament pusillanime et capricieux dont on dote le Thon, qui s'éloignerait des passages fréquentés par les navires, des régions côtières où l'on a installé des ateliers bruyants, des lieux où se trouvent des épaves, et des objets immergés de teinte claire, etc. Or, ces diverses causes, avec d'autres au sujet desquelles il est inutile d'insister, sont de celles dont on ne peut s'abstraire quand le point considéré se trouve dans l'intérieur d'un golfe, comme Cette et Port-de-Bouc. Les bancs de petits poissons s'y maintiennent presque en permanence, soit d'un côté, soit d'un autre; le régime des vents et celui des courants y sont très rapidement variables, et les autres circonstances mcriminées y prêtent trop aisément à des changements acci- dentels. Il fallait donc choisir, pour l'étude, une station où ks conditions seraient plus uniformes et plus simples, afin de n'avoir point à compter, du moins dans la mesure du possible, avec aucune de ces particularités accessoires. Mon choix s'est porté sur Carro, auprès du Cap Couronne, à l'extrême limite ouest de la falaise qui borne au nord le Golfe de Marseille, et placé entièrement à découvert de ce golfe. Carro, bien que modeste bourgade du littoral, est un im- portant port de pêche au Thon, et s'y est, du reste, spécialisé. (345) Son rendement sous ce rapport, pour 191 2, la dernière année de statistique complète d'avant la guerre, a été' de 62.878 kgs.. représentant le travail de 36 barques montées par 74 hommes. Les rendements de 191 1 et 1910 avaient été plus élevés encore : ii5.ooo kgs. pour la première, 127.915 kgs. pour la seconde, le nombre de barques et celui des pêcheurs n'ayant pas sensi- blement varié. Ceux-ci exploitent de leurs engins les eaux côtiëres qui s'étendent sur un périmètre commençant au sud même de Carro, pour se prolonger du côté de l'ouest vers le sud de la Camargue ; ils ne rentrent pas, ou rentrent peu, dans l'intérieur du Golfe de Marseille. Ils se rencontrent dans leur domaine habituel avec les pêcheurs des Martigues et d'Aigues- Mortes, et avancent jusqu'aux confins de la région où opèrent ordinairement ceux de Cette et de Palavas. Une telle valeur des rendements dénote la fréquentation abondante des eaux locales par le Thon. Cette raison suffisait déjà pour motiver le choix de la Station. Il s'en ajoute d'autres, tirées de la position même. La falaise rocheuse qui borne au nord le Golfe de Marseille se développe de l'est à l'ouest, selon un parallèle, jusqu'en un point où elle interrompt brusquement cette direction pour dévier vers le N.-N.-O. et former la limite orientale du Golfe de Fos. Carro, occupant l'angle même où ce changement d'orientation s'accomplit, se trouve n'appartenir ainsi ni à l'un ni à l'autre de ces golfes, et se soustrait à leurs actions particulières. D'autre part, aucun envasement ni aucun ensablement ne se produisent à son voisinage. Les fonds, rocheux, descendent rapidement à des profondeurs de 3o à 40 mèties, sauf sur un plateau vif formant haut-fond, connu sous le nom de Ragues^ qui s'étend auprès de la côte vers l'ouest et le nord-ouest. Cette situation de pointe avancée à proximité des eaux du large, sans aucun obstacle empêchant le libre accès de ces dernières, établit en faveur de Carro, pour une étude de cette sorte, un motif de préférence fondé. Deux groupes de courants exercent leur action dans la région : l'un venant d'entre sud et est, l'autre, d'entre nord et ouest. Le premier est le plus uniforme et le plus constant ; il amène avec lui des eaux de haute mer, relativement tièdes et denses, qui passent devant l'entrée du Golfe de Marseille sans pénétrer toujours dans son intérieur, touchent la côte à proximité de Carro, et continuent leur trajet vers l'ouest en longeant la Camargue ; il a une grande régularité, et se maintient sans interruption, ses alternatives étant dues, par rapport à Carro, à ce qu'il approche plus ou moins du littoral selon l'état des courants du second groupe, qui lui sont contraires. Ceux-ci sont locaux, et de deux sortes. Les uns consistent en courants superficiels de. poussée, dus aux vents dominants du pays, qui soufflent du nord-ouest ; lorsqu'ils s'établissent, ils repoussent au large le courant précédent, ou ne le laissent se maintenir qu'en profondeur. Les autres sont dus aux eaux douces du Rhône, qui débouchent en mer à une douzaine de kilomètres dans Touest-nord-ouest de Carro ; ces eaux, superficielles et dirigées de nord-ouest à sud-est, vont dans cette direction tout en s'incorporant à la mer, et poussent vers la région de Carro et le Golfe de Marseille lorsqu'elles y sont aidées par les vents; mais, dans les autres cas, elles sont déviées vers le sud et l'ouest par le grand courant prépondérant de haute mer. Ces eaux du Rhône se reconnaissent souvent, lorsque le mélange n'est pas achevé, à leur teinte trouble donnée par les matériaux en suspension, et à la diminution, parfois sensible au goût, de la salinité en surface. Mon étude, dans de telles conditions, a consisté à relever, pendant une période suffisamment longue, qui a embrassé près d'un mois, les alternatives des qualités tenant aux courants, à la température, à la salinité des eaux fréquentées par les Thons, en les comparant à celles du rendement des pêches. Ce dernier peut être considéré, en effet, comme donnant une mesure con- venable de l'abondance et de la rareté de ces poissons dans la région considérée, puisque les procédés des pêcheurs ne subissent pas de changements. Et, comme les Thons sont de puissants nageurs pélagiques, cette abondance et cette rareté permettent à leur tour d'apprécier la façon dont ils se comportent dans leurs allées et venues, comme de voir si le cycle de ces dernières se rattache à celui des alternatives énumérées ci-dessus, ou s'il en est indépendant. II. La pêche au Thon est faite à Carro selon deux procédés : celui de la « courantille » ou thonnaire flottante, et celui de la « sinche ». Un troisième art, la « madrague » ou thonnaire fixe, fort usité autrefois, n'est plus employé aujourd'hui. La courantille est un filet dérivant. Elle compte en longueur quelques centaines de mètres, réalisées à l'aide de plusieurs pièces mises bout à bout, et en hauteur 8 à 9 mètres. Ses mailles, larges et fortes, mesurent environ 20 à 26 centimètres de côté. On la monte de manière à lui donner la plus grande légèreté possible, tout en lui permettant de s'étaler dans l'eau comme une muraille verticale. Dans la pêche, elle capture le Thon en l'enveloppant et l'emmaillant à la fois. Les poissons, la rencontrant dans leur nage et poussant contre elle, la font onduler, ployer sur elle-même, et sont pris dans les replis après avoir été retenus par les mailles. Cette pêche a lieu de façon continue, sauf deux interruptions bien distinctes. L'une est celle de la période reproductrice, (345) — 6 — où les individus génétiques abandonnent les régions qu'ils fréquentaient jusque là, pour aller se rassembler sur Taire de ponte. Annuelle, comprise entre la seconde quinzaine de mai et la seconde quinzaine de juillet, elle aboutit à un arrêt presque complet, car les individus restants ne sont pas assez nombreux, ni assez forts, pour donner un rendement suiïisant. L'autre interruption, mensuelle, est celle des époques de pleine lune, quand le temps est serein. La pêche à la courantille s'effectue, en effet, pendant la nuit, et s'avantage d'une obscurité aussi complète que possible, car les Thons, ne voyant pas le filet, ne se détournent point de lui ; le contraire arrive lorsque la lune brille, en éclairant les couches superficielles de la mer. De fait, les pêcheurs ont l'habitude de commencer leur tâche vers le déclin de la pleine lune, pour s'y livrer sans arrêt pendant les trois autres quartiers, et l'interrompre au début de la pleine lune suivante. Pendant le mois de septembre 1917, qui fut celui de mes observations, le mois de pêche a commencé le 4 pour finir le 26. Les rendements successifs sont exposés dans le tableau suivant, et groupés de manière à faire concorder leur série avec celle de mes constatations, faites habituellement de 3 jours en 3 jours : Du 4 (début) au 8 septembre : 3 individus, du 8 au 1 1 — : 66 — du 1 1 au 14 du 14 au 17 du 17 au iq du 19 au 22 du 22 au 26 2 lOI 108 65 56 La pêche à la sinche, contrairement à la précédente, est accidentelle, et relativement rare, bien que son produit soit fructueux et rémunérateur quand les manœuvres complexes qu'elle nécessite aboutissent heureusement à leur fin. Elle consiste à cerner, avec une enceinte de filets disposés en hâte, un banc de Thons qui séjourne momentanément à portée du rivage, et à l'entourer de manière a le capturer. Il faut à cela, pour la réussite, un concours de circonstances favorables qui s'associent rarement. Il n'en fut ainsi que trois fois pendant l'année 191 7, deux en mai et la troisième en août. L'année précédente, celle de 1916, n'avait permis qu'une seule sinche, qui eût lieu le 23 janvier. La première sinche de 1917 fut faite les 10 et 11 mai; les Thons se trouvaient en face de l'anse de Ponteau, à 4 kilomètres environ au N.-N.-O. de Carro ; son tableau de pêche comporte iioo individus. La deuxième, effectuée une semaine plus tard. à proximité plus grande de Carro, procura 600 pièces. La troisième et dernière, qui fournit 870 Tiions, fût accomplie non loin du port, le 23 août. Deux à trois semaines plus tard, les Thons revenaient, et se montraient en nombre suffisant au voisinage de Carro pour entraîner les pêcheurs à préparer le montage d'une quatrième sinche ; mais ils se dispersèrent auparavant, quelques heures avant un changement marqué de temps et de courants. Quant à la pêche à la madrague, elle a cessé d'exister. Autrefois, et jusqu'au milieu du XIX'^ siècle, une dizaine de ces pêcheries fixes s'étendaient en cordon depuis la région de Carro jusqu'au fond du Golfe de Marseille. Progressivement, et à cause de la diminution croissante de leur production, elles cessèrent d'être montées. Ce mouvement négatif commença par les plus proches de la ville de Marseille, pour gagner peu à peu vers Carro. Les dernières madragues en action furent les plus voisines de cette dernière localité. III. L'exposé précédent étant destiné à mettre au point les diverses faces de la question, le présent paragraphe est consacré à la relation, dans leur ordre chronologique, des observations auxquelles, je me suis livré pendant la période de pêche de septembre 191 7, comprise entre le 4 et le 26 du mois. Il sera possible, ensuite, d'en tirer les conséquences. Ces observations ont consisté à mesurer par intervalles réguliers, et sur des stations choisies tout exprès, la tempé- rature et la densité de l'eau iii situ, en tenant compte de l'état et de la direction des courants, de la houle, et des vents. Ces mesures ont été prises, dans toutes les stations sauf une (à cause d'une mer trop dure), à la surface d'abord, puis à 5 et 10 mètres, enfin à 25 mètres de profondeur, limite extrême de la zone d'action des divers engins ernployés à la capture des Thons. Les échantillons d'eau ont été prélevés avec une bouteille Richard à renversement par messager. Les intervalles habituels, d'une observation à l'autre, furent de 3 jours en 3 jours, sauf du 17 au 19 septembre, et du 22 au 26, où ces intervalles furent respectivement de 2 jours et de 4 jours. La densité in situ a été évaluée directement avec le densi- mètre Thoulet, aidé de sa table de corrections. J'ai préféré cette méthode au système qui consiste à doser le degré de salinité des échantillons, d'abord parce qu'elle est directe et immédiate, ensuite parce qu'elle est la seule à donner la valeur exacte cherchée, car, si la salinité joue le rôle prépondérant dans l'établissement de la densité, d'autres circonstances, et notam- (345) ment la température, exercent également leur influence. Deux eaux d'un même degré de salinité pouvant avoir des densités in situ différentes, il est plus correct et plus précis, dans les études comparatives de cette sorte, de chercher d'emblée le chiffre à connaître. Les mesures ont été prises en diverses stations, dont l'une, servant de base fixe de comparaison, a été visitée régulièrement à chaque jour d'opérations. Cette station, que je nomme Ca?v^o- base dans l'exposé suivant, a été choisie à un mille au sud de Garro, et repérée avec les amers convenables et nécessaires pour la retrouver chaque fois. La profondeur d'eau y atteint 40 à 5o mètres. Le fond lui-même, comme l'indique la carte de A. Chevallier (L'Etang de Berre ; Annales de l'Institut Océano- graphique, vu, 4, 191 6), se trouve sur la lisière de la zone coral- ligène du côté de la vase du large. Cette station est placée à la limite orientale de l'espace que battent les pêcheurs à la cou- rantille dans leur recherche du Thon. Les opérations ont été effectuées au moyen des canots à vapeur et à pétrole du Service de Surveillance des pêches. Je tiens à exprimer ici tous mes remerciements à l'Administration Centrale de la Marine, dont l'aide bienveillante, malgré les diffi- cultés provenant de la gueire maritime, m'a été précieuse, ainsi qu'à MM. les Directeurs de la Marine de Marseille et de Cette, et à leur personnel. Je ne veux point oublier, non plus, dans l'expression de ma gratitude, mon excellent ami le D*" J. Richard, Directeur du Musée Océanographique de Monaco, qui a bien voulu me confier les bouteilles de son invention dont je me suis servi. Enfin, je suis heureux de rappeler la présence à bord, dans la plupart des sorties en mer, de mes Collègues et bons amis, M. le Prof. A. Vayssière, de Marseille, Corres- pondant de l'Institut, et de M. le Prof. R. Kœhler, de Lyon. Je mentionne enfin, pour chacune des journées d'observation, afin de ne négliger aucune des raisons qui ont été invoquées à l'égard des causes des déplacements du Thon, la température de l'air et la pression barométrique (miniina et maxima) cons- tatées à l'Observatoire de Marseille, situé à moins d'une trentaine de kilomètres de Carro. 5 Septembre. Mer calme ; faible courant d'entre S. et E. ; vents variables et faibles. Ciel clair; forte insolation. Observatoire de Marseille: Température min. 1407 ; max. 2807 Pression barométrique min. 758,7; max. 760,1 STATIONS ET PROFONDEURS Tempéralores l>tn%\\i% in situ I. — Carro-base (10-12 heures) surface 1802 1,0273 5 mètres 170 2 1,0276 10 — 170 ij027g 25 — 160 8 1,027b surface 22° 2 1,0254 5 mètres 220 I 1,0254 lO — 22° I 1,0253 surface 22° 3 1 ,0262 3 mètres 220 4 I ,0262 10 — 22° 2 1 ,0263 23 — 210 j 1,0263 - 9 - 8 Septembre. Mer légèrement houleuse ; faible courant d'entre S. et E. ; vents variables et faibles. — Ciel moyennement nuageux ; légères pndées de pluie. Observatoire de Marseille : Température min. 15° 7; max. 23° Pression barométrique min. 762 ; max. 763 STATIONS ET PROFONDEURS Température« Densite'i m5//W II. — Garro-base (10-12 heures) ni. — Carro-base (i3-i6 heures) 1 1 Septembre. Mer moyennement houleuse ; houle et fort courant d'entre S. et E. ; vent faible d'entre N. et W. — Ciel faiblement nuageux. Observatoire de Marseille : Température min. 180 3 ; max. 290 3 Pression barométrique min. 762,2 ; max. 762,9 STATIONS ET PROFONDEURS Températures dtnt'ait in situ IV. — Carro-base (10-12 heures) V. — Golfe de Fos (i2-i3 heures) à I mille W. des Laurons et 3 milles S. de Port de Bouc 14 Septembre. Mer houleuse ; houle et courant d'entre N. et W. ; vent violent d'entre N. et W. — Giel pur. Observatoire de Marseille: Température min. 1109; max. 25°. Pression barométrique min. 763 ; max. 763,9 STATION ET PROFONDEUR Température Dentité iti situ VI. — Garro-base (i5-i6 heures) surface 17° 9 1,0281 17 Septembre. Mer calme; fort courant d'entre S. et E. ; vents faibles et variables. — Giel pur. Observatoire de Marseille : Température min. 16° 6 ; max. 240 5 Pression barométrique min. 765,2 ; max. 765,8 (345) surface 22° 9 1,0264 5 mètres 22° 6 1,0264 10 — 220 (3 1,0267 25 — 220 3 1,0270 surface 22° 7 1,0263 5 mètres 220 6 1,0263 10 — 220 6 1,0268 23 — 220 3 1,0270 — 10 STATIONS ET PROFONDEURS Vil. — Carro-base (q-io heures) VIII. — Golfe de Fos (près des Lauron«, 12 h.) IX. — Golfe de Fos (à I milleS.Port de Bouc; J3-I6 h.] Température« Densités in SttU surface 20° 4 1,0210 5 mètres 20° 2 I,02 5l lO — 200 1,0257 25 — igo 3 1,0271 surface 20° 7 1,0227 surface 210 9 1,0188 5 mètres' 210 3 1,0227 10 — 200 9 i,023g 25 — igo 8 1,0263 s Températures Densités in situ surface 220 I 1,0253 5 mètres 220 I 1,0263 10 — 22° i,oz63 25 — 210 6 1,0262 surface 220 5 1,0269 5 mètres 220 7 1,0264 10 — 220 4 1,0265 25 — 220 I 1,0271 19 Septembre. Mer calme ; courants faibles et variables ; vent faible et petite houle d'entre S. et E. — Ciel pur. Observatoire de Marseille : Température min. i5o 7 ; max. 260 5 Pression barométrique min. 76'8 ; max. 769,5 . STATIONS ET PROFONDEURS X. — Carro-base (10-12 heures) XI. — Golfe de Marseille. (à I mille S. de Carrv, i5-i6 h. 22 Septembre. Mer calme ; courants nuls ; vent faible d'entre N. et W. — Ciel pur. Observatoire de Marseille: Température min. 120 3 ; max. 250 6 Pression barométrique min. 766,4; max. 766,7 STATIONS ET PROFONDEURS Températures Deashéî in situ XII. — Golfe de Marseille. (à I mille S. de Carry, 8-9 h.) XIII. — Carro-base (10- 12 heures) XIV. — Golfe de Marseille (à I mille S. du Cap Méjean, 14-13 h. surface 220 I 1.0269 5 mètres 220 1,0265 10 — 220 1,0266 25 — 210 7 1,0262 surface 210 8 I,025l 5 mètres 210 7 1,0258 10 — 210 7 I,025l 25 — 210 5 1,0249 surface 220 4 1,026g 5 mètres 220 4 1,0268 10 — 220 2 1,0268 25 — 210 5 1,0258 — I I — STATIONS KT PROFONDEURS Tenipéraliiret Deniiléj in situ surface 22° 6 1 ,0268 5 mètres 22° 3 1,0268 10 — 220 3 1 ,0268 23 — 210 I 1 ,0267 XV. — Golfe de Marseille (à 1,3 mille S. de Carry, i3-i6 h.) 26 Septembre. Mer calme ; courants et vents nuls. — Ciel pur. Observatoire de Marseille : Température min. iS« 9; max. 28° 2 Pression barométrique min. 763 ; max. 763,2 STATIONS KT PROFONDEURS Températures Densiléi ni .çz7« XVI. — Carro-base (S-q heures) XVII. — Au large (à 3 milles S. W. de Carroeldans l'axe de l'embouchure du Rhône ; 10-12 h.) XVIII. — Golfe de Marseille (à I mille S. de Niolon, 14-13 h. XIX. — Golfe de Marseille (Entre les Iles et le Cap Pinède, 16-17 h. IV. Je rappelle brièvement, avant de discuter les résultats, les points principaux de l'argumentation. La station de Carro-base est située dans la zone parcourue et exploitée par les pêcheurs à la courantille. Ses eaux, placées à découvert et en dehors des deux golfes de Marseille et de Fos, soumises aux mêmes influ- ences que celles des autres régions de la zone, possèdent par conséquent les mêmes qualités physiques de milieu, et sont susceptibles de donner à cet égard, sur ces dernières, des indi- cations convenables. Les variations présentées par elles au cours d'une période entière de pêche, comparées à celles des prises qui expriment à leur tour les phases de la venue et du départ des Thons dans les couches pêchables, permettent donc de se rendre compte s'il existe, ou non, un accord entre le C3xle de ces chan- gements et celui des modifications offertes par ces phases. (345) surface 220 3 1,0272 5 mètres 220 2 1,0272 10 — 22" 2 1,0270 23 — 220 1,0271 surface 22° 3 1,0263 3 mètres 220 3 1,0263 10 — 220 3 1,0263 23 — 220 3 1,0253 surface 23o 2 1,0266 5 mètres 220 7 1,0269 10 — 220 3 1,0270 23 — 220 2 1,0268 surface 220 q 1,0268 5 mètres 220 8 1,0267 10 — 220 6 1,0267 23 — 220 2 1,0263 12 — Le tableau de pêche précédemment exposé (page 6) exprime le rendement tel qu'il s'est montré du début à la fin de la période examinée. Au début, du 5 au 8 septembre, les captures, réduites à quelques unités, sont très peu nombreuses; elles augmentent rapidement du 8 au 1 1, puis diminuent à nouveau du 1 1 au 14 ; elles croissent ensuite, et se maintiennent à un chiiîre élevé du 14 au 19; après quoi, jusqu'à l'achèvement de la période, les chiffres baissent une fois de plus, tout en se tenant à une certaine hauteur moyenne et se rapportant à plusieurs dizaines de pièces. Il convient de noter que, durant les périodes de la pêche et sauf le cas de bourrasques violentes, les barques prennent toujours la mer e-t consacrent à leur travail un effort égal. Ce tableau peut donc être considéré comme représentant ^ro parte, aussi fidèlement que possible en des investigations de cette nature, l'état relatif des apparitions et des disparitions du Thon dans les eaux de la zone pêchable. Les influences que l'on a invoquées, et que l'on peut invoquer comme agissant sur les allées et venues du Thon, appartiennent à deux catégories. Les unes dépendent des circonstances météo- rologiques : ce sont celles qui ressortent de la température de l'air, des vents, de la pression barométrique. Les autres sont d'ordre océanographique : les températures de l'eau, les densités in situ, les courants. Ces qualités diverses doivent done être évaluées séparément. Il est inutile, au sujet du Thon, et de sa pêche en eaux littorales pour qui la zone d'action ne s'étend guère au-delà de 25 à 3o mètres de profondeur, de faire intervenir cette pro- fondeur même, comme il le faudrait pour d'autres espèces de poissons migrateurs, car la faible portée des variations de cette sorte dans le cas présent rend inutile toute investigation en ce sens. Le tableau suivant donne le relevé des degrés du minimum et du maximum de la température de l'air, pris à l'Observatoire de Marseille, aux jours d'expérience à Carro. En admettant qu'il y aitque'ques différences entre les deux localités, ces différences sont minimes, et, en tout cas, l'éloignement n'étant pas consi- dérable et le régime météorologique se trouvant identique, le cycle des changements est sûrement de même nature. 5 Septembre 8 — 1 1 — 14 — '7 — 19 — 22 — 26 — MINIMA maxim; 140 7 28» 7 i5o 7 25° 180 5 290 3 110 9 25° 10° 6 240 5 i5o 7 260 5 120 3 25° 6 i3o 9 28° 2 — i3 — La lecture de ce tableari ne fournit aucun motif de compa- raison avec le rendement des pèches, sauf au sujet du 14, date à laquelle on relève les deux termes les plus bas, et qui est aussi celle d'un minimum du rendement lui-même. Mais à pai-t cette relation, qui se retrouve avec plus de netteté dans la série des températures de Teau, les mêmes causes ayant produit des effets du même ordre, on ne voit ailleurs apparaître aucune concordance. Le même défaut se présente au sujet du régime des vents. Ceux-ci, du 5 au 8, furent variables et faibles ; puis vers le 1 1, le vent dominant du pays, ou de N. W., commença à soufller, faible d'abord, ensuite de plus en plus violent, jusqu'au 14. Il cessa brusquement peu après ; les vents revinrent alors faibles et variables, d'abord peu distincts, s'affirmant ensuite d'entre S. et E. vers le 19, d'entre N. et W. vers le 22, pour s'atténuer ensuite, et laisser l'atmosphère dans un calme presque complet. Or, on n'aperçoit dans ce cycle aucune liaison avec celui des rendements de la pêche. Les captures peu nombreuses de l'extrême début se font sous un régime de vents variables et faibles comme celles plus abondantes des journées immédia- tement consécutives (du 8 au 11). La chute du 14 s'accorde, il est vrai, avec la présence d'un vent violent de N.-W., mais elle s'accorde aussi avec celle de circonstances complémentaires, d'ordre océanographique et tenant à la température de l'eau, dont l'influence est encore plus nette. Après quoi, les grands ren- dements de la période comprise entre le 14 et le 17 s'effectuent par vents variables et faibles, ceux de la période suivante par petite brise de S.-E. ; il en est de même pour les rendements plus restreints du 19 au 22, et cette diminution se maintient ensuite, malgré un régime nouveau de petit N.-W. d'abord, de calme en dernier lieu. Au total, les variations de la pêche restent indépendantes de celles du régime des vents, autant comme force que comme direction, sauf la diminution synchrone à l'établissement d'un violent N.-W. Une indépendance similaire s'affirme également au sujet de la pression barométrique. Le fait ressort de l'examen des chiffres exprimant en série les minima et maxima successifs. MINIMA MAXIMA 5 Septembre 8 758,7 762 760,1 763 II — 762,2 762,9 H — '7 — 19 — 22 ■— 26 — 763 765,2 768 766,4 765 763,9 765,8 769,5 766,7 765,2 On voit parce tableau que la pression barométrique, relati- (345) — 14 — vement basse au début de la période de pêche, a subi une pro- gression constante, et presque régulière malgré les mauvais temps du 14, jusqu'au 19 du mois où elle parvient à son plus haut ; après quoi, elle baisse quelque peu, tout en se main- tenant à un degré élevé. Ce rythme ne concorde point avec celui des rendements de la pêche, et ne dénote aucune relation. V. Etant établi que les diverses circonstances de Tordre météo- rologique sont privées de liaison avec celles de la pêche, il est difficile, par suite, d'admettre en leur faveur une action causale quelconque. Il n'en est plus de même pour celles de l'ordre océanographique, notamment en ce qui concerne la température des eaux. Un premier point à fixer à ce sujet porte sur la constance de cette température. Le fait, dans son ensemble, est bien connu en océanographie: on sait que les variations thermiques horaires du milieu aquatique sont inférieures de beaucoup à celles de l'atmosphère. Mais il importait de le préciser numériquement quant à l'étude actuelle, afin de ne rien laisser dans le doute. J'ai effectué pour cela, à deux reprises, des mensurations compa- ratives, les unes dans la matinée, les autres dans l'après-midi, afin de connaître les minima et les maxima. 11 suffira, dans les tableaux du paragraphe III, de comparer les chiffres de la station II à ceux de la station III, et ceux de la station XII à ceux de la station XV, pour s'apercevoir que les différences entre mi- nima et maxima, fort restreintes, atteignent au plus un demi- degré, alors que les différences correspondantes sont beaucoup plus fortes pour l'atmosphère. Cet état thermique presque constant du milieu marin à l'égard des variations horaires lui assure une continuité d'action, qui a certainement son influence biologique et son retentissement. Le tableau suivant montre en série, selon les profondeurs, les températures constatées à Carro-base aux jours d'obser- vations : SURFACE 5 METRES 10 1 METRES 2:) METRES 5 S: eptem bre 180 2 170 2 170 160 8 8 — 22° 5 220 4 220 2 210 7 1 1 — 22° g 220 6 220 6 220 3 14 — 17° 9 17 , — 200 4 200 2 20" igo 3 19 — 220 I 220 I 220 21° 6 22 — 210 8 210 7 210 7 210 5 26 — 220 3 22° 2 220 2 220 Ce relevé présente une suite de variations qui se corres- pondent de la surface à 25 mètres de profondeur, et se distribuent selon plusieurs inflexions d'ascension et de descente. — 15 — Tout au début de la période de pêche,' les eaux sont à une température relativement basse pour la saison considérée ; elles ne tardent pas à augmenter à cet égard, et progressent rapi- dement, gagnant 4 à 5 degrés en 5 ou 6 jours. Cette série ascensionnelle s'interrompt du 1 1 au 14, date du vent violent de N.-W., et la température de surface tombe à son point le plus bas. Immédiatement après, le mouvement de hausse reprend avec rapidité, parvient à sa culmination vers le 19 du mois, redescend quelque peu vers le 22, pour remonter encore et demeurer ainsi jusqu'à la fin de la pêche. Le relevé comporte donc une ascension, suivie d'une forte chute brusque, à laquelle succède une nouvelle ascension, suivie à son tour d'une chute moyenne et d'un léger relèvement consécutif. Or cette courbe se superpose exactement, comme inflexions et comme dates, à celle du rendement des pêches. Une telle liaison se révèle avec netteté dans le graphique comparatif ci-dessus. L'examen des courbes de ce graphique dénote deux corré- 'lations : en premier lieu celle des courbes thermiques aux (345) diverses profondeurs, car ces courbes s'infléchissent de la même façon, montrant ainsi que, de la surface à 25 mètres, les con- ditions de milieu composent un ensemble homogène et constant; en second lieu celle de cet ensemble avec la courbe des ren- dements de la pêche, car les deux subissent des variations correspondantes. Cette dernière, en effet, montre uns première phase ascensionnelle jusqu'au ii septembre, suivie par une descente dont le point le plus bas se place à la date du 14 ; ensuite un nouveau mouvement ascensionnel la fait remonter jusqu'au 19, après quoi survient une descente moins prononcée que celle du 14, et dont la ligne de chute se redresse du 22 au 26, en même temps que se relèvent aussi les degrés de la tempé- rature du milieu. Les deux groupes de courbes offrent donc des inflexions assez étroitement superposables pour que l'on soit en droit d'admettre une relation de cause à effet entre les variations de cette température et celles de la pêche ou, en général, celles de l'apparition et de la disparition des Thons dans la zone de pêche. Par contre, l'examen comparatif des chiffres de la densité m situ des eaux de Carro-base ne fournit point d'indication aussi nette, ni aussi précise, que le précédent. On saisit bien, grâce à lui, quelques données dont il sera utile de se servir dans la comparaison de Carro-base avec le Golfe de Marseille, mais, dans le présent cas limité, les chiffres sont trop rapidement variables pour se prêter à une étude sériée. On le voit par le tableau récapitulatif suivant, où les chiffres entre parenthèses expriment les taux de salinité établis selon les tables de Knudsen, après calcul de la densité à o''. SURFACE 5 MÈTRES 10 METRES 25 METRES 5 Septembre 1,0278 (37,82) 1,0276 (37,82) 1,0279 (38,o6) 1,0276 (37,82) 8 — 1,0262 (37,57) 1,0262 (37,57) 1,0263 (37,57) 1,0263 (37,45) II — 1,0264 (38, 06) 1,0264 (38, 06) 1,0267 (38,44) 1,0270 (38,62) 14 — 1,0281 (38,57) 17 — 1,0210 (3o,37) i,025i (35,34) 1,0257 (36, 20) 1,0271 (37,82) 19 — 1,0253 (36,45) 1,0263 (37,70) 1,0263 (37,70) 1,0262 (37,45) 22 — i,025i (36,2o) 1,0258 (36,95) i,025i (36, 20) 1,0249 (85,96) 26 — 1,0272 (38,93) 1,0272 (38,93) 1,0270 (88,69) 1,0271 (88,69) Les variations ainsi accusées sont surtout dues à l'intrusion des eaux douces du Rhône dans les couches superficielles de la zone de pêche. Selon la direction et la force des vents et des courants, ces eaux se mélangent plus ou moins vite, et plus ou moins près de la côte, avec celles de la mer. Pourtant, malgré ces modifications dont le lieu se déplace sans cesse dans le temps comme dans l'espace, les données auxquelles il est fait allusion ci-dessus se laissent discerner, et d'abord le fait que les densités — 17 — in situ augmentent habituellement avec la profondeur. Ensuite, que les couches situées entre lo et 25 mètres de profondeur subissent des changements moins fréquents et moins prononcés que les couches plus superficielles. De plus, et sauf à la date du 22 septembre, que les premières montrent à ce sujet des chiffres élevés, dont une moitié atteint ou dépasse 1,0270, pour des salinités qui, à plusieurs reprises, ont comporté les taux de 38,69 et de 38,93. L'étude de la distribution et du changement des courants permet, par surcroît, de coordonner ces notions entre elles et avec les cotes de la température. Au début de la période de pêche, les courants s'établissent d'entre S. et E., et vont en se renforçant progressivement jusqu'au 11 septembre; cette passe de renforcement concorde avec la première phase d'as- cension des rendements. Puis, les vents s'étant mis au N.-VV., et prenant une violence toujours plus grande, les eaux locales se ressentent de cette action, les courants d'entre S. et E. sont rejetés au large, et des courants de N.-W. se mettent à leur place : ceci correspond à la chute de la courbe des rendements (14 septembre). Ensuite, les courants d'entre S. et E. reviennent vers la zone de pêche ; en concordance avec ce fait, les ren- dements de la pêche augmentent. Enfin ces courants s'atténuent peu à peu, mais gardent la région sous leur influence, car les eaux qu'ils ont amenées n'en ont point été détournées par d'autres courants contraires ; et la pêche, tout en se maintenant dans une production moyenne, subit une diminution. Ainsi, des deux groupes de courants qui parcourent la région, celui d'entre S. et E. accorde sa presence avec une augmentation de rendement, et par conséquent une apparition plus nombreuse des Thons, tandis que celui d'entre N. et W. accorde la sienne avec un résultat contraire. Or le premier transporte des eaux rela- tivement tièdes et denses, tandis que le second entraîne au large des eaux littorales relativement froides, et mélangées en pro- portions variables avec les eaux douces du Rhône. Le fait que les Thons fréquentent de préférence les eaux des courants d'entre S. et E. explique la liaison de leurs captures plus nombreuses avec une hausse thermique,. puisque celle-ci provient localement de l'approche et de l'influence de ces courants, et qu'elle en est une conséquence. Cette liaison est donc entière. Il n'en apparaît pas tout à fait de même pour sa correspondante entre le chiffre des captures et le taux des densités, à cause des perturbations causées par le Rhône, mais ceci se révèle d'une autre façon, en comparant Carro-base, et sa région de pèche, à l'intérieur du Golfe de Marseille. (345) VI. Les trois séries d'observations effectuées au dates du 19 sep- tembre (stations X et XI), du 22 (stations XII, XIII, XIV, XV), du 26 (stations XVI, XVII, XVIII, XIX), permettent d'avoir sur cette comparaison, quant à la température et à la densité iii situ, des renseignements démonstratifs. On y voit que les degrés de température sont peu différents, et qu'ils accusent même, dans leur ensemble, une légère plus-value en faveur du Golfe de Marseille. Par contre, les taux de la densité attestent une dissem- blance assez fréquente quant à l'ordre de stratification. Ordi- nairement, à Carro-base, la stratification est directe, et la densité augmente avec la profondeur ; sur 7 stations, il n'est guère d'exception que pour Tune d'elles (XIII, 22 septembre) ; encore la différence est-elle minime, et liée à un abaissement général de salinité provenant de l'intrusion locale et passagère des eaux douces du Rhône. Par contre dans le Golfe de Marseille, la stratification est le plus souvent inverse, c'est-à-dire que la densité et la salinité décroissent en profondeur ; il en est ainsi, à divers degrés, pour les stations XII, XIV, XV, XVIII, XIX, soit pour 5 stations sur 6. Tantôt cette inversion est progressive depuis la surface, tantôt elle se limite à une plus faible épaisseur; tantôt elle est considérable, tantôt elle est faible ; mais, au total, elle fait rarement défaut. La signification en est fort nette. L'unique cause d'une sem- blable modification provient d'un mélange en profondeur des eaux marines avec des eaux douces qui, surgissant sur le fond du Golfe de Marseille, diminuent la salinité et la densité des pre- mières. Ce mélange n'a point lieu à Carro-base, ni dans la zone de pêche, où les eaux venues du large sont mises à l'écart d'une telle altération, oii celles qui s'associent aux eaux douces du Rhône reçoivent ces dernières en surface et non en profondeur. Il faut donc en conclure que la cuvette du Golfe de Marseille porte dans son sous-sol des nappes aqueuses souterraines, qui s'épanchent dans la mer à divers niveaux, et qui modifient localement les taux de densité et de salinité, sans trop toucher a la température. Cette conclusion est d'autant plus acceptable que le littoral montre, sur divers points, au bord même de la mer ou un peu au-dessous, des sources d'eau douce bien connues des riverains. 11 n'est donc pas étonnant que ces dernières, com- plétées par d'autres plus éloignées du rivage et impossibles à repérer par suite, n'agissent avec continuité pour opérer de telles dilutions. Or, il est intéressant de remarquer que cet état de stratifi- cation inverse des densités, qui établit la différence principale entre les eaux du Golfe de Marseille et celles du large, s'accorde — ig — avec l'exclusion des Thons de l'intérieur de ce Golfe, ou, en tout cas, avec leur minime pénétration. Sur ce point, les données fournies par la pêche à la sinche, et par la constatation du déficit actuel des madragues, se corroborent mutuellement. On doit noter, en effet, que les sinches ne peuvent être pratiquées que dans des régions littorales où les Thons demeurent en grand nombre, sans trop s'écarter, pendant un délai assez long, et parfois de quelques jours. Il faut donc que ces parages leur offrent à tous égards des conditions propices. Or, les régions à sinches sont toutes placées au voisinage de Carro, et il n'en est aucune dans le Golfe de Marseille. Pourtant la proximité des deux loca- lités, en tenant compte du fait que le Thon est un nageur puissant et rapide, et leur ressemblance à tous égards comme présence de bancs de poissons capables de servir de proie, comme tempé- rature, comme importance de trafic par navires à vapeur car Carro est placé sur le passage de lignes fréquentées, tendraient à établir entre elles une sorte de parité. Or, celle-ci n'existe point. Et cette opposition trouve son répondant dans celle des densités, comme dans celle des épanchements aqueux sous marins. Le cas des madragues n'est pas moins probant. Ces pêcheries, à la suite de la diminution croissante de leurs revenus, ont été progressivement supprimées dans l'intérieur du Golfe de Marseille. Prospères autrefois, ce qui dénotait une pénétration nombreuse du Thon dans le Golfe, elles ont disparu peu à peu à dater du milieu du xix^ siècle. Or, cette disparition n'a point été irrégulière ; elle a procédé du fond du Golfe jusqu'à son entrée sur le littoral nord, montrant par là que sa cause était plus forte et plus rapide dans celui-là que dans celui-ci. La dernière ma- drague en action fût précisément la plus proche de Carro, c'est- à-dire la plus voisine du lieu où les conditions s'accordent le mieux avec la présence des Thons. Comme je l'ai montré dans un travail antérieur (1914 b), le début de cette disparition des madragues s'est montré à la date même où le territoire de jMarseille, jadis sec et aride, reçut en abondance pour la première fois des eaux douces amenées de la Durance par un canal. Ce supplément se déversant dans le Golfe avec continuité, soit de façon directe, soit après pénétration dans le sous-sol, l'état des eaux marines locales devait en subir la répercussion. Celle-ci se manifeste par le renversement de stra- tification des densités et des salinités ; et cette cause s'étant main- tenue, s'étant même aggravée par l'apport d'eaux d'épuisement de mines, malgré la dérivation du réseau des égouts loin de la ville, l'état établi voici plus d'un demi-siècle a persisté. Le fait qu'il se maintient démontre, pour sa part, que les questions de densité in situ ont une importance réelle dans la biologie du Thon. Ce poisson est manifestement sténotherme, et c'est le cas marquant dans le présent sujet ; mais il est aussi, et accessoirement, sténohalin, en ce sens qu'il fréquente de pré- (345) — 20 férence des eaux d'une densité et d'une salinité' convenables, et qu'il s'éloigne des autres. Les deux faits se tiennent, du reste, et ne sauraient se séparer. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les Thons suivent, dans leurs allées et venues, les eaux des courants d'entre S. et E., arrivent avec elles, et disparaissent lorsqu'elles s'éloignent ou lorsque leur influence locale a cessé d'exister. Ces eaux, venues du large, et qui dépendent du grand courant général de retour de la Médi- terranée, sont, toutes autres choses égales, les plus chaudes et les plus denses, n'ayant été l'objet d'aucune modification par un contact trop prolongé avec les zones côtières. Il en résulte donc, à l'égard du Thon, que thermalité et densité vont de pair, et que ces deux conditions s'associent pour procurer à l'habitat de ce poisson ses qualités nécessaires. VII. Conclusions. 1" Le Thon [Orcfiiiis ihynnits L.), considéré quant à son éthologie, est sténotherme et sténohalin. La sensibilité à la température occupe en cela le premier rang ; la sensibilité à la densité et à la salinité du milieu intervient à titre complé- mentaire, en ce sens que, à températures égales ou peu dissem- blables, les individus se portent de préférence vers les régions où se trouvent, avec le plus de constance, les eaux les plus denses et les plus salées. Ces qualités expliquent les apparitions et les disparitions plus ou moins rapides du Thon dans les régions littorales, où la pèche s'exerce habituellement. Les eaux de ces dernières subissent des modifications de diverses sortes, dues au voisinage de la côte comme aux circonstances météorologiques et océano- graphiques changeantes ; les altérations ainsi produites exercent sur les individus une action directrice qui les fait s'éloigner ou revenir selon le cas. Ces sensibilités sont différentielles plutôt qu'absolues. 11 semble bien qu'il y ait un optimum thermique, voisin de 20°; mais les Thons peuvent fréquenter des eaux portées à une tem- pérature plus faible, en se tenant de préférence dans celles dont le degré est le plus élevé. Il semble aussi qu'il y ait un minimum thermique, voisin de i3°, qui correspond à la température pro- fonde constante de la Méditerranée. 2° Quant à l'habitat, on doit cesser de considérer le Thon comme on le fait habituellement, en le situant par rapport à la topographie locale. Cette notion doit s'appliquer, du reste, aux autres espèces de poissons pélagiques bon nageurs. L'habitat — 21 — réel est ici d'ordre océanographique, non pas topographique. Cet habitat essentiel et permanent est constitué par les courants d'eaux tièdes et denses, qui se rattachent au courant général de retour du cycle méditerranéen, et qui, à l'égard du Golfe du Lion, arrivent vers son littoral d'entre sud et est. Lorsque ces courants portent jusqu'aux régions côtières et à la zone de pêche, ils amènent des Thons avec eux, les y maintiennent tant qu'ils durent, et les y laissent lorsque leur influence se fait encore sentir au cours des périodes subséquentes. Par contre, lorsque cette influence s'atténue ou disparaît au contact des régions côtières, ou sous l'action des circonstances météorologiques locales, les Thons s'éloignent pour regagner leur habitr.i normal, et rejoindre au large ou en profondeur les eaux qui le cons- tituent. 3° Une telle liaison de l'espèce à un habitat aussi spécialisé corrobore mon opinion relative aux déplacements et aux mi- grations des Poissons. Ces déplacements ne reconnaissent point pour cause unique l'organisme seul, et ses facultés propres, indépendamment du milieu extérieur. Ils se subordonnent par contre à l'action directe et différentielle de ce milieu, qui les conduit selon ses variations particulières. Les allées et venues du Thon dans les régions littorales et les zones de pêche résultent de tropismes véritables, dus à la sensibilité étroite de l'individu envers la température et la densité /;/ situ de son milieu. L'individu se déplace du côté ou la température lui est la plus convenable, où la densité s'écarte le moins de son propre poids spécifique total. Il va vers les points de plus active vitalité et de moindre effort; il se détourne des autres. Ce sont bien là des tropismes, produits par Taction différentielle du milieu. 4° Ces notions biologiques ont leurs conséquences dans la conduite de la pêche. Puisque, dans une région donnée, les Thons fréquentent de préférence les eaux les plus chaudes, et .puisque les variations thermiques s'accordent entre elles jusqu'aux couches profondes de la zone de pêche, il sera utile aux pêcheurs, pour se porter vers les lieux de plus grande abondance, de se guider au moyen de mesures thermométriques des eaux de surface. La présomption de la pêche la plus fruc- tueuse sera en faveur des lieux où le degré le plus élevé sera constaté. Il convient pourtant de ne pas accorder à cette conséquence, malgré sa justesse, une trop grande valeur dans la pratique habituelle de la pêche au Thon, du moins en Méditerrnnée. Elle est inutile pour les sinches et les madragues. Elle ne peut servir que pour la courantille. Mais dans ce dernier art, qui a lieu de nuit et par intervalles, les renseignements fournis par l'estime aux pêcheurs expérimentés suffisent à la plupart des cas ; l'avis du thermomètre n'aurait son avantage (345) — li — que par certaines longues périodes de mer sans houle ni courants, chose rare dans les parages fréquentés par le Thon. En revanche, cet avis posséderait une réelle utilité dans la pêche atlantique, à la ligne flottante, du Thon lui-même et du Germon ou Thon blanc. Les espaces battus par les barques avec continuité pendant plusieurs jours sont ici considérables. Se guider à l'estime en pareil cas est souvent difficile ; et les pêcheurs vont au hasard en grande partie. Les mesures de température fourniraient donc des renseignements avantageux, qui permettraient à la pêche de s'orienter avec certitude vers les points les meilleurs. 11' INDEX DES PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES SUR LA BIOLOGIE DU THON. tion du thon commun [Tbynmis vulgaris G. V.) dans la Méditer- rendus de l'Académie des Sciences, t. i 52, Paris, 1816. Amico (P\-C. d'), duca d'Ossada, Ossei-va^ioni praticlie intorno la pesca, il corso, il cammino dei Tonni, Messina. 1911a. BouNHioL, J.-P., Une Théorie hydrodynamique des pseudo-migra- tion du thon comm ' ^ .r , ranée ; Comptes re 1911b. BouNHioi,, J.-P., Le Régime du Thon sur les côtes algériennes et dans la Méditerranée occidentale ; Bulletin trimestrid de la Société d'enseignement professionnel et technique des pêches maritimes (avril-juin), Paris. 1899. Bragança (D. Carlos de), Resultados das Investigacoes scientificas feitas'a bordo do yacht k Amelia » ; Pescas maritimas, 1, A pesca do Atum no Algarve em 1898, Lisboa. 1777. Gëtti, Storia naturale di Sardegna, III, Gli Anfibi e Pesci, Sassari. i83i. CuviER et Valenciennes, Histoire naturelle des Poissons, VIII, Paris. i88g. GouRRET, P., Recherches statistiques sur la Pêche du Thon dans le golfe de Marseille; Annales du Musée d'histoire naturelle de Marseille, III. 1893. GouRRET, P., Statistique de la Pêche du Thon pendant les années i88g, i8go, i8gi; Annales du Musée d'histoire naturelle de Marseille, IV. 1894. GouRRET, P., Les Pêcheries et les Poissons de la Méditerranée {Provence) ; Bibliothèque des Connaissances utiles, Paris. 1916. Meek, a., The Migrations of Fish, London. 1889 Pavesi, Relapone alla Commissione Reale per le Tonnare. — Atti délia Commissione Reale per le Tonnare; Ministero di Agricoltura, Industria e Commercio, Roma. 191 3. Roui.E, L , Observations sur la migration reproductrice du Thon commun (Orcynus thynnus L); Bulletin du Museum National d'histoire naturelle, Paris. 1914a Roule, L., Traité raisonné de la Pisciculture et des Pèches, Paris. 1914b Roule, L., Etude préliminaire sur la Biologie et la Pêche du Thon commun (Orcynus thynnus L.) dans la Méditerranée occidentale ; Vie Congrès National des Pèches maritimes tenu à Tunis, l^aris. 191 4C Roule, L., La Biologie et la Pêche du Thon dans la Méditerranée occidentale ; Revue Générale des Sciences pures et appliquées, •iSe année, Paris. 1916a Roule, L., Sur la Migration et la Pêche du Thon (Orcynus thynnus L.) sur nos côtes ' méditerranéennes ; Comptes rendus de l'Académie des Sciences, t. i63, Paris. (345) igiöb Roule, L., Observations sur ta stênothermie du Thon commun; Comptes rendus de la Société de Biologie, t. 79. 1917a Roule, L., Etude sur les aires de ponte et les déplacements pério- diques du Thon commun {Orcynus thynnus L.i dans la Méditer- ranée occidentale ; Annales de l'Institut Océanographique, VII, 7, Paris. 1917b Roule, L., La disparition périodique du Thon (Orcynus thynnus L.) dans le golfe du Lion pendant l'année igi6\ Bulletin du Museum National d'histoire naturelle, no 6, Paris, 1917. 19T7C Roule, L., Sur l'habitat du Thon (Orcynus thynnus L.) et ses dépla- cement littoraux dans la Méditerranée occidentale française, Comptes rendus de l'Académie des Sciences, t. i65, Paris, 1909. Sanzo, L , Uova e larve di Scomberoidi ; Bolletino del Ministero di Agricoltura, Industria e Commercio, anno 8, Ser. B, Roma. 1910. Sanzo, L., Studi sulla biologia del Tonno (Orcynus thynnus L.); Rivista mensile di Pesca e Idrobiologia, anno 5, Pavia. Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 346. — i5 Novembre 1918. iL ( — Note préliminaire sur les Hexactiniaires recueillis au cours des croisières de la Princesse-Alice et de YHirondelle de 1888 à 1913 inclusivement. Par Ch. GRAVIER Durant les croisières accomplies par la Princesse-Alice et ï Hirondelle, de 1888 à 191 3, il a été recueilli dans la Méditerranée et surtout dans l'Atlantique septentrional, une importante collection d'Actinies, dont la très grande majorité proviennent de profondeurs comprises entre 100 et öo35 mètres. Dans la liste suivante, les espèces nouvelles sont impri- mées en caractères gras. I. EDWARDSINA Edwardsia s p. ? II. HALCAMPINA Halcampa arctica Carlgren. III. ACTININA I. F'amille des Actinid^e Andres. Actinia equina L. Anemonia insessa n. sp. 2. Famille des Bolocerid^ Mac Murrich. Bolocera longicornis Carlgren. 3. Famille des Bunodid^ Gosse. Rhodactinia crassicornis Agassiz. (346) — 2 — 7- Famille des Paractid^ R. Hertwig. Paractis flava n. sp. — vestita n. sp. Paradis sp. ? Actinostola callosa Verrill. Actinernus Verrilli n. sp. Gliactis crassa n. sp. Thoracactis Topsenti n. sp. 5. Famille des Sagartiad^ Gosse Allantactis parasitica Danielssen. Adamsia Rondeletii Delle Chiaje. — palliata Bohadsch. — sp. ? Sagartia sociabilis n. sp. — sobolescens n. sp. Chondractinia digitata (O. F. Müller). — nodosa (Fabricius). — ji'v. Chitonanthus incubans n. sp. — indutus n. sp. — abyssorum n. sp. Hormathia elongata n. sp. — ? musculosa n. sp. Stephanactis impedita n. sp. — inornata n. sp. 6. Famille des MiNVAniOiE H. Milne Edwards. Nectactis singularis n. sp. 7. Famille des Sicyopid^ nov. fam. Sicyopus commensalis n sp. • IV. SnCHODACTYLINA Famille de2 Go ral mmo rphid^ R. Hertwig. Corallimorphus ingens n. sp. Parmi ces Hexaciinidîe, il a été reconnu, comme on le voit, 26 espèces appartenant à iq genres répartis dans 9 familles distinctes. 10 de ces espèces étaient connues antérieurement aux croisières de la Princesse-Alice \ les 16 autres sont à considérer comme nouvelles ; 4 d'entre elles ont nécessité la création d'autant de genres nouveaux, dont l'un devient le type _ 3 — d'une famille nouvelle. Des Actinies qui paraissent appartenir respectivement aux genres Edwardsia, Paradis, Adamsia, Sagavtia n'ont pu être déterminées spécifiquement. Il est, de plus, une forme dont il est impossible de dire à quel genre on peut la rattacher, tellement elle est méconnaissable et le fait est d'autant plus regrettable qu'elle a été draguée à plus de 6000 mètres de profondeur. Enfin, plusieurs déterminations demeu- rant douteuses ; quelques diagnoses sont insuffisantes, au grand regret de l'auteur de cette note ; cela tient à l'état défectueux de conservation du matériel étudié. Il n'existe peut être pas d'ani- maux qu'il soit aussi difficile de rapporter en bon état que les Actinies. Il ne sera question ici que des espèces nouvelles qui seront brièvement décrites. Quant aux observations générales, d'ordre morphologique ou d'ordre biologique, qu'a suggérées à l'auteur l'étude de l'importante collection d'Actinies du Musée de Monaco, elles seront exposées dans le mémoire illustré qui paraîtra ultérieurement et qui fera partie de la grande publica- tion relative aux campagnes scientifiques de la Princesse- Alice. Anemonia insessa n. sp. Campagne de 1897 : Stn. 801, profondeur 100'". 10 exem- plaires. Actinies de petite taille qui apparaissent comme perchées sur des axes cornés de Gorgonidés. Le diamètre de la colonne excède rarement 3 millimètres et la hauteur, quand les tenta- cules ne sont pas rétractés, 4 inillimètres. Présentent toutes les orientations, sur les squelettes dendroïdes d'Alcyonaires. Surface de la colonne lisse, sans verrues, ni ventouses ; aucune trace apparente de vésicules marginales au bord du peristome. 40 cloisons chez les plus grands individus. La sole pédieuse enve- loppe complètement le support étroit constitué par le squelette corné de Gorgonidé sur lequel elle se replie et se plisse. Paroi de la colonne peu épaisse et assez peu consistante. Sphincter de forme allongée, assez puissant, entièrement endodermique. Tentacules fort développés, dont les plus grands, chez ces ani- maux contractés, ont une hauteur comparable à celle de la colonne ; ceux du cycle interne sont plus de deux fois aussi longs et aussi larges que ceux du cycle externe. La couleur de ces appendices est ici d'un brun moins foncé que celui de la colonne. Pharynx large, sans siphonoglyphês distincts. 10 paires de cloisons macrentériques. Musculature longitudinale des cloisons extrêmement réduite; endoderme fort développé, ce qui donne aux cloisons une épaisseur relativement considérable. Bord libre des cloisons, renflé, limité de chaque côté par un léger (346) — 4 — étranglement de l'endoderme ; le bourrelet marginal est bourre' de nématoc3'stes et de cellules glandulaires. Pas d'organes reproducteurs visibles ; ni cinclides, ni aconties. Position systématique difficile à fixer, à cause de l'état du matériel étudié. Cependant l'Actinie de la station Soi rappelle, par certains traits, des formes rattachées par Mac Murrich à la famille des Actinidse [Anemonia? inœqualis Mac Murrich; Myonanthiis ambigiius Mac Murrich ; Anemonia variabilis Mac Murrich); peut être rangée, sous toutes réserves, dans le genre Anemonia, bien que la présence de vésicules sur le bord du peristome n'ait pas été constatée. Paractis flava, n. sp. Campagne de 191 5: Stn. 2048, piofondeur 1968'". [exem- plaire.— Stn. 21 II, profondeur 3465'". 5 exemplaires. Campagne de 1912 : Stn. 3223, profondeur 53oo"\ 3 exem- plaires. L'exemplaire qui paraît être le mieux conservé et qui pro- vient de la station 21 II, mesure i5™"\5 dans sa plus grande largeur; il est fixé sur un caillou volcanique de teinte très foncée. Couleur brun orangé assez vive, malgré un long séjour dans l'alcool; à la périphérie de la colonne, liseré blanchâtre au-dessus de la sole pédieuse dont le contour est un peu irré- gulier. Actinie contractée, de forme très surbaissée : 4™'", 25 de hauteur au centre; parle petit orifice du sommet, pointent les extrémités de quelques tentacules. A la surface de la colonne, fines côtes, dont les sillons de séparation correspondent aux lignes d'insertion des cloisons, et constituées chacune par une série de perles contiguës, peu saillantes, plus marquées au voisinage du sommet, sans qu'il semble y avoir de vésicules marginales. Paroi de la colonne assez épaisse, de consistance ferme. Muscle sphincter inclus dans la mésoglée, puissant, court et très épais. Tentacules à paroi épaisse, de longueur apparemment moyenne, disposés sur trois rangées ; les plus grands sont ceux du cercle interne chez l'animal à Tétat d'extension. Quatre cycles de cloisons. A cause du mauvais état de conservation et de la forme très surbaissée de l'animal fort contracté, il est trè.s difficile de se rendre compte exactement des relations des cloisons avec le pharynx. Les cloisons des deux premiers cycles paraissent être macrentériques ; leurs insertions sur la sole pédieuse s'étendent jusqu'au voisinage du centre de cette dernière. Musculature longitudinale de ces cloi- sons, peu développée. Les fanons, larges et plats sont cependant bien visibles sur la section transversale des cloisons. L'absence d'acontieset de cinclides, le développement du sphincter inclus — 5 — dans la mésoglée font attribuer l'Actinie en question au genre Paractîs; elle paraît bien ne se confondre avec aucune de celles qui ont été décrites jusqu'ici. Paractis vestita n. sp. Campagne de 1895 : Stn. 749, profondeur 5oo5"\ 12 exem- plaires. Campagne de 1905 : Stn. 2044, profondeur 2286^. 2 exem- plaires. Les douze exemplaires de la station 749 étaient fixés sur des fragments de pierre ponce ou sur des morceaux de calcaire perforé. Sole pédieuse très développée, étendue sur le support ; la plus grande dimension de celle-ci ne dépasse pas i5 millimè- tres. Colonne de couleur jaune plus ou moins foncé. Animaux très contractés ici ; forme très subaissée, atteignant au plus 4 millimètres de hauteur. Sur la colonne, il n'existe aucune ver- rue, mais on voit nettement les empreintes discontinues de corps étrangers qui se sont détachés de leur support; ces empreintes sont recouvertes d'une couche chitinoïde; sur certains exemplaires, ces productions chitinoïdes sont con- tiguës ; elles enchâssent sur l'un d'eux des tests de Globigérines empruntés au milieu où vivent ces Actinies et qui peuvent constituer un revêtement presque continu à l'animal. Sphincter bien développé, inclus dans la mésoglée. Tentacules relati- vement de grande taille. Pharynx assez large ; les siphono- glyphes ne sont pas nettement marqués. Quatre cycles de cloisons. Celles du quatrième cycle sont fort réduites et n'oc- cupent qu'une zone assez étroite à la périphérie, c'est-à-dire à la base de la colonne. Les cloisons du premier cycle paraissent être seules macrentériques. Les fanons musculaires sont larges et peu épais, mais toujours distincts; ils sont d'autant moins apparents que l'animal est à un état d'extension plus accentué. Aucune trace de cinclides, ni d'aconties. Malgré le nombre peu élevé des cloisons macrentériques, je classe, avec quelque réserve, cette Actinie dans le genre Paractis. Il est, du reste, des Paractidaä dont le nombre des cloisons macrentériques est aussi réduit que chez l'Actinie en question et il existe des Sagartiada^ chez lesquelles ce nombre est supérieur à 12, nombre des cloisons du premier cycle. Cette Actinie est bien distincte de la précédente et semble ne se confondr-e avec aucune autre antérieurement décrite. Son caractère externe le plus saillant est d'avoir la colonne plus ou moins recouverte de tests de Globigérines ; c'est pourquoi je propose de l'appeler Paractis vestita. (346) - 6 — Actinernus Verrilli n. sp. Campagne de 1901 : Stn. i i 16, profondeur 21 65'". 8 exem- plaires. Tous ces exemplaires vivaient sur des branches mortes de Lophohelia proliféra (Pallas), L'état de conservation de la plu- part d'entre eux laisse fort à de'sirer. Paroi de la colonne, épaisse et très consistante, à cause de la mésoglée. Le bord supérieur de la colonne présente des dents à pointe mousse qui ne sont pas toutes également développées. Chez les plus grosses de ces Actinies, à contour irrégulier, le plus grand diamètre à la par- tie supérieure, mesure 27 millimèties ; à la partie inférieure, 1 I millimètres ; la hauteur n'est que de 8 millimètres. Les autres spécimens, dont l'un est chargé de produits sexuels, ont des dimensions notablement moindres. Sur la face interne de chacune des dents du bord du disque buccal, s'insère un tenta- cule. Chez les exemplaires contractés de la station 1 i 16, certaines dents sont en dedans du cercle le plus externe, de sorte que les tentacules, au moins en certaines régions du disque buccal, paraissent être insérés sur deux cercles concentriques. Je ne sais si c'est bien là la disposition de ces appendices sur l'ani- mal vivant. 11 n'en serait pas ainsi, si l'on en juge d'après les figures données par Verrill pour des animaux voisins de ceux dont il est question ici. Cependant Verrill dit que les tentacules de V Actinernus saginatus Verrill sont situés sur deux rangées ; suivant Mac Murrich, V Actinernus plebeius Mac Murrich pos- sède environ 96 tentacules en deux ou trois c^xles. Les tenta- cules, dont très peu sont intacts, sont longs, effilés, à paroi relativement mince. Peristome comme les tentacules, pigmenté en brun vert foncé ; lignes blanches rayonnant vers l'orifice buccal, encadrant les tentacules à la périphérie. Sphincter inclus dans la mésoglée, moyennement développé ; assez puissant, néanmoins, pour fermer la colonne au-dessus des tentacules. Pharynx large, avec cannelures assez profondes ; les deux siphonoglyphes sont bien marqués. Cloisons macrentériques nombreuses ; en outre, cloisons intercalaires, très étroites dans la partie supérieure de la colonne, mais chargées, comme les premières, d'ovules volumineux dans leur partie élargie, à la base de la colonne, chez l'un des exemplaires. Ce dernier possède plus de 5o paires de cloisons et par conséquent, plus de quatre cycles normaux dans le type hexamère. Fanons larges, mais peu saillants. L'endoderme qui les recouvre, de même que celui qui tapisse intérieurement la colonne, est d'une teinte brune très foncée. Ces Actinies qui n'ont pu être suffisamment étudiées au au point de vue anatomique, à cause de leur trop médiocre état de conservation, doivent être rattachées au genre Actinernus Verrill, dont le créateur, Verrill, n'a donné que les caractères purement externes chez les espèces qu'il a nommées. Mac Murrich, chez VAclinejvius plebeius, a constate' la présence de cloisons appartenant aux cinquième et sixième cycles ; chez la même espèce, les cloisons des troisième et quatrième cycles sont seules fertiles et les six paires du premier cycle, seules, macren- teriques. Thoracactis Topsenti Gravier. Cette forme nouvelle, type d'un g(inre nouveau a été précé- demment décrite dans ce même Bulletin (i). Genre Gliactis nov. gen. Gliactis crassa nov. sp. Campagne de igoS : Stn. 2807, profondeur 400 mètres. 8 exemplaires. Tous ces exemplaires sont fixés sur des Acanella, dont la plupart portent encore leurs polypes ; de couleur blanche, celle FiG. I. Coupe transversale d'un exemplaire contracté au niveau du sphincter. de la mésoglée. — Port analogue à celui des Stephanactis. Ces Actinies sont, pour la plupart, allongées dans le sens de leur support, qui est complètement enveloppé par leur sole pédieuse. (i) Ch. Gravier, Note sur une Actinie (Thoracactis nov. gen., Topsenti nov. sp.) et un Polychète (Hermadion Fauveli nov. sp.), commensaux d'une Eponge siliceuse [Sarostegia oculata Topsent). Bull. Inst. océanogr., no 344 1918. (346) A la face supérieure, est une dépression allongée dans le sens de l'axe du support et dans laquelle on voit poindre, chez certains iplaires, les extrémités de quelques tentacules. Mais ces ndices sont presque entièrement cachés dans la cavité for- exem appe mée par la partie supérieure de la colonne et le peristome. Ni verrues, ni ventouses à la surface de la colonne. Les plus grands exemplaires n'ont pas plus de i i à 12 millimètres de grand axe, aux tentacules. Développement considérable de la mésoglée de la colonne, comme le mollirent les coupes transversales et longi- tudinales de l'animal (fig. i et 2). Peristome mince. Pied complè- tement inclus dans la colonne, beaucoup moins épais que celle- F'iG. 2. — Coupe longitudinale passant par l'axe de symétrie apparente et normale à l'axe du support, dont l'exemplaire a été détaché. Le pied est complè- tement enveloppé i^ar la colonne. L'individu est fortement contracté et presque clos en haut par le jeu du sphincter qui est diffus. Dans la cavité comprise entre la paroi de la colonne et le peristome, on voit les tentacules coupés suivant diverses orientations. Au-dessous du peristome, se montre le pharynx tout ratatiné dans la cavité qui le contient. ci et se moulant sur son support. Tentacules coniques, larges à la base, s'effilant à leur extrémité libre, disposés en plusieurs rangées concentriques et dont le nombre n'a pu être compté avec précision, à cause de l'état de contraction et du mau- vais état de conservation des exemplaires étudiés. Sphincter diffus, assez développé, entièrement rnésogléique (fig. 2) ; ses fibres ne forment pas de faisceau compact, mais sont isolées dans la mésoglée. Ce muscle est assez puissant pour enclore les tentacules dans la cavité formée par le peristome au dessous - 9 - de lui. Pharynx présentant deux siphonoglyphes profonds sur lesquels s'attache, de chaque côté, une paire de cloisons direc- trices qui fixent la position du plan de symétrie; ce dernier est perpendiculaire à l'axe longitudinal du pied et, par conséquent, à l'axe du support(fig. 3). Pharynx allonge dans le même sens que le corps, tout replié sur lui-même, à cause de la contraction de l'animal; il est fort difficile de reconnaître ses relations avec les cloisons. Il parait être rattaché à la paroi du corps par 20 paires P'iG. 3. — Coupe transversale de l'animal dans la région moyenne du pharynx. Les deux siphonoglyphes, avec les cloisons directrices, sont nettement visibles. Les parties des cloisons figurées en pointillé étaient en très mauvais état de conservation et déplacées dans la coupe. de cloisons. Parmi celles-ci, il semble y avoir trois ordres de grandeur correspondant à autant de cycles ; il y aurait donc 40 paires de cloisons : 10 du premier cycle, 10 du second et 20 du troisième. La symétrie serait ici décanière. La musculature longitudinale des cloisons est assez bien développée. La mus- culature basilaire est tout à fait rudimentaire. Partout, dans la (346) — 10 — colonne, dans le pied, dans les cloisons, la mésoglée se montre riche en noyaux. Chez plusieurs individus, les glandes mâles ont pris un développement considérable. Les Actinies de la Station 2807, que Ton peut rattacher provisoirement à la famille des Paractidœ où elles auraient une place tout à fait à part, nécessiteront la création d'un nouveau genre caractérisé essen- tiellement par son sphincter mésogléique diffus, mais assez puissant, sa musculature basilaire rudimentaire, en rapport avec son mode de fixation sur un support grêle et le dévelop- pement considérable de la mésoglée de la colonne; à cause de ce dernier trait, je propose de donner à ce genre le nom de GUactis (i). Sagartia sociabilis n. sp. Campagne de 1897 : Stn. 882, profondeur 98 mètres, 7 exemplaires. Campagne de 1908 : Stn. 2748, profondeur 1241 mètres, Ö exemplaires. Campagne de igii : Stn. 3144, profondeur 019 mètres. 2 exemplaires. Les 7 exemplaires de la station 882 sont fixés sur un axe qui paraît avoir appaitenu à un squelette d'AlcN'onaire. Les boids de leurs soles pédieuses sont tangents et se pénètrent récipro- quement en plusieurs points, comme on le voit chez \i2 Gephy/a Dohîviii Koch et chez VAdanisia Rondeletii Bohadsch. Forme très surbaissée; base largement étalée enveloppant une grande partie du support; chez le plus grand exemplaire, le grand axe de la sole pédieuse, allongée dans le sens de l'axe du support, est de 8'"'", 6. Ni verrues, ni ventouses, ni cinclides à la surface de. la colonne, dont la paroi est mince et cependant assez résis- tante. Sphincter assez développé, court, mais très épais. Péris- tome mince; orifice buccal allongé dans le sens du support. Tentacules bien développés, disposés au moins sur trois ran- gées; les plus grands sont ici les internes, qui deviennent les externes chez l'animal à l'état d'extension. Le nombie des cloi- sons est considérable; un grand nombre d'entre elles ne se développent qu'à la périphérie, dans la partie étalée sur le support, c'est-à-dire dans la partie inférieure de la colonne. Il ne paraît y avoir que les six paires de cloisons du premier cycle qui soient macrentériques. Toutes jont faiblement musclées ; les fanons ne forment pas de saillie appréciable à leur surface. La plupart d'entre elles se continuent à la face interne de la sole pédieuse jusque dans la région' centrale, sous forme de fins bourrelets, blanchâtres chez les animaux conservés. Ces Actinies (i) De yXia, colle, gelée. — 1 1 paraissent ne se confondre avec aucune des espèces décrites jusqu'ici ; je propose de donner à l'espèce nouvelle qu'elles constituent le nom de Sagartia sociabilis. Sagartia sobolescens n. sp. Campagne de 1901 : Stn. 11 16, profondeur 2i65 mètres. 8 exemplaires. Les plus grosses de ces Actinies n'ont guère que 637 milli- mètres de diamètre à la base. La hauteur de la plus grande atteint à peine 5 millimètres. Toutes sont fortement contractées. Elles sont blanches ; leur couleur est peut-être celle de la méso- glèe, l'ectodermc étant tombé. Ni verrues, ni ventouses, ni cin- clides apparentes à la surface de la colonne qui présente seu- lement des rides transversales et des dépressions longitu- dinales irrégulières tenant à l'état de contraction des animaux considérés. Sole pédieuse bien développée; chez la plupart des exemplaires, le bord inférieur de la colonne est replié sur cette sole. Peristome mince. Paroi de la colonne très ferme, quoique son épaisseur soit peu considérable. La cavité dans laquelle se logent les tentacules chez ces Actinies contractées est relative- ment très vaste, car elle occupe les deux tiers supérieurs de la hauteur de l'animal. Puissant muscle sphincter. Tentacules longs, s'étirant graduellement de la base au sommet et parais- sant être disposés grossièrement sur trois rangées. Les plus grands sont les externes, qui deviennent les internes chez l'animal à l'état d'extension. Trois cycles complets de cloisons; celles du premier, seules, sont macrentériques. Planons muscu- laires médiocrement développés. On n'aperçoit trace d'éléments sexuels nulle part. Cette espèce peut se multiplier par fragmen- tation ou lacération. Trois exemplaires possèdent à leur base un lobe qui s'attache au bord inférieur de la colonne. Je propose d'appeler l'espèce nouvelle que forment les Actinies de la station I I 16, Sagartia sobolescens (de sobolescere, se multiplier). Chitonanthus incubaus, n. sp. Campagne de 1898 : Stn. 1043, profondeur 88 mètres. 7 exemplaires. L'un de ces exemplaires est fixé sur un fragment de coquille. Sa sole pédieuse, largement étalée, a un contour irré- gulier, car elle a épousé la forme du support qui est un peu étroit. Sa plus grande longueur est de 2''"', 9 ; sa plus grande largeur, de 2'^"*, 4. Très surbaissée, cette Actinie est complète- (346) ment fermée en haut; la hauteur ne dépasse pas un centi- mètre au niveau de l'orifice donnant accès dans la chambre aux tentacules. Sur la colonne, des saillies de forme et de dimensions variées, disposées grossièrement en rangées trans- versales. Ça et là, de grosses verrues, revêtues encore presque toutes d'une couche chitinoïde brune, particulièrement nom- breuses vers le centre, c'est-à-dire dans la partie supérieure de la colonne. Dans la même région, 12 côtes rayonnantes inéga- lement marquées, formées elles-mêmes de nodosités alignées et qui se continuent en plis longitudinaux sur le capitulum. Paroi de la colonne mince, mais de consistance ferme. Sphinc- ter bien développé, d'épaisseur plus grande dans sa moitié supérieure que dans la moitié inférieure, oij elle diminue peu a peu. Tentacules fort contractés, courts et trapus, disposés grossièrement sur trois cercles concentriques, au nombre de plus de 80, ne paraissant pas présenter entre eux de différences de longueur bien appréciables. Pharynx large, à section trans- versale allongée; à l'une des extrémités du grand axe est un siphonoglyphe bien marqué; à l'extrémité opposée, il n'y en a aucune indication. 4 cycles complets de cloisons; seules, celles du premier sont macrentériques. Celles du quatrième cycle sont réduites à l'état de bourrelets peu saillants à l'intérieur de la colonne. Les cloisons des trois premiers cycles, bien déve- loppées, sont pourvues d'éléments sexuels, y compris les cloi- sons directrices. Les muscles longitudinaux sont faibles ; ils ne forment pas de saillies apparentes a la surface des cloisons. L'espèce dont il s'agit ici est incubatrice ; dans l'exemplaire étudié, j'ai trouvé 6 jeunes inégalement développés, dont l'oi^ganisation est toute semblable à celle des adultes; les trois premiers cycles de cloisons sont parfaitement développés ; le quatrième cycle demeure rudimentaire chez l'adulte. C'est pour cette raison que j'ai donné à l'espèce nouvelle constituée par les Actinies de la station 1048, le nom de Chitonanthus incubans. Chitonanthus indutus, n. sp. Campagne de 1895 : Stn. 553, profondeur i385 mètres. 2 exemplaires. Campagne de 1896 : Stn. 753, pi^ofondeur 4360 mètres. I exemplaire. Campagne de 1897 : Stn. 873, profondeur 1260 mètres. I exemplaire. Campagne de i()02 : Stn. 1344, profondeur ioqd mètres. 5 exemplaires. Campagne de 191 i : Stn. 3i4o, profondeur 1378 mètres. I exemplaire. — i3 — Campagne de 1912 : Stn. SagS, profondeur i?3i mètres. I exemplaire. En assez bon état, l'exemplaire de la station 873 est recou- vert d'une fine couche du sable vaseux où il vivait. Sole pe- dieuse bien développée, reposant sur un lacis de longs spicules d'Epongés. Hauteur de la colonne: 16 millimètres; diamètre ä la partie inférieure de la colonne, près de la sole pédieuse, 12 millimètres ; à la partie supérieure de la colonne, q"^'", 5. Colonne couverte de tubérosités contiguës disposées grossiè- rement en séries transversales et dessinant, à sa surlace, une sorte de mosaïque; sur les tubérosités à nu, mince courbe chi- tinoïde brune. A la partie supérieure, tubérosités plus grosses, disposées en séries i"a3'onnantes et qui, à nu, se montrent par- faitement blanches. Sphincter mésodermique très puissant. La paroi propre de la colonne est d'épaisseur moyenne ; elle pré- sente de grandes inégalités correspondante celles de la surface. Peristome mince. Tentacules bien développés paraissant être disposés, chez l'animal contracté, sur trois cercles concen- triques ; les plus grands sont ici les externes qui, chez l'animal épanoui, deviennent les internes. Pharynx large, s'étendant jusque vers le milieu de la coloime ; les siphonoglyphes ne sont pas nettement indiqués. Les six paires de cloisons du premier cycle sont seules macrentériques ; celles du second et du troi- sième C3"cles sont peu saillantes à la surface intérieure de la colonne. Celles des deux premiers cycles seulement sont fer- tiles. Ces Actinies ne se rattachent à aucune fonne anté- rieurement décrite; à cause du revêtement de fine vase de la colonne, rappelant ce que l'on observe chez certains Phellia, je propose d'appeler l'espèce nouvelle qu'elles forment, Chilouanthus indiitus. Chitonanthus abyssorum, n. sp. Campagne de 1910 : Stn. 2986, profondeur 4870 mètres. I exemplaire. — Stn. 2994, profondeur 5ooo mètres. 3 exem- plaires. — Stn. 2997, profondeur 4965 mètres, i exemplaire. Ces Actinies ont un habitat spécial : elles sont fixées sur des tubes vides d'Annélides Polychètes, probablement de Sabelliens ou de Térébelliens. Le plus grand exemplaire provient de la station 2944 et mesure 40 millimètres de hauteur et 33 de diamètre. Colonne de consistance ferrne. Surface parcourue par des sillons transversaux irréguliers, discontinus et, en cer- taines régions, par des dépressions longitudinales qui ne s'éten- dent pas dans toute la longueur.de la. colonne. Ça et là, de gros tubercules comprimés parallèlement aux génératrices de la colonne, à base rectangulaire, presque tous recouverts d'une (346) - 14 - cuticule de teinte brune assez foncée. Tout autour de la partie du scapus qui est réfléchie à la partie supérieure, une double rangée irrégulière de grosses papilles inégales; de cette double couronne, se détachent de grosses côtes irrégulières, nodu- leuses, qui se continuent sur le capitulum par des bourrelets irré- guliers, dont la plupart sont divisés par un sillon médian. Sphincter très puissant. Tentacules non renflés à la base, bien développés, paraissant être disposés, chez l'aniinal contracté, en trois séries concentriques. Les six paires de cloisons du premier cycle, seules macrentériques ; celles du second et du troisième cycles, fertiles ; celles du quatrième ne sont indiquées que par de simples bourrelets à la face interne de la colonne. Les aconties, à la base des filaments mésentériques, sont assez difficiles à voir, à cause de leur volume réduit. Pas trace de cinclides. Pharynx très long' s'étendant jusqu'au voisinage de la sole pédieuse chez l'animal contracté. Toutes ces Actinies, draguées à de grandes profondeurs (4870-5000 mètres) ne se confondent avec aucune autre forme précédemment décrite ; à cause de leur provenance au point de vue bathymétrique, je propose d'appeler l'espèce qu'elles constituent Chitonanlhus abyssorum. Hormathia elongata nov. sp. Campagne de 1896 : Stn. 378, profondeur i i65 mètres. 3 exemplaires. Campagne de 1901 : Stn. 1116, profondeur 2i65 mètres. 6 exemplaires. Ces derniers, en assez bon état, étaient fixés sur des branches mortes de Lophohelia proliféra (Pallas). Leur forme, presque cylindrique, est allongée. Le plus bel exemplaire et le moins contracté a 29 millimètres de hauteur; la moindre largeur est réalisée à mi-hauteur environ, où le diamètre est de 7"^™, 5 ; ce dernier augmente vers le haut, où il est égal à i i""",5 au sommet du scapus et vers le bas, où la sole pédieuse s'étale largement sur son support. Scapus, à surface rugueuse, couvert de vase, d'épaisseur assez grande, de consistance ferme. A sa surface, rugosités très irrégulières ; dans la région supérieure, ces rugo- sités s'alignent assez régulièrement en douze séries longitudi- nales. Le capitulum, invaginé dans le scapus, a une paroi nota- blement moins épaisse que ce dernier. Tentacules de longueur médiocre, terminés en pointe effilée, disposés sur trois cercles et peut-être même sur quatre; il est difficile d'en juger sur ces spécimens contractés. Les plus développés sont les plus internes et leur longueur décroît fortement du centre à la périphérie. Sphincter bien développé, inclus dans la mésoglée. Pharynx large, s'étendant au delà de la mi-hauteur de la colonne. Trois — ID — cycles de cloisons. Les G paires du premier cycle, seules macren- tériques. Muscles pariéto-basilaires bien développes; muscles longitudinaux ne formant pas de saillie sensible à la surface des cloisons. Cloisons du second cycle relativement étroites ; celles du troisième, réduites à de simples cannelures à la face interne de la colonne. Filaments niésentériques fort développés- sur les cloisons des deux premiers cycles ; ne se montrant, sur celles du troisième, qu'à la partie inférieure. Toutes portent des aconties. Aucune ne présentait d'organes sexuels apparents. Les Actinies dont il est question. ci-dessus doivent être classées dans le genre Hormathia Mac Murrich, dont elles constituent une espèce nouvelle, qu'en raison de la forme élancée de la colonne, je propose d'appeler Ho?vnaihia elougata. Hormathia ? musciilosa n. sp. Campagne de i S98 : Stn. 1017, profondeur i8(33 mètres. I exemplaire. L'unique exemplaire de la station 1017 mesure iG milli- mètres de diamètre à la bsse, i3 millimètres de dianictre à la partie supérieure de la colonne. Sole pédieusc lcL',èrcment cxca- vée, bordée par un large bourrelet formé pai' la base de la colonne ; recouverte d'une couche adhérente de hi vase dans laquelle vivait l'animal. Paroi de la colonne divisée en deux régions, scapus et capitulum. Scapus à surface très rugueuse ; les rugosités, dans les parties moyenne et supérieure de la colonne, se présentent comme des ventouses. Capitulum peu étendu, à surface lisse et nue, offrant, sur l'exemplaire conservé, des plis rayonnants non réguliers. Colonne de consistance assez ferme, quoique d'épaisseur peu considérable. Sphincter large et assez mince, d'épaisseur sensiblement uniforme dans toute son étendue, sauf sur son bord inférieur. Je ne sais s'il serait assez pui-sant pour enclore complètement la couronne de ten- tacules. En tout cas, ici, le peristome est profondément excavé, mais le cercle externe des tentacules reste parfaitement visible, avec un grand vide au centre. Tentacules bien développés, s'effilant graduellement, à partir de la base non renfiée jusqu'à l'extrémité terminée en pointe mousse ; paraissent disposés sur trois cercles concentriques ; leur nombre dépasse 40 et est pro- bablement de 48. Ouverture supérieure du pharynx très large, presque circulaire ; deux siphonoglyphes profonds ; le bord inie rieur du pharynx s'étend au delà du milieu de la hauteur de la colonne. Trois cycles complets de cloisons ; les douze paires des deux premiers cycles sont macrentériques. Les muscles longi- tudinaux de ces cloisons sont remarquablement développés : c'est même la principale caractéristique de l'espèce au point de (346) - i6 — vue anatomique. Sur celles du premier C3'cle, les fanons muscu- laires sont presque aussi puissants que chez les Actinies pivo- tantes telles que les Halcampidœ ; ces fanons sont encore fort épais sur les cloisons du second cycle et même aussi, relative- ment, sur celles du troisième. Je n'ai pas trouvé d'aconties. L'Actirîie en question ressemble par certains traits à celles du genre Hofv?iathia ; elle s'en éloigne nettement par certains autres. Ce n'est qu'avec beaucoup de doute que je la range dans ce genre, dont la séparerait probablement une révision — qui est tant à désirer — de la sous-famille des Chondractinidœ. A cause de la puissance des fanons, je propose d'appeler cette espèce Honnaihia? ;;;z/5a//osa, l'attribution de l'espèce au genre Honnathia étant toute provisoire. Stephanactis impedita n. sp. Campagne de iqod : Stn. 2044, profondeur 2 28(3 mètres 2 exemplaires. Campagne de 191 i : Stn. SiSy, profondeur i33o mèti'es. 3 exemplaires. I>e plus giand des deux exemplaires de la station 2044 ei qui est décrit sommairement ici, mesure 9 millimètres dans sa plus grande largeur et 5 millimètres de hauteur; le second exem- plaire est un peu plus petit. La couleur de ces animaux.conser- vés dans l'alcool est d'un blanc grisâtre. Ils sont tous deux fixés sur de longs spicules d'Epongés siliceuses, dont quelques-uns à trois axes. Paroi de la colonne, de consistance très ferme, h cause du développement de la mésoglée. Dans la partie supé- rieure de la colonne, tubercules assez régulièrement disposés en séries longitudinales, qui se fusionnent même vers le haut sous forme de côtes noueuses de dimensions inégales. De chaque côté, un peu au-dessous de la région où commencent les côtes et les tubercules, une petite papille cinclidale qui débouche dans la loge directrice correspondante. Le plan de symétrie est donc visible extérieurement, sur la colonne même, ce qui est exceptionnel chez les Actinies. Les bords du disque pédieux, très développés, se sont repliés sur l'animal, de façon à circon- scrire une poche remplie de sable vaseux, dans laquelle sont inclus les spicules. Le scapus peut se fermer incomplètement au-dessus des tentacules, grâce au sphincter entièrement méso- gléique et moyennement développé ici. Trois cycles complets de cloisons et, en outre, quelques cloisons du quatrième cycle, réduites à un simple bourrelet dans la partie inférieure de la colonne et sur le bord du disque pédieux. L'un des siphono- glyphes, seul, est bien indiqué. Les six paires de cloisons du premier cycle sont macreniériques. Toutes les cloisons des trois — 17 — premiers C3'clcs sont pourvues d'un spacieux orifice septal elliptique; toutes sont lertiles, sauf les directrices. Leur paroi est mince, d'épaisseur sensiblement uniforme dans toute leur e'tendue ; les fanons musculaires sont peu développés. Nulle part, il n'y a pas trace d'aconties. Tentacules bien développés, malgré leur état de contraction; ils sont disposés sur trois rangées; ceux du cercle externe, qui deviennent internes chez l'animal à l'état d'extension, sont les plus grands. Les exemplaires de la station SiSy sont fixés sur le squelette d'Alcyonaires de la famille des Isidœ; le plan de symétrie de ces animaux est trans- versal, c'est-à-dire normal à l'axe de la branche. 11 paraît iinpossible de séparer les Actinies en question du genre Siepha- nactis dont elles forment une espèce nouvelle, qu'en laison des faisceaux de longs spicules des exemplaires de la station 2044, je propose d'appeler Stephanactis impedita. Stephanactis inornata n. sp. Campagne de 1901 : Stn. 1 i 16, profondeur 2 i6b"\ 7 exem- plaires. Tous ces exemplaires sont fixés sur un Alcyonaire, VAca- nella ebiirnea (Pourtalès), aussi bien sur les parties vivantes que sur l'axe calcaire à nu. De forme très allongée, ils embras- sent complètement la tige cylindrique constituée par le support. La longueur de la base ainsi étendue ne dépasse guère 12 milli- mètres et la hauteur de la colonne 4 millimètres, chez les indi- vidus les plus grands. Paroi de la colonne, consistante, quoique peu épaisse. De couleur gris-jaunâtre, après un long séjour dans l'alcool ; sa surface externe est lisse. Tentacules coniques, très nombreux, presque entièrement contenus dans la cavité formée par le peristome et la partie supérieure de la colonne; les plus longs sont ceux du cercle interne. Ils paraissent être disposés sur trois cercles concentriques. Leur paroi est épaisse chez ces animaux contractés. Sphincter bien développé, inclus dans la mésoglée. Pharynx, de couleur jaune assez vif, de forme hexa- gonale, allongé dans le sens de l'axe du support. Le plan de symétrie est perpendiculaire à l'axe du support, c'est-à-dire transversal ; les siphonoglyphcs sont peu marqués. Six paires de cloisons macrentériques. Cloisons minces ; la musculature longitudinale ne forme aucune saillie apparente à leur surface. L'animal étudié est rempli de cellules sexuelles mâles ; par suite du développement de celles-ci, il est difficile de discerner les cloisons fertiles des autres. A l'exception, peut-être, des cloisons directrices, toutes les cloisons semblent être fertiles. Les papilles cinclidales ne sont pas saillantes sur ces individus contractés ; néanmoins sur deux exemplaires, on en distingue deux, l'une (346) — I« — au-dessus de l'autre, au niveau des loges qui paraissent bien être les loges directrices. Par son habitat et ses caractères prin- cipaux, cette Actinie doit être rapportée au genre Stephanactis Hertwig, bien qu'il n'}' ait pas ici de bourrelet très net séparant le scapus du capitulum. On ne saurait la placer dans le genre Amphianthus Hertwig,. où ce bourrelet n'existe pas, mais où la couronne est couverte de fins tubercules qui font défaut ici. Elle ne peut être identifiée à aucune espèce connue ; je propose de l'appeler Stephanactis iuoniata, nom qui rappelle que la surface de la colonne est absolument nue. Genre Nectactis n. gen. Nectactis singularis n. sp. Campagne de 1896 : Stn. 74g, profondeur boob'^. 5 exem- plaires. — Stn. 702, profondeur 4360'". 14 exemplaires. Le plus grand de tous les exemplaires provient de la station 749; déformé, allongé, son disque buccal mesure 24 millimè- tres de grand axe et 19 de petit axe. Parmi les exemplaires de la station 753, le plus grand a 18 millimètres de diamètre de disque buccal. Toutes ces Actinies ont pris, dans l'alcool, une teinte gris terne bien différente, sans doute, de celle qu'elles avaient à l'état vivant. La plupart d'entre elles ont la forme d'un disque plus épais au centre que sur les bords, où sont fixés les tentacules. Le peristome, chez les individus les moins con- tractés, présente des sillons rayonnants, peu profonds, réguliè- rement espacés, séparant des côtes peu marquées et qui corres- pondent aux insertions des cloisons. La bouche, de dimensions relativement restreintes, a une forme allongée; elle est entière- ment occupée parles plis très profojids de la paroi du pharynx. Le disque buccal ne présente aucun tubercule à l'intérieur de la couronne marginale de tentacules. La face opposée est plus bombée, en général ; elle est parcourue par des sillons prolongeant ceux du peristome et aboutissant à une dépression centrale,, lé plus souvent de dimensions très exiguës, parfois même inexis- tante extérieurement. La surface costulée, dépourvue de toute saillie, est celle de la colonne ; la partie centrale invaginée, par- fois à peine discernable, c'est la sole pédieuse. Les tentacules sont macérés, souvent réduits à leur partie basilaire. Sur le grand exemplaire de la station 74c), où ils sont moins altérés que chez les autres, j'en compte 60 de deux tailles différentes, alternant régulièrement, insérés sur le bord du disque buccal et presque sur le même cercle; ils se terminent ä leur extrémité distale par un renflement sphérique, comme chez les Coral- limorphidae (fig. 4). Le pharynx est très développé ; il a sa — '9 — partie inférieure tournée ici vers le haut, sous l'effort de la contraction qui cboutit, chez la plupart des exemplaires, à la formation d'un puissant bouchon au milieu du" disque buccal (fig. 5). Il n'y a pas de trace de sphincter. Chez l'individu étudié, il y avait 64 cloisons, nombre cor- respondant à celui des 04 tentacules. Ces cloisons ne sont pas toutes également déve- loppées. Je n'ai pu établir les rapports entre le pharynx et les cloisons, dont !a musculature est indiscernable. La lame de mésoglée est mince ; en revanche l'endo- derme est épais. Sur le bord libre, il n'y a rien qui ressemble à un filament mésen- térique caractérisé (fig. 6). La cavité pédieuse, extrêmement réduite, a une forme anfrac- tueuse; elle est complètement séparée de la cavité cœlomique par une paroi assez mince dans presque toute son étendue. Elle est tapissée par une couche chitinoïde, d'un Jaune vif dans les coupes et remplie de matériaux variés (fig. 7). L'absence de pied semble indiquer qu'il s'agit ici d'une forme nageante que l'on doitclasser, au moins provisoi- rement, dans les Miiij'adidœ. Elle se sépare nettement des FiG. 4. — Tentacules capites, de deux ordres de gran- deur, insérés à la périphérie du pe- ristome. F'iG. 5. — Coupe sagittale; le bord de l'oriHcc buccal est un pea surélevé par le pharynx partiellement dévagmé; l'insertion des tentacules est périphérique; on remarque Texiguite de la cavité pédieuse. autres Minyadidc^ par l'ensemble de ses caractères et surtout par le nombre de ses cloisons et par ses tentacules capites, regardés jusqu'ici comme caractéristiques des Corallimorphidœ. Je propose d'appeler le nouveau genre dont ces Actinies néces- (346) — 20 sitent la création, Nec/actis [i) qui peut être actuellement défini ainsi : Actinie nageante ; cavité pédieuse très réduite, anfrac- tueiise, communiquant arec V extérieur par une fente étroite; tentacules capites ; cloisons au nombre de plus de 25 paires ; pas de sphincter apparent. L'espèce décrite ici a été appelée Nectactis singularis. FiG. 6. — Coupe transversale de la région moyenne, au-dessous du pharynx replié vers le haut. La lame médiane de mésoglée des cloisons est mince; en revanche, l'endoderme qui la recouvre est épais; le bord libre des cloisons ne présente, au niveau de la coupe, aucune différenciation.. Qmm2 FiG. '^. — Coupe longitudinale passant sensiblement par le centre de la cavité pédieuse qui communique avec l'extérieur par un pore ou par une fente. i) De vrjxTTfj, ou, nageur. — 21 — Famille des SICYOPIDiE nov. fam. Genre Sicyopus nov. gen. Sicyopus commensalis n. sp. Campagne de 1902 : Stn. i3o6, profondeur 4275 mètres. 2 exemplaires. Ces deux Actinies étaient fixées sur une Holothurie des grandes profondeurs, le Pseudoslichopiis villosus Théel. Elles étaient logées dans deux cuvettes assez profondes qu'elles s'étaient niénaeées dans le tégument de l'Holothurie, au voisi- 0 """S FiG. 8. — Sphincter en coupe longitudinale; la coupe montre les mailles constituées par la mésoglée dans son épaisseur. 11 présente le maximum d'épaisseur dans la région moyenne. nage de la bouche qui est ici franchement ventrale. Elles ont la forme d'un disque épais dont la face inférieure est plus forte- ment bombée que la face supérieure. La plus grande des deux, de couleur jaunâtre, a 12 millimètres de diamètre et 4 de hau- teur, au centre. Le second exemplaire, tout blanc, est un peu plus petit, car il n'a que 8 millimètres de diamètre. La partie (346) 22 inférieure n'est intacte chez aucun des deux exemplaires; la partie centrale est restée attachée au tégument de l'Holothurie. Face supérieure faiblement convexe ; pourtour lobé ; aux parties rentrantes des lobes, aboutissent les sillons correspondant aux lignes d'insertion des cloisons. Côtes couvertes de fines granu- lations. La face supérieure de l'animal n'est autre que la colonne, dont la partie supérieure peut se plisser en se refermant au-dessus des tentacules qui sont entièrement cachés. La face inférieure fortement bombée est constituée par le pied, sur lequel les côtes de la colonne se continuent. Ce pied moule la cavité faite par l'Actinie en refoulant peu à peu la paroi du corps de son hôte ; la base de la colonne est située au niveau du bord de la cavité. La partie périphérique de la surface pédieuse a conservé son revêtement ectodermique tout ridé, avec des dépressions circulaires qui fonctionnent très vraisemblablement comme des ventouses, ce qui permet à l'animal de se maintenir FiG. 9. — Coupe transversale montrant les cloisons de trois cycles; celles du premier cycle, seules macrentériques, ont un talon pariéto-basilaire. solidement dans sa cuvette située sur la face ventrale de l'Holo- thurie. Tentacules larges relativement très longs, terminés en pointe mousse chez les exemplaires contractés étudiés ici. Dans les coupes transversales de la partie supérieure de l'animal, ils sont disposés sur deux rangées concentriques et paraissentêtreen nombre de 48. La mésoglée de ces appendices est doublée exté- rieurement par une couche musculaire assez épaisse. Sphincter entièrement mésodermique, très développé en largeur (fig. 8). Sa structure rappelle celle que Lwowsk}' (191 3) a décrite chez VEpi^oanthus (Sidista) fatuiis M. Schultze ; les fibres muscu- laires qui le constituent sont groupées en fascicules isolés les uns des autres par des travées de mésoglée. Paroi de la colonne, mince et cependant assez ferme. Pharynx spacieux, tout replié — 23 — sur lui-mcme et refoule à la partie inférieure chez ces animaux contractés. Ni aconties, ni cinclides. Trois cycles complets de cloisons disposés suivant le t3'pe hexamère (tig. 9). Celles du premier cycle offrent la particularité signalée par Mac Murrich (1893) chez XtCondflacLis anientata (Dana). La partie de la cloison qui s'attache à la colonne et qui porte le muscle pariéto-basi- laire, forme un talon sur lequel paraît s'insérer le reste de la cloison. Ce talon est situé sur la face loculaire dans la loge directrice, sur la face inlerloculaire dans les autres loges. La musculature longitudinale est assez développée ; elle s'étend sur une grande largeur à la surface de la cloison, où elle ne s'accuse pas par une saillie bien marquée. Cette Actinie est le type d'un genre nouveau que je propose d'appeler Sicyopus (ij; l'espèce nouvelle étant le Sicyopus commensalis. Elle est le type d'une nouvelle famille, celle des Sicjopidaœ que, provisoirement, on peut définir, comme le genre-type, de la façon suivante : Pied bombé, garni de ventouses ; sphincter mésogléique bien développé ; trois cycles de cloisons, toutes ferliles ; ni aconties^ ni cinclides. Corallimorphus ingens n. sp. Campagne de 1895 : Stn. 375, profondeur ii65 mètres. Plusieurs tentacules capites. — Stn. 624, profondeur 2102 mètres. 2 exemplaires. Campagne de 1896 : Stn. 663, profondeur 1732 mètres. 3 exemplaires. — Stn. 683, profondeur i5bo mètres. 3 exem- plaires. Campagne de 1903 : Stn. i583, profondeur 1490 mètres. 1 exemplaire. L'état de conservation de toutes ces Actinies est fort médiocre. L'exemplaire le plus grand, de la station 624, est un peu comprimé; les deux axes du disque buccal mesurent res- pectivement 82 et 73 millimètres; ceux du disque pédieux 40 et 34 millimètres. La forme est donc tronconique. Sole pédieuse excavée. Sur la colonne, sillons correspondant aux insertions des cloisons et qui se continuent, en s'atténuant, sur la sole pédieuse. Sur le disque buccal, çà et là, des taches de couleur brun rougeâtre foncé, seuls vestiges de la coloration primitive conservée sur des lambeaux d'épiderme restés en place. Sur le peristome, tentacules de deux sortes : les uns, situés à la péri- phérie ci: t^nracules marginaux ; ce sont les tentacules nor- maux des autres Actinies ; les autres, dits accessoires ; tous sont capites. Les premiers sont au nombre de 64, disposés sur deux cercles concentriques, les internes étant les plus grands. Les (i) De atx'ja, aç, ventouse; zoiïç, tcoSo?, pied. (346) - 24 ~ tentacules accessoires, plus petits, au nombre de 23, paraissent répartis en trois cycles qui ne sont pas partout bien discer- nables ; ils sont insérés sur de fortes saillies du peristome. L'épaisseur considérable de la mésoglée donne à la paroi de la colonne une grande consistance. Le peristome, qui a les mêmes caractères, est semi-transparent comme la colonne ; la sole pédieuse est notablement plus mince. Pharynx bien déve- loppé, s'évasant ici vers le bas, s'étendant environ jusqu'à mi-hauteur dans la colonne. Musculature des cloisons très peu développée. Il n'y a pas trace de sphincter. Le mauvais état de l'exemplaire n'a pas permis d'étudier les divers cycles de cloi- sons. Les nombres de tentacules présentent des variations mar- quées. Ainsi, les trois grands exemplaires de la station 683 ont respectivement 56, 58., 66 tentacules marginaux, 23, 28, 3o tentacules accessoires. Toutes ces Actinies appartiennent au genre Corallimorphiis Mosele}' ; elles ne se confondent avec aucun de leurs congénères décrits jusqu'ici; en raison de leur grande taille, je propose de donner à l'espèce nouvelle qu'elles constituent le nom de Corallimorphiis ingeiis. t> '■ Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 347.— 3ü Novembre 1918. kî ( ^ f^^ ' Tableaux analytiques des Annélides Polychètes des côtes de France. CAphroditiens^ Amphinomiens^ Hésioiiiens, Sphœy^odoriens et Alciopieus.J Par Pierre FAUVEL Professeur à l'Université Catholique d'Angers. Nos côtes de France, qui présentent un si grand dévelop- pement et les conditions d'habitat les plus variées sur la Manche, l'Océan et la Méditerranée, sont remarquablement riches en Annélides Polychètes. Aussi, n'est-il pas étonnant que ce groupe y ait été particulièrement étudié, tant par les français que par les étrangers, attirés sur nos côtes par cette richesse et par la renommée des stations, telles que Saint- Vaast-la-Hougue, Chausey, Saint-Malo, Bréhat, Roscoff, illus- trées par les travaux d'Audouin, de Milne-Edwards, de Qua- trefages, les précurseurs de Grube, Keferstein, Claparède, dont le baron de Saint-Joseph continua si brillamment la tradition. Malgré le grand nombre de travaux relatifs à notre Faune Annélidienne, nous ne possédons cependant encore, en France, aucun ouvrage d'ensemble sur la systématique des Polychètes. Il faut avoir une bibliothèque entière à sa disposition pour déterminer exactement quelques Annélides, et encore n'est-il pas facile de se reconnaître dans la synonymie compliquée de ce groupe. Etudiant depuis vingt cinq ans les Annélides de nos côtes, dont j'ai récolté et préparé moi-même des milliers de spéci- mens, et ayant eu, en outre, 1 occasion de déterminer de nom- breuses et fort importantes collections, -comme celles de '347) s. A. S. le Prince de Monaco, et un grand nombre de spéci- mens exotiques, j'ai cru pouvoir, sans trop de témérité, céder aux instances de nombreux zoologistes et tenter d'établir une Faune des Annélides Polychètes des côtes de France. Ce travail de longue haleine demandera encore plusieurs années avant d'être terminé et ne sera probablement pas facile à éditer. Les familles des Aphroditiens, Amphinomiens, Hésioniens, Sphserodoriens et Alciopiens sont déjà entièrement rédigées, mais elles ne représentent qu'une petite partie de la Faune. Cette Faune comprendra des tableaux analytiques, puis des diagnoses détaillées des familles, des genres, des espèces et, au besoin, des variétés. Je donnerai la synonymie avec les références indispensables et, pour chaque espèce, j'ajoute l'habitat, les localités de nos côtes où elle a été rencontrée, avec l'indication des observateurs, la distribution géogra- phique, (flaque description spécifique sera accompagnée des figures nécessaires à la détermination. Enfin, un index biblio- graphique meniionnera tous les travaux relatifs à notre Faune et tous les mémoires cités dans le texte. En attendant le jour lointain où cet ouvrage pourra être complètement terminé et édité, je crois rendre service aux zoo- logistes en publiant, dès maintenant, les tableaux analytiques relatifs aux familles déjà rédigées. Je profite de l'occasion pour adresser mes remerciements à l'Association Française pour l'Avancement des Sciences, dont une subvention m'a permis de commencer ce travail. Je serais aussi reconnaissant aux zoologistes qui pourraient me fournir des indications nouvelles ou me communiquer des spécimens de nos côtes. — 3 Famille des APHRODITIENS Savigny (i). Des segments avec des élytres et d'autres, in- termédiaires aux précédents, avec des cirres dorsaux Entre 2 segments pourvus / d'élytres il s'intercale, dans 1 la partie antérieure du | corps, un segment pourvu l de cirres dorsaux ; dans la 1 partie postérieure, tous les j segments portent des cirres -, dorsaux ou bien entre 2 j segments à élytres s'inter- I calent au moins 2 segments f consécutifs pourvus de cir- res dorsaux. Pas de soies composées Yeux pédon- cules (rarement sessiles). Une seule antenne. ) Hermioniens Un tubercule fa- cial très déve- loppé Yeux sessiles. j 3 antennes (2). ( rv ^ , , r • . ' POLYNOINIENS. Tubercule racial peu développé.. . ] Entre 2 segments pour / vus d'élytres, il n'y a jamais \ ,-, . ■ ) qu'un seul segment pourvu . 1 as de soies ^ Acoêtiens. de cirres dorsaux. Corps / composées \ vermiforme - Dans lapartie antérieure du corps, les segments . ^^^ ^^j^^ ^^^_ ' à élytres alternent avec ceux quisont dépour- ^^^.^^_ ^^^^p^ { S.gauoniens. vus de ces appendices. Dans la région postéri- / rieure, tous les segments portent des élytres.. long, cylindrique. 1 Tribu des HERMIONIENS Grubiî. ' Soies ventrales à éperons Hermione. Des soies dorsales en flèche S Uo..K^ti» i Soies ventrales à frange unila- j , , , . barbelée f - , Lcetmatomce. , terale ) I Soies dorsales lisses, aciculi- ) Arhrndte Grosses soies dorsales non ter- ) 'ormes minées en flèche j Soies dorsales en cimeterre, cré- I Pontogenia. ' nelées, soies ventrales fourchues . ^ (1) D'après Darboux. (2) Sauf dans le genre Macellicephala qui manque d'«ntennes et dans les genres exotiques Iphione et Bylgitx qui ont 2 antennes. ^347) 4 - Genre Aphrodite Linné. Soies ventrales lisses, ou pileuses chez les jeunes, sans i , , , i -A. aculeata (Savieny), croc lateral ) ^ b j i Soies ventrales à croc latéral A. perarmata Roule. Genre Hermione B:,ainvii.le. Hermione liystrix (Savigny). Genre Lœtmatonice Kinberg. 34-36 seligeres, i 5 paires d'élytres L. filicornis Kinberg. 45-47 sétigères, 18-20 paires d'élytres L. producta Grube. Genre Pontogenia Claparède. Pontogénia chrysocoma (Baird). «u t3 2 •< >-) «10 5 i^ CtJ ^ ho O - --1 a, r_i rt «) 3 <; Û. CS 0- B- S ^ ■^ o C ^ c TO O «! pj 3 n. Ui V) >■ 1) (U . T3 • r^ a • a> 3 • — «J < Si c C« W o — lu (so eS to u S S o ^ s .£P u u ■? «) V) -« • 0 'S. £ c 0 to Ü -0 3 0 c to cr u Co R •u -< W •3 c 6 u Z ^ =^•3 3 ^ ji c Duo"' "« ■« U — - rt « G g = a -p u _bp Ü ^ '- « i: ^ 5i 0 4J t:^ 3 •OJtEdlUI Oun 13 S3|BJ31BJ S3UU31UC S3Q 4> •1) i; to .03 — =^ 3 £ u '^^ (347) — ö Genre Macellicephala Mc'Intosh. Prostomium à cornes frontales filiformes. Pas d'yeux. . . M. abyssicola Fauvel. Prostomium à cornes frontales courtes. 2 gros yeux ) latéraux ^ M. macrophthalma Fauve] Genre Lepidonotus Leach. Elytres réniformes, fortement imbriquées, à longues )" franges, à grosses papilles granuleuses ^ ^' ^t . i_ , , , ,, , . , , ^, . .Se. assimtlis Me Intosh. recourbe a l extrémité du rostre renfle ' Genre Lagisca Malmcren. Antennes et cirres garnis de papilles. Pas d'appen- ) , , , ^ . " '^ ^ '^'^ [ L. exteniiata Grube, dice caudal ) Antennes et cirres glabres. Un appendice caudal. . . L. Hubrechti (Me' Intosh.) (347) Genre Polynoë Savigny. (Nemidia et Enipo AlAi.MGrtENJ. r\UpcIlUlCCS gui lus UC pel- ' Wii<^ glv/i^^JW ovjiv, vwii- pilles claviformes. \ traie hastée, uiiidentée, f Elytres pigmentées à i les autres bidentées, plus l papilles cornées , grêles , P. scolopendrina Savigny. Parapodes courts. Soies dorsales aciadai- j res, lisses. Soies ventra- p, Cœciliœ Fauvel. les de même grosseur, t élargies, unidentces et ' bidentées , Elytres petites, transpa- rentes, glabres. Ap- / ^ongs parapodes. pendices glabres j g^j^^ dorsales capillai- res, épineuses. Soies ven- I traies plus fortes, quel- / P- Kinbergi (Malmgren). ques-unes bidentées, la I plupart unidentées, ter- minées en pointe effilée.. ' Genre Halosydna Kinberg. Halosydna gelatinosa (M. Sars). Genre Acanthicolepis Norman. Acanthicolepis asperrima (Sars). Genre Lepidasthenia Malmgren. Rame dorsale avec 4-5 longues soies lisses. Soies i ^ ^rg-»s Hodgson, ventrales supérieures plus fines que les autres... ^ / Soies ventrales supé- \ rieures beaucoup plus j^ ^. ^/^^«„^ (Grube). Rame dorsale achète., grosses que les autres, i Elytres très petites J Soies ventrales supé- ^ rieures plus fines que les ( ^_ ,naculata Potts. autres. Elytres relative- i \ ment grandes y Genre Nectochaeta Marenzeller. C irres dorsaux longs, à cirroplioies plus petits que \ les élytropliores. 2-3 soies dorsales. Soies ven- ; J^- Gvimaldii Marenzeller, traies inférieures courtes, bidcntées / Cirres dorsaux très longs, à cirrophores énormes, \ presque aussi gros que les parapodes. Pas de / ^, Caroli Fauvel. soies dorsales. Soies ventrales à longue pointe i effilée, unidentée ; Genre Allmaniella Me' Intosh. Allmaniella setubalensis Me' Intosh. Genre Acholoë Ci.aparède. Acholoë astericola (Delle Chiaje). 'l'ribu des ACOETIENS Grube. / Des branchies, i" pied ^ „ , . . ^ . Poh'odontes. \ non modihe ' 3 antennes. ■, r. j i u- .. • j j Pas de branchies, i"^ pied Deux ommatophores. ^ I rnodifié. Des soies spéciales ' Panthalis. \ pénicillées 2 antennes, i petit tentacule à insertion ) Eupolyodontes. nucale, des branchies ; Pas d'ommatophores. \ 3 antennes Exipanthalis. 2 ou 4 yeux sessiles. ( Pas d'antennes Restio. Genre Polyodontes Renier. Polyodontes maxillosus Ranzani. Genre Panthalis Kinberg. Panthalis Œrstedi Kinberg. Genre Eupanthalis Mc'Intosh. Eupanthalis Kinbergi Mc'lntosh. Nota. — Eupolyodontes et Restio n'appartiennent pas à notre faune. (347) — 12 — Tribu des SIGALIONIENS Grube. Pas de branchies. \ Une antenne impaire. Pas d'antennes latérales. ) p^^,^.. ( Segment tentaculaire achète ) i2 r^as d'antenne impaire, 2 petites antennes latérales insérées ) „. u ,,,,.,. J Stgalion. ■-? I sur le bord antérieur du prostomium 1 ° a. ./ ^ «3 (Ul ' u 3 aj Antenne impaire insérée sur un ceratophore. i „ u -g^ ^ Elytres agglutinant le sable ) -^ P «I j '^ «l^ K5 o "^ ' Antenne impaire et antennes latérales insérées It-.-, pj g 1 . l "^ sur le prostomium sans ceratophore m ctenidies. ) s ' ii ^ '& f' ' Soies ventrales falcigè^-es, à ) ' ^ \ ^ l ^- D c ~ii g 60 V tec plus ou moins longue, sim- \ •- pf e^ I G 3 1 c ^0) ^ ^ „ -g j pjg ^^ pseudo-articulée I 1) « \ 1) 'y -W « «J M \ Scsi '■«■^/§""cart-/ Soies ventrales spinigères, à j 4, j 1 û- ^ Sert! article terminal subulé, pec- / Leanira. .^ ^ \ \ 3 < " i tiné-canaliculé ' Genre Euthalenessa Darb oux. Euthalenessa dendrolepis (Claparède) (= Sthenelais dendrolepis Claparcde) Genre Plioloë Johnston. Elytres subtriangulaires, à stries concentriques. I Des papilles sur le dns ) Ph. dorsipapillata Marenzeller. Pli. synophtbalmica Claparède. 38-42 sétigères. Yeux \ Llytres suborbiculaires ! coalescents. Antennes et ( ou réniformes, sans ^ wirres renflés à la base.. \ stries concentriques. Pas de papilles sur le / 43-7" sétigères. Yeux \ jys f non coalescents. Anten^ | P/j. winn/ia Fabricius. \ et cirres subulées ; Pholoë minuta Fabricius. Papilles du bord des élytres plus courtes et plus i nombreuses. Soies dorsales et ventrales plus épi- [ var. inornata Johnston, neuses, papilles pédieuses plus marquées ) Papilles du bord des élytres plus longues et plus ] raides. Soies dorsales et ventrales moins épineuses, f var. eximia Michaelsen, papilles pédieuses moins marquées ) — i3 — Genre Sigalioti Audouin et Milne-Edwards. Papilles pennées des élytres à nombreuses branches . latérales cylindriques. Un court stylode au bord ' S. Mathildœ Aud.-Edw. supérieur de la rame ventrale ; Papilles pennées des élytres à branches latérales . peu nombreuses, lancéolées. Pas de stylode au | S. squamatum D. Ch. bord supérieur de la rame ventrale ) Genre Psammolyce Kinberg. Elytres de la i" paire ovalaires, non incisées, les ; suivantes profondément échancrées et portant des > Ps. arenosa (Delle Chiaje). prolongements en massue pennés y Elytres de la i" paire beaucoup plus grandes, \ jortement incisées, enveloppant complètement la / tête; les suivantes «0« échancrées, sans prolon- i ^*- ""^''"^ (Claparède). gements en massue pennés / Genre Sthenelaïs Kinberg. Flvtres '' sur un rang au bord } c^ ^ tu r-iyireb i f -S. Boa Johnston. là franges \ <^^ 1 elytre ) Soies l • , ( i simples i , . ventrales I ,. , f sur plusieurs rangs,/ „ . • r-i bifides 'externe j Pas de soies \ simples j bipectinées ,■ Elytres à franges simples 5, mùior Pruvot et Racovitza. à la rame \ ventrale. Genre Leanira Kinberg. Pas d'yeux. Elytres I r ^ . ^- ■^ -^ ; L tetragona (Lrsted. Descténidies antennales \ frangées ) et parapodiales ï t-i » , '^ ^ f 4 y^i-ix- Elytres sans ) \ franges ^ Pas de cténidies anten- \ Pas d'yeux. Elytres ) , , . ■ ■ i-u, , ,. , ) . ■' .,, iL. hystricis Ehlers nales ni parapodiales. ( sans franges ni papilles. ) et parapodiales j t-i » , ^ ^ r 4 yeux. Elytres sans ,/ . [ ^ , L. Yhleni Malmeren. ^ iranges ' (347) - 14 — Famille des CHRYSOPÉTALIENS Ehlers. (Piilrnyriens Kinberg pro p.irte.) Genre Chrysopetalum Ehlers. [includ. Palmyrides et Palmyropsis Claparède.) Chrysopetalum debile Grube. (— Ch. fragi'e Ehlers.) Famille des AMPHIiNOMIENS Savig.ny (i petite cordiforme: / , ,. ^ , ' . Amphinome. soies ventrales uncinees. ) Branchies l réduite: > -,• , .' V '>->•'■> 1 médiocrement deve- •■ ^" ) I loppce, trilobée; soies | Eurythoë. \ ventrales bifides ; compacte. 1 , f / Un seul cirre dorsal. . Hermodice. Une ; ïi î Caroncule f ^ien \ \ !S I ' déveloDoée. ) Un cirre dorsal et un / ,. , caroncule, lof aeveioppce. ^ i\otopygos. ' ' i^ \ cirre intermédiaire ; Une série de troncs branchiaux de chaque côté du } Euvhrosvne corps ) / Un cirre dorsal Chloeia. Branchies pennatifides ^n cirre dorsal et un ) ... . ,„^, \ cirre intermédiaire ) Pas de ( ^^^ branchies arborescentes Hipponoc. caroncule, j Pas de branchies, des lamelles dorsales Spinther. Genre Amphinome BRUGun':Ri:s. Amphinome Pallasii Quatrefages, Genre Eurythoë Kinberg. Yeux antérieurs plus gros que les postérieurs. Caroncule non I ^-, i^y^^Hg g^rs. bilobée antérieurement. Anus terminal ) 4 petits yeux égaux. Caroncule bilobée antérieurement. ) ^ srriaca Kinbere. Anus dorsal ^ (i) D'après Gravier. 1 D Genre Hermodice Kinbiîkg. Hermodice carunculata (Pallas). Genre Notopygos Grube. Notopygos megalops Mc'Intosh. Genre Euphrosyne Savigny. ' Des soies I interme- Branchies à I diaires / E, intermedia S*-Joseph. I divisions ter- I ^^és \ I minales Ian- | longues, y I céolées. An- j Soies dorsales dentelées à 1 tennes latcra- / Pas de \ branches renflées à dou- ■ jes filiformes. [ longues / e. foliosa Aud.-Edw. ble courbure ] i soies inter- i "^ \ médiaires. / Branchies à divisions ter- n minales peu ou pas ren- / ,, . c •„, , ^ ^, , , V Zi. myrtosa Savigny. nées. Antennes laterales 4 \ rudimentaires , Soies dorsales dentelées à oies dorsales dentelées a / u „ ^u j- .: • l Divisions terminales des \ branches divergentes sim- \ , . . . . J r-. j-n o plement arquées, non ren- branchies coniques acumi- E. armadillo Sars. flées "^^« • ' Genre Chloeia Savigny. Chloeia venusta Quatrefages. Genre Chloenea Kinberg. Cliloenca atlantica Me' Intosh Genre Hipponoë Audouin et M. -Edwards. Hipponoë Gaudicliaudi Audouin et M. -Edwards. Genre Spinther Johnston. Parapodes sans cirres ventraux. Soies bifides S. miniaceus Gruhe. Parapodes avec cires ventraux. Soies bifides S. oniscoides. (347) — i6 Famille des SPHvERODORIENS Malmgrkn. Corps alloneé, 2 rangées longitudinales de capsules sphé- / c- , riques. Pas de gésier strie ) Corps court et large, plus de 2 rangées de capsules sphé- t Sthcerodorur riques. Gésier en barillet strié '* Genre Ephesia Rathke. Soies simples Ep. gracilis Rathke. Soies composées Ep. peripatus (Claparède). Genre Sphaerodorum Œrsted. Six rangs de sphères dorsales et quatre rangs de J ^^j^_ Claparedii Greeff. sphères ventrales ) Dix à douze rangs de sphères dorsales Spli. minutum Webst, et Ben. Famille des HÉSIONIENS Grube. Pas de palpes. 8 paires de cirres Hesione. 1 mâchoires, une supérieure ) r^^f^i:^ 6 paires de cirres tentaculaires. et une inférieure ^ / 2 mâchoires latérales et i ) \ stylet ^ 7 paires de cirres ) r, , «^u^-.„,. ' ^ ■ Pas de mâchoires , tentaculaires. ) Magalia. Peribœa. Pas de mâchoires. Corpus \ court, cylindrique à segments ' Dalhousiella. 8 paires de cirres ) peu nombreux ) tentaculaires. i r^ , . 1 ■ r- I p^g j^ mâchoires. Corps \ allongé, scolopendriforme, à '. Kefersteinia. segments nombreux ) ^ 17 — c -D c 1 \ tentaculaires '-'It/3 1 a. Famille des HÉSIONIENS Grube (Suite). 2 paires de cirres j Pas de mâchoires Orseis. tentaculaires. ' / 2 yeux... Une plaque anale.... Microphthalmiis. 6 paires ^ 4 yeux. / ^^^^^"'^'^^ ^'^^'^''''^-\ Podarke. de cirres p^g \ mes ou sesquirèmes ) de plaque ] r, i . • .. , ^ ,^ f Parapodes très nette-^ ^a , • . anale. , . , > üphiodromus. \ ment birames 1 y \ ment birames. 8 paires , 2 mâchoires. Parapodes birames Leocrates. \ de cirres \ \ tentaculaires. ( Pas de mâchoires. Parapodes birames. Oxydromus. Genre Hesione Savigny. Hesione pantherina Risso. Genre Dalhousiella Mc' Intosh. Dalhousiella Caypenteri Mc'Intosh. Genre Leocrates Kinberg. Mâchoire supérieure à 2 dents en éventail. Yeux eros. / , , . ,,.,,£■ , - • ' t- L. atlanticus Mcintosh. Soies dorsales nnement épineuses J Mâchoire supérieure à une seule dent recourbée en aiguil- ] Ion de rosier. Yeux plus petits. Soies dorsales plus ', L. Claparedii (Costa), fortement épineuses 1 Genre Castalia Savigny. Castalia punctata O. F. Müller. Genre Kefersteinia Quatrefages. [Psmnathe Keferstein, Castalia pro parle ) Kefersteinia cirrata Keferstein. (= Castalia fusca Mc'Intosh.) (347] — 18 — Genre Ophiodromus Sars. Ophiodromiis flextiosus Delle Chiaje Genre Oxydromus Grube. Oxydromiis propinqiius Marion et Bobretzky. Genre Podarke Ehlers. Antennes, latérales articulées. i-3 soies dorsales bifiir- I „ ... , „, , , •' . P. pallida Claparedc qiiées ' Antennes latérales non articulées, i seule soie dorsale ^ „ -i- i-ui t P. agilis Ehlers, capillaire non bifiirquee ; Genre Magalia Marion et Bobretzky. Maga'ia perarmata Marion et Bobretzky. Genre Peribaea Ehlers. Peribœa longocirrata Ehlers. Genre Orseis Ehlers. Orseis pulla Ehlers. Genre Microphthalmus Mecznikow. Microphthalmiis Sc\elkorvii Mecznikow. Famille des ALCIOPIENS Ehlers (i). / Soies capillaires simples Alciopa. l / Parapodes sans appendice | Asterope. Une seule \ l cirriforme ) sorte \ Soies composées \ ^ , , 1 , ,. , "^ . , ; Parapodes avec un seul / ^r ,.„ de soies. J a article terminal \ ,. . .. \ Vanadis. I fiai appendice cirriforme ) en fine arête \ dices cirriformes (i) D'après Apstein. Parapodes avec 2 appen- ) q^.^^^^ — 19 — Famille des ALCIOPIENS Ehlilrs (Suite). / Parapode avec un appen- ) r^ ,i ,, Soies capillaires \ dice cirriforme j CalUjonella. l simples . . Ut soies aciculaires Parapodes sans appendice j Corynocephalus. Plusieurs \ \ cirriforme I ^ ^ sortes de soies, j ^ . , l Parapodes sans appen- / Rkmchonerella / Soies composées dice cirriforme \ ^"-> «'^'^oh^'^"^- et cic \ dice cirriforme soies aciculaires. / Parapodes avec un appen- ( Call'.^un dien cirriforme t Genre Asterope Ci.aparède. Asterope Candida (Delle Chiaje). Genre Alciopa Audouin et M. -Edwards. Alciopa Cantrainii (Delle Chiaje). Genre Vanadis Claparède. / 3 paires de eines ten- \ ^, r. ^, , ■ Giandessegmentairesàtous taculaires J \ . formosa Claparède. les segments médians et ' postérieurs / 4 paires de cirres ten- \ y t^m,^^ ç^^^^ff^ taculaires ) Glandes segmentaircs man- quant à de nombreux seg- V 4 paires de cirres ten- \ ments alternant plus ou . taculaires. 7-8 premiers [ V. longissima (\.ev\nsei-\). moins régulièrement avec ' seligeres rudimentaires. ) ceux qui en sont pourvus. \ Genre Greeffia Me' Intosh. Greeffia celox (Greeff). Genre Corynocephalus Liîvinsen. Corynocephalus albomaculatus Levinsen. (= Alciopina parasitica Claparède). (347) *- io — Genre Rhynchonerella Costa. Rhynchonerella fulgens Grecff". Genre Callizonella Apstein. Calli:{onellalepido ta (Krohn). Genre Callizona Greeff. / Grosses soies simples...., C. Mœbii Apstein. 1 / Article termi- \ Plus de deux grosses "^.' '^'\ ^'^'''' i ^- ''"^''•"' (^inberg). ' TTrnccp«; V soics petit et lisse. / soies aux premiers oius>t>eb i r / parapodes j soies^ . Article termi- ^ J composées y , , / . f nal des grosses f ^ . ,-- «-, I . , , (C. setosa (Greeft). soies large et den- \ \ \ ticulé / 1-2 grosses soies seu- \ ^ ■ • i r, \ , ^ I Grosses soies simples. Pros- } ^ . ^ /r- lement aux pre- J ^ . , . ^ . t-- nasiita Greeft. , i tomium volumineux ) miers parapodes.. } Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 348. — i5 Décembre 1918. IL f^y. Observations sur la nourriture des Thons de l'Atlantique [Gernio alalonga Gmelin) Par L. JOUBIN et L. ROULE Professeurs au Muséum d'Histoire naturelle Le Ministre du ravitaillement et de la Marine marchande nous ayant chargés d'une mission pour l'étude de diverses questions relatives à la Sardine, nous avons fait dans ce but, pendant l'été de 1918, plusieurs voyages sur les côtes de Bretagne. Nous avons profité de cette occasion pour faire quelques études accessoires, notamment sur la biologie du Thon blanc de l'Océan [Germo alalonga Gm.) et la présente note a pour but de faire connaître quelques particularités relatives à son alimentation et les conclusions pratiques que l'on peut en tirer. Il est nécessaire de préciser d'abord dans quelles con- ditions la pêche du Thon s'est effectuée cette année. Pour des raisons faciles à comprendre, les bateaux thonniers avaient été groupés dans certains ports du littoral et ne sortaient que par caravanes de 25 à 3o, accompagnés de patrouilleurs armés. Chaque sortie durait de 8 à 10 jours. Les bateaux thonniers sont de solides barques pontées, de 3o à 5o tonneaux, ne naviguant qu'à la voile. Les patrouilleurs sont de beaucoup plus gros navires à vapeur. La pêche du Thon s'effectue très loin des côtes, souvent à plus de 5oo kilomètres au large. C'est un grave inconvénient pour la conservation du poisson, car, lorsque le temps est calme, les bateaux ne peuvent rapporter leur pèche en bon état jusqu'à l'usine. De plus, lorsque le vent tombe, la pèche doit cesser en raison même de la manière dont elle est pratiquée. Chaque bateau porte deux grandes perches aitache'es par leur bout inférieur au pied du màt ; à l'état de repos elles sont dressées verticalement ; pendant la pèche elles sont rabattues presque horizontalement de chaque côté du bateau. Sur chacune courent 7 lignes inégalement longues amorcées avec un petit paquet de paille de maïs. Le bateau marche vent arrière à la plus grande vitesse possible, et les 14 bouchons de paille bon- dissent à la surface de l'eau. Le Thon se jette sur cet appât et quand la pèche est bonne chaque bateau peut capturer i5o Thons et plus dans la journée. Pour des raisons diverses les pécheurs, trop souvent attachés à de vieilles méthodes et hostiles aux innovations, ont obsti- nément refusé d'emplo3^er des bateaux à moteurs, prétendant que le bruit de l'hélice ferait fuir les Thons. Cette transformation de leurs bateaux leur permettrait cependant de pêcher par temps calme et de ramener quand le vent manque leur poisson à terre avant qu'il soit gâté. Or les patrouilleurs, tous à vapeur, tout en surveillant les thonniers du convoi, ont péché avec des lignes installées et amorcées comme celles des pêcheurs, et sur les mêmes lieux. Ils ont pris un très grand nombre de poissons, à tel point qu'ils ont pu en vendre pour plusieurs centaines de mille francs. Ce fait est intéressant, car il détruit le principal argument des pécheurs contre les bateaux à moteurs. Nous avons demandé aux officiers qui commandaient les patrouilleurs de vouloir bien faire quelques observations sur la pêche des Thons, et surtout d'ouvrir l'estomac des Thons aussitôt après leur capture. Le contenu fut immédiatement versé dans des bocaux contenant de l'eau de mer formolée. Nous avons pu avoir ainsi un matériel important et examiner le contenu de l'estomac de plusieurs centaines de Thons. Il était indispensable que l'ouverture des estomacs fut faite dès l'arrivée des poissons à bord, car ces derniers ont une puissance de digestion telle que, très rapidement, même après leur mort, les aliments sont digérés ; le contenu de l'estomac forme alors une bouillie dont les éléments sont méconnaissables, et le matériel devient inutilisable. Ce sont les résultats de cet examen que nous présentons dans cette note. Voici d'abord la liste des stations où les observations ont été faites. On remarquera qu'elles sont groupées au large du golfe de Gascogne. La plus éloignée (Stn. i i) est à 365 milles de la pointe de Penmarch, soit 676 kilomètres ; la plus rapprochée (Stn. 14) est à 211 milles du même point, soit à Sgo kilomètres. Ce sont donc'des stations de haute mer. - 3 — /2-> 1- - -^^^--^ ..y' .j^ -^ -1 ~r > Cr? %Jù- • /6>. • 9. S m lô. 7.-7© Gm •^. o /■ • 74^ '^'^^ ^; 1. 5 août 2. 6 — 3. 7 — 4- «4 — 3. i3 — b. 16 — 7- 21 — 8. 22 — Q. 23 — 10. 24 — I 1 . 2 3 — 12. 1er sept I j. 2 — 14. 3 — \b. n — 16. 12 — L = 460 16' N. L =z 460 28' N. L =r 47" !o' N. L = 460 35' N. L = 460 55' N. L = 460 35' N. L = 470 40' N. L=r47o 28' N. L = 48o i3' N. L = 480 1 1' N. L = 480 32' N. L = 460 48' N. L :=: 460 40' N. L = 470 ,7' N. L = 470 5o' N. L = 490 32' N. G (3 G G G G: G: G G G G G G G G 100 16' W. 100 36' W. I 10 52' W. 120 Ou' W. 100 55' W. 1 20 1 5' VV. 100 3o' W. 110 3i' W. 110 32' W, 120 58' W. i3° 16' W. 1 2° 00' W. 120 10' W. go 3o' W. 12° 40' w. iio 36' w. 1200 thons. 3ooo » G 000 » pèche presque nulle. 2000 pêche presque nulle. 35 thons. 3 » o » 7 » 1 20 » pêche abondante, pêche abondante, pêche abondante. 1200 thons, o » (348) Les nombres indiquant les quantités de Thons péchés diffèrent énormément ; tantôt les patrouilleurs ont indiqué le nombre total des Thons pris par l'ensemble des bateaux du convoi, tantôt il s'agit seulement des captures faites par le patrouilleur seul. Mais ces renseignements sont cependant intéressants, car on verra plus loin que les jours de bonne pêche, tant pour l'ensemble du convoi que pour le patrouilleur, coïncident avec la présence des bancs de crustacés dont il va être parlé. Les jours de mauvaise pêche correspondent à l'absence de ces mêmes crustacés. La liste des animaux recueillis dans l'estomac des Thons est fort courte, mais elle offre un certain intérêt. Parmi ces animaux les uns sont représentés par un grand nombre d'indi- vidus et peuvent être considérés comme constituant une nour- riture importante ou même fondamentale pour le Thon pendant la belle saison ; les autres ne sont que des aliments accessoires et occasionnels, et sont dans certains cas représentés par un seul spécimen. Voici d'abord la liste de ces derniers. Un Céphalopode, Gonatus Fabricii (Lichtenstein). (>'est le seul représentant determinable de toute la classe des Mollusques que nous ayons rencontré. C'est un animal fort rare dont on ne connaît qu'un petit nombre d'exemplaires (Stn. 4). A la Stn. i5 deux débris de peau et de becs indéterminables ont été trouvés. Un Poisson, considéré comme abyssal, Avf^yropelecus Olfersi (Cuv.). Un seul échantillon de grande taille (Stn. 4), mesurant 68 millimètres de longueur sans la caudale. Ce Poisson et ce Céphalopode représentent tout ce qui, ce jour là, a été trouvé dans l'estomac des quelques Thons capturés. Citons encore les débris d'une grande crevette rouge vif, trouvés aux stations i et i i ; mais ce sont des fragments si réduits que la détermination est extrêmement douteuse, et que c'est avec toutes réserves que nous les rapportons au genre Acanthephyra; Voici maintenant les animaux plus abondamment repré- sentés. Une espèce de Crustacé Schizopode, de la famille des Euphausides, Meganyctiphanes norvegica Sars. (Stn. 1, 2, 3, 5, II), était assez abondante; nous en avons recueilli une ciriquantaine d'exemplaires, dont quelques uns en très bon état. Ce Crustacé, qui a l'aspect général d'une crevette rose d'environ 3 à 4 centimètres de long, est remarquable par la disposition de ses yeux qui portent chacun un organe lumineux ; devant lui est articulé un petit volet que l'animal peut lever ou abaisser pour masquer ou laisser passer la lumière émise par Tappareil. Ce Crustacé est indiqué par Zimmer-Breslau, dans un mémoire sur les Schizopodes (Nordisches Plankton), comme fréquent dans l'Atlantique boréal, mais comme ne s'écartant que peu des côtes car on ne le trouve pas au large, et ne des- cendant pas au-dessous de 5oo mètres. Les stations où nous l'avons trouvé vont jusqu'à 676 kilomètres de la côte ; on peut donc, au contraire, considérer ce Crustacé comme une espèce de haute mer sous nos latitudes. Un intéressant Amphipode bien connu, Phronima seden- taria Forsk. a été recueilli en assez grand nombre, une soixan- taine (Stn. II, 14, i5). Il se taille un petit tonnelet dans un Béroé, dont il enlève les palettes vibratiles. Nous n'en avons trouvé aucun exemplaire abrité dans des Pyrosomes, comme cela a lieu dans la Méditerranée. De tous les Crustacés récoltés dans l'estomac des Thons, le plus important, pour le nombre énorme de ses représentants, est un Amphipode : Eiithemisto bispinosa Boeck. Nous en avons eu plusieurs bocaux pleins qui pourraient être évalués par dizaines de mille (Stn. i, 2, 3, 5, 11, 12, i3, 14, i5). Ils remplissaient l'estomac des Thons et ils peuvent être considérés comme l'élément principal de leur nourriture dans ces stations. Ces Eiithemislo sont de petits Crustacés ayant 2 ou 3 centimètres de long, de couleur rougeàtre, pourvus de très gros yeux pigmentés en rouge carminé foncé, et ressemblant par leur aspect général aux Gammares ou aux Talitres du littoral. Ces Amphipodes forment des bancs immenses, continus ou divisés en essaims; ils peuvent être si nombreux que la mer semble rouge à perte de vue. Les rapports des commandants des patrouilleurs et ceux des marins sont concordants, ils nomment ces animaux des « crev.ettes ». Les Thons s'ébattent au milieu de ces bancs ; on les voit y bondir au-dessus de l'eau. Ils se gorgentde ces crustacés dont ils font une énorme consom- mation, leur estomac en est bourré. Comme on le verra plus loin la pêche des Thons a été abon- dante toutes les fois que l'on a constaté la présence de ces « bancs de crevettes » ; elle a été nulle ou mauvaise quand ils manquaient. Mais les Thons ne sont pas les seuls amateurs de ces Amphipodes ; d'autres poissons s'en repaissent également et les Thons les chassent a leur tour. C'est ainsi que nous avons trouvé en grand nombre des Scopéliens du genre M aitr oticus (? M. borealis Nills.) et des Paralepis voisins du P. coreßo- no'ides Risso, et surtout des Scombresox saiirits Walb. qui étaient abondants lorsque les Eiithemisto abondaient aussi dans l'estomac des Thons. Ces trois espèces de Poissons forment un important appoint dans la nourriture des Thons dont nous avons examiné l'estomac. Le plus important est le Scombresox saiiriis Walb. dont nous (348) — 6 — avons trouvé des exemplaires dans les récoltes de plusieurs stations. Les chiffres qui suivent sont assez approximatifs par ce que beaucoup de ces poissons étaient dans un état de digestion tellement avancé qu'ils n'étaient plus que des débris de chair en lambeau. Pour ne pas noter deux fois le même exemplaire nous avons pris le parti de ne tenir compte que des nageoires caudales; c'est la partie qui semble résister le plus longtemps à l'action du suc gastrique. Les chiffres suivants ne représentent donc qu'un minimum: Stn. i, 70; Stn. 2, 33; Stn. 3, 66 ; Stn. 5 très nombreux mais tellement digérés qu'il est impossible d'en évaluer le nombre qui doit dépasser de beaucoup la centaine ; Stn. 6, 4 en bon état ; Stn. id, débris d'environ 12 jeunes et adultes. Un assez grande quatité de Maurolicus et de Paralepis a été recueillie à diverses stations : Stn. i , 65 ; Stn. 11, une centaine de jeunes ; Stn. i5, quelques jeunes en très mauvais état ; quelques-uns seulement ont leur peau intacte ce qui permet de voir leurs organes lumineux. Il est intéressant de rapprocher maintenant les résultats de la pêche des indications fournies par l'examen du contenu de l'es- tomac des Thons et des renseignements fournis par les officiers des patrouilleurs. Stn. I . Très nombreuses crevettes (Euthemisto), 70 Scombresox, 65 Scope- lides, 1200 thons pour l'ensemble du convoi. Stn. 2. Très nombreuses crevettes, 33 Scombresox, 3ooo thons pour l'en- semble du convoi. Stn. 3. Très nombreuses crevettes, 66 Scombresox, 6000 thons pour l'en- semble du convoi. Stn. 4. Pas de crevettes, i Argyropelecus, i Gonatus. Pêche presque nulle. Stn. 5. Très nombreuses crevettes, nombreux Scombresox très digérés, 2000 thons pour l'ensemble du convoi. Stn. 6. Pas de crevettes, 4 Scombresox, pêche presque nulle. Stn. 7. Pas de bancs de crevettes en vue, 55 thons dont l'estomac est presque vide ou même complètement vide. Stn. 8. Pas de crevettes, pêche insignifiante, 2 ou 3 thons. Stn. g. Pas de bancs de crevettes en vue. Pêche nulle. Quelques thons sautent aux environs. Stn. 10. Pas de bancs de crevettes. Pêche insignifiante. 7 thons. Stn II. Très nombreuses crevettes, une centaine de Paralepis, jeunes Sco- pélides, 120 thons. Stn. 12, I 3, 14. Très nombreuses crevettes remplissant plusieurs bocaux. La pêche des thons a été abondante, mais les chifTres n'ont pas été fournis. Stn. i5. Très nombreuses crevettes, 1200 thons. Quelques Scombresox et Scopelides. Stn. 16. Pas de crevettes. Pêche nulle. - 1 - Il résulte de ce tableau que toutes les fois où les crevettes ont été abondantes la pêche des Thons a été fructueuse, et inversement la pèche a été nulle quand les crevettes manquaient. On peut aussi remarquer que les Scombresox accompagnent le plus souvent les bancs de crevettes et sont dévorés en grand nombre par les Thons. !1 en est à peu près de même pour les Scopélides. .Comme conclusion pratique on peut noter que la recherche des bancs de crevettes [Euthemisto bispinosa) qui, par leur nombre immense rougissent la mer, est à recommander aux pêcheurs de Thons. (348) Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 349. — 3o Décembre 1918. /i"<*^ ^ Note sur TLitilisation des Hydravions pour la pêche et les recherches océanographiques Par L. JOUBIN Professeur au Museum d'Histoire Naturelle et à rinstitut Océanographique Dans une note relative à la pêche du thon dans l'Atlantique, récemment parue dans ce Bulletin (n° 848, i5 décembre 1918), nous avons indiqué, mon collègue M. Roule et moi, la relation qui existait cet été, au large du Golfe de Gascogne, entre l'abondance des thons {Germo alalonga Gmelin), et la pré- sence de grands bancs d'un Crustacé amphipode de couleur rouge, Etithemislo bispinosa. Ces petits crustacés vivent à l'état d'essaims où le nombre des individus est tellement grand qu'ils colorent la mer en rouge, soit par immenses taches continues, soit au contraire par taches discontinues formant comme des nuages séparés. Cette observation, ainsi que diverses autres du même ordre, m'ont amené à me renseigner sur des cas analogues et à sug- gérer la proposition d'entreprendre quelques expériences; elles pourraient, me semble-t-il, être facilement réalisées et condui- raient, si elles donnent des résultats conformes à ce qui va être dit, à des indications intéressantes pour l'Océanographie pure et pour ses applications aux pèches. Je veux parler de l'utilisation des hydravions. La marine de guerre se trouve actuellement abondamment pourvue de ces appareils qui pourraient servir à tenter des expériences dont j'indique ici quelques-unes. On sait que les hydravions ont eu surtout pour mission de déceler les sous-marins qui, vus d'une certaine hauteur, se détachent nettement sur le fond de la mer où ils projettent leur silhouette et leur ombre sur le fond plus clair quand les eaux ne sont pas trop profondes, car les vagues et les rides de la surface n'empêchent pas de distinguer les détails du sol.. De même des poissons quand ils sont assez gros, se distinguent très bien d'une hauteur de 5o à loo mètres, par exemple des mulets de taille moyenne, nageant au-dessus d'un fond de sable; ces mulets vivent souvent par bandes de plusieurs milliers d'individus et si leur présence était signalée par hydravion les pêcheurs du voisinage pourraient arriver avec les filets appro- priés et capturer toute la troupe. Même quand ces mulets nagent isolés on les verrait cependant s'ils étaient de grande taille. La même observation s'applique aux bars et à d'autres poissons nageant dans des eaux de faible profondeur; on peut l'appliquer aussi aux gros thons de la Méditerranée dont on pourrait suivre les déplacements pendant leur migration saisonnière à double direction et les signaler par T. S. F. S'il s'agit, au contraire, de poissons pélagiques de haute mer et de^ faible dimension, tels que les sardines ou les harengs, il est probable qu'il ne -serait pas possible de distinguer des individus isolés, surtout à la vitesse atteinte par les hydra- vions. Mais on remarquera d'abord que ces poissons ne vivent pas isolés; ils sont toujours en bancs immenses, et les individus qui les composent sont assez rapprochés les uns des autres pour modifier l'aspect de l'eau. Ces poissons pélagiques sont toujours argentés et brillants sur leur ventre, et lorsqu'ils s'in- clinent ils produisent un miroitement dû à la réflexion de la lumière sur leurs écailles. Cette particularité, bien connue des pécheurs, permet d'apercevoir les poissons à quelques mètres de profondeur; on doit les reconnaître d'un hydravion sur- volant un banc à faible hauteur. Sur nos côtes de l'Océan la pêche à la sardine se fait au moyen de deux appâts, la farine d'arachide et la rogue; ces deux matières sont fort chères et les pêcheurs sont obligés de ne les employer qu'avec une grande parcimonie. Si un hydravion, survolant les eaux dans le voisinage des ports de pêche, pouvait signaler aux pêcheurs la présence des bancs de poissons reconnus, à leur scintillement, ils ne jetteraient leurs appâts qu'à bon escient, d'où une économie considérable d'appât, d'usure des filets, de temps. De même pourraient être indiqués les bancs de maquereaux, harengs, anchois, voire même de morues si on pouvait arriver à distinguer ces gros poissons dans les parages brumeux et les eaux plus profondes où ils se tiennent. Pour en revenir aux crustacés rouges, les Euthemislo dont se nourrissent les thons, il paraît très probable que puisque ces crustacés forment des bancs immenses pouvant être dis- tingués de loin du bord des bateaux de pêche, ces taches rouges seraient, à plus forte raison, aperçues d'un hydravion. Celui-ci pourrait les rechercher dans des régions pas trop éloignées des côtes (car on ne peut songer actuellement à — 3 — envoyer les hydravions à plusieurs centaines de milles au large), et les signaler par T. S. F. aux bateaux thonniers qui seraient certains d'y trouver en abondance les thons qui les poursuivent". Si les pécheurs arrivent quelque jour à renoncer aux bateaux thonniers à voile pour adopter le thonnier à moteur où il serait possible d'installer un appareil frigorifique, on pourrait faire précéder leur escadrille d'un ou plusieurs hydravions qui leur signaleraient de loin les taches rouges d'Eulhemislo. Et pour finir par un exemple qui, sans nul doute, frappera les naturalistes qui ont eu l'honneur et le p>laisirde parcourir les eaux des Açores avec S. A. S. le Prince de Monaco, quelle ne serait pas l'utilité' des hydravions pour les pêcheurs de cachalots qui guettent du haut des falaises ces énormes bêtes souvent pendant des mois, sans en apercevoir une seule qui s'approche suffisamment du rivage; les pêcheurs de baleine pourraient en faire aussi leur profit. La contre-partie de leur bénéfice serait la disparition encore plus rapide des grands cétacés. Il en est cependant d'autres, les fameux bélugas, dont la présence pourrait être signalée aux pêcheurs de sardines, dont ils dévastent les filets. Dans un tout autre ordre d'idées on pourrait utiliser encore les h\dravions. On sait que le fond de l'eau, vu d'une certaine hauteur, paraît comme relevé et rapproché de la surface. Quand le temps est clair les détails du fond deviennent parfaitement visibles, même si la houle est assez forte. Les variétés de teintes permettent de différencier la vase du sable, la roche du gravier, les zostères des laminaires. On peut envisager quelle facilité apporterait à la confection d'une carte de la répartition des algues, les renseignements recueillis à bord d'un hydravion' survolant à quelques dizaines de mètres la région sous-marine à étudier. Actuellement l'industrie des algues paraît sur le point de sortir de sa torpeur; il serait indispensable de dresser la carte générale des algues de nos côtes qui n'existe pas; un entente pourrait se faire pour établir par hydravion cette carte qui fait tant défaut. Il suffirait de couper en secteurs la carte du service hydrographique et d'y porter, sur chaque morceau emporté par l'observateur, en hydravion, des teintes dont la gamme serait arrêtée conventionnellement. L'industrie marine tirerait sûrement profit de ce travail qui ne serait pas très long à exécuter, après que quelques essais préliminaires en auraient fixé les détails. 11 y a, en effet, lieu d'étudier les variations que subit l'aspect d'un champ d'algues suivant la saison, l'heure du jour, l'intensité de la lumière, l'état du ciel, etc. Le même travail donnerait encore un autre résultat, celui de préciser le rapport de la nature du fond avec la nature des animaux que l'on y pêche; dans l'état actuel des choses ce rapport nous est encore très peu connu, faute de cartes du sol (349) — 4 — sous-marin suffisamment précises et établies au point de vue bio logique. Nous ne savons pas actuellement la nature et l'étendue des fonds à langoustes, à coquilles de Saint-Jacques, etc., et nous ignorons les conditions de la pêche de ces animaux, en fonction des variations de la faune et de la flore des localités où on les pèche à certaines saisons de l'année. Bon nombre de ces problèmes, les uns purement scientifiques, les autres relatifs à la pèche, seraient susceptibles d'être résolus par le moyen dont je préconise la tentative. Je termine là ces quelques observations; elles pourraient être développées encore. Elles suffisent, je pense, à montrer l'intérêt qu'il y aurait à tenter quelques expériences préli- minaires. Il ne faudrait évidemment avoir recours aux hydra- vions sur une grande échelle qu'après avoir fait des essais à petite distance avec un ou deux appareils. On commencerait par les utiliser tels qu'ils sont; mais il est probable qu'il faudrait arrivera améliorer leur rendement de diverses manières : 1° avoir un appareil à marche aussi lente que possible pour le travail cartographique et les observations relatives à la pèche côtière ; 2° avoir un appareil à marche rapide pour les obser- vations au large, comme la recherche des bancs de ciustacés rouges ; 3° installer une sorte de lunette dans le plancher de l'appareil, rapprochant le fond et permettant de distinguer les divers détails du sol et des végétaux; 4° installer un appareil photographique permettant de faire ces mêmes relevés sur des clichés, ce qui simplifierait encore sérieusement le travail, tout en augmentant sa précision ; 5" installer un appareil de T. S. F. ou un système de signaux visuels à l'usage des pêcheurs. Tout cela peut se faire sans grands frais. Si on n'en tire rien de pratique la perte sera insignifiante; si on peut, au contraire, en tirer de bons renseignements le service rendu à la science pure, à la pêche et à l'industrie, peut être considérable. BULLETIN DE L'INSTITUT OCEANOGRAPHIQUE (Fondation ALBERT V, Prince de Monaco) >^re^&&^y^s^^^- N°^ 350-362 MONACO AU MUSÉE OCÉANOGRAPHIQUE i 9 ' 9 *^'V TABLE DES MATIERES PAR ORDRE AI.PHABKTIQUE Albkrt l^r, Princk dk Monaco. — N" SSj. — Marche des mines flottantes dans l'Atlantique Nord et l'océan Glacial pendant et après la la guerre. Ghkvreux (Ed.) — No 332. — Révision des Scinidœ provenant des cam- pagnes de S. A. S. le Prince de Monaco. Cotte (J.). — No 355. — Un poisson nouveau pour la Méditerranée. Gl«kss (Paul). — No 35o. — Les Plantes marines.' Leurs utilisations. Granata (L.). — No 356. — Ostracodes provenant des campagnes scien- tifiques de S. A. S. Albert I«"", Prince de Monaco. L Diagnose d'un Cypridinide nouveau. JouBiN (L). — No35i. — Etudes préliminaires sur les céphalopodes recueillis au cours des croisières de S. A. S. le Prince de Monaco, y" Note : Cycloteuthis Sirventi nov. gen. et sp. Ladreyt (F.). — No 353. — Sur le chondriome des Cellules adipeuses. Ladreyt (F.). — No 36i. — Les cellules géantes normales de l'épithélium intestinal. Marti (M.). — No 358. — Sur un procédé de sondage en mer, à bord d'un bateau en marche, basé sur la propagation du son dans l'eau. Oxner (Mieczyslaw). — No 354. — Indications importantes concernant la conservation et la manipulation des thermomètres à renversement. Thoui.et (J.). — No 36o. — Planimetrie de la (]arte bathymétrique générale des Océans. Thoui.et (J.), — No 362. — Stations fixes en plein océan et notation de la nuance de la mer. Topsent (E.). — No 359. — Notes sur les genres Semisuberites et Heviias- terella. TABLE DES MATIERES Le numéro de chaque article se trouvant au bas du recto de chaque feuillet il est très facile de trouver rapidement l'article cherché. Nos 35o. — Les Plantes marines. Leurs utilisations, par Paul Gloess. ^^ fr 35i. — Études préliminaires sur les Céphalopodes recueillis au cours des croisières de S. A. S. le Prince de Monaco, y« Note : Cycloteuthis Sirventi nov. gen. et sp., par L. Joubin, pro- fesseur au Muséum d'Histoire Naturelle et à l'Institut Océanographique. '} u 35-2. — Révision des Scinidce provenant des campagnes de S. A. S. le Prince de Monaco, par Ed. Chevreux. Iw j^jt 353. — Sur le chondriome des cellules adipeuses, par le D"" F. Ladreyt.^j^. 354. — Indications importantes .concernant la conservation et la manipulation des thermomètres à renversement, rédigées par M. Mieczyslaw Oxner, assistant au Musée Océano- graphique. (^ ^,^^. 355. — Un poisson nouveau pour la Méditerranée, par J. Cotte. *^ff' 356. — Ostracodes provenant des campagnes scientifiques de S.- A. S. Albert I", Prince de Monaco. L Diagnose d'un Cypridinide nouveau, par L. Granata. t*j«|-' 35y. — Marche des mines flottantes dans l'Atlantique Nord et l'océan Glacial pendant et après la guerre, note de S. A. S. Albert, Prince de Monaco. ^ Wh> 358. — Sur un procédé de sondage en mer, à bord d'un bateau en marche, basé sur la propagation du son dans l'eau, par M. Marti. ^ i/ji 35g. — Notes sur les genres Semisuberites et Heniiasterella, par E. Topsent, professeur à la Faculté des Sciences de Dijon. ^^>i, 36o. — Planimetrie de la Carte bathymétrique générale des Océans, par J. Thoulet. / Kh 36i. — Les cellules géantes normales de l'épithélium intestinal, par F. Ladreyt. » ^V 3(J2. — Stations fixes en plein océan et notation de la nuance de la mer, par J. Thoulet. ) i )>)i' Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) N» 35o. — 3o Janvier 1919. jiß' i ^ Î3f Les Plantes marines. Leurs utilisations. Par Paul aLOESS. Avant-Propos. Je m'occupe d'utilisations de Plantes marines depuis une vingtaine d'années. Au début je n'ai pu vouer à ces travaux le temps que j'aurais désiré pouvoir leur consacrer et même dans la suite j'ai fré- quemment été obligé de les interrompre, pressé par mes travaux journaliers. J'ai commencé par l'utilisation du Lichen Carragheen, comme épaississant dans l'industrie textile, en collaboration avec feu mon ami regretté Charles Gassmann, chimiste alsacien, qui promettait de rendre les plus insignes services à l'industrie chimique, mais qui dans la fleur de sa jeunesse a été foudroyé par une fièvre maligne qu'il avait rapportée d'un voyage d'études au Coogo. Cette algue marine m'amena plus tard, en étudiant son élément iodé organique, à l'étude d'autres algues marines^ sous ce même point de vue, et notamment des Fucus et des Laminaires. J'ai fait des recherches dans ce sens, en collaboration avec le Docteur Wyss, Directeur des Fabriques de Produits Chimiques de Thann et de Mulhouse, à Thann (Alsace). A ce moment, comme auparavant, je ne pus cependant me vouer que secondairement à ces recherches qui demandaient 2 — beaucoup de travail, rien, pour ainsi dire, n'ayant encore été fait pour éclaircir la nature chimique des algues marines. Ce n'est que plus tard dans mon laboratoire d'Altkirch en Alsace et mieux encore à partir du moment auquel je m'étais fixé définitivement dans une région riche en plantes marines, en Bretagne, que je pus plus utilement poursuivre mes recherches et attirer sur les plantes ^marines l'attention qu'elles méritent. Ce furent d'abord MM. Léon et Etienne Darrasse de la maison Darrasse Frères de Paris qui s'intéressèrent à mes travaux et puis des amis, dont je n'oublierai jamais les beaux gestes. Ce n'est toutefois qu'en 1916, pendant que j'étais aux armées, en Alsace, défendant la partie de mon pays natal reconquise, craignant que les résultats de mes travaux pussent d'un moment à l'autre être perdus pour tous, que je me suis décidé de publier dans le Moniteur scientifique du Docteur Quesneville (12, rue de Buci, Paris) un résumé de mes travaux. Cette étude intitulée « L'exploitation industrielle des plantes marines » parut dans les numéros de mai, août et octobre 191 6. Ces numéros ayant rapidement été épuisés, S. A. S. le Prince de Monaco m'a fait l'honneur d'accueillir mon étude dans le Bulletin de l'Institut Océanographique. Cette étude représente une édition corrigée et plus complète de l'étude parue dans le Moniteur scientifique. Je dédie ce Mémoire au grand océanographe, à S. A. S. le Prince de Monaco qui en la plus large mesure contribue au développement de la connaissance des choses de la mer. Je le dédie, en même temps, à ma chère mère qui de l'autre côté des Vosges, en Alsace, attend notre arrivée et avec elle la délivrance à toujours du joug qui trop longtemps déjà a pesé sur elle et sur mes compatriotes. Aux Armées, le 3i octobre igi8. Paul Gloess. — 3 INTRODUCTION. Pline, en parlant de la mer, ne pouvait assez s'exclamer sur sa grandeur et ses richesses : « La mer, dit-il, recevant dans l'immensité de son étendue les germes que la nature toujours active et féconde répand du haut du ciel, fournit une nourriture douce et propre pour faciliter le développement des êtres qui l'animent et même c'est là que se forment la plupart des monstres, parce que ces germes se mêlent et se confondent ensemble, agités en tous sens et par les vents et par les flots, en sorte que l'opinion publique s'accorde avec la vérité, quand elle croit que tout ce qui naît dans chacun des autres éléments est aussi dans la mer et qu'on y voit de plus une infinité de pro- ductions qui n'e;xistent nulle part ailleurs. » (Plinii Historia naturalis ix, i). En effet et aujourd'hui avec plus de droits que du temps de Pline — l'Amérique n'était à ce moment là pas encore découverte et une grande partie de TOrient était encore inconnue — nous pouvons nous exclamer : Oui, la mer qui couvre près des trois quarts du globe terrestre contient de nombreuses richesses et en leur plus grande partie encore insoupçonnées ! Quelques-unes de ces richesses de la mer sont exploitées depuis l'aatiquité, comme les poissons, les mollusques, les crus- tacés, les éponges, les coraux, le sel marin recueilli par l'évapo- ration naturelle de l'eau de mer dans les marais salants et les plantes marines récoltées pour l'amendement des terres. D'autres richesses de la mer n'ont commencé à être exploitées que depuis l'ère chrétienne, comme certaines plantes croissant sur les bords salins de la mer qui jusqu'au commencement du siècle dernier fournissaient, sous forme de leurs cendres, la principale source de carbonate de soude, actuellement retiré directement du sel marin par le procédé Schloesing et Rolland, mis au point industriellement par M. Solvay. C'est, du reste, à la vulgarisation du carbonate de soude, provoquée par l'abaissement énorme de son prix de vente (de 400 fiancs les 100 kilos à 10 francs) et par la grande impulsion ainsi donnée à l'augmentation de sa consommation (actuellement de plus de 3 millions de tonnes par an) que nous devons l'une des causes principales du grand essor de rindustrie chimique moderne. D'autres richesses de la mer n'ont commencé à être exploitées que depuis le siècle dernier, comme certaines algues croissant en mer qui, sous forme de leurs cendres, fournissent de l'iode, du brome, des sels de potasse. (350) — 4 — Et que d'autres bien plus grandes richesses encore restent inexploitées, cachées dans le sein des océans ! Je ne veux pas parler des richesses de notre terre qui par de nombreux naufrages ont été englouties par les mers, qui sont devenues leur proie. Elles sont cependant grandes, accumulées dans la suite des siècles et effroyablement augmentées encore par une guerre sournoise sous-marine, menée par nos ennemis avec une férocité barbare. Mais tout en étant grandes, combien petites ces richesses enfouies au fond des mers n'apparaissent-elles pas à côté de celles qui font partie du liquide même des mers, de cette solution saline qui toujours encore continue et qui jusqu'à l'épuisement des continents continuera de se concentrer par l'interminable lessivage que la mer opère sans relâche dans le cycle toujours renouvelé de sa matière fluide, de l'eau, qui s'évapore pour plus agilement pouvoir parcourir les continents, qui se condense ensuite, sous forme de brouillards ou de nuages, pour se précipiter sur la terre, sous forme de rosée ou de givre, de pluie ou de neige, et qui sur son retour à la mer emporte de la terre tout ce qu'en la traversant elle aura pu en enlever. Quelle grande voleuse que l'eau et pour enrichir encore davantage ja mer, la richissime ! Oui, elle est vraiment la plus riche de la surface du globe terrestre, la mer ! Elle l'est déjà rien que par les éléments qu'elle cache à nos yeux, sous forme de sels divers dissous dans son fluide. Quelle vaste mine, quelle haute montagne, quelle grande partie de notre terre même ces sels mis à sec ne représentent- ils pas. En admettant la masse de l'élément marin liquide à i.Soo millions de kilomètres cubes et la contenance mo3^enne de l'eau de mer à 34 kilogrammes de sels par mille litres, soit par mètre cube, on obtient comme total des sels contenus dans la mer le poids de di.ooo quatrillons de kilogrammes ou, en tenant compte d'un poids spécifique moyen de 2,00 pour ces sels, le volume d'environ 2 5 millions de kilomètres cubes. En admettant d'autre part la masse des continents émergés des mers à 100 millions de kilomètres cubes, la masse des sels divers dissous dans les mers représente un quart de la masse des continents émergés des mers ou quatre fois la masse émergée du continent européen avec ses grandes chaînes de montagnes. Près des quatre cinquièmes de cette immense masse saline sont constitués par du chlorure de sodium, le plus utile et aussi le plus employé de tous les sels. Un peu plus du cinquième, soit une masse qui représente encore presque celle de notre continent européen émergé, est composé de sels de magnésium, calcium, potassium, rubidium, caesium, lithium, baryum, strontium, aluminium, zinc, fer, manganèse, cobalt, nickel, cuivre, étain, plomb, argent, or, - 5 — etc., liés à de l'oxygène, hydrogène, chlore, brome, iode, fluor, soufre, phosphore, arsenic, silice, azote, carbone, etc.. Tous les éléments connus y sont représentés, ne serait-ce que dans une petite proportion. Mais cette proportion, aussi minime qu'elle soit en elle- même, devient d'une grande importance quand la matière est considérée en sa quantité totale répartie dans les mers. Elle devient de plus pratiquement intéressante quand, en même temps, il est tenu compte de la propriété des plantes marines d'absorber, d'accumuler et de concentrer en elles des éléments dissous dans l'eau de mer à une telle dilution qu'ils ne peuvent autrement que par leur intermédiaire pratiquement pas en être extraits. Les plantes marines accumulent en elles, selon leurs espèces, certains éléments plutôt que d'autres. La plupart des plantes marines accumulent en elles plus particulièrement les sels de potasse, l'iode et le brome. Ce sont celles qui à proximité des côtes sont les plus abondantes. Certaines plantes marines accumulent en elles plus parti- culièrement les sels de chaux. D'autres plantes marines accumulent en elles d'autres éléments, dont même de l'or. Mais, que je m'empresse de le dire, celles-ci ne sont pas très abondantes et pas facilement accessibles. L'or, du reste, quoique étant un métal très précieux, nous est aussi moins utile. La quantité totale de l'or contenu dans l'eau de mer est cependant bien grande. D'après Ramsay 1 .000 litres d'eau de mer contiennent en mo3^enne 65 milli- grammes d'or. La quantité totale d'or répartie dans les i.Soo millions de kilomètres cubes des océans représente donc un monceau d'or d'un poids dépassant go trillions de kilogrammes — une montagne d'or plus grande que le Mont-Blanc — qui, partagé entre nous tous 1.600 millions d'habitants terrestres, ferait pour chacun la belle, mais un peu « lourde » part d'environ 55 mille kilogrammes d'or. Un pareil partage ne nous rendrait pas plus heureux, mais tout au contraire rendrait bien malheureux ceux qui uniquement dans des amas d'or auraient cru avoir assuré leur avenir. Aussi intéressantes que soient les algues marines aurifères ou même radifères, car nous trouvons dans certaines algues aussi du radium, ce n'est pas d'elles qu'il sera question ici, mais de plantes marines plus utiles, plus nécessaires à notre bien-être. Ce sont les plantes marines qui croissent sur les rives et dans les fonds longeant les côtes, les algues désignées globa- lement par « goémon » et par « varech » qui méritent principa- lement notre attention. Elles sont les plus facilement accessibles et croissent et se reproduisent en abondance. (350) - 6 - Ce sont des plantes marines de rives, ainsi que des plantes marines venant épaves qui depuis l'antiquité sont employées pour la fumure des terres bordant la mer. C'est de plantes marines de nos côtes, du goémon de fond, que, depuis environ un siècle, est retiré de l'iode. C'est de ces mêmes plantes marines qu'étaient autrefois aussi retirés du brome et des sels de potasse, comme s-ous-produits de l'extraction de l'iode. L'industrie de l'iode a pris naissance en France, mais elle n'a pas laissé à la France la primauté qu'elle en avait, parce qu'elle n'y a pas trouvé l'intérêt qu'elle méritait. L'extraction de l'iode du goémon a continué, chez nous, jusqu'à nos jours, à rester opérée par les mêmes procédés prodigues de son enfance, procédés qui laissent la moitié de l'iode s'échapper et qui, par l'incinération du goémon, détruisent sa matière la plus précieuse après l'iode, la matière organique. Le relèvement de l'industrie goémonnière de l'iode est un des objets principaux de cette étude. Pour rationnellement exploiter les algues marines il faut en retirer, à côté de Tiode total, le brome, les sels de potasse et la matière organique ; en un mot il faut que les algues marines fassent l'objet d'une industrie ne laissant plus rien se perdre, mais tirant profit de tout. C'est de plantes marines de leurs côtes, de certaines algues en partie même cultivées, que les Japonais depuis longue date retirent l'Agar-Agar, le Kombu et d'autres produits culinaires et alimentaires et qu'ils ont récemment entrepris aussi l'extraction de l'iode. C'est de plantes marines des côtes du Pacifique que les Amé- ricains du Nord commencent à extraire industriellement les sels de potasse, dont leur agriculture très développée a de si grands besoins. C'est de plantes marines qu'elle faisait venir de nos côtes de la Manche qu'une entreprise austro-allemande, sise à Aussig en Bohême, a commencé, il y a quelque dizaine d'années, à extraire la matière mucilagineuse du goémon et à la vendre sous le nom de )) Norgine ». Nonobstant le prix relativement élevé que cette maison exige pour son produit, celui-ci a néanmoins trouvé un grand intérêt, comme matière apprêtante, particulièrement dans l'industrie textile. C'est une plante marine aussi, une petite algue côtière, le lichen carragheen, qui industriellement est employée comme matière épaississante. Ce sont enfin des plantes marines encore, les Zostères, qui tout en n'étant pas des algues, mais des monocotylédones, sont employées, sous la dénomination de « Varech », pour les qualités de leur fibre, dans la literie, dans le rembourrage des meubles ordinaires et comme matière d'emballage. Quoique n'étant données qu'au seul point de vue d'une orientation, les indications précitées, qui par leur nature sont très incomplètes, laissent néanmoins déjà entrevoir l'importance des exploitations, dont les plantes marines peuvent faire l'objet. Principalement destinée à l'industrie, cette étude est bas é sur une classification pratique des différentes utilisations que peuvent avantageusement être faites des plantes marines et qui sont les suivantes : i 1. — L'utilisation des plantes marines en général, particuliè- rement comme engrais. II. — L'utilisation des plantes marines « non-Algues », parti- culièrement des Zostères. A) Fibre retirée des Zostères. B) Papier retiré des Zostères. C) Cellulose retirée des Zostères. D) Engrais potassique hydrocarboné-azoté retiré des Zos- tères comme sous-produit. III. — L'utilisation des « Algues Rouges » (Rhodophycées ou Floridées), contenant de la Gélose. A) Le Lichen Carragheen. B) L' Agar-Agar. IV. — L'utilisation des « Algues Brunes » (Phaeophycées), parti- culièrement des laminariacées, contenant de l'Algine. A) L'Algine retirée des Algues Brunes, particulièrement des laminariacées. 1° l'Algine comme matière alimentaire. 2° l'Algine iodée comme matière alimentaire-médicamen- teuse iodée. 3° l'Algine solubilisée sous forme d'Alginates solubles : a) comme matière apprêtante, encollante, épaississante et comme imperméabilisant, mordant. b) comme matière agglutinante. c) comme matière hydrofuge. d) conime matière désincrustante. 4** l'Algine solubilisée sous forme de Peralginates solubles comme matière savonneuse pour blanchissage. 5° l'Algine comme matière première pour d'autres appli- cations. B) la Cellulose retirée des Algues Brunes, particulièrement des laminariacées. C) les Sels de Potasse retirés des Algues Brunes, particuliè- rement des laminariacées. D) les divers autres sels retirés des Algues Brunes, particu- lièrement des laminariacées. E) l'Iode et le Brome retirés des Algues Brunes, particuliè- rement des fominariacées. (350) PREMIERE PARTIE. Les Plantes marines en général. L'utilisation des Plantes marines en général, particulièrement comme engrais. Les plantes mannes, au point de vue botanique, appartiennent presque toutes au groupe des algues et plus particulièrement aux classes des algues rouges, appelées aussi ihodophyce'es ou floridées, et des algues brunes, appelées aussi phaeophycées. Quelques espèces seulement n'appartiennent pas aux algues, mais au groupe des monocotylédones, à la famille des naïadacées. Par plantes marines je n'entends, si besoin est de le dire, que les plantes croissant vraiment en mer. Je n'y inclus pas celles qui croissent en dehors de l'eau sur les rivages salins de la mer et qui étaient jadis d'une exploitation très féconde, en fournissant, sous forme de leurs cendres, la principale source de carbonate de soude, dont les qualités provenant de Nar- bonne et d'Alicante étaient les plus estimées. Je dis carbonate de « soude », car, faisant une exception à la généralité, ces plantes — comprenant principalement des chénopodiacées, soit les espèces Salicornia, Atriplex et Salsola — ne contiennent pas en quantité prédominante des sels de potasse, mais des sels de soude. Cette prédominan-ce des sels de soude nous ne la retrouvons nulle part ailleurs dans le règne végétal, même pas chez les plantes marines qui, vivant dans le milieu sodique par excel- lence, devraient être les plus riches en sels de soude, mais qui, contrairement à cette présomption, sont pliis riches en sels de potasse qu'en sels de soude. Je n'entendrai donc par plantes marines que les plantes croissant baignées dans l'eau de mer. Arrachées par les vagues, surtout par les gros temps, des quantités de plantes marines sont rejetées, par le flot, sur les rivages, où depuis des temps immémoriaux elles sont ramassées par les riverains pour la fumure de leurs terres. L'emploi des plantes marines comme engrais est relaté dans les plus anciens rapports d'agriculture côtière. Nous en avons reçu connaissance par de vieilles ordonnances du moyen âge réglant « le droit au varech », droit qui permettait aux seigneurs des fiefs et aux communes du littoral de tout récolter ce que les marées et les tempêtes rejetaient sur les côtes. Ces ordonnances dans le cours des temps ont été beaucoup modifiées. Elles ne comprennent aujourd'hui plus le droit aux épaves des naufrages qui autrefois y était inclus. Le décret actuellement en vigueur en F^rance, réglant la récolte des plantes marines, date du 8 février 1868. Il a été modifié par celui du 28 janvier 1890. Ces décrets classent les plantes marines en trois catégories : 1° celles de rives ; 2° celles poussant en mer; 3° celles venant épaves à la côte, et définissent ces trois catégories de plantes marines comme il suit : 1° « les plantes marines (varech et goémon) de rives » sont celles qui tiennent au sol et qu'on peut atteindre de pied sec aux basses mers d'équinoxe. Par « pied sec » on comprend encore la possibilité d'aller dans la mer avec de l'eau « jusqu'à la ceinture » ! 2'' « les plantes marines poussant en mer » sont celles qui tenant au sol et aux rochers ne peuvent être atteintes de pied sec aux basses mers d'équinoxe. 3*^ « les plantes marines venant épaves » sont celles qui détachées du sol sont jetées sur la côte par le flot. Aux termes de ces décrets : 1° la récolte des « plantes marines de rives » est réservée aux habitants des communes riveraines et aux propriétaires de terres cultivées situées dans ces communes. Elle est restreinte à deux époques par année, fixées par l'autorité municipale. 2° la récolte des « plantes marines poussant en mer » est libre. 3° la récolte dès « plantes marines venant, épaves » peut être effectuée, sans aucun privilège, par tous les riverains. Les plantes marines les plus abondantes sont celles qui « poussant en mer » forment de vastes prairies ou plutôt forêts recouvrant le fond de la mer. Selon certains ichtyologistes ces plantes marines de fond doivent servir d'abris à nombre de poissons, tant contre la lumière, que contre une trop grande agitation de l'eau. La coupe de ces plantes marines de fond ne paraît cependant pour ce motif raisonnablement aussi peu pouvoir être empêchée que la coupe des ambres de nos forêts pour ménager le gibier. De plus il est à remarquer que Tidée autrefois émise, présumant que dans ces parcs de plantes marines devaient se trouver de vastes frayères, a dû être abandonnée, comme étant erronée. (350) — 10 Pour contenter cependant, en tant que possible, les intérêts de la pêche et de l'industrie qui paraissent contradictoires, Monsieur Delage, le savant océanographe, a proposé de régler de la manière suivante la récolte et l'utilisation des plantes poussant en mer : i" la récolte du goémon de fond jusqu'à une certaine pro- fondeur doit rester libre ; 2° la récolte du goémon à une plus grande profondeur doit être interdite ; 3° la création d'usines destinées à utiliser le goémon ne doit être soumise à aucune autorisation autre que celle provenant des enquêtes locales de « commodo et incommodo ». « Il est d'autant plus nécessaire », dit Monsieur Delage, « de ne point contrarier l'établissement de ces usines, que le goémon qu'elles pourraient traiter peut aller à l'étranger, sa récolte et son exploitation étant libres. C'est ainsi que particulièrement dans la région de Saint-Brieuc une maison allemande expédiait à Hambourg environ S.ooo tonnes de goémon par an, dont l'agriculture et l'industrie nationales ont ainsi été privées, tandis que la maison allemande qui traitait ce goémon pour l'extraction de la « Norgine » faisait de brillantes affaires, dont profitait ce pays, auquel nous rachetions une partie de la Norgine extraite de notre goémon ». Les plantes marines de rives sont principalement constituées de Zostères ou d'algues rouges et de fucacées, selon les lieux. Les plantes marines de fond sont principalement constituées de laminariacées. Les plantes marines venant épaves sont différemment cons- tituées, selon les lieux, de laminariacées, de fucacées et de Zostères. Sur les côtes abruptes du littoral de l'Atlantique et de la Manche les plantes marines venant épaves sont principalement constituées de Laminaires et de Fucus, tandis que sur les côtes peu inclinées des estuaires et étangs maritimes de ce littoral, ainsi que de celui de la Méditerranée, les plantes marines venant épaves sont principalement constituées de Zostères. Ce sont, en effet, les Zostères qui forment la flore des estuaires et étangs maritimes, vastes prairies sous-marines qui se pro- longent souvent dans la mer libre, là où l'inclinaison de la côte n'est pas trop forte et l'agitation de l'eau pas trop grande, con- trairement au Fucus et surtout aux Laminaires qui recherchent l'eau agitée par les marées et les courants. Les plantes marines de rives, comme celles venant épaves, ont jusqu'à présent principalement été récoltées pour l'amen- dement des terres. Elles forment le principal engrais des côtes de France, particulièrement de la Bretagne, des côtes d'Angle- — II — terre, d'Ecosse, d'Irlande et des îles Anglo-Normandes, où malgré Taridité du sol elles permettent d'obtenir de très belles cultures. En dehors de cette récolte du goémon de rives et du goémon épave, les pêcheurs de goémon, les « goémonniers » bretons, anglais, norvégiens, japonais opèrent la récolte du goémon de fond aussi au large, le long des côtes. Non satisfaits de la quantité de plantes marines que leur fournit la nature abandonnée à elle-même, les laborieux et industrieux japonais ont introduit chez eux la culture métho- dique de certaines plantes marines, dans des parcs marins, des « goémonnières » artificielles. En effet les plantes marines ne sont pas des mauvaises herbes négligeables qui ne mériteraient pas, au moins certaines d'entre elles, d'être cultivées, comme nous cultivons les céréales, la betterave. Les plantes marines représentent une matière première de grande valeur. C'est dans les plantes marines que nous possédons la meilleure source, car inépuisable, d'une série d'éléments utiles. Ces éléments, les plantes maiines les puisent, avec une vigueur toujours à nouveau rajeunie, dans la mer, le liquide nourricier par excellence, qui non seulement ne s'appauvrit jamais, mais s'enrichit sans cesse. C'est dans les plantes marines que nous possédons la meilleure source de potasse, de cet élément qui, pour une grande partie, entre dans la constitution des plantes faisant l'objet de nos cultures et qui par le fait est relativement rapidement extrait du sol cultivé,. auquel il faut le restituer, pour le rendre à nouveau fertile. C'est dans les plantes marines que nous possédons la meilleure source d'iode et de brome, de ces précieux éléments, dont l'importance, au point de vue médical, égale celle de la potasse, au point de vue agricole. C'est dans les plantes marines que nous possédons une source merveilleuse d'autres matières encore, minérales et surtout organiques hydrocarbonées azotées, comme nous le verrons plus loin. Les plantes marines font un choix parmi les nombreux éléments qui se trouvent dissous dans l'eau de mer, un choix différent selon leurs espèces. Elles récoltent et accumulent en elles plutôt certaines substances que d'autres, ne s'inquiétant pas de la plus ou moins grande quantité sous laquelle une telle ou une autre substance leur est présentée. C'est ainsi que les plantes marines récoltent en plus grandes quantités certaines substances qui ne se trouvent dans l'eau de mer que dans d'infimes proportions, tandis qu'elles ne récoltent qu'en bien moindres quantités d'autres substances qui se trouvent dans l'eau de mer dans de grandes proportions. (350) — 12 — Une preuve éclatante de ce fait est le rapport de la soude et de la potasse contenues dans les plantes marines. Quoique dans l'eau de mer les sels de sodium atteignent en moyenne 3 °/o, tandis que les sels de potassium n'y atteignent qu'à peine 0,01 °/o, à peine donc la Soo'""-' partie de ceux de sodium, les plantes marines croissant dans ce milieu trois cents fois plus sodique que potassique, qui par le fait devraient être 3oo fois plus riches en sels de soude que de potasse, sont plus riches en sels de potasse que de soude. Cette propriété des plantes marines, d'extraire de grandes masses d'eau certains éléments davantage que d'autres, — pro- priété favorisée par un renouvellement incessant de l'eau qui les baigne, retiouvellement produit par les marées et les courants, — permet de retirer de l'eau de mer des éléments qui s'y trouvent à une telle dilution qu'ils ne pourraient autrement pratiquement et économiquement pas être récupérés. Cette propriété des plantes marines est d'autant plus précieuse qu'elle représente une source éminemment vitale, en opposition à la source morte des dépôts minéraux de la terre. Les mines de potasse bromifères ne sont pas inépuisables et les gisements de nitrates iodifères s'appauvrissent aussi de jour en jour. La potasse, l'azote, l'iode, le brome de ces dépôts nous sont par contre à toujours assurés par les plantes marines. Elles ne sont pas un simple dépôt qui un jour fatalement s'épuisera. Elles sont une source vivante qui ne pourra jamais tarir, car comme les sources d'eau forment une partie du cycle mondial de l'eau, étant toujours à nouveau alimentées par la pluie et la rosée, de même les plantes marines forment l'anneau reliant le commencement et la fin du cycle mondial des éléments qu'elles contiennent : le commencement du cycle en puisant ces matières dans l'immensité de la mer, dans laquelle à la fin de leur cycle, de leur parcours mondial, elles étaient retournées. C'est en vue de l'exploitation de cette intarissable source des éléments les plus utiles à nos cultures, en vue de l'exploi- tation industrielle des plantes marines comme engrais com- mercial, que des usines ont été créées sur les côtes du Pacifique des Etats-Unis de l'Amérique du Nord. Ces usines reprennent sous une forme nouvelle, industrielle, ce que l'expérience des siècles a démontré : que les plantes marines forment un engrais complet de premier choix, dépassant, de beaucoup, même le meilleur fumier de ferme. Cette indubitable expérience concorde avec les données de la chimie agricole, pour ce qui concerne les engrais, et de la chimie analytique, pour ce qui concerne la composition des plantes marines, tant au point de vue des éléments qu'elles contiennent, cjue de leurs proportions. Profitant de ces données les Américains font un choix parmi - i3 - les plantes mannes. Ils re'coltent de préférence les laminariacées qui chez eux, sur les côtes du Pacifique, abondent comme chez nous, sous forme cependant d'autres espèces. Le goémon ne pouvant industriellement être séché à l'air libre, un pareil séchage dépendant trop du temps et des saisons, les Américains le sèchent artificiellement dans des séchoirs et cela aussitôt récolté, afin que rien ne puisse se perdre, ni par les lessivages occasionnés par la rosée ou la pluie, ni par la décomposition à laquelle est voué le goémon frais aussitôt mis en tas. En enlevant ainsi au goémon ses 85 ^/^ d'eau, sa teneur en éléments utiles est concentrée environ 6 1/2 fois et sa valeur comme engrais est par le fait augmentée dans la même pro- portion. Par ce fait est^assurée en même temps la conscrvaiiou absolue du goémon, qualité indispensable à un produit com- mercial. Comme traitement suivant et final le goémon séché est broyé, afin de le rendre plus assimilable au sol, car plus sa matière organique est divisée, mieux elle se décompose une fois entrée en contact avec l'humidité du sol. Quelque rationnelles les Américains aient imaginé leurs exploitations, ils agissent néanmoins encore en dissipateurs, en ne récupérant pas simultanément l'iode et le brome contenus dans le goémon, éléments plus utiles aux industries chimique et pharmaceutique qu'à l'agriculture comme engrais. La récupé- ration de ces éléments comme sous-produits abaisserait avanta- geusement le prix de revient de l'engrais complet retiré du goémon. En disant « engrais complet » je tiens à préciser a engrais complet minéral et organique » et à faire remarquer que la matière organique du goémon, qui est comprise dans cet engrais, peut donner lieu a d'autres utilisations encore, plus impor- tantes et rémunératrices que celle comme engrais. Débarrassé de sa matière organique, le goémon peut, en effet, déjà uni- quement sous la forme de ses composants inorganiques, fournir un excellent engrais, un engrais minéralisateur potas- sique. Cet engrais complet minéral et organique est vraiment très avantageux et précieux. Composé de goémon déiodé, débromé, desséché et broyé, il contient tous les éléments néces- saires à nos cultures : 1° L'acide carbonique. La substance organique du goémon est constituée principa- lement d'hydrates de carbone. Elle représente un humus con- centré qui, par sa décomposition, dégage petit à petit de l'acide carbonique que les plantes récoltent surtout par leurs feuilles et qu'elles utilisent à la constitution de leur matière organique, dont le carbone est le principal élément. L'acide carbonique dégagé du sol est de beaucoup plus utile (350) — 14 — à la végétation que celui contenu dans l'air, car les plantes ne peuvent récolter de la réserve de l'acide carbonique de l'air que son excédent, c'est-à-dire la quantité d'acide carbonique qui dépasse la teneur constante de l'air. L'acide carbonique dégagé du sol forme, par sa pesanteur plus grande que celle de l'air, dans l'atmosphère même des plantes, l'excédent qui seul leur est utile et contribue à leur développement. L'acide carbonique n'a jusqu'à présent été apporté au sol, comme engrais, guère autrement que par le fumier de ferme. Il est à remarquer que cet apport a eu lieu sans le savoir et sans le vouloir, si l'on fait exception du fait constaté par l'expérience que le fumier de ferme dans bien des cas ne pouvait être rem- placé par aucun des engrais chimiques couramment employés. 2*' L'azote. La substance organique du goémon contient, en dehors des hydrates de carbone, en moyenne 4 °/o d'azote. Elle fournit par sa décomposition, en dehors de l'acide carbonique, des sels ammoniacaux. Ceux-ci sont extraits du sol par les plantes qui les utilisent, comme l'acide carbonique, à la constitution de leur matière organique. L'azote est le principal élément de la matière organique végétale après le carbone, fourni par l'acide carbonique, et après l'hydrogène et l'oxygène, fournis principa- lement par l'eau, soit l'humidité du sol. Il est à remarquer que l'action de l'azote du goémon est plus lente que celle des produits azotés inorganiques et particuliè- rement des produits ammoniacaux. Les combinaisons azotées organiques du goémon ne peuvent pas être assimilées par les plantes avant d'avoir été préalablement transformées, par décomposition, en combinaisons azotées inorganiques, de pré- férence ammoniacales. Les principaux engrais azotés sont : le nitrate de soude du Chili avec une production annuelle dépassant 3 millions de tonnes, le sulfate d'ammoniaque des usines à gaz et de coke avec une production annuelle de plus de i 1/2 millions de tonnes et les produits fabriqués à l'aide de l'azote atmosphé- rique : la cyanamide de chaux, le nitrate basique de chaux et Tammoniac synthétique. Le goémon, nonobstant sa faible teneur en azote, peut remplacer les engrais chimiques azotés, si l'on considère que ceux-ci, quelque importants ils soient devenus par leur consom- mation, activée certainement par une réclame scientifique intense, ne sont certainement pas aussi indispensables à nos cultures que la plupart des autres engrais. En effet Monsieur Schloesing a prouvé par ses recherches classiques que les légu- mineuses — et ce sont elles qui forment la base des bonnes prairies — absorbent l'azote atmosphérique et par leur inter- médiaire le transmettent au sol. — ID — 3° La potasse. La substance inorganique du goémon est principalement constituée de sels de potasse, de ce précieux élément, dont nos cultures ont un si grand besoin. Le goémon remplace avantageusement les sels de potasse du commerce qui jusque sous peu étaient fournis au monde entier par les mines de Stassfurt qui en détenaient le monopole jusqu'à la récente découverte des mines de potasse des environs de Mulhouse en Alsace. 4° Les phosphates. La substance inorganique du goémon contient aussi des phosphates. La teneur du goémon en phosphates, il est vrai, n'est pas bien grande, mais elle n'empêche pas le goémon de suppléer, au moins partiellement, aux besoins de nos cultures en cette matière et de remplacer, par le fait, au moins en une petite partie, les phosphates, superphosphates et les scories de déphos- phoration. 5" La chaux, la soude, la magnésie, le fer, le manganèse, et les autres éléments indispensables comme engrais. Le goémon, par sa constitution, est tout indiqué pour fournir à nos cultures aussi ces autres éléments, dont elles ont besoin et cela dans les proportions mêmes qu'elles les exigent. J'insiste sur le fait que certains éléments qui n'entrent dans la constitution des végétaux que pour une proportionnellement bien faible quantité, comme le fer, le manganèse, et d'autres éléments, sont tout aussi indispensables à nos cultures que les grands engrais énumérés auparavant. L'excédent d'un élément ne peut pas remplacer le manque d'un autre, car les plantes, selon la loi du minimum, règlent leur végétation d'après celui des éléments nécessaires à leur constitution qui dans le sol nourricier se trouve en moindre quantité. Les engrais chimiques, comme les nitrates, les sels de potasse, les phosphates, ne suffisent pas pour fournir aux cultures tous les éléments dont elles ont besoin. Il faut qu'on y ajoute encore les autres éléments indispensables pour former un engrais complet. Le goémon par contre, formé dans le milieu nourricier le plus parfait, piototype de la constitution de tous les êtres du monde, contient tous les éléments qui peuvent concourir à la constitution des plantes et fournit à lui seul un engrais complet, l'engrais idéal, qui nulle part ailleurs ne se trouve mieux composé. Les dépôts minéraux des continents ne sont, à bien voir, eux-mêmes, au moins en partie, autre chose que des dépôts de goémon décomposé. N'avons-nous pas dans les dépôts de (350) - i6 - potasse et de nitrates le résultat de transformations plus ou moins grandes d'anciennes forêts sous-marines de goémon, de plantes marines géantes ! Ces dépôts ne sont-ils pas les résidus de vastes cimetières de plantes marines, dont, selon l'influence du milieu dans lequel elles se trouvaient, l'un ou l'autre de leurs constituants a été séparé des autres, a été lessivé, a été concentré ou a été entraîné dans une réaction avec la substance qui l'entourait. Ces dépôts sont situés dans des régions, dont il est actuel- lement notoire qu'elles formaient autrefois le sol marin ! DEUXIEME PARTIE. Les Plantes marines « non- Algues » L'utilisation des Plantes marines « non-Algues », particulièrement des zostîires. Les noms « varech » et « goémon » sont vulgairement indif- féremment employés pour désigner deux catégories de plantes fort différentes : 1° les Zostères de la famille des naïadacées, des plantes marines appartenant au groupe des phanérogames ; 2° les algues marines, principalement des familles des laminariacées et fucacées, des plantes marines appartenant à l'autre grand groupe des cryptogames. Une certaine tendance paraît cependant vouloir s'affirmer, parmi ceux qui s'occupent du commerce de plantes marines, à désigner par « goémon » plutôt les Fucus et les Laminaires, véritables algues marines, et par « varech « les Zostères, plantes marines non-algues. Encourageant cette distinction, je désigne par « varech » les Zostères et par « goémon» les véritables algues marines. Les Zostères, vulgairement appelées aussi « pailleule », croissent en abondance dans les mers tempérées de l'Europe, de l'Asie Mineure, de l'Asie Orientale et de l'Amérique du Nord, particulièrement dans les golfes protégés, peu profonds et vaseux, où elles forment des prairies submergées, parfois de grandes étendues, qui dans les mers à marées se découvrent partiellement aux moments des basses mers. Les Zostères sont intéressantes par les propriétés de leurs fibres qui les prédestinent à leur utilisation comme matière de literie et de couchage, pour la confection de matelas et pour le rembourrage de fauteuils et de canapés, ainsi que comme matière d'emballage. Les Zostères remplacent avantageusement la paille, la fibre de bois et même le crin végétal. A cet eiîet les Zostères sont débarrassées, par des lavages à l'eau, des sels h3^groscopiques qui les imprègnent. Des deux espèces qui se trouvent en France en abondance, Zostera marina, la plus fréquente, forme des lubans d'environ I à 2 centimètres de largeur, tandis que Zostera nana forme des rubans moins larges. Les Zostères à l'état frais ont une certaine ressemblance avec nos herbes vertes des prés. A l'état sec elles prennent une coloration brun foncé qui passant par brun pâle se dégrade jusqu'à blanc crème, selon qu'elles ont plus ou moins été blanchies par une alternance d'une plus ou moins longue exposition au soleil et d'une plus ou moins longue exposition à la pluie ou à la rosée. Les Zostères sont fauchées, comme nos prés, avec la diffé- rence toutefois que les faucheurs sont obligés d'opérer montés sur des bateaux. Elles peuvent aussi être ramassées sur la grève, où elles sont rejetées par la mer comme épaves. A. FU3RE RETIRÉE DES ZoSTÈRES. Le varech, pour l'utilisation de sa fibre, peut être du varech épave ou du varech de coupe, ces deux sortes de varech possédant les propriétés requises. Le varech de coupe donne toutefois une plus belle qualité de fibre que celui venant épave, souvent endommagé par le flot qui l'a jeté à la côte. Par des traitements méthodiques dans des bains appropriés les matières minérales et organiques qui dans le varech accom- pagnent la cellulose, en sont séparées en tant que pratiquement possible et utile. La fibre de varech ainsi mise à nue est blanchie et finalement séchée. Je désigne cette fibre de varech par « fibre marine ». La fibre marine est employée telle quelle, ou blanchie, ou colorée, cette fibre prenant facilement toutes les teintes. Les principales qualités de la fibre marine sont son élas- ticité, sa légèreté^ son ininflammabilité. son imputrescibilité et son absence d'odeur. (350) En ne considérant ces qualités qu'au seul point de vue de Tutilisation de la libre marine comme matière d'emballage, question très importante, surtout pour certaines industiies de luxe, il en résulte les avantages suivants : L'élasticité est la première des qualités à exiger d'une matière d'emballage, particulièrement quand elle est destinée à pré- server des objets délicats et fragiles. La légèreté est une qualité précieuse, spécialement pour la confection des colis postaux, particulièrement de ceux destinés à l'exportation, où une différence de poids souvent peu sensible peut faire réaliser une économie notable des frais de port. L'ininflammabilité est une supériorité indéniable de la fibre marine sur la plupart des autres matières d'emballage ne pos- sédant pas cette qualité. Quant à l'imputrescibilité et l'absence d'odeur ce sont des qualités qui ne devraient manquer à aucune matière d'em- ballage destinée à envelopper des primeurs ou autres denrées. A ces qualités incontestables, qui à elles seules font déjà préférer la fibre marine à toute autre matière d'emballage, vient s'ajouter l'avantage que présente son prix de revient qui la classe comme la plus économique de toutes les matières d'em- ballage de choix, ainsi qu'il ressort des données suivantes. Les principales matières d'emballage et leurs prix approxi- matifs sont : 1° La fibre de bois, dont la qualité ordinaire est vendue i5o francs la tonne et la qualité supérieure 3oo francs la tonne. 2° Le varech, dont la qualité ordinaire, brune, est vendue 200 francs la tonne et la qualité supérieure, choisie et lavée, dite de « parfumeur », 400 à 5oo francs la tonne. 3° Les rognures de papier, dont celles de papier ordinaire sont vendues 35o francs la tonne, celles de papier sulfurisé 45o francs la tonne et celles de papier de soie 800 à 900 francs la tonne. 4° La ouate d'emballage qui est vendue 2000 francs la tonne. Comme la quantité de matière nécessaire à un emballage dépend du volume et non du poids qu'occupe la matière d'em- ballage, il faut comparer les densités de ces matières pour pouvoir compaier leur valeur pécuniaire. Il faut donc comparer les prix de volumes égaux et non les prix de poids égaux de ces matières. Il ne faut cependant pas oublier de tenir aussi compte du degré d'élasticité de la matière d'emballage, car plus son élas- ticité est grande, plus elle permet de réduire la quantité volu- métrique nécessaire à l'emballage. La fibre marine est environ trois fois plus légère que la fibre de bois et que les rognures de — 10 — papier ordinaire et près de deux fois aussi légère que le varech ordinaire, sa matière première non raffinée. Une société « La Parisette » avait entrepris le dévelop- pement de l'usage du varech, en le blanchissant et en le colorant. Les conditions désavantageuses dans lesquelles se faisait cette exploitation, située dans les environs de Paris, ne lui ont malheureusement pas permis de réussir. Une usine, qui veut traiter les plantes marines d'une manière rationnelle, doit avant tout être située le plus près possible de leur lieu de récolte. Cela apparaît d'autant plus clairement si l'on considère que les plantes marines, par leur traitement, perdent de leur poids initial, dans certains cas jusqu'à 85 %. Il résulte de ce fait une économie qui est d'autant plus grande que les frais de transport économisés concernent une matière qui à l'état brut n'a pas plus de valeur que celle de la peine de la récolter. Cette raison n'est pas la seule pour laquelle une usine traitant les plantes marines doit être située à proximité de leur lieu de récolte. Les plantes marines une fois récoltées et mises en tas se décomposent plus ou moins rapidement, selon leurs espèces. Pour pouvoir les conserver, il faut préalablement les sécher. Or le séchage en plein air ne peut guère être pratiqué régu- lièrement et industriellement, parce qu'il est trop dépendant du temps, et sur les côtes pluvieuses et brumeuses restreint à une trop courte saison. Il n'y a que le séchage artificiel qui puisse industriellement être conduit d'une manière parfaite. Après la bonne situation de l'usine, un outillage approprié est non moins nécessaire, une installation mécanique qui permette de traiter les plantes marines méthodiquement du commencement jusqu'à la fin, assurant une fabrication régu- lière. En observant ces conditions, qui sont générales pour toute entreprise industrielle, le varech fournira par sa fibre marine la plus avantageuse matière d'emballage de choix. Les quantités consommées en matières d'emballage sont énormes. Pour fixer les idées contentons-nous de constater que rien qu'en fibre de bois, trois des grands magasins-bazars de Paris consomment à eux seuls ensemble pour leurs emballages plus de mille tonnes par an. (350) 20 — B. — Papier retiré des Zostères. Les chiffons qui ont toujours fourni les meilleures qualite's de papier, depuis le début de sa fabrication, ne suilisent plus depuis longtemps que pour produire une bien petite partie de l'énorme quantité de papier actuellement employé. Comme principales matières premières viennent ensuite, par ordre d'importance, en allant en augmentant : 1° la paille ; 2° l'alfa, une graminée agrostidée des côtes méditerranéennes d'Algérie et d'Espagne ; et 3" le bois qui fournit de loin la bien plus grande partie du papier. Le « papier japonais » est fabriqué avec des filaments de Broussonetia papyrifera, un mûrier du Japon, et le « papier de riz » avec la moelle de TAralia papyrifera, un petit arbre des forêts marécageuses de la Chine. L'usage du papier continue à s'accroître dans de telles pro- portions que des craintes sérieuses se manifestent au sujet de l'insuffisance prochaine du bois. Une série d'autres végétaux ont été proposés pour la fabri- cation du papier ou y ont même été employés, mais on n'a jusqu'à présent pas fait usage, industriellement, des plantes marines. Leur contenance en cellulose et la forme sous laquelle celle-ci se présente en elles, méritent quand même un intérêt tout spécial. Stanford signale bien dans un mémoire qu'il a adressé, il y a une cinquataine d'années, à la Société chimique anglaise, l'utilité que pourrait trouver la cellulose du « kelp » (goémon) comme addition à la pâte de papier, mais cette question en est restée là et n'a. pas trouvé la solution pratique qu'elle méritait. Il est vrai qu'il est difficile d'implanter de nouvelles méthodes, mais celles-ci devraient tout primer quand il s'agit du progrès et de l'intérêt général. 11 sera question de la cellulose du goémon plus loin, en parlant du goémon. Sous ce chapitre de varech ne considérons que la fibre de varech. Le varech pour la fabrication du papier est traité, dans les grandes lignes, d'après les mêmes procédés que ceux employés dans la fabrication du papier d'alfa qui appartient au même groupe des monocotylédones que le varech, les Zostères. Selon que la fibre du varech a plus ou moins été débar- rassée des matières qui l'accompagnent et qu'elle est devenue plus ou moins parfaitement blanche, on obtient un papier plus ou moins blanc. — 21 — La consommation mondiale du papier qui avait dépassé trois millions de tonnes, il y a quelque dizaine d'années, et qui depuis a encore beaucoup augmenté ne pourrait guère être complètement couverte par du varech seul, du moins par les quantités actuellement produites à l'état sauvage. Mais par la culture méthodique du varech, par la création de « varéchières » artificielles, on pourrait considérablement augmenter la pro- duction du varech. Une pareille entreprise agricole marine serait d'autant plus facile à mener que les Zostères présentent de toutes les plantes marines le moins de difficultés de culture, parce qu'elles exigent pour leur croissance des estuaires, golfes abrités et peu profonds qui sont les plus accessibles. G. — Cellulose retirée des Zostères. Après avoir démontré que la fibre du varech pouvait servir de matière d'emballage et de matière première pour la fabri- cation du papier, il me reste à signaler l'utilisation du varech ayant en vue l'extraction de sa cellulose, pour être employée comme matière première pour les différents usages propres à la cellulose et notamment pour la fabrication de nitrocellulose, celluloïd et acétocellulose. Pour ces usages il n'y a guère que le coton qui juqu'à présent ait été employé avec succès. La cellulose du varech, paraît cependant réunir en elle les qualités requises à cet effet. La cellulose est extraite du varech en le débarrassant le plus complètement possible de toutes les matières qui l'accom- pagnent : des sels en grande partie solubles dans l'eau et surtout dans l'eau acidulée, des matières hydrocarbonées, ainsi que des matières grasses, et azotées solubles dans les alcalis, et de la matière colorante éliminée par le blanchiment. Le varech devra donc être traité, lessivé méthodiquement, d'abord dans une première eau acidulée, puis dans une deuxième eau alcaline ; il devra ensuite être blanchi et finalement lessivé une dernière fois. Pour la nitrification il est important que la purification de la cellulose soit poussée aussi loin que pratiquement possible, car ce n'est qu'une cellulose bien pure qui peut assurer les meilleurs résultats, tant pour la qualité des produits nitrifiés, que pour leur stabilité. (350) — 22 D. — Engrais potassique hydrocarboné-azoté RETIRÉ DES ZoSTÈRES COMME SOUS-PRODUIT. Le varech tout en étant, au point de vue de sa valeur comme engrais, moins intéressant que les algues marines, contient néanmoins, à l'instar des autres plantes marines, de la potasse en quantité intéressante. Il contient aussi et même essentiellement des hydrates de carbone, ainsi que de l'azote, accompagnés de phosphates et d'autres éléments utiles aux cultures. Si le varech, les Zostères sont moins appréciées comme engrais que les algues marines, c'est moins leur plus faible contenance en sels de potasse, en azote ou en leurs autres éléments fertilisants qui les déprécie, mais plutôt la résistance qu'olfre leur fibre à sa décomposition. Le varech ne se décompose dans le sol que très difficilement. Les sous-produits par contre, résultant du raffinage de la fibre du varech et recueillis des eaux de lessivages, représentent un engrais complètement assimilable. L'exploitation du varech devient ainsi rationnelle et inté- ressante. TROISIEME PARTIE. Les Algues rouges. L'utilisation des « Algues rouges .» (Rhodophycées ou Floridées), contenant de la Gélose. Laissant de côté le point de vue botanique et ne me laissant guider pour l'établissement d'une classification pratique, pour les besoins de cette étude des différentes utilisations des plantes marines, que par la distinction que présentent ces utilisations au point de vue chimique, je distingue les algues marines qui con- tiennent de la gélose, de celles qui contiennent de l'algine. Les algues contenant de la gélose, bouillies dans de Tejau, — 23 — lui cèdent leur matière gélatineuse, la gélose, et transforment l'eau en une gelée au refroidissement, à la condition, bien entendu, que la contenance en gélose soit suffisante. Par contre, les algues ne contenant pas de gélose, mais de l'algine, traitées de la même manière, ne transforment pas l'eau en gelée, mais la rendent simplement plus ou moins visqueuse, mucilagineuse, selon la concentration. Cette classification, tout en ne se basant que sur une distinction chimique des algues marines, distinction dans laquelle repose aussi celle de leurs différentes applications industrielles, concorde étonnamment avec la classification botanique, qui de même distingue les « algues rouges » (rhodo- phycées, appelées aussi floridées), algues contenant de la gélose, des « algues brunes » (phaeophycées), algues ne contenant pas de gélose, mais de Talgine. Je ne parlerai pas des « algues bleues » ni des « algues vertes », les deux classes les moins intéressantes des algues marines, au point de vue de leur abondance et de leurs utili- sations possibles. De ces algues il n'y a guère à signaler que l'Ulva Lactuca, la « laitue de mer » qui appartient aux algues vertes. Je commencerai par les « algues rouges », contenant de la gélose. D'elles aussi je ne décrirai que celles qui sont intéressantes par les utilisations industrielles auxquelles elles peuvent donner lieu. Je ne cite qu'en passant la « Mousse de Corse », vermifuge très ancien qui à l'heure actuelle n'est presque plus employé. Classiquement dénommée « Helminthochorton », la mousse 4e Corse est principalement composée des espèces : Corallina, Jania, Gelidium, Grateloupia, Bryopsis et tout particulièrement de TAlsidium Helminthochorton, au moins pour ce qui concerne celle provenant des environs d'Ajaccio. La « Coralline », anthelminthique et antigoutteux autrefois très employé, est actuellement presque oubliée. Son principal composant est la Corallina officinalis. D'une plus grande importance, tant médicale que plus particulièrement industrielle, sont par contre le « Lichen carra- gheen » et « l'Agar-Agar. A. — Le Lichen Carragheen. « Lichen Carragheen » est la dénomination commerciale du Chondrus crispus, petite algue marine côtière de la classe des algues rouges. (350) — 24 — Le Lichen Carragheen a fait son entrée dans l'art théra- peutique, il y a environ un siècle. Son pouvoir gélatinisant l'a fait utiliser dans la confection de gelées médicinales et culi- naires. Ce ne sont toutefois pas ces emplois qui ont valu au « lichen » son grand débouché actuel, mais son introduction relativement récente dans la fabrication des apprêts et surtout des épaississants pour les besoins de l'industrie textile. L'accroissement rapide de la demande en ce produit en a fait augmenter simultanément la récolte. La récolte du lichen est pratiquée dans l'Océan Atlantique : sur le littoral de l'Irlande, d'où lui vient le nom de « mousse d'Irlande », du comté de Plymouth, de l'état de Massachusetts de l'Amérique du Nord et tout particulièrement de la Bretagne, où les récolteurs le dénomment « petit goémon » ou « goémon frisé ». La cueillette du lichen a lieu en Bretagne de mai ou juin, selon les années plus ou moins avancées, jusqu'à septembre. Ne croissant pas au niveau de la haute mer, mais dans la zone située entre mi-marée et basse mer, le lichen ne peut être récolté qu'aux basses mers et plus facilement à celles des grandes marées. Entrant dans l'eau jusqu'à la ceinture les récolteurs, hommes, femmes et enfants, arrachent avec les mains ou coupent à l'aide de couteaux les touffes de la petite algue qui en certains endroits forme le tapis végétal sous-marin. Grossièrement trié le lichen est exposé sur la grève, où il est blanchi par la rosée et le soleil. Il est à remarquer que le soleil seul ne suffit pas pour le blanchiment, que la rosée ou toute autre humidification de l'algue avec de l'eau est non moins nécessaire. Ce procédé de blanchiment naturel est long et surtout dépendant du temps, car il ne peut être pratiqué que par le beau temps, une pluie persistante dissolvant la matière géla- tineuse du lichen une fois coupé. De plus ce procédé ne permet qu'un blanchiment incomplet, car il ne décolore qu'imparfai- tement les parties plus fortement pigmentées. Le blanchiment artificiel supprime les défauts du blan- chiment naturel. Le procédé le plus simple et le plus pratique est le traitement par l'anhydride sulfureux, produit par la com- bustion du soufre. Ce blanchiment est plus rapide et radical que le blanchiment naturel et n'est ni compliqué ni coûteux. Le désir de produire des qualités blanches, plus recherchées et par le fait mieux payées que celles pigmentées, foncées, incite les récolteurs et marchands de lichen à blanchir ainsi artificiellement les qualités qui ne leur paraissent pas assez belles. Ce blanchiment n'est pas aussi blâmable que certains le considèrent et surtout quand il s'agit de lichen destiné à des — 25 — usages techniques. Il faut naturellement veiller à ce que le blanchiment ne soit pas poussé à l'excès et que le lichen une fois blanchi soit bien aéré. Pour les usages médicaux et alimentaires par contre ne peut, bien entendu, être admise qu'une qualité naturelle ou blanchie naturellement au soleil et à la rosée, un lichen complè- tement vierge. L'algue fraîche en séchant prend une consistance cartila- gineuse qui, en plus du blanchiment, change tellement son aspect qu'il n'est pour ainsi dire plus possible de reconnaître cette algue une fois séchée. Les quantités de lichen récoltées sont relativement grandes pour une si petite algue. Dans le département du Finistère la récolte atteint environ mille tonnes par an qui se répartissent en moyenne ainsi : Primelin 3o tonnes, Guilvinec 5o tonnes. Ile Molène 5o tonnes, Saint-Pabu 60 tonnes, Landeda 5o tonnes. Ile d'Ouessant 80 tonnes, l'Aber-Ildut 5c tonnes. Ile de Sein 5o tonnes, Port Sali 3o tonnes, Plougerneau i5o tonnes, Kerlouan 100 tonnés, Ile de Batz 60 tonnes et Santec 80 tonnes. Dans les départements d'Ille-et-Vilaine, des Côtes-du-Nord, de la Manche jusqu'à Cherbourg, du Morbihan, de la Loire- Inférieure et de la Vendée la quantité de lichen récoltée dans son ensemxble est environ égale à celle du seul département du Finistère, La quantité totale de lichen récoltée en France est donc environ de deux mille tonnes par an. Le prix de vente du lichen, qui atteignait à peine 25-5o francs les 100 kilos au commencement de 1900, est monté à 5o-ioo francs les 100 kilos, selon la qualité. Cette hausse a été pro- voquée par une augmentation considérable de la consommation de ce produit qui actuellement cependant semble être près d'atteindre son maximum, au moins pour ce qui concerne l'in- dustrie textile. Le lichen, en sa qualité de matière gélatinease, remplace avantageusement la gélatine animale, la colle, l'empois d'a- midon, la gomme adragante, dans la plupart de leurs emplois dans l'industrie textile, pour l'encollage des chaînes, pour l'apprêt des tissus et surtout pour l'épaississement des couleurs dans l'impression des tissus. Trempé dans de l'eau froide le lichen gonfle. En chauffant ensuite le lichen fond en sa plus grande partie, comme de la gélatine, et au refroidissement il se prend en une gelée. A cet efllet il faut toutefois, comme pour la gélatine, qu'il y ait une certaine proportion minimum de substance gélatinisante, c'est-à-dire au moins 5 grammes de lichen pour 100 grammes (350) — 26 — d'eau. A une dilution plus grande il ne se forme plus de gele'e au refroidissement, mais simplement un liquide mucilagineux qui à chaud redevient fluide. Pour obtenir des solutions et des gelées convenables, il est nécessaire de filtrer les solutions, encore chaudes, de manière à séparer la partie soluble du lichen de la partie insoluble. Cette opération devient inutile en employant des produits tout prêts, comme par exemple la « Blandola » qui est extraite du lichen, en Angleterre. Le lichen par sa nature gélatineuse est plus avantageusement employé comme épaississant que comme apprêt, où l'insuffi- sance de sa viscosité exige l'addition de matières visqueuses mucilagineuses, comme par exemple l'Algine, la matière mu- cilagineuse des « algues brunes », dont il sera question plus loin. L'emploi du lichen comme matière culinaire dans la prépa- ration de gelées, de crèmes éclairs, de « crèmes de Larmor » et d'autres entremets particulièrement bretons est connu de tous, tout en n'étant cependant pas d'une grande importance. Comme il suffit d'une relativement petite quantité de lichen (i vingtième) pour faire prendre en gelée une relativement grande quantité de liquide (d'eau ou de lait), dans lequel le lichen est bouilli, il ne peut dans ces emplois culinaires s'agir d'une utilisation de la valeur alimentaire de cette algue, mais simplement de ses propriétés gélatinisantes, dues à la gélose qu'elle contient. B. — L' Agar-Agar. Sous le nom d' « Agar-Agar » on comprend une série de produits venant de l'Asie orientale, retirés, comme le lichen carragheen, d'Algues rouges. L'agar-agar ou plutôt les diflerentes sortes d'agar-agar qui, selon leur provenance, diffèrent les unes des autres d'aspect et de qualité, ont la caractéristique commune de faire prendre l'eau en une gelée, au refroidissement, après y avoir été bouillies, comme le font les gélatines d'origine animale. C'est par analogie à celles ci que l'agar-agar est aussi appelé « gélatine végétale » ou « colle de poisson végétale ». Dans le commerce on distingue principalement les trois espèces suivantes d'agar-agar : 1° l'Agar-Agar de Ceylan, « Mousse de Ceylan », le thalle blanchi et séché à l'air de la Gracilaria lichenoides, algue rouge du littoral de l'Indo-Chine. Cet agar-agar gelatinise à partir — 27 — de 2 °/o, c'est-à-dire transforme en une gelée jusqu'à 5o fois son poids d'eau. 2° l'Agar-Agar de Macassar et de Java, « lichen des Indes », le thalle brun jaunâtre ou rougeâtre, séché à l'air, de FEuchuma spinosa, algue rouge de l'Océan Indien. Cet agar-agar gelatinise à partir de 6 %. 3*^ l'Agar-Agar du Japon, « Ichtyocolle » ou « colle de poisson végétale », retiré de différentes algues marines du littoral japonais, particulièrement de l'espèce Gelidium cor- neum, algue rouge des plus riches en gélose. Les Japonais, pour la préparation de leur agar-agar, font bouillir les algues, pendant quelques heures, dans environ 5o fois leur poids d'eau. Par cette opération ils extraient la gélose (hydrate de carbone soluble particulièrement dans l'eau chaude) contenue dans les algues, ainsi que simultanément une partie de la matière azotée qui accompagne la gélose. Ils ajoutent ensuite au liquide bouillant, environ une demi-heure avant de le retirer du feu, un peu de vinaigre ou d'acide sulfurique pour clarifier la solution. Cette addition d'acide insolubilise la matière azotée qui, en se précipitant, entraîne avec elle les impuretés contenues dans la solution. Le liquide clarifié, encore chaud, est passé à travers une toile et coulé dans des auges carrées, où, en refroidissant, il se prend en une gelée. Les blocs de gelée sont exposés au froid sec, — cette fabri- cation se faisant en hiver par un temps de vents secs, — afin de les congeler et de les dessécher. L'eau contenue dans les blocs, parla congélation, se dilate et parce fait est petit à petit expulsée de la masse qu'elle rend ainsi poreuse et légère. Cette opération est répétée jusqu'à ce qu'elle ait produit la dessication voulue. Les blocs desséchés sont ensuite découpés en l'une des trois formes suivantes : 1° grosses pailles d'une longueur allant jusqu'à 5o centi- mètres ; 2° lamelles d'une longueur de 20 à 3o centimètres sur une largeur de 3 à 4 centimètres ; 3° blocs rectangulaires d'une longueur d'environ 20 centi- mètres sur une largeur d'environ 3 centimètres et une épaisseur égale. L'agar-agar du Japon gelatinise déjà à partir de 1/2 °/o. Son pouvoir gélatinisant est le plus grand de tous les agar-agar, dont il a acquis la plus grande importance. Sa production annuelle dépasse i.Soo tonnes, représentant une valeur de plus de 7 millions de francs. (350) — 28 — L'agar-agar n'est pas le seul et pas le plus important des produits que les Japonais retirent des plantes marines. Bien plus importante est leur production de « Kombu », produit alimentaire national de l'Extrême-Orient, il en sera question plus loin, en parlant de Talgine. L'agar-agar est moins un aliment que simplement un con- diment, dont on se sert en Orient, principalement pour épaissir les sauces. C'est la propriété épaississante, gélatinisante de l'agar-agar qui est utilisée aussi en Europe, en l'employant à la préparation d'entremets et de confitures, ainsi que de gelées pour des cultures bactériologiques. L'emploi de l'agar-agar comme matière épaississante dans l'industrie textile est minime, son prix trop élevé n'en permettant qu'un usage très restreint. L'agar-agar s'emploie par contre davantage dans la prépa- ration de produits cosmétiques, surtout de crèmes de beauté. L'agar-agar s'emploie aussi en médecine, où il forme la base d'une série de produits laxatifs, plus ou moins bien composés. L'action stimulante et régulatrice de l'agar-agar sur les fonctions du gros intestin est indéniable et certainement précieuse. C'est grâce à elle que les Japonais et les Chinois ignorent la consti- pation, faisant un régulier emploi de ce produit dans la prépa- ration de leurs mets. La propriété native anodine de l'agar-agar devient cependant illusoire quand elle est renforcée par celle de violents purgatifs ou drastiques, aux défauts desquels l'agar- agar devait obvier. L'intérêt que présente l'industrie de l'agar-agar est évident et d'autant plus grand que ce produit est vendu à un prix fort élevé. Personne ne semble cependant jusqu'à présent avoir sérieu- sement recherché, s'il n'était pas possible de trouver sur notre littoral européen des algues semblables à celles qui au Japon servent à la fabrication de l'agar-agar, c'est-à-dire des algues riches, comme elles, en gélose. En effet et sans même être obligé d'avoir recours à d'autres algues rouges, comme le Ghondrus crispus fournissant le lichen, nous trouvons sur notre littoral des Gelidium, la matière pre- mière par excellence de l'agar-agar. Quoi de plus facile que de récolter et, si besoin était, même de cultiver ces Gelidium et que d'obtenir, par evaporation rationnelle des solutions de gélose, un agar-agar d'une forme plus facile à manier que les formes bizarres que les Japonais donnent à leurs produits. Quelles richesses qui dorment encore encore dans la mer et dont nous pourrions si facilement tirer profit ! - 29 - QUATRIÈME PARTIE. Les Algues brunes. L'utilisation des « Algues brunes » (Phaeophycées), PARTICULIÈREMENT DES LaMINARIACÉES, CONTENANT DE l'AlGINE. En parlant de « varech » j'ai fait remarquer que cette déno- mination sert de préférence à désigner les plantes marines « non-algues », les Zostères, tandis que la dénomination de « goémon » sert plutôt à désigner les véritables algues marines, dont on distingue le « goémon de rives » du « goémon de fond », classification qui n'a d'autre valeur que celle d'établir une diffé- rence entre le goémon croissant sur la partie des rives qui se découvre aux marées, le goémon de rives, et celui croissant plus bas, ne se découvrant plus, le goémon de fond. Cette clasification des algues marines a été établie, comme je l'ai déjà fait remarquer, par d'anciens décrets réglementant la récolte du goémon. Le « goémon de rives » est principalement constitué de fucacées et le « goémon de fond » de laminariacées. Les fucacées, par le fait de se découvrir aux marées, sont les algues marines les mieux et les plus anciennement connues, tant des riverains que des visiteurs des bords de la mer qui les appellent vulgairement globalement « goémon noir ». Les principales espèces des fucacées sont le Fucus vesicu- losus, Fucus serratus. Fucus platycarpus, Ascophyllum no- dosum, Halidrys siliquosa, Himanthalia lorea. Tout en ayant frappé les premières notre attention, en se présentant à nous découvertes aux marées basses, les fucacées ne sont cependant pas les plus intéressantes des plantes marines. Bien plus intéressantes sont les laminariacées qui, cachées davantage dans la mer, ne frappent pas notre vue. Les fucacées quoiqu'étant composées, en grandes lignes, (350) -Bo- de la même manière que les laminariacées, sont moins riches en matière azotée et surtout en sels de potasse et en iode. Tout en étant répandues dans presque toutes les mers tem- pérées, les fucacées sont aussi moins abondantes, de moins grandes dimensions et forment des agglomérations moins volumineuses que les laminariacées. Je ne m'attarderai donc pas auprès de cette famille indus- triellement moins intéressante, mais par contre davantage auprès de l'autre grande famille des algues brunes, les lami- nariacées, principaux représentants du goémon de fond. Ce que je dirai des laminariacées au point de vue de leurs utilisations pourra néanmoins, en une certaine mesure, être appliqué aussi aux fucacées. Les laminariacées croissent principalement dans les mers tempérées, dans la zone côtière qui prend naissance à la limite inférieure des fluctuations des marées et qui descend jusqu'à une profondeur de quelques centaines de mètres. Cette zone est d'autant plus large que la côte est moins inclinée et inversement d'autant plus étroite que les grandes profondeurs se rapprochent davantage de la terre, que les ressauts sont plus brusques. C'est sur le sol rocheux de cette zone que les laminariacées se fixent à des galets qui leur servent de points d'attache et qu'elles forment de véritables forêts sous-marines. Recherchant une eau fréquemment renouvelée, une eau « courante », les laminariacées sont particulièrement abondantes sur les côtes baignées par les grands courants marins, comme le Gulf-Stream, le Kuro-Sivo ou courant noir et le courant Californien. Un coup d'œil sur la mappemonde, sur les courants marins et sur la répartition mondiale des laminariacées sulTit pour démontrer l'éclatante confirmation de ce fait. Les laminariacées, par rapport aux autres plantes marines, sont d'une longueur considérable, variant, selon les espèces, entre environ un mètre et une centaine de mètres. Elles ont une coloration qui va du brun au vert olive, noircissant à la dessiccation. Elles sont composées : i^ d'une racine, crampon, qui ne sert pas à l'alimentation de la plante, car celle-ci se nourrit sur toute sa .surface par endosmose, mais qui lui sert de point d'attache au sol de /la mer ou plutôt au galet auquel elle est fixée. 2° d'un stipe qui représente une tige et qui est un organe plus ou moins fort, plus ou moins flexible. 3° de lames ou de frondes qui représentent des feuilles et qui généralement sont longues et plates. - 3i — La région génératrice des laminariaeées est située aux bases des lames, à leur passage au stipe. Nos laminariaeées les plus répandues sont les Laminaires. Les Laminaires croissent dans la partie supérieure de la zone des laminariaeées, ne descendant qu'à des profondeurs de quelques dizaines de mètres. Les laminariaeées les plus répandues des côtes américaines du Pacifique sont les Macrocystis, Nereocystis et Pelagophycus. Ces laminariaeées croissent dans une zone plus étendue que les Laminaires, descendant à de plus grandes profondeurs. Elles constituent ce qu'on appelle vulgairement le « goémon géant », dénomination qui leur a été donnée avec raison, car ces espèces atteignent des dimensions gigantesques. Fixées par leurs racines crampons à des roches, elles envoient des profondeurs leurs stipes et frondes jusqu'à la surface de l'eau, les soutenant en nage par de nombreux flotteurs, réservoirs organisés, remplis d'air. Les Laminaires les plus répandues sur nos côtes européennes sont la Laminaria fîexicaulis, la Laminaria Gloustoni, la Lami- naria saccharina et la Saccorhiza bulbosa. Paul Hariot écrit à leur sujet dans les Ajinales de l'Institut Océaiiographique : « Des trois Laminaires répandues sur nos côtes la Laminaria saccharina ne présente pas de diflicultés de détermination. Il n'en est pas de même des autres Laminaires que l'on arrive à reconnaître avec un peu d'habitude. C'est Clouston qui, en 1884, le premier les a distinguées et Le Jolis (Le Jolis, Examen des Espèces confondues sous le nom de Laminaria digitata auct., suivi de quelques observations sur le genre Lami- naria) dans un excellent travail en a donné les caractères avec beaucoup de précision. Sous le nom de Laminaria digitata on a longtemps con- fondu deux espèces distinctes : l'une, la Laminaria tiexicaulis, la plus commune, à stipe flexible et très élastique, légèrement comprimé, à peu près fusiforme, lisse et poli, jamais ou très rarement couvertes d'algues, s'aplatissant nettement au sommet. Le passage de la fronde au sommet du stipe ne se fait pas brusquement, mais graduellement et la fronde est plus ou moins décurrente sur le stipe. Les racines sont disposées sans aucun ordre sur un ou deux rangs. La fronde est polymorphe et habituellement plusieurs fois plus longue que le stipe, de dimensions bien plus considérables que celle de la Laminaria Cloustoni, de consistance moins coriace, brun olive, noircissant par la dessiccation. Le stipe ne renferme pas de canaux à mucilage qu'on ne trouve que dans la fronde ; il ne présente pas de zones concen- (350) - 32 — triques. Il se décompose rapidement. La fructification a lieu en été et en automne. La Laminaria flexicaulis n'a pas de périodes de végétation nettement déterminées, sa longueur et la grosseur de son stipe paraissent varier surtout avec la profondeur de Peau. La fronde a un développement continu et indéfini et peut ainsi acquérir de très grandes dimensions. L'autre espèce, la Laminaria Cloustoni, présente un stipe très rigide et cassant, même quand il est jeune ; il devient de plus en plus ligneux axec l'âge ; il est rugueux à sa surface et habituellement recouvert d'algues, arrondi, renflé à la base, s'amincissant vers le haut et restant arrondi. Les racines sont disposées par verticilles placés les uns au-dessus des autres. La fronde s'évase subitement au sommet du stipe, élargie et quel- quefois cordiforme à sa base, presque toujours profondément laciniée ; sa longueur ne dépasse pas celle du stipe. Elle est épaisse et coriace, brun rougeàtre même sur le sec. La plante toute entière donne un abondant mucilage visqueux. La fructi- fication a lieu en hiver. Le stipe est vivace ; il croît chaque année régulièrement en longueur et en grosseur et présente des zones concentriques. Il ne se décompose pas facilement et devient dur comme de la pierre. La fronde est annuelle, l'ancienne se détache vers le mois de mois de mai, chassée par la jeune développée à sa base. La Laminaria Gloustoni habite un niveau un peu plus bas que la Laminaria flexicaulis et n'apparaît qu'aux plus basses marées d'équinoxe. On voit alors pour ainsi dire la lisière d'une petite forêt se prolongeant au loin sous la mer et formée de frondes flottant comme des panaches au sommet des stipes qui restent dressés perpendiculairement. Elle aime les récifs battus par les vagues. La Laminaria flexicaulis au contraire apparaît au niveau des basses mers ordinaires, complètement couchée et appliquée quand le flot se retire. Les pêcheurs et les habitants avaient distingué ces deux plantes bien avant les algologues. La Laminaria flexicaulis est connue sous les noms verna- culaires d'« Anguiller », « Foué », « Toutrac », « Tali » et la Laminaria Cloustoni sous ceux de « Mantelet », « Calcogne », « Cuvy » et « Tali-Pen ». On peut avantageusement distinguer les différentes espèces de nos principales laminariacées comme il suit : Laminaria Cloustoni: Lame divisée. Canaux mucifères dans le stipe et dans la fronde. Laminaria flexicaulis : Lame divisée. Canaux mucifères seulement dans la fronde. — 33 — Laminaria saccharina : Lame entière. Canaux mucifères seulement dans la fronde. Saccorhiza bulbosa : Canaux ni dans le stipe, ni dans la fronde. Aux trois Laminaires précitées il convient d'ajouter une quatrième, la Laminaria Lejolisii que M. Sauvageau, le grand botaniste de la Faculté de Bordeaux, a récemment découverte aux environs de Roscoff en Bretagne. Son stipe et sa lame sont blanchâtres. La croissance de cette Laminaire est tellement rapide que M. Sauvageau craint qu'elle ne supplante bientôt la Laminaria Cloustoni dont la croissance est plus lente. A cette découverte M. Sauvageau vient d'en ajouter une nouvelle, non moins grande, concernant le développement des Laminaires. Il a trouvé qu'il existait chez les Laminaires une alternance de génération analogue à celle des cryptogames vasculaires les plus élevées. Le cycle est composé d'un prothalle sexué, transitoire et de la plante asexuée, née par fécondation sur ce prothalle. C'est en étudiant une algue brune du même groupe, la Phyllaria reniformis, que M. Sauvageau a constaté que le prothalle filamenteux de cette espèce se développe en parasite à l'intérieur du thalle des algues calcaires du genre Litho- thamnion. Ce prothalle traverse ensuite l'algue calcaire, en la dissolvant sur son passage, pour venir au jour et donner alors la plante définitive. Les laminariacées précitées du littoral européen et japonais, ainsi que les autres laminariacées précédemment signalées (la Macrocystis pyrifera, la Nereocystis luetkeana et la Pelago- phycus porra) du littoral du Pacifique de l'Amérique du Nord, comptent non seulement parmi les plus abondantes des algues marines, mais elles paraissent aussi être les plus riches en sels de potasse et en iode, abstraction faite de leur matière, mucilagineuse d'usages multiples et de leur cellulose papyrifiable et textile. Les laminariacées, par ce fait, semblent être les plus inté- ressantes des plantes marines pour leur utilisation industrielle, à la condition toutefois d'y adjoindre aussi les Sargasses qui de même sont des « algues brunes ». Les Sargasses, d'une grande richesse de formes, croissent dans les mers chaudes et les mers tempérées. En parlant d'elles, le premier et le plus grand intérêt est involontairement porté à l'accumulation d'algues marines la plus prodigieuse au monde qui, en plein Océan Atlantique, (350) - 34- entre les Bermudes et les Antilles d'une part, et les îles du Cap Vert, les Canaries et les Açores d'autre part, forme la « Mer des Sargasses ». Cette immense étendue qui a une superficie d'environ 4 millions de kilomètres carrés, c'est-à-dire environ 7 fois la superficie de la France, ne forme pas un amas unique d'algues, mais est parcellée, les algues s'y présentant par touffes plus ou moins grosses, formant des étendues compactes plus ou moins considérables et dont certaines sont même énormes. Il en est un peu comme de la banquise qui se déplace, se fragmente et dont les fragments s'écartent ou se soudent, ■ suivant l'action des vents, des tempêtes et des variations de courants locaux et passagers. C'est là l'opinion de M. Richard, du savant directeur de rinstitut Océanographique de Monaco, qui accompagnant le Prince de Monaco a exploré ces lieux. Cette immense prairie flottante, intermittente de Sargasses, a été découverte par Christophe Colomb lors de son premier voyage en Amérique. Après avoir reconnu l'erreur de ses compagnons qui, au premier moment, prirent certains amas de ces algues pour de la terre ferme, Christophe Colomb lui donna le nom de Mer de « Goémon », en espagnol « Sargazo », d'où « Mer des Sargasses ». Cette agglomération d'algues n'est pas, comme on l'a longtemps cru, formée de plantes arrachées des côtes ou venant du fond de la mer et déposées à cet endroit plus calme de rOcéan, enlacé par un courant marin, mais elle est constituée principalement d'algues vivantes, se reproduisant toujours à nouveau par boutures spontanées, par simple division des rameaux, assurant leur reproduction contuiuelle. La grande ramification des Sargasses, leurs frondes qui ressemblent à des feuilles très déchiquetées et leurs flotteurs qui ressemblent à des fruits, leur donnent l'aspect de végétaux très développés. Chimiquement composées comme les laminariacées, les Sargasses peuvent donner lieu, au moins en grandes lignes, aux mêmes utilisations. Ce qui sera dit dans les chapitres suivants au sujet des lami- nariacées, pourra donc être appliqué, en une certaine mesure, aussi aux Sargasses. A ce sujet je fais remarquer que sur le littoral japonais les Sargasses sont déjà depuis des années récoltées et utilisées à la préparation de l'iode, comme les Laminaires. Autrefois très négligées, parce que peu connues, les lami- nariacées attirent sur elles de plus en plus l'attention qu'elles méritent. — 35 - Les diverses utilisations qui sont faites de ces algues ne sont toutefois pas encore rationnelles, car elles sont trop assu- jetties aux différents points de vue sous lesquels les utilisations de ces algues ont été envisagées dans les différentes régions, partant de certaines nécessités qui se sont fait sentir dans certaines régions autrement que dans d'autres. En Europe les laminariacées sont utilisées principalement à l'extraction de Tiode et secondairement à l'extraction des sels de potasse. Aux Etats-Unis de l'Amérique du Nord les laminariacées des côtes du Pacifique sont utilisées principalement à l'extraction des sels de potasse. Au Japon les laminariacées sont utilisées principalement pour tirer parti de la matière mucilagineuse qui dans l'Extrême- Orient forme la base de denrées alimentaires de la plus grande importance. On estime, d'après MM. Perrot et Gatin, qui sur ce sujet ont publié une intéressante étude dans les Aunales de l'Institut Océanographique, à 12 millions de francs la valeur du trafic annuel auquel donnent lieu au Japon ces utilisations des algues marines, sans compter la valeur des plantes marines employées par les récolteurs eux-mêmes et qui ne peuvent être englobées dans les statistiques. De ces faits il résulte la considération suivante : tandis qu'en Europe on utilise jusqu'à présent les laminariacées pour en retirer seuls les sels minéraux et l'iode et qu'à cet effet on détruit la matière organique, en l'incinérant, les Japonais au contraire utilisent les laminariacées pour tirer profit de leur seule matière organique. Je fais ici absti action de l'extraction de l'iode que les Japonais ont entreprise à l'instar de nos usines d'Europe, ainsi que de l'extraction de la matière mucilagineuse que l'usine de la Norgine a entreprise pour être utilisée comme matière pour apprêts, ces exploitations n'étant que secondaires à côté des autres principales. Je veux par contre faire ressortir : 1° la grande différence qui existe entre l'utilisation des algues marines telle qu'elle a été conçue au Japon et celle telle qu'elle a été conçue en Europe, un pays indépendamment de l'autre, sans influence mutuelle ; 2° le fait que les exploitations industrielles des algues marines ne font pas jusqu'à présent l'objet d'une utilisa-tion complète des algues marines, visant l'extraction simultanée de tous leurs éléments. Dans les exploitations extrayant la matière organique, les sels minéraux et l'iode sont perdus, dans les autres, extrayant les sels minéraux et l'iode, la matière organique est perdue. (350) — 36 — Les exploitations des algues marines telles qu'elles sont pratiquées jusqu'à présent sont défectueuses : 1° parce qu'en tirant profit de certains éléments, elles entraînent la perte des autres éléments qui les accompagnent dans les algues marines ; 2° parce que même en n'exploitant que les éléments isolés, elles entraînent déjà des pertes considérables de ces seuls éléments, comme c'est le cas dans la plupart des extractions actuelles de l'iode, du brome et des sels de potasse des algues marines. Ces pertes sont causées : 1° par le fait de sécher les algues marines à Tair libre ou plutôt par les lessivages inévitables des algues qu'opèrent, pendant leur séchage, les pluies fréquentes et les fortes rosées des rivages de la mer ; 2° par l'écoulement de jus des algues entassées, jus riches en sels de potasse, iode et brome ; 3° par la sublimation dans l'air d'une partie plus ou moins grande d'iode et de brome, volatilisée pendant le brûlage des algues, surtout en présence de sable. Signaler ces pertes, montrer le chemin à suivre pour les éviter et pour conserver au bien des nations les grandes richesses qui continuellement sont gaspillées et négligées, est le but principal de la présente étude. En atteignant ce but, l'industrie goémonnière reconquerra, en même temps, la primauté de Tiode qu'elle possédait autrefois, mais que, par l'imperfection de ses méthodes, elle s'est laissé arracher par les usines de nitrates iodifères du Chili. N'auraient-elles pas depuis longtemps déjà dû être perfec- tionnées les anciennes méthodes prodigues d'extraction de l'iode, du brome et des sels de potasse et dû être combinées à l'extraction rationnelle et simultanée des autres éléments con- tenus dans les algues marines ! Quelle est donc, par rapport à la source merveilleuse que représentent les algues marines, la situation des exploitations nitratières iodifères du Chili et de celles potassiques bromifères d'Allemagne-? Est-elle vraiment meilleure la situation des gisements de nitrates que celle des exploitations goémonnières conduites rationnellement ? Non, car abstraction même faite de l'appauvrissement con- tinuel des gisements de nitrates, ceux-ci représentent de moins en moins la source unique et principale des produits azotés. La production de sulfate d'ammoniaque des usines à gaz et de coke a déjà atteint la moitié de celle des gisements de nitrates et elle continue à augmenter. A cette production vient de s'ajouter, - 37 - comme plus grande source d'avenir encore que celle pre'citée, l'utilisation de l'azote atmosphe'rique pour la production de cj^anamide de chaux, de nitrate basique de chaux, d'acide nitrique, de nitrate de soude, de nitrate d'ammoniaque et d'ammoniaque synthétique. Ces industries et particulièrement celles puisant l'azote dans l'atmosphère, après avoir passé par le développement qu'exige toute nouvelle méthode pour sa mise au point définitive, amè- neront plutôt une baisse qu'une hausse des produits azotés. La baisse est le résultat inévitable et naturel de toute lutte entre des industries rivales. La baisse est aussi le meilleur moyen pour donner plus d'extension aux marchés des produits qu'ils atteignent. Pour pouvoir vendre davantage, il faut vendre moins cher et ouvrir ainsi de nouveaux débouchés que des prix trop élevés rendaient inabordables. Nous en avons un frappant exemple dans le grand essor qu'a pris le carbonate de soude. Sa consommation a augmenté dans d'énormes proportions, au fur et à mesure même de l'abais- sement de son prix de vente. Les usines de nitrates du Chili sont donc obligées de compter plutôt avec une baisse qu'avec une hausse des nitrates. Quoiqu'il soit vrai que les bénéfices actuels des usines de nitrates du Chili sont encore très grands, nonobstant l'augmen- tation toujours croissante de leurs prix de revient, il est non moins vrai qu'en abaissant le prix de vente des nitrates, ces usines ne pourront pas baisser en même temps le prix de vente de l'iode. Tout au contraire, au fur et à mesure même que les nitrates baisseront, l'iode deviendra de plus en plus le produit fournissant les bénéfices, jusqu'au moment de l'épuisement final de ces gisements qui n'est qu'une question dé temps. Il en est de même pour les gisements de potasse bromifère d'Allemagne qui un jour aussi s'épuiseront. Bien plus sûrement établis, dans la plus féconde des sources, sont par contre l'iode, le brome et les sels de potasse contcni;s dans les plantes marines, où ils sont de plus accompagnés d'autres matières non moins utiles et intéressantes par les avantages que peuvent procurer leurs applications dans nombre de grandes industries, comme le démontreront les chapitres suivants. Je ne décrirai pas les propositions que Stanford et Balch ont faites, de carboniser les algues marines, dans des cornues, et d'en retirer les produits de distillation. Quoique ce procédé, introduit par Stanford dans la North Bi^itish Chemical C° limiled de Glasgow, donne un rendement en iode de près du double de celui du brûlage des algues à l'air libre et un plus grand rendement aussi en sels de potasse, il détruit cependant (350) — 38 — la matière organique précieuse par ses composants, en décom- posant ceux-ci, par la chaleur, en des matières moins intéres- santes, pouvant tout aussi bien être retirées des gadoues, de la tourbe, ou .d'autres déchets d'origine animale ou végétale. Moins satisfaisants encore sont les résultats des procédés basés sur la putréfaction des algues marines, pour en récolter les jus riches en iode, en brome et en sels .de potasse. A part les inconvénients techniques que présentent ces procédés, ils sacrifient complètement la matière organique. Je ne décrirai pas non plus les autres procédés qui ont été proposés pour extraire l'iode des plantes marines, en conservant la matière organique, en tant qu'ils se sont révélés comme impra- ticables : les uns parce qu'ils sont basés sur des conceptions fausses de la constitution des plantes marines et ne peuvent par ce fait pas donner les résultats qu'ils énoncent et les autres parce qu'ils ne peuvent économiquement et industriellement pas être exécutés, car il y a une bien grande différence entre faire des réactions dans un laboratoire avec des brins d'algues et traiter industriellement des quantités d'algues. C'est ainsi qu'un brevet a été pris par MM. Herland et Julien « pour un procédé d'extraction de l'iode des varechs frais ». Ce procédé à la chaux fournit d'une part des « tourteaux de varech calcaire, pouvant être vendus comme engrais » et d'autre part une solution saline. Cette solution est toutefois trop diluée et surtout trop chargée en matière organique pour pouvoir industriellement en précipiter l'iode et en séparer les sels. Aussi ce procédé n'a-t-il pu avoir d'application industrielle. Il en est de même pour un brevet pris par M. Dubreuil « pour un procédé d'extraction directe de l'iode des goémons verts et traitement des engrais qui en résultent par l'acide sulfurique ». Ce procédé à l'eau de mer, additionnée d'un acide, ne doit débarrasser le goémon vert que de son iode et doit lui laisser tous ses sels, pour être employé comme engrais. Quoique l'eau de mer forme en effet un certain obstacle à la dissolution des sels contenus dans le goémon vert, ce procédé, comme le précédent, fournit des solutions trop diluées pour industriellement pouvoir en précipiter l'iode. Ce procédé n'a par ce fait pas non plus pu être pratiqué. Je décrirai par contre avec davantage de précisions les différentes méthodes qui industriellem-ent sont actuellement pratiquées pour l'extraction des éléments contenus dans les algues marines, en y ajoutant les méthodes plus rationnelles que j'ai mises au point industriellement et que je propose d'adopter. Je décrirai en même temps les propriétés des éléments contenus dans les algues brunes et les emplois auxquels ces éléments peuvent avantageusement donner lieu. Je commence cette description en donnant préalablement - 39 - un aperçu de la composition moyenne de nos algues brunes de fond, c'est-à-dire de nos laminariacées et plus particulièrement de la Laminaria flexicaulis. Composition moyenne schématique de Laminaria flexicaulis lOOO Laminaire fraîche I I 200 800 Laminaire séchée à l'air Eau 160 40 Laminaire complètement sèche Eau I ^ I 100 60 Matière organique Matière minérale 65 i5 5 i3 2 3o 28 I I Matière matière Mannile Ctllulose Matières grasses, Sels de Sell de Iode Brome li}'dr*-car- azotée huiles essentielles, potasse sonde, bone'e. ' matières colorantes. magnésie, (Algine) c!iaiij,elc N.B. — Les contenances en ces différentes matières et plus parti- culièrement en sels de potasse, en iode et en brome varient considéra- blement selon les espèces, les lieux de croissance et les saisons. Les contenances ci-dessus indiquées sont celles moyennes sché- matiquement arrondies de Laminaria flexicaulis des côtes noroises du •Finistère. • La récolte du goémon de fond est pratiquée en Europe, dans l'Atlantique, par des pêcheurs, « goémonniers », qui, montés à deux ou trois dans des barques à voiles de 2 à 5 tonnes, coupent les algues sous Teau, à l'aide de faucilles emmanchées à des perches de quelques mètres de longueur, les attirent avec adresse à la surface et les déversent dans leurs embarcations. Les goémonniers profitent de la marée descendante pour se rendre sur les lieux de récolte des Laininaires, qu'ils coupent à (350) — 40 — basse mer, la profondeur d'eau, alors moins grande, leur per- mettant de les atteindre plus facilement. Leur récolte faite ils profitent de la marée montante pour retourner à terre. La récolte du goémon par la coupe est plus rationnelle, au point de vue de \& conservation des algues et de leur reproduction, que la récolte par Tarrachage telle qu'elle est en usage au Japon.' Les goémonniers japonais saisissent et enroulent les algues à l'aide de gaffes ou crochets, fixés à un câble ou à une perche, et les arrachent du fond. A rinstar des goémonniers japonais la Société de la Norgine a tenté d'introduire dans la Manche, aux environs de Saint-Brieuc, cette méthode d'arrachage des laminaires, par des engins sem- blables, par des crochets disposés en tire-bouchoijs, fixés à des câbles ou des perches. Cette méthode n'a heureusement pas trouvé de grande extension en France. Comme la plupart des goémonniers européens, de même les goémonniers américains coupent le goémon et ne l'arrachent pas. En gens plus pratiques les Américains remplacent cependant les bras d'homme par des bras mécaniques qui, tout en ne se fatiguant pas, travaillent plus vite. A la place des faucilles, adaptées à des perches, ils emploient des faucheuses qui sont adaptées à des bateaux, de manière à pouvoir couper le goémon à volonté à une certaine profondeur sous la surface de l'eau. A. ces faucheuses sont combinés des râteaux mécaniques qui, montés sur un ruban sans fin, retirent de l'eau le goémon coupé et le déversent dans le bateau à l'endroit voulu. Ces bateaux en marche de récolte avancent à une allure d'environ trois kilomètres à l'heure. Ils représentent de véri- tables machines agricoles marines qui sont certainement très pratiques et je dirai même indispensables quand il s'agit de récolter régulièrement des quantités considérables de goémon, surtout dans des pays où la main-d'œuvre est insuffisante et coûteuse, comme c'est particulièrement le cas dans les Etats- Unis de l'Amérique du Nord. Aussi ces bateaux-récolteurs y ont-ils pris rapidement un relativement grand développement. Les derniers construits atteignent les dimensions de cargos et permettent de récolter jusqu'à 60 tonnes d'algues à l'heure. La récolte du goémon par voie mécanique revient sensi- blement meilleur marché que celle par bras d'homme. Même dans les contrées où la main-d'œuvre n'est relativement pas coûteuse, où elle ne dépasse en moyenne pas 5 francs la tonne de goémon, la récolte mécanique revient encore meilleur marché que la récolte manuelle. La quantité de goémon de fond récoltée en Europe, c'est- à-dire en France, Grande-Bretagne et Norvège, pour les — 41 — besoins de l'industrie iodière, est d'environ 400.000 tonnes de goémon vert par an, dont environ 100.000 tonnes sont re'colte'es en France. La récolte pourrait facilement être augmentée, considéra- blement, car la partie des forêts sous-marines de goémon jusqu'à présent exploitée est bien petite par rapport à celle qui prati- quement pourrait être exploitée. De plus il est à remarquer que le goémon coupé repousse très vite, — on peut en moyenne faire trois récoltes par an, — surtout s'il est coupé au-dessus de la base des « feuilles », ou plus correctement dit des lames. Comme il est inutile de couper le goémon à ras du sol, que c'est même chose impossible en coupant mécaniquement, la récolte mécanique plus intense du goémon ne peut présenter aucun danger, ni pour la reproduction du goémon, ni conséquemment aussi pour ceux qui vivent de sa récolte. Tout au contraire une augmentation de la récolte du goémon augmentera le bien-être de la population des goémonniers et surtout s'ils coupent mécaniquement. Les goémonniers augmen- teront ainsi davantage leur bien-être qu'en coupant à la main et cela en se fatiguant moins. Ils seront plus utiles en assurant la bonne marche des bateaux et des machines qui travailleront pour eux. D'autre part le surcroît de récolte de goémon procurera aux usines qui le traiteront de nouvelles ressources et ressources mêmes inattendues, à la condition cependant que ces usines traiteront le goémon rationnellement, ce qui n'est pas le cas jusqu'à présent. Les 400.000 tonnes de goémon vert récoltées annuellement en Europe, pour l'industrie iodière, fournissent, par les pro- cédés jusqu'à présent employés, environ lyB tonnes d'iode, 10.000 tonnes de sels de potasse, 3. 000 tonnes de sel marin brut et 7.000 tonnes de charrées. Ces 400.000 tonnes de goémon vert pourraient par contre fournir, par des procédés rationnels, environ 35o tonnes d'iode, environ autant de brome, 12 000 torlnes de sels de potasse, 10.000 tonnes d'engrais minéralisateur et 40.000 tonnes de mati-ère organique. La valeur des produits jusqu'à présent retirés du goémon atteint à peine le quart de celle des produits qui pourraient être retirés de cette même quantité par des procédés rationnels. Cette énorme perte de matières a des causes différentes. Les causes de cette perte sont tout d'abord et principalement inhérentes au fait du brûlage du goémon, c'est-à-dire au fait de la combustion de la matière organique, constituant le goémon en sa plus grande partie. ^350) — 42 — Les causes de cette perte sont inhérentes aussi à la dessi- cation du goémon, par le fait que le goémon, en étant séché à l'air libre, est exposé aux intempéries et conséquemment à des lessivages de ses éléments solubles, en commençant par les plus solubles, les iodures, bromures et chlorures de potassium, de sodium et de magnésium, lessivages occasionnés par la brume, la rosée et la pluie. Les causes de cette perte sont inhérentes enfin encore à la haute température, à laquelle a lieu Tincinération du goémon, qui provoque la volatilisation d'une partie de l'iode, volatilisation favorisée par la présence de sable qui inévitablement s'attache au goémon en le séchant sur les dunes. Pour montrer l'importance de la déperdition en cendres et en iode provoquée par le seul séchage à l'air libre du goémon, c'est-à-dire par son lessivage par l'eau atmosphérique, je fais suivre le résultat d'essais qui à cet effet ont été exécutés par M. E. AUary, un des plus méritants chimistes de notre industrie iodière : i8 kilos de laminaires coupées ont été divisés en deux parties égales, de manière à offrir une composition analogue, du poids de 9 kilos chacune. Les premiers 9 kilos de Laminaires ont été brûlés sans dessiccation préalable et ont produit 470 grammes de cendres, dont 8,238 grammes d'iode. Les autres 9 kilos de Laminaires ont été brûlés après un long abandon à l'action de la pluie et ont produit i3o grammes de cendres, dont 0,940 grammes d'iode. Pour montrer d'autre part l'importance de la déperdition en iode provoquée par le seul brûlage du goémon, par sa calci- nation même, tant sans sable, qu'en présence de sable, je fais suivre le résultat d'essais qui ont été effectués à cet effet par M. Herland qui, comme M. Allary, s'est beaucoup dévoué à l'amélioration de la fabrication de l'iode en partant des cendres de goémon : Cendres de goémon Cendres de goémon sans sable. avec sable. Contenance en iode Contenance en iode avant la calcination 46 0/00 36 0/00 après i5 minutes de calcination 33 0/00 18 °/oo après 3o minutes de calcination 27 0^00 6 0^00 après I heure de calcination 6 0/00 3 0/00 après 2 heures de calcination 2,5 °joo o,'po <^/oo Après avoir démontré les principales imperfections des procédés sur lesquels sont basées nos méthodes jusqu'à présent employées pour l'extraction des éléments contenus dans les algues marines, j'en fais suivre la description. - 43 - A cette description j'ajouterai comme complément la des- cription des méthodes plus rationnelles que je propose de substituer à celles qu'une routine sans raisons nous a fait utiliser trop longtemps. Le goémon servant à la fabrication actuelle de l'iode, du brome et des sels de potasse, est d'abord séché à l'air libre, sur les dunes, et est ensuite brûlé, réduit en cendres. Ces cendres sont vulgairement, improprement, appelées « soudes », par analogie avec les cendres des plantes bordant la mer qui autrefois Ibrmaient Tunique source de soude. Le brûlage du goémon est opéré, par les récolteurs de goémon, dans de longues fosses rectangulaires, garnies de gros blocs de pierre. Ces fosses, établies sur les bords de la mer, près des lieux de séchage du goémon, ont environ dix mètres de longueur, 0,60 mètre de largeur et 0,40 mètre de profondeur. Pour enflammer le goémon, on commence par faire un feu de branches d'ajoncs. On continue ensuite à alimenter le feu avec seulement du goémon, jusqu'au moment où les cendres en fusion, représentant une masse épaisse semi-liquide, remplissent la fosse. Cette masse de cendres, en se refroidissant, se prend en un bloc grisâtre que les goémonniers détachent de la fosse par gros morceaux et transportent aux usines d'iode. Ces cendres sont plus ou moins noires selon que la calci- nation a été poussée plus ou moins loin, c'est-à-dire selon que la combustion du carbone de la matière organique a été plus ou moins com.plète. Ces cendres contiennent plus ou moins de silice selon la nature du sol sur lequel le goémon a été séché et sur lequel conséquemment il s'est plus ou moins imprégné de sable siliceux, comme c'est le cas sur les dunes, contrairement aux plages rocheuses de galets. Les cendres de goémon contiennent en moyenne : 3o - 60 °/o de matières insolubles dans l'eau et 5o - 70 °/o de matières solubles dans l'eau. Les matières insolubles dans l'eau comprennent princi- palement des carbonates, phosphates, silicates de chaux et de magnésie. Elles forment le résidu des usines d'iode qui est vendu aux cultivateurs sous le nom de « charrées de soude ». Les matières solubles dans l'eau comprennent principa- lement des chlorures, bromures, iodures, sulfates, hyposulfites, sulfites et sulfures de potassium, de sodium, et de magnésium. Dans les usines d'iode ces blocs de cendres sont concassés en menus fragments. ^350) - 44 — Ces fragments sont soumis à un lessivage me'tlTodique, à l'eau froide, dans une série de cuves en bois, en ciment ou en tôle. Ce lessivage est, de préférence, opéré en deux phases, pour séparer de suite les chlorures, bromures et iodures, plus solubles, des sulfates moins solubles. La première phase de ce lessivage des cendres est conduite jusqu'à une concentration atteignant 17 - 18° Bé. Cette solution, dénommée « eaux à chlorures jj, contient en dehors de la presque totalité des chlorures de potassium, de sodium, de magnésium, aussi les iodures et bromures. La deuxième phase de ce lessivage, qui ne permet guère d'être conduite à une concentration dépassant 8" Bé, fournit les « eaux à sulfates », qui contiennent principalement du sulfate de potassiuii.1. Les eaux à chlorures, résultant de la première phase du lessivage, sont concentrées, par evaporation, dans des chaudières en tôle, progressivement, jusqu'à environ 35° Bé. Pendant cette concentration la plus grande partie du chlorure de sodium se précipite. On le recueille au fur et à mesure de son dépôt. La liqueur clarifiée, concentrée à 35° Bé, est versée dans des cristallisoirs, où, par refroidissement, elle laisse cristal- liser la plus grande partie du chlorure de potassium. Ce chlorure de potassium est purifié par des lavages à Teau froide. Les eaux mères des cristallisoirs sont à leur tour concentrées jusqu'à environ 45° Bé. Le chlorure de sodium qui cristallise pendant la concen- tration est recueilli comme avant — ce chlorure de sodium est cependant moins pur que le précédent, entraînant avec lui du chlorure de potassium — et la liqueur clarifiée, concentrée, versée à son tour dans un cristallisoir, pour y laisser déposer la plus grande partie du restant de chlorure de potassium. Les eaux à sulfates, résultant de la deuxième phase du lessivage, sont de même concentrées par evaporation. Pendant cette concentration il se précipite d'abord du sulfate de potassium qui est recueilli au fur et à mesure de son dépôt. A partir de 3o° Bé il se précipite du chlorure de sodium qui de même est recueilli au fur et à mesure de son dépôt. La liqueur clarifiée, concentrée, est versée dans des cristal- lisoirs, où, par refroidissement, elle laisse déposer un mélange de sulfate de potassium et de sulfate de sodium. Les eaux mères résultant de ce traitement sont inélangées à celles résultant du traitement des eaux à sulfates et sont con- centrées jusqu'à environ 55'' Bé. - 43 - La liqueur concentrée est traitée par de l'acide sulfurique, pour décomposer les sulfures, sulfites et hyposulfites qu'elle contient, en les transformant en sulfates, sous dégagement d'hydrogène sulfuré et d'anhydride sulfureux, accompagné d'un dépôt de soufre. L'hydrogène sulfuré et l'anhydride sulfureux sont chassés par ebullition. Les eaux mères désulfurisées sont traitées par du chlore, ou par un autre oxydant, comme par exemple le chlorate de sodium en milieu acide, pour précipiter l'iode qui est ensuite lavé et essoré. Un excès de chlore est à éviter, afin d'empêcher la préci- pitation^ simultanée de brome, ainsi que la formation de chlorures d'iode ou de brome, ou de bromure d'iode qui sont volatils ou d'acide iodique qui est soluble. Au lieu de précipiter l'iode par du chlore ou par un autre oxydant, on peut aussi le précipiter par du chlorure de cuivre, en présence d'un réducteur, sous forme d'iodure cuivreux qui est insoluble. L'iode obtenu par précipitation directe, comme précé- demment indiqué, ou par précipitation indirecte, par l'inter- médiaire de l'iodure cuivreux, est sublimé dans des plats en grès ou en porcelaine, chauffés dans un bain de sable. Ces plats, dont l'un sert de fond et l'autre de couvercle, sont luttes l'un à l'autre à Taide de papier imprégné d'empois d'amidon. M. Le Gloahec a proposé de remplacer ces plats par un appareil construit ou revêtu d'une matière appropriée de la forme d'une chaudière à double fond, chauffé à la vapeur. Le travail de la sublimation est ainsi simplifié, plus rapide, plus régulier et aussi plus économique. Les eaux mères, résultant de la précipitation de l'iode, sont concentrées pour servir enfin encoie à la distillation du brome, qui est dégagé par du chlore. Les vapeurs de brome sont recueillies sous de l'acide sul- furique. Les eaux résiduaires, pour ne pas être perdues, sont ajoutées à l'eau servant au prochain lessivage de cendres. Voilà la méthode telle qu'elle est, dans sa plus grande per- fection, employée jusqu'à présent par les usiniers d'iode, pour la mise en valeur du goémon. Certaines améliorations ont été proposées par les uns ou les autres, mais sont restées inappliquées, n'ayant pas donné les résultats espérés. C'est ainsi que MM. Roussel et Thévenin, les fabricants d'iode bien connus, ont fait breveter un procédé de séchage du (350) -46 - goémon vert, par la chaleur développée par Tincinération du goémon sec. Cette chaleur qui se perd dans l'incinération telle qu'elle est pratiquée jusqu'à présent par les goémonniers peut en effet, à l'aide d'appareils appropriés, servir à sécher du goémon vert, pour son incinération ultérieure. Le goémon rejeté comme épave, surtout en hiver, en très grandes quantités, pourrait ainsi être séché et incinéré, alors que la mauvaise saison ne permet plus de le sécher à l'air libre. Il est regrettable que cette méthode n'ait pas été appliquée industriellement, car elle aurait contribué, au moins dans une certaine mesure, à améliorer les méthodes défectueuses actuel- lement employées en partant des cendres de goémon. Peut-être MM. Roussel et Thévenin ont-ils entrevu que l'avenir de l'industrie iodière n'était pas dans l'incinération du goémon, mais dans le goémon non incinéré, et ont-ils pour ce motif abandonné leur projet. En effet pour ne rien laisser se perdre du goémon, pour le traiter rationnellement, il faut traiter le goémon directement, sans le brûler, et en retirer simultanément tous les éléments. Pour retirer du goémon, pratiquement, ses éléments, il faut commencer par séparer la matière minérale de la matière organique, de préférence en dissolvant la matière minérale et en laissant la matière organique intacte. Pour dissoudre la matière minérale, c'est-à-dire les sels de potasse, de soude, de magnésie, de chaux, etc.. qui se trouvent dans le goémon sous-forme de chlorures, bromures, iodures sulfates, phosphates, etc., il ne se présente guère de difficultés, ces sels étant, en grande partie, solubles dans l'eau et plus particulièrement dans l'eau acidulée convenablement. La dissolution de ces sels est de préférence opérée par un lessivage méthodique du goémon séché, dont les parois cellulaires font fonction de membranes dialysantes. Ces parois et particulièrement celles des plantes bien desséchées laissent traverser la matière minérale relativement rapidement dans l'eau ambiante, tandis qu'elles ne laissent passer que très lentement la matière organique- ou plutôt la partie de cette matière qui dans le goémon se trouve sous une forme relativement soluble, comme par exemple les alginates alcalins. L'addition' d'acide à l'eau de lessivage du goémon ou sa formation dans l'eau de lessivage même, est néanmoins essen- tielle, car on augmente ainsi non seulement la solubilité des sels, mais on préserve en même temps la matière organique mucilagineuse de sa solubilisation qui, même seulement partielle, serait déjà très gênante pour sa séparation ultérieure de la matière minérale. - 47 - Pour retirer du goémon la partie de l'iode et du brome qui s'y trouve liée à la matière organique, pour scinder les combinaisons organiques iodées et bromées, sans altérer la matière organique, le goémon est traité par un agent oxydant en milieu légèrement acide. En ne poussant pas trop loin l'action de rox3'dant, on libère l'iode et le brome de la matière organique en laissant la matière organique, pour ainsi dire, intacte. Il va de soi que ce scindement de la matière organique iodée- bromée peut avoir lieu de différentes manières, selon que la séparation des autres éléments du goémon doit être plus ou moins complète. Ainsi quand il ne s'agit que de séparer l'iode et le brome du goémon, tant organiques qu'inorganiques, et. de récolter les autres éléments globalement, donc sans les séparer les uns des autres, — soit pour les employer tels quels, soit pour leur faire subir des opération; ultérieures — l'action de l'agent oxydant peut avoir lieu directement sur le goémon vert et peut être combinée à l'opération même du séchage. Je parle ici, bien entendu, de séchage artificiel, dans un appareil approprié ou dans un espace clos, permettant de mener en même temps l'oxydation. La chaleur nécessaire au séchage non seulement accélère la réaction, mais elle peut aussi être utilisée à la sépa- ration de l'iode et du brome. Quand il s'agit par contre de séparer, dès le début, le plus parfaitement possible, les différents éléments du goémon, ses sels minéraux, son iode et son brome, tant inorganiques qu'or- ganiques, ainsi que la matière organique, dans ce cas l'action de l'agent oxydant, en milieu acide, a lieu plus avantageusement sous forme d'un lessivage méthodique. Ces procédés, faisant l'objet de brevets français et étrangers, peuvent être modifiés selon les circonstances, sans pour cela changer quoi que ce soit à leur principe qui est basé : i*^ sur la différence de vitesse de diffusion de la matière minérale, de nature cristalloïde, et de la matière organique, de nature colloïdale, et sur la différence de perméabilité des parois des cellules des plantes marines pour ces deux matières ; 2° sur l'insolubilité de la matière organique dans l'eau aci- dulée et l'augmentation simultanée de la solubilité de la matière minérale dans l'eau acidulée ; 3° sur le scindement des combinaisons iodées et bromées organiques par un agent oxydant en milieu légèrement acide. La séparation des divers constituants de la matière minérale est ensuite opérée parles méthodes connues. De même la séparation de la matière mucilagineuse, l'algine, et de la cellulose, principaux constituants de la matière orga- nique. (350) - 48 - A titre d'exemple et d'orientation je fais suivre un schéma d'une exploitation de ce genre, tracé en grandes lignes : Laminaires séchées I Extracteur à marche continue (Système P. G.) Matière organique Solution minérale (Algine brute) (potassique, iodée, bromée) I I Extracteur à marche Evaporateur-cristalliseur continue (Svst. P. G.) à marche continue Il I I Algine Cellulose Sels * Solution de potasse iodée, bruts bromée Sels Sels de soude. Iode Brome de magnésie, potasse chaux, etc. A. — L'Algine retirée des Algues brunes, PARTICULIÈREMENT DES LAMINARIACÉES. La proportion de matière organique contenue dans les Laminaires est en moyenne d'environ 60 °/o du poids des Lami- naires coiTiplètement sèches. Cette matière organique est composée d'environ 65 °/o de matière hydro-carbonée, d'environ i 5 °/o de matière azotée, d'en- viron 5 °/o de Mannite, d'environ i3 % de cellulose et d'environ 2 °/o de matières grasses et colorantes et d'huiles essentielles. La cellulose étant très ténue et ne formant, par ce fait, pas d'obstacle à la plupart des applications de la matière mucila- gineuse, sa séparation, dans la plupart des cas, est pratiquement inutile. La séparation de la cellulose et de la matière mucilagineuse s'impose par contre, quand il s'agit de tirer profit de la matière mucilagineuse et de la cellulose séparément. Je nomme « Algine brute » la matière mucilagineuse brute non séparée de la cellulose, pour la distinguer de « l'Algine », la matière mucilagineuse séparée de la cellulose. - 49 - La matière organique des Laminaires doit ses propriétés caractéristiques à l'algine, soit Tacide alginique (acide lami- narique de Schmidt), qu'elle contient. L'algine complètement purifiée est une matière hydrocar- bonée. Comme la purification complète de l'algine est non seu- lement onéreuse, mais aussi pratiquement inutile, il est convenu de comprendre sous la dénomination d'algine, cette matière plus ou moins bien purifiée, c'est-à-dire plus ou moins débar- rassée des autres matières qui l'accompagnent, mais exempte de cellulose. Sous la dénomination d'algine brute il est convenu de com- prendre par contre la matière organique totale, c'est-à-dire les algues simplement débarrassées, en leur plus grande partie, de leur matière minérale. Cela dit je fais remarquer que c'est Stanford qui le premier s'est occupé de l'extraction de l'algine des algues marines. Son procédé est jusqu'à présent resté le seul qui ait été indiqué pour la séparation de l'algine et des autres éléments contenus dans les algues marines et conséquemment aussi le seul employé par ceux qui, entrevoyant le grand intérêt que présente l'algine, ont voulu industriellement la produire. Les uns ou les autres ont bien apporté quelques modifi- cations au procédé de Stanford, mais ils n'ont rien changé à son principe, qui consiste à extraire l'algine et à précipiter ensuite, par un acide, la solution d'algine. A cet effet les algues, de préférence des laminariacées, sont trempées, à raison de i partie d'algues pour loo parties de liquide, dans une solution aqueuse de i °/oo de carbonate, de soude calciné. Dans 24 heures les algues sont désagrégées. La solution d'algine, qui en résulte, forme un liquide très visqueux. Ce liquide contient en suspens la cellulose restée indissoute, dont il est séparé en le filtrant à travers une toile. Si le liquide devait être trop épais et ne laissait rien passer à travers la toile, il serait rendu plus fluide en le chauffant légè- rement. La solution filtrée est traitée par de l'acide sulfurique dilué, qui précipite l'algine sous forme de flocons caillebotés d'acide alginique. Le précipité est bien lavé à l'eau, essoré et finalement séché. Ce procédé, aussi facile qu'il soit à exécuter dans un labo- ratoire, n'est industriellement pas praticable, parce que, pre- mièrement, il demande de bien trop grandes quantités d'eau par rapport aux algues traitées : 100 fois autant d'eau que d'algues pour l'extraction, c'est-à-dire pour la dissolution de (350) _ 5ö — Talgine, et près de doo fois autant d'eau que d'algues pour le lavage de l'algine précipitée. Des solutions pareillement diluées exigent des récipients énormes et encore pour n'obtenir finalement que de relativement bien petites quantités de substance. C'est là déjà un grand inconvénient pour un procédé in- dustriel, mais un plus grand inconvénient encore est, deuxiè- mement, l'élimination des grandes quantités d'eau que retient par son extrême spongiosité l'algine précipitée. L'élimination de pareilles quantités d'eau, surtout quand elle ne peut être opérée, en sa plus grande partie, que par evaporation, est trop onéreuse pour la production économique d'une matière qui doit pouvoir être réalisée dans les conditic ns les plus favorables. Afin de ne pas être obligé d'-lvaporer les énormes quantités d'eau que l'algine précipitée retient avec tant de ténacité, il ne faut pas dissoudre l'algine. Il ne faut donc pas extraire l'algine des algues, mais inversement extraire des algues les matières qui accompagnent l'algine, pour pouvoir ainsi l'isoler. Pour cela il faut débarrasser les algues de leur matière minérale et de leurs iodures et bromures organiques. A cet effet il faut lessiver les algues méthodiquement par une solution aqueuse d'un agent oxydant en milieu légèrement acide, par de l'eau oxy-acidulée, comme je l'ai indiqué à la fin du chapitre précédent. Le traitement des algues par lessivage méthodique avec de Teau oxy-acidulée laisse la matière mucila- gineuse brute, l'algine brute, indissoute, tout en assurant simul- tanément l'extraction des éléments minéraux. Ce traitement est non seulement facile à exécuter indus- triellement, mais il est aussi économique. Dans certains cas ce traitement peut même être combiné au séchage des algues, au séchage artificiel dans des appareils clos, permettant la récu- pération des substances devant être séparées. En dehors de la séparation de l'iode et du brome, le séchage artificiel permet de réaliser en même temps la séparation des sels minéraux, qui, vers la fin du séchage, commencent à se séparer des algues, par efflorescence. Cette efflorescence est d'autant plus grande que le séchage est plus complet. Cette séparation des sels minéraux et de la matière orga- nique, quoique suffisante dans certains cas, est cependant loin d'être quantitative. Pour obtenir une séparation pratiquement complète de l'algine brute et des autres éléments des algues, il n'y a que le lessivage méthodique qui industriellement et écono- miquement donne de bons résultats. L'algine brute ainsi obtenue, grâce à ses qualités remar- quables et non moins à sa production économique, est destinée à de grandes et intéressantes applications. Ce sera l'objet des chapitres suivants. _ 5i - Ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, c'est Stanford qui le premier s'est occupé de l'algine. 11 en a fait une remarquable étude qu'il a publiée dans le « Journal of the Society of Chemical Indus tîy ». C'est sur cette étude que j'ai basé la description que je vais donner de l'algine, en y ajoutant les résultats de mes observations personnelles. L'algine se présente, selon le procédé employé pour sa pro- duction et selon le degré de sa purification, sous forme d'une masse, ou d'une poudre de couleur grise, allant jusqu'au blanc. Son poids spécifique est de i,53o. L'algine (acide alginique) ressemble, sous certains points de vue, aux gommes arabiques et adragante (acides arabinique, métarabinique, bassorinique), ainsi qu'aux pectines (acide pectique), voire par ses dérivés à l'acide mucique et à la galactose. L'algine ou plutôt l'acide alginique est insoluble dans l'eau. Pour solubiliser l'algine il faut la transformer en un sel alcalin. A cet effet on trempe lo parties d'algine dans looo parties d'eau, tenant en dissolution i partie de carbonate de soude calciné ou une quantité équivalente de carbonate de potasse ou d'am- moniaque. Cette solution d'algine, ou plutôt d'alginate de soude, de potasse ou d'ammoniaque, qui contient un excès d'alcali, peut, dans la majeure partie des cas, être employée telle quelle. Pour le cas cependant auquel l'alcalinité de la solution pourrait gêner des opérations ultérieures, cette solution alcaline d'algine est neutralisée par l'addition d'un acide très dilué : chlorhy- drique, sulfurique ou autre. De l'algine solubilisée par de la soude et de l'ammoniaque (alginate de soude et d'ammoniaque) a été introduite dans le commerce sous la dénomination « Norgine », par la Société de la Norgine, travaillant d'après les procédés du norvégien Axel Krefting, procédés basés sur ceux de Stanford, traitant les algues par un alcali, pour en extraire et solubiliser l'algine. Les solutions d'alginates sont coagulées par la plupart des acides. Il se forme de l'acide alginique insoluble dans l'eau, mais soluble à nouveau dans les alcalis. Les solutions d'alginates sont aussi précipitées par l'alcool éthylique et méthylique, par l'acétone, par les sels terreux, exceptée la magnésie, et par les sels métalliques, excepté le bichlorure de mercure. Les solutions d'alginates ne sont par contre pas précipitées par l'étlier, la glycéiine, l'alcool amylique, les acides acétique, borique, tannique, formique, benzoïque, butyrique, gallique, pyrogallique et succinique. L'algine se distingue : de l'albumine, en ne se coagulant pas par la chaleur ; de la gélose, en ce que ses solutions, pré- parées à chaud, ne se gélatinisent pas en se refroidissant et en ce qu'elle se dissout à froid dans les alcalis. Elle diffère de la gélatine, en ne donnant pas de réaction avec le tannin; de (350) — 52 — la dextrine, de la gomme arabique et de la pectine, par son insolubilité dans Talcool et dans les acides dilués. Les principales caractéristiques des alginates sont résumées dans l'énumération suivante des alginates, classés d'après leur solubilité, ou insolubilité dans Feau. Alginates solubles dans l'eau. Alginates d'Ammoniaque, de Soude, de Potasse, de Magnésie, tous incolores. Les alginates alcalins, ainsi que l'alginate de magnésie, dissous dans de l'eau forment des mucilages plus ou moins visqueux et plus ou moins épais, selon leur concentration et selon la nature de leur base. C'est ainsi que la dissolution d'alginate d'ammoniaque forme des mucilages plus épais que celle d'alginate de soude. La dissolution d'alginate de magnésie forme à son tour des mucilages encore plus épais que celle d'alginate d'ammoniaque. Les solutions des alginates alcalins ont la faculté de dissoudre de la gomme laque. Ces solutions, après evaporation, laissent comme résidu une matière flexible, élastique, soluble dans l'eau. Cette matière, traitée par un acide, devient insoluble dans l'eau, tout en conservant ses qualités de flexibilité et d'élas- ticité, qui sont semblables à celles de la gutta-percha. Alginates insolubles dans l'eau. Alginate de Baryte, dense, blanc. — Strontiane, dense, blanc. — Chaux, blanc. Durcit en des blocs blancs, facile à polir. Poids spécifique i,6 (poids spécifique de l'ivoire 1,82). -^ Plomb, transparent, incolore, — d'Argent, incolore, gélatineux. Imparfaitement in- soluble. Soluble facilement dans l'ammo- niaque. Très sensible à la lumière. Alginate de Mercure (alginate mercureux seulement), dense, blanc, gélatineux. Noircit par l'ammoniaque. — Cuivre, vert, gélatineux. — Cadmium, incolore, gélatineux. — Bismuth, dense, blanc. — Fer (alginate ferrique seulement), rouge brun. — Cobalt, rougeâtre, gélatineux. — Nickel, verdâtre. - 53 — Alginate de Manganèse, incolore, gélatineux. — Zinc, incolore, gélatineux. — Chrome, bleu, gélatineux. — d'Alumine, blanc, gélatineux. Soluble dans la soude caustique et donnant à l'évaporation une pellicule. — d'Arsenic, incolore, gélatineux. — d'Antimoine, dense, blanc. — d'Etain, incolore, gélatineux. — d'Urane, jaune brun, gélatineux. — de Platine, brun, gélatineux. Alginates ammoniacaux solubles dans l'eau, donnant à l'éva- poralion une pellicule insoluble dans l'eau. Alginate de Strontiane ammoniacal, solution transparente. — d'Argent ammoniacal, brun rouge foncé. Exposé au soleil donne un miroir d'argent. — de Cuivre ammoniacal, solution bleu foncé, pellicules vert clair. Vernis hydrofuge et insecticide. — Cobalt ammoniacal, solution rouge, pellicules rouge foncé. — Nickel ammoniacal, solution bleue, pellicules vert brillant. — Cadmium ammoniacal, opaque, pellicules blanches. — Fer (ferrique) ammoniacal, solution rouge foncé, pellicules rouge noir. Ferrugineux médica- menteux. — Chrome ammoniacal, solution bleue, pellicules vert olive. — d'Alumine ammoniacal, solution transparente. — de Manganèse ammoniacal, solution brune, pellicules brun olive. — Zinc ammoniacal, brillant, pellicules transparentes. Vernis hydrofuge, comme l'alginate de cuivre, pour les cas auxquels la coloration de celui-ci est gênante. — d'Etain ammoniacal (alginate stanneux), pellicules transparentes. — d'Etain ammoniacal (alginate stannique), pellicules transparentes. — d'Urane ammoniacal, solution jaune foncé, pellicules jaune brillant. — de. Platine ammoniacal, solution jaune, pellicules jaunes. (350) 54 1° L'Al.GINE COMME MATIÈRE ALIMENTAIRE. L'algine mérite un intérêt tout particulier comme matière alimentaire. Sous le nom de matières alimentaires j'entends celles de grandes consommations. Je ne considère pas comme telle les « nids d'hirondelles » qui sont faits d'algues marines et qui jouissent auprès des gourmets chinois et même européens d'une grande renommée. En effet l'hirondelle salangane emploie, pour construire son nid, certaines algues que, par sa salive alcaline, elle solubilise et cimente l'une à l'autre. Je ne considère pas non plus comme telle les jeunes tiges de la Laminaria saccharina, ainsi que celles de la Laminaria flexicaulis, qui sous le nom de « Tangle » sont consommées par les riverains de certaines côtes de la Grande-Bretage et d'autres pays du Nord. ^ Le résultat des observations personnelles que j'ai faites sur l'algine, comme matière alimentaire, coïncide avec celui des observations faites par H. Smith (The Seaiveed industries of Japan. U. S. Bur. Fish. Bull.) et M. Reed (The economic Seaweed oj^ Hawäi U. S. Dept. Agr. Ann. Rep.), qui relatent la grande importance des algues marines dans l'alimentation des Japonais, Chinois et Hawaïens. Les algues marines forment, d'après MM. Perrot et Gatin, sous le nom de « Kombu » l'aliment national par excellence des peuples d'Extrême-Orient, qui en font usage depuis le com- mencement du 18™'' siècle. Les algues de fond, principalement les Laminaires, destinées à la préparation du Kombu, sont récoltées par des pêcheurs, qui de leurs barques les arrachent en mer. Transportées à terre, elles sont séchées à l'air libre sur la grève et soumises à un triage. Ce ne sont que les belles et jeunes, lames des algues qui sont employées pour préparer le Kombu ; les vieilles et les moins belles lames, de même que les stipes sont écartés. Les algues choisies et triées sont envoyées aux usines, où elles sont transformées en l'une des nombreuses formes de Kombu, sous lesquelles elles sont présentées dans le commerce et dont la plus recherchée est celle du « Kombu en copeaux » ou « Kizamo «, « ao ». Pour préparer le « Kombu en copeaux «, les algues sont bouillies, pendant environ un quart d'heure, dans une solution de vert de malachite. Les algues ainsi colorées en vert sont égouttées et exposées à l'air jusqu'à ce que leur surface n'ap- paraisse plus mouillée. A ce moment les algues sont coupées en longueurs égales, empilées dans des cadres rectangulaires, arrosées avec de Teau et fortement comprimées. Les blocs rectangulaires, qui en résultent, sont rabotés en de fins copeaux à Taide d'une plane à main. Les copeaux sont étalés sur des — 55 — claies et se'che's à l'air, superficiellement, pour que les copeaux puissent être plies sans se briser. Pour l'usage local le Kombu est emballé dans du papier, tandis que pour les expéditions en Chine il est emballé dans des boîtes en bois. En dehors de cette méthode il en existe de nombreuses autres encore pour préparer le Kombu. Les algues et les parties grossières qui n'ont pas pu servir à la préparation du Kombu en copeaux sont trempées dans du vinaigre et séchées à l'air. Les algues ainsi assaisonnées au vinaigre sont soumises à des raclages plus ou moins profonds. Le premier raclage, qui consiste à enlever l'épiderme supérieur des algues, à l'aide d'un couteau grossièrement aiguisé, fournit des raclures qui contiennent toutes les impuretés des algues et notamment du sable. C'est le Kombu le meilleur marché. En raclant davantage, jusqu'à l'enlèvement complet de l'épiderme, on obtient le « Kombu noir en pulpe » ou « Kurotororo- Kombu ». En continuant à racler, c'est-à-dire en raclant l'in- térieur des algues, on obtient le « Kombu blanc en pulpe » ou « Shirotororo Kombu ». Si au lieu de racler l'intérieur des algues, on le divise en lames ou pellicules très fines, on obtient le « Kombu en pellicules » ou « Oboro Kombu ». Si d'autre part on rabote les résidus des deux dernières opérations, après les avoir pressés, comme il a été dit pour le Kombu en copeaux, on obtient le « Kombu en cheveux blancs » ou « Shirago Kombu ». En coupant les algues, débarrassées de leur épiderme extérieur, en losanges ou en d'autres formes et en les séchant ensuite sur le feu, on obtient le « Kombu séché au feu » ou « Hoiro Konibu ». Les algues peuvent aussi êtres confites et fournir le « Kombu confit » ou « Kwashi Kombu ». Les algues peuvent encore être coupées de manière à imiter le thé et fournir le « Kombu thé » ou « Cha Kombu ». Les algues peuvent enfin affecter toute une série d'autres formes encore et subir d'autres préparations ana- logues. I Pour me résumer. Je me bornerai à faire remarquer que le Kombu entre dans l'alimentation de presque toutes les familles japonaises et que c'est un de leurs principaux produits alimen- taires, subissant les accommodages les plus variés. La plupart des différentes sortes de Kombu ne sont peut-être pas de notre goût, parce qu'elles ne sont pas sufllsamment purifiées ou parce qu'elles sont apprêtées autrement que nous en avons l'habitude, mais elles sont mangeables. Du reste « De gustibus non disputandum ». ^ En fait le Kombu n'est rien d'autre que de l'algue dessalée, de l'algine brute, comme il résulte des modes de préparation de Kombu que je viens de décrire. La consommation du Kombu (350) — 56 — est considérable et ne cesse de croître, surtout en Chine. En 1901 les goémonniers de Kokkaido ont perçu, à eux seuls, environ 2.5oo.ooo francs pour leur récolte. Comptée à 2,5o francs la tonne d'algues, cette somme représente un million de tonnes d'algues. Depuis cette époque la consommation a encore beaucoup augmenté. Cette indication, quoique bien incomplète, car elle né concerne qu'une seule région de récolte, permet cependant d'entrevoir la grande importance acquise par les algues de fond dans l'alimentation des populations de l'Extrême-Orient. Nos algues de fond européennes étant composées, en leur plus grande partie, des mêmes algues, contenant les mêmes matières, leur importance au point de vue alimentaire devient évidente. En effet, composée essentiellement de matières hydro- carbonée et azotée (protéïque), comme le démontre le tableau suivant, l'algine brute, dite algine nourriture, représente une matière vraiment nutritive, intéressant tant l'aliilientation humaine que celle des animaux. Algine brute dite Algine nourriture. (retirée des Laminaires) Matière hj^drocarbonée 59 Matière azotée i3 Cellulose (digestible) 11 Matières grasses, colorantes et diverses 2 Matière minérale ........ 3 Eau 12 100 Des expériences concluantes ont fourni la preuve éclatante de la valeur alimentaire de l'algine brute. Ces expériences ont été entreprises tant par moi, que par de nombreux autres, dont l'attention a particulièrement été attirée sur cette question par mes travaux. A titre d'exemple je cite des expériences qui ont été effectuées sur des chevaux et qui ont été contrôlées par M. l'Intendant militaire Adrian, qui s'est fort intéressé à mes travaux de production de cette matière alimentaire, particuliè- rement comme nourriture pour les chevaux. Partant du fait que l'algine nourriture, retirée des Laminaires, comparée à l'avoine, lui ressemble, tout en étant encore plus riche en matière azotée, comme le démontre le tableau suivant, elle a été expérimentée en remplacement de l'avoine. Avoine. (d'après Balland) Matière hydrocarbonée . . 67 Matière azotée ' 9 Cellulose 8,5o Matière minérale .... 3 Éau 12, 5o 100 A cet effet six chevaux, en mauvais état et atteints de lym- phangite, ont été partagés en 2 lots égaux de 3 chevaux. Les chevaux des 2 lots ont été assujettis à un même travail normal. Les 3 chevaux du premier lot ont été soumis au régime ordinaire — avoine, foin, paille — et les 3 autres, du deuxième lot, au régime de Talgine nourriture. Les chevaux nourris à l'algine ont gagné en trois semaines 6 7o de leur poids, leur état général s'est sensiblement amélioré et la lymphangite a disparu. Cette affection persistait par contre chez les chevaux du premier lot, qui n'avaient pas aug- menté dans ces proportions et qui continuaient à rester en mauvais état. Cette expérience a prouvé à l'évidence que l'algine pouvait remplacer l'avoine dans l'alimentation des chevaux. Une autre expérience, faite avec les plus grands soins, a porté sur 40 chevaux. Ces chevaux ont été partagés, comme précédemment, en 2 lots de môme valeur quantitative et quali- tative. Vingt chevaux ont été soumis au régime ordinaire et les vingt autres chevaux au régime de l'algine nourriture, en rem- placement de l'avoine, poids pour poids. Cette expérience, qui a duré deux mois, a été contrôlée par AL le vétérinaire principal de i'"'' classe Jacoulet, Directeur du service vétérinaire du Camp retranché de Paris. Les chevaux nourris à la ration ordinaire ont augmenté de 1 kg. S5o en moyenne et ceux nourris à l'algine de 12 kg. 5oo en moyenne, donc plus de 6 fois autant que les chevaux nourris normalement. Les résultats de cette expérience ont confirmé le grand intérêt que présente l'algine nourriture en remplacement de l'avoine. L'algine nourriture, qui a servi à ces expériences, a été préparée avec des Laminaires qui ont été traitées d'après *mes procédés, sous ma direction, dans le laboratoire de Ph3^sio- logie du Muséum d'Histoire Naturelle à Paris, gracieusement mis à ma disposition, à cet effet, par M. le Professeur Lapicque. (350) - 58 — Le fait que l'algine nourriture a guéri, les chevaux atteints de lymphangite est dû, d'après MM. Lapicque et Legendre, aux traces d'iode organique encore resté dans les Laminaires traitées. Ces expériences ont fait l'objet d'une note de M. l'Intendant militaire Adrian, présentée à l'Académie des Sciences, le 7 janvier 1918, par M. Edmond Perrier. L'algine nourriture s'est révélée comme un excellent aliment non seulement pour les chevaux, mais aussi pour les bovins, les ovins, les porcs, les poules, les canards, les oies, comme de nombreuses expériences l'ont prouvé. A cet effet l'algine nour- riture est, au début, de préférence mélangée à la ration ordinaire jusqu'à l'accoutumance des animaux. M. Cordier, directeur-administrateur des Etablissements Dautreville et Lebas, spécialiste très connu dans l'alimentation des animaux, m'a prêté son précieux concours dans ces expé- riences. Introduite dans l'alimentation des animaux, l'algine nourriture rendra les plus grands services. Cela n'exclut pas l'emploi de l'algine nourriture dans l'alimentation humaine, à l'instar des peuples d'Extrême-Orient, apprêtée et assaisonnée cependant d'après nos goûts. L'algine nourriture peut être con- sommée sous différentes formes, comme nos autres matières ali- mentaires : en branches, déchiquetée en paillettes ou en grains, broyée comme de la farine, ou encore sous forme de pâtes. En dehors de l'algine nourriture retirée des Laminaires, on peut aussi employer celle retirée d'autres algues brunes, comme par exemple des Fucus. Elle est cependant d'une qualité moindre, tout en étant moins riche en matière azotée, comme il résulte du tableau suivant. Matière hydrocarbonée . Matière azotée Cellulose Matières grasses, colorantes et diverses Matière minérale .... Eau Algine brute, Algine brute. dite dite Algine nourriture Algine nourriture retirée retirée des Laminaires. des F'ucus. 59 58 i3 9 1 1 i5 2 3 3 12 3 12 I 00 I 00 La cellulose de l'algine brute retirée des Fucus est aussi moins digestible que celle des Laminaires. Cette algine brute des Fucus convient donc plutôt à l'alimentation animale. — D9 — En effet, depuis longue date, les riverains du littoral d'Irlande, d'Ecosse, des îles FVroé, de Norvège et d'autres regions pauvres en céréales et fourrages, nourrissent leurs moutons, chevaux, bœufs et autre bétail avec des algues marines de rives, des Fucus. M. Oliviero, au nom de la Société de Pathologie comparée, ^ attiré l'attention sur ce fait dans un rapport fort intéressant qu'il a rédigé sur cette question. Les algues marines de rives tout en contenant, déjà par leur nature, moins de sels de potasse et d'iode que les Laminaires, sont, par leur zone de croissance plus élevée, plus souvent exposées aux lessivages des pluies fréquentes des bords de la mer et par ce fait encore amoindries dans leur contenance en sels de potasse et d'iode, qui forment un obstacle à l'uti- lisation de ces algues comme aliment. Les animaux, par leur instinct, refusent les algues non débarrassées de leurs sels, au moins partiellement, car ces sels sont nuisibles pour eux. En considérant d'autre part l'empressement que mettent les animaux à manger les algues convenablement débarrassées de leurs sels, comparativement à celles non traitées ou imparfai- tement lessivées, la nécessité s'impose de désintoxiquer les algues, c'est-à-dire de les débarrasser convenablement de leurs sels de potasse et d'iode, tout en recueillant simultanément ces éléments précieux pour d'autres usages. Certains veulent simplifier ma méthode de lessivage mé- thodique des algues : les uns en préconisant les algues sim- plement lavées dans de l'eau douce, sans récupération des sels ; les autres en préconisant les algues telles qu'elles sortent de la mer, chargées de tous leurs sels. Les uns et les autres ont toutefois tort : Les Laminaires contiennent en moyenne 3o°/o de sels minéraux et les Fucus 2o°/o. Ces sels sont non seulement néfastes à l'alimentation, car ils contiennent principalement des sels de potasse, qui sont un poison cardiaque, mais ils repré- sentent de plus un engrais qui fait grandement défaut à nos terres. En ne débarrassant pas les algues de leurs sels, au moins de leur excédent, nous intoxiquons nos animaux, et en ne récupérant pas ces sels, nous agissons en prodigues inconscients. En débarrassant par contre les algues de leurs sels, par les méthodes que j'ai indiquées, nous rendons d'une part les algues plus appropriées à Talimentation et d'autre part nous en récupérons, simultanément, les précieux sels potassiques. Nous avons, sans contredit, dans les algues marines, dans l'algine nourriture, un aliment qui, comme jadis la pomme de terre, a trop longtemps été ignoré. La culture des algues produisant l'algine est d'autant plus intéressante qu'elle se fait dans la mer, dans le liquide nour- (350) — bo- nder même, qui, contrairement à la terre, non seulement ne s'appauvrit jamais et qui par le fait n'a pas besoin d'amen- dement, d'engrais, comme la terre, mais qui, sans coopération aucune de Tiotre part, continuellement s'enrichit et devient de plus en plus fertile. 2° — L'Algine iodée comme matière alimentaire-médicamenteuse iodée. En parlant des procédés de production de Talgine, j'ai fait remarquer que les algues devaient être débarrassées non seu- lement de leurs sels minéraux, comprenant les iodures inor- ganiques, mais en plus aussi de l'autre partie de l'iode, lié à la matière organique des algues. Ce scindement de la matière organique iodée, qui est nécessaire à la séparation de l'algine et de l'iode, est, au contraire, minutieusement à éviter, si l'on veut tirer profit de la matière organique iodée, telle que la nature nous la présente dans les algues marines. L'algine iodée représente en effet un aliment-médicament iodé naturel très intéressant, réclamé depuis longtemps par l'arsenal thérapeutique, pour remplacer l'huile de foie de morue. L'huile de foie de morue, à partir de son introduction médicale en Angleterre par Perceval, en 1782, et en France par Caron de Villars, en iSSy, malgré toutes ses purifications, est restée répugnante à prendre. Cette propriété désagréable de l'huile de foie de morue a suscité la fabrication de nombreux produits pharmaceutiqjies, dans lesquels les correctifs les plus variés ont été ajoutés à l'huile, pour en masquer le mauvais goût. Les emulsions, notamment, par leur division, leur enro- bement de l'huile dans un liquide aqueux aromatique, ont visé une forme plus agréable au palais. Pour remédier à la dilution de l'huile, fatalement provoquée par l'émulsion même, des sels re- constituants ont été ajoutés à certaines d'entre elles. Malgré cela les emulsions ne présentent pas de supériorité sur l'huile de foie de morue, car elles la contiennent non seulement sous une forme diluée et altérée, mais guère plus facile à prendre. Je ne veux pas énumérer les nombreux autres produits qui ont été proposés pour remplacer l'huile de foie de morue, comme les extraits de foie de morue, les huiles grasses iodées, les elixirs et les sirops iodés, ainsi que le tanin iodé, l'albumine iodée et les autres produits iodés. Je veux seulement faire ressortir qu'aucun de ces produits ne représente ni un aliment-médicament naturel, ni même un produit artificiel pouvant vraiment, avantageusement, rem- placer l'huile de foie de morue. - 6i - Partant de cette considération, rren n'était plus naturel que de rechercher dans la nature, un produit possédant des qualités semblables à celles de l'huile de foie de morue, mais n'en présentant pas les inconvénients. Et dans ce but rien n'était plus logique que de s'adresser à la mer, au liquide nourricier par excellence, au plasma type, plasma de la première et de la plus féconde origine, à l'instar duquel est constitué le plasma même de notre organisme humain. Dans la mer n'avons-nous pas dans son domaine végétal, dans les algues, mieux encore que dans son domaine animal, dans le foie de la morue, un extrait merveilleux des éléments nécessaires à nos fonctions vitales. ' Des algues marines ce sont particulièrement celles de fond, les Laminaires, qui méritent notre principal intérêt, ces algues qui recherchent les récifs battus par les vagues, pour plus activement pouvoir opérer leur travail d'extraction des éléments utiles des grandes masses d'eau, qui dans un renouvellement constant les baignent. Parmi ces éléments c'est particulièrement l'iode que ces algues extraient de sa grande dilution dans l'eau de mer et qu'en une certaine partie elles lient à elles, à leur essence organique même. Dans cet iode organique, lié à l'algine, principal cons- tituant des algues de fond, dans sa forme naturelle, sans aucun goût qui pourrait déplaire, et dans les proportions mêmes telles que la nature nous les présente, nous trouvons l'aliment-médicament iodé naturel par excellence, destiné à remplacer l'huile de foie de morue. Nous avons dans l'algine iodée, telle qu'elle se trouve dans les algues, la déduction toute naturelle de la considé- ration que l'action spécifique de l'huile de foie de morue, en dehors de son action nutritive due à l'huile, est celle de l'iode organique qu'elle contient et cela quoiqu'en une quan- tité très minime, néanmoins sulîisante pour produire les effets connus. Le docteur Schneller à l'appréciation duquel, en 1902, j"avais soumis l'algine iodée pour une expérimentation, a déclaré que, même dans des cas où l'huile de foie de morue n'avait plus eu d'action, l'algine iodée a donné de bons résultats. Si depuis le moment auquel l'algine iodée s'est révélée comme telle, je n'ai rien publié à son sujet, c'est parce que j'attendais que mon étude sur l'utilisation rationnelle des algues marines, que j'avais commencée quelques années auparavant, fut devenue complète. Mes recherches sur l'iode organique des algues marines m'ont conduit à l'étude générale des utilisations des plantes marines, telle qu'elle fait l'objet du présent mémoire. (350) ^ 62 - 3° — L'Algine solubilisée sous FORME d'aLGINATES SOLUBLES. En énumérant les propriétés de l'algine, soit de Tacide alginique, j'ai attiré Tattention sur le fait qu'elle était insoluble dans l'eau, mais qu'elle pouvait y être rendue soluble, en la transformant en l'un de ses sels alcalins, en un alginate de potasse, de soude, d'ammoniaque ou en alginate de magnésie. J'ai énuméré les principales propriétés de ces alginates solubles, en décrivant l'algine et particulièrement les alginates solubles. L'algine peut aussi être solubilisée spontanément dans les algues, en les abandonnant à elles-mêmes, entassées, les laissant se décomposer. Cette solubilisation spontanée de l'al- gine est produite par l'ammoniaque qui se dégage des algues par leur décomposition, c'est-à-dire par la décomposition de leur matière organique azotée, en transformant l'algine en son sel ammoniacal, en alginate d'ammoniaque. Une pareille solubilisation spontanée, ne s'arrêtant qu'après l'achèvement de son œuvre de destruction de la matière même qu'elle doit solubiliser, qui doit donc être conservée, ne peut évidemment pratiquement pas être appliquée. Gomme procédé rationnel de solubilisation on ne peut raison- nablement envisager qu'une méthode, dont on peut diriger l'exécution à volonté, comme par exemple la solubilisation par l'action d'un alcali, -transformant l'algine en un alginate alcalin soluble. Le sel de soude étant la plus commune des bases des algi- nates solubles, c'est le produit de solubilisation de l'algine brute par de la soude, l'alginate de soude brut, que je décrirai comme type des alginates solubles, représentant l'algine solu- bilisée. Ce que je dirai au sujet de l'alginate de soude concerne, en grandes lignes, aussi les autres alginates solubles : l'alginate de potasse, l'alginate d'ammoniaque et l'alginate de magnésie, sans parler des alginates des métaux alcalins rares. L'alginate de soude brut est produit par imprégnation de l'algine brute par une solution aqueuse de carbonate de soude ou par immersion, selon les emplois auxquels l'algine brute, ainsi solubilisée, est destinée. L'algine brute exige à cet effet environ 12 7o de son poids decarbonate de soude calciné, tandis que l'acide alginique pur exige environ 20 % de son poids de carbonate de soude calciné ou une quantité équivalente de cristaux de soude. En partant de l'algine brute, pour préparer de l'alginate de soude pur, on la fait tremper dans une solution très diluée, contenant la quantité de carbonate de soude ci-dessus indiquée, et on sépare, après désagrégation de l'algine brute, par - 63 - filtration, I'alginate de soude en solution, de la cellulose qui reste indissoute. L'alginate de soude brut est de couleur gris jaunâtre, tandis que l'alginate de soude pur est incolore. Pour dissoudre l'alginate de soude, on le délaye dans un peu d'eau, on ajoute petit à petit la quantité d'eau nécessaire à la dissolution et on laisse tremper à froid. Les solutions d'alginate de soude sont très mucilagineuses, visqueuses et éminemment agglutinantes. a. — L'Algine solubilisée sous forme d'alginates solubles COMME MATIÈRE APPRÊTANTE, ENCOLLANTE, ÉPAISSISSANTE ET COMME IMPERMÉABILISANT ET MORDANT. L'algine solubilisée, sous forme d'alginates solubles, par sa nature mucilagineuse et visqueuse, peut non seulement avanta- geusement remplacer, dans la plupart des cas, les gommes arabiques et adragante, ainsi que nombre d'autres matières mucilagineuses, mais peut donner lieu à d'autres utilisations encore, non moins intéressantes. Comme matière apprêtante, pour tissus de tous genres, l'algine solubilisée est supérieure aux gommes et à l'amidon. Son apprêt est plus souple, plus élastique et plus transparent. Tout en étant moins raide, il remplit mieux les tissus. L'algine solubilisée s'emploie seule ou en mélange avec les autres matières en usage, comme la fécule, l'amidon, la dextrine, dont elle atténue les défauts et diminue le prix de revient. A la concen- tration de 1/2 à I °/o, l'algine solubilisée fournit un liquide déjà suffisamment empesant pour la plupart des cas, les proportions exactes variant, bien entendu, suivant les besoins. Gomme matière encollante pour chaînes et écheveaux, l'algine solubilisée rend les fils souples, élastiques et glissants, et partant facile à tisser. La concentration, à laquelle l'algine solubilisée est employée à cet effet, est semblable à celle employée pour apprêts, précédemment indiquée. Gomme matière épaississante pour les couleurs, dans l'im- pression des tissus, l'algine solubilisée est employée à une con- centration variant entre 2 à 5 "^/o, soit seule, soit additionnée de lichen carragheen ou d'autres épaississants, en tenant toutefois compte que l'algine solubilisée ne permet pas l'emploi de couleurs ou d'autres ingrédients contenant des acides libres, des sels terreux, (exception faite pour les sels de magnésie,) ou des sels métalliques, substances qui coagulent l'algine solubilisée. Gomme imperméabilisant pour tissus et particulièrement pour toiles de tentes, pour bâches pour voitures ordinaires et automobiles, l'algine solubilisée est employée à une concen- (350) -64- tration de 1/2 à i %, seule ou, de préférence, additionnée de gomme laque ou de colophane, que les alginates alcalins dissolvent, comme il a été mentionné lors de l'énumération des propriétés de l'algine et spécialement des alginates alcalins. Le tissu à imperméabiliser est passé successivement dans cette solution d'algine solubilisée colophanée et ensuite dans une solution d'un acide minéral dilué ou d'un sel métallique ou d'un sel terreux (à l'exception des sels de magnésie) pour coa- guler l'algine. La facilité avec laquelle l'algine solubilisée est rendue inso- luble, en fait aussi un mordant végétal très efficace, pouvant avantageusement être employé en teinture. Ce mordant est basé sur la précipitation, par l'algine, des solutions .d'alumine, de fer et des autres métaux qui, par leur grande attraction poul- ies couleurs ordinaires, servent en teinture. Par ses qualités précitées l'algine solubilisée peut être utilisée non seulement dans l'industrie textile et tinctoriale, mais aussi dans toute une série d'autres industries, comme par exemple dans l'industrie du papier et particulièrement du papier couché, où elle présente de grands avantages sur les matières encollantes jusqu'à présent employées, ainsi que dans l'industrie du cuir, du feutre, du linoléum. b. — L'Algine solubilisée sous forme d'alginates solubles COMME MATIÎÎRE AGGLUTINANTE. L'algine solubilisée, sous forme d'alginates solubles, rem- place avantageusement les matières qui jusqu'à pre'sent ont été employées ou proposées pour agglomérer les fines ou le poussier de houille, d'anthracite, de lignite, de coke, de charbon de bois, de sciure de bois, dans la fabrication des boulets, briquettes et autres agglomérés. J'écris avec intention « pro- posées », parce qu'il n'y a guère que le brai qui, jusqu'à présent, ait trouvé une application générale dans la fabrication de ces agglomérés, particulièrement de la houille. En effet, il ne suffit pas pour cette application de grande consommation que l'agglu- tinant possède les propriétés agglutinantes voulues, il faut aussi que son prix de revient permette d'en faire usage. Il faut encore que la manière d'employer l'agglutinant soit pratiquement et économiquement exécutable et que les agglomérés produits possèdent une bonne tenue à la manutention, à la pluie et au feu. L'algine solubilisée possède ces qualités. Elle présente de plus sur le brai l'avantage de ne pas provoquer, comme lui, des fumées épaisses et acres. Cette propriété non seulement évite l'encrassement des appareils de chauffage et des cheminées, mais elle permet aussi — 65 — d'employer les agglomères pour le chaulïagedans les cheminées ouvertes où les combustibles au brai. à cause de leur fumée désagréable et irritante, ne peuvent guère être utilisées. L'algine solubilisée lie déjà à froid les matières qui doivent être agglomérées, à la température ordinaire, sans le concours de chaleur, sans laquelle le brai ne peut pas développer sa viscosité. Contrairement à l'agglomération au brai, qui exige un séchage préalable du combustible humide, auquel il ne se lierait pas, l'agglomération à Talgine solubilisée évite cet onéreux séchage, car cet agglutinant non seulement se mélange à l'eau, mais il l'absorbe, en aj^ant même besoin pour se dissoudre et pour pouvoir développer sa viscosité. Cette propriété de l'algine solubilisée permet d'en faire usage pour agglutiner le lignite qui, à cause de sa relativement grande contenance en eau constitutionnelle, ne peut être aggloméré par le brai. L'algine solubilisée est, de préférence, mélangée sous forme sèche, pulvérisée, au combustible qui doit être aggloméré. L'algine solubilisée peut aussi être mélangée préalablement imprégnée d'eau, sous forme de pâte ou de liquide épais, quoique, sous cette forme, elle soit plus diflicile à mélanger au combustible que sous sa forme sèche, pulvérisée. Le mélange de la matière à agglomérer et de l'algine solu- bilisée une fois opéré, est comprimé de la même manière que le sont, jusqu'à présent, les combustibles au brai. La proportion d'algine solubilisée à employer varie selon la nature de la matière à agglomérer et selon la cohésion exigée. Elle est cependant toujours relativement minime. Tandis qu'il faut en moyenne 8 parties de brai pour loo parties de poussier de houille, i à 2 parties, donc 5 fois moins d'algine solubilisée suffisent largement, pour obtenir une au moins aussi bonne, si non meilleure cohésion. Les proportions d'algine solubilisée nécessaires pour agglo- mérer les autres matières combustibles sont d'environ : 2 °/o pour le poussier d'anthracite, 2-3 % pour le coke, 3 % pour le lignite, 3-4 % pour la sciure de bois et 4-5 % pour le charbon de bois. L'algine solubilisée peut tout aussi bien agglomérer d'autres matières que les combustibles précités, comme par exemple des déchets de liège, dans la fabrication des linoléums, des déchets de cuir, de papier, de coton, dans la fabrication de papiers-cuirs ou de fibre comprimée. Les agglomérés à l'algine solubilisée, vu l'insolubilité de l'acide alginique, des alginates métalliques et des alginates terreux (excepté l'alginate de magnésie), présentent de plus l'avantage de pouvoir facilement être rendus imperméables à l'eau. (350) — 66 — c. — L'Algine solubilisée sous forme d'algînates solubles COMME matière HYDROFUGE. . L'Algine solubilisée peut être employe'e non seulement comme matière imperméabilisante, ainsi que nous l'avons vu, mais encore, par extension, comme matière hydrofuge, rendant imperméables à l'eau les travaux de construction, et par le fait aussi comme matière antinitreuse, empêchant la formation de salpêtre dans les constructions humides. Cette utilisation de Talgine solubilisée est basée sur la même propriété d'insolubilité de l'acide alginique, des alginates métalliques et des alginates terreux, à l'exception de l'alginate de magnésie qui est soluble. Pour rendre hydrofuges des travaux de construction aux mortiers de chaux ordinaire ou hydraulique ou de ciment, on les enduit avec une solution aqueuse de i à 2 °/o d'algine solu- bilisée, c'est-à-dire d'un alginate soluble, de préférence d'alginate de magnésie. L'imprégnation avec cet enduit doit être pratiquée sur les travaux fraîchement exécutés, c'est-à-dire les premiers jours après leur exécution pour les travaux à la chaux ou au ciment à prise lente et les premières heures après leur exécution pour les travaux au ciment à prise rapide. La chaux et l'alumine des mortiers, incorporés dans les travaux de construction ou les revêtant, forment avec les algi- nates solubles, par double décomposition, de l'alginate de chaux et de l'alginate d'alumine qui sont complètement insolubles. Ces précipités spongieux provoquent Tétanchéité des sub- stances qu'ils imprègnent ; étanchéité qui est d'autant plus parfaite que ces précipités, qui bouchent même les plus petits pores, ne se forment qu'au moment même de la pénétration, par l'algine solubilisée, de la matière qui doit être rendue imper- méable. La bonne imprégnation des travaux de construction ne pouvant avoir lieu que par une solution, pouvant s'infiltrer jusque dans leurs plus petites artères, et non par une matière insoluble, solide, n'ayant aucune pénétration, il serait complè- tement faux d'employer de l'alginate de chaux ou de l'alginate d'alumine formés à l'avance. De même il serait faux d'ajouter de l'algine solubilisée au mortier avant son application, car il se formerait de l'alginate de chaux et de l'alginate d'alumine insolubles, qui annuleraient les effets essentiels du mortier, qui sont de former un liant pour unir entre elles les matières de construction. Pour rendre hydrofuges des matériaux de construction ne possédant pas de chaux vive, active, comme les mortiers fraî- chement préparés, un enduit supplémentaire à la chaux ou au -Gj - ciment s'impose, afin de provoquer la réaction ci-dessus. Il en est de même pour les travaux de construction anciens, dont la chaux et l'alumine, par leur saturation, ont perdu leur pouvoir de réaction. L'enduit d'algine peut dans certains cas encore être renforcé par l'adjonction de colophane, qui est solubilisée par les alginates alcalins et qui est ensuite précipitée avec eux. Les travaux de construction enduits d'algine deviennent non seulement hydrofuges, mais de plus permettent l'application de peintures à l'huile, qui autrement sont rongées par la causticité du mortier. d. — L'Algine soi.ubujske sous forme d'alginates solubles COMME MATU'îRE DÉSINCRUSTANTE. L'algine solubilisée, par l'insolubilité et la nature spongieuse de son sel de chaux fraîchement précipité, forme un excellent désincrustant. A. cet effet l'algine solubilisée, de préférence sous forme d'alginate de soude, est mélangée à une quantité égale de carbonate de soude calciné ou à une quantité trois fois plus forte de cristaux de soude. Ce mélange, qui forme le désin- crustant, est introduit, de préférence, dans l'eau qui sert à l'alimentation des chaudières, tout en pouvant aussi être introduit directement dans les chaudières. La proportion de désincrustant à employer dépend de la plus ou moins grande dureté de l'eau, c'est-à-dire de son degré hydrotimétrique. Le degré de dureté de l'eau est fixé, de préférence, par le désincrustant même : à une quantité d'eau déterminée, qu'on chauffe jusqu'à l'ébullition, on ajoute, petit à petit, assez de solution de désincrustant pour qu'il ne se forme plus de nouveau précipité. La proportion entre la quantité d'eau et de désin- crustant employée indique la proportion qui est nécessaire pour purifier l'eau d'alimentation des chaudières. Si l'on ne veut purifier l'eau que dans les chaudières même, en pleine activité, la quantité de désincrustant à employer est à fixer non seulement d'après la quantité d'eau contenue dans chaque chaudière, mais aussi d'après la quantité d'eau évaporée par chaque chaudière dans l'intervalle d'une addition de désin- crustant à la prochaine addition d'une même dose. Les sels de chaux de l'eau forment avec l'algine solubilisée de l'alginate de chaux insoluble, qui entraîne avec lui les sels de magnésie, qui ont été précipités par le carbonate de soude, sous forme de carbonate de magnésie. L'alginate de chaux, par sa nature spongieuse, empêche Tassemblage des molécules incrus- tantes et prévient leur adhérence aux tôles des chaudières. L'emploi d'un désincrustant est d'autant plus nécessaire à la bonne conservation des chaudières et à leur bon rendement, que l'eau qui les alimente est plus dure. (350) - 68 — 4° L'AlGINE SOLUBiLISKE SOUS FORME DE PERALGINATES SOLUBLES COMME MATIÈRE SAVONNEUSE POUR LE BLANCHISSAGE. Il ressort des différentes utilisations de Talgine énumére'es dans le chapitre précédent, que sa principale qualité réside dans la grande viscosité de ses sels alcalins et magnésien, qui forment Talgine solubilisée. La viscosité des solutions de Talgine solubilisée est non seulement plus grande que celle des autres matières mucila- gineuses, mais elle présente sur elles encore l'avantage d'être plus souple et plus moelleuse. Cette qualité déjà très précieuse de l'algine est encore aug- mentée par remploi de peroxydes alcalins, à la place de simples alcalins, pour la solubilisation de l'algine. On obtient ainsi, à la place de simples alginates, des peralginates, dont je décrirai comme type le peralginate de soude. Le peralginate de soude tient beaucoup de la nature du savon. 11 est, comme le savon, un sel alcalin d'un acide orga- nique faible et possède, comme lui, des propriétés émulsion- nantes et décrassantes. A titre d'orientation je rappelle : que les savons ordinaires sont des sels de soude ou de potasse d'acides gras ; que dissous dans de l'eau, les savons se dissocient en alcali libre et en sel acide de l'acide gras employé à leur préparation, tel quel ou sous forme d'huile ou d'un autre corps gras ; que, d'une part, l'alcali libre exerce une action saponifiante, dissolvante, sur les matières grasses saponifiables ; et que, d'autre part, les sels acides des acides gras (qui ne sont que très peu solubles dans l'eau) enveloppent les particules des matières grasses et des poussières détachées par l'action du lavage et les empêchent, en les entraînant avec eux, de se fixer à nouveau sur l'objet qu'elles encrassaient. Il résulte de ces faits que l'effet du savonnage est principa- lement une action émulsionnante. L'eau de savon tient en suspension les particules de matières grasses, comme l'eau albumineuse du lait tient en suspension les particules de beurre. Les matières grasses en suspension, flottant dans Teau, sont facilement enlevées, « rincées », par l'eau. En dehors de cette action émulsionnante, le savon exerce encore une action lubrifiante sur les tissus. Rendus plus glissants par le savon, les tissus sont moins usés par le frottement du blanchissage, que s'ils n'étaient pas savonnés. Ces considérations expliquent les raisons pour lesquelles le peralginate de soude peut remplacer le savon. En effet, le pouvoir émulsionnant, décrassant, blanchissant - 69- du pcralginatc de soude cgalc celui des meilleurs savons. Je dis (( savons » seulement et ny ajoute pas les « lessives », parce que le pouvoir émulsionnant de la plupart des lessives n'est que très faible, sinon complètement nul, ce qui s'explique facilement quand on considère que les lessives ne contiennent, principa- lement, que des cristaux de soude ou du carbonate de soude calciné, additionnés de silicate de soude ou de potasse et rarement de poudre de savon en quantité appréciable. S'il est vrai que les silicates blanchissent le linge, ce qu'ils ne font cependant que superficiellement en couvrant le linge d'un dépôt blanc de silicates précipités sur la fibre, il est non moins vrai que les silicates rendent la fibre cassante et par le fait usent les tissus prématurément. Le peralginate de soude rend par contre les fibres plus douces au toucher et plus flexibles. Une autre, qualité du peralginate de soude est la solubilité de son sel de magnésie, qui lui permet de pouvoir être employé pour le blanchissage à l'eau de mer où les savons ordinaires ne peuvent servir, à cause de l'insolubilité de leurs sels de magnésie. Le peralginate de soude peut tout aussi bien être employé pour le blanchissage du linge sale, que pour le blanchissage des tissus neufs, pour les débarrasser de leurs impuretés naturelles ou de celles recueillies au cours de leur fabrication. La quantité de peralginate de soude à employer, pour le blanchissage du linge sale, varie selon la méthode de blanchis- sage employée et selon l'état dans lequel se trouve le linge. Pour le coulage du linge, dans les cuviers, i25 grammes de peralginate de soude suffisent, en moyenne, pour loo litres d'eau. Pour le blanchissage dans les lessiveuses ou barboteuses il faut compter environ 5oo giammes de peralginate de soude pour 1 00 litres d'eau. 5o kilos de linge sale exigent, en moyenne, i kilo- gramme de peralginate de soude. Le blanchissage est, de préférence, commencé à froid, à la température ordinaire, et est continué à chaud, en augmentant la température, petit à petit, jusqu'à l'ébullition de l'eau. Quoique le peralginate de soude se dissolve plus rapidement dans l'eau chaude que dans l'eau froide, il est préférable de le dissoudre à froid, en le délayant, en le laissant tremper dans l'eau froide, à la température ordinaire, et en agitant, de temps en temps, jusqu'à sa dissolution complète. Le peralginate de soude con- serve ainsi son oxygène actif, qui n'est dégagé que par la chaleur. En augmentant la concentration de la solution à i5 kilo- grammes de peralginate de soude pour lOo litres d'eau, on obtient, après un à deux jours de macération, un « savon mou » de qualités remarquables. (350) — 70 — 5° — L'Algine comme matière première POUR d'autres applications. Les applications de l'algine que j'ai décrites, n'ayant été données qu'à titre d'exemple, ne sont pas les seules auxquelles cette intéressante substance peut avantageusement donner lieu. Le but de cette étude n'est pas une description détaillée de toutes les utilisations qui peuvent être faites des plantes marines et de leurs éléments. Il faudrait pour cela remplir de nombreux volumes. Le but de cette étude n'est qu'une orien- tation dans le grand domaine des utilisations des plantes marines, trop peu exploré et trop peu connu, une indication du bon chemin à suivre, pour rationnellement entreprendre et conduire ces exploitations. Aux applications de l'algine déjà énumérées j'ajoute les suivantes, qui font davantage encore ressortir les avantages que présente cette intéressante matière. L'algine solubilisée, par son grand pouvoir émulsionnant et par son bas prix de revient, peut utilement servir à la prépa- ration d'émulsions et notamment des emulsions qui quantita- tivement sont les plus importantes, comme les emulsions de pétrole, de goudron, d'huiles lourdes et d'autres matières qui, autrement que sous forme d'émulsions, ne pourraient pas être mélangées avec de l'eau et ne pourraient, par le fait, trouver les emplois que seule leur miscibilité avec l'eau leur permet. En rendant miscibles avec l'eau certaines huiles lourdes, on les « solubilise » et les transforme en de précieux lubrifiants, pour les tours et autres machines à allure rapide. En rendant miscibles avec l'eau certains goudrons et huiles minérales, on en fait des antiseptiques solubles pour la grosse désinfection, de même que des antiparasitaires, pouvant servir tant pour le traitement de la vigne, des arbres fruitiers ou d'autres végétaux, que pour le lavage des moutons ou d'autres animaux. Le même procédé permet de produire des matières anti- poussières pour les grands établissements, les halls et les voies de grande fréquentation, L'algine solubilisée peut aussi servir à la production de fils soyeux et fournir une qualité de soie se rapprochant bien plus de la soie naturelle, que les soies préparées par nitration ou par d'autres procédés de solubilisation dp la cellulose. A cette application de l'algine se relie celle de la fabrication de pellicules pour la photographie et de films cinématographiques. L'algine, grâce encor.e à la viscosité de ses sels alcalins et à l'insolubilité des alginates métalliques et terreux (excepté Talginate de magnésie), peut servir à revêtir n'importe quel objet, à la place des peintures et vernis. L'alginate de chaux, soit pur ou mélangé à d'autres substances, sans parler de l'algine elle-même, grâce à ses pro- priétés plastiques peut remplacer le celluloïd, l'ébonitc, la corne et même l'ivoire. L'algine mélangée, dans les conditions voulues, à certaines résines ou hydrocarbures fournit des produits ressemblant au caoutchouc et à la gutta-percha. L'algine peut enfin encore servir à d'autres applications, comme par exemple à celle de sa transformation en alcool, par fermentation des liquides résultant de la saccharification des algues par de l'acide sulfurique dilué. Mais sans aller plus loin, nous constatons que ces appli- cations sont déjà plus que suffisantes pour démontrer le grand intérêt que présente l'algine, cette matière organique mucila- gineuse des algues qui, jusqu'à présent, a été négligée, perdue, quoique déjà à elle seule, sans les autres matières qui l'accom- pagnent dans les algues, elle vaille la peine d'être récupérée. B. — La cellulose retirée des Algues brunes, PARTICULIÈREMENT DES LAMINARIACÉES. En décrivant l'algine brute j'ai dit qu'elle contient environ i5 °/o de cellulose. Cette cellulose est très fine, très ténue et ne fait que voiler légèrement la matière mucilagineuse, l'algine, qu'elle accompagne dans l'algine brute. Nous avons, en effet, dans les laminariacées une cellulose remarquable au point de vue de sa finesse, pouvant rivaliser avec les meilleures celluloses, même avec le coton. Pour extraire la cellulose des algues marines, celles-ci doivent être débarrassées, comme je l'ai fait remarquer en parlant du varech, de toutes les autres matières qui s'y trouvent, c'est-à-dire de la matière organique mucilagineuse, qui est soluble dans les alcalis, et de la matière minérale, des sels, qui sont partiellement solubles dans l'eau et plus facilement dans l'eau acidulée. Voici, en grandes lignes, le traitement à faire subir, à cet effet, aux algues marines : 1° Les algues sont convenablement déchiquetées et lessivées, méthodiquement, à chaud, avec de l'eau acidulée et 2° ensuite avec de l'eau alcalinisée. 3° La cellulose brute ainsi obtenue est blanchie, 4" bien lavée et b° finalement séchée. il va sans dire que pour ne pas laisser se perdre les matières précieuses dissoutes dans les eaux de lessivages, acides et alca- lines, on évapore ces liquides, après les avoir déjà concentrés le (350) — 72 — plus possible pendant l'opération même du lessivage, en opérant par voie méthodique, comme je l'ai indiqué. On obtient ainsi, simultanément, à côté de la cellulose, de l'algine et des sels de potasse bruts. De ces derniers on sépare encore l'iode et le brome, par les méthodes connues. Ainsi que je l'ai fait pressentir en parlant du papier et de la cellulose retirés du varech, nous avons dans les plantes marines et surtout dans les algues de fond, dans les laminariacées, une matière première des plus précieuses et des plus intéressantes pour les industries papetière et textile. Puissions-nous savoir en profiter en la plus large mesure possible et sans tarder, afin d'aider à combattre la pénurie des celluloses papetières et textiles, qui nous menace si gravement. C. — Les sels de potasse retirés des algues brunes, PARTICULIÈREMENT DES LAMINARIACÉES. La matière minérale des laminariacées représente environ 40 °/o du poids des algues complètement sèches. Elle est com- posée d'environ : 5o °lo de sels de potasse, i,5 % d'iode, autant de brome, et le reste, soit 47 % de sels divers. Les sels de potasse des laminariacées, composés principa- lement de chlorure de potassium, représentent environ 3 7o du poids des algues fraîches et environ i5 °/o des algues séchées à l'air. Ces sels se trouvent dans les algues fraîches dissous dans leur eau d'imbibition. 100 parties d'eau contiennent environ 3,5 parties de sels de potasse et environ 3 parties d'autres sels, dont principalement des sels de soude, de magnésie et de chaux. Les sels de potasse peuvent être séparés des algues de deux diffé- rentes manières : par lessivage méthodique des algues avec de l'eau acidulée ou par dessiccation forcée des algues et par l'efilo- rescence qu'elle produit. En séchant les algues, dans des appareils de séchage appro- priés, aussi complètement qu'industriellement possible, on réduit la teneur des algues en eau environ au trentième de la teneur initiale et augmente par ce fait simultanément, inver- sement, la teneur en sels de l'eau d'imbibition des algues environ au trentuple. Pour 100 parties d'eau on arrive ainsi à une teneur d'environ : io5 parties de chlorure de potassium et 90 parties de chlorure de sodium et d'autres sels. Comme 100 parties d'eau ne dissolvent à 10° C qu'environ 12 parties de chlorure de potassium et 3o parties de chlorure de sodium, l'excédent, c'est- à-dire ^3 parties des io5 parties de chlorure de potassium et 60 parties des go parties de chlorure de sodium et d'autres sels, se séparent, par efflorescence, au refroidissement des algues séchées. - 73 - La matière saline présentant d'une part une densité plus grande et d'autre part des particules moins volumineuses que la matière organique, la séparation de ces deux matières ne présente pas de difficultés. Un simple passage au tarare fournit une séparation déjà suffisante pour la plupart des emplois de ces deux matières minérale et organique. Les sels de potasse séparés des algues par cette méthode contiennent environ 60 % de chlorure de potassium pur (K Cl) ce qui correspond à 38% de potasse (K^ O). Ils peuvent être employés ou tels quels, bruts, par exemple comme engrais, ou préalablement raffinés. Pour raffiner les sels de potasse bruts, tant ceux obtenus par efflorescence des algues, que ceux obtenus par evaporation des eaux de lessivage des algues, on emploie la méthode utilisée dans les usines de potasse, basée sur la diffé- rence de solubilité des sels de potasse et de soude à chaud et à froid. 100 parties d'eau dissolvent : Chlorure de potassium : Chlorure de sodium : à 100° C 36 parties 25 parties à 10° C 12 — 3o — A cet effet les sels de potasse bruts sont dissous dans de l'eau, en ebullition, et leurs solutions sont concentrées, par evapo- ration, jusqu'à leur saturation. Par refroidissement, ces solutions laissent cristalliser 2/3 du chlorure de potassium, tandis que le chlorure de sodium, les sels de magnésie et les autres sels restent en solution dans les eaux mères. Ces eaux mères sont emplo3^ées, à la place d'eau, à im nouveau traitement de sels de potasse bruts, comme le pré- cédent, et ainsi de suite, en tenant toutefois compte de leur contenance en chlorure de sodium, qui cristallise au fur et à mesure de la progression de la concentration des solutions. Les sels de potasse occupent une place prédominante dans l'industrie chimique. Une de leurs principales utilisations, surtout sous forme de leurs sels bruts, est celle comme engrais. Elle a fait l'objet d'un des chapitres précédents. Depuis environ un demi-siècle les sels de potasse sont fournis au monde entier, presque exclusivement, par les gisements de Stassfurt en Allemagne, auxquels, dans le courant des dix dernières années, sont venus s'ajouter les gisements découverts par M. Vogt dans les environs de Mulhouse en Alsace. Les sels de potasse sont commercialement exploités, par les mines de Stassfurt, principalement sous les trois formes suivantes : 1° le chlorure de potassium (K Cl). Ce sel correspond théo- riquement à 63 °jo de potasse (K" O), mais le produit commercial ne correspond en mo3^enne qu'à 5o °/o de potasse'. (350) — 74 — 2° le sulfate de potassium (K^SO''^). Ce sel correspond théoriquement à 54% de potasse (K"0) ; le produit commercial à 5o °/ 3" la Kaïnite (K; SO^ + Mg SO'^ + Mg CP + Pi'O), dont le produit commercial correspond en moyenne à i2,5 % de potasse (K^ O). Les mines d'Allemagne ont fourni en 191 3 près de 12 millions de tonnes de sels de potasse bruts. Les neuf dixièmes de cette quantité ont été employés pour Tagriculture. Le trafic énorme de l'Allemagne dans son monopole mondial des sels de potasse (dont l'emploi augmente d'année en année, à pas de géants) et plus particulièrement la dépendance dans laquelle se trouvent les grands consommateurs de sels de potasse vis-à-vis de l'Allemagne, ont incité les gouveinements intéressés à la recherche de nouvelles sources de potasse. Un rapport officiel du Gouvernement des Etats-Unis de l'Amérique du Nord a établi que de nombreuses recherches effectuées par le Département 'de l'Agriculture, qui à cet effet s'était associé les savants et les industriels américains les plus compétents, il ressortait clairement que nulle autre source de potasse n'égalait celle contenue dans les algues marines et que l'exploitation de ces algues circonscrite au seul littoral de l'Amé- rique du Nord du Pacifique pourrait produire déjà autant de sels de potasse que ceux jusqu'à présent extraits des mines d'Allemagne. Quoique la consommation française en sels de potasse n'atteigne de loin pas celle des Etats-Unis de l'Amérique du Nord, elle est néanmoins déjà fort importante et augmentera encore rapidement, pour procurer au sol épuisé et par lui aux cultures, la potasse qui leur fait tant défaut. D. — Les sels divers non potassiques RETIRÉS DES ALGUES BRUNES, PARTICULIÈREMENT DES LAMINARIACÉES. Les sels divers qui, en dehors des sels de potasse, sont con- tenus dans les laminariacées représentent environ 47 % du poids de la matière minérale des algues, environ 2,8 "/o du poids des algues fraîches et environ 14% des algues séchées à l'air. Ces sels divers sont composés principalement de chlorure de sodium, de sels de magnésie, de chaux, de fer, de manganèse. Je n'inclus pas dans ces sels divers les iodures et les bromures qui, vu le grand intérêt qu'ils présentent, font l'objet d'un chapitre spécial. Quoique n'ayant de loin pas une aussi grande valeur mar- chande que les sels de potasse, ces sels divers méritent néanmoins un certain intérêt, pouvant être employés comme engrais miné- ralisateurs. Ces sels divers sont extraits des algues marines, en même temps que les sels de potasse, par lessivage méthodique des algues avec de Teau acidulée. Ils ne peuvent pas être séparés des aîgues par efflorescence, comme les sels de potasse, parce que la proportion d'eau qui reste dans les algues après leur séchage, quoique minime, est néanmoins suffisante pour retenir en solution la plus grande partie de ces sels et principalement les sels sodiques et magnésiens. Ces sels divers font par contre intégralement partie de Tengrais représenté par les algues mêmes, par les algues qui n'ont été que déiodées et débromées, et auxquelles tous les autres éléments ont été conservés : la matière organique humi- fère azotée, les sels de potasse et les autres sels divers minéra- lisateurs. Les sels de magnésie, de chaux, de fer, de manganèse et autres composants de ces sels divers, sont tout aussi nécessaires aux cultures que la potasse et l'azote, quoique, il est vrai, en une quantité moindre. Sans les divers sels minéralisateurs les cultures ne peuvent profiter des autres éléments qui sont contenus dans le sol ou qui y ont été ajoutés comme engrais, parce que ces éléments se trouveraient en une surabondance inutilisable, selon la loi du minimum, que j'ai mentionnée en parlant des plantes marines dans leur ensemble, au point de vue de leur utilisation comme engrais. E. — L'iode et le brome retirés des algues brunes, PARTICULUiREMENT DES LAMINARLVCÉES. L'iode contenu dans les laminariacées représente environ i,5o °/o du poids de la matière minérale, environ o, lo "/^ du poids des algues fraîches et environ o,5o °/o des algues séchées à l'air. C'est là une moyenne, la richesse des algues en iode variant beaucoup. Elle varie déjà pour une même espèce, selon la vitesse et les lieux de croissance. En général les algues paraissent être d'autant plus riches en iode qu'elles croissent moins rapidement. C'est à la rapidité de sa croissance, dans les eaux tempérées du Culf-Stream, que la Saccorhiza bulbosa doit probablement sa pauvreté relative en iode. La température semble en effet jouer un rôle important dans les phénomènes d'assimilation de l'iode par les algues marines. Plus les algues croissent vers les régions boréales, plus elles apparaissent riches en iode, par rapport aux mêmes espèces croissant plus au Sud. C'est ainsi que, sans sortir du littoral français, des échantillons de Laminaria Cloustoni récoltés à (350) - 76 - Noirmoutier, en Vendée, ont à peine donné i/5 du rendement en iode de cette même espèce récoltée dans une région du Finistère. Dans une même région, pour une même espèce et même pour un même plant, la richesse en iode varie non seulement par rapport aux différentes parties du plant, mais aussi par rapport à son âge et non moins par rapport à la saison. La richesse maximum en iode correspond à l'hiver et celle minimum aux mois de juin, juillet et août. Cette différence peut s'élever jusqu'à 40 °/o. Le tableau suivant, établi par M. Allary, d'après des ren- dements industriels d'algues coupées et exemptes de sable, précisera ce que je viens de dire. Ce tableau donnera en même temps un aperçu de la contenance moyenne en iode des différentes algues brunes, Laminaires (algues brunes de fond) et Fucus (algues brunes de rives), ainsi que de leurs cendres. 1000 kg. 1000 kg. d'algues fraîches de cendres u'aigiies Laminaria Cloustoni, nouvelles lames . i kg. 225 d'iode 23 kg. d'iode — — stipes I, 100 — 18, 5oo — — — anciennes lames . 0, 58o — (), 35o — — flexicaulis i, — 20, 200 — — saccharina 0, 5oo — 8, 5oo — Fucus vesiculosus . — nodosus \ o, 120 — 2, — — serratus J . — siliquosus [ — loreus o, 090 — i, 45o — — bulbosus o, 080 — I, 65o — La contenance des laminariacées en brome est, en moyenne, égale à celle en iode, tout en variant beaucoup comme elle, selon les espèces, lieux de croissance, saisons et âges. Les pourcentages que j'ai indiqués comprennent l'iode en totalité, tant celui qui se trouve dans les algues à l'état d'iodures minéraux, que celui qui s'3^ trouve lié organiquement à la matière azotée. Il en est de même pour le brome. Les iodures et les bromures inorganiques sont facilement extraits des algues par simple. lessivage avec de l'eau, étant très solubles. Leur grande solubilité est du reste une des raisons pour lesquelles les algues ne doivent pas rester exposées à la pluie et à la rosée. L'eau pure ne dissout cependant pas seulement les sels solubles, comme les iodures, bromures et chlorures, mais en même temps aussi une partie de la matière organique mucila- gineuse qui, si elle n'empêche pas, gêne par contre énormément la séparation ultérieure de l'iode, du brome et des sels de potasse. Afin d'éviter cet inconvénient l'eau de lessivage des algues est légèrement acidifiée. La matière mucilagineuse (algine) qui est insoluble dans les solutions d'acides minéraux, même très diluées, reste ainsi indissoute. - 77 - L'iode et le brome organiques ne peuvent pas être extraits des algues par le même procède que l'iode et le brome inorga- niques. Pour séparer Tiode et le brome de la matière organique à laquelle ils sont liés, il faut amener le scindement de ces éléments de la matière organique. Ce scindement est pratiquement produit par l'action d'un agent oxydant en milieu légèrement acide. L'agent oxydant met en liberté Tiode et le brome liés à la matière organique qui d'autre part est insolubilisée par Tacide et reste pour ainsi dire intacte dans sa constitution fondamentale. L'extraction simultanée de la totalité de l'iode et du brome contenus dans les algues, tant inorganiques qu'organiques, peut être opérée de deux manières différentes, analogues à celles qui ont été décrites pour la séparation des sels de potasse. IClle peut être combinée, ou à la dessiccation, ou au lessivage des algues. L'extraction de l'iode et du brome combinée à la dessiccation des algues est basée sur le fait de la libération de l'iode et du brome de leurs combinaisons minérales et organiques, par le traitement des algues par un agent oxydant en milieu légèrement acide. L'iode et le brome qui sont entraînés par les vapeurs qui s'échappent des algues pendant leur séchage, sont condensés et séparés par les procédés connus. L'extraction de l'iode et du brome, combinée au lessivage des algues, est basée sur le même fait de la dissociation des combi- naisons iodées et bromées minérales et organiques, par le trai- tement des algues par un agent oxydant en milieu légèrement acide. L'iode et le brome entraînés par les eaux de lessivage, en sont séparés par les procédés connus. L'extraction de l'iode et du brome par le traitement direct des algues, par l'une ou par l'autre de ces deux méthodes, a de grands avantages sur l'extraction telle qu'elle a jusqu'à présent été pratiquée, par la méthode du brûlage des algues, qui laisse se perdre une plus ou moins grande quantité d'iode et de brome. En effet les usines qui produisent de l'iode, en partant des cendres de Laminaires, n'arrivent à obtenir qu'au grand maximum 1/2 kilogramme du kilogramme d'iode que contiennent en mo3^enne i .000 kilogrammes de Laminaires fraîches de coupe. Je n'inclus pas les Laminaires et autres algues de fond venant épaves et qui, selon leur séjour plus ou moins prolongé dans la mer, ont plus ou moins été lessivées et qui, par ce fait, sont moins riches en iode et en brome. En traitant directement les algues encore intactes, d'après les procédés que j'ai indiqués, on obtient, en moyenne, non seu- lement deux fois autant d'iode, mais en plus toute la matière organique mucilagineuse des algues, qui par le brûlage a jusqu'à présent été consumée. On obtient aussi une plus grande quantité de sels de potasse, sans parler du brome, dont l'extraction des algues a depuis longtemps été abandonnée. (350) -78- L'iode dans les premiers temps après sa découverte (Courtois découvrit Tiode, en 1812, en évaporant des solutions de nitrate de soude, qu'il avait obtenu en traitant du nitrate de chaux avec de la soude provenant du lessivage de cendres de plantes marines) ne formait qu'un sujet de recherches scientifiques, purement chimiques, pour les savants de l'époque, comme en fait preuve l'étude magistrale que Gay-Lussac lut à l'Institut le i^"'août 1814. Ce n'est qu'à partir du jour où le D*" Coindet de Genève (ainsi que l'a exposé M. Matignon dans son intéressante con- férence à Dijon, la ville natale de Courtois, lors de la célébration du centenaire de l'iode, le 9 novembre 191 3) publia son étude sur la « Découverte d'un nouveau remède contre le goitre », remède qui n'était autre chose que Tiode, que ce nouvel élément fut introduit dans l'arsenal thérapeutique. C'est à cette époque aussi, en 1829, que s'est constituée l'in- dustrie de l'iode. La première usine d'iode fut installée au Conquet, bourg situé à 22 kilomètres à l'ouest de Brest; D'autres usines furent créées à Cherbourg et à Tourlaville et furent dirigées par Couturier qui avait inventé un « Procédé pour l'extraction simultanée de ^'iode et du brome ». C'est du reste cette méthode d'extraction de l'iode, appliquée à partir de i83d, qui est. encore aujourd'hui en usage. A ces usines créées en France succédèrent des usines en Grande-Bretagne et en Ecosse, qui furent prospères comme celles de France. La prospérité des usines d'iode était grande, car à cette époque riode et le brome, quoique n'ayant pas encore atteint la grande consommation actuelle, se vendaient plus cher qu'aujourd'hui, entre 60 et 100 francs le kilogramme, et le chlorure de potassium entre 55 et 60 francs les 100 kilogrammes. Cette période était cependant trop lucrative pour pouvoir durer. La mise en exploi- tation des gisements de sels de potasse bromifères de Stassfurt, dans les années de i860 à i865, amena une baisse effroyable des prix de vente du .brome et des sels de potasse. Le brome tomba à 5 fr. le kilogr. et le chlorure de potassium à 20 fr. les 100 kilogr. Les usiniers d'iode, grisés par les grands bénéfices qu'ils étaient habitués à récupérer, n'offrirent aucune résistance à la nouvelle concurrence. Ils se laissèrent arracher le brome et le chlorure de potassium, qui au bas prix de la concurrence ne leur paraissaient plus sulîisamment intéressants, pour en con- tinuer l'exploitation à côté de l'iode.' L'industrie de l'iode, qui dans les algues continuait à con- server sa matière première, était du reste tellement rémunératrice qu'elle put négliger l'exploitation simultanée des sous-produits des algues. Elle continua à prospérer jusqu'en 1872, année en laquelle un deuxième coup, plus grand que le premier, lui fut porté, la visant cette fois-ci directement. A ce moment les usines de nitrates du Chili introduirent, sur le marché mondial, de l'iode retiré des eaux mères du caliche, par un procédé dû à Thiercelin. — 79 — Je rappelle à cette occasion que le caliche, le salpêtre brut en roche, a une teneur moyenne de o,5/iooo d'iode, une teneur donc plus faible que celle des Laminaires telles qu'elles sont retirees de la mer, avec toute leur eau d'imbibition. La production mondiale de l'iode qui en 1875 était d'environ 23o.ooo kilogrammes, s'est accrue considérablement. En 191 i elle atteint 750.000 kilogrammes, en i()i3 un million de kilo- grammes, en 1915 un million et demi de kilogrammes et en 1916 près de deux millions de kilogrammes. En 191 1 participaient à la production mondiale de l'iode de 750.000 kilogrammes : l'Europe (la France, la Grande-Bretagne et la Norvège) avec environ 175.000 kilogrammes, le Chili avec environ 5oo.ooo kilogrammes et le Japon avec environ 75.000 kilo'- giammes. De cette quantité totale l'Allemagne, la plus grande consommatrice d'iode, en a importé 3oo.ooo kilogrammes. Le Chili, qui depuis a fortement augmenté sa production, a exporté en 1915 709.000 kilogr. et en igiG 1.323. 000 kilogr. Les emplois de l'iode et du brome vont continuellement en augmentant. L'iode et le brome sont de plus en plus emplo3^és, à la place du chlore, comme matières oxydantes dans de nom- breuses réactions chimiques et dans la composition de désin- fectants. Ils prennent de même une grande extension dans la fabrication des produits pharmaceutiques, photographiques et des matières colorantes. Le maniement du brome est certes moins dilîicile que celui du chlore et celui de l'iode plus facile encore que celui du brome. Un syndicat de vente de l'iode, à la tête duquel est placée la maison Antony Gibbs et C''' de Londres, en fixe, contrôle et fait respecter les prix de vente. C'est grâce à ce syndicat que les anciennes usines d'iode ont pu continuer à subsister, sans se perfectionner, et malgré la concurrence chilienne. Mais c'est non moins grâce à ce syndicat aussi que les usines du Chili ont pu réaliser les beaux bénéfices que leur procure l'exploitation de ce (( so us- produit ». N'oublions cependant pas que l'épuisement des gisements de nitrates n'est qu'une question de temps, tandis que les plantes marines présentent une source à toujours inépuisable, parce que tout en donnant, elles repuisent toujours de nouvellles quantités d'iode, de brome, de potasse, d'azote, dans la mer, dans cet im- mense réservoir, qui est toujours à nouveau alimenté par la terre, et même par l'air. Par la terre : par ce que l'eau dans son cycle continuellement entraîne de la terre. Par l'air : par ce que la 'mer à sa surface co^ntinuellement dissout de l'air. (350) — 8o — CONCLUSION. C'est dans les plantes marines que nous trouvons et trou- verons toujours plus sûrement qu'autre part ce que, jusqu'à présent, en insouciants nous avons omis de leur réclamer ou qu'en prodigues nous avons dissipe'. C'est en employant des proce'dés rationnels, ne laissant plus rien se perdre, que les plantes marines deviendront désormais non seulement la précieuse matière première qu'elles étaient autrefois et non seulement pour des industries aussi prospères que celles de jadis, mais qu'elles deviendront une matière première plus précieuse encore, pour des industries plus florissantes. Les plantes de la mer, non seulement davantage que les dépôts minéraux, sources mortes de la terre, mais davantage encore que les plantes, sources vitales, de la terre, représentent la source vitale la plus sûre, car le sol nourricier de la terre constamment s'appauvrit, au fur et à mesure que le liquide nourricier de la mer s'enrichit ! — ^'•i-^;scyTé>^^^i*^^-' "-■ — il TABLE DES MATIÈRES Pages Avant-propos r Introduction 3 Lés richesses contenues dans la mer. 3 Les plantes marines, accumulatrices d'éléments contenus dans la mer. 5 Les utilisations des plantes marines 6 Classification des plantes marines d'après leurs utilisations 7 PREMIÈRE PARTIE. Les Plantes marines en général. L'Utilisation des Plantes marines en général, particulièrement comme engrais. Les Chénopodiacées, source de carbonate de soude 8 Décrets réglementant, en France, la récolte des plantes marines.... 9 Les plantes marines, source d'éléments les plus utiles 11 Les plantes marines, comme engrais 12 — — source d'acide carbonique i3 — — source d'azote 14 — — source de potasse i5 — — source de phosphates 1 5 -^ — source de chaux, soude, magnésie, fer, man- ganèse, et d'autres éléments indispensables comme engrais i5 DEUXIÈME PARTIE. Les Plantes marines « non-Algues ». L'Utilisation des Plantes marines « non-Algues », particulièrement des Zostères. Les Zostères 16 Fibre retirée des Zostères 17 Papier retiré des Zostères 20 Cellulose retirée des Zostères 21 Engrais potassique hydrocarboné-azoté retiré des Zostères, comme sous-produit ' 22 TROISIExME PARTIE. Les Algues Rouges. L'Utilisation des Algues Rouges (Rhodophycées ou Floridées), contenant de la Gélose. Pages La Mousse de Corse, la Coralline 23 Le Lichen Carragheen 23 Récolte et traitement 24 Emplois 25 L'Agar-Agar 26 Agar-Agar de Ceylan 26 Agar-Agar de Macassar et de Java 27 Agar-Agar du J apon 27 Préparation 27 Emplois 28 QUATRIÈME PARTIE. Les Algues Brunes. L'Utilisation des Algues Brunes (Phaeophycées), particulièrement des Laminaires, contenant de l'Algine. Les Fucacées 29 Les Laminariacées 3o Lieux de croissance 3o Constitution 3o Les Laminaires 3i Laminaria flexicaulis 3 1 Laminaria Cloustoni 32 Laminaria saccharina 33 Saccorhiza bulbosa 33 Laminaria Lejolisii 33 Les Sargasses 33 La Mer des Sargasses 34 Méthodes de traitement des algues marines jusqu'à présent employées 35 Imperfection de ces méthodes 36 Situation et avenir de l'industrie des Algues marines 36 Composition schématique des Laminaires 39 Récolte des Laminaires en Europe 39 — — aux États-Unis 40 Rendement actuel de la récolte en Europe 41 Rendement futur de cette récolte par des procédés rationnels 41 Causes des pertes de matières, provoquées par les procédés d'inciné- ration jusqu'à présent employés en Europe 42 g:5 Pages Incinération des algues marines ... 4^ Traitement des cendres des algues marines 44 Traitement rationnel des algues marines sans incinération 46 A. — L'Algine retirée des Algues Brunes, particulièrement des Lami- nariacées 4° Composition de la matière organique des Laminaires 48 Traitement des algues marines par le procédé Stanford 49 Traitement des algues marines par les procédés Gloess 5o L'Algine, ses propriétés 3o Les Alginates solubles dans l'eau 5 1 Les Alginates insolubles dans l'eau 52 Les Alginates ammoniacaux solubles dans l'eau, donnant à Téva- poration une pellicule insoluble dans l'eau 53 L'Algine comme matière alimentaire 53 Son emploi en Extrême-Orient 54 Le Kombu, préparation des différentes qualités 54 Son emploi en Europe ^6 Comme succédané d'avoine pour l'alimentation des chevaux. . . 56 Pour l'alimentation des autres animaux herbivores 57 Pour l'alimentation humaine 58 L'Algine iodée, comme matière médicamenteuse-alimentaire, en rem- placement de l'huile de foie de morue 59 L'Algine solubilisée, sous forme d'alginates solubles 61 L'Alginate de soude ■ 62 L'Algine solubilisée Gomme matière apprêtante, encollante et épaississante 63 Comme imperméabilisant 63 Comme mordant 64 Comme matière agglutinante 64 Pour combustibles 64 Pour autres matières 65 Comme matière, hydrofuge 66 Comme matière désincrustante 67 L'Algine solubilisée, sous forme de peralginates solubles 68 Comme matière savonneuse pour le blanchissage 68 L'Algine, comme matière première pour d'autres applications 70 B. — La Cellulose retirée des Algues Brunes, particulièrement des Laminariacées 71 C. — Les Sels de potasse retirés des Algues Brunes, particulièrement des Laminariacées 72 D. — Les Sels divers non potassiques retirés des Algues Brunes, particulièrement des Laminariacées 74 E. — L'Iode et le Brome retirés des Algues Brunes, particulièrement des Laminariacées 75 Conclusion 80 Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I°% Prince de Monaco) No 35i. — 20 Avril 1919. Il 7 — 7 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES SUR r.ES Céphalopodes recueillis au cours des croisières de S. A. S. le Prince de Monaco. 7^ Note : Cycloleuthis Sirventi nov. gen, et sp. Par L. JOUBIN Professeur au Museum d'Histoire Naturelle et à l'Institut Océanographique Dans sa monographie des Œgopsides de la Valdivia, Chun a décrit un intéressant Céphalopode auquel il a donné le nom de Thaiimatolampas diadema et créé pour lui la famille des Thaiimatolampadidœ . Pour des raisons de priorité, G. Pfeffer, en 191 2, a remplacé ce nom par celui de Lycoteuthis diadema qu'il a classé dans une nouvelle sous-famille, les Lycoteuthinœ^ taillée dans la famille des Onychoteulhidœ. Cette dernière famille comprend alors deux sections très inégales, la première, les Oiiychoteuthiiiœ comprenant tous les Onychoieuthidœ moins le Lycoteuthis diadema qui, à lui seul, forme la seconde, les Lycoteiithiiiœ. J'apporte à cette maigre sous-famille un renfort constitué par un genre et une espèce nouveaux et je nomme ce Cépha- lopode Cycloteuthis Sirventi, du nom de mon ami, M. Sirvent, assistant du Musée de Monaco. Ce Cycloteuthis possède, en commun avec Lycoteuthis, quelques caractères anatomiques; leur aspect ne manque pas d'analogie, mais ils diffèrent par d'autres points importants, ce- qui fait que la diagnose des Lycoteuthinœ, trop restreinte pour deux genres, puisqu'elle est iaiie trop exclusivement pour un seul, ne convient plus quand on y introduit Cycloteuthis et il faut en refaire une nouvelle s'appliquant aux deux genres; on évitera ainsi les confusions, car la famille 'nouvelle n'est plus celle des Thaiimatholampadidœ de Chun, ni celle des Lycoleii- FiG. I. — Cycloteuthis Sirventi. [.'animal vu de dos, légèrement grossi. thinœ de Pfeffer. Je lui donne le nom de Parateuthidœ, et je considère sa position naturelle comme intermédiaire entre les Enoploteuthidœ dont elle n'a pas les crochets et \Qs]HisiioleH- thidœ dont elle n'a pas les organes lumineux, mais 'auxquelles elle emprunte divers autres caractères. Je ne peux entrer, dans cette courte note, dans les explications nécessaires pour com- pleter cette première indication systématique. ylCJe n'ai eu, malheureusement, qu'un seul exemplaire, en assez mauvais état, de ce Céphalopode, ce qui ne m'a pas permis d'en faire une étude détaillée et Ta restreinte à quelques consta- tations cependant intéressantes. Cet animal a été pris à la station 32 i 3, le 7 août 191 2, dans les parages de Madère, par 3o° 45' 40" N. et 2D°47'W., au filet Bourée en vitesse, de o à 5oo mètres de profondeur. Ce Céphalopode a i5o millimètres de longueur totale, y compris les tentacules ; il devait être de couleur rouge pâle, avec des bras et des nageoires plus claires et des tentacules plus foncés. Les bras ont de 35 à 5o millimètres de long, le i'^ étant le Plus grand, ce qui donne la formule 1.4.3.2. Les tentacules ont 88 millimètres, leur palette 17, la nageoire 3o de haut et 48 de large, le corps 4g de haut dorsalement, ce qui est à peu près égal au grand diamètre de la nageoire. L'aspect général du corps, la forme des bras, des nageoires, la pointe abdominale, rappellent de près la plupart des Enoplo- ieittliidœ, tels que les Abraliopsis ou les Pyroteuthis. La grande taille de la nageoire, son épaisseur, le développement du siphon donnent l'impression d'un puissant nageur et non celle d'un être mou, médiocrement organisé pour faire de la vitesse comme sont les Histioteuthides. Mais on constate l'absence totale de tout crochet aux ventouses des bras et des tentacules, ce qui l'éloigné des Onychoteuihides dans lesquels, pour cette raison, Chun avait fait une section spéciale pour son Thaumatolanipas qui se trouve dans le même cas. La longue pointe postérieure du corps supporte l'angle infé- rieur de la nageoire rhomboidale comme chez les Enoploteu- thides. Par contre, la forme générale des tentacules, leur cou- leur, leur force, leur palette et ses ventouses, la mollesse et l'apparence gélatineuse des bras, leur teinte, leurs ventouses sont, inversement, très analogues à ce que l'on constate chez les Histioteuthides. Le corps, en forme de cornet assez étroit, très pointu en arrière a une ouverture palléale oblique, montant moins ventra- Icment que dorsalement; il y a à peine 9 millimètres entre le bord dorsal du manteau et l'échancrure supérieure de la nageoire rhomboidale, ce qui le fait ressembler beaucoup à Octopodoteii- lliis sicula Ruppell. Les pointes latérales de cette nageoire sont arrondies; on distingue, sur les surfaces dénudées, les épais faisceaux musculaires parallèles qui la composent. Le siphon, très développé, monte jusqu'au milieu des yeux et renferme un organe compliqué comprenant : en haut' une (351) valvule demi-circulaire de même diamètre que l'oritice du siphon; de chaque côte une nouvelle valvule verticale de même forme un peu plus grande; entre les trois un appareil ayant la forme de la lettre A portant, sur chaque branche, une crête flexueuse relevée aux deux pieds, interrompue au sommet; là, une petite crête verticale indépendante occupe le sommet de l'A. Du centre émerge la grande veine viscérale. Tout cet appareil compliqué est analogue dans ses grandes lignes à celui de Thaii- niatolampas. Sur les deux piliers du siphon se trouvent les fossettes arti- culaires à bord formé d'une même crête cartilagineuse en cupule très saillante, entourant une fossette ovale, allongée, avec un rudiment de tragus, le tout encadré d'une ligne de chro- matophores. La tête, en mauvais état, a perdu totalement un des yeux, l'autre est très détérioré ; on peut cependant constater qu'il était très gros et la tête très étroite à demi transparente. La tête proprement dite se réduit à une étroite bande entre les deux grosses orbites. Le bulbe buccal, blanc, sans pigment ni chromatophores, porte 7 fortes côtes saillantes; Thaumatolampas en a 8. Entre la base des deux bras dorsaux il y en a une seule à base bifur- quée. Entre les bras ventraux il y a deux grosses côtes très rapprochées, si voisines qu'elles semblent d'abord fusionnées. Ces 7 organes se terminent par une pointe bifurquée au bord de la lèvre dont l'intérieur est couvert de papilles plissées en files longitudinales. Sous chacun des yeux il y a une papille olfactive blanche. Le cartilage nuchal est bien développé, à sillon médian ver- tical bordé de deux petites crêtes parallèles; sa partie supé- rieure est un peu dilatée. La peau qui recouvre tous les organes dont il vient d'être question, sac viscéral, tète, siphon, bras, est molle, épaisse, à plusieurs couches superposées de chromatophores, comme chez les Histioteuthides, et dépourvue d'organes lumineux; i! n'y a que sur le bord circulaire de la paupière qu'on en trouve un cercle, qui semble avoir été continu, comprenant une vingtaine de ces tout petits organes jaunes, irisés, un peu dorés. Ils sont tout à fait analogues à ceux des Histioteiithidœ ; dans Thauma- tolampas, Chun en a signalé une petite série de 3, disposés en arc, sur le bord ventral de la paupière. Nous en trouverons encore un autre, bien plus caractéristique, dans Cycloteitthis. Les bras sont charnus et épais dans leur moitié inférieure, grêles et en fouet au-dessus, à section arrondie sauf sur la face buccale aplatie légèrement et pigmentée en brun violacé. Cette face est limitée de chaque côté par une légère crête dont l'une, tantôt la ventrale, tantôt la dorsale, se continue avec une côte du bulbe buccal. Sur cette face alternent de petits mamelons bruns, débordant sur les crêtes où elles forment comme de petites dentelures. C'est de là que partent les courts pédoncules portant les ventouses. Toute la peau du bras est molle et demi transparente comme chez les Histioteuthides ; il n'y a aucune membrane interbrachiale, ni aucun organe photogène bran- chial ou tentaculaire. Les ventouses, portées sur un pédoncule cylindrique court, sont sur deux rangs alternants dans la moitié inférieure des bras puis bientôt elles se disposent en une seule rangée ; elles sont plus grosses vers le milieu -du bras et plus particulière- sur le 3^ Elles sont sphériques, blanches, à ouverture circu- laire un peu oblique entourée d'un cercle corné occupant les trois quarts de leur hauteur. Elles ont de o"^™25 à 2™"^ ; celles du 3^ bras 2"^'" 5. Le cercle corné est limité par un anneau externe marginal et un interne profond ; entre les deux est une bordure en anneau, couverte de petits ornements polygonaux sur 4 rangs dans la région contiguë au pédoncule, 3 rangs plus haut, 2 rangs au-dessus, enfin un seul au sommet opposé au pédon- cule. Les ornements marginaux sont plus petits que les pro- fonds. Le cercle corné porte, en outre, des dents sur son tiers le plus éloigné du pédoncule; elles sont bases, plates, non denticulées, difficiles à distinguer. Les deux du milieu sont les plus nettes, les deux suivantes à peine distinctes, la 4^' presque invisible. On voit donc la faiblesse de cette dentition. Les tentacules, au contraire, sont robustes, charnus, beau- coup plus consistants et solides que les bras, pigmentés en rouge brique, marbrés; leur face buccale est légèrement aplatie ; une légère carène y est opposée qui aboutit au dos de la palette où elle se transforme. Il n'y a aucune ventouse sur la tige du tentacule. La palette tentaculaire est lancéolée ; sa face palmaire débute par 5 petites boutonnières avec 3 boutons sur un tentacule et inversement sur l'autre; les boutonnières sont de minuscules ventouses sessiles à cercle corné noir sans dents ; les boutons hémisphériques sont sans chromatophores ni pigment. La palette proprement dite débute au-dessus; plus de sa moitié inférieure est limitée par une membrane marginale, de chaque côté, constituée par une peau transparente à chromatophores, soutenue par une rangée de 7 ou 8 tigellcs de chaque côté. Dans cette partie il y a 4 rangées de grandes ventouses; au-dessus, dans la partie distale, il y a aussi 4 rangées de très petites ven- touses, mais elles ne sont pas dans le plan des premières ; la pointe de la palette se continue avec la carène dorsale et c'est sur le côté que sont placées les ventouses à angle droit avec (351) — ö celles de la base. Enfin, tout au bout de cette palette les 4 rangs de petites ventouses se séparent en deux puis se rejoignent, encerclant une petite surface ronde sans ventouses. On trouve la même disposition dans Thaumatolawpas. La crête dorsale de la palette, très forte, est l'accentuation de celle, très faible, qui suit la tige du tentacule. Les ventouses tentaculaires ont un long pédoncule couché contre la palelte, de sorte que la ventouse est reportée bien plus haut que l'insertion de sa tige. Les grandes ont i à 2 millimètres et les petites I huitième à i tiers de mil- limètre de diamètre. Leur cercle corné est très grand par rapport à leur partie charnue, brun sur fond orangé, portant un demi cercle de dents nettes, ai- guës, presque noires, cour- tes et basses; la plus grande dent se trouve juste en face d'une échancrure du bord de l'entonnoir. Chaque dent se continue par un épaisissement brun du cer- cle corné qui s'enfonce dans la cavité de la ven- touse. Le bord de l'enton- noir est très compliqué, strié d'innombrables peti- tes côtes saillantes, rayon- nantes, quelquefois bifides, aboutissant à un mince cer- cle périphérique. Sous les dents on remarque une ligne noire festonnée dont les saillies correspondent à leurs intervalles. La radula est petite, environ i.3'"™ de large; on y remarque surtout sa grande épine marginale; la médiane est à 3 pointes dont la moyenne est beaucoup plus grande. Si l'on ouvre le manteau sur la ligne médiane ventrale, on voit sur le complexe viscéral un photophore unique, impair et médian. Il est de grande taille, ovale, posé entre les branchies dans une boucle du rectum, sur la masse formée par le foie, Testomac et la poche du noir qui lui constitue un écran. Il est recouvert d'une cornée ovale, transparente, convexe, enchâssée dans le tégument blanc qui laisse voir la partie supérieure du réservoir à encre; à travers la cornée on distingue la masse jaunâtre du tissu photogène, de contour ovale, bordée d'un FiG. 2. — L'organe lumineux viscéral vu de face ; la paroi du manteau a été ouverte. Gross. 3. • cercle noir qui est probablement formé par le contour de la poche à encre. Je n'ai pas fait de coupes dans cet appareil, n'avant pas voulu le détruire dans cet unique échantillon. On peut remarquer que dans aucun autre Œgopside on n'a, jusqu'à présent, décrit un appareil photogène viscéral composé d'un unique foyer lumineux; il y en a toujours plusieurs sur la ligne médiane, on symétriques. Celui-ci est relativement énorme, puisque son grand diamètre vertical dépasse 4 millimètres et il remplace à lui seul tous les autres, beaucoup plus petits, dissé- minés sur le complexe viscéral, des Céphalopodes analogues, en particulier Thaiimatolampas où Chun en a décrit 7. Cette dispo- sition est donc tout à fait caractéristique de cette espèce et morphologiquement très curieuse. Le gladius a 55 millimètres de long; il présente une pre- mière dilatation peu accentuée qui occupe le tiers supérieur, puis une seconde en forme de cornet, beaucoup plus intéres- sante. Elle se termine enfin par une pointe courbée en avant très aiguë. En haut, elle se termine aussi en pointe, mais c'est simplement le bout du rachis qui est plat. Le rachis est plus large dans la partie correspondant à la dilatation supérieure que dans l'autre ; il constitue une carène au gladius entier qui est, dans son ensemble, légèrement incurvé vers la masse viscérale. Les deux lèvres du grand cornet se juxtaposent mais ne se sou- dent pas. C'est seulement au niveau de la pointe caudale qu'elles se fusionnent pour former un tout petit cul de sac à la suite duquel commence la pointe pleine, courbe, terminale. La partie dilatée du gladius correspond à la nageoire qui est très développée; le léger rétrécissement' entre le cornet et la dilatation supérieure correspond à l'échancrure de la nageoire. Ce gladius diffère assez sensiblement de celui de Thaiima- ioîampas qui n'a pas de pointe aiguë terminale, mais un bouton arrondi. Dans les deux espèces il n'y a pas soudure du cornet inférieur, mais seulement un petit cul-de-sac au-dessus du bouton ou de la pointe terminale. La pointe supérieure est arrondie chez Thatimalolampas, aiguë dans Cycloleuthis\ l'en- semble de l'organe est plus faible dans le premier génie que dans le second, ce qui correspond au développement de la nageoire. Cette courte description suffit à caractériser cet intéressant animal et à préciser ses rapports avec le genre TJiaiimatolam- pas. On en trouvera plus tard une série de figures dans la collection des Résultats des Croisières de VHirondelle II. (351) BuL[.ETiN DE l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) N° 352. — 20 Mai 1919. t J« • /" -^ "2- V . Révision des Scinidœ provenant des campagnes de S. A. S, le Prince de Monaco Par Ed. CHEVREUX Les Scinidœ de la Princesse-Alice ont déjà fait l'objet de deux notes publiées dans le Bulletin (n*^* 87 et 291). La récep- tion d'un certain nombre d'exemplaires d'Amphipodes de cette famille, échappés à un premier triage, me permet de donner aujourd'hui une révision complète des espèces provenant des campagnes de VHiRONDELLE^ de la Princesse-Alice et de V Hirondelle IL En dehors des formes précédemment décrites [Scina cia^vi- dactj'la Ed. Ch., S. incerta Ed. Gh., Acanthoscina maœocarpa Ed. Gh., y4. spinosa Ed. Gh.), j'ai depuis longtemps entre les mains quatre espèces nouvelles, représentées chacune par un ou deux spécimens seulement, et dont je remettais de jour en jour la description, espérant que les pêches de V Hirondelle H me procureraient d'autres exemplaires des deux sexes. Mon espoir ne s'étant pas réalisé, -je ne crois pas devoir tarder plus longtemps à donner une description succincte de ces espèces. Scina megameros nov, sp. Stn. 2854, 27 juillet 1909, lat. 44° o3' N., long. 5"4o'W., golfe de Gascogne, filet Richard à grande ouverture, 0-14 10 mètres. Un mâle non adulte, mesurant 12'"'" de longueur totale. — 1 Corps long de 5"^'", caréné au bord dorsal. Segments II et III de l'urosome coalescents. Yeux petits et ronds. Antennes I atteignant la longueur du corps, bord externe garni de petites épines, bord interne portant de longues soies. Antennes II dépassant de beaucoup la moitié de la longueur des antennes I et composées de sept articles. Gnathopodes I et II grêles et allongés, d'égale taille. Pro- pode plus court que le carpe dans les gnathopodes I, aussi long que le carpe dans les gnathopodes II. Dact^de grêle, atteignant le tiers de la longueur du propode. Péréiopodes I et II très grêles, ne dépassant que d'un quart FiG. I. — Scina megameros. — A, antenne II ; B, gnathopode I ; C, gna- thopode II ; D, E, ¥, G, H, péréiopodes I, II, III, IV, V; I, urosome, uropodes et telson. (X ig). la longueur des gnathopodes. Carpe des péréiopodes I dilaté dans sa partie médiane. Propode presque filiforme, n'atteignant que le tiers de la largeur du carpe. Dactyle petit. Péréiopodes III plus longs que le corps. Article basai attei- gnant la longueur de l'ensemble des articles suivants et portant des dents courtes et peu distinctes au bord antérieur et de longues et nombreuses dents (36) au bord postérieur; dent distale courte, à peine aussi longue que Tarticle ischial, armée d'une petite dent — 3 - au bord antérieur. Article ischial portant, une petite dent distale. Article méral deux fois aussi long que le carpe. Propode très grêle, coudé dans sa partie proximale et n'atteignant que la moitié de la longueur du carpe. Dactyle très petit. Péréiopodes IV atteignant les deux tiers de la longueur des péréiopodes III. Article basai portant une petite dent distale. Article méral beaucoup plus long que l'ensemble du carpe et du propode. Propode n'atteignant pas la moitié de la longueur du carpe. Dactyle petit, fortement courbé. Péréiopodes V beaucoup plus longs que l'article basai des péréiopodes IV. Carpe plus court que l'article méral. Propode un peu plus long que le carpe. Dactyle très petit. ßranclie interne des uropodes I beaucoup plus courte que le pédoncule, branche externe représentée par une épine grêle. Une épine un peu plus grande se trouve sur le bord interne de ces uropodes, au niveau de la branche externe. Bord externe denticulé. Branche interne des uropodes II atteignant à peu près la longueur du pédoncule, branche externe représentée par une courte épine. Bord interne de ces uropodes denticulé. Branche interne des uropodes III quelque peu plus courte que le pédoncule et fortement denticulée au bord externe, branche externe atteignant un peu plus des deux tiers de la longueur de la branche interne. Telson très petit, arrondi au bord distal. Espèce voisine de Scina crassicornis (Fabr.). Elle en diffère surtout par les proportions relatives des articles des péréiopodes III et IV. La grande longueur de l'article méral de ces péréio- podes est très caractéristique. Scina Alberti nov. sp. Stn. 2832, 21 avril 1909, lat. 43° 38' N., longit. 7°'32' E., au large de Monaco, filet Richard à grande ouverture, o-iooo mètres. Une femelle. Corps long de 3'"'", opaque dans l'alcool, caréné au bord dorsal, la carène du dernier segment du métasome se prolon- geant en arrière pour former une petite dent. Segments II et III de l'urosome coalescents. Organes de vision non apparents. Antennes I très développées, aussi longues que le corps, encore ponctuées de rouge après un long séjour dans l'alcool, garnies de dents au bord externe et de soies, suivies d'épines, au bord interne. Antennes II rudimentaires. Gnathopodes I et II subégaux. Article basai beaucoup plus (352) — 4 — long que l'ensemble des trois articles suivants. Carpe un peu plus long que le propode dans les gnathopodes I, beaucoup plus court que le propode dans les gnathopodes II. Dactyle grêle, dépassant la moitié de la longueur du propode. Péréiopodes I et II subégaux. Article méral et propode d'é- gale taille, un peu plus courts que le carpe. Dactyle grêle, presq.ue droit, atteignant les deux tiers de la longueur du pro- pode. Péréiopodes III beaucoup plus courts que le corps, bien qu'un peu plus longs que les péréiopodes I et II. Article basai dépas- sant de beaucoup en longueur l'ensemble des articles suivants; bord antérieur lisse, sauf trois petites dents situées sur la grande FiG. 2. ■ — Scina Alberii. — A. bord dorsal du mëtasome; B, antenne I ; G, gnathopode I; D, gnathopode II; E, F, G, H, I, péréiopodes I, II, III, IV, V; J, urosome, uropodes et telson. (X 3o). dent distale, qui atteint quatre fois la longueur de Tarticle ischial, bord postérieur dentelé sur ses deux derniers tiers. Article méral et carpe robustes, d'égale taille. Propode forte- ment coudé dans sa partie proximale et atteignant à peu près les deux tiers de la longueur du carpe. Dactyle très petit, ovalaire, aplati, translucide. Péréiopodes IV aussi longs que les péréiopodes III. Article D — méral et propode d'égale taille, un peu plus longs que le carpe. Dactyle gtèle, un peu courbé, atteignant le tiers de la longueur du propode. Péreiopodes V relativement allongés, dépassant de beaucoup la moitié de la longueur des péreiopodes IV. Article basai aussi long que Tensemble des trois articles suivants. Article méral et propode d'égale taille, un peu plus longs que le carpe. Dactyle court, fortement courbé. Uropodes allongés. Uropodes I robustes, branche' interne beaucoup plus longue que le pédoncule et finement denticulée au bord externe. Uropodes II grêles, beaucoup plus courts que les uropodes I, branche interne beaucoup plus longue que le pédoncule et finement denticulée au bord interne. Branche externe, dans ces deux paires d'uropodes, représentée par une courte épine. Uropodes III atteignant un peu au-delà des uropodes I, branche interne un peu plus longue que le pédon- cule et fortement denticulée au bord externe, branche externe n'atteignant pas la moitié de la longueur de la branche interne. Telson triangulaire, atteignant le quart de la longueur du pédoncule des uropodes III. Espèce se rapprochant de Scina œdicarpus Stebb. et de S. Lamperti Vosseler par ses péreiopodes III, dont l'article basai dépasse en longueur Tensemble des articles suivants. Elle diifère de la première de ces deux espèces par son corps robuste et caréné, par le manque de dents au bord antérieur de l'ai ticle basai des péreiopodes III, par la longueur relativement grande des péreiopodes V et par la forme du dactyle des péiéiopodes III, IV et V. Elle diffère de Scina Lamperti^ entre autres caractères, par la grande longueur de ses antennes I et par la forme normale du propode de ses gnathopodes II. Je prie S. A. S. le Prince Albert P"" de Monaco de vouloir bien accepter la dédicace de cette espèce nouvelle, capturée par son yacht en vue des côtes de la Principauté. Scina pusilla nov. sp. Stn. 1794, 25 août 1904, lat. 3i° 46' N.; longit. 25° 00' W., entre les Açores et les Canaries, fosse de Monaco, filet Richard à grande ouverture, o-5ooo mètres. Un mâle adulte. Corps non sensiblement caréné, mesurant 2'"™ de longueur. Segments II et III de l'urosome coalescents. Organes de vision non apparents. Antenne I atteignant la moitié de la longueur du corps, bord externe portant quelques fortes épines, bord interne garni de longues soies sensitives. (352) Antenne II atteignant le double de la longueur des antennes l et comprenant onze articles. Gnathopodes I assez robustes. Propode un peu plus court que lé carpe. Dactyle long et grêle, atteignant les deux tiers de la longueur du propode. Gnathopodes II beaucoup plus grêles que les gnathopodes I. Propode plus long que le carpe. Dactyle atteignant un peu plus de la moitié de la longueur du propode. Péréiopodes I et II grêles, dépassant d'un tiers la longueur des gnathopodes IL Carpe et propode d'égale taille, un peu plus longs que l'article méral. Dactyle légèrement courbé, atteignant près de la moitié de la longueur du propode. l'^iG. 3. — Scina pusilla. — A, antenne I ; B, antenne II ; C, gnatho- pode I ; D, gnathopode II ; E, F, G, H, péréiopodes I, III, IV, V, ; I, urosome, uropodes et telson. (X 42.) Péréiopodes III atteignant à peu près la longueur du corps. Article basai presque aussi long que l'ensemble de l'article méral et du carpe, irrégulièrement crénelé au bord antérieur, armé de longues et nombreuses dents au bord postérieur ; dent terminale très courte, obtuse. Carpe beaucoup plus long que l'article méral et prolongé antérieurement par une dent arron- die. Propode aussi long que le carpe, mais beaucoup plus grêle, et légèrement courbé. Dactyle long, grêle, un peu courbé. Péréiopodes IV un peu moins longs que les péreiopodes III. "Article méral atteignant les deux tiers de la longueur de l'article basai. Carpe beaucoup plus court que Particle méral. Propode un peu plus long que le carpe. Dactyle très petit, crochu. Péréiopodes V relativement très allongés, atteignant près des deux tiers de la longueur des péréiopodes IV. Article méral et propode d'égale taille, un peu plus longs que le carpe. Dactyle petit, fortement courbé. Uropodes I très robustes. Branche interne un peu plus longue que le pédoncule. Branche externe relativement très allongée, atteignant près du quart de la longueur de la branche interne. Uropodes II atteignant un peu au-delà des uropodes I. Branche interne beaucoup plus longue que le pédoncule. Branche externe très allongée, atteignant le tiers de la longueur de la branche interne. Uropodes III dépassant un peu l'extrémité des uropodes II. Branche interne deux fois aussi longue que le pédoncule. Branche externe *atteignant les trois quarts de la longueur de la branche interne. Les branches de ces trois paires d'uropodes ne sont pas sensiblement denticulées. Telson étroitement triangulaire, atteignant près de la moitié de la longueur du pédoncule des uropodes III. Espèce caractérisée par sa petite taille et par la grande lon- gueur de la branche externe de ses uropodes et de son telson. Scina inermis nov. sp. Stn! 2016, 24 juillet 1903, lat. 35° i3' N., longit. 8° 06' W., au large de la côte occidentale du Maroc, filet Richard à grande ouverture, 0-1800 mètres. Un jeune mâle, une femelle. Mâle. — Corps long de 3'"'", assez obèse, lisse au bord dorsal. Segments II et III de Turosome nettement séparés. Antennes I très robustes, n'atteignant pas tout à fait la moitié de la longueur du corps, garnies d'épines au bord externe et de soies au bord interne. Antenne II gauche atteignant les deux tiers de la longueur des antennes I et comprenant sept articles. Antenne II droite beaucoup plus courte, composée de quatre articles seulement. (inathopodes I et II courts, subégaux. Article basai un peu plus long que l'ensemble des trois articles suivants, propode un peu plus court que le carpe dans les "gnathopodes I, de la lon- gueur du carpe dans les gnathopodes II. Dactyle grêle et droit, atteignant la moitié de la longueur du propode. Péréiopodes I et II robustes, d'égale taille, beaucoup plus longs que les gnathopodes. Article méral et carpe subégaux, un peu plus longs que le propode, qui est très grêle. Dactyle attei- gnant le tiers de la longueur du propode. • (352) Péréiopodes III beaucoup moins longs que le corps. Article basai atteignant à peine la longueur de l'ensemble de l'article, méral et du carpe, absolument lisse sur ses deux bords et terminé antérieurement par un petit prolongement obtus. Article méral et carpe d'égale taille. Propode grêle, coudé dans sa partie proximale et n'atteignant guère plus de la moitié de la longueur du carpe. Dactyle bien développé, atteignant plus du tiei-s de la longueur du propode. Péréiopodes IV beaucoup plus grands que les péréiopodes III et atteignant à peu près la longueur du corps. Carpe beau- coup plus court que l'article méral. Propode presque aussi long que le carpe. Dactyle manquant dans les deux péréiopodes. P'iG. 4. : — Scina inennis. ■ — A, antenne I ; B, antenne II ; C, gnatho- pode I ; l), gnathopode II ; E, F, G, H, I, péréiopodes I, II, III, IV, V ; J, urosome, uropodes et telson. (X 3o). Péréiopodes V très petits, n'atteignant que le quart de la longueur des péréiopodes IV. Article méral et propode beaucoup longs que le carpe. Dactyle petit. Uropodes courts et robustes. Branche interne des uropodes I quelque peu plus longue que le pédoncule, faiblement denti- culée au bord externe, fortement dentelée au bord interne. Branche externe représentée par une courte épine. Branche interne des uropodes II atteignant plus du double de la Ion- gueur du pédoncule et denticule'e au bord interne. Branche externe représentée par une petite épine. Branche interne des uropodes III un peu plus longue que le pédoncule et fortement dentelée au bord externe. Branche externe atteignant les trois quarts de la longueur de la branche interne. Telson triangulaire, atteignant le tiers de la longueur du pédoncule des uropodes III. Femelle. — De la taille du mâle et présentant les mômes caractères spécifiques et, en particulier, l'absence complète de dactyle aux péréiopodes .IV. Ne diffère du mâle que par ses antennes II rùdimentaires. Espèce différant de toutes les Scina connues par l'absence complète de dents à l'article basai des péréiopodes III et par le manque de dactyle aux péréiopodes IV. Seule, une espèce douteuse, -S\ longipes (Dana), aurait, comme 5. inermis, les trois segments de l'urosome séparés. DISTIIIBUTIONS GÉOliRAPHIOlE ET BATHYMÉTUIOIE Parascina Fovrleri Stebbing La femelle décrite par Stebbing (ii, p. 21, pi. II, B) prove- nait du golfe de Gascogne. Le croiseur Helga a pris un mâle de cette espèce dans Touest de l'Irlande, par 35o brasses (640 mètres) de profondeur, et le Thor (13, p. 17, fig. 5) a rencontré un jeune mâle dans des parages voisins (S.W. du cap Clear). La Princesse-Alice et V Hirondelle II om recueilli quatre mâles et dix femelles de Parascina Fowleri, au moyen du filet Richard à grande ouverture, dans douze stations de l'Atlan- tique, comprises entre 3i°o6' et 46° i5' de latitude N. et entre 7° 09' et 44° 55' de longitude W. Un des exemplaires ayant été pris à peu de distance dans l'ouest du détroit de Gibraltar (Stn. 2714 (i), 17 juillet 190S, lat. 35° 56' N., longit. 8° 00' W., 0-1400 ? mètres), on peut s'attendre à rencontrer tôt ou tard cette espèce en Aléditerranée. Elle n'a jamais été prise, jusqu'ici, dans les pêches de surface. Une femelle ovigère, de 7'""' de longueur (2), provient de la station 1794 (25 août 1904, entre les Canaries et les Açores, (i) Cette station, remarquablement riche en Scinidœ, en a procuré huit espèces : Parascina Fowleri, Scina crassicornis, S. stenopus, S. incerta, S. marginata, S. pacißca, S. Ratlrayi, S. borealis. (2) Sauf indications contraires, la longueur est toujours mesurée du bord antérieur de la tête k l'extrémité du telson. (352) — 10 — •fosse de Monaco, o-5ooo mètres). Une femelle capturée par V Hirondelle II dans Touest des Açores (Stn. 35 1 8) a encore le corps d'un rose vif, finement ponctue' de rouge, après un séjour de plusieurs années dans l'alcool. Une femelle de Parascina Forvleri^ prise le i3 août 1910 parle François-Arago dans l'Atlantique (lat. 47° 52' 10" N., longit. 41° 5i'5o" W.), par 25oo mètres de profondeur, sur un filin de bouée, fait partie des collections de Musée Océanogra- phique de Monaco (n° i()32-i3). (Don de M, le D'' Glatard.) Scina crassicornis (Fabr.) Cette espèce est commune dans l'Atlantique et dans la Médi- terranée. Sa présence dans l'océan Indien a été signalée par Bovallius et par A.-O. Walker. Pour des détails sur ses distri- butions géographique et bathymétrique, je ne puis que renvoyer au mémoire de Stephensen (13, p. 19 à 27, carte 2). Au cours des campagnes du Prince de Monaco, Scina cras- sicornis a été rencontrée dans dix-sept stations de la Méditer- ranée occidentale et dans trente-neuf stations de l'Atlantique, comprises entre 26° 37' et 43° 04' de latitude N. et entre 7° 02' et 66° 45' de longitude W.. Le nombre total des exemplaires obtenus est de cent-quatorze, le nombre dés mâles étant à peu près égal aux deux tiers du nombre des femelles. Tattersall (14, p. 7) a constaté, chez un exemplaire de la côte occidentale d'Irlande, la présence de quatre petites dents sur le bord antérieur de la- grande dent terminale de l'article basai des péréiopodes III. Beaucoup des jeunes exemplaires de Scina crassicornis (\UQ j'ai eus entre les mains possèdent une ou deux petites dents, semblablement placées. Un certain nombre de mes exemplaires, parmi lesquels un mâle adulte, de 14"-'" de longueur, portent une dent à l'extrémité de l'article basai des péréiopodes IV. Cette dent n'existe quelquefois que dans un seul des péréiopodes. Elle n'est jamais aussi saillante que chez Scina borealis G. O. Sars. Chez une femelle de 7""" de longueur, capturée par V Hiron- delle //dans la station 35 18 (17 septembre 191 3, lat. 38° 58' N., longit. 44° 55' W. , filet Richard à grande ouverture, 0-2000 mètres), le corps était d'un rose pâle et les antennes supérieures, d'un rose vif, après plusieurs mois de séjour dans l'alcool. Selon Stephensen, Scina crassicornis ne se trouve que très exceptionnellement dans des profondeurs de moins de 5oo mètres. Cependant, V Hirondelle a pris cette espèce à la sur- face, dans deux stations situées entre les Açores et Terre-Neuve (2, p. 121, sous le nom de S. cornigera M.-Edw). ha. Princesse- Alice l'a capturée à la surface dans une station de la Méditer- ranée occidentale et dans neuf stations de l'Atlantique. J'en ai — I I moi-même pris plusieurs exemplaires au haveneau dans la petite baie de la Garoupe (cap d'Antibes) et la M élit A en a capturé des exemplaires, au chalut de surface, au large de la côte d'Algérie. Enfin, M. Seurat m'en a envoyé quelques spéci- mens pris à la surface dans le port d'Alger. Scina Vosseleri Tattersall Cette rare espèce n'était connue que par le jeune mâle, long de 4""^', qui a servi à sa description (14, p. 7, pi. I, fig. i à 8), mâle capturé dans l'ouest de l'Irlande, par 7^0 brasses (1371 mètres) de profondeur, et par un autre exemplaire mâle, long de 7'""\ pris dans des parages voisins, au cours des pêches bathypélagiques du TiiOR. Les quatre exemplaires de la Princesse-Alice, qui sont des femelles, ont été capturés beaucoup plus au sud (Sth. 2194, 3o août 1905, lat. 89° 36' N., longit. 26^^ o5' W., filet Richard à grande ouverture, o-25oo mètres. Une femelle de 8""" de longueur. — Stn. 2200, 3i août 1906, lat. 39° 44' N., longit. 28*^ 2 3' W., filet Richard à grande ouverture, o-i5oo mètres. Une femelle de 8'"'" de longueur, dont les lamelles incubatrices sont extrêmement développées. — Stn. 2870, 5 août 1909, lat. 43^04' N., longit. 19^42' W,, filet Richard à grande ouverture, o-i5oo mètres. Deux femelles, dont la plus grande atteint 9"^'° de longueur.) Ces femelles ne diffèrent du mâle que par leurs antennes II rudimentaires. Scina stenopus Stebbing Stebbing (10, p. 354, P'- LU, A) a décrit cette espèce d'après deux femelles prises sur la côte d'Afrique, au large de Sierra Leone, par 100 brasses (i83 mètres) de profondeur. Garbowski (5, p. 71, pi. I, fig. i, pi; VII, fig. iio à 114, et pi. .IX, fig. ii5à 124) a décrit la même espèce sous le nom de Scina Chuni [\. Stebbing, 11, p. 23), d'après trois, exemplaires capturés en Méditerranée, au nord de la Grande Syrte et près de l'île de Zante, par 200 à 3oo mètres de profondeur. Le National a recueilli quatre femelles de Scina stenopus dans trois stations de la mer des Sargasses, entre o et 400 mètres de profondeur, et dans une station du courant de Guinée, par la profondeur de 400 à 600 mètres. Cette espèce n'a été trouvée, ni par le croiseur Helga, ni par les Expéditions danoises. Au cours des campagnes du Prince de Monaco, Scina stenopus n'a été rencontrée que dans l'Atlantique, où le filet Richard à grande ouverture et le filet Bourée en vitesse l'ont Î352) capturée dans vingt et une stations comprises entre 27" 43' et 46° i5' de latitude N. et entre 8° 00' et 42° 40' de longitude W. Quarante-trois exemplaires ont été obtenus : vingt et un mâles, vingt-deux femelles. Chez un mâle adulte de la station SoSg, les antennes II atteignent la longueur des antennes I. Une femelle ovigère de la station 2714 (17 juillet 1908, lat. 35° 56' N., longit. 8° 00' W., filet Richard à grande ouverture, 0-1400? mètres) mesure 16'^'" de longueur totale. Scina œdicarpus Stebbing Le jeune mâle décrit par Stebbing (10, p. 356, pi. LU, B) avait été pris par le Buccaneer dans la même station que Scina stenopus. Stebbing a rencontré deux mâles et une femelle de cette espèce dans le plankton du golfe de Gascogne, recueilli entre o et i5o brasses (274 mètres) de profondeur; le croiseur Helga en a capturé un exemplaire dans Touest de l'Irlande, par h profondeur de 400 brasses (732 mètres). Un seul exemplaire de Scina œdicaiyus a été pris par la Princesse-Alice (Stn. 1549, 6 septembre 1903, golfe de Gascogne, lat. 46° 3o' N., longit. 5° 5o' W., filet Richard à grande ouverture, o-i5oo mètres). C'est un mâle presque adulte, ses antennes inférieures étant déjà coudées, bien que le tiagellum soit encore court. Il n'atteint pas tout à fait 4'"'" de longueur. Scina curvidactyla Chevreux Aux quatre stations mentionnées dans ma note précédente (4, p. 3, fig. 2), il faut ajouter la station 2269, entre le Portugal et les Açores, lat. 37° i3' N., longit. 19° 10' W., filet Richard à grande ouverture, o-3ooo mètres. Quatre jeunes exemplaires, dont le plus grand ne dépasse pas 4"^"^ de longueur. Cette espèce a donc été rencontrée par la Princesse-Alice dans trois stations situées au large de la côte du Portugal et dans deux stations de la Méditerranée occidentale, situées, l'une, au voi- sinage du cap Palos, près Carthagène, l'autre, à l'est de Minorque. Les exemplaires ont tous été pris au moyen du filet Richard à grande ouverture. Une seule femelle, semblant adulte, a été obtenue. Elle mesure ô'""^ de longueur et ne diffère du mâle que par ses antennes inférieures rudimentaires. Le Thor a capturé un mâle de Scina curvidactyla dans le détroit de Gibraltar, au cours d'une pêche bathypélagique. Scina incerta Chevreux Aux cinq stations mentionnées dans ma note précédente (4, p. I, fig. i), il faut ajouter les stations : 2092, à l'ouest des Canaries, lat. 28° 5o' N., longit. 40*' 14' W., filet Richard à grande — i3 - ouverture, o-i5oo metres. Un jeune male de 5'""^ de longueur. — 2194, parages des Açores, lat. 39° 36' N., longit. 26*^ od' W,, filet Richard à grande ouverture, o-25oo mètres. Un mâle adulte, long de 6"'"^, 5. — 35i(S, dans l'ouest des Açores, lat. 38° 58' N,, longit. 44° 55' W., tîlet Richard à grande ouverture, 0-2000 mètres. Deux femelles, dont la plus grande atteint 7"^"' de longueur. Cette espèce, dont onze exemplaires des deux sexes ont etc obtenus, en y comprenant le mâle capture par V Hirondelle dans l'Atlantique, par i3oo mètres de profondeur, au moyen du filet à gouvernail (2, p. i23, pi. XIV, fig. 9 et 12), n'a jamais e'té rencontrée en dehors des campagnes du Prince de Monaco. Scina marginata Bovallius (= Scina submarginata Tattersall) Tattersall (14, p. 12, pi. II, fig. i à 8) a décrit, sous le nom de Scina submarginata^ une forme de l'ouest de l'Irlande qui différerait de Scina niai^ginata par l'absence d'une dent distale au propode des gnathopodes et par les proportions relatives du pédoncule et de la branche interne des uropodes, ce pédoncule étant plus long que la branche chez l'espèce nouvelle, alors qu'il est plus court que la branche chez Scina mai^ginata. Ce dernier caractère n'est pas valable puisque, chez la Sci?ia marifinata bien typique capturée par V Hirondelle [2.^ p. 122, pi. XIV, fig. 8 et pi. XV, fig. i), le pédoncule des uropodes est beaucoup plus long que la branche interne. Quant au prolon- gement distal du propode des gnathopodes I, l'examen des nombreux exemplaires obtenus par la Princesse-Alice m'a montré qu'il variait avec l'âge de ces Amphipodes. Chez une jeune femelle de 2'"'", 5, de longueur, de la station 2082. et chez une jeune femelle de 3"^"% de la station 2885, ce prolongement est à peine sensible. Il n'existe pas chez un jeune mâle de 2""^, 5, de la station 2i85. Chez un jeune mâle de 3"'"\ 5, de la station 2149, l'un des gnathopodes. I présente un prolongement obtus, tandis que le propode de l'autre n'est pas prolongé. A partir de la taille de 4""", 5, la dent du propode des gnathopodes I est bien accentuée. Ij en est ainsi, en particulier, chez un mâle adulte de la station 2876, dont les antennes II atteignent le double de la longueur des antennes I. Chez tous les exemplaires obtenus, le pédoncule des uropodes est plus grand et généra- ralement beaucoup plus grand, que la branche interne. Scina marginata est assez répandue dans la Méditerranée et dans l'Atlantique nord. Elle a été; prise au sud de l'équateur par le National. Il est remarquable que la Princesse-Alice et V Hirondelle H n'aient jamais rencontré cette espèce en (352) — '4 — Méditerranée alors que les Expéditions danoises Tont prise dans une seule station de l'Atlantique et dans treize stations de la Méditerranée. Au cours des. campagnes du Prince de Monaco, cette espèce a été rencontrée dans dix sept stations de l'Atlantique, comprises entre 26° 07' et 47" 38' 3o" de latitude N. et entre 5" 40' et 58° 23' de longitude W. Elle a été prise à la surface dans trois de ces stations (Stn. 520, 22 juin 1893, lat. 38° 32' N., longit. 16° 36' W., chalut de surface. Un niàle. — Stn. 8i5,io juillet 1897, lat. So» 47' N. longit. 24" 53 W., chalut de surface. Une femelle. — Stn. 35o6, au large de New-York, lat. 39° 59' N., longit. 58° 23' W., filet fin étroit. Une femelle). Vingt-deux exemplaires ont été obtenus : neuf mâles, douze femelles, et un jeune exemplaire, de sexe douteux. Le plus grand mâle atteint 5"^'", la plus grande femelle, 4'°"% 5, de longueur. Scina pacifica (Hovallius) Bien que cette espèce ait une distribution géographique très étendue, on n'en connaissait, jusqu'ici, que peu d'exemplaires. La femelle décrite par Bovallius avait été trouvée dans le Paci- fique, sur la côte du Nicaragua. Une femelle ovigère a été prise par le Buccaneer au sud du golfe de Guinée. Le National^ qui a capturé cette espèce dans une station de la mer des Sargasses et dans deux stations des parages de l'équateur, en a obtenu seulement quatre exemplaires. Le croiseur Helga en a pris deux exemplaires, un mâle et une femelle, dans l'ouest de l'Irlande. Enfin, les Expéditions danoises ont recueilli une femelle ovigère dans le détroit de Gibraltar et un mâle, dans la Médi- terranée orientale, entre la Grète et l'Egypte. La Princesse- Alice a obtenu Sema pacißca dans dix sta- tions de l'Atlantique nord et le nombre des exemplaires recueillis est de dix-neuf : cinq mâles, quatorze femelles et jeunes. Les stations sont comprises entre 26° 37' et 39° 44' de latitude N. et entre 8° 00' et 42° 40' de longitude W'. Un mâle et quatre femelles, dont deux femelles ovigères, proviennent de la station 2i53 (21 août 1905, S.W. des Açores). Un mâle adulte a été pris dans l'ouest du détroit de Gibraltar (Stn. 2714, lat. 35° 56' N., long. 8° 00' W., filet Richard à grande ouverture, 0-1400 ? mètres). Les péréiopodes IV de ce mâle portent une petite dent distale au bord antérieur de l'article basai. Cette dent, qui se retrouve chez certains exemplaires de S. C7^assicornis et de S. similis, et qui est, tantôt très accentuée, tantôt à peine visible chez S. Rattf^aj'i, semble de nulle valeur comme caractère spécifique. Cette espèce n'a jamais été prise au cours des pêches de sur- face. Les mâles adultes et les femelles ovigères mesurent 4™'" de longueur. Scina similis Stebbing On ne connaissait que deux exemplaires authentiques de cette rare espèce. La femelle qui a servi à sa description (lo, p. 302, pi. LIV, A) a été prise par le Buccaneer dans l'Atlan- tique sud, au voisinage de Téquateur, par 5o brasses (91 mètres) de profondeur, et le Thor a capturé un mâle en Méditerranée, dans le détroit de Messine. Lo Bianco assimile avec doute à cette espèce une Scina provenant des parages des îles Lipari. La Princesse-Alice a recueilli Scina similis^ au moyen du filet Richard à grande ouverture, dans deux stations de l'Atlari- tique nord (Stn. 2022, lat. ?4° 02' N., longit. 12° 21' W., 0-4000 mètres. Un jeune mâle de 3"^'", 5 de longueur, une femelle longue de 3'^"\ — Stn. 21 53, lat. 35° 04' N., longit. 32° 11' W., 0-2000 mètres. Deux femelles longues de 3™™. Chez les exemplaires de la station 2022 et chez Tune des deux femelles de la station 21 53, le bord antérieur de Tai-ticlc basai des péréiopodes IV porte un petite dent distale. Scina Concors Stebbing Cette espèce, décrite par Stebbing (10, p. '360, pi. LUI, B) d'après un mâle adulte pris par le Buccaneer un peu au sud de Téquateur (lat. 4° 26' 07" S., longit. 10° 01' 08" E.), par une profondeur de i35 brasses (247 mètres), n'avait jamais été retrou- vée depuis. La Princesse-Alice l'a capturée dans une station de l'Atlantique nord (Stn. 2092, lat. 28°5o'N., longit. 40° 14' W., filet Richard à grande ouverture, 0-1 5oo mètres. Un mâle adulte). Le telson de ce mâle est tronqué à l'extrémité, comme chez l'exemplaire décrit par Stebbing, et porte deux petites épines distales. Scina Rattrayi Stebbing Cette espèce, décrite par Stebbing (10, p. 338, pi. LUI, A), d'après une femelle capturée par le Buccaneer dans la même station que Scina concords, est assez répandue dans l'Atlantique nord. Le National l'a prise dans une station de la mer des Sargasses et dans sept stations situées entre la latitude de 5°,oi' S. et 12°, o3' N. Stebbing en a rencontré un exemplaire dans le plankton du golfe de Ciascogne. Elle semble très répandue dans l'ouest de l'Irlande, où VOceana, le croiseur Helga et le Thor l'on capturée dans de nombreuses stations. En Méditerranée, (352) Lo Bianco a signal.e sa presence aux environs de Capri, entre le cap Corse et Monaco et dans les parages des îles Lipari. Scilla Rattraji a été obtenue par V Hirondelle et par la Princesse-Alice dans vingt-trois stations de l'Atlantique nord, comprises entre 27*^ 04' et 47^02' de latitude N. et entre 8° 00' et 42° 40' de longitude W. La Princesse-Alice en a pris un exemplaire en Méditerranée, au nord de la Corse (Stn. 2001, 20 avril 1905, lat. 42° 58' N., longit. 8° 56' 3o" E., filet Richard à grande ouverture, o-i5oo mètres). Une femelle ovigère provient de la station 2875 (8 août 190g, à l'ouest du cap Finisterre, lat. 43° 04' 3o" N., longit. 19" 42' W., filet Richard à grande ouver- ture, 0-5700 mètres). Cette espèce a été prise une seule fois à la surface (Stn. 1755, 10 août 1904, lat. 29°57'N., longit. 17° 20' W., filet fin en vitesse. Deux femelles). Le nombre des mâles recueillis est sensiblement égal à celui des femelles. Les mâles adultes atteignent jusqu'à 6™"^ de lon- gueur. Scina borealis (G. O. Sars) Cette espèce, décrite par G. O. Sars d'après des exemplaires provenant des parages des îles Lofoten, a été retrouvée depuis sur les côtes occidentale et méridionale de Norvège. Le Fram l'a prise dans l'océan Arctique, par 80" de latitude N. et i34° de longitude E. Le Rink en a recueilli un exemplaire (,ians un fjord du sud du Groenland. Elle est commune dans l'Atlan- tique nord et dans la Méditerranée. A.-O. Walker a signalé sa présence dans l'océan Indien. Pour plus de détails sur ses dis- tributions géographique et bathymétrique, je ne puis que ren- voyer au mémoire de Stephensen (10, p. 3o). La Princesse-Alice et VHirondelle II ont rencontré Scina borealis dans cinquante-six stations de l'Atlantique nord et dans dix-neuf stations de la Méditerranée occidentale. Les stations de l'Atlantique sont comprises entre 26° 37' et ^6° 48' de latitude N. et entre 4° 38' 3o" et 44° 55' de longitude W. En Méditerranée, la limite orientale des stations est 8° 56' 3o" de longitude E. Cette espèce a été trouvée à la surface dans quatre stations de l'Atlantique (Stn. 430, 6 juillet 1894, lat. 34'* 41' N., longit. 8° 10' W., chalut de surface, 17 exemplaires. — Stn. 520, 22 juin 1895, lat, 38° 32' N., longit. 16'' 36' W., chalut de sur- face, I exemplaire. — Stn. 81 5, 10 juillet 1897, lat. 3o'' 47' N., longit. 24" 53' W., chalut de surface, 3 exemplaires. — Stn. 1872, II septembre 1904, lat. 37° 35' N., longit. 24° 40' W., filet fin en vitesse, 1 exemplaire). Le nombre des mâles recueillis est sensiblement égal à celui des femelles. Chez les mâles très adultes, le troisième article des antennes II est fortement renHé dans sa partie distale. Les plus grands mâles atteignent 8""^^ et les plus grandes femelles, ç^nm ^Q longueur. Scina uncipes Stebbing On ne connaissait que quatre exemplaires de cette rare espèce : Le jeune mâle qui a servi à sa description (lo, p. 363, pi. LIV, B), provenant d'une pêche du Buccasi:i:r dans l'Atlan- tique, par 7" 54' de latitude N. et 17" 23' de longitude W. , à 5o brasses (91 mètres) au-dessous de la surface, une jeune femelle prise par le National dans le courant sud-équatorial, par la profondeur de 5oo à 700 mètres, et décrite par Vosseler sous le nom de Schia sphiosa (v. Stebbing, 11, p. 23), une femelle capturée par le croiseur Helga dans l'ouest de l'Irlande, par 760 brasses (1371 mètres) de profondeur, et une femelle prise darxS les mêmes parages au cours des pêches bathypélagiques du Thor. La Princesse-Alice a recueilli Scina uncipes au large de la côte du Portugal (Stn. 2882, 10 août 1909, lat. 41° 29' N., longit. i5^ 44' W., filet Richard à grande ouverture, 0-2000 mètres. Une femelle de 5'"'" de longueur), l.' Hirondelle H a rencontré cette espèce. dans les parages de Madère (Stn. 3ii8, 10 août 191 1, lat. 32*^30' 3o" N., longit. 17° 00' W., filet Richard à grande ouverture, o-238o mètres. Un mâle adulte, long de 6™™). Scina lepisma (Chun) Chun a pris un mâle de cette espèce entre Tenerife et Canaria, Stebbing en a rencontré un exemplaire mâle dans le plankton du golfe de Gascogne (11, p. 27, pi. III, B) et le Thor a capturé un exemplaire du même sexe par 5i'^oo' de latitude N. et 1 1"43' de longitude W. La femelle de cette espèce restait donc inconnue. La Princesse-Alice a pris Scina lepisma dans quatre stations situées entre le sud des Canaries et lesAçores (Stn. 1768, 17 août 1904, lat. 27' 43' N., longit. 18" 28' W.," filet Richard à grande ouverture, o-3ooo mètres. Un exemplaire. — Stn. 1781, 21 août 1904, lat. 3i° 06' N., longit. 24^' 06' 46" W., fosse de Monaco, filet Richard à grande ouverture, o-5ooo mètres. Un mâle. — Stn. 2099, 11 août r9o5, lat. 3o°o4' N., longit. 42*^29' W.. filet Richard à grande ouverture, o-i5oo mètres. Un mâle. — Stn. 21 53, 21 août 1905, lat. 35" 04' N., longit. 32° 11' W.. filet Richard à grande ouverture, 0-2000 mètres. Lîn mâle). (352) — i8 — 'L'Hirondelle II a pris une femelle de Scina lepisma dans les parages de Madère (Stn. ?ii8, loaoût i9ii,lat. 32''3o"3o" N., longit. 17° 00' W., filet Richard à grande ouverture, o-238o mètres). Cette femelle mesure 3"^'" de longueur. Ses lamelles inctibatrices sont extrêmement développées, ce qui semble indiquer qu'elles avaient contenu récemment des embryo.ns. Elle ne diffère du mâle décrit et figuré par Stebbing que par ses péréiopod-es I,.dont le carpe, subégal en longueur à l'article méral et au propode, n'est pas glandulaire. Les péréiopodes II sont semblables à ceux du mâle. Acanthoscina acanthodes (Stebbing) Cette espèce a été décrite par Stebbing (lo, p. 352, pi. LI) d'après une femelle prise par le Buccaneer au large de la côte occidental d'Afrique, par 7° 54' de latitude N. et 17° 25' de longitude W., à 5 brasses (9 mètres) de profondeur. Le National en a obtenu sept exemplaires, tous femelles, dans six stations de l'Atlantique, situées dans les parages de l'équateur, au moyen de pêches verticales effectuées entre o et 5oo mètres de profondeur, et Vosseler a décrit cet Amphi- pode sous le nom âC Acanthoscina serrata (v. Stebbing, 11, p. 18). Le croiseur Helga a pris une femelle d'A. acanthodes' dans l'ouest de l'Irlande, par la profondeur de 750 brasses (1371 mètres). Les Expéditions danoises n'ont Jamais rencontré cette espèce au cours de leurs recherches dans la Méditerranée et dans l'Atlantique. La Princesse-Alice a capturé A. acanthodes dans neuf stations de l'Atlantique, comprises entre 27° 04' et 3730' de latitude N. et entre 1 7° 46' et 42° 29' de longitude W. Toutes les pêches ont été effectuées au moyen du filet Richard à grande ouverture. Les exemplaires obtenus, tous femelles, sont au nombre de onze. Le mâle de cette espèce reste inconnu. Acanthoscina macrocarpa Chevreux En dehors des stations 1849 et i85i, citées dans une note précédente (3, p. 2, fig.), cette espèce a été obtenue par la Princesse-Alice dans les stations suivantes, au moyen du filet Richard à grande ouverture : Stn. i856, 9 septembre 1904, parages des Açores, lat. 36" 46' N., longit. 26°4i' W., o-325o mètres. Deux femelles. — Stn. 2099, 11 août 1905, sud-ouest des Açores, lat. 30^04' N., longit. 42^29' W., o-i5oo mètres. Une femelle. — Stn. 2269, 14 septembre 1905, dans l'est des Açores, lat. 37" i3' N., longit. 19° 10' W., o-3ooo mètres. Un jeune mâle. — 19 - Cette espèce n'a jamais été rencontrée en dehors des cam- pagnes du Prince de Monaco. Acanthoscina spinosa Chevreiix Cette espèce n'est connue que par une femelle provenant de la station 2022 (4, p. 7, fig. 4). Scinld-öB des campagnes NOMBRE m Méditerranée occidentale : ST.ATIONS Atlantique' nord iMODE i)f Prnfondeur(I) Nombre de stations : PÈCHE Surface. Nombre de stations Nombre ! d'exemplaires Parascina Fon'leri Stebh. 12 1 2 14, cf et 9 Scina crJssico>'nis (Fabr.) 17 3'J 44 12 1 14, a' et Ç — tueganieros nov. sp. I I 0" — Vosseleri Tatt. 3 4$ -^ stenopus Stebb. 2 1 2 [ 43, (f et 9, — œdicarpus Stebb. I 1 0" ■ — Alberti nov. sp. l • ^9 : — curvidaclyla Ed. Ch. 2 3 5 I I , 0^ et 9 ; — incerta Ed. Ch. 9 9 1 1, c/ et 9 ^ — marginata (Bov.) 17 '4 3 22, a" et 9 — pacifica (Bov.) 10 10 19, 0^ et 9 t — similis Stebb. 2 2 4, cr^ et 9 — Concors Stebb. I I I cT — Rattrayi Stebb. I 23 2 3 I 46 0" et 9 — borealis G. 0. Sars 19 56 71 4 345, 0" et 9 — uncipes Stebb. 2 2 I a", I 9 i — lepisma (Chun) 5 5 5, a" et 9 — pusilla nov. sp. I I I cf — inennis nov. sp. I t 1 o^ I 9 Acanthoscina acanthodes (Stebb.) n 9 m9 — macrocarpa Ed. Ch. 5 3 9, a' et 9 — spinosa Ed. Ch. I I '9 i) Filet Richard à grande ouverture, filet Bourée en vitesse. (352) — 20 — En dehors des quatre formes nouvelles, on voit que dix- huit espèces connues de Scinidœ ont été rencontrées au cours des campagnes, alors, que le nombre total des espèces connues est de vingt-trois. Les cinq formes qui n'ont pas été retrouvées sont les suivantes : Scina longipes (Dana), du Pacifique, considérée comme « obscure » par Stebbing et que Vosseler assimile, avec assez de vraisemblance, à Scina Edivardsi Garb. [Scina crassicornis Fabr.) Scina Tulhergi (Bov.), du cap Horn, forme tellement voisine de S. pacißca (Bov.) que leur auteur n'est pas éloigné de consi- dérer cette dernière espèce comme une variété de la première. Scina Lamperti Vosseler, trouvée par le National dans trois stations situées entre l'équateur et 12° 18' de latitude N. Scina lalipes Stephensen, dont l'unique exemplaire connu a été pris par le Thor un peu en dehors de la baie de Cadiz. Scina Claiisi (Bov.), dont le type provenait du nord de l'Atlantique {Qo"" N., i5° W.), retrouvée par le National en assez grand nombre dans deux stations du nord de l'Atlantique, dans quatre stations de la mer des Sargasses et dans dix stations de l'Atlantique tropical. Il est surprenant que cette espèce n'ait iamais été rencontrée par les autres expéditions océano- graphiques. ADDENDA Pour compléter cette révision des Scinidœ^ je ne crois pas hors de propos de donner ici la description d'une nouvelle espèce de Scina prise par la Melita dans l'Atlantique et dans la Méditerranée. Scina Stebbingi nov. sp. Melita^ Stn. 3o6, 3o janvier 1890. Au large de la côte du Sahara, lat. 18° 5i' N., longit. 16" 49' W., chalut de surface, 5 heures du matin. Un jeune mâle, une femelle. — Stn. 702, 7 février 1902. Côte d'Algérie, de i à 3 milles dans le N. E. du cap de Garde, filet bathypélagique traîné à 20-25 mètres au- dessous de la surface, 10'' 20 "à 14'' 3o. Un jeune mâle, une femelle. Mâle (de la Stn. 702). — Corps long de 4"^"% ne portant pas de carène dorsale. Segments profondément délimités les uns des autres. Segnients II et III de l'urosome coalescents. — 21 — Antennes I atteignant un peu plus du tiers de la longueur du corps, absolument lisses, ne portant ni dents ni soies. Antennes II atteignant un peu plus du tiers de la longueur des antennes I et comprenant cinq articles. Yeux ovales, de taille moyenne. Gnathopodes I et II subégaux. Propode aussi long que le carpe dans les gnathopodes I, un peu plus long que le carpe dans les gnathopodes II. Dactyle atteignant à peu près la moitié de la longueur du propode. FiG. 5. — Scina Stebbingi. — A, antenne supérieure; B, antenne inférieure; C, gnathopode antérieur; D, gnathopode postérieur; E, F, G, H, péréiopodes 1, III, IV, V; I, urosome, uropodes et telson. (X40). Péréiopodes I et II robustes et allongés, subégaux. Carpe beaucoup plus long que l'article méral. Propode un peu plus court que le carpe. Dactyle petit, légèrement courbé. Péréiopodes III très robustes, un peu plus longs que les péréiopodes I et II. Article bas^l lisse sur ses deux bords, mais se prolongeant pour former une forte dent, qui atteint plus du double de la longueur de l'article ischial. Carpe un peu plus long que l'article méral et dilaté dans sa partie médiane. Pro- pode gix^le, courbé, beaucoup plus court que le carpe. Dactyle court, large à sa: base et terminé en pointe aiguë, fortement courbée. (352) 11 Péréiopodes IV à peine aussi longs que les péréiopodes I et II. Article méral et carpe robustes, d'égale taille. Propode un peu plus court que le carpe. Dactyle semblable à celui des péréiopodes III. Péréiopodes V plus grêles, mais presque aussi longs que les péréiopodes IV. Article méral et carpe d'égale taille. Propode un peu plus court que le carpe. Dactyle semblable à celui des péréiopodes III et IV. Uropodes robustes. Branche interne des uropodes I beau- coup plus longue que le pédoncule. Branche externe relative- ment allongée, un peu courbée, atteignant près du quart de la longueur de la branche interne. Uropodes II atteignant l'extré- mité des uropodes I. Branche interne beaucoup plus longue que le pédoncule. Branche externe courbée, n'atteignant guère que le cinquième de la longueur de la branche interne. Uro- podes III dépassant de beaucoup l'extrémité des uropodes I et II. Branche interne beaucoup plus longue que le pédoncule, qui est de même longueur que la branche externe. Uropodes des trois paires lisses sur leurs deux bords. Telson triangulaire, atteignant le tiers de la longueur du pédoncule des uropodes III. Femelle (de la Stn. 702). — ■ Longue de 3'"'", ne diffère du mâle que par ses antennes II rudimentaires. Les deux exemplaires de l'Atlantique, plus petits que ceux de la Méditerranée, mesurent un peumoins de 3'"'" de longueur. Les antennes II du mâle ne dépassent pas celles de la femelle en longueur, mais en diffèrent par leur aspect plus robuste et par leur forme courbée. Ces exemplaires s'écartent un peu de ceux de la Méditerranée par la présence de soies rares et courtes au bord interne des antennes I. Chez les exemplaires de l'Atlantique, le corps était rouge, les. appendices, d'un blanc rosé, les yeux, d'un rouge vif. Chez les exemplaires de la Méditerranée, le corps était d'un blanc opalescent, translucide, l'appareil digestif, d'un rouge corail, les yeux, rouges. Cette espèce se rapproche de Sciiia inennis par l'absence de dents sur les bords de l'article basai des péréiopodes III, mais cet article se termine par une dent longue et robuste chez l'espèce de Xsi Melita, tandis qu'il est à peine prolongé chez la forme de la Princesse-Alice. D'autre part, Schia Stebbbigi est bien caractérisée par la forme crochue des dactyles des péréio- podes III, IV et V et par la grai^de longueur des péréiopodes V, caractère qui la distingue de toutes les Scina connues, sauf de S. Lamperti^ bien différente, d'autre part. Je dédie cette espèce au savant carcinologiste Th.-R.-R. Stebbing, en témoignage de bien sincère amitié. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1. BovALLius (C), Contribution to a monograph of the Amphipoda Hyperiidea. I. K. Svensk. Vet.-Akad. Handlingar, XXII, n« 7. Stokholm 1887. 2. Chkvreux (Ed.), Amphipodes provenant des campagnes de /' « Hiron- delle ». Résuit, des campagnes scient, accomplies sur Son yacht. par S. A. S. le Prince Albert l^r de Monaco. XVI. Monaco lyoo. 3. Ghevreux (Ed.), Liste des k Scinidœ » de la « Princesse Alice » et description d'une espèce nouvelle. Bull. Mus. océanog. de Monaco, no 37, 20 mai igo5. 4. Ghevreux (Ed.), Sur quelques Amphipodes pélagiques nouveaux ou peu connus, provenant des campagnes de S. A. S. le Prince de Monaco. I. « Scinidœ ». Bull. Inst. océanographique, no 2C}i, 3o mai 1914. 5. Garbowski (T.), Hyperienartige Amphipoden des Mittelmeeres. I. Die « Sciniden ». Naturwissensch. K. Akad. der Wissensch. i III. 1896. (). Lo Bianco (S.), Le pesche pelagiche abissali eseguite dal Maia nelle vicinanje di Capri. Mitteil. Zool. Station zu Neapel. XV. uioi. 7. Lo Bianco (S.), Le pesche abyssali eseguite da F. A. Krupp col yacht « Puritan » nelle adiacen^e di Capri ed in altre località del Mediter- raneo. Mitteil. zool. Station zu Neapel. XVI. igo3. 8. Sars (G. O.), An account of the Crustacea of Norway. Hyperiidea. Ghristiania i8yo. 9. Sars (G. O.), The norwegian North-Polar Expedition 1 Sg3-i 8qG. Scientific results edited by Fridtjof Nansen. V. Crustacea. Ghris- tiania 1900. 10. Stebbing (Th. R. R.), Description of nine new species of Amphipodous Crustaceans from the tropical Atlantic. Trans, zool. Soc. London, XlII, part X, 1895. 11. Stebbing (Th. R. 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's Y' 'y. to 1 w N/ i-^ II ro to ro Iva ** CO ro -* o o C3 ^ II lO _ _ _ _ \ ts CO OO •j Oi 1 O O CS ^ ^ 1 p 1 " i Ol .^ CO ^>a — ^ \ ^ ^ ^ ^ ^ 1 p II C3 CO OO o Cî CD 1 .... 1 1 1 O -t ■p er 1 -^ o o o o M^ H- w 00 1 o o o o o ! CO CO 03 CO CO o o o o o r* (O «o (O /o 1 o o o 1 (O 1— — 1 . : . . . o lO r est plus grand que /, la correction (§ 14^ doit è i T est plus petit que /, la correction (§ 14) doit et ans la table des corrections ci-dessus, la deuxième d la troisième et la quatrième décimale) seulement, h 0»02öO reste 0°02. o o o o ex ^ -J -* 1 o o o o o 1 C-. o Ol Ol o' 0 o o o o 01 »t- 4- 4- CO o o o OO CO (O 1 . o CO — !^ o o ^ o o o o O eo CO oc 00 o o o o o ^J —3 Oi Ci OI o c" o 1 Ol 4.. >+• .... 1 !...._ i . _ <=> *J a« ÜI *>. w CO Î* r^ c^ o 1— o o o o o CO oc 00 .-J o o o 1 CÄ Ci Ol .... 1 1 . 1 c cn S 00 ^ ^ Gl Ol rf»- CO CO .- H- ~ h- o J'O 1— o o cc §s§ .... 1 1 . . . . 1 => OO ^B fo ^s f>o w «« H- o 5 OO 5 Ol o" h*^ oï ** p— o >— o o o 03 00 f^ ko Jns ro ^ 05 ►*»• o; »o K) ro 1— 1 ►-- NS )— O CO 00 -j c:i *>■ CO *\o . . 9 ->l w r* î>£ (>s o S N) ÎC kc Ks ü' fc** CO J-Ü o H- H- I-J H- fc— CO 00 -J Ot rfk 0.10 .11 .13 ^ OJ 05 CO ôi il- CO h- O rc (NC »xt rc ko CO -j Ci n^ CO ko kt ►— — ^ p— o CD ^t Ol 0.11 .13 .14 CD CO CO CO w -/; -.) Ol CO ?>0 (o l\0 )— ' >— ■ h4- ^0 1— CO -3 s >+* ÖÖ IS3 . . .- 1 ..... 1 _ <=> 1». ►♦»- CO CO ^s o 00 ^> CO CO CO CO »^ ü' CO >— o cc N) hO f« 60 p— 1 o> tf- CO ^ CO -3 Cl, .4s. Ol CO o ies 0< n (T - l) _ o tre additionnée. re soustraite. éciniale est exacte ; elle a été augmentée d'une unité (en prenant en considération M-squ'on obtenait ainsi un chiffre pair, par exemple: 0°01öO devient 0<'02 ; mais ►fi. #. »p. rf». C5 *. ^s o CO CO CO CO CO 00 Oi H^ K; O IS ÎS $^ s J£ cc ^ Ol .... 4i- H^ 4^ 1^ CO -j O' CO It- CO CO CO CO 1— CO •>! O' CO ïu is b iï( b o 60 ^ H- O CO -J CO .... 1 1 ..... 1 o *> II 0 0) ü« ÜI »fs- rf»- CO 1— «o -j H^ *. >*^ CO CO h*' ^ï o 00 Ci CO CO 60 e>0 60 60 »o >— 60 o 00 ö' tu Ol ü' 1 ^ cn ^s o 1 If^ 'rf^ i^ It» CO 1 00 Ol CO O 00 1 CO CO CO *-o ?o c. CO — CD Oi 0.19 .21 CJl 1 o o> Ol Ol O' O' 1 1— QC O CO 1 O' »fe. *• H^ "»■ >— 00 Ol CO 1— «o CO CO CO ro 00 Cl CO o 00 60 60 60 OI CO o .... 1 . ... 1 1 . >.J Gl Oi ü< üi 1 CJI <* to -3 1 O^ cn 4^ rfi. kf^ 1 4^ I-. «C CS CO 1 ê ^ 0=1 ^ ë 65 66 60 -1 4- 60 . . 1 1 . . . . 1 . o OO 0> 0> Ci o> 1 CO o CO o 1 CT» Ol Ol H^ >*^ 1 ^ H^ H- CO Ol 1 H* kt» CO 00 00 CO o ^1 Hi- ►-- fO 60 60 CD C7l CO o CD c -J Oi 05 CS <* îc o CO s 3 ^ s è h*.. h4^ CO CO CO Ol <\0 CO C: CO CO 60 (« o -3 4^ .... 1 1 1 - - == 1 ro o -1 ^> -J Ol 1 C5 CO O -1 1 Ci Cl en Ol ot CO o -) *>. H- 1 rfi. .ti. 4. CO CO 00 1*- — 00 Ol CO 60 68 60 CO ÜI 1 1 o IS3 00 ^ -1 -7 O -J CO o , Cl Ci Ci O' O' 1 -J' CO o -3 CO 1 O' »*». M.' »b. CO 1 O -1 CO o ^ 1 CO CO 60 00 o -3 .... 1 ..... . 1 1-^1 63 lO 00 CC --J -3 1 H- O -} CO 1 -J Ol Cl tu O' 1 o Cl CO CO c. 1 Ot 4^ 41- >».. CO 1 60 CO CIi 6S 00 1 00 CO 60 01 »— 00 .... 1 1 1 . . o 1 CO 00 00 00 ^ 1 OC 4- O ^ 1 -3 Cl Cl Cl Ol I CO CO Ol 60 00 1 OI Ol M^ >to. N^ 1 OI — -3 M- O 1 CO OO 60 CO CO CO .... 1 1 . . . . 1 . o 1 ro 2g2£§ 1 -> -3 Ci en Cl 1 Ci i*; CO Ü1 H- 1 Si a ëJ è fê 1 ^Sfg .... 1 .... ; 1 . . . . 1 . o 1 NO Ol ^23g 1 .-.J -.3 .-J Cl Oi 1 CO CJl >— -J 4i. 1 c. Ol c;i »f^ *. 1 O Oi 60 oc Oi. 1 ►*>- CO CO 1 O Oi 60 1 .... 1 ..... 1 i . o 1 lO a> g S2S5 1 OO ^ ^ ^:» Cl 1 CO oc H- o o; 1 Cj 01 Ol ÜI ito. 1 60 oc 4- O O- 1 ^^^ 1— 1 1 1 o ' M OD s s 2£ 8 1 Qp 00 -J ^ Ol 1 Ol H- -j CO CO 1 C^l OS CJl 0" rf>. 1 pt^ O Ol >— ^3 1 l4^ CO CO CO CO 4^ 1— ~ _ 1 1 1 o O O CO «O 1 _^„.^o_ oc co_ 1 a; 00 00 ~3 -1 i CO >f- o c. 1— i ^x?è^^^\ 't h k ll Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 355. — 20 Juin 1919. / J» / " H Un poisson nouveau pour la Méditerranée. par J. COTTE. L'étude de nos faunes marines a été p.oussée assez loin, dans les régions qui avoisinent nos laboratoires, et spécialement en ce qui concerne les animaux volumineux comme les poissons, pour que la découverte d'une espèce de poisson nouvelle pour une de ces régions puisse être considérée comme un hasard heureux et soulève des problèmes qui méritent de fixer l'atten- tion. Le 28 avril 1919, des pécheurs au petit chalut (gangui), opé- rant dans les prairies de posidonies au large de Marseille, entre Montredon et l'île Maïre, ont ramené, mêlé aux rascasses [Scovpœna], un poisson qui leur était inconnu et qu'ils ont apporté au Laboratoire Marion. Là, le concierge a essayé, sans résultat, de faire vivre dans de l'eau de mer l'animal, dont les mouvements étaient encore vifs ; il l'a placé alors dans une solution de formol. C'est à ce moment que le poisson m'a été montré ; il était fort bien conservé et très frais. Il s'agit de Cottus bubalis Euphr. C'est un animal de l'Océan Atlantique, et plus spécialement des parties septentrionales de celui-ci. Si Le Danois (1) l'indique comme vivant jusque sur les côtes d'Espagne, Moreau (t. H, p. 3o5) dit qu'il est rare au- dessous de la Loire, excessivement rare' ou absent dans le Golfe de Gascogne. Les caractères sexuels de cette espèce ont été donnés par Le Danois (p. 77), et les renseignements descriptifs qu'il fournit complètent fort heureusement ceux de Cuvier et Valenciennes (t. IV, p. 121) et ceux de Moreau. L'individu que j'ai en mains est une femelle, longue de ii'^'", plus 2"^"^, 7 pour la nageoire caudale, avec une hauteur de tronc de 3*-'", 3. Les lames' bran- ( I ) Ed. Le Danois. Contribution à l'étude systématique et biologique des poissons de la Manche orientale. Thèses Fac. Se. Paris, igi3. A.q C. 10 P. 16 1 i'. .1/3 9 9-10 9-1 0 I i-i 2 I I - 1 2 i5-i6 i5-i6 1/3 1/3 chiostèges sont séparées, sous la gorge, par un intervalle de quatre millimètres ; c'est moins que ne l'indique Moreau, mais cela correspond bien au dessin de Le Danois. La plus grande des épines préoperculaires n'est pas recouverte par la peau, sur une longueur de plusieurs millimètres. L'animal a été ouvert: la glande génitale qui a été mise à nu était très aplatie et avait un aspect homogène. Comme les caractères sexuels sont ceux d'une femelle, il faut admettre qu'elle était loin de son époque de ponte. Le Danois indique une taille de o'" 10 à o™ 23 pour la femelle, et une période de ponte qui s'étend du 16 janvier au i'^'' avril, avec un maximum pendant les mois de février et mars. Cette espèce doit être assez polymorphe. Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer les dessins qu'en donnent Cuvier et Valenciennes (t. IV, pi. 78), entre eux d'abord, puis avec celui de Moreau et ceux de Le Danois. En ce qui concerne le nom- bre de rayons, les auteurs indiquent : Cuv. et Val. . . D. 8, 12 Günther 8, i 1-1 2 Moreau 8-9, i 2- 1 3 Le Danois.... 8-9, 12- [3 Soit, pour les dorsales, un total de 20 rayonsd'après Cuvier et Valenciennes, de 19 ou 20 pour Günther, de 21 sans doute pour Moreau et pour le Danois. Aussi n'ai-je pas attaché une grande importance au fait que j'ai trouvé 7 rayons seulement à la première dorsale et 12 a la seconde, soit un total de 19 (1). La caudale m'a donné i i grands rayons, avec deux très courts, un en haut, l'autre en bas. Les travaux scientifiques dont la zoolo'gie marine a été l'objet à Marseille témoignent suffisamment du soin avec lequel Marion et ses élèves ont exploré le golfe de Marseille. Après la mort de mon Maître, l'étude de la faune marine locale n'a pas été interrompue, si elle a été moins active. Les pêcheurs nous apportent assez souvent, au Laboratoire Marion, les animaux qui frappent leur attention et qu'ils croient susceptibles de nous intéresser. Aussi peut-on considérer comme assuré que C. bubalis n'est pas arrivé depuis longtemps dans nos eaux. Si son introduction s'était faite 5o ans plus tôt, il aurait été enregistré avec les autres Triglidés qui vivent dans notre golfe ; on aurait noté avec grand intérêt l'existence à Marseille d'une station de cette espèce, disjointe de la grande aire de dispersion dans l'Atlantique et qui aurait pu donner lieu à des dissertations sur les variations des faunes, sur les aires disjointes et sur la disparition des stations intermédiaires. F'ort heureusement, (i) Une deuxième femelle, qui m'est fournie après la rédaction de cette note, possède huit rayons à la première dorsale et i i à la seconde. La somme est encore 19. ' nous ne risquons pas de nous tromper, en ce qui concerne notre Cotliis. Nous avons certainement affaire à une espèce introduite, et sans doute à une espèce accidentellement introduite par l'homme. L'histoire des cas de ce genre n'est pas toujours facile à débrouiller. Pour les animaux qui sont transportés à l'état vivant, ou sous forme d'œuf, les facilités de déplacement sont évidemment très grandes. On sait qu'on a capturé à Marseille un moustique qui doit être le vecteur habituel de la lièvre jaune (i). Ce sont évidemment des navires qui nous l'apportent, et si ce Stegomyia avait- trouvé chez nous des conditions favo- rables à son développement, il ferait maintenant partie de notre faune. Dans le petit parc de l'Ecole de Médecine de Marseille, j'ai vu voler à maintes reprises des oiseaux exotiques, évadés du pont des bâtiments qui fréquentent notre port. J'avais émis aussi l'hypothèse d'un apport identique par navires (2) pour expliquer l'existence, près de l'Ecole de Médecine, d'une petite station isolée d'un Microlépidoptère, Pavapodia siiiaica (Frauenf.), jusqu'alors connu seulement du Sinaï et du Nord de l'Afrique. Dans ce cas j'avais tort, sans doute, car j'ai retrouvé, depuis, cet animal sur les bords de l'étang de Berre. Lorsque Darboux et Stephan (3) signalèrent l'introduction, dans les eaux du golfe de Marseille, d'une langouste ouest-afri- caine, Palinurus regius Capello, il fut facile de se rendre compte du mode d'importation de cet animal : les bateaux que Marseille envoie sur les côtes du Maroc et qui nous ramènent les produits de leur pêche, ont évidemment apporté chez nous la langouste africaine, soit que celle-ci se soit échappée des bateauxqui latrans- portaient, soit que desœufs fécondés soient tombés dans nos eaux. Une explication aussi facile ne peut pas être donnée pour C. biibalis. C'est, paraît-il, une espèce assez peu estimée pour l'alimentation de l'homme et, d'ailleurs, il ne se fait à Marseille aucune importation de poissons vivants de provenance océani- que. On ne peut guère admettre, non plus, que ce poisson soit venu de lui-même, à travers le détroit de Gibraltar. Celui-ci est ouvert depuis assez longtemps pour que les migrations spon- tanées d'espèces ne se fassent plus que très accidentellement au travers de lui, et sous l'influence de causes très spéciales. L'état d'équilibre entre les faunes de l'Atlantique et de la Médi- terranée est atteint depuis fort longtemps. D'ailleurs, si j'en crois les auteurs, Cottus biibalis doit être extrêmement rare ou manquer dans l'Atlantique, au niveau du détroit de Gibraltar, et la route est encore longue de Gibraltar à Marseille. (i) Aubert et Guérin. Note surla capture, à Marseille, d'un moustique du genre Stegotnyia. Réiin. Biol. Mars., in C. R.Soc. Biol., t. LX, p. I-Î79, igo8. (2) J. Cotte. Remarques au sujet de la dispersion de Pavapodia sinaica Frauenf. Réun. Biol. Mars., in C. R. Soc. Biol., t. LXV, p. 1 1 17, 191 3. (3) G. Darboux et P. Stephan. Capture de Palinuriens longicornes dans le Golfe de Marseille. FeznV/c J. iVaf., [IV' s.], t. 38, p. 16, 1907. . (355) — 4 — Il me paraît donc difficile de ne pas admettre qu'il y a eii transport fortuit, direct et rapide de l'animal, de l'Océan dans le golfe de Marseille, mais que ce transport a eu lieu sous forme d'œuf. Pour Le Danois, les C. biibalis semblent remonter légè- rement pour pondre, et déposent habituellement leurs œufs dans des crevasses, sous les pierres, dans la zone des Fucus. Je croirais volontiers qu'une femelle a pondu les siens contre un bateau qui avait grand besoin d'être nettoyé et qui nous les a apportés, abrités parmi la végétation parasite qui couvrait sa carène. En tous cas, il faut bien supposer que le Cotlus péché était né dans la broundo de posidonies, où il a été recueilli par le filet. J'ai déjà indiqué qu'une deuxième femelle, plus petite, morte, mais en excellent état de fraîcheur, a été livrée au Labo- ratoire par des pécheurs, le 17 mai. On ne peut compter sur un hasard aussi extraordinaireque celui qui aurait fait découvrir les deux seuls exemplaires présents dans notre golfe. D'autres individus vivent dans nos eaux, plus nombreux sans doute que ne le ferait croire la rareté des captures que je connais. Et nous sommes en droit de conclure que C. bubalis est une espèce récemment introduite et en bonne voie d'acclimatation chez nous. A ce titre, il sera intéressant de voir comment il va se comporter dans nos eaux, plus chaudes que celles des régions d'où il vient, et d'enquêter sur les divers points de biologie que cette introduction pourra soulever. (Travail du Laboratoire Marion.) BuLi.ETiN DE l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 356. — 3i Juillet 1919. il 7- l| > Ostracodes provenant des campagnes scientifiques de S. A. S. Albert 1^ Prince de Monaco. I. Diagnose d'un Cypridinide nouveau. Par L. GRANATA Subfam. CYPRIDININAE Gen. Crossophorus, G. Brady Grossophorus Grimaldii, n. sp. Gampagne de 1910: Stn. 2990, 18 août. Lat. 43° 46' 3o" N.; Lon. 9° 41' W. Ghalut 2320 m. — i exemplaire. Carapace du niàle (fig. 1) mesurant S"^'" de longueur sur ôiS*""^ de hauteur ; épaisse, très riche en concrétions calcaires ; presque régulière- ment ovale, avec le bord ventral un peu plus courbé que le bord dorsal; bord postérieur ar- rondi; rostre petit, avec l'extrémité ventrale aiguë ; incisure courte, étroite, arrondie. La forme de la carapace est très semblable à celle j ^ , Fie. I. — Carapace. de L rossophoriis Imperator Brady, comme le sont d'ailleurs toutes les espèces du 2 — genre. Les dimensions sont presque les mêmes que celles de C. Imperator, tandis que C. gibber G. -W. Müller, et C.africaniis Stebbing ont une longueur respectivement de 4 et de i5,5"^'". Première antenne (fig. 2) avec un nombre considérable de soies aux seg- ments 2-4 ; le deu- xième segment porte environ 10 soies sur le bord dorsal et 5 sur le bord ventral ; le troisième respec- tivement 1 1 et 5 ; le quatrième, 5 et 4. Dans le premier seg- ment on note la présence d'une grosse glande (fig. 2, gl) qui s'étend par toute sa longueur. Endopodite de la 2'^ antenne (fig. 3) normal; une des nombreuses soies du 2'^ segment dépasse toutes les autres en lon- Première antenne gueur Fig. 4. — Organe frontal. Organe frontal (fig. 4) petit, conique, sans pigment, tel que Ta décrit Müller (i) chez Cj^os- sophorus africaniis. On retrouve aussi les intéres- sants organes (fig. 5) qui représentent dans ces formes les yeiw latéraux. Furca (lame droite) avec 23 épines, qui sont, comme dans tous les représentants du genre, de deux sortes ; les unes (épines principales) grosses et raides ; les autres (épines secondaires) plus faibles. Les épines principales ont (fig. 6) la position : i, 2, 6, 10, i3, i5, 17. La première est à peu près de i/3 plus courte que la 2^; les autres sont graduellement plus courtes et moins épaisses. Fig. 3. — Endo- podite de la 2" antenne. Fig. 5.— Œil latéral. (i) Ergebn. Tiefsee Exped. Ostracoda, 1906. — 3 — Entre la 2^ et la 6* se trouvent deux épines secondaires de dimensions décroissantes, et une troisième, presque la moitié plus courte que la 6% très faible, sétiforme ; entre la 6" et la Fia. G. F lire a. lo'^, trois épines dont l'une, médiane, (la 8^) plus longue et plus épaisse que les deux autres; entre la 10^ et la i3^, deux épines de dimensions décroissantes ; une seule épine entre la i3* et la i5^ et entre la 1 5^ et la 17^ ; la 18® et suivantes sont petites et sétiformes. La lame droite porte 25 épines dont les principales sont les I, 2, 5, 10, 14, 17, 19. Entre la 2^ et la 5^ deux épines secon- daires de dimentions décroissantes ; entre la 5" et la 10^ quatre épines dont les deux médianes (la 7^ et la 8*^) semblables aux (356) - 4 — précédentes, les deux autres faibles, sétiformes ; entre la lo^ et la 14^ trois épines dont Tune, médiane (la 12"), plus longue et plus raideque les deux autres. Deux épines de dimensions décrois- santes entre la 14*^ et la 17^; une seule épine entre la 17^ et la \g^. Malheureusement, je ne possède de cette espèce qu'un seul exemplaire, ce qui rend impossible de déterminer la portée de cet intéressant phénomène d'hétéromorphisme. Les épines de la furca se comportent dans les différentes espèces, comme l'indique le schéma suivant : Epines principales Nombre total des épines C. gibber 19" C. inperator 20 C. africanus 21 ^ 23 \ 25 c. Grimaldii 2. D. 7. 9. II. 2. 5. 8. 1 1. i3. i3. 2. 3. 8. 10 (ou 1 1). 2. 6. 10. i3. i5. 17. 2. 5. 10. 14. 17. IQ. Le 3" Appendice thoraciqite (fig. 7) porte 40 -5o soies et montre, à son extré- mité un peu dilatée, une grosse dent à laquelle s'opposent trois appen- dices digitiformes. C Grimaldii se sépare de C. imperator Brady-, dont il est certainement très voisin, par les carac- tères de la furca et du 3^ appendice thoracique, qui porte, dans cette espèce, Fig- 7- — 3° Appendice thoracique. • • ^^ ^a ■^ . ' environ 20 soies, et pré- sente à son extrémité une dent très longue et 6 appendices digi- tiformes. Les espèces connues de Crossophot^iis sont très peu répan- dues. C. imperotor a été trouvé sur les côtes orientales de la Nouvelle-Zélande et dans l'Atlantique Nord ; C. africanus, au Sud de l'Afrique ; C. gibber^ dans TArchipel xMalais. C. imperator et C. gibber sont, comme C. Grimaldii, des formes de mer profonde. Je prie S. A. S. Albert I'^'", Prince de Monaco, de vouloir bien agréer la dédicace de cette espèce. F'irenze. Laboratorio di Zoologia degli Invertebrati, 1919- d' Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 357. — 5 Août 1919. jfÀ f'- i » Marche des mines flottantes dans l'Atlantique Nord et l'océan Glacial pendant et après la guerre. Note (') de S. A. S. ALBERT, Prince de Monaco. 'Direction. — Les eaux de l'Atlantique nord sont fortement influencées dans le déplacement de leur masse superficielle, par le courant du « Gulf-Stream » dont j'ai étudie la marche il y a longtemps, au moyen d'une méthode expérimentale. Dans ce but, j'ai semé sur certaines régions de l'Océan un grand nombre d'objets en bois, en métal ou en verre construits de manière à flotter juste au-dessous de la surface pour être soustraits à l'action directe des vents, mais exposés à celle du courant qui entraîne la masse des eaux. Les flotteurs dont j'ai fait usage dans cette vaste expériencGL parcoururent l'océan »Atlantique pendant une vingtaine d'an- nées ; il en fut même rencontré dernièrement encore. Entre ces flotteurs et les mines flottantes employées pendant la guerre, il existe une analogie qui permet d'appliquer à leur marche des calculs semblables ; mais peut-être les mines, beau- coup plus massives, se déplacent-elles plus lentement. Or les mines flottantes exposent la navigation à un danger considé- rable qui se prolongera jusqu'à la fin de leur flottage. Et il est certain qu'un assez grand nombre d'entre elles s'est échappé des champs que formaient leurs mouillages. La guerre du Japon et de la Russie présente des exemples de catastrophes surve- (') Séance du 23 décembre 1918. nues par le fait de ces corps errants dont la lin des hostilités n'arrêta pas la marche. Comme il n'est guère possible, en principe, de retrouver les mines sur l'immensité de l'Océan, il faut, pour donner une sécurité relative aux navigateurs, étudier et signaler les parages vers lesquels un courant les dirige suivant leur point de départ. Mes longs travaux océanographiques me fournissent les éléments nécessaires pour résoudre cette question, et pour présenter la carte ci-jointe qui donne les résultats obtenus. Les mines parties de la mer du Nord peuvent errer le long des côtes française, belge, hollandaise, danoise, ou anglaise de ri^st, jusqu'à leur transport définitif dans les fjords de la Norvège. Celles qui sont parties de la Manche peuvent d'abord errer entre les côtes française et anglaise, sous l'influence des niarées ou de quelque tempête, mais elles finissent par entrer dans rOcéan, les unes poury suivre la marche du «Gulf-Stream» vers le Sud, les autres pour se joindre à celles qui sont parties des côtes et de la mer d'Irlande, et qui gagneront la côte de Norvège après avoir traversé l'océan Glacial. Les mines parties des côtes française, espagnole, portugaise et marocaine de l'Atlantique sont entrées dans la grande cir- culation océanienne, de même que celles qui seraient parties des îles Canaries, de Madère, des Antilles, des Bermudes ou des Açores Celte circulation est commandée par l'influence du « Gulf-Stream », et l'étude que j'en ai faite autrefois s'est mon- trée exacte pour la vitesse comme pour la direction. D'après mes recherches, les mines libérées sur la côte européenne et sur la côte afiicaine, depuis la Manche jusqu'à la hauteur des îles Canaries, après avoir marché vers le Sutb et bordé sans y tou- cher le nord des îles du cap Vert en s'inclinant à l'Ouest, sont progressivement entrées dans le courant equatorial. Dès lors et portées sur celui-ci vers l'.Aniérique, elles visitent les petites et les grandes Antilles ainsi que les îles Bahamas en bordant surtout la région. orientale de ces archipels. Toutefois, elles peuvent accidentellement pénétrer jusqu'à la côte de l'Amérique centrale, sans entrer dans le golfe du Mexique. Bientôt après, elles retombent dans le courant du « Gulf- Stream » à la sortie du golfe du Mexique, avec une tendance h se maintenir sur sa lisière orientale, ce qui leur permet de visiter l'archipel des Bermudes et de gagner celui des Açores. Dans la région centrale du tourbillon océanien formé par le « Guif-Stream » et dont l'axe OFcille quelque part vers le Sud- Ouest des Açores, le plus grand nombre de ces mines revenues des Antilles devra tournoyer indéfiniment d'après le régime qui règle la marche du flottage dans l'espace connu sous le nom de Mer des Sargasses. Après avoir flotté ainsi plus ou moins loin dans le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest de l'Archipel des Açores, mais sans dépasser beaucoup le bo° de latitude vers le Nord et le i 5° de latitude vers le Sud, sans pénétrer à l'Ouest dans le courant froid qui baigne la côte occidentale des Etats-Unis, mais en parcourant la plus grande partie de l'espace qui sépare les Açores du con- tinent européen, les flotteurs venant de l'Ouest et parvenus au large de la Manche, près de leur point de départ, se partagent deux routes. L'une, qui les mène vers l'Afrique, les fait rentrer et circuler indéfiniment dans le grand cycle du tourbillon océanien; l'autre les conduit vers le Nord-Est et les répand abondamment sur les côtes occidentales d'Angleterre et d'Irlande. Toutes les mines qui prendront ce dernier chemin se mêleront dans les fjords de Norvège avec celles venues de la mer du Nord, pour gagner l'océan Arctique vers le cap Nord et se voir détruites, sans doute, dès leur première rencontre avec des glaces. Quelques-unes qui auront quitté la côte d'Angleterre vers les îles Hébrides pour visiter l'Islande dispaiaitront aussi dans les glaces. J'ignore si, accidentellement, une ou deux mines revenant de l'Ouest pénétreront dans la mer du Nord par la Manche, cela est possible. Des mines qui auraient été posées sur la côte des États- Unis, seraient entrées dans le grand cycle de flottage après avoir été prises par le courant polaire étroit qui descend du Nord et longe cette côte jusque vers l'entrée du Golfe de Mexique. Vitesse. — Quant à la vitesse de translation d'objets tels que ces tnines, je la calcule ainsi que je l'ai fait jadis pour mes expériences de flottage, et voici ce -que j'en puis dire. Les mines sorties de la Manche pour entrer dans le tourbillon océanien sont descendues vers le Sud et ont gagné la côte espa- gnole vers le fond du golfe de Gascogne, en deux mois environ. De ces parages, elles ont doublé le cap Finisterre pour continuer à descendre vers le Sud le long du Portugal et du Maroc et pour (357) CARTE DE L'i MONTRANT LES RÉSULTATS DES RECHERCHES EXECUTEES PAR LE PRINC TIQUE NORD )NACO DE l885 A 1888 POUR ÉTABLIR LA DIRECTION DES COURANTS. — 6 — atteindre l'archipel des Canaries dix mois après leur départ de la Manche. Trois ans après ce départ, et sans compter quelque temps perdu par la traversée des Canaries, les mines ont franchi l'Atlantique dans une zone où se confondent le courant equa- torial, le courant du « Gulf-Stream» et celui que fait naître le vent alizé. Elles marchent alors à la vitesse de lo milles par 24 heures pour aborder en nombre considérable les Antilles : surtout l'archipel des Bahamas. Ces mines rejoindront enfin le le Continent européen, au large de la Manche, après im flottage de quatre années environ, tandis que, sur la seconde moitié de leur cycle, plusieurs de leurs groupes seront partis vers le Sud pour visiter les Bermudes, les Açores et Madère. Et les mines qui ne se détacheront pas, alors, du grand essaim parvenu devant la Manche pour monter vers les fjords de la Norvège après avoir enveloppé l'Irlande par l'Est et par l'Ouest, recommenceront un nouveau voyage autour de l'Atlan- , tique, sur la même piste que le premier. La vitesse moyenne calculée pour l'accomplissement d'un parcours de ce cycle par les mines, est de 5 milles par 24 heures. Les mines flottantes placées dans la Méditerrannce ne peu- vent se prêter à aucun travail permettant de prévoir leur marche, si ce n'est dans une très petite région située depuis Gibraltar jusqu'à la hauteur des îles Baléares et où les courants généraux apportent les eaux de l'Atlantique, tandis que des contre- courants les ramènent vers l'Ouest, de chaque côté, le long des terres de l'Espagne et de l'Afrique. Quant aux mines qui auraient été abandonnées sur la côte orientale des États-Unis, elles ont été prises par le courant froid qui va se perdre dans le « Gulf-Stream », vers son origine, à sa sortie du Golfe de Mexique, et par là elles sont entrées dans la circulation générale décrite ici. Avec cette étude, je montre les lignes principales des parcours les plus dangereux, mais je ne puis pas garantir la navigation contre quelques mines qui auraient été isolément entraînées en dehors par des tempêtes. D'autre part, les considérations que j'envisage ne garderont leur valeur que si des altérations impré- vues ne viennent pas modifier la flottabilité de ces engins. Conseils aux naî'igateurs. — Les mines flotterant peut-être longtemps sur l'Atlantique puisque mes flotteurs d'expérience _ 7 — l'ont fait pendant près d'un quart de siècle; et le meilleur moyen d'éviter leurs méfaits sera de naviguer autant que possible en dehors du cycle qu'elles doivent parcourir. Ce cycle les fera passer et repasser dans les archipels épars sur l'Atlantique; elles s'ag- gloméreront même autour des îles, attirées par une force spéciale et retenues plus ou moins longtemps par l'inlluence des marées et des courants locaux, jusqu'à ce que certains vents les re- poussent dans la circulation générale. Peu à peu seulement elles disparaîtront en explosant dans un choc produit par leur ren- contre avec une autre épave ou avec les rochers d'une côte. I.es régions les plus visitées par les mines peuvent être sommairement décrites ainsi : le fond et le sud du golfe de Gascogne entre Bordeaux et le cap Finisterre. La côte ouest du Portugal, celle du Maroc et l'archipel des Canaries, ainsi que Madère. L'espace compris entre la Manche et les Canaries est particulièrement dangereux parce que les vents dominants de cette partie de l'Atlantique exercent une certaine influence sur le transport de la couche superficielle des eaux et contribuent à repousser le iîottage de la haute mer vers ces côtes. Entre les Canaries et les Antilles, l'espace visité devient plus large; dans la mer des Antilles, la dispersion augmente et les destructions par la rencontre de récifs également. Le retour vers l'Europe des mines restantes se fait sur un chemin plus étroit jusqu'à l'archipel des Açores où le danger d'une collision est de nouveau sérieux à cause de l'accumulation du flottage qui s'y produira ainsi que dans la mer des Sargasses, parce que c'est la région centrale du tourbillon engendré par le courant du «Gulf-Stream» et le courant equatorial combinés. Les accumulations de mines flottantes, particulièrement accentuées au centre et sur la périphérie du cycle parcouru, ont été alimentées par un échap- pement continuel de ces objets pendant une période de quatre années. Les navires qui circulent entre l'Europe et les États-Unis trouveront leur plus grande sécurité au nord d'une ligne qui s'élève depuis l'entrée de la Manche jusqu'à 5o° de latitude nord, et en la suivant jusqu'à 3o° de longitude ouest (Greenwich), pour s'incliner ensuite vers la limite méridionale du Banc de Terre-Neuve. Les eaux chaudes venant d'Amérique vers l'Europe marquent bien la limite septentrionale du danger. D'un point de vue général, les navires qui circulent entre le (357) . sud de l'Europe et les États-Unis rencontreront leur plus grand risque au voisinage des côtes européennes et des archipels, jusqu'au sud des îles Canaries, et leur plus grande se'curité sur une ligne passant un peu au nord de Madère pour tangenter la limite sud de la merdes Sargasses. Du même point de vue, la région centrale de l'Atlantique nord, entre 32° et 43° de latitude nord, 24° et So'' de longitude ouest (Greenwich), présentera le plus de dangers. II n'est pas impossible, mais il est peu probable que l'on trouve une mine errant sur un point quelconque de l'océan Atlantique nord, à la suite d'incidents spéciaux. Le danger des rencontres avec une mine encore explosible peut durer longtemps, car les simples flotteurs employés dans mes études ont été vus pendant dix à vingt ans sur les divers points de l'Atlantique mentionnés ici. Mais les mines disparaî- tront plus vite par le fait de leur suppression automatique. Les côtes des États Unis sont protégées contre ces engins venant d'Europe par le courant polaire qui descend du Nord jusqu'en Floride. Telles sont les conclusions que mes études océanographiques me permettent d'appliquer aujourd'hui à la sauvegarde des navigateurs qui seront longtemps après la paix, encore menacés par le génie de la guerre « fraîche et joyeuse ». B U L L P: T I N DE lM N S F I T U T OCÉANOGRAPHIQUE (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 358. — 5 Août 1919. H t"^ . Sur un procédé de sondage en mer, à bord d'un bateau en marche, basé sur la propa- gation du son dans l'eau. Par M. MARTI. Principe du procédé. — On fait détoner une petite charge d'explosif dans l'eau, à côté du bateau en marche. Un micro- phone, immergé à une très faible profondeur et fixé au bateau à une distance connue du point d'explosion, recueille d'abord la détonation, puis l'écho provenant de la réflexion sur le fond. Ces deux bruits sont enregistrés sur un chronographe per- mettant de lire avec une grande précision l'intervalle de temps qui les sépare. Etant donnés cet intervalle de temps et la vitesse moyenne du son dans l'eau de mer, dans les conditions de l'expérience, une formule simple donne la hauteur d'eau, en tenant compte de la profondeur du point d'explosion, de celle du microphone, de leur distance mutuelle et de la vitesse du bateau. Des méthodes analogues, basées également sur le temps mis par le son pour aller de la surface au fond et revenir, ont déjà été proposées (bathyinètre de l'ingénieur norvégien Berg- graf, etc.) ; mais elles n'ont pas reçu jusqu'ici, à notre connais- sance, la sanction de l'expérience. Expériences t^éalisées. — Dans les expériences faites en vue d'étudier les conditions d'application de ce principe, on a utilisé des microphones en usage dans la Marine et des' appareils inscripteurs employes par le Service du-reperage par le son aux Armées. La réception et l'enregistrement des bruits ont donné lieu à quelques tâtonnements ; les principales difficultés rencontrées résultent, d'une part de la grande différence d'intensité qui existe entre le premier bruit (réception directe) et le second (écho), d'autre part de ce que, pour les profondeurs moyennes, l'intervalle de temps qui sépare ces deux bruits est très court. F'inalement des expériences faites dans la Manche, le 21 mai 1919, par des fonds compris entre 60'" et 160™ ont donné des résultats très satisfaisants. Résultats obtenus. — Précision. — La précision des lectures des tracés est d'environ j^ de seconde, ce qui correspond à une approximation de i™ pour la profondeur. Il est probable qu'on arrivera sans difficulté à la précision de o*", 5o. Ces chiffres ne tiennent pas compte de l'incertitude sur la valeur de la viiesse du son dans Teau, due principalement à ce que les températures des différentes couches sont, en général, impar- faitement connues. Par petits fonds, l'erreur due à la vitesse du son est négligeable devant l'erreur de lecture ; par grands fonds, au contraire, elle est prédominante. Si l'on évalue à 2° C. l'incertitude sur la température moyenne de l'eau, l'indétermi- nation sur la profondeur est de --^ (soit 3'^' pour des fonds de 1000'"). Mais il y a lieu de remarquer que cette erreur a, dans une même région, un caractère systématique ; on pourra, dans un levé hydrographique, la mesurer en des points particuliers et en tenir compte aux alentours. Une étude plus approfondie de la répartition des températures des mers aux différentes sai- sons réduira d'ailleurs dans l'avenir cette incertitude. Soudage en marche. — Les bruits parasites, lorsque le bateau est en marche (bruit des hélices, choc des lames sur le bateau, secousses qu'elles impriment au microphone, etc.), ont pu être suffisamment éliminés pour que l'écho sur le fond s'enregistre nettement, et ceci avec une charge d'explosif relativement très faible (2^ d'explosif poui' des fonds voisins de 200'"). L'expérience a eu lieu par mer assez agitée, à la vitesse de 10 nœuds, vitesse moyenne des bâtiments de commerce. Il n'est pas dou- teux qu'on arrivera à opérer à des vitesses très supérieures. Lorsqu'on augmente la charge d'explosif, on enregistre plu- sieurs échos successifs du son sur le fond après réflexion sur la surface. Avec 25^ d'explosif, on a pu enregistrer le deuxième' et même le troisième écho sur le fond. Application du procédé. — Tel qu'il est exposé ici, ce pro- cédé de sondage n'est applicable qu'au delà d'une certaine profondeur, car il est indispensable que les appareils itiscrip- teurs soient revenus au repos lors de l'arrivée de l'écho. Avec les appareils employés, cette condition n'était réalisée que par des fonds supérieurs à 3o'". L'étude de l'amortissement des organes inscripteurs permettra sans doute de diminuer cette profondeur limite. D'autre part, étant donnés les résultats des expériences rela- tives à la propagation des bruits d'explosions sous-marines à grandes distances dans le sens horizontal, il est certain que la perception de l'écho sur le fond est possible par les plus grandes profondeurs des mers; il suffira d'augmenter la charge d'explosif. Ce procédé parait donc résoudre pour les grands fonds le problème du sondage en marche qui n'a été résolu pratiquement jusqu'ici que pour les petits fonds. Son application simple et économique permettra d'en développer l'emploi et de l'utiliser : 1° Pour les levés hydrographiques des cartes d'atterrages ainsi que pour l'établissement de cartes détaillées des grandes profondeurs, en particulier pour les routes de navigation et les trajets de câbles sous-marins ; 2^' Pour la navigation elle-même par temps de brume, en se plaçant d'après la sonde sur ces cartes d'atterrages ou sur ces cartes de routes. Perfectionnements. — Le Service hydrographique de la Marine poursuit l'étude de ce procédé de sondage, en vue d'aug- menter sa précision, de mettre au point son emploi par très grands fonds, de diminuer autant qu'il sera possible la limite des petits fonds en deçà de laquelle il ne serait pas applicable, enfin de le rendre utilisable sur des navires en marche à grande vitesse. (Comptes rendus de FAcad. des Sciences de Paris, t. i68, p. iioo, séance du 2 juin iqig.) (358) Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 359. — 10 Août 1919. lit •'/ Notes sur les genres Semisiiberites et Heiniasterella Par E. TOPSENT Professeur à la Faculté des Sciences de Dijon. Contrairement aux suppositions émises à leur sujet dès l'origine, les genres Semisubei^ites Carter et Hemiasterella Carter ne sont pas des Subéritides. Cette note a pour objet de réunir quelques indications les concernant et de marquer les places qu'ils semblent devoir occuper parmi les Monaxonides. Après avoir décrit le type de Semisuberiles arctica, Carter, en 1877 (1), consigna l'avis motivé de Bowerbank que, comme Halichondvia sanguinea, cette Eponge appartient à la famille des Subéritides. Le nom générique qu'il avait lui-même choisi prouve assez qu'il partageait cette manière de voir. Pourtant, dans la révision qu'il s'était promis de tracer au complet de toutes les espèces décrites des différents groupes de cette famille et qu'il publia, en effet, en 1882 (2), il n'est pas fait mention de Semisuberiles arctica alors qu'une Subéritide antarctique de l'ex- pédition de James Ross, annoncée par rapprochement avec elle, y figure, au premier rang des Subcompacta, sous le nom nou- veau de Suberites anlarcticus. Comme il n'y est fait allusion à Hymeniacidon sanguinea (Bow.) qu'à propos de spirasters ren- contrées par Bowerbank en qualité de corps étrangers chez une (0 Carjer (H.-J.). On Arctic and Antarctic Sponges (Ann. and Mag. of -Nat. Hist., ser. 4, vol. xx, p. 39). (2) Carter (H,-J.). Some Sponges front the West Indies and Acapulco... with general and classificatory Remarks (Ann. and Mag. of Nat. Hist., ser. 5, vol. ix, p. 346). Éponge de cette espèce, on peut penser que Carter avait peut- être modifié son opinion primitive. Mais toutes ces remarques sont nécessaires pour aboutir ainsi à une simple supposition. Le nom de Semisuberîtes tomba à peu près dans l'oubli. En 1887 (!),Vosmaer se demanda s'il ne faudrait pas le tenir, avec Cribj'ochalina Schm., pour synonyme de Tragosia Gray. C'était risquer deux confusions d'un coup. J'ai signalé Tune, en 1898 (2), en rappelant que les Tragosia sont des Axinellides cyathiformes construisant deux sortes de lignes squelettiques, les primaires à spicules monactinaux, les secondaires à spicules diactinaux. Et j'ai fait remarquer plus récemment (3) que le genre Cribrochalina a été créé par Schmidt pour des Chalinines solides, sans oscules marqués, possédant, comme il est de règle dans cette famille, des spicules diactinaux. Semisiiberites arctica ne rentre donc ni dans le genre Tragosia Gray 1867 ni dans le genre Cribrochalina Schmidt 1870. Pour tenir compte de Topinion primitive de Carter, j'ai inscrit en 1898 (4) le genre Semisiiberiles dans la famille des Subéritides avec cette définition : « Suberitidœ cyathiformes ou flabelliformes, pédonculées. Surface égale, réticulée. Structure lâche ; charpente en réseau irrégulier, Mégasclères, tylostyles ou styles par réduction. » Ne m'étant pas alors livré aux réflexions que je vkns d'exposer sur un, changement probable d'avis de Carter au sujet de Semisuberites arctica, je me trou- vais sans m'en douter être plus conservateur que lui de sa première idée. Le genre Semisuberites me paraît devoir, en réalité, être inscrit dans les Stj'lotellinœ. C'est à lui que se rapportent les Éponges du Willem Barents rattachées à tort au genre Cribro- chalina Schmidt par Vosmaer, en 1882 (5), sous les noms de Cribrochalina variabilis et C. Sluileri^ Sa désinence, qui porte (i) Vosmaer (G.-G.-J.). Spongien (Bronn's Thierreich, Bd. 2, p. 340). (2) TopsENT fE.). Introduction à l'étude monographique des Monaxonides de France. Classification des Madromerina (Arch, de Zool. exp. et gén., 3^ sér., voU VI, p. 98). (3) TopsENT (E.). Spongiaires provenant des campagnes scientifiques de la Princesse- Alice dans les mers du Nord ( 1 8g8-i8gg — igoô-igoy/. (Résuit, des camp, scient. a<:complies sur son yacht par Albert ler^ Prince Souverain de Monaco, fasc. xlv, p. 32. Monaco, igiS). (4) L. c, p. 104. (3) Vosmaer (G.-C.-.I.). Report on the Sponges dredged up in the Arctic Sea by the Willem Barents in the years j8yH and iSyg (Nied. Arch, für Zool. Suppl. Bd. I, p. 36-3g). à confusion, et la place que je lui avais attribuée, sur la foi de de son auteur, me Tont fait oublier, en 1913, et je me suis aperçu trop tard que mon genre Stflaxia (i) fait double emploi avec lui, avec cette diagnose qui lui convient bien : « Stylotel- linœ stipitées, fibreuses, généralement infundibuliformes, à fibres polyspiculées ne contenant que des styles. Les oscules Se placent au sommet du corps quand il est étroit, dans la coupe quand il est évasé, » Les Cy^ibrochalina variabilis Vosm. et C. Slititei'i Vosm. sont donc des Semisuberites, Il faudrait maintenant établir en quoi ces Stylotellines diffèrent entre elles, d'une part, et, d'autre part, se distinguent de Semisuberites arctica. Les descriptions qui en ont été données rendent les comparaisons difficiles. Levinsen a eu le premier l'idée (2) que les deux CtHbrocha- lina de Vosmaer pourraient bien n'en représenter qu'une seule, mais les détails fournis sur leurs spicules lui ont commandé la prudence. A tout prendre, pourtant, les variations des styles indiquées par les dessins de Vosmaer (/. c, fig. 67,69 et 71-73) me semblent plutôt de nature à encourager ce rapprochement : elles montrent que, dans les deux prétendues espèces, les spi- cules peuvent avoir la base simplement arrondie et être « acués » ou la renfler légèrement et devenir « subspinulés ». Pas plus que leur forme, leurs dimensions ne sont fixes et ce que Vosmaer a dit des spicules de Cribrochalina variabilis var. salpingoides comparés à ceux de Cr. variabilis var. crassa suffit à le démon- trer. Ses figures 67 et 72 représentent des mégasclères à peu près de même taille. Levinsen, il est vrai, n'indique aucune trace de renflement sur la base des styles de ce qu'il a appelé Cribrochalina Sluiteri, mais, chez les Semisuberites de la col- lection de S. A. le Prince de Monaco, que j'ai rapportées l'une à S. Sluiteri. les autres à S. variabilis., la plupart des spicules sont aussi des styles purs, c'est-à-dire à base simplement arron- die, et, quand cette base se renfle, c'est d'une façon si discrète que l'état dit subspinulé est à peine discernable ; ce qui se voit le mieux, se sont les nodosités qui parfois altèrent sa pureté, à distance plus ou moins grande de son extrémité (fig. i). Je n'ai (i) L. c, p. 52. (2) Levinse:n (G.-M.-R.). Kara Havels Svampe (Dijmphna-Togtets zoo- logisk-botaniske Udbytte, Kj0benhavn, 1886, p. 352). .359) r\ r^ 0 Fip. t. — Bases de styles du spécimen de Semisii- beritcs arctica Cart, de la Station 1074, x 670. — 4 — trouvé rien d'aussi accentué à cet égard que le spicule de la figure 74 de Vosmaer ou que celui de la figure 3 ^ de Carter, qui prennent réellement l'aspect de tylostyles. Le fait que cet aspect peut se présenter chez S. Slniteri comme chez 5. ar^ctica plaide, d'ailleurs, en faveur de la fusion de ces espèces en une seule. Pour ma part, si j'ai rapporté l'Eponge de la Station 1074 à une autre espèce que celles de la Station 970, c'est uniquement parce que, dans l'ensemble, ses spicules sont plus grands et plus forts que les leurs. Ils m'ont paru, sous ce I apport, ressembler davantage à ceux de ce que Levinsen hésitant s'était dé- cidé à dé nom mer Cr/^/ocÄ<7//;/a Sltiiteri. Or, d'après Carter, les spicules du t3^pe de Semisuberiles arctica atteignent o"^'"529 de longueur sur o'"'"oo84 d'épaisseur. J'ai trouvé à ceux du spécimen en question o'""'58 sur o"^"'oo8 dans leurs plus grandes dimensions et Levinsen, omettant toute mesure d'épais- seur, a noté o'"'^64 de longueur maxima. C'est vraisemblable- ment à Semisuberiles arctica Carter que nous avons eu affaire l'un et l'autre, malgré l'absence de tylostyles dans la spiculation. Comme les Eponges de la Station 970 ont des spicules plus petits, elles se laisseraient peut-être mieux rapporter à Semi- stiberites variabilis (Vosm.) ; mais, comme, d'autre part, ses variétés crassa et salpingoides sont loin de présenter une taille constante de spicules, je suis porté à douter que 5. variabilis soit spécifiquement distincte de S. arctica. Fristedt, qui déclare avoir observé dans la collection de la Vega (i) beaucoup de transitions entre les deux variétés de Cribrochalina variabilis décrites par Vosipaer, n'a fait inalheureusement aucune allusion à C. Sluiteri et s'est abstenu de détails au sujet des spicules. A mon avis, Levinsen a encore été bien inspiré en inscrivant aussi comme synonymes possibles de Cribrochalina Sluiteri Vosm. Aulettaelegaus Yosm. et Reniera infundibuliformis Han- sen. Auletta elegans est pédicellée, pourvue d'un cloaque profond (i) Fristedt (K.). Sponges from the Atlantic and Arctic Oceans and the Behring Sea (Vega-ExpeditionensVetenskapliga Arbeten, Bd. iv, Stockholm, 1887, p. 418). où s'ouvrent les oscules ; sa charpente se compose de fibres comme celle des Semisuberites et ses styles courbés ressemblent à ceux des Cribrochalina de Vosmaer. Quant à Reniej-a infiin- dibuliformis Hansen (i), sa forme, sa structure et sa spiculation. la confondent avec les F^ponges pre'ce'dentes. Toutes ces espèces se réduisent probablement à une seule, Semisuberites arctica Carter, par priorité. On doit remarquer, en effet, qu'en des points nombreux de l'Océan Arctique, depuis le Ciroënland jusqu'aux îles Liakov et par des profondeurs com- prises entre 8 et 220 brasses (2), les dragages ont recueilli des Stylotellines à structure fibreuse, irrégulière et lâche, pédi- cellées, bifaciales et ne différant, en somme, extérieurement que par l'étalement plus ou moins grand de leur face exhalante ou son repli autour d'un cloaque tubuleux. Leurs spicules sont typiquement des styles légèrement courbés. Pour distinguer parmi elles plusieurs espèces, il faut s'astreindre à tenir compte de différences médiocres de la taille et du degré de pureté de la base de leurs spicules. Tout ce qui a été écrit et figuré à ce sujet n'invite-t-il pas plutôt à ne voir en cela que des variations individuelles offertes par les divers spécimens? Passons maintenant au genre Hemiasterella. Carter l'a créé, en 1879 (^)^ ^^'^^ deux espèces, pour deux Éponges sans prove- nance connue, ayant appartenu à la collection de Bowerbank. D'après leur consistance, il suppose avoir affaire à des Subéri- tides et qui représenteraient dans la famille un nouveau groupe, \es Hemiasterelliîia. Par comparaison avec elles, il était d'avis que Xenospongia patelliformis Gray et Haliaiemia patera Bk pour- raient ensemble en composer un autre. La révision qu'il fit des Subéritides, en 1882, fixa ce dernier groupement, en effet, sous le nom de Xenospongina {/^), mais négligea totalement les Hemi- asterellina. Comme pour Semisuberites^ s'il ne s'agit pas d'un -oubli. Carter a dû, sans le dire, changer d'avis sur le classement du (i) Hansen (A.). Den Norske Nordhavs-Expedition, xiii, Spongiadae,i88o, p. (3. (2) Je laisse de côté l'indication de provenance de Reniera injundibult- formis Hansen ; il doit s'être glissé une erreur d'impression au sujet du numéro de station, car il ne se trouve pas au tableau récapitulatif. (3) Carter (H.-J.). On Holasterella, a Fossil Sponge of the Carboni- ferous Era and on Hemiasterella, a new Genus of Recent Sponges (Ann. and Mag. of Nat. Hist., ser. 5, vol. iir, p. i4i-i5ü, pi. xxi). (4I L. €., p. 357. (359) — 6 — genre Hemiasterella. Quelle est donc sa place naturelle ? En l'absence d'une diagnose générique, Vosmaer (i) a renoncé à la chercher. Mais Sollas (2) la marqua parmi les Axinellidœ^ pour avoir attribué aux membres de cette famille, telle qu'il la con- cevait, la possession normale d'asters en fait de microsclères. Il se demanda même si son genre Epallax^ qui avait pour type E. callocj-athiis, de l'Archipel Malais, ne faisait pas double emploi avec Hemiastei'ella. Lendenfeld, en 1890 (3), les con- serva tous deux et, exploitant à la fois les idées de Carter et de Sollas, les réunit parmi les Axinellides dans une sous-famille des Hemiasterellinœ. ■ Quoique les mégasclères à'Epallax callocyathus Soll., dis- posés en files longitudinales cimentées par de la spongine, soient uniquement des oxes, il est douteux que le genre Epallax mérite d'être maintenu. Sollas a fait acte de prudence en expri- mant des réserves à ce sujet, mais je ne comprends pas qu'il ait rapporté à son genre Dorjyleres (synonyme de Jaspis Gray)^ où. les oxes s'entrecroisent d'une façon désordonnée, Hemiaste- rella aßnis Carter, que son auteur a distinguée de //. tj'piis seulement à cause de ses oxes, puisqu'elles ont l'une et l'autre même consistance, même nervation superficielle et même struc- ture interne. Il eût été plus rationnel, à la rigueur, en consi- dération de la forme de ses mégasclères, d'en faire un Epallax. Le mieux me semble être de grouper ces trois espèces dans le genre Hemiasterella en lui attribuant une compréhension plus vaste. Je suis convaincu, en effet, que le genre Kalastrella Kirkpatrick, introduit dans les Spirastrellides (4), se confond avec Hemiasterella. Par leur spiculation, les Eponges de Kirkpatrick plaident en faveur de cette fusion, car elles ne possèdent pas exclusivement des styles comme //. typus ou des oxes comme H. affiuis et H. callocyathus^ mais un mélange des deux. Elles ne laissent pas d'indécision sur la place à _leur assigner. Leurs mégasclèies variés, dérivant de l'oxe, à la façon de ceux des Axinella^ et leur charpente où la spongine entre pour une forte (i) Vosmaer (G.-C.-J.). Spongien (Bronn's Thierreich, Bd. 2, p. 36i). (2) SoLi.As (VV.-J.). Report on the Tetractinellidœ (Rep. on the scientific results of the Voyage of H. M. S. Challenger, Zoology, vol. xxv, p. 434). (3) Lendenfeld (R. von). Das System der Spongien, p. 400 (Senckenb. naturf. Gesellsch., Frankfurt A. M.). (4) Kirkpatrick (R.). Descriptions of South African Sponges, Part 111, p. 238 (Marine Investigations in South Africa, vol. 11, Cape Town, 1903)«. proportion les inscrivent tout naturellement parmi les Axinel- lides, indépendamment de leurs microsclères. Si le fait que ces spicules sont des asters n'est nullement, comme l'admettait Sollas, l'indication principale d'un tel classement, du moins n'y fait-il pas obstacle puisqu'on a déjà reconnu la nécessité de ranger dans cette famille d'Halichondrines (i) des genres pour- vus d'asters, tels que Adrcus Gray et l'ibulinus Gray. C'est à côté d'eux que prend place le genre Hemiasterella Carter, avec la définition : Axinellides cyathiformes pourvues d'oxyasters en quantité considérable. Je suis conduit à cette manière de voir par la comparaison que j'ai pu faire avec les diverses Eponges précitées d'une autre Hemiasterella ayant, comme les H. vasiformis Kirkp., des oxes passant à des styles et à des strongyles. J'en ai pris connaissance d'après treize spécimens faisant partie d'un lot de Spongiaires rejetés à la grève de iMahanoro (côte orientale de Madagascar) et donnés par M. Camille Pirame au Musée Océanographique de Monaco. Ce sont, comme leurs congénères, des Eponges cyathiformes (fig. 2 et 3) ; toutefois, la coupe qu'elles dessinent est irrégu- lière. Ses bords n'ont pas la même hauteur tout au- tour et ils sont un peu découpés. Sa cavité n'est pas circulaire mais s'étire et prend un grand diamè- tre. Ses parois, solides et très peu flexibles à l'état sec, sont cependant minces depuis le fond. -Son pédi- celle n'est simple que sur les petits individus ; d'ha- bitude, il se compose de plusieurs colonnes s'élevant d'une base commune élargie et se soudant par leurs faces en regard seule^ ment ; les faces restées libres forment des saillies alternant avec des dépressions irrégulières et, dans son ensemble, le pédicelle est épais et compliqué. Cette particularité autant que la variété Fig. 2. — Spécimen desséché de Hemiaste- rella complicata n. sp. vu décote. Réduc- tion de 1/4 environ. (1) TopsKNT (E.) Spongiaires des Açores, p. iSy (Résuh. des camp, scient. accomplies sur son yacht par Albert \", Prince Souverain de Monaco, fasc. XXV, Monaco, 1904). (359) des mégasclères me fait appeler ces Hemiasterella H. compli- cata n. sp. La complication du pédicelle se trouve, d'ailleurs, souvent accrue par ce fait que quelques-unes des colonnes montant de la base commune, après concrescence avec les autres sur une certaine longueur, s'écartent et s'étalent en de petites lames foliacées ou même constituent les pédicelles de petites coupes surnuméraires attachées latéralement à la prin- cipale. En tous cas, le pédicelle reste relativement court (lo à 12'"'"), la cavité, simple, étant toujours profonde. Desséchées, comme elles m'ont été remises, ces Eponges sont blanches ; il existe, en effet, sur toute l'étendue de leurs faces un revêtement où les asters abondent au point de former une incrustation. Pourtant, en des points où elle s'est trouvée accidentellement mise à nue, sur des déchirures de la base, sur certains bords effilochés, la charpente apparaît brun clair à cause de la spongine qui entre dans sa constitution (i). Le squelette est, en effet, fibro-spiculeux. Ses fibres, disposées par faisceaux, composent des lignes ascendantes, dichotomes, serrées, d'inégale grosseur, mais s'amincissant, de proche en proche, Fig. 3. — Spécimens desséchés de Hemiasterella complicata n. sp. Réduction de 1/4 environ. plus OU moins vers le haut. Ces lignes, mises en relief par la dessiccation, dessinent comme des nervures sur la face externe des coupes ; elles se laissent tout au plus deviner du côté opposé. On ne peut plus, à cet état, distinguer d'orifices aqui- fères entre elles, même dans la cavité, où serait la place des oscules. Fait plus surprenant par rapport à ce qui a été signalé chez les autres Hemiasterella, il n'y a nulle part d'hispidation i) La photographie rend noirâtres les portions dénudées. — 9 — distincte. En dehors, en se rétractant contre les lignes squelet- tiques, la chair a pris un aspect crevassé, réticulé. En dedans, la surface montre souvent comme un semis de petites eminences obtuses qui rappellent en diminutif celles qui s'observent suf les Adreiis fascicularis desséchés : elles me semblent corres- pondre à des paquets de mégasclères entrecroisés, libres de liens, mais enfouis dans la croûte superficielle. Une immersion prolongée dans Teau assouplit TEponge et, gonflant ses parties charnues, rend ses surfaces plus unies ; mais elles demeurent glabres et imperforées. Le plus beau des spécimens examinés mesure environ 6 cent, de hauteur et 8 cent, sur 5 de largeur ; son pédicelle, détérioré, ne se prête à aucune mensuration, mais celui d'autres individus, mieux conservés sous ce rapport, ne dépasse guère 12"^"^ de longueur. Les parois, même au niveau des grosses nervures, n'atteignent pas -i"^"^ d'épaisseur. Les lignes squelettiques se composent de fibres paucispiculées qui, se tenant rapprochées par de fréquentes anastomoses trans- versales ou obliques, figurent n n un réseau dense à lignes prin- cipales ascendantes, plus ou moins compliqué suivant l'im- portance relative des nervures. Les mégasclères qu'enrobe la spongine se montrent très poly- morphes : typiquement, ce sont des oxes, mais ils se modifient pour la plupart par atténuation plus ou moins accusée de leurs pointes (fig. 4); aussi, le mélan- ge comprend des oxes épais (o™'^02-o'""'025) avec quelques oxes grêles (o™'"oo6) à bouts par- ticulièrement acérés ; des oxes à bouts atténués et abrégés ; des styles à base plus ou moins ar- rondie et à pointe plus ou moins efiilée ; enfin, des strongyles purs. Tout cela à peu près de la même longueur (o'^i"^6 à o™'^75) et de la même épaisseur (o'^"'025 au plus), et tout cela plus ou moins courbe, quelquefois même VJ ig. 4. — Extrémités de mégasclères de Hemiasterella complicata. Ùo\e de gau- che XI 60 ; les autres spicules x 260. (359) 10 — fléxLieiix à la facondes spicules des Phakellia. Les mégasclères indépendants qu'on rencontre dans le revêtement super- ficiel, également variés de forme mais avec prédominance manifeste des styles, se distinguent, en général, de ceux de la charpente fibro-spiculcuse par une épaisseur moindre (o'^"^oi5- Qmmoij) pour une longueur quelque peu supérieure (o"^™66-o'^™g9). Les asters, innombrables et de grosseur très inégale (fig. 5), se mêlent sans ordre sur les deux faces du corps ; les plus super- ficielles, cependant, se montrent presque toutes de petite taille. Peu d'entre elles dépassent o'"'"o5 de diamètre, et peu restent ik Fig. 5. — Oxyasters de tailles diverses de Hemiastcreila complicata, x looo. au-dessous de o™™oi. Elles ne développent pas moins de cinq rayons ; les plus belles en ont surtout sept. Sur les autres, il est fréquent d'en compter neuf et les plus petites peuvent en avoir jusqu'à douze. Ces asters, à proprement parler, ne forment pas de centrum. Ce sont des oxyastéfs, mais même quand elles sont de petite taille, il leur arrive très fréquemment d'atténuer leurs pointes. Elles les ornent, en outre, de faibles épines, plus faciles à voiT, d'ailleurs, sur les pointes obtuses que sur les pointes acérées. D'après le matériel dont je dispose, je crois pouvoir indiquer Hemiasterella coitiplicata comme une Éponge littorale, à sup- port solide, commune a Mahanoro. Aucune autre Hemiasterella ne s'est encore trouvée aussi bien représentée. — II — La comparant à ses congénères, on constate qu'elle se dis- tingue par ses mégasclères de Hemiastet-ella typus Carter, à qui on ne connaît que des styles, et de H. aßnis Carter et //. cal- locfathus (Sollas), qui ne possèdent que des oxes. Ses asters peuvent moins entrer en ligne de compte parce que les rayons un peu moins nombreux de celles de H. callocfathus sont déclarés raboteux au bout et parce que, tout en disant lisses et pointus les rayons des asters de ces deux espèces, Carter les a figurés avec des bouts généralement épais. Par la variété de ses mégasclères, Hemiastei^ella complicata se rapproche davantage des Eponges de la côte du Natal décrites par Kirkpatrick. Je crois, cependant, devoir faire une distinc- tion entre H. vasiformis et sa prétendue variété minor, qui pourraient bien, en réalité, représenter deux espèces au lieu d'une. Il est remarquable, en effet, que, contrairement à toute attente, les trois spécimens de Hemiastereîla vasiformis^ malgré leur petite taille, produisent des mégasclères beaucoup plus longs et surtout plus de deux fois plus gros que ceux du type, de taille bien supérieure, de H. mijior ; et aussi que, en contraste avec ces mégasclères si robustes, ils aient des oxyasters n'atteignant que o'""^o3 de diamètre au lieu de o'"'"o6. Les dimensions des spicules, tant mégasclères que micros- clères, de Hemiastereîla complicata correspondent assez bien à celles de H. minor. Mais la complication de son pédicelle, l'état toujours glabre de sa surface, la minceur de ses parois, le man- que absolu d'oscules béants à sa face interne, peut-être aussi l'absence de centrum sur ses asters, forment un ensemble de caractères à prendre en considération. C'est en étudiant davan- tage la faune des Spongiaires du pourtour de Madagascar et de la côte orientale de l'Afrique qu'on verra ce qu'il faut réunir ou séparer de Hemiastereîla vasiformis, H. minor et H. complicata. 1359) Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) N« 3bo. — i5 Octobre 1919. l^-l"') Planimetrie DE LA Carte batliymétrique générale des Océans. Par J. THOULET A la suite du Congrès International de (ie'ographie de Berlin, en 1899, j'ai présenté à une Commission spéciale nommée à cet etfet, réunie à Wiesbaden et dont j'avais l'honneur de faire partie, le projet détaillé d'une carte ou plutôt d'un atlas général en 24 feuilles représentant la bathy- métrie de l'ensemble des Océans. Mon projet a été adopté et l'atlas a été exécuté et même publié en deux éditions grâce à la munificence du Prince de Monaco, à l'échelle de 1/ 1000000. Comme toutes les cartes marines, il a été établi en projection de Mercator. J'ai fait les calculs de son carroyage. Ce mode de projection permet de placer avec une extrême facilité sur la carte, par l'intersection de deux droites perpendiculaires entre elles, un point dont on connaît les coordonnées géogra- phiques et inversement, d'obtenir les coordonnés géographiques d'un point quelconque situé s.ur la carte. En revanche il a l'inconvénient de déformer les surfaces car, dans le quadrillage du canevas, de degré en degré, l'une des dimensions des rectangles ne change pas tandis que l'autre s'allonge de plus en plus à mesure qu'on se rapproche davantage du pôle et il en est évidemment de même des contours géographiques établis d'après ce carroyage. Chacune des feuilles de cet atlas est susceptible d'être décuplée et même centuplée pour la repré- sentation à plus grande échelle de telle ou telle région océanique particulière. On pourra en outre s'en servir pour y figurer par des tracés limités et par des teintes la répartition des diverses caractéristiques des eaux ou du sol océaniques au point de vue de la lithologie, de la distribution thermique, de la salure, de la pycnométrie, de la répartition de l'ammoniaque et autres. En océanographie, on a donc souvent besoin d'évaluer des superÇcies placées dans des régions différentes et qu'on se propose de comparer entre elles, aires isobathes, surfaces occupées par des terrains de même nature lithologique et d'autres encore. Le présent travail se propose de faciliter cette opération. Si Ton suppose le globe terrestre carroyé de degré en degré, en latitude et en longitude, tous ces petits trapèzes sphériques, au nombre de 36o pour chacune des 89 zones d'un hémisphère, c'est-à-dire en tout de 02040 pour un hémisphère entier, seront égaux lorsqu'ils feront partie d'une même zone mais deviendront de plus en plus petits à mesure qu'ils se rap- procheront du pôle. Si donc, pour chaque zone comprise entre deux parallèles de latitude successifs, de degré en degré, on calcule l'aire du trapèze sphérique de 1° de côté qui est la 'iGo'^ partie de cette zone, il suffira de compter le nombre d'espaces de. 1° de côté appartenant à chaque série et contenu dans l'intérieur du contour à mesurer sur la carte, pour connaître l'aire limitée par ce contour, quelle que soit la région occupée. La planimétrie définitive sera obtenue par une suite de multi- plications suivie d'une addition finale. La surface d'une zone est égale au produit de la circonférence d'un grand cercle 2 -r R par la hauteur h de cette zone. s = 2 :: R h Considérons une zone ayant pour grande base l'Equateur terrestre de rayon OA et pour petite base la circonférence du petit cercle de rayon O'A' de latitude AOA' === r, et pour hauteur h = A'M = R sin 9, cette zone aura pour aire S = '2 :: R" sin 0 et celle du trapèze sphérique de 1° de côté sera (,0'^ ^ S(I°) sin o = sin 36o ' 180 formule calculable par logarithmes. La carte bathymétrique générale des océans ayant été établie dans l'hypothèse de la Terre rigoureusement sphérique et d'une circonférence équatoriale ayant exactement 40 000 000 mètres de longueur, c'est sur cette va*leur que seront basés les calculs des trapèzes. Le rayon terrestre sera alors R = 40 000 000 10 000 000 = 6 366 18*3 mètres. 2 - 1,5708 La surface d'un hémisphère sera 2 - R' = 204 647 326 52() 1 37 mètres carrés celle du demi-fuseau de i" entre l'Equateur et le pôle sera 2 r. R" 2^4 647 326 529 ib-j . , -777^ — -= 777^ = 707 353 084 8o3 mètres carrés 3bo .^00 ' ou 707 353 684 kilomètres carrés. Cette valeur multipliée successivement par sin 89", sin 88°... sin 2°, sin 1" donnera les aires des zones comprises entre l'Equateur et lat. 89", lat. 88°... lat. 2" et lat. i^. Pour avoir les trapèzes sphériques 89°-90° (qui est un triangle), 88"-89", 87°-88"... io-2°, o°-i°, on n'aura qu'à retrancher la valeur de chaque 36o*-" de zone ainsi obtenue du précédent 360*^ de zone de latitude immédiatement supérieure. On formera ainsi un tableau des aires des trapèzes sphé- riques de 1" de côté entre l'Equateur et les divers cercles de latitude de degré en degré. (360) TABLEAU Trapé/.« s|»l crii|iif ( e l'J fané » "H Traphe spl érique c ( e 1" carré 2 2 Aire ■5 -H Aire du (lu (lemi-fusean ES «^ 2 "^ demi-fuieau 4» "f = Eiilre 1(1 ■5 ^ S(lo)' =3 ^ Entre les « ^ S (10) ' 1 S ä Km' # ^ 1 '^ Km' 5, - ^ / 1 i •M Laiilutles Km" a -M Laliludei S = Km' 1 90 707 353,68 » » „ 44 491 371 44-43 44 8 806 «9 707 249 89-90 89 104 43 482 416 43-44 43 8 955 ! 88 706 qî6 88-89 88 323 4-' 473 3i4 42-43 42 9 102 1 «7 706 1187 87-88 87 539 41 464 068 41-42 41 9 246 ! 86 705 634 86-87 S6 7^4 40 454 680 40-41 40 9 388 1 85 704 665 85-86 85 9O9 39 443 134 3.)-4o 39 9 526 ' 84 703 482 84-85 84 I 184 38 435 492 38-3() 38 9 662 ! 83 702 084 83-84 83 I 398 37 425 698 37-38 37' 9 794 82 700 473 . 82-83 82 I 612 36 4' 5 774 36-37 36 9 9-4 81 698 648 81-82 81 I 825 35 405 723 35-36 35 10 o5i 80 6q6 610 . 80-81 80 2 037 34 393 549 34-35 34 10 174! 79 694 36 I 79-80 79 2 24q 33 385 254 33-34 33 10 295 ! 7'^ 6(ji 899 78-79. 7« 2 461 32 374 842 32-33 32 10 412 77 689 227 7/-78 77 2 672 3i 364 3i5 3 1-32 3i 10 527 1 7*5 686 345 70-77 70 2 882 3o 353 678 3o-3i 3o 10 637 1 73 683 254 7.-)-7t) ^3 3 091 29 342 933 29-3o 29 10 745 1 74 679 955 74-73 74 3 299 28 332 084 28-29 28 10 849 i 73 ()7t) 448 73-74 73 3 507 27 321 i33 27-28 27 10 95 I î 7--^ 672 736 72-73 7'^ 3 712 26 3 10 084 26-27 26 11 049 j 71 6n8 8u) 71-72 71 3 ()i7 25 2q8 942 2:1-26 25 II 142 70 664 698 70-71 70 4 121 24 287 708 24-25 24 0 ( II 2J4 6q 660 374 69-70 09 4 324 23 276 386 23-24 23 I I 322 68 655 85o 68-69 6S 4 524 22 264 980 22-23 22 11 406 67 65 1 125 67-68 $7 4 7H 2 1 253 494 21-22 21 II 486 66 646 202 66-67 66 4 9^3 20 241 930 20-2 1 20 11 564 65 641 oS3 65-66 65 5 119 19 23o 293 19-20 19 I I 637 <>4 635 768 64-65 64 5 3i:5 18 218 586 18-19 iB II 707 63 63o 260 63-64 63 5 5o8 »7 206 81 I 17-18 '7 II 775 62 624 559 62-63 62 5 701 i6 '94 974 16-17 16 Il 837! 61 618 66S 61-62 61 5 891 i5 i83 077 j5-i6 i5 II 897 60 612 589 60-6 [ 60 6 o7<) 14 171 122 14-15 14 11 9--'5 5o 606 323 59-60 59 6 266 i3 159 120 13-14 i3 12 002 1 58 599 873 58-59 58 6 45o 12 147 068 I2-l3 12 12 o52 t 37 593 239 57-58 37 6 634 1 1 i34 970 1 1 - 1 2 1 1 12 097 56 586 42*5 56-57 56 6 814 10 122 83 I lO-I I 10 12 139 55 579 432 55-56 55 6 993 9 I 10 655 ()-10 9 12 17b 54 572 263 54-55 34 7 109 8 <)8 445 8-9 8 12 210 53 564 920 53-54 53 7 343 7 86 2o5 7-8 7 12 240 52 557 404 52-53 52 7 5 16 6 73 939 6-7 6 12 266 5i 549 720 5 1-52 5i 7 687 5 61 b5o 5-6 5 12 289 5ü 541 867 5o-5i 5o 7 854 4 49 343 4-3 4 12 3o7 i 49 533 849 49-5o 49 8 018 3 37 020 3-4 3 12 323 j 48 525 669 48-49 48 8 180 2 24 686 2-3 2 .2 334 47 517 328 47-4« 47 8 341 I 12 345 1-2 I 12 341 , 46 5o8 83o 46-47 46 8 408 0 )> O-I 0 12 345 1 43 5oo 177 43-40 43 8 653 Les nombres du tableau peuvent servir pour toutes les cartes quel que soit leur mode de projection maigre la diiïicultc qu'on trouve toujours à carroycr graphiquement une carte dont les méridiens et les parallèles se projettent suivant des lignes courbes mais ils sont surtout précis avec des cartes en projection rcciiligne de Mercator du genre des cartes marines et en particulier avec les feuilles de la grande carte bathymétriquc générale des océans. Connaissant l'aire s (i") du trapèze sphérique de i" de côté, à toutes les latitudes, il sera facile de calculer de même pour toutes les latitudes l'aire du trapèze de lo' de côté s fi"") s (i°) s (io')= ..^ ' , celle du trapèze de T de côté s (i') 36 '^ ^ ' '~ 36oo et ainsi de suite. On obtiendra ainsi les aires des trapèzes ayant pour côtés des arcs de 5°, lo", 20° selon le carroyage et le mode de projection de la carte où sont figurées les aires à évaluer. Au point de vue océanographique, les erreurs provenant du fait que, dans ces opérations, on traite les trapèzes sphériques appartenant à une même zone de i'' comme des carrés rectilignes sont infiniment moindres que celles commises pratiquement et inévitables dans le cours des diverses opérations exécutées à la mer ou même dans le laboratoire et qui se rapportent à la détermination du point ou de la cote de sondage s'il s'agit d'aires topographiques, à l'analyse des sédiments s'il s'agit d'aires lithologiques, aux dosages de calcaire ou d'ammoniaque s'il s'agit d'aires chimiques, à la détermination de températures ou de densité in situ s'il s'agit d'aires physiques. (360) - 1 ' Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 36i. — ler pécembre 1919. J^'^"^^ Les cellules géantes normales de lepithélium intestinal. Par le Dr F. LADREYT. La cellule géante, dit Prenant ', est une cellule « de très grande taille, de trop grande taille même » de forme très irré- gulière (cellules des tumeurs à myéloplaxes, cellules géantes irritatives, etc.) présentant un grand nombre de noyaux; mais, ajoute le savant histologiste « toutes les cellules qui atteignent de grandes dimensions ne doivent pas être rangées dans la caté- gorie des cellules géantes. » Cette diagnose diffère sensiblement de celle que nous propose Guieysse '^ pour qui la cellule géante « c'est-à-dire celle qui contient un grand nombre de noyaux» ne peut être définie par sa forme ou par sa taille', « elle peut être réellement géante, comme elle peut être assez petite ; une cellule ne contenant que deux ou trois noyaux avec peu de protoplasme sera à peine plus grande qu'une cellule épithélioïde simple et pourtant ce sera déjà une cellule géante ». D'autre part, seules devraient être considérées comme gigan- toblastes les formations « anormales, tératologiques, par excès de taille sur des cellules de même ordre » (Prenant) : par con- séquent, ni les ovules, ni les cellules musculaires striées ou les protistes géants ne doivent être rangés parmi les cellules ' Revue générale des Se. Paris. 1910. * Arch. d'Anat. micr. 1910. — 2 géantes ! O. Duboscq ' a montré toute Tintransigeance de cette théorie et je n'ai rien à ajouter aux conclusions du savant protistologue ; je me propose simplement d'établir que dans les epitheliums absorbants ou sécréteurs se développent des éléments qui, pour être normaux, n'en sont pas moins des gigantoblastes ; cette étude nous permettra, je crois, de préciser le concept de cellule géante et d'élargir le cadre trop étroit qui limite, actuellement, l'étude du gigantisme cellulaire. 7" Epithelium intestinal de Scjdlium Çanicula L. — Typi- quement, l'épithélium intestinal des Roussettes est constitué par de beaux éléments à bordure en brosse dont le cytoplasme plus ou nîoins granuleux ou légèrement fibrillaire présente un noyau uni ou plurinucléolé dans lequel la chromatine est distribuée sans ordre apparent sous forme de mottes géné- ralement volumineuses. Pour comprendre la morphologie du noyau epithelial de l'intestin des Roussettes, il est nécessaire de suivre l'évolution de cet élément, non seulement sur des animaux d'âges différents mais encore sur toute la surface de la villosité intestinale. D'une façon générale, le noyau typique ne se rencontre que dans les sillons intervilleux ; dans cette légion, c'est un élément de 20 à 3o [x, ovoïde ou plus ou moins allongé dont les caractères de jeunesse sont affirmés par les très nombreuses figures de mitose que nous présentent ces cryptes rénovatrices. Au fur et à mesure que nous nous avançons sur le flanc de la villosité, les noyaux perdent leur régularité, se creusent d'encoches latérales ou de sillons médians; certains semblent repliés sur eux-mêmes ou comme tordus suivant leur grand axe, d'autres paraissent constitués par des amas nucléaires plus ou moins volumineux. Au sommet de la villosité, les transformations sont encore plus profondes et il n'est pas rare d'}^ rencontrer des cellules où l'appareil nucléaire est représenté par 10, i5, 20 noyaux résultant des divisions multiples d'un noyau primitif. Comme dans les cellules géantes réactionnelles, cette caryodiérèse se fait suivant deux types principaux : l'étranglement et la fissuration. Dans notre epithelium, cet étranglement est très irrégulier, d'où l'aspect moniliforme des noyaux qui en sont le siège ; c'est plutôt une sorte de bourgeonnement à la suite duquel prennent ' Archives de zool. exp. 1918. naissance des amas nucléaires de taille et de stucture variables, bourgeons bipolaires ou latéraux suivant la localisation plus spéciale du phénomène. La fissuration n'offre rien de parti- culier et paraît souvent se superposer au bourgeonnement. En dernière analyse, ce qui caractérise surtout les phénomènes amitosiques de ces no3'aux épithéliaux, c'est la rapidité du processus de fragmentation. Ces phénomènes sont très com- parables à ceux qui président à la formation de certaines cellules géantes réactionnelles et cette homologie paraît s'expliquer par le caractère polyénergétîquc de certains noyaux épithéliaux et des noyaux des cellules géantes du tubercule, par exemple. Nous rencontrons ces amas nucléaires chez tous les Scylliums ; toutefois il m'a semblé que ces formations étaient d'autant plus nombreuses que l'animal était mieux alimenté : c'est ainsi que les Roussettes sacrifiées après une longue période de jeûne ne présentent qu'un petit nombre de noyaux frag- mentés et encore n'en trouve-t-on qu'au sommet des villosités; au contraire, chez les Scylliums examinés en pleine digestion, les noyaux îrréguliers et les amas nucléaires sont très nombreux et situés aussi bien sur les flancs qu'à la pointe de la villosité intestinale. Il existe un parallélisme très étroit entre cette caryodiérèse et l'évolution du corps cytoplasmique de la cellule epitheliale. C'est ainsi qu'au sommet des villosités où ce phé- nomène est en quelque sorte exagéré, toutes les cellules absorbantes sont atteintes de géantisme et ne préseiilenl jamais de mitoses ; ce double caractère établit une ligne de démar- cation très nette entre la pointe de la villosité ei le sillon intervilleux. 2° Epithelium intestinal de Maja Squinado Rond, (organe entérique et intestin moyen). — Chez Maja, la cellule hépato- pancréatique est tout à fait semblable à celle de l'intestin des Vertébrés ; c'est un élément plus ou moins volumineux à bordure en brosse dont le noyau hyperchromatique présente un ou plusieurs nucléoles. Comme chez les Roussettes, l'évo- lution du noyau est fonction de celle du corps cytoplasmique et la morphologie des constituants cellulaires est conditionnée par leur localisation dans l'épithélium entérique. A l'extrémité des culs de sac hépato-pancréatiques, par exemple, les éléments épithéliaux (25 à 40 \}) répondent assez exactement au schéma de la cellule intestinale qui tapisse les sillons intervilleux ; (361) de plus le caractère rénovateur de cette région est attesté par les figures de mitoses que présentent ses formations epitheliales; dans la partie mo3'enne du cœcum entérique, la morphologie cellulaire se modifie profondément ; là, certains éléments, creusés d'une énorme vacuole, peuvent atteindre jusqu'à 200 ;j, : dans ce cas, ils présentent une grande quantité de noyaux auxquels ont donné naissance l'étranglement et la fissuration d'un noyau primitif. De même que chez les Roussettes, le volume des cellules et la multiplicité des éléments nucléaires sont fonction de l'état de jeûne ou d'alimentation des animaux étudiés. J'ai observé des faits absolument comparables dans l'intestin des Siponcles, Phascolosoines, Ciona, etc. : les décrire serait m'exposer à de fastidieuses longueurs. , Une question se pose. Quelle est la valeur morphologique des éléments plurinucléés dont nous avons étudié l'évolution ?. Il n'est pas douteux que ce sont des cellules « de grande taille,, de trop grande taille même », aftectées de géantisme, c'est à dire « de l'anomalie propre aux individus qui dépassent la taille accoutumée des individus de leur espèce. »'là mon avis, ce sont des cellules géantes typiques. Entre un Myxidium Liber- kuhni, un polycaryocyte epithelial de Scyllium ou de Maja, une cellule géante de tubercule, il y a une parenté indéniable ; chose curieuse, il arrive fréquemment, chez les Roussettes et les Majas, que certaines cellules intestinales se fusionnent par disparition des parois latérales ; ces larges plages de cyto- plasme où sont répandus une multitude de noyaux ne répon- dent-elles pas à certains gigantoblastes typiques dont elles rappellent, du reste, la genèse ? Peut-être Thomologie de certaines cellules à ferment (Siponcles, Annélides, Ciona, etc.) et des cellules géantes est-elle, à priori, moins évidente ; en effet, elles ne dépassent pas tératologiquement les éléments de même espèce. Mais alors, pourquoi la cellule épithélioïde binucléée, dont le géantisme n'est pas plus évident que celui d'une glande unicellulaire d'Invertébrés, est-elle considérée comme une cellule géante ? Cet exemple nous montre toute l'insufTisance de la définition classique du géantisme cellulaire. Quel est donc le caractère essentiel de cette anomalie ? A mon sens ce qui ' Laulanié. Thèse de méd. Lyon 1888. donne à la cellule géante son faciès particulier et conditionne son évolution, c'est la richesse chromatique de son noyau ; d'une façon générale, les formations que nous avons étudiées présen- tent, au début de leur évolution tout au moins, un caractère dont la constance nous a frappé. Leurs noyaux sont atteints d'une sorte de pléthore chromatique ; ce sont des noyaux polyénergides c'est-à-dire des éléments qui renferment, en puissance, un nombre plus ou moins élevé de noyaux ; en d'autres termes, la cellule géante est une formation dans laquelle un noyau polyénergide est susceptible de donner nais- sance, par des mitoses ou des amitoses multiples, à un certain nombre de noyaux fils ; c'est pourquoi Je considère comme cellules géantes un certain nombre de cellules absorbantes et glandulaires de l'intestin. Voyons, maintenant, dans quelles conditions se forment les cellules géantes normales. L'hypertrophie cellulaire est la résul- tante inéluctable de la suractivité de l'élément epithelial nor- mal : ceci demande une justification. La cellule absorbante est une glande unicellulaire qui puise dans le contenu intestinal les matériaux qu'elle livrera à la circulation après leur avoir fait subir des remaniements plus ou moins nombreux. Les éléments localisés à la pointe des villosités sont les plus actifs ; en effet, l'absorption débute toujours dans cette région et, quand les substances absorbables sont en très faible quantité dans la lumière intestinale, quand l'intestin n'est pas distendu, les cellules des extrémités villeuses sont les seules qui sont en contact avec le chyme. Ces observations ne sont pas de simples vues de l'esprit mais sont basées sur l'étude du chondriome de la cellule absorbante ou sécrétrice dont l'évolution nous ren- seigne très exactement sur la physiologie de l'élément epithelial. Même chez les Roussettes carencées par un long jeûne, l'appa- reil mitochondrial des cellules localisées au sommet des villosités n'est jamais dans un état statique absolu ; de même, dès le début de l'absorption intestinale, c'est encore dans cette région que se manifeste tout d'abord la fragmentation des chondrio- contes. Ce surmenage fonctionnel n'est pas sans retentir sur la structure intime du trophocyte. Sous l'influence de cette absorp- tion, en quelque sorte incessante, la membrane cellulaire se modifie tandis que les réactions dont l'élément epithelial est le siège provoquent l'accumulation de matériaux de déchet ou de (361) réserve dont la masse s'ajoute à celle des produits dialyses : ainsi se réalisent un ensemble de conditions (distension, chan- gement de-tonicité, intoxication, etc.) tout à fait comparables à celles qui provoquent la formation de certaines cellules géantes pathologiques; l'élément s'h3^pertrophie et perd la faculté de se diviser. Cette évolution ne sort pas du cadre de nos connaissances; le même phénomène se produit dans les éléments dont la structure intime a été modifiée par certains agents, comme l'ont démontré expérimentalement Morgan, Lœbe, Gérassimoff", Bataillon, etc. Le géantisme prolonge, en quelque sorte, la vie individuelle de la cellule, mais, comme le fait très justement observer O. Duboscq ', sa lignée s'éteint. « Pour vivre long- temps, une cellule n'a qu'à devenir géante ». Nous retrouvons exactement les mêmes phénomènes dans l'épithélium entérique de Maja Squinado Rond. ; le seul schéma de l'évolution de la grande cellule vacuolaire est particuliè- rement démonstratif. Cet élément existe en puissance à l'ex- trémité du cœcum : la cellule à grande vacuole est, en effet, un élément epithelial qui s'est différencié par simple vieillis- sement ontogénétique. Dans le fond des sillons que dessine l'épithélium hépato-pancréatique, la cellule entérique de la pointe du cœcum est un trophocyte banal, le plus souvent uninucléé ; à mesure qu'on se rapproche de la partie moyenne du cœcum, région où est localisée l'activité fonctionnelle de l'organe, les caractères de l'élément epithelial se modifient : le corps cytoplasmique s'hypertrophie, et, comme corollaire, le noyau présente des amitoses multiples. Sur les saillies epitheliales de la région moyenne du cœcum, l'évolution est encore plus accentuée : une vacuole énorme se creuse progres- sivement dans le polycaryocyte dont l'activité fonctionnelle se traduit, à ce stade, par l'absorption, la sécrétion, l'excrétion, la mise en réserve etc. : par conséquent, il existe un paral- lélisme étroit entre la localisation, la différenciation morpho- logique et la physiologie de la cellule entérique ; c'est du reste exactement ce que nous avons constaté dans l'épithélium intestinal de Scyllium canicula L. : le sillon intervilleux (région régénératrice), le flanc et la pointe de la villosité intestinale (zones fonctionnelles) correspondent nettement à ' Loc. cit. 1918. l'extrémité, aux parties moyenne et antérieure du cœcum enté- rique de Maja tant au point de vue morphologique qu'au point de vue physiologique. CONCLUSIONS I. — Tout élément epithelial, absorbant ou sécréteur, est susceptible de se transformer en une cellule géante nortnale dont la morphologie et la genèse reproduisent les caractères classiques des cellules géantes tératologiques. II. — Le volume et la complexité nucléaire des cellules epitheliales sont fonction de la localisation de ces éléments qui, elle même, conditionne l'activité absorbante ou sécrétrice du trophocyte. III. — Dans les cellules normales de l'intestin, la car3^o- diérèse ne joue aucun rôle dans la rénovation intestinale : les cellules binucléées, qui sont les premiers indices de géantisme des éléments épithéliaux, ne sont pas des cellules régénératrices mais des polycaryocytes au début de leur évolution. IV. — Ainsi qu'en témoigne l'évolution du chondriome des pol3'caryocytes intestinaux, et contrairement aux conclusions de Weigert, Baumgarten etc., la formation des cellules géantes n'est pas toujours la preuve d'une dégénérescence : le poly- caryocite epithelial est un élément exclusivement adapté aux fonctions de nutrition ; c'est un trophocyte typique dont l'activité est indéniable. V. — L'intégrité morphologique et fonctionnelle de la cellule géante paraît être assurée par l'incessante rénovation de ses noyaux ; quand, dans l'appareil nucléaire, les phéno- mènes de dégénérescence l'emportent sur les faits de rénovation, le polycaryocyte présente des signes d'involution senile qui aboutissent progressivement à la mort et à la disparition de l'élément epithelial. VI. — En dernière analyse, 4 stades paraissent synthétiser l'évolution de certains éléments épithéliaux de l'intestin, i*^ La cellule uninucléée fonctionne à la fois comme trophocyte et comme élément rénovateur (stade de jeunesse) ; 2° la cellule intestinale se transforme en polycaryocyte et perd ses facultés régénératrices (stade de maturité) ; 3° le polycaryocyte devient (361) paucinucléé, son pouvoir d'assimilation s'atténue progres- sivement et tend à disparaître (sénescence) ; 4° la cellule géante meurt. Comme le polycaryocyte ne se rénove pas, sa lignée s'éteint avec lui '. Il nous est donc permis de supposer que l'involution senile et la mort de l'intestin sont fonction du plus ou moins grand nombre de cellules géantes vieillies qui tapissent les parois de cet organe ; en d'autres termes, la jeunesse, la maturité, la sénescence et la mort d'un organe peuvent être déterminées par la physiologie normale des éléments qui le constituent. D'où nous concluons que dans certains cas, les faits d'involution et même de dégénérescence totale (vieillesse, mort, par exemple) sont des phénomènes essentiellement « naturels ». • (Travail de l'Institut Océanographique. Laboratoire du Musée de Monaco.) ' C'est peut être entre les deux derniers termes de cette évolution que s'intercale, dans certains cas, la greffe leucocytaire qui provoque le rajeunissement cellulaire ou prolonge l'existence de l'élément epithelial. Cf. F. Ladreyt, C. R. Ac. Sc. Paris Septembre igig). o * Bulletin de l'Institut Océanographique (Fondation ALBERT I", Prince de Monaco) No 302. — i5 Décembre 1919. j'jt'f"^^ Stations fixes en plein Océan et Notation de la nuance de la Mer. Par J. THOULET Pendant les deux campagnes scientifiques que j'eus Thon- neur de faire avec le Prince de Monaco à bord de son yacht Pinncesse-Alice II, j'ai assiste' à diverses reprises à des pêches à la nasse en plein océan, à des profondeurs dépassant le plus souvent 1000 mètres. La nasse est un filet monté sur une car- casse en forme de prisme triangulaire qu'on envoie au fond après l'avoir lesté de poids très lourds et qui est fixé à un solide câble en fils d'acier attaché lui-même à un flotteur capable de retenir tout l'appareil et surmonté, pour le faire reconnaître de loin, d'un drapeau le jour et d'un fanal la nuit. Le bâtiment, qui, avant d'avoir mouillé la nasse, a donné un coup de sonde gour avoir la profondeur, n'a plus qu'à croiser pendant vingt- quatre heures autour de l'appareil abandonné à lui-même. Il procède ensuite au relevage. Il semble que l'océanographie aurait grand profit à utiliser une pareille station fixe pour des observations qui occuperaient des loisirs forcés et ne gêneraient en rien les naturalistes obli- gés d'attendre la remontée de la nasse pour récolter les animaux capturés. Ces observations s'appliqueraient à la mesure des caractéristiques, direction et vitesse, des courants sous-marins suivant une même verticale. Elles sont possibles car il en a été exécuté de pareilles par des officiers de la marine américaine chargés d'étudier le Gulf-Stream et obligés de mouiller à grand' peine leur navire jusque par i5oo mètres de profondeur, puis par le Challenger qui deux fois a profité d'une journée particu- lièrement calme pour établir deux roses de courants, l'une jusqu'à iioo mètres, la seconde par Syo mètres seulement. Quoique probablement entachées d'une certaine erreur puisque le bâti- ment non mouillé a dû certainement dériver pendant l'opération, ces deux mesures ont donné des résultats extrêmement précieux sur la dérive du Gulf-Stream vers l'Est et sur ce curieux phéno- mène de la circulation océanique d'un fleuve marin qui, à l'inverse des fleuves continentaux, coule à contrepente. La connaissance de la circulation, il faut l'avouer, offre de grandes lacunes, La navigation sous-marine ne perdrait rien à mieux savoir ses lois et peut-être les naturalistes y trouveraient-ils l'explication de certains faits encore inexpliqués relatifs aux migrations des poissons et susceptibles de fournir de précieux renseignements à l'industrie des pêches. Pour exécuter leurs mesures, les officiers américains se sont servis du double-flotteur de Mitchell composé de deux vases en cuivre de surface égale, dont l'un est un cylindre creux et ouvert qui est immergé à la profondeur voulue après avoir été relié par un fil métallique au flotteur de surface qui a la forme d'une bouteille cylindrique bien bouchée et surmontée d'un petit drapeau afin d'être plus visible. Après avoir observé le courant tout à fait superficiel fortement influencé par le vent régnant, on procède à l'étude successive des divers courants inférieurs dont la direction et la vitesse, à l'aide d'une cons- truction géométrique simple, sont données par la direction et la vitesse de la bouteille superficielle du système des deux flotteurs. Le Challenger a fait usage d'une drague à courants ordi- naire, composée de deux chassis rectangulaires de grande surface se croisant à angle droit sur chacun desquels est tendue une toile à voiles huilée. Le système est relié également par un fil métallique à une bouée très apparente quoique de surface incomparablement plus petite que le double chassis ; elle sert — 3 — de flotteur et on néglige son influence sur le déplacement total de la drague. On pourra même se servir de simples bouteilles accouplées, en verre ordinaire, de Hautreux, dont on a soin de peindre les couples ou tout au moins la bouteille flotteur de surface avec de la peinture à l'huile blanche pour la bouteille unique destinée à flotter seule, jaune, verte, rouge et d'autres couleurs pour les autres bouteilles. Les distances d'éloignement à partir de la station fixe de départ qui est le flotteur de la nasse seront mesurées soit par un fil (fil de ligne à pêcher) stéarine et soutenu par quelques bouchons de liège en boules, de distance en distance, soit par une lunette stadia visant un mât de hauteur connue faisant fonction de mire installé sur le flotteur de la nasse. L'azimuth sera déterminé avec un compas sur l'embarcation chargée de suivre et de relever les flotteurs. Du reste, deux ou trois essais préliminaires en faible profondeur et avec un nombre restreint de flotteurs permettront mieux que toute description de régler la façon la plus convenable de pratiquer l'opération. On se rappellera qu'un courant de i nœud = i mille = i852 mètres à l'heure correspond à une vitesse de 0.5144 mètre par seconde ; la durée d'une observation soit par le flotteur de Mitchell, soit avec la drague, soit avec les bouteilles accouplées n'exigera donc que quelques minutes. Il serait bon d'exécuter toujours les opérations aux mêmes profondeurs tout en restant, bien entendu, libre d'en faire d'intermédiaires lorsqu'on le croira utile. Les profondeurs qui semblent être préférables sont : surface, 5, 10,20,60, 100 et, au- delà, de 100 en 100 mètres jusqu'à 1000 mètres, puis ensuite, ce qui probablement sera assez rare, de 200 en 200 mètres en intercalant 5oo mètres dans la série jusqu'à 2000 mètres. C'est par ces profondeurs successives que passeront les plans horizontaux des cartes de courants. En réalité, pour les courants, il n'y aura guère besoin, sauf dans quelques rares cas particuliers, de dépasser 200 ou 3oo mètres. Pendant ce temps, on pourrait, à bord du bâtiment, exécuter un second sondage en plaçant aux mêmes profondeurs des (362) bouteilles à recueillir des échantillons d'eau, chacune munie de son thermomètre. Ces échantillons, avant d'être mis en bouteille pour être analysés au retour, dans le laboratoire, au point de vue de la détermination de leur salinité, seront passés à l'aréomètre afin de connaître leur densité in situ S^ avec correction de compressibilité s'ils ne proviennent pas de la surface. En résumé il faudra établir, autant que possible pour chaque profondeur, le poids exact par rapport au poids de looo grammes de i décimètre cube d'eau distillée à -f- 4°, de I décimètre cube de l'eau mer in situ à l'endroit même où on l'a récoltée en train d'exécuter le travail qu'est pour elle la circulation océanique à laquelle elle participait. On notera enfin, pour chaque opération, la date, l'heure, la direction et la force du vent, l'état de la mer ainsi que la hauteur baro- métrique de manière à posséder toutes les données nécessaires pour se rendre un compte précis des plus importantes variables susceptibles d'avoir une influence sur la circulation océanique. La représentation graphique des résultats fournis par les flotteurs se fera sous la forme de rose ou de verticale de courants. Pour plus de clarté dans les explications, on prendra comme exemple l'expérience exécutée par le Challenge}^ le 24 avril 1873 dans l'ouest des Bermudes, par 32° 18' lat. N et 65° 38' long. W. Les résultats obtenus directement sont les suivants : Prof. Direction Milles à l'heure surface N 600 li 0.24 90 N 750 E 0.46 180 N 870 E 0.36 370 S 700 E 0.2-2 55o S 400 E 0.08 730 S 65° E O.I I 910 N 65o E 0.06 IIOO courant nul courant nul Rose de couraiil. — A partir du point de croisement des deux lignes NS-E\V, on trace, dans la direction N 60° E, le nord étant en haut comme sur les cartes, la flèche de longueur = 24'"'", si on adopte Téchelle de 100'"'" ou 10^'" par mille ou nœud de vitesse à Theure ; puis successivement et à partii- du même point, dans la direction N 75° E, la flèche de 46""" et ainsi de suite. On obtient alors le schéma ou rose Fig. I. Auprès de chaque flèche ou inscrira les indications diverses s'y rapportant ainsi que le montre la figure. A^^.u^G _^ fi, SJ t FlG. I Verticale de courant. — Les flèches sont les mêmes que sur les roses, seulement, au lieu de les faire toutes diverger du même point, on les distribue sur une verticale. La Fig. 2 est en quelque sorte la projection sur le plan vertical dont la Fig. I est la projection sur le plan horizontal avec cette seule différence que les flèches sont séparées verticalement les unes des autres d'une distance constante dont la profondeur réelle est indiquée à la base de chacune d'elles. La position de chaque flèche est supposée tracée dans le plan horizontal correspondant à chaque profondeur relevé ensuite de 90° de manière à s'appli- (362) — 6 — quer sur la verticale suivant la ligne NS. Ce second mode de représentation semble plus clair que le premier. Les indications de vitesse et de direction sont inscrites le long de chaque flèche. I nœud à l'heure ou i852 mètres en 36oo secondes équivaut 36oo , 1.944 secondes et par consequent 0.5144 a 1 • metre en i852 nniatn G5' 5 8' WW 0 mètres en une seconde. Avec ces données et connaissant la vitesse uniforme de chute par seconde d'un corps grave dans l'eau de mer, variable à mesurer directe- ment par expérience, il sera facile de résou- dre le problème sui- vant susceptible de trouver son appli- cation en océanogra- phie. « Connaissant le point et la vitesse de chute d'un corps à la surface de l'Océan, la rose ou la verticale des courants en ce point et la pro- fondeur, déterminer la trajectoire du corps, la durée totale de sa chute et la position du point où il se déposera sur le fond. » Ce problème trouvera aussi son application en géologie -synthétique car il établit une rela- tion entre la nature d'un sédiment, la profondeur • • et la circulation de l'Océan que le recouvrait ainsi que les conditions climatiques, thermiques et autres de la surface. Si l'on avait pour l'Atlantique Nord, par exemple, une ving- taine de ces schémas tous se rapportant aux mêmes profondeurs indiquées plus haut, en complétant leurs indications avec la connaissance des températures et des densités /;/ 5//// dans les mêmes plan horizontaux,. on aurait sur la circulation profonde l'IG. de cette portion d'océan une notion presque complète autre- ment nette et précise que celle que Ton possède aujourd'hui et il suffirait pour cela d'une seule campagne océanographique. Il serait à désirer que des recherches systématiques soient faites sur la couleur de la mer, la question a été à peine étudiée jusqu'à présent malgré son intérêt théorique et surtout pratique pour les pêcheurs. On a aiTirmé, en elTet, sans en fournir de preuves véritablement scientifiques que la présence du plancton ou tout au moins de certaines espèces de plancton faisait virer au jaune la nuance ordinaire de la mer. S'il en était viaimcnt ainsi, ne serait-on pas en droit d'espérer établir avec une certitude approchée, un dosage rapide du plancton au moyen d'une simple évaluation de nuance? En tous cas la question mérite d'autant plus d'être étudiée que la .«-cience possède dès à prés.^nt tous les moyens nécessaires pour l'aborder. Il ne s'agit pas, bien entendu, de la couleur de la mer telle qu'elle apparaît à un spectateur la considérant de terre ou du haut du pont d'un navire, ou à un peintre désireux de la reproduire sur un tableau. Cette couleur n'est pas mesurable car elle se compose d'un nombre considérable d'éléments différents : couleur propre de f'eau, état du ciel, mode d'éclairage, matériaux divers en dissolution ou en suspension et d'autres encore. La véritable nuance est celle d'une tranche d'eau de longueur infinie et également éclairée sur toute sa longueur observée par transparence en se servant du miroir incliné à 45°. On sait que l'instrument se compose d'un miroir incliné à 45", porté à l'extrémité d'une tige en bois longue de 2 mètres environ qu'on plonge dans l'eau verticalement et qu'on observe en se plaçant exacten:ient au-dessus. La nuance vue est alors très différente de celle qu'apercevrait un spectateur considérant la mer à la façon ordinaire. On compare cette nuance à une sammc de teintes établie par Forel de la façon suivante. On prépare deux solutions, une bleue et une jaune. La première est une solution de i gramme de sulfate de cuivre (362) — 8 — dans 190 grammes d'eau à laquelle on ajoute ensuite 9 grammes d'ammoniaque liquide. La seconde est une solution de i gramme de Chromate de potasse neutre dans 199 grammes d'eau. On mélange par centièmes les deux solutions c'est-à-dire 99 de bleue et i de jaune, 98 de bleue et 2 de jaune, 97 de bleue et 3 de jaune et ainsi de suite ; chacun d'eux est placé dans un tube en verre blanc de 6 ou 7 centimètres de longueur et de I centimètre de diamètre, scellé ensuite à la lampe et auquel on donne un numéro représentant le pourcentage de jaune dans 100 de liqueur de telle sorte que o représente la solution bleue pure, 100 la solution jaune pure et, par exemple le numéro 17, le mélange de 17 de jaune avec le complément à 100, c'est-à-dire 83 de bleue. Les teintes de la mer sont comparées à cette gamme et numérotées en concordance. En réalité l'on n'a jamais besoin de toute la gamme et la quantité de jaune dans la teinte d'une mer ne dépasse pas un numéro relativement faible. C'est pourquoi Forel avait fait choix de 10 numéros qu'il désignait par des chiffres romains de I à X et dont les degrés paraissent un peu espacés les uns des autres pour les teint.es les plus communes. 11 semble donc préférable de conserver l'échelle primitive en espaçant de deux en deux les numéros successifs dans les limites usuelles. L'expérience directe fixera sur le meilleur choix à faire d'ailleurs différent selon la région maritime à étudier. Malheureusement les solutions présentent le grave inconvé- nient de se décomposer assez rapidement, même en tube scellé. Afin d'y obvier, j'ai employé deux solutions aqueuses de bleu de diamine et d'acide picrique qui ont été mélangées de façon à donner une teinte identique à celle d'un numéro quelconque entre o et 100 de la gamme de F'orel et dans laquelle j'ai déposé un verre de plaque photographique très mince recouvert d'une couche de gélatine, bien entendu non sensibilisée, et découpé ensuite en petites plaquettes rectangulaires de 3x 2 centimètres environ. En y laissant séjourner plus ou moins longtemps les plaquettes, on en colore la gélatine. Lorsqu'on juge atteinte la nuance désirée, on arrête le trempage, on lave à l'eau pure, on laisse sécher et l'on vérifie au colorimètre de Duboscq. Si la teinte est trop faible, on replace les plaquettes dans le bain et Ton recommence la vérification par comparaison. En procédant ainsi avec précaution, par tâtonnements, on parvient sans diffi- culté à donner exactement aux plaquettes la même teinte que celle du numéro du liquide type choisi examiné par transparence sur une épaisseur de i centimètre. Chacune de ces plaquettes recouverte d'un second verre mince pour protéger la gélatine, les deux verres étant maintenus accolés au moyen d'une étroite bande de papier en entourant les bords, représentera un nu- méro de Forel susceptible de se conserver sans se modifier à la condition de n'être pas inutilement exposée au soleil et d'être conservée dans une boîte opaque. L'expérience seule fera connaître le nombre des numéros réellement nécessaires ; il sera certainement de beaucoup infé- rieur aux cent que comporte Téchelle totale. Je n'ai pas à insister ici sur un procédé que j'ai emplo}^ pour assombrir les teintes sans modifier d'ailleurs leur nuance résultant des proportions relatives de bleu et de Jaune. Je me bornerai à rappeler que je me suis servi dans ce but de verres gélatines semblables à ceux de l'échelle mais colorés simple- ment d'une teinte noire d'intensité régulièrement croissante et à travers lesquels on examine par transparence les plaquettes vertes de la véritable gamme. Pour les observations à bord, on installerait à travers la paroi du navire, à environ i mètre au moins au-dessous de la ligne de flottaison, un hublot rond de 7 à 8 centimètres de diamètre fermé par un verre épais, bien transparent et facile à nettoyer intérieurement et extérieurement. La distance entre la ligne de flottaison et le hublot doit être telle que ce hublot, par les roulis ordinaires, demeure entièrement sous l'eau afin d'éviter autant que possible le passage brusque de la couleur du ciel à la couleur de l'eau qui troublerait la vue et nuirait à l'exacte évaluation de la nuance de la mer. Le hublot continuellement sous l'eau remplacerait le miroir à 46" et c'est au travers qu'on observerait la teinte de la mer. L'observateur serait placé dans une soute obscure éclairée par une ampoule électrique ne modifiant pas les nuances, abritée elle-même par un écran (362) — lO — opaque afin de conserver à la vue toute sa sensibilité ; les diverses plaquettes de la gamme seraient examine'es en les regardant sur le fond blanc d'une plaque de porcelaine ou, tout simple- ment d'une assiette fixée verticalement et bien éclairée. Peut- être sera-t-il bon de prolonger le hublot dans l'intérieur de la cabine par un tube noirci suffisamment long pour éviter un éclairage général donné par la lumière colorée arrivant à travers la mer. Si même on désirait atténuer la lumière de la lampe électrique afin de faciliter la comparaison, il suffirait de faire traverser aux rayons lumineux un écran constitué par des verres légèrement dépolis ou teintés de noir dont il serait facile de faire varier à volonté le nombre. Mais la précaution semble devoir être assez inutile. On obtiendrait ainsi une identité complète aussi bien comme nuance que comme assombrissement entre la teinte de la mer et celle du numéro type correspondant de la gamme de Forel. Cette disposition générale offrirait l'avantage inappréciable de réduire la durée de l'expérience à quelques instants et de permettre d'exécuter celle-ci à n'im- porte quel moment de la journée. J'avoue avoir vainement cherché un moyen de mesurer, en cours de route la transparence de la mer en même temps que sa couleur. Je souhaite qu'un autre océanographe soit plus heureux que moi. En attendant, si j'étais chargé d'une pareille étude, je profiterais de tous les moments d'arrêt du bâtiment pour exécuter une mesure de coloration dans la soute et, aussitôt après, le long du bord une nouvelle mesure avec un miroir à 46" et une mesure de transpaience au moyen d'un disque blanc de Secchi de 3o^'^ de diamètre, selon la méthode ordinaire. Il GC Institut océanographique 1 Bulletin 145 no 324-62 PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY