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The Ontario Institute

for Studies in Education

Toronto, Canada

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SOCIÉTÉ DE PROTECTION

DES

APPRENTIS

ET DES

ENFANTS DES MANUFACTURES

Autorisée par décision de S. Exe. le Ministre de l'Intérieur, eu date du 6 décembre 1366, et par arrêté de M. le Préfet de police du 5 janyier

BUI.I.ETIIV

No 1

PARIS

IMPRIMERIE CENTRALE DES CHEMINS DE FER A. CHAIX ET C

KCB BERCÈnE, 20, PRÈS DC O' CBTARD llO:<TMiBTBB.

1867

F.XÉCt'TÉ PAR l'École rROI-ESSlONMiLLE DES JEl'NES TYPOGRAPHES

DE l'imprimerie CENTRALE DES CHEMINS DE FER

A. CHAIX ET C, RIE BERGÈRE, 20, PARIS.

AVANT-PROPOS,

Il y a vingt-cinq ans, l'attention du législateur français se porta pour la première fois sur les profondes souffrances morales et physiques des enfants qui travaillent dans les manufactures. La loi du 22 mars 1841 posa quelques principes, destinés à mettre fin aux abus les plus déplorables signalés par l'opinion et par les fabricants eux-mêmes. Cette loi, qui n'était qu'une « loi d'essai (1) », reconnaissait la première son insuffisance, en décla- rant qu'elle devrait être complétée par des règlements d'adminis- tration publique. Ces règlements, ainsi que l'a dit dernièrement un sénateur (2), a nous les attendons depuis vingt-cinq ans, » Mais le moment approche, nous pouvons en donner la cer- titude, oiî cette question si longtemps pendante rece^Ta une solution. Pour qu'elle soit aussi favorable que possible à l'inté- rêt commun de l'industrie et de la jeune population ouvrière, il est opportun de produire au jour tous les faits qui touchent à ce problème si délicat et si varié. Comme introduction à cette enquête publique, d'un intérêt si vital pour l'industrie et pour la prospérité générale du pays, nous voulons simplement aujour- d'hui rappeler avec le plus de rapidité possible les efforts suc- cessifs qui ont été tentés jusqu'à présent pour défendre les en- fants et les adolescents des ateliers et des manufactures contre les dangers qui menacent si gravement leur bien-être et leur dé- veloppement moral.

(1) Expression de M. de Gérando à la Chambre des pairs '22 février 1841), et de M. François Delessert à la Chambre des députés (11 mars 1841).

(2) M. Lebrun, dans la séance du Sénat du 12 juillet 1866.

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^angfâîse"" L'exemple d'une législation spéciale nous est venu d'Angle-

terre. Là le mal était le plus grand naquit d'abord le remède. Dès le commencement du siècle (1802) un bill présenté par un homme d'État qui était aussi un grand fabricant, Kobert Pee! le père, essaya d'améliorer un peu la situation des enfants- ouvriers qui travaillaient dans les filatvres. Les mesures adop- tées sur sa proposition restèrent à peu près sans effet ; il fallut en 1819 un bill nouveau pour leur donner quelque force d'action. Ce bill à son tour fut développé en J82o, et la législation, crois- sant toujours en étendue et en énergie, arriva enfm à l'acte solennel de 1833, qui marque une époque décisive dans l'his- toire morale de l'industrie anglaise. L'enfance ouvrière eut dès lors son code. S'il était encore incomplet, les vraies bases étaient posées. Après les débats longtemps prolongés, une série de minutieuses prescriptions soigneusement enchaînées régla le temps de l' enfant-ouvrier, et partagea avec une sage modération sa semaine de travail entre l'école et l'atelier. L'abus des forces physiques fut interdit, et la culture des forces intellectuelles fut exigée.

Cette loi, qui pouvait citer avec orgueil parmi ses inspirateurs et ses défenseurs les plus ardents lord Wilberforce et lord Asley, eut un grand retentissement. Elle devait exercer ses bien- faits au delà de l'Angleterre en mettant partout en Europe la question à l'ordre du jour. En France, Sismondi avait déjà fait sentir toute son importance (1). En 1828, M. J.-J. Bourcart, iîla- teur à Guebwiller, l'ava't proposée à l'étude de la Société indus- trielle de Mulhouse, qui venait d'être fondée (2); elle y fut l'objet de plusieurs rapports intéressants. En 1833, i^ur une demande du ministre de l' Instruction publique, la Société indiqua les meil- leurs moyens d'appliquer l'enseignement primaire aux enfants de l'industrie. Er.fm, en 1837, elle résolut d'adresser une pétition aux Chambres. La Société pour V encouragement de V instruction primaire parmi les protestants fit la même démarche. A la même époque, M. Villermé traçait ses lugubres tableaux, et en pleine Académie dénonçait les misères de la population ou- vrière (1839). Ces vœux, venant de tant de côtés et exprimés par des bouches si autorisées, triomphèrent enfm de résistances

(1) Nouveaux Principes déconomie politique, 1819. Tome I.

(2) Séances des 30 novembre ot 26 décembre 1S28.

intéressées; des enquêtes turent ordonnées, et, le 21 mars 1841, fut promulguée la loi suivante, votée par les Chambres après des discussions reprises dans deux sessions successives :

Art. 1^^ Les enfants ne pourront être employés que sous les conditions déterminées par la présente loi :

Dans les manufactures, usines et ateliers à moteur mécanique ou à feu continu, et dans leurs dépendances ;

Dans toute fabrique occupant plus de vingt ouvriers réunis en atelier.

Art. 2. Les enfants devront, pour être admis, avoir au moins huit ans.

De huit à douze ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de huit heures sur vingt-quatre, divi- sées par un repos.

De douze à seize ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de douze heures sur vingt-quatre, divi- sées par des repos.

Ce travail ne pourra avoir lieu que de cinq heures du maîin à neuf heures du soir.

L'âge des enfants sera constaté par un certificat délivré, sur papier non timbré et sans frais, par l'officier de l'état civil.

Art. 3. Tout travail entre neuf heures du soir et cinq heures du matin est considéré comme travail de nuit.

Tout travail de nuit est interdit pour les enfants au-des- sous de treize ans.

Si la conséquence du chômage d'un moteur hydraulique ou des réparations urgentes l'exigent, les enfants au-dessus de treize ans pourront travailler la nuit, en comptant deux- heures pour tix)is, entre neuf heures du soir et cinq heures du matin.

6 Un travail de nuit des enfants ayant plus de treize ans, pareillement supputé, sera toléré, s'il est reconnu indis- pensable, dans les établissements à feu continu dont la marche ne peut pas être suspendue pendant le cours des vingt-quatre heures.

Art. 4. Les enfants au-dessous de seize ans ne pour- ront être employés les dimanches et jours de fêtes recon- nus par la loi.

Art. 5. Nul enfant âgé de moins de douze ans ne pourra être admis qu'autant que ses parents ou tuteur justifieront qu*il fréquente actuellement une des écoles publiques ou privées existant dans la localité. Tout enfant admis devra, jusqu'à l'âge de douze ans, suivre une école.

Les enfants âgés de plus de, douze ans seront dispensés de suivre une école, lorsqu'un certificat, donné par le maire de leur résidence, attestera qu'ils ont reçu l'instruction primaire élémentaire.

Art. 6. Les maires seront tenus de délivrer au père, à la mère ou au tuteur, un livret sur lequel seront portés l'âge, le nom, les prénoms, le heu de naissance et le do- micile de l'enfant, et le temps pendant lequel il aurait suivi l'enseignement primaire.

Les chefs d'établissement inscriront :

1" Sur le livret de chaque enfant, la date de son entrée dans l'établissement et de sa sortie ;

Sur un registre spécial, toutes les indications men- tionnées au présent article.

Art. 7. Des règlements d'administration publique pourront :

l" Étendre à des manufactures, usines ou ateliers, autres que ceux qui sont mentionnés dans l'article l''^, l'appli- cation des dispositions de la présente loi ;

Élever le minimum de i'àge et réduire la durée du travail déterminés dans les articles deuxième et troisième à l'égard des genres d'indu-trie le labeur des enfants excéderait leur force et compromettrait leur santé ;

3' Déterminer les fabriques où, pour cause de danger ou d'insalubrité, les enfants au-dessous de seize ans ne pourront point être employés ;

4'^ Interdire aux enfants, dans les ateliers ils sont admis, certains genres de travaux dangereux ou nuisibles ;

Statuer sur les travaux indispensables à tolérer de la part des enfants, les dimanches et fêtes, dans les usines à feu continu;

Statuer sur les cas de travail de nuit, prévus par l'article troisième.

Art. 8. Des règlements d'administration publique devront :

1" Pourvoir aux mesures nécessaires à l'exécution de présente loi ;

Assurer le maintien des bonnes moeurs et de la cence publique dans les ateliers, usines et manufactures

3" Assurer l'instruction primaire et l'enseignement reli- gieux des enfants ;

Empêcher, à l'égard des enfants, tout mauvais trai- tement et tout châtiment abusif;

&" Assurer les conditions de salubrité et de sûreté né- cessaires à la vie et à la santé des enfants.

Art. 9. Les chefs des établissements devront faire afficher dans chaque atelier, avec la présente loi et les rè- glements d'administration publique qui y sont relatifs, les règlements intérieurs qu'ils seront tenus de faire pour en assurer l'exécution.

Art. 10. Le gouvernement établira des inspections pour surveiller et assurer l'exécution de la présente loi. Les inspecteurs pourront, dans chaque établissement, se faire représenter les registres relatifs à l'exécution de la présente loi, les règlements intérieurs, les livrets des en- fants et les enfants eux-mêmes ; ils pourront se faire ac- compagner par un médecin commis par le préfet ou le sous-préfet.

Art. 41. En cas de contravention les inspecteurs dresseront des procès-verbaux qui feront foi jusqu'à preuve contraire.

Art. 12. En cas de contravention à la présente loi Ou aux règlements d'administration publique rendus pour son exécution, les propriétaires ou exploitants des éta- blissements seront traduits devant le juge de paix du can- ton et punis d'une amende de simple police qui ne pourra excéder quinze francs.

Les contraventions qui résulteront, soit de l'admission d'enfants au-dessous de l'âge, soit de l'excès de travail, donneront lieu à autant d'amendes qu'il y aura d'enfants indûment admis ou employés, sans que ces amendes réu- nies puissent s'élever au-dessus de deux cents francs.

S'il y a récidive, les propriétaires ou exploitants des éta- blissements seront traduits devant le tribunal de police correctionnelle et condamnés à une amende de seize à cent francs. Dans les cas prévus par le paragraphe second du présent article, les amendes réunies ne pourront ja- mais excéder cinq cents francs.

Il y aura récidive, lorsqu'il aura été rendu contre le contrevenant, dans les douze mois précédents, un pre- mier jugement pour contravention à la présente loi ou aux règlements d'administration publique qu'elle autorise.

0 Art. 13. La présente loi- ne sera obligatoire que six mois après sa promulgation.

Cette loi, excellente dans son ensemble, renfermait, il faut l'avouer, quelques prescriptions très-attaquables. Le rappor- teur, M. Renouardjl'avait dit lui-même: elle était «fort éloignée de la perfection (l), » et l'expérience devait bientôt le prouver. Elle était d'ailleurs « moins hmnaine et moins généreuse que l'Acte anglais de 1833 (2). » Elle imposait à la surveillance une limite assez singulière en la restreignant aux ateliers « occupant plus de vingt ouvriers (3) ; » elle fixait l'âge d'admission dans les manufactures à huit ans, tandis que la loi anglaise fixait neuf ans; elle faisait commencer l'âge adulte à seize ans, au lieu de dix-huit ; elle admettait en général un travail journalier plus long, et cependant le combinait moins habilement avec les exigences de l'industrie ; enfin et surtout elle laissait pour ainsi dire toutes ses prescriptions désarmées, en n'indiquant pas des moyens efficaces et immédiats pour les exécuter. C'était le vice le plus grave de la loi, car en 1847 M. le baron Dupin pouvait dire à la Chambre des pairs : « Depuis six ans la loi » échoue. D'abord exécutée un peu, puis de moins en moins, )) on a fini par la déclarer inexécutable, parce que nous n'avions » pas institué des inspecteurs puissants et indépendants. » On avait chargé les préfets de nommer des commissions locales, non salariées, composées d'hommes très-honorables, souvent

(1) Chambre des députés, 11 mars 1841.

(i) Legoyt, Dictionnaire d'Economie politique.

(3; A la Chambre des pairs, M. de Gérando Ot remarquer que « cette dis- » position n'avait été proposée dans aucun des éléments des deux enquêtes; » elle n'avait été conçue dans le sein d'aucun conseil général, chambre de 3) commerce, chambre consultative des arts et métiers, conseil des prud* B hommes; elle n'émanait pas du gouvernement,.... elle s'était produite » inopinément à la fln d'une discussion, et avait été improvisée sans avoir » subi l'épreuve d'un examen approfondi, n (Séance du 22 février 1841.) a Par B suite de cette disposition, disait M. Léoa Faucher en 1844, il arrive fré- » quemment que l'accès de certaines fabriques s'ouvre à l'inspection pendant » l'hiver et se ferme pendant l'été; les enfants se trouvent ainsi protégés du- » rant la moitié de l'année, et abandonnés durant l'autre moitié. L'instruc- 3) tion devient pour eux tantôt obligatoire et tantôt facultive ; la durée du » travail s'abrège ou s'étend ; l'exercice du droit attribué à l'Etat dépend en- > tièrement du hasard, et suit en quelque sorte les oscillations du marché, a

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très-dévoués, mais qui, remplissant des fonctions pour ainsi, dire officieuses et honorifiques, ne se sentaient pas assez autorisés pour user du droit de poursuite qui leur était conféré. Le mi- nistre, dans certanis cas, leur adjoignit pour cette partie de leur tâche des agents administratifs, les vérificateurs des poids et mesures. Ce choix est l'indice très-significatif des incertitudes de l'administration. Après avoir longtemps tâtonné, on se ré- solut à revenir sur l'œuvre tentée et à la reprendre dans de meilleurs conditions, car le peu de bien accompli mon- trait qu'une réglementation était aussi nécessaire que bienfai- sante. L'exemple de l'Angleterre, suivi par plusieurs grands Etats, était toujours comme un stimulant ; l'Acte de 1833 avait été déjà remanié et développé, et nous étions en Europe les moins avancés pour cette partie de la législation. Un nouveau projet de loi fut donc présenté (IS février 1847). Il fut l'objet à la Chambre des pairs d'un rapport de M. le baron Dupin. rapport qui est un véritable traité sur la matière, et qui peut encore aujourd'hui être consulté avec le plus grand profit. S'appuyant sur une étude approfondie des besoin de l'indus- trie et des intérêts de l'enfance, il apportait des compléments très-importants au nouveau projet de loi, qui se trouvait ainsi conçu :

Article l^"". Les dispositions de la loi du 22 mars 18 il seront appliquées dans les manufactures, les fabriques, les usines, les chan- tiers et ateliers occupant au moins dix personnes de tout âge et de tout sexe, ou cinq personnes, enfants, adolescents ou femmes.

La même application continuera pendant un an, après le jour ces établissements cesseraient d'occuper l'un ou l'autre de ces deux nombre de travailleurs.

Les nombres ci-dessus pourront être réduits par voie de règlement d'administration publique.

Art. 2. Toutes les dispositions de la loi du 22 mars 1841, en faveur des enfants de huit à douze ans, et des adolescents de douze à seize ans, sont maintenues. Les dispositions en faveur des adoles- cents de douze à seize ans, et spécialement celle qui limite à douz(! heures leur travail journalier, seront désonnais appliquées aux filles et aux femmes, quel que soit leur âge.

Art. 3. Le règlement d'administration publique ordonné par l'article 8 de la loi du 22 mars 1841, pour tout ce qui cercerne renseigncinent primaire et religieux, sera publié dans la première année qui suivra la promulgation de la présente loi.

Il

Ce règlement, coQcerlé entre les Ministres de l'agriculture et du commerce et de l'instruction publique, coordonnera les heures d'école et les heures de travail. Pendant trois jours ouvrables de chaque se- maine, la durée du travail des adolescents est réduite à onze heures; l'heure du travail supprimée fera partie du temps obligatoirement con- sacré à leur instruction primaire. Une classe du dimanche aura lieu pour l'enseignement religieux des enfants et des adolescents.

Art. 4. 11 sera nommé quatre inspecteurs généraux. Chacun d'eux ne pourra avoir sous sa direction moins d'un inspecteur divi- sionnaire.

Ces inspecteurs, salariés par l'État, ne pourront remplir aucune autre fonction administrative.

Chaque inspecteur général parcourra, chaque année, les quatre di- visions du ressort qu'il aura dans ses attributions.

Une rotation régulière des inspecteurs généraux leur donnera suc- cessivement la surveillance des quatre grands districts dans lesquels sera divisée la France manufacturière.

Chaque inspecteur général rédigera tous les ans son rapport sur le résultai de son inspection. Le rapport, signé par lui, sera publié en entier pour être, dès l'ouverture de chaque session, distribué aux membres des deux Chambres.

L'organisation des comités d'inspection locale continuera d'être ré- glée par des arrêtés ministériels.

Ces comités seront présidés de droit par les inspecteurs division- naires et généraux dans le ressort desquels ils seront établis et rece- vront d'eux leur direction.

Il appartiendra également aux inspei^teurs de régler l'action des Sociétés de patronage qui pourront être autorisées dans le but louable de concourir à l'instruction et à la protection des enfants dans les manufactures. Les Sociétés de patronage dont l'expérience aura montré les bons effets pourront, d'après le rapport d'un inspecteur général, être autorisées par voie de règlement d'administration publi- que avec les droits qui s'ensuivent.

La présente loi sera affichée dans les ateliers avec la loi du 22 mars 18il, et les contraventions à ces dispositions punies confor- mément aux articles 10, 11 et 12 de ladite loi.

Ce projet amenait une ainélioralion sérieuse : non-seulement la durée du travail était réduite, mais les établissements soumis à la surveillance devenaient infiniment plus nombreux. M. Dupin n'avait nullement voulu donner la limite qu'il avait fixée comme définitive: xPlus tard, disait-il, on atteindra de moindres ateliers \n mais il avait craint de surcharger tout d'un coup une inspec- tion nouvellement organisée d'un travail ti'op étendu; son désir était d'atteindre bientôt l'industrie tout entière, en procédant couche par couche, et en allant du mal le plus visible au

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mal le plus caché, car les ateliers ont d'autant plus de faux- fuyants pour échapper à la loi qu'ils sont moins vastes. Il ne se dissimulait pas que les ateliers laissés pour le moment de côté étaient ceux qui offraient toujours les plus mauvaises con- ditions, où les sévices étaient les plus graves, et qui par cela même auraient être inspectés les premiers et non les der- niers ; mais il aimait mieux enraciner d'abord la loi dans tous les établissements la surveillance était la plus aisée, et lui donner pour ainsi dire une large base d'obéissance avant d'atta- quer les résistances les plus difficiles à vaincre. Pour que la loi avançât sans cesse, il ne voulait la faire marcher que pas à pas, mais en même temps il prenait ses précautions contre l'inertie, qu'il reprochait vivement au passé, en exigeant que le règlement d'administration publique fût publié dans l'année.

Une autre amélioration non moins louable, c'était l'admission des femmes à la protection. La loi de 1841 avait cru devoir les en exclure, et cependant le sort de la population est inté- ressé à leur santé et à leur moralité au moins autant qu'à celle des enfants. L'Angleterre l'avait compris avant nous.

La supériorité du texte nouveau se montre aussi dans le soin avec lequel il met en saillie ce principe fondamental, c'est que l'atelier et l'école doivent être soumis à des règlements gui concordent, de façon que l'enfant soit forcément et réguliè- rement conduit de l'un à l'autre. La loi doit être aussi bien une loi scolaire qu'une loi industrielle. La surveillance de l'emploi du temps de l'enfant est impossible tant que l'école et l'atelier ne se contrôlent pas mutuellement; il faut donc que le maître d'école et le fabricant soient, comme en Angleterre, mis en relation par la loi, et concourent pour une part égale à défendre l'enfant contre le vagabondage ou contre les abus du fait des parents, qui malheureusement ne sont pas les moins fréquents (1).

Enfin, dernière et importante différence, la nouvelle loi orga- nisait un système d'inspection solide et complet. Instruit par l'exemple de l'Angleterre, « trente ans de zèle et d'efforts

(1) « 11 faut l'avouer, car les registres de nos tribunaux ne l'attestent que » trop, c'est souvent au sein de la famille elle-même que la plus odieuse » tyrannie épuise les forces de l'enfance.» (M. de Gérando à la Chambre des pairs, 20 février 1841.)

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u'avaient conduit qu'à des résultats illusoires, jusqu'au moment la protection des enfants put être rendue constante, ferme, éclairée et respectée par la création d'inspecteurs, magistrats spéciaux et autorisés, » le baron Dupin attachait le succès de toutes les mesures, quelles qu'elles fussent, à l'abandon de l'ancienne organisation, dont l'impuissance avait été reconnue.

M. le baron Dupin appuyait ses demandes de réforme sur les faits statistiques les plus signilîcatifs. Il montrait que dans les circonscriptions les plus manufacturières de France, contre 1,000 sujets capables de supporter le service militaire, 1,03:2 étaient incapables pour infirmités, difformités, débilité, tandis que, dans les circonscriptions limitrophes, principalement agricoles ou maritimes, contre 1,000 sujets capables 4o9 seulement étaient incapables. L'écart entre ces deux chiffres 1 ,032 et 4o9, était en pai-tie, selon M. Dupin, aux ravages énormes causés dans la population par de prétendues nécessités de l'industrie, qui d'ailleurs ne peuvent jamais autoriser « ces dégradations de l'espèce humaine. » En même temps il calmait les inquié- tudes des fabricants qui se plaignaient de se voir enlever des heures de travail, en démontrant qu'en Angleterre la loi, pour- tant plus sévère, avait augmenté et amélioré la production au lieu de l'amoindrir (1) . A ceux qui prétendaient que le système des relais et du travail à la demi-journée pour les enfants était d'une application impossible, il ne répondait pas davantage par des raisonnements : il montrait simplement ce système en pleine activité dans les contrées qui sont peut-être les plus manufac- turières du monde (2) .

(1) n est même aujourd'hui prouvé qu'il y a intérêt pour le fabricant à ne pas prolonger la journée au delà d'une certaine limite ; la force et l'attention diminuant, le travail effectif diminue très-rapidement de quantité et de qua- lité, et les malfaçons abondent. La courte journée est donc aussi avanta- geuse au fabricant qu'à l'ouvrier. L'Amérique, qui s'entend en travail, a donné comme la vraie formule : huit heures de travail manuel, huit heures de sommeil, huit heures de liberté. Cette loi économique est encore plus vraie pour l'enfance. M. Chadwick, dans un mémoire lu à l'Académie des sciences morales, rapporte que le système du demi-temps d'école a produit en Angleterre des résultats tels qu'on doit considérer cette innovation « comme le signal d'un révolution dans les méthodes d'enseignement. » (Paroles de lord Brougham.)

(2) oc Le système des relais, qui s'est trouvé à peu près incompatible avec » les exigences de la loi de 1841, deviendrait très-facile avec l'emploi de » demi-journées. » (Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse n" 110.]

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Ce rapport, si remai-quable et si prudent dans ses conclusioias, fut le point de départ d'une discussion consciencieuse qui eut pour résultat de faire emprunter successivement au projet du gouvernement et au projet de la Commission leurs mesures Ifes plus larges. Les propositions de la Société de Mulhouse et les prescriptions du nouvel acte anglais de 1844 passèrent dans la oi, qui fut adoptée sous la rédaction suivante :

AnTicLE PREMIER. Les dispositions de la loi du 22 mars 1841 seront applicables aux enfants travaillant dans toutes les manufactures, fabriques, usines, chantiers et ateliers.

Art. 2 De huit à douze ans, la durée effective du travail des enfants ne pourra excéder six heures sur vingt-quatre.

Les dispositions en fiiYeuc des adolescents de douze à seize ans, et spécialement celle qui limite à douze heures leur travail journalier, seront désormais appliquées aux filles et aux femmes, quel que soit leur âge.

Art. 3- Le règlement d'administration publique, ordonné par l'article 8 de la loi du 22 mars 18 il, pour tout ce qui concerne l'en- seignement primaire et religieux, sera publié dans les deux années qui suivront la promulgation de la présente loi .

Un jour de chaque semaine pour tous les adolescents de douze à seize ans, deux heures seront retirées du travail et consacrées à l'ins- truction primaire.

Deux heures de chaque dimanche seront consacrées à l'instruction primaire et religieuse des adolescents.

Art. 4. Il sera nommé des inspecteurs salariés pour assurer l'exécution des dispositions relatives au travail des enfants dans les manufactures.

Un règlement d'administration publique déterminera le mode d'organisation des inspections.

Il sera, chaque année, rendu compte aux Chambres des résultats de l'exécution de la présente loi, et de celle du 22 mars 18M.

Art. o. Ne seront pas soumis aux inspections prescrites par l'article 10 de la loi de 1841 et par l'article 4 de la présente loi, les ateliers des personnes exemptes du droit de patente, en vertu du paragraphe 6 de l'article 13 de la loi de 1844 (1).

(1) Ne sont pas assujettis à la patente :

6" Les commis et toutes les personnes travaillant à gages, à façon et à la journée, dans les maisons, ateliers et boutiques des personnes de leur pro- fession, ainsi que les ouvriers travaillant chez eux ou chez les particuliers, sans compagnons, apprentis, enseigne ni boutique; ne sont point considérés comme compagnons ou apprentis, la femme travaillant avec son mari, ni les enfants non mariés travaillant avec leur père et mère, ni le simple ojanœuvTfc dont le concours est indispensable à l'exercice delà profession.

io

Art. g. La présente loi sera affichée dans les ateliers avec la loi du 22 mars 1841, et les contraventions à ses dispositions seront constatées et punies contbrménient aux articles 10, 11, 12 de ladite loi.

Art. 7. La loi de iSil continuera d'être exécutée en tout ce qui n'est pas contraire aux dispositions qui précèdent.

Art. 8. La présente loi ne sera exécutoire que trois mois après sa promulgation.

Cette loi fut votée par la Chambre des pairs le 21 février 1848. Avant qu'elle fût soumise au vote de la Chambre des députés , la révolution éclata.

Quoique favorables à l'amélioration du sort des ouvriers, les pouvoirs nouveaux, préoccupés de questions plus générales, lais- sèrent celle-ci elle en était, c'est-à-dire dans la confusion. Sauf pour quelques localités, les fabricants, animés de senti- ments d'humanité et rendus ingénieux et clairvoyants par leur bonté, savaient concilier sans peine leurs intérêts d'industriels avec leurs devoirs de citoyens, la loi était laissée de côté. Quel- ques inspecteurs faisaient de louables et courageux efforts pour l'appliquer, mais cette minorité assez faible était impuissante à résoudre un problème aussi considérable. D'ailleurs l'industrie était dans un état de malaise tel qu'on ne voulait lui apporter aucune espèce de gêne. Quand, le calme fut rétabli, le gou- vernement se préoccupa vivement de la violation presque géné- rale de la loi de 1841, et il résolut de remédier à ce désorch*e, qui en amène tant d'autres. Le Conseil général des manufac- tures fut consulté, et le résultat de ses délibérations vint ajouter une nouvelle force à tous les eôorts tentés déjà pour élargir la loi de 1841. D'après ce conseil, composé des hommes les plus éminents et les phis capables d'apprécier les meilleures condi- tions pratiques de l'industrie, il fallait :

Étendre la loi à toutes les classes de chantiers, d'ateliers, d'usines et manufactures dirigés par des patentés ;

Abaisser à six heures la durée du travail, d'abord pour tous les enfants de huit à douze ans ;

Assurer aux adolescents de douze ans deux heures d'école du dimanche pour continuer leur enseignement primaire et religieux ;

Charger les inspecteurs de l'instruction primaire de la constata tion de l'instruction des enfants qui suivent le travail des ateUers et manufactures ;

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5" Adjoindre un agent salarié aux commissions de surveillance établies suivant l'importance des districts manufacturiers par arrondis- sement ou par canton^ pour surveiller l'exécution des lois sur le travail ;

6" Confier à des inspecteurs r/énéraux rétribués, visitant à tour de rôle les différentes parties de la France, la surveillance uniforme et supérieure des établissements placés sous le régime de lois protectrices ;

Publier textuellement les rapports annuels des inspecteurs géné- raux;

Ordonner que les règlements d'administration publique, complè- tement définis par la loi de 4841, soient promulgués en 1851, pour protéger le travail, la santé, la moralité, l'instruction des enfants et des adolescents ;

Étendre ces rassures protectrices au travail des filles et des femmes.

Une partie des désirs de l'opinion publique, s'exprimant par la voix du Conseil général des manufactures, devait trouver une première satisfaction dans la promulgation de la Loi sur les contrats d'apprentissage (4 mars 18oi ). Pour les enfants qui pouvaient se placer sous la protection du contrat, les condi- tions du travail étaient notablement améliorées par cette loi, dont voici le texte :

SECTION V\

DE LA NATURE ET DE LA FORME DU CONTRAT.

Art. l''^ Le contrat d'apprentissage est celui par le- ^°comratï^ qucl un fabricant, un chef d'atelier ou un ouvrier s'oblige '^Xm-B^mT' à enseigner la pratique de sa profession à une autre per- sonne, qui s'oblige, en retour, à travailler pour lui; le tout à des conditions et pendant un temps convenus.

Art. 2. Le contrat d'apprentissage est fait par acte

public ou par acte sous seing privé.

, Il peut aussi être fait verbalement ; mais la preuve tes-

' timoniale n'en est reçue que conformément au titre du

Code civil Des Contrats ou des Obligations conventionnelles en

général.

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Les notaires, les secrétaires des conseils de prud'hommes et les greffiers de justice de paix peuvent recevoir l'acte d'apprentiisage..

Cet acte est soumis, pour l'enregistrement, au droit lixe d'un fi^nc, lors même qu'il contiendrait des obligations de sommes ou valeurs mobilières, ou des quittances.

Les honoraires dus aux officiers publics sont fixés à deux francs.

Art. 3. L'acte d'apprentissage contiendra :

Les nom, prénoms, âge, profession et domicile du maître ;

Les nom, prénoms, âge et domicile de l'apprenti;

Les nom, prénoms, profession et domicile de ses père et mère, de son tuteur, ou de la personne autorisée par les parents, et, à leur défaut, par le juge de paix;

La date et la diu'ée du contrat;

Les conditions de logement, de nourriture, de prix, et toutes autres arrêtées entre les parties.

Il devra être signé par le maître et par les représentant» de l'apprenti.

SECTION II.

DES CONDITIONS DU CONTRAT.

Art. 4. Nul ne peut recevoir des apprentis mineur?, s'il n'est âgé de vingt et un ans au moins.

Art. o. Aucun maître, s il est célibataire ou en état de veuvage, ne peut loger, comme apprenties, des jeunes filles mineures.

Art. g. Sont incapables de recevoir des apprentis ; Les individus qui ont subi une condamnation pour crime ;

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Ceux qui ont été condamnés pour attentat aux mœurs ;

€eux qui ont été condamnés à plus de trois mois d'emprisonnement pour les délits prévus par les arti- cles 388, 401, 405, 406, 407, 408, 423 du Code pénal

Art. 7. L'incapacité résultant de l'article 6 pourra être levée par le préfet, sur l'avis du maire, quand le condamné, après l'expiration de sa peine, aura résidé pendant trois ans dans la même commune.

A Paris, les incapacités seront levées par le préfet de police.

SECTION III.

DEVOIRS DES MAITRES ET DES APPRENTIS.

Art. 8. Le maître doit se conduire envers l'apprenti en bon père de famille, surveiller sa conduite et ses mœurs, soit dans la maison, soit au dehors, et avertir ses parents ou leurs représentants des fautes graves qu'il pourrait commettre ou des penchants vicieux qu'il pour- rait manifester.

Il doit aussi les prévenir sans retard, en cas de mala- die, d'absence, ou de tout fait de nature à motiver leur intervention.

11 n'emploiera l'apprenti, sauf conventions contraires, qu'aux travaux et services qui se rattachent à l'exercice de sa profession. Il ne l'emploiera jamais à ceux qui se- raient insalubres ou au-dessus de ses forces.

Art. 9. La durée du travail effectif des apprentis âgés de moins de quatorze ans ne pourra dépasser dix heures par jour .

Pour les apprentis âgés de quatorze à seize ans, elle ne pourra déoasser douze heures.

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Aucun travail de nuit ne peut être im|X)sé aux ap- prentis âgés de moins de seize ans.

Est considéré comme travail de nuit tout travail fait entre neuf heures du soir et cinq heures du matin.

Les dimanches et jours de fêtes reconnues ou légales, les apprentis, dans aucun cas, ne peuvent être tenus, vis- à-vis de leur maître, à aucun travail de leur profession.

Dans le cas l'apprenti serait obligé, par suite des conventions ou conformément à l'usage, de ranger l'ateUer aux jours ci-dessus marqués, ce travail ne pourra se pro- longer au delà de dix heures du matin.

Il ne pourra être dérogé aux dispositions contenues dans les trois premiers paragraphes du présent article que par un arrêté rendu par le préfet, sur l'avis du maire.

Art. 10. Si l'apprenti âgé de moins de seize ans ne sait pas lire, écrire et compter, ou s'il n'a pas encore ter- miné sa première éducation religieuse, le maître est tenu de lui laisser prendre, sur la journée de travail, le temps et la liberté nécessaires pour son instruction.

Néanmoins, ce temps ne pourra pas excéder deux heures par jour.

Art. 11. L'apprenti doit à son maître fidéhté, obéissance et respect ; il doit l'aider, par son travail, dans la mesure de son aptitude et de ses forces.

Il est tenu de remplacer, à la fin de l'apprentissage, le temps qu'il n'a pu employer par suite de maladie ou d'al)- sence ayant duré plus de quinze jours.

Art. 12. Le maître doit enseigner à l'apprenti, pro- gressivement et complètement, l'ai't, le métier ou la profes- sion spéciale qui fait l'objet du contrat.

Il lui délivrera, à la fin de l'apprentissage, un congé d'acquit, ou certificat constatant l'exécution du contrat.

- 20 Art. J3. Tout fahricaïit, chef d'atelier ou ouvriei*, convaincu d'avoir détourné un apprenti de chez son maître, pour l'employer en qualité d'ouvrier, pourra être passible di tout ou partie de l'indemnité à prononcer au profit du maître abandonné.

SECTION IV.

DE LA RÉSOLUTION DU CONTRAT.

Art. 14. Les deux premiers mois de l'apprentissage sont considérés comme un temps d'essai pendant lequel le con- trat peut être annulé par la seule volonté de l'une des par- ties. Dans ce cas, aucune indemnité ne sera allouée à l'une ou à l'autre partie, à moins de conventions expresses.

Art. 15. Le contrat d'apprentissage sera résolu de plein droit :

Par la mort du maître ou de l'apprenti ;

Si l'apprenti ou le maître est appelé au service mili- taire ;

3" Si le maître ou l'apprenti vient à être frappé d'une des condamnations prévues en l'article 6 de la présente loi;

Pour les filles mineures, dans le cas de décès de l'é- pouse du maître, ou de toute autre femme de la famille qui dirigeait la maison à l'époque du contrat.

Art. 16. Le contrat peut être résolu sur la demande des parties ou de l'une d'elles :

Dans le cas l'une des parties manquerait aux sti- pulations du contrat;

2" Pour cause d'mfraction grave ou habituelle aux pres- criptions de la présente loi ;

Dans le cas d'inconduite habituelle de la part de l'apprenti ;

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4" Si le maître transporte sa résidence dans une autre commune que celle qu'il habitait lors de la convention.

Néanmoins, la demande en résolution de contrat fondée sur ce motif ne sera rccevable que pendant trois mois, à compter du jour le maître aura changé de résidence.

5^ Si le maître ou l'apprenti encourait une condamna- tion emportant un emprisonnement de plus d'un mois ;

6" Dans le cas l'apprenti viendrait à contracter ma- riage.

Art. 17. Si le temps convenu pour la durée de l'appren- tissage dépasse le maximum de la durée consacrée par les usages locaux, ce temps peut être réduit ou le contrat résolu.

TITRE II.

DE LA COMPÉTENCE.

Art. 18. Toute demande à fin d'exécution ou de ré- solution de contrat sera jugée par le conseil des pru- d'hommes dont le maître est justiciable et, à défaut, par le juge de paix du canton.

Les réclamations qui pourraient être dirigées contre les tiers, en vertu de l'article J3 de la présente loi, seront portées devant le conseil des prud'hommes ou devant le juge de paix du lieu de leur domicile.

Art. 19. Dans les divers cas de résolution prévus en la section iv du titre I*''', les indemnités ou les restitu- tions qui pourraient être dues à l'une ou à l'autre des parties seront, à défaut de stipulations expresses, régiéeg par le conseil des prud'hommes ou par le juge de paix, dans les cantons qui ne ressortissent point à la juridiction d'un conseil de prud'hommes.

-2'^

Art. 20 Toute contravention aux articles 4, o, 6, 7, 8, 9, 10 de la présente loi sera poursuivie devant le tri- bunal de police et punie d'une amende de cinq à quinze francs.

Pour les contraventions aux articles 4, 5, 9 et 10, le tribunal de police pourra, dans le cas de récidive, pro- noncer, outre l'amende, un emprisonnement d'un à cinq jours.

En cas de récidive, la contravention à l'article 6 sera poursuivie devant les tribunaux correctionnels, et punie d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois, sans préjudice d'une amende, qui pourra s'élever de cinquante francs à trois cents francs.

Art. 21. Les dispositions de l'article 463 du Code pénal sont applicables aux faits prévus par la présente loi.

Art. 22. Sont abrogés les articles 9, 10 et \\ de la et du 22 germinal an XI.

Délibéré en séance publique, à Paris, les 22 janvier, 3 et 22 février 1851.

Par une conséquence imprévue, cette loi bienfaisante sur l'apprentissage est venue ajouter encore aux difficultés d'exé- cution de la loi de 1841 . Les deux actes ne se correspondent pas, ce qui crée des situations très-différentes pour des enfants méritant évidemment la même protection. Ces singularités ont été signalées dernièrement dans un travail dont nous devons citer ici un court extrait :

« La loi sur l'apprentissage n'a pas fixé un minimum d'âge. 11 en résulte qu'un fabricant pourrait prétendre qu'il a le droit d'occuper des enfants au-dessous de huit ans, malgré la loi de 1841, à la con- dition de passer contrat avec les ayants droit, et de donner aux en- fants de son atelier le titre d'apprentis. Un enfant libre de moins de douze ans ne peut travailler plus de huit heures par jour, tandis qu'un apprenti du même âge {moins de quatorze ans, dit la loi) peut être employé dix heures. D'un autre côté, un apprenti de moins de seize ans ne peut être employé la nuit, tandis que le travail de nuit est permis pour les enfants Ubres do treize ans accomplis. Un

;*3

entant libre ne peut »'tre employé le dimanche ; un apprenti, si la convention est au contrat, ou si c'est l'habitude de la localité, pent r-tre retenu à l'atelier pour nettoyage pendant cinq heures, c'est-à-dire jusqu'à dix heures du matin. (Le travail de jour peut commencer à cinq heures.) Si l'apprenti de moins de douze ans n'a pas terminé sa première éducation reUgieuse, s'il ne sait pas lire, écrire, compter, le maître est tenu de lui laisser au minimum deux heures par jour pour acquérir l'instruction rehgieuse et élémentaire. L'enfant libre est- également tenu, s'il n'a pas douze ans, de suivre une école; dans ce cas particulier, la situation est la même; mais quand les deux enfants savent lire, écrire et compter, l'apprenti est dispensé d'aller à l'école, l'enfant libre au contraire est tenu d'y aller. L'enfanl libre au-dessus de douze ans et l'apprenti de cjuatorze ans qui n'ont pas reçu l'ins- truction religieuse et élémentaire sont tenus de suivre l'école; mais pour celui-ci deux heures sont prélevées sur le travail, tandis que l'enfant libre peut être tenu de prendre le moment de s'instruire sur le temps qui lui reste pour son repos (1). »

Ces discordances entre d€QX lois qui devraient être parallèles attestent une fois de plus la nécessité d'un règlement d'admi- nistration publique.

La demande de réforme présentée en 1830 pai* le Conseil géné- ral des manufactures n'avait pu produire pleinement son effet, mais la question était toujours l'objet des préoccupations de l'ad- ministration ; nous en trouvons la preuve dans la circulari'e sui- vante, adressée le 2o septembre 1854 aux préfets par le ministre de Tintérieur :

« Monsieur le préfet, vous savez avec queliatérêt le gouvernement » de l'Empereur a suivi l'exécution de la loi qui protège le travail » de la jeune population des manufactures, usines et ateliers. Il s'est » efforcé d'élargir chaque jour le cercle des améliorations accomplies » et d'en obtenir de nouvelles. Des instructions générales et parti- culières ont été transmises aux préfectures, afin de les mettre à » même de guider, dans une même voie et d'après les mêmes inapi- » rations, l'action des inspecteurs. Comme il importe que les autorités i> locales et les hommes honorables qui portent leur concours à la » surveillance puissent se rendre compte de l'ensemble de leur êe- » voir, j'ai cru utile de grouper en un feisceau les instrucfioire sa^ » térieures en les rattachant aux diverses prescriptions de la loi. »

Et le im*^nistre donnait pour Fâge d'admission des enfants, pour la éurée du traîvaiJ, pour Vc^fiervatiott du repos du diman-

1) Secoml rapport de l'inspecteur du travail des enfants dans les maniifae- Se: ne 1I866).

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elle, pour l'instruction, pour les divers moyens d'exécution de la loi, d'excellentes directions. Malgré ce concours de bonnes vo- lontés, les départements manufacturiers continuèrent à se plaindre de l'exécution inégale de la loi et de l'absence des règlements. Ces plaintes se trouvent formulées surtout dans les vœux de plusieurs conseils généraux, qui reviennent avec une périodicité infatigable sur ce sujet. Voici la liste, année par année, des départements qui de i«o2 à 1864 ont formulé des vœux :

J852. L'Eure, la Seine-Jnférieure.

1853. L'Eure, le Nord, l'Orne, la Seine-Inférieure.

18o4. Le Pas-de-Calais.

\H^6. Le Pas-de-Calais, la Somme.

1857. Le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme.

1858. L'Ardèclie, l'Aube, le Calvados, le Pas-de-Calais.

1859. Le Calvados, le Nord, le Pas-de-Calais, le Haut-Rhin.

1860. L'Ardèclie, le Nord, le Pas-de-Calais, le Haut-Rhin.

1861. Le Nord, le Pas-de-Calais, le Haut-Rhin, la Seine (1), la Somme.

1862. Le Pas-de-Calais, le Haut-Rhin, la Seine.

1863. Le Nord, l'Oise, le Pas-de-Calais, le Haut-Rhin, la Seine, les Vosges.

1864. Les Ardennes, le Nord, l'Oise, le Haut-Rhin, la Seine, la Somme, le Tarn, les Vosges.

On peut remarquer que le nombre des départements qui élèvent la voix va en croissant. Cette progression montre que peu à peu tous les yeux s'ouvrent pour reconnaître la nécessité de porter un remède vigoureux à des abus qui, pour avon* été

(1) Ce dernier vœu est ainsi conçu : « La loi du 22 mars 1841, qui a réglé les conditions du travail des enfants, n'a pas reçu jusqu'ici une suffisante exécution, si ce n'est dans quelques communes les autorités municipales s'en étaient préoccupées dans un louable sentiment de justice et de bienveil- lance. Mais l'administration supérieure a fini par s'émouvoir en voyant se pro- longer cet état de choses ; des études ont été faites, et des commissions d'inspection spécialement chargées de cet important service doivent être créées très-prochainement. Il y a donc lieu d'espérer qu'il sera bientôt porté remède au mal existant et que le crédit porté au budget départemental recevra une utile destination. La commission départementale émet le vœu que les bien- veillantes intentions de M.- le Ministre de l'agriculture et du commerce, en ce qui concerne l'inspection du travail des enfants, soient suivies d'une très- prompte exécution. »

adoucis, ne sont pas moins encore extrêmement graves. Une prouve de la gravité de ces abus se trouve dans les Mémoires des Instituteurs, rédigés en 1861 d'après des observations pré- cises faites sur tous les points de la France. Ces mémoires, entre autres documents, renferment les renseignements les plus pré- cieux sur l'inexécution de la loi de 1841 . Voici quelques-uns de ces témoignages, éloquents par leur monotonie même, et dont l'ensemble forme une espèce d'enquête spontanée sur la situation des enfants.

Somme. Par avarice, on met l'enfant au rouet à huit ans, au mé- Méniofr'-*d^' tier à dix. Nous connaissons des pères de famille qui, pour le plus lastiiuteurs." mince salaire qu'ils en retirent, attachent leurs enfants à un métier ^^^^•

dès l'âge de neuf ans et les forcent à travailler plus de douze heures par jour, soit en fabrique, soit à la maison. De malheureux enfants, dès l'âge le plus tendre, sont avidement exploités par leurs parents.

Nord. On les met en fabrique à huit ou neuf ans. Il faut être placé comme nous près du foyer du mal pour juger de ses irrémédiables effets; à dix ans, quelquefois même à neuf ou à huit, de tout chétifs enfants nous sont enlevés pour aller se perdre corps et âme dans la poussière et le désordre des fabriques moyennant quelques sous par jour! De petits enfants sont livrés à des travaux au-dessus de leurs forces. Combien de jeunes gens étiolés, malades de corps et d'âme, pour avoir pris le métier trop tôt ! Les enfants sont exploités, mis en fabrique à huit ou neuf ans; ils s'étiolent dans un air corrompu ; leur corps et leur âme sont viciés. Nous appelons de tous nos vœux la répression du travail des enfants, qui fait encore à cette heure tant d'innocents martyrs. Un grand nombre de fabriques emploient encore, souvent à des tâches pénibles ou insa- lubres, de petits malheureux qui n'ont pas dix ans. J'ai vu quinze petits garçons employés à une machine à dévider. Ils étaient assis sur des tabourets tres-élevés pour les empêcher de descendre et tenir leur attention plus éveillée. Chacun avait devant soi trois à quatre bobines et en aspirait sans relâche les Hocons. L'un d'eux, un peu moins jeune, tournait la roue, et on voyait son pauvre corps se dévier et la sueur perler sur son visage à l'expression assombrie. Ces exemples sont nombreux. Les ivrognes, les libertins, les paresseux envoient leurs enfants aux fabriques pour travailler moins eux-mêmes et boire da- vantage; les enfants sont livrés trop jeunes à l'industrie; si l'on n'y met ordre, on verra dépérir les robustes générations françaises. Il est désolant de voir les enfants entrer dans ces usines meurtrières à un âge la fatigue les a bientôt rendus impropres à toute autre occupation et même au service militaire.

Ardes.nes. Les parents sont habitués de longue main à exemp- ter l'avenir de leurs enfants au détriment de leur santé, de leur instruction et même de leur moralité. Le travail des enfants dans

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ies ateliers les pervertit de bonne heure. Certains parents, véri- tables bourreaux de leurs enfants, les occupent à des travaux au- dessus de leur âge, et ce sont souvent les plus aisés qui agissent de cette façon. 11 y a de pauvres petits êtres que des parents peu hu- mains enlèvent à dix ans des écoles et font travailler du matin au soir pour quelques francs par mois.

Aisne. Le travail des enfants dans les ateliers est déplorable. 11 y a dans les villages des sucreries de pauvres petits êtres de sept à huit ans, occupés pendant de longs jours à un travail abrutis- sant, s'étiolent dans un air lourd et sont exposés à la corruption la plus dépravée. Le travail des enfants dans les ateliers est un grand mal, une source de démoralisation. Quoi de plus affligeant que de voir tant de petits infortunés abandonner l'école pour aller peupler les ateliers et les fabriques, oii ils ne tardent pas à se dégrader l'âme et le corps?

Oise. Dès six à sept ans on envoie les enfants aux usines.

Seiise-et-'Oise. On impose aux enfants des travaux prématurés nuisibles.

Orne, 11 y a dans ma commune une verrerie on emploie les enfants à un travail au-dessus de leurs forces.

Calvados, Dans beaucoup de localités la loi sur le travail des enfants est à l'état de lettre morte ; je ne puis m'expliquer l'avidité des parents et des patrons qui exigent d'un enfant de moins de douze ans un travail effectif de douze heures.

Eure. Par cupidité, on envoie les enfants en fabrique à huit et neuf ans.

Charenïe-Iwférieire. La cupidité des parents fait souvent qu'ils iistreignent leurs etrfanls h un travail au-dessus de kur âge, ce qui em fait des êtres étiolés et souffrants toute leur vie.

Basses-Pyrénées. Les parents emploient trop jeunes leurs en- fants à des travaux funestes pour leur santé.

Ain. On soumet les enfants à un travail prématuré, nuisible à leur développement physique.

Aube. Certains pères de famille, malheureusement trop nom- breux, exploitent le travail prématuré de leurs enfants pour se li\ rer à la paresse et à l'ivrognerie. Dans nos villes et dans iios campa- gnes, on rencontre des enfants de dix à douze ans n'ayant de la vie que le souffle et tout contrefaits à la suite d'un travail trop pénible.

Hauïe-Saone. Dans nos contrées, l'industrie métallurgique occupe beaucoup de bras, les parents, flattés par l'appât du gain, re- tirent leurs enfants de l'école pour les envoyer aux extractions de mi- nerai. Ce travail et le contact des ouvriers des deux sexes sont pour leurs enfants une cause de démoralisation effrayante. J'ai vu de mes yeux des exemples bien funestes de cette dépravation précoce et qu'on se refuserait peut-être à croire si je les retraçais ici.

Bas- Rhin. Les enfants sont souvent exploités par des parents .rognes et débauchés qui les obligent, tout petits, pour un salaire m- finie et dérisoire, à faire de la broderie, de la dentelle, des chaussons, des filets. Il v a des communes, surtout sur la lisière des ^osges, ils font transformer l'école en atelier. Les parents n'y envoient les enfants qu'à la condition expresse qu'on ne leur apprendra ni à lire ni à écrire.

Moselle. Les parents soumettent souvent les enfants à des tra- vaux qui dépassent leurs forces. Dans les pays industriels, un père ivrogne, paresseux, orateur de cabaret, exploite ses enfants et les oblige à se livrer à un travail au-dessus de leurs forces pour subvenir à ses dissipations.

En mai 1864, le mal lut encore dénoncé sous une autre forme : une pétition fut adressée au Sénat par M. l'abbé Aubaine, comme jadis on en avait adressé à la Chambre des députés. A cette occasion M. Dumas, rapixnteur, s'exprima ainsi :

<( La loi de 1841 aurait besoin, pour recevoir sa sincère exé- cution, qu'une surveillance sérieuse tut ort^anisée. Il ne s'agit pas de porter à l'industrie honnête un dommage ou de l'em- bairasser par des tracasseries. Non, mais il peut être opportun de donner satisfaction aux intérêts de l'humanité, d'assnrer l'obéissance à la- loi, et aussi de protéger les industriels qui la respectent contre la concurrence à outrance de ceux qui ne la respectent pas. Pour cela, des inspections locales ne suffisent pas; l'expérience l'a prouvé. Les conseils généraux le constatent chaque année. Plusieurs d'entre eux ont réclamé un concours plus énergique de l'État, Il existait autrefois, et avec bien moins de motifs qu'aujourd'liui, une inspection générale des arts et manufactures. Pourquoi ne pas la rétablir?... Trois ou quatre fonctionnaires de cet ordre parcourant la France imprimeraient à la surveillance locale une activité qui lui manque. Leurs rap- ports feraient connaître la situation. Ils éclaireraient le pays- sur le peu de réalité dos exagérations se complaisent les auteurs de ces œuvres d'imagination destinées à irriter les souf- frances des classes laborieuses bien plus qu'à en montrer le re- mède; mais aussi ils signaleraient à l'autorité les infractions acidentelles ou permanentes à la loi de 1841, au sujet des- quelles des mesures pourraient être nécessaires à provoquer. Après avoir rendu le plus éclatant témoignage à l'esprit de

justice, d'humanité, de protection et de bienveillance qui anime l'immense majorité de nos manufacturiers envers les enfants de la population ouvrière qu'ils emploient, il suffit toutefois qu'il y ait des exceptions, que des doutes aient été conçus et énoncés, pour que nous exprimions le vœu que l'inspection générale des manufactures que la France possédait autrefois, et que l'Angle- terre lui a empruntée, soit rétablie : nous ne ferons que re- prendre notre bien... »

M. le baron Dupin, prenant la parole après M. Dumas, s'asso- cia pleinement à ses vœux, et ajouta que l'inspection établie en Angleterre « n'a pas seulement rendu service à la santé, à l'instruction des enfants, mais a été pour l'industrie anglaise une très-grande lumière, et a fourni au gouvernement les ren- seignements les plus précieux... A l'aide de ces documents, on connaît le nombre total et l'importance des manufactures, la valeur des moteurs évaluée en chevaux, dans les filatures le nombre de broches, et enfin le nombre d'hommes, de fem- mes, d'enfants qui y est employé... »

Quelques mois plus tard, lorsque le conseil général de la Seine, présidé par M. Dumas, se réunit, il ne se borna pas à un simple vœu, comme les années précédentes : il agit, c Con- » sidérant que, jusqu'à la promulgation du règlement d'adrainis- » tration publique prévu par la loi, il est du devoir du dépar- » tement d'assurer une vérification temporaire de la situation » du travail des enfants dans les manufactures... » il porta à son budget le traitement d'un inspecteur et d'un inspecteur-adjoint.

A la fin de l'année 186S, l'inspecteur déposa un premier rapport qui fut imprimé, accueilli avec sympathie par la presse, et sur lequel M. Michel Chevalier appela vivement l'attention dans le Journal des Débats, en faisant ressortir l'excellence de la mesure prise par le Conseil général de la Seine. Ce n'était qu'un complément provisoire donné à la loi de 1841, mais les heureux effets amenés dans le département par cette pre- mière année d'inspection sérieuse permettaient de penser que l'administration ne s'en tiendrait pas là, et que le problème allait être abordé résolument. Le rapport établissait que les contraventions à la loi étaient nombreuses, mais en même temps il signalait comme un désir général et comme un mou- vement spontané parmi les facricants et les ouvriers, pour

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sorlir de l'ancienne ornière (1). Il constatait que chaque jour un plus grand nombre de chefs d'industrie sentent la nécessité de prendre à cœur le bien-être et le développement moral des enfants qu'ils emploient. Déjà existent des établissements qui, à ce point de vue, sont vraiment admirables. De leur côté, la plupart des enfants montrent pour l'instruction une avidité touchante, et « c'est là, disait M. Michel Chevalier, un des » phénomènes contemporains dont il y a le plus lieu de se » féliciter ; c'est un des faits par lesquels se prépare un avenir » dont la perspective consolante doit nous faire prendre en » patience bien des misères. »

Parmi les causes qui ont amené ce progrès dans les esprits, le rapporteur signalait l'action utile des sociétés de bienfaisance qui suppléaient depuis longtemps, autant qu'il était en elles, au peu de régularité de l'inspection. L'initiative individuelle a, en effet, souvent rendu moins fâcheuses les lacunes de la législa- tion. Dès 1847, il avait été reconnu quel secours puissant le gouvernement pouvait trouver dans les sociétés de bienfaisance qui voudraient bien l'aider (2) ; les sociétés avaient prouvé que cette confiance n'était pas déméritée en augmentant chaque jour le cercle de leurs bienfaits. Il n'était pas d'année quelque nouveau groupe d'hommes charitables ne s'ingéniât à remédier à quelque souffrance restée encore sans palliatif ; au- jourd'hui le nombre de ces associations, consacrées à l'enfance ouvrière, est extrêmement considérable ; elles affectent les formes les plus variées, et cette diversité même est avantageuse, car de cette façon elles ont plus de chance pour ne laisser échapper aucune des nuances si variées du malheur ou de la souffrance. Ces associations, souvent bien modestes, n'ont pas la généralité d'action réservée aux institutions qui partent ensemble d'un centre, et vont jusqu'aux extrémités; elles sont plus locales, plus restreintes, mais elles n'en seront pas moins toujours un puissant appui pour l'inspection officielle.

Malgré les résultats obtenus par ces sociétés, personne ne sait mieux que les hommes dévoués qui les dirigent combien

(1; Les Conseils généraux qui émirent des vœux en 1865 sont les suivants : l'Àrdèche, les Ardennes, le Loir-et-Cher, la Marne, le Xord, l'Oise, le Pas- de-Calais, le Haut-Rhin, la Seine, la Somme, les Vosges.

2) ^'oir plus haut le projet de loi.

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leurs efforts sont insuffisants. Ce sont eux suilout qui demandent que de tous côtés on leur apporte secours et appui, car ils sont souvent tout près de succomber sous leur tâche. L'opinion pu- blique continue cependant à montrer combien elle est favorable à leur développement. Cette année comme les précédentes, les - conseils généraux ont émis des vœux, et le Sénat a reçu une nouvelle pétition, qu'il a également prise en considération, sur les conclusions de J\I. Lebrun (1). Le Conseil général de la Seine, convaincu des résultats excellents obtenus par l'inspection qui fonctionne depuis deux ans, a mis à La disposition de M. le préfet de police les fonds nécessaires pour la création d'un nou- vel emploi d'inspecteur-adjoint. La Seine-Inférieure, le Nord, le Pas-de-Calais, l'Oise, ont voté des allocations pour l'inspection.; ces départements, en adoptant cette mesure comme urgente, ont fait justement remarquer qu'elle leur apporterait un préjudice s'ils n'étaient pas imités, et, en conséquen(;e, ils demandent que l'administration centrale avise à rendre cette inspection générale et uniforme pour toute la France.

L'inspecteur du département de la Seine, en déposant son se- cond rapport, a signalé à notre attention l'enquête anglaise si remarquable qui vient de se terminer et dont les conclusions demandent instamment l'extension de la loi en vigueur. Au- jourd'hui comme il y a vingt-cinq ans, l'Angleterre nous donne un exemple qui ne peut pas être perdu. Nous ne devons pas être moins attentifs à veiller sur le sort de nos populations ouvrières. La constance du mouvement en faveur des enfants autorise désormais le gouvernement à agir sans crainte ; ses règlements, quand ils paraîtront, seront accueillis avec une re- connaissance unanime. iVous ne sommes plus au temps l'on prétendait que l'industrie nationale ne peut lutter contre la con- currence qu'en imposant aux ouvriers un travail accablant ; on ne compare plus les luttes de l'industrie aux luttes de la guerre qui interdisent la pitié ; des idées plus saines se sont répandues, et les considérations d'humanité, placées maintenant au premier rang, ont conquis et garderont le rang qui leur appartient. On ne veut plus, pour que le pays soit plus riche en produc- tion, l'appauvrir en santé et en force morale. Dans le concours iK)uveau des j)euples, pour emporter le prix, il faut pouvoir

[i] Voir le Moniteur du 13 juillet 1666.

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montrer avec la même lierté l'ouvrier à côté de l'œuvre; le plus beau chef-d'œuvre industriel perd, à des yeux ouverts aux lumières de la bienfaisance, presque toute sa valeur s'il a été payé par l'amoindrissement de ce qui dans chaque nation doit être le chef-d'œuvre suprême : l'homme. Telle est aujour- d'hui la conviction de tous. Il faut profiter de cet heureux progrès des mœurs pour faire enfin disparaître partout les misères morales et physiques de l'enfance ouvrière, qui est la réserve et l'espoir de notre avenir. La Société de proleciion des Apprentis et des Enfants des manufactures est née de ce désir généreux.

Le Secrétaire du Comité du Bulletin,

DELEilOT.

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SÉANCE PRÉPARATOIRE

Le 22 septembre 1866, à 2 heures et demie, une séance pré- paratoire de la Société de protection des Apprentis et des Enfants des manufactures a été tenue h la mairie du I^"" arrondisse- ment (salle des mariages), sous la présidence de M. le sénateur Dumas, membre de l'Institut, président du Conseil général de la Seine, assisté de M. le docteur Tessereau, maire-adjoint, et de M. Barreswil, remplissant les fonctions de secrétaire.

M. le président a exposé sommairement le but de la Société, et il a donné lecture du projet de statuts. Après délibération, ce projet a été adopté comme base provisoire. Il a été décidé qu'une commission ultérieurement nommée préparerait les sta- tuts définitifs.

L'assemblée a donné mission à M. le président de composer le bureau, d'arrêter avec lui la rédaction des statuts provisoires, et de constituer les différentes commissions avec son concours, de la manière la plus conforme aux intérêts de la Société. Quel- ques noms proposés à la réunion par M. le président, et acceptés par elle, ont été recueillis par le secrétaire. L'administration et la direction provisoires de la Société ainsi instituées fonction- neront jusqu'aux élections générales.

M. le président a été prié de vouloir bien faire auprès de l'autorité les démarches nécessaires pour donner à la Société une existence légale ; il a été invité par le vœu unanime de la réunion à offrir, au nom de la Société, à S. Exe. M. le Ministre DE l'agriculture, DU COMMERCE ET DES TRAVAUX PUBLICS, la pré- sidence d'honneur.

La séance a été levée à 3 heures et demie.

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STATUTS PROVISOIRES

( NOUVELLE RÉDACTION - '

Art. l^"". La Société a pour but d'améliorer la condition des ap- prentis et des enfants employés dans les manufactures, par tous les moyens qui, respectant la liberté de l'industriel et l'autorité du père de famille, agiront en conformité de la pensée des lois sur l'apprentissage et sur le travail des enfants dans les manufactures.

Art. 2. Le siège de la Société est établi à Paris.

Art. 3. Le nombre des Sociétaires est illimité; la cotisaliun e;>t fixée à la somme annuelle de dix francs, qui peut être remplacée par un versement imique de cent francs.

Art. 4 La présidence d'honneur appartient à S. Exe. le Mi- nistre de Tagriculture, du commerce et des travaux publics.

Quatre vice-présidents d'honneur sont nommés par la Société.

Un Conseil d'honneur, également nommé par la Société, est composé de fonctionnaires dont la sympathie lui est acquise, mais que leur posi- tion officielle tient au dehors de son administration ; de légistes, de médecins et d'officiers ministériels; de fondateurs oa de représentants d'oeuvres créées en faveur des enfants employés dans l'industrie.

Art. o. Le bureau est composé d'un président, de quatre vice- présidents, d'un secrétaire général, d'un secrétaire et d'un tré&Drier.

11 est formé trois Comités et neuf Commissions spéciales de huit membres. Les Comités sont : le Comité des Dépenses, le Comité des Recettes, le Comité da Bulletin. Les neuf Commissions spéciales repré- sentent, par groupes, les diverses industries qui emploient des enfants.

Art. 6. Tous les ans, dans sa première séance, la Société, con- Toquée à cet effet, procède à la désignation des membres de son bureau et à celle des membres de ses Comités et Commissions, par quart.

Les membres sortants des Comités et Commissions sont désignés par le sort; ils sont rééligibles.

Art. 7. Le Conseil d'administratioii se compose da Imreâu, des présidents et ^ice-présidents des Comités et Commissions, formant un total de trente-deux membres. En cas de partage, la voix du président est prépondérante.

Art. s. Cinq censeurs sont élus par la Société. Ils contrôlent les actes du ConseQ, au point de vue de l'observation des statuts. Nommés pour un an , ils sont rééligibles.

Art. 9. Les ressources de la Société comprennent lia somme des cotisations annuelles, les intérêts des cotisations perpétuelles et

3

34

des dons ou legs que la Société pourra recevoir, quand elle sera reconnue comme établissement d'utilité publique.

Art. 10. —L'emploi des fonds est déterminé, chaque année, par le Conseil ; il est contrôlé par les censeurs et soumis à l'approbation de la Société.

Art. 11. Les fonds disponibles sont appliqués :

A la publication d'un Bulletin destiné à faire connaître tous les faits relatifs à la condition du travail des enfants employés dans l'in- dustrie en France ou à l'étranger;

2" A aider, à encourager ou à signaler par des récompenses tous ceux qui auront directement assisté, moralisé ou instruit les enfants employés dans la petite industrie et dans la grande, ainsi que tous ceux qui auront coopéré au même résultat par une invention , une ptiblleation, l'institution de coi>cours entï^ apprentis, ou des fondations spéciales.

Art. 12. L'action de la Société s'exerce plus particulièrement sur le département de la Seine, qu'elle a choisi comme siège de ses pre- mières opérations; mais elle s'étendra toutefois sur ceux des départe- ments 011 il se sera formé, avec son concours , des Comités locaux constitués par ses membres et animés de son esprit.

Les propositions de ces Comités seront discutées par les commis- sions spéciales au moment de la répartition des crédits, encouragements ou récompenses, concurremment avec celles qui intéressent le dépar- tement de la Seine.

SÉANCE D'INAUGDRATION.

La première séance aura lieu dans le courant de février. MM. les Membres de la Société seront convoqués par lettres spéciales.

Ordre du jour.

Exposé de M. le Président. Compte rendu par M. le Secrétaire général. Correspondance par M. le Secrétaire.

Lecture d'une étude sur les pensions d'apprentis, par M. le Secré- taire du Comité du Bulletin.

S'adresser, pour tous renseignements, par lettres affranchies, à 31. Barreswil, Secrétaire provisoire, 16, rue Saint-Florentin.

33

CONSEIL DE LA SOCIÉTÉ.

1867.

Président d'honneur. S. Exe. îi. îe Ministre de l'agricultare, du commerce et des travaux publics.

Président M. Damas , sénateur, membre de l'Institut ,

président du Conseil général de la Seine, président de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale. Vicff-pré^dettlS' MM. tfe Sovrenllle, conseiller d'État, ^cr^afîre crhomieur. général du ministère de l'agriculture, etc.

lïollfas (Jean), de Mulhouse. l'îetrl, préfet de police. SclineîtSer , vice-présideni du Corps légis- latif. Vice-présidents. . . MM. Bertbier, président, sortant, du Tribunal de commerce. Hlgneret, conseiller d'État, ancien préfet du

Bas-Rhin. Robert (Ch.), conseiller d'État, secrétaire gé- néral du ministère de l'instruction publique. Rolland, directeur général des manufactures de l'État. Secrétaire général. M. ie «lue «le Moucby, prince de Poix, menîbrc de la Commission impériale pour l'Exposition universelle.

Secrétaire M. Barreswil, inspecteur du travail des enfants

pour le département de la Seine.

Trésorier M. Prieur de la Comljle, banquier, maire

du I'^'' arrondissement. Censeurs MM. Arlès-Dufour, membre du conseil supé- rieur pour l'Exposition universelle. Clievaller (Micliel), sénateur, membre de

l'Institut. Dupin (baron Charles), sénateur, membre

de l'Institut. Duvergier, président de section au conseil

d'Etat. Marie, ancien bâtonnier, président, sortant, de la Société élémentaire.

36

COMITES.

Président M.

Vice-Président. M.

Secrétaire M.

MM.

Président

M.

Viee- Président. M

Secrétaire M.

MM.

Président . . . Vice-Président.

Secrétaire

COMITE DU BULLETIN.

Banslrillas-t, membre de l'Institut. Slarg^uerin, directeur de l'école Turgot, membre

du jury de l'Exposition universelle. Délerot , attaché à la bibliothèque de l'Arsenal. Ernest Cadet, docteur en droit, rédacteur au

ministère de l'instruction publique. Forqueray, ingénieur civil. Gnillaame Ciuizot, professeur suppléant au

Collège de France. Ijavollée (Ch.), administrateur de la Société

des Omnibus, memb. du jury del'Expos. univers. Pompée, directeur de l'école profess. d'Ivry,

membre du jury, etc.

COMITÉ DES RECETTES.

Alpband, directeur , général des plantations et promenades.

Batîde, admin. des diemins de l'Est.

Bérard, professeur à l'école Turgot.

CieofTroy iSaf us-S2SSaire, directeur du jardin d'acclimatation.

Laurent de Rillé, prés, honor. de l'Orphéon.

l.emoine-MontHgny, directeur du Gymnase.

Mnrg;uerit«e, admin ist. de la Compagnie pari- sienne du gaz.

Pasdeloup, inspecteur du chant dans les écoles et Orphéons de Paris.

COMITÉ DES DÉPENSES. Marbeau, président de la Société des Crèches.

MM.

ancien juj

au tribunal de la maison de

lieroy-Dafour

commerce.

Foucbet (jeune), employé de banque Offroy Fouchet (aîné).

Bouilliet, ingénieur civil, l'un des directeurs de la maison d'orfèvrerie Christofle.

Cliedleu, inspecteur adjoint du travail des en- fants pour le département de la Seine.

Cirellou, négociant, membre du jury pour l'Ex- position universelle.

Ccuibert, propriétaire.

Maurice, inspecteur-adjoint du travail des en- fants pour le département de la Seine.

3- -

COMMISSIONS.

MI.NES. AGRICULTURE, INDUSTRIES AGRICOLES.

Président M . Cliagot, dépu té.. Houillères .

Vice-Président. M. Tliéoard{ baron'», f/e^/n5^ Viticulture.

Secrétaire M. Riclié Industrie de la soie.

MW. C»llon Mines.

Cerfbeer Cultures indust .

Disr<>aa Industrie sucrière.

ILcpJay Trav. de la ferme.

Vilmorin Horticulture.

IMPRIMERIE , APPLICATIONS DHERSES DU P.\PIER.

Président M . Delalaln Typographie .

Vice-présiden t. M . Ha var d Papeterie .

Secrétaire M. Cîsariion (Charles)» Taille-douce.

MM . Almln Cartonnage.

Crillôa Pap. peint mécan.

liemercler Lithographie.

Xewell Papiers fantaisie .

Turquetil Pap . peint à la table.

BIJOUTERIE , HORLOGERIE , MENUS OBJETS EN MÉTAUX.

Président ..... M . Roa vénal Bijouterie .

Vice-président. M. Dietz-Uonin Horlogerie.

Secrétaire M . Veyral fi's Orfèvrerie .

MM. Christofle Dorure, argenture,

Hérlcé Doublé d'or.

llontandon Pendulerie.

Moncbicoars Plumes métalliques.

^Veill Boutons.

INDUSTRIES DE LA FILATURE, DU T'SSAGE ET DE l'iMPRESSION.

Président M. Roy Tissus de coton.

Vice-Président . M. liarsonnier Tissus de laine.

Secrétaire M. Balzan fils Laine cardée, draps.

MM. Cartier-Bresson Coton 1 Filature

Oa% In Laine V et

Hamelin . Soie \ retordage

Kceclilln (Jules). . . Impressions.

Varln fils Tissus de lin.

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INDUSTRIES DES TISSUS DIVERS,

Président M. Gautssen Châles.

Vice-Président . M. i»ajou Filet crochet.

Secrétaire. ... M. »e Clermont fils (Ang). Chapellerie.

MM. Deforge» Passementerie.

I^eféBïure fils Dentelles.

lïoisset-Foyc Tapis.

TaitboniM . , Bonneterie.

ITi^roquet Rubans.

INDUSTRIES DES CONFECTIONS DIVERSES.

Président M. Carcenac Confect. lingerie.

Vice- Président . M. Dussautoy Confect. p. hommes.

Secrétaire M. Daycm fils (Julien) Chemises , cravates.

MM. Aguellel, Modes.

Wuï'elleroy Éventails.

ftriiyer Parapluies.

Martenval Fleurs.

Siat^art Chaussure .

INDUSTRIES DIVERSES DU BATIMENT.

Président M. TSiîéliault Applic. du cuivre.

Vice-Président. M. Siuller, de Mulhouse ... Briques, poteries.

Secrétaire M. Ilcrisclaer fils Fumisterie.

MM. ISricaraS Serrurerie.

«rados Couverture.

Haret Menuiserie .

jr. liavcissière Plomberie.

lieclairo Peinture.

INDUSTRIE DES AMEUBLEMENTS ET ACCESSOIRES.

Président M. Boeifemps Verrerie et cristal'*.

Vice-président . M. «uicliartl Dessin industriel.

Secrétaire M . L-acarrEèrc fils Appareils à gaz .

MM . Dommartisa Faïence , porcelaine.

Fourdiiiois Meubles, tapisserie.

Ruingot (Victor) Bronzes.

^l^eber Ebénisterie fine

ITlllEamson Ameublement.

Président

Vice-président. Secrétaire

M.

M

M.

MM.

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INDUSTRIES DI\-ERSES.

Woirr Musique.

Jacqnin Mécanique.

Ciantler (fils) Outils.

Dumoulin-Froment.. Instr. de précision.

Cianpillat Amorces,alIuniettes.

«roalt Empaquetage.

E.emaire Optique.

iichlo»;» (Simon) Maroquinerie.

La liste des Membres de la Société composant le Conseil d'honneur, celle de MM. les Donateurs et Souscripteurs perpétuels et la pre- mière liste des Comités départementaux, seront données dans le pro- chain numéro du bulletin.

LISTE ALPHABETIQUE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ

An 31 janvier i867 (1).

MM

Agnellet, manuf. d'art, de modes.

Alabarbe, négociant.

Albert, propriétaire.

Almin, cartonnier.

Alphand, ing. en ch. des p. et ch.

Arlès-Dufour, négociant.

Arnault (M. le curé de Ste-.Marg. .

Arnavon (de .Marseille).

Amavon fils.

Assoc. des maçons (B. C. C'"].

Astruc (M. le rabbin .

Aube, courtier.

Aubert, maire du 15* arrond.

Aubin Georges), planteur.

Auzoux 'le docteur), anatomiste.

Aucoc (Louis), orfèvre.

Bac, manuL de porte-plumes.

Badois, propriétaire.

Badoureau, imprimeur.

MM. Baecque (Ch. de), banquier. Baecque ^Edmond de). Balzan, manuf. de draps. Balzan fils, négociant. Balzan fils, ingénieur civil. Barallon fils, rentier. Barbedienne, manuf. de bron/e. Bardin, manuf. d'ouv. en plumes. Barre s-wil.

Barthe, agent général de houillères. Baube, c. dediv.à la Préf. de pol. Baude, adm. à la Comp. de l'Est. Baudrillard, de l'Institut. Ba3rvet ^Gustave), ingén. manuL Beau (Alexis), propriétaire. Belliommet (de Landernau), man. Bérard, chimiste. Berger (de Goetzenbrnck), man. Berger, professeur.

(l)NoT>.— La liste complète des membres qui sera arrêtée au 30 juin, comprenant les noms, qualités, domiciles, sera publiée dans le Bulletin de juillet.

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MM. Berteaux, négociant. Berthier (madame). Berthier jeune (madame). Berthier, négociant. Bezançon, manuf. de céruse. Biesta, dir. du Comptoir d'escompte. Bihan (le), de Landernau, manuf. Binder, manuf. de carrosserie. Bing (Lévy), banquier. Bing (Alfred), exportateur, Blache (le docteur). Blanchet, manufact. de pianos. Blanzy, de Boulogne s/m., manuf. Bocca (Paul), manuf. de tissus.

Bois Victor), ingénieur.

Bonasse-Lebel, manuf. d'images.

Bontexnps, anc. manuf. verrier.

Borgnis, propriétaire.

Borie (Paul), manuf. de briques.

Boucherot, maire de Puteaux.

Boucquin, imprimeur typog.

BoTiilhet (Henri), ingénieur civil.

Bouilhet (madame Henri).

Boumard.

Boureuille (de), conseil. d'État.

Boutarel, manufact. teinturier.

Brault, maître de forges.

Bréguet, du bureau des longitudes.

Bricard, manufact. serrurier;

Brives-Jourdan, de Marseille'.

Brochon, de Mont-Levêque

Broglie (Paul de), anc. offic. demar.

Bruzon, de Tours, manufactirrier.

Brunet, s-d. de la Vieille-Montagne.

Burgun, verrier de Meysenthal.

Cadet, docteur en droit.

Gaillaux, orfèvre.

Caillaux, ingénieur civil.

Gallon, de la Soc. d'enc. p. l'ind.nai.

Callot madame). Camus, manuf .produits chimiques. Canouille, manuf. d'amorces. Carcenac, anc. négociant. Cartier-Bresson, manufacturier. Cartier-Bresson fils. Cary, négociant. Castellineau, courtier en sucres. Castor, entrepren. de trav. pub.

M.Al. Cerfbeer, agriculteur. Chagot, député. Chagot (aîné), plumassier. Chaix, imprimeur typog. Ghambon-Lacroizade, manufac. Chapat, manufact. de couleurs. Chardin (E.), manuf. de soieries. Chardin-Hadancourt, parfum. Chardon (Charles), imprimeur. Charrier e, anc. manuf. coutellerie. Chaumette, manufac. brosserie. Chedieu, avocat. Chevalier (Auguste), député. Chevalier (Michel), sénateur. Chiris, négociant en essences.

Christofle, orfèvre.

Christofle (madame Charles).

Christofle (madame Paul).

Clavier, doreur.

Claye, imprimeur typ..

Clerc fds, négociant rafHneur.

Clermont (0 thon de), négociant.

Glermont (Auguste de), fils.

Clostre, )iégociant en drogueries.

Cochin, de l'Institut.

Cogniet, manufacturier.

Cohn i Albert), propriétaire.

Colcombet, manuf. (St-Etienne).

Coste, anc. négociant.

Goster, propriétaire.

Gottreau, propriétaire.

Coulonges (de), propriétaire.

Gourcy (de), administrateur.

Courtois, manuf. de cuirs vernis.

Guvillier, négociant.

Dagron, photographe.

Daguin, négociant

Daudrée, ancien négociant.

David (André), propriétaire.

Davillier, présid. Ch. de commerce.

Davin, filateur en laine.

Debain, manufact. d'orgues.

Deforges, manufact. passementier.

Degousse, batteur d'or.

Degrois, fabricant de bijouterie.

Dejean, orfèvre.

Delagrave, éditeur.

Delalain, imprimeur typog.

41

Délerot, bibliothécaire. Delettrez, parfumeur. Deleuil, fab. d'inst. de précision. Delicourt, prés, aux prud'hommes. Derbanne, dir. d'assurances. Derriey, tondeur. Desfossés et Karth, manufactur. Desfourneaux, peintre. Dethan, maire-adj. du 8' arrond. Dethan, négociant. Devemay, avocat. Devinck, conseiller municipal. Dheur Alex.; propriétaire. Didot (Paul;, manuf. de papier. Dietz-Monin, manuf. d'horlogerie. Dollfus Jean), de Mulhouse, manuf. DoUfus 'Galine), de Midhouse. Dominartin, négociant. Dopter, éditeur d'estampes. Dorvault, dir. de la pharmacie cent. Doyen, négociant gantier. Drouin, maire du 4* arrond. Drotiin, inspect. au coll. Chaptal. Dubois, ministre de Haïti. Dubrunfaut, chimiste manufact. Ducel fils, fondeur en fer. Ducholet (le docteur). Dufié, manufacturier. Dufreney, négociant. Duluat, négociant en papier peint. Dumas, de l'Institut, sénateur. Dumery, ingénieur. Dumoulin-Froment, inst. depréc. Dupin (le baron), deJ'lnsUtut, séaat. Dupont de l'Eure. Duplay et Repelin, négociants.

Dnponchel, verrier Sars poteries.)

Duquesnay Jl.lecuré de St-Laur.);

Durangel, chef de div. intérieur.

Durand ^Horace , manufacturier.

Durand (François) fils, ingénieur.

Dviruy S. Exe. le ministre.]

Dureau, de Compiègne.

Dussautoy, manuf. d'éqaip. railit.

Duvelleroy, éventailliste.

Dusacq et C% éditeurs.

Duvergier, prés. sect. au C .d'État

Duvivier (le docteur).

Elie Baille, p'.Ch. deC.deNancy Fabius (Joseph), négociant. Fauler, anc. négociant. Favé (le gén.l, aide de camp de S. M. Feray-d'Essonne, manufact. Fère. v. prés. de la Ch.de comm. Ferreire Sylvestre de la), sj-ndic. Forqueray, ingénieur au gaz. Fouché Lepelletier, anc. déput. Fouchet, banquier. Fouchet (Alexandre), jeune. Fourcade, manuf. de prod. chim. Fourdinois, man. en meubles. Fournier, ag. corapt. à la Guerre. Francillon, teinturier. Francillon, négociant. Froment-Meurice, joaillier. Gagneau, manufacturier. Garnier (Charles), négociant, Garnier fils, négociant. Gandillot, manuf. de tubes en fer. Gaudonnet, manufact. de pianos. Gaussen .M. , négociant, Gaupillat, manuf. d'amorces. Gautier, manuf, taillandier. Gautier fils, école d "architecture. Gautier-Bouchard, négociant. Gautrot, man. inst. de cuivre. Gelis, manufact. de prod. ehim. Gellé .Lecaroni, parfumeur. Geoffroy Saint-Hilaire (Albert) Gérard, maire du 8'^ arrond. Gérard, manufact. de caoutchouc. Gérome, peintre artiste. Gerson, ébéniste. Gille, manufact. de porcelaine. Gillou, manufact. de p. peœts. Ginous, propriétaire. Gobley, de l'Acad. de médecine. Godillot (H. , manufacturier. Godin-Lemaire, /le Guise. Goffin, prés, des amis de l'enfance. Gonelle, dessinateur en châles. Gontard, manufact. de Savons. Gosse fils, négociant. Gossin, sculpteur d'ornements. Grados, repousseur en zinc. Grand-Jean (Landemeau), man.

fils

42

M?,I. Gratien-Millet. Grellou, négociant. Groult, manulact. de comestibles. Gruner.

Gilis, négociant en draps. Gruyer, manuf. de parapluies. Guerlain (A.), négociant. Guerlain, parfumeur. Guibert, propriétaire. Guichard, président de l'Union. Guizot (Guillaume), professeur. Guyonnet, manufacturier. Guynet (Hipp.), fab. de batiste. Haas, fabricant. Halphen (Charles) orfèvre. Halphen (Georges), propriétaire. Halphen (.Joseph), négociant. Halphen (Salomon) , négociant. Hamelin, manufacturier en soie. Hamelin (madame). Hardy, architecte. Hardy, chimiste. Hardy, mécanicien. Hardy-Milori, manuf. couleurs. Haret, ent. de menuiserie. Havard, négociant. Hayem, manuf. de chem. cravates Hayem (Armand) i Hayem (Charles) Hayem (Georges) Hayem (Julien) Haynin (de), négociant. Hément, professeur à l'éc. Turgot, Hennequin, négociant. Héricé, bijoutier en doublé or. Herscher, ingénieur. Hersent, entrep. travaux publics. Homberg, inspecteur général. Houette, manufact. de cuirs vern, Huillard ahié, droguiste. Htitter, verrier (Rive -de-Gier) . Jacquin, mécanicien. Jessé, propriétaire. Julien, directeur min. agric, etc. Kœchlin (Jules), de Mulhouse, Kœchlin (Alfred), de Mulhouse. Kœchlin (Horace), de Mulhouse. Klotz, négociant.

MM. Labélonye, pharmacien. Labouret père, propriétaire. Labouret (Albert). Lacarrière fils, appareils à gaz. Lacroix, fab. de produits chimiques. Lamoureux, imprimeur. Langevin, de La Ferté-Alais. Langlois, prés, du .syndicat génér. Langlois de Neuville, c. dediv. Lanquetin (le docteur). Larenaude, fabricant papetier. Larsonnier, de la Ch. de comraer. Larsonnier, manufacturier. Latry, manufacturier. Laumonnier, man. deFiers(i\ord), Laurent de Rilié, de l'Orphéon. Laveissière (Jules), manufact. Laville, manuf. de chapellerie. Lavollée, administrateur. Lebel, de la ch. de commerce. Lechatelier, ingén. ch. des mines. Le Bègue, architecte. Lebel d ; la Ch. de commerce. Lebel, propriétaire. Leclaire, peintre. Leclert, négociant en bois. Leduc, négociant en chapellerie. Lefébure fils, fab. de dentelles. Lefranc (Jules), anc. négociant. Legentil,ducom. c. des arts et man, Legrand, vice-sec. Amis sciences. Legrelle, homme de lettres. Lejeune, architecte. Lemaire, fabric. de jumelles. Lenxercier, lithographe. Lemoine, manuf. de meubles. Lemoine-Montigny, propriétaire Leplay (Albert), agriculteur. Lequien (J.), dir. c. c. de dessin. Lequien, professeur. Le Roy, agent de change. Le Roy Dufour, anc j. au T. de c. Letestu, manufacturier, pompes. L'Huillier, négociant en fourrures. Lourdel (Charles), joaillier. Louvet, [)rés. du Trib. de comm. Luchaire (Léon), négociant. Lucy-Sédillot de la C. de comm.

4;

MM. Lusson, peintre-verrier. Maas, dir. assurances, Union, Ma es, de la Ch. de commerce. Mallet ;Alph.), de la Ch. de conun. Malpas-Duché, manufacturier. Maine, de Tours. Marbeau, président des Crèches. Maréchal, manuf. de pétrole. Mares, de Montpellier. Marguerin, dir. de l'école Turgot. Margueritte, chimiste. Marie, avocat. Marienval, négociant. Martin-Lebas, orfèvre. Massignon, anc. pharmacien. Massy (Robert dei, manuf. distilla. Massy Robert de) fils. Mathieu, ingénieur au ch. du Midi. Mathieu (Ch.;, des tabacs. Mathieu-Plessy, fab. d'encre. Maurice, ingénieur civil. Melun vicomte de), propriétaire. Menier (Emile), négociant. Mérode (comte de), propriétaire. Meyer M. le pasteur). Michal, insp. général, des p. et ch. Michaut, maire-adjoint. Michaut, de Baccarat. Michaut, manufac. de savons. Migneret, conseiller d'État. Millescamps, Ch. de Commerce. Moïana, négociant. Moisset-Foye, négociant. Mollard, ancien labricant. Mondollot flls, manufacturier. Monot, m^ verrier de Pantin. Montandon, fabricant de ressorts. Montchicourt, fabricant. Monthiers, agriculteur. Monthiers Paul, ingénieur civil. Moreau-Gharlons, administ. Moreau père, cons. municipal. Moreau (ils, juge. trib. commer. Moreno-Henriquez, deladouane. Mouchy duc de, . Moullé aine, négociant. MuUer- Alexandre, manufactur. MuUer, ingénieur.

MM. Nélaton ;le docteur) . Newell, négociant. Neveu île baron;, administrateur. Niel, négociant. Oache, négociant. Ogerdias, insp. d'assurances Ogereau, tanneur. Orsat, fabricant. Oulman, négociant. Paillard (Victorj, fabricant. Pallerot [Joseph; , de St-Étienne. Pamart, négociant. Pamar Victor; . courtier en sucres Paraf, de Thann, manufacturier. Paris Charles-Emile), verrier. Pasdeloup, inspecteur du chant. Pasquier, négociant. Payen, négociant en soie. Pellerin fds, négociant Peltereau Placide), tanneur. Penot 1.' docteur, de Mulhouse. Pereire (Ém.) père, député. Pereire Ém.j fils, député. Pereire (H.), iagénieur civil. Péronne, avoué Perrault-Coxirtois, tanneur. Perrin !e docteur . Pésier, chimiste (Valenciennes . Pétau de Maulette, propriétaire. Petit Charles , négociant. Petit Guillaume), député. Peugeot, maître de forges. Picquefeu T.), négociant. Pietri, préfet de police. Pillet, chef de division inst. publ. Pillevuyt, manuf. de porcelaine. Pinson (Eugène), négociant. Piras, inspecteur gén. des œuvres. Piver, parfumeur. Pleyel--Wolff Plichon, fondeur en fer. Poirier, négociant. Poirrier, chimiste manufacturier. Poisat, chimiste manufacturier. Pommier, chimiste manufacturier. Pompée, dir. de l'Éc. prof. d'Ivry. Porcher, sous-direct, école Turgot. Pottier (Eugène), ingénieur.

u

MM.

Poussielgue-Busan, orfèvre. Prévost, dessinateur industriel. Prevot, avoué, maire adjoint 1" arr. Prieur, directeur de la Pitié. Prieurde la Comble, luaire i" arr. Quénot (L.) manuf. de chapeaux. Raingot frères, manuf. de bronze. Raynaud, parfumeur. Renard, importateur. Rhodé, négociant en .soie. Ribaillier (Mazaroz). entrepren. Bibes (madame Ernest de). Riche, négociant en soie. Riess l'Dieuze), fabric. de gélatine. Riottot, fabricant papîer peint. Robert (Ch.), conseiller d'Etat. Robert et Collin, manufacturiers. Rolland, dir. gén. des man.de l'Et. Roquebert, notaire. Rose.Hlir. des ventes de Baccarat Rothschild (baron de) , banquier. Rothschild (Alphonse de) . Rothschild (Gustave de) Roulhac, de la Chamb. de comm. Rouvenat, joaillier-bijoutier. Roy, négoc, du comité consultatif Saint-Paul (de), député. Saint-Père, architecte. Saint-Père fils. Sainte-Glaire Deville, de l'Inst. Sajou, ancien maire-adjoint. Sallandrouze de Lamornais. Sallandrouze fils, manufacturier. Salleron, manuf. inst. de précision. Sarrebourse, d'Hauteville, raffin. Sauvage, propriétaire. Savart, manuf. de chaussures. Savart, bijoutier. Say (Charles), raffineur. Say (Léon), adm. au ch. du Nord. Scmith, chef de bur. du min.agric. Schneider, v.-p. de la Ch.desdép.

MM. Schloss (Simon), manufacturier. Sciama frères, négociants. Seydoux, manuf. député. Seligmann frères, agents de ch. Singer (Henri), propriétaire. Société de secours ouv . Ledaire . Société de la Vieille-Montagne. Soliliac frères, négociants. Sommier, raffineur de sucre. Suzanne (.1.), propriétaire. Tailbouis, manuf. bonneterie. Tardieu (le docteur). Tavernier, manufact. soierie. Tessereau ( docteur), mai'-e-mlj. Teste, manufacturier à Lyon. Thenard (le baron), de l'Institut. Thiébaut (V.), maire du 10" arr. Thiboumery, conseiller municipa Thurneyssem, administrateur. Trélat, dir. de l'École d'architect. Triquetti (de), artiste sculpteur. Troôst, prof, au lycée Bonaparte. Truelle, droguiste. Turquetil, fabricant papier peint. Vafflard, dir. des pompes funèb. Vaillant (Armand), confectionneur Varin, conseiller municipal. Varin fils, négociant. Vatin, négociant. Veyrat père, orfèvre. Veyrat fils.

Villemain, employé aux finances. "Vilmorin (Henri), hortic. négoc. Viot, manufact., onyx d'Algérie. "Walter (Gilbert), manufacturier, Waroquet, nég. en rubans. Weber, manuf. ébéniste. Weill, anc. manuf. boutons. Widoier, manufact. d'Essonne. Willamson, administrateur. ■Wolff, manufact. (Pleyel-WolfT) . "Wolowski, membre de l'Institut.

Le Secrétaire général,

Duc DE MOUCHT.

IMl'RlMEIllE CEKIUALE DES CHEMKS DE FER. - A ClIAIX ET Ce —RUE BERGÈRK, 20 PAIUS

SÉANCE D'INAUGURATION,

La séance d'inauguration de la Société a été tenue au milieu d'une assistance nombreuse, le 17 mars, à deux heures, dans la salle des séances de la Société d'encoura- gement pour l'industrie nationale, rue Bonaparte, 41.

Au bureau siégeaient M. Dumas, Président; M. de Bou- reuille, l'un des Vice-Présidents d'honneur; MM. Migneret, Charles Robert, Vice-Présidents; M. le duc de Mouchy, Secrétaire général ; M. Barreswil, Secrétaire.

MM. les Présidents et Membres des divers Comités et Commissions, présents à la séance, avaient pris place sur l'estrade.

M. le Président a ouvert la séance par le discours sui- vant :

-Messieurs,

Dans un pays adonné tout entier aux travaux de l'agriculture, nous n'aurions pas à examiner par quels procédés l'enfance pourrait être préservée des dangers de l'extension abusive du travail. La vie des champs répugne aux combinaisons factices. Elle ignore ce gaz qui éclaire pendant la nuit les ateliers de l'Industrie et ce calorifère qui les tiédit en hiver.

C'est la nature elle-même qui fixe les limites du travail du laboure m-. Le lever et le coucher du soleil en rèelent les ^our-

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nées ; pour lui comuie pour la teri-e, l'iiiver est la saison du recueillement. La vie humaine, dans ces conditions primitives, plie ses combinaisons au cours des astres. Leurs apparitions mobiles ou leurs aspects changeants commandent les heures de son travail et celles de son repos. "")=?> i--. -i ;

L'enfance de l'ouvrier des campagnes connaît donc cette al- ternance de la fatigue au grand jour et des calmes de la nuit; cette action tonique de la lumière et de l'air; ces épreuves des chaleurs de l'été et des froids de l'hiver, qui retrempent sans cesse la fibre d'une jeune créature en voie de développe- ment.

Au contraire, pour l'ouvrier de l'Industrie élevée à sa dernière puissance, les jours ne différeraient pas; il n'y aurait ni nuits, ni saisons; la machine à vapeur infatigable mettrait sous sa surveillance, pendant toute l'année, dans un atelier tempéré, des métiers qu'elle animerait sans cesse et que le gaz éclairerait toujours. Vie factice, ({ui bientôt lasserait le corps et l'âme, si des repos calculés et des distractions prévues ne venaient en varier le cours monotone et en adoucir la rigueur!

Les lois y ont pourvu pour l'ouvrier adulte et pour l'entant faible et subordonné, qui a besoin d'une protection plus immé- diate encore. L'Angleterre a donné l'exemple et la France l'a suivi. Non que la France se soit montrée moins prompteuient touchée que l'Angleterre des dangers auxquels l'enfance est exposée dans la carrière manufacturière! Mais, s'il est une circonstance oîi l'action des lois puisse trouver son heureux équivalent dans celle des mœurs , c'est celle il s'agit de la protection due à l'enfance.

Or, pour quiconque a vu de près les ateliers de l'Angleterre et ceux de la France, il est facile de comprendre qu'une loi protectrice des enfants employés dans les manufactures ait été jiécessaire de l'autre côté du détroit longtemps avant que le besoin en fût manifeste dans notre pays, et si l'Angleterre a été la première à mettre en mouvement la loi, c'esst assurément que, sous ce rapport, elle n'avait pas été la première à ressentir le bienfait des mœurs.

En France, pays d'égalité du patron à l'ouvrier et surtout du patron à l'enfant; le preniier mouvement est un sentiment de protection affectueuse ou d'intérêt paternel, qui ne s'efface

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qu'au momeirt ia méliauce du subordonné l'éloigne de son chef. En Angleteire, pays d'aristocratie, la distance est au con- traire soigneusement gardée entre le maître et le travailleur : l'état normal, <;'est la séparation des personnes, des intérêts et des rangs; l'exception, c'est le rapprochement.

3Iais, sous l'influence des traités de commerce qui développent rapidement notre production, n'est-il pas à craindre qu'à leur tour nos mœurs ne se modifient aussi ? Serons-nous toujours -émus à l'aspect trop souvent répété de certaines misères? Lors- que nous serons convaincus de notre hnpuissance à remédier au mal, n'en détournerons-nous pas les yeux, comme d'un spec- tacle pénible qui les blesse "? La lutte n'oblige-t-elle pas ce- pendant l'Industrie française à réduire ses prix , à augmentei* sa production, à accroître son persmmel, et ne voyons-nous pas s'étendre chaque jour le nombre des enfants employés dans les maufactures des villes ou des campagnes?

Xe les confondons pas, toutefois, dans nos sollicitudes; car leur sort est bien diftérent On ie sait, quand on a observé de près les touchantes dispositions prises par nos grandes conipa gnies extra-urbaines, Saint-Gobain, Baccarat, Wesserling, le Creusot, Maubeuge, Anzin, la GrandCombe, Bességes, que je cite comme les plus anciennes ou les plus récentes, car c'est par centaines qu'il faudrait signaler celles qui sont dignes de tous les éloges. Ces compagnies modèles accomplissent envers leui-s ouvriers tous les devoirs du père de famille prévoyant. Elles créi^nt des asiles, des écoles, des hôpitaux, des hospices. Elles construisent des églises. Elles assurent à l'enfance les soins les plus ingénieux, Xons n'avons rien à leur recommunder ; elles servent d'exemple.

Le manufacturier, l'indsisti'iei, le patron, placés au milieu des villes, trouvent aussi, il est vrai, l'asile et l'école de la commune pour les enfants qu'ils emploient. S'ils ont des blessés, des malades, des infirmes, la cité en prend soin. La paroisse offre à leurs ouvriers l'instruction religieuse et l'éducation morale.

Tout est donc semblable en apparence. Mais la compagnie industrielle extra-urbaine n'est pas obligée, comme la commune, d'opérer sous forme abstraite. Pour elle, l'enfant qu'elle élève a un passé, un avenir, un nom. En lui se concentrent des sen- timents reconnaissants, des espérances, des souvenirs. Il repré

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sente les anciens services rendus par ses parents, les services qu'il rendra à son tour, et le nom de sa famille fait corps avec celui du village et rappelle le clocher. Dans les soins dont la compagnie entoure l'enfant, elle est donc dirigée, comme la cité, par les devoirs généraux de l'humanité, par l'esprit chré- tien des sociétés modernes, tendre à la faiblesse et pitoyable à la souffrance, mais aussi, par une obligation plus étroite, plus personnelle et comme paternelle.

Si l'enfant partage son temps entre l'atelier et l'école, la sur- veillance le suit: des maîtres ou chefs dont il est connu, qui s'inU'ressent à sa famille et que son avenir touche, ont les yeux sur lui. Sa conduite, sa moralité, sa probité sont la propriété commune. C'est l'enfant de troupe que le drapeau couvre, dont tes fautes entacheraient le régiment, dont les talents et les suc- cès feront l'orgueil des chambrées.

Toute compagnie industrielle extra-urbaine qui comprend ses intérêts et ses devoirs a donc été presque toujours au de- vant des désirs de la loi et des nôtres.

Mais l'enfant employé dans les usines des villes, qui par- tage son temps entre la famille, l'atelier, la rue, l'école, peut- il être considéré comme surveillé, dirigé, redressé au besoin? Le père de famille sait-il ce qui se pa§se à l'atelier? Le patron connaît-il l'intérieur de la famille ? L'un et l'autre ont-ils la juste notion de ce que le jeune apprenti devient dans la rue? quelles leçons il y reçoit? Ne faut-il pas que le mal soit déjà très-avancé pour que son excès le signale, et le remède n'est- il pas bien incertain alors?

Ma conviction est profonde sur ce point. Dans les agglomé- rations industrielles isolées au milieu des campagnes et bien dirigées, l'enfant peut devenir plus instruit, plus habile ou- vrier que son père, sans cesser d'offrir les garanties de mora- lité nécessaires à son propre bonheur et à la sécurité de la société. La situation s'améliore dans ces circonstances, et on ne s'étonne pas d'entendre dire alors que les ouvriers de la nou- velle génération valent mieux que leurs pères.

Au contraire, dans les industries agglomérées des villes, sous une surveillance irresponsable et banale, l'enfant, qui n'est plus qu'un chiffre, peut se trouver délaissé. Le temps alors s'écoule à l'école sans qu'il en devienne plus instruit, à l'atelier sans

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qu'il en soit plus habile, dans la famille sans qu'il se montre meilleur, au point de vue des mœurs et de la religion. C'est dans ces conditions regrettables qu'on entend sans cesse ré- péter avec découragement : La société s'en va; les pères va- laient mieux que leurs enfants !

Mais à qui faudrait-il s'en prendre, s'il devait en être ainsi longtemps et toujours? N'est-ce pas à la société elle-même 1 N'aurait-elle pas manqué de prudence, de vigilance et de cœur, si cet affaiblissement moral se réalisait? Le progrès matériel nous emporte dans des voies il n'est pas facile de l'arrêter; il serait même imprudent de le tenter. Soit! mais n'est-ce pas à la société à se montrer assez forte, assez virile, assez chari- table, tout en laissant au progrès matériel sa route libn^ dans l'espace, pour sauver de la double dégradation des corps et des âmes les générations qui en sont les instruments?

Oui! il faut soigner le corps de ces entants qui auront un jour à défendre la patrie ! il faut soigner l'âme de ces créatures innocentes encore, que l'abandon laisserait en proie aux mé- créants, aux esprits malfaisants et aux cœurs troublés!

Consultez un ouvrier quelconque de l'une de ces compagnies extra-urbaines, prudentes, sages et inspirées de l'amour du bien, que je signalais à vos respects, et il vous dira : « On a veillé sur ma jeunesse, on m'a instruit, on m'a dirigé. Près de moi s'éle- vait celle qui est devenue la compagne et la fierté de ma vie; autrefois, jeune ouvrière honnête et laborieuse ; aujourd'hui, mère croyant en Dieu, pour qui la maternité a été une béné- diction et une joie. » Ce langage n'est pas rare, au milieu de ces populations qui ont appris de bonne heure à aimer le tra- vail, à trouver leur récompense dans le devoir accompli et à demander à l'épargne les satisfactions de leur vie.

Qui se flatterait de l'entendre aussi naturellement sortir de la bouche de l'ouvrier des villes? Parvenu à l'âge d'homme, celui-ci vous dira souvent, je le crains : « La société, qu'a-t-e'le fait pour moi? Ne m'a-t-elle pas laissé en proie dans mon en- fance aux mauvais conseils, aux mauvais penchants, aux oppres- sions, aux séductions? Jeune homme perverti, ma compagne aurait pu me ramener au bien ; mais le milieu elle vivait n'en avait-il pas fait une créature vaine, pour qui le ménage est un embairas, la maternité un fardeau, le travail et le devoir

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des chaînes importunes ? L'un et l'autre nous ignomns l'épaF'- gne, notre intérieur sordide nous répugne, nous vivons au jour le jour, certains que la misère et l'hôpital nous attendent. »

Non qu'il ne se trouve aussi des natures défaillantes ou per- verses parmi ces enfants que les compagnies dont les usines sont situées dans les campagnes essaient de diriger vers le bien, et leurs efforts peuvent être trompés; mais, quand ces malheu- reux se détournent de la lx)nne voie et qu'ils sont chassés de ce milieu honnête ils ne pourraient plus vivre, ne s'en éloignent- ils pas le cœur plein de regrets ou même de remords'? Leur est-il permis de maudire un séjour dont ils sont devenus indi- gnes et d'accuser des soins auxquels ils n'ont pas répondu? Leur conscience leur dit, croyez-le bien, qu'ils sont les vrais, les seuls coupables.

Sans doute, d'autre part, tous les enfants ne se pervertissent pas dans les villes industrielles. Il est des natures bien douées qui résistent aux influences malsaines, comme il est des cons- titutions privilégiées qui bravent les maladies contagieuses. Mais pénétrez dans le détail de ces existences modestes, et vous verrez au prix de quelles sollicitudes maternelles, de quelle surveillance du père , à la faveur de quels sentiments reli- gieux, se sont conservées, dans des âmes heureusement eucoro nombreuses, les idées de respect et celles de devoir.

Interrogez ces enfants que le sort a favorisés, et lorsque, par- venus à l'âge d"homme, ils peuvent apprécier les dangers que leur jeunesse a courus et les efforts persévérants qui l'ont pro- tégée, ils vous parleront avec une reconnaissance émue des soins dont ils ont été l'objet, et avec une immense pitié du mallieur de leurs camarades moins heureux, que la paresse, les vices et la débauche ont mis en guerre avec la société.

Disons-le bien haut, ces enfants de Paris, au cœur droit et à la conduite honnête, ne sont pas si rares. Qu'il s'agisse de l'ou- vrier parisien ou des familles qui constituent dans la grande cité la bourgeoisie ou le monde, il n'y a rien de plus faux que les tableaux qu'en offre le théâtre ou la peinture qu'en trace l'imagination des romanciers.

Paris a son écume; mais, au-tlessous de cette écume flottante et troublée qui attire les yeux, vous trouvez la population nom- breuse, recueillie et calme, de ces familles bourgeoises ([ui

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savent respecter la paix et la dignité du foyer domestique. Celle- n'occupe d'elle ni les tribunaux ni les gazettes; mais celle-là, pai- l'importance et la force, constitue le vrai Paris.

De même, au-dessous des agitations factices ou vraies de la Bourse et des jeux du hasard, dont les périi^éties troublent tant de fortunes, il y a ce commerce parisien dont la prudence et la loyauté sont connues du monde entier, et qui n'a pas encore appris à considérer ses engagements comme un fardeau qu'on jette sans scrupule, quand il devient trop lourd.

Mais le jour viendra nous cesserons de nous calomnier nous-mêmes, l'Europe, qui nous lit encore, reconnaîtra que la population de Paris n'est pas toute bohème ou benoitone. Comme les Anglais, qu'il faudrait imiter davantage en ce point, nous adopterons ces romans de famille qu'un jeune homme, qu'une jeune femme peuvent lire et qui les rendent meilleurs ; car ce qu'ils retracent , c'est la vie domestique avec ses condi- tions, ses chances, ses obligations et ses devoirs. La finesse de l'observation, l'art des nuances, l'honnêteté du sentiment y inté- ressent seuls le lecteur. Le respect de la conscience humaine, le sens moral, dominent la composition. Tout y rappelle qu'il faut une règle à l'homme et que les circonstances ordinaires de la vie, aussi bien que les événemenJs romanesques ou tragiques, peuvent exiger, pour êti'e ti-aversées sans souillure, les eftbrts d'un esprit réfléchi et les convictions loyales d'une àrae droite.

Mais tout Anglais qui voit une idée morale et juste à pro- duire se croit tenu de la manifester. En France, un respect humain mal placé nous arrête, et nous n'osons pas nous enga- ger dans une voie familière même aux hommes d'État de l'An- gleterre, qui ne a-oient jms déi"0ger à écrire des romans populaires .

Eli bieni vous qui déplorez la mauvaise direction du théâtre et de la jM-esse, ayez ce courage; faites des livres pour le peupk! Suscitez des joiuiiaux selon vos convictions! On publie des ro- mains dissolvants : ne soyez pas les premiers à les lireJ On joue des pièces équivoques, n'allez pas les applaudir !

Vous vouchnez le profit sans la peine, la victoire sans l' effort : cela ne se peut ix)int. Vous demanderiez en vain au Gouvenie- ment, à la loi, de redresser l'esprit du jieuple; il faut vous y résigner : c'est vous-mêmes qui devez accomphr cette tâche. Soyez- en sûrs, quaiKl roos aurez inscrit parmi vos dépenses prévues

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une somme pour encourager les publications hofinêtes ; quand vous aurez fait ligurer dans l'emploi de votre temps quelques journées tous les ans au profit des enfants délaissés , vous aurez fait deux bonnes œuvres et deux sérieux placements.

Gouverner c'est prévoir. N'imitez pas l'ancienne aristocratie française, qui, pour s'être abandonnée elle-même depuis long- temps, a succombé en 1789; imitez l'aristocratie anglaise, qui se maintient parce qu'elle est toujours active, vivante et dirigeante.

Voulez-vous la sympathie de ces masses laborieuses nous n'avons que des frères ? dévouez-vous à leurs enfants, aimez-les comme les vôtres ! Allez à eux ! Ce sera grande charité et pro- fonde sagesse; car, bien élevés, ils seront la consolation de leur famille et la force de la patrie; mal élevés, ils feront le désespoir de leurs parents et l'inquiétude du pays.

Mais j'entends dire : « 11 y a des lois, pourquoi ne pas se borner à en assurer l'observation, puisqu'elles déterminent l'âge auquel l'enfant pourra être employé dans une manufacture ou mis en apprentissage, qu'elles fixent le nombre d'heures et même la nature de son travail ; puisqu'elles protègent ses mœurs et son instruction If Que peut-on désirer de mieux ou de plus? »

Oui, l'intervention de la loi était nécessaire pour poser des limites au travail des enfants. Mais il ne suffit pas en telle matière, pas plus qu'en beaucoup d'autres, de s'interdire ce qui est défendu. Supposons, ce qui n'est pas le cas, la loi obéie dans tout l'Empire et les inspections régulièrement effectuées; on aurait empêché le mal, mais aurait-on reconnu, signalé, encouragé le bien, le mieux , l'excellent?

Non ! les lois s'occupent de l'enfant dans l'atelier ou la manu- facture; elles y règlent la tâche à ses forces; mais elles laissent à la famille et aux mœurs publiques à s'occuper de lui en dehors des heures du travail ; à veiller à son instruction, à son édu- cation morale, à l'accomplissement de ses devoirs religieux.

Vos statuts, d'accord avec elles, déclarent, dans leur ar- ticle l""", que la Société a pour but d'améliorer la condition des apprentis et des enfants employés dans les manufactures, par tous les moyens qui, respectant la liberté de l'industriel et l'auto- rité du père de famille, agissent en conformité des lois sur l'ap- prentissage et sur le travail des enfants dans les manufactures.

Mais ils ajoutent dans leur article 11, que vos fonds sont appliqués à aider, à encourager, à signaler par des récompenses,

o3 tous ceux qui auront directement assisté, moralisé ou instruit les enfants employés dans la petite industrie et dans la grande, ainsi que tous ceux qui auront coopéré au même résultat par une invention, une publication , l'institution de concours entre apprentis ou des fondations spéciales.

Que ces lois soient maintenues et commentées par des règle- ments d'administration publique; qu'elles soient modifiées et améliorées par des lois nouvelles; qu'elles soient obéies et que leur exécution soit surveillée par des inspecteurs gratuits ou sa- lariés , toutes ces suppositions n'atteignent en rien l'objet qui a déterminé la fondation de votre Société.

Il sera toujours utile de proclamer le bien, nécessaire d'en- courager ceux qui le font, profitable de mettre les bons exemples en évidence et d'exciter de la sorte une émulation contagieuse.

Ainsi proclamées, les pratiques les meilleures se propageront ; l'esprit de charité se réveillera de proche en proclie; les enfants délaissés deviendront une exception; leur aspect importunera; la conscience en sera troublée et fera entendre sa voix. On sera conduit par force à s'occuper d'eux et à les élever vers un ni- veau qui, à chaque comparaison nouvelle, tendra de lui-même à monter peu à peu.

Oui, il faut ouvrir aux enfants qui débutent dans la carrière de l'industrie des voies qui préservent leurs jeunes âmes de la chute ; il faut leur apprendre à considérer le travail comme la loi de l'homme, à respecter le devoir et à trouver en soi la règle de l'honneur , l'amour de la famille et de la patrie , la crainte de Dieu ; trois forces nécessaires pour traverser la vie.

Oui , il faut veiller sur les. jeunes filles qui fréquentent les ateliers, et qu'une surveillance vraiment maternelle peut seule préserver du désordre, lorsque les mauvais exemples inquiètent leur imagination , quand les séductions troublent leur inexpé- rience, et que le foyer domestique n'est pas toujours pour elles un lieu de refuge et de protection.

La Société que vous constituez distribuera les encouragements, les éloges, les récompenses aux manufacturiers, aux œuvres cha- ritables qui, dans cette direction, auront mérité la reconnaissance du pays. Elle offrira leur exemple aux autres industriels ou aux contrées qui auront besoin de réformer leurs installations, leurs usages ou leur surveillance.

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Elle signalera les dispositions utiles et dignes d'être imitées mises en pratique dans les pays étrangers, et elle s'efforcera, en les faisant connaître, d'en assurer l'adoption dans nos propres manufactures.

Votre Société ne peut rien de plus; mais ceux qui ont visité les fabriques et qui ont pénétré dans les détails de l'organisation des principales agglomérations industrielles de l'Europe savent quelles différences on observe encore d'une ville à l'autre, d'une usine à l'usine voisine; et combien l'initiative personnelle con- tribue à préparer ou à répandre les bonnes pratiques qu'on y observe.

Depuis plus de douze ans, j'ai l'honneur d'être membre ou président du Conseil municipal de Paris; j'ai pu contribuer, pour ma faible part, à réaliser la volonté de S. M. l'Empereur, et je sais que la Ville, obéissant à sa haute pensée, n'a rien négligé de ce que réclament les besoins des classes laborieuses. Asiles, écoles primaires, elle en a pourvu tous les quartiers et les enfants de Paris y ont tous leur place. L'instruction y est gratuite, même pour le dessin et pour le chant. Des classes d'adultes s'ouvrent chaque soir, sur tous lés points de la cité. Les installations de ces établissements se perfectionnent et les meilleurs types se généralisent.

Les hôpitaux et les hospices reçoivent la plus vive impulsion ; leur construction, leur régime, leur hygiène et tous leurs services améliorés prennent la sérieuse empreinte de l'état avancé des sciences.

Partout, des temples consacrés au culte s'élèvent et offrent à la population pour le recueillement et la prière les asiles de paix ouverts à la piété.

Les moyens ne manquent donc pas pour arracher au désordre les enfants dont l'éducation religieuse, morale ou hitel- lectuelle serait négligée ; pour améliorer la condition physique de ceux dont la santé réclame des soins, dont la faiblesse veut des ménagements; mais, tous ces moyens administratifs, pour être pleinement efficaces, ont besoin que l'esprit de charité en utilise les forces avec opportunité. Lui seul le peut, car lui seul, libre d'étendre son action ou de la restreindre, ne se laisse ni engager par les précédents, ni contraindre par les liens étroits

indispensables à tout service administratif. Au milieu de cir- constances changeantes, il peut se mouvoir avec souplesse à travers les cadrer trop inflexibles du règlement ou de la loi, et, suppléant à leur impuissaBce, il se poite le besoin l'ap- pelle et remplit le vide qu'ils ont laissé.

L'initiative privée, sans l'appui de la loi, serait insuffisante. La loi, si le concours des citoyens continuait à lui manquer, flot- terait dans le vide, au milieu de ces détails infinis et divers les contraventions demeurent inaperçues et insaisissables.

C'est parce qu'ils en avaient la conviction, que le Conseil gé- néral de la Seine a provoqué et que M. le Préfet de police a organisé une inspection et une enquête sur le travail des en- tants dans les manufactures. C'est parce que les deux rapports publiés par l'administration ont éclairé vos consciences, que vous vous êtes trouvés spontanément d'accord, prêts avons enten- dre et à vous réunir, pour seconder l'action tutélaire de la loi.

Notre première séance n'était qu'un essai timide, et cepen- dant la pensée qui vous inspire est tellement sympathique et si juste, qu'elle vous a mérité le concours le plus large et le plus empressé des esprits sérieux.

Notre auguste et gracieuse souveraine, S. M. l'Impératrice, qui a donné tant de preuves touchantes de son affection aux enfants de Paris, a voulu que votre Société naissante fût placée sous sa protection et sous celle de son fils bien-aimé, le Pi'ince Impérial. ' Les familles lalwrieuses de la France ne l'oublieront pas : si le travail', Finstiniction , l'éducation morale et religieuse des oi*phelins ou des enfants délaissés que l'industrie occupe sont désormais placés sous une surveillance amicale, dévouée et sympathique, ils le de^TOnt à la bonté de Sa Majesté. Du haut du trône, elle ouvre toujours un cœur maternel à leurs plaintes, et die veut que le Pi-ince Impérial . familier de bonne heure avec leurs vreux et leurs besoins, apprenne à rester un fi"ère ponr eux.

Après ce discours, souvent interrompu par les plus vifs applaudissements, et dont la conclusion a été vivement acclamée, l'Assemblée décide que sa séance publique aura lieu, ckaque aaiiée, le dimanche le plus rapproché du jour anniversaire de la naissance de S. A. le Prince Impérial.

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M. le Président donne la parole à M. le Secrétaire général, qui s'exprime en ces termes :

Messieurs,

L'inspection du travail a été rétablie dans le département de la Seine, par M. le Préfet de police, sur le vœu réitéré du Conseil général. Ayant été reconnue insuffisante pour protéger d'une manière efficace les enfants employés dans l'industrie, et principalement les apprentis, il parut nécessaire de lui venir en aide, en créant un mouvement sérieux dans l'opinion, et en mettant en œuvre tous les moyens capables d'entraîner les irré- solus et les indifférents.

Dès le mois de juillet 1865, un projet de Société se proposant cette mission fut soumis à quelques personnes éminentes parmi celles qui ont, dans maintes circonstances, témoigné de leur intérêt pour la classe ouvrière, et principalement pour les enfants. Ce projet disait que l'adhésion de cinquante personnes suffisait pour que la Société fût constituée ; et cent cinquante signatures furént recueillies en quelques jours.

Une assemblée préparatoire eut lieu à la mairie du P'' ar- rondissement le 22 septembre; il y fut décidé que M. le Pré- sident Dumas se chargerait d'offrir à S. Exe. le Ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, la présidence d'honneur.

Cette démarche a été faite, et je m'empresse de dire que la Société doit une égale reconnaissance à M. Béhic et à S. Exe. M. de Forcade la Roquette, qui ont bien voulu accueillir l'hom- mage de la Société et lui donner la preuve éclatante d'une pro- tection efficace. 11 fut décidé, en outre, dans cette première assemblée préparatoire, que M. le Président formerait le conseil charge de représenter tous les intérêts que la Société devait être appelée à servir.

Vous connaissez, Messieurs, par le Bulletin 1, la liste des Membres de la Société et les noms des coopérateurs nommés par JM. le Président ou indiqués k son choix par MM. les adhé- rents présents à la réunion préparatoire.

Plusieurs fonctionnaires émincnts parmi ceux qui ont dans leurs attril)utions le ti-avail des enfants étaient restés en dehors de l'administration de notre Société, M. Dumas pense qu'il est important d'obtenir leur collaboration active ; en conséquence, il vous propose d'oôrir en votre nom à M, Dupuy de Lôme, Membre de l'Institut, le titre de A'^ice-Président d'honneur; à M. de Saint-Paul, conseiller d'Etat, directeur général au minis- tère de l'intérieur, celui de Vice-Président ; le titre de censeur à M. Julien, directeur du commerce intérieur au ministère de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, et spéciale- ment chargé de la question du travail des enfants dans les ma- nufactures.

M. le Président vous propose, en outre, de combler une lacune en formant deux comités qui représenteront l'enseignement des enfants tel que le comprend la loi :

4" Le comité d'enseignement religieux, composé de :

MM. Duquesnay (abbé), curé de Saint-Laurent, Président;

Triqueti (de), Président des Œuvres protestantes, Vice- pj'ésident;

Coulonges (de), ancien Président de patronage, Secré- taire ;

Dethan, Vice-Président de la Société pour le placement des Apprentis ; *

Duchollet (le docteur), Vice-Président de la Société des Fabricants et Artisans;

Albert Gohn, Administrateur de la Société pour les Apprentis Israélites ;

Piras, Inspecteur général des Etablissements de bienfai- sance;

Tavernier, Trésorier de l'Œuvre de Saint-Xicolas.

2o Le comité d'enseignement élémentaire, composé de :

IM. Jules Simon, Président de la Société élémentaire, Pré- sident ; Gréard, Inspecteur d'Académie, chargé du service de l'enseignement de la Ville de Paris, Vice-Président; Brongniart, Inspecteur du dessin, Secrétaire;

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MM. Baudime (le F.), Frère de la Doctrine chréîieime ,

Félix Hément, Professeur à l'école Turgot ;

Legentil, Président da patronage de Saint-Charles;

Michel, ancien Chef d'institution;

Râteau, Président de l'OEuvre des Faubourgs. Les statuts portent qu'il sera créé un Conseil d'ho.\neur, com- posé de fonctionnaires publics, d'économistes, de représentants des œuvres créées en faveur des enfants, de g^rands manufac- turiers ou de présidents de grandes sociétés manufacturières dont les apprentis sont l'objet de fondations spéciales; d*hommes ayant concouru d'une manière efficace au but que se propose la Société; enfin, de médecins, d'ingénieurs et d'officiers d'ad- ministration publique, qui vous auront assuré le concours gratuit de leur science ou de leur ministère.

Une première liste a été dressée par les soins de M. le Pré- sident.

Elle comprend : MM. Durangel, Chef de division au ministère de l'intérieur; Pillet, Chef de division au ministère de l'instruction publique ; MM. Favé (ie général), commandant l'Ecole polytechnique; Morin (le général), de l'Institut, Directeur du Conserva- toire des Arts et Métiers ; Perdonnet, directeur de l'Ecoie centrale des Arts et Blanufactures ; MM. Reybaud (Louis), Membre de l'Institut;

Wolowski, Membre de l'Institut; MM. Cochin, Membre de l'Institut, Président de l'OEuvre des Apprentis ; Delessert, de l'Institut, protecteur d'CEuvres protestantes; Devinck, Président de la Société des Employés de

commerce ; Etienne (le R. P.), Supérieur des Lazaristes et des sœurs

de Saint-Vincent de Paul; Goffin, Président de la Société des Amis de l'enfance , Melun (vicomte de). Président de l'OEuvre des Apprentis

et des Jeunes Ouvriers ; Philippe (le F.), Supérieur des Frères de la Doctrine chrétienne ; ' ' » L^îiO iB:

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Rothschild (de), l^rotecteur des Sociétés Israélites ; 3151. Blache, Membre de l'Académie de médecine;

Nélaton, Professeur à la Faculté de médecine de Paris ;

Tardieu, id, id.

3DI. Péronne, Avoué de la Société;

Roquebert, Notaire de la Société;

Le Roy (Charles), Agent de change de la Société.

Cette liste sera continuée à mesure que les rapports de vos commissions vous feront connaître les hommes de bien qui de- vront y prendre place.

Le premier numéro du Bulletin a été adressé à tous les membres de la Société. L'administration provisoire a pensé que ce premier numéro, qui comprend les lois concernant le h^avail des enfants, devait en outre être largement distribué au dehors; il a. été, en conséquence, adressé des exemplaires à LL. Exe. M3(. les Ministres, à MM. les Sénateurs, les Députés, les 3Iembres du Conseil d'Etat, à MM. les Membres du Conseil général de la Seine et du Conseil municipal de Paris, à MM. les Curés, les Maires et les Adjoints, à MM, les Juges de paix, à MM. les Commissaires de police du département de la Seine.

Par ordre de S. Exe. M. de Forcade la Roquette, des exem- plaires accompagnés d'une circulaire du Ministre, recomman- dant notre Société, ont été adressés à MM. les Préfets et Sous- Préfets, à 31G\L les Présidents de Chambres do commerce et de Chambres consultatives, et h MM. les Présidents des conseils de Prud'hommes.

S. Exe. M. Duruy a bien voulu adresser des exemplaires à 3IM. les Recteurs.

Près de trois mille cinq cents Bulletins ont été ainsi répartis. Nous espérons que les frais de cette large distribution seront compensés par les adhésions qu'elle provoquera.

Maintenant que le terrain est préparé, chacun de nous doit mettre en œuvre sou influence personnelle, ce qui est le meilleur moyen de faire des adJiérents. Plus des dix-neuf vingtièmes des membres ont été acquis ainsi par des appels directs : je citerai parmi ceux de nos collègues à qui nous devons le plus d'adhésions MM. Berthier, Bouilhet, Christofle, Guerlain, Lacroix, Maurice, Riche, Charles Robert. M. Carticr-Bresson a inscrit ses

cinq fils et lui-même |comme nicmbres perpétuels. Le nom de 31, Hayem figure cinq fois sur notre liste pour le père et les quatre enfants; les familles Bouilhet, Christofle et Dumoulin- Froment sont au complet parmi nos souscripteurs, etc., etc.

Les ouvriers de la maison Christofle ont retenu sur leur salaire la somme qui assure à leur atelier une souscription perpétuelle. La Société de secours des ouvriers de M. Leclaire et la Progressive ont, en s'inscrivant, témoigné de la sympathie des ouvriers.

M. le Proviseur du lycée Louis-le-Grand a fait inscrire les élèves de ce lycée pour une souscription perpétuelle.

Que chacun des six cents membres de notre Société nous amène deux adhérents, et c'est chose facile, nous aurons une base large et solide.

L'action des Comités locaux sera certainement féconde : nous donnerons dans le Bulletin de mai la première liste des cor- respondants chargés de les organiser. Nous pouvons citer dt\jà quelques noms :

MM. Belhommet, à Landerneau; Bruzon et Mame, à Tours; Chiris, à Nice et Grasse; Colcombet, à Saint-Étienne ; Koech- LiN (Alfred), à Mulhouse; Léon, à Bordeaux; Mares, à Mont- pellier; 3Ielon (vicomte de), à Lille; Teste et Duveugier, à Lyon (Vaise).

La Société comptait, au 1*' mars, 610 adhérents, dont : Membres perpétuels. ... 50 Membres annuels o60

Total... 610

Les recettes s'étaient accomplies avec régularité.

Avaient payé à cette date. . 50 membres perpétuels.

420 annuels.

N'avaient pas encore payé. 140 annuels.

Total... 610

Ci

Les dépenses ont été soldées à la date du 28 février : ce sont, pour le plus gros chiffre, des frais d'impression et de ports d'im- primés (1) 1,004 ^

Menus frais 2"o oO

Total... 1,279 50

Il est un capital fort important pour la Société : c'est celui que représenteront ses archivés et ses livres. S. Exe. M. le Mi- nistre de l'Instruction publique a autorisé la Société à faire le dépôt des documents et des livres qui lui seront adressés à la bibliothèque de l'Arsenal. La même facilité a été donnée au groupe 10 du Jury international pour les nombreux documents relatifs à l'enquête que dresse la réunion de ses bureaux, sous la présidence de M. Gonti.

Ces matériaux formeront, avec les legs Enfantin, le noyau d'une bibliothèque spéciale d'économie sociale, qui sera, à un jour donné, nous l'espérons, une collection unique, due à l'initia- tive de votre Société.

La salle principale de la mairie du i*^'' arrondissement à été mise à notre disposition : nous pouvons l'occuper pour nos séances de conseil, si vous ne préférez parcourir successivement les diverses mairies, et porter ainsi votre action dans les divers arrondissements.

La ville de Paris, dans la salle Saint-Jean, la Société d'encou- ragement pour l'industrie nationale, dans la salle de ses séan- ces, ont bien voulu nous assurer une généreuse hospitalité pour nos réunions générales. La Société est administrée par nos secrétaires; nous n'avons pas d'agents salariés.

Résumant les faits accomplis : Les recettes étant de. . . 9,200 » Les dépenses de 1,279 oO

^ Il restait au 28 février. . 7,920 oO

I^B (•) ^'ous sommes en instance, par suite d'une erreur, pour obtenir de la

I^B poste une restitution, et en outre un meilleur régime pour nos expéditions

I^B ultérieures. Nous espérons que la Inenveillanco de M. le Dirceleur ne nons

■^K Cera pas défaut.

m

Depuis ce temps il n'a été fait aucune dépense sérieuse, et les recettes assurées par les souscriptions sont d'environ 2,000 francs, sans compter ce que nous réserve l'avenir.

M. le Trésorier vous propose de placer en obligations du Crédit foncier 5 0/0 ou en rentes 3 0 0 les sommes représen- tant les souscriptions perpétuelles, c'est-à-dire S,000 francs j le surplus restera dans sa caisse ou sera déposé au Crédit foncier.

Tels sont, Messieurs, le résumé do notre histoire et l'état actuel de notre Société

L'administration provisoire, avant de se démettre, vous prie de vouloir bien ratifier les engagements pris par elle.

Il a été annoncé qu'une séance solennelle serait tenue dans le mois de mai prochain, à laquelle seront convoqués les ap- prentis et les enfants des manucfactures, garçons et filles patron- nés et pourvus de livrets en règle.

Dans cette séance, il sera fait une distribution des récom- penses qui auront été votées par votre Conseil.

Les Bulletins paraîtront régulièrement tous les deux mois; la matière en est assurée.

Plusieurs articles sont déjà en préparation :

1" M. Guillaume Guizot. État de la question en Angleterre.

2'' M. Délerot. Les Lois et les Fondations de l'Allemagne.

M. Hayem (Julien). Jurisprudence des Prud'hommes, d'après le relevé des six dernières années.

4" M. DE Coulonges. Patronages des garçons dans le dé- partement de la Seine.

go ]y|ue Payen. Patronages des jeunes filles dans le dépar- tement de la Seine. 6" M. CoRNUDET. Internats manufacturiers. M. Chaulin. Patronages institués par les patrons.

S" M. Matiueu. Les Apprentis des Compagnies de chemins de fer.

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9 M. Blache fils. L'enfant employé au travail manuel, sous le rapport des aptitudes physiques, de l'hygiène, des ma- ladies et dangers inhérents aux professions.

Outre ces articles, qui donneront à notre Bulletin tant de re- lief et tant d'intérêt, il nous a été également promis, au profit de notre Société, un sermon du P, Hyacinthe et une confé- rence de M. Baudrillart, sur la question qui nous intéresse.

Vous allez, Messieurs, entendre Id lecture du rapport de M. Délerot sur les Pensions cV Apprentis : je dois, à cette occa- sion, vous signaler le zèle avec lequel M. Baude, Inspecteur général des ponts et chaussées, notre éminent collègue, a solli- cité de la bienveillante administration des chemins de l'Est un laisser-passer qui a permis à notre Secrétaire du Bulletin de visiter les Pensions d'Apprentis de Strasbourg, Mulhouse et Nancy. Nous aurons quelquefois occasion de recourir ainsi à l'obligeance des Compagnies de chemins de fer ; nous espth-ons qu'elles se montreront aussi libérales que l'a été la Compagnie de l'Est.

A peine notre Société est-elle formée, que déjà elle a ses tristesses: je ne puis terminer. Messieurs, sans vous deman- der un témoignage sympathique pour notre regretté col- lègue, M. Sommier, l'un de nos premiers, l'un de nos plus ardents souscripteurs : ce nom honorable ne disparaîtra pas de notre liste; 31. Sommier fils a demandé son inscription im- médiate.

L'assemblée a écouté ce compte rendu avec l'intérêt le plus soutenu, et a donné à M. le Secrétaire général les marques d'une approbation unanime. Les comptes d:? M. le Trésorier se trouvent ainsi ratifiés, et les proposi- tions de M. le Secrétaire général (l).

(Ij Les noms des Membres perpétuels et des personnes qui, dej)iiis la pu- blication du Bulletin n" I, sont devenus nos adhérents, n'ayant pu être pro- clamés en séance, à cause de leur nombre trop considérable, se trouvent à la fia du présent numéro.

Sur l'invitation de M. le Président, M. Déleuot, Secré- taire du Comité du Bulletin, donne lecture du rapport suivant sur les Pensions (F Apprentis:

Messieurs,

Parmi les procédés ([ue votre Société emploiera pour amener de sérieux, progrès dans la situation des enfants qu'elle a pris &0US sa protection, un des principaux doit être la description précise des institutions déjà existantes à l'aide desquelles, sur certains points de la France ou de l'étranger, une misère, une souffrance particulière a été adoucie ou supprimée. Nous faire les dénonciateurs du bien, voilà un de nos premiers devoirs. Nous devons nous tenir au courant de toutes les idées que la science économique ou que l'instinct de la charité découvre chaque jour, pour leur donner toute la publicité dont nous dis- posons et, s'il est possible, les transporter immédiatement par- tout où elles peuvent recevoir une heureuse application. Quoique votre ambition soit modeste, puisque vous bornez votre protection à un seul groupe de la classe ouvrière, cependant, même sur ce domaine en apparence assez étroit, les problèmes qui se présentent à vous sont de la nature la plus complexe. Ce n'est donc pas une seule formule qui pourra les résoudre : la variété des moyens à mettre en pratique doit répondre à la diversité extrême des difficultés que vous rencontrerez successi- vement, à mesure que vous pénétrerez davantage au cœur de la question industrielle si importante sur laquelle se porte votre étude. Dans une population comme la nôtre, for- mée de tant d'éléments divers, aucun problème ne sup- porte une solution simple : il faut renoncer à l'absolu dès qu'on s'occupe de l'économie sociale avec le désir de l'améliorer sans rien renverser brutalement. Notre réunion ici prouve que nous sommes tous persuadés qu'il y a dans l'organisation de l'industrie, relative aux enfants, de graves imperfections à faire disparaître, mais, pour les faire disparaître, aucun d'entre nous n'a de panacée à proposer et à faire accepter. C'est donc avec ime égale sympathie que vous accueillerez les pensées qui vous

I

Go seront soumises, de quelque côté qu'elles viennent, pourvu tou- tefois qu'elles aient la qualité suprême à vos yeux : la facilité d'application.

C'est cette qualité qui recommande essentiellement les Pws/onv iV Apprentis, établissements dont je dois vous entretenir au- jourd'hui. Ces établissements sont venus jusqu'à présent aii secours des enfants les plus misérables, les plus délaissés, et, sans les soustraire artiricielleraent au milieu naturel de travail ils doivent vivre plus tard, ils leur ont donné une instruc- tion et une éducation qui ont fait d'eux des artisans accomplis, par conséquent des hommes heureux; car une des conditions les plus certaines du bonheur et du repos de l'esprit, c'est de se sen- tir au premier rang dans la classe, quelle qu'elle soit, la desti- née nous a placés. Cet avenir est celui que prépare à l'enfant h Pension d'Apprentis, parce qu'elle le conduit jusqu'à la iin extrême de l'adolescence en le maintenant à l'état normal, je veux dire le corps et l'esprit dans leur juste et naturel équilibre. C'est tout ce que vous demandez. V'ous ne voulez en aucune façoi' créer pour l'enfance ouvrière le liroit au repos absolu, qui serait le plus mauvais début et la plus mauvaise préparation pour unt* existence laborieuse ; vous ne prétendez pas davantage enlever à l'industrie des secours auxquels elle est habituée et dont elle ne peut guère se passer; vous désirez simplement ([ueles enfants obligés de travailler travaillent, mais sans cet excès qui réagit sur toute leur existence en compromettant leurs forces physiques trop surmenées et en atrophiant leur esprit laissé trop inerte. Vous désirez que le jeune ouvrier, qui arrive à l'indépendance et devient maître de son avenir, entre dans la vie de la liberté avec ce qui seul fait l'homme libre : l'exercice facile et habituel de la réflexion; or, c'est l'instruction régulière et persévérant*? qui seule peut assurer à l'intelligence le jeu de ce ressort, en le mettant dès le début chaque jour en mouvement. Vous êtes tous convaincus que, dans notre temps surtout, c'est une néces- sité impérieuse qui ordonne de faire jaillir de l'esprit populaire toutes les saines énergies qu'il recèle, et de lui donner toute la sagacité dont il est capable. Si les vœux qui vous animent se réalisent, si la population ouvrière tout entière reçoit un jour, dès l'enfance, la culture attentive que vous voudriez lui voir accorder, nous pouvons affirmer que les générations qui vien- dront après nous échapperont en grande partie aux épreuves si

dures et aux déceptions si anières que nous avons traverser. L'enfant, dit le proverbe, est le père de l'homme : nous avons donc un moyen facile de voir dans nos ateliers, en majorité im-, mense, les hommes de sens et de cœur, c'est de veiller avec un soin intelligent et généreux au développement de l'enfant- ouvrier.

Ainsi font les administrateurs de ces Pensions d'Apprentis, qui sont si rares en France et qui devraient être si nombreuses.

La Pension d'Apprentis est une maison sont élevés et ins- truits des apprentis de professions diverses, qui s'en vont chaque jour travailler au dehors chez leurs maîtres respectifs et ren- trent à la pension pour les heures de repas et les temps de repos. L'avantage immense de cette organisation, c'est de con- cilier avec la plus grande facilité ce qu'on a cru si longtemps inconciliable : l'enseignement simultané de l'esprit et de la main. Le problème de l'enseignement professionnel trouve là, pour une partie considérable des enfants de l'industrie, une solution d'une simplicité extrême et d'une souplesse parfaite. En effet, l'enfant est chaque jour à son atelier et chaque jour à l'école ; il est ouvrier et élève en même temps; les deux rôles se succèdent régulièrement sans se nuire, et bien loin de là, en se prêtant mutuellement le plus puissant secours : l'enfant est meilleur ouvrier le jour parce qu'il est instruit chaque soir, et il est mieux instruit le soir, parce qu'il dirige ses études dans le sens du métier qu'il a pratiqué sérieusement toute la jour- née.

Permettez-moi, Messieurs, de vous donner en quelques traits rapides une description sommaire de quelques Pensions d'Ap- prentis que j'ai \isitées , sur l'indication de notre dévoué Se- crétaire. Je n'ai été dans cette circonstance que son très-mo- deste délégué, et c'est à lui que vous devez reporter ce qu'il peut y avoir d'utile et de juste dans ce rapport.

La première Pension d'Apprentis dont je^dois vous parler est celle de Strasbourg : elle a pour elle le droit de l'ancienneté et peut-être même de l'invention. Elle a aussi ce caractère d'avoir réussi à faire des ouvriers ou même des artistes très-distingués avec des enfants placés dans les conditions les plus déplorables. En appliquant ses règlements à des enfants placés dans les

07 conditions habituelles, le sutcès soruil donc l>ien plus certain encore.

L'établissement de Strasbourg, <{ui porte le nom d'École des Arts et Métiers, a été fondé en 18-2o pai' quelques israélites à l'esprit large et au cœur bienfaisant; qui voulaient relever leur race aux yeux de la population alsacienne, en arrachant leurs coreUgionnaires pauvres à des habitudes séculaires de petit tratîc peu estimé. Ces habitudes étaient dues chez les Juifs à l'ancienne législation, qui leur interdisait à peu près toute car- rière, sauf le commerce. Cette législation a disparu, mais les vieilles mœurs ont survécu. Pour les combattre et donner à la race juive pauvre le goût du travail manuel et de l'industrie, une société de bienfaisance se forma ; elle alla dans les familles les plus malheureuses, dans les moindres villages, chercher des enfants qu'elle sentait voués d'avance à la mendicité ou aux trafics du brocanteur, et résolut de faire d'eux des ouvriers. Pour cela, il fallait d'abord les mettre en apprentissage, mais il fal- lait en même temps exercer sur eux une active surveillance ; car, si on les avait abandonnés à eux-mêmes, on était à peu près sùi- de les voir bientôt échapper à la règle nouvelle qu'on voulait leur imposer. De vint l'idée de les réunir dans une maison ils recevraient chaque jour des soins, des conseils, des leçons, et qu'ils ne quitteraient que pour se rendre à l'ato- lier. Cette œuvre, d'abord ti'ès-humble, et qui commença avec cinq ou six petits délaissés, n'a cessé de grandir. Reconnue en lb47 comme établissement d'utilité publique, elle est installée aujourd'hui dans une maison tres-confortable, léguée par feu M. Ratisbonne, un de ses fondateurs. Elle compte une moyenne de soixante pensionnahes. D'après 11:1 des derniers rapports, je vois que, sur cinquante-six enfaLts, û y avait neuf serruriers, sept liUiographes , chiq iraprimeia--,, deux mécaniciens; les autres étaient ébénistes, tapissitrô, cordonniers, boulangers, chaudronniers, etc. Les professions sont donc en même temps très-variées et très-bien choisies, er. ce sens qu'elles sont parmi celles qui échappent le mieux au chômage. Les enfants sont admis vers douze ou treize ans. Les places, étant recherchées, sont données au concours. Les épreuves, qui résument et constatent l'enseignement primaire élémentaire, consistent en une dictée français et en allemand, une analyse grammaticale, une lec-

ire à haute voix, des problèmes sur les trois premières règles d'à-

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rithmétiquc. Un classement étant fait d'après ces examens, le comité d'examen compare les certificats d'indigence, qui exercent l'inflaence la plus considérable sur les choix. Les orphelins ont un droit qui prime tous les autres. Ce concours se fait en pré- sence des familles; dans le principe il a fallu, pour ainsi dire, « aller leur arracher les enfants (1); » ils sont maintenant amenés avec empressement et reconnaissance. Malgré le désir de pro- noncer le plus d'admissions qu'il est possible, tous les ans il faut en ajourner un certain nombre, pour ne pas trop charger un budget modeste. Une fois admis, l'enfant est entretenu, nourri et instruit pendant tout son apprentissage, qui ne com- mence pas immédiatement dès son entrée ; pendant quelques mois, on garde l'enfant toute la journée à la pension pour le fortifier dans ses connaissances, noter ses dispositions, étudier ses goûts, afin de lui faire choisir avec réflexion le métier qu'il doit apprendre et sans doute garder comme le compagnon et le soutien de toute sa vie. Quand l'apprentissage est terminé, l'apprenti devenu ouvrier a le droit de rester encore à la mai- son trois mois , pour que le salaire qu'il gagne pendant ce temps, et qu'il économise tout entier, lui compose un petit pé- cule. 11 a déjà, pendant son apprentissage, mettre de côté es légères gratifications que les patrons accordent volontiers chaque semaine aux apprentis dont ils sont contents; l'école Idonne de plus des prix d'apprentissage en argent aux sujets les mieux notés ; le bon apprenti peut donc commencer sa carrière d'ouvrier avec une somme suffisante pour aider ses débuts. Dans toutes ces dispositions, vous reconnaissez l'esprit le plus pa- ternel et les précautions les mieux conçues pour que l'apprenti soit comme forcé, en dépit de toute mauvaise influence pos- sible, de prendre le bon chemin. 11 part avec un peu d'argent et, ce qui vaut mieux, avec l'habitude de l'épargne, qui est la plus sûre garantie de son indépendance future; car on l'a ré- pété sous toutes les formes, et une voix pleine d'autorité le disait encore dernièrement : « Si pour l'ouvrier l'affranchisse- ment est jamais possible, l'épargne en est le chemin unique et nécessaire (2). »

(1) Rapport de M. Masse, président du comité.

(2) Revue des Deux-Mondes, 1" janvier 1866. Les Sociétés coopératives, par M J. Simon.

J'ai dit que le budg^et qui suffit à faire tant do bien était mo- deste : encore aujourd'hui, il n'autorise qu'une dépense de 13 à 16,000 francs. Cette somme est fournie en grande partie par des souscriptions de personnes bienfaisantes, appartenant à tous les cultes. Le Conseil général, les Conseils municipaux de Stras- bourg et de plusieurs communes du département, des Sociétés de charité, accordent des allocations annuelles. Les anciens ap- prentis parvenus à l'aisance, grâce à l'éducation reçue dans l'école, deviennent ses soutiens et lui envoient leur tribut. Il a été reçu des souscriptions de ce genre qui arrivaient de Ne\\- York et de la Californie : la joie la plus vive, la fierté la plus juste, ont accueilli ces témoignages de reconnaissance qui avaient traversé l'océan ; car ils attestaient à l'humble école cachée dans une petite rue de Strasbourg qu'aux extrémités même du monde elle était aimée et bénie. D'autres bienfaiteurs de la ville adressent des dons en nature, comme sacs de légumes, étoffes, bois, etc. Certains élèves, dont les parents ont quelques res- sources, paient une partie de leur entretien. D'autres pensions sont payées entièrement par ries personnes cliaritables, qui élèvent ainsi avec la plus grande facilité un ou plusieurs pupilles auxquels ils s'intéressent. En Alsace et en Lorraine, beaucoup de familleS; à chaque événement heureux ou malheureux qui survient pour elles, ont l'habitude de faire partager leur joie ou d'adoucir en quelque sorte leur douleur en faisant un don charitable important ; l'École des Ai'ts et Métiers profite souvent de cet usage ; elle a été aussi inscrite plus d'une fois sur des testaments. Ces recettes extraordinaires ne sont pas appliquées à l'entretien annuel; elles sont placées et forment aujourd'hui un fonds inaliénable de 4o,000 francs, capital qui, placé sur l'Etat, donne des revenus à l'abri de toute vicissitude. A ces ressources on doit ajouter la maison, qui appartient à l'œuvre, et dont une partie est louée. La situation financière est donc bonne. Depuis 48o8, le capital inaliénable a doublé. Il y a un témoignage nouveau et frappant de cet élan universel qui. depuis quelques années surtout, pousse les classes éclairées et aisées à développer rapidement les institutions qui moralisent par le travail. L'école de Strasbourg remplit admirablement cette condition. Les exemples d'ouvriers élevés par elle et qui sont de- us infidèles à ses leçons sont extrêmement rares; ert revanche, peut montrer une longue liste d'ouvriers qui se sont créé

70 une position excellente et qui, sans son secours, auraient le plus souvent continué à traîner dans la médiocrité ou dans la misère une existence errante, peu honorée et peu honorable. Les anciens apprentis, devenus patrons influents, sont répandus un peu dans toute la France; dans plusieurs villes importantes, ils se sont faits les correspondants de l'Ecole de Strasbourg, et ils guident et soutiennent les anciens élèves qui leur sont adressés : l'ouvrier peut ainsi faire son tour de France sans la moindre in- quiétude. — A Paris, le correspondant est M, Stern, graveur, qui a si bien profité des le(,'X)ns de dessin de l'école, qu'il porte aujour- d'hui le titre de graveur de l'Empereur. Il témoigne noblement sa gratitude à la maison tutélaire qui l'a élevé en se faisant le protecteur bénévole des ouvriers qui arrivent ici. Grâce à lui, ils trouvent tout de suite de bons conseils et un appui dévoué : mis au courant de la situation de leur industrie, ils sont rapi- dement placés ou établis.

Ces résultats si remanjuables sont dus à l'excellente organisa- tion de l'école, organisation qui est née de l'expérience, s'est modelée sur la nature des choses, et ne tombe dans aucun excès. L'enfant se.lève à S heures et demie en été, à 6 heures en hiver. Après la prière et la toilette, il se rend chez son pa- tron ; à 8 heures (c'est l'usage à Strasbourg), il vient à la pen- sion manger une soupe et emporte un morceau de pain ; à midi, il revient i)Our le dîner, qui se compose de viande et de légumes, et s'en retourne avec un morceau de pain pour le goûter de 3 heures. Le soir, à 7 heures, il rentre pour la der- nière fois de l'atelier ; à 8 heures est le souper, qui se compose de soupe et de légumes; après le souper s'ouvre l'école, dont les cours durent une heure ou une heure et demie, et à 10 heures sonne le coucher. Les courses que l'apprenti fait dans la journée entre la pension et l'atelier sont excellentes et hygiéniques, à la condition qu'elles ne deviennent pas une occasion de vagabondage périodique, et toutes les mesures sont prises pour éviter cet inconvénient. Le retard à la soupe est puni d'abord par la disparition même de la soupière, qui ne revient jamais en arrière, sans compter d'autres punitions dis- ciplinaires plus ou moins graves, suivant le retard. J'ai assisté plusieurs jours aux repas et aux leçons : les apprentis sont aussi assidus, aussi actifs aux uns qu'aux autres, et c'est un vrai plaisir de voir tant de bonne humeur, de bonne santé avec

tant de travail et de docilité. J'avoue que, pour la tenue, pour la convenance, je n'ai aperçu aucune ditiërence marquée entre cette pension, des apprentis pauvres se préparent à devenir de bons ouvriers, et les pensions les fils de la classe aisée se préparent aux professions libérales; c'est un triomphe rare, car c'est réaliser la vraie égalité, celle qui élève.

Ce n'est pas de lui-même et sans etfort persévérant qu'un éta'olissement paieil peut conserver son caractère; rien ne se t'ait tout seul, et sans parler de l'argent, qui a parfois manqué, il faut pom* réussir plus que des souscriptions annuelles, il faut du dévouement de tous les jours. Cette monnaie invisible est la plus indispensable pour l'œuvre, c'est elle qui la soutient véritablement et la fait durer. Si l'École de Strasbourg fait de bons ouvriers, c'est surtout parce qu'elle a de bons administra- teurs, qui savent unir une discipline ferme à une cordialité sympathique. Le règlement est habilement rédigé, mais il se- rait bientôt lettre morte, s'il n'était incarné dans quelques hommes de cœur, qui chaque jour s'occupent de l'œuvre {ju'ils ont choisie pour satisfaire ce besoin inné de bienveillance qui dort dans bien des âmes, mais qui peut se réveiller dans toutes, et qui, dans quelques-unes, est ardent comme une passion. Les hommes distingués qui administrent l'Ecole de Strasbourg, avo- cats, médecins, fonctionnaires, rentiers, forment un comité de 7 membres, entre lesquels se pai-tagent les diverses surveillances. Chacun a choisi celle qui convient le mieux à ses goûts et s'ac- corde le plus facilement avec ses occupations. Les uns, comme Inspecteurs d'ateliers, sont chargés de faire des visites fréquentes à Tentant dans son atelier même, et, devant ses ca- marades , ils interrogent en détail le patron sur sa conduite et sur ses progrès. Il a été constaté que ces visites étaient d'un eflFet excellent non-seulement sur l'enfant, mais sur l'atelier tout entier. Cette preuve de protection intime et de sympathie persévérante, donnée au plus faible de l'atelier par un homme honorable de la ville, exerce sur les patrons et sur les ou^TÎers une influence très-utile. Sans même s'en rendre compte, ils se sentent entraînés à s'associer pour leur part à cette protection désintéressée dont l'enfant est l'objet, et ils se laissent moins fa- cilement aller à ces rudesses de la mauvaise humeur, à ces injus- tices de la colère dont l'entant apprenti est si souvent la vic- time de la part de ceux qui lui commandent. Ces duretés

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imméritées sont parfois la cause la plus directe de la répu- gnance que tel entant aura prise pour son travail, et cette ré- pugnance est le commencement de la plupart des destinées malheureuses. L'enfant, au contraire, qui peut à chaque instant recevoir dans son atelier la visite de son inspecteur, a son amour-propre excité; il veut se sentir digne de l'espèce de privilège dont il jouit, il est plus laborieux et par consé- quent plus aimé du patron. Et, en effet, les apprentis de Y Ecole, de travail sont extrêmement recherchés à Strasbourg; on se les dispute presque, ce qui permet au Comité de n'accorder les enfants qu'aux patrons dont il est sûr à tous les points de vue. Cette faveur accordée aux enfants de l'école est d'autant plus flatteuse que les obligations du culte juif forcent les administrateurs à mettre dans les conditions du contrat d'apprentissage le chômage du samedi et de certaines fêtes assez longues. Malgré la gêne que cette condition toute parti- culière peut apporter, les patrons gardent la préférence aux apprentis de l'école, parce qu'ils aiment infiniment mieux un peu moins d'heures de travail et plus de docilité et d'intelli- gence.

Tel est le rôle des Inspecteurs d'ateliers.

Les Inspecteurs des études sont chargés de la surveillance des cours, qui se font chaque soir dans l'intérieur de l'établis- sement.

Ces cours sont faits par des professeurs de la ville, et ils sont en si bonne réputation qu'un certain nombre d'enfants pauvres étrangers à la maison et au culte Israélite ont demandé et obteim la permission d'y prendre part. Les leçons données ont pour objet l'orthographe, le calcul, l'histoire, la géographie,, la géométrie industrielle, le chant, les deux dessins, linéaire et d'imitation. C'est donc un ensemble de connaissances déjà assez complet que l'enfant reçoit, et certains apprentis, par exemple les mécaniciens et les lithographes, exécutent des dessins qui sont vraiment excellents.

Un autre membre du comité, désigné sous le titre de Régis- seur, veille sur l'administration intérieure de la maison. Un trésorier, un secrétaire, un président, ont des fonctions qui s'ex- pliquent par leurs noms. Le service médical est fait en ce

moment par un membre du Comité. Le service religieux est confié à un des aumôniers du collège de la ville (1).

Sous les ordres de ce Comité supérieur, essentiellement gra- tuit, est placé un Surveillant payé qui habite la maison avec les apprentis, maintient la discipline et fait exécuter tous les règlements. C'est lui qui est, pour ainsi dire, le maître de pen- sion. Le choix de ce surveillant est évidemment de la plus haute importance pour le succès de l'éducation des enfants. Les membres du Comité contrôlent, inspectent, mais le sur- veillant est toujours présent, et de son caractère, de ses habi- tudes doivent dépendre forcément l'allure générale de la maison et jusqu'à un certain point le mode de développement des ap- prentis. Il est le modèle sur lequel ils se régleront en partie, et ses exemples quotidiens auront toujours plus d'influence que tous les avis. De plus, c'est lui qui fait les achats et sur- veille les domestiques chargés de la préparation des repas. 11 faut donc que sa probité et sa moralité soient parfaites. Jusqu'à présent, l'école de Strasbourg a été assez heureuse pour trouver des hommes dignes de cet emploi si honorable. Elle a gardé son ancien directeur pendant vingt-cinq ans; il «tait marié, et sa femme s'associait à lui pour soigner les en- fants. Le Comité fait maintenant une pension de retraite à ces deux septuagénaires.

Dans ses fonctions, le Surveillant est aidé très-activement par les apprentis les mieux notés, qui portent les grades de Sergents -et de Caporaux. Le système des récompenses et des punitions est celui des lycées. D'un côté: des prix, des grades; de l'au- tre, les privations de récréations, de promenades, le pain sec, le cachot, la réprimande publique et enfin l'exclusion.

Tel est dans ses traits les plus saillants ce véritable collège professionnel, qui a aujourd'hui conquis en France une réputa- tion méritée. Il a reçu la visite et les plus vifs éloges du Ministre de l'Instruction publique, M. Duruy, du directeur du Conservatoire des Arts et Jlétiers, M. le général Morin; de tous les recteurs et préfets qui se sont succédé à Strasbourg, no-

(1) Les membres actuels du Comité sont: MM. Masse, avocat; Heymann Weill, négociant; Levy, docteur en médecine; Strauss, greffier du Tribunal de Commerce; Netter, médecin major; Worms, contrôleur des conlributio7is directes; Henri Rat'sbonne, rentier; Weill Gœtz, directeur de Vusine à gaz

taniment de M. Migneret, aujourd'hui conseiller d'État et l'un de nos vice-présidents. L'établissement est fier de sa renom- mée (1), et le Comité veut la justifier en développant et en for- titiant ses cours. Son ambition est en ce moment de pouvoir former de bons contre-maîtres dans les professions qui exigent les connaissances les plus étendues, telles que celle de mécanicien.

Parmi les services que celte œuvre a déjà rendus dans le passé, il faut mettre au premier rang la naissance de V École de Mulhouse, qui s'est organisée en 1842 à l'imitation de l'École de Strasbourg, et qui aujourd'hui est dans une voie égale de prospérité. Une bonne idée sociale qui vivait dans le voisinage de Mulhouse devait naturellemeut être attirée et prendre racine sur cette terre oîi fleurissent tant d'admirables institutions po- pulaires. Déjà au XVI® siècle, Montaigne, passant à Mulhouse, alors petite république de Mulhausen, disait « avoir pris un plai- sir infini à voir la liberté et bonne police de cette nation. » Le même plaisir attend encore tout voyageur qui passe par les traces de Montaigne, car les vieilles traditions d'équité et d'indépen- dance sont restées vivaces et fécondes au cœur de cette popu- lation, qui a le rare bonheur d'être dirigée par quelques grandes familles, oii les pères transmetlent aux enfants, comme le legs le plus précieux de leur héritage, la noble inquiétude du per- fectionnement social. Aussi, suivant le mot d'un illustre pu- hliciste, « c'est peut-être à Mulhouse que nous devrons la régé- nération de nos mœurs industrielles. « L'instinct pratique de cette ville se manifeste pour nous dans les modifications qu'elle a apportées à l'Ecole de Strasbourg. L'ensemble de l'or- ganisation est analogue, et repose sur les mêmes principes; je n'y reviendrai donc pas ; la seule différence que je veuille signa- ler, c'est que le Comité a choisi pour Surveillant uu Instituteur qui peut non-seulement assurer la discipline et soigner l'éduca- tion des enfants, mais aussi concourir pour une large part à leur instruction. De cette façon, le Directeur, se trouvant en relations plus constantes, plus variées, plus complètes, avec les

(1) Art. 3G du Règlement intérieur, lu tous les samedis à haute voix par un sergent : « L'École s' étant attiré l'estime générale au point d'avoir été » citée comme école modèle par les ministres de l'Empereur, les élèves » doivent se faire uu point d'honneur de maintenir toujours celte haute ré- » putation par leur zèle et leur bonne conduite. »

apprentis, jîeut prendre sur eux plus d'empire et par conséquent laisser sur leur esprit une influence plus durable ; or c'est l'essence môme de l'éducation : le maître a réussi quand il a su graver dans l'âme une empreinte qui ne s'effacera pas. L'instituteur placé à la tête de l'École de Mulhouse, M. Gimpel, est un homme d'une activité rare, d'une habileté et d'une expé- rience extrêmes, et il a donné à l'établissement qu'il dirige une régularité et une précision de mouvement qu'on ne saurait assez louer. Dortoirs, salles d'étude, réfectoires, tout révèle les soins attentifs de 31. Gimpel et aussi de M"^ Gimpel, qui s'associe à son mari pour la surveillance intérieure. Une bibliothèque déjà assez nombreuse a été tonnée et les enfants y puisent avec avidité : l'ou- verture de la précieuse armoire aux livres est attendue par eux, comme pour nous est attendu an théâtre le lever du rideau. Dans une salle spéciale sont rangés, à côté de dessins qui sont un des produits de l'école du soir, une foule d'objets manufac- turés qui sont des produits de choix de l'atelier. Le serrurier expose une serrure sans défaut, le tapissier un coussin d'une souplesse irréprochable , le tailleur un gilet accompli, le méca- nicien quelque petit mécanisme de son invention, etc. Cette exjwsition si variée et si complète dans sa simplicité est, pour ainsi dire, le symbole pittoresque de l'institution et elle offre un coup d'œil qui ne s'oublie pas. On regarde ces œuvres avec plus d'intéi-êt peut-être que les créations des ouvriers les plus in- génieux : dues à des mains d'enfant, preuves de leur habileté précoce, elles attirent à elles quelque chose de la sympatliie protonde que l'enfance laborieuse est toujours sûre d'exciter.

Le nombre des élèves est à Mulhouse moins considérable qu'à Strasbourg : il est de 40 en moyenne. La dépense annuelle s'élève à 12,000 francs. Les dépenses sont simplifiées par la générosité du président du comité, M. Lantz, qui fournit régu- lièrement le veloui"s des vêtements. Les recettes se composent de souscriptions, dons, subventions, revenus de capitaux placés et pensions d'élèves payant tout ou partie de leur entretien.

Sans entrer dans les détails de l'enseignement donné par M. Gimpel, enseignement si habile que depuis plusieurs années il n'est pas un seul apprenti devenu ouvrier qui ne se soit créé une position assurée, j'arriverai tout de suite au troisième éta- blissement que j'ai visité. Il n'a été fondé qu'en 1843, mais il

est le plus considérable par le nombre des pensionnaires. Il mérite comme ses aînés la plus sympathique attention, et est digne, lui aussi, d'être pris pour modèle, honneur qui du reste lui est accordé en ce moment même. Ce troisième établissement est la Maison des Apprentis de Nancy. Fondée par un prêtre charitable, organisée par de généreux et habiles administrateurs qui n'ont jamais hésité à faire les plus larges sacrifices pécu- niaires pour la soutenir, elle compte aujourd'hui 80 pension- naires. Elle en a compté jusqu'à 96, à une certaine époque. Sur les 80 pensionnaires actuels, S4 sont apprentis, et 26 sont uvriers. L'apprentissage se terminant vers quinze ou seize ans, les administrateurs ont pensé avec beaucoup de justesse qu'il était encore bien difficile à cet âge d'user sagement d'une absolue liberté, et ils autorisent les jeunes ouvriers qui méritent cette fa- veur par leur bonne conduite à rester dans la maison moyennant une rétribution de 16 francs par mois. Nourris, logés, blanchis, ils n'ont plus ([u'à s'entretenir de linge et de vêtements ; ils sont ainsi mis à même d'économiser très-vite sur leur salaire une somme qui peut servir à leur établissement, quand ils arrivent à l'âge d'homme. Ces 80 pensionnaires sont installés dans une maison qui revient à 80,000 francs. Elle a été ache- tée par le Comité, à ses risques et périls, et aujourd'hui elle est payée presque entièrement. Chaque année elle s'embellit, et pourtant on pourrait dire que rien n'y manque. Chapelle, dor- toirs, gymnase, buanderie, tout se fait remarquer par une tenue irréprochable. Le service intérieur est confié à trois sœurs de Saint-Charles, qui s'en acquittent à merveille. Deux ecclésias- tiques de mérite sont chargés de la direction. Le directeur en chef, M. l'abbé Villemet, est un homme d'une distinction par- faite, d'un dévouement complet, et les apprentis, au contact d'un maître pareil, ne peuvent s'empêcher de prendre des habi- tudes de langage et de conduite qui feraient honneur aux en- fants élevés dans les familles les plus attentives. Les directeurs sont secondés puissamment pour la surveillance à l'école et aux ateliers par le Comité administratif, composé de neuf membres, et présidé par M. Élie Baille, président de la Chambre de com- merce (1). Un soin minutieux est donné dans cette école à l'é-

(1) Les autres membres sont : 3I.M. Werlc, ancien négocianl ( fondateur j; Besval, ancien notaire; Geny, conseiller municipal; Edmond Élie, juge au

ducatioii morale, qui est l'objet d'une comptabilité particulière très-détaillée. Il est tenu un Grand-Livre de la discipline, sur lequel chaque pensionnaire a un compte ouvert par Doit et Avoir : sont inscrites régulièrement ses bonnes notes et ses fautes. Le dimanche, à une heure, une séance publique est consacrée à l'examen des notes recueillies pendant la semaine : les appren- tis, la veille au soir, ont rapporté un bulletin leurs patrons donnent des renseignements précis sur leur conduite, leur tra- vail, leur exactitude, et qui indique en même temps à quelle heure l'apprenti sort de l'atelier, y rentre, et quelles gratifica- tions il a reçues. Ces bulletins de semaine sont lus à haute voix. Quand l'élève a été mal noté, soit à l'atelier, soit dans l'inté- rieur de la maison, il est invité à se défendre et à. se justilier, s'il le peut; la punition, appelée réparation, n'est en général prononcée qu'après que l'enfant a reconnu lui-même l'avoir par- faitement méritée. Les punitions les plus graves sont la mise au « banc des mauvais apprentis » et l'isolement dans une chambre ouverte. Les jurés de ce tribunal hebdomadaire sont choisis parmi les meilleurs élèves; les juges sont les membres du comité. Cette espèce de confession libre , de jugement solennel, auquel viennent de temps en temps assister des per- sonnes notables de la ville, offre le spectacle le plus inté- ressant, parfois le plus touchant. La séance du dimanche con- tribue très-heureusement au développement moral des enfants : die maintient chez eux un sentiment énergique de l'honneur, et leur inspire le respect de la loi ; ils s'habituent à l'observer et apprennent peu à peu à l'aimer en l'appliquant eux-mêmes. La discipline trouve un de ses appuis les plus solides.

Lorsque, pendant vingt-cinq semaines consécutives, un ap- prenti n'a mérité que de bonnes notes, c'est-à-dire a été sans re- proche à l'atelier et à l'école, il reçoit une médaille et 15 francs. La bonne conduite a aussi pour récompense l'obtention des grades auxquels sont attachés des droits de suneillance.

L'instruction est donnée avec le même souci de régularité ponctuelle. Les cours sont faits chaque soir par d'excellents maîtres de la ville, qui se contentent d'un traitement très-mo-

Tribuml de commerce; Duserre, id.; de Feblml, propriétaire; Harraant ancien rtcatre de Nancy fondateur); de 31eixmoron, fabricant d'instruments aratoires, et l'ahbé Mllemet, directeur.

diquc ou. niêine qui n'en acceptent pas. Les dépenses annuelles s'élèvent environ à 25,000 francs, ce qui met le prix d'entretien de cliaque enfant à 340 francs. Les sources de revenus sont à peu près les mêmes que pour Miilliouse et Strasbourg; les allocations accordées par l'administration sont bien moins fortes ; on y sapplée à l'aide d'une loterie qui rap- porte de 5 à 6,000 francs. Pendant plusieurs années, le budget s'est soldé par un déficit considérable ; mais les hommes de cœur, les excellents citoyens qui sont à la tête de cette mai- son ont senti leur ardeur de charité redoubler en face de ces difficultés: confiants, avec juste raison, dans leur générosité en cas de péril sérieux, ils ont persévéré, sans se laisser trou- bler par Les obstacles inattendus qu'ils rencontj'aient, et ils sont récompensés aujourd'hui de leur noble imprudence par une situation désormais assurée. La Maison des Apprentis est une fondation qui ne fera que grandir pour le bien de la ville qu'elle sert et qu'elle honore en même temps.

Outre ces trois grands établissements de Strasbourg, de Mul- house et de iNancy, qui sont l'objet spécial de ce rapport, il faut citer au premier rang, parmi les maisons de ce genre les plus remarquables en France, la Pension d'Apprentis d'Arras, dirigée par M. l'abbé Halluin. Pour vous en indiquer l'organisation, je n'ai rien de mieux à faire que de vous lire ce passage d'une lettre qu'il écrivait à noire secrétaire le 14 juillet 1865 : « Il y a dix- » huit ans environ, j'ai essayé de prendre avec moi quelques-uns » des enfants les plus abandonnés d'Arras, et de chercher à leur » faire apprendre des états tout en les tenant chez moi pour le lo- » gement, la nourriture, le vêtement, l'instruction. Je les envoie » travailler aux heures de l'ouvrier, chacun dans l'état qu'ils choi- » sissent, et chaque jour je visite quelques-uns de leurs ateliers » pour constater leur conduite, leurs progrès, leur docilité. Au- » jourd'hui le nombre de ces pauvres enfants est au moins de 260, » divisés à l'intérieur en quatre catégories : une centaine, de huit » à treize ans, restent toute la journée à l'établissement pour re- » cevoir l'instruction primaire donnée par deux frères de la » Doctrine chrétienne; 70, de treize à seize ans, et 70, de )j seize à dix-huit, vont dans les ateliers comme apprentis ; » les plus âgés, de dix-huit à vingt-cinq, vont également dans » les ateliers, mais en qualité de jeunes ouvriers. Quoique

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» soumis à peu près à la même discipline intérieure, ces divers )) enfants et jeunes gens sont dirigés suivant leur âge et le besoin )) de liberté que les circonstances demandent. Sur 300 ou 400 sor- » tis, la plupart sont aujourd'hui des ouvriers qui gagnent hon- n nêtement leur \ie, et la plupart aussi ont conservé avec celui » qu'ils appellent volontiers leur père et leur bienfaiteur des re- » lations de conliance et d'amitié... Nos ressources sont le gain » des enfants, minime d'ailleurs, les pensions de quelques bien- » taiteui-s, les ressources de la Providence, qui ne manque pas )) d'encourager ceux qui se confient en elle. 11 1 a des moments » difficiles, mais enfin, grâce à Dieu, ceux qui nous entourent » voient les résultats et ne sont pas sourds aux besoins de ces » pauvres enfants. J'ai avec moi trois jeunes prêtres dévoués et ca- » pables, et voilà comment nous marchons, en espérant encore que » l'expérience et l'union nous feront mieux faire que par le passé. » Lyon nous offre une institution analogue, bien moins riche en élèves, mais également très-intéressante. La Maison d'Apprentis est, à Lyon, l'annexe et comme le second degré d'un oi'phelinat les enfants, admis de trois à cinq ans, restent jusqu'à treize ou quatorze ans, pour recevoir l'instruction primaire et religieuse. A cet âge, ils passent dans l'école d'apprentissage, dirigée entière- ment par les Sœurs de Saint-Vincent de Paul, et administrée par un comité laïque. A Lyon comme à Ai-ras, la classe est faite non le soir, mais le matin, avant le travail et non après. Cette distri- bution de la journée nous parait très-heureuse; la leçon faite le matin doit être mieux écoutée, l'esprit étant tout frais et le corps reposé. « Les enfants se lèvent à o heures du matin, a bien )> voulu nous écrire un des administrateurs, 3L Brac de la Per- )) rière; après la prière, une leçon d'une heure et demie est don- » née par une sœur; à 6 heures 1 ':2, a lieu le déjeuner; à 7 heures ^> les apprentis partent pour les ateliers; ils en reviennent à » 7 heures 1/2 du son-. Une heure leur a été accordée dans » la journée pour leur repas, qu'ils emportent avec eux. Le » patron paie à l'apprenti une rétribution progressive, qui s'élève » successivement de 0 fr. 2o à 1 fr. oO. Après le souper, la » soirée est consacrée simplement à une causerie avec la supé- » rieure. Cette causerie maternelle du soir est considérée par » le Comité directeur comme un des éléments de succès les » plus importants de l'éducation des apprentis. Le dimanche ^ a lieu l'inspection des lits, des habillements, etc. Après les

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f> offices religieux, une leçon d'une heure est donnée par un » membre de la Société, qui commence par lire les notes de la » semaine. Les dortoirs sont surveillés par un adjudant » laïque, placé sous les ordres de la supérieure. Cet adjudant » accompagne les apprentis aux offices, à la promenade, etc. » Les notes de la supérieure et du patron sont reportées en » résultats généraux sur un livret qui est remis à l'apprenti à » la sortie de la maison, quand il en a été jugé digne. Les » résultats sont complètement satisfaisants. Jusqu'ici le nombre » des apprentis a varié de quinze à dix-huit. Les ressources ne » permettent pas une extension plus grande. Les sœurs sont » au nombre de trois. Les dépenses de 1863-18Ô6 ont été de » 7,722 fr. 3o. Les rétributions obtenues des patrons pendant le » même temps se sont élevées à 1,S53 fr. 50. La dépense » pour l'œuvre est donc de 6,108 fr. 85. »

Vous voyez, Messieurs, par ces exemples divers, combien le principe de l'externat est fécond en combinaisons. Amiens, Nan- tes (1), Auxonne, Boulogne-sur-Mer, Metz, Versailles, nous pré- sentent d'autres maisons organisées sur un plan analogue, avec des nuances variées. Je crois en avoir assez dit pour vous faire apprécier la valeur des services multiples que ces institutions peu- vent rendre. Susceptibles des modifications les plus diverses, suivant les besoins auxquels elles auront à répondre, elles vien- nent combler une lacune essentielle dont nous avons soufiFert plus que nous ne le pensons. Que de malheureux et de coupables ont les tristesses et les chutes de leur existence à l'ignorance d'un métier, c'est-à-dire à l'absence d'un apprentissage régulier et surveillé pendant leur enfance! Le plus souvent, cette igno- rance était causée bien moins par une paresse native que par l'influence funeste du milieu s'était écoulé leur premier âge. Dans les établissements que je vous ai décrits, ainsi que l'a très-bien dit M. Ratisbonne, de Strasbourg, << en même temps » que l'éducation d'ouvriers assure aux enfants une existence » indépendante, des connaissances variées leur ouvrent l'esprit, » et des principes de morale et de religion viennent épurer

(\] Cet établissement très-modeste, qui ne paraît pas avoir encore attiré l'attention de la ville de Nantes, est dirigé par ini vénérable abbé et recueille spécialement les petits ramoneurs.

» leur cœur et compléter pour eux le triple élément de tout » bonheur humain : l'aisance, l'intelligence et la moralité. » Ouvrir de pareils asiles, c'est évidemment travailler à tarir une des sources les plus abondantes de la misère.

Cependant quelques objections ont été faites. Je dois les exa- miner avec vous. On a dit d'abord : « Vous êtes forcé de sépa- » rer l'enfant de sa famille, et la vie de famille sera toujours » préférable à la vie commune. » Nous sommes tout à fait de cet avis: rien ne vaut le foyer domestique, quand il est pai- sible et honnête , et la pension n'est pas faite pour les enfants qui ont le bonheur de A-ivre dans une bonne famille ils sont élevés et instruits avec soin. Mais en dehors de cette élite, n'y a-t-il pas une multitude d'enfants et d'adolescents qui peuvent gagner infiniment en vivant réunis sous une règle attentive ? N'y a-t-il pas des familles indignes de leur mission et des en- fants délaissés, et, dans ces circonstances, n'est-il pas mille fois préférable d'être élevé dans une pension bien tenue, surveillée par des comités d'hommes honorables, que de loger et de vivre au hasard, sans direction aucune, dans des ga nis le plus sou- vent infects, mal famés, et relativement très-coûteux? Un ob- servateur dont on ne peut contester l'exactitude et la pénétration, M. Le Play, l'a dit hautement: « En France, la classe la plus » pernicieuse pour la santé et les mœurs des ouvriers est celle » des cabaretiers, des logeurs et des aubergistes de bas étage; » elle exploite leur imprévoyance avec une finesse et une habi- ^ leté dont on se fait difficilement une idée quand on n'a pas » eu l'occasion d'observer leurs manœuvres (1). » Qui peut hésiter à éloigner les jeunes ouvriers pauvres de ces refuges malsains se tient si souvent une école mutuelle de vices?

J'irai plus loin, en disant que la vie dans une pension peut offrir plus de garanties pour l'apprenti que la \ie chez un pa- tron, qui est seul maître de l'enfant et qui trop souvent, vous le savez tous, fait de lui son petit domestique au lieu de 'lui ap- prendre consciencieusement son métier. Un membre de votre Société dont vous connaissez et appréciez le talent, M. Lavollée, l'écrivait il n'y a pas longtemps: « A Paris, l'apprentissage » n'est pas ce qu'il devrait être. Les parents ne prennent pas

(1) Le Play. Les O'ivriers européens.

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» les dispositions nécessaires pour assurer l'éducation industrielle » de l'enfant; les patrons ne se rendent pas compte des devoirs » qu'ils ont à remplir envers les apprentis, et ceux-ci sortent » trop souvent de l'atelier d'apprentissage n'ayant presque rien » appris, La surveillance n'existe pas. » Supposez, au con- traire, l'enfant logé et élevé dans une pension, et apprenant son métier chez un patron; le partage d'autorité entre deux maîtres différents amène forcément un contrôle mutuel quotidien qui empêclie les abus de part et d'autre: la surveillance est or- ganisée.

Il y a une classe d'enfants pour lesquels l'objection que j'ex- pose n'existe pas, et cette classe est une de celles qui méritent la plus vive sympathie: ce sont les orphelins ou les enfants abandonnés. Pour ceux-là, le bienfait des pensions ne peut être mis en doute, et eux seuls en justifieraient la création. Do nos jours, l'ouvrier adulte n'accepte plus aussi volontiers qu'autrefois l'appui de la charité, et cette susceptibilité nouvelle est l'indice de son progrès. Mais si l'aumône, de l'aveu général, a des dan- gers pour l'adulte, elle restera toujours légitime et sainte pour l'enfant sans soutien: elle trouve une application inattaquable, car il y a chez l'enfant une insuffisance de forces et d'expérience, une faiblesse de capital physique et moral qui, pour la lutte avec la vie, constitue un déficit naturel permanent et nécessite une aumône ou plutôt une avance. Je dis une avance, car nous avons vu que parmi les apprentis élevés gratuitement à l'école de Strasbourg, beaucoup se font plus tard souscripteurs, corres- pondants, donateurs, et remboursent bien aa delà des frais qui ont été faits pour les élever.

En dehors des orphelins, je crois que, dans l'état actuel de nos mœurs, un grand nombre d'autres enfants encore doivent trouver place dans ces pensions : n'y a-t-il pas une foule d'hon- nêtes familles, pauvres, nombreuses et surchargées de travail, qui s'estimeraient très-heureuses, en payant une petite somme, de recourir à ces établissements pour l'éducation d'un ou de plusieurs enfants? Et, en effet, le caractère propre et la nou- veauté originale de ces institutions, c'est d'être l'application à la classe ouvrière d'un système d'éducation qui jusqu'à présent a été réservé à une classe plus aisée: les pensions d'apprentis doivent être complètement analogues aux pensions auxquelles les nécessités de leur profession obligent la plupart des com-

merçants de contier leurs enfants; seulement, ici, au lieu d'al- ler quelques heures au lycée, l'enfant ira une grande partie du jour à l'atelier. C'est le même mode d'éducation approprié avec habileté à des situations différentes et pénétrant une nou- velle couche sociale.

Une autre objection est CL'lle-ci : « Des enfants ou des ado- » lescents qui ont travaillé il et 12 heures du y !ié-

» tiers souvent très-fatigants ont-ils encore le - de

)) forces pour suivre une leçon avec profit, et cette leçon d'une ) heure ou d'une heure et demie peut-elle leur laisser une ins- » truction assez solide, assez complète, pour leur donner ce .) goût durable de la culture intellectuelle qui est le n'ïultut h- » plus important de tout enseignement scolaire? ^> L ici ne serait pas aussi satisfaisante qu'on le désiit ai:. rience constate que chez beaucoup d'enfants, d doués, cette heure suffirait presque, parce que k.- '^. .. .., .-. savent toujours découvrir et comme créer du temps pour l'é- lude, mais cependant il y a un défaut réel. On peut l'atté- nuer beaucoup, comme à l'école de Mulhouse, en utilisant le dimanche, mais il faut surtout compter sur la diminution pro- bable de la journée de travail. Cette diminution profitera aux enfants comme à tout le monde.

D'après ce qui précède, vous êtes, je l'espère. M< -sieurs, d'ac- cord avec votre Conseil pour penser que la fondation de bonnes pensions d'apprentis est un des meilleurs services qu'on puisse rendre aujourd'hui à la jeune classe ouvrière. Elles seront utiles aux enfants appelés par leur situation à en profiter, en leur assu- rant une instruction complète et eu les gardant conire les dangers <|ui les menacent pendant toute la période de Tappren Lissage. Plus que partout ailleurs, ces dangers sont à craindre à Paris, tant d'industries sont soumises à des chômages inévitables. Pendant ces chômages, que deviennent les enfants ou les jeunes ouvriers trop abandonnés à eux-mêmes ? Pour ainsi dire malgré eux, la plupai't prennent lliabitude de l'oisiveté. S'ils étaient élèves d'une pension, ces lacunes dans le travail se- raient pour eux sans inconvénients : pendant les chômages ré- gulièrement périodiques, on pourrait leur faire suivre un second apprentissage et mettre ainsi, comme on dit, deux cordes à leur arc; pendant les cJiôîiia-es aceideniels. le vide niomcTUané dans l'atelier n'auiaiî la

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salle de classe de la pension. Le temps de l'apprentissage, si important dans la carrière de l'ouvrier, ne serait plus livré à tous les hasards qui le rendent aujourd'hui si périlleux pour tant de professions, et ce n'est pas au moment oii le fruit se noue qu'il serait le plus exposé à toutes les mauvaises in- fluences. — Les pensions d'apprentis ne seraient pas moins utiles aux patrons, qui se plaignent si souvent de ne plus trou- ver d'apprentis sur lesquels ils puissent compter. La petite et la grande industrie trouveraient dans ces établissements des ressources précieuses, car les pensions bien dirigées de- viendraient des pépinières constamment fécondes de bons ou- vriers bien élevés et soigneusement pourvus d'une instruction solide, en harmonie parfaite avec leur profession. Ces pen- sions aideraient aussi à l'exécution de la loi sur le travail des enfants, loi qui ne peut être observée que si elle compte un peu partout des auxiliaires bénévoles et dévoués.

Malgré tant de qualités incontestables, ces établissements sont encore pour ainsi dire ignorés à Paris. Pour l'éducation en commun des apprentis pauvres, on ne connaît que les écoles destinées à un seul genre d'industrie, ou bien, dès qu'il s'agit d'industries diverses, les internats absolus et pour ainsi dire cloîtrés. Ces derniers établissements, qui se rapprochent de ceux dont nous nous occupons, reposent sur de tout autres principes. Ils ont rendu et rendent encore de très-grands . ser- vices, qui vous seront développés à une séance prochaine dans un travail spécial, mais ils me semblent moins généralement applicables. M. Elie Baille, président du Comité de la Maison d'Apprentis de Nancy, a parfaitement exposé les avantages du système, dont il est un des meilleurs organisateurs, dans une page que j'ai du plaisir à vous citer : « Pour l'instruction pro- » fessionnelle de vos enfants, disait-il aux souscripteurs de Nancy, » vous avez adopté l'externat ; vous avez inséré dans votre rè- » glement qu aucune profession ne serait enseignée dans votre » Maison, et vous avez bien fait ; car, en établissant dans l'inté- '•> rieur de la Maison des ateliers travaillant pour le public, vous » n'eussiez pu d'abord, et à grands frais, que réunir un fort » petit nombre de professions, et vous eussiez bientôt créé aux » maîtres ouvriers établis dans la cité une concurrence d'autant^ » plus redoutable que la vie en commun que vous faites prati- » quer permet de réaliser des économies que ne pourra jamais

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» atteindre la vie de famille Vous avez de plus fait éviter » à vos enfants un énonne danger, celui cCêtre élevés en dehon )> de la vie sociale, dans laquelle ils devront rentrer tôt ou tai-d, » et ils auraient trouvé alors de tristes déceptions. Avec » votre système mixte, l'apprenti, maintenu dans les habitudes » et les devoirs de la maison par votre continuelle surveillance, » conserve sa vie pure, contracte l'amour de l'ordre, de la so- y> briété et du travail, et n'en est pas moins en contact, dans les » heures consacrées à l'atelier, avec la vie oixiinaire du monde; » il peut en comprendre de bonne heure toutes les exigences » et les dangei's. Il sent bien vite que son avenir dépend de » lui; que, pour devenir un ouvrier habile, capable de gagner » honorablement sa vie, il faut qu'il obtienne, par son exacti- » tude, son intelligence, ses bonnes manières, la bienveillance du » maître qui doit l'instruire, et sans les conseils duquel il ne » peut rien. La vie assurée, facile, de l'intérieur de la maison » ne l'aurait jamais conduit à de pareilles réflexions. L'ex- » temat sans doute n'est pas exempt de dangers : le choix » des maîtres auxquels on confie la jeunesse est délicat et péril- » leux; leur influence peut favoriser ou anniliiler vos efforts. » Grâce aux sages prescriptions de votre Règlement , grâce » au dévouement que vous y apportez, grâce aux fréquentes vi- » sites dans les ateUers, les dangers diminuent, et l'apprentis- » sage, pour vous, rentre dans la catégorie de tous les traités, » qu'il faut faire avec prudence et réflexion (1). »

n semble difficile de contester la justesse de ces excellentes réflexions. Comment donc se fait-il qu'il n'y ait pas encore de pensions d'apprentis à Paris? Il n'en existe qu'une seule qui soit florissante, c'est celle que les Israélites ont fondée (rue des Singes) à l'imitation des écoles de Strasbourg et de Mul- house. Encore est-elle bien récente : elle date de I860, ne compte que 18 élèves, et n'est pas encore sortie de la période d'organisation. Les cours du soir ne se font pas encore dans la pension . -— Au Comité luthérien on doit également un essai très-louable (rue de Charonne), qui nous est signalé par M. de Triqueti, l'artiste aussi éminent par sa bienfaisance que par son talent ; mais aussi l'entreprise est à peine à ses débuts.

[i] Rapport de 1S47. Page 8.

8G

Il y a quelques mois, les Sœurs de Saint- Vincent de Paul de la rue de Reuilly ont ouvert spontanément un asile pour les enfants les plus misérables du Papier peint, et déjà quelques lits sont occupés dans un dortoir improvisé par une charité aussi ardente qu'ingénieuse. Voilà tout ce que Paris peut citer aujourd'hui. Heureusement, tout fait espérer d'heureuK progrès. Déjà un des premiers souscripteurs de votre Société, M. Piver, s'est vivement ému de cette situation, et il fonde en ce moment même une pension d'apprentis (rue des Fontaines, 5) . Vingt places sont mises à la disposition de fabricants, choibis parmi les plus respectables et les plus en renom, pour y recevoir vingt jeunes gens d'élite, destinés à des états sérieux et, autant que possible, sans chômage périodique. L'administra- tion sera coniiée à un Conseil composé du fondateur et des divers patrons. La direction intérieure est remise à un institu- teur, sous la surveillance de M. Blarguerin, directeur de l'école Turgot. L'instruction religieuse, que demande la loi, appar- tiendra, pour les catholiques, au curé de Sainte-Elisabeth.

Mais, en comptant môme cette fondation si récente, Paris reste encore bien loin de la province, car, en dehors des éta- blissements que j'ai nommés, elle doit bientôt en posséder un nouveau qui sera l'établissement modèle par excellence. C'est la ville de Tours qui va s'enorgueillir de ce privilège. Elle le doit à la générosité d'une testatrice, feu M'"° Tonnelle, qui lui a laissé tout son bien pour être employé en fondations charita- bles. Un vaste terrain et une somme qui dépasse 500,000 francs ont été expressément voués par elle à la construction et à l'en- tretien d'un pensionnat d'apprentis pour lequel, dit son testament, '( la maison de Nancy pourra servir de modèle en beaucoup de » points. » Les plans sont faits et adoptés par le conseil muni- cipal, présidé par M. Auvray, maire de Tours (1).

C'est une heureuse fortune pour votre Société d'avoir à si- gnaler une pareille fondation le jour de sa première réunion, et nous devons un témoignage solennel de gratitude à M'"® Ton- nelle,— ou plutôt, si nous voulons rendre à sa mémoire l'hom-

(1) M. Guérin, l'architecte, a bien voulu nous communiquer une copie de ce plan, que nous joignons à notre rapport. Cet établissement est en voie de construction; dès que sou installation sera terminée, il sera l'objet d'une étude spéciale dans le {?ullelin.

mage qui doit lui être le plus doux, prononçons ici le nom de son lils, Alfred Tonnelle, mort avant elle, à vingt-sept ans. C'est ce nom qui sera inscrit sur la porte de l'Ecole des appren- tis de Tours: telle est la volonté expresse de la fondatrice. Elle a voulu s'effacer pour que la reconnaissance publique consacrât le souvenir de cet enfant admirablement doué, autour duquel elle avait vu rayonner des promesses de célébrité, promesses anéanties tout à coup par la mort. Respectons donc les derniers désirs de cette touchante piété maternelle, et proclamons ici le nom du lils pour honorer et remercier la mère. Alfred Ton- nelle est, du reste, je le crois, connu de plusieurs d'entre vous : le volume de ses œuvres posthumes publié en I808 a été jus- tement remarqué, et lui a donné une place distinguée dans ce groupe sympathique des jeunes talents que la mort vient faire taire avant même qu'ils aient parlé. Si le nom d'Alfred Tonnelle n'est pas inscrit, comme il promettait de l'être, dans l'histoire de la littérature philosophique, il le sera du moins dans l'histoire de la charité : gloire moins bruyante, mais aussi en- viable. Une école ouvrière de cette importance est un vigou- reux appui donné au grand travail de perfectionnement social qui de nos jours s'accomplit de toutes parts sous nos yeux. Alfred Tonnelle, quoique mort avant d'avoir achevé l'œuvre qu'il avait préparée, aura donc laissé cependant une trace fé- conde et acquitté généreusement sa dette envers son pays. Il sera toujours cité parmi les fondateurs de l'enseignement pro- fessionnel primaire, le plus important peut-être, car c'est celui qui agit sur les masses les plus considérables. Votre Société do^t à Alfred Tonnelle ainsi qu'à sa mère un souvenir reconnaissant : tous deux ont pressenti et devancé vos vœux.

Cet exemple sera-t-il suivi? Il ne faut pas en douter. Cette belle fondation de Tours, faite sous des auspices si intelligents, doit être considérée comme l'inauguration et le début d'un genre nouveau d'institutions qui se popularisera de plus en plus en se phant aux exigences diverses qui se présenteront. De cette façon, au-dessous des hautes écoles qui, depuis longtemps déjà, sont destinées spécialement à former des chefs d'ateliers ou des chefs d'industrie (telles que les écoles de Châlons et de Lyon, l'école de tissage de Mulhouse, etc. ) , viendra se constituer une seconde catégorie d'établissements destinés à former des ouvriers et des contre-maîtres, c'est-à-dire le corps même de l'armée

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industrielle. La hiérarchie sera ainsi complétée, et à aucun degré une lacune dans l'éducation professionnelle de l'enfance ouvrière n'amènera une lacune dans les forces de l'homme fait. Les institutions destinées à la classe la plus nombreuse sont évidemment celles qui sont appelées à prendre le plus vaste développement. II y a donc là, pour les cœurs généreux et prévoyants, un champ nouveau et immense à rendre fertile en bienfaits, et nous devons avoir la certitude qu'il sera bien vite largement ensemencé, si l'initiative individuelle s'y applique avec énergie. C'est à elle qu'il faut surtout s'adresser, car elle est la vraie force, et d'ailleurs elle doit avoir à cœur de conti- nuer l'œuvre qu'elle a si bien commencée. Il y aura bientôt cent ans qu'un des ministres qui ont laissé dans notre histoire la renommée la plus pure, M. de Malesherbes, s'écriait : « Un » heureux enthousisame s'est emparé de tous les esprits et le » temps est venu tout homme capable de penser... se croit » obligé de diriger ses méditations vers le bien public (1).» Cet heureux enthousiasme n'est pas mort; il a même gagné à vieil- lir : parfois, dans ses premiers et si admirables élans, il s'était égaré à la poursuite de fuyants mirages. Instruits par les le- çons d'une expérience parfois bien sévère, guéris de l'esprit de chimère par l'esprit d'observation, nous avons désormais des ambitions moins vastes et plus précises : aussi les réformes de l'apparence la plus humble sont estimées à une haute valeur quand leur effet est certain, car nous savons maintenant que la rénovation de l'ensemble d'une société n'est possible et du- rable que si elle est précédée de la rénovation de chaque in- dividu. De l'importance extrême des œuvres dont je vous ai entretenus. Elles sont modestes, mais qu'elles deviennent nombreuses, et elles prouveront une fois de plus la puissance des petits forces accumulées. A ces œuvres isolées nées d'elles-mêmes, votre Société doit accorder les plus vifs encou- ragements. Faciliter le développement de fJ^reilles œuvres, c'est un des buts essentiels de votre association, car vous vous êtes groupés spontanément pour tendre une main amie à toutes es institutions et à tous les hommes dévoués à l'enfance ou- vrière. — En leur portant secours et' appui, vous travaillerez pour une forte part à cette application réfléchie et paisible des

(1) Discours de réception à l'Académie française, 1775.

I

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idées économiques qui ont été élaborées dans la première moitié de ce siècle, et que la seconde cherche avec tant d'ardeur à réaliser. H y a de tous côtés de chauds partisans du progrès. Votre Société est, pour ainsi dire, un appareil destiné à transformer cette chaleur en mouvement, c'est-à-dire les bons sentiments en bonnes actions, et les aspirations généreuses en fondations pratiques analogues à celles que j'ai eu l'honneur de vous décrire dans ce rapport. J'ai donc la ferme espérance que votre Conseil jugera digne de ses récompenses les établis- sements que j'ai visités en son nom. Honorer et signaler à la reconnaissance publique ces bienfaits du passé, c'est préparer et fah'e naître ceux de l'avenir.

Avant de prononcer la clôture de la séance , M. le Pré- sident adresse, au nom de l'assemblée et au sien, de vives et sincères félicitations à M. Délerot, dont l'excellent tra- vail inaugure d'une façon si utile et si digne à la fois les études de la Société.

Sur la proposition de son Président, l'assemblée décide qu'une députation désignée par le bureau sollicitera Thon- neur d'être reçue par S. M. l'Impératrice, pour lui offrir l'expression respectueuse de la reconnaissance de la So- ciété pour la faveur unique dont elle a été l'objet, et dont elle espère se montrer digue par son zèle et ses efforts.

(La séance a été levée à trois heures et demie.)

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DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE

PAR LE SECRÉTAIRE

Des lettres d'excuses ont été adressées par des collègues em- pêchés d'assister à la séance d'inauguration. M. Jean Dollfus, l'un des Vice-Présidents d'honneur, écrit qu'il est retenu à Mulhouse par une affaire imprévue ; M. Boucherot s'excuse par une lettre datée de Nice; M. Guillaume Petit, député; M. Alphand et M. Cerfbeer ont été obligés de s'absenter de Paris; M. Bon- temps, M. Maret et M. Bïarguerin sont malades; M. Wolowski et M. Roliart se doivent tout entiers aux pieuses obligations d'un anniversaire douloureux; de nombreux exposants sont absorbés par les travaux qu'ils pressent ou par les installations qu'ils achèvent.

Plus de cent lettres d'adhésion ont été adressées au Secré- taire, portant l'offre d'un concours sérieux et empressé, parmi lesquelles nous devons citer celle du R. P. Etienne, supérieur des Lazaristes , directeur des sœurs de Saint- Vincent de Paul ; elle se termine ainsi : « Vous pourrez compter que, dans la mesure « de nos moyens, je prêterai de grand cœur à la réussite de cette « œuvre le concours de nos Sœurs. » Ces lettres seront réunies et déposées à la bibliothèque de l'Arsenal, comme premières archives de la Société.

M. Leroy, chef d'une institution, rue Saint-Jac({ues, impasse de Longue-Avoine, a offert à M. le Président de recevoir pendant les congés de Pâques, à l'occasion de l'Exposition universelle, dix jeunes gens recommandés par les Pensions d'Apprentis des départements, qui seront chez lui logés, nourris et placés sous la surveillance d'un répétiteur. Reniercîments seront transmis à M. Leroy. Avis sera donné à MM. les directeurs des maisons d'apprentis.

M. Ch. Robert, Vice-Président, a adressé un travail de M. l'Inspecteur de l'instruction primaire à Nancy; ce travail a été renvoyé à la Commission du Bulletin.

La Société a reçu de M. Guillaume Petit, député, une

première communication sur le travail des enfants dans K' département de l'Eure.

Les divers modes connus de venir en aide à la loi, et que nous devons encourager, sont représentés par de nombreuses et intéressantes communications.

Des documents abondants ont été adressés par MM. Piver, Élie Baille, Brac de la Perrière, M. labbé Halluin, etc., ou rapportés par 31. Déleiot, votre Secrétaire de la Commission du Bulletin ; l'ensemble sera déposé à la bibliothèque.

Je citerai spécialement : le règlement pour la Pension d'Ap- prentis ouverte à Paris, rue des Fontaines, o. Notre collègue, M. Piver, le généreux fondateur, demande l'appui moral de la Société. Ce règlement sera donné dans le prochain Bulletin.

Des notices ont été adressées au Secrétaire par 3DI. Hamelin, Martin (de Tarare), Savart (fabricant de chaussures), Colcombet, Harmel frères, par M"=* Delaporte ; ces pièces, et celles qui sont attendues de M. Bonnet, de Lyon, et d'autres manufacturiers, seront tenues à la disposition de M. Cornudet, qui doit faire un rapport d'ensemble sur ces charitables entreprises, auxquelles on peut donner le nom d'Internats manufacturiers.

Des brochures, des notes imprimées et des lettres vous font connaître divers types de patronages de garçons du département de la Seine, tels que la Société des Amis de l'enfance, la Société pour le Placement en apprentissage, la Société des Fabricants et Artisans, l'Œuvre des Apprentis, le service spécial de l'Orpheli- nat du Prince-Impérial, celui de la Caisse des Écoles et l'OEuvre des Secours en nature ; l'ensemble de ces documents est adressé à M. de Coulonges, qui veut bien se charger d'en donner l'étude compai-ative. Les pièces relatives aiLX patronages des filles seront remises à M"* Payen, la fille du célèbre chimiste, notre collègue, qui a promis d'en faire l'objet d'un article pour votre Bulletin, ainsi que l'a annoncé M. le Secrétaire général.

La Société a reçu diverses brochures permettant d'étudier les patronages de patrons, œuvres d'un caractère tout spécial, fon- dées et administrées par les patrons eux-mêmes en faveur des apprentis de leur spécialité : la brochure sur la Société du Bronze, par notre collègue M. Barbedienne, celle sur l'Œuvre des Enfants du Papier peint, par notre collègue M. Biottot, celle sur la Société des Jeunes Ébénistes , par notre collègue

9-2

M. Lemoine, enfin celle sur la Société pour les Enfants occupés dans l'industrie des fleurs, par notre collègue M. Petit, prési- dent des Chambres syndicales.

Ces brochures sont remises à BI. Chaulin, qui nous en rendra compte.

De nombreuses pièces reçues et un plus grand nombre qui sont attendues permettront de faire connaître les écoles profes- sionnelles : celles que patronne M. Jules Simon, celles que dirige M. l'abbé Lantiez; les ateliers d'élèves (MM. Chaix et Fourdi- nois), les ateliers pour V apprentissage (dentelles, tissage, filets de pêche, etc., etc.), les ateliers d\ipprentis à divers échelons de l'industrie, la maison Lemaire pour l'optique, les maisons Savard, Héricé, pour la bijouterie, Courvoisier, pour les gants, etc.

Ces pièces sont réservées à notre Vice-Président, M. Migneret, qu'elles intéressent particulièrement. Nous osons espérer que, dans l'étude approfondie à laquelle se livre M. le Rapporteur de la loi sur l'enseignement technique, il voudra bien réserver quelques notes qui enrichiront notre Bulletin.

M*"® Cohadon, qui a un atelier de jeunes brunisseuses, nous demande pour son établissement notre appui et notre surveil- lance. Trois dames, membres de la Société, ont bien voulu accepter de M. le Président la mission de se constituer en un petit comité auprès de M°'« Cohadon.

M™*" Chertonne aura également recours à nous. Sa maison pour le polissage des mouvements de pendules est en voie de formation. La création de cet atelier normal est à la solli- citude de M. Montandon, fabricant de ressorts pour l'horlogerie, membre de l'une de nos Commissions.

Le rapport que nous lira sur ces deux maisons normales (celle de M'»« Cohadon et celle de M""" Chertonne) M. Dietz- Monin fera connaître le touchant épisode qui a été l'occasion de la charitable et intelligente institution de notre excellent collègue. Peut-être bien, j'en ai la confiance, le rapporteur pourra-t-il nous parler d'une autre fondation en projet, à laquelle M. Aubry, MM. Lefébure, M. Monnard, veulent donner le concours de leurs lumières et de leur argent, sous l'impulsion chaleureuse de M. l'abbé Duqucsnay. Espérons que chacune des espèces de notre industrie parisienne aura ainsi sa maison normale.

I

93

La correspondance nous promet des données intéressantes sur les travaux occasionnels conliés aux. enfants; nous avons déjà reçu une première note de M. Chiris, sur Temploi des entants pour l'épluchage des tleurs. Xous attendons pour l'étude des travaux intermittents une note sur une des maîtresses de Paris, qui applique les enfants à un travail industriel.

M. le Duc de Moucliy s'est réservé les lettres et brochures rela- tives aux travaux confiés ou à confier aux enfants infirmes.

J'ai conservé, pour en rendre compte à la Société, les docu- ments divers sur le travail des enfants dans les manufaotures du Gouvernement.

Un certain noml're de contrats d'apprentissage uous ont été adressés. Je m'efforcerai d'en réunir une collection impor- tante, dont l'étude conduira, je l'espère, à établir des règles ap- plicables en l'absence de conventions contraires, et propres à assurer des garanties sérieuses à l'apprentissage.

Je cite pour mémoire une série de lettres de fabricants qui adhèrent à la Société, déclarant qu'ils s'engagent par cela même au respect de l'esprit des lois qui règlent le travail des enfants. Il va de soi qu'on ne peut se déclarer prolecteur de l'enfance ouvrière, si l'on n'est pas parmi les premiers à appliquer les lois qui la défendent.

Comme correspondance imprimée, la Société a reçu :

De S. Exe. le Ministre des affaires étrangères, le Rapport sur le travail des enfants en Angleterre, o vol. in-folio;

De M. Charles Robert, Vice-Président, la première partie de Y Enquête, ouverte par la réunion des bureaux du dixième groupe des industries représentées à l'Exposition universelle , sur les institutions créées par les chefs d'industrie et les ouvriers pour améliorer la condition morale et physique de la population;

De S. Exe. le Ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, par les soins de M. le Vice-Président d'hon- neur de Boureuille, X Enquête sur l'Enseignement professionnel, et le Rapport de xM. le général Morin à la commission de l'En- seignement technique; 3 vol. gr. in-4».

Communication sera donnée à M. le Vice-Président du dixième groupe des renseignements que nous possédons.

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LISTE

MEMBRES PERPÉTUELS

MM.

A

Baccarat (Manuf■^ de cristaux de) Baude, Insp-' gén' des ponts et ch". Berteaux, manufacturier. Bessan, de la Belle-Jardinière. Blache (le docteur). Blanzy, de Boulogne-sur-raer. Brault, maître de forges à Paris. Carcenac, ancien négociant. Cartier-Bresson aîné, anc. nég, Cartier-Bresson jeune, manufacl. Cartier-Bresson îils aiué. Cartier-Bresson (C), ] Cartier-Bresson (.J.), /jjj^ Cartier-Bresson (F.), ( Cartier-Bresson (L.), ) Champonnois, ingénieur civil. Chiris (Léon), manufact. à Grasse. Chiris (Edmond), id.

Colcombetj manufact. à St-Étienne. Courcy, Prés, de la C'« d'Ass. génér. Delicourt, ancien manufacturier. Dorvault, de la Pharmacie Centrale. Dubrunfaut, chimiste. Dumas, sénateur, de l'Institut. Dussautoy, manufacturier. Duvergier, de Lyon (Yaise). Élèves du lycée Louis-le-Grand. Élèves du pens. des Frères, à Passy Guerlain ( A . ) , parfumeur. Guerlain (J.l, chimiste.

MM. Gratien-Millet, manufacturier. Guizot (G.),Prof' auColls^ de France. Hamelin, manufacturier. Hugues, de Grasse. Iiandon-Lemercier, parfumeur. Laumonier, manufacturier. Legrand (Alex""), anc. négociant. Lemaire, opticien. Iiemoine-Montigny, d' du Gymn. Leroy (Isidore), fabricant. Marne, éditeur à Tours. Martin, de Tarare. Mazaroz-Ribailler, entrepreneur. Mercier, à Ourscamps (Oise). Moisset-Foye, manufacturier. Mouchy (le duc de) . Muller (Alex'"^^), ancien manufact. Noailles (F. de) Ouvriers de la mais. Chrisloflo (i). Payen, négociant. Peltereau (Placide) . Peltereau (M™" Auguste). Prevot, avoué. Raingo (Victor), fondeur. Rotschild (le baron), banquier. Schneider, V.-P. de la Chambre. Seydoux, manufacturie»". Teste, de Lyon (Vaise). Vieille -Montagne . Vilmorin, négociant.

1) Les noms des premiers Jonate mai.

(2) La liste des ouvriers souscripteurs est conservée d la Société.

eiont indiqués dans le BuUeîin de les archives de

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LISTE

DES

MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ

Inscrits depuis la publication du Bulletin n* 1

MM.

A

Argyll lord d'). Baecqpie (Ch. de) fils. Balây, manufacturier. Bayvet, maroquinier. Bertin Eugène), ag. de change hon. Bessan, négociant. Birauneau, manufacturier. Borie, M. le curé de Saint-Pbilippe. Bourdon, fabricant de colle-forte. Burgun M"').

Calla, de la Chambre de commerce. Caperon (Paulin), du ilorùt. ind''^. Cartier, bijoutier. Cartier-Bresson père. Cartier-Bresson tlls aiaé. Cartier-Bresson C) ]

Cartier-Bresson (J.) (gj^ Cartier-Bresson ,F.) ^ Cartier-Bresson (L.; Cartier-Bresson, anc négociant. Castel (Constant), de Saint-Étienne. Champonnois, ingénieur civil. Chapon Antoine), de Saint-Eti^ne. Charnelet, manufacturier. Charpentier, horloger. Chaulin, avocat. Chiris Léon), de Grasse. Chiris ^Ednaond), de Grasse. Claye, parfumeur. Clémandot, manufacturier. Coignet, ingénieur manufacturier. Cornudet. audit, au conseil d'État. Coudera, de Limoges. Courvoisiâr, manulaelurier.

5DI.

Cousin, bibliothécaire à l'Arsenal. Cousin îM"^).

Daubrée, membre de l'Institut. Dauphin, de Saint-Élienne. Daux, bijoutier. Davanne, chinaiste. Delessert Edouard^. Delettrez, horloger. Desnoia, pharmacien. Desvemay fils, de St-Symphorieu. Didier (Jean), de Saint-Louis. Drouyn-de-L'Huys (>L le sén.). Dubreuil, de Limoges. Dumoulin -Froment vM"*). Dumoulin-Froment fils. Dumoulin-Froment ^M"*). Dupont ^Paul), député. Durangel, du ministère de Fintér. Duval. négociant. Duvergier (Alphonse , ingéiiiear. École Turgot, anciens élèves. Élèves du lycée Louis-le-Grand. Élèves du f>ens. des Frères, à Passy. Essiqué, bijoutier. Falize, bijoutier.

Flamarion J). et C), Vaugiraré. Fontaine, ancien négociant. Fournie, insp. des ponts et chaos. Galet, parfumeur. Gallet. de l'hôtel de \ilte. Garnier, du conseil municipal. Gellé, parfumeur. Gellé M"^).

Geoffiroy-Isnard-Maubert (M"») Godefroy, parfumeur.

96-98

Gravelin, négociant. Grohé, manufacturier. Gueugnier, bijoutier. Guichaud, de St-Junien (H.-Vienne) Guillemin, bijoutier. Hachette et O', éditeurs. Halphen (Auguste). Haussmann (M. le baron) , sénateur. Hermann, mécanicien. Hugues, de Grasse. Hussenot, du Trib. de commerce. Israël, négociant. Laboré, de Lyon Lacarrière (Amédée), manufactur. Landon-Lemercier, parfumeur. Latour, manufacturier. Lebaudy, du Conseil municipal. Lebaudy, raffineur. Lebey (Edouard). Lebrun (.M. le sénateur). Lefèvre, entrepreneur de marbrerie. Lehoult, négociant. Lemaigre, tapissier. Le Maréchal (Lucien), Le Maréchal (M"=). Lemoine-Montigny, d' du gymn. Ledoux-Bédu, négociant. Le Roy, a^des Req^" au Cens' d'État Leroy (Isidore), fab. de pap. peints. Leroy, chef d'institution. Letellier-Delafosse, anc. manuf. Letellier-Delafosse, duCréd. fonc. Letrange, manufacturier fondeur. Levier (S.), dir. du Crédit foncier. Levy, maire du arrondissement. Linzeler, bijoutier. Marchand, maître verrier. Mariage (Henri), droguiste. Mariage aîné, négociant. Martin, à Tarare. Massières, fab. d'étain en feuilles. Massignon, parfumeur. Maujean, d-^ de Chaptal. May, étudiant en droit.

3IM. Melon, entrepreneur d'éclairage. Melun (C'= de), de Lille. Ménage, négociant. Mercier, à Ourscamps (Oise). Migné, bijoutier. Morel, manufacturier. Mourceau, négociant. Noailles (F. de) . Oudry, manufacturier. Ouvriers de la maison Chrislofle. Fallu, dir. fond, du Vésinet. Pasquier (Paul), fab. de papiers. Payen, de l'Institut. Peltereau (M"'^ Y'= Auguste). Petiteau, joaillier. Philippe, négociant. Philippe, bijoutier. Picault, ancien coutelier, Piednoir, de Laval. Pilter, machines agricoles. Pitet, fabricant de pinceaux. Poyard, dessinateur.

Reuil (M. l'abbé), de Lyon.

Roger.

Rohart, fabricant d'engrais.

Rondeau et Bridault, négociants.

Riess (Martin), de Dieuze.

Rousset, homme de lettres.

Sajou (successeur), fab. de broderies.

Sandras, ancien recteur.

Schlumberger (H.) ,manufacturier.

Société la Progressive.

Sommier, raffineur de sucres.

Tahan, fabricant de nécessaires.

Surloppe, dir. crist, St-Louis.

Tavernier, architecte.

Touaillon, ingénieur.

Trélon, ancien manufacturier.

Trêves (Albert), manufacturier.

Vallée (Oscar de), prem. av. général.

Varennes (le marquis de) .

Vatin fils, négociant.

Vieillard-Migeon, de Morvillars.

IMPRIMERIE CENTRALE DES

k. CHAIi El Cie, RUE BERGÈRE 20, A PARIS I2S:

SEANCE PUBLIQUE DU 29 FEVRIER 1867

RÉCEPTION

DE LA DEPUTATION DE LA SOCIÉTÉ

PAR S. M. L'IMPÉRATRICE.

Dans la séance d'inauguration, il avait été décidé qu'une dé- putation solliciterait l'honneur d'être reçue par S. M. l'Impé- ratrice, afin de lui offrir l'expression respectueuse de la recon- naissance de la Société pour la faveur unique dont elle a été l'objet lorsque Sa Majesté a bien voulu qu'elle fût placée sous sa protection et sous celle de son fils bien-aimé.

S. M. l'Impératrice a daigné se rendre aux vœux manifestés par la Société, et, le dimanche 26 mai, à 1 heure, la députation a été reçue au palais des Tuileries (1).

Dès que le président eut présenté à Sa Majesté tous les sen- timents de gratitude de la Société, Sa Majesté, prenant la pa- role, exprima de la façon la plus vive la sympathie profonde qu'elle ressentait pour les enfants soumis à un travail trop pro- longé et privés encore des bienfaits de l'instruction. Elle ajouta

(11 Elle se composait: du président de la Société, M. Dumas; d'un des vice-présidents, M. Mignerot; du secrétaire-général, 91. le duc de Mouchy; du secrétaire, M. Barreswil; d'un des secrétaires de comité, M. Délerot, et de deux membres des commissions, MM. Cartier-Bresson et Dietz-Monin. MM. de Boureuille, Charles Robert, Julien, E. Pereire fils, qui devaient faire partie de la députation, avaient été retenus par divers empêchements. M. de Boureuille présidait à Versailles la distribution des prix d'une Exposition d'horticulture; M. Charles Robert présidait la distribution des prix de YŒuire du Papier peint, il représentait à la fois le Ministre de l'instruc- tion publique et la Société.

100 - qu'elle avait vu avec une joie véritable la création d'une So- ciété qui, née de l'initiative individuelle, prenait pour tâche de remédier à des maux dont on se plaint depuis si longtemps et que la loi semble presque impuissante à faire disparaître. Sa Majesté, après avoir fait sentir les difficultés de la situation actuelle, a ajouté que si une législation plus eflicace devait être adoptée un jour, ce jour serait hâté par les efforts de la Société. » En effet, a dit Sa Majesté, l'action que vous exercez tend à in- » troduire doucement de nouvelles habitudes : de cette façon, la » loi, comme il arrive trop souvent, ne devancera pas les ^) mœurs; ce sont au contraire les mœurs qui amèneront la » loi, dont le succès sera ainsi certain. Votre Société est sem- » blable à celles qui sont multipliées en Angleterre, qui y » font tant de bien, et qui devraient être plus nombreuses en » France. Aussi je souhaite beaucoup que vous réussissiez, et, » autant qu'il sera en moi, je vous prêterai mon concours. »

A ces gracieuses paroles, Sa Majesté a ajouté un grand nombre de questions qui attestaient son désir de connaître tous les faits dans leur détail le plus précis et qui, en même temps, par la façon même dont elles étaient posées, indiquaient combien Elle était déjà familière avec les sujets sur lesquels Elle demandait des éclaircissements. La maison de la rue de Reuilly ayant été nommée, Sa Majesté a dit que depuis longtemps cette œuvre l'intéressait, et que sa visite, retardée malgré Elle, serait très-prochaine. L'entretien a aussi porté sur l'établissement de notre collègue, M. Hamelin, également apprécié de Sa Majesté, qui avait bien voulu prendre une connaissance très-complète des Bulletins de la Société, des deux Rapports de l'inspection du département de la Seine. L'ex- posé rapide des projets que la Société se propose de réaliser dans l'avenir le plus rapproché ayant été fait à Sa Majesté, Elle a de nouveau exprimé ses vœux de réussite et ses pro- messes d'appui, dans les termes les plus gracieux et les plus affectueusement sympathiques.

Avant que la députation ne se retirât, le président a demandé à Sa Majesté qu'il lui fût permis de La féciliter au nom de la

I

101 Société sur l'heureux rétablissement de S. A. le Prince Impé- rial. — S. M. l'Impératrice a paru accepter avec un grand plaisir ces félicitations, et, avec une émotion de bonheur visi- ble dans tous ses traits, elle a donné elle-même des nouvelles du prince, nouvelles excellentes et qui écartent désormais toute inquiétude,

La députation se sent incapable d'exprimer à la Société com- bien l'accueil de la Souveraine a été gracieux et sympathique; elle peut seulement affirmer que la Société compte désormais dans S. M. l'Impératrice un protecteur dévoué qui suivra avec l'intérêt le plus éclairé ses développements futurs et les aidera de son tout-puissant secours. Cette pensée est le meilleur en- couragement que la Société, encore à sa naissance, puisse rece- voir ; pour le bien qu'elle espère avoir déjà suscité, elle a im- médiatement reçu la récompense la plus précieuse et la plus enviée; il y a dans cet heureux privilège l'augure le plus favo- rable pour son avenir. La Société peut se flatter maintenant d'accomplir pleinement l'œuvre si importante de moralisation qu'elle a entreprise, si elle sait, par son ardeur et son activité, répondre dignement à la sympathie que vient de lui témoigner sa haute Protectrice. Que chacun de nous redouble donc de zèle! il s'agit de soulager l'enfant pauvre de ses plus dures misères, et nous travaillons sous les yeux d'une souveraine dont le cœur n'est étranger à aucun des sentiments de la mère.

102

COMPTE RENDU

DE M. LE SECRETAIRE GENERAL

Messieurs,

J'aurais commencé le compte rendu des actes de la So- ciété par le récit de l'audience de S. M. l'Impératrice, si M. le président ne l'avait fait lui-même dans des termes si tou- chants.

Je dirai seulement que Sa Majesté daigne adhérer à nos statuts, et j'ajouterai que nous avons aujourd'hui l'honneur de compter parmi nos sociétaires :

S. A. I. la princesse Mathilde ;

S. A. I. la princesse Clotilde; •S. G. M»"" l'archevêque de Paris;

S. Exe. M. Rouher, ministre d'Etat et des finances;

S. Exe. M. de Forcade la Roquette, ministre de l'agri- culture, du commerce et des travaux publics;

Les adhésions continuent à affluer. Les membres inscrits de- puis la publication du dernier Bulletin sont au nombre de 144, dont 22 perpétuels et 122 annuels, ce qui porte le nombre to- tal des membres à près de 800. Les noms des membres nou- veaux seront insérés au Bulletin n*^ 3 ; et dans celui qui suivra la séance solennelle se trouvera la liste des donateurs.

Nous pouvons espérer un développement plus considérable encore dans les mois qui vont suivre. M. le vice-président Ch. Robert, conseiller d'Etat, secrétaire général du ministre de l'instruction publique, a été autorisé, par S. Exe. M. Duruy, à adresser notre Bulletin 2 à tous les proviseurs et princi- paux des lycées et collèges de l'Empire, avec la circulaire offi- cielle suivante:

« Monsieur, » Une société de protection des apprentis et des enfants em- ployés dans les manufactures vient de se former à Paris ; il est

103

à désirer que les idées qu'elle représente se propagent parmi les jeunes gens destinés aux carrières industrielles. A ce point de vue, il me paraît oppoi'tun de vous adresser sous ce pli le deuxième numéro du Bulletin publié par la Société.

» Recevez, Monsieur, l'assurance de ma considération la plus distinguée.

» Le conseiller d'État, secrétaire général du ministère de riiistnicl ion publique, vice-président de la Société de pro- tection ,

» Charles Robert. »

Un certain nombre de réponses nous sont déjà parvenues apportant des adhésions; il n'est pas douteux que, dans un temps donné, nous n'ayons comme adhérents tous les établissements d'instruction du gouvernement. Les établissements municipaux ou privés viendront aussi grossir nos rangs; déjà le collège Chaptal, l'école Turgot, l'école des frères de Passy, ont ré- pondu à notre appel.

Pour faciliter l'action personnelle de ceux de nos collègues qui veulent bien nous venir en aide comme correspondants en province ou comme délégués à Paris, M. le président a fait éta- blir des carnets de dix souscriptions à 10 francs. Chaque cor- respondant ou délégué qui en fera la demande recevra un ou plusieurs carnets, et pourra donner directement quittance à la personne dont il aura recueilli la souscription. Un avis imprimé adressé au secrétaire permettra de servir directement le Bulle- tin à ce nouveau collègue. Cent Bulletins, qui peuvent être faci- lement placés, produiront mille souscripteurs, soit, par an, 10,000 francs. Nous demandons à nos collègues leur initiative personnelle ; nous les prions en outre de nous aider à trouver de zélés correspondants : la circonstance de l'Exposition per- met de rencontrer sans dérangement les confrères, les commet- tants, les clients, les amis. C'est une occasion unique qu'il importe de ne pas négliger.

Vous avez admis. Messieurs, que deux comités représen- teraient dans la Société la question si importante de l'instruction primaire et de l'enseignement religieux, obligatoires en France pour les enfants dont nous nous occupons. 11 a paru à M. le

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président que, pour compléter cette pensée, une troisième com- mission devrait être formée, qui s'occuperait de l'enseignement artistique, non inscrit dans la loi, mais qu'imposent les néces- sités de l'industrie, M. le président a décidé la formation de ce comité, et nomme :

M. Denière Président.

M. DiÉTEULE Vice-Président.

M. Froment Meurice. . Secrétaire.

Cette commission est chargée de se recruter elle-même, afm que le nombre de ses membres soit porté à huit. En outre, comme les affaires de notre Société prennent une extension énorme, et que notre secrétaire, malgré ses efforts, ne peut suf- lire à la tâche, M. le président, sur sa demande, nomme deux secrétaires adjoints : M. E. Pereire fils et M. Arnoult Thenard.

Toutes les nominations sont faites à titre provisoire, et jus- qu'à ce que l'assemblée générale qui suivra la reconnaissance de la Société comme établissement d'utilité publique ait pourvu à des élections définitives.

Jusqu'ici, Messieurs, vos comités et commissions n'ont pas fonctionné : cela a tenu aux préoccupations et aux travaux de l'Exposition universelle. Un projet de règlement élaboré par le bureau vous sera prochainement soumis, et d'ici à peu de temps MM. les présidents et vice-présidents composant le Conseil se- ront convoqués pour une première séance réglementaire, puis les séances des comités et commissions auront lieu d'une ma- nière régulière.

En attendant, la circulaire suivante a été adressée à tous les membres du Conseil, par M. le vice-président Migneret, pour leur demander un travail d'ensemble :

« Mon cher collègue, je viens faire appel à votre dévouement à notre Société et aux intérêts qu'elle représente, en vous priant de vouloir bien vous charger d'un travail très-important que vous pouvez accomplir mieux que tout autre.

» Il s'agit d'établir la situation des enfants dans Vindustiie que vous représentez parmi nous. Pour que ces travaux mar- chent avec quelque unité, je me permets de vous signaler les points importants sur lesquels vous pourriez spécialement faire vos recherches. Les voici :

« Nombre approximatif d'enfants occupés par l'industrie (en temps ordinaires et en chômage). Nombre approximatif des

lOo

manufactures, usines et ateliers les plus importants. Indi- cation des conditions de l'apprentissage s'il y a lieu, nature et mode de l'engagement, nature et durée du travail, quotité des salaires, appréciation des conditions faites aux enfants; hygiène, instruction primaire, enseignement religieux, repos du dimanche.

» Constatation des fondations spéciales et des améliorations introduites.

» Conclusion. Ce qu'il y a à faire.

» Ce travail, s'il est obtenu de tous et dans un délai assez court, par exemple d'ici au 4" octobre, sera l'un des plus im- portants que puisse produire notre Société; il est l'un des plus utiles que l'on puisse entreprendre.

» Les documents seront recueillis par ^Df. les présidents, lus en comités et imprimés à mesure que les comités les donneront complets.

» J'aurai soin de vous faire parvenir les renseignements que je recevrai directement. » Agréez, etc. »

Une autre circulaire est adressée par votre secrétaire général à toute personne signalée comme s'occupant, pouvant ou devant s'occuper du bien-être des enfants de l'industrie. La voici :

« Une Société s'est formée à Paris, sous la présidence de M. le sénateur Dumas, de l'Institut, dans le but d'assurer aux apprentis et aux enfants des manufactures les bienfaits d'une protection efficace. Régulièrement constituée, cette Société a commencé ses travaux, et elle place en première ligne la re- cherche de toutes les œuvres si diverees et si méritantes qui ont été entreprises en faveur des enfants de la classe laborieuse.

» Elle se propose d'étudier et de faire connaître, par la voie de son Bulletin, l'organisation, le but et les résultats de ces institutions; ouvrant ainsi, à côté de l'enquête si affligeante des défaillances sociales, une enquête non moins utile, féconde en faits consolants sur le zèle qui combat le mal et encourage le bien avec des etîorts peisévérants. Il importe en effet que tout soit connu : si l'on ne cache pas le mal, il faut que le bien ne soit pas non plus laissé dans l'oubli par un coupable silence

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» Société fait appel à tous ceux qui ont organisé, en faveur de l'instruction, de la moralisation, de l'apprentissage ou do l'enseignement professionnel des enfants, une œuvre quelconque d'assistance, de direction ou de prévoyance. Elle les prie de lui communiquer les Statuts, Règlements, Programmes et Comptes rendus de ses œuvres. Après une étude attentive, ces docu- ments seront publiés, puis classés dans la bibliothèque parti- culière de la Société, dont S. Exe. le Ministre de l'instruction publique a bien voulu autoriser le dépôt dans le local de la biblio- thèque de l'Arsenal. Ils constitueront rapidement de précieuses archives de la charité et de la prévoyance en faveur de l'enfance laborieuse. Cette collection pourra être consultée avec fruit.

» La Société recevra également avec reconnaissance, outre les documents concernant les œuvres et institutions existantes, les mémoires, renseignements, projets et indications qui lui seront adressés. Elle en fera l'objet de ses études, entrera en corres- pondance avec les auteurs, et les aidera de ses conseils aussi I)ien que de son concours, s'ils sont réclamés.

» Je vous serai reconnaissant des communications que vous voudrez bien me faire, et vous prie d'agréer. Monsieur, l'assu- rance de ma considération la plus distinguée. »

J'ai encore à vous parler, Messieurs^ de notre bibliothèque, laquelle a reçu de nouveaux dons; je suis heureux de vous apprendre qu'un système d'échange international va être mis en pratique, et que, dans ce but, dix-huit exemplaires de votre Bulletin ont été adressés à M. Ducpétiaux : un a été déposé au Kensington-Museum ; un a été accepté par M. le président de la chambre de commerce de Paris pour la bibliothèque de la chambre, qui voudra bien, nous l'espérons, donner à la Société ses publications spéciales. L'écht^ige a été fait avec la Société élémentaire; il a été demandé par M. le directeur du Bulletin des OEuvres de jeunesse. Dans l'intérêt de notre bibliothèque, nous multiplierons ces échanges.

Nous avons. Messieurs, à enregistrer de nouveaux deuils pour notre Société : MM. Sallandrouze de Lamornais, député, et Martin Riess de Dieuze, manufacturier, étaient au nombre de nos premiers adhérents et de nos plus zélés collègues; leurs noms ne disparaîtront point de notre liste : leurs fils s'y sont déjà fait inscrire. Nous demandons la permission de consacrer au

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procès-verbal un souvenir de reconnaissance envers ces hommes de bien qui ont aidé notre Société à ses débuts, et n'ont pu la suivre dans ses progrès (1).

Je termine, Messieurs, en vous contirmant ce que M. le président vous a déjà fait espérer. S. M. l'Impératrice a accepté et approuvé la pensée de séance solennelle pour la distribution des récompenses.

Vous savez, Messieurs, que cette séance a été annoncée dans le Bulletin : le programme est à l'étude , et la direction en est confiée à M. Alphand, dont vous connaissez le goût et l'habileté. Tout nous fait espérer que cette réunion populaire pourra avoir lieu dans des conditions dignes du but de notre œuvre, du zèle qui nous anime et de l'auguste patronage auquel nous devons le succès de nos efforts.

Duc DE MOUCHV.

COUP D'CEIL HISTORIQUE

SUR l'origine, la marche, les progrès et l'état actuel de L'E.NSEIt.NEyE.NT PROFESSIONNEL

Par M. MiGNERET, conseiller d'État, vice-président de la Société.

I

Si l'apprentissage ou la communication, à l'aide de la pratique et de l'imitation, par un maître à un adepte, est un mode d'ins- truction aussi vieux que la société humaine , la pensée de pré- parer et de suppléer, en certains cas, cet apprentissage par un enseignement approprié aux besoins intellectuels et manuels de l'apprenti est toute moderne. Il a fallu une longue succession de progrès et de tentatives pour que l'enseignement réservé aux études supérieures et purement morales s'organisât en faveur de la pratique des arts industriels.

L'antiquité s'est fort occupée de l'éducation morale et du développement littéraire; mais elle ne portait au travail manuel

(1) Nous apprenons à l'instant la mort de notre excellent collègue, M. Fourneyron, le célèbre ingénieur.

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et à l'industrie qu'une médiocre estime et ne songea guère à leur accorder les honneurs d'un enseignement. Le moyen âge dans sa forme théologique, la renaissance môme dans ses préoccupa- tions d'éducation séculière, y songèrent encore moins. Théologique ou séculier, l'enseignement se maintint dans les sphères pure- ment spéculatives et s'attacha surtout aux sciences morales et littéraires. Quant aux arts et métiers , à l'industrie et au com- merce, la pratique seule leur servit d'initiateur et la séparation resta profonde entre les adeptes des deux branches de travaux. Deux mots différents et opposés les désignèrent jusqu'à nos jours. Les études libérales formaient des écoliers, des étudiants instruits par des professeurs ; les arts manuels, le commerce, la chirurgie même, à raison de son caractère opératoire, ne comp- taient que des apprentis groupés et travaillant auprès d'un maître travaillant avec eux et leur communiquant plutôt des procédés et des secrets que des connaissances théoriques et raisonnées.

On peut se rendre compte des idées du xvu** siècle sur l'apprentissage, en lisant les conseils assurément sages et sensés que Savary donne, dans son Parfait Négociant , au jeune houimc qui Ncut être un bon apprenti commerçant. Ces re- commandations ne prohibent pas sans doute, mais ne supposent nullement et n'exigent aucune instruction générale. Tout ce que l'apprenti doit connaître, il peut l'acquérir par la pratique, l'observation, le travail du magasin et la mémoire des faits do son commerce. Mais rien ne s'oppose d'ailleurs à ce qu'il soit dépourvu de toute instruction littéraire. On comprend facilement que l'instruction paraissait encore moins nécessaire pour l'ap- prenti d'un art ou d'un métier purement mécanique.

Il paraît que la première introduction dans la pratique ad- ministrative de l'apprentissage raisonné et donné sous la forme d'un enseignement appartient à Colbert, bien qu'on puisse trouver des traces de la même sollicitude dans quelques insti- tutions charitables antérieures.

Ainsi, dès l'année 1638, on voit la fondation d'un hôpital pour les enfants abandonnés à la suite des guerres calamiteuses de 1636 coïncider dans la ville de Langres avec l'enseignement professionnel. Celui-ci, accessoire inteUigent de la charité, de- vait assurer aux jeunes pupilles les moyens de suffire par le travail à leur existence,

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Le programme de cet enseignement était le suivant : travail manuel, écriture, lecture, calcul, plain-chant, instruction religieuse. Apprentissage des métiers suivants : draperie, tissage des futaines, droguets, tapisserie, cardage et tilature de laine, fabrication de toiles, de bonnets de coton, de dentelles; tricot, couture, blanchissage, boulangerie, cordonnerie.

Les maîtresses sont laïques ou religieuses, suivant les temps et les exigences de l'enseignement (1).

L'influence que l'enseignement systématique d'un art ou d'un procédé peut exercer sur l'industrie avait^ comme nous venons de l'indiquer, frappé l'esprit vigilant du ministre de Louis XIV, et lorsqu'il poursuivit le but qu'il s'était assigné de transformer et de développer l'industrie française, il jeta les yeux sur la jeunesse ouvrière pour s'en servir comme d'un utile auxiliaire. On trouve de nombreux exemples de cette préoccupation dans la Correspondance administrative sous le règne de Louis Xiy{i); nous n'en citerons qu'un exemple entre autres. Le 16 juin 1669, des lettres du roi adressées a»x échevins de plusieurs villes, et notamment à ceux de Villeneuve-le-Roi, les invitent à favoriser l'établissement d'une manufacture de bas d'estame en tricot, confiée au sieur Camuset, et, à cet effet, d'obliger ceux desdits habitants, tant hommes que femmes, et les enfants depuis l'âge de dix ans, qui sont sans occupation, à travailler à ladite ma- nufacture, et « que vous ayez, dit la lettre, à lui fournir une » maison en ladite ville propre et commode pour assembler les » ouvriers et loger les maitrés et maîtresses gui seront préposés » pour V instruction desdits enfants et autres personnes qui se » présenteront. »

L'introduction du point de Venise fut notamment le résultat d'un véritable enseignement collectif donné par des maîtresses ad hoc; ainsi, le 18 juin 166o, Floqueret, lieutenant général à Reims, rendant compte de l'établissement d'une manufacture de dentelles en cette ville, apprend au ministre que le sieur Chardon, « qui a demeuré longtemps à Venise, vient d'arriver avec sa « femme, trois fils et deux filles...; qu'il y a présentement dans

(1) Cette institution, appelée manufacture, a duré jusqu'en 1794, avec des vicissitudes de succès et de défaillance, et elle se continue après transforma- tion par l'ouvroir annexe de l'hôpital pour les jeunes filles et le placement annuel d'un certain nombre d'apprentis des deux sexes chez les patrons.

(2) Paris, Imprimerie nationale, 1852, in-4^, tome II, pages 111 et 824.

no

» la maison ... six femmes vénitiennes, vingt-deux flamandes » et trente filles de cette ville... De Fortia, intendant on Au- vergne, écrit, à la date du 11 juillet 1665, qu'il a fait connaître cl ceux d'Aurillac « l'avantage que la ville recevroit de ce que f)ois personnes viendroient monstrer la belle manière des ouvra- ges de Veniz-e que Sa Majesté défendrait dans son royaume, pour donner à ses sujets les sommes excessives qui sortaient par ces voyes (1).

A la même époque, l'insuffisance de l'instruction des classes laborieuses avait ému quelques âiîies pieuses. L'abandon dans lequel vivaient les enfants pauvres les toucha, et cette pensée religieuse et charitable donna naissance à l'association du travail manuel et de l'instruction élémentaire dans l'éducation chrétienne. On était encore loin de songer à un enseignement technique et à une éducation spéciale de l'ouvrier; mais de cette association sortirent néanmoins une éducation particulière et un enseigne- ment nouveau. C'est à l'abbé de la Salle que la France est re- devable sinon de l'idée, du moins de la mise en pratique et de la vulgarisation de cet enseignement. M. de la Bermondière, curé de la paroisse de Saint-Sulpice , avait, antérieurement à 1688. réuni dans un établissement fondé par lui des enfants qu'il occupait principalement à tricoter et auxquels il voulait donner une instruction élémentaire. L'établissement marchait mal ; on y appela l'abbé de la Salle, qui venait de fonder à Reims, au milieu des résistances les plus vives et les moins justifiées, l'institut et les écoles gratuites des frères de la Doctrine chré- tienne. Le vénérable abbé de la Salle vint se fixer à Paris avec quelques-uns de ses disciples en 1688. M. de la Bermondière lui donna la direction de l'école de charité fondée sur sa paroisse. Un atelier avait été annexé à cette école : les élèves y travaillaient chaque jour plus ou moins de temps, sous la direction d'un habile ouvrier; mais aucun règlement n'y déterminait la durée du travail manuel et les études y étaient presque nulles. L'abbé de la Salle transforma cet établissement en y introduisant, avec lui, la discipline, l'émulation et une méthode d'enseignement qui, après plus d'un siècle d'expérience, reste encore, pour les écoles primaires, la plus féconde en résultats positifs.

(1) Paris, Imprimerie nationale, 1852, in-4'', tome II, pages 735-736.

m

Les élèves, instruits ou ignorants, jeunes ou avancés en âge, y étaient tous confondus dans une même classe. 11 les divisa selon leurs aptitudes et le degré de leur instruction, et en forma trois catégories distinctes, à la tête de chacune desquelles il plaça un de ses frères. Il combina ensuite les heures de travail manuel et celles d'étude, de manière à initier les enfants à la pratique des règles dont l'intelligente application devait faire d'eux d'ex- cellents ouvriers et à leur donner, en même temps, une instruc- tion convenable. Jamais il ne permit que les devoirs de l'école fussent sacrifiés aux exigences de l'atelier; il régla avec une sage prévoyance l'emploi des heures de la journée pour les maîtres et pour les élèves, et, en régularisant ainsi leurs travaux, il en rendit les résultats plus nombreux et plus estimés. C'est donc à Colbert et à l'abbé de la Salle et aux années 1636 et 1688 que remontent, en France, les premiers essais et la première école dite professionnelle ou industrielle.

L'abbé de la Salle ne tarda point à reconnaître que la plu- part de ses élèves, soit à cause de l'indigence, soit à cause de l'incurie des parents, quittaient l'école avant d'y avoir puisé une instruction parfaitement appropriée aux exigences de leur position. Pour remédier à ces inconvénients et, en même temps, fournir le moyen de s'instruire aux jeunes gens qui n'avaient fréquenté aucune école, il conçut le projet de créer un étabhssement (jui devait précéder de plus d'un siècle la fonda- tion de la Société philotechniqiie et des autres associations de ce genre que nous plaçons aujourd'hui, avec raison, au nombre des institutions les plus précieuses pour les classes ouvrières. L'archevêque de Paris approuva son dessein et le curé de Saint- Sulpice lui promit d'en favoriser la réalisation.

Assuré de la protection et de la bienveillance de ses supé- rieurs ecclésiastiques, l'abbé de la Salle choisit quelques-uns de ses disciples les plus intelligents et leur fit donner des leçons par des professeurs spéciaux. En 1699, ces frères étant jugés dignes de devenir à leur tour professeurs, le curé de Saint-Sulpice annonça en chaire qu'ils allaient ouvrir, sous la direction de leur fondateur, une école dominicale tous les jeunes gens au-dessous de vingt ans seraient indistinctement admis. « Soit curiosité, soit par envie de se perfectionner dans » les arts, dit l'abbé Simon, auteur des Remarques historiques

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» sur l'Église et la Paroisse de Soint-Sulpice, il y vint un grand » nombre de jeunes gens. On commença par examiner de quoi » ils étaient capables et ce que chacun avait dessein d'ap- » prendre; on les distribua ensuite par classes. » Les cours se faisaient chaque dimanche ; ils commençaient à midi et se continuaient jusqu'à trois heures; ils comprenaient « la lecture, » l'écriture, l'orthographe, l'arithmétique, la géométrie, l'ar- » chitecture, le dessin et la comptabilité. » A trois heures, un des professeurs était chargé d'adresser aux élèves quelques paroles sur les vérités de la religion. « Témoin oculaire des » grands fruits que produisaient les écoles dominicales, disait » Blain en 1733, M. de la Salle n'épargna ni soins, ni dépenses » pour les soutenir. » Néanmoins, par des circonstances com- plètement étrangères à la volonté de cet admirable instituteur, ces écoles furent fermées dans la suite; mais elles existèrent assez de temps pour en faire apprécier l'utilité. « On ne peut » croire, dit l'abbé Simon, le bien que produisit l'institution » de ces écoles à Paris et le changement étonnant qu'elle opéra » dans les mœurs d'un grand nombre de jeunes gens. » « Tous » ceux qui les ont connues, dit aussi Blain, soupirent après ^) leur rétablissement et prient souvent les frères de les recom- » mencer. »

En poursuivant l'application et le perfectionnement de ce premier essai, l'institut des frères de la Doctrine chré- tienne était arrivé à organiser , avant 4789 , des pension- nats répondant à l'avance aux exigences de l'enseignement dit aujourd'hui enseignement secondaire spécial. En effet, le pro- gramme des pensionnats des frères des Ecoles chrétiennes avant 4789 comprenait : le catéchisme, l'histoire sainte, la lecture des imprimés et celle des manuscrits, l'écriture usuelle et celle d'ornements, la grammaire, l'orthographe, la littérature, la composition française, la rédaction des princi- paux actes civils, l'arithmétique, la géométrie, l'histoire natu- relle, la tenue des livres et la correspondance commerciale, le dessin, l'architecture, le plain-chant, la musique vocale et la musique instrumentale, l'hydj'Ographie et quelques langues vivantes, selon les besoins des localités, mais surtout l'italien. « On enseigne à Saint-Yon, est-il dit dans un ancien Tableau » de Rouen, tout ce qui peut concerner le commerce, la finance, » le militaire, l'architecture et les mathématiques; en un mot,

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» tout ce qu'un jeune honune peut apprendre, à l'exception du » latin. »

Cet établissement possédait un jardin botanique important et une riche bibliothèque à l'usage des élèves.

En 1744, Jean de Yaugirai-d, évêque d'Angers, céda aux frères des Écoles chrétiennes la propriété d'un établissement correspondant à nos pénitenciers modernes. Les frères y créèrent un pensionnat pareil à celui de Saint- Yon, mais ils maintinrent l'usage du travail manuel qu'ils avaient trouvé établi au pénitencier : « Les élèves renfermés, dit un mémoire » imprimé en 1790, étaient instruits et utilement occupés. » Ces paroles furent également vraies sous l'administration des frères. Ces religieux n'eurent, pour réussir, qu'à suivre les règles établies par leur fondateur à l'école industrielle de Saint-Sulpice. Leur maison acquit, en peu de temps, une juste célébrité et fut plus tard déclarée, par le gouvernement, maison d'utilité publique.

L'école que les frères dirigèrent, en 17o0, à l'hospice général de Rouen, était aussi une école industrielle; les élèves qui la fréquentaient travaillaient trois heures environ par jour à un atelier.

11 en était de même pour l'école dos fdles dirigée par les sœurs.

Vers la fin du dix-huitième siècle, les hommes que préoccu- paient les questions économiques et les problèmes sociaux com- mencèrent aussi, à un autre point de vue, à reconnaître et à signaler l'utilité d'enseigner et d'appliquer aux travaux manuels les découvertes faites par les sciences exactes et d'approprier enfin l'instruction aux nouveaux besoins de la société. En 1768, le président Rolland d'Erceville demandait, dans un rapport fait au parlement de Paris, que, dans les collèges publics, le commerce et tes arts pussent trouver les connaissances qui leur sont nécessaires. Vaucanson, qui avait réuni une collection précieuse de machines et de métiers, la rendit publique de son vivant pour l'instruction des ouvriers, et à sa mort la légua au gouvernement. Ce legs fut l'origine du Conservatoire des arts et métiers.

Des écoles gratuites de dessin, fréquentées par les ouvriers, s'ouvraient à la même époque dans plusieurs villes. On ne lira pas sans intérêt quelques détails sur ces créations.

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L'Jiistoire do l'école de dessin de Troyes se trouve résumées, dans les lettres patentes portant, sous la date de 1779, création de l'école royale gratuite de dessin. Les officiers municipaux exposent au roi ce qui suit :

« C'est aux soins et à l'activité de cinq concitoyens distingués, » pleins de zèle. . . que la ville de Troyes doit le rétablissement » de l'école de dessin. En l'année 1773, les sieurs Rondot, or- » févre; Cossard, peintre; Milong, architecte; Herluiten, sculp- » teur ; etBaudement, maître de dessin, se proposèrent, pour tenir » une école ^raCw/îe et publique de dessin; deux ans après, le sieur » Bazin, maître de mathématiques, s'y joignit et commença les » leçons... Établissement aussi utile, surtout dans une ville » de commerce et de manufactures. Les leçons se répètent, » les jours de fêtes, pour les ouvriers auxquels le travail ne » permettrait pas d'en profiter. »

Les lettres patentes qui, sur cet exposé, autorisent la fondation de l'école sous la direction des officiers municipaux, contiennent cette disposition remarquable, qui dispense de l'apprentissage chez le patron le meilleur élève de l'école :

« Nous nous réservons de donner les ordres convenables pour » que, chaque année, il soit délivré gratuitement, sur le certifjcat » des officiers municipaux et professeurs de ladite école, un » brevet de maîtrise dans l'une des communautés d'arts et » métiers qui sont ou seront subsistantes dans la ville de Troyes, » à celui des élèves qui aura suivi assidûment les leçons de la- » dite école pendant le cours de trois années et aura remporté » le prix lors du concours général. »

Lorsqu'on se reporte aux institutions du moment, aux diffi- cultés qui entouraient l'accès de la maîtrise, on est frappé du progrès que révèle cette disposition (1).

L'école de dessin existe encore à Troyes et a été fréquentée durant l'année 1865-1866 par 128 élèves appartenant à toutes

(1) En exécution de ces articles, il fut accordé décharge des droits de maîtrise à des élèves de l'école de dessin de Troyes, ainsi qu'il suit :

1783. Communauté des menuisiers, un brevet 1

1784. - - 1

1784. 1

r85. Marons 1

En 1788 et 1789, le corps de ville était en instance pour obtenir quatre nou- veaux brevets, deux dans la communauté des menuisiers, un dans celle des marchands merciers, un dans celle des marchands d'étoffes.

- llo

les classes de la société, el parmi lesquels on comptait douze maçons, dix-sept serruriei*s-mécaniciens, deux jardiniers, un confiseur, un sabotier, etc.

En 1769, l'administration d'Angers encourage par une sub- vention, remplacée plus tard par des privilèges, la fondation d'une Académie de dessin proposée par Coullet de Beauregard... Le sieur Coullet, est-il dit, « enseigne la figure à l'instar de Paris, » à dessiner le paysage, les fleurs pour les fabricants d'indienne, » l'ornement aux orfèvres et autres, et les cinq ordres à une » quantité d'ouvriers qui se disposent à l'architecture. »

Le prix de l'école était 3 livres par mois et la ville nommait deux boursiers gratis.

Cette é^e, réorganisée après la révolution de 1789, subsiste encore et a fourni aux beaux-arts des artistes dont la réputa- tion est européenne.

En 1784, l'administration municipale de Langres s'assembla, et le maire ayant exposé que depuis environ un an la Cham- bre était occupée des moyens de procurer à la jeunesse de la ville une école publique et gratuite de dessin oîi les élèves pus- sent s'instruire dans la partie relative à l'état qu'ils désirent embrasser, on décide : « qu'il sera établi à l'hôtel de ville une école publique et gratuite du dessin ; que, lorsque les élèves se- ront suffisamment instruits des premiers principes de dessin, le professeur leur fera dessiner l'anatomie, l'architecture et l'or- nement, conformément aux règles de l'art auquel chacun d'eux se destinerait, et ce, d'après des modèles fournis gratuitement par la ville. »

Cette école existe encore et continue ses leçons sous la direc tion de l'administration municipale.

Il est à remarquer que ce mouvement en faveur d'un ensei- gnement favorable et préparatoire à l'exercice d'une profession manuelle était favorisé par le gouvernement. En effet, l'inten- dant de la province de Champagne, appelé à statuer sur les résolutions de l'administration de la ville de Langres, non- seulement les approuve, mais les encourage et fournit à cette administration les indications nécessaires au perfectionnement de son œuvre.

« Je ne puis trop louer cet établissement , utile non-seulement » pour les sciences, mais pour les arts mécaniques... Quant au

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•» règlement, je crois qu'il est possible d'y insérer encore beau- » coup de dispositions. Pour cet effet, je vous enverrai inces- » samment tout ce qui a été fait pour les écoles de dessin des » villes deTroyes, Reiras et Châlons-sur-Marne, et vous pourrez » y trouver des dispositions qui vous seront utiles. »

Les bornes de cette notice ne nous permettent pas d'interro- ger les archives d'un plus grand nombre de villes; mais les exemples cités suffisent pour établir le caractère et la force du mouvement qui, dès la fin du dix-huitième siècle, dirigeait les esprits vers un enseignement propre à développer les aptitudes de la classe industrielle.

A la même époque, le duc de la Rochefoucauld-Liancourt fondait, à sa ferme de la Montagne, près de Liancourt, une petite école d'enfants de son régiment de dragons qu'il ne pou- vait, d'après les règlements, faire admettre comme enfants de troupe. Cette école se grossit bientôt d'enfants de régiments dont les colonels étaient amis du duc. Deux sous-officiers ap- prenaient aux enfants à lire, écrire et calculer. On y formait aussi ceux qui le voulaient aux métiers utiles dans le régiment : tailleur, cordonnier, etc. Cette école avait près de quatre-vingts élèves (en 1791) quand éclata la Révolution (1).

Ainsi naissait et se formulait un besoin nouveau dans l'édu- cation de la jeunesse industrielle, besoin proclamé par les éco- nomistes qui signalaient les résultats défectueux de l'apprentis- sage. La durée de cet apprentissage, constamment égale pour tous, maîtres et apprentis, méconnaissait les aptitudes diverses des uns à former des élèves et des autres à acquérir les pra- tiques de leur profession (2).

Mais, de ces aspirations vers une meilleure distribution de l'enseignement à un système qni répondît à tous les besoins, il y avait une grande distance à parcourir et bien des difficultés à vaincre, difficultés si grandes qu'elles ne sont pas encore réso- lues, et qu'à différentes époques les gouvernements ont été con-

(1) Enquête sur l'enseignement professionnel, tome II, page 503, Paris, Imprimerie impériale, d865, iii-4».

(2) Combien de temps faut-il mettre à s'instruire ? Il est évident que cette question ne peut se résoudre que par la facilité qu'a l'apprenti à se former et par celle que le maître a à instruire (Encyclopédie méthodique du com- merce, t. I, p. 124. )

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traints de les aborder et ne les ont éludées un instant que pour les voir renaître.

Une chose semble se dégager tout d'abord de la confusion iné\itable qui se lit dans les esprits, lorsque la confiance dans l'ancien mode d'apprentissage cessa d'être absolue : c'est la né- cessité, à côté de l'enseignement général et commun à tous, d'un autre enseignement plus spécial, plus approprié à cer- taines professions et tout à la fois plus pratique et plus restreint. On était loin d'avoir déterminé ce qui était généralement né- cessaire et ce qui devait être spécialité.

De le principe, bien vague encore, posé dans la Constitu- ion de 1791 : «Il sera créé et organisé une instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à f égard des parties de l'enseignement indispensables pour tous les hommes et dont les établissements seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division du Royaume. »

Ce texte ne faisait que poser la question pédagogique sans a résoudre, cai- la détermination de cet enseignement, « indis- pensable à tous les hommes, » restait à faire. La Convention essaya de le définir.

En parcourant sa définition, on voit naître la confusion qui a régné jusqu'à notre temps entre l'instruction générale et cer- taines notions spéciales ou pratiques qu'on voulait y adjoindre et enseigner simultanément.

Elle dit (décret du 24 juin 1793) : « Les enfants apprennent » à parler, lire, écrire la langue française. On leur fait con- » naître les traits de vertus qui honorent les hommes libres et » particulièrement les traits de la Révolution française les plus » propres à les rendre dignes de la hberté et de l'égahté.

» Ils acquièrent quelques notions géographiques de la France. » La connaissance des droits et des devoii-s de l'homme et du » citoyen est mise à leur portée par des exemples et par leur » propre expérience.

« On leur donne les premières notions des objets naturels qui » les environnent et de l'action naturelle des éléments. Ils s'exer- » cent à l'usage des nombres, du compas, du niveau, des poids el » mesures, du levier, de la poulie et de la mesure du temps ; on » les rend souvent témoins des travaux champêtres et des ate- » liers; ils y prennent part autant que leur âge le pei^met. »

118

Tout cela pour l'instruction primaire. C'était beaucoup trop, îussi ce ne fut rien. Le programme ne reçut aucune exécution. De ce plan qui comprenait tant de choses et tant de notions pratiques, on rétrograda jusqu'au programme de la Constitution de l'an ill et à la loi de l'an IV, qui n'admettait plus d'autres matières que la lecture, l'écriture, les éléments du calcul et ceux de la morale républicaine. A la vérité, les écoles centrales donnèrent une large part à l'enseignement des sciences ; mais ces écoles, établies au chef-lieu du département, accessibles presque exclusivement aux classes aisées de la société et bientôt dépouillées de la partie technique qu'on y avait introduite, ne répondaient pas à ce besoin confusément senti, mais réel, d'une instruction spéciale pour les classes laborieuses, d'une amélio- ration de l'apprentissage par l'instruction professionnelle.

Ce besoin. Napoléon I" le comprit et le définit avec sa netteté habituelle ; il n'en demanda la satisfaction ni à l'instruction pri- maire, ni à l'instruction secondaire : il voulut un enseigne- ment spécial, et l'organisation qu'il donna au collège de Compiè- gne par l'arrêté du 6 ventôse an XI (1) mérite d'être rappelée :

« A compter de germinal an XI, l'instruction du collège de » Compiègne aura pour but de former de bons ouvriers et des » chefs d'ateliers. »

Mais cet esprit si net ne voulait que le possible ; aussi il arrêta le programme de l'école en laissant au développement des connaissances premières sa place et son influence légitimes. L'instruction première d'abord, l'apprentissage ensuite, vivifié par des cours de perfectionnement (2).

(1) Moniteur du 6 ventôse an XI.

(2) On entrait au collège de Compiègne à tout âge et à toute époque de l'année. Le nombre des élèves était de cent.

Les élèves au-dessous de douze ans étaient répartis en trois classes, dans lesquelles ils recevaienfune instruction élémentaire :

1-* Lire, écrire, premiers éléments de la grammaire française;

Continuation des mêmes études et les quatre règles de l'arithmétique;

3" Mêmes études, premiers éléments de géométrie et principes de dessin,

De les élèves continuant ces études passaient à l'école d'arts et métiers, ils étaient répartis, suivant leurs goûts et leurs dispositions, dans les ate- liers suivants : 1" forgerons ; fondeurs; charpentiers, menuisiers en bâtiments, meubles et machines; 4" charrons.

Le travail des ateliers était de huit heures par jour. Il y avait six classes,

119

Ayant placé ailleurs les conditions et les institutions de l'é- ducation professionnelle, le fondateur de l'université ne de- manda aux professeurs de celle-ci que l'enseignement général. Restreint dans les écoles primaires, plus étendu dans les collèges, les lycées et les focultés, cet enseignement n'aspira qu'à former et à développer l'esprit, laissant l'application à un autre temps et à d'autres maîtres.

Le collège de Compiègne et, plus tard, les écoles d'arts et mé- tiers restent donc une preuve que dès le commencement du siècle on jugeait l'apprentissage susceptible d'un enseignement véritable. Mais ces institutions restèrent à l'état d'exception et ont été même restreintes à quelques parties de l'industrie. Aussi elles laissent en dehors de leur action et le grand nombre qui ne peut y atteindre et toutes les branches de travail qu'elles ne comprennent pas dans leur programme, le commerce notam- ment et la direction des manufactures.

L'initiative privée s'efforça de combler cette lacune et d'offrir une éducation spéciale aux professions vouées jusqu'alors au seul mode de l'apprentissage.

L'école de commerce fondée en 1820 se propose de former par un enseignement raisonné et pratique des commerçants et des chefs d'industrie ; cette école affirme et prouve par ses suc- cès, qui bientôt compteront un demi-siècle de durée (i), que si les élèves ne sortent pas encore négociants formés par l'expé- rience, fruit du travail et de la pratique, ils sont déjà pourvus de connaissances qui leur assurent une supériorité incontestable sur les concurrents formés par le seul apprentissage.

suivant le mérite et les dispositions des élèves. Deux heures seulement étaient données par jour à l'étude et à la théorie des arts.

La même et intelligente appréciation des besoins de l'industrie préside à une autre création qui n'a pas, malheureusement, reçu les développements et réalisé le succès qu'elle promettait. Après quelques essais qui paraissent remonter à 1806 et au ministère de Chaptal, Napoléon décréta à Ems, le 4 mai 1809, l'établissement à la manufacture impériale des Gobelins d'une école pratique destinée principalement à la teinture des soies et laines. Cette institution dura jusqu'en 1826 ; mais, par des causes qu'il est inutile de re- chercher, elle ne reçut aucune extension ; le nombre des élèves fut très- restreint, et l'école pratique finit par disparaître, sans être complètement remplacée par le cours public de chimie que l'on professe actuellement aux Gobelins.

(1) L'école de commerce a été fondée en 1820 par MM. Brodart et Legret, sous le patronage de MM. ChaptaL

- 120

Malgré ces essais et nonobstant ces succès partiels, les esprits, plus ébranlés qu'éclairés par la discussion critique du système général de l'enseignement en France, étaient encore loin d'a- voir résolu le problème d'une instruction appropriée à tant d'aspirations diverses, lorsque, sortant des sphères spéculatives, ce problème se posa au Gouvernement lui-même, qui fut mis en demeure d'en donner la solution dans nos institutions pu- bliques. La Charte de 1830 contenait au nombre de ses pro- messes celle d'une loi relative à l'instruction publique et à la liberté de l'enseignement (art. 69). 11 était impossible qu'à côté des questions politiques soulevées par cette loi, la question pé- dagogique ne fût pas également posée. Elle le fut donc, mais avec quelque embarras dans la pensée, embarras qui se tradui- sit par des mesures et des mots dont le sens resta très-indéter- miné. Il est certain que les auteurs de la loi de 1833, se préoccupant de l'instruction des citoyens voués aux travaux manuels et à l'industrie, voulaient que l'enseignement officiel fût orga- nisé de manière à les préparer à ces professions. On voulait donner d'abord l'instruction primaire dans les écoles de ce nom, et ensuite plus que cette instruction élémentaire dans des écoles embrassant un programme plus général. On crut avoir trouvé cette organisation dans un système à deux degrés, l'un élémentaire et partant nécessaire, l'autre supérieur et facultatif. De les écoles primaires proprement dites et les écoles primaires supé- rieures qui ont duré de 1833 à 1850.

Les auteurs de cette loi, qui s'étaient beaucoup préoccupés de l'état de l'instruction dans les pays étrangers et surtout des écoles d'Allemagne, intermédiaires entre les écoles élémentaires et les gymnases latins, pensèrent que cet enseignement inter- médiaire s'organiserait en France en plaçant à chaque degré primaire, secondaire et supérieur un enseignement restreint à côté de l'enseignement général (1).

Mais une autre pensée nettement formulée fut que cet ensei- gnement resterait universitaire, purement général et n'aurait aucunement trait à une profession déterminée. « En ce qui con-

(1) Voir les Mémoires de M. Guizot, t. III, p. 109. Cousin, de l'Instruction publique dans quelques pays de l'Allemagne. Saint-Marc Girardin, de l'Instruction, intermédiaire et de son état dans le nmd de l'Al- lemagne.

- 121

» cerne l'insti-uction primaire supérieure il ne faut pas

» multiplier, ni même admettre légèrement ces cours accessoi-

» res l'instruction primaire doit être générale; elle prépare

» à toutes les carrières sans conduire à l'une plutôt qu'à l'autre ; » elle ne forme pas des artisans, mais des hommes (1). )j

On voit que la pensée de l'éducation des classes industrielles se particularise. Du problème double, donner à toutes les classes de la société une instruction indispensable et faciliter aux clas- ses industrielles l'initiation à une profession déterminée, par un enseignement spécial, la législation universitaire n'accepte que le premier.

Cette loi fut donc un essai d'enseignement intermédiaire à la façon allemande, mais ce n'était pas encore ce que désiraient les hommes préoccupés de l'avenir du commerce et de l'indus- trie. Toutefois, la loi permettant beaucoup à l'instruction pri- maire supérieure, des administrations locales et l'initiative privée essayèrent, sous l'empire de cette liberté, de résoudre, chacun à sa manière, tantôt les deux, tantôt l'une seulement des deux branches du problème, et à partir de ce moment on voit naître un grand nombre d'écoles qui, sous des noms divere, poursuivent le but soit de préparer par un enseignement ap- proprié les élèves à l'exercice d'un art, d'un métier concurremment avec l'apprentissage, soit même de suppléer tout à fait à celui-ci. Lorsque nous aurons exposé la marche générale de l'instruction professionnelle et que nous arriverons à exposer son état actuel, nous aurons à revenir sur ces établissements, dont plusieurs s'enorgueillissent légitimement de succès déjà anciens.

Presque tous les ministres de l'instruction publique s'occu- pèrent de l'organisation de ces écoles intermédiaires: M. Guizot, en 1833, sous le nom d'écoles supérieures municipaleSj M. Yille- main, en 1844, sous le nom dH écoles supérieures universitaires ; M. de Salvandy, en 1847, sous le nom (Renseignement spécial; mais aucun n'était satisfait de son œuvre, lorsque la Constitution républicaine de 1848 vint porter, comme en 1830, la question de l'instruction publique devant le pouvoir législatif. Elle pro- mettait d'organiser l'éducation professionnelle (2) sans une

(1) M. Cousin, Rapport à la Chambre des Pairs, ±\ mai 1833

(2) Art. 13.

d^iS

définition qui limitât le vague planant sur ce mot. Aussi deux ministres se crurent immédiatement appelés à réaliser la pro- messe de la constitution. Le ministre de l'instruction publique projeta l'organisation de collèges industriels, établissements entièrement distincts des collèges ordinaires et distribuant leur propre enseignement dégagé de toute étude des langues mor- tes (1). Le ministre du commerce et des travaux publics chargea les professeurs du Conservatoire des arts et métiers d'arrêter les bases d'un système général pour l'enseignement des sciences appliquées aux arts industriels. Les cours du Conservatoire devaient, dans ce système, former le degré supérieur de cet enseignement (2) projeté. Le travail de cette dernière Commission donna naissance à deux projets, l'un qui fut voté et devint la loi sur V enseignement agricole, l'autre qui n'eut aucune suite (3). Mais, à partir de ce moment, la séparation substantielle entre les deux branches du problème fut mieux reconnue et plus nettement accusée.

La discussion de la loi du 16 mars 1850 le fit très-clairement ressortir. Le projet de loi sur l'instruction publique était muet quant à l'enseignement dit professionnel, et M. Beugnot, rap- porteur, avait très-nettement formulé les répugnances de la Commission à s'en occuper, lors([u'à la deuxième, puis à la troisième lecture, MM. de Lasteyrie et Wolowski insistèrent et firent adopter un amendement ainsi conçu : Art. 62, § 3. Le ministre, sur l'avis du Conseil supérieur de l'instruction publique, instituera des jurys spéciaux pour V enseignement professionnel.

Dès le 4 juin J8S0, un arrêté ministériel (M. de Parieu) institua une Commission pour préparer l'exécution de la loi et mettre l'enseignement spécial, qui se donnait dans un grand nombre de collèges, en mesure de répondre à la pensée de l'article 62. Les observations qui sont jointes à cet arrêté prou- vent combien, malgré la séparation déjà accusée entre les deux buts poursuivis jusqu'à ce jour, il régnait encore d'incertitude dans les meilleurs esprits. En effet, la première est ainsi conçue :

(1) Voir les détails donnés par 31. Pompée dans son ouvrage intitulé: Étude (ur l'éducation professionnelle; Varh, Pagnerre, 1863, in-12, p. 22'J et suivantes.

(2) M. Bethmont, Arrêté du 29 mars 1848. Pompée, loco cilaio.

(3) Décrets des 3 et 7 octobre 1848.

I

123

« Que doit-on entendre par enseignement professionnel ? Est - ce un enseignement destiné à former des ouvriers , ou n'est-ce pas plutôt un enseignement destiné à répandre les con- naissances générales qui peuvent préparer le plus utilement aux fonctions de directeur de travaux, etc.? »

Cette Commission ne paraît pas avoir terminé ses travaux. La question de l'enseignement professionnel, toujours agitée, et le nom même de cet enseignement toujours incertain sui- vant les idées particulières de chaque auteur de système, restè- rent sur le terrain de la discussion.

Il appartenait au gouvernement de l'Empereur de i-eprendre la question, de terminer cette longue hésitation, et de faire à chaque système sa part légitime. Les deux ministères qui, en 1848, avaient commencé des études interrompues, les re- prirent avec zèle.

Le premier, le ministère de l'instruction publique, qui sem- blait le plus mis en cause dans les reproches adressés à l'or- ganisation de notre enseignement, donna le signal d'une nou- velle étude, et dans un rapport adressé à l'Empereur au mois de juin 186:2, M. Rouland s'exprime ainsi :

« Les besoins intellectuels des jeunes élèves parmi lesquels » se recrute, en France, le nombreux personnel de la produc- » tion sont-ils suffisamment prévus et au besoin l'Université » est-elle en mesure de leur donner une satisfaction plus » étendue? »

Le résultat de l'enquête et des travaux entrepris po«ir ré- pondre à la question ainsi posée fut, à quelque temps d'in- tervalle, la loi du 21 juin 186o, par laquelle a été organisé, sous la vive impulsion de M. Duruy, ministre actuel, à côté et indépendamment des enseignements primaire, secondaire et supérieur ou classique, un enseignement secondaire spécial dont il est nécessaire de bien préciser le caractère et la por- tée pratique, afin de mieux apprécier la loi nouvelle qui vien- dra y ajouter, sans le confondre avec lui, l'enseignement tech- nique .

En complétant ses icstitutions, l'Université a fixé elle-même les limites qu'elle ne veut pas franchir, laissant libre le champ propre aux autres institutions réclamées par les préoccupations de l'esprit public. La loi du 21 juin 1865 a fait justice des

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théories confuses dont nous avons déjà «parlé. Ces théories, as- sociant des choses dissemblables, mêlaient des enseig-ncments qui, au lieu de coexister, doivent se succéder, et elles préten- daient donner une profession, une science pratique à l'enfant, alors que cet enfant est un élève et non un apprenti.

« A la sortie des établissements nouveaux, les élèves n'au- » ront que des connaissances générales et n'auront encore » appris ni une profession ni un métier. Nous ne mettons pas » l'atelier dans l'école, l'industrie dans le collège. Nous voulons » que les jeunes gens sachent ce qu'il est essentiel de savoir » pour devenir des hommes distingués, quelque profession o qu'ils embrassent; nous voulons qu'ils aient un instrument, » un bagage, un viatique.

» L'instruction est un moyen; ce n'est pas un but, ce n'est » pas une fin . Il faut donc réserver le nom de professionnelles » aux écoles l'éellement spéciales, telles que l'école normale, » les écoles d'arts et métiers, l'école de commerce, l'école des » beaux-arts, les écoles d'agriculture, l'école centrale, etc. (1).

Ces paroles du rapporteur de la loi du 21 juin 1865, indé- pendamment du bonheur de l'expression et de la précision du langage, empruntent une grande autorité de la circonstance que l'acte législatif, dont elles révèlent l'esprit, a obtenu l'una- nimité des votes de l'assemblée. En circonscrivant, mais dans toute son étendue rationnelle, le champ des études générales, elles indiquent le point de départ d'un autre enseignement qui doit succéder à celui-ci.

Pendant que les travaux et les études de la loi sur l'ensei- gnement spécial se poursuivaient, d'autres études, d'autres investigations étaient entreprises au ministère de l'agriculture, du commerce et des travaux publics. L'intérêt économique, l'influence que l'éducation et le plus ou moins d'instruction professionnelle des classes ouvrières peuvent exercer sur la prospérité de l'industrie et du commerce, les efforts tentés hors de France pour augmenter cette instruction et la soumettre à un enseignement rationnel, n'avaient point échappé à la sol- licitude du ministre (M. Rouher), et le 21 juin 1863 il souraet-

(1) Rapport de M. Chauchard au Corps législatif, séance du 15 mai 1865, n' 274, p. 273 et 274.

12o

tait à l'Empereur un rapport dans lequel sont nettement indi- quées ses préoccupations et le désir d'améliorer les conditions présentes de l'enseignement professionnel.

.( Votre Majesté a porter son attention sur les moyens de » maintenir l'industrie française au niveau elle est parve- » nue, de l'élever même au-dessus de ce niveau, et à ce sujet )■> elle a se demander si l'enseignement professionnel, tel » qu'il est appliqué en France, répondait bien dans son état » actuel aux nécessités de l'industrie.

» Les résultats de la dernière Exposition universelle de 1862, » à Londres, ont pu faire craindre que, si la France n'était » pas restée stationnaire dans la production des œuvres d'art i> et de goût la première place lui a appartenu jusqu'ici, » ses rivaux ne se fussent de plus en plus rapprochés d'elle, et » que si elle ne faisait de nouveaux et rapides progrès, elle ne » fût dépassée dans un avenir prochain (4). »

Du 21 décembre 1863 au l^"" juin 1864, la Commission nom- mée pour examiner les questions soulevées par ce rapport procéda à une enquête dans laquelle elle entendit les témoi- gnages de tous ceux qui, professeurs, patrons ou membres de sociétés de bienfaisance et chefs d'industrie, lui parurent en position de fournir des lumières sur l'état présent de l'ensei- gnement professionnel et sur les besoins des classes ouvrières à ce point de Mie spécial. Ces dépositions, auxquelles elle joi- gnit une suite de rapports, de notices et de documents recueil- lis tant en France qu'à l'étranger, ont été le point de départ des travaux personnels de la Commission, dont les résolutions ont à leur tour servi de base au projet de loi sur l'enseigne- ment technique. Ces résolutions se rapprochent presque tex- tuellement des paroles du rapporteur de la loi du 21 juin 186o. En effet, la Commission déclare qu'elle attend du ministre de l'instruction publique un concours consistant à généraliser l'instruction primaire par tous les moyens possibles et à consti- tuer un enseignement littéraire et scientifique dégagé des études des langues anciennes.

Puis, supposant ce concours efficace et l'instruction primaire suffisamment acquise, la Commission déclare :

(1) Enquête sur renseignement professionnel; Paris, Imprimerie impé- riale, 1862, in-4°, 2 vol.

1126

Que les besoins de l'enseignement technique, au point de vue de l'instruction des apprentis, ne sont pas sultisaniment satisfaits {]);

2o Qu'il conviendrait de modilier, dans l'intérêt des jeunes ouvriers, les dispositions des lois du 22 mars 1841 sur le travail des enfants et de la loi du 22 lévrier 18ol sur l'apprentissage, mais surtout d'en assurer l'exécution complète à l'aide d'un service d'inspection (2);

Qu'il n'y a pas lieu d'adopter, en vue de l'enseignement technique à ses divers degrés, une organisation générale destinée à lui imposer une marche et une direction uniformes; que l'État, en conservant l'administration des établissements de ce genre, qui sont aujourd'hui sous sa direction immédiate, doit se borner à encourager les tentatives faites par les administrations locales, les associations charitables et savantes et les particuliers, leur venant en aide selon les proportions de leurs ressources^ de leurs efforts et du degré d'utilité constaté des institutions;

4" Que toute liberté, quant à la détermination des enseig-ne- ments à créer pour l'organisation des cours, des classes et des ateliers, pour le choix des professeurs et des méthodes, doit être laissée à l'initiative locale ou individuelle, sous la seule ré- serve de l'observation des lois générales d'ordre public (3);

b" Que, néanmoins, des établissements de cette nature ne pouvant échapper à des mesures d'ordre général qui, sans être gênantes, sont de nécessité publique, il y a lieu d'adopter quelques dispositions réglementaires.

A la suite de tous ces travaux, une loi a été présentée dans le double but: de donner à l'enseignement professionnel, nette- ment délini, la liberté entière dont il a besoin pour se déve- lopper; 2° d'organiser la protection et les encouragements de l'administration publique.

Cette loi est soumise aux délibérations du Corps législatif, et

(1) Commission de l'enseignement technique^ rapports et notes; Paris, Imprimerie impériale, 1863, iii-4', p. 10.

(2) Commission de l'enseignement technique, rapports et notes; Paris, Imprimerie impériale, 18G5, in-i°, p. 17, 18, 19, 20, 23, 24 et 25.

(3) Commission de l'enseignement technique, rapports et notes; Paris, Imprimerie impériale, 1865, 10-4°, p. 88.

127

il y a lieu d'espérer qu'elle résoudra enfin la question posée il y a bien longtemps et dont la solution a été poursuivie à l'aide de la théorie et de la pratique depuis le commencement du di.\- ueuvièine siècle.

Cette question se résume ainsi :

Éclairer l'apprentissage par une préparation intellectuelle suf- fisante;

Le soutenir, en élever le niveau par une théorie en expliquant la pratique;

En diminuer les charges et les inconvénients, en en dimi- nuant la durée ;

En certains cas le suppléer entièrement.

Voici le texte même du projet de loi :

Art. le'. L'enseignement technique a pour objet la pra- tique des ails utiles et l'application des connaissances scienti- fiques et artistiques aux diverses branches de l'agriculture, de l'industrie et du commerce.

Il est placé dans les attributions du ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics.

Art. 2. Tout Français, en se conformant aux dispositions de la présente loi, peut ouvrir un établissement d'enseignement technique.

S'il veut joindre à l'enseignement technique, soit l'instruction primaire complète, soit des cours exclusivement scientifiques ou littéraires distincts, il doit remplir, par lui-même ou par l'un de ses auxiliaires, les conditions imposées par les lois et règlements généraux à l'égard des établissements libres.

Toutefois, n'est pas soumis à cette obligation l'enseignement accessoire d'une ou plusieurs matières se rattachant à l'ensei- gnement primaire, secondaire ou supérieur, donné dans l'éta- blissement technique, lorsque les cours ont été, sur la demande du directeur, autorisés par le préfet du département.

Toute liberté est laissée au directeur pour la détermination des enseignements à créer, pour l'organisation des cours et ateliers, pour le choix des professeurs, des maîtres ou maî- tresses et des méthodes, sous la réserve de l'observation des lois.

Les incapacités ou interdictions prévues par les articles 26 et

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65 de la loi du 15 mars 1850 sont applicables à l'enseignement technique.

Art. 3. Les élèves des deux sexes ne peuvent, à moins d'une autorisation spéciale du préfet, être réunis dans le même établissement.

Art. 4. Le directeur d'un pensionnat d'enseignement technique qui ne donne pas l'enseignement primaire tel qu'il est défini par la loi du 15 mars 1850 est tenu d'envoyer ses élèves dans une école primaire publique ou libre de la com- mune jusqu'à l'âge de douze ans révolus.

Art. 5. Celui qui veut ouvrir une école d'enseignement technique doit être âgé de vingt et un ans révolus.

Il déclare préalablement son intention au maire de la com- mune où il se propose d'exercer. La déclaration fait connaître l'objet et le programme de l'enseignement, ainsi que le local il a le projet de s'établir.

S'il s'agit d'un pensionnat, le déclarant doit être âgé de vingt-cinq ans révolus, et joindre au programme de l'ensei- gnement projeté le plan du local choisi par lui, ainsi que l'indication du nombre maximum d'élèves qu'il compte rece- voir.

Art. 6. Cette déclaration est en outre adressée au préfet, qui peut former opposition dans l'intérêt des mœurs publiques et de la santé des élèves, ou s'il estime que l'établissement projeté, eu égard au programme, ne rentre pas sous l'application de la présente loi.

Si aucune opposition n'est notifiée au déclarant par le préfet dans le délai d'un mois, à partir de la déclaration, l'écele peut être ouverte.

Art. 7. L'opposition du préfet à l'ouverture d'un établis- sement d'enseignement technique est portée devant le conseil départemental d'instruction publique, institué par la loi du 15 mars 1850, auquel sont adjoints trois membres désignés par le ministre et choisis pour trois ans, l'un parmi les présidents des chambres de commerce, des chambres d'agriculture, des chambres consultatives des arts et manufactures siégeant dans le département, les deux autres parmi les ingénieurs des corps des ponts et chaussées et des mines.

129

Les décisions du conseil départemental sont sujettes à appel devant le conseil supérieur institué par l'article ■là de la pré- sente loi.

L'appel doit être interjeté dans les dix jours de la notification de la décision.

Art. 8. Quiconque aura ouvert ou dirigé un établissement d'enseignement technique, en contravention aux articles 3, o et 6 ou avant l'expiration du délai fixé par l'article 6, sera pas- sible des peines portées par le premier paragraphe de l'ar- ticle 26 de la loi du lo mars 1850.

L'établissement sera fermé.

En cas de récidive, le délinquant sera condamné à un em- prisonnement de six jours à un mois, et à une amende de 100 trancs à 1,000 francs.

La même peine de six jours à un mois d'emprisonnement et de 100 francs à 1,000 francs d'amende sera prononcée contre celui qui, dans le cas d'opposition formée à l'ouverture de son établissement, l'aurait néanmoins ouvert avant qu'il ait été sta- tué sur cette opposition, ou bien au mépris de la décision qui aurait accueilli l'opposition.

L'article 463 du Code pénal pourra être appliqué aux faits prévus par la présente loi.

Art. 9. Tout chef ou employé d'un établissement d'ins- truction technique, sur la plainte du préfet ou du procureur impérial, peut être traduit devant le conseil départemental d'instruction publique, composé comme il est dit en l'article 7, pour faute grave dans la tenue de l'établissement, inconduite ou immoralité, et être censuré, suspendu pour un temps qui ne pourra excéder six mois, ou interdit de l'exercice de sa pro- fession dans la commune il exerce.

Le conseil départemental peut même le frapper d'une inter- diction absolue.

La censure ne donne lieu à aucun recours; les autres déci- sions sont sujettes à appel dans les dix jours de leur notifia cation.

L'appel est porté devant le conseil supérieur d'enseignement technique. Il n'est pas suspensif.

Art. 10. Les personnes qui se destinent à l'enseignement technique peuvent se présenter à un examen dont les pro-

- 130 -

grammes sont arrêtés par le ministre, sur l'avis du conseil supérieur, et obtenir un certificat constatant leur aptitude.

Les examens ont lieu dans les localités désignées devant un jury spécial. Ils ne sont point obligatoires pour l'enseignement technique.

Art. 11. L'État peut encourager par des subventions et des récompenses, décernées tant aux maîtres qu'aux élèves, soit les écoles d'enseignement technique, soit les conservatoires d'avts et métiers et autres institutions analogues fondés ou pa- tronnés par les particuliers, les départements, les communes ou les associations.

En cas de concours de l'Etat, l'administration peut détermi- ner les conditions qui lui paraissent propres à assurer la bonne direction et le succès des établissements encouragés.

Art. 12. Il est institué près le ministère de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, un conseil supérieur de l'enseignement teclmique.

Ce conseil est composé de neuf membres nommés, chaque année, par un décret impérial.

Il est présidé par le ministre, et à défaut du ministre par un vice-président nommé parmi les membres du conseil.

Le conseil statue sur l'appel des décisions rendues par le conseil départemental, dans les cas prévus par la présente loi.

Il donne son avis sur les lois et règlements relatifs à l'ensei- gnement, et sur toutes les questions qui lui sont renvoyées par le ministre.

Il est consulté sur l'opportunité, la nature et l'importance des encouragements à accorder aux divers établissements.

Il adresse annuellement au ministre, pour être soumis à l'Em- pereur, un rapport sur la situation générale de l'enseignement technique et sur les moyens de le développer.

Art. 13. L'inspection de l'enseignement technique s'exerce conformément aux règlements délibérés par le conseil supé- rieur.

En ce qui concerne les établissements non subventionnés, l'inspection porte exclusivement sur la moralité, l'hygiène, la saluljrité, le respect de la constitution et des lois.

En ce qui concerne les établissements subventionnés, elle porte sur toute les parties de l'enseignement et sur l'accom-

131

})lissemeiit dçs conditions imposées pair Ja concession sub- vention du gouvernement.

Tel est le projet de loi; lorsque le législateur aura parlé, la lacune sera comblée et l'enseignement technique ou professionnel prendra sa place légitime dans le vaste ensemble d'institutions pédagogiques, dont, malgré quelques imperfections, la France doit être fière et satisfaite.

L'exposé qui précède nous a paru nécessaire; il facilite l'étude des divers procédés employés par l'État ou par l'initiative privée pour assurer l'enseignement professionnel. Nous décrirons succes- sivement dans des articles confiés à divers auteui's les établisse- ments qui nous paraîtront dignes d'être mentionnés aux divers degrés de l'échelle; depuis les belles écoles entretenues par l'État, jusqu'aux modestes ateliers oîi le patron, devançant la loi, s'occupe de donner aux enfants une instruction technique, appropriée aux besoins de leur art. ..:

Nous entrons dans ce programme par l'article qui suit. ;

>q

ENSEIGNEMENT TECHNIQUE. ""■"H"

{Premier article.)

ÉCOLES THÉORIQUE ET PRATIQUE DE TISSAGE ; MÉCANIQUE A MULHOUSE ; THÉORIQUE ET PRATIQUE DE FILATURE A MULHOUSE.

Dans l'étude si intéressante des questions relatives à l'appren- tissage et aux moyens, soit de le rendre plus fructueux, soit même de le suppléer, quelques esprits éclairés ont conçu des doutes sur la possibilité d'un enseignement à la fois théorique et pratique suffisant à former des industriels et des ouvriers véritables.

Ces doutes ne peuvent être dissipés ou confirmés légitime- ment que par l'expérience et la puissance des faits.

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Il est donc utile de rechercher et de placer ces faits en re- gard des solutions spéculatives comme une base solide et expé- rimentale d'appréciation. C'est par ce motif qu'anticipant sur la suite de notre exposé de l'histoire et de l'état de l'enseignement technique en France, nous donnons immédiatement une note spéciale sur deux Écoles techniques fondées à Mulhouse, cette ville de tant d'intelligence et créatrice de tant de progrès indus- triels.

École

DE TISSAGE.

Cette École a été fondée en 186d , sous le patronage de la So- ciété industrielle de Mulhouse et avec le concours des principaux industriels du pays qui se sont engagés à fournir pendant troi& ans une somme de 20,000 francs.

« Le but de l'École est de combler une lacune qui existe dans les ressources d'instruction personnelle qu'offrent les dépar- tements de l'Est, en donnant aux jeunes gens l'occasion d'étu- dier la théorie générale du tissage et ses applications variées à tous les genres de fabrication.

L'École est établie sur un pied manufacturier et contient un petit établissement complet avec force motrice à la va- peur (1), atelier de menuiserie et de réparation.

Son matériel se compose (4865) de 28 métiers à tisser méca- niquement, de une à six navettes, constructions française et anglaise de système divers. »

Le plan d'études est ainsi établi:

« L'École possède deux divisions, l'une de théorie, l'autre d'application; elles marchent de pair avec passage régulier et alternatif de la théorie à l'application. »

La division de théoiie s'attache principalement à la dé- composition et à l'analyse de tous les genres de tissus, unis, grains, armures, façonnés, velours, gazes, en étudiant tout spé- cialement les tissus les plus appropriés aux besoins du rayon industriel de l'Est. Son cours se termine par la levée et le dessin des machines de l'École, l'étude des bâtisses et des meilleures dispositions à donner aux tissages nouveaux par l'établissement

(1) Machines à vapeur à conden-sation de la force de 12 chevaux.

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des plans et devis, le calcul du prix de revient et de fabricatiw, la comptabilité et les rencontres industrielles. ,. |.

La division d'application comprend le travail manuel, la cons- truction, le montage, le réglage, l'ajustage, les réparations et le bon entretien de toutes les machines, le montage d'articles fondamentaux décomposés en théories, le mettage en main, la mise en marche et enfin le tissage proprement dit avec toutes ses opérations préparatoires et successives par l'élève même as- sisté d'un contre-maître expérimenté. Chaque élève est suivi séparément et ne passe à un article nouveau qu'après la con- naissance parfaite de celui qui précède.

« A l'expiration des études, les élèves qui satisfont aux épreu- ves d'un examen de sortie reçoivent un certificat de capacité. n y a deux degrés de certificat. » '^

Cette École a donné des résultats satisfaisants pour ses fbii- dateurs et pour les élèves qvii Tont fréquentée.

Les cours ont été suivis :

En 1861-1862 par 9 élèves. 1862-1863 lo 1863-1864 _ 29 1864-1860 33

Et l'École pri»fessionnelle y envoie régulièrement uu certain nombre de ses élèves, qui se rendent chaque jour, pendant deux heures, aux cours de tissage.

Dans le compte rendu qu'il a présenté le 26 avril 1864 à la Société industrielle de Mulhouse, M. H. Thierry-Kœchlin, président du comité d'administration de l'École, après avoir constat* les principaux faits que nous venons de rappeler, s'est livré à de curieuses observations sur le personnel des élèves ; on nous saura gré de les reproduu-e :

« Nos élèves réguliers peuvent se diviser ert trois catégories : des fils d'industriels qui ont à leur sortie de l'École leur place marquée dans les établissements de leurs parents; 2" des fils d'employés industriels envoyés à l'École de tissage par des chefs d'établissements qui désirent faire compléter leur instruction avant de les recevoir définitivement chez eux; 3" des jeunes gens qui se décident à suivre les cours de l'École, soit par vocation, soit par désir d'utiliser dans l'hidiisûfie lôUrs facultés et leur

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initiative, soit dans l'espoir de trouver à leur sortie une place de directeur ou de contre-maître.

» Pour les deux premières catégories, la carrière est toute tra- cée; éducation déjà reçue, facilité pour les études, certitude d'en recueillir le fruit immédiat, tout concourt à leur réussite ; aussi est-ce à la troisième catégorie d'élèves, déshérités la plupart du temps des mêmes avantages, livrés en quelque sorte dans le présent et dans l'avenir à leurs propres ressources, que la direc- tion porte le plus vif intérêt... Les jeunes gens qui forment la troisième catégorie sont ordinairement placés comme directeurs, contre-maîtres ou employés du tissage, par l'intermédiaire de la direction de l'École, à laquelle des demandes de plus en plus fréquentes sont adressées non-seulement par des fabricants fran- çais, mais aussi par des manufacturiers étrangers. Le chiffre de leurs appointements varie, pour les débuts, de 1,S00 à 2,000 francs par an, et parmi les anciens élèves il en est dont la po- sition s'est assez notablement améliorée pour encourager ceux qui leur ont succédé sur les bancs de l'École de tissage. »

A la suite de cet exposé, le président ajoute :

« Il n'en subsiste pas moins. Messieurs, par les résultats ob- tenus, que l'œuvre à laquelle vous vous êtes intéressés est en voie de résoudre le problème, si controversé de nos jours, de fonder et de faire prospérer par ses propres ressources un centre d'études théoriques et pratiques, quel que soit le nom qu'on lui applique, au sortir duquel les services rendus par les élèves puissent être immédiatement utilisés et honorablement rétribués. »

Sans en avoir la prétention, et par la simple expression d'un fait vrai, clairement indiqué, M. H. Thierry-Kœchlin a nette- ment déterminé le caractère et les résultats de l'enseignement technique, si différents de ceux poursuivis par l'enseignement purement théorique et général.

ÉCOLE DE FILATURE.

L'École de filature a été fondée seulement en 1864 et sur les mêmes bases, avec le concours des industriels et sous le patro- nage de la Société industrielle. Dans un compte rendu présenté à cette Société en 1865, M. A. Dollfus expose les motifs de cette

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création : « Nous vous avons dit que nous avons été engagés à cette fondation nouvelle en grande partie par la difficulté toujours croissante avec laquelle les jeunes gens qui veulent se vouer à la carrière de la filature obtiennent leur admission dans les établissements ils pourraient faire leur apprentissage ; cette difficulté est augmentée encore par ce fait, que, le travail se spécialisant de plus en plus, il faudrait que les jeunes gens, poiu" que leur éducation industrielle fût complète, allassent eu général frapper successivement à la porte de plusieurs établis- sements. »

Le programme de l'enseignement est assez étendu ; il com- prend des notions très-variées et suppose dans l'élève une ins- truction déjà développée; voici, en eflfet, l'énumération des prin- cipales parties qui le composent.

Première partie. Coton et laine,

1 Nature, provenance, culture.

2 Egrenage et machines à égrener.

3 Conditions d'achat sur les différents lieux de production

et sur les marchés européens.

Deuxième partie. Manutention du cuton.

4 Numérotage des fils.

2 Mélanges.

3 Ouvrage et nettoyage du coton.

4 Cardage ; principes généraux, différents systèmes employés,

aiguisage, débourrage. 3 Peignage; peignage Heilmann et peignage Hubner.

6 Laminage.

7 Bancs à broches, rota-frotteurs, bancs Abigg.

8 Métiers à filer continu muU-jenny, self-acting.

9 Dévidage, retordage, emballage, paquetage.

Troisième partie. Conditions de température et ^humidité, graissage absorbé par chaque machine, travail, essais au frein. essais dynamiques.

Quatrième partie. Profils d'établissement'^, plans et devis, prix de revient.

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Cinquième partie. Genres de fils fabriqués en Alsace ; lainages employés pour chacun d'eux; leurs différents emplcds pour la retorderie et pour la fabrication des tissus.

Ainsi les élèves subissent un examen d'entrée pour constater qu'ils ont une instruction suffisante, et ils reçoivent à leur sortie un certificat d'aptitude après des épreuves subies devant un jury d'examen.

Jusqu'à ce moment, l'École ne paraît pas avoir formé des contre-maîtres, des ouvriers perfectionnés par l'instruction ; mais il entre dans le plan de l'organisation d'admettre, comme à l'École de tissage, des enfants destinés à cette utile catégorie de l'armée industrielle.

Les deux Écoles dont nous venons d'indiquer l'organisation sont un double exemple et du besoin qui se fait sentir, dans l'in- dustrie, d'un mode d'apprentissage perfectionné comblant la lacune que la division du travail laisse maintenant dans l'ap- prentissage par le seul atelier, et de la possibilité de soumettre à une exposition méthodique éclairant la pratique les notions que jusqu'à ces derniers temps on ne pouvait acquérir que par l'imitation du travail du maître. Nées au sein d'une ville indus- tiielle et de la force même des choses, elles ne doivent rien à une théorie purement spéculative. Les Écoles techniques que nous venons d'indiquer n'ont pas précédé, elles ont suivi les exigences dont elles sont sorties.

S. MlGNERET.

MfMi/Mi (;

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RAPPORT

ÉCOLES PROFESSIONNELLES DE PARIS.

Messieurs,

La Société a bien voulu me charger de lui rendre compte de l'organisation de quelques écoles d'enseignement profession- nel dont elle m'avait signalé l'existence à Paris.

Je viens essayer de vous faire connaître d'une façon aussi exacte que possible les résultats que j'ai observés, et je par- lerai tout d'abord des écoles professionnelles de jeunes filles, de la rue de Turenne et de la rue Rochechouari, qui toutes deux relèvent exclusivement de l'initiative privée (1). Elles doivent leur création à une femme généreuse et d'une haute intelligence, M"' Lemonnier, morte il y a deux ans, peu de temps après la création de l'école de la rue Rochechouart.

Si M""^ Lemonnier a été enlevée de ce monde trop tôt pour voir le succès couronner son œuvre, celle-ci du moins pour- suit son but sans relâche, grâce à la direction intelligente et dévouée qui lui est imprimée pai* une association de personnes animées également du vif désir de répandre l'instruction parmi les femmes et de leur enseigner une profession qui les rende indépendantes dans toutes les circonstances de la vie.

Un comité de vingt dames envù-on est chargé par la So- ciété de la direction supérieure des deux écoles ; il comprend

(1) Le mardi, 4 juin, la princesse Victoria, princesse royale de Prusse, est allée visiter une des écoles professionnelles de femmes fondées par M"* Le- monnier.

Reçue par M"" Allard, présidente ; Jules Simon et Cognet, vice-présidentes, quelques dames du Conseil d'administration et 5I"« itarchef-Girard, directrice de cette École modèle qui compte deux cents élèves, la princesse a parcouru les ateliers et les classes, s'est fait présenter les cahiers de devoirs, a tout examiné avec beaucoup d'attention, de simplicité et de bonne grâce. (Extrait du journal le Temps.]

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lui-même des sous-comités de lecture, de propagande, de tra- vail à l'atelier et de patronage.

J'ai voulu, afin de me pénétrer plus complètement de l'orga- nisation de cet enseignement, visiter successivement les deux écoles, et tout naturellement je me suis trouvé conduit à entrer d'abord dans l'établissement de la rue de Turenne.

Cette école, dans laquelle tous les détails m'ont été montrés et expliqués avec la plus grande obligeance par M"« Marchef- Girard, date de l'année 1862: elle reçoit actuellement 200 jeu- nes filles, moyennant une rétribution mensuelle de 12 francs (le chiffre n'était antérieurement que de 10 francs; mais l'élévation du loyer de l'établissement a récemment motivé cette augmen- tation). Les élèves en gravure et en peinture paient une rétri- bution mensuelle supplémentaire de 5 francs. L'école est ouverte tous les jours non fériés pendant onze mois de l'année, de 8 heures du matin à 6 heures du soir, et les élèves n'ont droit à aucune sortie de l'établissement entre ces deux lieures extrêmes.

Il est, de plus, apporté une grande attention à ce que les élè- ves se présentent exactement aux cours du matin ; tous les jours, un appel nominal est fait avant le commencement du pre- mier cours, et l'élève en retard est notée ; si son absence est de plus d'une demi-heure, elle doit apporter une lettre de ses parents indiquant les causes de son retard ; faute de quoi, la directrice en avise dans le courant de la journée les parents.

Ceux-ci sont tenus constamment au courant de la manière dont travaillent leurs enfants, au moyen d'un carnet résumant les notes données pendant la semaine et signé par la directrice; l'élève à qui ce carnet est confié le samedi soir, doit le rappor- ter le lundi, signé par son père ou sa mère.

L'école possède, en outre, un registre spécial qui contient jour par jour, pendant toute l'année, le résumé des faits intéressant chaque élève, tels que notes dans chaque spécialité, absences et leurs causes, conduite, etc., véritable dossier de leur vie et que consultent avec fruit ceux qui désirent employer une jeune lille élevée dans cetteécole. "'••'■"'■;'';;"* ' "•|l^ ;"' "-i

i'i;il--iitinil>R it ii'Kii'i.) rifi •'•ufinh

Pendant leur séjour dans l'école, les élèves ofit deux-récréations d'une durée totale d'une heure et demie: l'une à 11 heures; elle est consacrée au déjeuner et dure une heure; l'autre est

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d'une demi-heure, entre 3 heures et 3 heures et demie. Un jardin planté d'arbres est ouvert toutes les fois que le temps le permet.

On ne nourrit pas les élèves ; mais, si cela est nécessaire, on réchauffe le petit déjeuner que chacune d'elles apporte le matin.

Les cours à proprement parler professionnels sont au nombre de cinq^, savoir : la couture (lingerie et robes), le dessin iïidus- triel et linéaire, le commerce (tenue du journal, du grand-livre, des comptes courants avec ou sans intérêt, bilans d'in- ventaire, etc.), la gravure sur bois et la peinture sur porcelaine. Le plus suivi est celui de commerce, puis vient celui de cou- ture ; il est vTai de dire que les cours de gravure et de peinture sont de création plus récente.

Tous ces cours spéciaux ont lieu dans l'après-midi ; la matinée est consacrée aux cours généraux (cours de morale religieuse, de langue française, d'arithmétique, d'histoire, de géographie, de botanique, d'écriture et de chant par la méthode Paris-Chevé) ; chacun d'eux a une durée d'une heure environ, ce qui introduit dans l'enseignement de chaque jour une grande variété tout à l'a- vantage de l'élève; en effet, on compte en moyenne trois cours le matin et deux l'après-midi, car les élèves de commerce travaillent de 3 heures et demie à 6 à l'atelier de couture; on en dispense les élèves en gravure et en peinture. Deâ cours d'anglais ou d'allemand ont lieu également l'après-midi pour les élèves de commerce et celles qui en témoignent le désir.

Pour entrer à l'école professionnelle, il faut être au moins âgée de douze ans et avoir suivi les cours de l'école prunaire, cependant un cours préparatoire a lieu pour les enfants qui ne rempliraient pas sutlisamment ces conditions ; il dure le temps nécessaire pour amener les élèves ù suivre les cours généraux. L'enseignement commercial est considéré comme complet au bout de trois ans, et l'on lixe une dui'ée de quatre ans dans le cas d'enseignement de la gravure et de la peinture sur por- celaine. — Pendant ce temps, les cours généraux marchent d'une façon progressive. Cn cours de physique et de cliimie usuelle est donné en seconde année et se complète lui-raêma l'année suivante par des éléments d'hygiène.

Les travaux de chacun des ateliers sont destinés à alimenter

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des commandes du dehors. Ceux de couture ont été jusqu'à présent les seuls qui se soient trouvés dans ce cas; la vente de leurs produits a été en 1S66 de 1,200 francs pour le compte de l'Œuvre; cette source de produits, qui tend à s'accroître, doit aider, avec les rétributions des élèves et les cotisation des mem- bres, à faire face aux diverses dépenses.

11 est peut-être intéressant de savoir à quelles parties de la société appartiennent les diverses jeunes filles. Ce sont, en général, la petite bourgeoisie, le petit commerce ou l'atelier de second ordre. Le simple ouvrier trouve la pension trop chère pour ses moyens.

Tous les quartiers de Paris, môme les plus éloignés, comme Belleville, Ménilmontant, etc., concourent à la composition de ce noyau scolaire.

Autant que possible, les élèves se rendent par groupes à l'école, sous la conduite d'une personne respectable; il n'y a guère que celles habitant dans le voisinage immédiat qui font le chemin seules.

Déjà plusieurs jeunes filles sont sorties de l'école après l'a- chèvement de leurs études; le comité de patronage en a placé environ douze, pendant les deux dernières années, pour tenir les livres de commerçants, et il en est qui gagnent dans ces positions de 800 à 1,200 francs par an. Elles restent toutes d'ailleurs, à leur sortie de l'école, sous la surveillance morale du comité de patronage et même se réunissent spontanément tous les dimanches dans le local de leur ancienne école, elles reçoivent des conseils de ce même comité.

Dans ma visite à l'école de la rue Rochechouart, j'ai ob- servé sur une échelle plus réduite les mêmes faits qui ont été signalés précédemment; je me bornerai à faire connaître les quelques particularités inhérentes à cette école et dont je dois la connaissance à M"'* Paulin, la directrice de cet établissement, auprès de laquelle j'ai trouvé le meilleur accueil.

Tout d'abord et à cause de l'exiguïté du local, on n'y compte que quatre-vingt-dix jeunes filles. Ici, les aptitudes des élèves sont un peu différentes de ce que nous venons de constater; en effet on s'adresse en général aux enfants de commerçants et d'artistes, auxquelles il convient d'ajouter les filles de quelques ouvriers. La couture y est moins recherchée que rue de Tu-

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renne , le commerce est également demandé ; la faveur paraît devoir être pour les arts du dessin ; toutefois le cours de peinture ne commencera qu'au mois de septembre ; actuellement on en- seigne le dessin d'ornement, qui est un acheminement vers cette étude, et les travaux de gravure sur bois. sont à leur première année; ces derniers comprennent, de plus que chez M'"^ Mar- chef, l'enseignement du dessin sur le bois même qui sera dé- coupé plus tard avec l'outil du graveur (1).

La rétribution annuelle des élèves a été maintenue ici au chiffi'e de 10 francs. La Société passe avec les parents qui y consentent des contrats d'apprentissage, pour la gravure et la peinture, d'une durée de cinq ans; ces engagements, pris gé- néralement pour l'éducation des plus jeunes enfants, exonèrent les parents de toute rétribution.

Les règlements d'ordre et les cours sont les mêmes que dans l'autre école; seulement, ici, et en raison du voisinage des grands ateliers de M. Godillot, qui occasionnent à certaines heures de la journée des agglomérations d'ouvriers dans la rue, l'entrée à l'école a lieu le matin à huit heures et demie, une demi-heure après la fermeture de la porte de M. Godillot, tandis qu'on renvoie les élèves à cinq heures et demie dans leurs familles, de manière qu'elles ne puissent se rencontrer avec les ouvriers voisins, qui ont lem' sortie à six heures et demie.

J'ai parlé des sous-comités fonctionnant en permanence dans les deux écoles, et je dois, avant de terminer, ne pas oublier les comités de lecture, formés de dames qui, à tour de rôle, se ren- dent dans les écoles, y font des lectures aux jeunes filles et se préoccupent du choix des livres qu'on leur remet entre les mains.

L'ensemble de cet enseignement professionnel est donné sans distinction de religion ; il ne traite du reste aucunement des questions de dogme, et suppose que celles-ci ont été enseignées aux enfants avant leur entrée à l'école professionnelle; quant aux pratiques religieuses dans les divers cultes, leur observation reste confiée à la vigilance de la mère et au zèle des pasteurs.

Fondée pai- l'assistance privée, cette œuvre se signale à l'at-

(1) J'ai été à même de constater que, pour le travail dans chacune des écoles, les jeunes ouvrières ne faisaient aucun usage de la loupe, ce qui est, à ce qu'D paraît, assez rare dans ce métier, et l'on en augure favorablement pour la santé de ces enfants.

Il

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tention générale par ses résultats, et bien que le travail de ses ateliers industriels puissent donner un certain produit, celui-ci ne peut pas encore, avec les rétributions des élèves, payer tous les frais, à cause surtout de l'élévation des prix des loyers et de l'installation de l'école Rochechouart dans la rue de Laval. Jl appartient au comité de propagande de donner une solution à ces questions financières.

Ce qu'il y a d'intéressant dans'cet enseignement et qui se rencontre dans quelques-uns des autres établissements que j'ai visités, c'est le coté moral de la profession qu'on fait embrasser à chacune de ses jeunes tilles.

En effet, le travail de la gravure, de la peinture sur porcelaine et dans certaines circonstances ceux de couture et les écritures commerciales, peuvent s'effectuer en dehors de l'atelier et à domicile; ils ne détruisent pas la vie de famille et amènent l'aisance dans les ménages.

L'Institution de Notre-Dame-des-Arts se rattache immédia- tement à l'ordre d'idées qui a été indiqué à l'occasion des deux écoles professionnelles citées plus haut; mais comme le but qu'elle cherche à atteindre présente avec ces dernières des points de divergence, son étude présentera pour notre Société un intérêt différent.

Disons-le tout d'abord : c'est encore à l'initiative privée qu'on doit les importants résultats que j'ai pu observer ces jours derniers dans l'ancienne habitation de feu Madame Adélaïde, au parc de Neuilly.

Fondée à Paris en 1855, par M'"® Fernande de Jaubert, vi- comtesse d'Anglars (en religion, Révérende Mère Marie- Joseph), cette institution fonctionna pendant quelques années dans un petit hôtel de la rue du Rocher, puis vint s'installer définitive- ment dans le local actuel.

Sa vénérable Supérieure, que des deuils de famille venaient de frapper profondément, voulut consacrer son existence au service de l'humanité et se mit courageusement à l'œuvre.

Elle se proposa de prendre chez elle les filles de parents fran- çais ou étrangers qui se seraient distingués par les services rendus à leur pays ou qui, voués aux professions libérales, n'ont pas été favorisés de la fortune ou ont perdu le bien-être dans lequel ils avaient vécu jusqu'alors.

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L'instruction élevée que reçoivent ces jeunes tilles les m-t au niveau de leur famille, et en même temps cliacune d'elles apprend une profession qui peut la munir contre le dénùraent et ses dangers.

Le prix de la pension est de 1,200 francs pour les Françaises et de 2,400 francs pour les étrangères. Près des deux tiers des élèves sont exonorées de cette charge pécuniaire, au moyen de bourses et demi-bourses, accordées soit par la fondatrice elle-même, soit par les grandes administrations de l'État, en raison des services et de la position de fortune des parents. La plus grande délicatesse est apportée dans la distribution de ces bourses, afin de leur ôter le caractère d'assistance.

Le programme des études classiques est le même que celui des principaux pensionnats de Paris. 11 comprend linstruction religieuse, la langue française et les principales langues étran- gères; la littérature française, l'histoire considérée à ses diverses époques, la géographie, des notions de physique, l'histoire natu- relle, botanique, cosmographie et l'arithmétique accompagnée de la tenue des livres. Chaque jeune fille apprend également ce qui lui est nécessaire comme travail de couture pour en- tretenir elle-même tous ses vêtements.

Signalons ici, avant d'aller plus loin, un nouvel exemple de cet esprit libéral qui distingue notre époque. L'établissement de Notre-Dame-des-Arts, quoique dirigé par une communauté appartenant au catholicisme, reçoit des élèves des différentes religions reconnus et leur facilite les moyens de s'instruire dans la religion de leurs parents. La plus grande égalité et une heureuse harmonie se font remarquer entre toutes ces jeunes filles, entrant dans cette maison à partir, de l'âge de huit ou neuf ans, pour y vivre constamment ensemble jusqu'à dLx-huit ou vingt ans.

Elles y sont actuellement au nombre de cent-U-ente dans les conditions du véritable internat, avec une sortie dans leurs fa- milles une fois par mois et des vacances de six semaines, com- mençant au mois d'août. Les parents peuvent, en outre, venir le jeudi et le dimanche de chaque semaine voir leurs enfants. Un ensemble de cours professionnels s'oifre au choix de cha- que jeune fille, suivant ses aptitudes particulières. Ces cours com- prennent :

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Le dessin d'ornement avec ses applications à la tapisserie et à la broderie,

La peinture céramique^

La peinture sur verre et sur ivoire^

La peinture à l'huile^ au pastel^ à l'aquarelle,

La lithographie, j

La gravure sur bois et sur acier, i

Les (leurs artificielles,

La musique vocale et instrumentale aussi complète que possi- ble (on se rencontre ici avec MM. Boïeldieu, Stamaty, Gode- froid).

Les élèves qui, avant de rentrer dans leurs familles et après l'achèvement de leurs études, veulent apprendre à fond un des arts décoratifs ou la musique suivent pendant quatre années un cours supérieur d'études pratiques, dont le prix est fixé de gré à gré avec les familles; ce cours est le couronnement réglemen- taire de l'enseignement de Notre-Dame-des-Arts et fait de cet établissement une véritable école professionnelle ; il est également accessible, après examen préalable, à des jeunes filles qui ont fait leurs études classiques en dehors de la Maison. Les conditions sont les mêmes que pour les enfants ; elles peuvent être externes ou internes.

Les dépenses d'une semblable institution sont considérables, et l'absence de toute difficulté financière est nécessaire pour en tavoriser le développement. Bien qu'elle ait été reconnue d'uti- Uté publique en 1861 et aidée jusqu'à ce jour par la fortune personnelle de sa fondatrice, le moment est arrivé de nou- velles ressources lui seront nécessaires pour continuer l'œuvre commencée. Ce beau local, vaste en lui-même et accompagné d'un magnifique jardin qui se trouve placé dans des conditions de salubrité aussi parfaites que possible, est devenu trop exigu et il y a un besoin urgent de nouveaux bâtiments.

Jusqu'à ce jour, il est vrai, tout a été dépenses, et les divers ateliers professionnels, dont jusqu'alors les produits étaient igno- rés, pourront, au moyen de la vente aux diverses industries, ne plus rien coûter à l'institution. L'aspect de ces travaux, no- tamment en ce qui concerne la broderie et la peinture sur por- celaine, permet de leur assigner une grande valeur artistique.

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ie terminerai cette notice, peut-être trop longue, en m' occu- pant de deux autres écoles professionnelles que j'ai été visiter il y a quelques jours.

Elles sont de création toute nouvelle, puisque l'une, dont le domicile est rue de Seine, o4, n'est ouverte que depuis le mois de février de cette année, tandis que sa sœur aînée, celle de la rue Rouelle, à Grenelle, a reçu ses premières élèves en octobre 1866.

Toutes deux doivent leur organisation à une inspiration com- mune et sont administrées par un comité de dames que pré- side M"* Désir; je devrai, par la nature môme des choses et pour ne pas m'exposer sur certains points à des redites, signa- ler seulement les caractères principaux de l'enseignement donné dans ces écoles.

Ces ateliers-écoles reçoivent pendant trois ans des élèves externes, de 8 heures du matin à 6 heures du soir; la rétri- bution mensuelle a été fixée à 10 francs pour l'école de la rue de Seine et seulement à 6 francs pour l'école de Grenelle.

Des cours généraux d'instruction ont lieu pendant trois heures le matin et sont suivis d'une récréation d'une heure et demie, pendant laquelle a lieu le déjeuner; à Grenelle, l'on dispose d'un jardin, la récréation a lieu en plein air et des appareils gjmnastiques sont mis à la disposition des enfants; on permet aussi à quelques-unes d'entre elles de partir à ce moment pour aller déjeuner chez leurs parents, quand ceux-ci habitent dans le voisinage immédiat.

L'admission à l'école n'est accordée qu'à des jeunes filles âgées de douze à treize ans et, en ce qui concerae les catho- liques, à celles ayant fait leur première communion.

On reçoit en général rue de Seine les enfants de petits com- merçants, taudis qu'à Grenelle les enfants appartiennent le plus souvent à des familles d'ouvriers.

De un certain partage d'attributions entre les deux écoles et quelques modifications de règlements.

Les cours professionnels qui ont lieu dans l'après-midi sont, à Paris :

Le commerce, la couture (confection et robes), le dessin in- dustriel, devant conduire à la peinture sur porcelaine, et les modes.

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A Grenelle : le commerce, la lingerie, la blanchisserie fine et le dessin.

Cette dernière école cause peut-être de son ancienneté re- lative) reçoit aussi quelques élèves se préparant à la profes- sion d'institutrices, mais celles-ci seront obligées de suivre après leur sortie de l'école des cours spéciaux; elles n'acquiè- rent dans l'établissement qu'un premier d<?gré d'instruction.

Les jeunes tilles qui se destinent à la couture travaillent à l'atelier toute l'après-midi. Le travail est obligatoire pendant la moitié de l'après-midi pour les autres élèves, sauf les blan- chisseuses de fin.

Deux fois par semaine, un cours d'anglais a lieu pour les élèves qui se destinent au commerce.

A l'époque de ma visite, on comptait vingt-trois élèves dans les deux établissements: celui de Grenelle, tout naturellement, a la plus forte part dans ce chiffre; il reçoit quinze jeunes filles.

De nouvelles admissions sont signalées et s'effectueront très- prochainement; mais les locaux actuels pourront suffire encore pendant longtemps à toutes les nécessités de l'enseignement.

Je crois devoir, en terminant cet article, applaudir encore au bon choix qui a été fait de ces mains-d'œuvre qui peuvent être exécutées au foyer. J'ajouterai qu'on ne saurait trop louer les ef- forts persévérants faits par les fondatrices de ces maisons en vue de faire conquérir au travail de la femme une valeur égale à celle du travail de l'homme et d'avoir créé, pour la mère comme pour la fille, de nouveaux moyens d'accroître le bien-êtz*e de la famille et d'assurer leur indépendance et leur dignité.

.j, ,,),f.if,,. Emile Pereire Fils.

U1

RAPPORT

ATELIERS D'APPRENTISSAGE.

[Première partie.)

Messieurs,

Dans notre dernière réunion, j'ai eu l'honneur de vous décrire sommairement l'organisation des Pensionnats d'apprentis; je dois aujourd'hui vous entretenir des Ateliers d'apprentis. Ce nouveau rapport vous mettra sous les yeux un procédé, non moins intéressant que le premier, pour arriver à ce qui reste le but uniforme de tous les établissements dont vous vous oc- cupez : donner l'éducation professionnelle la meilleure pos- sible dans toutes les situations et à tous les degrés de l'industrie. Pour arriver à ce but, les chemins, vous le savez, sont et doi- vent être très-variés, les exigences qui se présentent étant très- diverses. Pour nous, tout chemin sera bon, s'il mène pai- une enfance joyeusement loborieuse à une adolescence sainement instruite. Déjà cette voie a été tracée et suivie, parfois avec raideur la plus généreuse, par un bon nombre de patrons intel- ligents et dévoués. Cependant, il faut l'avouer, et la création même de notre Société le dit assez haut, la foule des indifférents est encore trop nombreuse; notre ambition, par conséquent notre devoir est de combattre leur inertie, et pour cela il faut d'abord accumuler des faits propres à démontrer avec une évi- dence irréfutable que le soin attentif de l'enfance ouvrière est pour tout chef d'industrie, nous ne dirons pas une vertu louable, mais tout simplement le plus habile et le plus utile des calculs. Laissant à dessein de ce côté les questions de sentiment, les con- sidérations d'humanité, pourtant si justement impuissantes sur les cœurs bien faits, nous voulons, pour entraîner la conviction, nous adi'esser seulement aux intérêts les plus visibles, les plus immédiats.

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Tout industriel est un homme qui est destiné à passer sa vie en contact perpétuel avec des ouvriers : il peut aujourd'hui, presque à son choix , faire de cette vie une série de luttes toujours renaissantes, c'est-à-dire un supplice de tous les jours, ou une tranquille et heureuse harmonie. Si en effet ses ouvriers, grâce à ses soins persévérants, ont reçu, pendant leur enfance et leur jeunesse, une éducation régulière donnée affec- tueusement, ils auront acquis presque tous les qualités qu'on résume d'un mot en disant d'un homme qu'il est bien élevé, et, lorsque l'âge viril arrivera, il est évident que les rapports du maître avec ces ouvriers seront infiniment plus faciles : l'expé- rience nous montre déjà plusieurs de ces grandes familles indus- trielles où règne sans peine la cordialité mutuelle la plus com- plète, et de part et d'autre on est franchement content les uns des autres. Pourquoi? C'est que le chef de fabrique n'a pas garni ses ateliers d'ouvriers qui lui arrivent il ne sait d'où, ins- truits il ne sait comment, mais bien en grande partie d'ouvriers qu'il a formés lui-même, dont quelquefois les pères ont vécu avec le sien, qu'il a vus grandir, dont il connaît souvent toute la vie pour l'avou* vue se dérouler sous ses yeux depuis leur première enfance, pour l'avoir guidée et constamment protégée. Dans un atelier dont la majorité est ainsi composée, toutes les àpretés et toutes les rudesses disparaissent. Si l'ouvrier, au contraire, a passé son enfance dans l'abandon universel, si l'âge qui doit laisser les souvenirs les plus riants ne lui rappelle que l'isolement moral absolu, le travail forcé, ininter- rompu, et même les mauvais traitements, soyons sûrs que cet ouvrier fera payer bien cher au patron, pendant son âge mûr, les intérêts des souffrances et des tristesses qu'il a endu- rées pendant son enfance. Ainsi se développeront des haines qui ne pourront être arrachées des cœurs, car elles auront leurs racines dans un passé sur lequel on n'aura plus de pouvoir.

Semons donc l'affection dans l'âme de l'enfant-ouvrier, pour qu'elle croisse et se développe en justice dans l'âme de l'ouvrier- adulte. Si les douleurs d'une enfance misérable, sans loisir, sans culture, doivent laisser au cœur une amertume ineffaçable, en revanche, des soins bienveillants, donnés pendant toute la durée d'un apprentissage par un patron paternel, doivent de môme exercer sur la vie entière une douce et irrésistible in- fluence. Sous cette influence, l'ouvrier devient ce que nous dé-

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sirons tous qu'il soit; il aune r^ugnance instinctiire poor l«es moyens violents à l'égard de ceux qui lui ont fait du bien quand il était le plus faible; dans la discussion de ses intérêts, il n'a recours qu'aux moyens dignes d'un raison mûrie par la réflexion, et le patron se sent alors larçement indemnisé des soins qu'il -a donnés à l'éducation des apprentis, car sa carrière d'industriel a perdu ainsi ce qui la rend sourent si pénible, si douloureuse : nvre, non-seulement au milieu des soucis des affaires, mais en sachant qu'on est de toutes parts entouré de sentiments envieux ou ennemis.

Ces sentiments sont inconnus dans les ateliers dont je dois vous parler aujourd'hui, et qui sont choisis au milieu de plusieurs autres, comme des exemples excellents, destinés à être de plus en plus imités, et qui bientôt, si nous savons être énerçiques, doivent devenir aussi communs qu'ils sont clair-semés aujour- d'hui.

Ces ateliers, appartenant à des industries différentes, sont for- més presque exclusivement d'enfants qui logent et travaillent ensemble pendant toute la durée de leur apprentissage, sous la direction d'un patron qui les instruit, les loge, les nourrit, les entretient, les récompense, sans exiger d'autre paiement qu'un temps d'apprentissage un peu plus long que d'habitude.

Le plus considérable de ces ateliers, le seul même qui soit important, est celui de M. Sajou, rue des Anglaises. Cet établis- sement mérite d'être signalé, non-seulement à cause de son organisation intérieure actuelle, mais à cause de ses origines. Il y a vingt-cinq ans, les seuls modèles pour tapisseries et travaux à l'aiguiQe qui fussent estimés à Paris venaient de Berlin et se vendaient fort cher par suite de leur provenance étrangère. Tous les essais pour rivaliser avec celte concurrence avaient échoué, et les produits de fabrication française, considérés comme de second ordre, ne se vendaient qu'à bas prix. Au- jourd'hui, cette fabrication est devenue essentiellement parisienne, les produits allemands sont laissés de côté, et c'est au contraire Paris qui fournit à l'Allemagne. Ce changement complet est aux efforts de M. Sajou, appuyés sur l'aide habile de M"* Sajou, nièce et élève distinguée d'un pemtre de mérite (Pierre Gran_ ger) . M. et M"^ Sajou ne pouvaient cependant disposer que d'un très-petit capital, ils n'avaient pour les guider les conseUs d'au-

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cun ouvrier venu de Berlin, mais ils étudièrent en se taisant leurs propres maîtres, et après des essais persévérants, après avoir dessiné, gravé, colorié sans relâche, ils se crurent, vers 1842, en possession de modèles aussi bons que ceux de Berlin et qu'ils pouvaient vendre à meilleur marché. Le moment était arrivé d'organiser un atelier de fabrication. Cet atelier est devenu, après des modifications successives, celui même dont nous nous occupons. Ce ne fut d'abord qu'un simple ouvroir indépendant, sur lequel M. Sajou n'exerçait aucune autorité spéciale. Voulant éviter la responsabilité très-délicate attachée à la surveillance d'une maison de jeunes filles, il avait traité avec une directrice à laquelle il fournissait simplement de l'ouvrage. Lorsque sa fortune s' accroissant lui permit de faire une instal- lation complète à son gré, et de prendre toutes les dispositions de surveillance et d'enseignement qu'il jugeait nécessaires, il transforma cet ouvroir en une fabrique dont il fut et dont il est encore le chef respecté et aimé.

L'intention de M. Sajou, en organisant cette fabrique de tra- vaux à l'aiguille, était double : il désirait d'une part créer un atelier la production fût aussi régulière et aussi parfaite que possible; il désirait aussi, et c'est ce (jui nous intéresse avant tout, que les jeunes filles qu'il occuperait sortissent de chez lui ayant non-seulement employé leur jeunesse d'une façon fructueuse pour l'industrie et pour elles-mêmes, mais ayant reçu toutes les leçons, tous les enseignements qui pou- vaient assurer leur avenir de femme, d'épouse et de mère.

Ces intentions excellentes ont été très-habilement réalisées à l'aide d'un règlement dont je dois maintenant vous indiquer les principales dispositions.

Les jeunes filles, aujourd'hui au nombre de soixante, sont admises dans la maison vers dix ans; elles y restent, par en- gagement, jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Pendant tout ce temps elles sont logées, nourries, entretenues, instruites au frais du patron. La maison offre les meilleures conditions hygiéniques, et renferme non-seulement des ateliers, des classes bien aérées, mais une élégante chapelle, des préaux d'hiver et d'été, un beau jardin, etc. Jusqu'à leur première communion, c'est-à-dire pen- dant l'espace de deux ans, les enfants ne sont pas apprenties, elles restent simplement élèves; tout leur temps est consacré à

ISl

leur éducation, qui comprend l'enseignement primaire, l'ensei- gnement religieux et les travaux de couture ordinaire. Ces deux premières années passées en entier tout à côté d'un ate- lier où on n'entre pas, sont destinées à faire aimer leur séjour aux enfants, et à leur montrer que la maison elles vivent est aussi bien une école qu'une fabrique. A douze ans, quand la première communion a été faite dans la chapelle, quand les forces de l'enfant sont déjà développées, quand sa première ins- truction est terminée, commence pour elle l'éducation technique de ï atelier, mais sans que les leçons de la classe soient abandon- nées. La journée est alors ainsi réglée : lever à 5 heures ; à 5 heures 40, prière à la chapelle; de 6 à 7, classe; à 7 et demie, déjeuner; de 8 heures à midi, atelier; de midi à \ heure, déjeuner et récréation ; de 1 à 5 heures, atelier ; de o à 6, dîner; de 6 à 8, atelier; de 8 à 8 trois quarts, récréation ; à 8 heures trois quarts, prière et coucher.

Cette distribution donne une heure de classe (la première de toutes, la plus fraîche), dix heures d'atelier et deux heures au moins de récréation. La loi de 1841 est donc, on le voit, plus qu'observée. Il va sans dire que le repos du dimanche est scrupuleusement respecté, et que jamais, sous aucun prétexte, la veillée n'est admise.

Des récompenses en argent, calculées aux pièces, sont accor- dées à la fin du mois à chaque apprentie. A l'âge de quinze ans, au moment l'élève, ayant trois ans d'apprentissage, com- mence à devenir bonne ouvrière, et à recevoir des récompenses qui constituent un véritable salaire de son travail, son entretien est mis à sa charge, et c'est avec l'argent qui lui est donné qu'elle doit s'habiller. De cette façon , les jeunes filles , qui ont été habituées dès leur enfance à ne jamais rien acheter et cependant à ne jamais manquer de rien, apprennent alors à apprécier par elles-mêmes le prix et la valeur de tous les objets de première nécessité qu'elles auront plus tard à acheter de leurs deniers. On leur donne ainsi une expérience indispensable qui leur manquerait totalement si, jusqu'à dix- huit ans, elles se voyaient toujours aussi bien vêtues, sans avoir jamais à se préoccuper du nombre d'heures de travail que re- présente une robe ou un bonnet neufs, et sans se douter qu'il y a un grand intérêt à ménager et à soigner ses vêtements.

Malgré cette dépense, l'apprentie peut, pendant son appren-

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tissage, mettre de côté une dot qui est en moyenne de 500 à eOO francs, et qui peut s'élever jusqu'à 1,000 francs.

A dix-huit ans cesse l'engagement; la jeune lille est libre, mais elle peut, si elle le veut, rester comme ouvrière; elle est payée comme telle, tout en étant nourrie et logée. Un assez grand nombre profitent quelque temps de cette faculté, et ne quittent la fabrique que pour se marier. Les mariages se font le plus souvent sous les auspices généreux de M. et de M""" Sa- •ou. Il y a quelques années, trois de ces jeunes filles se ma- riaient ainsi le même jour, en unissant à dessein leur joie pour la rendre plus complète; ce fut le chet de la fabrique, alors adjoint au maire, qui prononça leur union; le vicaire général du dio- cèse vint de l'archevêché célébrer la cérémonie religieuse et donner un éclat modeste à ces mariages d'ouvrières, accomplis dans des circonstances si touchantes et si honorables pour elles-mêmes et pour leur patron.

On devine que dans cette fabrique, oîi ne travaillent que des jeunes filles, l'éducation religieuse tient une place importante. Une instruction (dont le temps est pris sur le travail de l'ate- lier) est faite chaque semaine par l'aumônier. Cependant, de ce côté, on observe une sage mesure, qui éloigne toute ressem- blance avec le cloître; la messe n'est pas quotidienne.

L'instruction, tout en restant très-élémentaire, est très-soignée, et atteint le niveau le plus élevé obtenu dans les meilleures écoles primaires de Paris.

Les relations des enfants avec leurs parents sont faciles, mais limitées : tous les dimanches, de midi à deux heures, le parloir est ouvert; quatre sorties par an sont autorisées (le 1®"" janvier, le lundi de Pâques, le l^"" dimanche de juillet et d'octobre), mais il faut absolument que les jeunes filles soient rentrées le soir même à 9 heures. Le renvoi serait le résultat d'une con- travention à cet article du règlement. Le chef de fabrique es- time que cette exigence est de toute nécessité. S'étant chargé de l'éducation des jeunes filles qu'il fait travailler, M. Sajou pense que sa surveillance ne doit pas subir d'interruption, et si sa sévérité est grande, c'est qu'il a une haute idée de sa responsabilité.

Grâce à ces précautions si attentives, à cette direction multi- ple, ces soixante jeunes filles atteignent l'âge de dix-huit ans en bonne santé physique et morale, et il en est extrêmement peu

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qui oublient les leçons qu'elles ont reçues. Mariées pour la plu- part à d'honnêtes ouvriers, elles arrivent en général à l'aisance et plus d'une vit aujourd'hui des revenus dus à son travail, tra- vail commencé régulièrement à douze ans, et poursuivi comme il a été commencé, jusqu'à ce qu'il ait produit le loisir, avec la dignité d'une vie bien remplie.

Ainsi se résout paisiblement, dans cette maison ignorée de la rue des Anglaises, le problème difficile de l'enseignement professionnel. En échange du temps qu'elles donnent à un fabricant, soixante jeunes filles reçoivent de lui une éducation simple et solide, et le contrat est avantageux aux deux parties; car d'un côté le fabricant a ainsi un atelier laborieux, docile, et de l'autre les jeunes filles passent leur enfance dans une maison qui ne leur laisse que de bons et utiles souvenirs. La production industrielle s'accomplit donc ici avec régularité, sans qu'il en résuite aucun dommage pour le bien-être des enfants auxquelles elle est due. Les deux intérêts qui si souvent se com- battent trouvent une égale et heureuse satisfaction.

Je ne veux pas vous engager dans les comptes financiers, et d'ailleurs M. Sajou est un comptable qui très-souvent garde pour lui plus d'un article qui devrait être écrit au chapitre des dé- penses; ses livres ne sont donc pas exempts d'irrégularités ; sans détourner de les prendre pour modèles, on ne peut pas tout à fait les prendre pour règles. Qu'il me suffise de dire que soixante personnes représentent une dépense de 28,46o francs, ce qui, en comptant 275 jours de travail effectif, met le prix de la journée à 1 fr. 80 c. environ (1). Il y a une différence nota- ble avec les prix d'entretien de Strasbourg et de Nancy, et en gé- néral avec les prix de la province, l'enfant coûte à peu près 1 franc ; mais il n'y a pas trop à s'inquiéter de cette augmenta- tion, car si l'apprenti coûte plus à Paris, son travail a bien plus de valeur, et par conséquent l'équilibre est à peu près rétabli.

(1) Voici le détail du budget des dépenses, que M. Sajou a bien voulu nous communiquer :

Nourriture, entretien, infirmerie, blanchissage, etc . . . . Fr. 15,9G5

Récompenses mensuelles 2,400

Maîtresses de classes et d'ouvrage 3,900

Aumônerie 1,200

Loyer évalué à 5,000

Total 28,465

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Après avoir examiné avec vous l'atelier d' apprentfSsdge dans cet établissement aux vastes proportions, permettez-moi main- tenant, Messieurs, de vous conduire pour ainsi dire à l'autre extrémité de l'industrie, en vous faisant pénétrer dans des ate- liers infiniment plus modestes, mais qui, à cause de leur peu de développement, sont d'un extrême intérêt et d'une impor- tance au moins égale, car nous y observons l'industrie pari- sienne sous sa forme la plus commune, la plus vivante. Ce n'est plus dans une fabrique installée à grands frais que je vais vous faire pénétrer, mais bien dans de simples logements d'ouvriers, dans des maisons du quartier le plus populeux de Paris, rue Chapon, rue Saint-Claude ; la réalité se présente ici h nous avec ses exigences les plus menaçantes, avec les diffi- cultés si compliquées qui souvent embarrassent les esprits les plus habiles et attristent les cœurs les plus disposés à l'espé- rance optimiste. Eh bien ! cependant, aussi, au milieu de la lutte industrielle la plus humble et la moins en vue, la moins richement munie, nous rencontrerons des ateliers d'apprentissage l'on fait les plus courageux efforts pour que l'enfance de l'ouvrier soit respectée comme elle doit l'être ; aussi nous découvrirons des tentatives heureuses pour résoudre le pro- blème de l'apprentissage.

Entrons d'abord rue Chapon, au troisième étage du 13, dans l'atelier de brunisseuses de M"'" Cohadon. Nous y trouve- rons trente enfants de 12 à 18 ans qui toutes ont bonne mine, qui à notre entrée se lèveront avec politesse, mais nous regar- deront bien en face et avec une physionomie enjouée et riante. A peine nous ont-elles regardés, qu'elles se remettent gaiement à leur ouvrage, qui est fatigant : il consiste à donner le poli à des couverts d'argent qui arrivent ternes et mats entre leurs mains et en sortent avec le brillant qui séduira l'acheteur. De l'eau de savon et quelques brunissoirs d'acier ou de pierre, voilà tout l'outillage, mais le travail exige de la force et de l'a- dresse. Ni l'une ni l'autre ne manquent, et il y a en surcroît de la gaieté dans les regards, comme il y a de la lumière et de l'air dans l'atelier. Il n'en était pas ainsi il y a quelques années. M"'^ Cohadon s'est faite brunisseuse en 1865, par un sentiment de commisération profonde pour de malheureuses petites filles qu'elle avait vues travailler tristement sous une maîtresse sans pitié, dans un entre-sol noir et humide, elles

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semblaient emprisonnées et elles étaient simplement en apprentissage. Encouragée par un mari qui n'est rien de plus que gérant d'une association ouvrière, mais qui est très-intelli- gent et très-préoccnpé de toutes les questions de perfectionne- ment social, M""* Cohadon résolut de faire pour son compte un essai de rénovation en transformant cet atelier déplo- rable en atelier modèle. Une révolte des enfants trop mal- traitées étant survenue, la maîtresse de l'atelier vendit à M""® Co- hadon, pour 1,300 francs, son outillage, sa clientèle et quelques débris misérables de literie et de lingerie. Deux ans à peine se sont écoulés et M'»<' Cohadon a déjà fait tant de progrès qu'elle mérite de vous être recommandée comme travaillant avec vous à régénérer l'apprentissage parisien. Elle a su remplacer une maison de correction par une maison d'émula- tion; à une indigne spéculation qui recherchait et achetait même les enfants abandonnés ou vicieux, ix>ur les condam- ner à des espèces de travaux forcés, elle a substitué un con- trat loyal qui assure l'éducation professionnelle de l'enfance et qui, avant peu, cessera d'être onéreux pour elle, car il l'est encore, par suite des diftîcultés d'organisation. Voici quelles sont les conditions de ce contrat : l'engagement est fait pour six ans; l'apprentie entre ordinairement vers 12 ans; jusqu'à lo ans elle coûte plus qu'elle ne rapporte; à partir de lo ans, elle commence à gagner plus qu'elle ne dépense. Il faudrait que l'atelier eût soixante pensionnaires, sur lesquelles trente seraient âgées de lo ans. Il est à souhaiter que M'"'' Cohadon arrive rapidement à cette réalisation de ses désirs. Elle excelle, en effet, à maintenir parmi les jeunes filles la bonne humeur et le travail. Un système ingénieux de récompenses excite vivement leur émulation : comme chez M. Sajou, elles travaillent aux pièces et à la tâche ; dès qu'elles dépassent la tâche fixée, elles gagnent une certaine somme; de une acti- vité extrême, et, par suite, des gratifications nombreuses qui font à la fin de l'année un total assez élevé. Le soir, les travaux sont remplacés par des leçons ou par des jeux ; le dimanche, se font en famille des promenades qui souvent apportent leurs enseignements; je veux vous en donner une preuve qui me semble assez intéressante. Tout dernièrement, une petite fille était rencontrée au bois de Vincennes pai- les apprenties en promenade; elle leur demanda l'aumône; or, il est recora-

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mandé de faire l'aumône aux vieillards, mais de la refuser à tous ceux qui peuvent travailler; les apprenties la refusèrent donc à la petite mendiante et non-seulement ils la refusèrent, mais, avec cette sévérité qui caractérise des moralistes de douze ans, elles lui firent de vifs reproches : « Petite paresseuse, pourquoi ne travailles-tu pas? tu gagnerais ta vie; viens à notre atelier, tu ne coûteras plus rien à tes parents. » Le conseil porta fruit : il y a quelques jours, M""^ Cohadon vit la petite mendiante entrer chez elle, tenant par la main sa mère, qu'elle y amenait : elle venait demander de l'ouvrage, et aujourd'hui elle est dans l'atelier, un peu étonnée de travailler, un peu rétive, mais enfin arrachée au moins en ce moment à la honte et aux dangers de la mendicité.

Une maison comme celle de M""® Cohadon mérite d'autant plus les encouragements de votre Société que son organisation est bien loin d'être complète (1). La cause en est dans la pauvreté même des apprenties nouvelles qui arrivent ; parfois une appren- tie entre avec une seule chemise; le dimanche suivant, il faut vile en faire une pour sortir. Déjà, par l'intervention de votre Société, 150 francs ont été employés à fournir trente tabliers de travail, mais sans parler des leçons, qui ne sont pas assez régulières, un seul détail vous montrera tout ce qui reste encore à faire : les lits n'étant pas assez nombreux, les apprenties couchent deux ensemble. Voilà ce qui existe dans les petites industries, l'on se préoccupe de la façon la plus sincère et la plus active d'améliorer le sort des apprentis. Jugez de ce qui existe dans les

(1) Voici le budget de dépenses de M"" Cohadon, qu'elle a bien voulu

aussi nous communiquer :

Loyer

2,200 fr.

Légumes et divers .

2,240

Impôts et patente.

155 »

Blanchissage ....

1,234

Gaz pour la cuisine.

900 »

Entretien

1,576

Fournitures pour le

Pharmacie

120

travail

600 »

Frais des prome-

Boulanger

3,600 »

nades du diman-

Boucher

1,580 »

che

300

Épicier 760 » Récompenses et Prix. 360 »

Total 15,625 fr.

A ce total, il faut ajouter les salaires payés aux contre-maîtresses, et les gratifications accordées aux apprenties pour le travail fait en sus de la tâche réglementaire.

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ateliers ou il n'y a aucune préoccupation semblable (1). Malgré ses imperfections, qui disparaîtront peu à peu (2), la maison de M™*' Cohadon doit être signalée à votre attention sympathique comme un des faits les plus propres à vous encourager, en vous montrant que vous avez, au cœur même de la population ouvrière, des collaborateurs tout prêts à vous aider par les efforts les plus désintéressés et les plus méritoires.

A côté de l'atelier Cohadon, je vous indiquerai l'atelier Chertonne, rue Saint-Claude, 10. La naissance de cet atelier est toute récente. Elle est due à un fait très-regrettable qui est devenu heureusement l'occasion d'un progrès. Il y a quelques mois, le Moniteur racontait qu'une toute petite tille, polisseuse de mouvements de montres, s'était jetée dans le canal Saint-Martin pom- échapper aux rigueurs de son apprentissage. L'enfant fut sauvée sans peine. C'était une singulière petite créature, d'une imagination facilement excitable et un peu extravagante; sa nature bizarre se montre dans une de ses réponses d'une naï- veté assez amusante : pendant qu'elle était à flotter à la surface de l'eau, on l'avait vue se prendre elle-même par les cheveux; comme on lui demandait plus tai'd pourquoi elle avait eu ce geste, elle répondit que c'était parce qu'elle s'était repentie tout de suite de s'être jetée dans le canal, et qu'elle avait essayé alors de se tirer elle-même de l'eau! Cette singuhère tenta- tive de suicide chez une enfant aussi jeune vint rapidement à la connaissance de votre Société. Un de ses membres, M. Mon- tandon , fabricant de ressorts de montres, fut invité par elle à dresser une enquête. M. Montandon fit preuve dans cette circons- tance du zèle le plus louable, visita toutes les maisons de polis- sage d'horlogerie de Paris, et reconnut que presque partout la situation des enfants employés était déplorable à tous égards; mais, au milieu de l'incurie générale, il découvrit et distingua un ménage d'ouvriers polisseurs où, au contraire, les conditions

(1) Dans certaines de ces maisons, les enfants couchent à deux sur un lit de sangle tendu après le travail dans l'atelier, qui souvent est la pièce unique. Si le travail des ouvrières est prolongé la nuit, et que l'enfant ne puisse, mal- gré tout, vaincre le sommeil, il dort sur une chaise. Pour se nourrir il a, le matin, un morceau de pain avec un sou ; le soir, une maigre soupe et des légumes. L'habillement, laissé aux soins de la famille, toujours pauvre, est en loques, et le linge est sordide.

(2;, M"" Bouilhet, Jules Simon et VevTat ont bien voulu accoter les fonc- tions de patronnesses de cet atelier. r », . ...

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de l'apprentissage étaient excellentes : c'était le ménage Cher- tonne. M. Montandon offrit à M. Chertonne de l'installer à ses frais dans un logement plus grand, oîi serait organisé un ate- lier d'apprentissage modèle. La proposition fut acceptée : la maison est en voie d'organisation ; déjà trois petites polisseuses sont à leur établi , il y a place pour quinze. A vous, Mes- sieurs, d'envoyer les enfants auxquels vous vous intéressez et dont vous voulez faire de bonnes ouvrières. Les conditions du contrat sont régulières, et les patrons qui les font obser- ver sont d'excellentes gens, qui aiment l'enfance, pensent que prendre des apprenties, c'est pour ainsi dire faire des adoptions, et par conséquent considèrent leur jeune atelier comme une seule et grande famille. Par les soins de votre Conseil, il a été organisé un conseil de surveillance, composé de membres de votre Société, et chargé d'aider au développement de cet atelier. Il se compose de M'"*'*' Bréguet, Dietz-Monin, Montandon, de M. le curé de la paroisse, M. le docteur Perrin et M. Montandon, fondateur de l'atelier. Tout fait espérer que l'entreprise réussira; il faut qu'elle réussisse, pour que l'exemple donné par le mé- nage Chertonne gagne insensiblement des imitateurs et serve à relever le niveau de l'apprentissage dans l'industrie tout entière. Laissant aujourd'hui de côté, pour une prochaine description, une seconde série d'ateliers qui sont également dignes de vous être signalés, je me bornerai à annoncer à la Société que plusieurs maisons semblables, s'organisant sous vos auspices, sont en voie de formation ; nous comptons qu'il en existera avant peu pour la dentelle, les perles, la confection povr hommes, la bonneterie et la lingerie. Peu à peu chaque industrie, nous en avons la certitude, aura ainsi son atelier modèle d'apprentissage, oîi toutes les prescriptions de la loi seront observées et nous pourrons faire les études pratiques de perfectionnement que nous jugerons utiles. Le jour où, dans chaque industrie parisienne, votre Société aura réussi à organiser, sous la di- rection d'un ménage intelligent, un atelier type, qui servira à montrer que l'exécution des lois est non-seulement conciliable avec les intérêts industriels, mais que l'apprentissage le plus humainement dirigé est le plus avantageusement producteur, ce jour-là votre Société aura rendu un premier service consi- dérable, et elle aura le droit de se dire: Moi aussi, je suis une bonne et active ouvrière. Emile DÉLERriT.

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CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE,

L'appel que nous avons fait aux membres de la Société a été entendu. Nous lecevons chaque jour des journaux, des bro- chures, des articles. Je vais faire le dépouillement des richesses accumulées depuis la publication du dernier Bulletin,

Et d'abord prenons le ilonileur officiel.

La question de l'apprentissage a été portée incidemment devant les deux Chambres législatives, et, dans les deux as- semblées, les intérêts de l'enfance ouvrière ont trouvé d'éloquents défensem"S.

Au Sénat, pendant la discussion de la loi nouvelle sur l'ins- truction primaire. M»"" de Bonnechose a appelé vivement l'atten- tion du gouvernement sur l'exécution trop incomplète de la loi de 1841 (1). Après avoir rendu justice aux manufacturiers qui se préoccupent des besoins intellectuels et moraux de leure ouvriers autant que de leurs besoins physiques, il a ajouté que tous n'était pas du même caractère : « Il y en a dans » plusieurs localités, a dit l'éminent prélat, qui profitent du » sommeil de la loi pour abuser des forces de l'enfance. Pour » moi, c'est une douleur profonde et poignante, lorsque je fais » mes visites pastorales, lorsque je veux m'assurer du degré » d'instruction religieuse de ces enfants, de les voir chétifs, » amaigris, hâves, d'une stature bien au-dessous de celle que » comporte leur âge, et, en même temps, donnant des signes » non équivoques d'une intelligence qui n'a pas été développée, » qui est en quelque sorte abrutie et devenue incapable de » recevoir la lumière. Ce qui est cause de ce triste état, c'est » qu'on les fait travailler au delà de leurs forces, la nuit comme » le jour. »

Son Eminence a reconnu que le gouvernement a fait de

(1) Séance du vendredi 29 mars 1867.

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louables efforts alin de corriger ces abus. Pour elle, la solution du problème gît dans la création d'inspecteurs chargés d'aller faire des visites dans tous les établissements industriels.

M. le baron Dupin a rappelé qu'un article impératif de la loi ordonne que les enfants reçoivent en réalité l'enseignement primaire. Il a fait remarquer que, dans un très-grand nombre d'établissements français, on trouve des manufacturiers amis de l'enfance, qui se font un devoir de veiller eux-mêmes à cet enseignement, et il a ajouté qu'il ne suffit pas qu'un grand nombre veuille faire le bien, il faut que le bien soit universel, qu'il n'y ait pas d'enfants victimes de mauvais maîtres.

Pour l'honorable sénateur, une inspection générale serait une institution excellente.

En Angleterre, il faut citer avec éloges l'exécution de la loi sur le travail des enfants dans les manufactures; plusieurs ma- nufacturiers anglais avaient d'abord été effrayés, ainsi que l'ont été les fabricants français, par la création de cette inspection gé- nérale, mais nos industrieux voisins ont changé d'avis quand ils ont vu les résultats de la pratique.

S. Exe. M. de Forcade la Roquette, répondant à S. Em. le cardinal de Bonnechose et à M. le baron Dupin, a énuméré les diverses tentatives faites par le gouvernement : l'inspection a déjà été établie par quelques départements, il convient qu'elle soit générale; il n'est pas bon qu'une loi qui limite les effets du travail dans certains départements ne soit pas appliquée dans les autres.

Son Excellence a rappelé que son prédécesseur, M. Béhic, comprenant toute l'importance de ces questions, avait voulu introduire, dans un projet sur l'enseignement technique, des dispositions complétant la loi de 4841. Il y avait, en effet, a dit Son Excellence, un lien évident entre les questions qui se rattachent à l'industrie et au travail des enfants. Le gouverne- ment se propose de mener à lin, aussi rapidement que pos- sible, les études sur la matière : il sera bientôt en mesure de proposer les moyens d'améliorer la loi de 1841, de rendre plus efficace la surveillance exercée sur le travail des enfants dans les manufactures, et de développer, en même temps, les principes qui sont posés dans cette loi. (L'enquête générale se poursuit. )

^- Au Corps législatif, M. Jules Simon, pendant la discussion

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de la même loi sur l'instruction primaire, a élevé la voix en faveur des enfants appliqués aux travaux de l'industrie. Il a demandé que la France imitât les bons exemples qui lui ont été domiés par l'Angleterre, le demi-temps d'école est mis en pratique (1) sans aucun inconvénient pour l'industrie et au grand avantage des enfants. Comme M?' de Bonnechose, il a insisté sur la nécessité évidente de créer des inspecteurs spéciaux (2).

L'Exposé de la situation de VEmpire contient également un pai-agi'aphe très-important que nous devons reproduire ici d'après le Moniteur 1" fé\Tier 1867:

« La condition des enfants employés dans les établissements industriels est l'objet d'une attention particulière. Tout en étu- diant les points sur lesquels il peut y avoir lieu d'ajouter aux dispositions établies en faveur de ces jeunes ouvriers et d'é- tendre les limites dans lesquelles le législateur a cru devoir se renfermer dans le principe, on n'épai-gne ni instructions, ni conseils, pour remplir ses intentions bienfaisantes. On est ici puissamment secondé par l'impulsion que le Ministre de l'ins- truction publique a donné* partout à l'enseignement primaire. Dans beaucoup d'endroits, le manque d'écoles et de classes ap- propriées aux exigences du travail industriel formait un obstacle qui tend déplus en plus à disparaître, avec le concours d'un grand nombre de chefs d'établissements, dont l'intelligence et l'huma- nité s'associent à cette œuvre du bien public. Si la limitation de la durée du travail n'est pas toujours rigoureusement ob- servée, du moins ne voit-on plus d'abus pareils à ceux qui avaient nécessité l'intervention de l'autorité. Plusieurs conseils généraux se sont aussi associés généreusement à cette œuvre. Dans le Nord (3), depuis longtemps, un inspecteur, rétribué sur

(1) Séance du 11 mars 1867.

(2) L'initiative privée pourrait prendre les devants. Je puis annoncer que l'un des représentants les plus éminents de notre Société, qui est l'un des plus im- portants manufacturiers de l'une des villes les plus réputées pour leur état d'avancement, s'occupe, en ce qui le concerne, d'appliquer le demi-temps; comptant plus sur la contagion de l'exemple que sur le concours d'une dis- position législative pour amener dans sa ville l'amélioration si désirable du sort dçs enfants, il veut ouvrir la voie.

i3) II paraîtrait que l'inspection du département du Nord est suspendue. Il y aurait en ce cas à attendre de l'initiative privée des efforts vigoureux et incessants, attendu que (je tiens cette assertion d'honorables membres du conseil général) l'esprit de la loi n'est pas encore enU-é dans les mœurs du département du Nord.

dem- ies fonds départementaux, pourvoit à l'exécution des prescrip- tions légales. Le môme système de surveillance est adopté dans le Pas-de-Calais, la Somme, le Bas-Rhin et la Seine-Inférieure. A Paris, la libéralité de l'administration municipale a mis à même d'entreprendre une enquête qui s'exécute avec autant de zèle que d'habileté dans les diverses industries manufacturières oii l'on emploie des enfants : travail doublement utile par les notables améliorations qu'il amène dans la situation de ces jeunes ouvriers et par les lumières, qu'il i'QUrnit sur les condi- tions du travail. » l ■j-M'ivôiri fii>

La distribution des prix à l'écote d'enseignement profes- sionnel à Lyon, présidée par le Ministre de l'instruction pu- blique, a été l'occasion d'une manifestation importante pour le but que nous poursuivons.

Voici un court extrait du discours prononcé par Son Excel- lence le 23 juin 1867:

« Naguère, par ordre de l'Empereur, le Ministre du commerce annonçait au Sénat la présentation prochaine d'une loi sur le travail des enfants et des femmes dans les manufactures. Vous ne vous étonnerez pas. Messieurs, que le Ministre de l'instruc- tion publique , parlant dans une grande ville industrielle , renommée par son esprit d'initiative et ses sentiments chrétiens, vienne réclamer pour l'École, fût-ce aux dépens de l'Atelier ! Il obéit aux désirs du prince, comme aux devoirs de sa charge, quand il vous dit : Si les dures nécessités de la vie obligent d'envoyer la femme et l'enfant à l'usine, que ce soit le plus tard possible. Chercher à faire de la femme une bonne ouvrière, c'est bien ; mais donner à son mari des habitudes et un salaire qui la dispenseraient de vivre au dehors, ce serait mieux encore. Elle est la Providence intérieure ; qu'elle reste au foyer domestique, aux soins du ménage et des enfants; qu'elle pré- pare à celui qui travaille pour tous un joyeux retour : voilà la tâche que Dieu lui a faite. L'enfant est l'espoir de la famille et de la patrie; mais la femme est la famille même. Soutenons leur faiblesse, ménageons leurs forces et ne laissons pas l'in- dustrie, pour s'enrichir plus vite, lever une dîme funeste sur la santé de l'un et la moralité de l'autre.

» Ce vœu sera compris dans une ville le travail est orga-

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nlsé de manière à conserver à la vie de famille sa force et sa dignité. Piiisse-t-il être entendu des représentants de l'univers industriel, rassemljlés en ce moment à Paris pour constater toutes les victoires de l'esprit sur la matière! S'ils unissaient leurs efforts pour provoquer une convention sainte qui, égalisant les conditions du travail entre les nations, comme on égalise entre elles les conditions du trafic, ferait limiter, en tout pays, les efforts demandés à l'enfant et à celles qui doivent être des mères, ils ajouteraient une gloire nouvelle à cette Exposition, dont le suc- cès, grâce au ciel, n'a pu être souillé par un abominable attentat. » Puis, après que les princes et les empereurs seraient partis avec les multitudes accourues sur leurs pas; quand les royales magnificences auraient cessé, à la placejdu colossal monument, on pourrait élever l'image d'une Femme et d'un Enfant tendant à l'Industrie leurs mains reconnaissantes. Force serait bien alors de dire que la civilisation, qui produit tant de merveilles, n'a pas seulement toutes les puissances de l'esprit, mais encore toutes les tendresses du cœur, et que le gouvernement qui les provoque est bien, dans la large et belle acception du mot, un gouvernement populaire. »

Notre vice-président, M. Migneret, rapporteur devant le Con- seil d'État de la loi sur l'enseignement technique, a déposé son rapport. Cette loi, qui intéresse à un si haut degré les apprentis et les enfants des manufactures, viendra peut-être en rang utile pour être votée par les Chambres pendant la session de 1867 (le texte en est donné plus haut).

A la suite de l'envoi de notre second Bulletin aux proviseurs et principaux des lycées et des collèges, plusieurs lettres répon- dues nous promettent l'appui le plus dévoué et le plus intel- ligent. Un proviseur nous annonce que, lors de ses visites du soir dans les études, il lira aux élèves des passages de notre Bulletin ; un autre, dans une page pleine d'émotion, écrite à M. le vice-président Charles Robert, en le remerciant de l'envoi du Bulletin, dit : « Je suis un de ces enfants que le » sort a favorisés, dont parle votre illustre président ; mon » père ne savait ni hre, ni écrire : grâce à ses efforts persévé-

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» rants, ce cher défunt avait pu me confier à l'Université, dont » j'aime à me dire le fils dévoué et reconnaissant. .. J'espère » que je pourrai suivre les inspirations d'une Société à laquelle » j'offre de tout mon cœur mon modeste concours. En . )) attendant, je propagerai toutes les grandes idées qui ani- V ment votre Société parmi mes élèves destinés aux carrières » industrielles et libérales. »

De leur côté, les chefs d'industrie ne restent pas sourds à notre appel. Nous avons reçu une foule de communications, parmi les- quelles nous mentionnerons spécialement celles de MM. Kolb frè- res, constructeurs à Strasbourg; de M. Gustave Andelle, verrier à Epinac (Saône-et-Loir); de M. Pinet, fabricant de machines agri- coles à Abilly (Indre-et-Loire); de M. Amyot, directeur de la fa- brique de gaze de MM. Montessuy et Chômer, à Renage ( Isère j, de M. Couturier, directeur de la manufacture de MM. Durand, à Vizille. Tous ces documents, qui intéressent l'apprentissage ou le travail des enfants dans les manufactures, seront successivement publiés. Un de nos correspondants nous a envoyé un aperçu très-complet sur les établissements de la marine impériale ayant trait au travail des enfants. L'administration des services ma- ritimes des Messageries impériales a bien voulu nous transmettre également un^ note détaillée sur les établissements de la Com- pagnie à la Ciotat. Cette note sera insérée dans le Bulletin.

D'autres envois, non moins intéressants, nous ont été faits : M. René de Saint-Maurin nous a adressé une notice imprimée sur la Société de patronage des enfants convalescents (rue de Sèvres, 67). Cette œuvre sera comprise dans l'étude générale sur les Patronages de Paris (garçons), qui est confiée à M. de Cou longes et paraîtra dans le Bulletin n" 4.

Nous avons reçu : de M. Henry Jouin, le prospectus de son Bulletin des œuvres de jeunesse et de patronage, publié sous la direction de M. l'abbé Les Boucker. Ce document est renvoyé au comité du Bulletin; de M. l'abbé Resse, le rapport de Tannée 1866 sur l'œuvre des jeunes ouvriers de Metz, laquelle a déjà patronné cent apprentis. L'un de ces enfants était un malheureux orphelin, conducteur d'un mendiant aveugle. Sa pension est payée en grande partie par une pauvre servante ^i quête à cet effet! Le pensionnat des Israélites de Strasbourg, dont M. Délerot

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vous a entretenus dans la dernière séance, a envoyé son compte rendu annuel, qui prendra place dans la bibliothèque, nous espérons réunir peu à peu toutes les publications de ce genre qui paraissent dans les diverses villes de France, et n'ont été jusqu'ici centralisés nulle part. Nous croyons que leur réunion rendra des services à la cause des enfants.

Notre bibliothèque s'est enrichie, grâce au don de M. Charles Robert, du volume publié par le groupe X, qui décrit sommai- rement toutes les institutions créées par les patrons en faveur de leurs ouvriers. Dans ce catalogue raisonné se trouvent, en grand nombre, de précieux renseignements, que notre Bulletin mettra souvent à profit. Nous espérons que les documents très-étendus dont ce volume donne le résumé, seront un jour mis à notre disposition pai- leur dépôt à la bibUothèque de l'Ai'senal.

Pendant les deux derniers mois qui viennent de s'écouler, ont été célébrées plusieurs solennités très-modestes, mais qui, pour la Société, sont de la plus sérieuse importance : aussi elle y a été représentée par plusieurs de ses membres. Deux d'entre elles ont été présidées par notre vice-président. M. Charles Robert.

M. Leclaire, entrepreneur de peinture, notre collègue dans la commission des industries du bâtiment, a fait à la suite de la séance annuelle de sa Société de secours mutuels une distribution de prix à ses apprentis.— La séance, qui se tenait dans la salle de l'école de garçons des Batignolles, a laissé le meilleur souvenir. M. Charles Robert, président de la Société de secours mutuels, nommé par l'Empereur, a prononcé une allocution remplie des idées les plus généreuses et les plus sympathiques. M. Leclaire a ému son auditoire d'ouvriers reconnaissants par des paroles parties d'un cœur tout paternel. Enfin l'un des sociétaires, M. Barrai, ouvrier peintre en lettres, a lu un discours remar- quable par la sincérité du style, la richesse des aperçus et la netteté des idées px'atiques.

Les apprentis de la maison Leclaire sont peu nombreux : ce sont autant que possible les fils des ouvrière ; ils ne sont reçus qu'après la première communion et sont engagés pour un an seulement. Ils sont payés dès le premier jour, et chaque année le salaire est établi entre M. Leclaire et leur famille, d'après le

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travail de l'année accomplie et d'après l'opinion que l'enfant a su donner de lui. Plusieurs ouvriers habiles dans les diverses spé- cialités se sont offerts spontanément et donnent gratuitement des leçons à ces enfants, qui, au bout de l'apprentissage, auront ainsi, en outre de la spécialité dans laquelle ils excelleront, une connaissance suffisante de toutes les ressources du métier. M. Bar- rai enseigne à ces enfants l'art de peindre des lettres ; il a exposé que les progrès ont été sensibles, encore bien que chaque spé- cialité n'ait eu que quarante heures de travail dans l'année, tandis qu'il faut pour chacune d'elles trois ans d'apprentissage. L'orateur a insisté sur ce point, que les récompenses produisent le meilleur effet en stimulant les indifférents, en encourageant les faibles, etc., etc. Dans ces discours, souvent interrompus par des bravos, l'ouvrier professeur a démontré à ses camarades et aux enfants qui l'écoutaient le mérite et le prix de ces cours techni- ques, qui préparent les apprentis et permettent à l'ouvrier dont l'enfance a été négligée de retrouver le temps perdu.

« Quelquefois un patron, en prenant un apprenti, ne pense » quà Vtxploiter et ne lui apprend que juste ce qui est néces- » saire pour qu'il lui rapporte de suite, de sorte qu'une fois son » temps fini, le jeune homme n'est que très-souvent un ouvrier » inhabile. Si de tels cours lui étaient ouverts partout, il ne dé- » pendrait plus que de lui de faire un bon apprentissage. » Ces appréciations de M. Barrai devraient être mises sous les yeux de certains patrons et de certains ouvriers dont les enfants qu'ils emploient ou qui les aident sont considérés comme des pièces détachées de machines.

M. Hamelin, membre d'une de nos commissions, avait convié le bureau à une véritable fête intime à sa manufacture de la rue de la Glacière, n°20. Le Bulletin publiera prochainement une étude de M. Cornudet fils sur cette intéressante institution et sur les fabriques montées sur les mêmes errements. Je me bornerai à reproduire le court extrait qu'a donné le Moniteur :

« La distribution des récompenses et des primes en argent mé- ritées par les jeunes ouvrières employées au dévidage de la soie, dans la manufacture de M. Hamelin fils, rue de la Gla- cière-Saint-Marcel, sous la direction des sœurs de Saint-Vin- cent-de-Paul, a été présidée par M. Charles Robert, secrétaire

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général du ministère de l'instruction publique, l'un des vice-pré- sidents de la Société de protection des apprentis et des enfants des manufactures. Autour des jeunes ouvrières et des sœurs, se pressait une nombreuse assistance étaient réunies beaucoup de dames et l'on remarquait MM. 3Iigneret, conseiller d'État, vice-président de la Société de protection ; le duc de Mouchy, secrétaire général de la même Société ; Lebel, maire du treizième arrondissement : l'abbé Peyrat, assistant du révérend supé- rieur général des Lazaristes ; Arles Dufour, Barreswil, inspecteur des entants des manufactures ; Pompée, Emile Pereire tils, Délerot, et les manufacturiers Sajou, Piver, Hayem, etc.

Après un chœur chanté avec goût par les jeunes ouvrières et une allocution prononcée par l'une d'entre elles, le président, prenant la parole, a insisté sur le caractère touchant du spec- tacle que l'assemblée avait sous les yeux.

Il a exposé que, sur les deux cent cinquante jeunes lilles qui, logées dans la fabrique, y travaillent au dévidage, la plupai't sont orphelines, tandis que les autres ne peuvent compter sur la pro- tection efiîcace de leur famille. Parlant de ceux qui souhaitent pour la femme qu'elle puisse se vouer aux soins du ménage et de la maternité sans jamais en être détournée par le travail de l'atelier, il s'est associé à ces pensées généreuses en ajoutant que, malheureusement, la nécessité les réduit encore à l'état de vœux stériles ; mais il a ajouté qu'il faut honorer d'autant plus les tentatives faites pour améliorer la condition des femmes em- ployées dans les usines. Rappelant à cette occasion les institu- tions créés à Lovvel ( Massachusetts ), et qu'a fait connaître ici M. le sénateur Michel Chevalier, il a fait remarquer que, chez xM. Hamelin, la jeune fille n'est guère employée que de douze à vingt et un an ; elle peut ensuite, quittant l'atelier et la profes- sion de dévideuse, s'établir avantageusement, ne vivre que pour le foyer domestique et devenir la souche d'une honnête et ver- tueuse famille. Il a exposé que ces deux cent cinquante jeunes lilles, réunies dans des ateliers vastes et salubres sont à la fois élèves et ouvrières : élèves dans la chapelle, dans l'école elles appren- nent à lire, à écrire et à compter, dans l'ouvroir on leur enseigne la couture et l'art du ménage, partie si importante de l'instruction des femmes ! Insistant avec vivacité sur ce point, M. le président a montré l'influence considérable qu'exerce sur la destinée de l'ouvrier une femme qui sait entretenir le linge

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et les vêtements, tricoter, raccommoder, tenir la maison avec ordre, préparer convenablement l'alimentation. Un ménage mal tenu, une cuisine mal soignée, contribuent souvent à pousser l'ouvrier vers le cabaret. Ces enseignements utiles sont donnés pendant trois heures et demie chaque jour ; neuf heures sont consacrées à un travail industriel facile, qui n'a rien d'excessif, qui n'efface point de ces jeunes visages les signes de la santé, qui contraste de la manière la plus heureuse avec ces exploita- tions impitoyables de l'enfant par Tusine que chacun condamne et déplore.

Montrant la sollicitude vigilante dont les sœurs de Saint-Vin- cent-de-Paul, et, en particulier, leur éminente supérieure la sœur Caron, entourent ces pauvres filles pour les garder intac- tes en les instruisant et les préparer ainsi à la vie sociale, le président a constaté que leur travail, salarié par tous ces soins, par la dépense de leur entretien complet, nourriture, logement, vêtement, etc., et aussi par l'allocation annuelle de primes en argent qui s'accumulent et forment à vingt et un ans une petite dot de 3 à 600 francs accompagnée d'un trousseau, est un travail utile et productif au point de vue industriel. « Il semblerait, a-t-il dit, qu'on n'ait ici qu'à admirer une œuvre philanthropique et le dévouement désintéressé des sœurs ; mais M. Hamelin affirme que cette œuvre généreuse constitue une bonne opération, une bonne organisation industrielle. »

La possession de deux cent cinquante ouvrières honnêtes, sur- veillées, élevées, maintenues dans la maison, affranchies de toute mauvaise influence, livrées à un travail assidu, régulier, que nul chômage ne dérange, que rien ne trouble, est un avantage important, et de plus elle aboutit à une économie de près de la moitié sur le déchet ordinaire, qui, dans cette industrie de la soie, est quelquefois énorme, ruineux, quand le travail est abandonné à des mains maladroites ou peu scrupuleuses. L'élan du cœur peut donc produire les résultats d'un bon cal- cul. Un de ces chefs d'industrie, déjà si nombreux, qui savent créer entre eux et leurs collaborateurs une communauté d'inté- rêts, me disait une foi&: « J'ai mieux aimé mettre 20 francs dans ma caisse et 20 francs dans celle de mes ouvriers que de ne gagner que 15 francs pour moi tout seul. » Il est bon de faire connaître l'œuvre de M. Hamelin! L'exemple est puissant pour le bien comme pour le mal. Partout il y a communi-

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cation facile, l'égalité de niveau s'établit dans l'ordre moral comme dans l'ordre physique (1). La loi de l'équilibre des li- quides dans les vases communicants n'est-olle pas l'image de cette loi économique qui tend à égaliser le prix des denrées et le taux des salaires, et qui aura nécessairement pour effet, grâce à la publicité dont nous disposons, de généraliser les justes ré- formes, les innovations utiles dans tous les lieux se rencon- treronLde bonnes volontés sincères et des moyens d'actions suffisants? S'adressant ensuite aux enfants, le président a fait ressortir à leurs yeux les avantages de leur position et a ex- primé l'espoir qu'elles garderont toujours le souvenir des en- seignements reçus dans cette maison hospitalière. Les allocations en argent, dont le total s'élève pour la moitié environ des ou- vrières à 3,o00 francs, ont été ensuite publiées, des livres ont été donnés aux autres, et après quelques paroles du maire du treizième arrondissement, les ouvrières se sont rendues dans leurs magnifiques ateliers, elles ont donné aux invités, tout en chantant eu chœur de gais refrains, une représentation in- téressante de leurs travaux habituels.

L'Œuvre des enfants du papier peint, dont vous entretien- dra plus particulièrement M. de Coulonge lorsqu'il nous lira l'étude très-complète sur les patronages, a eu également sa dis- tribution des prix. Voici en quels termes le Moniteur a rendu compte de cette gracieuse cérémonie :

« Le 26 mai, une fête de famille avait réuni les principaux fabricants de papiers peints et les ouvriers les plus recomman- dables de cette industrie, avec les familles des uns et des au- tres, dans la maison de la Providence-Sainte-Marie (rue de Reuilly, 77), des sœurs de Saint- Vincent-de-Paul, que la dévouée supérieure, la sœur Dufès, avait ouverte à l'Œuvre des enfants du papier peint.

» M. Charles Robert, conseiller d'Etat, secrétaire général du ministère de l'instruction publique, vice-président de la So-

(1) A Mulhouse, les enfants sont rares et la loi de 1841 n'est pas en- core en vigueur, un internat d'enfants rendrait un service immense au fa- bricant qui l'établirait et à l'ensemble des fabricants empruntant leur popu- lation au dehors; il permettrait de rendre à la masse un bon nombre d'en- fants de douze ans et la loi deviendrait alors d'une application facile.

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ciété de protection des apprentis et des enfants des manufac- tures, présidait cette cérémonie, à laquelle assistaient des re- présentants de l'autorité civile et religieuse. La musique mili- taire de la caserne de Reuilly avait été gracieusement mise à la disposition de M. Jules Riottot, président de l'OEuvre.

» De nombreux prix ont été décernés en argent, en livres, en bons de vêtements ; les principaux, notamment le prix d'hon- neur de 100 francs, avaient été donnés par l'Empereur^

» Une tombola a été tirée; chaque lauréat avait reçu deux numéi'os gagnants, l'un pour son père, l'autre pour son patron. Le lot principal consistait en une belle pendule donnée par l'Empereur; les autres lots avaient été offerts par divers ma- nufacturiers. M. Charles Robert a levé la séance en annonçant l'heureuse nouvelle que S. M. l'Impératrice daignerait visiter les enfants de l'industrie du papier peint; dans ce local élevé par l'ardente charité des sœurs, où, recevant l'instruction pri- maire et l'enseignement religieux, ils sont l'objet des attentions maternelles les plus ingénieuses et les plus dévouées. »

L'Œuvre des enfants du papier peint fait de sérieux progrès dans l'opinion. Toutefois les quarante-deux manufacturiers qui ont signé la réponse aux ouvriers, dans laquelle ils réclament contre ceux-ci la priorité pour s'être occupés les premiers des enfants, ne sont pas encore tous membres de l'œuvre. L'appel à la concorde fait par M. Charles Robert, dans les termes les plus doux et avec l'accent le plus irrésistible, entraînera, nous n'en doutons pas, les patrons encore aveugles et les ouvriers encore déliants.

Les documents que j'ai sous les yeux me permettent d'établir le budget de l'Œuvre des enfants du papier peint ainsi qu'il suit :

La DÉPENSE n'a été que de quelques milliers de francs, grâce à la protection de S. M. l'Empereur, à la bienveillante assis- tance de LL. Exe. les ministres, à la générosité de quelques hommes intelligents, au dévouement des sœurs et des membres du bureau de la Société.

On peut porter en recette : 200 enfants mieux nourris, mieux vêtus, plus instruits, plus développés, dégrossis en tous points, et, parmi eux, un certain nombre complètement affinés, modernisés. De plus, il faut compter à l'actif de l'œuvre la con-

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version de quelques nouveaux patrons désormais convaincus et de quelques ouvriers franchement ralliés. Aujourd'hui on peut dire que l'ensemble des patrons et des ouvriers accepte et comprend la loi qui a émancipé l'ouvrier, mais n'a pas mis le maître en tutelle; les ou\Tiei*s admettent généralement que les patrons ne sont pas nécessairement des tyrans, et les patrons se persuadent qu'ils peuvent pai* la confiance et la justice conquérir leurs ouvriers.

Dans i^tfe industrie du papier peint, tout fait présager une série de modifications prochaines et inévitables dont il faut, en somme, se féliciter. Les machines, que les grèves des ouvriers ont fait naitre, se répandront de plus en plus, parce que, ayant l'avantage de ne pas être capricieuses, de ne pas chômer trois ou quatre jours par quinzaine, elles donnent un travail de chaque jour pour payer un loyer et des frais généraux cpii courent chaque jour. Ces machines, tout en amenant dans la fabrication du papier peint des conditions nouvelles, ne sup- primeront jamais totalement le travail à la main; seulement on aura beaucoup moins d'ouvriers, et ceux qui resteront seront tous des ouvriers habiles, par conséquent bien rétribués; ayant été bien élevés, ils sauront s'attacher à l'atelier comme des fils majeurs le sont à la maison paternelle ; ils aimeront leur patron en souvenir du bien qu'ils en auront reçu, et le patron et l'ouviier seront unis l'un à l'autre par un esprit de justice ré- ciproque. — Les enfants deviendront des apprentis véritables, dont l'avenir sera tout tracé, car tous viendront occuper la table qu'ils auront servie pendant leur enfance. Quant aux hommes de corvée, il sera toujours au moins aussi facile de se les procurer que ces conducteurs de voitures, que nous avons vus récemment improvisés si vite; et ces hommes seront d'autant plus attachés à un patron équitable, bienveillant et prévoyant, qu'il sera plus aisé de les remplacer.

N'est-ce pas l'avenir de toutes les industries (1)?

(1) Votre comité, d'accord avec M. le président de l'Œuvre des enfants du papier peint, a organisé pour le mois de novembre une fête très-complète pour laquelle le concours d'un orateur aimé, d'artistes habiles et d'un savant émi- nent vous est assuré. Les invitations seront adressées aux fabricants et à leurs contre-maîtres; les enfants de plus de douze ans, travaillant depuis plus de deux mois avec le même ouvrier el suivant les cours du soir , auront droit chacun à quatre billets, deux pour le père et la mère, deux pour le patron et la femme de celui-ci (le patron est l'omTier qui embauche, emploie et paie l'enfant). ^

n2

Le rapport de M. Coulonges sur l'apprentissage décrira la maison de la rue des Quatre-Fils, 4. La Société qui dirige cette maison a tenu sa quarante-deuxième assemblée générale au Con- servatoire des arts et métiers sous la présidence de M. Thayer, sé- nateur. Le rapport de M. Achille Normand établit que cette œuvre, en 1866, a entretenu cent vingt-huit apprentis, pour lesquels elle a dépensé 48,000 francs, soit en vêtements et nourriture du dimanche, soit en instruction scolaire et religi^jyise. A la suite de la lecture de ce rapport a eu lieu une distribution de récompenses, dont plusieurs de 50 à 100 francs, fondées par des membres de la Société, ont été décernées à de jeunes ouvriers formés par ses soins, et qui lui donnent l'espoir que, devenus maîtres à leur tour, ils rendront à leurs successeurs dans le patronage le bienfait de l'apprentissage qu'ils ont reçu.

La Société compte déjà de nombreux maîtres et de très-distin- gués parmi ses anciens pupilles ; elle a toujours trouvé en eux les auxiliaires les plus dévoués de son œuvre et elle se plaît à proclamer ce résultat, qui en est la pierre de touche et la meilleure justification.

M. le vice-président Ch. Robert a été invité à assister à la séance d'inauguration de la Société fondée par les fabricants de fleurs et de -plumes, pour l'amélioration des conditions morales et matérielles de l'apprentissage dans cette industrie. Un des mem- bres du conseil a été délégué pour remplacer M. le vice-prési- dent empêché. Voici en quels termes le Moniteur rend compte de cette séance.

« La réalisation de ce projet de Société fait le plus grand honneur à la chambre syndicale de la double industrie des fleurs et des plumes, à M. Charles Petit, l'un de ses membres, qui en a pris l'initiative. Une première séance générale de la Société a été tenue ces jours passés dans le salon des syndicats, boulevard de Sébastopol, sous la présidence de M. Marienval. L'assemblée a nommé à l'unanimité M. Charles Petit, pré- sident, et a décerné la présidence d'honneur à M. Charles Robert, conseiller d'État (vice-président de la Société de protec- tion des apprentis et des enfants des manufactures) . Désormais les familles pourront en toute sûreté destiner leurs filles à la fa- brication des fleurs. En s'adressant à la Société des fabricants, elles trouveront, sous la surveillance de son conseil, toutes lesga-

173 ranties de moralité , d'habileté, de conscience qu'on ne saurait trop rechercher.

» Les patronages n'hésiteront pas à seconder cette œuvre fondée sous l'impulsion de la Société de protection des appren- tis et des enfans des manufactures.

» Il serait à désirer que des Sociétés semblables existassent pour les divers groupes de l'industrie parisienne. »

Ce vœu du Moniteur est l'une des tâches que s'est imposées votre conseil.

Nous donnerons dans le prochain Bulletin le récit par M. le comte de Melun de la fête des patronages de filles au château de W^ de Ladoucette, Nous voulons publier à la suite une note sur la fête du patronage de garçons au Pré Catelan que doit nous envoyer M. le vicomte de Melun et que nous re- cevTons prochainement. Nous attendons aussi une notice sur la Société des demoiselles employées dans le commerce; cette Société a promis à la nôtre son concom-s dévoué.

Voici une note reçue pendant l'impression sur une cérémonie toute de famille qui a un bien grand intérêt poui* les amis des enfants.

« Dimanche dernier, a eu lieu, rue Bergère, 20, la distribu- tion des prix aux élèves de l'Ecole professionnelle {\) de l'Im- primerie centrale des chemins de fer.

» Dans une des salles de l'Imprimerie, élégamment ornée pour la circonstance, étaient réunis les jeunes gens apprentis et leurs familles.

» La séance était présidée pai- M. Ciiaix, assisté de MM. les membres du bureau de la Société de secours mutuels et de MM. les contre-maîtres de l'Etablissement.

» Après un discours prononcé par le doyen des employés sur les avantages des cours du soir, et un examen fait par chacun des deux professeurs sur les différentes parties de l'enseigne- ment, il a été procédé à la distribution des récompenses, qui se

(1) Parmi ces élèves sont ceux qui composent et im{»riment ce Bulletin.

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composaient de livrets de caisse d'épargne, de composteurs d'honneur et de volumes de la Bibliothèque des Familles. La cérémonie a été close par la lecture d'une pièce de vers et par la distribution à chacun des élèves d'un billet d'entrée à rExposition. »

M. Wolff, notre collègue de la maison Pleyel-Wolff, a cons- titué pour son importante maison une école d'apprentissage sé- rieux, capable de lui donner une pépinière d'excellents ouvriers. Nous publierons dans un prochain bulletin les conditions d'ad- mission et le règlement; en attendant, voici une lettre que notre collègue adresse en réponse à M. le Président :

« Ainsi que vous m'en avez exprimé le désir, je vous rends compte d'une manière abrégée de la séance dans laquelle le comité d'apprentissage de notre fabrique a examiné les appren- tis de première année pour les faire passer en seconde, et a prononcé l'admission de quatre nouveaux apprentis qui vont entrer immédiatement.

» Nos jeunes gens ont été réunis dans le bureau du compta- ble, j'ai donné lecture d'un rapport écrit par chacun des chefs auxquels les apprentis avaient été confiés; ils ont de nouveau subi un examen sur la lecture, l'écriture, le calcul, afin de s'assurei' qu'ils avaient fréquenté l'école avec exactitude ; une petite allocution a été adressée par le patron, et, sur les quatre, trois ont été récompensés; ils ont reçu un afi'utage complet, c'est-à-dire une varlope, uu rifflard et un petit rabot; le qua- trième n'ayant pas donné de satisfaction, a été admonesté. Les nouveaux ont subi pareillement l'examen, et les passages en seconde année ainsi que les admissions en première ont été prononcés, dans les conditions fixées par notre règlement ; il y a, vous le savez, augmentation de salaire pour les apprentis, tant de la part de la Maison que de la part du chef.

» Ce n'est vraiment qu'au bout de trois ou quatre ans

que l'institution présentera des résultats intéressants et peut- être dignes d'être plus connus. Jusqu'à présent, cela se passe en famille Agréez, etc. »

Honneur à ces manufacturiers qui relèvent chez nous le niveau de l'apprentissage et par conséquent le niveau social ! Qu'ils soient persévérants! qu'ils ne s'arrêtent pas devant la

i75

critique de ceux que retient encore leur paresse ou leur égoïsme ! Qu'ils soient sourds à toute incrimination malveillante de ces conirères impotents qui nient la spontanéité pour justifier leur inertie. Au surplus, les hommes rétrogrades qui ne comprennent ni leur temps, ni leur pays, ni leurs intérêts, sont de plus en plus rares, notre succès l'atteste; le progrès monte, et bientôt il faudra qu'ils se résignent, sans quoi leur isolement les dé- signerait à l'opinion sévère des gens de bien.

I

Le pensionnat d'apprentis que notre collègue M. Piver a fondé sous l'impulsion de la Société est ouvert ; il a déjà reçu quel- ques enfants placés dans l'importante maison d'orfèvrerie Chris- tofle et chez M. Bouvenat, le célèbre bijoutier, etc. Les conditions générales sont les suivantes : M. Piver, qui a pourvu à l'installation complète et très-confortable de la maison, a pris à sa charge le loyer, les impôts, le traitement de l'instituteur et de sa femme, l'entretien des enfants, soit une dépense annuelle d'au moins 8,000 francs ; les frais de nourriture sont payés par les patrons, qui s'engagent à verser pour cela une somme annuelle de 430 francs, soit 1 fi\ 2o c, par jour environ.

Cette somme est pour les patrons une charge minime, si l'en- fant est intelligent et laborieux. Dans certains cas, peut-être, pour de certains états ou de certains patrons, elle pourra être un obstacle, mais dans ces cas exceptionnels, on imaginera un biais et la pension sera fournie alors en partie ou en totalité par la famille ou par des protecteurs.

Voici un extrait du règlement en vigueur, mais non définitif, de l'œuvre à laquelle le fondateur a donné le nom de Maison

DE TUTELLE.

/. Conditions d'admission. Les enfants sont admis à partir de douze ans, sur la présentation de deux hommes ho- norables attestant par certificat leur parfaite conduite. Ils doi- vent avoir fait leur première communion et avoir reçu l'instruc- tion élémentaire. Ils sont dirigés vers une profession exigeant un véritable apprentissage, et, autant que possible, exempte de chômages réguliers.

Ils déposent, en entrant, leur acte de naissance et un certi- ticat de vaccine.

- 176

Ils doivent apporter un trousseau composé de : 6 chemises de jour, 2 chemises de nuit, 6 paires de bas ou chaus- settes, — 12 mouchoirs, 1 habillement pour tous les jours, 1 habillement pour les dimanches, 3 blouses, 2 paires de souliers. Ce trousseau peut être remplacé par la somme né- cessaire pour que la maison puisse le fournir.

Ce trousseau, une fois fourni, est entretenu et renouvelé aux frais du pensionnat, pendant toute la durée de l'apprentissage.

Le prix de la pension est de 4S0 francs par an, payables par trimestre et d'avance par le patron, ou garanti par lui. Tout trimestre commencé est en entier. En cas de non-paiement de deux trimestres, le renvoi de l'élève peut être prononcé.

//. Administration et direction du pensionnat. La direc- tion du pensionnat est confiée à un instituteur, choisi par le fondateur.

Le directeur est responsable de la conduite des apprentis pendant le temps qu'ils passent dans le pensionnat, et, de plus, il doit faire des visites fréquentes aux divers patrons pour s'assurer de la conduite des apprentis et de leurs progrès dans leur profession. Il veille à la bonne tenue intérieure de l'éta- blissement, à la saine préparation des repas et à l'achat des denrées.

Il rend compte chaque mois^ par écrit, au fondateur de la maison, de la conduite de chaque apprenti, des diverses récom- penses ou punitions qu'il a méritées.

Aucune condition du contrat d'apprentissage ne peut être en opposition avec le règlement intérieur du pensionnat.

III. Distribution du temps. L'apprenti se lève à 5 heures du matin en été, à 6 heures en hiver. Au signal donné par le directeur, l'apprenti doit se lever et s'habiller rapidement. Quand sa toilette est terminée, a lieu la prière. Après la prière, l'ap- prenti fait son lit. Le premier déjeuner servi une demi-heure après le lever se compose d'une soupe et d'un morceau de pain, A 5 h. 3/4 en été, à 6 h. 3/4 en hiver, l'apprenti quitte le pen- sionnat pour se rendre à son atelier. Il emporte son second déjeu- ner, composé de viande, d'un morceau de fromage et d'un morceau de pain. A 6 heures du soir en hiver, à 7 heures en été, il quitte son atelier et revient au pensionnat, Pour celte double course, du pensionnat à l'atelier et de l'atelier au peu-

I

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sionnat, l'apprenti doit suivre l'itinéraire et n'employer que le temps indiqué par le directeur. Tout détour ou arrêt est interdit. A 6 h. 4/4 ou à 7 h. 1/4, suivant la saison, a lieu le souper, qui se compose de soupe et de légumes, et d'une ration de vin. Après le dîner, l'apprenti est en récréation. Ce temps sera consacré à des jeux et à une causerie avec le directeur, qui de\Ta profiter de ce moment de liberté pour interroger chaque élève sur l'em- ploi de sa journée et lui donner tous les bons conseils que les incidents de chaque jour susciteront. A 7 h. 3/4, l'apprenti est conduit par le directeur aux cours de l'Association polytechnique et aux cours de dessin, qui se tiennent à l'école Turgot (jusqu'à ce que des cours soient organisés dans l'intérieur de l'établis- sement).

A 9 h. 1/2 a heu le coucher. Dès que la prière du soir est dite, le silence le plus absolu doit régner dans le dortoir. Le directeur couche dans le dortoir des apprentis.

Le dimanche, le lever a lieu une demi-heure plus tard; une heure est accordée pour la toilette. Pendant ce temps, les apprentis doivent battre et nettoyer tous leurs vêtements, dont l'inspection est faite par le directeur. Les apprentis sont con- duits à la messe et assistent à une leçon d'une heure et demie. Après le second déjeuner, ils partent en promenade jusqu'au dîner. Le soir, a lieu un cours de deux heures. Ces cours du soir et du dimanche comprendront toutes les connaissances complémentaires de l'enseignement primaire. Un soin particu- lier sera donné à l'enseignement du dessin.

Des sorties dans les familles sont accordées aux apprentis qui ont de bonnes notes. L'élève qui sort doit être rentré à 9 heures du soir. Tous les dimanches, de midi à 1 heure, les élèves peuvent recevoir des visites de leur famille et des per- sonnes recommandées au directeur.

Récompenses et punitions. Le samedi matin, le directeur remet à l'apprenti un bulletin imprimé.

Ce bulletin doit être rempli et signé par le patron, et remis le samedi soir au directeur, qui, de son côté, a rédigé un bulletin analogue sur la conduite de l'apprenti dans l'intérieur du pensionnat et aux cours. Le dimanche matin, au retour de la messe, a heu, au pensionnat, la lecture de tous les bulletins.

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Cette lecture est faite par le fondateur ou par le directeur, en présence de toute l'école.

L'élève qui a mérité des reproches de ses maîtres est invité à reconnaître sa faute et à promettre une meilleure conduite. Il est admis à présenter librement toutes les excuses qu'il croit propres à sa justification. Selon les notes des bulletins, chaque élève reçoit une récompense ou une punition, déterminée par le fondateur ou le directeur, et soumise par lui au vote confir- matif des meilleurs apprentis, qui remplissent en cette cir- constance le rôle de juges. L'apprenti dont les deux bulletins, de l'atelier et de la pension, sont satisfaisants, reçoit une bonne note. Ces bonnes notes, en s'accumulant, donnent droit à des grades, à des primes de 42, 15 et 25 francs et à des prix.

Les récompenses en argent' sont portées sur un livret de caisse d'épargne.

Aucun apprenti ne doit avoir d'argent de poche à sa dispo- sition, à l'insu du directeur. En conséquence, tout apprenti, dès qu'il reçoit de l'argent de ses parents ou patrons, doit le déclarer au directeur, qui l'inscrit au compte de l'apprenti et le lui laisse entre les mains, en tout ou partie, s'il le juge con- venable. •

La punition est la mauvaise note.

Tout gradé qui a une mauvaise note est suspendu de son grade ; après deux mauvaises notes, il est rayé et cassé du tableau d'honneur. L'apprenti non gradé qui a une mauvaise note est condamné, suivant la gravité de sa faute, ainsi qu'il suit :

La privation de récréation; 2" la privation de promenade; la privation de sortie.

En cas de nombreuses mauvaises notes consécutives ou de faute grave, l'exclusion sera prononcée, et l'enfant remis à sa famille.

Dispositions générales. Les apprentis doivent respect et sou- mission au fondateur, au directeur, à leurs patrons et à ceux de leurs camarades que leur bonne conduite a faits leurs supé- rieurs.

Ils doivent considérer leur patron et le directeur comme un chef de famille et lui obéir avec une docilité aifectueuse et reconnaissante.

479 -

En parlant à leurs patrons et protesseurs, ils doivent se tenir debout et la tête découverte.

Ils doivent, en un mot, garder toujours et partout la tenue qui convient à des jeunes gens instruits et bien élevés.

Tous les ans, au mois d'août, une séance solennelle sera consacrée à la distribution publique des récompenses méritées par les apprentis.

Ceux d'entre eux qui auront terminé leur apprentissage avec distinction recevront un certificat et un prix consistant en vo- lumes, en objets et instruments utiles dans l'exercice de leur profession . Ils seront inscrits sur le Tableau d'honneur, et admis comme Membres d'une Association qui, sous la présidence du fondateur, aura pour but de maintenir entre tous les anciens élèves du Pensionnat, partout ils seront établis, des relations amicales, propres à les aider dans le cours de leur carrière industrielle .

Le pensionnat fondé par M. Pivei* est situé provisoirement rue des Fontaines, no 5. Il est sous la direction de M. Canonge, instituteur. '^'-l'^J-

M. MARGUEkix, directeur de l'école municipale Turgot, a bien voulu se charger de l'inspection supérieure de l'enseignement.

L'instruction religieuse, que la loi exige, sera donnée sous la haute suiveillance de M. le curé de Saînte-Èlisabeth.

Nous recommandons instamment à tous nos cx)llègues, nous prenons la liberté de recommander aux présidents et aux membres des chambres syndicales, aux prud'hommes, aux proviseurs de lycées et collèges, aux frères, aux instituteurs, aux chefs dépen- sions de Paris et des départements, à toute personne qui est en contact avec les familles et avec les industriels , d'aller visiter la maison de la rue des Fontaines, o, et de lui envoyer des enfants d'élite.

13

480 -

CONFÉRENCE DU RÉVÉREND PERE HYACINTHE.

P. S. La conférence du R. P. Hyacinthe a eu lieu le 30 juin à l'église Saint- Eustache à l'issue de la messe d'une heure; l'as- sistance était très-nombreuse, et pourtant, il faut bien le dire, le beau temps avait conduit à la campagne bon nombre de per- sonnes dont on espérait la présence, des manufacturiers des dé- partements pour lesquels le jour avait été choisi aussi près que possible de la séance du 1^' juillet, et même des membres du Conseil de la société.

M. le président Dumas, MM. les vice-présidents Migneret et Charles Robert, M. le duc de Mouchy, entouraient M. le Curé.

Madame la princesse Napoléon Bonaparte, et madame la du- chesse de Mouchy qui s'est inscrite au nombre de nos mem- bres perpétuels, avaient pris place au banc-d'œuvre.

M de Girardin assistait à cette séance, il en a rendu compte en ces termes dans le journal la Liberté :

« Inspiré sans doute par le sujet : Les devoirs de l'industrie envers r enfance,)) le R. P. Hyacinthe s'est surpassé dans la con- férence qu'il a faite hier à l'église de Saint-Eustache, à la de- mande de la Société de protection des apprentis et des enfants employés dans les 7nanu factures, prés'idéei^ar M. Dumas, de l'Ins- titut, ancien ministre. La chaire chrétienne n'a jamais entendu un plus puissant langage descendant plus intrépidement dans les profondeurs de son sujet et s'élevant plus majestueusement à la hauteur de la question ; alliant à la fois, sans les fausser, les deux paroles, celle de la science économique et celle de la charité évangélique ; simple et familier quand il convenait d'être familier et simple, éloquent et poétique dès que l'inspiration lui permettait de l'être naturellement, sans jamais tomber danîs l'emphase. Nous qui avons souvent entendu dans leurs plus beaux jours M. Berryer et M. Guizot; nous n'exagérons pas quand nous disons que le R. P. Hyacinthe a réuni hier en sa personne la passion, l'émotion, la fougue, la puissance du pre- mier à la rectitude, à la sûreté, au talent et à la souveraineté du second. On oubliait qu'on écoutait un sermon, on croyait entendre un discours ; la chaire s'était transfigurée en tribune, mais quelle tribune ! et quel orateur ! »

Le prochain Bulletin donnera le résumé de la conférence de M. le pasteur Vrrnes à la chapelle évangélique de l'Exposition internationale.

LISTE

MEMBRES PERPÉTUELS

MM.

A. I. la Princesse Clotilde. Arlès-Dufour, négociant. Boucicaut, négociant. Cail, ingénieur constructeur. Cuvillier, négociant. Desfontaines, horloger. Dupuy de Lomé, de l'Institut . Durenne, constructeur. Dutfoy, négociant à Moscou. Dutfoy G.], de Moscou. Froment Meurice, joaillier.

MM.

Hubault, parfumeur. Laurent Richard, négociant. Leclert, négociant en bois. Lefévre Ducatteau, deRoubaix. Monjean, directeur de Cbaptal. Mouchy (M"^ la duchesse de) . Murât i.M"^ la princesse). \t

Rallet. manufacturier à Moscou.";' Richard aine, fabricant. Scellos, tanneur.

LISTE

MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ

Inscrits depuis la publication du Bulletin 2.

I

MM.

A. I. Princesse Mathilde. A. I. Princesse Clotilde.

Andelle, verrier d'Epinac. Andreeff, de St-Pétersbourg. Arlès-Dufour, négociant. Aubergier de Clermont-Ferrand. Bablot, négociant en huile. Bechet, plombier. Berthon, fabricant de bouchons. Blanc (Jules), consul. Bocquet, négociant. Boucicaut, négociant. Eoulenger, de Choisy-le-Roi. Bourdon (G.), de Saint-Omer. Bourreau, employé de commerce. Breton (P.j fabricant de papier. Cail, ingénieur constnicteur. Callard, manufacturier. Callon, propriétaire. Gallon, propriétaire, de Vichy. Gant, propriétaire.

MM.

Cardheilac, orfèvre-coutelier. Cavalier Coll, const. d'orgues. Charles Jean, manufacturier. Chocquel, fabricant de tapis. CoUin, marchand verrier. Collinot, rentier. Conneau, médecin de l'Empereur. Cuverville ide), propriétaire. Cuvillier, négociant. Darblay, député, négociant. Darboy iMgr.), archevêque. Darroux, rentier. Desfontaines, horloger. Devallois, régent de la Banque. Doisy, négociant verrier. Doucet, chemisier de l'Empereur. Dubaut négociant. Dtifour iMadame E.). Dupuy de Lomé, de l'Institut. Durenne, constructeur à Suresne. Dutfoy, de .Moscou.

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MM. Dutfoy (Georges), de Moscou. Ecole des A. et M. de Strasbourg. Favier, fleuriste. Forcade de la Roquette (S. £.]• Fortier, tainssier. Fontaine (Constant) de Versailles. Fougasse, négociant. Fourneyron, ingénieur. Fraisse, prof, du collège de Grasse. Fraser, propriétaire. Froge de Mauny, juge de paix. Froment Meurice joaillier. Fulerand, pr. du collège de Lunel . Fumouze (père), manufacturier. Fumouze {ii\s), de Saint-Denis. Gaillard, fabricant. Galibert, négociant. Ganneval, fabricant. Gautier, proviseur à Rouen. Girault, fabricant. Goldemberg, manufacturier. Gomel, auditeur au Conseil d'État. Halgan, de Nantes. Hartog Jean, fabricant de boutons. Heart (Augustin) . Helouis, passementerie d'or. Hubault, parfumeur. Hubault, professeur d'histoire. Isnard (Léopold), Grasse. Jametel. (E), banquier. Jarrié, horloger; Palais-Royal. Kolb (frères), Strasbourg. Kulhmann, de Lille. . Ijamy, emballeur. Lanteigne, notaire. Larivière, négociant. Lastic (M. le comte de). Lavessière (Emile), négociant. Lavessener (Henril, négociant. Lebon, fabricant de boîtes. Lefebvre Ducatteau, Roubaix. Lefèvre, fabricant de vernis. Lefèvre (Th.), fabricant de céruse. Leroux, négociant. Leroy et Durand, manufacturiers. Leroy d'Etiolle (Raoul), le docteur. Lesage, principal de collège. Leuilleux, (l'abbé), Boulogne-S.-M. Lietart, rentier. Lissajous (Madame). Lorme (Al p. de), rentier. Marchand, ancien maire. Marchand [\.), verrier. Marchand (E.), négociant. Marie, Prov. mu collège de Milhau.

MM. Marjolin, docteur en médecine. Mercié, négociant. Mesnard, architecte. Midocq, fabricant. Millet, fondeur en cuivre. MoU, architecte. Monduit, plombier. Monjean, directeur de Chaptal. Morin (Ernest), professeur d'histoire. Mouchy (M"" la duchesse de). Murât (M""" la princesse). Nicolle, verrier, à Anbervilliers. Orbelin (Aristide), négociant. Orphelines de la princ. Mathilde. Padoue (duc de), sénateur. Parisot, coutelier. Penicaud et Naud, négociants. Pereire, étudiant en droit. Perrier, fabricant de sucre. Perrier (C), anc. dép. de la Marne. Philipau (Bern.), de Rouilly, Aube. Fiver (L. T.) St-Maur. Piver (Ad.) négociant. Piver (Alexandre), négociant. Poisat, anc. député, à Passy-Paris. Possoz, chimiste. Poulot, mécanicien-constructeur. Rabaté, m. de pension, à Mcaux. Rallet, de Grenoble. Rallet (G.}, de Moscou. Ramousset, architecte. Régnier, fabricant. Rhoné, V. P. C'° du gaz. Richard.

Richard aîné, fabricant. Richard (Laurent), négociant. Ricord, tanneur. Rimmel, parfumeur. Rittau, lilateur de laine. Rivet, princ. du collège de Baguols. Rochard, manufacturier. Scellos, tanneur. Signol, de l'Institut, peintre. Stroll (Frédéric), d'Audincourt. Taborin, manufacturier. Tajan, négociant. Tandou, propriétaire. Tharaud (Stanislas), d'Évreux. Tissier, du Conquet. Triefus et Ettlinger, négociants. Verdavainne, fabricant de jouets. Vaury, boulanger. Walcker, négociant. Weldon, ancien manufacturier. Zengerlé, de Sarrable.

IMPRIMERIE CENTRALE DES CHFMmS DE FER. A. CHAIX El Ce, - RUE BERGÈRE, 20, A PARIS.—

SEANCE PUBLIQUE DU 10 SEPTEMBRE 1867.

COMPTE RENDU

DE M. LE DUC DE MOUCHY, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL

I

I

Messieurs,

Depuis la dernière séance, dans laquelle je vous ai entrete- nus de la réception, par l'Impératrice, d'une députation de la Société, votre Secrétaire a eu l'honneur d'être admis par Sa Majesté à lui exposer le programme de notre séance solennelle, qu'Elle daignera honorer de sa présence et dont Elle a fixé la date au 27 octobre prochain.

Je dois. Messieurs, vous indiquer, d'une façon générale, le programme de cette cérémonie ; les détails en seront fixés par une commission spéciale.

Notre président a reçu de M. Le Play, commissaire général de l'Exposition universelle, l'autorisation de la Commission impériale, et la réunion aura lieu au Palais de l'Industrie des Champs-Elysées, a été faite la distribution des récompenses de l'Exposition universelle.

Vous le savez, Messieurs, le but de cette réunion est de si- gnaler par des récompenses les institutions et les hommes qui ont contribué à améliorer la condition morale et matérielle des enfants employés dans l'industrie. Les renseignements que nous possédons sont nombreux, mais un appel fait par la voie du Maniteur, répété par tous les journaux qui voudront bien nous prêter le secours de leur publicité, et des circulaires en- voyées directement, nous mettront entre les mains tous les documents propres à nous éclairer sur les services rendus. Si cependant nous en laissions de côté qui méritassent d'être signalés, nous serons toujours heureux d'avoir i^ne occasion de réparer nos oublis involontaires.

Les récompenses à déceraer seront fixées par un jury,

14

184

nommé par M. le Président, composé des hommes les plus compétents pour apprécier les œuvres, et des manufacturiers qui connaissent le mieux les nécessités de l'industrie.

Les récompenses seront décernées :

Aux institutions qui ont pour but d'assurer à un grand nombre d'enfants de bonnes et saines conditions de travail ;

2^ Aux patronages ;

Aux manufacturiers, contre-maîtres ou artisans ayant fait preuve de zèle pour l'amélioration du sort des enfants qui leur sont confiés.

Ces récompenses consistent en:

l'' 10 grands portraits gravés de S. M. l'Impératrice et 10 portraits de S. A. le Prince Impérial, portant l'indication des titres qui ont motivé la récompense et la signature autographe de rinipératrice ou du Prince Impérial ;

2" 20 bannières brodées au chiffre de l'Impératrice et don- nées par Sa Majesté;

3" 40 médailles d'or, d'argent, de bronze ;

4" des mentions honorables.

La distribution en sera faite par S. M. l'Impératrice et S. A. le Prince Impérial.

Auront droit à des places réservées dans la salle des récom- penses :

Tous les membres de la Société inscrits avant le 13 octobre;

2" Les représentants de l'autorité administrative ;

3" Les représentants de l'enseignement public à tous les degrés ;

Les représentants des (ouvres.

Toute la partie de l'enceinte à gauche de Sa Majesté sera oc- cupée par les jeunes ouvrières apprenties; à droite seront les garçons.

Nous comptons réunir ainsi 10,000 enfants de l'industrie, qui, pour la première fois, se rencontrant groupés autour de la Souveraine pour voir décerner des récompenses à ceux qui les protègent et les aiment le mieux.

Les billets seront distribués entre tous les candidats aux ré- compenses, manufacturiers ou patronages, en raison du nombre d'enfants qu'ils occupent ou reçoivent. Les places de la galerie seront réservées aux parents des enfants invités à la séance et

183 ^

aux parents dts orphéonistes qui veulent bien apporter à notre lete leur harmonieux tribut.

Les dispositions de la salle, l'ensemble et les détails de la cérémonie sont confiés au goût et à l'expérience éprouvés de notre collègue M. Alphand. La direction musicale est remise à notre habile collègue 3L Pasdeloup ; les orphéonistes, en nous prêtant leur concours, ajouteront le charme d'un concert popu- laire à cette fête de l'enfance ouvrière. Nous avons fait aussi appel à notre collègue M. Cavaillé-Coll, et notre appel a été entendu.

Les dépenses de cette cérémonie ne pourront être supportées par nos ressources ordinaires, car le produit des souscriptions perpétuelles est placé en obligations de chemins de fer, qui garantissent l'exécution du contrat, et les souscriptions an- nuelles suffisent à peine à solder notre 5M//e(m. En conséquence, la Société s'adresse à tous ceux qui jugent utile de nous venir en aide. Déjà quelques généreux souscripteurs ont pris les de- vants: je citerai S. M. l'Impératrice^ puis deux collègues dési- gnés comme anonymes, et nos collègues MM. Castellino, Gillou, Groult, Ménier, Pamart, Vaury.

Ces dons importants ne suffisent pas encore ; nous espérons que ceux de nos collègues qui nous ont promis leur coopération pécuniaire, en cas de besoin, jugeront que le moment est favo- rable pour tenir leur promesse. Préoccupés d'un sentiment de bienveillance toute paternelle, quelques sociétaires, dont nous donnerons les noms au prochain Bulletin, se sont entendus pour préparer des dons en nature qui composeront une pe- tite collation aux milliers d'enfants que nous allons convoquer. D'autres sont déjà en campagne pour mettre en réquisition des voitures et tapissières, alin de transporter ceux des enfants qui viendront de loin et aussi en prévision d'un mauvais temps possible dans cette saison ; d'autres enfin se préoccupent de venir en aide aux enfants pauvres, et de veiller pour ce jour à leur habillement, ayant réfléchi que le 27 octobre est bien près de l'hiver!

Tout cela se fait encore à petit bruit, rien n'étant su que d'un petit nombre. 3Iais déjà aujourd'hui, vous êtes tous aver- tis, l'élan va être donné, et dès que le Moniteur aura parlé, dès que les préparatifs se manifesteront à tous, il se fera, nous l'espérons, pour ajouter de l'éclat à cette solennité comme un embrasement général de zèles ingénieux et multipliés.

186 -

Si nous sommes assez heureux pour réussir comme nous le désirons ; si, autour d'une Souveraine auguste, qui veut en ce jour revendiquer avant tout les droits que lui donne son titre de mère, viennent se rallier tous les hommes préoccupés du sort •douloureux de l'enfant qui travaille, tous les cœurs avides de progrès social, sans distinction de parti ou de culte, notre fête produira des résultats considérables. Elle démontrera aux enfants que désormais tout le monde s'occupe d'eux ; elle indi- quera aux patrons indifférents qu'il y a aujourd'hui nécessité absolue de sortir de l'indifférence; elle donnei-a aux esprits ac- tifs la pensée et le besoin de multiplier partout et de développer rapidement ces institutions bienfaisantes qui, sachant concilier le double problème du respect à l'entance et du respect aux intérêts de l'industrie, amèneront la facile et complète exé- cution des lois.

Voilà, Messieurs, quels sont les projets de votre Conseil; à vous de leur donner un vote favorable et de concourir à leur exécution par tous les moyens dont chacun de vous dispose. Cette solennité est le premier acte public de notre Société ; vous êtes tous intéressés à ce qu'il soit digne des nobles senti- ments qui vous ont inspirés, quand vous vous êtes réunis avec la ferme intention d'apporter une amélioration sérieuse au sort de l'enfance industrielle de notre pays.

Je résume maintenant. Messieurs, les actes de la Société de- puis notre dernière réunion.

Une Circulaire de votre secrétaire général a été, avec des collections du Bulletin, envoyée aux quatre-vingt-neuf Conseils généraux. Le résultat de cet envoi n'est pas encore connu. La circulaire précédente, qui demandait à chaque membre de vos Commissions un tableau de la situation des enfants dans l'industrie qu'il présente, a été accueillie presque partout avec le plus louable empressement, et nous pouvons assurer que tous nos collègues répondront à la demande, si importante po^ir nous, qui leur a été faite. Déjà ont été remis plusieurs mé- moires qui témoignent d'un zèle ardent pour notre cause.

Quelques collègues, MM. Riottot, Lemoine, Petit, Montandon, Piver, Cartier-Bresson, Essab-Pacha, ne se sont pas boi-nés à l'é- tude; ils vont de l'avant dans le domaine de la pratique, et je

B

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suis autorisé à dire que nous devons attendre l'effet prochain de bonnes promesses de nos collègues JDI. Alloend-Bessan (de la Belle Jardinière), Rouvenat, bijoutier, Aubry et Lefébure, fabri- cants de dentelles, PaulDidot. M. Maillard (1), fabricant de châles (qui remplace, pour le travail relatif à l'industrie des châles, notre collègue M. Gaussen, accablé de travaux), a bien voulu nous dire que l'activité charitable sollicitée de lui par notre Société, était venue à propos pour l'aider à combler un vide immense et donner un but à sa vie! Combien de personnes qui souffrent seraient guéries si elles cherchaient ainsi l'adoucissement de leurs maux dans les soins à donner aux enfants pauvres !

Je veux vous indiquer rapidement quelques-uns des services directs que votre Société, avec des ressources minimes, a pu rendre déjà, alors que votre organisation n'est pas complète, et qu'à proprement parler vous ne fonctionnez pas encore régu- lièrement.

M'"^.... a demandé votre appui au sujet d'une difficulté pendante entre son fils, blessé dans une manufacture, et l'homme d'affaires qui a suivi le recours en responsabilité contre le patron.

(i) Nous recevons de M. Maillard la lettre-circulaire suivante, adressée par lui à ses ouvriers:

Paris, 7 septembre 1867.

A MES OUVRIERS DE GROUGIS.

Convaincu que, de tous les moyens à employer pour améliorer l'avenir de vos enfants, le plus certain, le meilleur, c'est de leur donner-l'instruction qui développe l'intelligence et moralise, mais sachant que beaucoup d'entre vous sont dans l'impossibilité de payer les sommes nécessaires à cet effet, je viens vous dire mon désir de vous être utile, persuadé que, de votre côté, votre amour paternel vous fera comprendre le sentiment qui m'anime. Je vous oflte :

1' De payer à l'école l'annuité pour soixante de vos enfants et d'acquitter les frais qui incombent à chacun pour le chauffage et les fournitures de livres; en un mot, de faire donnera ces soixante enfants l'instruction entière- ment gratuite;

De décerner chaque année, à l'époque des vacances, à vingt des enfants qui me seront désignés par M. le maire, M. le curé, M. l'instituteur, M"* l'institutrice, comme ayant été les plus assidus aux offices, les plus régu- liers dans leur conduite, les plus attentifs aux leçons, les plus convenables dans leur tenue, des prix on argent.

Ces prix, selon l'exacte observance des prescriptions désignées, varieront de vingt à quarante francs.

Jouira de ces avantages :

Tout ouvrier de ma fabrique, habitant de Grougis, qui chaque jour enverra son ou ses enfants désignés suivre les leçons de l'école primaire et, de plus, s'engagera à n^ jamais travailler ni faire travailler les dimanches et fêtes, passé neuf heures du matin, afln que ses enfants puissent assister aux offices.

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Sur l'invitation de M. Dumas, M. le Vice-Président Migneret s'occupe de ce litige avec IVP Roquebert, notaire de la Société.

Une mère de famille, femme d'un artisan habile, dont la vie est en grand danger, a écrit pour son enfant, qui peut d'un jour à l'autre devenir orphelin. Elle veut le mettre sous la protection de votre Société. A la rigueur, cette demande ne rentre pas dans le programme tracé par nos statuts, mais M. le Président a su l'y rattacher, trouvant ainsi un moyen d'assurer le sort de cet enfant en témoignant la sympathie de la Société pour une fondation utile qui l'intéresse spécialement. Un appel a été fait à un de nos collègues, M. Leclaire, et tout de suite les six premiers mois de séjour de cet enfant ont été assurés dans un Orphelinat destiné à préparer les apprentis. La sous- cription se continue : les fonds de la Société n'auront pas été employés.

La sœur Magniol a fondé et dirige un atelier d'apprentis- sage de couture à la Chapelle (rue Affre, maison de l'Assistance publique), et une dame, membre de notre Société, qui visite ce quartier au nom de la Société maternelle, a signalé cette œuvre à M. le Président et l'a recommandée à sa bienveillance. C'est un atelier excellent, bien dirigé, comme il en faudrait un grand nombre. M. le Président a décidé qu'un prix de 100 francs serait donné, au nom de la Société, à l'apprentie qui sortirait la première avec le diplôme d'ouvrière. Ce prix a été décerné publiquement.

Vous connaissez le Patronage de la rue de Reuilly, Il prend chaque jour plus d'extension et de solidité ; la sœur Dufès, qui l'a fondé et le dirige, a appelé l'attention sur le zèle à toute épreuve des maîtres qui enseignent la musique et la gymnastique. Vous n'avez rien fait encore pour cette œuvre/ recommandable à tous égards. Notre Président a ordonné qu'une petite allocation serait donnée à chacun de ces maîtres; le premier est un mu- sicien militaire; le second, ancien maître de gymnastique mili- taire, est aujourd'hui jardinier de la maison. Tous deux ont été vivement touchés de cette marque inattendue de bienveillance que les enfants ont accueillie avec la plus vive reconnaissance ; l'œuvre s'en ressentira.

Un autre maître, dévoué à la même œuvre, mais qui ne peut être récompensé, notre collègue, M. Gonelle, dessinateur pour châles, donne chaque semaine gratuitement une leçon de dessin

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au Patronage de la Providence-Sainte-Marie. Que son acte du moins soit connu et son nom cité ici devant vous.

M. Chertonne, qui tient de la générosité de notre collègue, M. Montandon, son atelier de polissage de mouvements, remplit son mandat de la façon la plus consciencieuse ; il a maintenant quinze enfants. Ces jeunes tilles lui sont arrivées pour ainsi dire nues; les haillons qui les comTaient étaient à jeter au plus vite. Comme M. Chertonne n'est pas encore arrivé à l'ai- sance, il lui était difficile de subvenir aux frais nécessaires; aussi, dans une lettre touchante addressée à M. le Président, notre collègue, le docteur Perrin, qui visite ces enfants gratuitement, a-t-il cru pouvoir signaler cet état de dénûment qu'aggravait l'approche des premiers froids. Votre secrétaire a été invité à allouer à la maison d'apprentissage de couture de la Chapelle, dont je vous parlais plus haut, une somme de 100 francs pour aider à la confection dedouze robes de tissu solide pour les enfants de M. Chertonne. M. le Président a voulu ainsi associer la So- ciété à la générosité de notre collègue M. Montandon, qui a déjà, pour le même atelier Chertonne, dépensé en installation près de 1,600 francs, sans compter les annuités de loyer qu'il prend à sa charge pour 700 francs, et non compris les impositions, non <;ompris les cadeaux faits par 3I°" Montandon à ses petites pro- tégées, etc. 1,500 francs, ou, pour mieux dire, o,000 francs (en comprenant le loyer de trois ans), c'est une grosse somme, mais il faut convenir qu'elle est, pour le résultat acquis, relati- vement minime, et je tiens à déclarer qu'avec une somme pa- reille tout« personne qui le désire peut, en s'adressant à nous, trouver le moyen de créer d'autres établissements semblables. Il serait bien à souhaiter que la ville de Paris eût ainsi, pour chacune des espèces de l'industrie parisienne, une maison d'ap- prentissage se rattachant à notre Société, et sentant de type pour les autres.

Je termine, 31essieurs, en vous donnant l'état de nos res- sources :

Le nombre des membres, si je compte comme réalisés les livrets de dix souscriptions qui ont été placés (la plupart de ces livrets sont déjà payés), s'élève aujourd'hui à près de onze cents, dont quatre-vingt-onze sont membres perpétuels. Le nombre des souscriptions acquises, depuis le dernier Bulletin, est de soixante-dix-neuf, dont neuf perpétuelles.

Il

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L'état de la caisse est normal, mais non encore prospère. Le produit des souscriptions perpétuelles est placé en obligations, le produit des souscriptions annuelles paie le Bulletin et les frais de publicité. La séance du 27 octobre ne peut, ainsi que je l'ai dit, trouver son capital que dans les ressources extraor- dinaires qui existent à l'état latent au milieu de vous, et qui ne sauraient manquer de se produire au grand jour, lorsque votre Président et votre Conseil leur font un appel public.

P. S. Divers incidents avaient contraint le R. P. Hyacinthe d'ajourner la publication de son discours sur les Devoirs de l'In- dustrie envers l'Enfance, prononcé à Saint-Eus tache le 30 juin dernier ; lorsque l'illustre orateur, au congrès de Malines, fut sollicité de reprendre la conférence de Saint-Eustache, qui avait produit ici une vive sensation.

Nous devons à cette circonstance de pouvoir reproduire sinon le discours fait expressément pour nous, au moins un magnifique discours, fait sur le même sujet et avec le môme cadre. Nous le donnons plusloin, précédé d'une lettre du Révérend Père adressée à notre Président et à notre Conseil, qui reporte à notre ini- tiative la conférence de Malines et nous en attribue la pro- priété (1).

ALLOCUTION

De M. Charles Robert, Conseiller d'État, Secrétaire général du ministère de l'instruction publiqve, Vice-Président de ta Société (2) .

Messieurs;

L'excellent rapport sur la condition de l'enfant des manu- factures à Mulhouse, que notre honorable collègue, M. le con- seiller d'État Migneret vous présentera aujourd'hui, vous prouvera

(1) Dans l'intérêt de tous, afin que ces belles pages soient répandues avec profusion, M. le Président a autorisé M. Maillet, éditeur, rue Tronchet, n" 15, à les publier en brochure.

(2) En l'absence de M. Dumas, la séance du 10 septembre a été présidée par M. Charles Robert, l'un des vice-présidents.

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une fois de plus, en signalant les difficultés qui s'opposent, même dans cette ville, à l'exécution delà loi du 2^ mars 1841, que la fondation de notre Société de protection l'épond à des besoins impérieux.

Des constatations analogues sont faites de tous côtés.

En 1861, lors du concours ouvert entre les instituteurs primaires de France, on trouva, dans les six raille mémoires qui furent produits, un grand nombre de déclarations signalant la funeste exploitation des enfants dans les usines et ailleurs, et montrant les douloureuses conséquences de ces abus au triple point de vue de l'instruction publique, de la force mili- taire de la France et de sa propriété industrielle. Les plaintes formulées à cet égai'd par les instituteurs ont été recueillies et publiées dans un des Bulletins de la Société.

Tout récemment, à l'occasion de l'Exposition universelle, des faits du même ordre ont été mis au jour en ce qui con- cerne particulièrement certaines écoles de filles. M. le Ministre de l'instruction publique ayant fait rassembler des travaux à l'aiguille relatifs soit à l'entretien et à la confection du linge d'un ménage, soit à l'exercice d'une industrie spéciale, comme la fabrique de la dentelle, voulut savoir dans quelles condi- tion s'accomplissaient ces derniers travaux, venus surtout des départements du Calvados, de la Manche, du Nord, des Ar- dennes, de l'Aube, de la Haute-Loire et de la Lozère, et qui, envoyés par de pauvres écoles, se faisaient remarquer par leur beauté ou par leur richesse. Par les ordres du Ministre, le président de la Commission chargée de l'exposition scolaiiL- du Ministère adressa le 2o mai dernier, à soixante-huit institu- trices, que la nature de leurs envois semblait désigner plus spécialement, un questionnaire ayant pour but de faire con- naître : « Si le travail envoyé est le produit d'une industrie locale'? A quel âge les enfants commencent à y être employés? Pendant combien d'heures chaque jour? Quel est leur gain comme enfants et plus tard comme femmes? Enfin, autant que possible, quelles sont la position, l'instruction et la moralité des femmes qui vivent de chaque industrie? o

Jusqu'ici soixante-trois réponses sont arrivées.

La partie du rapport général sur l'exposition scolaire qui concerne spécialement les travaux à l'aiguille a été confiée à M""^ Pape-Carpantier, directrice du cours normal des salles

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d'asile. Permettez-moi, Messieurs, de mettre sous vos yeux quelques passages de ce travail consciencieux, qui porte la trace d'une émotion généreuse. Après avoir parlé des réponses faites par les soixante-trois écoles de filles au questionnaire du Ministre, jyjme pgpg s'écrie :

« C'est un nouveau chapitre du martyrologe des entants.

» On y trouve avoué, que disons-nous, avoué, proclamé ! avec * un naïf contentement de soi-même, que de pauvres petites » filles de cinq ans, au lieu de s'employer à pousser et à fleurir, » de s'ébattre en gaieté, au grand air, pour se faire, selon le » vœu de la nature, des muscles et du sang, et se constituer » les éléments indispensables de la santé qui sera pour elles, » plus tard, le point d'appui de la fermeté morale aussi bien » que de la force physique ; que ces pauvres petites, disons-nous, » pour gagner dès le début l'entretien d'une vie qui leur rap- » portera toujours si peu, sont, dès l'âge de cinq ans, clouées » au travail pendant une durée de trois à sept heures par jour ! » qu'à six ans il y en a qui travaillent dix heures ! à huit ans, » douze heure!

» Plus tôt on Jes y met, répond une directrice , mieux cela » vaut.

» Plus longtemps elles travaillent, dit une autre, moins » elles désertent la bonne voie.

» Comme si l'honneur et la moralité de la jeune fille ne » pouvaient résulter que de l'écrasement de toutes les forces » vives que Dieu a mises en elle!

» Ne serait-ce pas simplement ignorance ou défaut de réflexion?

» Deux ouvrages entre tous montrent à quel point les besoins » de l'enfance sont méconnus. L'un des échantillons de den- » telles envoyés par une école du Calvados a été exécuté par » une petite fille de quatre ans, ayant un an d'apprentissage, » c'est-à-dire ayant été mise au travail à l'âge de trois ans I » L'un des cartons envoyés par une salle d'asile de la Meuse » contient des bas de laine tricotés, des pantoufles en tapisserie, » faits par des enfants de cinq ans, de quatre ans, de trois ans » et demi !

» La réponse d'une institutrice dentellière de l'Aube contient » un détail de natui'e à attirer l'attention :

» Pour faciliter aux parents, dit-elle, le paiement de la rétri- bution scolaire, je me charge de la dentelle que je négocie.

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» Cette idée d'un négoce, alimenté par les petites mains des » élèves apprenties, ne jette-t-elle pas l'esprit dans une certaine » perplexité? Cette innovation, ingénieuse sans doute comme » mécanisme économique, se renterme-t-eile dans les conditions » d'un sage bienfait? La question est délicate et mérite, croyons- » nous, d'être examinée sur place.

» Il est très-regrettable que trente-neuf dépai-tements se soient » abtenus d'envoyer au ministère leurs travaux d'aiguille. Si » l'exposition des travaux manuels avait été plus complète, et » qu'elle eût été scrutée sur toutes ses faces, comme nous avons » essayé de le faire, elle eût pu s'élever à la hauteur d'une en- » quête. On aurait vu probablement pour la totalité, comme on » l'a vu dans ce qui est parvenu à notre connaissance, que l'en- » seignement professionnel des femmes est, sauf quelques excep- » tions, livré partout aux exigences de la misère et de la spécu- » lation ; que l'enfant y est appliqué, dès ses plus jeunes années, > en vue d'un lucre qui varie, selon les fluctuations du com- » merce, de 5 à 30 centimes par jour, et que partout l'enfant » est considéré comme producteur, ce qui nous semble contraire » à toute sagesse, à toute bonté, aussi bien qu'à toute vraie » science économique (1).

» Non, l'enfant ne peut éqpiitablement devenir producteur, » c'est-à-dire avoir quelque chose à donner en dehors de lui, » qu'après avoir acquis préalablement tout ce dont il a besoin » en lui-même et pour lui-même. Est-ce que le ver à soie file » avant de s'être nourri des feuilles d'où il tire son tissu pré- » cieux ? Ne faut-il pas que l'enfant, comme la terre, soit cul- » tivé avant de produire? Et que peut produire un enfant à » l'âge oiî tout chez lui est frêle, tendre et rempli encore du » lait maternel? Ce qu'il produit? on nous l'écrit : (( Quelques » centimes par jour. » Quelques centimes ! est-ce donc un » revenu indispensable? Et comment parvient-on à lui faire » gagner ce misérable salaire? En le soumettant à remplir le » rôle d'un instrument à vil prix; en contraignant sa jeune » turbulence à n'exercer que tels muscles, à n'exécuter que tels » mouvements, qu'il devra répéter tous les jours de sa vie; en )j développant à l'excès chez lui le ressort dont le métier a » besoin, au préjudice de ceux dont il n'a que faire; eniin, en

(1) Un de nos prochains Bulletins contiendra une étude sur le travail du premier âge. (Réd.)

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rompant sans scrupule, dans les jeunes organisations, cet » équilibre, cette pondération des forces qui est la force elle- » môme, et la plus . admirable manifestation de Dieu dans » l'univers ! »

- A côté de ces considérations émouvantes que j'ai cru devoir vous lire en entier, placerai-je, Messieurs, les arides énuméra- tions de la statistique? Vous dirai-je que, par différents motifs, la loi du 22 mars 1841 reste sans exécution sérieuse dans un trop grand nombre de départements? Déduisons du chiffre total 8 départements qui n'ont pas de manufactures, et 10 autres les manufactures n'emploient pas d'enfant au-dessous de 12 ans: nous trouvons que, sur Cl départements oii cette loi de l'État devrait être respectée par tous les chefs d'industrie, il y en a environ la moitié elle reste à l'état de lettre morte, car si on compte 25 départements la loi s'exécute, on en ren- contre 19 où, observée dans certaines usines, méconnue dans d'autres, elle ne s'exécute qu'en partie; enfin, 17 départements elle est violée, elle ne s'exécute pas du tout.

Je n'insisterai pas, Messieurs, sur le mal qui existe.

est le remède?

Est-il dans l'organisation d'une inspection salariée? Je n'examinerai pas ici cette question si controversée. Nos efforts actuels tendent à suppléer par une action libre et gratuite le rouage administratif qui n'a point été créé.

Faut-il modifier et étendre la législation en vigueur? Un projet de loi sera prochainement présenté au pouvoir législatif pour améliorer la loi du 22 mars 1841 . Vous connaissez les dispositions de cette loi : elle ne s'applique qu'aux manufac- tures employant plus de vingt ouvriers; dans ces manufactures, l'enfant ne peut entrer qu'à 8 ans; de 8 à 12, il travaille huit heures. M. Jean Dollfus, l'éminent manufacturier qui présidait, avec M. le baron Liebig, le jury international du lO'' groupe, demande que la durée du travail soit abaissée, pour ces enfants, de huit à six heures par jour; divisés, dans chaque usine, en deux équipes, ils pourront alors combiner leur travail avec celui des adultes, et, sans dommage pour l'usine, partager leur journée entre l'atelier et la classe, pratiquant ainsi le système anglais des écoles de demi-temps {half time schools) ; en An- gleten-e, de grands efforts se font dans ce sens, et ils sont cou- ronnés de succès. Un des hommes les plus compétents dans

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cette matière, M. Baker, inspecteur royal des manufactures du Royaume-Uni, me disait dernièrement qu'un projet de loi se prépare aussi de l'autre côté du détroit.

La loi anglaise, qui s'applique aujourd'hui aux industries textiles et céramiques, sans distinction quant au nombre d'ou- vriers employés dans l'atelier, veut que l'enfant de 8 à 13 ans ne travaille pas plus de trois heures le matin et trois heures l'après-midi, en hiver, ou deux heures et demie en été. Le projet de loi s'étendrait aux industries métallurgiques, aux verreries, aux fabriques de tabac et de gutta-percha, puis, en dehore de ces industries spéciales, à tout ateher industriel employant plus de vingt ouvriers et même, dans une certaine mesure, au travail agricole. Les enfants de 8 à 13 ans ne pourront travailler que deux heures l'après-midi, c'est-à-dire cinq heures par jour au plus. Les réformes faites ou à faire à cet égard en Angleterre sont considérées par M. Baker comme très-fécondes. Il constate que les enfants employés pendant six heures donnent autant de travail effectif que sjIs restaient huit heures à l'atelier. Il assure, en généralisant cette tlièse, que les fabricants gagnent souvent à réduire la durée du travail, et il se trouve entière- ment d'accord avec l'honorable M. Jean Dollfus, qui, en rédui- sant la journée d'un atelier d'adultes de douze heures à onze heures, sans dimiimer le salaire, a trouvé par les calculs les plus exacts que, tout compte fait, le bénéfice du fabricant augmen- tait dans ces conditions. Heureuses expériences, Messieurs, qui montrent la solidarité de tous les progrès! La protection accordée aux enfants réagit sur les adultes ; quand on diminue la durée du travail de l'enfant, auxiliaire de l'ouvrier adulte , quand on ré- duit sa journée à cinq heiu-es, on est obligé de faire deux séries d'enfants de cinq heures chacune, et, par voie de conséquence, de réduire à dix heures environ la journée de l'homme ou de la femme ; l'instruction et la moralité y gagnent: on ne son- geait qu'à peupler l'école du jour, et voilà qu'on rend la femme une heure plutôt aux soins du foyer domestique, et qu'on per- met à l'adulte la fréquentation de l'école du soir.

Je ne veux pas m' arrêter plus longtemps, 3Iessieurs, sur ces questions législatives. C'est surtout des moyens d'influence morale que je dois m'occuper ici, et, avant de parler des efforts privés, individuels, je dois rappeler le point d'appui que ces efforts trouvent dans l'entente qui existe, pour combiner l'ceuvre de

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l'école avec celle de l'atelier industriel ou agricole, entre le Ministère de l'agriculture et du commerce et le Ministère de l'instruction publique. Un rapport à l'Empereur, récemment publié, montre les mesure prises d'un commun accord par les deux départements ministériels, pour répandre dans les écoles primaires rurales l'enseignement agricole. Permettez-moi, Mes- sieurs, de vous rappeler encore un court passage du discours prononcé à Lyon, le 23 juin dernier, par M. le Ministre de l'instruction publique ; vous y reconnaîtrez l'esprit qui préside en ces matières aux actes du Gouvernement impérial :

« Pour l'enfant, pour la femme, augmentons le temps de l'é- » tude, diminuons celui du travail,

» Naguère, par ordre de l'Empereur, le Ministre du commerce » annonçait au Sénat la présentation prochaine d'une loi sur » le travail des enfants dans les manufactures. Vous ne vous » étonnerez pas, Messieurs^ que le Ministre de l'instruction » publique, parlant dans une grande ville industrielle, renom- » mée par son esprit d'initiative et ses sentiments chrétiens , » vienne réclamer pour l'école, fût-ce aux dépens de l'atelier. » Il obéit aux désirs du Prince, comme aux devoirs de sa » charge, quand il vous dit: Si les dures nécessités de la vie » obligent d'envoyer la femme et l'enfant à l'usine, que ce » soit le plus tard possible. Chercher à faire de la femme une » bonne ouvrière, c'est bien ; mais donner à son mari des ha- » bitudes et un salaire qui la dispenserait de vivre au dehors, » ce serait mieux encore. Elle est la providence intérieure ; » qu'elle reste au foyer domestique, aux soins du ménage et » des enfants; qu'elle prépare à celui qui travaille pour tous » un joyeux retour : voilà la tâche que Dieu lui a faite. L'en- » fant est l'espou" de la famille et de la patrie , mais la femme » est la famille même. Soutenons leur faiblesse, ménageons « leurs forces et ne laissons pas l'industrie, pour s'enrichir » plus vite, lever une dîme funeste sur la santé de l'un et la » moralité de l'autre.

» Ce vœu sera compris dans une ville oii le travail est orga- » nisé de manière à conserver à la vie de famille sa force et » sa dignité. Puisse-t-il être entendu des représentants de l'u- » nivers industriel, rassemblés en ce moment à Paris pour » constater toutes les victoires de l'esprit sur la matière ! S'ils » unissaient leurs efforts pour provoquer une convention sainte

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» qui, égalisant les conditions du travail entre les nations, » comme on égalise entre elles les conditions du traiic, ferait » limiter, en tous pays, les efforts demandés à l'enfant et à » celles qui doivent être des mères, ils ajouteraient une gloire » nouvelle à cette Exposition, dont le succès, grâce au ciel, > n'a pu être souillé d'un abominable attentat.

» Puis, après que les princes et les empereurs seraient par- » tis avec les multitudes accourues sur leurs pas, quand les » royales magnificences auraient cessé, à la place du colossal » monument, on pourrait élever l'image d'une femme et d'un » enfant tendant à l'Industrie leurs mains reconnaissantes. » Force serait bien alors de dire que la civilisation, qui pro- » duit tant de merveilles, n'a pas seulement toutes les puissan- » ces de l'esprit, mais encore toutes les tendresses du cœur, et » que le Gouvernement qui les provoque est bien, dans la large » et belle acception du mot, un Gouvernement populaire. »

Quant aux efibrts privés, Messieurs, mettons en première ligne ceux des manufacturiers eux-mêmes. Les bonnes volontés sont nombreuses ; souvent l'impulsion seule a pu manquer pour triompher de quelques hésitations. Il s'était établi comme un nuage de préjugés ; on se laissait aller à fah-e comme d'au- tres, on craignait la singularité d'une attitude isolée ; mais on a réagi contre ces faiblesses passagères, et depuis que la société française se sent travaillée par un ardent désir de progrès so- cial, chacun est fier d'avoir à apporter quelque chose à l'œuvre commune.

Beaucoup d'instituteurs sont venus à Paris à l'occasion de l'Exposition universelle et ont été invités pai' notre Société à sa séance d'aujourd'hui. Qu'ils me permettent de faire appel à leur zèle et de provoquer leur concours volontaire. Les fonctions si honorables qu'ils exercent leur laissent, je le sais, très-peu de loisir, et bien que, habitués à les voir prodiguer leur dévouement aux grandes et belles œuvres, nous devrions y regarder à deux fois avant d'augmenter encore le poids de la tâche qu'ils ont acceptée. Mais il s'agit ici de l'école et tou- jours de l'école. Vous avez entendu tout à l'heure, dans le compte rendu si intéressant de M. le duc de Mouchy, secrétaire général de notre Société, la description de la fête solennelle qui aura lieu le 27 octobre, sous la présidence de l'Impératrice. Des prix, des bannières, des porti'aits, des médailles seront dis-

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tribués, en présence de dix mille apprentis, aux chefs d'indus- trie, aux patronages, aux personnages de tout ordre qui auront le mieux protégé et instruit ses enfants. Eh bien! Messieurs, le mérite se cache, le devoir simplement accompli a sa pudeur, et il est difficile de connaître quels sont, dans les départements, dans les communes reculées, ces fabricants, ces industriels qui, loin de spéculer sur la jeunesse, l'entourent de soins éclairés et lui assurent le bienfait de l'instruction et de l'éducation.

Je ne demande pas à l'humble instituteur de s'ériger en commissaire enquêteur pour rechercher, poursuivre et signaler, à ses risques et périls, les abus de la force industrielle, mais je le trouve admirablement bien placé pour faire connaître les exemples dignes d'éloges. Lorsque les circonstances lui permet- tront d'écrire à la Société de protection ce qu'elle doit savoir , j'accueillerai, pour ma part, avec une vive reconnaissance ces communications si utiles (1). Je n'ai pas besoin de dire que tout jugement doit, en des matières si graves, ne s'inspirer que du sentiment de la justice et être absolument irréprochable devant la conscience et la vérité.

Vous êtes. Messieurs les instituteurs, les collaborateurs, les conseils naturels des pères de famille; éclairez-les, suppliez les fabricants, ne vous lassez point, invoquez l'intérêt de la patrie et celui de la famille, et, puisqu'on vous recommande d'em-

(1) Une lettre datée du 10 septembre, écrite peut-être pendant la séance de ce jour, et adressée à M. Charles Robert par un instituteur, donne sur une commune industrielle de l'arrondissement de Cambrai (Nord) les rensei- gnements qui suivent : a On y compte 117 garçons de 7 à 13 ans qui n'ont jamais paru dans les écoles. Dès cinq heures et demie du matin, les pauvres petits prennent le chemin de l'atelier ils fabriquent le tulle, et c'est un travail journalier de douze heures qu'on leur impose pour leur assurer un salaire qui varie de 3 francs à 6 francs par quinzaine. Aux instances du maître pour amener ces enfants à une classe gratuite de midi, les familles ont ré[)ondu que le pain est plus nécessaire que l'instruction ; les*petits fabri- cants, qui sont nombreux dans cette région, ont objecté que faire une classe au milieu du jour, c'est leur imposer, une heure d'éclairage à la veillée ou provoquer une réduction de salaire, et que d'ailleurs, n'occupant pas 20 ou- vriers, ils restent en dehors de l'application de la loi de 1841. Les exigences de l'industrie locale, comme l'ont affirmé bien des patrons, rendent difflcile la sortie de tous les enfants à la même heure. L'instituteur a proposé de n'accepter que la moitié des jeunes ouvriers de chaque atelier et pour une classe de deux heures, deux ou trois fois la semaine. Cette combinaison paraît aussi avoir échoué. Certains ateliers reçoivent des enfants de moins de 6 ans. Trois fabricants se font remarquer, au contraire, par le soin qu'ils mettent à envoyer régulièrement leui^s jeunjes ouvriers à la classe midi tenue par l'ipsMtu^ur. » i; ... 1^1, ,atiijiji(jq. ggb ,8diôimïfid isi'

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pêclier la destruction des petits oiseaux, faites le possible pour empêcher aussi le martyre des petits enfants I

Enfin, Messieurs, il est une puissance qui parle au nom de la religion et qui a, comme l'instruction publique, son repré- sentant dans chaque commune. Nous entendions naguère sous les voûtes de Saint-Eu^tache retentir la voix du père Hyacinthe. L'orateur expliquait l'œuvre de la Société de protection des ap- prentis et des enfants des manufactures, il en faisait ressortir les bienfaits ; son discours nous pénétrait d'une émotion profonde ; il montrait les liens sacrés par lesquels l'enrant appartient à la famille, à la patrie, à Dieu ; d'un autre côté, il faisait apparaître à nos regards les magnificences de l'Exposition universelle, les merveilles de l'industrie accumulées dans le palais du Champ de Mars ; mais bientôt il nous entraînait dans ces réduits obscurs et malsains dépérit trop souvent la popu- lation ouvrière; et soudain, adressant une interpellation solen- nelle à cette Industrie dont la main si habile, si puissante, est pleine de trésors et de chefs-d'œuvre, il lui rappelait les malé- dictions terribles dont le Dieu lout-puissaiit avait frappé la main criminelle d'un roi d'Israél : cette main, pour avoir opprimé l'innocent, était desséchée et maudite ; puisse, disait l'éloquent prédicateur' à l'auditoire suspendu à ses lèvres, puisse la main de l'Industrie française ne jamais mériter une pareille condam- nation! et il la conjurait, au nom des choses les plus saintes, d'épargner le faible, de ménager l'eufant, de respecter l'âme et le corps des générations naissantes ! . . .

"Ah! Messieurs, si la chaire chrétienne, dans toutes les com- munes où l'industrie règne, pouvait étendre ainsi un bouclier protecteur sur l'enfant; si le prêtre, pasteur des âmes, et l'ins- tituteur, représentant des pères de famille, pouvaient devenir partout, d'un commun accord, les défenseurs efficaces de ces petits êtres sans défense, un grand pas serait fait dans la voie nous marchons. C'est une œu\Te sainte, c'est une croisade qu'il faut entreprendre. A chaque époque, le dévouement, l'ab- négation, l'esprit chevaleresque, l'ardeur généreuse, cherchent un aliment et un objet. Pourquoi le dix-neuvième siècle n'aurait-il pas ses croisades ? N'a-t-il pas à améliorer la condition morale et matérielle des populations, à concilier les intérêts des patrons et des ouvriers, à faire obtenir à ceux-ci une part meilleure dans les bénéfices, à rendre leur avenir moins précaire, à chercher

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des combinaisons nouvelles? Ne doit-il pas assurer iC triomphe des idées qui font sa gloi e, développer partout la tolérance religieuse, l'esprit de paix, l'initiative individuelle et la liberté, continuer l'application progressive des grands principes de la véritable démocratie? N'a-t-il pas à conquérir à l'aisance et à la civilisation des millions d'hommes souffrants, déshérités? N'a-t-il pas, lui aussi, à conduire en Terre sainte des multitudes qu'il n'a pas abandonnées sur le chemin de l'incertitude et du dé- sespoir? N'a-t-il pas à rendre l'industrie inoffensive pour l'en- fance et pour la femme, et surtout à dissiper l'ignorance pour diminuer le vice et la misère?

Ce sont de belles entreprises à tenter, et c'est à nous dé- sormais qu'il appartient de repéter avec une foi sûre d'elle- même : Dieu le veut! Dieu le veut!

L'ENFANT DES MANUFACTURES

A MULHOUSE,

par M. MiGNERET, Conseiller à' État ^ Vice-Président de la Société.

Lorsqu'on étudie dans un esprit de justice et d'impartialité les faits complexes et variés de la vie morale d'un peuple ou d'une simple cité, on est frappé de la facilité avec laquelle le tableau peut changer d'aspect suivant qu'on insiste sur telle ou telle partie, et comment, sans cesser d'être exact devant l'ob- servation, chaque observateur peut différer dans ses apprécia- tions. Cette facilité tient au mélange inévitable de bon et de mauvais que présente chaque société humaine, à la lutte entre la règle et l'abus, entre le bien et le mal, qui se produit sans cesse et qui ne cessera qu'avec l'humanité elle-même.

Cette lutte justifie et rend nécessaire l'étude continue et les efforts non moins continus qu'il faut multiplier pour atteindre et surtout pour conserver les améliorations dont un effort con- traire tend sans relâche à détruire les bons effets.

Ainsi, nous avons sous les yeux en ce moment des docu-

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ments qui présentent un contraste frappant : d'une part (1), le tableau vrai, sincère et exact de tout ce que l'instruction privée, s'ajoutant à la sollicitude officielle, a créé d'institutions fécondes et généreuses dans le département du Haut-Rhin, et principa- lement dans la ville de Mulhouse, en faveur de la jeunesse ou- vrière, et nous ne pouvons qu'applaudir à ces efforts; d'autre part, des. documents non moins exacts, non moins conscien- cieux, nous signalent des misères physiques et morales dont l'existence contraste péniblement avec les institutions bienfai- santes offrant un ensemble si consolant.

Pour l'enfant libre de Mulhouse, on trouve des jardins d'en- fants ouverts à la méthode de Frœbel, trois salles d'asile rece- vant deux mille enfants, des écoles primaires dont le nombre va sans cesse en augmentant et dont le service est largement assuré, des ouvroirs pour les jeunes filles, des écoles du di- manche, puis des cours d'adultes, et, cependant, on nous affirme que pour l'enfant des manufactures ces bienfaits sont en partie perdus : « 11 y a cinquante enfants sur cent, écrit un homme » compétent (2), qui ne savent ni lire ni écrire, et tous ces en- » fants, ouvriers de fabrique, ont fréquenté ou sont censés avoir » fréquenté les écoles établies dans les manufactures. C'est cha- » que année, au moment de la première communion, que se » renouvelle cette triste expérience : sur six cents commu- » niants, il y en a régulièrement trois cents qui ne peuvent si- » gner leur nom ni lire leur catéchisme, et cette proportion » d'enfants illettrés ne varie pas sensiblement ; il y a dix, quinze, » vingt ans qu'elle est aussi forte, en sorte qu'on peut la re- » garder comme exacte et constante. »

A quoi peut tenir un état de chose aussi singulier que celui d'une ville dans laquelle tout conspire vers l'amélioration des classes ouvrières et dans laquelle on signale de pareils résul- tats ? Evidemment à un mauvais emploi des premières années de la jeunesse de l'enfant des manufactures et au travail pré- maturé ou trop continu, à une alliance insuffisante de l'école et de l'atelier.

(1) Les Institutions privées du Haut-Rhin, par A. Penot, secrétaire de la Société industrielle , inspecteur du travail des enfants. Mulhouse, imprimerie Bader; in-8°, 102 pages, 1867.

(2) Un mot sur le travail des enfants dans les manufactures, mémoire * manuscrit adressé à la Société par M. Gasquin , inspecteur de l'instruction

primaire à Nancy.

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Les hommes les moins suspects d'exagéralion et d'utopie conviennent que la loi de 1841 sur le travail des entants dans les manufactures n'est pas ou est mal et imparfaitement exécutée à Mulhouse. A la tête des témoins qui déposent de ce fait il faut placer la Société industrielle de cette ville. Dès l'année 1847, elle adressait à la Chambre des pairs une pétition à ce sujet, et cette assemblée devait à cette généreuse initiative un projet de loi élaboré avec une grande maturité de discussion et voté précisément le 21 février, à la veille du jour qui fermait les portes du Luxembourg et voyait disparaître dans une tour- mente la loi et ses auteurs. Aujourd'hui, M. Penot, dans le livre déjà cité, confirme de nouveau le peu de résultats actuels de l'instruction primaire donnée aux enfants des manufactures : « Dans nos villes, très-peu d'enfants sont privés du bienfait de l'enseignement élémentaire, à l'exception toutefois de beaucoup de ceux qui travaillent dans les fabriques... Il faut espérer que cet important problème recevra prochainement une solution, et que nous verrons cesser dans notre département et peut-être ailleurs cette étrange conséquence de la loi du 22 mars 1841, que c'est parmi les seuls enfants pour qui l'école est obligatoire (jue se trouvent précisément ceux qui n'en fréquentent aucune. » (Page 16).

Cette inexécution de la loi tient à plusieurs causes qu'il im- porte d'examiner successivement.

Les usagés de la localité dans l'engagement des enfants mettent à peu près le manufacturier dans l'impossibilité de suivre ceux qui travaillent dans son établissement. Ce n'est pas lui qui en- gage l'enfant, toujours employé comme aide d'un ouvrier adulte; c'est celui-ci qui le loue, le paie, le conserve ou le congédie. « Par » suite, chaque lundi de paie (la paie a lieu tous les quinze jours) » presque tous les enfants courent par les rues qui avoisinent la » fabrique en cherchant un majtre qui consente à les employer. » Rarement un enfant reste plusieurs quinzaines avec le même » ouvrier, soit par amour du changement, soit qu'il espère » recevoir quelques centimes en sus de sa paie normale, dont il » doit compte à ses parents (sorte de prime d'engagement » plus souvent promise que donnée); aussi est-il presque impos- » sible au chef d'établissement de savoir si tous les enfants » qu'il emploie ont atteint l'âge de huit ans... Il lui est bien » difficile de connaître tous les enfants qui remplissent son

^203 » atelier, de mettre un nom sur chacune de ces petites figures » qui, à cet âge, se ressemblent toutes (1). »

Certainement ce mode d'engagement et cette mobilité des enfants dans les manufactures placent les jeunes ouvriers dans des conditions toutes différentes de celles prévues par la loi de 1841. Comment suivre, à travers toutes ces mutations, l'enfant qui va d'une fabrique à l'autre? Comment cet enfant peut-il utilement, soit fréquenter une école publique, soit profiter de l'école ouverte dans la manufacture, si tous les quinze jours l'école change avec le quartier ou avec l'établissement, et que effet peut avoir une instruction donnée et reçue dans de telles f^onditions?

Les rapports moraux du patron avec l'enfant n'en souffrent pas moins ou, pourmieux dire, sont impossibles, et l'esprit de la loi, le vœu des amis de l'humanité, qui est une surveillance pater- nelle du chef sur le jeune ouvrier, est complètement mé- connu.

La lettre de cette loi ne f est pas moins, car les vérifications d'âge, l'obligation du livret, tout cela est incompatible avec une telle mobilité dans le personnel et avec l'autorité intermé- diaire et irresponsable de l'ouvrier, chef de métier, sur son aide.

La situation des enfants admis dans la fabrique avec leurs parents, et travaillant conjointement avec le père et la mère, est moins mauvaise, sans être tout à fait bonne. se rencontrent encore des obstacles à la bonne éducation du jeune ouvrier.

La durée du travail des père et mère est de douze heures, celle du travail des enfants est de huit. Quand le terme est arrivé pour ces derniers, que faire d'eux? « Les renvoyer au domicile du » père? Mais ils seront seuls, sans surveillance, exposés aux » dangers de l'oisiveté et du vagabondage ; il vaut bien mieux » les conserver à la fabrique. On en parle au patron, qui tran- » sige et consent à les recevoir, à la condition qu'on leur re- » commandera bien de ne pas dire qu'ils travaillent plus de » huit heures par jour. » C'est ainsi que, sous des prétextes et peut-être sous l'empire de dures nécessités, la loi est éludée.

Violer la loi est un mal réel , mais il est manifeste et, par conséquent, facile à apercevoir; l'éluder par une exécution

(I) Mémoire manuscrit de M. Gasquin.

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trompeuse est un mal plus grand, parce qu'il est caché et se couvre des apparences du bien. Or, c'est précisément à cette exécution trompeuse que l'on attribue l'ignorance signalée chez un grand nombre de jeunes ouvriers de Mulhouse.

La fréquentation de l'école primaire est obligatoire pour eux jusqu'à l'âge de douze ans; les heures de classe, les nécessités de déplacement ne permettent guère la fréquentation de l'école primaire communale ; c'est donc une école' spéciale qu'il faut à ces jeunes enfants admis ordinairement à l'âge de huit ans et travaillant au moins dix heures par jour. Ces écoles spéciales se trouvent dans un grand nombre de manufactures, et quel- ques-unes ont reçu une organisation loyale et une direction in- telligente. Mais il s'agit ici du plus grand nombre, et voici les réflexions qu'elles inspirent à l'homme très-compétent dont nous lisons le mémoire :

« L'école de fabrique est un mythe; elle est comme si elle » n'existait pas ; elle ne peut rendre aucun service. Le grand » défaut de la loi de 1841 a été de supposer que l'enfant peut » avec profit aller en môme temps à l'école et à la fabrique... » A Mulhouse, c'est à huit ans que l'enfant se présente à l'ate- » lier, et pour qu'il s'y trouve régulièrement, il suffit que le » fabricant ait une école et que l'enfant en suive les leçons une )) heure par jour seulement. Si les intentions du législateur ne )) sont pas remplies, la lettre de la loi est du moins rigoureu- » sèment observée... L'école est une chose secondaire; si l'on » reçoit une commande pressante confiée par le patron à la di- » ligence du directeur d'atelier, la classe chômera, parce qu'on » a besoin de tous les bras pour livrer la marchandise dans le » délai déterminé (1). »

Ces réflexions sont sévères pour ceux à qui elles s'appliquent, mais elles ne font que mieux ressortir le mérite des manufac- turiers qui ont triomphé de la difficulté réelle de combiner le travail de l'enfant, du père et de la mère avec l'instruction et l'éducation. 11 ne serait pas juste de ne tenir aucun compte

(1) Un autre document, empreint d'une moins grande sévérité, confirme l'observation que nous mentionnons, car, tout en rendant hommage aux écoles bien organisées, le rédacteur ajoute: «En ce moment (1866), le travail étant recherché et les ouvriers rares, les enfants ne vont à l'école que tous les deux jours pendant quatre heures. En temps ordinaire, ils y vont tous les jours, à l'exception des bobineurs et rattacheurs, dont la présence est conti- nuellement nécessaire. »

I

^20o de ces difficultés, et la Société industrielle de Mulhouse, en renouvelant ses eftbrts l'année dernière, en préparant une solu- tion londée sur le système des demi-journées, a prouvé qu'à côté du mal, très-certain, se trouvent aussi le désir et l'étude du moyen d'y remédier.

Poursuivons donc sans nous irriter et sans nous décourager cet examen, et, de la faiblesse morale constatée chez un grand nombre de jeunes ouvriers, passons à l'état physique. Malheureu- sement nous rencontrons encore ici de graves sujets de réflexions.

Au milieu de cette population alsacienne qui a donné de tout temps des preuves multipliées de solidité physique et mo- rale, l'ouvrier de manufacture contraste par une force moins grande et souvent par une débilité prématurée. Le régime de la manufacture a nui au développement du corps tout autant qu'à la culture de l'esprit.

« Le cœur se serre à la pensée que des enfants qui auraient » besoin d'aspirer à pleins poumons un air pur et vivifiant, » sont condamnés à vivre de longues heures et de plus longues » années dans une atmosphère insalubre. Aussi qu'arrive-t-il ? » c'est que l'ouvrier porte bientôt sur son visage le signe de la » souffrance et d'une précoce décrépitude (1). »

« J'ai trouvé les enfants rangés dans la cour, l'un derrière » l'autre, chacun portait son billet de solde de la quinzaine, » qu'il allait toucher à la caisse. Ces enfants sont pâles, » chétifs et blêmes. J ai constaté de visu que beaucoup d'entre » eux sont évidemment au-dessous de six ans ; c'est ainsi que » s'exécute la loi dans l'un des établissements les plus moraux, » les plus philanthropiques de 3Iulhouse ; que trouverait-on dans » d'autres (2) ? »

Il n'est pas étonnant dès lors que, sur un contingent de 1,642 jeunes gens , le département du Haut-Rhin ait fourni 847 incapables du service militaire, tandis que le département du Bas-Rhin, placé dans des conditions de climat, de mœurs et de vie sociables identiques , mais dans des conditions bien dif- férentes au point de vue des manufactures, n'ait présenté que o98 incapables sur un contingent de 1,916, lors des opérations de la révision de 186o (3).

(1) Mémoire manuscrit de M. Gasquin.

(2) Correspondance parliculièro .

(31 Compte rendu sur le recrutement de l'armée de 1865; pages 31 et 42.

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Les bornes de cette étude ne permettent pas de parcourir toute l'échelle nosographique tracée par les réformes prononcées; nous nous bornerons à signaler le défaut de taille, signe évi- dent de l'arrêt du développement physique :

Haut-Rhin, sur. . . . 1,642 Défaut de taille. ... 91 Bas-Rhin, sur.... 1,916 74

Il nous paraît démontré que si l'enfant de Mulhouse est placé dans un milieu excellent pour son développement physique et moral, lorsqu'il a le bonheur d'appartenir à une famille étran- gère au travail des manufactures, l'enfant employé dans ces mêmes manufactures est au contraire soumis à des exigences de travail et à des influences délétères tant au physique qu'au moral.

Ainsi, au sein de l'un des plus estimables centres indus- triels de la France', l'avenir du pays est frappé dans sa source, et les soldats de la lutte industrielle, pour adopter un mo- ment le langage, à la mode, tombent plus nombreux que les soldats de l'armée sur le champ de bataille, et plus fa- talement , cas ils tombent non-seulement blessés, mais énervés.

Donc, l'expérience d'accord avec la loi réclame une réforme, et si la législation actuelle est insuffisante, il faut lui donner un complément législatif ou réglementaire.

Mais ce qui vaudrait mieux encore, et ce que la Société de protection des Apprentis a pour but d'enseigner et de mettre en honneur, ce serait une amélioration dans la pratique industrielle.

Le jour les fabricants de Mulhouse, et après eux les ma- nufacturiers des autres parties de la France, auront bien com- pris leurs devoirs, liés inséparablement à leurs intérêts, le pro- blème sera résolu par les mœurs, et l'administration n'aura plus à intervenir.

Toute liberté est laissée au bien. Que les réformes sollicitées par la Société industrielle de Mulhouse soient expérimentées dans la ville môme et sous les yeux des honorables fabricants qui composent cette Société; qu'une réunion libre arrête des dispo- sitions pour réduire à demi journée le travail de l'enfant, pour assurer d'un commun accord le respect de la limite d'âge et la fréquentation sérieuse de l'école, et aussitôt le bien se produira sans efforts et sans répressions légales.

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Sur ce point il n'est permis à personne de se plaindre, comme on en a l'habitude, de nos lois et de l'administration. La loi défend l'excès de l'abus; elle permet tout ce qui pourra ame- ner le bien. Il ny a auctin règlement qui oblige le manufac- turier à recevoir des enfants trop jeunes, aucun qui lui pres- cnve d'absorber tout le /ewps disponible, et de n'en laisser qu'une part insuffisante à l'étude et au développement physique. L'ad- ministration ne s'oppose point à ce que les chefs d'une cité in- dustrielle se réunissent et s'interdisent de violer la loi ou de méconnaître le besoin de l'enfance ouvrière. '»"'' 'ï'-i

Dès lors ils le peuvent, s'ils savent le vouloir.'! ''P '

De tous les côtés, dans les discussions, on parle du gouverne- ment de la société par elle-même ; on demande qne cette société, en récompense des progrès qu'elle affirme avoir réalisés, soit débari-assée des entraves de la tutelle officielle. C'est parler d'or. Eh bien ! voici une matière grave, sociale, digne de tout l'intérêt du chrétien et du citoyen ; une matière que la loi ne réglemente que dans un sens favorable au bien; qu'on se mette donc à l'œuM'e, et que du self-qovernment il sorte une réso- lution sérieuse, un remède au mal. Il ne suffit pas d'affirmer cette aptitude à ce self-govemment, il faut la prouver. La meilleure démonstration donnée du mouvement a été de mar- cher.

Marcher ici, c'est ramener à de justes limites le travail de l'enfant, c'est réagir contre l'abus, c'est donner à cet enfant les deux éléments d'un homme complet et d'un citoyen digne de ce nom : Jdeiis sana in corpore sano.

S. MiGNERET.

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ÉTUDES

SUR LES ŒUVRES DE PATRONAGE.

PATRONAGES DE GARÇONS DE LA VILLE DE PARIS (1). Par M. Christian de Codlonge, ancien président de patronage.

Dans un siècle l'on a cherché avec ardeur à rendre aussi rapides que possible les progrès de la classe ouvrière, chacun considère comme un devoir de se préoccuper des moyens de lui venir en aide, les œuvres du patronage devaient attirer de nom- breuses sympathies. Aucune œuvre, en effet, n'est plus séduisante, aucune ne peut être plus féconde en heureux résultats. Prendre l'enfant dès le premier âge, lorsqu'il est encore sur les bancs de l'école, le guider attentivement dans le choix d'un état et d'un atelier, veiller pendant toute son adolescence à son ins- truction religieuse, surveiller le cours entier de son éducation et, plus tard, appuyer de sages conseils les premiers pas qu'il fait dans la vie sérieuse , lui faire bien comprendre que de sa liberté de jeune homme naît une lourde responsabilité et que l'avenir sera pour lui ce qu'il voudra : honorable et pur s'il choisit la voie du bien, plein de hontes et d'amertumes s'il n'a pas le courage de suivre le droit chemin; en un mot, aider la famille dans son difficile devoir de direction et suppléer à ses enseignements quand ils manquent, n'est-ce pas une noble mis- sion et n'est-ce pas pour ceux qui peuvent l'accomplir la plus utile manière d'exercer auteur d'eux une heureuse et salutaire influence? N'est-ce pas aussi un des meilleurs moyens de faire tomber, par l'établissement de relations qui n'ont que l'affection pour mobile, ces préjugés surannés qui ont enfanté tant de dé- sordres et qui pendant tant d'années ont tenu les différentes clas- ses de la société éloignées les unes des autres en leur persua- dant qu'elles avaient des intérêts contradictoires?

Dans ce commerce journalier et cordial , l'enfant est le trait d'union entre sa famille et ses protecteurs, l'ouvrier ap- prend à connaître et à juger, non plus seulement ceux qui

(1) L'étude sur les patronages des filles paraîtra dans le prochain Bulletin.

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l'entourent immédiatement et dont il partage les conditions d'existence, mais encore ceux avec lesquels il n'avait pas eu jusqu'ici de relations assez fréquentes, et qui viennent vers lui les premiers; son cœur se débarrasse des sentiments pé- nibles qui souvent l'assombrissaient , et ses idées s'élargissent. Comment en serait-il autrement en présence du service si désintéressé et si réel qu'il voit rendre à ce qu'il a de plus cher, à ses enfants? Il travaille d'un dur labeur dix, onze et quelquefois douze heures et plus par jour ; sa famille est nombreuse; plus il est intelligent, plus il souffre de ne pou- voir mieux soigner l'éducation de ses enfants, et voilà que d'autres personnes, qu'il ne connaissait pas, mais qu'une pen- sée de charité anime, viennent lui tendre la main et mettent à sa disposition leur temps , leur expérience , souvent leur science et leur haute instruction ; ses inquiétudes sur l'avenir de ses enfants ont désormais disparu : il sait qu'un œil vigilant les suivra à l'école ou à l'atelier, c'est un poids qu'il avait sur le cœur et qu'on lui enlève. Si l'ouvrier gagne à ses relations nouvelles, s'il en recueille en quelque sorte le bénéfice direct et immédiat, il ne faut pas croire qu'il ne donne rien en échange et que les protecteurs de ses enfants ne retirent pas à leur tour un intérêt élevé de leurs démarches et de leurs soins. Dans ce commerce avec les classes laborieuses, le riche, le sa- vant, l'industriel, le commerçant, trouvent ces mille enseigne- ments moraux, si profitables pour le perfectionnement intérieur, que la pratique fréquente des hommes peut seule donner. Enfin, n'est-ce pas grâce à la connaissance précise de l'ouvrier, de ses tendances, de ses aspirations, de ses besoins, que l'on trouvera une réponse définitive à ces problèmes non encore résolus et qui agitent périodiquement notre société? Il ne faut donc pas s'étonner que le patronage ait pris de nos jours une si grande extension ; il est appelé à en prendre une plus grande encore. Des grandes villes, on le voit s'étendre aux petites, des petites villes il gagnera les bourgades.

Les grandes villes auront seules pendant longtemps encore, il est vrai, le privilège des patronages complets. Ce n'est en etiet que dans un grand centre, les ressources abondent, que l'on peut fonder ces maisons l'on réunit hebdomadai- rement deux ou trois cents apprentis et jeunes ouvriers. Mais partout il se trouvera des hommes de cœur et d'initiative,

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on pourra, dans des proportions moins vastes, mais fécondes en- core, s'occuper des écoliers et des apprentis, stimuler leur tra- vail par des récompenses et par l'intérêt qu'on leur montrera. Partout il est possible de donner un bon conseil à une famille sur le choix d'un état, de visiter un atelier, de s'enquérir des progrès de l'apprenti et de le guider dans les débuts de sa vie. En réfléchissant aux mille formes que peut prendre le patro- nage, tout homme de cœur en trouvera toujours une qui con- viendra à ses propres occupations et à la localité dans laquelle il habite. Placement en apprentissage et rédaction soigneuse du contrat, visite de l'atelier, livret de notes le patron ins- crit chaque semaine ses observations sur l'enfant, récompenses à ceux dont on est satisfait; visites à l'école, notes de l'insti- tuteur, récompenses quand les notes sont bonnes ; cours du soir pour les apprentis et les jeunes ouvriers ; biblio- thèques ; enseignement religieux; caisses d'épargne; sociétés de secours mutuels; secours en nature ; —-réunions du dimanche ; assistance en commun aux offices religieux ; logement fourni aux orphelins ou aux enfants que leur famille ne peut conserve)' auprès d'elle; petites expositions indus- trielles dans les maisons qui comptent un certain nombre d'ap- prentis et récompenses aux travaux bien exécutés; cercles pour les jeunes ouvriers; orphéons ; fanfares; cours

de dessin; gymnastique que de choses que l'on peut

faire, qui se font, et cette énumération est bien loin d'être complète !

Quel bien, par exemple, pourra accomplir le chef d'une ma- nufacture s'il prend à cœur la direction morale de 'ses appren- tis, s'il les engage par des exhortations personnelles à fréquenter les écoles du soir, s'il leur ouvre chez lui une petite caisse d'épargne, oîi il les invitera à déposer sou par sou leurs écono- mies de chaque semaine ; si, étendant plus loin son influence, il consent à surveiller, à faire partager à ses fils leurs jeux et leur journée hebdomadaire de repos ; s'il leur enseigne par de bonnes paroles , plus puissantes dans sa bouche, à aimer et à respecter leurs parents; s'il leur conseille l'assistance aux offices religieux, si dans son atelier; après la journée de travail, il organise des cours de lecture, d'écriture, de dessin, qu'il visite et surveille! Chaque jour, quand on a une lois com- mencé une œuvre semblable, on éprouve le besoin d'y ajouter

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qacl([ue periectianneiueiit. Lo progrès sciait peu à peu; le bien que l'on faitgrandit insensiblement et cependant très-vite! Telle maison de patronage, que je pourrais citer, oi!i se réunissent chaque dimanche trois cents apprentis et jeunes ouvriers, a commencé modestement par le patronage de trois ou quatre enfants, qui ve- naient, chaque semaine, dans la chambre d'un homme de bien, recevoir de bons conseils, des récompenses pour leur travail et aussi renseignement religieux, seul mobile assez puissant pour retenir dans le droit chemin des entants et des jeunes gens que, dans toutes les villes, mais spécialement à Paris, mille séductions attirent et circonviennent.

Pour concourir à la -mission que s'est donnée notre Société de faire connaître les différentes institutions fondées dans )e but de Tenir en aide aux enfants de l'industrie, je présenterai aujourd'hui la description succincte des principaux patronages de garçons existant à Paris, laissant au lecteur le soin de juger quelle organi- sation lui semble devoir amener les résultats les plus heureux. Je me bornerai à dire que le zèle des organisateurs est partout absolu: c'est la condition même de ces œuvres. L'institution d'un patronage est un acte d'énergie, de courage, de volonté persévérante et infatigable; celui qui ne se sent pas ces qualités ne doit pas entreprendre ces œuvres : il échouerait. Rendons d'autant plus honneur à ceux qui les ont entreprises et qui les font prospérer.

ŒUVRE DU PRLN CE -IMPERIAL.

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à la haute initiative de S. M. l'Impératrice, l'Orphelinat du Prince-Impérial a été institué en faveur des enfants du sexe masculin, orphelins de père et de mère, résidant, dans le dé- partement de la Seine. (Art. l''^)

Cette institution a pour but de rendre une famille à l'or- phelin et d'assurer ce bienfait par une subvention pécuniaire et annuelle accordée à la famille adoptive. (Art. 27.)

Autant que possible, les adoptants sont choisis parmi les ou- vriers qui consentent à recevoir l'orphelin et à lui servir plus tard de maitre d'apprentissage; mais cette condition n'est cepen- dant pas rigoureuse, et l'en y déroge en faveur des familles

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qui offrent des garanties particulières de bien-être et de mo- ralité, ou qui se présentent pour élever des enfants du premier âge.

Les subventions varient ordinairement de 150 francs à 200 francs par année. Quelquefois elles s'élèvent jusqu'à 300 francs, mais ne montent jamais au delà.

L'Orphelinat est administré par une Commission supérieure permanente et gratuite et par des commissions d'arrondisse- ment.

La Commission supérieure se réunit' sous la présidence du Ministre de l'intérieur ; elle statue :

Sur les admissions à l'Orphelinat et sur les radiations ;

Sur les conditions de l'adoption.

Elle ratifie les actes préparés et proposés par la Commission d'arrondissement.

Elle fixe la subvention annuelle accordée à la famille adop- tive.

Elle exerce une inspection générale sur toutes les parties de l'institution.

Elle entend les rapports faits sur les travaux des commis- sions d'arrondissements. (Art. 6.)

La Commission d'arrondissement se réunit au moins une fois par mois.

Elle reçoit les demandes d'admission dans l'Orphelinat.

Elle recueille et contrôle les propositions et renseignements concernant les familles qui demandent à exercer l'adoption.

Elle discute et prépare les actes.

Elle les propose à la ratification de la Commission supé- rieure .

Elle surveille l'orphelin dans la crèche, dans l'asile, dans Técole, dans l'apprentissage et au milieu de sa famille adop- tive. (Art. 7.)

Dans chaque arrondissement, un médecin inspecteur donne ses soins aux orphelins adoptés.

L'œuvre ne se borne pas à donner une famille adoptive à l'enfant qui n'en a plus; elle le suit, le soutient, le dirige. Son action s'exerce dans le fait important du placement en appren- tissage. Le comité intervient directement au contrat, règle k durée de temps d'apprentissage, stipule pour que l'enfant, con- mément à la loi , ait la liberté du dimanche, et exige du

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patron rengagement formel de faire suivre régulièrement à l'or- phelin les exercices religieux.

Le comité surveille l'exécution du contrat, visite l'apprenti dans son atelier: mais ne s'arrête pas sa mission tutélaire : elle suit jusqu'à la majorité ou l'émancipation l'apprenti de- venu ouvrier.

Un rapport du Ministre de l'intérieur, daté du lo novembre I860, constate qu'à cette époque l'Orphelinat du Prince-Impé- rial subventionnait 219 orphelins. A la même date, la tutelle officieuse des comités, tutelle qui commence au moment même expire l'apprentissage, avait déjà étendu son influence salu- taire sur 132 jeunes gens, dont 39 avaient atteint leur majo- rité.

Telle est l'organisation et tels sont les résultats de l'œuvre fondée par S. M. l'Impératrice. Elle a suivi constamment une marche progressive, et les donations nombreuses qui lui sont faites, en constatant les sympathies qu'elle rencontre, assurent aussi sa prospérité et ses développements.

ŒUVRES ADMINISTRATIVES.

Caisses des écoles.

a La caisse des écoles est une pensée éminemment bienveil- » lante et charitable. Elle a pour but de venir en aide aux » enfants pauvres des écoles communales. Elle allège les » charges des parents, et permet de conserver le plus long- » temps possible les enfants dans l'école, à l'âge ils peuvent » le mieux profiter des leçons. La première caisse des écoles a » été fondée en 1849, dans l'ancien troisième arrondissement, » sous le patronage de la garde nationale. On en doit la > première idée à un honorable commerçant, feu M. Barreswil. » un des délégués cantonaux pour la sm-veillance de l'ins- » traction primaire (1) (et alors capitaine dans la garde natio- nale). — Les caisses des écoles se sont propagées dans d'autres an-ondissements, et l'adoption de la loi sur l'instruction primaire vient de les généraliser pour toute la France.

Remplies à l'aide de souscriptions, les caisses des écoles ren-

(1) Rapport de M. Chauchard au Corps législatif sur le projet de loi rela- tif à l'instruction primaire (p. 29).

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dent les services les plus variés et les plus précieux. J'indique ici les moyens employés par la caisse des écoles du deuxième arrondissement, qui a servi de type à toutes les autres.

Klle délivre aux enfants les plus pauvres des secours en alimentation, vêtements et chaussures. Lorsque la famille a été frappée par un accident , un chômage ou une maladie, un secours est accordé en argent.

Elle fait entrer de jeunes enfants orphelins, abandonnés ou appartenant à des familles indigentes, dans les établissements de bienfaisance en rapport avec leur sexe et leur âge.

Elle place des enfants dans des maisons d'éducation, lors- qu'ils sont privés de leurs parents ou lorsque lés charges de la famille sont trop lourdes.

A la fin de l'année scolaire, elle décerne dans chaque école communale :

Un prix d'honneur de 100 francs à l'élève dont la conduite et travail ont réuni les meilleures notes ;

Des prix d'encouragement de 25 francs dans chaque classe;

Des mentions honorables.

Les prix d'honneur et d'encouragement sont délivrés sous la forme de livrets de la Caisse d'épargne et accompagnés de vo- lumes.

Elle accorde, sous le nom de prix d'examen supérieur, deux livrets de 300 francs chacun :

L'un à l'élève proclamé le premier dans les écoles de garçons qui concourent entre elles; l'autre à l'élève proclamée la pre- mière dans les écoles des filles concourant également entre elles.

Dans les écoles qui n'ont pas remporté le prix supérieur, le premier proclamé reçoit un livret de 100 francs , et les deux suivants chacun un livret de SO francs.

Elle doit bientôt instituer un certain nombre de bourses à l'École professionnelle ouverte sous les auspices du Tribunal et de la Chambre de commerce.

Enfin, et c'est en cela qu'elle rentre dans notre cadre, elle place des enfants en apprentissage et les surveille à l'ateU^rj^^.^y^

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Bourses d'apprentissage de la ville de Paris.

La ville de Paris a institué des bourses d'apprentissage de la valeur de 275 francs chacune ; toute école réunissant moins de deux cents élèves a droit à une bourse; deux bourses sont accordées aux écoles qui ont au moins deux cents élèves pré- sents, sans que le nombre des candidats puisse dépasser, six, par centaine d'enfants présents. ^-nav =h ^-tu-i;

Un jury d'arrondissement dresse chaque année la liste des candidats d'après les témoignages de l'instituteur ou de l'insti- tutrice, et d'après la situation des familles. Elle comprend seu- lement les enfants de douze familles pauvres et qui, recomman- dables à tous égards, ayant fait leur première communion, ont fréquenté les écoles depuis deux ans au moins.

Un examen portant sur les matières obligatoires de l'ensei- gnement primaire détermine la formation d'une liste sur laquelle le conseil municipal choisit deux candidats pour chaque bourse.

La nomination appartient au préfet.

Les enfants sont mis en apprentissage par les soins des délé- gués cantonaux, auxquels leur surveillance est dévolue. Quand la. bourse d'apprentissage n'est pas exigée par le patron, elle e§t remise aux parents à l'expiration de l'apprentissage, si lès renseignements sont favorables.

Œuvre de /a, mairie du quatrième arrondissement.

Cette œu\ re, dite des secours aux apprentis, patronne environ 70 enfants. Elle fait des contrats d'apprentissage et en surveille l'exécution. Chaque apprenti est muni d'un livret sur lequel le maître d'apprentissage écrit chaque mois ses observations. Les bonnes notes donnent lieu à des récompenses, les mauvaises ài des réprimandes. L'apprenti reçoit chaque mois 8 kilogrammes de pain en présentant son livret. Il est visité au moins deux fois l'an chez son patron, et ces visites sont suivies d'un rapport détaillé sur la conduite de l'enfant. A la suite de ce rapport, des récompenses sont accordées à ceux qui les méritent.

L'œuvre des secours aux apprentis du quairième arrondisse- ment a également constaté les plus consolants résultats, de son patronage.

16

216 -

œUVRES DUES A l'iNITIATIVE PRIVÉE.

OEl'VRES POUR LES ENFANTS DU CULTE CATHOLIQUE.

Patronages dirigés par les Frères des écoles chrétiennes.

Ces œuvres ont pour but la fondation et le développement des Associations de jeunes gens, des apprentis principalement, Associations qui facilitent à leurs membres l'accomplissement de leurs devoirs religieux, leur donnent des habitudes d'ordre, de travail et de prévoyance, et les unissent entre eux par les liens d'une charité mutuelle.

« Faisant appel aux jeunes gens, à la sortie des écoles pri- » maires et au début dans la carrière du travail, elle les prend » au moment même commence pour eux l'usage de la liberté >) et ils vont se prononcer entre le bien et le mal ; elle se » propose d'assurer leur persévérance dans la foi et dans les » pieuses et saines pratiques de leurs premières années. Mais, » proportionnant ses formes et ses exigences aux progrès de » l'âge et aux conditions de la vie, elle change en association la » tutelle et le patronage si nécessaires à l'enfance.» (Rapport de M. le vicomte de Melun, 23 décembre 4866.)

L'œuvre a 24 maisons.

ABROND». l'AROISSBS. ItECX DB RÉUNION.

4 Saint-Roch 37, rue d'Argenteuil ;

2 Saint-Eustache 44, rue de la Jussienne ;

3 Saint-Nicolas des Champs. 4, rue Montgolfier;

4 Saint-Louis en l'Ile 79, rue et île Saint-Louis ;

5 Saint-Étienne du Mont. . . 32, rue Saint-Étienne du Mont; Saint-Séverin 30, rue Saint-Jacques:

6 Saint-Sulpice 36, rue de l'Ouest ;

7 Saint-Thomas-d'Aquin . . . 44, rue de Grenelle ;

8 Saint- Augustin 45, rue du Rocher ;

Saint-Louis d'Antin 7, rue de Florence;

9 Saint-Laurent 4S9, Faubourg-Saint-Martin ;

10 St-Joseph des Allemands. 230, rue Lafayctte;

44 Saint- Ambroise 56, rue d'Angoulême ;

Sainte-Marguerite 36, rue Saint-Bernard;

42 Notre-Dame de Bercy 62, rue de Charenton ;

43 Saint-Marcel 42, rue du Moulin-des-Prés ;

217

17 Saint-Ferdinand des Ternes 33, rue d'Ai'maillé ; Ste-Marie des Batignolles. 88, rue Legendre;

18 La Chapelle 13, rue Richomnie;

20 Ménilrnontant 49, rue des Couronnes ;

Saint-Jean de Belle\ille . .

Saint-Denis o, rue Franklin.

La Villette

Issy

Les enfants, pour être admis dans ces associations, doivent avoir douze ans au moins, et avoir fait leur première communion (1).

Chaque association réunit ses membres le dimanche pour assistera la messe et entendre une instruction religieuse. Après la messe, les associés ont la faculté de rester ou de rentrer dans leurs familles. S'ils restent, ils ont à leur disposition une vaste cour oîi ils peuvent jouer à courir, trouvent des jeux de toute sorte, un gymnase, des salles pour les jeux tranquilles, une bibliothèque, etc., etc.

Plusieurs fois par année, des li\Tes, des diplômes, des mé- dailles sont distribués à ceux qui se sont distingués par leur bonne conduite et leur exactitude.

De petites fêtes réunissent plusieurs fois aussi les familles et les enfants, notamment pendant les soirées du dimanche et du mardi gras, jours auxquels Paris offre plus de dangers qu'à l'ordinaire, et il est bon de combattre les séductions du de- hors par quelque fête intime.

L'œuvre ne donne aucun secours en nature et s'en fait une obligation, mais des livrets de caisse d'épargne encouragent la prévoyance ; une légère cotisation ou une quête hebdomadaire fournit aux dépenses des malades, et donne l'habitude de la mu- tualité.

L'œuvre s'occupe du placement en apprentissage, mais n'in- tervient pas au contrat et ne visite pas les ateliers.

« Une retraite est prêchée aux associés au temps de Pâques; » aux principales fêtes religieuses, on leur rappelle, sans rien » leur imposer, les pieuses habitudes des fidèles chrétiens. » (Rap- port de M. le vicomte de Melun.)

(1) Des œu>Tes spéciales se chargent de faire faire la première communion anx enfants attardés. Comme l'instruction religieuse est légalement obli- gatoire, nous donnerons prochainement un travail d'ensemble sur ces œuvres à Paris.

218

Chaque association vit librement de sa vie propre et est admi- nistrée par un Conseil pris parmi ses membres. Le prêtre direc- teui', le frère et le membre du conseil général désigné par celui-ci en font partie de droit.

L'œuvj'e entière est placée sous la direction d'un conseil supérieur qui s'occupe des intérêts généraux. Une fois par moiS; les frères chargés de la direction de chaque associa- tion particulière se réunissent avec le bureau de l'œuvre, ren- dent compte de la situation de leurs sociétés, exposent leurs be- soins et font toutes les propositions qu'ils croient utiles, soit à l'ensemble de l'œuvre, soit aux sociétés qui leur sont confiées.

En ce moment l'œuvre étend son patronage à environ 5,000 apprentis ou jeunes ouvriers.

Plusieurs de ces associations ont des cours du soir.

Patronages dirigés par des sœurs de Saint-Vincent de Paul. Maison de la rue de Sèvres.

Il y a deux patronages de sœurs pour les garçons. Le premier est situé rue de Sèvres, à la maison de convalescence ( sœuF Bernard, supérieure).

La maison de convalescence possède 110 lits occupés par des enfants convalescents envoyés par l'administration des hospices, et par des orphelins qu'y placent leurs parents ou des personnes charitables. On prend soin de leur instruction religieuse et l'on prépare à la première communion ceux qui ne l'ont point en- core faite.

Lorsque les enfants sortent de la maison, ils sont placés par l'œuvre, qui, autant que possible, fait rédiger un conttat. Ils sont fréquemment visités dans leurs ateliers par Us membrrs de Vœuvre, qui viennent aider les sœurs dans leur utile patro- nage. Ils sont admis à passer leur journée du dimanche dans la maison de convalescence, oii ils trouvent une cour ombragée, un gymnase, un préau couvert et des jeux de toute espèce.

La messe a lieu à une heure dans la chapelle de l'œuvre.

Après la messe a lieu le goûter.

Au milieu de la journée les enfants se réunissent dans une salle oii on lit les notes que les patrons ont bien voulu marquer sur les livrets. Quelques bons avis sont donnés, puis les jeux recommencent.

219

Il y a pour les jeunes ouvriers une salle de billard, une bi- bliothèque, une caisse d'épargne.

A 4 heures 4/2, salut suivi d'une instruction. A 8 heures 1/2, souper, qui se compose d'un potage, d'un plat de viande, d'un plat de légumes et d'un peu de vin.

L'assiduité aux réunions, l'assistance aux offices, les bonnes notes des livrets sont récompensées par des bons points avec lesquels de temps en temps les enfants achètent des objets utiles, tels que vêtements (pantalons, souliers, blouses, chemises, etc.).

L'œuvre patronne en ce moment 80 apprentis et 2o jeunes ouvriers.

Maison de la rue de Reuilly. Providence Sainte-ifarie.

Le second des patronages tenus par des sœurs a son siège, rue de Reuilly, 77 (sœur Dufès, supérieure). Aucune œuvre n'est plus intéressante. Elle date de trois ans seulement, et ses résul- tats sont déjà considérables. Elle s'adresse principalement à une clientèle spéciale : les apprentis et jeunes ouvriers des manu- factures de papiers peints (i) et les apprentis ébénistes.

Plusieurs chefs d'aieliers, frappés de l'état d'fgnorance et de démoralisation dans lequel vivaient leurs apprentis, tentèrent, en usant de toute leur influence, de les envoyer aux écoles du soir. Ils échouèrent : moins fortunés que le plus grand nombre des apprentis des autres états, moins bien vêtus, moins propres par suite de la peinture ou de la colle qui tache leurs mains et souvent leurs visages, ces pauvres enfants n'osaient se mêler aux autres apprentis, dont, il faut l'avouer du reste, ils n'étaient pas toujours très-bien accueillis.

La constatation de ces faits engagea les sœurs de la rue de Reuilly à ouvrir une petite école du soir pour une douzaine de ces enfants; mais le nombre ne tarda pas à s'accroître. On ajouta une seconde salle à la première, une ti'oisième à la seconde, et toujours le nombre des élèves augmentait. Toutes les salles de la maison furent bientôt remplies et aujourd'hui 2o0 à 300 apprentis ou jeunes ouvriers, principalement des manu- factures de papier peint, fréquentent assidûment cette école du soir. Les salles sont pleines, plus que pleines, et le nombre des

(1) Voir la description de l'œuvre des enfants des papiers peints dans l'é- tude suivante sur \e Patronage par les patrons, par 31. René de Saint-Mauris .

IB.

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enfants poursuivra son accroissement si le local de l'œuvre peut devenir plus considérable.

Une œuvre aussi visiblement utile, si évidemment bénie de Dieu, demandait un complément, et les sœurs n'hésitèrent pas longtemps à ouvrir leur maison le dimanche à leurs jeunes protégés. Plus de 200 d'entre eux viennent à ces réunions, at- tirés par l'aimable accueil qu'ils y reçoivent et par cela seule- ment, car l'œuvre est trop pauvre pour les nourrir ou leur ac- corder aucun secours. Cependant d'excellentes améliorations ont pu récemment être faites, grâce à des appuis généreux. Une cour assez vaste, un grand préau couvert, un gymnase, permettent à ces enfants et à ces jeunes gens de trouver quel- ques distractions dans cette maison qui les arrache le dimanche aux dangers de rue et du marchand de vin. Un certain nombre d'entre eux sont en train d'organiser une fanfare, d'autres font de l'escrime ; quand le temps est beau, ils s'en vont tous ensemble faire de grandes promenades.

A midi, tous les patronnés présents sont conduits à la pa- roisse Saint-Eloi pour y entendre la messe.

Cette œuvre commence. Son rapide succès est un gage cer- tain de ceux qu'elle obtiendra dans l'avenir, et les sympathies unanimes qu'elle a rencontrées et qui se sont manifestées avec éclat dans le quartier lui assurent une prospérité à laquelle les œuvres ordinaires n'atteignent qu'après de longs et pénibles efforts.

Patronage de la Société de Saint- Vincent-de-Paul.

La Société de Saint- Vincent-de-Paul patronne à Paris quinze cents apprentis et jeunes ouvriers environ, dans sept maisons, qui sont :

Sainte-Geneviève, à l'église de Sainte-Geneviève;

Sainte-Mélanie, rue des Postes, 26;

Sainte-Rosalie, rue de Gentilly, 21 ; . Saint-Charles, rue de Bossuet, 12;

Sainte-Anne, rue des Bois, 6 bis ;

Notre-Dame-de-Grâce, rue de Grenelle, 29, à Grenelle ;

Notre-Dame-de-Nazareth, rue Stanislas, 11.

Dans quatre de ces maisons, la Société est aidée du concours actif et zélé des frères de Saint-Vincent-de-Paul, institut reli-

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gieux d'origine encore récente, mais qui a déjà rendu des ser- vices considérables aux œu\Tes de patronage.

Chaque maison est administrée par un Conseil.

Quelques-unes d'entre elles étendent leur patronage aux éco- liers qu'elles réunissent le jeudi pendant une partie de la jour- née.

Plusieurs aussi ont établi des cours du soir pour leurs ap prentis et leurs jeunes ouvriers.

L'aumônier de chaque œuvre règle tout ce qui concerne le spirituel et se charge de l'enseignement religieux. Deux messes sont célébrées chaque dimanche, l'une à huit heures et demie, l'autre à midi, celle-ci pour les patronnés qui n'ont pas assisté à la première.

De petites associations de piété, facultatives^ réunissent les plus sages de l'œuvre.

Les patronnés, apprentis et jeunes ouvriers, s'assemblent tous les dimanches au local de l'œuvre qui s'ouato dès 7 heures du matin pour se fermer à 6 heures du soir. A 8 heures com- mence la soirée, qui ne se termine qu'à 10 heures environ et à laquelle en général les jeunes ouvriers seuls sont admis. Dans plusieurs maisons cependant les apprentis eux-mêmes y sont reçus.

Deux goûters très-modestes, mais fournis gratuitement et ser- vis le premier à 10 heures du matin, le second à 2 heures, permettent, à ceux qui le désirent, d'attendre le dîner qu'ils vont prendre dans leurs familles.

Dans la journée, quelques heures de gymnastique, qui sont l'une des récréations les plus goûtées, développent et assou- plissent le corps de ceux qui s'y livrent et contribuent à forti- fier leur santé.

Un orphéon assidûment suivi embellit les petites fêtes par lesquelles, à certains jours (aux jours gi'as, par exemple), on s'efforce d'arracher les pupilles de l'œuvre aux plaisirs dange- reux du dehors.

L'œuvre s'occupe du placement en apprentissage, interment au contrat, stipule pour l'apprenti la liberté absolue du dimanche et visite ses protégés dans leurs ateliers. Chacun d'eux est muni d'un livret sur lequel les maîtres d'apprentissage marquent chaque semaine des notes concernant la conduite, le travail et les progrès de l'apprenti.

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Tous les ans, une petite exposition industrielle,rparticulière à chaque maison ou commune ù elles toutes, sert à constater ces progrès et à exciter l'émulation. Des médailles sont décernées aux objets exposés les mieux réussis.

Des bibliothèques fournissent aux enfants et jeunes gens des livres appropriés à leur âge et à leur culture intellectuelle.

Une petite caisse d'épargne reçoit les modestes économies des patronnés et leur donne l'habitude d'une sage prévoyance.

Dans une ou deux maisons, les jeunes ouvriers forment entre eux une Société de secours mutuels.

Une fois la semaine, pendant l'été, les enfants sont conduits aux bains froids, et deux ou trois fois par an, de grandes pro- menades les enlèvent au local ordinaire de leurs réunions pour leur faire prendre le grand air et une bonne journée de plai- sir aux environs de Paris.

Les récompenses ordinaires de l'œuvre consistent en jetons ou bons points avec lesquels les patronnés achètent aux en- chères des objets utiles qui sont mis tous les deux mois à leur disposition. Ce sont le plus souvent des vêtements ou des livres , quelquefois des objets de piété , cruciiîx , statuettes de la sainte Vierge, chapelets ; d'autres fois encore quelques menus objets de toilette, savons, miroirs, peignes, etc., etc.

Les notes des livrets d'apprentissage, l'assiduité aux réunions du dimanche, aux cours du soir, aux leçons de musique, de gymnastique, de dessin, les dépôts à la caisse d'épargne, tout ce qui compose la vie de l'apprenti au patronnage est l'objet de récompenses en jetons ou bons points.

Une distribution annuelle des prix complète la série des ré- compenses. Enfants, maîtres d'apprentissage et parents l'at- tendent avec impatience, car elle constate les résultats d'une aimée tout entière et c'est un puissant moyen d'émulation.

Ces résultats considérables et la persévérance des patronnés prouvent que ceux-ci comprennent l'importance des services qui leur sont rendus.

Œuvre de la Société des Amis de V enfance.

La Société des Amis de l'enfance, que préside notre honoré collègue M. Goffin, définit elle-même ainsi son but: « Venir au secours des jeunes garçons pauvres de la ville de Paris, sans autre distinction que celle que la misère met entre eux, sans

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leur demander d'autre litre à ses bienfaits que le besoin qu'ils en ont, les recueillir, leur donner une éducation conforme à leur condition sociale, en faire d'honnêtes ^ens, de laborieux artisans , des chrétiens; en un mot, prendre des enfants des mains de la misère et les rendre hommes à la so- ciété. »

La Société ne s'est pas proposé d'étendre son utile patronage à un grand nombre d'enfants, mais de rendre ce patronage aussi complet que possible. Ne pas faire beaucoup, mais faire bien : telle est sa devise. Excellent système qui, suivant nous, est de beaucoup préférable à celui que d'autres œuvres ont adopté. Mieux vaut former cent ouvriers d'élite que d'en pa- tronner quatre ou cinq cents sur lesquels on n'a qu'une action restreinte et peu suivie.

La Société des Amis de l'enfance admet les enfants dès l'âge de huit ans. De huit à douze ans, elle les place à Saint- Nicolas et paie les frais de pension. Dans cet établissement, les enfants sont instraits, suivent des cours et font leur première commu- nion. Ils sont environ cent trente.

A douze ans, on les place en apprentissage.

Parmi ces apprentis, les uns peuvent rester dans leurs fa- milles et vivre avec leurs parents. Ils passent ainsi leur temps d'apprentissage, ils ne fréquentent pas le dimanche la maison de la Société, si ce n'est deux ou trois fois par an à certains jours de fête. Visités cependant par l'œuvre dans leurs ateliers, ils re- çoivent chez leurs pare.ds un secours mensuel qui aide la famille à supporter les chai-ges de l'apprentissage. Trente environ com- posent cette catégorie.

Les autres apprentis, je veux dire ceux qui ne peuvent res- ter dans leurs familles, sont placés chez des patrons qui les nourrissent et les couchent. Le dimanche, ils viennent à la mai- son de famille, rue de Grillon, 9, dirigée par M. le comte de Rivarol, administrée par M. Michelin, pour y changer de linge, apporter leurs notes de la semaine et suivre les exercices religieux. Une classe élémentaire leur est faite. Une petite caisse d'épargne reçoit leurs économies. Ils prennent des leçons de gymnastique, vont à la promenade et rentrent à 9 heures chez leurs patrons.

Ces enfants sont habillés aux frais de la Société, et c'est à la Société qu'appartiennent les lits dans lesquels ils couchent chez

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leurs patrons. L'œuvre compte environ soixante apprentis ainsi secourus.

A l'expiration du temps d'apprentissage, les apprentis deve- nus ouvriers se réunissent en Société de secours mutuels et continuent d'avoir d'affectueuses relations avec l'œuvre.

Mentionnons qu'un essai va être tenté pour coucher quel- ques apprentis à la maison de famille ; si cet essai réussit, une quinzaine d'enfants pourront y être reçus.

Œuvre pour les enfants m culte protestant.

La première de ces œuvres, dirigée par M. de Triquetti, réminent statuaire, notre collègue, réunit environ cent enfants, dont soixante-dix garçons. Tous les mois, le second dimanche, les patronnés s'assemblent dans une salle située rue de l'Ora- toire Saint-Honoré, près du Temple.

Après l'office religieux, lecture est donnée des notes fournies par les maîtres d'apprentissage, et de petits livres (biographies fort intéressantes, dues à la plume de M. de Triquetti) sont distribués en récompense aux plus méritants. Une allocution suit, dans laquelle l'orateur raconte une biographie ou déve- loppe quelque sujet scientifique ou industriel.

Les enfants sont visités chaque mois dans leur atelier. Des secours en vêtements sont quelquefois donnés aux plus nécessi- teux

La Société de l'Union chrétienne, fondée il y a trois ans,, rue de l' Abbaye-Saint-Germain-des-Prés , s'occupe aussi et avec un zèle très-louable du placement en apprentissage. Depuis sa fondation, elle a placé une cinquantaine d'enfants, garçons et filles. Autant que possible, elle fait un contrat avec les maîtres d'apprentissage. Elle visite les enfants à l'atelier, et tous les mois un rapport est présenté sur chaque apprenti par le membre visiteur. Le soir, les apprentis se réunissent, de 8 à 10 heures, au local de la Société.

Une troisième œuvre pour les enfants du culte protestant en réunit une centaine environ. Le siège de la Société est rue de Charonne, 90. Plus complète que les deux précédentes, cette œuvre non-seulement place ses protégés en apprentissage, visite les ateliers et surveille l'exécution du contrat, mais encore elle nourrit et loge à des prix extrêmement modérés ceux de ces enfants qui n'ont plus de famille ou ne peuvent demeurer chez

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elle. Trente apprentis et vingt jeunes ouvriers environ logent et mangent dans cette maison (1).

Une place dans une chambre à deux lits se loue 11 fr. 50 c. par mois, et 9 francs dans une chambre à quatre lits. Les chambres particulières sont de deux prix : les unes à 43 fr. oO c, les autres à 16 fr. 50 c.

Les apprentis paient 40 francs pour leur nourriture, leur en- tretien et leur place au dortoir.

La pension des ouvriers est de 45 francs. Ils ont trois repas par jour :

Premier repas, café avec du pain ;

Deuxième repas, un plat de viande et un plat de légumes;

Troisième repas, potage, viande, légumes, dessert.

De plus, 6 litres de vin par mois.

Les membres de la Société sont tenus d'assister le dimanche aux offices religieux. De petites réunions de piété facultatives ont lieu chaque semaine au local de la Société.

ŒrVRE POCR LES ENFANTS Df CILTE ISRAÉLITE.

Les Israélites ont deux sociétés de patronage pour les enfants de leur culte : l'une pour les garçons, l'autre pour les filles.

Le nombre des garçons patronnés est actuellement de 58. Seize d'entre eux sont complètement à demeure à l'école de travail (2) et les autres chez leurs patrons. Tous fréquentent cinq fois par semaine les cours du soir.

Les enfants se réunissent tous les soirs de 8 à 10 heures, à l'exception du vendredi et du dimanche.

L'œuvre s'occupe de la visite des ateliers, et les comités dirigeants se réunissent deux fois par mois pour entendre les rapports des membres visiteurs et des professeurs des cours du soir. Ils notent les admissions, soit à l'école de travail comme internes, soit à la société comme externes.

Une subvention mensuelle de 6 francs, remise aux parents, récompense les enfants qui fréquentent assidûment les cours du soir et qui donnent satisfaction. En cas de mauvaise con- duite, la subvention peut être diminuée, suspendue ou sup- primée.

(1) Voir dans notre dernier numéro l'article snr les Pensionnats d'apprentis.

(2) Rue des Singes, n" 6. (Voir le bulletin numéro 2.j

L

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Jusqu'à ce jour, près de 250 gai'ÇOns ont profité du patro- nage de la Société.

Il y a pour les jeunes ouvriers :

Des dortoirs, des chambres à deux lits, des chambres à quatre lits, des chambres particulières. Les dortoirs coûtent 7 et 8 francs par mois, blanchissage du linge et raccommodage compris.

OEIVIIE POIR LES ENFANTS DE CLLTES DIVERS.

Placement en apprentissage des orphelins.

Cette Société, reconnue comme établissement d'utilité pu- blique? en 4839; prend sous son patronage, sans distinction de culte ou de nation, et place en apprentissage les orphelins de père et de mère ou ceux qui ont perdu leur père seulement.

Le placement en apprentissage est son principal soin ; mais elle ne s'arrête pas là, et l'on peut dire qu'elle adopte com- plètement les enfants dont elle s'est chargée.

Des visites fréquentes dans l'atelier et des livrets de notes qui contiennent les observations des maîtres d'apprentissage sur la conduite et le travail de leurs apprentis tiennent la Société au courant des progrès et de la tenue d^s enfants qu'elle pa- tronne.

La Société fournit à ses pupilles, pendant la durée de l'ap- prentissage, un lit, un trousseau, des livres et, s'il en est besoin, des outils; elle leur alloue des bains. Elle pourvoit à leur instruc- tion élémentaire et religieuse, leur fait faire, quand il y a lieu, leur première communion et les fait soigner à ses frais en cas de maladies

Elle leur fait suivre des cours dans son école, qui est ouverte chaque soir de 7 heures à 9 heures et demie et le dimanche toute la journée. Une caisse d'épargne est ouverte le diman- che. — Une distribution de vêtements a lieu chaque semaine.

Chacun des membres de la Société est chargé de la surveil- lance spéciale d'un ou plusieurs enfants et doit rendre compte de leur conduite, de leur travail, de leurs besoins et de la ma- nière dont les maîtres d'apprentissage exécutent leurs obliga- tions.

En 48S5, la Société a complété son œuvre en réunissant les anciens pupilles de l'œuvre dans une association de prévoJ:ance qui a pris le nom d'Association des Amis d'apprentissage.

L'un des plus puissants moyens d'action de la Société est sa distribution annuelle des récompenses qui consistent en : Prix de fin d'Apprentissage; Prix d'Atelier; Prix d'École. En 1864, l'œuvre patronnait cent trente entants et l'associa- tion de prévoyance des Amis d'apprentissage comptait plus de cent membres participants.

Association de fabricants et artisans pour le patronage d'orphelins des deux sexes.

Cette œuvre a été fondée en 1829; l'agence de l'association est située rue Neuve-Saint-Merri, 9.

L'association, dont le président d'honneur est M. le baron Dupin et dont le président actif est M. le docteur Duchol- let, membre de notre comité, a pour but de procurer à de pauvres orphelins et orphelines, sans distinction de culte ou de nation :

Une éducation morale et religieuse, suivant le culte de leurs parents;

Une instruction appropriée à leur intelligence ;

3" L'apprentissage d'un état d'après leur choix et selon leurs facultés.

Elle pourvoit, en tout ou en partie, à leur entretien, et elle exerce sur chacun de ses protégés, par un de ses membres, un patronage et une surveillance active.

L'association patronne et prend sous sa protection :

Les entants pauvres des deux sexes qui ont perdu leur père et mère, ou leur père seulement;

2" Les enfants qui ont perdu leur mère , lorsque leur père est inconnu ou les a délaissés depuis longtemps, ou pourrait les corrompre par ses exemples, ou serait dans l'impossibilité de les élever ;

Les enfants dont le père est sous le poids d'une grave condamnation, lorsque la durée de la détention est au moins égale à la durée présumée de l'apprentissage du candidat;

A'^ Les enfants dont le père, reconnu incurable , serait placé comme tel dans un hospice ou dans une maison d'aliénés, et dont la mère n'existerait plus ou serait dans l'indigence.

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L'association accorde des secours aux entants qu'elle pa- tronne, et ses secours consistent en objets de coucher, de lin- gerie, d'habillement, en aliments et quelquefois, mais très- rarement, en argent.

Le placement en apprentissage est l'un des soins principaux de l'association. Elle rédige le contrat d'apprentissage et sur- veille son exécution. Chaque enfant patronné est placé sous la direction d'un membre de l'association. Celui-ci doit visiter son protégé tous les mois dans son atelier, s'enquérir de ses besoins de toute nature, tenir une note exacte du trousseau de l'enfant, demander à l'association des objets qui manquent à ce trousseau.

Il doit veiller en outre : à ce que ses protégés soient pourvus de tout ce qui leur est nécessaire; à ce qu'ils accomplissent leurs devoirs religieux; à ce qu'ils prennent des habitudes d'ordre, de propreté et de politesse; à ce qu'ils fréquentent régulièrement une école primaire. Chaque mois, le membre visiteur envoie à l'association une note circonstanciée sur la conduite, le caractère et le travail de chacun des enfants qui lui sont confiés.

Deux fois par an, deux commissaires nommés par l'associa- tion visitent tous les patronnés dans les ateliers.

L'association reçoit régulièrement chaque dimanche les petites économies de ses enfants et les place à la caisse d'épargne.

Des distributions de prix récompensent chaque année leur travail et leur bonne conduite.

L'œuvre patronne environ 150 orphelins, dont 100 garçons et 50 filles.

Ma tâche s'arrête ici, mais je ne veux pas terminer cette modeste étude sur d'admirables institutions sans remercier les hommes qui se dévouent à ces œuvres de la bonté parfaite avec laquelle ils m'ont fourni tous les renseignements dont j'ai eu besoin. Partout j'ai trouvé le même accueil sympathique, qui puisait sa source dans la pensée qu'ils réalisent avec tant de zèle : propager activement le bien. Puisse le tableau incomplet de leurs efforts susciter, partout il est besoin, le désir et la volonté de les imiter.

Christian de Coulonge.

Nous donnerons prochainement une étude sur les patronages des départe- ments. (Réd.)

229 ÉTUDES SUR LES SOCIÉTÉS PATERNELLES

FOVDÉES PAR

LES PATRONS A PARIS. Par M. René de Sai.m-Mauris.

Le patronage exercé par les fabricants sur les apprentis em- ployés dans leur industrie est une des applications les plus naturelles des idées toutes chrétiennes d'assistance mutuelle. Personne, d'ailleurs, n'est plus intéressé que le patron à ce que les apprentis soient honnêtes, moraux, religieux, bons travail- leurs, et personne ne profite plus que lui en leur fournissant les moyens de devenir un jour de bons ouvriers, de fidèles et d'utiles auxiliaires pour sa fortune et pour celle de ses suc- cesseurs, Mais il n'y a pas seulement une question d'intérêt, il y a pour le patron un devoir impérieux. Ne doit-il pas être un second père pour les enfants qui lui sont confiés? Quand leurs parents , obligés de travailler de leur côté pour soutenir leur famille, se trouvent dans la nécessité de les livrer de bonne heure à des étrangers qui les mettent en état de pourvoir par leur travail à tous les besoins de la vie, que deviendront ces enfants, l'avenir de notre industrie, s'ils ne rencontrent dans leurs patrons que des hommes indifférents qui les considèrent comme des bêtes de somme, et qui, ayant le lucre pour seul mobile, ne comprennent pas que, même à ce point de vue, ils trouvent leur compte à s'occuper de l'intérêt de leurs apprentis. Plusieurs corps d'état ont déjà organisé des sociétés de pa- tronage, ou plutôt de protection; il paraît certain que, l'élan étant donné, leur nombre s'accroîtra rapidement. Quatre fon- dations ont commencé à fonctionner. Les documents fournis étant peu nombreux, il nous faut renoncer à les faire connaître d'une manière complète, mais c'est un inconvénient qui n'est pas irréparable ; nous trouverons un prétexte pour revenir une autre fois sur cet intéressant sujet.

La plus importante de ces Sociétés protectrices est connue sous le nom de Société des enfants du papier peint^ ou Société pour Vassistance paternelle aux enfants employés dans les manu- factures de papier peint dans le département de la Seine. L'in- dustrie du papier peint, à Paris, est pour ainsi dire concentrée

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dans le faubourg Saint-Antoine, elle occupe un nombre consi- dérable d'enfants. Comme le travail qu'elle exige ne demande jni une grande force, ni beaucoup d'intelligence, les enfants sont généralement placés en atelier dès qu'ils sont capables de tra- vailler, c'est-à-dire avant d'avoir suffisamment fréquenté le caté- chisme et l'école pour en sortir avec un petit bagage d'instruc- tion dont ils puissent tirer un profit sérieux. Ce travail précoce faisant gagner de bonne heure, ce sont le plus souvent les familles nécessiteuses qui placent leurs enfants dans cette indus- trie ; il s'ensuit que le manque d'éducation, la misère et l'igno- rance sont à la fois le partage des enfants.

L'origine de la Société coïncide avec celle du patronage de la Providence-Sainte-Marie , qui lui a donné un caractère reli- gieux auquel elle doit certainement son succès (1). L'homme, en effet, n'est point assez parfait pour aimer la vérité pour elle- même, pour pratiquer le bien parce qu'il est le bien; si sa faiblesse et son ignorance ne sont aidées des secours si puis- sants de la religion, il n'est pas d'instruction assez développée, ni de système de protection et d'encouragement qui réussisse à le préserver des chutes l'entraîneront ses passions.

La tâche de cette Société a donc été singulièrement allégée par le rare bonheur qu'elle a eu de trouver des auxiliaires dans les sœurs de Saint- Vincent-de-Paul de la Providence Sainte-Marie. L'influence de leur vertu et de leur dévouement aura de plus en plus des effets salutaires et durables. Le contact de ces sain- tes femmes introduira dans les jeunes cœurs de ces enfants une noblesse et une dignité de sentiments qui les préservera de bien des faiblesses.

Le. but de. l'œuvre a été ainsi défini dès l'origine :

« Nous voulons avant tout, disait en 486S le président de » l'œuvre, M. Jules Rioltot, contribuer à donner aux enfants une 9 éducation religieuse et l'instruction élémentaire; par d'utiles » fondations, nous leur procurerons des récréations agréables, » et nous encouragerons chez eux le goût de la lecture, du » dessin, en même temps que nous leur faciliterons les moyens »\de se livrer à des exercices gymnastiques. En développant » leurs forces physiques, intellectuelles et morales, nous ferons )> de robustes ouvriers, des citoyens éclairés et de bons pères de

(1) Voir page 219, article cie M. de Coulonge.

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» famille qui, plus tard, conduiront leurs enfants dans la bonne » voie, en leur montrant l'exemple. »

La Société se compose de souscripteurs versant 12 francs par an, de membres à vie donnant 2o0 francs une seule fois, ou 60 francs pendant cinq ans, et de membres pei-pétuels payant une somme unique de 1,000 francs ou 2o0 francs pendant cinq aiis. Elle est administrée, sous la surveillance d'une commis- sion de censeurs, par un conseil pris panni les membres et chargé de la gestion de la fortune. Avec ses ressources, prove- nant de souscriptions et de dons, la Société donne des allocations de diverses natures aux corporations, aux établissements religieux et même aux personnes isolées qui se proposent d'atteindre le but de l'œuvre, et décerne des récompenses aux enfants. Il est dit dans les Statuts (et peu à peu les choses s'arrangent en conséquence) que les membres d'une commission de perfec- tionnement doivent visiter les apprentis dans leurs ateliers, se mettant en rapport avec les parents et les patrons, veillant à l'exécution des contrats d'apprentissage, s'enquérant de la con- duite des enfants , de leurs progrès et signalant les faits qui méritent récompense ou réprimande. Tous les ans, il y a une distribution solennelle de récompenses, consistant en livrets de caisse d'épargne et en livres (1). Pour faire mieux accepter les réprimandes, les rendre plus efficaces (ce n'est pas dire plus effrayantes), le règlement dit qu'on les fera parvenir par un conseil de discipline exclusivement composé de dames; c'est un procédé bien simple, et, si la Société le met sérieusement en œuvre, le résultat ne peut en être douteux.

La Société de patrons et d'ouvriers pour le patronage des en- fants de l' ébénisterie s'est modelée en plus d'un point sur l'œuvre des enfants du papier peint. Les conditions d'admission, le mode d'administration sont identiques; elle lui a emprunté l'excel- lente idée du conseil maternel de discipline, exclusivement com- posé de dames; son mode d'assistance est le même; elle doit s'occuper des enfants employés comme apprentis dans l'indus- trie de l'ameublement en général, et, en particulier, chez les ébénistes, menuisiers en sièges, facteurs de pianos et de billards, tourneurs et sculpteurs sm- bois. Son siège est actuellement rue des Tournelles, 17, chez M. H. Lemoine, son fondateur et son

(1) Voir pour le compte rendu de la dernière distribution de prix le Bulle- tin n" 3, p. 169.

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président. Ce qui caractérise cette Société, c'est l'institution de concours annuels destinés à élever le niveau de l'apprentis- sage. Disons que diverses circonstances ont retardé la marche de cette œuvre, qui va recevoir une vive impulsion.

La Chambre syndicale des fleurs, plumes et modes, à la de- mande de M. Petit, l'un de ses membres et l'un des membres de notre Société, a. donné l'impulsion pour la fondation d'une So- ciété d'assistance paternelle aux enfants employés dans les fabri- ques de fleurs et de plumes (le siège est boulevard de Sébastopol, 82) . On fait espérer une fondation semblable pour les enfants employés dans la fabrication des modes. La Chambre a été justement frappée de la nécessité se trouvent les fabricants « de veiller » à la rédaction et à la bonne et loyale exécution des contrats » d'apprentissage et d'assister, de moraliser et d'instruire les ap- » prenties, qui trop souvent, par défaut de surveillance éclairée, » s'écartent de leur devoir. » Elle a été unanime pour recon- naître les services rendus à l'industrie, aux enfants et aussi à la Société par les institutions de patronage, spécialement à Paris. Elle se propose d'aider à l'action de ces institutions, sans se substituer à elles.

Les sociétaires qui paient 200 francs ou une somme annuelle de SO francs sont membres fondateurs. La souscription annuelle pour les membres est de 12 francs. Elle est administrée par un Conseil composé de sociétaires. Le Conseil délègue une partie de ses attributions à des commissions chargées de visiter et de sur- veiller les apprentis, de s'occuper delà rédaction et de l'exécution des contrats d'apprentissage : une commission dont les dames seules font partie est spécialement chargée des jeunes tilles apprenties. Tous les ans se tient une assemblée générale, sont distribués les récompenses et les encouragements aux en- fants patronnés et aux personnes qui auront aidé la Société dans l'accomplissement de son œuvre.

Plusieurs clauses de ses statuts , qui lui donnent un carac- tère tout particulier, méritent de fixer l'attention : elles sont contenues dans les articles 6, 7 et 8 î

« Art. 6. Nul ne pourra présenter d'enfants au patronage, » ni recevoir d'apprentis , s'il ne fait partie de la Société. Les » membres fondateurs auront le droit de recevoir d'un à cinq » enfants en apprentissage. Les autres membres pourront pré-

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» senter ou recevoir un nombre d'enfants égal aux cotisations » annuelles de 12 francs qu'ils auront souscrites, sans toute- » fois pouvoir dépasser le maximum attribué aux membres » fondateurs.

» Art. 7. Les apprentis devront être âgés de douze ans au » moins; leurs parents ou tuteurs auront la faculté de choisir » la maison dans laquelle l'enfant devra entrer, parmi les maisons » faisant partie de l'Association. S'ils n'usent de cette faculté, on » suivra l'ordre d'inscription des demandes selon les spécialités.

» Art. 8. Tout sociétaii-e pourra se retirer de la Société » à l'expiration des contrats d'apprentissage des entants qu'il » aura placés ou reçus comme apprentis. »

Ces statuts ne sont encore que provisoires, et la Société, qui est à ses débuts, étudie son terrain en marchant. Les familles apprendront avec plaisir que le concours des Sœurs de Saint- Vincent de Paul est acquis à l'œuvre des fleuristes. Les apprenties font toutes partie d'un même patronage central, dirigé par la sœur supérieure de la Maison de secours du premier arrondis- sement. L'ardent et dévoué directeur de la Société, M. Petit, s'occupe avec la sœur supérieure du Bourget d'établir une classe préparatoire à l'apprentissage pour les enfants de six à douze ans et une infirmerie pour les apprenties patronnées par la Société des Fleuristes.

La Réunion des Fabricants de btvnse, auxquels sont adjointes les industries de la fonte, du fer, du zinc, de l'argent et de tous les arts plastiques, est la plus ancienne de ces Sociétés de pa- trons. Son programme est plus étendu. Sa fondation remonte à 1818; elle a été réorganisée en 1865; son siège est actuellement rue Saint-Claude, 16; son président est M. Barbedienne. EUtî est moins spéciale aux enfants. Le but de cette Société est sur- tout de protéger et de défendre la propriété artistique et indos^ trielle du modèle, de fortifier et d'étendre les rapports de con- fraternité et de solidarité entre les fabricants, de juger et con- cilier, par ses délégués, les débats qui peuvent naître soit entré les membres de la Société, soit entre ceux-ci et des tiers; relativement aux apprentis, de travailler sans cesse au progrés de V industrie et de l'art, en contribuant à Véducation profession- nelle de ses apprentie, de ses ouvriers et des artistes qui con- courent à sa production, ^//e fait suivre gratuitement à ses ap- prentis des cours de dessin et les encourage par des récompenses.

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Il me paraît qu'une difficulté inhérente à ces diverses Sociétés est relative à la question fort importante de la visite des ate- liers. Cette visite est une des parties essentielles du patronage : on ne peut bien juger de la conduite des enfants, de leurs pro- grès, de la manière dont ils sont traités et instruits, qu'en voyant les choses par soi-même. Les chefs d'ateliers reçoivent ordinai- rement avec une bienveillance, on pourrait dire une déférence très-marquée, les personnes étrangères à l'industrie qui s'occupent de leurs apprentis. Les fabricants, par la connaissance qu'ils ont de leur métier, ont une supériorité incontestable, à un cer- tain point de vue, sur les personnes qui n'ont que leur dévoue- ment à mettre à la disposition des apprentis. Mais de quelle fa- çon un concurrent serait-il reçu dans l'atelier? On aura d'autant plus de peine à le laisser pénétrer, qu'il aura l'œil plus exercé. Il y a place pour bien des positions délicates. La pratique aplanira sans doute ces difficultés. Au surplus, l'action de ces Sociétés n'empêche nullement la surveillance des familles ou des patronages.

Trois caractères principaux distinguent les patronages des fa- bricants. Ces Sociétés font aux patrons une nouvelle obligation de leurs devoirs envers leurs apprentis, en les forçant à une sur- veillance régulière de leur conduite, de leur travail, et des ou- vriers qui les entourent. Elles contribuent à rapprocher les patrons et les ouvriers, à amoindrir, sinon à faire cesser les causes de di- visions suscitées trop souvent par des intérêts nouveaux en mon- trant que les véritables intérêts des patrons et des ouvriers sont les mêmes. Enfin elles relèvent les apprentis à leurs propres yeux en leur donnant des témoignages d'intérêt dont ils ne se croyaient peut-être pas dignes; elles visent à leur moralisation et à leur instruction, pour les rendre capables de vivre hono- rablement par leur travail; elles relèvent leur niveau intellec- tuel et aident ainsi à soutenir notre industrie; elles font voir, à l'enfant comme à l'ouvrier, dans les patrons, non des maîtres, des exploitants, mais de véritables parents sincèrement dévoués pour eux et sérieusement préoccupés de leur avenir.

Il n'y a pas de recommandations qui vaillent mieux que l'ex- posé de tels avantages et qui fassent plus vivement désirer une rapide extension de ces excellentes Sociétés protectrices.

René de Saint-Mauius.

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CONFÉRENCE DU R. P. HYACINTHE.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT

KT MESSIEURS LES MEMBRES DF COSSEIt DE LA SOCIÉTÉ I)E PROTECTION BES APPRENTIS ET DES ENFANTS DES MASIFACIIRES,

C'est à VOUS, Messieurs, que je dois la première inspi- ration de ce discours. C'est sur votre demande que j'ai plaidé pour la première fois la cause de la Famille de l'Atelier et du Dimanche au sein des classes ouvrières (1). Soutirez donc que je vous restitue votre bien, heureux si ces quelques pages peuvent servir les grands intérêts que

vous défendez.

Fr. Hyacinthe,

De l'ImmaeuUe-Conception, carme diehausti.

L'espoir de la moisson est dans la semence, et Leibnitz

avait raison de dire : « Donnez-moi l'enseignement de la jeu- nesse pendant un siècle, et je changerai la face du monde » Cette transformation ne peut s'accomplir qu'autant que l'édu- cation de l'ouvrier se fera dans les conditions voulues par la nature même de l'homme et l'harmonie générale du plan divin.

Il y 3 trois degrés dans cette éducation : l'éducation pre- mière par la famille ; l'éducation professionnelle par l'atelier ; l'éducation religieuse par le dimanche.

I. l'éducation DE LA FAMILLE.

Je place la famille au premier rang. Elle l'occupe dans l'ordre du temps, elle devrait l'occuper dans l'ordre des intluences.

Pai-mi tant d'esprits élevés qui se préoccupent du sort des classes ouvrières, je m'étonne qu'il y en ait un si petit nombre qui en comprennent les véritables besoins. Le remède aux maux dont elles souffrent, l'instrument des progrès qu'elles

{ij Conférence donnée dans l'église Saint-Eustache, le 30 juin 1867.

veulent réaliser, on les cherchera vainement dans des in- ventions et des combinaisons nouvelles, dans des théories spé- cieuses, ou même dans des institutions particulières et acciden- telles. Ils sont dans la famille, cette institution aussi ancienne, aussi générale que le monde , qui a ses racines dans les pro- fondeurs les plus intimes, les pl^-is tendres , les plus fortes de l'être humain ; cette institution venue des mains de Dieu lui- même , à travers les brises originelles de l'Éden, que le Christ a empourprée de son sang et élevée à la dignité de sacrement pour en faire une des sept colonnes qui porteront à jamais l'humanité régénérée.

C'est donc la famille qu'il s'agit de soutenir ou de restaurer dans toutes les classes de la société, ^mais surtout dans la classe ouvrière de nos villes. C'est tout particulièrement à la famille qu'il faut rendre l'éducation première de l'enfant.

Dans l'éducation première, il y a deux choses surtout à con- sidérer :.le lieu et l'agent. Le lieu, c'est le foyer domestique; l'agent, c'est la mère.

Le foyer domestique ! C'est que doit reposer le berceau de l'enfant; que doivent s'écouler ses premières années. Est-ce que la Providence n'a pas mis cet instinct au cœur de tous les êtres, même dans les espèces inférieures à la nôtre? Est-ce que l'oiseau ne bâtit pas son nid dans la douceur de la mousse, sous l'abri de la haie ou parmi les branches de l'arbre? Est-ce qu'il n'y a pas dans tous les ordres de la nature un lieu spé- cial, un lieu sacré, ôii doivent reposer les premières espérances, les premières joies et les premières souffrances delà vie? Eh bien ! l'espèce humaine a droit à un berceau sacré entre tous les berceaux, elle a droit à un foyer domestique qui ne soit ni abject, ni meurtrier, qui ne tue ni le corps, ni l'âme de l'en- fant. C'est ce foyer qui fera la première éducation de cette jeune âme, de cette imagination et de ces sentiments naissants. Ces murs ne sont pas des murs, ce toit n'est pas un assemblage de bois et d'ardoises, ces meubles me sont pas des* objets vul- gaires : je dis que tout cela parle un langage profond, que tout cela exerce une action puissante dans l'ordre moral. N'avons- nous pas, nous autres catholiques, dans notre divine religion, des signes sensibles qu'on nomme des sacrements, de l'eau, du vin, du pain, de l'huile, de la matière enfin, mais de la ma- tière qui révèle et qui communique à des degrés divers les

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choses inAÎsibles? Dans l'ordre de la nature, et dans ce que j'ap- pellerai Id religion du foyer, il est aussi une influence mysté- rieuse des lieux et des choses, une secrète communication des habitudes, des vertus, de l'esprit de famille par les objets ma- tériels eux-mêmes. L'enfant verra ce qu'ont vu ses pères, il mê- lera sa vie aux objets remplis de leurs souvenirs et, pour ainsi dire, pénétrés de leur âme ; il en recevra je ne sais quelle em- preinte, et comme un caractère indélébile qu'il portera à travers les égarements de la jeunesse et jusque sous les cheveux blancs du vieillard.

Si c'est de la poésie. Messieurs, c'est de la poésie positive; elle genne dans les faits, elle a ses racines dans la nature des choses. Elle nous fait sentir d'aiileui-s de quelle importance il est pour l'enfant d'être élevé chez son père et sa mère, et non sous un toit étranger.

J'ai dit que la mère est l'agent principal de l'éducation du foyer. Ce n'est pas que je méconnaisse le rôle du père, et s'il fallait dire toute ma pensée, je reprocherais à certains auteurs catholiques de n'en pas tenir un compte suffisant. Nous sommes exposés à oublier le père en présence de ce type si pur, si gracieux, si chrétien, de la mère. Mais ici je ne fais pas un traité complet de l'éducation par la famille, j'insiste surtout sur l'importance de cette éducation première, dont les soins ont été dévolus presque exclusivement à la femme. A cette épo- que de la vie, il s'agit de former le corps et le cœur de l'enfant : la raison aura son tour plus tard, mais elle ne se développera que sur ce double sol physique et moral, un corps et un cœur di- gnement préparés. Or les mains de la femme sont seules capa- bles de cette agriculture de Dieu, agricultura Dei : seules, elles sont assez pures et assez tendres pour toucher ce corps virginal et souffrant, qu'un contact imprudent pourrait froisser ou flétrir; seules, elles sont assez puissantes pour éveiller en lui cet or- gane du cœur qui est, selon la science, le premier à naître, le dernier à mourir, primum saliens et ultimum monens^ et chez qui cependant la puissance d'aimer demeure si souvent étouffée ou corrompue dans son germe. Ah ! oui, comme les mains du prêtre sont consacrées pour toucher le corps du Christ sm' l'autel, corps glorieux, mais tombé dans les inlirmités du Sa- crement; de même les mains de la femme chrétienne, dans les bénédictions du mariage et dans les grâces de la maternité.

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sont sanctifiées pour toucher dignement le corps de l'enfant, corps infirme et glorieux, puisqu'il contient une âme, j'allais dire puisqu'il contient un Dieu. Par le baptême, il a été fait membre vivant de Jésus-Christ!

Le foyer et la mère!... Oii sont-ils aujourd'hui pour le peu- ple de nos grandes villes? Ah! je touche à deux plaies im- menses, hideuses, de nos sociétés contemporaines : la mauvaise condition des habitations ouvrières et l'absence de la mère au foyer domestique. Voilà l'un des principes les plus méconnus et les plus actifs du mal dont nous souffrons; c'est lu, dans cette désorganisation de la famille, dans cette démoralisation du peuple, que se forment ces points noirs qui montent ensuite dans l'atmosphère pour y devenir un grand nuage et pour y éclater dans une immense tempête.

Est-ce donc un foyer, ou n'est-ce pas un antre, cette cave humide, obscure, infecte, d'où l'on est absent tout le jour, et oii, le soir, on rentre dans un pêle-mêle odieux? Est-ce la de- meure des vivants ou la tombe des morts, cette mansarde étroite, étouffée, pour s'étendre sur son lit de Proeuste (je cite un fait récent venu à ma connaissance, à Paris), l'ou- vrier fatigué est obligé d'ouvrir la lucarne, la nuit, et de mettre les pieds sur le toit? Je le demande, sont-ce des habitations tolérables pour des citoyens libres de la France ou de la Bel- gique, pour des hommes rachetés du sang de Jésus-Christ?

Si du moins la mère était là, son regard et son sourire éclai- reraient ces ombres, transformeraient ces laideurs, et feraient une fête joyeuse au sein de ces tristesses. Mais l'industrie, la bar- bare industrie, lui a desséché les mamelles, et l'a traînée in- firme et chancelante dans le grand atelier plein du bruit du travail et du bruit du blasphème, d'où elle n'entendra pas les cris de son fils emporté bien loin d'elle, chez l'étrangère in- différente ou cupide, qui le lui rendra mort ou du moins flétri.

Je n'exagère pas, Messieurs ; ce sont des faits trop communs et qui tendent à devenir la loi dans les grandes agglomérations industrielles. Eh bien! c'est le devoir, c'est l'impérieux devoir des catholiques de se liguer entre eux et avec les chrétiens de toutes les Eglises, avec les hommes de cœur de toutes les opi- nions, pour tenter un suprême effort en faveur des classes ou- vrières. Travaillons à leur rendre la famille qu'on leur a ôtée? Travaillons à leur faire un foyer, modeste et pauvre sans doute,

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mais honnête et riant, oij la mère habite avec ses enfants, et leur donne ces soins du cœur et du corps pour lesquels perswine au monde ne peut la remplacer. -' M ^î^ ^-'i-fi' n' '

Je ne veux pas être utopiste, et je n'ai pas la naîi'eté de croire que ces choses puissent s'accomplir en un jour. Quelle que soit cette coalisation de toutes les puissances, de toutes les intelligences, de toutes les bontés, que j'appelle de mes vœux, il faudra des années, et des années encore, pour que la famille, si profondément atteinte dans le peuple de nos villes, reprenne sa vigneur et sa beauté. En attendant, Messieurs, que ferons- nous? La charité a des inventions merveilleuses. A ceux qui n'ont pas de foyer, elle a ouvert des crèches et des asiles; à ceux qui n'ont pas de mère, elle a préparé des cœurs dévoués, des éducateurs et des éducatrices, quels que soient l'habit et le nom qu'ils portent. Elle a préparé surtout, voici déjà trois siècles, par le cœur de Vincent de Paul, cette femme extraordinaire dont la mission était réservée surtout au dix-neuvième siècle et à la grande crise des classes laborieuses, cet auxiliaire de l'ouvrier, comme du soldat, sur le champ de bataille du travail et de la souffrance : la sœur de Charité ! Si quelque chose pou- vait remplacer la mère aux berceaux du peuple , ce serait la sœur de Charité, ce serait cette religieuse sans clôture et sans voile, qui vit dans le monde en n'étant point du monde» et qui unit dans une réconciliation sans exemple le cœur de la vierge et les entrailles de la mère!

Laissons l'enfant à la sœur de Charité ! laissons-le à l'institu- teur et à l'institutrice qui lui tiennent lieu de ses parents, à la salle d'asile et à l'école qui lui tiennent lieu de son foyer! Ne permettons pas qu'aucune main , et sous aucun prétexte, l'arra- che à cette éducation du berceau et nous donne ce spectacle hideux, s'il n'était lamentable : l'ouvrier de huit ans!

J'ai besoin de dire toute la vérité à cette grande industrie, qu'on a flattée jusqu'à la bassesse et qu'on a méconnue jusqu'à l'injure. Je ne suis ni de la race des courtisans, ni de celle des insulteurs, et j'estime que le plus bel hommage que l'on puisse rendre à une puissance de ce monde, c'est de la croire assez grande pour entendre la vérité. Je dirai donc à l'industrie qu'elle n'a jamais le droit de porter la main sur l'enfant avant l'âge marqué par la nature et par la religion. Agir ainsi, c'est commettre un crime plus odieux que celui qui a souillé si long-

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temps l'Amérique, et qu'elle a laver dans les flots de sang. Parmi ces hommes, qui possédaient des hommes, il y en avait de justes et de bons, et ceux-là étaient les bienfai- teurs de leurs esclaves plus encore que leurs maîtres; mais il y en avait aussi qui étaient sans conscience et n'avaient pas d'entrailles. Ils ne voyaient dans le nègre qu'un instrument, et ils lui demandaient de produire un travail sans mesure et sans repos. C'était l'oppression du corps. Mais, comme toutes les libertés, toutes les oppressions se tiennent, et de celle du corps on passa à celle de l'âme. Si la vérité les touche, la vérité les délivrera ! Point de commerce donc avec ceux qui possèdent la science, avec les hommes qui parlent tout haut, avec les livres qui enseignent tout bas ! Et enfin, à l'oppression intellectuelle, ces tyrans avisés et cruels avaient ajouté l'oppres- sion morale : ils avaient mille fois raison, car de toutes les complices de la liberté, la plus dangereuse n'est pas la science, c'est la vertu. Pas de vertu pour l'esclavage ! Nous lui avons retiré l'Évangile et dans les ruines mêmes de la nature hu- maine, quand cette nature n'a pas péri tout entière, il demeure encore des nobles sentiments, deux puissantes racines tout peut refleurir, l'amour conjugal et l'amour paternel ! on avait rendu la famille impossible, et il n'y avait pas, dans ces cases maudites, d'hommes qui pussent embrasser dans l'honneur comme dans la tendresse la compagne de leurs douleurs et le fruit de leurs entrailles.

Vous frémissez. Messieurs, et vous avez raison ! Rien n'est perdu toutefois, et si grand que soit le mal, il n'est pas sans remède. Ce nègre est un adulte, un homme fait, et si, dans une enfance plus heureuse que sa maturité, il a été réchauffé sur le sein d'une femme noire, mais chrétienne, nigra, sed formosa, s'il a sucé le lait robuste et chaste du mariage, s'il a connu l'Évangile et s'il aime Jésus-Christ, il garde au fond de lui des ressources cachées ; il sentira les soudains et puissants réveils de la conscience honnête et de l'honneur chrétien, et contre la triple tyrannie du corps, de l'intelligence et du cœur, il aura des révoltes victorieuses!

Messieurs, l'être efiicacement opprimé, la victime irrémédia- blement flétrie, ce n'est pas l'homme, c'est l'enfant. C'est le petit esclave blanc de notre Europe, qui n'a connu ni son berceau,

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ni sa mère, et qui s'est éveillé à la vie dans ce sombre atelie/, sorte d'enfer terrestre l'on peut graver :

Vous qui entrez, laissez toute espérance!

Sa poitrine avide aspire à pleins poumons des gorgées d'air qui sont tout simplement des gorgées de poison; ses petits membres, ployés sous le travail avant d'être formés, sont voués dès le bas âge à la décrépitude. Arrêtée, elle aussi, dans sa première croissance, son intelligence se noue tristement dans la nuit. C'est en vain que plus tard, dans des remords stériles, on s'eiforcera de lui rendre quelques vérités ; le nègre se souvient après des années d'abrutissement, l'enfant n'apprend plus après quelques mois de cet odieux régime. Jamais il ne tiendra entre ses mains ces trois clefs vulgaires et sublimes, qui ou\Tent tant de choses dans la vie et dans l'âme : lire, écrire et compter ! Jamais il ne possédera ces rudiments de la science qui devraient être le partage de tous : quelque chose de la forme et de la vie de ce globe qu'il habite, et beaucoup de la gloire et des des- tinées de cette patrie qu'il doit aimer et servir! Jamais surtout, jamais il n'aura la révélation nette etTerme de son âme et de Dieu! Son âme et Dieu! ce n'est pas seulement l'ignorance qui les lui ravit, c'est le vice. Que s'est-il passé dans le sombre atelier, dans l'enfer précoce et pourtant sans espoir? Je ne le dirai pas, mais je l'écouterai de la bouche d'un poëte de notre âge (1), inteiprète éloquent des ivresses et des angoisses du mal au fond de l'âme humaine :

Le cœur de l'homme vierge est un vase profond; Lorsque la première eau qu'on y verse est impure, La mer y passerait sans laver la souillure : Car l'abîme est immense, et la taclie est au fond !

0 mains qui avez flétri l'enfant, vous serez maudites, malgré tout votre éclat, malgré votre science et malgré vos richesses! Mains d'une industrie sans entrailles, vous demeurerez arides et desséchées, comme la main du tyran d'Israël sous la malé- diction du prophète de Juda : « La main de Jéroboam s'était roidie, et il ne pouvait plus la ramener à lui, parce que le Seigneur l'avait maudite. » Vous avez commis le plus lâche, le plus révoltant et le plus irréparable des forfaits !

(1) Alfred de Musset.

L

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IL .-T- l'éducation de l'atelier.

Je me suis trop étendu peut-être sur cette première éducation de l'homme. La faute en est, Messieurs, à votre attention, à vos sympathies, et puis à ce berceau vide, à cette mère absente, à ce morne foyer j'avais besoin de pleurer et d'espérer avec

vous. .-/r,vU:!;>!:i

L'éducation domestique se conclut par un grand àctii réft- gieux, la première communion, qui est comme une première émancipation de l'enfant. Plus précoce en cela qne le fils du riche, le fils de l'ouvrier entre dès lors dans une sorte de vie publique ; de la famille il passe à l'atelier. Me suis-je trompé, Messieurs, et n'y a-t-il pas l'école entre la famille et l'atelier, l'école primaire d'abord, et l'école professionnelle ensuite? Non, l'école n'est pas entre la famille et l'ateUer, elle est à côté. Elle ne forme pas, avec la famille et l'atelier, comme un troisième degré de l'éducation populaire, et pour tout dire en un mot, «on rôle n'est point principal et indépendant, mais secondaire et subordonné. Je me sens plein de sympathie, plein de respect pour ces modestes et courageux instituteurs du peuple; qu'ils appartiennent à l'enseignement libre ou à l'enseignement public, qu'ils portent l'habit religieux ou l'habit laïque, peu m'importe, pourvu qu'ils restent à la hauteur de leur mission. Ce n'est pas moi qui m'associerai jamais aux injures grossières et iminéritées dont ils sont l'objet, en sens divers, de la part de tous les partis extrêmes. Mais si grande que soit leur mission, je le répète, elle est secondaire, et le sens pratique se refuse à voir dans l'école ce qu'y voient un trop grand nombre de nos contemporains : l'instrument le plus efficace de l'élévation des classes ouvrières. Vous me permettrez, Messieurs, de citer les paroles d'un maître de la science économique, observateur patient, impartial et sagace, dont je voudrais populariser le nom et les ouvrages parmi les catholiques : « Chez les peuples libres et prospères, dit M. Le Play, l'instituteur n'a qu'un rôle subordonné. La véritable éducation est donnée par la famille aidée du prêtre ; elle est complétée par l'apprentissage de la profession et par la pratique des devoirs sociaux (1) . >■>

(1) La Réforme sociale en France, par M. Le Play, auteur de&' Ouvriers européens, commissaire général aux Expositions universelles de 1855, de 1862 et de 1867. 3" édition, tome II, p. 369.

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L'atelier est donc, après la famille, le second centre, le se- cond foyer de l'éducation du peuple. Mais qu'est-ce qu'un ate- lier bien compris, bien organisé? C'est celui oîi l'on reconnaît pratiquement dans l'ouvrier, et surtout dans l'enfant, la dignité de l'être personnel. Un être personnel est toujours une tin, ja- mais un moyeu ; on ne peut s'en servir comme on ferait d'un animal sans raison ou d'un instrument sans conscience. Si l'on en attend des services, si l'on en retire des proiits, il faut disposer de lui, comme Dieu fait de nous, avec un grand res- pect : Cum magna reverentia disponis nos. Qu'est-ce qu'un ate- lier bien constitué ? C'est celui qui a à sa tête un patron hon- nête homme, un patron vraiment digne du nom qu'il porte. On a vu dans ce nom je ne sais quoi de ridicule et d'odieux, et moi je le trouve très-grand, très-superbe, et surtout très-chré- tien. J'y vois l'idée d'une paternité, et, dans cette idée môme, la solution pratique de nos questions sociales, par des rapports de mutuelle affection, par l'association libre, et cependant étroite et dm'able, des maîtres et des ouvriers. Dans un tel ate- lier,, ,squs ce père du peuple et des travailleurs, on sait sacri- fier un gain immédiat, si considérable qu'il soit, à la formation d'apprentis intelligents et vertueux. On ne se propose pas uni- quement de produire beaucoup et vite, on veut que l'industrie soit grande par ses ouvriers autant que par ses œuvres, par son côté moral autant et plus que par sou côté matériel. On cher- che d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste est doimé pai- surcroît; cai- le juste et l'utile ont entre eux plus de liens qu'on ne pense, et, la science l'a récemment constaté, dans les produits du travail on reconnaît non-seulement le degré d'intelligence, mais encore le degré de moralité de l'ouvrier.

Aidé de contre-maîtres habiles et dévoués, un tel patron fera de l'atelier qu'il dirige la meilleure des écoles profession- nelles. Le bon ouvrier se forme, comme le bon soldat, moins par des préceptes que par des exemples, moins par des notions générales et théoriques que par la lutte pratique avec les réa- lités de son arL Vienne donc le jeune conscrit du travail ! J'en voudrais beaucoup plus de cette sorte et beaucoup moins de l'autre... oui, les conscrits de l'agriculture, dans ces vastes ate- liers ouverts qu'on appelle les champs, et les conso-its de l'in- dustrie, dans les ateliers plus resserrés, mais non moins fé- conds, d^ nos villes! la grande ai-mée pacifique qui fait la vraie

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puissance et la vraie prépondérance d'une nation ! Vienne le conscrit du travail; qu'il entre sur le champ de bataille de l'atelier, qu'il livre ces combats qui ne sont pas toujours sans dangers, qui ne sont jamais sans courage et sans gloire. Et vous, contre-maître aguerri, capitaine de cette noble milice, suivez-le, guidez-le, excitez-le du regard, de la parole, du geste. Voyez comme il venge ses premiers échecs par de vaillants exploits ! Comme il pose sa main victorieuse sur cette bête sau- vage, sur cette matière révoltée contre l'homme ! Il la saisit par les poils, il lui tord la crinière, et la courbe enfin, domptée, souple et docile, pour porter les inventions de la science et les créations du génie !

Messieurs, un mot encore de l'atelier. C'est lui qui doit achever la formation de l'homme moral et religieux en même temps qu'il accomplira celle de l'ouvrier intelligent et habile. Il n'est pas seulement l'école par excellence de la profession, il l'est aussi de la vie. La famille avec ses auxihaires, l'école et le catéchisme, a fait la théorie de la vie plus qu'elle n'en a donné la pratique. Les enseignements du bien y sont tombés dans l'âme de l'enfant sous la forme d'une révélation mysté- rieuse, dont il a senti la puissance et la beauté, mais dont il n'a pu saisir toute la portée. Toute théorie, tant qu'elle demeure abstraite, diffère plus ou moins de la réalité ; il faut qu'elle descende dans la région des faits et qu'elle entre avec eux dans un con- tact qui la confirme, bien loin de la détruire, mais en la modifiant et en la fécondant. C'est le côté vrai des tendances positives. Quand donc la mère et le prêtre ont fait cette sublime, cette véri- table, cette éternelle théorie de la religion et de la vertu, il ap- partient à l'atelier de la soumettre à sa nécessaire et décisive épreuve, de lui donner ou de lui refuser droit de cité dans l'exis- tence pratique. Si tout, en effet, dans cette nouvelle école, dit au jeune apprenti : On t'a trompé, ou bien l'on s'est trompé, le grand mouvement des hommes et des choses n'est pas, ne peut pas être ce que l'on t'avait dit; si cette contradiction des croyances de son enfance pénètre dans son esprit et dans son cœur par tous les enseignements de la parole et de l'exemple, par toutes les influences de ce milieu moral qui agit sur nous avec plus d'énergie que le milieu physique, c'en est fait des principes de ses parents et de ses premiers maîtres, il les aban- donnera comme un appui sans force et se laissera glisser sur

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les pentes séduisantes du doute et du plaisir. Mais qu'au con- traire l'enfant rencontre un de ces ateliers trop rares aujourd'hui, qui sont le prolongement de l'école et du foyer; qu'il y entende et qu'il y voie le commentaire pratique de tout ce qu'il a cru, de tout ce qu'il a aimé ; qu'il y respire cet air hygiénique des âmes, ce grand souffle rafraîchissant et fortifiant de la cons- cience et du cœur; et bientôt vous verrez éclore en lui sous une forme virile ces vertus du jeune âge couvées sous les deux ailes sacrées de la famille et de la religion, réchauffées au con- tact de ces deux cœurs qui se valent, je n'ose pas dire que l'un surpasse l'autre, tant Dieu les a faits, pour le berceau de l'homme, dans une semblable tendresse et dans une égale piété, le cœur de la mère et le cœur du prêtre.

III . l'éducation pab lk dimanche.

Je viens de rapprocher le prêtre de la mère. Et en effet, Mes- sieurs, si j'ai parlé séparément de la famille et de l'atelier, je n'ai pas entendu pour cela les isoler de la religion. Dans ces deux lois primordiales de l'amour et du travail, dont j'ai indiqué le double foyer, la famille et l'atelier, se trouve impliquée, et comme entrelacée, une troisième loi plus grande, qui forme avec elles le réseau divin de l'existence humaine : la prière.

Nous ne pouvons être les disciples de la morale indépen- dante, parce que nous ne sommes point les partisans du Dieu impersonnel. Nous avons une morale qui vient du Dieu vivant et qui retourne à lui, et dans cette chaîne d'or qui relie la terre au ciel, tous les anneaux ne sont pas les devoirs de l'homme à l'égard de l'homme ; quand on veut être honnête homme, dans la plénitude et dans la sainteté de ce nom profané, il ne faut pas méconnaître dans son respect pratique la première, la plus vivante, la plus sacrée de toutes les personnalités. Or ce commerce de l'âme Wvante et personnelle avec le Dieu per- sonnel et vivant, c'est ce que nous nommons la prière, au sens le plus large et le plus complet de ce mot. Il ne suffit pas de penser à Dieu, il faut le prier. Quand on s'habitue à ne l'at- teindre que par la pensée, on finit par ne plus croire en Dieu; il s'évanouit, ou tout au moins il se transforme, dans ces nuages confus et glacés, evanuerunt in cogitationibus suis, et de l'Être des êtres il ne demeure plus qu'une sublime, mais chimérique idéalité. Il faut le cœur, il faut les actes, les mouvements d'une

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âme qui porte son respect et sa tendresse au Dieu qui la fait vivre sur la terre, au Père qui l'attend dans les cieux. La prière individuelle ne suffit pas non plus: il faut la prière collective, la rencontre et la compénétration des âmes dans les mêmes lumières et les mêmes ardeurs. Cette prière a un jour et un lieu solennels : le dimanche et le temple. C'est de ce jour et de ce lieu, Messieurs, qu'il me reste à vous dire qu'ils sont, après comme avant la première communion, la suprême école de l'enfant, de l'adolescent et de l'homme.

C'est pourquoi la première, la plus nécessaire de toutes les libertés populaires, c'est la liberté du dimanche. Il, y a des honimes qui ne comprennent jjas ce besmn de repos dans l'âme et dans le corps; ce sont ceux d'ordinaire qui conl- mandent le travail, mais qui ne le font pas, qui en recueillent le profit sans en connaître la fatigue. Ce sont ceux qui n'ont point ensanglanté leurs mains aux ronces et aux épines de l'atelier, aiix dures aspérités de la matière, et qui n'ont pas courbé pendant six jours sur la terre maudite leur front baigné de sueur, leur âme épuisée de douleur. Ah! pour ceux-là, je conçois leurs objections contre la loi du repos, je comprends leur répugnance pour la liberté du dimanche ! Mais l'ouvrier, toutes, les fois qu'il n'est pas sous la pression d'une violence matérielle ou morale, toutes les fois qu'il est laissé à ses propres instincts, l'ouvrier réclame son droit le plus cher et le plus sacré, la jouissance de ce jour qui le fait vraiment libre, vraiment époux et père, vraiment enfant de Dieu. C'est le sentiment de la dignité humaine qui le veut ainsi ; c'est Texigeûce de la vie de famille; c'est le besoin religieux des: âmes ; c'est le cri de tout ce qu'il y a de plus noble et de plus impérieux dans notre nature.^'- m.';/! , //j. ;-.■•! un . ,uj.,^ M'iuj.ihiu:!';»,.

Je ' me isouviens' ^encore îdetce qiiii m'aïriyait ^ naoi-même dans mon enfance: permettez-moi cette confession, qui est la vôti-e à tous, et qui serait aussi celle de nos ouvriers. Le matin, quand je m'éveillais, je sentais si bien que c'était le dimanche! Dans le bouquet d'arbres, auprès de la fenêtre, l'oiseau chantait mieux, les cloches de l'église sonnaient plus joyeusement^ l'air était rempli de plus d'harmonies et de parfums, le cjel était si beau, le soleil si brillant ! Je ne comprenais pas ce mystère, je me demandais quelquefois à moi-môme comment la nature tîhangeait de la sorte et se transformait à jour iixe. Mais plus

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tard j'ai compris. Enfant, tout tiède encore de l'eau de ton baptême, tout palpitant des caresses de ta mère, c'est un reflet de ton âme religieuse qui passe sur la nature, et la fait plus belle et plus semblable à toi !

L'enfant se lèvera tout ravi, il ira dans le temple, qui est la maison de Dieu, mais qui est aussi la maison du peuple. Les riches ont leurs palais : ils pourraient se contenter d'une modeste chapelle. Au peuple, il faut des cathédrales, il faut des fêtes comme on n'en donne point aux princes de la terre, comme la religion seule peut en réaliser. La vraie fête populaire, lais- sez-moi dire le mot dont on abuse, la vraie fête démocratique, c'est le dimanche. Dans la vaste basilique, tous les arts réunis autour de l'autel ont mêlé leurs enchantements dans un en- chantement suprême : l'architecture, la statuaire, la peinture, la musique, l'éloquence surtout. Oui, l'éloquence ! si incultes que soient parfois les paroles du prêtre, par la nature même des vérités qu'il annonce, par les fibres qu'il est sûr de toucher dans l'âme humaine, le prêtre est forcément éloquent. Le peu- ple entre là, et il sent sa grandeur. Et les petits enfants, en franchissant le seuil, sont accueiUis comme des rois par la grande voix des orgues ; ils respirent les parfums de l'encens et des fleurs, ils écoutent ces chants majestueux et tendres, ces mots latins qu'ils ne comprennent pas et qui leur disent cepen- dant tant de choses, paroles de l'éternité tombées dans le temps, secrets mystérieux de la patrie entrevus dans l'exil. Transpor- tés de foi, d'espérance et d'amour, ils vont du foyer à l'autel, de l'autel au foyer, ils reportent à leur mère le baiser de Dieu comme ils ont apporté à Dieu le baiser de leur mère.

Voilà pourtant le jour que des amis du peuple voudraient lui ravir! Faux amis qui ne croient qu'à son corps, qui ne voient en lui que ses besoins matériels : le travail et les jouis- sances de la bête de somme! Comtisans de la démocratie, vous qui flattez le peuple et qui le méprisez, croyez donc à son âme, crede animœ^ et poui' cela commencez par croire à la vôtre!...

Oui, cette loi du dimanche, si religieusement démocratique, est méconnue de toutes parts aujourd'hui. Le patriotisme m'im- pose des égards plus grands pour mon pays, quand je parle sur une terre qui n'est pas la sienne. Je me trompe, mon pays ne me demande que l'équité, et je sais que si l'on peut dire beaucoup de mal de la France contemporaine, il est juste d'en

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dire beaucoup de bien aussi. Je parlerai donc librement, et je me plaindrai de la violation du dimanche dans les grandes cités industrielles de France. Il m' arrive quelquefois de traverser leurs rues, me rendant à l'église pour annoncer la parole sainte; je roule dans mon cœur les leçons de l'Evangile, et tout le long du chemin ce sont les visions de l'enfer, des chariots pe- sants, des essieux qui crient, des pavés qui fument, des nuages de poussière qui me cachent le soleil et Dieu ! Je couvre mes yeux de mes mains, et je dis en gémissant : C'est la France qui fait cela !

On me répond : Sans doute, mais c'est la liberté. Respectez la liberté de la France ! Respectez la conscience de vos conci- toyens ! Ah I je n'ai point de mal à dire de la liberté. J'en parle avec des lèvres d'autant plus sincères et émues qu'elles sont plus chrétiennes et plus catholiques. L'heure n'est pas en- core venue. Messieurs, mais les malentendus cesseront, et il sera dit avant la fin du siècle que le pontife si grand et si méconnu. Pie IX, qui a combattu le plus vaillamment contre la révolution, est le même qui a ouvert les initiatives les plus hardies et les plus fécondes, oui, malgré des revers apparents, je dis les plus fécondes, de la liberté en Europe. Ne faisons pas ce que saint Paul reprochait aux chrétiens de Corinthe: ne sépa- rons pas le Christ, ne divisons pas Pie IX, divisus est Christus !

Moi, je le prends dans toute l'étendue de ses gloires, depuis sa prospérité si pure jusqu'à ses infortunes si touchantes, depuis le drapeau des réformes et des progrès élevé dans ses mains de prêtre et de roi, avant 1848, jusqu'à la convocation du concile œcuménique qui recueille, à cette heure, avec les applaudis- sements des catholiques, }es sympathies des protestants et des rationalistes .

Non, nous ne voulons pas amoindrir la liberté. Nous ne vou- lons pas blesser les intérêts des travailleurs, ni les exigences de l'industrie. Méprisables sophismes que ceux-là! Ne voyez-vous donc point deux grandes libertés, deux grandes industries qui vous valent si elles ne vous surpassent, l'Angleterre et les Etats-Unis ? J'ai eu le bonheur de visiter Londres. Je n'oublierai jamais l'émotion qui s'empara de moi à la vue de cette cité pareille aux antiques métropoles des mers que peignent les prophètes: la femme qui est assise sur les eaux, mulier quœ sedet super aquas. Et dans ces flots profonds je ne voyais pomt

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d'abîmes, mais seulement un balacement immense et solennel et comme la majesté d'un trône mouvant et stable. Et la grande reine des mers était là, commandant aux îles et aux continents, étendant au loin sur les rois et sur les peuples, non plus comme ses devancières la verge de l'oppression, mais le sceptre bien- iaisant de sa richesse et de sa liberté. Et j'entendais le bruit de son vaste ti'avail, et dans les rues passait le flot vivant des hommes et des chars. . . Puis un jour se levait comme les jours de mon enfance, un jour comme la vie pubUque ne m'en mon- trait plus dans ma patrie, un jour entln qui ne ressemblait pas à tous les jours... Plus de chars bruyants dans les rues, plus de foule aifairée : la machine gigantesque qui grondait et tonnait la veille s'était arrêtée soudain comme devant la vision de Dieu. Le grand mouvement de l'industrie anglaise s'était tu, et je ne voyais plus dans les rues que des familles qui s'en allaient recueillies et joyeuses au heu de la prière, et n'en- tendais plus que la douce harmonie des cloches protestantes qui se souviennent d'avoir été cathohques en attendant de le redevenir.

Qu'on ne dise pas : L'Angleterre est la puissance aristocra- tique et féodale! son repos du dimanche est un des restes du moyen âge que le souffle moderne aui-a bientôt balayé. Je re- garde de l'autre côté des mers, j'y retrouve cette race anglo- saxonne qui sait revêtir la même grandeur sous les formes les plus diverses. Cette fois, ce n'est pas le moyen âge et l'aristo- cratie : c'est la proue le plus avancée de la civilisation moderne cmglant à travers toutes les gloh-es et toutes les témérités vers un avenir inconnu. C'est, j'aime à le penser, le peuple élu de Dieu pour renouveler les choses, et pour préparer, aux vérités et aux institutions qui ne sauraient passer, des vêtements plus jeunes et plus forts. Eh bien, les Etats-Unis observent le di- manche comme l'Angleterre, et nous renvoient à travers l'Océan cette même réponse du silence de Dieu aux blasphèmes de l'homme.

Eu louant ces grands pays. Messieurs, je n'entends pas vous recommander une imitation servile; et je ne demande pas qu'on inscrive dans nos lois ce qui n'est pas dans nos mœurs. La loi existe en France, il est vrai, mais à l'état de lettre morte : je ne désire pas de la voir appliquée. Je suis persuadé que, dans des pays comme la France et la Belgique , il y aurait

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d'immenses inconvénients à entrer dans cette voie. Ce que je demande, ce n'est pas l'obligation, c'est la liberté du dimanche : la liberté par le dimanche, et le dimanche par la liberté. Oui, je répète, la liberté du peuple par le dimanche, et l'observation du dimanche par la liberté!

Si j'avais le droit de parler aux gouvernements, je le ferais avec le respect qui leur est jusque dans leurs fautes. Nous avons applaudi ici même les belles paroles de M. de Maistre au sujet de la Russie : « Je respecte tout ce qui est respectable, les souverains et les peuples. » Je leur dirais donc : Donnez l'exemple, je ne vous demande pas d'autre appui pour la cause que je défends. Que les travaux publics respectent scrupuleu- sement le dimanche, et que l'État force l'individu à rougir de- vant lui. Et vous, princes de l'industrie, organisateurs, législa- teurs et monarques du travail et de la richesse, vous pouvez plus ici que les têtes couronnées : vous avez été puissants pour opprimer la liberté du dimanche, vous serez plus puissants pour la restaurer !

Et maintenant, Messieurs, avant de terminer, souffrez que j'adresse un dernier et pressant appel à votre zèle en faveur de ces trois grandes restaurations au sein des classes ouvrières : la famille, l'atelier, le dimanche. Hier, dans un langage qui n'appartient qu'à lui, mais qui interprétait nos sentiments à tous, M. le comte de Falloux disait à l'illustre évêque d'Orléans : u Monseigneur, vous nous avez recommandé de nous lever matin, mais vous avez joint l'exemple au précepte. Vous avez été matinal pour toutes les bonnes causes... » Eh bien, ce que je voudrais, c'est que chacun de nous fût matinal aussi. C'est que nous eussions l'honneur, nous, catholiques, de de- vancer les autres dans l'intelligence pratique de ce qui se pré- pare aux horizons prochains.

Ce qui se prépare, on l'appelle d'un nom mal défini, qui passionne et qui divise : la démocratie. J'avais essayé d'expliquer ce mot, il y a deux ans bientôt, à Notre-Dame de Paris (1), et j'en avais été blâmé par quelques-uns. Depuis, j'ai retrouvé une définition toute semblable dans le récent écrit du courageux évêque que je nommais tout à l'heure. Je la reprends donc avec fierté, et je dis à tous ceux qui invoquent ce nom : Il y

(1) Conférences de l'Avent de 1865. (3° Conférence).

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a deux démocraties dans le monde : quelle est la vôtre? Est-ce la révolution radicale? Sont-ce les grandeurs de l'intelligence et de la vertu, la hiérarchie sociale prosternée tout entière de- vant Ja force du nombre? Est-ce le niveau brutal qui passe sur toutes choses pour abaisser et broyer? Ali ! si c'est votre dé- mocratie, c'est la pire des barbaries, et nous la combattrons, s'il est nécessaire, jusqu'à verser notre sang! Mais si la démo- cratie est l'ascension graduelle et pacifique des masses labo- rieuses et souffrantes, qui se nomment les paysans dans nos campagnes et les ouvriers dans nos villes; si c'est leur éléva- tion à une instruction plus complète, à un bien-être plus as- suré, à une moralité plus épurée et plus efficace, et, par une conséquence légitime, à une influence sociale plus étendue, nous sommes avec cette démocratie, non-seulement parce que nous sommes les fils de notre siècle, mais parce que nous sommes les fils de l'Évangile (1) !

Je la vois se lever. Je la salue en votre nom à tous, cette démocratie chrétienne, ayant ses profondes et solides assises au foyer des familles, dans les ateliers du travail, au sanctuaire de nos temples. Elle changera l'histoire, qui ne savait écrire, dans le passé, que les intrigues des habiles ou les conquêtes des violents, les impuissances de la politique, la corruption trop fi'équente de la richesse et des arts ; elle donnera pour su- jet aux méditations des sages l'accomplissement intelligent et fidèle de ces lois de la vie privée auxquelles se subordonne la vie publique elle-même, quand on sait la comprendre. Elle fera surgir un grand peuple qui cherchera le bonheur pratique de son existence, comme l'inspiration de sa littérature et de ses arts, dans les affections de la famille, dans les luttes et les joies du travail, dans les chastes émotions de la prière et les fêtes splendides de la religion.

Ah! sans dout«, la crise que nous traversons est une des plus terribles et des plus profondes qu'ait connues notre race. Grandissons nos efforts, notre courage et notre foi à la hauteur de ces événements solennels, mais ne redoutons pas l'issue dernière. Je m'explique la ruine des sociétés païennes : mais

(1) tt Si la démocratie est l'ascension des races populaires, des paysans, des ouvriers, à une plus grande somme d'instruction, de bien-être, de mora- lité, de légitime influence, l'Église est avec la démocratie. » {L'athéisme est le péril social, par Mgr l'archevêque d'Orléans, 1866, p. 166.)

pour la société qu'a touchée Jésus-Christ, pour cette humanité qu'a possédée pendant des siècles l'esprit de l'Evangile , pour l'Europe, en un mot, elle peut souffrir, elle peut agoniser, elle ne peut pas mourir !

L'INSTRUCTION DES ENFANTS

EMPLOYÉS DANS LES MANUFACTUBES

Par M. JcLES Simon, de l'Institut, président de la Société pour

IHnstrucUon élémentaire (1).

Il s'agit d'une question qui revient de droit à la Société

pour l'instruction élémentaire. C'est la question du travail des enfants dans les manufactures.

Je pourrais généraliser les observations que je vais vous sou- mettre, et vous parler de toute la France industrielle. J'aime mieux me renfermer dans la ville nous sommes, et notro action est plus immédiate. Savez-vous combien il y a dans Paris d'enfants travaillant dans les manufactures ?

Il y en avait en 1860, qui est la date de la dernière enquête, 19,742 travaillant sans toucher aucun salaire, plus 5,798 gar- çons et 900 filles au-dessous de seize ans travaillant et touchant un salaire.

Il y avait donc à cette époque, à Paris, dans les ateliers, 25,540 enfants, et ce nombre depuis sept ans n'a pu que s'aug- menter dans une proportion assez forte. Depuis quel âge ces enfants travaillent-ils? La loi dit: depuis huit ans, mais nous savons que très-souvent on entre à l'atelier avant cet âge. Je ne dirai pas, comme mon regretté confrère Villermé pouvait le dire il y a trente-cinq ans , qu'on emploie des enfants de qua- tre ans, et qu'on est obligé pour les faire tenir en place de leur mettre les jambes dans des boîtes de fer-blanc afin qu'ils de- meurent immobiles Ne riez pas, car c'est un fait d'une

douloureuse authenticité. . . Je répète qu'heureusement je ne puis plus le citer. Mais je répète à la Société pour l'instruction élé-

(1) Fragment du discours prononcé à la 52« séance annuelle de la Société pour l'Instruction élémentaire tenue à la Sorbonne en juillet 1867. Extrait de la Revue des cours littéraires de la France et de l'étranger; 4' année (10 août 1867).

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raentaire que, dans la seule ville de Paris, il y a près de 26,000 enfants qui travaillent dans les ateliers! Que fait pour eux la loi ? Voici ce qu'elle fait : D'abord elle défend qu'on les reçoive avant l'âge de huit ans ; ensuite elle prescrit qu'on ne les fasse travailler que le jour, et pendant huit heures seulement sur vingt-quatre, enfin elle ordonne que jusqu'à douze ans on les envoie à l'école.

Voilà ce que fait la loi pour eux. Ce n'est pas assez. La loi ne s'étend pas à toutes les fabriques, mais seulement aux ma- nufactures à moteur mécanique ou à feu continu, et aux fabri- ques occupant plus de vingt ouvriers réunis en atelier. Toute la petite industrie, tous les ateliers composés de peu d'ouvriers, tous ceux par conséquent qui n'ont pas de règlement intérieur, sont exclus du bénéfice de la protection légale. La loi s'arrête précisément sur le seuil des ateliers oîi elle serait le plus néces- saire. Elle limite à huit heures sur vingt-quati-e le travail des enfants âgés de moins de douze ans. Rn 1841, quand la loi a été faite, le travail de l'homme était, en moyenne, de douze heures par jour; il n'est plus que de onze heures maintenant ; dans un grand nombre de corporations, surtout à Paris, les ouvriers ne travaillent que dix heures : deux heures de plus qu'un enfant de huit à douze ans ! Cette journée de huit heures est une petite journée , si on la compare à la journée de dix heures ou de douze heures; mais qu'elle est longue si on la compare à l'âge de l'enfant, aux besoins de son corps et de son esprit! Elle est une journée, c'est le malheur; une journée entière,, car avec le repos exigé par la loi et le temps d'aller à l'atelier et d'en revenir, ces huit heures ne laissent plus de libre que ce qui est indispensable pour le repas et le sommeil. Cependant la loi, et il faut l'en louer, exige l'assiduité à l'école. Pendant com- bien de temps? Elle omet de le dire : omission étrange! Ces mots « suivre une école, » qui sont les "termes de la loi, ne signifient même pas qu'ils s'y rendront tous les jours. Suppo- sons qu'ils suivent l'école régulièrement deux heures par jour, et c'est à ce prix seulement que la fréquentation de l'école pourra être efficace : huit heures d'atelier et deux heures d'école, les voilà, à huit ans, occupés aussi longtemps que des hommes ! Je ne" demande pas si cela est sage, humain ; je demande si cela est possible? Et je demande aux hommes pratiques si cet enfant de huit ans, qui vient de passer huit heures au travail,

254 pourra tenir une plume, comprendre ou entendre ce qu'on lui dit- Ainsi la loi est cruellement insuffisante ; il y â plus : elle le sait, elle le déclare. Son article 7 est consacré à prévoir des développements qui paraissaient dès lors inévitables, et qui pourtant ne sont pas encore venus au bout de vingt-six ans.

Cependant cette loi, telle qu'on l'a faite et telle qu'on l'a laissée, rendrait de grands services si on l'appliquait. Mais faute d'inspection sérieuse, et trop souvent aussi faute de bonne volonté, elle est presque tombée à l'état de lettre morte. Non-seulement l'industrie reçoit les enfants avant huit ans, mais elle fait travailler des enfants de huit ans, et de moins de huit ans, dix heures, onze heures, douze heures, treize heures, quatorze heures par jour. J'ai vu une fille, à Lyon, qui travaillait pour la quinzième heure de sa journée, à la lu- mière du chélu, et qui avait quatorze ans.

L'industrie obéit-elle à la prescription d'envoyer ces enfants à l'école? Oui, dans beaucoup de cas; mais il est loin d'en être toujours ainsi, et il y a des fabriques, en grand nombre, dans lesquelles les enfants sont employés toute la journée, et oîi l'on épuise leur corps sans rien faire pour leur intelligence; pas d'enseignement dans l'atelier, pas même d'enseignement pro- fessionnel, pas d'école au dehors ; la santé et la pensée ruinées du même coup, tout l'avenir perdu, tout un homme perdu, pour un salaire de cinquante centimes par jour!

C'est sur ce point que j'appelle l'attention de la Société élémentaire. Puisse-t-elle nous venir en aide ! Je dois dire qu'à l'heure qu'il est le gouvernement s'occupe de faire une loi nouvelle. L'enquête est ouverte, le ministre des travaux publics s'en occupe avec un zèle louable; j'ai obtenu de lui, moi-même, des renseignements de nature à me convaincre qu'une année ne se passera pas sans que la question soit sérieusement mise à l'étude : nous aurons donc une loi, et même une bonne loi, à condition que l'opinion sera éveillée, le zèle stimulé, le bon vouloir de l'administration secondé par les amis de l'instruction et de l'enfance, par les patriotes qui ne veulent pas que la race dégénère et que le niveau intellectuel s'abaisse.

Et remarquez bien ceci : ce que nous demandons, ce n'est pas que les enfants ne puissent pas travailler à huit ans, comme en Prusse, on ne les fait travailler qu'à neuf ans; non, c'est surtout que la durée du travail soit proportionnée à leurs

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forces. Ah! Messieurs, le travail n'est pas une malédiction, le travail n'est pas une douleur, le travail n'est pas une peine. Pour nous, qui sommes arrivés à la maturité de la vie, il est, comment pourrais-je dire? notre soutien, notre aliment. Le vrai bonheur dans ce monde, c'est de travailler utilement et d'avoir la conscience des services que l'on rend et de la force qu'on déploie. Oh! la bonne école, même pour la plus tendre enfance, que de s'en aller dans un atelier, d'y voir tout le monde occupé à son établi, d'entendre le bruit puissant des machines, de se remplir les yeux de ces miracles de l'intelligence et do la force humaine, de voir s'amonceler ces ballots d'utiles pro- duits qui iront de toutes parts porter l'aisance et la richesse, et qui sont les vrais symboles de la civilisation ; la bonne école que de voir autour de soi des hommes et des femmes connais- sant le prix du temps, et ne connaissant pas le poids de la fa- ti^e ! Oui, c'est une école excellente et puissante, une école qui fera des hommes, pourvu qu'on consulte la nature et qu'on ne demande pas à ces frêles petits êtres une assiduité et une longueur de travail qu'ils ne peuvent donner, et à ces jeunes et mobiles intelligences une persévérance dans l'assiduité qui devient pour elles une peine terrible, et à la longue une peine mortelle.

II faut donc que les enfants travaillent, mais il faut, comme dit l'Écriture, mesurer le vent à la brebis tondue. L'expérience est faite, et trop longuement faite; on sait désormais ce que l'ouvrier de huit ans peut supporter. Les huit heures étaient trop lourdes pour lui ; il est urgent d'alléger son fardeau, en prenant le temps de l'école sur le temps du travail. Voilà en deux mots toute la réforme. Nous sommes un certain nom- bre d'amis de l'enfance et du travail, ayant vécu dans les ate- liers, connaissant les ouvriers, les pères qui sont ouvriers et les mères qui travaillent, et sachant ce que réclament leurs cœurs, et avec l'instance la plus vive nous demandons une loi qui limite à la moitié de la journée le travail des enfants. Cinq heures et demie de travail, pas plus, pas une minute de plus, la race y périrait, les forces viriles y périraient, l'avenir de la patrie y périrait, l'avenir de l'humanité y périrait! Pas un instant, pas une minute de plus, voilà. Messieurs, ce que nous demandons.

Plaise à Dieu que cette demande nous soit accordée, que la

loi nous fasse présent delà demi-journée de tous les apprentis, qu'elle économise pour la patrie ce fonds inépuisable de santé, de bon sens, d'aptitude industrielle, qu'elle mette dans les mains des amis de l'humanité ce trésor plus précieux que tous les trésors du monde! Supposons ensemble que cette grande réforme ait été faite, et on peut la faire d'un trait de plume sans blesser aucun intérêt : demandez-le plutôt à Mulhouse, à Amiens, à Sedan, à Reims... Eh bien ! membres de la So- ciété pour l'instruction élémentaire, et bien, doyen de la société, eh bien! Carnot, eh bien! vous, monsieur le recteur de l'Acadé- mie, et vous, pères et mères qui m' écoutez, de ce trésor, de cette demi-journée, de cette épargne, qu'allons-nous faire? Je vous le demande ; et allons-nous envoyer ces enfants que nous chassons pour leur bien de leurs ateliers? Allons-nous les jeter dans la rue pour qu'ils aillent vagabonder à l'aventure, pour qu'ils attendent pendant cinq heures sur les places et dans les ruisseaux que le père et la mère, ayant fini leur tâche, re- viennent les trouver et leur donner les enseignements de la famille? Non, Messieurs, au moment l'atelier va fermer der- rière eux ses portes, nous leur ouvrons toutes grandes celles de l'école.

Oui, vous dis-je : cette tâche est digne de vous. Il y a 25,540 en- fants, à Paris seulement, ou qui ne vont pas à l'école, ou qui y vont d'une manière imparfaite et incomplète. C'est à vous de demander que l'école soit réellement obligatoire pour eux, que force soit donnée à une loi qui date déjà de 1841, que nous n'ayons pas le triste spectacle d'une loi acceptée, bénie par tout le monde et universellement désobéie? Que nous ne voyons pas des enfants obligés de travailler pendant dix heures par jour jusqu'à épuisement des forces naturelles, et qui, à l'âge de vingt et un ans, viennent devant le conseil de révision après avoir tiré au sort pour s'entendre dire : Va-t'en, tu n'as ni la santé ni la taille! Et est-elle restée, cette santé? Hélas! der- rière ce métier on les a tenus si longtemps. Elle y est restée, parce que le corps n'a pu prendre son développement et parce que, permettez-moidevous le dire, quand on ne travail le qu'avec son corps et qu'on ne donne pas à l'esprit la pâture dont il a besoin, l'homme tout entier en souffre. Dans vos écoles, je dis dans celles de vos écoles vous n'avez pas de gymnastique, ce n'est pas seulement l'intelligence que vous développez;

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l'homme tout entier a besoin de lire et d'écrire, il a besoin de penser; la culture intellectuelle est vivifiante, môme pour le corps.

En Angleterre, la loi est plus protectrice qu'en France. Elle ne permet pas à un enfant de travailler plus de six heures et demie par jour, et le samedi deux heures de moins. Le travail de nuit, qui bien que défendu en France peut cependant être autorisé dans certains cas assez rares, ne peut jamais l'être en Angleterre. De plus, l'interdiction du travail le dimanche y est absolue. Il en est de même pour les grandes fêtes annuelles. On descend dans les détails les plus minutieux. Les enfants ne peuvent être employés, les dimanches et jours fériés, au net- toyage des machines, au balayage des ateliers ; ils ne peuvent faire de commissions. Ces jours-là sont à eux, bien à eux. Ils ont droit, en outre, à huit demi-journées de congé par année, soit ensemble, soit séparément, c'est-à-dire, pour trancher le mot, à des vacances. Pour l'école, tout est réglé et prévu. Ce n'est plus, comme dans la loi française du 22 mars 1841 sur le travail dans les manufactures ou dans celle du 22 févTier 18ol sur l'apprentissage, l'obligation mal définie d'aller à l'école sans fixation précise des jours et des heures. Les enfants employés dans les manufactures anglaises doivent fréquenter l'école trois heures par jour, tous les jours, excepté le samedi. Le patron doit, chaque semaine, se munir du certificat d'assiduité délivré pour chaque enfant individuellement par l'instituteur. Ce certi- ficat doit être représenté à toute réquisition de l'inspecteur ou du sous-inspecteur du district. Les amendes, en cas de négli- gence ou contravention sont très-fortes et très-strictement recou- vrées. Loin de se plaindre des sévérités de ce régime, les indus- triels que j'ai consultés moi-même, en grand nombre, dans les centres industriels les plus importants, à Manchester, à Leeds, à Halifax, à Bradfort, déclarent que le travail est mieux fait, avec plus d'intelligence, de force et d'activité ; qu'il rapporte plus. Ainsi, il y a profit immédiat, sans compter les immenses avan- tages assurés dans l'avenir, soit à chacun des enfants pris iso- lément, soit à l'industrie nationale dans son ensemble.

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CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE.

L'agitation commencée sur la question du travail des enfants ne se ralentit pas. Le Sénat, la Chambre des députés ont encore retenti des demandes instantes de l'opinion et ont applaudi aux assurances formelles données par le Ministre de l'Agricul- ture, du Commerce et des Travaux publics.

S. Exe. M. de Forcade la Roquette continue l'enquête spéciale qu'il a entreprise et réveille, par des circulaires nouvelles, le zèle des Préfets attardés; tous les Conseils généraux ont été interro- gés (1); les diverses Chambres compétentes vont être appelées à donner leur avis.

Pendant ce temps s'organise une ligue dévouée qui va bientôt s'étendre dans le pays tout entier. Après l'admirable conférence du R, P. Hyacinthe, nous avons obtenu que, dans son discours comme Président de la Société élémentaire, M. Jules Simon s'oc- cupât des enfants des manufactures : l'improvisation de l'éloquent président a produit sur l'auditoire un etfet durable ; de son côté, M. le pasteur Vernes a prononcé dans la Chapelle évangélique de l'Exposition une très-remarquable allocution dont nous donnerons l'analyse dans le prochain Bulletin. L'éminent orateur a posé nettement le programme des devoirs de l'industriel, et il a fait à Mulhouse un appel qui sera certainement entendu. Après avoir rendu justice à cette belle cité, toujours la première dans la voie du bien (voir p. 202), il a ouvert un pli de son drapeau et montré une tache, la seule, et il a invité les fabricants de Mul- house à donner de nouveau l'exemple de la générosité en ins- crivant au budget de la charité les améliorations devant les- quelles semble reculer le budget industriel.

Nous nommons souvent l'Angleterre comme un modèle que nous devrions imiter, pour le soin persévérant qu'elle met à améliorer de plus en plus les conditions de travail des femmes et des enfants. Encore aujourd'hui, aux faits racontés par notre Vice-Président, M. Charles Robert, j'ajouterai une citation; extraite du discours de S. M. la Reine Victoria à la dernière prorogation du Parlement

(1) Nous apprenons à l'instant que l'inspection du travail des enfants vient d'Être rétablie par le conseil général du Nord.

(21 août). Elle vous prouvera que le problème que vous vou- lez résoudre est, à Londres comme à Pains, l'objet delà préoc- cupation générale :

a J'ai éprouvé un plaisir tout particulier, a dit la Reine, en » donnant mon assentiment à des bills destinés à appliquer » à divers genres nouveaux d'industries, avec les modifications » qui vous ont paru convenables, les dispositions des lois sur » les manufactures, lois dont le succès a prouvé qu'il était » possible de combiner une protection efficace du travail des » femmes et des enfants avec les égards qui sont dus aux in- » térêts des industries directement engagées. J'espère que » ces nouvelles lois produiront dans la condition physique, so- » ciale et morale des classes ouvrières les mêmes améliorations « que celles qui sont résultées de l'application des lois anté- » rieures de même nature aux industi'ies spéciales qui en » étaient l'objet.»

Ainsi, on le voit, l'Angleterre va pas à pas, mais chaque jour elle marche. Faisons donc tous des efforts pour que notre pays la suive rapidement, l'atteigne et bientôt la dépasse. C'est surtout dans les questions d'humanité que la France doit tenir à honneur de rester fidèle à ses traditions en marchant au pre- mier rang.

Les appuis de la presse nous sont toujours donnés avec la plus grande bienveillance; après le Moniteur , toujours prêt à accueillir nos publications, nous pouvons citer le Bul- letin de V Instruction priinaire, qui nous ouvre ses colonnes. M. de Girardin nous permet de disposer de son journal. M. Loth, dans V Univers, va nous donner l'assistance de sa plume élégante. Des articles en notre faveur vont être publiés dans plu- sieurs grands journaux politiques. Des feuilles spéciales, la Presse, les Deux-Mondes par M. Mène, \e Moniteur des soies par 3LL. Riche, ont fait pour nous une ardente propagande. Le Petit Journal a déjà exposé à ses nombreux lecteurs notre programme, et il va nous consacrer une nouvelle chronique.

Nous recevons chaque jour de nombreux travaux pour le Bul- letin. Parmi ceux que nous avons en portefeuille, nous citerons une étude sur les fondateurs des grandes Compagnies de chemins de fer, par M. Mathieu, des détails sur l'établissement de Bâle, que nous devons à M. le docteur Penot, de Mulhouse ; une visite à la filature de laine du Val-des-Bois, par notre collègue M. Fou-

chet ; des notes sur les conditions d'apprentissage , chez MM. Wolff (Pleyel-Wolff), Brault et Belhouart, fondeurs- constructeurs à Chartres; Taborin, à Villeneuve-sur-Yonne; Oberthur fils à Rennes; Vilpelle et Gamba, Midocq, etc. Ces notes seront insérées dans le Bulletin, au moins par extraits.

Nous avons reçu un travail, rédigé spécialement pour nous, sur les écoles primaires et professionnelles de la marine, et M. du Puy-de-Lôme nous a fait remettre en outre sur le même sujet un article de la Revue maritime et commerciale.

De nombreuses marques de sympathie nous viennent de tous côtés.

M. le préfet du Cher nous a demandé nos statuts; le Conseil des prud'hommes du Mans, s' adressant au Ministre, a exprimé le désir qu'un Comité central se formât au Mans pour corres- pondre avec la Société. Notre honoré collègue M. Lequien, à qui votre secrétaire avait recommandé un jeune garçon de la Chapelle, a écrit à notre Président la lettre suivante :

« Le nommé Bouvet, porteur de votre petit mot, est

venu me montrer ses dessins, qui dénotent chez cet enfant d'heureuses dispositions ; mais comme il est trop jeune pour entrer en apprentissage, je vais le faire dessiner chez moi toute la journée jusqu'à ce que je le trouve assez fort pour le placer moi-même chez un patron capable.

» Vous m'avez admis, monsieur le Président, comme membre de votre Société des apprentis, mais je ne me crois pas quitte en versant seulement ma cotisation.

V J'ai donc l'honneur de mettre à la disposition de la Société 25 places gratuites pour les jeunes gens qu'elle voudra bien m' adresser. {Mon cours a lieu tous les soirs de 8 à 10 heures.)

» Je serais très-heureux si je pouvais être utile à ces jeunes

gens, et très-honoré si ma demande était prise en considération.

» Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance

» de mes sentiments respectueux et dévoués,

» Justin Lequien. » 19, rue des Petits-Hôtels. »

M. Darimon, député de la Seine, a accompagné l'envoi de son adhésion de ces mots, à l'adresse de notre Conseil :

« Peut-être un peu tardive, mon adhésion n'en est pas moins

I

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» chaleureuse. Je considère l'œuvre que vous entreprenez comme » une des plus utiles au point de vue du développement » moral et intellectuel de nos classes laborieuses. Les nations » étrangères, nos rivales industrielles, ont le pas sur nous » sous le rapport de la protection à accorder aux apprentis; » une association comme celle que vous fondez peut, grâce » aux efforts des gens de cœur, nous rendre la première place » en fort peu de temps. »

Nous avons signalé dans un précédent Bulletin l'œuvre des ramoneurs de Nantes. Une omission bien involontaire nous donne l'heureuse occasion de publier la lettre suivante de M. Halgan :

« .... En dehors de l'œuwe des ramoneurs, il existe à Nantes une autre œuvre, et mon amour-propre de clocher me porte à vous la signaler. La Société industrielle de Nantes qui dirige des sociétés de secours mutuels, qui possède uue bibUothèque à prêts gratuits, qui organise des cours professionnels spéciaux d'adultes pour les professions la géométrie descriptive est nécessaire, a organisé aussi, et depuis plus de trente années, une école d'apprentis plus de cent élèves reçoivent chaque matin l'instruction gratuite, chaque semaine du pain, chaque mois une rétribution d'argent. En un mot, la gratuité de l'ins- truction ne nous semblant pas suffisante pour engager les pa- rents à la prolongation nécessaire de l'apprentissage qu'en- traîne le séjour de chaque matin à l'école, nous allons au delà de la gratuité, et nous payons ceux que nous instruisons. Il y a trente-sept ans que cette œuvre dure, et je puis affirmer qu elle a fourni à notre ville des milliers de bons oumers, ins- truits, honnêtes, et avec un grand" nombre descjuels je suis resté en relations. Car nous cherchons à les revoir et à conti- nuer avec eux, par leur incorporation dans nos sociétés de se- cours mutuels et autrement, les rapports que nous avons eus avec eux pendant leur enfance et leur adolescence.

» Sachant, quand on s'occupe de semblables questions, com- bien on aime les documents qui s'y rapportent, je me permets, monsieur le Président, de vous adresser une collection des vingt dernières années de nos almanachs annuels, notre seule publica- tion, mais qui rend compte et de nos travaux, et de l'esprit qui anime notre Société industrielle. J'y joms un exemplaire de nos règlements »

Vous accueillerez, Messieurs, avec une égale sympathie l'ex- trait que voici d'une lettre de M. Engel Dollfus, de Dornach :

a Dornach (Haut-Rhin), le 30 août 1867. » Monsieur le Président,

» Votre Société désire protéger les enfants des manufactures. » Il faut évidemment, avant tout, protéger leur existence! Vous serez de cet avis bien certainement. Pour atteindre ce but, la première des conditions à remplir est de prévenir les acci- dents dont ils ne sont que trop souvent victimes! 58 0/0 de la totalité des accidents qui ont eu lieu dans les manufactures anglaises soumises à l'inspection administrative, portent sur des enfants de moins de 13 ans! C'est un chiffre terrible! J'ai le ferme espoir que V Association pour prévenir les accidents des machines, dont je suis le promoteur, obtiendra d'excellents résultats, et comme ces associations sont faciles à former, qu'il peut y en avoir une dans chaque centre industriel, je crois que ce serait faire une très-bonne chose, rentrant d'ailleurs tout à fait dans le but que vous vous êtes tracé, que d'en propager l'idée et d'en faciliter l'organisation ; c'est ce que je viens vous demander en vous priant en même temps de m'inscrire comme membre perpétuel de votre Société,

» Voyez combien notre organisation est simple : nous nous sommes réunis à vingt-cinq maisons de Mulhouse et environs immédiats; nous avons réuni une somme annuelle de 7,000 francs. » Nous payons 4,000 francs un inspecteur très-capable qui visite constamment les établissements des secrétaires au seul point de vue de la prévention des accidents.

» Le Comité de mécanique de la Société industrielle nous est venu en aide ; il étudie dès à présent les précautions à exiger pour chaque série de machine et travaille avec notre inspecteur à la rédaction d'un manuel à mettre entre les mains de l'ouvrier et du fabricant.

» Tout cela peut parfaitement être fait ailleurs, et notre inspec- tion fonctionne si bien, depuis le mois de mai, que je ne mets nullement en doute que nous n'arrivions à atténuer considéra- blement le nombre des accidents. Je serais vraiment heureux que ce résultat pût être atteint ailleurs, et je me mets à votre com- plète disposition pour tous les renseignements que vous pouvez désirer. »

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J'espère que M. Engel Dollfus trouvera auprès de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, de la Société des ingénieurs civils, et vous, Messieurs, l'appui le plus efficace. La brochure de M. Engel Dollfus est à la disposition de ceux qui en feront la demande.

Notre collègue M. Jules Perin, avocat à la Cour impériale de Paris, pourra être à M. Engel Dollfus d'un utile secours pour la formation de la Société qu'il désire. 11 est placé dans le vif de la question, car il s'occupe de publier un Traité des acci- dents qui atteignent les personnes dans les travaux publics, in- dustriels, agricoles, chemins de fer, etc.

Si cette Société, comme cela est indubitable, se forme à Paris, elle de>Tait bien se donner aussi la mission d'empêcher les malheureux ouvriers de se livrer aux agents d'affaires, qui en- veniment les relations entre les patrons et les ouvriers, pour ar- river le plus souvent à ce résultat, que l'ouvi'ier a le moins possible. Et, de ce peu, ils prennent la moitié !

m.

I

Notre collègue M. Rimailho, de Pantin, nous a signalé un

atelier modeste qui mérite toute notre sympathie. Il est établi

à Luzarches, arrondissement de Pontoise. C'est un orphelinat

créé par le vénérable Curé il y a quinze ans , et bâti par lui

ierre à pierre. La vie entière de l'abbé Joret a été donnée à

tte œuvre; il vient de quitter sa cure afin de lui consacrer

us ses instants.

Ce petit établissement industriel aspire à l'indépendance; il veut vivre du seul revenu de son travail, mais il lui faut encore de grands efforts pour se constituer dans des conditions prospè- res et durables. L'ouvrage ne manque pas : les très-petits en- fants font des veilleuses et partagent cette tâche avec les vieil- les femmes de la commune; les grandes font de la couture. La directrice est une demoiselle de Luzarches qui s'est donnée sans réserve à l'œuvre. Elle a deux assistantes non moins dé- vouées, mais auxquelles il faut pourtant de minimes ressources qu'elles ne trouvent pas dans leurs familles. Soixante-douze filles appartenant à l'arrondissement de Pontoise sont reçues dans la maison du bon curé. Puisse cette communication inspi- rer à quelques-uns de nos lecteurs de Seine-et-Oise, je dirai même de Pontoise , sans plus préciser , la bonne et charita-

19

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ble pensée de venir en aide au bon curé de Luzarches, à qui la prospérité définitive de son œuvre rendrait la santé et la vi- gueur de sa jeunesse I

Dans un semblable établissement, qu'il a fondé à Caen, M. l'abbé Leveneur recueille des garçons qu'il applique au jardi- nage, à la fabrication d'un tissu de drap grossier, à la menui- serie, à la sculpture sur bois. Pour cette dernière spécialité, il trouve l'appui intelligent et sympathique de nos collègues MM. Gerson et Weber.

Puissent des personnes bienveillantes s'intéresser à ces doux œuvres, qui font vivre tant d'enfants et les utilisent si bien!

Je puis annoncer à la Société que M. Paris, maître verrier, notre collègue, qui à transporté sa manufacture au Bourget, re- met la conduite des enfants de sa verrerie aux sœurs de Saint- Vincent-de-Paul. D'un autre côté, M. Delvincourt, qui est aussi notre collègue et dont le nom rappelle de grands services rendus à l'enseignement du droit, s'est rendu acquéreur d'une verrerie dans la plaine Saint-Denis. Son premier soin a été de coucher et de nourrir ses enfants, il les a même habillés en uniforme; ils portent sur leurs casquettes ces mots : VeiTerie de Saint- Denis. M. Delvincourt n'a pas encore pu songer à l'enseignement, la localité est dépourvue d'écoles. Il serait à désirer que les sœurs tussent installées dans la plaine Saint-Denis, près de la chapelle qu'on vient d'y construire ; elles recevraient, comme à Pantin , des filles en classe, et, à des heures spéciales, les enfants de la verrerie. Le problème que nous avons posé sera complète- ment résolu si les riches et bienfaisants industriels de la plaine qui font partie de notre Société veulent s'en occuper sérieuse- ment.

Les fondations dont s'est occupée la Société sont toujours en bonne voie. La maison Piver a huit apprentis. J'insisterai encore sur cette fondation, qui n'a pas été généralement bien comprise, puisqu'un correspondant me demande quel est le ré- sultat de V apprentissage en parfumerie. M. Piver est un parfu- meur, mais ce n'est pas à son industrie qu'il applique sa mai- son de tutelle. Il a établi 20 lits, rue Fontaine, 5, pour 20 ap- prentis de divers métiers, autant que possible sans chômage; le fondateur prend pour lui les frais généraux (7,800 francs), et les maîtres d'apprentissage paient la nourriture, soit 450 francs par apprenti.

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Nous rappelons que MM. le curé de Sainte-Elisabeth et Mar- guerin ont le contrôle de la direction, qui est conférée à un instituteur, 31. Canonge, et à sa femme.

La maison de famille de la Société des Amis de l'Enfance, rue Grillon, se met en mesure, nous le rappelons, de tenter un essai sur plusieurs apprentis qu'elle coucherait et nourrirait.

De semblables maisons devraient exister en grand nombre dans Paris ; il conviendrait particulièrement d'en établir une dans le quartier des Blancs-Manteaux. C'est, je crois, ce dont va s'occuper la Société des Fabricants et Artisans.

Nous apprenons qu'une école professionnelle d'externes va être établie rue de Richelieu, laquelle s'adressera à la population d'élite de ce quartier. M. E. Pereire voudra bien la visiter et en donner la description dans un prochain Bulletin.

Nous avons le plaisir de pouvoir terminer notre chronique de l'apprentissage par le récit suivant, que nous devons à un des hommes qui nous ont précédés avec le plus de zèle et d'heureux succès dans la voie nous cherchons aujoud'hui à entraîner l'industrie tout entière :

« Ceux qui, ne connaissant que les bois de Meudon ou les voyages à Asnières, supposent, que le dimanche, les environs de Paris n'offrent à ses habitants que des plaisirs dangereux ou frivoles, auraient se trouver le dernier dimanche de mai à Drancy, le chemin de fer du Nord les aurait transportés en quelques minutes. Là, au lieu des foules souvent trop animées que fuit la mère de famille, au lieu de la joie bruyante qui chasse la véritable gaieté, ils auraient vu l'une de ces fêtes qui réjouissent le cœur, et donnent à l'âme des satisfactions que ne procurent jamais les plaisirs du monde.

» C'était la fête du Patronage , de cette œuvre qui protège déjà à Paris et dans la banlieue plus de trois mille jeunes filles, et qui, propagée dans la France entière et même dans les pays voisins, forme aujourd'hui le complément indispensable de l'é- ducation chrétienne, que les meilleures écoles primaires ne font que préparer.

» La présidente de cette grande œuvre, M™« la baronne de la Doucette, propriétaire du château de Drancy, avait mis à la dispo-

sition des protégées des Patronages cette magnifique habitation. Dès le matin, les déléguées des diverses paroisses choisies parmi les plus assidues et les plus sages, au nombre de six cents, portaient leurs vœux et ceux de leurs compagnes aux pieds de Notre-Dame des Patronages. Après la messe célébrée dans l'église, restaurée et agrandie par la générosité des châtelains, un déjeu- ner fut servi sur la pelouse du château , et toutes ces jeunes filles , heureuses d'échapper à l'atmosphère de la ville et des ateliers, semblaient beaucoup plus à leur place au milieu des fleurs. Puis elles se sont dispersées dans les allées entourées de verdure, à l'ombre des grands arbres, jouissant avec modestie et réserve d'une douce liberté, pour se réunir bientôt près de la statue de la Vierge et célébrer par d'harmonieux cantiques celle qui du haut du ciel est la patronne des protecteurs et des protégées. A une heure, une nombreuse procession, présidée par la supérieure générale des Sœurs de la Charité, qu'assistait le curé de la paroisse, parcourait les rues du village. Les jeunes apprenties que les sœurs accompagnaient étaient mêlées aux dames patronnesses et aux invités, empressés de donner un té- moignage de leur vive sympathie à une si belle œuvre. La pro- cession passa devant l'asile des convalescents, élevé par les soins de M""' la Présidente, puis elle suivit l'avenue du château pour faire une station devant sa chapelle. En rentrant à féglise, le R. P. Etienne, dans une touchante allocution, fit ressortir les bienfaits du patronage, évoqua de précieux souvenirs et appela la reconnaissance et les prières des patronnées sur les protec- teurs de l'œuvre. Il annonça que^ grâce à leur nouvelle géné- rosité, douze dots allaient être accordés aux jeunes filles jugées les plus dignes. Après la distribution des récompenses, méritées par des traits de vertu et même d'héroïsme que nous regrettons de ne pouvoir faire connaître, un salut solennel ter- mina cette belle journée, que l'orage lui-même, menaçant depuis le matin, sembla respecter, car il n'éclata qu'après que toutes les jeunes filles eurent regagné leur modeste demeure.

» Quelles impressions fait naître une pareille œuvre, qui s'étend chaque jour et s'applique aussi à des milhers déjeunes ouvriers! Dans un temps l'avenir apparaît sous de sombres aspects, l'on serait tenté de croire qu'il n'existe plus, d'un côté qu'un luxe effréné et une ardeur sans limite pour les jouissances ma- térielles, de f autre que les haines et les jalousies qui enfantent

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les révolutions; quel consolant spectacle présentent à la fois la fortune et les hautes positions sociales devenues les instru- ments du bien, et les cœurs des jeunes générations s'ouvrant, sous cette généreuse iniative, aux inspirations de la religion et de la vertu! Une association qui réunit ainsi toutes les classes par les doux liens de la charité et de la reconnaissance n'est- elle pas le plus ferme soutien des Etats comme des familles, et les services qu'elle rend ne sont-ils pas de ceux qui sont la protection et la sauvegarde de la société tout entière?...

Nous publierons le récit de la fête donnée aux patronages de garçons tenus par les Frères. Cette réunion annuelle se tient au Pré-Catelan.

Un nouveau patronage vient d'être créé. La dévouée et intelligente supérieure de l'école communale de filles de la rue Vieille-du-Temple réunit le dimanche les apprenties de M^ne Cohadon et celles de M-^e Chertonne. Ces enfants, au nombre de cinquante, vont ensemble à la messe et ensuite se récréent dans le jardin ou dans le préau. La sœur Elisabeth (de Juilly) est prête à accepter d'autres maisons d'apprentissage, et il y en a une à former en ce moment, les éléments en sont prêts! Notre collègue, M. Cardeilhac, recommande une hon- nête famille de polisseurs pour la petite orfèvrerie. Cette petite industrie permettrait six apprenties, et, comme l'état n'est pas sans chômage, les enfants seraient exercées à la confec- tion de la chaussure, de sorte qu'elles auraient deux cordes à leur arc. La sœur Magniol a des enfants toutes prêtes qui sont ultra-malheureuses; il ne manque que la somme nécessaire pour prendre un logement approprié, la literie, les premiers vêtements et quelques avances. Tout cela n'est pas énorme, et nos collègues de la petite orfèvrerie, de la coutellerie, ceux aussi qui sont les accoutumés du bien, ne tarderont pas à rece- voir une demande d'ouvrage et d'argent.

Notre collègue, le général E?sab-Pacha, membre du jury à l'Exposition universelle, classe xxv , a obtenu de son Gouver- nement que de jeunes orphelins turcs seraient mis en appren- tissage en France. Cette fondation, confiée à notre Société, a

déjà reçu un commencement d'exécution. Six enfants sont arri- vés qui ont été placés immédiatement.

Legs en faveur d'apprentis. Par son testament en date du 25 janvier 1867, M™" Lespinasse de Florentin, sœur de Saint-Vincent-de-Paul, ancienne supérieure de l'Hôpital civil de Versailles, a fait les dispositions suivantes :

« Je lègue à l'Hospice civil de Versailles, dont j'ai été la su- périeure :

» Un rente sur l'Etat 3 0/0 de vingt mille francs. Je destine spécialement le revenu de cette rente à l'amélioration du sort des enfants assistés de toutes classes, qui sont sous la tutelle de l'Hospice... Je veux que tous les ans le quart de ce revenu soit remis à la sœur supérieure, qui en fera l'emploi ainsi que sa conscience le lui indiquera. Je veux que les trois autres quarts soient employés tous les ans par l'administration de l'Hospice à augmenter l'allocation donnée par le département pour les enfants depuis quatre ans jusqu'à douze ans, et pour soutenir et payer l'apprentissage des enfants au-dessus de douze ans, m'en rapportant au surplus à la prudence et à la sagesse de l'administration pour la répartition de cette somme. Je lui exprime ici mes sentiments, c'est que la somme entière soit employée tous les ans à améliorer et adoucir le sort de ces malheureux enfants, jusqu'à ce qu'ils soient en état de gagner leur vie. J'entends que ces secours soient indépendants des secours alloués par le département pour les enfants de l'Hospice de Versailles, qui devront toujours recevoir le même secours que les enfants des autres hospices du dépar- tement, mon intention étant d'améliorer leur sort et de combler autant que je le peux les lacunes qui peuvent exister dans cette pa?'tie de la charité publique. »

269 3^ LISTE

MEMBRES PERPETUELS.

MM.

Bixio (Maurice I, libraire. Engel Dollfus, à Dornach. Hulot, (lir. delafab. des timb.-jMjst . Lagoutte, maître de forges. liiebieg Jobanj, à Reichenberg.

5LM. Lycée Louis-le-Grand. M&illard, fabricant de châles. Odiot, orfèvre. Teminck, labricant de sucres.

A' LISTE

DES

MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ.

Inscrits depuis la publication du Bulletin n' 3.

SOI. Aubin, né^ciant. Bailleul, prés, de la Soc. des prote-. Beaiiionds le baron de;. Beauvisage, agent de change. Bechevet (le comte de . Bellenger, de la maison Fasbender. Beranger ;j. , ex- Adjoint à Lyon. Beslay, ingénieur ci\il. Bixio .Maurice , libraire. Boissière, maître verrier. Beranger (0.;, fab.d'inst. de pes. Boyer Julesi typographe. Boyer et Roland, fondeurs. Bucquet, insp. général. Cabus îLouisi, de Lunéville. Cadou, courtier d'assurances. Caboche et Grimault, négociants. Caille F.i, d'Amiens, manufactur. Cavaré, anc. élève de l'École polyt. Chemin-Dupontès, économiste. Chevalier, m. Chevalier et Chelus. CoUin, horloger. Daliphard, à Radepont i Eure . Darimon, député de la Seine. David Treullier, négociant. Decarre, curé à la Balme. Decraud, propriétaire. Dégenetais, de Bolbec.

MM. Delaunay .i'-, ar. àlaCourimp. Delvincourt, verrier. Deshayes, négociant. Dietsch, à Liepvre (Haut-Rhin). Durand, manufacturier à Tours. Eichens, F' d'instrum. de précision. Engel Dollfus, à Dornach. Essab Pacha (général). Gallet, sténographe du Corps lég. Giraudeau, négociant. Godchaux, imprimeur. Grosheintz, à S'-Pierre, près Barr. Guilleminot, instit. à S'-fienis. Honoré Arnoul, de la Soc. d'enc. Hubaux, professeur d'histoire. Hulot, dir. delà fab. des timb.-post. Isidor Lazare, gr.-rab. de France. Jeanin baron , préfet iCôte-d'Or. Japy, manufacturier, Kùss, cons. des hyp. à Schelestadt. Lagoutte, maître de forges. Lallier, propriétaire. Laumaillier, frère et flls. Lehoult, à Saint-Quentin. Leverrier, Sénat., dir. de l'Observ. Liebieg Johan) , à Reichenberg. Loyer, à Lille. Lycée Loviis-le-Grand.

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MM. Maillard, fabricant de châles. Maillet, libraire éditeur. Manuel, ancien manutacturier. Méquillet et Noblot, à Héricourt. Millaud, dir. du Petit Journal. Mimerel, dateur à Roubaix. Noël, banquier. Odiot, orfèvre.

Périn, avocat à la Cour impériale. Philipps, ingénieur des mines. Rimailho, fabricant d'allumettes. Rondelet, chasublier. Roux, libraire.

MM. Saint-Mauris (de). Sandl (Joseph de), propriétaire. Sandras (M"").

Sauge, adm. du bureau de bienf. Séné, ébéniste. Sthenheil de Rothau. Terninck , fabricant de sucres. Thévenot, vérif. des poids et mes. Thoyot, ingénieur des mines. Toussaint, maire de Fiers. Vernes"(le pasteur). Vernes, banquier. Weisgerber, àS'-Pierre, près Barr.

i^^ LISTE

DES

MEMBRES CORRESPONDANTS

pourvus de livrets de souscripteurs (1).

Belhoznmet. . Béranger .1.)

Bouilhet

Chaix

Chiris

Ghristotle Durand (F.

Fouchet

Fumouze

Goldemberg .

Kuhlmann 1

Landon-Lemercier 1

Lauvergniat 1

Mares 1

Maurice 1

Nicklès 1

Fallu 1

Piver 2

Roy 2

Schloss (S.) 1

il) Messieurs les correspondants de Paris et des départements ou de l'étran- ger donnent de suite quittance; il leur est remis, sur leur demande, un car- net à souche pour dix souscripteurs. De semblables carnets sont à la disposi- tion des personnes qui veulent aider notre œuvre à s'étendre et à se consolider.

AVIS. La liste complète des membres, noms, qualités et adresses, sera publiée dans le numéro de janvier 1868.

IMPRIMERIE CENTRALE DES CHEMINS DE FER.

e. RIE BERGÈRE, 20, A PARIS.— 128:J8-7 .

SOCIÉTÉ DE PROTECTION

»BS APPRENTIS ET DES ENFANTS EMPLOYÉS DANS LES MANUFACTURES

AVIS IMPORTANT.

Le CkHoseil a décidé qu'il ne serait plus adressé de convoca- tions spéciales pour les séances réglementaires qui devront avoir lieu tous les deux mois. Les jours et heures seront lvwqués PAR le numéro du Bulletin, distribué a domicile huit jours

AVANT LA SÉANCE.

Eu conséquence, MM. les Membres de la Sociéié sont pré^ enus que la première séance de i868 aura lieu le 23 février à 2 heures très-précises, local habituel, rue Bonaparte, 7r' 44, hôtel de la ScKiété d'encouragement |>our lindustr-e nationale.

Les séances sont publiques.

ORDRE DU JOUR de la séance de février 1868.

Hésumé des faitii de Tannée 1867, par M. le Président. Compte rendu des recettes et dépenses de l'année , par M. le duc de Mouchy. = Lectures : Etude historique sur l'apprentis- sage, par M. Julien Hayem. Condition des enfants dans l'industrie des fleurs et plumes, par M. Hiélard. = Remise de la médaille de la Société à M. Ciiadwick , sur le rapport de M. Wolowsky, de ITnstitut; à M. Baker, inspecteur du travail des enfants dans les manufactures de l'Angleterre, sur le rapport de M. Jean Dollfus. IN'otice sur l'apprentissage dans la maison de M. Lemaire, opticien, par M. Legrand, auditeur au Conseil d*fefât, et sur l'apprentissage dans la maison de M. Chaix , imprimeur, par M. Fi*éd. Jourdain, ancien manufacturier à Louviers. Chronique et Correspondance, par le Secrétaire.

Chaque Sociétaire est instamment prié d'envoyer au Secrétaire ses nom, profession ou qualités, domicile, indications néces- saires pour établir d'une manière exacte la liste générale des membres pour 1868, qui doit être présentée à S. M. Tlmpératrice et sera publiée dans le prochain numéro.

(Voir au verso.)

PROPAGANDE POUR 1868.

Nota, Tout Membre de la Société reçoit un exemplaire du Bulletin et des autres publications de la Société, a sa place aux séances réglementaires, peut y prendre la parole, nomme le Conseil et contrôle les dépenses ; il a droit à une place réservée pour les grandes solennités.

MM. les Sociétaires doivent leur exemple et leur influence pour améliorer le sort des enfants employés aux travaux de l'industrie; ils sont invités à signaler par des notices les mérites en tous genres que la Société se propose de faire connaître et de récompenser, le Buîletin leur est ouvert pour la publication de ces travaux; les ressources de la Société sont à la disposi- tion de leur initiative, sur l'avis favorable des Commissions compétentes. Ils sont priés de concourir à la propagande de la Société; à leur demande, il leur est donné des Carnets de souscription de dix reçus, ils peuvent inscrire directement des adhérents nouveaux auxquels ils donnent immédiatement quit- tance.

Pour être Membre de la Société il suffit de faire un verse- ment de 10 francs par an. On est Membre perpétuel moyen- nant un versement unique de 100 francs. On peut s'inscrire ou inscrire un tiers en écrivant directement à M. le sénateuî" président Dumas, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, à l'un de MM. les Vice-Présidents, à M. le Secrétaire général ou au Secrétaire.

L'année date du l^"" janvier; toutefois les quittances ne seront présentées cette année et ne le seront les années suivantes que dans le trimestre de l'inscription.

Le Bulletin de 1868 sera adressé à tout .Membre inscrit en 4867 qui n'aura pas donné d'ordre contraire.

Pour tous renseignements, s'adresser, le matin avant dix heures, au Secrétaire, M. Barresvvill, 16, rue Saint-Florentin.

IPRIHERIE CENTRAL8 DES CHEMINS DE FER. A. CHAH BT C«, HUE BERGÈRE, 20, PARIS. - iOi-8

SEANCES DES 27 OCTOBRE ET 12 DECEMBRE 1867

COMPTE RENDU

DE M. LE DUC DE MOUCHY, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL.

SIessieurs ,

Le fait capital depuis mon dernier rapport, et aussi le fait capital de l'iiistoire de notre Six;iété, a été la séance solennelle du 27 octobre. Notre derniei- Bulletin de l'année 1867 lui sera en grande partie consacré.

Tout s'est passé ainsi qu'il avait été arrêta devant vous. M. le Président a noranié une commission spéciale chargée de mettre votre projet à exécution ; la direction de la cérémonie a été réservée à M. Alphand, et M. Pasdeloup nous a apporté, comme il avait promis de le faire, le concours de l'Orphéon municipal. La musique de la garde de Paris nous a été égale- ment accordée.

Trois commissions ont été nommées : une chargée de l'orga- nisation de la fête, deux chargées de la répartition des récompenses.

La commission d'organisation, présidée par notre Président , avait pour membres : M. le vice-président Berthier; MM. Aldrophe, Alphand, Baude, Bérard, Bucquet, Durangel, Focillon, Gréard, Hervé-Mangon , Pasdeloup, avec le secrétaire général, le secré- taire et le vice-secrétaire du Piulletin.

Cent jeunes gens ont été adjoints à 3f. Ali)}iand en qualité de commissaires; parmi eux M, le Président de la commission a choisi des commissaires généraux. Ces jeunes gens repré- saataient ie cercle des étudiants, le cercle des jeunes gens du commerce, le cercle des jeunes ouvriers, la jeunesse pi'OtestâBte , la jeunesse israélite, les anciens élèvess de l'écde Turgot et les

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employés des fabriques et des maisons de commerce impor- tantes, notamment les maisons Ménier, Mourceau, Lemaire.

Tous les documents que la Société avait pu réunir sur la situation des enfants de l'industrie en France, et les notices nombreuses qui lui avait été adressées, ont été répartis entre les deux commissions chargées de la répartition des récom- penses.

M^'' l'archevêque de Paris a bien voulu présider la première de ces commissions, qui était composée de MM. de Boureuille, rapporteur; de Melun, de Gaux, Gh. Robert et Julien Hayem, secrétaire.

M. le sénateur-président Dumas présidait l'autre commission, qui comprenait : MM. Migneret, rapporteur, Bontemps, Dela- lain, Carcenac, Maillard, Rouvenat et Barreswil, secrétaire.

MM. Cochin, Baudon, Chagot, Roy, Woif, absents de Paris, s'étaient fait excuser.

Il a été décidé qu'il ne serait pas donné de médaille d'or ; que la Société décernait seulement sa médaille, laquelle serait en argent, et que des médailles commémoratives d'oi, d'argent et de bronze seraient adressées aux diverses personnes qui se- raient venues en aide à la Société pour cette grande manifes- tation, destinée à appeler l'attention de tous sur la question que vous avez résolu de mettre à l'ordre du jour des préoccupations publiques.

S. M. l'Impératrice ayant fait connaître l'heure à laquelle il convenait de fixer la cérémonie, 23,000 billets ont été envoyés, et le 27 octobre, à deux heures et demie, les portes de la salle du Palais de l'Industrie, dont la disposition était la même que pour la distribution des récompenses de l'Exposition universelle, se refermaient sur plus de 22,500 invités.

L'orphéon et la musique de la garde de Paris étaient placés au milieu du transept, vis-à-vis du trône. A droite et à gauche étaient groupés sur les estrades plus de 10,000 enfants de l'in- dustrie. D'un côté étaient des garçons, de l'autre des filles, les uns conduits par les patrons, les autres réunis sous la direc- tion des chefs de patronage.

Parmi les industriels ayant amené des enfants de leurs ate- liers, on remarquait :

MM. Gartier-Bresson , Chaix , Golcombct (de Saint-Etienne),

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Delvincourt , Dupont, Groult, Hamcliii , Hayem, Leraaire, Mar- chand, Michaut (Baccarat), Monot, 3Iourceau, Paris, Sajou, Scrive; M"»*' Cohadon , Bourgade, Chertonne, DelaiX)rte.

Au nombre des patronages se trouvaient ceux des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, réunis par 31'»^ la baronne de la Doucette, ceux des Frères de la Doctrine chrétienne, formant l'œuvre ({ue préside M. le vicomte de Melun; les patronages réunis des conférences de Saint-Yincent-de-Paul à Paris, les patronages lakiues, protestants et israélites, l'œuvre des enfants du papier peint, présidée par M. Riottot ; la société de l'ébénisterie , pré- sidée par M. Lemoine, celle des Heuristes, présidée par M. Petit, les oiphelinats industriels de M. l'abbé Leveneur à Gaen, de M. l'abbé Soret à Luzarches.

Le cercle des jeunes ouvriers dirigés par M. Maignen ; la so- ciété des demoiselles du commerce, présidée par la sœur Saint- Augustin venaient ensuite, et enfin les représentants des œu- M*es et de l'enseignement, à tous les degrés, depuis l'École polytechnique jusqu'à l'école primaire, depuis le recteur jus- qu'à l'instituteur communal.

Les membres de la Société occupaient les places du pourtour ; les lauréats étaient vis-à-vis du ti'ône, ayant à leur gauche les enfants de la maison Eugène-Napoléon, et à droite les enfants de la Société du Prince Impérial.

Devant les lauréats étaient placées les récompenses, savoir : les portraits de S. M. l'Impératrice et ceux du Prince Impérial, les médailles, et les magnifiques ouvrages que S. Exe. le mi- nistre de l'intérieur avait mis à la disposition de la Société,

J'ai cru devoir vous rappeler. Messieurs, les dispositions gé- nérales de la cérémonie; je n'insisterai pas sur les détails, dont vous avez tous gardé le souvenir. Le Bulletin vous donnera les discours prononcés par M""^ l'archevêque et par notre Président, ainsi que les noms des lauréats : les récits de tous les jour- naux ont appris à ceux qui ont été privés d'assister à cette fête l'enthousiasme et l'émotion de ce public de tous les âges réuni dans une seule pensée, sous l'inspiration de la souve- raine, qui venait se déclarer devant cette immense assemblée la protectrice dévouée de l'enfance ouvrière ; aucun de ceux qui l'ont contemplé n'oublieront le spectacle si animé que pré- sentait cette multitude inaccoutumée d'enfants du peuple, ac- courus de cent ateliers divers pour applaudir leurs protecteurs

et poui' saluei- d'acclamations joyeuses leur auguste bienfaitrice et son fils. Exprimé par cette jeunesse heureuse, l'enthousiasme avait pris un^ vivacité naïve et un élan spontané qui ant donné à notre fête le caractère à la fois le plus pittoresque et le plus touchant : c'était une fête vraiment populaire qui, nous l'espérons, laissera des souvenirs efficaces et des émotions con- ciliatrices dans tous les cœurs : nous croyons qu'elle exercera une influence féconde sur l'avenir des relations entre les pa- trons et les enfants. Nous avons, par cette cérémonie, soleii- njsé et consacré leur affection mutuelle.

Depuis la séance, 3Î. le Président a fait parvenir les portraits, les médailles et les livres aux lauréats qui, absents au moment de la cérémonie, les ont réclamés.

Nous allons décerner aujourd'hui les mentions ; les diplômes seront prêts dans quelques jours, et avis sera envoyé à domicile.

Le compte rendu de notre séance est publié à deux éditions : l'une, dans le format du petit Moniteur, faite aux frais de la Société, a été tirée à dix mille; l'autre, aux frais de S. Exe. M. le ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, sortira des presses de l'Imprimerie impériale. Noujs con- sidérons cette publicité-ci comme un excellent moyen de propa- gande.

A l'occasion de cette grande séance, M. le Président, sur la demande des Comités d'examen des titres, a décida que des allocations en argent seraient décernées à quatre établisse- ments : l'' à deux patronages, celui de Caën et celui de Luzar- ches, qui sont dans une position assurée pour l'avenir, mais embarassée pour le présent; 2" à deux ateliers modifiés ou créés sous votre impulsion, celui de M""" Cohadon et celui de M""" Chertonne .

200 francs ont été employés à fonder les deux premiers prix de la Société paternelle des enfants de Fameublement, et de la Société paternelle des enfants des plumes et fleurs, à la condition que les distributions auraient lieu en 1867. Ces distributions sont décidées : elles seront présidées par les Vice-Présidents de de ^otre Société.

Nous espérions te concours de plusieurs amis de l'enfance pour faire face aux dépenses nous l'avons obtenu, et nous

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devons ajouter auv noms que nous aTOîis indiqués ceux de MM. Cartier-Bresson et Castellino : nous devons aussi remer- cier tout particulièrement ftDf. Ménici, Pamar et Vaury ; ils se sont charités très-généreusement d'une partie de la cérémenie qui n'aura pas été la moins appréciée- par les enfants : je veux parler de la collation qui leur a été offerte à la sortie.

L'appel que nous avons fait aux conseils généraux n'a pas produit l'etfet que nous désirions; un grand n»n^>re de conseillers nous ont rapporté que notre publication très-régulièrement adres- sée par les préfets aux présidents, sous le couvert de S. Exe. M. le ministre de l'intérieur, ne leur avait pas même été soumise : un seul conseil a répondu; mais nous avons l'assurance que, l'an procliain, nos intentions étant mieux connues, et nos premiers succès étant appréciés, nous aurons à nous féliciter d'avoir fait un sacrifice que nous renouvellerons en 1868 avec de meilleures conditions.

Nous finissons néanmoins l'année 1867 dans une situation prospère. Nous comptons aujourd'hui plus de treize cents membres, qui, à peu d'exceptions près, ont payé leur cotisation. Nous avons encore à opérer une recette importante sur le pla- cement des livrets : le produit des souscriptions perpétuelles est, en grande partie, placé en obligations de chemins de fer, nous n'avons de dettes qu'envers ceux de nos fournisseurs qui ne se sont pas encore fait payer malgré nos recommandations.

Nous comptons pour 1868 sur quelques libéralités promises et sur un nombre de souscripteurs encore plus important. Mais nous nous proposons aussi de vous soumettre divers projets de dépenses, afin de soutenir le mouvement que nous avons im- primé, de secourir les fondations diverses qui secondent nos efforts, d'en augmenter le nombre et d'en accroître l'importance.

Dans la prochaine séance, le compte détaillé des recettes et des dépenses de l'année écoulée sera soumis à votre approbation.

\"ous connaissez Messieurs, les principaux actes de la Société depuis notre dernière réunion : vous avez pu voir que nous n'avons rien négligé pour répondre à votie confiance, et nous espérons y avoir réussi. Je terminerai en vous annonçant que,

276 dès les premiers jours de l'année 1868, notre président si dévoué commencera les démarches nécessaires pour faire reconnaître notre Société comme établissement d'utilité pu- blique (1), et lui faire donner ainsi la consécration qu'elle a su mériter dès ses débuts par ses projets, ses progrès, et, j'ose le dire aussi, par ses succès {'2).

SÉANCE DU 27 OCTOBRE DISCOURS PRONONCÉS Â DISTRIBDTION DES RÉCOMPENSES

DISCOURS DE MONSEIGNEUR L ARCHEVEQUE DE PARIS.

A SA MAJESTÉ l'IMI'ÉRATKICK

Madame ,

La fête d'aujourd'hui emprunte à la présence de Votre Ma- jesté un caractère solennel et touchant. C'est la souveraine qui préside, mais c'est surtout la sœur de charité. Aussi ce que la France vous exprime par les acclamations de cette assemblée sympathique, c'est un sentiment plus tendre encore que le res- pect et qui ne diffère pas de la piété filiale.

Nous sommes réunis, Madame, afin de signaler, autant que nous avons pu les connaître, les œuvres et, en certains cas , les personnes qui paraissent protéger avec le plus de succès les jeunes apprentis et les enfants des manufactures ; et sans pré- tendre offrir à ceux qui font bien une récompense de leur mé- rite, nous voulons du moins, en les remerciant, les proposer à l'imitation de ceux qui ne font pas aussi bien et les encoura- ger tous à faire encore mieux.

La haute signification d'un pareil concours ne peut échapper

(1) Un établissement d'utilité publique a qualité civile; il peut posséder et peut recevoir les dons ef legs.

(2) Voir, page 318, la suite de la séance du 12 décembre.

i

à j).'rsonne, et tout le monde y verra ce que Votre Majesté a voulu y mettre : d'alx)rd, un témoignage éclatant de l'intérêt que la Société porte à ses membres les moins favorisés et par- ticulièrement aux jeunes apprentis; ensuite un hommage rendu aux croyances morales et religieuses qui inspirent et soutien- nent tant d'œuvres de bienfaisance et de charité, et qui sont le principe efficace et l'honneur de notre civilisation.

Oui, la Société vaut mieux que plusieurs ne le disent. Elle aime et protège ses iils les plus déshérités ; elle a pour eux la grave et dévouée sollicitude d'un père et le vaillant cœur d'une mère. Sans doute elle ne veut pas qu'ils se reposent unique- ment sur autrui et se désintéressent de leur propre destinée, mais elle ne refuse jamais non plus de venir en aide à ceux qui souffrent, surtout sans l'avoir mérité. C'est ainsi que, dans la circonstance présente, d'une part elle encourage les œuvres oîi l'on enseigne aux jeunes apprentis le secret non-seulement de vaincre et de façonner la matière, mais encore de se con- naître eux-mêmes et de se gouverner selon Dieu, et de l'autre elle exprime sa gratitude et décerne ses affectueux éloges aux protecteurs et aux patrons qui mettent au service de cet âge si digne d'intérêt leur temps, leur fortune, et, mieux que cela, leur cœur et quelquefois leur vie.

Oui encore, cette doctrine d'une responsabilité qui n'abdi- que pas et d'une solidarité qui se montre effective, cette virile et généreuse doctrine fleurit parmi nous, grâce aux croyances morales et religieuses qui en sont la source et l'aliment. La so- ciété moderne a sans doute, comme tout ce qui est de ce monde, ses imperfections et ses heures de défaillance ; mais le senti- ment moral et religieux ne l'abandonne pas. Au fond, elle dé- daigne les sophistes qui veulent l'emprisonner dans la matière et dans le temps; elle va plus haut et plus loin. S; des pieds elle touche la terre, de l'esprit et du cœur elle touche les cieux. Elle cherche quelquefois le bien à travers l'intérêt, mais elle le cherche aussi directement et pour lui-même, et en délinitive elle le fait. A côlé des industries qui gagnent maté- riellement à moraliser leurs propres apprentis, nous avons ren- contré une foule d'œuvres créées et vivifiées par la charité, en vue de protéger ces jeunes gens et de les affermir dans lamour du travail et de la vertu. Nous avons voulu le dire, croyant juste et utile de féliciter ceux qui font le bien par

TiS

d'honorables motifs, et de louer davantage ceux (jui savent le faire par des motifs meilleurs encore et plus désintéressés. Ce doit être, Madame, une sensible joie pour Votre Majesté que la fête d'aujourd'hui, oij ces vérités austères, mais fécon- des, reçoivent leur expression publique, et grands et pe- tits, patrons et protégés, unis par l'élévation des pensées et la communauté des plus nobles efforts, donnent le spectacle d'une société marchant avec ardeur dans les voies du bien, sous les auspices d'un Gouvernement qui cherche à mettre en jeu l'initiative personnelle de chacun et toutes les énergies du dévouement : l'Empereur faisant un loyal appel à tous les hommes de bon vouloir; l'Impératrice commandant à tous les cœurs par sa grâce et sa charité ; le Prince Impérial réunissant sur sa tête les garanties d'un avenir pareil au présent, d'un avenir où, sans perdre de vue la prospérité matérielle de la France, on ^aura sauvegarder sa grandeur morale et son vieux renom de peuple chrétien.

discours de m. le sénateur dumas, présment.

Madame,

L'aspect touchant de ce peuple d'enfants qui entourent Votix3 Majesté, l'émotion de leurs mères, la respectueuse reconnaissance des protecteurs et des maîtres bienfaisants qui les accompagnent, tout témoigne que cette tête n'est pas un vain spectacle.

Il suffirait sans doute, pour exciter les acclamations qui ac- cueillent Votre Majesté, des souvenirs que les familles réunies dans cette enceinte gardent au fond du cœur, et qu'elles se transmettront de génération en génération.

La sympathie de Votre Majesté pour toutes les souffrances, son ardente charité pour toutes les misères, les soins donnés par Elle aux asiles, aux écoles, aux hôpitaux, aux hospiœs, aux pénitencierS; le peuple n'en oublie rien, et sa reconnais- sance se traduit en prières qu'il élève vers Dieu pour le bon- heur de Votre Majesté et la c<)nservation du Prince Impérial, la joie et l'espérance de la France.

La gracieuse et noble souveraine qui, pour fonder un orphe-

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linat, refuse une parure; l'Impératrice auguste que sa pitié pour les jeunes détenus fait pénétrer dans les plus tristes prisons ; la sœur de charité, confiante en la Providence, dont la présence relève les cœurs dans la ville d'Amiens décimée par l'épidémie, tous ces souvenirs d'hiei' sont déjà devenus les légendes du peuple et de l'atelier.

Pourquoi l'intérêt que Votre Majesté a daigné témoigner à la formation de la Société dont il lui plaît d'honorer par sa présence auguste la première manifestation publique excite-t-il à son tour une émotion si vivei* C'est que les familles laboi'ieuses qui se pressent autour du trône mesurent chaque jour les dangers dont l'enfant voué au travail des manufactures est menacé, et qu'elles ont foi, pour les conjurer, en la volonté de Voti-e Majesté toujours si puissante, en sa parole toujours si persuasive.

L'Exposition vraiment universelle qui va disparaître a déployé sous nos yeux le tableau sincère de l'œuvTe de l'homme con- sidérée dans le temps et dans l'espace. Elle a réuni les extrêmes, depuis les essais informes de son génie naissant se manifestant aux premiers âges du monde, ou parmi les peuplades encore sauvages de nos jours, jusqu'aux produits de l'art le plus délicat, de la science la plus élevée et de la pratique la plus sÙBe.

Elle a rendu visible la robuste impulsion donnée par l'Em- pereur à l'activité nationale.

Elle a monti'é la France au-dessus de toutes les épreuves, prête à toutes les luttes, forte pour tous les combats. Elle a mis en évidence les opérations toujours plus lointaines et plus étendues de son commerce, l'énergie redoublée de son in- dustrie.

3Iais elle a rappelé, en même temps, qu'eu France dix mil- lions d'habitants, plus du quart de sa population, sont appliqués déjà aux travaux de l'industrie, et que le nombre des enfants enlevés à la vie des champs, pour prendre part à la vie des usines, se compte maintenant par centaines de mille et va toujours croissant.

Elle a rappelé que les nations qui nous ont précédés dans les voies de l'industrie nous montrent des villes l'enfant, voué de bonne heure au travail salarié, confiné dans les ate- liers dont l'air se renouvelle mal, s'y transforme pour la vie en machine inintelligente et chétive.

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Faudrait-il encourager, à notre tour, le déploiement du travail manufacturier, si son progrès devait conduire au dépérissement de la population ouvrière ? Consentirions nous à payer les pro- ductions d'une main-d'œuvre raffinée au prix de l'abaissement physique et moral des générations futures ?

Nos mœurs animées d'une naturelle bienveillance supporte- raient-elles longtemps ce spectacle affligeant? Non! En France, l'ouvrier des fabriques n'est ni un esclave, ni une machine sacrifiée, c'est un citoyen. Il lui est de trouver à sa portée, dès l'enfance, ces conditions d'existence l'esprit de taaiille se conserve, le ressort moral se retrempe, le sentiment religieux se développe, et qui, associant une âme saine à un corps sain, préparent au pays des défenseurs robustes, au tra- vail des hommes capables d'en accepter la nécessité et d'en comprendre la dignité.

Les forces de l'enfant dont les doigts déliés accomplissent dans les manufactures une œuvre qu'eux seuls peuvent entre- prendre ne doivent jamais être excédées. Les heures de loisir,* indispensables à son instruction, à l'accomplissement de ses devoirs religieux et à la vie en plein air, doivent lui être réser- vées ; la tutelle de la loi doit le couvrir.

Mais la loi elle-même resterait impuissante, si le sentiment public ne lui prêtait son appui. L'industrie marche sans cesse ; ses procédés se transforment; les prévisions de la loi seraient déjouées, si les mœurs ne suppléaient à son silence, à ses lacunes, à ses obscurités.

Mais, Madame, la France est un pays plein de nobles sen- timents: la religion, la charité, la droiture des âmes y ont fait en faveur des enfants employés dans les manufactures ce que la loi scmle n'eût jamais réalisé.

Combien d'œuvres touchantes ont été inspirées par la charité ! Combien de manufacturiers humains et prévoyants ont entouré leurs usines des soins les plus ingénieux au profit de l'enfance !

Ah! Madame, comme on se sent ému d'un plus grand amour pour la France quand on pénètre dans tous ces détails l'esprit compatissant de la nation se révèle en traits Mêles!

Les réunir, les grouper, ce sera écrire le code de la pré- voyance et de la cliarité au profit des enfants que la situation de leur famille oblige au travail salarié.

L'Empereur a marqué chaque jour de son règne illustre par

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un acte en faveur dos classes laborieuses. Les institutions qu'il a fondées et qu'il multiplie donneront au dix-neuvième siècle son caractère dans l'histoire ; à l'émancipation politique de l'ouvrier elles ajoutent son émancipation intellectuelle et morale.

Il appartenait à l'Impératrice, à une mère, de prendre plus spécialement sous son égide les enfants, les jeunes filles que cette cérémonie réunit.

L'industrie ne saurait se passer de leur concours. Comme coopérateurs, ils auraient pu réclamer aussi leur part des récom- penses décernées ù l'Exposition universelle. Votre Majesté leur réservait la plus douce de toutes et la plus recherchée, en venant au milieu d'eux, accompagnée du Prince Impérial, de ce fils bien-aimé, objet de tant de vœux et de tant de nobles es- pérances.

La présence auguste de Votre Majesté dans cette enceinte témoigne de sa reconnaissance et de celle du pays pour les œuvres et pour les manufacturiers, en si grand nombre, dont les bienfaisantes mains ont sauvegardé l'industrie contre les entraînements de la concurrence, qui auraient ployé ou brisé l'enfant sans défense.

Elle inspirera au législateur la ferme volonté de faire passer dans nos lois les dispositions protectrices de l'enfance ; elle donnera à l'administrateur l'autorité morale nécessaire pour les faire respecter ; elle excitera dans les patronages un redoublement de ferveur et parmi les manufacturiers une émulation nouvelle ; enfin, elle remplit en ce moment même le cœur des enfants et celui des mères de ces sentiments de respect et de pieuse gra- titude qui les oppressent et que la prière au pied des autels pour tout ce qui est cher au cœur de Voire Majesté est seule capable d'exprimer et de satisfaire par ses épanchements.

'2H±

RAPPORT

DE LA COMMISSION CHARGÉE 1)E PROPOSER LES RÉCOMPENSES A DIST RIBDliR PAR LA SOCIÉTÉ AUX (EUVRES DE BIENFAISANCE FONDÉES DANS l' IN- TÉRÊT DES APPRENTIS ET DES ENFANTS DES MANUFACTURES.

Par M. DE BouREuiLLE, Vice-président d'honneur de la Société.

La commission que le bureau de la Société avait chargée d'arrêter la liste des récompenses à distribuer aux œuvres de bienfaisance qui se dévouent aux orphelins et aux apprentis, et dont Sa Grandeur M^'' l'archevêque de Paris a bien voulu accepter la présidence, s'est occupée avec toute Vactivité et tout le soin possibles de la mission qu'elle avait à remplir.

Cette mission n'était pas sans difficulté; non pas, je me hâte de le dire, que les œuvres à récompenser lissent défaut , le nombre en est au contraire très-considérable ; m^is ce n'était (ju'une partie de noire tâche, et la plus facile, que de constater l'existence des œuvres. a commencé n-otre embarras, c'est lorsque nous avons voulu préciser les résultats qu'elles ont accomplis, le bien qu'elles ont fait; pour toutes, en effet, leur but unique est précisément de faire le bien, mais en même temps elles tiennent pres{|ue toutes à cacher la main du bien- faiteur. Gomme la vertu, dont elles nous donnent l'exemple, elles sont modestes, elles s'ignorent elles-mêmes, et il faut pour ainsi dire les faire paraître au grand jour malgré elles.

Et cependant, à l'époque nous vivons, à côté des plus nobles dévouements s'étalent trop souvent les égoïsmes les plus naïfs, le culte des intérêts matériels semble faire chaque jour de nouveaux progrès, et tend à se répandre parmi les masses, il est bon, il est nécessaire de faire connaître les efforts que, sur presque tous les points du territoire, des cœurs généreux opposent avec énergie au développement du mal, et les résul- tats heureux qu'ils ont pu souvent réaliser.

G'est donc, nous ne craignons pas de le dire, une excellente pensée qu'a eue la Société de protection des apprentis et des enfants des manufactures, lorsqu'elle a voulu, au début pour

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ainsi dire do ses travaux, accorder des récompenses aux œuvres qui s'étaient déjà i'ormées antérieurement en vue de faire ce qui était précisément le but de sa création. En pareil cas, on !e sait, le premier pas est toujours le plus difficile, et lorsque les résuttats obtenus par les œuvres isolées auront été mis au jour et récompensés surtout de haut, nul doute que ces œu\res ne reçoivent elles-mêmes de nouveaux développements, et qu'il ne s'en forme aussi de nouvelles, établissant ainsi de l'une à l'autre des diverses parties du territoire de l'Empire cette chaîne non interrompue d'efforts et de dévouements qui ne peut man- quer d'en assurer le succès.

Gomme nous l'avons dit plus haut, la Commission s'est trou- vée en présence d'un très-grand nombre d'œuvres qui ont pour but de venir en aide aux orphelins et aux jeunes apprentis, non-seulement en leur assurant les choses nécessaires à la vie matérielle, mais aussi en cherchant à les moraliser, à les ins- truire et à les maintenir dans la pratique des devoirs religieux.

On peut les distinguer en deux catégories principales : celles qui ont établi des internats et celles, les plus nombreuses d'ailleurs, qui convient les apprentis et les jeunes ouvriers à des cours du soir à certains jours de la semaine, les réunissent spécialement les dimanches et les jours fériés pour leur faire suivre les exercices religieux et les amuser en les instruisant, et enfin à certaines époques distribuent des prix et des récom- penses à ceux qui se sont le mieux maintenus dans la ligne du devoir.

La i)resque totalité des œuvres de patronage, soit avec inter- nai, soit avec des réunions du dimanche, présentent ce carac- tère touchant, que les membres de ces œuvres suivent les apprentis patronnés dans les ateliers mêmes ils ont été placés, qu'ils s'as^tivent avec un intérêt perst'-vérant de la ma- nière dont ils remplissent leur tâche de chaque jour, et qu'il s'établit ainsi, entre l'œuvre et l'apprenti, de ces liens de recon- naissance et d'attection qui garantissent ce dernier contre les entraînements funestes pour son avenir.

Pour répartir entre toutes ces œuvres les récompenses de divers ordres qu'elle avait ci distribuer, on comprend aisé- ment quel a être l'embarras de la Commission, et ce n'est qu'api'ès beaucoup d'hésitations qii'elle s'est arrêtée aux déci- sions que nous allons faire connaître ; mais d'abord elle a cru

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devoir poser ([uelques règles générales que nous devons in- diquer.

Elle a pensé, en premier lieu, que c'était aux œuvres exclusi- vement, et non aux personnes qui les ont fondées ou qui les dirigent, que les récompenses devaient être accordées. En matière de bienfaisance, il n'y a pour ceux qui s'y dévouent ((u'un seul sentiment qui les anime, celui de la charité; la pensée seule d'une récompense personnelle pourrait soulever de justes sus- ceptibilités, tandis que la récompense accordée à l'œuvre ne peut qu'être acceptée avec faveur par tout le monde.

La Commission a décidé, en second lieu, qu'elle ne com- prendrait pas parmi les œuvres à récompenser par la Société les orphelinats ou les colonies agricoles, ni les œuvres qui ont pour mission exclusive de former des apprentis ou de jeunes ouvriers pour l'agriculture, non pas bien entendu qu'elle ne regarde pas ces œuvres comme iniiniment utiles, et qu'elle ne désire pas ardemment les voir se multiplier et grandir, mais il lui a paru qu'elles n'étaient pas aussi absolument en rapport avec le but de l'institution de la Société, qui est s^urtout la protection des apprentis et des enfants des manufaclures.

Enfm il a été arrêté que toutes les œuvres récompensées, même celles auxquelles sont attribuées des portraits de S, M. l'Impératrice et de S. A. le prince Impérial ou des bannières, recevraient un exemplaire de la médaille instituée par la Société,

Ces points préliminaires ainsi résolus, la Commission, après s'être l'cndu un compte aussi exact que possible de l'impor- tance de chacune des œuvres qu'elle a eu à considérer, de leur anciemieté relative et des services qu'elles ont rendus depuis leur création, a arrêté ainsi qu'il suit la liste des récompenses.

Portraits de S. M. l'Impératrice.

L'OEUVRE GENERALE DU PATRONAGE DES FRÈRES DE LA DOCTRINE CHRETIENNE.

FO.NDÉE PAR M. LE VICOMTE DE 3IeLUN.

Cette œuvre, qui com])te 22 maisons à Paris, a pour but de réunir chaque dimanche tous les associés, apprentis ou jeunes ouvriers, à l'effet de leur faire suivre les exercices religieux.

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de les soutenir ou de les encourager dans le bien; elle distri- bue plusieurs fois par année des récompenses à ceux qui se sont distingués par leur bonne conduite et leur exactitude.

Le portrait décerné à l'œuvre devait être nécessairement at- tribué à une seule des maisons qu'elle a fondées ; la commis- sion a hésiter sur le choix de celle qui le recevrait. Deux maisons surtout, celle de la rue de Grenelle et celle de la paroisse Saint-Ambroise , avaient fixé son attention d'une ma- nière spéciale; la première a été choisie d'après l'indication même de l'institut des frères, mais nous n'hésitons pas à dire ici que toutes les maisons dépendant de l'œuvre auraient pu être désignées. L'œuvre comprend aujourd'hui plus de 4,000 associés.

L'ŒUVRE DU PATRONAGE DES JEUNES OUVRIÈRES ET APPRENTIES.

sous LA DIRECTION DE M""^ LA BARONNE DE La DoUCETTE.

Cette œuvre se subdivise en un très-grand nombre d'œuvres de paroisse. Elle a pour but de réunir les jeunes filles le di- manche pour l'accomplissement des devoirs religieux; elle les place en apprentissage et procure du travail aux jeunes filles pauvres, elle accorde des récompenses à celles qui les ont méri- tées; elle présente en outre ce caractère touchant, que les pa- tronnées deviennent souvent protectrices à leur tour.

Le portrait sera placé dans l'établissement de la paroisse Sainte-Marffuerite.

L'ÉCOLE ISRAÉLITE DES ARTS-ET-MÉTIERS DE STRASBOURG.

Cette école existe depuis l8:2o; c'est une véritable pension d'apprentis, la première qui ait été fondée ; des apprentis de métiers divers y sont logés et nourris; dans le jour ils se ren- dent à leur atelier chez un patron choisi par la direction de l'œuvre, et le soir, à leur rentrée, on leur fait des cours pour compléter leur instruction.

L'ŒUVUE DU PATRONAGE DE LA CONFESSION D'AUGSBOURG.

Cette œuvre patronne les enfants à placer ou déjà placés en apprentissage; elle a de plus, en 1855, ouvert, sous le nom de Maison Ouvrière, un établissement destiné à recevoir, loger et nourrir à un prix extrêmement bas les apprentis et les jeunes ouvriers sans i'an)iUe.

L'ŒUVRE DU PATRONAGE DE LA PROVIDENCE-SAINÏË- MARIE, rue de Reuilly.

Cette œuvre reçoit tous les soirs les apprentis dans des écoles du soir des cours leur sont faits, et on leur donne des notions de morale et de religion. 300 enfants y sont admis; ce nombre doublerait si l'étendue du local le permettait.

Portraits de S. A. le Prince ImpériaL

L'OEUVRE DU PATRONAGE DE LA SOCIÉTÉ DE SAINT-VINCENT-DE-PAUL DE PARIS.

Cette œuvre, qui compte huit établissements dans Paris, a pour but de diriger et de soutenir les enfants pendant ie temps de l'apprentissage; elle les aide à choisir un état, préside quand il y a lieu à la rédaction des contrats d'apprentissage, et visite les enfants chez les patrons; les dimanches, elle réunit les jeunes apprentis, et leur procure des délassements hon- nêtes, entremêlés d'instructions morales et religieuses.

Le portrait attribué à l'œuvre sera placé dans la maison de Notre-Dame de Nazareth.

L'OEUVRE DES APPRENTIS DE LA VILLE DE NANCY.

Fondée depuis 1845. Les apprentis sont logés, nourris, ins- truits dans une maison acquise à cet effet; ils sont placés par les soins de l'œuvre dans divers ateliers de la ville de Nancy, ils apprennent les métiers auxquels ils se destinent.

!>87 L'ÉCOLE ISRAÉLITE DE MULHOUSE, dirigée par M. Gimpel. Fondée en 1842 sur des bases semblables à celles de l'école de Strasbourg : a réalisé d'excellents résultats.

COMITÉ DE PATRONAGE DE L'ÉGLISE RÉFOmiÉE à Paris.

Ce Comité, qui s'est formé en I80O et qui est composé de laïques protestants, place en apprentissage et patronne les en- fants orphelins ou sans ressources des deux sexes; il veille à leur instruction religieuse et subvient, soit par des prêts en nature, soit par des dons de vêtements et d'outils, aux besoins des apprentis.

LA SOCIÉIÉ DES AMIS DE L'EXF.AXCE.

Cette Société, qui existe depuis plus de quarante ans, vient en aide aux jeunes garçons catholiques de la ville de Paris; elle place dans des maisons spéciales d'éducation les enfants trop jeunes encore pour apprendre un métier ; elle fait entrer les autres chez des patrons choisis par elle et exerce sur eux une surveil- lance continue : elle les réunit tous les dimanches dans une maison construite pour cet objet, et veille à ce qu'ils observent leurs devoirs religieux.

Bannières données par S. M. l'Impératrice.

L'ORPHELINAT IMPÉRIAL DE GARÇONS,

DIRIGÉ PAR LE FRÈRE Photius, à Versailles.

Cette œuvre, à laquelle l'administration municipale porte le plus bienveillant appui, et qui est dirigée par les Frères, donne aux enfants l'instruction primaire et les place ensuite en appren- tissage sans qu'ils cessent de faire partie de la maison et d'être sous la tutelle de l'œuvre.

LA SOCIÉTÉ PROTESTANTE DES ÉCOLES DU DDL\NCHE,

Œuvre fondée en 1852. Réunit les enfants le dimanche et leur donne l'instruction morale et religieuse.

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LE PATRONAGE DES JEUNES OUVRIERS, à Amiens, DIRIGÉ PAR M. Caille.

Cette œuvre s'occupe du placement des apprentis, les visite dans leurs ateliers, les réunit le dimanche, et après qu'ils ont assisté à la messe, leur fait des conférences instructives et leur offre des récréations de toute nature ; elle suit les jeunes gens patronnés par elle jusqu'au delà de l'apprentissage.

L'ŒUVRE DES APPRENTIS de la ville de Lyon.

Cette œuvre, qui est dirigée par les sœurs de Sraint-Vincent- dc-Paul, et administrée par un comité laïque, reçoit dans une maison qui lui appartient un certain nombre d'apprentis. Ces jeunes garçons vont pendant le jour à l'atelier et rentrent le soir à la maison, il leur est fait, par la supérieure, des con- férences familières qui les instruisent et qui les moralisent.

L'OEUVRE D'APPRENTIS fondée à Arras par l'abbé Halluln.

Existe depuis 1847, et enti'etient annuellement plus de 200 enfants, dont un grand nombre vont journellement dans les ateliers de la ville, sous la surveillance dn directeur. Les enfants sont élevés paternellement par l'œuvre, qui les suit jus- que bien au delà de rapi)rentLssage...

L'OEUVRE D'APPRENTISSAGE fondée à Futeau (Meuse)

PAR l'abbé AuBRY.

Cette œuvre consiste dans un atelier de broderies pour châles et autres vêtements, ouvert à toutes les jeunes filles sans état ;)u manquant d'ouvrage..

PATRONAGE DE NOTRE-DAME-DES-CHAMPS, à Angers,

DIRIGÉ par' m. l'abbé DaRBOIS.

Œuvre fondée dans le but de favoriser le placement des apprentis, et de leur as;surer l'instruction morale et religieuse.

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L'ORPHELINAT DES SAINTS-ANGES, à Paris.

OEiivre fondée en 1844 sous la protection deMs-" l'Arclievèque de Paris; administrée par un comité de dames charitables, re- çoit les orphelins de deux à huit ans, et les garde jusqu'à vingt et un ans ; elle leur donne une instruction élémentaire , et les met à même de pourvoir à leur existence par le travail.

Les dames de l'œuvre suivent les orphelines après leur sortie de la maison.

LE CERCLE DES JEUNES OUVRIERS, à Paris, ÉTABLI PAR M. Maurice Maignen.

Ce cercle, établi depuis quelques années seulement, boulevard Montparnasse, 102, et dirigé par les frères de Saint-Vincent- de-Paul, comprend environ 3o0 membres. Le dimanche, le cercle est ouvert de 7 heures du matin à 10 lieures du soir. Il possède une chapelle se célèbrent les offices religieux ; un jardin muni d'une gymnastique; il renferme des jeux de di- verses natures ; au cercle sont annexées une bibliothèque, jne caisse d'épargne, une société coopérative pour l'achat des vê- tements.

L'ORPHELINAT NAPOLÉON de Valence (Drôme). Reçoit les enfants orphelins depuis l'âge de sept ans, et les garde jusqu'à dix-huit. Les dirige vers l'apprentissage des professions qui sont en rapport avec l'agriculture, sans être cependant exclusivement agricoles.

Les 40 médailles d'argent sont décernées aux Œuvres ci-après :

Asile et apprentissage de jeunes gens infirmes dirigé par les frères Saint-Jean-de-Dieu.

Œuvre ayant pour but d'enseigner un métier aux enfants que jusqu'alors leurs infirmités faisaient regarder comme impropres à toute espèce de travail.

OEuvre des apprentis d'Orléans.

Fondée en 1854. A pour but de maintenir l'enfant dans la pratique des devoirs religieux et de compléter son instruction, de le diriger dans sa profession, de surveiller et protéger son apprentissage.

Orphelinat avec apprentissage, à Caen, fondé et dirigé par M. l'abbé Leveneur.

Recueille de jeunes orphelins, et leur fait apprendre divers métiers : menuiserie, ébénisterie, etc.

OEuvre de jeunes apprenties, dirigée par la sœur Magniol, à la Cliapelle.

Aide au placement des jeunes ouvrières, leur assure du tra- vail, et les maintient dans la pratique des devoirs religieux.

Orphelinat protestant de Castres.

Fondé en 1840. Reçoit sous son toit des orphelins protes- tants; leur donne l'instruction primaire, une éducation morale et religieuse, -et leur enseigne un état à leur choix.

CBEuvre de jeunes ouvrières, à Grenelle, fondée par mademoi- selle Payen.

Reçoit les jeunes ouvrières et les apprenties, leur procure du travail en commun, les maintient dans la voie du bien.

L'œuvre de Notre-Dame-de-Toute-Joie à Nantes, dirigée par M. l'abbé Peigné.

Cette œuvre reçoit, dans un établissement créé aux portes de la ville de Nantes, des écoliers et des jeunes ouvriers; elle leur facilite l'accès d'une profession, et leur donne une édu- cation morale et religieuse.

Société de protection des apprentis, à Nantes, sous la direc- tion de la Société industrielle.

Place les enfants dans les ateliers les plus recommandables de la ville, et veille à ce qu'ils acquièrent le complément d'ins- truction qui leur est nécessaire.

Orphelinat de jeunes iilles, à Plaisance-Paris, dirigé par M. le pasteur Paumier.

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Fondé depuis douze ans. Recueille des jeunes lilles auxquelles il donne l'instruction primaire et religieuse, et assuie leur pla- cement.

Orphelinat de jeunes garçons de Saint -Germain- en -Laye (Seine-et-Oise), dirigé pai- les frères de la Doctrine chrétienne.

Admet les entants à Tâge de sept ans, leur donne Tinstruction primaire jusqu'à la première communion, et ensuite les place en ap- prentissage tout en les conservant dans la maison de l'œuvre.

Œuvre pour le placement en apprentissage des jeunes gar- çons indigents de la ville dWlençon.

Fondée en 1837, cette œuvre place les entants en appren- tissage chez des patrons, les surveille, les couvre de son patro- nage, et distribue des récompenses aux plus méritants.

Œuvre des apprenties pour la confection de la dentelle et la couture à Dieppe.

Date de 1826. Procure aux jeunes tilles pauvres le bienfait gra- tuit de l'éducation morale et religieuse, intellectuelle et profes- sionnelle. Les élèves appartenant à des familles de marins y apprennent spécialement la fabrication des filets.

Œuvre de la jeunesse, rue de la Monnaie, à Lille.

Ouvre au profit des apprentis et des jeunes gens des cours et des classes, et les réunit tous les dimanches sous la prési- dence du directeur.

Œuvre de patronage, fondée et dirigée par l'abbé Bourdon, à Rennes.

Réunit tous les dimanches dans l'asile destiné à les recevoir un grand nombre d'apprentis et de jeunes ouvriers.

Œuvre d'apprentis et de jeunes ouvriers, dirigée par M. l'abbé Timon-David, à Marseille.

Opère d'après les mêmes bases que le patronage de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Paris.

Association évangélique de Montbéliard pour le patronage des enfants indigents. Fait jouir des bénéfices de l'éducation religieuse et morale

et d'une instruction professionnelle appropriée les orphelins pauvres et autres enfants nécessiteux.

Orphelinat de Luzarches (Seine-et-Oise), fondé par M. l'abbé Soret.

Cet orphelinat reçoit 72 jeunes tilles. Les petits enfants font des veilleuses, les plus grandes s'occupent de couture.

L'œuvre de Saint-Nicolas, à Paris.

Fondée en 1827. Présente ce caractère particulier que, parmi les très-nombreux enfants qu'elle reçoit, il y en a un certain nombre qui, après leur première communion, travaillent dans des ateliers d'apprentissage établis dans la maison même.

Société de patronage des jeunes gens de l'Église réformée, à Lyon.

S'occupe de patronner, par les soins de deux comités spéciaux, les jeunes filles et les jeunes garçons.

Société de patronage des jeunes gens de l'Église réformée à Nimes (Gard).

A pour but de patronner et d'instruire de jeunes apprentis. Distribue spécialement à titre de récompenses des outils et des livrets de Caisse d'épargne.

OEuvre des jeunes ouvrières, fondée à Paris par M"* Léocadie. Cet ouvroir, qui a été fondé en 1849 par une simple ouvrière, compte aujourd'hui 130 enfants.

OEuvre des jeunes apprenties , fondée et dirigée à Âuch par M"« Debus.

Cette œuvre privée réunit un grand nombre de jeunes ouvrières qu'elle arrache au péril de l'isolement; elle s'occupe aussi des enfants délaissés_, les instruit; et les place dans des maisons recommandables.

Patronage d'apprentis, fondé et dirigé par M. Flour, à Bou- logne-sur-Mer.

Cette œuvre reçoit un certain nombre d'enfants qui sont logés, nourris et envoyés en apprentissage dans divers ateliers de la ville.

Patronage d'apprentis fondé à Troyes, par M. l'abbé Tridon. Cette œuvre patronne les jeunes apprentis et les suit avec un intérêt persévérant.

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Orphelinat du Piiy (Haute-Loire).

Occupe les jeunes gens qui y sont reçus à divers métiers, les place dans des ateliers ou dans des fermes, et quand ils ont quitté la maison, conserve avec eux les rapports les plus att'ectueux.

Patronage de la Société de prévoyance et de secours mutuels de LunévilJe, dirigé par 31. Cobus.

Fondé en 18o0, Patronne un certain nombre de jeu -- _ . auxquels il distribue des primes et des récompeuses.

Orphelinat de Kembs (Haut-Rhin).

A pour but de donner aux jeunes orphelins paiivre> une éducation morale et religieuse, une bonne instruction primaire, et une préparation suffisante aux professions les mieux en rap- port avec leur situation et leurs aptitudes.

Société de patronage des jeunes lilles Israélites, à Paris.

S'occupe du placement en apprentissage des jeunes tilles, exerce sur elles une surveillance régulière et dévouée, ouvre des cours du soir, donne des récompenses et accorde des sub- ventions.

Asile maternel de Versailles, dirigé par M""" Portz.

Fondé en 18o3. cet asile a pris depuis un rapide accroi>se- ment; il recueille les enfants dès le berceau, et les conserve aassi longtemps que possible : renferme des ateliers qui othtnt un ensemble de professions variées et lucratives.

Colonie professionnelle de Foëcy (Cher),

Renferme une salle d'asile et une école. Les enfants qu'elle patronne, après avoù' été insti-uits, sont placés en apprenti.-sage ilans des manufactures de porcelaine ou dans des fermes

Patronage d'apprentis et de jeunes ouvriers, fondé sous le nom de Samt-Jean, à Paris, par M. le comte de Lambel.

Patronage d'apprentis, à Pont-Audemer, dirigé par M, Mal- herbe.

Patronage d'apprentis et de jeunes ouvriers, fondé et dirigé par M. Lyon, à Marseille.

Ces trois œuvres, qui ont pour but d'assurer ie sort des ap- prentis et des jeunes ouvriers, en exerçant sur eux une surveil-

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lance affectueuse qui les maintient dans la bonne voie, produi- sent de très- bons résultats.

Orphelinat de l'Assomption, à Élancourt, fondé et dirigé par l'abbé Méquignon.

Reçoit un grand nombre d'enfants pauvres qu'il arrache à la misère et au vice, et les dirige vers des professions diverses.

Patronage pour les jeunes filles, fondé à Fiers (Orne) par Tabbé Foucault.

Orphehnat de Déols (Indre) pour les jeunes filles.

Congrégation des filles de l'Enfant-Jésus, à Lille.

Association des Fabricants et Artisans pour le patronage des enfants des deux sexes.

Fondée en 1829. Assure aux orphelins une éducation morale et religieuse et une instruction appropriée à leur aptitude, leur facilite l'apprentissage d'un état d'après leur choix et se- lon leurs facultés.

Pensionnat de jeunes filles de l'Église réformée à Paris, établie rue de Reuilly, 97.

Société de secours mutuels du IX*" arrondissement de Paris, pour la protection des apprentis.

Cette Société remplit avec un zèle soutenu la partie de ses statuts qui concerne le patronage des apprentis. Elle donne des encouragements à ces apprentis et les adopte quand ils de- viennent orphelins.

La Société a cru devoir en outre décerner un certain nombre de mentions honorables aux œuvres qui lui ont paru devoir être signalées également d'une manière spéciale :

L'œuvre du patronage de Chaumont (Haute-Marne);

Le patronage et l'école fondés et dirigés par les sœurs de Saint-Charles, à Paris ;

L'orphelinat gratuit de jeunes filles, à Auch;

L'œuvre du Patronage de Notre-Dame-le-Riche, à Tours;

Le patronage du Bourg -d'Ault (Somme), dirigé par M. Ro- main fils;

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L'orphelinat de jeunes filles de la rue des Billettes, 16, à Paris ;

L'asile évangélique de Lemé (Aisne);

L'orphelinat protestant d'Orléans ;

L'orphelinat fondé à Colmar par les Dames Glaubetz;

Le patronage de la Roche-Guyon, dirigé par M. l'abbé Portier;

Le patronage fondé par la Société industrielle de la ville de Reims ;

L'œuvre de patronage dit d'Intériem* de Nazareth;

L'œuvre du patronage des jeunes ouvriers et apprentis de la ville de Metz (1).

En résumé, la Commission, parmi les œuvres dont les travaux ont été mis sous ses yeux, a cru devoir spécialement signaler celles dont les noms précèdent; mais nous ne serons que justes en disant que beaucoup d'autres, pour n'être pas com- prises dans une liste de récompenses, qui ne pouvait s'étendre indéfiniment, n'en sont pas moins dignes encore de la recon- naissance publique; il est plus que probable, d'ailleurs, qu'un grand nombre d'OEu^Tes, qui fonctionnent utilement sur divers points de la France et même à Paris, lui sont restées incon- nues. Mais, en tout cas, n'est-ce pas déjà un spectacle bien consolant que de voir ainsi de tous côtés des cœurs pleins de dévouement, en dehors de toute pensée d'intérêt per- sonnel, se consacrer avec un zèle infatigable à l'améliora- tion morale de la génération qui s'élève? Quand on voit tant d'efforts d'abnégation et de vertu, on reste convaincu qu'il ne faut pas désespérer de l'avenir de notre société ; on en est plus convaincu encore lorsque l'on voit descendre du haut du trône l'exemple de la charité la plus ardente et de la sym- pathie la plus féconde pour les populations ouvrières et; en général, pour les classes nécessiteuses.

De BoURE LILLE, Vice-Président d'honneur de la Société.

(Ij La Société croit devoir aussi payer un tribut de reconnaissance à la mémoire de M"- Tonnelle, qui a assuré pour la ville de Tours la fondation d'une pension d'apprentis, et de la sœur supérieure de l'hospice de Versailles, qui a fait un legs important pour payer l'apprentissage d'enfants au-dessous de douze ans.

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RAPPORT

DE LA COMMISSION CHARGÉE DE RECHERCHER ET DE PROPOSER POUR LES RÉCOMPENSES DE LA SOCIÉTÉ LES INDUSTRIELS REMARQUABLES PAU LES SOINS qu'ils DONNENT A LEURS APPRENTIS ET JEUNES OUVRIER

Par M. MiGNERET, Conseiller d'État, Vice-président de la Société.

Ce que l'on doit principalement désirer en faveur des enfants voués aux travaux industriels est une éducation première au s€in de la iamilleet des soins intelligents qui, aidant au dé\eloppe- ment de leur organisation physique et à la culture de leur esprit, les conduisent sains et forts au moment ils pourront abordei' avec succès le travail professionnel. Ce qui est encore à désirer, ce premier pas heureusement franchi, c'est que la profession adoptée soit complètement et sagement enseignée au jeune ap- prenti ; que son corps ne soit pas épuisé par un travail préma- turé et excessif, et que son âme soit préservée des souillures qui ne tardent pas à détruire les fruits de l'éducation et le senti- ment des devoirs de famille.

A ces conditions seulement la société peut compter sur une population virile, robuste et digne de ses droits, parce <i[u'elle a l'intelligence, le sentiment et la puissance de ses de- voirs.

Mais ce but, qu'il faut envisager sans cesse comme un idéal à atteindre pour tous, est séparé du point de départ par bien des obstacles. Les imperfections ou les vices de la famille, les besoins impérieux qu'elle éprouve, d'une part; de l'autre, la con- currence illimitée et incessante au milieu de laquelle l'industrie se voit obligée de produire en utilisant toufes les forces, même celles de l'enfance, font naître bien des misères et favorisent de graves abus. Aussi bien peu atteignent dans la plénitude de leur force morale et physique ce but désiré, et ils font excep- tion au milieu de la foule des ouvriers ou pri\és d'instruction, ou épuisés avant l'âge par le travail prématuré.

Le législateur a réagir contre ces abus et rappeler par des prescriptions sévères le respect de lois morales et physiolo- giques dont le mépris engendre de si funestes conséquences. Seulement, en présence de la liberté de l'individu et de l'auto- rité du père de famille, il s'est arrêté aux points rigonreusement

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nécessaires. Les règles qu'il a posées sont l'extrême limite au delà desquelles le mal est intolérable. Il l'abandonne au domaine de la conscience et à l'action salutaire des principes religieux et sociaux. Lui obéir est une chose bonne et digne d'un certain éloge, mais s'associer à sa pensée pour la féconder par une sollicitude plus grande, ne pas faire tout ce qui n'est pas interdit et faire plus qu'il n'est commandé, est une chose plus louable encore.

C'est à ce mieux désirable et désiré que tend la Société pro- tectrice des jeunes Apprentis, et c'est pour constater le bien, le suffisant, pour encourager le mieux qu'elle s'est formée, qu'elle agit, qu'elle recherche et met en lumière tout ce qui peut y convier le monde industriel.

En rappelant les motifs et le but de sa fondation, elle ex- plique en même temps les principes d'après lesquels elle a pro- cédé à la recherche et à la classification des industriels qu'elle est heureuse de signaler, pai- ses récompenses, à la reconnais- sance publique.

L Il en est que des circonstances diverses, la nature de leur industrie et le petit nombre de leurs apprentis mettent seu- lement en position d'exécuter les lois protectrices du travail des enfants et de l'apprentissage. On peut dire qu'ils ne font qu'à peine leur devoir légal, mais la Société les regarde déjà comme dignes d'une bienveillante attention. Pour quiconque a arrêté ses observations sur ces graves matières, exécuter fidèlement les lois qui les régissent est déjà un mérite, une preuve de sa- gesse et d'humanité qu'il faut reconnaître et louer.

II. Mais lorsqu'à l'exécution littérale du texte l'industriel associe cette bienveillance, cette sollicitude paternelles qui dépassent les règles du législateur ; lorsqu'il apporte le cœur du père de famille au milieu des ouvriers, des enfants réunis dans un labeur commun, le mérite augmente et l'éloge doit être plus accentué. *

IIJ. D'autres, plus dévoués encore ou plus heureux, parce qu'ils disposent de moyens plus puissants, embrassent dans leur prévoyante organisation tout l'avenir du jeune ouvTier. Leurs fabriques sont organisées en ^-ue du travail, et aussi en vue du bien-être moral et physique de ceux qui doivent l'accomplir. Des institutions prévoyantes protègent l'enfant dès

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son jeune âge, l'instruisent de ses devoirs civils et religieux, ne lui ouvrent l'atelier qu'au moment il possède ce qu'il faut pour y travailler utilement, continuent l'éducation jusqu'à la virilité, enseignent à la virilité l'économie et la prévoyance, soulagent la maladie, favorisent les unions, sources légitimes de la famille, assurent enfin à la vieillesse le repos et le pain nécessaires. Ceux-là forment une classe favorisée et éminente. Les agents de la loi n'ont plus rien à voir dans de telles indus- tries, si ce n'est pour les louer et les présenter comme exemples.

IV. Il est enfin des hommes, des associations qui, sans aucun calcul personnel, sans même rechercher l'avantage de donner leur nom à une œuvre, se vouent à la prospérité des entreprises que nous venons d'indiquer, entrent à leur service uniquement pour arriver à moraliser, à préserver du mal et à diriger vers le bien les jeunes enfants que le travail réclame. Ce serait être ingrat que de ne pas reconnaître ce dévouement et de ne pas le placer au-dessus de tous les autres par le seul genre de ré- compense qui lui convienne : l'attestation du bien qu'il produit, l'affirmation que sans lui le plus grand nombre des industriels que nous louons à juste titre vendaient échouer leur efforts.

De quatre grandes divisions dans la classification des récom- penses accordées ; mais, avant de les proclamer, une réflexion est à faire.

La Société s'est efforcée de n'attacher l'éloge qu'aux actes réellement méritoires et efficaces. La valeur toute morale de ses distinctions, l'auguste patronage sous lequel elle les distribue lui en faisaient un devoir rigoureux ; elle a également la con- science d'avoir recherché avec soin la connaissance de tous les faits rentrant dans le cercle de son action; mais elle n'a pas la prétention d'avoir tout cpnnu, tout apprécié (1). Il est très- certainement beaucoup do maisons et d'institutions qui ont aussi mérité l'éloge et l'eussent obtenu si on les lui avait signalées; le silence à leur égard n'est ni un oubli ni un blâme

(I) La Société a adressa une circulaire demandant des renseignements à taus les Préfets, à toutes les Corporations d'industriels qu'elle a cru en posi- tion de lui signaler une bonne institution, une œuvre méritoire à récom- penser. Elle regrette qu'un petit nombre seulement de réponses lui soient parvenues. Sur ce point elle espère que le temps lui viendra en aide et qu'elle sera mieux secondée dans l'avenir.

299

indirect. Avec le temps, avec le concours dont elle a besoin et qu'elle réclame de tous les amis de l'enfance ouvrière, elle complétera ses recherches, et cet inventaire du bien finira par comprendre tout celui qui s'est fait et tout celui que la salu- taire contagion de l'exemple portera à faire.

Toutefois le tableau bien incomplet que nous mettons sous les yeux du public est plein de motifs de consolation. Aux maux mul- tiples, la générosité française oppose une sollicitude aussi ingé- nieuse que puissante. Dans notre pays, les cœui's ne restent pas secs devant la misère, ainsi que l'attestent nos œuvres chai-itables et les œuvres non moins méritantes que l'industrie s'est impo- sées à elle-même, les soins qu'un grand nombre d'industries apportent à l'éducation et au bien-être des familles ouvrières. Tout est à espérer d'une société qui, s'interrogeant sans cesse avec l'amour du bien et la répulsion instinctive du mal, ne se lasse pas, dans la fécondité de son esprit charitable, varie le secours et soutient par son action bienfaisante les faiblesses et les défaillances sous quelque forme qu'elles se présentent.

La commission propose de décerner les récompenses d'après les divisions qui viennent d'être indiquées et dans l'ordre suivant :

PREMIÈRE CATÉGORIE.

MANUFACTURIERS ET INDUSTRIELS SIGNALÉS COMME AYANT ORGANISÉ LEURS ÉTABLISSEMENTS ET CRÉÉ DES INSTITUTIONS EN VUE DE FA- CILITER l'apprentissage ET d'assurer la santé et l'instruction TANT Générale que spéciale, aussi bien que la moralité et l'avenir des apprentis et jeunes ouvriers (1).

BACCARAT. cristallerie.

Ouvriers de tous genres . . . . . 1,743

Garçons et apprentis 5o9

Femmes 226

Ecoles. Service médical. Instruction et culte religieux. Admission dans les ateliers à 13 ans seulement. Repas à l'usine. Pension à prix minime. Durée du travail, 10 heures 1/2 à 11 heures. Pas de travail le dimanciie. Résultats excellents.

Bannière.

(1) Les rapports complets contenant les détails que ne peut présenter cette liste analytique des institutions à récompenser ont été imprimés dans le Bulletin ou le seront successivement.

300 GROS ET a% à Wesserling (Haut-Rhin).

FILATURE. TISSAGE.

Ouvriers y 4,400, répandus dans 10 commîmes.

Écoles primaires remontant à 1810. École spéciale supérieure.

Enseignement technique. Examens déterminant l'ad- mission aux emplois. Entrée des ateliers à 13 ans seulement et après l'instruction primaire reçue et la communion faite.

Culte et enseignement religieux. Résultats anciens et toujours excellents.

Bannière.

COMPAGNIE DES MINES DE LA GRAND'COMBE (Gard).

Ouvriers, environ Ô^OOO. Instruction gratuite. Entants et adultes. Culte et en- seignement religieux. Asiles. Bibliothèques. Bourses à l'École des mineurs d'Alais. Tous les employés actuels ont été élevés et formés dans l'établissement. Écoles j^iimaires. Enseignement secondaire spécial. Bannière.

LE CREUSOT (Saône-et-Loire). Ouvriers, 9,930. l^Lcoles primaires. Enseignement secondaire et spécial. Cours techniques. Bibliothèque. Musique. Nul n'est admis s'il ne sait lire et écrire. Classement des élèves à l'école et placement dans l'usine suivant l'aptitude. Soins médicaux, etc.

Bannière.

COMPAGNIE DES MINES DE BLANZY.

Ouvriers, û,dOO. Sailes d'asile, de 4 à 6 ans. Écoles primaires de 7 à 13 ou 14 ans. Admission à la mine seulement après la première communion. Caisse de seeours', sollicitude prévoyante pour les intérêts moraux de la jeunesse ouvrière.

Bannière.

301

COLCOMBET et C'% à la Seauve (Haute-Loire). Ouvrières, IdO à 180. Écoles primaires et de travaux de couture. Apprentissage rétribué. Réfectoire pour que les ouvrières preiment les ali- ments qu'elles apportent, et que préparent les sœurs. Dortoirs pour Ta semaine ; le dimaache, l'ouvrière rentre dans sa famille. Gain progressif et permettant de sérieuses épargnes. Bons résultats.

Bannière.

HAMELIN, à Paris.

DÉVTOAGE ET MOCLL^AGE DES SOIES.

Internat d'apprenties à Paris. Nourriture. Logement. Vèture. Rétribution progressive. Instniction primaire et couture. Soins du uaéaî^fc. Etablissement plus déve- loppé aux Andelys. Soins paternels donnés à l'instruction religieuse et morale des apprenties. Bannière.

Direction confiée aux Sœurs de Saint-Vincenl-de-Paul.

J.-B. et PÉTRUS MARTIN, Lyon et Tarare.

FABRIQUE DE PELUCHE ET MOULIXAGE DES SOIES.

Ouvrières, SOO à 600. Apprenties logées, nourries. Recompensées de leur tra- vail par des distributions et des gratifications. Instruction religieuse. École le dimanche. Salle d'asile. Portrait de S. M. l'Impératrice.

MESSAGERIES IMPÉRIALES (Transports maritimes).

Établissements de la Ciotat.

Ouvriers, 2,000 à 2,o00.

Soins particuliers donnés à l'instruction élémentaire spéciale

et technique des apprentis et ouvriers. Pas d'apprentis avant

43 ans; écoles fréquentées jusqu'à 46. Secours et pemions.

Excellente organisation. Bons résultats.

Portrait du Prince Impérial.

302 HARMEL, à Bazancourt.

FILATURE ET TISSAGE DE LAINES.

Organisation d'un internat pour les apprentis.— Cours élémen- taires pour les deux sexes. Direction confiée aux frères de la Doctrine chrétienne et aux sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. Soins spéciaux pour l'instruction et la moralité des jeunes ouvriers et ouvrières.

Bannière.

BOURCARD , manufacturier à Guebwiller. Fondation de cours et cercles pour l'instruction des jeunes ouvriers et ouvriers adultes. Cette fondation est aujourd'hui reconnue comme établissement d'utilité publique. Médaille.

DURAND (Eugène), à Vizille.

MANUFACTURES POUR LA MANIPULATION DE LA SOIE.

Ouvrières , 300 filles. 100 ménages.

Vaste organisation. Instruction élémentaire. Couture, raccommodage. Caisse d'avances pour entrer en ménage. Soins spéciaux donnés à l'enseignement religieux et à la mo- ralité.

Bannière.

LEMAIRE, à Paris.

FABRICANT DE LORGNETTES.

Apprentis, 30. Organisation d'un véritable pensionnat professionnel, avec toutes garanties de moralité, de régularité et de soins hygié- niques. — L'enseignement religieux va y être introduit. Di- manche donné à la sortie dans les familles.

Portrait du Prince Impérial.

303 BOISSIÈRE, au Gast-Tanville (Orne).

A-ERRERIE.

Ouvriers de tout âge, 240 à 260.

École. Enseignement moral, culte observé. Bibliothèque, cercle, théâtre, etc.

Portrait du Prince Impérial

8ÂRDA, à Saint-Didier-larSeauve.

FABRIQUE DE VELOURS.

Apprenties admises gratuitement. Rétribution progressive. Primes d'encouragement. Logées, chauffées, éclairées, elles se nourrissent à leurs frais dans l'établissement; ^eillant à leur ménage sous la direction d'une cuisinière payée par le chef de la maison. École, instruction; surveillance dans l'intérêt de la moralité. Très-bons résultats.

Médaille.

CHAHDLX, à Persan.

FADRICANT DE SOIE A COUDRE.

Apprenties admises entre 10 et lo ans au nombre de 120, partie gi-atuitement, partie moyennant le versement de 100 francs, restant jusqu'à 21 ans; classe tous les jours, outre le travail de l'atelier. Lecture, écriture, et une année entière à la couture, elles sont appliquées aux travaux de lessive et de ménage. Rétribution progressive.

Médaille.

DURAND (ALBERT); à Tours.

FABRICANT DE SOIE A COUDRE.

Apprenties, 68 à 80, partie externes, partie internes. Instruction religieuse, instruction primaire suivie avec soin. Une heure de classe par jour. Les internes nourries. Gratification annuelle.

Médaille.

22

304 SAVARÏ, Paris et Saint-Michel (Aisne).

CORDONNERIE.

Apprenties logées, nourries, instruites de leurs devoirs reli- gieux. — Pas d'admission avant 13 ans. Classe de 1 heure et dernie chaque jour. Rétribution progressi\e calculée sur le pied de 6 0/0 des travaux exécutés. Dîner à la table du fabri- cant pour la plus méritante, chaque mois. Médaille.

LECLAIRE, à Paris.

ENTREPRISE DE PEINTURE, DIRIGÉE PAR M. A. DEFOURNEAUX.

Cours spéciaux techniques pour les apprentis, admis seule- ment après leur première communion. Prix : montres d'argent, livrets de caisse d'épargne, délivrés parmi les élèves suivant le mérite. Société de secours et de prévoyance. Médaille.

CHAIX (Albans), à Paris.

IMPRIMEUR.

Cours d'apprentis surveillés et dirigés avecgrande sollicitude. Cours primaire. Cours spécial. Caisse de secours mutuels. Assurance contre les accidents. Travail suspendu le dimanche.

Portrait du Prince Impérial.

GODIN-LEMAIRE, à Guise.

FABRIQUE d'appareils A VAPEUR.

Organisation complète des moyens d'instruction et de protec- tion pour les jeunes apprentis et ouvriers. Médaille.

GROULT, à Paris.

FABRIQUE DE PATES ALIMENTAIRES.

Admission de jeunes filles dans la flibrique, logées, nourries, instruites, rémunérées; seront habillées Direction morale et religieuse excellente. - Caisse de secours mutuels. Bannière.

3()o DUPOiNT (Paul), à Pans.

IMPRIMEUR.

Ecole de tilles apprenties. Instruction religieuse et pri- maire. — Ouvroir. Cours techniques spéciaux. Cours de chant. Bibliotiièque. Salle de lecture.

Portrait de l'Impératrice.

SAJOU, à Paris.

TRAVAUX DE TAPISSERIE.

Apprenties admises avant la première communion. Ins- truction primaire, Rémunération proportionnelle. Surveil- lance attentive. " Projets pour améliorer l'hygiène.

Portrait de l'Impératrice.

STEINHEILL, à Rothau.

MANUFACTURIER.

Pas d'enfants admis avant l'âge de 43 ans et n'ayant pas reçd l'instruction primaire. Cours professé pour les jeunes ouvriers, soit à l'usine, soit à l'école communale. Cours de dessin. Fondation d'asile et d'orphelinat. Médaille.

BLANCHON, à Saint-Julien-Saint-Alban.

FILATURE, MOULINAGE DES SOIES.

Orphelinat. Instruction piimaire, religieuse. Couture, soins du ménage. Rétribution progressive. Engagement de trois ans pour l'appren tissage =

Médaille.

OEUVRE DES ENFANTS DU PAPIER PEINT, à Paris. Société formée entre fabricants de papiers peints pour assister, iiîstruire et moraliser les enfants employés à cette industrie. Résultats remarquables obtenus en quatre ans.

Portrait du Prince Impérial.

306 -

SOCIÉTÉ POUR L'ASSISTANCE PATERNELLE des enfants employés dans la fabrique de fleurs et plumes, fondée par M. PETIT. Société formée par les fabricants pour l'instruction et la bonne

direction morale des enfants et apprentis de l'industrie des

fleurs et plumes à Paris. Surveillance et choix des apprentis.

Institution naissante, largement org-anisée, et produisant de

bons résultats.

Portrait de l'Impératrice.

SOCIÉTÉ POUR L'ASSISTANCE PATERNELLE des enfants

employés aux travaux de l'ébénisterie. Société récente formée dans le même but que celles des appren- tis et enfants du papier peint, de l'industrie des fleurs, Assistance médiate ou immédiate de l'apprenti. Surveillance, protection.

Médaille.

TRAPP.

MANUFAC'i CRIER A MULHOUSE .

Ecoles excellentes et efficaces fondées dans la manufacture. Portrait de l'Impératrice.

CANTON DE SCHIRiMECK (Vosges). Résolution des manufacturiers du canton de Schirmeck par laquelle ils se sont engagés, dans l'intérêt du bien-être moral et matériel des ouvriers à ne recevoir dans les manufactures que des jeunes gens de 13 ans. Suppression des écoles de fabrique; tous les enfants fréquentent les écoles publiques jus- qu'à 13 ans.

Médaille.

(La médaille et le (.liplome seront adressés à M. le maire du chef-lieu de canton.)

SCRiVE (Jules) et fils, à Marquette (Nord).

TLSSAGE DU LIN.

Stricte exécution de la loi. Assistance d'argent à l'école.

I

307

Système de primes et amendes pour entretenir l'assiduité.

jiusique vocale et instrumentale. Apprentissage gratuit.

Bannière.

LEBEUF, MILLET ET O'^. Creil et Montereau.

Écoles bien tenues Distribution de prix. Secours. Soins affectueux des directeurs de fabrique. Médaille.

MOURCEAU, à Paris.

FABRICANT DE TISSUS d' AMEUBLEMENT.

Envoi des enfants à l'école; livrets de caisse d'épargne et primes aux plus assidus. Assistance en vêtement. Soins paternels.

Médaille.

SOCIÉTÉ CONTRE LES ACCIDENTS DE FABRIQUE,

à Mulliouse.

Fondation récente à l'instar de la Société anglaise pour préve- nir des accidents, oîi les enfants sont compris dans la proportion de 38 0/0. M. Engel Dollfus.

MédaiUe.

GILLET-PIÉROiS, à Lyon.

TEINTURTER EN SOIE.

Fondations dignes du plus haut intérêt, mais très-récentes. Mention.

308 -

DEUXŒME CATEGORIE

INDUSTRIELS QUI, SANS AVOIR CRÉÉ d'iNSTITUTIONS OU ORGANISÉ LEURS ATELIERS AVEC DES MOYE?;S PERMANENTS d'iNSTRUCTION GÉNÉRALE OU SPÉCIALE, SE SONT FAIT REMARQUER PAR UNE SOLLICITUDE PER- SONNELLE ET ATTENTIVE A l"ÉGARD DES APPRENTIS OU JEUNES OUVRIERS.

Médailles.

DOLLFUS (Jean), manufacturier à Mulhouse.

DANSETTE (Joseph), iilateur à Marquette-Bareuil (Nord).

TOFFIN, à Coudry (Nord).

MESSAGER, contre-maître, à Coudry (Nonl).

DALIPHARD, manufacturier, à Radepout.

JOLLIOT; contre-maître, à Radepont.

MONTANDON, fabricant, à Paris.

BRETON fils, fabricant de papier^ au pont de Clayo.

DIETRICH, manufacturier, à Liepvre.

KOLR, fabricant de machines agricoles, à Slrasbourg.

ANDELLE, verrier, à Epinac.

GUILLAUME, maître de forges, à Pont-du-Navoy (Jura).

CLEVENOD, maître de forges, à Bourg-de-Sirod (Jura).

RRUSTTEIN, fabricant de papiers, à xMeynard.

MONOÏ, cristallerie, à Pantin.

TESTE, fabricant d'aiguilles, à Lyon.

CARTIER-BRESSON, fabricant de' coton à coudre, à Pantin.

THIRIER frères, à Esquermes-Lille.

GONELLE, dessinateur, à Paris.

Mentions honorables.

PARIS, verrier, à Paris.

COHADON (M-"*), brunisseuse, à Paris.

HAYEM (Armand), de la maison S. Hayem aîné, manufacturier.

VILPELE et GAMBA, graveur sur métaux, à Paris.

MARCHAND, verrier, à Saint-Ouen.

CHERTONNE (M. et M^e), polisseurs de mouvements de

montres, à Paris. DELVINCOURT, verrier, à Paris. MIDOCQ et GUILLARD, fabricants de trousses de voyage, à Paris.

309

I

TROISIÈME CATÉGORIE.

INDUSTRIELS ET PATRONS CHEZ LESQUELS LE CONTRAT d'aPPRE.>(- TISSAGE EST EXÉCUTÉ LOYALEMENT ET EFFICACEMENT POUR LES JEL^'ES APPRENTIS OU QUI VEILLENT AVEC SOLLICITUDE AU BlEN-ÈThE DE LEURS JEUNES OUVRIERS.

Médailles.

MAME, imprimeur, à Tours. BOQUET et C% à Ailly-sur-Sorame. TABORIN, fabricant de limes, à Paris. BOIGEOL, filateur, à Giromagny. ^

CALARD, fabricant de tôles perforées, à Paris. DE BÂILLANGOURT, à Douai.

Mentions honorables.

PANKOUGRE, typographe, imprimeur du Moniteur uni verse l.

OBERTHUR, imprimeur, à Rennes.

ALEXANDRE, fabricant d'orgues, à Ivry.

FOURDI>'OIS, fabricant de meubles, à Paris.

ROBERT-HOUDIN fils, horloger, à Paris.

Ve BOURGADE, brodeuse, à Paris.

MICHEL, fabricant d'instruments de précision , à Paris.

LASXIER , menuisier, à P.iris.

BALÂZUC, cordonnier, à Paris.

BOUCHER, brossier, à Paris.

KIRMALX, tourneur, à Paris.

L'HERMITTE, fabricant de coffî-es-forts, à Paris.

RAJMARD, imprimeur-lithographe, à Paris.

POUPINEL, cartonnier, à Paris.

LADOIS, fabricant d'instruments de géodésie, à Paris.

310

QUATRIÈME CATÉGORIE.

PERSONNES ET ASSOCIATIONS ÉTilANGÈRES A l'iNDUSTRIE QUI, PAR DÉVOUEMENT POUR l'eNFANCE OUVRIÈRE, SONT VENUES EN AIDE AUX INDUSTRIELS COMME AUXILIAIRES DES OEUVRES ENTREPRISES EN FAVEUR DES APPRENTIS.

Mentions spéciales de reconnaissance de la part de la Société.

FRÈRES DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE. '

Religieux employés dans la manufacture de MM. Haumel, à Razancourt, etc.

SOEURS DE SAINT-VINCENT-DE-PAUL.

Religieuses employées dans les manufactures de MM. Hamelin, Harmel, Chardon, Monot, Savard, des fabricants de papiers peints, etc., etc.

SŒURS DE LA SAINTE-FAMILLE.

Religieuses employées dans les établissements de la Compa- nie impériale des Messageries.

SŒURS DU SAINT-NOM-DE-JÉSUS.

Religieuses employées dans la manufacture de M. Durand Albert), à Tours.

SOEURS SAINT-CIIARLES-DE-NANCY.

Religieuses employées dans la manufacture de M. Cartier- Rresson dans la maison d'apprentis de Nancy, etc.

SOEURS DE SAINT-JOSEPH.

Religieuses employées dans les établissements de MM. Col- combet à la Seauve; dans l'asile des jeunes filles incurables de Saint à Lyon.

M. le sénateur LE ROY DE SAINT-AMAND, vice-président de la Société de l'Orphelinat du Prince Impérial : surveillance générale toute paternelle des enfants en apprentissage.

31 1

M. ARNOULD (Honoré), liomme de lettres à Paris, inspec- teur gratuit, depuis trente ans, du travail des enfants dans les manufactures du département de la Seine; auteur de plusieurs ouvrages en faveur de l'enfance ouvrière.

M. PIVER, fondateur d'une pension (7a Tutelle, rue des Fon- taines,- o) mise à la disposition des patrons pour leurs apprentis (logement, nourriture, instruction).

M, JBROCHETON, inspecteur des enfants assistés du départe- ment de Loir-et-Cher, surveillance zélée des enfants placés en apprentissage.

M. DUPONT, inspecteur du travail des enfants dans le dépar- tement du Nord, zèle soutenu.

M'"' V0R3IS, institutrice à Roihau, auxiliaire zélée des écoles de JDI. Steinheihl.

M"^ MARÉCHAL, institutrice à Rothau, auxiliaire zélée des écoles de 3IM. Steinheiil.

M. VILLAY, instituteur à Hautmont, soins donnés à l'instruc- tion des apprentis dans des écoles spéciales.

M. HERAUD, inspecteur des enfants assistés, surveillance zélée des enfants placés en apprentissage (Isère).

3L DUCHEMIX, inspecteur des enfants assistés, surveillance zélée des enfants placés en apprentissage (Meuse).

M. ESTELLE, chargé de l'inspection des enfants dans les manufactures, Mazamet (Tarn). Grand dévouement, sacrifices personnels, persévérance.

M. FALC, inspecteur des enfants assistés, surveillance zélée des enfants placés en apprentissage (Tarn).

Il serait difticile de terminer ce rapport et de déposer les do- cuments variés qu'il a fallu parcourir, sans se demander s'il ne sort pas, des faits produits et des expériences tentées par tant d'industriels, quelques conséquences pratiques qu'il serait bon de mettre en lumière et de soumettre ainsi à l'examen attentif des amis de l'enfance.

Tous les industriels sérieux et qui désirent former de bons et sains ouvriers parais^ent s'accorder pour ne commencer

312

l'apprentissage qu'à l'âge de 12 à 13 ans, et ils n'admettent que des entants ayant reçu l'instruction primaire et religieuse, celte dernière attestée par la communion dans les cultes chrétiens.

Tous s'accordent également pour reconnaître que, môme avec ce préliminaire, la direction morale et l'instruction doivent être prolongées jusqu'à la complète adolescence à l'aide de combi- naisons diverses, mais conciliant le travail avec la direction éducationnelle.

Ne fauî-il pas de ces deux faits tirer la conséquence <jue si, avant cette treizième année, le travail de l'enfant peut être utile comme agent mécanique souple et intelligent dans certaines indus- tries et profiter à la fomille par le gain qu'il procure, ce travail ne constitue pourtant pas un apprentissage réel et complet, et que ces avantages temporaires ne s'obtiendraient qu'au détriment de l'enfant, si de très- sages et de très-prévoyantes précautions n'étaient prises pour atténuer les inconvénients attachés à ce labeur prématuré?

Cette conséquence ne ressort d'aucune idée préconçue et abstraite : ce sont les faits révélés par les industriels et par leur expérience, qui en posant les prémisses l'ont produite naturelle- ment et la recommandent aux méditations du manufacturier comme à celles du législateur.

S. MlG.NliRET,

L'un des Vice-Présicknts de la Sucielé. Paris, 27 octobre 1S67.

Des exemplaires du magnifique ouvrage sur les œuvres pa- tronnées par S. M. l'Impératrice ont été attribués par le conseil comme souvenir de la séance du 27 octobre :

A M'"^ la baronne de Ladoucette, fondatrice de l'ordre géné- ral des patronages de filles, dirigés soit par des laïques, soit par des dames congréganistes, et pour le plus grand nombre par des sœurs de Saint- Vincent-de-Paul;

A M. le vicomte de Melun , fondateur de l'œuvre des patro- nages de garçons tenus par les frères de la Doctrine chrétienne ;

A M. Baudon, président de l'œuvre générale des patronages de garçons fondés et entretenus à Paris par les conférences de Saint-Vincent-de-Paul ;

-Md

Au Révérend Père Hyacinthe, qui, le 30 juin dernier, a bien voulu, à la demande du Conseil de la Société, faire une confé- rence à l'église paroissiale Saint-Eustache sur les devoirs de l'industrie envers l'enfance;

A M. Marguerin, directeur de l'école Turgot, fondateur de la Société amicale des anciens élèves de cette école, qui a mis ses élèves à la disposition du conseil;

A M. le baron do Triquctti, dont le concours est assuré à toutes les œuvres protestantes en faveur des apprentis ;

Au grand rabbin Isidor, comme représentant des œuvres Israélites pour les enfants de l'industrie.

Le Conseil a décidé que des médailles commémoratives de la séance solennelle seraient données au nom de la Société à ses protecteur^, aux membres des commissions de récompenses, aux membres de la commission spéciale de la fête et à tous ceux qui ont, à un titre quelconque, coopéré au succès de la solennité du 27 octobre.

En conséquence, 31. le sénateur Dumas, président, a remis des médailles de la Société à S. G. M»?" l'archevêque de Paris, à S. Exe. M. de Forcade la Roquette, président d'hon- neur ; à S. Exe. M. Duruy, à S. Exe. le maréchal Vaillant, à M. le marquis de la Valette, à 31. le sénateur préfet de la Seine, à 31. le préfet de police ; à 3I3I. de Boureuille, 3îigneret, de Caux, Ch. Robert, de 3Ielun, Berthier, Bontemps, Delalain, Carcenac, 3Iaillard, Rouvenat, Hayem (Julien), Alpliand, Al- drophe, Baude, Bérard, Bucquet, Dalloz, Delérot, Durangel, Focillon, Gréard, Herv^-Mangon, Pasdeloup, Arnoult-Thénard, Willamson, Chauchat; à 30I. le conseiller d'Etat Leplay, R.-P. Etienne, F. Philippe, Julien, l'abbé de Cuttoli, le baron de Saiut-Aruault, Damas-Hinard, l'abbé Duquesnay, D'' 31arjolin, le président du syndical du chemin de fer de Ceinture, le pré- sident de la Compagnie des omnibus, le président du Cercle des étudiants, le président du Cercle des jeunes ouvriers, le président de la Société des anciens élèves de l'école Turgot, Albert Cohn, de Triquetti, Alphonse d'Aunay, 3Iillaud, Revillon (Tony), Sauvestre, Derriey, Jacquin, 3Ienier, Vaury, Hayem père, Cartier, Bressou fds, Castellino, Dutfoy, Groult, Lemaire, Pamar, Pau- lus, Barillet-Deschamps, de Clermont, 3Iay, Léon Riche.

- 314 SÉANCE DU 12 DÉCEMBRE

ALLOCUTION DO M MIGNERET

PROJET DE FONDATION DE PENSIONS D APPRENTIS A PARIS.

Au moment de clore la séance du 12 décembre, qui terminait a première année d'existence de la Société, le président, M. Mi- gnerct, qui présidait en l'absence de M. le sénateur Dumas, a été naturellement amené à jeter un coup d'œil rétro- spectif sur les résultats obtenus dans un si court espace de temps, et il a rappelé, avec quelques détails, les divers actes accomplis sous la seule, mais puissante, influence de la per- suasion et de l'exemple. Du passé à l'avenir, la transition était facile et l'espérance d'un succès plus grand encore s'ouvre avec l'année 1868. Le bureau est préoccupé de plusieurs projets dont le président a entretenu l'assemblée. Dans l'impossibilité de pouvoir reproduire cette allocution entièrement improvisée, nous essayons, néanmoins, de. résumer la partie consacrée aux maisons d'apprentis :

I. Le contrat d'apprentissage est la convention par laquelle un maître s'engage à enseigner, dans un temps déterminé, à un adolescent l'art, le métier ou la profession qu'il exerce lui-mêmt;.

L'apprenti doit, de son côté, fidélité, obéissance, assistance et travail, dans la mesure de ses forces et de son aptitude, pendant toute la durée de l'apprentissage.

Ordinairement, l'apprenti était logé et nourri par le maître qui remplaçait ainsi le père de famille. Cet usage tend à dis- paraître, à Paris surtout; mais, que l'apprenti soit logé ou non, il s'établit du maître à l'enfant des rapports si continus, si intimes , que la constitution naturelle et morale de celui-ci reçoit nécessairement une forte modification par suite des soins assidus ou des négligences, ainsi que des impressions bonnes ou mauvaises de son apprentissage.

Aussi la loi a réglé avec soin les obligations du maître dans le but d'assurer l'instruction civile et religieuse aussi bien que la santé et la moralité de l'apprenti. (Loi du 4 mai 18ol.)

Mais cette sollicitude même du législateur a produit un effet

- - 3lo

très-iâcheux. La législation permettant de recevoir les enfants dans les manufactures sans imposer aux manufacturiers des obligations aussi rigoureuses, et la condition de renvoi par K? maître et de sortie par l'ouvrier restant tout à la dis- crétion des intéressés, dans certaines manufactures on tend à ne plus faire de contrat d'apprentissage. L'enfant, est admis sur-le-champ comme ouvrier, peu payé, mais payé, et dès lors on ne lui doit rien que le salaire convenu. Il apprend comme il peut le métier, et nulle responsabilité à cet égai-u ne pèse sur la maison qui l'occupe.

C'est certainement un mal sérieux, un mal moral; car l'enfant est privé de la sollicitude paternelle que le contrat d'apprentissage imposait au maître; un mal industriel, caries ouvriers ainsi for- més ne savent qu'imparfaitement la théorie de leur profession. Pour y remédier, on a tenté beaucoup d'essais ; on étudie même en ce moment une loi qui. organisant l'enseignement technique, doterait chaque profession d'une école profession- nelle où l'enfant apprendrait un art, un métier, et pourrait aii>si entrer comme ouvrier formé dans la vie industrielle.

Des institutions existent même et s'efforcent de réaliser ce problème.

Le succès de cette entreprise est mis en doute par beaucoup de personnes, qui soutiennent que sans le travail de l'atelier on ne formera jamais un ouvrier pratique et se suffisant à lui- même. On ajoute, au point de vue moral, que les écoles pitîfes- sionnelles ou autres tiennent trop longtemps l'enfant dans une tutelle d'esprit qui arrête le développement de saconcience per- sonnelle, qu'il s'y habitue trop à vivre sous l'œil d'un maître, ne se dirige point par lui-même et entre ainsi dans la vie mal pré- paré à la liberté et à l'absence de direction que comporte le monde. Oiseau nourri en cage, il lui manque l'aptitude pour vivre sans en être étourdi dans l'air et dans l'espace qui s'ouvre de-t-ant lui; il ne sait ni se diriger ni se nourrir.

Ces difficultés ne sont pourtant pas insolubles, et lesprit in- génieux des israéhtes de Strasbourg a trouvé moyen de les résoudre heureusement dans la pratique par l'institution con- nue sous le nom d'École des arts et métiers {[).

(1) Voir le Bulletin de la Société de protection des Apprentis, numéro 2, page 86.

3i0

Grâce à cette organisation, l'apprentissage réel chez le maître est conservé;

La surveillance morale et hygiénique i^escrite par la loi est exercée ;

L'instruction civile et religieuse est continuée jusqu'à la fin de l'apprentissage;

Le jeune ouvrier n'éprouve aucun trouble quand l'apprentis- sage finit, et s'il quitte la maison, c'est avec une expérience complète de la vie de l'atelier.

IL N'est-il pas à désirer que des institutions aussi utiles, répondant aussi bien aux besoins du moment, s'organisent à Paris? Les apprentis y sont plus nombreux, moins surveillés et plus exposés qu'ailleurs ; le bien qu'y feraient de semblables maisons serait en proportion du mal existant.

Le vouloir c'est le pouvoir, car, en France, on peut tout ce (|u'on veut bien en matière de bienfaisance et de générosité.

L'organisation, d'ailleurs, n'est pascompliquée :

Quelques hoinmos dévoués, constitués en commission admi- nistrative et consacrant une portion de leur temps et de leur inteUigence à la direction de l'œuvre;

Un directeur ayant sous ses ordres un personnel très-res- treint.

Une maison pouvant fournir les locaux nécessaires : un réfec- toire, une salL' d'étude, un dortoir 'et les cuisines.

Voilà les exigences de la fondation.

On n'a ici à craindre ni tâtonnements ni expériences inutiles; il suffit d'imiter, à de très-légères modifications près, l'organi- sation qui réussit admir&.blement dans les deux villes que nous avons citées, et ce qui commence à Paris pour les israélites delà capitale, rue des Singes, et pour les enfants des autres commu- nions, rue des Fontaines, n" 5. (Maison de Tutelle fondée par M. Piver pour vingt apprentis. )

L'organisation de ces maisons pourrait être celle-ci ;

Admission. Les enfants seraient admis à l'âge ordinaire de l'apprentissage utile et sérieux, c'est-à-dire nprès leur pre- mière communion , et à douze ans révolus ou près de l'être.

Ils devraient posséder les éléments de l'instruction primaire : lecture, écriture, calcul.

ai7

N'être atteints d'aucune intlrmité ou maladies incompatibles avec le but de l'institution.

3IÉTIER, Les parents indiquent et choisissent le métier, l'art ou la profession parmi ceux que le conseil d'administra- tion aura admis comme pouvant être appris par les élèves.

Contrat d'Apprentissage. Le contrat, d'apprentissage est souscrit par les parents ou tuteurs et le maître, ainsi que par la commission administrative de la maison à laquelle est délégué le soin den surveiller et d'en assurer l'exécution.

Régime. L'apprenti est logé, nourri et vêtu dans la mai- son, il se rend exactement chez son maître et revient aux heures réglementaires prendre ses repas ou son repas.

Régime intérieur. L'apprenti est instruit et perfectionné par une classe du soir dans l'écriture, le calcul, le dessin et le chant.

Le dimanche, il assiste à l'olBce religieux de la paroisse et reçoit à la maison une instruction religieuse et morale, ainsi qu'un enseignement élémentaire sur les sciences physiques et mécaniques appliquées.

Le reste de la journée est affecté aux visites reçues et aux sorties, ainsi qu'aux exercices de récréation et aux promenades.

Dl'rée du séjour. Elle est égale à la durée de l'apprtntis- tissage, finit et commence avec lui. La maison n'admet aucun ouvrier après l'apprentissage terminé (1).

Récompenses. Chaque année, àla suite d'un concours (2) les apprentis exposent leurs travaux personnels (écriture, dessin, objets fabriqués dans l'exercice de leur profession) , des récom- penses consistant en livrets de la caisse d'épargne, livres, outils, mentions et médailles leur sont délivrées.

L'apprenti qui a terminé son apprentissage à la satisfaction de son maître et de la Société reçoit un certificat délivré par le président du conseil au nom du conseil d'administration.

(1) Des fondations spéciales existent pour les jeunes ouvriers : boulevard Montparnasse, au Cercle des ouvriers, M. le Maignen, directeur ; rue des Krancs-Bourgeois, au Marais, comme annexe de la maison des Frères; rue lie Charonne, 100. pour l&s ouvriers protestants.

^2) Ces concours sont indépendants de ceux qui s'établissent pour chaque groupe industrie! par les soins des sociétés d'assistance paternelle.

318

I[I. Les moyens financiers d'exécution seraient fournis par une souscription à laquelle on appellerait à concourir tous ceux qui s'intéressent au progrès moral et technique de l'industrie française. C'est ainsi qu'on a procédé à Strasbourg, et l'œuvre n'a cessé de grandir. La ville, le département du Bas-Rhin se sont inscrits au nombre des souscripteurs. L'État, qui possède à son budget un crédit de 450,000 francs pour les encouragements à l'instruction technique, la ville de Paris, la chambre de com- merce, les chambres syndicales, ne se montreraient pas moins généreux que les départements du Haut et du Bas-Rhin, et les industriels de Paris suivraient sans doute l'exemple des ii^raé- lites, bien moins riches, bien moins nombreux, de l'Alsace.

Cette institution, en recueillant tous les avantages de l'appren- tissage extérieur, en conservant aux industriels l'usage si im- portant des forceset des aptitudes spéciales del'enfant, en donnant à celui-ci les garanties morales et hygiéniques des internats, écarterait les inconvénients qn'on peut reprocher à chacun des deux modes exclusifs; purement civile dans son administration comme dans son caractère, mais appuyée sur la religion et la morale, elle serait autant qu'il est possible la continuation pour l'enfant de l'autorité paternelle telle qu'elle s'exerce daiis une famille bien réglée.

L'expérience déjà faite permet d'espérer la création et le succès d'un semblable établissement. ..,.-.

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RAPPORT

SUR LA SITUATIOxN DE L'ENFANT DANS LES FABRIQUES DE CHALES

Pai M. Maillard, fabricant de châles, membre du Conseil de la Société.

La fabrication des châles brochés a quatre centres qui sont : Paris, Lyon, Nîmes et la Picardie (département de l'Aisne).

319

Paris compte environ 300 métiers.

Lyon l,oOO

Nîmes 800

La Picardie ^2,o00

I

Ensemble 5,100 métiers.

Chaque métier occu|>e un ouvrier tisseur et un enfant, appelé lanceur.

Par les chiffres ci-dessus, il est facile de voir que c'est sur- tout en Picardie que se centralise la fabrication des châles; cette fabrication tend même à s'y accroître chaque année en absorbant celle de Paris, qui est appelée à disjiaraître dans un temps donné, la position faite aux ouvrière de cette ville par les loyers élevés et les exig^-nces de la vie quotidienne ne leur i>ennettant pas de travailler aux conditions obtenues en Picardie, conditions forcément recherchées afin de pouvoir établir des prix de revient en rapport avec les nécessités de la vente.

Les centres qui méritent d'être étudiés dans leur applicaiion sont donc : Lyon, Nîmes et la Picardie.

On peut estimer à environ 1 ,oOO le nombre des enfants de 9 à 17 ans occupés à Lyon dans l'industrie des châles en temps ordinaire. Ce nombre doit se réduire à 700 ou 800 eu temps de chômage. Certains de ces enfants passent le temps de chômage à fréquenter les écoles gratuites établies en très-grand nombre, d'autres à diverses occupations dans la ville, ou aux travaux agricoles.

Il n'existe à Lyon aucune grande manufacture de châles ; le travail est réparti entre 600 ateliers environ. Le matériel de chacun de ces ateliers appartient à un maître, qui occupe sous sa respousabihté des ouvriers et des enfants.

Les enfants employés dans le châle se divisent en deux caté- gories, les lanceurs et les apprentis.

Les lanceurs sont de deux sortes : ceux payés à la journée et qui gagnent 1 fr. 2o c, et de plus ont e bouillon deux fois par jour; ceux payés au mois et qui reçoivent 3 ou 6 fr. Ces derniers sont nourris, logés et blanchis.

Les apprentis s'engagent par un contrat et pour 4 ans. Ils sont nourris, logés, blanchis, et peuvent gagner 6 francs par semaine à partir de la seconde année d'apprentissage.

23

820

Les lanceurs ont de 9 à 14 ans, les apprentis de 14 à 18;

Les lanceurs au mois et les apprentis sont nourris comme le chef d'atelier ; cette nourriture est suffisante.

La journée de travail commence à o heures du matin et se termine avec le jour en été; elle est de 7 heures du matin à 9 heures du soir en hi\'ef.

A 8 heures du matin a lieu le premier repas, dont la durée est d'une demi-heure; à 1 heure le dîner jusqu'à 2 heures; le souper à la fin de la journée.

Les soins de propreté, l'hygiène de l'extérieur laissent à dé- sirer, sans pourtant que les logements soient insalubres. Les châtiments corporels sont sévèrement défendus ; l'enfant frappé peut, de suite, quitter; l'atelier l'apprenti à qui l'on infligerait le même traitement peut faire résilier son engagement de plein droit sans payer d'indemnité. Sauf ce cas, le lanceur qui veut quitter son patron ou le chef d'atelier qui veut renvoyer son lanceur sont mutuellement tenus de se prévenir huit jours à l'avance.

Quelques apprentis et quelques enfants de chefs d'ateliers pro- fitent des écoles d'adultes pendant les mois d'été.

Les enfants de Lyon apprennent ordinairement à lire et à écrire avant de commencer à travailler ; ils lancent à partir de 9 ans, puis retournent aux écoles quelques mois avant la pre- mière communion, qu'ils font à 12 ans. Ceux venus de la cam- pagne n'ont pour instruction que celle reçue avant leur arrivée dans la ville. En résumé :

En admettant l,oOO enfants occupés dans le châle à Lyon,

300 environ reçoivent l'instruction primaire supérieure, 700 lisent, écrivent et comptent passaijlement, 2oO lisent et écrivent médiocrement, 2o0 sont à peu près complètement cîépoui'vus d'instruction,

Les lanceurs et apprentis ne sont tenus à aucun travail, le di- manche, autre que celui de mettre les niétiers et l'atelier en bon état; cette besogne se termine avant le déjeuner.

Le chef d'atelier envoie à la messe les lanceurs et les apprentis qu'il loge; les lanceurs payés à la journée rentrent dans leur famille et ne sont plus sous la surveillance de leur patron.

3-21

La première cûinniuiiiou est regardée coiunie un des actes indispensables de la vie, et le chef d'atelier s'arrange pour ([ue les entants qu'il occupe suivent le catéchisme pendant les six. mois qui précèdent cet acte important. Quand l'enfant a fait sa première communion, il est à peu près libre d'aller ou de ne pas aller à la messe; le chef d'atelier insiste moins qu'aupara- vant sur l'accomplissement des devoirs relii'ieux, mais il ne supporte pas que, dans l'atelier, la religion soit tournée en ri- dicule. Cette observance salutaire empêche, dans une certaine mesure, les chants et les conversations obscènes qui flétrissent trop souvent l'enfant dans les grandes manufactures. Le fond de l'éducation donnée par cette organisation est plutôt moral que religieux. La probité est regardée comme la première des vertus.

Nimes compte environ 800 enfants occupés dans la fabrica- tion des ciiàles; l'organisation des ateliers y est dans les mêmes conditions qu'à Lyon, et cepeudant les salaires y sont moins élevés et les enfants des chefs d'ateliers en proportion plus grande.

La Picardie (département de l'Aisne) a 2o fabriques dont huit importantes, c'est-à-dire ayant plus de 100 métiers. Ces fabri- ques ont leur organisation centrale dans diverses communes, mais leurs métiers sont répartis de tous côtés, ce ([ui constitue , comme à Lyon et à Nimes, le travail au domicile de l'ouvrier, avec cette diflerence cependant que le métier appartient au fa- bricant Cette situation n'en constitue pas moins une indépen- dance assez grande entre le maître et l'ouvrier, et fait que ce dernier a l'entière direction de l'enfant qu'il occupe.

Le nombre d'enfants employés en Picardie par l'industrie des châles est d'environ 2;o00; ce nombre doit être réduit d'un tiers en temps de chômage.

Il n'y a point de conditions d'apprentissage; l'enfant lanceur, géiiéralement fils ou iille d'ouvrier, est payé aussitôt qu'il est occupé en cette (jualité, puis il devient lui-même ouvrier lors- qu'il atteint l'âge de 17 à 18 ans; c'est donc en étant lanceur et salarié (juil fait son apprentissage. La quotité des salaires varie de 3 francs à 7 fr. oO par semaine ; il est d'usage d'ajou- ter à ce salaire quelque peu de nourriture journalière et de coucher les enfants.

Les engagements entre ouvriers et lanceurs peuvent , comiiuî

I

3^

.laiis les autres centres, so ioînui'e en accordant huit jours de part et d'autre.

Le repos du dimanche est à- peine d'une demi-journée, les métiers fonctionnant pres'^ue toujours jusqu'à midi et l'enfant devant alors les remettre en ordre, travail qui l'occupe jusqu'à deux heures.

Les conditions hygiéniques sont généralement mauvaises, à cause de l'insalubrité des locaux [{) et de l'insuffisance de la nourriture.

L'instruction primaire, l'enseignement religieux sont nuls; à peine envoie-t-on les enfants au catéchisme et aux offices du dimanche quelques mois avant la première communion. Il n'est pas rare de rencontrer bon nombre d'enfants, se présentant pour accomplir cet acte solennel, ne sachant pas la [)lus petite prière.

Dans chaque localité (ville ou commune) il existe des écoles primaires, mais elles sont peu fréquentées par les enfants, que les parents préfèrent garder pour les faire travailler, puis parce (jue, si petite que soit la somme à payer^ elle est souvent au- dessus des moyens du père de famille qui, absorbé par les be- soins de la vie matérielle, ne comprend pas la nécessité du bien- être de son enfant par l'instruction.

Tout ce que j'ai l'honneur de vous dire ici vous montre la vie matérielle de l'enfantet de l'apprenti dans ses exigeances impé- rieuses, sinon entièrement satisfaisante, du moins acceptable, dans cei'tains centres, ieh que Lyon et Nimes, mais laissant beau- coup à désirer pour la Picardie. Le manque de lumières en est peut-être la principale cause, et c'est en introduisant l'instruction dans ce pays que nécessairement on arrivera à cette amélioration si désirable pour le bien-être de ces enfants qui, privés de son secours, laissent s'engourdir en eux cette intelligence ignorée (|u'un premier tïffort fait éclore et que le temps développe pour aider au bien-être social.

Ce bien-être social, recherche incessante de ceux qu'anime l'amour de l'humanité, ne se trouve que dans le développe- ment des facultés données à l'homme, résultat qui ne peut être atteint que par l'instruction. Sans doute ses degrés sont divers,

(1) Ne pourrait-on sans bnisquoi-ie, sans trjcasserie, nscM^ de la loi sur les logements insalubres?

8-23

mais taire bien, puis faire mieux, doit être le désir d'une âme généreuse.

Le commencement en chaque chose est presque tou- jours de la plus grande difficulté : est-ce à dire qu'il doit dé- courager? Non! Il doit au contraire inspirer ces moyens salu- taires qui peuvent arriver, dans un temps déterminé, au but proposé.

Plein de cet esprit, je dis qu'il faut tenter d'établir ces ins- titutions qui, quoique modestes d'abord, doivent triompher des obstacles, et qu'en y faisant participer indirectement l'ouvrier intéressé, par l'espérance même d'obtenii* partie du bénéfice qu'il comptait tirer du travail de son enfâttt, ce serait peut-être un des meilleurs moyens.

11 faut donc créer dans les divers centres sont établies les fabriques un ordre de récompenses pécuniaires, données par les patrons aux enfants qui fréquenteront la classe et dont l'assi- duité, le zèle et la moralité auront été constatés par le maire, le curé et le directeur de l'école primaire.

Chef d'un des établissements existant dans la commune de Grougis (Aisne), je serais heureux d'y déterminer la création complète de ce que j'indique ici, et mon but sera atteint si avec le succès, dans les limites du possible, j'entraîne par mou exemple ceux de mes confrères que des sentiments de charité guideront dans cette voie, une de celles que je crois favorables pour arriver au noble but proposé : la protection de l'enfant.

Le secrétaire a reçu, depuis la séance du 12 décembre, la lettre suivante de M. Maillard :

« Je suis heureux d'avoir à vous annoncer que, depuis ma Lettre à mes ouvriers, si obligeamment insérée au Bulletin n°4 de notre Société, une entente est survenue entre l'administration de la commune de Grougis et moi , et que, par un engagement dont j'ai fixé la durée à dix années, l'enseignement gratuit restreint d'abord , est aujourd'hui établi complet et sans réserve. Le chauffage, l'éclairage des classes, la fourniture des livres et des cahiers sont également donnés gratuitement à tous les enfants de la commune, dont le nombre en âge de suivre les classes est de 3150, divisé comme suit :

170 garçons, 180 iîlles. De plus, des cours toujours dans- i^s mêmes conditions, pour les adultes, liomnies et femmes, fouc- to;ment depuis le 2 novembre.

» Puis un asile pour les petits entants de 3 à G ans est ins- tallé à l'école des iîlles, sous la surveillance de la sœur de l'ins- titutrice.

» En résumé, la commune de Grougis possède :

» 1" Écoles tous les jours pour les enfants des deux sexes au-dessous de 13 ans ;

» Cours tous les soirs, de 7 heures à 9 heures, pour les adultes, hommes et femmes, au-dessus de 13 ans.

)> Ces cours pendant les cinq mois d'hiver. ) 3' Asile pour les petits enfants de 3 à 6 ans, afin de venir en aide aux mères dans leur travail quotidien .

» Pour encourager et récompenser les enfants de ma ialn'ique dont la bonne conduite et l'assiduité m'auraient été signalées, je leur distribuerai chaque année des primes en argent, ainsi que l'indique ma lettre du 7 septembre, h

DE L'Ai^PRENTISSAGE DANS LES COMPAGNIES DE CHEMINS DE FEH.

Par 31. H. Mathieu,

L'apprentissage dans les Compagnies de choaiins de fer date à peu près de leur création; il remonte par conséquent à l'an- née 1836, époque de l'ouverture à l'exploitation des chemins de Saint-Germain et de Versailles (R, D,).

Mais, à cette date^ les ateliers des Compagnies a\ aient trop peu d'importance pour qu'on songeât à s'occuper de l'apprentissage auti'ement que comme placement des enfants des ouvriers et employés des Compagnies.

D'ailleurs, les travaux exécutés dans les ateliers de réparation des chemins de fer ont été pendant longtemps très-limités, le personnel y était peu nombreux ; en sorte que les Compagnies ont trouvé, comme plusieurs d'entre elles le trouvent encore au- jourd'hui, avantage à recruter leurs ouvriers au dehors.

3-2:.

Si Tapprentissage a existé de tout temps dans les chemins do tir, on peut dire, d'un autre côté, qu'il n'a pas encore été or- ganisé d'une manière complète.

Les causes en ont toujours été les mêmes : peu de variété et irrégularité dans l'importance des travaux à exécuter. . Cependant, à mesure que le réseau augmente, que le matériel s'accroît, le chiffre des ouvriers va croissant aussi : par suite également s'accroît le nombre des enfants apprentis.

C'est vers l'année 1849 qu'il taul remonter pour trouver les germes d'une organisation de l'apprentissage. C'est en effet à cette époque que commence le grand développement des che- mins de fer dans notre pays. A partir de cette date, on s'occupe d'instruire les apprentis en dehors des heures de travail.

Dans quelques Compagnies, on leur fait suivre des cours spé- ciaux, dans d'autres on leur fait suivre les cours de l'enseigne- ment primaire, soit à l'école communale, soit chez les frères de la Doctrine chrétienne. On les encourage dans cette voie, sans cependant les y contraindre, par des récompenses données aux plus méritants, après examens, à la lin de l'année scolaire. Ainsi nous pouvons citer une Compagnie qui, chaque année, donne comme prix aux apprentis qui se sont fait remarquer par leur bon travail des livrets à la caisse d'épargne d'une valeur de 2o à 40 francs, et une autre qui, chaque année, consacre une cer- taine somme à récompenser les meilleurs de ses apprentis.

Les corps d'états que les Compagnies de chemins de fer em- ploient dans leurs ateliers comprennent: les forgerons, ajusteurs, monteurs, chaudronniers, peintres, selliere, menuisiers. Ceux les apprentis sont les plus nombreux sont : les ajusteurs, les chaudronniers, puis viennent les monteurs et les peintres.

Le nombre des apprentis est très-variable d'une Compagnie à l'autre ; mais, en général, chaque grand atelier central composé de oOO à 800 ouvriers n'en possède pas plus de 20 à 30 : c'est donc environ le vingt-cinquième, et c'est tout au plus si tous les ateliers centraux des Compagnies peuvent, réunis, présenter un effectif de ioO à 180 apprentis.

Les Compagnies de chemins de fer n'ont aucun contrat avec les apprentis; ceux-ci sont considérés comme ouvriers et soumis comme eux à toutes les règles de l'atelier.

Les apprentis sont pris parmi les tils d'ouvriers ou d'employés des Compagnies; quelques-uns seulement sont acceptés du dehors.

326

Dans presque toutes les Compagnies, l'apprentissage commence entre 12 et 44 ans; il dure 4 et ."> ans, en sorte que, entre 16 et 48 ans, l'apprenti devient ouvrier. Le premier salaire de l'ap- prenti est en général de 50 centimes par jour. Ce salaire va croissant à mesure que l'apprenti se développe, et il atteint 2 francs à 2 fr. SO c. au bout de quatre et cinq ans. /

A l'atelier, les heures de travail des apprentis sont les mêmes que celles des ouvriers; ils y entrent et en sortent en même temps qu'eux.

L'entrée a lieu à 6 heures du matin, la sortie à 5 heures du soir. Il y a dans l'intervalle une heure consacrée au repas; elle est prise ordinairement entre 11 heures et midi ; la durée effec- tive du travail est donc de dix heures.

C'est après ce temps que les apprentis vont suivre, en géné- ral au dehors, les cours d'adultes. Ces cours durent quelque ibis deux heures, de 7 heures à 9 heures du soir. N'est-ce pas, après une journée de fatigue, trop exiger d'apprentis dont beaucoup ne sont encore que des enfants? Ne vaudrait-il pas mieux prendre ces deux heures sur celles passées à l'atelier, comme cela se fait dans les arsenaux de la marine?

Les cours que les apprentis suivent comportent : la lecture, l'écriture, la grammaire, l'arithmétique, quelquefois les éléments de la géométrie et le dessin linéaire.

Ce programme est très-simple, on peut même affirmer qu'il est insuffisant. A une épwque l'instruction primaire se ré- pand largement, de telle façon que dans peu de temps, il faut l'espérer, tout enfant de 14 à 15 ans devra savoir, grâce à la sollicitude du Gouvernement, toutes les matières du programme que nous venons d'indiquer, on doit reconnaître qu'il y a lieu de songer à faire davantage.

L'instruction à donner à l'apprenti doit être la connaissance des principes de ses travaux habituels, alin qu'il les exécute avec toute l'habileté possible. Au dessin linéaire, aux notions d'a- rithmétique et à la géométrie, il convient donc d'ajouter des notions de physique, de chimie et de mécanique.

Il est également indispensable de lui faire quelques leçons sur la construction et les propriétés diverses des machines mo- trices et des machine»-uutiJs au milieu desquelles il vit; enfin il doit connaître les diverses propriétés des métaux usuels.

3-27

Voilà, il nous semble, un programme facile à réaliser, et i doit être la suite régulière de i'instiiiction primaire.

Les établissements particuliers sont entrés dans cette voie.

Parmi ceux dont le travail est le plus semblable à celui exé- cuté dans les ateliers de chemins de fer, nous citerons l'usine de Graffenstaden et les forges du Creuzot.

Dans l'établissement du Creuzot, qui est, il est vrai, dans des conditions particulières, puisque toute la |K>pnlation vit de l'industrie qui s'y développe, l'éducation des enfants commence à sept ou huit ans et est poursuivie jusqu'à 14 ans ; c'est à ce moment qu'ils entrent à l'atelier. Ils ont reçu dans cette pre- mière période de temps une instruction primaire très-coraplèt«, et loi"sque ensuite ils sont à l'atelier, ils suivent des cours spéciaux dans lesquels on leur enseigne des principes de phy- sique, de chimie et de mécanique, et on leur démontre les propriétés principales des outils et machines dont ils se servent et qui les entourent.

Dans cet établissement l'instruction jw-imaire est très-déve- loppée, car dans le programme des dernières années fi- gurent des éléments de chimie, de physique, etc. Comme ces matières ne sont pas enseignées dans l'instruction primaire communale, il est indispensable de les comprendre dans le plan d'enseignement à donner aux apprentis.

Ne pourrait-on pas tenter quelque chose d'analogue dans les ateliers de chemins de fer ?

Si l'apprenti ne reste pas à l'atelier, s'il monte sur les loco- motives pour devenir machiniste, et c'est l'aspiration d'un grand nombre, les connaissances qu'il aura acquises lui devien- dront très -utiles. Si, son appi-entissage terminé, il quitte quelques années la Compagnie }>oin* aller ailleurs compléter son expérience industrielle, il reviendra plus tard après avoir fait, non plus son tour de France, mais son tour d'Europe, avec un bagage d'idées qui élèveront d'autant la profession. S'il ne revient pas latelier il a reçu son éducation première, qu'importe ? D'autres prendront sa place, et si partout l'instruction est en honneur, l'habileté sera semblable. Il se fait dans l'ensemble de chaque profession un vaste et inévitable roulement économique qui ne doit pas préoccuper les industriels; ki seule précaution impor- tante et essentielle, c'est de faire naître à tous les points de fe France des ouvriers instruits dans leur métier.

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Nous ne devons pas accepter, ce que nombre de personnes prétendent encore, que l'instruction pratique seule suffit à l'ou- vrier. C'est une idée qui, du reste, perd de plus en plus ses partisans; l'évidence des faits qui la combattent devenant chaque jour plus irréfutable.

D'un autre côté, quand les masses auront reçu, à côté de l'instruction primaire indispensable à tous, une certaine instruc- tion professionnelle appropriée à chaque corps de métier, les jeunes gens ayant reçu une éducation classique, devenus bache- liers et qui se disent aujourd'hui déclassés parce qu'ils sont obligés d'accepter en commençant d'humbles emplois dans les Compagnies industrielles, trouveront entre eux et l'artisan une moins grande différence de connaissances, et par conséquent se plairont mieux dans leur situation.

Le personnel des chemins de fer français s'élève aujourd'hui à environ 120,000 individus; dans ce nombre, on en peut conqjter environ 40,000 auxquels l'instruction technique ne doit pas être étrangère. Si les Compagnies de chemins de fer ne peuvent la donner, ne peuvent-elles du moins indiquer la voie à suivre?

Il est certain que cette organisation de l'apprentissage, la création des cours pour les apprentis d'abord, pour les ouvriers de bonne volonté ensuite, ne sont pas encore dans les habi- tudes. Mais n'y a-t-il pas un devoir cjui s'impose, et ((ue les compagnies, avec toutes les ressources intellectuelles et matérielles qu'ehes possèdent, doivent accepter? L'ignorance qui existe au fond de la nation française est trop grande pour que chacun, en présence surtout de la supériorité de plusieurs des nations (jui nous entourent, ne cherche pas à élever par l'instruction le niveau intellectuel du pays. Les chemins de fer, comme toutes les grandes industries, doivent apporter leur contingent à ce grand et vital progrès; ajoutons, comme nous l'avons déjà dit, qu'elles ont tout sous la main pour le faire avec succès. Rassurons-nous et espérons : elles s'en occupent !

D'ailleurs, ici comme en toutes choses, il faut procéder par degrés, commencer d'abord l'éducation de l'apprenti ; plus tard viendra celle des ouvriers de bonne volonté.

En résumé, le programme qu'on pourrait adopter consiste- rait :

Pour les apprentis qui n'ont pas reçu d'instruction primaii'c,

329

leur faire suivre ces cours à l'école communale ou chez les frères, et les y encourager par des récompenses doiniées aux plus méritants, à la suite d'examens tant sur les travaux de l'école que sur ceux de l'atelier.

"2' Pour les apprentis qui ont reçu l'instruction primaire, leur taire suivre des cours spéciaux faits par des employés ou ingé- nieurs de la Compagnie.

Diviser ces cours en trois ou quatre classes de force différente, de manière que les apprentis en retard, ou les nxoins intelîi- yents, puissent toujours suivre des cours à leur portée.

Ces cours comprendraient, comme nous l'avons dit :

L'arithmétique, la géométrie, le dessin linéaire et le dessin des machines, les éléments de physique, de chimie et de méca- nique ; la description des machines à vapeur et des principaux moteurs ; celle des machines-outils au milieu desquelles l'ap- prenti vit. Viendrait ensuite l'examen des diverses propriétés des métaux, alliages et bois employés dans le matériel des che- mins de fer. Quelques leçons sur la comptabilité des ateliers, l'établissement des prix de revient termineraient les coui*s.

Cet ensemble devrait être complété par la fondation d'une bibliothèque où, à côté des livres de sciences, se trouveraient des livres choisis traitant de l'histoire, de l'économie politique, des voyages, etc., et qui seraient mis à la disposition des ap- prentis.

Ces cours d'apprentis, par leur organisation graduée en trois ou quatre classes, pourraient être suivis aussi par les ouvriers, ({ui sans aucun doute en tireraient protit.

Les grandes industries ont admis en principe qu'il fallait in- téresser les apprentis à suivre les cours, à user de la biblio- tlièque par le paiement d'une très-modique redevance. Ce sys- tème, qui peut toujours admettre des exceptions en faveur des plus nécessiteux, nous parait excellent; il a été reconnu indispensable par tous les hommes pratiques qui se sont occu- pés de l'enseignement ; c'est le seul moyen d'obliger les parents plus encore que les enfants à l'assiduité et à la régularité indis- pensables au succès de toute éducation, si limitée qu'elle soit. A ces divei-s titres, nous ne saurions trop le recommander à notre tour.

330

DE L'APPREiNTISSAGE DANS LES USINES DU CREUSOT(I).

Les premiers cours d'adultes furent fondés au Creuzot en 4841.

Dès leur ouverture cent cinquante ouvriers se firent inscrire; mais le premier essai fut tenté dans des circonstances qui en rendaient le succès difficile.

Depuis trente ans, l'industrie au Creuzot s'étant constam- ment développée, la population a s'augmenter de nombreux ouvriers recrutés dans les pays voisins; or, ces ouvriers pré- sentant une grande différence dans leur degré d'iijstruction, il aurait fallu, pour obtenir des résultats satisfaisants, fraction- ner les cours en plusieurs parties, et, il y a vingt ans, le petit nombre des professeurs ne permettait pas de former plus de deux classes.

Cette insuffisance dans la subdivision des cours réduisit le nombre des auditeurs, mais ceux qui persévérèrent dans leurs efforts les virent couronnés de succès.

En 1863, la situation s'était modifiée, et l'on procéda à une nouvelle organisation.

Le personnel enseignant était plus nombreux ; il fut donc possible de diviser les cours en neuf classes, et neuf profes- seurs firent alors des leçons proportionnées au degré d'instruc- tion des élèves.

Les progrès se manifestèrent rapidement, le nombre des ouvriers inscrits augmenta tous les jours, et le nombre des élèves dont la persévérance se soutint devint eu même temps plus considérable.

Les cours ont lieu trois fois par semaine : le mardi, le ven- dredi et le dimanche.

Le nouveau programme comprenait dès l'origine :

La lecture, l'orthographe, l'écriture, le calcul, la géométrie, la physique, la chimie, la géographie,

l'histoire de France, le dessin industriel et d'ornement,

la musique (fanfare et société chorale).

(1) Extrait des catalof^ues rédigés pour l'Exposition universelle de 1867.

-- 331

Bieiilôi ce proifraiiinie reçut encore une nouvelle extension.

L'enseignement donné jusqu'à l'année dernière était un en- seignement général ; les ou\Tiers demandèrent eux-mêmes la création d'un cours spécial destiné à leur procurer une ins- truction propre à leur métier.

Leur demande fut satisfaite : six élèves de l'école d'Aix, an- ciens élèves du Creuzot, furent pris comme professeurs. Ils furent mis à la tète d'ateliei-s spéciaux, dans chacun desquels on répartit les ouvriers selon leurs professions. Les chaudron- niei's, forgerons, mouleurs, ajusteurs, purent s'occuper deux fois pai- semaine d'études relatives à leur travail journalier.

Une autre création très-utile fut celle d'un cours de dessin de machines.

En etfet. presque tous les ouvriers sont appelés à fabriquer des pièces de machines d'après un dessin coté. Ils doivent donc pouvoir lire couramment le dessin et façonner sans aucune erreur l'objet qu'il représente; mais ils ne peuvent acquérir cette pratique que par un long exercice.

Voici quelques détails sur la manière dont est fait ce cours :

Le professeur place une pièce de machine sur l'estrade ; il la montre sous toutes ses faces ; il en explique la forme ; il indique la position qu'elle doit occuper dans telle ou telle machine. Il en fait le croquis au tableau noir, et pour cela prend les mesures nécessaires; puis les adultes copient le croquis sur des albums de papier quadrillé.

Le professeur, après avoir représenté plusieurs modèles, se fait remplacer par deux adultes qu'il désigne. Ceux-ci dessinent au tableau noir. Pendant ce temps, leurs camarades continuent à copier les modèles sur leurs albums. Puis deux autres adultes succèdent aux deux premiers, et l'on continue ces exercices jusqu'à ce que tous les élèves aient passé successivement par les mêmes épreuves.

Enfin une pièce de machine est confiée à deux adultes, qui doivent en faire séparément le croquis.

332

RAPPORT

SUR LA MANUFACTURE DE MM. HARMEL FRÈRES {i).

Par M. P. FoucHET.

Messieurs ,

Selon vos instructions, je me suis rendu à la manufacture du Val-des-Bois, appartenant à M3I. Harmel frères; j'ai été frappé de l'excellente organisation de cet établissement, particuliè- rement en ce qui concerne la mot-alisation, l'instruction et le bien-être des nombreux enfants qui y sont employés. Je viens vous rendre compte de cette organisation, qui est le résultat de longues années d'expérience, et fonctionne parfaitement à la satisfaction commune des enfants, des parents, des ouvriers et des chefs.

L'usine du Val-des-Bois comprend la iilature, le peignage et la teinture des laines; elle occupe un personnel d'environ 800 in- dividus.

De toutes les œuvres fondées par MM. Harmel frères, la pre- mière à noter est

80 enfants des deux sexes sont reçus et gardés toute la journée, sous la surveillance des sœurs de Saint-Vincent-de- Paul, pendant que les parents sont employés aux travaux de l'usine.

Une salle bien aérée et un jardin sont affectés à cet asile, les enfants sont reçus gratuitement jusqu'à Y-dge de 6 ans 1/2.

Arrivés à l'âge de 6 ans 1/2, les enfants entrent dans les écoles.

L'école des garçons est dirigée par les frères des Écoles chi-é- tiennes, et l'école des filles est confiée aux sœurs de Saint- Vincent-de-Paul.

Dans chacune de ces écoles les enfants reçoivent , jusqu'à

(1) A VaRles-Bois, près Bazancoiirt (Marne).

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l'âge de 1;2 ans, une inslructiou éléiuentaire convenable et ab- solument gratuite. Ils sont élevés dans la religion catholique et on leur fait faire leur première communion.

Les enfants sont tous externes, et ils sont rendus à leurs pa- rents à la lin de la journée.

Diverses récompenses sont données dans le courant de l'an- née, et une distribution solennelle de prix a lieu tous les ans au mois d'août.

A partir de l'a ans, les enfants commencent à travailler à la manufacture, mais ils doivent continuer à fréquenter l'école pendant deux heures par jour.

Il a fallu concilier les exigences du travail, les intérêts de l'ouvrier qui occupe l'enfant et qui le paie, et l'intérêt plus élevé de l'humanité, qui ne permet pas qu'un enfant soit aban- donné, dès l'âge de 12 ans, sans direction morale et religie;!se, sans repos corporel et sans instruction complémentaire.

Après de grandes difficultés on y a réussi ; et il a été bien établi entre toutes les parties intéressées que la présence des enfants à l'école est un devoir impérieux (jui ne doit pas souffrir l'ombre d'une discussion.

Ce principe étant sérieusement adopté, voici connnent on s'y est pris pour le faire entrer dans la pratique.

Après avoir employé le moyen, resté inefficace, des encouia- gements et des récompenses, puis celui des amendes, qui avait quelque chose de vexatoire et irritait les parents, on s'est ari-êté au système suivant :

A la sortie de la classe, l'instituteur ou l'institutrice donne à l'enfant une carte de présence que celui-ci doit remettre au contre-maitre en rentrant à l'atelier. L'enfant qui ne peut pré- senter sa carte, et cela arrive très-rarement pour ne pas dire jamais, est immédiatement exclu de l'atelier, en même temps que les parents sont prévenus de la mesm-e prise à son égard; mais, hâtons-nous de le dire, ce n'est qu'en cas de récidive réitérée que MM. Harmel frères prononcent, s'il y a lieu, le ren- voi définitif.

Dans les cas ordinaires, l'enfant, exclu simplement de l'ate- lier, retourne auprès du frère ou de la sœur, qui lui inflige la punition qu'il a encourue. La carte lui est rendue et il peut alors reprendre son travail.

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On le voit, ce sysièrae (i ) n'est pas trop sévère; ii est essentiel- uieiit pratique. L'habitude eu est prise depuis longtemps; aussi, il n'y a pas un entant de 12 à 16 ans, garçon ou fille, qui n'aille régulièrement à l'école deux heures par jour.

Il va sans dire que tous les enfants ne quittent pas l'atelier en même temps et qu'ils ne se présentent à l'école que par sé- ries successives, pour ne pas nuire au travail de l'usine.

Les écoles sont ouvertes, le matin, de 8 heures 1/2 à 11 heures 1/2, et le soir, de 1 heure à 4 heures.

Les récréations, pour les entants qui travaillent à la filature, sont de deux heures par jour en trois fois.

Les écoles sont suivies par 100 jeunes filles et 121 garçons, de 6 ans et 1/2 à 16 ans.

Une classe obligatoire a lieu le dimanche matin. Après cette classe, les enfants sont conduits à la messe, à l'église du village, et, à l'issue de la messe seulement, on leur délivre le bulletin de présence à la classe du dimanche. Et ainsi, selon les pres- criptions de la loi, se trouvent assurés l'instruction primaire et l'enseignement religieux.

MM. Harmel frères, quittes aux yeux de la loi, ont pensé, et nous sommes de leur avis, qu'il n'était pas suffisant de mener jusqu'à 16 ans le jeune homme ou la jeune fille. Ils ne se sont donc pas arrêtés en chemin, et, toujours animés du même courage et de la même conviction, ils ont successive- ment fondé :

Des Écoles d'adultes facultatives et gratuites, oîi les jeunes gens au-dessus de 16 ans peuvent se rendre pour compléter leur instruction. Les cours ont lieu tous les soirs, pendant la semaine, et le dimanche matin ; ils sont suivis par 50 ouvriers, d'une part, et par 6S jeunes filles ou femmes, d'une autre.

Un Cercle, les jeunes gens trouvent le dimanche divers amusements propres à les détourner du cabaret. Ce cercle, ins- tallé dans une salle spacieuse, renferme trois billards et divers jeux. Il est administré par une commission élue par les membres du Cercle, laquelle est ch:irgée de recevoir les cotisa- tions, fixées à 2o centimes par mois pour les membres actifs, et

(1) C'est le système anglais, mais moins bien interprété qu'il ne l'est en Angleterre. MM. Harmel frères me permettront de leur recommander la lec- ture du document anglais dans notre Bulletin,

o'So

à 10 francs par an pour les menîbres honoraires; d'acheter en gros les objets de consommation revendus en détail au prix coûtant, de faire observer le règlement de police intérieure, de maintenir la concorde et d'exclure au besoin ceux des membres qui se montreraient indignes de faire partie de la société.

Chaque dimanche, deux des membres de ia commission sont de service. Une bibliothèque est annexée au Cercle. La société reçoit de la maison un budget mensuel qui vi.fnt se joindre au revenu social.

3" Une Musique d'harmonie, composée de 40 exécutants, dont le chef est payé par la maison. Cette musique exerce, comme effet moral et comme distraction, une "très-henreuse influence sur les exécutants et sur les simples auditeurs. Elle a un quartier spécial pour ses répétitions, et elle se fait entendre tous les dimanches dans un des jardins qui entourent la manufacture. La cotisation est de 2o centimes par mois. La société est admi- nistrée par un conseil éla par les musiciens et reçoit, comme la société du Cercle, un budget mensuel.

4" Un service de pompes. 60 hommes, jeunes et agiles, tous volontaires, forment une compagnie bien équipée et parfaite- ment exercée à la manœuvre de deux pompes. Cette compa- gnie a déjà rendu des services dans les environs en plusieurs circonstances, et son utilité est incontestable dans un établis- sement de l'importance de l'usine du Yal-des- Bois, éloignée de tout secours. Les pompiers sont dispensés de toute cotisation et sont exercés tous les dimanches. Presque tous les garçons font partie de l'une ou de l'autre des trois sociétés dont nous venons de parler.

Pour les iilles, les ressources sont moins apparentes ; mais la voie unique que l'on a suivie est excellente et donne les meilleurs résultats. On a fondé pour elles l'œuvre de la Réunion du dimanche ou de Sainte-Marie. Les jemies filles de 16 ans et au-dessus, réunies par les s&urs de Saint-Vincent-de-Paul, trouvent dans d'innocents amusements un emploi de leur temps, qui les met à l'abri des dangers de leur âge.

Elles ont un ouvroir dans la semaine; le dimanche, elles suivent des instructions spéciales et on leur fait de bonnes lec- tures. On leur distribue de temps en temps des récompenses et des insignes d'honneur; on les conduit en promenade et l'on met tout en action pour les engager à persévérer dans la vou- ai

836

du bien, en lotir inspirant de bonne heure le goût des vertus et des devoirs de l'honnête femme. Cette œuvre a si bien réussi que le bal du village, jadis florissant, est aujourd'hui presque entièrement abandonné , les enfants de Marie ne s'y rendant jamais. Cette société religieuse a aussi son conseil , son admi- nistration et un budget fait par la maison.

ORPHELINAT.

A côté de ces différentes œuvres, un oi'phelinat recueille, au nombre de environ , des jeunes fiUes orphelines . ou appar- tciiaut à des familles indigentes. Ces jeunes filles travaillent 8 heures par jour dans l'établissement et sont réunies dans un atelier spécial , dont le conti^-maître est une sœur de charité. Elles ne communiquent pas avec le reste du personnel, et elles sont utilisées à des travaux exigeant très-peu de force et n'of- frant aucun danger.

Le reste du temps est consacré à leur instruction; on les tbi^me aux soins du ménage, et enfin, à l'âge de 2d ans, elles reçoivent une petite dot qui leur permet de contracter un ma ri âge eonvenable.

Cet orphelinat est parfaitement tenu. J'ai visité le réfectoire , la cuisine, les dortoirs, l'ouvroir, les classes, et j'ai éprouvé un vif plaisir en voyant la propreté et l'ordre (pii y régnent jus- que dans les plus petits détails. Avant de terminer, je crois devoir faire remarquer que MM. Harmel frères, au fur et à mesure de la formation de leurs œuvres, se sont effacés le plus possible ou mémo retirés complètement, en laissant l'adminis- tration de chaque société à une commission élue par les par- ticipants.

Ce système est excellent, puisque, de cette manière, les in- tesntions des chefs ne sont jamais suspectées, et que les ouvriers, s' administrant eux-mêmes, restent bien convaincus queTœuvro dont ils font partie rfa pour "bTit que leur bien-être moral et matériel.

J'ai laisse de côté, à dessein, tout ce qui, dans cette grande mawufecture, n'a pas directement rapporta l'enfance; mais je me fais un devoir de dire, sans entrer à ce sujet dans aucun détail, que les oii^Tiers y trouvent encore:

Une caisse de secwirs fbwdtje en 1847, fournissant les soins

337 d'un nwdecin et les raédicamenU, et assui-ant la moitié du sa- laire pendant la maladif :

Une œuvre pour la visite des malades à domicile;

Enfin, des maisons avec jardins pouvant être acquises au moyen de paiements annuels.

En résumé, MM. Harmel frères ont ciierché par tous les sti- mulants en leur pouvoir à répandre sur ceux qu'ils jsoat appe- lés h diriger les bienfaits d'une instruction basée sur les prin- cipes religieux et sur l'habitude du ti-avail, de l'ordre et de l'économie.

Ils ont entièrement réussi, el j'espère que la Société voudra bien leur tenir <»rapte d'avoir ainsi marché avec persévérance et énergie dans une voie qui les ho*iore au plus haut degré.

I

RAPPORT SLR LA TECSTURERIE i>E M. <aLET-PlERO:N.

PAR M. ARNOULD-THÉ.NARD.

M. Gilet-Fieron, un des principaux teinturiei-s de Lyon, a créé il y a six mois une école d'apprentissage. Cet établisse- ment, quoique de fondation récente, est remarquable par l'ordre et la bonne organisation qui semblent devoir en assurer la pi\*s- périté et la durée. L'apprentissage repose snr les bases suivantes : Les enfants sont admis à l'âge de IS ans; cependant ceux cpii sont plus jeunes peuvent et doivent suivre les travaux intellec- tuels et sont considérés comme élèves-apprentis; ils ne ti'avail- lent, du reste, à la soie qu'après leur quinzième anuée.

M. (iilet-Pieron recmte ses enfants jM'incipalemeiît pai-mi les fils de se^ ouvriers, de sorte qu'ils sont toujours sous les yeux de leurs maîtres et de leurs parents. Ils ne sont ni logés ni nourris et habitent dans leurs tamilies; on préféi'e oe système; dans la crainte que les enfants ne s'habituent à un bien-être (ju'ils ne retrouveraient plus après leurs trois années d'appren- tissage.

La journée est de 12 heures. L«îs enfants sont surveillés ^r deux contre-maîtres, sous les ordres desquels ils travaillent ^uc- <!essivement à la préparation des soies et à leur teinture.

Une ibis par semaine ils reçoivent, le matin, une leçon de

33H

deux heures faite par un professeur de Lyon, qui leur enseigne les premiers principes de morale, de français, d'arithmétique et de dessin ; ces deux heures sont prises sur le temps du tra- vail. Le dimanche matin, le même professeur leur fait une seconde leçon sur les mômes sujets; les leçons sont obliga- toires.

Chaque apprenti est rétribué d'après les bases suivantes : 14 centimes l'heure la première année, 17 la seconde et 20 la troisième. Les apprentis de seconde et troisième année font seuls, en cas de surcroît d'alfaires, des heures supplémentaires rétribuées au même prix.

Les contre-maîtres et le professeur pointent isolément le travail, de telle sorte que la partie manuelle compte pour deux et la partie intellectuelle pour un. On établit alors chaque mois, au moyen de la somme des points, les notes suivantes : très- bien, bien, assez bien, qui motivent une rétribution spéciale de 10 francs pour la première note, o francs pour la seconde et 2 fr. 50 pour la troisième.

Chaque année M. Gilet-Pieron donne aux apprentis qui ont le mieux mérité quatre prix de 100, 75, 50 et 25 francs. Cet argent leur est porté en compte courant aux intérêts de 5 0/0, et leur est rendu capital et intérêts compris à la fin de leur apprentissage.

Les notes, récompenses et prix sont constatés sur un livre dont un des doubles reste entre les mains des élèves.

Les absences non motivées ou les fautes sont punies, suivant leur gravité, d'amendes de 1 à 5 francs, lesquelles sont distri- buées aux pauvres.

Lorsque les absences, pour cause de maladie durent plus de quinze jours, les apprentis doivent rendre le temps perdu à la fin de leur apprentissage, à moins que de très-bonnes notes aient permis de les indispenser.

La création récente de cette organisation n'a permis de rece- voir encore qu'un petit nombre de jeunes gens; ils sont actuel- lement 22 des constructions nouvelles et presque achevées per- mettront s-)us peu d'en admettre un nombre plus considérable.

Cet établissement peut rendre de grands services en formant de bons ouvriers pour une industrie aussi délicate que la tein- ture de la soie, et l'instruction morale et intellectuelle que les

3'éê

rarantie de leur Ixmiie conduite

apprentis y reçoivent est une dans l'avenir.

Nous croyons utile de joindre à notre rapport le texte même du règlement en vigueur dans les ateliers de M. Gilet Pieron :

Article l*-'. Quiconque désire être admis à faire son apprentissage doit justifier, au niojen de son acte de naissance, qu'il a quinze ans accomplis.

Art. 2.— La durée de l'apprentissage est fixée à trois ans.

Les apprentis sont tenus de com- penser, à la fin de leur apprentissage, le temps qu'ils auront penlu par suite de maladie ou d'absence, toutes les fois que l'absence ou la maladie aura duré plus de quinze jours.

Art. 3. La durée du travail effectif est de douze heures pai- jour. Chaque heure sera payé<i à raison de 14 cen- times pour la première année, de 17 centimes pour la seconde année, et de 20 centimes pour la troisième année.

Si les rcirconstances l'exigent, les apprentis de deuxième et de troisième année devront faire des heures sup- plémentaires, qui leur seront payées sur les bases indiquées ci-dessus.

Art. 4. Les amendes suivantes seront imposées :

A tout apprenti surpris à fumer dans les ateliers, et à tout apprenti absent sans permission : 1 franc.

2* Pour injures ou voies de fait envers ses camarades ou envers toute autre i>ersonne de l'établissement les bâtons de teinture et l'eau lances à ses voisins seront considéiés comme Toies de fait) : 2 francs.

Pour tout propos maliionnéte ou conversation trop libre : 5 francs.

Le produit des amendes sera dis- tribué aux pauvTCs.

Art. 5. Les apprentis sont tenus de suivre l'enseignement scolaire qui est donné une fois la semaine et le dimanche dans l'établissement.

Art. 6. a la lin du mois, les apprentis qui, par leur application au travail de l'atelier et à l'école, aurent mérité la note très-bien obtiendront une gratification de 10 francs; la note bien 5 francs ; la noie assez bien, 2 fr. 50 c.

A la fin de chaque année, quatre prix seront accordés aux apprentis qui se seront le plus distingués par leur conduite et leur travail, savoir :

Un premier prix de 100 francs, un deuxième de 75 francs, un troisième de 50 francs, un quatrième de 25 francs.

Les gratifications de chaque mois et les prix annuels seront portés en compte courant avec intérêt de 5 0/0 l'an, et remis aux apprentis à- la fiu de leur apprentissage.

.\rt. 7.— Le chef de l'établissement se réserve la faculté de renvo} er tout apprenti d'une incoudm'te notoire, désobéissant envers ses supérieurs, ou donnant de mauvais exemples à ses camarades.

Lyon, le 1- juUlet 1867.

Ar.nolld -Thénard.

340

ÉTUDES ET NOTICES

LES liNSTlTUHlONS DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES ENFANTS (1).

Les institutions de ia marine impériale qui intéressent le sort des entants sont : L'établissement des pupilles tie la marine, l'école des mousses en rade de I^est sur le vaisseau l'In- flexible ^ les écoles élémentaires des divisions des é({ui- pages de la flotfce, les écoles élémentaires des apprentis des l>orts, les écoles d'c maistrance, les écoles des mécani- ciens de la flotte, les écoles d'iiydrographie, enfin les écoles dfe moas»es de Bordeaux, Marseille, Cette et Ajaccio,. subventionnées par le département de la marine.

Établissement des pupilles. L'établissement des pupille* a été fondé à Brest le iS novembre 1862. Son but est de recueillir les orphelins et enfants des officiers mariniers et marins dès l*âg^e de 7 ans^—- c'est-à-dire à l'âge la salle d'asile leur est fei'mée,. et de leur donner une instruction élémentaire et professionnelle.

L'enseignement élémentaire est dirigée par les frères des Écoles chrétiennes, et comprend : le catéchisme, la lecture , l'é- cpituTe, rorthographe , l'aritlimétique , l'histoire et 'la géo- graphie.

L'enseignement professionnel est confié à des officiers mari- niers et comprend : l'école de matelotage, les exercices des voi- les, l'école du soldat, la gymnastique, la natation, le chant, etc.

Les pupilles sortent de l'établissement à l'âge de 13 ans.

(1) CeUe première étude est consacrée à l'énumération de nos institutions scolaires maritimes; dans une seconde l'auteur suivra l'enfant, d'abord au mi- lieu de ces institutions, puis l'enfant devenu homme dans la profession qu'il a pu embrasser : après les moyens, le résultat. Les autres fondations créées par l'État en faveur de l'enfance ouvrière seront ainsi étudiées successivement. Pendant ce temps, des institutions nouvelles vont se créer : des écoles, asiles, crèches et au moins un orphelinat doivent être bientôt annexés aux manufac- tures impériales de tabacs, par l'initiative chaleureuse de M.Rolland, l'un de nos vice-présidents, directeur général des manufactures de l'Elat.

341

A leui- eutrée dans rétablissement, la grande moitié de ces enfants ne sait absolument rien; peut-être un tiers, au plus, possède-t-il un commencement d'instruction; quelques-mis seu- lement sont exceptionnellement un peu avancés. Mais, à la sjrtie, la uiDitié connaît la lecture, l'écriture, le calcul et Tor- thograplie; un quart sait même les fractions , les proportions, le système métrique . et étudie la grammaire, l'histoire sainte, riiistoire de France et la géographie ; le reste a appris au moins la lecture et récriture.

Les pupilles , en quittant l'établissement à V-dge de 13 ans, passent à l'école des mousses, à Brest, ou rentrent dans leurs familles. A cet égard toute liberté est laissée aux parents. Généralement les deux tiers de ces enfants passent à l'école des mousses.

Ainsi, fondé depuis moins de quatre ans sous le patronage de S. 31. l'Impératrice, rétablissement des Pupilles a atteint le but que s'était proposé le département de la 3rarine; il recueille ies orphelins qui, forcés de sortir à 7 ans des saUes d'asile, ne peuvent entrer à l'école des mousses qu'à 13 ans ; il leur offre par les moyens d'acquérir une instruction utile à la carrière qu'ils dolyent parcourir, et met sous leui-s yeux de nobles exemples à suivre.

Ecole des mousses. L'école des mousses est établie en rade de Brest, à bord du vaisseau l' Inflexible.

Les élèves-mousse sont pris parmi les pupilles de ia marine ou choisis parmi 1^ enfants des offieieps mai-iniers et des ma- telots de l'Etat. Ils sont admis à l'âge de i'à ans. au moiue, ou de lo ans au plus.

Leur séjour à L'école est d'uae année au moins et deux ans au plus. Pendant ce temps,, on les habitue progressivement à la pratique du métier ek oaa leur apprend tout ce «{ui peut être enseigné à un matelot à bord d'un bâtiment. Deux, bricks atta- chés à l'école appareillent tous les jom-s-; les mousses y eiécu- teut à tour de rôle toutes les manœuvres.

L'école élémentaire est dirigée par mi professeur et deux instituteurs : le programme comprend, la lecture,, l'écriture, l'a- rithmétique , y compris les pi'oportions et les éléments de la langue française. Deux aumôniers enseignent le catéchisme e t célèbrent, le dimauclie, l'office religieux.

- 3iû

A leur sortie de l'école, les mousses sont répartis entre les divers bâtiments de la flotte. Une particularité accompagne cette règle: dans le cas l'élève -mousse atteint l'âge de 13 ans sur V Inflexible , il est aussitôt débarqué et mis à bord de la Bre- tagne, vaisseau-école des apprentis-marins.

La moyenne des admissions à l'école est d'environ 500 par an. La moitié des pupilles reçus au vaisseau-école l'Inflexible, en sort sans beaucoup plus d'instruction générale qu'elle n'en possédait à l'entrée ; mais l'autre moitié acquiert durant son séjour des connaissances plus étendues sur les principes de rarithméti([ue , et même un quart environ parvient à posséder la méthode de réduction à l'unité et quelques notions de gram- maire.

Les mousses, une fois embaripiés sur les bâtiments de la la flotte, continuent à être l'objet de la sollicitude du départe- ment de la Marine. Des cours, faits par un ofticier marinier, sous la direction d'un ofticier du bord, leur permettent de pour- suivre les études connnencées sur VInflexible.

Ecoles élémentaires des équipages de la flotte. Il est établi, dans chacun des ports militaires , une école d'enseignement élémentaire pour les matelots des équipages de la flotte et une école de comptabilité pour les élèves fourriers.

L'enseignement de l'école élémentaire comprend : la lecture, l'écriture et les premières règles de l'arithmétique. Il se divise en trois cours distincts s'adressant l'un aux mousses, l'autre aux officiers mariniers.

L'école de comptabilité est spécialement alïcctée à l'instruc- tion des marins qui doivent être employés en qualité de four- riers dans le corps des équipages de la flotte.

La mobilité excessive du personnel des équipages de la floUc et l'intermittence des leçons qui en résulte, par suite des exi- gences du service, empêchent que les progrès soient aussi rapi- des qu'ils pourraient l'être dans d'autres conditions. Le dépar- tement de la Marine n'en a pas moins atteint, pour cela, le but qu'il s'était proposé en créant ces écoles.

Les résultats que l'on a constatés jusqu'à ce jour ne sont pas sans intérêt. Des cinq écoles élémentaires établies dans les forts de Brest, Toulon, Rochefort, Lorient et Cherboui'g, c'est celle

I

343

de Rochefort qui, pendant l'année 1866, a fait admettre le plus grand nombre d'élèves fourrière.

Sur les bâtiments de la flotte, il existe également une école élémentaire pour les hommes de l'équipage ; ceux qui désirent étudier sont placés sous les ordres d'un maître chargé du cours d'enseignement mutuel.

Écoles élémentaires des apprentis des ports. Le département de la Marine possède actuellement, dans chacun des cinq ports militaires, une école élémentaire dans le but d'instruire les apprentis de toutes classes et professions en activité de service dans les divers ateliers des ports.

Les bases de l'instruction sont : les devoirs de la religion, la lecture, l'écriture, la grammaii-e, les éléments du calcul et du dessin linéaire.

Aucun apprenti ne peut être dispensé de suivre les cours, à moins qu'il ne soit reconnu posséder une instruction suffi- sante.

La durée maxima des études pour chaque apprenti est de trois années.

Les écoles élémentaires, placées dans les attributions de la Direction des constructions navales, grâce à l'impulsion qu'elles reçoivent de ce service, donnent, depuis leur création, les meilleurs résultats et envoient chaque année une moyenne de 300 apprentis dans les différents ateliers de nos arsenaux maritimes.

Le sort des institutions qui m'occupent ici est de se modifier comme les besoins qu'elles ont pour objet de satisfaire. Il est à penser que l'école des apprentis sera prochainement l'objet d'une réorganisation complète, motivée par les conditions faites à l'admission des apprentis par le décret du 18 janvier 1867. J'extrais de ce décret les articles qui intéressent le sort des enfants :

'( Art. o. Ne sont admis comme apprentis que des jeunes gens de 14 à 17 ans reconnus sains et de bonne constitution, justifiant qu'ils savent lire et écrire, et possédant les premières notions de V arithmétique.

» Toutefois, en ce qui concerne l'âge et l'instruction, les orphe- lins et fils de veuves dont les pères auraient été tués en rem- plissant un service commandé ou seront morts des suites de

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maladies contractées au sers ice, pourront être admis, à partir de 1 3 ans lorsqu'il savent lire et écrire.

» La préférence pour l'admission est donnée :

» Aux fils des maîtres principaux et entretenus, des chefs contre-maîtres, des contre-maîtres, des chefs ouvriers et ouvriers des arsenaux de la marine;

» 2' Aux lils des marins, militaires des troupes de la marine, chefs journahers, journaliers et autres employés de la marine.

»Les premiers choix doivent porter d'abord sur les orphelins et fds de veuves dont les pères ont été tués au service ou sont morts des suites de maladies contractées au service, puis sur ceux dont les pères sont morts au service, ou en jouissant d'une pension de retraite.»

') Abt. 7. L'âge auquel les apprentis sont aptes à passer ouvriers varie de 17 à 18 ans.

» Le titre d'ouvrier ne peut lem* être concédé qu'autant qu'ils ont donné des preuves d'aptitude pt-ofessionnelle dans un essai dont les conditions sont déterminées par un règlement local arrêté par le chef de service compétent et approuvé par le préfet maritime. »

Ainsi la marine n'admet plus comme apprenti cpie des enfants possédant l'instruction priviaire oliérte aujourd'hui, largement à tous et à tous les âges, par les institutions générales du pays, La portée morale de la mesure nouvellement prise par la ma- rine n'a pas besoin de connnentaires.

Écoles de inaistrance {établies à terre). Les écoles de juais- trance placées, comme les écoles d'apprentis, dans les attribu- tions du corps du génie maritime, ont été fondt^es on 4819, puis réorganisées en 1833 et, en dernier lieu, en 1851.

Ces écoles spéciales sont destinées à l'instruction théorique des ouvriers de la marine qui se destinent à la maistrance des arsenaux. Elles sont établies à Brest, Toulon et Rocliefort.

Le maximum de l'etfectii' des écoles réunies est de 52 élè\'es ; ils sont fournis par les cinq ports militaires et se recrutent, par voie de concours, parmi les ouvriers de l>e, de 2* et de classe, ayant au moins 21 ans d'âge et 3 ans. de service.

La durée du cours est de deux ans. L'ensemble de l'ensei- gnement comprend : le dessin, l'arithmétique avec les logarith- mes, la géométrie , les éléments de la géométrie descriptive, de

Mb

l'algèbre, de la mécaiti<)ue usuelle et de la teaue de la comp- tabilité des ateliers.

Le temps liasse à l'école par les élèves lew est payé comme s'ils travaillaient sur les chantiers.

A la fm de chaque aiiuée ,. les élève* subfâseQt un exameo, et il leur est délivré un certificat constatant leur rang de sortie. Le premier quart des élèves ainsi classés a toujours satisfait aux épreuves de sortie avec un succès qu'on ne soupçonnerait guère chez des ou\Tiers venus tard sur les bancs, et qui don- nent encore toutes leurs forces aux travaux d'ateliers.

Parmi les élèves sortis des écoles de niaistrance, très-peu arrivent au grade de maître entretenu, mais en général ils attei- gnent le grade de contre-maître. Quelques-uns quittent la ma- rine et vont mettre leurs services à la disposition de Tindustrie.

Comme les écoles des apprentis, les écoles de niaistrance sont appelées, pensons-nous, à être l'objet d'une réorganisation pro- chaine, motivée par le décret du 18 janvier 1867 et par des décrets récents; Tun créant le grade de maître principal, l'autre ouvrant aux maîtres entretenus la possibilité d'être nom- més après concours officier du génie maritime, ils agrandissent singulièrement la caiTÎère réservée à la maistrance.

Ecoles théoriques et pratiques des mécaniciens et chauffeurs de la flotte. Les écoles théoriques et pratiques des mécani- ciens et chauffeurs de la flotte ont été instituées par le décret du 24 septembre 1860.

Elles sont établies à Brest et à Toulon , à bord du bâtiment central de la réserve. Elles ont pour but de compléter l'édu- cation théorique et pratique des ouvriers chauffeurs et des mé- caniciens jusqu'au grade de second maître inclusivement.

La direction de l'école est confiée à un capitaine de frégate, qui a sous ses ordres un lieutenant de vaisseau et plusieurs mécaniciens chargés de renseignement.

Deux coui's, dont la durée est de quatre mois et demi . ont lieu chaque année. Les mécaniciens et ouvriers chaufieurs présenta au port ne peuvent y être admis qu'après avoir subi un esLamen qui constate leur aptitude.

Les programmes des cours compreunent l'aiithmétique , la géométrie, la mécanique, les éléments de physique, la descrip- tion, la classification, l'ajustement, le montage, la conduite des

Mi> machines, la construction des chaudières; ces cours varient suivant la catégorie des élèves.

Pour donner une idée qui permette d'apprécier les résultats obtenus par ces écoles, nous dirons que, pendant l'année 1866, sur 90 mécaniciens environ de tous grades qui se sont présentés aux concours ouverts au port de Brest pour l'obtention du grade supérieur, 66 ont été reconnus admissibles par la com- mission d'examen, et que, sur 79 élèves qui se sont présentés dans la même année à Toulon, 62 ont été déclarés admissibles h ces examens.

Ecole d'hydrographie. Las écoles d'hydrographie ou de navi- gation , dont l'origine remonte au seizième siècle , ont pour but <le vulgariser dans les ports les connaissances les plus utiles aux marins et de répandre parmi eux les progrès de l'art nautique.

Elles sont au nombre de 62, réparties dans les différents ports.

Dans ces écoles , ({ui sont ouvertes aux marins dès l'âge de 13 ans, l'enseignement est gratuit; mais, en général, fort peu d'enfants les fréquentent et les cours ne sont suiWs que par les marins de 22 à 23 ans, dont le désir est d'acquérir les connais- sances pour obtenir le brevet de capitaine du commerce. Tou- tefois, comme elles intéressent le sort des enfants et se rattachent au sujet que je me suis proposé de traiter. J'ai cru devoir les indiquer.

Ecoles des mousses subventionnées par le département de la Marine. En dehors des écoles placées dans son administra- tion directe, le département de la Marine encourage de ses subventions quatre écoles libres pour l'instruction théorique et pratique des mousses.

Ces écoles sont établies à Bordeaux , Marseille , Cette et Ajaccio.

On y enseigne les devoirs de la religion, la lecture, la gram- maire, l'arithmétique, la géographie et tout ce qui se rattache à la profession de marin.

Les enfants admis dans ces écoles y sont l'objet de soins spéciaux, et la marine du commerce est heureuse de venir y chercher de précieux éléments pour la composition de ses équi- pages.

0. Kerisvoal.

341

INSTITUTIONS PRIVÉES

EN FAVEUR DES EITFAITS.

DE L'ENFAM- DANS LES SERVICES MARITIMES

DES MESSAGERIES IMPÉRIALES (1).

La Compagnie des Services maritimes des Messageries impé- riales entretient à la Ciotat son service d'ateliers. Elle a en outre des établissements annexes à Marseille, Bordeaux, Suez et Constantinople. Les ateliers de la Ciotat comptent 2,000 à •2,000 ouvriers. La Compagnie, qui tient ces ateliers depuis 18o2^ s'est préoccupée de tout ce qui pouvait intéresser le bien-être matériel et moral de l'ouvrier. Elle a créé des salles d'asile pour 260 enfants, des écoles de garçons et de filles tenues par des congréganistes ; 124 enfants y reçoivent l'instruction primaire et, de plus, apprennent le dessin et l'anglais. L'apprentissage, dont nous allons parler, y est entouré de toutes les garanties désirables. Il y a à la Ciotat une bibliothèque, une fanfare, une société chorale ; l'œuvre de jeunesse s'y est établie. L'ad- ministration a créé une cité ouvrière de vingt-quatre maisons, une boucherie qui détaille la viande au prix de revient, il y a caisse de secours, caisse de retraite et asile spécial à l'hôpital.

Apprentissage.

Dans les ateliers de la Compagnie, l'apprentissage est un

^"éritable enseignement manuel d'une profession industrielle,

m même temps qu'une institution destinée à venir au secours

les ouvriers de la Compagnie. En effet, sauf de très-rares ex-

îptions, c'est parmi les enfants de ses ouvriers que se recru-

'tent les apprentis. Dès leur admission, qui a lieu généralement

après l'âge de 13 ans, ils sont employés exclusivement à des

travaux delà profession qu'ils ont embrassée. Pour eux, point

de corvée de domesticité. Les ouvriers traitent avec bienveillance

les apprentis, qu'ils savent être les enfants de leurs camarades.

(1) Extrait de la notice sur les diverses institutions créées ou encouragées par la Compagnie des Services maritimes des 5Iessageries impériales dans l'intérêt moral et matériel des ouvriers de ses ateliers à la Ciotat iBouches-du-Rhône).

8i8

Par la même raison, les contre-maîtres sont pleins de sollici- tucl<3 pour eux.

Pour les parents, il n'y a pas d'obligation d'une durée d'ap- prentissage qui compense les sacrifices imposés à la Compa- gnie par l'enseignement d'une profession, et de plus, dès leur ad- mission, et Lien que ne pouvant encore, pour la plupart, ren- dre ([ue de bien faibles services, les enfants reçoivent une solde de 50 centimes par jour, qui ne tarde pas à être augmentée; dételle sorte qu'à l'expiration de la première année d'apprentis- sage la solde est portée à 1 franc et même à 1 ir. "25 c. par jour. La moyenne de la solde de tous les apprentis est de 1 fr. 30 c. à 1 fr. 3o c. Aussi, pour les ouvriers ayant de la fa- mille, les enfants, loin d'être une charge, sont souvent un allé- gement. On peut citer, par exemple, un ouvrier qui a cinq en- fants : trois de ceux-ci sont dans l'atelier. Leur solde, ajoutée à celle du père, forme un total de 12 fr. 25 c. et donne plus de 300 francs par mois, sans compter les travaux de nuit du père.

Ce n'est que très-accidentellement qu'il a été admis dans les aleliei-s de la Compagnie à l'âge de 12 ans, et jamais il n'en a été admis au-dessous.

Ecole des apprentis.

Conformément aux dispositions de la loi du 22 mai 1841 sur le travail des enfants dans les manufactures, tous les appren- tis de moins de 16 ans fréquentent l'école. Cette école leur est spéciale; elle est confiée aux frères de la Doctnne chrétienne. Elle est tenue dans un local dépendant des ateliers. Les apprentis sont divisés, selon leur degré d'instruction, en. deux çlassçs, dont la durée est de deux heures chacune. Conformément aux prescriptions de la loi précitée,, les classes se l'ont pendant la dui'ée du travail dans les ateliers, laquelle n'est cependant que de dix heures.

Les matières de renseignement sont celles qui sont com- prise dans l'enseignement pnraair« élémeutaiî'e,

A la tin de l'année, la Compagnie délivre des médailles à ceux des élèves qui se sont le plus distingués.

L'éc-ole des filles appreatias âgées de moins de 16 ans, comme la salle d'asiie et fécole pouîaire des iilles, est tenue par des

349

religieuses aTix(|uelles une subvention est accordée à cet effet par la Compagnie.

De même que pour les apprentis, les classes se font pendant les heures de travail. Les jeunes apprenties reçoivent l'instruc- tion primaire élémentaire (1).

Dessin.

Le cours de 4essin a lieu U-ois io'ui pai' semaine, le soir, de 8 à 10 heures; il embrasse le dessin linéaire, des machines et <ies constnjc lions navales et le dessin d'ornementation. Son institution remonte à la prise de possession des ateliers pai' la Compagnie. Le nombre des places, dans son local spécial, per- met d'admettre lOâ élèves. Cenomjjre est toujours complet.

A la tin de chaque année, la Compagnie délivre des médailk^s en argent et en bronze à ceux des élèves des classes et du cours de dessin qui se sont le plus distingués.

Les apprentis sont divisés à ré<X)le en deux classes. Ceux de la seconde classe, qui sont les plus jeunes, laissent beaucoup à tiésirer sous le rapport de la conduite en classe. Ils méritent souvent des punitions, et plusieurs se font renvoyer de l'école et par suite des ateliers. Il n'en est pas de même des appren- tis de la première classe. Leur conduite est excellente, et, de- puis très-longtemps, il n'y a pas eu une seule punition parmi eux. Indépendamment des effets de l'âge, la différence tient à ce (fue les apprentis de la seconde classe débutent dans les ateliers, tandis que ceux de la première classe y sont depuis quelque temps; ils ont déjà subi l'influence du milieu dans lequel ils se trouvent, ils tiennent à y rester. Ils n'ignorent pas qu'ils ne peuvent y parvenir que par leur bonne conduite : de les efforts qu'ils font pour se corriger de leurs imperfec- tions et les améliorations réalisées par eux.

Si les com's d'instruction primaire n'ont pas produit encore tous les résultats qu'on est en droit d'en att<mdi-e, du moins ont-ils servi à cultiver l'intelligence de l'ouvrier et à augmen- ter ainsi son habileté. Sous ce rapport, l'influence du cours de dessin a été de beaucoup la plus sensible. Bon nombre des

1) En outro, des cours du soir pour l'instruction jjriiuairo ont été «us-^i-ts le 1" octobre 1863. Les cours sont faits par des professeurs que paie la Com- pagnie.

aoo

ouvriers qui suivent ce cours sont arrivés à bien comprendre un dessin et à être capables de relever des croquis de pièces de ma- chines convenablement cotés pour être exécutées. La conséquence de cette habileté dans des ouvriers laJ)orieux et intelligents a été l'absence presque absolue de mal-façon dans l'exécution des pièces si diverses qui s'exécutent à la Ciotat. Les difficultés inhérentes à la nature du travail lui-même sont encore augmentées par la nature du service de la Compagnie. Une partie importante des travaux des ateliers de la Ciotat consiste aujourd'hui dans la confection de pièces détachées de machines destinées à être expédiées en rechange aux divers paquebots de la Compagnie qui stationnent dans la mer Noire ou tiennent la ligne de l'o- céan Atlantique et de l'océan Indien. On comprend facilement de quel prix est la perfection du travail d'ajustage, lorsqu'il s'agit d'utiliser des moyens mécaniques à si grande distance de l'atelier qui les a produits.

Un autre résultat essentiel déjà indiqué, c'est la formation presque exclusive des mécaniciens des paquebots de la Compa- gnie. En sortant de ses ateliers, les élèves mécaniciens empor- trent l'habileté manuelle, les connaissances et l'excellent esprit qu'ils y ont acquis.

Enfin, c'est parmi les ouvriers des ateliers que se forment- et se recrutent les chefs ouvriers et les contre-maîtres.

DE L'ENFANT DANS LES CRISTALLERIES ET VERRERIES.

BACCARAT.

L'usine de Baccarat exécute rigoureusement l'esprit et la let- tre de la loi sur le travail des enfants dans les manufactures. Les enfants n'y travaillent jamais avant l'âge de 12 ans et ja- mais la nuit (1).

L'école des garçons de la cristallerie, dirigée par trois institu-

(1) Diverses fondations ont été instituées par le conseil d'administration en faveur de l'enfance ouvrière.

351

tours, est avantageusement notée par MftI. les inspecteurs de l'instruction publique parmi les écoles primaires du départe- ment de la Meurthe. Elle est divisée en deux sections distinctes : les classes du jour, sont reçus gratuitement environ 120 en- fants d'ouvriers, âgés de 6 à ans, qui ne fréquentent pas encore nos ateliers, et la classe du soir ou école d'adultes, qui reçoit, après l'heure du travail des fours, 80 gamins ou appren- tis verriers de à 16 ans, que nous obligeons daller à l'école tant qu'ils ne sont pas reconnus, après un examen régulier, assez instruits pour en être dispensés. Nous avons 12o adultes qui se trouvent dans le cas de l'école obligatoire du soir. Nous avons organisé aux frais de la cristallerie, dans la commune de Deneuvre, contiguë à la ville de Baccarat, pour les jeunes gens à qui cette localité convient mieux, une école d'adultes semblable à celle de l'usine. 4o jeunes gens dont les familles habitent Deneuvre fréquentent cette classe du soir, qui est obli- gatoire pour eux comme pour les jeunes gens de Baccarat.

Les matières enseignées dans la première division des élèves de l'école de jour s'étendent au delà du programme de l'ins- truction primaire proprement dite. Les adultes qui ne sont plus obligés d'aller à l'école du soir y sont cependant accueil- lis, s'ils veulent avancer davantage leurs études.

Il y a en outre, le soir, trois fois par semaine, une école de dessin qui est obligatoire pour les apprentis des ateliers de taille riche, gravures et décors, et oii sont admis les jeunes gens des autres ateliers qui désirent se perfectionner dans l'art du dessin.

Les filles des ouvriei*s de la cristallerie sont reçues, aux frais de l'établissement, à l'école communale de Baccarat, dirigée par des sœurs de la Doctrine chrétienne, leur instruction est poussée, dans les classes supérieures, comme celle des garçons à l'école de la cristallerie, sensiblement plus loin que les limites de l'instruction primaire.

Lorsqu'elles ont terminé les études de l'école, elles ont dans la même maison un ouvroir conduit par la inème congrégation religieuse, elles sont préparées aux travaux de femmes, avec lesquels il sera plus tard si important pour elles d'être familia- risées, et les soins les plus attentifs sont donnés en même temps à leur éducation morale. •Los enfants des deux sexes des ouvriers qui deiuvnnvnt daii*

h.

les \ illai^cs eiiviianiiaiils vont, également à nos trais, dans les écoles de leurs communes respectives.

Une partie de nos gamins, c'est-à-dire de nos apprentis ver- riers (Xîcupés comme servants autour des fours, appartiennent k •des familles peu aisées, qui ne leur donnent pas une nourriture suflisam'iîîent S'ubstantielle. Ils sont généralement âgés de 12 à 16 ans; c'est un'âge oii ils ont besoin d'être bien nourris pour avoir toute leur activité et développer leur intelligence et leur adresse. Pour remédier à ce mal, nous leur donnons au milieu de la journée, moyennant la modique rétribution d'un franc par mois, que nous retenons sur leur salaire, un repas composé d'un bouillon gras, 100 grammes de viande de bœuf et 100 -grammes de pain. Environ 100 enfants reçoivent journellement ce repas.

Nous avons établi dans l'intéHeur de l'usine une pension sont recueillis de 40 à gamins orphelins, ou dont les familles n'habitent pas Bac>carat. Les enfants y sont logés, bien nourris, blanchis, raccommodés, surveillés et guidés sous le double rap- port de leur conduilo et de l'accomplissement de leurs devoirs rdigietix, moyennant le prix fort insuftisant de 9 francs par mois, qui sont retenus sur leurs gages. Nous voulons que les enfants qui y sont admis, et qui ne sont pas en position de compter sur les ressources de leurs familles, puissent suffire à lenrs dépenses de vêtements, et à effectuer à la caisse d'épargne -des vei-sements dont nous désirons qu'ils contractent l'habitude Hi^s les premières années de leur vie d'ouvriers.

Dans ce moment, sur 45 jeunes gens réunis dans notre pen- sion, 10 ont des livrets, montant ensemble à 1,430 francs. Plu- sieurs autres envoient leurs économies mensuelles à leurs parents <ians le besoin, et nous préférons cet emploi de leurs épargnes «« point de vue de leur moralité.

Par suite des développements successifs qu'ont acquis nos travaux depuis 44 ans que notre Conipagiiie existe, nous nous sommes trouvés, en plusiem-s circonstances, dans le cas d'avoir à i*eci'uter notre personnel ; mais nous avons toujours évité avec soin les ouvriers nomades, et ceux qui ont pu contracter dans d'autres fabriques des habitudes qui ne sont pas les nôtres.

Qiiand nous avons besoin de nouveaux ouvriers, nous nous atta- chons, autant que possible, et sauf des exceptions fort rares,à les former chez nous par des app^^niis, qui n'onl pas d'autre éduoa-

3S3

lion industrielle que celle que nous leur donnons, et qui arri- vent à l'âge d'hommes laçonnés à nos usages et inibus,^ l'esprit de famille qui caractérise l'ensemble de notre usine^ , , La conséquence en est que nos ouvriers ne changent pas; sur 873 homme.* ouvriers au mois que nous occupons, nous avons à donner cliaque année de 11 à 13 livrets, soit 1 1/â 0/0. Les lîls et les petits-tils des anciens ouvriers que nous avons trouvés à Baccarat dans l'origine de notre Société nous restent toujours fidèles et ont lieu de s'en tëliciter. Leui-s chets de tous gradés sont toujours les mêmes, et ils sont toujours soumis à la même disciphne (1).

Le conseil d'administration de la société de Baccarat, présidé par M. Godard-Dumaretz, ayant décidé que 10 enfants seraient envoyés à la solennité du 27 octobre, il avait été dit que ces erii- fants passeraient par les magasins de la BeUe-Jurdiniére. Leur tenue très-soignée avait semblé au secrétaire de la Société (k Protection un fait exceptionnel et de circonstance. M, Michant lui répondit en ces termes :

« Je suis très-fier de vous démentir et de vous déclarer que nous n'avons en rien conti'ibué à la tenue de ces jeunes gens. Ils ont été désignés par nous sur la pi*oposition des ou- vriers composant le Conseil des retraites et des malades, sans aucune distinction d'aisance, avec la seule condition d'en choisir deux parmi nos orphelins, deux parmi les apprentis lils de ver- rière, deux parmi les apprentis non fils de verriers et deux parmi les apprentis décorateurs. Nous eussions emmené nos 230 en- fants de 12 à 16 ans, que tous eussent paru dans une tenue aussi convenable sans que nous dussions davantage intervenir dans leur toilette. Notre petit lycéC; comme vous l'appelez, ne fournit rien aux enfants pour leur habilleraeiit ;

(i) Cette stabilité, jointe aux soins donnés à l'éducation morale de nos en- tants des deux sexes, contribue puissamment à la pureté des mœurs. Au^î" malgré notre nombreuse population ouvrière, nous oserions dire grâce A l'heu- reuse infliience de cette population, Baccarat mérite d'être cité sous le rapport du petit nombre des naissances hors mariage qui y sont enregistrée» cbaqvie année. Dans l'espace des six demicres amiées, l'étal civil de notre ville pré- sente 26 enfants naturels non légitimés par le mariage sur 764 naissances, soit en moyenne 4 1/3 par an sur 127 naissances, ou 3,40 0/0, Sur ces 26 enfants naturels, pas \\n seul n'est né, depuis six ans, dans la population de 700 pei bonnes qui est logée à l'imérieur de notre étabUssentat.

^^54

il est bien que riioinnie s'habitue de bonne heure à prévoir les exigences de la vie, qu'il tienne à honneur d'être convenable dans sa tenue, ({u'il éprouve une jouissance à thésauriser en vue d'un achat de pantalon noir ou de redingote, et qu'il soit fier, quand il retourne dans son village, d'y paraître avec un accoutrement relativement élégant qu'il ne doit qu'à son travail et à son esprit d'ordre et d'économie. Je tenais à entrer dans ces détails, afin qu'il ne vous restât rien dans l'esprit de cette opinion que nous avions fait à Paris une exhibition flattée de notre jeune per- sonnel , »

VERRERIE DE GAST.

M. Boissière, chimiste distingué, marche sur les traces de Baccarat et, par certains détails des soins donnés aux entants, il va peut-être plus loin que la grande manufacture ; on s'accorde à dire que cet habile labricant , par son dévouement à la classe ouvrière, a régénéré la population de son canton Voici les résultats auxquels il est arrivé en partant des conditions les moins favorables. C'est M. Boissière qui parle :

« Tous les enfants suivent l'école et les jeunes gens sont aussi instruits que possible; les tUles reçoivent la même instruction dans une classe séparée.

Les enfants couchent dans un dortoir avec lits en fer; une fennne de ménage les soigne.

J'ai réduit les heures de travail à dix heures pour tous les ouvriers; le travail de nuit est supprimé.

Le salaire a été augmenté.

Les ouvriers ont leur logement gratuit, ils ont de plus chacun un jardin.

Pendant l'hiver, je leur fais des conférences dans une salle spé- ciale renfermant une bibliothèque à leur disposition, un bil- lard, etc., etc.

Depuis dix ans je leur ai fait apprendre la musique à mes frais; ils ont remporté plusieurs médailles à divers concours de musique.

Un théâtre leur permet d'exercer leur mémoire en les amu- sant.

Un moteur à vapeur remplace la force de l'homme pour cer- taines opérations, notamment pour la taille du verre.

-3oo

Les ateliei*s et logements ont été reconstruits et sont parfai- tement salubres, au point que j'ai rarement dés malades.

Jamais de chômages.

J'occupe "IbO ouvriers et je n'ai jamais eu l'occasion d'en renvoyer pour inconduite.

Tous ces faits sont tellement notoires qu'ils sont connus à vingt lieues et que chaque jour on vient visiter mon établisse- ment; j'espère trouver des imitateurs.

La loi a bien fait de s'occuper de ces enfants; mais je suis convaincu que, dans les grands établissements bien administrés, ils sont bien mieux traités que dans les petits ateliers, le plus souvent ils sont employés à faire les courses, ou à toute autre chose qu'au travail qu'ils sont censés apprendre (1). C'est surtout que la surveillance doit s'exercer. «

VERRERIE D'EPINAC (2).

-< Je puis vous parler de ce qui se passe à la verrerie d'Épinac; **depuis 22 ans que je la dirige, j'ai tourné mes efforts à amé- liorer le bien-être des ouvriei-s, et des enfants en particulier.

Ce dont nous avons le plus à nous défendre, c'est de la ra- pacité des parents, et je ne trouve pas le mot trop fort pour certains d'entre eux, qui veulent vivre sur If traA ail d'un en- fant de 13 ans (3).

L'industrie de la verrerie est une de celles l'apprenti est payé dès le premier jour de son enti-ée à l'usine ; son travail

(1) J'ai interrogé ces jours-ci un jeune entant aiiprenti bijoutier en faux, ayant fait un an d'apprentissage ; il n'avait appris qu'à nettoyer un découpoir. Son temps s'était passé exclusivement à faire les courses, aider au ménage, laver la vaisselle, etc. Je m'empresse d'ajouter qu'il se forme en ce moment une Société Paternelle pour les enfants de la bijouterie, dont M. Volowski est te président d'honneur. (Bw.)

;2) Extrait d'une lettre de M. Andelle au secrétaire.

3) On comprend que des femmes veuves, qui n'ont pas d'autre moyen d'exis- tonce, réclament le salaire de leurs jeunes enfants ; elles se trouvent pres<|ue à l'aise quand deux ou trois garçons peuvent être en âge de porter les bou- teilles. Dans ce cas l'aîné, qui a 15 ans ordinairement, peut commencer à travailler de gamin et à gagner i fr. 80 c. à 2 francs par jour; c'est presque une fortune. (La paie ne se fait jamais qu'entre les mains des parents.) Mais comment qualifier un père valide et vigoureux, qui ne craindrait pas de rester à ne rien faire, parce qu'il a trois enfants (bientôt quatre) capables de porter les bouteilles?

3.^6

consiste à recevoir la bouteille des mains d^ l'ouvrier et k la porter au fourneau à recuire, aloi-s qu'elle est encore soutenue par le sabot ou le pontil. Il faut qu'il soit i-evenu à temps pour que l'ouvrier puisse reprendre la bouteille suivante au moyen des mêmes instruments qui doivent, les pontlls surtout, êtiT réchauffés pour que la bouteille puisse s'y coller. Il faut donc une certaine activité pour ce travail. A Épinac nous avons deux porteurs par chaque place, de sorte que le porteur n'a pas la peine de remonter à l'ouvrier ; il lance seulement le pontil à son camarade, qui le chauffe et le présente à Foirrrier. Les deux porteurs se relayent tour à tour, et par conséquent le Ifavail n'a rien de bien pénible. Le travail effectif n'est pas plus de huit lieures par jour, et comme il y a deux enfants pour le faire, ils n'en sont pas fatigués.

La présence continuelle d'un porteur près du four de fusion lui permet d'apprendre à travailler de gamin bien plus facile- ment que dans les autres verreries, il n'y a qu'un seul por- teur par place ; aussi formons-nous des gamins tant que nous en voulons. Ces enfants sont pour nous une pépinière d'ouvrîers, et nous n'avons presque exclusivement que des verriers. n4a i Éprriàc, ou y tenant par leur famille. >' 'i'nùil

Autrefois les porteurs étaient, comme les ouvriers' Yérriêfs, rétribués au cent de bouteilles ; mais il en résultait une trop grande différence dans les salaires poùi' un travail auquel ils ne peuvent rien, puisque la bouteille est achevée quand ils la portent. On les a mis à la journée ; ils reçoivent chaque jour un salaire de 90 centimes, et pour remédier à la rapacité de quelques parents, j'ai eu l'idée de leur donner en nature un demi-litre de bouillon gras et une ration de viande . Les parents n'ont donc plus que le pain à fournir, et on est assuré que les enfants, pendant le temps du travail au moins, reçoivent une alimentation suffisante. Ce n'est pas à dire qu'il ne se glisse pas quelques abus; ainsi nous savons que quelques enfants, surtout les nouveaux venus, jettent leur bouillon gras, ou le cliangent à d'autres ouvriers pour de la soupe maigre; nous savons aussi que, quelquefois, ils l'emportent chez eux pour le donner à quelque parent malade (1).

(1) L'excellent directeur sait donc ce qu'il a à faire dan> ce ca'-, et il le fait largement.

Sîu -

Le travail des vtaTi€ap& commençant de bonne lieure, uoii> avons son^'é à tbndei un vaste dortoir, les enfants éloignés de l'usine viendraient se coucher à 8 heures du soir. Nous avons eu également la pensée d'une classe obligatoire de o à 7 heures; cette classe avait été étabUe, mais eomnae elle était faite pai' un instituteur non muni de son brevet , l'administi'a-» tien supérieure l'a fait fermer. La nouvelle loi sur l'instruc^ioBj primaire nous permettra sans doute de la rétablir.

Quant au dortoir, il devrait contenir 60 enfants au moins; c'est une grosse installation, il faudrait un surveillant de nuit.; Ce sont des dépenses que le mauvais état de l'industrie verrière dans les années précédentes ne nous a pas e»coi*e permis d'abor- der, mais qui ne sont qu'ajournées. i ::i ;)l ).j

En présence d'un bon vouloir aussi marqué pour les çnfadts que nous employons, un inspecteur serait bien mal venu à novi* chercher querelle pour quelques légères infractions à la loi concernant leur âge. C'est un défaut dont ils se corrigent U>xi&- les jours, et fermer les yeux sur ce détail , c'est souvent rendre un service à des familles malheureuses, qui n'auraient d'autre, ressource que d'envoyer les enfants garder les bestiaux dans i<^ fermes voisines, lisseraient certainement moins bien so9gnés,i

Quand le dortoir sera fait, et ce sera très-prochainement (i),. il; nous sera possible de prendre des enfants étrangers à la localité. Nous pourrons alors nous charger de leur alimentation complète au moyen du fourneau qui fonctionne déjà pour les repas du matin

. , . Les porteurs ont droit, comme, les autres ouvriers de l'u- sine, au service médical, qui est entièrement gratuit pour tov^Sj. *>

VERRERIE DE SAINT-OUEN (2).

M. Marchand a fait construire des bâtiments dans son usine, tous les ouvriers, sans exception, sont logés gralurtement dans des logements spacieux et salubres, réunissanri toutes ïes

(1) M. Careenac elle secrétaire se sont portés garante de l'eagagemeat/de M. An'Ielle, leur ami, d'exécuter cette excellente mesure.

(2 Ejtrait d'un rapport de M. Maurice, inspecteur adjoint du travafl «* enfant? <JaD«? les mannfactares de la Sern*". '" '

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conditions d'hygiène voulues, et en rapport dvec leurs besoins ménagers et ceux de leurs familles.

M. Marchand, ayant compris que l'éducation des ouvriers, de leurs entants, des apprentis (qui en sont souvent malheureuse- ment privés), devait être la base de leur avenir, a fondé une école primaire gratuite, dont la direction est confiée à un bon instituteur. Les ouvriers, leurs enfants, les apprentis, reçoivent une éducation sérieuse en rapport avec leur âge et avec leur con- dition. Cette école a été fondée le 20 octobre 1866, et a toujours été fréquentée assidûment par les enfants, apprentis et ouvriers, <]ui ont déjà fait des progrès notoires.

Vingt à vingt-cinq enfants des ouvriers fréquentent jour- nellement l'école, qui se fait pour eux deux fois par jour.

Dix gamins ou apprentis la fréquentent aussi quand ils ont terminé leur travail.

Environ quinze ouvriers (quand leur travail leur permet) assistent aux cours du soir et y font des progrès sensibles.

L'enseignement pour les enfants et apprentis se compose de : notions de lecture , d'écriture; premiers éléments de gram- maire, d'histoire, d'arithmétique et de géographie. Pour les adultes, l'enseignement a principalement pour objet le français et l'arithmétique.

L'heure des classes a été fixée :

Le matin, de neuf heures à onze heures, classe pour les enfants des ouvriers et apprentis ;

Le soir, de une heure et demie à quatre heures, classe pour les apprentis et enfants des ouvriers.

De sept Jieures à neuf heures, cours du soir pour les adultes.

CRISTALLERIE DE PANTIN.

On doit à M. Macs, fabricant de cristaux à Clichy-la-Garenne, le premier pas que la verrerie du département de la Seine a fait dans la vole tracée par la loi de 1841.

M. Monot est venu après, mais avec un ardent désir de re- gagner le terrain perdu. Fils de ses œuvres, ancien ouvrier, ancien gamin de verrerie et devenu patron , à force de volon'é.

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aujourd'hui l'un des dlus importants verriers de Paris, il est, sans contredit , l'un des premiers fabricants en son genre ; honoré d'une médaille d'or à l'Exposition de. 1867, il ne peut tarder à rece- voir le témoignage public de la plus haute estime qu'ont demandé pour lui ses juges et ses confrères.

L'habile fabricant a compris qu'il devait, plus que tout autre, s'occuper de ses gamins, dont il est l'ancien camarade, de ses ouvrière, dont il a partagé les travaux. J'ai dit ici comment il avait su déjà adoucir les conditions du travail pénible auquel la concurrence a conduit nos verreries de la Seine, et donner aux enfants des compensations; comment en- fin il fait tous ses efforts pour rentrer dans les hmites de la tolérance jusqu'à ce qu'il puisse se renfermer dans les limites plus étroites de la loi.

M. Monot habille les enfants pour la première communion ; il les instruit, aidé du dévouement des sœurs de Saint-Vincent- de-Paul; chaque année leur fait une distribution solennelle de récompenses, et se prépare à leur donner le repas du milieu de la nuit.

CRISTALLERIE DU BOURGET.

M. Paris avait tenté à Paris d'appliquer le système qui avait si bien réussi à M. Monot ; par des circonstances qu'il n'est pas à propos de relater, il a ajourner ses projets de ré- forme qu'il accomplit aujourd'hui dans son établissement du Bourget : ses enfants sont logés à proximité de l'usine, ils sont instruits aux frais de M. Paris, et moi qui connais M. et M'°* Paris, je me porte garant que le bien n'en restera pas là.

CRISTALLERIE DE SAINT-DENIS.

L'établissement de M. Delvincourt est depuis peu de temps entre ses mains, et les améliorations y sont déjà considérables. Les enfants sont casernes et confiés à une brave femme qui en prend soin. Ce premier pas n'est qu'un prélude, il y a bien plus à attendre de M. Delvincourt, que son nom oblige et que son cœur pousse en avant.

36(1

•"■"CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE. ",'

Une nouvelle pétition adressée au Sénat a étë rôbjèt d*i^ rapport de M. le baron de la Doucette. ":"' '"''«1 '>tKli>d J

Voici le texte du Moniteur': " '" '' '

« Le sieur Philippot, demeurant à Lunoux ( Aude ) , se plaint de l'inexécution de plusieurs parties de la loi de 4844 sur le travail des entants dans les manufactures. Il voudrait que dCvS inspecteurs payés sur les fonds de l'État ou des départements fussent nommés pour veiller à l'exécution de ces dispositions. . » Il pense qu'on trouverait une économie à charger de ce soin les vérificateurs des poids et mesures, qui se contenteraient d'une indemnité supplémentaire pour ajouter ce travail à celui de leurs fonctions. ,,,,., cm r.

>^ La question. Messieurs, dont s'occ\ipe Jle péttiti(Minairc est à l'ordre du jour depuis longtemps. Le Sénat en a été saisi plu- sieurs fois par des pétitions, et ces pétitions ont été constam- ment renvoyées au Gouvernement.

» Dans la dernière session, la queslian se trouvait encore soulevée, lors de la discussion de la nouvelle loi sur l'instruc- tion primaire. M. le ministre de l'agriculture, du commercé et d(« travaux publics annonçait au Sénat qu'il se préoccupait beaucoup des inconvénients ou des lacunes signalés, et que des dispositions nouvelles ne tardenrarent pas à être proposées par

H En cet état, Messieurs, et sans s'associer pour cela à toutes les propositions faites par le pétitionnaire, votre Commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de sa pétition à M. le Ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics.

» M. Gaudl\, commissaire du Gouvernement. Messieurs les sénateurs, ainsi que le rappelle le rapport qui vient de vous être soumis, M. le ministre do l'agriculture, du commerce et des travaux publics constatait lui-même, dans la séance du 29 mars dernier, que des mesures avaient été prises pour assurer partout, dans un intérêt d'humanité comme dans un intérêt de loyale concurrence, l'exécution de la loi de 4841. Il constatait également que cette loi elle-même devait être coin-

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plét^ dans oertaines de ses parties ; il déclarait que les travaux déjà considérables de ses prédécesseurs seraient continués par lui et prochainement terminés. Cet engagement a été tenu, des recherches nouvelles et des enquêtes approfondies ont été faites; les législations étrangères, et notamment la législation an- glaise, — ont été étudiées ; hier même un projet de loi était *iressé par le Ministre au conseil d'État, et il pourra prochai- nement sans doute être porté au Corps législatif.

» Le Sénat comprendra qu'il ne soit pas possible d'entrer ici dans les détails de ce projet; en le préparant, le Gouvernement s'est inspiré des sentiments qui se sont manifestés à plusieurs reprises et ici et au Corps législatif, et après les études nouvelles et complètes qu'il vient de faire, il espère leur donner satisfaction.

> Le projet dont il s'agit ne s'attache pas seulement à l'exécu- tion, pour ainsi dire, matérielle de la loi. Dans un sentiment qui est sympathique à tous, il s'attache également à la compklé- ter dans ce que l'on peut appeler l'ordre moral.

» En assurant l'exécution des prescriptions qui limitent la durée du travail des enfants dans les manufactures, il recherche les moyens d'obtenir en même temps, pour eux cette améMoration intellectuelle et morale que vous désirez tous.

» La surveillance de l'atelier doit se compléter par l'instruction; le travail de l'industrie et le travail de l'intelligence seraient ainsi associés ; car d'accord avec vous, d'accord avec l'expé- rience, d'accord avec les législations étrangères qui se sont OiQCupées de cette importante question, les publicistes ont reconnu que l'école repose de l'atelier, et que, après le travail indus- triel, l'enfant peut reprendre d'autant mieux._ ,sb§ fprçes qa'^Ji

se reposant il développe son inteUigence. » , ., . , '\

,,(Le renvoi au Ministre de l'agriculture, du commerîçe et des travaux publics est mis aux voix et prononcé.)

Le projet de loi est en ce moment au conseil d'État. Le ministre a tenu les engagements pris devant les Chambres. Cependant l'agitation favorable et qui préparera l'exécution de la loi nouvelle ne se ralentit pas.

L'Exposé de la situation de l'Empire a consacré un chapitre spécial à la question du travail des enfants . et la Société de Frotection a obtenu l'insigne honneur d'une mention dans les necnerk des principaux fate de l'année.

862

'( . . .Des vœux ont été exprimés à diverses reprises, et notam- ment dans la dernière session du Sénat et du Corps législatif, en faveur des enfants employés dans les établissements industriels ; on a demandé que des modifications fussent introduites dans la législation qui les concerne. Sans être ni aussi étendues, ni aussi observées qu'elles pourraient l'être, les prescriptions éta- blies en 1841 ne sont pas restées sans efficacité. On ne voit plus d'abus pareils à ceux qui avaient nécessité l'intervention de l'autorité; un grand nombre de chefs d'établissements se prêtent généreusement aux vues bienfaisantes du législateur en facilitant surtout les moyens d'instruction ; des Conseils géné- raux, en première ligne celui du Nord, ensuite ceux du Pas- de-Calais, de la Somme, du Bas-Rhin, de la Seine-Inférieure, de l'Eure, de l'Oise, de Seine-et-Oise. etc., tiennent à hon- neur de s'associer par leurs libéralités à cette œuvre de bien public. Toutefois, comme il s'agit d'intérêts précieux à sauve- garder, une large enquête a été ouverte dans les départements. On a également demandé l'avis des Conseils généraux, ainsi que des organes officiels de l'industrie et du commerce auprès de l'Adipinistration, et de nombreux renseignements ont été recueillis à l'étranger. Enfin il a été préparé un projet de dis- positions nouvelles destinées à compléter, autant que possible, une œuvre à l'accomplissement de laquelle se trouve si intime- ment lié l'avenir de notre population industrielle. . . »

« Le mouvement d'opinion, si utile à la bonne et complète ap- plication d'une loi de ce genre, est puissamment aidé par les efforts de la Société de protection des apprentis et des enfants DES manufactures, à laquelle S. M. l' Impératrice a daigné ac- corder son auguste patronage et celui de S. A. le Prince im- périal. »

Parmi les documents importants qui se sont produits récem- ment, je crois devoir citer la réponse de la Commission de sur- veillance du travail des enfants dans les manufactures de

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l'arrondissement de Mulhouse au questionnaire de M. le Ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics (i).

I Comment la loi de 184 f est-elle exécutée, principalement en ce qm concerne : le minimum d'âge fixé? Dans les nombreuses inspections faites par la Commission de surveillance du travail des enfants dans les manufactures pour l'arrondissement de Mulhouse, elle n'a rencontré presque aucune contravention au point de vue de l'âge minimum de 8 ans.

^ La durée du travail?

Par contre, dans plusieurs filatures, on a trouvé de nombreux enfants n'ayant pas encore atteint l'âge de 12 ans, quoique le travail soit de douze heures dans ces établissements ; il est vrai que presque toujoui-s on envoie ces enfants à l'école pen- dant deux heures, mais il n'en reste pas moins dix heures de travail, alors que la loi n'en tolère que huit.

La Commission est parvenue à décider toutes les manufac- tures de toiles peintes qui occupent un nombre très-considé- rable d'enfants de 8 à 12 ans à établir chez elles une école et à y envoyer les enfants pendant au moins deux heures chaque jour. Le travail de ces établissements est généralement de onze heures pendant la belle saison ; il y aurait donc tou- joui-s une heure de travail de trop pour ces enfants.

Par contre, en hiver, le travail finit lors(|ue le jom- baisse, de sorte que les enfants ne sont même plus occupés pendant huit heures à un travail beaucoup moins fatigant et beaucoup moins nuisible à la santé que celui des filatures, les enfants sont attachés du matin au soir à une machine toujours en mouvement.

3'' Le repos des dimanches et des fêtes ? On ne travaille jamais les dimanches et fêtes dans les manu- factures de l'arrondissement, si ce n'est pour des réparations urçentes, les enfants ne peuvent être d'aucune utilité.

(1; L'enquêle poursuivie par .M. le 3Iinislre est terminée, j'espère pouvoir eu donner un jour l'analyse; en attendant, je crois utile de communiquer le document suivant, dont l'importance est considérable, attendu qn'il provient d'une Société qui marche à la télé du progrès, et est rédigé par des homme> pratiques aux prises avec les difficulés d'exécution.

^<)4 4'^ Le travail de nitit?

Une seule fabrique de notre circonscription travaille de nuit; mais elle n'emploie pas d'ouvriers au-dessous de 46 ans.

A cette occasion la Commission croit de son devoir d'émettre le vœu que tout travail de nuit, c'est-à-dire tout travail com- pris entre 10 heures du soir et 5 heures du matin, soit interdit d'une façon absolue, sauf pour les usines qui ne peuvent s'arrêter et qui seraient à désigner tout spécialement par un règlement administratif. Le travail de nuit tout à fait momentané pour- rait également être autorisé par les préfets dans les cas de r^- pa)'ations urgentes, pour empêcher le chômage d'un étabhsse- ment.

S" L'instruction primaire?

Si beaucoup d'enfants suivent les écoles attachées à la plu- part de nos établissements, il faut toutefois constater qu'un grand nombre n'en profite guère, car il est résulté des exa- mens, que dans ses tournées d'inspection la Commission a fait subir aux enfants, qu'un tiers environ ne sait ni lire ni écrire. Ce triste résultat est principalement à ce que les enfants qui se rendent des villages environnants aux différentes usines n'ont fréquenté l'école que pendant quelques mois, parfois pen- dant quelques jours seulement, et que les maires leur délivrent avec beaucoup trop de facilité des attestations constatant qu'ils ont satisfait à cette prescription de la loi de 1841.

Comment est organisé le service de l'inspection?

A la suite de la promulgation de la loi, une première Com- mission a été organisée et a fonctionné pendant les années 1841, 1842, 1843, 1844, 184o. Puis il n'a plus rien été fait jusqu'en 48SÎJ; la Commissioii nommée a cessé tout travail au bout de trois ans; enfin, par arrêté préfectoral du 4 mai 186o, une nouvelle Commission a été instituée pour l'arrondissement de Mulhouse, et est comjwsée comme suit, sous la présidence de M. le sous-préfet de l'arrondissement :

MM. Jean Dollfus, maire de Mulhouse, vice-président ; Henri Bock, adjoint au maire de Muhouse ; Charles Doll, consul du grand-duché de Bade, secrétaire de la Commission ; Théodore

36o

iimdt, ingénieur des ponts et chaussées; Achille Penot, doc- teur es sciences; Edouard Trapp, manufacturier; Alathieu- Thierry Mieg, propriétaire; Jean Weber, docteur en médecine; Ëmest Zuber, mauufacturieiV''*' .< >*

Les Commissions fomûonnent-elles régulièrement?

Aussitôt installée, la nouvelle Commission, afin de faciliter son travail, s'est divisée immédiatement en trois sous-con: mis- sions qui se sont partagé les établissements à visiter. Outre les tournées d'inspection faites par la sous-ccmmission, le registre des délibérations constate qu'une réunion générale a eu lieu chaque trimestre pour entendre les différents rapports et statuer sur les nouvelles démarches à faire.

Quel est, pour Uannèe 1866, le nombre des visites, des procès- verbanx, des poursuites et des condamnations?

En 1866, chaque usine a été visitée deux fois au moins, et toutes celles dans lesquelles les sous-commissions demandaient une modification dans la tenue des écoles déjà organisées ou la création d'écoles nouvelles ont été revues trois et quatre fpjs. Il a été dressé quatorze procès-verbaux qui ont donné lieu à .|ijp même nombre de condamnations.

Quelles sont les difficultés qiie te montre l'application de la loi, et quels seraient les moyens de les faire disparaitr&?

Une des plus graves ditiicuîtés que rencontre l'exécution de la loi se trouve dans les 8 heures de travail qu'il esl permis d'exiger des enfants de 8 à 12 ans. Ce système ne se prête que ti"ès-difficileraent à la marche ordinaire des fabriques, Ton travaille généralement de 6 heures dn matin à 7 heures du soir. Il devient très-diflîcile pour les inspecteurs de surveiller le fonc- tionnement des relais, qui ne peuvent se relever chaque jour aux mêmes heures. Il n'est dès lors pas possible de vérifier si tous les enfants ne travaillent pas plus de 8 heures par jour, à moins de faire une inspection quotidienne et d'interroger chaqu^e fois tous les «ifants.

Dès 1847, la Société industrielle de Mulhouse indiquait le seul moyen pratique de remédier à ce grave inconvénient ; Q consiste à n'exiger des enfants de 8 à 12 ans qu'un travail jour^

ma

ualier de 6 heures (1), prises entièrement soit avant, soit après rnidi. Ces entants auraient donc une demi-journée pour fré- quenter les écoles et se livrer aux ébats si nécessaires à leur âge. L'inspection des fabriques, aidée de celle des écoles, donne- rait un moyen facile de s'assurer qu'aucun enfant ne travaille; qu'une demi-journée et que tous reçoivent l'instruction primaire ; en outre cette mesure cadrerait parfaitement avec les usages ordinaires des ateliers.

La Chambre des pairs avait déjà formulé en loi, dans les premiers jours de 1848, le vœu que la Société industrielle avait émis. (Voir le texte de cette loi, Bulletin n" 1.)

Une seconde cause qui empêche l'exécution de la loi consiste dans l'absence d'une inspection générale et sérieuse, étendue à tous les centres industriels de la France, et qui, opéi-ant partout sur des bases uniformes, arriverait à une égale observation des dispositions légales dans toutes les manufactures.

Dans l'état actuel des choses, les membres d'une Commission qui veulent accomplir avec zèle le mandat qui leur est confié se trouvent fort souvent arrêtés par la considération qu'ils im- posent à un industriel des sacrifices sérieux, alors qu'une usine concurrente, placée à 2 kilomètres plus loin, donne impuné- ment le spectacle d'abus bien plus nombreux par la seule rai- son qu'elle est située dans une autre circonscription.

Le seul moyen d'arriver à l'observation exacte de la loi est de créer des inspecteurs, véritables fonctionnaires de l'État, qui auraient pour mission de veiller à ce que la loi fût exactement observée sur tous les points de l'Empire. Les commissions lo- cales, qu'il serait bon de conserver, agiraient sous la direction et l'impulsion des inspecteurs ; leur action s'exercerait avec plus de rigueur et de régularité, lorsqu'elles se sentiraient sou- tenues par un fonctionnaire d'un ordre supérieur.

(i) Nous croyons qu'il serait bon de ne pas écrire dans la loi nouvelle ce chifl're formel de six heures; il faudrait mettre simplement la demi-journée. En effet, la journée n'étant pas invariablement de 12 heures, et à Mulhouse même étant parfois plus courte, fixer pour le travail de l'enfant ce nombre de 6 heures, ce serait l'allonger légalement plus qu'on ne le veut, se créer des difficultés et retomber dans les inconvénients qni sont nés de la fixation à 8 heures. La pensée sur laquelle tout le monde est d'accord, c'est que l'enfant doit travailler à demi-journée ; voilà le principe général qu'il faut indiquer dans la loi. Par précaution, on pourrait ajouter: la demi-journée ne sera jamais de plus do 6 heures. Aucune incertitude alors, ne serait possible dans l'explication (In journée lèçnfe est de 12 heures).

3G7

On sait qu'en Angleterre la loi sur le travail des enfaïUs dans les manufactures n'a produit d'efTet sérieux que depuis la créa- tion d'inspecteurs salariés, et les rapports remarquables publiés . par ces hauts fonctionnaires témoignent de l'habileié qui a pré- sidé au choix du gouvernement anglais. En France , la Chambre des pairs avait également adopté le principe des fonctionnaires salariés dans la loi qu'elle avait votée. Il est de toute nécessité, dans les familles pauvres, que les enfants contribuent le plus tut possible par leur travail à l'augmentation du gain journalier ; mais ce n'est qu'en limitant ce travail à la moitié de la jour- née qu'il est possible de concilier cette nécessité avec les me- sures à observer pour ne pas entraver le développement moral et physique de l'enfance : cette vérité a été reconnue et prati- quée en Angleterre depuis un assez grand nombre d'années.

Quelles améliorations serait-il possible d'introduire dans le ré- gime du travail des enfants' Devrait-on spécialement: Etendre le régime aux étahUssemenis employant moins de 20 ouvriers et conviendrait-il, dans ce cas, d'établir une limite inférieure, telle par exemple que celle de 10 ouvriers, ou bien d'étendre l'appli- cation de la loi à tous les établissements employant des enfants hors de la famille et hors des conditions de V apprentissage'.^

La Commission estime que la loi doit être appliquée à tous les ateliers sans exception, quel qu'y soit le noml>re d'ouvriers, dès (ju'on emploie des enfants hors de la famille et des condi- tions de l'apprentissage.

i" Diminuer la durée du travail'

La Commission vient de demander que le travail soit réduii à 6 heures pour les enfants de 8 à 12 ans. Elle croit qu'il serait bon de réduire également à 11 heures le travail pour les enfants de 12 à 16 ans ; et elle verrait avec satisÉac- tion que cette mesure, commandée par le besoin de ne pas abuser des forces physiques de l'ouvrier , fût appliquée aux femmes de tout âge.

3" Elever le minimum d'âge?

Si l'on adoptait les demi-journées pour les enfants de 8 à 12 ans, et si l'on réduisait à 11 heures le travail de ceux âgés de 12 à 16 ans, il n'y aurait plus aucun motif pour élever le minimum d'âge actuel.

26

368

Il serait, au contraire, à craindre que les industriels qui em- ploient beaucoup d'enfants, et qui fort souvent sont obligés de ieur confier des travaux que des enfants seuls peuvent exécu- ter, n'éprouvassent de très-grandes difficultés à trouver des en- fants en quantité suffisante. Dans les filatures, par exemple, il est nécessaire de passer à chaque instant sous le métier pour rattacher le fd et graisser certaines parties de la machine, il serait presque impossible et dans tous les cas très-dangereux d'employer des ouvriers de grande taille.

D'un autre côté, il est indispensable que les enfants des ou- vriers contribuent le plus tôt possible à grossir le modeste re- venu de la famille, et, en les admettant dès l'âge de 8 ans, on les force du moins à fréquenter une école à partir de cet âge. Trois heures d'école par jour, pour ne pas trop fatiguer ces enfants qui travaillent dans les ateliers pendant six heures, seraient certainement suffisantes, mais il serait nécessaire d'ac- corder partout la gratuité scolaire absolue pour les enfants de cette catégorie qui appartiennent aux parents les plus nécessi- teux.

Rendre la fréquentalion de Vécole ohlig a lo ire jusqu'à 16 ans?

Aussitôt que la réduction du travail à six heures serait adop- tée, tout enfant ayant obligatoirement fréquenté l'école de 8 à 12 ans saurait lire et écrire en arrivant à cet âge; en multipliant les bibliothèques de fabrique et les bibliothèques populaires, qui ont pris à Mulhouse et dans les environs un si rciiiarquable développement, on leur. donnerait le moyen de ne pas oublier ce qu'ils ont appris. On pourrait exiger d'ailleurs qu'aucun enfant de 12 ans et au-dessus ne puisse être ad- mis dans une usine sans présenter un certificat constatant qu'il sait lire et écrire.

L'examen nécessité pour la délivrance de ce certificat serait passé devant des personnes désignées, soit par la Commission d'inspection, soit par le sous-préfet de chaque arrondissem3nt; il suffirait généralement d'un seul examinateur par commune, sauf à en prendre plusieurs, qui opéreraient du reste toujours isolément pour les grands centres industriels. Dans ces condi- tions, il ne serait pas nécessaire de rendre la fréquentation des écoles obligatoire jusqu'à 16 ans; car, en décidant cette dernière prescription, on rencontrerait certainement dans la

3m

praticjue des difficultés insurmontables. Le travail des entants de 42 à 16 ans doit, en tous points, concorder avec celui des autres ouvriers; il est forcé de commencer et de s'arrêter en même temps que celui des adultes. En conséquence, en ré- duisant le travail des premiers à onze heures, et en réduisant de même celui des femmes, le travail général ne pourrait durer plus longtemps.

Il en résulterait un bien extrême pour toute la classe ouvrière, et les fabricants eux-mêmes n'auraient pas à s'en plaindre, car dans presque toutes les industries l'ouvrier, moins fatigué, produirait en onze heures autant de travail qu'en douze. Des essais de ce genre ont déjà été tentés à Mulhouse et ont donne les résultats les plus satisfaisants.

L'opinion de 31. Jules Simon s'éloigne peu de celle de la commission de surveillance de Mulhouse; la voici, talle que nous la trouvons exprimée dans une lettre adressée le 17 novem- bre 1867 au journal la Coopération :

« Je demande que la loi s'étende à tous les enfants travaillant hors de la maison paternelle ; que le travail, jusqu'à 13 ans révolus, ne puisse jamais dépasser une durée de cinq heures et demie par jour, séparées par un repos; que le travail de nuit et le travail du dimanche, sous quelque prétexte et sous quel- que déguisement que ce soit, demeurent absolument interdits; que le temps d'école soit de deux heures par jour, au minimum, jusqu'à 13 ans révolus, et de six heures par semaine depuis 13 ans jusqu'à 18. Il faut travailler, sans doute : mais il faut penser et vivre! »

Peut-être notre honoré collègue ne se préoccupe-t-il pas assez de la situation des fabriques qui, travaillant la nuit, ont absolu- ment besoin du concours des enfants. Il y a des procédés de fabrication à changer; cela se fera avec le temps, mais, jusque là, il convient de ménager des fabricants auxquels on demande en échange des compensations qui permettront d'attendre, en créant pour l'enfant une situation déjà bien

II

a70

m

dlleure (1). La suppression brusque du travail de nuit pour nos verreries de la Seine serait pour elles le désarroi complet.

Tandis (juc nous songeons sérieusement à faire observer les devoirs ie l'industrie envers l'enfance, les autres gouvernements ne restent pas dans l'inertie et sont toujours bien en avant de nous. En Angleterre une nouvelle loi a paru dans l'année 1867, dans laquelle on applique à des industries nouvelles les dispositions des actes précédents; une autre loi défend, à partir du l'^"" janvier 1868, l'emploi des enfants au-dessous de 8 ans : au-dessus de cet âge le travail ne sera permis que pour six heures et demie , entre 6 heures du matin et 8 heures du soir.

Les femmes ne peuvent être occupées plus de dix heures et demie sur vingt-quatre (soit onze heures de séjour avec une heure et demie de repos), entre S heures du matin et 9 heures du soir. Le travail est interdit aux enfants et aux femmes le samedi après 3 heures (2) et le dimanche.

Les enfants sont tenus d'aller à l'école et une amende qui frappe ks inexacts engage les parents, privés ainsi d'une partie du salaire, à tenir la main à l'exactitude.

Le réveil de l'initiative individuelle a déjà amené chez nous dans plusieurs établissements l'adoption spontanée des mesures que prescrit la loi anglaise. J'ajouterai que c'est par exception qu'en France on emploie dans les grandes manufactures dos enfants au-dessous de 8 ans, et la plus petite surveillance suffira pour amener tous les fabricants à ne pas en admettre.

M. J. Dollfus, de Mulhouse, a réduit spontanément à 11 heures le travail des femmes, et l'honorable maire de Mulhouse, nous l'avons vu, déclare que le travail ])roduit n'est pas moindre

(1) On pourrait par privilège maintenir provisoirement le travail de six en six pour les établissements qui donnent aux enfants le logement, la nourri- ture, l'entretien et l'instruction .

(2) Le chômage partiel du samedi est une bien excellente chose,* il assure le repos du dimanche, et de plus il exclut le prétexte du repos du lundi. L'ou- vrier qui n'a que son dimanche ne peut s'occuper de ses intérêts privés. Il ne trouve le dimanche ni notaire, ni juge de paix, ni prud'homme, et il lui faut nécessairement prendre un jour de semaine pour faire face à ses obliga- tions sociales; le chômage du lundi trouve ainsi un prétexte.

a-i

({u'il n'était poiu- douze heures (i) ; la maison DoUfus vieu aussi d'appliquer le demi-temps pour le travail des enfants.

Le demi-temps, c'est l'emploi de l'enfant pendant la demi- journée de Touvrier. Six heures, cinq heures et demie, cinq heures suivant que la journée est de douze, onze ou dix heures. Voici la lettre qu'écrivait à votre secrétaire un associé de cette maison :

(' Je ne veux pas tarder à vous annoncer une bonne nouvelle. » Notre maison va adopter pour ses hlatures le travail à demi- journées et prendre pour ses écoles les mesures les plus etfee- tives, les plus complètes; vous voyez que noiis devançons la loi, mais la loi ne m'en semble pas moins désù'able, car elle pourra seule généraliser pour k- pays les bienfaits du travail à

demi-temps (2). »

« Notre second instituteur doit être installé la semaine prochaine, le résultat annoncé sei-a avant peu complètement atteint, vous jwuvez y compter.

» Il y sera fait des additions dans l'intérêt des enfants, addi- tions dont je vous entretiendrai plus tard, si, comme je l'espère,

elles réussissent. »

L'excellente pratique du demi-temps ne saurait suffire si l'enfant n'est forcé d'aller à l'école. Tout est pom* le mieux quand l'école est dans la manufacture même. Dans ce cas, lenfant peut rester enfermé dans l'établissement pendant toute la journée, comme le sont ses parents ; ou peut d'ailleurs im- poser aux parents comme condition de leur emploi que leur enfant ne quittera l'atelier que pour l'école et qu'il restera à l'école la demi-journée entière ; il sera ainsi ouvrier le matin, écolier l'après-midi (ou inversement) : comme ouvrier il aura son temps de travail et son repos, comme écolier, ses classes et ses récréations.

(1) J'ai déjà tlit ici et je ceitilie de nouveau que le travail de neuf heures par des jeunes filles dans les manutaetare* de M. Hamelin i-end autant que celui de douze heures dans les ateliers de Paris qui font la même opération. Un travail consciencieux, assidu, plus court, est préférable à un travail plus long négligé et sans entrain; il suffit d'un peu de bon rouloir pour faire par- tout l'application de cette vérité désormais démontrée et incontestable. (Bw).

Î2) C'est au printemps qu'il faudra i)0usser avec vigueur le travail de demi- temps pour les enfants au-desscHis de douze ans: dans ce moment de misère, ce serait presque une cruauté que dagir d'une façon trop radicale; il faut se contenter de faire exécuter la loi telle qu'elle est.

372

Il y a toutetbis un danger avec ces classes iiitra itiuros, c'est le danger de tVaude signalé dans un de nos précédents Bulletins ; mais je ne m'y arrête pas , persuadé qu'on arrivera à faire justice de ces pratiques honteuses, dès que le sens public les aura déclarées honteuses, et notre Sociélé met tous ses efforts à hâter ce moment.

Les gens difficultueux par caractère, ou qui le sont dans le but de temporiser, prétendent que la surveillance est difficile; je crois qu'elle est très-simple et que rien n'est plus facile (pie d'obtenir une régularité parfaite.

M. Gervais, de Caen, me racontait qu'il avait vu, en Suède, un enfant do huit ans conduit à l'école par un gendarme. Je crois que nous n'avons pas à recourir à ce procédé. L'éduca- tion se fait chaque jour et, avant peu, le fabricant trouvera dans chacun de ses ouvriers un constable qui, spontanément, remplira l'office du gendarme suédois. Au surplus, rien n'est plus aisé que d'avoir un échange de jetons entre l'école et la fabrique; ou bien encore un livre d'école, ainsi que cela se fait dans le canton de Castres.

M. Estelle, inspecteur non salarié du travail des enfants dans les manufactures et délégué cantonal, a obtenu dans le canton (le Castres, et surtout dans la commune de Mazamet, l'observa- tion littérale de la loi. 35 lilatures, 34 fabriques de draps, 1 fou- lon et 4 apprêts constituent le contingent de fabriques du canton : soit 74 établissements soumis à l'inspection et représentant 6o0 enfants. (Ce nombre serait double si tous les établissements étaient atteints par la loi). Le travail des enfants de 8 à 12 ans est de 8 heures. Les enfants, après cette journée, quittent les usines en rang et vont aiusi à l'école. Ceux dont le travail est lié à celui d'un ouvrier sont remplacés par des relayeui'S.

L'appel se fait à l'école. Le patron reçoit tous les quinze jours, avant la paie, le registre du maître ; des amendes sont perçues sur les inexacts au profit du plus assidu.

Voici les dispositions prises par M. le maire de Mazamet pour assurer ces résultats :

RÈGLEMENT INTÉRIEUR.

Article l•^^ Les enfants de huit à douze ans commence-

373 ront leur travail à o heures du mathi et le termineront à 2 heures du soir.

Ces neuf heures seront divisées par un repos (pii aura lieu de 10 à 11 heures du matin.

Les relayeurs commenceront leur travail après la sortie des précédtnls et ne pourront dans aucun cas excéder les lieures prévues par la loi.

Akt. 2. Le travail des enfants de douze à seize ans com- mencera à o heures du matin ei se terminera à 7 heures du soir.

Les 14 heures contenues dans la limite ci-dessus indiquée seront divisées par deux heures de repos, que nous lixons de la manière suivante :

1. De 10 à 11 lieures du matin afin que les enfants puissent aller dîner avec leurs parents;

2. De 2 à 3 heures du soir, afin que l'heure entière soit con- sacrée à l'instruction primaire élémentaire des enfants.

Art. 3. Les enfants seront conduits à l'école sous la surveil- lance d'un moniteur, qui sera choisi parmi eux comme le plus intelligent. Le moniteur sera chargé de faire former le rang et de faire l'appel avant la sortie de l'atelier.

Art. 4. Les enfants de huit à douze ans se rendront à l'école à la fin de leur travail avec ceux de douze à seize ans.

Art. 5. Désormais, il sera demandé aux enfants, non seulement un travail régulier, mais une conduite irréprochable sous le rapport ( leurs entretiens.

Art. 6. Les enfants se rendront le dimanche à l'église ou au temple, selon leur culte respectif, pour y recevoir une heure d'instruction religieuse.

A l'église, depuis 7 heures du matin jusqu'à 8 ;

Au temple, depuis 2 heures 1^2 jusqu'à 3 heures 1[2 du soir.

Art. 7. Les tileurs en gros qui ont des rapports cons- tants et directs avec les enfants sont prévenus qu'ils seront renvoyés de l'atelier pour tout conseil et tout mauvais propos dictés à ceux qui servent leurs métiers.

Art. 8. Afin d'exciter une nobleet louable émulation parmiles enfants, des récompenses seront accordées à la fin de l'année aux* plus sages et à ceux qui auront le plus profité de l'instrucfioji

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primaire. Un prix sera décerné au plus digne qui iigurera sur le Tableau d'honneur. Ce tableau sera placé dans l'atelier d'une manière très-apparente ail n que les enfants puissent le consulter.

Anx. 9. Tout entant qui ne fréquenterait pas régulière- ment l'école sera renvoyé de l'élablissement et subira une retenue de 0 fr. 10 c. pour chaque absence.

Art. 10. Les contre-maîtres, les régisseurs et les moni- teurs sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécu- tion du présent règlement.

Extrait d}i registre des arrêtés du maire de la commune de Mazamet.

Tu la loi du :2^ mars 1841, relative au travail des enfants dans les manufactures;,

Considérant que, pour rendre exécutoire l'article 5 de cette loi, qui exige que les enfants qui n'ont pas reçu l'instruction pri- maire élémentaire fréquentent l'école pour pouvoir êU'e admis au travail, il est nécessaire de fixer les écoles les enfants des divers ateliers seront admis et les heures de leur admission.

Considérant aussi que l'exécution de cette loi exige certaines mesures qu'il est urgent de prendre,

Avons arrêté ce qui suit :

Article premier. Les enfants de la (commune de Mazamet, travaillant dans les établissements en aval du pont de Rcdondal et de la fabrique de 3131. Durand frères inclusivement, seront reçus, les garçons, aux écoles publiques de la rue des Cordes, selon leur culte, et les filles, à l'école de Sœurs de la Croix ou à celle de M""" Ribot, aussi selon leur culte.

Art. 2. Les enfants de tous les autres établissements de la commune, en amont de l'usine de la Resse inclusivement, seront reçus à une école privée établie dans un local qui sera désigné ultérieurement dans les environs de l'usine de Saint-Sauveur.

Art. 3. Dans toutes les écoles, les enfants seront reçus de 2 à 3 heures après-midi.

Art . 4. Le premier lundi de chaque quinzaine, les manu- facturiers ou chefs d'ateliers devront remettre à l'instituteur une liste des enfants occupés par eux qui devront fréquenter l'école.

375

Ces listes leur seront rendues à l'expiration de la quinzaine

avec les annotations sur l'absence des élèves, et elles seront

représentées aux inspecteurs.

Art. o. Les enfants âgés de plus de 1:2 ans, qui, ayant

reçu l'instiuctiou primaire élémentaire, voudront se dispenser

de suivre l'école, de\Tont se munir du certificat prescrit par

r article S de la loi.

*

Art. 6. Les chefs d'usine et d'atelier qui auront des en- fants de moins de i2 ans pour remplacer le soir ceux qui auront travaillé le matin devront déposer à la mairie la liste des uns et des autres, ainsi que tous les changements que ces listes pourront subir.

Art. 7. Chaque chef d'usine devra déposer à la mairie une copie certifiée de son règlement intérieur.

Art. 8. Le présent arrêté sera exécutoire à partir du i*' août prochain.

Art. 9 Les contrevenants seront traduits devant le tri- bunal de police et punis conformément à la loi.

Art. 10. Le commissaire de police est chai'gé de l'exécu- tion du présent.

Quel ([ue soit le procédé suivi, il est à désirer que l'école reste obligatoire et, de plus, qu'elle garde l'enfant pendant la demi-journée, autrement l'enfant vagabonde, ou bien il sera occupé à un autre travail et le but ne sera qu'imparfaitement atteint.

La Prusse, qui devance l'Angleterre et nous, suit sa voie avec énergie. Une ordonnance du 27 septembre dernier, rendue par le roi Guillaume, règle la mise eu vigueur dans les provinces annexées des lois et règlements concernant le travail des en- fants. Il y est dit, article 3 : « Dans les cas l'exécution de ce règlement enlèverait aux fabriques, usines, hauts fourneaux, le nombre d'ouvriers nécessaires à leur exploitation, le Ministre du commerce, de l'industrie et des travaux publics pourra, de concert avec le ministi'e des cultes, de l'instruction publique et des affaires médicales, ordonner, pour "un temps limité, des mesures exceptionnelles. »

376

De même, il est permis de réduire de dix à six. heures le temps du travail pour les enfants âgés de 14 ans qui seraient encore tenus, dans certaines parties du territoire, en vertu des règlements existants, de fréquenter des écoles.

La loi prussienne , imposée aux provinces annexées , ne permet pour Xenfant de moins de 44 ans que six heures de travail avec un repos d'une demi-heure ; elle exige d'ailleurs trois heures de classe, et les contraventions sont sévèrement poursuivies; les lecteurs du Bulletin savent qu'elles peuvent amener la perte du droit d'occuper des enfants.

x\otre pays est encore bien loin de ces mesures si sages; il convient que nous nous en approchions de plus en plus, ne se- rait-ce que pour que les cnlaiits de l'Alsace et de la Lorraine n'aient pas h faire de comparaison entre leur sort et celui des annexés!

Ayons confiance dans le bon esprit de nos manufacturiers.

En France, nous sommes lents à prendre un parti, mais quand nous sommes une fois décidés, nous savons regagner le temps perdu. Voici, à ce sujet, un excellent exemple d'initiative privée qui certainement sera suivi.

Les fabricants de ScmRMECK n'ont pas attendu que la loi étendit la protection à tous les enfants employés dans l'atelier, quel que soit le nombre des ouvriers. A cette mauvaise défaite de certains fabricants qui refusent de suivre la loi parce qu'elle n'oblige pas tous , ils ont répondu en se rendant spontanément solidaires, et ils ont fait d'un coup presque tout le chemin qui nous sépare de la loi prussienne. Je laisse parler M. l'inspec- teur d'Académie Malgras :

« Le canton de Schirmock est un de ceux du département des V'osges l'industrie manufacturière est le plus développée ; il en est de même de l'instruction. Tous les moyens ont été em- ployés pour arriver à ce but.

On compte pour un canton qui ne renferme que 72 com- munes :

14 écoles spéciales de garçons. 14 _ _ de filles.

6 mixtes. 12 salles d'asile.

En tout 46 élablisseiuents scolaires, fréquentés régulièrement par 3,400 élèves; ce qui donne, pour une population de 13,931 habitants, 1 élève sur 4 habitants. Je ne crois pas qu'une pareille proportion se rencontre ailleurs. Les écoles sont pour ainsi dire aussi fréquentées en été qu'en hiver.

Il y a eu 23 cours d'adultes suivis par 743 élèves, plus de 30 par école ; il y a dix bibliothè([ues scolaires renfermant plus de 1,700 volumes. Entin la proportion des conscrits illettrés n'est que de 2 sur 128.

Ces remarquables résultats sont dus au dévouement des ins- tituteurs, à la bonne entente qui existe entre les maires, les curés, les pasteurs et les manufacturiers. Ceux-ci, refusant de profiter des autorisations de la loi du 22 mars 1841 sur le tra- vail des enfants dans les manufactures, ont pris l'engagement, dans rintérét du bien-être moral et matériel des ouvrons, de ne recevoir que des jeunes gens âgés de 15 ans.

De son côté, le clergé, reconnaissant l'excellence de cette mesure, a résolu, dans tout le canton, de n admettre ks enfants à la première communion quà Mge de 15 ans, sur le vu d'un certificat attestant quils ont suivi les écoles avec assiduité de- puis trois ans au moins.

Par ce moyen et grâce aux efforts combinés des manufactu- riers, des instituteurs, des pasteurs et des curés, dans une con- trée où différents cultes existent, l'instruction des enfants se développe dans une mesure convenable, leur éducation morale et intellectuelle se complète et leur corps prend un entier déve- veloppement. On n'a pas, dès lors, dans ce beau canton, qui est peut-être le premier de la France pour l' instruction primaire, le triste spectacle d'enfants s'étiolant dans les ateliers, dès l'âge de .8 ans, par des travaux au-dessus de leurs forces.

Ainsi, dans le canton de Schirmeck, les écoles de fabriques n'existent plus ; le bon sens des manufacturiers les a fermées ; tous les enfants fréquentent les écoles publiques jusqu'à l'expi- ration de la 13*" annnée, et la fabrique les reçoit mieux préparés, plus instruits, plus forts et capables de rendre de plus grands services à ceux qui les emploient.

C'est un exemple à citer et qui fait honneur aux hommes in- telligents qui ont compris que les intérêts de l'ouvrier comme ceux du fabricant étaient mieux servis, alors que l'on n'exige

F

878 pas de reiifant. qui n'a encore rien acquis, une production prématurée. *

Liste des manufacturiers du canton de Schirmeck qui ont adopté la mesure de ne recevoir dans leurs ateliers que des enfants âgés de plus de lo ans (1).

De Schirmeck. Muller et fils, filature et tissage mécani- ques ; Malapert et C'% filature et tissage mécaniques ; Thiébaut, retorderie, blanchissage, teinture.

De Labroque. Scheidecker et de Regel, tissage mécanique; Jacquel, tissage mécanique; Marchai Gédéon, filature méca- nique ; Spach et fils, retorderie mécanique.

De Rothau. Steinheil Dieterlen et G'", tissage, iilature, teinturerie, etc., mécaniques; Champy et €•«, filature, tissage mécaniques ; Groshens, filature mécanique ; W iedmann frères , construction de machines

De Neuwiller-la-Roch. Jacquet, filature, tissages méca- niques.

De Wisch. Fels frères, filature mécanique, retorderie.

De Grand fontaine. Delaville, tissage mécanique ; la Compa- gnie des forges de Framont; forges, affinerie, fonderie, fora(>e des canons de fusil.

Tout n'est pas dit par les manufacturiers, lorsqu'ils s'en- gagent à ne pas recevoir dans leurs ateliers l'enfant au-dessous de treize ans. La loi, il est vrai, ne leur ordonne rien au delà , mais leur cœur et leur intelligente prévoyance doivent deman- der davantage.

Comme preuve à l'appui, j'extrais le |iassage suivant d'une lettre, adressée à notre vice-président M. le conseiller d'État Migneret, dans laquelle il est parlé de l'école de M. Trapp, de Mulhouse :

« .le connais une école de manufacture dont je vous entre- tiendrai d'autant plus volontiers que, lors de sa création (1849), je fus prié plusieurs années de suite d'adresser en langue alle-

(i) Nous devons cette liste à l'obligeance de M. le juge de paix de Schir- meck.

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mande la parole aux entants et à leurs parents à l'oocasion de la distribution des pris qui se célébrait dans la grande salle de l'école prima-i-e même. Cette distribution annuelle a été sup- primée depuis et remplacée par des moyens d'émulation plus fréquents. Ce qui m'a ti-appé chaque année, c'est que deux pa- trons, 3rM. Henri Schartz et Edouard Trapp, leurs femmes, tous les employés sui)érieurs, les directeurs et les contre-maî- tres, tout le personnel enfin assistait régulièrement à cette mo- deste mais intéressante cérémonie, ce qui faisait une excellente et salutaire impression sur les parents, les frères et sœurs aînés des enfants également présents.

J'ai, depuis, visité de temps à autre, mais à titre officieux, cette école, dirigée avec beaucoup de zèle et de succès par un de nos maîtres, M. Hailling. A la réception de votre lettre, je me suis empressé de me procurer les renseignements transcrits ci-après. M. Trapp n'a consenti à ce qu'ils me fussent confiés qu'à la condition que rien ne paraîtrait à ce sujet dans un journal. (1)

L'école a été ouverte au printemps de 1849. On ne reçoit dans l'établissement que des enfants, filles et garçons, qui ont 12 ans accomplis; la maison pourrait donc légalement se dispenser d'avoir une école ; mais la plupart de ces enfants, o sur \ 0, qui avaient déjà travaillé dans d'autres fabriques, ne connais- sent généralement pas une lettre quand ils entrent chez M. Trapp, ce qui ne m'étonne pas. Quelques-uns savent un peu déchiflfrer l'allemand; le reste, et ce sont ceux qui, à 12 ans, sortent directement de l'école primaire, et que je vois toujours avec plaisir entrer dans cette fabrique, savent lire et écru-e cou- l'amment dans les deux langues.

Quoi qu'il en soit, à la fabrique de M. Trapp tout enfaut tpii n'a pas 16 ans accomplis est tenu de fréquenter l'école de l'établissement; en cas de refus, il serait renvoyé après la dénonciation de rigueur ; mais les renvois pour ce motif sont extrêmement rares. Le nombre moyen des enfants qui fréquen- tent l'école est de 140 à 160.

L'école se tient quatre fois le soir de o à 7 heures et deux fois l'après-midi de 8 à 7 heures : total seize heures de classe

(i) M. Trapp me pardonnera de n'avoir pas considéré notre Bulletin comme an journal .

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par semaine, et comme les enfants sont divisés en quatre sec- tions, il y a pour chaque section quatre heures de classe. 20 ouvriers de relais n'ont autre chose à faire à la fabrique que de remplacer les enfants pendant qu'ils sont à l'école ; de pour la maison une dépense évaluée à 0,000 francs au moins, les enfants étant payés, eux aussi, pour les heures qu'ils passent H l'école. Dans l'intérêt des progrès des enfants les plus faibles, on a adjoint au maître deux moniteurs également payés, co qui fait que les élèves sont sérieusement_^occupés pendant toute la durée de la classe.

L'enseignement, essentiellement pratique, comprend la lecture et l'écriture dans les deux langues, des exercices de langage français, les «juatre règles, le système métrique, des notions de morale, de géographie et d'hygiène. Il ne peut y avoir d'ensei- gnement religieux proprement dit, attendu que les enfants ap- partiennent à des cultes différents. Chaque enfant reçoit gra- tuitement les fournitures d'école et tout le matériel dont il a besoin. S'il fréquente régulièrement l'école et que son maître soit satisfait de lui, il a droit à la fin de chaque mois à une prime (jui varie, selon la division à laquelle il appartient, de 7o cen- times à 1 fr. 25 c.

Ces primes sont capitalisées de quatre en quatre mois. Aussi y a-t-il trois fois par an et à cette occasion une distribution de prix. L'enfant qui, après quatre mois, a un actif d'au moins 1 fr. 75 c. a droit à un prix, et reçoit, à son choix, un objet d'habillement, une casquette, quelques mètres de calicot, de l'étoffe pour un- pantalon ou pour une robe ; le maître est au- torisé même à dépasser de 50 centimes la somme qui revient à chaque enfant après quatre mois. A la distribution de Noël, les bons élèves reçoivent même jusqu'à un franc de plus. Le premier prix (|ue l'enfant reçoit après son entrée à l'école con- siste généralement dans un livre de prières (livre de messe ou psautier, selon le culte), pour lui faciliter l'accomplissement de ses devoirs religieux. Ceux qui fon'c_.leur première communion sont à cette occasion toujours gratifiés d'un beau livre de messe.

On comprend combien tous ces moyens d'émulation doivent stimuler les enfants à bien faire, et combien la maison doit se les attacher; aussi, à part ceux qui s'en vont pour apprendre un état, il n'y a presque pas de désertions dans cotte fabrique.

381

Toutefois les élèves négligents, inexacts ou paresseux (il y en a, hélas! partout) sont mis à l'amende, et les amendes se pré- lèvent sur les primes. Toute absence non motivée , une leçon non sue, ou un devoir non fait, privent l'enfant de 2o centimes; cette privation constitue une mauvaise note; trois mauvaises notes privent l'enfant de la prime. Ces primes seules consti- tuent pour la maison une dépense de 800 à 1,000 francs par an. Quand un enfant se présente à l'école mal vêtu ou nu-pieds, le maître fait un rapport qui est suivi d'une enquête sur la famille de l'enfant, et, si cette dernière se trouve dans le besoin en raison d'une cause grave, elle est secourue et l'enfant habillé. Le complément d'une école de fabrique, efficace est une bibliothèque; aussi M. Trapp en a-t-il créé une dès 18o0; commencée avec cinquante volumes et trente •lecteurs, elle compte aujourd'hui deux mille volumes et cinq cents lecteurs sur sept cent cinquante ouvriers. Il se lit mille volumes environ par mois, à raison de un volume par quin- zaine et par lecteur.

En récapitulant les dépenses, nous trouvons qu'elles s'élèvent par an à environ 10,000 francs pour l'école et la bibliothèque, savoir :

Pour la paie des ouvriers de relais Fr. 6,000

Pour les primes 900

Pour fournitures classiques, achat de livres, matériel, chauffage et éclairage, traitement du maître et indem- nité aux moniteurs 3,000

Telle est en abrégé et dans son ensemble l'organisation de cette école de fabrique depuis 1849, école efficace s'il en est une. J'essaie souvent de retenir les enfants encore un an ou deux ans à l'école et de détourner les parents, si faire se peut, de les envoyer en fabrique; mais si à l'âge de 12 ans les en- fants me disent qu'ils iront à la « filature, >) je ne puis que les y encourager, les jeunes filles surtout. »

L'exemple donné par MM. Steinheil et Dieterlin n'est pas moins digne d'être mentionné et proposé à l'initiative des manufacturiers qui nous lisent. Je reproduis la lettre de M. le délégué cantonal à M. le vice-président :

382

« C'est à la lin de l'année 186'2 que, trappe des avantages sé- rieux qu'aurait pour nos ouvriers et surtout pour nos contre- maîtres la connaissance du dessin, je proposai à quelques-uns de nos braves pères de famille de passer tous les dimanches quelques heures à en enseigner les premiers éléments à leurs «ils.

Cette proposition fut accueillie avec une grande joie, et six ou sept jeunes ouvriers vinrent régulièrement passer leur après- midi du dimu ch ;' s' 'lercer au dessin linéaire. Leur exemple devint rapidement contagieux, et excita chez un grand nombre de jeunes gens le désir d'être également admis à ces leçons.

Je disposai donc un local vide de la fabrique, de façon à pouvoir accueillir un plus grand nombre d'élèves. Ce cours compte ainsi une quinzaine d'élèves, généralement de 14 à. 16 ans; j'y admis même plusieurs contre-maîtres de 30 à 40 ans qui étaient animés d'un zèle bien louable. Encouragé par cet empressement de nos ouvriers, je leur proposai, l'année sui- vante, de leur faire chaque semaine un cours du soir sur les connaissances qui leur seraient le plus indispensables. Je com- mençai donc en 1863 à leur enseigner une fois par semaine, de 7 heures à 8 heures et demie du soir, les éléments de géo- métrie, la connaissance pratique et les applications du système métrique à toute espèce de mesurage, et j'eus la très-grande satisfaction de voir réunis à ces cours du soir une cinquantaine d'ouvriers de tout âge et de tout métier : ouvriers d'ateliers, serruriers, maçons, charpentiers, etc., ctc.

Je les questionnai et les habituai à résoudre eux-mêmes les différents problèmes usuels se rapportant à leur profession.

Je lis ce cours toute l'année durant, en n'interrompant que pendant deux mois environ, dans une salle disponible de la maison d'école, qui bientôt devint insuffisante. Alors MM. Steinheil-Dieterlin et C'*" , frappés dH succès de ces cours et toujours si désireux d'encourager toute bonne disposition de notre population ouvrière, me proposèrent de construire un local spécialement destiné à ces leçons, et me prièrent d'étu- dier et de construire les deux salles de cours que vous nous avez fait l'honneur de visiter, et dont l'une est destinée aux leçons de dessin et k la biblothèque, l'autre aux cours du soir. Les salles furent inaugurées en 1864, et bientôt M. Steinheil

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Iiii-mèine consacra cliaque semaine une soirée à reuseigiieiucnt »Ie l'histoire et de la géographie.

Nos deux instituteurs, de leur côté, s'offrirent spontanément à enseigner l'écriture, la lecture et le calcul deux fois par semaine, depuis le mois de novembre jusqu'au mois d'avril,

Nos institutrices aussi firent une fois par semaine, de 7 à 8 heures et demie du soir, à la salle d'école, pour les jeunes filles du village, une leçon comprenant la lecture, l'écriture, le calcul et un peu de géographie.

Ces leçons sont suivies pendant le semestre d'hiver par une quinzaine de jeunes filles de lo à 20 ans.

C'est ainsi que, dès le commencement de 186o, nous arrivâmes à avoir une série complète de leçons du soir, suivies avec le plus grand intérêt et avec un zèle réellement digne d'éloges et d'encouragements.

Les leçons de dessin, au lieu d'être données le dimanche après midi, le sont depuis régulièrement le dimanche matin, de 0 heures à 8 heures et demie en été et de 7 à 9 heures et demie en hiver, et sont suivies par 28 ou 30 élèves auxquels la maison Steinheil Dieterlin donne les modèles, le papier, les planches, les élevée ne fournissant que les compas, équerres, crayons.

Ce sont généralement des dessins de machines, bâtiments, etc., ayant autant que possible rapport au métier de chacun des élèves.

Ils commencent par copier des modèles et les exécuter à des échelles différentes; plus tard ils dessinent d'après natm-e et mettent leur croquis au net à l'échelle. Les plus torts ont même poussé jusqu'au lavis et beaucoup ont montré une apti- tude remarfjuable.

Sont admis à ces leçons de même qu'aux cours du son* non- seulement les ouvriers de nos ateliers, mais encore ceux des autres ateliers de la localité, et même des jeunes gens des vil- lages voisins qui ne craignent pas de franchir chaque dimanche une assez grande distance.

Les leçons du soir se donnent généralement de 7 à 8 heures et demie et sont fréquentées, suivant le degré d'intérêt que leur présentent les matières enseignées, par oO à 120 jeunes gens et hommes de li à 30 ans. Elles commencent en no- vembre pour se terminer en avril-mai. Dans le principe, je

27

384 ^

les avais continuées tout Tété, mais le nombre den élevas et leur assiduité ayant sensiblement diminué pendant les beaux jours, nous avons préféré interrompre de mai à novemi>re pour reprendre à cette époque avec un nouvel entrain.

Les leçons de dessin au contraire se continuent toute 1 année sans interruption.

Les matières enseignées sont : L'histoire et la géograpliie, par M. G . Steinheil ; La lecture, le calcul et l'écriture, par nos deux instituteurs et nos deux institutrices ; Les sciences appliquées, technologie, etc., par moi. Nous nous sommes tous attachés à donner à ces leçons la diiec- tion la plus pratique possible en variant les sujets d'enseigne- ment et en cherchant à tenir l'attention éveillée par la citation de nombreux exemples pratiques, l'exposition d'échantillons de. toutes sortes et par des expériences multipliées venant à l'ap- pui de dénonciation des faits.

Dans les leçons de sciences appliquées, j'ai toujours cherché u rendre compte à nos élèves de tous les faits se passant de- vant leurs yeux en leur parlant de la chose d'abord, et leur ex- posant ensuite le pourquoi et le comment de fces faits pour n'en tirer qu'après la théorie qui, de cette manière, les frappe bien davantage et se grave mieux dans leur mémoire. Nous avons passé successivement en revue : ^re année. ■— Le système métrique et ses applications, la géo- métrie dans ses applications aux arts, au dessin, à l'industrie ; 2'' année. La mécanique pratique dans ses éléments et ses nombreuses applications à l'industrie ;

Z^année. Formation de la terre, des diverses couches : houille, pierres, minéraux, minerais, géologie, métallurgie, travail des métaux usuels, applications, etc., etc.;

année. Physique. Vapeur, hydraulique,hydrost&- tfque, électricité, télégraphe, etc. etc.;

année. Chimie pratique, que je vais continuer celte innée en cherchant à raconter à mes élèves les procédés de fa- i^rication de toutes les matières usuelles dont ils se servent ou à l'emploi desquelles ils assistent chaque jour.

La maison G. Steinheil Dieterlen a, comme vous le savez, fait l'acquisition des principaux appareils de physique et de chimie nécessaires à la démonstration.

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M. Steinheil continuera également cet hiver ses entretiens 8ur l'histoire et la géographie . et les instituteurs et institutrices leurs leçons du soir.

Vous voyez, par cet exposé. Monsieur Tliispecteur, que bien des ressources sont mises à la disposition de nos jeunes ou- vriers qui. je le dis avec une bien grande joie, ont, par leur zèle et leur empressement, puissamment contribué au succès de ces leçons, et ont ainsi fourni le plus bel encouragement aux eflbrts que tous ont faits dans cette noble tâche de l'ensei- gnement. Et MM. St»nheilet Dielerîen n'ont reculé devant aucun sacrifice en matériel et en personnel pour encourager et stimuler encore ce louable empressement de notre population ouvrière.

Deux fois par semaine se réunissent dans ces salles de cours la Société chorale et la Société instrumentale, présidées, l'une par M. Dietel, l'autre par M. Schmidt, et comprenant chacune une vingtaine de membres.

Ces sociétés aui^si sont patronnées et soutenues par ces Messieurs, et elles aussi rendent de réels services en élevant le goût de nos jeunes gens, et en leur faisant consacrer à la mu- sique mainte heure qu'ils auraient sans cela passée au cabaret.

Dans l'une de ces salles se trouve la bibliothèque, compre- nant environ 600 volumes. Cette bibliothèque existe depuis 1848, s'est successivement accrue et a rendu déjà de bien grands services.

En hiver la salle de lectui'e est ouverte le dimanche après midi et deux soirées par semaine. Mais le nombre des lecteurs dépasse rarement une vingtaine. >iosouATiers aiment beaucoup mieux emporter les livres chez eux et les lire en famille.

Vous savez, par le rapport de M. le maire, que, depuis près de deux ans la maison a renoncé à ses écoles de fabrique, et a décidé qu'elle n'admettrait plus dans ses ateliere aucun enfant au- dessous de iS ans, à moins qu'il ne soit porteur d'un certi- ficat de l'instituteur ou de l'institutrice attestant qu'U sait cou- ramment lire, écrire et calculer. Cette mesure est rigoureu- sement observée et produira, je n'en doute pas, d'excellents effets. »

Que tous ces faits soient connus elle terrain sera bientôt pré- paré pour l'exécution de la loi ! Qu'il me soit permis de citer encore un fragment de lettre d'un de nos manufacturiers.

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comme les précédentes, elle autorise à espérer dans un avenir prochain des changements profonds dans la situation des en- fants de notre industrie :

M. T.4D0RIN, FABRICANT DE LIMES, membre de notre Société, écrit :

« Avant tout, dans mes ateliers, j'admets de préférence les orphelins et les enfants des familles les plus pauvres.

» L'apprentissage est de 3 ans et les gains des apprentis sont, par jour, de 75 c. la V" année, 90 c. la et i fr. la 3«. L'engagement que je contracte avec la famille garantit à l'ap- prenti son gain de chaque jour.

» Dès leur entrée dans l'usine les apprentis sont confiés aux ouvriers les plus habiles et les plus moraux, toujours sous ma responsabilité, bien entendu, et sous la surveillance particulière d'un contre-maître, payé par moi, et qui doit me tenir au cou- rant des efforts que fait l'ouvrier pour initier le plus vite pos- sible l'apprenti aux secrets d'un bon travail.

» L'apprenti est payé par l'ouvrier à qui il est confié, payé à ses frais, de sorte que celui-ci a intérêt à rendre son élève rapi- dement habile, car le travail de l'apprenti devient ainsi une source de bénéfice pour l'ouvrier aux pièces. Il résulte encore de ce système que l'ouvrier n'a pas la pensée de mal conseiller l'apprenti en lui persuadant, par exemple, qu'il est suffisamment habile, qu'il peut gagner beaucoup plus ailleurs, et autres inductions de même genre, inductions qui portent l'apprenti à se plaindre, même injustement, du chef d'industrie, et cela dans le but de faire rompre, s'il le peut, le contrat d'apprentissage.

» Par suite de cette méthode que j'applique depuis longues an- nées avec succès, rapprenti s'attache à l'ouvrier et l'ouvrier à l'apprenti. Ce n'est pas toutefois sans d'assez larges sacrifices de ma part, car, dans la première année d'apprentissage, je dois compter pour les apprentis près de 800 francs de perte sèche en acier mal élaboré et qui n'a plus de valeur que comme ferraille.

» Si, pour une cause quelconque, l'ouvrier quitte l'usine, son apprenti ou ses apprentis (car il en a quelquefois plusieurs) qui savent suffisamment travailler, prennent rang parmi les ouvriers, sont mis à leurs pièces et payés au même taux que les ouvriers eux-mêmes.

387

» Le tarif des gains journaliers des ouvriers aux pièces dans mes établissements des départements est de 2o à 33 O/'O plus élevé que dans toutes les fabriques hors de Paris et dites de province. Aussi ai-je la satisfaction de savoir d'une manière très-certaine que de simples apprentis, devenus ouvriers depuis lo ans (date de fondation de mes fabriques), ont acquis des immeubles ou fait des placements d'une valeur dau moins 6 à 7,000 francs.

» En outre, dans le but d'être aussi avantageux que possible à mes apprentis, je leur fais délivrer assez fréquemment soit des vêtements, soit des bons de pain sm- ma caisse, bons au moyen desquels ils peuvent venir en aide à leur famille, si elle est nécessiteuse.

» Je n'ai pas besoin d'ajouter qu'un règlement préside à l'ordre général du travail dans les ateliers. Aux termes de ce règle- ment nul, soit ouvrier, soit apprenti , ne peut s'absenter sans autorisation. Une absence non autorisée est passible d'une amende au profit de la Caisse de secours instituée pour les ma- lades qui appartiennent à l'usine.

» Tels sont, Monsieur, les arrangements que j'ai cru devoir adopter et que je suis toujoui-s disposé à maintenir dans les établissements que j'ai fondés. »

Lu mot sur I'Appre.ntissage dans l'industrie des Fleurs et Plumes. On sait que cet appreiitis?age est entouré de tant de dangers pour les jeunes filles, que les parents honnêtes en étaient venus à renoncer à ce métier pour leurs enfants ; aussi le moment approchait-il cette industrie aurait à son lour quitté la France au profit de l'étranger, quand les tentatives les plus louables ont été faites en divers sens pour ramener cette pro- fession dans les conditions de moralité et d'instruction vraie dont quelques maisons seules conservaient la tradition. Nous avons parlé de la Société paternelle des fabricants, dont M. Petit a été nommé président par le vote unanime de ses confrères; nous parlerons quelque jour de la fabrique du boulevard de la Santé et de plusieurs ateliers modèles.

iVous donnons aujourd'hui l'extrait d'une lettre de M. le maire de Clamecy , qui nous annonce pour cette industrie la for- mation d'un nouveau centre de fabrication. Il sera intéressant de suivre ces trois modes de protection qui vont agir simulta-

388

némeiit pour atteindre le même but : perfection des produits , amélioration des conditions de l'apprentissage :

«... Le commerce des bois, centralisé à Clamecy (Nièvre), y a créé une classe d'ouvriers connus sous le nom de flotteurs, employés h la manipulation des bois qui arrivent sur nos ports à bûches perdues, c'est-à-dire flottant au courant de la rivière, d'où elles sont retirées en hiver pour être séparées suivant leurs marques et empilées ; de là, trois opérations faites en hiver au milieu de l'eau, connues sous les noms de tirage, tricage et empilage, auxquelles concourt toute la famille du flotteur, femmes et filles. Un tel travail, très-profitable au négociant, assez bien payé au manœuvre, quoique irrégulier, est tout ce qu'il y a de moins satisfaisant au point de vue du bien-être matériel, moral et intellectuel ; il mêle et confond les deux sexes dans une com- munauté de peines et de vie dont les inconvénients n'ont pas besoin d'être démontrés ; aussi ce travail est-il de jour en jour plus délaissé, ce qui a- amené un commencement de transfor- mation dans le transport des bois, en ce moment elïectué le plus souvent par la batellerie , jusqu'à ce qu'il échée définitivement au chemin de fer, ce qui est inévitable. Mais, dans cette période de transition, l'état des filles et des femmes des flotteurs laissait, on le conçoit, à désirer ; elles restaient sans emploi, attendant une industrie nouvelle que l'importation tentée par M. Favier, fleuriste, est venue fort à propos réaliser. Désormais, si elles suivent l'exemple et l'impulsion déjà donnés, au lieu du travail pénible, dangereux et grossier des ports, au lieu d'une existence voisine de la promiscuité, dans les conditions les plus dépra- vantes et les plus dangereuses, elles auront une vie d'atelier elles seront livrées à un travail convenable et bien rétribué, et le seul rapprochement de deux états si opposés suffit à démontrer les avantages et les bienfaits dont l'industrie importée par M. Favier les aura dotées.

» Cette industrie sera-t-elle durable, s'enracinera-t-elle et se déve- loppera-t-elle dans le pays? Il est à peine permis d'en douter en voyant la marche progressive qu'elle a suivie, et surtout si l'on considère qu'à côté de ce progrès on doit placer le délaissement inévitable et progressif du travail ingrat, rebutant et grossier auquel on la substitue.»

389

Les Apprentis du collège Rollin. Uue partie de la col t ( te qui se t'ait chaque année, au mois de janvier, entre les ibnrtionnaii-es et les élèves du collège Rollin, comme dans tous les lycées et collèges de France, estoniployée à payerZ'(y>- pren tissage d'enfants pauvres ou oi-phelins pris, autant que pos- sible, dans le o"'-' arrondissement. Cette œuvre, fondée il y a trois ans par le directeur du collège, 31. Talbert, a produit les résultats suivants : six enfants ont été placés en appren- tissage; ils sont visités et patronnés par l'administration du collège et par des élèves de leur âge, auxquels ils doivent ou devront un état et un moyen honorable d'existence. Celte fa- mille d'adoption s'accroît chaque année.

Voici comment M. Jules Simon, notre collègue, caractérise cette œuvre dans une lettre dont nous croyons devoii' citer un fragment.

« Faire du bien et ne pas faire d'aumône; donner de i'édu- ^> cation , un état , et les fah-e donner par des écoliers ; rendre y> des enfants pauvres maîtres de leur destinée, c'est faire toutes n les bonnes actions en une seule. Je vois qu'il y a toujours > dans notre Université des collèges qui sont des familles. »

M. Talbert, dii-ecteur du collège Rollin, vient de faire inscrire ses élèves comme membi'es de notre Société pom* 1868 et de se mettre en rapport avec nous. Il sera parlé dans le prochain numéro des résultats obtenus par cette mutuelle coopération. Le collège Rollin est le douzième établissement miiversitaire qui figure sur nos listes.

Nous terminons l'année avec plus de l,3oO membres. Depuis le 1" janvier, nous avons déjà inscrit près de 100 nouveaux socié- taires; nous pouvons espérer atteindre dans notre second exer- cice le chiffre de 2,000 au moins, attendu que nous recevons de nombreux témoignages d'intérêt, et que rien n'annonce que nous ayons à enregistrer beaucoup de défections. Nous n'avons reçu jusqu'à ce jour que deux lettres de démissiœis, et encore Tune d'elles a-t-elle été retirée.

Une notice nécrologique paraîtra dans le premier numéro de 1868, sur ceux de nos collègues décédés dans le courant de l'année 1867. Nous serons très-reconnaissants ûe l'envoi de docmnents.

390 4^ LISTE

MEMBRES PERPÉTUELS.

MM.

Aeile imp. de Vincennes (1) Boissière, verrier. Bréant, manufacUuier. Cartier-Bresson (M'"«) . Gartier-Bresson (M'"^). Davanne, chimiste. Dumas (Alexandre) fils. Fromage (Lucien), négociant. Froment-Mustel, négociant. Gautier-Bouchard, manufact. Godard-Desmarest, deBaccar Godchaux, éditeur. Godillot, manufacturier.

MM. Grosselin, sténographe. Larrey (le baron). Loreau, professeur. Michel, ing. p. et ch. (Montpellier). Monduit, manufacturier. Piver, manufacturier. Rapet, insp. de l'Université. Renard, entrep. de travaux publ. Rondelet, cbasublier brodeur. Sciausa, négociant. Sakakini, banquier. Trapp, de Mulhouse. Zegut, de Tusey, fondeur.

LISTE

MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ

Inscrits depviis la publication du Bulletin A.

MM.

Adam, peintre décorateur.

AUain, négociant.

Amson (A.), négociant.

Axnson (tl.), négociant.

Archambault (M"").

Archdéacon (.Af'"-).

Armet de Lisle, manidacturier.

Arnould-Plessy (M""') .

Asile imp, de Vincennes.

Astier, négociant.

Astier, négociant.

Attias, négociant en cacaos.

Auberthier, ancien député,

Aubin (M'"').

Aubry, notaire honoraire.

Aubry-Vitet.

Audiffret (le marquis d').

Auger (C), propriétaire.

MM. Aussedat, fabricant de papier. Bachelier, propriétaire. Banès.

Barbey, fabricant à Mazamet. Baron, propriétaire. Baron (E.), avocat. Barratin, négociant. Barreswil (M""^). Barreswil (M"«). Barry, négociant. Barthélémy, nég. en papier. Barthez (d-), méd. de S..4.I.lelM. Battemberg, fondeur. Baudoin, manufacturier. Baudry (M-). Baugrand, bijoutier. Baulct, négociant. Beaufour, syndic.

(1) Abandon des honoraires d'un conférencier.

391 -

MM.

Beaulieu (M">' de).

Beauval, recev. de.', cont. iiKlir.

Beauveau, néf^ociant.

Bellay (dei, ancien négociant.

Bellet, négociant.

Benard (M" V^; .

Bérenger-GoUard (M-»^.

Bertaud, de l'Union nationale.

Berthier (Ch.) fils.

Berthier (G.) fils.

Berthier neveu, négociant.

Berthier (Emile;.

Berthon et Renault.

Biais, brodeur.

Blanchi, ingénieur.

Binot de Villiers.

Bliaux, fondeur en caractères.

Boissière, verrier, Gast-Tanville.

Bonnin, avocat.

Bonnevie, de Mourel.

Bontemps M"^;.

Boullay (L.), négociant.

BouUay, du con.d'esc. de la Ban<(.

Boullay (M"").

Boullay (M'").

Bourcard, de Guebwilier.

Bourdon.

Bourgoin, Lourvoisier.

Bournat, avocat.

Bournazet, bijoutier.

Boutet (Dominique), négociant.

Boutet (M""^).

Brassac, administrateur.

Breant, négociant.

Brion, loueur de voitures.

Brizard, négociant.

Brunessaux, fab. de caoutchouc.

Brunox, de Versailles.

Bunel, négociant.

Burat, ingénieur.

Cahen, d'Anvers, banquier.

Carcanagues, bijoutier.

Carlhian, négociant.

Garon, membre de l'Union naticn.

Gartier-Bresson (M""').

Gartier Bresson ;.M"' Marie).

Gasella, fabricant.

MM . Ghabrier. ingénieur civil. Ghabrier, négociant. Ghabrier (M""j. Ghabrier (M""^). Chappotian, négociant. Gharbonnier, bandagiste. Ghso'lier, dir. des ard. du Calvados. Gharmet, négociant. Gharmet jeune, négociant. Gharvet, merab. de l'Union nation. Ghauchat, cb. decab. du M. del'Agr, Gibîel, administrateur. Cibiel, propriétaire. Gibiel (Th.)

Glaudon (G.) fils, propriétaire. Glaudon (G.) (M"'). GlaudOB (Th.), ancien notaire. Glaudon (B.), négociant. Glaudon (G.), administrateur. Glaudon G.) (M"*). Glerc (.Jules), commissionnaire. Clevier (Martial), négociant. Gohn (Edmond), passementier. Goin, négociant. Gollége de Béziers. GoUége Rollin, Gollége Sainte-Barbe. Goliin ; Alfred), négociant. Copin, syndic au Tribunal comm, Goplin's, de Londres. Gorbin (H.) {M--;. Gormouls-Houlès, de .Mazamet. Gortadan f.M""). Gourtade (M. l'abbé). Gousin (M""). Grehange, commissionnaire. Gubain ;Alfred), manufacturier. Guyver-Bresson, négociant, Darimon (M"'^ V'^ . Dassonville et FalempinàHolbeiu. Darblay fils, manufacturier. Daumas. fabricant. Daumas iM""-).

Dautremer, dateur à Armentiércs. David (baron Gérôrae), député. David, négociant.

Delangre.

39-2

MM. Delaporte(M"'l, arlisU; dramatique. Delaunay (M°«). Delvaile, négociant. Denancy (Edgard). Deneuville, opticien. Denis, courtier en vins. Dequoy, filateur à Lille. Demis, Comraiss. priseiir. Derval, artiste dramatique. Descamps, niarch. de charbons. Desnoix (M"'). Detouche, horloger bijoutier. Deutsch, négociant. Didiot (M""=) mère. Didiot (L.) (M"'). Didiot (M.) (M»"). Didiot (Ch.) Doistau, négociant. Doistau iFéiix), négociant. Donnaud, imprimeur. Donset, de Lille. Dorange.

Droulers & Agache, de Lille. Drumont-Baxter & C'% de Lille. Dubochet, adm. du Gaz. Dubois, négociant. Dubois. Dubourquet. Dubrizet, négociant- Dubrizet (M"""). Dubuis-Caplain. Ducloux, conseil municipal. Dulac, lilateur à Lille. Dumas (M"""). Dumas (Alexandre) fils. Dupont, de Lille, inspecteur. Dupont, fabricant de biscuits. Duproix, de Foëcy (Cher). Dupuis, notaire, Château-Thierry. Durouchoux, négociant. Esscheregue, négociant. Estelle, Iiisp. (lu tr. des enf. àMazamet. Evrard.

Faconnet, graveur, Falloul (M»-').

Fauvelle-Delebarre , manufact. Favart (E.) (M-»),

MM. Deleaze, avocat. Delavallée, négociant. Delayen, négociant. Feron-Vrau, à Lille. Flageollet, commissionnaire. Forget, censeur au C d'Escompte. Fortier, tapissier. Fouchet (M"-^] . Fournier, lilateur de coton. Fournier (M"'"), du Bourget. Franchetti (M""'). Franchonne, prof, an Conservât. Frère (il"'-).

Freville, agréé, du Trib. de com. Freville (A.), étudiant, Fromage (Lucien), Darnelal. Fromentin (AI'"-). Froment-Mustel , négociant. Galante, fabr. d'appareils en caout. Galichon, négociant. Garfcy, négociant. Garby rsl"" Lucile). Garcin-Dufort {M""«j. Garcin M"'') Garnot iils, banquier. Gaudier (M""~).

Gautier-Bouchard, manufacliir. Geneste, adj. an maire du 11* arr. Gerbod, manufacturier, Getz

Gibert, de Puisieux. Gibert (.M""'). Gibert (H.) d'Assy, (Oise). Gibert (M™- H.). Gibert de Rouvres Oise). Gille (M-). Gillet, banquier. Gillet-Pierron, de Lyon, Gimpel, de Mulhouse. Gireaud, du Comptoir d'Escompte. Glenard, fabricant de filets. Godard-Desmarest, de Baccarat. Godchaux, éditeur. Gonelle [Fréd.), dessin, en châles. Gosse (M'""). Gossin (M™"). Gouin (Ern.), pr. de la Ch. com.

:m

MM. Gourdault M""l . Goy, mamifaelurier. Grieninger, consul d'Aldembourg. Grison, de Lisieiix. Grondard iM'l. Grosselin, sténographe. Grosjean, propriétaire. Grosjean (M""'). Gruland, filateur. Guérin (M"'), de Chàteaii-Thiem . Guerre, négociant. Guerre (Cli.), négociant. Guibal, de la Ch. de commerce. Guilleminault iM"«). Guillot, empl. au Ministère du corn. Guy, négociaut. Haguelon, négociant. Halphen ÇJ.), m. de la Ch. de com. Harmel, au Val-des-Bois. Hartel E.), négociant. Hartel [W^] . Henon, ancien cojirtier. Herelle (A.), propriétaire. Herelle, propriétaire. Héricourt.

Hermier (M°"( , de la Ferté-sotis-J . Hermier (Ém.), verrier. Hérold, artiste dramatique. Herscher, ingénieur constructeur. Herscher (C.) (M»«). Herscher (E.) (M—). Hervé-Mangon, prof. p. et ch. Hervé-Mangon (M™'). Hiélard, fabricant de plumes. Hiélard (M"'). Hodde de la), avocat. Hollond, propriétaire. Huet, fabricant de caoutchouc. Israël (A.), du trib. de commerce'. Jabineau, com. cons.arts etmamîf. Jacquet, administrateur. Javey, négociant. Joannès, propriétaire. Joinville (de), aud. au conseil d'Él- Joriaux (E.), négociant. Jourdain, propriétaire. Jumel, négociant.

MM. Kulhmann, de l'Institut, à Lille. Labouret, avocat. Labour et (A.) fils, architecte. Labouret (A.) [M.""]. Lacarrière (M"''), (Ernest}. Laçasse, propriétaire. Lachaud, avocat à la cour imp. Lacroix, fabricant de papier. Laffite (Philippel, négociant. Lafond, négociant. Laisné, négociant. Laisné (Orner). Laxaaille {yw^). Lambert Boullay. Lance (M"^). Lanquetin, négociant. Lanquetin Séraphin, nég. Lanseigne, administrateur. Lantrac, ingénieur. La Roche-Joubert-LacroiX. Larrey (le baron), de l'Instrtiit. Lassource, fabricant à Mazamet. Lavaurs, propriétaire. Laveissière, adram. Compt. «fEsC. Lelogeais, négociant. Lelogeais (M"''l . Lecronier, fabr. de toiles cirées. Legendre, m. du conseil munie. Legendre, négociant. Legendre. Legras, négociant. Lehidenx, banquier. Lejeune, négociant. Lemaire, de Beaumont, S. O. Lemaire (M""). Lemaire (M"').

Lemaire-Sandras, del'Isle-Adam. Lemoine (Edouard). Lemoine i M"*- Edouard). Lemoine-Montigny (Chéri). Lemoine-Montigny Didier), Lequien J.) ;M"'e). Lerechental, négociant. Lerechental (Haymanu). Lesage, chef d'institution. Levillager, de l'Union natiooaJc. Levillain, adm. au Compt. d'Esc.

394

MM.

Levy (Alphonse).

Levaigneur (M"^/ mère.

Levaigneur (Félix).

Levaigneur (M""=).

Iioiseau (M°"^) .

lioreau, professeur.

Loysel, administrateur,

IjO-v\rel, fabricant de cartons.

Luquet, courtier en vins.

Ma£fre(C.),f'àAussillonpr.Mazamcl.

Maillard (J.) (M"»).

Maillard (H.) (W'f.l

Maillard (H.) (M"-).

Mallet, négociant.

Malouet, cons. à la C. des Comp.

Mansire, négociant.

Mares, de l'Institut de Montpellier.

Mares (JI-).

Mares (Léon).

Marini (H.).

Marjolin (M""^ V<'|.

Marqfoy (H.).

Massu H.), avocat.

Mathieu - DoUus, administrateur.

Mathieu-Plessy (M" ) .

Maunoury, Volf & C'% fabricants.

May (E,), étudiant endroit.

Mayer.

Mayeur, négociant.

Méjanel, pasteur de Mazamet.

Mayeur fils, négociant.

Menuisier (Louis), négociant.

Mer, de Brest,

Meyer (G.), négociant.

Meyer-Pinaud, parfumeurs.

Meys, syndic.

Meys (M°"),

Michel, (le Montpellier.

Michel (E.), manufacturier à Brest.

Milled, négociant.

Milled (M"-').

Mireault (Henri).

Moisson, courtier d'Assurances m.

Monduit, entrèp. de plomberie.

Monnier (Frédéric).

Montgolfier, fabricant do papier.

Lissajoux, prof, au Lycé-Nap.

Levavasseur, négociant.

Leverd,';manufaclurier.

Levaigneur (M"'.)

Levaigneur fds.

Moreau (Frédéric).

Moreau (.Al"-" Frédéric).

Moreau (Frédéric), fils.

Moreau (Maxime).

Moreau (Ferdinand), (M"').

Moreau (Auguste), (M"«,.

Mourceau (M""") .

Munier [Alfred).

Muron (C), propriétaire.

Muron (C.) (M°"^).

Muron (P.) fils.

Muron (A.) fils.

Muron (M.) fils.

Nathan, manufacturier.

Naud, de l'Union nationale.

Naud (M-).

Noël, propriétaire.

Normant, négociant.

Noue (le vicomte de la) .

Obendorfer (H.), négociant.

Oberthur, imp. à Bennes.

Octave (Georges), fils, deSt-Etien.

Odilon-Barrot.

Ogier, manufacturier.

Olombel fils, fabric. à Mazamet.

Olombel, maire de Mazamet.

OUivier, fabricant de tapis.

Omfroy, niemb. du conseil munie.

Ozouf, fabiicant d'eaux gazeuses.

Façon, imp. de papiers peints.

Pagel, maire de Saint-Denis.

Paris (M""-).

Paris (Ch.j, au Bourgel.

Passy-Volowsky .

Pelpel, négociant.

Perard, de Liège.

Perrin {M""].

Picard, éditeur.

Pinard, dir. du Conipt, d'Escompt.

Piver, parfumeur.

Plailly, fabricant de soie.

Plouvier, dir. du Compt. d'assur.

Poiret. fabricant de fils de laine.

39o

MM.

Poriquet, de .Maison-Neuve.

Portier (l'abbé), Laroche-Gn \ on .

Poirtz (M"'), à V(?rsailles.

Poullain-Deladreue, jugo paix.

Praedines, manutacturier.

Prestat, avocat à la cour impér.

Raboin-Gabriel , de Boisserolle .

Raimbert, m. de la Ch. de comm.

Rapet, imp. de rUnivorsité.

Ratisbonne .

Renard, cntrep. de trav. public.-^.

Renaud (M"').

Renouard, agent de change.

Rhoné-Pereire (M'/

Richard fM"<').

Ricord, négociant.

Robert Victor), de Guebwilier.

Robin Ch. ) , banquier .

Roche, juge de paix.

Rodier.

Rollin, direct de la C'»-, d'assur.

Rondelet, chasublier brodeur.

Rondillon, ébéniste.

Rosset, négociant.

Rosset M"").

Roucher-d'Aubanel, s. -p. à la Palisse

Ronchon, négociant.

Rousseau (H.), négociant.

Roy, administrateur.

Saillard, négociant.

Sakakini Maxiraos).

Sakakini J.)

Sangnier, négociant.

Sarrail, de Bordeaux.

Schaeffer, fabricant de bijoux.

Schloss V.), négociant.

Sibire, avoué.

Sieber, régent de la Banque.

Simon.

Simon M"").

Sœurs S^Joseph-du-Puy (Sup.)

Somasco Ch.), ingénieur.

Soudée, négociant.

Sriber, comm. en caoutchouc.

Stopin, vice-pr. du Cons. des tissus.

Suzor, négociant.

MM. Tailbouis A). Tailbouis (M"'). Tailler, caissier à la C" Vinon. Tarney, négociant. Tenré ;C.), banquier. Tenre (L . ) , banquier . Terme, député. Teroud, manufacturier. Tessier, négociant. Thibaudière (de la), industriel. Thibaud (.M""=). Thiriez, fdateur à Lille. Thomas, banquier. Thenard Arnould, étudiant. Thuret (M""), née Fould. Tonnelier, fab. de papiers. Teissonnière, mem. du cons.nuin. Trapp, de Mulhouse. Tridon l'abbé, de Troyes. Trille, syndic. Trille (Ém.). Trille P.) Truchon, négociant. Turquetil iM"*). Valentin, négociant. Vanderdorpel, négociant. Vanderheim (Eug.i, négociant. Vattan, bijoutier. Va vin.

Vedles, fab. de produits chimi(|ues. Vene-Houlès, fabric. à Mazamet. Vermont, négociant. Véron, maire de Maisons-Alfort. Vialla, prés. de la Soc.d'agr. Hérault : . Vidal, fllateur à Mazamet. Viefville, notaire. Viguerie (.M"^). Villermot, négociant. Vilson (.M" ). Violet Duflot, négociant. Vouillon, négociant. "Wallaert, filateur à Lille. "Walter, do Reims. "Warinier, à rilc-S;iint-Denis "Worms fM""') Zegut, de Tusey, fondeur.

^^ LISTE MEMBRES CORRESPONDANTS

pourvus de livrets de souscriptions (1) .

MM.

Béranger 1

Bérard 1

Bournat i

Berthier 20

Colcombet 2

Caille i

Couturier 1

Dupont 1

Engel Dollfus 5

Estelle 2

Froment-Meurice 1

Gautrot 1

Hamelin 1

Hayem 1

Jourdain. i

Kuhlmann 1

Lacarrière 1

Lemaire i

MM.

Maillard J

Marjolin (D, i

Martougen ]

Mathieu Plessy

Maurice >

May

Mourceau 2

Niel 1

Paris '2

Pesier i

Poiret 1

Rondelet \

Saint-Pere . . 1

Savart î

Srieber 2

Taborin

Tailbouis 1

Tissier i

[1,1 MM. les correspondants de i'&vh et des déiiartements ou de l'étranger donuent de suite quittance; il leur est remis à cet effet un carnet à souche pour dix souscriptions. De semblables carnets sont à la disposition (les personnes qui veulent aider notre œuvre à s'étendre et à se consolidei-.

AVIS. La liste complète des membres pour 1868, noms qualités et adresses, sera publiée dans le premier Bulletin de 1838. MM. les Membres sont priés d'envoyer au secré- taire l'indication exacte de leurs nom, profession ou qualité et domicile.

NOTA. ~ MM. les Sociétaires qui ont reçu des lettres d'avis pour le paiement de la cotisation 1867 sous les numéros V,i3, 460, 488, 507, 50b, 626. 083, 730, 887, 811, 835, 851, 879, 883, 930, 944, %3, 964, 1,017, 1,159, 1,348, 1,248, 1,128, sont priés de vouloir bien considérer ce Nota comme un récépissé de leur veusemeni. Les noms des Sociétaires inscrits depuis le ±" janvier seront pu- bliés dans le premier numéro de 1868.

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