à : DES. © LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1C 475 Ale | | es BULLETINS DE ., ee L'A CADÉMIE ROYALE. DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. YINGT-SEPTIÈME ANNÉE. — 2me SÉRIE, TOME ne re ST F, DT #) le Nov. 19 1933 re 3 2 V4 he Marina USE on io AwN FROM W. B: E! nTEBRANN ! Le b Tessier , : BRUXELLES M. HAYEZ. IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 1858. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1858. — N° 1. CLASSE DES SCIENCES. eee Séance du 9 janvier 1858. M. GLuGE, directeur. M. An. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Sauveur, Wes- mael, Martens, Stas, Van Beneden, Ad. De Vaux, Edm. de ATITenRS Nyst, Nerenburger, ss Mel- sens, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman, membres ; Schwann, Lacordaire, Lamarle, associés. | M. Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. | 2% SÉRIE, TOME IV. { (2) CORRESPONDANCE. Il est donné lecture des lettres par lesquelles MM. Poel- man et Montigny remercient l’Académie, le premier pour sa nomination de membre, et le second pour sa nomina- tion de correspondant de la classe. — M. le secrétaire perpétuel dépose, au nom de MM. les questeurs du Sénat et de la Chambre des Représentants, des cartes d'entrée pour les tribunes réservées. — Re- merciments. | — L'université de Christiania fait hommage d’un exem- plaire d’une médaille en bronze, frappée pour consacrer le souvenir du cinquantième anniversaire de professorat de M. Hansteen, l’un de ses professeurs et associé de l'Académie. — La Société pontificale des Nouveaux Lyncées de Rome et la Société philosophique et littéraire de Manchester re- mercient l’Académie pour ses dernières publications; elles lui font parvenir en même temps leurs mémoires. La So- ciété impériale géographique de Russie à S'-Pétersbourg remercie également pour le dernier envoi de l’Académie. MM. Ad. Quetelet, Leclercq et De Wael communiquent les observations météorologiques faites à Bruxelles, à Liége et à Eeckeren , dans la province d'Anvers, pendant l'année 1857. MM. T.-B. Vincent et fils transmettent les résultats de : SANTE (3) leurs observations ornithologiques faites à Bruxelles, pen- dant la même année. M. Edm. de Selys-Longchamps, membre de l’Académie, dépose, de son côté, les observations botaniques et zoolo- giques qu’il a recueillies avec M. Ghaye, dans les environs - de Liége et à Waremme, et particulièrement les observa- tions sur l’état de la végétation au 21 octobre dernier. «Il est intéressant de constater l'effet d’une année exception- nellement chaude et sèche sur l'effeuillaison, dit-il; on voit par les chiffres respectifs du feuillage restant sur les arbres, que la température extraordinaire de 4857 a retardé la chute des feuilles. » Si l'on réunit ensemble les arbres qui ont conservé la totalité de leur feuillage et ceux qui en ont encore les trois quarts (40 et 15), on trouve, il est vrai, un total qui dépasse légèrement celui de 1855 (26 et 27); mais la grande différence se montre dans la proportion des deux nombres. » — M. Gérard, horloger à Liége, envoie une note ma- nuscrite sur une roue électromotrice. — M. Ad. De Vaux est invité à examiner cet écrit. — M. Edm. de Selys-Longchamps, président de la So- clélé entomologique belge, fait hommage du tome [°° des Annales publiées par cet établissement. — M. Ad. Que- telet dépose le 25° Annuaire de l'Observatoire royal de Bruxelles pour 1858. — Remerciments, (SX ) PROGRAMME DE CONCOURS DE 1838, La classe des sciences propose, pour le concours dé 1858, les questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Donner un aperçu historique et critique des méthodes qui ont été employées pour déterminer la fiqure de la terre, depuis les expéditions françaises en Laponie et au Pérou. DEUXIÈME QUESTION, On tend aujourd'hui à substituer l'enregistrement des observations de météorologie et de physique du globe par des moyens mécaniques , à leur constatation directe par des observateurs ; on demande d'examiner la valeur compara- tive des deux moyens, en ayant égard à leur mérite scienti- fique ainsi qu'aux soins el aux dépenses qu'ils occasion- nené. | | TROISIÈME QUESTION. Apprécier et définir le fait de la pénétration des parti- cules solides à travers les tissus de l’économie animale, et déterminer les rapports dans lesquels cet acte se trouve avec celui de l'absorption. QUATRIÈME QUESTION. Faire connaitre le mode de reproduction el de dévelop- pement de la Noctiluque miliaire. CC» CINQUIÈME QUESTION. mn Faire un examen comparatif des organes destinés à la reproduction chez les cryptogames et les phanérogames , en faisant ressortir les analogies et les différences que ces or- ganes présentent dans ces deux ordres de plantes. 1 Le prix de chacune de ces questions sera une médaille d’or de la valeur de six cents francs. Les mémoires devront être écrits lisiblement, en latin, français ou flamand, et 1ls seront adressés, francs de port, avant le 20 sep- tembre 4858, à M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les ci- tations; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les pages des ouvrages cités. On n’admettra que des planches manuscrites. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage, mais seulement une devise, qu'ils répéteront sur un bil- let cacheté, renfermant leur nom et leur adresse. Les mé- moires remis après le térme prescrit, ou ceux dont les au- teurs se feront connaître de quelque manière ne ce Soit, seront exclus du concours. Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa propriété. Toutefois les intéressés peuvent en faire prendre des copies à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au se- crétaire perpétuel (1). (1) D’autres questions, réservées au concours de 1859, seront examinées dans une prochaine séance. Es RUE: A (6) RAPPORTS. Exposé d'un principe concernant l'intersection des surfaces, avec application à la recherche des propriétés des surfaces du second ordre; par M. Meier, docteur en sciences. Hupport de PI. L'inemermans, « M. Meier, docteur en sciences mathématiques, dans le travail qu'il présente à l’Académie, se propose de trou- ver les conditions auxquelles doivent satisfaire les équa- tions de deux surfaces données pour que leur intersection soit une courbe plane. Comme la marche qu’il suit diffère peu de celle donnée par les auteurs et est plutôt du ressort des mathématiques élémentaires que du domaine acadé- mique, je n’hésiterais pas, tout en reconnaissant le mérite de la conception fondamentale de ce travail, de me borner à vous proposer d'adresser des remerciments à l’auteur; mais en parcourant les applications qu'il fait de sa mé- thode aux différentes surfaces du second degré, applica- tions qui composent la majeure partie du mémoire, ou rencontre un grand nombre de propriélés élégantes de ces sections planes, les unes entièrement nouvelles, les autres, quoique déjà connues, tirant leur mérite de la simplicité des procédés et de la symétrie des déductions. Celle con- sidération me détermine à vous proposer non-seulement de donner votre approbation à ce travail, mais encore d’en or- donner l'impression dans l’un ou l’autre de vos recueils. » Conformément à ces conclusions, qui sont adoptées par CA } les deux autres commissaires, MM. Brasseur et Schaar, le mémoire de M. Meier sera inséré dans les recueils de l’Académie. Documents sur les tremblements de terre au Perou, dans la Colombie et dans le bassin de l'Amazone ; par M. Alexis Perrey, professeur de physique à Dijon. — MM. d'Omalius d'Halloy, De Koninck et Ad. Quetelet avaient fait, sur ce travail, un rapport favorable dans la séance précédente ; mais ils avaient été d'accord pour demander la suppres- sion de détails très-étendus sur plusieurs tremblements de terre, mentionnés dans des recueils imprimés qui se trouvent entre les mains des savants. L'auteur ayant souscrit au désir exprimé par MM. les commissaires, la classe a ordonné l'impression de son tra- vail dans le recueil des Mémoires in-8°, | COMMUNICATIONS ET LECTURES. Perturbations magnétiques. — Aurore boréale. — Violent tremblement de terre en Italie: communications de M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel de l’Académie. Dans la journée du 17 décembre dernier, une forte perturbation magnétique a été observée à Bruxelles, par mon fils, aide à l'Observatoire. Déjà le matin, à 9 heures, la déclinaison était de 67,24 divisions de l'échelle, tandis (8) que la veille, à 9 heures du matin, elle était de 69,74 (1). L'intensité le 17, à la même heure, était de 8,46 divisions par une température de 41°,2 Fahrenheit, tandis que, le 46, elle était de 11,12 divisions par une tempéraiure de 59°,6 Fahrenheit. A midi, la perturbation devint beaucoup plus sensible encore. Voici les observations qui ont été prises : APPAREIL APPAREIL | TEMPÉRATURE | : HEURES. uniflaire. bifilaire. Fahrenheit, … Un autre caractère de perturbation était très-marqué : c’ést la grande amplitude de la course des barreaux. Pour l’appareil bifilaire, elle était, à midi, de plus d’une divi- sion et demie, et pour l'appareil unifilaire, de six is - et un liers. (1) Une division de l'échelle équivaut à 2"19°, et les nombres croisent quand la déclinaison décroit. | (9) | Cette perturbation avait fait présumer l'existence d’une aurore boréale. | En effet, les journaux ont annoncé qu'une aurore boréale s'est manifestée le 17 décembre au man, entre 5 et 6 beures. Les employés de l'octroi aux portes Joseph IT et de la Loi à Bruxelles, l'ont remarquée et l'ont prise pour un incendie des plus violents. Les lueurs de l'aurore se projetaient du nord au cou- chant, tout en conservant leur vive intensité, sur un ciel pur et brillamment étoilé. (Télégraphe du 18.) On a appris ensuite que, dans la nuit du 46 au 47, il y a eu un épouvantable tremblement de terre qui a ravagé une partie du royaume des Deux-Siciles, notamment Îles villes de Salerne, Potenza et Pola. Les édifices de Salerne sont pour la plupart lézardés; un grand nombre de vil- lages sont à moitié détruits; enfin, l’on compte plusieurs milliers de personnes tuées dans la province de Basilicate et dans la principauté citérieure, où le phénomène a paru concentré. A Naples, on a ressenti trois secousses violentes, mais sans aucun accident. De nouvelles secousses s’y sont fait sentir le 49, le 20 et le 25. Les habitants croient à une prochaine éruption du Vésuve. Le tremblement de terre du 17 a été ressenti dans l'Allemagne méridionale, en Bavière et dans le Wurtem- berg. Enfin, le 20 décembre, à 5 heures et demie du matin, on a ressenti à Agram, en Croatie, un violent tremblement de terre avec des ondulations dirigées du sud-est au nord- ouest. Il était accompagné d’un bruit souterrain qui aug- mentait d'intensité avec la force des oscillations. La durée du tremblement de terre a été estimée à 5 heures et demie. (10) Le bruit souterrain s’est fait entendre encore pee temps après la dernière oscillation. Pendant les premiers jours de janvier, l'amplitude des oscillations de l'aiguille de déclinaison à l'Observatoire de Braxelles, a présenté quelques irrégularités, le 5, vers 5 heures de l'après-midi, le 6, à 9 heures du soir, mais sur- tout le 7, à 5 et 9 heures du soir. Ce matin, 9 janvier, l'aiguille subissait des déplace- ments brusques à chaque oscillation. Voici les positions qui ont été observées dans la matinée, tandis qu’elle était en moyenne de 70,55 divisions pour les huit jours précédents, à 9 heures : Je 4 or OA 9658 LA 1 PA LNGS 0 1010 up, els (60e A ie cf FPS 1129 An Il en était de même pour l'aiguille d'intensité horizon- tale (1). — M. Ad. Quetelet exprime ensuite le regret de n'avoir pu observer avec son fils, durant la nuit du 27 décembre dernier, l’occultation des Pléiades par la lune : le ciel est resté constamment couvert. Cette observation avait été particulièrement recommandée par M. Bache, chargé des travaux géodésiques des États-Unis et associé de la classe, qui avait eu l’obligeance de faire dresser la carte pour l'horizon de Bruxelles. (1) Les journaux ont fait connaître depuis qu’un tremblement de terre avait été ressenti, du 8 au 9, à Varna. (#1) Sur l'état météorologique de la ville de Gand, pendant l'an- née 1857; par M. F. Duprez, membre de l’Académie. La grande sécheresse qui a régné en 1857 m'a engagé à comparer mes observations météorologiques de cette année à celles des années antérieures. Les résultats de celte comparaison font l’objet de la présente note. D'après les observations faites à Gand, de 1839 à 1856, la hauteur moyenne de la quantité d'eau recueillie an- nuellement s'élève à 771,5, et le nombre moyen des jours où l'eau est recueillie, à 159 (1). L’année qui vient de finir n’a donné que 428°°,5 répartis sur un nombre total de 116 jours; d'où il suit que la quantité d’eau cor- respondante à 1857 n'est que peu supérieure à la moitié de celle qui est tombée en moyenne pendant les dix-huit années antérieures. L'année qui, sous ce rapport, s’écarte le moins de la précédente est 1842; celle qui s’en éloigne, au contraire, le plus, est 1841 : pour ces deux dernières, les hauteurs de l’eau mesurée montent respectivement à 580"",6 et 971"",0. Les observations faites au psychromètre accusent égale- ment la sécheresse de l’année dont il s’agit; elles donnent, en moyenne, 69,5 pour l'humidité de Pair à l’heure de midi, tandis que l'humidité moyenne obtenue, pour la même heure, pendant la période de 1849 à 1856 (2), est 75,9. L'année de la période ci-dessus qui se rapproche le f (1) L’eau recueillie est mesurée d’un midi à l’autre et comprend aussi celle qui provient de la fusion de la neige et de la grêle. (3) Les observations du psychromètre ne datent que de 1849. j_ +) plus de 1857 est 1854, pour laquelle l'humidité s’est Me duite à 71,0. D'un autre côté, la température moyenne de 1857 s'est élevée à 11°,4C. et est supérieure de 4°,1 à celle qui appar- tient aux dix-huit années antérieures; en outre, il est à remarquer que, pendant ces mêmes années, la tempéra- ture moyenne annuelle n'est montée que trois fois au-des- sus de 11 degrés, savoir en 1845, 1846 et 1852, dont les moyennes ont été respectivement 41°,1, 44°,5 et 14°,5. Enfin, le baromètre a marqué, à midi, une hauteur moyenne de 760"",46; celte hauteur n’a été dépassée qu'une seule fois par les moyennes annuelles des dix-huit années précédentes, et cela en 1842, où elle à atteint 760"",60. En résumé, on voit par les nombres contenus dans cette note que les indications des instruments, en 1857, ont été notablement différentes de leurs moyennes générales, et qu’elles S'accordent pour confirmer l’état BAPE que remarquable de cette année. M. Ad. Quetelet fait observer que, d’après l'Annuaire de l'Observatoire pour 1858, qu'il vient d'offrir à l’'Acadé- mie, la quantité d’eau recueillie à Bruxelles, du 4* décem- bre 1856 au 1* décembre 1837, ne s'élève qu'à 507"",49; si l’on remplace le mois de décembre 1856 par le mois de décembre 1857, qui a été plus sec, on obtient 453"*,59, à peu près le même résultat qu'à Gand. Toutefois, le nom- bre de jours où l’on à recueilli de Hd s'élève, à Bruxelles, à 154, D. (13) — M. Gluge, directeur de la classe pour 1857, exprime ses remerciments à la compagnie et cède le fauteuil à M. d'Omalius d'Halloy, directeur de la classe et président de l’Académie pour 1858; M. d'Omalius propose de voter des remerciments à son prédécesseur. Des applaudisse- ments accueillent cette proposition. M. Melsens, nommé directeur pour 1859, vient en même temps prendre place au bureau. ARE PET 4 ue, Par Le à (44) CLASSE DES LETTRES. Séance du 11 janvier 1858. M. ne Ran, président de l’Académie. M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le baron de Gerlache, Gachard, David , Schayes, Snellaert, Bormans, Baguet , Ch. Faider, Arendt, membres; Nolet de Brauwere Van Stceland, as- socié; Mathieu, Serrure, Kervyn de Lettenhove, Chalon, Th. Juste, Defacqz, correspondants. MM. Stas, membre de la classe des sciences, Alvin et Ed. Fétis, membres de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. Re CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur fait hommage d'un exem- plaire du tome [°° des documents statistiques publiés par son département, avec le concours de la Commission cen- trale de statistique. — La Société d'histoire de la Suisse romande à Lau- sanne remercie l’Académie pour l'envoi de ses publica- tions, et lui fait parvenir ses derniers mémoires. 1 2e , (15) — M. de Ram fait hommage du n° XXI de ses Analectes pour servir à l’histoire de l’université de Louvain, et de l'Annuaire de la même université pour 1858; M. Gachard présente le tome VI de la Correspondance de Guillaume le Taciturne, et M. Kervyn de Lettenhove, deux volumes intitulés : Froissart. Étude littéraire sur le XIV" siècle, qu'il vient de publier. — Remerciments. Discours adressé à Sa Majesté, le premier jour de l'an, par le président de l’Académie, M. le chanoine de Ram. € SIRE, Une loi du cœur, plus puissante que la coutume, fait en ce jour, à l’Académie royale &e Belgique, un devoir de pré- senter à Votre Majesté le tribut annuel de ses vœux, de ses hommages et de ses félicitations. | En demandant à Dieu qu'il daigne nous conserver longtemps encore notre Roi pour le bien-être et la gloire de la patrie et pour le bonheur de la famille royale, nous ne faisons que renouveler la formule d’une prière et d’un * acte de reconnaissance que la Belgique entière a dans le cœur et sur les lèvres. Lorsque l'Académie adresse ses hommages au Roi, elle ne peut s'empêcher de rappeler quele Roi est son protecteur. Sire, nous nous efforcerons de mériter toujours l’hon- neur de cette royale protection par un profond respect pour nos institutions politiques et par une inviolable fidé- lité à Votre personne et à Votre dynastie. Sous Vos auspices, les trois ‘classes de l’Académie ne négligeront rien pour remplir dignement la pacifique et (16 ) nationale mission qui leur est confiée ; elles continueront à réunir leurs efforts pour faire fleurir de plus en plus les sciences, les lettres et les arts sur le vieux sol de la Bel- gique, que la sagesse et le dévouement de Votre ie ont dotée d'une vie nouvelle. . Permettez, Sire, que l'expression de nos hommages soit _ accompagnée de l’expression de nos plus respecteuses fé: licitations. Le Ciel a daigné bénir l'alliance de l'héritier du Trône avec l’auguste petite-fille de cette immortelle Marie-Thés rèse qui fonda notre Académie. Cette bénédiction manquait au Das de Votre Ma- jesté et à celui de la famille royale. Un grand et heureux événement s’accomplira bientôt : nous le saluons d'avance comme l'objet des plus douces Jouissances du Roi et de ses augustes enfants. L'espoir et l'avenir du pays reposent sur cet événement, qui perpétuera les bienfaits du règne de Votre Majesté sous les règnes mêmes de ses successeurs les plus reculés. » a RAPPORTS. Charles-Quint et Marguerite d'Autriche. Etude sur la mi- norité, l'émancipation et l’avénement de Charles-Quint à l'Empire; par M. Th. Juste, correspondant de l'Aca- démie. - Mapport de M. Gachard, « Dans les vingt dernières années, des documents aussi importants que nombreux ont été mis en lumière sur la mi- << d Cr) norité et les commencements du règne de Charles: Quint. Notre savant confrère M. Le Glay, qui occupe si digne- ment, à Lille, le poste illustré jadis par les Godefroy, a publié deux recueils également précieux, l’un et l'autre tirés du riche dépôt dont la garde lui est confiée : Je veux parler de la Correspondance de Marguerite d'Autriche avec l’empereur Maximilien, son père, et des Négociations di- plomatiques entre l'Autriche et la France, de 4501 à 4550. M. Van den Bergh a extrait du même dépôt la Cor- respondance de Marguerite avec ses amis sur les aflaires des Pays-Bas, M. Lanz, à qui le public était déjà redevable de trois volumes de lettres de Charles-Quint, empruntées à nos archives et à notre bibliothèque, a donné, sous les aus- pices de l’Académie impériale des sciences de Vienne, un premier volume de la correspondance de ce monarque, d’après les originaux qui autrefois étaient gardés à Bruxel- les, et qui furent transportés en Autriche en 1794; ce volume embrasse les années 1515 à 1521 : l’autenr la fait suivre d’une belle introduction, pour laquelle il est allé expressément compulser les célèbres archives de Venise. Enfin un des événements les plus considérables, on poar- rait dire même l'événement capital de la vie de Charles- Quint, — la lutte qu'il y eut entre lui et François [* pour l'élection à l'Empire, — a été parfaitement éclaircie, d'un côté, par les dépêches et les instructions mêmes de Charles- Quint et de Marguerite d'Autriche, et par les rapports de leurs ambassadeurs, que M. Mone et M. Le Glay ont fait connaître au public; de l’autre, par le remarquable tra- vail dont M. Mignet à enrichi la Revue des Deux-Mondes, travail qui s'appuie essentiellement sur les actes de la chancellerie de Francois 1”, restés ignorés jusque-là, _ 2 SÉRIE, TOME IV. 2 (18) Je ne parle pas d’une foule de pièces diverses qui sont éparses dans les Bulletins de la Commission royale d’his- toire ét dans d’autres recueils publiés en Belgique. On conçoit que, depuis la mise en lumière de tous ces documents, l'histoire de la ligue de Cambrai de Dubos, l’histoire de François [* de Gaillard, l’histoire même de Charles-Quint de Roberison, ont perdu beaucoup de leur autorilé; qu'elles ne suffisent plus à ceux qui veulent ac- quérir une connaissance exacte et complète des faits, à ceux surtout qui aiment à juger, non sur des hypothèses, mais sur des témoignages certains, la politique des princes et de leurs ministres. Il faut donc savoir gré à M. Juste, de la ape étude qu'il vient de présenter à la classe. C'est un service à ajouter à tous ceux qu'il a déjà rendus à notre histoire na- tionale. _Le travail de notre Dane confrère se divise en cinq chapitres, précédés de quelques pages en forme de préface, et suivis d’une conclusion. Le premier chapitre est intitulé : Matos I" et Phi- lippe le Beau. Les négociations qu’il y eut entre les maisons d'Autriche et de France, depuis le mariage de Maximilien avec l’héritière de Bourgogne, les alliances mairimoniales, que Maximilien contracta avec les rois catholiques, les deux voyages de Philippe le Beau en Espagne, ses diffé- rends avec le roi Ferdinand, son beau-père, forment les matières principales de ce chapitre, qui finit à la mort de l’archiduc, arrivée, comme on sait, le 25 septembre 1506, à Burgos. Le chapitre II est intitulé : Marguerite d'Autriche et Charles d'Egmont. Les premières pages en sont consa- crées au récit des états généraux de 1506, où la régence Tr (19) des Pays-Bas, ainsi que la tutelle des enfants mineurs de Philippe le Beau, furent déférées à l'empereur Maximi- lien, et des états de 14507 , où l’archiduchesse Marguerite, nommée par son père gouvernante des Pays-Bas, fut re- connue et installée en cette qualité. Le souci le plus grave du nouveau gouvernement était la guerre qu'il avait à soutenir contre Charles d'Egmont, duc de Gueldre, pro- tégé par la France, tantôt ouvertement, tantôt d’une ma- nière détournée. L'auteur retrace les événements de cette guerre pendant les années 1507 et 1508, mais il ne se borne pas là : pour en faire mieux apprécier les causes et le caractère, il remonte jusqu’à la mort de Renaud IV, duc de Gueldre et de Juliers, auquel, à défaut de postérité légitime , succéda son arrière-neveu Arnould d'Egmont; il dit les débats qui s’élevèrent entre ce dernier et son fils Adolphe, l'intervention, dans leurs différends, de Charles le Hardi, l'emprisonnement d’Adolphe dans les châteaux de Vilvorde et de Courtrai, la cession de la Gueldre au duc de Bourgogne par Arnould d'Egmont, le soulèvement de cette province après le désastre de Nancy, l'appui qu'elle trouva dans la France, et enfin l’origine de la que- relle que Maximilien et Philippe le Beau eurent avec Charles d'Egmont, petit-fils d’Arnould. Dans le chapitre IE, qui porte pour titre : La Ligue de Cambrai et la sainte Ligue, l’auteur s'occupe de ces deux grands faits diplomatiques et des principaux événements qui les produisirent, ou auxquels ils donnèrent naissance. La guerre des Français en Italie occupe une place étendue dans ce chapitre, qui finit à l’avénement de François I®, Le chapitre IV est intitulé : Marguerite d'Autriche et le cardinal Ximenès. Dans les précédents chapitres, Charles- Quint nous est à peine apparu ; l’auteur n’a fait mention ( 20 ) de lui qu'à propos de sa naissance et des projets qui fu- rent conçus de le marier, d’abord’ avec Claude de France, ensuile avec Marie d'Angleterre. Ici le futur vainqueur de Soliman et de François 1% est placé au premier plan. L'auteur nous raconte son enfance, son éducation, les penchants qu'il manifesta de bonne heure. Il nous entre- tient, après cela, de son émancipation comme souverain des Pays-Bas, de ses relations, si satisfaisantes alors, avec le monarque français , de ses premiers actes dés qu'il eut été appelé à recueillir l’héritage des rois catholiques, de son départ pour l'Espagne, de sa réception en Castille et en Aragon. Des particularités intéressantes sur la riva- lité qui existait entre l’ancien gouverneur de Charles- Quint, Guillaume de Croy, et l’archiduchesse sa tante, sur l'administration du cardinal de Ximenès, sur les griefs des communes de Castille contre les conseillers flamands de leur nouveau souverain, sont consignées dans ce cha- pitre. Le chapitre V, intitulé : Charles-Quint et François [”, forme la partie la plus considérable du travail de M. Juste; il a pour sujet la guerre diplomatique où ces deux princes se disputèrent la couronne impériale vacante par la mort de Maximilien, et dont le résultat final donna la victoire à son petit-fils. Notre honorable confrère, mettant en œuvre avec succès les matériaux dont nous avons parlé au commencement de ce rapport, fait un récit animé de cette lutte solennelle qui mit en émoi toute l'Europe. Dans sa Conclusion, qui pourrait être aussi bien ap- pelée le sixième et dernier chapitre de son travail, lau- teur raconte lembarquement de Charles-Quint à la Co- rogne, après son élection à l'Empire, ses entrevues avec Henri VIIT, à Douvres et à Gravelines, son arrivée à (21) | Flessingue, ses communicalions aux états généraux as- semblés à Bruxelles et à Anvers, les mesures qu'il prit, à son départ pour l'Allemagne, touchant le gouvernement des Pays-Bas, enfin son couronnement à Aix-la-Chapelle. Il termine par quelques mots sur la carrière glorieuse qui allait s'ouvrir devant l'heureux descendant des maïi- sons de Bourgogne et d'Autriche. Telle est l'analyse de l’étude sur Ces CLR et Mar- guerite d'Autriche que M. Juste a présentée à la classe. Notre honorable confrère s’est proposé plutôt de narrer que de discuter. Sa narration, loujours consciencieuse, s'appuie sur les meilleures autorités. Il n’a négligé aucune des sources auxquelles le public à été mis à même de puiser. Il cite même plusieurs fois des documents inédits. Un des mérites de ce travail, à mes yeux, c’est qu’en rétablissant les faits, et par la seule force de la vérité, il venge nos princes des injustices et de la partialité des éerivains étrangers, des historiens français surtout. L’au- teur fait, à ce sujet, dans sa préface, des réflexions qui me paraissent mériter d'être reproduites ici, et c'est par là que je terminerai : « Ç'a été longtemps comme une tradi- tion, dit-il, de vanter outre mesure Louis XIT et Fran- çois [°, et de rabaisser, de railler même les princes d'Autriche, leurs contemporains. La publication des documents restés inédits pendant plus de trois siècles, permet de rectifier bien des erreurs, de combler de grandes lacunes, et de dispenser la justice historique d'une main plus impartiale. Il y a, ce semble, beaucoup à rabattre aujourd’hui de la bonne foi de Louis XIT et du caractère chevaleresque de François [*. D'un autre côté, Maximilien, Philippe le Beau, Charles-Quint et surtout Marguerite d'Autriche regagnent dans l'opinion, lors- w- eu OÙ :ù y “y y CN NY © 9 (22) * » qu'on prend la peine d'étudier consciencieusement et | » complétement leurs actes. Maximilien lui-même, malgré ses lettres bizarres (véritable amalgame de français, d'allemand et de latin), malgré l’inconsistance dé son caractère et la mobilité de ses projets, Maximilien aussi prend un aspect plus sérieux. On s'aperçoit qu’il a un but, et que, malgré son inconstance apparente, il le. poursuit avec une singulière ténacité. [l veut non-seu- lement la grandeur de la maison d'Autriche, la pre- mière du monde, selon lui, mais il veut en outre que cette grandeur ait pour base [a possession de tous les États patrimoniaux qu’elle a hérités de la maison de Bourgogne , et dont les provinces belges forment la plus belle part. » J’ai l'honneur de proposer à la classe l'insertion, dans le recueil des mémoires de l’Académie, du travail de M. Juste. » VF VS VS SO ÿ %y LE Ov vw Happort de M, 4. Borgnet. « Par l’analyse que mon honorable confrère M. Gachard vous a faite du travail présenté par M. Juste, vous pouvez juger de l'intérêt qu'il offre. Depuis quelques années, les historiens se sont beaucoup occupés de Charles-Quint, em- pereur, et exerçant en cette qualité, une grande et légi- time influence sur les événements de son époque. Il reste à l’examiner sur un théâtre plus petit, mais peut-être plus intéressant pour nous, en énumérant et appréciant ses actes par rapport à la Belgique, son pays natal. L'auteur du mémoire soumis à votre appréciation a comblé cette lacune pour la première partie de la vie du grand homme, (25 ) et je ne crains pas de dire qu’il l’a fait de façon à mériter toujours davantage la reconnaissance de ceux qui s'inté- ressent à l'étude de notre histoire. Je n'hésite done pas à vous proposer aussi l'insertion de son œuvre dans les mé- moires de l’Académie. » Rapport de M. le baron de Gerlache. « Nous assistons à une grande œuvre de réhabilitation historique : on est en train de refaire aujourd’hui l’histoire du XVI”: siècle; et c’est principalement de la Belgique qu'est venu ce remarquable mouvement de réaction. Les nombreux documents mis au Jour depuis peu par les sa- vants de divers pays, parmi lesquels 1l est Juste de compter au premier rang notre honorable confrère, M. Gachard, ont ouvert une carrière nouvelle aux écrivains. Le plus grand homme du XVI" siècle est incontestablement Charles-Quint; Charles-Quaint, si longtemps méconnu, est iieux apprécié à mesure que les faits sont mieux étudiés, que les haines et les préjugés de nation et de religion tendent à s’affaiblir. Or, Charles-Quint appartient à la Bel- gique, et par sa naissance et par son éducation. En pro- fitant des travaux déjà connus, et en y ajoutant ses propres découvertes pour retracer la première époque de la vie de Charles-Quint, M. Juste a fait un travail utile, plus éxact et plus complet que ses devanciers, et qui offre beaucoup d'intérêt : car dans le progrès et le développement du ea- ractère d'un grand homme, rien n’est à négliger. | Je n'entrerai point dans les détails du mémoire de M. Juste; M. Gachard en à fait une analyse fidèle et com- + 4 v \ LU RL P ae, À L Ÿ 2% (à " (4) plète. Charles-Quint , initié aux affaires par Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres, entouré de conseillers et de courtisans belges, en subit l'influence jusqu’à son arrivée en Espagne. Mais doué d’un sens excellent, il comprit bientôt combien le pouvoir confié à des étrangers excite la haine et l’envie des nationaux. Philippe IF commit la méme faute, et il eut le tort de le reconnaître beaucoup trop tard. La partie principale du mémoire de M. Juste est relative à la lutte qui s'éleva entre Charles-Quint et François [°° pour la couronne impériale: lutte on chacun des conten- dants déploya tous les moyens que peuvent suggérer l’ha- bileté diplomatique et Part de la séduction, sans en excep- ter la corruption. Dans son travail, qui s'étend jusqu’à l’année 1520, M. Juste ne dit qu'un mot, en terminant, de Luther, qui fut proserit à la diète de Worms, comme perturbateur de l'Empire. Mais n'aurait-1l pas dû parler un peu plus lon- guement de cette nouvelle doctrine qui, depuis deux an- nées déjà, avait envahi et mis en feu une partie de l’Alle- magne et qui devait changer et révolutionner la face de l’Europe? M. Juste répondra peut-être qu'il n’entrait pas dans son cadre d'aborder, en passant, un si vaste sujet, qui appartient plus à la vie militante qu'à la jeunesse de Charles-Quint. Aussi je n’ose insister sur l’objection. J'estime, comme nos confrères, MM. Gachard et Bor- gnet, que le mémoire de M. Juste est très-digne de figurer dans les mémoires de l’Académie. » | Conformément aux conclusions de ses commissaires : la classe a ordonné l'impression du mémoire de M. Juste. ns . ÉLECTIONS. La classe, aux termes de son règlement, s'occupe en- suite de la nomination de son directeur pour l'année 1859; M. le baron de Gerlache réunit la majorité des suffrages et est invité à venir prendre place au bureau. Peel - À COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Gachard donne lecture d’une notice intitulée : Chute de don Carlos à Alcala. La classe demande l'insertion de cette notice au Bulletin; mais l'auteur préfère la conserver inédite pour le moment, en se réservant de la reproduire plus tard, — La classe s'occupe encore de différentes dispositions à prendre relativement aux publications; cette question est renvoyée à la commission administrative de l'Académie. — En l'absence du vice-directeur, qui a été forcé de quitter la séance, M. le secrétaire perpétuel propose à la classe de voter des remerciments à M. de Ram, le direc- teur sortant, qui était en même temps président de l’Aca- démie. Des applaudissements accueillent cette proposition. (26 ) CLASSE DES BLEAUX-ARTS. a —— Séance du 7 janvier 1858. M. ALVIN, directeur. M. An. QuerELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Braemt, De Keyzer, G. Geefs, Navez, Roelandt, Suys, Van Hasselt, Jos. Geefs, Erin Corr, Snel, Fraikin, Partoes, Ed. Fétis, De Busscher, Portaels, mem- bres ; Calamatta, associé; Alph. Balat, Demanet, correspon- dants. | M. Kervyn de Lettenhove, correspondant de la classe des lettres, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. La classe apprend avec douleur la mort de M. Rauch, associé de la section de sculpture, décédé le mois précédent. — Il est donné lecture d’une lettre de M. le Ministre de l'intérieur, concernant le voyage de M. Benoît, lauréat du grand concours de composition musicale. M. le secrétaire perpétuel fait connaître que, vu l'urgence, 1l a adressé cette dépêche à M, Fr, Fétis, président de la commission (27) permanente de ce concours, et il donne communication de sa réponse, à laquelle souserit son collègue M. Snel. — MM. les questeurs du Sénat et de la Chambre des Représentants font parvenir des cartes pour les tribunes réservées. — Remerciments. — M. Alvin rend sommairement compte de ce qui a eu Jieu jusqu’à présent, dans la commission chargée d'exa- miner l'opportunité de la fondation d’une école belge des beaux-arts à Rome. | Une lettre de M. Bossuet, sur le même sujet, est renvoyée à l'examen de la commission. — M. Van Hasselt fait hommage d'un recueil de Nou- velles poésies. — Remerciments. | ÉLECTIONS. Aux termes de son règlement, la classe avait à désigner son directeur pour 1859 ; la grande majorité des suffrages proclame M. Fr. Fétis. La classe s’est occupée ensuite de nommer quatre asso- ciés en remplacement de MM. Rude, David d'Angers, Dela- roche et Boucher-Desnoyers qu’elle a perdus successive- ment. Les choix se sont fixés sur MM. Duret, de Paris, Riet- schell, de Dresde, Picot, de Paris, et Martinet, de la même ville. (28) CAISSE CENTRALE DES ARTISTES BELGES. MM. Ed. Fétis et Braemt présentent un aperçu de la situation de la Caisse des artistes en 1857. Cet état sera complété dans la prochaine séance. | COMMUNICATIONS ET LECTURES. ee Jean Duvivier, notice historique; par M. Édouard Fétis, membre de l’Académie. Nous ne sommes pas réduit, pour écrire la vie de cet artiste, à de vagues renseignements recueillis à grand’ peine ou trouvés par hasard. Un document d'une incon- testable authencité nous a fourni sur sa carrière et sur ses travaux, des détails précis. Deux ans après sa mort, l’abbé Gougenot lisait à l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris, dont le graveur liégeois avait été membre, une notice composée à l’aide d'indications qu'il tenait du fils de ce dernier. C’est à cette notice, dont le département des manuscrits de la Bibliothèque royale pos- sède une copie, que nous empruntons Îles faits principaux de la biographie qu’on va lire, et dont la place est marquée dans ce recueil où nons nous sommes proposé de faire ap- paraître successivement tous ceux de nos artistes qui ont acquis de la célébrité à l'étranger. Aux indications fournies par l'historiographe de l’Académie de peinture, nous ajou- (29) terons celles que nous ont procurées nos propres recher- ches, et qui portent principalement sur les travaux attri- _ bués à Duvivier dans l’art de la gravure au burin. Né à Liége le 7 février 1687, Jean Duvivier reçut les premières notions de dessin de son père, Gendulphe Du- vivier, graveur des cachets et de la vaisselle du prince- évêque. Dès qu'il fut en état de manier le burin, Geu- dulphe l’associa à ses occupations officielles. Toutefois l'honneur d'illustrer les plats d'argent destinés à figurer sur la table du souverain, ne satisfaisait qu'imparfaitement l'ambition du jeune artiste. I voulut s'élever plus haut, et S'applhiqua à l'étude de la peinture. Sans autre guide que la pature et secondé par un heureux insuinet, 1l acquit en peu de temps la connaissance des procédés techniques du coloris. | Le travail du pinceau ne faisait cependant pas négliger complétement à Duvivier celui du burin. Convaincu, par l'exemple des anciens maîtres, qu’un artiste peut traiter concurremment avec succès les différents genres qui ont pour base les principes généraux du dessin, il continua à graver, tout en Soccupant de pèinture. C'est ici le lieu d'examiner une question fort embrouillée, qui se rattache à notre histoire iconographique en même temps qu’à la biographie de Duvivier, et dont il ne nous a pas été pos- sible, nous sommes obligé d'en convenir, de dissiper tout à fait l'obscurité. Dans le Manuel des curieux et des amateurs d’'Huber et Rost, on lit ce qui suit à l'article de notre artiste: « Jean du Vivier ou de Vivier, célèbre médailleur et graveur à l'eau-forte, né à Liége en 1687 el mort à Paris en 1761. Il vint à Paris où il fut reçu membre de l’Académie royale en 1718. Tous ses ouvrages offrent une fermeté et une ( 30 } propreté d'invention admirables. Louis XV lui donna, en 1755 , un logement à la galerie du Louvre, avec une pen- sion. Parmi tous les artistes de son temps, c’est du Vivier qui a le mieux. saisi la ressemblance de ce prince, Dans la quantité de médaillons qu’il a gravés, on remarque parti- culièrement ceux du couronnement de Louis XV, la statue équestre de ce prince érigée sur la place de Bordeaux, les bustes du roi dans ses différents âges. La délicatesse et la force brillent dans loutes ses productions; la donceur et la modestie formaient le fond de son caractère. Cet ar- tiste a gravé avec le même esprit sur cuivre. Îl signait ses estampes Giovan. ou G. de Vivier fecit. Je connais de lui les morceaux suivants très-recherchés des connaisseurs. » Vient ensuite la description de cinq estampes, savoir : le portrait de Bertholet Flémalle, d'après ce peintre, celui de Pierre des Gouges, avocat au parlement, d’après Tournière, la Cuisinière flamande, le Christ mis au tombeau et la Ten- tation de saint Antoine, d'après Antoine Vanden Heuvel. L'erreur des auteurs du Manuel a été relevée dans le Peintre-graveur français, par M. Robert-Dumesnil, qui s'exprime ainsi: « M. de Marolles, qui possédaitles estampes que cet artiste (G, de Vivier ou du Vivier) a gravées d’après Antoine Van Heuvele, le range dans l'école française. A part son nom, il faut convenir que sa pointe, pleine de goût et d'effet, décèle bien plutôt un maître des écoles fla- mande ou hollandaise. MM. Huber et Rost le confondent avec Jean Duvivier, graveur en médailles de Louis XV, et ne font des deux qu'une seule et même personne, en in- terprélant linitiale G. qui précède le nom de notre artiste par le prénom Giovanni que Jean Duvivier aurait porté lors de son séjour en Italie. Jean Duvivier, né en 1687, ne peut avoir gravé des estampes mises au jour avant 1666. (31) Dés lors, c’est un artiste fort distinct de son homonyme. Nous allons décrire huit pièces de notre artiste qui a dû paître dans le XVIT"° siècle. Elles sont toutes très-rares, à l'exception des n® 6 et 7, dont on rencontre des épreuves modernes. » M. Robert-Dumesnil ne mentionne pas les deux portraits cités par les auteurs du Manuel, mais il ajoute à leur liste cinq pièces, qui sont : les Évangélistes, Thétis et Chiron, le Flüteur, le Buveur et un Paysage. L'iconographe français est parfaitement fondé à signaler la méprise qu'ont faite Huber et Rost en attribuant à un même artiste les travaux de Jean Duvivier et ceux de G. de Vivier; mais lui-même commet deux erreurs dans sa recufication. D'abord les auteurs du Manuel des curieux n'ont pas dit et ne pouvaient pas dire que Duvivier changea son prénom de Jean en celui de Giovanni pendant son séjour en Italie, par la raison que jamais il ne franchit les Alpes. Nous demanderons, en second lieu, sur quoi s’est fondé M. Robert-Dumesnil pour fixer à l’année 1666 l'exé- culion des estampes signées G. du Vivier. Aucune ne porte de date. Antoine Vanden Heuvel, peintre gantois, élève de Crayer, est mort en 4677. A supposer que les pièces qui reproduisent ses compositions n'eussent pu être gravées que de son vivant, l'iconographe français n'en aurait pas moins eu tort de préciser cette date de 4666 comme une limite extrême. L’impossibilité d'attribuer les estampes en question à Jean Duvivier, né dix ans plus tard, reste évidente; mais nous dirons tout à l'heure pourquoi nous tenons à bien établir que le rapprochement fait par M. Robert-Dumesnil entre les dates 1666 et 1687, est absolument arbitraire. | M. Nagier, dont la conscencieuse exactitude doit habi- tuellement inspirer grande confiance, se trompe sur plu- (92) sieurs points, en ce qui concerne notre artiste, dans son Neues allgemeines Kunstler Lexicon. L'article qu'il lui con- sacre à la lettre D n’est que la reproduction de celui qu’avaient donné Huber et Rost. Seulement il ajoute que les estampes signées G. de Vivier, d’après Antoine Vanden Heuvel ne sont pas rares, et en cela il se trompe. Lorsqu'il arrive à la lettre V de son dictionnaire, il a eu connais- sance de la rectification faite par Robert Dumesnil, et il la reproduit, mais sans rappeler que lui-même s’est mépris dans sou premier article, et des explications qu'il veut donner, résultent de nouvelles erreurs par lesquelles la question est encore compliquée. M. Nagler mentionne un G. du Vivier, sur lequel il ne donne aucun renseignement biographique et qu'il dit seulement avoir dû travailler avant 1666, se conformant en cela à l'indication arbitraire de l’auteur du Peintre-graveur français. Ce G. du Vivier aurait gravé les planches qui reproduisent les peintures d'Antoine Vanden Heuvel. Mais voici que vient ensuite un Jean Guillaume du Vivier, inventé par M. Nagler, qui lui at- tribue les portraits de Bertholet Flémalle et de Des Gouges, en fixant le temps de sa carrière active de 1700 à 1740. On voit que le savant biographe allemand n’a guère simplifié les choses. it Il est un fait possitif, C’est que le Duvivier dont nous nous occupons est l’auteur des portraits de Bertholet Flé- malle etde Des Gouges. L’assertion de l'abbé Gougenot, qui écrivait, comme nous l'avons dit, d'après des renseigne- ments fournis par la famille du graveur des médailles de Louis XV, suffit pour dissiper tous les doutes à cet égard. Il reste à découvrir quel pouvait être le G. du Vivier au- quel on doit les eaux-fortes faites d’après Vanden Heuvel. On à vu que Jean Duvivier était fils de Gendulphe Du- (45 ) vivier, graveur des cachets et de la vaisselle du prince- évêque de Liége. Il n’y a rien d’impossible à ce que ce Gendulphe soit le graveur qu’on cherche vainement, en voulant faire, au moyen de l’initiale G., un Giovanni ou un Guillaume qui n’ont jamais existé. Gendulphe Duvivier peut bien avoir gravé à Gand, d’après Antoine Vanden Heuvel, avant d’être employé par l’évêque de Liége. Jean Duvivier avait fait, avant d'aller à Paris, sa planche du portrait de Bertholet Flémalle. Or, il n'eut pas d'autre maître que son père. Celui-ci avait donc l'habitude de manier la pointe et le burin ; il connaissait les procédés de la gravure en taille- douce. Si nos conjectures sont fondées, nous aurions un nom de plus, celui de Gendulphe Duvivier, à inscrire sur la liste des graveurs belges. Ce ne sont que des suppositious, à la vérité, mais elles ont sur celles pour lesquelles on a essayé d'interpréter la signature de G. Duvivier, l'avau- tage de la vraisemblance. Il ne faut pas s'arrêter à la dif- férence d'orthographe du nom, car notre artiste a signé lui-même ainsi : J. du Vivier, les deux estampes qui lui sont attribuées avec certitude, ainsi que deux autres pièces de moindre importance dont il sera parlé plus Join. Après avoir longtemps hésité entre la gravure et la pein- ture, Jean Duvivier opta définitivement, il le croyait du moins, pour celle-ci. Son père, décidé par le succès de ses premiers essais, lui permit d'aller étudier en Italie. Notre jeune artiste partit de Liége à pied et se dirigea vers Paris, en profitant de la liberté que lui donnait cette manière de voyager, pour s'arrêter partout où il trouvait quelque chose d'intéressant à voir. Arrivé à Paris, Duvivier se mit à suivre avec assiduité les cours de l’Académie. II y dessina pendant tout un hiver et fut même admis au concours de peinture; mais lors- 27° SÉRIE, TOME IV. 5) (34) qu’en présentant son tableau, 1l dut décliner son nom; son àge et le lieu de sa naissance, on s’aperçut qu'il était étranger. Cette circonstance l'excluait du concours; dont le prix était la pension de Rome et ne s’accordait qu ‘aux sujets du roi de France. | Le prix de Rome était précisément ce qu'avait ambi- tionné Duvivier. Ce lui fut un cruel désappointement de devoir y renoncer. D'un autre côté, ce qu'il recevait de sa famille ne suffisait pas pour lui permettre de vivre à Paris sans lirer parti de son talent. Il fut donc obligé de cher- cher à s'employer d'une façon lucrative. La peinture ne lui était d'aucune ressource; il reprit le burin. N'ayant pas le temps d'attendre le produit de travaux dont l'exécution eût exigé de longs délais, 1l offrit ses services pour graver Ja vaisselle du roi. L'expérience qu’il avait acquise, sous la direction de son père, lui fut très-utile en cette circon- stance. Il se montra, dans l'exécution de la tâche qui lui fut confiée, supérieur à ceux auxquels elle était échue pré- cédemment, et trouva dans cet emploi de son temps une source de revenus au moyen de laquelle il put rétablir l’ordre dans ses finances. HIER Ayant repris le burin, Duvivier en fit une application plus conforme à ses instincts d'artiste, que celle à laquelle l’avait réduit la nécessité. [l grava, d’après le peintre Tour- nière, un beau portrait de Des Gouges, doyen des avocats au conseil. « Cette estampe, dit l'abbé Gougenot, dans l'éloge de notre artiste, annonce un homme qui serait de- venu supérieur dans cette partie, s’il l’eût cultivée. Quoique son burin ne fût point pour lors formé, il a cependant une belle fermeté. On aperçoit dans ce morceau un dessina- teur sûr, qui avait la connaissance des formes et des mé- plats que donne la sculpture. M. Duvivier n'avait gravé au- D + Es - (55 ) paravant qu'un buste : c'était celui de son compatriote, membre de notre Académie, qui a peint le dôme des Carmes déchaussés. » Sentant qu'il avait besoin d’un appui dans cette grande ville de Paris, où il était difficilé de réussir sans protection, Duvivier se présenta chez M. de Valdor, résident du prince- évêque de Liége près de la cour de France. Ce diplomate lui fit un accueil plein de bienveillance et fixa sa carrière, jusqu'alors incertaine, en croyant à la vérité ne lui rendre qu'un service momentané. Le résident avait été chargé de chercher un artiste de talent pour graver une médaille à l'effigie de Joseph Clément de Bavière, archevêque de Co- logne et évêque de Liége. Il proposa à Duvivier d’entre- prendre ce travail qui, d’ailleurs, lui revenait en quelque sorte de droit, à titre de Liégeois. Le jeune artiste ne l’ac- cepla pas sans hésitation. Il n'avait jamais gravé sur acier et craignait de ne pas réussir. Encouragé par son protec- teur, 1} se mit à la besogne. La tête du prélat fut trouvée correcte et ressemblante; mais le modelé n’en était pas exempt de sécheresse, ce qui Lenait au peu d'habitude que Duvivier avait de ce genre qui demande une pratique toute spéciale. Au revers se trouvait, d’après l'indication donnée au graveur, un paysage avec un arc-en-ciel et ces mots pour légende : Recordabor fœderis mei, sans doute par allusion à la réinstallation du prince dans ses États, après le traité de Bade. Duvivier fit ensuite une seconde médaille du même personnage, ou du moins un second revers, sur lequel l’évêque est représenté administrant le sacrement du bap- tême à un enfant. Joseph Clément de Bavière donna une entière approba- tion au travail du graveur liégeois. Pour mieux lai en mar- quer sa satisfaction , 1] lui commanda, par la suite, une ( 96 ) grande médaille destinée à perpétuer le souvenir d’une in- slitution qu’il avait fondée sous le titre de Confrérie de Saint-Michel. Déjà une première médaille avait été frappée en l'honneur de cette institution; mais elle était plus que médiocre, et le prince voulait depuis longtemps la rempla- cer. Duvivier fit une œuvre des plus remarquables. Saint Michel est représenté terrassant des anges rebelles. Ceux-ci forment un groupe parfaitement conçu et plein de mouve- ment. Au revers se trouve un écusson entouré de foudres et d'éclairs; on y lit ces mots: Quis ut Deus, également répétés sur le bouclier de l’archange. Cette grande et belle médaille à été décrite par M. Piot, dans le 6”*° volume de la Revue de la numismatique belge. La Bibliothèque royale en possède un exemplaire. La pensée qui a présidé à la fonda- | tion de la confrérie de Saint-Michel est expliquée par l'au- teur d'un opuscule du temps, dans des termes qui méritent d'être rapportés : « S. À. Joseph Clément de Bavière, y est-il dit, étant encore dans un âge fort tendre, remarqua dans les cours de Bavière et de Vienne, où elle a souvent été obligée de se trouver, qu'il régnait un esprit merveil- leusement pointülleux sur les rangs d’honneur et de pré- séance dans les appartements et surtout dans les cérémo- nies publiques qui se font dans les églises. Elle faisait une juste comparaison des vérités évangéliques dont se nour- rissait sa tendre piété, avec ces maximes du monde. Elle ne pouvait pas absolument blâmer les rangs qui sont dus à la naissance et qui contribuent autant au bon ordre qu'à la gloire des États; mais elle désirait au moins trouver quel- que moyen où les grands, se dépouillant de tous ces ea- ractères de grandeur, se mélassent avec le gros du peuple, comme ils y seront sûrement, à la mort et au Jugement de Dieu. » Il y a certainement quelque chose de remarquable (57) dans l'exposition de ces idées libérales faite en 1694, au nom d'un prince de l'Empire. La confrérie de Saint-Michel, fondée dans un but d’humilité, fut approuvée par l'auto- rilé pontificale. Elle a beaucoup moins duré que les in- stitulions créées pour donner satisfaction à la vanité hu- maine. Dans notre siècle de lumières, elle rencontrerait peu d'adhérents. Les auteurs du Trésor de numismatique et de glyptique ont reproduit, dans leur recueil, la médaille de la confrérie de Saint-Michel , classée parmi celles qui sont relatives à l’histoire de France. Après en avoir donné une description sommaire, ils ajoutent : « Nous ignorons à quelle circon- stance a trait cette médaille. » Quand Duvivier grava sa première médaille, il avait si peu d'expérience des procédés techniques, que, ne sachant comment s’y prendre pour obtenir des empreintes de ses coins, qui lui permissent de juger du degré d'avancement de son travail, il les envoyait de temps en temps à la Monnaie, afin d’en faire tirer des plombs. M. de Launay, alors directeur du département qu'on appelait la Monnaie des médailles, eut occasion de voir ces essais de l’artiste liégeois, fut frappé des rares dispositions qu'y avait mani- festees leur auteur et voulut que celui-ci lui fût présenté. M. de Launay pressa vivement Duvivier de renoncer à la peinture, ainsi qu'à la gravure en taille-douce, pour se livrer exclusivement à la gravure en médailles, lui disant que depuis Warin, son compatriote, nul n'avait paru de- voir s'élever aussi haut que lui dans cet art, et ajoutant que de Loutes les carrières qu’il pouvait embrasser , il n’en était aucune qui lui offritautant de chances de réputation et de fortune. Notre artiste eut beaucoup de peine à se laisser convaincre. Îl avait toujours espéré pouvoir reprendre ses (38) études de peintre, et il lui en coûtait de renoncer aux espé- rances qu'il avait fondées de ce côté. Cependant les avant tages qu'on lui fitentrevoir furent tels, qu'il finit par céder: La première médaille que M. de Launay donna à graver à Duavivier fut celle de la statue équestre de Louis XIV; d’après le monument fait par Des Jardins (Vanden Bogaert} pour la ville de Lyon. Il venait de terminer son travail, quand le coin fut brisé dans l'opération de la trémpe. Cet accident lui causa un profond découragement,. Il annonça qu’il allait reprendre ses pinceaux et mettre à exécution son projet de voyage en Italie. S'éloignant subitement de Paris, en effet, 1! se rendit à Liégé pour revoir sa famille, avant d'entreprendre cette excursion au delà des Alpes, toujours vivement désirée, toujours ajournée, et qui, en définitive, ne devait pas s'effectuer. A peine fut-il arrivé dans sa ville natale, qu'il reçut de M. de Launay les lettres les plus pressantes pour aller reprendre ses travaux, dont il était impossible, lui disait ce personnage, qu'il se laissât détourner par un accident fortuit. Cette fois encore les ré- pugnances de Duviviér fléchirent devant les instances du directeur de la Monnaie. : De retour à Paris, Duvivier refit un nouveau coin pour la médaille du monument de Lyon. Ce fut cette pièce, de grand module ettrès-heureusement réussie, qui commença à fixer sur lui l'attention. Une médaille devait être frappéé en l'honneur du maréchal de Villars, pour les ‘services rendus à la France par ce guerrier illustre ; on en confia l'exécution à Duvivier. LU Notre artiste n’eut pas l'occasion de DE d'après nature les traits de Louis XIV. Le grand roi, ne voulant pas sans doute que la postérité pût surprendre sur son effigie la trace des ravages du temps, ne posait plus ni (39 ) pour les peintres, ni pour les graveurs, dans ses dernières années. Il s'en tenait aux types exécutés par Warin et qui le représentaient tel qu'il voulait être vu. Duvivier fut obligé de recourir à ces types pour graver différentes médailles dont il reçut la commande et qui se rapportaient à des événements glorieux de la fin du XVIL”* siècle et des pre- mières années du XVIIL®, C’est ainsi qu'il fit les médailles commémoralives des deux célèbres traités de paix de West- phalie et d'Utrecht, celle de la campagne de Flandre, en 1649, celles, enfin, des prises d'Ypres, de Landaw, de Douai, de Lérida, de Neuf-Brisac et de plusieurs autres victoires des armées françaises, pour compléter l'histoire métallique de Louis XIV. Les graveurs français employés depuis Warin : Dufour, Molart, Mauger, Bertinet , Bre- ton, etc., avaient dù, comme Duvivier, modeler la tête du grand roi d'après les produétions numismatiques du cé- lèbre artiste liégeois, qui en offraient la représentation en guelque sorte consacrée. Semblable au héraut d'armes qui criait sur la tombe où l'on venait de déposer les restes du chef de la monarchie : Le roi est mort, vive le roi! Duvivier fit une médaille pour la mort de Louis XIV et une autre pour l’avénement de Louis XV. Sur la première, il montra la Renommée prenant l'image du monarque des mains du Temps pour la porter vers l'Éternité. L’exécution de la seconde mé- daille offrit d'abord des difficultés que le talent et l’expé- rence ne pouvaient surmonter. On avait fait assister Duwvi- vier à une cérémonie où se trouvait le jeune roi, afin qu’il prit un croquis de sa figure; mais ce n'avait été, pour ainsi dire, qu'une apparition, et quand l'artiste eut terminé le coin qui était attendu avec impatience par le directeur de la Monnaie, il reconnut que son travail avait manqué ( 40 ) d’une base suffisante. Le duc d’Antin, à qui il exprima son chagrin de l’insuccès de sa tentative, lui fit obtenir une audience du jeune roi d’après lequel il fit un dessin arrêté qui lui servit à graver une seconde médaille, cette fois très- réussie, Louis XV avait alors cinq ans. Il est difficile de donner au profil d’un si jeune enfant la fermeté qu’'exige le modelé numismatique. Duvivier triompha heureuse- ment de cet obstacle. « Depuis cet instant, dit l'abbé Gou- genot, M. Duvivier a gravé successivement le portrait de Sa Majesté, tant pour les médailles que pour les jetons, à mesure que les traits de son visage se formaient et pre- naient accroissement. » | Duvivier, en effet, semble suivre, le burin à la main, le jeune roi Louis XV dans son double développement physique et moral. La médaille de l’avénement au trône, dont il a été question plus haut, représente, au revers, un soleil levant avec ces mots : Jubet sperare. C'est l’astre du nouveau règne; ce sont les espérances qu'il apporte. Vient ensuite la médaille de l'éducation du royal enfant auquel Minerve montre le temple de la gloire. Dans la mé- daille qui consacre la croissance intellectuelle du prince appelé à présider aux destinées de la France, l'artiste nous montre Apollon terrassant le serpent Python. Les diverses occupations du roi, pendant sa jeunesse, fournis- sent à Duvivier le sujet d’une médaille qui rentre dans la catégorie des précédentes. Le jeune roi est représenté debout, écoutant les conseils de Minerve et prêt à suivre Mars. Les allégories relatives à la minorité de Louis XV n'oc- cupaient pas seules Duvivier. Son burin traçait en même temps l’histoire numismatique de la régence. L'acte im- portant qui confêre à Philippe d'Orléans le gouvernement . … ‘ EL : » * il ra — gene ait" nn M. Lamarle sur la même question et qui à paru dans » les Bulletins de l’Académie. Tout y est ramené à des » considérations d’une extrême simplicité. » En citant ce passage, j'ai voulu expliquer tout d’abord comment le travail de l’auteur n’est en partie qu’une re- production d’autres travaux publiés antérieurement. Ce ( 85 ) qui diffère de part et d'autre, c'est le point de départ : ce sont ensuite les dénominations adoptées pour désigner, à divers points de vue, des choses ou des propositions iden- tiques; c'est enfin le choix des applications. Peut-être l’auteur n’a-t-il pas indiqué, d’une manière assez précise . la coïncidence existant, sous des formes différentes, entre plusieurs théorèmes déjà connus et ceux qui constituent sa propre théorie. Je m'eflorcerai de combler cette la- cune. Lors de la publication de ma Note additionnelle, j'attri- buai à M. Bresse, non-seulement les règles particulières qu'il a pris le soin de formuler pour faciliter les applica- tions, mais aussi le théorème fondamental dont ces règles ne sont en réalité que de simples corollaires. C'était une méprise : elle avait peu d'importance, vu qu'il s'agissait uniquement pour moi d'introduire dans une théorie nou- velle des résultats connus et de les établir à priori, indé- pendamment de toute notion empruntée aux mathémati- ques supérieures. Toutefois, l'occasion m'en étant offerte, je restituerai à M. Transon la part qui lui revient dans la question traitée par MM. Bresse et Gilbert. Disons d’abord en quoi consiste le problème à résoudre. Une figure plane, invariable de forme, se meut dans son plan, d’un mouvement continu. On considère les tra- jJectoires décrites simultanément par les différents points de la figure mobile, et l’on se propose de déterminer les courbures de ces trajectoires pour des positions quelcon- ques simultanées des points décrivants. Parmi les géomètres qui se sont occupés de ce pro- blème, M. Transon est, je crois, le premier qui l'ait résolu d’une mauière générale et à peu près complète. C'est en 1845 que le travail de M. Transon parut dans le Journal (84) . de mathématiques pures et appliquées. On y trouve les ré- sultats suivants : À chaque position de la figure mobile correspond un cercle particulier nommé cercle de roulement. Les trajectoires décrites ont même courbure que si ce cercle était lié à la figure mobile et qu'il la fit mou- voir, en l’entraînant avec lui dans son roulement sur une droite. Un peu plus loin, l’auteur précise davantage. Il désigne par À, B, M, des points qui décrivent certaines trajectoires dont les deux premières sont supposées connues el la troisième inconnue. Il représente par O le centre instan- tané de rotation, par R le rayon de courbure de la trajec- toire considérée, par N le rayon vecteur mené du centre O au point décrivant. Cela fait, il cn d'une manière gé- nérale : « À partir de A sur la normale AO et, dans la conca- » vilé de la courbe que décrit le point A, portez une lon- « » gueur égale à . : son extrémité marquera la projec- » tion sur AO du centre de roulement. » On construira la projection de ce même centre sur » la normale OB, avec les valeurs correspondantes N2 et » Re, et alors il sera bien facile de construire le centre » de roulement lui-même. | » Ce centre construit, projetez-le en T , sur la normale » passant par le point M, c’est-à-dire sur la ligne MO; le » rayon de courbure de la courbe décrite par M sera une » troisième proportionnelle aux lignes MO et MT; c’est-à- » dire qu’on aura pour sa valeur ( 85 ) » et le centre de courbure sera placé, par rapport au » point M, du même côté que le point T. » Tel est le théorème fondamental dû à M. Transon. Après en avoir donné l'énoncé qui précède, l’auteur ajoute : « Lorsque le mouvement sera défini autrement que par » celui de deux points assujettis à rester sur deux courbes » fixes, il y aura une autre détermination pour ce que » J'ai appelé le centre du cercle de roulement, mais tou- » Jours il suffira de construire ce centre et de le projeter sur la normale MO en T; le rayon de courbure en M sera encore donné par cette même formule. » 4 S > Moi QiPR 22 M0: MT En se bornant à cette simple remarque, M. Transon ne disait point assez. Pour rendre les applications faciles, il convient de formuler les règles particulières impliquées par l'équation (4). C'est ce qu’a fait M. Bresse, dans un mé- moire publié en 1853 (Journal de l'École polytechnique, 35° cahier). Plus tard, en 1857, j'ai rattaché cette même question à ma théorie géométrique des rayons et centres. de courbure; aujourd’hui, enfin, M. Gilbert vient la traiter à son tour. MM. Transon, Bresse et Gilbert s'appuient tous les trois sur des notions empruntées à l'analyse infinitésimale. Seul je procède exclusivement par voie purement géomé- trique. De part et d'autre, un rôle considérable est assigné au point de la figure mobile désigné par M. Transon sous le nom de centre du cercle de roulement, par M. Bresse, sous celui de 2” centre instantané , par M. Gilbert sous celui de pôle d'inflexion. Vai suivi en partie ces mêmes er- ( 86 ) rements; toutefois, c'est en dernier lieu que j'arrive à la considération particulière du centre de roulement. L'objet principal est, pour moi, la vitesse du centre instantané de rotation. Soit o ce centre, u sa vitesse actuelle, m un point décrivant une trajectoire quelconque, v la vitesse de ce point; la vitesse w est décomposable en deux vitesses si- multanées, l’une parallèle, l’autre perpendiculaire à la droite om. Soit w’ cette dernière composante. La droite om est normale en m à la trajectoire considérée : on voit, d’ailleurs, que, dans la rotation de cette normale autour du : centre de courbure de la trajectoire du point m, les vitesses de ses points o et m sont respectivement uw’ et v. Il suffit donc de construire ces deux vitesses et de joindre leurs extrémités par une droite, pour avoir le centre de courbure au point même où celte droite vient couper la normale. Tels sont les termes très-simples auxquels est ramenée par moi toute celte théorie, devenue ainsi purement géométrique et entièrement dégagée de tout calcul, de toute notion transcendante. | Le théorème fondamental établi par M. Gilbert est le suivant : « Lorsqu'une figure invariable se déplace sur un plan » d’un mouvement continu, si l’on considère deux quel- » conques de ses positions, il y a une infinité de points » de la figure mobile dont chacun jouit de cette propriété, » que les normales à la trajectoire qu'il décrit, dans ces » deux positions de la figure, sont parallèles entre elles. » Le lieu géométrique de ces points est un cercle passant » par les deux points de la figure mobile qui coincident » avec le centre instantané dans ces deux positions. » Je crois ce théorème nouveau et offrant en lui-même un certain intérêt; je dois ajouter, toutefois, que son im- ( 87) portance me paraît 1e1 tout à fait secondaire, vu qu'ayant pour objet unique de conduire, par voie de déduction, aux théorèmes suivants, il n’offre, sous ce rapport, ni plus de facilité ni plus de simplicité que la marche directe suivie par M. Transon. Passons au théorème n° 11. En voici l'énoncé : « Lorsqu'une figure se meut sur un plan, d’un mouve- » ment continu, il y a dans chaque position de cette figure » une infinité de ses points qui décrivent actuellement un » point d'inflexion sur leurs trajectoires. Le lieu de ces > points est une circonférence passant par le centre in- » stantané et qui a son centre sur la normale commune. » Ce théorème résulte immédiatement de la formule gé- nérale établie par M. Transon : 2 MO Re MT En effet, le lieu des points T est une circonférence qui passe par le centre instantané et dont le centre est sur la normale commune. Or, si l’on prend les points T pour points décrivants, il vient MT — O0 et, par suite, R — o. Poursuivons l'examen des divers théorèmes formulés par M. Gilbert, et, après en avoir reproduit le texte, di- sons, pour chacun d'eux, les observations qu'ils nous ont suggérées. Théorème III. — « Tout point de la figure mobile situé » hors du cercle d'inflexion décrit une trajectoire qui ( 88 ) » tourne sa concavilé vers le centre instantané de rota- » tion. Tout point situé dans l’intérieur du méme cercle, » au contraire, décrit une trajectoire qui tourne sa con- vexité vers le centre instantané. » | | Entre ce théorème et l'énoncé suivant, dû à M. Transon: « Le centre de courbure sera placé, par rapport au point » M, du même côté que le poiut T. » il n’y a qu’une simple difiérence de forme. Pour le recon- naître, il suffit de faire observer que le point M est le point décrivant, le point T le point du cercle d’inflexion situé sur le rayon vecteur allant du point M au centre instantané de rotation. Théorème VI. — « La projection du pôle d’inflexion sur » la normale à la trajectoire d’un point est le conjugué » harmonique du centre de courbure de cette trajectoire, » par rapport au centre instantané de rotation et à l’ho- » mologue du point décrivant (‘). ». Ÿ (*) Voici les conventions adoptées par M, Gilbert : 1° Soient a, u , v, les distances respectives de trois points À, U, V, à un même point C, situé avec eux en ligne 3 k droite, ces distances étant comptées à \É G. A U T partir du point C, positivement dans le sens CA, négativement dans le sens contraire; et soit T un point tel, que U soit le milieu de CT : la condition nécessaire et suffisante pour que les points A, V soient conjugués harmo- niques par rapport à C, T, est exprimée par l'équation, _— — — —. 2° Soit M un point quelconque du plan, C le centre instantané de rota- —. . tion, P un point tel que M soit le milieu de TR Et CP, nous disons simplement que P est l’ho- mologue du point M. ( 89) Ce théorème n’est qu’une expression particulière de la formule générale établie par M. Transon. En effet, l’on a d'abord | —— à 3 pute” MO FM Te 170 MO = M0" MO. TO NT NT MT et de là résulte immédiatement 1 MT Î il — — —— —= EL MOi MU:-104) +10. MO Or, cette dernière formule est précisément celle que M. Gilbert obtient et qu'il traduit par l'énoncé du théo- rème IV. Les théorèmes V et VI sont des cas particuliers du théo- rème IV. | Théorème VII. — « Lorsqu'une courbe invariable a un » mouvement quelconque dans un plan, le centre de cour- » bure de l'enveloppe des positions successives de cette » courbe est délerminé, pour une position quelconque, » par le théorème IV, en prenant pour point décrivant le » centre de courbure de la courbe mobile au point où » elle touche son enveloppe. » Ce théorème m'était connu depuis plusieurs mois, et, en octobre dernier, je l'avais communiqué à l’un de mes collègues qui pouvait en tirer parti dans ses leçons sur les machines. Cest plus tard seulement que je lai publié. S'il est nouveau, comme je le pense, M. Gilbert a sur moi l'avantage d’une date certaine antérieure à ma publica- tion, et je n'entend pas contester ses droits à la priorité. Théorème VILI. — « Lorsqu'un système de droites liées ( 90 ) entre elles invariablement se déplace sur un plan d'un mouvement continu, les centres de courbure de leurs enveloppes sont, à chaque instant, sur un même cercle égal au cercle d’inflexion et Sn qu emIEn placé de l’autre côté du centre instantané. » Ce théorème est une conséquence curieuse du précé- dent. » Théorème IX. — « Connaissant les normales aux trajec- toires que décrivent deux points dela figuremobile, dans une position donnée de cette figure, leur point de ren- contre est le centre instantané. Prenons sur chaque normale le conjugué harmonique du centre de cour- bure de la trajectoire par rapport au centre instantané t à l’holomogue du point décrivant, ce point sera la projection du pôle d’inflexion sur cette normale, .et la perpendiculaire à celle-ci, menée par ce point, passera au pôle d’inflexion, qui se trouvera ainsi déterminé par l'intersection de deux droites. » Rapprochons ce théorème de lénoncé suivant dû à M. Transon et rappelé ei-dessus : « À partir de A sur la normale AO, et dans la concavité de la courbe que décrit le point A, portez une lon- gueur égale à se : son extrémité marquera la projection sur AO du centre de roulement. » « On construira la projection de ce même centre sur la normale OB, avec les valeurs correspondantes N2 et Ra, et alors il sera bien facile de construire le centre de roulement lui-même. » Il est visible que ces deux énoncés ne diffèrent entre eux que par la forme. Je crois d’ailleurs que la supériorité reste acquise à l’énoncé de M. Transon, où l’on trouve plus de simplicité. , (91 ) Les théorèmes suivants portent les n° 40, 41, 12, 13 et 14. Ils consistent en une suite de règles utiles à con- naître et très-propres à faciliter les applications. Ces règles sont de simples conséquences du théorème fondamental établi par M. Transon. M. Bresse est le premier, je pense, qui les ait formulées dans tout ce qu’elles ont d’essentiel. Plus tard, Je les ai reprises et j'en ai modifié la forme. C’est aussi ce que fait aujourd'hui M. Gilbert. Il reproduit les règles de M. Bresse, à un point de vue nouveau et sous des énoncés différents. Iei se termine la première parte du travail de M. Gil- bert. La deuxième est consacrée aux applications ; elle comprend : 1° La détermination des rayons de courbure de diverses courbes, telles que les sections coniques, la eycloïde, l’épicycloïde , la spirale d’Archimède ; | 2 Une étude intéressante sur certaines propriétés géo- métriques des mouvements plans ; 5° Plusieurs propriétés curieuses sur les aires des rou- lettes. | En considérant dans son ensemble le travail de M. Gil- bert, il y a lieu d'observer que la partie théorique est peut- être un peu trop développée, eu égard au petit nombre de nropositions nouvelles qu'elle renferme. Toutefois si la plupart des théorèmes formulés par l’auteur sont déjà con- nus, c’est sous d’autres formes et à des points de vue difïé- rents. On sait qu'il est souvent utile de traiter une même question de plusieurs manières. La multiplicité des aper- çus ne conduit pas seulement à approfondir davantage la matière traitée, elle contribue aussi à rattacher plus inti- mement entre elles les diverses parties des sciences mathé- matiques. Sous ce double rapport, la solution nouvelle ap- (92) portée par M. Gilbert me paraît offrir un intérêt véritable, et Je n'hésite pas à en proposer l'insertion dans les mé- moires de l’Académie. » Cette opinion, partagée par les deux autres commis- saires, MM. Timmermans et Schaar, est adoptée par la classe. COMMUNICATIONS ET LECTURES. LL M. Ad. Quetelet dépose les observations sur la météoro- logie, qui ont été faites à l'Observatoire royal de Bruxelles en 1857, ainsi qu'à Namur par M. Maas, à Stavelot par M. Dewalque, à Ostende par M. Verhaeghe ; de même que les résultats des observations sur les phénomènes pé- riodiques obtenus à Lierre par M. Rodigas, à Ostende par M. Édouard Lansweer, à Venise par M. Buchinger et com- muniqués par les soins de M. Zantedeschi. M. Quetelet rappelle à ce sujet que les phénomènes pé- riodiques du règne végétal et du règne animal, qui avaient été longtemps négligés, ont pris, dans ces derniers temps, une activité nouvelle. Depuis une vingtaine d'années, ces phénomènes étaient principalement observés en Allema- gne, en Belgique et aux États-Unis; d’après les conventions faites au congrès de Vienne, pendant le cours de l’année dernière, ces observations seront désormais identiques et permettront d'établir les résultats avec plus de süreté. Les programmes seront les mêmes pour les différents pays. (95 ) Sur quelques Crinoïdes paléozoïques nouveaux de l'Angle- terre et de l'Écosse ; par M. L. De Koninck, membre de l'Académie. __ Les Crinoïdes sur lesquels je me permets d’appeler l’at- tention de l’Académie, appartiennent à deux genres nou- veaux que J'ai désignés, l’un sous le nom de Hydreiono- crinus (1), à cause de la ressemblance du sommet des espèces que j'y rapporte, avec une pomme d’arrosoir, et l’autre sous le nom de Pisocrinus (2). Je commencerai par l’exposition des caractères de ces nouveaux genres, et je les ferai suivre de la description des espèces qui y appartien- nent. Dans ce travail, je ferai usage de la nomenclature dont je me suis servi dans mes autres ouvrages qui ont eu pour objet l'étude des Crinoïdes. XI. GENRE HYDREIONOCRINUS, D: Kon. Syn. — PotErIocRINUS (partim), Phillips, 1856, Geol. of Yoks., vol. If, p. 204. CupressocriNus M° Coy, 1849, Ann. of nat. History, 2% ser. vol. IE, p. 244, non Goldf. Poreriocrinus, De Kon., 1854, Recherches sur les Crinoïdes, p. 90. Formule générique. Pièces basales 5. — sous-radiales 5, dont trois de même forme, la quatrième servant de base à une radiale et la cinquième soudée à deux arales. — anales 5. — radiales 2 X 5, dont une reposant directement sur une sous-radiale, (1) De Sd o60, arrosoir. (2) De 71507, pois. (94) Pièces brachiales 5 X 10, lesquelles donnent lieu à la production de 20 bras soudés entre eux et composés d’articles alternants , au nombre de 18-20, et surmontés d’un cercle composé de 15 pièces fusiformes | soudées entre elles. | Voûte ou dôme composé d'un grand nombre de petites pièces penta- ou hexa- gonales. Tige à articles cylindriques. CS CR ot Û ee F EEE : 2770 are aus ® ST S AT TS CR ETS C7 Lo e®2 ane TS de: cu Ce ou. C2T2) PSS Ds (2 pTea En comparant cette formule avec celle du genre Poterio- crinus, il sera facile de s'assurer qu’elle a beaucoup d’ana- logie avec cette dernière. En effet, dans les deux genres, on observe cinq pièces basales qui, par leur réunion, forment une étoile à cinq branches régulières, ou une petite coupe à bords découpés et anguleux. Ces pièces alternent avec cinq pièces sous-radiales de forme hexagonale, mais dont (95 ) deux des côtés latéraux sont quelquefois si peu dévelop- pées qu’ils paraissent n’en avoir que quatre; dans ce cas, elles affectent la forme d’un losange. Les deux autres pièces sont beaucoup plus grandes : l’une, subquadrangulaire, sert directement d'appui à la première pièce radiale, et l’autre, d'une forme subpentagonale irrégulière, supporte l’une des pièces anales. Celles-ci, au nombre de cinq, sont dispo- sées de façon à occuper l’espace limité en dessous par la base, et des deux côtés par les pièces radiales qui, dans les deux rayons adjacents, précèdent la naissance des bras. Les premières pièces radiales sont au nombre de deux; ces pièces sont assez semblables entre elles dans les cinq rayons. Chaque rayon se bifurque à son tour et chacun des bras auxquels il donne naissance est composé de cinq pièces d’une longueur à peu près égale. La pièce axillaire est surmontée de deux bras formés chacun de la réunion d'environ 200 articles alternants et soudés latéralement les uns aux autres. La réunion de lous ces bras produit une sorte de tube ou de cylindre terminé par un cercle de 15 pièces soudées latéralement entre elles et d’une forme allongée, servant de limite extérieure à la voûte. Celle-ci est peu élevée et composée d’un assez grand nombre de petites pièces penta- ou hexagonales, dont la forme et la disposition n’ont rien de très-régulier; je n’ai pu y observer aucune trace de trompe ou de proboscis. La tige est de forme cylindrique et composée d'articles d'un diamètre alternativement plus grand et plus petit, qui la font paraître annelée. Rapports et différences. — Si l’on n'avait sous les yeux que la partie inférieure du sommet des Hydreionocrinus, ( 96 ) il serait impossible de distinguer ceux-ci des Poteriocrinus. En effet, la disposition et le nombre des diverses pièces basales, sous-radiales , radiales et anales sont exactement les mêmes chez les uns et les autres; mais, tandis que chez les Poteriocrinus, les bras sont en général assez longs et entièrement libres, chez les Hydreiocrinus ils sont soudés ensemble dans toutes leurs parties, de manière à former uu tube cylindrique, surmonté d’une voûte, dont il n’existe également pas de trace chez les premiers. Ceux-ci pos- sèdent, en revanche, généralement une trompe assez lon- gue qui paraît faire défaut dans les espèces du nouveau genre que Je propose. La ressemblance parfaite entre la partie inférieure des sommets des deux genres que je viens de nommer, à été cause que certaines espèces, dont le calice seul était connu, ont été placées par moi et par M. Phillips parmi les Pote- riocrinus, quoique appartenant en réalité à un autre genre, mais dont il était impossible alors de soupçonner l'exis- tence. Telles sont les Poteriocrinus granulatus, Phill.; Calyx, M° Coy; Phillipsianus, De Kon.; et M° Coyanus, De Kon. Ces espèces se distinguaient néanmoins des Pote- riocrinus véritables, par la brièveté et la forme évasée de leur calice, qui est généralement conoïde chez les autres. Ces derniers paraissent avoir des tiges lisses, formés d’ar- ticles ayant à peu près le même diamètre, et ne possédant, par conséquent, pas l'apparence annelée dont j'ai parlé plus haut. Deux des espèces que je viens de citer ont été rangées par M. M° Coy dans le genre Cupressocrinus de Goldfuss (1). Je n'insisterai pas davantage sur l’erreur in- (1) Paleoz. foss. in the Museum of Cambridge, p. 117. a TE A (97) explicable, commise par ce paléontologiste, parce que j'ai déjà eu occasion de la relever ailleurs (1). Il est presque superflu de faire remarquer que le genre dont il est ici question doit être rangé dans la famille des Poteriocrinidées. Distribution généologique. — Toutes les espèces de Hy- dreionocrinus actuellement connues, appartiennent exclu- sivement au calcaire carbonifère à Productus giganteus. La plupart ont été rencontrées en Angleterre ou en Écosse; quelques-unes se trouvent aux États-Unis. Le calcaire de Visé m'en a fourni trois, mais une seule lui est spé- ciale. Les deux espèces suivantes m'ont paru nouvelles et pro- viennent également du calcaire carbonifère. 4. HyprEIONOCRINUS Woopranus, De Kon. (PI. II, fig. 5 et 5a.) | Le sommet de cette espèce, de taille moyenne, est de forme subcylindrique et terminée à sa partie supérieure par une couronne composée de quinze pièces disposées en cercle et soudées les unes aux autres, et dont le centre est occupé par la voûte. Le calice pris isolément ressemble à une petite coupe évasée. La base est composée de pièces assez petites et dont la majeure partie sert de point d’attache à la tige. Les pièces sous-radiales, à l'exception de celle qui se trouve du côté anal, sont beaucoup plus larges que longues. (1) Rech. sur les Crinoïdes, p. 88. 2e SÉRIE, TOME IV. 7 (98 ) Elles sont très- épaisses et assez fortement bombées, ce qui fait que leurs soudures sont indiquées par des sillons très-prononcés. Les premières pièces radiales sont de forme pentagonale, d’un tiers environ plus larges que longues et, de même que les précédentes, assez épaisses et nettement séparées les unes des autres par un fort sillon. Les secondes pièces radiales sont également pentagonales et plus larges que longues. La pièce axillaire, très-épaisse, est munie d’une faible protubérance et fait saillie en dehors. Les pièces brachiales qui suivent la pièce axillaire n’of- frent rien de particulier. La surface externe de toutes ces pièces est creusée de petites dessins irréguliers qui la rendent rugueuse et la font ressembler à de la peau de chagrin. Les bras sont au nombre de vingt et composés d'articles cunéiformes altenants et soudés ensemble latéralement. Je n’ai pu y apercevoir des pinnules. Les petites pièces dont se compose la voûte, sont toutes ornées d’un tubercule saillant dans leur milieu. Leur sur- face paraît être lisse. Leur nombre est variable et leur forme est assez généralement hexagonale. Je n'ai pu découvrir des traces de trompe ou de pro- boscis, ni d'ouverture anale et buccale. Il est probable que celles-ci étaient situées entre les bras qui avoisinent le côté anal ou irrégulier du sommet, et que ces bras étaient susceptibles de s’écarter pour fournir un passage aux ali- ments de l’animal. La fige est assez épaisse comparativement à celle de la plupart des autres espèces, chez lesquelles elle est souvent très-mince. Dimensions. — La longueur totale du sommet est d’en- (99) viron 40°"; diamètre, 25°"; longueur du calice, 12°"; diamètre de la tige, 4°". Rapports et différences. — Cette espèce, par la forme de son calice, se rapproche des À. granulatus, Phill., et Phil- lipsianus, De Kon. Elle s'en distingue par l'épaisseur et la convexité de ses diverses pièces, ainsi par la rugosité de sa surface, laquelle est granuleuse chez le premier et parfaitement lisse chez le second. Gisement et localité. — Cette espèce a été découverte par mon excellent ami M. Wood, dans le calcaire carbonifère ferrugineux des environs de Richmond, en Yorkshire. En la lui dédiant, je ne m’acquitte que faiblement de la dette de reconnaissance dont je lui suis redevable pour les magni- ques échantillons dus à ses infatigables recherches et dont il a bien voulu enrichir ma collection. Explication des figures. PI. II. Fig. 5. Échantillon complet, vu du côté anal, légèrement restauré et de grandeur naturelle. De la collection de M. Edward Wood, de Richmond. Fig. 5, a. Voüte faiblement grossie, d’après un échantillon de ma collection. 2. HyDREIONOCRINUS SCOTICUS. De Kon. (PI. IL, fig. 6 et 7.) Je ne connais encore de cette espèce que le calice. Celui-ei est assez petit, fort court et de la forme d'une sou- coupe. Ses pièces basales sont très-petites, planes et de forme quadrilatère. Par leur réunion, elles produisent un pentagone régulier, au centre duquel on remarque la face articulaire d'une mince tige cylindrique. Les pièces sous-radiales sont assez grandes, si on les LT PT MEN UT ' ÿ L ( 100 ) compare aux basales ; elles sont un peu plus longues que larges, très-bombées au centre et faisant une saillie assez forte pour produire une dépression très-prononcée sur la base qui reste complétement cachée, lorsque le calice est posé sur un corps plan. | Les premières pièces radiales sont de forme pentago- nale et presque deux fois aussi larges que longues. Elles sont un peu moins bombées que les pièces précédentes, mais, comme chez toutes les espèces du même genre, elles se trouvent situées dans un même plan horizontal , tandis que, chez les Poteriocrinus, il y en a deux qui dépassent les autres , ainsi que j'en ai déjà fait la remarque en 1852 (1). Les pièces anales sont petites et un peu moins bombées que les autres. La surface de toutes ces pièces est parfai- tement lisse. Toutes les autres parties me sont inconnues; mais l’ar- ticulation de la base avec la tige démontre que cette der- nière a dû être fort mince. Dimensions. — La longueur du calice n’est que de 6"”; son diamètre est de 16°"; celui de la base est de 5%"; celui de la tige de 1,5". Rapports et différences. — Cette espèce ressemble beau- coup à mon Hydreionocrinus (Poteriocrinus) M Coyanus dont il ne sera cependant pas difficile de la distinguer, à cause de la convexité très-prononcée des diverses pièces de son calice, et de la faible dimension de sa tige. Gisement et localité. — Cette espèce a été découverte aux environs de Glasgow, dans un schiste noir subor- donné au calcaire carbonifère à Productus giganteus et à (1) Recherches sur les Crinoïdes, p. 85. | (101 ) Spirifer bisulcatus. J'en dois la connaissance à M. Salter, paléontologiste du Geological Survey de Londres, déjà connu par un grand nombre de recherches importantes. Explication des fiqures. PI. II. Fig. 6. Calice, vu du côté de la base, faiblement grossi, de la collection du Survey. Fig. 7. Le même, vu de profil, de grandeur naturelle. Je décris à la suite des deux espèces qui précèdent, un troisième Crinoïde, très-remarquable par la forme globu- leuse de son calice; je n'ose pas le placer définitivement parmi les Hydreinocrinus, parce qu'il s'en éloigne par ses Caractères généraux et que les parties supérieures de son sommet me sont inconnues. Je ne puis pas non plus le classer d'une manière bien certaine parmi les Poterio- crinus, parce qu'il diffère de la plupart de ceux-ci, par Ja forme et la situation parfaitement horizontale de ses ra- diales, qui toutes, comme chez les véritables Hydreiono- crinus se trouvent dans un même plan. 9. HYDREIONOCRINUS? GLOBULARIS, De Kon. (PI. IL, fig. 1-4.) Le calice de cette jolie espèce est d’une taille médiocre et d’une forme subsphéroïdale, légèrement allongée à sa base. Sa surface est parfaitement lisse, et les sutures de ses diverses pièces sont à peine perceptibles et ne sont indiquées par aucune dépression ni sillon. Les pièces basales sont toutes exactement de même forme et produisent, par leur réunion, une petite étoile à einq branches bien prononcées. L’articulation de la tige (102 ) est située au fond d’une fossette arrondie de faible dia- mètre et peu profonde. Les pièces sous-radiales sont très-grandes et à peu près aussi larges que longues. Quatre d’entre elles ont une forme hexagonale assez régulière (voir plus loin la projec- tion horizontale); la cinquième possède sept côtés dont l’un est soudé à une pièce anale. Les premières pièces radiales, les seules qui me soient connues, offrent trois formes différentes : les trois d’entre elles qui sont le plus distantes du côté anal sont identi- ques les unes aux autres; elles sont pentagonales et un peu plus larges que longues. Des deux dernières, celle qui se trouve à la gauche des pièces anales, est hexagonale, bien que sa forme générale soit à peu près la même que celle des autres pièces radiales ; celle de droite, au con- traire, diffère totalement de celles-ci : elle est en quelque sorte quadrangulaire, un peu transverse et munie, du côté gauche, d’un petit prolongement correspondant à la seconde pièce anale. La figure ci-après fera ressortir mieux qu'aucune description ne pourrait le faire, les différences qui existent entre ces diverses pièces : ; ( 105 ) Les deux premières pièces anales sont les seules qui me soient connues. L'une est assez grande, pentagone et un peu plus longue que large; son côté supérieur est petit et supporte la seconde pièce également pentagone, mais ex- trêmement petite. L’épaisseur de toutes ces pièces est con- sidérable ; aussi l’espace libre occupé jadis par l’animal est des plus restreints, et le calice, vu du côté supérieur, ne présente qu’une ouverture très-étroite et ne ressemble pas mal, surtout quant aux surfaces articulaires de ses pièces radiales, à un sommet d’Apiocrinus. (PI. IT, fig. 4 et 4 a.) La tige a dû être mince et cylindrique, ainsi que cela résulte du faible diamètre et de la forme de l'impression que son dernier article a laissée sur la base du calice. Dimensions. — Longueur du calice, 15"*; grand dia- mètre, 12"*; diamètre du bord supérieur, 8"; de la tige, 9": longueur des pièces sous-radiales, environ 6"®, Rapports et différences. — Le Poteriocrinus nuciformis, M Coy (1), est la seule espèce de Crinoïde qui se rapproche de celle-ci. Elle en diffère par sa forme plus allongée et, bien plus encore, par la soudure de deux petites pièces anales au bord supérieur de la première, tandis que notre espèce n’en a qu'une seule dans celte situation. Gisement et localité. — Cette espèce a été trouvée avec la précédente aux environs de Glasgow.Je n’en connais que deux échantillons déposés au Musée du Geological Survey de Londres, et c’est également à l’obligeance de M. Salter que j'en dois la communication. (1) Descr. of the brit. palæoz. foss. in the Mus. of Cambr., p. 117, pl. 5, D, fig. 4. (104) Explication des figures. PI. IL. Fig. 1. Échantillon de grandeur naturelle, vu du côté anal. Fig. 1a. Le même, grossi du double, vu du même côté. Fig. 2. Le même, de grandeur naturelle, vu du côté opposé. Fig. 5. Le même, vu du côté de la base. Fig. 5a. Le même, grossi, vu du même côté. Fig. 4. Le même, de grandeur naturelle, vu en dessus. Fig. 4a. Le même. grossi, vu du même côté. IT. GENRE PISOCRINUS, DE Kox. Formule générique. . Pièces basales 5, réunies de façon à former un triangle. Pièce sous-radiale unique, placée du côté anal. Pièces radiales connues 1 +5, dont deux grandes soudées à la base et trois petites subtriangulaires; une de ces dernières intermédiaire entre les deux grandes et soudée à celles-ci, et les deux autres soudées en partie à la pièce anale et en partie aux grandes pièces radiales. 7 EN Le calice des espèces qui appartiennent à ce genre est de très-petite taille; sa forme est globuleuse ou conoïdale. La base est composée de cinq petites pièces soudées entre elles, dont trois ont une forme triangulaire et dont les deux autres sont quadrangulaires. La réunion de ces cinq ( 105 ) pièces produit un triangle subéquilatéral (voir la projec- ion ei-contre). Deux des côtés de ce triangle supportent, chacun , une grande pièce radiale , de forme hexagonale. Ces pièces sont soudées entre elles par l’un des côtés dans la moitié de leur longueur, tandis que la moitié de la longueur de leur côté opposé est soudée à une pièce sous-radiale unique , placée sur le troisième côté de la base, et occupant ainsi l’espace intermédiaire entre les deux grandes pièces radiales, laissé libre par celles-ci. Cette pièce sous-radiale occupe le côté anal du calice : elle est pentagonale. Une pièce radiale de forme triangulaire, mais beaucoup plus petite que les deux qui sont en contact avec la base, vient se poser, en forme de coin, entre ces dernières ; deux autres, d’une forme également triangulaire , alternent avec la pièce sous-ra- diale. La tige a dû être cylindrique et d’une dimension assez forte, eu égard à la petitesse du calice, si l’on en juge par l'empreinte qu'elle à laissée sur la base. Rapports et différences. — J'aurais volontiers rapporté les espèces que je vais décrire, au genre Triacrinus, établi, en 1839, par le comte de Münster, si ce paléontologiste ne disait expressément que la base de ce genre est com- posée de trois pièces triangulaires (1); car il est probable (1) Cette composition de la base me fait supposer que le genre Tricho- crinus, créé dernierement par le savant anatomiste de Berlin, M. J. Müller (Monatsberich der K. Akad. von Berlin, Juni 1856, p. 354, et Phys. Abhandl. der K. Akad. der Wiss., 1856, n° 6, p. 248), en faveur de quel- ques Crinoïdes paléozoïques de l'Eifel, est identique avec le genre Triacri- nus. C’est ce qu'il ne me sera possible de décider que par l’inspection des échantillons décrits par de Münster, dont la figure en projection (Beiträge Z. Petrefakt., 1, pl. I, fig. 4, c) est évidemment fautive; car si elle était l'expression de la réalité, il en résulterait qu'il existe des Crinoïdes à trois rayons au lieu de cinq, ce qui n’est pas probable. ( 106 ) que la disposition des autres pièces du calice est la même dans ce genre et dans celui que je propose ici. Distribution géologique. — Je ne connais encore que deux espèces du genre Pisocrinus. Toutes deux provien- nent du calcaire silurien supérieur des environs de Dudley et y ont été découvertes par M. John Gray, de Hagley, dont les patientes recherches ont enrichi la faune silurienne anglaise d’un si grand nombre d'animaux remarquables. 4. PISOCRINUS PILULA. (PI. II, fig. 8-11.) Le calice de cette espèce est de la grandeur d’un gros pois, dont il affecte en même temps la forme, sauf la tron- cature produite par l'ouverture supérieure. La surface est entièrement lisse et même un peu luisante. La base est parfaitement de la forme d’un triangle équi- latéral et faiblement évasée. L’articulation de la tige se trouve au fond d’une fossette assez profonde et large. La pièce sous-radiale, un peu plus large que longue, est limitée, dans sa partie supérieure, par un angle obtus qui s'arrête à une petite distance du bord supérieur du calice. Il en résulte que les deux pièces radiales posées sur cette pièce, ne sont pas d’une forme tout à fait triangulaire. (Fig. 8). Les cinq piéces radiales ont leur surface supérieure profondément creusée pour la réception de la seconde pièce qui a dû les surmonter, mais qui m'est restée in- connue. L'ouverture du calice est presque parfaitement cireu- laire ou plutôt subdécagone, à cause des petites échan- crures existant sur les diverses pièces; celle qui corres- pond au côté anal est un peu plus prononcée, ainsi que (107 ) le démontre la partie de la figure 11 indiquée par la lettre z. Rapports et différences. — Cette espèce se distingue de la suivante par l'absence de tout ornement à sa surface et par sa forme beaucoup plus globuleuse. Dimensions. — Longueur environ, 5°”; le diamètre a la même dimension ; diamètre de l'articulation de la uge, Mt | Gisement et localité. — Je ne connais encore que deux échantillons de cette espèce ; l’un se trouve dans la riche collection de M. Gray, l’autre dans la mienne. Je dois ce dernier à l’obligeance de M. Lewis, de Londres, que j'ai vu avec regret abandonner l’étude de la paléontologie, à l'avancement de laquelle il contribuait puissamment par ses actives recherches. Explication des figures. PI. IX. Fig. 8. Échantillon grossi, vu du côté anal. De la collection de M. Gray. Fig. 8a.Le même, de grandeur naturelle, vu du même côté. Fig. 9. Le même, grossi, vu du côté opposé. Fig. 10. Le même, grossi, vu du côté de la base. Fig. 10a. Le même, de grandeur naturelle, vu du même côté. Fig. 11. Le même, grossi, vu du côté opposé. La lettre z indique le côté anal et l’échancrure destinée à recevoir le canal alimentaire de l'animal. | 2. PisOCRINUS ORNATUS, De Kon. Le calice de cette espèce présente la forme d’un petit cône tronqué. La surface de ses diverses pièces est ornée de petits dessins irréguliers creusés dans le test. La base offre l'aspect d’une petite coupe à bords munis ( 108 ) de trois angles moins aigus que chez l'espèce précédente; ces bords sont aussi plus relevés. _ La pièce sous-radiale est un peu plus longue que large; son angle supérieur est aigu et se prolonge juqu’au bord _ du calice. Les petites piéces radiales sont d’une forme triangulaire bien prononcée. Leur surface articulaire, destinée à rece- voir la seconde pièce radiale, est moins profondément creusée que celle de l'espèce précédente, mais le test en est plus épais. L'ouverture du calice est pentagonale; du côté anal, l’échancrure est plus prononcée. (Fig. 153.) Rapports ét différences. — Ts ont déjà été indiqués dans la description de l'espèce précédente. Gisement et localité. — Elle a été découverte par M. Sohn Gray, dans le calcaire silurien de Dudley. Explication des figures. PI. II. Fig. 12. Échantillon, grossi, vu du côté anal. De la collection de M. Gray. Fig. 12a. Le même, de grandeur naturelle, vu du même côté. Fig. 15. Le même, grossi, vu en dessus. De l'influence de la lune sur la menstruation; par feu J. A. Clos, docteur en médecine à Sorèze (Tarn). Le sujet que je traite entrait dans le plan que je m'étais formé, lorsque je commençai mes observations météoro- logiques qui remontent à 42 ans. Il me fallait d'abord recueillir des faits : il semble qu'après une si longue car- Ps. £ Qu PRET | Pull. de l'Acad Roy. "+ Zoom. IV. 2 serre: Page 100 ns +2: TUE F6 Get 7. Hydreionocrinus scoticus.deKon . Fi6.8-11. Pisocrinus Pilula . de Kon. & / . © 16,12 et 13. Pisocrinus ornatus . deKon. nn 16. 1-4 .Hydreionocrinus ’élobularis . de Kon. F16.3.Hydreionocrinus Woodianus deKon. TR PE OR +} ke ME ” > Mises ( 109 ) rière, je devrais en avoir un grand nombre. Le vrai est que je n'en ai que deux dignes d’être reproduits. Cependant, si Baglivi a eu raison de dire que les observations ne sont pas tant numerandae que perpendendae, on voudra bien considérer que l’un de ces faits embrasse sans interrup- tion un espace de 27 ans, c’est-à-dire la presque totalité de la grande révolution menstruelle qui a lieu pendant la vie de la femme, que l’autre embrasse une période de 5 années et que, par Ce moyen, j'ai eu à ma disposition, d’un côté, 295 époques menstruelles consécutives, de l’autre, 62, ce qui fait le nombre total de 357 époques, presque toutes aussi bien déterminées qu'il est possible en pareille matière ; et ce nombre m'a paru suffisant pour baser mes calculs. ; Ces caleuls se réduisent, pour ainsi dire, à un simple dénombrement. Cependant fallait-il encore quelques pré- cautions; et en tête des deux faits dont j'ai parlé, on verra celles que j'ai prises au sujet de la différence qui se trouve entre le temps civil et le temps astronomique, afin d’ap- procher de la vérité le plus possible. L'influence pouvant avoir lieu ou à l’instant même d'un point lunaire, ou avant ou après, et à plus ou moins d’in- tervalle, j'ai remarqué que je ne pouvais guère étendre le champ d'influence; et , après avoir considéré que les lunis- tices et les équinoxes sont séparés par un intervalle d’en- viron sept jours, J'ai borné mes recherches à trois jours avant et trois jours après l’éruption des menstrues (1). (1) Pour faciliter la description et faire ressortir d’une manière plus mani- feste les résultats que j'ai obtenus, j'ai adopté, pour représenter les points lunaires, les signes usités dans la plupart des calendriers. 4 11 y ANT SEINS pee < +7 F = È Nombre des époques menstruelles. Equinoxe Nœud Equinoxe Dernier Pleine lune. descendant. descendant. ascendant. Périgée. quartier. C5) ED 63 EA P + 95 93 85. 85 79 75 Lunistice Lunistiee Premier Nœud austral. Nouvelle lune. Apogée. boréal. quartier. ascendant. LA NL ou à A LB D Q 68 67 61 60 54 50 Il faut observer que, dans ce simple relevé’, il y a un pré- judice pour les phases; car la révolution synodique ne s’opérant qu’en 29 jours et quelques heures, tandis que les révolutions périodique et anomalistique s’opèrent en 27 jours et quelques heures, les phases ont moins de chance pour se rencontrer avec les époques menstruelles que les autres points lunaires (1). Maintenant , si nous portons notre attention sur les phases en particulier, nous voyons que la somme des syzy- gies l'emporte sur celle des quadratures ; que C3 l'emporte beaucoup sur @, tout comme a (dernier quartier) l’em- porte sur D; de sorte que, si, d'un côté, on fait la somme des nombres de la pleine lune et du dernier quartier, et, de l'autre , la somme des nombres de la nouvelle lune et du premier quartier, on verra entre ces deux sommes une grande différence. Si, sans quitter cette première observation, vous par- tagez les 295 époques menstruelles qui la composent en (1) Voici quel serait l’arrangement des points lunaires en les ramenant .aux même chances : LED "98 AG PE QE PA HILBIIDANER 102 93 85 - 85! 80 79 7211 68 61 1 AUNMEB NON +4 CM) deux parties égales, vous trouverez que, dans l'une et l’autre, la somme des syzygies l'emporte sur celle des quadratures ; vous trouverez dans l’une et l’autre (9 > ®, a > D; vous trouverez (9 + q beaucoup plus grand que @ + D. Si vous prenez les trois quarts de toutes les époques, soit directement en allant du commencement vers la fin, soit en rétrogradant de la fin vers le commencement, vous trouverez ce que vous avez trouvé pour les moitiés et pour le tout (1); mais il n’en serait pas de même d’une petite frac- tion. Le quart lui-même fournirait des résultats contradic- toires. Cependant, nous pouvons remarquer que, quoique la seconde observation ne se compose que de 62 époques menstruelles , elle donne, comme dans la première obser- vation , () > ©, a > p, et, par conséquent, ® + q, et la différence est encore plus prononcée. En se bornant à la première observation , on aurait les nombres suivants qui peuvent donner une idée du rapport des phases avec la ménorrhée : @® — 67 SEE @ + D — 121 Son a=751% + az 170 Ceux qui connaissent les résultats qu’on a obtenus au sujet de l’influence des phases sur les météores, le baro- mètre, etc., conviendront qu'aucun ne peut êlre comparé à celui-ci. Mais je ne dois pas omettre une circonstance assez re- marquable, et la voici : On à vu que mes recherches s’ap- pliquaient à l’espace de temps compris entre trois jours (1) Les relevés numériques sur lesquels ces propositions sont fondées se trouvent à la fin de la note de la page précédente. ( 112 ) avant et trois jours après l'apparition des règles. J'ai exa- miné si les nombres indiquaient une influence plus grande, lorsque le point lunaire coincidait avec cette apparition dans le même jour. J'ai eu un résultat tout à fait négatif; en un mot, je n'ai pas vu que l’astre eût plus d'influence le jour même que la veille ou le lendemain, que deux ou trois jours avant, deux ou trois jours après. Mais ce qu'il y a de positif, c’est que, si l’on compare, sous ce rapport, @ avec (2), le jour même de l’éruption, on voit que ©) l’em- porte. Il en est de même la veille, le lendemain, etc. Dans toutes les positions, la pleine lune l’emporte constam- ment. C’est ce que je puis mettre sous les yeux par le petit tableau suivant, dont chacun pourra vérifier l’exactitude avec une très-grande facilité, d’après la forme que j'ai adoptée pour la partie astronomique de mes observations : Le jour même de La Le 2 jours 2 jours 3 jours 5 jours l'apparition des règles. veille. lendemain. avant. après. avant- après. D 6 7 11 8 16 9 10 C5) 10 10 15 12 17 15 18 Une supériorité aussi constante ne s’observe que pour la pleine lune, et le dernier quartier, qui l'emporte si incon- testablement sur le premier, comme on l’a vu plus haut, ne supporte pas une épreuve si rigoureuse et présente quelques exceptions. Si des phases nous passons aux autres points et, d'abord, aux points de déclinaison, nous trouvons que la somme des deux équinoxes l'emporte beaucoup sur celle des deux lunistices; que l'équinoxe descendant à un nombre plus fort que l’équinoxe ascendant, de même que le lunistice austral l’emporte sur le lunistice boréal; d’où 1l résulte une différence notable entre le lunistice austral joint à | d tél (113) l'équinoxe descendant, et le lunistice boréal joint à l'équi- uoxe ascendant, nous avons : PA —65 LB — 60 | EA + LB — 145 ED * LA —= G8 ED + LA = 161 En d’autres termes, lorsque la lune est dans les environs de l'équateur, elle a beaucoup plus d'influence sur le flux menstruel que lorsqu'elle en est éloignée. Cette influence est aussi plus forte pendant qu'elle parcourt l'hémisphère austral. De sorte que le décours (si je puis me servir de cette expression) de la révolution périodique a la supré- matie, comme le décours de la révolution synodique(1); et, en général, ces deux révolutions se ressemblent par leurs effets, avec cette différence pourtant que les effets de la ré- volution périodique sont moins prononcés et moins uni- formes ; car, en fractionnant, ainsi que Je l'ai fait pour les phases, je n’ai pas aussi souvent trouvé les mêmes résultats. Pour ce qui regarde les nœuds, nous trouvons que le nœud descendant l'emporte beaucoup sur le nœud ascen- dant : il conserve en général cette supériorité. Ainsi, l’on peut dire que la lune, lorsqu'elle coupe l’écliptique pour parcourir l'hémisphère austral, tout comme elle coupe l'équateur pour parcourir ce même hémisphère, a une plus grande influence sur la ménorrhée. (1} Par décours, j'entends ici le champ entier de la pleine lune D et du dernier quartier dans Îa ré- he N\ ur. volution synodique; le champ en- se \ à Dos tier de l’équinoxe descendant et À LR | du lunistice austral dans la révo- Ki ur lution périodique. Les figures ci- peu ee contre en donnent une idée. 2°° SÉRIE, TOME IV. 8 ( 114 ) La supériorité du périgée sur l’apogée n’est pas à beau- coup près aussi constante que celle des autres points dont nous avons parlé. Tels sont les résultats que nous avons obtenus des faits, en ce qui concerne l'influence des points lunaires sur la ménorrhée ou le flux menstruel. Mais, ainsi que nous l'avons dit, le grand et important phénomène de la mens- truation ne se borne pas à la ménorrhée proprement dite, il comprend tous les actes qui préparent, disposent, pro- duisent l'évacuation. Et il est facile de juger que si on fai- sait, pour les deux premiers temps de la période men- struelle, le même calcul que nous avons fait pour la ménorrhée proprement dite, on trouverait des résultats tout différents. Ainsi, par exemple, si l’on prenait pour sujet le 14" jour après chaque époque menstruelle, ce ne serait plus la pleine lune qui l’emporterait, ni les équi- noxes, ni le périgée, ni le nœud descendant; mais, tout au contraire, la supériorité serait pour le premier quartier, les lunistices, l'apogée, le nœud ascendant ; et tel point de la révolution anomalistique ou périodique qui se trouvait placé après certains points de la révolution synodique, se verrait placé avant. Chaque point lunaire a donc une in- fluence plus au moins prononcée relativement aux divers temps de la période menstruelle : c’est une conséquence qui est de toute rigueur. Influence de la révolution de la lune dans son orbite s sur le a retour des règles. La première chose qu’on doit se demander en abordant cette question, c’est la distance qui. sépare les époques menstruelles l’une de l’autre. Il semble que, sur un fait si (445) commun, il ne devrait y avoir aucun doute, et que, depuis des siècles, on devrait être fixé; mais il n’en est rien. Ce n’est pas que les auteurs de physiologie pour la plupart ne soient fixés eux-mêmes et ne donnent nettement la solu- tion, mais ils varient presque tous. Les uns admettent pour le retour des règles l’espace d’un mois, d’autres celui de trois semaines, d’autres celui de 27 ou 28 jours. C’est que la femme n’est pas toujours réglée de la même manière : les époques sont tantôt plus rapprochées, tantôt plus éloi- gnées; et, lorsqu'ellecommence à être réglée, de même qu’à l’âge de retour, il y a de grandes anomalies; il y en a aussi après les couches, sans compter celles qui sont produites par des maladies ou des indispositions, par les erreurs de régime, et surtout les passions de l’âme, qui, comme l’on sait, réagissent d’une façon toute spéciale sur l'utérus. Les causes de la périodicité des règles ont été aussi le sujet de diverses opinions, et l’on peut remarquer que les auteurs modernes les plus recommandables semblent s’ac- corder pour reléguer l'influence lunaire au nombre des plus absurdes préjugés. Mais l’opinion a au-dessus d'elle la puissance des faits, lorsqu'ils sont exacts et fidèlement interprétés. Mettant donc de côté l'autorité des noms, j'ai abordé franchement la question avec les faits que je possède et j'ai posé en principe que, pour que la lune puisse être regardée comme la cause principale du retour des règles, il faut ces deux conditions : 1° que, dans les personnes du sexe, il y ait un terme moyen pour l'intervalle qui s'écoule entre les époques menstruelles ; 2° que ce terme moyen soit en rapport avec la révolution de la lune dans son orbite. Pour savoir si les observations que je produis satisfont à ces conditions, j'ai marqué sur chacune d'elles le nombre ( 116) de jours qui s'est écoulé depuis le commencement d’une éruption jusqu’au commencement de l’éruption suivante ; mais je n’ai pas cru devoir admettre tous les nombres sans exception. Ce qui était évidemment trop irrégulier et hors d'une menstruation normale a été supprimé. Cependant, on jugera que j'ai agi très-largement, puisque, au lieu de me borner aux nombres qui sont plus au moins générale- ment avoués par les auteurs, j'ai admis tous les intervalles compris entre 17 jours et 40 jours. Par ce moyen, j'ai eu 320 intervalles de diverse durée, savoir 263 dans la pre- mière observation et 57 dans la seconde. Voici le relevé pour la première observation : 2 intervalles de 17 jours. ., . . . 54 jours. 1 — ONE entenmes 1 — DD LS 4e Us et 2e 1 _ 5.5 ASE LS fete MAN ou ] on RO ETS LAINE ASE 13 — D ne ou en M EU TT ENCRES 29 — QG, IST ATOS 52 — DANIEL VOLE" FRAC EE 72 — 287 — = rm 0010 36 — 29 :—. . 1, . . 1044 ;— 26 — 807 ut 80 8 — SIN I I IN 248 FIV = DD prete RE Te DATA 5 — 29. NT ee DONNE 5 — BA VE A, UNE) 0 TUBES 1 — D IUT Me MISES 1 7e 36 —. . . . . 86 — 1 — MOT ee à 6 tate ie 14 — DOTE LR NS A RAISON 1 — AOL 5 Filet ADP 263 intervalles formant. . . . . . 7596 jours. La somme de ces 7396 jours, divisée par le nombre d'intervalles 263, donne pour résultat 28;,122. (417) On voit dans ce tableau que les intervalles de 27, 28 et 29 jours sont les plus nombreux sans comparaison , et que le nombre 28 l'emporte surtout d’une manière exor- bitante. Relevé pour la seconde observation : 2 intervalles de 25 jours. . . . . 50 jours. 1 -- DORA 4 EU 2 8 —- A en: ot D RO SE 19 — DENT ET SANS 10 —- Pas tupie ss 2004 8 = Ds Henri DA 5 — ES OR Pal he Me 6 — DAT AUTRES 0 1020" 57 intervalles formant. . . . . . 1659 jours. Quoiqu'il n’y ait ici qu'un petit nombre d’intervalles, le résultat se rapproche du précédent, car, en divisant 1639 jours par 57, on a 28,754. On voit encore ici que les inter- valles de 28 jours l’emportent beaucoup sur les autres. 28 jours et une fraction est donc le terme moyen, d’après mes observations; et je puis dire que ce nombre est celui que j'ai rencontré toujours chez les femmes les mieux réglées , pendant le cours d'une assez longue pratique où j'ai donné une attention particulière à cet objet. Dans les _métrorrhagies que j'ai traitées, et J'en ai eu de longues et rebelles à traiter, J'ai observé que, lorsque l’utérus revenait de temps à autre à l’état normal, c'était aussi le nombre 28 qui séparait le plus souvent les époques menstruelles. Le moyen intervalle des époques menstruelles étant trouvé, il semble que, pour satisfaire à la seconde condi- tion, il faudrait que ce moyen terme répondit à la durée de l’une des révolutions lunaires, et c’est ce qu'on ne voit pas; car l’une de ces révolutions est de 27 Jours 7 heures, ( 118 ) : l’autre de 27 jours 15 heures, et la troisième de 29 jours 12 heures. Mais pourquoi ce terme moyen répondrait-il à l’une plutôt qu’à l’autre de ces révolutions, puisque, dans le premier article, nous avons vu qu'il y a une difié- rence sensible entre les divers points de déclinaison , ainsi qu'entre les apsides? Nous avons vu que, lorsque la lune est dans le plan de l’équation ou au voisinage, elle a des nombres plus forts que lorsqu'elle en est le plus éloignée ; nous avons vu que le périgée l'emporte sur l'apogée; et, pour les phases, j'ai porté, pour ainsi dire, la chose jus- qu’à l'évidence. Les diverses sortes de points lunaires ayant donc plus ou moins d'influence, mais, par cela même, en ayant une, 1l devenait naturel de faire entrer dans la com- paraison les trois révolutions lunaires dans leur ensemble, c’est-à-dire de prendre le terme moyen. C’est ainsi que j'ai été conduit à rechercher la moyenne des trois révolutions lunaires que j'ai trouvée de 28 jours 135 (1). Or, quand on la compare avec le moyen inter- valle des époques menstruelles, qui est de 28i,122, on ne peut qu'être frappé de l'égalité qui s’y trouve (à quelque différence près dans la fraction), et j'avoue que je ne me serais jamais attendu à tant d’exactitude dans une pareille matière. Ainsi donc, le terme moyen des intervalles men- struels répond presque exactement au terme moyen des trois révolutions de la lune. jours. (1) Révolution synodique. . . .. 29,550588 — périodique. . . .. 27,521582 — anomalistique. . . 27,554560 TOPAL ES ere 84,406750 Moyenne, . . . 28,155576 (149) Coincidence des périodes menstruelles chez diverses femmes. Coincidence des divers points lunaires. Autres considé- ralions. La première observation a beaucoup plus d'étendue que la seconde; mais celle-ci embrasse une partie LE temps correspondant à la première. En comparant ces deux observations pendant le cours simultané de leur durée, on voit que le plus souvent les époques ne se rencontrent pas. Mais aussi on voit certaines fois les époques de l’une coïncider avec celle de l'autre, et cette coïncidence continue pendant plusieurs époques successives. Ainsi, par exemple, à partir du 5 avril 1815, les deux femmes furent réglées en même temps pendant huit mois consécutifs, les règles venant le même jour ou à peu près, chez l’une et chez l’autre. Ces huit mois écoulés, chacune de ces deux femmes entra dans une mehstruation particulière et très-distincte, pour se retrouver ensemble vers le 15 octobre 1816. Après quelques mois de coinei- dence, une nouvelle division s'étant opérée, la coincidence se renouvela pour la troisième fois le 4 décembre 1819 (1). Selon moi, on ne serait pas fondé à attribuer au hasard des coincidences ainsi renouvelées et soutenues avec tant de persistance pendant plusieurs mois consécutifs. J’en atteste ici l'expérience des praticiens les plus répandus, et je demande si, comme à moi, il ne leur est pas maintes fois arrivé de rencontrer un plus grand nombre qu’à l'ordinaire de leurs malades, atteintes à la fois du flux (1) Dans chacune des deux observations, j'ai noté d’un signe particulier ces époques coïncidentes, afin qu’on puisse les retrouver plus aisément. ( 120 ) menstruel? Est-ce qu'il ne se présente pas de temps à autre des époques où les jeunes personnes se montrent en géné- ral moins agiles qu’à l'ordinaire? On les voit plus pâles, certaines même ont le teint flétri et fané, les veux cernés de livide, la voix changée, l’haleine forte; ce qui annonce qu'elles sont ou dans le cours ou sous l’imminence de leur flux. C’est que les points lunaires ne conservent pas tou- jours la même influence : elle varie selon leurs diverses combinaisons, et il paraît que certaines de ces combinai- sons ont une puissance plus particulière. On peut dire que, lorsqu'un point lunaire s’est emparé, pour ainsi dire, des règles d’une femme à l’aide de quelque combinaison, il les tient sous son empire pendant longtemps, et que c'est là ce qui allonge ou raccoureit, suivant l’occurrence, les intervalles des époques menstruelles. D’après un relevé particulier que jai fait sur les coincidences, j'ai trouvé que celles du périgée sont bien plus efficaces sur les menstrues que celles de l'apogée ; que la plus puissante de toutes est, sans contredit, la rencontre du périgée avec la pleine lune; puis viennent les rencontres du périgée avec la nouvelle lune et les équinoxes, notamment l’équinoxe descendant. Ici je ne donnerai pas ce travail en entier, parce que je ne lui trouve pas assez de certitude. Pour ce genre de recher- ches, il faudrait un nombre de-faits beaucoup plus grand. Il en est différemment des autres résultats que j'ai succes- sivement fait connaître. Ces résultats me paraissent dignes de la plus grande attention. fls indiquent, à n’en pas dou- ter, que les rapports de la lune avec la menstruation sont beaucoup plus certains et plus constants que ceux du méme astre avec l'état de l'atmosphère, que ceux de la lune avec les oscillations du baromètre, que ceux du barometre avec les variations atmosphériques, que ceux enfin de la lune avec les marees. (12) D’après cela, on doit être naturellement porté à regarder la lune comme la cause régulatrice de la menstruation, et Je pense que cet effet s'opère en vertu d’une propriété oc- . culte et d’une manière immédiate ; car je ne vois pas que le retour des mois soit lié à aucuns changements dans les qualités de l'atmosphère; tout au plus, ces changements peuvent avoir quelque inflence sur la quantité et la durée du flux, de même que certaines autres causes, telles qu'une nourriture plus ou moins abondante, les passions de l’âme, etc. Cette propriété occulte de la lune peut être comparée à celle du soleil qu'on ne peut méconnaître dans une foule de circonstances, quoiqu'elle agisse d’une manière tout aussi mystérieuse. Je suis même très-porté à admettre dans le soleil une influence directe sur la menstruation, non- seulement par sa révolution diurne, mais par sa révolution annuelle; car si on multiplie par 13 le nombre de jours 28,122 qui forment le moyen intervalle des époques men- struelles, on a 565,586, c’est-à-dire à très-peu près le cours d’une année : d’où il résulte, d’après mon compte, qu’une femme très-bien réglée oo avoir 15 révolutions menstruelles par an. Espérons que le temps apportera de nouvelles lumières sur un sujet d’une si haute considération. Mais ces lumières ne pourront jaillir que des faits. En attendant, j'en produis deux qui embrassent 52 années d'observation. Une observa- tion ainsi soutenue avec persévérance dans un phénomène de cette nature, n’est pas chose vulgaire, et je ne pense pas qu'il y en ait un autre exemple dans les fastes de l’art mé- dical. Les femmes répugnent à des investigations de ce genre. Elles apportent en général peu d'attention à ce phé- nomène, avec d'autant plus de tort que des informations (122) précises à cet égard lèveraient souvent bien des doutes sur leur état et sur les causes de leurs maladies. Mais à peine savent-elles vous dire ce qui s’est passé à la dernière époque. Tout au plus, j'ai connu quelques dames qui no- taient l’arrivée de leurs mois sur le calendrier de l’année. Au bout de quelque temps, ces notes, devenues inutiles à leurs yeux, avaient le sort des feuilles de la sibylle. En finissant, Je dois avertir que je proteste formelle- ment contre toutes les conclusions contraires aux miennes qui ne seraient pas lirées d’un nombre de faits suffisant (4). OBSERVATIONS. Remarques préalables au sujet des deux observations qui / vont suivre. Dans les deux observations suivantes, une difficulté se présentait souvent dans l'indication des points lunaires. Le (1) Ceci demande une explication. Si on veut vérifier seulement quel est l'intervalle le plus ordinaire du retour des règles, quelques années sufhront, 5 ou 6, par exemple ; et, sile sujet de l'observation est une femme saine, bien constituée, je puis affirmer qu'on trouvera le nombre de 28 jours pour le plus commun, presque sans comparaison. Je puis affirmer, de même, qu’en prenant le terme moyen de tous les intervalles, on trouvera aussi le nombre 28 avec une fraction qui pourra varier, mais qui ne s’éloignera pas beaucoup de celle que j’ai indiquée et qui m'a été fournie par la première observation. Mais il en est bien autrement quand il s’agit de l'in- fluence des points lunaires. Ici il faut des faits d’une plus longue étendue; et on lesentira aisément, si l’on prend en considération ces deux circonstances : 1° Que l'influence des points lunaires est modifiée par leur combinaison qui varie de mille manières ; 2 qu'il est des coïncidences qui ne peuvent arriver qu’au bout d’un très-long temps, à raison de la grande révolution du péri- gée el surtout du nœud. Aussi me suis-je imposé, comme on l’a vu, la plus grande réserve sur les conclusions à tirer, à cet égard, des faits que J'ai produits, me bornant à ce qui était le plus clair, et, pour le reste, m’en repo- sant sur l'avenir. (123) journal de la menstruation était tenu en temps civil, et dans l'Annuaire de la connaissance des temps , les époques sont marquées (excepté pour les phases) en temps astrono- mique, ce qui peut faire quelquefois une différence notable. J'ai donc ramené ou traduit le temps astronomique en temps civil. C'est une chose que devront prendre en consi- dération les physiologistes qui se donneront la peine de vérifier mon travail. On m'objectera peut-être que c’est un travail presque oiseux, puisque, à ce compte, il eût fallu aussi indiquer l'heure précise de l’éruption menstruelle, chose peu faisable à cause du peu d'attention que les femmes apportent à ce phénomène, et souvent impossible, lorsque c'est dans le courant de la nuit que l’éruption a lieu. Je sais bien qu’en général, dans les faits qui se rapportent à l’organisation , on ne peut guère exiger une précision ma- thématique. Mais je soutiens qu'il faut s’en approcher le plus que l'on peut, et c’est ce que j'ai fait en ramenant les dates à une même espèce de temps. D'un autre côté, lorsque l’éruption des mois s’est faite dans la nuit et qu'il n’y à pas eu de raison pour la rapporter à la première moitié plutôt qu’à la seconde, c’est à la seconde que je l'ai affectée, parce que l'expérience apprend que la chose a lieu le plus souvent ainsi. Je l’attribue à la turgescence sanguine qui se manifeste vers les deux heures après mi- nuit, par l'effet de la révolution diurne du soleil; turges- cence bien connue des gardes-malades et de ceux qui font un service habituel dans les pensionnats et dans les hôpitaux. C’est alors que se déclarent les attaques d’asthme, de goutte, de choléra, etc.; c’est alors que les eryptes de la matrice s'ouvrent souvent aussi pour l'écoulement du sang , et la femme s’en aperçoit le matin dans le passage de la situation horizontale à la station. (12%) Première observation. Femme native de Sorèze. Taille moyenne. Tempérament lympha- tique. Caractère égal, assez gai. Très-valétudinaire dans l'enfance. Éta- blissement des menstrues tardif et difficile. Est devenue mère de cinq enfants. Sujette au flux hémorroïdal, ce qui ne l’a pas empéchée d’être passablement bien réglée. Signes employés dans le cours de ces observalions avec leur explication. (M Nouvelle lune. EA Equinoxe ascendant. ! P Périgée. D Premier quartier. | LB Lunistice boréal. À Apogée,. Pleine lune. ED Equinoxe descendant. @) Nœud ascendant. & Dernier quartier. LA Lunistice austral. {3 Nœud descendant. DATE des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTERVALLES, 46 avril 1807... . (1) D La partie astronomique de cette 2 } == | premiere époque menstruelle a 25 jours. ED présenté une difficulté dont je suis forcé de renvoyer l’éclaircissement Be) à la fin de cette première observa- ARS ATOS Se RES see VA it SEEN = C'est le 10 ou le 11. 28 jours. D (1) Cette {re figure indique que, le 16 avril 4807, l’éruption des règles eut lieu; que la veille, c’est-à-dire le 15 avril, la lune était entrée dans son premier quar- tier (D), que le 19, la lune se trouva dans l’équinoxe descendant (ED). La 20e figure indique que l’éruption eut lieu le 11 mai; la veille, la lune avait été dans le lunistice boréal (LB), et deux jours avant dans son nœud descen- dant (9S), trois jours après , elle fit son premier quartier (D). Les intervalles des époques se trouvent marqués par le nombre de jours écoulés entre une éruption et la suivante. On à vu que j’ai dû éliminer tout ce qui était évidemment anormal. Ainsi, les intervalles qui ne sont pas notés n’entrent pas en ligne de compte. J'ai dit, au commencement de l’article 3, qu’il y avait des circonstances où les rs étaient les mêmes dans les deux observations et se suivaient pendant plusieurs mois consécutifs. Je les ai indiquées dans l’une et dans l’autre par le signe À: ( 425 ) DATE des ÉPOQUES MENSTRUELLES et INTERVALLES, POINTS LUNAIRES É Annotations. correspondants. 26 jours. de L han 18077127. = _— 29 jours. je a ——— Après avoir été un peu malade. 5 Fi: SD 50 jours. LUE: LUE RSR ED Pire 26 jours. 1 septembre . . 28 jours. Le 29 septembre . . . .. 25 jours. La PL detebre. =; - 25 jours. ED p 21 novembre. . . ... CPE 28 jours. Œ ED 19 décembre. . . ... _ as ED € EA 9 février 1808 . ... | À Des le 22 janvier 1808, elle était i D 7S indisposée. Le 2 février l’appari- 22 jours. Ô tion des règles eut lieu pendant la : fièvre d’incubation de la rougeole, D TONER Su tale et l'écoulement se prolongea, mais : FT FF en petite quantité, pendant tout le 28 jours. © À en. de cette maladie, Néanmoins, l'apparition des règles eut lieu de Ne. 0 1310 nouveau le 24. 28 jours. EA ; Œ LE" 13 SÉPARER RS — EA ( 126 ) DATE des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. $ à et correspondants. | INTERVALLES, 16 mai 1808... ... — Le 28 mai, à plusieurs reprises, 28 jours. q A | par l'anus, un écoulement de sang en diarrhée. ASIN. 0 67 ee ; 28 jours. Œ EA AqUIete TEE... rs @ 60 jours. EA DU re à LA AE us a ru Grossesse d’un garçon. C'était sa troisième. Écoulements fréquents ED de sang par l’anus. Le garcon vit, 97 mai 1809 PE assez robuste. Dot Sè = — —= Couches. PE 10/juillet "7. 0... LB ——————| Le 9 août, légère colique avec 39 jours. diarrhée; le 10 de même. RE Ti PARNER EMERRES D 35 jours. LA P 20 septembre. . . ... nr — 30 jours. EA L 20 octobre, . . . . .. EA —— La nuit du 19 au 20 octobre. nr Cou Grossesse d’une fille de 21 ans. C5) P. Quelques écoulements hémorroiï- Couches le 19 juill. 1810 EE _ daux pendant la gestation. : È (ti Le 16 août, elle a pris un froid. 22 août. . . ...... == Jours suivants fièvre. — Les regles L ont peu coulé; l'écoulement n’a été assez abondant que le 25. D LA Hioclobret. . 01e sa = — En petite quantité. 60 jours. (427) DATE des ÉPOQUES MENSTRUELLES et INTERVALLES. POINTS LUNAIRES Annotations. correspondants. D 6 novembre 1810. . . — Écoulement assez abondant. À EA 51 jours. @) es EA 7 décembre. . .... = La nuit du 6 au 7. 82 jours. (5) 8 janvier 1811... . | LB—— | La nuit du7aus. 53 jours. ©) A "42 ADP ENTIER. EE — Le soir. 85 jours. 63 ED LT DST CNE ES —. —— 30 jours. À Œ LE) SSSR À ———| En petite quantité; elle est un a peu indisposée, CERF 22 avrik . . . .. . .. 7 —| A recommencé en assez grande 28 jours C5) abondance. Se trouve mieux. Cette ménorrhée a duré quelques jours. EA e5 LOT RARE —_————— Quelques gouttes; le 21 rien; le M sous () 23 les règles ont coulé, ainsi que J les jours suivants. Re — — 29 jours. LB AA MER Le - Le 18, les mois allaient bien; 98 jours une émotion vive les a presque i arrêtes. Œ \ Re A LB —— | Ausoir. 33 jours. 16 septembre. . . . .. À —— | Ausoir. $2 ED 28 jours. DATEK des ÉPOQUES MENSTRUELLES 14 et INTERVALLES. octobre 1811... 28 jours. 11 ô > 2 O0 26 22 novembre. . . . . . 28 jours. décembre. . . . . . 28 jours. janvier 1812. . .. 27 jours. Janvier e = Lao 28 jours. février (bissextile) . 27 jours. avril 9% ‘ui 2 LS 19 26 jours. jaillets ere 29 jours. août, au soir. . 28 jours. M pe ln lue Le ex (18 ) POINTS LUNAIRES correspondants. r®) =] S e = Ella Sl Annotations. Au matin. Au soir. Au soir. À son lever. Avant son lever. Au matin. Avant son lever. Le 8 mai écoulement hémorroï- dal, qui se reproduit du 46-au 21 mai. Coliques, malaise, interruption. — Le 28 elles ont recommence. Le 23 hemorroïdes. — Le 24 la menorrhee a recommence. Au commencement d'août, hé- morroïdes, (129) À OO QG LCR LL RQ DATE des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MBNSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTERVALLES,. 12-16 septembre, {ubercules he- 16 septembre 1812 . . = ee HA sans écoulement. 51 jours. :: 17 octobre. . . .... LCR Au soir. 27 jours. (5) EA P 15 novembre. . . . .. nee 0 Au soir. 97 jours. EA 10 décembre: : . REIT 3 TE Eee 28 jours? D_‘Ea LORS Ô 7 ? janvier 1815. . . . |__| Cite date n’est pas certaine. 28 jours. D EA L'4 11 ÉRRNNRE ETER : 28 jours. P © & ES 7 a Ua PS pat Vers le soir. 28 jours Le RQ Après midi. 50 jours EA : P Re D ts. =. © TE Au soir. 28 jours FA 2 JS PO——= Au matin. 29 jours LI Fe E PM. 7. . 20. 0 = Fate SEA 29 jours. @) 2° SÉRIE, TOME IV. 9 ; a PSN : ï A4 TrY L 7: “ Î FAI . , st (130) DATE des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTERVALLES. RS due 20 )quillet, 1813...) ———— N'a pas été aussi abondante qu’à 29 jours. (2 * | l'ordinaire, Le 5 et le 4 août, perte desang par le fondement. + 29 jours. J Le 27, chüûte de cheval; les règles vers leur fin ont cessé. 22 septembre . . ... = —=—| . Les règles n’ont coulé que deux 29 jours. (ii D Jours ; legere indisposition. 91 octobre. :: : 7 es el à UADEES ui LS 28 jours. | Œ 18 novembre. . . ... ED —— Apres midi. } 26 jours. 14 décembre. . . . . . G——— | A son lever. 28 jours. ED 11 janvier 1814 . . .. — Dans la nuit de 10 au 11. : a “D 50 jours. ee ED 1DNFEVTIEr. 0 AE — Peu âbondant. 27 jours q DAT Ce RENE — ; = ED Au matin, 26 jours £ RCE 1 RARE AO 2 -5) ED————| Ausoir. 28 jours À E LR à RSA ar A Pre AÉBRL RS Au matin. 29 jours. “ (131) DATE des POINTS LUNAIRES Ê ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTERVALLES, ED | Dm TS14 2: : —— Au soir, 28 jours. 1) ED a TN — La nuit du 27 au 28, indisposi- TER | re tion. 52 jours. A LS A EM pallel. 2... LA —— Au matin. >: ATEN 50 jours. D) LA AA. LU 1. LEE LEE Au matin. 28 jours. Ô 26 septembre . . . .. tee Cu 26 jours. Er) EA ALASS Mractohre : . :: .:. PRIS ee Au soir. 28 jours. À LA CS 19 novembre. . . . .. = ——©—| Le 18 ou le 19. 27 jours. A LA & Pédécembre. . . . . © © | Abondante. 27 jours. FC Aa ® O IA! : 12 janvier 1815. ... a — Ecoulement peu abondant. 28 jours. ACEVIeS RTS 00 2 | : Les Pere 27 jours D IL ce: Dans les derniers jours d'avril, 27 jours. Se J santé dérangee. DATE des POINTS LUNAIRES j ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTERVALLES. LA Pom Te. LUE TRE = Dans la nuit. 32 jours. Le 31 mai au soir, écoulement d'hémorroïdes assez considérable. Doninr ne. die ce LE ee 29 jours. Œ Te ee Li 28 jours. EA 20 paliers 2 Eu SN (1 PUR mue ue En se leyant. 26 jours. SA 0 Len ie 27 jours. q 20:'septembre, . . . .. FA 28 jours. EA 18/"o6iobnet.-L ar. CL) ——— Après midi. 28 jours. EA 15noyvembre’.4, "2 CR D VE RATE Nite 28 jours. © EA 15 décembre. . . ... a || | En ce levani. 25 jours. eo co A 7 janvier 1816, CN IN D RAE = 28 jours. À 4 février (bissextile) . | FA = NRA 31 jours. D (135) DATE des POINTS LUNAIRES : ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTERVALLES. vomars 1816 .!... — 28 jours. D 62 LB RE ne 0 (à — _ Au soir. — Le lendemain, inter- ri D TATE ruption des règles. — Jaunisse 94 Jours ensuite. LB Ds D ——— 25 jours. ED P SON 01 La roi Le LB SG © Un Jour u soir. . il 9] RU. = 4, LB 27 jours ; A DMNEL... : .. . Ne 28 jours. ÿ Rd LB 52 Au soir. 28 jours. © a Œ 17 septembre. . . . .. LB = 26 jours. LA 62 . AA utiohre. ::..:. : ED — Au soir. 50 jours. L LB 12 novembre. . .. .. (4 ——=——— | Ausoir. 28 jours. 10" décembre. . . : .. | Au matin. 27 jours. q D (154) DATE des ÉPOQUES MENSTRUELLES et INTERVALLES, POINTS LUNAIRES Annotations. correspondants, ae LB 6 janvier 1817 .. = Au soir. 29 jours. LE 2 ES) Au soir. APAÉVRIOL.. eh EAU P ————| Les 20, 21, 22 février, hémor- 29 jours ED roïdes assez abondantes. — Le 2 et 3 mars encore hémorroïdes. CP DAMIQES LC UMIE LENS . ED P — En petite quantité. 50 jours © PC NSED Au matin. — Écoulement suffi- RU — 2 —— | sant; mais, les 9 et 10 avril, apres PA EEE 0 5 — sa cessation , flux hémorroïdal qui 27 jours LA a produit un affaiblissement et qui s'est renouvelé dans le courant ED d'avril. dOmAr ou is CNP = 27 jours @) ED 28 mai. ........ HR On Flux hémorroïdal dans le cou- 29 jours CS) rant de mai. — Tumeur à l’anus. JOURS RE D 28 jours cs) LA D DAmIIEL EE Das noie Au matin. — Pendant le cours 50 jours LA d’une petite maladie. Due Lil LUE Fe 27 jours. ch EU 19 septembre. . . . .. = Avant le lever. 29 jours. D LA octobre 27 jours. 18 s le taila ts tie ne Au soir. (135 ) DATE des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MENSTRUSLLES Annoltations. et correspondants. INTERVALLES, 14 novembre 1817. .. 51 jours. 15 décembre. . . ... 27 jours. a 2] janvier 1818 . . 50 jours. MRAEYTIEr LL: Le 28 jours. up E AD marS. -. - : . 5, Loos 28 jours. | © Cr E ; © 28 jours. LE PEL 1". A 50 jours. LB Au matin. Set. LB 50 jours. Au matin. 28 jours. © ED DATE des POINTS LUNAIRES - ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. “ et correspondants. INTERVALLES, 27 septembre 1818 . . MN En Au soir. 27 jours. {ÿ ED (04 DA octobre. :. 1.2; —_ AUROE 28 jours. ED 21 novembre, ç :7. . nee 28 jours. Dre ED 19 décembre. . . . . . | 28 jours. Œ ED | 16 janvier 1819 . . .. ee ES | 27 jours. € ae . AMEMPIEPS 2 0 PLU ds = PA 29 jours. ED é | A Ne 13 mars LEUR Ce ED = AN SOir: 50 jours. O © © ED Dans la nuit du 11 au 12. 1 ANR tes —— Dans la derniere moitié d'avril, 29 jours. ÂÀ indisposition. AMAR ASE LES 28 jours. 8 juin ANSE SUÉNEMNE ane OX p 28 Jours. PRIE. EL TE LA ()) P 28 jours. Ne DATE des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MENSTRUELLES Annolations. et correspondants. INTERVALLES. LA Daaisi9 50. . ——————— 27 jours. L P D UT MEN OIeNSEI LA 27 jours E 26 septembre. . . . .. D LA ————]| Au matin. 26 jours. 2MBetobrel #5, 0e os | — Au soir. 2 LA 27 jours. 18 novembre. . . . .. — © — 27 jours. LA P Podécembre:. ::. : a 26 jours. À | ED Dane FO PF ® 29 jours. LA 8 février (bissextile). ! — Après midi. 27 jours. | LA RUE SPENSRSPESPENES —— Apres midi. 27 jours Riva ANR. EE à, | —— Au soir. 25 jours. | LA EDDY © DATE des ÉPOQUES MENSTRUELLES et INTERVALLES, 26 mai 1820. ..... 29 jours. LA ds. de 28 jours. LA CD) 2 alle 2e A 29 jours. LS 5) D 2 ADR TT NN —"# €) : G 25 (oo) OR ATSQESS 5 mai co HA D D AOL en EU = 95 Jours de 12 septembre . . . .. e 62 33 jours. | L 15 -oct0bre DR 50 jours. a LB 44 novembre. . .. A| 29 jours. POINTS LUNAIRES correspondants. Call Annotations. Le lendemain , scarlatine pruri- gineuse, La ménorrhée a fait son cours à l'ordinaire. Grossesse d’un garçon beaucoup plus pénible que les précédentes. — Épistaxis. — Douleur vague à l'hypocondre gauche. — Hemor- roides. — Redoublements fébriles nocturnes. — Vers la fin, colique, diarrhée sanguinolente et vermi- neuse. Sang tiré par la lancette, couenneux , pleuretique. Contrac- tion des membres inférieurs dans le bain. Accouchement naturel et facile. L'enfant vit. Le 26 juin, quel- ques goultes de sang, comme un commencement de regles, mais sans suite. 6 En juillet, de même presque rien. Dans la nuit du 11 au 12, écou- lement précédé de colique et de gargouillements de ventre. Dans la nuit du 13 au 14 no- vembre. — Légère indisposition 5 ou 4 Jours avant. 4 { | | e ] RS Ne ET ( 139 ) DATE des ÉPOQUES MENSTRUELLES et INTERVALLES. 13 décembre 1821. . . 26 jours. 8 janvier 1822. . 27 jours. avril 29 jours. O1 Spurl ele '-uiHets ti ui res ) 29 jours. DATE des POINTS LUNAIRES KPOQUES MENSTRUELLES A nnotalions. et correspondants. INTERVALLES. 27 août 1825 ..... — = Écoulement en petite quantité. 26 jours. G LB Deux ou trois jours avant, douleur et malaise dans le ventre. : O EA 22 septembre . .... = = Dans la matinée. 32 jours. LB 'osishre . : : :'uis 2———— Dans la matinée. AI Cl 27 jours. © 20 novembre. . .. .. E he = 32 jours. © Ô | 22? décembre . . ... — Il y a incertitude sur le jour. 29 jours. ED G ED 20 janvier 1824. ... — 28 jours. Œ 6 Aa AU 17 février (bissextile). UE 27 jours. P D RSS ne at O Fe Vers le soir. 27 jours P : Re 2 ED — Dans la nuit. 28 jours. ©) 1) eh PARRESS :... -Qun == 27 jours. SE D ED ; DR NS = ———— Au matin. 50 jours. (142) DATE | des POINTS LUNAIRES 1 ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotaltions. et correspondants. INTERVALLES, D ED 5 juillet 1824. . . .. —_—— Dans la nuit du 4 au 5. és LA 27 jours. ED Dédontii. Mist s D ——= Mois abondant. 26 jours LA ED (ll) P 27 AO 22) PPNEND E Vers midi. 50 jours 26\seplembre ns: 2, ———— 25 jours. LA D () p ED 21 octobre. . ..... d'A DM Cette daten’estpastrès-certaine. 27 jours. | P ED «G 17 novembre. . —=— Au soir. (L'époque est plus près 28 jours. ii) de la nouvelle lune que du dernier quartier.) : Œ ED 15 décembre. : . 7... = ne 26 jours. or ED GE 10 janvier 1895 . . —= ASDatie 29 jours. 4 ED 8 Hévrier 2. - Lie ———— Au soir. 27 jours. q LA ED 10O:P NAS SN SU TR ET D Au malin. 27 jours. p ED SAUT STE A | O -—— 1 Dans la nuit du 2 au 5. 26 jours. DATE des ÉPOQUES MENSTRUELLES POINTS LUNAIRES Annotations. et correspondants. INTERVALLES. D Dan 1825... . . ED 5 = Au soir. Mois peu abondant. 28 jours. © 2 . D 21 Mai... = Au soir. 26 jours. _. L Lee iT, MORT es ER La nuit du 21 au 22. ; D P 27 jours. Pete... © 0 à one Au matin. Flux moins abon- D dants, et depuis quelques époques, 16 10 51 27 28 jours. septembre . . . . . 27 jours. novembre. . . . .. 50 jours. décembre. . , ... 29 jours. décembre. . . ... 27 jours. janvier 1826... 30 jours. EA ils ne le sont gutre le premiér jour, ED P Œ == Vers le soir. ED & | — Au matin. Œ Apres midi. ED ED 3 a — Apres midi. P © — Apres midi. q DATE des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTERVALLES, P ED 26 février 1826 . . a — 26 jours. D ‘IA © ED DAMMATS Re P o Apres midi. 28 jours. ED 21avril. 4e met ur rer Une violente émotion a arrêté 95 jours. (©) Çà presque entièrement le flux mens- truel le 22. à D GMA NE. ru ED 34 jours. P OR ee Le © LA 62 25 jours. D 120 LUI ILS Pa OR Enr GP "| y soir. 28 jours. 6” LA D, UP 11 août. . . . . . ».. LA + Mois abondant. 29 jours. 9 septembre LA _$d SEC CAEN. | Vers le soir, flux peu abondant. 27 jours. c) 26 septembre . . . .. —| Au matin. Mois d'abord assez 30 jours. abondant, puis anomalie dans leur cours par suite d’une peine morale. (41 _ DEPODIE RCA y F ED Mois peu abondant. 26 jours. 21 novembre. . . ... À peu abondant. 25 jours. T ED (145) DATE des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotalions. INTERVALLES. Re pe pe De Un en et | et correspondunts. | O LB 16 décembre 1896. = = 27 jours. LB munir 1607... | 2. Pendant cette époque, légere 27 jours. O diarrhée. É 1 a | DO. ©: Pt vs | Aion 27 jours. O (ER #4. D Le En A 27 jours RS TS es LB : Au soir. 24 jours D | ae e5_ | Au soir. 30 jours. LB | & | 7 |. | À PE Au soir. 26 jours | | # Ô 29 Jum EPL Diam LS E — | Au soir. 30 jours. LPA œ | 29 juillet M aa Le ait ea.) Au matin. 25 jours. | AR D es tes > Re Æ Ü Vers le matin. 26 jours A ( 11 septembre . . ... "| Ausoir. 27 jours. Œ, ED NA 2° SÉRIE, TOME IV. 10 (446) s #2 DATE des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTERVALLES. 8 octobre 1827. . .. _ O Lu 25 jours. LB À 2 novemb = novembre. . . .. — È : G Au soir, peu abondants. 51 jours. Ô O V opdécembre. ue O LE . Au soir ? 28 jours. À 81 décembre. . .... LD = 23 jours. é ©) EA DS anyvier 1828. CI UMOSDES Au lever. 27 jours. EA 19 février (bissextile) . es = Au soir. 28 jours. D (D EA LONMAS 0 2e 0 8 —=—— 26 jours. EA HER UE VOS MERE © S La nuit du 142 au 153. 26 jours. € LIEN TTNES AU EA — Au soir. 26 jours Ô HN 00 Lee a == _$Se sont plus prolongés qu'à l'or- 96 jours. EA es dinaire. P 50? juin . ... — @ É 28 jours. EA (147) DATE des ÉPOQUES MENSTRUELLES et INTER VALLES, POINTS LUNAIRES Annotations. correspondants. OS : 28 juillet 1828. . . .. ———— | Ont duré quelques jours ; peu 98 jours E | abondants. | HE SAS ADMET TT 0 . 1 SE ers | Au matin. 28 jours. e5 | Lis septembre :: : .:. ———\ Au matin. Suppression, lelende- 30 : © EA ä main, sous l'influence d’une forte Re émotion. EAN PR APhaelobre :: : : - :. — © = Au soir; médiocrement abon- 28 jours. dant. EA 19 novembre. . . ... Ô — Au soir. 28 jours. (©) es EA 17 décembre. . ... > La nuit du 16 au 17. 24 jours. LB P 10 janvier 1829 . . . . | EA —— 28 jours. p Ô P @ Mmes "T2, La = — 40 jours. D A RE . . a 34 jours. 2240 ©) ER ML 5 6 0. = Au soir. 57 jours LA ES. :P es PS ti tige bic ce a Au soir; indisposition aupara- 20 jours. © vant. 18 juin 1829. . .... 11 10 DATE des ÉPOQUES MENSTRUELLES et 26 jours. ét era 86 jours. septembre . .... 26 jours. délobre noue 4h 30 jours. novembre. . . . .. 28 jours. décembre. . . . .. 51 jours. janvier 1850 . . . 27 jours. IEMPIEE SU on AND Se Done UE 17 jours. AE à 0 ER Se 25 jours. INTERVALLES POINTS LUNAIRES correspondants, LB Annotalions. | | Le soir. Ecoulement peu abon- dant mais prolongé. En se levant. Au matin. Le soir. Avant le lever. — Les mois ont coulé en petile quantité. Il ne se trouve point d'époque pour le mois de mars; est-ce par oubli ou par irrégularité dans la menstruation ? Les mois ont coulé abondam- ment. (149) DATE des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTERVALLES. ; LA 15 mai 1850. . . . .. men EL 28 jours. LA > A ER 29 jours. «Œ @) | | 29 jours. OP À | : O O | ù 5 septembre . EA — | À celte epoque, la menstruation = est devenue tout à fait anormale. { a EN ROREE, 2. - - . = | | EA | FAN 15 novembre. . . . .. | — l'An Ed D — / À | 8 ED à | 11 décembre. . . . .. BE — ; Dans l'après-midi. | | 4 janvier 1851 fa | 2 JAATIEIODE 77e 2" ED ü | Dans l’apres-midi. Ea OO | RE RE ae: &} SY Le Le soir, écoulement abondant — | Ecoulement médiocre. . ED LM EN EL EE ET"; Ps (©) (150 ) DATE des POINTS LUNAIRES : ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotalions. et correspondants. INTERVALLES, 2b' um 1861. :. 4.7, LANG) ES Peu de temps après qu’on lui eut annoncé la mort de sa fille, l'écoulement s’est fait comme à l'ordinaire. N ED ID OURS aber —©>|\ Assez abondant. D LB 4 septembre. . . . .. Q—— 2 (il P 98 séptembre - . >: !; a — 5 LE LB DTROCLODTE ES SE cste ——— Au matin. Line © A 20 novembre. . .... Pi Au soir, tard? LB Œ ED 28 décembre. . . ... a | | Ausoir. 2 avril 18524. . NI pa | Au matin. AN TO LUS NEA ER ed Les règles ont eu lieu dans ce mois , mais la date est ignorée. | | A EA | 18 aout GA Me, done Le ltmn ne Die) == ne Au matin. Ro | 19 janvier 1835 . . .. | LA— Abondamment. O© À | DATE des POINTS LUNAIRES é ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTERVALLES, 24 février 1833 . .. . |_ _ EA D LA Œ ns OU. FC. OR à D EA 21 avril ........ — Faible écoulement dans la nuit du 20 au 21. a k A Œ MM: : 4h —— Dans la nuit du 12 au 153. EA EA A : 14 mars 1834 _. .. : Re nu Dans la nuit du 13 au 14. Très-abondamment, surtout les premiers jours; durée de près de huit jours. | Depuis lors, ni ménorrhée, ni hémorragie. Santé généralement < bonne. Éclaircissement de la difficulté qui s’est présentée pour la 1re époque. . — Dans le volume de la Connaissance des temps pour l'an XV, on voit, à la colonne des phénomènes et observations, que le périgée est le 28 germinal (correspondant au 18 avril 1807). L'Annuaire du bureau des Longitudes, l'Annuaire météorologique de Lamarck et autres marquent de même le périgée au 18 avril. D’après cela, la figure astronomique de cette époque menstruelle devrait être ainsi : 16 avril 1808 —— = P ED Mais quelque bornées que soient mes notions en astronomie, il me semble qu’il y a erreur dans cette indication de la Connaissance des temps, de même que dans les annuaires où elle s’est propagée. Voici les nombres que j'ai copiés dans la Connaissance des temps. Je n’ajoute que la date grégorienne correspondante. (152) PARALLÈLE HORIZONTALE «a DEMI-DIAMÈTRE sous l’équateur. horizontal de la lune, à midi. 1807, AN XV. à midi. à minuit. A l'inspection de ces nombres, le périgée me parait être évidem- ment le 20 avril et non le 18. Il ne doit donc pas figurer dans la partie astronomique de cette 1° époque menstruelle. Seconde observation. Femme native de Strasbourg, bien constituée, mère de trois enfants bien portants. Ses maladies ont été d’un genre inflammatoire : la pleu- résie, la dyssenterie et surtout le rhumatisme dont elle a eu plusieurs atteintes. En 1810, le rhumatisme, après avoir été plus rebelle qu’à l'ordinaire et avoir parcouru diverses parties du corps, se fixa à : l'extrémité des doigts, tant des pieds que des mains, et y produisit une déformation singulière des ongles, qui ne se dissipa qu’à la longue. Le signe = indique les époques qui coïncident avec celles de l'observation précé- dente , mais avec tolérance d’un jour de différence. DATE | des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. | et | correspondants. INTERVALLES. | 10 juin TSTA PEN de ni 54 jours. ŒOEA DATE SAMU ETS APRES (5 28 jours. LB P © Q DATE des ÉPOQUES MENSTRUELLES | et INTERVALLES, POINTS LUNAIRES Annotations. correspondants. août 1814 . . ... Cetie interruption n'est point LB p @) causée par la grossesse ou par ma- ladie; mais les notes se sont q LA £3 | égarées. MANAL ISLS ... . : . À ———— = 28 jours. 28 jours. | | R - ŒA — | — 51 jours | A LEE —_——_— ee 29 jours. - : GE q 2 AT PNR 5 ge armee: l'OM 28 jours. : EA nn Het. 2: : : = 28 jours. q je 2 LETTRE — | 2 27 jours. D + RS © 21 septembre . ...., Pure == 28 jours. | | | EA AOC ACIOUrE 5. > O = 29 jours. 17 novembre. .. . . .. — O | 52 jours. @) LB | | 9 décembre. … .:. .. PF P—=*#* | | (154) a ————— DATE $ des POINTS LUNAIRES L ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. | et correspondants. J INTERVALLES. | LB Q 16 janvier, 1816... … LP O————— | 36 jours. AM : : Œ 21 février (bissextile) - Se 28 jours. LA DOMArS SE ie die « = 29 jours. 18 MAL ee SAUT A Ô 32 jours. a 2, (A (1e ANSE ee 30 jours. EA ' | LOST E.Ae0 RPRUEE T0 EA Hi 28 jours. ei > | QT SANS Mer a 29 jours. 50 jours. 14 septembre . . . .. Œ— | 29 jours. 15 octobre. Re RR 10 novembre. . . . .. CRE AE VS [en] sl oil 28 jours. 1. af [| 60 jours. (155 ) DATE des ÉPOQUES MENSTRUELLES et INTERVALLES, POINTS LUNAIRES Annotations. correspondants. RE 7 PRE CRE EUR EPS En RO mn ee 10 décembre 1816. . . 29 septembre. . . . :. 29 jours. 27 octobre, . . . . . + 27 jours. 25 novembre. . .... 28 jours. Pdécembre. +. : . . . | 2 28 jours. 7 janvier 1817.. 28 jours. 22 LTÉE STORE O1 séptembre . . . .. 25 jours. 29 jours. ri ED 15 Silll= Il ÿ a ici une lacune dans l’ob- servation; mais il n’y a pas eu d'interruption dans le cours des règles, DATE ; des ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotalions. et INTERVALLES, 19 janvier 1818. . . . — 50 jours. O | LB 1idevrier +0 NL # = 30 jours. O | DONS PET NS 29 jours. O ED Le) cs Re J 27 jours OS | ou D Le ets _ 4 CAE ED 30 Jours pote ED, D a , ROES Te A, Guns 1 | — Le 15 juin, nausées, défail- 31 jours lances, mouvements spasmodi- j ques. Les regles, qui n’en appa- 85 vurent pas moins le 14, durèrent “uillet * — assez abondamment le 15 et le 16. 15 juillet... . . .... rhone Les jours suivants , un vomitif in- 27 jours. O diqué par l'etat de l'estomac la fatigua, mais contribua à la réta- 1 D es blie promptement. . “PRET Cf SRE AUS Me ARE LE te 51 jours. LA p | PHASE 11 septembre . . . .. EL ee ere 27 jours. | O | P LA S'octobeen te PR ee 28 jours. , “A LA 5 novembre. . . . .. | D Et 928 jours. | DATE des ÉFOQUES MENSTRUELLES et INTERVALLES. 3 décembre 1818. . . ©1 ts mac 28 jours. décembre. . 52 jours. février 181% .... - 29 jours. — mars .. 50 jours ÉRR - 2 17 50 jours. septembre . 28 Jours. POINTS LUNAIRES correspondants. | Œ Ex | EA 5 | ! “art 20 La e DOVE LR jp Si A Li DEA A LB À | D LB ® A LB @A — LB PR ® : e DE | | (158) RE D D ER PR PR DAÏTE des POINTS LUNAIRES ÉPOQUES MENSTRUELLES et INTERVALLES. Annotations. correspondants. | | ! 1. à ls yoctobre 1819: Qu =, 32 jours. ED Co" ED w à. 16 novembre. . . . .. =... Ô 28 jours. D ED es Ÿ 14 décembre. . . .. . ——=———— 28 jours. QD LA Œ «. 11 janvier 1820. . .. — 28 jours. APE | = HS : : q 8 février (bissextile) . —— | LA 14 ? ©@EA à HAS he Re ER : Après les deux observations précédentes, il ne me reste que des lambeaux, dont le plus notable embrasse quinze mois successifs de la menstruation d’une petite femme nerveuse, très-sensible, valétu- dinaire et sujette à la leucorrhée, mais dont la santé s’est raffermie depuis qu’elle a passé l’âge de retour. Ses 15 époques menstruelles ont presque toujours coïncidé avec la nouvelle lune, et les intervalles les plus fréquents sont ceux de 28 et 30 jours ex æquo. Je n’en parle que pour faire voir combien on s’égarerait dans une pareille recherche en employant des faits d’une petite étendue. (159 ) DATE des POINTS LUNAIRES ! ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTER VALLES. es que du 1°" quartier. 28 jours. { 16 janvier 1812. ... | P 26 jours. Ea Ô | 4 PAS LA 11 février (bissextile) . nt | A 11h42 du soir. 27 jours. ONREST SN 2 DNRRRrS. AR TAF LURE ——— Au matin. 56 jours. Ce) anis te. ae 2 À 6h 12 du matin. 28 jours LB | « ; (ll) 1 | : nn ee ——— | A 3h 1 du soir. 52 jours LB | | LB | | 15 juin SE FR PORROP EN CIRE = À 10b du matin. 29 jours. 62 _ D | 12 juillet 1812. . . .. (—— A 5h 1/2 du soir. 29 jours. ED A : © MAN LL. —— | Vers 3h du matin. 50 jours. DL ED 9 septembre. . . ... , QE À 8h du matin. Plus près de la nouvelle lune | que du 1°’ quartier. Loc 50 jours. | ur) 5 #7 540: ARMES == | Vers 4h du matin. Plus près de la nouvelle lune LA | ( 160 ) DATE des POINTS LUNAIRES | ÉPOQUES MENSTRUELLES Annotations. et correspondants. INTERVALLES. qu (IL) 6 novembre 1812. . . = A 5h du matin. 26 jours. LA À ED 2 décembre. , .... ——_—__ A 5b du matin. 28 jours. ( À . 50 décembre. . .... = — A 1h du soir. 31 jours. OA (D { 80 janvier 1815. . .. RUES A 5b du matin. 30 jours. O © LA (Air ES PÉPPERNESAT ne Ces A 7! du soir. IL EA | 2 intervalles de 26 jours . . . . . 52 jours. 1 — ES RS PR AE 3 — DO Pr ur at SI UUINEN ARE 2 — DO HE En LE SN ET ES 3 — 30 — QUI 1 — 51 — 31: — 1 — F2 — 32 — 1 — 56 — 36 — 14 410 En divisant le nombre de jours, 410, par le nombre des intervalles, 14, le quotient est 29), 285. (461) CLASSE DES LETTRES. ————————— Séance du 1° février 1858. M. M.-N.-J. LecLERCO, directeur. M. An. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le baron de Gerlache, Grandga- gnage, Roulez, Gachard, De Decker, Schayes, Snellaert, Haus, Polain, Baguet, Ch. Faider, membres; Nolet De Brauwere Van Siceland, associé; Kervyn de Lettenhove, Chalon, correspondants. M. Ed. Félis, membre de la classe des had nie. assiste à la séance. CORRESPONDANCE, La Société impériale d’émulation d’Abbeville fait parve- nir le dernier volume de ses mémoires. — L'abbaye de Solesmes remercie l'Académie pour len- voi de ses dernières publications, et annonce le prochain envoi des ouvrages qu’elle a fait paraître. La classe a reçu plusieurs autres écrits relatifs à ses pu- blications et un nombre considérable d'ouvrages impri- 2"* SÉRIE, TOME 1v. 11 (16 ) més, qui seront annoncés dans le Bulletin bibliographique. — M. le secrétaire perpétuel dépose l'Annuaire de l'Aca- démie pour l’année 1858. Cet opuscule ne contient qu’une seule notice biographique, celle de M. André Dumont, ré- digée par son savant collègue, M. d'Omalius; on y trouve aussi les renseignements habituels sur l’Académie et les rapports de M. Ed. Fétis sur la situation de la Caisse cen- trale des artistes belges en 1856 et.en 1857. M. Ad. Quetelet fait connaître qu’on a profité du peu d’étendue de cette publication, pour y insérer trois tables différentes, contenant la mention de tous les mémoires im- primés par l’Académie depuis sa réorganisation, en 1816: ce sont les 50 volumes in-4° des mémoires des membres, les 28 volumes des mémoires couronnés et des mémoires des savants étrangers, et les 6 volumes des mémoires in-8°. Une seconde table contient les noms des auteurs et une troisième l'indication analytique des matières. Ces tables ont été rédigées par M. Edmond Marchal fils, attaché au secrétariat de l’Académie. | CONCOURS DE 1858. Sept questions sur différents sujets avaient élé mises au concours de 1858; il est arrivé des réponses à quatre de ces queslions, savoir: PREMIÈRE QUESTION. Établir la véritable origine du droit de succession. Re- ( 165 ) chercher si ce mode de transmission découle de la nature des choses ou s'il n'est qu'un établissement créé dans un but d'uti- lité civile. Exposer la doctrine des principaux auleurs qui ont trailé celle question; proposer une solulion molivée. LA La classe a reçu deux mémoires portant les épigraphes suivantes :: N° 1. L'esprit philosophique d'une société se peint dans sa loi successorale. (TroPLOoNG }) N° 2. Patet testamenta esse juris naturalis. (Wozr.} (Les commissaires nommés pour l'examen de ces mé- moires sont MM. Ch. Faider, Grandgagnage et Arendt.) DEUXIÈME QUESTION. Éloquence française. — De l'influence de la civilisation sur la poésie. La classe à reçu trois mémoires portant les épigraphes : N° 1. La littérature est l’expression de la société. (VizLemaix.) (i) N° 2. La littérature est l'expression de la société. (De Bowazp.) (1} N° 5, Mon cœur bat d'avenir et du besoin des cieux. (Juzes LEFÈVRE.) (Les commissaires nommés pour l’examen de ces mé- moires sont MM. De Decker, P. Devaux et Polain.) {1) Ces indications sont conformes au texte. ERA Û LE « (164 ) _ TROISIÈME QUESTION. Quelle à été l'influence littéraire, morale et politique des sociétés el des chambres de rhétorique dans les dix-sept pro- vinces des Pays-Bas et le pays de Liége. Outre la médaille académique, le lauréat du concours recevra de la Société royale de Wyngaerd, une médaille en vermeil. | ! _Ilest arrivé, en réponse à cette question, un mémoire écrit en flamand et composé de six cahiers; il porte l’épi- graphe : UE Zuiks eene geschiedenis moet aen den nederlandschen dicht en historie minnaar behagen. (Kops.) (Commissaires : MM. Snellaert, le baron de Saint-Ge- nois et David.) À Ce mémoire, ainsi que le n° 3, servant de réponse à la question précédente, sont dépourvus de billets cachetés; ils doivent, par conséquent, être exclus du concours, à moins que les auteurs ne réparent cet oubli. L'Académie leur accorde ce mois tout entier pour satisfaire à la de- mande du programme : « Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage, mais seulement une devise, qu'ils répéteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et leur adresse. » | | ( 168 ) CONCOURS EXTRAORDINAIRE. Charlemagne est-il né dans la province de Liége? La classe a reçu deux mémoires en réponse à cette de- mande; ils portent pour devises : N° 1. Entzwei, entzwei! Da liegt der Brei! (GoEruc.) N° 2. Wüihil enim est opertum, quod non revelabitur, et occullum quod non cognoscelur. {Commissaires : MM. de Ram, Borgnet et Kervyn de Lettenhove.) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Childéric III et les fils de Charles Martel. — Notes sur les années 741 et 742, recueillies dans un texte inédit de Hugues de Fleury; par M. Kervyn de Lettenhove, cor- respondant de l’Académie, C'est aujourd'hui même que se ferme le concours ou- vert, sous les auspices de la classe, sur la patrie de Charle- magne. Les mémoires qui lui ont été adressés renferment-ils une solution, ou du moins portent-ils sur celte question quelque lumière? Je l’ignore; mais il est une pensée qui me préoccupe plus vivement. Si, autour de nous, on a voulu revendiquer et justifier les traditions de notre pays, ( 466 ) il n'est pas moins vrai qu’au sein du premier corps litté- raire de la Belgique, pas une voix ne s’est fait entendre pour raltacher au sol où grandit et se développa la race des Pepin, son plus illustre rameau. Cette tâche, j'espérais la voir abordée avec plus de science et surtout après des études plus profondes que celles que j'ai pu y consacrer; mais je me sens entrainé, malgré moi, à m'efforcer de rendre l'honneur d'avoir vu naître Charlemagne à ces rives de la Meuse, où ses derniers descendants vinrent, pros- crits et vaincus, demander une tombe. C’est sur ces rives de la Meuse, aux limites des deux races sur lesquelles s'é- tendit son sceptre, qu'un historien français proposait, 1l y a peu d'années, d'ériger la glorieuse statue de Charlemagne. Faut-il la briser avant même qu'elle ait été élevée? Saint Lambert a-t-1l maudit l’arrière-petit-fils d’Alpaide, et les vallées de Landen, de Jupille, d'Herstal, d’Amblève ne sont-elles désormais pour lui qu'une terre étrangère ? J'ai d'autant plus à regretter l'insuffisance de mes re- cherches, que je viens combattre les conclusions de plu- sieurs dissertations aussi remarquables par l’érudition qui y préside que par l'élégance de la forme sous laquelle elles sont présentées. Personne de nous n’a oublié avec quelle abondance de textes et d'arguments nos honorables con- frères MM. Polain et Arendt sont arrivés à déclarer que la naissance de Charlemagne, postérieure à l'époque où Charles Martel se fixa aux bords de la Seine et de l'Oise, antérieure à celle où le grand empereur les abandonna, devait être attribuée à la Neustrie, mais seulement grâce à la loi incertaine du hasard. C’est cette doctrine du hasard que je repousse, quel que soit le rôle qu'on lui assigne dans la vie d’un grand homme, et lors même qu'il ne s'agit que de son berceau. Charles Martel pas plus que Pepin le Bref, | | (167) nous dit-on, ne véeut en Austrasie : nous savons, toute- fois, que Pepin fut baptisé par saint Willebrod, évêque d'Utrecht, ce qui prouve bien qu’il naquit dans la patrie _ de ses ancêtres. Pourquoi Charlemagne n'aurait-il pas . aussi vu le jour dans un des domaines héréditaires de sa famille, où tout était paix et repos, plutôt qu'au milieu des camps sans cesse portés d’un pays à l’autre par les pas- sions agitées de la grandeur et de la conquête? Je ne reprendrai pas la discussion sur le Lerrain où l'ont placée mes savants amis MM. Polain et Arendt; ils me per- mettront de soulever seulement quelques objections qui, jusqu’à ce moment, n'ont point été présentées, et qui me paraissent devoir ébranler leur svstème. C'est moins une date ou une question de lieu que la marche générale des événements que Je crois devoir étudier, et, tout en tirant des faits des conséquences particulières, en ce qui touche la patrie de Charlemagne, j'arrive à me représenter sous un jour tout différent l’une des pages les plus intéres- santes et les moins connues de cetle époque de transition et de révolution qui vit la race des Pepin succéder à celle de Ciovis. La classe voudra bien, je l'espère, en accueil- lant avec indulgence ces simples notes rédigées à la hâte, réserver quelque sympathie au but que je me propose : le droit de placer un jour au pied de la statue de Charle- magne ce mot suo que la Belgique est fière de pouvoir inscrire sur le monument de Godefroi de Bouillon. Il y a à peine cinq ou six jours qu’un manuscrit de la Bibliothèque de Bourgogne fixa mon attention. Il offrait, dans un livre intitulé : {n Gestis Francorum, à côté de nombreux extraits d'anciens auteurs, quelques lignes sur les années 741 et 742, que je n'ai, si je ne me trompe, jamais rencontrées ailleurs : ( 168 ) Mortuo Karolo Martello, multi tiranni in Franciam di- mergentes, potestatem regiam sibi usurpare presumebant. Propterea Franci a pravo consilio suo seducti quendam cle: ricum nomine Danielem regem sibi elegerunt : quem postea Hildericum cognomento noncupaverunt. In cujus tempore nobilitas Francorum pro qua per totum mundum Franci exæaltabantur ad nichilum pervenit. Videns quoque Pippinus Karoli Martelli filius regnum Francorum pro defectu Hil- derici supradicti regis ad nichilum pervenire , in aministra- tione regni patris sui manus viriliter injecit. Dehinc Pip- pinus et Kalomannus filii Karoli Martelli contra Hunaldum Aquitaniae ducem exercitum movent, ceperuntque castrum quod vocatur Lucas. In ipso ilinere positi diviseruni sibi règnum Francorum (1). . Quelle était l'origine de ce texte qui répandait une Iu- mière si vive sur les événements du VIII" siècle? IL était important de le déterminer pour savoir quel degré de con- fiance il méritait. Après quelques recherches, je suis arrivé à constater qu'il provenait de l’abbave de Saint-Benoît- sur-Loire, qu'on nommait autrefois l'Église des Saints, et qui reçut du pape Léon VIT la suprématie sur tous les monastères de France. Saint-Benoît-sur-Loire possédait la plus vaste bibliothèque que l’on connût : on y comptait jusqu'à cinq mille étudiants. Une part précieuse des livres qui en formaient la base avait été apportée, au VIHI"siècle, du Mont-Cassin, asile des lettres en Italie : ses derniers PR (1) MS. de la Bibliothèque de Bourgogne, 9185. Ce livre, in Gestis Fran- corum, reproduit fidèlement d'anciens textes placés les uns à la suite des _autres, sans qu'ils se suivent on s'accordent exactement, J'y retrouve des fragments reproduits aussi par SigeHerL de Rnpionrs d’après une source aujourd'hui perdue. ( 469 ) débris sont retournés en Italie, après les guerres reli- gieuses du XVI®* siècle, et reposent aujourd’hui dans la bibliothèque du Vatican. C'est à cette source illustre et féconde que puisa, au X["* siècle, Hugues de Sainte-Marie, plus connu sous le nom de Hugues de Fleury : aussi les auteurs de l'Histoire littéraire de la France, de même que ceux de la Biographie universelle, observent-ils qu'il a connu beaucoup de documents importants qu’il a insérés dans ses livres et que nous ne possédons plus, non pauca aliis in- tacta, comme le dit un érudit du XVI”: siècle. Hugues de Fleury s'exprime lui-même en ces termes, dans une épître adressée à l’impératrice Mathilde : Nusquam historia seria- tim digesta, sed hac, illacque quibusdam in codicibus inserta et interfusa lenetur. Illa non a nobis accepimus, sed a multis codicibus nostro sudore decerpsimus. Nous ajouterons que le livre Zn Gestis Francorum fut terminé en 1110 etadressé à saint Yves, évêque de Chartres (1). (1) Une note est nécessaire pour donner à cette question d’origine une complète évidence. Notre manuscrit nous offre (f° 126) la lettre de Hugues de Fleury à l’évêque de Chartres : Ecce tibi, precellentissime pater et domine, duo humilitalis mee opuscula transmitto. Quels sont ces deux opuscules? Le premier est l’Zistoria antiquitatis, qui ne s'arrête pas avant le livre VI et ayant l’époque de Charlemagne, comme le dit inexactement M. Waïitz, dans le tome IX des Honumenta Germaniae historica, mais dont le livre VI se termine au couronnement de Charlemagne. Immédiatement après, vient l’his- toire des Lomhards de Paul Diacre. dont le texte a sans doute été reproduit par Hugues de Fieury qui y a même inséré un hymne en l'honneur de saint Benoit; mais eeci n’est pas le second opuscule promis à l’évêque de Chartres. Il a été mal placé par quelque erreur de copiste et suit l’histoire des Lom- bards : c’est le livre Zn Gestis Francorum qui commence par:ces mots : 7n eæordio opusculi nostri: Il est aisé de s’en convaincre, en ouvrant l’Æistoria antiquitatis (f 150), au chapitre où Hugues de Fleury mentionne à peine la guerre de Valentinien contre les Francs : De quorum origine pauca nobis ( 170 ) Rien ne manque donc pour entourer de l'autorité la plus légitime ce texte du VIII" ou du IX" siècle, inséré deux cent cinquante ans plus tard entre divers documents de la même époque; mais lorsqu'on le compare à d’autres rela- tions contemporaines, on ne peut s'empêcher de remarquer avec tristesse combien la fortune estimpitoyable vis-à-vis des vaincus , puisque souvent elle ne permet pas même à l’his- toire de recueillir le souvenir de leur résistance et de leurs inutiles efforts. La fin de la dynastie mérovingienne ést entourée de ténèbres profondes , et les vingt lignes que nous à conservées Hugues de Fleury nous en apprennent eq mem eme mt ou mm PR mmge ême * nunc perstringere licet. Cetera de gestis Francorum scripta sunt. En effet, les deux premiers chapitres du livre, Zn Gestis Francorum, nous offrent dans le même style, mais avec beaucoup plus de détails, l’histoire de l’ori- gine des Francs et de la guerre que leur fit Valentinien. Le livre : Zn Gestis Francorum se termine (f° 253) par deux faits qui intéressent à la fois et le monastère où Hugues de Fleury écrit, et le pieux évêque à qui il dédie ses recherches : l’inhumation de Philippe [*", à Saint-Benoit-sur-Loire, et Le cou- ronnement de Louis VI sous les auspices de l’évêque de Chartres. Quelques années plus tard, lorsque déjà la renommée des deux opuscules ou, pour mieux dire, des deux compilations de Hugues de Fleury s'était répandue, il les revit et les modifia. La première (c'est l’Æistoria ecclesiastica) fut pré- sentée à Adele, comtesse de Blois et de Meaux. La seconde, prenant aussi un nouveau titre, celui de Regum Francorum modernorum actus, fut destinée à une princesse non moins illustre de la même maison, l’impératrice Mathilde. Malheureusement, dans cette révision, Hugues de Fleury prit pour point de départ la mort de Charlemagne : ainsi s'explique, dans les éditions imprimées d’après la seconde rédaction, l'absence du passage que nous avons emprunté à la première, composée pour saint Yves de Chartres. — Parmi les manuscrits de Saint-Benoît-sur-Loire, conservés à la Bibliothèque du Vatican, se trouvent les œuvres de Hugues de Fleury. Il serait intéressant de les comparer avec notre manuscrit, qui a été écrit vers le commencement du XIII: siécle et qui appartint plus tard au monastère de Saint-Quentin-au-Mont pres de Pé- ronne. Quelque lien unissait-il Saint-Quentin-au-Mont et Saint-Quentin-au- Pré dont saint Yves fut abbé? CORTE) peut-être plus à ce sujet qu’on n'en savait jusqu'à ce jour. Nous y retrouvons, bien qu'indiqué avec une extrême briè- veté, le principal caractère des luttes du VIF" siècle : les ambitions personnelles cachant derrière elles l'antago- nisme des races et l'hostilité des peuples. L'Austrasie avait complétement triomphé avec Charles Martel. Quand Chil- périe IE fut descendu dans la tombe, quand Thierri de Chelles l'y eut suivi, Charles Martel se crut assez puissant pour laisser vacant le trône des princes mérovingiens, afin que l’on s’habituât à leur absence. Aucun des historiens du temps ne nous avait dit que Chilpéric IE eut un fils. La science des Bénédictins a suppléé à leurs lacunes. Notre texie nous apprend que, de même que son père, il avait été relégué dans un cloître: où on lui donnait également. le nom de Daniel qui semble avoir été à cette époque exclu- sivement réservé aux clercs, et ceci est conforme à ce pas- sage encore inexpliqué des Annales de Saint-Gall, où il est dit que Pepin le Bref devint roi, deposilo ac detonso rege Hildrico qui a baptismo alio nomine vocatus est Daniel (4). La chronique plus récente d’Adhémar a bien entrevu la même chose; mais ce n’est plus le même nom que l’on y rencontre : c'est le même surnom, la même épithète ou, si l’on veut, la même injure: Danihel, clericus insensatus, quem Franci vocaverunt Chilpericum.. Childericus insen- satus (2). Le temps n’est pas éloigné où, l’astre des Carlo- vingiens s'éclipsant comme celui des descendants de Clovis, il y aura d'autres historiens qui, à leur tour, appelleront leurs derniers successeurs, sinplex, solus, slolidus. C’est : toujours le væ viclis. Re SE | (1) Ænnales Sangallenses majores, 752. {2} Chron. Adem., ap. Pertz, IV, p. 114. (172) Cependant le conquérant, au milieu même des succès de la conquête, sentait que le bras qui fonde de si grandes choses, fléchit 1ôt ou tard sous la loi commune des mi- sères humaines. Les longues guerres de Charles Martel avaient épuisé son activité et ses forces. En 759, après l'expédition de Provence, il revenait dans la France septen- trionale ad proprias sedes, quand la fièvre l’obligea de s’ar- rêter à Verberie. En 740, aucune expédition n’eut lieu (4). Sans doute, Charles Martel était de plus en plus souf- frant. L'année suivante, des signes menaçants se mon- trèrent dans le soleil et dans la lune. Les peuples y trou- vèrent le présage de nouvelles guerres : Charles Martel y lut sa mort prochaine, sans se dissimuler les discordes qui allaient éclater. En effet, la nouvelle de sa maladie a suffi pour que la Bourgogne s'insurge, etil faut que lecomte Childebrand, accompagné de son plus jeune fils, prenne sa place à la tête des Franes pour étoulffer cette rébellion. En vain Charles Martel, considéré longtemps comme l'ennemi de l'Église, a-t-il recours à des donations pieuses et à des . pèlerinages : il expire à Kiersy, le 21 ou le 22 octobre 744, laissant à sa famille un nom qui fera oublier celui des Pepin et, aux Francs d’Austrasie, le souvenir d'un cou- rage et d’une vigueur dont le christianisme et la civilisa- tion avaient à peine adouci le caractère rude et barbare. Charles Martel avait assemblé avant sa mort les chefs des Francs, pour leur annoncer qu’il laissait ses fils Carlo- man et Pepin héritiers de son principat; quant à Griffon qu’il avait eu d’une captive ramenée de Bavière, 1} lui lé- guait un domaine aux limites de la Neustrie et de l’Aus- (1) Il en fut de même en 715, l’année qui précéda la mort de Pepin d'Hé- ristal. Comparez les deux textes dans les Annales de Metz. (475 ) trasie. Griffon nourrissait de plus altières espérances. Il court aux armés, mais il est défait et réduit à s’enfermer au château de Laon, où il tombe bientôt au pouvoir de ses frères. Quelle relation y a-t-il entre ces événements et le mariage de Pepin avec Bertrade, fille du comte Héribert de Laon (1)? | Du reste, la situation est exactement la même à la mort de Charles Martel qu'après la mort de Pepin d'Héristal, et plus on poursuit ce rapprochement, plus il devient com- plet. Pepin d'Héristal avait gouverné les Francs pendant vingt-quatre ans. De l’avénement de Charles Martel à sa mort, nous trouvons également une période de vingt-quatre années.Tous deux expirent vers le commencement de lhi- ver. Charles Martel avait, lorsqu'il perdit son père, à peu près le mème âge que Pepin le Bref quand il perdit le sien. Pepin le Bref naquit l’année même que mourut Pepin d'Héristal; Charlemagne aussi vit le jour la même année qu'était mort Charles Martel. Ce rapprochement est plus frappant encore, si on veut l’étendre aux événements qui suivirent la fin de Pepin d'Héristal et celle de Charles Martel. A peine Pepin d'Héristal a-t-il rendu le dernier soupir que la dictature (1) Héribert de Laon était de race franque, car le pape Étienne III écrivait à Charlemagne et à Carloman : Jam conjugio legitimo copulati estis, acci- pientes de vestra patria scilicet ex ipsa nobilissima Francorum gente, pulcerrimas conjuges. Eténim nullus ex vestris parentibus, neque avus, nèque proavus, sed nec vester genior ex extranea natione conjugem accept. Jordan d’Osnaburg cherche déjà à rattacher Charlemagne, par sa mére, aux empereurs d'Orient : Pippinus navus duxit in matrimonium Tiber- gam sororem Michaelis imperatoris Romanorum ex qua geñnuit Karolum magnum. (MS. de la Bibl. de Bourgoghé, 7518). ( 174 ) | de l’Austrasie s'évanouit. Les populations gallo-romaines d'Aquitaine placent à leur tête des chefs illustres et puis- sants qu'Éginhard flétrit du nom de tyrans (1). Les Saxons s’avancent pour seconder les Frisons, tandis que les Frances de Neustrie se hâtent de rétablir sur le trône la postérité de Childéric If,en tirant du cloître son fils qu’on nommait alors le clerc Daniel et qui fut depuis le roi Chilpéric. Mais Charles Martel domine tous les obstacles. D'un côté, il rejette les Saxons au delà du Rhin; de l’autre, il pé- nètre en Neustrie et poursuit jusqu'à la Loire Chilpérie qui, mal défendu par les Francs de Neusirie, avait été ré- duit à se placer sous la protection du duc Eudes d’Aqui- taine. | | A la mort de Charles Martei, la domination des Frances d'Austrasie que le surnom même de leur chef nous dé- peint comme un marteau qui frappe sans relâche tout ce qui lui résiste, n'était point l’objet d'une moins vive im- patience, ni d'une haine moins profonde. Le même isole- ment se fait autour d'eux en attendant le jour où ils con- solideront leur irrésistible ascendant par de nouvelles victoires. Les Saxons se pressent une fois de plus sur le Rhin, et les Franes neustriens qui ont gémi trop long- temps de l’interrègne de la royauté mérovingienne, n'ont pas perdu le souvenir de la postérité de Childéric IF, qui avait transferé la résidence royale d’Austrasie en Neustrie. J'ai déjà parlé de ce fils du roi Chilpérie, clerc comme lui et désigné par le même nom de Daniel , qui languissait dans le cloître où l'avait sans doute enfermé Charles Martel, le (1) Æarolus tyrannos per totam Franciam dominatum sibivindicanies oppressit, (Erxmanpr Vira Er Coxv. Karozr MaGwi.) ( 475.) jour où il plaça Thierri de Chelles sur le trône : on alla l'y chercher, on le salua , à exemple de son aïeul, du nom royal de Childéric resté cher aux Francs de Neustrie : Franci a pravo consilio suo seducti. Plus loin vers la Loire, les populations gallo-romainess’agitent à la voix de leurs chefs, ducs ou comtes, qu’on désigne toujours sous le même nom : multi tiranni in Franciam dimergentes, potes- tatem regiam sibi usurpare presumebant. Si, en Bourgogne, le gallo-romain Protadius s’est vanté d'exterminer tous ceux qui appartenaient à la race conquérante, les Gallo- Romains d'Aquitaine, moins orgueilleux ou plus habiles, préfèrent imposer leur alliance aux Francs de Neustrie, dont l’oisiveté a adouci et énervé les mœurs. [ls savent bien que Childéric [IE ne pourra se passer de leur protection : Nobilitas Francorum ad nichilum pervenit. La prophétie des astrologues était justifiée. On rencontrait partout les querres étrangères ou les discordes civiles. Où donc put naître Charlemagne le 2 avril 742, si ce n’est dans cette contrée où sa race trouva toujours des défenseurs dé- voués et un inviolable asile? | Des deux fils que Charles Martel laissait de son mariage avec Rotrude, Carloman était l'ainé; l’autre, Pepin, que nous avons vu, dans l'expédition de Bourgogne, placé sous la tutelle du comte Childebrand, n'avait que vingt-six ans. Aussi, pendant les premiers temps qui suivirent la mort de Charles Martel, Carloman présida-t-il à la direction du gouvernement: Cuin Carolus, dux inclytus, dit le moine Othlon, vitae suae cursum exegisset, et filii ejus Caroloman- nus et Pippinus ei ceu patri successissent in imperio, ad nu- tum Carolomanni qui erat major natu, omnia paterni regni jura disponebantur. Les historiens rapportent que Carloman veiila seul à ce (476 ) que Griffon füt conduit dans un château de l’Ardenne, pour y être gardé prisonnier. Il est également certain que Carloman prit la plus grande part aux préparatifs d’une autre guerre, bien plus importante, qui allait commencer. Il y a même des historiens qui le nomment seul dans le récit qu’ils nous en ont laissé. Cependant, son frère, plus jeune mais plus instruit, plus sage et plus habile, avait à remplir une autre mission qui n’importait pas moins à la consolidation de l'autorité des fils de Charles Martel, je veux parler de leur réconcilia- tion avec l'Église spoliée et persécutée par leur père (1). Ici la légende doit compléter l’histoire. Eucher, évêque d'Orléans, mort dans l'exil à Saint- Trond, le 20 février 742 (2), raconta, peu avant la fin de sa vie, à Fulrad, chapelain de Pepin, qu’il avait été, dans une vision , le témoin des peines mérilées par l’impiété de Charles Martel. Fulrad ne quittait pas Pepin. A ce titre, il est de quelque intérêt de remarquer qu'il se trouvait en Hesbaie vers le commencement de l’année 742. Mais il faut aller plus loin. Fulrad rapporta à Pepin ce qu'Eucher lui avait dit, et un synode fut tenu à Leptines où, en présence de saint Boniface et du légat pontifical Georgius qui le présida, Pepin répara les usurpations de son père. Au VIl"e siècle, les synodes, présidés par les princes, se (1) Tout ceci s’accorde fort bien avec ce que l’histoire nous apprend de Pepin : quelques auteurs assurent que, pour expier l’impiété de Charles Martel, il se fit ensevelir aux portes de l’abbaye de Saint-Denis. (2) Telle est la date adoptée par Dom Bouquet. La chronique de Saint- Trond, qui fait peut-être commencer l’année à Pâques, place ceci en 741. IL est aisé de comprendre que la mort de saint Eucher, qui arriva après celle de Charles Martel, avant qu'il eût pu quitter Saint-Troud ét rentrer à Orléans, doit être attribuée au mois de février 742. ne : | LES réupissaient au mois de mars ou au mois de mai, c’est-à- dire à la même époque que les assemblées des grands, et, comme il est fort probable que Pepin unt celui-ci à la première époque consacrée par l'usage qui ait suivi Îa vision de saint Eucher, l’on arrive nécessairement, en fixant ce synode au mois de mars ou au mois de mai, à le placer, dans l'un et l'autre cas, à une date bien rappro- chée du 2 avril, jour assigné à la naissance de Charle- magne (1) : si l’on consentait à admettre que ce synode fut tenu le jour de la fête de Pâques (41* avril 742), il aurait eu lieu la veille même de cet événement. Quoi qu'il en soit, la présence de Pepin à Lepunes, si elle est dé- montrée, n'est-elle pas , dans la question qui nous occupe, un argument presque décisif (2)? Ne rendrait-elle pas aussi quelque valeur à une vieille tradition mentionnée par Mabillon, d'après laquelle saint Boniface baptisa Charlemagne (5)? (1) Il peut paraitre assez extraordinaire au premier abord que la date de la naissance de Charlemagne soit consignée dans un calendrier du mo- nastère de Lorsch dont fut abbé ce bon Éginhard qui s’enquit de tous côtés de ce qui s’y rapportait, sans trouver, en quelque lieu que ce füt, le moindre éclaircissement. Il eût pu chercher bien moins loin et trouver plus vite. Ceci dit, nous reconnaïitrons que la date du calendrier de Lorsch a été admise par Mabillon et n’est guere contestée aujourd’hui. (2) On montre, à Lestines-au-Val, les ruines du palais du roi Pepin, sans les confondre avec celles du paiais de Carloman. À quelle époque Pepin au- rait-il résidé à Lestines, si ce n’est en 742 ? J'ai quelque respect pour les tra- ditions, lorsque je vois qu’elles ont encore, après onze siécles, le privilége de faire respecter queiques pierres auxquelles est attaché le nom d’un grand homme. (5) Je trouve dans l'édition des Capitulaires de Baluze (T, col. 765 et IE, col. 1185) une ancienne glose déjà invoquée dans un mémoire du concours précédent (voyez le rapport de M. Polain, p. 625), mais dont on a sans doute négligé de faire ressortir toute l'importance. Il y est dit que Charle- 2e SÉRIE, TOME IV, 12 ( 178 ) Je sais bien que les théologiens rejettent unanimement la légende de la vision de saint Eucher. Pour les théolo- giens, sans doute, elle est sans valeur, mais, comme fait historique, elle me paraît ne pouvoir être contestée. En effet, elle est rapportée par d'anciens manuscrits des * lettres de saint Boniface et des vies de saint Eucher et de saint Rigobert; Hincmar l’a insérée dans la vie de saint Rémy, et il est hors de doute qu'il en existait autrefois une relation composée vers la fin du VIT" siècle. On n’a pas remarqué, je pense, que l’annaliste de Fulde, en re- produisant la vision de saint Eucher, à soin d'observer qu’au lieu de l’emprunter à Hinemar, il aime mieux suivre une autre histoire et la relation véridique des anciens, (alia historia ; antiquorum veridica relatio) (1). Or l’an- teur du texte qu'il cite déclare qu'il a connu des personnes magne n'était pas soumis à la loi salique : quia Francus nativitate erat et” respexit suam nalionem propter suae gentis dignitatem. Il faut remarquer d'une part, que les Austrasiens du VIII: siècle se croyaient seuls dignes de porter le nom de Francs, comme ayant seuls conservé dans toute sa pureté la noblesse de leur race; d'autre part il est eertain, comme le dit M. Augustin Thierry dans sa Dixième leitre sur l’histoire de France, que la loi salique appliquée en Neustrie était répudiée et rejetée avec dédain en Austrasie Cette glose, en rappelant que Charlemagne, par sa naissance (nativilate), ne relevait pas de la loi salique, nous apprend donc qu’il n’était pas né en Neus- trie, mais en Austrasie. — À cette preuve si formelle, qu’oppose la Neustrie? Un seul document ancien, le récit de la translation des reliques de saint Ger- main; mais est-il bien sérieux? Le discours de Charlemagne qui y figure ne prouve rien, d’ailleurs, pour le lieu de sa naissance; tout au plus y verrions- nous qu'il est né er 747, comme l’attesie une circonstance qui démontrerait que Charlemagne avait bien sept ans en 754: Ego, pueriliter ludens, fossam insilit ubi mox primum dentem de ore meo mutavi. Ceci suffit pour faire apprécier la valeur de ce discours, (4cta SS, ord. S. Ben., sec. IIZ, pars II, p.97.) (1) 4nn. Fuld., ap. Pertz, Ill, p. 345. (479 ) qui vivaient en 742 (1), et qu'il écrit lui-même sous le règne de Charlemagne, dont il allègue un capitulaire (2), le 77% du 1* livre compilé avant l’an 800 par l'abbé An- ségise. Les évêques du concile de Kiersy, en 858, repro- duisant textuellement cette relation dans la lettre qu'ils adressaient à Louis roi de Germanie, ajoutent : Hanc rela- tionem et in scriptura habemus, et telle était l'authenticité historique de cette vision, qu'ils rappelaient à Louis de Germanie qu'ils l’avaient entendu raconter par son pére, l’empereur Louis le Pieux (5). Nous avons déjà dit quel motif nous engage à placer ce synode au printemps de l’année 742; nous ajouterons qu'il ne peut appartenir aux années 745 à 746, parce que, vers le commencement de l’année 745, comme nous chercherons à l'établir, Carloman et Pepin se partagèrent le royaume des Francs et que lAustrasie, dont Leptines faisait partie, échut à Carloman. D’autre part, il n’est point postérieur au départ de Carloman pour lItalie, puisque saint Boni- face, nous raconte l'hagiographe , ne put se rendre à l’in- vitation que Pepin lui adressa de tenir des synodes dans son royaume (4). C'est, d’ailleurs, en 745, que le pape Zacharie engagea 5 — æÆ ——_—— (1) Nos autem illos vidimus qui ad nostram usque aetatem durave- runt, qui huic rei interfuerunt. (2) Carolus imperator adhuc in regio nomine constitutus. (5) Baluze, Capit. 1], col. 108 ; Bouquet, LI, p. 659; Duchesne, I, p.792. Pierre le bibliothécaire qui vivait à la fin du IX®° He rapporte aussi la légende de saint Eucher. (4) Cum Pippinus, felix germani successor, regale Francorum regnum susciperet, coepit synodalia recuperare instituta. Sed quod sanctus vir, infirmilale praegravatus , synodalia conventicula per omnia adire non poterat.. (Willibald, ap. Acta SS, Junii, I, p. 469.) LE (180) les Frances et les Gallo-Romains, Francos et Gallos, à obéir à saint Boniface comme à son légat (1). Le concile de Leptines, présidé par le légat Georgius , doit nécessai- rement être antérieur; on ne trouve, il est vrai, aucun légat pontifical nommé Georgius, en 742; mais Georgius est probablement le même que Sergius, légat du pape qui embrassa, en 743, la cause du duc Odilon de Bavière contre les fils de Charles Martel. ; La mention de la présence de Pepin, de saint Boniface et du légat Georgius (2) au concile de Leptines, offre, d’ail- leurs, tous les caractères de la vérité et de la certitude; car on lit dans la relation insérée par les évêques du concile de Kiersy : Synodum ipsam habemus. Plus tard, la mention du concile de Leptines tenu par Pepin et présidé par Geor- gius trouva place dans le célèbre décret de Gratien (3). (1) Concil. XVIT, p. 426. (2) II ne faut pas confondre ce légat Georgius avec Georgius, légat de Paul I qui ne monta sur le trône pontifical qu’après la mert de saint Bo- niface. (5) Onlit dans une des lettres d'Hincmar(Æinem. Op.ed. Migne, NH, p.149): In synodo apud Leptinas cui sub Carolomanno principe Georgius epis- . copus et Joannes sacellarius ac sanctus Bonifacius episcopus praeside- rune, legitur. Il est évident qu'un copiste, ou plutôt qu'un éditeur assez récent aura substitué le nom de Carloman à celui de Pepin, croyant qu'il s'agissait ici du concile de Leptines de 743 ou 744. En+effet, Hincmar n’a pu écrire ici le nom de Carloman, puisqu'il prit part aux actes du concile de Kiersy qui nomment Pepin. Il est, d’ailleurs, à remarquer que ce qui est cité par Hincmar ne se trouve pas dans les actes du synode de Leptines présidé par Garloman, et ceci prouve seulement une fois de plus que les actes du concile de Leptines, présidé par Pepin, étaient sous ses yeux. On sait aussi que Georgius ne présida pas comme légat du pape le synode assemblé à Lep- tines par Carloman; enfin, les deux synodes eurent un but bien différent: Pepin annonça l'intention " restituer les biens enlevés aux églises, et Car- loman demanda à pouvoir en conserver une pañtie. . L « ( 181 ) Cependant une objection sérieuse se présente : la tenue d'un synode en Allemagne par Carloman sous la présidence de saint Boniface, précisément à la même époque, c’est-à- dire le 21 avril 742, synode où Carloman parle de son royaume et qui fut suivi d’un autre que le même Carloman assembla à Leptines, le {* mars de l’année suivante (1). Nous croyons avec Mansi, le savant annotateur de Ba- ronius, que ces synodes sont d’une année moins anciens que ne le portent certains recueils de conciles. L'usage de tenir les synodes le dimanche étant établi, il en résulte évidemment qu’ils ont été assemblés le dimanche 21 avril 745 et le dimanche 1* mars 744 (2). Il faut ajouter qu'l existe une lettre du pape Zacharie, où il entretient saint Boniface du synode qu'il doit tenir à la demande de Carlo- man , ?n urbe regni Francorum in sua ditione seu potestate constiluta, c’est-à-dire, comme l’ajoute le pape, dans un pays où , depuis fort longtemps, aucun synode n’a été tenu et où la discipline ecclésiastique à , en quelque sorte, dis- paru, ce qui, d'après tous les historiens ecclésiastiques, s'applique à la partie de l'Allemagne soumise à Carloman; or celte lettre porte la date du 4° avril. 745 (5). (i) En 744, Pepin tint à Soissons un autre synode auquel saint Boniface n’assista pas. Nous n’en connaissons les actes que par la promulgation qu’il en fit. (2) Scitum concilia nonnisi diebus dominicis cogi per haec tempora consuevisse. Concilium referendum ad sequentem annum mihi plane persuadetur. (Mansi, in Ann. Card. Baron. XIT, p. 478) (5) Data kal. aprilis, imperante Constantino, anno XXIF imperii ejus , anno secundo , indictione XI. Concil. X VIT, p. 567. La vingt-qua- trième année du règne de Constantin, selon la base adoptée par M. de Wailly, avait commencé le 51 mars 743; la seconde année du pontificat , le 30 no- vembre 742. Le chiffre de l'indiction, en 745, était XI. Il faut aussi remar- LL» L'ancienne vie de saint Boniface, écrite par Willibald, nous a d’ailleurs conservé sur l’ordre des faits, et notam- ment sur la succession des synodes, les données les plus précieuses. Mais les hagiographes remarquent que l’ana- lyse qu'il en donne n'est pas complète. Willibald n’a-t-il pas omis, et peut-être à dessein, le synode de Leptines où saint Boniface aurait siégé avec ce légat du pape, qui, l'année suivante, trahit Pepin et tomba entre ses mains après sa victoire ? Il faut voir, du reste, dans la vie du pieux archevêque de Mayence mêlée à tant de grands événements politiques, comme l'on y distingue avec netteté le temps où les fils de Charles Martel recueillirent en commun le principat pa- ternel, de celui où ils se le partagèrent. Le chapitre [X se rapporte à l’époque où l'autorité de Charles Martel passa à ses fils : Cum Carli ducis gloriose temporale finitum esset regnum et filiorum ejus Carlomanni et Pippini roboratum esset imperium. Il est intitulé : Qua- liter in Francia sub Carolomanno et Pippino ducibus, cele- bratis synodis, orthodoxam religionem restauravit (1). Au chapitre X, Carloman ne partage plus le pouvoir paternel avec Pepin. Ïl a son royaume : Convenientibus in unum episcopis ac presbyteris quos Garolomannus dux ad- sciscere fecit, quintum synodale factum est concilium in == re rer bent tee quer que les évêques nommés dans le synode du 21 avril 743 ne priren- possession de leurs siéges que plus tard, en 745, selon les Annales de Muns- ter; en 746, selon les Annales de Fulde et de Lorsch. | (1) dcta SS. Junii, 1, p.459; Pertz, Script., IL p. 846. La troisième vie de saint Boniface parle aussi des synodes qui se tinrent sous les auspices de Car- loman et de Pepin. Comparez Lambert d’Aschaffenburg (texte du MS. d’Er- furt) : 742. Synodalis convenius habetur Karlomanni et Pippini prae- cepto, etc. ( 183 quo Bonifacius episcopus, ipso Carolomanno consentiente ac donante, pontificatu praesidens, Romanae Ecclesiae, sedis- que apostolicae legatus.. Nous reconnaissons aussitôt le synode du 21 avril 745 où Carloman s'exprimait en ces termes : Ego Carolomannus dux, episcopos qui in regno meo sunt cum presbyteris, ad concilium et synodum congre- gavi… Constituimus super eos archiepiscopum Bonifacium qui est missus sancti Petri. Ainsi rien ne s'oppose à ce que Pepin ait tenu un sy- node à Leptines, vers les fêtes de Pâques 742, et je ne puis m'empêcher de trouver dans cette réconciliation de l'Église avec la race de Charles Martel, proclamée sur le berceau d'un enfant, l'éloquent présage de la mission qu'il devait remplir en protégeant l'Église dont la main recon- naissante le sacrera tour à tour roi et empereur. Mais nous ne sommes encore qu’en 742. Le synode auquel assista Pepin est achevé. Nous touchons à l’époque où les Francs ont coutume de commencer leurs grandes expéditions. Carloman et Pepin se placent l’un et l’autre à la tête de leurs leudes d’Austrasie pour les associer à une tentative qui doit décider de l'avenir de leur race. Ils ont, disent les Annales d'Eginhard , un double but. I] faut d’abord qu'ils rétablissent l’ordre dans le royaume des Frances et en- suite qu'ils fassent rentrer dans l’obéissance les provinces éloignées qui l’ont abjurée : Ad regnum ordinandum ac provincias quae post mortem patris & Francorum societate desciverant recuperandas, animos intendunt. Comme Pepin d'Heristal, après la journée de Testry, comme Charles Martel triomphant à Viney, ils envahissent la Neustrie, c’est-à-dire le pays où les Francs, plus attachés que partout ailleurs au droit héréditaire de la dynastie mérovingienne, ont élé de nouveau séduits par un mauvais dessein , celui ( 184 ) de s'affranchir du joug de l'Austrasie. Les fils de Charles Martel ont peut-être, comme leur père, une armée moins nombreuse, mais elle est bien supérieure par son ardeur belliqueuse , cum pauciori quidem agmine sed probatissimis ad certamen viris. Sans doute, Childéric LT, comme Chil- péric Il, a enrôlé des Gallo-Romains parmi les milices de la Neustrie, vulgari commixta plebe. Mais qu'attendre d’une multitude confuse, déjà écrasée par tant de défaites? Cette . fois, il n’y eut pas même de bataille, et la résistance fut si faible que l’histoire ne l’a pas jugée digne d’être men- tionnée. Où est Childéric? A-t-il, comme son père, cherché un asile chez le duc d'Aquitaine? Peut-être, mais l’histoire u'en dit rien. Ce que nous savons, c’est que les fils de Charles Martel ont traversé la Loire et qu’ils écrasent les Gallo-Romains : Romanos proterunt, dit le continuateur de Frédegher. Victorieux en pleine campagne, ils assiégent le château de Loches et s'en emparent. N'est-ce pas là que Childéric s’est réfugié? L'histoire est toujours muette, mais elle nous apprend, comme le dit Éginhard, que les fils de Charles Martel se partagèrent d’un commun accord le royaume des Francs que jusqu'alors ils avaient gouverné en commun ({), ou, comme nous le rapportent plus sim- plement et plus naivement d’autres annales contempo- raines, qu'ils examinèrent ce que chacun prendrait pour sa part du royaume des Francs, în ipso itinere inter se regnum quid quisque haberet dividunt (2). (1) Regnum quod communiter habuerunt diviserunt.(Ann. Einhardi, ap. Pertz, 1, p. 155. Magistratus ab avo et patre sibiet fratri Karolomanno relictus, summa cum concordia divisus. (Einh., Vita et Convers. Xcr. magni.) (2) Ann. Lauriss. min. Telle est aussi la leçon des Mss. de la Bibliothèque de Bourgogne, 6,450 et 15,855. Cf. le n° 6,446. Le ms, 15,855, qui est du ( 185) Un seul historien déligure tout ceci : c'est le continua- teur de Frédegher, qui éerit par l'ordre du comte Childe- brand , oncle de Carloman et de Pepin." Là où les autres annalistes avaient écrit regnum., il met praedam. Il ne s'agit plus pour lui de l'autorité sur un vaste royaume, mais d'un peu de butin qu'ils se réservent pour se le par- tager. Cette substitution de mots s'explique : dix lignes plus haut, on attribue à Charles Martel le partage du royaume des Francs entre ses fils. On cherchait à répandre de plus en plus la vague notion d’un droit héréditaire pour le principat aussi bien que pour la royauté. La fortune avait confirmé les prétentions ambitieuses des fils de Charles Martel : après la tâche des leudes austrasiens commence celle des flatteurs et des apologistes. Mais le continuateur de Frédegher, copié en partie seu- lement par les annalistes de Metz et de Fontenelle, ne peut rien contre d’autres témoignages bien plus nombreux dont nous supprimons ici la trop longue énumération (1). IX siècle, appartenait à l'abbaye de Saint-Bertin, et ce fut sans doute à l’épo- que des ravages des Normands que quelque religieux fugitif de Blandinium y traça ces lignes: Vos, Deus , exaudi quia tempus adest miserendi ! O Deus , templum rege Blandiniense ! (1) Ann. Lauriss. min., ap. Pertz, I, p. 115; nn. Lauriss. Ibid. p. 134; Ann. Einhardi, ibid., p. 155; Ann. Tiliani.p. 219; Chron. Mois- siac.,p. 292; Ænn. Metlenses, p. 527 ; Ann. Fuldenses, p. 545, etc. Je constate l'unanimité des témoignages réunis dans le premier volume des Scriptores de M. Pertz. Voyez aussi les {Annales Bertiniani ap. Duchesne. HT, p. 150 : ên ipso ilinere diviserunt regnum Francorum inter se. I ne s’agit pas, comme l’a pensé M. Polain, du partage du domaine de Griffon (Griffon n'avait jamais eu de royaume), mais du partage du principat paternel comme s'exprime Éginhard ou du regnum Francorum, comme le disent expressément les annales de Saint-Bertin, de Lorsch, de Metz, etc. Ce fait était si bien admis pour constant, que le moine Benoît place dans la bouche de Pepin, ces paroles adressées au pape Étienne: Post mortem Caroli ( 186 ) “ Le texte qui a donné lieu à cette note les confirme en disant que les fils de Charles Martel ressaisirent de leurs mains viriles l’autorité paternelle et se partagèrent entre eux le royaume des Francs. Nous trouvons d’ailleurs la trace de ce partage jusque dans les chartes du monastère de Weissemburg déjà invoquées ici : elles en donnent même la date, en faisant connaître qu'il venait de s’ac- complir au commencement de l’année 743 : Acta publice in monasterio Wizenburc, sub die V El. febr., anno secundo post obilum domini nostri Carloni, quando successerunt in regno fil sui Carlomannus et Pippinus; actum in monas- terio Wizenburc sub die XV febr., anno secundo principatus Carlomanno et Pippino ducibus Francorum, quando suc- cesserunt in regnum (1). Cependant, quelques années encore devaient s’écouler avant que les fils de Charles Martel crussent pouvoir usur- per ouvertement le trône de la dynastie mérovingienne. De même que Charles Martel, ayant défait Eudes d’Aqui- taine, reconnut pour roi Chilpéric If, ils voulurent, ayant vaincu eux-mêmes Hunala, fils d'Eudes, traiter avec la même clémence Childérie, fils de Chilpéric. Le partage du royaume qu'ils avaient fait entre eux eut lieu, comme je viens de Île dire, vers la fin de l'année 742. Tous les diplomaiistes placent peu après cette époque le commen- cement de la dernière royauté mérovingienne octroyée ou As confirmée par Carloman et Pepin “ genitoris nostrè divisimus regnum Francorum inter nos in locum qui dicitur Pictavis. Ap. Pertz, LI, p.704. (1) Pardessus, Diplom., IE, p. 472. (2) D’après quelques érudits modernes, ceci se passa vers le moiïs de mars 745; mais Eckhard attribue cet événement à l'automne 749, c’est-à-dire à Tee méme du partage de Carloman et de Pepin. ( 187 ) Childérie ET était-il déjà roi avant cette époque? Nous ne saurions en douter. En effet, la chronique d'Adon et celle d’'Adhémar rapportent l’une et l'autre son avénement aussitôt après la mort de Charles Martel (4). D'autre part, tandis que les chartes émanées de Carloman et de Pepin placent la première année de son règne en 745, il en est d’autres où le roi Childérie le fait remonter lui-même à la mort de Charles Martel (2). Notre texte nous éclaire d’ail- leurs parfaitement sur ce qui eut lieu, quand il attribue au mauvais conseil des Francs l'élévation de Childérie IE, et l’on comprend fort bien que les fils de Charles Martel, au lieu de porter sur lui ure main sacrilége, l’aient ren- voyé dans quelque domaine éloigné sur son char trainé par des bœufs au pas lent, car c’est à Childéric IT gardé par Carloman et Pepin que s'applique le célèbre tableau de la décadence des rois de la première race, tracé par Égin- hard. Si l'on suppose, au contraire, que, depuis la mort de Charles Martel, les Francs neustriens ont immédiatement reconnu ses fils et qu’ils n'ont eu qu’à vaincre de nouveau les peuples d’outre-Loire, les faits sont sans lumière et les résultats sans cause. Quoi! Charles Martel est parvenu, après de longues et sanglantes luttes, à supprimer, pendant | (1) Ap. Bouquet, I, pp. 575 et 671. Il y avait même une opinion qui faisait remonter jusqu’en 737, c’est-à-dire à la mort de Thierri de Cheiles, la royauté de Childéric III. Cette opinion était sans doute partagée par un grand nombre de Francs de Neustrie qui n’attendaient, pour la faire triompher, que la mort de Charles Martel. (Chron. Fontanell., ap. Bouquet, II, p. 661.) (2) Voyez la Diplomatique de Mabillon , Suppl., p. 58. Je considère comme étant de 742 le diplôme du 253 avril, anno primo regni nostri, Cris- ciaco palatio , où il n’est fait aucune mention des maires du palais. Le texte d'Éginhard établit assez que. dès que Childéric LIL fut en leur pouvoir, ils le reléguërent dans quelque domaine obscur, à Manmaques, assure-t-on. ( 188) cinq ans, la dynastie mérovingienne , et ses fils, respectés et obéis en Neustrie, se seraient décidés, après une année entière d'une domination puissante et glorieuse, à relever un trône dont ils étaient si jaloux! Ils l’auraient fait spon- lanément, sans y être portés par l'influence des événe- men{s, s'amusant à créer un roi en 745 pour se donner le plaisir de le renverser en 752/{1)! Ceci ne s’expliquerait point. Nous aimons bien mieux supposer avec Adrien de Valois, qu'ils sacrifièrent un peu de pouvoir, afin dé sou- lever contre eux un peu moins de haine (2). | | Notre texte nous fait aussi comprendre comment le principat fut commun entre Carloman et Pepin tant que dura la lutte, de même que, plus tard encore, ils réuni- rent leurs forces toutes les fois qu’ils eurent des. enne- mis à combattre. Nous ne découvrons rien qui s'oppose à notre opinion, ni dans les chartes connues depuis longtemps, ni dans celles de Weissemburg publiées plus récemment. En effet, si trois chartes du monastère de Weissemburg, du 1* décembre 741, du 19 mars et du 15 juin 742, portent le nom seul de Carloman , ceci s’ex- plique parfaitement par ce que nous avons déjà dit de la direction du gouvernement par Carloman pendant les pre- miers mois qui suivirent la mort de Charles Martel, et ce qui prouve que notre explication est fondée, c'est qu'il existe une autre charte du même monastère, du 27 mai 742, où sont nommés Carloman et Pepin, în anno primo (1) Tanta mutatio majoribus-domus non poluil non displicere. Hu- jus consilii primos authores non existimamus majores-domus, regium enim titulum ipsi ambiebant. (Lecointe, Ann. eccl. Francor., Y.p. 102) (2) Cujus nomine , si non majore cum auctorilate ac potestate, saltem minore cum invidia regnarent. (Adr. Vales.) ( 189 ) principatuum Carolomanno et Pippino. N’est-1l pas, d’ail- leurs, fait mention du partage entre Carloman et Pepin dans ces mêmes chartes de Weissemburg ? Un diplôme royal nous offrira une preuve tout oppo- sée. Lorsque le dernier roi mérovingien, Childérie HF, qui a osé se passer de maire du palais, obtient des derniers maires du palais une couronne sur laquelle ils veilleront seuls, où ceci se passe-t-il? Évidemment en Neustrie. Qui le place sur le trône? Est-ce Pepin qu'on nous représente comme gouvernant seul la Neustrie depuis le mois d’oc- tobre 741 ? Non, c’est Carloman. Childérie HT le déclare dans un de ses diplômes : Hildricus, rex Francorum, viro inclito Karlomanno, majori-domus, qui nobis in soliuin regni instituit (1). Et si maintenant nous appliquons spécialement à la question qui concerne le lieu de la naissance de Charle- magne, quelques déductions basées sur les faits généraux que nous avons exposés comme ils nous apparaissaient à travers l'obscurité préméditée des témoignages historiques, n'en résulle-t-1l pas qu'au mois d'avril 742, le principat n'était pas partagé entre Carloman et son jeune frère, et qu'il ne pouvait pas l'être, puisque leur autorité n'était pas encore reconnue en Neustrie ? Nen faut-il pas aussi conclure que la présence de Pepin dans nos provinces à la même époque est hors de doute, puigue, lors même que nous rejelterions la légende de saint Eucher et le concile de Lepünes, nous devrions reconnaitre que ce fut en Aus- trasie que Pepin réunit avec son frère l'armée qui châtia les mauvais desseins des Franes de Neustrie et les usur- (1) Pardessus, Dipl. 71, p. 587. ( 490 ) pations des tyrans d'Aquitaine? Aix n'existe pas encore (4) ; les Saxons menacent le Rhin; une sœur de Griffon soulève la Bavière; la Neustrie s'abandonne tout entière au culte de ses vieux souvenirs qui lui montrent, sur le front de deux générations arrachées du cloître, ombre de la longue chevelure de Mérovée. À l'Austrasie l'honneur de voir s'élever de son sein celui qui, à sa naissance, n’eüt trouvé en Bavière ou en Neustrie que la haine et le dédain. Une année suffira pour relever la fortune des Carlovin- giens. Au mois d'avril 745, rien ne manque à leurs succès ni à leur gloire. Gloriosi germani, porte l’annotation de celte année dans les annales de Meiz; mais, au mois d'avril 742, ils n'étaient encore que les héritiers douteux d'un principat qui avait soulevé de redoutables inimitiés, et les forêts de l’Ardenne, qui avaient protégé la Jeunesse de Charles Martel, voilaient de leurs ombres épaisses le ber- ceau de cet enfant qui, après avoir soumis tout l'Occident par la force des armes, devait mourir, au milieu des mer- veilles d'une nouvelle cité impériale, en formant le projet de relever les ruines de Jérusalem, de Rome et de Car- thage. (1) Les MSS. n° 1,639, 1,640 et 7,509 de la Bibliothèque de Bourgogne renferment tous les actes de la translation des restes de Charlemagne faite, en 1165, par l’empereur Frédéric 1‘, et l’on y trouve jointe une vie de Charlemagne composée à cette époque; mais je n’y ai rien découvert qui rappelât les prétentions qu’Aix fonde sur une phrase du moine de Saint-Gall, à moins qu'on ne veuille, bien à tort selon moi, interpréter en ce sens le premier verset d’une hymne : Laetare, pia mater, Aquensis ecclesia. (191) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 4 février 1858. M. G. Ggers, directeur. M. An. QueteLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, De Keyzer, Fr. Fétis, Leys, Navez, Roelandt, Eugène Simonis, Suys, Van Hasselt, Jos. Geefs, Erin Corr, Snel, Fraikin, Ed. Fétis, De Bus- scher, Portaels, membres; Calamatta, associé; Alp. Balat, Demanet, correspondants. Hs M. Kervyn de Lettenhove, correspondant de la classe des lettres, assiste à la séance. a = CORRESPONDANCE. MM. Duret, Rietschel, Picot et Martinet, récemment nommés associés de l’Académie, expriment leurs remer- ciments. — Un membre fait connaître que M. Raucbh, associé de la section de sculpture, est mort à Berlin, dans le cours du mois de décembre dernier. — M. le Ministre de l'intérieur écrit que la pension de 2,500 francs, instituée par arrêté royal du 19 septembre ( 192) 1840, vient d'être accordée, pendant quatre années, au sieur Benoît, de Harlebeke, lauréat du grand concours de composition musicale de 1857, pour le mettre à même d'aller à l'étranger se perfectionner dans Part musical. D'après une autre lettre de M. le Ministre de l’intérieur, M. Demol, lauréat du grand concours de composition mu- sicale pour 1855, a été autorisé à séjourner à Paris, où il a passé les deux dernières années. Le Gouvernement désire connaître où cet artiste devrait être envoyé ultérieurement. Par une troisième lettre, M. le Ministre de l’intérieur invite la classe à examiner s’il convient de modifier la série des sujets d'examen exigés des concurrents pour le grand prix de sculpture à Rome. Après quelques observations, celle demande est renvoyée à la commission de l’Académie précédemment nommée pour cet objet et qui se compose de MM. Partoes, Roelandt, Suys, Ad. Quetelet et Alvin, rapporteur, auxquels s’adjoindront MM. Balat et le colonel Demanet. La commission est invitée, vu l'urgence, à présenter son rapport dans la prochaine séance. SRE RAPPORTS. me M. Alvin fait connaître que la commission pour la fon- dation d'une école belge à Rome n'est pas encore en mesure de présenter son rapport; ce travail a pris plus d'extension qu'il ne semblait en avoir d’abord, et le rap- port définitif ne pourra guère être présenté que dans une des prochaines séances. (#95 ) — M. Ed. Fétis, secrétaire de la Caisse centrale des ar- tistes belges, lit ensuite son rapport annuel sur la situation de la Caisse pendant le cours de l’année 1857. L’avoir s'élève actuellement à plus de 55,000 francs, dont 5,605 ont été perçus dans le cours de l’année dernière. S. M. le Roi a contribué à ce subside pour une somme de 1,000 francs, etS. A. R. le duc de Brabant pour 509 francs. « C'est au Roi, dit le rapport, que doivent s’adresser nos premiers Lémoignages de gratitude. Dès le jour où la Caisse fut fondée, Sa Majesté l’a généreusement dotée d’un sub- side qui s'est renouvelé d'année en année et qui a contri- bué , pour une grande part, à constituer le capital qu'eile possède. » Cette Caisse, fondée et soutenue en grande partie par les soins de l'Académie, est principalement destinée à aider les artistes tombés dans le malheur. | COMMUNICATIONS ET LECTURES. m--—— François Millet, notice.par M. Ed. Fétis, membre de l'Académie. François Millet, généralement connu sous le nom dé Francisque , est né en 1644, à Anvers où son père, habile tourneur en ivoire, originaire de Dijon , était venu s'établir, à ce que rapportent plusieurs biographes. II entra fort jeune dans l'atelier de Laurent Franck ou Francken, un des membres de la nombreuse famille d'artistes dont les annalistes de l’école d'Anvers ne sont 2° SÉRIE, TOME IV, 45 (-194 ) pas encore parvenus à reconstituer la généalogie. d’une manière précise. Son maître commença par lui faire des- siner la figure ; mais, voyant qu’il avait plus de penchant pour le paysage, il le laissa se livrer à son genre favori. François Millet perdit son père avant d’avoir terminé ses études et de pouvoir se suffire à lui-même. Orphelin, sans ressources, il était menacé de devoir renoncer à une car: rière qui S'annonçait sous des auspices favorables, mais qui ne lui offrait pas des moyens d'existence immédiats. Laurent Franck avait heureusement conçu pour lui une affection paternelle. Ce digne maître le recueillit dans sa maison et le traita non comme un élève, mais comme un fils. Ayant résolu de quitter Anvers pour aller se fixer à Paris où il savait que les peintres flamands étaient en fa- veur, Franck emmena son jeune disciple, dont il espérait voir grandir le talent et la fortune sur ce nouveau théâtre. Plusieurs biographes français ont parlé d'un voyage que Millet aurait fait en Italie, et ce qui leur a sans doute fait commettre cette erreur, c'est que le style de notre artiste offre beaucoup d’analogie avec celui des paysages du Pous- sin. Îl est certain cependant que Millet ne visita point la terre classique des arts. Lié d'une étroite amitié avec Abraham Genoels, ainsi que nous l’avons dit dans la bio- graphie de cet artiste, il avait formé le projet de l'accom- pagner dans son voyage à Rome; mais une affaire de cœur en décida autrement. Laurent Franck avait une fille. Au- tant par amour que par reconnaissance, François Mallet demanda sa main et l’obtint. I n’était âgé que de dix-huit ans à l’époque où se conclut ce mariage qui enchaïnait désormais sa liberté et qui l’empêchait de songer à de lointaines pérégrinalions. Si François Millet n’étudia pas le style du Poussin en ( 495 ) Italie, 1 travailla beaucoup d'après ce maître sans quitter Paris. Le riche banquier allemand Jabach, possesseur de l’une des collections de tableaux et de dessins les plus pré- cieuses qu'il y ait eu en France au XVIF”®* siècle, accorda au jeune peintre flamand un libre accès dans sa galerie el l’autorisa à y étudier à loisir. François Millet s’attacha principalement à copier de superbes paysages du Poussin pour lesquels il s'était senti de prime abord un penchant très-vif, et qui lui paraissaient résumer les plus hautes qualités du genre de peinture auquel il avait résolu de consacrer son talent. Telle est l’origine de l’analogie qu'on remarque entre sa manière de composer et celle du Pous- sin, analogie frappante d’où les critiques ont dû se croire fondés à conclure qu'il avait visité l'Italie. De quelque talent que François Millet ait fait preuve,on ne peut nier qu'il n'ait pris un point de départ faux, lors- qu'il étudia les œuvres du Poussin avec l'intention de les imiter, et lorsqu'il conçut l'étrange projet de peindre des sites qu'il n'avait pas vus. El a fallu qu’il déployàtunegrande adresse dans ses pastiches, pour faire supposer qu'ilsétaient le fruit d'une observation directe; mais 1l eût pris un rang bien plus élevé parmi les paysagisies, si, au lieu de voir la nature par les yeux d'autrui, il s'était inspiré de ses beau- tés réelles et inépuisables. L'abus qu'il fit d’une sorte de faculté d'intuition fut l'obstacle devant lequel s'arrêta l’essor de son talent. Cette cause des imperfections de ses ouvrages est toute simple et semble s'indiquer d'elle-même. Elle a cependant été passée sous silence ou mal définie par les critiques, qui ont cherché à expliquer ses défauts par d’autres motifs. Lévesque, par exemple, s'exprime ainsi, dans le Dictionnaire de peinture qu’il a publié en collabo- ration avec Watelet : « Francisque Milé peignoit en grand | ( 196 }) le paysage et chercha à imiter le Poussin. Ses tableaux peuvent être considérés comme faisant un genre mixte d'histoire et de paysage, et c'est comme peintre d'histoire qu'il a été reçu à l'Académie royale de peinture de Paris et qu'il y est devenu professeur. Il avoit une mémoire heu- reuse, et quoiqu'il fit d'après nature des études pour ses paysages, c’éloit de mémoire qu'il les colorioit et qu’il ren- doit avec vérité les tons qu'il avoit observés. Il faut avouer cependant que celte pratique dangereuse l’a fait tomber dans l'égalité de couleur. » La courte notice que nous venons de transcrire ren- ferme plusieurs erreurs : nous les relèverons plus loin. En ce moment, nous insisterons sur ce point seulement, que la véritable cause des défauts de François Millet fut mé- connue, même par les écrivains qui ne parlent pas du pré- tendu voyage d'Italie et qui ne songent pas à le blâmer d'avoir reproduit des sites dont il n'avait jamais approché. Si, comme le dit Lévesque, une des autorités du XVIII" siècle en fait d'art, il faisait des études d’après nature pour ses paysages, c’est tout ce qu'on pouvait exiger de Jui. Il les coloriait de mémoire, ajoute le critique; mais jamais pay- sagiste s’y est-il pris autrement; jamais a-t-il exécuté ses tableaux en pleine campagne? François Millet n’a pas co- lorié ses paysages de mémoire, voilà le mal. La mémoire n'avait rien de commun avec sa manière d'opérer, puis- qu'il n'avait pas même entrevu les contrées auxquelles 1l était censé emprunter les motifs de ses tableaux. D'Argenville vante également la mémoire et la grande facilité de notre artiste : « Sa mémoire étoit si heureuse dit le biographe français, qu'il peignoit tout ce quil Ho vu, soit dans la nature, soit dans les ouvrages des grands peintres, aussi facilement que s’il les eût eus devant les ( 497 ) yeux. Sa manière, extrêmement facile et agréable, ne tarda guère à le faire remarquer. Ses sites sont beaux et son feuiller est de bon goût; mais 1l ne paignoit rien d’après nature. Ses compositions partoient d’un génie fécond et le seul caprice les dictoit. » Cette critique est plus raisonnée que celle de Lévesque: Francois Millet a trop de penchant à se souvenir des ouvrages des maîtres. Lorsqu'il peint, il ne suit pas d'autre guide que son caprice. C’est, du reste, un artiste fécond dans ses inventions. Hagedornn, le judicieux théoricien allemand, qui s’est particulièrement oceupé de la peinture du paysage, s’ex- prime de la manière suivante, sur le compte de Millet, dans ses Réflexions sur la peinture : « François Millet, surnommé Francisque, hérita du goût et de la touche des artistes précédents {Claude Lorrain, le Poussin et Gasp. Dughet). Rien de plus sage que le choix de ses motifs par- faitement liés. Ses fabriques sont groupées d'une manière. très-entendue et ses figures sont bien dessinées. La beauté de ses compositions est complétée par l'harmonie des teintes. Cependant, les devants de Ses grands tableaux laissent désirer une touche plus moelleuse. Dans sa Lettre à un amateur, le même écrivain qualifie François Millet de fameux émule du Gaspre et parle de ses paysages avec une haute estime. Le talent du peintre anversois est jugé avec beaucoup d'équité par M. Deperthes, auteur de l'Histoire de l'art au paysage. Nous croyons devoir transcrire quelques lignes du passage qui le concerne, au risque de multiplier les citations. L'opinion favorable des critiques étrangers sur nos arlistes expatriés, est un des témoignages qu’on peut “invoquer à l'appui de leur mérite, parce qu’elle est, sans contredit, dégagée de toute prévention trop favorable. ( 198 ) « Aü premier aperçu, ainsi parle Deperthes, on recon- naît dans les paysages de Francisque une imagination poé- tique, des conceptions nobles , un style large, un dessin correct, une exécution facile. -— Peut-être laissent-ils à désirer une imitation plus fidèle de la nature, et, en cela, ils confirmeraient ce qu’on rapporte de l’usage où était Francisque de ne se fier qu’à ses réminiscences pour re- tracer les sites qui avaient frappé ses regards. En admet- tant ce que l’on raconte de la prodigieuse facilité de sa mémoire à laquelle il était redevable de ne jamais oublier les objets qu’il avait considérés attentivement, il n’y aurait pas lieu de s'étonner qu’en se rappelant parfaitement les masses, la majeure partie des détails eût échappé à ses souvenirs et que, par une suite inévilable, les caprices de l'imagination eussent quelquefois substitué, dans ses ta- bleaux, des beautés de convention aux beautés positives de la nature. » [Il est une autre observation à laquelle on doit encore s'arrêter. L’habitude que Francisque avait prise, dans sa jeunesse, de copier les paysages du Poussin et de se mode- ler sur eux, pour ainsi dire exclusivement, les lui avait rendus vraisemblablement assez familiers pour qu'au mo- ment où 1l s’occupait d’une composition, ils vinssent se retracer à sa pensée. Dès lors ces réminiscences agissant sur son esprit, pour ainsi dire à son insu, ont dû néces- sairement contribuer à établir entre la manière de son modèle et la sienne des rapports trop frappants pour que l’une, offrant limitation de la nature et l’autre une espèce de copie de cette imitation, le talent de Francisque, com- parativement à celui du Poussin, ne semble pas dépourvu de franchise et d'originalité. » « [l y aurait de l'injustice, ajoute l'écrivain, en pour- ( 199 ) suivant son analyse du talent de François Millet, à mé- connaître qu’en général les sites qu'il a retracés sont poétiques et imposants; qu'il a su les enrichir de beaux monuments antiques et les animer ingénieusement par des sujets empruntés à l’histoire et à la mythologie; que parfois son coloris est fin et harmonieux; que ses com- positions réunissent la grandeur à la simplicité; enfin,que, dans quelques-unes, 1l s'est approché du Poussin de ma- pière à laisser au premier coup d'œil les esprits dans l’in- décision et à les exposer à des méprises qu’ils ne sauraient éviter, à moins d'un tact sûr et d'une expérience consom- mée. » Cette appréciation, dictée par l'équité, fait loyalement et dans une juste mesure, la pari de la critique en même temps que celle de l'éloge. L'auteur de l'Histoire de l'art du paysage signale avec raison l'étude trop assidue que Fran- çois Millet avait faite des œuvres du Poussin et son ap- plication trop constante à les copier, comme ayant porté atleinte à son originalité. Il est incontestable qu'avec les facultés dont il était doué, 1l pouvait prétendre à un autre rôle que celui d’'habile imitateur. Nous ne lui adresserions pas le reproche banal d’avoir travaillé de mémoire, si, au lieu de se souvenir du style de tel ou tel maitre, 1l avait retracé des impressions personnelles. Des exemples qui font autorité nous ont appris qu'une mémoire heureuse jointe à la justesse de l'esprit d'observation, peul tenir lieu des études faites en présence des sites que reproduit le paysagiste. Tout le monde sait que Claude Lorrain n'a jamais copié dans la campagne un seul des motifs de ses tableaux. Il passait de longues heures à se promener, en examinant les aspects particuliers du paysage à de certaines heures du jour et, rentré dans son atelier, il ( 200 ) fixait sur la toile les images dont sa mémoire avait gardé une empreinte parfaite. C’est également ainsi que pro- cédait Rubens quand, par fantaisie, il peignait à grands traits des pages qui semblent détachées du livre de la nature. - Les tableaux de François Millet, très-recherchés de son temps, ont beaucoup baissé de valeur vénale. Cela tient-il à ce qu'ils ont été altérés par l’action du temps, ou bien à ce que leur mérite, ayant été exagéré d'abord, l'opinion des connaisseurs les a descendus à leur véritable niveau ? Ce n’est ni l’une ni l'autre de ces causes qui a amené leur dépréciation. Une modification capricicuse du goût en a seule décidé. Le paysage historique dans lequel artiste, sans négliger la vérité des aspects généraux de la nature, pouvait, devait même idéaliser le site où 1l plaçait quelque action tirée des traditions héroïques ou de celles de la Fable, ce paysage, qu’on plaçait jadis au premier rang du genre, est tombé dans un discrédit presque général, On n’admet plus que le paysage champêtre ou rustique. C’est ainsi qu’un genre règne presque toujours à l'exclusion d'un autre et que, lorsqu'on croit faire des conquêtes au profit de Part, on perd généralement en proportion de ce que l'on à acquis. La spéculation vient, pour cela, en aide à la versatilité naturelle du caractère humain, ainsi que cela est parfaitement expliqué dans le passage suivant, em- prunté à un auteur, excellent Juge en cette matière : « Francisque Milé est un exemple frappant des goûts et des modes passagères que la curiosité ou, pour mieux dire, que la cupidité des marchands introduit selon l'avantage et les bénélices qu’ils croient devoir trouver dans la vente des ouvrages des maitres dont ils sont les prôneurs. Ceux qui sauront apprécier l'art, verront dans Milé les divers ( 201 prineipes du sublime Poussin , le premier des paysagistes du monde. Partout ils verront l'art ennobli par la beauté des monuments antiques qui décorent ses productions. Tout concourt à retracer les plus beaux traits que la poésie et l’histoire nous offrent. Plus occupé de l'effet magique qu'il donnait à ses ouvrages, que des détails de chaque objet en particulier, il n’a vu la nature qu'en grand et son génie, élevé comme le siècle où il vivait, ne fut occupé que de grands travaux. Cet habile maitre jouit, dans son temps, de toute sa gloire; mais, aujourd'hui, si l’on voyait un Milé entre un Ruisdaal et un Winants, il faudroit l’ôter, parce que ses tons sont moins fins et que la nature n’y est . pas si bien imitée. Les grands génies ont souvent fait la part de l’envie. Toujours occupés de leurs savantes compo- sitions, ils ont été imilateurs peu fiuèles des petits détails de la nature. Quoi qu'il en soit, Milé mérite un rang dis- tingué et ses ouvrages peuvent orner à bon marché les plus riches cabinets, puisque les eu beaux n'excèdent guère 1200 livres. » L'auteur, qui parle en termes si chauds du mérite de François Millet, n'est pas un écrivain qu'on puisse citer pour l'élégance du style, mais c’est le connaisseur le plus expérimenté qu'ait eu la France. Est-il nécessaire d'ajouter qu'il s’agit de Lebrun? Peintre et marchand de tableaux, Lebrun n'avait pas seulement une merveilleuse sûreté de coup d'œil pour discerner les originaux des copies ei pour déterminer d'une manière précise la valeur matérielle des toiles qu'on lui soumettait, il possédait également l’instinet de l'artiste et jugeait les œuvres de peinture en homme de goût. Quand il signalait les manœuvres intéressées des marchands comme étant la cause des fluctuations du prix des tableaux , il parlait en homme sûr de son fait. ( 202 ) Les réactions injustes n’ont qu'un temps. Le paysage historique reprendra faveur, peut-être au détriment du paysage champêtre qui, à son tour, sera sacrifié arbitrai- rement, et la valeur des tableaux de François Millet se relèvera; mais les vrais amateurs n’attendront pas que leurs actions soient en hausse à la bourse de la curiosité, sil nous est permis d'employer cette expression aujour- d’hui consacrée, pour leur rendre l'estime qui leur est due. Les biographes parlent d’un voyage qué François Millet fit pour aller voir ses amis en Flandre. Suivant eux, l'artiste aurait fait, en même temps, des excursions en Hollande et en Angleterre. Partout où il s'arrêta et se fit connaitre par ses ouvrages, on voulut le retenir; mais il avait résolu de ne point changer de résidence et il revint à. Paris, ayant des commandes pour plusieurs années. Nous ne savons ce qu'il y a de fondé dans cette assertion, mais elle semble être confirmée par ce fait qu’on citait, dans le courant du siècle dernier, des tableaux de Millet comme se trouvant dans plusieurs collections importantes de la Hollande. | François Millet n’était pas seulement chargé de nom- breux travaux par les particuliers, il fut aussi employé à la décoration des résidences royales. Piganiol de la Force, en parlant, dans sa Description de Paris, de la chambre à coucher et du petit cabinet de Louis XIV, aux Tuileries, dit que « les paysages que l’on voit dans ces deux pièces sont de Francisque Millet, peintre flamand, très-habile paysagiste, » Le même écrivain, lorsqu'il mentionne les objets d'art qu'on remarque dans l'église de Saint-Nicolas du Chardonnet, nous apprénd que « le Sacrifice d'Abraham ct Élisée dans le désert, sont les sujets de deux tableaux qui sont entre les croisées de la grande chapelle et qui ont ( 205 ) été peints par Millet Francisque. Notre artiste, en même temps qu’il était renommé comme paysagiste, passait pour un bon peintre d'histoire, puisque des églises de Paris lui commandaient des compositions religieuses. Les bio- graphes l’affirmaient; les faits le prouvent. Voici maintenant que les faits semblent donner un dé- menti aux affirmations des biographes. Ceux-ci disent tous que Francisque Millet fut nommé membre de l’Académie de peinture, puis, bientôt après, promu au grade de pro- fesseur. L'un d'eux ajoute même que ce fut comme peintre d'histoire qu'il obtint cet honneur. Il nous serait certai- nement agréable de pouvoir certifier aussi que notre Anversois reçut de l’'Atadémie de peinture ces titres ho- norifiques; mais le faire serait nous mettre en contradic- tion avec la vérité. La Description de l’Académie royale des arts de peinture et de sculpture, par Guérin, secrétaire perpétuel de cette compagnie, mentionne les morceaux de réception faits par les académiciens jusqu'en 1715, date de la publication du livre, et le nom de François Millet n’y est pas cité. D'une autre part, M. L. Dussieux a donné, dans les Archives de l’art français, la liste chronologique des membres de l'Académie de peinture et de sculpture, depuis son origine (4° février 1648) jusqu'au 8 août 1793, date de sa suppression, et François Millet n’y anparaît pas davantage, soit comme membre de l’Académie, soit comme professeur. Il figure seulement, à la date de 1673, sur la liste des agréés qui ne sont pas devenus académiciens. D'où vient donc que les biographes et les historiens de la pein- ture aient été unanimes à dire que François Millet fut membre et professeur de l’Académie? Cette unanimité n’est ni une preuve, ni même une présomption de la réalité des choses, lorsqu'elle se rencontre chez des auteurs qui, ( 204 ) comme ceux du XVII" siècle, avaient l'habitude de se copier l’un l'autre, sans prendre la peine de contrôler l'exactitude des faits rapportés par leurs prédécesseurs, sans daigner même consulter les sources qu'ils avaient sous la main. L'erreur mise en circulation par un écrivain mal renseigné se propageait et finissait par être classée au nombre des vérités incontestables. Ce qui a pu tromper les biographes de François Millet, relativement à la qualité d'académicien qu'ils lui ont gratuitement attribuée, c’est que le fils de ce peintre, Jean-François Millet, également paysagiste, fut reçu membre effectif de l’Académie. Tou- tefois, la comparaison des dates aurait dû les mettre en garde contre cette méprise, car François Millet était mort en 4680 et la nomination de son fils est de l’année 1709. D'Argenville qui a donné une notice de quelque éten- due sur François Millet, dans son Abrégé de la vie des plus fameux peintres , cite une particularité bizarre de la vie de notre artiste. Nous la rapporterons à cause de sa singula- rité et sans y attacher, bien entendu, aucune importance. Après avoir parlé des voyages du peintre anversois dans les Pays-Bas, ainsi qu’en Angleterre, et fait mention desa prétendue nomination de professeur à l’Académie, le naïf écrivain ajoute : « On ne pouvait être plus laborieux que lui; sa générosité et sa charité étaient si grandes, que malgré le nombre de tableaux qui lui étaient commandés, il ne vivait pas à son aise. Il s'amusait , au lieu de peindre, à tailler des pierres pour sa petile maison de campagne à Bagnolet, près de Paris. » Il serait difficile de préciser ce qu'entend par là l'auteur de l’Abrégé de la vie des peintres. S'il veut dire que Millet fit le métier de tailleur de pierres, son allégation ne serait que plaisante. S'il faut conclure de ses paroles que l'habile paysagiste eut la fantaisie de a nd “er aies à HUE PCI RE SOU EU à + UT VER À ( 205 } quitler momentanément ses pinceaux pour faire de la sculpture décorative dans sa maison de campagne, nous dirons qu'il n’est fait mention nulle part ailleurs d'une particularité semblable. On n’a que des renseignements très-vagues sur la vie de François Millet. Sa mort même est environnée de cir- constances assez mystérieuses. D'après une opinion géné- ralement répandue et qui a été adoptée par les biographes, Millet fut empoisonné par des rivaux jaloux de son mérite et de sa renommée. L'un des écrivains qui attribuëèrent à un crime la fin prématurée de notre artiste fut Houbraken qui lui consacra une notice très-succincte dans son Groote Schouburgh der nederlantsche konstschilders en schilde- ressen. Cette notice fut écrite, d’après ce que l’auteur nous apprend, au moyen de quelques indications contenues dans une lettre qu’il reçut de Genoels. Celui-ci, qui avait été l'ami et le compagnon d’études de François Millet, au- rait pu combler les lacunes qu'on regrette de trouver dans sa biographie; mais il se borna à transmettre à Houbraken des banalités qui n’apprennent presque rien sur son la- lent et rien sur les événements de sa vie. Il dit qu’étant arrivé à Paris en 1659, il trouva François Millet, jeune homme de 17 ans, installé chez Laurent Franck, son neveu à lui Genoels. Houbraken fait remarquer que si Millet avait 17 ans en 1659, il y aurait une différence de deux années entre la véritable date de sa naissance et celle à laquelle on la fixe habituellement. Le millésime 1642 de- vrait être substitué à celui de 1644; mais c’est en 1716 que Genoels écrivait à Houbraken, en recueillant des sou- venirs de cinquante-sept années. [l peut s'être trompé. Le seul point sur lequel il insiste, en parlant de Millet, c’est cette mémoire dont tous les critiques font mention et qui ( 206 ) parait avoir été véritablement chez lui une faculté extraor- dinaire. Genoels raconte que, travaillant avec lui à Paris, il observa qu'il lui suffisait de voir une seule fois un objet pour pouvoir le reproduire de souvenir, comme s'il l’avait eu sous les yeux, en sorte que, lorsqu'il peignait d’après un tableau, il ne prenait que rarement la peine de tourner la tête vers son modèle, ce qui n’empêchait pas la FA d'être parfaite. Houbraken dit qu'au moment où Millet rendit le dernier soupir, son corps élait noir et comme carbonisé. De ce fait, que rien ne garantit d'ailleurs, à une supposilion d'empoisonnement , il n’y a qu’un pas, De la supposition à l'affirmation, la distance est moindre encore : « On pré- tend , c’est d’Argenville qui parle, que quelques peintres, jaloux de sa réputation, abrégérent ses jours par un poison qui le rendit fou et qu'il mourut dans cet état à Paris àgé de trente-sept ans. » Descamps reproduit la même ver- sion. Après avoir parlé de la nomination de Millet comme professeur à l’Académie, il ajoute : « Cette distinction mit le sceau à sa réputation et augmenta tellement le nombre de ses envieux, qu’on assure qu’il mourut à Paris, en 1680, à 56 ans, d’un poison qui l'avait rendu fou. » II n’est pas une biographie de Millet où ce bruit de l'empoi- sonnement du peintre anversois ne trouve un écho. De- perthes l’aceueille, à son tour, dans l'Histoire de l'art du paysage et fait à ce sujet les réflexions suivantes : « On ne se rappellera point la fin prématurée d'un peintre qui fut, peut-être, de même que le Dominiquin, une nouvelle vie- time des fureurs de l'envie, sans le plaindre d’avoir partagé la triste destinée d'une foule d'artistes célèbres moissonnés, comme lui, au milieu de leurs plus brillants succès: et à un âge où les chefs-d'œunvre qu’ils avaient déjà mis au ( 207 ) jour étaient les gages assurés de ceux qu'ils auraient pro- duits par la suite. » | En dépit de tous ces attendrissernents sur le destin fatal d’une victime de l'envie, nous avons beaucoup de peine à croire que la mort de François Millet ait été le résultat d’un crime, C'était un artiste de grand talent et justement renommé parmi les paysagistes de son temps; mais ce n’était pas un de ces hommes de génie qui ont le privilége de faire naître autour d'eux d’implacables jalousies. Fran- çois Millet mourut donc très-vraisemblablement d'une ma- nière naturelle, quoique prématurée. Sa fin arriva en 1680; il était àgé de trente-six ans et fut inhumé dans le cimetière de l’église paroissiale de S'-Nicolas des Champs. François Millet a été nommé des différentes manières que voici, dans les biographies et dans les histoires de la peinture : Milet, Milé, Millé, Milée, Millée. En France on ne le connaissait que sous le nom de Francisque, qui fut aussi donné à ses fils Jean-François et Henri Millet. La véritable orthographe de son nom est Millet, car c’est ainsi qu'il a signé sur le registre d’après lequel M. Dussieux a publié, dans les Archives de l'art français, la liste des mem- bres de l’Académie, où il figure en qualité d'agréé. L'ancienne collection du roi de France possédait onze paysages de François Millet. On n’en trouve plus un seul au Louvre. Que sont-ils devenus? Or l'ignore. [ls auront subi le sort de tant d’autres œuvres remarquables des dif- férentes écoles dispersées pendant l’orage révolutionnaire. Il existe des tableaux de Millet dans les galeries publiques suivantes : Galerie de Dresde. 1° Paysage avec une tour ronde. Sur le premier plan un homme et une femme avec un enfant que cette dernière tient par la main. 2° Un homme couvert ( 208 ) d'une armure et tenant un pistolet de la main droite. — Nous ne mentionnons ce tableau que parce qu'il figure au catalogue de la galerie de Dresde; mais nous croyons fer- mement à une fausse attribution. D'abord jamais François Millet n’a traité de sujet semblable. En second lieu, le ré- dacteur du catalogue dit que le tableau en question pour- rait être de Gonzalès Coques. Comme 1l n’y avait aucune analogie entre la manière de l’un des peintres et celle de l’autre, l'erreur est évidente. | Musée de Munich. 1° Paysage italien avec édifices anti- ques ; au premier plan un berger conduisant un troupeau de moutons. 2° Paysage avec vue sur la mer; près du rivage s'élèvent des montagnes escarpées; on remarque sur le de- vant une femme cueillant des fruits pour les donner, sans doute, à ses enfants qui sont couchés à l'ombre d’un bou- quet d'arbres. 5° Paysage avec des vignerons faisant la vendange. Galerie Leuchtenberg, à Munich. Paysage du plus bel aspect où l’on voit Jésus-Christ assis près d’une fontaine et parlant à la Samaritaine agenouillée devant lui. | Musée de Bordeaux. Paysage avec les ruines d’une ville antique; au premier plan, une femme debout et parlant à un homme qui est assis. Tableau provenant de la collec- tion du marquis de Lacaze. | Musée de Bruxelles. Repos de la sainte Famille en Égypte. Petite toile en ovale de fort peu d'importance et qui ne donne qu’une faible idée du mérite du maître. Les catalogues des autres galeries publiques de l’Europe ne citent pas de tableaux de François Millet; quant aux œuvres de nos artistes qui se trouvent dans les cabinets d'amateurs , nous avons dit déjà, dans des notices précé- dentes, que nous nous.abstenions de les indiquer. 4 x £ d'Lé PEL PE, D ar nat 7 À oder Ta er tt nt Sd 6 DS ee D et Du As éd Dé ( 209 ) François Millet a laissé un assez grand nombre de des- sins qui, de son temps, étaient fort recherchés. I s’en trouvait dans la plupart des grandes collections d’ama- teur, en France. Ses pièces capitales de ce genre étaient dans les célèbres cabinets de Paignon-Dijonval et de Lo- rengère. Ces dessins étaient, en général, lavés à la san- guine ou bien faits à la plume et lavés d'encre. François Millet s’est essayé dans la gravure à l’eau- forte. On a de lui trois planches qui sont excessivement rares et qu'on a vues pour la première fois réunies dans la riche collection du comte Rigal. Nous croyons devoir en repro- duire la descripuon d'après le catalogue des estampes de cel amateur : 1° Les deux Amants. Paysage coupé par un chemin où une femme appuyée sur un vase, et un homme qui semble lui parler, sont assis au pied d’un grand arbre qui s'élève, vers le milieu de l’estampe, jusqu'au bord supérieur de la planche. Au fond, à gauche, un temple en rotonde; au milieu , des fabriques et, à droite, deux personnes de bout à côté d'un troupeau. 2 Le Voyageur. Vue d'une campagne où un homme, le” bâton à la main et chargé d'un paquet, s'avance sur une route au bas du milieu de l’estampe. A droite, de grands arbres; un homme et une femme sont assis à terre, au revers d’une colline. Du côté opposé, dans l'éloignement, deux personnes marchent en avant de belles fabriques composées d’une pyramide, de deux tours carrées.et d’une grande arcade. ° Ville antique. Vue d'une ville antique ; près de là, à gauche, au sommet d'une colline, un monument à quatre colonnes isolées. Dans le fond, de hautes montagnes, un ruisseau serpente àtravers les campagnes qui précèdent la QM SÉRIE, TOME IV. 14 (20 ) ville, et, de ses eaux, vient baigner une partie des premiers plans où est un pêcheur. La première deces troisestampes est marquée d’un F. et d'un M entrelacés avec le mot abrégé in gravé à rebours. La seconde est sans marque, ainsi que la troisième qui paraît être l’essai du maître.« Ces pièces, dit M. Robert-Dumesnil, à l’article de François Millet, dans le Peintre-Graveur fran- çais, sont d'une pointe qui rappelle celle dont s’est servi Abraham Genoels, dans les planches qu’il à gravées à Rome. » | Un certain nombre de compositions de François Millet ont été gravées à l’eau-forte par un artiste qui a signé ses planches du nom de Théodore. Qui était ce Théodore? un élève de Millet, à ce qu’assure Florent le Comte, sans rien ajouter qui puisse nous le faire mieux connaître. Bartsch dit qu'on ne sait rien de Théodore, si ce n’est qu'il a été | un très-habile peintre de paysages. Ce serait déjà quelque chose; mais le fait est que cela même, on l’ignore, attendu qu'on ne peut accepter une telle affirmation sans preuves, et qu'on ne connait aucun tableau qui fasse connaître Théodore comme peintre. La seule chose qui soit hors de doute, c’est que les eaux-fortes signées de ce nom et re- produisant des peintures ou des dessins de François Millet, sont gravées d’une pointe facile etspirituelle. Ici, du moins, nous avons un témoignage authentique du mérite de l’ar- tiste. Les pièces gravées par Théodore d'après François Millet sont au nombre de vingt-huit. Basan en portait le chiffre à quarante-deux ; mais son évaluation était arbi- traire : Bartsch, qui ne cite pas au hasard, mais qui décrit de visu, n'indique que vingt-huit estampes, et Robert Dumesnil publie de nouveau sa liste explicative, sans au- cune addition. Le nom de Millet ne se trouve pas sur les (ENT estampes gravées par Théodore; mais toutes portent celui de Francisque sous lequel notre artiste était, comme nous l'avons dit, connu en France. En examinant l’œuvre gravé de François Millet, à défaut de ses tableaux qui sont devenus rares, parce qu'ils ont été sans doute baptisés par les spéculateurs de noms plus célèbres que le sien, on voit que le peintre anversois, se conformant au goût de son temps, s’attachait à donner à ses paysages un intérêt indépendant de celui de limi- tation de la nature. Il ne croit pas qu’un site pittores- que soit déparé par des personnages s’élevant au-dessus de la condition vulgaire et concourant à une action dont le sujet est tiré des poëtes ou de l’histoire. Parfois il re- présente des épisodes bibliques, comme Moïse sauvé du Nil, la Fuite en Égypte, Jésus-Christ et la Cananéenne ; parfois aussi c’est de la mythologie qu’il s'inspire, ainsi que dans les Filles de Cécrops, dans Céphale et Procris. Souvent aussi il reste dans la sphère des aspects exclusi- vement champêtres ; témoin les compositions du Pécheur, des Deux Bergers, de l'Orage, des Chevaux au qué, du Petit Bateau. Etait-ce sortir de la réalité érigée de nos jours en système, que d'ajouter, ainsi que François Millet l’a fait dans la Réveuse, l'attrait d'une pensée poétique à celui d’us beau paysage? La poésie, Dieu merci, est dans la nature. Bien à plaindre sont ceux qui le contesteraient,. François Millet laissa deux fils qui cultivèrent la peis- lure.et trailèrent le même genre que lui; mais qui furent loin de l’égaler, bien qu'ils aient obtenu l’un et FAURE le titre d’académiciens. RRQ À D AR (22 ) Note sur le monument d'Hugonet ; par M. E. De Busscher, membre de l’Académie. Les journaux ont mentionné, ces jours derniers, la dé- couverte faite, à Gand, dans l’ex-oratoire des Carmes chaussés, de l’épitaphe où monument funéraire du célèbre chancelier de Charles le Téméraire, messire Hugonet, qui fut décapité par les Gantois avec le sire d'Hambercourt, malgré les supplications de Marie de Bourgogne, le 3 avril 4477. C'était sur le marché du Vendredi, et non devant le château des Comtes, comme nous le montre, à tort, le grandissime tableau de M. Wauters, à la bibliothèque de Gand. L'annonce de cette intéressante découverte émut tous ceux qui attachent du prix aux vieux souvenirs de nos annales flamandes. Malheureusement, il y avait erreur et méprise. L’épitaphe retrouvée était du X VIT" siècle ‘et non du XV°* : ce n’était pas celle du sire Hugonet, mais tout simplement celle de messire Philippe de Bisscop qui, de 1586 à 1625, fut sept fois échevin de Gand, cinq fois re- ceveur communal du droit d’issue, six fois receveur des deniers des travaux publics. Le digne magistrat qui dotà les hospices et les écoles de la cité gantoise et fat, comme le dit l’inseription de son monument , utile aux indigents, même après sa mort : Ulilis miseris etiam morluus , décéda le 29 avril 1693. Le petit monument, construit en forme de chapelle, est en marbre noir, à colonnettes de marbre rougeûtre, et l'inscription latine, en lettres dorées, est taillée dans une tablette de pierre de touche. Dans la chapelle, au- ( 218 ) dessus de l'inscription, se voyait jadis la statuette de Phi- lippe de Bisscop, agenouillé devant un prie-Dieu. Il était en riche costume de la fin du XVI"® siècle, avec la tunique el le manteau. En 1842, ce monument funéraire était en- core intact, aujourd” int la statuette y manque. On ignore ce qu’elle est devenue, en quelles mains elle est passée. M. Aug. Vanhoorebeke a donné l'inscription du monu- ment de Philippe Bisscop, dans son Recueil d'épitaphes, manuserit de la bibliothèque de Gand. La méprise avait été amenée tout naturellement. L'an des descendants de la lignée du sire Hugonet, le c'° de P‘*, habitant le département du Jura, en France, avait lu, dans un de ses documents de famille, que lillustre chancelier de Bourgogne, son ancêtre, avait élé enterré, après sa décapitation , dans l’église des Carmes à Gand, particula- rité qui nous est, en effet, confirmée par le Memorie-Boek der stad Ghent (Livre mémorial de Gand) (4). M. de P** était arrivé en cette ville et, après s'être adressé à l’autorité ec- clésiastique el à à plusieurs personnes réputées pour leurs connaissances en histoire locale, il s'était rendu avec l’une d'elles à l’ancienne église des Carmes chaussés, qui sert aujourd’hui de magasin. Là, à une hauteur de dix à douze pieds, derrière un amas de balles de coton, l’on avait aperçu Ja petite chapelle en marbre qui fut prise pour le monument ou l’épitaphe du chancelier Hugonet. M, le (1) ’Sachternoens (van Witten Donderdach) waren zy brocht (myn- heer Hugonet en den graef van Humbercourt) up de Frydachmaert up een schavaut daer alle de neeringhen in de wapenen stonden, daer eerst onthooft was mynheere den chanselier van Burgondien, ende was TE GRAVE GHEDREGHEN , Met vyftich tortsen, ende BEGRAVEN T'ONZE VRAUWEN- BnoERs, (Wemorie-Boek van Ghent, p. 501, t. Ir.) (244) c* de P""” quitta Gand avec la satisfaction d’avoir atteint le but de son voyage, d’avoir réussi dans ses recherches, et l'on projeta de transférer le monument dans l’église des Augustins, où des souvenirs historiques marquaient en _ quelque sorte sa place. Mais tout, en ce monde, jusqu’à la déconvenue, a quel- quefois son bon côté. La méprise actuelle fut utile : elle attira l'attentiof et l'investigalion sur l'antique oratoire des Frères de Notre- Dame (Onze Lieve Vrouwe-Broeders), et, en allant se con- vaincre du succès ou de l'erreur du comte de P***, on dé- couvrit sur les murs latéraux de l’église des traces de très-anciennes peintures murales, sous une double ou triple couche de badigeon. M. Canneel , professeur-direc- teur de l’Académie de dessin, se mit aussitôt à l’œuvre, et, au moyen d'un couteau de-palette, il détacha le badi- geon sur une surface d'environ trois mètres. L'épaisse couche de badigeon céda assez facilement, et, en tombant, mit à nu d’abord la tête, belle et caractérisée, ensuite le haut du corps, jusqu'à la ceinture, d’un saint moine, ou plutôt d’un abbé, puisqu'il tient une crosse et qu'il a la tête entourée d’un nimbe d'or. Après, vint un ange avec de grandes ailes et une ample banderole sur laquelle sont des caractères gothiques, offrant en langue latine, pour autant qu'on puisse en juger jusqu'ici, une inscription mystique. La peinture murale est en détrempe; elle date du XV” siècle, et certaines couleurs, le rouge, par exemple, ont encore de l'éclat, de la fraicheur même. Les figures sont de grandeur naturelle. L'abbé est en robe noire, et il a la tête rasée, IL porte dans la main gauche un livre d'heures, manuserit relié en velours cramoisi. Ce personnage se détache sur une (25) tenture d’étoffe rougeàtre, damassée, à petits ornements gothiques, dans lesquels est répété un M majuscule du XIV®=-XV®e siècle. L'ange, placé de face, au milieu d’un berceaü de verdure, a une physionomie semi-féminine; ses cheveux châtains sont bouclés tout autour de la tête. Sur sa poitrine, se voit une agrafe ornée de pierreries, qui re- tient sur les épaules un manteau brodé et galonné d'or. À l'extrémité de la composition, à droite, s'aperçoit, dans l'éloignement, une ville : on en distingue des bâtiments et une tour de très-petite dimension. Au-dessus de l’enca- drement du tableau mural, dans un fond peinturé au ver- millon , est une tablette à inscription. Il y a encore des fragments de lettres gothiques, mais la couleur noire tombe en poussière dès qu’on y touche. Il est probable que tous les murs latéraux de l'oratoire sont couverts de semblables peintures sous le badigeon; mais elles doivent être fortement endommagées par les entailles faites lors du placement des confessionnaux, qui, plus tard, furent posés contre ces murailles. Le fond de l’oratoire laisse apercevoir des peintures architecturales. La commission des monuments de Gand a délégué plu- sieurs de ses membres pour surveiller les travaux à effec- tuer, afin d'y découvrir le plus qu'il sera possible de ces peintures murales. Comme il ne peut être question ni de restauration ni de conservation, l’on prendra des copies exactes des parties qui le mériteront, et l’on tàchera d'en rechercher l’origine, après en avoir constaté l’existence et la valeur artistique et archéologique. (26) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Compte rendu des travaux du conseil de salubrité publique de la province de Liége, pendant l'année 1857; par M. A. Spring. Liége, 1858; 1 broch. in-8°. Revue des minéraux artificiels pyrogénés, et particulièrement des produits d'usine cristallisés, par Ad. Gurlt; traduit par G. Dewalque. Liége, 1858; 1 broch. in-8°. Roland de Lattre; sa vie, ses ouvrages; par Adolphe Mathieu. _ Gand, 1850; 1 broch. in-8°. Biographie de Thierry Martens, d'Alost, premier imprimeur de la Belgique; par M. Van Iseghem. Malines-Alost, 1852; 1 vol. in-8°. Annales de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand. 1857-1858; 2% live. Gand, 1858 ; 1 broch. in-8°. Revue de l'administration et du droit administratif de la Bel- gique. Tome IV, 8% à 12% livr, Liége, 1857; 1 cahier in-4. L'Abeille; publiée par Th. Braun. II" année, 9m à 19me Jivr, Bruxelles, 4857; 4 broch. in-8°. Essai de tablettes liégeoises; par Alb. d'Otreppe de Bouvette. 99me livr. Liége, 1858 ; 1 broch. in-8°. Portefeuille de John Cockerill. Livraisons 27 à 34. Paris- Liége, 1857; in-4°. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. 2% série. Tome Ie, N° 1 à 3. Bruxelles, 1857; 3 broch. in-8. Archives belges de médecine militaire. Tome XX", Bme et 6me cahiers. Bruxelles, 4857; 1 broch. in-&, | Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. XVI® année. 8% à 19% Jivr. Bruges, 1857; 4 broch. in-8°. Société de l'histoire de France à Paris : Mémoires de Mathieu Molé ; publiés sous les auspices de M. le (27) eomte Molé, par M. Aimé Champollion-Figeac. Tomes I à IV. Paris, 1853-1857; 4 vol. in-&. Histoire des règnes de Charles VII et de Louis XI, par Thomas Basin; publiée par M. J. Quicherat. Tomes I à IL. Paris, 1855- 4856; 3 vol. in-8°. Bibliographie des Mazarinades ; publiée par M. C. Moreau. Tome 11%, Paris, 1850; 1 vol. in-&, Chroniques d'Anjou; recueillies et publiées par MM. Paul Marchegay et André Salmon. Tome [*. Paris, 1856; 4 vol. in-8°. Journal historique et anecdotique du règne de Louis XV, par E.-J.-F. Barbier; publié par M. Dela Villegille, Tome IV, Paris, 1856; 1 vol. in-8°. | Journal d'un bourgeois de Paris sous le règne de Fran- cois I” ; publié par Ludovic Lalanne. Paris, 14854; 1 vol. in-8e. La Chronique d'Enguerran de Monstrelet; publiée par M. L. Pouët-d’Areqg. Tome I°. Paris, 1857; { vol. in-8°. Les livres des miracles et autres apuscules de Georges-Florent Grégoire, évêque de Tours ; revus, collationnés et traduits par M. H.-L. Bordier. Tome [*. Paris, 1857; 4 vol. in-8°. Orderici vitalis angligenae, cœnobii uticensis monachi, his- toriae ecclesiasticae libri tredecim; emendavit A. Le Prevost. Tome V. Paris, 14855; 1 vol. in-8°. Annuaire historique, publié par la Société de l'histoire de France, pour les années 1855 à 1858. Paris, 4 vol. in-18. Spicilegium Solesmense; publici curante domno J.-B. Pitra. Tomes I, Il et IL. Paris, 1852-1855 ; 3 vol. in-4. Histoire de l'église du Mans; par le R. P. dom Paul Piolin. Tome IIIe, Paris, 4856; 4 vol. in-8°. Délimitation du flamand et du francais dans le nord de la France; par E. de Coussemaker, avec une carte coloriée par M. Bocave. Dunkerque, 1857; 1 broch. in-8. Office du sépulcere selon l'usage de l'abbaye d'Origny-Sainte- Benoite; rapport par M. de Coussemaker. Paris, 1858 ; 1 broch. in-8°. (28) Dissertation sur quelques monnaies épiscopales de Strasbourg et de Constance; par Adrien de Longpérier. Paris, 1856; 1 br. in-8. R | Note sur la théorie des phénomènes capillaires ; par M. Ph. Gilbert. Paris, 1858 ; 1 broch. in-4°. ‘à Tombeau de monseigneur Cart, érigé à Nimes, sur les plans de M. H. Revoil; par M. l'abbé J. Corblet. Paris, 1858; 1 br. in-8°. _ Bulletin de la Société linnéenne de Normandie. 1° vol. Caen, 4856 ; 1 vol. in-8. Annuaire des cinq départements de l'ancienne Normandie, pu- blié par l'association normande. 23"° année. Caen-Paris, 1857; À vol. in-8°. Recueil des publications de la Société havraise d'études diverses de la 22°" et 25° année. Havre, 1857; 1 vol. in-4°. Compte rendu des travaux de la Société de médecine de Nancy, pendant l'année /855-1856. Nancy, 1857; 1 vol. in-8. Académie des sciences et lettres de Montpellier. — Mémoires de la section des sciences. Tomes I à IT. — Mémoires de la sec- tion de médecine. Tome II. Montpellier, 1851-1857; 4 vol. in-4. Rapport sur un projet d'association de l'Institut et des Acadé- mies de province, présenté à l’Académie de Lyon, par M. Bouil- lier; par M. Victor de Bonald. Montpellier, 1858; 1 broch. in-4°. _ Tableaux statistiques des chemins de fer de l'Allemagne ex- ploités pendant l’année 1856. l'° partie: Chemins de fer de la Prusse; dressé par M. Hauchecôrne. Cologne, 1858; 1 cahier in-4°. | Grundsätze der Volkswirthschaftspolitik; von D' Karl H. Rau. jte Abth. Leipzig und Heïdelberg , 1858; 1 vol in-8°. Mittheilungen der kaiserlich-kôniglichen geographischen Ge- sellschaft. 1 Jahrgang. 2 Heft. Vienne, 1857; 1 cahier in-8°. Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles. Bulle- tins n® 34 à 41. Lausanne, 1854 à 1857; 8 broch. in-&. Bulletin de la Société des sciences naturelles de Neuchatel. Tome IV. 2% cahier, Neuchâtel, 1857; 1 broch. in-8. Si “& «+ ('2rd ) Memorie della Accademia delle scienze dell Istituto di Bo- logna. Tome VIT. Bologne, 1856; 1 vol. in-4°. Rendiconto delle sessioni dell” Accademia delle scienze dell’ Istituto di Bologna. 1855 à 1857. Bologne, 2 broch. in-8. Atti del! Accademia pontificia de Nuovi Lincei; compilati dal segretario. Anno X, sessione 7°; anno XI; sessione F. Rome, 1857; 2 cahiers in-4°. Alti dell imp. reg. Istituto Venelo di scienze, lettcre ed arti. Tomo II”, serie 3°, dispensa 1*-2°. Venise, 1857-1858; 2 broch. in-6°. : Redhill catalogue of cireumpolar stars. 1850, 0; by R.-C. Car- rington. Londres, 1857; 1 vol. in-4°. : The quaterly journal of the chemical Society. N° XL. Londres, 1838; 1 broch. in-8°. Notice sur la race des moutons de Cheviot. Édimbourg, 1836; 4 broch. in-8°. New-York metcorology. 1826-1850. Albany, 1853; 1 vol. in-4°, Transactions of the american institute of the city of New- York for the veares 1851, 1852 et 1853. Albany, 1852 à 1854; 3 vol. in-8°. Transactions of the N. Y. state agricultural Society. Vol. XH. Albany, 1853; 1 vol. in-8°. Address delivered before the New-York state agricultural Society at its annual meeting at Albany, feb. 15, 1856; by Samuel Cheever. Albany, 1856; 1 broch. in-8°. Communication from the governor, transmilting the report of A. Vattemare on the universal cxhbition at Paris. Albany, 4856; 1 broch. in-8°. Annual report of the executive committee of the state normal school of the state of New-York, for 1855, 1854 et 1856. Albany, 1853-1856; 3 broch. in-8°. Treatise on practical husbandry, by Winslow C. Watson, Albany, 1855; 1 broch. in-8°, ( 220 ) Report of B.-P. Johnson, agent of the state of New-York, appointed to attend the Great exhibition of the industry of all nations, held in London, 1851. Albany, 1852; 1 vol. in-8°. Annual report of the trustees of the state library of the state of New-York, 1855. Albany, 1 broch. in-8°. Second annual report of the superintendant of public instruc- tion of the state of New-York. 1855. Albany, 1856; 1 vol. in-8°. First annual report of the secretary of the board of agricul- ture. Boston, 1854; 1 vol. in-8°. Report of the committee on public instruction on the present organization of the grammar and primari school committees. Boston, 1859; 1 broch. in-&. Registration of births, marriages and deaihs, in Massa- … chusetis, for 4852. Boston, 1853; 1 broch. in-8°. . Revised abstract of the returns from banks, and from Insti- tulions for savings in Massachusetts, for 1851 et 1855. Boston, 1852-1854; 2 broch. in-8°. Lectures on school-Keeping ; by Samuel R. Hall; fourth edi- tion. Boston, 1832; 1 broch. petit in-8°. Pauper abstract, for 1850-1851. Boston, 1850-1831; 2 br. _in-8°. Sixteenth-seventeenth annual reports of the board of educa- tion. Boston, 1853-1854; 2 vol. in-8°. Abstract of returns of the kcepers of jails, und overseers ofthe housesof correction, for 1851 et 1855. Boston, 1851; 9 br.in-S. An examination of the review of the reports of the annual visiting commillees of the public schools of the city of Boston for 1843, by scholiast. Cambridge, 1846; 1 broch. in-8°. : Reports on the free school system to the general assembly of South Carolina, at the regular session of 1839. Columbia, 1840; 1 broch. in-8°. Reports communicated to the legislature of Connecticut. May session, 1851.— May session , 1855. Hartford, 1851-1855 ; 5 vol. in-8°. ( 221 ) Transactions of the Conn. state agricultural Society, for the year 1834. Hartford, 1855; 1 vol. in-8°. Colonial records of Connecticut, 1665-1677; by J. Hammond Trumbull. Hartford, 1852; 1 vol. in-8°. État et avenir du CG en 1854. Québec, 1853: 4 vol. in-8°. Regulations for the superintendance, government, and instruc- tion of the public schools, in the city of Salem, adopted, 1847. Salem , 1847; 1 broch. in-8°. Annual report of the school commiültee of the city of Salem 1851. Salem; 1 broch. in-8°. United states Japan expedition; by com. M.-C. Perry. Vol. II. Washington, 1855; 1 vol. in-4°. Statistical view of the uniled states, being a compendium of the seventh census; by J.-D.-B. De Bow. Washington, 1854; 1 vol. in-8°. Returns relating to the poor in Massachusetts for the year 1853; prepared by E.-M. Wright. Boston, 1853, 1 broch. in-8°. ERRATUM. Page 16, ligne 19, au lieu de mêmes, lisez même. Fos % ] ji RU Lot à Bi 1. D Ft T x je de Le SR LES “ \ À a HANCUE ' Ÿ l 17D k A À 1 SORT NES k AD. | FN à ét ; Fa > Le pu i LE % Âi 111 are si ca 170 44 is ER à Bu Fu OEM x de RME. M Fe. ÿ “ : PRE Se Last R EE AA RE free US Hbouk } CARO PU GET NS Ë be | 12 à A AE EU HE À Lu AR) CE EEE à ir ia SE dl LE À d Û x 7 }g ; (a) , d'ù à: + AN QU taie A7: sept at oil de jatt à JE ’ Etat , WP 3 ï a |, PROAPAEANES À { : nl ta ; y 4 etes Pl EN 4 : Su ù è 2 ? } ie?) fe Ve PARLE” : ? FER AS f 44, LR FA d y : ie Me ol rent d | 2) at » “T4 < À s et” L LE ” a + É 1 4 g) La c E QE , N : 6 # L Ê 7 LS À t : MAT CRPTE) . 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M. le Ministre de l'intérieur fait parvenir les livraisons 27 à 34 de l'ouvrage intitulé : Portefeuille de John Cockerill. — M. d'Omalius, vice-président du Sénat, écrit pour remercier de l’envoi de 58 exemplaires de l'Annuaire de l’Académie royale pour 1858. _—_ M. Thom. Swann, président du Comité local de Bai- timore, fait connaître que, le 28 avril prochain, aura lieu, dans cette résidence, le congrès américain, qui se réunira pendant huit jours. Il fait connaître en même temps que les membres de l’Académie y seront reçus avec plaisir. Une invitation pareille est adressée par le congrès des délégués des sociétés savantes de France, qui se réunira à Paris du 6 au 16 avril prochain. | De son côté, la commission spéciale de l'exposition de 1858 annonce que la sixième exposition quinquennale agricole, industrielle et artistique d'Angers s'ouvrira Île 1° juin et durera jusqu’au mercredi 50 du même mois. — La Société impériale des naturalistes de Moscou, l’Académie palermitaine des sciences et des lettres, la So- clété des sciences des Indes néerlandaises de Batavia, etc., remercient l’Académie pour l'envoi de ses publications. — M. A. Bellynck fait parvenir, en manuserii, les ob- servations des phénomènes des plantes observés par lui, à Namur, pendant l’année 14857; M. Emilien de Wael fait ( 22 ) parvenir également les résultats de ses dernières obser- vations météorologiques. — M. Alfred Wesmael écrit qu'il désire revoir le manu- serit de son Catalogue des plantes vasculaires, pour le com- pléter par de nouvelles observations. — M. Jules d'Udekem présente une Nouvelle classifi- cation des Annélides sétigères abranches. (Commissaires : MM. Van Beneden et Poelman.) eq PROGRAMME DE 1859. . # La classe admet, dès à présent, pour le concours de 1859, les quatre questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Ramener la théorie de la torsion des corps élastiques à des termes aussi simples et aussi élémentaires qu'on l'a fait pour la théorie de la flexion. DEUXIÈME QUESTION. Déterminer, par des recherches à la fois anatomiques et chimiques, la cause des changements de couleur que subit la chair des Boleis en général et de plusieurs Russules, quand on la brise ou qu'on la comprime. TROISIÈME QUESTION. Établir, par des observations détaillées, le mode de déve- ( 226 ) loppement, soit du Petromyzon marinus, soit du Petromy- zon fluviatilis, ou de l’Amphioxus lanceolatus. QUATRIÈME QUESTION. Faire un exposé historique de la théorie du tonus muscu- laire, et rechercher, pour les phénoméenes expliqués autre- fois à l’aide de cette théorie, une interprétation conforme aux faits établis par la physiologie expérimentale. Le prix, pour chacune de ces questions, sera une mé- daille d’or de la valeur de six cents francs. Les mémoires devront être écrits lisiblement en latin, en français ou en flamand, et seront adressés, francs de port, avant le 1° juin 4859, à M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les ci- tations; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les pages des livres qu'ils citeront. On n’ad- mettra que des planches manuscrites. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage, mais seulement une devise, qu’ils répéteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et leur adresse. Les ou- vrages remis après le terme prescrit ou ceux dont les au- teurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit , seront exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoires ont été soumis à son Jugement, ils sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa propriété. Toutefois, les intéressés peuvent en faire tirer des copies à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au se- crétaire perpétuel. (227) RAPPORTS. M. le secrétaire perpétuel fait connaitre que la commis- sion administrative de l’Académie vient d'approuver la comptabilité de 1857, qui lui a été présentée par M. le trésorier. Ces comptes seront successivement soumis aux commissions spéciales des finances des trois classes, pour qu'elles les examinent en ce qui les concerne. La commission administrative a également réglé ce qui est relatif aux dons faits par M. le baron de Stassart, pour les deux prix perpétuels qu'il a fondés. Sur un mémoire de M. le docteur Henry, intitulé : Consiné- RATIONS SUR QUELQUES CLASSES DE COMPOSÉS ORGANIQUES ET SUR LES RADICAUX ORGANIQUES EN GÉNÉRAL. apport de M. Stas. « M. le docteur Henry cherche à établir, dans son tra- vail, le mode de génération de quelques classes de corps organiques et de montrer ensuite le lien qui rattache ces corps entre eux. Un chimiste ne saurait rendre de plus grand service à la science qu’en établissant ces faits avec certitude, fût-ce même pour une seule classe de corps or- ganiques. Mais M. Henry est-il bien parvenu à atteindre le but élevé qu’il s’est proposé? À mon sens, évidemment non. Pour ne choisir qu'un seul exemple dans son mémoire, il essaye de prouver, en concluant de quelques réactions ( 228 }) chimiques isolées à une loi générale, la filiation qui existe entre les acides polyoxygénés monobasiques et les radi- caux organiques d'où il les fait dériver. Ainsi, la produc- tion bien connue de l'acide formique aux dépens de Pacide cyanhydrique et des éléments de l’eau, la formation des acides acétique, propionique et benzoïque à l’aide du cya- nure de méthyle, du propionitrile et du benzonitrile et des éléments de l’eau, le conduisent à admettre que tous les corps, que certains chimistes représentent par des cyanures négatifs à radicaux organiques, pourront éprou- ver une transformation analogue, sinon identique. Dans ce cas, l'acide formique produit, au lieu de devenir libre, restera, selon lui, copulé avec le radical organique; celui-ci y sera emboité, s’il est permis de m'exprimer ainsi, en em- pruntant la pensée de l’auteur, et formera de cette ma- nière, successivement des acides à 5, à 7 et à 9 équivalents d'oxygène. Le cyanure d’acétyle CH50?, C?Az, qui est en- core à découvrir, fournira un acide à 5 équivalents d'oxy- gène, qui, d’après M. Henry, sera représenté par la formule HO, C{C*H50?)0% : ce sera l'acide formo-acétylique, de même que le cyanure d’éthyle (propionitrile) CEH°, C?Az, donne l’acide formo-éthylique ou propionique. Mais rien ne dit que les corps que M. Henry représente, avec la plu- part des chimistes, par des cyanures à radicaux organiques le soient réellement ; ainsi le composé CSHSAzO? que M. Henry regarde comme le cyanure d’acétyle et qu’il for- mule par C#H°O?,C?Az, pourrait tout aussi bien être de l'acide acétique anhydre dans lequel une molécule d’oxy- gène est remplacée par une molécule de cyanogène. Quoi qu'il en soit, dans son mémoire, l’auteur ne cite aucune ex- périence qui démontre la formation des acides organiques à 5, à 7 et à 9 équivalents d'oxygène, lors de la décomposi- ( 229 ) tion, en présence des éléments de l’eau, des corps qu'il dé- signe sous le nom de cyanures négatifs à radicaux orga- niques; il ne laisse pas même entrevoir qu'il ait tenté d'en produire un seul. En admettant qu'un jour un chimiste réalise une ou plu- sieurs réactions de ce genre, la seule conclusion qu'on puisse en déduire, c’est qu'a l’aide des cyanures négatifs à radicaux organiques, ou plutôt qu'à l’aide d’une molécule complexe, renfermant du carbone et de l'azote sous la forme de cyanogène, on peut produire des acides orga- niques polyoxygénés monobasiques : ce sera un moyen de formation de ces corps. Mais, lors même que l’on aura ob- tenu ainsi une série considérable de ces acides, Pétat de nos connaissances sur la constitution de ces corps ne sera guère plus avancé. En se plaçant au point de vue de l’exis- tence de ces acides, on ne sera surtout pas autorisé à dire avec l’auteur du mémoire que les cyanures acides sont les points d'attache qui servent à relier les différentes classes d'oxygénation d'acides monobasiques. En effet, on conçoit aisément l'existence des acides polyoxygénés monobasi- ques ou polybasiques, abstraction faite du cyanogène, et, à plus forte raison, des cyanures négatifs à radicaux or- ganiques. Je n'ignore pas que l’idée qui consiste à regarder les acides acétiqne, propionique et beszoïque comme étant les acides méthylo-formique, éthylo-formique, phéaylo- formique, est partagée par beaucoup de chimistes. En pre- nant cette idée comme l'expression de la vérité des faits, l'hypothèse de M. Henry sur la constitution des acides polyoxygénés monobasiques en est la conclusion logique. Mais le nom imposé à ces acides par ces chimistes repose sur certain mode de leur production et sur la croyance ou ( 230 ) même la prétention qu'ont ces chimistes de remonter du mode de génération des corps à leur constitution, en d’autres termes, que les réactions chimiques peuvent nous dévoiler la structure intime des corps. L'étude des matières minérales et organiques démontre incontestablement qu'il existe un arrangement déterminé, constant pour chaque matière, entre les molécules qui les composent. Le hasard ne règle pas plus l’arrangement des molécules qu’il ne détermine leur forme et qu’il ne fixe la valeur de leur masse lors des combinaisons. Mais prétendre que des conditions spéciales de formation des matières organiques, que des réactions chimiques même les plus caractéristiques, on puisse remonter à la connaissance de la structure intime des corps et, partant, à la configuration de leurs formules, c’est conclure bien au delà des faits. Pour qu’une pareille conclusion fût logique, il faudrait que les différents modes de génération d’une classe de corps ne fussent susceptibles que d’une seule interprétation, et, tout le monde le sait, cette circonstance ne se présente jamais pour une classe quelconque de corps. Les conditions de formation des matières minérales ternaires et des com- posés organiques nous permettent tout au plus d'établir des analogies entre les corps; les réactions chimiques peuvent nous donner la preuve soit de l’idéntité, soit de la diffé- rence de constitution ; mais les unes et les autres sont impuissantes pour nous faire connaître la véritable consti- tution des corps et, partant, la configuration des formules par lesquelles 1l convient de les représenter. L'exemple suivant va montrer le raisonnement que font la plupart des chimistes et le vice qu'il renferme : Il existe deux matières de composition chimique identique, ayant le même poids spécifique, le même point d’ébullition, la é iohtntil É ( 231 ) même densité à l'état de vapeur et renfermant l'une et l’autre CSHSO*. Soumises à l’action du chlore, elles pro- duisent chacune le composé CSH{C*0", se décomposant de la même manière par les alealis dissous, avec produc- tion de chlorure, d’acétate et de formiate alcalins. Les composés CSH#CF0*, exposés de nouveau à l’action du chlore, fournissent, pour produit final, les corps CH0”, qui se transforment tous les deux sous l'influence des al- calis et de l’eau, en chlorure, carbonate et acétate alcalins. J'ajouterai que les corps CH$0“, en présence des alcalis hydratés solides, dégagent, sous l'influence de la chaleur, de l’hydrogène en quantité égale, en laissant pour résidu un mélange de formiate et d’acétate alcalins en quantité égale. Des faits établis, le chimiste qui aura étudié ces ma- tières conclura nécessairement à leur identité : 1l y verra une molécule formique et une molécule acétique. Mais quelle sera la configuration de la formule par laquelle il désignera le composé lui-même et ses dérivés chlorés? Je ne crains pas de l’affirmer, son choix sera impossible; si, plus tard, il vient à découvrir que l’un des corps CSH$O* se dédouble par les alcalis dissous avec production d’alcool méthylique et d’acétate alealin , que l’autre corps fournit, dans la même circonstance, de l'alcool vinique et du for- miate alcalin, il dira : J'ai conclu trop tôt : J'ai à faire à deux matières, renfermant chacune la molécule formique et la molécule acétique sous une forme distincte. S'il a la prétention de conclure des réactions chimiques à la consti- lution, 1l ajoutera, d’un eôté : J'ai le formiate d’éthyle et, de l’autre, J'ai l’acétate de méthyle. Admettant ensuite ce qui est en question, 1l écrira l’un des composés sous la forme C:H°0, C’HO° et l’autre sous la forme de C°H50, C‘H°0;, c'est-à-dire qu'il affirmera, par sa formule, dans lun, lPexis- ( 252 ) tence de l'acide formique et, dans l’autre, la présence de l’acide acétique tout formés. Il assimilera donc ces com- posés aux sels. Mais rien n’autorise qu’on affirme, dans les sels, soit la présence, soit l'absence des acides, tels que nous les connaissons à l’état de liberté. Cette observation générale m’amène à exprimer mon Opinion sur la quatrième partie du mémoire de M. Henry, intitulée : Théorie de l'emboiîtement des radicaux orga- niques. Il résume sa manière de voir sur la configura- tion des radicaux organiques dans la proposition suivante : Les radicaux organiques binaires ou ternaires dérivent du méthyle positif ou négatif (formyle) par un emboîtement plus ou moins complexe avec lui-même, emboiîlement qui a lieu par le carbone et l'hydrogène simultanément ou par l'hydrogène seul. Représentant le méthyle CHF par CHE, l’éthyle C*H° devient pour lui C{CHH?)H?, c'est-à-dire du méthyle-méthyle ou l’équivalent de méthyle dans lequel une molécule d'hydrogène est remplacée par le méthyle lui-même ; le propyle C$H7 devient pour lui du PRES méthyle CC{CH°)°71A. En poursuivant cet ordre d'idées, M. Henry finit par conclure que toute matière organique binaire ou ternaire n'est que du méthyle seul, ou associé à de l'eau ou condensé. Celui qui, dans l’état actuel de nos connaissances, se refu- serait d'admettre la possibilité du remplacement, dans un groupement quelconque, d’une molécule simple ou com- plexe, par une autre molécule également simple ou com- plexe, méconnaitrait la signification des faits les plus évi- dents de la science, si tant est qu'il n’en ignore les plus belles découvertes. Mais conclure de la possibilité de ce remplacement à la position des molécules dans un com- posé, et surtout à la formation des radicaux organiques par ( 2395 ) emboitement sur eux-mêmes, c'est émeltre une hypothèse qui ne repose sur aucun fait; de plus, c’est proclamer, en ce qui concerne la génération des corps complexes une théorie incompatible avec l’idée fondamentale de l’exis- tence des atomes. Cette idée fondamentale, base de tout l'édifice chimique, ne présuppose-t-elle pas la formation des corps par juxtaposition des molécules simples ou complexes ? La génération des radicaux complexes, par emboîtement de radicaux simples sur eux-mêmes, Serait, si je comprends bien l’auteur, leur formation par pénétration au lieu de la juxtaposition. D'ailleurs, ne conçoit-on tout aussi bien l'existence des radicaux simples et même com- plexes, formés d’une seule pièce, sans l'intervention d'in- termédiaires aucuns, que l'existence des nombres premiers, quelle qu’en soit la valeur? Pourquoi dire que CH”, par exemple, ne constitue pas une molécule unique, formée du coup? Quel avantage y a-t-il au point de vue de la science à représenter ce même groupement par CA EGS JCHMCER ME HS) | Méthyle. | | | LE Na | | | : biméthyle | | éthyle. | | | | RE ERP TEEN ARE triméthyte propyle | tétraméthyle buthyle. Lorsque les meilleurs esprits doutent, reconnaissent même que, dans l’état actuel de nos connaissances, il n’exisle aucun moyen certain de décider de la configura- tion des formules des matières minérales les plus simples, comme les acides sulfurique, anhydre et ordinaire, les ( 234 ) acides phosphôrique anhydre, mono- bi- et trihydraté, les sesquioxydes, elc., etc., lorsqu'on ne sait décider entre le dualisme et l’unitarisme de ces composés, peut-on sérieuse- ment croire que l'hypothèse de l'emboîtement des radi- caux simples représente la réalité de la structure et le mode de génération des radicaux complexes? Les observations critiques que je viens de présenter sur le travail de M. Henry sont applicables, je le sais, à toutes les théories que l’on a imaginées dans ces derniers temps sur la conformation des matières organiques et la configu- ration de leurs formules. Pour tout homme qui a müûre- ment réfléchi à la signification des faits acquis, l'évidence de l'impossibilité de pénétrer l’arrangement des molécules des corps composés est positivement établie. [l est acquis, par conséquent, que nous manquons de tout moyen de dé- terminer la formule rationnelle de ces corps. D'après cela, ne convient-il pas d'introduire, dans la science, le moins possible d'hypothèses nouvelles et de s’en tenir strictement à celles absolument indispensables pour la liaison entre eux des faits connus et la découverte de faits nouveaux? Je ne veux pas finir ces remarques saus rendre hom- mage au talent réel et aux connaissances positives dont M. Henry a fait preuve dans son travail. Je reconnais volontiers que la plupart de ses hypothèses sont ingé- nieuses et quelquefois neuves. S'il est vrai qu'il ne saurait me montrer à suffisance qu’elles sont l'expression de la vérité, à mon tour, je ne saurais prouver quelles sont fautives. Le seul objet que j'aie eu en vue en présentant mes observations, c’est dele prémunir contre ses illusions, contre sa foi un peu trop fervente, bien excusable d’ailleurs lorsqu'on fait ses premiers pas dans la science. En termi- nant, je crois lui être utile en signalant le danger qu'il y a ( 259 ) de débuter dans la science par un travail de pure spécula- tion. L’attrait qu'offre ce genre de travaux n’éloigne que trop des recherches positives , lesquelles, si elles présen- tent souvent de grandes difficultés, offrent au moins la compensation de rester debout, quelles que soient les opi- nions qu'amène le progrès scientifique. Si l’Académie est d’avis qu’elle peut ordonner, comme le proposent nos savants confrères MM. Martens et De Ko- ninck , l'impression d’un travail renfermant des idées spé- culatives, sans expérience aucune à l’appui, dans ce cas, Je me rallierai volontiers à cet avis, mais, dans ce cas aussi, Je pense qu’il convient qu'il soit imprimé dans le recueil in-8° des Mémoires des savants étrangers, vu que, par son éten- due, ce travail dépasse de beaucoup la limite fixée par le règlement pour l'insertion dans les Bulletins des séances. » a — MBapport de M. Martens. « Le mémoire de M. Henry renferme plusieurs idées ingénieuses et plus ou moins neuves au sujet de l’analogie de composition de plusieurs substances organiques. L’au- teur cherche à établir la filiation de ces substances ou à montrer comment elles pourraient naître les unes des autres. Malheureusement, ses vues ne sont pas appuyées d'expériences assez concluantes pour pouvoir être consi- dérées comme l'expression véritable des faits: elles ne sont la plupart, que purement hypothétiques. Mais une hypo- thèse conduit souvent à une belle découverte : sous ce rap- port, les vues de l’auteur offrent un côté utile. Seulement nous voudrions qu'il se pressât un peu moins de tirer de certains faits isolés des déductions générales; nous désire- ( 256 ) rions aussi qu'il mît un peu plus de clarté et de méthode dans l'exposition de ses idées. Sous ces réserves et tout en laissant à l’auteur la responsabilité entière de ses asser- tions, nous croyons que le mémoire pourrait être avanta- geusement publié dans les recueils de l’Académie. » a Rapport de M. De Koninck. « J'ai lu avec grande attention le travail de M. Henry. J'ai été frappé, avec mes savants confrères , MM. Stas et Martens, des connaissances étendues dont l’auteur y fait preuve. Pour arriver aux déductions qu'il a consignées dans son mémoire, il a eu non-seulement à compulser les nombreuses recherches auxquelles se sont livrés, dans ces derniers temps, des chimistes fort distingués, maisil a fallu, eu outre, se les approprier en quelque sorte pour le but qu'il se proposait d'atteindre. Car ce n’est qu’en s'initiant complétement à ces travaux qu’il a pu s’en servir pour dé- duire et exposer les idées théoriques qui font l’objet de sa communication à l'Académie. Ainsi que l'ont fait remarquer MM. Stas et Martens, ces idées sont souvent ingénieuses et quelquefois entièrement neuves. ° Je n’en conclus pas néanmoins qu’elles soient toujours réelles et acceptables , d'autant plus qu’en général elles ne sont pas appuyées d'expériences directes et concluantes. Je fais surtout mes réserves pour ce qui concerne la théorie de l'emboîtement, que l’auteur développe dans la dernière partie de son travail. Celle-ci, pas plus que celle qui, sous le même nom, a été appliquée, pendant quelque temps, à l’acte de la génération chez les animaux, ne me ( 297 ) parait destinée à survivre longtemps à sa naissance. Néan- moins, comme les théories émises par M. Henry pourront donner lieu à une série de recherches chimiques qui au- ront pour but, soit d'établir définitivement une partie ou la totalité de ces théories, soit de les faire rejeter, je suis d'avis que son mémoire pourra figurer utilement dans lun des recueils de l’Académie, parce que, quel que soit le ré- sultat obtenu, il servira, en tout cas, à l'avancement de la science et à l'acquisition de faits nouveaux. » D'après les conclusions de ces rapports, la classe décide que le mémoire de M. Henry sera imprimé dans le re- cueil in-8° des Mémoires. — M. De Vaux, nommé commissaire pour l'examen d'une note de M. Gérard de Liége, sur une roue électro- motrice, faii connaître que ce travail a déjà été soumis à l’Académie impériale des sciences de Paris, et que, par suite des règlements, il croit ne pas devoir faire le rapport qui lui était demandé. COMMUNICATIONS ET LECTURES. me Éclipse de lune du 27 février 1858 , et occultations d'étoiles par la lune, observées en 185 7: L’éclipse partielle de lune qui à eu lieu dans la soirée du 27 février, a été observée par M. Ad. Quetelet et son ( 238 ) fils, du haut des deux tourelles de l'Observatoire. Quoique le temps fût beau, les observations des taches occultées ont été peu nombreuses; ces sortes de phénomènes, à cause des pénombres, sont toujours extrêmement dou- teux, surtout pour l'instant du commencement de l’éclipse. On ne donne ici que les principales taches, et la moyenne des observations. Entrée. Sortie. Commenc' de l'éclipse: "97 987 054) 0 MMIGEN A. et Ern. Quetelet. Ticho : . 1% bord. . 7 9145,::8 111144 j0n1514'tHhEm SR POSE re «0 'OMCAST E AG 117257" "A; el Ern. > Heinsius 1° bord. .. 9 55 36 10 44 29 A. et Ern. — (2) QT, CN OU ES" 14 ‘10,474 OU A ERNRE Fracastor 1° bord. .. 10 921 54 10 58 9 Ern. — nNBusene 10 9710048 5 400908" É ER — Pinsdediechpse. LE En 11 954 54 A. et Ern. — Occultations observées en 1857, par M. Ernest Quetelet. Immersion. Émersion. 16 février . . . . A Scorpii. . . 13h 19% 165 6 148 56" 155 4 3 Scorpii. . . 15.54 470.2: IS NON 98 février. . . . 27 Arietis . . . Zu VD 0: 1: 19:70 8. 4 1084 DMNANEIL 5 6 À *Cancri 1. 117797 :00778 Gmar De. VAPOANIS 60 104 SMS 10 52 0 0 80 septembre. . 50 Aquari. . . 5 EN 1 Me G'octobret. Live 07 TARA Later 21 39 59 7 28 Tauri. . .. 91 “11 492201 91 95419970 15 octobre . .. Mars Ï . .. 6.571952 9 Mars II. . . 6 37 49 4 1:} 09. 192D 00% 27 novembre . . #£ Piscium .. 2 54 58 4 2 -:H8 10202 29 sers AT, ABTEUS 4507 5 29:96, 429 4: BL, Æ 80 JAN D'AUTL 21,507 29 ,980 4008 (4) M. Mailly a observé le commencement de l’éclipse à 9h 28m 305; il estime cette observation faite un peu tard. (2) L'entrée dans l’ombre a été marquée par les deux observateurs; la sortie par M. Ernest Quetelet seulement. ( 239 ) NOTES. A et 3 Scorpii. Immersion un peu douteuse, à cause de fortes ondulations du bord de la lune. Émersion bonne. . 27 Arielis. Immersion bonne. Émersion assez bonne. A Cancri. ‘ Immersion bonne. Des vapeurs empêchent de voir l’émer- | sion. æ FPirginis. Des nuages empêchent de voir l’immersion. Émersion bonne. 50 Aquarit. Immersion bonne. Des vapeurs empêchent de voir l’émer- sion. 27 et 28 Tauri. Des nuages empêchent de voir l'immersion de 27 Tauri. Les 5 autres observations bonnes. Mars. L'entrée de Mars est bien observée; mais au moment du lever du soleil, il s’est formé un brouillard épais qui a empêché de distinguer la 1'e apparition. La sortie com- plète, aussi, présente quelque doute. £ Piscium Observation un peu douteuse, Étoile très-faible à la sortie. 47 Arietis. Étoile faible. Entrée bonne; sortie observée sans doute 2 à 3 secondes trop tard. 27 Tauri. Bonre observation. Les heures sont données en temps sidéral de Bruxelles. Note sur un théorème relatif à la théorie des roulettes ; par M. Lamarle, associé de l’Académie. Je viens de lire, dans le journal l’Fastitut (n° du 24 fé- vrier 1858), la note suivante, communiquée à la Société philomatique de Paris, au nom de M. Mannheim : : Géométrie. Sur la théorie des roulettes. Théorème. « Lors- qu'une courbe plane ACB roule sur une droite fixe EF, la roulette décrite par un point M, lié à la courbe roulante, a même longueur que la courbe GPH, lieu des projections du point M sur les tangentes à ACB. » 27° SÉRIE, TOME IV. 16 ( 240 ) Corollaires. — I. Le limaçon de Pascal, lieu des projec- tions d'un point d’une circonférence sur les tangentes à celte courbe, a pour longueur le quadruple du diamètre: II. La chaînette engendrée par le foyer d’une parabole qui roule sur une droite est rectifiable. TT. La spirale logarithmique est rectifiable, car lors- qu'elle roule sur une droite, son pôle décrit une ligne droite. | IV. Lorsque la développante d’un cercle O roule sur une droite, le centre Ô décrit une parabole. Par conséquent, le lieu des projections du point O sur les tangentes à la développante est rectifiable. | V. La courbe élastique engendrée par le centre d’une hyperbole équilatère qui roule sur une droite est recti- fiable, car la lemniscate est rectifiable. VI. La courbe décrite par le foyer d'une ellipse qui roule sur une droite a même longueur que la circonférence décrite sur le grand axe comme diamètre, etc., ete. Le théorème dont je viens de reproduire l'énoncé m'a paru très-curieux. Le corollaire relatif à la rectification de la chaînette a d’ailleurs éveillé mon attention. Il m'a sug- géré la pensée que le procédé dont j'ai fait usage por rec- tifier la chaïinette, dans ma Théorie géométrique des rayons et centres de courbure (*), pouvait s'étendre à la démon- stration du théorème de M. Mannheim. Le résultat n'a pas trompé mon attente, et, sans connaître la voie suivie par l’auteur dans ses déductions, je suis parvenu très-simple- ment au but que je me proposais. | L'objet de cette note est la démonstration tout élé- mentaire du théorème énoncé ci-dessus et sa généralisa- a —————— mm —— () Voir Bulletins de l'Académie, 2% série, t. 11, n° 6. ( 244 ) tion. Je donne, en outre, la rectification de la cycloide. Soit ACB un arc plan tangent en A à la droite EF, M un point lié à cet arc et pris dans son plan, GPH le lieu des projections du point M sur les tangentes menées de À en B à l'arc ACB : + m{ LR | ë F 2 De € | FT 6 ‘ ET ee Eire SES LE F EN, *. Y res Imaginons que l'arc ACB se développe en roulant sur la droite EF et qu'il entraine avec lui le point M. Pendant que cet arc roule de À en B, le point M décrit un are de roulette MON. Les arcs MON, GPH, sont évidemment liés entre eux, et ils se correspondent, en vertu de leur commune dépen- dance avec l'arc ACB. On a d’ailleurs pour deux portions quelconques homologues ou conjuguées entre elles : MON — GPH, et c’est dans cette égalité que consiste le théorème à dé- montrer. Dans la génération par le point M de l’arc MON, la tan- gente EF demeurant fixe, et l’are ABC roulant sur cette droite, le plan MACB tourne avec une certaine vitesse an- gulaire w, prise pour unité. Dans la génération par le point G de l'arc GPH, le plan MACB demeurant fixe et la tangente EF s’enroulant sur l'arc ACB, il est visible que la tangente peut être consi- ( 242 ) dérée comme tournant avec cette même vitesse ©, changée de sens et non de grandeur. Cela posé, s'agit-il d’abord de l’arc MON? on reconnait immédiatement que, dans la rotation autour du centre instantané A, la vitesse du point M est représentée en grandeur par AM. S’agit1l ensuite de l'arc GPH? l'angle en G du triangle MGA , étant assujetti à rester droit, les droites MG, AG tournent toutes deux avec la vitesse w, l’une autour du point M, l’autre autour du point A. Il s'en- suit que la vitesse du point G, situé à l'intersection de ces droites, résulte de deux composantes, perpendiculaires entre elles et égales en grandeur, l’une à MG, l’autre à AG. La conséquence est évidente; elle consiste en ce que la vitesse du point G est représentée en grandeur par l’hypo- thénuse AM. On voit donc que les points M et G, décri- vant l’un l’arc MOP, l'autre l'arc GPH, sont animés de vi- tesses égales, el comme celte égalité subsiste dans toutes les positions qui se correspondent sur les arcs décrits de part et d'autre, il en résulle que ces arcs sont nécessaire- ment égaux. C. (. F. D Le théorème que ne viens de démontrer comporte une certaine extension. Supposons que les droites partant de M coupent les tan- gentes à AGB, non plus sous un angle droit, mais sous un angle quelconque, constant et égal à 6. On a l’énoncé suivant plus général que celui de M. Mannheim : Lorsqu'une courbe plane ACBroule sur une droite fixeEF, il existe un rapport constant enire la longueur de la rou- letite MON, décrite par un point M lié à la courbe roulante, et la longueur correspondante de la courbe GPH, lieu des points où les tangentes à ACB sont coupées, sous l'ange 6, par des droîtes partant de M. Ce rapport est exprimé par \ (245) l'égalité MON Ê GPH —= SIN &. Toutes choses restant les mêmes que tout à l'heure, sauf que, au lieu d’être droit, l’angle en G du triangle MGA est égal à 6, la vitesse qui anime le point M dans la descrip- tion de la roulette MON ne cesse pas d’être représentée en grandeur par AM. La seule différence consiste en ce qu'on ne connait point tout d'abord les deux composantes de la vitesse qui anime le point G dans la description de la courbe GPH : on sait seulement que cette vitesse 26 \ résulte, soit de deux composan- /!.. \?R tes, l’une égale et perpendiculaire à MG, l’autre inconnue et dirigée " suivant GM; soit de deux compo- 40 \A santes, l’une égale et perpendicu- laire à AG, l’autre inconnue et dirigée suivant GA. Si l’on élève en A, sur AG, la perpen- diculaire AR, et en M, sur MG, la perpendiculaire MR (R étant le point d’intersection de ces deux droites), il résulte des conditions précédentes (”) que la vitesse du (*) Lorsqu'un point est assujetti à rester en même temps sur deux droites mobiles, et qu'on connaît, pour chaque droite, considérée isolément, la vitesse du point normale à la direction de cette droite, voici comment on détermine la vitesse absolue de ce point : On mène par le point deux portions de droite représentant en grandeur et en direction les vitesses normales supposées connues; on élève sur chaque portion de droite et à son extrémité une perpendiculaire. La droite qui joint le point donné au point de concours de ces perpendiculaires , représente en grandeur et en direction la vitesse cherchée. ( 244 ) point G est représentée en grandeur par la diagonale GR du quadrilatère MRAG. D'un autre côté, puisque les an- gles en À et M sont droits et que l’angle en G est déter- miné, il s'ensuit que la droite GR est le diamètre du cercle construit sur AM, comme segment capable de l’an- gle &. Concluons que la longueur GR dépend exclusive- ment de l'angle 6 et de la longueur AM. Partant de là, on trouve très-aisément GR sin € — AM. On voit ainsi qu'il existe un rapport constant entre la vitesse du point M dans la description de l'arc MON, et celle du point G dans la description de l’arc GPH. II est démontré en même temps que ce rapport est égal à sin 6. Le même rapport subsiste nécessairement entre les por- tions d’arc qui se correspondent. On a donc, comme con- séquence immédiate, MON GPH sin 6. CG. 0. FD. Ce théorème conduit plus directement que celui de M. Mannheim au corollaire IT relatif à la rectification de la spirale logarithmique. | Supposons que la courbe ACB soit un cercle au rayon AI — R; supposons, en outre, que, au lieu de rouler sur la tangente EF, ce cercle roule sur un autre cercle au rayon AT =R". Rien n'étant changé d'ailleurs, on voit aisément que la vitesse angulaire de la droite AM n’est plus égale à celle SE A ( 245 ) _des droites MG, AG, et qu'entre celle-ci et la première, ‘il y a le même rapport qu'entre R’ et R + R’. De là ré- sulte, comme tout à l'heure, MON BR’. ———— "sin 6, GPH R’ ou inversément GPH R’ RE ( MON (R+R')sin 6 Cela posé, si, toutes choses égales d’ailleurs, on prend pour courbe fixe le cercle au rayon R et pour courbe roulante le cercle au rayon R’, les arcs MON, GPH étant remplacés par d’autres arcs MO'N’, GP’H”, respectivement déterminés comme les premiers, l’on a, en vertu de l’équa- tion (1) . MON (R+R')sine s L'addition membre à donne membre des égalités (1) et (2) GPH He 4’ 1 MON MON snc' et comme cette relation subsiste indépendamment des rayons R, R’, il s'ensuit qu’elle s'applique au cas général de deux courbes quelconques et qu'en conséquence, elle fournit ce nouvel énoncé : Lorsque deux arcs plans ACB, AC'B', tangents en À et égaux en longueur, roulent successivement l'un sur l'autre, chacun d'eux restant fixe pendant que l'autre s'y applique ( 246 ) tout entier, \l existe une relation constante entre les lon- gueurs des roulettes MON, MO'N' décrites par un méme point M lié à la courbe roulante et les longueurs correspon- dantes des courbes GPH, GP'H', lieux des points où les tangentes aux arcs. ACB, AC'B” sont coupées sous l'angle 6 par des droites partant de M. Cette relation est la suivante : CPH CGP'H 1 me MON MON sine (5). Si l'angle 6 est droit, comme dans le cas du théorème de M. Mannheim, on a plus simplement : GPH CPH' MON MON (4). J'ai supposé les arcs ACB, AC'B' extérieurs l'un à l'autre. S'ils étaient intérieurs l’un à l’autre, on aurait en général . GPH GP 1 bi GP'H GPH 1 1e a — —— — — où bien ———— ——— je MON MON sine MON MON sne et, dans le-cas particulier où l’angle 6 est droit, é GPH GP'H’ je GP'H' GPH 3) = = = A4 oùbien = — = 1, G ox — mon © MON MON selon que, pour d'égales longueurs considérées de part et d'autre, la courbure de l’arc ACB serait constamment plus forte ou constamment moins forte que celle de lare AC'B. Les théorèmes exprimés par les égalités (3), (4), (5), (6), comportent évidemment de nombreux corollaires. Le ( 247 ) manque de temps m'oblige à laisser au lecteur le soin de les déduire. | RECTIFICATION DE LA CYCLOIDE. Soit amf le cercle roulant, c son centre, m le point qui décrit la eycloïde, {k la droite TRE" [BEF PE sur laquelle roule le cercle AE À à m4 PLIS BON amf, a le point @e contact de | Nat \ ce cercle avec la droite {k. Le Le \ | } point a étant le centre instan- | r tané de rotation qui corres- ’ qu 714 , pond à la position actuelle du point m, il est visible que la vilesse v de ce point est dirigée tout entière suivant mf. Prenons mf pour grandeur de la vitesse actuelle v. Si par le point f nous menons la droite fb tangente en f au cercle amf, mb, fb seront les composantes de la vitesse v, l’une parallèle, l’autre perpendiculaire au diamètre af. Cela posé, tandis que le point »m décrit la eycloïde, si l’on considère le cercle amf comme fixe et qu'on projette le point décrivant sur ce cercle par une droite parallèle à {k, on voit immédiatement que la projection du point déeri- vant a une vitesse actuelle v’ représentée en grandeur et en direction par la droite me, tangente en m au cercle amf. 11 suit de là qu’en désignant par w’ la composante de la vitesse v’ dirigée suivant mf, on a généralement d étant le pied de la perpendiculaire abaissée du point e sur mf. Or, puisque les droites fe, me sont toutes deux tangentes , l'une en f, l'autre en m, au cerele amf, le point (248) d est évidemment le milieu de mf. On à donc bd 2H. Concluons que la longueur de l'arc cycloïdal, compris entre deux positions quelconques du point décrivant, est égale au double du changement de longueur que la droite mf subit dans le passage d’une de ces positions à l’autre. On a ainsi pour la longueur totale de la cycloïde le qua- druple du diamètre af. S'il s'agissait d’une épicycloïde, au lieu de doubler le changement de longueur subi par la droite mf, il faudrait multiplier ce même changement de longueur par le fac- teur 2 (1 + &b R étant le rayon du cercle roulant, R’ celui du cercle fixe. (219 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 1° mars 1858. M. M.-N.-J. LecLercQ, directeur. M. An. QUETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Grandgagnage, de Ram, Roulez, Gachard, le baron J. de Saint-Genois, Paul Devaux, P. De Decker , Schayes, Snellaert, Carton, Bormans, Polain, Baguet, Arendt, membres ; Nolet de Brauwere Van Stee- land, associé; Mathieu, Kervyn de Lettenhove, Chalon, Thonissen, Th. Juste, correspondants. | M. d’'Omalius d'Halloy, président de l’Académie et membre de la classe des sciences; MM. Alvin et Ed. Félis, membres, et Jehotte, correspondant de la classe des beaux-arts, assis- tent à la séance. CORRESPONDANCE. —_— L'Académie apprend avec douleur, par une lettre de M"° Delfosse, la perte que le pays vient de faire par la mort de son époux, M. Auguste Delfosse, ministre d'État et ancien président de la Chambre des Représentants. — La Société des antiquaires de la Morinie à S'-Omer, ( 250 ) annoncé l'envoi du dernier volume de son Bulletin histo- rique; et la Société libre d’émulation de Liége remercie l’Académie pour l'envoi de son dernier Annuaire. — L'auteur du travail envoyé au concours sur la ques- tion de littérature flamande fait parvenir le billet cacheté qui manquait à son mémoire. — M. Hauchecorne , de Cologne, écrit à l’Académie en lui présentant un exemplaire de ses tableaux statistiques des chemins de fer de l'Allemagne pour l’année 1856. — M. le général Renard transmet une cinquième lettre manuscrite sur l'identité de race des Gaulois et des Ger- mains. (Commissaires : MM. SEE Roulez et le baron de Gerlache.) COMMUNICATIONS ET LECTURES. : Relation de la première croisade de saint Louis, par Gui- bert de Tournay. Notice par M. Kervyn de Lettenhove, correspondant de l’Académie. J'ai eu, il y a quelques années, l'honneur de communi- quer à la classe une notice sur le manuscrit unique du traité : De eruditione requm. Qu'il me soit permis d'ajouter aujourd'hui que je crois avoir retrouvé un autre ouvrage bien plus important de Guibert de Tournay, je veux parler de la relation de la croisade d'Égypte dont on conservait autrefois une copie à l’abbaye de S'-Martin. ‘4 nt a ( 251 ) Le manuscrit n° 9495 de la Bibliothèque de Bourgogne renferme une continuation inédite de Bernard le Trésorier qui s'étend de 1229 à 1266 (1). Mais lorsqu'on l’examine attentivement, on reconnait qu'elle est presque entière- ment consacrée aux expéditions chrétiennes d'Orient sous le règne de saint Louis. Les digressions mêmes auxquelles l'auteur se livre ne sont point étrangères au but qu’il se propose. Nous mentionnerons les chapitres consacrés au Khalife de Bagdad, aux Tartares et au Vieux de la Mon- tagne, et surtout une précieuse description de Jérusalem au XIII” siècle. L'auteur ne se nomme pas : il a soin toutefois de rap- peler que Frédéric IT, après avoir protégé pendant quelque temps les frères mineurs, les chassa de son empire, et que saint Louis en emmena avec lui non-seulement dans l’île de Chypre, mais aussi à Damiette. Ceci légitime peut-être notre hypothèse que le récit que nous avons sous les yeux appartient à un frère mineur. Nous trouverons d’autres arguments dans la comparaison de plusieurs textes de ce manuscrit avec certains passages du traité De eruditione requm. L'auteur de notre relation, après avoir rapporté que le roi de France refusa de fuir, et aima mieux s’exposer avec tous les siens à la captivité et à la mort, peint ainsi sa sé- rénité d'âme au milieu des privations, des souffrances et des périls : Li rois les amonestoit de bien faire. Bien distrent aucuns qui en l'ost de la crestianté furent que onques ne virent le roi (1) Elle se trouve aussi dans le n° 9045; mais ce MS., moins ancien, est assez incorrect. ( 252 ) faire, ne mauvais semblant, ne coart, ne esbahi, et bien sem- bloit à la chière qu'il ne ust nule doutance, ne esmai. Guibert de Tournay dit dans le traité De eruditione re- gum : Rex fugae praesidio consulere noluit, sed flere cum flentibus maluit et cum populo in carcerem vel mortem ire. Quid esset in homine claruit dum fidei scutum opposuit ut animaret ad fidem exercitum. Non expaluit facies, sed intrepidus et solito longe se- curior, nichil de statu regiae dignitatis amisit. Dans le même traité, il mentionne les Psylles d'Égypte, qui, en prononçant certaines paroles, sucent avec la langue le venin le plus violent. Notre manuscrit s'occupe aussi des Psylles et « des charmes que il savoient dire, » car « c'estoit merveille à veoir comment li Paille se com- » batoient au venin. » Comment d’ailleurs pourrait-on ne pas reconnaître dans cette relation inédite, la plus complète qui soit par- venue jusqu’à nous sur la septième croisade, le travail historique de Guibert de Tournay, signalé par d'anciens auteurs et vivement regretté par les érudits modernes? Une miniature presque effacée où l'on aperçoit saint Louis malade à Pontoise, recevant la croix des mains de l'évêque de Paris, nous annonce le commencement du récit de la croisade (1). Immédiatement après le premier 0 (1) La narration de l'expédition de Thibaud de Champagne en terre sainte, à peine antérieure de quelques années, remplit les pages précédentes de notre manuscrit, et nous ne croyons pas nous tromper en disant que l'auteur l’a écrite d’après le témoignage de plusieurs chevaliers qui accom- pagunèrent saint Louis en Égypte. Il cite lui-même Philippe de Nanteuil et Matthieu de Marly. Du * : Ÿr ( 253 ) chapitre vient une lettre adressée à Nicolas Hérode et à Jean Sarrazin, qui étaient, si je ne me trompe, tous les deux trésoriers du roi de France. L'auteur de cette lettre, qui est évidemment le même que l’auteur du livre, rapporte qu'il se trouvait près du roi et de la reine sur le navire la Monjoie, qui mit à la voile du port d’Aigues-Mortes le jour de la fête de saint Augustin (28 août 1248) et qui aborda à Chypre le 17 septembre (1). Quelques mois se passèrent : on chercha à les mettre à profit en nouant des négociations avec les Tartares, et notre auteur cite, comme y ayant pris une part aclive, André de Lonjumeau, Jean Godeliche, Herbert le Sommelier et Gilbert de Sens. Quand toute l’ar- mée des croisés se trouva réunie, elle comptait 5,500 che- valiers et 5,000 arbalétriers. Mais l'expédition, dès qu’elle s'éloigna du rivage, fut vivement contrariée par les tem- pêtes. Bien que l’on ne comptât que trois journées de Li- meçon à Damiette, elle resta plus de trois semaines en mer. La lettre qui nous a conservé sur tous ces faits de nombreux détails, fut écrite à Damiette aussitôt après le débarquement des croisés. Une seconde lettre, datée également de Damiette, s'étend davantage sur la brillante conquête de cette ville. Nous en citerons tout ce qui se rapporte au combat livré sur le rivage : | Vendredi après la Ternité, entor tierce, venismes devant Da- miete à grant partie de nostre estoire, mès elle n'estoit pas toute dallez et bien avoit IH liues trèsqu'à terre. Li rois fist l’es- (1) Tout donne lieu de penser, avons-nous déjà observé ailleurs, que Gui- bert de Tournay fut attaché comme chapelain ou comme lecteur au roi de France. ( 254 ) toire à ancrer et manda tantost tous ses barons qui là estoient. Il _s'asemblèrent tuit dedens la Monjoie, la nef le roi, et s’acordè- rent que Jandemain bien matin iroient prendre terre à force, maugré leur anemis, se il leur osoient deffendre. Comandé fu que on appareillast toutes les galies et tous les menus vessiaus, et que, landemain bien matin, i entrassent tuit cil qui entrer i porroient. Bien fu dit que chascun se confessast et feist son tes- tament, et atornast bien son afaire come pour morir, se il plai- soit à Nostre-Seingneur. Quant ce vint landemain, li rois oï le service Jhésu-Crist et tele messe comme l'on fait en mer, et s’arma et comanda que tuit s'armassent et entrassent ès petis vaisseaus pour aler prendre terre. Li rois entra en une coiche de Normandie et nous et nostre compaingnie aveques lui et li légas ausint qui tenoit la vraie crois et enseignoit la gent armée, qui estoient ès menus vaissiaux pour aler prendre terre. Li rois fist entrer en la barge de can- tier monseignor Jehan de Biaumont, Mahi de Marli, Joffroi de Sargines, et fist mettre le confanon monseignor S' Denis awec eus. Ce le barge ala toute devant, et tuit li autre vaissel après et suivirent le confanon. La coche où li rois estoit et li légas awec lui, qui tenoit la vraie crois, et nos, estions derrier. | Quant nous aproïchasmes de la rive à une arbalestée, mout grant planté de Turs qui là estoient sor la rive à pié et à cheval traistrent à nos mout espessement et nos à eus, et quant nos aproichasmes de terre, bien II mil Turs qui là estoient, se féri- rent en la mer bien avant contre nos gens, et assez de ceus à pié. Quant nosire gent, qui armé estoient à pié ès vaissiaus et meis- mement li chevalier virent ce (et meismement mout d'autres), v'entandirent pas à suire leconfanon monseingnor saint Denise, ains saillirent en li aue tuit armé, li un jusques aus esselles et li autres jusques aux mamelles, les uns plus et les autres moins, selonc ce que la mer estoit plus parfonde en un leu qu'en autre. Assez i ot de nos gens qui traistrent leur chevaux par grant péril et par grant proesce hors des vaissiaux où il estoient. ( 259 ) Adonts’efforcèrent nostre arbalestier et traistrent si durement et si espessement que ce estoit merveilles à veoir. Lors vinrent li nostre à terre et là gaagnièrent. Quant li Tur virent ce, si se ralièrent ensemble et parlèrent en leur langage, et veinrent sur nos gens si fièrement qu'il sembloit qu'il les deussent tous oc- cirre et découper; mès nos gens ne se murent de sus le rivage, ains se combatoient si fièrement qu'il sembloit qu'il n’eussent onques soffert périls, ne travaus, ne angoisse en la mer, par la vertu de Jhésu-Crist et par la vraie croïs que li légas tenoit en haut contre les mescréans. | Quant li rois vit les autres saillir et descendre en la mer, il vost saillir en la mer, mès l’en ne li vost soffrir , et toutes voies des- cendi-il outre lor gré et entra en la mer jusqu'à la ceinture, et nous tuit awec lui, et puis que li rois fu descendus en la mer, dura la bataille grant pièce. Quant la bataille at duré et par mer et par terre, dès le matin jusqu'à midi, li Ture se traistrent ar- rière et entrèrent dedans la cité de Damiete. Li rois s demora sus la rive à tout lost de la crestianté. Il ot en celle bataille ou pou ou nul mors des crestians : des Turs i ot bien ocis jusqu'à V° et mout de leur chevaus. Il 1 ot ocis JE amiraus. Li rois, qui ot esté chevetaineen la bataille où li quens de Bar et cil de Montfort et li autre crestien avoient esté desconfit devant Gadres, 1 fa occis en celle bataille. Ce estoit, di- soit l'an, li plus grans sires de toute la terre d'Égypte, après le soudant, bons chevaliers, hardis et saiges de guerre. Landemain, c'est à savoir le diemanche après les huitièmes de Pantecoste (1),au matin, vint uns Sarrasins au roi, qui li dist que tuit li Sarrasin s'en estoient alé de la cité de Damiete, et que l’en le pandist se ce n'estoit voirs. Li rois le fist bien garder et i en- voia gens pour savoir la certainneté. Avant qu'il fust none, cer- taines nouvelles vindrent au roi que grant planté de nos gens (1) 6 juin 1249. 2° SÉRIE, TOME IV. F7 "12 LA à * ( 236 ) estoient jà dedens la cité de Damiete et la banière Le roi sus une haute tor. Dans cetie même lettre se lisaient ces lignes : Nous cuidons adonques que nous ne mouvrons de la cité jusques à la Tous-Sains pour la croissance du flam de Paradis qui là cort que on appelle le Nil, quar l'en ne puet aler en Alexandre, ne en Babylone, ne au Cahaiïre quant il s'est es- pandus par la terre d'Égypte, ne il ne descroïst, ce dist lan, devant adonques.…. Et plus loin : Faites savoir ces lettres à tous nos amis. Ces lettres furent faites dedens la cité de Damiete, la vegille de la nativité mon- seingnor saint Jehan-Baptiste. D'autres lettres furent-elles écrites au camp de la Mas- soure? Nous l'ignorons, et nous comprenons aisément qu’elles ne soient point parvenues jusqu’à nous. Aussi ne renconlrons-nous plus dans notre texte qu’une relation régulière écrite sans doute plus tard, aprés la lin de Ja captivité d'Égypte. Dans cette relation, l’auteur remonte jusqu’au séjour du roi de France à Damiette. Il se plait à énumérer toutes les fondations pieuses, toutes les aumônes que saint Louis multipliait en même temps que l’on réparait activement les fortifications de la ville. Tous les seigneurs, porte notre relation, avaient leur hostel garant et bel à Damiette, et le roi, craignant que la discipline militaire ne füt trop promptement oubliée, en donna le premier l'exemple en laissant la reine à Damietie pour aller s'établir avec tous les barons dans l’île de Maalot, sur l’autre rive du Nil ; ( 257 ) mais ses conseils ne furent pas longtemps écoutés (1). A peine les Bédouins, à qui le soudan avait promis dix be- sants d'or par tête de chrétien, se montrèrent-ils devant le camp que l’on eut à déplorer l'imprudente tentative du sire d'Antrerèche, aussi rapportée par Joinville. Une cha- leur extrême, qui multipliait les mouches et les insectes de tout genre, accablait les croisés, et, vers les derniers jours d'octobre, les vents furieux soulevèrent les flots de la mer. | On crut, enfin, toucher au terme de ces épreuves. L'arrivée du comte de Poitiers, qui avait heureusement échappé à la tempête, fut saluée avec joie; les inonda- tions du Nil, qui s'étaient opposées jusque-là à la marche des croisés, avaient complétement cessé, et toute l'armée chrétienne se porta en avant, le 20 novembre, pour se di- riger vers la Massoure. On mit trente et un jours à faire dix-huit lieues. Un autre mois se passa en vains prépara- tifs pour franchir le canal du Tanis, et l’on sait quel af- freux désastre attendait les croisés sur l’autre rive. (1) Notre auteur est fort sévère à l'égard des désordres des chevaliers. Voici comment il nous peint la coupable mollesse de ceux qui partagerent lés revers du comte de Jaffa : Li riche homme firent metre les napes et s’asistrent au mengier, quar il . ävoient assez fait porter pain et vin, gelines et chapons. Li un menjoient et li autre dormoient ; li autres atiroient leur cheveux, tant avoit d’orgueil et de bobant en eux. Bien s’aperçurent que Nostres-Sires ne vuelt mie que on le serve en tel maniere. Il serait intéressant de comparer aux éditions publiées au XVI": siècle, les MSS. bien plus complets des sermons de Guibert de Tournay, conservés à Arras, à Poitiers, à Troyes et à Bruxelles (n°° 4284 et 5250). Là aussi se ren- contrent de nobles et pieux enseignements adressés à l4 chevalerie : voyez notamment le MS. 5250, fo 52. Un autre sermon commence par ce texte : Beata terra cujus rex nobilis est. ( 258 ) Nous reproduirons le récit de la bataille de la Massoure : Quant li nostre veirent que il faisoient ainssint leur volenté des Sarrasins et que tuit s’enfuioient devant euls, il les comen- cièrent à chacier trop follement et sans conseil et sans nul apanssement. Quant frères Giles li grans comandierres du Temple, preuls et hardis et saiges de guerre et clervéans, vit ce, il dist au conte d’Artois qu’il feist sa gent arrester et ralier en- semble, et que l'an atandist le roi et les autres batailles qui an- cor n'avoient mie passé le flum. Bien disoit encor frères Gilles que li quens d'Artois et cil qui estoient awec lui avoient fait un des grans hardemens et une des plus grans chevaleries qui fust faite, grant tens avoit en la terre d’outremer, et looit encores que l'en se traissist delez les angins des Sarrasins, qui estoient dre- ciés delez la chauciée, quar se il chaçoient ainsint esparpillié, li Sarrasins se ralieroïient ensemble et légièrement les desconfi- roient, quar il n’estoient q'un pou de gent au regart de la grant planté des Sarrasins qui là estoient assemblé. Uns chevaliers que nous ne savons mie nommer, qui estoit awec le conte d'Ar- tois, respondi en tele manière : « Adès i aura du poill du lou : » se li Templier et li Ospitalier et li autre de cest païs vossissent, » la terre fust ore toute conquise. » Cil meesmes qui là estoient parloïient au conte d'Artois en tel manière : « Sire, jà ne veez- » vous que li Tur sont desconfit et qu'il s’enfuient? Ne sera-ce » mie grant mauvaistié et grant coardise se nous ne chaçons » nos anemis? » Li quens d'Artois, qui estoit chevetaine de l'avangarde, s’acordoit bien au chacier et dist à frère Gille que , s'il avoit paour, qu'il demorast. Frères Gilles li respondi en tel manière : « Sire, ne Je, ne mi frère, n'avons paour; nous ne » demorrons pas, ains irons awec vous; mès saichiez, nous re- » doutons que nos, ne vous n’en retournons jà. » Endementres qu'il parloient ainsint, X chevaliers vindrent là, tout acorant au conte d'Artois, qui li distrent de par le roi qu'il ne se meust et qu'il atendist tant que li rois fust venus, Il res- pondi que li Sarrasins estoient desconfit et qu'il ne demorroïi ( 259 ) mie, ains les chaceroit. Tantost coururent emprès les Sarrasins et les’ chacièrent parmi les herbages, tuit esparpillié et sans route tenir, tant qu'il vinrent à une vilete que l'on claime Lau- massorre. Tantost se férirent dedans li uns après les autres tout occiant ceus qu'il pooient aconsuivre. Li Sarrasins pooient à painnes croire que li nostres chaçassent si folement , ne qu'il se fussent embatu si périlleusement, ne espandus par les rues de ce chastel. Bien virent qu'il en feroient auquesleur volentés. Il firent sonner cors et buisines et tabours. Isnelement se ralièrent et avironnèrent nos gens de toutes pars, erueusement leur couru- rent sus, quar il avoient les cuers mont angoisseux de la grant ocision qu'il avoient veue de leur gent, et sen trouvèrent nos gens à grand meschief, quar il n’estoient mie ensemble. Il et leurs chevaus estoient si las qu'il défailloient tuit, tant avoient coru et racoru par les herberges des Turs qu'il ne se povoient aïdier. Li Sarrazin les trouvèrent espandus par tropiaus, légièrement en firent leur vollentés, tous les detrenchièrent et découpèrent et pristrent et lièrent et trainèrent emprison. Aucun en i ot qui se mistrent au fouir vers le flum, qui cuidoient eschiver la mort; mès li Sarrazin les suivoient de près, ociant et abatant de haches danoïses, de maces, de glaives, d’espées que quant il vinrent au flum, qui estoit grant et roïdes et parfons, il se férirent tuit aus et furent tuit noïé. En celle bataille furent mort ou pris, l'en ne scet mie bien lequel, Robers quens d'Artois, frère le roi Looys de France, Raoul li sires de Couci, Rogiers sires de Roissi, Je- hans sires de Cherisi, Erars sires de Breine en Champaigne, Guil- laume Longue-Espée quens de Salibieres en Engleterre , et tuit li Templier perdu. N'en demora que HE ou que V. Mout grant planté de nos barons, chevaliers, arbalestiers, serjans à cheval . des plus preuls et des plus elleux de tout nostre ost i furent tuit perdu, n'onques puis n’en sot-on certainneté. Quant li rois ot passé le flum et les autres batailles qui estoient awec lui, vinrent tuit ordrenéement et tuit rangié celle part là où li Sarrazin estoient, mès li Sarrazin qui les nostres orent si ( 260 ) laidement desconfis, farent montés en si grant orgoill qu'il ne prisièrent néant le roi, ne tout le ramenant de nostre ost. Tan- tost come il aperçurent le roi, par grant orgoill et par grant bobant se férirent hardiement encontr'eux, Quant li rois vit ce, bien se pensa que eil qui devant estoient alé, avoient misé la crestianté en mauvais point. Il comanda à tous ceus qui awec lui estoient que il se tenissent tuit ensemble et tuit serré, mout leur amonestoit et disoit que il ne devoient point douter celle grant planté de mescréans qui encontr'eus venoient, quar Nostres-Sires Jhésu-Cris, pour qui il estoient là venus, estoit plus fors et plus poissans que tous li mondes. Quant li chevaliers Sarrazin aproiï- chèrent de notre gent, la noise y fu si grans de cors, de buisines, de tabours et de cris de gens que estoit grant hideur à oùr. Il acointrent les nos tout antor et traistrent si grand planté de saïeles et quarriaus que pluie, ne gresill ne feist mie plus grant occurté, si que mout i ot de navrés de nos gens et de leur che- vaux. Quant les premières routes des Turs orent widié leur car- quois et tot trait, il se traistrent arrières, mès les segondes routes vindrent après tantost, où il avoit encor plus de Turs. Cil trais- trent encor plus espessement qu’en avoient fait li autre. Li rois, ne nostre gent n’avoient nul arbalestier là androit. Cil qui avoient le flum passé awec le roi estoient tuit occis en l'avan- garde, quar li Sarrazin occioient sans espargnier tous les arba- lesliers qu'il prenoient. Quant li rois et nostre gent virent qu'il perdoïent ainsint leur chevaux et eus-meismes, il férirent des espérons tuitensembleencontre les Turs pour eschiver les saïetes, assez en abatirent aus glaives et aus espées, mès la planté des Tars estoit si grant que pou ou noiant i paroit, quar quant il i avoit aucun Tur ocis ou abatu, tantost revenoient autres en leur leux, tuit frès et tuit novel. Li Tur virent que nostre gent et leur chevaus estoient mout blécié et à grant meschief, si pandirent isnelement leur ars à senestre, desous leur roelles, et leur coru- rent sus moult cruelment aus maces et aus espées, si durement tenoient nos gens à estrait que ce estoit merveilles à veoir, Assez LA ( 261 ) y ot des nos qui furent en celle bataille, qui depuis distrent et afermèrent certainnement que se li rois ne se fust maintenus si hardiement, qu'il eussent esté tuit mort ou pris. Onques li rois en celle bataille ne trestorna son vis, ne n’eschiva son cors des Turs. 11 confortoit et amonestoit sa gent de bien faire, si qu'il en estoient tuit rafreschi. Mout se deffandoient viguereusement si au desous come il estoient et souffroient celle grant planté de Sarrazins qui descharioient sor eus, les unes routes après les autres. Ainsint dura celle bataille jusques autour nonne. Li chevalier et les autres gens qui estoient en nos herberges, qui bien savoient ces choses, ne les pooient secorre pour le flum qui estoit antre deus. Tuit et petit et grant braioient et crioient à haute vois et batoient leur pis et lor testes et dérompoient leur cheveuls et tor- toient leur poins, et disoient : « Las! las! las! Li rois et si frère «et toute leur compaingnie sont tuit perdu. » Adont coururent la gent à pié et li menus peuples hardiement et très-hastievement as merriens, aus angins et aus autres estrumens de lost, et com- mencièrent à essaier s'il porroient faire aucune voie pardesous cel pas, par où il peussent passer outre pour aïdier au roi. Par grant painne et par grant travaill, firent une voie de merrien assez périlleuse par deseur le pas, quar Ji aue estoit par desous roide et parfonde pour la chauciée qui là androit estoit fete, si que nus n'i chéist qui maintenant ne fust perdus. Tantost passè- rent assez périlleusement au plus isnellement qu'il porent, pour aidier au roi. Mès quant li Sarrasin les virent venir et passer le flum , il se traistrent arrier et se départirent de là androit et s’en alèrent à leur herberges. En celle bataille perdirent li chevalier {Sarrasins ?) assez de leur gent qui i furent occis. Des nostres n'i ot-il guères de mors, mès assez en 1 ot de navrés et assez perdirent de leur chevaus qui furent occis et navrés en diverses manières. Li nostres, quant il orent gaaingnié et retenu le champ par l’aide de Dieu, s’en re- tornèrent devers le pas. Là firent tendre lor paveillons et leur ( 262 ) tentes, et se logièrent delez les angins aus Sarrazins, dont:il trouvèrent XIII. Assez trouvèrent nostre gent iluec androït mer- rien, tantes, paveillons et autre harnois que li Sarrazin avoient laissié, quant il feurent seurpris de l’avangarde. Cele nuit, de- mora li rois là androit à mout poi de gent. | Le lendemain de la bataille fut le jour des Cendres. D'un côté, tout retraçait chez les chrétiens le deuil et la pénitence; de l’autre, de bruyantes fanfares annonçaient l’orgueil du triomphe chez les Sarrasins. Un nouveau soudan venait d'être proclamé; il refusa avec mépris la trêve qu’on vint lui demander. Un profond décou- ragement s’empara des croisés décimés par l'épidémie : il semblait qu'il leur fût impossible d'échapper à l'armée des infidèles qu’on évaluait en ce moment à 500,000 hommes. Les barons conseillaient au roi, tantôt de prendre le meil- leur cheval qui leur restât et de chercher à gagner Da- mielte en le pressant de l’éperon, tantôt de se cacher dans une barque et de s'éloigner pendant la nuit. Le roi rejeta ces timides avis, en déclarant qu'il était venu avec les croisés pour vivre ou pour mourir avec eux, et il fut résolu que les débris de l’armée chrétienne repasseraient le Tanis. En même temps, l’on faisait monter dans les barques les clercs et les malades. Là se réfugia aussi, si nous compre- nons bien le texte que nous avons sous les veux, l’auteur de cette relation (1). Cependant les chrétiens s'avançaient avec courage et ceux qui marchaient les derniers avaient leurs targes et (1) L’évêque de Soissons n'avait pas voulu quitter le roi; il partagea tous ses périls, mais ne reparut plus. L’évêque de Langres, qui s'était embarqué sur le Nil, périt également sous les traits des Sarrasins. (- 265 ) leurs écus hérissés de tant de flèches qu'on eût pu les com- parer, aussi bien que l'armure de Richard Cœur de Lion, à une pelote couverte d’aiguilles. Déjà l’on avait franchi les deux tiers de la distance qu'on avait à parcourir pour être sauvé; l’on n’était plus qu’à cinq lieues de Damiette quand les Sarrasins, tentant un dernier effort, virent tomber en leur pouvoir le roi de France avec ses deux frères et les comtes de Flandre, de Bretagne et de Soissons. « Assez i » ot des crestians, ajoute notre auteur, qui s’anfoirent » vers nosire navie pour ce qu'il cuidièrent eschaper, mès » la navie s’en estoit jà alée. Quant il vindrent là, il se » férirent au flum et furent noiïé tuit. » Un navire échappa presque seul à la poursuite des Sar- rasins : c'est celui qui portait le légat du pape, Eudes de Châteauroux, et le patriarche de Jérusalem, et sans doute aussi un grand nombre d’autres clercs. On sait assez quelle fut la rançon du roi de France et avec quelle magnanimité il ne voulut jamais stipuler les conditions de sa délivrance sans assurer également celle de ses compagnons d’infortune. Mais ce traité ne fut pas exécuté, et plus de 12,000 chrétiens restèrent dans les prisons d'Égypte. Quand saint Louis fut arrivé dans la cité d’Acre, on le pressa de nouveau de profiter du passage du mois d'août pour regagner la France; mais il répondit avec la même générosité que rien ne pourrait l’engager à abandonner les chrétiens de Palestine, qui avaient épuisé toutes leurs forces en le secondant dans sa funeste expédition à la Massoure. Quatre années devaient s’écouler avant qu'il rentrât à Paris, le 7 septembre 1254, au milieu des larmes de joie de son peuple, qui n’espérait plus le revoir. Cette rapide analyse résume bien incomplétement la ( 264 ) relation dont nous nous occupons aujourd’hui : les cita: tions qué nous lui avons empruntées la feront mieux connaître. Nous nous bornerons à aäjouter qu'elle offre le meilleur commentaire du récit brillant, mais confus, du sire de Joinville, et que nous y retrouvons vraisemblable- ment la principale source suivie par Guillaume de Nangis. Il suffit, croyons-nous, de la signaler pour qu’elle fixe l'attention de tous les amis de l’histoire et des lettres. — M. Gachard donne lecture d’un second fragment de la biographie inédite de don Carlos. Ce fragment renferme les détails qui ont motivé l'arrestation du jeune prince espagnol et les relations qui existaient entre lui et son oncle don Juan. L'auteur s’est borné à donner lecture de ce récit qui à été écouté avec intérêt; il a fait connaître qu'il se propose de le publier prochainement dans lou- vrage spécial dont il s'occupe en ce moment. nr (265 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 4 mars 1858. M. G. GEers, directeur. M. Ad. QueTELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, De Keyzer, F. Fétis, Navez, Roelandt, Suys, J. Geefs, Érin Corr, Snel, Par- toes, Baron, Ed. Fétis, De Busscher, membres ; Alph. Balat, Demanet, correspondants. ee TZ CORRESPONDANCE. a Une lettre de M. le Ministre de l’intérieur fait connaître qu'une somme de 500 francs a été accordée par S. M. le Roi à la Caisse centrale des artistes belges que la classe a prise sous sa direction, — Une seconde lettre du même Ministre annonce qu’une somme de fr. 1,749 50 €’, provenant des retenues opérées au profit de la Caisse centrale, sur le prix des œuvres d'art vendues par son intermédiaire, lors de la dernière exposi- tion triennale des beaux-arts à Bruxelles, a été remise au trésorier de l'association, ( 266 ) — M. le Ministre de l’intérieur fait connaître aussi que M. Demol, lauréat du grand concours de composition mu- sicale de 1855 , a été autorisé à prolonger son séjour à Paris, pendant l’année 1858. — M. Ernest Rietschel écrit de Dresde pour remercier l’Académie de l'envoi de son diplôme d’associé. mer A ———— RAPPORTS. M. Alvin donne lecture du rapport suivant, fait au nom de la commission spéciale composée de MM. Roelandt, Suys, Partoes, Ad. Quetelet, Balat, Demanet et Alvin, rapporteur : « MESSIEURS, Dans la séance du 4 février dernier, l’Académie a reçu communication d’une dépêche du Département de linté- rieur, exprimant le désir de connaître le plus tôt possible, vu l’urgence, l'avis de la classe des beaux-arts sur la ques- tion de savoir s’il convient d'admettre, pour le grand con- cours d'architecture qui doit avoir lieu cette année, une nouvelle dérogation à l’arrêté ministériel du 19 avril 1852, relatif au programme de l'examen exigé des concurrents. On sait que, sur la demande du conseil d’administra- tion de l’Académie d'Anvers, sept des douze matières qui constituent le programme en avaient été exceptionnel- lement effacées, pour le même concours de l'année 1853. ( 267 ) On se fondait, pour justifier cette dérogation, sur cette circonstance que lesdites matières d'examen n'avaient été l'objet d'aucun enseignement à l’Académie d'Anvers avant la publication de l'arrêté du 19 avril 1852, et que depuis l'administration ne s'était pas trouvée en mesure de les y faire enseigner. Aujourd'hui, six ans après la publication officielle du programme , le conseil d'administration de l’Académie royale d'Anvers expose que toules les circonstances mili- tent en faveur d'une nouvelle dérogation au programme primitif de l'examen pour le concours qui doit avoir lieu en 1858. | Cette opinion paraît devoir se traduire en ces termes, que l’Académie royale d'Anvers n’a apporté aucune modi- fication, aucun accroissement à son enseignement en vue de satisfaire au vœu du programme de 1852. Le Ministre vous demande si c’est une raison suffisante pour supprimer de fait ce programme. Avant de vous prononcer sur celte question qui inté- resse à un haut degré l’avenir de l’art en Belgique, vous avez désiré connaître l'avis de la commission qui, en 1851 et 1852, vous avait proposé, sur la demande du Gouver- nement, le programme qui est mis aujourd'hui de nouveau en discussion, et vous avez complété cette commission en lui adjoignant M. le colonel Demanet et M. A. Balat. Vu l'urgence, et afin de pouvoir vous présenter des conclu- sions dans la séance de ce jour, la commission s’est réunie le jeudi 25 février. Après avoir repoussé l’idée d’une nouvelle dérogation à l'arrêté du 19 avril 1852, dérogation que rien ne justifie lorsque les concurrents ont eu un délai de six ans pour se préparer à satisfaire aux exigences du programme, la com- ( 268 ) mission a reconnu qu'il était néanmoins nécessaire d’ex- pliquer un programme dont les élèves, et peut-être même l'administration des écoles, ‘'egoneile singulièrement la portée, déjà fait remarquer dans la séance de la classe, on se fait un monstre d'une nomenclature scientifique dont les élèves de l’Académie d'Anvers, comme ceux des autres éta- blissements du même genre, peuvent bien ignorer la si- gnificalion, tout en possédant les connaissances que ces dénominations représentent. La plupart de ces élèves font des mathémaliques, de la géométrie descriptive, sans S'en douter. Que veut le programme de 1852? Que le jury s'assure de la possession de ces connaissances chez le concurrent, quels que soient les moyens qu’il aura employés ou la voie qu'il aura suivie pour les acquérir. Ce qu'il faut faire, d'une part, pour rassurer les élèves, d'autre part, pour éviter que le jury n’aille pas au delà des vues des auteurs du programme de 1832, c'est d’ex- pliquer suffisamment ce programme; de lui ôter ce qu'il a de trop vague; de spécifier de point en pe l’objet précis de l'examen. Ainsi qu'il nous l'avait promis, M. le colonel Demanet a bien voulu se charger de rédiger ce programme détaillé. Nous avons vu tout à l'heure que, sur douze matières dont se compose le programme, le conseil d'administration de l’Académie d'Anvers demande qu’on en reporte sept à l'examen spécial exigé uniquement de celui des concur- rents qui a remporté le prix. Ces matières sont : 1° La trigonométrie rectiligne; 2 L'usage des tables de logarithmes : Ainsi que M. le colonel Demanet et M. Balat l'avaient È 4 | ( 269 ) 5° L’'algèbre élémentaire jusques et y compris le binôme de Newton ; 4 La géométrie descriptive ; 5° La mécanique élémentaire et les principes généraux de la dynamique; 6° La physique élémentaire; 7° Les principes de la langue française. Le n°7 ne figure point dans le programme détaillé; pour cette matière, les détails aggraveraient la position des concurrents au lieu de l'améliorer. On sait que l'examen sur la langue française est essentiellement pratique, et que le jury se borne à s'assurer que le concurrent est en élat d'exprimer ses idées dans cette langue. Les six matières scientifiques qui font l’objet du pro- gramme détaillé par M. le colonel Demanet, et que votre Commission vous propose d'adopter, pourraient faire l’objet d'un cours qui n’exigerait pas plus d’un professeur; et la Commission insiste pour que le Gouvernement use de tous les moyens qui sont en son pouvoir, afin qu’un cours sem- blable soit eréé à l'Académie d'Anvers, ainsi qu'auprès des autres grands établissements du même genre qui exis- tent dans le pays. | Mais elle ne pense pas que, dans aucun cas, l’ensei- gnement qui se donne aux athénées et aux colléges puisse remplacer cette chaire toute spéciale. Les élèves qui fré- quentent les cours d'architecture des académies manquent, tous ou à peu près, d’études littéraires et scientifiques antérieures; 1l leur faut un genre d’enseignement tout parüculier, essentiellement pratique, évitant les démon- stralions compliquées et les longues discussions, donnant enfin les résultats de la science , dégagés des abstractions et rendus en quelque sorte palpables. ( 270 ) Le programme détaillé que je joins comme annexe à ce rapport est done destiné, 4° à servir de base à un ensei- gnement à organiser ; 2° à servir de guide au jury pendant l'examen. | Vu l'urgence, et afin de pouvoir satisfaire immédiate- ment à la demande de M. le Ministre de l’intérieur, la commission s'est bornée à l'accomplissement strict de la mission que vous lui avez confiée; elle ne se dissimule point, cependant, que ce qui est vrai pour les matières du programme qui font l'objet de la réclamation de lPAca- démie d'Anvers, ne puisse l'être également pour plusieurs des autres articles, tels que l’arithmétique, la géométrie pra- tique, les notions générales d'histoire. Que ce qui est vrai pour le programme n° 1, celui auquel sont soumis tous les concurrents, le soit aussi pour le programme n° 2, celui qui n’est appliqué qu'au lauréat seulement. Il serait utile de rédiger un programme de ces matières, tant pour guider le jury pendant les examens que pour déterminer, avec plus de précision, la portée de l’enseignement complé- mentaire qu’il convient d'organiser auprès des académies. Mais ce complément de travail aurait entraîné peut-être trop de longueurs, et 1l est nécessaire que la résolution du Gouvernement soit prochainement connue. En résumé, votre commission vous propose de répondre à la dépêche ministérielle du 26 janvier : 4° Que la classe des beaux-arts est d'avis qu'il n’y a point de motif suffisant pour justifier une nouvelle dérogation à l'arrêté du 49 avril 1851 ; 2 Que, pour faciliter l'exécution du programme rendu obligatoire par ledit arrêté, il convient de lexpliquer au moyen de la publication du programme détaillé ei- annexé ; ( 271 ) 5° Que le Gouvernement est invité à user des moyens dont il dispose pour amener l'organisation d’un enseigne- ment spécial, répondant au programme du 19 avril 1852, dans les Académies du royaume; _ Et enfin, 4° que la classe des beaux-arts pense que le jury doit être invité à user encore celte année d’une grande indulgence. Telles sont les conclusions que J'ai été chargé de pré- senter à la classe des beaux-arts, au nom de la commis- sion. » PROGRAMME DES CONNAISSANCES EXIGÉES POUR L'ADMISSION AU GRAND CONCOURS D'ARCHITECTURE. 4. Arithmeétique. 2. Géométrie élémentaire. 9. Trigonométrie rectiligne. Division de la circonférence du cercle. Définition des lignes trigonométriques : sinus , cosinus , tangentes, cotangentes, sécantes, cosécantes, elc. Usage des formules et des tables trigonométriques pour la résolution des triangles. On donnera les formules au candidat, et 1l devra en faire l’application aux divers cas qui lui seront proposés. 4. Usage des tables de logarithmes. Aucune démonstration n’est exigée. On demande seule- ment au candidat de savoir, au moyen de ces tabies, faire des multiplications, divisions, élévations aux puissances et extractions de racines de nombres entiers ou fraction- naires. 5. Algèbre élémentaire. Explication des signes algébriques. 2° SÉRIE, TOME IV. 18 (2572 .) Définitions, coefficients, exposants, puissances et raci- nes d’une quantité monôme, binôme, polynôme. Les quatre règles. Expression des produits de la somme de deux quan- lités par leur différence. Du carré et du cube d’un bi- nôme. | Ce que c’est qu'une équation, un de ses membres, un terme. Résolution des équations du premier degré à une ou plusieurs inconnues. Résolution d’une équation du deuxième degré à une inconnue. Aucune démonstration n’est exigée. 6. Géométrie descriptive. Objet de la géométrie descriptive. Moyens de représenter graphiquement les points et les lignes. Moyens de trouver les traces d’une droite. Problèmes sur les droites et les plans. Générations des surfaces conique, cylindrique et de révolution. Représentation d’une surface. Définition du plan tangent. Règle générale pour con- struire le plan tangent d’une surface ainsi que sa normale. Détermination du contour apparent d’une surface. Problèmes sur les plans tangents aux cônes, aux cy- lindres et à la surface de révolution. Intersections de surfaces. Moyens généraux de trouver l'intersection de deux surfaces. Méthode pour construire la tangente à l'intersection. Problèmes sur les sections du cylindre et du cône par un plan. Intersection de deux surfaces cylindriques à bases circulaires. ( 275 ) Applications à la perspective, aux ombres, à la coupe des pierres et à la charpente. Aucune démonstration n’est exigée; on ne demande que des procédés, et leurs applications aux divers cas qui se présentent le plus fréquemment dans les conceptions architecturales. 7. Mécanique élémentaire. | Représentation,composition et décomposition des forces. Définition du centre de gravité. Règle pratique pour déterminer la position du centre de gravité dans l’intérieur d’un corps solide. Position du centre de gravité d'une droite, d'un arc de cercle, d'un triangle, d’un parallélogramme, d'un trapèze, d’un segment de cercle, d'un prisme à bases régulières, d'une pyramide triangulaire, d’un cylindre, d’un cône, d'un cône tronqué, d'une sphère, d’un segment sphérique et de leurs surfaces. Description du plan incliné, du coin, de la vis, du le- vier, du treuil, du cabestan, du eric, de la poulie et des moufles. Connaître le rapport de la puissance à la résistance dans chacune de ces machines. 8. Physique élémentaire. | Corps pondérables. Définition, indiquer les trois états des corps et leurs propriétés générales. Pesanteur. Donner ja définition du poids spécifique d’un corps. Calculer, au moyen du poids spécifique, le poids de divers solides dont les dimensions sont données. Description et usage du baromètre à mercure. Qu'entend-on par calorique, chaleur, température ? Deseription et usage du thermomètre à mercure ou à alcool. — Connaitre les lois de la réflexion du calorique. — Qu’entend-on par dilatation, contraction? — Connaître (274 ) les dilatations spécifiques du fer, de la fonte, du cuivre, du plomb et du zine, et savoir calculer les allongements ou raccoureissements que subiront des pièces de longueur donnée en passant d’une température à une autre. Indiquer les principales sources de la lumière; donner les lois de la réflexion de la lumière et leur application aux miroirs, plans et courbes. Indiquer la décomposition et la recomposition de la lu- mière par le prisme. | 9. Architecture civile. 10. Principes de la langue française. 11. Notions générales de l'histoire ancienne. Histoire moderne dans ses rapports avec les provinces belges. Après différentes observations , le rapport précédent est approuvé, et M. le secrétaire perpétuel en donnera com- munication à M. le Ministre de l’intérieur. COMMUNICATIONS ET LECTURES. La classe s’est occupée ensuite de la détérioration que subissent les tableaux de Van Eyck placés dans l'église de S'-Bavon, à Gand; plusieurs membres demandent si des mesures ont été prises pour conserver ces précieux monuments artistiques. M. De Busscher promet de donner les renseignements demandés dans une des prochaines séances. (275) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Rymbybel van Jacob Van Maerlant; voor de eerste mael uit- gegeven door J. David. Ft° deel. Bruxelles, 1858; 1 vol. in-4°. Rapport annuel des commissions administratives des caisses de prévoyance en faveur des ouvriers mineurs, établies à Liége, Mons, Charleroi, Houdeng et à Namur, sur les opérations de l'exercice 1856. 4837; 1 broch. in-4° et 3 in-8°. | Portefeuille de John Cockerill. Livr. 35 à 38. Paris-Liége, 1858; 1 cahier in-4° oblong. | Revue de la numismatique belge. 3° série. Tome HE 4° Hivr. Bruxelles, 1858; 1 broch. in-8°. Société archéologique de Namur. — Annales, tome V, 2e livr. — Rapport sur la situation de la Société en 1857. Namur, 1858; 2 broch. in-8°. Revue de l'instruction publique en Belgique. 6me année. Nou- velle série. Tome E, janvier à mars. Bruges, 1858; 3 broch. in-8°. De vlaemsche School, tydschrift voor kunsten, letteren en wetenschappen , It, 11% et HIS jaergang. Anvers, 1855-1857; 3 vol. in-4°. Journal d'horticulture pratique, publié sous la direction de M. Galeotti. 27° année, Janv. à mars. Bruxelles, 1858 ; 3 br. in-8°. L'Illustration horticole, rédigée par M. Lemaire et publiée par M. Amb. Verschaffelt. IVe vol., 1Âme et 49 livr. ; Ve vol, 4'° à 3e Jivr. Gand, 1857-1858 ; 4 broch. in-S°. Revue populaire des sciences, rédigée par M. Husson. 1"* an- née, n® {À à 3. Bruxelles, 1858; 3 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie. 16"° année, 26° vol., cahiers de janvier à mars. Bruxelles, 1857; 5 broch. in-&. Annales de médecine vétérinaire. 7"° année, 1° à + cahiers. Bruxelles, 1858; 3 broch, in-8°. ( 276 ) Annales d'oculistique. 38° vol., 5" et Ge livr.; 39me vol., 4° à 3e livr. Bruxelles, 1857-1858; 3 broch. in-8. La Presse médicale belge. 10° année, n° 4 à 13. Bruxelles, 4857 ; 13 feuilles in-4°. 1e La Santé. 2% série, 10° année, n°“ 13 à 18. Bruxelles, 1857- 4858; 6 doubles feuilles in-8°. Annales médicales de la Flandre occidentale. 5"° année, 13" à 18° livr. Roulers, 1857; 6 broch. in-8°. La vérité sur les pensionnats communaux, par M. l'abbé Kleyr. Luxembourg, 1857; 1 broch. in-4°. Notice sur M. Emile Tandel, professeur de philosophie à l'uni- | versité de Liège, par le même. Luxembourg, 1857; 1 broch. in-4°. Historisch genootschap gevestigd te Utrecht. — Berigten, VE deel, Este stuk. — ÆKronijk, XI jaarg. — Register op de . kronijk, 1846-1854, II gedeelte, letter N.-Z. Utrecht, 4857; 3 vol. in-8°. Comptes rendus hebdomadaires de l'Académie des sciences; par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XLVI, n° 1 à 43. Paris, 1858; 13 cahiers in-4°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée; par M. K.-E. Guérin-Méneville. 2%° série, tome X, n° { à 3. Paris, 1858; 3 broch. in-8°. Revue de l'instruction publique en France. 17" année, n'° 37 à 2. Paris, 14857 ; 17 doubles feuilles in-4°. Revue de l’art chrétien. 2° année, n% 1 à 3. Paris, 1858; broch. in-8°. 1 Journal de la Société de la morale chrétienne. Tome VI, n° 1. Paris, 1858 ; 1 broch. in-8°. Bulletin de la Société géologique de France.2"* série, tome XIV, feuilles 24 à 38. Paris, 1856 à 1857; 2 broch. in-8°. Fragments ethnologiques ; par M. J.-A.-N. Perier. Paris, 1857; l vol. in-8°. Du pronostic de l'épilepsie et du traitement de celte malade par le valérianate d'atropine; fragment d'un mémoire du docteur Michéa. Paris, 4858 ; 4 broch. in-$°. (211) Etude analytique sur les inventions et la fabrication du travail manufacturier du caoutchouc de M. Gagin; par M. Martin Cha- telain. Paris, 4855 ; 1 broch. in-8°. Historique des produits chimiques de l'usine du Conquet (Fi- nistère) ; par M. Tissier aîné. Paris, 1855; 1 broch. in-4°. Rapport sur une éducation comparative des diverses races de vers à soie, faite dans la magnanerie expérimentale de Lunel (Hé- rault); par Émile Nourrigat. Montpellier, 1854; 4 broch. in-8°. Contributions de l'agence centrale des échanges internationaux au concours agricole universel de 1856 (États-Unis, Sardaigne, Toscane et Mexique). Paris, 1856; 1 broch. in-4°" Notice sur l'hypshydre-irrigateur, machine hydraulique à élever l'eau; par MM. Andral et Courbebaisse. Paris, 1855; 1 broch. in-8°. Notice sur le blanchissage du linge en général, et sur les buanderies économiques et buanderies-baignoires de la maison S. Charles et Ci° de Paris. Argenteuil, 1855 ; 4 broch. in-&°. Rapports du comité départemental du Haut-Rhin pour l'expo- sition universelle de 1855. Mulhouse; 1 broch. in-#. Notice sur la géologie des bases de la montagne du Hole en Savoie; par Alph. Favre. Genève, 1857; 1 broch.in-&°. Observations relatives aux lettres sur la constitution géolo- gique de quelques parties de la Savoie; par le même. Genève, 1857; 4 broch. in-8°. Zeitschrift für allgemeine Erdkunde. Neue Folge, I** Band, Gstes Heft; III‘ Band, 2!<-6*s Heft. Berlin, 1857; 5 broch. in-8°. Verhandlungen der physicalisch-medicinischen Gesellschaft in Wurtzburg. VII Band, 35 Heft. Wurtzbourg, 1858; 1 cahier in-8°. Neues jahrbuch für Pharmacie und verwandite Facher. Band VA, Heft 5-6, Band IX, Heft. 1-2. Spire, 1857-1858; 4 broch. in-8°. Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der vier Facultäten. L'S Jahrgang, XI Heft. VI Jahrgang. It Heft. Heidelberg, 1837-1858 ; 2 broch. in-8°. ( 278 ) Alimanaque nautico para 1859, calculado de érden de S. M. en el observatorio de marina de la ciudad de San Fernando. Cadix, 1857; 1 vol. in-8°. Publications de l'université impériale de Kasan. Année 1856, n® 3 et 4; 4857, n° 1 à 4. Kasan; 4 broch. in-8° et À in-4°. Royal Society of London: — Philosophical transactions. Vol. 147, parts 1 et 2, 2 cahiers in-4°. — Proceedings. N° 27 à 29 ; 5 broch. in-12.— Sir Humphry Davy's discourses, 1820- 1826. 1827; 1 cahier in-4°. — Report on the adjudication of the Copley, Rumford, and royal medals. Londres, 1834; 1 ca- hier in-4°. The quarterly journal of the geological Society. N° 52 et 53. Londres, 1857-1858 ; 2 broch. in-8&°. : Address delivered al the anniversary meeting of the geological Society of London, on the 20 th. of february 1857; by colonel Portlock. Londres, 1857; 1 hoch. in-8°. Memoirs of the literary and philosophical Society of Man- chester. Second series, vol. XIV. Londres, 4857; 4 vol. in-&. Meteorological observations and essays; by John Dalton. Se- conde édition. Manchester, 1834; 1 vol. in-8°. À new system of chemical philosophy; by John Dalton. Man- chester-Londres; 3 vol. in-8°. Catalogue d'une collection de charbons de terre du royaume uni de la Grande-Bretagne, exposée à l'exposition universelle de Paris en 1855. Londres ; 4 broch in-8°. Address of his exc. J. À. Wright, governor of the state of In- diana, pronounced at the New-York agricultural state Fair at Elmira. Albany, 1855 ; 1 broch. in-8°. Reports on the experimental school for teaching and training idiotie children. Boston, 1852-1854; 13 broch. in-8°. The american journal of science and arts. Second series, vol. XXV, n° 73. New-Haven, 1858; 1 broch. in-8°. — ne ——— BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1858. — N° 4. — + — CLASSE DES SCIENCES. Séance du 35 avril 1858. M. D» Omauius , président de l’Académie. M. An. QUETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Wesmael, Martens, Cantraine, Kickx, Stas, Van Beneden, De Koninck, Ad. De Vaux, de Selys-Longehamps, le vicomte B. Du Bus, Gluge, Ne- renburger, Melsens, Schaar, Liagre, Duprez, Poelman, Brasseur, membres ; Spring, Lacordaire, Lamarle, associés ; Jules d'Udekem, correspondant. 2" SÉRIE, TOME IV. 19 ( 280 } . CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur fait parvenir : 4° Un exemplaire de la carte géologique de l'Europe, par feu M. Dumont; 2 Les livraisons 55 à 38 de l'ouvrage intitulé : Ebéts feuille de John Cockerill ; 3° Les dernières publications de l’Université impériale de Kazan. — M. le secrétaire perpétuel annonce la mort de M. H. Galeotti, correspondant de la classe, décédé à Bruxelles, le 13 mars dernier, ainsi que celle de M. Mareska, égale- ment correspondant de la classe, décédé à Gand, le 31 du même mois. Il dépose en même temps une notice nécrologique en langue hollandaise sur M. J.-L.-G. baron de Geer de Jut- phaas, associé de l’Académie, mort à Utrecht, le 3 no- vembre dernier. — La Société royale de Londres, l'Observatoire de Cambridge, l’Institut des sciences , des lettres et des arts de Venise remercient l’Académie pour l'envoi de ses pu- blications. — Le Congrès scientifique de France aura lieu à Auxerre, le 2 septembre prochain. — M. De Koninck présente une notice de sa composition, traduite en anglais, sur un nouveau genre de Crinoïdes. ( 281 ) — La classe reçoit les deux ouvrages manuscrits sui- vanl{s : 1° Nouvelles recherches sur les fossiles secondaires du Luxembourg, par M. Chapuis. (Commissaires : MM. De Koninck, Nyst et d'Omalius.) 2 Sur le calendrier arabe avant l'islamisme et sur la naissance et l'âge du prophète Mohammed, par Mahmoud effendi, astronome égyptien. (Commissaires : MM. Liagre et Ad. Quetelet.) — M. de Selys-Longchamps communique les résultats de ses observations et de celles de M. Ghaye, sur l’élat de la végétation , à Waremme, le 21 mars dernier. M. Dewalque transmet ses observations météorologiques et botaniques faites en 1857 ; M. Duprez dépose également ses observations météorologiques pour la même année. — Il est fait hommage d’une notice sur les observations magnétiques du Helder, pendant le mois de décembre 1857, où l’on a constaté les perturbations magnétiques signalées à l'Observatoire de Bruxelles, le 17 du même mois, — M. Lartigue, capitaine de vaisseau, transmet, avec ses observations, l'ouvrage qu'il vient de publier sous le titre d’Essai sur les ouragans et les tempêtes, et descrip- tions nautiques pour en souffrir le moins de dommages possible. | — Le secrétaire perpétuel dépose les dernières publica- tions de l’Académie royale : 4° le tome VII des Mémoires couronnes et autres mémoires publiés par l'Académie en 1858, in-8°; 2 le Compte rendu et le Règlement organique de la Caisse centrale des artistes belges pour 1857, in-19; | ( 282 ) 3° les Tables des mémoires des membres, des mémoires cou- ronnés et des savants étrangers, 1858, in-12. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Éclipse de soleil du 15 mars 1858 ; notice par Ad. Quetelet, directeur de l'Observatoire royal. Des mesures avaient été prises pour obtenir une déter- mination exacte de ce phénomène, non-seulement en ce qui regarde la partie astronomique, mais encore la partie physique qui le concerne; malheureusement l’état de l’at- mosphère n’a pas répondu à notre attente. Le ciel a été presque constamment couvert; on n’a pu observer que la réapparition de quelques-unes des taches solaires, dont on avait été empêché de déterminer exactement la dispo- sition par l'effet des nuages qui couvraient le ciel depuis plusieurs jours. M. Bouvy et mon fils se trouvaient dans les tourelles du bâtiment; Je m'étais placé près de la terrasse. Le phénomène, d’après le calcul, commençait vers midi, et ce n’est que vers deux heures que l’on parvint à voir un instant le soleil. Dans ce moment, les différentes taches cessaient d’être occultées ; l’instant de leur réapparition a été successivement annoté; mais le ciel se couvrit aussitôt après. Je me bornerai donc à donner ici la partie physique des observations. 4. Marche des pendules. Dans une lettre de M. le pro- fesseur Zantedeschi, écrite à la fin de février, cet habile ( 283 ) physicien m'avait fait la demande d'examiner « si les chro- nomètres à pendule de compensation resteraient, pendant les phases de l’éclipse, en retard par rapport à un chro- nomètre à balancier de compensation le plus parfait pos- sible. » D’après ses désirs, deux ou plusieurs horloges à pendule de compensation devaient être enregistrées astro- nomiquement avec deux ou plusieurs chronomètres à ba- lancier. Il fallait , de plus , s'assurer, les jours précédents, par des observations, s'ils marchaient en accord parfait entre eux, du moins pendant trois à quatre heures, sans variation sensible. Durant l’éclipse, cet accord se maintiendra-t-1l? deman- dait M. Zantedeschi; il croyait que non. C’est pour ré- pondre à sa demande que mon fils à été chargé de faire la comparaison des chronomètres avec les pendules. A cet effet, deux de ces derniers instruments ont été em- ployées; l’un, de Molyneux, oscillait parallèlement au mé- ridien, et l’autre, de Rouma, perpendiculairement à ce même plan. M. Ern. Quetelet à comparé à ces deux pendules, qui marchent au temps moyen, trois chronomètres : 4° le n° 979 de Molyneux; 2° le n° 2071 du même artiste; 3° le n° 874 de Von Dieck; de façon que chaque observation comptait six comparaisons. L'éclipse commençait, pour Bruxelles . . . à O0! 2" Re Ne aient d 2. ut + à.+1,91 D Un Xi: 1, à "à 59 Cela posé, voici les résultats qui ont été observés : 1ls semblent favorables aux idées du physicien italien, mais l’anomalie qui s’est déclarée dans le pendule perpendicu- laire au méridien, peut aussi être regardée comme un écart ( 284 ) fortuit. L'observation faite dans d’autres localités prouvera si cette variation avait réellement une cause astronomique. Comparaisons des pendules avec les chronomètres. AVANCE RELATIVE PAR HEURE sur la moyenne des trois chronomètres Époques dés comparaisons, pour la pendule ROUMA. MOLYNEUX. Mars 12, de 12h20m à + 05134 + 05164 43, de 9 47 à + 0 161 + 0 143 15, de 1 5 à. + 0 093 + 0 114 14, de 930 à 4e 0 171 + 0 149 14, de O41 à + 0 175 | 4 0 122 15, de 919 à — 0 067 + 0 160 15, de 11 51 : — 1 052 +. 0 130 15, de 1257 à + 0 092 + 0 121 15, de 2921 à + 0 124 + 0 164 16, de 10 45 à + 0 075 + 0 095 2. Photométrie, polarisation. — Pendant la durée de l'éclipse, j'ai cherché à mesurer la quantité de lumière réfléchie par un disque blanc, placé à distance dans la direction du méridien, au moyen d’un photomètre que j'ai décrit dans la Bibliothèque universelle de Genève, et qui se compose de deux verres noirs, taillés en forme de prismes triangulaires glissant l’un sur l’autre, et produisant ainsi une lame à faces parallèles plus ou moins épaisse. Cet instrument a été construit, il y a une vingtaine d'années, par l’habile opticien Cauchoix, de Paris. Une échelle indique l'épaisseur de la lame, entre les limites où on l’emploie. Les expériences avec cet instrument ont été peu nombreuses , car la clarté du ciel, à cause de l'épaisseur plus ou moins grande des nuages, était difficile à apprécier ( 285 ) exactement. Les quatre principales épreuves qui ont été faites ont présenté les résultats suivants, en portant les re- gards, à travers la plaque, sur une surface blanche placée vers le midi. * Les divisions de l'échelle sont arbitraires; de 0° a 420°, la lame, composée de deux prismes triangulaires superpo- sés, prend à peu près le double de son épaisseur. Photomètre. ataesomel is ptits pins n4 5490 NA NE de, NT rot RAT RENE hr: n'o" Note de M. Boblin sur un appareil à levier, substitué au micromètre des instruments de précision en usage dans ( 368 ) les observatoires. (Commissaires : MM. Liagre et Ernest Quetelet.) 5° Remarques critiques sur diverses espèces d’ichneu- mons, de la collection de feu le professeur J.-L.-C. Gra- venhorst, suivies d'un court appendice ichneumologique, par M. C. Wesmael, membre de l’Académie. (Commis- saires : MM. Lacordaire et de Selys-Longchamps.) — M. Van Beneden annonce la mort de M. Jean Müller, de Berlin, associé de l’Académie, et la classe décide à cette occasion qu’une lettre de condoléance sera ne à la veuve de cet illustre savant. —- M. de Selys-Longehamps fait hommage de son ou- vrage Monographie des Gomphines. — Remerciments. RAPPORTS. Mémoire sur une nouvelle classification des Annélides seti- gêres abranches; par M. d'Udekem, correspondant de l’Académie. Rapport de FE. Van Heneden. « Depuis plusieurs années, M. d'Udekem s'occupe des vers, surtout de ceux qui ont quelque affinité avec les Lombrics. Il a déjà fait plusieurs communications inlé- ressantes sur ce sujet. Dans le travail qui est soumis à notre examen, M. d'Ude- kem a coordonné des faits connus, et assigne à chaque espèce, comme à chaque genre de Lombricin, sa véritable place. d'été D ( 369 ) Ce travail est fait avec beaucoup de soin, et les carac- tères sont exposés avec ordre et clarté. Nous ne pouvons, toutefois, nous empêcher de faire remarquer que le nombre de familles nous paraît trop grand, et que les Tubifécidés, comme les Enchytridés, nous paraîtraient mieux à leur place dans une même fa- mille avec les Lombrics. Nous regrettons aussi que l’auteur n’ait pas discuté la question du rang que ces Annélides sétigères abranches doivent occuper äuns la série animale. Ces vers sont-ils supérieurs aux autres Annélides ou in- férieurs, comme le pense Cuvier et la plupart des zoolo- oistes ? Ont-ils quelques affinités avec les autres Annélides séligères abranches que Cuvier place dans le même groupe? Il est évident, à nos yeux du moins, que les Abranches sans soies ou les Hirudinées font le couronnement naturel des Trématodes et des Cestoïdes (Cotylides), et que cette division d’Abranches, telle qu’elle se trouve dans le règne animal, n’a aucune valeur dans une classification métho- dique. Les Abranches sétigères forment un groupe parallèle à celui des Cotylides, de manière que les Hirudinées cou- ronnent la série des Trématodes et des Cestoïides, comme les Lombricins couronnent les vrais Annélides. Les uns et les autres sont des vers élevés en organisa- tion par la complication de divers appareils, par la ponte des œufs réunis dans une capsule, par le développement direct et sans métamorphose, ainsi que par le milieu aérien ou fluviatile que la plupart d’entre eux habitent. Nous ne sommes plus à l’époque où l’on pouvait réunir les vers parasites en une classe à part, comme des parias du règne animal; chaque groupe naturel a, au contraire, (370 ) des espêces ou des genres vivant dans des conditions va- riées : ainsi, les Lombricins ont des espèces terrestres, des espèces fluviatiles, des espèces marines et même une ou quelques espèces parasites; les Hirudinées, qui forment un groupe parallèle et équivalent, tout en comprenant un plus grand nombre de parasites, n’en ont pas moins des espèces terrestres, les unes en Asie (Ceylan, les iles Phi- lippines, Java), les autres en Afrique et en Amérique (les Péripates). Ces sangsues terrestres sont même un véritable fléau dans les pays où elles se trouvent. Les Chétopodes et les Géphyriens sont des vers dérivés, libres, des Lom- bricins, comme les Trématodes et les Cestuides sont les dérivés, parasites, des Hirudinées. | Nous trouvons encore la même répartition dans le grand groupe des Nématoïdes. Les Sagitta et les Anguillulla sont des représentants libres, fluviatiles ou aériens de ce groupe, qui se compo- sent presque exclusivement de vers parasites. La dernière classe de vers, les Turbellariés ou Térétu- lariés de de Blainville, qui est en grande partie formée d'espèces aquatiques, contient cependant aussi, dans les pays chauds, comme les Hirudinées, des représentants terrestres (Géoplanaires) fluviatiles, marines et quelques parasites. Les vers forment un groupe de la même valeur que les Mollusques, et qui ont à leur tête, d’un côté, les Cépha- lopodes et de l’autre les Lombricins; si on trouve excep- tionnéllement dans les Mollusques quelques parasites, ce genre de vie est, au contraire, la règle dans les vers. Mais, pour en revenirau mémoire de M. d'Udekem, nous dirons que ce travail, tout en ne renfermant pas de faits nouveaux , résume parfaitement l’état actuel de nos con- F \4 4 É PT IN SNS NUS MNT EL CT ( 371 ) naissances sur cette partie de la zoologie, et nous n’hési- tons pas à en demander l'impression dans les mémoires de l’Académie. » Rapport de M. Poelman, « Je partage entièrement la manière de voir de mon savant collègue, M. Van Beneden, en ce qui concerne le mémoire soumis à notre appréciation. Je me plais à rendre justice aux efforts que fait M. d'Ude- kem , depuis plusieurs années, pour simplifier l'étude des vers, et je me joins à mon honorable collègue pour pro- poser à la classe de voter l'impression du travail de notre zélé correspondant dans le recueil des mémoires de l’Aca- démie. » | Conformément à l'avis de ses deux commissaires, la classe ordonne l'impression du mémoire de M. d'Udekem. a Mémoire sur le calendrier arabe avant l'islamisme; par Mahmoud Effendi, astronome égyptien. Bapport du capitaine Liagie. + « Les historiens arabes, n'ayant commencé à écrire que deux ou trois siècles après l’hégire, ont dû avoir re- cours à la tradition pour établir les événements et pour en assigner les dates : on conçoit, d’après cela, le vague qui doit régner sur la chronologie anté-islamique, et l'on s'explique le désaccord que l’on remarque à ce sujet ( 372 ) entre les différents auteurs. Ce désaccord est tel que, malgré les travaux remarquables de plusieurs savants européens, on ignore encore aujourd'hui si les Arabes, avant comme après Mahomet, se sont toujours servis de l'année lunaire, et s'ils n’ont pas fait usage de l’année luni-solaire pendant les deux ou trois siècles qui ont pré- cédé l’époque de lislamisme. Le mémoire que M. Mahmoud soumet aujourd'hui au jugement de la classe n’a pas été rédigé dans le but de critiquer l’une ou l’autre de ces deux opinions; mais, forcé d'en adopter une pour compléter un travail qu'il a entre- pris sur les calendriers orientaux, et dont la première parlie a déjà été insérée dans les recueils de notre Aca- démie, le savant égyptien a été naturellement conduit à examiner de près celte question; à cet effet, 1l a recher- ché dans divers ouvrages , notamment dans les manuserits arabes, les traditions ou témoignages qui se rapportent à ce sujet, les a discutés, et en a tiré des conséquences. L'auteur a divisé son mémoire en deux parties : dans la première, il réunit et coordonne les traditions qui servent de base à ses calculs ; dans la seconde, il combine ces do- cuments entre eux pour en déduire et le genre du calen- drier anté-islamique, et l'âge auquel est mort le prophète. Les événements remarquables sur lesquels M. Mah- moud a basé ses recherches, et dont il a précisé la date, sont au nombre de cinq ; nous les citons en suivant l’ordre dans lequel il les a placés, savoir : 4° La mort d'Ibrahim , jeune fils de Mahomet, laquelle coïncida avec une éclipse de soleil ; | % Le jour de l’arrivée du prophète à Médine, ou l’hé- gire, dont la date correspond à une date connue du ca- lendrier judaïque ; (373) 3° L'époque de la naissance de Mahomet, qui eut lieu un lundi du mois de Rabi 1 , et fut précédée d’une conjonc- tion entre Jupiter et Saturne; 4 Une éclipse de lune, citée dans un manuscrit arabe de la bibliothèque impériale de Paris ; 5° Enfin le solstice d'été de l’an 541 qui, d’après un passage de Procope, devait tomber dans un mois consacré par les Arabes aux pratiques de leur religion, et durant lequel ils ne pouvaient faire aucun usage de leurs armes. Ces cinq époques, déterminées astronomiquement et indépendamment les unes des autres, l’auteur les combine deux à deux, et il obtient ainsi dix résultats ou laps de temps exclusivement conformes au système lunaire. Cet accord nous paraît de nature à renverser complétement l'opinion de ceux qui ont admis l'usage du calendrier luni-solaire chez les Arabes paiens; et nous sommes forcé d'admettre avec M. Mahmoud que ce peuple s’est toujours servi d’un calendrier purement lunaire. Dans un appendice à son mémoire, l’auteur a examiné la question au point de vue philologique et historique. Les noms des mois arabes ont, par leur signification, des rapports incontestables avec les saisons; ce qui semblerait indiquer qu'ils appartiennent à une année luni-solaire ou agronomique. Mais il est facile de répondre à cette ob- jection. En effet, les auteurs de la nomenclature peuvent fort bien avoir lié les noms des mois aux phénomènes solaires ou météorologiques qui les accompagnaient, à l'époque même où la nomenclature a été faite. Sans porter leur vue plus loin, ils n'ont pas songé qu’au bout d'un certain temps, les mois d'été tomberaient en hiver et réciproquement. À cette raison donnée par l’auteur , nous en ajouterons ( 374 ) une autre : c'est que les considérations étymologiques, en fait de calendrier surtout , sont parfois de nature à induire gravement en erreur. Si, par exemple, nos descendants n'avaient, pour nous juger, que des considérations de cette espèce, ils invoqueraient les noms que nous donnons aux jours de la semaine, pour nous accuser de paganisme ; et ils ne soupçonneraient jamais que nous appelons sep- tembre le neuvième mois de notre année. Il est moins facile d'expliquer comment il se fait que les meilleurs historiens arabes s'accordent à dire que, quelques siècles avant l’époque de l’islamisme, l’année arabe était luni-solaire. Nous ne pouvons présenter 1ci l'analyse des raisons alléguées par M. Mahmoud pour com- battre cette opinion : contentons-nous de faire remarquer que les passages intéressants rapportés ou traduits par lui prouvent à l'évidence que les auteurs en question se sont copiés l’un lautre; que là où ils ne se copient pas, ils admettent des modes d’intercalation différents ; de sorte que toutes leurs autorités réunies se réduisent en défini- tive à celle d'Abou-Mâchar, qui vivait dans le II" siècle de l'hégire. Or, les données de cet historien, fondées sur la tradition, n'ont qu’un degré de probabilité bien difficile à apprécier. Les relations intimes qui existaient entre les Juifs et les Arabes païens ont fort bien pu faire attribuer à ces derniers l’usage de l’année luni-solaire qui apparte- nait exclusivement aux premiers. En résumé, lopinion des historiens et des poètes arabes n’est pas assez solidement établie pour détruire les résultats positifs auxquels est arrivé M. Mahmoud, en prenant pour guides les phénomènes célestes, et en se basant sur les calculs astronomiques. Le mémoire du sa- vant égyptien , fruit d’ane étude consciencieuse, jetle une ( 579 ) véritable lumière sur un point obscur de la chronologie arabe, et nous sommes d'avis qu'il figurerait avantageuse- ment dans les recueils de l'Académie. » Bappost de M, A, Quetelet. « Le travail de M. Mahmoud mérite, sous plus d’un rap- port, l'attention des physiciens et des astronomes. L’au- teur est chargé, en Égypte, de la rédaction de tout ce qui se rapporte à la mesure du temps; il a fait une étude appro- fondie de cette branche des sciences relative à son pays et encore si peu connue en Europe. Nous devons, en con- séquence, lui savoir gré pour les lumières qu'il s'efforce de répandre sur la composition primitive du calendrier, l’une des parties les plus importantes de l'astronomie pra- tique, et qui peut-être est non moins utile pour l'historien que pour l'astronome. Quelques parties auraient pu être coordonnées d’une manière plus simple en apparence, si l'on ne considère que ce travail isolé; mais, comme le fait observer l’auteur, dans une lettre particulière, ce dernier écrit se rattache à un grand travail dont l’Académie a déjà publié un fragment et dont la suite ne tardera pas à paraître; or des change- ments dans le mémoire que nous examinons obligeraient à changer le plan général, arrêté et exécuté en grande partie. Je me bornerai donc, comme mon collègue, à de- mander la publication du nouveau mémoire. » Conformément aux conclusions de ses commissaires, la classe ordonne l'impression du mémoire de M. Mahmoud. 7 (376) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les Grégarines des Térébelles. Extrait d’une lettre du docteur Lieberkühn, de Berlin, communiquée parM. Van Beneden, membre de l’Académie. M. Lieberkühn , dont le mémoire sur les Grégarines a été couronné par l’Académie, m'écrit de Berlin à la date du G mars 1858. | « …. Leydig croit avoir trouvé, dans l'intestin d’une grande Térébelle, des parasites tenant des Filaires et des Grégarines et établissant nettement le passage entre eux. J'ai fait, pendant mon séjour à l’île d'Heligolandt, l'automne dernier, quelques observations sur ces animaux, les Téré- belles, et si le résultat de ces observations vous paraît assez important pour faire suite à mes recherches précé- dentes, je vous prie de vouloir bien le communiquer à l'Académie. | | » Leydig a trouvé des Grégarines de 0,04” de longueur, consistant en une gaine très-allongée, avec cellules et nu- cléoles, remplies d’une masse assez consistante, à côté d’autres Grégarines couvertes de stries longitudinales, toutes sous forme de fuseau. Quelques-unes d’entre elles étaient sans mouvement; d’autres, au contraire, avaient une telle agilité, que les deux extrémités du corps, en se courbant, se touchaient à tout instant. Leydig trouva en même temps un animal, de 0,008” de longueur, arrondi à un bout, effñlé à l’autre bout, et dont la masse, finement granulée, formait de larges stries longitudinales. Il se re- muait avec vivacité, se courbant et s'étendant comme un sr! . à: re dés 2 um), Ve te ns né CF ( 3717 } Nématoide. Leydig considère ce parasite comme un ver nématoide plus avancé en développement que les autres, quoiqu'il renferme une cellule avec nucléole. » Stein a déjà combattu cette détermination de Leydig, sans avoir vu lui-même les parasites des Térébelles. » Voici ce que j'ai vu. » Les Térébelles comme les Hermelles renferment dans leur intestin les différentes formes de Grégarines obser- vées par Leydig; les unes sont fusiformes, avec ou sans stries longitudinales ; d’autres sont plus effilées à l’un des bouts qu'à l'autre; et enfin, quelques-unes d’entre elles ont une forme rubanaire, sont longs de 0,2”, et sont efli- . lées aux deux extrémités. Tous ces parasites contiennent dans leur intérieur une cellule et un nucléole. Les plus grands individus se tortillaient, en effet, comme des vers Nématoides, tandis que les plus petits ne se remuaient que lentement et de temps en temps. » Par extraordinaire, le déplacement du noyau, si dis- tinct chez les Grégarines filiformes des Lombrics, est à peine visible, ici, pendant les mouvements les plus étendus. » Malgré les apparences, il n’y a pas le moindre doute que ces parasites de Térébelles et ces Hermelles ne soient de véritables Grégarines; ils n’ont de commun avec les Nématoides qu’une grossière ressemblance de forme et de mouvement. | » L'assertion que les Nématoïdes des Lombrics ont des rapports avec les Grégarines est tout aussi peu fondée. J'ai pu suivre le développement de ces animaux. » Quand les Lombrics entrent en décomposition dans la terre humide, les Nématoïdes alors percent leurs kystes, continuent à vivre sur le cadavre en décomposition et de- viennent ensuite sexués , puis ils se multiplient au point (AS ) dè recouvrir bientôt complétement le corps de leur hôte. On trouve alors facilement des mâles et des femelles à tout degré de développement. Ils ressemblent tout à fait aux Nématoïdes que M. Schneider a trouvés dans les Limaces et qu'il a reconnus pour être l’Angiostoma limacis de Du- jardin. Will a décrit si bien ces Nématoïdes que je n’ai rien d’essentiel à ajouter. (1) I n’est pas exact de dire que les vers enkystés ne contiennent, dans leur intérieur, qu'une masse granuleuse. En étudiant ces vers à un fort grossissement, on reconnait déjà l'entrée étroite de la cavité de la bouche à l’œsophage et la forme de biseuit qu’aflecte ce dernier organe. Il y a plus, dans les jeunes qui sortent de l’œuf, on distingue facilement la disposition de l'entrée de l’œsophage et la conformation de cette partie du tube digestif, comme Will l’a fait connaître, » Les Angiostomes changent de peau aussi bien avant qu'après la sortie du kyste, » On peut facilement se procurer des Angiostomes en abondance, en coupant des Lombries en morceaux et en les abandonnant, pendant quelques jours, dans de la terre humide. » MAGNÉTISME TERRESTRE. M. Ernest Quetelet présente le résultat des observations qu'il a faites, cette année, pour déterminer les éléments absolus du magnétisme terrestre. Ces observations ont été exéculées, comme les années précédentes , dans le Jardin de l'Observatoire et avec les mêmes instruments. a — (1) iegmann’s Archiv » 1848. Re pee “#dg Era RE 7 D ( 319 ) La déclinaison a été déterminée trois fois, le 15 et le 17 avril, et a été trouvée en moyenne de 19°55'41", répon- dant à 68°,47 du barreau de Gauss, qui est placé à l’inté- rieur du bâtiment pour étudier les variations de la décli- naison magnétique. Cette valeur a été réduite au 46 avril à midi. Elle est calculée d’après les mêmes principes qui ont été développés l’année dernière. Deux observations de l’inclinaison faites le 16 avril ont donné pour ce jour à midi, l'inclinaison normale égale à 67°54',0. L’angle avant et après le retournement des pôles a été trouvé en moyenne de 20',8. a PERTURBATION MAGNÉTIQUE. Le 9 avril, M. Hooreman, aide à l'Observatoire, obser- vant le magnétisme, à 3 heures de l’après-midi, conslata l'existence d’une forte perturbation magnétique. Celle-ci a été observée avec soin pendant toute la journée du 9 et le lendemain. Voici les déterminations qui ont été prises : APPAREIL APPAREIL ; HEURES, TEMPÉRATURE. unifilaire. bifilaire. 8 avril 1858. . 9b mat. 9 avril, . .. 9 mat. ct PATTE * " | ( 380 ) APPAREIL APPAREIL : DATE. ù HEURE. | TEMPÉRATURE. unifilaire, bifilaire. 9 avril 1858. . 4h 14m soir. 59546 17507 _ 4855 (Suite.) 4 18 59,25 17,12 » 4 23 51,64 16,66 48,6 4 27 48,75 13,85 » 4 32 58,75 14,93 » 4 42 57,14 15,50 » 4 52 59,78 16,20 » B 2 60,98 13,59 48,7 5 12 64,19 13,17 » 5 22 63,49 15,44 » 5 25 66,51 13,58 » D 32 68,50 12,16 » 5 44 68,85 12,69 » 5 56 62,55 13,48 48,6 6 20. 63,51 12,25 » 6 28 59,04 9,57 » 6 46 66,50 11,33 » 7 20 70,37 8,83 » 7 53 72,70 7,74 48,5 8 53 68,16 7,07 » 9 2 68,18 6,80 48,4 9 28 71,78 6,72 48,3 10 6 72,52 6,21 » 10 35 71,50 7,54 48,2 11 21 72,45 6,65 48,1 11 48 73,25. 6,05 » 12 24% 74,02 6,04 » 10 avril 1858. . 7 4 mat. 72,50 7,10 47,6 S 4 69,61 6,13 » 9 3 69,91 7,92 48,0 10 3 70,36 7,88 48,9 A1 1 67,71 8,45 49,4 11 55 67,82 7,23 49,9 3 Osoir. 66,81 9,90 50,8 9 0 | 70,19 : 8,10 50,0 C'est une des plus fortes perturbations que l’on ait ob- servées à Bruxelles; cependant on n’a pas appris jusqu'ici que l’on ait aperçu de ces phénomènes qui accompagnent ordinairement les fortes perturbations de l'aiguille, tels que les aurores boréales, les tremblements de terre, etc, À Bruxelles, le ciel est demeuré presque constamment couvert pendant ces trois jours. CLASSE DES LETTRES. —————— Seance du 3 mai 1856. M. M.-N.-J. LECLERCO, directeur. M. Ad. QuerELET, secrétaire perpétuel. Son: présents : MM. le baron de Gerlache, Grandgagnage, de Ram, Roulez, Borgnet, le baron J. de Saint-Genois, David, Paul Devaux, De Decker, Schayes, Snellaert, Car- ton, Haus, Bormans, Polain, Baguet, le baron de Witte, Arendt, Ch. Faider, membres ; Ad. Mathieu, Chalon, Th. Juste, Defacqz, correspondants. | MM. Alvin et Jehotte, de la classe des beaux-arts, assis- tent à la séance. CORRESPONDANCE, M. Edm. Marchal donne connaissance de la mort re- grettable de son père, M. le chevalier Marchal, membre et doyen de la classe des lettres, décédé le 22 avril dernier. Le secrétaire perpétuel fait connaitre que la plupart des membres présents à Bruxelles assistaient aux funé- railles, et que M. Alvin a bien voulu exprimer les regrets 27° SÉRIE, TOME IV. 26 ( 382 ) de l'Académie en même temps que ceux de la Bibliothèque royale. — La Commission centrale de statistique du royaume fait parvenir le tome VII de ses Bulletins. — Remerci- nents. — Le président du congrès de la propriété littéraire fait connaître que la réunion projetée aura lieu le 27 sep- tembre prochain , et durera quatre à cinq jours. — Il est fait hommage d’un ouvrage intitulé : Le mar- quis de Sy et M. Poupar, etc.; lettres de M. A. Baron et de M. Sylvain Van de Weyer. — Remerciments. — 1l est donné communication de diverses autres pièces relatives aux travaux de l’Académie et à ses relations ex- térieures. CONCOURS DE 1858. La classe des lettres avait mis au concours sept ques- tions sur différents sujets littéraires, et une huitième con- cernant le lieu de naissance de Charlemagne. Les pièces suivantes ont été reçues avant le 1° février : PREMIÈRE QUESTION. Établir la véritable origine du droit de succession. Recher- cher si ce mode de transmission découle de la nature des choses ou s'il n'est qu'un élablissement créé dans un but d'utilité civile. Exposer la doctrine des principaux auteurs qui ont traité celte question; proposer une solution motivée. (385) Happort de M, Ch. Faides:. « Nous pouvons nous féliciter du résultat de ce con- cours. Deux bons mémoires ont été envoyés à l’Académie. Le n° 1 porte pour épigraphe : L'esprit politique d’une société se peint dans sa loi successorale, (TROPLONG.) Le n° 2 porte pour épigraphe : Patet testamenta esse juris naturalis. (Wozr.) Ces deux auteurs établissent que le droit successoral, le droit testamentaire, découle de la nature des choses, n’est pas une création du pur droit civil. Le mémoire n° 2 de cette année a évidemment pour au- teur le publiciste qui a: soumis, l’an dernier, le mémoire portant pour épigraphe : Si je parlais ma langue, je par- lerais mieux. L'Académie se souvient que si la médaille d'or n'a pas été décernée alors à l’auteur du mémoire n° 2, c'est à cause de l’extrême imperfection du style, dû évi- demment à une plume étrangère. Cette année, l’auteur, Je - le reconnais, à beaucoup corrigé sous ce rapport; mais je dois dire que, tel qu'il est, son ouvrage ne pourrait ce- pendant pas être imprimé sans subir d'assez nombreuses améliorations de forme : le cachet étranger reste trop for- tement empreint sur le style. Quant au fond, je puis d'autant mieux persister dans mon appréciation, que l’auteur à amélioré et complété certaines parties : ainsi, la partie historique, qui était la plus faible, a élé remaniée et étendue; et d'importants chapitres, se rapportant à la solution même de la question ( 384 ) et au vrai caractère du droit de succession considéré sous ses divers aspects, augmentent le mérite du travail et le signalent comme une œuvre d’une philosophie pratique, sage et réfléchie. L’an dernier, le mémoire dont je viens de es se trouvait en présence d’un travail concurrent qui offrait une solution dans un sens opposé, mais dont je signalais la faiblesse. Aujourd'hui, le mémoire concurrent (n°1) offre une solution + et des qualités tout à fait dis- tinguées. Toutefois, je ne puis placer les deux mémoires sur la même ligne, et je crois être équitable et tenir un compte exact de tous les éléments d'appréciation, en proposant de décerner une médaille d’or (le prix) au mémoire n° 2 et la médaille d'argent (un accessit) au mémoire n° 1. Comme forme, comme style, le mémoire n° 1 laisse peu Le L)'æ 0 de chose à désirer. Pour le fond, 1l renferme des principes justes, raisonnables, pratiques, à côté de données inadmis- sibles qui sont pure utopie, qui constituent des éléments de doctrine que l’Académie ne saurait approuver. Après avoir, dans une introduction philosophique un _ peu déclamatoire, recherché le criterium de la certitude, la vraie notion du droit et du devoir et l’origine du mal dans la société, l’auteur divise son ouvrage en trois livres : le premier livre est consacré à la recherche de l’origine rationnelle du droit de succession; il y traite de la socia- bilité de l’homme, de la solidarité, de l'égalité; il y éta- blit le fondement et le caractère du droit de propriété, en exposant les différents systèmes relatifs à l’origine de la propriété; il y définit Le droit de succession, le droit de tester, et 1l cite les différents systèmes relatifs au caractère de ce droit. Le livre IT offre un coup d'œil historique sur (385 ) le droit de succession. Quant au livre ITT, l’auteur se pro- pose, dit-il, de le consacrer à l'examen des modifications que nos lois successorales semblent exiger, et des amélio- rations les plus immédiates qu'il y aurait à introduire dans la société. Ce troisième livre, qui doit compléter l'ouvrage, n’est pas achevé, et n’est, par conséquent, pas soumis à l’Aca- démie; elle n’a à s'occuper que des deux premiers livres qui forment, au point de vue de la question mise au con- cours, une solution suffisamment complète. Tel qw’il est, l'ouvrage, comprenant 724 pages, doit donc être accepté comme répondant aux indications du programme. La partie historique et la partie consacrée à l'exposé des systèmes sont assez faibles , et laissent à désirer tant sous le rapport de loriginalité que de l’ensemble. Elles sont, suivant moi, inférieures aux parties correspondantes du mémoire n° 2. La partie philosophique offre des points où le sens pratique fait défaut , et où l’auteur, qui semble parfois floitter dans des idées contradictoires, fait une trop large part à l'utopie, et arrive à des solutions inacceptables. Ainsi, l’auteur trace toute une théorie (162, 191, 337) sur le partage des instruments de travail, et il relie cette théorie à un système relatif à la réserve testamentaire. L'homme en société a droit à des instruments de travail: la société doit lui assigner sa part dans ces instruments, et c'est comme conséquence de la jouissance de celte part que l’auteur refuse à l’héritier majeur la réserve succes- sorale dans les biens du père ou du parent défunt : cette réserve, l’auteur l’accorde rigoureusement aux mineurs; il la refuse, sauf en certains cas, aux majeurs, parce que ces derniers ayant droit à des avances et à des instruments de travail, ayant la jouissance des uns et des autres; ont ( 386 ) obtenu déjà des avantages dont les mineurs ont été privés. Ces données, sur un point fondamental et organique, sont à mes yeux fausses et dangereuses; elles ne sont qu'indiquées, parce que l’auteur se promet de les déve- lopper et de les organiser, en quelque sorte, dans la troi- sième partie qui est la partie pratique, et qui, vous le savez, n’est pas achevée; mais il suffit de ces indications pour se convaincre qu'il y a eu un côté faux et arbitraire dans les idées de l'écrivain. Au reste, je rends hommage à l'étude consciencieuse qu'il a faite de son sujet, à une foule d'idées justes sur la propriété à l’origine, à la nature, au fondement de laquelle il a consacré de belles pages; il y rattache le droit de famille et les droits de succession, le tout comme expres- sion, comme émanation du droit naturel, du droit anté- rieur. — J'approuve en termes généraux les théories de l’auteur à cet égard; mais on comprend que, comme ap- plication, une foule d'idées erronées ou de solutions fausses puissent être produites, et c’est sous ce dernier rapport que nous voyons faillir l’auteur : nous sommes donc amené à ne lui assigner que le second rang. » M. Arendt, second commissaire, adhère aux conclu- sions de ce rapport, Rapport de M. Grandguygnage. «a Le mémoire portant le n° 2 a pour épigraphe ce passage de Wolf, qui annonce clairement quelle sera Ja solution de l’auteur : Patet testamenta esse juris naturalis. C'est le même, pensons-nous, qui n’a pas été couronné ( 387 ) l'an dernier à cause de l'incorrection du style. L'auteur en a refondu quelques parties; au fond, l'ouvrage, qui nous avait déjà paru très-recommandable, a gagné encore; mais la forme, par malheur, c’est-à-dire la langue et le style, n’ont pas reçu de bien notables améliorations. L’au- teur s’en excuse dans un avant-propos, et déclare compter sur les mesures que pourrait prendre l’Acädémie pour obvier à cette imperfection. Il n’indique pas les mesures. Je serais heureux qu'on pût en trouver quelqu'’une qui, en rendant possible l’impression de ce travail, permit de lui décerner le prix; car les trois rapporteurs s'accordent à juger que le travail est bon. Il se divise en trois parties. La première est un exposé historique du droit de succession depuis les temps primi- tifs, ou, pour employer l'expression favorite de l’auteur, de- puis les primordes de la société jusqu’à nos jours. L'auteur y jette un coup d'œil rapide sur l'époque patriarcale et sur la législation des anciens peuples de l'Orient , tels que les Indous, les Chinois, les Hébreux, les Arabes, auxquels nous pouvons joindre les Grecs; puis 1l passe successive- ment en revue les périodes romaine, barbare et féodale, l’époque de la renaissance, enfin nos temps modernes. La deuxième partie expose les doctrines des principaux écrivains sur le droit de succession, depuis les philosophes de l'antiquité et les jurisconsultes romains jusqu'aux lé- gistes de notre siècle. Les écrivains allemands ne sont pas oubliés; et, après avoir cité Fichte, Hegel, Gros, Krug, Haus (notre savant confrère), Drost, Kirchoff, Rotteck, Stabl, l’auteur résume principalement la théorie de Hegel, qui fut ensuite modifiée par Stahl. Dans la troisième partie, il aborde la question de son chef. Il est d'avis que le droit de succession à sa source ( 388 ) dans la nature des choses; et nous croyons devoir le féli- citer d'arriver à cette conclusion sans être parti de telle ou telle définition du droit naturel. Chaque écrivain donne la sienne et combat celle des autres. L'un fait entrer le droit de succession dans la définition qu’il donne du droit naturel; un autre propose une définition qui exclut au contraire le droit de succession; ce qui n'empêche pas tout le monde, ou peu s’en faut, d'arriver à cette conclu- sion, que le droit de succession doit exister dans toute société bien organisée. Suivant une autre marche, l’au- teur de notre mémoire, après avoir dit avec beaucoup de simplicité et, selon moi, de sens, que l'état de société est l’état naturel de l’homme, prend Île droit de succession comme un fait social en quelque sorte incontestable et devenu un élément inséparable de nos mœurs : cela posé, il le justifie en prouvant que ce droit s’appuie sur Lous les sentiments et les instinets de l’homme. Il le discute en conséquence dans ses rapports avec l'individu en particu- lier et avec l'humanité en général, avec la famille, avec l'État , avec le droit de propriété. Il l’envisage ensuite au triple point de vue des principes nouveaux de l'économie politique, de la politique proprement dite et de la juris- prudence. Enfin, il s'attache plus spécialement au droit de tester, et réfute la doctrine qui considère le testament comme une sorte de contrat. On comprend que ces divers développements donnent au mémoire une grande étendue. Je ne sais toutefois s’il n’y aurait pas eu moyen de le réduire quelque peu avec avantage ; car j'ai cru remarquer çà el là quelques redites, parfois aussi des longueurs ou certaine diffusion qui sem- bleraient prouver, ce qui du reste se conçoit sans peine, que l’auteur n’a pas en le temps de concentrer suflisam- 1 ( 389 ) ment sa pensée pour un travail aussi considérable. Une chose plus difficile à obtenir, c’est la correction du style. Au fond, je le répète, le mémoire portant le n° 2 me parait répondre au vœu de l’Académie; reste à savoir s’il y a moyen d’en rendre l'impression possible; resle à savoir, en outre, si le mémoire n° 4, que je n’ai pas été Jusqu'à présent en mesure d'examiner, ne l’emporte pas en mérite. P. S. Depuis que j'ai écrit ce rapport, J'ai eu communi- cation du mémoire portant lé n° 4, ainsi que du rapport qu’en a fait M. Faider. J’adopte entièrement les conclu- sions de notre honorable confrère relativement à un ou- vrage qui, je dois.le dire, me plaît par la hardiesse et la nouveauté de quelques-unes des conceptions de l’auteur, et je m'empresse de me joindre à M. Faider pour qu'il soit décerné au mémoire n° À une médaille en ou une mention très-honorable. » D'après le jugement des commissaires, adopté par la classe, une médaille d’or à été décernée à l’auteur du mé- moire n° 2, ayant pour épigraphe : Patet testamenta esse juris naturalis ; l'ouverture du billet cacheté a fait con- naître que l’auteur est M. François Gabba, de Milan; une médaille d'argent a été accordée à l’auteur du mémoire n° 1, portant pour devise : L'esprit philosophique d'une société se peint dans sa loi successorale. L'auteur de ce dernier travail est invité à se faire con- naître (1). (1) L'Académie a appris depuis que l’auteur est M. Paul Voituron , avocat à la Cour d’appel de Gand. ( 390 ) DEUXIÈME QUESTION. Éloquence française : — De l'influence de la civilisation sur la poésie. Rapport de M. De Decker, « Trois mémoires ont été envoyés à l’Académie en ré- ponse à la question relative à l'influence de la civilisation sur la poésie. La pensée qui à inspiré la classe des lettres en mettant cette question au concours, n’a pas été bien comprise par tous les concurrents. | | L'Académie ne demandait pas une nouvelle démonstra- tion des rapports qui, chez tous les peuples et à tontes les époques, ont nécessairement existé entre les diverses phases de la civilisation et les diverses formes de la poésie. Cette partie importante de l’histoire de la littérature a été approfondie par les esprits les plus éminents. L'Académie à voulu une œuvre de saine critique, sans doute, mais aussi, et surlout, une œuvre se distinguant par la forme littéraire, un tableau dessiné à grands traits par la raison et le goût, et illuminé de tout l'éclat d'un style chaud et coloré, L'auteur du mémoire n° 4, dont la devise est : La litté- rature est l'expression de la société (ViLLEMAIN), a présenté au concours un travail sérieux et important, qui comprend d'abord la synthèse de la théorie de l’art, dans ses rapports avec la civilisation, et, à l'appui de la théorie, une expo- sition rapide des faits essentiels que présente l’histoire des principales littératures anciennes. C'est une étude remarquable, écrite avec élégance et ( 391 ) vigueur; mais c’est avant tout un travail d’érudition, où l’auteur a entassé avec une luxueuse profusion des maté- riaux historiques, perdant de vue le plan, plus simple et plus grand, indiqué par l’Académie. D'ailleurs, ce mémoire n'est pas complet. L'auteur y a donné de si vastes propor- üons, qu'il n'a pas eu le temps de l’achever. Après avoir étudié le caractère propre et les vicissitudes de la littéra- ture des Hébreux et des Arabes, de la littérature de l'Inde, de la Perse et de la Chine, de celle de la Grèce et de Rome, il à été forcé de s'arrêter au seuil des temps modernes. Or, je ne crains pas de le déclarer : à mon sens, l'analyse des éléments qui ont aidé au développement parallèle de la civilisation et de la littérature chez les peuples modernes, est obligatoire dans le travail demandé par l’Académie, En effet, le jour nouveau que le christianisme est venu répandre dans le monde moral, l'influence des races puis- santes dont les luttes énergiques remplissent tout le moyen âge, plus tard, la renaissance des lettres anciennes, la discussion des questions religieuses soulevées par la ré- forme, toutes ces causes ont agi, d’une manière décisive, sur la marche de l'intelligence humaine et sur la direc- tion imprimée à la société moderne. Là se trouvait la partie difficile mais essentielle, comme intérêt et comme ensei- gnement, de la question mise au concours; et l’auteur du mémoire n° À n’a pas même pu l’aborder! Le mémoire n° 2 (devise : Mon cœur bat d'avenir et du besoin des cieux) rentre mieux dans le cadre fixé par l’Aca- démie. L'auteur est plus sobre de détails, et ses apprécia- tions révèlent, en général, un esprit judicieux et éclairé. Bien que la rédaction n’en soit nullement dépourvue de mérite, il y manque le mouvement et la vie. Ce n’est pas ( 392 ) Jà tout à fait un travail tel que l'Académie est en droit d’en attendre de nos écrivains, dans une question qui se prête si admirablement aux séductions de la forme et aux entrainements de l’éloquence. Le mémoire n° 3 (devise : La littérature est l'expression de la société. De BonaL») est une simple ébauche littéraire, qui n’est pas néanmoins sans quelque importance, comme fond et comme forme. Le concours n’a donc pas été stérile : les mémoires en- voyés à l’Académie attestent, chez leurs auteurs, d’heu- reuses dispositions développées par de sérieuses études ; il y a de quoi rassurer les amis de notre littérature na- tionale. Cependant, quelque incontestable que soit le mé- rite, sui generis, du mémoire n° 1, je me vois forcé de conclure qu'il n’y a pas lieu de décerner le prix. Main- tenue au concours de l’année prochaine, la question sera traitée d’une manière plus complète et plus conforme aux intentions, désormais mieux connues, de la classe des let- tres. » Happort de PE. Paui Devaux. « La classe, en mettant au concours la question de l'influence de la civilisation sur la poésie, avait voulu faire appel au talent littéraire par un sujet qui comman- dait, en quelque sorte, l'élégance et la distinction de la forme, Ces intentions ont été comprises : les trois concur- rents qui sont entrés dans la lice écrivent avec art; leurs mémoires, quoique de valeur différente, présentent tous les trois des qualités de style peu communes parmi nos auteurs. Le succès de cette tentative pourra désormais en- ( 595 ) gager la classe à la renouveler, et à faire entrer plus souvent la critique littéraire dans le programme de ses concours. Le mémoire n° 5, portant la même devise que le n°1, La littérature est l'expression de la société, se divise en trois parties peu étendues. L'auteur s'attache, dans la pre- mière, à définir la poésie dans les différentes acceptions du mot. Il procède avec lucidité à ce petit travail d'analyse, et exprime avec bonheur un genre d'idées qui n’est pas tou- jours facile à préciser. La seconde partie est intitulée : Coup d'œil sur l'histoire générale de la poésie dans ses rap- ports avec celle de la civilisation. Quelques points culmi- nants de cette histoire y sont rapidement effleurés. La guerre et la religion sont les grandes préoccupations des sociétés primitives. Les gloires divines et les gloires hu- maines sont les premiers sujets de la poésie. La première forme est lyrique et narrative. Les poèmes religieux des Indous et des Hébreux sont la plus haute expression de la poésie antique. La Grèce produit une poésie moins élevée. Les dieux et les héros d'Homère sont faits pour flatter les yeux et l’imagination. Le siècle de Périclès amène un idéal plus parfait. Le goût s’est formé; le drame parait, mais dans ces œuvres plus régulières, on ne ren- contre plus la grandeur du vieil Homère. Rome n'était ni artiste, ni poëte; les poëtes grecs viennent y réveiller le sentiment littéraire. La poésie s’y revêt de la douce philo- sophie d'Horace; dans Virgile, elle a des accents et des beautés de formes qui la rapprochent à la fois de l'idéal des Grecs et des sentiments dont se sont inspirés les mo- dernes. Grâce à une nature plus sévère, l’idéal des barbares celtes où germains, qui chantaient aussi les combats et les guerriers de leur patrie, a quelque chose de plus sombre et de plus mélancolique que celui d'Homère ; 1l a ( 394 ) quelque rapport avec le caractère austère de la religion de Moïse et semble une transition vers le christianisme. Après la décadence romaine, il fallait de spiritualisme chrétien pour ressusciter la poésie. Il lui donna l'élément moral et la mélancolie. Des cantiques et des hymnes furent la seule poésie des premiers chrétiens. Toute la poésie du moyen âge est celle du christianisme; la religion, la gloire et l'amour y étaient confondus. Dante et Pétrarque furent de grands interprètes de l'esprit du moyen âge. La poésie arabe eut de l'éclat à cette époque; elle était fort inventive, mais n'avait ni le goût pur de l’art antique, nile caractère élevé de la poésie chrétienne. A partir de la renaissance, la {orme antique tend à s’allier à l’idéal chrétien. Deux écoles naissent, l’une plus imitatrice des anciens, l’autre plus originale. À celle-ci se rattachent le génie de Shakespeareet de Milton, et, en général, la poétique des peuples du Nord; dans l’autre se rangent surtout les classiques français. Il se forma en France une poétique belle de formes, mais un peu factice, mélange de l'idéal grec et de l'idéal chrétien, le langage de la cour de Louis XIV adapté à des sujets antiques. Les poëles dramatiques de cette époque ne sont quelquefois qu'éloquents, mais il y a de la poésie chez Bossuet et chez Fénélon. La poésie de la grâce, de l'esprit et de la gaieté brilla particulièrement en France. On n'y rencontre pas celte verve nouvelle et ce génie pittoresque qui avâient inspiré les sorcières de Macbeth et le satan de Milton. Le XVIIE"* siècle ne fit que raisonner en vers. Quelques écrivains cependant se rapprochèrent de la na- ture : Rousseau et Bernardin-de-S'-Pierre sont les vrais poëles de cette époque. De ce moment une prose riche et nombreuse lutte d'influence avec le langage rhythmé. En Allemagne, un esprit sévère et contemplatif, des mœurs ( 595 ) paisibles et indépendantes favorisent la conception de l'idéal le plus élevé. On y retrouve le sentiment chrétien et un écho des sentiments du Nord. Le vide de la vie dans les civilisations avancées est une nouvelle source d’inspi- ration pour Goëthe, dans son Werther; Lamartine et Byron viennent y puiser après lui. A leurs noms se ratta- che aussi le genre de poésie qui caractérise le mieux la littérature actuelle, celle de l’âme et de la pensée, le iyrisme subjectif. La muse du XIX”° siècle a, du reste, puisé dans les formes de tous les temps, dans les goûts de tous les lieux. | Cette seconde partie du mémoire que je viens de ré- sumer eût gagné à être un peu plus développée et plus approfondie : c'est une revue trop rapide et qui se borne à un trop pelit nombre de généralités. On n’y trouve pas ce cachet de solidité et d’études dont un travail académique doit porter l'empreinte. | La dernière partie du mémoire est un peu plus étendue que les deux précédentes; elle est consacrée à l'examen d’une seule question : le progrès de la civilisation est-il favorable ou nuisible à la poésie? Le sentiment poétique se transforme souvent; il a des phases plus propices les unes que les autres, mais il est naturel à l’homme et ne s'éteint pas; dans l'enfance des peuples, la poésie est plus intense et tout en sentiment; l'expression en est plus colorée et plus pittoresque; mais plus tard, la civilisation élève le beau idéal, le dégage de tout caractère matériel pour laisser dominer son côté intellectuel et moral. La pensée prend place à côté du sentiment et de l’imagina- tion ; elle élargit l’horizon du poëte et en varie les aspects. Le vers a perdu dans l'opinion du monde, mais le senti- ment poétique est encore vif; jamais on n’en a saisi le ca- ( 396 } ractère et les beautés avec plus de vérité et de justesse. A quelle époque y eut-il des noms de poëtes plus applaudis? Le roman aussi, le poëme épique des nations modernes, d’après M. Villemain, n’a-t-il pas produit de nos jours, Walter Scott? Dans les arts, ne sont-ce pas de grands poëtes que Rossini, Mevyerbeer, Beethoven, Ingres, Cornelius, Canova, etc.? La poésie de notre âge à pu ajouter le beau idéal chrétien à celui de l’antiquité; l’inspiration comment pourrait-elle s’appauvrir quand l'esprit et l'imagination, qui en sont la source, se sont enrichis? La poésie et la civilisation tendent toutes deux vers Dieu, ou la perfection suprême; mais l’homme n’est destiné qu'à s'approcher du beau absolu; rien n’est stable iei-bas, et la poésie conti- nuera à suivre la civilisation dans ses diverses évolutions. Le mémoire qui porte le n° 2 et la devise : Mon cœur bat d'avenir et du besoin des cieux, a plus d’une idée commune avec celui dont je viens de parler. Ce qui l'en distingue, c'est une confiance plus grande encore dans les destinées futures de la poésie. L'auteur ne craint pas de lui prédire une période d'éclat et de prospérité sans exemple dans le passé. Îl commence par nous faire voir la succession natu- relle des trois grands genres poétiques. Toute pleine de Dieu , la société patriarcale n’a de poésie que l'hymne. La vie des cités et les luttes nationales viennent plus tard unir le ciel à la terre. Sous l'empire de la reconnaissance ou de l’amour-propre national, la poésie chante les demi- dieux et les héros, « Il n’y a, dit l’auteur, qu'une époque » pour l'épopée dans l’histoire des peuples : c'est ce mo- » ment heureux où, jeunes encore et fiers des premiers » triomphes de leur nationalité, ils éprouvent le besoin » de répandre au dehors leur admiration et leur recon- ( 597 ) » naissance pour les héros qui ont illustré leurs annales. » L'époque du drame suit celle de l'épopée. La poésie entre dans une voie nouvelle. Elle s'éloigne du ciel et des demi- dieux. L'homme veut se contempler lui-même tel qu'il est. Ce cours régulier de la civilisation littéraire se trouve quelquefois interrompu par une influence puissante, l’imi- tation de la civilisation d’un autre peuple ou d’un autre temps. La Grèce eut son époque d'imitation. Mais Îles poêtes d'Alexandrie n’arrivèrent qu'après le complet déve- loppement de sa littérature originale. Rome fut moins heureuse : elle renonça à sa propre civilisation pour celle de la Grèce. Sa poésie y gagna l’élégance de la forme et la délicatesse du goût, mais aux dépens de l'originalité et des fortes inspirations. Le génie moderne à son tour eut à lutter contre l'influence httéraire de l'antiquité, L’obstacle ne fut d’abord pas assez puissant pour arrêter son déve- loppement original. Les nations de l'Occident renouvelées par l'esprit chrétien et par l'esprit germanique, avaient pour ainsi dire retrouvé le caractère des peuples primitifs. Les souvenirs classiques renfermés dans les cloîtres et les universités, étaient sans action sur les masses, Les débuts de la poésie ON sont inférieurs pour la forme à ceux de l'antiquité; mais le christianisme y a déjà fait pénétrer le sentiment de l'honneur et celui du dévouement de la force à la faiblesse, que l'antiquité ignorait. Aussi, ausiècle de Louis IX, qui résume le mieux la civilisation du moyen àge , produit-elle une série de grands ouvrages poétiques, comme l'architecture fonde ses admirables cathédrales. Mais plus tard le génie moderne eut à subir un plus rude assaut. La chute de l'empire d'Orient ouvrit cette période nouvelle si funeste à l'originalité des peuples de race tu- desque ou romane. L’antiquité absorbe Ja poésie du moyen 276 SÉRIE, TOME IV. 27 ( 398 ) âge. Sous Louis XIV lui-même, l’art remplace l'inspiration, et limitation refroidit l'enthousiasme. La poésie n’est plus l'écho des sentiments de tout un peuple, ce n’est plus l'expression de toute une civilisation, c’est la pensée d'une cour brillante. Supprimez Polyeucte, Esther, Athalie, vous n'êtes plus dans un milieu chrétien. Le siècle suivant eut, de plus, les funestes effets d’une époque de critique, d’un temps de scepticisme et de démoralisation. Les sociétés païennes n’avaient pour leur littérature, comme pour leur civilisation, que deux périodes à parcourir, l’époque de création et l'époque de critique. Il n’y avait rien au delà. Elles ne se relevaient pas de la décadence. La société chrétienne, au contraire, quand elle a traversé ces deux âges, tend à renaître. L'auteur pense qu'aujourd'hui les révolutions ont renouvelé la société, comme avait fait l'in- vasion des barbares. La grande préoccupation des intérêts matériels n’est qu’à la surface; dans les profondeurs de la société, il se fait un travail tout opposé. La civilisation qui se prépare est une des plus complètes de l'histoire; c'en est fait aujourd’hui de limitation ; l'inspiration est redescen- due du ciel. Nos poëtes lyriques dépassent de loin ceux de l’époque précédente. Ils s’'animent de la pensée du siècle. Quand cette pensée spiritualiste et chrétienne qui est au fond de la société, se sera mêlée à toute la masse sociale, a quand les intérêts du ciel l'emporteront, dans nos affec- » tions, sur les biens de la terre et remueront fortement » les entrailles du siècle, alors, n’en doutez pas, 1l naîtra > parmi nous une poésie si belle, si imposante, que » toutes celles qui ont précédé n’en paraîtront que l'ombre : » ce sera la poésie du christianisme, c’est-à-dire de la » civilisation la plus parfaite qui puisse se développer » dans ce monde. » ( 399 ) Vous voyez, Messieurs, que l’auteur écrit sous l'in- fluence de vives convictions. Ses idées s'enchaînent, son point de vue est élevé et son style, dont un résumé aussi rapide ne peut donner l’idée, a de l'élégance, de la cha- leur et un certain éclat. Comme l’auteur du mémoire précédent, 1l prouve que le temps doit élever et épurer de plus en plus l'idéal de la poésie; mais l'inspiration sui- vra-t-elle le même progrès? Les deux écrivains glissent sur ce côté de la question d’où dépend cependant PEESANE tout le sort futur de la poésie. Je passe au mémoire n° 1, portant la même devise que le n° 5. C'est un travail d’un tout autre ordre par les pro- porLions que l’auteur lui a données. Le premier mémoire que je viens d'analyser aurait, dans notre recueil des mé- moires couronnés, une étendue de moins de vingt pages, le second n'en aurait pas trente, celui dont je m'occupe en ce moment, est neuf ou dix fois plus considérable. A la partie théorique et générale, l’auteur a joint un coup d'œil sur les littératures orientales. Il s'occupe ensuite de l'histoire de l'antiquité classique, dans ses rapports avec la civilisation, et finit par résumer ses vues sur l'histoire de la poésie au moyen âge et dans les temps modernes. La parlie capitale de son travail est celle qui concerne la poésie grecque et latine. Il ne se borne pas à une appré- cialion générale; chacun des grands poëles de l'antiquité l’occupe à son tour, et vient prendre sa place dans cette brillante galerie. Dans l'introduction, où il développe sa théorie, l’auteur, comme ses deux concurrents, expose la succession des trois âges poéliques, dont la critique litté- raire de nos jours a emprunté l’idée à Vico : l'époque divine ou théocratique , l’époque héroïque, l’époque humaine. | { 400 ) L'imagination des peuples enfants symbolise les forces de la nature. Les premières formes de la pensée religieuse varient suivant le climat, mais partout l'hymne est le ca- ractère originel de la poésie : c’est la théocratie qui lin- vente et le propage. À côté de cette poésie sacerdotale naît le chant populaire épico - lyrique : c’est l’explosion instinctive du cœur humain, comme l'hymne est le cri de l'âme. Cette première séve prend ensuite une direction déterminée, et se développe en suivant les phases de l’orga- nisation sociale. L'époque des guerres suit l’époque reli- gieuse. Alors se forme l'esprit national. Les chefs sont divinisés par la reconnaissance publique, et l'épopée naît sous les auspices de l’aristocratie héroïque. Il semble que tout un peuple ait travaillé à ces monuments gigantesques. L'art apparaît, mais il est encore sans préoccupation per- sonnelle,. Rassurés contre les envahissements du dehors, les peu- ples se consolident au dedans; les institutions se fondent, l’ordre s'établit; les partis se forment; l'esprit cherche ses voies ; des fêtes réunissent les populations, qui décer- nent des récompenses au courage, à la force, à l’intelli- gence. La poésie se fait l'écho de tous ces événements : c’est le lyrisme sous sa forme subjective. Il porte le cachet de la personnalité du poëte. La divinité n’est plus sur le premier plan, comme dans le lyrisme religieux : le poëte chante la patrie et les héros; l'ode remplace l'hymne ; Pindare succède à Orphée. L'art éprouve ensuite le besoin de concentrer ses forces disséminées, pour présenter à tout un peuple l’image idéale de la destinée humaine. Ce n’est plus l’époque des grands événements qui décident de l’existence des nations. On veut voir représenter la vie en action, le conflit des pas- ( 401 ) sions, la lutte des caractères , la divinité intervenant pour trancher le nœud des situations inextricables. Bien des siècles d'organisation et de vie nationale sont nécessaires à cette éclosion du drame. L'art a désormais pleine conscience de son but et de ses moyens. Le goût est formé : c’est l'apogée de la poésie, non comme inspira- tion, mais comme art. 4 L'époque où le drame fleurit est ce moment bien court de la vie des peuples où ils jouissent de tous les trésors intellectuels et matériels et sont déjà sur la pente de la décadence, prêts à se corrompre par un excès de eivili- sation. La comédie, qui veut arrêter la décadence morale, la précipite elle-même, et en est le premier reflet : c’est la peinture d’une société vieillie dont le scepticisme sape les fondements : c'est l'époque d'Aristophane en Grèce, de Molière et de Beaumarchais en France. Dans la vieillesse . des peuples, les traditions s’effacent et avec elles les croyances naïves. La patrie n’inspire plus les poëles. Les intérêts matériels étouffent l'idéal. La réflexion a détrôné l'intuition. La poésie ne s'attache plus qu'à la forme et à . limitation. Mais l’enthousiasme et le génie ne sont pas éteints dans l’âme humaine. La prédominance du principe subjectif donne un caractère lyrique à l’inspiration indivi- duelle , et la satire est la dernière protestation de la vertu contre le vice triomphant : c'est la période alexandrine, c’est celle de la décadence romaine; c'est le temps où nous vivons. Ainsi, l'hymne sacerdotal est le chant populaire dans l'enfance des peuples; l’épopée dans leur jeunesse; l’ode dans leur adolescence; le drame dans leur âge mür; la poésie artificielle, la didactique, la satire et la critique ( 402 ) dans leur vieillesse : voilà le cours naturel dé la poésie chez les grands peuples où le principe de limitation ne vient pas entraver sa marche. La poésie naît et se développe sous la double influence de la tradition et de la liberté. La liberté est le levier du progrès dont la tradition est le point d'appui. L'accord de ces deux principes est le point culminant de l’art comme de la civilisation. Quand la liberté fait divorce avec l’es- prit traditionnel, la décadence est commencée. Si quelque principe nouveau ne vient pas régénérer la société, les peuples périssent avec l’art et transmettent à d’autres le flambeau de la civilisation morale. L'art alors peut encore recommencer ses évolutions , si l'organisme de la société renferme un principe assez original, assez vivace pour faire jaillir la poésie de l’âme du peuple; mais si le prin- cipe de l'imitation triomphe, la loi du développement que nous venons de constater ne se retrouvera plus. Dieu, l'humanité, la nature : voilà le triple domaine que chaque race envisage sous un aspect différent. Trois civilisations dominent l'histoire intellectuelle de l'huma- nité : la civilisation orientale ou la théocratie, qui pro- duit le sublime en anéantissant le fini devant l'infini; la civilisation paienne ou le polythéisme, marqué däns l’art par l'anthropomorphisme, qui idéalise la personne hu- maine par la fusion intime de l'infini et du fini : c’est le beau proprement dit; la civilisation moderne ou le chris- tianisme rélablissant la nature humaine dans sa dignité vis-à-vis de Dieu et d'elle-même et créant la notion véri- table des rapports du fini et de l'infini : telles sont les idées générales qui servent d'introduction au mémoire. Les considérations qui suivent sur la poésie de l'Orient sont nécessairement sommaires pour chaque peuple, même So (403 ) pour les Hébreux et pour l'Inde, qui y tiennent le plus de place. C’est seulement dans l'histoire de la littérature grecque et latine qu'elles s'étendent et se précisent. C’est là que réside le véritable mérite de l'ouvrage. Sans porter l'empreinte d'une originalité profonde, la critique de l’au- teur est élevée, judicieuse et nourrie de fortes études. Son style passe de la simplieité à l'éclat, de l'énergie à la grâce, avec une élégante souplesse et une parfaite convenance. Comme :l n'est guère possible de résumer dans un rapport les appréciations de tant de talents divers et des influences sous lesquelles ils se sont développés, je me bornerai, pour donner une idée de la manière de l’au- teur, à faire ici deux citations. Je choisis deux passages d'un caractère différent et resserrés dans des limites assez étroites pour ne pas trop allonger ce rapport. Voici le tableau de la décadence de la poésie latine sous les suc- cesseurs d'Auguste. | «... J'ai dit tout à l'heure que la poésie était morte pour un demi-siècle; elle tenta cependant de se ré- veiller à différents intervalles; mais chaque fois elle était écrasée sous le talon des Césars, de ces monstres sanguinaires, furieux ou imbéciles, dont les noms sont l'éternel opprobre de l'espèce humaine. Aucune supé- riorilé ne pouvait vivre en face des Tibère, des Caligula et des Claude, qui n'avaient pour ministres que le poison , la confiscation, l'assassinat, la débauche. La poésie, disons mieux, l’art des vers, semble sortir comme de la tombe sous Néron, cet histrion couronné, et devient la passion des esprits cultivés du temps. Quelle pouvait être, au milieu de l’abjection générale des caractères et de la corruption universelle des mœurs, cette poésie qui s'étend de Sénèque à Juvénal? L'inspi- NO 4 OÙ À © Ùù Ù à NN N° NW, = (404) » ration spontanée n’est plus possible, excepté pour la GS + YO D VYYVYE EEE NO OU OU VS Sy 7 satire, quand elle trouvera un soupirail pour exhaler son indignation vertueuse. » Les souvenirs du passé sont une autre source de poésie, mais l’oppression du moment doit la rendre inféconde. Le stoïcisme, seule ressource contre la ty- rannie, pourra inspirer la haine contre le vice et rendre la vertu impossible par des maximes sans application dans la vie; ne pouvant apprendre à bien vivre, il en- seignera l’art du suicide, en faisant croire au néant: mais il détruira la poésie en substituant les froids cal- culs du raisonnement à l'inspiration. » Qui fera donc naître l'enthousiasme? sera-ce la reli- gion? Le scepticisme, l'ironie, la corruption l'ont éteinte depuis longtemps dans l’âme des Romains. Sera- ce la patrie? Elle n’a jamais été que la cité; et mainte- nant la cité, c'est le monde. Quand la patrie est partout, elle n’est nulle part. Rome n'a pas encore écouté la voie qui crie : Tous les hommes sont frères; Dieu est leur père à tous, et la patrie commune est le ciel. Sera-ce l'amour qui inspirera la poésie? Mais à Rome on ne connaît plus que le libertinage le plus déver- gondé. La vie du peuple au moins ne peut-elle féconder le champ de la littérature? Mais jamais le peuple n’a compté que dans cette formule : Senatus populusque romanus. Aujourd'hui Rome n'apparaît plus que sous les traits d’un tyran cruel et dépravé devant qui l’on tremble, à qui même on rend hommage de ses assassi- nats. Voilà l’idole, voilà le dieu qu’on encense, aux pieds duquel la poésie, pour avoir droit de vivre, doit s’age- nouiller, s’avilir, se prostituer jusqu’à ce que le tyran, fatigué de la grande voix des Muses, envoie aux poëtes ( 405 ) l'ordre de mourir. Demandez à Sénèque, à Lucain , à Martial, ils vous répondront. La flatterie la plus éhontée est devenue, proh pudor ! la muse inspiratrice des poëtes de ce siècle. » En parlant du peuple hébreu, l’auteur consacre au dé- sert et à son influence les remarquables lignes qui suivent: «…. Le désert, d’ailleurs, en avait fait le peuple de l'unité. La solitude dans l’immensité n’a que Dieu pour ‘écho. Rien n’y distrait la pensée dans l'océan divin » qui l'environne de toute part. La nature n’y étale pas » ces charmes séducteurs qui s'interposent entre l’âme et » Dieu, et font confondre l’œuvre avec l’ouvrier. L'homme » y sent mieux son néant en présence de l'infini. Lorsque, » élevant ses regards de cette terre aride qui le porte, il » plonge son imagination dans cet horizon sans bornes » et dans la transparence de ce ciel limpide où à tout » moment il croit voir apparaître face à face l’invisible » dans toute sa majesté, les mystères des nuits où le nom » du Très-Haut se lit en caractères de feu sur les pages » étincelantes du firmament , l’immensité de l'ombre qui » replie l’âme sur elle-même, le vent du désert qui secoue » » D" de vw S 2 la tente du pasteur, tout cela n’inspire-t-il pas des son- ges pleins de magnificence et d'une religieuse terreur ? » L’essor de l’âme n’y est jamais comprimé par la ty- » rannie. L'homme est libre et ne reconnaît que Dieu pour » Son seigneur et maitre. La vie y est prisée ce qu’elle » vaut: une halte d’un jour dans l’immensité de l’espace et » dans l'éternité de la durée. Cette tente qu’un coup de vent » va emporter ne rappelle-t-elle pas la fragilité de la vie? » Cette marche, enfin, sans trêve et sans repos, n’est-elle » pas l’image de cette terre d’exil, de cette vallée de lar- » mes où l’homme est condamné à manger son pain à la ( 406 ) » sueur de son front? Voilà la race d'Abraham dont la pensée est frappée à l'effigie du désert. » Quel sera le caractère général de la poésie chez un tel peuple? Ce sera l'hymne enflammé qui chante la gloire, la grandeur, la majesté de Dieu. Les cieux racon- teront la gloire du Très-Haut. Le cœur de l'homme se fondra d'admiration et de reconnaissance devant les merveilles de la création et les bienfaits que la main divine répand sur la race bénie. Ce n’est pas l’art qu'il faudra chercher dans cette poésie grande et simple comme le désert, et, comme lui, àpre et brûlante. Non, cette poésie est au-dessus de l’art, parce qu’elle est l'acte le plus important de la vie, l'hommage spontané, libre, impérieux de l'âme pénétrée de reconnaissance et d’une sainte terreur pour le souverain maître de la terre et » des cieux... » Une œuvre de ce genre, il est à peine besoin de le dire, renferme nécessairement plus d’une appréciation contes- table, plus d'une idée dont tous nous n’accepterions pas la solidaritéentière. L'Académie, en couronnant un mémoire, n’en partage pas nécessairement toutes les doctrines : cela est plus vrai encore d’un concours qui a particulièrement la forme littéraire pour objet. La rapidité avec laquelle il a fallu rédiger un travail aussi étendu a dû y laisser quel- ques imperfections de détails, et n'a pas permis d'éviter toutes les lacunes. Ainsi, dans la revue des poëtes latins, si Lucrèce n’est pas complétement oublié, 1l n'obtient, ce- pendant, qu'un éloge très-sommaire. Après s'être élevé avec rigueur contre le défaut d'ori- ginalité de la littérature latine, l’auteur, pour être juste, eût dû mettre dans tout son jour celte vigoureuse figure. Une énergie grossière, si lon veut, parfois même brutale, SO YO GG V% 5 6 Y Ÿ Y ÿ | Y ÿ ( 407 ) donne à Lucrèce, malgré les théories grecques exposées dans son poëme, une originalité qui en fait peut-être le plus national des poëtes de son pays. En signalant, dans les derniers temps de la poésie grecque, le mérite de Théocrite, si supérieur à son époque, le mémoire n’insisie que sur ses poésies pastorales et laisse dans l’ombre les brillantes faces de son talent auxquelles sont dus les Dioscures, le Combat d'Hercule contre le lion, là Description du domaine d’Augias, l'Épithalame d'Hélène et les Syracusaines. N'est-ce pas aussi à la précipitation du travail qu'il faut attribuer cette phrase sur Térence? « La décence, le bon goût, en un mot, toutes les bien- » séances sociales et théâtrales sont observées dans le lan- » gage et dans la conduite des pièces. » A côté de la sévérité que l'écrivain montre ailleurs pour les faiblesses morales de l'antiquité, on est surpris de cette indulgence extrême envers l’auteur de l'Eunuchus et de l’Andria. Dans la révi- sion qu’il se propose de faire subir à son travail, ainsi qu'il nous l'apprend dans une note, 1l fera aisément disparaitre des inadvertances de ce genre qui ont peu de portée et ne touchent pas à l’ensemble de l'ouvrage. Messieurs, quel que soit le mérite des deux premiers mémoires, dont je viens de vous entrelenir, le troisième a Sur eux une telle supériorité d'importance, qu'aucune hésitation n’est possible sur le rang qu'il convient de lui assigner dans le concours. Ce mémoire ne contient sur la poésie du moyen âge et des siècles suivants que quelques vues très-générales sans développements ni applications. D'après les intentions qu'il annonçait à la fin de son in- troduetion , l’auteur n’avait pas le projet d'entrer, sur cette partie de l’histoire de la poésie, dans des analyses aussi détaillées que pour la poésie grecque et romaine; mais le ( 408 ) tableau synthétique par lequel il comptait finir, devait probablement avoir plus d’étendue que, faute de temps, il n'a pu lui en donner. Dans une note ajoutée à la fin du mémoire, 1l s'engage formellement à compléter son tra- vail, s’il obtient les suffrages de ses juges. Les exigences de la classe doivent-elles aller jusqu'à vouloir que la poésie des peuples modernes soit traitée, dans le mémoire, avec le même développement que celle de l'antiquité ? La ques- uon, telle qu'elle était posée, ne faisait pas une loi aux concurrents d'un travail complet sur l’histoire de la poésie, et le mémoire, sous ce rapport, va bien au delà de ce qui était indispensable. L'auteur possède des connaissances si étendues sur la littérature ancienne, qu’il ne faudrait pas s'étonner qu’elle ait été pour lui, dans ses études, l'objet, sinon d’un culte exclusif, au moins d’une préférence mar- quée. L’obliger à donner une égale étendue à ses considé- rations sur la poésie moderne, ce serait peut-être l'exposer à faire moins bien et à diminuer-la valeur de son ouvrage. Puisque le concours, malgré ce qu'il a de nouveau dans nos usages, répond si pleinement à nos intentions el nous offre une œuvre remarquable, empressons-nous de la cou- ronner sans imposer de conditions nouvelles et en laissant une assez grande liberté sur la manière de la compléter. L'auteur, qui parle de la Belgique comme de son pays, doit s’être peu produit devant le public jusqu’aujourd’hui , ou avoir profondément transformé sa manière d'écrire. La classe s'applaudira d’avoir pu mettre en lumière, par son concours, un talent solide et plein de ressources, et de lavoir appelé à se déployer dans cette partie la plus élevée de la eritique littéraire où se sont exercés, chez nous , des écrivains distingués, mais jusqu’à ce jour fort peu nom- hreux. » ‘à ( 409 ) M. Polain, troisième commissaire, fait un rapport ver- bal et déclare adhérer aux conclusions présentées par M. De Decker. A la suite d’une discussion approfondie, la classe a dé- cerné la médaille d’or à l’auteur du mémoire n° 4, en ex- primant le désir de voir compléter le travail. L'auteur du mémoire couronné est M. Ferdinand Loise, docteur en philosophie et lettres, professeur de poésie aw collège de Tongres. TROISIÈME QUESTION. Quelle a été l'influence littéraire, morale et politique, des sociélés et des chambres de rhétorique dans les dix-sept provinces des Pays-Bas et le pays de Liége ? Outre la médaille académique, lé lauréat du concours recevra de la Société royale de Wyngaerd une médaille de vermeil. Rapport de FI, Snellaert, « En mettant au concours la question de l'influence littéraire, politique et morale des sociétés et des chambres de rhétorique dans les Pays-Bas, l’Académie a voulu s’en- quérir d'un des plus remarquables phénomènes que lhis- toire observe dans la vie des peuples belges. L'histoire de nos chambres de rhétorique , c’est presque toute l’histoire du peuple flamand dans sa gloire et dans sa décadence; c’est l’histoire de ses luttes contre le pouvoir en faveur de la liberté individuelle, de la liberté de penser, de la liberté de conscience, Il est digne de remarque qu’au moment où la maison de Bourgogne ajoute successivement nos différentes pro- ( 410 ) vinces à son apanage, pour en faire un seul tout aux dé- pens des libertés de chacun, qu'au moment où les corps et métiers fléchissent sous le poids des revers, ces corpset métiers appellent à leur aide des sociétés dont l’existence venait à peine d’être constatée ; le bras, se sentant faiblir, demande un appui à l'intelligence. L'instinct de conserva- tion et une vague pensée de grandeur n'étaient sans doute pas étrangers à cette union entre la force physique et la force intellectuelle. | C'était vers le milieu du XV”° siècle. Depuis on voit iés Pays-Bas, toujours grandissant en étendue territoriale, croître en richesses par le commerce et l’industrie, et promettre de prendre le premier rang parmi les États de l'Europe. Un peuple sans homogénéité politique ou administrative se réunit par une communauté de liens qu'il se donne lui- même dans un but de bien-être matériel, produit du travail et de jouissances intellectuelles; bientôt il étend cette communauté au delà des pays soumis aux ducs de Bourgogne : c'est le spectacle que donnent les Pays-Bas au commencement du XVI" siècle, alors que la hanse portait nos produits dans toutes les régions de la terre connue, et que marchands et gentilshommes prêtaient leurs richesses et l’éclat de leur nom à ces splendides fêtes de rhétorique qui furent l'expression la plus complète de la vitalité du siècle. Une instruction publique très-répandue, l'éducation faisant partie de l’enseignement, un goût général et forte- ment prononcé pour les beaux-arts et Ja littérature, sur- tout une teudance irrésistible à puiser dans la Bible les préceptes de la vie sociale et religieuse : voilà, je crois, le XVI®® siècle chez nous dans ce qu'il a de plus frappant ( AA ) pour le mouvement intellectuel, Ce mouvement se voit, surtout dans les chambres de rhétorique, bientôt mena- cées par le pouvoir, qui n'avait pas réussi à en faire son instrument. La menace fut suivie de près par la répression, la perséeulion , et le rhétoricien, partageant le même sort que le marchand et le noble, expia, sur l'échafaud ou dans l'exil , le crime de son amour pour la liberté individuelle, qui fut de tout temps l'apanage des peuples de ces contrées. Les pays du Nord, surtout l'Angleterre, s'enrichirent de nos pertes en hommes de cœur et de tête. Les Pays- Bas septentrionaux, plus favorisés par la nature contre la supériorité de l'ennemi que ne le sont les provinces du Midi , remmenèrent à temps leurs propres enfants exilés, tandis qu’ils redoublèrent leurs forces par la mesure, aussi Juste que sage, d'admettre dans leur famille tous ceux que l'intolérance écartait du sol natal. Les deux subdivisions du pays marchèrent bientôt en sens inverse dans la voie du progrès : les provinces, sorties victorieuses de la lutte, devinrent aussi hardies dans ie domaine de l'intelligence qu'elles l'avaient été sur les mers et sur le champ de bataille; les provinces, retombées sous le pouvoir du maître, présentèrent l'aspect d’un corps frappé de dépérissement. Après la séparation, les chambres de rhétorique, persévérant dans la routine, n'eurent plus, dans les Provinces-Unies, une raison d’être, tandis que, la décrépitude sur le front, elles continuèrent, dans les Pays- Bas catholiques, à porter le flambeau de l'intelligence. C'est là un bien intéressant thème pour une dissertalion académique. L'auteur du seul mémoire en réponse à la question l'a senti. Îl a ressemblé à peu près tous les maté- riaux nécessaires pour écrire une réponse aussi complète qu'on pourrait le désirer : son épilogue prouve qu'il ne ( 412 ) lui manque pas de lumières pour tracer à grands traits l’histoire de notre mouvement intellectuel. Le cadre qu'il s’est tracé est rationnel et propre au sujet , trop découpé peut-être, nonobstant la grande étendue du travail. Ce serait là un léger défaut, cependant, si l’auteur avait tou- jours su rester dans les bornes du sujet. Il faut bien le dire, l’ordre lui fait généralement défaut, et le sujet est bien souvent en désaccord avec l'en-tête du paragraphe. Son malheur en ceci c’est d’avoir eu à sa disposition trop de notes, dont il n’a su sacrifier aucune partie. De là son travail ressemble plutôt à un amas de matériaux rangés plus ou moins méthodiquement qu’à une construction achevée. Cette façon de travailler a eu pour résultat de mettre quelquefois l’auteur ou les auteurs en désaccord avec eux-mêmes. Je dis : ou les auteurs, car l'inégalité du style, l’assertion contraire d’un fait, par exemple sur lau- teur du Minneloep, qui d'abord est nommé candidement Claes Willems et qui plus tard apparaît sous son véritable nom de Dirk Potter, font présumer avec quelque raison qu'un auteur ne pourrait se laisser entraîner aussi loin par la négligence. Ce n’est pas que les négligences n’abondent dans lou- vrage ; on en rencontre presque à chaque feuillet et sous différentes formes. [ci, ce sont les sources imparfaitement ou pas du tout citées; ailleurs, c’est l'oubli d'émettre son opinion sur les assertions d’un auteur cité. Parfois il y a oubli de produire ou de relater les preuves d’une asser- tion, parfois on est prodigue de citations banales. Quel- quefois le lecteur ne comprend pas pourquoi ou comment un paragraphe a trouvé telle ou telle place. Des erreurs de date, des noms propres estropiés, des redites, des textes mal rendus feraient supposer que le manuscrit n’a ( 415 ) pas reçu même une correction suflisante, si une mnfinité de ratures ne venaient prouver le contraire. Mais ces ratures mêmes sont une preuve de l'extrême défaut de soins avec lequel le mémoire a été rédigé. Par- fois l’auteur biffe une ou deux phrases, sans se donner la peine de lier ensemble ce qui est conservé; d’autres fois, une phrase disparaît sous les traits de sa plume, et nonob- stant il continue comme si rien n’était changé. Cette manière de travailler doit avoir conduit l’auteur ‘à commettre de nombreuses fautes, auxquelles il aurait échappé en agissant avec moins de précipitation. J'en ai déjà signalé quelques-unes : je me permettrai d'en montrer quelques autres. L Dans le premier cahier se trouve un paragraphe inti- tulé : Het inwendig eener kamer (l'intérieur d'une chambre de rhétorique). Pour toute solution, on trouve un fragment de Mariken van Nimwegen, le Faust féminin du XVI"° siècle, et un renvoi au Tijdspiegel, journal littéraire hol- landais; rien de plus. Dans le second cahier, on rencontre un paragraphe in- titulé : De Spelling (l'Orthographe). Ce paragraphe doit servir tout purement à démontrer que déjà, en 1561, un imprimeur d'Anvers, à l'exemple du gantois Lambrechts, se servait du double aa. Si, au lieu de consulter la réim- pression de 1614, des Spelen van Sinne de Rotterdam, l’auteur avait pris en main l'édition originale de 1564, il ne serait pas tombé dans une erreur, et il aurait peut- -être supprimé le paragraphe. Dans le même cahier, il disserte longuement sur Ja chanson ; mais ce qu'il dit ne se rapporte pas en général aux chambres de rhétorique, tandis que la matière ne sau- rait lui manquer. On n’a qu’à consulter les recueils pu- 2°% SÉRIE, TOME IV. 28 ACTION ( 414) bliés, au commencement du XVII®* siècle, sous le -patro- nage de la chambre Jn liefde blocyende d'Amsterdam. Dans le cinquième cahier, l’auteur avance que Juste Lipse entretint une polémique avec Coornhert sur l'utilité du bücher. Le célèbre professeur n’eut pas de démélés di- rects avec Coornhert. Le fait est que celui-ci fit paraîtreun ouvrage contre le traité sur la Politique de Juste Lipse, en 1590, l’année même qu'une traduction flamande de ce traité fut mise au jour. | Je passe sous silence les assertions sujettes à contro- verse, et où l’auteur est manifestement dans l'erreur. Je signalerai seulement en passant ce qu'il dit, dans le qua- trième cahier, au sujet de l’absence d’esprit protestant dans la Flandre au commencement du XVIT®® siècle. « La farce, » dit-il, « ne se mit pas en hostilité avec une ten- » dance quelconque au calvinisme, tout à fait étranger » au caractère flamand. » Zy (de klucht) s{ond geensins in dadelijken strijd met eenige kalvinistische strekking, AAN ‘7 VLAAMSCH KARARTER DOODVREEMD. La tendance au calvinisme était loin d’être étrangère au caractère flamand. Les premiers coups du marteau 1c0- noclaste furent donnés dans la West-Flandre, la patrie de Dathenus et de maints de ses adhérents. Si, après les vic- toires du duc de Parme, les sectaires ne levèrent plus la tête dans nos contrées, les chefs du parti catholique savaient très-bien à quoi s’en tenir à cet égard. Le jésuite David le dit pertinemment dans son traité Keltersche Spinnecop (l'Arai- gnée hérétique). « Lorsque le sectaire, qui fait toujours le » Catholique pour son repos, » dit le savant père, « est à » l’article de la mort, on mande un prêtre; mais on prend » soin qu'il n'arrive au lit du moribond que lorsque » celui-ci a déjà perdu ses facultés intellectuelles. De cette DEP UN D MC DS PR ( 415 ) » manière, on prévient un enterrement sous la potence. » Un demi-siècle plus tard, Arnold Van Geluwe, le zélé dénonciateur d’hérétiques, avouait que, de son temps, la Jeunesse flamande cherchait le progrès dans la réforme. Pour ce qui regarde le style du mémoire, 1l n'est rien moins que soigné. Parfois embrouillé, il devient difficile, même impossible de saisir l’idée de l’auteur. Il aime le clinquant et les longues phrases, surtout les jeux de mots et les plaisanteries, choses qui ne conviennent pas dans un ouvrage sérieux. Je suis d'avis que le mémoire ne peut être couronné, Mais comme il serait à regretter que les immenses notes recueil- lies par l’auteur fussent perdues pour la science, que, d’ailleurs, il a montré, par quelques paragraphes et surtout par l’épilogue, qu'il est capable de se mettre tout à fait à la hauteur de pensée qu'exige un sujet de si grande impor- lance, Je propose que la question soit remise au con- COUrS. » | Rapport de M. le baren Jules de Saint-Genois. « L'institution des chambres de rhétorique est, dans l’ordre intellectuel, ce que l’établissement des confréries militaires bourgeoises, ce que la création des corporations industrielles fut chez nous au moyen âge et même Jus- qu'au XVIIT"* siècle, dans l’ordre politique et matériel, c’est-à-dire la manifestation la plus complète, la plus vi- soureuse de lesprit communal, pour tout ce qui touchait la liberté de la pensée et l'exercice de cette liberté. Ce principe reconnu, on conçoit aisément quelle in- J a. ‘© LAS \ WU ' "2 ; > Js À \ (416) fluence ces associations multipliées à l'infini, tant dans les villes que dans le plat pays, durent exercer sur le sens public dans les dix-sept provinces des Pays-Bas. Aussi la littérature, sortie de ces centres essentiellement bour- geois, resta-t-elle, malgré son style incorrect et précieux, son affectation et le pathos qui lui était propre, la seule qui demeurât à peu près en vogue, pendant près de trois siècles , parmi la foule, qui y retrouvait ses goûts, ses pen- chants, ses vices ét ses vertus, ses tendances religieuses et son vif amour pour la liberté. L'histoire de ces anciennes institulions littéraires, si difficile, si variée, a occupé tous les hommes de science qui ont étudié le mouvement intellectuel de nos provinces dans le passé. L'Académie nous semble donc avoir fait un heureux choix en posant cette question si vaste, trop vaste peut- être pour être traitée dans une simple dissertation. C'est pour la troisième fois, si nous ne nous trompons, qu’elle figure au programme de nos concours. Cette fois, enfin , une réponse est parvenue à l'honorable compagnie. Le volumineux travail que vous avez bien voulu sou- mettre à notre examen, et qui n’a pas moins de six cents pages in-folio, renferme, nous nous hâtons de le reconnai- tre, tous les éléments d’un bon mémoire. Les recherches ont été faites avec conscience et minutie ; les petits détails abondent, et à chaque page brille l'exactitude d’un homme qui semble familiarisé, de longue date, avec son sujet ; mais en vue même du plan adopté par l’auteur, ces nombreux matériaux sont mal digérés. Il règne dans l’ensemble du mémoire un décousu fâcheux qui en rend la lecture fati- gante. Le sujet lui-même est noyé dans un océan de cita- tions , de redites et de longueurs qui n’ont point de raison ni L (M7) d'être. L’essence véritable de la question posée par l’Aca- démie a été plus d’une fois perdue de vue dans la rédac- tion définitive, pour faire place à un travail analytique qui offre souvent l'historique de quelque chambre de rhéto- rique isolée, plutôt que l'exposé de l'influence générale que toutes ont exercée dans leur ensemble. Il est évident, cependant, que les termes mêmes de la question exigeaient une rédaction homogène, du style, des considérations élevées, une forme littéraire soignée. Les qualités consti- tutives d'un pareil ouvrage font la BIHUeEs du temps défaut dans ce mémoire. Une analyse détaillée du manuserit, où nous indique- rons les vices et les mérites du livre, fera mieux ressortir le fondement de cette appréciation générale. Dès la préface, l’auteur fait preuve d’une connaissance approfondie des sources anciennes et modernes qui peu- vent élucider la question. I] v expose les efforts faits par des savants, comme Gérard, Kops, Cornelissen et autres, pour écrire une bonne histoire des chambres de rhétorique. Quelque incomplets qu'ils soient, il rend: hommage aux travaux sortis de leur plume. Vient ensuite une longue introduction divisée en quatre chapitres, subdivisés eux-mêmes en nombreux paragra- phes. L'auteur y passe en revue les institutions littéraires qui semblent avoir précédé nos rhétoriques dans la voie des représentations scéniques, et qu’il relie aux confré- ries militaires du moyen âge ainsi qu'aux personnages qui jouaient des mystères dans les églises ($ 1). Les observations qu'il y consigne annoncent un homme qui à bien étudié cette partie préliminaire, quoiqu'il y ait ià des hors-d’œuvre qui ont peu de rapport avec le sujet. Une réflexion esthétique nous y a frappé par sa vérité ( 418 ) et son à-propos; nous la traduisons ici en entier : « Les » mystères allaient à l'esprit de l’époque; leur composi- » tion s’harmonisait avec les peintures du temps. Il en est » de même de ces drames muets où des personnes mar- chaient processionnellement, portant des rôles écrits ces siècles peu lettrés. Ces jeux de mystères restèrent comme le bréviaire du peuple, jusqu’au commence- ment du XVI" siècle, lorsque la lettre moulée détrôna » l’image, et qu’on cessa en même temps de faire des » murs des temples un livre vivant au moyen des tableaux » qu'on ÿ peignait. » | Peut-être l’auteur eût-il pu y ajouter que l'introduction des desséchantes doctrines de Luther ne fut pas étrangèré à la disparition des peintures murales dans nos églises. Dans le $ 2, l’auteur énumère avec une foule de détails les premières traces réelles qu’on rencontre des anciens jeux de rhétoriciens aux XV°et XVI"®siècles. Nous sommes étonné de n’y point voir figurer la fête du Puy d'Amour, qui se rattache évidemment à l’existence des chambres de rhétorique, et qui fut célébrée à Tournai, en 1455, à Ja suite de la procession générale ordonnée par le roi de France, dans toutes les cathédrales du royaume, en mé- moire de la conquête de la Normandie sur les Anglais. On y récita plusieurs cantates composées par des rhétoriciens étrangers à la ville de Tournai. Lille y obtint le prix des jeux de personnages en français, et Ypres des jeux de personnages en flamand (1). Dans les $$ 5 et 4, l'auteur s'occupe des chambres de S Y V v% % a (1) Revue de Bruxelles, année 1839, septembre, pp. 46-53, article de M. de Saint-Genois. | à l’usage des rares spectateurs qui savaient lire dans . n D as ù M hd Ci 5 PAPER PE EP (49) rhétorique qui n'avaient pas encore de lettres officielles de reconnaissance, et de celles qui, au contraire, étaient reconnues et étaient encouragées par les magistrats des villes et par nos princes. Dans le chapitre IT, les chambres arrivent à l’état d'in- stitutions régulières, reconnues définitivement. Nous les trouvons fondées dans les églises paroissiales, avec cha- pelles et autels dédiés à un saint de prédilection, avec pri- viléges et indulgences ecclésiastiques ($ 1), et recevant une reconnaissance officielle des magistrats locaux, qui sanc- tionnaient leurs bizarres règlements ($ 2). Nous voudrions voir élaguer de ce paragraphe et rejetés dans un appen- dice les longs extraits des actes constitutifs des rhéto- riques de Gand, Hasselt, etc., ete. La même observation est applicable à un nombre infini d'extraits de toute na- ture qui encombrent d’autres parties de ce mémoire et qui alanguissent le récit. Les $$ 3, 4 et 5 nous font connaitre comment était composée la direction de chaque rhétorique pour les dif- férentes provinces des Pays-Bas; nous y voyons des fem- mes faisant partie, à titre honorifique, de ces associations: nous trouvons des fous en titre attachés à chacune d’elles, pour mieux faire pénétrer dans l'esprit des masses la mo- ralité des pièces jouées, — à l’imitation évidemment des spirituels clowns à marottes et à grelots, qui étaient alors les commensaux des princes et des rois, Les chambres de rhétorique avaient des noms singu- liers, des devises souvent bizarres, empruntées la plupart du temps à la Bible et présentant un sens moral concis, parfois, il faut le dire, inintelligible; elles avaient un bla- son, exécuté par des peintres en renom, un signe de ral- liement cousu sur la manche gauche du costume d’apparat ( 420 ) de chaque rhétoricien; un jeton qu’on distribuait à la foule dans des occasions solennelles et que les numismates re- cherchent avec avidité. Toutes ces petites particularités, qui eussent tout au Sn dû ue l'objet d’une note, rem- plissent les $$ 6 à A celte occasion, nous avons à reprocher à l’auteur de se livrer parfois à un ton goguenard et plaisant qui n'est point de mise dans un sujet grave et littéraire. Dans le chapitre suivant, l’auteur examine le caractère des chambres de rhétorique et Paffinité qu'il y avait entre elles et les corporations industrielles. C’est une des bonnes pages du mémoire; elle eût pu servir de résumé au cha- pitre précédent, mais le défaut capital de l’auteur, c’est de ne Jamais résumer. Les chambres hautes de Gand, Bruges, Louvain, etc. exerçaient une sorte de suprématie sur les autres rhétori- ques du pays. Le $2, où l'auteur traite cette question in- cidentelle, n’est pas ici évidemment à sa place. Dans le $ 5 est décrite la vie intérieure d’une chambre de rhétorique : c’est tout bonnement l'analyse, avec cita- tions, d’un ancien petit drame fantastique en vers fla- mand dont nous avons donné une édition nouvelle dans la collection des publications des bibliophiles flamands (1). Le contenu de cet hors-d’œuvre répond très-imparfaite- ment au titre du paragraphe. Nous doutons fort qu'on puisse tirer de cette pièce informe et décousue une pein- ture bien exacte de la vie intérieure des chambres de rhé- torique. lei le ab uno disce omnes serait entièrement faux. Le chapitre IV est intitulé : les Concours. L'auteur sy (1) Mariken van Nimwege. be A di ns De in 5 7: Tr (42) occupe, dans quatre paragraphes, démesurément allon- gés par des citations de textes originaux, des représenta- tions scéniques, dites Landjuweelen et Hagespelen, des programmes d'invitation, des prix décernés, des entrées solennelles et des tournois des rhéloriciens. Ces quatre chapitres, dont plus d’un paragraphe appar- tient au développement du sujet, constituent l'introduction du mémoire , introduction qui, par l'abondance des petits détails, empiète sur la suite de l'ouvrage, comme nous le verrons plus tard. Nous voici arrivé à la dissertation proprement dite. Elle est divisée en quatre grandes sections , formant des cha- pitres distincts, qui, à leur tour, sont subdivisés en un nombre infini de paragraphes. Rien n’est certes plus propre à guider Île lecteur dans un travail aussi considérable, aussi détaillé que ces nom- breuses subdivisions; toutefois, poussées à l'excès, elles ont l'inconvénient d'offrir souvent des paragraphes très- maigres, et, d'autre part, de découper tellement la narra- tion, qu’elle n’a plus l’air que de se composer de pièces rapporiées. Cet inconvénient est surtout sensible dans cet ouvrage , où les transitions d’un chapitre à l’autre né sont guère ménagées par des vues d'ensemble, habilement dé- duites. 1 SECTION : Influence artistique et littéraire. — Chap. Ier. — C'est dans les productions que nous ont léguées les rhétoriciens que l’auteur puise les éléments nécessaires pour donner un aperçu des idées d'art qu'avaient ces asso- ciations. C’est la marche rationnelle indiquée par la ques- tion elle-même : l’allégorie, la mythologie, la traduction des classiques, l’emprunt fait aux anciens romans, les finesses et les tours de force dans le goût du temps sont ( 422 ) passés en revue dans ce chapitre, pour nous offrir une peinture exacte de cette littérature de convention qui avait déteint sur toutes les choses intellectuelles de l’époque. De nombreuses citations servent de preuves aux assertions de l’auteur, qui y déploie beaucoup d’érudition et y sème des observations très-judicieuses. Chapitre I1.— Quoique la langue soit souvent outragée dans les productions des rhétoriciens, l’auteur reconnaît qu'ils ont beaucoup fait pour la développer et la conserver, malgré l'introduction d’un grand nombre de mots bà- tards, et l'admission d’une orthographe souvent vicieuse. Le rhythme et la prosodie n’y étaient pas plus respectés. De nouvelles et interminables citations démontrent la vé- _ rité de cette assertion. Esclaves de la rime avant toute chose, les rhétoriciens y eau plus d’une fois le goût et le bon sens. Chapitre IIT. — L’abâtardissement de la chanson pro- prement dite et du couplet chanté en fut la suite; ils ne furent plus l’émanation d’un sentiment naïf et vrai, mais un simple tour de force rimé, un passe-temps monotone: verba et voces ! Les refrains, les ballades, les satires, les épigrammes, les parodies, les improvisations surtout par- ticipèrent de ces déplorables tendances, de ces fausses pointes d'esprit, de cette affection du plus mauvais aloi, qui apparait même dans les sermons et les légendes de cette époque. Ce chapitre, qui n’a pas moins de 50 pages, pourrait être réduit à la moitié par la suppression du luxe de citations dont l’auteur y fait parade. Chapitre IV. —- L'histoire du théâtre termine cette première section. Ici nous retrouvons les jeux de person- nages, les représentations des mystères dans les églises, ( 495 ) les processions, où on récitait, en marchant, des pièces religieuses et des noëls dramatisés. Les Spelen van zinnen, qui avaient leur origine dans la scolastique du moyen âge, étaient l’application de la dialectique à la théologie. Les auteurs mettaient dans ces moralités scéniques tout leur esprit, toute leur recherche pour faire parler des choses abstraites. De la théologie on passa à la mythologie, où les choses acquièrent un sens plus précis pour la foule par la représentation des dieux ‘du paganisme dont les attributions frappaient la vue. Puis on représenta les vices et les vertus, qui devenaient des personnages parlants et agissants. L'analyse de plusieurs pièces célèbres de l’époque, avec citations, complète cette partie du mémoire, qui est remarquablement bien traitée. L'auteur parle ensuite des pièces jouées à table, dans des chariots, à cheval, toutes variétés des spectacles courus par nos pères. Après la pièce sérieuse vient la farce, où l'acteur se charge de désopiler la rate de l'auditoire, trop vivement impressionné. Le sujet en est ordinairement puisé dans les vulgarités de la vie bourgeoise, dans une anecdote connue, et le style y est malheureusement à l’unisson avec le sujet, plat, trivial, souvent inconvenant. Mais aussi quelquefois la farce renfermait une satire de mœurs, Quant aux rares comédies proprement dites qu’on ren- contre à l’époque des rhétoriciens, elles sont des imita- tions du théâtre étranger. L'auteur n'oublie pas de signaler les efforts de quelques rhétoriciens pour introduire la musique au théâtre, Les couplets notés, les pastorales, le drame lyrique même n'étaient pas étrangers à ces associa- tions. Dès le XVIT"* siècle, des tentatives furent aussi es- sayées pour créer un théâtre permanent, L'auteur tèrmine (424 ) cet intéressant exposé par les pièces jouées dans les écoles et qui s’inspiraient, dit-il, du goût des rhétoriciens. Tou- tefois ce dernier chapitre n’est qu’un point d'histoire litté- raire ordinaire qui ne nous parait pas appartenir au sujet. Cet aperçu de l’état de la scène chez les rhétoriciens des trois siècles qui nous précèdent, est suivi de la biogra- phie de quelques-uns des plus célèbres d’entre eux, dont le talent exerça une influence remarquable sur la direction des esprits, le goût et le caractère moral de ces associa- tions. Quelques mots d'introduction à ce paragraphe eussent mieux fait comprendre l'intention de l’auteur, à savoir celle de donner une appréciation sommaire des produc- tions littéraires des rhétoriciens, tels que Vandendale, De Roover, Castelyn, Van Vaernewyck, Lucas D’Heere, Ogier, Cornelis De Bie, etc., dont les noms n'ont pas été sans retentissement dans les anciennes provinces des Pays-Bas. Ici manque de nouveau un résumé général de l'influence qu’ils ont exercée, et les extraits de pièces dramatiques sont si nombreux que la narration y est comme noyée. Ce chapitre est heureusement terminé par un coup d'œil jeté sur l'influence spéciale exercée par la chambre de rhé- torique d'Amsterdam , au point de vue du style et de la cul- ture de la langue, sur toutes les autres rhétoriques du pays. LE SECTION. —- Influence politique. — Au lieu de résumer à grands traits tout ce qui a été dit dans les chapitres pré- cédents, pour salisfaire au titre de cette 2”° section, où l’on s'attend à des considéralions historiques de l’ordre le plus élevé, l’auteur, qui est rarement maître de son sujet, retombe dans le domaine des faits et des détails. Nous eussions surtout voulu y voir plus nettement, plus claire- _ ment tracée la part que les chambres de rhétorique prirent Le. ae Sax ( 425 ) aux graves événements politiques et religieux du XVI"° siècle, par la hardiesse de leur langage, par leur attitude hostile à lautorité, par leur opposition aux abus qui s'étaient glissés dans les affaires spirituelles de l’époque. Tout cela y est à peine indiqué par quelques déclama- tions, sans ensemble, contre Charles-Quint, Philippe IT et l'Espagne. La domination étrangère avait cependant assez lourdement pesé sur nos provinces, au XVI” siècle, pour pouvoir mieux inspirer un auteur pénétré de son sujet. On s'efforce de prouver dans le mémoire que, dans les deux siècles suivants, et jusqu’à la chute de Napoléon, les rhétoriciens continuèrent à exercer une certaine in- fluence politique. Mais, à la vérité, il n’y a là que des ten- tatives isolées d’un esprit d'indépendance auquel le régime oppressif du temps ne permettait guère de se développer d’une manière générale; ces efforts mêmes, qui n’offraient aucune chance de réussite, prouvent seulement que, re- tombées sous le joug étranger, nos rhétoriques n’exer- cèrent plus en réalité d'influence sur la direction politique des affaires du pays. III" sEcriON. — Influence morale. — Ici l’auteur revient sur ce qui à fait l’objet de ses études dans son introduc- tion, et nous donne de nouveau, dans un avant-propos, un exposé des productions littéraires qui précédèrent les rhé- toriciens, et dont l’action sur les mœurs ne saurait être contestée. C’est un fragment bien traité qui n’a que le tort d’être ou la répétition ou l’appendice de ce qui a été dit dans l'introduction susmentionnée. L'auteur nous y démontre que les attaques des chambres de rhétorique contre certains abus de l'Église, contre le relàächement de la discipline religieuse, n'avaient jamais eu pour but le renversement de la religion catholique elle- ( 426 ) même. Malheureusement, il abandonne bientôt ces vues d'ensemble pour s'arrêter aux petits détails et prodiguer des citations abondantes. Il arrive enfin au fameux con- cours des chambres de rhétorique de 1539. Les Spelen van zinnen, ou moralités qui en firent l’objet, sont comme la première déclaration de guerre de ces associations naguère si pacifiques, dans notre pays, contre l’unité de l’Église, Toutefois, l’auteur n'y attache point l'importance qu’on prête ordinairement à cette hardie explosion de l'esprit flamand au XVI”"* siècle, appréciation qui nous étonne surtout en présence du retentissement que ces écrits obtin- rent et de la sévérité avec laquelle ils furent traités par la censure du temps. En thèse générale, il nie que les rhé- toriciens soient venus en aide, de propos délibéré, à la dif- fusion des doctrines de la réforme; c’est pourtant un point d'histoire qui est admis par tous ceux qui ont écrit sur celte époque ; l'habitude de jouer et de traiter des sujets bibliques ou empruntés aux rites de l'Église, devait fata- lement, dans une période de déchirements religieux, jeter ces associations dans la mêlée de toutes les opinions qui se combattaient à outrance, et la plupart abandonnèrent malheureusement le camp orthodoxe. Cette partie est la plus remarquable de tout l'ouvrage: elle contient des aperçus ingénieux, et il y règne un ton d'impartialité qui est de nature à concilier à l'écrivain toutes les sympathies du lecteur. La 5"° section est terminée par un aperçu général de l'histoire des chambres de rhélorique : c’est un résumé par siècle, du XV"* au XIX"°, pour tous les Pays-Bas. Avec quelque habileté l’auteur eût pu répondre com- plétement à l’objet du concours, en fondant ensemble ces deux derniers chapitres, l'excellent épilogue qui les suit, UT 7, | De | PER EU PE (427 ) ainsi que les quatre chapitres de l'introduction; il eût suffi d'y mêler sobrement les détails et les aperçus semés dans le reste de l'ouvrage. Nous trouvons ensuite une liste des productions des rhétoriciens mises à l'index et une notice biographique des hommes qui ont marqué dans ces asso- ciations; un paragraphe sur le but philanthropique des chambres de rhétorique et, enfin , un chapitre assez maigre sur les institutions du même genre dans la partie wallonne de la Belgique; institutions, selon nous, bien différentes, dans leur organisation et leur but. Sous forme d’appendice, l’auteur a joint un 6° cahier à son manuscrit ; il a près de 100 pages et contient : 4° la liste exacte de toutes les chambres de rhétorique jusqu’en 1850, classées dans l’ordre alphabétique; 2° une liste, par provinces, des chambres existantes en Belgique de 1841 à 1850; 5° un relevé des concours ouverts par ces sociétés de l’an 1594 jusqu’à 1850; 4° une biographie sommaire des rhétoriciens les plus connus, placés alphabétiquement; o° une liste des principaux ouvrages, monographies et notices publiés sur tout ce qui concerne l'histoire de ces associations littéraires; 6° enfin, une liste des principales pièces dramatiques dues à des rhétoriciens. Cet appendice, fort curieux, complète les renseignements épars dans le mémoire; nous l’eussions voulu voir grossi, comme nous l'avons dit plus haut, des citations, des hors-d'œuvre et des extraits quiembarrassent partout la marche de la narration. Nous voici arrivé à la fin de notre tâche. L'analyse que nous avons donnée de ce vaste travail vous démontrera les défauts du plan suivi, ou plutôt souvent abandonné par l’auteur. Le mémoire abonde en recherches bibliogra- phiques et biographiques nombreuses, en appréciations judicieuses sur les productions littéraires et la direction ( 498 ) d'esprit des rhétoriciens des anciens Pays-Bas. Sagement coordonnés, écourtés, disposés méthodiquement, dans un ordre bien arrêté d'avance, ces matériaux aboutiraient à une œuvre aussi complète qu'intéressante. Mais, nous le disons à regret, l’auteur s’est perdu dans toutes ces notes puisées partout et avec la plus louable persévérance. Au lieu d’un mémoire, il nous a présenté des recherches dé- pourvues de cohésion et d'homogénéité nécessaire pour en faire un ouvrage vraiment littéraire, comme l’Académie le demandait. Le style qui, dans une œuvre semblable, doit être à la hauteur du sujet, est, d’ailleurs, faible, sou- vent déclamatoire et visant à l'effet. Nous ne saurions donc accorder une distinction quelconque à l’auteur dans l’état actuel de son travail. Nous opinons, par conséquent, pour que la question soit remise au concours, persuadé que nous sommes, par la lecture de ce laborieux essai, qu'éclairé par les observations bienveillantes de vos commissaires, l'écrivain saura refondre son mémoire et nous offrir, en 1859, un travail digne de sa patience et de la connaissance qu'il à de la matière. » Rapport de M. David, « Comme mes deux honorables confrères, je suis d’avis que ce travail ne saurait être couronné. L'auteur à recueilli les matériaux d’un bon mémoire en réponse à la question mise au concours; mais le mémoire reste à faire. Si la classe se décide à maintenir la question au programme, et si l’auteur veut de nouveau prendre part au concours en refaisant son travail, je pense qu’il sera obligé de rede- A AE UE de (429 ) mander le manuscrit, car lout me porte à croire qu'il nous a adressé la première rédaction , et qu'il n'en a gardé aucune copie. La classe a admis, pour le moment, la première partie de ce jugement; elle regrette, en conséquence, de ne pou- voir décerner de prix. CONCOURS EXTRAORDINAIRE. Rapport de M. de Ham. «a Deux mémoires ont été adressés à la classe des letires en réponse à la question : Charlemagne est-il né dans la province de Liége ? J'ai tort peut-être de dire deux mémoires, car celui qui porte pour épigraphe : Nihil est opertum quod non revela- bitur, etc., se borne à citer Fisen et quelques autres écri- vains modernes pour établir que Charlemagne est né à Jupille. Il n’y a pas lieu, je pense, de s'occuper de cette si faible notice. Le mémoire portant une épigraphe tirée de Gœæthe est un travail sérieux, plein de recherches puisées aux meilleures sources. Le style, fortement coloré de germanismes, indique un écrivain appartenant à l’école historique allemande, dont l'érudition et les laborieuses recherches, basées sur une critique quelquefois trop sévère, sont dignes de toute notre reconnaissance. 29 SÉRIE, TOME IV. 29 ( 450 ) Après avoir discuté tous les anciens textes relatifs à la naissance de Charlemagne, l’auteur finit par conclure que la solution de la question n'est ni importante ni possible, que l'examen de la question a coûté un temps précieux et beau- coup de peine sans qu’on soil plus près dé la résoudre; enfin , que la discussion est sans importance pour l’histoire comme pour la critique, et que, pour dernière ressource, il ne nous reste que de nous en tenir aux paroles d'Eginhard: De cujus nalivitate altque infantia vel etiam pueritia, quia nec scriplis usquam aliquid declaratum est, nec quisquam modo superesse invenitur, qui horum se. dicat habere noti- tiam, scribere ineptu judicans, ad actus... iredisposui. Ne serait-on pas tenté de dire, comme Faust, nous voilà donc lout aussi sages que devant! Quel que soit d’ailleurs le mérite relauf du travail qui nous est soumis, je n'ose pas décider s’il remplit les con- dilions du programme; j'attendrai donc l’avis de mes hono- rables collègues avant de me prononcer. » Rapport de M. Kervyn de Lettenhove. « Il est assez conforme aux usages modernes que les savants, au moment où ils abordent leurs travaux, se plaisent à relever l'importance et l'intérêt de la matière qu'ils traitent. En examinant le mémoire n° 4, le seul qui ait mérité de fixer notre attention, nous avons ren- contré, pour la première fois, une œuvre sérieuse, où une pensée tout opposée se révèle sans détour. L'auteur, en contestant la valeur de la question mise au concours, me s’est pas préoccupé davantage du prix qui y était attaché, PP D NT CURE C PEU EUR SRE ST eee Re mi — Qi: FD. ( 451 ) et bien que le programme porlàt en termes formels qu’au- cune dissertation ne serait couronnée, si elle ne renfer- mait une réponse affirmative ou négative, 1} s’est borné à déclarer qu'aucune solution n’était possible. En cet état de choses, vos commissaires ne peuvent vous proposer de décerner le prix à ce mémoire ; qui forme un gros volume in-folio; mais il leur est permis de vous en signaler la éri- tique érudite et conseiencieuse. Cette tàche, Messieurs, nous serons heureux de la remplir, et nous nous hâtons d'ajouter qu'il nous a été aisé de reconnaître, dans ces vastes et patientes recherches, les caractères distinctifs de l'école historique allemande à laquelle notre siècle doit tant d'excellents travaux. Nous ne saurions, d’ailleurs, admettre que Ja os dé la question proposée ne présente aucun intérêt. « La » conseience publique; a di un de nos honorables con- » frères, comprend , sans qu'il soit nécessaire de le lui dé- » Montrer, que Fhonneur d'avoir produit un héros entre » pour une-part notable dans le patrimoine d’un peuple, » et 1} ajoutait qu'il faudrait plaindre celui que de telles controverses laisseraient froid et indifférent (1). Il appar- tenait au pays où se formèrent et grandirent les races con- quérantes, sous Mérovée ét sous Clovis, de revendiquer le puissant génie qui arrêta et régularisa la conquête au double titre de législateur du monde barbare et de réno- vateur du monde romain. Nous ne nous étonnons point qu'une contrée, déjà si riche en souvenirs historiques , y ail cru sa gloire intéressée : car le berceau de Charlema- gne, c'est le berceau de notre société moderne, celui de notre civilisation. ————————— ———————————_—_—] —————.———— “—————————— mr (1) M. Borgnet, Bulletins de l’Academie, t: XXH, p. 575. (432 ) Pendant trop longtemps, l’Austrasie carolingienne, comblée des bienfaits de l’illustre empereur des Francs, s’est laissé devancer, dans les honneurs rendus à son nom, par des contrées qui n’apprirent à le connaître qu’au milieu du bruit des armes. Il est vrai que Landen, Her- stal, Jupille, Amblève n’offrent plus que des ruines ou même moins que des ruines, mais il est une ville floris- sante et prospère qui a recueilli leur héritage : c'est Liége, qui, dans son origine, dans sa grandeur naissante et jusque dans le sang des martyrs qui l’a fécondée, n’a rien qui ne rappelle la race des Pepin. La noble émulation qui la porte, depuis quelques années, à invoquer les titres de l'Austrasie, est digne de la cité de Noiger : elle répond à un sentiment nalional que nous partageons tous. La Bel- gique, à qui l’on est venu contester tour à tour Charle- magne et Godefroi de Bouillon, est fière de croire que le grand Empereur, qui projeta l’affranchissement des lieux saints, et le grand capitaine à qui il fut donné de l’ac- complir, issus d'une même race (1), n’eurent aussi qu’une même patrie, mais elle sait également que la première condition de ses titres, c’est la fidélité de ses souvenirs, c'est l'hommage public qu’elle est appelée à leur rendre après une longue suite de siècles (2). (1) Le souvenir de l'extraction carolingienne de Godefroi de Bouillon est sans cesse présent à l'esprit des historiens de la première croisade, C’est ainsi qu'on lit dans la Chanson d’Antioche : On eslit Godefroi de Buillon ; Îl est preux et délivres, del lignage Charlon. (2) Un de nos statuaires les plus habiles, dont la famille est originaire d’Herstal, qui a été nourri lui-même, dès son enfance, des légendes carolin- giennes des bords de la Meuse, termine en ce moment, après deux ans d'un PL TRE PO ES teen eh Mara (433) Peut-être au delà de nos frontières, des prétentions ri- vales n’en poursuivront-elles pas moins leur cours : qui de nous blâmerait ces illusions que dicte une pensée patrio- tique et qui s'adressent à la gloire? Ne contestons jamais à la poésie le droit de chercher, dans quelque anse embau- mée des doux rivages de la Grèce, l’antre frais où la muse cacha le berceau d'Homère; ne refusons pas davantage à l'histoire celui de nommer sept villes qui se disputent l'honneur d’avoir vu naître Charlemagne : car ces rivalités sont un dernier et touchant hommage de la postérité re- connaissante à la mémoire d'un grand homme. L'auteur de la communication que nous avons sous les yeux, dément lui-même sa conclusion, en consacrant d'aussi profondes recherches à une question qu’il consi- dère comme inutile ou peu sérieuse, et nous ne croyons pas qu'il dût déclarer qu’elle est sans intérêt 3 ce seul motif qu'il la juge insoluble. Ces réserves faites, nous répéterons que l’auteur du mé- moire n° 4 a discuté avec une science incontestable les principaux textes imprimés, qui remontent au VIIF"* et au IX"* siècie. Il résume également avec soin les travaux pos- térieurs des érudits, surtout ceux des érudits allemands; mais, selon nous, l'étude des historiens insérés dans la grande collection de M. Pertz, lui a fait oublier que bien d’autres sources inédites sont conservées dans les biblio- travail assidu , le modele de la statue équestre de l’empereur des Francs. C’est le 7 décembre 1855 que M. Jehotte offrit au conseil communal de Liége le plan de ce monument destiné à la place Saint-Lambert, et des remerciments lui furent votés par acclamation. Nous formons le vœu que ce projet ne tarde pas à se réaliser. Liége, limite de deux langues et de deux races, semble placée entre la France et l’Allemagne pour offrir la glorieuse image de Char- lemagne à tous les peuples qui acclamerent ou reconnurent son autorité. ( 454 ) thèques : nous ne voulons pas parler seulement des notes marginales inscrites dans de vieux martyrologes, mais aussi des cartulaires d’abbayes où l’on rencontre des di- plômes inconnus ou peu étudiés(1). Il est probable qu'après la mort de Charles Martel, ses fils, impatients de se ré- concilier de plus en plus avec l'Église, l’enrichirent par de nombreuses donations, et il est tel acte pieux qui peut présenter une date importante. Nous avouons, d’ailleurs, que, malgré l’érudition qui ne fait jamais défaut à l’autéur, nous ne retirons pas de son travail les fruits que nous nous en promettions : car il n'expose avec lucidité les argu- ments les plus sérieux que pour les ébranler par des objec- tions non moins puissantes. Îl est utile d’écarter ce qui est faux ou douteux, mais c’est à la condition de nous appren- dre où se trouve la vérité. Deux fois seulement, l’auteur laisse apercevoir cer- taines préoccupations, certaines sympathies pour des opi- nions qu'il analyse, et, malheureusement, ce sont celles qui nous semblent les plus dénuées de fondement. Pour la question de date, il incline en faveur de celle de 747, qui est démentie par le mot septuagenarius inscrit sur la tombe de Charlemagne, mort en 814. Quant à la ques- tion du lieu de la naïssance, il néglige trop les termes du programme, qui l'invitaient à examiner les prétentions de l’Austrasie liégeoise, pour s'enquérir complaisamment des traditions de la Bavière. De là, l'importance qu'il ajoute à la fameuse charte citée dans les Antiquitates Fuldenses, où on lit: Donamus terram conceptionis nostrae hoc est totam comprovinciam circa flumen Unstrut cum omnibus perti- (1) Nous citerons , comme exemple, le cartulaire de Weissembourg, publié, en 1859, par M, Zeus, à Spire. tons tt done thalèee +. ( 435 ) nentiis. Il se peut que l’on ait interprété cette charte, au XVHE®* siècle, dans le sens qui flattait une prétention plus que douteuse; mais il est aisé de s'assurer que le mot conceptio est le même que les mots synonymes concaptio, captura, ceptum, ceptio, ceptus, cités par Ducange, qui en mentionne vingt à trente exemples tirés de ce même livre des Antiquitates Fuldenses. Or, ces mots ne signifient pas autre chose qu'un domaine de formation récente, comme dans cette phrase : una captura cum terris, pratis et siluis. Du reste, les tendances de l’auteur à ne pas se montrer trop hostile à la date de 747 et aux prétentions de Varghel, ue se dessinent qu'à peine : rien ne l’arrête plus dans sa marche vers une conclusion que nous avons déjà indiquée et qu'il était aisé de prévoir. D’après Éginhard, la nais- sance et l'enfance de Charlemagne étaient voilées, même pour ses contemporains, d’une nuit profonde, et, après onze siècles, nous ne pouvons songer à y porter la lumière. Cette conclusion nous la Combattrons, parce qu'il faut; comme l’à dit notre honorable confrère, M. Borgnet, jus- tifier l’Académie, qui a pris ce débat sous son patronage, et, à l'exemple d'un autre de nos confrères, M. Polain, nous ajouterons que le concours étant resté sans résultat, nous ne croyons manquer ni à notre mission, ni à l'im- pariialité, en reprenant l'examen de la question, telle que nous la compreuons, telle qu’elle apparaît à notre convic- tion personnelle, Quelque respect que nous portions à la parole d'Égin- hard, nous ne pouvons, en la pesant et en l'interrogeant, lui reconnaître assez d'autorité pour qu’elle domine la sciencé historique, désormais condamnée à proclamer son impuissance et la stérilité de ses efforts, Quoi! Éginhard, ( 436 ) le grand Éginhard, comme l'appelle déjà Walafrid Strabus, a vécu dans l'intimité de Charlemagne, il a connu le cha- pelain de Pepin et le chapelain de Bertrade, et il n’a pu rien apprendre des premières années de l'Empereur dont il fut le secrétaire ou le gendre; il a eu des relations in- times avec les moines de Lorsch, qui avaient inscrit dans leur martyrologe la date de la naissance de Charlemagne, et il n’a pas su ce que personne n'ignorait dans cette abbaye (1). C'est au moment où Charlemagne devient, pour ‘le monde civilisé de son temps, le centre des lumières aussi bien que celui de la puissance, qu’il affirme que, parmi les vieillards aussi âgés ou plus âgés que lui, il n'en est aucun qui soit instruit de ce qui se rapporte à sa nais- sance, à son enfance et même à sa première Jeunesse, de nalivilate atque infantia vel etiam pueritia. Pouvons-nous oublier que l’auteur de la vie de sainte Gertrude éerivait : Quisnam in Europa habitans hujus progeniei altitudinem, nomina el loca ignoral ? Et c’est en parlant de Charlemagne que l’hagiographe ajoute : Etiam si cartae silerent, sola fama, nullo litterarum nixa praesidio, ab oblivionis inte- ritu defendere sufficeret (2). Lorsqu'on entend Éginhard raconter que Bertrade passa sa vieillesse près de Charlemagne, et rapporter ailleurs que sa fille Gisla fut consacrée, dès son enfance, à la vie reli- gieuse, on ne s'explique pas qu'il ait pu ignorer que Ber- trade termina ses jours dans un cloître, et que, lors de ses intrigues avec les Lombards, elle fiança , en Italie, sa (1) Dans ma notice précédente, j'ai écrit qu'Éginhard avait été abbé à Lorsch. C’est une erreur, et le passage des Annales d’Éginhard qui y a donné lieu (èn monasterio nostro Lauresheym) n’est qu’une interpolation. (2) MS. de la Bibl. de Bourgogne, 5653. | ! ÿ ( 437 ) fille Gisla à un fils de Didier (1). Mabillon s’en est déjà étonné avant nous. Évidemment, Éginhard est mal à l'aise avec les faits qui concernent Bertrade, mère de Charle- magne. Éginhard écrit pour les eleres; il est abbé, et l’austère discipline de l'Église le préoccupe légitimement. Ne faut-il pas expliquer ainsi son silence prémédité? L’au- teur du mémoire présenté au concours est disposé à le croire; il eût pu faire remarquer que le mariage de Pepin et de Bertrade remontait aux dernières années de Charles Martel, à une époque où Pepin d’Héristal avait si bien fait oublier saint Pepin de Landen, que d'anciens auteurs comparent le vainqueur des Sarrasins à Decius et à Dioclé- tien (2). Le mariage de Pepin et de Bertrade était légitime d’après le droit civil et politique, puisque la fiancée avait apporté à son époux un alleu, et il suffisait, selon l’usage des Franes, qu'il eût été précédé de la coemption par le sou et le denier. Mais ce ne fut que plus tard, avant l’envoi à Rome du chapelain Fulrad, chargé de solliciter du pape la consécration d’une nouvelle dynastie, que, selon le vieux texte des Annales de Saint-Bertin, Pepin fit confirmer cette union par les cérémonies de la bénédiction religieuse, qui pouvaient seules, aux yeux de l’Église, en établir la validité (3). (1) D'après le roman de Berte aus grans piés, Gisla est née avant Char- lemagne : c’est la mère de Roland. (2) Hincmar rapporte que les clercs chassés de Reims par Charles Martel s’adonnèrent au commerce, et déchirèrent le parchemin des livres et des chartes pour s’en faire des bourses : Denarios in cartis et librorum foliis interdum ligabant. MS. de la Bibl. de Bourgogne, 7487. (5) La date ajoutée en marge par Duchesne ne doit pas être acceptée sans examen. Il n’y en a aucune dans le manuscrit des Annales de Saint-Bertin, conservé à Bruxelles. La consécration religieuse de cette union n’aurait-elle pas eu lieu en 746, lorsque la retraite de Carloman abandonnait une libre (438) Un dernier mot pour justifier cette interprétation du silence d'Eginhard. Nous lisons, dans un auteur du X”* siècle (4), que le diacre Godescale, écrivant par l’ordre de l’évêque de Liége, Agilfrid, sous le règne de Charlemagne; crut, par prudence, devoir omettre ce qui se rapportait à Alpaïde, cette Jeune fille noble et belle, dont le mariage avait sans doute été aussi célébré conformément à la loi des Francs, car elle avait apporté à Pepin d'Héristal l’alleu d'Orp, où l’on a depuis retrouvé ses restes avec ces mots : Conthoralis Pepini (2). L'autorité d'Éginhard ne nous lie jrs Nous poursui- vrons nos recherches, en nous efforçant de les PES sous la forme la plus concise. Bertrade, la blonde Berthe des Trouvères, était une jeune fille des Ardennes, également noble et riche. En 721, son aïeule, qui portait le même nom, et son père Héribert ; affectent une partie de leurs revenus de Romairovilla dans l’Ardenne (3) à la fondation du monastère de Prum, C'est là qu'ils résident au moment où ils font cette donation (4); c'est là qu'est leur forêt, Lorsque, vers 740, Bértrade épouse Pepin, son alleu se compose de la même ville, nommée Rumerescheim, comme nous l’apprend un di- plôme de Pepin, du 43 août 762, où interviennent Ber- trade et son fils Charles, alors âgé de vingt ans (5). carrière à l'ambition de Pepin? Ce qui le ferait croire, c'est la date de 747 assignée à la naissance de Charlemagne par l’auteur des 4 nnales Petaviani : qui parle lui-même de ses rapports ayec la famille impériale, ; (1) MS. de la Bibl. de Bourgogne, 19385. (2) Zbid., 18195. | (5) Znfra terminos 4rdennae. (4) Martène, 4mpl. Coll, I, col. 25. (5) fn paga Choros ie quae dicitur Rumerescheim portia Bertra= à un À 2 05° ut 66 ii an 1 D ra UE mit à di nn NÉ EE-S A Sd ie) d S n n (459 ) Tels sont les faits d’une authenticité incontestable : le reste appartient aux traditions et aux légendes, et jamais aucun nom plus que celui de la reine Berthe ne fut en- touré de mystère, non:seulement en ce qui touche sa vie, mais même en ce que nous savons de ce qui advint d’elle après sa mort. On croyait au moyen âge (cette tradition est mentionnée par Ipérius, dans la chronique de Saint- Bertin} qu'une comtesse de Flandre avait enlevé de Saint- Denis, je ne sais trop pour quel motif, les froides dé- pouilles de la mère de Charlemagne. Tout ceci était oublié quand, en 1648, le grand Condé vainquit les Espagnols à Lens. Au bulletin de la bataille succéda un autre bulletin relatif à la conquête de la ville d’Aire, où l’on conservait, y était-il dit, le corps de la reine Bertrade. Les Bollan- distes, qui commençaient alors leur précieuse collection des Acta Sanctorum, s'émurent de celte allégation. [ls pro- voquèrent une enquête; on fit même des fouilles, et l’on retrouva non-seulement les restes de la reine Bertrade, mais aussi ceux du premier roi franc de la dynastie caro- lingienne, On constata que Pepin le Bref avait été de petite stature (1), mais qu’il n’en était pas de même de sa femme, dae quam genitor suus Heribertus ei in alode dereliquit. On lit à la fin : Manu propria decrevimus roborare ego Pipinus et conjunx mea Ber- trada. Signum Caroli filit sui consentientis. (Mabillon, Bouquet, Par- dessus, Miræus, ete.) Le nom de Carleman ne se trouve pas dans le texte que nous a conservé le manuscrit de la Bibliothèque de Bourgogne, 5996. Carloman n’ayait que onze ans à cette époque. — Ce fut à la prière de Bertrade que Pepin renou- vela, en 762, la charte de la fondation de l’abbaye de Prum : Uæoris suae Berthradae rogatu provocatus. (Mir. S. Goar, Acta SS., 6 jul., p. 345.) (1) Cinq pies et demi de long, plus n’en ot mie, dit Adenez. ( 440 ) que les romanciers avaient nommée à juste titre Berthe aus grans piés. On lut sur une lame de plomb que la translation de ses restes avait eu lieu au mois d'août 1255. Il convient d'ajouter ici qu'en 1264 , les moines de Saint- Denis firent, de leur côté, ouvrir le tombeau de Bertrade, et qu’ils déposèrent les ossements que l’on y trouva dans le chœur de l’église. Était-ce une précaution tardive ou feinte? Nous n’osons nous prononcer, même après avoir lu attentivement les lettres adressées au P. Alexandre Wiltheim (1). | i Ce que nous savons le mieux, c’est que des chartes authentiques établissent que Berthe aus grans piés était ardennaise, et les traditions liégeoises, d'accord avec l’his- toire, la font cousine d’Ogier le Danois et de Garin le Lohe- rain, Nous en retrouvons aussi un vague écho dans ces vers où Godefroi de Viterbe, après avoir fait naître Char- lemagne à Ingelheim pour flatter l'Empereur, nous ap- prend que sa mère était une princesse de Hongrie. La tradition liégeoise rapporte, en effet, qu'un beau-frère de Berthe aus grans piés devint roi de Hongrie par droit de conquête plutôt que par droit de naissance, et l’on com- prend qu’elle soit arrivée jusqu’à Godefroi de Viterbe, puisqu’il vécut à la cour de Conrad IIT avec Wibold, vice- chancelier de l’Empire et abbé de Stavelot, qui était né à Liége. Selon nous (et nous attribuons à cette observation une grande importance), c’est dans le pays de Bertrade, c’est dans les Ardennes, entre Landen et Thionville, ou, si l’on aime mieux, entre Liége et Metz, qu'ont pris naissance (1) MS. 6839 de la Bibliothèque de Bourgogne. (AM ) toutes les traditions conservées dans les romans du cycle carolingien. Ne nous étonnons pas que l’on nous dise que Bertrade était cousine d'Ogier le Danois et de Garin le Loherain. Qui ignore que Garin le Loherain devait son nom à sa naissance en Lotharingie? Qui ne sait aussi qu'il faut lire Ogier l’Ardennois pour Ogier le Danois? Tous ces héros sont avalois, c'est-à-dire de la contrée qui fut longtemps désignée par le nom officiel de Pays-Bas. Il est intéressant de voir comme l’histoire littéraire confirme ces données. En France, les romans du cycle carolingien se répandent à deux époques, d'abord quand Élisabeth de Hainaut épouse Philippe-Auguste, ensuite quand Marie de Brabant épouse Philippe le Hardi, et c'est un poëête attaché aux ducs de Brabant qui se préten- daient les héritiers directs de Charlemagne (duces Lo- tharingiae de prosapia s. Karolimagni), qui compose pour l’une de ces princesses le roman de Berthe aus grans piés. En Allemagne, c'est sous l’empereur Charles de Luxembourg, cet illustre protecteur des Minnesingers, que la poésie répand ces légendes aux bords du Rhin et jusqu’au fond de la Saxe et de la Bavière. Ainsi, en Alle- magne comme en France, ce sont des princes et des prin- cesses issus de Charlemagne, ou ayant recueilli les États héréditaires des Pepin, qui propagent ces récits auxquels leur gloire et leur vanité sont intéressées. Peu importe d’ailleurs que les poëtes, par un anachronisme consacré par l’usage, transportent à leur cour, soit aux bords du Rhin , soit à Paris , la scène des légendes qu’ils reprodui- sent. Nous savons que, dès le XIV”* siècle, tous les ro- mans anglais placent à Windsor le séjour du roi Artus, parce que c’élait là qu'un nouvel ordre de chevalerie ve- nait d'être fondé par Édouard II. ( 442 ) En 742, année pleine de trouble et de confusion, là reine Berthe, qui préférait la quenouttle à là lance, filait- elle dans les Ardennes? Hélas, il y à bien loin de notre époque à celle où la reine Berthe filait, et sans chercher à en savoir davantage, il nous suffit de connaître sa pa- trie et l'origine des légendes qui ont rendu son nom si populaire. Il est temps de rentrer dans la discussion des faits 4 appartiennent à l’histoire. Charles Martel s'était borné à désigner, eu présencé ds nobles francs, ses fils Carloman et Pepin comme héritiers de son prineipat. Il paraît que Griffon se trouvait à Kiersy au moment de la maladie de son père et qu'il obtint, grâce aux prières de sa mère Sonnehilde, un vaste domaine qui s'étendait à la fois en Austrasie, en Neustrie et en Bour- gogne. Laon en était probablement le centre. Dans cette contrée résidait. une population franque, rude, vaillante, énergique, qui avait toujours rempli un rôle important dans les querelles de la Neustrie et de l’Austrasie. Son: in- fluence, indiquée par les historiens dès l’époque de Brune- hilde et de Frédégonde, se dessinera plus complétement sous les comtes de Vermandois. Elle atteindra son apogée quand le dernier héritier de Charlemagne perdra la cou- ronne et la liberté dans cette même ville de Laon que Gui- bert de Nogent appelle le berceau des ambitions royales, thalamus regiae ambitionis. | On savait que Griffon , fils d’une princesse ramenée cap- tive de Bavière, rêvait l'alliance des peuples d’outre-Rhin, comme Ragenfrid avait recherché celle des Frisons. Pour mieux déjouer ses projets , les Francs d’Austrasie, conduits par Carloman et Pepin, l’attaquent au milieu de l’hiver, afin que les peuples de la Germanie ne le puissent secourir. ( 445 ) Leur triomphe est complet. Carloman mène avec lui Grif- fon au château de Chèvremont (1). Sonnehilde est enfermée à Chelles. Notre honorable confrère et ami, M. Polain, rapporte que Pepin l'y conduisit, et il en conclut que Chelles étant sur la route de Paris, ce fut de ce côté que Pepin se dirigea avec Bertrade, près d’être mère. Aucun texte, eroyons-nous, ne porte que Pepin conduisit Sonnehilde à Chelles, et cette mission eût été indigne de lui. Sans nous demander si l’abbaye de Chelles, assez peu éloignée de Laon, ne faisait pas partie du domaine de Griffon conquis par les Francs austrasiens , nous nous bor- nerons à faire remarquer que cette abbaye, la plus illustre retraite que pül trouver une princesse du VIT"®siècle, était depuis longtemps soumise à l'influence carolingienne. C'était là que saint Willebrod et saint Boniface faisaient élever et instruire les jeunes filles anglo-saxonnes, c’élait là que s'était retirée Bertilende, qui possédait de vastes domaines en Toxandrie, et, plus tard, une fille de Pepin y devint abbesse. Carloman est seul nommé par les chroniqueurs qui ra- content la captivité de Griffon à Chèvremont. Ceci se rap- porte à l’époque où , selon le moine Othlon (2), il dirigeait le gouvernement, comme fils ainé de Charles Martel, c’est- (1) Pepin d’Héristal avait donné le domaine de Vilvorde à l’église de Notre-Dame in Novo Castello. Un diplôme de l’empereur Othon, du 18 avril 947, relatif à ce même domaine, ne parle plus du Vovum Castellum , mais de Chèvremont. (2) J'ai déjà cité le texte du moine Othlon. Ceci se retrouve aussi dans les Acta Sanctorum : 4d nutum. Carlomanni qui majoris erat aetatis, om- nia palerni regni disponebantur jura. Cum Pippinus , necdum pro immatura aetate ad sustentanda regni gubernacula idoneus esset…… (Encom. S. Hadel. 4cta SS., 2 febr., p. 947.) ( 444 } a-dire à la fin de l'hiver 742. Immédiatement après vient le champ de mars, cette mémorable assemblée où les maires du palais, comme ces chefs des Germains, égaux aux rois, dont parle Tacite, aimaient à rappeler aux leudes que si les priviléges de la naissance peuvent maintenir les dynasties, c’est le courage seul qui les fonde. Depuis Pepin d'Héristal, les maires du palais avaient soin de convoquer, chaque année, l’assemblée générale des Francs. C'était là que l'on prenait toutes les mesurés pro- pres à garantir la paix publique ; c’était là qu'on réglait les préparatifs des expéditions militaires, qui commencçaient au printemps (1). Si au champ de mars, Carloman avait la supériorité par son âge, elle appartenait à d’autres titres à Pepin, et nous ne pouvons oublier le mot du continua- teur de Frédegher, qui nous dit que, lors même que les deux frères combattaient ensemble, on suivait les avis de Pepin, consilium Pippini exsequentes. | Si le partage des deux principats n’était pas accomplit lors du champ de mars de l’année 742, il est hors de doute que les deux frères y présidèrent ensemble, et puisque nous savons que Carloman était alors en Austrasie, nous pou- vons en conclure que Pepin s’y trouvait avec lui : or, quel- ques jours à peine séparent ce champ de mars du 2 avril 742, date assignée communément à la naissance de Char- lemagne. (1) Singulis vero annis in Kalendis martii generale cum omnibus Francis secundum priscorum consuetudinem Pippinus concilium age- bat, donec verbo pro pace et defensione ecclesiarum Dei et pupillorum et viduarum facto, raptuque feminarum et incendio solido decreto inter- dicto, exercitui quoque praecepto dato ut quacumque die illis denuncia- retur, parati essent in partem quam ipse disponeret proficisct… (Ann. Met. 692.) ( 445 ) Dans notre travail précédent, nous avons voulu prouver qu'il y eut en 742, et vraisemblablement vers l'époque du champ de mars ou vers les fêtes de Pâques, un concile tenu à Leptines auquel assista Pepin (4) et que présidèrent saint Boniface et le légat Georgius. Nous avons cité à l’appui de celle assertion les actes du concile de Kiersy en 858, l’an- naliste de Fulde, et Hincmar, qui en reproduit des statuts qui n’ont aucun rapport avec ceux du concile de Leptines assemblé par Carloman (2); nous aurions pu invoquer aussi le témoignage de Loup de Ferrières. Nous n’insisterons pas toutefois sur ces arguments, parce que la date précise de ce concile sur lequel se taisent tous les historiens ecclésias- tiques reste toujours plus ou moins hypothétique. La question la plus importante, celle qui domine toute cette discussion, c'est de savoir si le partage des deux principats eut lieu après la mort de Charles Martel ou après l'expédition de Poitou. M. Polain l’a fort bien compris; nous nous étonnons seulement qu'après tant de conscien- cieuses recherches, il ne soit pas arrivé à trouver une so- lution toute favorable à cette belle et pittoresque con- trée des bords de la Meuse qu'il a si bien servie par ses études. Nous lisons dans les Annales Laurissenses majores , dans les Annales Tiliani, dans les Annales Bertiniani : In ipso itinere diviserunt regnum Francorum inter se in loco qui dicitur Vetus-Pictavis (3). (1) Un hagiographe appelle Pepin le Bref, Pepin le Pieux (Acta SS., 17 jan., p. 98.) (2) Æincmar, édit. Migne, t. IT, p. 142. Ces statuts se rapportent à la lé- gislation canonique sur les mariages. (3) CF. le MS. de la Bibl. de Bourgogne, 6446. 2° SÉRIE, TOME IV. 30 ( 446 ) Les Annales Laurissenses minores portent : In ipso îti- nere regnum inter se quid quisque haberet dividunt in loco qui dicitur Vetus-Pictavis (1). C’est à peu de chose près la même rédaction. | Enfin les Annales d'Eginhard sont ainsi conçues : Re- gnum quod communiter habuerunt diviserunt inter se in loco qui dicitur Vetus-Pictavis. | Nous lisons aussi dans les Annales de Sat de Trèves , écrites sous Charlemagne: Carolus obiit, Filii ejus principatum illius dvi inter se (2). _ Ajoutez à ces témoignages ceux de Réginon, de Pierre le Bibliothécaire et de tous les compilateurs du X°° au XIIL" siècle : | « Lors retournèrent les frères, portent les Chroniques » de Saint-Denis, pour les besoingnes du royaume or- .» donner et recouvrer les provinces qui jà estoyent hors » de la société et de l’aliance aux François, puis la mort » de leur père.. Puis alèrent au Viel-Poitiers, et là despar- » tirent le royaume qu'il avoient tenu communément » entre eulx deux jusques alors (3). » Cet interrègne des maires du palais est si bien établi qu'une ancienne chronique de Staveloi s'exprime ainsi : (1) Cf. les MSS. de la Bibl. de Bourgogne, 6450 et 15835, . à (2) MS. de la Bibl. de Bourgogne, 6843. (3) Deux index sont joints au tome III de la collection des historiens de France. Dans le premier, Dom Bouquet s'exprime ainsi : Carloman et Pepin prennent le château de Loches, et viennent dans le lieu appelé le Vieux-Poi- tiers, où ils se partagent entre eux le royaume de France. Dans le second, Longerue dit aussi : Regnum patlernum diviserunt in loco qui dicitur Vetus-Pictavis, prout testantur annales E ginhardë, auctiores Tiliani , Loiseliani, Bertiani et Metenses. ( 447 ) 744. Karolus defunctus est. 742. Karlomannus et Pippinus regnare coeperunt. A tous ces textes, M. Polain en oppose un seul, celui du continuateur de Frédegher, qui prétend que le partage fut fait par Charles Martel lui-même, et qu'en Poitou, l’on ne répartit que du butin, praedam. Mais ceci était si opposé à l'évidence que l’annaliste de Metz, après avoir reproduit le commencement de ce Lexte, ajoute, comme les autres auteurs que nous avons déjà cités : Zn ipso ilinere diviserunt regnum Francorum inter se in loco qui dicitur Vetus-Pictavis. En vain M. Polain voudrait-il nous persuader que le mot praedam où regnum peuts'entendre d’une partie du royaume de France, c’est-à-dire du domaine de Griffon : on n'avait pas attendu sans doute qu'on eût passé la Loire pour par- tager ce domaine qui ne fut jamais un royaume, et com- .ment serait-il possible d'interpréter, comme s'appliquant au duché du fils de Sonnehilde, les mots regnum Franco- rum que l’on rencontre dans la plupart des textes contem- porains? Voici, d’ailleurs, des témoignages encore bien plus précis. Le premier est celui d'Éginhard, dans la Vie de Charlemagne : Magistratus ab avo et patre sibi et fratri Karlomanno relictus summa cum concordia divisus. Le se- cond appartient au Chronicon Moissiacense : Pippinus et Karlmannus principatum patris inter se dividunt. Le troi- sième, puisé dans les Annales Fuldenses Einhardi, réunit les deux rédactions que nous avons reproduites, en les complétant l’une par l’autre : Carlomannus et Pippinus, sub obtentum majordomatus, ToTius FRANCIAE regnum sus- cipiunt et inter se dividunt. Si la certitude n’était pas complète, nous invoquerions ces chartes de l’abbaye de Weissenbourg, où l'on men- ( 448 ) tionne l’époque de la division des principats, en la plaçant après l'expédition de Poitou (1). Une seule objection sérieuse se présente : la tenue, au mois d'avril 742, d'un concile assemblé par Carloman ên regno meo, comme 1l s'exprime, ce qui indique que la division des principats était accomplie. C’est le concile connu sous le nom de concilium Germanicum, placé par les uns à Ratisbonne, par d’autres à Salzbourg ou à Franc- . fort, mais qui, à coup sûr, fut tenu, selon l’expression de M. Binterim , au cœur de l'Allemagne (2). Nous avons déjà dit que nous croyons cette date inexacte. On sait que ce concile et celui de Leptines se tinrent à une année l’un de l’autre, et Mansi, alléguant l'usage de tenir les conciles le dimanche, n'hésite pas à croire que le premier est de 745, le second de 744. Il suffirait peut-être de faire remar- quer qu’en 742, l'Allemagne était soulevée aussi bien que la Neustrie gallo-romaine; d'autre part, que Carloman partit pour l'Allemagne, après l’expédition de Poitou, et qu'il y passa toute l’année 745, retenu par la guerre contre les Bavaroïis et les Saxons. Il existe toutefois un autre moyen fort simple d'établir que Mansi a raison, c’est de rechercher quand Carloman résida à Leptines. Or, nous trouvons, dans la chronique de Lobbes, par Folewin, la mention d’une charte de Carloman : Actum Liptinas villa publica quo facit februarius sex, anno secundo regnante Hilderico (3), ce que nous plaçons en 744 et ce que per- S 0 sonne n'attribuera à l’année 745 (4). (1) 4nno secundo principatus Carlomano et Pippino quando succes- serunt in regnum. $ (2) Geschichte der deutschen Concilien, t. II, p. 21. (3) Pertz, Mon. Germ. hist. script, t. IV, p. 58. (4) De nombreuses difficultés entourent la chronologie des diplômes de ( 449 } Faut-il ajouter à toutes les preuves déjà citées, celles que nous avons trouvées dans un fragment reproduit, à la fin du XI" siècle, par Hugues de Fleury? Nous nous en sommes trop longtemps occupé pour y revenir. Nous nous bornerons à combattre les objections qui pourraient lui être adressées. Non, ce texte ne doit pas être confondu avec des compilations sans autorité (1). Le style, si on le compare Childéric III, non-seulement pour ceux qui sont datés de Compiègne et de Kiersy, et que nous rattacherions volontiers à la courte indépendance de la royauté mérovingienne en 742, mais même pour ceux où l'intervention des maires du palais est constatée. On sait positivement que, au mois de mars 744, on était dans la seconde année de son règne, selon le calcul de la royauté octroyée. D'un côté, on a soutenu que son règne ne pouvait avoir commencé qu'après le 1‘ janvier 745, parce qu’il n’en est fait aucune mention dans une charte donnée par Pepin, à Metz : mais cet argument est sans valeur, On connaît plusieurs chartes des années suivantes qui mentionnent seulement les maires du palais. D'autre part, une charte du monastère de Saint-Gall, pu- bliée par Goldast, 4lem. antiq., 11, pars 1°, p. 58, fait remonter le règne de Childéric au mois de septembre 742, ce qui a fait dire à Eckhard : Childe- ricus anno 742, ante vij id. septembris ad regnum pervenit. Pagi est de la même opinion. La marche générale des événements n’expliquerait pas que la royauté ait pu être octroyée à Childéric au mois de février 743; tout in- dique, au contraire, que ceci a dû se passer au retour de l'expédition de Poitou; et si Childéric III nomme Carloman seul, comme l’ayant placé sur le trône, c’est que Carloman seul, à cette époque, dirigeait, au moins nomina- lement, le gouvernement aussi bien en Neustrie qu’en Austrasie. L'erreur des diplomatistes résulte probablement de ce qu’ils ne font remonter la royauté de Childéric III qu’à sa proclamation par les maires du palais, qui paraît avoir eu lieu au champ de mars en 745. — Je n’invoquerai pas la dona- tion de saint Chrodegang, reproduite par Bréquigny, où on lit : Ænno ab Incarnatione Domini DCCXLF, anno VI Childerici regis, XX die maïi. Ce diplôme constatant l'intervention des maires du palais, il faut rem- placer probablement anno VI par anno III. (1) Les Ænnales Mettenses, dont l'autorité est si grande, ne sont aussi qu’une compilation à peine antérieure d'un siècle à celle de Hugues de Fleury. (450 } à celui d'Eginhard , annonce une source de la même anti- quité, et nous pouvons avoir foi dans le témoignage de Hugues de Fleury, quand il affirme qu'il reproduit des textes inédits découverts dans la plus célèbre bibliothèque de la France. N'est-ce pas Hugues de Fleury qui, le premier, rendit à l'Europe savante les ouvrages d’Anastase le biblio- thécaire, autre historien du IX"° siècle sur lequel s'était aussi appesanti un long oubli? Tout le prix de ce fragment, c’est de suppléer au silence des auteurs anciens déjà connus, en nous éclairant sur les motifs qui portèrent Carloman et Pepin à relever, ou pour mieux dire à sanctionner, un an après la mort de Charles Martel, la royauté mérovingienne. Tous les historiens, sans en excepter ceux qui écrivent de nos Jours, avaient compris que cette résolution reposait sur une cause se- crête qui devait être l’attachement de la Neustrie aux des- cendants de Clovis. Le fragment de Hugues de Fleury lève le voile que d'ingénieuses conjectures avaient déjà à demi dissipé. Mais tout cela n’était-il pas indiqué déjà par Éginhard, | quand il dit que Carloman, que nous avons vu retourner en Austrasie après la défaite de Griffon, ne tarda pas à assem- bler une armée ad ordinandum regnum ? Tous les textes contemporains ne dépeignent-ils pas, dès le commence- ment du VIT" siècle, l’orgueil conquérant de l’ancienne France austrasienne, Francia teutonica, et les vains efforts de résistance tentés par la nouvelle France, gauloise ou romaine, Francia romana? D'un côté, les guerriers les plus intrépides, probatissimi ad certamen viri; de l’autre, une race énervée et abâtardie par ses alliances vulgari com- mixta plebe, Charles Martel ne jugeait-1l pas, comme nous l’apprend l’auteur de la vie de sainte Gertrude, qu'il était ( 451 ) plus glorieux de commander aux rois que d’être roi (4)? pe lit-on pas, dans un document du VIIL"* siècle, que les victoires de Charles Martel sur Ragenfrid eurent pour résultat de faire rentrer, sous l’obéissance des Frances, des royaumes qui s'étaient soustraits à leur domination, regna perdita Francorum ditioni reparavit (2), et ailleurs qu'il extermina les tyrans et les races ennemies, {yrannos et gentes adversas (5)? Ces tyrans sont ceux dont parlent Éginhard et l’'anonyme de Hugues de Fleury, c’est-à-dire les descendants des sénateurs aquitains ou arvernes, devenus les protecteurs des héritiers de Mérovée. Ces races ennemies, ce sont les populations gallo-romaines qui soutiennent Hunald comme Eudes, Waifre comme Hunald, Il est intéressant d'observer combien la résistance de la Neustrie aux successeurs de Charles Martel a laissé de traces dans le cycle carolingien. Nous citerons quelques lignes du roman de Charles Martel. « Il est à croire que Charles Martel fut roy de France en son temps, non mie par vraye succession de droitte lignie, mais par la grâce de Notre-Seigneur et par bonne fortune qui ainsi luy aida, et régna Pepin, son fils, après luy, comme son fils et hérittier, par le moyen d’aucuns princes de France, mais non mie du consentement de tous, car la plus grant partie en fist reffus. En l’ostel et maison de France avoit en celluy temps plenté de moult grans seigneurs, les uns contraires d’oppinion aux autres W AN QU 0 UN CN MS (1) Gloriosius ducens regnum habentibus imperare quam regnum ha- bere. MS. de la Bibl. de Bourgogne, 5653, (2) Chronique de Stavelot, MS. de la Bibl. de Bourgogne, n° 2104, (3) MS. de la Bibl. de Bourgogne, 4779, ( 452 ) » et très-discordans en plusieurs manières par le fait du » couronnement de Pepin (1). » Et quand éclate la grande guerre « de ceulx de Lohe- » raine aux hoirs de Bourdellois, » on voit les Anglois, Escochois, Irlandois, Flamengs, Picars, Boulenois, Bar- banssons et Hainnuïiers s'unir à ceux de Metz et de Lor- raine dans une ligue commune contre les Bourdellois. Cette guerre « qui dura comme succession d'enfants à » pères » ne peint-elle pas cette longue inimitié qui sépa- rait deux races, l’une savante et polie, assise sur les ruines du passé, l’autre se précipitant, encore à demi sauvage et à demi païenne, à travers ces mêmes ruines pour réédifier l'avenir ? R De là cette conclusion : le principat étant commun entre Carloman et Pepin au mois d'avril 749, il en résulte que Pepin présida avec Carloman à l’assemblée du champ de mars, puis à la réunion de l’armée qui se fit, en Austra- sie, après l'assemblée du champ de mars (2). Donc, Char- lemagne est né en Austrasie. Il est établi de plus qu’au mois d'avril 742, la Neustrie s'était soustraite à l'autorité des maires austrasiens. Charlemagne ne put donc naître en Neustrie. | N'est-il, d'ailleurs, aucun historien du IX"° siècle qui se soit occupé de la patrie de Charlemagne ? N'y a-t-il pas un texte du moine de Saint-Gall, texte si précis que Îles Bénédictins l'ont accepté et proclamé péremptoire? Depuis (1) Roman de Charles Martel, MS. de la Bibl. de Bourgogne, n° 7. (2) La plupart des documents contemporains attestent que Carloman et Pepin réglèrent ensemble les préparatifs de la guerre qui remplit eette année, et cette guerre n’était que la conséquence de la délibération générale du champ de mars. ; (455 ) lors, il a été contesté, il est vrai, mais c’est surtout la valeur de la source dont il émane qui a été niée et rejetée. | La classe nous permettra d'approfondir cette partie du débat. L'examen sérieux auquel nous nous sommes livré nous à convaincu, comme Basnage, que ce moine de Saint-Gall est Notker le Bègue, poëte et hagiographe, que l’on voit, après 872, diriger l’école de Saint-Gall et qui dédia son livre De gestis Karoli imperatoris, en 882 ou 885, à l'empereur Charles le Gros (1). Sa piété fut honorée par l'Église, qui l'inscrivit au nombre des saints, et sa science nous a été altestée par tous ses contemporains. Non-seule- ment, il dirigea l’école de Saint-Gall avec le moine Ison et le Scot Moengal, plus connu sous le nom de Marcellus ; mais il s’associa aussi à la fondation de la bibliothèque de ce monastère devenu, au IX"° siècle, le plus illustre asile des lettres. Ekkehard dit de lui : Notkerus in legendo, orando, dictando, celeberrimus, et l’auteur de la Vie de saint Fridolin dédie son travail : Notkero doctrinae sophia famosissimo. Notker, qui écrivait environ soixante et dix ans après la mort de Charlemagne , ne l'avait jamais vu; maisil avait pu (1) La mention de l’infirmité qui affligeait le moine de Saint-Gall, sa qualité de reclus (inclusus)}, les liens qui l’unissaient à l’abbé Grimald, son maitre, et à l'abbé Hartmut sous lequel il écrit, tout nous convainc qu’il ne peut être autre que Notker le Bègue. Les rapports chronologiques, quoi qu'on ait dit, ajoutent à l'évidence. Ainsi, nous comprenons fort bien qu’un auteur, déjà vieux, en 885, ait connu dans son enfance un des héros des campagnes contre les Huns, qui eurent lieu dans les dernières années du VIII®": siècle, et qu’il se soit souvent entretenu avec Tancon et Grimald, qui tous les deux avaient connu Charlemagne. Grimald ne mourut qu’en 872. — Remarquez aussi que Notker eut pour disciple Ruodbert , évêque de Metz, en 885. ( 454 ) rencontrer plusieurs personnes qui l'avaient connu entre autres, Walafrid Strabus, qui vécut à Saint-Gall. Il nous dit lui-même qu'il écrit d’après des témoinages contem- porains; mais il convient de faire ici une distinction im- portante. Le travail du moine de Saint- Gall renferme deux par- ties, l’une toute militaire, l’autre politique, anecdotique, mais touchant surtout à l'histoire ecclésiastique. La pre- mière, il l'écrit au hasard et seulement pour obéir à Charles le Gros. Il se borne, en effet, comme il le déclare lui-même, à recueillir les récits qu’un vieux soldat, revenu de la guerre contre les Huns, s'était amusé jadis à lui faire, récits où les fabuleux souvenirs des hordes d’Attila étaient grossis à tel point que l’enfant se sauvait pour ne pas les entendre (1). Mais il est une autre partie du travail du moine de Saint-Gall plus exacte et plus digne de foi : c’est celle que, jeune encore, mais déjà guidé par ses goûts vers la vie religieuse, il dut aux plus vénérables personnages qui l’avaient devancé dans le cours du siècle. | Ainsi Notker a eu pour maitre l'abbé Grimald, qui avait été lui-même, comme Éginhard, l’un des disciples de Charlemagne, c’est-à-dire l’un de ceux qu’il se plaisait à former à la discipline ecclésiastique et au chant grégorien ; et nous rappellerons que Walafrid Strabus place l'éloge de Grimald entre celui d'Éginhard et celui de Thégan, Il a vécu sous l'abbé Harmut, qui fut l’archichapelain de Louis le Débonnaire, et que Ratpert appelle : Virum scientia et moribus, nobilitateque praeclarum. X1 a connu à Saint- Gall un des chantres romains envoyés à Charlemagne par a + -(1) Le comte Gérold, sous lequel avait servi ce vieux soldat, fit plusieurs fois la guerre aux Huns. Il est cité dans le testament de Charlemagne, (455 ) | le pape Adrien; il a eu pour prédécesseur, dans la direc- tion de l’école de Saint-Gall, le moine Tancon, qui fut appelé par Charlemagne pour fondre la grande cloche de la basilique d’Aïx-la-Chapelle; c’est sans doute de Tancon qu’il tient tout ce qu’il raconte de la construction de cette merveilleuse basilique, et Walafrid Strabus atteste que Tancon était digne de foi : Tanco, venerabilis presbyter, haec saepius sua relatione confirmans, omne dubitationis argumentum veritatis ratione depellit. Voilà à coup sûr une autorité bien respectable pour un texte qui, à propos de cette même basilique, nous apprend qu'elle s'élevait dans la patrie de Charlemagne ; mais il faut citer le texte même dont nous nous occupons. Le moine de Saint - Gall rapporte que les Francs se vantaient d’avoir effacé par leur gloire celle des Grecs et des Romains (1). Une incontestable supériorité restait, à un autre point de vue, aux peuples de l'antiquité : c'était celle qu'attestaient les monuments devant lesquels Char- lemagne s'arrêta avec admiration dans ses voyages d'Italie, L'illustre empereur des Francs profita donc du repos que lui assurait la fin de ses guerres pour élever l’art franc au niveau de l’art romain, de même que la gloire franque égalait déjà la gloire romaine. Il avait résolu de présider lui-même à la construction de la basilique d'Aix, et, à l'exemple d’Auguste, qui avait créé une Rome de marbre, il voulait que sa patrie eût aussi à montrer à la postérité un monument où se confondraient le bronze et le por- phyre : In genitali loco basilicam antiquis Romanorum ope- ribus praestantiorem fabricare propria dispositione molitus. (1) Graeci et Romani invidia Francorum gloriae carpebantur. Pertz, Script. II, col. 735. | (456 ) Nous ne pouvons oublier que le moine de Saint-Gall, citant à chaque page les vieux poëtes classiques, avait sous les yeux ces vers d'Ovide : Vescio qua natale solum dulcedine captos Ducit et immemores non sinit esse sui. Lorsque Ovide ajoutait aux vers que nous citons : Quid melius Roma ? il ne voulait pas dire qu'il était né à Rome, mais que le sol où s'élevait Rome était le sol de sa patrie. Le genitale solum ne signifie pas autre chose dans le récit du moine de Saint-Gall. La cité d'Aix fait partie du genitale solum , mais elle partage cet honneur avec Jupille, où, d’après une tradition, Pepin habita avant que le château d'Herstal fût reconstruit, avec Herstal, résidence favorite de Pepin et de Bertrade (1), et que Charlemagne lui-même aimait à ce point qu’il donna le même nom à la ville qu'il fonda sur les bords (1) Pipinus rex et Bertrada regina uxor sua manserant apud Har- stallum. MS. de la Bibl. de Bourgogne, 10,954. Cf., n° 5756. On conservait à Herstal un crucifix donné par Pepin, qui, par ses proportions, rappelait, dit-on, exactement sa taille. Un ancien auteur appelle Herstal sedes Fran- ciae, On lui donna plus tard le titre de première capitale du duché de Brabant. Au XIIe siècle, Herstal conservait encore quelque chose de son ancien éclat : De finitimis, inquiunt, villis quas non sprevisti, Herstal- lum est una, imo praecipua, quam olim regii conventus claritudo tllustravit ; unde et magnitudine est productior, et habitatoribus plenior et substantia profusior, ex quibus omnibus erit tibi proventus largioris quaestus et nobis ad manendum spatiosior hospitalis successus. Vita S. Everm., Acta SS., maïi, I, p. 186. Rappellerai-je ici d’autres traditions liégeoises : Charles Martel tuant, à Andenne, un énorme serpent avec le marteau d’un forgeron, et méritant ainsi son surnom; Charlemagne immo- lant un ours en présence de sainte Landrade, qui le salue pour la première fois du nom de Grand, etc. ? ( 457 ) du Weser. Aix, Liége, Landen, Jupille, Herstal, Theux, Amblève, tout ce pays encore semé aujourd’hui de pitto- resques ruines et d'héroiques légendes, toute cette vieille France, toute cette Austrasie ombragée par la forêt des Ar- dennes, c'est le genitale solum de Charlemagne, c’est sa patrie, enfermée non pas dans une seule ville dont nous ignorons le nom, mais dans des limites qui nous sont bien connues (1) : Pepin, rapportent les hagiographes, étendait sa puissance de la forêt Charbonnière jusqu’au Rhin, de la Moselle jusqu'aux frontières de la Frise (2). Nous trouvons le meilleur commentaire du moine de Saint-Gall dans cette phrase d’une vieille chronique qui reproduit des textes encore plus anciens : ÎN 1PSA TERRA SUA Aquisgrani basi- licam construxit (5). C'était au VIII" siècle, disons-nous, la vraie France. Ouvrez les Capitulaires, consultez les hagiographes, par- courez les chroniques, vous verrez partout le nom de Francia appliqué spécialement à l’Austrasie, le regnum regnorum, selon l'expression d’Alcuin. C’est la loi austra- sienne que suivent Charlemagne et ses descendants propter dignitatem, disent les glossateurs. M. Guizot l’a fait re- marquer dans ses Essais historiques, M. de Pétigny l’a répété : depuis la mort de Clovis, la France n'était plus qu’en Austrasie. Là était la race conquérante, là aussi de- vait se conserver le nom qui dérivait de cette race même et qui retraçait ses succès et sa gloire. Cest dans l’Aus- — (1) Eginhard lui-même, quand il nous dit de Charlemagne : Vestitu pa- trio utebatur, a soin de nous apprendre que ce costume était celui que les Austrasiens avaient en partie emprunté aux Frisons. (2) Vita S. Gertr., 17 mart., p. 594; Via S. Everm., maïi, p.136. (5) MS. de la Bibl, de Bourgogne, 10954. ( 458 ) trasie, d'où se lève une nouvelle dynastie et non pas dans Ja Neustrie, qui laisse enfermer au cloitre ses derniers rois, qu'il est glorieux de naître, surtout depuis que Rome elle- même a proclamé et béni l'empire franc. La basilique d'Aix rappellera à la postérité que le sol sur lequel Char- lemagne se plut à la construire était pour lui le genitale solum, et nous voyons, dans le récit d'Ermoldus Nigel- lus, l'illustre héritier de Pepin saluer lui-même de ce doux nom de patrie, la France telle que la définissaient les hommes du VIIL"* siècle, la France, restée forte et rude au combat (1), qui, après un siècle de victoires, avait réuni à ses trophées le sceptre des Césars et celui de Romulus : Francia me genuit ; Christus concessit honorem , Regna paterna mihi Christus habere dedit; Haec eadem tenui, necnon potiora recepi : Caesareum primus Francorum nomen adeptus , Francis Romuleum nomen habere dedi. La classe voudra bien, si nous nous sommes laissé entrainer à de trop longs développements, trouver une excuse dans la pensée patriotique qui y a présidé. Nous avons cru que, défendant les prétentions de l’Austrasie contre celles de la Neustrie, nous étions tenu de rendre notre travail aussi complet que celui que nous venions combattre. » (1) Fortis. in praelio rudis. Prol. Leg. sal., ap. Baluze, cap. I, col. 999. Rapport de M. Schayes. « Si la question qui nous occupe avait été posée de la manière suivante : Est-il possible d’avoir des données cer- taines sur le lieu de naissance de Charlemagne? je propose- rais sans hésitation d'accorder le prix au mémoire portant pour épigraphe Entzwei, Entzwei, etc. Après avoir soumis à un examen critique aussi judicieux que profondément savant tous les arguments sur lesquels s’étaye chaque loca- lité qui prétend à l'honneur d'avoir vu naître Charlemagne, l’auteur de ce mémoire finit par conclure avec Éginhard que ce point historique restera éternellement à l’état de doute. Je partage entièrement cet avis. En effet, lorsque le propre secrétaire de Charlemagne, son ami, son confi- dent, déclare qu’il gardera un silence absolu et sur la naissance et sur l'enfance de son illustre maître, qu'il ju- gerait absurde même d'en dire quoi que ce soit (scribere ineptum judicans), parce qu'il n’a pu se procurer le moindre renseignement à cet égard, et, a-t-1l soin d'ajouter, qu’il n'existe personne au monde entier qui en sache quelque chose (neque quisquam modo superesse invenitur, qui horum se dicat habere notitiam), comment parviendrions-nous, onze siècles après, à lever le voile qui couvre cet étrange mystère ? L'épitaphe du grand homme prouverait qu’à sa mort , on ignorait jusqu’à son âge; car, dans le cas con- traire, se fût-on borné à graver sur la pierre qu'il était mort septuagénaire , ce qui peut s'entendre de l’âge de soixante et dix ans comme de celui de soixante-dix-neuf, tandis qu'on y indiquait l’année, le mois et le jour de son décès ? Du reste, que Charlemagne soit né en Austrasie ou en Neustrie, en Allemagne ou en France, n'importe où, il ( 460 ) n'en appartient pas moins par sa race à la Belgique, comme Rubens y appartient, quoique né en Allemagne, comme Charles-Quint ne cesserait d’y appartenir s’il était né par- tout ailleurs, comme Napoléon appartient à la France, bien qu’il ait vu le jour en Corse. | Mon honorable confrère, M. Kervyn, exprime le sou- hait de voir s'élever bientôt, sur une des places publiques de Liége, la statue de Charlemagne. Ce vœu patriotique Je le partage de tout mon cœur; seulement, à mon avis, ce n’est pas une simple statue que l’on devrait y ériger, mais un monument dans le genre de celui que la Prusse a consacré naguère à Frédéric le Grand : ce serait la statue du grand législateur, du restaurateur des lettres et des arts, porté sur le pavois par ses quatre illustres ancêtres, Pepin de Landen, Pepin d'Herstal, Charles Martel et Pepin le Bref, dont il couronna si glorieusement les œuvres et qui méritent assurément bien d’être associés à sa gloire. Comme le savant auteur du mémoire n’a pas répondu directement à la question du concours, il serait sans doute difficile de lui accorder le prix, et il l’avoue en quelque sorte lui-même. Toutefois, son travail est si remarquable et répand une lumière si nouvelle sur le sujet, qu’il serait, me semble-t-il, de toute justice de lui décerner une récom- pense honorifique quelconque. Pour ma part, je lui vote- rais volontiers une médaille d'or, et, si le concurrent con- sent à se faire connaître, je vole surtout pour l'impression du mémoire, après une révision ou plutôt une refonte totale, non pas du style, mais du langage, qui est du fran- çgais tudesque. » Les rapports de MM. de Ram, Kervyn de Lettenhove et Schayes, sur la question relative au lieu de naissance : frinf-d ( 461 ) de Charlemagne, avaient élé communiqués et examinés dès la séance précédente. Les opinions des commissaires étaient assez divergentes sur les conclusions des deux mé- moires. Après une nouvelle discussion , à laquelle ont pris part MM. Polain et Arendt, il a été décidé qu'aucune ré- compense ne pouvait être accordée ; seulement l’auteur du travail portant pour épigraphe : Entzwei, Entzwei, etc., est invité à se faire connaitre. \ 27° SÉRIE, TOME IV. 51 (462) Séance publique du 7 mai 1858. M. LecLercQ, directeur de la classe. M. An. QueTELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Grandgagnage, de Ram, J. Roulez, Borgnet, le baron J. de Saint-Genois, Paul Devaux, P. de Decker, Schayes, l'abbé Carton , Haus, Bormans, Polain, De Witte, Ch. Faider, membres; Nolet de Brauwere Van Steeland , associé; Ducpetiaux, Mathieu, Kervyn de Let- tenhove, Chalon, Th. Juste , correspondants. Àssistaient à la séance. | Classe des sciences : MM. n'Owarius D'HaLLoy, président de l'Académie ; Melsens, vice-directeur; Sauveur, Wesmael , Martens, Cantraine, Stas, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, Edm. de Selys-Longchamps, le vicomte B. Du Bus, Gluge, Nerenburger, Schaar, Liagre, Duprez, J.-B. Brasseur, Poelman, membres; Schwann, Lacordaire, associés ; Gilæsener, correspondant. Classe des beaux-arts : MM. G. GEErs, directeur ; Alvin, Braemt, De Keyzer, Navez, Roelandt, Suys, Jos. Geefs, Érin Corr, Snel, Baron, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, membres; Calamatta, Daussoigne Méhul, associés. M. Mathieu donne lecture d’un fragment du rapport de M. Devaux, sur le mémoire de M. Ferdinand Loise, qui a remporté le prix pour la question de concours relative à l'influence de la civilisation sur la poésie. (Voir pag. 392.) ( 465 ) Le dernier des Flamings. — Notice par M. Kervyn de Let- tenhove, correspondant de l'Académie. Le tableau des guerres et des tournois, l'analyse des traités et des négociations ne sufisent pas à l’histoire. Pour qu'elle soit complète et vraie, pour qu’en retraçant les faits, elle fasse revivre les mœurs, il faut parfois s’éga- rer, loin des palais et des camps, jusqu’au sein des forêts, sinistre retraite des outlaws poursuivis par les baillis et les shérifs. Les mêmes années que signalèrent les ex- ploits de Richard Cœur de Lion sont remplies des aven- tures de Robin Hood , et le plus beau siècle de l'Angleterre chevaleresque est celui de la joyeuse Angleterre du bon vieux temps, old merry England. C'est aussi à l’époque la plus glorieuse de nos anciennes annales flamandes, au moment où les hérauts d'armes Jetant au peuple le pain et l'or, proclamaient, à Sainte- - Sophie, Baudouin de Constantinople empereur des Ro- mains et à jamais auguste, que l’on voit Herbert de Wul- vringhem rallier autour de Furnes ses nombreux amis. Depuis que les Flamings, c’est-à-dire les bannis Saxons, avaient donné leur nom au Fleanderland, la terre de l’exil, ils avaient conservé entre eux la désignation de karlis ou ceorls, appliquée, dans le Nord, aux hommes libres ; mais on avait coutume de les appeler communément les Bla- voets, et cette épithète, empruntée au nom du renard ou à celui de l’épervier, retraçait à la fois leurs ruses redoutables et leurs déprédations. Les Flamings de Herbert de Waul- vringhem avaient trouvé un appui, non-seulement à Ar- dres et à Bourbourg, mais bien au delà du lac de Guines qu'ils nommaient le Wasconingawala , c’est-à-dire l'étang | Î ( 464 ) du roi des prairies (1). Sur tout le rivage de la mer, jusqu'a l'embouchure de la Canche, une vive agitation régnait parmi ces hommes rudes et courageux, tantôt reconnus libres, tantôt flétris comme serfs, quelquefois puissants et redoutés, plus souvent opprimés et malheureux, mais conservant toujours les fières traditions de leurs ancêtres unies à un vain rêve d'indépendance. Il en fut des Saxons de Flandre sous nos comtes comme des Saxons d’Angle- terre sous les successeurs de Guillaume le Conquérant, et de même que d’autres historiens se sont attachés à ra- conter la vie des outlaws de Sherwood et de leur chef Robin Hood, le dernier des Anglo-Saxons, nous nous efforcerons d'appeler un moment l'attention sur les out- laws de la race saxonne de Flandre et sur un de leurs héros, que nous nommerons aussi le dernier des Flamings. Oublié trop souvent par les historiens modernes, il n’en est pas moins, comme l’a remarqué M. Francisque Michel, l’un des hommes les plus extraordinaires du XIIT"* siècle, et le récit de sa vie ne paraîtrait qu’une fable s’il ne repo- sait sur de nombreux documents. Sur le penchant d’une colline couronnée d’épaisses fo- rêts, d’où la vue se prolonge jusqu'à l'Océan, vivait, à la fin du VIIT®® siècle, Wulmar qui, de même que tous les karls, revendiquait la noblesse de sa race (2), mais qui n’en conduisait pas moins ses bœufs, croyant qu’une main qui brandissait le fer d’une épée, pouvait sans déshonneur toucher celui d’une charrue. Wulmar était du nombre des a (1) Charte de 808, citée par Duchesne, Maison de Guines, pr., p. 4: c’est le Mariscus regis de Lambert d’Ardres. (2) On connaït le mot de Bertulf au comte de Flandre Charles le Bon : « Nous avons toujours été libres, nous le serons toujours, » ( 465 ) karls qu'avait convertis la parole des apôtres du christia- nisme, et il se voua lui-même à la vie religieuse. Un jour, un roi des Saxons occidentaux, Ceadwalla, qui se rendait à Rome pour s'y faire baptiser, frappa à la porte de son ermilage et lui laissa, en le quittant, une aumône de trente sous. Elle servit à construire un monastère que sainte Îde, mère de Godefroi de Bouillon, combla plus tard de ses bienfaits. Non-seulement les comtes de Bou- logne y élirent leur sépulture, mais il resta aussi, pendant longtemps, l’objet du respect de la population saxonne, qui honorait saint Wulmar comme son patron. Que de fois pe l’invoqua-t-elle pas en mêlant à son culte les vieilles superstitions paiennes! Fallait-il prier pour les morts, elle renouvelait le dadsisa, c’est-à-dire les libations sur le cercueil ; s’agissait-il de prier pour les vivants, elle faisait circuler de main en main la coupe de l’amitié qui recevait le serment des frères conjurés de s’entr’aider dans leurs épreuves, de se soutenir dans la conservation de leurs droits. Ne leur avait-on pas défendu de porter l'épée pour ne conserver que la massue, arme de leurs ancêtres, ce qui leur avait fait donner le surnom de Colve-karls ou Colvekerli (1)? Ne les avait-on pas soumis à l'impôt de la a ———————————————————————————————————————————————— + ——————————— (1) Colvekerli dicti sunt quasi rustici cum clava. Nam eorum vulgare coLvE clavam et KeRLI rusticum sonat (Iperius, Chron. de Saint-Bertin). Cf. Lambert d’Ardres : Ziber veteranus sive vavassorius, et surtout une charte du comte de Guines de 1174 : Favassores aut rustici. Une charte de 1199 mentionne Fillelmus vavassor de Billech. 7’avassor est ici synonyme de miles qu'on trouve avec la même signification dans des chartes de Flandre : Snickart miles (1295), Lambertus , miles, de Liswegha (1215). ZLamkin, miles, de Crombeca (1218), etc. Il suffit pour comprendre ce que la Vie de saint Ursmar entend par les quatre cents milites d'Oostbourg , de lire une page de Lambert d’Ardres, édition de M. de Godefroy, p. 305. ( 466 ) | servitude jusqu’à ce qu'ils en eussent été affranchis, grâce aux larmes d'Emma de Tancarville ? n’avait-on pas vu lés baillis prélever un agneau dans chaque demeure , et, péné- trant jusque dans la chaumière de la veuve, y enlever un enfant pour en faire un serf, là où il n’y avait pas d'agneau dont le prince pût grossir sa bergerie? Tout récemment encoré, les karls du Boulonais n’avaient-ils pas adréssé au ciel leurs vœux secrets pour le succès des Blavoets de Furnes, et des vœux, moins sincères peut-être, pour le maintien de la paix qui suivit leur défaite (1)? Ils ne se contentaient pas de porter leurs prières au monastère de Saint-Wulmar : ils y envoyaient aussi de nombreux néo- phytés qui se soumettaient volontiers à toutes les règles monastiques, sauf à cellés qui leur imposaient la paix, l'oubli des injures et l’obéissance. Saint Anselme de Can- torbéry nous apprend que l’abbé de Saint-Wulmar était én butte aux mauvais traitements de ses religieux, qui refu- Saient de reconnaitre son autorité. Cé fut dans ce monastère dé Saint-Wulmar quese retifa, dans les dernières années du XII" siècle, un hommé de râce säxonne que distinguaient, aussi bien que tous lés autres karls, une haute stature et les fécondes ressources d'un esprit énergique et habile (2). Son père, Baldwin, (1) En 1996, l'épithète de karl, placée à côté d’un nom, indiquait encore l'origine de celui qui le portait : Zannin die Vos, karlyn, ende syn oers (charte de l’abbaye des Dunes). Vingt ans plus tard, se place la chanson : . Wi willen van den kerels zinghen. (2) Erat natione Flandrensis. Matth. Paris. Cf. Lambert d’Ardres : Militem fortem atque strenuum , de Flandrensis ortum prosapia nobili- tatis, Herredum Adelae copulavit.. Parentes ejus et amici, utpote viri fortes et bellicosi, ausim dicere Blavotinorum patres et auctores. M. le marquis dé Godefroy a publié pour la première fois une édition complete de (467) . possédait un domaine assez étendu pour qu'on le éomptât parmi les pairs du Boulonaïs, et il avait suivi l'exemple des autres karls qui, pour s'élever aù même rang que les nobles, avaient adopté l'usage de placer sur leurs sceaux et sur leurs bannières des ornements héraldiques fort simples d’ailleurs, tantôt des figures d'animaux qui avaient leur signification dans la mythologie scandinave, tantôt des emblèmes empruntés à la nature (1). C’est ainsi que, sur un dessin où sont représentées les bannières de la famille dé Baldwin, nous remarquons sur la première trois croissants de lune, sur la seconde trois soleils. Mais ces signes distinctifs ne suffisaient point, et l'usage, éminem- ment propre aux races saxonnes, de se désigner par des surnoms, n'avait pas été abandonné. Baldwin était sur- nommé Buskes, c’est-à-dire le Bœuf ou le Grand, comme d'autres karls étaient surnommés Berakin, Wolf; Vos, Hasa, Hacket, c’est-à-dire l’ours, le loup, le renard, le lièvre ou le brochet (2). Quant à son fils, il avait été nommé Lambert d’Ardres, accompagnée de notes et d’éclaircissements. La science n’attendait pas moins du nom que porte M. de Godefroy. Désormais son livre formera la source la plus importante que l’on puisse consulter pour l'histoire des colonies saxonnes du Fleanderland. (1) Rien n’est plus curieux, rien n’est plus bizarre que les sceaux des micites (vavassores rustici) appendus aux chartes les plus anciennes de l'abbaye des Dunes. On y trouve tantôt des têtes de chien, de loup et de renard; tantôt des oiseaux, des poissons et même des dragons. Ce dernier emblème était à un double titre cher aux races septentrionales, puisqu’il leur rappelait à la fois et leur culte et le nom qu’elles donnaient à leurs navires. (2) Baldwin Buskes ou Busket est l’un des témoins cités dans une charte d’Ide de Boulogne. (Chron. Andr., Spicil, IX, p. 470.) On voit dans la chronique d’Andres qu'Heremar Buce (Zeremarus cognomento Buzo, charte de 1126, Bison pro Bove) possédait, à la fin du XI®*: siècle, des alleux à Campagne et à Aldenhem. Je reconnais en lui un aïeul de Baldwin Buskes. Aldenhem et Campagne touchent à Bocherdes, à Fiennes, à Ermelinghem et ( 468 ) ÆEustache, en mémoire du comte Eustache de Boulogne, qui avait porté secours aux Saxons de Kent contre l'op- pression de Guillaume le Conquérant; son surnom sera Eustache le Moine, mais il fera bien peu de chose pour le. mériter. En effet, la silencieuse obscurité du cloître va mal à ce jeune novice qui a été nourri, dès le berceau, de la pensée que le sang appelle le sang et que la vengeance est le pre- mier devoir. Un triste message a touché le seuil de sa cel- lule. Baldwin Buskes a été mortellement frappé près de Bavelinghem , et le bras de ses meurtriers a été, dit-on, armé par Humphroi d'Ermelinghem, allié à la maison des seigneurs de Hamme, qui étaient chargés autrefois de re- cueillir l'impôt de la colvekerlie. Eustache n’écoute plus ni l’airain sacré, n1 le chant des hymnes. L'ombre de son père, qui lui demande vengeance, l’arrache de son asile : il se présente devant le comte de Boulogne et implore sa justice : « Humphroi, lui dit-il, a tué mon père : dès ce » jour, il y a haine mortelle entre lui et moi. » Les usages septentrionaux s'étaient conservés dans tout ce pays, sans rien perdre de leur barbarie : ils accordaient œil pour œil, dent pour dent, membre pour membre, vie pour vie; mais c'était à la condition que la force eût prouvé et sanctionné le bon droit. Le duel judiciaire livrait le vaincu au pouvoir à Bavelinghem , ce qui explique les persécutions que sa famille put subir dans l'oppression des Colvekerli , les déméêlés de Baldwin avec Humphroi et le lieu où il trouva la mort. Tout prés de là est un endroit nommé Pucretes. C’est probablement l’ancienne résidence des aïeux d’Eustache le Moine. Bulck-rest, anglo-saxon: rest, repos, séjour; resthus , résidence. Le sur- nom des membres de la famille d'Ermelinghem était : le Normand. (Chron. d’ Andres, p. 406.) Les anciennes colonies saxonnes ne les considéraient- elles pas à ce titre comme des usurpateurs de date relativement récente ? = PT se étais. ft .-#: ( 469 ) du vainqueur. Humphroi d'Ermelinghem remet d’abord des otages qui garantissent que la paix publique ne sera pas troublée (1); puis il fait aflirmer par le serment de trente des siens qu'il est innocent du crime qu'on lui reproche; enfin, comme il a plus de soixante ans, il (1) Dans tous les pays où dominent les colonies saxonnes, la maison des otages (ghesel-huus) précède l'hôtel de ville. Je dois à l'amitié de M. Le Glay la communication d’un document important sur les Enghesellés de . Furnes : Nous Robiers, euens de Flandres, faisons savoir à tous que nous, de grâce espéciale, pour le profit et pour le pais parmenavle de nos pays du terroir de Furnes, avons otroyé et otroions à nos boines gens les coerriers et les autres nobles et non nobles demourans oudit terroir : ke se aucuns fais avient oudit terroir et oudit pays, dont aucuns soit navrés ou ferus ou pluseur navrei ou feru , que tout soient en boines triewes loyals desdont ke li fais sera avenus en quarante jours apriès en siewans, horsmis celui ou chiaus qui au fait aront estei. Et se aucuns brisoit ces triewes sour chiaus ki au fait n’aroient mie estei, si comme dit est, chieus ou chil qui les briseroit ou briseroient , seroit, seroient, sera et seront attaint enviers nous de cors et de avoir le chose congnuitle par coeriers. Encore leur avons-nous ottroyé de grâce espéciale que se triewes amiavles sont données entre parties pardevant deus ou plus de nos hommes de fief, deus coeriers dudit terroir ou plus ou par-devant chine confrères ou plus doudit terroir , et ces triewes après chou soient enfraintes ou brisiés , que chils ou chil qui les brisera, enfrain- dera , briseront on enfrainderont , est et sont, sera et seront alraint enviers nous de cors et d’avoir le chose congnuitte par coeriers. Encore leur avons otiroyet que quant aucune boine gent doudit terroir serront enghesellei selonc le loy et l'usage dudit pays et il donnent triewes amiaules ensamble, que il puissent issir de ledite ghisele sans nul coust , frais ou vin payer au bailli ne à krickehoudre, ne à autrui de par eaus , se il ne le font de leur pure volenteis, mais que les triewes soient premiers recognutes par-devant no bailli dudit terroir, se estre i veut ou puet ou autre de par li et devant deus de nos hommes ou deus coerriers, ou de- vant chine confrères dudit pays. Et se nos baillis ni voloit estre ne n’i powist estre, ne autres aussi de par lui, pour che ne demouroit mie que il ne peuissent issir le chose faite, si que dit est. Et toutes ces choses ensamble et chascune par li promettons-nous pour nous et pour nos hoyrs, contes de Flandres, à tenir boi- nement et loyalment à tousjours par le tiesmoingnage de ces letires saellées de no grant saicel. Faites à Berghes et données l'an de grâce mil trois cens et treze , le joesdi devant le fieste Saint-Michiel archangele. Archives de Flandre, à Lille, Original sur parchemin muni d'un resie de sceau. ( 470 ) choisit pour son champion Eustache dé Marquise. Un neveu de Baldwin Buskes sera son adversaire. La lice est préparée à Étaples. Le combat s’engage avéc fureur; c’est la cause de l'accusé qui triomphe; mais l’on entend le moine de Saint: Wulmar s'écrier : « Peu importe ce qui » arrive ! Jamais je ne me réconcilierai, et la mort de mon » père sera vengée! » Le comte de Boulogne entendit volontiers ces paroles. C'était, Comme nous l’apprennent les chroniques dé Saint- Denis, un prince violent qui détestait ses voisins, persé- eutait les églises et dépouillait les orphelins : il avait tenu à peu près le même langage un jour qu'ayant reçu du comté de Saint-Pol un coup de poing äu visage, il déclara, én présence du roi de France, qu’il ne lui pardonnerait point tant qué le sang qui avait coulé à terre ne lui Sérait pas remonté à la joue. Renaud de Dammartin, qui était devenu comte de Boulogne, en enlevant Ide d'Alsace, et qui de- puis lors avait Sans cesse bravé les censurés du pape, ne pressa guère Eustache de retourner à sa cellule. Eustache, qui, de son côté, regrettait sans doute qu’un dernier Scru- pule l'eût empêché de déscendre lui-même dans l'arène, échangea volontiers sa robe de bure pour un haubert de chévalier. Héritier du domaine de Baldwin Buskes, pair de Boulogne comme lui, il porte les armes au milieu des barons, et le comte de Boulogne le choisit pour son séné- chal dans une expédition en Normandie devant Radepont et Château-Gaillard, où Philippe-Auguste venge l’odieux assassinat d'Arthur de Bretagne (1). (1) Zn expeditione regis Franciae in Normannia, Eustacius Mona- chus, Boloniae tunc senescallus. Lambert d’Ardres, p. 585. Voyez une charte de Philippe-Auguste du mois d'octobre 1203. Catalogue des actes de Philippe-Auguste , par M. Delisle, . 178. ( 471 ) Cependant Eustache retrouva à son retour des ennemis de plus en plus jaloux de sa fortune. Humpbhroi d'Er- melinghem ne cessait de l’accuser de fraudes et de mal- versalions. « Venez donc rendre vos comptes au château d'Hardelo, » lui dit un jour Renaud dé Dammartin, sans cesse inconstant dans ses affections. « À Hardelo! repart » Eustache, c'est une perfidie : vous voulez me mettre » en prison. » À ces mots, 1l s'éloigne, et il ne reste au comte, pour punir le sénéchal rebelle, qu’à confisquer ses fiefs et à brûler sa demeure comme celle d’un traître et d'un parjure. La cour de Boulogne changea d’aspect dès qu'Eustache n'y fut plus. Humphroi et ses amis étaient fort pieux ; ils protégeaient l’Église et en même temps les clercs qui fai- saient peu à peu revivre l'étude des lettres. A la violence aux luttes, aux querelles succédèrent de doux loisirs. Renaud de Dammartin, né sur les bords de la Seine, par- lait la langue romane, et l’on comprend aisément qu'il encouragea les travaux de Simon de Boulogne, qui avait traduit en roman la compilation de Solin sur l’histoire naturelle. Une phrase de Lambert d’Ardres nous apprend que Simon de Boulogne entra dans le clergé; mais il avait auparavant formé d'autres liens, et nous ne sommes en- core qu'à l’heure joyeuse des noces. Le vin coule dans des coupes couronnées de fleurs. Le comte lui-même a pris place au banquet. Là aussi se pressent tous les amis de Simon de Boulogne : c'est Godefroi qui s'occupe de recher- ches sur la physique, c’est Landri, l’auteur de la vie de saint Antoine, c'est Gautier qu’on à surnommé le Silen- cieux, mais qui a oublié son surnom en récitant, lui aussi, quelque épithalame emprunté à Horace ou à Tibulle. La fête se prolonge, le jour se passe, l’ombre de la nuit des- ( 472 ) cend du ciel quand, au sommet de la colline qni domine Boulogne, un banni réveille, en le secouant de sa main vigoureuse, un bon meunier qui s'endormait couché sur l'herbe : « Va, lui dit-il, apprendre au comte qu'il ne faut » pas boire sans voir clair, et qu'un si riche banquet » vaut au moins deux chandelles. Ce seront ces deux mou- » lins... Annonce-lui qu'Eustache le Moine est venu Dont » l’éclairer. » À ce message que confirme l'incendie qui s'allume, le comte s'élance, les chevaliers le suivent, la commune s’as- semble, et comme le dit le poëte anonyme du XIIF”° siècle : Le Apriès Wistace le Moigne Saut li maires, saut le provost : La banclocque sonna tantost. Vains efforts : Eustache avait déjà disparu. Alors commença pour Eustache cette vie aventureuse et agitée qui rappelle assez exactement celle de Robin Hood.Il vit au milieu des karls, hommes d'armes et labou- reurs, vavassores et rustici, ses frères et ses amis, qui ac- courent en grand nombre près de lui; 1l porte comme eux la cape et la massue; il n’a plus d'autre tente que le dôme verdoyant des forêts. On le poursuit toujours, on ne l’at- teint jamais. [Il est aussi fameux par ses ruses que par son courage. Un jour, il se déguise en moine de Clairmarais et né- .gocie ainsi Sa paix avec le comte de Boulogne, qui ne le reconnaît pas. Le comte ne veut pas l’écouter : « Mais vous- » même, damp moine, ajoute-t-il, vous ressemblez à cet » Eustache, des veux, de la bouche et du nez, de la taille » et de la figure, et je croirais que c’est lui-même, si vous » n'aviez la têle rasée, et si ce n'étaient ces joues creuses ( 475 ) » et blêmes qui rappellent vos austérités. » — « On a vu de » ces ressemblances merveilleuses, » repart le moine de Clairmarais : ce disant, 1l s’élance prudemment sur un cheval du comte, et le voilà en pleine campagne. Un autre jour, un boîteux passe près de Renaud de Dammartin; il portait tant de paille qu’elle lui cachait la figure et qu'il fléchissait à chaque pas : « Sire comte, dit-il, j'ai vu Eus- » tache, prenez-le. » I jette sa paille, s'empare d’un cheval que conduisait un écuyer, et répète en s'éloignant: « Voici » le moine, vous ne le prendrez pas. » Le comte s’écrie : « Prenez le moine ! prenez ie moine ! » mais, comme le dit le poëte, Li moignes d’iaus tos eschapa. Eustache, poursuivi de plus en plus vivement, aperçoit un charbonnier, change de costume avec lui, et rencon- trant de nouveau le comte, lui donne le même avis; on apprend, toutefois, qu'Eustache est déguisé en charbon- nier. Le charbonnier est découvert et pris; mais ce n’est plus Eustache qui, grâce à un nouvel échange de cos- tume, est devenu potier; et mal en prend à ceux qui ont accepté de ses mains la paille ou le charbon. Eustache seul se rit des coups que d’autres reçoivent pour lui. S'il est à pied, il connaît tous les sentiers, et trouve: une retraite dans la cime de tous les vieux chênes. S'il chevauche, on perd également sa trace, car il fait ferrer ses chevaux à l'envers. Il n'est pas de déguisement auquel il n'ait recours. Il porte tour à tour la quenouille et le muelekin d’une dame, la serpe du jardinier, la haire du cénobite, la clochette du lépreux, et les hommes de son temps ne peuvent s'expliquer le succès de ses ruses que par une légende qui trouve foi partout : c'est qu'Eustache, ( 414) avant d'entrer à l’abbaye de Saint-Wulmar, avait étudié la magie en Espagne, à Tolède, où le diable avait une ca- verne dans laquelle il enseignait, tête à tête, ses secrets les plus merveilleux. L’audace d'Eustache le Moine est si grande que le comte n'a plus de repos ni le jour ni la nuit. Ce sont surtout ses chevaux qu'Eustache se plaît à lui enlever. II les lui prend tous l’un après l’autre, si bien qu'instruit que le comte est réduit à aller à pied, il lui envoie un beau palefroi. En effet, Eustache le Moine est doué d'une certaine loyauté qui fait pardonner bien des défauts. Un jour, il attire le comte dans un piége, mais il ne le retient point, parce que le comte a eu foi dans sa parole. Humphroi lui-même, son mortel ennemi, se trouve entre ses mains; mais il s’est assis à sa table et a rompu le pain avec lui : la sainte loi de l'hospitalité le protége. Eustache, qui aime tant à dé- pouiller les abbés qui voyagent (je ne sais si l'abbé même de Saint-Wulmar eût trouvé grâce près de lui), rencontre l'abbé de Jumiéges et lui demande ce qu'il a avec lui : « Quatre marcs seulement , » répond le prélat. Eustache en trouve trente, en restitue quatre et garde le reste. Si l'abbé eût dit vrai, assure le poëte anonyme, Eustache lui eût tout rendu. Il traita ainsi un marchand de Bruges qui ne lui avait rien caché de ce qu’il portait dans sa ceinture et dans sa bourse. Je ne reproduirai pas les aventures d'Eustache le Moine d’après le poëme qui lui est consacré et qui ne renferme pas moins de deux mille trois cents vers (1). L’imagination (1) Le roman d’Eustache a été publié avec le plus grand soin par M. Fran- cisque Michel, qui y a joint l'indication des principales sources historiques. Nous ne saurions toutefois attribuer ce roman, comme le propose le savant ( 475 ) du poëte a peut-être ajoulé quelque chose à la vérité; mais un chroniqueur fort sérieux et fort bien instruit, l’auteur de l’histoire des ducs de Normandie et des rois d’An- gleterre, s'exprime lui-même ainsi : « Nul ne kerroit » les mervelles kil fist, ne qui li avinrent par maintes » fois. » À Dans le poëme, quelques-unes de ces aventures sont assez gracieuses, témoin celle où nous voyons Eustache caché au haut d’un arbre imiter le chant du rossignol pour se moquer des vaines fureurs de Renaud de Dammartin. D'autres sont assez bouffonnes et assez vulgaires , soit que le pauvre messager à qui il a coupé la langue réponde uni- formément : Belu, belu, à toutes les questions qu’on lui adresse, soit que, pénétrant au festin du comte, il ne trouve d'autre moyen de fermer la bouche aux convives, la plupart ses ennemis, que de leur servir des gâteaux faits d’étoupes, de poix et de cire (1). éditeur au roi Adenez. Le style offre un caractère bien différent, et selon nous le vers : Od luy mena le roi Adans signifie seulement que le roi Louis mena avec lui Adam de Beaumont, qui était maréchal de l’armée. Nous serions bien plus disposé à l’attribuer à l'auteur anonyme de l’histoire des ducs de Normandie et des rois d’Angle- terre. Il y a des rapports frappants dans les phrases et même dans l’ortho- graphe de certains noms, tels que Genesies, Romerel, Vincenesel. Le récit de la mort d’Eustache est semblable dans la chronique et dans le poëme. Quel serait cet auteur ? Un clerc attaché à la maison de Béthune ou plutôt Guillaume de Béthune lui-même, qui fut l’un des héros des guerres civiles de l'Angleterre. Guillaume de Béthune cultivait les lettres. Voyez la notice que M. Dinaux lui à consacrée dans son intéressant travail sur les trouvères de lArtois. L (1) Cette plaisanterie d’un goût assez équivoque était, à ce que nous ap- prend le roman d'Eustache, dirigée surtout contre le connétable de Boulogne : or, ce connétable était Baudouin d’Ermelinghem. Il était de la même fa- (#48) | Cependant il ne faut pas perdre de vue qu’au fond de ces récits se révèle un fait sérieux, la résistance opiniâtre d'une race moins civilisée, moins éclairée, dont les repré- sentants se ralliaient autour d'Eustache, comme en An- gleterre ils se groupèrent autour de Robin Hood. Eus- tache, dit le poëte, guerroyait le comte, et il ajoute : .… Dura longhement la guerre D'Uistace le Moigne et dou conte. Il ne faut pas oublier non plus que ce banni, ancien pair et ancien sénéchal de Boulogne, comptait parmi ses parents et ses amis des chevaliers issus d’une même race qui, mieux inspirés que lui, avaient rompu sans retour avec les traditions des âges barbares; c’étaient, entre autres, Guillaume de Fiennes, dont le père avait suivi Phi- lippe d'Alsace en terre sainte, Anselme de Kayeu, l’un des plus illustres compagnons de Baudouin de Constanti- nople, Hugues de Belin, qui est mentionné dans la chro- nique de Villehardouin, Guillaume de Montcavrel, dont le nom occupera aussi une belle page dans le réeit de la der- nière croisade à Nicopoli. Le cœur, dit le poëte, leur sautait dans la poitrine quand ils voyaient leur cousin Eustache braver tant de dangers avec si peu de gloire, el la seule fois qu'Eustache tomba au pouvoir du comte, 1ls nulle que Humphroi d'Ermelinghem, l’ennemi mortel d’Eustache, et avait lui-même excité la haine des karls en s’efforcant de leur imposer la dime du hareng : Comes maritimos convocat. Audiens hoc turba cum turbatione respondit, numquam auditum quod halecum decimae solverentur et plus velle mori quam huic servituti subjici… Populus praeceps ad arma fuit ut monachos occiderent.. Dei tamen nutu, eos nobili viro Balduino domino de Ermelinghes, FBoloniensi conestabulo, protegente , pertransie- runt illaesi. (Chron. S. Bert., ap. Martène, Zhes. Anecd., IT, col. 665.) ( 471 ) furent assez puissants pour sauver sa vie et peut-être aussi pour le rendre à la liberté. Il était devenu toutefois impossible qu'Eustache le Moine continuàt cette vie errante et vagabonde. Plus d'aventures sur les chemins, plus d’étranges murmures sous l’épaisse feuillée. Eustache à quitté pour jamais le sol où il est né, l’abbaye où il pria, la cour où il étala son orgueil , la colline où il n’eut d'autre couche que la terre humide de rosée. Que deviendra messire Eustache? Rassurons-nous. Il a traversé la mer et chevauche fière- ment en Angleterre. Comme il a pris le costume d’un che- valier de l'Hôpital , on le salue avec respect, et personne ne l’empêche de pénétrer au palais, où il s’agenouille de- vant le roi. « Je veux vous servir, lui dit-il, je vous don- » nerai ma fille en otage. » Jean sans Terre qui avait tous les défauts de Renaud de Dammartin, fut fort heureux d'accueillir Eustache, dont la fille fut remise à l’abbesse de Wilton, et bientôt après, les braves compagnons qu’'Eus- tache avait laissés dans le Boulonnais vinrent en grand nombre le rejoindre en Angleterre. Une nouvelle carrière allait s'ouvrir à l’activité et au génie d'Eustache le Moine : c'était la mer avec ses abîmes et ses tempêtes, la mer que, selon Sidoine Apollinaire, le pirate saxon du V”*° siècle se faisait un jeu de braver sur un frêle esquif. Eustache se souvenait de Winemar de Bou- logne, qui lançait sur les flots ses barques légères et qui les conduisit jusqu'aux bouches du Cydnus. Après avoir cherché à prolonger dans les bois la sauvage indépen- dance des karls ses ancêtres, il s’inspirait des souvenirs héroïques qui nous les montrent, pour la première fois, cherchant le butin et la conquête sur ce qu'ils sphpenl poétiquement la roule des cygnes. 2"* SÉRIE, TOME IV. 92 | ( 478 ) Eustache a reçu du roi Jean trente navires avec lesquels il poursuit sur les flots tous les ennemis du roi d'Angle- terre, et parfois aussi, 1l faut bien le dire, de paisibles marchands dont le seul crime est d’être trop riches. La terreur de son nom se répand de la Meuse à la Loire, et les historiens du temps l’appellent le grand pirate, archi- pirata, magister piratarum. Il multiplie ses excursions sur les côtes de Normandie, il descend à Harfleur , il pénètre jusqu'à Pont-Audemer (1); enfin, il occupe, les armes à la main, les îles de Jersey et de Guernesey, que Jean sans Terre lui abandonne, afin qu'il ait aussi son royaume (2), mais il se choisit lui-même pour asile ou pour repaire la er (1) 11 fut aidé dans cette expédition par les marins de Romney et de Win- chelsea. C’est ainsi que j'interprète ces deux vers : Godehiere crie : Romerel. Wistaces crie : Vincenesel. Dans l'Histoire des Ducs de Normandie et des Rois d’ Angleterre, Ro- merel et Wincenesel répondent aux noms modernes de Romney et de Win- chelsea, et nous voyons en effet dans la même chronique, p. 185, qu’Eustache avait avec lui des marins de Romney. (2) Si le servi tant que il li donna les ylles de Gernesée. (Hrist. des Ducs de Norm. et des Rois d’Angl., p.167). Cf. Roger de Hoveden. Eustache le Moine paraît avoir conservé ces îles jusqu’à sa mort; car nous lisons, dans le traité conclu entre Louis de France et Henri III, le 11 septembre 1217 : De insulis sic fiet : Dominus Ludovicus mittet litteras suas patentes fratri- bus Eustachii Monachi, praecipiens quod illas reddant domino Henrico regi Angliae; et nist illas reddiderint , distringet illos dominus Ludo- vicus pro legale posse suo, per feoda et per terras eorum quae de feodo suo movent, ad illas reddendas, et si hoc facere noluerint, sint extra pacem istam. Rymer I, 1, p. 74. Il résulte de ceci que la famille d’Eu- tache avait recouvré ses fiefs dans le comté de Boulogne : or, ces fiefs rele- vaient du comté d'Artois, dont Louis de France était investi depuis quelques années. ( 479 ) | petite ile de Serk, entourée de rochers inaccessibles, d’où son æil épie les voiles qui cinglent à Fhorizon. Le roi d'Angleterre crut devoir faire davantage pour Eustache. Voulant lui faire oublier qu'il avait aidé autre- fois Philippe-Auguste à venger la mort d'Arthur de Bre- tagne, il lui offrit le domaine de Swafham, dans le comté de Norfolk, que Guillaume le Conquérant avait donné à Alain de Bretagne, et qui avait passé à son malheureux héritier. Swafham , que le Doomesday-Book appelle le ma- noir du comte Alain (1), et qui fut depuis la résidence des comtes de Richmond, formait sans doute un vaste do- maine. Cela ne suffisait pas encore à Eustache le Moine. Il reçut un palais à Londres, mais ne le trouvant pas assez beau, ni assez digne de sa. haute fortune, il le fit recon- struire, et avant que les fondements eussent atteint le niveau du sol, il y avait dépensé mille marcs d'argent. Si ce palais avait pu être achevé, il eût effacé à coup sûr Dou- vres, le château de César, Windsor, le château d’Artus. La légende populaire sur l’origine de la fortune d'Eus- tache le Moine s'était répandue sur les deux rives de la mer. Une prophétie s’y était jointe : on l’attribuait au diable, qui avait, dit-on, annoncé à Eustache, à son dé- part de Tolède, qu'il vivrait jusqu’à ce qu’il eût fait assez de mal, qu'il ferait la guerre aux comtes et aux rois, et qu'il trouverait la mort au milieu des flots. Lorsque Hugues de Boves, chassé d'Amiens, rejoignit Eustache le Moine, leur puissance devint si grande que Philippe-Auguste exigea des comtes de Ponthieu et de Bou- logne le serment solennel que ni eux ni leurs hommes ne (1) Suafha… manerium comitis Alani. (Doowespay-Boox, p. 276.) ( 480 ) traiteraient jamais avec Hugues de Boves, Eustache le Moine et les autres brigands, leurs complices (coadju- tores…. alios praedones) ; mais que, s'ils parvenaient à les arrêter, ils les remettraient au pouvoir du roi de France (1). Renaud de Dammartin était plus sincère en jurant de ne jamais pardonner à Eustache qu'en prêtant serment de fidélité au roi de France. En effet, au printemps de l’année 1212, il se rendit près du roi Jean pour se liguer avec lui contre son ancien seigneur souverain. Eustache le Moine se trouvait à la cour du roi Jean quand Renaud de Dammartin lui fit hommage, et il est même cité comme témoin, immédiatement après Hugues de Boves, dans la charte où le roi d'Angleterre promet de ne jamais traiter sans le comte de Boulogne. Rien ne put, toutefois, amener une réconciliation , et le premier usage que Renaud de Dammartin fit de son influence dans le conseil du roi Jean, fut de réclamer le châtiment exemplaire de son ancien sénéchal. Son domaine de Swafham fut confisqué (2), et l’on dirigea en même temps une expédition contre l’île de Serk, où l’on s’empara de son oncle, de son frère et de plusieurs de ses amis du Boulonais, parmi lesquels se trouve cité Raoul de Créqui (3). Sa femme avait été aussi arrêtée; sa (1) Catalogue des actes de Philippe-Auguste, par M. Léopold Delisle, p. 516. La publication de M. Delisle offre l'analyse de plus de deux mille chartes de Philippe-Auguste. Si un recueil semblable, élaboré avec la même persévérance et la même érudition, existait pour les autres règnes les plus mémorables, l’histoire et la chronologie y trouveraient mille précieuses lu- miéres. (2) Il est fait mention de la confiscation du domaine de Swafham dans des lettres du roi Jean du 93 février 1216. Trois mois après, le 21 mai, Eustache abordait en Angleterre avec l'expédition française. (5) Parmi les compagnons d’Eustache pris dans l'ile de Serk, et mentionnés ( 481 ) fille, retenue depuis longtemps comme otage, était, di- sait-on, condamnée au supplice le plus affreux, à celui du bûcher, quand le roi Jean, cédant aux prières d’un moine de l’abbaye de Saint-Wulmar, où Eustache paraît avoir conservé des amis, consentit à rendre la liberté à toute sa famille. Ce qui était bien plus important, c'était de s'emparer d'Eustache lui-même. On avait enjoint à tous les con- stables des ports de mer de ne permettre à personne de s'embarquer, et cet ordre fut si sévèrement exécuté qu'un ménestrel à la coiffe d'orfroi, portant d'une main sa vielle et son archet, de l’autre sa baguette, se vit menacé d’être jeté hors du bateau où il avait pris place : « De grâce, » calmez-vous, disait le ménestrel, vous aurez cinq ester- » lins et de plus de belles chansons. Après avoir passé cinq ans en Irlande, je retourne en France pour y boire » les bons vins de Provins et d'Argenteuil. Je sais la chanson d’Agolant et d’Aymon, celle de Blanchandin » et de Florence de Rome. » Il parlait si bien qu’on l’écouta; mais la vue des flots menaçants l’empêcha de chanter pendant la traversée. A peine avait-il abordé à 2 LA dans Les Rotuli litterarum patentium , on remarque aussi : Taffin de Tuber- ville (Tubersent?}), Pierre de Carmer (Camiers?), Tasin de Bauchukeham (Bouquehout?), Gyles de Freisnes (Fressènes ?), Enguerrand de Vreci (Versy?), Gérard de Fanques (Frencq? ), Huet de Badom (?), Isaac de Wilre (Wierre?), Baudouin d’Alvington (Alincthun?), Baudouin de Werchin, Arnould d’Azin- court, Albéric de Brunesverd ( Brunesbergh où Brunembert?}, Guillaume de Tournehem , Acius (Hacket?) de Tréport, Adam de Balinghem, Bertin de Wertlinghem, Henri de Pindee (?), Michel de Candelhers, Tilfrid de Tingate, Pierre de Hardelo, Guillaume de Candlo, Henri de Fauquemberghe, Radulf de Guines, surnommé le Chien. Eustache le Borgne, qui y figure aussi, est sans doute le fils d'Eustachius Strabo, qui signa une charte du comte de Guines en 1174, (Duchesne, Maison de Guines, p. 127.) ( 482 ) Calais que, se jetant aux piéds du roi Louis, comme les barons insurgés appelaient le fils de Philippe-Auguste ; il lui remit dans un coffret une lettre où Eustache le Moine sollicitait un sauf-conduit : « Qu'il vienne, s'écrie le jeune » prince, »—« Il est déjà ici, c'est moi qui suis Eustache » le Moine », a répondu le ménestrel, et le roi futur d’An- gletérre lui fait grand accueil, ajoutant, toutefois, que, courageux et habile comme il l’est, il devrait désormais mener une meilleure vie. Peu de temps après, Eustache le Moïne réunissait une flotte de six cent quatre-vingts navires, qui transporta au promontoire dé Thanñet toute Péxpédition française Il avait pris place avec l'archevêque d'York sur le même navire que le fils du roi de France. Il était l’an de ses con- seillers, et ce füt à son avis que Louis recourut, dans un moment où toutes ses communications se trouvaient rom- pues avec son armée. Le plus souvent, néaniioins, 1l parcourait là mer < comme chil qui moult en savoït (1}», ét l8 jour où il enleva là flotte de Boulogne, il eut la joie de se venger uue fois de plus de son ancien seigneur, Renaud de Dammartiti. Il n’avait plus rieñ à redouter de lui : Renaud de Dammartin, fait prisonnier à Bouvines, devait mourir dans sa captivité, après y avoir passé treize années. Cependant Eustachie le Moine, triomphant dañs toutes ses tentatives, exaucé dans toutes $es colères, ne profilait pas des sages conseils de Louis de France; car Philippe- Auguste disait au légat du pape, qui voulait se rendre en Angleterre : « Nous vous donnons volontiers un sauf-con- (1) Æist. des Ducs de Norm. et des Rois d’Angl., p. 167. ( 485 ) » duit; mais si vous tombez entre les mains d’'Eustache le » Moine, nous ne répondons plus de vous (4). » Tant d’endurcissement devait enfin être puni, et comme le dit le poëte : Nus ne puet vivre longhement Qui tos jors à mal faire entent. Le 24 août 1217, Eustache le Moine quittait, avec Ro- bert de Courtenay, petit-fils de Louis le Gros, le port de Calais, où Blanche de Castille, inquiète de la défection d'un grand nombre de barons anglais, avait réuni trois cents chevaliers pour porter secours à son époux, et Dieu sait quels sacrifices elle ne s'était pas imposés, puisqu'elle avait déclaré qu’elle mettrait en gage, Si elle trouvait des créanciers trop inexorables, un enfant de deux ans qui fut depuis le roi saint Louis. La situation des Français au delà de la mer était devenue fort précaire depuis que les barons du parti du jeune Henri IT se préparaient à assiéger Londres, et c'était à Eustache le Moine que Blanche de Castille avait remis le soin de sauver la capitale menacée ; mais, selon la chronique de Walter d'Hemingford , son ambition , enflée par les conquêtes qu'il avait déjà faites, lui avait inspiré le dessein de soumettre à son propre pouvoir toute l’Angleterre (2). Par malheur, le vent écartait ses vaisseaux des bouches (1) Matth. Paris, éd. Wats, Londres, 1644, p. 195. (2) Cum multa loca suo subjugasset imperio, tandem anhelavit ad re- gnum Angliae conquirendum. (Walt. Hemingford.) Un chroniqueur ano- nyme se borne à remarquer que les Français -se confiaient moins dans leur force que dans les sortiléges de ce moine apostat, « kar trop de nigromaunce » savoyt. » ( 484 ) de ja Tamise en les poussant vers les rochers du rivage, et à mesure qu'ils s’en approchaient , les marins des Cinque- Ports, qui devaient au roi Jean tous leurs priviléges, mau- dissaient celui qui naguère avait combattu avec eux sous la même bannière. « S'il aborde dans ce pays, disaient-ils, » 1l dévastera toutes nos campagnes. » Bien que les na- vires dont ils pouvaient disposer fussent moins nombreux que les siens, ils résolurent de l’attaquer. Quelques sei- gneurs se Joignirent à eux : c'étaient Richard Fitz-Roy, Hubert de Borgh et Philippe d’Aubigny. Pour mieux faire réussir leur entreprise, ils avaient armé leurs barques d'éperons de fer qui devaient percer celles de leursennemis, en même temps qu'ils leur lanceraient dans les yeux un nuage de chaux vive. Quelques-uns disaient bien que tous ces elforts seraient inutiles, qu'Eustache avait appris la magie en Espagne, et qu'au moment du péril, il disparai- trait sous les flots; mais un vieux marin de Sandwich, qui avait longtemps combattu avec lui, rassurait ses compa- gnons en leur disant : « J'ai appris de lui le secret de ses » ruses et de sa magie; je sais le moyen de le vaincre, et » je suis prêt à donner ma vie pour y parvenir.» La mêlée s'engagea : elle fut terrible. Les flèches et les arbalètes commencèrent ce qu'acheva le poignard ou la lance, et plus d’un malheureux poursuivi par le fer se précipita dans les flots pour y trouver une fin moins cruelle. Eustache espérait encore s'échapper. A défaut d'autre arme, il avait saisi un aviron avec lequel il assom- mail quiconque osait l’approcher. Cependant le marin de Sandwich avait invoqué saint Barthélemy dont on célé- brait ce jour-là la fête, et saint Barthélemy, disait-on, lui était apparu pour le soutenir et l’encourager. Dès ce mo- ment, Eustache ne résista plus. En vain chercha-t-il à se ( 485 ) cacher ; en vain eut-il recours aux prières : le vieux pilote de Sandwich lui trancha la tête. Plus tard, quelques chro- niqueurs erurent toutefois devoir faire honneur de cet exploit à Richard Fitz-Roy, qui était fils de Jean sans Terre et de la comtesse de Warren, issue elle-même dela maison royale d'Angleterre. La place qu'occupe la mort d'Eustache le Moine dans les récits contemporains nous fait comprendre toute l’im- portance du rôle historique qu'il remplit pendant sa vie. Tandis que les historiens français louent son courage et rapportent que Louis de France fut plus affligé de sa mort que de la défaite de son armée à Lincoln (1), les histo- riens anglais se plaisent à raconter que la tête du traître, placée au bout d’une pique, fut promenée dans toutes les provinces de l’Angleterre (2). Aujourd'hui encore, on montre au voyageur l'endroit où les habitants de Sand- wich construisirent une chapelle en l'honneur de saint Barthélemy, et pendant longtemps une procession solen- nelle s’y rendit chaque année pour perpétuer le souvenir de cette victoire. $ Si, dans la première partie de cet épisode, Eustache le Moine s’est montré le dernier représentant des karls dans les forêts du Boulonais, nous pourrions, après avoir retracé ses pirateries et sa mort, l'appeler aussi bien le dernier des rois de mer. (1) Rigord l'appelle : miles tam mari quam terra probatissimus. D'après la chronique manuscrite de Henri de Silegrave, il était le chef et le prince des barons de France. (2) Walsingham, pod. Veustriae. ( 486 ) Voorurreanc. — Poésie par M. J. Nolet de Brauwere van Steeland, associé de l’Académie. Le progres vous a dit : Je marche, et le monstre marche en effet. Cu. Nonise. .‘k Behoor niet tot de school Mijn-tijders en Betweters, Neenknikkers, oud-gepruikte droomers van iets beters Dan ’t geen bestaet : Zi]j die, met slecht bedwongen spijt, Terugzien op ‘t verleën, dien goeden ouden tijd; | Die, willens stikziende in eene eeuw 200 rijk aen vinding Als de onze, en hoorend-doof, zich de oogen slaen tot blinding En de ooren stoppen, waer een juichend nageslacht De wondren roemt, door nijvren kunstzin uitgedacht; Die, pruilende in hun hoek, met onverduldig kniezen, De logge trekschuit voor het vlugge stoomschip kiezen, De ontwielde sleepkoets of den stapvoets-draegstoel, voor Den trein, snel stuivende op den rug van ’t gladde spoor; Ja, waer de gasvlam ’t licht der zonne doet herleven, Dat licht verwenschen en hardnekkig blijven kleven Aen de oordjes-vetkaers of de walmende oliepit. — Maer ook, ik rangschik mij niet in het bentgelid Der jabroërs, pasgebroekte en jonge hekkespringers, : Verwaende alweters, onbesuisde geesthedwingers; Zij die, gewapend met de klapzwcep der kritiek, Orakels kramen voor den neus van ’t braef publiek, En, de onderlip gekruld ten spotlach, met misprijzen Op d’afgelegden tooi der Vaderen verwijzen Als op iets mottigs, waer geen christenziel meê prijkt : Maer, zoo hen niemand naer de kromme vingers kijkt, Met d’ afgetornden rok hunne arme plunjes lappen, En, fiere banjerds, met geleend pakkaedje stappen, Als hadden ze, arenden, alléén ‘t genie in pacht (487) Voor hun privaet gebruik, en ware ’t voorgeslacht Een portie uilen, goéd om in ’s Lands kabinetten, Verdroogde lorren;, achter ’t glasraem op te zetten; Zij die, met Duimpjes zevenmijlsche laerzen aen, De schenkels wijd uit-éen, op hooge stelten staen, En, bij vooruitgang, beenen maken van waer-ben-je! « ’k Weet alles! » heet het thans : « Wat weet ik? vsprak Montaigne; Doch tusschen al of niets, vooruit of achteruit, Loopt vast een midden dat het ware voetpad duidt. Neen, zonder ‘t jong geslacht niet meer dan de ouderwetschen Te kort te doen, of in hun eergevoel te kwetsen, Zoo trek ik de eenen even min als de andren voor. ’k Hou noch van kreeftengang, noch ook van hazenspoor, En ’t uiterst kiezen schijnt mij altoos ondoelmatig. Den gulden middenweg bewandlen heet ik batig. In ’t honderd uitgepikt bewijze een voorbeeld ’t flus : God schiep het menschenpaer in naturalibus, Hetgeen vernederduitscht wil zeggen : naekt als pieren. Zoo lang nu ’t onschuldwaes dit oirkleed mogt versieren, Was ‘’t fraei en wel; maer toen de gulzige appelbeet Den toover wegblies van het ingebeelde kleed, En de eerste onnoozelheid door schaemte was vervangen, Werd ’t needrig vijgenblad ten voorschoot aengehangen. Vooruitgang heeft zich met dat vijgenblad gemoeid, En ’t is in lengte en breedte allengs gegroeid, gegroeid; Gerekt, gezwollen en gedijd, tot dertig ellen Satijn, met even zoo veel kant er om! ’t Voorspellen Valt zwaer, hoe en wanneer die kunstgroei staken zal. Schreeuwleelijk vindt gij ’t monstertuig, romantisch mal ‘En peperduer daëerbij; maer toch zal ’t niemand wagen *t Klassiek oorspronklijk blad des vijgenbooms te dragen, Om bloot te staen aen koude, aen boete en straetgejouw? Denk niet dat ’k zinspeel op de hedendaegsche vrouw, Nieuw slag van Evas, die God weet wat appels proeven, ( 488 ) Waervoor ze (in eer en deugd!) een vijgenblad behoeven Van dertig ellen! Neen, maer ’k wil u doen verstaen, | Hoe ’t beter is bedaerd op ’t middenpad te gaen, Dan op veel ruimer spoor het uiterste aen te kleven : Onbevooroordeeld hier wat nemen, daer iets geven; Verlengend ’t vijgenblad, bekortend de ellemaet, Een kleed zich snijden dat niel al te opzigtig staet, Maer past, wat achteruitgang roeme op vlek en scheuren, En woest vooruitgaen stoffe op kakelbonte kleuren. | Vooruitgang! Magtspreuk, stop- en wachtwoord onzer eeuw, Ik deel niet in ’t geroep, straks algemeen geschreeuw, Van hen die u, bij hoog en laeg, ten troonstoel tillen; Maer vraeg mij dikwerf af waerheen de snorkers willen Die, met den stormhoed op, en waterlaerzen aen, Trompetten blazen en vooruitgangstrommel slaen ? Of boven ’t schel getoet en oorendol geroffel, Het niet verkieslijk ware in slaepmuts en pantoffel Te steken, en in groot-papas purgeerjapon, Vroome oudheidsdragt, waerin men soms veraedmen kon? Ook stel ik mij de vraeg en wilde ’t gaerne weten, Of al dat voorwaerts spoën vooruitgang juist moet heeten, En ’t achterwaerts bij tijds precies geen voorwaerts is? Men hoede zich voor slecht begrip en ergernis, En wijte mij noch woordenspel noch valsche stelling; Doch zie, het komt mij voor als gleden we op de helling, Die voert tot stoffelijk en zedelijk verval. … Waer ‘t dient bewezen, schaer ik gauw een rond getal Van verzen in ‘t gelid, gespitst ter proef en staving. Het schijnt me ontwijfelbaer : Vooruitgang won beschaving, Beschaving won verwijfdheid, en verwijfdheid bragt Verval. Dat loopt van ’t eene op ’t andere geslacht, Als ’t evangelie van Mathæus saémgeschakeld, Tot onzen tijd. Verslapt, ontzenuwd, afgetakeld En knikkend op de dunne beentjes staen wij daer, ( 489 ) Verarmde dwergenteelt, in ‘t aenzien eener schaer Van Vaedren, sterk gespierde en kloek gebouwde reuzen, Wier vrienden-handdruk ons de vingeren zou kneuzen; Wier louter kugchen ons deed wagglen; wier genies Ons als een kaertsoldatenspel omverre blies; Wier zware goedendags, rapieren, aksen, beukels, Ontilbaer liggen voor onze uitgeteerde kneukels! — Maer ook, zie eens dat plompe en ruwe voorgeslacht, Zoo onbeschaefd als groot, op ’t veld in ligchacmskracht Gevefend, en gesterkt door zuivren drank, en spijzen Waeraen geen Stas een sittepitje kon verwijzen! En wij? Beschaving zong een ander licdje ons voor : Wij kwijnen liever in de stiklucht van ‘t kantoor, Den neus op ‘t groot-boek, in een cijferberg verslonden. Vooruitgang heeft daerbij een kookseltje uitgevonden, Waeraen de scheikunst hare ondeugende offers brengt, En z00 veel movrdend gift in spijs en drank vermengt, Dat ’t om omver te vallen is van louter schrikken, Bij ’t hooren-noemen slechts van ’t geen wij daeglijks slikken Aen vuilen, viezen kost. De maeg van Mithridaet Ware ontoereikend ter verduwing van dat kwaed. Toch wenschen we ons, stout-weg, geluk met fracijer tijden Dan de oude, en willen we in vooruitgang ons verblijden, AI liggen we aen zijn’ boeï ook nog zoo vast verslacfd ; A1 zijn wij zoo beschaefd, geschaefd, ja zelfs verschaefd Tot snippers, dat het aeklig is om aen te schouwen. O konden we eenmael ons naer willekeur herbouwen, Verbakken in den vorm van ’t vaderlijke ras! Een weinigje achteruit kwam bij het deeg te pas. Of we op het zedelijk gebicd wel veel meer deugen Dan ’t voorgeslacht, ik wil mij gacrne er in verheugen Zoo *t mij bewezen wordt; doch ’t schijnt mij ver van daer : In vroegere ceuwen zie *k eene ongelikte schaer Van dieven, moordenaers, brandstichters, maegdenroovers, En wat ge al meer nog wilt daerbij. Voorwaer, iets grovers ( 490 ) Is nooït gehoord! — Maer ’t was de mode van dien tijd. . Door misbruik wettig, scheon ’t voor ’t minst een eedle strijd : Zijn’ buerman openlijk naer de eeuwigheid te sturen. Daer lag iets ridderlijks in de aekligste avonturen Dier oude banjerds; ’t feit geschiedde stout en fier, Bij helder daglicht, met geheven helmvizier, En poëzij geurde uit den schoot der hoofdgebreken. Vooruitgang oefende ons in al die booze streken, Doch zonder poëzij. Tot kleiner schael verfjnd,, Verkinderd en-verlamd, in lijf en ziel vergrijnd, Hoe we ons polijstten aen beschaving en ons wreven, De oude- Adam ging niet af : de mensch is mensch gebleven. t Is waer, onze ondeugd praelt niet meer in ’t open veld; Bij maegdontvoering plegen wij geen driest geweld, Te viervoet in den zaël, met dreigend staelgeflonker : . Voorzigtig knijpen wij de katjes in den donker, Op wollen zokken, in ’t geniep, als ’t niemand ziet. * Is waer, wij wagen ons aen stouten plonder niet; Wij rooven niet in ’t groot : wij stelen, wij ontfutselen Het erf des naesten, door een harrewarrend knutselen Van regt.en onregt,.en wij eignen ons zijn deel, Het wetboek in de hand, bij nijdig pleitkrakeel. ’t Baenstroopersambacht is voorzeker niet zoo veilig Als vroeger; maer wij gaen ter Beurs : de Beurs is heilig! Wij moorden ’t ligchaem niet : wij wurgen thans de ziel; Niet slaende in ’taengezigt, maer prikkende in den hiel, Laeghartig, onverdacht, sluw in den rug gegrepen, Hier met een slinkschen douw, en daer met valsche knepen. — Z6o stappen wij vooruit! Zulk konterfeitsel bragt Beschaving aen, van ’truw, rondborstig voorgeslacht! Indien wij dit verval vooruitgang durven heeten, Dan is het om er bij te huilen en te zweeten. | 'kZwijg van regeerkunde-en van hooge politiek. AI maekt heur misselijk vertoog het harte ziek, ( 491 ) Voel ik mij niet bevoegd ’s Lands wip-wap aen te roeren. Toch, bij het zien van al de vreemde tuimeltoeren, Halsbrekerssprongen, op de smalle plank verrigt, Wensch ik haer sterkte en onverbroken evenwigt; En mogt ik, ongevracgd, cen’ goeden raed hier geven, Dan prees ik stilstand, waer vooruitgang mij doet beven! Wat blijft nog over? Ja, de kunst, de wetenschap, De letteren. Zij deden vast een’ grooten stap Vooruit; fier mogen wij Canova, Rubens roemen : Maer de oudheid weet meteen’ heur meesters op te noemen, En toont dat zij z06 arm, z00 onbegaefd niet was Met Milo, met Praxiteles of Phidias; | Met middeleeuwsche prael op trotsche spitsrondbogen, Waer onze bouwkunst zich verbijt aen ijdel pogen, En niets verhevens sticht dat tot de ziele spreekt Of ’t koekoek-één-zang van ’t vervelend lijnregt breekt. — De wetenschap? Zij weet zich netjes op te knappen : Hoe vaek verstellen wij ons zondagpak met lappen, Ontvreemd aen Grieksche of aen Romeinsche wijsheidsdragt, Bij hoop collaties en citaten, aengebragt Tot hooggeleerd bewijs hoe leelijk we ons vergisten, En de oude paeiïjen juist dat alles beter wisten? Maer dan de letterkunde? Eene onbedachte vracg Voorwaer, en vat ’k mij-zelf ongaerne bij den kraeg, Toch zij ’t rond-uit én gul bekend : Wij, arme jongeren, Wij moesten aen den uitgevasten geest verhongeren, Bij schotels, waer m'in ’t nat naer schrale brokken vischt, Wierd ons geen sterkend mael door de Oudren opgedischt. Ons ongerezen deeg doen we in vooruitgangsoven Ten halve bakken of tot harde korst verstoven, Kieskauwend peuzlend aen een onbekookt geregt, Niet gaer of wel verbrand, en altoos even slecht. Zie hoe de voorzact op den arbeid zat te broeijen Een’ leeftijd lang, en ’t parkementenblad deed groeijen ( 492 ) Tot folianten, onverslijtbaer, breed en dik, : Aen onzen arm te zwaer, ons beuzlend brein ten schrik! Meet, durft gij, t reuzenwerk aen al die rommelzoodjes Van prultraktaetjes en klein-duodecimotjes, Gauw, gauw aen-een geflanst, gedrukt op flutpapier (Dank zij der mekaniek!), goed voor den kruidenier, Maer onbestand om tot het nageslacht te raken; En zeg dan'of, aen al den schijnspoed dien wij maken, Al ’t hacstig drentlen, al t gekrabbel en ’t gekras, Een schreedje ruggewaerts niet ver verkieslijk was? Verkieslijk? Zeker; doch met oordeel, en bescheiden Het voetpad inslaende als gemeten tusschen-beiden : Geen toomloos voorwaerts, ook geen vlugtend achteruit! *t Is op dien middenweg dat ik mijn’ zang besluit. Onze ouders hadden, ja, hun feilen, hun gebreken : Wij hebben de onze, en zijn er niet van vrij te spreken, Al trekken wij ook nog zoo’n scheef en vroom gezigt, Beschaefd geveins, door valschen ootmoed toegelicht, En tecknen dragend van verval en zedeontbinding. Wie onzer, in eene ceuw bij uitstek rijk aen vinding En stoflijk welzijn, aen vooruitgang mouwen past, Waer ’t tooverend genie den tijdgenoot verrast Met wonderschepping van werktuiglijk kunstvermogen, ’k Verheerlijk iedren vond, ik juich elk edel pogen Van harte toe, en zelf geef ik het voorwaertssein. Doch waer we op t zedelijk maetschappelijk terrein Vooruitgangswieken slaen met magteloos geflodder, Door dik en dun, tot over de ooren in den modder, Bij zelfverminking en bedreigd verval van kracht, Daer roep ik : achteruit! en keer tot ’t voorgeslacht. Daer wil ik aen gerijpter geest van vroeger dagen, Bezadigd overleg en ondervinding vragen, Opdat de nazaet, beurtlings ook onze erfgenaem, Den bocdel niet verwerpe en onzer zich niet schaem'! De toekomst wacht : Eens daegt het thans zoo jeugdig heden. (495 ) Zelf op als oudheiïd, uit een schemerend verleden ; Eens staen we in eigen schoot omwolkt, versteend, vergrijsd. Wat nood? Zoo ‘’t nageslacht met eerbied op ons wijst, De dankbaerheid in ‘t harte, en met ontdekten hoofde Den erfschat toont, dien het den Vaderen ontroofde Bij ’t fakkellicht dat hem ’t genie in handen gaf? ’k Zeg Amen, en getroost trecd ik den spreckstoel af. — Après ces lectures, M. le secrétaire perpétuel a donné connaissance des résultats du dernier concours. (Voir pag. 582.) 2"® SÉRIE, TOME 1V. Si 1 (494) CLASSE DES BRBEAUX-ARTS. Séance du 7 mai 1858. M. G, GEers, directeur. M. Ad. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, De Keyzer, F. Fétis, Navez, Roelandt, Suys, J. Geefs, Érin Corr, Snel, Par- toes, Baron, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, membres ; Ca- lamatta, Daussoigne-Méhul, associés. MM. d'Omalius d'Halloy, président de l’Académie, et Po- lain, membre de la classe des lettres, assistent à la séance. Lanmeresrsnee" } CORRESPONDANCE. eee M. le Ministre de l’intérieur informe l’Académie que M. Demol, lauréat du grand concours de composition musicale de 1855, s'occupe des compositions qu'il devra envoyer au Gouvernement, travail qui l'empêche de faire un rapport plus détaillé. M. le Ministre transmet en même temps un premier rapport de M. Benoît, lauréat du grand concours de com- (495 ) position musicale de 4857. L'auteur demande de n’adresser son rapport qu'à son départ de chaque grande ville, au lieu de faire un envoi trimestriel. MM. Fr. Fétis et Snel appuient cette demande, mais en insistant pour que le lau- réat envoie aussi des compositions lyriques. — Le Gouvernement désire connaître l’avis de l’Aca- démie sur une requête de M. Fierlants, qui sollicite son appui pour pouvoir reproduire, par la photographie, les principaux tableaux flamands de l’école gothique. (Com- missaires : MM. Navez, De Keyzer, Alvin, Éd. Fétis et Érin Corr.) — M. Quetelet donne communication d’une lettre qu'il a reçue de M. Donaldson, associé de l’Académie : « J'ai eu l'avantage de voir, l’année dernière, votre expo- sition des beaux-arts, dit l’éminent artiste anglais, et j'ai _ à vous féliciter de l’état de vos écoles et des grands ar- listes qui lui font honneur. J’ai été frappé du mérite d’un grand nombre de vos tableaux et des objets de sculpture : il y a tant de rapport et d'accord à l'égard du goût de nos deux nations, que je désire avidement que vos artistes se décident à envoyer de leurs productions à notre expo- sition de l’Académie royale des beaux-arts (1). Je suis sûr qu’eiles produiraient une vive sensation, et que les ar- Listes trouveraient des amateurs qui ne seraient que trop heureux de les posséder. Il y a une exposition à part, à Londres, pour l’école française, qui a beaucoup de succès, et l’on y vend grand nombre de tableaux à des prix con- - (1) Notre exposition s'ouvre le premier lundi du mois de mai de chaque année, ( 496 ) sidérables. Pourquoi ne pas aussi établir une exposition des beaux-arts belges ? » RAPPORTS. M. Fr. Fétis avait présenté, dans la séance précédente, un mémoire sur la question de savoir si les Grecs et les Romains ont connu l'harmonie simultanée des sons. Les commissaires désignés étaient MM. Snel, Baron et Van Hasselt. M. Baron donne lecture de son rapport, entière- ment favorable à cet important travail. L'Académie atten- dra le rapport de ses deux autres commissaires pour porter un jugement définitif. COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Baron entre dans des détails historiques sur les tra- ductions en vers de l'Art poétique d'Horace, tour à tour attribuées au marquis de Sy et à M. Poupar, et sur l’opus- cule auquel ces traductions ont donné lieu : cet opuscule a été publié à Londres avec beaucoup de goût et d'élégance typographique, par M. Baron et M. Sylvain Van de Weyer, membre de l’Académie, et ministre plénipotentiaire de S. M. le Roi des Belges à Londres. (497) Notes sur JÉRÔME Van AEKEN, dit Boscu, peintre et graveur, et sur ALARD DU HAMEEL, graveur et architecte, à Bois- le-Duc; par M. Alexandre Pinchart, attaché aux Archi- ves générales du royaume. C'est pour donner quelque retentissement à une rectifi- cation qui intéresse l’histoire des arts que je m'adresse à l’Académie. Les Bulletins de ses séances sont plus répandus que n'importe quel recueil de notre pays, et j'ose espérer que cette savante Compagnie voudra bien y insérer ces trois ou quatre pages. En 1842, M. Immerzeel publia le 4* volume de son ou- vrage intitulé : De Levens en Werken der kunst-schilders, etc. A l’article qu’il consacre à Jérôme Bosch (1), il donne la date de la mort de ce peintre d'après une note extraite d’un registre de la confrérie dite Jllustre Lieve-Vrouwe broederschap, à Bois-le-Duc, et qui, selon lui, est ainsi conçue : Hieronymus Agnen, alias Bosch, insignis pictor. Depuis lors et grâce au livre de M. A. Michiels, Histoire de la peinture flamande, dont le tome IT (2) parut en 1845, le nom de Jérôme Agnen, dit Bosch, fut accepté comme étant celui de l'artiste créateur du genre trivial ou bur- lesque dans les Pays-Bas. Ensuite vinrent le Dictionnaire des peintres, de M. Siret (1848) (5), le Catalogue du Musée d'Anvers, de M. de Laet (1849) (4), etc., qui reproduisi- rent la version de M. Immerzeel, et qui aidèrent à la pro- (1) Tome I, p. 77. (2) Page 585. (3) Page 91. (4) Page 47. =. * ( 498 ) pager en France (1), en Italie (2) et en Allemagne (3). Dans un registre des Archives du département du Nord, à Lille, qui porte le n° F. 190 de la chambre des comp- tes (4), se trouve consigné le passage suivant, lequel relate un payement fait par ordre de l’archidue Philippe le Beau au mois de septembre 1504 : « À Jéronimus Van Aeken, dit Bosch, paintre, demou- » rant à Bois-le-Duc, la somme de xxxvi livres, à bon » compte sur ce qu'il pourroit estre deu sur ung grant » tableau de paincture, de 1x pieds de haut et de x1 pieds » de long, où doit estre Le jugement de Dieu, assavoir » paradis et enfer, que Monseigneur avoit ordonné faire » pour son très-noble plaisir. » | En lisant ce passage, qui ne laisse aucun doute sur lin: dividualité de l'artiste dont je parle, je cherchai à le con- cilier avec la note découverte par M. Immerzéel, et je conclus qu’il y avait là uné faute de lecture. Je m'adressai à M. Van Zuylen, premier employé aux Archives de la ville dé Bois-le-Duc, pour le prier de vérifier la mention du décès de Jérôme Bosch. Sa réponse fut conforme à més prévi- sions. Voici le passage tel qu'il se trouve dans le registre (5) (1) J: Renouvier, Des types et des manières des maîtres graveurs, etc.; Montpellier, 1858; XVI®° siècle, p. 144. (2) Vasari, Le Vite de’ più eccellenti pittori, etc., édit. de Florence, t. XIII (1857), p. 151, note 5. (5) Keller, Praktisches Handbuch fur Kupferstichsammiler ; 1850, p. 78; —R. Weigel, Catalogue de la collection de gravures d’'E.-P. Otto; Lpaes 1852; p: 1. (4) Fol. 1° xxx v°. (5) Les registres de la confrérie nommée l’Jlustre Lieve-Frouwe broe- derschap appartiennent à la société dite et provinciaal Genootschap van kunsten en wetenschap in Noord-Braband, à Bois-le-Duc. Je publierai les ( 499 ) qui à pour titre : Nomina decanorum et preposilorum : « Obilus fratrum. A° 1516. Hieronimus Aquen ais Bosch insignis pictor. » Tous les noms qui sont inserits dans ce registre ont ce- pendant été publiés avec exactitude dans un recueil im- primé en 1841 (1), et par conséquent antérieurement à l'apparition du livre de M. Immerzeel. Une autre indication que m’a envoyée M. Van Zuylen, et qui est extraite d’un volume intitulé : Register der namen ende wapenen der heeren beeëdigde broeders s00 geestelyke als wereltlyke van de Illustre Lieve-Vrouwe broederschap, confirme et le nom de Van Aeken et la date de 1516. Au fol. 76, on trouve le contour d’un écusson dont le champ est vide, avec ces mots au-dessous : Hieronimus Aquens. alias Bosch seer vermaerd schilder. Obüt. 1516. (2). Enfin le nom de Jérôme Van Aken (sic) se rencontre encore dans un compte de la confrérie de 1498-1499. L'erreur de M. Immerzeel est donc évidente, et il est constaté que l'artiste qui à été connu jusqu'en 1842 sous le nom de Jérôme Bos, Bosch ou Bosche, s'appelait Van Aeken, et qu’ilest mort en 1516, au lieu de 1518. Cette différence de deux années est peu de chose, je le reconnais volontiers, mais une fausse date est souvent l’origine de diverses suppositions, et, par conséquent, d'erreurs nou- velles. On voit, en outre, par les expressions des notes que J'ai rapportées, que la réputation du peintre était fort —————__—_— textes des notes qui sont extraites de ces volumes dans mes Archives des arts, des sciences et des lettres, t. 1“, \ 46. (1) Hermans, Hengelwerk over de provincie Noord-Braband, U®* part., p. 159. (2) Zbidem, p. 129, ( 500 ) appréciée de ses con@itoyens et qu'ils en tiraient vanité. Plusieurs autres renseignements que je dois également à l’obligeance de M. Van Zuylen me font rejeter entièrement: l'opinion d'un séjour prolongé de l'artiste en Espagne (4), où existaient, au XVI" siècle (2), et où existent encore un assez grand nombre de ses meilleurs tableaux (3). Ces do- cuments établissent que J. Bosch était déjà connu comme peintre et qu’il vivait à Bois-le-Duc en 1488 (4); il n’a pas quitté cette ville jusqu’à sa mort, puisqu'on le retrouve mentionné dans des comptes de 1493-1494 (5), 1498- 1499 (6), 1504 (7), 1508-1509 (8) et 1511-1512 (9). A cette dernière date il dessine pour la confrérie le Los d'une croix qui lui est payé 20 sous. Pour m'’assurer si Jérôme Van Aeken n'était pas un étranger, J'ai fait des recherches dans les comptes des sous- écoutètes de Bois-le-Duc, aux Archives du royaume, où sont transcrits annuellement les noms des personnes qui ont obtenu le droit de bourgeoisie. L'absence du sien dans ces listes est une preuve qu’il est natif de cette ville, dont (1) P. de Madrazo, Catälogo de los cuadros del real Museo de pin- tura , etc.; Madrid, 1845 ; P: 95; — A. Siret, loc. cit.; — Court, Catalogue des tableaux du musée ss Rouen: loc. cit. (2) J. de Siguença, istoria de la orden de San-Gerônimo; Madrid, 1605; t. III, pp. 857 à 841. (5) P. de Madrazo, loc. cit.; — Ponz, Viage de España ; Madrid, 1776; passim:; — Cean Bermudez, Diccionario historico de las bellas artes en España, 1. 1°, p. 172. (4) Compte de la confrérie citée de 1488-1489. (5) Compte de la confrérie citée. (6) 4rchives des arts, des sciences et des lettres, t. I", \ 46. (7) Registre n° 190 cité. (8) Compte de la confrérie citée. (9) Compte de la confrérie citée. ( 501 ) il a pris le nom pour signer ses œuvres. On lit dans un de ces comptes (4) qu'un certain Laurent Van Aken (sic) fut reçu bourgeois à Bois-le-Duc en 1464. Je crois inu- tile de relever ici une des mille erreurs commises par M. Viardots qui classe Jérôme Bosch parmi les peintres de Westphalie (2). J'ai vainement recherché quelles étaient les preuves sur lesquelles les auteurs qui se sont occupés de l’histoire des arts s'appuyaient pour la date de la naissance de ce célèbre peintre. Descamps (5), qui a accumulé et inventé tant d'erreurs, la fixe à l'année 4450. D’autres écrivains en plus grand nombre la reportent à 1470 (4), je les crois plus voisins de la vérité. Huber et Rost (5), M. Heller (6) et M. Ch. Le Blanc (7) vont même jusqu’à la rejeter à 1498. Van Mander (8), Campo Weyerman (9), etc., ne se pronon- cent pas. Quoi qu'il en soit, Bosch n’a pu peindre, ni en 1450 (10), ni en 1522, comme l'ont avancé les estimables auteurs de l'excellent Catalogue du Musée d'Anvers (11), 2 (1) Registre n° 15005, 18. (2) Les Musées d’Espagne; Paris, 1852; p. 79. — Les Musées d’ Alle- magne ; Paris, 1852; p. 320. (3) La Vie des peintres, édit. de 1755; 1. 1°", p. 19. — Alexandre, Cala- logue des tableaux vendus à Bruxelles de 1773 à 1803, p. 61, reproduit cette date, et fixe la mort de l'artiste à l’année 1512. (4) Immerzeel, loc. cit. (5) Manuel des Amateurs de l'art; 1801; t. V, p. 69. (6) Zoc. cit. (7) Manuel de l’Amateur d’estampes , t. Ie", p. 468. (8) et Leven der schilders. (9) De Levens-Beschryvingen der nederlandsche Konst-schilders. (10) Annotation manuscrite d'une gravure de la collection de la Biblio- thèque royale. (11) 1857, n°41, p. 42. Zani, Enciclopedia delle belle arti, t. FV, 1" “Er DATE UE L'ONSE ET | 4 ' d. rue : e , à in re À ' : L % < CAE et U \ ' jee 11 > ” EF À | ; " NET s ÿ : Di Past | L m" x NEO TES mn UE Le ur MUR des L, LU ET bus NUE DE 78 st DANETONE ra At san fs: à) QE DENT pe { 1 D » LU Les RTE NET 2 ni? ns uit {lu s AT CET 5 ne 14 2 ‘Us TL k ! ? 1 » | û 9 MA: : ‘ PTIT 524 D MAL eee re peur sa fes ia al LCA RP COPCE D, na * MOTTE : A ne x F e _ oc ? ee d ” . ni û x { Ne : | à 7 * j à x x r $ TEE EE RATS ee t : Ù à Ÿ : \ n > Ÿ w > | « … )] L LA À æ iT E “+ — L Eh te x Fs sl £, fe L \ n 5 r k ; 7 Ne LU * ; 3 à 4 , À = ei ” ; RSI ENQU ES art f } (4 G ; DR MT AN 7 EN Le Ç & 2 * LEE , LUE fe GAS Mis} ; k £ 0 K y ' 1 É à vs - 2 . 14 1° k è à 4 A J L ù [ [= +. ï VA A Et * à ananas Ha nil PA? AE “ p | Cm ‘ “ k \eeur WTA ÿ a ÿ Sa fi, 4 eee a, « Le Ÿ À 5 ] Ô à ù g 2 ; ‘7 # ER 7 E a Do à + 17 4 Va ) # È J "ho" Y< : cs du : de : € LI # A # e 1 H A » : 1 + x PS us É £ AT . 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