m ^ msmo Huitième volume. PERPIGNAN, IMPRIMERIE DE J.-B. ALZINE , Rue des Trois-Jouruées , i. 1851. SOCIETE DES PÏRBlES-flRIENTALES, VIII. La Société n'entend approuver ni improaver les opinions émises dans les travaux qu'elle publie ; elles appartiennent à leurs auteurs, qui en sont seuls garants. Les lettres, mémoires, etc., doivent être adressés {franc de fort) à M. Jo- seph SiRVEN, secrétaire de la Société; et les objets d'histoire naturelle à M. CoMPANYo, conservateur du cabinet, à Perpignan. AGRICOLE, SCIENTIFIQUE ET I.ITTKRAIRE DES PYRÉMBS-OmEHALES. Uiiili(™e Volume. " Faisons lou5 nos efforts pour qu'on puisse .lire «„ «jour: il ;y rut i Perpignan une suriéld d'hommes 4 « intcDlions généreuses, dont les travaux furent utiles « à leur pavs. » (J»i;re»t no Réibt, pwm/er Bulh-u„. page 4.) PERPIGNAN. IMPRIMERIE DE JEAN-BAPTISTE ALZINE, rue des Trois-Journces, \. 1851. ^7v. ;.V,,vy « SOCIETE AfiRICOlE, SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE DES PYRÉNÉES-ORIENTALES. COMPOSITION Dl BUREAU POUR LES ANNÉES Président : M. le Baron GUIRÂUD DE SAINT-MARSAL, colonel du Génie en retraite, commandeur de la Lég. -d'Honneur. Vice-Président: M. Auguste LLOUBES, banquier, maire de la ville de Perpignan, chevalier de la Légion-d'IIonneur. Secrétaire: M. CARCASSONNE-FRIGOLA, négociant. Secrétaire-adjoint: M. TASTU-JAUBERT, propriétaire. Trésorier: M. VIMORT-MAUX, manufacturier. Archiviste: M. FALIP, géomètre en chef, adjoint à la Mairie. 1849, Même composition, à l'exception de M. MORER, archi- viste du département, qui a succédé à M. Carcassonne. 1850, Même composition, à l'exception de M. Charles LAZERME , qui a remplacé M. Tastu-Jaubert. COMITK ne RÉnACTIOW. MM. [>UIGGARI , homme de lettres 5 RENARD DE SAINT-MALO, homme de lettres, Auxquels, d'après le Règlement, les Membres du Bureau peuvent s'adjoindre. 1 APERÇU BÏS TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ AGRICOLE, SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE DES PYRÉNÉES-ORIENTALES, PeudaDt les années 1848 , 1849 et 1850 , Par 11. MoKEB, secrétaire. Les fondateurs de la Société des Pyrénées-Orien- tales voués de cœur aux intérêts du pays, mais obli- gés de suffire aux dépenses parleurs propres ressour- ces, étaient nécessairement restreints dans leurs moyens dlnfluence. Aujourd'hui, celte association affermie par le temps, et toujours animée du même esprit qui avait présidé à son institution, peut opé- rer le bien sur une plus large base. L'administration départementale et le gouvernement lui-même, re- connaissant les bons résultats déjà obtenus et les améliorations qu'elle pouvait introduire, lui ont tendu une main généreuse; les sommes qu'on lui alloue sont converties, au profit de l'industrie ou< de l'agriculture, en primes et en encouragements. Jettons un coup d'œil sur les fonds dont a pu dis- poser la Société, pendant ces trois dernières années : En 1848, le département lui a accordé. 2.600 fr. Le ministère 4.200 TOTAL. . . 6.800 fre 3 En 1849, le cléparlemcnt a alloué. . . 2.600 fr. Le ministère. . • • • ^000 TOTAL. . . 6.600 fr. En 1850, les allocations ont été plus considéra- bles. Le ministère a accordé 4.500 fr. Le département 3.605 TOTAL. . . 8.105fr. Ces sommes devant être réparties en primes dé- signées à l'avance et dont la nature a été la même, à peu de chose près pendant les trois années, il suffira d'en faire connaître le détail et l'importance pour 1850. Primes dctcrmlnces par le mbiisicrc. Pour l'exploitation entretenant le mieux, relati- vement à sa contenance, la plus forte portion de Lé- tail et de culture fourragère 500 fr. Pour l'exploitation des cultures four- ragères dans les aspres (terrains secs). . . 400 Pour la meilleure confection des fu- miers 200 Pour l'assainissement de quatre hec- tares, au moins, de terrains marécageux. 400 Pour le reboisement des terrains en pente 500 Pour l'amélioration de la race bovine . . 2.000 Pour Texiension de la greffe du chêne liégc sur le chêne vert 500 Primes déterminées par le département. Pour le reboisement des teri'ains en pente 1 .400 fr. Pour l'amélioration de la race bovine . . 2.205 Toutes CCS primes sont décernées clans une séance publique, à la suite d'un concours ou d'une visite des lieux, et sur le rapport d'une commission com- posée de membres désignés par la Société elle-même, et de délégués de Tadministralion nommés par M. le préfet. Afin de donner plus de publicité à l'annonce de ces primes et amener ainsi un plus grand nombre de concurrents, on a fait appliquer des afficbes dans toutes les communes du département. Cette mesure ajoutée à celles en usage , telles que l'insertion dans les journaux et dans le recueil des actes administra- tifs, doit provoquer et exciter l'émulation parmi nos agriculteurs. Pourrait-on douter que la distribution de ces pri- mes ne produise dans notre département un immense résultat en propageant partout les bonnes méibodes et les idées d'un sage progrès. Si quelquefois des commissions ont fait entendre des plaintes sur l'apa- thie des agriculteurs, ne sait-on pas que le bien ne peut s'opérer que peu-à-peu et qu'on ne renonce pas aisément à une vieille routine? La Société, bien loin de se laisser décourager, a redoublé d'efforts afin de répondre aux vues bienveillantes qui font accorder ces allocations et qui ont pour unique but la pros- périté de notre sol. Indépendanmient des fonds alloués pour être dis- tribués en primes, le conseil-général du département qui avait d'abord accordé une somme de 300 fr. , à litre d'encouragement, l'a portée depuis trois ans à 500 fr., par suite de l'adjonction de la commission archéologique. INous recevons encore de M. le mi- nistre de Tinstruction publique une somme de 300 fr. Parmi les objets uiiles doai s'est occupée la So- ciété et qui ne peuvent manquer d'augmenter la ri- chesse départementale, nous devons surtout citer le procédé de M. Thorrenl d'Oms, pour la greffe du cbéne liège sur le cbéne vert. Des commissions spé- ciales ont constaté le succès qu'avait obtenu celle méibode. La Société a cbercbé aussi à favoriser le mode de greffe en couronne, tenté pour la première fois à Sorède. Ce mode est plus avantageux que celui en fente, tel que le pratique M. Tborrcnl_, lorsqu'il faut opérer sur des arbres qui ont acquis une forte dimension, parce qu'il peut être pratiqué au niveau du sol, au collet cl peut-être même sur les racines du tronc. La Société a fait un essai de culture de diverses plantes de la Chine, envoyées par le gouvernement et par M. hier, directeur des douanes, notre corres- pondant, (jui faisait partie de l'ambassade française. Nous signalerons principalement le Lo-ma ou chan- vre géant. La graine de ce chanvre semée à la pépi- nière dépaiiemenlale et sur d'autres points, a produit des tiges qui ont alieinl à une hauteur de plus de cinq mètres; mais ses filaments, durs et grossiers, ne peu- vent servir que pour des cordages. Nous signalerons encore le Tzing-ma^ autre variété de chanvre dont on fait, en Chine, une liés belle batiste: il est par- faitement venu, la première année, au moyen de la graine originaire du pays; il n'a pas aussi bien réussi, la seconde, en semant celle qui avait été récoltée sur notre sol. Nous devons aussi faire connaître l'arbre à suif dont quelques graines semées, par les soins de M. Companyo, à la pépinière départementale, ont donné déjà des pousses magnifiques et promettent ririlroduction, en France, d'un arbre précieux. Tout récemment, le Jardin des Planies de Paris a envoyé quelques arbustes des tropiques, qui semblent trou- ver en Roussillon le terrain et le soleil indispensa- bles à leur végétation. La ferme-école a été instituée en 1840, et la So- ciété a vu avec un vif sentiment de satisfaction se réaliser un vœu qu'elle avait formé depuis long- temps, certaine de trouver dans cet établissement un auxiliaire pour propager les bonnes méiliodes et, au moyen de l'enseignement, réunir à une pratique raisonnée le progrès qui marche toujours avec la civi- lisation. La Société, dont le but principal est Tagriculture, a dû accueillir avec intérêt un ouvrage adressé par un auteur espagnol, M. Fagcs de Roma. 11 consiste en aphorismes ruraux, en vers catalans, donnant des principes généraux, mais clairs, positifs et à la portée de toutes les intelligences. La Société, persuadée que la connaissance de ce recueil répandu parmi les a<^riculteurs produirait d'excellents résultats, a dé- cidé qu'il serait traduit et imprimé séparénicnl. M. Fabre, notre honorable collègue, s'est chargé de ce soin, et sa traduction, en vers français, est aussi élégante, aussi facile que le comporte un tel sujet. Si nos ressources le permettent, ce petit volume sera vendu au prix le plus modique, pour le rendre ac- cessible à toutes les fortunes. Nous avons parlé de l'ouvrage de M. Fages de Roma, parce qu'il en avait été plusieurs fois question dans nos séances; mais nous devons ajouter que, pos- térieurement a sa décision, la Société appiit qu'un agronome français, M. Jacques Bujauli, avait aussi public des aphorismes qui, sauf quelques détails, se rapportent à ceux de M. Fages de Roma. Nous n'a- vons pas à discuter si c'est un effet du hazard • mais il a paru convenable que celte remarque fût consignée dans notre compte-rendu. Dans une de ses séances, la Société a divisé ses di- vers membres en quatre catégories, dans lesquelles chacun se trouve classé d'après son aptitude ou sa spécialité. Ces catégories se rapportent : 1" à l'agri- culture; 2" à l'économie poliiiciue et à l'industrie; 3° aut; sciences et aux arts; 4" à la littérature, à l'histoire cl à Farchéologie, Il faut espérer que celle mesure déjà tentée, à plusieurs reprises, mais qui malheureusement est restée sans effet, produira de bons résultais. Chacune de ces sections aurait à faire des rapports sur les ouvrages ou mémoires présentés. La division du travail le simplifie et en facilite l'exécution; on arriverait encore, par ce moyen, à maintenir le zèle des membres et à leur fournir l'oc- casion de communiquer plus sotivent leurs idées. INous avons été appelés, pendant le cours de ces trois années, à émettre une opinion sur des ques- tions importantes cl d'un grand intérêt pour lavenir du département. M. le préfet a demandé : 1° s'il était convenable de supprimer le Dépôt d'étalons baudels appartenant au département, en autorisant chez des particuliers un certain nombre de ces étalons auxquels on accor- derait une prime de 100 à 200 francs. La Société a été d'avis que la suppression de cet établissement serait funeste au pays; elle croit même que, bien loin de songer à le supprimer, il faudrait, au contraire, chercher à lui donner plus d'cxten- sion. C'est précisément parce que ce dépôt n'a pas reçu tout l'accroissement nécessaire, qu'il n'a pas produit les bons résultats auxquels il fallait s'atten- dre. D'un autre côté, elle a pensé que, pour une fai- ble prime de 100 à 200 francs, il serait bien difficile qu'un particulier consentît à acheter un étalon bau- det d'un prix fort élevé et dont il ne pourrait tirer aucune utilité hors le temps de la monte. La sup- pression de cet établissement pourrait donc occasion- ner un grand préjudice à la production muletière, très importante et indispensable pour nos aspres et nos montagnes. 2" M. le préfet a aussi demandé s'il ne serait pas utile, pour répondre aux vues des propriétaires qui se plaignent de la mévente des fourrages et sollicitent le retour de déiachements de cavalerie , d'accorder des primes pour l'engraissement des bétes bovines ou ovines. La Société a pensé qu'il ne fallait pas seulement compter, pour la consommation des fourrages, sur des escadrons de cavalerie c(ue les besoins du service peuvent appeler d'un moment à l'autre à une nou- velle destination; ce ne serait là qu'une ressource éventuelle, et il y aurait plus d'utilité et de profit réel pour un pays, comme le Roussillon, dont une grande partie du sol peut être cultivé en prairies, de se livrer à l'engraissement des bestiaux. INos bouche- ries seraient alimentées par les produits mêmes de l'industrie de ses habitants, et nos capitaux n'iraient pas enrichir les déparlements voisins. La Société a donc émis l'opinion qu'il serait très utile d'établir des primes pour engraisser les bestiaux. Toutefois, elle a été d'avis que, dans l'état de gêne où se trouve l'agri- cullure, radniinislraiion locale ne doil point se las- ser de demander an gouvernement de la cavalerie. Indépendamment de son utilité, sous le point de vue militaire, dans un pays qui touche à Textrême fron- tière, on facilitera ainsi aux propriétaires Temploi de leurs fourrages ; le prix de vente étant d'ailleurs in- férieur à celui des départements voisins, il y aura une grande économie pour le trésor public. Nous fe- rons remarquer, à cette occasion, qu'il est nécessaire de construire des locaux qui mancjuent en général et qui doivent servir à réaliser ces idées d'un pro- chain avenir. 3° Consultée sur la- question de savoir s'il ne serait pas convenable de donner aux enfants des écoles pri- maires quelques notions d'agriculture, la Société a répondu affirmativement à cette idée, mise depuis quelque temps à l'élude; toiitefois, elle ne s'est point dissimulé qu'il faudrait un terme assez long pour que ce vœu put se réaliser, car les instituteurs pri- maires n'ont aucune connaissance des travaux agri- coles; l'instruction, pour tout ce qui se rapporte à l'aîïriculiure, devrait donc nécessairement commen- cer par eux. Nul doute alors qu'il serait très avanta- geux de développer chez les enfants le goût de la culture agricole j et de réunir à la théorie de l'école le travail manuel, en les conduisant soit sur les ter- rains appartenant à la commune, soit même sur des propriétés privées,'aux heures et d'après un mode déterminé par des règlements. La Société a nommé des délégués pour la repré- senter au congres central d'agriculture, et leur a donné des instructions sur diverses questions à sou- mettre à cette assemblée. Nous ne détaillerons pas ici 10 ces inslruclions- il suffira tle dire qu'elles se raita- chent: 1° à rirrigalion et aux améliqralions qui peu- vent être iniroduiies dans les lois et règlemcnis, sur une matière d'un si haut intérêt pour le midi de la France et principalement pour notre pays; 2° à la conservation des bois et forêts. Ce n'est pas tout que d'allouer des primes aux planteurs, il faudrait en- core prendre des mesures contre le maraudage. Exercé audacieusement par des individus insolva- bles, le mal ira croissant si la partie publique n'est point autorisée à poursuivre d'office; 3° à l'endigue- ment des rivières et aux moyens les plus efficaces pour obtenir des résultats avantageux contre l'effet des crues; 4° à la réforme du régime hypothécaire; 5° à la formation annuelle d'une statisli([ue des res- sources alimentaires ; 6° à l'organisation des gardes champêtres en compagnies régulières; 7° aux dispo- sitions administratives qu'il serait utile d'adopier au sujet des chemins ruraux. Nos délégués près le con- grès étaient : MM. François Arago, de l'Institut. — Pages, maî- tre des requêtes au conseil d'Etat. — Rouffia, insti- tuteur. — Thomas, expert en propriétés. — De Cau- demberg, ingénieur des ponts et chaussées en retraite La Société, qui a de plus en plus étendu ses rela- tions, a reçu, pendant l'espace de trois années, un grand nombre de brochures et de bulletins de la plu ■ part des sociétés agricoles ou scientifiques répandues sur les divers points de la France. Tous ces ouvrages sont journellement et soigneusement consultés. Plu- sieurs mémoires et rapports concernant l'agriculture, les arts et les sciences lui ont été préseniés. Les plus remarquables trouveront leur place dans ce bulletin. 11 La séance publique qui a lieu, clia(juc année, et dans laquelle sont dislriLuées les médailles et les primes, est aussi consacrée à une exposiiion des di- vers produits de notre sol ou de notre industrie. La Société désire ardemment que cette exposition de- vienne, d'année en année, plus riche et plus intéres- sante, et elle fait un appel à tous nos producteurs- Parmi les divers objets exposés dans les trois der- nières séances, nous signalerons des graines et plantes étrangères provenant du champ d'essai de la pépi- nière départementale; diverses variétés de pommes de terre, et, dans ce nombre, la pomme de terre de Constance, dont un demi-kilogramme en a produit dix-neuf, et la pomme de terre de Sainte-Hélène, dont un demi -kilogramme en a donné 49 ; une patate, récoltée dans le domaine de M. Guiraud de Saint-Marsal et pesant huit kilogrammes et demi; l'oxalis crenata avec ses nombreux tubercules ; la plante, la graine et la fleur du carthame ou safran bâtard; le panis d'Italie ou millet à grappes ; diver- ses variétés de haricots. Nous mentionnons spéciale- ment ces plantes, parce que leur introduction etleur propagation peuvent augmenter un jour notre ri- chesse et devenir d'une grande utilité. Dans le nombre des produits industriels, on a re- marqué un tapis confectionné au métier à la Jacquart, introduit dans la manufacture de M. Vimort-Maux, de Perpignan; des planches très minces de placage de divers bois du pays qui peuvent servir à la con- fection des plus beaux meubles, et provenant d'une scierie nouvellement établie près de la porte Saint- Martin; des fouets de Micocoulier, appelés des Per- pignan, très recherchés dans toute la France, et qui \1 sont confeciionnés au moyen (Vune machine forl in- génieuse, inventée par M. Philippe Massol 5 divers échantillons du marhre du pays, exploité par M. Philippot, et une pièce d'un fini parfait, exécu- tée par un procédé ingénieux pour le sciage des sur- faces courbes ; divers produits provenant de la brique- terie de M. Comte, près de Perpignan, et notamment des statues en terre cuite qui lui ont mérité la mé- daille d'argent- Dans la dernière exposition, Tatlention s'est fixée principalement sur quatre médaillons offerts par M. Oliva, notre compatriote, jeune sculpteur de très grand avenir, entretenu, à Paris, aux frais du dépar- tement. Une médaille d'argent lui fut déjà décernée en 1848, et, depuis cette époque, il a vu grandir sa réputation. Ces médaillons représentent des hommes qui ont tous un nom historique dans le Roussillon ; il suffit de nommer le maréchal de Mailly, le peintre Rigaud, les généraux Dagobert et Dugomniier. Nous donnerons à la fin de chaque exercice, l'état des primes de tout genre, décernées dans les séances publiques, et le nom des personnes qui ont obtenu cette honorable distinction. 13 Séance publique du 26 No\enil)re ÏUI A l'ouverture de la séance, M. Guiraud de Sainl- Marsal prononce le discours suivant : Messieurs, La France long-tetaps désolée par la douLle cala- niilé du manque de subsistances et du débordement des fleuves, n'avait surmonté celte crise qu'au prix d'immenses sacrifices, quand la révolution de février en imposa de nouveaux. Le crédit affaibli, le com- merce en souffrance, ragriculture, l'industrie sans déboucbés, effet naturel des troubles qui agitent l'Eu- rope, telle est la fàcbeuse situation qui préoccupe vivement le pays, depuis la tribune de l'Assemblée nationale jusqu'au plus modeste atelier. Comment y mettre un terme? De tous côtés s'élève un cri : (( L'association entre le propriétaire et le travailleur, «le maître et l'ouvrier, est l'ancre du salut, le re- amède au mal-, avec l'association, plus de misère j « le maître a des gains satisfaisants, l'ouvrier vit dans «l'aisance. » Je laisse auxbommes spéciaux, à l'éco- nomiste exercé, le choix des systèmes qui doivent amener ces merveilles -, mais lorsqu'on en réclame une application générale, il m'a paru opportun et intéressant de vous présenter le fruit de mes recbei- 14 chcs sur roriginc et les effets de l'association, consi- dérée sous le triple point de vue du titre de la so- ciété : science, industrie, agriculture. Le principe de l'association, qui maintenant a jeté de profondes racines, ne s'est développé que lente- ment. Deux causes en ralentirent la marche : les peuples furent long temps à comprendre l'immense avantage de la combinaison des forces. Les gouver- nements redoutaient que ce puissant levier n'agît contre eux. Les premières associations dont l'histoire fasse mention eurent un but scientifique. Ainsi à Athènes, les Platoniciens se réunissaient dans les jardins d'A- cadémus pour y traiter de matières philosophiques; en Eygpte, l'école d'Alexandrie acquit une grande célébrité; Rome aussi eut des réunions d'orateurs et de philosophes à la maison de campagne de Cicéron. Ces conférences de savants dans Tantiquiié ont donné lieu, sans doute, à la formation des sociétés moder- nes qui prirent, comme celles de la Grèce, le nom d'académies, quoique, par leurspécialité, elles n'aient point la même signification. La première institution de ce genre est due à Gharlemagne. Ce prince si supérieur à son siècle créa, sous la direction d'Aîcuin, une académie dont il fit lui-même partie. Elle dis- parut sous les ruines de l'empire. Près de nous, au xiv^ siècle, Clémence Isaure fonda les jeux floraux. Au xv^, il existait à Paris une académie de beaux esprits qu'illustrèrent Baif, Marot et Ronzard. Nous ferons remarquer qu'en Italie, où l'on compte des centaines d'académies, la plus ancienne ne remonte qu'au milieu du xv^ siècle. Par lettres patentes, du 2 janvier 1C35, Louis Xîil, constitua définitivement 15 J'acadéniic (ïançaisc, fondée en 1G32, par l\iehelien. S'érigeanl bientôt en tribunal, elle soumit les gens de lettres à son autorité; elle épura la langue, que sa clarté, sa précision, firent employer dans toute l'Europe pour les transactions diplomatiques. D'abord poétique et romanesque, la tendance des écrits de SCS membres devint sévère et grave ; ils nous donnè- rent IVeuvre immense de l'Encyclopédie. Je ne signalerai point les principales académies existantes. Parmi elles se distinguent celles de Lon- dres, Saint-Pétersbourg, Berlin, Dresde, Florence. Leursmémoires, vastes dépôts d'études, de recberches, de décoiiverlcs, constaleni toute l'importance des as- sociations scientifiques. Foyers de lumières, conser- vatrices des connaissances acquises , elles donnent l'impulsion aux mesures qui tendent à propager l'instruction dans toutes les classes de la société ; secondées par la religion, la morale, c'est le plus puissant moyen de raffermir les fondements ébranlés de l'état social. Il faut que la généralité des citoyens, mieux éclairée, comprenne la nécessité d'une orga- nisation politique, également protectrice du fort et du faible, du riche ei du pauvre; il faut qu'elle puisse apprécier, pour les repousser avec énergie, ces doctrines subversives des droits de la famille et de la propriété qtti, par l'abus des trois mots sacra- mentels de la République, nous ramèneraient à la barbarie. Après avoir traité de Tassociation sous le rapport scientifique, nous jetterons un rapide coup d'œil sur les sociétés industrielles et commerciales qui durent, sans aucun doute, y recourir dans tous les temps. On conçoit, en effet, que l'union des capacités aux 16 moyens matériels, donne une {grande portée aux en- treprises des compagnies de commerce; elles tentent alors de réaliser de vastes conceptions entraînant des chances, que n'oserait point souvent affronter un gouvernement, encore moins un particulier. Lexvii^ siècle fut surtout remarquable en Europe, par la formation de compagnies privilégiées, destinées à la colossale exploitation des produits des Indes orien- tales, de l'Afrique et de l'Amérique. La France,, dès 1601, entrait dans la lice pour prendre sa part des richesses de l'Orient que se disputaient déjà les Portugais, les Anglais et les Hollandais. La lutte fut longue, acharnée, mais funeste pour nous. A des succès éclatants succédèrent, vers la fin du siècle, des revers inouis qui ruinèrent nos compagnies, tandis que celles de nos rivaux acquirent une im- portance telle, qu'à leur existence tient en quelque sorte celle de l'Etat. Mais des hautes régions des merveilles de l'association, descendons au rôle plus sûr de son application dans de moindres proportions, nous reconnaîtrons que sur elle reposent le bien-être, la prospérité d'un grand nombre de populations. On ne lui devrait que les canaux et les chemins de fer, que ce serait assez pour préconiser ses bien- faits et prouver tout ce qu^elle peut. L'agriculture, entrée la dernière dans cette voie, paraît comprendre enfin les avantages de l'association. Long-temps rebelle à son esprit, elle conserve encore généralement l'état d'individualité. Le gouvernement comptant beaucoup trop sur le stimulant de l'intérêt privé a peu fait jusqu'ici pour en favoriser l'élan. Ainsi, l'endiguemenl des rivières, l'assèchement des marais, le reboisement de montagnes, l'amélioration 17 des races de bestiaux, ne reçoiveni i[ue de faibles encouragements, et n'est-il pas dérisoire qu'on n'ait consacré annuellement qu'un million aux primes et récompenses pour l'agriculture! Une plus forte allo- cation amènerait pour elle une époque de renaissance; au défaut, la France se couvre d'un réseau de socié- tés, de comices agricoles, institués pour exciter le zèle, provoquer des essais, rémunérer les auteurs de découvertes utiles. Avant de passer à l'indication des actes réguliers qui ont constitué des sociétés d'agriculture, il est juste de rappeler que les congrégations religieuses formèrent au moyen-âge des associations de travail- leurs qui, volontairement ou par obéissance à leur règle, opérèrent d'immenses défricbements et contri- buèrent puissamment à la ricliesse du pays. L'Angleterre et plusieurs contrées de l'Allemagne jouissaient déjà depuis longues années d'instituts agricoles, lorsqu'en 1761, un arrêt du Conseil établit à Paris une société qui devait faire son unique étude de l'agriculture. La constitution de la propriété territoriale, alors grevée d'une foule de charges, dî- mes, corvées, privilèges, qui ne laissaient au tra- vailleur, impôts et frais d'exploitation déduits, que le douzième du produit, rendit les effets de l'édit à peu près nuls. Louis XVI, voulant donner plus d'im- portance à cette institution, lui conféra le titre de société royale. Elle fut enveloppée en 1793 dans la suppression de toutes les sociétés savantes. 11 s'en forma plusieurs dans les départemeals vers 1 798 : on comptait en France, deux ans après, quinze associations-, il en existe aujourd'hui huit cent vingt- cinq, comices compris, auxquelles appartiennent 18 plus de cent mille membres. Ces insliiuiions se sou- tiendront; car l'accroissement rapide des produits démontre la supériorité des nouvelles méthodes d'exploitation. Le gouvernement en secondera l'im- pulsion; car il s'agit pour lui de quati'e cent millions d'impôts. La propriété est malheureusement obérée d'une dette hypothécaire, que des statistiques dignes de foi portent à douze milliards, le quart du capital. En admettant qu'on puisse diminuer cette quote suivant les calculs récents de M. Thiers, ne doit- on pas craindre que l'agriculture ne succombe sous le poids ! Pour prévenir une catastrophe qui intéresse directe- ment les trois-quarts de la population, de tous côtés surgissent des projets de banque agricole, aucune n'atteint le but qui doit être : la réduction de Fin- lérêi au-dessous d'un revenu dont la moyenne ne va pas à quatre pour cent. Combien, d'autre part, n'a- l-on pas enfanté de combinaisons d'association, assu- rant au travailleur un salaire journalier et sa part aux bénéfices de l'exploitation; mais est-il juste, qu'au mépris du principe de l'égalité, on fasse peser toutes les charges et les pertes sur le propriétaire? Ne voit-on pas que le bien-être de l'ouvrier serait fondé sur la ruine du maître, faux calcul ; car si la tête est sacrifiée le corps est sans vie. Je ne puis m'empêcher, ici. Messieurs, de faire entendre la voix de la raison pour combattre les préjugés populaires contre les riches : sans eux, sans la puissance de leurs capitaux, quelle amélioration, quels progrès seraient possibles en agriculture, en industrie? Nos sept millions d'hectares de terres incultes, de marais, de landes, de dunes, sera-ce le 19 petit cultivateur, possesseur d'un lopin de champ ou de vigne, qui compromettra ses faibles ressour- ces, l'avenir de sa famille, pour entreprendre leur défrichement, leur culture, rétablissement d'un vaste système d'irrigation? Il appartient au grand proprié laii'e, au fort capi- taliste, d'opérer ces immenses travaux, qui presque toujours exigent leur association; seuls, et bien mieux que l'Etat, ils ont la possibihié, par leuis moyens appliqués à la localité et répartis à l'infini, de venir efficacement au secouis de l'ouvrier qui consomme chaque jour le fruit de son travail. Le riche est donc une nécessité dans l'Etat, et comme l'a dit un citoyen!, aussi illustre par ses profondes connaissances en économie politique, que par sa gloire militaire. «S'il n'y avait point des riches, il «faudrait en créer.» Que celte vérité proclamée par une haute intelligence, encourage l'ouvrier hon- nête qui ne veut rien devoir qu'à lui-même et qu'elle ramène dans la bonne voie celui qui n'est qu'égaré par des utopies; que devant elle s'évanouisse le rêve du nivellement des fortunes, qui, s'il était réalisable, aurait à peine un jour d'existence. Le Roussillon, Messieurs, est dans les meilleures conditions pour se soustraire aux désordres dont la misère est la cause ou le prétexte. Essentiellement agricole et par conséquent moins susceptible d'être atteint par les crises politiques ou commerciales, l'étendue de son territoire répond de plus à l'emploi constant de sa population qui, souvent insuffisante, doit recourir à celle des déparlements voisins. Aussi * le inarc'chal BiU'eaiul. 20 Je cnliivaleiir laboiicux, qui veut, qui cherche de l'ouvrage n'en manque jamais. Le malaise n'existe que chez les ouvriers d'art, et n'est-il pas à déplorer qu'une fatale répugnance pour les travaux de la campagne les réunisse presque tous dans les grands centres de population! Il faut espé- rer que ce malaise ne sera pas de longue durée. Résultat ordinaire des révolutions dont l'avenir est toujours enveloppé de sombres nuages, jusqu'à ce que les rayons du soleil en aient percé le voile, la végétation est languissante, la sève retient son essor^ le mouvement, la vie sont, en quelque sorte, sus- pendus. Ils ne renaîtront dans les cités qu'avec le luxe, àme des arts, mobile de l'industrie, artère vi- vifiante du travail ; le luxe, contre lequel de stupides ou méchants déclamateurs lancent le fiel de l'envie, mais que l'homme d'Etat habile s'empresse d'appeler et de faire prospérer, en lui ouvrant tous les canaux qui peuvent lui donner de l'extension. Obliger le luxe à s'exiler, le faire disparaître, ce serait de la part de l'ouvrier un suicide. Ainsi donc, hommes intelligents de la classe ouvriè- re, oubliez d'aveugles préventions; et, connaissant, appréciant vos intérêts réels, protégez les positions élevées loin d'employer vos bras à les renverser. Et vous, placés aux sommités de la société, contribuez de tous vos moyens à la solution naturelle de celte grande question du travail, qu'on voudrait ériger en droit, tandis qu'il ne s'agit que d'un fait, d'une tran- saction entre celui qui peut donner de l'ouvrage et celui qui doit l'exécuter. Favorisez de toute votre influence l'instruction populaire, convaincus qu'au point de vue où en est la civilisation, elle devient la 21 plus ferme garantie de laslabllilé des états et qu'elle a surtout le plus haut degré d'importance dans une République. Après cette chaleureuse allocution, accueillie avec faveur par lassemLlée, MM. Lazerme, Companyo, Caft'e, Falip, ont fait connaître les résultats des cou- cours et les sujets des primes accordées par le minis- tère, ainsi que des médailles décernées par la Société. Ces rapports ont exposé,, avec une parfaite intelli- gence des objets traités, les droits des concurrents et le mérite des habiles ouvriers d'art qui les ont obtenus. Madame Duston, MM. d'Auberjon, Fourcade, Fouxonet, de Bordas, ont été proclamés pour les primes de la meilleure exploitation, de la taille des oliviers et de la culture fourragère. Ona décerné des médailles d'argent: à M. Philipot, marbrier, pour l'emploi de procédés faciles de sciage des surfaces courbes, le iini, le poli de ses ouvrages; A M. Comte, briquelier-statuaire, pour les progrès remarquables de son industrie, qui dispense de faire venir à grands frais des objets qu'on peut trouver aussi bien confectionnés sur les lieux; A M. Oliva, modeleur-sculpteur, pour des bustes dont l'exécution donne l'espoir de le voir figurer un jour parmi les artistes distingués; Et une médaille de bronze à M. Sarda, pour le modèle d'un pont en charpente dont toutes les par- ties sont ingénieusement reliées. 0-2 L'assemblée a vu surtout, avec une vive satisfac- tion, récompenser, d'une médaille d'or grand module, M. Thorrenl, d'Oms, pour la greffe du chène-liége sur le chène-vert. Ce modeste cultivateur a résolu un problème dont plusieurs savants silviculteurs avaient cherché la solution. On a fait aussi la remise, pendant celle séance, de quarante primes pour les taureaux et onze pour les plantations, en tout cinquanle-et-une primes s'élevant à 6.800 fr. Nous signalons avec plaisir que presque tous les propriétaires, appartenant en général à la classe des travailleurs, sont venus des points les plus éloignés du département, recevoir des mains du pré- sident la récompense allouée. Puisse une louable émulation seconder les efforts de la Société pour les progrès de l'exploitation agricole dans toutes les branches! Que les agriculteurs soient bien convaincus qu'aucune influence ne détournera les commissions de la justice et du respect pour les droits réels des concurrents. M. le président, en distribuant les primes, a re- mercié M""^ Duston de sa généreuse résolution qui, en acceptant l'honneur du choix de son doniaine pour la meilleure exploitation, en a refusé l'allo- cation, ce qui a permis d'étendre le cercle des en- couragements. Il a fait ressortir, par des éloges hien mérités, tout le prix de la découverte de M. Thor- renl. On a surtout accueilli d'une vive sympathie les paroles suivantes, adressées à M. Braquemari pour ses essais de reboisement de terrains arides aux environs de Prades; «Vous avez, Monsieur, par des travaux prodigieux, opéré de vos propres mains, couvert de plantations 23 le sol le plus ingrat. Votre énergie a surmonté tous les obstacles. Vous avez compris qu'un officier de nos vieilles et glorieuses armées ne dérogeait point, en se faisant cultivateur. Ce front fier, élevé en mar- cbanl à rcnnemi, penché maintenant vers la terre, la fertilise de ses sueurs; poursuivez voire noble lâche. Modèle du travailleur, que votre exemple soutienne l'ouvrier laborieux, (|ue les difficultés pourraient rebuter ; qu'il couvre de honte le fainéant, fardeau de la société, qui se résout à traîner une lâche existence ou s'expose à devenir criminel parla misère. Deux pièces de vers de M. lîatlle et de Madame Faure-Biu ont été lues par M. Carcassonne, secrétaire de la Société. Pleines de grâce et d'une suave poésie, elles ont fait diversion aux sérieux et graves rapports sur des objets de science, d'agriculture et d'industrie. Une notice concernant la création de la ferme-école, dont le département sera prochainement doté, et des extraits d'une analyse de l'important ouvrage de M. Jaubert de Passa sur l'irrigation des anciens peu- ples, ont terminé la séance. La musique de la garde nationale, qui ne perd jamais l'occasion d'être utile, a exécuté, à plusieurs reprises, des morceaux choisis, sous la direction habile de son chef, M. Fabre ; le président s'est em- pressé de lui adresser les remercîmenis de la Société. 21 QUELQUES PAGES DE KOS, AIAIES INDUSTRIELLES. Première alteittle ftorlèe tittx fabrtQwes «te Saiitage, e»t Mlotessitlon. De lous les amaienrs de Thisloire provinciale que nous avons entretenus des ])roduiis de l'art du lainage en Roussilloii au moyen-âge, il n'en est pas un seul qui ne nous ail adressé les interpellations suivantes : Qu'est devenue une industrie aussi profitable au pays? Comment a-t-elle disparu sans presque laisser de trace? Voici, bien historiquement démontré, le premier coup dont elle fut atteinte ; mais préalablement un coup-d'œil sur l'état de sa prospérité. Toute patriarcale au xi^ siècle, simplement bornée à la mise en (Euvre de toisons ovines pour la vêture du colonnage, alors plus pastoral qu'agricole; succes- sivement réglementée par la probité antique, ex- cluant de ses labeurs les Juifs et les esclaves, et n'en accordant participation qu'à des mains chrétiennes et libi-es, la fabrication roussillonnaise se développa sous Jacques-le-Conquérant jusqu'à des pi'oportions gran- dioses. En 1332, le recensement des tisserands à laine, à Perpignan, mit au jour un personnel de 349 maîtres. De leurs ateliers sortaient de fins tissus que nos hal)ilcs pareurs rendaient dignes de Byzancc même, où ils les expédiaient dès 1326. or. Conmien't ! de nos laines iiieulles obtenir des pro- duits appréciés à la métropole de la civilisation cl des arts? C'est que la navette roussillonnaisse savait appeler à Valliage les soyeuses Aragonaises, les superflues de Sati-Matco et du Llano, ainsi que les refleurets de Grande-Bretagne, soutirés des Anglais de Guyenne. Et le débit? Arborant pavillon privé de l'armateur cantonné d'Aragon moderne, et déployant leurs voiles écla- tantes du coton levantin aux souffles étésiens des caps de Canel et de Biarre, les nefs roussillonnaises s'élancent vers Porto-Pisano, Piombi, Talamone, Ci- vita-Veccliia, et transmettent nos précieuses draperies en Toscane, à Sienne, à Rome, oii elles rivalisaient avec celles d'Albion, ce que Ilallam ne désavoue point : Bocace , d ailleurs , fait foi de leur re- nommée. Naples, délicieux pays du Fav-niente^ les accueille pour sa population improductive, quelle que soit Taniipatliie Angevine. En Corse, en Sardaigne, en Sicile, elles aboi'dent sous le passeport de la conquête. A Clarence, voisine de Navarin, aux ducliés d'A- thènes et de Néopatras, fleurons de la suzeraineté Aragonaise, à Gallipoli de Romanie, leur fortune est due à la Grande Compagnie Catnlatie de Roger de Flor et de l'infant don Ferrand, vrai Marcellus de la dynastie Mayorquine, dont la biographie peut être produite. Nos commandeurs Johannistes du Mas Dca , de Collioure et de Ba joies les introduisirent à Rhodes avec crédit ouvert sur le trésor de TOrdre. 26 La JNalolie lessollicit.iil par commandes à nombre de pièces, couleurs et degrés de lonle fixe. Les rives de TOronie souriaient à nos écarlates, commémoralives de la pourpre que revêtit Abdolo- nyme, dlioriicultcur improvisé roi. Alexandretie, Jaffa, Barut approvisionnaient de nos chefs-d'reuvi"e du lainage les bazars d'Alep et de Damas, qui les livraient aux caravanes d'Asie. La dynastie française des Lusignan ouvrait aux mê- mes exportations les ports de Nicosie, de Serines et de Famagouste. Celle des Mameloucks, et son clief, le soudan de Babylone, les accueillaient sans avanies dans la ville des Ptolémées. Toute la côte barbaresque réclamait de nos mar- chands des draps nuancés des couleurs affectées à chaque tribu ; de sorte que le burnous bérèbere flottant au souffle du désert, n'était souvent qu'une saye de Cerdagne, ou qu'une pièce de Filafranca. Malaga obtenait aussi de nous de quoi vêtir à Gre- nade, vassale de Castille, et V Holgazan au. Cours de Vivarambla, et l'élégant Abencérage, qui, sous les bosquets embaumés de la Alhambra, coulait sa vie entre le luth, les bains, les tournois, la siesta et l'a- mour. Peut-être nos produits parvenaient-ils encore aux Canaries et en Guinée, vu le nombre de nos esclaves provenant de ces atlantiques pays. Mais du moins, par Séville, alimentions-nous les besoins du leste Andaloux, du grave Fidalguc et du paysan de Caslille, noble, c'est-à-dire, selon Rosseeuv*^ Saint-Hilaire, homme libre à sa qualité de labou- reur (^Cahallcro como labrador). 27 Ce pays de merveilles à toutes ses époques histo- riques, l'Espagne n'avait point encore célébré l'au- guste alliance qui amena à l'autel d'Hyménée une fiancée princière, pastourelle dotée du plus riche troupeau d'Albion ; exemple unique d'apports royaux de noces qui devaient profiter à la nation adoplive de l'épousée étrangère! En effet, de là, par le croise- ment de l'espèce importée avec l'espèce mdigène déjà renommée , date l'origine de ces races ovines perfectionnées, ségoviennes, léonaises et autres^ avan- tagées defucros de transhumance et de parcours, au fur et à mesure de leur accroissement, sous une or- ganisation pastorale empruntée à la magistrature des Merùidades, jusqu'à conserver le titre de iJ/cW/io^ aux maîtres bergers et à leurs aides {Majoralcs y Raba- dancs\ qui le transmirent aux ruminants sujets de leur houlette. Mais l'Espagne ne fabriqua quelque temps encore que du commun, d'usage local et do- mestique; dans le x.vi'^ siècle notre Bernard Xanxô lui expédiait à Valladolid, ses draperies, pendant que ses confrères adressaient les leurs à Cadiz. Les foires de Médina-del-Campo commencèrent la réputation des manipulations péninsulaires. Est-ce assez voyager de suprise en surprise, et dé- hiler nos toisons d'or ouvragées sur tout le limbe de la Méditerranée, alors espèce de lac Catalan? La riche Venise inierdisa il à nos argonautes l'ac- cès de son Adriatique empire ; mais ses galères ve- naient périodiquement charger nos Cadiz blancs. Florence accaparait aussi ces fins tissus à bord de ses galères d'aussi périodique arrivage; seulement, moins exclusive sur le l)énéfice d'affrètement, elle les recevait volontiers des nefs rotissillonnaises. Jac- 28 ques Cœur, concurrent de Côme de Médicis, ne fit faute à pareille expédition, an moyen de sa galère Argcntierc ^ stationnée à Collioure, qui avait pour destinataire, à Livourne, René Cœur. Nos écoulements de l'espèce ne tarirent point jus- qu'en 1471, consignés chez François Médicis et comp« {al banch de Francescli Mcdici e comp".^ Alors que la puissance Ottomane, se développant comme sous le merveilleux d'une épopée homéri- que, réduisait les débouchés commerciaux de la na- vigation catalane presque à la seule rive occideniale de la péninsule italique, alors l'occupation de noire province par l'armée de Louis XI vint accabler noire corporation des trois métiers. D'abord, les désordres de la soldatesquC;, à qui nos aïeux semblaient livrer corps et biens pour butin, pesèrent sur nos usines foraines qu'il fallut concentrer dans le rayon et l'enceinte de Perpignan; de sorte que les eaux de la Basse, qui séparent la ville de son faubourg, devinrent les plus industrielles de la pro- vince. Mais à quoi bon? En assemblée de 68, de 78, de 110 et, au plus, de 163 maîtres tisserands (1473), la corporation dé- plore, tanlôt d'être frappée de prestations de service militaire de guet, de garde ou de courses pour la sû- reté extérieure, tantôt d'être requise de fournitures en argent et denrées, heureusement encore qu'elle ne soit point tenue d'un tribut en drap comme à Céret. Toutefois, le plus néfaste sinistre c'est celui que nous révèle un compte-rendu de ces réunions, où il est avoué que, soit à cause de l'interdiction des Ca- 29 diz, soit à cause de l'inlerruption de tout autre tissage pendant i'ciat de guerre, le personnel de la profes- sion a tout à riieure complètement déserté. Que servait-il d'ailleurs de produire lorsqu'on ne pouvait guère écouler, voie de mer, que sous dou- ble congé de Jean II et de Louis XI; et que Louis XI semblait avoir destiné le monopole de l'affrètement aux galères dites de France, laissant dépérir nos em- barcations provinciales, halées au sec ou à l'amarre, piquées de madrépores et de varecks ? D'autre part, le propriétaire ne trouvait pas tou- jours à mettre en ferme sa terre. Parfois , devait-il l'aliéner à vil prix pour s'alimenter au jour le jour jusqu'à des temps nreilleurs. Parfois, un locataire obtenait trois ans d'habitation franche avant d'entrer en paiement de loyer. Telle était la crise des circonstances, sans parler des famines obsidionales de Perpignan, ni de l'at- teinte portée au crédit public par banqueroutes to- tales ou partielles d'IIôtel-dc-Ville. L'interdiction des Cadizfut d^abord pour nous une énigme; et nous y méditions sérieusement, lorsqu'un document sur feuille isolée, découvert d'aventure, vint heureusement nous mettre en voie. C'était, sous date du 22 janvier 1477, une plainte de nos Prud'hommes tisserands à Boufile, gouverneur du pays, attribuant la prohibition des tissus précités à la seigneurie de Florence, exposant d'ailleurs qu'une première requête lui avait été présentée à l'effet d'en référer à sa Majesté; que la corporation aurait bien directement abouti aux pieds du trône, mais qu'al)solument obérée et dans l'impossibilité de subventionner un agent convenable, elle le sup- 30 pliait de se rendre, à son premier voyage en Cour, iorgane de ses doléances. Elles était lamentables; car, par ces temps encore de candeur et de foi, les ouvriers en grève forcée se comparaient a ces âmes souffrantes du Purgatoire qui, sans parents, amis, ni proches sun'ivants , n attendent la rosée du sein d'Abraham que des suffrages généraux de l'Eglise. A la fin de l'année (1" décembre 1477), en vue d'obtenir une répartition de travail qui s'étendît à tous les bras, une assemblée de 112 maîtres se rési- gna volontairement à ce que chacun n'eût h faire fonc- tionner qu'un seul métier à tisser. Restait pour nous la difficulté d'expliquer la cause de l'interdiction Florentine. Quatre ans immobile devant cette borne, nous y cherchions si ce n'était point par expiation des divers ostracismes qu'eurent a subir chez nous les sujets de la Seigneurie, à l'instar des usuraires agioteurs Luc- quois et Lombards. Et puis, nous cherchions dans le monde politique dont Louis XI fut le multiple Pro- tée; mais point : le vrai marchand italien était fa- çonné aux proscriptions; et, d'autre part, entre la rivière de Gênes, les Etats-Romains et de Naples, où le machiavélisme de Louis XI avait poussé des ra- meaux de mine, Florence était restée sans atteinte et même en bonnes relations avec le cabinet du Ples- sis-les-Touis. Le catalogue des archives de la corporation ne fournissait pas plus de données, et c'était à déses- pérer. Enfin, le hasard mit sous nos yeux un registre du notariat s'exfoliant en détritus furfuracé par l'ac- 31 lion surannée d'une immersion alcaline, dont le flot encore ondulé avait verticalement décomposé la moitié des pages. Que faire de Vautopsie de ce cadavre ? Et nous l'abandonnions à sa poussière, quand tout à coup, honte ou remords de reculer devant l'obstacle, nous arrachèrent ce cri de conscience : mais que sait-on ! JNous soumîmes donc le registre au creuset d'in- vestigation; et l'écriture restituée partout où de rai- son à grand renfort de réactif tannin, reproduisit entre autres rédactions émanées de la corporation de lisseranderie, le procès-verbal d'une assemblée de quinze conseillers de la main majeure^ de la main moyenne et de la main mineure, pièce sans date, mais très probablement d'octobre 1474. Deux Prud'hommes, qui président, exposent : Qu'en présence des calamités et de la crise du mo- ment, d'égoistes confrères, plutôt que d'en partager la charge avec leurs pairs, avaient défectionné aux bannières de l'art comme transfuges ii Florence et ailleurs , y enseignant à des ignorants la manipulation des Cadiz^ et les initiant aux secrets de la partie i. Ils disent", et, avisant à la vindicte des ouvriers fi- dèles à 1 esprit de corps, et procédant au châtiment des défeclionnaires, projet de Règlement irrévocable qui exclut à jamais du métier, à Perpignan, les fu- gitifs et leurs fils, si des regrets à l'avenir les rame- naient au giron de la patrie absente. Tout esprit de patriotisme à part, les proscrits avaient le tort d'avoir manqué à Tobligation règle- * L'Italie recueillait alors avec soin les artistes fugitifs do Coiislanli- nople. 32 meniaire d'abdication officielle de leur étal devant notaire, avant de convoler à des établissements exo- tiques. Mais combien de circonstances atiénuantes, en leur faveur, n'ajoutaient point aux précédentes l'apparition du Papier rouge de Louis XI, et ses prescriptions de famine factice qui devaient réduire, à si petite expression la population perpignanaise, que cinquante lances pussent la maîtriser. Toutefois, prenant, au point de vue d'une félonie au métier, ce qui n'était qu'un sauve qui peut, les Prud'hommes tisserands mirent le comble à leurs mesures de sévérité, par la proposition draconienne de confiscation corps et biens contre la migration tout entière, ati profit de la corporation indignement délaissée, et ce, quelque part qu'on trouvât à captu- rer ou à prendre. Que s'en suivit-il de la désertion industrielle? Qu'à l'école de nos ouvriers Florence fabriqua, rivalisa d'habileté, n'eut plus que faire de nos pro- duits, les prohiba même, et que ce fut un parti pris; car qu'objecter à la politique de l'intérêt national. D'autres Roussillonnais, forcés probablement à s'expatrier, avaient formé (17 août 1474) une com- pagnie nombreuse qui exploitait à Florence le com- merce des soieries. Elle avait pu y être recommandée par une société de trente de nos industriels en draperie, dont les affaires cessant, à raison des circonstances, avaient été réglées au moyen d'un délégué spécial, nommé le 13 octobre 1473. Détracteurs du pays, exotiques, et quelquefois provinciaux même, auriez-vous jamais soupçonné que nos simples artisans eussent pu s'ériger en mai- 33 1res au berceau des Médicis et des Vespuce,.où. probablement vous trouveriez encore, sous des noms itaHsés, les filiations de leur descendance lointaine? îNotez qu'à celte e'poque Fltalie, d'après Sismondi, traitait encore la France de barbare, et persistez, a la bonne lieure, dans vos aveugles jugements ! Mais au vieux Roussillonnais le droit de hausser les épaules et de répondre : Erudimlni ! Renard de Saint-Malo, Correspondant du Comité historique. SUR LA DÉÎERMIMTION D£ LA CAPACITÉ DES TOilAUX. Dans le Dictionnaire de Mathématiques ^ publié en 1836, sous la direction de M. Montferrier, on trouve, au mot JAUGE, plusieurs formules relatives à la dé- termination de la capacité des tonneaux à fonds plans; mais aucune indication n^est fournie sur la marche qu'ont suivie les divers calculateurs pour arriver aux résultats énoncés. Je me propose : 1° de démontrer la formule donnée par Oughtred, et 2° d'y apporter les corrections qui peuvent la rendre facilement applicable au calcul du volume des foudres à fonds concaves. I. Nous considérerons un tonneau comme un solide de révolution, terminé par deux plans perpendicu- 34 lairesà Taxe. On sait qu'un pareil solide esi exprimé, d'une manière générale, par l'intégrale indéfinie -Tt/J'V.rdanslaquelle r exprime l'ordonnée et x l'abs- cisse de la courbe doni la révolution autour de l'axe des X eno^endre la surface qui circonscrit le volume: cette intégrale, prise entre certaines limites, donne le serment demandé. Si l'équation de la courbe était connue, le problème serait facile, car elle fournirait immédiatement la valeur de / en fonction de x, ce qui permettrait d'effectuer l'intégration Mais, dans le cas actuel, cette équation n'est pas donnée et ne peut même pas être connue d'une manière rigou- reuse, puisque la courbe n'est pas définie. Pour l'obtenir, nous allons appliquer une métbodc d'ap- proximation qui nous conduira directement à la for- mule d'Oughlred. Soit POR , la courbe dont la révolution au- tour de l'axe ST, engen- dre la surface qui termi- ne le volume chercbé. Nous rapporterons les points à deux axes rec- "> tangulaires ox ^ oj dont l'origine sera le point o, milieu de la projection delà courbe sur l'axe de révolution. Mous appellerons 5 l'ordonnée à l'origine o, et ^ l'ordonnée qui répond à l'abscisse oTrz^, i étant la longueur du solide. Cela posé, la courbe PQR peut être représentée d'une manière générale par l'équation j2=/(a-),/ étant le signe d'une fonction inconnue. Développant Q 35 cette fonction au moyen de la série de Maclaurin, on a j2=z:/(0) + r/'(0)+^/"(0)+-^./-(0) etc. Nous savons quej^îj pour>r=0; donc?^ =/(o) et l'équation précédente devient : (0 ,r^ = -^4-x/'(o)4-|-/"(o), en bornant Tapproximation aux termes du 2°ie de gré. Pour déterminer les fondions inconnues/'(o) et /'(o), nous remarquerons que l'ordonnée de la courbe a un maximum égal à j,q"i lépond à x=q, et que de plus celte ordonnée-doit être égale à -pour x=t. De là on conclura facilement: /• (o)=o et /■' (0) = 'J^, Substituant ces valeurs dans (i), on a pour l'équa- tion de la courbe PQR Si nous nommons Vie volume chercbé, nous au- rons son expression au moyen de l'intégrale définie +', ' = \/[x+'^^'^,s^. d'où l'on lire, après iniégration, 12 ou encore : V=(»,2GI8. l{A^-\-2\)'^). icJle est la formule que nous nous proposions de 36 dénionlrcr, et dont il est facile de conclure, avec Oughtred, la règle pratique suivante : Pour déterminer la capacité d'un tonneau consi- déré comme un segment de solide de révolution com- pris entre deux plans perpendiculaires à Taxe, il faut prendre la surflice du cercle du fond, deux fois la surface du bouge ou cercle à la bonde, ajouter ces deux nombres et multiplier la somme parle tiers de la longueur du tonneau. II. Dans la formule d'Oughtred , les fonds du tonneau sont supposés plans : or cela n'a pas lieu dans les fou- dres que l'on construit aujourd'hui et auxquels on donne, pour plus de solidité, des fonds concaves. Afin de la corriger de la manière la plus convenable, nous retrancherons du volume précédemment trouvé, deux calottes supposées égales et que nous considé- rerons comme deux solides de révolution terminés par une surface qu'engendrera une courbe dont l'é- quation se déterminera par un procédé semblable à celui que nous avons déjà employé. Soit RNM, la courbe dont la révolution au- tour de l'axe des x en- gendre la surface qui termine la calotte qu'il s'agit de calculer. Cette courbe peut être assi- milée à une parabole dont l'équation sera gé- néralement de la forme y=/(«)-f--^/("). Q fi 7 p^ > N / s ) M T X en bornam rapproximation aux deux premiers ler- mes du développement de Maclaurin. Il nous sera facile de déterminer les valeurs des fonctions incon- nues/(o) et/' (o), par la résolution de deux équa- tions du pi^emier degré, que nous obtiendrons en remarquant que la courbe doit satisfaire aux deux conditions : y = - pour X — - et Y~'^ pour .x' = - V étant la longueur intérieure du solide prise d'un fond à Tautre sur laxe de révolution. On trouve a nisi : et, par suite, V ii2 pour l'équation de la courbe MiNR. Le solide a-, qu'engendre la portion de parabole KNMT, en tournant autour de Taxe des x, est évi- demment donné par l'intégrale définie : / dx - (1-2 X 1 r 2 et Ton obtient, après intégration et réduction, 38 Helranchani le double de celle expression du so- lide calculé dans le l^"" paragraphe, nous aurons : 42, (d2 + 2D21- = 0,1309 1 <(4D2-d-i-f 5 <-d2 1 pour le volume cherché. Si nous essayons de iradnire en langage ordinaire la formule prccédenie, nous en lirons celle règle pralique : Pour déterminer la capacilé d'un foudre à fonds concaves, il faui prendre quatre fois la surface du bouge, en retrancher le cercle du fond qui sert de base à la partie concave, multiplier la différence par le sixième de la longueur du tonneau, et ajouter à ce résultai le produit du cercle du fond par la moitié de la longueur intérieure, prise sur Taxe. Perpignan, le 20 décem!)re 1848. L. Béguin, licencié-ès-sciences mathématiques, directeur de l'Ecole Normale de Perpignan. ■«^gos<&c« :»» RAPPORT SUR L'OUVRAGE DE M. JAUBERT DE PASSA, CORRESPONDANT DE l'iNSTITLT ET MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ DES PYRÉNÉES-ORIENTALES, ayant pour titre : ' Ari*0!sag:cs clesi anciens penplesi \ Un ouvrage remarquable, sur un objet de la plus haute importance : l' Amélioration de ragricuhure par l'irrigation , vient d'être publié. Son auteur a acquis de nouveaux droits à la reconnaissance publique. Déjà deux traités de l'arrosage, dans le département des Pyrénées-Orientales et dans la province de Va- lence, ravaientfaitconnaître. Cen'étaitlà, cependant, que Tintroduclion à un vaste travail dont un rapide aperçu vous fera comprendre les longues éludes et les immenses recherches auxquelles a du se livrer notre laborieux collègue. Fiers de compter dans nos rangs un illustre compatriote^, dont le monde honore et apprécie le mérite, nous sommes heureux de prouver que le sol du Roussillon est fertile en capa- cités, et que, du sein de notre association, jaillissent de temps à autre des productions dignes des éloges des corps les plus éminents dans les sciences. 1 [.u dans la séance publique du 26 novembre 18î8. - Friinrois Ara{;o. 40 La loi d'Angevillc ei celle de 1846, clablissant le droit de parcours des canaux et d'appui des barrages, n'ont fait qu'ouvrir la voie d'un code de jurispru- dence sur le régime des eaux, très imparfait dans notre législation. On ne saui-ait en contester l'ur- gence, si on veut donner, le plus tôt possible, à la pratique de l'irrigation, toute l'extension dont elle est susceptible, sans porter atteinte aux droits de priorité. Des règlements administratifs ne sont pas moins nécessaires pour une répartition équitable du volume des eaux. Quels sont les documents dont on pourra faire usage? De tous côtés surgissent des mémoires, des notices intéressantes sur cet important sujet. Mais, n'esi-il pas naturel, avant tout, de rechercher les coutumes, les règlements consacrés par l'expérience chez les peuples qui ont su tirer le plus grand parti de l'irrigation? C'est le sujet d'un concours ouvert par la Société centrale d'agriculture. M. Jaubert de Passa n'a pas craint d'entreprendre cette (L'uvre im- mense : l'historique de l'irrigation, en remontant aux époques les plus reculées , dont les écrits de l'antiquité nous aient laissé la trace. Il ex- plore d'abord le vaste continent et les îles de l'A- sie, berceau du monde et de la civilisation; il parcourt ensuite la plage africaine, aussi loin que le permettent ses déserts inaccessibles; l'Europe a la plus faible part dans son ouvrage, comme elle l'eut, en réalité, dans les temps anciens, pour l'application des eaux aux travaux agricoles. Au premier rang des peuples qui comprirent les avantages de l'irrigation, il faut placer la Chine. Dès le xvii« siècle de l'ère du monde, c'est-à-dire 2 400 41 ans avnnt J.-C, lenipcreur l'ao encaissa les rivières el régularisa leur cours. Or, en considéranl la marche lenie des inventions en agriculture, comme en in- dustrie, on sera moins étonné que des auteurs, recom- mandables, et d'antiques traditions fassent remonter l'usage de l'irrigation, dans le Céleste Empire, au- dfAlx de la date historique du déluge^. Les successeurs d'iflo perfeciionncreut les travaux d'art; el, dans l'espace d'un siècle, la canalisation régulière de ses dix-huit provinces fut consommée. L'Iîoang-llo ou fleuve jaune, l'un des plus considérables du globe, déplacé, transporté dans un nouveau lit, un canal transversal de 500 lieues, de larges déversoirs pour annuler ou affaiblir l'effet des crues, un immense réseau de canaux étendu sur le territoire, depuis le sommet des montagnes jusqu'au rivage de la mer, les nombreux ouvrages d'art qui en sont les acces- soires, ont porté la culture des terres au plus haut point de prospérité, et d'anlanl plus merveilleux que la Chine, d'après ses antiques annales, était jadis couverte de landes et de bruyères, sous un climat, glacé dans les montagnes, brûlant sur le littoral, tandis que le centre de l'Empire était désolé par les irruptions el les débordemeais réitérés de ses grands fleuves. A l'ceuvre jihysique cl naturelle, J «, le troi- sième empereur de Fillusire dynastie, à laquelle la Chine doit sa splendeur^ joignit la pratique de far- pentage, l'établissemeni du cadastre pour l'assiette de ' Nous ne (lisciitL'rons pas l\TiitIii'!iticité des dates. Les annales de la Cliiiie, de TRgypte, de TAssyrie, sont loin de remonter, d'après les reelierches et suivant l'opinion d'un grand nombre de savants, aussi liant qu'on l'avait admis jns(iu'iei. L'auteur a dû, cependant, s'en rapporter aux indieations des sources de l'anticjiiité où il a puisé, et nolie analyse doit s'y eonl'orinor. 42 l'arrosage el de l'impôt. Il fit des lois, des règlements simples, il créa une administration vigilante et pa- ternelle, aussi, la succession des dynasties souvent étrangères, renvahissement de races barbares, le fer, le feu exterminant la population, renversant les mo- numents, détruisant les institutions, n'ont porté que des coups impuissants à la nationalité, aux mœurs, à la prospérité d'un Empire qui compte de deux à trois cents millions d'habitants i dont cinquante au moins vivent sur les rives d'un seul fleuve, le Kiang- Tsè. Il n'est pas possible d'attribuer cette force de constitution, cette longue existence, celte supé- riorité de civilisation, à une autre cause qu'aux effets prodigieux de la culture des terres, qui peuvent alimenter une innombrable population. Tout ce que nous avons dit de la Chine s'applique au Japon, peu connu, mais dont la civilisation marche de pair avec elle. Chez les peuples tribu- taires ou soumis à sa domination, quelques contrées même sur les plateaux du Thibet et dans les déserts de la Bucharie el de la Mongolie, pratiquent l'arro- sage; mais, soit par la nature du sol et la rigueur du climat, soit par l'existence nomade du plus grand nombre de leurs habitants, ce n'est qu'un pâle reflet du système. Tout le luxe de la végétation qu'enfante l'expansion régulière des eaux, sur des terrains profonds d'alluvion, se reproduit avec éclat, dans les vastes régions, com- prises entre la Chine, anciennement Pays des Sères, 1 Le voyage en Chine que vient de publier M. Jules Hier , porte à trois cent soixante millions la population des dix-huit provinces, ce qui donne eu moyenne cent habitants par kilomètre cairc. Elle n'est en France ([ue de soixante. 43 les Monts Casienseuln Caucase (maintenant l'Hyma- laya)et la Scythie, limitée par Tlndus et TOréan. Des cours cVeau sans nombre, parmi lesquels les plus grands fleuves du monde connu des anciens, formant d'im- menses et magnifiques vallées, étaient exploités par une intelligente et religieuse population; car le mobile des travaux agricoles qui, dans la Chine, était politique et puissamment encouragé par le gouvernement, fut, dans rindostan, l'œuvre des interprètes d'une religion en parfaite harmonie avec les mœurs et les besoins des peuples. Des milliers de canaux fertilisaient la presqu'île en-delà et en deçà du Gange, ainsi que la Chersonèse d'or (maintenant Royaume de Siam) : les artères principales, larges comme des rivières, parcouraient des distances considérables. La néces- sité de l'arrosage, dont la religion faisait d'ailleurs une loi, était si bien sentie que partout où l'eau courante manquait, on creusait des étangs, d'immen- ses réservoirs, appelés tnngs, auxquels on avait re- cours dans la saison de sécheresse. On a découvert, dans l'île de Ceylan, plusieurs de ces étangs, qui avaient jusqu'à 30kil. de circuit. Sur tous les points, à toutes les hauteurs, on trouve, dans Flnde, des ouvrages hydrauliques encore existants où les ruines et les traces de ceux que la guerre a détruits. Nous ne suivrons pas l'auteur dan? la nomencla- ture de tous les peuples anciens, compris entre l'In- dus, le Golfe Persiqueet la mer Caspienne. 11 n'y a pas une province, un coin de terre oubliés. On voit que par- tout où l'agriculture emprunta le secours des eaux, le sol le plus ingrat, les sables même du désert dédomma- gèrent largement des travaux, des constructions que . nécessitèrent souvent les localités. Ainsi, dans la Médie, plateau dominant entre les deux mers, on dut exécuter de gigantesques ouvrages pour amener des sources éloignées. On perça des montagnes, on forma des canaux souterrains, nommés Karys qui subsistent encore, et dont les Persans jouissent, sans s'inquiéter de leur origine. Nous arrivons à cette contrée, célèbre dès les pre- miers âges du monde, qu'arrosent TEuphrate et le Tigre. L'iiistoire de ses arrosages, plus récente de deux siècles que celle de la Chine, n'a pas moins d'attrait , n'est pas moins instructive. Les écrits d'Hérodote, Xénoplion, Diodore de Sicile, Sirabon noTis font connaître toute la grandeur, la prospérité de cette partie du monde, où existèrent des villes, telles que:]Ninive, Babylone, Suze, Ecbatane, Per- sépolis, etc., qu'embellissaient, avec profusion, des monuments aussi magnifiques que gigantesques; ils constatent qu'une foule de canaux sillonnaient les plaines de l'Assyrie, et surtout le fertile territoire compris entre les deux fleuves. Xénoplion nous apprend quel parti surent en tirer les Grecs dans leur immortelle retraite. On dut à Sémirands, l'éta- blissement des digues d'encaissement de TEuphrale et la dérivation des eaux pour l'arrosage, ou leur déversement lorsque les crues menaçaient de rompre les digues. Alexandre trouva, sur la frontière de la Scythie, celte inscription : « Scmiramis a contraint les « fleuves à couler où elle voulait, pour rendi-e «féconde la terre stérile. » Quinze siècles après cette reine célèbre, une autre femme, JYitocris, veuve dp ÎS^abuchodonozor, comprenant tout le bienfait de l'irrigation, illustra son règne par d'immenses ef miles travaux hydrauliques: elle élargit les ancien^ 45 canaux, en ouvrit de nouveaux, renforça, étendit les digues de Scmiramis, établit des écluses pour assurer la navigation des fleuves. Mais une œuvre qui Timmortalisa, fut entreprise et terminée sous son règne. Un lac immense auquel Tliistoire a con- sacré son nom, fut creusé sur la rive droite de l'Eu- phrale; il avait huit lieues de circuit et onze à douze mètres de profondeur; le trop plein des fleuves s'y déversait lors des crues et servait à l'arrosage quand il y avait pénurie. De tous côtés, même loin des rives des deux fleuves, on trouve des ruines d'aquéducs, de canaux, de galeries souierrairfes. Des ouvrages de cette na- ture et d'autres constructions considérables sont enfouis sous les sables. C'est en vain que, dans l'antiquité, Alexandre, les empereurs Trajan, Sévère, Julien, ainsi que les Califes ont nettoyé, rétabli les canaux principaux pour favoriser l'irrigation ; dans les temps modernes, sous le régime despotique des Turcs et des Persans, tout a dépéri. Dans celte partie de l'Asie, comme dans l'Indostan, on emploie^ pour élever les eaux à de petites hauteurs, deux machines simples : le puits à roue avec godets en cuir et la bascule à paniers en roseaux tressés, enduits de bitume. Nous nous contenterons de mentionner les arro- sages de la Syrie dont le sol fertile fut toujours con- voité par les nations voisines. La Phénicie où brillèrent jadis les villes opulentes de Tyr et de Sidon, région montagneuse, aride, devint, en prodiguant les trésors de ses riches négo- ciants, un jardin à cultures variées, qu'embellissaient de belles maisons de campagne. Le Liban dut à son 4G territoire aspère, élevé, mais que la nature a doté d'aLoudanies sources, rindépeudance doni il jouit. La Palestine que la Bible, d'accord avec tous les liistoriens de l'antiquité, célébra comme un des pays les plus prospères, n'offrait que des ruines et un sol ingrat, lorsque les funestes invasions des Babyloniens, des Romains^ des Arabes, l'eurent dévastée et plongé le peuple dans l'esclavage. On ne connaît de l'Arabie, dont l'immense désert de sable renferme cependant des oasis hospitaliers, que les rivages de la Mer Bouge, du golfe Persique et de l'Océan, qui l'entourent. De ces déserts s'élancèrent, au vii^ siècle, des masses, animées par le fanatisme religieux, et l'esprit de conquête. Les Arabes ou Sarrasins importèrent en Europe les sciences exactes, la poésie, les arts, l'in- dustrie, et on leur doit, sans doute, les canaux de l'Espagne et du Roussillon. De l'Asie, M. Jaubert de Passa nous transporte dans la contrée la plus célèbre de la presqu'île africaine. L^Egypte dont l'histoire remonte aussi haut que celle des Assyriens, était déjà, au commencement du xix^ siècle de l'ère du monde, bien avancée dans l'art de lirrigation. Annuellement vivifiée par une nappe d'eau limoneuse, régulièrement répandue sur la surface de la vallée du Nil, combien de temps, de bras, et d'efforts du génie n'avait-il pas fallu pour encaisser le fleuve, faire épancher mollement ses crues périodiques, ouvrir, dans les atterrissements, un écoulement facile à ses nombreuses embouchures, coloniser et rendre fertiles des sables arides! Nul doute que la culture, avec l'auxiliaire des eaux, en Egypte, ne date d'une époque correspondante à celle de la Chine. Les ouvrages d'art ne manquaient, ni 47 de grandeur, ni d'intelligenie disposition. Des canaux à large dimension fournissaient l'eau à des millions de rigoles, la portant jusquaux moindres parcelles de terrain; et ces canaux, ouverts pendant les crues, Larrés à la baisse du Nil, formaient d^immenses ré- servoirs où plongeaient des roues hydrauliques, éle- vant les eaux au niveau des berges. Mais, de tous les monuments que les Pharaons, ré- pandirent avec prodigalité;, sur le sol de l'Egypte, le plus utile fui le lac que créa Mœris^ 1.400 ans av. J.-C. à quinze ou vingt lieues au-dessus de Mem- phis. Un circuit de soixante et-quinze lieues, avec une profondeur de quatre vingt douze mètres au milieu, le rendirent capable de retenir plus de qua- tre cents millions de mètres cubes. Alimenté par un canal de cent mètres, pourvu de grands déversoirs qui rejetaient le trop-plein vers le fleuve ou le dé- sert, on n'avait point à craindre les funestes effets de l'épanchemenl des crues. Les travaux de Joseph, AOO ans av. Mœris^ ceux de Sésostris, son successeur, régularisant l'effet du phénomène naturel, portèrent l'Egypte au plus haut point de prospérité, que signa- lait, suivant les écrits de l'antiquité, l'existence, pro- bablement fort exagérée, de vingt mille villes, bourgs ou villages, dans une vallée de quatre cents lieues de longueur, sur neuf lieues d'étendue moyenne en largeur. Celte prospérité, qui se maintint toujours malgré les invasions, les dominations souvent bar- bares des conquérants, était due aux bonnes lois, aux sages règlements, à la constante et sévère vigi- lance des agents préposés à l'irrigation. On ne saurait mieux faire que de consulter ces règlements résumés dans l'ouvrage. 48 Ce qu'on a dii de Ti^Igypte s'applique à l'Eihiopie, jusqu'aux sources du NaI. L'Eiaide Méroë, la Nubie, l'Abyssinie, eurent la même Inielligence pour l'usage des eaux; mais les résultais ne pouvaient être les mê- mes à cause de la nature! et de l'escarpement des rives duNil, surla plusgrande partie desoncourssupérieur. Dans la Lybie, la C'irénaïque, la INumidie, la Mauritanie, maintenant Pays de Bargah , régences de Tripoli, de Tunis, d'i^Jger, empire de Maroc, ou fit peu d'usage de l'irrij^ation dans l'intérieur des terres. Alors, comme à présent, partout où existait une source, un puits, se formait un oasis. Mais les rivages de la mer étaient bien cultivés; et des jar- dins sans nombre, s'élevanf; en ampbitbéàtre, embel- lissaient la plage. On faisait usage, dans les montagnes, de grands seaux en cuir, aiiacliés à une corde se mouvant sur une poulie, manœuvrée par des cba- meaux otr d'autres animau>:. L'Algérie, sous les Romains, ne dut, qu'à des ou- vrages d'art, la circulation des rares filets d'eau qui découlaiéîit de l'Atlas. C'est surtout dans la province de Consiantine (CirtaJ qu'on trouve un grand nombre de ruines d'aquéducs, de l'igoles, de galeries sou- terraines, indiquant l'état ancien de l'agriculture. L'arrosage se borne mainten ant à une ceinture de jardins, de jolies maisons de campagne enveloppant les villes d'Alger, de Blidah, Médéali, Mascara, Tlemcen etc.. Ce n'est que sur les bords du Cbélif et dans le Sabara qu'on trouve; des arrosages naturels, peu étendus. L'empire de Maroc (jadis Maurilania Tingitana) est bien mieux partagé; mais on ne fil jadis comme aujourd'hui d'autre usage des cours d'eau que pour l'agrément. 49 L'Europe était, dans rantiquité, la partie du monde où l'irrigation fui le moins en usage; ainsi la Grèce, terre de héros, de poètes, d'artistes, d^ora- leurs, de commerçants, parmi tant d'hommes qui rillustrèrent , ne compta point d'agriculteurs. Le Grec ne vivait pas hors de la cité, confiant, à des esclaves les travaux des champs. La Thessalie, la Macédoine, la Phocide, l'Épire, l'Etolie, l'Acarnanie etc.. furent, comme la Grèce, dépourvues d'arrosages de quelque importance. Les ouvrages hydrauliques, dont il reste des traces, ne servirent que pour alimenter des fontaines, ou pour l'embellissement des habitations. Constantinople, ja- dis Taniique Byzance, mérite, sous ce rapport, une mention expresse. Les aqueducs de V^alcns ^ de Théodose ^ de Justiuien, trois canaux souterrains, de magnifiques constructions dans les vallées voisi- nes, des siphons ingénieux pour les franchir, de nombreuses citernes., amenèrent et conservèrent des eaux abondantes. On pouvait porter à quatre- vingt ((uinze mille mètres cubes le volume des eaux qui entraient à Constantinople toutes les vingt qur.lre heures. Dans les îles de Chypre, de Rhodes, de Crête, et les îles Ioniennes, l'arrosage fut jadis, comme de nos jours, plus pratiqué qu'en Europe. La Sicile, surnommée par Caton, le grenierd'abon- dance de la République et la nourrice du peuple romain, ne dut son extrême fertilité, qu'à l'excel- lence du sol. On ne sut jamais s'y procurer le con- cours d'un élément qui en eut doublé la valeur. L'Italie antique, soumise à la domination d\in peuple guerrier, dont toutes les instiiniions tendaient 4 50 à la conquête ei à ragrandissement du territoire, dédaigna de s'occuper de l'irrigation. L'opulence des Patriciens, le luxe des Empereurs, n'eurent pour but que l'ambition de transmettre leur nom à la postérité, en élevant de somptueux édifices. Au nombre des monuments utiles, on doit mettre au premier rang les aqueducs. Rome en posséda neuf, et, suivant quelques auteurs, jusqu'à vingt, débitant, par jour, plus d'un million de mètres cubes d'eau. Le quart dépassait les besoins de la population, portée à 5U0.000 âmes; le surplus aurait suffi à larrosage de 1 5.009 hectares, et rendu fertiles et salubres les environs de Rome. Les penchants, les goûts des habitants de Tancienne Italie, détournèrent de l'irrigation utile; et cependant quelques bons esprits tels que Varron et Caton, recommandaient : «Si l'on « avait de l'eau, de créer préférablement à tout, des uprés arrosables, et si l'on n'avait pas de l'eau, de (( faire toujours des prés. » L'art de l'irrigation n'était pas plus avancé dans la Gaule Cisalpine, lorsqu'un demi-siècle avant J.-C, les colonies romaines vinrent s'y établir. Il fallut que l'irruption arabe et le retour des Croisés, apprissent tout le parti qu'on pouvait tirer des eaux. La science des réfugiés grecs, après la prise de Constantinople, compléta l'exécution d'un système d'arrosage. Les écluses, les prises d'eau convenablement disposées^ des nivellements, une répartition intelligente furent introduits d'abord dans la Lombardie, le Piémont; bientôt, dans toute l'Italie, dont l'irrigation a porté ses terres au plus haut degré de prospérité. Depuis cette révolution agricole qu'on appelle, à juste litre, l'époque de la renaissance, des calculs exacts font 51 monter à 485.000 hectares les terres de la rive gauche du Pô, qui jouissent de ce hienfait. On peut évaluer, par approximation à la même cote, le terri- toire arrosé de la rive droite. L'auteur ne dit rien des arrosages de la province de Valence en Espagne, de ceux de TAragon et du Roussillon, sur lesquels il a d'ailleurs fait d'intéres- santes publications. 11 les regarde, sans doute, comme modernes. INoiis avons pu remarquer, cependant, dans son ouvrage, de nombreuses mentions, même des détails étendus sur l'arrosage actuel. 11 a eu rai- son de franchir ainsi les limites de son litre; c'était le moyen simple et naturel de faire ressortir, par la comparaison, les immenses et inappréciables avan- tages d'un bon système d'irrigation. Le sixième chapitre, conséquence et objet essen- tiel de l'ouvrage, renferme le résumé des lois et usages qui ont régi l'irrigation et dont ii'expérience a consacré l'effet chez les peuples les plus instruits. Nous avons vu que, parmi les anciens, la Chine, l'Assyrie et l'Egypte devaient compter, au premier rang. Dans les temps modernes, la Lombard ie et la province de Valence, ont les règlements administratifs les mieux entendus. Nous ne saurions terminer ce rapport, sans expri- mer une louange bien méritée sur le style clair, élégant de cet ouvrage, et sur l'érudition de son au- teur. On pourrait lui reprocber, peut-être, d'avoir donné trop d'extension aux détails d'histoire et de géographie. Il lui a paru sans doute indispensable de décrire les nneurs, les usages, la législation, la nature du sol, le climat, les bassins des fleuves, etc., pour en venir aux causes de l'origine et du progrès 52 de rirrigalion; pour nous faire apprécier combien les mœurs ei les usages ont de Tinfluence, combien la législaiion et les gouvernements peuvent hâter ou ralentir lelan des peuples; comment le sol, le cli- mat la situation des rivières amènent naturellement rusa""o des eaux, ou forcent d'avoir recours aux tra- vaux d'art; pour nous faire enfin porter un jugement éclairé sur les actes des peuples ou des princes qui les gouvernent. En un mot. Messieurs, Fouvrage de M. Jaubert de Passa occupera une place distinguée dans nos biblio- thèques. 11 sera d'un grand secours pour la commis- sion chargée d'élaborer les bases d'une jurisprudence complète sur le régime des eaux. La société natio- nale et centrale d'agriculture à laquelle l'auteur en a fait hommage, l'a honoré de sa haute approbation. En confirmant son jugement, nous remplirions un devoir. Ce n'est point assez. Exprimons à notre con- frère tout l'intérêt que nous inspire son immense travail, et félicitons-le d'avoir aussi dignement sou- tenu l'honneur et la réputation de la Société des Pyrénées-Orientales. Baion GuiRAUD de Saiist-Marsai^. .j;} LE VIEUX ROUSSILLON. La liberté civile, la liberté politique ne sont pas pour le Roussillonnais une conquête des temps mo- dernes; bien plus, elles ne peuvent être, pour lui, aussi larj^es qu^elles le furent dans les vieux jours. Ces libertés furent consacrées pendant de longs siècles par ses usages, ses coutumes, ses lois, qui fu- rent toujours en harmonie avec ses sentiments, son caractère, ses mœurs, ses besoins, ses intérêts: et ces lois étaient l'œuvre, l'expression, la règle d'un peu- ple peu nombreux, vivant sous le drapeau du gou- vernement qu'il s'était donné, seul avec lui el par lui, sur le coin de terre où il s'était établi. Les Roussillonnais ne sont plus aujourd'hui qu'une fraction d'un grand peuple formé, par le temps, de divers peuples; el les lois, les institutions de chacun d'eux, ne pouvaient convenir à tous, assurer la pros- périté de tous. Une législation basée sur les intérêts généraux d'une immense population d'hommes ayant des mœurs, des caractères différents, devait de toute né- cessité restreindre les libertés des uns, agrandir les libertés des autres, renfermer dans les mêmes limites les droits de tous 54 Pour trouver, dans le Roussillon, le berceau de la liberté de son peuple, il faudrait pouvoir fouiller dans la nuit des temps les plus reculés. Au dernier crépuscule des jours qui précédèrent la domination romaine dans notre patrie, nous trou- vons les cbefs particuliers qui gouvernaient le pays sous le titre de BeguU, réunis dans Ruscino et déli- bérant s'ils devaient accorder à Annibal le passage à travers leurs terres, qu'il leur avait demandé pour son armée en marche sur l'Italie *. Pendant les quatre siècles que le Roussillon fat inscrit sur la carte du monde romain, rien ne laisse soupçonner que le code du grand empire fût sa loi exclusive, sa loi première. Ensuite, occupé par les Visigotlis, des monuments historiques des siècles suivants attestent que les lois de ses nQuveaux maures ne lui furent pas imposées. Après eux, les Sarrasins l'envahirent. Ils respectè- rent ses lois; mais la misère, les proscriptions, les supplices, sont, pour le Roussillonnais, l'histoire de celte triste époque. L'épée de Charles- Martel affranchit enfin les peu- ples des Pyrénées du joug des barbares. Le Rous- sillonnais, comme pour marquer la place qu'il serait digne d'occuper un jour dans le sein d'une grande nation, se mit de lui-même sous la protection des rois de France. Sa patrie devint un de ces comtés qu'ils formèrent en deçà comme au-delà des Pyré- nées, et qui, relevant de leur couronne, n'en formè- 1 Annibal... Juxtà lUiberm castra local... Ruscinonem aliquot popuii con- veniunt... Reguli Gallorum... Cum bona face exercilim per fines suos, prater Ruscinonem oppidum iransmiserunt . (Tit.-Liv., liv. 21 , § 24.) ao rcnt pas moins de petits étais indépendants, sous leurs souverains particuliers. Les siècles marchèrent, et la nécessité des lois écri- tes fut partout reconnue. Aussi, Guinard, dernier comte de Roussillon, fit-il rédiger par écrit la coutume de Perpignan. C'était en '1172, et, dans son article premier, on lit: « Les liomines de Perpignan doivent plaider et être jugés par les « coutumes de cette ville, et dans le silence de ces coutumes, per jura « (c'est-à-dire par les lois romaines) , et non par la loi gothique et « les usages de Barcelone qui ne sont pas observés dans cette ville ^. » Peu de temps après, Guinard meurt, en léguant le Roussillon à Alphonse, roi d'Aragon; et, quoique res- tant toujours Etat séparé, il fait partie de ce royaume. La féodalité touchait à la dernière heure de ses usurpations dégradantes, et pour les peuples, et pour les trônes. Dans l'Aragon, comme dans heaucoup d'autres Etats de l'Europe, la commune s'élevait pour donner à Ihabitant la franchise personnelle, et la ju- ridiction communale qui devaient le conduire à la liberté civile et à l'exercice des droits politiques. Commune. — § !«•■, Ce fut en 1 196 que Perpignan, Uocîi rcal, c'est-à-dire sous la seigneurie du roi, s'é- rigea en commune. Comme dans d'autres villes, sa charte communale ne fut pas achetée au prix d'une somme une fois payée, d'une redevance annuelle; elle ne fut pas non plus un acte de la munificence royale, non jus- tifié par des litres, un voile jeté sur des projets de 1 liomines Perpiniani dcbenl placilare et judicari per consitetudinem ville, et per jura, ubi consueludinos defjiciuni, et iio» per nsalicos Barcliinone , neiiue per legem Goticam, quià non hahent locum in villa Perpiniani. (Aroh. de i'Hô- lcl-(lc-Villf, Litire Vert majeur, fol. 2 à (5.) puissance ei d'ambilion; elle ne fui pas non plus im- posée à son roi par un peuple séditieux ou révolté. Monument historique, alloiis plus loin, litre d'hon- neur et de gloire pour le floussillonnais, c'est un traité entre le roi d'une part, le peuple de Tautre , ayant chacun des intérêts à défendre, des conven- tions à établir sur l'exercice de leurs droits respectifs, et pour, dans l'avantage commun, stipuler les préro- aaiives de la couronne et fonder la liberté de l'habi- tant. Celte charte la voici : « Qu'il soit notoire à tous, que nous tous, habitants de Perpignan, « réunis ensemble, et du consentement de l'illustre Pieiie, roi d'A- « ragon , comte de Barcelone, établissons parmi nous cinq consuls, « N. N. N. N. N., qui veilleront de bonne foi à la conservation « de tout le peuple de la ville de Perpignan , petit et grand ; de ses- M biens meubles et immeubles, et des droits du loi ; maintiendront « et régiront ledit peuple pour procurer en toute chose la fidélité due « au roi, l'avantage et la sûreté de tout ledit peuple, lesquels coii- « suis exerceront le consulat pendant une année, qui commencera aux « calendes de mars ; « Que si, après ce terme, ils ne veulent pas en continuer l'exercice, « ou s'ils n'étaient pas jugés utiles, ou si la nécessité l'exige, ou si « le peuple de ladite ville trouve à propos de les changer, il sera « procédé à la nomination de cinq autres consuls, au choix de tout « ledit peuple, pour un an; ce qui sera renouvelé chaque année, « si ceux qui exerceront le consulat ne sont pas jugés utiles, ou si le « peuple ne veut pas qu'ils en continuent l'exercice. « En outre, nous tous, habitants de Perpignan, petits et grands, « et chacun de nous en particulier, promettons, de bonne foi et sans « feinte, sur les Saints Évangiles, par cet écrit, à perpétuité, de con- « sacrer notre vie et nos corps à la fidélité due au roi et à ses suc- « cesseurs, et de soutenir tous ses droits quelconques de bonne foi « et sans supercherie. De plus, nous tous, habitants de Perpignan, « convenons ensemble entre nous, de bonne foi et sincèrement, que « nous serons tous ensemble mutuellement, en maintenant les droits 57 « du Seigneur Roi cl de ses snccesseuis, de véiilables aides et dé- « fenseurs de nos personnes et de nos biens, contre ceux qui ne seront « pas de ladite ville de Perpignan, sauf, toutefois, la fidélité due au « roi et à ses successeurs , en tout et pour tout , tout ce (jue nous « promettons d'observer sous serment. « Et moi, Pierre, par la grcàce de Dieu, roi d'Aragon, pour moi « et pour mes successeurs, j'accorde et je promets fermement par « cette charte, valable à perpétuité, à tous mes hommes de la ville « de Perpignan, qui y habiteront et demeureront, présents et futurs, « que, si quelque personne, qui ne sera pas de notre dite ville, fait « quelque tort, offense ou injure à quelque homme ou femme de la- « dite ville, en les frappant ou de toute autre manière; celui qui aura « reçu le dommage ou l'injure s'adresse aux consuls, au bailli on au « viguier en charge en notre dite ville ; que sur les représentations « du plaignant, les consuls, avec le bailli et mon viguier, se trans- ie portent de suite et sans retardement sur les lieux , ou manderont « celui qui aura fait le tort, le dommage ou l'injure; que s'il refuse «devenir, de restituer, ou de faire la réparation qu'ils croiront « juste, conformément à la raison, au droit, aux usages et coutumes « de la ville de Perpignan, nous voulons, et de notre autorité royale i< ordonnons que les consuls, avec nos bailli et viguier, marchent et « poursuivent ensemble, et à main armée, le malfaiteur qui aura fait « le tort ou l'injure , jusque dans la ville où il se sera retiré , oîi il « aura ses effets. Il ne pourra être foimé aucune plainte à raison « des méfaits et meurtres qui s'y seront commis. « Si lorsque lesdits consuls , avec nos bailli et viguier feront ces « chevauchées, quelijue habitant de Perpignan reste dans la ville sans « nécessité évidente, il encourra une amende de dix sols barcelonais, « qui seront employés à réparer les murs de la ville. « Nous ordonnons qu'aucun particulier n'ose méfaire et poursuivre « quehpie étranger, sans prendre l'avis des consuls, de nos bailli et « viguier, à peine d clic contraint à telle réparation qu'ils croiront «juste, et de plus il sera condamné à une amende de dix sols, « qui seront employés à la réparation des murs. Les consuls seront « dédommagés des frais quils auront faits, et du louage des chevaux, « s'ils montent à cheval , aux dépens de celui qui aura fait le tort, « le dommage ou l'injure. «Pareillement, les consuls qui seront annuellement nommés, fe- 58 « ront, comme ont déjà fait les consuls nommés, le serment de fidé- « lité et de manutention de nos droits, et jureront d'être fidèles à « tout ledit peuple de Perpignan et d'en procurer en tout l'avantage. « Et nous cinq consuls nommés, susdits, chacun en particulier, « jurons sur les Quatre Evangiles d'être fidèles au roi et à ses suc- «cesseurs, de sacrifier notre vie et nos corps pour maintenir ses « droits en toutes choses, d'être également fidèles à tout ledit peuple « de Perpignan, et d'en procurer en tout l'avantage. « Fait le 7 des calendes de mars de l'an 1196. » Cette charte, fondatrice de la commune, portait avec elle le germe d'un avenir d'ordre public et de prospérités privées pour l'habitant. Le drapeau d'une cité libre que l'habitant eut le droit d'élever sur ses tours, appelait dans son sein l'homme isolé dans la solitude des champs , et traî- nant sa vie autour du manoir du seigneur féodal. Il ne paraît pas cependant, il faut le dire, que la féoda- lité ait eu pour le Roussillonnais les mêmes rigueurs que pour beaucoup d'autres peuples ^ Quoi qu'il en soit, cet homme vint demander à la commune liberté et protection en retour d'un travail utile , et des droits civiques en retour de l'obéissance qu'il jurait à ses lois, et de son concours au support des charges municipales. I Dn acte reçu par Grimaud , notaire, de 1312 , contient les conditions sous lesquelles un habitant de Boupas, homme du Roi, à Perpignan, re- devint homme de la religion de Sainl-Jean-de-Jcrusalcin , qui possédait la seigneurie de Bonpas. II se soumet au paiement du droit de fouage envers son nou^au seigneur; à faire partie de la kost, à suivre les baillis et les consuls dans leurs chevau- chées, à subir uue part dans les sommes que le seigneur devrait payer au roi, à fournir son contingent de travail pour les réparations et entretiens des chemins, de la rivière de la Tel, de la Basse, et des canaus d'arrosage. 11 s'engage à ne pas changer de seigneur pendant un an. ( Sai.m-Malo , Carlulaïre roussillonnais, tom. I, p.'t'i.) Partout, avec l'établissement des communes, les centres de population s'agrandirent par des construc- tions nouvelles; les mœurs se polirent, des rapports intimes se formèrent entre tous les membres de la même association communale, des rapports de com- merce entr^eux et les étrangers; la civilisation mar- cha dans le progrès; des lois plus en harmonie avec l'ère qui allait s'ouvrir pour la nouvelle société poli- tique, étendirent, sur les habitants des communes, leur sceptre protecteur. Si celle vérité historique pouvait être contestée, les mille preuves, dont nous pourrions la soutenir en parcourant l'histoire (Je toutes les communes, nous les résumerons dans l'histoire de notre patrie. Pendant le premier siècle de son existence, comme commune, Perpignan, renfermé dans la partie de son sol qu'occupe de nos jours la paroisse Saint- Jean, s'agrandit de quartiers assez considérables pour former deux nouvelles paroisses: sa halle au blé, qui, en 1293', fui bâtie aux extrémités de la ville ei dans ses anciens fossés, se trouvait, soixante ans plus lard, presque au milieu de ses quartiers centraux. A cette époque s'élevaient des monuments publics et religieux encore aujourd'hui remarquables. A côté de son hôtel de ville, le commerce se construisait sa bourse 2. Sur les ruines de son ancienne église pa- roissiale, fut posée, en 1324, la première pierre d'une nouvelle église, vaste, majestueuse, hardie, qui devait un jour être une cathédrale. L'imposant édifice qui occupe aujoud'hui le point culminant de notre citadelle , était un palais souvent la rési- ' FossA, !>Ii:moire pour les Avoculs 2 shjle du Consulal de .Vi;r, \i. IH. 60 dence des rois de Mayorque. Les rois d'alors niel- laient en pratique cette règle, écrite par un de nos plus anciens légistes : Mex quolibet anno débet visitarc suam terrant i . C'est à sa charte communale , toujours respectée par le souverain, qui ne manqua jamais à réformer les décisions royales surprises à sa religion, quand elles étaient contraires aux lois qui en étaient la con- séquence, toujours respectée par le peuple qui sou- vent la défendit par les armes, que Perpignan dut un progrès bien plus utile, bien plus précieux. Ville uniquement agricole, dans le xiu<= siècle, il devint, bientôt après, une ville industrielle : des fa- briques de draps, dans lesquelles on comptait jusqu'à cinq cents métiers de tisserands, ajoutèrent aux pro- duits du sol les bénéfices du commerce. Dans le siècle suivant, il devint une ville d'instruction et de science. Jusque-là, le Roussillonnals n'avait trouvé dans sa patrie que quelques écoles élémentaires, où les enfants pouvaient recevoir les notions premières indispensables à tout citoyen, à tout homme. Peut- être, avait-il un collège où il pouvait acquérir les connaissances usuelles qu'exigent les professions in- dustrielles; mais ce ne fut qu'en 1349 qu'il obtint de Pierre la fondation d'une université'^, où les hau- tes sciences, professées par des maîtres habiles, fu- rent cultivées par des disciples nombreux. Depuis cette époque, jusqu'en 1790, il jouit, ou du moins il put jouir, d'une instruction large, complète, gra- tuite, dont le peuple^ il faut le dire, ne sut pas ap- précier les avantages et les bienfaits. * MiKREs, col. II. 2 iiure verl majeur, fol. 200. 61 De celle charte, enfin, sortit une magistrature de cité, qui, se perpétuant d'âge en âge, commença, continua, améliora un code de lois municipales dont les prévisions, la sagesse, rcnsendjle, les détails, at- testent rexpéricnce, le patriotisme de nos pères, leur amour pour la patrie, leur dévoûment à leurs conci- toyens. r»endons-lui le seul hommage qu'il nous soit permis de lui offrir, en rappelant aux Roussillonnais de notre époque (juelques-unes de ses principales dispositions. JNotre code consacrait le suffrage universel comme la base du gouvernement et de l'administration de la commune. 11 fut d'abord exercé par l'universalité des citoyens; mais la population étant devenue plus nom- breuse, une délibération de cette universalité, trans- féra, à un certain nombre de ses membres, le droit de faire pour tous et au nom de tous les élections municipales, et de réglementer pour l'avenir tout ce qui s'y rattacherait. Une première charte réglementaire de 1436, faite en vertu des pouvoirs donnés par Tuniversalilé, attri- bua la nomination de leurs successeurs et des diffé- rents conseils de ville, aux consuls et aux conseillers en fonctions ^. Elle divisa les habitants en trois ordres, qui pri- rent le nom de mains. Les habitants, vivant honorablement de leurs re- venus fonciers, de leurs rentes, exploitant la banque, le haut commerce, exerçant une profession libérale, formèrent la main majeure. Dans le second ordre, la main moyenne, furent clas- * livre vert majeur, fol. 208; Fossa, I\Iém., p. 153. 62 ses Jes babilanls qui exerçaient une profession moins honorable dans la hiérarchie sociale d'alors, et dans une position aisée, tels que les notaires, les marchands, les fabricants, etc. Enfin, le troisième ordre, la main mineure, se com- posa des petits propriétaires exploitant par eux- mêmes, des jardiniers cultivant un jardin à litre de propriétaires ou de colons, et, enfin, des maîtres ou- vriers admis comme tels dans les corporations pro- fessionnelles et tenant boutique pour leur compte. Etait, de droit, habitant, tout homme né, dans la ville, de parents domiciliés, y exerçant une profes- sion, une industrie, un métier, et y possédant une maison, un magasin, une boutique, à titre de pro- priétaire ou de locataire. L'étranger pouvait acquérir le titre d'habitant, en s^établissant dans la ville avec le consentement des consuls \ et, après avoir prêté serment entre les mains du bailli, de se conformer aux lois et usages de la coiumune ^. Dès l'instant qu'il avait été admis, il jouissait de toutes les franchises, de toutes les li- bertés municipales; mais ce n'était qu'après cinq ans qu'il pouvait prendre part au gouvernement de la commune ''. Les habitants qui, en échange des libertés et des franchises attachées à leur titre, supportaient une part quelconque des charges de la conmiune, et se trouvaient encore dans les conditions plus haut po- sées, avaient, en principe général, le droit d'interve- nir dans son gouvernement, et par leurs voles et par eux-mêmes, s'ils y étaient appelés par les suffrages de 1 Usages: Livre verl majeur, fol. 10. — -Idem, fol, 20.— 3 Idem, fol. 216. 63 leurs conciloyens; mais ce principe nolaii pas sans exceptions. Ceux qui vivaienl d'un métier dont le public et l'autorité pouvaient commander, lequérir les tra- vaux, comme les vidangeurs, les fossoyeurs, les pa- veurs, les portefaix, etc. ; ceux qui exerçaient un métier sous la dépendance d'un maître, les commis, les garçons de boutique, les valels de labour, les do- mestiques, ne pouvaient être appelés au consulat, dans les conseils de la ville; ils ne concouraient pas à l'exercice du suffrage universel. Après cette loi réglementaire, et plusieurs autres lois qui lui succédèrent, vint, en 1 449 ', une sentence arbitrale, rendue par la reine Marie, sentence qui fut, malgré les abus que les derniers siècles y avaient introduits, la loi de la matière jusqu'en 1789. Le suffrage universel se composait des votes de tous les habitants domiciliés, qui avaient une existence assurée par des biens acquis, ou garantie par les tra- vaux constants d'une profession, d'une industrie, d'un art, d'un métier honorables, et qui les fesaient vivre dans une indépendance absolue de leurs concitoyens. Cette position qui permettait à l'habitant de ne suivre que ses inspirations, de n'obéir qu'à ses convictions, et (nous le verrons bientôt) une moralité générale- ment reconnue, étaient les titres qu'il devait porter avec lui pour jeter son vote dans l'urne électorale, pour y voir son nom déposé comme celui d'un éligi- ble, pour Feu voir sortir comme celui d'un élu. Mais si nos aïeux avaient pensé que le suffrage universel, pour conserver toute sa pureté, toute sa 1 Livre vert majeur, fol. 469. 64 vérilé, toute sa force, devait être protégé contre la dépendance, leur sagesse sut aussi le défendre contre le privilège. Les habitants nobles, jouissaient, comme tous les habitants des autres classes, des mêmes franchises, des mêmes libertés communales; mais ils n'étaient pas sous la juridiction du bailli, sous celle des con- suls et des conseils de ville *; ils étaient sous la juri- difition du juge royal, sous celle du gouverneur de la province 2; ils étaient affranchis de toutes les char- <^es municipales 3. Aussi étaient-ils exclus du suffrage universel et de la moindre part dans le gouverne- ment, dans Tadministration de la commune et par leurs votes et par eux-mêmes. Plus tard, ils voulu- rent racheter, du sacrifice de leurs prérogatives nobi- liaires, leur titre de citoyens et leurs droits civiques ; ils demandèrent leur part dans le support des char- ges publiques -, ils obtinrent, non pas d'entrer dans un des trois ordres d'habitants constitués, non pas de voter dans les élections consulaires et des différents conseils de ville, mais seulement d'être admis aux honneurs consulaires ; et ils alternèrent avec un bourgeois de la main majeure dans la charge de pre- mier consul 4. Mais le titre d'habitant, soias toutes les conditions que nous avons posées, domicile, support des char- ges municipales, position indépendante, profession, industrie, métier honorables, ne suffisait pas pour voler dans les élections, pour être éligible aux fonc- tions municipales. Nos aïeux n'admettaient au ma- 1 Const. de Cal., liv. -18, tit. ^. ^ Const., liv. S, ch. 2; Calis, Nob. 2 Idem, liv. 3, tit. 27. ^ Trans. de iOOt, Liv, vert min. nieuicnt des affaires publiques que les hoimnes qui leur présentaient une garantie personnelle par leur amour pour le travail, par leur moralité. Nul habitant flétri par des faits qui avaient mo- tivé contre lui des condamnations judiciaires, ne pouvait être inscrit sur le registre civique, appelé le registre des matricules, déposé dans l'Hôlel-de-Ville. C'était un grand juri communal composé de mem- bres du conseil-général et des cinq consuls, qui, sur une enquête sévère et sur l'avis des chefs des cor- poi^ations ouvrières, admettait ou rejetait les de- mandes en inscription; et le pouvoir de ce juri s'é- tendait jusqu'à ne pas admettre dans les listes élec- torales, et à ne pas déposer dans les bourses des différents ordres, d'où le sort extrayait les membres des conseils de ville, et les électeurs consulaires, les noms des habitants, qui, quoique inscrits sur ce re- gistre, étaient, par leur oisiveté, leurs mauvaises mœurs, leur conduite privée, un scandale public, et ne jouissaient d'aucune considération. Chaque ordre d'habitants donnait à la ville des consuls, et un égal nombre de membres à ses conseils. Le premier et le second consuls appartenaient au premier ordre, la main majeure ; le troisième et le quatrième étaient pris dans le second , la main moyenne; le cinquième dans le troisième, la main mineure. Dans les premiers temps, c'était toujours un jardinier de Saint-Jacques ; plus tard, un culti- vateur, un ouvrier de la ville, purent partager avec lui les honneurs consulaires. Les douze membres du conseil de douzaine, qui était à peu près ce qu'est de nos jours le conseil municipal, les soixante membres du conseil-général de la commune, ceux 66 des autres conseils particuliers, pris par tiers clans chacun des trois ordres, étaient extraits par le sort de leurs trois bourses. La veille de la Saint-Jean, chaque année, les noms des habitants des trois ordres, habiles à être électeurs et par suite, éligibles, et inscrits sur ce registre, étaient écrits sur des bulletins et déposés dans trois boîtes. Dans une salle de l'Hôtel-de- Ville, et avec la plus grande solennité, en présence des cinq consuls et des soixante membres du conseil-général et des autres conseils, quatre noms étaient extraits au hasard de chacune des trois boîtes, et les douze membres des trois ordres ou mains, désignés par le sort, étaient chargés de faire, pour tous et au nom de tous, les élections consulaires. Instantanément appelés, ces douze habitants élec- teurs, après avoir prêté serment de ne nommer pour consuls que des hommes dignes, par leur probité et par leur science, de marchera la téie de la commune, étaient enfermés dans un local séparé où était déposé le registre contenant les noms de tous les habitants, électeurs et éligibles, et ils n'en sortaient qu'après avoir accompli leur mandat, l'élection des cinq consuls. Ainsi, le riche, l'aisé, le pauvre, qui, chacun sui- vant ses facultés, supportaient une partie des charges communales, qui avaient tous le même intérêt à ce que la ville fût bien administrée, et les mêmes droits à figurer dans son administration, concouraient, par les mandataires qu'ils s'étaient donnés, à l'élection de leurs magistrats de cité, et chacun trouvait son titre de candidat aux fonctions municipales écrit dans le registre civique, avec son litre de bon citoyen. L'adminisiraiion, les finances, la police de la ville, la nomination aux emplois municipaux, les règle- ments d'ordre public, professionnels, n'étaient que dans la juridiction consulaire. Les consuls ordonnaient, tantôt seuls, tantôt avec le concours des conseils de ville, quelquefois avec celui des chefs des corporations ouvrières, les me- sures générales ou particulières qu'il iallait prendre dans l'intérêt de toute la cité ou d'une classe d'ha- bitants. Us régissaient et mettaient à ferme les biens et droits de la commune i. Dans les premiers temps, la host^, c^est-à-dire la population armée, éiaijt sous le commandement du premier consul, en temps de paix comme en temps de guerre; plus tard, ce fut la milice urbaine. C'était chez lui que les clefs de la ville étaient déposées^; les opérations militaires devaient lui être communiquées ; la nomination des officiers de la host et de la milice urbaine appartenait aux consuls. L'habitant de Perpignan était, non-seulement dans le droit, mais encore dans l'obligation d élre pourvu d'armes. Il pouvait à tout instant élre appelé à la défense du pays; il ne pouvait être forcé de servir hors la province. Ses armes ne pouvaient être saisies avec ses meubles par décret de justice*. A tiire d'emprunt, à titre de prêt, le roi ne pou- vait rien exiger de lui pour les dépenses de l'Etal; pour lui point d'impôt de joyeux avènement ei de couronnement. Son concours aux dépenses nationa- les était tout volontaire. Aucun ordre royal ne pou- vait le lui imposer^. *Sent.det4-'i9; Livre vert min., (ol. iG9. ^ Livre vert maj., fol. 219. ^Liv. vert min., fol. 29-5 . "* Usages, fol. ! i. ■• Livre vert maj., fol. IS. 68 La dîme ne frappait pas, pour lui, la plupart des produits du sol qu'elle frappait ailleurs i. La liberté du domicile était écrite dans ses lois, parmi ses libertés; il pouvait, en quittant la ville, y conserver ses biens, en percevoir les revenus; il pouvait les emporter ou les vendre 2- Décédé ab intestat^ ses biens passaient à ses héri- tiers légitimes, à ses enfants; à leur défaut, à ses héritiers collatéraux- Les pauvres, c'est-à-dire la ville, n'héritaient de lui qu'à défaut de parents, ou quand ceux-ci ne s'étaient pas présentés dans les délais voulus par les usages. 11 pouvait en disposer par acte entre vifs, par testament 3. Il ne pouvait, pour des causes pécuniaires, être détenu dans des entraves de fer ou de bois, en usage dans le pays. Il ne pouvait être torturé et mis à mort sans avoir été défendu'*. Tout Perpignanais, arrêté pour des faits person- nels, devait être jugé dans les dix jours. Après ce laps de temps, s'il n'était pas jugé, il devait être re- lâché. Il avait ledroitde requérir son jugement avant les dix jours, s'il pouvait fournir les preuves de son in- nocence, ou si rien ne faisaitsoupçonner sa culpabilité^. L'habitant de Perpignan, si justice lui était refusée par le bailli ou le viguier, avait le droit de les pren- dre à partie et de les poursuivre en dommages^. 1 Voir au lÀmt vert min., aux usages, ceux sur les dimes, en dix articles. ^ Livre vert maj., f. 7.— ^Dsages, 28.— */rf., 13; liv. desord. 78.— 5 Us. ^2. 6 Us. 59.11 existe un acte exploité , de 1572, assez curieux pour être rapporté : « Comme vous, Honoré Vidal-Grimaud, bourgeois et bailli de la ville de Perpignan, tenez en votre pouvoir, dans vos prisons, Antoine Copliura, maçon, et Evarnaud Forgues, fourbisseur, et ce pour voies de faits, et excé* commis contre moi , Laurent Batlle, maçon de Perpignan, et vous ai re " 69 Laliberiéiiulividuelle, cepremierbien de l'iiomme et du citoyen, était sous la protection des consuls. Ils avaient le droit de se faire ouvrir les portes des prisons, même royales, pour arracher l'habitant à l'arbitraire du bailli ou du viguier»,qui avaient juré l'observation des usages et coutumes^. Enfin, il ne pouvait être jugé que par les juges du pays, dans le pays et par les lois du pays^ Pendant que Perpignan grandissait en population, en prospérité, sous l'heureuse influence de ses lois, ses habitants, comme ceux des autres communes, après avoir conquis leur franchise personnelle et la juridiction communale, arrivaient au moment où ils allaient entrer dans la vie politique'*. CoRTs. — § 2, Avant l'émancipalion de la com- mune, les hauts seigneurs, les ecclésiastiques en dignité, les barons qui relevaient de la couronne directement, composaient seuls les grands conseils des nations. Les villes, soiis la dépendance de leurs seigneurs quis bien des fois des ies forcer à me donner des garanties; et principalement, comme nonobstant ce, ils m'ont guété et menacé en plusieurs occasions, j'ai voulu faire ce que je vous fais. Et pour ce, par cette écriture, je vous requiers de me faire donner promp- tement lesditcs garanties, attendu qu'il y a péril à la demeure. Si vous ne le faites, je proteste contre vous et vos biens, de votre déni de justice, me réservant mes recours à l'autorité supérieure, h la vôtre, en son teiups et lieu. Et de ceci , je requiers qu'il soit dressé acte ou actes , par vous , notaire (Jacques Mnliner), pour qu'il en conste eu temps et lieu. ( Salm-Malo , Carlnlaire roussiUonnais, tom. 1, p. AS.) « Usages, 59 ; Livre vert min., fol. 551 . — - Usages, 1)2. —^ Idem, 56. ^ Voir, sur l'organisation de la commune roussillonuaisc, VEssai sur les anciennes Inslilulions vmnicipaks de Perpignan, brochure in-S". Perpignan, AtxiNE, 1835. pailiculiers, n'avaient ni un tilie légal, ni une exis- tence politique qui pussent leur donner le droit d'intervenir dans les affaires du gouvernement. Libres et affranchies, elles devinrent des parties de la constitution de l'État, et leuis habitants acqui- rent tous les droits attachés au titre de citoyens. Le Roussillon qui, depuis 1174, faisait partie du royaume d'Aragon, devint, en 1262, par le partage de ses provinces entre les deux héritiers du roi Jayme, une dépendance du royaume de Mayorque, qui échut à Jayme, le plus jeune de ses fils. Ce nouveau royaume n'exista qu'environ soixante ans. Les provinces qui l'avaient formé revinrent à Pierre IV, roi d'Aragon, et ce royaume fut recons- titué tel qu'il était avant le partage de 1262. La principauté de Catalogne qui n'avait pas cessé d'en faire partie, étant entrée dans le lot de Pierre, fils aîné du roi Jayme, ses communes furent admises vers la fin du xiii^ siècle, dans le gouvernement national; et leurs députés siégèrent dans vuie assem- blée nationale, à qui fut confiée la confection des grandes lois qtii devaient régir le pays? A qui avait- il été donné, jusque-là, de délibérer sur ses intérêts? Capmany nous le dira : Mémoires historiques de Barce- lone, tom. 2, p. 15, aux notes. « Ce fut en 106S, ([ne fut réuni le premier congrès solennel, dans « lequel furent fixés différents points de législation. Il y en eut d'au- « très, depuis, présidés par le souverain, pour traiter des subsides « et des services féodaux dans les guerres de la couronne , et pour « régler quelques mesures sur la police intérieure de la province. « Mais ces Juntes aristocratiques, composées seulement de membres « du clergé ou de la haute noblesse, ne formèrent jamais un Parlement « national, puisque le peuple n'y trouvait pas sa représentation et son 71 « existence polilicjiic. Les clioscs ne changèrent qne loisqne Pierre III, « dans les Coris de 1^83, admit à ces assemblées les syndics des « villes royales ' . » En effet^ une consliluiion de celle année poi le : « Une fois l'an, nous (Pierre) et nos successeurs, à l'époque qui « sera jugée plus utile, célébrerons en Catalogne, Cort générale, dans « laquelle, avec nos prélats, les religieux, les barons, les nobles, les « chevaliers et les hommes de ville, il sera traité de la bonne admi- « nistration , de la réforme de la lerrc , laquelle Cort nous serons « tenus de célébrer , à moins que nous n'en soyons empêchés légiti- « raement. » Par la reconslilulion du royaume d'Aragon, la Ca- talogne et le Roussillonse relrouvèrentsous le même sceplre; ils furent réunis sous le même gouverne- ment politique. Les constitutions de Catalogne de- vinrent des lois communes aux deux provinces; et leurs députés réunis formèrent la Cort générale de la principauté de Catalogne et des comtés de Kous- sillon et de Cerdagne, à dater de 13^4 2. Des territoires coniigus, une communauté de ca- ractère, de mœurs, de langage; quelque analogie peul-cire entre beaucoup de leurs usages et coutu- mes, justifiaient celte réunion. Les temps étaient crailleurs venus où les villes du Roussillon devaient entrer dans le gouvernement national. Dans le xix^ siècle, lorsque les assemblées natio- nales ont une part si large dans le gouvernement des nations les plus nombreuses et les plus éclairées, quelques-uns savent à peine, beaucoup ignorent qu'au-delà des Pyrénées, au fond de l'Europe méri- dionale, tine de ces assemblées existait dans le 1 Const. de Catalogne, titre 15, p. oC. 2 Pragmatique du roi Pierre III, datée de Perpignan, du \2 des calendes d'août -i 5 V<. (Bnscn, fol. 37 5.) 72 xiv« siècle, à la lêie d'un peuple de quelques ceni mille citoyens-, ei cependant cette assemblée méiiie plus qu'un souvenir : elle a des droits, même dans nos jours de lumière, aux méditations de ceux qui sont appelés à Ihonorable mandat de représenter leurs concitoyens. Elle commande le plus vif intérêt pour la sollicitude, la noblesse, le patriotisme avec lesquels elle soutenait les intérêts nationaux. Je dis plus, quelques pages rapides sur la sévérité de ses formes, sur quelques-uns de ses actes, en nous mon- trant l'esprit qui y régnait, les sentiments dont elle était animée, ne seront pas sans quelque instruction pour les législateurs de notre époque. La Cort générale de la principauté de Catalogne et des comtés de Roussillon et de Cerdagne, ne pouvait être composée que de naturels de la principauté et des comtés, pris dans leur clergé, dans leur noblesse, dans les citoyens de leurs villes. Ils formaient trois ordres, le bras ecclésiastique, le bras militaire, le bras royal'. Le premier, le bras ecclésiastique se composait des hauts dignitaires de l'Eglise, des évoques, des abbés, portant mitre, des présidents des chapitres des ca- thédrales, des prieurs des couvents qui n'avaient pas de supérieur dans la province, et ayant des vassaux avec juridiction de haute et moyenne justice, des commandeurs de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, possédant les commanderies de la province. Le bras militaire était formé des ducs^ et de tous les comtes, marquis, vicomtes, barons, nobles et ca- vallers des deux provinces 2. • Peguera, fol. ^7, Consl. de Catalogne. "r Capmany, même histoire, toinc 2, aux notes, p. 12. Les syndics des villes qu'on appelait royales, parce qu'elles étaient sous la seigneurie du roi, étaient le bras royal. Les villes royales du Roussillon qui avaient le droit d'envoyer des syndics ou députés aux Corts, étaient au nombre de liuil: Perpignan, Salses, Tliuir, Argelès, Prais-de-MolIu, Collioure, le Volô, Ville- francbe. Le roi était encore seigneur de vingt-sept autres localités qui n'étaient q»ie des villages royaux , ils n'avaient pas le même droit. Trente-trois villes des deux provinces étaient re- présentées à la Cort, par un ou plusieurs syndics i. Aussi, voyons-nous trois syndics de Perpignan signés au bas du procès-verbal de la Cort de 1 599 2 ; André de Réart, Jérôme Cort et Joseph Blanch; mais les votes des syndics de la même ville ne comptaient que pour une voix. Il est bien difficile aujourd'hui qu'il n'existe plus d'anciennes archives, de connaître le nombre des députés que le Roussillon donnait au bras ecclésias- tique, au bras militaire de la Cort; mais il est de tradition, que plus de quatre-vingts Roussillonnais y siégeaient. Cela peut et même doit être, puisque, dans le procès-verbal de la Cort de 1599, que nous avons cité, on compte 488 députés signataires en cette qualité. Chaque bras avait son président-né. Le bras ecclésiastique était présidé par l'arche- vêque de Taragone. Le bras militaire par le duc de Cardona. Le bras royal par la ville de Barcelone. * Consl. de Catalogne, Capmanï, tome 2, j). ^2, aux noies. - Cap. de Cort, inijii-iiii' à Barcelone, en -IG35, d'ordre de la di'iiulalion. 74 Le roi seul pouvait convoquer cl présider la Cori '. Ce principe absolu n'admellail que deux exceptions. Lorsque le roi était à la tête des armées, hors du royaume, la reine pouvait la convoquer et la présider, après avoir reçu du roi des pouvoirs spéciaux à ces fins. Dans les mêmes circonstances, après avoir lui-même convoqué la Cort, le roi pouvait en déléguer la pré- sidence au prince héréditaire. Mais il ne faut pas croire qu'un acte de la volonté du souverain suffît pour faire, de ces délégations, une loi pour la Cort. Sa convocation, sa présidence étant particulière- ment attachées à la personne du roi, un des attributs de sa puissance royale , un de ces droits de régale majeure qu'il ne pouvait exercer que par lui-même, il était forcé , pour le transmettre à la reine ou au prince héi^éditaire, de demander et d'obtenir le con- sentement de la Cort qui était la nation représentée *. Le roi convoquait la Cort par lettres closes, adres- sées aux présidents des trois bras et à chacun de leurs membres. Elles leur étaient portées et remises personnellement par des officiers spéciaux^-. Ces let- tres étaient ainsi conçues : « Pour l'intérêt de la religion, de notre service, pour la conser- « vation de notre royal domaine , pour l'avantage et la tranquillité « de nos royaumes de Valence et d'Aragon , de la principauté de « Catalogne, et des comtés de Roussillon et de Cerdagne, pour la « bonne administration de la justice envers leurs habitants, présents « et futurs, nous avons résolu de célébrer Corts générales le... pour « lesquelles nous avons désigné la ville de... » * Const. de Catalogne, fol. 36. Quia celebrarc cnrias générales, est mia de regaliis principalibus et prerogalivis regiis , qmm rcx débet prœsentialiter exfedire. (Mières, col. H.) — - Pegdera, fol, 50. Le dispositif delà lettre changeait dans ses expres- sions suivant que la personne à qui elle était adres- sée, appartenait à tel ou à tel autre bras. Le roi disait h rarcbevéque de Tarragone, prési- dent du bras ecclésiastique : « C'est pourquoi nous «vous prions et avertissons»*, au président du bras militaire : « Nous vous ordonnons d'être rendu, le dit « jour au dit lieu , pour intervenir en ladite Cort. » Il disait aux villes : ci Nous vous ordonnons, en vertu « de notre autorité royale, de constituer parmi vous «un syndic, ou un procurciu- qui, pour vous et en «votre nom, intervienne en ladite Cort, ledit jour « et audit lieu*. » Lorsque le roi avait écrit aux villes pour leur de- mander un syndic ou député à la Cort, elles s'occu- paient de son élection; et de l'acte que nous allons transcrire, résultera la preuve que la simplicité et la brièveté des formes accompagnaient ce grand acte politique cbez nos bons aïeux. « Qu'il soit notoire à tous, que l'universalité des habitants de Man- « résa, ayant été convoriuée à son de trompe et par les cloches, pré- « scnts, l'honorable bailli de ladite ville et les particuliers formant « ladite universalité et la représentant; « Considérant que cette même universalité est citée par Sa Majesté « Catholique et Royale, notre roi Philippe, heureusement régnant, à « intervenir, le 10 mai prochain, en la Cort générale que ledit roi « a convoquée, et qu'il a résolu de célébrer dans la ville de Montra; « c'est pourquoi ladite universalité et les particuliers d'icelle ou du « moins la plus grande et la plus saine partie de ceux qui la compo- « sent, l'honorable Sala ayant déclaré accepter la charge de Syndic « d'icelle, l'ont fait et constitué Syndic de ladite universalité, et l'ont «nommé et constitué leur député, pour comparaître et intervenir « pour eux en ladite Cort. » Pecueua, fol. 29. 76 « Fait dans la ville de Maniésa, le 18 aviil 1518. Signés « membres du conseil de ville ; et en suite viennent les signatures « ou les signes de tous ceux qui ont concouru à l'élection. » L'acte se termine par la signature du bailli qui, pour et au nom de Sa Majesté Catholique et Royale, interpose son décret, par les signatures du notaire, et de deux témoins, notaires comme lui, et par la déclaration du notaire rédacteur, que l'acte a été dressé par lui et qu'il a assisté à tout ce qui a été fait. Avant de passer outre, remarquons la différence qui existe entre les élections qui louchent au gou- Ycrnement intérieur des communes, et celles qui touchent au gouvernement national. Le suffrage universel est resté, en principe, com- mun aux deux élections. Mais si, dans les petites communes, et pour les élections municipales, il est resté dans le domaine de tous, dans les villes popu- leuses et importantes comme Perpignan, il a pu être déféré par tous à un petit nombre d'entr'eux. 11 ne s'agissait que de transférer à des tiers les droits que donnait le titre d'habitant et de membre d'une association communale. Il n'en était pas ainsi des droits politiques, qui avaient surgi de ce même titre d'habitant, devenu membre de l'Etat. L'habitant devait acquitter sa dette envers l'Etat, et exercer par lui-même ses droits de citoyen. Aussi avons-nous vu qu'à Manrésa, ville considérable, et verrons-nous qu'à Salses, chétive localité, mais l'une et l'autre villes royales, l'uni- versalité des citoyens concourait, par elle-même, à l'élection des députés aux Corts. Quelques actes relatifs aux élections des syndics des villes, ou des députés du clergé aux Corts, ont 77 élé tlccouvcrts sous la poussière de nos anciennes archives domaniales par une main laborieuse et sa- vauie^ Parmi eux est un acte d'élection de la com- mune de Salses ^. Il n'apprend rien sur les formes de l'élection , que nous ne sachions par l'acte de Manrésa ; mais il détaille les pouvoirs qui ' étaient donnés aux syndics, les différents mandats généraux et particuliers qui devaient ou pouvaient leur être conférés dans les droits et les intérêts des commu- nes qu'ils représentaient. Il nous apprend enfin que la même élection pouvait pourvoir à la nomination d'un syndic et à celle d'un procureur fondé, par qui il serait remplacé, le cas échéant. Quelques mots sur cet acte. Les consuls de Salses et l'universalité de ses habi- tants dont quelques-uns sont nommés, déclarent qu'a- près avoir appelé le notaire et les témoins voulus pour larédaciion et la validité de l'acte, les habitants con- voqués au son des cloches, suivant l'usage, par ordre de leurs consuls, se sont réunis dans la maison de Michel Garby, l'un d'eux, où ils ont coutume de traiter leurs affaires communales. « Que le sérénissime roi Charles et la reine Jeanne , ayant résolu « de célébrer Cort générale pour le service de Dieu , pour leur ser- « vice, pour les intérêts et la tranquillité de la principauté de Cata- « logne et des comtés de Roussillon et de Cerdagne, avaient adressé « à l'universalité de Salses des lettres écrites de leurs mains royales M et scellées de leurs sceaux, par lesquelles il leur était demandé un « syndic ou député et un procureur fondé, pour intervenir, pour elle « et en son nom, en dites Corts, qui se célébreront à Barcelone, le « 16 avril prochain (1519), à cinq heures du soir, le... « En conséquence, ayant longuement conféré entre nous, et traité, ' M. Hcnard de Saint-Malo. — - Arcli. du Domaine, Masdaniont, nolairc. 78 M tous, unanimement et d'accord , sans opposition aucune, avec une « profonde connaissance, dans les formes de droit, et celles que nous « avons jugé plus utiles, nous avons fait, constitué, ordonné, de « nous et de l'universalité de Salses, syndics, agents, économes, « procureurs, messagers généraux et spéciaux, sans que la spécialité «déloge à la généralilé , au contraire : Antoine Fages et Michel « Garby, présents, et tous deux solidairement, de manière que la « condition du premier n'existant plus, l'un puisse conduire, conti- « nuer, achever ce (pie l'aulre aura commencé. « 11 est ensuite donné pouvoir à l'un et à l'autre de comparaître, « au nom de ceux qui les ont constitués et de l'universalité, devant « le roi et la reine , pour y prêter serment de fidélité ou tout autre « serment nécessaire dans leurs mains ou dans les autres formes que « lesdits syndics et procureurs trouveront justes et admissibles; « D'intervenir au nom de ladite universalité des habitants de Sal- « ses, au nom de chacun d'eux et pour eux, soit aux Corts convo- « quées, soit aux Corts à convoquer par le Roi, la Reine ou par l'un « des deux, qui se célébreront , soit dans la cité de Barcelone, soit « dans les autres villes de la principauté ou du royaume où elles « peuvent être célébrées, partout enfin où besoin sera, en intervenant, « traitant, faisant, déclarant, approuvant, concordant et défendant, « au nom de l'universalité et de chacun de ses membres, ensemble « avec le bras ecclésiastique, le bras mihtaire et les syndics des au- « très villes, tout ce qui sera utile au Roi et à la Reine, et avanta- « geux au pays; « De concourir à toutes les constitutions, chapitres de Cort, or- « donnances, statuts, provisions qu'ils jugeront justes et nécessaires.» Enfin, il leur était donné pouvoir spécial, par une clause particulière, cVaccorder ou de refuser au roi le don gratuit que dans chaque session la Cort volait pour l'aider à supporter les dépenses nationales, et pour soutenir l'éclat du trône. A ces mandats géné- raux et explicites donnés au député et au procureur comme liommes nationaux, succédait un mandai spé- cial comme hommes de la commune, comme les procureurs fondés de leurs commeilanis. 79 Les deux élus étaient chargés : « De demander, d'exiger, de faire rentrer, de recouvrer, pour et « au nom de l'universalité de Salses, dont ils étaient membres, tant « du Roi et de la Reine, actuellement', et heureusement régnants, que « des hauts seigneurs , manumisseurs et exécuteurs testamentaires de « feu le roi Ferdinand , d'immortelle mémoire , les sommes qui lui « sont dues, à raison des subsides que les habitants de Salses avaient « fournis pour la construction d'une église ou partie d'église, quand « se bâtissait le fort de Salses , avec toute espèce de pouvoirs pour « en obtenir le remboursement , en agissant devant la Cort, devant « la commission des juges des griefs, et devant toute autre juridic- « tion, par toute voie de droit et de rigueur, jusqu'après avoir obtenu « jusiice. » Ou iiouve encore dans les archives du domaine, un autre acte d'élection de député du hras ecclésiasti- que par le chapitre d'Elne, en 1563. L'élu était Mi- chel de Ulmy, chanoine de la cathédrale et abbé commanditaire de l'église et du monastère de Sainte- Marie d'Arles K Les pouvoirs généraux donnés par le chapitre sont à peu près les mêmes que ceux contenus dans l'acte d'élection de Salses; mais il ne contient pas de man- dat particulier. Mably, dans ses observations sur l'histoire de France ^, parle de ce que quelques-uns de nous ont vu pratiquer, en 1789, des cahiers qui étaient remis, dans les vieux jours de la monarchie,, par les provin- ces à letirs députés aux Etats-Généraux: ils conte- naient les vœux de leurs commettants et des instruc- tions sur leur mandat, dans l'intérêt national, dans l'intérêt particulier de leur province. Est-ce qu^ilne faut pas induire, de l'acte d'élection de Salses, que 1 Archives du Domaine: pratique de Botet, notaire, 1365. ^ Madly, Observations sur l'Histoire de France, au\ preuves, chapitre 5. 80 ce qui était dans les cahiers du député français était, pour le député du Roussillon, dans l'acte qui consta- tait son élection? N'est-il pas d'ailleurs évident qu'il devait recevoir des instructions écrites, avant son dé- part, sur les affaires existantes, puisqu'il est prou- vé que, pendant la session de la Cort, il recevait des mandats particuliers et des instructions pour sui- vre les affaires qui surgissaient et dans lesquelles étaient intéressées les communes qu'il représen- tait? En effet, on trouve dans les archives de la ville de Perpignan une instruction envoyée à Louis Tar- rène et à Jérôme Bardo, syndics de la ville aux Corts de Montço, en 1585, et dressée par les consuls, en ces lermes(Arch. de la ville de Perpignan, Livre vert mineur^ : « Comme la prison communale et royale est une maison apparte- « nant au Roi, et qui a été concédée et établie sous la prestation an- « nuelle de ving-cinq livres, et qu'elle est actuellement possédée par « messire Traginer qui la laisse dépérir ; vîi qu'elle se dégrade tous « les jours davantage par la faute et négligence dudit sieur Tragi- «ner; que les locaux et appartements de ladite prison sont mal « sains, en mauvais état et peu sûrs ; de manière que beaucoup de M prisonniers, tant de ceux qui sont déjà condamnés, que de ceux « qui attendent leur jugement, s'échappent de ladite prison, et par- ce viennent à se soustraire à la justice, pour commettre des crimes « plus grands que ceux pour lesquels ils avaient été condamnés ; « A raison de tout ce, il est formé une demande à la Cort, afin « qu'elle statue et ordonne que ladite maison , servant de prison , « soit incorporée dans le domaine royal et améliorée sur ses fonds « suivant que le procureur royal et les consuls l'auront reconnu né- « cessaire ; et qu'elle sera ensuite affermée à une personne ayant un « caractère légal, qui sera geôlier de ladite prison ; et que du prix « de la ferme, qui sera versé entre les mains du procureur royal, se « fera, de celte maison, l'entrée de la prison, par laquelle sera en- 81 « irelcnu le bon état d'icelle , saut' l'indemnité à donner audit sieur « Traginer. » Continuons, Le suffrage universel faisait, nous l'a- vons vu, l'éleciion des députés aux Coris , connue celle des magistrats des communes. Mais reconnais- sons, de plus en plus, combien était sage et éclairée l'œuvre de nos aïeux, la loi du pays. Si, par celle loi, tous étaient appelés à conquérir, s'il était libre à ions de mériter les honneurs de l'é- leciion et de l'éligibilité, elle allait plus loin qu'à repousser de l'urne électorale, ceux qu'avait flétris la main de la justice : elle repoussait les hommes qui, vivant sous la protection des lois sociales, traînaient dans les vices et l'oisiveté leur vie qui devait être une vie de vertus publiques et privées, honorable par un travail utile, non pas à eux seuls, mais encore à leurs familles, à leurs concitoyens, à la patrie. Les élus devaient exercer la plus heureuse on la plus funeste influence sur l'avenir de la commune, de la nation entière. Dès lors, le jugement solennel du grand juri communal, qui, représentation vraie de tous, effaçait des listes électorales les noms des indignes, conmie ceux des pervers, loin de porter atteinte au grand principe du suffrage universel , en était la consé- cration. Les exclusions qu'il prononçait étaient la sauvegarde, la garantie, la conséquence des institu- tions, qui formaient le gouvernement particulier et intérieur du Roussillon; et tout le monde sait que plus les institutions d'un peuple sont larges et libé- rales, plus elles doivent être soutenues par la mora- lité privée et les vertus civiques de ceux qu'elles régissent. Quel quefiÀt le nom du gouvernement sous lequel G 82 le Roussillon vécut pendant plusieurs siècles, il four- nit la preuve que ce n'est ni le nom, et ajoutons ni la forme donnés à un gouvernement qui font les peu- ples heureux ou malheureux, riches ou pauvres, li- bres ou esclaves, mais bien ses lois el ses institutions ; et celui du Roussillon, qui^ dans ses principes, réa- lisait Talliance de l'autorité et de la lilDcrté, fit, pen- dant de longs jours, le bonheur de nos aïeux, la prospérité et la gloire de leur patrie. Le roi pouvait réunir la Cort dans toutes les loca- lités, pourvu qu'elles fussent de 200 feux ^ Ces as- semblées générales se tenaient, même à Barcelone, dans une église. Le jour fixé pour l'ouverture de la session, d'abord annuelle, plus tard triennale ^, ses trois bras ve- naient occuper les bancs qui leur avaient été prépa- rés dans la nef. Dans le sanctuaire, et sur un plan plus élevé que celui où se tenait la Cort, le trône avait été dressé. Le roi venait l'occuper; les grands dignitaires de l'État, les officiers de la couronne, en occupaient les degrés. Une constitution ou loi nationale'^ défendait à qui que ce fut de se tenir sur la plate-forme qui portait le trône, et au niveau du roi, pendant qu'il pronon- çait le discours par lequel il devait ouvrir la session, et qui était l'exposé des lois dont la Cort aurait à s'occuper, et qu'il proposait. Nul ne devait occuper auprès du roi une place plus élevée que celles de la Cort. JNous trouverons dans ce qui se passa en 1477, la preuve du respect que le roi et la Cort avaient pour la loi et de leur obéissance à ses prescriptions. 1 Const. diCat., fol. -ie. — 2 Idem., de \'i49, fol. 4f , — 3 /rfem., fol -il- 8:} Jean II faisait l'ouverture de la Cort dans la cathé- drale de Barcelone. Pendant qu'il prononçait son dis- cours, son pelil-fils, fils du comte de Foix et infant de Navarre, se tenait à côté du trône du roi, son aïeul. Le discours terminé, la Cort faisait attendre la ré- ponse qu'elle devait à la communication royale, sui- vant l'usage. Elle avait décidé qu'il ne serait pas ré- pondu tant que l'infant serait là. Celte décision fut communiquée à voix basse au vice-chancelier, mais en termes généraux : « il ne « pouvait y avoir de réponse, tant qu'il y aurait à «côté du trône, des personnes qui ne devaient pas y «être.» Chargé de la transmettre au roi, le vice- chancelier s'acquitta de son mandat, et le roi le ren- voya près de la Cort pour lui faire observer que la présence d'un enfant était sans conséquence, et ne devait pas retarder sa réponse. Malgré l'opinion du roi, la Cort persista dans son silence, et Jean II, flé- chissant devant une insistance fondée sur la loi , donna ordre à l'infant de descendre. A peine avait-il quitté sa place, qu'un prélat, dé- signé par la Cort, s'avança respectueusement jus- qu'au pied du trône. Dans un discours aussi fleuri que louangeur, dit le chroniqueur des Corts, il té- moigna au roi combien ses propositions avaient été accueillies avec amour et reconnaissance. Il pria en- suite sa majesté d'agréer l'assurance que la Cort, dans les matières qui lui seraient soumises, se ferait un devoir de décider ce qu'elle croirait le plus con- forme au service de Dieu, et le plus utile à la nation'. • Peouera, fol. y>ù. Cofl (11- 1577. 84 Dans loules les circonstances comme flans celle-ci, nous Irouveronsla preuve des sentiments intimes et des sentiments nationaux qui animaient nos aniiquesCnrts. Toujours respcciueuses envers le roi, toujours dé- vouées, mais s'inspiranl de la susceptibilité la plus ombrageuse dans leurs rapports politiques avec le pouvoir souverain, elles étaient inflexibles sur ce qui tenait à leur position dans l'État , aux prérogatives attacbécs à l'un des grands pouvoirs nationaux, à la représentation d'un peuple qui lui avait donné la haute mission de défendre ses droits et ses franchises, et avait déposé entre ses mains une partie de sa sou- veraineté en lui conférant le pouvoir de faire ses lois. Ainsi, tout en conservant envers le chef de l'Etat les plus hautes convenances, la Cort veut l'observa- tion de la loi^ qui défendait à tous d'occuper devant elle, auprès du roi, une place au-dessus de la sienne. Mais si elle veut soutenir ses droits, ce n'est pas du haut d'une tribune qu'elle fait descendre sa juste ré- clamation ; et lorsqu'elle pourrait en individualiser la cause, elle n'articule que des généralités. « // est à côté du trône des personnes qui ne devraient pas s''y trou- ver. » Ensuite, ce n'est que par un des grands digni- taires de l'État, et par une voix qu'il connaît, qu'elle fait parvenir au roi les motifs de son silence; et quand le roi dans sa justice les a reconnus bien fon- dés, pour effacer de l'esprit du monar(|ue l'impression et jusqu'au souvenir de ce qui vient de se passer, elle s'empresse de lui offrir, par un de ses plus brillants orateurs, l'expression de ses sentiments d'amour et de reconnaissance pour la sollicitude avec laquelle il protège les intérêts nationaux et la prospérité de ses peuples. 85 Mais, s'agit-il de répondre au discours du souve- rain? L orateur disparaît, le député se montre. Il se garde bien de promettre que les propositions royales seront acceptées ; il se borne à déclarer, au nom de la Cort, qu'elles seront scrupuleusement examinées, et qu'elle décidera ce qu'elle croira être le plus utile à tous. Dès que cette séance royale était terminée, la Cori ne se réunissait plus tout entière que le jour où le roi venait clore la session; cliaque bras s'assemblait séparément dans un local particulier. Avant de les suivre dans leurs travaux, disons comment le roi, à qui seul appartenait la- présidence de la Cort , pou- vait se substituer le prince héréditaire. Ce ne pouvait être qu'avec le consentement de la terre, c'esl-à-dire, de la nation représentée par la Cort. Elle était juge souveraine de la légitimité des motifs qui justifiaient l'absence du roi, et qui devaient faire admettre le prince héréditaire à présider à sa place, à exercer un droit de régale attaché à la per- sonne du roi. Citons un exemple. Charles Quint avait convoqué la Cort générale à Montço. Forcé, pendant la session, dese rendreà Per- pignan assiégé par une armée française, il lit de- mander a la Cort d'admettre le prince héréditaire don Philippe à la présider. Cette demande fut l'objet d'une délibération solennelle. La Cort, après avoir posé le principe que, non seulement sa convocation, mais encore sa présidence, étaient un des attributs de la royauté, qui ne pouvaient être transmis à des tiers, et avoir fait vu des circonstances qui exigeaient la modification du principe, s'exprime ainsi : « Parlant, la Cort, sons les protcsintions plus bas écrites, cl iiua 8fi " sans cIIps, pour celte fois seulement, consent et li lin plaît, qu'lia- « bilitant, comme par le présent acte elle habilite le haut seigneur, « prince héréditaire de Léon, de Caslille, d'Aragon, constitué par Sa « Césarienne et Catholique Majesté son lieutenant-général, fl/^crc^o, « à pouvoir, en vertu des pouvoirs qu'il a reçus d'elle, célébrer, con- « tinuer et clore les Corts générales de la Catalogne dans l'absence « et l'empêchement de Sa Césarienne et Catholique Majesté, et dans « les lieux où elles peuvent être convoquées d'après les constitutions « de Catalogne, et sous l'observation des pratiques, coutumes et usages ; « l'habilite encore à pouvoir célébrer lesdites Corts au lieu et place « de Sa Majesté Césarienne et Royale, avec faculté suffisante pour « faire, statuer constitutions, chapitres de Corts et tous autres actes, « et eniin à faire personnellement tout ce que pourrait faire sa (!. 88 lonraii de tani de mesures pour assurer le règne de la loi, pour sauvegarder les libertés et les droits de tous, ne pouvait faillira elle-même. Elle avait à re- pousser de son sein des membres qui n'auraient pas eu la capacité personnelle, et des litres légaux pour partager ses honneurs et sa noble tâche. Aussi , la Corf, avant toute œuvre, provoquait l'examen de celle capacité, de ces titres; ils devaient être soumis aux plus sévères investigations. A ces fins ', elle sollicitait du roi, par une requête, la formation d'une commission de dix-huit membres, dont neuf étaient nommés par le roi lui-même, et trois par chacun des trois bras de la Cort. Ils pre- naient le nom dliabilitaclors^ c'est-à-dire, de personnes chargées de prononcer si ceux qui se présentaient pour entrer dans la Cort, étaient ou n'étaient pas ha- biles à en faire partie par leur capacité, par leurs li- tres, par la régularité de leurs mandais. Dès que celle requête était entre les mains du roi, il en ordonnait la transcription sur les registres de la Cort, et procédait h la nomination des neuf membres qu^il devaii donner à la commission. Il ne les prenait que parmi les personnages les plus éminenis qu'il avait autour de lui, comme le chancelier, les régents du conseil suprême d'Aragon, le régeni et les doc- teurs du conseil royal de Catalogne, et autres grands dignitaires de la couronne. Il faisait connaître offi- ciellement à la Cort les sujets qu'il avait nommés, et la Corl avait le droit de les refuser. La Cort nommait à son lour ses neuf commis- saires que le roi pouvait aussi admettre ou rcieter. * Vecii.iia, ^à. ConsI de Cat. 89 Lorsque la commission était formée, ses membres, avant d'entrer en fonctions, prêtaient serment, ceux (lu bras ecclésiastique, « d'agir dans les actes que leur «conmiandait leur mandat, loyalement, suivant la loi «de Dieu et leur bonne conscience, sans amour, sans (( haine, sansfavcur, sansmauvaisvouloir etsansavoir «égard aux sollicitations et à l'intérêt personnel.» Les commissaires nommés par le bras royal et par le bras militaire, devaient ajouter à ce serment la prestation de foi et hommage. Le serment principal et commun était prêté entre les mains du chancelier, le régent de la royale au- dience de Barcelone recevait la prestation de foi et hommage. Après l'investigation la plus sévère de la capacité et des litres, la commission devait faire l'application d'une infinité de règles, toutes écrites dans les lois du pays. Nous ne citerons que les principales. « Les naturels des deux provinces de la juridiction de la Cort, « pouvaient seuls en faire partie ; — tout étranger en était exclu ; — « aucun ne pouvait être admis avant l'âge de vingt ans ; — ceux qui « n'ayant pas été légalement cités, se présentaient , en justifiant de « leur capacité , de leurs titres, devaient être admis ; — les prélats, « les abbés élus, mais n'étant pas encore en possession de leur abbaye, « de leur prélature, devaient être ajournés ; — les militaires devaient « justifier de leur position dans l'armée ; — les nobles devaient pro- « duire leurs titres de noblesse ; — les militaires servant à l'étranger, « mais ayant baronie dans la juridiction de la Cort, avaient le droit « d'y siéger comme barons; — les syndics des villes devaient faire « partie de l'universalité des habitants qu'ils représentaient. « Les membres de la Cort pouvant s'y faire représenter par des «procureurs fondés, ceux-ci devaient avoir la même capacité que « leurs mandants. » Les causes qui faisaient admettre les procureurs X 90 Ibndds étaient un enjpéchemeni légiiinie, accidentel et dommageable, un empêchement honteux. Les empêchements légitimes pouvaient être si di- vers, devaient être si évidents, que la loi ne les articulait pas; ils ne pouvaient échappera lappré- ciation, aux lumières, à la conscience des membres de la commission. — Les empêchements accidentels, regardés comme dommageables au député, devaient être jugés par eux-mêmes et par les circonstances. — Quant aux empêchements honteux, inutile de chercher ceux qui étaient regardés comme tels. Les premiers empêchements devaient être arti- culés dans les actes de procuration, fournis aux substituts. Leurs causes devaient être soutenues par le serment du mandant, pieté entre les mains du no- taire. L'acte devait constater que ce serment avait été prêté. — La cause de lempêchemcnt honteux, il n^éiait pas exigé qu'elle fût coarctée dans l'acte. Elle était justifiée par le serment qu'avait prêté, de sa vérité, celui qui en excipait. Après que la capacité et les titres de ceux qui se présentaient, pour faire partie de la Cort, avaient été sévèrement examinés, la commission des habili- tadors prononçait solennellement ses décisions sou- veraines, et la Cort était constituée. Chacun de ses trois bras n'avait plus qu'à s'occuper, réuni dans son local particulier, des matières soumises à ses discus- sions. Mais, avant toute chose, chaque membre avait à prêter un serment entre les mains du président du bras auquel il appartenait. La formule de ce serment était lue au bras réuni, par son notaire assisté de son écrivain, et chaque député, successivement appelé, jurait : « De donner bon et loyal conseil, en âme et conscience, dans « l'intérêt du bien public, sur toutes les questions qui lui seraient « soumises ; — de garder le secret sur tout ce qui lui serait dit sous « le secret, et sur tout ce qui serait dit en secret pour tous ou pour « la majeure partie des membres de la Cort; — de ne révéler à per- « sonne rien de ce qui serait dit dans la Cort et qui pourrait être pré- « judiciable à la Corl, rien de ce qui est secret pour la Cort; — de « ne rien révéler de ce que la Cort traiterait en secret, en rapport à « des personnes étrangères, si ce n'est à des membres de son bras « ou des autres bras qui auraient le droit d'en connaitre, et sans « nommer les personnes qui auraient dit lesdites choses, mais seu- « lement après qu'ils auraient prêté serment de ne pas les répéter ; « de n'admettre sciemment personne aux délibérations de la Cort « avant la prestation du même serment ; — enfin . les syndics et les « procureurs fondés des absents devaient jurer de ne rien révéler « de ce qui se traiterait en secret dans la Cort, à leurs mandants, « avant qu'ils eussent juré qu'ils ne le communi(|ueraient à per- « sonne. » Il existait une instituiion dont nous parlerons particulièrement plus lard^ qui avait une grande importance dans le gouvernement intérieur, politique et administratif de la Catalogne et des Comtés, et qui, émanation de la Corl, la représentait lorsqu'elle n'était pas en session. C'était une commission de six personnes, dont deux appartenaient h chacun des trois bras. Son siège était à Barcelone; elle s'appelait la députaiion del General. Ses membres portaient le litre de dé- putés del General de Catalunya, c'est-a-dire de la généralité, tandis que les députés des Corts n'étaient que les députés d'un ordre de citoyens, ou d'une universalité d'habitants. La juridiction de la dcpu- laiion s'étendait à la fois, et sur tout ce qui touchait à Tadministration provinciale, et sur tous les actes des officiers royaux, contraires aux lois nationales, 92 aux libertés, aux franchises, aux privilèges des com- munes et des citoyens. Dès que la Cort était en session, tous les pouvoirs de la dépuiaiion étaient suspendus. La Cort en était saisie : aussi les insignes de ses hautes fonctions, les trois masses d'argent que ses massiers portaient relevées devant la députation quand elle sortait de son palais, étaient portées et remises, sur reçu, aux présidents des trois bras par le régent des comptes, comme aux chefs du corps administratif suprême des deux pro- vinces i; c'était eux qu'elles devaient précéder. A ce titre, et par une conséquence nécessaire de ses hauts pouvoirs, avant d'entrer dans sa tâche ad- ministrative, la Cort procédait à la formation d'une commission dont les membres prenaient le titre de Jutges de Greuges, de Juges de Griefs. Elle deman- dait au roi les nenf sujets qu'il devait lui donner -, elle nommait les neuf autres membres 2. Cette com- mission jugeait sommairement, mais souverainement tous les griefs qui lui étaient dénoncés et portant sur les dettes qu^avaieilt contractées le roi et ses prédé- cesseurs, sur les atteintes portées aux lois et aux cou- tumes, sur la révocation des libertés et des privilèges qui aurait été prononcée par le roi, par les rois ses prédécesseurs, par leurs gouverneurs généraux et les autres officiers de la couronne 3. Elle avait encore un pouvoir absolu et irrévocable qui lui avait été donné par le roi lui-même, sur la demande de la Cort 4, «pour instruire et juger sou- 1 Capmanï, Mém. hist., tome 2, aux notes, p. 14. a Pecdera, fol. 75, n° -t . •^ Cai'manï, Loc. Cil. •^ Prajjni. Je 1319, Const. de Cal., Livre des Pragni., in fine, éd. Const fol. ^2. 2 const. fol. 147. 130 des émoluments, se rendent, lun chaque matin, Taulrc chaque soir, dans les prisons, sous peine de trois jours de prison pour eux-mêmes, pour deman- der à qui de droit les pièces signifiées à leurs prison- niers, pour s'informer d'eux, s'ils n'ont pas à conférer avec leurs avocats. Ils doivent encore surveiller leur santé, et transmettre à leurs avocats les pièces qu'ils auront reçues i. Sur cette notice qui ne peut être qu'un sommaire de notre ancienne organisation judiciaire, neseraii- on pas autorisé à se demander si, sur quelques points, quoiqu'à peine indiqués, la législation du xix« siè- cle n'aurait pas quelque chose à emprunter à celle du XV 1^. Avant de terminer ce paragraphe, disons comment, lorsque la loi présentait des doutes, des obscurités, il était procédé à son interprétation. Les pouvoirs qui seuls ont le droit de fonder, de construire, ont seuls le pouvoir de détruire, de ren- verser. Notre ancienne législation appliquait ce yjrin- cipe de droit a l'interprétation des lois. La loi était l'œuvre de la nation représentée dans ses Coris. Son interprétation n'était pas laissée à l'o- pinion d'un corps judiciaire ou administratif, d'une réunion de citoyens, appartenant à un seul des trois ordres dans lesquels les nationaux s'étaient classés. C'était une réunion de citoyens, pris dans les trois ordres, qui était chargée d'interpréter la loi, l'œuvre de tous, au nom de tous, mais aussi avec le roi qui avait concouru à faire la loi. Une Constitution de 12992 avait ordonné : Uonst. de Cat., fol. ^A\. 2 const. de Cat. io\. UZ. 131 « Que si une Conslilulioii ou tout aiitro loi avait besoin d'être « interprétée, elle le serait, les parties appelées par le roi et ses suc- «cesseurs, par une commission, composée de quatre personnes « considérables de la Catalogne, de qualrc nobles et chevaliers, et « de quatre citoyens des villes qui s'adjoindraient les légistes les plus « savants du pays; et pour le cas où il serait reconnu qu'une amélio- « ration devait être apportée à la Constitution, à la loi, cette cons- « titution voulait encore que la décision de la commission fût exécutée « sur-le-champ, sans attendre la réunion de la prochaine Cort qui, « en la sanctionnant, pourrait changer cette décision en loi de l'Etat. » Plus tard, quatre prélats furent appelés dans celte commission, lorsqu'elle n'avait pas à prononcer sur une loi en matière criminelle *. A ces quelques mots ajoutons, sur les justices de l'ancien Roussillon, que tous les magistrats, depuis les degrés les plus infimes de l'échelle judiciaire jus- qu'aux degrés les plus élevés, les officiers, les agents de toutes les justices, avant d'entrer en fonctions, devaient jurer « d'observer toutes les constitutions et « lois du pays, de ne rien faire contre les coutumes, «les usages, les privilèges, les franchises des villes, (des libertés des citoyens 2. » Administration. § 5. — Deux grands pouvoirs constituaient le gouvernement politique de la Cata- logne et du Roussillon, le Roi et la Cort. Dans la juridiction royale étaient la proposition et la sanction de la loi nationale et d'utilité générale, le pouvoir de faire, sur la proposition de l'un ou de plusieurs bras de la Cort, des lois réglementaires et temporaires d'intérêt privé ; l'exercice et la jouissance des droits de régale, l'administration de la justice, le 1 Cort de Girone, H 32-1 ; Consl. de Cat. fol. 44. 2 Cort (le Montço; Const. 1345. 1.32 commandement des armées, la nominalion des offi- ciers royaux, ions les acies enfin de rauiorité royale en harmonie avec les lois conslituanies des deux provinces. Le roi élaii l'administraieur suprême des biens dont se composait le domaine royal. A la Cort, représenlant tous les ordres des citoyens qui constituaient la nation, le pouvoir législatif sou- mis seulement à la proposition de la loi, par le roi, a la sanction, par le roi, de la loi qu'elle avait rendue; a elle l'administration des deux provinces. Mais la Cort n'avait qu'une existence temporaire et périodique; tous les trois ans, elle ne vivait que quelques mois. Son action gouvernementale était suspendue dans l'intervale de ses sessions; la législa- tion nationale n'aurait pas eu des protecteurs perma- nents. La nation n'aurait eu d'autres garanties, pour l'exécution de ses lois, que la conscience du souve- rain. L'administration publique, qui a des nécessités de tous les moments, eût été en souffrance, et la di- i-ection des intérêts nationaux, moraux et matériels, aurait appartenu à des autorités que la nation n'au- rait pas établies, et sans mandat de ses représentants; et il fallait maintenir ce principe du droit public des deux provinces: l'administration du pays par le pays- Aussi dès l'origine de la Cort, voyons-nous se lever avec elle une institution à la fois politique et admi- nistrative pour remplir le vide que son absence au- rait laissé dans le gouvernement et dans l'administra- tion du pays: la dépu ta lion r/c/ General. Corps politique, cette députation avait dans sa ta- che de veiller à l'exécution des lois nationales, de les faire observer, de les défendre contre toute violation. 133 Corps administialif, elle était chargée de régir pour la Cori les biens, meubles et immeubles des deux provinces, de pourvoir à tous leurs besoins, d'assurer tous leurs services publics sur le produit de leurs biens, sur leurs revenus, sur les recettes des droits qu'elles avaient établis, des impôts auxquels elles s'étaient soumises. Dépositaire de leurs finances, elle les distribuait conformément aux allocations que les lois de la Cort , les décisions du parlement leur avaient données, pour éteindre les besoins et servir les intérêts généraux. La députation jouait un grand rôle dans le gouver- nement du pays. Emanation de la Cort générale, elle était, comme la Cort, entourée d'honneurs et uni- versellement vénérée. Les membres de la Cort n'étaient que les députés d'un des trois ordres de citoyens qui concouraient à sa formation; les membres de la députation qui pre- naient le titre de députés del General, étaient les dé- putés, les mandataires des trois bras réunis, pour être, aux termes de la loi, « les procureurs, les adminis- (( trateurs de la généralité(<^/e/ Ge/ie7'a/)aux fins d^ex- (ipédier toutes les affaires, de faire tous actes et au- <( très choses qui touchaient aux intérêts et a l'uiiliié «de tous '. Mais ce ne pouvait être, comme nous le (> démontrerons plus tard, qu'en exécution des lois » lîosch, un de nos anciens chroniqueurs, qu'il ne faut pas toujours suivre comme un guide fidèle dans les voies historiques, mais )x. qui on ne peut refuser une connaissance profonde de l'ancien droit public du pays, donne, d'après les écrivains qui Tavaieni * Consl. (le Cal. Dans le trimesire après lequel expiraieni leurs fonctions, les trois dépulés et les irois audiieurs de comptes qui composaient la députation, se réunis- saient dans son hôtel. Ils appelaient son notaire, ses écrivains et six témoins, pris par tiers dans le bras ecclésiastique, dans le bras militaire et les citoyens des villes. Les trois députés et les trois auditeurs sortants, , procédaient h Téleciion d'une nouvelle députation en commençant par celle du député du bras ecclésiasti- que, et en finissant par celle de Taudileur des comp- tes du bras royal. Lorsque ces six électeurs avaient successivement, en présence des témoins, donné secrètement et fait écrire par le notaire le nom du candidat que chacun d'eux proposait pour député du bras ecclésiastique, ils se réunissaient autour du notaire, qui faisait con- naître à tous, les noms des candidats proposés. Si l'un d'eux avait été proposé deux fois, l'électeur qui , le dernier, avait fait inscrire son nom, devait retirer son vote et choisir un autre sujet. Dès que six noms différents étaient obtenus, les six électeurs se réunissaient encore pour examiner et dé- cider si les six candidats proposés réunissaient toutes les conditions de science, de probité, de position exigées par les lois, les chapitres de Cort, pour exercer les fonctions auxquelles ils pouvaient être appelés. Ces questions jugées en faveur des six candidats proposés, le notaire, en présence des électeurs et des témoins, inscrivait leurs noms sur des bulletins sé- parés; et chacun de ces bulletins il l'enfermait dans une boule formée avec de la cire. 137 Ces six boules, toutes du même volume et du niéine poids, étaient jetées au fond d'un vase plein d'eau ; un enfant de moins de dix ans, pris au hasard, était appelé. Après avoir ballotté les boules, il en extrayait une : le nom qu'elle renfermait était celui du député élu pour le bras ecclésiastique. Celte opération était six fois répétée, et les trois députés et les trois auditeurs de comptes, qui de- vaient constituer la nouvelle députation, étaient nommés. Ce mode d'élection fut changé en 1509. Bosch a écrit qu'à dater de cette époque, l'élection des dépu- tés se faisait sur des listes de candidats dressées par la Cort générale et composées, pour le député du bras ecclésiastique, de trente sujets, de trente-six pour celui du bras militaire, de quatre-vingt onze pour celui du bras royal. Des listes de candidats au- diteurs de comptes étaient aussi dressées, mais sur une plus grande échelle; et l'élection se faisait au sort, par extraction, suivant l'ancien usage. Le siège de la députation était à Barcelone ; son existence, ses pouvoirs duraient trois ans. Après ce terme, elle devait être entièrement renouvelée. Ses anciens membres ne pouvaient être réélus que douze ans après qu'ils avaient cessé d'en faire partie. La ju- ridiction s'étendait sur la Catalogne et sur les comtés de Pioussillon et de Cerdagne. La Cort générale était la nation représentée; ses attributions législatives, elle ne pouvait les transmet- tre parce qu'elle ne pouvait les exercer qu'en con- cours avec le roi. Mais administrant souverainement le pays, sans le concours de tout autre pouv<)ir, elle était autorisée par les lois nationales a confier son ac- 138 lion administrative à des mandataires, lorsqu'elle ne pouvait Texercer par elle-même. La députation n'étant pas un pouvoir suprême et souverain, mais étant seulement un pouvoir secon- daire et supplétif, mandaté par la Cort générale, ne pouvait être en plein exercice de ses fonctions que lorsque la Cort générale ne pouvait agir par elle- même , n'étant pas en session. Mais lorsque la Cort était constituée, la députation ne pouvait conserver la direction des affaires qui lui étaient confiées que sous le palronnage et avec le consentement de la Cort. Aussi, avons-nous vu que, dès les premiers jours de son existence, le régent des comptes de la députation portait et remettait aux présidents des trois bras les insignes de ses honneurs et de ses pouvoirs, les mas- ses d'argent qui la précédaient dans sa marche, et qui devaient les précéder pendant la durée de la session. Avant de faire connaître sommairement l'action politique, l'action administrative de la députation, quelques mots sur le système administratif de cette époque. La couronne, la province, la commune, avaient l'administration de leurs biens et revenus. Le do- maine royal était administré par les officiers royaux; la députation régissait les biens des provinces. Cha- que commune régissait ses biens et administrait ses revenus, par ses consuls et ses conseils de ville. L'administration n'était pas dans ces temps-là, ce que la centralisation l'a faite dans les nôtres. Chaque commune libre et indépendante des au- tres conmnines, avait un compte ouvert avec elle- même, avec la province, avec le trésor royal. 139 Hors la juridiction des pouvoirs gouvernemen- laux, chaque commune coniplaii parmi ses devoirs, celui de mesurer ses besoins; parmi ses droits, celui de se créer les moyens de les éteindre. Dans leur patriotisme, les habitants avaient encore celui de s'imposer, sans contrôle, sans opposition, toutes les charges qui devaient ajouter aux utilités, aux jouis- sances de l'association communale. Alors les travaux publics urgents n'avaient pas be- soin d'être autorisés, comme aujourd'hui chez nous, par des autorités administratives et financières étran- gères à la connaissance des intérêts et des nécessités de la commune, et qui, placées à une distance de deux cents lieues, n'y consentent qu'après un long délai, au mépris de toute opportunité et de toute économie. Alors la loi fiscale permettait aux communes de s'imposer des sacrifices pour soutenir leurs établisse- ments de bienfaisance et d'utilité publique, sans avoir à subir, en faveur du gouvernement, une prime d'un dixième du produit de Timpôi que les habitants pren- nent aujourd'hui sur leurs besoins. Alors, la matière de l'impôt, en passant de main en main, de caisse en caisse, de la commune au chef- lieu de l'arrondissement, de ce chef-lieu au chef-lieu du département, ne perdait pas de son poids, comme les eaux de la source que le travail du pauvre a re- cueillies pour féconder son champ, perdent de leur volume en parcourant des terres sablonneuses. Et la commune n'était pas traitée comme une in- terdite, dépouillée de toute volonté. Seulement, dans son intérêt , considérée comme mineure, elle vivait, grandissait, prospérait ^oiis la tutelle de ses 140 enfants les jdIus prol)es , les plus aimants, sous la sauvegarde el le dévoùmenl de tous. La régie des biens, l'adminisiration financière de la commune étaient entre les mains de ses magistrats consulaires, de ses conseils de ville. Ces pères de la famille communale, dignes et orgueilleux de la con- fiance de leurs concitoyens, sans contradicteurs dans des pouvoirs au-dessus de leurs pouvoirs, mesuraient avec sagesse et justice les besoins de la localité, Ta- grandissement des institutions qui devaient ajouter à son bien-être moral et matériel. D'autre part, ils calculaient, avec une sévère éco- nomie, les moyens de subvenir par ses revenus ou par l'impôt à ses dépenses particulières et ordinaires de chaque jour, à la part qu'elle devait subir dans les dépenses provinciales, au tribut que la Cort_, le par- lement, la représentation municipale avaient trouvé juste que la commune versât dans le trésor royal, pour concourir à la splendeur du trône, à la défense du royaume, et à celle des intérêts nationaux. Des experts, des répartiteurs, des collecteurs com- munaux, nommés par le corps de ville, et pris dans le corps de ville ou parmi les habitants les plus ho- norables et les plus aptes, estimaient les propriétés, fixaient la part contributive de chaque habitant et en opéraient la perception. Les fonds, provenant des revenus des biens communaux, des droits, et enfin de l'impôt que les administrateurs de la commune avaient été forcés d'établir, étaient déposés dans les banques communales. Les délégués de la députation, sur les mandats délivrés par les consuls, retiraient sur ces fonds ceux qui devaient couvrir les dépenses provinciales; les trésoriers du roi, ceux qui devaient 141 être versés dans le trésor royal. Les antres étaient distribués selon les l)esoins et les intérêts de la com- mune, d après les délibérations prises par son corps municipal. Ainsi, recherche et constatation des besoins mo- raux et matériels de la commune, création de Fimpôi, demande de fonds, répartition, collecte, cmbourse- ment, comptabilité des recettes et des dépenses, apu- rement des comptes, ce n'étaient là que les phases suc- cessives d'une affaire de famille qui se commençait, se traitait, se consommait dans le sein de la com- mune, entre les mandants et leurs mandataires, entre les administrateurs et les administrés, disons mieux, entre les enfants de la même patrie. Et, pour confirmer de plus en plus celte vérité, ajoutons que les consuls et les autres magistrats municipaux, dé- positaires de la fortune communale sous leur respon- sabilité personnelle, n'en devaient compte qu'à leurs successeurs. La provinceavait aussi, surune plusgrande échelle des biens à régir, des revenus à percevoir, des rentes à recouvrer, des charges à supporter, des dettes à éteindre, des services publics à soutenir, et une part à subir dans les dépenses qui intéressaient à la fois et la couronne, et le royaume, et elle-même. L'administration provinciale, posée sur le prin- cipe, l'administration du pays parle pays, n'avait pas, comme celle de la commune, une juridiction restreinte dans les murs d'une enceinte; elle em- brassait un grand territoire. Elle n'avait pas seule- ment à proléger un certain nondne de familles qui pour se rendre mutuellement utiles, et vivre les unes par les autres, avaient réuni leurs foyers domestiques 142 autour d'un centre commun; clic avait à s'occuper d'une nombreuse population. Elle devait en diriger les intérêts industriels et commerciaux, l'instruire, la moraliser, en créant pour elle des établissements d'instruction publique, l'approvisionner pour les jours de paix comme pour les jours de guerre. Elle devait enfin créer et cimenter des rapports entre elle et les autres provinces, afin que tous leurs habitants con- courussent, par le même esprit , les mêmes senti- ments, les mêmes intérêts, à la constitution du royaume, à sa défense, a ses prospérités. Telle était la tache administrative de la députation d'e/ General, dont la juridiction s'étendait, nous l'a- vons dit, sur la Catalogne et sur tout le Roussillon, réunis sous le même gouvernement administratif, comme sous le même gouvernement politique. Elle exerçait ses pouvoirs dans toutes les vigueries, dans toutes les localités où besoin était, par des délégués qui étaient à sa nomination et qui relevaient d'elle. Leurs pouvoirs avaient la même durée de trois ans que les siens. Ils portaient, les premiers, le litre de députés locaux; et, sous eux, et sous d'autres titres, étaient ses employés subalternes. Comme pouvoir admmislralif supérieur, la dépu- tation, en vertu des lois nationales, avait le droit de faire des statuts, des ordonnances, des règlements d'administration publique, sur tout ce que comman- daient les intérêts publics des deux provinces, mais seulement, en se conformant aux lois existantes et pour leur exécution. Par les attributions que la loi lui avait données, la députation avait le droit d'exiger la remise dans ses mains de tous les biens meubles et immeubles, de 143 lous les droits des deux provinces; celui de traiter, de soutenir, de décider souverainement et adminislrati- vement toutes les questions que soulevaient ces biens et ces droits; elle assurait l'exécution des lois financiè- res sur les matières ouvrées ou fabrif[uées, sur les pro- duits du sol, à l'entrée ou à la sortie des provinces. Elle faisait les baux des biens provinciaux; elle trai- tait à forfait du produit des contributions; elle était chargée de la perception des deniers provinciaux; elle en centralisait les recettes dans les banques qu'elle avait choisies comme les plus sûres; elle ordonnançait les dépenses, les paiements des pensions et salaires, et lous autres auxquels les provinces étaient obligées. C'est elle qui veillait à ce qu'elles fussent munies d'ap- provisionnements de toute nature, à ce que ses forts, ses vaisseaux fussent pourvus de vivres, d'armes et de munitions. Elle régissait en un mot tous les intérêts publics des deux provinces; et, dépositaire de leurs finances, elle était chargée de les appliquer aux des- tinations que les lois de la Cort, les décisions du Par- lement leur avaient données. Mais autant étaient larges et étendus les pouvoirs administratifs de la députation sur tous les points du pays, qu'elle les exerçât par elle-même ou par ses représentants, autant la loi était sévère pour lui interdire l'acte le plus insignifiant qui eût pu com- promettre la moindre parcelle des biens provinciaux. « La loi avait donné à la députation le droit, non pas seulement « de retenir dans ses mains, mais encore de revendiquer contre leurs « injustes possesseurs ou détenteurs, tous les biens et droits des pro- « vinccs, de les gérer, de les faire gérer, de les affermer pour trois « ans ù telles personnes qu'elle jugerait convenable , par tels actes , et « sous telles conditions, pactes et sûretés qu'elle jugerait le plus en leur « cas, et le plus utiles, et dans telles formes qu'elle aurait adoptées. » Mais sous quelles conditions? « D'abord, la loi exigeait le serment indiviilucl de chacun de ses « membres de régir bien et loyalement autant qu'il serait en lui la « province; de garder, de conserver ses biens comme s'ils étaient ses « biens personnels, de ne les vendre, prêter, engager et de n'en re- « tenir pour lui la moindre partie, sans commandement de la Cort « ou du parlement ; d'ordonner ou faire, contre leurs fermiers ou « tous autres, les poursuites auxquelles leurs actes auraient donné lieu. » Ensuite la loi sage el prévoyante avait mis, entre les mains des membres de la dépuiaiion, une arme légale qui protégeait leur serment et les obligations qu'ils s'étaient imposées, contre des influences toutes puissantes sur beaucoup d'hommes, « Par une disposition expresse, elle défendait aux députés seuls, « ou réunis aux auditeurs des comptes, même en cas de nécessité ab- « solue, de prêter non seulement aux particuliers, aux universités, « aux congrégations religieuses, mais encore au prince héréditaire, « à la reine, au roi lui-même, quoi((ue avec toutes garanties et sùre- « tés, les fonds provinciaux déposés dans les banques ; elle leur dé- « fendait de disposer des biens meubles des provinces, de s'en dessaisir « par voie de donation, subvention ou prêt pour quelle cause que ce « Cùl, avec le consentement de la reine, du prince héréditaire, du roi « lui-même, et encore alors que les trois bras de la Cort y auraient « consenti ; ils ne devaient céder que devant une loi de la Cort géné- « raie ou une décision du parlement. « Et la loi prononçait contr'eux, pour peine de leur désobéissance « à sa volonté, l'obligation de garantir et de remplacer sur leurs « biens personnels les sommes illégalement retirées des banques pro- ie vinciales, et les biens meubles, dont ils auraient disposé ; ils pou- « vaient encore être déclarés incapables d'exercer à tout jamais les « fonctions de députés et être poursuivis comme fraudeurs, dissipa- « leurs et usurpateurs des biens de la généralité, suivant le degré de « crimiualité qui avait accompagné leurs actes. » Si par sa loi, le catalan ne permet pas à la dépu ta- lion de verser entre les mains de la reine, du prince héréditaire, du roi lui-même les deniers de la pro- 145 vincc qu'ils auraient exigés, c'est qu'il veut que la puissance royale reste toujours renfermée clans les li- mites lie SCS droits et de la légalité. II craint que les finances de la province ne soient demandées que pour servir les intérêts personnels du souverain. Mais le roi a-t-il besoin de fonds dans l'inléréi commun de la couronne et du pays, sa représentation nationale, son parlement provincial, s'enqoresseront de les lui offrir. Quant aux Liens meubles des provinces, la loi est moins sévère. Parmi ces biens, sont des appro- visionnements, des armes, des munitions de guerre, dans ses villes et dans ses châteaux, des vaisseaux dans les ports de la Catalogne et du Roussillon ; elle autorise la dépuialion à les prêter au roi, au prince héréditaire, s'ils veulent s'en servir contre les enne- mis de la couronne et du pays, nommément de la principauté de Catalogne et des comtés de Houssillon et de Cerdagne. Mais jamais ils ne seront prêtés que sous des garanties qui assurent leur rentrée dans les biens de la province, ou l'indemnité à laquelle elle aura droit en cas de perte ou de dégradations. La députation, purement administrative, ayant dans sa juiidiction l'exécution des lois sur les droits d'entrée et de sortie des matières ouvrées et fabri- quées, des produits du sol, les rentrées des ferma- ges des biens provinciaux, la perception des reve- nus publics, ne pouvait manquer d'avoir à poursuivre des délinquants et des retardataires. Elle ne pouvait être juge et partie dans sa propre cause. Aussi n'a- vaii-elleque le mandat et le pouvoir de dénoncer et de livrer à la justice du pays les fraudeurs cl les dé- biteurs de la fortune publique. Mais pour qu'elle ne fût pas exposée à se livrer à des poursuites inutiles 10 146 ou injustes, louies les actions eu justice qu'elle vou lait ou devait intenter^ elle devait les soumettre à un premier jugement, h l'opinion des deux jurisconsul- tes dont la loi, dans sa sagesse, avait fait son conseil privé. Les membres de la députation avaient pour émo- lument trois florins par jour ; les auditeurs de compte 3.000 sols barcelonnais par an. Tous étaient sujets à résidence; ils devaient assister tous les jours aux séan- ces de la députation. Leurs appointements ne cou- raient pas les jours oii ils s'absentaient sans cause lé- gitime. Ils jouissaient tons les ans d'un congé de deux mois, avec l'approbation de leurs collègues. A l'expiration de leur administration triennale, les députés étaient obligés d'en déposer les comptes entre les mains du notaire et de l'écrivain chargés des archives de la députation. Ces comptes, qui ne pouvaient sortir de l'hôtel qu'elle occupait, étaient à ia disposition des auditeurs, qui, avec le concours du notaire et de l'expert qu'ils avaient nommés, de- vaient les examiner le plus tôt possible dans l'intérêt des provinces, «sans amour, haine ou faveur envers ceux qui les rendaient. » Ils avaient d'abord à discuter les comptes des dépu- tés locaux, formés de leurs propres comptes et de ceux de leurs délégués; ces états faisaient eux-mêmes partie de la comptabilité des membres de la dépu- tation qui leur étaient soumis. Si ces écritures ne donnaient lieu à aucune discus- sion, ils étaient approuvés, et ils devaient l'être à l'unanimité; et le quitus était délivré aux compta- bles. S'il y avait des arliicles contestés, ils étaient dé- battus entre les auditeurs nouvellement nommés, et 147 les ancions mcnibtcs de la clépnlalion, et ceux qui en avaient fourni les élémeais; et de ce débat sor- taient ou leur approbation, ou les poursuites aux- quelles ils donnaient lieu. Les anciens comptables, députés ou autres, retar- dataires et en débet, étaient poursuivis à la requête de la nouvelle députation, et les rentrées obtenues étaient versées dans les banques où étaient déposés les fonds de l'année à laquelle elles appartenaient. La députation, comme mandataire du pays et ad- ministrant les biens particuliers des deux provinces, n'était, ni de près, ni de loin, sous la juridiction royale pour l'exécution de son mandat. Âiais cette exécution devait se conformer aux constitutions et aux lois nationales qui régissaient tous les citoyens, tous les contrats. Le roi s'était engagé par son serment à faire obser- ver ces lois; aussi, en vertu de ses pouvoirs souve- rains, avait-il le droit de faire surveiller leur exécu- tion par la députation, comme par toutes les autres autorités, comme par tous ceux qui devaient s'y con- former. De plus, le roi Ferdinand, ayant i classé, en 1509, les membres de la députation de la généralité parmi les officiers de la couronne, sur le motif qu'ils étaient créés par des lois nationales, les commissaires royaux, qu'on appelait visiteurs, comprenaient la députation parmi les institutions qu'ils étaient char- gés d'inspecter, pour constater que, tant dans les formes que dans leurs actes, tout s'y faisait suivant la loi. La députation, comme corps politique, avait un ' Liber divcrsorim , loi. boD. 148 mandai bien pins honorable, qne la l'égie, lad- ministration des biens des deux provinces. Le code des lois qui régissaient la Catalogne et le Roussillon, le roi l'avait voulu déposé, comme sous sa garde, dans les archives du royaume. La nation avait aussi ses archives dans l'hôtel de la députation; elle voulut que le code de ses lois y fût déposé. La loi magistrale de 1413, qui organisa son insti- tution, voulut : « Que la députation fit colliger les lois générales, les nsages, les « privilèges communs aux tiois bras, en double original et dans deux « beaux volumes, sur beau parchemin, l'un écrit en latin, l'aulre en « langue romane ; que sous la main et à la disposition de tous, ils « fussent déposés dans l'hôtel ds la députation, et conservés sous M clef tant qu'ils ne seraient pas demandés par tous ceux qui vou- « draient s'instruire de la loi par la loi. » Mais ce n'était pas seulement pour la conservation de ses tables que la loi s'était confiée à la dépu- tation; elle lui avait confié l'exécution de ses volontés; et pour lui rappeler sa sainte tâche, elle avait voulu être sans cesse sous ses yeux et dans ses mains. La loi lui avait dit par la Cort qui était la nation et le roi : « Les lois ne portant leurs fruits qu'autant qu'elles sont observées •, « voulant que les constitutions de Catalogne, chapitres de Cort et « autres lois de cette terre et encore les privilèges généraux et « communs aux trois bras, soient protégés et défendus à la diligence « de la députation ; « Nous voulons et ordonnons que si , nous, par inadvertance, le « roi, le prince héréditaire, nos gouverneurs généraux, leurs por- « tant voix , ou tout autre de nos officiers royaux , pour tout autre « motif, font quelque chose de contraire et de dérogatoire aux pri- > Const. de Cat., fol. 46. 149 « viléges génciaux , aux constitutions , aux chapitres de Coi l , par « ordonnances, rescrits, provisions, et tous autres actes, les députés « de la Catalogne, généraux et locaux, s'ils le jugent nécessaire, s'y « opposent par voie de prières, remontrances, protestations, et enfin M par appela justice, et que leurs poursuites continuent jusqu'à con- « clusion en faveur des constitutions, chapitres de Cort, etc. » Quand les pouvoirs souverains criin peuple se réu- jiissent pour s'imposer à eux-mêmes, comme pour imposer à tous les nationaux, l'obéissance à la loi, qui, expression de la volonté générale, doit être la règle de tous, la stabilité du gouvernement est assurée, la prospérité des peuples marche sous la plus grande et la plus précieuse des garanties. L'esquisse rapide du gouvernement politique, des principales institutions de l'ancien Roussillon est achevée. Il ne reste plus qu'à indiquer l'influence que ce gouvernement, ces institutions exercèrent sur le caractère, les mœurs, les opinions, les senti- ments du peuple qu'ils régirent pendant plusieurs siècles. Le Roussillonnais a marqué sa place dans l'his- toire des peuples, par des destinées qui ne furent pas les destinées de beaucoup d'autres peuples. Et d'abord ; la nature semblait avoir voulu former, entre de vastes territoires, un territoire à part et peu étendu, limité par la mer, entouré de hau- tes montagnes, pour une population peu nombreuse, aux mœurs simples, sachant enfermer ses ambi- tions dans le cercle de ses besoins; sa fécondité promettait a ses habitans une existence modeste et heureuse. Mais ce peuple avait à se dévouer au tra- vail, à défendre ses foyers, à faire respecter son indé- pendance par son courage, par ses vertus, à défaut 150 de sa force numénqiic. Celle conirée, rinlelligence de ses premiers habilanls sul en découvrir les incon- vénienis el les avanlages; leur raison les accepla; leur cœur la chérit; ils en fireni le berceau et le domaine de la famille Roussillonnaise. Nulle réunion d'hommes se groupant autour d'un centre commun pour y partager les bénéfices de la vie sociale, et s'en alléger mutuellement les charges, ne put exister dans aucun temps, dans aucun lieu, sans des règles acceptées par tous, ou imposées à tous, comme la loi de tous. Sans remonter au-delà des premiers siècles de l'ère chrétienne, époque à laquelle l'hisioire romaine ins- crivit, pour la première fois, dans ses annales le nom d'une cilé roussillonnaise, que de peuples ont perdu leurs titres de peuples, ont vu s'éteindre sous la main du temps, se briser sous le glaive de la conquête, sous le sceptre de fer de la tyrannie et du despotisme, disparaître ensevelis sous la lave des ré- volutions, les codes des lois premières qu'ils s'étaient données, et ont subi des lois imposées par un maître! Plus heureux le Roussillonnais! Depuis ses plus anciens jours jusqu'aux jours qui éclairèrent les pre- miers pas de nos vieillards d'aujourd'hui, il a vécu sous les mêmes lois que ses premiers pères, toujours agrandies, toujours rendues meilleures par l'expé- rience des siècles, par les lumières toujours crois- santes de ses nouvelles générations? El il n'a jamais cessé de trouver en elles des garanties de plus en plus précieuses pour sa liberté, pour son indépendance. Et, lorsqu'il y a plus de deux siècles, il devint à jamais français, ses lois restèrent encore ses lois. Enfin, plus tard , lorsqu'il dut faire à sa nouvelle patrie le sacri- 151 ficcdcsoncode privé, il en retrouva sinon louics les conséquences, du moins les grands principes dans la législation nouvelle que la révolution de 1789 pro- mettait à la grande famille française, dont il était heureux et fier de faire partie. Celle tour, debout, depuis plusieurs siècles, là où furent les ruines de Ruscino, nous montre combien les œuvres sorties des mains de Thomme altestent par leur longévité, la bonté des matériaux qui ser- virent à leur construction, la solidité des fondements sur lesquels elles furent assises; les lois qui ont tra- versé les siècles, en agrandissant la vie d'un peuple, attestent à la fois la justice et la vérité de leurs prin- cipes, la sagesse, la science , l'expérience de ses lé- gislateurs, autant que sa haute raison et son vrai patriotisme. Nous l'avons vu, le Roussillonnais vécut, jusquà la fin du xii^ siècle, sous ses usages, sa coutume, con- ventions verbales ou écrites, législation première des peuples dans l'enfance de la nouvelle civilisation; des lois étrangères n'étaient que son droit supplétif. Tout en restant un peuple à part et sous un gou- vernement politique particulier dans son intérieur, le Roussillonnais passa sous le sceptre des rois d'Ara- gon et de Mayorque. A côté de ses intérêts d'Etat particulier, surgirent pour lui des intérêts natio- naux. Ses nouveaux rapports avec les autres peuples qui appartenaient à la même monarchie, le rendi- rent tributaire de lois communes à tous, dans Tinté- rêt de tous. Il concourut à la discussion, à la confection de ses- lois nationales, par ses concitoyens de toutes les clas- ses; cl ces lois faites par des hommes libres pour de& 152 hommes libres, respecianl dans loiite letir iuiégriié les anciens usages el conlumes, les lois qui régissaient Thomme, la lamille, riiabitani de la commune, le citoyen, lui imposèrent sans doute de nouveaux de- voirs, de nouvelles obligations, un nouveau tribut d'obéissance et de sacrifices; mais aussi, donnèrent- elles plus de garanties à la jouissance de ses droits et de ses libertés^ à son existence politique, à ses pros- pérités sociales. Les lois font les peuples, les peuples sont le reflet de leurs lois; mais les mœurs, le caractère, les qua- lités, les défauts, les vices, les vertus d'un peuple, il ne faut pas les chercher, les étudier, sur quelques- unes de ses individualités, parce qu'on pourrait tom- ber sur des organisations exceptionnelles. 11 ne faut pas non plus les chercher, les étudier, quand passent ces jours ternes et nébuleux que produisent, pour lui, des opinions diverses, des discussions, des intérêts opposés entre ses classes; pendant ces jours malheu- reux de tempêtes politiques, dont les ombres éga- rent la raison de Thomme, dont les foudres allument dans son cœur le flambeau de ses passions. Pour con- naître et juger ce qu'est un peuple en lui-même, il faut l'étudier dans les faits, les actes de sa vie les plus communs à l'immense majorité des hommes de toutes ses classes, quand dorment les passions hu- maines, dans des jours calmes et sereins pour tous, sous les mêmes principes, sous le même drapeau politique. Homme, ce que fut le Pioussillonnais, sujet de la loi divine, des lois morales, dans sa vie intime, dans sa vie privée, dans ses rapports fraternels avec les autres membres de la famille Roussillonnaise, dans le sein de laquelle il aima toujours à concentrer son 153 existence, l'exposé con)plet de celle siiuailon esl trop étendu pour notre cadre; il suffira de la résumer dans quelques mois. La bonlé du cceur, c'esl-à-dire l'amour, esl à la fois le principe, la preuve, la garantie des vertus de riiomme. Résumant le jugement prononcé sur nos pères par tous ceux qui les avaient connus, devan- çant le jugement de ceux qui devaient les connaître plus tard, un célèbre étranger les montrait, en iG59, ce qu'ils étaient dans toute sa vérité, dans toute sa justice : Boni ïuri, si se amari intelligant; duri et as- pcri, si se contemni novcrint ^ Bons et aimants, quand ils savent qu'on les aijne , durs et peu maniables, quand ils ont reconnu qu'on les méprise, qu'on les dédaigne; et les motifs et la justification de ce juge- ment, si elle était nécessaire, la voici. Le sentiment religieux fut de tous les temps dans le Roussillonnais, un sentiment profond et vrai. Avec la prière, ses devoirs, ses affections de fa- mille, le travail, les chants, les jeux, partageaient ses jours et reflélaient la pureté et la simplicité de ses mœurs. Dans le foyer domestique, il était bon père, bon fils, bon époux; au dehors, il était, pour ses frères, ami fidèle, dévoué; pour tous, bienfaisant et hos- pitalier. Sous des formes sévères et qu'au premier moment il pouvait appeler acerbes, l'étranger trouvait en lui un juge froid, sévère, mais juste, qui, plus tard, ré- pondait à ses vertus par une affection fraternelle, à ' Makca, De Concoriia etc., Vila Marc iiomnx' par Louis XIV, ymw fncr les liiiiilcs nilrc la rraïuo cl l'hs- pagiie. U riait archevèiiue de l'uris. 154 ses mériles par l'esiime ei la vénération, h ses dé- fauts par son inilifférence , h ses vices par son éloi- gnement. Si on le considère dans sa vie civile, les vieillards d'aujourd'hui peuvent encore rendre témoignage de ces lemps où sa parole rédigeait ses contrats qu'un serrement de mains rendait inviolables; de ces jours, où les conditions verbales, entre le cultivateur et le colon, étaientleseulacte qui réglaitleurs droits, leurs obligations et leurs intérêts. Dans ces jours encore, le Roussillonnais de l'extrême frontière, pauvre, mais laborieux et probe, était le porteur intègre de l'or étranger que le commerce donnait a la France. Suc- combant sous un poids sur lequel il n'avait pas mesuré ses forces, en présence de ceux qui partageaient sa tâche, en présence d'étrangers, il abandonnait, sur le sentier de la montagne, une partie du dépôt qui lui avait été confié, avec la certitude de le retrouver le lendemain pour accomplir son mandat. Avec tous ces éléments de bonheur, de paix et de moralité, le Roussillonnais n'en portait pas moins en lui les ferments de ces tristes passions qui font les tourments et les malheurs de l'homme, et contre lesquelles il doit continuellement lutter. Il était con- damné, victime de la faible organisation de l'homme, à succomber dans quelques-unes de ces luttes. La défense de ses affections intimes, de ses droits de propriété, l'injure qu'il croyait avoir reçue, trou- blèrent souvent les jours paisibles et joyeux de sa vie intime, de sa vie privée. Sa susceptibilité ombra- geuse pour tout ce qui touchait à ses droits politi- ques, à ses libertés, à ses franchises d'habitant, de citoyen, faisait^ mais dans de rares circonstances, 155 éclaier un orage sous le ciel de sa pairie, ordinaire- nient si serein, cl il se iraliissait en croyanlse servir. Mais disons-le, sans crainte d'être démenti, sous le toit domestique, sur le champ de ses querelles pri- vées, ses pensées coupables n'avaient pas de passé, ses colères surgissaient du moment, ses vengeances n'avaient pas d'avenir. Victime de son imagination de feu, de ses sentiments exaltés et profonds, il tom- bait sous la puissance irrésistible de son premier mouvement que des armes honteuses et illégales ne servirent jamais. Mais il se relevait bientôt sous une main qu'il respectait, aux accents d'une voix amie, et le plus souvent aux seules inspirations de son cœur un instant égaré, au flambeau de sa raison un instant éteint, au seul souvenir de son Dieu; et, le repentir d'une part, le pardon de l'autre, resserraient, entre Toffenseur et l'offensé, les liens, un instant rompus, de la vraie fraternité dont il ne suffit pas de porter le nom sur ses lèvres, mais dont les saintes lois doivent être gravées dans tous les cœurs. La nésflicrence du cullivaieur a laissé l'ortie et l'i- vraie déparer et appauvrir le front du champ, qui assurait heureuses son existence, celle de ses enfants. Mais la main laborieuse du père de famille, soute- nue par la pensée de ses intérêls les plus précieux, peut lui rendre sa couronne de fruits et de fleurs. Sous des sillons arrosés de ses sueurs de tous les jours, les principes intérieurs d'un sol riche et fécond re- produiront touies leurs conséquences. Le temps, qui couvre tout de sa rouille, les chan- gements de dominations, des institutions faussées, des hcsoins nouveaux, des intérêts devenus plus égoïstes à l'école du siècle, dca rapports plus étendus 156 avec rétranger, des mœurs moins régulières, l'indif- f'érence pour le principe religieux, il faut le dire, ont sans doule altéré à sa surface le type du carac- tère Roussillonnais. Mais les principes de son organi- sation morale sont restés les mêmes; les œuvres du temps, les œuvres des hommes changent et périssent, les(euvres de Dieu ne périssent jamais. Sa main sou- veraine ne retira jamais à l'homme les dons que lui fit sa bonté paternelle. Le Roussillonnais sera dans tous les temps le Roussillonnais des anciens jours, si, comme ses aïeux, doté d'un cœur aimant, d'une imagination féconde, d'une haute raison, comme eux, il fait de l'amour de Dieu, de l'amour de ses frères, les principes de sa vie intime et morale, de l'observation de ses devoirs d'homme, les éléments de sa vie privée. Mais citoyen, quels sont les sentiments que ses lois civiles et politiques devaient faire naître en lui avec plus de force et de grandeur, et qui ont éclaté dans sa vie historique par de plus nobles dévoùments, par de plus grands sacrifices? Les voici : L'amour de la liberté. L'amour de la patrie. Le respect, disons plus, l'amour de l'autorité. Les dernières générations des peuples qui ont tra- versé de longs siècles dans les langes de l'ignorance, dans la servitude, i rainent avec elles les chaînes que traînèrent leurs premiers aïeux. Le peuple de Ma- homet, le bandeau de la fatalité sur les yeux, le glaive du fanatisme dans les mains, depuis le vi« siècle jus- qu'à nos jours, n'a eu d'autre volonté que celle d'un maître, et végète dans la vie de l'esclave. Le Roussillonnais, sujet fidèle de sa loi, soldat de 157 sa loi, prolégé par sa loi, n'a eu pour maîlrc que sa Joi. Celle loi, son œuvre, étaii le code de ses droits, mais aussi le code de ses devoirs d'homme et de ci- toyen. Elle consacrait sa liberté, el par elle il était d'autant plus libre, qu'elle renfermait sa liberté dans les limites au-delà desquelles il aurait déchiré de ses propres mains son titre de citoyen, et n'aurait fait de lui que l'homme dégradé. Une liberté illimitée, ab- solue, le pouvoir de lout faire entre les mains de chacun cl de tous, n'eût été que l'esclavage de tous, organisé en faveur des plus forts et des plus criminels. Aussi la liberté dans les limites légales, posées par l'intérêt de l'homme, par rinlérél de sa famille, par des nécessités sociales invincibles, fui un culte pour nos aïeux; elle eut loul leur amour; et cei amour, leurs fils l'ont transmis d'âge en âge à leurs fils. Il est pour le Roussilloiinais de nos jours l'héritage le plus précieux que lui aient légué ses pères; il le porte gravé dans son cœur, en caractères ineffaçables; il remplit sa pensée, il est écrit sur son front, ses yeux le reflètent, il est dans sa voix, il parle par son lan- gage dont la franchise ne s'arrête qu'aux limites de la rudesse. C'est cet amour qui l'a fait dans tous les temps résister aux exigences de ses premiers besoins, s'il doit les éteindre dans des travaux serviles. C'est lui qui lui fait repousser la main que lui tend un pou- voir ambitieux pour acheter son indépendance, lors- qu'il presserait celte main sur son cœur, si elle se levait pour proléger ses droits. C'est enfin cet amour de la liberté qui lui fit tou- jours préférer le pain du travailleur à la fortune du courtisan et le laissa toujours pauvre. Pour prix de 158 SCS biens mille fois dévasiés, de son sang mille fois versé pour la défense de sa pairie, qui ne put jamais élre qu'une froniière du royaume dont elle faisait partie, le vieux Roussillonnais ne demanda jamais à ses rois que de protéger son indépendance, que d'ajouter une liberté h ses libertés. Si la sagesse, la justice de ses lois, en faisant con- naître au Roussillonnais loui le prix de la liberté, lui avaient inspiré tant d'amour pour elle, des mo- tifs tout puissants devaient l'attacher a sa patrie par des nœuds indissolubles. Et d'abord, un penchant secret rapproche, une répulsion involontaire éloigne l'homme des êtres, des choses qui l'entourent, des diverses natures qui se déroulent sous ses yeux. Aux accents d'une voix intérieure, aux inspirations d'un sentiment qu'il ne peut pas définir en le subissant, il poursuit les har- monies, il fuit les antagonismes qui existent pour lui entre son organisation morale, et la constitution physique de ces êtres, de ces choses, de ces natures. Le Roussillonnais aima de tous les temps à vivre de la vie de famille. Ses travaux, ses affections, ses jeux, ses chants, tous ses plaisirs, tous ses chagrins, il n'aime à les partager qu'avec le Roussillonnais. Ses besoins ont toujours été la mesure de son ambition. Son intelligence s'éveille à la voix de la vérité qu'il ne connaît pas, et qu'on lui montre. Sa raison adopte tout ce qu'il reconnaît utile et que la force voudrait en vain lui imposer. Son imagination s'exalte devant tout ce qui est grand et beau, son cœur s'ouvre à tout ce qui est noble et généreux. Un pays à part, qui, entouré de hautes montagnes lorsqu'il n'est pas limité par la mer, répondait à ses 159 ilésirsde vivre isolé; un sol qui, eupromcUaniàscs tra- vaux les fruits nécessaires aux besoins de l'iionuue, répondait à toutes ses ambitions; un ciel doux, un so- leil brillant et fécond qui semblait être en harmonie avec la sérénité de son âme et la chaleur de ses sen- limenis; le spectacle continuel d'une nature privilé- giée qui donnait plus de charmes à ses jeux, plus de vie, plus de joie à ses chants, devaient lui faire ai- mer le coin de terre sur lequel il s'était établi. Homme, il aima toujours sa patrie, plus que ses biens, plus que sa vie, puisqu'il lui sacrifia mille fois ses biens et sa vie. Il l'aima comme la terre promise qui portait les autels de sou Dieu, comme le chan- tier de ses travaux, le théâtre de ses jeux; comme la ruche dont une cellule abritait et nourrissait sa fa- mille. Elle fut pour lui une tendre mère qui avait accueilli son berceau, nourri, protégé son enfance, comblé de bienfaits et de jouissances , ses années d'homme, et lui gardait dans son sein une tombe à côié de la tombe des aïeux. Citoyen, il l'aima conmie il l'aime encore. Elle fui toujours pour lui la gardienne de ses droits, le pal- ladium de ses libertés, l'arche sainte descendant majestueusement le fleuve des siècles à travers les orages et les écueils, en portant dans ses flancs le code des lois qui fondèrent sa liberté civile, sa liberté politique et firent, pendant plusieurs siècles, de la famille lioussillonnaise, un peuple de frères, sous le drapeau de la liberté, sous le sceptre de l'autorité. En effet, ouvrons l'histoire, et nous y chercherons en vain un peuple qui, sous quelle forme de gou- vernement qu'il ait vécu, ait trouvé, dans ses insti- tutions politiques, plus de garanties pour ses libertés . 160 publiques, donl. le citoyen ail joui tie pins de droits (jue l'habitant de nos Pyrénées! Snffrage universel, droit d'élection ou d'éligibilité, pour tous ceux qui ne s'étaient pas exclus eux-mê- mes par leurs méfaits, ou qui, d'après un grand jury communal, prononçant au nom de tous et par man- dat de tous, étaient généralement reconnus pour appartenir à ce petit nombre d'habitants qui, loin d'acquitter leurs dettes de citoyens, étaient un scan- dale ou un impôt pour leur patrie; libre changement de domicile, libre disposition des biens, libre port d'armes, droit de voyager dans le royaume sans pas- seport, exemption de la dîme sur les produits du sol les plus nécessaires à la vie de l'homme, presque partout ailleurs soumis à ce droit; exemption du service militaire hors des frontières de la province, liberté individuelle garantie, sauf les cas prévus par la loi criminelle, protection contre l'arbitraire de tous les pouvoirs, jugement parles lois du pays, dans le pays et par les seuls juges du pays; instruction publique, large, gratuite, complète, s'élevant par de- grés des bancs de lecole primaire jusqu'au dôme d'un vaste palais universitaire, enfin libre impôt. Et, si ces institutions, ces libertés, ces franchises, ces privilèges ne furent d'abord que la dotation de sa capitale, celle de quelques localités, de Thuir, de Vinça i, qui étaient, comme Perpignan, sous la seigneurie du roi et qui avaient pris le titre de rues de Perpignan, ils n'en formèrent pas moins l'esprit public de toute la province, par l'influence morale qu'elles exercèrent sur les opinions, les sentiments de tous ses habitants. « l{o^;istrc 28 e r.A Ville, Scnl. de l'< 'lO, Liv. verl min., f. '569.) 166 gronclèrcni jamais que conlre des officiers de la cou- ronne, qui, suivant lui, avaient agi contre les inten- tions et la volonté royales en le dépouillant de ses droits, en attaquant ses franchises et ses libertés. Dans ses querelles avec eux, dans ses émeutes, il lais- sait toujours le roi hors de cause; ses affections pour lui restaient les mêmes; jamais il n eut la pensée de tra- hir son serment politique. Bien plus, sa cause, c'est au roi qu'il la confiait ; c'est à lui qu'il appelait des actes illégaux de ses mandataires : justice lui était rendue ; et le roi trouvait dans le cceur du Rous- sillonnais le même respect, le même dévoûraent, le même amour, que dans les jours qui avaient pré- cédé une malheureuse collision. L'histoire a cent fois consigné dans ses annales les preuves de ce triple amour qui fut la vie de nos aïeux : amour de la liberté, dé la patrie et (qu'elle s'appelât comte ^ ou roi) de l'autorité. Nous les trou- verons résumées dans la page où elle a écrit un évé- nement mémorable, qui vers la fin du xV^ siècle illustra notre patrie. Jean H avait engagé le Roussillon à Louis XI, roi de France, en garantie de trois cent mille écus d'or qu'il en avait reçus. Les trois ordres des habitants de Perpignan s'é- taient levés comme un seul homme, pour protester contre l'occupation de leur ville par les Français. 1 Ce n'était pas comme rois d'Aragon ou de Valence, plus tard comme rois d'Espagne, que les Pierre, les Jean, lesJayme, les Ferdinand, etc., exerçaient sur le Roussillon un pouvoir souverain. C'était a titre de comtes de Roussillon ; et ce titre était toujours écrit en tête de leurs chartes. Les rois ne furent jamais pour les Roussillounais que les représentants et les successeurs de leurs anciens comtes. 167 Joan crut qu'il pourrait obtenir par lui-même ce que les Roussillonnais avaient refusé aux autorités royales, aux ordres écrits de sa main. Il savait que leur protestation, ils avaient juré de la défendre par leurs armes, par le sacrifice de leurs biens et de leur vie, et que le Roussillonnais savait tenir ses serments. 11 vint à Perpignan, et y assembla le peuple sur la place de niôiel-de-Ville. Dans un discours paternel mais liabile, disent les historiens, il fit tout ce qui était en lui pour le disposer à exécuter les engage- ments que des circonstances impérieuses l'avaient forcé de contracter. Un noble, au nom de tous, lui fit entendre ces nobles paroles que l'histoire a recueillies : « Ce que je vous dirai, prince, est la résolution inébranlable prise « par tous les habitants de celte ville, je dirai plus de toull e comté. « Je suis du petit nombre de ceux, peut-être le seul, dont le peuple « suit les conseils, non-seulement dans les affaires publiques, mais « encore dans ses affaires privées. Il n'est pas, dès-lors, un seul ha- « bitant dont je ne connaisse le caractère et les opinions ; et sur ce « que vous nous demandez , je connais depuis long-temps la pensée « et les sentiments de tous. « Tous sont irrévocablement résolus à souffrir toute espèce de mort « avant de se soumettre un seul jour à la domination française. « Accoutumés à vivre sous le sceptre de votre majesté, excellent « prince, nous ne pouvons pas même supporter la pensée de nouj « asservir à des coutumes sauvages, et de vivre courbes sous une « servitude que nous n'avons jamais subie. Cependant, si votre ma- te jeslé préfère , ce que nous ne voulons pas croire, l'amitié du roi « de France à notre affection, et qu'elle désire le mettre en posses- « sion de notre ville, qu'elle nous désigne une autre contrée où nous « irons nous élablir,ou qu'elle nous permette de la chercher nous-mêmes. « Si votre majesté désire s'éloigner ; si d'autre côté elle craint de « nous laisser sous les coups de l'armée française , elle ne peut nous « fiiire de faveur plus signalée que de mettre en sûreté sa royale « personne; dans son absence, nous défendrons avec liberté, et plus 168 « de liberté, son royal lionncur, nos foyers, nos l'cniincs et nos en- « fants 1. » Un siège de huit mois, une famine horrible, une capitulation honorable exigée par Jean II lui-même, justifièrent ce discours si patriote. Sur les ruines de sa patrie, sur les tombeaux de plusieurs milliers de ses frères tombés sous le feu des ennemis, de nombreu- ses familles éteintes par la maladie et la faim, l'habi- tant reçut la double couronne qu'avaient méritée son courage et ses vertus civiques ; son roi lui conféra des titres d'honneur, de nouveaux privilèges, à titre de récompenses nationales; son tyran, Louis XI, lui voua d'implacables persécutions. Jean, qui n'avait trouvé que le silence de son émotion pour répondre au discours du noble Pcrpi- gnanais, voulut que Perpignan prît à tout jamais le titre de Très Fidèle Ville ^. Par une autre charle, il oi'donna que tous ses habitants qui viendraient cher- cher un asile dans l'intérieur de ses États, y fussent traités comme des sujets dont un roi peut le plus s'honorer et y jouissent des libertés, des avantages des habitants les plus favorisés s. Le courage, les vertus civiques du Perpignanais sont aussi écrits dans l'histoire de la main de Louis XI lui-même. Les restes de celte population héroïque, à peine de quelques mille âmes qui avait résisté si long-temps à une armée française, qu'elle avait failli vaincre, il les redoutait encore. Il écrivait à Dubou- chage qu'il avait fait gouverneur d'une province ^ ïioscn . Tïtola y honorsdeCat., fol. 46 ; Marcillo. Crisis dt Cat . , fol. 593 ; Lucius Mabineus. De Reb. Hist. Ilisp., tome 2. Ce discours se trouTe, en latin, dans Bosch et dans Marineus; en castillan, dans Maucillo. - Priv. de Girone du 22 février i 475.— •' Priv. de Casielto du -1 6 mars ^ 47K. 169 dont il voulait, dans ses rêves d'ambition, et contre la foi des traités et les v(eux de ses habitants, faire une province de sa monarchie : « Chassez de Perpignan tant de gens , que cent lances puissent « maîtriser la ville... Ne leur laissez pas une seule arme... Essayez « de faire la ville maigre de vivres, afin qu'il s'en aille beaucoup de « gens... Prenez la garde des portes... Bâtissez une citadelle... Failes « abattre tous les forts, excepté Perpignan , Salses, EIne, Collioure, « Bellegarde et Laroque... Défaites tous les officiers de la ville, ôtez- « leur leurs pouvoirs; ne conservez que le lieutenant de justice... « Cbassez tous les nobles qui se sont armés pour le roi... Donnez leurs « héritages, quelles conditions qu'on leur ait failes... Faites écrire sur « un beau papier rouge le nom de tous ceux qui m'ont été traîtres ; et « quand ils seront sur ce beau papier rouge, laissez-Ie à Bolfile ou à « celui que vous aurez fait gouverneur, afin que si, d'ici à vingt ans, « il en revient aucuns, on leur fasse couper la tête i. » Quand un roi de France est réduit à ces moyens tyranniques pour soumettre à son autorité une ville veuve du plus grand nombre de ses défenseurs et épui- sée par les fatigues et les privations d'un long siège, il faut dire, que la vie de cette cité est dans le creur de chacun de ses habitants, et que ses défaites de la veille sont la garantie de ses victoires du lendemain. Que cet épisode de la vie de nos pères ne soit pas seulement pour nous le sujet momentané d'une douce émotion, d'un noble orgueil! Il a des droits à nos méditations profondes et de tous les instants. C'est une page qu'il ne faut pas détacher de notre livre historique. Ce livre tout entier nous apprend, et puissions-nous ne l'oublier jamais, que si tous les en- fants de la même patrie unis de mains, d'esprit et de creur sous ses drapeaux^ font ses gloires pendant SCS jours de guerre; unis autour de ses saints autels, 1 Mnn. de l'Uisl. de France ; De Bara.nte, Uist, des Ducs de Boury., tome 9. 170 ils font dans tous les temps ses félicités de famille, ses prospérités intérieures. Un principe vrai porte partout et sur tout les mêmes conséquences. Et notre intelligence, et notre raison poursuivront les conséquences de l'union des esprits et des cœurs au- delà du cercle étroit dans lequel nos annales les ont enfermées. Visitons le foyer de la famille; élevons- nous par degrés pour embrasser ['horizon politique, rhorizon social, et nous trouverons toujours cette union faisant les destinées nationales et humanitaires des peuples. Comme la famille, la cité, sont heureuses et pros- pères dans l'union de leurs enfants, un peuple uni ne redoute pas les armes de l'étranger. En paix avec lui- même, il jouit des conquêtes de son passé, des tra- vaux de son présent; lui seul peut marcher avec confiance, je dis plus, avec certitude, vers un plus grand avenir de gloires et de prospérités. Un peuple divisé est à moitié vaincu; il est toujours à la veille de tomber victime de ses plus cruels ennemis, vic- time de ses propres égarements. L'édifice social de notre xix« siècle repose sur des fondements qui n'ont pas fléchi sous le poids de vmgt siècles, et qui seuls peuvent, dans son plus loin- tain avenir, braver la main du temps, sous qui tout s'écroule. Ces fondements sont la loi divine, les préceptes de la loi naturelle, les lois de la morale publique et privée, tous éléments constitutifs de l'ordre, qui, seul, peut faire vivre, grandir et piospérer les sociétés humaines. Ces bases sont consacrées et par le respect, toujours croissant des générations des peuples, à mesure qu'au flambeau des lumières, toujours croissantes, elles ont i71 avance dans les voies de la civilisation et par le pro- grès dans lequel n'a cessé de marcher le monde hu- manilaire. Sur ces saintes bases, Texpérience, la raison, la sa- gesse, les vertus, les génies de tous les lieux et de cha- que siècle ont élevé progressivement ce vaste et ma- jestueux édifice, à l'ombre duquel l'homme de nos jours vit dans toute sa dignité, dans toute sa liberté. L'œuvre est-elle achevée, est-elle parfaite? INon : la perfection n'appartient qu'à Dieu. L'homme ne peut l'atteindre dans ses œuvres; mais dans la tâche de travail que la loi divine, ses besoins personnels, ses devoirs sociaux lui imposent, il doit se consacrer à s'en r'approcher autant qu'il est en lui. A chaque génération, assise ainsi sur les bases de l'ordre social, dans la paix des cœurs et le calme des esprits, le soin de préparer, si elle ne peut la poser elle-même, dans la sphère de ses institutions qui sont du domaine de l'homme, une nouvelle pierre qui ajoute aux bienfaits, à la grandeur, à la majesté de l'édifice. C'est une gloire qu'elle doit se conqué- rir, une dette de sa reconnaissance envers les géné- rations éteintes dont elle recueille les travaux, une obligation sainte envers les générations à venir. Mais cette œuvre immense ne peut être l'œuvre de toutes les mains. Ce n'est encore que par l'union des esprits et des cœurs, exprimée par ce que le corps social possède de hautes sagesses, de cœurs no- bles, d'esprits éclairés, et surtout, d'éminentes ver- tus, qu'elle doit s'accomplir pour la gloire, le bon- heur, le mieux être moral et matériel de tous, sans danger ni pour eux, ni pour l'édifice lui-même Ainsi nous l'avons dit : notre livre, dans son cadre 172 étroit, nous montre la puissance et la vérité d'un principe partout où notre intelligence et notre raison pourront atteindre, comme dans nos champs le moin- dre brin d'herbe, nous montre la vérité du principe divin qui est l'âme de l'univers. C'est assez; hâtons-nous de terminer la tâche que nous avons osé entreprendre. Vers la fin du dernier siècle, un profond juriscon- sulte! avait réuni de nombreux matériaux pour écrire l'ancien droit public de la Catalogne et du Roussillon. La mort ne lui permit pas d'achever cette œuvre de science et des veilles d'une longue vie. Les feuilles de ce grand travail dispersées par les vents d'une longue révolution, sont à jamais perdues pour le pays- Le portefeuille de l'un de nos concitoyens les plus honorables et les plus honorés, aussi distingué par sa profonde érudition que par son patriotisme, promet au Roussillon son histoire complète dans un avenirque tous les vœux voudraient voir finirdemain. Entre ce passé de regrets et cet avenir d'espéran- ces, il ne m'était pas permis, même en suivant les traces d'un étranger ami ^ qui consacra plusieurs an- nées à l'étude de nos vieux jours, de prétendre à consoler ma patrie de ce qu'elle a perdu, à lui donner ce qu'elle attend, l'œuvre d'un publiciste, l'œuvre d'un historien. Mais au flambeau de mes sentiments patriotiques, j'ai pu, Roussillonnais de cœur et d'âme, fouiller quelques jours les annales de ma patrie ; et 1 M. Fossa, avocat, professeur de droit à l'Dniversité de Perpignan, au- teur de plusieurs mémoires qui fesaient autorité dans la jurisprudence du conseil souverain du Roussillon, chevalier de Tordre de Saint-Michel. 2 M. Henry, ancien bibliothécaire de la ville de Perpignan, auteur d^une histoire du Roussillon. 173 j'ai élé assez heureux pour découvrir sous la poussière des siècles, quelques unes des voies que parcoururent nos aïeux pour conquérir leur émancipation politi- que, parvenir à faire partie d'un gouvernement natio- nal, et vivre, pendant plusieurs siècles, de la vie d'un peuple libre et heureux sous le drapeau de ses lois. Ces fragments de mosaïques, ces débris de statues que le hasard arrache des profondeurs du sol, à une obscurité vingt fois séculaire , suffisent pour nous montrer avec quel éclat les arts régnèrent dans la Grèce et dans Rome. Quelques pages détachées du livre de notre histoire, de notre vieux code, suffiront pour indiquer à nos jeunes générations la vérité, la justice, l'ampleur qui distinguaient nos institutions, nos lois, dans des temps si loin des nôtres. Et dans la vie historique et politique de leurs aïeux, elles trouveront des leçons à méditer, des exemples à sui- vre, des modèles à imiter. Et nous, si nous voulons étudier et connaître les sources où ils puisèrent leurs vertus civiques qui firent la gloire et la grandeur de notre patrie, il nous sera facile d'y parvenir. L'intelligence, le cœur et la raison furent les dons suprêmes que Dieu fit à l'homme pour que l'homme pût le comprendre, l'aimer, le servir; ensuite, pour qu'il pût s'éclairer, se guider, se soutenir lui-même dans les épreuves qu'il avait à subir tous les jours et dans toutes les circonstances de sa vie. Ces nobles facultés, la servitude, la tyrannie, l'ou- bli de soi-même dans l'abrutissement des passions humaines ne les flétrirent, ne les altérèrent jamais dans le Roussillonnais; elles lui inspirèrent, dans la vie politique, l'amour de la liberté, l'amour de la pairie, le respect, bien plus, l'amour de l'autorité. 174 Ils s'élaieni dit : Sans patrie, un peuple ne serait qu'une agglomération d'individualités, sans unité, sans drapeau. Sans l'amour de la patrie qui est l'amour de tout ce qui nous entoure, cette chaîne de rapports, d'affections, de secours, de dévoûments que doivent former toutes les mains, tous les cœurs, depuis le de- gré le plus inférieur jusqu'au degré le plus élevé de l'échelle sur laquelle lasociéléadû, de toute nécessité, être construite, ne pourrait faire, d'un grand nomhrc de familles, une famille nationale, et le Roussillonnais aima sa patrie de tout son amour. Il s'était dit encore : la liherté sans l'autorité, c'est l'anarchie; l'autoritésanslaliherté, c'est le despotisme. L'alliance de la liherté et de l'autoriié forme dans le gouvernement des sociétés humaines , quels qu'en soient la forme et le nom, un principe de force et de durée; elle est pour les peuples, une garantie de paix, de grandeur, de félicités. Elle cimente, elle féconde dans les ceurs l'amour de la patrie, et le Roussillonnais aima la liherté et l'autoriié, comme il aimait sa patrie. Que ces principes soient les nôtres ! ils sont de tous les temps, de tous les lieux ; ils ne naissent pas de telle ou telle autre forme de gouvernement ; ils ne tiennent pas au nom dont l'autorité a été revêtue ; ils ne surgis- sentpasde l'arrêt d'un pouvoirahsolu, du décreld^une assemhlée nationale, d'un pléhiscite du forum. Ils sont inhérents à l'existence de toute société; ils vi- vent par eux-mêmes; ils sont le code moral de la re- ligion politique dont les tahles, comme celles de la loi divine, de la loi naturelle, doivent être gravées dans l'esprit, dans le cœur de tous, par la raison de tous. A. Jaubert-Campagnr, avocat. 175 AUTEL DE PÊZILLA. A l'occasion des fouilles qui furent faites en 1816, sur les ruines de Ruscino, par ordre de Tauloriié administrative, les habitants de Pézilla se souvin- rent qu'ils possédaient dans leur église un monument de sculpture antique, et le signalèrent aussitôt à l'at- tention des curieux. Voici la description qu'en fit alors un homme de l'art, juge compétent, le sculp- teur Boher : «Dans la commune de Pézilla, on vient de faire (( une découverte très intéressante. C'est un autel « antique du plus beau marbre statuaire d'Italie, de «forme cylindrique, chargé d'ornements sculptés si- (( non avec toute la perfection du travail de la main, « du moins avec bon goût et une disposition des plus « heureuses. « Cette composition offre d'abord une lyre de forme «élégante, et que les anciens ont reproduite plu- « sieurs fois sur les plus beaux monuments; puis un «carquois, rempli de flèches, orné dans toutes ses « parties. Successivement une biche, un chien et deux «oiseaux. Des branches de laurier, disposées avec «beaucoup de grâce et sans confusion, remplissent « tous les espaces de ce fond cylindrique. « Ces branches de laurier qui font partie de cette « élégante composition , seraient sans doute rendues « de nos jours, avec plus de délicatesse, de précision « et de vérité ; mais les anciens, comme on le sait, ne 176 « fixaient pas leur principale allenlion sur les parties « A' ornement. «Le monument en question porte, dans toutes ses «parties, l'empreinte du style et de la manière des «anciens. C'est ce que les connaisseurs peuvent re- « marquer sans peine. Dès qu'il s'offrit à ma vue, je « fus saisi de respect. » ( Voir le Journal des Pyrcnces- Oricntales, 24 août 1 81 6. ) Cet antique est appelé communément l'autel de Diane. Toutefois il est bon d'observer que si l'on y retrouve les attributs de la déesse, son carquois, le chien qui marchait à ses côtés, la biche qui traînait son char, on ne saurait en même temps y mécon- naître la lyre d'Apollon, le laurier à Tombre duquel il est quelquefois représenté, ou dont il se couronne lui-même, comme vainqueur de Marsyas, et l'un des oiseaux qui lui étaient consacrés, la corneille par exemple, il ne faut qu^ouvrir les annales religieuses de la Grèce pour justifier cette simultanéité des deux cultes : ainsi, tandis qu'Apollon à Delphes, Diane à Éphèse, avaient leurs solennités spéciales, Egialée honorait également le frère et la sœur dans ses fêtes annuelles, connues sous le nom d'Jpollonies. «Comment cet objet précieux (nous continuons « de citer) sous le rapport de l'art, se trouve-t-il dans «la commune et dans l'église de Pézilla, qui ji'exis- « tait certainement pas dans les temps antiques ? «Voici mes conjectures simples et naturelles. Ce « monument porte la preuve d'un talent et d'un goût ((qu'on ne retrouve en Roussillon dans aucun reste (( de l'antiquité romaine. Je pense donc qu'il fut ftùt «à Rome, après le temps d'Adrien, et transporté par 't mer à Ruscino, ancienne capitale du Roussillon, 177 « pour y servir h l'usage du culte; que, par la suite, «il échappa au fer des Barbares, destructeurs de ((Fiuscino, dont les restes servirent à la construction «de Perpignan. En suivant ma conjecture, je sup- « pose que cet autel, regardé peut-être comme l'ob- « jet le plus précieux qu'on possédait alors dans ce «pays, fut transporté dans la nouvelle capitale et « successivement à Pézilla, où, depuis des siècles, des « maisons distinguées de Perpignan possèdent des ((biens. Comme qu'il en soit, l'autel existe; il a été (( conservé fort heureusement dans l'église, en servant «d'appui, selon l'usage gothique, à un tombeau «d'autel. Il a été conservé peut-être sans que per- « sonne se fût aperçu de son rapport avec le culte « profane. » (Jbidcm.) Les conjectures de l'auteur sont basées sur la fausse hypothèse de l'origine moderne de Pézilla. Son erreur fut combattue, dès le principe, par des arguments soli- des tirés, soit du grand nombre de médailles impéria- les, consulaires et emporitaines, trouvées sur différents points du territoire, soit des restes encore apparents de constructions romaines. La plus connue de ces ruines se voit à quelques centaines de mètres du vil- lage, au bord du chemin de Villeneuve-de-la-rivière. C'est un bloc de cœmcntum qui provient sans doute d'une voie de l'époque; on l'appelle dans le pays jpedra ferrai ^ et c'est ainsi qu'on la trouve déjà dési- gnée dans les chartes, dès le xiv^ siècle. (Voir dans le Journal (\é\di cité les observations de M. P. Puiggari sur l'article de M. lîoher.) Mais si le sol de Pézilla est un sol gallo-romain, son nom même donne lieu h des rapprochements que le lecteur appréciera, i i2 178 Les monumcnls du moyen-âge appellent indiffé- remment Pézilla, Pccilianum ou Pedilianum, nom assez semblable à Pctilianum (a\i]OurcVhui Petigliano, bourg du Siennois), pour qu'il soit permis de conclure à l'homonymie. Les Etrusques, dans le territoire des- quels le moderne Siennois se trouvait compris , pro- venaient, selon Slrabon^ d'une colonie Lydienne, au moyen de laquelle Tyrrhenus, qui en était le chef, fonda douze cités, (strabon, tome 2, p. 145, imp. impér. 1809.) D'autre part, le nom de Petilianum semble avoir une origine commune avec celui de Pctilia que por- taient deux villes d'Italie. Or, l'une d'elles était évi- demment d'origine grecque, puisque la fondation en est attribuée à Philoctète, après qu'il eût abandonné la ville de Mèlibèe. Elle était située dans le pays des Bvutiens, à peu près sur le point occupé aujourd'hui par Strongoli. C'est d'elle que parle Virgile au li- vre m de l'Enéide : H\c illa ducis Mclibcci Parva Philoctctœ suhnixa Petilia muro. La seconde Petilia dépendait de la Lucanie. Stra- bon la considère comme la métropole de cette con- trée. Elle était située près du Cap Posidium (Capo délia Licosa) au voisinage de Casalicchio et de Ci- lento. Personne ne dit, il est vrai, d'une manière positive , que cette ville fût d'origine grecque ; mais d'après son nom et le grand nombre de colonies éta- blies par les Grecs sur ce littoral, il n'est pas dérai- sonnable d'en attribuer la fondation au même peuple qui avait fondé l'autre Petilia dans le pays des Bvutiens. En rapprochant, de ces analogies frappantes, l'i- dentité non moins remarquable du culte, constatée 179 par rexistcnce de l'autel qui nous occupe, noussera- t-il permis d'en inférer la communauté d'origine de notre Pcdilianum avec ses homonymes? nous pensons que celte hypothèse peut être soutenue. Les horreurs de la guerre sociale et les proscrip- tions de Marius et de Sylla, qui ensanglantèrent l'I- talie et la grande Grèce, au dernier siècle de la répuhlique, forcèrent un grand nombre de citoyens romains à chercher sur nos côtes le repos et le bien-être qu'ils ne trouvaient plus au sein des commotions civiles. Et si l'on supposait que, vers cette époque, une émigration de Pctiliani vint planter ses lentes fugitives sur les bords de la Tel, y bâtit un temple à ses dieux protecteurs, et donna le nom de la mère patrie à ce nouvel établissement, où serait l'absurdité ? Mais il est temps de clore une discussion à laquelle nous n'avons ni le droit, ni la volonté de donner une couleur dogmatique. En exposant nos idées, nous nous sommes étudié avant tout à rester dans les li- mites du possible, si non du probable, et à ne rien avancer de contraire aux affirmations positives de l'histoire. Notre unique ambition est d'avoir fidè- lement observé cette réserve. Nota. Les dimensions de l'autel de Pézilla sont : Hauteur totale : 0™. 90^. Hauteur du cylindre : 0™. 70*=. Base : 0". 20c. Diamètre du cylindre : 0"». 50<=. La planche n» 1 représente le cylindre diivcloppc. Le dessin en est dû à l'habile crayon de M. Delpcch. L. DE BONNEFOY. 180 ETAT DES PRLIS ET MEDAILLES distribuées dans la Séance publique du 26 novembre 1848. PRIMES ALLOUÉES PAR LE MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE. 1" Pour l'exploitation la mieux dirigée. A M™^ d'Uston, propriétaire à Alénya, arrondisse- ment et canton de Perpignan. Nota. La prime était de 500 fr. M™« d'Uston ayant accepté l'honneur et refusé l'allocation, on n'a déli- vré que celle due à l'agent principal de Texploitation, le sieur Philip 200 fr. 2° Pour défrichements de terrains et introduc- tion de nouveaux instruments de culture. A M. le marquis d'Auherjon au domaine de St-Nicolas^ près de Ponteilla, canton de Perpignan 200 3° Pour la culture fourragère des Aspres. (Terrains secs.) A M. Fouxonet, fermier du domaine de Puigsoutre près de Castei-Rossellô 200 4° Pour l'essai de graines fourragères , les plus convenables au sol du Roussillon. A M. de Bordas, propriétaire à Claira, canton de Rivesalies 200 TOTAL. . . 800 181 PRIMES ALLOUÉES PAR LE MINISTÈRE ET LE DÉPARTEMENT. Primes pour l'amélioration de l'espèce bovine. TAUREAUX. Canton de Latour. MM. Dabat, François, propriétaire à Cassagiies, lOOfr. | x'irc. De Ginestous Roger, id. à Bélesta, 75 j Canton de Millas. MM. Vidal, Etienne, propriétaire à Neffiach, 100 \ Boy, Joseph, id. à Corneilla-de-la-Rivière, 75 \ 240 Ronde, Joseph, id. à Millas, 65 ) Canton de Thuir. MM. Ciiillé, Germain, négociant à Perpignan 100 \ Cubry, Jean, piopriétair* à ïhuir, 75 > 240 Utzy, Jacques, id. à idem, 65 ] Canton d'yirgeles-sur-Mcr. MM. Surjus, Antoine, prop. à Argelès-sur-Mer, 100 \ Tura, Hyacinthe, id. à idem, 75 J Pages, Bonaventurc, idem au mas de la ' ^-yr Grange, commune de Villelongue-dels- Monts, 55 Bouix, Jean, id. à Palau-del-Vidre, 45 Cantons d'Arles et de Céret. MM. Alday, François, propriétaire à Céret, 75 \ , Comails, François, id. à Arles, 65 ) Canton de Prats-de-Moll6. MM. Bourrât, Joseph, prop. à Prats-de-MoUô, 75 Matillo, Bonaventure, id. à idem, 65 \ 190 Gui-sset, Pierre, id. à idem, 50 Canton de Mont-Louis. MM. Vergés, Sébastien, prop. àFontrabiouse, 100 Boure, Bruno, id. à St-Pierre-dels-Forcals 75 i ^q^ Fondère, Raymond, id. à Matemale, 65 Barnole, François, id. à Bolquère, 50 J rciwrtcr 1.550 fr. 260 300 182 Report 1.550fr Canton d'Olctte. MM. Manaut, Paul, propriétaire à Serdinya, 100 fr. Félip, Antoine, id. à Oreilla, 75 Galiay, Michel, id. à Railleu, 45 Clastres, Bapt., id. à Joncet, com. deSerdinya, 40 Cantons de Prades et de Finca. MM. Solère, Jean, propriétaire à Marqueixancs, 100 Gleize, Gandérique, id. à Prades, 75 Raymond, François, id. à Fillols, 65 Romeu, François, id. à Fuilla, 60 Canton de Saillagouse. MM. Azéma, François, propriétaire à Err, 100 Fabre, François, id. à Egat, 75 Bertrand, François, id. à Saillagouse, 65 Puig, François, id. à Caldégas, 50 Cantons de Sournia et de St-Paul. MM. FiUol, Jean, propriétaire à Vira, 100 Carol, Jean-Pierre, id. à Rabouillet, 75 Gazé, fils, Jean, id. à Tarerach, 65 Gandou, Guillaume, id. à Felluns, 50 290 290 GEMSSES. Canton de Mont-Louis. MM. Aldebert, Côme, propriétaire à Monl-Louis, 45 ) Aspiro, Laurent, id. à la Llagonne, 45 ) Cantons de Prades et de f^inça. M. Cathala, Pierre, propriétaire à Estober, 50 90 \ TOTAL 2.830 fr. Primes pour plantations sur les terrains en pente. A M™"-' Estrade, propriétaire à St-Laurcnt-de-Cerdans, 400 fr. A MM. Denaraiel, Augustin, idem à idem, 150 d'Adbcmar, ancien capitaine de gendarmerie à id. 150 J reporter 700 fr. 183 Report 700 fi. Serra, Joseph, propriétaire à Cosloiigcs, 150 Roca, François, itl. à Monlfcrrcr, 150 Guitard, Jacques, id. à Palalda, 100 Lieuse, Joseph, id. à St-Marsal, 150 Barncdes, Jacques, propriétaire à Si -Marsal, 70 Bracqueraart, id. à Prades, 400 Jaubert-de-Passa, François, id. à Finestret, '200 Pla, Martin, id. à Casefabre, 150 Total 2.070 fr. MÉDAILLES ALLOUÉES PAR LE MINISTÈRE DE L'aGRICULTURE. A M. Joseph Thorrent, cullivateur-propriéiaire à 0ms, arrondissemeiU et caiilon de Céret^, pour la dé- couverte de la greffe dti Chêne Liège sur le Chêne vert, une médaille d'or du prix de 300 fr. MÉDAILLES DÉCERNÉES PAU LA SOCIÉTÉ DES PYRÉNÉES- ORIENTALES. 1° A M. Oliva de Saillagouse, dans la Cerdagne, pour ses compositions en plâtre, et ses sculptures, une médaille d'argent, grand module. 2» A M. Comte, hriquetier à Perpignan, pour l'a- mélioration des briques fines et ses ouvrages de plas- tique ornementale et statuaire, une médaille en ar- gent, grand module. 3° A M. Philipot, marbrier à Perpignan, pour le poli du travail des marbres et la j^erfection du sciage des surfaces courbes, une médaille en argent, grand module. 4» A M. Sarda^ meunier h r>aho, arrondissement et canton de Perpignan, pour un système de pont en charpente aisément démontable, une médaille eu bronze. FIN DE 1848. 184 ^tmu 1849, Séance publique du 26 Déceiulire. M. Guiraud de Saint-Marsal, président de la So- ciété, ayant à sa droite et à sa gauche M. le Préfet et le Maire de Perpignan, a ouvert la séance et s'est exprimé en ces termes : Messieurs, Lorsqu'au milieu d'une mer pleine d'écueils, un vaisseau assailli par la tempête, en butte à la fureur des vents, est menacé de faire naufrage, il ne peut se soustraire au danger que par l'hahileté du capi- taine, l'intelligence et le dévoûment de l'équipage- Ainsi, la France toujours agitée par nos dissensions, ébranlée par des secousses réitérées, le vieux édifice social prêt à crouler, réclament de tous les bons ci- toyens une entière confiance dans le chef de l'Etat, cl de chacun d'eux, une action individuelle, forte, énergique pour conjurer l'orage el sauver la société. Ce n'est pas encore assez pour l'homme que l'étude, 185 l'observation, la capacité placent au-dessus du vul- gaire. 11 doit chercher, indiquer les causes du mal, remonter à sa source, pour la tarir, ou pour opposer une digue au torrent. Ces causes, après tant d épreu- ves, tant de révolutions, on peut aisément les signa- ler : une ambition désordonnée, le manque de travail pour les classes pauvres, la disproportion toujours croissante entre les produits du sol et les besoins de la population. C'est au gouvernement à modérer, à contenir la première par de sages mesures, à la cir- conscrire dans de justes bornes, par l'éducation po- pulaire ; la seconde, exagérée, exploitée par les partis, ne cessera qu'avec le retour du calme, de la confiance. Espérons que les sacrifices que saura s'imposer la classe fortunée, et le bon sens du peuple, les ramè- neront. Il appartient aux hommes instruits, aux so- ciétés savantes de résoudre le problême qui peut sa- tisfaire à la troisième : l'augmentation des produits, La solution est complètement du domaine de l'agri- culture. Aussi préoccupe-t-elle vivement les associa- lions, les comices agricoles, qui y concourent avec ardeur. A un demi siècle de combats, de gloire, de revers; au bruit incessant des armes, à une période toute militaire , succède une tendance bien prononcée vers les études, les travaux qui ne fleurissent que dans la paix. Favorisons-la, Messieurs; entrons largement dans cette voie qui a pour issue la prospérité du pays. Récompensons avec discernement les améliorations, les découvertes; encourageons tous les essais à quel- que classe qu'appartienne l'auteur, dans quelque position qu'il se trouve; j'ajoute à dessein, quelle que soit son opinion : principes naguère méconnus, et qui 186 niainlenant, nous le proclamons hautement, sont le guide et la règle de tous les actes de la Société des Pyrénées-Orientales. Dans son impartiale justice, elle se plaît à faire ressortir tous les mérites ; elle prône l'œuvre du simple travailleur, avec plus de satisfac- tion qu'elle ne publie les brillants résultats d'une ri- che exploitation. Un simple cultivateur, à peine possesseur d'un lo- pin de terre, invente et applique avec succès un procédé qui faisait, depuis trente ans, lobjet des recherches des silviculteurs, la transformation du chêne-vert en chêne- liège. Le ministère, les sociétés savantes en sont bientôt instruites; vivement sollici- tée par nous, la récompense arrive. Deux grandes médailles en or, une indemnité pécuniaire sont le prix de cette importante découverte. Ce ne sont pas les exploitations des plus vastes do- maines, des propriétés les plus fécondes, sur lesquelles s'arrête le choix des commissions ; là , comme pour les défrichements, les plantations, on n'a pas pris pour base l'étendue et la quantité de sujets plantés; mais la difficulté vaincue, mais la proportion entre le domaine et le terrain acquis à la culture. Le meilleur moyen de faire prospérer l'industrie sétifère, serait de la populariser. Nous avons alloué des primes à de modestes éleveuses qui ne s'atten- daient guère à voir récompenser leur travail sous l'humble réduit, tandis que non loin d'elles s'éle- vaient des magnaneries de luxe. C'est là , Messieurs, de l'égalité telle qu'on doit la comprendre, et non telle que la voudraient de préten- dus régénérateurs! Nous la voulons aussi, mais dans son application sage, utile; ici, par exemple, comme 187 puissant mobile de rcmulaiion ; nous la voulons comme élémenl indispensable de morale, de législa- tion ; nous la voulons enfin comme l'a voulue l'im- mortel fondateur du christianisme. Et n'est-ce point sur sa bannière que, dès son origine, apparut cette inscription d'un immense avenir: «Liberté, Égalité, Fraternité?» Trois mots alors si grands, si purs! Pro- clamés aux bords du Jourdain, ils retentirent d'é- cho en écho jusqu'aux rives du Tibre; ils montè- rent au Capitole. Les nations s'en émurent et les répétèrent avec enthousiasme; Tesclave, considéré comme un animal domestique, une machine, reprit sa place, sa dignité d'homme, et la religion du Christ^ protectrice du faible, s'étendit sur le globe et y jeta de profondes racines. A une époque néfaste de notre révolution, un énergumène osa dire, avec le cynique langage de 93 : « Jésus-Christ fut le pre- mier sans culot tCj » et de nos jours le Saint-Simo- nien, le communiste, les coryphées du socialisme, n'ont-ils pas hypocritement reproduit en d'autres termes cette pensée, pour couvrir d'un manteau sacré leurs folles doctrines ! Mais la loi divine les ré- prouve; elle a dit : a JNe faites pas aux autres ce que « vous ne voudriez pas qu'il vous fût fait. » Elle a dit : (( Le bien d'autrui tu ne prendras. Rendez à César ce qui est à César. » Prescriptions admirables de cette religion sainte, qui pourtant, la première, avait posé , consacré le principe de l'égalité devant Dieu et devant la justice des hommes. Repoussons toute autre acception par laquelle d'audacieux nova- teurs s'efforcent de soulever les masses, en flattant leurs passions, en abusant de leur crédulité. Quand il est impossible de trouver dans la nature deux 188 êtres, deux grains de sable égaux, n'esl-il pas ab- surde de prétendre à une autre égalité que celle de la loi fondamentale de toute association? Nous irons plus loin dans cette question, aujour- d'hui plus que jamais palpitante d'intérêt. Nous soutenons, contrairement à l'utopie du plus célèbre antagoniste de la civilisation, que l'inégalité des for- tunes et des conditions est indispensable au mouve- ment industriel, commercial et agricole. C'est dans une mécanique, la grande roue qui transmet l'action, qui donne la vie à une foule d'engrenages. A chaque degré d'élévation de la prospérité des classes supé- rieures, répond naturellement, forcément, l'amélio- ration du sort des inférieures; car alors arrivent: le travail, l'augmentation des salaires, l'extension de la consommation, les débouchés, l'accroissement des produits, le bien-être de tous. Ainsi s'établit une liaison intime d'intérêts, qui tend à rapprocher l'ou- vrier de l'industriel, le prolétaire du grand proprié- taire. Ainsi doit légitimement disparaître, par l'in- telligence et le travail, l'inégalité des positions. Mais à cette voie légale, ouverte à l'honnête travailleur, les apôtres du nivellement en préfèrent une plus prompte, plus commode. S'il était possible de réali- ser les philanthropiques projets de ces preneurs d'une égale répartition des terres, nous doutons que, satis- faits du très modeste lot qui leur reviendrait, ils se livrassent sans répugnance à la pénible lâche que leur imposerait une exploitation personnelle. Nous doutons qu'à l'instar de ces héros de la Grèce ou de Rome, qui passaient tour à tour du timon des affaires publiques au manche de la charrue, ils se vouassent avec ardeur aux travaux des champs, et que l'agri- 189 culture fît entre leurs mains les immenses progrès tlont on attend le salut du pays. Mais laissons l'imaginaire, l'impossible, pour ren- dre compte de la marche réelle, positive du progrès agricole dans le département. Le premier et le plus considérable objet que nous signalerons, c'est que l'important résultat obtenu par l'arrosage de la rive droite du Tech va s'accroître prochainement d'un nouveau canal. La valeur des terres y deviendra au moins quadruple. La Société se félicite d'avoir appelé l'attention du gouvernement sur la culture du chêne-liége. La greffe n'est pas la seule amélioration récemment introduite; la trans- plantation était un problème insoluble, avec la con- dition de conserver intact le pivot regardé comme in- dispensable : de nombreux essais ont prouvé qu'on pouvait le remplacer par les racines collatérales. Elle s'opère ainsi avec succès sur les revers des Al- tères et les versans du Tech. La belle végétation des micocouliers, dans l'étroite vallée de Sorède, ac- croît notre conviction qu'il faut encourager par des primes l'extension dans tout le département, de cette culture d'un produit facile et lucratif. De belles plantations d'oliviers ajoutent sans cesse à la richesse du territoire. Les défrichements des terrains en pente n'ont plus uniquement pour objet les semis de châtaigniers; des portions notables sont destinées au chêne-liége. La coupe des céréales, à la faux, est trop lentement mise en pratique. L'adoption de plants de vigne propres à la fabrication de l'eau-de- vie, facilitera l'écoulement d'un produit dont re- gorgent les propriétaires. De nombreuses distilleries, parmi lesquelles se distingue celle de M. d'Aubcr- 190 jon, près de Ponteilla, fonctionnent sur tous les points du déparlement. On paraît comprendre enfin qne dans Télève des bestiaux et la culture fourra- gère est l'avenir de l'agriculture. Malheureusement on néglige un troisième objet de haute importance : l'amendement des terres par des combinaisons qui leur donnent les qualités dont elles manquent, ou par les engrais naturels perfectionnés. C'est en vain qu'une prime annuelle pour la confection mieux entendue des fumiers est annoncée. Cette allocation reste sans emploi. Nous compléterons ce tableau suc- cinct en faisant connaître que, parmi les végétaux ap- portés de la Chine, nous avons cultivé avec succès un chanvre gigantesque et une autre plante textile, de laquelle on tire une très fine batiste. Plusieurs légumes farineux ont parfaitement réussi, et pren- dront rang sans doute dans notre culture maraîchère. Telles sont les améliorations auxquelles la Société des Pyrénées-Orientales a puissamment contribué. On sait qu'elle provoqua l'établissement d'un ensei- gnement agricole. Nous sommes heureux de faire connaître qu'après un an d'existence, la ferme-école justifie les espérances que nous avions conçues. Un prochain concours va doubler le personnel des élè- ves, et, par conséquent, lui donner plus d'extension et d'importance. Nous attendons d'elle un grand résultat. Que tout préjugé, toute présomption de supériorité sur les autres contrées de la France dis- paraissent! Acceptons d'elles les procédés, les ins- truments dont une longue pratique a déjà consa- cré les avantages. Ne sommes-nous pas assez riches en moyens d'échange? Par la communication de tout ce qui se rapporte à l'irrigation , nous leur 191 rendrons, avec usure, tout ce qu'elles nous auront prêté. Si nous nous occupons ainsi presque exclusivement de l'agriculture, c'est que sur elle reposent toute la fortune, toutes les espérances des habitants du Rous- sillon où l'industrie n'est que ix'ès secondaire. Ses progrès ne sont-ils pas d'ailleurs, pour l'Europe, pour le monde entier, une nécessité, une question de vie ou de mort? 11 semble donc qu'il faudrait que tout tendît à ce but. 11 n'en est pas ainsi. D'une part, l'é- migration des campagnes vers les villes perdra tout, si on ne parvient à l'arrêter. D'autre part, les gouver- nements, les assemblées législatives, se composent de discoureurs plutôt que d'industriels et surtout de propriétaires fonciers, d'hommes attachés au sol. Les premiers absorbent, les seconds produisent, alimen- tent. Le choix ne devrait pas être incertain; et ce- pendant 25 millions de cultivateurs, aveugles sur leurs intérêts, compromettent, parleur vote, le salut de la France. C'est avec une vive satisfaction que nous avons trouvé, dans le compte-rendu des séances de la So- ciété centrale et nationale d'agriculture, l'honorable mention faite par M. Héricart de Thury, du mémoire de M. Jauberi-Campagne, sur l'arrosage dans le dé- partement des Pyrénées-Orientales. Au moment où se compose un code d'irrigation, l'ouvrage d'un juge éclairé aussi compétent sera très certainement le meilleur guide, le Fioussillon offrant des documents de tout genre qu'on chercherait vainement ailleurs. La même Société a récompensé d'une médaille d'or la découverte de M. Thorrent, et d'une médaille d'argent, un mémoire de M. Félip, notaire à Prades, 192 sur les arrosages du déparicment. On connaîi le suc- cès de Touvrage de M. Jaubert-de-Passa, sur Tirriga- tion chez les anciens peuples, et l'accueil qu'il a reçu de la Société qui tient en France le premier rang. Nous ajouterons que, tout récemment, deux de nos confrères, MM. Béguin et Malles, ont obtenu chacun une médaille d'argent, honorable récompense décer- née par la Société pour l'instruclion élémentaire. Ainsi la patrie des Rigavid, desDom Brial, des Arago, soutient sa réputation, et figure avec avantage dans le concours toujours ouvert à l'intelligence. Mais il ne faut point s^endormir quand on veille partout ailleurs; et nous avons à exprimer le regret de voir, tous les jours, diminuer le nombre de nos collaborateurs. Je fais un appel au légitime orgueil qui doit animer les Roussillonnais pour ne pas déchoir du rang que la Société occupe, et que le peu de zèle de ses membres pourrait lui faire perdre. Nous avons de beaux exemples à suivre. Montrons-nous dignes de nos devanciers et acquérons des droits à la recon- naissance de nos successeurs. Après ce discours remarquable, plusieurs membres de la Société ont fait des rapports sur les diverses exploitations et sur des essais importants. Les belles- lettres n^ont pas été oubliées ; et nous sommes fâché de ne pouvoir qu'indiquer bien succinctement tout ce qui s'est passé dans cette séance à laquelle assistait un public nombreux, que la salle du Musée pou- vait à peine contenir. M. Charles Lazerme a fait un rapport sur la culture fourragère et les exploitations de domaines. i93 M. Companyo a parlé sur lé champ d'essai, et plus parliculièrenieut sur les vcgéiaux de la Cliiuc, parmi lesquels il faut distinguer le chanvre gigantesque, (Lo-ma) el le chorchorus (Tzing-ma), piaule textile dont on tire une fine hatiste. JVl. Falip a fait connaître le rapport de la commis- sion sur une nouvelle mécanique a|)pliquée au mou- lin à farine de M. Pralx, près de Sainte-Eugénie, qui peut être employée partout otà, avec une forte chute, on a une faihle quantité d'eau. M. Gaffe a donné communication d'un rapport concernant la transplantation du cliéne-liége, prati- quée avec succès par JM. Laurent Cosle, de Montau- riol ; cette opération rendra d'immenses services à la silvicullure- M. Fahre, professeur au collège de Perpignan, a lu deux pièces de vers, que les spectateurs ont ac- cueillies avec des applaudissements réitérés. L'une est l'imitation d'aphorismes ruraux, composés en catalan par M. de Homa, inspecteur général d'agriculture dans la province de Girone ; ce sont des préceptes utiles et faciles à retenir par les agriculteurs. L'autre est la traduction d'un extrait de la Pharsale de Lu- cain : le discours de César à des soldats mutinés. M. Morer, secrétaire de la Société, a fait ensuite l'appel des primes et des médailles décernées par la Société. PRIMES ALLOUÉES PAR LE MINISTÈRE. 1" Pour la meilleure exploitation. A M. Ahdon Xicoy, propriétaire à la Ma- nère, arrondissement de Céret 250 fr. 13 194 Rcpori 250 fr A M. Boixéda , propriéiaire à Prats-de- iVloll(5, arrondissement de Céret, canton de Prais-de-Moll6 250 2" Pour la culture fourragère dans les Asprcs. A M. Sébastien Pages, à Palau et à Cabanes, arrondissement deCérel, canton d'Argelès. . , 300 3" A l'industrie sétifère populaire. A la veuve Marthe, 33 fr.^ A M"ie François Bonnet, 33 > 100 A M'"e Baptiste Conte, 34 ] Toutes les trois de Latour, chef-lieu du canton. 4° Pour la greffe du chêne-liège. A M. Joseph Thorrent, d'Oms, arrondisse- ment et canton de Cércl, en dédommagement de sa découverte livrée à la publicité 400 A M. François Marill, de Maureillas, ar- rondissement et canton de Céret. 60 A M. Jean Simonet, de Sorède, pour Tes- sai de la greffe en couronne 40 TOTAI> 1 .400 PRIMES DU MINISTERE ET DU DÉPARTEMENT. Primes pour les taureaux et vaches. TAUREAUX. Canton de Latour. MM. Pugnaud, Félix, propriétaire à MoLlalLa, 85fr.| lynr. Baudet, Pierre, id. id. 85 j 11)5 Report 170fr. > ) 150 150 Canton de Millas. MM. Laltau, Antoine, piopriétaiic à 111e, 85fV. Barnole Bonitacc, iJ. à Ncfliacli, 65 Canton de Thuir. M. Cuillé, Germain, directeur de la ferme- école de Germainville, 95 M"<^ de Jaubert, à Castclnau, 55 Canton d' Argeles-sur-Mcr. M. Surjus, Antoine, prop. k Argelès-sur-Mer , 95 Cantons d'Arles et de Céret. (Aucun taureau n'a été présenté au concours). Canton de Prats-de-MoUô. MM. Sicrc, Joseph, propriétaire à Prats-dc-Moll6, 95 Guisset, Pierre, id. id., 65 \ 215 Coslc, André, id. id., 55 Canton de Mont-Louis. MM. Salvat-Bergère, propriétaire aux Angles, 95 Àldebert Côme, id. à la Cabanasse, 65 Gommes, Antoine, id. à Formiguères, 55 Blanc, Jean-Martin, id. à la Cabanasse \ 305 (prime supplémentaire), 45 Pascal, Bonavenlurc, id. à Riulort (sec- tion de Puyvalador), 45 Canton d^Olette MM. Félix, Antoine, propriétaire à Oreilla, 95 \ Giralt, Bonaventure, id. à Serdinya, 65 j Manaut, Paul, id. id., 55 Bordes, Joseph, id. àThuès (prime supplém.), 45 Cantons de Pradcs et de P^inça. MM. Mir, François, propriétaire à Estoher, 95 Vergcï, Félix, id. à FiUols, 75 } 235 Fabre, Martin, id. à Prades, 65 260 A Reporter 1.580 45 95 75 65 55 45 335 196 Report. . 1.5801V. Suite des cantons de Prades et de Finra. MM. Ruffiandis, Isidore, propriélaire à Mosset, 60 fr. Sicard, Mathieu, id. à Codalet (prime \ 105 supplémentaire), Canton de Saillagouse. MM. Fabre, François, propriétaire à Egat, De Pastor, Pierre, id. à Enveitg, Coll, Jacques, id. à Sainle-Léocadie, Girvès, Sauveur, id. à Err, Barnole, François, id. à Estavar (prime supplémentaire). Cantons de Sournia et de Saint-Paul. MM, Carol, Jean-Pierre, propriétaire à Rabouillet, 95 \ ^^^ Goudon, Guillaume, id. à Felluns, 55 | VACHES. Canton de Millas. MM. Jarames, Jacques, prop. à Saint -Féliu-d'Âvail, 75 ^ Vidal, id. à Neffiach, 45 j Canton d'JrgcTes-sur-Mer. M. Surjus, Antoine, propriétaire à Argelès, Canton de Mont-Louis. MM. Vilalte, Pierre, et Bourre, Jacques, propriétaires à Saint-Pierre dcls Forçats (prime à partager), Canton de Prades. M. Raymond, Jacques, propriétaire à Fillols, Canton de Saillagouse. M. Puig, Fr., prop. à Bajande (section d'Estavar), TOTAL .... 2.590 120 75 75 75 75 NOTA. Ces primes ne sont acquittées qu'à l'époque du con- cours suivant, sur la production de certificats de l'autorité constatant l'accomplissement de toutes les obligations prescrites. 197 Primes pour plantations sur les terrains en pente. MM. Sicre, Michel, propriétaire, à Prats-de-Moll6, lôOfr. Sourribes, Laurent, id. à Montalba (canton d'Arles), 100 Guitard André, id. à Montbolô. 100 Xène, Jean, id. à Sorède, 100 Perpignane-Gabis, Malhias, id. à Collioure, 50 Piijade, Jean, docteur-médecin à Aniélie-les-Bains, 150 Coste, Laurent, propriétaire à Montauriol, 150 Bosch, Michel, id. à Saint-Genis, 100 (Ces deux dernières primes représentent la valeur de médailles en or, qui seront décernées.) Romeu, Jean-Baptiste, propriétaire à Souanyas, 60 Soumain, Honoré, id. à Sahorre, 200 Couderc, Jean, id. à Vernet, 150 Nicolau, Louis, id. à Taurinya, 60 Padrexe, Bonaventure, id. à Estoher, 80 Nicolau, Invenis, id. à Codalet, 100 Lacroix, Ferdinand, id. à Prades, 200 (Cette dernière somme représente une médaille en or, de la valeur de 150 fr. Le surplus est destiné aux agents principaux , dont la fidélité et l'activité méritent une récompense.) Blanc, Pierre, propriétaire à La Cabanasse, 25 Ségui, François, id. à Real, 25 (Ces deux dernières primes consistent en médailles d'argent, de la même valeur.) TOTAL. . /. ; . . . . 1.800 MÉDAILLES DÉCERNÉES PAR LA SOCIÉTÉ. 1° A M. Joucla aîné, mécanicien, pour une ma- chine à moudre avec une grande chute et peu d'eau, une médaille en argent, grand module. 2° Al m. Farrail chef d'atelier de la manufacture Vimorl-Maux, pour la fabrication d'un tapis avec le métier à la Jacquart dont il a fait les cartons, une médaille en argent. 198 3° A M. Piquemal, pour la réorganisation d'une scierie à placages minces, une médaille en argent. 4® A i\I. JMir, teinturier, pour la solidité et le bas prix de ses couleurs sur laine, une médaille en bronze. 5° A M. Cbappé, lithographe, pour de notables améliorations de son art, une médaille en bronze. 6" A M. Philippe IMassot, pour l'application de ma- chines ingénieuses h la fabrication des fouets dits des Perpignan, ime médaille en bronze. La musique de la ville, sous la direction de M. Ver- ginis, qui à l'amour de son art joint un dévoûment désintéressé, et celle du 60« régiment, ont exécuté plusieurs morceaux, qui ont contribué à l'éclat de cette réunion. RAPPORT DE M. C. lAZERlIE SUR LES EXPLOITATIONS DES DOMAINES PRIMÉS. Messieurs, Aux témoignages nombreux de sollicitude qui nous sont donnés par le gouvernement pour tout ce qui se rattache à l'agriculture, votre Société a ré- pondu par de nouveaux efforts accomplis dans les li- mites qui lui sont assignées. Des commissions sorties de son sein ont sillonné le département pendant une année, pour y chercher l'humble cultivateur dont les travaux méritent récompense, constater aux yeux du pays d'utiles améliorations et leur donner une 199 juste publicité. Chacune de vos commissions avait une branche spéciale de l'agriculture h explorer. Celle dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur avait pour mission spéciale de vérifier l'état et la situation de quelques exploitations rurales, d'apprécier dans chacune d'elles les développements que leurs pro- priétaires ont donnés aux bonnes méthodes de cul- ture, et surtout la part faite par eux aux plantes four- ragères en général, afin d'atteindre le but que vous nous aviez marqué , c'est-à-dire, la distribution des primes de 500 et de 300 francs qui nous sont accor- dées par le ministère de l'agriculture. Les concurrents, il faut le dire, n'ont pas été nom- breux. La routine exercé depuis trop long-temps son influence fatale, surtout dans le 2'^e arrondissement, où d'ailleurs les plantations en châtaigniers ont ab- sorbé avec de grands succès et aussi de grands profits presque toutes les forces des propriétaires. La cul- turc y est en général négligée. Deux obstacles sé- rieux s'opposent à un développement rapide des bonnes améliorations : d'abord le personnel qui, dans ce pays, est rare, ignorant et cher; ensuite le défaut d'émulation. Avec le temps, on peut par- venir à corriger le premier; avec de nombreux en- couragements, il est possible de faire disparaître, en grande partie, le second. Mais, pour que ces encou- ragements produisent l'effet que nous attendons, il est indispensable de les entourer de la plus grande publicité; et c'est précisément cette publicité qui jusqu'à ce jour a fait défaut au 2°"= arrondissement comme aux deux autres. En effet, dans les quatre cinquièmes des commu- nes du déparlcmeni , les travaux de notre Sociéié 200 sont inconnus; on ignore les concours établis, et c'est presc[ue par hasard que quelques concurrents se présentent. Votre commission est unanime clans le vceu qu'elle émet que notre programme soit affi- ché désormais jusque dans les plus petites localités; car il ne faut pas oublier que la publicité donnée à vos encouragements, fera indubitablement germer dans toutes les létes des idées d'améUoration. Ce sera déjà un premier progrès réel, général, qui ne peut manquer de se produire par des faits particu- liers que vous saurez vous approprier : vos publica- tions encourageront les timides cultivateurs. Les plus pauvres ambitionneront pour leurs travaux une ré- compense pécuniaire; les plus riches, une récom- pense honorifique : l'émulation sera partout et avec elle un véritable progrès. Votre commission, tout en portant un jugement sévère sur la situation générale de l'agriculture du 2nie arrondissement , est cependant heureuse de pouvoir constater plusieurs honorables exceptions. Elle doit citer entr'autres MM. Eoixéda, de Prats-de- Mollô, Xicoy, de la Manère, et Sébastien Pages, de Palau, comme les propriétaires les plus zélés parmi ceux qu'elle a visités, et dont les exploitations lui ont paru réunir les conditions imposées par M. le minis- tre, pour mériter les primes de 500 et de 300 francs. Ces exploitations ont été vérifiées avec les soins les plus minutieux. Votre commission s'est assurée par elle-même que les contenances soumises aux cultu- res fourragères, correspondaient aux étals présentés par ces propriétaires accompagnés, du reste, d'un cer- tificat du maire de leur commune respective. Sans entrer dans réniiméraiion du nombre d'hectares de 201 prairies, de terres arables ou de bestiaux, je me bor- nerai à vous faire part de ce qui nous a paru le plus saillant dans les améliorations déjà faites comme dans celles qui sont en voie d'exécution. M. Boixéda cultive son patrimoine selon l'ancienne méthode du pays; mais ce qui le distingue de ses voisins, c'est qu'il a agrandi ses étables et augmenté depuis long-temps le nombre de ses bestiaux. Sou- mis au régime de la montagne, ses troupeaux passent six mois dans les pacages communaux, deux mois dans les regains de ses prairies, et vivent quatre mois d'herbes sèches dans les écuries. Pendant les six mois d'été, M. Boixéda fait ses récoltes de grains, accu- mule des provisions de foin et apporte au champ les engrais produits de l'hiver. Cette méthode simple et économique pourrait être utilement modifiée s'il parvenait h abréger le séjour de ses bestiaux dans la montagne, surtout dans les mois d'octobre et de no- vembre. Les engrais seraient plus abondants et les bestiaux y gagneraient , parce qu'en général ils per- dent à l'arrière saison ce qu'ils ont gagné au prin- temps. M. Boixéda a établi son assolement d'une manière fort intelligente : l'un des premiers, il a fané de grandes quantités de blé sarrasin pour augmenter ses approvisionnements d'hiver. Sa résolution est de suivre le conseil que nous lui avons donné sur l'en- tretien de ses bestiaux. 11 a déjà commencé l'exécu- tion de ce système en construisant au sommet d'une vaste prairie arrosée en partie des eaux du Tech, un grand local parfaitement disposé pour recevoir des fourrages dans sa partie supérieure, tandis que sa partie inférieure est réservée au bétail qui doit le consommer sur place. C'est avec ce nouvel établisse- 202 ineni que M. Doixéda pourra diminuer le leuips du pacage et augnienler celui de l'hivernage. La propriété de M. Xicoy est divisée en trois mé- tairies : deux sont établies sur le sommet de la mon- tagne qui domine le village de la Manère; la ti'oi- sième, sur les bords de l'un des affluents principaux du Tech. Cette dernière offre Taspect le plus riant et le plus pittoresque. Cachée sous des ombrages épais, arrosée par des sources nombreuses d'une eau limpide, on la dirait disposée tout exprès pour servir de refuge à quelque existence rêveuse ou mélanco- lique. Mais la présence d'un personnel nombreux, occupé à divers travaux agricoles, fait bientôt recon- naître au visiteur son véritable caractère. Des étables vastes et bien aérées reçoivent un nombreux bétail : plus de trente-cinq bêtes à corne et six cents bêtes à laine y passent l'hiver. M. Xicoy suit la culture ordinaire du pays, mais avec l'adjonc- tion de prairies artificielles qui lui permettent de doubler la somme de fourrage que lui donnent sept hectares de prairies naturelles. Ces chiffres élevés prouvent suffisamment que la quantité d'engrais est parfaitement en rapport avec les terres cultivables, bien réduites d'ailleurs par de vastes plantations de châtaigniers. La vie toute patriarcale que M. Abdon Xicoy mène avec sa famille dans ce joli séjour, centre de son exploitation, lui permet de consacrer son temps, ses soins et son intelligence aux améliorations qu'il comprend et qu'il sait très bien exécuter. Ses écu- ries sont bien tenues, ses approvisionnements pour rhiver sont abondants; tout respire chez lui le par- fum de la bonne agriculture. 203 M. Sébastien Pages, doni rbabilcté comme cnlii- vateur est reconnue dans la commune de Palau et des environs, exploite le beau domaine de Cabanes de manière à prouver que les principes que votre Société chercbe à vulgariser sur l'utilité des cultures fourragères, sont les seuls qui puissent vraiment faire prospérer l'agriculture et augmenter le revenu de la terre. M. Pages est allé jusqu'aux dernières conséquences de ce système si bien présenté et sim- plifié par M. Dézeymeris. Il a couvert de prairies ar- tificielles toutes les parties de son terrain qui sont susceptibles de les produire. Il n'a pas hésité à faire construire d'immenses et Ijelles écuries pour rece- voir un grand nomjjre de bêles à corne : tout doit être consommé sur place et converti en engrais; car dans cette exploitation il n'est pas question d'émigra- tion annuelle sur la m(»ntagne. Les pailles même trouvent place sous de vastes hangars, à côté des foins de prés, des trèfles et des luzernes, pour être, de là, distribuées au bétail. Nous avons remarqué plus de vingt lireufs de travail et trente autres élèves de la race bovine de la plus 1 telle espèce. Ce nombre est encore faible quand on songe que plus de cent- vingt têtes peuvent vivre et croître dans le local qui est préparé pour les recevoir cet hiver avec les appro- visionnements déjà faits. M. Pages nous a énuméré avec détail les amélio- rations qu'il a faites, et indiqué celles qui sont en cours d'exécution. Il a réduit son assolement qui, mieux travaillé et surtout abondamment fumé, lui a donné des rendements qui doivent augmenter cha- que jour. Les produits qu'il a mis sous nos yeux sont tous de belle et bonne tjualité. Dans celte exploita- 204 lion la question agricole peut se traduire en peu de mots : couvrir en herbages le plus de terre possible; avec ces herbages produire beaucoup d'engrais; par l'élevage diminuer la quantité des terres soumises à la culture qui, fortement couvertes d'engrais, don- nent par conséquent des rendements considérables. Espérons que son exemple sera suivi. Votre commission vous propose donc de partager la prime de 500 francs entre MM. Xicoy et Boixéda, et de réserver à M. Sébastien Pages celle de 300. NOTES m L'INDUSTRIE SÉTIFÈRE DANS LE CANTON DE LATOUR (Pyrcnées-Orienlales), PAR M. le marquis de CilHESTOUS, membre résidant. (( Si le petit propriétaire joint à la culture du « mûrier l'industrie sétifère, il trouvera les « moyens d'occuper sa famille, sans crain- « dre la concurrenoedesgraudes éducations, « toujours plus coûteuses. « (Bulletin de la Soculê, 6"^ vol., 1''^ partie J Convaincu par une pratique déjà ancienne de l'importance que pouvait acquérir l'éducation frac- tionnée des vers à soie, j'ai appelé, il y a cinq ans, dans mes domaines de Latour et de Caladroit quel- ques habitants desCévennes, habiles et expérimentés, 205 el j'ai débuté sur une assez grande échelle, dans les bâlinients de mon exploitation rurale, avec le con- cours de M. Barihe, directeur de mes travaux. Il a fallu tout aggloméier une première fois, sauf à moins entreprendre à l'avenir, afin de familiariser les gens de la localité avec tous les détails d'une opération, qui est devenue une ressource pour un grand nom- bre de familles. Nous leur avons donc assidûment inculqué les préceptes d'où dépend une bonne édu- cation; et, quoique cette tentative trop étendue ait assez faiblement réussi, nous avons atteint notre but, puisque nos élèves ont acquis assez de pratique pour pouvoir se livrer eux-mêmes à des essais. Les œufs de vers à soie leur ont été alors distribués par lots de de 30 à 60 grammes, et les bons résultats qu'ils ont obtenus de prime-abord ont encore une fois justifié le système des petites éducations. Des femmes, à peine apprenties, en fractionnant une éducation, ont obtenu un produit double au moins de ce qu'avaient pu réaliser, àLatour, les gens du métier, qui avaient concentré leur opération. Aussi la question est-elle jugée dans ce canton; et nous voyons adopter pres- que partout le principe pratique, mis en avant de- puis long-temps par l'un de nous : petite magnanerie, grande filature . Le développement de nos mûriers vient de nous permettre un nouvel essai assez important à Bé- lesta, commune d'où dépend Caladroil. Les faits sont venus à l'appui de cette théorie que l'exposition de Bélesiaest plus favoiable à une éducation que celles de Lalour, Millas et de toute autre localité située dans la plaine. Les cocons s'y sont trouvés supérieurs en qualité, comme en quantité. Cela se conçoit faci- 206 lemcnt, ea présence de deux considérations : d'abord Jes mûriers du territoire montagneux de Caladroit, n'étant pas arrosés, végétant dans un sol léger et n'ayant pas autant à redouter les gelées et les rosées blanches (deux des plus fortes causes d'altération pour la feuille du mûrier), produisent, pour les vers à soie, une nourriture moins grasse, moins chargée de substances aqueuses non sétifères laquelle est, par ce fait même,, moins indigeste. En second lieu, Bélesta, étant sur un point élevé, loin et au-dessus de tout cours d'eau, à l'abri du vent de mer par les montagnes qui l'en séparent, bien aéré sur les autres points, les miasmes du dehors et de l'intérieur des salles s'y trouvent à peu près annulés. Dans les autres magnaneries il faut, (et ce n'est pas partout et toujours facile,) se procurer une aération convenable. Bélesta jouit naturellement de cet avan- tage, grâce surtout à sa position topographique. Les habitants de ce village, qui ont été dressés à ce genre d'industrie, maintiennent, de même que ceux de Latour, la plus grande propreté dans leurs chambrées. Aussi le résultat d'un premier essai a-t-il été très remarquable, aux deux points de vue de la qualité et de la quantité des cocons. M. Mérou, maire de Bélesta et M. Pommés, ont obtenu chacun 45 kil. de magnifiques cocons jaunes, avec 30 gr. d'(Bufs ; chez Baptiste Dauriac^ 1 5 gr. ont rendu 27 kil. de cocons, non moins beaux; preuve nouvelle que, moins on opère en grand, mieux on réussit. La comparaison de ce résultat avec celui qui a été constaté à Latour, ne saurait encore s'établir d'une manière bien exacte. Les éducateurs du chef-lieu de notre canton ont eu des succès très divers. Tel d'entr'eux a pu réaliser 207 tle 47 à 48 kil. de cocons avec 30 gr. dVeufs- tel autre, dans les mêmes conditions, n'a pu recueillir que 14 kil. En moyenne (1847-1 848) 30 gr. ont rendu 29 kil. de cocons beaux et bons. Cet état de choses ne peut que s'améliorer. Une réussite complète dépend absolument de l'intelligence et des soins minutieux, donnés à une éducation. L'exposition des locaux doit sans doute entrer en considération ; mais une surveillance de tous les ins- tants, la propreté, la ventilation, le choix de la feuille et l'intervalle régulier, mis entre les repas des vers à soie, sont des moyens infaillibles de succès. Mme veuve Marthe, et çn seconde ligne MM. Bonnet et Conte leur ont dû l'avantage le plus marqué sur leurs concurrents. Un appartement de ville n'est pas mieux tenu que les locaux de ces éducateurs, et sur- tout que la modeste haliiiation de la pauvre Marthe. Il serait très essentiel de déterminer la proportion qui existe entre la feuille consommée et la quantité des cocons recueillis; mais nos observations à cet égard n'ont pu encore se compléter. Nous avons bien essayé quelques éducations à mi-fruit; mais, en cueillant la feuille de nos mûriers, on a négligé de la peser. Cette partie essentielle du service d'une magnanerie sera régularisée à l'avenir; et c'est alors que nous pourrons établir la différence qui existe entre les éducations de Latour, pays où la feuille des mûriers est grasse et chargée d'une matière aqueuse, et celles de Bélesia où cette même feuille plus légère ne recèle pas de liquide nuisible aux vers à soie. Nous persistons à croire que Bélesta doit l'empor- ter. Le résultat, en 1848, a réellement été immense. Dans le département du Gard, le quartier par excel- 208 lence de l'an séricicole, on ne saurait guère mieux faire pour le rendement, en proportion de la graine. Le vrai moyen d'en juger, c'est moins le coup-d'œil que la filature. Forcé, cette année , par suite de la crise commerciale, de filer à Latour, nous pourrons apprécier, avec une certaine précision, le mérite des cocons de la campagne de 1848, en faisant d'ailleurs la part de l'inexpérience des fileuses, de l'imperfec- tion de l'outillage, et de la mise en mouvement des métiers, montés presqu'à l'improviste. Le résultat ne serait-il pas à la hauteur de celui des Cévennes, la soie n'atteindrait-elle pas le même degré de peifection, qu'il ne faudrait pas se décourager pour cela. 11 im- porte plus que jamais de profiter des conditions avan- tageuses que le Roussillon offre à l'industrie sélifère. La situation de certains cantons les met, à cet égard, au-dessus des communes les plus privilégiées du midi de la France, et même de quelques-unes des vallées des Apennins. Le département des Pyrénées-Orien- tales, dans un grand nombre de localités, est en effet tellement favorisé de la nature, qu'il a peu de chose à demander à l'art; il n'a qu'à le vouloir pour deve- nir, par l'extension de la culture du mûrier et par l'observation des préceptes que nous allons indiquer, un des premiers départements séricicoles de France. La zone du mûrier n'est pas, comme celle de l'oli- vier, limitée à une assez petite distance de la mer. Le climat le plus favorable à sa végétation s'étend non-seulement jusqu'à la zone du chêne blanc, mais encore jusqu'à celle où se plaît le châtaignier. Les terrains schisteux ou granitiques, ceux principa- lement où croissent les bruyères et les fougères sont ordinairement ceux qui donnent la feuille la plus 209 propre à la produciion de la soie. Jetez de la graine de niiirier sur ces terrains; et, dès que Tâge des ar- bustes que vous obtiendrez vous permettra d'y faire une éducation, vous serez sur d'avance de pouvoir livrer de beaux produits aux fal)riques de INîmes et de Lyon. Sans doute l'art, enfant de l'observation, peut ici, comme en tout autre cas, venir en aide à la nature, et les résultats ne sont pas subordonnés d'une ma- nière absolue au sol et au climat. Dans plusieurs contrées, on a réussi, au moyen de certaines modifi- cations, à se procurer de riclies cocons. Sous des tem- pératures bien différentes, les Français, établis à Berlin depuis la révocation de l'édit de Nantes, et M. Camille Beauvais à Paris, ont également bien réussi, de sorte qu'on peut dire qu'il se produit de la soie dans une grande partie de l'Europe; mais, nous le répétons, le département des Pyrénées-Oriene taies est dans les meilleures conditions de succès. Nous sommes d'autant plus fondé à soutenir cette opinion que nous y avons remarqué l'absence d'un grand nombre de maladies, qui atteignent ailleurs les vers à soie, notamment de la muscardincj ce cbo- léra de l'espèce bombycienne, que nous avons eu le bonbeur de ne jamais constater dans le canton de Latour. Les affections morbides, qu'on remarque généra- lement en Roussillon, sont celles qui dérivent des feuilles trop aqueuses ou fermentées, des litières trop considérables, des vers tenus trop serrés, des transitions de température trop brusques, causes qui donnent quelques sujets malades, connus sous le nom de tripes, de gras et de porcs. Nos éducateurs, 14 210 pour maintenir leur rang de supcriorilé, ne doivent employer que les œufs qu'ils ont recueillis eux-mê- mes; ceux de provenance étrangère les exposent à perdre le fruit de leurs travaux, par l'introduction de quelque maladie inconnue parmi nous. Ils peu- vent tout attendre de leur industrie, s'ils observent fidèlement les précautions suivantes, qui ne crai- gnent pas le grand jour de la discussion ; car elles ont été confirmées par l'expérience. Nous les avons appliquées avec précision dans une pratique déjà ancienne et nous n'avons eu qu'à nous en applaudir. Les mêmes ])réceptes sont préconisés comme d'in- faillibles moyens de réussite dans les départements du Gard, de lllérault et de l'Ardèche, comme dans les Etats-Sardes, à Novi, et dans les environs de Milan. Les éducateurs devront en conséquence : 1 o Ne greffer sur les terrains riches que des mûriers à feuille mince, fine, peu serrée, telle que celle de la blanquette et des espèces analogues; 2° Sur une terre plus ingrate, on peut greffer les qualités à feuille plus nourrie, telle que la feuille rose, etc.; 3o Point de fumier dans les bons terrains, surtout non arrosés : fumer peu les autres terrains ; 4» Tailler avec modération, principalement sur les bons fonds, ouvrant bien l'arbre, et laissant toujours plus de force aux branches du côté exposé au vent de Nord-Ouest, ou tramontane. Les grands courants d'air et les gelées blanches du printemps, sont deux grands obstacles à la prospérité des mûriers dans no- tre contrée. On peut y obvier en plaçant dans des lieux abrités les espèces les plus propres à s'y dévelop- 211 per. La taille que nous indiquons peut favoriser aussi Je développement d'une grande quantité de feuilles petites et serrées, qui offrent moins de prise à la gelée et à la violence du vent; 5° Planter toujours des sauvageons et ne greffer que sur place, un an ou deux après la plantation, employant de préférence la greffe en sifflet; G" Prendre chez les éducateurs les plus renommés les œufs de vers à soie, ou mieux encore faire usage de ceux qu'on aura préparés soi-même, si on connaît les minutieux détails de celte délicate opération; 7° Partout où la culture de l'olivier est naturelle ou dominante, ne produire que des cocons jaunes, surtout de ceux qui sont déprimés sur le milieu, (connus sous le nom de Milanais)-^ n'exploiter les co- cons blancs qu'au-dessus de la zone de l'olivier; 8° Les éducations divisées étant à nos yeux le gage d'une réussite plus assurée, nous conseillons de frac- tionner l'entreprise par chambrées de 90 à 150 gram- mes d'œufs, chacune sous une direction particulière. Ce point est capital, quoiqu'il s'éloigne des précep- tes de l'illustre Dandolo. INous le considérons comme la pierre angulaire du succès ; 9" Avant de commencer une éducation, laver les claies et tout ce qui doit servir, dans une dissolution de sulfate de cuivre, analogue à celle qu'on emploie pour le chaulage des blés. On combat ainsi le déve- loppement de la muscardinc, qui paraît toujours à la fin d'une éducation, dont elle emporte tout le fruit; 10° Soigner par-dessus tout l'incubation et l'éclo- sion des vers. Ne jamais perdre de vue que ceux qui ne naissent pas bien n'arrivent même pas au cocon imparfait; et que de ceux qui sont nés dans de bonnes 212 conditions, plusieurs ne voni pas jusqu'au cocon par- fait. Pour réussir, l'esseniiel est de maintenir la tem- pérature d'un minimun de 19 degrés Réaumur, à un maximum de 22 degrés, pour le moment de l'éclo- sion et les deux ou trois jours suivants, ayant soin de renouveler l'air pour éviter l'asphyxie ; 1 1° Ne pas tenir sur la même claie un trop grand nombre de vers, surtout quand ils sont petits, quoi- qu'on fasse généralement le contraire ; 12° Par le calorique ou la ventilation, conserver la température entre 16 et 21 degrés Réaumur. Rien n'est plus funeste que la brusque transition du froid au chaud et réciproquement, si commune pendant une éducation ; 13° Suivant les indications de l'hygromètre, tantôt augmenter l'humidité des locaux en arrosant le sol, d'eau chlorurée de préférence, tantôt leur rendre la siccité par des feux légers; 14° Chasser l'excès d'acide carbonique et rétablir la pureté de l'air par l'enlèvement fréquent des li- tières et par des soins incessants de propreté, par l'introduction de l'air extérieur aux moments favora- bles et, au besoin, par l'emploi de l'appareil désin- fectant de Guiton-de-Morveau; 1 5° Laisser reposer quelques jours en magasin la feuille du mûrier, qui ne doit être ni trop amonce- lée ni trop aérée, et, avant de la distribuer, la re- muer soigneusement. Si la fermentation se déclarait, la feuille sécréterait une liqueur, qui est un poison mortel pour les vers. Les essais de Latour et de Caladroit ont été faits d'après ces données depuis cinq à six ans. Les encou- ragements que la Société des Pyrénées-Orientales a 213 cru devoir accorder aux éducateurs de celle com- mune, disent assez haut quel a été leur succès. Si pour cette fois nous ne sollicitons qu'une mention honorable pour Bélesla, c'est qu'une première vic- toire n'est pas suffisante pour se placer au premier rang; mais d'aussi brillants débuts ne seront certai- nement pas perdus de vue. Nous devons insister, en terminant, sur le soin qu'on doit apporter à la reproduction de la graine. Il faut d'abord être attentif au choix des cocons et ensuite rejeter impitoyablement tout papillon, si peu défectueux qu'il soit; ne pas laisser épuiser les mâles en leur laissant monter.plusieurs femelles; le choix même de Tétoffe sur laquelle les œufs doivent être déposés n'est pas une chose indifférente pour bien réussir. L'espèce des cocons jaunes du pays est bonne : chez quelques éducateurs elle a perdu son type pri- mitif, et elle est mélangée, ce que nous attribuons à la négligence qu'on a mise dans le choix des cocons de reproduction. Un minutieux triage les ramènera promplement à leur étal normal. Nous aurons soin de faire connaître plus tard, s'il y a lieu, la suite de nos essais. Nous n'avons pas voulu larder plus long-temps à apporter notre tribut à la Société, dont la sollicitude pour l'industrie séli- fère s'est constamment manifestée. Notre ambition serait de faire suite , par ce modeste travail , à l'impor- tant rapport publié par la Société, en 1843, rapport dont un grand nombre d'exemplaires, distribués par les soins de M. le ministre la guerre, ont contribué à lextension et à l'amélioration de l'art séricicole dans notre colonie d'Afrique. 214 MÉMOIRE DE M. PUJADE, Docleur-Mi'decin à Amélie-les-Bains , ancien Médecin des armées , Chevalier de la Légion -d'Honneur. L'arrondissement de Céret était autrefois un des plus boise's du Midi. Les hautes et belles montagnes dont la nature l'a doté , offraient à l'observateur de vastes forêts de chênes, hêtres, sapins, châtaigniers, tandis que les collines et les bas-fonds étaient garnis d'oliviers et d'arbres fruitiers de toute espèce. Alors, le territoire de cet arrondissement qui, à toutes les époques, a dû être essentiellement agricole, fournis- sait d'abondantes récoltes. Les bois couronnaient les hauteurs, et les nombreux bouquets d'arbres, ça et là disséminés, devaient adoucir le climat, garantir les récoltes de l'influence des météores malfaisants, entretenir enfin la salubrité de celte délicieuse vallée. C'est en considération dccesavantages, que nos pères avaient respecté leurs rustiques forêts. Ils ont donc été sages et prévoyants plutôt qu'imbus de préjugés, ainsi qu'on ne cesse de le leur reprocher tous les jours. Les défrichements et abattages de bois commencè- rent vers le milieu du xyiii^ siècle. Exécutés avec 215 lenteur et quelques niénagements d'abord, ils prirent une grande extension ensuite, au point que l'auloriic crut devoir prendre des mesures pour empêcher ces sortes de dégradations forestières qu'elle regardait avec raison comme nuisibles à l'agriculture. C'est en 1787 que la Société agricole, fondée par M. de St-Sauveur, intendant à Perpignan, chargea le docteur CosLa-Serradcll de rédiger une instruction sur la culture du châtaignier, instruction qui devait être imprimée et distribuée aux habitants qui possé- daient des terrains favorables à la plantation de cette essence forestière. Cette Société ne se borna pas à propager et à ré- pandre au loin les connaissances qu'on avait alors sur la culture du châtaignier, elle chercha aussi à exciter l'émulation des planteurs, en fondant un prix annuel pour celui qui se distinguerait le plus dans ce genre de plantations. Les agriculteurs s'empressèrent de répondre à l'ap- pel bienveillant qui leur était fait; ils remplaçaient les arbres manquant, remplissaient les vides, se dispo- saient enfin à réaliser des travaux de reboisement plus complets, propres à faire disparaître les dégra- dations forestières précitées, lorsqu'ils se virent for- cés de suspendre leurs utiles travaux pour arrêter et prévenir des dégâts plus funestes encore. La mémorable révolution de 1789 avait éclaté : parmi les nombreuses causes de reboisement de nos montagnes, qu'on vit naître et se succéder après cette époque néfaste, on peut signaler l'invasion des armées espagnoles, la vente des biens nationaux, le plus souvent acquittés avec le produit de l'abattage des bois, fcxtension que prit toul-à-coup la culture de 216 la pomme de terre et le développenieni donné à noire industrie métallurgique. En peu de temps, on vit disparaître les plus belles forets de notre vallée; les vastes surfaces des monta- gnes étaient dénudées; aussi les dévastations eurent- elles les plus tristes résultats; les sources vives ne donnaient plus les mêmes quantités d'eau^ et certaines d'entrelles avaient cessé de couler; nos rivières étaient devenues insuffisantes pour les besoins agri- coles et métallurgiques. Des vents autrefois inconnus ravageaient nos montagnes. L'inclémence toujours croissante des saisons faisait perdre tous les ans à notre fertile vallée quelqu'un des éléments de sa fé- condité; enfin l'entraînement des terres des régions supérieures par les eaux pluviales, en comblant les ravins et les lits des rivières, donnait lieu à des dé- bordements fréquents, qui ravageaient les cbamps fertiles de la plaine. Ces maux incessants attirèrent l'attention de l'ad- ministration. Des moyens furent pris aussitôt pour y mettre un terme. Le gouvernement lui-même, sous l'influence des calamités qui venaient d'affliger tour à tour les différents déparlements montagneux, prit l'initiative , soit en cbargeani les préfets de favoriser les travaux de reboisement, soit en décernant des prix aux planteurs qui s'en étaient rendus dignes. L'administration n'avait pas fait tout ce qui était désirable et nécessaire; aussi son but ne fut pas com- plètement atteint. Cependant les propriétaires recon- nurent l'urgence du reboisement immédiat des ter- rainsen pente. Mais avant de procéder à ces importants travaux, ils voulurent examiner quelle était parmi les essences forestières de la contrée, celle qui s'ap- \ 217 piopriait le mieux au sol, et qui pouvait par consé- quent offrir de plus grands avantages au planteur. Le chêne parut trop lent à venir; le châtaignier, beaucoup plus hàtif et d'un plus grand rapport agri- cole, fut préféré. C'était aussi une œuvre utile, une bonne action que de prendre une part active à des travaux ayant pour but de redonnera nos montagnes dénudées leur ancienne parure végétale,, de prévenir et d'atténuer les maux qui affligeaient les populations riveraines. Il y avait aussi quelque mérite à tenter des travaux de reboisement sur des sites escarpés, abruptes, incultes et ayant au moins 85 degrés cen- tigrades d'inclinaison , terrains qu'on avait regardé jusqu'alors comme tout- à-fait impropres à toute plantation. Ce terrain est situé sur l'un des revers de la chaîne centrale des Pyrénées, au sud-est de la petite ville d'Arles-sur- Tech. Sa contenance est d'environ 50 hectares; mais, comme les pentes sont très déclives et les ravins profonds, que les rochers y forment des crêtes et des précipices plus ou moins inaccessibles, l'étendue de cette surface paraît beaucoup plus res- treinte qu'elle ne l'est réellement. On comprend que sur un versant aussi accidenté et aussi rapide, les expositions doivent être extrême- ment variées, de même que la température. 11 fallait tenir compte de ces variations pour le mode de plan- tation à établir. Ce terrain fut divisé en trois zones. Le pied de la zone inférieure est à environ 2G0 mètres au-dessus du niveau de la mer, et la limite supérieure de la 3^ se trouve h 1030 mètres au-des- sus du même niveau. 11 existe donc une différence de 770 mètres entre le niveau supérieur et le niveau 218 inférieur d'un terrain qui, néanmoins, n'occupe, sur un plan horizontal , qu'une superficie d'environ 50 hectares. Dès lors, on doit comprendre la déclinaison des pentes et la diversité des expositions ou clima- lures dont il s'agit. Nous l'avons dit au premier aspect, la zone infé- rieure était un vaste rocher taillé à pic et inabordable, offrant des précipices ou sînglas^ des déchirures, des cavernes, des moraines ou clapisses, et au milieu des- quels on distinguait des paliers, des encaissements, des fissures et crevasses remplis de terreau végétal- La zone moyenne, plus étendue, d'une pente moins déclive que la précédente, offrait çà et là des blocs granitiques, et était lacérée par des ravines plus ou moins profondes. La végétation s^y montrait assez vi- goureuse, à raison sans doute des dépôts terreux que les eaux pluviales y avaient déposés. La zone supérieure est plus vaste que les deux précédentes : d'une pente plus douce, ce terrain était en partie couvert d'une pelouse chétive; on y voyait néanmoins cà et là des dépressions et des en- caissements, remplis d'une terre sableuse, garnis d^ar- bustes et clair-semés de chênes dont la vigueur vé- gétative indiquait ce que le planteur devait attendre d'un terrain tout-à-fait vierge. On le voit, ce ne fut qu'après avoir mûrement étudié la nature du terrain, la position et la clima- ture des lieux, qu'on procéda aux défrichements. Le semis, devant former la base des travaux de re- boisement, on s'occupa d'abord de la confection de nombreuses pépinières; à celles-ci succédèrent les travaux de plantations et de culture. Le l'eboisement s'effectuant sur un mauvais sol , il fallait nécessaire- 219 mcnl iiouver un mode de plantation qui lui fui ap- proprié. Celui qu'on avait suivi jusqu'alors était vicieux, même inapplicable. Il ne suffit pas de plan- ter de jeunes arbres, il faut aussi leur donner les soins nécessaires à leur conservation et à leur déve- loppement. Il ne suffit pas de planter un terrain es- carpé, déclive et inculte, il faut raffermir et préserver ce terrain, afin de prévenir les effets des éboulemens sur les terrains inférieurs, le danger des terrains su- périeurs d'être entraînés à leur tour, et enlever ainsi à la culture des sols de la plaine successivement en- combrés par leurs débris. Ces trois conditions, nous croyons les avoir rem- plies. Nous avons défriché et planté des terrains inférieurs, et par parcelles, en établissant au fur et à mesure des barrages solides, tels que murs de soutè- nement, fragments ou éclats de rocbes, placés dans des ravines, et partout où il était nécessaire de con- tenir le terrain ou de diviser les eaux pluviales. Puis, ont eu successivement lieu les travaux préparatoires dans les moraines fclapissesj, les trous ou fosses, l'em- ploi des déblais, c'est-à-dire les transports de terreau auxdits trous, aux fissures rocheuses, aux paliers ou plates-formes, pratiqués par la disposition des i^ochers, aux creux et excavations, encaissements, etc. ; à ces travaux enfin ont succédé les soins donnés à la plan- tation, variant selon la zone ou la température du site, consistant en cultures, irrigations, élagage, re- cepage et autres travaux de réparation et d'amé- lioration. Voilà, Messieurs, le résumé des travaux de reboi- sement exécutes dans une région montagneuse des plus escarpées et déclives. Nous avons eu de grands '2-20 obstacles à surmonter pour mener ces travaux à bonne lin; ils ont été longs et dispendieux; il ne pouvait en être autrement. Leur durée a été de 18 à 20 ans- Le résultat final de tous ces travaux difficiles est une belle plantation, c'est-à-dire une forêt composée de plus de cent mille châtaigniers, bien venus, en plein rapport, couvrant une montagne jadis dénudée, in- culte et sans valeur agricole; plantation type qui, nous l'espérons, sera utile au pays, en ce que les planteurs y verront la possibilité de boiser les plus mauvais sols de nos montagnes, et de prévenir les dé- sastres causés par les débordements de nos rivières. Nous reviendrons sur cette question importante d'économie rurale. -o*^,®^|*<.- LES lOlCANISATIONS OCCITAMQUES, ET LES VULCANISATIONS DU PAYS DE BAS, EN CATALOGNE' Sommaire: Vulcanisations Cis-Pyréncennes.— Volcanisations Trans-Pyré- néennes. — Description. — Identités et contrastes. — Vaines conjectures sur l'âge. — Diverses époques volcaniques. — Point de présages. — Acci- dents modernes. — Desideranda. Volcanisations Cis-Pyrénccnnes. Une ancienne plaie volcanique montre sa noire cicatrice depuis le cap d'Agde jusqu'aux sommités * C'est une partie du diocèse de Girone qui, sous le titre de vicomte, fut l'apanage des comtes à'^Am'pwias et successivement de l'illustre maison de Cabrera. {Ztirila.) 221 de l'Auvergne, au Nord; par Lodève, jusquà Sorèse, à l'Ouest; par Pézenas, jusqu'à Béziers, au Midi. A ces derniers vestiges, le mouvement ignivome semble avoir expiré devant la barrière des Pyrénées; car quoique la région thermale de ces monts per- mette de supposer dans l'hypogée le voisinage de quelques ignitions, le phénomène toutefois ne s'y est point autrement manifesté. Gensanne a cru trouver des échantillons volcaniques dans le pays de Sault^ là où Du Mége n^a cru voir qu'un grès noirâtre. Volcanisalions Trans-Pyrénéennes. D'autre part une congrève souterraine perça à l'op- posite sous les contreforts catalans de la chaîne, en la vicomte de Bas. Description. L'oasis de flamme fut le terrain compris entre Cas- tel-Follit, Argelaguer, Cellent, Amer, Batet, Las Presas et Olot, ville importante sur les vastes cavités des élaborations volcaniques, et combien d'édifices en recouvrent les soupiraux même? Gérard Mercator, géographe du xvi^ siècle, ap- pelle ces évents, fontaines aérées, à raison des cou- rants d'air qui en émanent. Au Vésuve on voit aussi des anfractuosités caver- neuses d'où s'échappe un zéphyr glacial, ce qui a fait dire de ce mont qu'il exhalait le froid et le chaud. Primitivement assise à la rive droite du Clodia- nuni, et substituée à la ville Ibérienne de Basi, selon Marca (Col. 188-189), Olot est déjà sous Charles-le- Chauve, le lieu du nom actuel (lùid., titre 32). Transféré de 1427 à 1428 à la rive gauche de la Fin- 322 via [Ibid.) il sy trouve à 42" 12' de latitude, et à 19° 4' de longitude, au pied du cratère de 31ont. sa Copa. Ce cratère s'aligne de l'Ouest à l'Est avec ceux de Mojit Olivct et de la Garrinada^ élevés parmi des groupes d'autres de manière à présenter la classifica- tion ordinaire des volcans, par série, et par diffu- sion, c'est-à-dire, selon les auteurs, le même ordre ou désordre, qu'ont suivi pour se faire jour les ébulli- lions ignées du Pérou et de l'Auvergne. Au Nord de la circonscription ci-dessus, la terre de feu ne s'étend guère qu'à demi lieue jusqu'à la rive droite du torrent de Ridaura. Au Sud, le rayon se prolonge à quatre lieues et demie; et ce n'est point seulement la plus grande dimension du bassin qui court dans le sens de la Méridienne 5 mais les tremblements de terre, conséquences de l'action vol- canique, ont assez suivi le même rhumb, toujours en ricochet vers des points ripuaires. Gensanne, Faujas, Desmarest, de Buch^ d'Aubuis- son, Marcel de Serres, Du Mége ont étudié nos vésu- ves Gaulois, en ont signalé l'encliaînement, les hau- teurs, les dômes, les cônes et les cratères avec leurs coulées en colonnades, pavés et chaussées. Feu le docteur Boloz, chimiste d'Olot, s'était donné partie de ces mêmes soins sur l'enclave cratérisé de son pays natal ; mais on regrette qu'il n'ait pas joint à sa publication une carte topographique ; car à la simple lecture, impossible de rattacher aux divers émonctoires du terrain le foyer de Sainte-Marguerite ^ qui ne fut pas le moindre, les formations de la Tosca^ du Pla de la dcvcsa^ et du Pla sacot. Tant d'autres, dont l'auteur évite la prolixe nomenclature, se ran- 223 géraient SOUS nos yeux à leur place naturelle et com- pléteraient la partie descriptive du système. Ce ta- bleau serait beaucoup plus facile à établir, quant à nos localités, diaprés les feuilles parcellaires conve- nablement réduites. Il y aurait même supériorité d'indication, vu que nos plans cadastraux auront em- prunté la ris Acro- cérnuniens., où l'aigle, roi des airs, a remplacé le vautour féodal. 1 370 ou 1 380 (21 février). Ante gaUicantum, autre, modicus (^Livre vert mineur), à Perpignan. 1381.(27 avril). Post cimùalum latronis , autre, modicu.-:, a Perpignan. 1396. (18 décembre). Depuis l'heure de tierce jusqu'à celle de compiles, trois tremblements de terre sur les contiguités des royaumes de Valence et de Castille envoyèrent des contre-coups jusqu'à Tortose. Des volcans de boue jaillirent-, des églises furent englouties. (Zuriïa, lom. 2, fol. 421, verso.) 1404. (2 mai). L'immense tour de GironeUa à (ii' ■2:îo rone, secroula subiienient , au grand déplaisir de risraëlile qui en prenait la durée pour celle de ses usuraires placements. Aucun accident vimaire n'en ayant provoqué la chute, à quoi l'attribuer, si ce n'est à quelque trépidation du sol, puisque le trem- blement de Lisbonne surprit la population par le temps le plus calme? De IA21 à 1428, car les dates de Baluzc (Marca, col. 189.)sont d'un siècle trop récentes, de terribles secousses renversèrent deux fois Olot et Castel-Follii. Ridaura, Santa-Pau, Mallol, les maisons sporadi- ques du pays de Bas^ et du Val de Bianja n'eu- rent pas besoin d'une itérative. D'Olot, il ne resta que deux édifices. La Real, Campredon, Nuria, Puy- cerda et Prats-de-Mollo (Cart. Communal.) furent maltraités. Selon Mariana, la terre mugit et trembla de Torlose à Perpignan. Cette ville et Barcelone comptaient, depuis 1410, des mouvements avant- coureurs. Mais vers 1428, les commotions se succé- dèrent si fréquemment deux années de suite à Barcelone, que la population se répandit dans la campagne, d'où elle ne regagna ses foyers qu'après avoir conjuré le Ciel par toute sorte d'expiations re- ligieuses (^Arch. de Vich.). L'annotateur de notre Livre Vert mineur signale ainsi le tremblement du 2 février 1428; entre huit et neuf heures du matin : maximus, terribilis. C'était le jour de la Purification (Michel Llot), et le cérémonial liturgique avait attiré un immense concours à Saint-Jean. Les vibrations de va et vient s'étendirent à toute la Catalogne. La basilique de Sainte-Marie-la-Mer, à Barcelone, fut démantelée en partie, avec perte de vingt-deux personnes. Notre 231 annolatcur y accuse la chulc de la rosace (la O). Chez nous ÇMém. de la communauté de Saint-Jacques), la plus profonde consternation accompagna la grand'- niesse de la Bénédiction des cierges. Le clocher de Saint-Martin de Canigd avec partie de 1 église s'écroulèrent; et les murs des lieux régu- liers furent éhranlés jusqu'aux fondements, au point d'exiger une réparation évaluée à sept cents florins. 1428 (14 juillet). Le monastère de Fontclara fut momentanément réuni à celui del Camp, dont les revenus s'étaient fort amoindris, vu la dispersion des serfs de Casalage, par suite des mortalités, et sur- tout de tremhlements de terre qui avaient abattu les habitations de leur lot emphytéotique {^Arch. de VU- niversite). Ainsi fut postérieurement déserté le territoire de Sansa, en Gonflent {Ibidemy 1433(10 mars). Quelques ponts aux environs d'Ar- les n'eurent pas d'autre cause de destruction (Ibideni). Franchement, de pareilles raisons nous parurent d'abord quelque peu bannales. Mais nous nous som- mes rendu à la coïncidence de la tourmente volca- nique. 1448(25 mai). A une heure après minuit, notre annotateur déjà cité qualifie de maximus un trem- blement de terre ressenti à Perpignan. 1450 (16 septembre). Encore ici un maximus, dont une maison sécroula. Dans le courant de l'an- née, même événement abattit plusieurs métairies en C(>rdagne(/?eg-. Tî delà Procur. Boy., fol. 181, verso). Lorsqu'Olot s'engloutit dans le gouffre béant de SCS profonds abîmes, deux bouches de feu s'ouvri- rent au bois de la Tosca, momentanément, dil-ony 232 mais de manière à faire présumer que c'étaicni des volcans d'hydrogène inflammable, c'est-à-dire, le phénomène en grand des fontaines et terres ar- dentes. L'année précédente, deux foyers plus terribles se manifestèrent près d'Amer; car on ne pouvait sans risque en approcher à la distance de deux jets de pierre. Une troisième crevasse vomit un nilo d'aqua, vol- can de boue, ou l'onde noire d'un nouveau Cocyte, accompagnée d'une fétidité qui empoisonna les pois- sons de la rivière où elle afflua, qui écarta les oiseaux d'alentour à l'instar des exhalaisons de Stymphale, et porta l'infeclion jusqu'à quatre lieues loin, sous Gi- ronne. Amer et son monastère ne purent résister à la vio- lence des ébranlements du sol. Celle phase calamileuse se prolongea plus de vingt ans au-delà dans le diocèse de Vich, et sur les Mar- ches de Manresa. Une douzaine de chapelles rurales, et l'église mo- nastique del Estany tombèrent en ruine. Le iVïissel d'Ausone, imprimé à Barcelone l'an 1A96, et surtout l'office terra tremuit propre à saint Just, natif et évêque de Vich, dépose par toute sorte de textes bibliques, des v(eux ardents qu'inspirait la terreur pour obtenir du médiateur indigène une in- tercession si nécessaire, qu'on n'osait relever qu'en charpente, comme le tabernacle du désert, les sanc- tuaires démolis {^Arcli. de Vicli). La période paisible postérieure à 1450 ne fut fai- blement troublée, à Barcelone, que le 23 décembre 1511, à six heures du matin; à Perpignan, que le 233 15 février 1560, entre huit et neuf heures de la nia- linée encore, car l'annotateur dit de l'agitation sou- {.erra'ine : ha durât poch moment^ et, définitivement, à Barcelonne, le 6 janvier 1703, de sept à huit heu- res du matin aussi. Depuis lors, en Catalogne, point d'interruption du calme, même de la part du fameux tremhlement de 1755, qui détruisit Lishonne, souleva Madrid, et contourna presque la péninsule. Du vivant de Boloz, c'est vers le royaume de Va- lence et de Mui'cie que se portait l'ardeur fébrile, s'y étant décélée par deux éruptions qui n'étaient point sans analogie avec les dernières du pays de Bas. Mais postérieurement, à peine avait-on éprouvé une légère oscillation à Olot, le 12 août 1798. Il y aurait donc déviation du courant, ce qui pa- raît d'autant plus vraisemblable qu'aux événements déjà signalés en dehors de celle région, il faudrait ajouter ceux dont la Comilla de Cadiz^ avec les mon- tagnes de Burgos et de Portugal, présentent des mo- numents incontestables, et en prolongement, ou par reprise, l'irruption toute récente qui se manifeste à l'autre extrémité des Pyrénées. Desideranda. Serait-il possible de suivre plus loin qu'on ne Ta fait le tatouage volcanique, soit vers le Midi, soit à l'Est vers Girone, soit au Nord vers Cosloja , où des fragments erratiques incrustés d'olivine et des stra- tes en apparence torréfiés semblent indiquer l'ai- leinle de quelqu'accident plu ionien? Une carte régionnaire, signalant les formations par coupes ou profilements, les éjections isolées de ponce. 234 boules, roches empâtées, scories, cendres el sables, déposés quelquefois au loin, boues de salses durcies en luf. Enfin l'intensité des eaux thermales, pendant les agitations du sol, et jusqu'aux traditions populaires même, tous ces errements n'inléresseraient-ils pas, au plus haut degré, l'observateur, et celui-ci n'en retirerait-il pas les utiles services d'un guide? Ce serait couronner l'œuvre que de relier l'épisode du pays de Bas à l'imminence de la révolution vol- canique dont toute l'Jbérie, grâce à sa forme pénin- sulaire, a couvé des agents déjà trahis à l'expérience, tendant à laminer, ainsi que l'Italie, l'Ecosse, l'Islande, et à la fractionner en Archipel, selon l'ordre de ses bassins fluviatiles, si les forces de l'Hercule souter- rain n'eussent trouvé plus à faire que de percer le détroit des Colonnes. Aux géognostes indigènes la tâche, et surtout aux héritiers ou disciples de feu le docteur Boloz qui, le premier, a planté sur le Monte Nuovo de la terre na- tale le pavillon de la science! Ici, par bonheur, des Spallanzani peuvent appro- fondir à froid la Genèse volcanique sans avoir à craindre le sinistre du naturaliste latin. Kenard de Saint-Mai.o. Correspondant du Ministère de l'Instruction publi(nic pour les Etudes Historiques. ■2:i: ivotice: sur les eaux thermales et minérales Du déparlemenl des Pyrénées-Orienlales *. Le Mémoire de M. de Saint-Malo sur l'action vol- canique dans la partie orientale des Pyrénées, ou plutôt dans le parallélogramme compris entre le Ter, la Méditerranée, la Montagne Noire et les Corbières, office un grand intérêt historique; car il constate des faits ignorés même des habitants dn pays les plus ins- truits, et dont on avait à peine conservé la tradition. Nous tirerons de ces faits des conséquences impor- tantes sous le point de vue hydrologique, pour le Roussillon, contrée aussi privilégiée par Tabon- dance des thermes et des eaux minérales qu'elle renferme, que pour la douceur de son climat qui double en quelque sorte l'existence active. On trouve sur le versant espagnol des traces non équivoques de volcans éteints; et des deux côtés, non loin de la crête de la chaîne, des vestiges incontes- tables de produits volcaniques. Aux éruptions dont ils proviennent, et qu'on doit faire remonter à une haute antiquité, succédèrent, par l'affaiblissement des causes physiques, des tremblements de terre quelquefois très forts. Sans aller au-delà du xiv^ siè- * Voir la planche n° 5, Carie du Dèparlement. 236 cle, on sait qu'ils renversèrent les lours, signaux du sommet de nos Pyrénées, en 1374. Les villes de Barcelone et de Perpignan éprouvèrent -de grands désastres en 1431. Souvent renouvelés, de celle époque à 1450, ils engloutirent les populations d'O- lot et de Castel-Follit. Depuis lors, ils déclinèrent et, pour la dernière fois, en 1798, on ressentit à Olol une faible oscillaiion. Le tremblement de terre qui fui si fatal à Lisbonne, en 1755, n'eut en Caialo- gnequedeseffelsinsignifianls.Enconsidérantl'échelle descendante de ces phénomènes : éruptions antiques, tremblements de terre violents qui leur succèdent, affaiblissement progressif de leur intensité, n'est-il pas raiionnel de conclure qu'il y a déviation du cou- rant? Et c'est d'autant plus probable que des ébran- lements ont été signalés tout récemment encore dans la partie occidentale de la péninsule et des Pyrénées! On doit être rassuré contre le retour du fléau. Les vil- les de la Cerdagneet du l'Ampourdan, deux fois re- construites sur leurs ruines; Campredon, Puycerda, Prais-de-Molld, Perpignan, fortement ébranlés ja- dis, n'éprouvent plus rien de sérieux depuis quatre siècles. De celte action volcanique, il nous reste un grand nombre d'eaux thermales; et nous ne crai- gnons pas d'émettre l'opinion, que l'expansion des gaz cause des tremblements de terre, quand ils sont comprimés, s'opère sans effort par les cent bouches, donnant issue aux eaux hydrosulfatées, qui jaillis- sent des flancs de la roche granitique de nos monia- <^nes avec un degré de chaleur bien supérieur à ce- lui des thermes connus. Si l'énoncé de cette quotité paraît empreint du cachet méridional, nous avons une réponse irrécusable : le tableau de l'ouvrage du 237 docteur Anglada datant déjà de vingt années; il porte Jenuméralion précise, détaillée de soixante-seize sources. Combien d'autres moins saillantes auraient pu être enregistrées alors, combien d'autres ont paru depuis! Ainsi, ce tableau en indique quatre à Tliués; on en compte jusqu'à vingt-six. M. Bouillon La- grange estimait, il y a quelques années, qu'il existait quatre cents sources d'eaux minérales dans toute la France. Notre département, l'un des plus petits, au- rait un cinquièmedece nombre. Sur deux cent vingt- sept communes, quarante ont des tbermes ou des eaux minérales. Quelle contrée peut être mise en parallèle? Et cependant, à peine il en est fait men- tion dans les traités hydrologiques î il n'en est pas dit un seul mot, par exemple, dans l'ouvrage de M. Ali- bert, sur les maladies de la peau. Pour la première fois, en 1756, le docteur Carrera fit connaître la nature et les propriétés des eaux mi- nérales du Roussillon. Soixante-quinze ans plus tard une analyse rigoureuse, prescrite par le conseil gé- néral , fut confiée au docteur Anglada qui, secondé par M. Bonis notre honorable collègue, s'acquitta de cette mission avec les lumières d'une savante théorie et d'une longue pratique. Rien ne fut oublié : des- cription fidèle des lieux, composition exacte des eaux, leur volume, leur température, leurs effets. Nous ne pourrions que copier si nous voulions don- ner à cette notice les proportions d'une œuvre com- plète. Restreignons notre cadre à l'indication du progrès, depuis cette époque, des établissements ther- maux les plus importants. C'est d'autant plus néces- saire d'ailleurs que le traité de Carrera a presque disparu et que celui d'Anglada est peu répandu. 238 Ce que déplorait avec raison ce dernier, dans l'ou- vrage publié en 1833, c'était : la difficulté des com. munications, la mesquinerie, l'insuffisance des bâti- ments, le manque d'appareils à pratique moderne. 11 réclamait qu'on procurai aux baigneurs une existence plus commode; que, pour les distraire, on embellît l'intérieur; qu'on créât aux alentours des promena- des, des jardins. Eh bien! tout cela est effectué maintenant. Kous devons tenir à le faire connaître, pour lever un obstacle très naturel à la fréquentation de nos établissements qui, par la variété de la tem- pérature et des propriétés thermales de leurs eaux, méritent d'être classés au premier rang. Soit qu'on arrive par Foix, Limoux ou Narbonne, des routes nationales aboutissent à Perpignan. On trouve la quatre grandes communications : celle du littoral, celle d'Espagne par le Perihus; la roule de la vallée du Tech jusqu'à Arles; enfin la magnifique route d'Espagne par Prades, Mont-Louis et Sailla- gouse. Ainsi tous nos thermes sont accessibles aux transports de tout genre, à l'exception d'une partie : d'Arles à la Preste , au reste singulièrement amé- liorée. Déjà même la route nationale de Toulouse en Catalogne, par l'Ariége, atteint l'Hospitalet et franchira bientôt le col pour descendre dans la vallée de Carol. Quant aux améliorations opérées dans chaque lo- calité, différant essentiellement d'importance, de nature, d'extension, il est indispensable de consacrer à chacune d'elles un article, simple aperçu tel que le comporte une notice. On réunira, dans un tableau générai, l'indication de la température et du volume des sources. 239 Vallée du Tecb. On trouve, avaiil de s'engager dans la gorge des montagnes, les bains d'Amélie, jadis bains d'Arles. L'ancien bâtiment dont l'existence remonte incon- testablement à la domination romaine, a éprouvé do notables changements sous la direction intelligente de M. Herma-Bessières. La réunion des sources peut donner quatre-cent cinquante mètres cubes, en vingt- quatre heures. Douze cents mètres de tuyaux, four- nis d'eau à 60°% maintiennent, dans les appartements, une douce température, qui permet l'usage des bains pendant l'hiver. Des appareils àdouches : descendante, ascendante, horizontale, jumelle; un vaporaràwi h divers degrés d'intensité, un vaste promenoir couvert chauffé a 18", créations récentes, offrent aux mala- des tout ce qu'on peut désirer de moyens curatifs. Une table abondamment servie, des salons de réu- nion bien tenus, complètent le confortable de cet établissement. Un second, formé par le docteur Pujade, est adossé à la montagne. Ses constructions élégantes se présen- tent en amphithéâtre, et dominent la vallée; plu- sieurs sources fournissent en vingt-quatre heures un volume d'eau qu'on peut évaluer à trois cent- soixanle mètres cubes, dont le tiers alimente une piscine de quarante mètres cubes de capacité. Des jardins parfaitement entretenus, établis par ressauts, sur la pente rapide de la montagne, procurent aux malades un agréable exercice. Un vaporarium, la caléfaction des galeries et des appartements, des dou- ches à toute inclinaison, rendent ce moderne établis- sement le digne pendant de celui construit sur les anciens thermes. 240 En face et sur la rive droite du ruisseau, profon- dément encaissé, du Mondoni, le gouvernetneni a depuis trois ans entrepris de vastes constructions, propres à recevoir trois cent soixante-quinze soldats et cent vingt-cinq officiers. Les projets s'élèvent à près de douze cents mille francs. Un tiers est déjà dépensé. La situation, le volume des eaux (cinq cents mètres cubes en vingt-quatre heures) et leur haute température donneront à cet établissement militaire une supériorité non douteuse sur celui de Baréges. 11 sera surtout préférable pour les malades provenant d'Afrique, à cause de la proximité de la mer et du climat différant peu de celui de noire importante colonie. On se dispose à y pratiquer un appareil gé- néral de caléfaction. Au volume d'eau considérable dont jouissent les trois établissements, il faut ajouter quatre cent soixante mètres cubes, fournis par le petit Escaldadou , source mère qui sert principalement à l'ari-osage. En remontant la vallée jusqu^aux sources du Tech, on arrive, après six heures de marche, à dos de mu- let, mais par un sentier large et sans danger, à la Preste, cinq kilomètres plus haut que Prats-de-Mollô. Ici la scène change. Ln site très aspère, la roche gra- nitique à nu, et souvent de bonne heure la neige au sommet des pics, forment un grand contraste avec les établissements d'Amélie. Mais cette fraîcheur, qu'on recherche précisément de mai en septembre, et sur- tout la spécialité des eaux, contre les douleurs des reins et des voies urinaires, attirent les malades dont il n^est pas rare de voir opérer la guérison tentée en vain dans les thermes les plus renommés. Il faut que le propriétaire continue d'opérer les améliorations •2ii commencées. Déjà, au lien d'un simple hassin, sans abri, seule piscine commune dans le siècle dernier et qui remontait au temps des Lépreux , dont il porte encore le nom, on trouve un établissement qui satisfait parfaitement aux exigences. Aux bâti- ments existants va s'annexer une construction ré- cente considérable. Des plantations, des promenades pittoresques dédommagent de l'austérité des lieux. Sur quatre sources, dont la principale fournit trois cent quarante-cinq mètres cubes en vingt-quatre heures, deux servent à l'usage des bains et de la bu- vette. La pesanteur spécifique des eaux est infé- rieure à celle de l'eau distillée. Un vaporarium, un appareil de douches déjà établi, d'autres importan- tes améliorations en voie d'exécution, compléteront le système thérapeutique de ces bains. Vallée de la Te*. ^ Nous devons d'abord mentionner les bains do Nossa, près de Vinça. Vingt-deux mètres cubes four- nis à peine en vingt-quatre heures ne constituent point l'élément d'un grand succès. La nécessité de chauffer les eaux, enlève en le volatilisant partie du principal agent, le soufre; mais les principes alcalins restent. L'établissement est situé sur la rive gauche de la Tet, qu'il faut traverser sur une passerelle, quel- quefois emportée par les crues. Il serait à désirer, vu l'excellence de ces eaux, particulièrement effica- ces comme les suivantes contre les maladies cutanées, que le département consacrât des fonds à la sûreté des communications età l'amélioration de ces thermes. A une lieue au-delà de Prades, sur la rive gauche de la Tet, les bains de Moliig d'une date récente, 242 car elle ne remonte pas au-delà d'un siècle, sont re- nommés à juste titre pour leurs vertus curatives des maladies de la peau. Leurs nombreuses sources don- nent trois cent vingt-cinq mètres cubes en vingt- quatre heures. Il n'existait naguère de logement qu'au village, et les baigneurs devaient franchir à pied, quelque temps qu'il fît, une longue dislance à pente rapide. De belles constructions se sont élevées sur l'emplacement même des bains. Une large route relie Molitg à Prades. Les eaux de Molitg ont la précieuse propriété de conserver leur caractère sul- fureux dans les transports lointains. Plus haut, une belle route départementale conduit de Villefranche à Vernei. Là, où, suivant M. An- glada, il n'existait en 1830 qu'un petit nombre de chambres dans un bâtiment délabré, faisant partie de l'établissement thermal, se sont élevées comme par enchantement des constructions nombreuses, vastes, élégantes, parfaitement appropriées à leur destination. La première, située à gauche, appartient à M. Mer- cader. Les sources qui alimentent les bains donnent soixante-dix mètres; leur température ne s'élevant pas au-delà de quarante degrés centigrades, le pro- priétaire s'occupe d'établir un tuyau de conduite, qui prendra la principale source à sa naissance. 11 complétera sous peu les moyens curatifs par des ap- pareils à vapeur et un système de tuyaux caléfac- leurs. En face sont les bains primitifs, dits maintenant des Commandants : (MM. Couderc et de Lacvivier.) On y trouve réunis dans trois immenses bâtiments, non seulement tout ce qu^on peut désirer sous le 243 rapport tin confortable, mais encore toutes les res- sources de l'art et les appareils les plus ingénieux pour le traitement thermal. C'est là qu'Ibrahim Pa- cha, depuis vice-roi d'Egyple, vint rétablir une santé délabrée par les fatigues de la guerre. Un pavillon meublé avec un luxe oriental fut mis à sa disposi- tion. On doit à cette circonstance toute particulière la supériorité de l'ameublement de ce bel établisse- ment. Là, pour la première fois dans le départe- ment, ont été placés des vaporarium ^ des tuyaux de caléfaction, les appareils de douche les plus com- plets. Indépendamment des bains fournis par cent trente-sept mètres cubes d'eau en 24 heures, d'au- tres sources, récemment exploitées, vont être appli- quées à l'organisation d'une piscine de natation. On trouverait difficilement une vallée plus agréa- ble et mieux cultivée que celle de Vernet. Des prairies sillonnées de ruisseaux d'arrosage, des vi- gnes, des châtaigneraies en amphithéâtre sur les co- teaux ; au fond, les ruines du vieux monastère de saint Martin, et l'imposant Canigou avec ses cîmcs blanchies, ses forêts de pins séculaires et ses pro- fonds ravins, composent un paysage auquel nul au- tre dans le département ne saurait être comparé. En remontant la vallée jusqu'en Cerdagne par la belle route nationale qui débouche à Puycerda, un large chemin, qu'on prend sous Mont-Louis, abou- tit aux Escaldes, village situé à plus de mille cinq cents mètres au-dessus du niveau de la mer. Les ma- lades des contrées voisines, en France et en Espa- gne, venaient depuis des siècles, malgré l'extrême difficulté des communications, chercher un soula- gement à leurs maux eu se plongeant dans un bassin 244 commun sans couvert. Le propriétaire a construit un bâtiment considérable. On n'emploie qu'une faible partie des sources dont l'abondance dépasse huit cents mètres cubes en vingt-quatre beures. On a vu la grande, qui à elle seule fournit sept cent quatre- vingt-quinze mètres cubes, mettre en mouvement la roue d'une usine à foulon. A ces établissements organisés et en progrès cons- tant depuis la publication du traité Anglada, ainsi que nous venons de l'indiquer, nous nous contente- rons d'annexer les noms de quelques sources ther- males dont, partout ailleurs, on tirerait grand parti : Dorres, L16, Quès, dans la Cerdagne; Nyer, Cana- veillas, "Saint-Thomas, dans la vallée de la Tel. Il est fort à regretter que ces dernières, qui forment en jaillissant un vrai ruisseau d'eau bouillante, à cin- quante-huit degrés centigrades, capable de donner, en vingt-quatre heures, huit cents mètres cubes, ne soient utilisées que par les habitants de la localité. Nous ne saurions enfin nous dispenser de faire une mention spéciale d'un groupe qui dépasse en puis- sance tout ce qui existe de ce genre. A trois kilomè- tres au-dessus d'Oletle, une infinité de sources se font jour au travers des roches granitiques de la rive droite de la Tet. Etablies en amphithéâtre du niveau de la rivière à la hauteur de quatre-vingt mètres, les unes sourcillent, s'échappent par de nombreuses crevasses; les autres s'élancent en jets et retombent en cascades. Leurs vapeurs, qu'on décou- vre de loin, exhalent une forte odeur sulfureuse. Pourquoi n'a-t-on pas formé sur ce point un établis- sement que rien n'aurait égalé? Comment a-t-on cherché à utiliser de faibles sources, quand on pou- 2M vait disposer de pareils volumes? Car il s'agii ici de vingl-six orifices* bien distincts fouinissant environ mille huit cents mètres cubes en vingl-quatre heures. SOURCES THERMALES SULFUREUSES d'oLETTE, PLACÉES ENTRE LES CRAUS ET LE RAVIN DE LA CASCADE. DliSIGNATION des SOURCES. St.-André. St. -Jules St.-Louis (pi. jets) de rilortet. du bain Gaurenne. St.-JosepU. St. -Victor, de la l^rairie. de Natation. de l^Exalada. (trois jets). du bain d'En. supérieure d'En., Carrèrc. Anglada. MaiUy. du Sentier. de la Cascade (plusieurs jets^. du ravin de la Cascade (les sources réunies). du Rocher (plusieurs réunies). St. -Etienne. de las Argues Calent. du Bosquet. du Cbcne. de la Cime. Buvette des Voyag. Buvette du Pont. 540 75 7 ^0 -19 50 25 50 H 26 7,5 220 150 777600 108000 1 0800 ^4400 27560 72000 56000 72000 15840 57440 lOSOO 516800 216000 11520 M 520 10080 8640 fl520 5040 26 75" 75 48,2 55» 60 45 45 42 50 12 à 56 61 52 61,5 65 65 64 77,8 73 45 60 55 45 44 27 1.50 150 54 65 90 64 64 50 42 90 95 40 106 115 115 110 160 88 65 60 52 55 Brun noir Id. Bl.brunât Bl. brun. Brun. Bl. brunùt Id. Id. Blanc. Br. au bl brunâtre. Brun. Blanc. Brun. Br. noirât. Id. Brun. Brun noir. Id. Brunâtre. Id. Bl. brun. i;l.brun;U. Blanc sale Blanc. 4 4 15 20 22 50 50 2 2 50 58 60 50 50 48 45 45 80 40 65 70 70 75 78 10 5 SIT) La icnipéralure parcourant léchellc tle vingl-sept à soixante et dix-huit degrés centigrades rendrait faci- les toutes les modifications. On y trouverait à la fois : Earéges, PlomLicres, Bagnères-Adour. La situation ja- dis inabordable de ce point, donne les motifs du dé- laissement. L'étranglement du lit du torrent, un res- saut du terrain qui avait fait nommer cette partie du sentier los gratis (les degrés), des talus rapides, en quelques endroits le rocher d'aplomb, aucune commu- nication d'une rive à l'autre, telles sont les puissantes raisonsqui ont effrayé les spéculateurs et les hommes les plus convaincus de Tadmirable concours, des moyens curatifs, qu'aurait offerts un établissement en ce lieu. Mais depuis un an la superbe route de Perpignan à Mont-Louis et en Espagne est en pleine activité. On a jeté un pont précisément en face des sources. La principale difficulté est aplanie. Les dé- blais a opérer fourniront les matériaux de construc- tion. Le projet est dressé, le lerrain acquis; on a lieu de penser que l'exécution suivra. Malgré l'as- pect austère de la localité, des plateaux boisés cou- vrent la cuTie granitique. Les environs ne sont point dépourvus d'agrément. Des vues pittoresques em- bellissent des sites variés; la position, à moitié hau- teur du point culminant de la vallée rendrait en été le séjour agréable quand des chaleurs intolérables régnent dans la plaine. Elle est abritée dans les au- tres saisons. De nouvelles analyses ont reconnu la présence de l'iode dans ces eaux d'Olette, et dans leurs dépôts de Glairine. Probablement un semblable résuhat s'obtiendra avec les autres eaux sulfureuses du dé- partement. 24^ Tableau des Températures el du Volume des Eaux Tticrniales du Roussillon. LOCALITES. NOMS des établissements. Aniëlie-les- Bains. La Preste. Nossa. Molilg. Veriiet. lesEscaldes S. -Thomas. Olelte. Ilerina-Bes- sières. . . . Commune . . Pujade Bains Militai ros Hortet Escanyé Llupia I\Iassia Mercader. . . , fjcs Comman- dants Les l'scaldes. es ^ £ S S 2 o 4 1 4 8 5 4 2 2 7 5 26 DÉSIGNATION principales. Bassin de réfrigé- ration L'Escaldadou, source mère. . . Source Vilaseca. . S. de la Grotte. . . Le gros Escalda- dou, acquis. . . S. d'Appollon . . . Unique Grande source. . . Grande source. . . S. du Thorrent. . Source du Vapo- rariura S. du Griffon. . . Elisa Source Colomer, . Grande source. . . Source St. -André. S. de la Cascade.. S. de Natation. . . On voit, d'après la colonne des températures, que les eaux thermales du Roussillon, passent par tous les degrés que la médecine peut appliquer : depuis la chaleur naturelle jusqu'à Teau houillante. Quant à leur composition elle est à peu près la même par- tout. Suivant Anglada les hases sont : l'hydro-sulfate de soude, associé au carbonate alcalin. Dans toutes 248 aussi une forte proportion de silice. Les modifica- tions ne proviennent que de Ja température, qui se maintient constante quel que soit l'état météorologi- que. Cette similitude de composition, le peu de dis- tance entre les nombreuses bonrhes des eaux, ont fait naître la présomption naturelle d'un foyer d'éla- boration commun. L'uniformité des résultais ne peut provenir que de l'uniformité des causes. La diversité des effets thérapeutiques est due aux distances qui diminuent la chaleur et affaiblissent l'intensité des combinaisons sulfureuses. A la nomenclature de ces eaux, nous aurions pu ajouter celle des thermes simples au nombre de quatre, des eaux minérales salines au nombre de cinq, et celle bien plus nombreuse des ferrugineu- ses, dont il existe vingt sources. Mais nous sortirions de notre sujet quelque succincte qu'en fût la mention spéciale. Nous devons toutefois dire un mot de la plus importante de ces dernières, autant parce qu^elle servira de type pour les autres, que dans l'obligation de signaler les changemenis effectués depuis la pu- blication du traité de M. Anglada. On s'occupe en ce moment de la création d'un établissement à peine ébauché, à Saint-Martin de Fenouillar, près du Boulou. Le caractère des eaux est acidulé, alcalino- ferrugineux. Elles sont ana- logues en tout à celles de Spa et de Vichy. Des constructions considérables s'élèvent. Elles recevront les malades, obligés maintenant de loger au Boulou, à plus d'un kilomètre de distance. On a déjà fait vm bassin couvert, des plantations, des dispositions d'agrément. La spécialité de ces eaux est précieuse, et ce sera un puissant auxiliaire de rétablissement 219 ihermal militaire d'Amélie-les-Bains. On ne mtin- quera pas sans doute d'organiser un service de trans- port des eaux, ce qui permettra d'y réunir les moyens thérapeutiques de Baréges, Aix, Plombières, à ceux de Spa, de Pyrmont, du Mont-d'Or. Ce rapide exposé suffira pour qu'on reconnaisse qu'il n'existe nulle part, sur une égale surface, des masses aussi considérables d'eaux minérales, jouissant en outre d'énergiques propriétés thérapeutiques. A cet immense avantage, joignons celui de la douce température du climat, dont la moyenne n'a pas atteint quinze degrés centigrades dans la plaine, pendant six années d'expériences, ayant eu pour ses deux extrêmes, trente degrés centigrades et le terme de la glace. Ne perdons pas de vue enfin que le Rous- sillon est favorisé par deux puissants mobiles d'une belle végétation : le soleil et l'irrigation. On a donc lieu de s'étonner que ses établissements thermaux ne jouissent pas d'une plus grande vogue. Nous en avons signalé les causes; nous sommes heureux de publier qu'elles n'existent plus. Le gouvernement a ouvert des routes. Les propriétaires des bains ont parfaitement compris qu'ils devaient porter leurs établissements au niveau de ceux des autres contrées; qu'il était nécessaire de rendre sain, commode et agréable le séjour où par ordonnance du médecin le malade venait chercher, sinon des plaisirs, au moins le repos et des distractions : remèdes souvent plus efficaces que l'action du soufre, des acides, des al- calis. Ici, comme h foccidenl des Pyrénées, comme aux frontières de la Suisse, et aux bords du Rhin, on trouvera autour des établissements, des jardins, des plantations, des promenades, et dans l'intérieur. 250 avec une table délicate, d'élégants salons de réu- nion; mais ce qu'on trouvera de plus, ce qu'il est impossible de donner ailleurs, c'est une saison d'hi- ver : immense privilège singulièrement apprécié par les hommes de l'art les plus capables, et dont l'expé- rience constate les effets merveilleux. Le baron Guiraud de Saint-Marsal. COffilDERATlOl SUR DES OSSEMEHS FOSSILES, Trouvés dans le bassin du Roussillon, ET SUR DEUX TÊTES HUMAINES *. Les naturalistes ont souvent à déterminer les di- verses parties des corps organisés, qu'on découvre en fouillant les entrailles de la terre, et auxquels on a donné généralement le nom de fossiles. Les géologues entendent par le mot fossile, non- seulement les corps qu'on désigne spécialement sous le nom de pétrification, mais encore, tout débris de corps qui fut organisé, tout vestige de ces mêmes corps qu'on rencontre dans les dépôts de matières minérales, dont le sol est constitué. Trois degrés caractérisent les dépôts de fossiles * Voyez planche 5, 251 qu'on trouve dans l'intérieur de la terre : ceux de la partie supérieure des terrains tertiaires sont les plus récents. Les bancs du bassin du Roussillon en renferment de nombreuses espèces. Ils datent du dernier cataclysme, et se composent ordinairement de parties d'animaux ou de végétaux, conservés en nature, ou peu altérés. Le second degré est celui qui notas donne les mê- mes parties dans un état parfait de pétrification; ici les molécules des corps organisés ont été détruites et remplacées par des matières minérales qui ont con- servé la forme des corps primitifs , au point de pou- voir les reconnaître au premier aspect. Nos marbres, nos brèches nous en fournissent des exemples. Le troisième état est celui où la nature n'a conservé que la forme des moules plus ou moins grossiers, et ceux-ci se subdivisent en moules complets, moules de surfaces extérieures, et moules de cavités inté- rieures. Témoins les pétrifications que nous trouvons sur les montagnes d'Opoul, de Coustouges, de Saint- Antoine de Galamus. Si nous avions a parler des fos- siles que les divers terrains du Roussillon fournis- sent^ nous devrions entrer dans des considérations générales sur la formation du globe : mais cela nous entraînerait trop loin; nous nous arrêterons à ceux récemment découverts dans les terrains tertiaires. L'état actuel du globe n'est que la suite des grands changements opérés jadis à la surface. Notre contrée a dû subir la loi commune; elle a eu aussi ses révo- lutions; les faits les plus positifs sont là pour l'attester. Les rochers les plus escarpés offrent encore des traces nombreuses de Texislence primordiale d'une foule de races, de genres, d'espèces qui ont péri dans des 252 cataclysmes antiques. Les entrailles de la terre four- nissent une quantité d'objets qui viennent confirmer les faits avancés par les géologues. Nos brèches, nos marbres recellent beaucoup de corps organisés, qui sont plus ou moins avancés dans leur état de pétrifi- cation; nos grès rouges nous donnent les dépôts de l'époque de leur formation. Les couches carbonifères présentent les empreintes des familles végétales con- temporaines de cette période ; mais rien n'est com- parable aux matièresappartenan t aux terrains tertiaires supérieurs, et qu'on doit attribuer aux dernières révolutions du globe. Les bancs épais du Boulou, de Trouillas et de Neffiach en sont les témoins irrécu- sables. 11 paraît certain qu'à la profondeur du gise- ment où reposent les coquilles que l'on remarque dans ces bancs, une grande partie du Roussillon en est couverte : certains forages exécutés sur divers points nous en donnent des preuves, Les eaux du Tech rongeant les rives du lit qu'il s'est creusé à la hauteur de Saint-Martin, près du Boulou, mett<«>.nt tous les jours à découvert une im- mense quantité de corps organisés. On en trouve un certain nombre qui n'ont pas leurs analogues vivants, tandis qu'une grande partie est encore représentée par les mêmes espèces qui vivent dans nos mers; il est à regretter seulement que ces coquilles s'altèrent aussitôt qu'elles sont exposées à l'air, et par ce motif leur conservation est très difficile. Le Réart qui traverse le territoire de Trouillas, n'a pas rongé la terre à une aussi forte profondeur que le Tech. Le banc qu'il a laissé à découvert, dans les environs du village, ne nous a pas offert un grand nombre de coquilles ; probablement, si l'on sondait 253 rinlérieur, il fournirait les mêmes espèces que les deux autres. Ou y trouve quantité d'huîtres, et tout fait croire que c'est une espèce voisine de celle qui vit encore sur nos parages et que nous mangeons. M. Pomayrol fils, officier de santé, nous a donné quelques fragments d'os fossiles trouvés au banc de Trouillas-, l'extrémité inférieure d'un fémur, d'une dimension peu ordinaire, quelques autres portions d'os indéterminables et une côte de 0'°,68 de long, dont le genre de l'animal, auquel elle a appartenu, ne peut être désigné. Il est fâcheux qu'en faisant les terrassements de la grande route, près du ht de la rivière, on n'ait pas mis en réserve une quantité d'ossements qu'on y découvrit. Suivant le rapport de JM. Pomayrol, ils devaient appartenir à quelque grand mammifère antédiluvien. Le plus considérable de nos bancs coquilliers, ce- lui qui présente la plus grande étendue, et quantité d'espèces variées se trouve entre Neffiach et Millas sur la rive gauche de la Tet. Chaque inondation approfondit son lit et met à découvert un nombre considérable de corps organisés. On y rencontre des débris de grands animaux dont les espèces sont tout- à-fait éteintes. La base de la montagne de Forçe- Réal qui est longée par la rivière, et les vignes situées sur les flancs jusqu'à une certaine hauteur fournissent des coquilles et des productions mannes de toute espèce. En 1846, faisant une excursion dans cette localité après de fortes pluies, survenues à la suite des gelées d'un hiver assez rigoureux, nous visitâmes les escar- pements des ravins latéraux de la montagne où l'on trouve souvent de grandes coquilles (entr'autres : le 254 Pecten Laticostatus). Le hasard nous conduisit sur une route vicinale qu'on venait d'ouvrir; et comme le pays est très accidenté, on devait opérer de grands terrassements. Dans les déblais nécessaires, on décou- vrit des os de fortes dimensions. Nous avons en le bonheur d'en recueillir un que nous devons à l'obli- geance de JVl. Fourcade, maître d école de la com- mune de INeffiach. Cet os était entouré d'tuie gangue qui avait acquis une telle dureté qu'il fut impossible de l'en séparer sans briser quelques morceaux. Après avoir examiné attentivement la forme de cet os, ses dimensions et sa texture, nous acquîmes la conviction qu'il appar- tenait à un hippopotame fossile, qu'il faisait partie de l'extrémité antérieure de l'avant-bras de l'animal, et nous avi)ns reconnu le radius du côté droit, auquel manquait une partie de la tête, et surtout l'apophyse qui l'articule avec le cubitus. (Voyez pour la forme et les dimensions, planche 5, figure 3.) Des os non moins extraordinaires furent trouvés à deux kilomètres de Perpignan, dans les briqueteries de MM. Blandinières, père et fils, situées au sud- est du monticule, appelé Puig Jouan. Des ouvriers occupés à enlever de la terre, mélange d'argile et de sable vert, qui sert à la composition de la brique, découvrirent, à la profondeur de trois mètres de la terre végétale, des ossements qu'ils brisèrent d'abord sans y faire attention; mais surpris de leur forme, ils cherchèrent à les retirer avec précaution. Appelé alors par M. Blandinières, je pus, en rassemblant ces débris, constituer un os d'une grosseur gigantesque. En portant toute mon attention sur sa forme, ses dimensions et sur tout sou ensemble, j'eus la convie- 255 lion intime qu'il appartenait à un grand mammifère antédiluvien. Sa lêie fracassée manque en partie, et j'eus beaucoup de peine à rassembler et mettre en place les parties brisées. L'articulation radiale a éié aussi endommagée; malgré cela il m'a été facile, en comparant ces fragments avec les figures que Cu- vier a reproduites dans son ouvrage sur les osse- ments fossiles, d'arriver à reconnaître parfaitement que cet os appartient au genre IVJastodonte, et que c'est l'humérus du côté droit. (Voyez planche 5, figure 4.) Un autre os fort long qu'on prenait pour la queue de l'animal était couché sur le même terrain ; la portion la plus mince, rencontrée la première par la bêche, était brisée en plusieurs morceaux; je fis faire une tranchée pour le dégager et l'extraire. L'argile qui renlourait s'était durcie au point qTi'il a fallu employer le marteau et le ciseau; et malgré beau- coup d'attention, la secousse seule l'a fait casser en plusieurs endroits. L'examen le plus attentif sur la texture de ce corps, ses formes et dimensions, nous ont donné la certitude que c'est la défense d'un animal qui appartient aussi au genre Mastotlonte. Sa forme est elliptique, dès sa sortie des os incisifs; mais elle s'arrondit à mesure qu'elle s'en éloigne, de sorte qu'à 0'",40 de la naissance elle est déjà ronde. L'ellipse a un diamètre deO™,10 dans sa partie la plus étroite; dans la plus large, 0'",15; la circon- férence est de 0'",41 . Cette défense est tout-à-fait ronde à un mètre du point de la naissance; elle me- sure 0°»,12 dans tous les sens. La partie inférieure est aussi ronde, et mesure Oo^jOO de diataièlre. 11 lui man- 256 querait_, d'après nos probabilités, au moins QnijGO de Jongueur. Elle est formée de couches concentriques d'un blanc bleuâtre, le milieu est noirâtre. A mesure qu'on s'éloigne de la portion elliptique, les couches parais- sent plus serrées, et la partie noire du centre dispa- raît ; son ivoire est presque pétrifié ; il est blanc parsemé de points bleus, avec des zones circulaires qui ont une couleur bleuâtre, et il part aussi des lignes du centre à la circonférence qui sont de la même couleur. Les lignes observées à l'extrémité inférieure, ainsi que les points, sont un peu plus prononcés; le reste de la couleur est la même. Avec les débris d'os que j'ai ramassés, j^ai trouvé une portion de dent mamelonnée et un peu usée; sa forme, jointe à la forme elliptique du commence- ment de la défense, sa grosseur et son inflexion, ne laissent plus de doute que ces os appartiennent au genre Mastodonte : il est difficile d'établir Tespèce n'ayant point les autres os de l'animal. Quels changements ont dû. s'opérer dans les conti- nents pour que les restes d'animaux aussi extraordi- naires se trouvent dans le bassin du Roussillon! Le Mastodonte, genre qui n'existe plus, et dont l'espèce vivait probablement dans des contrées bien diffé- rentes; et l'hippopotame qui, cependant, n'est pas un genre éteint, car la Haute-Egypte en nourrit encore une espèce. Je vais maintenant faire connaître deux têtes hu- maines d'une époque plus récente. La première a été extraite d'une caverne à ossements du bassin de Saint-Paul-de-Fenouillet , que les eaux ont laissée en se retirant. Les restes humains les plus anciens que 257 i'on ail rcnconlrés jusqna piésciu, se iiouvciil dans les Lrèches osseuses du littoral et des îles de la Mé- diterranée. L'homme est le contemporain des races actuelles d'animaux; et tout porte à croire que, depuis son apparition, il n'est survenu d'autre grand cata- clysme que l'inondation qui a formé le dépôt diluvien. II est- présumablc que ces objets gisaient dans la caverne depuis cette époque. Ainsi la race humaine n'aurait point existé au milieu des diverses popula- tions qui ont été signalées; rien ne le prouve, et au- cun vestige n'a été trouvé dans les recherches qui ont été faites, en fouillant les terrains de ces périodes; aucune observaiion n'a ébranlé la loi que G. Cuvier a établie. En effet, si l'homme avait existé à ces époques reculées, ses restes se seraient conservés comme ceux des autres'espèces : leur structure est la même, et, enfouis avec les mêmes circonstances lo- cales, ils auraient résisté aux mêmes influences- car on ne remarque pas de différence entre les os des momies humaines et ceux des autres mammifères dans les mêmes catacombes; et, parmi les fossiles, on voit des animaux aussi petits que des rats, parfaite- ment conservés. Il est donc hors de doute que cha- que époque géologique, chaque période a fourni ses agrégations organiques, dont les débris se trouvent comme autant de jalons dans les couches profondes du sol. En cherchant parmi une infinité d'ossements de divers mammifères qui se trouvent amoncelés dans l'intérieur de la grotte de Saint-Paul, agglomérés avec une argile compacte excessivement dure, où se trou- vent quelques fragments de marbre bleuâtre, nous découvrîmes une portion d'os sphérique, qui nous 17 :258 fit présumer qu'il pouvait appartenir à un crâne : il fut très difficile de le dégager ; nous y parvînmes pourtant, mais non sans le dégrader, car il tenait fortement à la terre qui l'entourait. Cette tête, une fois dégagée, nous parut avoir été comprimée; toutes les cavités étaient remplies de cette même terre argileuse compacte mêlée de divers ossements. Le tiers du frontal du côté droit ayant été brisé, manque; le pariétal et tout l'occipital ont été aussi brisés, en cberchant à extraire la tête; l'os de la pommelle, ainsi que la moitié de l'os maxillaire supérieur du même côté ont été aussi mutilés. Le côté gauche est assez bien conservé ; et il reste à la mâchoire supérieure une dent incisive très saine. La mâchoire inférieure avait disparu ; car la pariie qu'elle devait occuper, est remplie de divers os brisés, mêlés à la gangue qui tapisse tout l'intérieur de la caverne. Nous avons recueilli à quelque distance une portion de mâchoire inférieure du côté droit avec les trois dernières molaires parfaitement conservées : la terre qui s'y trouve attachée, est aussi parsemée de débris d'os de mammifères et paraît encore plus dure que celle qui remplit la têle^ Le second objet dont nous ayons à parler, est une tête éburne trouvée dans le cimetière d'Oms. 1 Nous saisirons cette occasion pour rapporter un fait assez curieux. Dans le même bassin de Saint-Paul et près du pont de La Fou, les deuï montagnes se resserrent et laissent un peu d'espace au passage de l'eau de la Gly. La montagne de la rive droite est assez élevée, elle est calcaire, et on en extrait des blocs pour la construction. Un ouvrier découvrit dans l'intérieur de la montagne une grande caverne ; la curiosité l'entraîna, et, après avoir allumé une lampe, il y pénétra. Après un assez long trajet dans un corridor étroit, il entra dans un grand emplacement; mais quelle fut sa surprise, de voir dans ce lieu une vingtaine de squelettes humains en 259 M. Massina, officier de santé à 0ms, recueillit celle télé d'une conformation très extraordinaire, qu'on venait d'extraire du cimetière de ce village, en creu- sant une fosse. 11 nous l'a envoyée pour la déposer au musée de Perpignan. Elle a de très fortes dimensions, dues à une exos- tose générale : l'individu à qui elle appartenait devait avoir un faciès bien hideux. Il paraît qu'elle était enfouie depuis très long-temps; car les gens les plus âgés du village ne se souviennent pas d'avoir connu quelqu'un qui eût une tête semblable; et cer- tes, des contemporains vivants se seraient rappelé un phénomène aussi remarquable. Nous n'essayerons pas de décrire la forme bizarre de cette lèie ; nous nous contenterons d'en donner le dessin, les dimensions et le poids. (Voyez planche b, figures 6 et 7.) EXPLICATION DE LA PLANCHE CINQUIÈME. Figure 1 et 2. — Tèle liumaine trouvée dans la brèche à osse- ments du bassin de Saint-Paul-de-Fenouillct, vue de face et de profil. Figure 3. — Radius droit d'un hippopotame fossile, trouvé au banc coquillier de Neffiach sur la rive gauche de la Tet. A B, longueur de l'os, mesurant O'i'jôâ. très bon état. Chacun d'eux avait à côté un petit pot de terre plus on inoins Lien conservé. Dans un de ces pots ont été trouvés une portion de couronne ducale en métal et un étui en argent, qui renfermait un morceau de par- chemin roulé sur lequel était très bien peinte une pensée. Beaucoup de cu- rieux allèrent visiter cette caverne qui fut remplie d'eau de l'Agly, lors de la trombe du mois d'août 1842. M. le maire de Saint-Paul lit murer le trou qu'on avait fait, afin d'empêcher la dj'gradatioii des squelettes que- cette grotte renfermait. 260 C D, tête de l'os, sa circonférence 0™,65. E F, ligne qui désigijc la section de l'os au tiers inférieur. G H, articulation métacarpienne ou inférieure ayant une circonfé- rence de 0'n,51. Figure i,— Humérus droit d'un Mastodonte fossile, trouvé aux briqueteries de M. Blandinières, près Perpignan. A B, longueur de l'os, l^jOG. C D, partie supérieure de l'os où manque une portion de la tête; sa circonférence est de 0'",75. E F, partie moyenne de l'os qui a été cassé, où manquent quelques petits fragments ; sa circonférence est de 0'n,50. G H, ligne qui désigne que l'os a été brisé en cet endroit. I J, partie inférieure de l'os ou articulation radio-cuhitalc. Fia-ure 5.— Défense d'un Mastodonte fossile, trouvée aux bri- queteries de M. Blandinières, près Perpignan. A B, longueur totale, mesurant 2™, 40. 1,2,3,4,6,6,7,8,9, signes qui désignent les diverses cassures. Fi"-ures 6 et 7. — Tête éburne, trouvée dans le cimetière d'Oms. Pour mieux faire apprécier la différence qui existe entre cette tête et celles qui sont dans un état normal, nous avons pris des dimen- sions sur trois têtes, et nous en donnons la moyenne. DIMENSIONS PRISES SUR Une tète ordinaire. La tête éburne. Diamètre occipito-frontal 0",^. 0'n,2Jc 1/2- DiaraMre transversal 0'",U. 0'",l6c 1/3. Hauteur prise de la partie iuférieurc de la mâchoire à la partie supérieure du frontal. 0>",18. 0>n,23c '/-i- Poids 0,750 gr. ôkil.OO. Différence qui dépasse toute prévision. CoMPANYO, docteur-médecin. 261 NOTICE IIISTORIÛUE SIR LE RÉTABLISSEMENT DE L'INIVERSITÉ DE PERPIGNAN Sous la (lomiiialion Franeaise. Lorsque, vers le milieu du xvii« siècle, la France s'empara du Roussillon, l'Universilé de Perpignan, fondée par une ordonnance du roi Pierre IV d'Aragon, à la date du 12 avril 1349, avait perdu tout son éclai. C'est dans le préambule de celle cliarie célèbre que se trouvent ces paroles qu^il faut citer : « Le Rous- sillon est remarquable, non seulement par la fertilité du sol, mais aussi par les hommes de mérite qu'il produit. » De longs malheurs causés par les guerres qui s'étaient appesanties sur cette province, avaient fait presque entièrement disparaître le goût des scien- ces et des lettres. Les esprits, incessamment préoccu- pés de luttes sanglantes qui mettaient en question la fortune et l'avenir de leur pays, oubliaient dans le bruit des armes les beaux arts, enfants de la paix. Le peuple, ruiné et forcé de se battre, n'avait plus le temps de se livrer à l'étude ; et les hommes d'é- liie se retiraient bien loin du tumulte, ou cher- chaient dans Icnceinte du cloître le calme nécessaire à leur bonheur et à leurs travaux. Après l'occupation, la France devait surmonter de grands obstacles pour ramener à elle l'esprit des ha- biianls-, car il ne faudrait pas croire, par une vaine '26-2 illusion, que, dès les commencements, les Rous- sillonnais aient embrassé avec ardeur la cause des Français : ils restaient toujours Catalans au fond du cœur, et vaincus, mais non soumis, leurs secrètes pensées étaient pour l'ancien gouvernement. On en trouve la preuve dans celle série de conspirations toujours menaçantes, que les Français eurent l'a- dresse de découvrir, et la force de comprimer. Ce n'est que peu à peu, et loi^sque les usages et les mœurs de la nouvelle patrie s'implantaient par le contact au cœur du Roussillon, que la France put être assurée de posséder réellement celte province. Pour hâter cet heureux résultat, le moyen le plus simple était de rétablir l'Université et de familiariser ainsi le peuple, par l'enseignement, à une nouvelle langue. Louis XIV le comprit; et, peu de temps après la conquête, il ordonna aux consuls de la très fidèle ville de Perpignan, et autres villes de la pro- vince, d'estahllr des écolles royales en eliascune des dûtes villes pour appixndre aux enfants la langue française , la doctrine clircstienne , à lire et à escrire. Cet enseigne- ment devait être gratuit; et c'était aux villes et com- munautés à pourvoir au logement et au salaire des professeurs. L'Université fut en même temps réorganisée pour les hautes études. On y enseignait la philosophie, la théologie, le droit canon , le droit civil et la méde- cine. On y ajouta successivement plusieurs autres chaires; mais, il faut bien en convenir, ses profes- seurs étaient fort mal rétribués. Les revenus de l'U- niversité ne s'élevant qu'à environ trois mille livres, les appointements de quelques uns d'entr'eux éiaienl à peine de deux cents livres. 263 Bienlôl rexistence même de l'Universilé fitl mise en péril. En 1710, le gouvernement, ayant besoin d'un local pour y établir rhoiel de la monnaie, on jeta les yeux sur remplacement qu'elle occnpaii de- puis longues années; et peu de temps après elle fut dépossédée. A un établissement vaste et commode, on substitua une maison obscure et humide : elle était même insuffisante pour que toutes les branches des sciences y fussent enseignées. On sépara les clas- ses de philosophie et de théologie; les consuls de Perpignan fournirent dans la maison de ville une salle pour la classe du droit, et on supprima la classe de médecine, soit parce qu'on ne trouvait pas de lo- cal convenable, soit aussi faute d'honoraires pour les professeurs. C'est ainsi que déjà l'Université dépéris- sait quelque temps après son rétablissement. En 1720, le recteur et les professeurs adressaient leurs plaintes au ministre; ils disaient: uVous connaissez mieux que personne la nécessité qu'il y a pour la province que cette Université se maintienne; cepen- dant, sans un secours considérable, elle est à la veille de sa ruine fatale. » Quelques années après, le chef de l'Université écrivait au gouvernement : « L^Uni- versité se trouve aujourd'hui sans aucun revenu pour l'entietien d'une vieille maison à la place de l'an- cienne où l'on a bâti l'hôtel de la monnaie; et cette nouvelle Université tombe en ruines malgré les sommes qu'on y a employées en des réparations aussi minces que mal entendues. » Malgré le désir réel, mais impuissant du gouverne- ment; malgré plusieurs déclarations et arrêts de son Conseil, le mal empirait tous les jours; car, occupée de guerres qui dévoraient toutes ses ressources, la France faisait encore peu pour l'amélioralion morale d'une province dont la conquéle lui avaii assez coulé. Signalons cependant le noble désintéressement de rhomme savant et dévoué à son pays, de ce recteur qui, en 1743, parlant en son nom et au nom de tous les professeurs, disait au minisirc du roi Louis XV : «Je ne vous demande rien, ni pour moi, ni pour les professeurs: nous serons contents, pourvir que nous ayons un bâtiment convenable pour y faire nos exer- cices littéraires, et que nous puissions voir notre Uni- versité rétablie- » Ce désir ne fut pas si vite exaucé. Il fallut atten- dre que rhomme bienfaisant, et qui a laissé de si longs souvenirs dans le cœur des Roussillonnais, je veux parler de M. de Mailly, vînt gouverner notre province. Cet homme remarquable et qui s'éiali identifié avec les intérêts du pays, en fut nommé, en HÎ^O, gou- verneur particulier. (Le comte de Noailles en était le gouverneur général -, mais il avait résidé constam- ment a Paris). M. de Mailly, toujours actif et vigi- lant comme un père pour tout ce qui concernait le fxoussillon, intercéda : grâces à cette puissante inter- vention, rUnivcrsité fut entièrement reconstituée; on répara et l'on embellit le local qu'elle devait oc- cuper. En 1750, pour éterniser à perpétuité sa réor- ganisation, et prouver sa reconnaissance au chef de l'Etat, elle fit graver une médaille d'or représentant d'un côté le buste du roi avec cette inscription : Lu- clovicus decimus quintus rex christianissimus ; et au re- vers, la plaine du Roussillon terminée d'un côté par les Pyrénées et de l'autre par la mer, présenlant au centre une colonne détruite et à côté une autre de- :265 Loul cliargée des allriJjuts des ails, ayant au pied une figure assise et couronnée, appuyée d'une maiu sur la base de la colonne, et de l'autre sur l'écusson des armes de Perpignan avec ces mots : régi remune- ratori, et, plus bas, Perpinîanensis Universitas restau- rata, 1759. A la même époque, le maréchal de Bclisle, alors ministre, adressait à M. de Wailly la lettre suivante dont je cite ce fragment : « Toutes les vues que vous avez, monsieur, pour le bien de l'Etat et l'intérêt de la province du Roussillon, ne peuvent qu'être très agréables à Sa Majesté qui voit avec satisfaction la réunion du zèle, de la prudence et des lumières dans ce que vous proposez. Ce sont les dispositions qu'elle m'a témoignées lorsque je lui ai rendu compte , des soins que vous avez donnés au rétablissement de l'Université de Perpignan, et des moyens que vous avez proposés pour l'exécution d'un projet si néces- saire,.. )) Le total des revenus de l'Université qui s'élevait à peine à trois mille livres, fut tout-à-coup porté à seize mille. Le cours de médecine fut rétabli; on créa un cours d'anatomie et un cours de physique ; on établit aussi le jardin des plantes. On ajouta encore, en 1705, une chaire de botanique, et, en 1786, une chaire de chimie. Les professeurs de l'Université obtinrent, en 1771, de la bienveillance du gouvernement, la franchise des droits de ville^ malgré l'opposition que formait contre cette mesure le corps municipal. Aussi, lorsque, en 1786, on inaugura le buste du maréchal de Mailly, il fut décidé qu'on rendrait à ce buste les mêmes honneurs qu'à M. le maréchal 266 en personne. Ce fut, dans celle même enceinle, une grande fêle de famille; plusieurs discours furent pro- noncés : M. Marigo-Vaquer, recteur de l'Université, disait , en parlant de cet illustre bienfaiteur : « il est tout aussi satisfait que nous-mêmes, toutes les fois qu'il peut contribuer à étendre les connaissances dans une province qu'il chérit, et à nous procurer un nouveau degré de lustre. >> La révolution de 89 vint loui-à-coup détruire une grande partie de ces institutions qui avaient coûté tant de soins. Elles furent, il est vrai^ remplacées par d'autres qui ont produit d'immenses résultais; mais, sous le rapport scientifique et littéraire, nos perles ne sont pas encore toutes réparées. Autrefois, les enfants, après avoir reçu une instruction gratuite au milieu de leurs familles, pouvaient encore, au sortir de leurs premières études, embrasser la carrière libé- rale la plus convenable à leurs goûts et à leur capa- cité. Des professeurs habiles et piesque tous nés dans le pays se livraient avec succès à l'enseignement, et toutes les branches des sciences avaient un inter- prête. Aussi ce vide a-t-il été vivement senti! Ce- pendant, hàtons-nous d'ajouter que si notre Univer- sité ne nous est pas rendue en entier, nous n'avons pas cessé de posséder des hommes éminents qui, voués de cœur à la prospérité du pays, cherchent à perfectionner Tindustrie, à agrandir le domaine de l'intelligence et de la civilisation, cl montrent, par leurs talents, leur zèle et leurs efforts continus, que la science et l'amour du progrès trouvent tou- jours chez nous de dignes représentants. MORER. Archiviste du clqiarleincut. 267 RAPPORT SUR LA MÉCANIQUE APPLIQUÉE, PAR M. JOUCLA, Au moulin îi farine de M. Pralx, près de Sainte-Eugénie. Cette usine, récemment construite, offre de l'inté- rêt à cause du mode d'action adopté par M. Joucla. Ce mécanicien, dont, on connaît l'habileté, ayant à sa disposition un faible cours d'eau et une forte chute, a fait l'application d'une roue hydraulique d'une grande puissance et d'un très modique volume d'eau. Nous allons décrire brièvement celte machine avec ses accessoires, donner les dimensions nécessaires au calcul de ses effets, et nous examinerons ensuite si elle donne les résultats promis. La roue hydraulique est en fer : elle a 5^" de dia- mètre et 0'",40 de largeur, soumise à l'action de l'eau sortant de la vanne par une ouverture de O^jOÎO à 0™,015, sur 0™,40 de largeur, et avec une pression de 0"i,90. Elle fait douze tours par minute. Les engrenages sont en fonte et au nombre de cinq. Leur disposition imprime à chaque meule un mouvement de quatre-vingt-dix tours pendant que la grande roue en décrit douze. Le système pour régler la mouture se compose de deux bascules à levier et à vis de rappel, et de ma- nivelles. 268 Celui du pivot de la meule supérieure {pal nadallè) iraversant la meule dormante, consiste en une boîte en fonte, portant un chapeau à trois divisions, pour recevoir les coussinets de bronze, avec trois vis à pression pour régler les trois coussinets sur le col de l'arbre. Les vacillations (en terme vulgaire Tabots) sont rendues impossibles. Quant à l'appareil pour lever la meule, la mettre en chantier, la piquer et la remettre en place, il ne se compose que d'une grue à vis avec une demi-lune en fer forgé, portant son pivot à chaque extrémité. Ici^ nous touchons à la condition principale, à la dépense d'eau qu'il est toujours important de réduire à un minimum. M. Joucla accuse douze litres par seconde, avec 0^,01 ou Qn^Ol 5 d'ouverture de vanne. Les tables de Bossut donnent les vitesses correspon- dantes h la charge d'une série de hauteurs d'eau. Pour Qi'ijOO ou 33 pouces 21, elle est de 155 pouces par seconde ou 4>^,20. L'orifice a 0«,40 de large sur 0"%010,ouensurface0™,004jleproduitégale0°^,0168 c'est-à-dire, près de 17 litres, ce qui diffère essentiel- lement du résultat annoncé. Il en serait bien autre- ment, l'ouverture étant de 0"%015 de hauteur. Mais dans l'application des tables à la dépense par un orifice dun pouce de diamètre, recouvert d'une ligne d'eau qui, suivant les expériences de Mariotte, devrait être de 14 pintes ou 13 litr. 22 par minute, nous avons reconnu que les vitesses correspondantes aux hauteurs dans la table étaient forcées. Nous avons trouvé 19 litres c'est-à-dire, une quantité plus forte d'un tiers. En réduisant du tiers les 17 litres ci-dessus, on obtiendra à peu de différence près, le résultat annoncé par M . Joucla : une dépense de 1 2 209 litres par seconde quand la vanne s'élève d'un centi- mèti^e. En calculant pour la même ouverture en largeur de 0'",40, mais avec une hauteur de O'^jOS, on au- rait pour dépense 49 à 50 litres. Opérant la réduc- tion comme dans l'autre cas , cette dépense devien- dra de 33 litr. 36; elle serait de 38 liir. 58, pour 0'n,035 d'ouverture. Il est toutefois établi que la dépense d'eau avec la machine Joucla serait inférieure à la proportion multiple, tandis qu'on moudrait dans cette proportion, ce qui peut encore être contes- table. Quant aux propriétés des bonnes mécaniques de ce genre, celle que nous décrivons les possède tou- tes. Les meules font 90 tours par minute : c'est une vitesse convenable à la dimension de 1™,30 de dia- mètre. M. Joucla assure que ses meules donnent 42 grammes de farine par seconde, ou 1 50 kilogram- mes à l'heure pour deux meules mises en mouve- ment par la mécanique, ou 75 kilogrammes pour une, ce qui répond à un hectolitre par meule. Cette quantité dépasse un peu le rendement ordinaire qui n'est que de 67 à 70 kilogrammes pour des meules de cette dimension. Il est important de remarquer ici que l'emploi de 12 litres par seconde met en fonction deux meules, et que ce résultat est bien supérieur aux effets de la turbine. Rien de mieux entendu que la disposition du pal nadallé ou pivot de la meule tournante, tant pour la régularité du mouvement que pour le peu de frottement et par conséquent la durée. Le système pour lever et retourner la meule afin de la piquer, présente toutes les garanties de sûreté ■270 ei de préservation contre tous les accidents fâcheux qu'il n'est pas rare de voir arriver par le travail de force employé ordinairement. Nous bornons là nos observations, qui, pour être complètes, auraient exigé plus de temps et d'études. L'ouvrage de Bélidor, enrichi de notes précieuses par M. Navier, donne les moyens d'apprécier plus lard la mécanique appliquée à Tusine Pratx, et tous les résultats de son travail. Le système dont M. Joucla ne se dit pas Tinven- leur, mais auquel il a opéré des améliorations, mé- rite d'être recommandé comme l'un des plus parfaits de ce genre. Malheureusement le prix de 6000 francs pour la seule machine, ne le met pas à la portée de tout le monde. Nous pensons que la Société doit accorder celte année la grande médaille d'argent à M. Joucla. Perpignan, le 7 décembre 1849. Le Rapporteur delà Commission pour les objets d'industrie- 271 NOTES ARCHÉOlOCIIjUES SUR SAINT-GENIS-DES-FONTAINES. Une ancienne crosse d abbé, trouvée dans l'église de Saint-Genisj fut montrée à plusieurs membres de la Société qui jugèrent à propos de la faire connaî- tre par la voie du Bulletin. Chargé de ce soin, nous n'avons pas hésité à dépasser le but, en étendant le privilège de la publicité à d'autres souvenirs du moyen-âge existants au même lieu, et qui nous ont paru le mériter à titre égal. Ceux qui savent com- bien nos églises de campagne sont riches encore en trésors ignorés de cette époque, comprendront qu'on s'estime heureux de trouver l'occasion d'en signaler une partie, et qu'on en profite. L'abbaye bénédictine de Saint-Genis-des-Foniaines à laquelle le village de ce nom doit son origine, fut fondée au commencement du ix« siècle. Les Nor- mands la ruinèrent dans le siècle suivant; mais elle se releva bientôt après sous le gouvernement et avec l'aide de Gausfred l^r^ comte de Roussillon. Réunie à l'obédience de Montserrat, par le pape Jules II, en 1507, elle fut régie depuis cette époque par des abbés triennaux, conformément à la règle de Valla- dolid. (Voir Gallia Christiaiin, tome Vi.) 272 L'église tle Saint-Genis a la forme d'une croix la- tine : sa nef unique est terminée par une abside à chevet hémisphérique, flanquée dans chaque tran- sept d une abside secondaire. Vendue par la nation, mais plus heureuse que beaucoup d'autres, elle a traversé les mauvais jours sans devenir écurie, grange ou remise. Les deux propriétaires qui la possédaient par indivis, l'avaient religieusement rendue au culte depuis le concordat; et le généreux abandon qu'ils viennent d'en faire à la commune, assure définitive- ment la conservation de l'édifice. L'extérieur ne se distingue que par le linteau mo- nolithe de sa porte, et par quelques pierres luniu- laires encastrées à droite et à gauche dans le revêle- ment du mur. Le linteau, curieux monument de la sculpture indigène au commencement du xi^ siècle, est long de 2'^i,20, et large de 0™,70. Nous en donnons un dessin emprunté à l'album archéologique inédit de feu M. le chevalier de Basierot. (Voir planche 3.) Une description détaillée n'ajouterait rien à la gravure; il suffira d'observer que le travail du ciseau est tout en relief plat de l'époque, sauf l'inscription qui est gravée en creux, et dont voici le texte : •|- ANNO VIDESIMO QVARTO REEMNANTE ROTBERTO REGE WILIELMVS GRATIA DEI ABA. ISTA OPERA FIERI IVSSIT IN ONORE SA^CTI GENESII CENOBII QVE \OCANT FONTANAS. Suivent, par ordre de date, les épiiaphes ci-dessus mentionnées : Première pierre. 1 271 . ANNO XPI MILLESIMO DVCENTESt MO SEPTVAGESIMO PRIMO, V» 273 KLS. DECEMBRIS, DOMINA DVLCIA DE MONTE RVBEO IN HOC. FVIT TVMVLO TVMVLATA. DIC l'ATER NOSTER PRO ANIMA SVA. FAC BENE DVM VI VIS POST MORTEM VIVERE SI VIS. Deuxième pierre. 1307. Moitié au-dessus, moitié au-dessous d'un Christ entre sa mère et saint Jean : ANNO DOMINI MOCCC SEPTIMO, SEXTO IDVS APRILI {sic), GBIT [sic) FRATER MICHAEL SACRISTA SANCTI GENESII. Le bas-relief a souffert : l'inscription est assez bien conservée. Troisième pierre . 1 307 . ANNO DOMINI M^CCCOVII», VI» IDVS IVNII OBIIT FRATER BERENGARI VS DE PVLCRO VESPERE, CAMERARI VS ISTIVS LOCI; ET DOMINA MA TIIIA EIVSDEM HVMILIS SOROR : QVORVM ANIME REQVIESQVANT {sic) IN PAGE. AMEN. QVOD ES FVI, QVOD SVM ERIS, VIGILA NE DE VORERIS. QVI STATIS CORAM PROFERANTES MORTIS AD IIORAM IBI TIS ABSQVE MORA, NE.SCITIS QVA TAMEN HORA : SIC EGO NESCIVI NISI QVOD RAPT^'S ABIVI, SED ANNIVERSARIVM SÏATVI. Quatrième pierre, xiv^ siècle. R. DE POLLESTRIS Une main, plutôt désœuvrée que malveillante, a fait disparaître assez proprement le reste de l'inscrip- tion. Un bas-relief, qui a été respecté, représente le défunt couché, les mains croisées sur la poitrine: deux acolytes, le chandelier au bras, se tiennent de- bout, l'un à la tête, l'auti'e aux pieds. Le cadre est orné de rinceaux variés. Cinquième pierre. Image du défunt en bas-relief: inscription fruste. Intérieur de t.'église. — A droite en entrant, le 18 274 bénitier, qui se compose d'un fut de colonne planté dans le sol jusqu'à moitié environ de sa hauteur, et surmonté de son joli chapiteau roman sur lequel re- pose la cuvette. On retrouve assez fréquemment cette forme gracieuse dans nos anciennes églises : quelquefois c'est le chapiteau lui-même qui se creuse en cuvette; ailleurs, le fût disparaît pour faire place à un second chapiteau qui, le tailloir contre terre, se relie par sa base au chapiteau supérieur. Un immense rideau, partie bois, partie toile, mas- que entièrement la partie hémisphérique du sanc- tuaire, et lui donne l'apparence d'un chevet plat : le rétable parvenu à de telles proportions, défigure une abside au lieu de l'embellir. A pareille enseigne, on a déjà compris que l'œuvre est moderne. Vers le bas, du côté de l'évangile, on lit : ANÔ. DNI. 1695. El du côté de l'épître : MEN9. AVG. DIE. 24. Ce ne fut même sans doute qu'une restauration; car un panneau, où sont peints saint Louis, roi de France et saint Louis évêque, est marqué au millé- sime de 1635. Au fond du transept méridional, servant de cha- pelle sous le vocable de Notre-Dame de Montserrat, se dresse un rétable d'espèce particulière. Des pains de sucre, moulés en plâtre sur massif de briques, sont groupés autour d'une statue de la Vierge. Avec un peu de bonne volonté, on y reconnaît une imita- lion des aiguilles coniques de poudingue qui ren- dent si pittoresque l'aspect de la célèbre montagne. 275 Mais l'édifice gypseux, vaincu par rhumidiié, tombe de loTxles paris et laisse à nu les flancs rougeâires de la maçonnerie. Impossible de juger si l'effet primitif répondait à Tintention; car le seul trait de ressem- blance avec le type est précisément aujourd'hui celle coloration accidentelle due à l'injure du temps. L'œil abandonne Inentôt ces ruines pour se repo- ser avec intérêt sur l'auiel que la peinture s'est exclusivement réservé. A défaut de dessin, essayons de décrire. Haut de 0"'/785, large de 1'",G5, non compris le cadre, le devant d'autel reproduit, à quelques modi- fications près, la pensée qui inspira le ciseau du sculpteur au linteau de la porte. Au milieu, Dieu le fils, barbu et la lête ornée du nimbe crucifère, est assis dans une auréole ellipti- que oià sont figurées en relief, sur fond doré, des perles de même émail, et des pierres précieuses al- ternativement rouges et bleues. La zone du nimbe, aussi d'or, est i^ehaussée de perles et décorée de rin- ceaux. J.-C. tient sa main droite élevée, et bénit se- lon le rit latin : sa main gauche s'appuie sur un livie où l'on voit écrit : EGO SVM L\X MVNDI. Sous ses pieds nus, des croissants et des quatre- feuilles d'or, cernés d'un rayonnement blanchâtre, nagent dans l'azur comme des astres au ciel : suù pe- dibus ejus quasi cœlurn (Exode). L'auréole est cantonnée du létramorphe ; l'ange et les trois animaux sont nimbés, et cbacun d'eux porte sur un lambel le nom de Tévangéliste qu'il repré- sente. 276 A droite et à gauche du sujet principal, paraissent les douze apôires/six de chaque côté, disposés trois à trois sur deux rangs horizontaux, debout, nimbés et les pieds nus. Tous sont nominativement dési- gnés, à l'exception de saint Pierre qu'on distingue à l'attribut de la clef à double panneton. Une bande, où viennent sappuyer les pieds des apôtres du rang supérieur, porte le nom du peintre : MAGISTER ALEXANDER ISTA OPERA FECIT. Cette bande avait sans doute sa parallèle au-des- sous du rang inférieur; mais une lacune regrettable, dans le bas du tableau, nous prive de ce détail, et peut-être aussi d'une date intéressante. En bonne règle, rage du monument devrait être déterminé d'après sa physionomie typique : mais, abandon- nant cette tâche à des yeux plus exercés, nous nous sommes borné a comparer attentivement les carac- tères graphiques a plusieurs estampages relevés dans le pays; et le résultat de cet examen nous porte à désigner la seconde moitié du xiii« siècle, ou les premières années du x-iv^, au plus tard. La marge est <^rande sans doute ; mais nous n'oserions la resser- rer davantage. {Voir les fac-similé, planche 3.) Faces latérales. — Du côté de l'évangile tout est détruit. Le panneau correspondant du côté de l'épî- ire a beaucoup souffert; mais il est facile encore de saisir l'ensemble du sujet. Saint Genis vient d'être décapité; et, comme saint Denis, il marche portant sa tête dans ses mains. Cette application d'une lé- gende bien connue ne peut faire naître le doute, car on lit dans un coin de la toile : S. Genesius. D'ailleurs, <^rand nombre d'exemples paraissent démontrer que 277 l'iconographie du moyen-àge avait ainsi consacré le symbolisme de la décollation. Un ange descend du Ciel, tendant vers le saint un objet (palme ou cou- ronne) que la confusion de cette partie du tableau nous empêche de préciser. Plus loin, trois guerriers vêtus du haulbert avec chaperon de mailles, consi- dèrent le prodige avec un éionnemenl mêlé de crainte ; ce sont les bourreaux : deux d'entr'eux tiennent k la main l'épée nue et sanglante. Pour donner une idée exacte de l'enduit sur le- quel est appliquée la détrempe, nous aurons recours au premier article d'une commande de rétable pour l'église de Cabeslahy, faite par-devant notaire, au xiv« siècle : « Lo retaule es feyt de fiista — Primerament volen que sia M encolat de bona aygua cuyta, e emplastiat e endiapat de boa ca- « namars nou ; e après sia engixat de gix gros et ras, pux sia engixat « de bon gix prini per sa sao ; pux sia ras suptilment e neta, axi corn « se pertany dobra solemne. » [Jrchwcs des notaires. Pratique de Bernard Pastor.) Accord parfait^ dans l'espèce, entre la théorie et la pratique; on dirait que ces prescriptions ont été écrites pour maître Alexandre. Boiseries fortement assemblées, toile tendue à la colle forte, double cou- che de plâtre, tout s'y retrouve : et la bonne conser- vation d'une grande partie de l'œuvre, l'éclat des couleurs, après plusieurs siècles, attestent les soins apportés à l'exécution par notre artiste, aussi bien que l'excellence du procédé. Le cloître de Saint-Genis est perdu pour la science ; des constructions modernes occupent le tiers de la galerie Est. Les arcades des trois autres côtés ont été murées j une seule, qui donnait et donne encore en- 278 liée sur le préau, csi demeurée forcémenl libre. Celle arcade souvre au cenire de la galerie Ouest; elle est beaucoup plus large que les autres, quoique de même hauteur et par conséquent très surbaissée. A rexlrémilé Ouest de la galerie Sud, auprès de la porte qui conduisait autrefois du cloître à l'église, trois pierres lumulaires incrustées dans le mur sur- vivent intactes au milieu des mutilations qui les en- vironnent. Appréciées à leur juste valeur par le pro- priétaire, elles seront maintenues, nous n'en doutons pas, dans leur état actuel de conservation. Nonobs- tant cette conviction, et malgré les motifs qui s'op- posent en principe à toute espèce de déplacement, qu'il nous soit permis d'émettre le v(eu de les voir un jour transportées dans l'église, où elles figure- raient plus convenablement que dans une cave. Ces inscriptions ont été publiées dans le sixième volume de la Gallia Chrisiiaiia, mais assez inexactement pour nous autoriser à les reproduire ici : Première pierre. Epitaphe de l'abbé JRaymond. 11 9C. VERAX, FACVNDVS, FONS MANANS, FLOS RVBICVNDVS, nOSPES IOCVND\'S, MISEROBVM PASCVA, FVISDVS FRVCTV FECVNDVS, NVLLI PROBITATE SECVNDVS, PRE MVNDIS MVNDVS ABBAS FVIT ISTE RAIMVNDVS : QVEM PIA LVX MARTIS DEC.ASEPTIMA D\ XIT IN ASTRIS, QVATVOR EXEMTIS ANNIS DE MILLE DVCENTIS. L'ordonnance générale de celle inscription ne manque pas d'originalité ; Télégance des caractères va jusqu'à la recherche; et l'absence totale d'abrévia- tions mérite d'être remarquée, quoique celle parii- ctilarité ne soit pas S3ns exemple (JToir planche 2). 279 Au quatrième vers, la Gallia écrit prcnmndi au lieu de pre (pour prœ) mundis. Quel sens aura la phrase avec cette variante? Deuxième pierre. Epitaphe de Vabbé Gausbert. 1234. ABBAS GAVSIBERTVS lACET HIC BONVS ET BENÈ CERTVS, MORIBVS OENATA'S POLLESTRIS IN OPIDO NATVS ; VITA FVIT CVIVS ORBIS SALVS ET DECVS HVIVS. DANDO GAVDEBAT, PROPRIVM SIBI NON RETINEBAT, SET {sic) DABAT ABSQUE MORA MISERIS SVA QVALIBET HORA . MORIBVS UORNAVIT (sic) SOCIOS QVOS SEMPER AMAVIT, ET MVNDANORVM CREVIT PRO POSSE BONORVM. ANNIS TERDENIS OCTO MINVS ORDfNE PLENIS, DVX FVIT ECCLESIE, COMPLENS DOCYMENTA SOPHIE. ANNO MILLENO BIS C. TER X. BISQVE SECVNDO, EIVS NOVEMBRIS IIII» KLS. MORS DATA MEMBRIS. QVESVMVS, O XPE, TECVM CONGAVDEAT ISTE : ' QVOD VT CONCEDAT PATER NOSTER QVISLIBET DICAT. QVOD ES FVI, QVOD SVM ERIS, VIGILA NE DEVOREBIS. En relevant dans les versions de la Gallia de nou- velles et plus nombreuses erreurs de lecture, la cri- tique se sent à l'aise, parce qu'elle ne saurait attein- dre les savants auteurs. Dans le cours de leurs immenses travaux, les Bénédictins, ne pouvant tout voir par eux-mêmes, durent accepter souvent, de con- fiance et les yeux fermés, les documents qui leur étaient fournis; et, souvent aussi, chez leurs corres- pondants la science fut au-dessous du zèle. Ici, par exemple, leurs confrères de Saint-Genis, plus fer- vents cénobites qu'habiles paléographes, ont rem- placé par des points, au quatrième et au douzième vers, des mots parfaitement lisibles encore aujour- d'hui, et rendu le premier membre de la seconde ]>hrase inintelligible, en substituant quandà à dando. 280 Ou s'expliquera plus difficiiemeni par quelle étrange préoccupation les Eénédictins n'ont donné au bisque secundo {dixième vers) que la moitié de sa valeur. Cette erreur d'interprétation les a conduits à fixer les vingt-deux années de l'abbatiat de Gausbert entre 1210 et 1232, tandis qu'elles doivent être comptées de 1212 k 1234. Troisième pierre . Epitaphe de l'abbé G. Dabadie. 1307. \f> IDVS OCTOBRIS, ANNO DOMIM M» CCC" SEPTIMO, OBIITFRATER G. DE ABBATU HVIVS MONASTEBII ABBAS ; CVIVS ANIMA REQVIE SCAT IN FACE : CVIVS CORPVS KECONDITVM EST IN UAC TVMBA. La Gallia écrit B. de abbalia; il ne peut cepen- dant s'élever aucun doute sur le G., qui est à fleur de coin, si nous pouvons ainsi parler. A un mètre environ au-dessous de cette inscrip- tion, paraissent les traces évidentes du descellement d'une autre pierre. On peut sans vaines conjectures y placer l'épitaphe disparue de Tabbé Sapte de Polies- tris, que donne aussi la Gallia; c'est d'ailleurs la place qui lui est assignée dans le même ouvrage : 1ioc ipsius epitaphium in claustro ad ingressum ecclesiœ legitur. {Gall. Christ., tome Vi, col. 1106.) Le clocher abbatial couronne le centre de l'église à la rencontre de la nef, de l'abside et des transepts. Deux cloches y ont été conservées. Autour de la plus grosse, au deux-tiers de sa hau- teur : QVI SINE PECCATO VESTRVM EST PRIMVM LAPIDEM MITAT. FOV FETE LANY MIL CCCC. LI. ABAT PER LA GRACIA DE DEV, FRA BERNAT PVGOL. Et plus bas, en caractères plus petits : Te Dcum Inudavms, plusieurs fois répété. 281 Autour du cerveau de Taulre : DICO MARIA. MEVM NOMEN VIRGINEVM. Sans date, mais posiiivemeni plus vieille que la précédente. Consacrons les dernières lignes de cette notice à la crosse qui en a été l'occasion. La volute est en cuivre doré; mais la douille à laquelle elle est sou- dée conserve la couleur rougeàtre du métal, et la trace des morsures de la lime. Evidemment cette partie n'était pas destinée à voir le jour-, elle rece- vait sans doute une gaîiie ouvragée, et dorée comme la volute, qui formait le complément de la crosse, c'est-à-dire la boule ou le nœud^ et la douille pro- prement dite. Cet insigne de juridiction abbatiale, même à l'état incomplet où il a été retrouvé, nous devient précieux et par son antiquité que nous n'hé- sitons pas à reculer jusqu'au xiii^ siècle, et comme l'unique monument de ce genre arraché aux ruines de nos monastères. Nous ne dirons rien de la forme et des détails qui peuvent être suffisamment appréciés d'après la réduction qui en a été faite pour le Bulle- lin à l'échelle de 0'",50 pour i'^^OO. {Foù- planche 2.) L. DE BONNEFOY. FIN PE 1849. 282 ^miu ÎS50. Séance piil)li(|iie du 56 Décembre. A une heure après midi, le bureau de la Société agricole a pris séance. M. Auguste Lloubes, vice- président, ei M. Morer, secrétaire, étaient à la droite et à la gauche de M. le président Guiraud de Saini- Marsal. La séance a été ouverte par un discours du prési- dent qui, après avoir exposé des vues générales, a rapidement indiqué les travaux des commissions, les progrès, les résultats obtenus, l'objet des primes et des mentions. Voici en quels termes s'est exprimé Thonorable président : Messieurs, Une séance solennelle met annuellement la So- ciété des Pyrénées-Orientales en rapport direct avec la population du département. Nous aimons à lui rendre compte des progrès de l'agriculture, de l'in- 283 (Uistiie el des arts; el nous n'éprouvons pas moins (le satisfaction à jouir du privilège de proclamer les primes, les récompenses, que le gouvernement et le Conseil général allouent avec une généreuse libé- ralité. Ce serait aujourd'hui un anachronisme que de re- produire ce reproche banal : « Le gonverziement ((lie fait rien pour l'agriculture", il n'encourage pas ((l'industrie; il n'accorde aucune protection aux (( gens de lettres. » Jetons les yeux autour de nous. L'institut de Versailles, les écoles régionnales, les fer- mes-écoles, des établissements spéciaux en dehors de ces institutions, témoignent hautement de sa solli- citude pour l'instruction agricole; il est h désirerque le léseau s'étende, et qu'on la rende tout-à-fait po- pulaire. L'intelligence, les études de l'enfant, dès ses premiers pas , au-delà de l'instruction élémen- taire, sont à peu près exclusivement consacrées au latin, au grec. Ne pourrait-on faire marcher de pair des notions d'agriculture, d'un intérêt plus grand, plus général? 11 faudrait alors les exiger des institu- teurs communaux, les faire entrer dans le pro- gramme de leur capacité. Quelque légères que fus- sent ces impressions, elles aplaniraient la voie que l'habitant des campagnes est destiné à parcourir. La Société des Pyrénées-Orientales s'est prononcée avec chaleur pour rintr<)duction de cet élément éminem- ment utile dans l'enseignement primaire. Je sais bien que l'opinion d'un certain nombre d'agriculteurs est défavorable à ce système. Ils pensent qu'on n'attein- dra pas ainsi le but. Nous avouerons avec eux que les seules leçons de l'école ne feront jamais un bon agriculteur. Aussi entendons-nous, que du plus bas L>84 au plus haut échelon, la pratique seeonde, démon- tre les préceptes de la théorie; et que, dans les éco- les primaires des deux sexes, les enfants exécutent des travaux proportionnés à leurs forces. En attendant que cette mesure s'organise, on ne saurait méconnaître que l'agriculture est encoura- gée. 11 n'y a pas une société, un comice agricole qui ne reçoive des secours, des allocations, destinés à des primes appropriées aux localités, et nous avons une bonne part dans la répartition. Le gouvernement ne serait- il pas au contraire fondé à se plaindre de ne pas trouver chez les pro- priétaires, le zèle, le concours qu'il pourrait naturel- lement espérer de leur patriotisme ou plutôt de leur intérêt? Interprète des vues, des bonnes dispositions du ministère, la Société des Pyrénées-Orientales ex- cite l'émulation, provoque la concurrence : quoi- qu'elle éprouve le regret de n'avoir pas réussi au gré de ses désirs , elle s'efforcera de surmonter l'é- cueil d'usages, de préjugés antiques; elle ne négli- gera rien pour relever, anoblir Tétat de cultivateur, pour attirer vers l'agriculture l'esprit inquiet d'une population mécontente du présent, avide d'un ave- nir presque toujours difficile sinon impossible à réa- liser, et qui n'aspire qu'à se lancer hors de sa sphère. L'éclat de quelques fortunes rapides dues à l'indus- trie, fascine l'habitanl des campagnes ; le titre d'ou- vrier d'art flatte sa vanité. En se réfugiant dans l'atelier industriel, il se soustrait aux rigueurs, à rintempérie des saisons; son ardente imagination lui dépeint le séjour de la ville sous les plus riantes cou- leurs. Il pourra y satisfaire ses penchants; y trouver des jouissances inconnues au village. Mais à combien 285 (.le mécomptes n^est-il point exposé ! Combien il se fait illusion sur ces jouissances, sur la nature des travaux auxquels on l'emploiera, sur leur instabi- lité ! car ils sont soumis au caprice de la mode, au succès d'une industrie rivale. Il ferme les yeux sur les dangers des ateliers d'un très grand nombre de manufactures, journellement constatés par d'horri- bles catastrophes, et dont l'insalubre habitation dé- truit les plus robustes tempéraments. Et que serait- ce si nous déroulions le tableau des tortures de l'exploitation des mines, et de tout ce qu'un grand nombre de fabriques a de pénible et de dégoûtant! Le parallèle est tout à l'avantage du cultivateur : pour lui, salaire modéré mais sûr, vie régulière, santé; pour l'autre, déception^ danger et trop sou- vent misère. Si les produits agricoles sont peu satisfaisants, ne faut-il pas faire la part de circonstances passagères? INe peut-on aussi les accroître par la réduction des fiais d'exploitation? On ne comprend pas la répu- gnance qu'éprouvent les agriculteurs pour l'emploi de procédés reconnus économiques et supérieurs à ceux qu'une vieille routine leur fait obstinément maintenir. 11 n'y a pas bien long-temps qu'on admet la charrue perfectionnée : elle n'était naguère que l'araire de nos pères, des Romains, des Grecs, celle peut-être que Noé sauva du déluge. Ne persiste-t-on pas généralement à opérer la coupe des céréales à la faucille que la faux remplacerait avec tant de supé- riorité! Poussant la générosité plus loin que le bon- homme Booz, le propriétaire veut sans doute que la femme, les enfants du moissonneur recueillent les nombreux épis échappés de ses mains. Le rouleau à 286 dépiquer n'a pas enlièrement expulsé le haras et le fléau. Toujours étalés, exposés au soleil, les fumiers d'étable perdent en vapeur leur substance fertili- sante. La lioue à cheval, le rouleau double émoteur, le hâche-paille, une dessicatiou intelligente des her- bages, etc., etc., ne sont en usage que chez un petit nombre d'agriculteurs : il y a donc baucoup à faire pour le progrès de l'exploitation. Quel que soit le moyen, il faut du travail, de la persévérance. Obtenir sans peine de fabuleux pro- duits, c'est du charlatanisme. La France est inondée d'annonces des merveilleux effets de la poudre azo- tique Bickès, de l'engrais liquide Dusseau, de l'en- grais concentré liuguin, qui seuls, à l'exclusion de tout autre, doivent remplacer, avec un immense avantage, la fumure ordinaire, même les plus éner- giques engrais actuels, par l'action d'un simple pra- linage, c'est-à-dire un chaulage plus ou moins puis- sant. D'après les uns le grain produirait 35 pour un; chez les autres le produit net d'un hectare s'élève- l'ait à 450 fr., le tout eu ne faisant que sillonner le sol. La raison n'admet pas de semblables prodiges, quand les meilleures terres travaillées à quatre la- bours, fumées à 200 fr. l'hectare, ne donnent en moyenne que 7. Je n'entrerai pas plus avant dans la discussion d'un système déjà condamné par les ré- sultats de l'application en grand, inaccessible à la fraude. Si l'emploi de ces substances dont les com- posants, parfaitement connus, sont d'une trop grande simplicité pour qu'il n'en résulte pas une complète déception, donnait à nos terrains vagues la ferti- lité de la terre promise, nous placerions avec en- thousiasme les inventeurs au rang des plus illustres 287 bienfaiteurs du genre humain. Jusque-là, fumons, labourons, travaillons profondément nos terres, bien convaincus qu'on n'obtient rien sans ti'avail : c'est une loi de la nature, aussi bien que de la civilisation; car le sauvage n'en est point exempt. Ne faut-il pas qu'il pourvoie aux besoins de sa famille? La chasse, la pèche, la hutte pour l'abriter, tout cela est pour lui un travail. N'envions pas les loisirs d'une telle existence, dont certains esprits sceptiques préconisent les douceurs. Je me suis souvent demandé si l'éloignement, le peu de sympathie de la classe ouvrière pour la cul- ture des champs, n^étaient pas dus surtout à ce qu'on n'accordait pas, en Fraiice, à l'art agricole toute la considération, toute Timportance qu'il mérite. La classe fortunée va chercher à la campagne des plai- sirs. Elle aime la liberté dont on y jouit; la fraî- cheur, la pureté de l'air qu'on y respire. Elle en exalte les charmes, elle raffole de vues pittoresques, de promenades sur des gazons ombragés, sur des eaux à peine ridées par le zéphyr. Habiter un châ- teau, un pavillon cerné de parterres fleuris, de jar- dins anglais, loin, bien loin de l'exploitation rurale, tel est en général pour le riche le séjour, la vie à la campagne; mais à l'art en lui-même, à la re- cherche, à l'application des meilleurs procédés de culture, aux essais, aux améliorations qu'il réclame... c'est le bien petit nombre qui y songe. Certes, nous ne prétendons pas que pour se dire^ pour être réel- lement agriculteur, on doive constamment braver dans les champs les glaces de l'hiver, les ardeurs du soleil d'août, se vouer complètement à la surveillance des ouvriers, à la direction des travaux, aux soins de 288 l'éiable ei de la ménagerie ; mais nous voudrions que, du personnage le plus haut placé au prolétaire, cha- cun dans sa position appréciât mieux toute l'in- fluence de l'agriculture, source de vie pour l'un, base des fortunes solides, et aliment même du luxe pour l'autre. Nous vovidrions que de tous les rangs de la population, on manifestât, par un louable em- pressement à la solennité de la distribution des pri- mes, qu'on a compris l'action puissante des éloges, des encouragements publics. Dans notre vif désir de voir l'art agricole honoré par-dessus tout, nous se- rions heureux qu'à Timitation des plus nobles, des plus opulentes châtelaines d'un pays voisin, où il marche à grands pas vers l'apogée de la prospérité, nos dames inspirées d'un sentiment aussi patriotique donnassent, par leur nombreux et bienveillant con- cours, un nouveau prix aux modestes récompenses décernées à des hommes dont les rudes travaux cou- vrent de moissons le sol le plus ingrat; et qui de leurs sueurs arrosent le sillon, berceau des végé- taux, dont l'industrie transforme les produits en pré- cieuses étoffes, et qui parent de fleurs leurs salons, et fournissent leur table des plus beaux fruits. Ce que nous avons dit, messieurs, des actes du gouvernement, pour la prospérité de l'agriculture, nous pouvons l'appliquer au commerce, à l'indus- trie. De nouvelles voies de communication : routes, canaux, chemins de fer, sont journellement entre- prises et exécutées à grands frais. Les relations entre les points principaux du mouvement commercial de la France, s'opéreront bientôt avec une rapidité dont l'imagination se fait à peine une idée. IN^est-ce pas tout à l'avantage du commerce que la pensée se 289 transnielle comme 1 celait! et que, lui faisant fran- chir d'immenses espaces, même les mers, on rende possible de traiter à mille lieues comme on le ferait dans un comptoir! La création d'une académie par déparlement, les disposiiions législatives si sages, qui, par la composi- tion du comité d'instruction publique, offrent tou- tes les garanties d'enseignement religieux et moral; l'amélioration du sort des instituteurs ruraux, par la fixation d'un traitement honnéie qui les soustrait à la dépendance absolue des maires, et, pour le plus grand nombre, aune position voisine de l'indigence, témoignent des vues élevées et vraiment libérales du gouvernement. Le concours des sociétés savantes lui est acquis. Malheureusement, et il est pénible de l'avouer, on n'écrit guère que par spéculation. La grave, l'absorbante politique s'introduit partout, même dans les journaux d'agriculture, dont elle de- vrait être complètement bannie. Vous allez entendre les rapports des commissions sur les divers objets du programme des primes. Je me bornerai à vous faire connaître que nous avons à nous louer des résultats des principaux. L'améliora- tion de la race bovine, ne s'opère pas cependant avec tout le succès qu'on devrait attendre des nota- bles encouragements annuellement accordés. On a lieu d'être plus satisfait des plantations et du reboi- sement des terrains en pente. La plantalion et la greffe du chêne-liége ont fait révolution dans celle branche importante de la silviculture. On a récem- ment opéré les premiers essais du drainage ou éva- cuation souterraine des eaux; on s'occupe active- ment de la formation d'engrais chimiques. 19 290 Nous devons repousser, encore celle année avec énergie, une impulalion que la malveillance el une soite crédulité ont souvent répandue : « S'il y a peu «de concurrence (nous a-ton dit), c'est parce que « les primes sont allouées à la faveur, n Nous protes- tons de nouveau, et l'état de répartition des primes de cette année en fournit la preuve irrécusable, que la position des concurrenis, leur opinion politique, l'intimité de nos relations sociales, n'ont pas la moin- dre influence sur les jugements des commissions. Le mérite, l'intelligence, l'expérience acquise, des pro- cédés, des résultats nouveaux : tels sont les seuls ti- tres que nous reconnaissons. La crainte d'une alléga- tion mal fondée ne peut toutefois faire méconnaître les droits des grands propriétaires, dont les primes d'ailleurs rejaillissent en général sur leurs agents. Aux récompenses accordées par le ministère et le conseil général, nous avons ajouté, dans l'intérêt de la classe ouvrière, des primes pour fidélité domesti- que et de bons et longs services d'agents subalternes, ainsi que des encouragements pour les petites éduca- tions de vers à soie ; enfin, des prix pour les meilleurs élèves de la ferme-école. La Société regrette que les sujets proposés dans son programme de 1850 n'ayant pas été traités, elle soit réduite a ne décerner que deux médailles en argent et une en bronze. Une médaille en argent grand module à M™^ Anaïs Biu-Faure, dont les poésies pleines de cbarmes et de suavité ont plusieurs fois contribué à l'éclat de nos séances publiques. Une médaille en argent grand module à M. Fabre, professeur au collège de Perpignan, qui, indépcn- 291 c animem do plusieurs morceai.v remarquables dont Il a fait hommage à la Société, a bien voulu traduire eu vers des aphorismcs agricoles mis à la perlée de tout le monde. Une médaille en bronze à M. BJanic, ferblantier pour un travail utile aux ouvriers de son état' pour trouver, au moyen d'un tableau semblable aux tables de Pytbagore, les trois dimensions des cylin- dres de fer-blanc, maintenant très en usage pour les larres d hu.le : diamètre de la base, hauteur, ca- pacite. ' Une médaille en bronze à M. Philippe Massot pour sa manufacture de fouets en Micocoulier ' Nous devons à des membres de la Société faisant partie de la commission d'examen, et qui par ce nio t.f ne pouvaient figurer aux concours, une mention honorable : A M Azémar pour l'application en grand de la greffe ^a c^hene-liége qui s'élève déji en deux an- nées a 7000, au Perthus. A M. Germain Cuillé, pour les travaux considéra- bles de dessèchement et de mise en culture de por- tions marécageuses de la ferme-école. A M. Charles Lazerme, pour avoir fait le premier essai de la meilleure confection des fumiers d'établc en les arrosant journellement avec le purin. M. Oliva, notre compatriote, et sculpteur d'un bel avenir, a fait hommage au Conseil général, pour être déposes au musée, de quatre médaillons retraçant les traits de quatre hommes chers au Roussillon- nais : Kigaud, le maréchal de Mailly, Dagobert et Dugommier. Ce jeune artiste répond dignement à I appui bienveillant du Conseil général. 292 La pépinière iléparicmeniale, sovis la iliieciion in- lelligenle de M. le docieur Conipanyo, s'enrichit annuellement d'arbres et de végétaux précieux. Le platane Teklan, l'arbre à suif de la Chine, semés l'an dernier, croissent avec rapidité. Le chanvre gi- gantesque, LoMa, réussirait parfaitement; mais les vents si violenis dans le Roussillon en désolent les tiges, dont le rouissage offre des difficultés par les procédés ordinaires; deux variétés de pommes de terre ont donné d'étonnants produits, 38 et 98 pour un; rOxalis-Crenata, d'une grande fécondité et d'un goût exquis; six légumineuses, cultivées avec suc- cès, méritent d^êire répandues; le Panis d'Italie, es- sayé pour la première fois cette année, a dépassé toutes les proportions des produits de nos climats; enfin, le Carihame, faux safran, introduit aussi dans lesculturesd'essai, deviendra, si Ton veut, une source de richesse pour le pays. Cette plante tinctoriale remplacerait les provenances de l'Egypte et de l'Inde dont nous sommes tributaires. Quoique les travaux de la ferme-école fassent l'ob- jet d'un rapport spécial, nous mentionnerons avec les éloges qu'ils méritent, sa direction éclairée, le bon esprit qui y règne, et les progrès des élèves; pé- pinière intéressante d'agriculteurs intelligents et. exercés, pour l'avenir d'un déparlement si favorisé par la nature, et qui peut aisément figurer au rang des contrées les plus productives.^ lorsque, tenant moins aux usages et à la pratique de leurs ancêtres, ses habitants entreront plus résolument dans les voies nouvelles tracées par des agronomes habiles, et déjà consacrées par l'expérience. 293 A ce discours accueilli par l'assemblée avec un vif inlérêt, a succédé un rapport de M. Charles Lazerme sur les meilleures exploitations, la culture fourra- gère, les engrais, le dessèchement des terrains ma- récageux. Rédigé avec soin et clarté, ce rapport pré- sente dés vues saines et des aperçus remarquables sur les améliorations obtenues, el ce que la commis- sion estime le plus avantageux au progrès de l'art agricole dans le Roussillon. M. Companyo, interprète de la commission pour le reboisement des terrains en pente et la greffe du chéne-liége, a fait ressortir, par une juste apprécia- tion, les résultais importants de l'allocaiion annuelle des primes pour cet objet, et a proclamé une vérité : c'est que la transplantation et la greffe du chêne- liége, pratiquées depuis peu, feront en quelque sorte révolution dans cette branche si productive de la sil- vicullure du département. Plusieurs pièces de vers ont interrompu la mono- tonie d'une séance agricole et scientifique. INous nous plaisons à citer les noms de JV1°''= Anaïs Biu- Faure, de M. Fabre, professeur au collège de Perpi- gnan, de MM. Sirven et Rouffia. L'excellente musique du ôl"^ a contribué à l'éclat de cette séance solennelle, où l'on doit regretter de ne pas voir annuellement un plus grand nombre de dames et de personnes qui, par leur position, donne- raient plus de valeur aux efforts constants de la So- ciété des Pyrénées-Orientales, pour la considération et le piogrés d'un art qui en définitive est la vie du pays. •294 l'RlHES ET MAILLES Décernées dans la Séance du 26 décembre 4850. PRIMES ALLOUÉES PAR LE MINISTÈRE DE l' AGRICULTURE. 1° Pour l'exploitation la mieux dirigée. A M. le marquis d'AuLerjon, propriétaire des do- maines de Vezian et Saint-Nicolas, près de Pon- teilla, canton de Tliuir, arrondissement de Perpi- gnan 300 fr. A MM. Durand frères, propriétaires à St- Nazaire^ canton et arrondissement de Perpi- gnan 300 2o Culture fourragère dans les Jspres. A M. Foxonnet, à la métairie de Puigsou- tré, canton et arrondissement de Perpignan. 150 3" Pour fidélité domestique. A Gauderique Delort, granger, depuis plus de quarante ans chez M. Junquères, de Ville- longue-de-la-Salanque, canton et arrondisse- ment de Perpignan 50 4" Encouragement aux élèves de la ferme-école. A MM. Joseph Delosle, Pierre Labau, An- dré Boy, Auguste Bourdaneill, quatre ouvra- ges d'agriculture 20 A reporter 820 295 Report 820 fi . 50 Pour la meilleure confection des fumiers. A M. Vimort-Maux, manufacturier à Per- pignan. Essais chimiques 1 50 Aux agents de M. Lazerme, pour bonne manipulation des fumiers d'étable 50 6*^ Pour l'assainissement de plus de 4 hectares de terres marécageuses. A M. Rovira-Jalabert, propriétaire à Ca- uohes, canton et arrondissement de Perpi- gnan 300 7° Pour petites éducations de vers à soie. A Marthe Pla, Julie lîourrat, Auguste Salles, François Sirach, tous habitants de Latour : ensemble 1 00 TOTAL 1 .420 PRIMES ALLOUÉES PAR LE MINISTÈRE ET LE DÉPARTEMENT. Primes pour l'amélioration de la race bovine. TAUREAUX. Canton de Latour. MM. Baudet, Pierre, propriétaire à Montalba, 100fr.| lonr, De Gineslous, id. à Bélesta, 80 j Canton de M il lai. MM. Labau, Baptiste, propriétaire à Ille, 100 Thorens, Jean, id. à Millas, 80 . Delmas, Bonaveiiture, id. à St-Féliu-d' Amont, 60 Billcs-Péramy, id. à Pézilla, 50 J Reporter 470 1296 Report 470IV Canton de Thuir. Mme Jaubert, propriétaire à Thuir, lOOfr. ^ .„„ 460 M. Cuillé, Germain, id. à Perpignan, 80 Canton (T Argcles-sur-Mcr . MM. Turé, Joseph, propr. à Argelès- sur-Mer, 100 Saletés, Jean, id. à id., 80 ^^ «25 Canal, Hyacinthe, id. à Palau-del-Vidre (supplémentaire), 45 Canton de Sournla. MM. Fillol, Pierre, propriétaire à Tarerach, 100 "^ „ Carol, Jean-Pierre, id. à Rabouillet, 60 ) • Canton de Prades. MM. Ruffiaiidis, Isidore, propriétaire à Prades, 125 Myr, François, id. à Estoher, 100 Fillols, François-Raymond, id. à id., 80 Dalmer, Michel, id. à Prades, 60 Bigorre, Joseph, id, à Vernet (supplém.), 50 Verges, Joseph, id. à Estoher (supplém.), 45 Canton d'Olette MM. Giralt, Bonaventure, propriétaire à Olelte, Félip, Antoine, id. à Oreilla, Greino, Bonaventure, id. à Serdinya, 80 ^ .„ Arnaud, Pierre, id. à Sahorre, Bordes, Joseph, id. à Thuès. Broch, Joseph, id. à Souanyas (supplém.), Canton de Mont-Louis. MM. Salvat-Bergère, propriétaire à Mont-Louis, 125 Badie, Pascal, id., 100 Anglade, Michel, id. à Fontpédrouse, 80 \ 415 Blanc, Pierre -Martin, id. à La Cabanasse, 60 Ferré, Jacques, id. à id., 50 J reporter 2.370 315 297 Rcjjurt 2.370fF. Canton de Saillagouse. MM, Girvès, Sauveur, propriétaire à Err, Girvès, Abdon, id. à Saillagouse, , CoU, Jacques, id. à Sainte-Léocadie, 80 |> 415 Baille, Jean, id. à Bourg-Madame, Colomer, Barthélémy, id. à Odeillô, Canton d'Arles. MM. Pujade, Joseph, propriétaire à Arles, 100 \ Boix, Joseph, id. à Arles, 80 ( 210 Do, Pierre, de Céret, 60 ) Canton de Prats-de-Moll6. MM. Sicre, Joseph, propriétaire, Coste, André, id., Ayax, Pierre, id.. Non, Jacques, id., VACHES. Canton de Latour. MM. Dobat, François, propriétaire à Cassagnes, 40 ) _^ Clemens, Jacques, id. à Rasiguères, 35 ) Canton de Mi lias. M. Vidal, propriétaire à Neffiach, 75 Canton de Thiiir. M. Cuillé, Germain, propriétaire à Perpignan, 75 Canton d' Argelcs-sur-Mer . MM. Falguères, propriétaire à Palau, 40 Pages, Sébastien, id. à id., 35 Canton de Sournia- M. Fillol, Jean, propriétaire à Vira, 75 A n'iioiicr 3.715 75 298 Report. . . . 3.715fr. Canton de Mont-Louis. MM. Rogé, propriétaire à La Llagonne, Ferré, Jacques, id. à La Cabanasse, Canton de Saillagouse. 35 40 ] 75 M. Blanc, Joseph, propriétaire à Saillagouse, Canton de Prats-de-MoUô. 75 M. Dunyach, Joseph, propriétaire, TOTAL, .' . . . 75 3.940 PRIMES POUR PLANTATIONS SUR LES TERRAINS EN PENTE ET POUR LA GREFFE DU CHÊNE LIÈGE. 1» Pour plantations. MM. Paras, Baptiste, propriétaire à Arles, 300 Cr. Rigaill, Joseph, id. à Calmeilles, 240 Galangau, Bonaventurc, id. à Montferrer, 100 Vilar, Paul, à Laroque, 100 Vial, Joseph, à Prats-de-Moll6, 60 Vilar, André, à Prades, 200 Delamont cadet, à id., 100 Couderc, propriétaire à Vernet, 125 Liée, Bonaventure, id. à Estoher, 100 Solatges, Jacques, id. à id., 50 Pons, Jacques, id. à Valmanya, 100 Solera, Jean, id. à id., 100 2" Pour la greffe du chêne-liége. Py, François, propriétaire à Cosperons, 150 Marill, François, à Maureillas, 115 Vinycs, agent d'exploitation de M. Âzémar, au Perthus, 50 Thorrent, Joseph, à 0ms, inventeur, pour récompense en continuation de celles accordées, 100 TOTAL 1.990 299 ^ RAPPORT SIJR LES CONCOURS AGRICOLES M 1850. Pourquoi sommes-nous donc obligé de constater, cette année, dans l'agriculture de notre déparle- ment, de nouvelles souffrances? C'est qu'aux causes du passé, bien des fois signalées par nous, sont ve- nus se joindre des désastres provoqués par nos crises politiques. Un travail opiniâtre, de la persévérance pour pré- venir le découragement, de l'activité et de l'écono- mie dans le service agricole, sont plus que jamais nécessaires pour nous aider à sortir , sinon sans per- tes réelles, du moins aussi peu meurtris que possi- ble, d'un état de malaise dont le terme pourrait être la ruine, s'il se prolongeait. Votre Société ne manquera pas à ses nouveaux devoirs; ses efforts, combinés avec les encourage- ments que dispense le gouvernement, ne se ralenti- ront pas; et, s'ils produisent quelque bien, n'ou- blions pas que nous devons d'avance en reporter le mérite sur notre digne Président, dont le zèle (qu'il nous soit permis de le dire en passant) est au-dessus de nos faibles éloges. La dette énorme qui pèse sur la propriété, l'ap- pauvrissement de son crédit qui en est la consé- quence, et, surtout, l'avilissement du prix des dcn- 300 rées, oni provoqué en France un immense concert de plaintes. Le gouvernement les a entendues -, il y ré- pond d'abord par le cri de confiance, et il cherche ensuite par mille moyens à prouver qu'il désire ap- porter un remède à nos douleurs. Ce sont des conseils, des encouragements, des en- quêtes, des questions qu'il pose et auxquelles il de mande une réponse. Quel bien résultera-t-il de tou- tes ces tentatives? 11 y a peu de jours, nous avons vu réunis auprès du premier magistrat de notre département, les délé- t'ués de tous les cantons dont la mission était d'indi- quer les meilleures mesures à prendre pour aug- menter la valeur et les revenus de nos propriétés. La Société, représentée dans cette réunion par son président, sait déjà que le plus important des pro- jets proposés, celui qui a été soutenu avec le plus d'ardeur devant l'autorité supérieure, a été l'irriga- tion des nombreuses terres si admirablement dispo- sées par la nature pour en recevoir les bienfaits. La Société doit s'associer à ce vœu ; car elle n'i- gnore pas que si ce problême venait à être résolu, — et notre opinion profonde est qu'avec les secours de l'Etat la chose est très praticable, — nous verrions l'a- griculture du Roussillon prendre d'immenses pro- portions, les ruines amoncelées autour de nous dis- paraître, et un nouvel horizon s'ouvrir à nos yeux. Mais, en attendant la réalisation de quelques-unes de ces belles espérances, songeons au présent, repre- nons notre tâche, et voyons de quelle manière votre commission vous propose de distribuer les primes que le ministère de l'agriculture a mises à votre dis- position. 301 La prime de 500 francs, destinée à la meilleure «xploiiaiion, et celle de 400, réservée à la meilleure culture de plantes fourragères, ont été disputées par trois concurrents sérieux. Nous allons donner un aperçu de l'état des trois domaines que nous avons explorés, et vous dire dans quelles proportions nous vous proposons de distri- buer ces primes. Le premier concurrent est M. d'Auberjon. Sa pro- priété se divise en deux parties distinctes: celle dite Mas Vésian, dans le terroir de Toulouges, et celle dite Saint-Nicolas, dans la commune de Ponteilla. Nous ne parlerons pas' de la première qui vient de passer, depuis très peu de temps, des mains de co- lons partiaires dans celles du propriétaire. Là, tout est à rétablir, et nous nous contenterons d'approuver des plans qui ont reçu un commencement d'exécu- tion. Ils sont bien conçus et ne peuvent donner que de bons résultats. La métairie de Saint-lSicolas , a surtout fixé no- tre attention. Indépendamment d'un immense vi- gnoble sur lequel nous n'insistons pas, et qui est une des plus vastes créations du pays dans ce genre, nous avons constaté une métbode de culture extrê- mement avancée. C'est ainsi que, sur un bien exclu- sivement composé de terres asprcs, l'abondance des fourrages est excessive ; des bestiaux en grand nom- bre sont entretenus largement, et donnent, par con- séquent, des engrais considéi-ables. Enfin, le problê- me si difficile de la production d'herbages si rares dans ces contrées, a été victorieusement résolu. On sait qu'en général les propriéiaises des nspres sont obligés, chaque année, d'aller se pourvoir, dans 302 les communes voisines irriguées, de la plus grande par lie des fourrages qui leur sont nécessaires pour la nourriture de leurs bêtes de labour, dont le nom- bre est toujours restreint dans un but d'économie; qu'une notable partie de leurs revenus est consacrée à ces acquisitions, et que c'est là la cause princi- pale de leurs souffrances. A Saint-Nicolas, on s'est affranchi de ce tribut oné- reux par la culture en grand de Vcsparcet, du trèfle €t de la luzerne. Nous avons vu les approvisionne- ments soigneusement enfermés dans de vastes maga- sins, ou conservés au dehors en meules qui garantis- sent l'entretien d'un bétail beaucoup plus nombreux que celui qui est employé dans les exploitations voisines. Indépendamment de ces richesses fourragères, créées à Saint-Nicolas, M. d'Auberjon a fait tous les sacrifices nécessaires pour l'emploi de divers insiru- raenis nouveaux. Les charrues anciennes du pays ont été remplacées par des charrues en fer. On nous a présenté les houes à cheval, si utilement employées par les vignerons du déparlement de l'Aude; un râ- teau à pointes en fer pour le râtelage des prairies ar- tificielles, qu'un homme seul dirige avec un cheval ; un double rouleau à pointes, employé comme émot- toir; enfin, une forge convenablement installée et munie d'un appareil destiné à feirer les breufs de tra- vail. Nous conseillerons toujours Temploi de cet appareil que, dans chaque village, tout forgeron de- vrait posséder, car il augmente encore l'avantage of- fert par les bœufs sur les chevaux. M. d'Auberjon est avantageusement secondé dans l'adminisiration de son domaine par M. Calvet, 303 homme actif et iniclligeni. C'csi sous sa direciiun qu'une vaste étendue de vacants ou garrigues a été défrichée et défendue avec soin contre les ravine- ments par des fossés dont les pentes sont parfaite- ment ménagées. Le deuxième concurrent est M. L. Duiand. Hà- tons-nous d'adresser à MM. Durand frères tous les éloges qu'ils méritent pour l'activité, l'intelligence et l'énergie du travail qu'ils déployent chaque jour dans leur exploitation de Saint-Nazaire , une des plus vastes du pays. Celte exploitation offre un caractère particulier; c'est l'application des anciennes méthodes du pays en- treprise avec tout le succès qu'il est possihle d'espérer. Ici tout est sacrifié aux troupeaux, tout est fait pour leur procurer un parcours étendu et facile, pour utiliser des pacages abondants et de diverse nature. Semer beaucoup de terres en blé pour en récolter de grandes quantités, enti-etenir un grand nombre de bêtes à laine, est le but unique de cette culture; et si l'on ne remarque pas les traces de ces soins mi- nutieux qu'exige la production des récolles va- riées, c'est que dans ce grand cadre il s'agit avant tout d'obtenir des revenus avec très peu de frais. Ce qui a particulièrement attiré l'attention de vo- tre commission, c'est le choix et la qualité des bes- tiaux destinés au travail. Les MM. Durand sont, il faut le dire, les cultivateurs qui ont porté au plus haut degré l'amour des belles espèces bovines : trente- quatre bœufs, tous d'une conformation parfaite et appartenant à cette race si belle, si estimée de So- lère, sont réunis dans deux vastes écuries. Chaque année, un certain nombre de nouveaux sujets arri- 304 vent de l'Auvergne pour remplacer ceux, qui, après quatre ou cinq ans de service, sont réformés, engrais- sés et livrés à la boucherie. Leur nombre est ordi- nairement de sept à huit. Dix chevaux ou juments de première force, vien- nent encore en aide aux attelages de bœufs; ils sont plus spécialement affectés aux transports des den- rées et des engrais. C'est à l'emploi de pareils bes- tiaux que sont dus les labours réguliers et profonds que nous avons partout reconnus. De grandes prairies naturelles et de vastes luzer- nières sont exclusivement réservées à nourrir ce nombreux bétail, et permettent encore, indépen- damment des engrais des bœufs, d'élever huit pou- lains de tout âge et de beaucoup d'espérance, et d'en- tretenir dans les écuries, pendant les mauvais jours de riiiver, seize cents bêtes ovines. Si, comme nous le pensons, vingt têtes ovines donnent le fumier d'un bœuf ou d'un cheval, une moyenne de cent trente cinq têtes de gros bétail for- me la base des engrais de ce domaine. Cette pro- portion est évidemment inférieure à ce qu^elle de- vrait être; mais votre commission a tout lieu de croire qu'avant peu cet état de choses sera modifié. Il semble, en effet, que c'est vers ce but que de- vaient tendre tous les efforts, et qu^à tout prix il fal- lait se procurer de nouveaux herbages; car, pour y parvenir, il a été entrepris un travail fort remarqua- ble sur lequel nous devons appeler votre attention. Au confluent du Réart et de l'étang de Saint-Na- zaire, sur la rive gauche, existaient autrefois des ter- rains appelés Salobres de Malte, d'une contenance d'environ vingt hectares. Ces terrains, parsemés de 30.5 quelques piaules de soude, ne servaient qu'au par- eouis des iioupeaux et valaienl à peine (U) francs l'hectare. Il y a quatre ans, les MM. Durand eurent l'idée de les transformer en prairies au moyen du colma- tage par les débordements de la rivière. A cet effet, ils construisirent, sur une largeur de douze cents mètres, une digue de huit mètres de base et de trois mètres de haut qui, partant du coteau de Saint-Na- zaire, fut dirigée perpendiculairement sur le cours du Réart. Depuis cette époque, les colmatages ont eu lieu cliaque année; et, chaque année, le limon qui est déposé par les eaux troubles dans ce grand espace clôturé, bonifie le sol en le relevant. Déjà plusieurs hectares sont définitivement con- vertis en riches prairies, que nous avons parcourues avec le plus vif intérêt. Le reste, on le voit, aura en peu d'années atteint le même degré d'améliora- tion. C'est une vaste et belle conquête; c'est de la terre créée que l'on a retirée du fond des eaux; c'est un essai heureux et habile en même temps, dont le succès a été complet, et qui en déterminera d'autres du même genre chez les propriétaires voisins; c'est, en un mot, un utile enseignement dont l'agriculture de ce pays est redevable aux MlM. Durand, et qui est destmé à leur faire le plus grand honneur : il té- moignera de ce que peut faire une volonté persévé- rante aidée de l'intelligence et des lumières dé- ployées dans l'exécution. M. Foxonnet a, deux fois, mérité les encourage- ments de la Société pour les soins qu'il ne cesse 20 30(; crappoilcr à la cullurc du domaine de Puigsoutré, ei particulièrement pour la grande extension qu'il a donnée aux plantes fourragères. Cette année encore, il s'est présenté au concours; et votre commission a pensé qu'à la persévérance dans le bien, elle devait répondre parla persévérance dans les récompenses. Elle s'est transportée sur les lieux pour reconnaître l'exactitude des améliorations fourragères qui sont devenues normales sur ce do- maine. Ainsi, sur quatre-vingt-treize hectares de ter- res cultivées, vingt-quatre sont semées de luzerne et huit en prairie naturelle; c'est donc le tiers de la to- talité qui est destiné aux herbages. Cette proportion est bien élevée; et cependant, il faut encore mentionner environ vingt-deux hectares de terrainsqui, au lieu de rester à l'état de falai.se, sont couverts de vesses, d'orge, de lentilles sauvages, pro- pres à la dépaissance du bétail en hiver et au printemps. Il n'est guère possible de pousser plus loin les va- leurs fourragères d'une exploitation sur de pareils terrains. M. Guiraud, deSaint-Marsal a cru devoir s'associer, lui aussi, aux efforts de son fermier. Sur sa de- mande, il a fait construire un vaste local dont les proportions sont un véritable modèle de construc- tion rurale à suivre par nos agriculteurs : un han- gar, une écurie, une bergerie, servent d'habitation à dix-neuf chevaux, mules ou élèves, et à trois cent cinquante brebis. M. Foxonnet a encore beaucoup d'espace vide. Il peut donc considérablement aug- menter son bétail. Son intérêt et ses bonnes disposi- tions nous assurent qu'il ne négligera pas cette im- portante amélioration. 307 Voici comment, après en avoir miiremcni déli- béré, votre commission vous propose de distribuer la prime de 500 francs et celle de 400 entre les trois concurrents : Sur le total de 900 francs, elle propose de donner : A M. d'Auberjon, 300fr.,et une médaille d'argent; A M. Durand, 300fr.,etune médaille d'argent; A M . Foxonnet, 1 50 fr. Sur les 1 50 francs restant, une somme de 50 francs serait destinée à remplir le vœu si souvent manifesté par la Société, de décerner une récompense solen- nelle à la fidélité domestique. En conséquence, nous avons l'bonneur de vous pro- poser d'accorder une prime de 50 francs au sieur Gau- dérique Delort, de Villelongue-de-la-Salanque. Cet homme, âgé de soixante-douze ans, est resté pendant quarante-deux ans au service de la famille Jonquè- res en qualité de granger. Le certificat de M. le maire de la commune cons- tate suffisamment ses longs et loyaux services, sa conduite irréprochable, et sa fidélité à toute épreuve pendant le veuvage de M""^ Jonquères, qui a pu, grâce à ce précieux et rare dévoûment, diriger les affaires de ses enfants jusqu'à leur majorité. Gaudérique Delort sera, nous n'en doutons pas, plus sensible à l'honneur d'une pareille récompense qu'à l'importance de la somme; et cet acte de haute morale produira certainement le meilleur effet dans nos campagnes. La visite que nous avons faite à la Ferme-école du département, a laissé à chacun de nous, messieurs, l'impression la plus favorable. Nous n'avons pu juger cjue rapidement; mais nous avons vu avec plaisir 308 que tout y respire la règle, l'économie, la discipline et une bonne direction. Il nous a paru convenable, après avoir attribué à M. Cuillé la part d'éloges qui lui revient si légitime- ment comme directeur, de vous proposer d'affecter sur les 100 francs restant, une somme de 40 francs à l'achat de quelques bons livres d'agriculture, que la Société distribuera à titre d'encouragement aux trois élèves qui auront obtenu les premiers numéros dans le classement de l'école. Enfin, 60 francs seraient réservés aux deux mé- dailles de MM. d'Auberjon et Durand et aux frais de tournée. Une dernière prime, messieurs, nous reste à dis- tribuer; c'est celle de 400 francs pour assainissement de terrains. M. Rovira-Jalabert, propriétaire à Canohes, s'éianl présenté, votre commission s'est rendue sur son do- maine, et a pu se convaincre que c'est avec des titres légitimes que ce propriétaire aspirait à la prime. En effet, depuis quatre ans environ, il a employé tous ses soins, son intelligence et des sommes considéra- bles a améliorer des terrains humides, peuplés de joncs où l'eau naissait sous la pression du pied, au point d'en faire d'excellentes terres dont les produits sont aujourd'hui augmentés de plus de 80 °/o- Pour arriver à ce résuhat , il a creusé h quinze mètres de dislance l'une de l'auire et sur une sur- face de plus de vingt hectares, des rigoles de cin- quante centimètres de largeur sur quatre-vingt de profondeur qu'il a comblées ensuite avec de grosses pierres jusqu'à trente centimètres au-dessous du ni- veau du sol. La terre extraite a servi à combler ce qui restait, ei à niveler les champs. A chaque rigole on a ménagé une pente pour que les eaux intérieu- res, filtrant à travers les pierres, viennent se déver- ser dans un fossé commun, et forment comme autant de fontaines jaillissantes qui sont l'unique trace ap- parente qui reste de cet immense travail. Plusieurs fouilles ont éîé faites sous nos yeux afin que nous pussions apprécier le jeu des eaux. Cette opération n'est du reste autre chose que le drainage si fort recommandé par tous les agronomes du Nord pour l'amélioration des terrains humides. M. Rovira-Jalabert ne se borne pas à des travaux d'amélioration sur ses terres; il soigne ses champs mieux que ses voisins, les nivelle comme pour les convertir en jardins, et ne néglige aucun sacrifice pour leur assurer des engrais abondants. C'est à tous ces litres que nous sommes heureux de vous proposer de lui allouer, malgré l'absence de concurrents, la somme de 300 francs. Si nous avons retranché 100 francs sur le mon- tant de la prime dont M. Rovira s'est si bien rendu digne, c'est que nous avons à cœur de pouvoir rem- plir une lacune qui existe dans les encouragements agricoles de notre département. Vous n'ignorez pas combien il serait important de voir s'introduire dans notre pays l'usage des petites éducations de vers à soie 5 car il est bien reconnu que jamais les grandes magnaneries ne donnent d'aussi bons résultats que les petites éducations fai- tes par les cultivateurs au milieu de leur famille. La feuille des nombreux mûriers plantés depuis vingt ans augmente chaque jour avec l'âge des ar- bres j si elle était toute utilement employée, nous 310 pourrions, dès aujourd'hui, livrer au couiuierce une somme considérable de nos produits. Faisons donc quelques efforts pour que pas une feuille ne reste sans emploi; et c'est ce qui arrivera indubitablement si la population est encouragée à entrer dans la voie des petites éducations. La commune de Laiour-de-France se distingue entre toutes par ses bonnes dispositions h faire pros- pérer celte branche d'industrie. Gesi dans cette com- mune que les petites magnaneries ont obtenu le plus de succès; ne pensez-vous pas qu'il serait convena- ble de venir à son aide, en distribuant quatre primes de 25 francs aux éleveurs qui nous ont été signalés comme particulièrement dignes de cet encourage- ment? Ce sont : MM. Auguste Sailly et François Sirach; Mlle* Julie Bouret et Marthe Pla. Ch. Lazerme. OCELOyES CONSIDERATIONS SUR LES INSECTES NUISIBLES A L'AGRICULTURE. La vie des champs, vantée par tant de poètes, est pleine, en effet, de douces joies, de plaisirs purs, d'ineffables consolations, de ressources contre les tourments de l'ambition et les autres peines du cœur 311 et de l'esprii; mais elle a aussi ses mauvais jours, ses heures de tristesse et de souffrance, parce qu'il n'y a pas de médaille sans revers, de lumière sans om- bre. L'existence de l'agriculteur est une existence de luttes et de mécomptes. Quand je dis agricul- teur, je ne parle pas de celui qui ne voit ses champs, ses vergers et ses vignes que lorsqu'ils sont couverts de fleurs ou qu'ils vont donner leurs fruits; qui ne s'éloigne des villes que pour chercher les beaux si- tes, un air plus pur, une distraction à ses ennuis, un repos à ses intrigues, un délassement aux fatigues d'une profession laborieuse ; qui ne parcourt dans son domaine que le jardin anglais dont les massifs voilent souvent bien des misères. Celui-là ne connaît de la vie champêtre que ses charmes et ses dou- ceurs; je parle de celui qui, sans cesse aux prises avec les labeurs et les chances de sa situation, en apprécie aussi bien les joies que les vicissitudes, ac- complit avec patience et dévoûment la mission qu'il s'est donnée, et achette, au prix de grands sacrifices et de constants efforts, des succès que balancent trop souvent des pertes et même des revers. Ce dernier, qui seul mérite le titre d'agriculteur, est entouré de dangers qui l'assaillent a l'improviste et contre lesquels son impuissance est absolue: il vit en guerre ouverte avec des ennemis nombreux qui semblent s'acharner à lui faire perdre le fruit de ses travaux. Ce sont, indépendamment des accidents météorologiques : pluies, grêles, gelées, sécheresses, inondations; indépendamment de la négligence, de l'incurie et de l'infidélité de ceux qu'il associe à ses travaux; ce sont, dis-je, les maladies qui déciment ses bestiaux ; la rouille et la carie qui attaquent ses 312 blés; la cusculc qui enlace el étouffe ses lins, ses trèfles el ses luzernes; \a pourriture, doni la nature et la cause sont inconnues, qui détruit ses pommes de terre, \e feu volage qui frappe de mort ses mû- riers et bien d'autres arbres; les plantes parasites qui infestent ses i-écoltes et les compromettent; les oi- seaux qui bouleversent ses semis ou gaspillent ses grains mûrs; le renard, la fouine et ses congénères qui dévastent ses poulaillers; la taupe qui laboure ses prairies et creuse des puisards par où se perdent les eaux destinées à l'irrigation. Ce sont surtout ces myriades d'insectes qui, sous leurs diverses formes, attaquent à l'envi tous les produits du sol, herbes el grains, arbres et fruits. Il y a même ceci de remarquable et d'affligeant, qu'à mesure qu'une industrie agricole, qu'une cul- ture quelconque , encouragées par les avantages qu'elles présentent, se propagent et se développent, des causes de destruction s'organisent et se propagent aussi. Au début, il semble qu'on n'ait à redouter que les intempéries; la terre paraît sourire; elle produit sans déchet les récoltes notivelles dont on lui a con- fié les germes; la muscardine ne pénètre pas dans les magnaneries; la pyrale respecte les vignes; la cus- cute épargne les luzernes; les pommes de terre sont exemptes de pourriture; mais plus lard, lorsque ces cultures se sont généralisées, lorsque l'éducation des vers à soie est devenue vulgaire, l'ennemi dont on ne se défiait pas s'annonce par une invasion brusque ou progressive, et vient demander sa part des pro- duits. Comme si une loi suprême, qui semble s'ap- pliquer à l'homme lui-même, avait fixé la limite au- delà de laquelle tout être organisé ne peut s'étendre 313 sans danger pour lui; comme s'il y avail, dans l'or- dre des desseins de la nature, un danger à ce que telle espèce de végétal ou d'animal devînt prépon- déranie et absorbât une place qui était occupée par d'autres que lui. Cette loi, si elle existe comme tout porte à le croire, expliquerait, jusqu'à un certain point, Tinu- lilité des efforts de l'agriculteur pour se préserver des ennemis qu'il redoute, et pour se défendre de ceux qui l'attaquent. Pour ne parler que des insectes, qui constituent peut-être la plaie la plus étendue et la plus incura- ble de l'agriculture, que h'a-t-ou pas fait jusqu'ici; que n'a-t-on pas imaginé pour s'en garantir ou s'en délivrer? Si je voulais passer en revue toutes les espèces re- connues nuisibles et tous les procédés employés pour les combattre, le chapitre serait long, et, de plus, humiliant pour la vanité de l'homme, qui verrait sa science confondue, ses efforts déjoués par les plus petits des animaux. Et cela devait être; car qu'est-ce que Thomme pour celui qui recherche les lois philosophiques de la nature, et qui constate à chaque pas son admira- ble sollicitude pour tous les êtres, ses merveilleuses ressources pour leur conservation et leur propaga- tion? L'homme, dût son orgueil s'en offenser, n'est qu'une espèce parmi des milliers d'autres espèces, qu'une unité du grand tout, cherchant, comme l'in- secte qu'il foule aux pieds, son bien-être et sa con- servation par les moyens que la nature lui a donnés; heureux s'il ne sort pas, pour devenir une cause de désordre moral ou physi({ue, des voies qui lui ont été tracées! 314 Je sais bien qu'on a dii à l'homme que tout lui appartient sur celte terre; je sais que, pour signaler son empire, et comme pour prendre possession de son domaine, il s'est asservi quelques plantes et quel- ques animaux ; mais sa domination n'est que l'œuvre de son intelligence ou de sa force, ou, si l'on veut, de cette autre loi qui assujettit l'inepte et le faible à l'intelligent et au fort. Cette domination ne se maintient que par une violence continuelle sur les espèces asservies ; car si la main de l'homme cessait de se faire sentir, elles reviendraient bientôt à cet état sauvage qui est l'étal primitif. Voyez-le, d'ailleurs, la nature elle-même semble protester contre les envahissements de l'homme , comme s'ils constituaient une sorte d'usurpation. Les plantes qu'il cultive, les animaux qu'il élève sont devenus plus impressionnables, plus fragiles, et, en outre, elle a déchaîné contre lui, pour arrêter sa marche et comme pour lui faire sentir son impuis- sance et son néant, non pas les grands animaux, qui n'auraient pas grand mérite à faire fuir devant eux ce superbe dominateur, mais de chétifs et quelque- fois d'invisibles insectes. Si ces réflexions sont vraies, il semble naturel d'en conclure que l'homme est impuissant à se défendre des insectes que la nature elle-même lui a donnés pour ennemis. Puisque cette thèse est la nôtre, es- sayons de la prouver par les raisonnements et les faits. Se préserver d'un ennemi, c'est l'empêcher de ve- nir; s'en délivrer , c'est le faire périr quand il est venu, ou le mettre en fuite et l'empêcher de re- venir. Je ne connais pas un seul remède efficace pour 315 prévenir l'invasion d'un insecte ou pour le mettre (léfiniiivement en fuite; il n'en existe pas, que je sache, et je ne m'en étonne pas; car, comment em- pêcherait-on, par exemple, Voscinis pumilionis, Ya- griotcs segetis, Vagapanthia marginella, le cephus tabi- dus et tant d'autres, si funestes aux céréales, de se jeter sur un champ de froment ou de seigle? Com- ment arrêter au passage la counilière qui chemine sous terre, ou comment la forcer à vider les lieux? Comment détourner d'une vigne Yeumolpus, le rhin- chites, \apyrale et les teignes qui ont hesoin, pour vi- vre, de ses feuilles et de ses grappes? Comment pré- server un semis de choux des ravages de Valtise? Comment éloigner de nos vergers et de nos forets les insectes de tant de sortes : bombix, phalènes, cossus, bostriches y charançons, etc., qui en veulent aux feuilles, aux hois ou aux fruits? Comment écarter de leur hut ces animaux dont les uns volent le jour, les autres la nuit, et qui tous sont poussés par un instinct et des hesoins irrésistibles? Les grands ani- maux ne peuvent se défendre des œstres qui dépo- sent leurs œufs sur leur corps, des taons qui boivent leur sang, et l'homme disperserait loin de lui des insectes beaucoup plus petits, des insectes nocturnes, et volant hors de sa portée ! Si nous n'avions le té- moignage des faits, la raison seule nous dirait que c'est impossible. Les journaux cependant ont publié dernièrement un procédé pour expulser des greniers la calandre qui attaque le froment. Il s'agirait, tout simplement, de déposer, près des las de froment, des fagots de chanvre non roui. On assure que l'odeur de cette plante met en fuite les charançons, et que le grenier 316 eu est enlièremeni débarrassé. Quoique je n'aie pas été témoin de ce fait, je ne me pernieiirai pas de le nier; mais j'avoue, pourtant, qu^avant d'admettre définitivement le procédé comme bon, j'éprouve le besoin ou de voir faire l'expérience plus d'une fois, ou d'apprendre qu'elle a été souvent renouvelée avec succès. J'ai besoin de savoir si l'odeur du cbanvre expulse les cbarançons blottis dans l'intérieur du tas ou logés dans les grains; et si, d'une récolte de chanvre à l'autre, cette plante conserve la propriété non-seulement de chasser les charançons, mais en- core de les empêcher de revenir; car s'ils reviennent ils pondront leurs œufs, et les larves qui en naîtront seront, j'en réponds d'avance, insensibles à l'action du chanvre le plus frais et le plus odorant. Je ne conteste pas, puisque je ne puis prouver le contraire en ce moment, que l'odeur du chanvre ne soit in- commode au charançon du blé; mais ce que je sais, c'est que les odeurs préconisées contre les insectes qui attaquent les collections sont sans résultat au- cun; car les anthrencs et les dermestes pénètrent, pondent et se métamorphosent dans les boîtes et les meubles infectés de camphre, d'essence de ser- polet, etc. Quoi qu'il en soit, et généralement parlant, je re- garde comme incontestable que l'homme n'a, au point de vue agricole, aucun moyen efficace de pré- venir l'invasion des insectes ou de les forcer à fuir sans retour. La question se réduit donc à savoir s'il lui est pos- sible de les détruire lorsqu'ils ont envahi sa pro- priété. Voyons, sous ce rapport, ce que l'on a fait ou ce qu'il paraît possible de faire. 317 Les céréales sont ailaquées par plusieurs sortes d'insecies : les uns se tléveloppeni, se transformeni, passent enfin par loules les phases de leur existence durant la vie de la plante aux dépens de laquelle ils se nourrissent. Pour ceux-là, nous ne voyons pas un moyen proposable de destruction; car on ne peut pas sacrifier toute une récolte pour le plaisir de dé- truire des insectes qui vont en faire perdre une par- tie, lorsque surtout, en prenant ce parti, on ne mo- difie en rien les chances de la récolte suivante. Les autres, après avoir vécu dans le chaume ou dans l'épi, descendent, avant la récolte, au collet de la racine, ou s'enfoncent dans la terre, et c'est là qu'ils subissent leurs métamorphoses, pour devenir insec- tes parfaits au printemps suivant. Potir ces derniers, on peut, ainsi que l'indique M. Guérin-Méneville pour Yagapantliia-niarginella , appelée aiguillonnier dans certaines contrées, brûler ou enfouir les chau- mes qui restent après la moisson; et quant à ceux qui se sont cachés dans le sol, on peut essayer de les détruire par des labours; mais ces moyens sont évi- demment incomplets, et de plus ils demeureront dérisoires tant que tous les agriculteurs du voisinage et même de la contrée ne les mettront pas en prati- que; car les insectes qui naîtront chez eux iront dé- poser les œufs chez les autres, et il n'y a pas de rai- son pour que l'agriculteur qui aura fait chez lui les frais de l'incinération et des labours, ne soit aussi in- festé que par le passé. Ce qu'il aura détruit n'est rien, en effet, en comparaison de ce qui sera resté vivant chez ses voisins. J'ai bien entendu dire que l'on devrait forcer tous les cultivateurs d'une même contrée de prendre en 318 même temps les mêmes précautions; mais je me persuaderai difficilement qu'on puisse se décider à faire une loi pour contraindre un propriétaire à la- bourer sa jachère à telle époque, alors même qu'il en aurait besoin pour le pacage de ses bestiaux. Jamais on n'obtiendra d'un gouvernement ou d'une assemblée législative quelconque qu'ils fassent aussi bon marché du droit de propriété. Je ne vois, dès- lors, aucun remède contre les insectes dont il s'agit. La courtilière ou taupe-grillon, fait le désespoir des jardiniers et des agriculteurs, surtout dans notre département des Landes : elle dévaste les semis et les plantations de légumes, et pullule à tel point dans les champs, principalement dans ceux des con- trées sablonneuses, qu'on se voit quelquefois réduit, après deux ou trois ensemencements successifs et toujours détruits, à une récolle insignifiante de millet ou de mais. C'est le plus grand fléau des cultures estivales; et tout ce que l'on a fait jusqu'ici pour se préserver de cet insecte malfaisant ou pour le dé- truire est demeuré sans résultat. On connaît bien les moyens d'en prendre un certain nombre ; mais qu'est- ce que cela comparativement à ce qui échappe à tous les pièges? Comment obtenir des résultats apprécia- bles de celle chasse presque infructueuse, si les voi- sins demeurent inactifs et laissent se multiplier chez eux un insecte que rien n'empêche de passer d'un champ à un autre? Notre Société d'agriculture a pro- mis une forte prime à l'auteur d'un procédé infailli- ble pour la destruction ou l'expulsion de la courti- lière; celle prime n'a jamais élé gagnée, et j'oserais affirmer qu'elle ne le sera jamais. 11 y a une douzaine d'années, le gouvernement 319 s'émul de la situation qu'un chéiif insecte, un gra- cieux petit papillon, une pyrale, faisait à quelques départements viticoles. Les ravages étaient considé- rables; ils s'étendaient rapidement; ils semblaient menacer tous les propriétaires de vignes. On envoya dans les localités infestées un homme bien capable d'apprécier la nature du mal et d'y trouver un re- mède. M. Audouin se livra à des études sérieuses sur les habitudes de l'insecte en question ; et il ne trouva d'autre moyen efficace de s'en préserver, que de faire, à l'époque de la ponte, la cueillette des (cufs dépo- sés sur les feuilles. Ce procédé est excellent, sans doute; car l'enlèvement des leufs prévient la nais- sance des chenilles qui-, au printemps suivant, dé- truisent l'espoir du vigneron, et il a cet avantage inappréciable, et pour ainsi dire exceptionnel, de préserver la vigne où il a été appliqué, alors même que les voisins se seraient abstenus; mais, dans la pratique;, il présente de grandes difficultés, et il oc- casionne de grands frais, puisqu'il faut examiner une à une toutes les feuilles de chaque cep. De plus, comme la naissance et la ponte des papillons dure près de deux mois, et que les œufs éclosent peu de jours après qu'ils ont été pondus, il est évident qu'il faudrait, pendant deux mois, se tenir sans cesse dans les vignes pour rechercher les (eufs, ce qui rend la chose fort coiiteuse, fort ennuyeuse, sans compter que beaucoup de pontes échappent et qu'il faut re- commencer tous les ans. Aussi l'idée de M. Audouin a-t-elle été abandonnée, et l'on y a substitué l'arro- sage des ceps pendant l'hiver avec de l'eau bouillante afin de tuer les chenilles cachées sous fécorce ou dans les crevasses du bois. 320 Ce procédé serait chez nous très embarrassant, très imparfait et très onéreux; car nos vignes sont assez hautes: il entre environ huit mille pieds dans un hectare , et les échalas ont bien des cavités où les chenilles peuvent se loger. Il paraît cependant que, dans certaines contrées, on s'en est bien trouvé et qu'on est parvenu à rendre le mal beaucoup moins sensible; mais très certainement, dans ces contrées, la culture de la vigne doit se trouver dans des con- ditions plus favorables à l'application du procédé qu'elle ne le serait chez nous si par malheur nous étions attaqués par la pyrale. 11 faut dire aussi que cet insecte, par ses habitudes, se prêle beaucoup mieux que les autres au succès des moyens de des- truction : sa chenille, en effet, naît en été; elle ne fait pour ainsi dire aucun mal jusquà l'époque où l'abaissement de la température la force à se réfugier sous les écorces, car, durant ce temps, elle entame à peine quelques feuilles ; et si l'on parvient à la faire périr dans les retraites où elle s'est réfugiée, on est certain de ne pas voir dévorer, au printemps sui- vant, les jeunes pousses et les grappes naissantes, alors même que le propriétaire limitrophe aurait laissé ses chenilles en paix, car celles-ci ne voyagent pas d'une vigne à une autre- La guerre contre les insectes se fait rarement avec des chances aussi avantageuses; et cependant, dans les pays les plus favorisés pour combattre avec avan- ta^^e la pyrale, on doit renoncer à détruire cet in- secte, et on ne parvient à atténuer ses ravages que par des efforts simultanés et soutenus. Dans la Provence, les propriétaires d'oliviers jet- tent depuis quelque temps les hauts cris contre une 321 mouche, le dacus oleœ, doni le ver, semblable à relui qui vit dans la cerise , ronge le parenchyme de l'o- live, c'est-à-dire la partie charnue qui fournit l'huile, et diminue, dans des proportions énormes, la quan- tité et la qualité de ce produit. Un entomologiste fort habile, fort expérimenté dans l'étude des mœurs des insectes, M. Guérin-Méneville, a été chargé d'approfondir les causes de ce fléau et de rechercher les moyens d'y mettre un terme. Ne pouvant s'atta- quer au diptère d'où provient tout le mal, il a ima- giné avec raison de s'en prendre aux vers qui en pro- viennent et qui doivent se transformer en mouches. 11 a observé que ces vers, après s'être développés dans les olives, s'enfoncent dans la terre pour se transformer en pupes et plus tard en insectes parfaits; il a constaté l'époque où les vers quittent les olives, et, partant de ce principe incontestable qu'en dé- truisant les vers on suppriuie d'avance les mouches, il a conseillé de cueillir les olives avant le moment où les vers les abandoiïnent. Ce procédé n'est certai- nement pas mauvais; j'ajoute même que je n'en vois pas de meilleur; mais il faut faire la récolte avant la maturité. On est de plus exposé à ne pas bien saisir le moment favorable; et comme des reufs ont été pondus de bonne heure, et que des vers se développent beaucoup plus vite que d'autres, il peut arriver, à moins de cueillir les olives toutes vertes, que beaucoup de vers soient déjà sous terre, en voie de tranformation, lorsqu'on fait la cueillette. Enfin, et ceci est aussi indispensable que difficile, impossi- ble même à obtenir, il faut que tous les propriétai- res d'oliviers d'une contrée fassent en même temps la même opération; car les mouches qui naissent chez 21 322 les uns vont pondre chez les autres. Je reconnais qu'un effort commun et simultané réduirait consi- dérablement le nombre des mouches de l'olivier : mais dans deux ou trois ans, si les circonstances at- mosphériques favorisaient leur multiplication, il fau- drait recommencer; de sorte qu'on peut dire, en toute vérité, que le dacus oleœ échappe à la puissance de rhomme. La grande famille des pucerons, si remarquable par sa prodigieuse fécondité, semble avoir une es- pèce particulière pour chacune de nos plantes pota- gères, pour chacun de nos arbres ou arbrisseaux. Le fleuriste sait mieux encore que le jardinier le mal que font ces insectes; mais tout le monde connaît les dommages que le puceron lanigère cause aux pom- miers. Une autre espèce se jette sur les jeunes pous- ses de cet arbre, qui se crispent, se contournent et cessent de vcgctcr. L'influence du mal se propage jusque sur les fruits qui demeurent rabougris et tombent avant la maturité. Lorsqu'on n'a que quel- ques arbres à soigner, on peut, sans doute, se déli- vrer de ces ennemis, dût-on les détruire un à un; dans un verger un peu étendu, dans une pépinière, quel moyen a-t-on de combattre le fléau? Quant à moi, je n'en sais aucun dont on puisse être parfaite- ment sûr. Nous connaissons, par les récits des agriculteurs et des savants, les ravages considérables et presque fa- buleux que causent , dans les immenses forets de pins de l'Allemagne et notamment de la Prusse, di- vers insectes forestiers et surtout les chenilles d'un papillon, liparis-monacha, qui ont fait périr des ar- bres par centaines de mille. Dans la région pinicole 323 du déparlemeni des Landes, nous avons, indépendam- ment d'une foule d'auires insecies lignivores, une chenille processionnaire, celle du bombix pitjocampa, qui dévore les feuilles du pin, et dont les sociétés nombreuses se réfugient, aux approches de l'hiver, dans de grands nids soyeux solidement fixés vers l'extrémité des branches, et, au printemps, quittent leur demeure pour recommencer leur œuvre de dé- vastation. Dans certaines contrées de la France, les chenilles des livrées, celles du homhix chrjsorhca, dont les habitudes ont quelque analogie avec celles de la chenille processionnaire du pin, attaquent les arbres fruitiers; et si elles ne les font pas toujours périr, elles enlèvent du moins tout espoir de récolte. A l'égard de celles-ci on ne connaît, pour s'en défaire, que l'échenillage, opération assez facile, prescrite d'ailleurs par une loi, et qui consiste à recueillir en hiver les nids de ces chenilles pour les faire brûler. Quoi qu'on ait fait cependant, l'espèce subsiste et se multiplie, parce qu'il y a toujours des agriculteurs indolents qui négligent l'échenillage; parce qu'il y a toujours des nids qui échappent, et qu'un nid épar- gné peut en produire cent Tannée suivante. Mais, en ce qui concerne les chenilles du pin, l'é- chenillage est complètement impossible parce que les nids sont la plupart du temps inaccessibles. L'o- pération serait nuisible d'ailleurs dans certaines cir- constances; car comme on ne peut se rendre maître du nid sans couper la branche qui le porte, si cha- que branche avait un nid, comme je l'ai vu ici il y a quelques années, il faudrait enlever, ou du moins mutiler toutes les branches, ce qui causerait inévi- tablement la mort de l'arbre. Cette opiniop ne pa- 324 raîtra point hasardée à ceux qui connaissent la phy- siologie végétale des arhres résineux; mais elle résulte aussi de l'expérience. J'ai enlevé, en effet, au prin- temps, sur de jeunes pins bien vigoureux, l'extré- mité de toutes les branches en coupant un peu au- dessous du bourgeon terminal. La sève s'est d'abord extravasée par les troncatures; retenue ensuite par les sucs résineux coagulés, elle a essayé de dévelop- per des bourgeons adventifs qui ontj à la vérité, commencé à poindre, et qui auraient peui-étre fini par remplacer les bourgeons amputés; mais l'écono- mie de ces arbres avait été tellement troublée; ils avaient tellement souffert d'une opération à-peu-près indifférente pour les arbres à feuilles non aciculées, que les bostrichus et les pissodcs, insectes toujours à l'afïïït des pins malades, s'en emparèrent avant que les bourgeons adventifs ne pussent devenir des ra- meaux, et les firent tous périr. Quel est donc le moyen de se débarrasser de ces insectes malfaisants? Je n'en vois pas d'autres que de recueillir et de détruire en hiver les nids les plus accessibles, et de rechercher les chenilles au prin- temps, lorsque, par bandes nombreuses, elles che- minent d'un arbre a un autre, ou qu'elles cherchent un lieu favorable pour s'enterrer et se transformer en chrysalides. On peut alors les écraser sur place. Mais combien échapperaient à ces investigations! Et puis, ne faut-il pas que tout le monde s'entende pour cette œuvre de destruction? C'est-à-dire cjue la che- nille du bombix se rit des malédictions de l'homme, qui ne saurait lui faire beaucoup plus de mal que les nombreux oiseaux dont elle devient la proie. Je n'en finirais pas si je voulais parcourir avec 325 quelques détails la nombreuse série des insecles en- nemis de l'agriculiure. Le professeur Gêné a fait un livre sur ceux qui s'ailaquent aux produits des champs; Ralzeburg a publié quatre volumes sur ceux qui nuisent aux forêts; et de nombreux mé- moires, disséminés dans les recueils agricoles et scien- tifiques, en ont signalé bien d'autres qui ne sont pas mentionnés par ces deux auteurs; mais j'en suis en- core à connaître un procédé pour se défendre effica- cement d'un seul de ces animaux. Faut-il en conclure que Ton perd son temps à re- chercher les habitudes, les nueurs, les métamorpho- ses de ces insectes, et que les savants qui se livrent à ces travaux d'observation usent leur esprit et leur patience à des futilités? Le ciel me préserve d'émel- ire une pareille opinion. L'étude des mœurs des in- sectes, pour celui qui s'y adonne avec ardeur, en y apportant un esprit philosophique, n'a pas seulement un grand charme, un grand intérêt scientifique, elle peut aussi éclairer quelquefois l'agriculteur et le fo- restier sur les dispositions qu'il pourrait prendre pour atteindre, au moment le plus favorable, quel- ques-uns des ennemis qui l'enioureni, pour tromper ou pour contrarier leurs instincts de destruction. Faut-il en conclure aussi qu'en présence de ces ennemis nombreux qui l'assaillent de toutes parts, l'agriculteur doit éternellement se croiser les bras; qu'il doit laisser dévaster ses récoltes sans rien entre- prendre pour les sauver, comme s'il ne pouvait pas plus se défendre des insectes que de la pluie et de la grêle? Telle n'a pas été certainement ma pensée; et si j'ai dit en commençant que la vie de l'agricul- teur est une vie de luttes continuelles, c'est que 326 dans ces luttes je comprenais celles qu'il doit soute- nir contre tous les animaux, grands et petits, qui travaillent à lui ravir le fruit de ses labeurs. J'aime donc à le voir, la nuit dans son potager, recherchant et mettant en pièces les limaces qui attaquent ses plants et ses semis, poursuivant le jour les papillons qui viennent pondre sur ses choux, on détruisant les chenilles qui les dévorent* recueillant dans ses vignes les reufs des pyrales, les fourreaux des rhynchites ; dressant des pièges aux couriilières; mettant à prix la téie des moineaux, des hannetons; échenillant les vergers; allant chercher au cœur d'un arhre fruitier ie ver qui le ronge et le ferait périr; remuant ses grains pour en chasser le charançon et l'alucite. 11 peut ainsi atténuer ses pertes; mais je ne puism'em- pêcher cependant de lui redire avec une douloureuse conviction, que, quoi qu'il fasse, il ne parviendra ja- mais à se débarrasser entièrement et définitivement de ces insectes destructeurs qui ont, pour lui échap- per et se reproduire, bien plus de ressources qu'il n'en a pour les atteindre et les détruire. La guerre que les insectes ont déclarée à l'homme, semble avoir ses ruses et ses perfidies comme celles que les hommes se font entr'eux. Il y a des époques de trêve qui font croire à un triomphe complet; et l'agriculteur, heureux de ce repos après de rudes épreuves, s'endort alors dans une funeste sécurité, pour ne se réveiller que lorsqu'une invasion aussi formidable et quelquefois plus terrible que les pré- cédentes vient lui apprendre que sa confiance n'é- tait qu'un piège, et l'avertir qu'il a eu tort d'aban- donner le champ de bataille et de ne pas prévenir, par des escarmouches continuelles, ces grands corn» 327 bals où la victoire est toujours du côté du grand nombre. Il résulte de ce qui précède, que l'homme est à- peu-près sans pouvoir contre les insectes qui atta- quent les produits du sol; et qu'alors même qu'il aurait les moyens de les détruire, il trouverait de grands obtacles dans l'impossibilité d'organiser, de concert avec tous les agriculteurs d'une même con- trée, une croisade générale et simultanée contre l'ennemi commun. J'affirme en outre qu'alors mêm^ qu'il réaliserait cette condition, il lui serait impossi- ble d'arriver à l'annihilation des espèces qu'il re- doute; car, ainsi que je l'ai dit, il a contre lui leurs ruses, leur agilité, leur fécondité prodigieuse, leur couleur même qui les rend souvent invisibles, et cette suprême loi de la nature qui garantit la con- servation de chaque race d'animaux. Ainsi l'homme, ce roi de la création, dont l'esprit cherche à tout savoir, dont la raison veut tout com- prendre, dont la volonté cherche a tout réaliser, n'a pas encore trouvé un procédé efficace pour se déli- vrer même de ces chétifs insectes que son souffle semblerait devoir réduire au néant; il est à leur merci, il s'avoue vaincu ; car tous les jours il cons- tate son impuissance, et il est forcé de reconnaître que ses plus constants efforts aboutissent à peine à retarder ou à atténuer les crises qu'il endure. Mais, puisque le pouvoir de l'homme est si borné; puisque les insectes ont une si merveilleuse faculté de reproduction, comment se fait-il que le nombre de ces insectes, au lieu de s^accroître toujouis, dans des proportions effrayantes, décroît par intervalles, de manière à faire presque croire à leur disparition/ 328 Comnicnl se fi\il-il que leurs ravages, qui devraient acquérir, chaque année, plus de gravité et de déve- loppemenv, s'arrêtent parfois tout d'un coup, et de- viennent, pour un temps plus ou moins long, à-peu- près insensibles? C'est que la nature, quoique sans cesse préoccupée de la conservation des espèces, a établi des lois d'équilibre et de pondération qui ten- dent à les maintenir dans certaines limites-, c'est que partout où il y a accumulation démesurée ou sura- l)ondance d'individus, qu'il s'agisse de Thomme ou des animaux, il survient, par des voies qui nous sont ordinairement inconnues, et que la science n'a pu encore explorer, des causes de dégénérescence et de mort qui rétablissent les proportions providentielles. Pour les insectes notamment, les phénomènes mé- téorologiques rentrent, de la manière la plus évi- dente, dans ces causes de destruction 5 et la nature appelle en outre à son aide des milliers d'animaux uisectivores, d'insectes parasites qui concourent puis- samment à l'accomplissement de ses desseins. Cha- que insecte, en effet, a son parasite; souvent même il lui en est assigné plusieurs qui se dévouent à sa perte avec cet acharnement, cette ingénieuse obsti- nation qu'il apporte lui-même dans l'accomplisse- ment de sa mission. Je ne résiste pas à Tenvie d'appuyer de quelques faits lopinion que je viens d'exprimer. 11 y a quelques années les vastes forêts de pins du département des Landes furent envahies par une si prodigieuse quantité de chenilles processionnaires (celles du bombix pityocampa), que chaque branche, presque chaque brindille avait son nid. Avant Thi- vcr une grande partie des feuilles avait été dévorée; 329 cl au primcnips, les chenilles sorlani de leur eii- gourtlissenient hibernal, achevaient de brouter le reste, de sorte que, au mois de mai, on eût dit que le feu avait passé par là. Ces ravages, sans préserva- tif possible, durèrent deux années, et firent périr quelques arbres. Les propriétaires s'en émurent; et, pour ma pan, je nliésitai pas un instant à déclarer que, s'ils se renouvelaient deux ou trois ans de plus, c'en était fait pour le plus grand nombre de nos pins, dont l'élat de langueur serait suivi de troubles organiques assez graves pour attirer les bosiriches, • les buprestes, les innombrables insectes lignivores, toujours prêts à se jeter sur les arbres malades, et dont les aiieinies sont un signal de mort. Ainsi que je l'ai dit, celte situation dura deux ans. A la iroisième année, quel fut notre étonnement de voir qu'il n'y avait prt-sque plus de nids sur les ar- bres ! les chenilles avaient, pour ainsi dire, disparu. Les mésanges, les pics, les coucous et d'autres oi- seaux en avaient, sans douie, détruit un très grand nombre; sans doute aussi quelques milliers étaient devenus la proie d'insectes carnassiers et parasites; mais, en supputant toutes les destructions partielles, on aurait été bien loin de compte. Quelque fléau général avait dû s^appesaniir sur cette race innom- brable de dévastateurs, et voici, quant à moi, ce que j'en pense. Au mois de mai, les chenilles processionnaires s'enfoncent dans la terre pour se transformer en chrysalides; mais elles s'enterrent à une faible pro- fondeur pour que le papillon n'éprouve pas de gran- des difficultés à prendre son essor. Le travail de métamorphose organique qui s'effectue dans la chry- 330 salide, exige, comme on sait, que l'insecte soit a l'a- bri d'une trop grande sécheresse ; or les mois de mai et de juin de l'année dont il s'agit se firent remar- quer par des chaleurs très intenses et une sécheresse opiniâtre ; le sol sablonneux des bois de pins se des- sécha profondément; il devint brûlant, et les chry- salides, ne pouvant se développer dans ce milieu, avortèrent presque toutes. 11 naquit donc fort peu de papillons, et dès lors il y eut peu de chenilles- Deux circonstances me paraissent juslifier pleine- ment celle explication : c'est que 1° dans les bois un peu frais et sur les lisières voisines des lieux humi- des, on retrouvait, l'année suivante, des nids en assez grand nombre; 2° depuis lors, deux autres années, 1848 et 1849, ont été marquées par une sécheresse pour ainsi dire exceptionnelle; et il en est résulté qu'aujourd'hui on parcourt de très grandes distances sans rencontrer un seul nid, ce qui a fini par me contrarier beaucoup, parce que ces nids sont l'asile ou le berceau unique de certains insectes fort inté- ressants et que je retrouve toujours avec plaisir. Ainsi, il a suffi d'une sécheresse pour mettre un terme à des dévastations très inquiétantes, contre Jesquelles l'homme n'avait pas de remède; et le nombre des chenilles processionnaires est aujour- d'hui réduit à une si simple expression; elles sont, de plus, entourées de tant d'ennemis, qu'elles ont cessé pour long-temps d'être redoutables. A défaut de la sécheresse ou de tout autre acci- dent météorologique, ces chenilles auraient pu, comme on l'a vu ailleurs pour d'autres espèces, trou- ver dans leur multiplication même des causes de ruine et de mortalité. Le nombre en aurait pu éirc 331 lelleinenl grand que la nourriture leur aurait fait iléfaui avant leur développement complet, et alors elles auraient péri de faim avant de se transformer. En 1847 et 1848, les choux de nos jardins furent assaillis par des légions de chenilles de la Piéride du chou. Nos jardiniers avaient beau leur faire la chasse, les papillons étaient si nombreux, le temps était si favorable à la prompte éclosion de leurs œufs, que tout fut ravagé jusqu'à trois l'eprises différentes. En 1849, on n'a presque pas vu de papillons et de chenilles. Quelle a été la cause de cette débâcle? La séche- resse tout à fait insolite, même pour notre climat, des années 1848 et 1849, y est sans doute pour une part; il faut croire aussi, car j'ai recueilli un très grand nombre de chrysalides attaquées, que les cir- constances atmosphériques ont favorisé la multipli- cation des insectes parasites des chenilles, et fort peu ont pu donner naissance à des papillons. Voilà donc les choux garantis pour quelques années sans doute. 11 est des époques où les guêpes sont tellement communes, qu'on a peine à préserver de leurs at- teintes les fruits mûrs. Aux vendanges surtout elles abondent autour des pressoirs, et les vendangeurs manœuvrent au milieu d'un essaim de ces insectes dangereux qu'attire le sucre du raisin. En 1849, on se demandait ce que les guêpes étaient devenues, et en effet on n'en apercevait presque aucune. Je n'ose hasarder l'explication de ce fait : je dirai pourtant que les gelées tardives du printeiups ayant surpris les arbres fruitiers en fleur, il y a eu extrê- mement peu de fruits d'été, et que cette circons- 332 tance, joinle à la sécheresse, a pu eniraver l'alimen- taiioii des laives des guêpes, comme on le voit parfois pour celles des abeilles, lorque les chaleurs et le défaut de pluie privent les fleurs de leurs sucs. J'ajoute que les insectes parasites des guêpes parais- sent s'être développés, au contraire, dans des pro- portions insolites; car lorsque j'ai voulu recueillir, au commencement de Thiver, un nid souterrain de guêpes rousses, que j'avais découvert en automne, je n'ai plus trouvé qu'une sorte de houe, un magma tout peuplé de larves de cryptophages, de volucdles et d'autres diptères, préposés par la nature à la des- truction de ces hyménoptères incommodes et dépré- dateurs. Je lis, dans ï Histoire de l'Jdministrntion en France, par Anthelme Costaz, tome i, page 248, que, durant les xvii^ et xviiie siècles, les forêts de pins de l'Al- lemagne furent tellement ravagées par le ôostrichus typographus, que la province hanovricnne du Hartz craignit de manquer de combustible. Elle fut déli- vrée de cette crainte principalement par l'influence de plusieurs hivers froids et humides qui le firent périr en très grande quantité. Si, pour me donner le plaisir de multiplier ces narrations, j'avais pris des renseignements dans les contrées naguère infestées par tels ou tels insectes, je suis convaincu que j'aurais des résultats sembla- bles à mentionner. Depuis quelque temps, en effet, les journaux ne signalent plus, comme ayant quelque gravité, les ravages de la pyrale dans les vignes; le colaspis a disparu de certains cantons où il détruisait la luzerne, et je suis convaincu qu'avant long-temps les propriétaires d'oliviers auront moins à se plaindre 333 qu'aujourd'hui. C'est ainsi, d'ailleurs, que les choses se passent pour les maladies des plantes, pour les épizoolics, pour les épidémies, qui sévissent et qui s'arrêtent sans qu'on sache pourquoi, et sans que l'homme y puisse quelque chose. ■ La lutte que l'agricuheur soutient contre les in- sectes est donc tellement inégale, qu'on ne peut guère lui en vouloir d'ahandonner quelquefois la partie, quoiqu'il puisse, à force de courage et de persévérance, relarder sa défaite ou la rendre moins désastreuse ; de même qu'en observant les lois de rhygiène il s'affranchit souvent des maladies endé- miques; mais, il faut en convenir, le secours vérita- blement efficace est en dehors de lui; il n'est guère plus maître du mal que du remède. Heureusement les lois de la nature sont ainsi établies que quelque- fois l'excès du mal devient lui-même un remède, et que la puissance qui travaillait à la ruine du culti- vateur opère son salut, presque toujours au moment même où il commençait à désespérer. Famine occa- sionnée par la trop grande multiplicité des indivi- dus; phénomènes météorologiques funestes à leur développement ou à leurs métamorphoses; produc- tion exubérante des parasites, tels sont les procédés souverains que la nature emploie ; procédés seuls in- faillibles, et dont l'homme ne peut qu'attendre les effets, car il ne saurait les utiliser lui-même. Que les savants continuent donc a étudier les in- sectes nuisibles à l'agriculture; mais qu'ils hésitent à faire grand bruit de leurs travaux, au point de vue de l'intérêt agricole. Que les agriculteurs poursui- vent sans relâche l'œuvre d'extermination des nom- breux ennemis qui les entourent; mais qu'ils sachent 334 que leur pouvoir a Le rouleau à grand-diamèire; 8" Le coupe racine; 9° Le hache paille; 10° Le semoir à brouette; 11» Le tarare ; 12° Machine à battre dans les grandes exploitations. L'introduction de ces instruments et leur mise en activité changera de face notre agriculture. Aussi, avons-nous décidé d'établir un atelier de forge et de charronnagea partir du 1^'- janvier 1 851 .INous sommes convaincus que , sous notre direction et notre sur- veillance assidue, nous parviendrons à obtenir, pour notre usage, et plus tard pour tout le département, des instruments perfectionnés d'autant meilleurs qu'ils seront appropriés aux diverses natures de terrains. BÉTAIL. — Quoique la nature et la composition du bétail de la Ferme-Ecole soient assez satisfaisantes, 23 354 nous nous proposons d'y apporter de grandes amé- liorations. Ainsi, dans le courant de 1 851 , nous y importerons le cheval Percheron, qui réunit la force à la légèreté. A la race bovine actuellement employée, nous substituerons celle de Salers (Auvergne), reconnue Tune des meilleures pour le travail. La race ovine, Mérinos-Métis est la plus belle des races françaises. On peut encore Taméliorer par le choix intelligent des reproducteurs. Quant à l'espèce porcine, nous possédons déjà celle du Hampshire, croisée avec la Périgourdine, et celle de Siam, croisée avec la Gasconne. ENGRAIS.-— L'aménagement du fumier est défec- tueux dans le Roussillon. Ne serait-il pas plus con- venable pour les cultivateui's de faire construire des fosses à fumier recouvertes d'un hangar simple, peu coûteux? On doit creuser des rigoles autour, et entretenir 1 humidité par des arrosages avec le purin qui s'échappe du tas et vient se réunir à un angle dans une espèce de citerne. On se met en mesure à la Ferme-Ecole de donner l'exemple de ces dispositions. Lors de l'extraction journalière des fumiers d'étable, on verse dessus un liquide composé d'eau et de sulfate de fer dans la proportion d'un kilogramme sur deux hectolitres d'eau. COMPTABILITÉ. — L'habitant du Roussillon est labo- rieux actif, pioche avec énergie ses terres, leur confie la semence, fait les travaux nécessaires pour amener la plante à maturité, sans s'inquiéter des bénéfices ni des perles. Sur dix cultivateurs, neuf sont inca- pables de démontrer par des comptes réguliers, le résultat définitif d'une récolte. Perte ou gain, ils 355 continuent indifféremment à cultiver les mêmes plantes, poursuivant toujours l'emploi des industries qui se rattachent à l'agriculture avec la même apathie. Ils ne comprennent la romptabililé que chez le commerçant, l'industriel. Ils ignorent qu'elle est aussi nécessaire chez l'agriculteur que chez eux. On doit encourager par des primes les cultivateurs qui intro- duiront cette branche importante de l'administration : la comptabilité. JARDINS. — L'industrie horticole s'exerce sur une étendue de 2 heclares 40 ares, divisée en quatre parties : 1° Jardin de maître destiné à la floriculture et à l'orangerie; ^° jardin maraîcher; S^ le verger: 4" la pépinière. Tous sont de création récente; 1 .500 arbres fruitiers ont été plantés la première et la se- conde année. Ce n'est que depuis l'établissement de la Ferme-École que les défoncements indispensables dans ces terrains ont été exécutés. Le sol est de na- ture argilo-calcaire, difficile à travailler; il se durcit après une pluie suivie de vent. Le sous-sol est per- méable. Le travail énergique de la houe, l'action du fumier et de l'hiver, l'enlèvement des petites pierres tous ces travaux amèneront sans nul doute cette terre à un bon degré de fertilité, d'ameublissemeni de chaleur, conditions essentielles pour une belle et rapide végétation. La pépinière nous fournira tous les arbres néces- saires aux plantations que nous nous proposons de faire en arbres fruitiers et forestiers. Les procédés horticoles nouveaux seront mis en pratique sous les yeux des élèves. Nos apprentis s'exerceront aussi à la greffe, la marcotte, la bouture, à la taille des arbres. Ces diverses opérations ne s'exécuteront que d'après 3.)G les données positives de la physiologie végétale. Wos statuts prescrivent d'adjoindre aux professeurs un jardinier-pépiniérisie, et d'admettre un élève liorii- culteur par année. M. Rendu, inspecteur-général, a compris les véritables besoins de notre Roussillon; et si nous sommes assez heureux pour voir rapprocher de nous les chemins de fer, noire pays se transfor- mera en vaste jardin duquel seront tributaires la plupart des contrées de la France. Soyons à même de soutenir cet essor. Façonner des hommes à la hau- teur de celte mission , c'est notre devoir. Les jardi- niers instruits manquent à notre département -, on se contente de marcher avec la nature au lieu de la seconder. M. Lloubes, maire de la ville de Perpignan, vice- président de la Société d'x\griculture , convaincu de ces vérités, a obtenu du Conseil -Municipal deux bourses en faveur de jeunes gens, fils de jardiniers et se destinant à cette partie de l'art. ÉCOLE. — C'est du l^"^ avril 1849 que date la créa- tion de la Ferme-Ecole de Germainville. Dix élè- ves furent d'abord admis par le jury composé de : MM. Guiraud de Saint-Marsal, président de la So- ciété agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales; Jaubert de Passa, président du Conseil- Général, et membre correspondant de l'Académie des Sciences et de la Société Centrale de Paris ; Aragon, docteur en médecine et membre du Conseil-Géné- ral • Lacombe Saint-Michel fils, et Cuillé, directeur de l'établissement. Les membres de la Commission eurent l'heureuse idée d'ajouter à la liste des can- didats admis, les cinq plus méritants après ceux re- çus. Ces élèves supplémentaires nous furent d'un .15' grand secours; car, peu de temps après, trois des ad- mis quittèrent l'établissement alléguant leur peu d'aptitude pour les travaux des champs. Plus tard, on reconnut que l'arrêté constitutif portait onze élè- ves par an et non dix; il fallut compléter ce nombre. L'inauguration de l'Ecole eut lieu le 3 avril, sous la présidence de M. le préfet Dubessey. A côté du premier magistrat du déparlement, siégeaient les membres de la Commission, M. le maire de la ville de Perpignan, M. le principal du collège, et un grand nombre de personnes distinguées par leur amour pour l'agriculture, les sciences et les arts. La séance d'installation fut ouverte par un dis- cours très remarquable de M. le préfet; M. Guiraud de Saint-Marsal et M. Cnillé, directeur de l'établis- sement, prirent successivement la parole. BATIMENTS. — En cc qui concerne le logement des élèves et les bâtiments, nous laisserons parler le journal du département : '( M. le Préfet, entouré d'un nombreux cortège, a « visité dans tous les détails les bâtiments de la «Ferme-Ecole. Les aménagements y sont faits avec (( discernement et satisferont à tous les besoins de (d'exploitation. La cuisine, le dortoir, les étables, «des greniers vastes et bien aérés; le terrain pour « les travaux de l'horticulture ont surtout fixé l'atten- «tion; on a reconnu dans toutes les dispositions que «le propriétaire avait libéralement pourvu à tout. » NOURRITURE. — Les élèvcs font généralement qua- tre repas : le pain est à discrétion ; le vin en moyenne est de un litre par jour-, ils mangent la soupe grasse de breuf ou porc deux fois par semaine; de la viande en ragoût 35S Nous suivons exactement, pour ce qui est du ré- gime alimentaire, le système des bons agriculteurs de notre région. VÊTEMENTS. — La plupart des élèves sont pauvres; et nous avons cru convenable, la première année, de ne pas être d'une grande rigueur pour l'uniforme : mais, à mesure qu'ils usent leurs anciens effets, ils se conforment au règlement. Nous avons adopté l'uniforme suivant : Blouse unie bleue, les deux lettres F.-E. brodées sur le collet, ceinture de cuir, pantalon et veste en velours olive. En été, pantalon en coutil gris; cba- peau de feutre gris; pour chaussure, brodequins roux, guêtres; sabots en hiver et quand il pleut. DIRECTION. — D'après l'arrêté constitutif de la Ferme-Ecole, six personnes sont chargées de l'ensei- gnement; ce sont : 1° Le directeur, M. Cuillé ; 2° Le directeur-adjoint, M. Labau; 3° Le surveillant-comptable, M. Deville; 4° Le chef de pratique, M. Boy; 5° Le jardinier-pépiniériste, M. Aymar; 6" L'irrigaieur, M. Lavail. Le directeur-adjoint, ancien élève des écoles de Grignon et d'Alfort, est chargé des leçons théoriques de l'agriculture. Le cours élémentaire de médecine- vétérinaire et le soin des animaux de l'exploitation, sont à sa charge. Le surveillant-comptable, ancien élève de l'école normale de Perpignan, perfectionne l'instruction primaire des élèves, et leur enseigne la comptabilité agricole. 359 MM. Boy, Aymar et Lavail dirigent et surveillent les travaux pratiques. TRAVAIL MANUEL. — Le travail manuel occupe les élèves une grande partie de la journée. La première année, ils ont pris part à tous les travaux, tels que : façons des plantes sarclées, plantations, défriche- ments, enlèvement du fumier des étables, moisson, battage, fenaison, soins des jardins. Us ont égale- ment porté leur application à la vacherie, bouverie, et ont exécuté toutes sortes de labours, hersages, etc. TRAVAIL INTELLECTUEL. — Les six premiers mois ont été consacrés à perfectionner Tinstruction pri- maire des élèves j les .six autres, aux leçons théori- ques d'agriculture. Les élèves comprennent aujour- d'hui assez bien les éléments de la science agricole. Avant de leur faire des leçons théoriques, nous leur avons appris la glossologie de l'agriculture. Qu'est-ce que la charrue? De combien de parties se compose-t-elle ? Nom des parties. Qu'appelle-ion terrain fort, léger, moyen? eic.^ etc., etc. DISCIPLINE. — La direction nous semblait d'avance présenter de grands obstacles. Comment soumettre des jeunes gens âgés de 16 à 25 ans; les astreindre à suivre un règlement sévère ; rester casernes quand ils avaient eu au sein de leur famille une liberté presque illimitée? Celle transition, il ne faut pas se le dissimuler, nous rendait un peu craintifs; le ca- ractère indépendant du Roussillonnais augmentait encore nos appréhensions; ajoutons à cela les mau- vais conseils qu'ils recevaient de l'extérieuv. 11 y a eudesdiftîculiés; elles ont été vaincues. Aujourd'hui, 360 nos jeunes gens observent le lèglenieni, ei le suivent avec ponciualiié; ils onl le goût de rélude, et ap- prennent presque avec anlanl de facilité la théorie et la pratique de la culture des champs. EXERCICE REi,iGiEux. — Lcs élèvcs foui , maliu et soir, leur prière en commun; il eu est de même avant et après les repas. Les dimanches et les fêtes, les élèves assistent à la messe; les soirées sont employées à des promenades dans les fermes voisines ou à des lectures ayant irait à ragrioiillure ou à la religion. ORDRE nu JOUR. — Tous les soirs, a licu uue réuniou où assistent les divers fonctionnaires et agents de l'Ecole. Elle a pour but de se concerter sur les tra- vaux qui ont été exécutés dans la journée, sur la conduite générale des élèves, sur leurs dispositions et sur les travaux projetés pour le lendemain. Avant de se séparer, l'ordre du jour est dressé indiquant les divers travaux qui doivent se faire le lendemain, Cl les élèves qui doivent y prendre part; il est affi- ché à la salle d'étude où il reste toute la journée. Le samedi, toutes les notes prises pendant la semaine sont remises au directeur, qui les réunit sur un re- gistre disposé en colonnes. C'est principalement ce jour-là que la réunion est importanie par suite des projets généraux qui y sont traités sur tous les travaux de la semaine suivante, sur les modifications ou changements à apporter à telle ou telle partie de l'exploitation ou de l'administration, etc. Nous avons déjà apprécié combien ces réunions de famille ont procuré d'avantages, et amené d'heu- reux résultats avec assez de promptitude. SERVICE MÉDICAL. — Le servicc médical est confié à 361 M. le docteur Do, il habile Thuu, à deux kilomè- tres de la Ferme. Peu de maladies ont surgi, et ne présentant d'ailleurs aucune gravité. INFLUENCE DES FERMES - ÉCOLES DANS I-'lNDUSTRIE AGRICOLE. — Les élèves de la Ferme-Ecole, par leur conduite morale, leurs dispositions laborieuses, Tins- truction théorique et pratique de l'agriculture, pro- duiront, il ïiea faut pas douter, la plus heureuse in- fluence dans nos campagnes. Disséminés, ils seront les instituteurs pratiques de la science agricole. Ils se feront écouler, parce qu'ils parleront le même langage, seront habillés de la même manière, sup- porteront les mêmes fatigues. D'un autre côté, l'ins- truction, la soumission, la politesse, les feront con- sidérer des grands propriétaires, et la solution de continuité de cette vaste chaîne sociale ne se repro- duira plus. Les chaînons du milieu seront rivés! Les rapports de l'agriculteur riche avec le régisseur se- ront plus agréables; ils se comprendront, confére- ront ensemble sur les projets agricoles à venir ; et, en véritables amis du progrès de l'agriculture, ils juge- ront sans idée préconçue les méthodes nouvelles qui seront acceptées ou rejetées suivant leur valeur. Espérons que les jeunes gens rentrés dans leurs foyers, par leur conduite, leur travail et le savoir agricole , inspireront assez de confiance pour être con- sul tés, comme le médecin dans la science médicale. Notre mission est belle, mais difficile : nous comp- tons sur le concours de la Société d'Agriculture. Ses conseils, ses connaissances spéciales aplaniront la voie; la Ferme-Ecole sera en quelque sorte l'école d'application des principes agronomiques discutés au sein de la Société. 362 JNous n'oublions pas qu'elle avait pris l'irtilialive; et qu'avant la promulgation du décret du 3 octobre 1848, elle s'occupait sérieusement de celle institu- tion, destinée à fournir une pépinière de jeunes pra- ticiens habiles sans être des savants. CuiLLÉ et Labau, directeurs de i'Ecole. ADDITION AIX PAGES 250 ET 251. Depuis l'impression de ce mémoire, ont été dé- couvertes plusieurs indications de tremblements de terre qui se rapportent à l'époque volcanique de 1427 à 1428. Ces accidents causèrent des sinistres dans la vallée de Ribas, démanlelèrent Bcllegarde, Force-Béal, des maisons et des tours à Clayra. Le Petit Thalamus de Montpellier signale des évé- nements semblables en Roussillon , sous les dates de 1425 et de 1475. Il en note pour Montpellier même en 1224, 1308, 1372, 1373, 1375 et 1425. MODE D'ÉLECTIONS IIUMIPAIES ANCIEIVNEMEMT ÉTABLI A RIVESALTES. Extrait d'un acte reçu le 7 avril 1409 par Béren- ger Péréta, notaire, dont la pratique existe à Perpi- gnan au dépck des actes notariés. .']63 PRÉCIS IJU PRÉAMBULE EN LATIN DE CET ACTE. Le jour de Pâques, 7 avril 1409, eu présence des vénérables seigneurs frère Guillaume Blanquei, pré- vôt de Pézilla, procureur, comme il l'assure, du vé- nérable seigneur chambrierde la Grasse, seigneur de Rivesalles et de Guillaume de Cudalet, bailli du même lieu, Jean FuUa jeune, conseiller la présente année, a exhibé et remis aux susdits seigneurs savoir : le procureur et le bailli, et à moi Bérenger Péréta, notaire susnommé , une dépêche et lettre patente émanées de rhonorable Gouverneur des Comtés de Roussillon et de Cerdagne, ou de son lieutenant, scellé du sceau officiel, dudit seigneur Gouverneur et m'a requis de les lire et publier en présence et audience desdits seigneurs, le procureur et le baillij desquelles pièces telle est la teneur : (( Jean Fulla , un des conseillers de la commune, ici présent, agissant dans son intérêt et dans celui du public, puisque c'est un acte qui regarde le peu- ple, vous requiert, vous vénérable seigneur baillide Rivesaltes, ainsi que les consuls et conseillers, de procéder, dans l'élection qui va se faire aujourd'hui, d'un commun accord et de l'assentiment de la plus grande et plus saine partie de la communauté y pré- sente comme c'était précédemment, et comme il est prescrit plus spécialement et expliqué dans la lettre précitée. Que si vous agissez autrement, il sera pro- lesté de la nullité de l'élection et elle sera attaquée par toutes les voies juridiques. 11 vous requiert, en outre... etc. Voir pour le reste la traduction en langue romane qui suit , faite et consignée par le susdit notaire à la fin de ce même acte, pour la plus claire intelligence de l'auditoire. MM TEXTE EN LANGUE UOMANE f/JV LiySU.4 ROMANCULl) DE LA UÉPÈr.HE DU GOUVERNEUR. En Bernai de Vilacorba, donzell, lochlinent del molt honorable Mosscn Ramon Çagarriga , ca^'aler, Gohernador dels Cumlais de Rosselo é de Cerdanya, del hunrat la hatUc dr.l loch de Rivesaltes ô à son lochtincnt, salut é dilecciô. Pcr jmrt dcn Johan Fullâ, un dels consellers del conseil de la Unwersitat del dit loch pcr intéres- ser de la dita Uni^'crsilal es stat à Nos exposât ab gran querela que jatsia en lodit loch sia acostumat cascun any que lojorn de la festa de Pascha cum lo poblc es ajustât à la esgleia pcr oyr ves- prcs, dites les dites vcsprcs, vos, à requesta dels Consols vells, fas- sats star à la porta de la dita esglea lo missatge de la vostra Cort, pcr tal que negun de aquells qui son dins, cxccptadcs les dones, puxa exir de la dita esglea efaçats regonexer sin fall negun Cap d'alberch e si y fall encontinent lofets aqui venir, c ajustai en la dita esglea lo dit poble, aqui s'' tracta de la elecciô dels Consols qui deu esser lany seguent c de fer los dits Consols ells consellers vells elegexen x 6 xu prohoms qui aparten ab ells envers les fonts de batejar 6 en lo dit loch tracten del Consol qui deu esser elegit en nom de dita vila, é aqucll que pcr los dits x o xu pro- homens es elegit e concordat es nomenat pcr ells en presencia del dit poble ; è si lo dit poble ha per agradable la eleccio de aquel Consol, la dita eleccio va perfeyta, sino aquel que la major part del die poble vol c elegcx, es Consol aquell any lo quai jura en poder vostre. Après vos, segons se deu, nomenats, présent lo dit po- ble, un altre hom de be del dit loch que sia Consol, e si lot lo po- ble 6 la major part de aquell consent la vostra eleccio, lo dit Con- sol per vos elegit jura axi meteix en poder vostre. E quant los (lits Consols an jurai ells cnscmps ab los Consols relis clegcxcn 365 TRADUCTION DE LA DÉPÊCHE CI-CONTRE. Messire Bernard de Vilacorba , damoiseau , lieulenaut du très ho- norable seigneur Raymond Çagarriga , chevalier , Gouverneur des Comtés de Roussillon et de Cerdagne, à l'honorable bailli de Rives- altes ou à son lieutenant, salut et affection : De la part du seigneur Jean FuUa, un des membres du conseil de la commune dudit lieu , agissant dans l'intérêt de cette même com- mune, il nous a été exposé avec de vives plaintes que, suivant la coutume de ladite localité, tous les ans, le jour de la fête de Pâques, lorsque le peuple est réuni dans l'église pour entendre les vêpres, à la fin de ces vêpres, vous bailli susdit, à la requête des consuls sor- tants, vous devez apostcr un huissier de votre cour à la porte de la- dite église, afin que nul de ceux qui s'y trouvent, à l'exception des femmes, ne puisse en sortir, et qu'après avoir vérifié s'il y manque quelque chef de maison, vous devez donner ordre de l'envoyer quérir sur-le-champ. Que le peuple ensuite étant assemblé dans ladite église, on y traite de l'élection et de la nomination des consuls qu'il doit y avoir pour l'année subséquente*, et que les conseillers sortants choi- sissent dix ou douze prud'hommes qui se retireront avec eux vers les fonts baptismaux , et que là ils s'occupent de désigner le consul qui doit être élu au nom de la ville et celui qui sera ainsi élu d'un com- mun accord soit nommé par eux en présence dudit peuple et que, si le peuple agrée l'élection de ce consul , cette élection soit valide. Sinon, celui que la majorité du peuple voudra et élira soit consul, la dite année, et jure entre vos mains. Qu'ensuite, vous, comme il est prescrit , vous nommiez devant le * L'année consulaire qui oommenrait le jour Je Pâques. 3G(> nu consellers , e en aqiiesta mariera la cleccio ilels dits Consols e iiij consellers es casciin any acostamada de Jcr, e de tant de temps en ça que memoria de homens nd's en contrari ara. Empero lo dit Johan Fullâ se duhta que per la particularitat qu'els Consols que vuy son han feyta ah lo pohle e entre cils playdeyat e seguits molts débats, que la dita cleccio ara fasedora se faça en la forma acostumada perquc n's ha lo dit Johan Fullâ humilmeiit suplicat que sobre aço volguesscm prot'chir de rcmcy de juslicia condecent , Nos empero volents provehir à la indempnitat de la cosa pùblica del dit loch scgons se perlany majorrxient com toqua lo gênerai stament e régiment de aquclla, vosrequerim que en la dita cleccio ara novellament fasedora haiats a fer seri^ar lo us e costui.n an- tigament observais e no pcrmetats que Ins dits Consols facen la dita cleccio sino ab volentat de la major part de la dita unit'cr- sitat en lo dit loch con'gregada e segons que antigament es acostu- mat de fer la cleccio damant dita. E si la dita eleccio sera fêta contre Informa dessus dita c no dcostumada, en aqiicll cas aquella eleccio no sia per vos admcsa , si donchs la major part de la dita Univers itat, seguint les mes veus, no haiira feyta la eleccio da- murit dita, certifcam vos que si lo contrari sera per vos feyt en aquestes coses. Nos, per nostre presidial offici, provcssiriem en les dites coses segons que per jus tic ia trobarem esser fasedor. Dada a Pcrpenya a xxx de mars laiiy de la Nativitat de Nos- tre Senyor ivicccr. nou. F^idit Jouer, 367 peuple assemblé im autre homme de Lien cluilit lieu pour être consul, et si tout le peuple ou la majorité d'icelui consent à votre élection, ledit consul jure de même entre vos mains, et que les consuls, après avoir prêté serment tons les deux, ensemble avec les consuls sortants, élisent quatre conseillers, et c'est de cette manière que l'élection des- dits consuls et des quatre conseilleis doit se faire, telle étant la cou- tume d'opérer depuis si long-temps qu'il n'y a maintenant rien de contraire. Cependant ledit Fulla, considérant ce qui s'est passé entre les con- suls actuels et le peuple, les nombreux procès et débats qu'il y a eu entr'eux craint encore et requiert que l'élection présente soit faite selon la forme accoutumée, et il nous a humblement supplié d'y pourvoir par les voies légales. Et Nous,' voulant contribuer à l'avantage de la chose publique, comme il convient, surtout pour ce qui concerne la cons- titution et l'administration, vous requérons que dans l'élection qui va se renouveler, vous ayczà faire observer les us et coutumes anciennement observés, et que vous ne permettiez pas que lesdits consuls fassentladite élection autrement que selon la volonté de la majeure partie de la communauté assemblée audit lieu et comme c'était anciennement la coutume de la faire, et si l'on procédait contrairement au susdit mode conforme à la coutume , que dans ce cas l'élection ne soit point ad- mise par vous ; et si la majeure partie de la communauté n'aura pas fait l'élection d'après la pluralité des voix , nous vous certifions que si le contraire est fait par vous dans lesdites choses, nous y pour- voirons en vertu de notre autorité tutélaire de la manière que nous le trouverons convenable, par la voie de la justice. Fait à Perpignan le 30 mars, l'an de la Nativité 1409. Fidit Jouer. RKSIJME. 308 RESUME. Le jour de Pâques, tandis que le peuple était réuni dans l'église, à la fin des vêpres, un appariteur se postait à la porte pour empêcher les hommes de sortir. On faisait ensuite l'appel des chefs de maison, et s'il en manquait quelqu'un, on l'envoyait quérir. Après quoi on traitait de l'élection des consuls pour l'année qui allait commencer. A cet effet, les anciens conseillers choisissaient dix ou douze prud'hommes qui se retiraient avec eux vers les fonts haptismaux. Là ils s'occupaient de l'élection du consul à désigner au nom de la ville. S'étant mis d'accord sur le choix d'un sujet, ils le nommaient devant le peuple; et si le peuple l'admettait, il était définitivement institué. Dans le cas contraire, le peuple, à la majorité des voix, en élisait un autre qui prêtait serment entre les mains du hailli. A son tour le bailli nommait le second consul ; et si tout le peuple ou la majorité du peuple l'agréait , il prêtait également le serment requis. Ces deux élus réunis aux consuls et aux con- seillers sortants élisaient enfin quatre nouveaux conseillers, le tout, suivant un usage immémorial. PUIGGARI. 3f)9 IlAl>8»ORT SlJli IJ\ OllVUAGK INTITULE : LES MOSUMESTS DE CARCASSflPE Donl rhoramage est offert par Fauteur, M. Cros-Mayrevieille, Président de la Société do Carcassonne, Inspecteur des monuments historiques, Corres- pondant du Ministre de l'Instruction Publique pour les travaux de l'His- toire de France, membre de l'Académie espagnole d'Archéologie, etc. Messieurs, • Cet ouvrage est le fruii de profondes études et d'immenses et consciencieuses recherches. M. Gros ne s'est pas contenté de décrire les monunjents de sa ville natale; mais, plein de zèle et de désintéresse- ment, il a fouillé toutes les archives, tous les ma- nuscrits qu'il a pu découvrir, tous les ouvrages où il croyait pouvoir trouver des matériaux pour son en- treprise. 11 s'est transporté à Paris, et, secondé par des savants du premier mérite, il a puisé des particula- rités précieuses, tant pour cette production que pour son Histoire du Comté et de la J^icomté de Carcassonne dont le second volume, actuellement sous presse aurait déjà paru, si les élucubrations de l'auteur n'a- vaient affaibli considérablement sa vue. Bien plus, pour caractériser convenablement les divers genres de fortifications romaines, visigothes arabes, françaises, etc, qu'offre la cité de Carcassonne, "Volume in-S", 1849, auquel est jointe une planche qui représente la cité et le bourg de Carcassonne, en 1507. — Se vend, à Perpignan, chci J.-H. Ar.ziM', libraiio-iniprimeiir. ■1% 370 il a parcouru Tlialle ei l'Espagne; ei partout son amabiliié et son savoir lui ont acquis la bienveillante complaisance des savants les plus distingués et même raffeclion de quelques-uns. C'est grâce aux études, à l'appréciation et aux ins- tances de M. Gros que les fortifications de la cité me- nacées d'une destruction complète, sont désormais conservées comme un appendice du Musée d'Artille- rie. C'est lui qui, frappé de la beauté que présentait le Ijusie de l'évêque Rodulpbe, dontle reste était enterré depuis plusieui-s siècles, fit déblayer la petite sacris- tie de Saint-Nazaire où il se trouvait, et mil entière- ment à découvert l'image et le tombeau de ce prélat, chef-d'œuvre de l'art religieux du moyen âge, qui, au dire de M. Viollet-le-Duc, mériterait à lui seul que les archéologues fissent le pèlerinage de Carcassonne. Notre auteur a encore pertinemment relevé les erreurs de M. Dumége de l'Académie des Sciences de Toulouse sur la direction de la voie romaine à travers le département de l'Aude. 11 a émis une opi- nion contraire à celle de ce savant, au sujet du bas- relief qui se trouve dans l'église Saint-Nazaire , et il croit que ce monument ne peut concerner Simon de Montfort, mais plutôt le dernier des Trencavels. Dans sa description des monuments religieux , on remarquera particulièrement, avec un grand intérêt, celle de l'église dont je viens de parler, et on y lira avec plaisir que cette ancienne Cathédrale, signalée en 1840 au Ministre de l'Intérieur, par M. Cros, en sa qualité d'Inspecteur des monuments historiques, comme bien digne d'être conservée, en obtint d'a- bord quelques allocations pour les réparations les plus urgentes, et que, sur de nouveaux rapports, le :î7I Ministre chargea M. Viollet Je la resiauration de ce monument. Une somme de 100.000 fr. a été dépen- sée à cet effet, et l'entier rétablissement ne s'élèvera pas à moins de 400.000 fr. Quelle haute idée tous ces faits ne doivent-ils pas donner du livre qui nous est offert! Je vous laisse à décider maintenant.^ Messieurs, si l'auteur mérite de recevoir des félicitations et des remercîments, par lorgane de notre honorable Président. PuiGGARI. »a^ff»*^P^-». RAPPORT Sur un travail présenté à la Sociélé des Pyrénées -Orienlales. par M. Bianic, fcrblanlier. Messieurs, Depuis quelques années, l'usage des jarres cylin- driques en fer-blanc, est devenu assez général dans le département pour les approvisionnements d'huile. L'ouvrier peu familiarisé avec les calculs ren- contre de véritables difficultés lorsqu'il veut con- naître le nombre de feuilles de fer-blanc, nécessaires pour obtenir une capacité voulue. M. Bianic a eu l'ingénieuse idée de calculer une table des dimen- sions et de la capacité des cylindres qui peuvent être construits jusqu'à un développement de 96 feuilles entières, et une capacité de 1.987 litres. C'est ce travail qu'il présente à la Société. Au moyen de la table de M. Bianic, et parmi procédé semblable à celui qu'on emploie pour ob. Tri tenir, avec la table de Pythagore, le produit de deux nombres d'un seul chiffre, on peut connaître inimé- diaienient le diamètre, la hauteur et la capacité d'un cylindre construit avec un nombre donné de feuilles de fer-blanc, assemblées dans le sens de la longueur. La même table peut servir à résoudre la question inverse, c'est-à-dire à déterminer le nom- bre de feuilles qui doivent entrer dans la construc- tion d'un cylindre d'une capacité voulue. — La solu- tion de ce dernier problême donne lieu aux expli- cations suivantes : Si la capacité donnée n'est pas exactement conte- nue dans la table, on cherche celle qui s'en appro- che le plus : le chiffre qui est en tête de la colonne verticale correspondante, exprime, en feuilles, la cir- conférence, et celui qui est en tête de la colonne ho- rizontale exprime, également en feuilles, la hauteur d'une jarre dont le volume diffèi-e peu de celui de la jarre à construire. Pour connaître la correction qu'il faut faire subir à la hauteur afin d'obtenir le volume demandé, on n'a qu'à diviser la différence entre la capacité voulue et celle de la table, par la capacité qui répond à une feuille de hauteur, pour la même circontérence : le résultat exprime, en fraction de la largeur d'une feuille, la diminution à opérer sur la dernière bande. Un exemple fera mieux compren- dre la simplicité de celte règle pratique. Supposons qu''il s'agisse de construire nne jarre contenant 540 litres. Je cherche dans la table le volume qui se rap- proche le plus de 540 : c'est 552,4; la différence est 12,4. Divisons cette différence par 112,4 (nombre inscrit au bas de la huitième colonne et qui indique le volume correspondant à une feuille de hauteur, :!7:$ pour buli feuilles de circout'érence)" le qiiolient 0,1 J exprime la cUminuiion. La dernière feuille doit donc élre diminuée de ^Vioo ^'® ^^ largeur. Veut-on exprimer ce résultat en mètres et centi- mètres? Il n'y a qu'à multiplier le quotient précé- dent par 0,23, nombre qui répond à la hauteur d'une feuille diminuée de 0,01 pour la pince ou re- bord supérieur* on a ainsi le nombre 0'",02r) qu'il faudra retrancher de la largeur de la feuille. La der- nière bande sera donc formée de feuilles ayant 0"',205 de largeur. Ainsi la jarre demandée aura huit feuilles en longueur pour la circonférence, et cinq largeurs de feuille moins 0'",025 pour la hau- teur. La table des capacités qui vous est présentée, est d'une utilité incontestable tant pour l'ouvrier qui fa- brique que pour le propriétaire qui fait construire. M. Blanic a donc rendu un véritable service en pu- bliant son travail. Ouvrier intelligent et laborieux, il consacre tous ses loisirs h l'amélioration et aux progrès des méthodes pratiques de sa profession. Vous lui devez, messieurs, votre bienveillant appui. Je propose à la Société de lui accorder une médaille d'encouragement; ce témoignage d'intérêt sera pour M. Blanic une juste récompense de ses efforts; pour tous les ouvriers, il sera la preuve de vos vives sym- pathies pour ceux d'entr'eux qui, en dehors d'une journée laborieusement remplie, cherchent à se ren- dre utiles en travaillant au perfectionnement de leur art. Perpignan, le 22 décembre 1850. L. Bkguin. '«^ 1 en o « M Vf co Cl PI Vf in co Vf o 00 vf»P) 0 vr 0 PO 1 •-— ^- ec o et 00 00 M -W *0 05 CO m Vf co o Cl OO co vt 00 in 0 00 PO - Cl Cl w to l> M vf»rt sa- o s .H -. fc- M >-^ M M H IH W W M ►H o o « o o " 0 0 " c 0 ïj ■e » ce. CO r^ r> ï> CO co , C<3 •^ ^O »0 »5 'C o o "O 0 .«■ '.-î m ce in in 0 in C PI co ce o 00 f^ Vf co o r-î ce *n pi o ^ vS" o_co CT_ o_ "^ q O oice - 6 d o_cc_co_^ -T c o' 0_ Vf Vf C c 6 M 6" d ;s ►-S . •a »3 0 co t^ lo vj- ts w Cl s O r^in .-1 r, o 35 r^'.-i to r^ o ^ t^in f! r^ o o r^ 0 in Î5i » O oo CO lo rn ce PO t^ Si •2 CJ=o co__ Cir" O d " w C^ w 00 0* w d c. O-.CC 6 6 à d 3" d Clvf fO d o' d Cl PC " d 6 d s o !.. 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CUtCCT-c^ -ScuS.- = o ?5 .o « •- -ti ri c k -o re — > ,, «3 r -= •- g S « '^' j ,^ "5 £ .«^ « S ~ » -S £ ^ -- «^ g Oc 2 ëST --^-SS^ôS^ci-^ c2«^3 — ïS «o° „«»ec« >,-3 =" -g p s g « .^g|gs«= s ssëlillsii^ 2^^s-« i^l-i:-^ ^ ^ j^ill 5. -=!-■=§ '^|S3 — ï. c «> t^ -0 00 «3 -o -ra J c/) CJ *" ^ C X S f a = "3 ^ „=- g^ « § 2 £ ï b~ = «-3~' « oj ^ ë <" ==- -s -"";2-^ ^~ = r, ™ =2 -a ^ ^- -= ^- o- -^ g ^ " .2, §.-3 s Ç5 2 « c c .^ E o P ^ ^a i--, »o C/3 - c c. — c» - t^ r-^'r. O t^ cc^ 'nO ^ r^ 'O O fO ,- -SdUinip O 'O o J -saujnip œ oc c-^ o co '2 ® lO 1 -3 S -g E S o oc b- 30 1*1 1^ £4 al s: •w ? CD O S E- . - *^ Lo 'O -^t vT *n lo »ri «n vt v^ -^ t^ t^ r^ t^ r^ i-» r- t> t^ i^ i^ t> a "^ a Cl / . -J-! "H .r 2 i^- 3 =« w « S ;« 72 7 c. S Oi o^.ccci c- c- c. Ci a l 1 1 1 1 i 1 M i 1 1 1 ^ - es es - ;: o s B o .a -a U I 3 f -ujnuiixuj;^ .a c 2 s î^ >j^ ce o r^ vt ts c. ^T .*o -CSCSÎ^«iM<-< o <- \ aji.imnaijj . o c c - o Ci'O r:-) îO oc o Cl a ce ra ^ m i^ r-> <-. Ctn_ ^ ^ *^ i c^ o Ci-* -.-r r^oo'^'aT*^' Ci •£ *r) O 'O *o 'O «j-i i-o »r: if-, »o *n o r~. i-> r^ t^ r-< r> r^ r^ i-' i^ i> t^ S 00 tn h i ajuiejadmaj ^m^a-cs CitN iN iN^i^'^C. ^ ]^ , co *^ oo I -^ c.oo o 00 fO Ci r» r^ = Ci O C. vi- v:t 00 r'-. t" «T VT Cl o " 'n -.c '-(^ *o »n *r> irt »o i.-; 'O ïn O ^ >-. a. a- , - a n c3 ; S s' s" p — 00 oi B ®- -- - co r^ O c/5 O ,' ! '■ '. '. ' ; "S <" -° -= !-S j; > "-z-a o 5-u o-tu a a -3 ^_ --T «-1 i i i J rï • — 0^, .^ ANNEE ^850. !NAN, ALTITUDE DE LA GIROUETTE 47'",295. Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre. . . Octobr* Novembre. . . Décembre.. . . Aunée iS5o.. . Nombres propor- tioDQels pour un total dd i.ooo NOMBRE DE JOURS NT LESQUELS LE \EMT A SOUFFLÉ à 0 heures du soir. w 6 t« en cÀ) c/b t/5 38 41 3(', Les vents dominai Les vents qui ont \jç I 3 2 I 7 n J I » » » „ ), 5 3 5 I » 2 » „ >, 2 3 S M I I » 11 2 I 12 8 » 5 » „ » ., I i4 3 „ 9. T „ » r » II 6 T T » j, M I „ 16 3 2 o I » >> i3 8 » 4 3 » » » •> 3 9 I 2 » 2 W „ 2 7 II ,1 2 2 n 2 3 4 12 4 » I I I 4 8 6 4 I 4 23 II 4 6 lO 20 109 77 II C3 3o 1 1 i6 27 55 299 211 18 49 M" 2. RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS MÉTÊOROLOGIQIES FAITES A L'ÉCOLE NORMALE DE PERPIGNAN, PARU. BÉGUIN, DIRECTELR. ALTITinP. ireRE DE JOIRS ==^= NOMBUI-: i>K joons PENDiXT LESQUELS LE \EM A SOLFFLÉ à 9 heures du matin. PE^Di^T LESQrELS LE TEM A SOCFFLÉ PEXD»!rr lESQlEIS LE \F.>T A SOCFFIÉ MOIS. 1 . t 1 1 1 à 9 heures du soir d c — -^ r. 1 Uj - X 9 'h c = d •fi 0 k 1 1 1 1 ^ ç d d «s 1 1 1 1 'n ^ ^. 'r. ui /. r. ■r. '-n -/5 ■r. r. ■è. CÀ Ui ^ 4fl ■^ c = 0 ^ Janvier 2 2 I 5 3 „ I >» a 3 . j^ 2 5 4 4 4 3 3 1 a , I 3 12 « 3 3 a I a 3 2 1 l ■■ 1 KcvritT I i> a 4 A n 3 I I 4 M 2 « b 2 8 ■ 8 a 2 » B a a » a 10 7 ■ 5 1 5 5 „ Mars 4 i a 3 J 1 a I ■ 2 3 ■ 7 2 » i3 3 I a • a a a «1 12 " I lO » „ 2 3 S 9 Avril I a I " n a i z M » 8 9 2 I 3 a 3 . n 4 B a •> 5 11 a I I a I 2 1 12 « •. Mai i i I M •» 4 2 ■• ■ 1 « 7 1 . 2 2 -- 3 I a I a „ 7 3 « ■ a a 5 „ t ■ 4 3 2 Juin 4 4 J « » » a (t » 1 8 6 2 I 2 2 4 4 m • a I » 3 11 2 I B a a a I „ II 5 4 Juillet " t) I n n B n » 3 2 4 8 5 I 3 2 II » D a » a 7 4 2 1 3 1 I I ., iG 3 4 Août T 2 •ï 3 2 2 3 3 2 I a 3 i; 7 5 S ,'1 H 3 1 Septembre. • . . I 3 4 » 4 1 „ Ju 5 5 „ 1 4 J I •> > 4 2 3 „ a n 4 n 3 9 Octolir* I 1 " n 2 I - » 2 2 6 10 3 » 1 . 6 » I V a I n '1 9 1 n . „ I 2 n a 7 SI I ^(JveIIJl)re. . - . ■ " - " " - 2 6 5 4 v5 9 3 1 3 I •• ~ - a I a a 10 7 6 2 3 M I a » 2 3 4 12 8 4 « » Décembre " " " " I 2 I 9 J " " • ' n ■ 3 a ■* I 7 " I I * 4 1 4 " — — — — — — — — — — — — — — — — — _ — — — _ — — — — _ — — — — — _ — _ — — — — — _ — — — — Auiice iSSo.. . 14 i5 14 3o 20 6 5 la 12 12 5 17 20 6o 9' 32 ifî 2i i4 4) i4 14 5 i6 4 5 4 6 6 6o 97 iS i6 8 an aa c 4 4 23 11 4 G i« 20 lui) 77 18 Nuiiilirrspropor- tionnilupourun tout lltf I.OUO 38 41 38 8a 55 i« 14 33 33 33 ■4 47 55 i64 >49 88 44 G3 93 ii8 38 38 i4 44 II ï4 II i6 ib i65 26(> 49 44 aa 74 Gi iCJrr 11 r>3|3o " lU 27 55 '99 211 4y N-O et l'O-N-O ; tiennent ensuite l'E-N-E et le N-E. Lva vuuts »|ui inl le plus (tcncraleineiil rcRiic pendant Ij liluic, sunt: l'E-S-E et le E-N-E; le N-O ^■\. l'O-N-O nnt succédé h a |iliiic J I tj es H 2 PS Ed -a <=> ^ ce o « -U3 O ? -«! ss Ed sa o Ed S WD ■Ed es o 00 tu o •-Uvr Z z •aimj aa HiIl^;vll^) ■,n en io m ë o o'o 1-^ ^1 iM o -o ^-f o -■- — lO -T î^i l'î I* 1^ *T -r -T (M ;o --T o i-D c lO o o iO l^ •■ii.n^an sunof ;ia ;niaKo>c '>\ ;."5 lO C: --T o in m t- iO îO ^T •soSenii suEi.^ a Q u •xuEa{[ •xtiaiAn[j^ o ;o --T lO ^--S lO ~T l- to O Cl o i^lCO^^t- — CSîOO-— MOO s>i — j; 05 ira 00 o :ra (M C5 O 1-- 00 C5 O -^ — t- -^ Jra ira C5 00 ira :ra o o :o o s» ira t ■* o -t ■M O l}-\ (D (M O co -* w O JO îo ira ce «O ira -* t^ (M V* T oc ira ira -^ "M i-- ira im ~^ o ira ira (M (S !0 Î>1 o îra 00 c c 378 ^ciim^^eUxe^, SAINT-ANTOINE-DE-GALAMUS ET NOTRE-DAME-DE-COîiSOLATION. I. Les Pyrénées-Orientales, favorisées par un beau ciel et par leur position topographique, entre la Ca- talogne, les départements de l'Ariége et de l'Aude d'un côté, et la mer Méditerranée de l'autre, possè- dent, outre des monuments historiques qui ont échappe aux ravages du temps et à la hache du vandalisme, plusieurs ermitages offrant aux touristes des siies admirables : tels sont ceux de Saint-An- loine-de-Galamus ^, de Notre-Dame-du-Coral ^^ de ' Cet crniitafje, non loin du Saint-l'auI-de-Fenouillet, arrondissement de l'crpi[jnan, au pied de la bréclic que s'est ouverte l'Agly, à partir de •1-'582, l'ut colonisé pendant un siècle environ par des religieux Observaiitins. - L'ermitage du Coral l'ut consliuit en )2()0. — Coral, vieux mot catalan (jui signiiie chêne, ariire. La tradition populaire dit que cette vierge fut trouvée daus le cœur d'un chcnc. (Annales de Calalogne.J 379 Font-Romeu, deNotre-Dame-de-Consolalion i, etc. — Presque tous sont sous riuvocation de la Vierge^ de cette mère des anges, qui résume en elle toutes les grâces, toutes les perfections, et qui, comme une étoile protectrice, nous guide dans le sentier de la vie et nous en signale les écueils. Ces sites, dignes d'exercer le pinceau de l'artiste à l'imagination poé- tique, ont acquis une célébrité que le temps n'a fait qu'accroître; ils sont encore embellis par de dé- licieux ombrages et des fontaines aux eaux cristalli- nes et pures. La population Roussillonnaise, après les travaux de la moisson, et avant que ceux de l'au- lomne commencent, visite annuellement ces ermi- tages, et va goûter, sous les voûtes parfumées des tilleuls séculaires, une fraîcheur que ne peut plus lui donner la plaine, dévorée qu'elle est par les feux de la canicule. Nos pères élevèrent ces monuments dans une pen- sée éminemment religieuse, et les placèrent, à cet effet, comme des nids d'aigles, au sommet des mon- tagnes ou dans les vallées profondes, parce qu'ils pensaient que, livrée à la solitude et au recueillement, l'àme, n'étant pas distraite par les bruits du monde et les plaisirs terrestres, s'élève avec plus d'abandon vers le Créateur de touie chose. De nos jours, façon- nés au joug du scepticisme et initiés à des idées nouvelles, notre foi s'est attiédie, et nous nous glo- rifions de notre indifférence. Nos pères se rendaient aux ermitages, les pieds nus, un rosaire et un bour- don à la main; nous, nous visitons ces asiles de paix, 1 Consolation a été construit daus le xvii= siècle; en 1811 de jjrands em- bc'llisseincnls y furent faits; c'est de cette cpocjuc que datent les terrasses, les cuisines, etc. 380 moins dans un but religieux, qu'animés du désir de nous procurer des jouissances passagères II. L'ermiiage de Sainl-Anioine-de-Galamus est cons- iruit dans un lieu désert, sauvage; son aspect inspire un vague sentiment de tristesse. Encaissé entre deux hautes montagnes, taillées à pic, au fond d'une gorge étroite et sombre, il voit rouler à ses pieds un tor- rent qui, dans son cours rapide, prend le nom de ri- vière.— L'entrée principale de la gorge est fermée par une grille de fer, et, lors même que celte grille se ferme sur vous, l'espérance guide vos pas et vous promet un lieureux retour... Parvenu à l'ermitage par un sentier, ayant, d'un côté, un précipice dont l'œil ne sonde la profondeur qu'avec effroi, et, de l'autre, la roche abruple et nue, on est tellement à l'étroit dans ce sanctuaire mystérieux, qu'il semble qu'on y manque d'air et de lumière : on y a froid... La chapelle est creusée dans les flancs du granit; l'eau qui suinte de ses parois vous fait éprouver un malaise indéfinissable. Et cependant, cette Thébaïde, cette belle horreur, comme aurait dit Chateaubriand, attire une grande foule, a. la Pentecôte, ibule si grande que souvent elle ne peut la contenir; c'est qu'alors renaît la saison des fleurs, que la terre se pare comme en un jour de fête, et que du haut des monts d'où s'exhalent des 381 parluiiis Ijalsaniiques, riioiiinic se plaîi à saluer le réveil de la nature, ei à rêver un avenir de gloire ei de prospérité !... III. Consolation présente au voyageur un contraste fiappani avec $aini-Antoine-de-Galanius. En partant de Collioure, le sentier que l'on parcourt, iracé d'a- bord au milieu des vignes, ensuite dans le roc, s'é- lève insensiblement pendant une demi-licuc; le val- lon alors s'élargit, se développe, devient plus riant, plus animé; et, quand vous êtes arrivé au terme de vo- ire course, l'ermitage vous apparaît tout-à-coup, com- me une oasis, avec ses terrasses élégantes, disposées en amphithéâtre, son église rustique, ses vastes locaux ap- propriés aux besoins des visiteurs, ses fontaines salutai- res et abondantes, ses arbres séculaires servant debar- rière infranchissable aux rayons dusoleil. Plus de deux mille personnes peuvent là être à l'aise. Une brise douce et légère s'y fait régulièrement sentir; jamais le vent impétueux du Nord ni le vent chaud du Midi n'ont pu y pénétrer. On éprouve, en y arri- vant, une quiétude, un bien-être qui ont fait dire que si la mère du Sauveur devait se reposer quelque part sur la terre, c'est Consolation qu'elle choisirait. Cet ermitage est placé dans un vallon délicieux, entouré de hautes montagnes d'un accès facile et ta- pissées de verdure; mais sa vue est bornée du côté de la Méditerranée; ce n'est que derrière l'église, au Nord-Est, à travers une échappée, entre deux pics, qu'on voit la mer sillonnée de voiles latines, la ville 382 de Collioure, ses foils, son clocher à la forme arabei, ses côleaux couverts de vignes, produisant le Falerne du Roussillon, et la chapelle de Saint-Vincent, hàiie sur un écueil, au milieu des flots, comme un phare prolecteur : vaste panorama dont l'imagination aime à reproduire l'image fidèle, alors que l'espace nous sépare de ces lieux enchanteurs. Et puis, lorsque vous quittez Consolation, que vous dites adieu au vieil ermite, que vous retrouvez la plaine avec sa monotonie prosaïque, votre cœur se serre, le regret vous accompagne; car il semble que c'est à l'ermitage de Consolation que vous voudriez passer une partie de votre vie, entre le ciel et lui!.... Joseph SiRVEN , Membre corrcspondaiU de plusieurs sociétés littéraires. 1 Ce clocher, en forme de tour, servait de phare avant 16 '(2. L'église de Collioure, incendiée par les troupes Françaises, lors du siège de cette place, et démolie en IGTÔ, a été élevée en 1C84, tout joignant cette tour ou clo- cher, [j' église ancienne était située au glacis du château. 383 tJ^ t^ô, cy/i^/tn J:!/J<(ra^t(/. I. Lorsque Bages, aux champs tout épuisés de sève, Voyait, de nos Flacliats ingénieux élève, Notre Eugène 1, entouré de vigoureux sondeurs, A d'arides sillons déshérités de l'onde, Promettre le bienfait d'une source féconde Qu'emprisonnaient du sol les vastes profondeurs , * Bages, petite commune à la kilom. de Perpignan, jusqu'alors exposée à de frccjucutcs et calamiteuses sécheresses. ' C'est en 18Ô.") que fut exécuté, sous la direction de IM. Eugène Durand de Perpignan, ce forage, bientôt suivi de plusieurs autres non moins lieu- Teus; succès d'autant plus admirables, que l'intelligent sondeur, en même temps très habile ouvrier, n'avait voulu devoir qu'à lui-même tous les ins- truments dont il se servait et que, dans sa modestie, il ne cherchait à don- ner aucune publicité à ses travaux, connus seulement de ses compatriotes. Il n'en reçut le prix qu'en 1843, épo(juc h laquelle la Société Royale et Centrale d'Agriculture lui décerna, sur un rapport de M. le vicomte llcri- cart de Thury, sa médaille d'or aux trois effigies de Louis XV, Louis XVI et Louis XVllI, avec la légende commémorative de cette triple protection : INSTITIUT, CONSTITIIIT, UESTITUn . 384 Le vulgaire disait : « Insensés que vous èlcs! « Rêvant partout des eaux à jaillir toutes prêtes, « Détrompez-vous ! Ici, vos efforts éclioûronl ; « Ces campagnes jamais ne seront arrosées « Que par les flots du ciel, les nocturnes rosées, « Et les vaincs sueurs tombant de votre front. « Orgueilleux novateurs! Et pour qu'à votre apiiroclie, « Nos courants souterrains, même à travers la roclie, « Montent, se prodiguant à l'herbe qui jaunit, « Pour nous flatter, ainsi, d'une terre promise, « Portez-vous dans vos mains la verge de Moïse « Qui faisait, par torrents, sourdre l'eau du granit? « Vous! Et rappelez-nous, s'il se peut, vos miracles? « Naguère encor, Tatz6 l fil mentir vos oracles. ,( D'un fleuve, disiez-vous, là dorment les trésors : « Courage!... A trois cents pieds la sonde est enfoncée, i) Et de celte richesse, au-dedans annoncée, « Pas une perle d'eau qui s'élance au-dehors. ^ « Et, dans notre cité, quand vous chassiez, naguère, « De la tombe où dormaient deux grands bommes de guerre 2, « Leurs restes glorieux, ob ! le succès fui beau ! « Votre sonde, excitanl la publique risée, « Dès son premier effort, y demeura brisée, « De son cadavre, au moins, repaissant ce tombeau 3. » Talzô, maison Je campagne Je M. Garcias, ancien député des Pyrénées- Orientales. 2 Ce sondage eut lieu en 1820, sur la place Koyale, presque au méine en- droit où avaient long-temps reposé les cendres des généraux Dagobert cl Dn- pommier, transportées processionnellement, en 1 82G, au cimetière de la ville. 3 Un sondage plus heureux (il faut bien le dire) avait précédé ceux dont il est question dans ces deux dernières strophes. M. Fraisse avait déjà réussi, en 1829, à doter, d'un puits arlcsien, sou domaine de Puig-Sec, près Tou- louges". Mais il n'avait obtenu qu'un faible filet d'eau, n'en donnant pas même un litre par minute, et dépassant à peine le niveau du sol. C'était us- :)85 « C'est qu'à son gré, Dieu seul appauvrit ou fccoiule ; « C'est qu'il n'a jamais dit, ainsi que votre sonde : « Terre! à toi, désormais, partout un Ilot pareil! « Je veux que chaque sol, n'importe sa nature, « Aux yeux de l'iiommc, ail droit à sa part de cullurc, « Comme il a sa part d'air, et d'onilirc, et de soleil. « Il a dit, au contraire : Ici, ma providence « Toujours, à pleines mains, vciscra l'aliondanco, « Et, là, pour deux étés, une seule moisson; « Là, nourrissons chétifs de ces arides pentes, « Des seigles clair-semés et des vignes rampantes ; « Là, d'épaisses forets; là, pas même un buisson. « Car il peut de ses biens être avare ou prodigue, « Celui qui d'en semer jamais ne se l'atignc, « Et qui, donnant partout, ne doit rien nulle part ; « Celui qui, n'en déplaise aux humaines sagesses, « Doit savoir, seul, comment épancher ses largesses, « Seul qu'il est à couvrir la terre d'un regard. K Laissez, laisscz-donc là ce labeur inutile ; « Tout sol déshérité doit rester infertile ; « Ainsi l'ordonne un Dieu, de ses desseins jaloux. « Allez, s'il veut doter ce vallon de fontaines, « Il saura bien, d'un mot, les faire par centaines « Eclore, sans avoir en rien besoin de vous. » sez sans doute pour qu'une médaille d'or lui fût areordée par la Société Royale et Centrale d'A{;ricuUure ; mais la poésie, plus indépendante que la science, se place en présence d'un fait, n'en accepte que ce dont elle a besoiu pour le développement d'une idée, et ne se fait pas plus de scrupule que la peinture de laisser dans l'ombre tout ce qui pourrait nuire au point qu'elle veut surtout illuminer de ses rayons. C'est ce que n'a point hésité à faire l'au- teur de la pièce qu'on vient de lire. Devant la fonlaine de Baf;cs, qui verse 2.000 litres d'eau par minute, et s'élève a la liauliuf de plusieurs mètres, il n'a d(i ni voulu se rappeler l'humble source de Puip,-Sec, dont le souvenir invoqué aurait dépouillé de tout son effet le mouvement de ces strophes. 386 Mais eux, sans s'émouvoir de ces vaines paroles, Que, clans l'air, emportaient au loin, les brises folles, Eux, poursuivant leur tâche, enlevaient tour-à-tour, Dans le creux de leur sonde, argile, marne, sable, Et calcaire rebelle, et roc infranchissable, Débris tout étonnés d'être portés au jour. Et l'immense clameur, comme un bruit de tempête, Grondait, grondait encor, au-dessus de leur tête, Que déjà, dépassant les mâts de l'appareil, Une onde, jusques-là sous la terre enfouie, Colonne de cristal, en gerbe épanouie. Eblouissait la vue et jouait au soleil. II. Hommes de peu de foi qui parliez de la sorte. Vous ne saviez donc pas que chaque siècle apporte, A l'hôte passager du terrestre séjour. Quelque germe nouveau de vie ou de bien-être Destiné, tout d'abord, à des mépris peut-être. Mais qui doit de ses fruits couvrir le monde, un jour. Vous ne saviez donc pas que Dieu bénit tout œuvre Dont on se fait l'apôtre ou, même, le manœuvre Pour soulager, hélas! la triste humanité; Qu'il n'est point, avec lui, d'invincibles obstacles. Et qu'il peut accorder jusques à des miracles Aux cœurs brûlants de foi comme de chanté. Or, dans un des sentiers que son doigt vous révèle. Vous raontre-t-il de biens une source nouvelle, A faire encor jaillir sous vos labeurs constants? Accourez! que toute âme à son appel réponde : Et, SI le sol rebelle use et lasse la sonde. Ne perdez point courage et comptez sur le temps. 387 Dites-vous que tout fruit, enfin, mûrit sur l'arbre ; Qu'on doit, avec effort, long-temps polir le marbre Pour qu'il offre aux regards tout ce qu'il a d'email ; Que nous ne fumes point toujours ce que nous sommes, Et que la même loi qui dégrada les hommes, Pour les régénérer, mit un prix au travail. Pierre Batlle. 388 DISCOURS DE CÉSAR A SES SOLDATS RÉVOLTÉS. Traduit du Livre V de la Pharsai.i;. Soldats, voici César! Celui, qu'en son absence Menaçaient vos clameurs, est en votre puissance. Son cœur est découvert ; il l'offre à vos poignards ; Osez frapper! Mais quoi! Vous baissez les regards? Fuyez donc, vils soldais, abandonnez vos armes, Puisque la paix pour vous semble avoir tant de charmes. Voilà bien les exploits de la sédition : Des menaces, des cris,... jamais une action! Mais le soldat, qui peut déserter la victoire, Abandonner son chef, qui le guide à la gloire, Est un lâche, banni des immortels festins. Partez, livrez César à ses propres destins ! Vos armes trouveront des mains plus dignes d'elles ; J'attends de la fortune autant de bras fidèles Que vous aurez laissé de glaives sans emploi. Eh quoi donc! Mon rival, vaincu, saisi d'effroi. Entraînerait encor, chassé de sa patrie, Les peuples, les vaisseaux de toute l'Hespérie ! Et moi, que la fortune a couvert de lauriers. Je ne trouverais pas d'aussi nombreux guerriers ! Us viendront, sans braver le fer ni les tempêtes. Recueillir tout le frnit de vos nobles conquêtes. Et conduire en nos murs, mon char triomphateur ! Et vous, accablés d'ans, flétris par le malheur. Devenus populace, aux bornes de la vie. Vous verrez notre gloire et vous mourrez d'envie. Pensez-vous que César, privé de vos secours. De ses vastes projets interrompe le cours? Si les fleuves ligués, au sein des mers profondes, Refusaient de porter le tribut de leurs ondes, L'Océan, que leurs eaux ne peuvent agrandir. Contre les mêmes rocs viendrait toujours bondir. 389 De mes nobles destins, vers lesquels je m'élance, Nul de vous n'a jamais fait monter la Lalance. Les dieux, avec le sort jaloux de concourir. Vous laissent ici-bas vous sauver ou mourir. Sous (|uek|ues grands esprits se meut l'espèce humaine , L'Univers vit pour eux, il en est le domaine. Le Germain, l'Espagnol vous voit avec terreui ! Ah ! ce sont mes drapeaux ((ui les glacent d'horreur ! 'V^ous luiriez si Pompée était à votre tète ! Tant que Labiénus seconda ma conquête, 11 l'ut brave Aujourd'hui, soldat dégénéré, Il fuit avec le chef qu'il m'avait préféré. Déserteurs de mes rangs, cherchez de nouveaux maîtres, Ou bien rentrez chez vous, vous serez toujours traîtres. Celui qui, de mon camp est une fois parti, En vain, de mon rival évite le parti ; Désormais il n'est plus soldat de mon armée. Pour mon noble étendard la fortune alarmée. Avant de m'envoyer à de nouveaux combats, A voulu que mes rangs changeassent de soldats. De quel pesant fardeau mon âme est affranchie ! Le destin permet donc que je vous licencie, Quand, pour récompenser tant de travaux divers, A peine à votre espoir suffisait l'Univers ! C'est pour moi désormais que je ferai la guerre ! Jetez vos étendards et vos armes à terre, Vils Romains!.. Des soldats viendront les ramasser. Mais de ces factieux, que je viens de chasser, Il en est toutefois que retient ma justice. Artisans de révolte ! avancez au supplice ! A genoux ! Présentez vos têtes au licteur ! Et vous, jeunes soldats, qui d'un triomphateur Devez seuls partager les périls et la gloire. Avant de remporter la première victoire. Voyez où les complots enfin vont aboutir : Apprenez à frapper ! Apprenez à mourir ! Ij. Fabre, Professeur au C(illi'()t il« l't'r[)i{;naii. 390 EffiANTS , mu ! Musique de M. Fabre, prof, de flûte. Entendez-vous la cloche De l'antique couvent? Le son grandit, approche Sur les aîles du vent. Un ange vous appelle, Enfants, venez, venez, De roses couronnés ; Enfants, venez, venez Prier à la chapelle ! Marie, au sanctuaire, Sourit à vos ébats ; Comme une tendre mère, Elle vous tend les bras. Un ange vous appelle. Enfants, venez, venez, De roses couronnés 5 Enfants, venez, venez Prier à la chapelle ! Par la voix du lévite, Aux Saints décrets soumis, La Vierge vous invite Au festin de son fils. 391 Un ange vous appelle, Enfants, venez, venez. De roses couronnés ; Enfants, venez, venez Prier à la chapelle ! De la cloche qui tinte Le son mystérieux S'éteint comme la plainte. En s'envolant aux cieux... Un ange vous appelle, Enfants, venez, venez, De roses couronnés ; Enfants, venez, venez Prier à la chapelle ! Joseph SiRVEN 392 LES SEPT PAROLES DE JESUS-CHRIST SUR L.\ CROIX. SOISNETS. m PREMIÈRE PAROLE. l'ater, dunilte itiis, non cniin sciimt quid faciimt. Mou Père, pardounez-leur, car ils ne savent i-e qu'ils font. Que ce monde, où toujours quelque nouveau Judas Ne cherche qu'à nous perdre, en nous baisant la joue, Nous couronne d'affronts, nous traîne dans la boue : Souffrons tout, sans nous plaindre, et ne maudissons pas. Oui, c'est peu de porter notre croix, ici-bas ; Il faut encor, il faut, tandis qu'on nous y cloue , Et qu'àl'envi, chacun nous raille, nous bafoue. Prier pour qui nous livre à ces poignants combats. Entouré de bourreaux qui, d'un amer calice. Lui faisaient, goutte à goutte, endurer le supplice Et pour eux, cependant, plein d'un amour profond, L'homnie-Dieu, le Sauveur en qui notre âme espère. Ne s'écria-t-il point : « Pardonnez-leur, mon Père ! « Car ils ne savent ce qu'ils font? » 393 DEUXIEME PAROLE. Amen dieu Ubi, : kodic meeum cris in Paradiso. Je vous le dis, en vérité : vous serez aujourd'hui avec moi en l'aradis. Le Dieu que, trop souvent, notre cœur abandonne Toujours, s'il nous retrouve, est prêt à nous Ijénir ; Autant, dans sa justice, il est lent à punir, Autant, dans sa bonté, promptement il pardonne. Quelle touchante preuve, au Calvaire, il en donne Entre les deux larrons ! Sentant sa fin venir : « Seigneur — dit l'un — de moi daignez vous souvenir « Au Ciel, qui s'ouvrira si votre voix l'ordonne. » Et Jésus, à ces mots d'un pécheur ramené, Sent rafraîchir son front d'épines couronné. Bénit celui dont l'âme à son royaume aspire. Et répond, le visage éclairé d'un sourire : « Eu vérité, je vous le dis , « Vous serez avec moi, ce soir, en Paradis. » 39 'i TROISIEME PAROLE. Dkit Matri suœ : Mulier , ceci filius luus. Deindé dkit discipulo : Eccè MaUr tua. Il dit à sa IMère : Femme, voilà ton fils. Ensuite il dit au disciple : voilà ta Mère. Hommes, pourquoi marcher isolés dans la vie Et, sans jamais songer à devenir meilleurs, Riches, toujours du pauvre oublier les douleurs, Pauvres, toujours montrer au riche un œil d'envie? Aimons-nous, le bonheur de tous nous y convie ; C'est là le seul remède à nos communs malheurs. La terre but assez et de sang et de pleurs : Qu'elle respire, enfin, calme, heureuse, ravie ! Chrétiens! réalisons celte fraternité A laquelle appelait toute l'humanité Le Sauveur à la fin d'une agonie amère, Lorsque Marie et Jean recueillaient, sous la croix, Ces mots, réglant de tous les devoirs et les droits : « Femme, voilà ton fils, homme, voilà ta Mère. » 395 QUATRIEME PAROLE. Deus meus, Deus meus, ni ijuid dcreliqnisli me. ? Mon Dieu, mon Dieu, |M)ur(|uoi m'avez- vous abandonné? Si, regrettant, hélas ! plus d'un bonheur enfui, Toute âme, parmi nous, à son tour, souffre et pleure, C'est que l'esprit du mal égare la meilleure, Et que, par les douleurs. Dieu nous ramène à lui. Comment donc osons-nous, au plus léger ennui Dont le Seigneur nous frappe ou plutôt nous effleure D'un injuste abandon l'accuser, à toute heure, Lorsque sa rigueur même atteste son appui? Celui qui, seul sans tâche, en ce monde où nous sommes. Accepta pour fardeau tous les péchés des hommes. S'il n'avait été Dieu, sous leur poids affaissé, Celui-là, seul. Seigneur! a pu faire sans crainte, Monter vers toi ces mots, en innocente plainte : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avcz-vous délaissé? » 396 CINQUIEME PAROLE. .St<»o. J'ai soif. « J'ai soif, » s'est écrié, dans sa douleur profonde. D'un supplice nouveau l'Homme-Dieu tourmenté, Et bientôt, ô douleur ! ô crime ! un fiel immonde A sa lèvre adorable est hélas! présenté. Mais ce mot si touchant plane eiicor sur le monde, Par l'écho du Calvaire aux siècles répété, Ingrats ! Et de nos cœurs fait-il mieux jaillir l'onde Que le Sauveur attend avec anxiété? Non, non ; de notre foi le réservoir fragile A laissé fuir les eaux qu'y versa l'Evangile ; Nous devenons du Christ bourreaux à notre tour. Seigneur ! et résister à ta parole sainte. N'est-ce point t'abreuver de vinaigre et d'absinthe, Toi qui ne fus jamais altéré que d'amour! 397 SIXIEME PAROLE. Consummatum est. Toiil est coiisomnii' Eussions-nous outragé le Seigneur, dès l'enfance, Pleurons sur nos forfaits, nous en serons absous. Si l'expiation doit égaler l'offense Pour qu'elle apaise un Dieu, juste autant que jaloux. Jésus ne vient-il pas, percé d'un coup de lance, Le front meurtri, le corps tout déchiré de clous, A côté de nos pleurs, mettre dans la balance Les flots de sang divin qu'il répandit pour nous? Et comment craindre encor ta justice suprême, Seigneur ! quand pour appui nous avons ton Fils même, Par qui notre pardon fut déjà proclamé. Alors que, sur la croix, victime volontaire, Ce grand Réparateur des crimes de la terre, Qu'embrassait son regard, dit : « Tout est consommé ! 398 SEPTIEME PAROLE. Pater, in mamts Uias commendo spiritum meiim. Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains. Notre corps s'use et meurt; notre âme est immortelle. Faisons de lui l'objet de nos soins les plus chers, 11 n'en sera pas moins la pâture des vers ; Et qu'en restera-t-il? De la cendre Mais elle! Si nous la surveillons, avec le même zèle, Durant tous les combats, dans son exil soufferts, Quel sera son bonheur quand, libre de ses fers. Elle aura reconquis la patrie éternelle? Sachons donc préférer, sûrs d'un tel avenir, Ce qui doit toujours être à ce qui doit finir ; Domptons la chair ; vivons de paix intérieure, Et nous pourrons, ainsi que Jésus nous l'apprit, Nous éciier, sans trouble, à notre dernière heure : « Mon Père, entre vos mains, je remets mon esprit. » Pieirc Bati.i.e, 399 LA FETE DU VILLAGE, Épisode traduit (lu PRyEDIUM RUSTICIM du Père Vanière*, (Livre VII ). Mais voici de la Vierge enfin venir la fête ; Que tout riche habitant dès la veille s'apprête A porter au saint lieu, pour ce jour solennel, De quoi parer le temple et décorer l'aulel. Qu'il soit chargé de Heurs aux teintes printanières. Jeunes filles, c'est vous,, oui, c'est vous les premières, Que réclament ces soins : qu'il brille de vos dons! Et vous, qui dirigez cet essaim de garçons, Vous les chefs de leurs jeux, ah ! surtout faites taire, Quand le prêtre remplit son sacré ministère , Faites taire le bal ! que ses bruyants ébats, Epars loin du lieu saint ne vous retiennent pas. Plutôt, dès le malin, sous la voûte divine, Venez porter en chœur le gâteau de farine ; Et, par ce don pieux, par des hymnes d'amour. Consacrez, tous les ans, l'aurore d'un tel jour. Celui qui, jouissant des célestes cantiques. Ecouta volontiers vos concerts bucoliques, Et naquit sous le chaume, au sein de vos hameaux. N'a jamais dédaigné vos pieux chalumeaux. Pendant ces saints devoirs, de tout le voisinage Les conviés en foule arrivent au village. Otl leur sert un repas et succulent et sain : Des poulets bien nourris, un lièvre, un marcassin, De lait, caillé la veille, une jatte abondante ; Et, malgré la gaîté que le vin alimculp. * Le rèrcVanirre naquit à Causses, villay;e du «liocoso de Bp/.icr.s, le 9 mars I6GÎ, et mourut, à Toulouse, le 22 août 1739. 400 Dès qu'ils ont ciilciulu préluder le li3iil])ois, Ils dcscilcnt la table cl courent à la fois, Attirés par le bal, sous l'ombrage d'un hêtre, On déjà retentit le tambourin champêtre. D'abord en longue fde, et se donnant la main. Ils promènent la danse, et reviennent enGn , Après un long circuit, au milieu de la place. Aux fenêtres le peuple apparaît et se place. Tout danse, pieds et mains, grotesciues mouvements, Que ne peut diriger l'accord des instruments. Tantôt on court en cercle à lombre du feuillage, A droite, à gauche, on va, l'on vient, l'on se dégage, Et la chaîne rompue, on s'évite, on se suit ; Puis chaque couple à part se recherche et se fuit, Et, d'un rapide élan, retombe face à face. Puis, au signal donné, chacun avec audace Enlève sa danseuse, et, d'un bras qu'il raidit, La présente à la foule et la foule applaudit. On se lasse à la fin ; on s'assied, on s'essuie ; Mais un moment après du repos on s'ennuie. Tous se sont relevés, et toujours pleins de cœur. Foulent le sol poudreux d'un pied ferme et vainqueur, Mais bientôt rappelés aux verres, à la table, Où les attend encor un repas délectable, Us célèbrent les brocs, à longs traits y puisant L'oubU d'Amaryllis au regard séduisant. Le festin, cependant, le bal et la musique Tout seuls n'attachent point l'avidité publique : Mille objets curieux de toutes les façons Sont là pour l'exciter Jeunes filles, garçons Convoitent, ébahis, la belle marchandise Qu'étale un juif mahn aux abords de l'église. Plus loin, un histrion, prestidigitateur, Fascine les regards. Adroit escamoteur. Il montre aux villageois des tours, des fariboles, 401 Que relève sins cesse un vain !)i'iiit de paroles ; Et le peuple naïC, du prodige enclianlé, Murmure : avec Satan, cet lioinme aura traité ! Puis, changeant d'industrie, en un grand verre oplique, Il montre le soleil, la lune et i'écliptique, lyOcéan orageux, des moissons, des troupeaux, Des monarques chargés de brillants oripeaux. Ensuite, il représente une immense bataille. Cavaliers, fantassins, les tambours, la mitraille; Des chênes alignés, au front audacieux, Que l'on voit se confondre avec l'azur des cicux ; Et, parmi les forêts, des loups, des ours horribles, Des tigres affamés et des lions terribles. Sur un ihéAlrc, ailleurs, formé d'un tombereau, Que couvre tout entier un modeste rideau. On voit soudain surgir un peuple de pygmécs, De cbx pouces de haut, les mains souvent armées. On éclate de i ire en les voyant parler, Se saluer, courir, danser, se quereller ; Puis avec un bâton poursuivre un adversaire. Qui disparaît aux yeux et trompe leur colère. Mais remarquez ces gens dont l'aspect vous fait petir ; Ce sont des Bohémiens, penj)le errant et trompeur. Qui, vous prenant la main dont ils cherchent les lignes. Prédisent chaque fois des fortunes insignes, A l'homme qui cultive nn froment plantureux, Et le cœur de sa belle à l'amant malheureux. Voici le plus plaisant des plaisirs du village : C'est un rustique char décoré de feuillage. Où des acteurs, vêtus de costumes divers, Célèbrent la saison en ridicules vers. L'un porte sur le front des cornes comme nn diable, Un autre ouvre parfois unfe gueule effrov.nblc. La foule des enfints en tous lieux les pouisuit; 26 402 Mais, dès qu'elle les voit, de terreur elle fuit ; Et chacun court chez soi raconter à sa mère Quel fantôme effrayant le menaçait naguère. Quels sont ces nouveaux cris? Un village rival, Au nôtre du combat a donné le signal : Il accepte Aussitôt, jeux de balle, manilles S'organisent partout. D'autres cherchent des quilles, Ou de l'agilité se disputent le prix. Le Maire, que décore une écharpe à longs plis. De la course à cheval règle la récompense. Sur son coursier chacun impatient s'élance. Au branchage d'un arbre on suspend un anneau, Et l'heureux cavalier qui, passant sous l'ormeau, Emporte dans son daid cette bague qu'il vise. S'en retourne tout fier ; et bientôt, ô surprise ! Il porte à son chapeau, dans la foule qu'd fend, De par monsieur le Maire, un superbe ruban. Aux verres, de ce jour on consacre le reste ; Mais, hélas! trop souvent, par un destin funeste, Le père de la joie et des riants ébats, En déliant la langue, engendre des combats : Des mots piquants, on vient au plus sanglant outrage, Et parfois un malheur attriste le village. Parlerai-je du bal dont la lune est témoin, Des accords langoureux que chaque amant a soin De prolonger, la nuit, en l'honneur de sa belle, Redisant mille fois le nom de la rebelle? Humble, sous sa fenêtre, il lui peint son amour. La trouvant insensible, aux approches du jour, Il s'arme d'un charbon, et, maudissant l'ingrate. Il trace sur sa porte un sévère stigmate. Dirai-je les hautbois, implorant le sommeil. Et l'aube des travaux annonçant le réveil? L. Fabre, Professeur au Collège de Poipif;nan. 403 m MARGUERITE EFFEUILLÉE. Il m'aime, un peu, beaucoup, tendrement, h la folie, pas du tout. Pauvre marguerite effeuillée, Naïf oracle de l'amour, Née à peine depuis un jour, De rosée encore mouillée, Une main a brisé ton sort Pour lire un secret dans ta mort ! Sans pitié pour ce frais poëme Que chantent les fleurs dans les prés, Doux hymne aux accords diaprés Fait d'un seul mot qui dit : je t'aime ! Une âme inquiète, en passant, T'a cueillie et jetée au vent. Chacun de tes chastes pétales Emportait un mot de ton cœur. Hélas ! cœurs de femme et de fleur Ont tous de ces heures fatales ! Même rayon les fait ouvrir, Même douleur les fait mourir ! Mil Voilà ta couronne fragile Mêlée aux ronces du chemin. La fraîche aurore de demain N'aura pour toi, blanche sibylle, Ni perles, ni tièdes zéphyrs Murmurant de tendres soupyrs. Pour toi plus d'amour, plus de iète, Plus de sourires aux ruisseaux, Plus de concerts dans les roseaux, Plus de doux rêves de poète ; Brisée et flétrie à moitié Ou te rejette sans pitié. L'homme a pris ce qu'il voulait prendre De ta candeur, de ta beauté ; Tu charmas son oisiveté. Tu révélas, docile et tendre, Tout ce que recelait ton cœur De folle ivresse et de bonheur Qu'espérais-tu donc, ô jeune àme, De ce froid et cruel railleur Qui compte en riant chaque pleur. Doux pétale d'un cœur de femme.. Va! nous avons même destin, Même bonheur sans lendemain ! Ânaïs Biu-F.4UKË. 405 FABLE. Un oiseleur dans un guéiet Avait déployé son filet, Tandis que d'un miroir les facettes mouvantes Reflétaient dans les champs leurs lumières brillantes. Les oisillons nombreux s'ébattaient dans les airs, Saluant le soleil de leurs joyeux concerts : M Les superbes brillants ! dirent aux alouettes, Leurs innocentes fillettes. — Gardez-vous d'approcher de cet objet trompeur. Répondent les prudentes mères ; Méfiez-vous de ces lumières Et de leur charme séducteur. » Hélas ! aussitôt les pauvrettes, Peu défiantes, mais coquettes. Volent autour de ce miroir Pour s'y voir. Mais, à contempler leur image, Elles trouvent tant de plaisir, Qu'elles s'approchent trop Malheureux voisinage! Car l'oiseleur, fier de cet avantage. D'un seul coup de filet, les prend à son loisir, Et les enferme dans sa cage. Le plus souvent la vanité. Et le trop grand désir de plaire. Entraînent à sa perte une jeune beauté Qui ne fait aucun cas des conseils de sa mère, ROUFFIA, Instihileur ii l'aris. 406 TOUS ÊTES BELLE! A Madame ff* Vous êtes belle, Emma, comme l'azur des cieux. Comme la brûlante étincelle Que l'amour lance par vos yeux : Vous êtes belle ! Vous êtes belle, Comme la perle ou le saphir Qui, sur la fleur, tremble, chancelle Au moindre souffle du zéphyr : Vous êtes belle ! Vous êtes belle. Belle, comme l'enfant qui dort. Comme la timide gazelle, Fuyant légère au son du cor : Vous êtes belle ! Vous êtes belle, Comme la mère du Sauveur; Les anges vous prennent pour elle ; Dieu même excuse cette erreur : Vous êtes belle ! Vous êtes belle, Oui, belle encor de vos vertus : Au sein de la gloire éternelle. Qu'un jour, au nombre des élus, Vous serez belle ! ! . . . Joseph SiRVEN. 407 mi ET FEIIIIE. Et quand mes souvenirs gémissent Je sens dans un frisson sur moi prompt à couler, Comme deux ailes qui frémissent Toujours prêtes à s'envoler. (M'"" Desboudes-Vai.moke.) 0 femme! as-tu quitté les sphères éternelles Pour tremper dans les pleurs le duvet de tes aîles ? As-tu quitté le Ciel pour venir chaque jour Epeler à genoux ce douloureux mystère. Qui, depuis six mille ans, est écrit sur la terre, Et dont le premier mot fut un baiser d'amour ! Oh ! pauvre cœur déchu ! quelle ironie étrange Laisse à ton souvenir ce doux rêve de l'ange, Tout formé des splendeurs et des clartés du Ciel, Quand tu ne dois, hélas ! rencontrer, sur ta route, Que les ruisseaux taris et les ronces du doute, La nuit pour ton regard, pour ta lèvre le (ici. Et c'est là ton destin! pour toi, chaque sourire, Comme un rayon fatal fait éclore un martyre. Les parfums, pour loi seule, ont d'amcres senteurs ; Et si, charmée un jour par qucl(|uc douce chose. Ton imprudente main va cueillir celte rose, Les épines toujours se cachent sous les fleurs. 408 Que v-oulez-vous, Seigneur? et quelle loi suprême, Pour instruire le cœur, frappe tout ce qu'il aime ! Quel sanglot manque-t-il à cet hymne sans lin Où chacune de nous ajoute quelques larmes ! Quelle fibre de l'ârae, à l'abri des alarmes, N'a pas cncor payé son tribut au destin ! Ange et femme, éternel et fatal assemblage ! Pauvre oiseau, tout meurtri des fers de l'esclavage, Et qui voit, à travers son austère prison, Son paradis d'amour, son ciel bleu , le feuillage D'où s'échappa l'accord de son premier ramage, Et ses frères joyeux parcourant l'horizon. Le souvenir du ciel et les pleurs de la terre ! N'est-ce pas trop. Seigneur, poui? un jour de colère ? Et votre ange exilé pleurera-t-il en vain? Ne pouviez-vous du moins, en lui coupant les aîles. En semant sur ses jours les tristesses mortelles, Lui voiler les rayons de son rêve divin? Anais Biu-Faure. ^^- 409 SOUS LES PIATASES. Sous nos platanes frais, L'autre jour, j'égarais Mes vagues rêveries, A l'heure où le soleil Lève son front vermeil Sur nos, plaines fleuries. A l'entour, dans les champs, Tout était joie et chants, Et corolles mi-closes. Seul, le zéphyr, encor. Ne prenait point l'essor, Endormi sur les roses. Aussi, de toutes paris, Brillaient à mes regards, Au dùme de l'allée. Les pleurs qu'y suspendit La rosée : on eut dit Une voûte étoilée. Et moi qui, sans dessein, Avais pris dans mon sein INIon album de poète, A ce réveil du jour, A tous ces chants d'amour Se croisant sur ma tête, 410 « OL! — me dis-je — glissons « A mon tour quelques sons c( Dans cet hymne de flamme, « Et, sur ce blanc vélin, « Epanchons le trop plein « Des transports de mon àrae. » J'écris un premier vers; Et voilà qu'à travers L'immobile feuillage, Le plus charmant rayon Glisse, et, sous mon crayon, Luit, en heureux présage. Crédule, il me semblait Qu'à la page où brillait La clarté prophétique, Allait, encor bien mieux, Resplendir, glorieux. Mon rayon poétique. Mais, espoir décevant ! Un coup d'aîle du vent Berça les hautes cimes, Et que d'ombres, soudain, Couvrant de leur dédain La pauvre feuille d'or, Du radieux trésor Ainsi dépossédée. Sous le flottant rideau, De larges gouttes d'eau Fut encore inondée ; 411 Et, devenu rêveur, Sentant fuir de mon cœur Extase et poésie, J'eus, bientôt refermé Du livre bien aimé La page, en vain choisie. Hélas! C'est qu'en voyant, Du dôme verdoyant De ces platanes sombres, Le vent, qui s'éveillait. Jeter sur mon feuillet Tant d£ pleurs et tant d'ombres, Prompt à me rappeler Tout ce qui vint troubler Ma jeune âme ravie, Avec des pleurs, aussi. Je m'étais dit : « Ainsi « Le livre de ma vie ! » Pierre Batlle. 412 RSTOUB. A DIBU. Ad le veni! Oui, je reviens à toi, mon Dieu ; car ma pauvre ûmc Avait brisé ton ]oug à la voix d'une femme , Et les fausses lueurs, dont mes yeux s'éclairaient, Les empêchaient de voir où mes pas s'égaraient. Depuis l'instant fatal où mon âme agitée Se vit si loin de toi par le monde emportée, Que chaque heure du jour, diminuant ma foi, Enlevait de mon cœur quelque débris de toi ; Et qu'il ne restait plus de la doctrine sainte, Qu'en mon âme d'enfant ta main avait empreinte, Qu'un reflet vacillant, qu'un débile rayon Attendant pour s'éteindre un dernier tourbillon, Mon cœur, hélas ! privé de ta douce lumière. Pour s'élever vers toi n'avait plus de prière ; La grande voix du monde et ses bruits incessants, Dans mon bridant cerveau toujours retentissants. Empêchèrent long-temps mon oreille endormie D'entendre les accents de cette voix amie ; Cette voix qu'autrefois j'entendais chaque soir, Alors qu'à mon chevet l'ange venait s'asseoir, Et que là, recueillant ma dernière prière. Avec ses doigts de rose il fermait ma paupière ; Que bcr(,ant mon sommeil de songes gracieux. Je croyais respirer l'air embaumé des cieux. Ou bien que transporté dans les bocage* d'Eve, Sous leurs arceaux de fleurs, je promenais mon rêve 413 Jours heureux d'innocence et de simplicité ! Coulant comme un flot pur par Ja brise agité, Où je pouvais cueillir, dans mon délire étranqc, Un long espoir d'amour dans un sourire d'ange, Dans l'abîme des temps, beaux rêves confondus. Que l'on voudrait avoir alors qu'ils sont perdus. Votre doux souvenir que j'évoque à toute heure Rend mon ame inquiète et rêveuse; et je pleure. n. Mais à ces jours de cahne, à ces paisibles nuits Succédèrent des jours de fracas et de bruits. Quand j'entendis, soudain, jeté dans la tourmente, Des vagues des humains la voix retentissante. Incertain, j'hésitais; et, pilote craintif, J'eusse voulu des Ilots retirer mon esquif; Mais les vents contre moi déchaînant leur finie. Je suivis le courant des vagues de la vie. Ainsi mon pauvre cœur à l'onde abandonné Si loin de toi, mon Dieu, se sentait entraîné, Sans qu'il levât les yeux vers la céleste voûte, Où brillait le flambeau qui lui montrait sa route. Le choc des passions qui se heurtaient en moi Etouffait tous les cris qui me venaient de toi ; De tant d'objets divers le tourbillon rapide Eblouissait mes sens et laissait mon cœur vide Et nul rêve pour lui ne voulait s'accomplir. Car ton amour, Seigneur, pouvait seul le remplir... Jir. Anisi nici jours coulaient incpiiets : et mon àme Confia son bonheur on l'amour d'une lemmc; ; 414 Et soumis à son joug, esclave de sa loi, En l'aimant, ô mon Dieu ! je croyais t'aimer, loi. Son front pur, où jamais d'aucun nuage sombre Même aux jours les plus noirs ne se projetait l'ombre, Où tout était douceur, innocence ; et ses yeux, De l'azur de ton ciel reflet mystérieux, Où le feu dont brillait son ardente prunelle De la flamme des tiens semblait une étincelle, Et ses longs cheveux noirs échappés de leurs nœuds Sur son flexible cou retombant onduleux. Sa bouche où se jouait le sourire d'un ange, De grâce et de candeur harmonieux mélange D'un vertige soudain avaient saisi mon cœur, Et je croyais toucher aux rives du bonheur A ces impressions mon âme encore neuve Se laissait entraîner comme au courant d'un fleuve, Et mes heures fuyaient en rapides instants Comme aux coteaux fleuris l'haleine du printemps... IV. L'année avait fui loin, et ma main désolée Ornait de fleurs la croix d'une tombe isolée ; Et lom du monde abject, qu'à jamais j'oubliais. J'arrosais de mes pleurs la terre où je priais ; Car elle dormait là Là, reposaient ses restes Que précédait son âme aux demeures célestes. Des douleurs d'ici-bas son cœur né pour le Ciel Ne devait point goûter le calice de fiel ; Et lorsqu'à ses destins j'allais unir ma vie, C'est alors, ô mon Dieu, que tu me l'as ravie!... Oh ! sois béni sept fois ! car j'ai compris, Seigneur, Que pour l'homme il n'est pas de solide bonheur ; Que ce que nous nommons honneurs, richesses, joie, N'est qu'un gouffre profond où notre Ame se noie, Et que tout hors de toi, suprême vérité, N'est qu'erreur et mensonge, orgueil et vanité ! U5 V. Et je viens dans ton sein me jeter à cette heure, Divin consoiateur de l'affligé qui pleure. Rends-moi mes jours d'enfance où, docile à tes lois, Mon cœur ne connaissait que les sons de ta voix. A travers le tumulte et le fracas du monde, Mes pas ont achevé leur course vagabonde. Et je viens ine cacher à l'ombre du saint lieu Pour consacrer mes jours à te servir, mon Dieu ! A. AUTHEMAN, fils, Mouiinicr en soie à l'islc-sur-ia- Sorgue (Vaucliisp). 4|- PROlillAHE DES PRIX Troposi's iKir la Sociéhi Agricole, Scionliliqiie ol Lillôraii'c des Pyn'ne'es- Orieiitaies, ixuir l'aiiiK'e iStil. Agriculliire. 1° Une médaille d'or, du prix de 100 francs, à rauiour du meilleur manuel d'Agriculture, appliqué au dcparlemeiii; 2" Une médaille d'argent à l'auteur du meilleur mémoire sur la culture de l'olivier : on traitera des maladies et des insectes qui lui nuisent; on indi- quera le remède ei les moyens de l'en préserver; 3" Une médaille d'argent à celui qui aura cultivé, sur cent cinquante ares de terrain, une plante oléa- gineuse, ou tinctoriale, inconnue dans le départe- ment; 4° Une médaille d'or, du prix de 100 francs, à celui qui aura envoyé à la Société le meilleur mé- moire sur le dé])0rdement des rivières de notre dé- partement. L'auteur devra traiter du reboisement des montagnes, et indiquer des moyens peu coûteux pou.r garantir les propriétés des riverains des effets dévastateurs des inondations; 5° Une médaille d'argent à l'auteur du meilleur mémoire sur l'état actuel de l'agriculture du dépar- tement, comparé à celui des départements voisins: 41 s 6° Une médaille d'aigenl à l'auleur de la meilleure nomenclalure des espèces de vigne, cultivées dans le déparlement, avec leurs noms botaniques et leurs synonymes dans les départements de l'Aude et de l'Hérault; les différences qui existent entre les di- vers plants, quant à la production et à la qualité, devront être traitées; 7° Une médaille d'argent pour la destruction des insectes nuisildes à la culture, et notamment la taupe - grillon , dont la multiplication devient ef- frayante ; 8° Une médaille d'argent au jardinier qui présen- tera des primeurs en fruits et légumes, ou les plus beaux produits aux époques ordinaires; 9° Une médaille de bronze pour la meilleure te- nue de comptabilité agricole, présentant des notes journalières raisonnées sur l'exploitation d'une pro- priété d'au moins vingt hectares; 10° Une médaille de bronze pour la fidélité do- mestique et les longs services des valets de ferme dans la même propriété. Industrie. •H" Une médaille d'argent au fabricant du dépar- tement qui présentera le diap le mieux confec- tionné ; 12° Une médaille d'argent à l'ouvrier qui présen- tera le plus beau travail d'ébénisterie^ de serrurerie, comme balances, romaines les plus précises et au- tres objets; 13° Une médaille de bronze à celui qui atira in- troduit dans le département la fabrication d'objets utiles en sparte ou en fil d'agave. 419 Beaux-Aits. 14" Une métlaille d'argent et une de bronze pour les deux meilleures compositions en peinture à l'huile. Sciences. — Belles-Lettres. 15° Une médaille d'argent à l'auteur du meilleur mémoire sur l'importance du Roman roussillonnais, pour l'intelligence de nos documents historiques, de notre législation locale et de nos anciens titres de propriété ; 10° Une médaille d'argent pour un mémoire sur nos archives publiques et privées, importantes sur- tout, afin d'extraire les actes de concession d'eaux d'arrosage et de recueillir la collection des conces- sions des bois et pasquiers communaux; 17° Traité de l'irrigation dans nos contrées, des lois et des règlements qui l'ont régie à différentes époques; 18° Histoire des Beaux-Arts, en Roussillon, dans le moyen-âge et jusqu'à ce jour; 19° Quelles ont été les conséquences, sous le rap- port matériel et politique, de la réunion du Rous- sillon à la France. Conditions à remplir par les concurrents. 1°Les auteurs des manuels, mémoires, et ceux qui enverront à la Société des modèles, des échan- tillons, etc., n'y apposeront pas leurs noms : ils y mettront seulement une devise, et ilsy joindront un billet cacheté portant la même devise à l'extérieur, et, à l'intérieur, leur nom et l'indication de leur do- micile ; 420 2° Les produits cragilcullure et d'horticulture se- ront envoyés à la Société en temps opportun. 3° La Société conservera, dans ses archives, les manuels et mémoires qui n'auront pas été couronnés, en permettant toutefois aux auteurs d'en prendre copie. Les modèles et les produits d'agriculture ei d'horticulture, seront rendus aux personnes qui les auront présentés; 4° Les mémoires, modèles, échantillons, devront être adressés, fi-auc de port, au secrétaire de la So- ciété, avant le 31 octohre de l'année du concours; 5° Les prix seront décernés en séance publique, vers la fin dn mois de décembre 1 851 . Les objets destinés à l'exposition doivent être en- voyés, franco, à la Société, avant le l'^'" décembre, terme de rigueur. 6° Les concurrents pour les primes du gouverne- ment, et les prix à décerner par la Société, devront s'adresser, avant le 31 octobre, au secrétaire, afin qu'on nomme une Commission, qui se rendra sur les lieux et fiîra un rapport. Ils remettront un état uidi- catif de leurs titres à l'obtention de la prime ou du prix auquel ils prétendront. La Société se plaît à penser qu'elle sera secondée , dans ses efforts constants, pour le progrès de l'agri- cullure, de Tindusirie et des arts. 421 LISTE DES MEMBRES COMPOSANT LA SOCIÉTÉ AGRICOLE , SCIENTIFIQDE ET LITTÉRAIRE DES PYUÉNÉES-ORIENTALES, au 51 décembre 1850. Président lionoralre. 1833. M. F. ARAGO, C *, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences. Sleiiibrcs bonoraires. 1835. MM. Mathieu, 0 ^, membre de rinsiiiui. 1836. GuizoT, C «, membre de l'Académie française. Membre» résidants. 1833. MM. Alzine, imprimeur-libraire. 1838. AuGÉ, *, capitaine d-arlillerie en re- iraitc 1847. Le marquis D'Auberjon, propriétaire. 422 1846. MM. AzÉMAR, vice-consul d'Espagne. 1833. Batlle, négociant. 1833. Béguin, directeur de l'école normale. 1 840. BoNAFOS, docteur-médecin, professeur de botanique. 1847. De BoNNEFOY, propriétaire. 1 835. Bouis, pharmacien, professeur de chimie. 1836. Bresson, propriétaire. 1 833. Caffe, architecte de la ville dePerpignan. 1844. Camps, négociant. 1840. Carcassonne-Frigola, négociant. 1847. Carcassonne, Jean, propriétaire. 1848. Chappé, lithographe. 1835. CoMPANYO, docteur-médecin, conserva- teur du Cabinet d'histoire naturelle. 1 847. CuiLLÉ, Germain, propriétaire. 1833. Crova, professeur, de mathématiques spéciales et de physique. 1848. Desprès, Antonin, propriétaire. 1835. Durand, Eugène, propriétaire 1850. D'EscALLAR, propriétaire. 1841. Eychenne aîné, propriétaire. 1849. Fabre, professeur au Collège. 1838. Falip, géomètre de 1''^ classe. 1833. Fauvelle, sondeur. 1833. De Gaffard, propriétaire. 1848. Garau filsj avocat. 1846. Le marquis de Ginestous, propriétaire. 1 847. GiRVÈs, Sauveur, propriétaire, à Llô. 1848. Gouell, docteur-médecin. 1843. Le Baron Guiraud-de-St-Marsai., C *, colonel du génie en retraite. ' 1834. Jacomet, propriétaire. 423 1850. MM. Jaubert-Campagne, avocat. 1845. Jaubert de Passa, corresp. de rinstiiui. 1850. Labau, sous-directeur de la ferme-école. 1836. Lacombe-St-Michel, propriétaire. 1848. Laurance, principal du Collège. 1841. Lazerme, Charles, propriétaire. 1848. Lefranc, homme de lettres. 1834. Lloubes, Auguste, ^, banquier. 1835. Massot, Paul, docteur-médecin. 1841. Mattes, professeur à l'école normale. 1836. Méric, François, homme de lettres. 1847. Morer, archiviste du département. 1835. MouCHOus, Théodore, pharmacien. 1835. Passama, docteur-médecin. 1 836. PicAs aîné, avocat. 1845. PuiGGARi, homme de lettres. 1844. Rocamir-de-la-Torre, peintre. 1845. Renard-de-St-Malo, ^, homme de let- tres. 1833. SiRVEN, Joseph, membre du Caveau de Paris. 1834. Tastu-Jaubert, propriétaire, avocat. 1847. Vallarino, Antoine, négociant. 1841. ViADER, docteur-médecin. 1847. ViLANOVA, docieui--médecin, à Arles. 1841. ViLALi.ONGUE, Silvcstre, négociant. 1836. Vimort-Maux, manufacturier. -^mm^ MEMBRES CORRESPONDANTS admis depuis la dernière pablieatlon. 1848. MM. Reboud, chirurgien sous-aide. — Perris, Edouard, naturaliste, à Moni- de-Marsan. — Lafuente, Modesio, homme de lettres, a Madrid. — Chaussât, Isidore, à Palma.'j — Martinez, Antoine, id. 'lies Baléares. — Medel, Raymond, id. j 1849. Fages de Roma, inspecteur-général d'a- griculture dans la province de Gironne. 1850. Cauchois-Ferrand, officier d'état-niajor. — Pietta, Lucien, à Montesquiou, près Toulouse. — Tastu, Emile, avoué, à Montpellier. — Autheman , fileur-en-soie , à l'Isle-sur- Sorgue (Var). TABLE DES MATIÈRES. Année 1S4S. Pages Composition du Bureau pour les années 1848, 1849, 1850. 1. Aperçu (les travaux de la Société agricole, scientifique cl littéraire des Pyrénées - Orientales , pendant les années 1848, 1849, 1850, par M. Morer, secrétaire 2. Séance publique du 26 novembre. Discours de M. le baron Guiraud-de-St-Marsal, président.. 13. Quelques pages de nos annales industrielles, par M. Renard- de-St-Malo 24. Essai sur la détermination de la capacité des tonneaux, par M. Béguin 33. Rapport sur l'ouvrage de M. Jaubert de Passa, ayant pour litre : Arrosage des anciens peuples, par M. le baron Gui- raud-de-St-Marsal 39. Le vieux Roussillon, par M. Jaubert-Campagne 53. Autel de Pézilla, par M. de Bonnefoy 175. Etat des primes et médailles distribuées dans la séance pu- blique du 26 novembre 180. Année l»49. Séance publique du 26 décembre. Discours de M. le baron Cuiraud-dc-St-Maisal. président. 184. Primes allouées par le ministère 193. 426 Pages. Primes du ministère et du département 194- Médailles décernées par la Société 197. Rapport sur les exploitations des domaines primés, par M. Charles Lazerme 198. Notes sur l'industrie sétifère dans le canton de Latour (Py- rénées-Orientales), par M. le marquis de Ginestous 204. Pieboisement des terrains en pente, par M. Pujade, docteur- médecin -^l^- Les Vulcanisations occitaniques et les Tolcanisations du pays de Bas, en Catalogne, par M. Kenard-de-St-Malo 220. Notice sur les eaux thermales et minérales du département des Pyrénées-Orientales, par M. le baron Guiraud-de-St- Marsal ^35- Considérations sur des ossements fossiles trouvés dans le bas- sin du Roussillon et sur deux tètes humaines, par M. Cora- panyo , docteur-médecin 2oO. Notice historique sur le rétablissement de l'Université de Perpignan, sous la domination française, par M. Morer. 261. Rapport sur la mécanique appliquée par M. Joucla au mou- lin à farine, près de Sainte-Eugénie 267. Notes archéologiques sur Saint-Génis-des-Fontaines, par M. de Bonnel'oy • • • • 27 1 , Séance publique du 26 décembre. Discours de M. le baron Guiraud-de-St-Marsal , président. 282. Primes et médailles -94. Rapport sur les concours agricoles en 1850, par M. Charles Lazerme ^9'^- Quelques considérations sur les insectes nuisibles à l'agricul- ture, par M. Edouard Perris 310. Mémoire sur l'état présent de la culture du chêne-liége dans le département des Pyrénées-Orientales, par MM. Azc- inar et le baron Guiraud-de-St-Marsal 33o. Rapport sommaiic sur la Ferme-École de Germainville, par MM. Cuillé et Labau , directeurs de l'école 349. 427 Addition aux pages 230 et 231 362. Mode d'élections municipales anciennement établi à Rive- saltes, par M. Puiggari 362 . Rapport sur un ouvrage intitulé : Les Monuments de Car- cassonnc , par M. Puiggari 369. Rapport sur un travail de M. Blanic, présenté à la Société des Pyrénées-Orientales , par M. Béguin 371. Table des dimensions et de la capacité des cylindres qui peuvent être construits en fer-blanc, etc. , par M. Blanic. 374. Résumé des observations météorologiques faites à 1 Kcole- Normale primaire de Perpignan , pendant l'année 1 850, par M. Béguin 376. Belles-IiCttresi. Saint-Antoine-de-Galamus et Notre-Dame-de-Consolalion , par M. Sirven 378 . Bages, par M. BatUe 383. Discours de César à ses soldats révoltés, par M. Fabre . 388. Enfants, venez! par M. Sirven 390. Les sept paroles de Jésus-Christ sur la Croix, par M. Batlle. 392. La Fête du Village, par M. Fabre 399. Une Marguerite elfeuillée, par M™*^ Anaïs Faure, née Biu.. 403. L'Oiseleur et les Alouettes, fable, par M. Rouffia 405. Vous êtes belle ! par M. Sirven 406. Ange et Femme, par M^e Anaïs Faure, née Biu 407. Sous les Platanes, par M. Batlle 409. Retour à Dieu, par M. Autheman 412. Programme des prix proposés par la Société agricole, scien- tifique et littéraire des Pyrénées-Orientales, pour 1851.. 417. Liste des Membres composant la Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales, au 31 déc. 1850... 421. Liste des Membres correspondants admis depuis la dernière publication • 424 . 1^; )yïPimirr \î> --:? ^.<'jj^ */ ■''0 ■ ^\H ^i/ V 4f) X ^'^ t/5. IMif j fuj^f'-*,, itfr /Y. 3 Y Chape, lil/i. « perniana. ri 3 i^l Y^AVV VA, mrr':^"'^m «CVIIDV^ ..: ..A^P^ivr^^^Mg 'I 1 . Ao/K-f /,/i t Ptrptjmi Xt PL 3. ^^^^ ■A i'i^HNôViDESlMOWi?aopINHVTEip?^^ f-TW f)V \''. • I w '^J^^ •i w I t \ .r > - —.—V . [Ô> AO^Î .^e^ K ,L E X';^, ^ f T^ c p. : 1 c VA n t> ,-. p, k F 6 C I T :' | S'.G't'NISlV' i Litk. C/iupc à Pa-pijinan/. PI *. /•.y. /. (-*A* /Vy. 2 /-fjf ^f' /iM. Chspt ti Ferp^'li t i ^' Mm»/, ^ «^V >\S' l ''•vWiv '«L,^»'^ v'^lilPil-',. r ^i 25 i 20 HlfiHiftLC* alei* . à. * > -<>titty»l„ . ^15 ^l^T^st^^^^s^^^^^^s^^^■^ss^^^s■^_ i^^^'.ni.v'.kak'tmmkuro» 25 00 3î *0 4-5 50 Ciitipc hfk à Per/*i^nai! fil HP CARTh 1)11 ItKP.MntMhsr DIS y\ rj'MISOKI IM Ml S ^Cwuti uittt<-.aC,'r.,.l' 1 S S i I» r/.' y.,ii'< \^ t f r t ite - 1" • 01, H L.ni R ■I III II M\ i IrTirti H Vf •• r / M .11 «0 '.tAftMt^ S.'' ;J t h4ft ItHt tfti/'iynm,, /fV "^^i «# k -te IS'^^*^-'*'»' "■ 0H r-, '-4 Jr# 'V -•^