■ -SMr J I : ~sl >**& *•*- > ^ V-Y' *> ** vft' ___ CoVSBë _ SOCIÉTÉ AGRICOLE, SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE DES PYRÉNÉES-ORIENTALES. ^y 4\ onrzi]:mE voicnE, PERPIGNAN. IMPRIMERIE DE J.-B. ALZINE, Rue des Trois-Rois, i. 1858. 3r- -«> ■ - 1/^%^ '^à? 9Q^ ■ SOCIÉTÉ DES PYRÉNÉES-ORIENTALES. XI. La Société n'entend approuver ni improuver les opinions émises dans les travaux qu'elle publie: elles appartiennent à leurs auteurs, qui en sont seuls garants. Les lettres, mémoires, etc., etc., doivent être adressés (franc de port) à M. Louis Fabhe, Secrétaire de la Société, rue Traversicrc-de-1'Ànge, 4; et les objets d'histoire naturelle à M. Companyo, Conservateur du Cabinet, place Laborie, 5, à Perpignan. # qs2 SOCIÉTÉ AGRICOLE, SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE DES PYRÉNÉES-ORIENTALES. Q£f2-Jà£13 IT©32Nff3» Faisons tous nos efforts pour qu'on puisse dire un jour : Il y eut à Perpignan une société d'hommes à intentions généreuses, doul les travaux furent utiles à leur pays. (Jaurert de Réart, I" Bulletin, p. I.) PERPIGNAN. IMPRIMERIE DE J.-B. ALZINE, lîue des Trois-Rois, 4. 18 58. SOCIETE AGRICOLE, SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE DES PYRÉNÉES-ORIENTALES. COMPOSITION DU BUREAU POUR LES ANNÉES 185*. Président : M. LLOUBES (Auguste), $£, banquier, ancien maire de la ville, membre du Conseil-Général d'Agriculture et du Conseil-Géné- ral du département. Vice-Président : M. Companïo, père, docteur-médecin, conservateur du Cabinet d'histoire naturelle. Secrétaire : M. Fabre ( Louis J, pro- fesseur de troisième et de commerce au Collège. Vice-Secrétaire : M. Cortie, profes- seur de sixième au Collège. Trésorier : M. Sud (Antoine), né- gociant. Archiviste : M. Faure , médecin. 1858. Président : M. LLODBES (Auguste), îfc, banquier, ancien maire de la ville, membre du Conseil-Général d'Agriculture et du Conseil-Géné- ral du département. Vice- Président : M. Companïo , père , docteur-médecin, conservateur du Cabinet d'histoire naturelle. Secrétaire : M. Fabre ( Louis ) , pro- fesseur de troisième et de commerce au Collège. Vice-Secrétaire : M. Siryen (Joseph) , économe des Hospices. Trésorier: M. Sud (Antoine), né- gociant. Archiviste: M.TAS'rD-JAUBERT5avocat. COMITÉ DE RÉDACTION : 1859. 1858. M. Briol , professeur de rhétorique, M. l'abbé Fines, chanoine, supérieur au Collège. du Graud-Séminaire. M.Lutrand, professeur de mathé- M. Alart, secrétaire de l'Inspecteur matiques au Collège. d'Académie. RÉSUMÉ DES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ, Années 1856—1857, par M. Fabrf,, seri'étairc. La Société des Pyrénées-Orientales, sans oublier aucune de ses qualifications, s'est principalement ap- pliquée, depuis la publication de son dernier Bulletin, à prouver qu'elle est avant tout agricole. Aussi, ses efforts ont-ils été couronnés du plus heureux succès. Grâce à tout ce quelle a fait pour combattre l'oïdium, en propageant le soufrage, reconnu jusqu'aujourd'hui comme le seul remède efficace contre ce fléau des- tructeur, elle a vaincu les préjugés et les répugnances de la plupart des propriétaires de notre département, et nous avons vu, par la pratique de ce procédé, nos vignobles, naguère stériles, se couvrir, en 1857, d'une abondante et saine récolte , qui servira à convaincre désormais ceux qui avaient pu conserver encore la moindre incrédulité, et h faire sensiblement dimi- nuer le prix du vin. Nos laboureurs, dont la sobriété est, d'ailleurs, généralement reconnue, ne seront plus privés d'une boisson bienfaisante, qui, prise avec modération, ranime et soutient les forces de ces hommes généreux qui arrosent silencieusement la terre de leur sueur, pour alimenter et leurs familles et leurs concitoyens. Avant de donner un aperçu de tous les travaux agricoles, scientifiques ou littéraires que renferme Vil ce Bulletin, nous paierons, comme d'ordinaire, le juste tribut de nos regrets à la mémoire des Membres dont la Société déploie la perle toute récente. Elle s'est vu enlever, depuis 1856, M. Jaubert de Passa, que ses rares connaissances pratiques et son savoir varié, avaient fait nommer, depuis plusieurs années, membre correspondant de l'Institut; — M. le baron Guiraud-de-Sainl-lVlarsal, colonel du génie en retraite, qui, après s'être distingué dans les rangs de la grande- armée pendant notre premier empire, était, enfin, venu se fixer à Perpignan, où, comme chef du Génie de la place, comme Maire de la cité, comme membre de diverses commissions importantes et de la Société des Pyrénées-Orientales, il a successivement, par ses écrits et ses travaux de toute espèce, rendu demi- nents services à sa patrie d'adoption; — M. le docteur Carlier, ancien chirurgien-major au 1er Dragon; — et, enfin, M. le chef de bataillon Colson, numismate et archéologue distingué, dont un travail des plus inté- ressants sur les anciennes monnaies du Pioussillon, a enrichi notre avant-dernier Bulletin. Comme précédemment, nous diviserons notre compte-rendu en trois parties, suivant les diffé- rentes qualifications de la Société. AgB,B€MlfSIÎse. M. Ferdinand Lacroix, avocat, a ouvert la séance du 9 janvier 1856, par la lecture d'un mémoire, qu'il a intitulé : Quelques mots sur le. drainage. Sous ce litre modeste, l'auteur donne un traité clair et succinct de cette opération, qui rend déjà d'immenses services à l'agriculture en Angleterre et dans plusieurs contrées de la France, et il engage la Société à prendre \ 111 tous les moyens possibles pour propager dans notre département celte heureuse découverte. Le 13 février 1856, M. le Président a déposé sur le Bureau une boîte renfermant divers produits du sorgho, qu'a obtenus M. Jean Yallarino,' cadet, et qu'il a accompagnés d'un mémoire intitulé : Essais et recherches sur le Sorgho suciv du Nord de la Chine, géant des plantes utiles, dédies à l'agriculture, à l'indus- trie et au commerce. M. le Secrétaire donne lecture de ce document, qui se vend un franc, au profil de TOEuvre de Saint-Vincent-de-Paul. Dans la même séance, M. le docteur Faure, lit un mémoire, où il prouve que l'argile de nos Pyrénées- Orientales peut donner des drains de bonne qualité. Le 12 mars 1856, M. le docteur Companyo, père, annonce à la Société que M. Mater, de Calmelles, a fait un grand nombre de greffes de chêne-liége sur chêne ordinaire, qui ont parfaitement réussi. — 11 ajoute que cet agriculteur désirerait voir une com- mission de la Société se transporter sur les lieux, pour être témoin de ses succès. La proposition de M. Mater est accueillie avec, empressement. La Société Agricole Catalane de Saint-Isidore avait écrit à la Société des Pyrénées-Orientales, pour la prier de lui communiquer tout ce qu'elle avait pu recueillir sur la maladie de la vigne; et celle-ci avait nommé, pour donner ces renseignements, une com- mission composée de MM. Saléta, Lacroix, Antoine Siau et Companyo, père. M- Siau , rapporteur de cette commission, donne lecture de son travail, que M. le Secrétaire est chargé de transmettre à la Société de Saint-Isidore. Une lettre de M. le Préfet du département engage \\ la Sociélé à lui faire connaître, si, depuis les rensei- gnements qu'elle lui a donnés sur le drainage, le 27 octobre 1854, ce procédé a pris quelque extension, et à répondre à une série de quatre questions sur ce sujet. M. Lacroix, qui a déjà dressé ces réponses, les communique à la Société, et M. le Secrétaire est chargé de les transmettre à M. le Préfet. Le 2 avril 1856, M. le l> Faure lit une réponse qu'il fait à M. Victor Cbatel , de Vire, sur une bro- chure que ce dernier vient de publier, sous le titre de : Observations sur les principales causes de l'élévation du prix du pain et de la viande. — M. Cbatel l'attribue surtout à la maladie des pommes de terre — M. Faure combat celte opinion, et résume ainsi son mémoire: « L'accroissement progressif de la population ; le moi- «cellement de la propriété; l'augmentation du prix «des fermages à courte durée; le peu de faveurs « accordées à l'agriculture, ce thermomètre infaillible «de la prospérité des nations; la dépréciation de la «valeur monétaire; et, enfin, notre état de guerre, «heureusement traversé, sont, à mes yeux, les véri- « tables causes, qui, jointes au vice du commerce de «la boucherie, contribuent à 1'enchérissement, non- « seulement de la viande, mais encore de la plupart «des denrées de première nécessité. » Le 14 mai 1856, communication à la Société d'un mémoire de M. Gouell , père, propriétaire, à Céret, ayant pour but de transformer, au moyen de la greffe, de jeunes amandiers en cerisiers, et relatif aux avan- tages que cette opération procurerait à notre départe- ment, aujourd'hui que le chemin de fer va étendre nos exportations. M. Gouell , demandant une réponse à la proposition qu'il fait de communiquer son procédé, la Société décide qu'une lettre de remerciaient sera adressée à M. Gouell, et nomme, pour essayer ce nouveau genre de greffe, une commission composée de MM. Siau, Sauveur Dadins, Charles Lazerme et Robin, aîné. Dans la même séance, un mémoire de M. Gues- dron vérificateur des poids et mesures de l'arrondis- sement de Perpignan , adressé à la Société par l'en- tremise de M. le Préfet, indique un moyen de détruire les insectes qui ravagent les oliviers. Là- dessus, M. le Président fait quelques observations sur les insectes nuisibles aux arbres, et compris sous le nom de cochenille; et il se charge de faire, selon le désir de M. le Préfet, une réponse sur le procédé de M. Guesdron. Le 2 juillet 1856, M. Siau, rapporteur de la com- mission chargée d'examiner le mémoire de M. Gouell, dont il est parlé ci-dessus, fait part à la Société de son travail, où il expose les avantages et les incon- vénients de ce nouveau genre de greffe. Une copie du rapport de M. Siau a été envoyée à M. Gouell. Dans la séance du 13 juillet 1856, où assistait M. Rendu, inspecteur général de l'agriculture, M. Lacroix expose les travaux de drainage qu'il a fait exécuter dans ses domaines, et les résultats fa- buleux qu'il a obtenus. Il ajoute que, d'après ses expériences, le drainage peut même servir à l'irri- gation Dans la séance publique du 27 juillet 1856, M. Guiraud-de-Saint-Marsal a lu quelques pages sur les améliorations que réclame en France l'agricul- ture. Prenant, pour point de départ, l'état de l'agri- culture en Angleterre, l'auteur en a déduit, par une II comparaison méthodique, les causes de noire infé- riorité, sous le rapport des progrès agricoles. M. Companyo, père, a communiqué le résultat de ses recherches sur l'olivier et les insectes qui lui sont nuisibles. M. Siau a ouvert la séance du 17 septembre 1856, par le compie-rendu de deux excursions qu'il a faites depuis peu, d'abord avec MM. Companyo, père, et Louis Robin, dans le territoire de Calrnelles, arron- dissement de Cérel, et, plus récemment, avec ces deux Messieurs et M. A. Calvet, dans les vignobles de M. Duverney, d'Espira, et dans les propriétés de M. Carbon ell. Dans la première de ces excursions, ces Messieurs ont admiré les beaux résultats qu'a obtenus M. Gran- do, parla greffe du chêne liège sur le chêne-vert, et, surtout, la belle végétation d'un grand nombre de cépages de deux, trois et quatre ans; la planta- tion qu'il a faite sur ses montagnes d'environ 3.000 micocouliers; et celle de deux à trois cents pista- chiers, faite par un autre propriétaire, qui était loin d'en connaître la valeur et l'importance. La seconde excursion de ces Messieurs, avait pour but de constater quels ont été, en 1856, les effets du soufrage. Ils se sont de plus en plus convaincus, en parcourant les vignobles de MM. Carbonell et Duverney, et ceux de leurs voisins, que le soufre de bonne qualité, et employé en temps opportun, est le seul remède qu'on puisse opposera l'oïdium. Mais, cette substance, pour produire son effet salutaire, doit être sans mélange, et, malheureusement, les falsifi- cateurs sont en grand nombre. M. Siau, invoque contre eux toute la sévérité des lois, et engage la XII Sociélé à user de son influence pour propager l'em- ploi du soufrage. Le 22 octobre 1856, M. Siau, analysant un Bulletin des Annales de la Société d'Agriculture, Arts et Com- merce du département de la Charente, tomes 37 et 38, y fait remarquer une notice de M. Tourneur, sur l'emploi d'une machine à battre, sortant des ate- liers de M. Barell, l'un des lauréats de l'exposition. M. Siau termine sa lecture par ces mois : « Deux de «nos collègues, MM. Germain Cuillé et Labau , ont «fait usage, celle année, de ces batteuses. INous es- « pérons que les renseignements qu'ils voudront bien «fournir, avant la moisson prochaine, engageront « nos propriétaires à entrer dans celte voie.» M. le Président termine cette séance, en proposant à la Société de faire des recherches sur l'éducation et les produits des abeilles dans les Pyrénées-Orientales. «Il serait temps, ajoute-t-il, de faire savoir que l'ex- « cellent miel, connu partout sous le nom de miel de uNarbonne, provient presque tout entier des ruches «de noire département.» On nomme aussitôt, pour remulir les intentions de M. le Président, une corn- mission, composée de MM. Companyo, père, Guiraud- de-SainHVlarsal, Antoine Siau, Faure, Bach, Boix, Cuillé, Lacroix, Vallarino^ Alart et Denamiel. Le 24 décembre 185G, M. le Président commu- nique à la Société une lettre qu'il a reçue de M. No- guès , d'Olette, sur l'éducation des abeilles, avec un étal indicatif, portant le nombre des ruches existant dans le canton d'Olette et le produit moyen du miel que l'on récolle en juillet et août. Dans la séance du 21 avril 1857, où assistait M- l'Inspecteur général de l'Agriculture, ce fonc- XIII tionnaire, après avoir détaillé toui ce qu'il a remarqué eu parcourant nos plaines et nos montagnes, ajoute: «On a parlé d'adresser une pétition au Gouverne- «ment, pour le prier d'exempter du service mili- taire les élèves des fermes-écoles, qui deviennent «presque inutiles, si la conscription vient enlever à « l'agriculture , les jeunes gens qu'elles ont formés. «Je suis entièrement de cet avis, el je profite de «celte occasion, pour déclarer que Germainville «est une des premières, sinon la première ferme- « école de la France. » La Société décide qu'on adressera au Gouvernement la pétition dont vient de parler M. l'Inspecteur. Le 3 juin 1857, M. Chape lit un mémoire, où M. Denamiel, docteur en médecine et juge de paix, à Rivesalies, après avoir exposé les inconvénienis du soufrage, propose : 1° un traitement préservatif de l'oïdium, que l'on trouve, dit-il, dans la culture et dans la taille de la vigne; 2° un traitement curatif, qui consiste à employer la terre prise au pied du cep, à peu près comme on fait usage du soufre. De nombreux essais et une assez longue expérience, lui ont démontré la supériorité des moyens qu'il cherche h propager. Dans la séance publique du 26 juillet 1 857, M . Ani. Siau, rapporteur de la commission chargée de faire des recherches sur l'éducation et les produits des abeilles dans les Pyrénées-Orientales, a communiqué au public une partie de son travail. D'après cet extrait, lenombredes ruches, dans le Roussillon, est de 19. 800 et leur produit s'élève à 200.000 fr. environ. La récolle des céréales a élé trop abondante cette année, pour qu'il n'en fût pas question dans la séance XIV publique d'une Société agricole. M. l'abbé Delhosie, y a présenté une statistique bien rassurante, tout en exprimant le désir, trop fondé, de voir une partie de nos vignobles rendue à la production des céréales. Dans la séance du 4 novembre 1 857, M. le Président communique à la Société un mémoire de M. Guiso- nier-Passama, négociant, à Pia, sur la culture de la pomme de terre-chardon, qu'il a fait venir du Mans. Ses essais, pour enrichir le Pioussillon de ce nouveau tubercule, ont été, dit-il, couronnés d'un plein succès, et il est persuadé que la pomme de terre-chardon fera bientôt disparaître la pomme de terre ordinaire, qui semble dégénérer tous les jours. M. Guisonier, met, d'ailleurs, à la disposition de la Société Agricole des Pyrénées-Orientales, la quantité de pommes de terre du iVJans, qui seia jugée nécessaire pour être distri- buée aux cultivateurs nécessiteux de notre départe- ment , qui voudront en essayer la culture Dans la même séance, M. de Lamer, rapporteur de la commission nommée pour visiter la ferme de Vézian, appartenant à i\lme d'Auberjon, et exploitée par M. Calvet, a fait part à la Société de son travail. Il a successivement montré les étables de ce domaine, pleines d'un bétail nombreux, bien nourri et bien portant; les granges, regorgeant de foins, les plus variés et les meilleurs; les champs, toujours couverts des plus belles récoltes, ou parfaitement préparés pour les recevoir; une immense fosse à fumier, cons- tamment remplie ou vidée; et, à la tête de celte ferme-modèle, un homme blanchi dans le métier, un agriculteur consommé, M. Calvet, enfin, n'épar- gnant ni leçons sérieuses, ni conseils salutaires. AI. de Lamer a fait, ensuite, passer sous les yeux XV de la Sociélé la ferme Saint-Nicolas, appartenant aussi à Mme d'Auberjon, et où, à défaut des produits d'un immense vignoble, ravagé par l'oïdium, M. Calvet a su obtenir de très-belles récoltes de blé, d'avoine et de sain-foin. M. de Lamera terminé son rapport par une appré- ciation de l'engrais-Rollarid, dont la même commission était cbargée de juger la valeur. Dans la séance du I G décembre 1857, M. Stéphane Bedos, rapporteur de la commission nommée pour étudier et faire connaître les moyens qui, jusqu'ici, ont été regardés comme les meilleurs pour sauver les récoltes des vignobles, a fait pari à la Sociélé du résultat des recherches de cette commission. Apre* avoir énuméré tous les procédés successive- ment et vainement employés pour combattre l'oï- dium, il soutient, comme l'expérience la prouvé, qu'il n'y a qu'un seul moyen d'en préserver les vi- gnes : Se soufrage. I) fait, ensuite, en peu de mots, l'histoire de cette maladie désastreuse, dont les cau- ses soni encore un mystère; il expose à quels signes ou la reconnaît, à quelles époques on doit pratiquer le soufrage pour la' faire disparaître, comment on don le pratiquer, et, enfin, quelle qualité de soufre on doit employer. Le rapport de M. liédos est suivi de deux autres lectures : 1° Un mémoire des plus intéressants et des mieux raisonnes, où AJ.de La mer expose les moyens d'amé- liorer la race chevaline dans noire département, qui possède, à un degré supérieur, tout ce qui peut donner d'excellents produits: un heureux climat, un sol fertile et de riches pâturages; XVI 2° Un mémoire de M. Vincent Malèguc, sur la culture du sorgho sucré, en grande vogue aujour- d'hui, et qui, d'après le rendement fabuleux que lui accordent certains agriculteurs ou distillateurs, devait apporter une grande perturbation dans notre système actuel de culture. M. Malègue, qui s'est livré à de nombreuses expériences sur cette plante, combat ces exagérations, et prouve, jusqu'à la der- nière évidence , que le sorgho est bien loin de pro- curer tous les avantages qu'on se plail à lui attribuer. Sciences et Arls. Le 12 mars 1856, M. Companyo, père, a commu- niqué à la Société la première partie d'un travail qui offre le plus grand intérêt : c'est une description des cours de la Tel, du Tech et de TAgly, depuis leurs sources jusqu'à la mer. 11 s'est transporté sur les lieux, et, après les avoir étudiés dans tous leurs détails, il a commencé par décrire, dans son mémoire, les cours et les affluents de la Tel, depuis la source jusqu'à Prades, et ceux du Tech jusqu'à Arles. Le 17 septembre 1856, M. Companyo, père, a exposé sur le Bureau de la Société la dépouille na- turelle et empaillée d'une couleuvre jaune et verte, dont l'espèce est très-commune dans nos contrées, et y prend un fort développement. Ce reptile, que l'imagination et la peur avaient prodigieusement crandi, n'a encore, comme le dit M. Companyo dans une courte notice, que I mètre 00 centimètres de longueur, et 16 centimètres de circonférence, à l'endroit le plus épais. Il a, sous le corps, 248 pla- ques mobiles, qui lui servent à ramper; 175, de la bouche à l'anus, et 73, de ce point à l'extrémité de X\ll la queue. Celle couleuvre u'aiteini pas encore les proportions de celle, de la même espèce, qui fut prise à la promenade des Platanes en 1842, quelques jours après l'inondation de la S'-Barthélemi. Celle-ci, conservée dans l'alcool, et présentée, en même temps, sur le Bureau, a 2 mèires 25 centimètres de longueur, et 20 centimètres de circonférence. Mais il est à pré- sumer que celle qui vient de laisser naturellement son enveloppe, trouvée par le garde -champêtre Charpeil et remise à M. Companyo, est sans doute rentrée dans son repaire, pour n'en sortir, qu'au printemps prochain, avec de plus fortes proportions, si rien ne s'oppose à son entier développement. Dans la même séance, M. le Président a commu- niqué à la Sociélé : 1° Une lettre de M. Aymérich, qui rappelle qu'en 1836 il adressa an Secrétaire de la Société, qui por- tail alors le nom de Philomathique , un mémoire sur celle question qu'elle avait proposée : Quels sont les meilleurs moyens à suivre pour se préserver des ravages de nos grands cours d'eau à l'époque de leur pAus forte crue? 11 ajoute que la personne chargée d'examiner ce travail se contenia d'en dire quelques mots ver- balement, et conclut à ce que le manuscrit fût ren- voyé à son auteur comme une utopie. S'étant aujour- d'hui aperçu que les moyens pratiques indiqués dans son mémoire, et ceux qui sont recommandés dans la lettre de S. M. l'Empereur, sur le même sujet, se trouvent absolument identiques, M. Aymérich nous a renvoyé son manuscrit, en nous priant de nommer une commission pour l'examiner de nou- veau et en faire un rapport. MM. Amédée Maurice, agent voyer en chef; 15esse, conseiller de Préfecture, XVIII et de Saint- Victor, propriétaire, sont chargés d'ap- précier le mémoire, de M. Aymérich. 2° Une lettre de M. Chevallier, membre de l'Aca- démie impériale de Médecine, qui prie notre Société de nommer une commission pour examiner si nos eaux minérales renferment de l'arsenic, comme celles de Vichy, Bussang, Plombières, Mont-d'Or, Bour- bonne-les-Bains, etc., et de lui adresser, lorsque cela nous sera possible, 1° des résidus laissés par les eaux minérales de notre déparlement ; 2° le produit de levaporation de 20 litres de ces liquides, qui ordi- nairement renferme les sels solubles. Ce travail est confié à MM. Bouis et Companyo, fils. Le 22 octobre 1856, M. Companyo, père, rend compte d'un mémoire adressé à notre Société par M. Marcadet, docteur en médecine, à La Magistère (Tarn-el-Garonne), et ayant pour litre : Quelques con- sidérations géologiques , et description particulière d'une espèce de poisson désigné par M. Falenciennes sous le nom de Blennius cognata, que nous signalons pour la première fois dans les eaux qui se jettent dans l' atlantique . Ce poisson, dont M. Marcadet nous a envoyé en même temps le dessin, se trouve aussi dans notre rivière (la Basse), et un sujet de cette espèce, qu'on y a pris et qui fait partie de notre Cabinet dliistoire naturelle, est présenté sur le Bureau par M. Com- panyo, père. Dans la séance du 26 novembre 1856, RI. RJaurice, au nom de la commission dont il fait partie, rend compte du mémoire sur les inondations, présenté pour la seconde fois, et après vingt ans d'intervalle, par M. Aymérich; il établit que cet écrit indique précisément les moyens recommandés par Sa RIajesté XIX pour prévenir, autant que possible, le fléau qui , celle année, a désolé la France, et il termine par ces mots: «Nous résumant sur le travail de M. Aymérich, «nous pensons qu'il lui fait le plus grand honneur; « que le système qu'il propose, et qu'il proclame avec «conviction, doit être pris en très-grande considé- « ration, et nous estimons que non-seulement la So- «ciélé doit à M. Aymérich des éloges, mais nous «proposons encore de signaler a l'administration dé- fi parlementai le mérite qui revient au mémoire de «M. Aymérich pour avoir indiqué, en ! 83G , les «moyens qui sont employés aujourd'hui pour com- « battre les inondations, afin que la priorité de son «système soit constatée et acquise, et qu'il soit ainsi «recommandé à la bienveillante attention de Pau- « torité. » Les conclusions de M. Maurice sont adoptées à l'unanimité. Le 3 juin 1857, M. Companyo, père, communique à la Société une lettre qu'il a reçue de M. V. Heboud, qui, depuis quelques années, fait chaque hiver une expédition lointaine dans le Sahara. 11 est question, dans celle lettre, de plusieurs mammifères, de quan- tité d oiseaux, reptiles et coquillages d'espèces, la plupart, inconnues en Europe; et ce qu'il y a de plus étonnant, M. Rebond parle, comme d'une chose avé- rée, d'un puits artésien creusé dans le désert, et bien diffèrent des noires, attendu que la colonne d'eau qui lait ascension, rejette du poisson qu'elle a emmené des profondeurs du sol. Dans la même séance, communication d'une lettre adressée à la Société par M. Robire, de Saint-Marsal. Il est, dit-il, l'inventeur d'un mécanisme pour faire monter l'eau d'une rivière, fleuve ou canal, à une hauteur prodigieuse, sans moteur ni vapeur, par la seule impulsion de l'eau avec laquelle cet appareil est mis en contact. M. Robire , qui a déjà écrit à M; le Ministre pour obtenir un brevet d'invention, désirerait qu'une com- mission prise dans notre Société , se transportât à Saint-Marsal, pour être témoin de ses expériences et apprécier son mécanisme. Il est décidé qu'on prendra de plus amples renseignements sur l'invention de M. Robire. Le 1er juillet, M. Tastu-Jaubert annonce que M. Isidore Borrel , potier de' terre , âgé de dix-sept ans, a exposé dans la salle du Musée, pour être ap- préciés par la Société, plusieurs bustes en plâtre et en terre dont il est l'auteur. Cette demande est prise en considération, et une commission, composée de MM. Tastu-Jaubert, l'abbé Boucabeille , Stéphane Bédos et Chape, est chargée d'examiner le travail du jeune Borrel, et de faire un rapport. Dans la séance publique du 26 juillet 1857, M. Crova, fils, a communiqué une nouvelle mé- thode pour analyser les minerais de fer; un perfec- tionnement qu'il apporte à la photographie, et il a rendu compte d'une brouette ingénieuse, mais com- pliquée, inventée par M. Sarda. Dans la même séance, M. Tastu-Jaubert, rappor- teur de la commission chargée d'examiner les essais de M. Isidore Borrel, a fait ressortir ce qu'il y a de vraiment remarquable dans les bustes qu'il a exposés. XXI ILiid^raiiirc. Histoire , Anfliâgsiiiés. M. Faure ouvre la séance du 14 mai 1856 par la lecture d'un mémoire qu'il a intitulé le Roussillon. 11 y passe en revue, avec sa verve ordinaire, la posi- tion et le climat privilégié de cette contrée , ses riches et délicieuses productions, ses eaux thermales, son histoire, ses coutumes, son langage, ses anciens pri- vilèges, le caractère de ses habitants, et, enfin, les hommes éminents qu'elle a produits dans les lettres, les sciences et les arts. Dans la même séance, M. le Président communi- que à la Société une circulaire de M. le Ministre de l'Instruction publique et des Cultes, annonçant la publication prochaine d'un recueil des inscriptions de la Gaule et de la France, et priant les Sociétés sa- vantes de chaque département de lui envoyer toutes celles qu'on y pourra rencontrer. La Société engage M. de Bonnefoy, qui s'est par- ticulièrement occupé de recueillir les inscriptions de nos contrées, à vouloir bien adresser à M. le Mi- nistre les inscriptions de ce genre qu'il possède en abondance. Dans la séance publique du 27 juillet" 1857, M. Faure a donné une étude sérieuse sur Horace , Homère et Virgile, considérés comme moralistes. M. Faure nous a prouvé qu'il possède à fond les auteurs classiques dont il nous a vanté les ouvrages. Il admire la douce philosophie d'Horace , la morale naïve d'Homère, celle, enfin, plus raffinée, mais tout aussi saine de Virgile. Les lectures de celle séance ont été terminées par une nouvelle production poétique de M. Fabre : Jean XXII Blanea, le grand plébéien, le défenseur de Perpignan contre Louis XI, l'homme au cœur rudement trempé, qui sacrifie son fils unique au salut de la place. Le 26 novembre 1856, M. Aussel, professeur de seconde au collège de Perpignan, communique à la Société une élude fort remarquable sur la politesse, l'élégance des manières, les vrais principes de la lit- térature, et, par suite, sur le bon goût qui régna dans louie sa pureté, pendant le grand siècle de Louis XIV. M. Aussel termine son travail par un magnifique éloge de Fénélon. Le 4 mars 1857, M. le Président présente à la Société une pièce de vers latins intitulée : Carmen multimctrum ad laudem Bcatissimœ Virginis. Celte œuvre, dont i\L l'abbé Fines est l'auteur, se compose en effet d'un vers latin de chaque espèce. Le 3 juin suivant, M. le Président lit deux notices historiques présentées par M. Joseph Sirven. La première a pour titre : Assassinat de Constant Ier, troisième fus de C onstantin-le- Grand , à Elne (350 ans avant J.-C). L'antre concerne Philippe III, que le duc d'Ossonne appelait plaisamment Je grand Tambour de la monar- chie espagnole, et qui mourut à Madrid, victime de l'éliquette, le 13 mars 1621, à l'âge de quarante- trois ans. Le Ier juillet 1857, communication d'un rapport de M. Sédail, membre-résidant de la Sociélé pour l'ins- truciion élémentaire, sur la petite géographie des Py- rénées Orientales, par M. Mattes, inspecteur des écoles primaires. Celle Sociélé, adoptant les conclusions du rapporteur, vote le dépôt de cet ouvrrge à sa biblio- thèque, et le renvoie au comité des récompenses. XXIII M. Famé communique ensuite à noire Société uu travail intitulé : la Bible devant la Science , ou recher- ches sur les emprunts qui lui ont été faits par l'ancienne philosophie Dans la séance publique du 26 juillet 1857, M. Aussel a lu une notice sur Shalvspeare, et, en montrant l'influence du poète anglais sur notre théâ- tre, il a comparé la tragédie des Enfants d'Edouard avec la pièce historique de Richard III. M. le docteur Faure a montré combien l'état moral de l'homme influe sur son état physique. Il a expliqué les relations réciproques de notre nature morale et physique, et s'est attaché surtout à faire voir les sa- lutaires effets de la résignation dans la maladie. La vie de feu M. Jaubert de Passa, membre de la Société des Pyrénées-Orientales et correspondant de l'Institut , a été ensuite dignement racontée par M. Mattes, inspecteur de l'enseignement primaire. M. Joseph Sirven a retracé, dans une notice ra- pide, la vie du frère Isidore, attaché depuis long- temps à notre hôpital civil. Cet hommage rendu à la vertu chrétienne a vivement intéressé l'auditoire. M. Fabre , secrétaire de la Société, a, comme les années précédentes, terminé les lectures de la séance publique par une nouvelle pièce de vers de sa com- position. Une anecdote de la jeunesse d'Henri IV est le sujet que M. Fabre a traité cette année. Tel est le résumé rapide des travaux de la Société pendant les années 1856-1857. INous nous sommes abstenu de parler des pièces qui, sans avoir élé lues dans nos séances, font cependant partie de ce Bulle- tin. Nous avons cru inutile d'analyser ce qu'on peut lire en entier. XXIV Nous ferons de plus observer que la Société de.s Pyrénées-Orientales, recevant les Bulletins de pres- que toutes les Sociétés agricoles, scientifiques et lit- téraires de France, les confie régulièrement à quel- qu'un de ses membres, selon sa spécialité, pour en rendre compte, et signaler tout ce qui, dans ces diverses publications, peut intéresser noire départe- ment. ÈPIGRAPHJE ROUSSILLONNAISE, Par M. Inouïs »E Bossefoï, Membre résidant. PREMIER ARRONDISSEMENT. — SUITE. ELNE. Ville puissante des Sordones-, sous le nom Vlllibéris* déchue peu à peu de sa splendeur jusqu'à n'être plus' au ne siècle de notre ère, qu'un bourg, faible reste d une opulente citéÇPomP. Mêla); relevée de ses ruines par les Constantins avec le nouveau nom à'Helena ■ siège d'un évêché à panir du vi* siècle, et, jusqu'au xii«, ver.table capitale du Roussillon. Vers cette époque, l'importance d'Elue recommence à décroî- tre : Perpignan qui, dès sa naissance, a pris un dé- veloppement rapide , attire tout, population, com- merce industrie, centre du gouvernement politique et ne laisse bientôt à la ville épiscopale que son vain titre de cite. Trois sièges meurtriers (1285, 1344 et 1*74) avaient anéanti ce qui pouvait rester des édi- tes et des murailles de l'antique Oppidum; ]a translat.on de la résidence de l'Évéque et du Chapitre a Perp.gnan (1601 ) compléta l'œuvre de décadence Wne attire pourtant encore de nombreux visiteurs- Je touriste l'archéologue et le simple curieux y' viennent admirer l'église cathédrale et le cloître eap.tula.re, également dignes d'intérêt Je ne dois voir ici dans ces deux monuments qu'un petit musée d'épigraphie, et je me haie de rentrer dans le cercle qui m'est tracé. InseriptioBis dans l'Église. 86. —Maître-Autel. Côté de l'Évangile. 1069. Hl arc a hisp., col. 458, — Taberner, Séries episc. Elnens. — Art de vèr. les dates , t. x , p. 28. — Car- rère, Voy.pitt., p. 26. — Fortaner, Not. eccles . , p. 18. — Prosper Mérimée , Notes d'un voy. dans le Midi de la Fr., p. 415. — PuiGGARi , Évéq. d'Elne, p. 25. — Publicateur, 1836, n° 28. — De Castellane, Soc. arch. du Midi de la Fr., t. m, p. 70. — Henry, Guide en Roussillon, p. 1 40. — MS. de Barasco, p. 12. — Dictionn. d 'Épigraphie , t. i, col. 467. — Bon Taylor, Les Pyrénées , p. 170. ANNO : LXVI1II \ POST MILLESIMO INCAR NACIONE DOMINICA INDICIONE VII : RKVERENTISI MVS EP1SCOPVS IST1VSEGGLESIE RA1MVNDVS ET GAVCEFREDVS COMES SIMVLQVEAZALAIZ COMITISSA PARITERQVE HOMNIBVS-HOMINIBVS ISTIVS TERRE POTENTES MEDIOCRES ATQVE MINORES IVSSERVNT HOC ALTARE IN ONOREM DOMINI NOSTRI IHV XPIET MARTIRIS HAC VIRGINIS E1VS EVLA LIE EDIFICARE PROPTER DEVM ET REMED1VM ANIMAS ILLORVM L'opinion commune voit ici la pierre commémo- rative de la consécration d'un autel. Baluze seul, traduisant le mot altare dans un sens très large, pense que cette inscription a rapport à la dédicace de la cathédrale : Anno mi.xix, dedicata est ecclesia Helcnensis islarufn rcrum jidciu indubitatam facit 3 vêtus inscriptio , etc. 11 en donne d'ailleurs une leçon fidèle, et son erreur a été puisée dans le document cclxxii de Y Appendix n» Marca hispanica. Cette pièce a été tirée du cartulaire d'Elue ; mais on la regarde comme apocryphe, et Baluze aurait dû la rejeter, ou du moins n'en pas tenir compte, malgré son titre et son origine. L'autel d'Elue, consacré en 1069, était d'argent et travaillé sans doute au repoussé, comme bien d'autres autels en métal de la même époque, celui de Bâle , par exemple, encore existant et plusieurs fois décrit. En 1721 , de chaudes représentations furent adressées au Chapitre par quelques amateurs du neuf et du brillant, aux yeux desquels ce monument vénérable de l'orfèvrerie du moyen âge avait perdu tout mérite en subissant l'irréparable outrage des années. Des commissaires furent envoyés sur les lieux où ils ne trouvèrent « qu'une devanture d'autel consistant en « une lame d'argent de neuf pieds trois pouces de « long, sur trois pieds sept pouces de large, rehaussée « de diverses pièces de filigrane, qui casaient, sous « de petites niches, des personnages en bas-relief, « mutilés par des mains rapaces dans leurs extréniités <( et draperies. » D'après leur rapport , et « sur l'adhé- « sion du chapitre , le 22 septembre 1721 , en pré- « sence du sieur Deber, contrôleur de la Monnaie, « d'un conseiller au Conseil souverain, de quelques « délégués capitulaires, au vu et su des curieux , « entre la grand'messe et vêpres, les plaques d'argent « furent enlevées, pesées, emballées sous inventaire « et expédiées pour l'Hôtel des Monnaies de Perpi- « gnan. Recollement fait, elles furent trouvées d'un « poids égal à la valeur de 10.347 livres 16 sous, dont a le Chapitre fit recelte » (Public ateur, 1836, n° 2 } Le nouveau maître-autel, ouvrage de l'arlisie Navarre, coûta 9.255 livres 16 sous; M. Mérimée l'appelle sévèrement un chef-d'œuvre de mauvais goût et de mesquinerie; on n'a pas appelé de ce jugement. Quarante ans plus lard, à Chartres, on choisissait une nuit bien sombre pour abattre le magnifique jubé de Notre-Dame , le Chapitre n'osant pas exécuter en plein jour l'arrêt de démolition qu'il avait pro- noncé. Nos chanoines, on vient de le voir, éprouvè- rent moins d'embarras; obéissant au goût de l'époque, ils jetèrent leur autel au creuset, librement, sans hésitation ni scrupule, témoin le chant de triomphe qu'ils firent graver sur le marbre pour en éterniser la mémoire : Pcrenne ad posteros inonumentum (n° #8). D'après les termes du procès-verbal d'enlèvement ci-dessus, l'autel d'argent n'aurait été qu'un ouvrage du xive siècle. Pour donner un démenti formel à celte appréciation, il faudrait produire un dessin authentique du monument, et ce dessin, s'il existe, m'est inconnu. J'ose pourtant mettre en doute la compétence archéologique des commissaires du Cha- pitre : autorité pour autorité, j'aime mieux accepter celle de MM. de Sainte-Marihe, qui croyaient l'autel contemporain de l'inscription. Les Bénédictins disent aussi : Hoc est procul dubio , altare argenteum , de quo ad hune annum Sammarthani (Gall. Christ., t. VI , col. 1042). Ils ne transcrivent pas l'inscription, mais ils s'y réfèrent : Ut patet ex veteri inscription? in duobus lateribus majaris altaris posita. Une interprétation beaucoup plus sérieuse que celle du mot altare, déjà reprochée à Baluze, m'o- blige d'entrer dans quelques développements dont 5 on excusera l'étendue, si je sais faire comprendre leur importance. M. Prosper Mérimée, prêtant à trois mots de noire inscription une valeur exagérée, en lire des conclusions qui heurtent les idées juste- ment admises par nos meilleurs critiques sur deux points importants du droit public de la province. Je laisse parler l'auteur : « Ces mots, potcntcs, médiocres m alque minores , ne semblent-ils pas indiquer trois «ordres dans l'état? et de quelque manière qu'on « les interprète, ne doit on pas en inférer l'existence « des communes dans le Roussillon , à une époque « antérieure à celle où l'on place rétablissement de « la première commune de France, celle de Laon , (i en I I 12?» En note, au bas de la page : « La même « expression se retrouve en tête des constitutions de « Catalogne et dans les vieilles chroniques de Diago, « Tomich, Montanez, Carbonell, etc. Raymond Bé- «. renger, le vieux, comte de Barcelone, recueillit « en code les coutumes latines modifiées par les Vi- « sigoths et les Maures, et y ajouta encore d'autres « lois. Ce nouveau code fut sanctionné en .1068, par « les différents ordres, patentes, médiocres alque mi- « nores. » ( Notes d'un Voyage dans le Midi de la France , p. 41 5.J Cette thèse n'est pas nouvelle, et l'argument lui- même, tiré de notre marbre, avait été déjà présenté par l'abbé Xaupi dans ses Recherches historiques sur la noblesse des citoyens honorés de Perpignan et. de Barcelone. Si j'ai cité de préférence M. Mérimée, c'est parce que son livre est aujourd'hui beaucoup plus connu que celui de l'abbé Xaupi , et qu'eu outre les conséquences du principe' y sont plus lar- gement déduites. En tête des constitutions de Catalogne , je vois l'or- donnance de Ferdinand-le-Jusie, roi d'Aragon (141 3), qui prescrit la version des usages de Barcelone du latin en langue vulgaire, et, successivement, les ordonnances d'autres princes relatives au choix des compilateurs , à l'ordre des matières, à l'impression du code national; mais je n'y trouve pas les expres- sions signalées, soit en latin (cette langue est bannie du texte), soit dans leur synonymie catalane. Faut-il regarder comme préambule une généalogie des Comtes de Barcelone, jetée en avant des constitutions dans l'édition de 1588? L'auteur de ce hors-d'œuvre nous dit bien que le comte Raymond Bérenger, le vieux, établit les Usages « Ab interventio y conseil dels « bisbes, prélats y altres ecclesiastichs, barons, no- « blés, cavaliers, ciuladans y homens de vila: » c'est son opinion particulière sur l'ancienneté des Cortés ; mais ici encore , nulle trace du potentcs , médiocres atquc minores. Les vieilles chroniques n'en disent pas davantage. Vainement j'ai relu, ou, du moins, feuilleté Dome- nech et Diago, dans l'unique but d'y trouver les paroles sacramentelles. Quoique mes souvenirs me rendent un témoignage aussi négatif sur les Historiés e Conquestes del reaime d' Arago e principal de Cata- lunya de Pierre Tomich, je ne puis citer cet ouvrage avec autant de confiance, parce que je ne Fai pas eu sous la main en temps utile pour y faire la même vérification. Au reste, le témoignage de ces histo- riens, fût-il formel, ne nous dispenserait pas de remonter aux sources où ils ont dû puiser eux-mêmes; car ils sont plus ou moins modernes, comparativement aux temps qui nous occupent. Tomich écrivait pen- dant la première moitié du xve siècle; Domenech termina ses Chroniques de Espanja le 20 mars 1513, comme il nous l'apprend lui-même, et Diago ne livra qu'en 1603 à l'imprimeur son manuscrit de ÏHistoria de los victorisissinws antiguos coudes de Bat celona . Qu an t à Montanez , j'ignore s'il existe en Catalogne un his- torien de ce nom : peut-être doit-on lire celui de Muntaner, un peu défiguré par un accident typo- graphique, et j'en parle, sous toutes réserves, d'après celte conjecture. Muntaner, mêlé à presque tous les événements politiques et militaires de son époque, entreprit, en 1325, à l'âge de soixante ans, d'écrire les mémoires d'une vie consacrée au service du pays. Son récit embrasse les règnes de Pierre III, d'Al- phonse III et de Jacques II; se tait sur les temps antérieurs, et ne contient pas une seule fois les ter- mes qu'on lui attribue. L'abbé Xaupi n'invoque à l'appui de la même thèse, aucun des auteurs ci-dessus, pas même X Anonyme de Ripoll , que Bofarull appelle nueslro historiador mas antiguo (Coudes de B ai celona , II, 99); d'où j'aurais pu conclure, sans autre examen, qu'ils étaient muets sur la question. Mais il va déterrer dans la charte de fondation de l'hôpital Saint-Jean à Perpignan (1116) les mots très approchants de Nobdes hommes, médiocres et paupci-es . La citation, ainsi présentée, ne résout pas la difficulté ; car si les expressions sont retrouvées , leur sens nous échappe encore. L'identilé même dis- paraît si l'on transcrit intégralement le passage indi- qué : « Rogamus et postulamus nobiles homines jam «dicte ville Perpiniani , pauperes et médiocres, a magnos et minimos, et omnes christianos ex om- » nibus partibus m nos adjuveni, etc. » C'est un appel aux hommes charitables, c'est-à-dire à toutes les bourses, à tous les rangs de la société. C'est dans le même sens que j'explique les mois potentes, médiocres atqve minores de l'inscription d'Elne. A. mes yeux, on n'a voulu dire que ceci : Puissants et faibles, riches et pauvres, gens de toute condition et de tout sexe ( il/os et illosj ont contribué de leurs aumônes à l'érection de l'autel d'argent. Ouvrons enfin les Usages de Barcelone, le seul livre qui n'ait besoin de l'autorité d'aucun autre. Les potentes , médiocres atque minores , c'est-à-dire les trois ordres de l'état qu'on fait assister et concourir avec le comte Kaymond Bérenger à la rédaction de ce code antique, s'y réduisent à une seule classe de citoyens, appelés probi homines dans l'usage chm Dominus , magnâtes dans l'usage hœc sunt usualia , au nombre de vingt-et-un, et nominativement désignés. Je termine par les deux propositions suivantes : La première commune établie en Roussillon fut eelle de Perpignan. On trouvera dans nos carlulaires mu- nicipaux et dans vingt ouvrages différents la charte constitutive du consulat, donnée par Pierre II, roi d'Aragon, le vi des calendes de mars 1196 (24 fé- vrier 1197). La distinction des habitants en trois mains, majeure , moyenne et mineure, n'est venue qu'a la suite, comme la conséquence après le principe. Les premières Corlés catalanes furent tenues en 1218, sous le règne de Jacques-le-Conquérant, et de cette époque seulement date la distinction des trois, ordres appelés Bras ecclésiastique , Bras militaire et Bras royal, c'est-à-dire le clergé, la noblesse et les députés des villes dont le roi était seigneur. Telles sont les doctrines admises par nos meilleurs critiques : pour les ébranler, il faut d'autres argu- ments que l'interprétation arbitraire des trois mots gravés sur le marbre d'Elne. 87. Maître-Autel. Côté de l'Épître. 1069. Marca hisp., col. 458. — Carrère, Voy. pitt., p. 26. — Fortaner, Not. eccl , p. 18. — B011 Taylor, Les Pyrénées , p. 1 71 . — Mérimée , Not . d'un voy. dans le Midi de la Fr., p. 415. — Puiggari , Évêq. d'Elne, p. 25. — Publicateur, 1836, n° 28. — De Castei.lane, Soc. arch. du Midi, t. m, p. 70. — Henri, Guide en Rouss., p. 140. ILLOS ET ILLAS • QVI AD HOC AL TARE ADIVTORIVM FECERVNT CVM CONSANGVINIBVS ILLORVM TA M VIVIS QVAM ET DEFVNC TIS ELECTORVM TVORVM 1VNGERE DIGNERIS CONSORCIO. Cette inscription n'est qu'une suite de la précé- dente, et la plupart des auteurs qui l'ont reproduite ne l'en distinguent pas : divisa est in duas partes, comme dit Baluze. Au premier abord, on croirait que la gravure de ces deux moitiés n'est pas due au même ciseau ; mais il est facile de se rendre compte de la différence qu'on remarque entre elles. La ma- tière est inégalement répartie sur deux marbres de dimensions égales; aussi le lapicide emploie-t-il sur le premier toutes les ressources de la bracbygrapbie, caractères étroits, rapprochés, lettres supérieures, enclavées, conjointes, signes abréviatifs en grand nombre. Sur le second, au contraire, plus d'ampleur et d'espacement, cl moins de vigueur aussi. Le mot 10 tvorvm est surmonté de deux signes abrévialifs ver- ticaux dont le premier est évidemment inutile. 88. Sur le devant du Maître- Autel. 1724. Carrère, Voy. plu-, p. 26. — Bon Taylor, Les Pyrénées , p. 171 . — Fortaner, Notice ecclcs., p. 16. — Public ateur, 1836, n° 2. 4724. ARA ARGENTEAM XI S^GDLO GAUFREDO RUSC. COMITE HDIC SACREE MENS^E IMPOSITAM HDMILE FAST1GI0 AMBITU ANGCSTA RDDI OPERE CONFLATA ANNORUM INJURIA PENE ATTRITA , PR.^D.^ S.EPI0S EXPOS1TÀ VEN. CANONIC?' COETUS FOELICIORI SiECDLO REGNANTE LUDOVICO XV ANNO DOMINI M DCG XXIV EXCELSA AUGCSTA AC PENE MARMOREA REDDIDIT EDAC1TATI TEMPORIS PARITER ET AVIDITATI IIOMINÛ ERIPCIT VETERI MATERIA SUMPTUS SDPPEDITANTE NOVUM OPUS ERIGENS SFLE IN HANC BASILICAM CUR^E CUJDS SËPER DECOREM DILEXIT PERENNE AD POSTEROS MONUMENTUM. Nous connaissons déjà l'histoire de celle belle dalle de marbre blanc qui ne remplace pas, aux yeux de l'archéologue , les plaques d'argent dont elle conserve le souvenir (y. n° 86). 89. Chapelle du Saint-Sacrement. 1320. Puiggari, Notices sur Elue , p. 30. — De Castel- EAME, Soc. arch. du- Midi, I. in , p 258. il ANNO DOMINI ftlCCCXX ID9 AVGVSTI OBIIT VENERABILIS DOMINVS PETRVS COSTE ARXIDIACONVS XATIVE AC CANONICVS NARBONE SVCSECTOR (sic) ET CANONICVS IN ECCLESIA ELNE QVI INSTIVIT VNVM SACERDOTEM ET SVVM ANNIVERSARIVM ET FESTVM SANCTORVM IVSTI ET PASTORIS IN ECCLESIA ELNE CVIVS ANIMA PER MISERICORDIAM DEI REGVIESCAT (sic) IN PACE. Un bas-relief représente le défunt debout, tenant un livre dans ses mains. L'inscription est partagée entre les deux bordures supérieure ei inférieure : sur les côtés du cadre, deux écussons chargés d'un griffon. On voit dans la même chapelle un sarcophage encastré dans le mur. Sur la face antérieure est relevée en bossage la statue d'un évêque, grandeur nature, en habits pontificaux, bénissant de la main droite, et maintenant de la gauche sa crosse dont la volute est brisée. La mitre paraît très ornée, mais on n'en peut apercevoir que la naissance ; le reste se cache derrière le ré table en bois de l'autel. La chaussure est pointue. Le couvercle du sarcophage est prismatique; sur le versant qui fait saillie, sont sculptés la Sainte-Vierge et saint Jean aux pieds de la croix, et deux écussons pareils à ceux du marbre funéraire de Pierre Costa. Cette particularité m'a frappé; et, quoique j'accorde en général peu de créance aux conjectures, je propose celles que m'a suggérées la présence simultanée du même signe sur les deux lombes. L'épiiaphe d'Arnaud Costa et d'Aus- berge, son épouse (v. n° 65), nous apprend qu'ils eurent deux fils, Raymond IV, évêque d'Elne, qui siégea de 1289 à 1310, et Pierre, qui fut prêtre. Ce dernier no serait-il point le Pierre Costa, mort cha- 12 noine d'Elne en 1320? Et, dans ce cas, ne pourrait- on pas conclure de l'identité des blasons, que la tombe voisine est celle de son frère Raymond ? Je ne doute pas que tôt on tard une heureuse découverte ne vienne donner tort ou raison à cette hypothèse. Les murs sont couverts d'un épais crépi; le monument lui-même est empâté d'une forte couche de badigeon , et le retable de la chapelle, ainsi que je l'ai déjà dit, masque en partie le tombeau. Une inscription, maintenant dérobée à la vue par quelqu'une de ces causes, peut être mise au jour et donner un nom à la statue. Le couvercle du sarcophage fut soulevé il y a quelques années : on trouva dans le fond quel- ques restes d'ossements et des lambeaux d'étoffe. 90. Chapelle de Sainte-Agnès. 1341 . ANNO : D0M1NI : M : CCCXL : XII : KLS : FEBROARII : OBIIT : DOMINVS : EG1DIVS : BA1VLI : BENE || FICIATVS : HVIVS : ECCLESIE : ELNENSIS : QVI PRESENTEM : CAPELLAM : SANCTE : AGNETIS : CONSTR || VI : FECIT : ET FESTVM : EIVSDEM : AG DVOS : PERPETVOS : PRESBITEROS : INSTITVIT : ET SVVM : ANNIVERSA || RIVM : PERPETVO : FACIENDVM : CV1VS : ANIMA : PER DE1 : MISERICORDIAM : REQUIESCAT : IN PACE : AMEN : Bas-relief. Le défunt couché dans sa tombe qu'en- toure le clergé. Les côtés du cadre sont ornés de quatre écussons chargés d'un cerf passant, et de rin- ceaux peints bleu et rouge, dont on aperçoit la silhouette à travers le badigeon. L'épilaphe occupe le haut et le bas. 01. Clochette. 1554. ME FEGIT IOHANNES A FINE À l'i'.i. . 13 Le nom du même fondeur se retrouve sur une sonnette du château de Brugny, dont le dessin a été publié dans le Bulletin des comités historiques (1 849. Archéologie, beaux-arts, frontispice). La clochette d'Elne est de même galbe, à peu près de même dimension, plus vieille d'une année et couverte de moulures différentes. On y voit'Apollon jouant du rebec , un singe assis et tenant le même instrument, au son duquel sem- ble danser un ours; un autre singe, un sanglier, un aigle, une autruche, un lapin, deux têtes d'anges et d'autres ornements. Ce petit meuble, soigneusement renfermé dans une armoire, nen sort que pour être montré aux visiteurs. 02. Devant la porte de l'ouest. xive siècle. ECCLESIE : ELNE : IN : QVA : BENEF1CIVM : ET : ANNIVER. . . . INSTITVIT Au bas d'une grande dalle où l'on aperçoit encore les pieds et quelques lignes des vêtements du défunt gravés au trait. Je me contenterai d'indiquer une dalle du xve siè- cle, moins grande que la précédente, qu'on foule aux pieds en montant au maître-autel. Je crois avoir déchiffré quelques lambeaux de l'inscription qui l'entoure; mais celte lecture est trop incertaine pour que j'ose la transcrire. 03. Reliquaire de sainte Julie. xve siècle. On conserve dans la sacristie un coffre en bois doré, ayant la forme de tombeau à couvercle prismatique. Sur la face antérieure du couvercle, dans un ruban qui serpente, est peinte en noir celte courte légende : lllf, •; IACET : ÇORPVS : BEVTE : IVME : 14 Il n'y a plus aujoiitd'httf dans le fond de la châsse que des débris d'ossements et d'anciennes étoffes, sauvés pendant la révolution et jetés là pêle-mêle, sans authentique et sans autre indication de prove- nance qu'une languette de parchemin où je lis : « Hec sunt reliquie . beatorum martirum. Felicis « Gerundensis . et Narcissi episcopi Iherosolimitani . « et gloriosi apostoli ac martiris Christi . heati Andrée « fratris beati . Pétri . apostoli . et fuerunt hec « reliquie hic incluse . in crastinum béate . Marie . * o o « Magdalene . (23 juillet) anno Domini . M . CCC . sc- « cundo . qua die presens altare una cum duobus « altaribus ejusdem ecclesie . scilicet beati Johannis « apostoli . et beati Martini per dominum . Raimun- « dum . Dei gratia Elnensem episcopum . extilit '< consecratum. » Des restes de même nature sont contenus dans une boîte en lames d'ivoire de dimension peu com- mune : on y trouve cet autre document écrit sur une languette de papier qui a beaucoup souffert de l'humidité : « Ista ossa fuerunt inventa post mortem « domini Raimundi . Guillelmi . sacriste Elnensis in « theca sua set ignoratur cujus sancti sint vel quo- « rum... pium autem est credere quod sint... sancti v vel sanctorum . scilicet (?) dictus dominus fuit « personaliter in urbe Rome . tcmporibus retroactis. » On voit dans la même boîte le fragment d'un Agnus en cire, coulé dans un moule du xme siècle. Sur les deux faces, l'Agneau divin portant la croix ornée d'une handerolle, avec ces mots en légende : -+- AGNE DEI MIS MINA TOLLIS. L'église d'Elue eut long-temps pour unique pa- l.r) tronne, sainte Eulalie, que nous avons vue figurer seule dans l'inscription ci-dessus de 1069 (n° 86). On ignore à quelle époque sainte Julie vint partager cet honneur, et la plus ancienne pièce authentique où il soit fait mention des deux saintes ré unies est du 27 avril 1340. Elle a été publiée par Baluze dans XAppendix au M arc a hispanica, col. 1465. Les reliques de sainte Julie, ont été dispersées ; le trésor de la cathédrale à Perpignan ne possède qu'une faible partie de celles qui y furent apportées le 2 juillet 1602, magnâ ex parte, comme dit l'office de la translation (Officia propria, 3 juillet). 94. Ancien chœur. 1294. Puiggari, Notices sur Elne , p. 22. — De Castee- LANE , Soc. arch. du Midi, t. m, p. 235. ANNO : DOMINI • M \ CC • Xfilfil \ IU : IDVS \ SEPTEMBRE \ BARTHOLOMEVS : CVM \ DVOBVS \ FILIIS : DE : PERP1NIANO : FECIT : PARTEM : ISTAM : CHORI : • * • • • Cette inscription était gravée sur bois, au-dessus d'une stalle de l'ancien chœur. L'auteur des Notices sur la ville d'Elue suppose qu'elle avait disparu en 89; cependant elle existait encore en 1835, puisque M. le chevalier de Basterot en fît alors une copie figurée dont je possède un calque. Ce fac-similé , qui m'a servi pour rétablir l'arrangement des lignes et les signes de ponctuation, m'a jeté dans l'embarras par rapport à la date. On y lit mccxiv au lieu de 1294, adopté par M. Puiggari. Je me suis décidé pour la seconde leçon, sur la foi du docteur Carrère, qui avait vu les boiseries intactes, et qui les décrit ainsi dans son Voyage pittoresque : « Le chœur est placé te «au milieu de l'église, et remplit une partie de la « nef «lu milieu; il est beau, vaste et remarquable, <( surtout pour la beauté de ses stalles, qui sont de «bois, mais couvertes d'une sculpture assez belle « pour le siècle où elle a été faite; elles sont de la afin du xme siècle, comme nous l'apprenons d'une « inscription qui est sur une des liautes stalles. » Ce peu de mots, que j'aurais eu soin de reproduire, en tout état de cause, sont l'unique souvenir qui nous reste d'un monument que le docteur Carrère, mal- gré les préjugés de son siècle, osait trouver assez beau pour le temps ou il avait été fait. Inscriptions dans le Cloître. 95. Galerie sud. xne siècle. De Castei.i.ANE, Mém. de la Soc. arch. du Midi, t. m , p. 86. Des vingt-deux marbres que nous allons étudier dans le cloître, quelques-uns y ont été successive- ment apportés en leur temps; d'autres y sont venus, dans ces dernières années, chercher un abri contre la destruction qui les menaçait au-dehors; un seul appartient au monument dès l'origine : c'est le cha- piteau d'un pilier de la galerie du sud. On lit sur deux de ses faces : ECCE SALVTARE PARITER FRATRES HABITARE |j ECCE QVAM BONVM ET QVAM IOCVSNDVM {sic), HABITARE FRATRES IN VNVM. M. de Castellane compare les caractères de cette inscription à ceux d'une autre inscription de Saint- Gilles de 1116, et conclut de la ressemblance, qu'elle appartient à peu près à la même époque Je pense 17 comme lui ; mais je propose, comme point de com- paraison, un marbre voisin dont je vais m'occuper immédiatement. Quel motif aurait-on d'ailleurs pour assigner à l'inscription un autre âge qu'au membre d'architecture qui la porte? La deuxième partie de cette sentence pieuse n'est autre que le premier verset du psaume cxxxn. Je n'ai pu m'éclairer sur l'origine de la première, qu'on ne trouve pas dans les concordances, et qu'il fau- drait chercher peut-être dans quelque glosateur des livres saints. Quoi qu'il en soit, texte et paraphrase ne pouvaient être plus heureusement choisis pour exprimer les douceurs de la vie commune à laquelle avaient été d'abord appelés nos chanoines, et dont ils se dégoûtèrent trop tôt. 96. Galerie sud. 1144. PuiGGARl, Notices sur Elnc , p. 31 . — M. DE Cas- tellANE, Soc. arch. du Midi, t. m, p. 81. — Dict. d'Epi graphie , t. i , col. 469. ELNA VIRENS CONDAM NVNC MARCIDA FLORE CADVCO DEBILIS AMISSO LVMINE \ CECA IACET FLEBILIS ERGO DOLET DE MORTE IACENTIS ALVMNI NON HABITVRA PAREM NEC VJPVATA PARI FA MA DECOR RROBITÀS (sic) QVE SECVLA NOSTRA TVLERVNT MORTE RAIMVNDE TVA PRECIPITATA RVVNT IDVS OBIS QVINTO IVNII CHRISTIQVE SVB ANNIS VNDECIES CENTVM : QVATVOR VNDECIES. Quel est ce Raymond que le poète célèbre en vers pompeux? MM. de Sainte-Marthe et Baluze en ont fait un évêque d'Elue : les premiers, en dépossédant 2 18 Udalgar, qui a tenu le siège de 1 130 à I 147 ; le se- cond, en corrigeant arbitrairement la date. 1Y1. Puig- gari fait justice de ces deux hypothèses, sans être plus heureux dans celle qu'il leur substitue. Il pro- pose un Raymond de Montesquiu , chevalier de l'or- dre du Temple, dont les dispositions testamentaires contiennent une foule de legs pieux, où Yœuvre de Sainte- Eulalie n'est pas oubliée : «Item, dimilto << ad episcopum Elue et ad opéra Sancie-Eulalie alios « xx solidos melgorienses. » A la rigueur, ces libé- ralités suffiraient à la justification de l'éloge \ mais la date du testament de Raymond, d'après M. Puiggari lui même, est du 2 des nones de septembre, c'est-à- dire de trois mois environ postérieure à cellede l'épi - taphe. Un quatrième avis est ouvert par M. de Cas- tellane, qui reconnaît dans le défunt l'archidiacre Raymond de Mataplana , déjà pourvu du titre en 1134, et vivant encore le 26 novembre 1142, d'après le Gallia. Cette opinion me paraît fondée, et je l'adopte jusqu'à ce qu'on ait découvert un docu- ment qui prolonge l'existence de Raymond de Mata- plana au-delà du 9 juin 1 144. Les diverses leçons imprimées ou manuscrites que j'ai vues, portent, au premier vers, nec au lieu de Nuire. L'abréviation nc peut signifier également l'un ou l'autre; mais ici le sens de la phrase me paraît déterminer clairement nunc. L'auteur a vou4u dire : Elne jadis florissante, maintenant penchée sur ta tige flétrie, etc. Avec le nec disparaît la couleur poétique; une antithèse de bon goût devient un pléonasme vulgaire. Est-il besoin d'observer que le troisième mot du cinquième vers doit être lu : probitas? Le lapsus du ciseau ne trompera personne. 19 97. Galerie sud. 1162. PuiGGARi, Notice sur Elue , p. 32. TE PETRE PETRA PREMIT QVEM NON A MORTE REDEMIT • MENS BONA LAVS ORIS GENVS ALTVM CVLMEN HONORIS TE FERRANDE QVERI DECVS ARCHIDIACONE CLERI HORA IVBET MORTIS DOMINl SIGNATA SVB ANNIS OCTO QVATER DEMPT1S ET SEX DE MILLE DVCENTIS TERCIA LVX IANI PATV1T TIBI IANVA LETI i Ces vers, séparés entre eux par des traits larges et profonds, occupent les deux tiers du champ; le tiers supérieur offre, à droite, une main bénissante- à gauche , une main turiféraire sortant des nua°es. Quelques mots de l'inscription ont heaucoup souf- fert; mais on peut encore les déchiffrer. M. Puiggari ne cite que les deux premiers vers; au second il lit almum, où je crois qu'il faut lire altum. Malgré le mauvais état de la pierre en cet endroit, il est pos- sible de raisonner cette leçon : il y a ligature entre le T et TU capital ; la haste du T, dans sa position ver- ticale, forme le premier montant de TU, et sa barre a été prise pour le signe abréviatif ordinaire de J'M. M. Puiggari n'a pas été le seul trompé; car j'ai vu le mot almum sur deux copies manuscrites. Le jeu de mots Para Petrus est commun : on en citerait facilement des exemples; ainsi : Parus eram quempara tegit, dans l'épitaphe de Pi erre- le- Mangeur abbé de Saint-Victor de Paris (1178), Petrum Para tegit, dans celle de Pierre III, abbé de Saint-Paul à Narbonne, et vingt autres. Le Pierre Ferrand de notre marbre ne peut être que le Parus II Ferrand us de la liste des archidiacres, donnée par le Gallia. Il 20 était déjà revêtu de cette dignité le xn des calendes de janvier 1149- (Gallia, vi, 1077. — Marca hisp., col. 1304.) 98. Galerie sud. 1186. Gallia christ., t. vi, col. 1049. — FoRTANER, Not. ecclcs., p. 78. — Puiggari, Évêques d'Elne, p. 36. — De Casteixane, Soc. arcli. du Midi, t. ni, p. 83. — Dictionn. d'épigraphie , t. i, col. 469. GVILLELMVS \\ IACET •) HIC •[ IORDANVS : PASTOR \ OVIL ELNE ; QVEM • 1VVENVM \ PLEBS : PLANGIT • ET \ ORDO • SENIL VRBIS : ET : ORBIS : HONOR : SED NVNC : DOLOR : VRBIS : ET : ORB PRO : QVO : TOTA : FLET : VRi;S : CVf : TOTVS : CONDOLET \ ORB CRÂSTINA : LVX : RAPIT : HVNC ■ ASSVMTA [ MATRE \ POTENT BIS : SEPTEM : DEMPTIS : ANNIS : DE : MILLE : DVCENT J'ai voulu conserver à celte inscription la forme originale qu'elle a sur le marbre : les traits intermé- diaires se brisent à l'extrémité de la ligne, pour atteindre la finale 1S, commune aux six vers. La dalle tumulaire de Guillaume Jorda est de beau marbre blanc, légèrement veiné de bleu, longue de 1m55, haute de 0m75, fixée horizontalement au mur de l'église dans le sens de sa longueur. Ne se- rait-ce pas le devant d'un sarcophage? Il est certain du moins qu'elle cache les restes mortels de l'évêque, comme on a pu s'en convaincre il y a quelques an nées, lorsqu'on voulut encastrer, immédiatement au- dessus, l'épitaphe d'Hualgar de Pontous. Guillaume est représenté couché, revêtu de ses ornements pon- 21 tificaux, la crosse à droite, les mains croisées sur la poitrine et la tête appuyée sur un coussin richement brodé La forme de la mitre mérite une attention particulière : elle est ouverte sur le devant ; on dirait d'une barette espagnole à quatre pointes, vue de face7 et ne montrant ainsi que deux cornes. Guillaume Jorda, Ier du nom, occupait déjà le siège d'Elue le u des ides de juin 1 172. « Il mourut « en 1186, dit M. Puiggari, la veille de l'Assomption, « comme l'atteste son épitaphe. » La réputation d'excellente et sévère latinité qu'a laissée l'auteur, est trop bien établie, pour avoir rien à démêler avec une semblable distraction. M. de Castellane fait suivre l'inscription qui nous occupe des réflexions suivantes : « Les A surmontés '< d'une ligne verticale, les D à panse rétrécie dans « le haut, les R sous la figure du chiffre arabe 2 , les « S en Z retournés, les V barrés semblables à un A « renversé, doivent être remarqués comme peu com- « muiis dans le xne siècle, surtout vers la fin. » Je ne contesterai pas la justesse des observations de M. de Castellane dans un travail qui embrassait tout le midi de la France; mais il ne faut pas oublier que ces règles, et autres analogues, sont moins absolues quand on les applique à notre épigraphie locale, où les vieilles formes se sont maintenues plus long-temps qu'ailleurs. 99. Galerie sud. 1201. Marca hisp., col. 519. — G allia christ., t. vi , col. 1050. — FoRTANEU, Notice ccclcs., p. 79. — Puiggari, Êvêq. d'Elhe, p 38. — Dr, Castellane . Soc. arch. du Midi, l ni , p, 85 22 afft) PUNTIFICVM FLOIUS ARTALDI VASIS HONORIS CORPVS PETRA TEGiT ANIMAM CHRISTVS PETRA bEGIÏ ANNO VIVENTIS LAPSO CVM MILLE DVCENT1S NOMS SEPTEMBRE POS1TIS SVB MARMORE MEMBRIS. Quelques lettres des mots pontificvm floris ont des pleins larges et fleuronnés ou perlés à l'intérieur. "L'alpha et Yoméga semblent suspendus aux bras de la croix. L'apposition christus petra est fort ancienne : j'en trouverais facilement des exemples dans les pre- miers siècles; mais j'aime bien mieux citer le premier vers de l'épi taphe de Pierre Ier, abbé de Polignac, mort vers 1262, parce qu'on y trouve aussi le jeu de mots petra petrus, que nous avons déjà remarqué. Petra tcgit Petrum, Christus petra det mihi tetruni Infernum fugerc Baluze, Taberner et M. de Castellane fixent la mort de l'évêque Artal à l'an 1200. Voici comment s'exprime le dernier: «Artaud , évêque d'Elne , assis- ta, en 1200, à la dédicace de l'église de Sainte-Marie et Sainte-Croix, à Montpellier. On croit qu'il mourut celte même année. » Or, la consécration de l'église Sainte-Marie et Sainte-Croix eut lieu le 5 novembre; le 5 septembre de l'épitapbe, ne peut donc être que pareil jour de l'année suivante, 1201. On a cru que la conjonction cvm exprimait la simultanéité, et l'on a traduit ainsi le troisième vers « La dernière année de sa vie s'écoula avec ou pendant l'année 1200. 100. Galerie sud. 1209. Marca hisp., col. 519. — Gallia christ., t. VI, col. 1050. — Carrère, Foypitt., p. 27. — Gispert Dur.- £'3 ÇAT, Observ. sur le traité des Pyr. , p. 167. — For- taner, Notice eccl., p. 80. — Puiggari, Evêq. d'Elne, p. 39. — De Casteixane, Soc. arch. du Midi, i. m, p 197. — Dictionn. d'épigraphie , t. i, col. 469. a f co ANNO XPI M GC VIIII 1D9 APRILIS OBIIT GVILLELMVS || DE ORTAFANO EPISCOPVS ELNENSIS IN CVIVS TEMPORE ECCLESIA ELNENSIS ADQVISIVIT HONOREM DE || AVALRINO \ ET CASTRVM SANCTI CIPRIANI ET POSSESSIONES DE PODIO HIC OPTINV || IT AVCTORITATE PRIVILEGIORVM REGVM FRANCÏÈ QVOD AL1QVIS HOMO VEL FE || MINA ECCLESIE ELNENSIS NON FIRMARET DIRECTVM IN CVRIA SECVLARI PRO ALIQVO FACTO. « Ces derniers mots sont précieux, dit M. Gispert « Dulçat, dans l'histoire des Seigneurs et de la juri- « diction royale ; ils nous font connaître en quoi con- « sistaient les privilèges des anciens rois de France, « relativement à la juridiction territoriale de 1 evêque « d'Elne. Dans le livre des stiles, déposé aux archives « des domaines du roi du Roussillon, nous lisons une « ordonnance de l'année 1349, au sujet de quelques « articles convenus entre lévêque d'Elne et les offi- ce ciers royaux. L'ordonnance et l'épitaphe s'éclairent « mutuellement. » « Les rois de France, dit à son tour, M. Puiggari, « Louis-le-Pieux , Lothaire et Charles-le-Simple , « avaient accordé ou confirmé à l'Eglise d'Elne un « territoire propre avec pleine juridiction- Ces pri- « viléges furent méconnus dans la suite sous les suc- cesseurs de ces princes ; mais l'évêque Guillaume « d'Ortaffa, qui siégea de 1202 à 1209, en obtint la « réhabilitation, comme le témoignent son épifâpne « sur le mur du cloître, et la charte donnée à ce «sujet par Pierre II, roi d'Aragon, alors régnant- 24 « Cependant, dans ce diocèse, de même que dans « les autres, cette juridiction, après un long flux et « reflux, comme dit Montesquieu, finit par reculer « devant la juridiction royale. » Baluze, les auteurs du G allia , Gisperl Dulçat , Fortaner, Puiggari et de Caslellane, ont lu, à la qua- trième ligne , avctoritatem ; c'est une faute : le marbre est trop bien conservé en cet endroit pour permettre le doute. Carrère seul écrit correctement avctoritate; mais en revanche il omet privilegio- rum, retranche deux ans de mccviiii , et puis ajoute : «C'est lepitaphe de Guillaume d'Ortafa, mort en « 1200.» M. de Castellane transcrit les mots regvm frascie sur la foi de Baluze; ils ne sont pourtant pas frustes, et Ton peut se passer de cette autorité. Sous le mot avalrino, il met celte note : « JNom de lieu inconnu. » Avalri n'est pas éloigné d'Elne; en mon- tant sur la terrasse du cloître, on l'aperçoit à l'ouest, à moins de trois kilomètres, entre Montescot et Cor- nella-del-Vercol. C'était au moyen-âge un hameau; ce n'est plus aujourd'hui qu'une métairie. 101. Galerie sud. 1226. Puiggari, Notices sur Elne , p. 30. — De Castel- lane, Soc. arch. du Midi, t. m, p. 222. ANNO | X : M : ce: XX : VI : KL : IANVARII : OBIIT : GVILLELMVS : IORDANI : DE • SOLERIO : ELNENSIS j: ARCHIDIACONVS : [J QVI : DEDIT : EPISCOPO j ET • ECCLESIE ELNENSI : CASTRVM : DE : SOLERIO : ET AVXIT : VICTVM : CANONICALEM • SINGVLIS DIEBVS || QVI APPELLANTVR : TRISTES : IN VNO DENARIO : TAMCANOMCIS QVAM MHS GLER1CIS | ET INSTITV1T \ || VNVM : l'RESBITERV.M j 25 IN EADEM : ECCLESIA PERPETVOjQYI [JN DJEjSVI : ANNIVERSARII : DEBET : SEMPER j XII : SA || CERDOTES \ PROCVRARE ET VNICVIQVE : 1III ; DENARIOS : DARE : ET | XII : PAVPERES : || HONORIFICE : REFICERE : ET • SEPTVAGINTA QVWQVE : LIBRAS j GA \\ NO- NICALES EADEM DIE PAVPERIRVS : HOSTIATIM : PETENTIBVS : EROGARE : D'après celte inscription, Guillaume Jorda esi-il mon le vi des calendes de janvier (27 décembre) 1200, ou bien le jour des calendes de janvier 1226? M. de Castellane adopte la première date, et M. Puig- gan, après lavoir également admise, page 30 de ses Notices sur la ville d'Elue, l'abandonne virtuellement, page 42 des Évêques d'Elue, en disant que Guillaume céda définitivement à l'évêque Raymond III le château du Soler le vu des calendes d'avril (26 mars) 1226. Abstraction faite du document ci-dessus, qui fixe la vraie leçon dans ce cas particulier, il est certain que la date est exprimée sur notre marbre d'une manière amphibologique, et je demande quelle est la règle en pareille circonstance. Peut-on distinguer l'accusatif de l'ablatif dans les abréviations ordinaires des mots noues, ides et calendes? Ainsi, doit-on recon- naître nonas ou bien nonis dans NNS, NN, NÔ, NONS ; idus ou idibus, dans m, ID9 ; calendas ou calendis , dans K> KLN? KALD? K^s? j^A) kqs? aucune de ces formes ne me paraît déterminer un cas plutôt que l'autre, sauf peut être les deux dernières kla et klâs, où la position de l'A après l'L semblerait annoncer l'accusatif. Admettons, si l'on veut, que cette dis- tinction soit toujours possible, qu'y aurons-nous gagné si la règle de syntaxe relative à la matière n'est pas invariablement observée? Or, nous savons à quoi nous 26 en tenir à cet égard; et, par surcroît, nous allons trouver bientôt le mot nonas écrit en toutes lettres après le chiffre vu, inapplicable à cette division du mois, qui compte au plus six jours. Prendrons nous enfin pour guides soit la ponctuation, soit des signes particuliers de séparation placés quelquefois entre le millésime et le quantième du mois? L'une est trop arbitraire, et les autres, rarement employés, se pro- duisent en fait dans des circonstances où leur secours est inutile. Concluons donc que la méthode est vi- cieuse, et qu'une date exprimée comme celle qui a donné lieu à ces observations, restera souvent indé- cise, parce qu'on n'aura pas toujours, pour la fixer, le secours d'un autre document.. 102. Galerie sud. 1227 et 1234. PuiGGARi, Notice sur Elue, p. 30. + : ANNO : X : M : CC : XxTvil : VI : ID9 IVNII OBHT : BERENGA- RIVS : DE CANTALVPIS ELNENSIS || ARCHIDIACONVS QVI IN PER- PETVVM IN ELNENSI ECCLESIA DVOS INST1TVTT SACERDOTES ET VNVS || DEBET SEMPER RECIPERE IN CANONICA ELNENSI VNIVS CANONICI INTEGRAM PORCIONEM ET INSTITVITVR || AB ARCHI- DIACONO CONFLVENTISJET ALIVS INSTITVITVR AB ARCIIIDIACONO VALLISPIRII CVI DEBET DARE||CC \ SOLIDOS MELGORIENSES ELNENSE CAPITVLVM ANNVATIM ET DIMIS1T PREDICTE ECCLESIE \ lîïl : EV || ANGELISTAS ET PSALTERIVM GLOSVLATVM ; ITEM ANNO XTI : M : CC ; XXX f Illl 1 1] H°II | ID9 DECEMBRIS OB11T IAVSBERTVS DE CANTALVPIS ELNENSIS CANONICVS FRATER EIVS : || QVORVM ANIME PER MISERICORDUM DEI REQVIESCANT IN PACE AMEN \ f Bérenger de Canlallops ne figure pas dans la liste très incomplète des archidiacres d'Elue du Gallia. Son épilaphe contient un fait intéressant pour notre histoire ecclésiastique: la division du diocèse en trois archidiaconés, celui d'Elne, appelé quelquefois aussi de Roussillon , celui de Vallespir et celui du Confient. On sait que la Cerdagne française, le Capcir et le pays de Fenouillèdes compris aujourd'hui dans le rayon diocésain, n'en ont pas toujours fait partie. La Cer- dagne était du diocèse d'Urgel; le Capcir et le Fe- nouillèdes appartinrent d'abord à l'archevêché de Narhonne, et plus tard à Tévêché d'Alet. 105. Galerie sud. 1242. Puiggari, Notices sur Elue , p. 31 . f QVEM LAPIS HIC CELAT ARNALDVM VITA REVELAT SANCTA SIBI CVLTA | IDVS NO • SVNT OSSA SEPVLTA PRECENTORQVE PIVS ELNE FVIT ET LOCVS ORTVS MONS SIBI FERRARIVS CELI TENET AMODO PORTVS 1MENSIS ERAT NONI SEPTEM CALOIS . TVLIT ILLE 0 : CVM MORTIS HONVS • X : L : BIS : I \ BINA : C | MILLE Quoique l'état de conservation de ce marbre laisse à désirer, la lecture de l'inscription ne présente pas de sérieuses difficultés. La gravure est très bonne, et les parties défectueuses peuvent être sûrement déchiffrées avec un peu d'habitude et d'attention : et pourtant, que de variantes dans les copies! Trois leçons manuscrites, qui m'ont été communiquées, diffèrent autant entre elles qu'avec l'original. La ré- daction du texte est, il faut l'avouer, très obscure; et comme il est difficile de se résigner à lire sans comprendre, on s'est beaucoup préoccupé du sens et 28 trop peu de la lettre- Au deuxième vers, no, au cin- quième, cai.ois, ont paru surtout inexplicables. Je crois être en règle pour la copie ; quant à l'interpré- tation, je n'en ai su trouver qu'une seule, disposé toutefois d'avance à l'abandonner pour une meilleure. En voici la substance : Arnaud, natif de Montferrer et précenteur d'Elne, a louché le port bienheureux, après une vie sainte : la mort l'enleva le vu des ca- lendes de novembre (26 ociobre) 1242, et ses restes ont été ensevelis le jour des ides de novembre sui- vant (13 novembre). On me demandera peut-être s'il ne faut pas voir dans l'O de calois un prolongement de la panse vers la gauche à la partie supérieure, ce qui produirait le D oncial et le mot caldis, abré- viation inusitée mais possible du mot calendes. Le marbre dit non. Pour obtenir la date, j'ai fait l'opération suivante : 1000 {mille) -f- 200 {bina G) + 40 (X ; L) + 2 {bis I) = 1 242. M^is ce n'a pas été sans hésitation. Le chiffre L a t-il sa valeur entière, ou bien est-il affecté de diminution par le chiffre négatif X qui le précède? Malgré les points intermédiaires, j'ai rapproché les deux chiffres. M. Puiggari les distingue au contraire ; fait agir à reculons les signes de multiplication bis, bina, et obtient : 1 000 {mille) -|_ 1 00 (C) -f 1 00 (L bis) + 10 (X) + 2 (I bina) = 1212. {Notices sur Elne , p. 31 .) Je ne contesterai pas cette manière d'opérer : les exemples de dates ainsi morcelées auxquelles j'ai eu recours, ne tranchent pas la question. 104. Galerie sud. 1248. Puiggaki, Notices sur Elue, p. -Tl 29 j. ANNO : DOMINI : M : CC : XL : Wl : NONAS (tic) : M i Mil : OB PETRVS : DE j ORTA FANO : ARC s : ANIMA : PER : miser IC0RD AT : IN : PACE : AMEN j Les lacunes de cette inscription sont faciles à rem- plir. J'ai déjà parlé de l'accusatif nonas, mis ici pour l'ablatif nonis, puisque le chiffre vîl qui le précède fait évidemment partie du millésime. M. Puiggari s'est trompé en lisant «1240, 4 des nonesde mari. » (Notices sur Elne, p. 81.) La mutilation de la pierre ne s'étend pas jusqu'au vil, sur lequel il ne peuty avoir de doute. Pierre d'Ortafa doit être ajouté à la liste des archidiacres du Gallia. La date de 1 248 , que j'ai mise en chiffres arabes, à côté du titre, est en avance d'une année sur la date portée dans le texte ; en voici la raison : Jusqu'à l'ordonnance du 15 décembre 1350, rendue à Per- pignan, par le roi d'Aragon Pierre IV, l'année com- mençait, en Roussillon comme dans la Catalogne, au 25 mars, c'est-à-dire deux mois et vingt-cinq jours plus tard que dans notre manière de compter. J'aurai souvent besoin de rappeler cette observa- tion, qui aurait même dû être faite plus tôt. 105. Galerie sud. 1275. Puiggari, Notices sur Elne, p. 32. f | ANNO : DOMINI • M : CC : LXX j QVINTO TERCIO j NONAS : AVGVSTI \ OBIIT : GVI LELLMVS (sic) \ DE j CLAIRANO : QVI 1NSTITVIT V NVM : PRESBITERVM : ET • SVVM : ANNIVERSA RIVM j PERPETVO : IN : ELNENSI : ECCLES1A : f 106. Galerie sud. 1300. Pinf.GARi , Notices sur Elne, p. 32. 30 f SEPTIMO i ID9 : DECEMBRIS : ANNO : DOMINI \ M : CGC : OBI1T j DOMINVS : HVALGVER1VS \ DE \ PONTONJBVS : ARCHIDIACONVS | VALLISPIRII \ IN \ ELNENSIS (sic) • ECCLESIA \ QVI : INSTITVIT \ IBI | IN PERPETVVM : VNVM • SACERDOTEM \ IN • ALTARI \ SANGTI \ MARTI NI • QVEM : CONSTRVXIT : ET : SWM j ANNIVER SARIVM j CVIVS j ANIMA \ PER DEI : M1SERICORDIAM j REQVIESGAT : IN j PACE • Huit ponts à trois arches, armes parlantes de Pon- tons , et douze roses à huit lobes encadrent cette inscription d'une double bordure. Les caractères sont très usés. Encore un archidiacre omis dans la liste du Gal- lia; c'est le troisième parmi ceux dont le cloître d'Elne garde les épitaphes. 107. Galerie sud. 1301. PuiGGARi, Notices sur Elne , p. 32. f : ANNO • DOMINI \ M : CGG \ ï \ XV : IÏLS : OCTOBRIS \ OBUT : PETRVS : CE RDANI • DE ; ELNA \ QVI : PRO •[ SE \ PATRE : AC • : MATRE : INSTITVIT | ANNIVERSARI VM : GANONICIS : ET • OMNIBVS : ALI1S : BENEFICIATIS : IN • ELNE \ ECCLESIA • CVIVS : ANIMA : PER • DEI • MISER1C0R DIAM : REQVIESCAT : IN • PAGE : AMEN : 108. Galerie sud. 1312. Puiggari, Notices sur Elne , p. 32. + \ÎI : ID9 : AVGVSTI : ANNO : I • • • • DOMINI : M : CGC : XÎl •' OBUT : • m • • • BERENGARIVS \ DE COSTAFBIGIDA | G IV1S : ELNE : QVI : INSTITVIT : sw.M : ANNIVERSARIVM : 31 Deux tours ou châteaux sommés d'une branche de chêne, garnie de son fruit, occupent la gauche et la droite du cadre. La qualification de cwis , donnée à Bérenger Costafred, n'appartient, dans nos comtés, qu'aux seuls habitants d'Elne. Partout ailleurs, nous trouverons habitator, quelquefois burgensis. 109. Galerie sud. 1315. Puiggari, Notices sur Elne , p. 32. ANNO DOMINI ■ M : CGC • xVxflI Kl£ IANVARIIOBIIT PETRVS \\ ■ BALAGERII PRESBITERI • ELNEQVIINSTITVITIN • ECCLESIA- || • SANCT1 ■• I ACOBI : VILLE • INFERIORIS ■ ELNE • VNVM • PRESBITER VM CVM||PERPIN1AN0B0YXQVIPERPETV0CELEBRETIN-SVPRA- DICTA l\ ■ EGCLESIA ■ ET • ANNVVERSARIVM • (sic) IN ■ ELNENSi: ECCLESIA • CATHEDRALI || IN • DIE : GVIVS • ANNVVERSARII-^ FIAT- PRO • ANIMA • BERENGARII • BALAGERII \\ : FRATRIS • EIVS ■ SIMILE • ANNVVERSAIVM : QVORVM ■ ANIME ■ REQVIESCANT • IN • PACE • AMEN ; A droite, sur la bordure, deux écussons qui por- tent, posés en fasce, deux objets^d'une détermination difficile. L'un de ces écussons est sommé d'une croix grecque portée sur une hampe. 110. Galerie sud. xive siècle. .... X : LIERAS : QVIBVS' ADDIDIT : XX : DOMINA : IACOBA : VXOR EIVS CONDAM ! VT EODEM TEMPORE : FIAT GENERALE : PRO IPSIS : ET : M (Mat km )? | NATO CONDAM. Ce fragment ne forme qu'une ligne sur la bordure inférieure du marbre : la bordure supérieure est mutilée. Bas-relief dans le champ : le Christ sur la croix entre deux saintes femmes portant la boîte aux 32 parfums, suivant l'usage. Sur les cotés, restes d'écus- sons indéchiffrables. ill. Galerie sud. ive siècle (?). « L'empereur Constant, troisième fils de Constan- « tin, dit le docteur Carrère, fut assassiné à Elne, « en 350, par la faction de Magnence, et inhumé « dans cette ville : on a conservé avec soin pendant « long-temps son tombeau, et on l'avait placé dans « le cloître de l'église bâtie postérieurement dans la « ville haute; il était quarré, de marbre blanc, f< cannelé par ondes, et portait sur sa face antérieure «i le monogramme de Constantin. Ce tombeau a été « détruit depuis environ trente ans; on n'en a con- « serve que le monogramme, qui est plaqué contre « le mur dans le cloître de cette église. » {Voy .piti., p. 24 ) Ce fragment existe encore. Il porte en relief le monogramme du Christ, entouré d'une couronne de laurier. Le docteur Carrère ne paraît pas douter que le sarcophage dont il a fait partie n'ait été le tombeau de Constant. « Ce sont des traditions que je respecte » , dit à ce propos M. Mérimée. On ne saurait mieux dire assurément; car il serait malaisé de s'inscrire en faux contre la légende, et non moins ardu sans doute de la défendre par de bons argu- ments , s'il y avait controverse : In dubiis libertas. Deux autres tombeaux des premiers siècles sont conservés à Elne : l'un au cloître, dans un angle du préau; l'autre à la sacristie, où il sert de fontaine. On en voit un troisième à la métairie de M. Lazerme à deux kilomètres d'Elue. Ce qu'il importerait d savoir, c'est à quelle époque, à quelle occasion < :13 sur quel point île la ville ont été trouvés ces témoins de l'ancienne importance iVHelena. Le bas-relief qu'on voit encastré dans le mur au- près du monogramme du Christ, n'appartient pas au même monument. C'est à tort qu'on les confond dans la même origine. i î2. Galerie ouest. Carrère, Voy. pat., p. 27. — B°n Taylor, Les Pyrénées, p. 173. — Mérimée, Notes d'un Voyage dans le Midi, p. 413. — PuiGGARi , Notices sur Elnc , p. '27. — De Castem.ane , Soc. arch. du Midi, t. m, p 65. Tels sont les caractères, inexpliqués jusqu'à ce jour, qu'on voit gravés, à la hauteur des genoux, auprès de la statue en bas-relief d'un évêqne. Les mains sont croisées sur la poitrine; la chasuble, rele- vée sur le bras, et le resiede l'ajustement sont plissés à petits plis dans le goût romano-byzantin ; le collet de la chasuble est orné de perles; la mitre est basse, fortement échancrée sur le devant, comme celle de l'évêque Guillaume Jorda, précédemment décrite; les fanons jetés à droite et à gauche prouvent qu'elle 3 34 est dans sa position naturelle , et non posée sur le côté, comme on l'a écrit quelque pari. Le vide compris entre les deux pointes, est rempli par une main divine. Si la volute de la crosse est tournée en dedans, c'est parce que l'espace dont pouvait dispo- ser le sculpteur ne permettait pas de la placer autre- ment. D'ailleurs, comme l'a très bien observé M. de Caumont au sujet de la pierre tombale de Fulger, évêque d'Angers, « la direction de la courbure en « dehors n'a pas toujours été le signe distinctif de « l'épiscopat. » Bull, monum , xxi, 462.) J'espère être assez heureux pour joindre à cette description , un dessin qui l'éclairé et la complète. Revenons au fac-similé ci- dessus. Je l'ai regardé comme indispensable; car celui qu'a publié le doc- teur Carrère dans le Voyage pittoresque, est d'une bar- barie remarquable, et ceux du baron Taylor et de M. Puiggari, incomparablement meilleurs, sont en- core trop inexacts. On en connaît quatre leçons : REDDITE FRATRES HOPERA DEBITA REDDITE FRATRES ou FRATRI HOPERAM DEB1TAM RECTOR FIDEL1S HOPERAM OBHT REVERENDVS FRATER HONVFRIVS REART Écartons, sans discussion, cette dernière : le baron Taylor observe justement qu'elle est faite en dépit du sens et de la lettre; mais il l'attribue gratuitement à l'auteur du Voyage pittoresque en Roussillon. Le doc- teur Carrère s'est contenté de dire : « On y voit « l'inscription suivante, dont la modestie et la sim- « plicité trouveront peu d'imitateurs. » Suit le dé- testable fac-similé dont j'ai parlé tout à l'heure. La 35 manière dont s'exprime le docteur Carrère, prouve seulement qu'il croyait avoir lu, mais il a gardé son secret. Le nom d'Onu fre Réart ne se trouve qu'une fois dans son livre, à la page 46, où il n'est pas ques- tion du marbre. Au reste, le nom de cet évêque, mort en 1622, fùt-il gravé sur le monument en ca- ractères irrécusables, on ne devrait y voir que l'œuvre d'un faussaire . La troisième leçon n'ayant pas été publiée, il suf- fira de l'avoir indiquée. Les deux premières semblent se confondre; car elles procèdent évidemment du même principe de paléographie, et les variantes qu'on y remarque tiennent à des causes d'interpré- tation. Ce n'était pas tout en effet que d'avoir lu; il fallait donner une âme à ces caractères ainsi groupés. L'auteur des Notes d'un Voyageur dans le Midi de la France, et l'auteur des Notices sur la ville d'Elnc, l'ont essayé, à des points de vue différents. Je n'essaierai pas d'analyser leurs textes; il est aussi court et plus sûr de les reproduire. «Sur le fond, dit M. Mérimée, on observe les « lettres suivantes : r. f. hopa. dbia. Du moins, « c'est ainsi que M. de Passa lit les caractères très « bizarres de cette inscription, que quelques archéo (i logues, avant lui, avaient pris pour des chiffres. « L'étude qu'il a faite des caractères lapidaires, et sa « nombreuse collection d'inscriptions du moyen âge, « me font adopter sa version, confirmée d'ailleurs « par une tradition locale. Quelques vieillards se « rappellent en effet que dans leur jeunesse, tous « les ans, après la Toussaint, on chantait une absoute « devant ce bas-relief, et qu'on l'aspergeait ensuite e avec du vin blanc L'évêque qu'il représentait avait, 3 a ((dit-on, donné une vigne aux chanoines d'Elne , « qui, par reconnaissance, ou par une clause de la '(donation, s'acquittaient régulièrement de celte « cérémonie. M. J. de Passa pense qu'on doit inter- « prêter ainsi celte inscription : Reddite , fralres , « opéra débita Rien n'est plus commun que de voir « le mot opéra précédé par un H. » « C'est moi, dit à son tour M. Puiggari, qui, le « premier, ai eu le bonheur de voir un peu clair dans « ces caractères barbares, sur le dessin qu'en avait « tracé un amateur obligeant avec une fidélité im- « parfaitement reproduite par le graveur; et voici « comment je les expliquai : Rcdde fratri hoperam « debitam. L'addition de h à operam n'a rien que de « conforme à la cacographie du moyen-âge ; et il n'y « a pas d'autre manière de rendre les abréviations de « ce mot et du subséquent que celle que j'ai suivie. « Le verbe et le nom que les initiales R. F. m'ont « paru indiquer, sont susceptibles sans doute de varia- it lions quant à la forme, mais non pas quant à leur « nature, je pense. Pour mon compte, cette phrase « aurait été une de ces sentences dont usaient autre- fois bon nombre devêques dans leurs souscriptions « (Dom de Vaines). Mais les réflexions que m'impo- « sait le travail de ces notices, m'ont appris qu'elle « devait avoir plutôt pour objet de rappeler au clergé, « peut-être aussi aux simples fidèles, leurs obligations « envers le prélat dont ils avaient l'image sous les « yeux, et qu'il est mieux de lire en conséquence : « Reddite fratri, oki , fratres , hoperam debitam. L'es- « sentiel est de savoir quel était ce prélat qu'il avait « paru inutile de nommer sur son monument funè- « bre 11 est aisé de voir et très rationnel de croire 37 «que, puisqu'on ne peul le reconnaître à fépigra- i< plie, c'est dans l'esprit du monument qu'il faut a lâcher de le découvrir. » Ici la description du bas- relief. « Assurément, continue l'auteur, il y a là une « allusion à quelque grande cérémonie pontificale, « extraordinaire et digne de mémoire Mais l'épiseo- « pologie diocésaine n'en signale et n'a pu en signaler « aucune d'aussi importante que celle de la conse- il cration de l'église cathédrale, faite aux calendes « de septembre 91 7 , par l'évêque Helmerade, avec « toute la pompe et les pieuses donations alors d'usage « en pareille circonstance. Helmerade sera donc le « vrai mot de l'énigme. On prétend qu'autrefois c'était «la coutume, à certain jour de l'année, d'asperger « avec du vin blanc la pierre que nous venons d'exa- « miner. Quelque étrange que paraisse d'abord celle '<■ assertion, et malgré les dénégations qui m'ont été « données sur les lieux, je suis loin de la croire sans « fondement, depuis que j'ai lu dans les notes de << Barrasco , que le samedi-saint, le chapitre était « tenu de faire laver le maiire-aulel avec du vin blanc « et des plantes aromatiques. Je vois aussi dans le « savant liturgiste Dom Claude de "\ ert , que pareille « cérémonie avait lieu dans beaucoup d'églises: on « y lavait , dit-il, les autels avec du vin et de leau « le samedi-saint. Dans quelques localités, ajoute-t- >< il encore, on lavait même l'église entière, à com- « mencer dès le vendredi ou le jeudi , si un ou deux « jours ne suffisaient pas. Celle particularité achève « de faire comprendre que l'on pouvait bien , à Elne, « purifier, de même que le maître-autel, le mono- « ment du vénérable évêque qui, je le repète, avait « consacré l'église; en sorte que cet hommage éma- 38 « nerait , et témoignerait à la fois du fait établi par (i l'interprétation du monument. » On comprendra que je ne touche pas à la question de priorité soulevée par les citations qui précèdent; les moyens et la volonté de la résoudre me manquent également. En tout état de cause, il est certain que M. Mérimée et M. Puiggari n'ont pas hésité sur la signification des siglesR f. et des quatre lettres dbia. Us ont cru seulement devoir justifier la lecture du mot hopera par une observation très vraie en prin- cipe, mais qui porte à faux dans l'espèce. L'H est onciale; sa haste est armée d'une traverse dont la valeur est connue; ce n'est donc pas une initiale parasite; c'est une lettre monogrammatique repré- sentant le mol hec. Non loin d'Elne, au Monestir- del-Camp, sur un pilier du cloître, on n'a jamais lu autrement la même lettre, armée du même signe. Après ce retranchement de l'H, le mot opéra de- meure entier avec son orthographe ordinaire. ' Il faudrait remonter bien haut vers les premiers siècles pour autoriser, par des exemples, la lecture des mots reddite fratres , et du premier surtout; encore douterais-je qu'on yréussî t. Chez nous, parmi le petit nombre de sigles simples que Ton rencontre sur les inscriptions lapidaires, au moyen-âge, l'R, dans les cas très rares où elle se montre ainsi dé- pouillée de tout signe d'abréviation, représente le prénom raimvndvs, et l'F également privée de tout accessoire, est prise pour le latin fecit ou le ca- talan feu. Rapprochant ces deux mots des deux autres déjà lus, j'établirais donc ainsi la première ligne : RAIMVNDVS (?) FECIT (?) HEC OPERA. 39 Le sens de dbia m'échappe entièrement : j'ai re- trouvé les mêmes lettres sur une pierre tumnlaire de l'ancien prieuré de l'Eule, sans les mieux com- prendre; j'y reviendrai bientôt en parlant de ce monument. Le Bon Taylor n'a ouvert aucun avis sur le sarco- phage anonyme (c'est ainsi qu'il l'appelle) propre à éclairer la question. 11 regarde seulement comme certaines les libations de vin blanc dont a parlé M. Mérimée. Les témoignages relatifs à cette céré- monie sont loin d'être unanimes, ainsi que l'a remar- qué M. Puiggari ; et la mort en éclaircissant les rangs des témoins, rend chaque jour plus douteuses les chances d'une nouvelle enquête. Cette année même, un habitant d'Elne affirmait devant moi qu'il avait lu, à la mairie, l'acte de la donation très ancienne- ment faite, par un évêque dont il avait oublié le nom, au chapitre et à l'église, du domaine d'Avalri alors complanté en raisin blanc. Ce renseignement était explicite, et je n'avais garde de le négliger; je courus donc aux archives que M. le Maire mit à ma dispo- sition avec une obligeance parfaite. Mes recherches furent vaines-, l'intéressant parchemin a disparu avec bien d'autres pièces détachées, avec le précieux et regrettable cartulaire dont on a perdu la trace depuis 1825- A mon espoir déçu, venait se joindre la matière d'un nouveau doute; car l'épitaphe de 1 évêque Guil- laume d'Orlafa nous a déjà dit à qui était due l'ac- quisition du domaine d'Avalri f honorent de Avalrino). L'absoute dont il a été parlé, se chante encore tous les ans, à l'entrée du cloître, le lendemain de la Toussaint. Cet usage n'était point particulier à Elue. Les liturgistes, que l'on a cités à propos de l'ablution iO des autels pendant la semaine-sainie, peuvent l'être également en faveur de cette autre cérémonie. A Chartres, le clergé, après avoir fait des aspersions dans le cimetière, faisait aussi le tour du cloître. « Deindè exeunt ad dextram partem aspergendo « aquam per csemeterium. Deindè transeunies ante '• capellam circumeunt claustrum. n A Limoges, la première absoute était chantée dans le chœur de l'église pour tons les défunts; quinze autres Tétaient successivement sur des tombes désignées, et la dix- septième au milieu du cloître pour tous ceux qui avaient là leur sépulture. « Primùm, absolutio fit « in choro pro omnibus in ecclesiâ quiescentibus ; « 11°, super tumulum Domini Aymerici episcopi Le- « movicensis, XVII», in medio claustri pro om- « nibus quiescentibus in eo. » (D. Martetse. De antiq. cccles. ritibus.) Pour ne rien omettre de ce qui peut servir à l'éclair- cissement d'une difficulté, encore entière sous plus d'un rapport, je ne recule pas devant une nouvelle transcription. M. de Castellane, après avoir cité l'opi- nion de M. Mérimée, ajoute ces réflexions : « L'ins- << cription et la statue paraissent être du xie siècle. « Artallus qui était déjà évêque d'Elne vers 1087 et ■< qui vivait encore en 1091 , établit un usage qui a « peut-être donné lieu à la tradition dont nous avons « parlé. Voici ce qu'on trouve à ce sujet dans Gallia « Christiana : Conviviurti opiparum primoribus festis « quotannis, cuncto sanctœ Eulaliœ (église cathédrale « d'Elne) capitulo parandum , vi idûs novemàris ejus- « dem amii (1091) Artallus episcopus unà eum dignita- h tibus, induisit. » L'évêque Arlal II a remplacé révo- que Hehnerade; nous nous rapprochons de la vraie 41 date, et sous ce rapport, l'opinion de M- de Castellane a gagné le pas sur celle de M. Puiggari; mais létat de la question reste le même. Je dirai quel est , à mon jugement, lage approximatif de la statue, lors- que viendra le tour de l'inscription du prieuré de l'Eule(>. n° 119). Faut-il chercher, enfin, dans l'inscription qui nous occupe la signature du sculpteur, et non une épita- phe? Cette opinion a été développée verbalement: j'ignore à qui elle doit être attribuée; quels motifs a donné l'auteur, et quelle est la lecture dans cette hypothèse. H5. Galerie ouest. 1303. De Castellane, Mém. de la Soc. arch. du Midi, t. m, p. 255. — PrjiGGARi, Notices sur Elue, p. 29. : ANNO X : M : CGC : il : ifl : NONAS FEBROARIl : OBIIT DOMINVS • • • ■ • • • NATALIS RAYNERU \ LEGVM DOCTOR \ CANONICVS : ET : SVCENTOR ELNE \ QVI 1NSTTTVIT CAPELLAINVM \ ET ANNVER- SAR1VM : CVIVS ANIMA REQVIEM POSIDEAT (sic) SEMP1TERNAM : Cette inscription est partagée entre les deux bor- dures haute et basse, et s'y développe sur une seule ligne. Aux quatre angles du cadre, une fleur de lis dans vin écusson carré posé en pointe. Noël Ray nier est représenté couché dans son tombeau, en habits d'officiant, les mains jointes et relevées. Le devant du sarcophage est orné de rosaces et de guirlandes peintes en bleu; les côtés que l'on voit, au rebours des lois de la perspective, sont remplis par une ar- cade ogivale géminée, de même couleur. Au second plan, le cortège clérical, plusieurs fois décrit ailleurs, ( dos 17, 19, 30, 90) mais relevé cette fois par la 42 présence de deux évèques, celui d'Elue sans doute, Raimond IV de Costa, et un autre que rien ne peut faire reconnaître. Voir, pour la date, l'observation faite au n° 104. Ce marbre est d'une conservation parfaite. M. de Castellane a lu au prénom: Arnold , à la date: 1309, et il ajoute: « le titre legum canonicus « est traduit par docteur es lois dans la Notice sur Elne, « et le nom de Rcinedii par Rainier. » En cela M. de Castellane prête gratuitement à autrui ses omissions et ses erreurs de lecture. M. Puiggari n'a voulu tra- duire que ce qui est sur le marbre : Legum doctor et Raynerii; il se trompe du reste lui-même sur la date et le prénom : Arnold , 1309. 114. Galerie ouest. 1312. De Castellane, Soc. arch. du Midi , t. m, p. 256. — PrJiGGARt, Notices sur Elne, p. 29. : HIC : IACET : IACOBVS : MARTINI • CAPELLANVS : ECCLESIE • SANCTE MARIE : DE MARI : CONDAM *: ET : OFFICIALIS : ELNE : QVI 1NSTITVIT : VNVM • PRESBITERIVM (sic) \ IN ECCLESIA : ELNE : ET : ANNIVERSARIVM : QVOD CELEBRATVR : QVOLIBET : ANNO ; SEPTIMO : ID9 : FEBROARII : ET : DECESSIT : ANNO • X : M ; CGC : XI. Sur le soubassement d'un bas-relief qui représente le défunt en habits sacerdotaux, les mains jointes et relevées, debout sous une arcade ogivale trilobée, que surmonte un fronton triangulaire garni de cro- chets. Pour la date, voir l'observation faite au n° 104. H». Galerie ouest. 1316. De Castellane, Soc. arch. du Midi, t. in, p. 240. — Puiggari , Notices sur Elne , p. 29. 43 : ANNO •; DOMINI : M, \ CCC ■ XV : XII \ KLAS : MARCI1 • OBI1T \ DOMIISVS : BERENGARIVS \ DE CODALETO : CANONICVS : ET • SVCCENTOPi : ECCLES1E : ; ELNE ; QVI IN EADEM • ECCLESIA : INSTITVIT j SVVM \ ANNIVER- SARIVM : CVIVS • ANIMA : PER MISERICORDIAM : DEI : REQVIESCAT : IN • PACE : AMEN : Bas-relief. Le défunt velu d'une tunique ei d'un manteau, et couché dans un sarcophage porté par deux lions. Ses mains n'ont pas la position que nous avons remarquée jusqu'ici; elles sont croisées sur le ventre. Le devant et les côtés du sarcophage sont couverts d'arcades trilobées de couleur bleue. Comme sur le marbre de Noël Raynier (n° 1 13) l'inscription occupe le haut et le bas du cadre, sur une seule ligne. Aux quatre angles un écusson carré, posé sur pointe et chargé d'un lion. Voir pour la date l'obser- vation faite au n° 104. 116. Galerie ouest. 1316 et 1324. De Castellane, Soc. arch. du Midi , t. ni, p 241. — PuiGGARI, Notices sur Elue, p. 29. ANNO : DOMINI \ M \ CGC XVI : XVII : KLS IVNH | OBIIT : ARNALDVS : DE PETRA \ MOLA : PRE CENTOR : ELNE : QVI : SVVM : INSTITVIT : ANN1VERSAR1VM : ANNO : DOMINI : M : CGC XX IIII : PRIDIE : ID9 : AVGVSTI • • • * • • OBIIT : GAVSERANDVS \ DE PETRA : MOLA : PRES BITER : ELNE \ QVI : INSTITVIT : FESTVM \ SANCTI : ANTHONII ET : SVI : ANNIVERSARII : f Epitaphe double comme le n° 102. Le cadre est orné d'une croix ancrée inscrite dans un cercle et de quatre écussons chargés de besants. 44 117. Galerie ouest. 1344. f AN.NO •; DOMINl j M j CGC \ XL : I1U | QVINTO DOTALE : BENEFICIVM j ET j ANNIV FACE AMEN Reste de l'inscription gravée autour dune grande dalle de 2™ 66 de long et1ra0l de large, qu'on foule aux pieds à l'entrée du cloître On n'aperçoit plus que de faibles traits du personnage qu'elle encadrait. 118. Détails. xive siècle. Aux quatre angles du cloître, le sommier qui supporte la retombée des arcs ogives, est orné de la statue en bas-relief d'un évangélisle. Saint Jean, saint Marc et saint Luc ont sous leurs pieds les animaux symboliques; saint Matthieu n'a pour sou- tien qu'une tête plate. Tous les quatre sont ailés; ils tiennent d'une main la plume et de l'autre le grattoir; devant eux est un livre ouvert sur un scrip- tionale. Sur le livre de saint Matthieu sont gravés les deux mots sanctvs matevs : les noms de saint Marc et de saint Luc sont peints en noir; on lit encore : marc , t.vce : celui de saint Jean était aussi peint, non sur le livre, mais sur une banderolle que l'aigle tient dans ses serres; on n'y distingue plus que STS, s an c tus. Le sommier d'une travée intermédiaire dans la galerie de l'est, offre le titre de la croix : ihs.n.r.i. Jésus Nazarenus rex Judœorum. Le timbre des heures, perché au sommet de la tour de l'horloge, doit être compté parmi nos an- ciennes cloches. 11 est inaccessible; mais, avec le secours de la lunette, on peut lire deux ou trois mots qui laissent deviner la légende assez commune : \rs VINCIT xrs REGNAT, etc. (y. nos 56 et 60. L'EULE. 119. Église du Prieuré. 1203. A NO OO0 M : ce : (il OBI1T :P : DE SO l,ERIO : XVI ; K • IANVAR 11 ; QVI INSTI TVIT j VNVM PIÏESBI TI-IIVM. Lorsque mes yeux rencontrèrent, pour la première fois, la partie de cette inscription que je donne eu fac-similé, je crus avoir trouvé la clef de celle dElne, qui a, jusqu'à présent, défié tous ses lecteurs. Cet espoir dura peu. Les mots qui suivent le dbia de la première ligne, et qui me paraissaient devoir l'expli- quer, étaient et sont restés muets pour moi. F. (Ferrandus, Ferrarius, Félix ?) est revêtu d'une longue lu nique, par-dessus laquelle est jeté un man- teau retenu par une boucle au milieu du cou, et relevé par les mains qui se croisent sur la poitrine. Tous ces vêtements sont plissés à petits plis, dans le goût des ornements de l'évêque inconnu d'Elne. La tète, sommée d'une main divine, repose sur une draperie que soutiennent deux anges thurifé- raires placés à droite et à gauche, et calqués du reste sur ceux du marbre déjà cité. Les cheveux sont tressés en plusieurs nattes; la figure est barbue; entre les pieds, qui s'échappent à moitié du bas de la tunique, est gravée une croix grecque. A la gau- che du défunt, sur le cadre, l'épitaphe ; à sa droite , sur le biseau qui part du cadre et vient s'amortir contre les vêtements, les caractères donnés en fac- similé. On a sans doute remarqué deux points au- dessus du dbia d'Elne : dans l'épitaphe de F. du Soler, le point est employé comme signe abréviatif au-dessus du mot presbiterum , écrit ainsi : psbtm. A la quatrième ligne au fac-similé, la barre intermédiaire de l'E est douteuse, et je l'exclurais sans scrupule , s'il ne fallait qu'un C en cet endroit pour donner un sens à tout le reste. Je trouve enfin, entre le marbre d'Elne et celui de TEule, des analogies frappantes ; et, si je ne m'abuse pas, la date de ce dernier, qui est fixée par l'épitaphe, peut servir à déterminer approxima- tivement l'âge de l'autre. Le Prieuré de l'Eule était un monastère de reli- gieuses cisterciennes, dépendant de l'abbaye de Po- blet, au diocèse de Tarragone. Il donne signe d'exis- tence dès 1176. En 1363, la communauté obtint d'être transférée à Perpignan, à raison des courses fréquentes des mauvaises compagnies vers nos con- liées à celle époque. En 157G, c'est-à-dire, quatre siècles après la première date connue, il ne restait plus que trois religieuses, que l'on envoya dans des couvents d'Espagne. Le Prieuré fui alors occupé par des religieux cisterciens, dont le dernier prii posses- sion par procureur le 29 avril 1784. L'inscription deTEule ne vient pas ici à son tour; car elle appartient au canton de Millas, que des rai- sons indépendantes de ma volonté me forcent à ren- voyer au bulletin d'une autre année. Mais il importait de ne pas l'éloigner autant du numéro 112, et c'est pour cela que j'intervertis, par exception, l'ordre que j'ai adopté. ALÉNYA. 120. Cloche de l'église. 1570 t IN TE DOMINO {sic) ESPERA VI (sic) NOM (sic) CONFOMDAS (aie) I N ETERNVM ANY M • D LXX - AVE MARIA. La salutation est sur le ruban qui ceint les faus- sures, comme c'est l'ordinaire. TÉZA. 121. Mur de l'église, angle nord-ouest. Publicateur, 1832, n° 40. — Henry, Guide en Bous- sillon, p. 139. — Bulletin monumental, t. XXII, p. 52 et 396. EVHAXGELYS SOCXXXXSER MERCVRIO V S L M 48 Evhawelus sociorum quadragesimœ servus, Mercurio votum solvit libens mérita. Une lettre mal lue a induit en erreur M. Puiggari, qui le premier publia cette inscription en 1 832 , et dont on a depuis lors suivi la leçon. Il la donnait d'après un estampage assez vague, comme ils doivent l'être souvent lorsqu'on est obligé d'aller les prendre au sommet d'une échelle. L'Sdu mot soc est un peu gâtée sur le marbre, et l'écaillé qui la sillonne fut prise pour une partie intégrante du caractère. On peut voir, dans le Publicateur de 1832, comment M. Puiggari fut amené à lire annos, par suite ser- vatus et à ne voir enfin dans le monument qu'une pierre votive « d'Evhangelus à Mercure pour l'avoir « conservé pendant quarante ans. » J'avais adopté , comme les autres, cette leçon, jusqu'au jour où l'examen particulier que j'avais entrepris de nos inscriptions, m'a prouvé qu'il y avait eu malentendu sur le mot soc. Rétablir le texte était la plus facile moitié de la besogne; et si j'entrevis un instant la bonne voie, ce fut pour la perdre aussitôt après. Fa- tigué d'hypothèses qui m'éloignaient de plus en plus du but, j'eus l'heureuse idée de puiser à bonne source. M. Léon Rénier, auquel j'envoyai la rectification et l'aveu de mon ignorance, a eu la bonté de m'éclairer. L'explication que j'ai déjà donnée lui appartient, et je m'étais borné d'abord à cet unique emprunt. Récemment autorisé à faire usage de la lettre qu'il m'avait fait l'honneur de m'écrire, j'en détache le passage relatif à notre marbre. On saura gré certai- nement à M. Léon Rénier de m'avoir donné cette autorisation, et à moi-même de n'avoir pas dénaturé d'excellentes choses en les abrégeant. 4 9 « L'inscription iIevhangelvs est une des plusim- « portantes que l'on ail encore découvertes dans Ja i- Narbonnaise, parce que c'est la première où il soit u fait mention de la perception du quarantième dans « cette province, et qu'elle nous apprend, ainsi du « reste qu'on devait le penser pour une province « sénatoriale, que cet impôt y était affermé à une u société de publicains, et non pas perçu direcie- « ment par un procurateur impérial et par ses agents. « Dans toutes les inscriptious où il est question de « la XXXX GALLIARVM, ou GVLL, OU GAL (Orclli, 3343 et « 3345 : Spon., Micell. erud. antiquité p. 217; Gudius, « antiq. Inscr., 199, 3.); dans toutes ces inscriptions « dis-je, il s'agit , non pas de la Gaule Narbonnaise ' <• mais des trois provinces de la Gaule proprement « dites, c'est-à-dire de Ja Lyonnaise, de l'Aquitaine « et de la Belgique. Vous me demanderez peut-être « pourquoi des trois, et non pas des quatre, en y « comprenant la Narbonnaise? Je vous répondrai que, « sur un grand nombre de monuments, la réunion « des trois provinces, pour certaines parties de lad, « ministration, est exprimée en toutes lettres m « provinciaegalliarvm; que sur aucun d'eux encore « on n'a trouvé indiquée la réunion des quatre pro- « vinces, etqu'on ne la trouvera probablement jamais « parce que celte réunion eût été contraire aux prin- ce cipes de l'administration romaine, la Narbonnaise « étant une province sénatoriale, tandis que les au- « très élaieni impériales. Vous me demanderez peut- « être aussi si dans l'inscription de Gudius (199, 3 ) « inscription qui a été trouvée à Rome, les sigles ■< XXXX GAL ne pourraient pas s'interprêler Quadrage. « simeé Gnlliœ , et s'entendre de la Narbonnaise. Je 50 « vous répondrai encore non, parce que la Narbon - « naise n'est jamais désignée sur les monuments par « le simple nom de Gallia, mais toujours par ceux « de Gallia Narbonensis ou de Provincia Narbonensis. « Vous savez que la quadragesima était la même « chose que le portorium , sorte de droit de douane « levé sur les marchandises à leur entrée dans la (( province. Or, dans le passage de Tacite que vous « m'avez cité, on voit que les sénateurs obtinrent de <( l'empereur le maintien du portorium. La quadra- « gesima, qui fut alors supprimée, était donc un autre «impôt; et en effet, ce nom n'exprimant qu'une «quotité, on conçoit facilement qu'il ait pu êtte •< appliqué à des contributions différentes, mais éta- « blies sur des bases semblables. » 122. Mur de l'église, angle sud-ouest. Publicateur, 1832, n° 40. — Henry, Guide en Rous- sillon, p. 130. — Bullet. monum., t. xxn, p. 52 et 396. I> M RVSTICANIA • • • LIB CO Dis Manibus . Rusticania .... liberta . co. Cette inscription avait au moins six lignes : après les trois premières, qu'on ne peut même déchiffrer jusqu'au bout, il ne reste plus sur le marbre que des traits clairsemés, à peine visibles et sans liaison. J'ai ajouté peu de chose à la leçon déjà connue; mais j'en avais retranché de prime-abord le idid, qu'on avait cru lire sur les bandes verticales du cadre , et qui ne me paraissaient être que des ornements. M. Léon Rénier n'hésite pas à y reconnaître des bonnets d'affranchis, et le sigîe i.ib ne laisse aucun doute sur cette appréciation. 125. Dans l'église. 1260. + : ANNO •' DOMINI : M : CC : L : IX : XI : KL FEBROARII \ OBIIT | PETRVS | COMI TIS : DE TESANO | QV1 DIMISIT ECCLESIE : SANTJ | PETRI : El VSDEM I LOCl i VNVM SEREVM (sic) SICVT : IN' SVO TESTAMENTO : PIE NIVS CONTINETYR | GVIVS \ ANI MA : REQVIESCAT : IN PACE \ AMEN. Ce marbre est fendu dans le sens de la hauteur; mais aucune lettre n'a été altérée par la cassure. Voir pour la date l'observation faite au n° 104, SAINT-NAZAIRE. 124. Chasuble. 1588. DE LA 0 B R A I58 8. Ces mots sont brodés au bas d'une chasuble très simple et sans autres ornements. Je n'ai pas encore trouvé dans les sacristies de nos églises des vêtements sacerdotaux antérieurs au xvie siècle; ceux de cette époque, au contraire, ne sont pas rares. La chape de Palau-del-Vidre, qui jouit d'une certaine célébrité à cause de son origine prétendue, n'est pas plus an- .->•' cienne. Une tradition, qui, sans doute, ne s'est atta- chée à ce vêtement que par cascade et après la dis- parition d'un autre plus vieux, le fait remonter jusqu'aux premières années du xive siècle au moins. Un chevalier du Temple l'aurait, dit-on, rapporté de la Palestine el donné à 1 église. L'aspect seul de la chape dément cette date, et la véritable est fixée par un document que M. de Saint-Malo a découvert aux archives des notaires. C'est la commande même de la chape, faite le 23 septembre 1554, à Martin Otxoar, brodeur de Barcelone, par les fabriciens de l'église et les consuls du lieu. GANET. 125. Porte de l'église. 1227. ANNO DOMINI \ M • CC : XX j VII • XÛl : KLS : IVNU : OBI IT : RAIMVNDVS • ANGLESI1 | QVI INSTITVIT IN ECCLESlÀ DE CANE TO | VNVM : SACERDOTEM : ET DVAS • LAMPADAS : ET AD HOC PERFICIENDVM DIMISIT OMN1A ALODIA SVA \ ET QVOD SVPER j ESSET DARETVR | ELEMOSINE : IN DIE AS CENSIONIS DOMINI • CVIVS ANIMA : REQVIESCA T IN PACE j AMEN \ 126. Porte de l'église 1304. | : ANNO : DOMINI M CGC \ iîll : PRIDIE | NONAS : NOVEMRRIS : OBIIT : RAYMVNDVS | ARLOVINJ \ QVI DIMISIT : DVO ANNIVERSARIA : CLERICIS DE CA NETO : PRIMVM : DIE OB1TVS SVI PRO ANIMA SVA SECVNDVM IN NONA DIE OBITVS SVI PRO ANIMABVS PARENTVM SVORVM Sur cette inscription et la précédente, j'observerai 53 seulement quelles sont d'un très beau caractère et parfaitement conservées, quoique bien à portée de l'insulte. 127. Porte de l'église. 1510. LANY MIL Y SINC CENS : Y DEV • .... PRIMER DIE : DE : MAG FOV CO MENCADA DE FER LA OVRA : DE CARITAT (?) Qualité de pierre très-mauvaise, gravure grossière. Le dernier mot est difficile à reconnaître ; je crois cependant qu'il faut lire caritas, mais ce mot même m'embarrasse. S'agit-il de l'établissement d'une de ces œuvres de cliarité, aumône commune ou autre, que nous retrouvons au moyen-âge dans un si grand nombre de nos plus petits villages? Ou bien est-ce Y œuvre , c'est-à-dire la construction de l'église qui commence au moyen de dons charitables? Je pen- cherais volontiers vers ce dernier sens. CANOHÉS. 128. Chemin de Canobés à Perpignan. Je cite pour mémoire une borne plantée à 700 mè- tres environ de Canobés, sur le bord de l'ancien chemin de ce village à Perpignan. Elle a été cou- verte, au moins sur trois de ces faces, d'une ins- cription trop mutilée maintenant pour être lue. Voici tout ce que j'ai pu en tirer : GVAS LIA DE CANO Ll ON VB C NON F. . . . NO TVMVLORVM ELAD1. . . . ANTONIO VÀLLS E1VSOVE .. 54 Sur le levers : ANNO SECVNDO. J'avais entendu dire que c'était une inscription romaine: les restes ne permettent pas de s'arrêter à celte idée. Je croirais plutôt qu'elle se rapporte au dessèchement du petit étang qui s'étendait autrefois au-dessous de Canohés. On trouve déjà la trace de travaux entrepris au xve siècle pour délivrer le vil- lage de cet incommode voisin. En 1544, Honoré d'Oms. catnérier de La Grasse et prévôt de Canohés, confiait l'entretien des rigoles d'écoulement au curé du lieu, et lui abandonnait pour ses dépenses le poisson qu'on y péchait encore, et la jouissance, par bail emphytéotique, de dix huit ayminades de terre conquises sur l'étang. Notre inscription a-t-elle été mise en ce lieu pour constater cette opération ou toute autre relative au même objet? Les archives de La Grasse, déposées à la préfecture de l'Aude, nous le diraient peut-être. VILLALONGA-DE-LA-SALANCA. 129. Dans l'église. 1324. ANNO : DOMINI : M : CGC : XX : III : X : KL : || FEBROARII : OBIIT : GVILLELMVS MARIS SACRISJ A DE VILLALON || GA CVI : GVILLELMVS MARIS CANONIGVS : MAIORI || GARVM E1VS NEPOS IN ECCLESIA DE VILLALONGA SVVM INSTITVIT ANNIVERSARIVM. Courant sur la bordure, autour d'un bas-relief qui représente le défunt, en habits d'officiant, les mains jointes et relevées. A droite et à gauche, dans le 55 champ, à la hauteur de la tète, un écusson fascé en ondes, armes parlantes de Maris. Voir pour la date l'ohservalion faite au n° 104. 150. Au Las du sanctuaire. 1449. En bordure autour d'une dalle de 2m 25 de long et 1m 00 de large, l'épi taphe suivante : A XXV • DEL MES ■ DE- || SETEMBRA ■ LANY Al ■ GCGC ■ XXXX • NOV • FEVS • DEVS SES VOLENT ATS • DEL- || MOLT- HONORABLA- MOSSEN - || BERENGVER • AMYLL • SACRISTA DE LESGLESIA • DE SAîST MARGELL- Dans le champ, en haut : MEMENTO REVERENDI BERENGARH AMILL SACRISTIE. En bas : ANIMA EIVS REQVIESCAT ■ IN • PAGE • L'épitaphe est en gothique carrée, écriture ordi- naire de nos inscriptions lapidaires au xve siècle, et l'acclamation en majuscules romaines, qui parais- sent pour la première fois à la même époque. Je ne serais pas étonné que ce fût l'exemple unique de ce dernier caractère avant le xvie siècle; car Fossa, qui connaissait si bien les monuments du pays, ne croyait pas qu'on en pût citer un seul. (Mem. p. les avoc, p 108.) La réunion des deux genres sur la même pierre, mérite aussi d'être remarquée. Entre les deux parties de l'acclamation est gravée au trait une figure 56 géométrique où Ton a voulu reconnaître le plan par terre de la petite et curieuse église de Planés. C'est en effet cela, si l'on veut; mais que pourrait-on conclure d'une ressemblance fortuite? Celte figure s'obtient par la superposition d'un triangle à un trèfle, de manière que les lobes, faisant saillie sur les flancs du triangle, alternent avec les pointes de celui-ci. Des figures analogues, obtenues par la superposition d'un carré à un quatrefcuilles, sont très-communes au xive et au xve siècles. Dans l'inscription qui pré- cède, l'écu de Guillaume Maris est circonscrit par un ornement de ce genre ; il en est de même des écus de Pierre Garrigella (n° 26), de Bérenger de .lunyent (n° 44), et de bien d'autres. Sur la pierre tombale de Bérenger Amyll , le triangle enferme un calice, et de sa pointe inférieure pend un écusson chargé d'une iouffe de petit millet, blason parlant du défunt. 151. Sacristie. 1407. FIUTER : lOANNES : DVC : ME FESIT : (sic) FIERI : LAN Y : M : CCCC : VII : Sur une fontaine en marbre incrustée dans le mur. Au milieu de l'inscription est une croix à trois bran- ches, ou tau, au pied fiché, et sommée d'une étoile. On y voit aussi des restes d'ornements, de forme assez originale, peints de couleur sombre. 152. Clocher. 1508. * 508. C'est la date de la construction du clocher. 11 est bâti en prolongement de l'étroite et vieille nef romane 57 à laquelle on a soudé, vers la fin du xve siècle, une seconde nef du côté du nord. Ces nefs communi- quent entre elles par deux grands arceaux ouverts dans l'ancien mur. PI A. 155. Porche de l'église. 1266 et 1268. ANNO : DOMINI : M : CC : LX : VIII : • ■ • • • • XI : KL : ÂVGVSTI : OBIIT : DO MINVS : GVILLELMVS j PORCELLI | CAPELLANVS DE j BONOPASSV : ANNO ■ DOMINI • M • CC LX -* VI : [III : KL : DECEMBRIS : OBI • • • • • IT : DOMINVS : PETRVS : GRALIONI ■ NEPOS : EIVS : QVI ME : LEGIS \ DIC P ATERjNOSTER Caractères élégants, d'une gravure très-nette et parfaitement conservée. Les mots sont séparés par cinq points, cernés eux-mêmes entre deux traits verticaux. 154. Porte de l'église. 1302. ANNO : DOMINI • M | CCC : II : PRIDIE : KLS APRILIS : OBIIT : RAYMVNDVS : DOMINICI ■ DE APIANO •; CVIVS : ANIVERSA R1VM : SVPER : TERRA : DE PON • * • CIONIBVS : ROGA : DEVM j PRO : EO 153. Porte du château. 1249. Publicatcur, 1832, nos 38 et 39. ANNO j DOMINI MILLESIMO \ CC XL- IX VII j KL : IVNII FV1T • INCEPTV M 58 OPVS ISTIVS CASTfil PER \ RA1MVNDVM \ P IGHERIVM • MAG1STRVM • MANDA TO ET AVCTORITATE DOMIM \ GVILLELMI \ DE BROA • DEI \ GRACIA : SANCTE : NARBON ENSIS : ECCLESIE \ ARGHIEPISCOPI [ CVIVS OPERIS : RAIMVNDVS \ DE MONTILLIS • GLERIG VS • SVVS DE ALESTO EXTITIÏ : PROCV RATOR : IOIIANNE j DOVCE SINO BA1VLO EX1STEN TE Les archevêques de Narbonne étaient seigneurs de Pia; celte inscription le démontrerait à défaut d'autres preuves. Guillaume de Broue, qui fil cons- truire le château, occupa le siège métropolitain de 1245 a 1257 (G ail. christ., t. vi, col. 71). On voit encore son épitaphe â Narbonne, dans l'église Saint-Jusl. En I 570, apparaît comme seigneur du lieu Bernard Joli , auquel l'archevêque Hippolyie d'Esté Fer rare avait vendu la haronnie l'année précédente. Les habitants de Pia pouvaient alors s'affranchir, et pourtant ils en laissèrent échapper l'occasion. Ils craignirent que les consuls, s'appliquant le bénéfice de la seigneurie, ne voulussent à ce titre se perpétuer dans le consulat; et la domination étrangère leur sembla préférable à la tyrannie locale. Les habitants de Pia se montrèrent en cette circonstance fort avisés; et le parti qu'ils embrassèrent, après en avoir solennellement et pu- bliquement délibéré , prouverait à lui seul qu'ils valent mieux que la réputation qu'on s'est plu à leur faire. 59 La leçon publiée en 1832 esi très fautive : le marbre était alors assez haut placé au-dessus de la porte du château, et M. de Saint-Malo, qui la déchiffra dans cette position défavorable, n'avait pas alors cette grande habitude des vieilles écritures que lui donna plus tard le dépouillement de nos archives. La gra- vure est du reste fort mauvaise ; l'architecte ou maître tailleur Raymond l'avait sans doute confiée au plus inexpérimenté de ses apprentis. J'ai vu cette inscrip- tion hors de place, il y a déjà quelques années, en grand danger d'être perdue Si elle existe enrore, ne pourrait-on pas l'encastrer dans le mur, à côté des deux autres qu'on voit h l'entrée de l'église? VILANOVA-DE-LA-R1VIÈUE. 156. Église. 1330. ANNO : D0M1NI \ M \ CGC • XXX : llll j IDVS : APRILIS : OBIIT : DOMINVS PETRVS : • • • * SABATERII : QVI : INSTITVIT : SVVlVI : ANNIVERSARIVM : IN PRESENT! : ECCLESIA : • • • CVIVS : ANIMA : REQVIESCAT \ IN : ' PACE : AMEN ; La dernière ligne est terminée par un soulier, armes parlantes du nom du défunt, Sabatcr. La même figure était peinte, comme attribut de métier, sur la bannière de la confrérie des cordonniers à Perpignan {y. Fossa, Mém. p. la Nobl., p. 423) J'ai négligé de relever moi-même cette inscription. Je la donne d'après une copie figurée, qui me parait mériter loute confiance. Voir pour la date l'observation faite au n° 104. GO IUVESALTES. 157. Porte de 1 église. 1258. f QVI TVMVLVM CER NIS : CVR INON MOR TALIA SPERNIS \ TALI NAMQVE DOMO CLAVDI TVR OMPIIS HOMO \ OBIIT j G (?) j V. . DE RIPISALTIS : ANNO DOMINI o o o o M : CC : L : Vllf SAINT-HIPPOLYTE . 158. Porche de l'église. PrjiGGARi , Bull, de la Soc. des Pyr. -Orient. , t. vu, p. 261. — De Gazanyola, Observât, sur l'Inscrip. de Saint- Hippolylc . FLAV VAL COIVST ANTINO NOB CAES Flavio Valeno Constantino nobdissimo Cœsari. La pierre qui porte cette inscription fut découverte en 1847, dans l'église de Saint-Hippolyte, au-dessous du maître autel. C'est une colonne en brèche cal- caire, haute de I m 05 et de 0m 42 de diamètre. Elle est surmontée d'un grossier chapiteau corinthien, 61 dont L'inlérieur avait été creusé pour recevoir un reliquaire en bois. A l'occasion de cette découverte, qui était un événement pour notre pays encore si pauvre en inscriptions romaines, quelques articles de polémi- que sérieuse furent échangés entre deux hommes également recommandables par leurs lumières. 11 convient de les analyser. L'hommage s'adressait-il à Constantin-leGrand, ou bien à son fils Constantin-le-Jeune ? M. Puiggari se prononça pour le premier : « Le nom de Vakrius , (( disait-il, n'a jamais pu désigner que le père, et le « fils ne l'a jamais porté. » M. de Gazanyola adopta le sentiment contraire : « Constantin-le-Jeune , ré- « pondait-il, a les mêmes droits que le grand Cons- « tanlin au nom de Vakrius , qui lui est donné dans « les fastes consulaires en 320, 321 et 324 {Art de « ver. les dates}; mais à lui seul peut être appliqué « le titre de nobilissimus Cœsar. » Il n'est pas vrai- semblable, en effet, que Constantin-le-Grand , dési- gné par son père au choix des légions et proclamé par elles, ait voulu consentir à ne prendre que ce vague titre , sans y joindre au moins celui d' imperator , qu'il s'arrogeait depuis trois mois lorsqu'il apprit que Galère Maximien refusait de le reconnaître. En sup- posant même qu'il a pu se résoudre à déposer le litre d'empereur, « à se contenter de celui de nobilissimus « Cœsar, eh bien! dans cette hypotbèse même, il « faudrait attribuer l'inscription au fils plutôt qu'ai: « père. La raison en est bien simple : le titre qu'on «y donne au prince, à qui elle est dédiée, a été « porté vingt ans par le premier, et le second n'a pu « le prendre seul que pendant les cinq mois écoulés 62 « entre le jour où il fut proclamé César à Rome, en « octobre 300, et le 1er mars 307, où il fut reconnu « comme empereur. » M. Puiggari répliqua : 1° « Les fastes consulaires « insérés dans Y Art de vérifier les dates , se trouvent « contredits par Crévier, Tillemont et Schoell ; ils « son! en outre corrigés dans l'ouvrage même, partie a intitulée : Chronique historique des Empereurs dOc- « cident , où Constantin-le-Jeune est appelé Flavius « Claudius Constantinus. » — « Le nom de Kalcrius « n'y figure pas plus que dans les biographies et « autres historiens, que dans l'encyclopédie, sur les M médailles et les inscriptions lapidaires. » 2° « Crévier et Gibbon rendent un témoignage « formel et sans réserve à la modération du nouvel « empereur : « Constantin, dit Gibbon, qui possédait « déjà le réel de l'autorité , attendit patiemment « l'occasion d'en obtenir les honneurs. » C'est à dessein que j'ai omis de parler des inscrip- tions citées de part et d'autre : les unes ajoutent peu à la force des arguments, et les autres prouvent contre le système à l'appui duquel on les invoque. J'entends appeler quelquefois l'inscription de Saint- Hippolyte une borne milliaire; si cette dénomination pouvait être légitimement acceptée, elle serait d'un grand poids dans la question •, mais il est à remarquer que, ni M. de Gazanyola, ni M. Puiggari, ne l'ont employée. Parmi les éléments de cette discussion, le plus important à mes yeux est le premier : il est clair, en effet, que si le nom de Valerius désigne toujours Constanlin-le-Grand, à l'exclusion de son fils, le mo- nument de Saint-IIippoly/e devra lui être attribué; (1:5 et que, par eonire, les probabilités seront en faveur de Constanlin-le-Jeune s'il a quelquefois porté le même nom. J'ai feuilleté bien des pages pour m'é- clairer, et je n'ai rien trouvé qui détruise sur ce point l'argumentation de M. Puiggari. Les épigra- pbistes et les numismates, comme les historiens que j'ai consultés, sont unanimes pour donner au père le nom de Valerius , au fils celui de Claudius ou de Ju- Uus. Dans la juste défiance de mes recherches, et plus encore de mes lumières, j'ai porté la cause de- vant un juge dont la compétence ne sera pas discutée. M. Léon Reinier, si profondément versé dans l'é- tude des antiquités romaines, avoue qu'il ne connaît pas un seul marbre où le nom de Valerius soit donné à Constantin-le-Jeune. De plus, il est frappé de l'identité qui existe entre l'inscription de Saint-Hip- polyte et cette légende dune médaille de Constantin le père : fl. val. constantinvs n. c. vel nob. c. vel similiter (y. Eckhcl, Doctrina num . vet., t. vm, p. 72). 159. Porche de l'église. xive siècle. • XXIX : KL : MAII | FVERVNT : HIC : TRANSLATA : OSSA ET LAVRENTIE : VXORIS : SVE • PER : GAVSBERTVM j ISIMBERTI : : PRESBITERVM = EORVM : FILIVM : QVI VOLVIT : ET : MANDAVIT : OSSA : SVA \ PRO \ TEMPÔRE ; IN \ HOC \ EODEM : LOCO ■ TRANSFERRI : QVORVM : ANIME \ PER \ DEI : MISERICORDIAM : REQVIESCANT j IN ; PACE ; AMEN. Deux lignes en haut, trois en bas. Dans le milieu, divers bas-reliefs. Jésus-Christ en croix entre sa mère et saint Jean -, le défunt, entouré du cortège ordi- naire, le soleil et la lune. 64 TOURELLES 140. Cuve baptismale. OMNIBVS ORANTIBVS OBTVLIT. C'est à peu près tout ce qui reste, ou du moins tout ce que j'ose lire, d'une inscription gravée sur la tranche de cette cuve baptismale, qu'il faut compter parmi les plus anciennes du pays. L'église de Tor- relles fut donnée au monastère de Saint-Michel de- Cuxa par Gotard Gausbert, en 1070 {JSlarca hisp., col. 1 1 60), et c'est probablement la même que nous voyons encore sur pied. Elle est à trois nefs. Elle a été très-anciennement desservie par un chapitre ré- gulier, dont l'origine et les fastes sont difficiles à établir. Le prévôt delà communauté a souscrit, avec le titre d'archidiacre de Torrcllcs , un acte de 1114 (Marca hisp., col. 1241), et un autre de 1 1 34 (Arch. de l'Unwersité\ 141. Clocher. (572. Ces simples dates jetées ça et là sur des pierres d'appareil , sont quelquefois très-utiles dans notre contrée, où l'archéologue trouve si peu de points de repère après l'époque romane. 65 ESSAI SUR LE GOUT, Par M. Al!SSEI„, Professeur de Seconde au Collège de Perpignan, membre résidant. PREMIER DISCOURS. ♦ Il faut avoir de l'âme pour avoir du goût. » ( Vauvenargues.) Comme nos lectures ont une influence décisive sur nos mœurs, et qu'elles peuvent nous apprendre à former nos sentiments, notre langage, notre conduite; comme les sublimes notions du beau intellectuel et moral seront toujours ce qu'il y a de plus salutaire aux peuples, rien ne saurait être plus important que de rechercher quels sont les vrais principes du goût, et d'examiner comment les lois mêmes du beau ont été exprimées pat les plus grands écrivains dans leurs chefs-d'œuvre: tel est l'objet que je me propose. J'essaierai de montrer quelle est la condition es- sentielle du goût ; quelles sont les époques où il règne dans toute sa pureté, quelles facultés le constituent, et comment la perfection de l'art s'allie avec la per- fection du goût. Observant ensuite qu'il y a une dif- férence entre le beau et le sublime, je dirai quels écrivains ont atteint, chez nous, la perfection de l'art, et quels sont ceux qui dominent surtout par la création et le génie; et je rechercherai, enfin, s'il n'y a pas eu dans notre langue un écrivain, qui, 5 (iG réunissant au plus haut degré les caractères du génie et les qualités du goût, puisse être regardé comme le type le plus élevé de l'art d'écrire, et comme le modèle le plus parfait du goût véritable. Ce sera le sujet des six discours qui composeront cet essai. Quelle est la condition essentielle du goût? l'esprit ne suffit-il pas pour atteindre à la perfection du goût ? et le goût n'est-il pas la même chose que le bon sens? Voilà ce que je veux examiner dans ce premier dis- cours. Mais, avant d'entrer dans cet examen, et pour mieux faire voir encore combien il nous importe de nous former le goût, qu'il me suffise de remarquer que ce qu'on appelle la véritable distinction dans le monde, ce qu'on nomme le bon sens dans la conduite de la vie, n'est que l'application à la vie réelle de cette faculté précieuse que nous appelons le goût. 11 faut avoir de l'âme pour avoir du goût, a dit un jeune écrivain du siècle dernier, et nous pouvons l'en croire, en nous rappelant quel charme puissant la parole de Fénélon avait pour ses contemporains, même les plus illustres. Il avait au plus haut point l'amour du bien et de la vertu, et la faculté de re- connaître ce qui plaît aux âmes d'élite et aux esprits cultivés. Ce qui est vrai, naturel et simple, plaît généralement aux hommes, et ils aiment tous ce qui est di^ne, décent, convenable. Mais cette fleur d'é- locution, cette délicatesse de sentiment, ces grâces de l'esprit, qu'on admirait dans Fénélon, voilà ce qui appartient à bien peu de personnes privilégiées; et cependant, à toutes les époques, c'est par la vérité de leur langage et de leurs manières, que les hommes bien nés se distinguent dans le monde; c'est par la dignité, jusque dans les plus petites choses, qu'ils se <;t concilient l'estime et le respect de ceux qui les approchent. Partout où vous trouvez la dignité et le naturel, vous pouvez affirmer que le bon goût y a tout réglé, tout ordonne, suivant les convenances les plus sévères. Et, si tel est le bon ton qui doit régner dans le monde, s'il consiste dans le respect de toutes les con- venances, le goût sera-t-il autre chose en littérature? IN on sans doute, puisque la bonne littérature n'est que l'expression embellie, mais encore fidèle, de la vie réelle et commune. Le goût, en littérature, est le sentiment du beau; et le beau, comme l'a défini Platon, est la splendeur du vrai. Or, si l'intelligence perçoit le vrai, c'est lame qui sent et apprécie le beau ; le goût tient donc essen- tiellement à la justesse de l'esprit et à la noblesse de l'âme. C'est le charme de l'esprit, c'est la délicatesse de l'âme, qui font l'éternelle beauté de ce petit, nombre d'ouvrages que nous lisons sans cesse, et que nous admirons toujours-, c'est là ce qui faisait le génie de leurs immortels auteurs. Inspirés par un talent heu- reux et facile, ils ont trouvé le beau sans effort, et presque sans le chercher; doués de toutes les grâces de l'esprit, ils les ont répandues, comme en se jouant dans leurs écrits. Mais c'est à l'excellence de leurs âmes sympathiques, qu'ils doivent cette connaissance profonde du coeur humain, ces belles peintures des affections de l'homme, ce soin et ce bonheur de n'ex- primer que des sentiments vrais et conformes a notre nature, enfin tout ce qui, en eux, vous émeut et vous touche. Leur âme se répand dans tout le discours et l'anime; elle lui prêle cet attrait indicible qui enchante et pénètre le lecteur. Ces nuances de la pensée et dyi sentiment, cette vivacité heureuse du (oui' et de 68 l'expression, celte mesure toujours exacte et cette variété plus admirable encore, toutes ces qualités tiennent à la netteté de l'esprit, et bien plus à la délicatesse de l'âme ; elles donnent au style une grâce toujours nouvelle, une beauté simple et naturelle, qui ne passe jamais. Il y a une faculté, tour à tour brillante ou solide, (jui est un don de la nature, et qui semble un privi- lège accordé à notre pays : c'est l'esprit. On dirait que l'esprit est un fruit heureux de notre climat, tant il paraît naturel chez nos écrivains, tant il prend chez eux de caractères divers. Celui qui en est doué, trouve des agréments infinis pour enchanter le lec- teur; il l'attache sans cesse, il réveille et satisfait toujours sa curiosité. La grâce et la délicatesse, l'en- jouement et l'ironie légère, la fine plaisanterie et le bon sens railleur, les aperçus ingénieux et les réflexions profondes, une apparence de bonhomie avec une malice qui ne blesse jamais, les mots heu- reux et les traits piquants, les vérités d'expérience heureusement saisies et finement exprimées, enfin un je ne sais quel charme dans la pensée et dans l'expression: tels sont quelques-uns des caractères de cette belle faculté que nous admirons presque tou- jours chez nos écrivains, et qu'il ne nous appartient pas de définir. Un écrivain spirituel sajsii, dans les choses de la vie, leurs vrais rapports; observe avec pénétration; démêle la cause secrète de nos actions, la véritable cause qu'on s'avoue si rarement à soi- même; prend la nature sur le fait, et nous en offre la fidèle et intéressante image. Il semble se jouer avec la nature qu'il observe, les faits qu'il raconte, les événements qu'il juge , et cependant tout s'éclaircit f.9 ei s'explique comme de lui-même : on croyaii ne trouver qu'un plaisir de quelques instants, un délas- sement à des occupations plus sérieuses, et il arrive que le fruit d'une lecture si aisée ou si frivole en apparence, n'est rien moins que l'instruction la plus solide, la vraie connaissance des choses de la vie. Mais ce n'est pas seulement la vie ordinaire qui gagne à être reproduite avec esprit; ce ne sont pas seulement les vérités d'expérience qui veulent être ainsi exprimées, car rien n'empêche que l'orateur ne parle, dans un sujet même important, de manière a gagner l'auditeur comme par une conversation agréable, élégante et spirituelle; que le philosophe n'expose sa science par des procédés ingénieux, ne la rende plus claire et plus attrayante par la finesse des aperçus et la beauté du style; et enfin rien n'empêche que le politique, qui doit toujours allier la sagacité de l'esprit avec la profondeur des vues, n'éclaircisse et n'expose les plus hautes questions avec cette facilité et cette grâce que les hommes distingués trouvent toujours en parlant des choses qui leur sont familières. L'esprit n'appartient donc pas à tel genre en particulier, à telle classe d'écri- vains; mais depuis le narrateur qui retrace quelques scènes de la vie jusqu'au philosophe qui explique les plus hautes vérités, depuis l'expression naïve des mœurs jusqu'à la discussion des affaires d'État, l'es- prit peut trouver place et convenir partout; il peut toujours rendre le discours intéressant et agréable. Que dans une société académique un homme d'une expérience cl d'une sagesse remarquables, longtemps revêtu des honneurs, cl mêlé à toutes les grande» affaires de son pays, vienne nous parler des évène 70 ments qu'il a traverses, des questions d'intérêt pu- blic auxquelles il a pris une part active; qu'il nous retrace des temps qui ne sont plus, mais encore présents à tous les souvenirs ; qu'il explique les tendances, les besoins et les instincts d'un grand peu- ple, tous les faits s'éclaircironl par la justesse de ses vues, les principaux acteurs de chaque événement se montreront avec leur physionomie particulière et leur caractère distinctif, et enfin les plus grandes vérités acquerront un nouveau prix, quand elles seront exposées avec une heureuse clarté, un tour vif et piquant, une expression élégante et facile. Habitué à juger les hommes et les choses, il les pré- sente sous le jour le plus favorable, et on est heu- reux d'apprendre à les connaître, à les juger avec lui. Ce n'est pas seulement une conversation spiri- tuelle que nous entendons ; c'est le discours d'un esprit élevé qui se met en communication avec nous, qui nous fait part de ses idées et de ses juge- ments, de toute la science qu'il a acquise sur la vie et sur les hommes. Mais si l'instruction est complète, le plaisir d'entendre un tel orateur est bien doux, et on ne peut trop chérir celui qui parle ainsi pour nous charnier et nous instruire. Cette parole vive, nette, harmonieuse, qui charme à la fois l'oreille et l'esprit; cette pensée qui se prête aux plus fines observations, et qui se porte avec la même facilité aux choses les plus élevées; ce jugement droit et sûr qui démêle et présente la vérité avec, tant de jus- tesse, voilà ce qu'on trouve dans les discours, je dirai même dans la conversation ordinaire de quelques hommes qui ont vécu dans la pratique des grandes affaires et dons le commerce dn grand monde C'est 71 là le modèle de l'éloquence académique, ei je pour- rais en citer ici de véritables chefs-d'œuvre. Mais qu'il y a loin de celte éloquence élevée, noble, spi- rituelle, à celte éloquence savante et apprêtée qu'on est convenu d'appeler l'éloquence académique! Tout ce qui décèle l'effort, la recherche, l'affec- (ation, est contraire à l'éloquence; et si l'esprit est un de ses moyens les plus puissants, c'est à la condition qu'il se produira avec facilité, comme le don d'une nature heureuse, et non comme le fruit d'un art savant et recherché. L'art pourtant n'exclut pas les traits brillants, les grâces légères et les saillies de l'es- prit; et il y a un art profond et consommé qui revêt avec le même bonheur les caractères les plus divers, et qui marque chaque sujet de la couleur qui lui est propre. L'esprit, non-seulement brille dans les œuvres de l'art ainsi conçu , mais il en fait en partie la puissance. Comme il est le plus bel ornement de la conversation dans une société choisie, il fait le prix d'un discours oratoire dans une bouche vrai- ment éloquente. Mais, pour se produire dans l'élo- quence, l'esprit doit s'êire formé, exercé long-temps au milieu de la bonne société; car si l'éloquence lire sa force de la médilaiion et du travail solitaire, elle emprunte sa grâce persuasive et son heureuse facilité au commerce même de la vie. De là ce haut ton, cette élégance, ce naturel qu'on remarque dans les discours de ceux qui ont vécu dans le grand monde; de là ce caractère véritablement distingué qui leur est propre et qu'on ne retrouve plus chez ceux, qui possèdent seulement la science ou qui sont unique- ment orateurs. Elle est donc bien précieuse et bien puissante, cette faculté qu'on nomme l'esprit! Mais, 72 en lisant tant d'auteurs qui en ont si étrangement abusé , combien nous désirerions trouver cbez eux cette autre faculté que Vauvenargues regardait comme le fondement et la condition essentielle du goût! Qu'est-ce donc que le goût, si les dons les plus précieux de l'esprit laissent quelque chose à désirer chez un écrivain? Le goût est-il la même chose que le bon sens? Le bon sens est ce qu'il y a de plus rare et de plus nécessaire, et rien ne contribue plus puissamment à rendre la vie heureuse. Mais si le bon sens ou la droite raison a tant de prix dans la vie de l'homme, l'homme est grand surtout par l'âme et ses nobles penchants. Ce que nous admirons le plus dans l'hom- me, c'est la droite raison; mais ce que nous aimons davantage, c'est le mouvement naturel d'une âme généreuse. Et dans les œuvres littéraires, rien ne nous plaît que la vérité, mais }a vérité élevée à la hauteur de l'art et dans sa beauté pure. La vérité n'exclut pas l'idéal, et la vérité extérieure ou d'ex- périence n'est pas la vérité tout entière. L'âme humaine nous révèle tout un monde qui a bien sa vérité, sa beauté; et ce monde moral, tel est le champ de la bonne littérature. Ceux qui l'ont peint ont été les premiers, les plus grands écrivains. C'est par la vérité morale qu'ils nous plaisent et nous attachent; c'est par la beauté morale qu'ils nous élè- vent et nous touchent, Nous admirons l'esprit brillant et facile d'un ora- teur, homme du monde ; nous aimons en lui ce bon sens, celte raison droite qui juge sainement des hommes et des choses; nous sommes étonnés de cette élévation d'esprit avec laquelle il nous parle 73 des affaires d'Etat et nous explique les plus grande» questions; mais ni ce charme de l'esprit, ni cette rectitude du bons sens, ni cette élévation de la pensée ne pourraient nous persuader, si nous ne trouvions dans le langage d'un tel homme l'expres- sion d'une âme bienveillante. C'est la douce expé- rience avec laquelle il nous parle de ses espérances déçues et non éteintes; c'est cet amour du bien et des hommes qui peut être trompé, mais qui ne le quittera jamais; c'est, en un moi, l'accent d'un noble cœur que nous aimons à retrouver en lui: c'est là ce qui donne du prix à toutes les autres qualités, au bon sens lui-même. S'il avait seulement brillé par l'esprit, nous aurions été éblouis, et non persuadés; s'il avait parlé uniquement le langage du bon sens, nous aurions été convaincus, mais celle conviction en nous n'aurait rien produit peut-être; il a joint à la pensée d'un esprit brillant et juste l'expression de nobles sentiments, ei sa parole n'est pas tombée stérile sur nous. Une telle éloquence n'est pas la parole oratoire dans toute sa puissance, mais c'en est un beau modèle. L'esprit et le bon sens ne constituent pas le goût dans sa plénitude, puisque l'esprit, réduit à lui seul, n'est trop souvent qu'une qualité frivole et légère, et que le bon sens ne saurait expliquer les grandes beautés de la liltéralure, pas plus que les actes de dévoùment et d'héroïsme; et cependant il n'y a pas d'écrivain irréprochable au goût, s'il ne possède dans un haui degré l'un et l'autre. Ce sont deux éléments du goût auxquels nous devons en ajouter un troi- sième, qui les complète et leur donne un nouveau prix. Un écrivain d'un goût exquis est donc celui 74 qui possède un esprit brillant et facile , un bon sens droit et sûr, un sentiment élevé du bien et du beau; et nous allons voir que les plus parfaits de nos écri- vains, sont ceux qui ont réuni ces trois facultés et à qui la nature avait en outre accordé Je génie, puis- sance créatrice qu'il ne faut pas confondre avec le goût. Le génie seul peut produire; le goût sent et discerne ce qui est beau. Mais où trouverons-nous la plus baute expression, le modèle de cet esprit français si brillant et si solide tout ensemble, qui cache d'utiles enseignements sous un air de simplicité, sous une franchise, une ingé- nuité apparente? Molière, pour la peinture de la vie, en est le type le plus parfait. Que de conseils salutaires, que de sages préceptes, que de vues utiles ne nous offre-l-il pas pour la conduite de la vie? Quelle profondeur dans l'observation! Que de naturel et d'art dans la peinture ! Que d'ironie et d'enjouement, que de facilité, de malice apparente ou cachée, que d'esprit, en un mot! mais aussi que d'instruction solide! Personne n'est au-dessus de Molière, ni pour l'esprit ni pour le bon sens; et il est vrai de dire que l'esprit français n'a jamais eu de plus grand, de plus habile interprêle. Ce n'est pas l'esprit d'Aristophane, qui alliait tant de bon sens avec le mouvement libre d'une imagination fantas- tique ; c'est quelque chose de plus réel et de plus pratique: c'est l'esprit d'observation avec le bon sens le plus droit et le plus juste. Je ne veux pas cepen- dant étudier ici Molière, non que je lui préfère au- cun de nos poètes ou qu'on puisse lui comparer quelqu'un ; mais il en est un qu'on peut placer à côté de lui, qui a un caractère d'originalité non 75 moins frappant, qui ne le cède à personne ni pour Part consommé ni pour les grâces de l'esprit, ei qui, peut-être, satisfait encore davantage le goût. Molière et Lafontaine naquirent presque en même temps : le premier, dans cette ville tumultueuse où se forma de bonne heure son talent, et dont il a peint le mondç qui ne change jamais; le second, dans une petite ville de province, où il apprit à aimer la campagne qu'il a su si bien peindre, en un temps où éclataient partout les merveilles de l'art, et où on n'avait du goût que pour les choses de la civilisation. Ce sont les deux esprits les plus francs, les plus originaux de leur siècle; les deux qui doi- vent le moins à l'imitation des anciens, et qui, dans l'heureuse variété de leurs écrits, restent toujours semblables à eux-mêmes. Ils ont beau faire, nos beaux esprits n'effaceront jamais le bonhomme, disait Molière, en parlant de Lafontaine, qu'il plaçait ainsi au-dessus de Racine et de Boileau. Et, en effet, si Lafontaine ne fut pas, comme ses deux amis, le poète de la cour de Louis XIV, dont il reçut pourtant l'influence di- recte, il conserva, par contre-coup, un génie plus libre et plus indépendant. C'est véritablement un poêle enfant des Gaules, le poète de la nation fran- çaise, dont il a tous les instincts, tous les sentiments divers. L'esprit gaulois, avec sa malice railleuse, sa verve satirique , s'allie chez lui avec une aimable bonhomie , une ingénuité charmante , et il relève toutes les grâces de l'esprit par une vérité exquise, une délicatesse de goût que n'égale pas Racine lui- même. Poète essentiellement populaire,, il rit de louirs les sottises de l'homme; il compatit à tous ses maux, et il le venge, par mille traits de satire spiri- tuelle, de l'injustice des grands. Il plaît aux esprits les plus délicats, et cependant il ne sacrifie au goût du lecteur rien de sa libre inspiration. 11 décrit les joies de la vie et il peint nos misères; mais sa douce philosophie le retient dans de sages limites : et comme il ne s'exalte jamais à la vue du bien, il ne se laisse pas abattre par celle du mal. C'est la vertu du sage avec un mélange de malice et de sympathie. Il n'a pas la prétention de peindre l'homme, et ce n'est pas le personnage ordinaire de ses petits drames; mais nulle part vous ne trouverez une plus grande connaissance de l'homme, dont il nous peint, sous l'emblème des animaux et des plantes même, les moeurs, les vertus et les vices. Lafon laine n'a pas l'élévation et l'étendue du génie de Racine; mais son art est plus riche, plus \arié, plus naturel peut-être, et sa langue n'est ni moins pure ni moins harmonieuse. Avec un talent plus flexible, il possède tous les secrets de la composition, et trouve toutes les beautés du style. Tour à tout- simple , naïf, plein de grâce et d'abandon, il sait aussi s'élever à la plus haute éloquence; mais ce qui le rend le plus parfait de nos poètes, c'est un charme de naturel vraiment inimitable. Toutes ces qualités tiennent sans doute à l'heureux don du talent, et cependant il y a dans Lafon t ai ne quelque chose de plus précieux, et qui fait proprement le charme de ses fables : c'est ce cœur d'homme qui réfléchit tous nos sentiments, qui s'intéresse à tous les êtres de la nature, vivants pour lui et dignes de sympathie. Qui peignit jamais l'amitié avec des traits plus heureux, el avec une plus douce émotion? Quel chef-d'œuvre que la fable des deux Pigeons ! el combien 1 auieui qui a pu s'écrier, Qu'un ami véritable est une douce chose ! était fait pour connaître l'amitié! Des réflexions pleines de sens et des traits de sentiment se trou- vent dans chacune de ses fables; et comme il avait le sentiment de la perfection et la patience de l'at- teindre, il a fait de toutes de véritables chefs-d'œu- vre. Aussi Lafontaine, qui fut l'ami de notre enfance, convient-il à tous les âges* il n'y a pas d'auteur dont la lecture soit plus agréable et plus salutaire. Heureux les écrivains, qui ont, comme lui, le pouvoir de nous rendre à nous mêmes , et dont la lecture peut convenir à toutes les situations de notre «âme! Us nous plairont toujours, parce qu'ils ont une consolation pour toutes nos peines, une joie pour nos misères, une espérance et une illusion pour chacun de nos maux. Us répondent à toutes les aspirations de notre âme, calment les joies trop vives, et apaisent les douleurs trop arnères; ils ne fatiguent et n'épui- sent jamais notre sensibilité, par cette sorte d'émotion trop vive et trop continue, qui devient pour nous un tourment véritable; ils ne nous inspirent pas, non plus, ces espérances chimériques et ces rêves d'un bonheur imaginaire, qui, nous portant au-delà du réel et du vrai, ne nous laissent bientôt que décep- tion et tristesse. Mais, s'ils ne nous présentent pas une perfection au-dessus de l'homme, et s'ils nous retiennent plus près de nous, ils nous montrent, du moins, tout ce qu'il y a d'excellent dans notre nature, et cette image de la réalité est bien plus belle que toutes celles que pourrait rêver l'imagination; ils 78 aiment l'humanité et lowt ce qui peut faire son bon- heur, et nous prenons plaisir à l'aimer avec eux; ils nous indiquent toutes lessourc.es de la joie véritable, et nous amènent à la paix et à la tranquillité de l'âme ; ils se découvrent et se livrent à nous avec tant de sécurité, que nous n'hésitons plus à nous confier en de tels guides-, ils nous avaient appris, dans notre enfance, ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui contribue au bonheur et ce qui lui est contraire, et maintenant ils deviennent pour nous des amis fidèles, dont le commerce nous sera toujous salutaire; mais, comme il faut avoir une âme pour être capable d'a- mitié, il faut aussi avoir quelque noblesse de senti- ment pour se plaire aux peintures de la beauté morale qu'ils ont tracées dans leurs livres. Puissions-nous aimer toujours ce qui est bon et honnête; avoir la modération dans nos désirs et l'espérance dans notre cœur! Puissions-nous garder toujours cette flamme divine, qui répand sur la vie entière, je ne sais quel reflet de sérénité, quel charme de bonheur ! Que nos jours couleraient alors calmes et paisibles, quand nous estimerions les hommes bons et heureux, en sentant que nous le sommes nous-mêmes. Naïveté, simplicité, abandon, vertus de l'enfance, que n'apparlenez-vous à tous les âges! Douces illu- sions, que n'accompagnez-vous l'homme jusqu'au terme de la vie! Et vous, peuples, pourquoi sentez- vous le poids de la vieillesse? Que sont devenues ces antiques vertus, qui vous donnaient tant de force, de génie, de nobles inspirations? Pourquoi la vie ne coule-t-elle plus dans tous vos membres , pleine de sève et de vigueur? Vous avez voulu con- naître la vérité en tout, n'écouter que la sévère 79 raison, et ne plus obéir à vos instincts généreux: niais la vérité s'est voilée à vos yeux ; votre raison , devenue impuissente, s'est trop souvent égarée, et la froide et sèche ironie a désenchanté la vie pour vous, emportant de son souffle ce qui en faisait le charme. Cruelles épreuves, tristes expériences, vous n'avez pas manqué à un peuple qui voulait enfin devenir homme; mais puissiez- vous être finies pour nous, et nous laisser enfin à nous-mêmes! Qui nous rendra des jours de calme et de repos, et saura ré- veiller ce génie puissant qui ne quitte jamais la France? Nous ne retrouverons plus cette élégante simplicité, cette dignité soutenue, cette grandeur naturelle qu'ont admirée nos pères; nous n'enten- drons plus cette éloquence sublime, expression d'une conviction forte que le doute n'inquiéta jamais; mais si l'expérience, en forçant les esprits à réfléchir, leur a enlevé cette aimable sérénité et celte inspi- ration soudaine qui font l'âme du poète, que nous ayons du moins le spectacle de la raison humaine se dégageant de ses entraves et s'élevant à la contem- plation du vrai et du beau , proclamant enfin que. dans toutes les classes des êtres, l'ordre est la condi- tion suprême de durée et de bonheur. Le sentiment du vrai et du beau pourra inspirer encore de nou- veaux chefs-d'œuvre; pour nous, ce sera notre joie d'étudier nos écrivains du xviie siècle, et d'appren- dre, à leur exemple, à régler en nous la sensibilité et l'imagination, pour arriver tout ensemble au bon goût et au bonheur de la vie. Nous avons vu , dans des livres nouveaux , tant de conceptions bizarres et monstrueuses, que notre imagination ne conçoit plus que des prodiges ou des 80 chimères- et on a tant exercé notre sensibilité par tles peintures émouvantes, que nous commençons à rester froids à l'expression des sentiments naturels. 11 n'en était pas ainsi pour les hommes du xvne siècle: les peintures de la vie ordinaire et les images de gran- deur que présentait ce siècle, charmaient des esprits qui n'étaient pas encore blasés, et les sentiments les plus simples du cœur humain suffisaient pour émou- voir ces âmes ardentes mais sincères. Satisfaits du présent et confiants en l'avenir, nos poètes goûtaient le plaisir de s'étudier eux-mêmes, et croyaient avoir fait beaucoup pour la gloire de leur patrie, quand ils avaient offert à celle société qu'ils voulaient amuser et instruire, une image fidèle d'elle-même. S'ils célébraient les gloires de l'époque, ils n'oubliaient jamais les devoirs de l'homme, et les rappelaient sans cesse à leurs contemporains. Cet heureux état de l'imagination et du cœur, qui n'aiment et ne con- çoivent que ce qui est réel et vrai, mais avec la sin- cérité et l'illusion qui sont naturelles à l'homme, et que l'expérience seule peut détruire, était celui de cette génération de poètes et d oratenrs aussi bien que des hommes cultivés et polis qui savaient si bien les entendre. Pourquoi ne devaii-il pas durer, et que ne peut-il revenir pour nous, afin que nous ayons du moins le plaisir de goûter et de chérir leurs chefs- d'œuvre! 11 faut un état de l'âme qui ne nous est plus ordinaire, pour sentir la pureté et la délicatesse des écrils de Fénélon, pour se plaire aux charmantes ficlionsde cet esprit enchanteur, et aux épanchements de celle âme divine, a Tenez votre âme en état de désirer toujours qu'il y ait un Dieu, disait un écrivain célèbre, et vous n:en douterez jamais. » Ne pourrait- 81 cm pas dire, s'il est permis de détourner une si belle pensée à un autre usage : Tenez votre âme en état d'aimer toujours ce qui est bon et honnête, et vous aurez en vous ce qu'on appelle le goût, et vous lirez avec délices les auteurs qui ont peint l'humanité dans ce qu'elle a de touchant et de beau. L'éduca- tion, la culture bien réglée de l'esprit, les mœurs simples donnent cette paix intérieure qui est néces- saire pour sentir les beautés de la littérature; et tout ce qui leur est contraire devient pour nous une ins- truction funeste, et porte un coup mortel au véri- table goût. Ils bavaient bien compris, ces poètes, qui n'ont pas craint de prendre la postérité pour confi- dente de leurs pensées, de leurs sentiments et de leur vie entière ; mais tout cela n'est pas étalé dans leurs écrits, et un voile mystérieux le couvre aux yeux vulgaires. Ils n'ont jamais voulu se peindre eux-mêmes, et ils ont cherché uniquement à pein- dre l'homme, tel qu'il était de leur temps et qu'il devrait être toujours. Cela même nous touche da- vantage en faveur de ces poètes dont nous honorons le souvenir et dont nous gardons en nous l'auguste image. Heureux les écrivains qu'on n'admire pas seulement, mais qu'on aime! Lorsqu'en lisant les tragédies de Racine, nous voyons tous ces traits de sentiment, tous ces accents sortis du cœur, nous sommes persuadés que cette âme de poète avait été sensible; et cependant aucun aveu, dans ses écrits, ne nous révèle les faiblesses de sa jeunesse. C'est par dignité, plutôt que par réflexion, qu'il se dérobe ainsi à nos regards. Sans doute, ce qu'il a peint si bien, il l'avait éprouvé lui-même; mais que ne doit-il pas à l'imagination, à cette faculté qui lui 6 82 permettait d'être tour à tour ou Burrhus ou Joad? S'il est une époque de sa vie qu'on aime de préfé- rence à se rappeler, c'est le temps où, revenu du monde et retiré au foyer domestique, il travaillait à son chef-d'œuvre, où il a même transporté quelques souvenirs de sa vie intérieure. Siècle heureux et vrai- ment digne de notre admiration, où les plus grands hommes descendaient ainsi aux passe-temps les plus simples et les plus touchants de la vie ! Et le génie lui- même est-il autre chose qu'un admirable mélange de grandeur et de simplicité, de noblesse et de naturel? Le génie poétique habite encore sur les hauteurs; mais il descend quelquefois parmi nous , ranime de son souffle, et revêt de son éclat la nature vulgaire et commune. On ne trouvera point ici l'aimable sérénité de la poésie primitive et sa naïve inspiration; mais on y admirera une bonne foi sincère, une inspiration facile, et une douce expérience, qui n'a rien de pé- nible. La naïveté même n'a pas toujours manqué à nos poètes, et Lafon laine en offre les traits les plus charmants. Toutefois, c'est par la délicatesse de l'âme et par la dignité morale, qu'ils dominent le plus; c'est par là qu'ils sont parvenus à tracer ces peintures, où la vertu éclate au milieu même des faiblesses, et qu'ils se sont élevés aux plus hautes merveilles de l'art, mê- lant ensemble la pensée pure et le sentiment exquis. Quand on doute de la vertu, qui est la beauté morale, on ne peut guère l'exprimer dans ses œuvres; et celui qui travaille à 1 éteindre en nous, aurait-il plus d'es- prit que vous n'en aviez, ô Voltaire! ne produira ja mais rien de parfait. Le génie même, qui est soutenu d'abord par la foi qu'il a en sa propre mission, décline et tombe, aussitôt que de son souffle mortel le doute S.T vient à l'atteindre. Désolante et absurde philosophie, que celle qui enlève à l'homme ses croyances les plus salutaires! Un esprit malin et enjoué peut bien s'égayer encore de ce qu'il nomme la triste réalité, se distraire lui-même et étourdir les autres; mais ce sourire est uniquement sur les lèvres, car au-dessous de cette vie mondaine et légère, il en est une bien autrement sérieuse. L'enjouement et la gaîté, bien qu'ils aient leur prix, ne plaisent pas toujours, et les peuples ont des instincts plus nobles qu'il faut bien satisfaire. Respectez donc ce que les hommes vénèrent ; c'est la première condition pour produire une œuvre parfaite et pour atteindre à la véritable gloire. Il est un de nos écrivains dont la gloire est pure et chère à tous les Français , parce qu'il a été l'homme le plus vertueux des temps modernes Un cœur comme il n'y en eut jamais, une imagination impré- gnée des parfums de la Grèce, un esprit doué de toutes les grâces, voilà ce qui inspirait Fénélon. Nulle part ailleurs vous ne trouverez également réunies toutes les qualités qui constituent le goût dans sa plus haute perfection : la délicatesse et la pureté du sentiment, l'éclat de l'imagination, le charme de l'esprit, l'intelligence du vrai et du beau et, par-dessus tout, un amour immense et vrai de l'humanité. Qu'on cesse de nous vanter les préten- dus philanthropes de nos jours : jamais I humanité ne fut plus chère à un cœur d'homme qu'à Fénélon. Mais tel est le prix d'une qualité éminente, d'une passion noble et vraie, que cette seule qualité suffit pour rendre un écrivain immortel. Elle est acquise, l'immortalité, à celui qui aime sincèrement les hom- mes; elle est acquise à celui qui honore, dans sa i ; conscience, la vérité; elle est acquise surtout à celui qui professe un culte sincère pour la beauté morale. Mais ceux-là sont réellement les bienfaiteurs des hommes, qui leur enseignent la vérité, qui leur apprennent à s'aimer entre eux et à s'élever à la vé- ritable dignité, cjui est la dignité morale. Amour sublime de l'humanité! c'est toi qui fais le mérite et le génie des grands écrivains; c'est toi qui communiques à leur parole cette force persuasive qui pénètre et attire le lecteur. Tu leur prêtes des ac- cents de passion véritable, des paroles du cœur et des mouvements de l'âme, qui nous touchent et nous fout aimer nos semblables; tu mets un charme toujours nouveau dans leurs écrits, et tu nous fais sentir combien il est doux de vivre avec ceux qui n'ont jamais bai les hommes, qui ont déploré leurs erreurs et admiré leurs vertus. Par toi, ils seront toujours la consolation de ceux qui ont la souffrance en partage, l'apaisement et le remède pour ceux qu'emporte l'orgueil ou la passion; tu maintenais leur âme dans un état de modération qui faisait leur bonheur, et qu'ils communiquent à ceux qui ont assez de sagesse et de raison pour les lire. Et loi , beauté morale, dont le culte constitue plus particu- lièrement ce que nous appelons le goût, tu apparais brillante et pure dans leurs ouvrages; tu brillais à leurs yeux de ta splendeur inaltérable, et, par eux, tu te révèles aux hommes vulgaires, qui n'auraient jamais pu s'élever jusqu'à loi. C'est là que nous pou- vons te contempler avec ravissement, heureux si un rayon de la céleste flamme passe en nous, pour nous faire aimer la vie et goûter ses joies pures. Vérité sainte, qui éclairas ces esprits sublimes, pour qui tu 85 n'avais rien de caché , ei dont lu guidas toujours la pensée; puisses-tu nous apparaître aussi pure, aussi belle que tu te montrais à eux dans leurs ravissantes méditations. Les hommes te vénèrent et t'adorent encore ; et si , dans leur impatience de te trouver et de jouir de tes bienfaits, ils ont trop souvent sacrifié à Terreur, pardonne à leur faiblesse. C'est toi qu'ils adoraient encore en offrant un coupable encens à ton éternelle ennemie. S'ils t'avaient mieux connue, ils ne seraient pas tombés dans des fautes qu'ils ont trop expiées : ils reviennent à toi, et s'adressent pour te découvrir à tes sublimes interprètes; ne te dérobe plus à leurs regards, et qu'ils puissent, en contem- plant le bonheur de ceux qui sont faits pour te com- prendre, désirer en jouir eux-mêmes, et trouver enfin le calme et la paix. Que ne puis-je dire la joie de celui qui contemple la vérité, qui garde en lui l'image de la beauté morale, et est plein de charité pour ses semblables ! Il faudrait l'âme et le style de Fénélon, pour tracer une telle peinture. Si nous ne pouvons nous élever jusqu'à ces régions supérieures où Bossuet, emporté sur les ailes de la foi et par son puissant génie, considérait en face les vérités éter- nelles, qu'il nous soit donné de sentir et de com- prendre des qualités non moins belles, des vertus non moins sublimes, quoique plus aimables, celles qui éclatent dans les œuvres de Fénélon, et leur don- nent cette douce sérénité et ces grâces délicates que n'égala jamais le génie naïf et si pur de la Grèce. Ce vertueux écrivain, cet ami sincère de l'humanité, fera toujours les délices des âmes sensibles. Avec lui on apprend à aimer la vertu, à sentir 1rs beautés de la nature ri à adorer son éternel auteur. 86 DEUXIÈME DISCOURS. ■ Ce n'est que dans les siècles éclairés que l'on a bien écrit et bien parlé. » (Buffon.) Le goût suppose la réunion et rexereicedetoutesnos facultés intellectuelles. Mais nos facultés n'acquièrent pas toutes à la fois le même développement, et si l'une vient à éclater dans toute sa puissance, c'est ordinai- rement au préjudice des autres. Aussi a-l-on remarqué que ce qui domine dans les premiers poètes d'une nation, c'est moins le goût véritable que l'imagination et le génie. Eschyle et Sliakspeare avaient au plus haut degré celte puissance créatrice qui conçoit et exécute des œuvres sublimes; et, quoiqu'il y ait entre eux la différence du génie grec à celui du moyen-âge, ils ont bien des points communs: celui-là surtout, qu'ils ne sont parvenus ni l'un ni l'autre à la perfection de l'art. J'admire l'inépuisable fécondité du poète anglais : il a traité tant de sujets divers et créé tant de person- nages, qui vivront dans ses tragédies immortelles ; il a montré tour à tour la plus grande vigueur de pin- ceau et une grâce incomparable. Je reconnais l'habi- leté qu'il met quelquefois à disposer ses tableaux, à préparer ses grandes scènes, à développer une pas- sion de manière que tout en elle paraisse conséquent et nécessaire; mais ces beautés sont mêlées à tant de défauts, qu'il en est de l'art dans Shakspeare comme de ses héros tragiques : on ne les connaît pas à la pre- mière vue, et ils présentent bien des changements et des conlrasies. On a dit qu'il ne faut pas disputer 87 des goûts, et l'enthousiasme qu'a inspiré dans ces derniers temps ce vieux poète, semblerait le prouver : il convenait si bien à un peuple fatigué d'abord de sa longue inertie, et plus tard si fortement agité. Cependant, tous les goûis sont-ils légitimes, et n'y a-t-il pas un goût véritable? Noire xvue siècle doit nous l'apprendre. Qu'on vante les beautés sublimes de Shaltspeare , j'y consens; et puissions-nous les comprendre, sans que leur bizarre assemblage efface ou obscurcisse en nous les principes de goût que nous a donnés notre grand siècle ! Mais en voyant tant d'inégalités et de bouffonneries , proclamons hautement que le goût, comme l'art d'écrire, est le privilège des époques éclairées et polies par la civi- lisation . Les sociétés humaines se forment et grandissent peu à peu jusqu'à ce qu'elles parviennent à ce degré de puissance qu'il leur est donné d'atteindre, et au- delà duquel elles semblent décliner désormais. Du- rant ces jours heureux qui annoncent la maturité d'un peuple, tous les talents se déploient à la fois et brillent de l'éclat le plus pur: alors aussi le goût se montre avec ses grâces les plus vives et les plus naturelles. Le génie garde encore la fraîcheur de la première jeunesse, et il a déjà la force et la raison de l'âge mur. Ainsi, les grandes scènes de la vie des peuples, qui sont d'ailleurs si propres à former les grands caractères, précèdent d'ordinaire des temps plus heureux et plus tranquilles, où les hommes cultivent les arts avec ardeur et goûtent avec dé- lices les plaisirs de l'esprit : heureux s'ils conservent encore la force et la grandeur de lépoque qui vient, définir, pour y joindre la délicatesse et l'élégance de 88 lage nouveau. Ce n'est donc pas en des temps de lutte, de guerres et d'agitations violentes qu'appa- raissent les vrais peintres de l'humanité, les fidèles interprètes de la vie. Lorsque la France eut enfin des jours de gloire et de bonheur, et qu'elle ne fut plus en proie aux passions violentes qui venaient de l'ébranler, les lettres commencèrent à fleurir, et le bon goût les porta bientôt à leur perfection. On ne retrouvait plus ces passions ardentes, impétueuses, qui, emportant les hommes hors de leur nature, exagèrent tout en eux, le bien et le mal; et Racine et Molière n'ont eu à exprimer^ que celles qu'on peut éprouver à toutes les époques, et qui sont les plus simples et les plus touchantes du cœur humain. Ce qui nuit et s'oppose d'abord à la perfection dans l'art d'écrire, c'est qu'on n'a pas encore appris à faire le choix de la raison, et que l'esprit ébloui et surchargé ne sait pas ordonner ses connaissances et distribuer la lumière. Il y avait en France, au xvie siècle, exubérance d'idées et de sève poétique, plu- tôt qu'impuissance et stérilité; et si on n'avait pas encore le sentiment de la beauté parfaite, on ne cherchait pas le laid par lassitude et dégoût. Quelle activité étonnante dans les esprits! et que d'efforts pour constituer la langue, pour apprendre à compo- ser et à écrire ! Mais l'inexpérience ramenait toujours les vaines tentatives, et le défaut d'ordre se faisait sentir jusque dans les meilleurs écrits. La méthode est la loi suprême de l'art, et c'est ce qui a manqué au xvie siècle. Il avait reçu en partage les talents les plus divers, et il nous a laissé des ouvrages remar- quables, où on admire surtout le savoir et l'érudi- tion. Deux choses seulement y font défaut, et elles S9 donneraient du prix à tout le reste : la langue, qui n'était pas formée , et la méthode encore si impar- faite. Plus lard, après un siècle d'événements mémo- rables et de gloire littéraire, lorsque, dans un calme profond, la France entière ne s'occupera plus que de choses légères et frivoles, ce sera le règne du bel esprit, qui pourra bien s'élever au bon goût dans tout ce qui intéresse une société enivrée des plaisirs délicats, et plus attentive aux vaines joies de la vie qu'à ses occupations sérieuses 11 y aura comme un reflet de l'époque passée; et cependant, si quelques écrivains savent, par la méditation et par l'étude des anciens, retrouver celte grandeur que la société ne leur présente pas toujours, ils seroni encore forcés de sacrifier au goût de leur siècle, et de rechercher ces grâces légères qu'on aime par dessus tout. Mais, chez une nation singulièrement spirituelle, et qui porte le bon sens jusque dans les choses les plus frivoles, s'il s'est rencontré, à celle époque, un homme admirablement doué de ions les agréments de l'esprit, plein de vivacité, de finesse et de péné- tration ; d'une âme plus mobile qu'enthousiaste 5 plus capable d'être légèrement affecté de toutes sortes de sentiments que d'en être profondément ému; ayant une nature merveilleuse et qui pouvait se prêter aux mille fantaisies d'un peuple qu'il voulait dominer, cet homme a dû avoir une étonnante conformité avec son temps, je dirai même avec notre nation, et il a pu devenir la plus haute personnification du siècle dernier et l'un des plus grands interprêtes de l'esprit Irançais. C'est à force d'esprit que Voltaire atteint au génie, cl le goùi trouve rarement à reprendre en lui , dans les genres du moins «pie comportait son 90 époque. Les pensées fines el délicates, les Irails d'es- prit, les saillies, les réflexions malignes, la moquerie légère et plaisante, tout cela coule de source dans ses écrits, et il y joint toujours un bon sens moqueur et une finesse railleuse qui font l'esprit même de la nation. Ici, il y a amplement de quoi admirer : un talent qui se prête à tout, une fécondité prodigieuse, une habileté qui vous séduit et vous enchante. Avouons-le pourtant : tout l'esprit de Voltaire n'em- pêche pas que sa plaisanterie, devenant à la fin froide et sèche, ne vous fasse regretter les livres qui par- lent à l'âme du lecteur; il reconnaissait lui-même à Racine le don de plaire toujours, sans fatiguer jamais. Aimons le bon sens de cet incomparable écrivain, quand la passion ne l'égaré pas, et admirons son talent, malgré l'abus qu'il eu a fait; louons-le sur- tout d'avoir conservé , plus qu'aucun de ses contem- porains, la belle langue du grand siècle, quoiqu'elle n'ait plus chez lui la même élégance et la même noblesse. Sa langue est pure, correcte, d'une net- teté et d'une justesse admirables; elle coule avec aisance et facilité. Ce sont bien là des qualités qui annoncent le goût ; mais ce ne sont pas les plus hautes el les plus importantes. Ces qualités éminentes appartiennent au xvue siè- cle. La noblesse avec la simplicité, la dignité sou- tenue avec le naturel, l'esprit sans affectation, la passion éloquente avec mesure et vérité, la raison toujours ferme et sans abus ni subtilité, distinguent cette immortelle époque de toutes les autres, et éclatent également dans cette foule d'ouvrages di- vers qu'on ne surpassera jamais. De toutes ces qua- lités réunies, s'est formée la littérature la plus riche 01 et la plus belle que l'esprit humain ail jamais pro- duite; et une langue noble, flexible, harmonieuse y prête ses accents à tous les sentiments de J'àme sa vivacité à toutes les délicatesses de l'esprit, sa cla'rté severe à toutes les découvertes de la raison. Fidèle interprète de la pensée, la langue y est toujours dans un rapport intime avec le sujet que traite l'écrivain; et comme ce sujet a toujours quelque chose de sé- rieux et d'utile, elle prend une d.gm.é et une ma- |este qu'elle garde même dans les matières les moins importantes, en y joignant toujours la plus rare sou- plesse. C'est là sans doute la perfection dans l'art décrire; et le goût, dans un écrivain, n'est que le sentiment de cette perfection. Mais puisque le goût se manifeste ainsi clans l'art de la composition et dans le style, et que jamais on n'a mieux pratiqué cet art de composer et d'écrire qu'au xvne siècle voyons quelle idée nous pouvons en prendre par la lecture de nos grands modernes. La première condition est de trouver un sujet- et comme la belle littérature doit être sérieuse et utile ce sujet doit l'être aussi : sans cela, «ouïes les ri- chesses de l'éloquence, toutes les beautés de l'élocu- Uon sont froides et vaines. Mais un sujet propre à 1 éloquence et capable d'intéresser, c'est une création que 1 homme de génie porte en lui, et qu'il a conçue au milieu des idées et du travail de son siècle. Que pensez- vous que soit Aihalic , sinon l'enfantement dun esprit sublime? Et n'est-ce pas l'expression de notre grand siècle qui s'y retrouve tout entier, avec sa religion, sa royauté, ses grandeurs et ses nobles instincts. Il n'appartient pas à tous les écrivains de produire une œuvre aussi grande, qui marque la 92 pensée d'une époque, le progrès dune civilisation ; et cependant, prenez un livre quelconque, et vous verrez que s'il a intéressé les contemporains, s'il a mérité de nous être transmis, c'est que l'auteur avait trouvé un sujet véritable, ayant un rapport intime avec la pensée du siècle. Il faut qu'un livre tienne à quelque intérêt présent et réel , ou il n'est pas pos- sible; c'est de l'esprit sans emploi, comme il y en a tant que chaque jour emporte. Là où il n'y a pas un but élevé, il ne peut y avoir d'éloquence; dès-lors, point d'art, point de style. Que veut-on dire, d'ail- leurs, lorsqu'on prétend que tel écrivain, et on le dit des plus illustres, était, par son génie, supérieur à ses œuvres, sinon qu'il n'a pas su concevoir et ordonner un vaste ensemble, qu'il n'a pas pu fécon- der un sujet de manière à s'y déployer tout entier? Celui qui a conçu un sujet grand et heureux, le distribue comme un artiste habile en ses parties légi- times. Il doit y avoir harmonie parfaite entre le tout et ses parties: la pensée principale domine dans toute la suite du discours, et conduit le lecteur vers la fin; les diverses parties, s'enchaînant les unes aux autres, s'éclairent mutuellement, s'expliquent et se complètent. El cette disposition des parties n'est pas tout encore; car il faut aussi que les idées se suivent dans un ordre naturel, de manière à former comme un tissu parfaitement uni. C'est ici que l'ordre et la méthode sont nécessaires; et on n'a jamais égalé, sous ce rapport, nos grands écrivains. Cette méthode, pour bien conduire sa raison , pour découvrir la vérité et la démontrer aux autres, que Descartes a trouvée, et que Pascal appelle l'art de persuader, a formé tout le xvne siècle ; et do là, cet ail do la composition, 93 si bien pratiqué des anciens, et qu'on retrouve seu- lement dans les ouvrages de celte époque. C'est ce qui avait manqué au xvie siècle, ce. qu'on a trop méconnu depuis; ce sont ces belles proportions celte sage ordonnance, cette exécution habile , qui font la supériorité de l'art antique dans tous les genres- et on n'aura jamais de goût, si on n'a l'idée de celte belle harmonie. Quand on a bien choisi un sujet, et qu'on l'a dis- tribué en ses parties; quand, par la méditation et J'habitude d écrire, on s'est rendu capable de mettre de la suite dans ses idées, il faut encore les exprimer dans un langage qui leur convienne. Bien exprimer une idée, c'est la revêtir de la forme qui lui est propre, lui donner Je mouvement et la vie. Que chaque pensée porte le cachet de l'écrivain, ou le style sera commun et sans caractère. Et qu'est-ce qu'un style qui n'a point de caractère? Ce qu'est une figure sans expression ni physionomie. Vous voulez vous adresser à la seule raison , mais vous aimez du moins la vérité que vous communiquez aux autres. Le philosophe et le savant ne se passionnent-ils pas pour l'objet de leurs études? Cette émotion pourra bien être calme; mais cet état de lame, qui jouit en paix de la vérité et la contemple avec plaisir, se traduira encore dans le discours, et lui donnera un caractère particulier. Ce sera une diction calme et limpide, pure et nette; mais ce sera le langage d'un tel homme, et non pas celui de tous les hommes, ou bien il n'y aura pas de style. Une manière de s'exprimer commune et vulgaire annonce l'absence de toute qualité supérieure, et le goût ne peut s'al- lier avec un esprit et une àme qui n'ont rien d'é- 9'f levé: il ne saurait donc se trouver dans un ouvrage médiocre. «Toute la différence qu'il y a entre Pradon et moi, disait Racine, c'est que je sais écrire » Avant de savoir écrire, il savait penser et sentir; il savait aussi com- poser. Mais quel est donc le mérite du style, puis- qu'un tel poète lui attribuait sa supériorité? Le style est, pour 1 écrivain, une qualité si importante, que lui seul donne du prix à toutes les autres, et qu'il n'y a d'ouvrages durables que ceux qui sont bien écrits. Et celte importance que Racine attribuait au style, les grands maîtres dans l'art d'écrire la lui ont toujours accordée; et tous se sont également exercés avec soin à se former un style qui leur fût propre. Ils savaient que le style est le plus puissant moyen pour s'emparer de l'esprit et de l'âme du lecteur; mais ceux-là seuls y ont excellé, qui ont vécu aux grandes époques littéraires, et qui étaient doués des plus heureuses facultés. On a remarqué que les langues vieillissent comme tout ce qui est de l'homme, et de là on a conclu qu'il fallait travailler à les rajeunir. Cette métamor- phose me semble impossible; et il l'est assurément que notre langue, qui a fourni tant de chefs-d'œuvre, puisse jamais retrouver la sève et l'élégante simpli- cité de ses plus beaux jours. Chaque idiome se popu- larise par la durée; il s'étend à mesure que le cercle des hommes instruits et celui des connaissances s'a- grandissent. Dans celte invasion de la langue du peuple dans la langue littéraire, tout n est pas illé- gitime: celle-ci admet volontiers les mots nouveaux, et ce qu'elle perd en dignité et en noblesse, elle le gagne en force et en précision. Mais, quoi qu'il en soit de ces changements que nous n'examinerons pas, un même peuple ne parle jamais qu'une même lan- gue; et cependant cette langue, qui demeure ton jours identique à elle-même, a, dans les diverses époques de sa durée, des caractères propres à cha- cune. Ces caractères, on ne peut pas les transporter, et toutes les études qu'on ferait à ce sujet seraient vaines et stériles. Il ne nous est pas plus facile de nous approprier aujourd'hui la langue de la cour et du siècle de Louis XIV, qu'il ne le serait à chacun de nous de former son style sur celui de l'écrivain qu'il aurait choisi pour modèle. Nos grands maîtres ont imité les anciens , et ils méritent que nous nous formions sur leur exemple. Oui, sans doute, pourvu que nous sachions prendre leur manière, au lieu de nous attacher à ce qui n'est en eux que la forme extérieure. Nous étudions les anciens pour apprendre à penser avec eux, et pour remplir notre esprit de connaissances utiles; lisons de même nos auteurs classiques, et nous trouverons en eux le véritable génie de notre langue, auquel nous devons rester fidèles sous peine de n'être plus que des barbares. Tant que Voltaire cherche à reproduire la belle poésie de Racine, il reste au-dessous de lui-même ; mais que Bossuet écrive en latin, on voit tout d'a- bord que c'est la pensée et le style de Bossuet, c'esi- à-dire d'un esprit original et libre. Tout ce qui sent l'étude et la gêne étouffe le naturel, et nous n'avons eu de grands écrivains que ceux qui ont su garder l'indépendance du talent, même en imitant les an- ciens. Mais si c'est une entreprise chimérique do travailler péniblement à reproduire le style d'un écrivain ou la langue d'une époque, combien nr 96 doit-an pas blâmer ceux qui, sous prétexte d'enrichir notre langue, s'adressent, imprudemment et sans règle, aux langues étrangères. Quel tact, quelle sobriété, quelle mesure seraient ici nécessaires! L'imitation n'est juste et légitime que lorsqu'il peut y avoir assimilation parfaite des idées qu'on emprunte avec celles qu'on tient de son propre fonds Cela se vit à Rome, au temps d'Auguste, lorsque le génie romain, déjà formé par tant d'écrits remar- quables, put enfin égaler, en l'imitant, l'art si pur de la Grèce. Virgile, ce poète d'un goût exquis, s'approprie sans effort toutes les richesses de la muse grecque, et il donne à ses emprunts un caractère nouveau qui les rend propres à la grandeur romaine. Nous avons eu aussi un temps favorable à l'imitation, où nos écrivains transformaient avec habileté tout ce qu'ils pouvaient dérober aux anciens, et lui don- naient toujours la forme de l'esprit moderne. Notre langue même s'enrichissait alors d'une foule d'em- prunts qu'elle faisait aux langues anciennes. Que ne doit pas Racine, sous ce rapport seulement, à Virgile et à Sophocle? Mais quelle habileté, quel art con- sommé dans cette manière d'imiter les tournures, les constructions, les beautés d'une langue! Ce poète est éminemment Français, et personne n'a puisé plus abondamment ni avec plus de bonheur dans les ouvrages des anciens. La pureté de Sophocle et la perfection de Virgile, s'allient avec la fine politesse du xvne siècle, et la poésie de Racine joint une délicatesse nouvelle aux grâces touchantes de ses deux modèles. Ces trois poètes, les plus parfaits qui aient paru chez trois peuples nés pour les arts, ont vécu aux plus belles époques de l'esprit humain, ei ils ont eu l'avantage d'écrire dans des langues déjà formées et assouplies par un long usage. Cette gloire leur appar- tient, d'avoir atteint et marqué l'extrême limite à laquelle devait arriver, je ne dirai pas seulement leur langue, mais la civilisation de leur pays. La Grèce n'a rien de plus parfait que YOEdipe-fioi ; Korue n'a rien produit de plus grand que V Enéide , et que pouvons-nous comparer à Athcdie? Dans les œuvres de ces poètes, on peut dire avec certitude que tout est vrai , beau , harmonieux , sublime. Il y a la même perfection dans les détails que clans l'en- semble; et si l'on voulait étudier, sous le rapport du style et de l'art, un morceau achevé, fini, on pour- rait prendre au hasard dans leurs poèmes. Aussi, out- ils été l'objet de nos premières éludes; ils ont servi à former notre intelligence durant nos jeunes années ; ils ont développé en nous les vrais principes du goût, en nous inspirant l'amour du beau et du bien, et ils nous offriront toujours une source de joies bien pures, les émotions touchantes de l'âme et les plaisirs déli- cats de l'esprit. Leurs vers sont gravés dans toutes les mémoires : tandis que l'enfant les répèfe, il ac- quiert la connaissance du bien, et son oreille se forme à l'harmonie, à cette mélodie des sons dont les effets sont si puissants sur nous; parvenu à l'âge mûr, il trouve dans la lecture de ses auteurs favoris un dé- lassement à ses travaux, un relâche aux occupations sérieuses de la vie; enfin, dans la vieillesse, l'hom- me, revenant aux souvenirs de son enfance, croit retrouver par moments la sérénité de ses premiers jours, lorsqu'il revoit ses plus anciens amis, toujours chers et demeurés fidèles. 98 Ce charme puissant qui nous attache à quelques écrivains, ce plaisir, toujours nouveau, que nous avons à les lire, et cette heureuse habitude de leurs ouvrages, qui devient pour nous le commerce le plus agréable, tiennent sans doute à bien des qualités supérieures; et cependant ils proviennent surtout de la vérité et de la beauté du style. L'art n'exclut pas le naturel, il est vrai ; mais la moindre recherche, le moindre effort lui est contraire, et il faut bien du goût pour réunir, en fait de style, un art consommé et un naturel exquis. IN ul poète n'y a mieux réussi que Racine, et on peut en dire autant de ses illustres contemporains. Après Racine et Fénélon, le naturel commence à disparaître, non pas encore de tous les genres, mais de la grande poésie et de l'éloquence. Un style savant, artificiel, est ce qui domine au xvme siècle, à l'exception, peut-être, de la prose si vive de Voltaire. Il y a dans quelques hommes des facultés éminentes, les dons les plus rares du génie; mais qu'ils sont au-dessous du grand siècle pour le naturel et la simplicité ! Ces philosophes, si hardis dans leurs pensées, veulent garder intactes les traditions du bon goût, et ils s'en éloignent davantage, à mesure qu'ils travaillent plus habilement leur style. Quel art, et j'allais dire quelle savante perfection, dans celui d'un Buffon, d'un Rousseau! Ce n'est pas sans raison qu'on les a regardés comme de grands maîtres dans l'art d'écrire. L'un déploie une pompe et une magnifi- cence que rien n'égale, et l'autre est incomparable pour l'artifice du style et l'éloquence passionnée. Qui exprima jamais ses propres sentiments avec plus de vivacité, et qui eut jamais une parole plus puissante, plus animée? Ce style, qui donne de la vie k tout cl 99 qui porte la passion jusque dans les discussions les plus abstraites, a eu trop d'éclat et compte des imi- tateurs trop célèbres, pourqu'il soit permis d'en parler autrement qu'avec admiration. Et, d'autre part, on ne peut assez louer la majesté de Buffon, quand il nous peint celle de la nature. Cependant, et telle est l'opinion d'un pamphlétaire habile et judicieux de ces derniers temps, quoiqu'il manque lui-même de naturel, le moindre écrivain du xvne siècle en eût montré, en fait de style, aux Buffon et aux Housseau. Qu'y a-t-il donc dans la langue du xvne siècle qui lui appartienne en propre et qui la rende supérieure à celle qu'on a parlée depuis? Est-ce la même langue qui subsiste encore, ou a-t elle subi des modifications profondes? Sans doute, elle est restée toujours fidèle à son propre génie, celui de la raison sévère et métho- dique; mais, en se rapprochant chaque jour davantage des procédés analytiques, elle a perdu de cette sou- plesse et de celle flexibilité qu'elle avait eues d'abord; elle n'a plus eu cette grâce et cet abandon, cette déli- catesse et celle pureté, qui faisaient son caractère pri- mitif; elle a vu succéder aux constructions savantes et périodiques qu'elle tenait de l'antiquité, des formes plus vives et plus frappantes; elle avait montré une simplicité sublime, se déployant avec aisance et faci- lité, et, plus lard, elle a remplacé le naturel par l'art, la vérité par l'éclat, le sublime par la pompe ei la magnificence, l'éloquence simple et persuasive par celle qui mesure et combine ses effets. Le style est la dernière partie de la composition littéraire : il peut seul faire vivre un ouvrage; ei cependant il y a d'autres parties non moins essen- tielles. «11 ne me reste plus que les vers h faire,» disait, 100 en parlant d'une de ses tragédies déjà fort avancée, ce même Racine qui attachait tant de prix au style. Qu'avail-il donc fait qui lui parut si difficile, avant de donner à sa pensée la forme poétique? Il avait écrit sa tragédie en prose, pour ne pas se laisser éblouir lui-même par l'harmonie et le charme des vers, pour bien distinguer ce qui est solide et dura- ble de ce qui est brillant et passager; il avait fixé le plan de son chef-d'œuvre, au moment où l'illusion ne pouvait pas encore l'empêcher de voir ce qu'il y aurait eu de défectueux; il avait distribué toutes les parties de sa vaste composition , de manière qu'elles concourussent à un but commun, rejetant tout ce qui ne se liait pas intimement à son sujet et pouvait paraître étranger ou inutile; il avait ordonné toutes les scènes au point qu'elles parussent se suivre natu- rellement et s'appeler l'une l'autre, sans qu'il y eût rien d'imprévu, rien qui ne fût suffisamment motivé par ce qui précédait; enfin, il avait placé dans le jour le plus convenable les divers tableaux qui devaient se succéder dans sa pièce, de telle sorte que ce qui devait ressortir davantage parût au premier plan, et que le reste demeurât dans l'ombre. C'est par une méditation profonde et par un conseil du génie, que Racine combinait ainsi le plan de ces chefs-d'œuvre: parmi les différentes scènes et les divers tableaux qui. se présentaient tour à tour ou confusément à son es- prit, il ne choisissait que ce qui pouvait lui convenir. Et que dire de ses héros tragiques? Par les traits qui lui sont communs avec tous les hommes, chacun de ces personnages nous apparaît comme le type de l'une de nos passions : Roxane et Phèdre, de la jalousie; Andromaque, de l'amour maternel; mais il a aussi 101 des traits particuliers, qu'il tient de son pays et de son siècle, et d'autres qui lui viennent de la nature, et qui font sa physionomie particulière. Ce ne sont pas des êtres abstraits, mais des hommes vivants, qui ont tous les sentiments de l'homme et leur caractère propre, individuel; et ces personnages parlent une langue toujours noble et soutenue, parce que le poète a voulu peindre l'humanité en beau et nous la mon- trer sous son plus bel aspect, à quoi doit tendre toute œuvre d'imitation. Cet art de la composition, qui consiste à donner à chaque sujet l'étendue et la forme qui lui convien- nent, à bien le circonscrire dans ses limites naturelles, et à le marquer de la couleur qui lui est propre, les poètes et les prosateurs du xvne siècle l'ont tous pos- sédé, et ils nous en offrent les plus beaux modèles. Dans leurs écrits, le sujet, la forme, la couleur et le style sont toujours dans une parfaite harmonie; et par le privilège d'un talent heureux et facile, ils mettent dans chaque composition une vérité et une variété remarquables. Si nous prenions au hasard un discours oratoire, et ce nom peut convenir à tous les sermons de nos grands prédicateurs , ou même un ouvrage quelconque de celle époque, nous y trou- verions le même art que dans Racine, comme aussi la même appropriation du style au sujet; nous trou- verions peut-être, chez quelques-uns de nos écrivains, des qualités, sinon supérieures à celles de Racine, dif- férentes pourtant et ayant un caractère plus marqué d'inspiration et d'originalité. Quelques-uns, en effet, semblent avoir une vocation plus haute et un plus puissant génie : ils aiment tous l'art pour lui-même, et sont enthousiastes du beau; ils s'élèvent tous éga- 10-2 lemcnt au grand et au sublime, et ceux-là pourtant dominent davantage qui ont une plus grande mission à remplir. Mais, sans entrer dans ce sujet que nous traiterons plus tard ; sans examiner ici, s'il y a autre chose qu'un art parfait dans Athalie , il nous suffira d'avoir montré quel est cet art de la composition, qui est commun à tous les écrivains de celte époque , et qu'on ne retrouve plus en la même perfection chez leurs successeurs. Eux seuls ont pu concevoir aisé- ment un sujet et composer sans effort : on dirait qu'ils n'ont eu d'autre objet que de bien exprimer leurs pen- sées et de se faire comprendre. Tel est l'art, qui n'est jamais plus parfait que lorsqu'il se cache davantage. Et c'est là ce qu'on n'a pas su pratiquer depuis, ce qu'on a connu seulement dans les temps où vécurent Sophocle, Virgile et Racine, ce qui est le triomphe du goût, et ce qui fait de ces trois âges mémorables l'admiration et l'enseignement de tous les siècles. Époques à jamais célèbres de l'art et du génie, les siècles de Périclès, d'Auguste et de Louis-le-Grand vivront toujours dans la mémoire des hommes; ils virent fleurir les arts et les lettres , et produisirent ces esprits souverains, ceux qui ont le plus honoré notre humanité. De tels hommes furent servis par les progrès de la civilisation : ils trouvèrent une lan- gue déjà formée, toute prête pour exprimer leurs sublimes ou touchantes créations; mais si le marbre était prêt, leur gloire est grande pour avoir su en tirer tant de nobles et belles figures. Soyons justes pourtant envers les autres siècles et envers les autres écrivains, même en faisant une si large part à ces trois époques; accordons à nos grands classiques le mérite inappréciable de la composition 103 et du style, la perfection de lait qu'on ne saurait trop admirer, parce qu'elle s'allie toujours chez eux avec l'inspiration ei le génie; mais qu'il nous soit permis en même temps d'admirer chez d'autres écri- vains, qui ont vécu en des siècles moins heureux, la part de génie, de haute inspiration et de goût véri- tahle que la nature leur avait donnée. Ce n'est pas par le goût qu'ils dominent le plus; mais, chez eux, le sentiment du vrai, du naturel et du beau y sup- plée bien souvent ; et c'est d'ailleurs un beau privi- lège du goût, formé par la comparaison de tant de chefs-d'œuvre , que de pouvoir comprendre leurs grandes et sublimes beautés. Ils n'ont pas mis dans leurs œuvres cette unité puissante qui fait la perfec- tion d'un ouvrage, quand elle est jointe à une heu- reuse variété; mais si leurs beautés ne sont pas sans mélange, elles sont quelquefois de l'ordre le plus élevé; elles brillent souvent du plus vif éclat, et sou- vent elles nous ravissent malgré nous, nous frappent et nous transportent. Quelles ravissantes peintures dans le barbare Shaks- peare! Quels tableaux ou touchants ou terribles! Quels frappants contrastes! Quelle puissance d'imagination et quelle vigueur de pinceau! Et ailleurs, que de grâce et de délicatesse! L'humanité entière est re- produite dans ses drames, qui ne forment tous en- semble qu'un seul drame; elle est là, représentée avec ses vertus et ses vices, ses joies et ses tristesses, ses aspirations infinies, ses aspects multiples et divers. Pour peindre l'humanité dans sa variété infinie, il fallait le drame tel que le conçut le génie de Shaks- peare, de cet homme qui jetait un regard puissant sur notre- humanité, qui reflétait tons les événements 104 de la vie et toutes les passions de l'homme dans sa vaste intelligence, pour les retracer ensuite sur la scène avec sa verve puissante et féconde. Ce n'est plus un événement particulier de la vie, ce n'est plus une passion unique que le poète va peindre ; c'est la vie entière, c'est l'homme avec toutes ses passions qu'il va nous montrer dans ce drame qui se déroule si puissamment sous nos yeux. Ce n'est point la tragédie grecque dans sa helle simplicité; ce n'est point la tragédie française, qui garde encore les trois unités dans sa marche plus rapide, c'est un drame multiple et varié comme la vie même. Aussi, pour juger de telles compositions dramatiques, ce n'est plus aux principes ordinaires du goût qu'il faut re- courir; car qui voudrait juger Shakspeare d'après ce lype de la tragédie qu'a créé leheau génie de Racine, essaierait de renfermer dans des limites trop étroites, de mutiler ce géant de la pensée, qui se plaît aux horizons immenses, aux champs de bataille, aux scènes d'épouvante et d'horreur. Mais, si vous vous abandonnez à la lecture d'un de ses drames; si vous embrassez ensuite, par la pensée, l'espace qu'a par- couru le poète, que de beautés se découvrent alors à vous, et de l'ordre le plus élevé! Combien cette autre unité, l'unité d'impression, vous paraît alors puissante, quand le poète, qui s'est d'abord fortement emparé de vous, et qui vous fait éprouver mille im- pressions diverses confondues dans une impression souveraine de lerrreur , vous amène à travers les phases diverses de son drame vers l'inévitable et ter- rible catastrophe. Quelle différence du drame ainsi conçu, à la tragédie si régulière de Hacine ! Non, ce n'est pas d'après les mêmes principes qu'on doit juger 105 de» œuvres si dissemblables. Au poète français appar- lienneni Tordre, l'unité, la proportion, tout ee qui constitue l'art, sans exclure la verve et l'inspiration; le poète anglais l'emporte à son tour par 1 étonnante variété et par l'effet prodigieux des contrastes. Ce qui domine dans Racine, c'est le goût avec les dons les plus heureux du talent; ce qui éclate davantage dans Shakspeare , c'est l'imagination créatrice avec un pathétique sombre et terrible. Shakspeare, Dante et Homère, ces esprits créateurs et sublimes, apparaissent à travers les temps et les âges comme les phares de la civilisation, comme les cimes du génie: ils s'élèvent et dominent à l'origine des peuples; ils ont créé une poésie nouvelle, et ils ont inspiré les autres poètes, eux qui ne s'inspiraient de personne. D'Homère est sortie la littérature grec- que; Dante est le père de la civilisation moderne; et la gloire de Shakspeare, unique dans son pays, et grande chez les nations de l'Europe', a déjà conquis le Nouveau Monde. Mais la gloire de Racine , si elle est moins étendue, sera plus pure. Comme Sophocle et Virgile, Racine fera toujours les délices des esprits cultivés. Tant qu'il y aura des hommes instruits, ils placeront Alhalic an premier rang parmi les œuvres de l'esprit humain; et, en admirant les grands écri- vains de tous les temps, ils donneront à notre xvne siècle la palme de la poésie et de l'éloquence, parce qu'il mit toujours dans ses œuvres le vrai, le grand ot le beau. L'art, en effet, rien ne saurait l'égaler, quand il est ainsi soutenu par le génie, et qu'il se révèle dans tonte sa beauté. 106 TROISIEME DISCOURS. Des trois Facultés qui constiluent le Goût. Quand nous lisons la grande poésie d'Homère r de Dante et de Milton, nous sentons qu'elle fait sur nous une impression souveraine. Or, ce qui domine dans une telle poésie, c'est la plus haute puissance d'imagination. 11 faut donc que celte faculté existe en nous dans une certaine mesure, pour que nous puissions comprendre leurs beautés sublimes; car nous ne comprenons bien que ce qui a quelque rapport avec notre nature; et puisque le véritable critique est celui qui peut interpréter tous les ordres de beautés, il doit avoir reçu cette, haute faculté, afin de nous montrer ce qu'il y a de grand et de beau dans les chants de ces poètes inspirés. Ne soyons plus étonnés que des critiques, ingénieux d'ailleurs, aient méconnu la haute inspiration d'Homère, et n'aient pas compris sa belle poésie : ils manquaient de ce qui en fait le plus beau caractère, de ce qui est si néces- saire pour la comprendre, je veux dire d'imagination. Ils ont pu avoir un esprit fin et judicieux ; mais ils n'eurent jamais ce qui domine dans la grande poésie et la haute éloquence, ce qu'il faut posséder pour sentir et comprendre l'une et l'autre. La véritable éloquence vient du cœur, et elle emprunte son éclat à l'imagination. Ce sont les sen- timents d'un noble cœur qui vivifient l'imagination, et animent les pensées et les images qu'elle seule 107 peut fournir. Qui resterait froid à la représentation d'une tragédie de Corneille, manquerait de celle flamme divine qui nourrit et soutient dans l'homme les sentiments généreux; mais il n'appartient pas à tons de verser des larmes, en voyant Auguste pardon- ner à Cinna; et si la grande âme de Coudé fut puis- samment émue , tous les spectateurs n'étaient pas également dignes de partager une si noble émotion. Personne, sans doute, ne demeure impassible, quand le sublime de la grandeur d'âme vient ainsi à éclater; mais que l'impression est diverse, suivant les divers ca- ractères! et combien un froid critique est impuissant a louer dignement le poète, quand il ne sent pas toutes les nobles parties de son âme mises en mouvement et agrandies par un tel spectacle ou à la simple lec- ture! Qu'il ail un cœur élevé, s'il veut interpréter ceux qui ont peint la grandeur de l'âme humaine ; qu'il ne soit étranger à aucun des nobles sentiments, à aucune des grandes passions, s'il veut expliquer les poètes au noble coeur et à l'imagination puissante. Des compositions diverses demandent, pour être bien comprises, des qualités diverses : c'est par l'âme que nous sentons le sublime de Corneille ; c'est par l'imagination que nous concevons la poésie d'Homère, et par la raison seule nous entendons la philosophie de Oescartes et la politique de Montesquieu. Qu'un homme d'une imagination vive lise ce grand publi- eiste, qui a décrit le génie des sociétés modernes et montré que le bonheur des peuples est dans la mo- dération de leurs gouvernements, une si haute sa- gesse lui échappera, et il ne comprendra pas celte élévation d'esprit, qui juge sainement ce qui est, et discerne si bien oc qui peut devenir praticable; que, 108 d'autre part, un homme, formé au langage des gran- des passions , étudie la philosophie de Descartes, les méditations de cette pure intelligence ne pourront satisfaire son âme ardente, et il regrettera l'éloquence véhémente et rapide, en lisant ces pages d'un style limpide, où le philosophe expose ses idées et cher- che à s'entendre avec lui-même. Une telle lumière n'est pas faite pour tous les yeux, et tons les lecteurs ne sont pas capables d'entendre le langage pur et simple de la raison. On l'a dit bien souvent : la vérité a besoin d'être ornée par la fiction pour plaire aux hommes, et l'art de remuer les cœurs sera toujours le plus sûr moyen pour dominer les esprits. Mais la saine philosophie et la sage politique demandent un langage clair et simple , parce qu'elles s'adressent uniquement à ceux qui peuvent les comprendre. La raison seule peut saisir les vrais principes des choses, et il faut une raison droite pour lire les dignes pré- cepteurs des hommes, ceux qui n'ont eu d'autre but que de leur enseigner la vérité. Que si les grands écrivains ont allié l'éclat de l'imagination, l'éloquence du cœur avec le langage de la raison, il en est pour- tant qui ont prétendu s'adresser à la raison seule, et c'est par elle qu'ils doivent être jugés. Il y a plus : comme cette faculté est parmi celles de l'homme la faculté maîtresse, c'est par elle aussi qu'on peut en- tendre, non-seulement les philosophes et les publi- cistes, mais encore les orateurs et les poètes. Le bon sens ou la raison, tel est donc le fondement du bon goût et de la saine critique, et l'imagination avec la sensibilité sont ses deux puissants auxiliaires; de telle sorte, que les trois facultés qui constituent le génie, s'il vient s'y joindre une puissance créatrice, consti- 10!) tuent aussi le goût, soit dans 1 écrivain qui compose , soit clans le critique qui juge. Mais, pour bien connaître chacune de ces trois facultés, pour savoir ce que c'est que le goût dans sa plus haute perfection, puisqu'il résulte de leur réunion intime, nous les étudierons successivement dans nos deux grandes époques littéraires ; nous re- connaîtrons par là le rôle et l'importance de chacune délies, et nous verrons, en même temps, ce qui a manqué au xvnie siècle, et ce qui fait la supério- rité de l'âge qui l'avait précédé. La grande imagination a généralement manqué aux écrivains du xvme siècle, et cela seul les eût empêchés d'imiter la poésie et l'éloquence antiques., Aussi, quel mépris n'onl-ils pas eu la plupart pour tout ce qui n'était pas la civilisation française! Et cette civilisation, ils ne la considéraient que sous le règne de Louis XIV, n'y voyant, du resie, que celte haute élégance, devenue plus tard l'étiquette de cour. Non seulement tout le moyen-âge leur échappe, avec ses fortes institutions et ses grands caractères; mais ils n'aperçoivent l'antiquité qu'à travers le xvue siècle, et au lieu d'en reproduire les monuments avec la liberté de leurs prédécesseurs, ils croient avoir fait une œuvre oiiginale, quand ils ont observé toutes ces convenances de forme et de style, qu'ils pren- draient volontiers pour le goût, bien que ce n'en soit que la plus faible partie. Dans toute la poésie de cette époque, il n'y a rien qui approche de l'inspiration des poêles, de cet esprit d'enthousiasme qui étonne et ravit; et on ne réussit pas plus à égaler Shakspeare, ce peintre du moyen-âge, que Sophocle, qui n'a rien de commun avec la société présente par l'ex- 110 pression naïve des mœurs et par un caractère tou- jours si puissant de foi religieuse. La poésie naïve des Grecs na pas eu alors de véritable interprète; et on ne comprenait pas plus la noble beauté de Sophocle que la grande poésie d'Homère. La rudesse dans les mœurs avec des vertus sublimes, le pathé- tique touchant avec la simplicité naïve choquaient également ces esprits délicats ou raffinés, qui vou- laient choisir jusqu'à leurs propres jouissances, et ne concevaient pas plus les grandes passions et les fortes émotions de l'âme que les actes de dévoûment et d'héroïsme. Mais, si Voltaire lui-même ne pouvait reproduire ni la poésie naïve des Grecs ni les fortes couleurs et la terreur tragique de Shakspeare, com- bien ceux qui marchaient dans la même voie de- vaient-ils rester au-dessous d'un tel maître. Ce n'est pas seulement l'imagination qui a manqué à quelques écrivains, c'est le siècle lui-même qui n'était pas fait pour le grand et le sublime. Tout se lie et s'enchaîne dans le monde-, la foi naïve suscite la poésie d'inspi- ration, les fortes croyances produisent la mâle élo- quence, l'indifférence et le doute amènent les grâces légères. S'il est une faculté nécessaire pour comprendre les chefs-d'œuvre de la poésie et de l'éloquence, c'est, sans contredit, l'imagination , qui nous transporte à travers les temps et les âges au milieu des événements qui ont inspiré les grands poètes et les grands orateurs, et qui nous fait vivre de la même vie dont ils ont vécu eux-mêmes. Cette puissance de concevoir forte- ment les mœurs, les passions et les idées d'une autre époque, n'a pas été donnée aux écrivains du xvme siècle, et rarement ils savent s'identifier avec ces 111 hommes puissants par la parole ou par l'action qu'a- nimait une vertu sublime. L'esprit seul ne suffît pas pour entendre Mil ton et Homère; l'esprit seul ne suffit pas pour atteindre la sublimité de Corneille et la perfection de Racine, pour juger Pascal et égaler Bossuet. Comme il avait voulu se mesurer avec Ra- cine et Corneille, Voltaire a entrepris de juger Pascal et d'égaler Bossuet lui-même. Quelle entreprise! ni l'écrivain ni le siècle n'étaient faits pour une tâche si haute; et si le spirituel et malicieux auteur de tant d'écrits frivoles, eût pu seulement concevoir par la pensée la grandeur des œuvres qu'il allait ou juger ou refaire; s'il eût embrassé, par l'imagination, et la pensée qui l'avait inspiré et le monument lui- même, comme à un autre Dédale, les mains lui se- raient tombées ; il serait resté frappé d'étonnement et d'admiration, il eût renoncé à rabaisser au niveau de l'esprit et de la passion les deux œuvres les plus grandes du génie de l'homme. Est-ce le goût qui lui a manqué? Est-ce le senti- ment de ses forces? Le goût seul lui prescrivait de respecter deux monuments incomparables, et la pru- dence la plus vulgaire de ne pas encourir le plus écrasant parallèle. Mais il était de la destinée de cet homme et de ce siècle, de se jouer des choses les plus graves et les plus sérieuses, et de rabaisser ce qu'il ne savait ni admirer ni comprendre. Avec une telle disposition d'esprit, avec ce besoin de tout soumettre a l'examen d'une raison sceptique et moqueuse, com- ment Voltaire et son siècle auraient-ils compris l'ar- deur véhémente de Pascal et la majestueuse simpli- cité de Bossuet? Rien ne pouvait leur donner l'idée d'une pareille éloquence. Ce qui fait la grandeur des 11:2 Pensées de Pascal el du Discours sur l Histoire univer- selle, c'est la pensée religieuse; et l'imagination y éclaie aussi dans sa plus haute puissance. Voyez comment Bossuet fait comparaître devant nous les anciens peu- ples; nul historien ne nous Fera jamais mieux con- naître ces Romains qui, par leurs fortes vertus et leurs puissantes institutions, sont devenus les maîtres du monde, ni celte Grèce, si occupée, si remuante, si adonnée aux arts et aux fêles, si éprise de tous les genres de gloire. 11 y a ici la puissance du génie; il y a aussi une imagination enthousiaste, qui décrit avec force ce quelle admire. Mais l'imagination consiste-i-elle seulement à hien décrire une époque passée, à peindre un personnage historique, et n'éclaie-t-elle pas dans la défense des intérêts du moment, dans l'expression des idées et des passions qui occupent ou agitent les contempo- rains? Ne se révèle-i-elle pas aussi dans la peinture qu'un homme de talent retrace de ses propres affec- tions, de ce monde intérieur dont il a le spectacle multiple et divers au-dedans de lui-même? Assuré- ment, soit qu'un écrivain raconte un événement passé el qu'il mette en scène des personnages historiques; soit qu'il se porte pour le défenseur de quelque grand intérêt; soit, enfin, qu'il nous dise les passions qui ont assailli son àme , il ne fera sur nous une impres- sion forte et durahle, qu'autant que ses peintures seront animées et son langage expressif. Cela même est le signe et la marque de l'imagination; partout où elle règne, elle saisit fortement le lecteur et l'entraîne. Mais il s'en faut hien qu'il y ail égale puissance d'ima- gination, dans le poète qui nous révèle l'intérieur de son àme et nous dit ses propres émotions, et dans i i :; celui qui, retraçant à nos yeux une foule de person- nages divers, s'identifie tour à tour avec chacun d'eux, et nous les montre tels qu'ils ont existé, ou qu'il les a conçus par un sublime effort de la pensée. Créer des personnages divers, donner à chacun un caractère, des mœurs et des passions propres, les faire agir et parler avec vérité et naturel , c'est le privilège des hommes d'un talent supérieur-, et les plus grands écrivains sont ceux qui ont excellé dans cet art diffi- cile. Nul poète n'a égalé Homère pour la création d'un vaste plan, et pour la peinture des personnages dont il décrit les exploits; aussi garde-t-il encore le sceptre de la poésie; et, parmi nous, Corneille n'a pas eu d'émulé pour peindre les grands hommes de l'histoire, ce qui seul lui aurait valu le titre de grand. Celte force d'invention dont il parle, il ne la met pas seulement dans la conception de ses plans, mais aussi dans la création de ses héros tragiques, qui diffèrent tous les uns des autres, et vivent cha- cun de la vie qui lui est propre. Sous ce rapport, Kacine lui est déjà inférieur ; mais Voltaire est à une grande distance de l'un et de l'autre. Si quelques-uns des personnages de Kacine se ressemblent, tous ceux de Voltaire professent hautement la philosophie de son siècle; tous ont été conçus dans le même esprit, et sont destinés à faire valoir les mêmes doctrines. Il y a pourtant, dans son théâtre, une grande et belle pièce, parce que l'auteur, en l'écrivant, pouvait rester dans le vrai et le naturel : c'est la tragédie de Mahomet. Voltaire aussi s'était donné une sorte d'apostolat, et il n'était rien moins qu'étranger à cette ambition du Prophète de la Mecque, qu'il peint avec tant de plaisir et avec des couleurs si brillantes, sinon avec la liberté S 114 d'un esprit créateur. C'est l'œuvre poétique la plus re- marquable du xvme siècle ; car, pour cette autre sorte de poésie, qui jaillit d'une âme profondément émue, elle n'était pas encore née et était réservée à notre époque. Si la grande poésie du xvnie siècle manque trop souvent de celte haute inspiration qui fait la véritable éloquence, nous retrouvons, du moins, celle inspira- tion et celle éloquence dans les grands prosateurs de cette époque. C'est, en effet, dans les ouvrages en prose que ce siècle a marqué son véritable génie; et, comme il y avait alors un désir immense d'arriver à la vérité et de renouveler la connaissance humaine, depuis la science vulgaire jusqu'aux croyances religieuses, ce travail d'examen et de renouvellement a dû mettre à découvert ou laisser subsister bien des vérités qui, fortement saisies par quelques esprits supérieurs, ont pu être éloquemment développées, et ce besoin même de la vérilé était une passion réelle, propre à inspirer l'éloquence. Aussi y a t-il eu des écrivains éloquents, non pas de celle éloquence qui vient d'une inspiration soudaine et d'une puissante conviction, mais de celle autre éloquence qui naît de la réflexion et du travail même : et telle est la différence entre un siècle de. génie, et un siècle de raisonnement et de spéculation. Dans ce siècle donc du bel esprit , au-dessus ou à côté de ce monde épris des charmes de la conversa- tion, et uniquement occupé de la vie présente, il y eut quelques hommes, dont la pensée, allant plus loin, se prit à considérer la base même de Tordre social, soit pour en reconnaître les principes immuables, soit pour renouveler Tordre de choses établi, en l'ébranlant tout d'abord. C'était une hardiesse, une audace inouïe jus- 1 i:> qu'alors; c'était une entreprise à la fois généreuse et téméraire que nous n'avons pas à apprécier ici, mais qui devait ouvrir un vaste champ à l'éloquence. Les idées de tolérance, de légalité, de liberté même, quv occupèrent bientôt tous les esprits, eurent d'abord d'éloquents et habiles interprètes, qui les propagèrent avec une parole puissante, singulièrement spirituelle ou fortement passionnée. On ne retrouve plus ici les vues élevées du xvne siècle, ses grands principes, ses nobles et généreux instincts; mais, parmi cette foule d'intérêts divers qui s'agitent à la fois, il en est de bien puissants et qui ne sauraient périr. A toutes ces discussions se mêlent, sans doute, bien des erreurs et, dans ces brillantes spéculations, l'imagination joue trop souvent le principal rôle : tant qu'elle est dans le réel et le vrai, elle a une force et un éclat remar- quables; mais elle a conduit à tant de théories faus- ses, à tant de systèmes erronés, qu'on est bien en droit de se demander si ce siècle fut avant tout comme il l'a prétendu, le siècle de la raison. Au lieu de celte imagination calme et puissante, parce qu'elle se renferme dans les limites du vrai; au lieu de cette faculté souveraine qui domine partout au xvnesiècle, sans méconnaître jamais la mesure et la règle, vous ne rencontrez que trop souvent au xvme cette ima- gination ardente et inquiète, qui mêle l'erreur à la vérité et se passionne également pour l'une et pour l'autre, qui, portant le trouble et l'inquiétude dans votre esprit, vous laisse douter si c'est la vérité ou le mensonge qu'on vous présente. Tous ces philosophes ont fait profession de ne suivre que l'expérience n la raison; et bien qu'ils aient fait, par ce moyen, d'utiles découvertes, ils n'en sont pas moins venus. 1IC avec tout leur siècle, aboutir à celte fameuse théorie de la sensation transformée, qui devait frapper du même coup les arts et les lettres ; et nous ne parlons pas ici de tant d'autres théories non moins funestes. En même temps que des écrivains d'une imagination ardente tombent dans l'exagération pour fuir l'hum- ble réalité, et que, mécontents de l'état présent des choses, ils s'essaient à refaire ce monde au gré de leurs désirs, d'autres, ne trouvant plus, ni en eux ni dans leurs contemporains, ces nobles et grandes inspirations qui viennent du cœur, préconisent, comme de concert, celle triste philosophie qui ôte tout frein et tout espoir à l'homme, qui enlève à lame le mouvement et la vie. Ce serait une accusation étrange, de prétendre que la sensibilité, j'entends celle qui élève- et ennoblit Thomme, fait généralement défaut dans les écrits du xvme siècle, et cependant, à tout prendre, il n'y a rien de plus de vrai. Ici encore se manifeste une étonnante dégradation, et le sentiment ne garde plus cette belle simplicité ni celle élévation dont notre grand siècle nous fournit de si touchants modèles. Sans doute, les hommes de tous les temps et de tous les lieux éprouvent les mêmes passions et nourrissent les mêmes sentiments; mais il s'en faut de beaucoup qu'ils portent dans ces passions et dans ces sentiments la même noblesse d'âme. Nos sentiments nous élèvent ou nous abaissent, cela est indubitable; et la plus grande différence qu'il y ait peut-être d'un homme à un autre homme, c'est que l'un seul avec force et noblesse, tandis que l'autre n'a que des sentiments humbles et vulgaires. El puisque nous avons essayé de marquer la diffé- 11 rence qui se trouve entre nos deux siècles littéraires, nous devons examiner ici cette différence sous le rapport de la sensibilité; car la sensibilité, non moins que l'imagination, est la source de la poésie et de l'éloquence. Elles se soutiennent l'une l'autre; elles se développent l'une par l'autre; elles grandissent ensemble ; elles se prêtent réciproquement une force et une puissance nouvelles. La sensibilité soutient , nourrit et anime l'imagination; elle mêle les émo- tions de l'âme aux conceptions les plus hardies de cette étonnante faculté, et leur prête ce caractère de vérité qui appartient à tontes les affections du cœur de l'homme; et, à son tour, l'imagination agrandit encore la sphère de la sensibilité; elle lui présente un aliment nouveau, le seul qui puisse répondre à ses nobles aspirations, en lui découvrant l'éternelle image du beau idéal. Elle s'empare de nos sentiments, les traduit par des images, et donne à leur expression cette force et cet éclat qui la rendent frappai) (e et capable d'émouvoir II n'y a donc pas de grand écri- vain , s'il ne possède ces deux facultés à un haut degré, s'il n'a un cœur noble et généreux, une ima- gination vive et féconde. A cette condition seule, il atteint la poésie et l'éloquence; et il n'y a plus ni poésie ni éloquence, quand ces deux facultés som- meillent ou sont éteintes, ce qui heureusement n'ar- rive presque jamais. Mais si elles ne peuvent entièrement disparaître de la littérature, car le champ qui leur est ouvert est immense, comme l'univers et lame de l'homme, elles ne se portent pas toujours vers des objets égale- ment nobles, et ne gardent pas constamment la même élévation et la même vérité. L'imagination qui n'est 118 plus soutenue par la noblesse des semimenls, tombe dans l'extraordinaire el le bizarre; et la sensibilité, quand les mœurs et les aspirations d'une époque ne lui offrent plus rien de noble et de grand, quand la réalité, dépouillée de tout idéal, n'est plus digne de la satisfaire , dégénère en une rêverie vaporeuse ou en une mélancolie ardente et impuissante. Ce n'est pas là cette sensibilité qui élève et agran- dit l'homme ; ce n'est pas là ce pathétique touchant et sublime cjui remue si puissamment notre âme; ce n'est pas là cette grande et belle poésie qui est la voix sublime de notre humanité; ce n'est pas l'accent merveilleux de la grandeur humaine , mais l'écho triste et douloureux de notre incroyable faiblesse. 11 est bien vrai : ces voix plaintives répondaient à l'inquiétude des époques qui les ont entendues, et celte mélancolique poésie a bien sa source dans le cœur humain et sa cause dans les malheurs de la vie; mais s'il y a encore ici de la vérité, il n'y a plus ni la force qui fait vivre, ni la grandeur qui élève, ni la foi qui soutient; et ce ne sont pas les époques les plus heureuses de la vie des peuples qui ont pu inspirer une pareille tristesse. Et, cependant, il y a encore ici l'accent de l'àme humaine; il y a un pathétique vrai et touchant, parce qu'il y a de la grandeur partout où se révèle une âme d'homme. Mais quelle distance prodigieuse de ces peintures, qui nous enlèvent au dessus de nous-mêmes et nous transportent d'admiration, à ces tableaux désolants qui détruiraient en nous toute l'énergie vitale par une trop longue et pénible émotion! Et s'il y a une telle différence entre des tableaux divers, où l'âme néanmoins domine toujours, que dire de ceux où la 119 sensation a prévalu sur le sentiment, où le corps et la matière ont étouffe l'esprit et absorbé celte flamme divine, dont la nature est de nous porter vers les hautes régions? C'est ici surtout que l'affaiblissement est sen- sible, et que la littérature s'écarie de sa noble mission. Le xvne siècle, instruit dans la philosophie de Descaries, réalise toujours dans ses œuvres l'expres- sion de la pensée, de l'idée pure, et proclame hau- tement l'excellence de l'esprit sur la matière, de l'âme sur le corps; et le xvin* tend plus ou moins, mais constamment, vers la consécration de la forme, et il excelle moins à exprimer le sentiment dans tout ce qu'il a d'élevé et de pur, que la sensation dans tout ce qui peut fiai ter et charmer nos sens. L'idée pure, dégagée des sens et aperçue par la vue seule de l'esprit, ou bien le sentiment pur et exquis, voilà ce que l'art, dans sa plus haute desti- nation, tend à exprimer; el cette haute expression de la pensée et du sentiment, il l'a presque toujours réalisée dans notre grand siècle. La sensation, au lieu du sentiment; ce qui flatte et séduit, an lieu de ce qui élève, voilà ce qui domine trop au xvme siècle; et la plus grande dégradaiion de l'art serait de s'adresser, non plus à l'âme, mais exclusivement aux sens, de perdre ce haut caractère de spiritualité qui lui convient pour descendre à un matérialisme abject et impuissant. Grâces à Dieu, et pour l'hon- neur de notre humanité, cette prééminence de la sen- sation et de la matière, se trouve bien dans un grand nombre d'écrits de cette époque et de l'âge présent, maif elle ne domine pas, exclusivement du moins, dans les grandes compositions artistiques et littéraires. Je voudrais montrer, ici, comment quelques-uns 120 des sentiments les plus simples du cœur humain, ont été différemment exprimés dans nos deux derniers siècles; mais il suffira de quelques remarques pour confirmer ce qui précède. Dans tonte la poésie du xvme siècle, il n'y a rien de plus éloquent que le discours de Lusignan à sa fille, pour la ramener à la religion chrétienne; mais, le dirai-je , il y a dans ce discours quelque chose d'oratoire et de théâtral qui en gâte l'effet. Une pareille éloquence n'est pas sortie de l'âme du poète; l'art et l'imagination y ont trop de place, et le lecteur est plus étonné qu'il n'est ému. Le chrétien et le père auraient parlé autrement dans Racine et dans Corneille. Pour trouver l'élo- quence qui vient de l'âme, il faut lire le discours de Burrhus à Néron, ou la prière que Polyeucte adresse à Dieu, pour la conversion de Pauline. Avouons-le, pour la vérité et pour l'éloquence, Voltaire n'égale ni Racine ni Corneille; et ce qu'il y a d'apparat dans ce discours de Lusignan, ne vaut pas la simplicité sublime de Burrhus et de Polyeucte. Cependant, Voltaire ne fut jamais ni mieux inspiré ni plus élo- quent ; et, s'il est ici même inférieur à nos deux grands tragiques, nous pouvons en conclure , que pour la vérité, la profondeur et l'énergie du sentiment, les auteurs du xv;ue siècle sont restés bien au-dessous de leurs grands maîtres. 11 y a dans l'homme une faculté maîtresse, qui doit tenir l'empire sur toutes les autres; une faculté, sans laquelle l'imagination et la sensibilité errent, le plus souvent, à l'aventure : c'est la raison, qui fait le plus noble privilège de l'homme et la beauté durable de tous les ouvrages de l'esprit. Elle règle les élans de l'imagination, et la contient ou la dirige dans les li- \1\ miles du vrai; elle modifie la sensibilité elle-même, en lui rappelant la loi du bien et du beau ; et la règle qu'elle preserit à ces deux facultés, loin de diminuer leur puissance, les développe, les fortifie et les ramène à ce qui fait leur véritable grandeur, la vérité et le devoir. L'imagination, en effet, n'est une grande, une puissante faculté, qu'à la condition de s'exercer dans l'ample sein de la vérité; et la sensibilité n'a d'éléva- tion et de noblesse, qu'autant que son objet est grand, noble, sublime; et l'une et I autre font le bonheur ou la misère de l'homme, suivant quelles s'appliquent au bien et au beau, ou qu'affranchies de toute règle, elles s'égarent au-delà du vrai et de l'honnête. C'est la raison qui trouve la vérité et qui marque le carac- tère de la vérité, et par là elle découvre le champ immense que l'imagination doit parcourir; c'est elle qui nous révèle la loi morale et qui la fait briller à tous les yeux, et par là elle présente à notre sensibilité le noble but vers lequel elle doit tendre, et qui seul répond à sa puissante énergie. Ce n'est pas un faible secours pour l'homme que cettr- loi du bien et du vrai, que la conscience nous révèle et que la raison rend plus manifeste; et le plus haut caractère du talent, est de proclamer dignement cette loi suprême, comme son plus beau privilège est d'en contempler l'éternelle beauté. Rechercher et découvrir la vérité, fa communiquer aux hommes, tel est le but élevé qu'un écrivain doit se proposer sans cesse: heureux, si par le charme de l'imagination et la délicatesse de lame, il peut rendre cette vérité aimable et en faire sentir tout le prix. La raison a été donnée à l'homme pour connaître fa vérité, ci il l'apercevrait toujours dans tontes les» 122 choses accessibles à notre intelligence, s'il savait bien user de cette faculté; mais, de même qu'il abuse de la sensibilité et de l'imagination, il abuse aussi de la raison , et le malheur veut que ceux qui tombent dans les plus extravagantes erreurs, sont précisément ceux qui procèdent davantage par raisonnements et par démonstrations. La puissance de la logique et la force du raisonnement, c'est ce qui égare le plus certains esprits, lumineux d'ailleurs et solides, qui ayant une fois admis quelque partie de la vérité comme la vérité tout entière , bâtissent sur ce fon- dement, et élèvent tout un système. Or, rien n'est plus funeste que l'esprit de système, même pour des hommes doués d'une forte intelligence : quand une fois ils y sont entrés, leur superbe raison ne leur permet plus de s'arrêter; et, entraînés par une rigou- reuse et impitoyable logique, ils s'affermissent d'au- tant plus dans leurs erreurs, qu'ils croient davantage posséder la vérité. C'est en vain que la conscience humaine se révolte contre leurs monstrueux systè- mes; comme ils ont surmonté en eux tous les géné- reux instincts, ils ne sauraient entendre la voix de l'humanité. Le système admis, il fallait en tirer toutes les conséquences, quelque absurdes qu'elles dussent paraître; ainsi le veut la logique. En vain, le pre- mier inventeur s'est renfermé dans de sages limites; ses successeurs vont plus loin que lui, et un faux principe donne toujours toutes les conséquences qu'il renferme. Triste condition de la raison de l'homme, quand elle s'égare ainsi! Mais est-il bien vrai que ce soit là le partage de la raison humaine , et n'allions- nous pas confondre l'abus du raisonnement avec la raison elle-même? iNous savons que nous avons la fa- 123 culte de connaître; mais nous savons aussi que cette faculté, si haute et si fière, rencontre à chaque pas d'infranchissables limites. Proclamons donc la puis- sance et la faiblesse de la raison ; et n'allons pas mécon- naître l'excellence de la raison, parce que l'abus de la logique est quelquefois si funeste. La raison peut ce- pendant corriger elle-même ses propres erreurs, à une condition, pourtant, qu'elle admette des principes supérieurs à elle-même et au-dessus de toute démons- tration. Il y a, en effet, des principes que tous les hommes reconnaissent, parce qu'ils les trouvent au fond de leur conscience; et il y en a d'autres qui leur ont été révélés : la raison admet les uns et les antres comme fondement de toute règle et de toute conduite. Mais il y a des esprits ardents et inquiets, qui ne sauraient se soumettre a aucune autorité, et qui méconnaissent également la voix de la conscience et le témoignage des hommes; d'autant plus dange- reux, qu'ils se croient et se disent animés par le seul amour de la vérité et de la justice. Etrange destinée que celle de ces hommes, qui consument l'ardeur de leur vie entière et la puissance de leur génie, à poursuivre l'erreur et à démontrer le mensonge! Et ces esprits violents et inquiets ne sont pas les seuls qui puissent être funestes; car ceux qui obéissent à une froide et sévère logique, sont bien autrement inflexi- bles dans les conséquences qu'ils tirent de leurs faux principes. Quand une fois l'erreur a pris racine dans ces esprits froids qui n'aperçoivent rien au-delà de leur faible vue, non-seulement ils abondent dans leur propre sens, mais ils n'imaginent pas même qu'on puisse être, de bonne foi, d'un avis contraire. 124 Mieux valail la passion avec ses emportements, et aussi avec ses retours. Un autre excès encore. Pen- dant que quelques écrivains, puissants par la logi- que, semblent avoir reçu pour mission de détruire successivement toutes les saines doctrines pour éle- ver à leur place les plus inconcevables tbéories, il s'en trouve ordinairement une foule d'autres qui soufflent partout un doute affligeant, un désolant scepticisme, et le malheur vent que les mêmes peu- ples soient travaillés à la fois par le scepticisme hi- deux et par les théories subversives. Mais il répugne également de reconnaître la saine raison dans le doute moqueur des uns et les raisonnements subversifs des autres. La droite raison n'est autre chose que le sens com- mun développé, agrandi, perfectionné même; et les plus grands écrivains sont incontestablement ceux qui satisfont le plus la raison et le bon sens de tous les hommes. Nous savons que la vérité existe, et nous croyons à son existence, d'une foi invincible; nous savons aussi qu'il y a quelques grands principes sur lesquels repose la vie de l'humanité entière, et les notions de la justice et de la vertu sont tellement gravées en nous, que rien au monde ne pourrait nous persuader que ce ne soit pas un devoir d'être juste et un bien de se commander à soi même. Partout où nous trouvons développé ce que chacun de nous porte au fond de sa conscience , partout où nous reconnaissons ces instincts de grandeur et ces prin- cipes généreux qui élèvent et ennoblissent l'homme, nous sentons aussitôt que la saine raison a inspiré une semblable doctrine, et nous affirmons avec cer- titude que rien n'est pins conforme, à notre nature. • 125 Ces notions premières de la justice et de la vertu, la raison les aperçoit, les explique, mais ne les invente pas, parce qu'elles lui viennent dune raison supérieure. Ceux donc qui les proclament haute- ment, qui les développent et en montrent les nom- breuses applications et les salutaires conséquences, ceux là sont réellement les bienfaiteurs de l'huma- nité ; et les esprits les plus funestes, au contraire, sont ceux qui s'appliquent à obscurcir et à détruire ces grandes vérités. Je n'essaierai pas de suivie le xvme siècle datis les doctrines diverses qu'il a successivement procla- mées et développées jusqu'à leurs dernières consé- quences, avec une rigueur de logique qui montre, par un bien frappant exemple, à quel point la raison humaine peut s'égarer quand elle s'appuie sur des principes faux ou dont elle ne s'est pas suffisamment rendu compte. Si vous lisez les écrivains du dernier siècle, tantôt leur froide raison vous glace, et vous sentez que les généreux instincts sont éteints ou sommeillent en eux ; ou bien leur raison ardente et inquiète s'enveloppe de tant de subtilités, qu'il ne vous semble pas possible que la vérité s'allie avec tant de passion, et se trouve entourée d'aussi impé- nétrables ténèbres. Soyons justes, pourtant, envers notre xvmu siècle; et, en regrettant qu'il se soit trop souvent privé de l'expérience des siècles passés, et qu'il ait méconnu les plus hautes vérités admises jusqu'alors, avouons hautement qu'il a trouvé bien des choses applicables et utiles; que, par ses pénibles travaux, plus d'équité et de justice règne dans nos institutions, et qu'il a, quoique péniblement, réalisé un progrès véritable pour l'humanité. Disons ausM 126 • qu'il y eut alors de véritables sages, des hommes d'un lalent irréprochable. Le plus grand d'entre eux est Moniesquieu, dont les vues sages et modérées seraient en tout temps utiles, et pourront toujours servir de hase et de règle à nos législateurs. Et ce pendant, pour trouver des hommes dJun lalent irré- prochable , d'un bon sens toujours droit et sévère, ne faul-il pas remonter à nos grands modernes? Le xvne siècle, avec ses instincts de grandeur, ses pouvoirs fortement constituées, ses fortes croyances, sa grande et nationale politique; avec ses belles ins- titutions et ses généreuses doctrines, son goût poul- ies arts et pour les lettres, est, par-dessus tout, le siècle du bon sens cl de la raison; et ce caractère, qui est profondément marqué dans ses mœurs et dans toutes ses créations, en fait l'époque la plus glorieuse pour l'histoire de l'esprit humain. La raison et la grandeur se trouvent partout dans ce siècle incom- parable; et, pour ne parler que des écrivains, qui sont assurément les premiers interprètes dune épo- que, vous trouvez toujours en eux un bon sens irréprochable avec la grandeur et la simplicité. La vie était trop forte dans cette génération mâle et vigoureuse; la foi était trop grande dans ces âmes sincères, pour que le doute vînt agiter ces hautes intelligences ei rabaisser leurs sublimes conceptions. C'est le bon sens qui inspire tant de poètes dont les belles productions feront toujours les délices des esprits cultivés; c'est le bon sens qui inspire ces orateurs dont la parole éloquente porte la conviction dans les âmes; c'est lui enfin qui inspire cette foule d'écrivains amis du vrai, du beau, de l'utile, dont les sages écrits seront toujours pour nous une source 127 il instruction salutaire. Il n'y a rien sans doute au- dessus du bon sens; ei cependant quelques-uns lui préféreront peut-être cette fière raison qui marche hardiment à la découverte des sciences nouvelles. Mais rien n'a manqué à notre grand siècle et le seul nom de Descartes égale toutes les gloires qui se sont élevées et qu'on a célébrées depuis. La méditation et l'expérience ont fourni de nouvelles découvertes mais la gloire des premiers essais d'un tel philosophe n'a pas été surpassée. La vérité règne dans tous les écrits de cette époque, et les erreurs même y ont un caractère de grandeur qui les rend salutaires; car tout ce qui est inspiré par une noble pensée ne saurait avoir des conséquences funestes. Nous voulions parler des facultés qui constituent le goût, et nous avons comparé nos deux siècles litté- raires. Toutefois, celte comparaison n'a pas été inu- tile; car, envoyant ce qui a manqué au xvme siècle pour égaler l'imagination forte et puissante, le noble et grand pathétique, la raison droite et sévère qui dominent au xvne siècle, nous avons pu nous former une idée de ce que doivent être ces trois facultés pour constituer le goût dans sa plus haute acception. Un homme de goût, en effet, doit pouvoir expliquer toutes les vraies beautés de la littérature, et il ne pourra y réussir qu'à la condition d'avoir une idée bien claire de ce qui les constitue, qu'à la condition de s'être formé par la comparaison et 1 étude un mo dèle élevé de l'art de composer et d'écrire. Le génie, quand il se manifeste dans toute sa grandeur et toute sa puissance, apparaît soutenu par ces trois grandes facultés, parvenues à leur plus haut développement, et, le goût, bien qu'il ne se trouve pas nécessaire- ment uni avec une puissance créatrice, esi , en un sens, l'égal du génie ou son puissant auxiliaire, soil qu'il lui présente le modèle à atteindre, soil qu'il se confonde avec lui chez le grand écrivain, pour pro- duire des œuvres parfaites. Tant que vous pouvez ima- giner quelque chose de plus grand et de plus parfait, vous n'avez pas atteint le type le plus élevé de l'art. Ce type le plus élevé de l'art, nous le chercherons chez les écrivains du xvne siècle; et nous devons, en terminant, payer ici un tribut de reconnaissance au xvme siècle, pour sa généreuse entreprise, pour les grands et beaux résultais qu'il a obtenus. Nous sommes les fils des hommes du xv;ne siècle, et il ne nous est plus permis de renier nos pères et de mé- connaître ce qu'ils ont fait de grand. Us ont renouvelé le monde et commencé une ère nouvelle. Leurs ef- forts furent généreux, mêlésdemal sans doute; mais nous en recueillons les fruits dans la liberté civile et les institutions dont jouil la France. Tous ces hardis écrivains, qui préparèrent un tel renouvellement, prétendirent n'obéir qu'à la seule raison , et entre- prirent de soumettre à son examen toutes les connais- sances humaines. Us voulaient renouveler la pensée humaine, avant de renouveler la société elle-même. Pourquoi ce progrès, aujourd'hui incontestable, n'a- t-il pu se réaliser dans la paix? En jouirions-nous moins, s'il n'était pas sorti d'une épouvantable catas- trophe? «La mer engloutit les vaisseaux, dit Montes- quieu; elle submerge des pays entiers; elle est pour- tant utile aux hommes. » Ainsi , les révolutions qui changent les empires : elles entraînent d'épouvan- tables malheurs; et cependant elles sont quelquefois utiles aux peuples. 1-29 LA BIBLE DEVANT LA VRAIE SCIENCE, ET RECHERCHES SUR LES EMPRUNTS QUI LUI ONT ÉTÉ FAITS PAR LA PHILOSOPHIE ANCIENNE , Par M. le docteur Favre , membre résidant. Si l'élude, en général, nous offre tant de charmes et de délices, combien plus l'élude de la religion, avec ses lumières et ses suaves consolations, ses sublimes et grandes vérités, nourrit et fortifie notre àme. Non- seulement elle permet le développement de nos fa- cultés, porte plus loin nos vues, rectifie nos idées, redresse nos penchants, ennoblit nos actions, mais, encore, elle nous indique notre destination future. Seule, elle nous enseigne que la félicité véritable sur la terre, consiste dans la pureté et le repos du cœur, et que rien n'est comparable à la droiture, rien de plus consolant que la vertu et l'observance de ses devoirs. En dévoilant la futilité des brillantes chimères et des trompeuses illusions dont l'avidité humaine se repaît ici-bas, elle oppose une digue salutaire au tor- rent aveugle des passions. Grandeur, gloire, richesses vaines, orgueil insensé, sont autant de hochets dont elle se rit dédaigneu- sement. Et qu'on ne croie pas que son élude demande peu de soins et de persévérance. Entre sa connaissance superficielle et l'ignorance complète, il n'existe pres- 9 130 que pas de degré. La vérité uc peui percer qu'à tra- vers des flots de lumière. Ici, pas de juste-milieu. Le vrai ne comporte ni concessions ni ménagements d'aucune sorte; la plus légère fusion avec l'erreur, le rapproche du mensonge. Le soleil qui permet aux nuages de l'obscurcir, n'est plus aussi radieux. Pour en comprendre la sagesse, pour en établir la solidité, elle réclame tout notre temps, toutes nos facultés. Voyez l'aveuglement et les tendances avouées do notre époque. La religion est presque éteinte dans toutes les classes; une indifférence coupable règne pour tout ce qui vient de Dieu. ((L'idée païenne, » dit M. l'abbé Théobald Mitraud, «est toujours con- «servée, nourrie, toujours vivace sous le manteau (cdu christianisme, tandis que l'idée chrétienne s'y «éteint languissante, presque honteuse.» Pourquoi l'amour d'autrui, la justice, la bonne foi, les vertus civiques, etc., ne trouvent plus, dans notre égoïsme et notre monde matériel, que des panégyri- ques stériles et des fervents de bouche seulement? Voyez avec quelle apathie, je dirai avec quel dégoût, on étudie la religion, on écoute sa voix, on pratique ses préceptes! Funeste scepticisme du siècle passé, rationalisme moderne, vous avez perverti notre société et profane nos croyances les plus saintes! Sepulcrum patens est guttur eorum ; lin guis suis dolose agebant; venenum aspidum sub labiis eorum. (Psaume 13, verset 5.) L'affaiblissement de la foi, qui a produit celui de la vérité, n'a pas cependant entraîné la dimi- nution, mais bien 1 égarement de l'intelligence hu- maine. Miséricordieux et juste en même temps, si ni Dieu refuse la vérité aux intelligences coupables il ne leur refuse pas la vie; il les condamne à l'erreur et non à la mort. Nous connaissons tous ces intelli- gences prodigieusement incrédules et merveilleuse- ment cultivées, qui ont laissé après elles une trace perfide , et moins lumineuse que brillante. Fixez vos regards sur elles, vous verrez aussitôt que leur éclat est un incendie, et quelles n'ont de lumière que celle de l'éclair. Le jour qui nous les montre semble venir de l'explosion subite de matières obs- cures, mais phosphorescentes et meurtrières. D'après moi, M. de Maistre, dans ses Soirées de Saint-Pétersbourg , a buriné, d'une main habile, le portrait de Voltaire, comme homme et comme écri- vain. Nous renvoyons à ces Soirées les enthousiastes du philosophe. Le choix des volumes qui composent la bibliothèque du célèbre sceptique, et les quelques notes qu'il a lui-même tracées à la marge de ses livres prouvent son manque de connaissances approfondies1. Il est, pour l'écrivain, une responsabilité morale en rapport avec son mérite et son génie. Voltaire est d'autant plus blâmable d'avoir méconnu celle respon- sabilité , que sa réputation était immense, et que sa parole faisant autorité, a laissé des impressions plus profondes et plus vivaces. La morale impure qu'il a cherché à graver en traits de feu dans le cœur de l'homme, tend à l'entraîner dans l'abîme du mal. «Le scepticisme, c'est Ja mort, dit M. l'abbé Maret. En effet, il tue la vertu, puisqu'il énerve l'âme et la livre désarmée, impuissante, aux passions les plus mauvaises, aux instincts les plus vils, à la plus pro- 1 La bibliothèque de Voltaire est religieusement conservée à Saint- IVlershour;;, dans tin palais impérial, 132 fonde dégradation; il empoisonne. la vie, en interdi- sant à l'âme, glacée sous sa froide main, l'espérance; enfin, il éteint le flambeau de la raison, et laisse l'homme sans lumière et sans guide dans les sentiers obscurs de l'existence. » Toutes nos connaissances dérivent de Dieu : Deus scientiarum Dominus. La science dont le dogme ne remonte pas jusqu'à ce principe, est, par cela même, sans moyens de synthèse, et ne peut pas se constituer; lorsqu'elle a poussé son travail analytique jusqu'à son dernier terme, elle est réduite à néant. Le célèbre Deluc, auteur des Lettres géologiques , ayant présenté à Pringle, président de la Société des Sciences de Londres, et professeur de philosophie à Edimbourg, l'ouvrage de la Morale universelle., ou des devoirs de l'homme, fondés sur sa nature, l'illustre savant lui répondit : « J'ai été pendant plusieurs an- « nées professeur de science morale; j'ai épuisé les «bibliothèques et mon cerveau pour en trouver les «fondements; mais, plus je cherchais à persuader âmes disciples, et moins j'avais moi-même de con- « fiance en ce que j'enseignais; tellement qu'enfin je «changeai de vocation, et repris la médecine, qui «avait été l'objet de mes premières études. J'ai, «néanmoins, continué d'examiner pendant long- « temps tout ce qui paraissait sur ce sujet, où je ne « m'étais pas senti en état d'enseigner avec convic- «tion; mais, enfin, j'ai lâche prise, et, reconnaissant «bien profondément, que, sans des lois positives, «accompagnées de motifs précis et pressants, les «hommes ne sauraient être convaincus qu'ils doi- «vent se soumettre à aucun code pareil, ni en con- « venir entre eux, depuis ce temps-là je ne lis aucun 133 «autre ouvrage de morale que la Bible, ei je per- «suade et je suis persuadé d'être dans le vrai '. » Pic de la Mirandole, ce prodige, dès lage le plus tendre, d'étude et de savoir, auquel rien n'était étranger, après avoir feuilleté des milliers de livres, relisait sans cesse avec un nouveau plaisir la Bible, qu'il regardait comme la source unique de la sagesse et de la véritable éloquence. Il avait médité attenti- vement les Saintes Ecritures, et il avançait: « Qu'in- « dépendamment de leur céleste origine, elles con- « tiennent plus de vérités historiques, plus de morale, «plus de richesses poétiques; en un mot, plus de «beautés en tout genre, qu'on ne pourrait en re- « cueillir dans tous les autres livres ensemble, dans « quelque langue et dans quelque siècle qu'ils eussent » été composés. » Telle est encore sur les mêmes livres, la profession de foi du savant William Jones, président de la Société de Calcutta, qui a fait admirablement justice de toutes les fables ridicules, et des traditions controuvées de ces peuples orientaux, qu'on cherchait à opposer, dans le siècle passé, aux vérités immuables du chris- tianisme Les Saintes Ecritures nous ouvrent, de toute part, un horizon immense, et nous permettent de nous élancer dans les conceptions les plus vastes et les plus abstraites. La note suivante de Charles Bonet, de Genève, va nous en fournir un exemple curieux : «On sait que «les prophéties de Daniel sont celles qui exercent le «plus la sagacité et le savoir des plus habiles inter- 1 OEuvies complètes de Pringlu , t i , |>. 2\), 134 «prèles, je pourrais ajouter, des plus profonds aslro- « nomes; car j'en connais un, dont je regretterai ((toujours la mort prématurée, qui avait fait dans «ces admirables prophéties des découvertes astrono- « miques, qui avaient étonné deux de nos astronomes, « les premiers de notre siècle : j'ai nommé MM. Mai- ce ran et Cassini. Je parle de M. de Cbéseux, mort à 0. 135 ia grande catastrophe, était composée, comme la nôtre, tle 365 jours et de 12 mois1. Est-ce que par hasard, en devenant illuminés par l'Écriture Sainte, les saint Paul, les saint Augustin, les saint Thomas, les saint Bonaventure, etc., auraient rétrogradé? Et n'est-ce pas dans ce temps, que nous taxons d'ignorance et de crédulité, et dans lequel les Albert-le-Grand, les Roger Bacon, se faisaient petits et ingénus par leur croyance religieuse, qu'ont eu lieu les plus grandes découvertes qui ont bouleversé la face du inonde entier, la boussole, la poudre à canon, l'imprimerie? Christophe Colomb ne fut pas seulement un géo- graphe et un navigateur de premier ordre, il l'ut très-bon croyant et fort pieux. Sa grande confiance en Dieu, pouvait seule lui donner celte persévérance tenace, dans une entreprise que devait enfin cou- ronner le succès. La foi, la connaissance des auteurs sacrés, distin- guaient surtout les grands hommes qui ont illustré le siècle du grand Roi, et dont les ouvrages impéris- sables resteront à jamais, pour nous servir de modèle inimitable. Où se sont donc inspirés La Harpe, le traducteur des sept psaumes de la pénitence, et l'im- mortel auteur du Qéniedu Chi istiemisme ?Sonl-\]$ donc des penseurs communs les Leibnitz, les Descartes, les Pascal, les de ftiaistre, les de Bonald, etc.? Newton, dont les principes religieux et sincères ne sont ignorés 1 De tous les patriarches, Abraham de Ur-Chaldœorum a été le plus Misé dans l'astronomie. Au dire de Bérose et d'Eupolemus, il aurait inventé l'astronomie el l'astrologie judiciaire. (Voir EusÈBE , Préparation evangétique , lib. îx, cap. m , p. 22; et l'abbé Kenaudot, sur l'origine de ia sphère céleste iléniowes di l'Académie des sciences, 1772.) Kit) de personne, tombant en extase devant les œuvres du Créateur, serait-il par hasard un astronome vulgaire? Le vertueux Linnée, qui, pour l'instruction de son fils, composa un ouvrage, pour prouver, par des exemples, que Dieu , dans ce monde , punit déjà et récompense ; Lacépède, qui, au milieu de la tourmente révolution- naire et en face de la déesse Baison, ose moraliser en philosophe chrétien ; les immortels Lavoisicr etHaûy, dont la piété était aussi ardente que leur amour pour la chimie et la minéralogie, dont ils sont les vrais fondateurs, n'étaient pas assurément des naturalistes ignares1? La foi grandit la science, et la science for- tifie la foi. Duquel des deux, de Monge et de Ber- tholet, dont l'un affectait l'irréligion et l'athéisme, et l'autre professait des croyances spiritualistes et chré- tiennes, Napoléon , ce géant de la victoire, aimait-il le plus à se rapprocher? Gahlée, qu'en intervertissant l'ordre chronologique, nous faisons ici paraître le dernier, n'eut quelques dé- mêlés, regretiables sans doute, avec le Saint-Office, mais qu'on a perfidement et à dessein exagérés, que parce qu'il voulait être par trop bon théologien. 11 est aujourd'hui prouvé, par les lettres de Gui- chardin et du marquis Nicolini , ambassadeurs de 1 Les traits qui élèvent et honorent la science , ne sauraient être assez connus. Geoffroy Saint-IIilaire est instruit, en août 171)2, qu'Hauy vient d'être jeté en prison. Après avoir obtenu, à force de démarches, la déli- vrance du savant vieillard, impatient, il vole, à dix heures du soir, le lui annoncer, et veut l'entrainer aussitôt avec lui. Impassible, l'abbé Ilaiiy embrasse avec effusion son élève, et lui observe qu'il est lard, que ses chers minéraux doivent cire mi; en ordre', et que le lendemain étant dimanche, il ne veut quitter la prison qu'après avoir rempli ses devoirs religieux. Que Pourcroy cùl suivi le noble exemple de Geoffroy Saint-Hilaire, et, n'en douton pas, ! ivoi ri |>.is mon le sur l'échalaud ! I.'JT Florcnce, amis et disciples protecteurs de Galilée ; par les lettres manuscrites et par les ouvrages de Ga- lilée lui-même, que depuis un siècle on en impose au public, au sujet du savant astronome. Les découvertes de Galilée ne pouvaient manquer de lui susciter des ennemis jaloux; son entêtement à vouloir concilier la Bible avec Copernic, lui donna des juges, et sa pétulence seule fut cause de ses cha- grins.— A son époque vivaient : Le Tasse, L'Arioste, Machiavel, lîembo, Toricelli, Guichardin, Fra-Paolo. En 1611, lors de son premier voyage à Rome, Galilée fut comblé d'honneurs par les cardinaux !., auxquels il montra ses découvertes. Il y retourna en 1615, comme accusé : sa seule présence déconcerta ses ac- cusateurs. Le cardinal del Monte et divers membres du Saint-Office, lui tracèrent le cercle de prudence dans lequel il devait se renfermer; mais son ardeur et sa vanité remportèrent. «Il exigea, dit Guichardin, dans ses dépêches du 4 mars 161 6, que le Pape et le Saint-Office, déclarassent que le système de Copernic 1 Le cardinal Thomas Cœsa , avant Galilée et Copernic, avait agité et défendu l'opinion de l'immobilité du soleil et du mouvement de la terre, dont l'invention revient à ces deux astronomes, qui Tout rectifiée et vul- garisée. Nous trouvons, dans les Questions lusculanes de Gicéron, que l'hon- neur de cette découverte doit revenir à Platon ou à Nicétas de Svracuse. D'autre part, Plutarque , de Plucit. Pliilosopk. , assure que Philolaùs de (>otone signala le premier le mouvement diurne de la terre sur son axe, et son mouvement annuel autour du soleil. Enfin, un siècle plus tard, Archimède, dans son livre de Numéro Arenœ, nous dit qu'Aristarque, de Samos, développa, en termes plus clairs et plus précis, le mouvement de notre planète. Ce système fit accuser son auteur, qui soutenait encore que le soleil est dix-neuf fois plus éloigné de la terre que la lune, de troubler le repos des dieux lares, et l'obligea à quitter sa patrie. Le Traite de la grandeur et de l'éloignement du soleil et de la lune ■ d'Ai'istarqne, l'astronome, rsi parvenu jusqu'à nous. 138 était fondé sur la Bible. » Paul V arrêta que cette controverse serait jugée par une congrégation. « Ga- lilée, ajoute Guichardin, met une extrême emporte- ment dans toute cette affaire; il fait plus de cas de son opinion que de celle de ses amis. » Rappelé à rlorence en juin 1616, il dit lui-même dans ses lettres : « La Congrégation a seulement décidé que «l'opinion du mouvement de la terre ne s'accorde «pas avec la Bible. Je ne suis pas intéressé petson- «nellement dans le décret.» Avant son départ, il eut une audience très-gracieuse du Pape : Bellarmain lui fit seulement la défense au nom du Saint-Siège, de reparler davantage de l'accord prétendu entre la Bible et Copernic, sans lui interdire aucune hypo- thèse astronomique. En 1632, sous le pontificat d'Urbain Vlil, qui conserva toute sa bienveillance à l'habile astronome, et adoucit autant qu'il le put les amertumes dont la haine et la jalousie l'abreuvèrent, Galilée imprima ses célèbres dialogues, avec une permission et approbation su pposées ; il fit réparai tre ses mémoires écrits en 1 61 6, où il s'efforçait d'ériger en question de dogme la rota- tion du globe sur son axe. «Il faut traiter celle af- « faire doucement, écrivait le marquis de INicohm, . 3t. ' Le Philosophe moraliste t i , |> 59 151 « Noue raison, dil à sou lour Bayle, n'est bonne qua former des doutes; à se tourner à droite et à gauche pour éterniser une dispute; à faire connaître à l'hom- me ses ténèbres et son impuissance, et la nécessité d'une révélation '. » «On ne peut nier que les anciens philosophes ne ufussent des esprits libres de toute préoccupation, u de tous préjugés, ayant fait d'avance bonne raison « de toutes les absurdités du paganisme, et même de « toutes les croyances populaires. On ne peut nier « qu'ils ne fussent des intelligences distinguées, ayant « fait de longues et de sérieuses études, ayant acquis «les connaissances les plus étendues; que plusieurs «d'entre eux, tels que Platon, Aristote, Zenon, Ci- «céron, lui même, ne fussent de véritables génies. «On peut donc sans scrupule les regarder, dans leur « ensemble, comme la raison humaine dans toute sa « liberté, dans toute sa puissance, dans les meilleures ■(Conditions possibles pour trouver la vérité. «Cependant, on a vu, que, placée dans des condi- « lions si heureuses, la raison humaine, par rapport « à Dieu, a été anthropomorphite, n'ayant jamais pu le «comprendre sans un corps; qu'elle lui a refusé les «attributs les plus essentiels; qu'elle a rendu sa di- «vinité commune a toutes les créatures, et avec le « monde tout entier; qu'elle ne s'est pas élevée au- « dessus des absurdités du polythéisme; que, à l'égard « de l'homme, elle n'a rien compris à sa nature, à son «âme, à ses devoirs, à sa fin dernière; en un mot, « on a vu que celte raison humaine n'a jamais pu « établir une seule vérité d'une manière claire et pré- 1 Dictionnaire philosophique (art, Manichéen, (>. 58.) 152 «cise, certaine, sans mélange d'erreurs; qu'au cou- «traire, elle a professé toutes les erreurs, tous les «vices, et, par là, détruit toutes les croyances, cor- « rompu les mœurs, ruiné la société. On a vu, enfin, « que celte raison humaine, livrée à elle même, après <> huit siècles de recherches, de disputes, de divisions, «s'est reniée elle-même, détruite elle-même, engouf- « frée dans l'abîme du doute universel, du scepti- « cisme absolu '. » Et d'abord, pour nous rendre compte de ces con- séquences inévitables de la raison humaine, il faut nous demander ce qu'est la raison? La raison est cette faculté de notre âme, en vertu de laquelle nous déduisons, nous coordonnons nos idées. Cette faculté se développe et se perfectionne par l'éducation. , Voyez comme elle suit les progrès de l'éducation dans l'enfance; comme elle reste imparfaite, obtuse, chez le sauvage, sa vie durant, et comme elle est réduite à néant , chez le sourd-muet privé d'édu- cation! « Tant que la raison n'a pas été fécondée par la «parole et par l'idée, elle est à l'état de pure puis- sance, de puissance inerte; elle est ensevelie dans « une léthargie profonde. Mais dès que l'homme a «reçu de la société le don extérieur de la parole, « et qu'il a perçu le sens des mots par l'illumination «intérieure de l'idée, aussitôt sa raison entre en acti- « vite, et développe toutes ses facultés2.» L'instruction développe donc, et agrandit la sphère 1 Conférences du père Ventura (Raison philosophique et raison catholique), 1. 1, 1 85 1 , p. 58. — Voir encore, à ce sujet, Thêodicée chrétienne, M\ret, p. 1 54. - Thêodicée chrétienne, par M. l'abbé Mahi.t, I"- le<;oii , p. •'«. 153 d'activité de notre raison; mais, l'instruction nous vient d'une source divine ou d'une source humaine. Si l'instruction découle de la révélation divine, elle amène à la vérité qui émane de Dieu , — seule vérité éternelle. Prœceptum Dornini lucidum illuminans ocu- los1. Si, au contraire, elle provient de l'homme, elle conduit droit à l'erreur, l'homme, par sa nature, étant mensonge et f'aillibilité. Quoniam diminutœ sunt vcritatcs à fillis hominum, non est in ore eorum veritas - . La raison chrétienne, qui s'inspire de la parole de Dieu, est, par cela même, la seule qui donne la lu- mière et la vérité. Voyez saint i\ugustin, ce génie perçant, le plus étendu et le plus actif, qui, pendant de nombreuses années s'applique à la recherche de la vérité, et qui, landis qu'il veut tout voir, tout comprendre, tout soumettre à son jugement, ne peut parvenir qu'à l'incertitude complète. Flottant à tout vent de doc- trines; passant perpétuellement d'une opinion à une autre, sans jamais sortir du doute, il ne trouve, enfin, le repos d'esprit, que dans une pleine obéissance à l'Eglise, qui commande la foi et fait taire la raison3. Ce n'est pas que la foi et l'Eglise interdisent le raison- nement et les procédés de la philosophie rationnelle; loin de là , elles appliquent, au contraire, aux vérités accessibles à la démonstration, le principe de l'iden- tité et de la contradiction; et l'une et l'autre applau- dissent à tous nos efforts, lorsque nous cherchons, à l'aide de notre raison, à nous comprendre nous-mêmes et à nous élever vers notre auteur. 1 Psaume de David • >, vers 10. 2 Psaume de David 'i. vers. 10. 1 I.'. Mennais, préfacedes Confessions r/. ^. iugustin, ir.de M. deSt-Victor. 154 Depuis noire déchéance, mélange bizarre de fai- blesse el de grandeur, d'intelligence el d'obscurité, privés de notre perfection première, Dieu, au lieu d'avoir «écrit au fond de notre cœur ce qu'il faut que nous fassions, » nous le fait dire par autrui. Si la vérité était gravée dans notre cœur, pourquoi alors, à chaque instant, Terreur et le mensonge viennent - ils en occuper la place? est-ce que par hasard ils y seraient aussi gravés à leur tour? Les vérités, même naturelles, ont besoin deire enseignées pour être mises convenablement en pra- tique Fides ex audilu : quomodo credent in quem non au die nt ' ? La raison païenne la mieux éclairée, a-elle jamais pu comprendre le Dieu des Chrétiens? et l'idolâtre, livré à lui même, changerait-il spontanément de culte ? Sans les lumières du christianisme, nous pouvons sans doute arriver à une certaine connaissance de Dieu -, mais il nous est interdit de pouvoir parvenir, par nous-mêmes, à une notion parfaite de son être, el à la connaissance des rapports qui lient le monde à son créateur. L'idée de Dieu est toui-à-fait primitive dans notre raison: elle en est un des éléments intégrants; elle nous a été donnée par la révélation primitive et naturelle, qui Ta constituée-, mais celle idée ne se développe dans l'homme que par le secours de fac- tion sociale, par l'exciiation de l'enseignement et de la parole "2. Nous ne savons rien, dit saint Augustin, que par 1 S. Puni , ad Romanos , cap. \, vers, t i et 17. 2 Muni i Th ■ tiemie 155 Je témoignage des autres; et les principes qui prési- dent à tous nos jugements moraux, sont loin d'être un produit de notre raison '. Incarcérez, par exemple, dès leur naissance, Aris- tote, Platon, MM. Cousin, Jules Simon, Damiron, Saisseï, etc.; laissez-les complètement isolés du monde extérieur, jusqu'à leur maturité parfaite : à cette épo- que de leur vie, essayez leurs facultés d'analyse et de déduction, et sachez me faire connaître leur force de logique; parlez-moi de leur raison. Dites-moi, franchement, si vous ne trouvez pas en eux autant de Gaspard Hauser, qui, n'ayant eu aucun rapport avec leurs semblables, n'ont appris à parler ni à exercer leurs sens, et ne savent distinguer ni les objets m les idées, et par conséquent n'ont ni jugement ni raisonnement, effet dont nos philosophes nous four- nissent une si grande et remarquable preuve. La raison de Laura Bridgeman, l'aveugle-sourde- muette de Boston, dont M. Ampère nous a donné l'histoire intéressante, aurait-elle donc pu se produire sans le docteur Lowe et sa clame, qui, par un prodige dedévoûment et de patience, sont parvenus à replacer à son rang d'être intelligent, l'infortunée qui, sans l'é- ducation qu'elle leur doit par le tact, n'eût jamais pu être mise en communication avec ses semblables2 ? Qu'était cette faculté, chez la plupart des grands Pères de l'Église, avant qu'elle ne se fût enfin reposée en Dieu? Que saint Paul, que saint Augustin nous répondent! A cet égard, pouvons-nous voir rien de plus instructif et de plus touchant que la lecture 1 Confessions de S. Augustin, liv. i, ebap. un : el De Libero-Arbitro, lib 11, ■ap. VIII, X, XI, Ml, et XII,. 2 Revue des Deux-Mondes , I ."i janvier 1852 156 des confessions de ce dernier, dans lesquelles il con- signe ses erreurs, ses doutes, ses anxiétés, ses inquié- tudes, et les tourments d'une raison livrée à elle- même, cherchant partout le vrai et le bien et ne les trouvant nulle part ! La raison humaine n'est pas une lumière, mais un flambeau qu'il convient d'allumer, afin qu'il éclaire. C'est le bloc de marbre brut, qui attend le ciseau pour fournir l'Apollon du Belvédère ou la Vénusde Médicis. Dans notre état de dégradation , notre raison ou notre intellect, que je n'en sépare pas, comprend peu de chose sans images : Intellectus noster secundum statumprœsentcm,nihll intelligit sine phantasmate l . Nos idées, même les plus simples, doivent encore beau- coup à l'éducation, puisqu'elles lui doivent les signes qui les expriment, et qui servent à les réveiller en nous, le signe ou mot sans lequel nous ne saurions les exprimer. Pouvez-vous bien laisser la raison sans guide, lors- que Cicéron nous fait l'aveu «que la nature nous a traité en marâtre plutôt qu'en mère, et que l'esprit divin, qui est en nous, est comme étouffé par les pen- chants qu'elle nous a donnés pour les vices2?» Nous connaissons le bien, nous l'approuvons, et pourquoi donc faisons-nous le mal ? Nous entretenant de ce qu'il importe le plus à l'homme de savoir, Platon observe « que ces choses s'appreunent aisément si quelqu'un nous les enseigne, el personne ne nous les enseigne, à moins que Dieu ne lui en montre la route 3. » 1 S. Thnm.. Summa adv. geniiles , 1 . ni, c, xu. — Il est ici principalement question des choses sensibles. 2 De Officiis , lib. m , cap. v. ?' Kpin., t. i\, p 2."iS. 157 Sij « pour s'affranchir de l'erreur», dites-vous, « il faut être philosophe » , vous convenez « qu'il faut être à la fois philosophe et chrétien pour posséder toute la vérité '. » Grégoire XVI veut, nous le savons, que « la force naturelle de notre raison nous conduise jusqu'au sanc- tuaire de la vérité-, mais, à la foi seule », ohserve-t-il, « il appartient de nous y introduire2. » Et cette foi ne suffit-elle pas seule pour suppléer la plus forte raison7? Nous ne voulons pas comprendre que, dans notre vie civilisée, 1 éducation commence au sortir du sein ma- ternel. Familiarisés, dès le herceau, avec les vérités éternelles, nous ne réfléchissons pas, plus tard, que jamais nous ne les eussions connues, si elles n'étaient entrées de bonne heure dans notre mémoire. Est-ce que, grands philosophes, nous nous doutons d'avoir appris les principes les plus augustes de la plus saine morale et de la meilleure philosophie dans ce petit livre, le précieux catéchisme, que nous ne feuilletons que très-petits enfants? En lisant La Mennais, qui ne s'aperçoit bientôt que le fécond écrivain ne s'élève bien haut et ne parle admirablement, que lorsqu'il s'inspire de nos doc- trines chrétiennes! qu'il s'égare et tombe, aussitôt qu'il ne subit plus l'influence du milieu dans lequel il a vécu tout d'abord ! 1 Saisset, Philosophie de saint Augustin , Revue des Veux Mondes , i. x, p. 885. 2 Journal historique de liège , 4 850, livr. cxuv, p. -172. 3 Summa adv. gent. , lih. i, cap. îv : « Salubriter ergb divina providit « clemeutia , ut ea etiam quae ratio investigare potest, fide tenenda prseci- « peret, utsicomnes de faeili possent divinœ cogitationis participes esse, et « absque dubitatione et errore. » 158 Descartes, resté toujours chrétien sincère cl soumis en dépit de sa méthode, veut, il est vrai, ne rien devoir, dans l'ordre des idées qu'il nomme naturelles, qu'à la raison et à l'évidence. Mais, peut-il, cependant', échapper à la puissance de la révélation divine qui l'entraîne et le subjugue toujours? La raison de nos rationalistes fait-elle encore autre chose que de nous enseigner ce qu'elle a appris et retiré d'ailleurs? Hegel, voyant sa doctrine importée en France, demande à M. Cousin : « S'il croit avoir conçu ce qu'il tient de lui1. » Mais notre philosophe allemand devrait alors déclarer, à son tour, qu'il est le disciple de Schelling, qui a puisé chez Parménide, lequel avait pillé Zénophante, plagiaire de Vyasa. Voilà en quoi consistent les progrès de la raison et les conquêtes philosophiques. Cependant, dans un fol orgueil, nous cherchons à substituer à l'autorité et à la tradition sacrées, les lumières vaines de celte raison, afin de pouvoir, sans autre secours qu'elle, nous tracer à nous-mêmes notre règle et notre loi. Malheureuse prétention d'un moine apostat, qui nous a conduit à des théories néfastes, vraie boîte de Pan- dore, d'où est sorti le libre examen, cet esprit d'in- dépendance et d'opposition, cette lave perfide qui ne tendrait à rien moins qu'à nous conduire à une nouvelle barbarie! <• Si la réforme, à son origine, eût obtenu un plein «succès, elle aurait établi, du moins pendant quel- aque temps, une autre espèce de vandalisme. i Lettre d'un Berlinois à M. L'Herminier. Le système d'Hegel est au fond le même que celui de Schelling , c'est-à-dire la théorie de l'absolu ou le néant. Il est vrai de due que M. Cousin avoue les emprunts qu'il a faits à nos deux philosophes allemands.. (Voir Fragments philosophiques , p. 29.) 159 « Il y a trois siècles que le protestantisme est né : «il est puissant en Angleterre, en Allemagne, en (Amérique; il est pratiqué par des millions d'hom- «mes. Qu'a-t-il élevé? Il nous montrera des ruines «fumantes, parmi lesquelles il a planté quelques «jardins ou établi quelques manufactures! Hebelle à «l'autorité des traditions, à l'expérience des âges, à (d'antique sagesse des vieillards, le protestantisme «se détache du passé pour planter une société sans «racines. Avouant pour père un moine allemand, «le réformé renonce à la magnifique généalogie qui «fait remonter le culte catholique, par une suite de «saints et de grands hommes, jusqu'à Jésus-Christ, et «de là, jusqu'aux patriarches et au berceau de l'uni- « vers. Le siècle protestant dénia, à sa première heure, « toute parenté avec le siècle de ce saint Léon-le- « Grand (452), protecteur du monde civilisé contre «Attila, et avec le siècle de cet autre Léon X qui, «mettant fin au monde barbare, embellit la société «lorsqu'il n'était plus nécessaire de la défendre ». » ' Digne fils de la réforme, le rationalisme ou l'éclec- tisme, cette transformation des doctrines modernes qui ont succédé à l'hérésie, se pose fièrement en France. Le bien qu'il a fait, les services qu'il a ren- dus, se résument dans ces deux dates : 1830 et 1848. Principe de toutes nos théories mensongères et sub- versives , par deux fois il a mis notre société en danger. 11 serait temps, enfin, qu'on ne décorât plus du nom de progrès cette négation de la foi chrétienne qui, sous des replâtrages nouveaux, ne nous donne 1 Chateaubriand. Éludes historiques, t. n. François Ier, p. 274. KiO que des aberrations mentales qui, à toutes les épo- ques, ont travaillé l'esprit humain! Le progrès, dans sa plus baute expression, est la plus éclatante manifestation de la vérité ; il est le reflet de Dieu même. Hors de la voie du vrai et du beau, il n'est que l'épaississement des ténèbi'es humaines; Aussi, lorsque Dieu veut châtier les nations civi- lisées, il livre les intelligences à la tyrannie des sa- vants sans conscience; il laisse se réaliser, entre le génie et la perversité , ces unions désastreuses qui préparent, dans le luxe d'un faux savoir, la décadence de la pensée; il fait tomber, comme les sauterelles sur l'Egypte flagellée, des nuées de philosophes mé- chants et des lettrés vicieux, hommes à esprit faux et au cœur perverti, demi-savants d'une corruption parfaite. Il est pitoyable de voir les libres-penseurs, après s'être affranchis de l'empire divin, plier servilement en esclaves sous le despotisme du sens privé, et éri- ger, en loi générale de la conscience et de la société, l'inspiration humaine, sans se douter qu'ils donnent de la sorte, au fanatisme et à l'erreur, une autorité aveugle qui peut consacrer toutes les visions et léga- liser tous les forfaits. L'impérieuse nécessité d'une révélation, pour re- dresser nos penchants et nos vices et l'obscurité de notre raison, nous la voyons reconnue par tous les vrais philosophes. Si le scepticisme de Montaigne s'applique à tout; s'il laisse ses lecteurs dans une perpétuelle indécision sur ce qu'ils doivent croire et penser, c'est qu'il con- naît, lui, la faiblesse de la raison, et que son esprit doute des jugements et des sentiments humains. J61 « Montaigne doute, pane qu'il se défie de iui- «ruêrne; mais non parce qu?il ne croit pas à l'exis- tence de la vérité. Pour la connaître, ce n'est pas «à la raison qu'il s'en rapporte , mais à Y autorité et à « la raison divines, qui nous règlent et qui ont leur rang «au dessus de nos vaines et humaines contestations?. «Nous sommes nés à quester la vérité, dit-il ; il ap- « partient de la posséder complète à une plus grande « puissance. Ceux-là se sont donné beau jeu en notre « temps, qui ont essayé de choquer la vérité de notre «Eglise par les vices des ministres d'icelle; elle lire «ses témoignages d'ailleurs"2. « Les nombreux points d'analogie qui existent et qu'il est facile de faire ressortir, entre les philosophes anciens et la sainte Bible , en établissant l'impuissance de leur faible raison et de leurs propres forces sont une preuve matérielle des emprunts incomplets qui lui ont été faits. 11 n'est pas jusqu'à cette théologie mystique des Grecs, mi*e en vers, les odes, la poésie épique en l'honneur des héros, qui n'aient été ins- pirées aux sages par les cantiques de Moïse, de Job et de David. C'est aux Hébreux que l'Egypte, la Grèce, avaient emprunté ce style figuré et hardi dont la grâce et l'harmonie, le suave et le sublime charment l'oreille en remuant profondément le cœur et en s'im primant plus aisément dans la mémoire par la cadence et la mesure des vers"5. Si nous avions voulu nous étendre, nous aurions pu prouver que tous les préceptes de morale et de 1 Edouard Mennkchet. - Montaigne, \>. M'ô et 182. •( « Ipse fuit pater canenliuiu citharà et or (ju no » , dit lu Genèse c iv \. 27 , m suj.'t de Jubal , lils de Lantech. Il Î62 théologie qui surgissent au milieu de la corruption et de la folie des profanes, retrouveni leur pureté première et leur enchaînement dans la lettre de notre Bible, fond mystérieux et divin d'où émane la sagesse humaine, comme les rameaux d'un arbre s'élancent du tronc qui leur fournit la sève et les nourrit. Tous les fameux ouvrages, dépôt tant vanté des doctrines sacrées des Indiens, des Chinois, pâle et informe copie du christianisme; ces zodiaques de Denderach et d'Esnech, dont on a fait grand bruit et auxquels l'ignorance donnait une origine des plus reculées, lui sont non-seulement postérieurs, mais la science des Champollion jeune et des, Letronne a prouvé que l'un a été fait dans le viie siècle, avant 1ère vulgaire, et l'autre 1500 ans avant notre ère. Le portique sur lequel figure le premier, porte le nom de Tibère, et a été construit sous cet empereur. Par la savante explication des hiéroglyphes qu'il en a donnée , M. Champollion a prouvé que le second avait été sculpté sous Néron. Le fameux Sanchonialhon, l'historien de la Phéni- cie dont nous devons la citation d'un fragment à Porphyre, ne remonte pas au-delà de la guerre de Troie, et aurait copié Moïse'. Bérose, qui a écrit l'histoire de la Chaldée, vivait du temps d'Alexandre- le-Grand ; Manéthon de Diospolis, l'historien de l'E- gypte, était contemporain de Ptolémée Philadelphe; Zoroastre, que revendiquent les f*erses, aurait éié au service du prophète Daniel ou d'Esdras, et remonte à l'époque de Darius, fils d'Hyslaspe8 ; enfin Confucius, le législateur chinois, écrivait 470 ans av N.-S. J.-C. ' IliF.T, Démonstration évang., prop. 4, secC. 7- - Encyclopédie (art. Perse) t. \\v, p. 454. 163 Oui, nos livres révélés sou ! le premier canevas, l'archétype, l'original des dogmes vantés de l'antiquité païenne, puisque ces dogmes, suivant leur plus ou moins de bonté, n'en sont que la copie assez peu fidèle. Ainsi nos rationalistes et nos sceptiques modernes à leur insu et contre leur attente sans doute, rendent à ces livres le plus beau, le plus éclatant de tous les témoignages; car, laissant à part leur vérité spirituelle et révélée, nous les voyons coïncider avec les pré- ceptes qui, dans leurs écrits, constituent la beauté et la bonté du monde moral. En nous résumant, nous soutiendrons donc que les vérités essentielles qui constituent la famille et la société , et qui seules peuvent contribuer à notre félicité sur la terre et à nous enseigner nos futures destinées, sont toutes des plagiats faits à nos livres révélés. CHAPITRE II Mundum tradidit disputa tioni eorum. Livré à nos investigations et à nos expériences, le monde pbysique semble se prêter merveilleusement à la tendance vers la perfection ; mais, malgré le génie inventif qui caractérise l'époque, il n'en est pas moins vrai, qu'à part quelques exceptions, les siècles passés revendiquent encore dans ce monde, avec juste raison, le plus grand nombre de nos découvertes modernes. C'est toujours en remontant l'éctielle du passé, que nous trouvons le progrès réel; et, si l'antithèse est permise, nous dirons que c'est en reculant que nous avançons. 161 Et d'abord, par un bienfait de la sagesse provi- dentielle, Dieu a, de bonne heure ei de tout temps, inspiré à l'homme ce qu'il lui importe le plus de savoir pour son bien-être matériel et sa conservation. « 11 est une certaine mesure de connaissances que nous «avons acquises de bonne heure, et à laquelle nous « ne pouvons rien ajouter, et que nous ne dépassons «guère, si nous les dépassons. (Fontenelee.) » Si, dans le monde ancien, nous ne voyons pas des chemins de fer, des télégraphes électriques, c'est bien l'antiquité f qui nous a donné la connaissance de la force de la vapeur d'eau, et de tout le profit que nous pouvons en retirer. Hiéron, ami des sciences et d'Arehimède, qui vivait 225 ans avant Jésus Christ, savait très-bien que l'eau, convertie en vapeur, à l'aide de la chaleur, dans un éolipyle, pouvait parfaitement élever en l'air, et l'y soutenir, une boule creuse, placée sur l'orifice d'un tube adapté au cou de cet instrument. On rapporte que les prêtres des anciens Teutons, em- ployaient la vapeur pour épouvanter le peuple. Au milieu de leurs cérémonies, il arrivait, quelquefois, que la statue de leur dieu s'enveloppait d'une épaisse fumée, et laissait entendre, avec grand fracas, une forte détonation. La découverte de la statue a donné la clef du prodige : elle était creuse, et renfermait une espèce d'appareil , propre à échauffer l'eau , et à la réduire en gaz. Les Grecs, les Romains, attribuaient à la vaporisation subite d'une masse considérable d'eau , les détonations et les commotions terrestres. 1 Les anciens, afin «le soulager leurs attelages et faciliter la rapidité du transport de leurs marchandises , pratiquaient, dans leurs routes, des ornières plaies eu pierre , sur lesquelles passaient les roues de leurs chars. (Voir Euclyde, Xénophon, Pline, Tacite, il. 165 «Nos connaissances, dil Çuvier, nous soni lians- « mises par la parole , fécondées par la méditation, «appliquées à nos besoins; elles nous onl donné nos «ans. La parole ei l'écriture, en conservant les con- « naissances acquises, sont, pour nous, une source de « perfeciionnemcnl indéfini. C'est aiusi que nous nous «sommes fait des idées, et que nous avons lire parti « de la nature entière.» Ces lignes de Cuvier, toutes vraies qu'elles sont, contiennent cependant quelques exagérations. Notre perfection trouve assurément des limites, restreinte qu'elle est par la faiblesse de nos organes; et dans l'ordre de la nature, comme dans celui des sciences et des arts, des bornes nous sont posées. En tout, nous trouvons un hue usquè ventes! Consultez l'bis- loire de l'humanité, vous apprendrez bientôt que, de tout temps, l'homme roule dans un cercle en quelque sorte tracé et à peu près uniforme , et , qu'après avoir fourni une certaine carrière, son esprit revient constamment sur ses propres pas. Tour à tour, vous voyez la grandeur et la prépon- dérance des peuples croître et diminuer, et lés na- tions les plus prospères briller d'abord, pour s'éteindre ensuite et ne plus reprendre leur antique splendeur. Le sol si fortuné de l'ancienne Egypte, aujourd'hui infect et désert, nourrit à peine quelques descen- dants tristes et étiolés de celle nation opulente et civilisatrice, qui nous a laissé tant de monuments grandioses et éternels! L'Italie, la Grèce, les côtes septentrionales de l'Afrique, florissantes ei domina- trices jadis, sont actuellement dégradées et esclaves. A leur place, au nord de l'Europe et de l'Améri- que, s'élèvent do générations nouvelles, qui se sont 166 approprié les avantages que possédaient les peuples méridionaux d'autrefois. Nous pouvons prévoir déjà le jour où, achevant de faire le tour du monde, après avoir successivement resplendi en Asie , en Afrique et en Europe, la civilisation concentrera ses lumières et son action sur le continent vierge de l'Amérique, où l'aurore de la liberté, fécondée par- le principe chrétien, pourrait produire le germe d'un nouvel étal politique et moral, et imprimera la pensée humaine un élan prodigieux. Les Améri- cains nous devancent toujours dans la vulgarisation de nos découvertes, et leur application aux arts et à l'industrie. Chemins de fer, télégraphe électrique, éthérisation , tout cela n'arrive à Londres et à Paris qu'après être passé par New- York et Philadelphie. En preuve des connaissances que possédaient les anciens dans notre physique moderne, nous choisi- rons l'exemple lburni par Archimède et les architectes du temple de Salomon. D'après les expériences de Buffon, et contradic- toirement à l'opinion de Descartes , il est prouvé qu'Archimède a pu parfaitement incendier la flotte de Marcellus, qui assiégeait Syracuse. A cet effet , l'illustre géomètre aurait employé plusieurs miroirs plans, dont la réunion formait un miroir polygone. A l'aide de charnières qui unissaient, entre eux ces miroirs, il pouvait leur faire présenter tel angle voulu, et leur faire facilement projeter à tous, vers un point déterminé, l'image solaire '. C'est de la sorte que le miroir ardent d'Archimède lemporle encore aujourdhui sur ceux de Seplala , 1 Mémoire de l'Académie . 207. 107 de Villette el de Tschimhausen , qui sont les plus célèbres que nous connaissons en diuptrique. « Le temple de Jérusalem exista depuis Salomon «jusqu'à l'an 70 de Jésus-Christ, qui fait un inler- « valle de plus de mille ans. Ce temple, par sa situa- tion, était complètement exposé aux orages très- « forls, et très-fréquents dans la Palestine. Cependant, « la Bible et Josèphe ne disent pas que la foudre lait « jamais frappé. Si Ton se rappelle avec quel soin les «anciens peuples enregistraient les tonnerres qui «produisaient quelques dégâts; combien de fois, «par exemple, les annales de Home font mention «de ceux qui atteignirent le Capitule, on ne pourra « guère expliquer le silence de l'Ecriture Sainte à ce « sujet, qu'en admettant avec l'orientaliste Michaëlis, «que le temple de Jérusalem ne reçut pas, en dix usiècles, un seul coup véritablement foudroyant. «Le fait une fois bien établi, nous devons, à la «suite de Michaëlis el de Lichlengerg, en chercher «la cause; cette cause est simple : « Par une circonstance fortuite, le temple de Jet u- « salem se trouvait arme de paratonnerres semblables «à ceux que nous employons aujourd'hui, et dont la «découverte appartient à Franklin. Le toit du tem- «ple, construit à l'italienne et lambrissé en bois de «cèdre recouvert d'une dorure épaisse, était garni, « d'un boula l'autre, de longues lancesde fer ou d acier « pointues el dorées. Au dire de Josèphe, l'architecte «destinait ces nombreuses pointes à empêcher les « oiseaux de se placer sur le toit et d'y laisser tomber « leur fiente. Les faces du monument étaient aussi «recouvertes, dans touie leur étendue, de bois «fortement doré; enfin, sous le parvis du temple 168 « existaient des citernes, dans lesquelles I eau du toit (i se rendait par des tuyaux métalliques. ((Nous trouvons ici les tiges des paratonnerres, et « une telle surabondance de conducteurs, que Lish- « tenberg avait raison d'assurer que la dixième partie « des appareils de nos jours sont loin d'offrir, dans «leur construction, une réunion de circonstances « aussi satisfaisantes '. » Si nous ne savions pas que Salomon, TAristote de son temps, était très-versé en histoire naturelle; qu'il écrivit des traités sur toutes les plantes, depuis le cèdre du Liban jusqu'à l'hysope , sur tous les qua- drupèdes, les volatilles et les poissons; que ses nom- breux vaisseaux sillonnaient tontes les mers, traçant des routes inconnues2, nous croirions que ces longues lances de fer ou d acier dorées que nous montre Arago, 1 Annuaire du Bureau des longitudes , I STi(> (Abag».] - Lorsque nous voyons les vaisseaux de Salomon voguer au large dans la mer, et que nous savons que, sous Néchao , roi d'Egypte, les Phéniciens firent le lour de l'Afrique, en partant de la Mer-Rouge, nous sommes à nous demander si l'invention de la boussole ne remonte pas à une époque plus reculée que celle que nous lui assignons. Et d'abord, la propriété de l'aimant a été connue de tout temps. Pline en attribue la découverte à un prêtre d'Apollon. Gnyol de Provins, vieux poète du XIIe siècle, nous apprend ensuite que dès 1161 , bien avant, par conséquent, Flavio (iioia, nos pilotes français faisaient usage d'une aiguille frottée sur une pierre qu'ils appelaient la marine tic, et qui, placée sur de la paille ou du li'ge, à la surface de l'eau, servait à régler la marche du vais- seau parles temps nébuleux. De l'aiguille aimantée placée sur du liège, à cette même aiguille suspen- due à un pivot par son milieu, afin qu'elle se balance en liberté et puisse suivre sa tendance à se porter vers le pôle, il n'v avait qu'un pas à faire, et peu de chose plus tard pour atteindre le perfectionnement donné au support et à l'ensemble qui constituent la boussole telle que nous la possédons au- jourd'hui. Dès que le premier pas est fait dans une découverte, la route s'élargit et devient aisée à perfectionner'. étaient sur le faite tlu lemple de Jérusalem dans le but que l'historien Josèphe indique ; niais, jusqu'à preuve du contraire, nous soutiendrons que l'archi- tecte du temple les avait placées sur l'édifice bien tout exprès pour le mettre à l'abri de la foudre. Numa, les Scythes, ne savaient-ils pas conjurer les décharges électriques ? Far quel moyen? la science ne nous l'a pas encore dévoilé. Par suite de l'obscurité qui entoure le berceau de toutes nos sciences, nos idées fausses et étroites nous font regarder comme exclusivement scientifiques nos méthodes actuelles, et s'opposent à une juste appré- ciation du passé. Ces idées disparaîtraient si nous avions une histoire judicieuse de la science. De toutes paris des recherches d érudition amènent à constater chez les anciens un savoir beaucoup plus étendu et plus profond que celui qu'on leur accorde commu- nément. Plus nous éludions la science en général, plus nous avons occasion d'admirer celle des anciens. Leurs assertions, regardées autrefois comme gratuites et frivoles, oni actuellement, pour la plupart, acquis le poidi; d'une démonstration positive1. Des faits sur- prenants pour notre présomption , et qui seraient pleins de lumière pour une science, plus avancée (pie la nôtre, pourraient être cités, et nous engage- raient à estimer davantage un passé dont, jusqu'à présent, nous avons fait trop bon marché. Quand nous reconnaîtrons que les généralisations les plus hautes auxquelles la science actuelle est arri- vée par ses méthodes et ses instruments perfectionnés, 1 Anaximène a dit : « Tout vient de l'air, tout y retourne: les animaux, « les plantes en tirent leur origine. » Nous vendus plus loin que M. Humas, employant !es propres expressions d'Anaxiiiiène, nous répète !:i même chose. 170 étaient comprises par les anciens, nous devrons con- venir qu'il est , pour atteindre les grandes vérités scientifiques, une autre voie que celle que nous nous approprions, d'autres méthodes que les noires, d'autres instruments que ceux que nous possédons. Loin d'atténuer la valeur de la science moderne, une recherche de ce genre viendra, au contraire, lui apporter plus d'éclat, en la confirmant et en élevant ses résultats au rang d'effets nécessaires à une cause inhérente à l'esprit humain. De même que, dans la nature, les éléments sont toujours analogues, les conceptions de l'homme sont constamment identiques. De même que, dans un être donné, son développement, et, dans l'ensemble des êtres, leur variété, consistent dans les différentes formes que revêtent successivement les mêmes élé- ments , le progrès de la science gît dans les différentes formes sous lesquelles s'expriment des conceptions toujours et successivement identiques. Ainsi, on constatera, sous la mobilité de son expression, l'uni- formité d'essence de la vérité dans la science. Et par cela qu'il sera avéré que les vérités der- nières de notre science étaient connues dès l'origine du monde, il sera constant que la méthode que nous considérons comme exclusivement scientifique, n'est qu'une variété, qu'une forme particulière d'une mé- thode générale, dont le développement suit la même loi que la marche de l'esprit humain. Rappelé alors par l'histoire au souvenir de soi-même, que le maté- rialisme scientifique a plongé dans un si étrange oubli, l'homme d'étude sentira que notre science du jour ne s'adresse qu'à l'un des éléments de notre esprit, sans remonter à sa véritable source. Les choses ont un 171 aulre sens qu'un sens mathématique absolu ; elles sont relatives, divines; elles ne sont pas subjectives, mais objectives '. La nature ne nous présente pas seulement des faits et des lois; elle nous découvre une intelligence suprême, qui domine ces faits et ces lois. Lorsque nous aurons assez de philosophie pour comprendre cette vérité, nous pourrons hardi- ment aborder nos traditions religieuses, et traduire, en langage scientifique, les leçons sublimes que nous y puiserons. Alors seulement l'histoire de la science sera complète, et nous la verrons remonter bien au- delà des Aristote et des Théophraste, pour atteindre aux Moïse, aux David, aux Salomon. ((Aucune nation, en effet, ne fut plus générale- ciment versée, en aucun temps, dans les connais- sances naturelles que les Juifs, dont la religion, (i les préceptes, le culte et les rites, l'enseignement, «les paraboles, les prophéties et les cantiques, n'é- « taient que des études ou des peintures des œuvres « de Dieu. «L'esprit d'observation, de comparaison, de classi- «ncation, de dénombrement, de description et de «nomenclature, formait le caractère distinctif des «Hébreux. L'Ancien Testament en est une démons- »• tration incontestable, surtout dans sa partie histo- « rique, généalogique et léviiique. L'Evangile, lni- « même , depuis les paraboles de Notre Seigneur, «jusqu'à la zoologie apocalyptique, dirige l'attention « du lecteur sur les éludes de la nature'2. » 1 Objectif, i|ui dépend d'une cause externe; subjectif, qui trouve en soi ses moyens d'existence. Dieu seul est subjectif. 2 A. De HiMnouuc. Analyse de l'ouvrage de M. t'Iourcns sur In longévité humaine, janvier IX~>7 17:2 CHAPITRE III THÉORIE DE LA FORMATION DE LA TERRE DAPRÈS LA SCIENCE. SA CONCORDANCE AVEC LA GENÈSE. A l'aspect du vaste univers mu par les lois mathé- matiques les plus rigoureuses, et par l'harmonie précise des rapports-, à cet admirable et prodigieux équilibre des corps célestes, réglé en raison de leur volume et de leur pesanteur relative, quel est Tin- sensé qui oserait douter que le ciel et la terre ne sont pas l'œuvre de la sagesse et de la puissance infinies, ne sont pas l'œuvre de Dieu : In principio creavit De us cœlum et terrain. La supposition d'une gravité innée, essentielle à la matière et indépendante de la libéralité de Dieu, telle qu'un corps puisse agir à distance sur un autre, est une si monstrueuse absurdité, que Newton écrivait, le M février 1693, au docteur Bentley : « Qu'il ne " lettre. 173 eussent été créés solides, ils auraient pu recevoir une forme quelconque, et nous les verrions encore aujourd'hui avec leur forme originelle.* Un corps cubique, par exemple, serait bien resté le même, nonobstant son agitation dans l'espace depuis des milliers d'années. La physique constate que toutes les molécules qui composent un liquide, s'attirent réciproquement pour former une masse qui prend bientôt la forme ellip soide, forme qu'affecte un fluide lorsqu'il est soumis à une rapide rotation. On sait que les gouttes de pluie tombent sous forme de pois. Or, les molécules d'un liquide étant ténues, se meuvent et se marient facilement. Si nous supposons donc un instant qu'un liquide ail affecté la forme ovale, il présentera à la longue, nul obstacle ne si opposant , celle d'une boule légèrement aplatie, figure d'équilibre correspondant à toutes les forces qui la sollicitent. Les molécules qui forment la colonne, appuyées sur les extrémités de l'o- vale , plus nombreuses que celles qui forment une colonne transversale, s'attireront réciproquement avec une intensité suffisante pour forcer les molécules laté- rales à s'écarter C'est à l'aide de cette simple explica- tion que l'on comprend la forme de la terre : une sphère aplatie vers les pôles et renflée vers l'équateur'. 1 On sait tjue M. Plateau, célèbre physicien de fiand , a confirmé ce fait par une expérience fort ingénieuse. H a fait habilement flotter une grosse boule d'huile dans un mélange d'eau et d'alcool. Cette boule était soutenue par le mélange en question comme si elle eût été dans l'air, sans appui et sans pesanteur. Faisant ensuite tourner le vase qui la contenait avec |(- liquide environnant , il voyait la boule d'huile s'aplatir légèrement comme la Terre et Mars, lorsque le mouvement imprimé était faible; mais, avec une vitesse de rotation plus considérable, l'aplatissement était égal , supé- rieur même à l'aplatissement de Jupiter et de Saturne. 174 En supposant que la lerre a élé originairement liquide , comme l'établit la Genèse , CSpiritus Dci fcrebatur super aquas'J, l'effet tle la force centri- fuge, par suite de la rotation du globe sur son o" > pa axe, a dû nécessairement lui imprimer la forme que nous lui connaissons. Ainsi se comprend la fluidité primitive de notre planète, puis sa so- lidification par suite de son refroidissement suc- cessif. La cause de l'accroissement de la chaleur (un degré par 30 mètres environ) qui s'observe en tout lieu, à mesure qu'on pénètre dans l'intérieur du globe, ne saurait être qu'une chaleur d'origine. La lerre, comme l'entend l'école plutonienne, comme le voulaient déjà Descartes et Leibnitz, mais les uns et les autres, il faut en convenir, sans preuves suf- fisantes, est devenue aujourd'hui définitivement, d'après notre immortel Arago, « un soleil encroûté «dont la haute température pourra être hardiment « invoquée toutes les fois que l'explication des phé- « nomènes géologiques l'exigera2.» On présume qu'à 2.700 mètres, c'est-à-dire à un peu plus d'une demi-lieue environ, doit régner au sein de la terre la température de l'eau bouillante; à 7.500 mètres ou près de trois lieues, le plomb doit demeurer fondu -, à 10 myriamètres (20 lieues), la plupart de nos roches et les métaux doivent être en étal de fusion. Lyell et d'autres géologues anglais et français n'ex- pliquent pas la chaleur centrale de la terre par la théorie que nous soutenons. JNous devons convenir 1 Genesis , cap. i, vers. 2. - Annuaire du Bureau des longitudes, année 1 85t>, p. 70. que si , à la rigueur, notre système pluionicn n'esl pas triomphant, leur puissance électro-magnéticjue ne Ta pas non plus détrôné. Dans cette circonstance, notre hypothèse n'a pas hesoin de prévaloir, pour que le résultat que nous cherchons à atteindre, puisse inspirer quelque confiance. Nous pouvons donc avancer qu'à une époque re- culée, la terre était pénétrée d'un degré de chaleur si intense, que les nombreux principes qui la consti- tuaient se montrèrent d'abord gazeux, à ce point, qu'elle devait offrir un volume de vapeurs plus ou moins denses (chaos des anciens): Tenebraeera.nl super facicm abyssi. » La cause qui avait réduit les corps à la forme de gaz ayant cessé, le refroidissement dut immédiate- ment commencer. Il est reconnu, en physique, que les corps abandonnent le calorique lorsqu'ils sont dans le vide ou parmi des corps plus froids qu'eux. De ces corps, les uns se refroidissent plus rapidement que les autres, ou passent plus promptement de l'état gazeux à l'état fluide, et de celui-ci enfin à l'état solide. Il arriva, en conséquence, que les minéraux et les métaux, les granits, les calcaires, les fers, le cui- vre, elc , qui exigent une haute température pour se maintenir à l'état gazeux, devinrent les premiers liquides, et formèrent une masse de matières incan- descentes environnées d'une couche vaporeuse for- mée par l'eau et les éléments de l'air que nous res- pirons, etc., etc., l'eau, passant à l'état gazeux, à un degré de température inférieure à celle propre à fondre un solide quelconque. L'observation des nébuleuses a conduit Herschel à I7fi établir que les éléments dont les inondes sont formés ont été d'abord éthérés ou des gaz. Parmi ces nébuleu- ses, il en est un grand nombre qui paraissent indiquer que les molécules gazeuses commencent à devenir liquides pour pins tard se solidifier. Ce célèbre phy- sicien veut, en outre, que la liquidité aug-menle à mesure que la lumière diffuse perd son intensité. Si nous rapprochons de l'observation d'Ilerschel l'opinion de de La Place, d'après laquelle « les maté- « riaux qui composent le globe ont dû. être d'abord « sous forme élastique, et ont pris successivement, K en se refroidissant, la consistance liquide, et ensuite « se sont solidifiés ; » si nous adoptons, dis-je, cette opinion, renforcée par l'hypothèse d'Ampère et les expériences de IVJilcherlich, qui a composé de toutes pièces et fait cristalliser, par le feu des hauts four- neaux, plusieurs espèces minérales qui entrent dans la composition des montagnes primitives, l'opinion de la science au sujet de l'origine du globe que nous habitons, devient une vérité confirmée par la Genèse. Par l'effet du refroidissement graduel, les subs- tances liquides à la surface de la masse centrale, passèrent, à une époque, de l'état fluide à l'état consistant; et de même ([lie l'eau contenue dans un vase, gèle à sa surface et contre les parois du vase, pen- dant que celle qui occupe le centre ne se congèle que long-temps après, de même il se forma un épidémie solide, qui recouvrit les matières liquides A la lon- gue, cet épiderme augmenta d'épaisseur, et il ad- vint une période où la température fut assez basse, pour que la vapeur d'eau qui obscurcissait la partie solide, se dissipât en tombant en pluie, et que la lumière parût : Fiat lux et fncta est lux. L'air el les autres gaz, qui ne purent devenir li- quides que par un abaissement excessif de tempéra- ture, continuèrent à former une couche de vapeurs ou d'éther autour des liquides: c'est cette couche, que nous nommons l'atmosphère ou le firmament. Dixit quoquè Deus : fwtfirmamentum in medio aquarum, et dividat aquas ab aquis ' . Dans l'état actuel où nous trouvons la terre, nous allons laisser Moïse nous dérouler les différents ordres de la création , qu'il fera passer tour à tour sous nos yeux, avant de poursuivre notre élude. GENÈSE. — CHAPITRE PREMIER. TiUDECTION DE M. DE CENOUDE. 1. Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. 2. La terre était informe et nue, et les ténèbres couvraient la face de l'abîme , et l'esprit de Dieu reposait sur les eaux. 3. Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut. 4. Dieu vit que la lumière était bonne, et il sépara la lumière des ténèbres. 5. 11 appela !a lumière jour, et les ténèbres nuit; et le son et le matin Formèrent un jour. 6. Dieu dit : Qu'un firmament soit entre les eaux, et qu'il sépare les eaux d avec les eaux ; 7. Et Dieu étendit le firmament , et divisa les eaux supéiieuies des inférieures; et il en fut ainsi. ' 8. Dieu appela le iiimament ciel; le soir et le matin fuient le second jour. 9. Dieu dit : Que les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul lieu, et que l'aride paraisse; et il en fut ainsi. 10. Dieu appela l'aride, terre, et les eaux rassemblées, mer; et Dieu vit que cela était bon. 1 Genèse , c.ip. i , vers, G. (il 1TS 11. Et U dil : Que la terre produise des plantes verdoyantes avec leurs semences, les arbres avec leurs fruits, chacun suivant son espèce; qu'ils renferment en eux-mêmes leurs semences pour se reproduire ; et il en fut ainsi. 12. La terre produisit donc des plantes qui portaient leur graine suivant leur espèce, et des arbres fruitiers qui renfermaient leur se- mence en eux-mêmes suivant leur espèce ; et Dieu vit que cela était bon. 13. Il y eut un soir et un matin : ce fut le troisième jour. 14. Dieu dit aussi : Qu'il y ait dans le ciel des corps lumineux qui divisent le jour d'avec la nuit , et qu'ils servent de signes pour marquer les temps, les jours, les années ; 15. Qu'ils luisent dans le ciel et qu'ils éclairent la terre; et il en fut ainsi. 16. Dieu fit deux grands corps lumineux : l'un plus grand pour présider au jour; l'autre moins grand, pour présider à la nuit, et il fit aussi les étoiles. 17. Il les plaça dans le ciel pour luire sur la terre, 18. Pour présider au jour et à la nuit, et pour séparer la lumière des ténèbres; et Dieu vit que cela était bon. 19. Il y eut un soir et un matin : ce fut le quatrième jour. 20. Dieu dit encore : Que les eaux produisent les animaux qui na»ent, et les oiseaux qui volent sur la terre et sous le ciel. 21. Dieu créa tous les grands poissons et tous les animaux qui ont vie et mouvement que les eaux produisent, chacun selon son espèce; et il vit que cela était bon. 22. Et il les bénit, en disant: Croissez et multipliez-vous; rem- plissez la mer, et que les oiseaux se multiplient sur terre. 23. Et il y eut encore un soir et un matin : ce fut le cinquième iour- 24. Dieu dit aussi : Que la terre produise des animaux vivants , chacun selon son espèce; les animaux domestiques et tous ceux qui rampent sur la terre , chacun selon son espèce ; et il vit que cela était bon. 25. Dieu fit donc les bêles sauvages, selon leurs différentes es- pèces ; les animaux domestiques et tous ceux qui rampent sur la terre, chacun selon son espèce; et il vit que cela était bon. 26. Dieu dit ensuite : Faisons l'homme à notre image et à notre 179 ressemblance , et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel , sur les animaux qui demeurent sous le ciel , et sur les reptiles. 27. Dieu créa l'homme à son image, et il le créa à l'image de Dieu , et il le créa mâle et femelle. 28. Dieu les bénit et leur dit : Croissez et multipliez-vous; rem- plissez la terre et vous l'assujettirez ; dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui se meut sur la terre. 29. Dieu dit encore : Voilà que je vous ai donné toutes les plantes répandues sur la surface de la terre et qui portent leur semence , et tous les arbres fruitiers qui ont leur germe en eux, pour servir à votre nourriture. 30. J'ai donné leur pâture à tous les animaux de la terre, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui vit et se meut sur la terie, et il en fut ainsi. 31. Dieu vit toutes ses œuvres, et elles étaient parfaites; il y eut un soir et un matin : ce fut le sixième jour. CHAPITRE IV. Après avoir retiré le monde du chaos, Dieu le dota, au même instant, de la lumière, bienfait im- comparable, qui doit éclairer l'harmonie de l'univers, et, sans laquelle, tout serait confusion et désordre, et rien ne saurait se perpétuer. Au premier jour, aussi, nous avons vu qu'il a été dit : «Que la lumière soit, et la lumière fut.)) La physique moderne nous fait comprendre, sans peine, comment la lumière dut se montrer à l'instant de la création, et sans l'astre radieux encore, qui, plus tard, la donnera avec une plus grande vivacité et une prodigalité bienfaisante. Deux systèmes sont en présence pour expliquer le 180 mode d'action de la lumière, fluide subiil et invi- sible, dont l'essence, que nous ne pouvons définir, nous échappe. D'après le premier système, qui ap- pariientà SNewion, la lumière est émise par les corps lumineux eux-mêmes, la projetant dans l'espace en ligne droite, avec une telle rapidité, qu'elle parcourt soixante-dix lieues par seconde Le second système ou la théorie des ondulations, qui revient à Descartes, nous enseigne que tous les mondes baignent dans l'élher, fluide répandu dans la nature entière, qui entre en vibration au plus léger mouvement imprimé , et dont l'agitation donne lieu à la lumière. Cette théorie est la seule qui puisse s'approprier le phénomène de l'interférence, en vertu de laquelle deux rayons lumineux, en parfaite coïncidence, pro- duisent instantanément la plus complète obscurité. Les Young1, les Fresnel ont donné, par leurs intéressants travaux, leur sanction imposante à ce dernier système ; et les expériences curieuses de notre immortel Arago, à l'aide des verres de Gambey, le mettent à l'abri de toute sérieuse contestation. Selon la théorie de INewton, la transmission de la lumière à travers un liquide devrait être plus grande et plus rapide que dans l'air, alors que, d'après le système de Descartes, le contraire doit avoir lieu. Or, les expériences d'Arago ont eu uniquement pour but de déterminer, d'une manière précise et cer- taine, s'il y a accélération ou retard de la lumière en traversant le liquide. Cette détermination lui a été t C'est à ce même docteur Young (Thomas) qu'est due la découverte des hiéroglyphes de son : mais à Cbampollion seul appartient d'avoir découvert l'alphabet phonétique 181 possible en observant la réflexion île deux rayons lumineux parallèles: l'un transmis à travers l'eau, l'autre à travers l'air, sur un ou plusieurs miroirs doués d'un mouvement rapide de rotation déter- miné. Nous savons que l'idée de ce mode d'expé- rience, fui suggérée à Arago par l'application que Whalsione en a fait à la mesure de l'électricité. La lumière est donc le produit de l'ébranlement, de l'excitation de Féther. Celle des premiers temps de la création, non suivie de ténèbres et uniforme dans sa lueur et dans sa distribution, doit être différenciée (quant à son éclat et sa répartition, mais non par rapport à elle-même) de cette autre lumière qui viendra plus tard resplendissante et fournie par des corps qui devront, en éclairant, régler les temps, les années et les jours : ((Qu'il y ail dans le ciel des «corps lumineux qui divisent le jour d'avec la nuit, (i et qu'ils servent de signes pour marquer les temps, k les jours et les années. » Les faits nous permettent aujourd'hui détendre à la lumière les relations entrevues depuis long-temps entre la chaleur ei l'électricité. La phosphorescence se manifeste toutes les fois que les particules des corps, mauvais conducteurs de l'électricité, sont influencés parla chaleur, la lumière, le choc électrique, ou décomposés par l'action chimique. Toules ces causes sont celles précisément qui dégagent l'électricité. Berzélius, Davy et d'autres physiciens veulent que la lumière fournie par la combustion qui donne lieu à une si grande électricité, soit la décharge d'une in- finité de petites étincelles produites par la combinai- son des corps combustibles avec le corps comburant. Les rapports qui lient entre elle.-, la lumière, lé- IS2 lectricité et la chaleur, nous montrerai eut donc ce? trois agents qui président à la constitution molécu- laire des corps comme dérivant, suivant toutes les apparences, d'un seul principe : l'éther répandu dans l'espace et imprégnant toute la matière Il résulte des beaux travaux de M. Melloni , que les rayons lumineux des radiations d'origine terrestre, sont composés d'éléments d'une nature semblable aux rayons contenus dans les radiations du soleil. M. de La Roche a démontré à son tour, qu'à mesure que la température des corps obscurs et chauds s'élève, leur chaleur radiée acquiert de plus en plus la faculté de pénétrer le verre, et devient en conséquence analogue à celle du soleil; découverte qui, d'après Herschell, est fort importante, attendu qu'elle tend à établir que la chaleur terrestre et la chaleur solaire ont une nature commune et identique. • Ampère considère la chaleur rayonnante comme une série d'ondulations dues aux vibrations de l'éther par les corps chauds. Ces ondulations seraient plus lon- gues que celles qui constituent la lumière, si la source calorifique est obscure ; mais dans le cas des sources qui sont en même temps calorifiques et lumineuses, il y aurait un groupe d'ondes possédant toujours simulta- nément les deux propriétés d'échauffer et d'illumi- ner. Dans cette hypothèse, il n'existe aucune diffé- rence entre le calorique rayonnant et la lumière. En effet, une série d'ondulations élhérées donnerait la sensation de la chaleur en tombant sur les diverses parties de notre corps-, un nombre plus restreint de ces mêmes ondulations calorifiques, serait doué de la faculté d'imprimer à la rétine un mouvement vibratoire propre à exciter la lumière. 183 Le monde créé, la matière se meut, s'agite; d'où l'excitation de l'élher, ses vibrations, la lumière. Mais le rayonnemen t de la chaleur se propage comme la lumière. Si celle-ci, à l'instar du calorique solaire, consiste dans les ondulations de Téllier, la chaleur la- tente des corps sera régie aussi par la même loi. D'un autre côté, le son dépend des ondulations du milieu ambiant: le phénomène de la lumière n'en dif- fère donc que parce qu'il provient des vibrations ato- miques, cl par sa plus rapide propagation dans l'espace. Dieu, dans sa sagesse, ramène ainsi aux lois les plus simples et les plus aisées à comprendre, les phénomè- nes de la nature les plus ardus et les plus compliqués en apparence. Si, comme le remarque M. Marcel de Serres, «il est <( rationnel et conforme aux faits, déconsidérer la tem- « pérature élevée du globe, aux premières époques, «comme liée aux émanations d'une vive lumière, «ces phénomènes étaient tout-à-fait indépendants de .-ceux qui ne se manifestent plus aujourd'hui que « par l'action solaire. » En outre, le célèbre géologue, qui traite avec un talent supérieur la matière que j'ébauche, m'écrivait en 1852: «Par des faits et des «points de vue nouveaux, je suis arrivé à démontrer, «dans ma nouvelle édition de Moïse, qu'il n'est rien «de si simple que de concevoir comment le soleil, «en le supposant complet, c'est-à-dire entouré de ses « atmosphères lumineuses, aurait pu ne pas éclairer «la terre, en sorte qu'il n'y aurait pas eu encore de « distinction entre le jour et la nuit. » En admettant même l'existence antérieure du so- leil, la densité atmosphérique des premiers jours du globe, qui était moindre qu'à l'époque du chaos, et I8i facililaii,sansdoule, la transmission incomplète de ses- rayons, n'aurait pas pu permettre encore l'appari- tion de son disque M. Boubée, dans sa Géologie a In portée de tout le monde , adopte celle hypothèse qui, conforme à la snpposilion du feu central, nous montre, dans l'atmosphère, la dissolution des subs- tances en masses, qui se sont graduellement précipi- tées avec le refroidissement du dissolvant. D'après La Place, l'atmosphère qui, à l'origine, enveloppait le soleil, maintenue par sa cbaleur pri- mitive, très compacte et très-dense, n'a diminué de hauteur, en se rapprochant de la masse centrale, que par le refroidissement successif. Cet astre, selon M. Comte, formé de la condensation progressive des nébulosités (en faisant abstraction de toute idée de création), et dont la matière, d'après le premier astronome, se serait agglomérée en vertu d'une moindre chaleur ou refroidissement atmosphé- rique , qui a permis aux particules disséminées , chaotiques, de se réunir en une masse entourée d'une atmosphère d'autant plus étendue que la chaleur originelle était plus intense, est un corps sphéroïde, à noyau solide mais obscur, dont certaines éminences, tantôt couvertes, tantôt mises à nu par le mouvement uniforme de rotation qu'il exécute, forment les dif- férentes apparences de taches que nous y apercevons. Ce noyau est environné d'une atmosphère lumi- neuse, perpétuellement incandescente. Les Chinois, copistes des autres peuples, dans leur système astronomique, et ceux-ci des Juifs, au- raient eu, de tout temps, l'idée, nous assure-t-on , de la véritable nature de l'astre qui nous occupe. Ils le regardent comme un globe obscur et opaque, 18.-) entouré de deux atmosphères, dont la plus exté- rieure est la plus lumineuse1. 1 En étudiant le système astronomique des Chinois, on le trouve en tout identique à celui des Chaldéens. IM. Biol ronclul de ortie parfaite ressemblance à Videnlité d'idées entre les deux peuples, et non à la copie de l'un par l'autre. Nous ne partageons pas cette opinion. D'après de La Lande, il y a tout lieu de noire que les observations astronomiques des Chinois leur furent commu- niquées par les Tartares. Il est historique que Gengis-Khan entra en Chine. Ce fut sous ses successeurs, maîtres d'une grande partie de cet empire, qu'y furent introduites les tables et les observations astronomiques de Corasan. Les Chinois, paresseux et torpides par caractère , sont peu propres aux découvertes et aux inventions. Portés à la seule satisfaction de leurs besoins; bornes aux choses comme aux usages établis, ils sont peu avides de recherches et d'études abstraites. Les sciences et les arts exigent une activité incessante et une curiosité avide et infatigable auxquelles ils sont peu enclins. De là leur immobilité séculaire, lorsque les Occidentaux sont si portés aux chan- gements de toutes sortes. Si les étoffes, les porcelaines, les peintures chi- noises excellent par la supériorité de la matière première, leurs mauvais dessins nous prouvent qu'elles pèchent par la forine et le goût, et quelles ne nous offriront long-temps encore que leurs magots. On attribue aux Chinois l'invention delà boussole; mais, en réfléchissant qu'eu 1778 cet instrument était entre leurs mains le même que celui de nos anciens marins, et que des Vénitiens et Marc-Paolo étaient venus en Chine au xiile siècle, on peut se demander si ce n'est pas à ces derniers qu'ils en doivent l'idée et le modèle Lorsque, au xvie siècle, nos missionnaires abordèrent dans cet empire, ils n'y trouvèrent que des instruments et des observations astro- nomiques fort imparfaits, et ils durent les rectifier et réformer son calendrier. Par l'étude qu'il a faite des caractères chinois les plus anciennement usités, M. Abel de Rémusut a réduit à sa juste valeur la prétendue civili- sation reculée de ce peuple. La Chine était à l'étal de société rudimentaire, lorsque PEgypte, par ses textes hiéroglyphiques, annonçait un peuple déjà en possession d'une civilisation avancée Les caractères symboliques de l'écriture égyptienne étaient simples; s'em- ployaient presque toujours isolément , et ne se combinaient pas habituelle- ment entre eux , comme les caractères simples chinois, afin de former des caractères composés, signes de nouvelles idées (CmMrou.lON, Précis, p. 347.) L'écriture chinoise . formée par la réunion de plusieurs signes simples , symboles ou images, avait un caractère complexe dont la signification était la fusion et le résultat des diverses valeurs ainsi rapprochées. (Abel DE Rémusat, Vit», de l'Acad des sciences, wscrip et belles-lettres, t. vni, p. 18. 186 On sait qu'Herschell veut que le soleil soit formé par trois sphères concentriques. La première qui se découvre, en partant du centre à la circonférence, est la couche de feu, celle qui éclaire. Au-dessus de cette couche, est une atmosphère très-dense (sur la transparence ou l'obscurité de laquelle on ne s'accorde pas) jouissant d'une faculté de réflexion absolue; enfin, au centre, serait un espace solide, assez froid pour être habité. La vraie science ne met plus de doute, aujourd'hui, que la lumière ne puisse être complètement indé- pendante du soleil, et que, comme le professe la Genèse, elle ne se soit montrée le premier jour de la création. Viendrait-elle par hasard du soleil, celte lumière que fait rapidement jaillir le choc du cail- loux; que le simple frottement tire en gerbes bril- lantes des corps électriques, et que laissent échapper, abondante, les substances animales ou végétales en décomposition? Elle ne vient nullement du soleil, cette lumière terrible que vomissent les entrailles de la terre, et qui, avec des laves incendiaires, porte la désolation, la ruine et la mort! Le firmament ou cette séparation formée par Dieu entre les eaux inférieures et supérieures, sert à nous préserver du froid glacial des espaces interplanétaires, et n'est réellement que de l'eau véritable, passée à l'état de raréfaction. 11 contribue, en outre, à ce que le jouret la nuit ne viennent que par degré insensible. S'il n'existait pas, la nuit arriverait sans crépuscule, et le jour sans aurore; nous passerions ainsi, sans transi- lion, des ténèbres à la lumière, et vice versa. Dieu dit : « Qu'un firmament soit entre les eaux , et qu'il sépare les eaux inférieures d'avec les eaux supérieures. » 187 La pression la plus ordinaire à laquelle les corps sont soumis, est, sans contredit, celle de Faimos- phère dont l'action ne s'exerce librement que sur leur calorique latent, lorsqu'ils sont sous forme li- quide. Dans cet état, la cohésion de leurs molécules étant presque complètement vaincue, celle pression seule s'oppose à l'intromission de la chaleur. Si la pression atmosphérique venait à faire défaut, celle-ci passerait à l'instant des corps voisins dans l'intérieur des liquides, et parviendrait bientôt à surmonter leur pesanteur et leur adhérence moléculaire. Alors, elle s'en emparerait pour les dissoudre et leur com- muniquer ses propriétés mécaniques, son élasticité, son expensibililé; et les corps, de liquides, devien- draient gazeux rapidement. C'est ce qui arrive à tous les liquides soumis au vide de la machine pneumatique. De là cet axiome, en physique, — qu'il n'y a de liquide constant à la surface de la terre, que parce que nous avons une atmosphère — "Si l'atmosphère venait subitement à « disparaître, tous les liquides s'élanceraient tout à « coup dans l'espace, pour se convertir en vapeurs, «et formeraient une nouvelle atmosphère ' » La terre, en s'élevani au-dessus des eaux, qui de plus en plus se concentrèrent pour former les mers, se couvrit aussitôt, sous l'influence de la lumière et de l'atmosphère, d'abord de végétaux sans nombre, et, plus tard , d'animaux constitués pour y vivre et s'y multiplier. ((Que les eaux qui sont sous le ciel se ras- semblent en un seul lieu, et que l'aride paraisse.» â cet âge, les vallées, les montagnes se dessinèrent, 1 Mn\i,r, /, ons faite» « l'École Polytechnique , an V. cah .">, p. 29. 188 • et la terre commença à prendre une configuration. Ascendant montes, et dcscendunt campi , in locum quern fundasti eis * . M. Élie de Beaumont fait surgir les montagnes du sein des mers, par un soulèvement volcanique, dont l'action se fait ressentir à des époques différentes. Pour M. Constant Prévost, les montagnes sont dues aux contractions éprouvées par le globe, par suite de son refroidissement. Tel un fruit confit dilaté par la chaleur, en se refroidissant, se ride, se déprime sur un point, reste dilaté sur un autre. Je ferai re- marquer, en passant, que ni l'une ni l'autre de ces théories ne vient démentir nos auteurs sacrés. Par l'effet d'un travail intérieur intense, s'exerçant à cet âge géologique sur une étendue plus ou moins considérable de la terre, le sol, couvert d'abord de végétaux, et plus lard d'animaux, éprouva, à diffé- rents intervalles, des révolutions, fut submergé et exhaussé tour à tour. En admettant une série de pareils phénomènes, nous devons voir apparaître, après chacun d'eux, des végétaux nouveaux, avec des espèces animales nouvelles, revêtus des sédiments qui nous les ont conservés. Ces exhaussements, ces submersions de terrains, ces destructions des espèces, ces reproductions, sont loin d'être des changements sans liaison entre eux; la géologie y voit, au contraire, l'action constante d'une cause unique, produisant tous ces phénomènes divers. Le terrain sur lequel reposait le temple de Séra- pis , qui, après avoir été enseveli sous les eaux, est 1 David , psaume 105. 189 remonté à 23 pieds, n'est pas le seul exemple qu'on puisse citer des dépressions et des relèvements cons- tatés par le niveau des constructions anciennes. Ce temple fut construit, dès l'origine, au niveau de la mer, pour l'usage des bains de mer et d'une source thermale, qui jaillissait dans un des côtés du temple. Postérieurement, le sol sur lequel il reposait s'a- baissa ; l'eau salée se mêla avec l'eau thermale, et tonna un lac d'eau saumatre dans son intérieur, en donnant lieu à une épaisse incrustation, avec traces d'adhérence de sporules; de sorte qu'on remarque des lignes de niveau d'eau à des élévations diffé- rentes. L'aire du temple fut remplie ensuite, jusqu'à la hauteur de sept à huit pieds, de cendres, de tufs, de sables, qui comblèrent le canal par où avait pé- nétré l'eau de la mer. L'eau thermale convertit le sol sacré en un lac, qui a laissé du carbonate calcaire sur les murs et les colonnes. La construction continuant à s'abaisser, la surface fut de nouveau remplie partiellement de matières solides, et semble avoir été soumise, à cette époque, à une violente irruption de la mer. Le lac d'eau douce fut envahi; un nouveau sol se forma et couvrit en entier le précédent, ainsi que les incrustations carbonato- calcaires. Lu plus grand exhaussement eut lieu delà partie des murs encore subsistants, et qui regardent la terre relativement à ceux qui avoisinent la mer. Le sol s 'affaissant sans relâche, les dépôts accumulés dans l'intérieur du temple furent couverts d'eau; des modioles s'attachèrent aux colonnes et aux fragments du marbre, et les percèrent dans toutes leurs direc- 190 lions. L'abaissement continua jusqu'à ce que le pavé de l'édifice fut, au moins, à dix-neuf pieds au-dessous du niveau de la mer. A cette profondeur, le sol dut rester stationnaire pendant quelque temps; puis il commença à s'élever. Un nouveau dépôt de lui' et de sable s'introduisit, pour la troisième fois, dans l'enceinte du temple, ne laissant de visible que la partie supérieure des trois grandes colonnes. Rien n'indique si ce résultat eut lieu avant ou après l'exhaussement à son niveau actuel; mais le pavé est, aujourd'hui, au niveau exact des eaux de la Méditerranée. Au nord-ouest de ce même temple, on voit, à cinq pieds sous la mer, deux colonnes de deux autres temples, dont le sommet s'élève à fleur d'eau. On voit aussi, dans la même baie, deux voies romaines, qui, ainsi qu'un des douze palais de Tibère, dans l'île de Capri, sont maintenant submergées. D'autre part, on a la preuve que le dépôt marin qui forme la terre plate de la Strazza, était encore sous la mer en 1530, juste huit ans après la terrible explosion de Monte-Nuevo, près duquel existe une ancienne falaise, à deux pieds au-dessus de la falaise nouvelle. Les colonnes brisées du lemple de Neptune et de Memphis sont actuellement sous l'eau. Une ligne de cavités, due aux modioles (modiola lytophago, Lam.), et d'aulres indications de rivage, se voient sur la sixième pierre du pont de Caligula, à la hauteur de quatre pieds au-dessus du niveau actuel de la Médi- terranée, ainsi que sur la douzième, à la hauteur de dix pieds'. • Société géologique de Londres, février et mars 1856. — Lettre ice, l. il, p. oO, 64 et 2.'i"2. * BockUND, Ann soc. nal., t. \, I" série, p T>)2. 213 Ce qui est remarquable, e'est qu'à l'époque où ces ossements humains furent ensevelis, mêlés avec les dépôts ossifères, l'homme offrait déjà plusieurs races distinctes. M. Schmerhng a trouvé, dans les cavernes de la Belgique, des portions de crânes humains, dont la conformation se rapporte à la race éthiopienne. M. Bouée a aussi rencontré, dans un dépôt diluvien, en Autriche, des tètes humaines, qui offraient la plus grande analogie avec celle des nègres. D'autres crânes, trouvés dans les vallées du Rhin et du Danuhe, ont présenté, au contraire, d'assez grandes ressemblances, les uns avec ceux des Caraïbes, les autres avec ceux des anciens habitants du Chili et du Pérou1. Quoi qu'il en soit, nous n'en devons pas moins admettre, avec fondement, que notre race humaine d'origine récente, ne remonte pas à une antiquité fort reculée. D'après les Septante, nous ne daterions guère, à partir d'Adam, que de quelques milliers d'années (sept mille cinq à six cents ans). L'histoire, l'invention des ans, les monuments au- thentiques, témoignent en faveur de celte croyance. « Je défendrai une \éiité qui nie paraît incontestable, « et dont il me semble lire la preuve dans toutes les « pages de l'histoire, et dans celles où sont consignés « les faits de la nature : que l'étal de nos continents <( n'est pas ancien, qu'il n'y a pas long-temps qu'ils «ont donné lieu à l'empire de l'homme*. » Par l'examen des phénomènes qui ont lieu sur la surface de la terre depuis la dernière retraite des eaux, et depuis que les continents ont revêtu leur forme actuelle , on voit clairement que ce dernier 1 Muiui 11 Serres, Essai sur Us cavernes à ossements , y. 225 I1 lmi lownal dt physique, IT!>2. p, 2.' 214 * cataclysme n'a pu permettre qu'après lui rétablisse- ment de nos sociétés récentes. Ce résultat, un des mieux fondés de la saine géologie , est d'autant plus précieux, qu'il lie l'histoire naturelle à l'histoire des hommes. En calculant, dans un temps connu, les effets produits par les causes présentes, et les compa- rant avec ceux qu'elles ont entraîné depuis le commencement de leur action, on parvient à déter- miner, à une petite différence près, l'instant où elles ont commencé d'agir. Ce point de départ se trouve précisément être le même que celui où nos continents ont pris le relief qui leur est propre, c'est-à-dire celui affecté depuis la dernière retraite des eaux. Ainsi, la science, parfaitement d'accord avec la Genèse, nous montre l'homme arrivant le dernier sur la terre, à la suite de tous les animaux, dont il doit être le dominateur et le maître : Replète terrant, et subjicile eam, et dominamini. On croirait que Dieu a voulu préluder, non à titre d'essai , car sa puissance est incommen- surable, comme son intelligence et sa volonté sont sans bornes et infinies; on croirait, disons nous, que Dieu a voulu, avant d'en venir au chef-d'reuvre de la création, faire sortir d'abord du néant la riche possession que l'homme est appelé à dominer, et après avoir tout disposé pour sa royauté immense. Remarquons qu'avant de former l'homme, Dieu met un temps d'arrêt. Lorsqu'il veut donner le jour aux autres êtres, il se contente de dire : Que cela soit, et aussitôt, toutes les merveilles empressées naissent comme par enchantement, obéissantes a sa voix. 215 Pour la formation de l'homme, au contraire, Dieu délibère; prend conseil de sa sagesse : Faciamus ho- minem ad imaginent et similitudinem nostram ( faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance): condamnant d'avance, par ces courtes paroles, tous ces vains systèmes des anthropologistes insensés, qui nous voudraient des singes plus perfectionnés, ou qui nous feraient atteindre notre type permanent et suprême, après des monades et des métamorphoses aussi folles qu'impossibles! Doctrines dégoûtantes, qui n'ont ni le mérite de la plus simple ressem- blance qu'on chercherait, mal-à-propos, à donner à notre organisation physique avec celle de la brute t ni la présomption de pouvoir établir la moindre ana- logie entre Tinfusoir le plus parfait et le vertébré le plus infime et le plus incomplet de l'échelle zoolo- gique! «Plutôt que de descendre de rhomme des u bois, restons hommes, tels que Dieu nous a faits, « raisonnables, libres, immortels comme lui, et par «tous ces dons, image réelle, quoique imparfaite, «sans doute, de celui même qui est notre créateur1.» Indépendamment du fini de ses formes, de ses nobles et admirables attributs, rhomme seul a reçu de son créateur ce spiraculum vitœ , ce souffle divin, qui le caractérise et l'anime; cette âme pensante, qui, en le rapprochant de Dieu, le met au-dessus de toutes les autres créatures. Sa supériorité réside, non dans ce qu'il a de commun avec les autres animaux, mais dans la pensée et la raison qui l'en distinguent. En comparant l'homme avec l'animal, nous trou- vons, sans doute, dans l'un et dans l'autre, un corps. 1 Fbatssi.ioos, Oiftnti du Christianisme. 21C une matière organisée, des sons, de la chair, du sang, du mouvement, et une infinité d'autres choses sem- blables; mais toutes ces ressemblances ne sont que purement extérieures. «Nous avons dit que la nature marche toujours; «agit en tout par degrés imperceptibles et par nuan- «ces. Cette vérité qui, ailleurs, ne souffre aucune «exception, se dément ici tont-à-fait. Il y a une dis- « tance infinie entre les facultés de l'homme et celles « du plus parfait animal, preuve évidente que Thom- « me est d'une différente nature; que seul il fait une «classe à part, de laquelle il faut descendre en par- courant un espace infini avant que d'arriver à celle «ides animaux, car si l'homme était de l'ordre des «animaux, il y aurait, dans la nature, un certain « nombre d'êtres moins parfaits que l'homme et plus «parfaits que l'animal, par lesquels on descendrait «insensiblement, et, par nuances, de l'homme au «singe; mais cela n'est pas. On passe tout-à-coup de « l'être pensant à l'être matériel ; de la puissance «intellectuelle à la force mécanique; de l'ordre et « du dessein au mouvement aveugle; de la réflexion « à l'appétit. «En voilà plus qu'il n'en faut pour nous démontrer « l'excellence de notre nature, et la distance immense « que la bonté du Créateur a mise entre l'homme et la «brute : l'homme est un être raisonnable, l'animal « est un être sans raison ; et comme il n'y a pas d'être « intermédiaire entre l'être raisonnable et l'être sans « raison ; cl comme il n'y a pas de milieu entre le «positif et le négatif, il est évident que l'homme est «d'une nature différente de celle de l'animal, qui ne « lui ressemhlr que par l'extérieur, et que le juger, 217 «par celle ressemblance matérielle, c'est se laisser « tromper par l'apparence, ei fermer volontairement « les yeux à la lumière qui doit nous la faire distin- <( guer de la réalité '. » Tout, dans l'homme, manifeste son empire et son entière supériorité sur les autres animaux. La forme seule de sa tête rappelle les plus pures harmonies. Dans ses yeux, véritables miroirs de son âme, viennent se réfléchir toutes les passions qui émeuvent et boule- versent son cœur. Seul, il marche droit, élevé, erectus, Je sourire sur les lèvres8, £&>v yu.zorzY.o-j, disaient les anciens; contemplant le ciel, objet de ses destinées futures, lorsque les quadrumanes semblent ramper même en marchant. Par un signe extérieur, il rend, il traduit tout ce qui se passe au-dedansde lui-même; par la parole, il communique sa pensée; par l'écri- ture, il la propage en tous lieux ; par le fil électrique , il lui fait parcourir, avec la rapidité de l'éclair, l'uni- vers entier! Perfectible à un rare degré, son intelli- gence, même la plus obscure, laisse loin d'elle l'ins- tinct borné du plus adroit animal. En échange de sa forec, de son courage, trahis par lcs saillies musculaires, la rudesse des eontours, sa douce compagne, la femme, qui doit partager sa joie et ses plaisirs, tempérer sa tristesse et ses peines, a reçu la timidité, la mollesse et le gracieux des for- mes, avec cette suavité de traits et d'ensemble que nous nommons la beauté. Si l'homme domine par l'énergie et la majesté, la 1 Bufpoîi, iiisinin- naturelle dt l'kommt , 1. 1, p. 20, 2-1. - I. bomtne est le seul animal qui ail la faculté de rire. Ces! par le sou- rire que le jeune DourrissoD témoigne, vers le quarantième jour, qu'H connaît sa mère meipe potvr pu«i , rw« cnçnoscere matrtm. 218 raison et le jugement , l'autre sexe a pour apanage les grâces et les sentiments : l'un est fait pour com- mander, l'autre pour séduire et pour plaire. Tous les animaux peuvent bien, avec plus ou moins de peine et de contrainte, marcher quelques instants debout ; les singes mêmes les plus semblables à l'homme, ont le museau plus allongé et l'articula- tion de la tête plus en arrière, ce qui les prive de son équilibre. Cette disposition, qui est encore plus considérable chez les autres mammifères , est corrigée par le ligament cervical , qui les aide à soutenir leur tête et qui manque chez nous. Les formes anatomi- ques de leur bassin plus étroit; leurs talons, qui n'appuient pas sur une tubérosité, leur rendent donc notre attitude verticale impossible- Tous n'ont-ils pas les mêmes organes de la voix comme nous? mais, à nous seuls appartient exclusi- vement la faculté d'articuler des sons, de donner à notre langage de la précision, de la variété : seuls, nous possédons la parole; seuls, nous combinons, nous généralisons nos idées, nous réfléchissons'. Le perroquet le plus savant, ne sera qu'un babil- lard mieux dressé, qui aura su retenir un plus grand nombre de modifications de sons, mais sans être jamais capable d'y attacher la moindre idée, la moindre si- gnification. Il me paraît fabuleux qu'un chien ait appris à prononcer quelques mots français et alle- 1 La voix est un son excité par Pair dans le larynx. On en distingue trois sortes : l'une, inarticulée, appelée simplement voix ; l'autre, mélodieuse] nommée chant ; la troisième, articulée, est la parole , qui , lorsqu'elles lieu pour l'expression des idées, se rapporte au langage conventionnel , tandis qu'elle fait partie «lu langage affectif quand elle s'accomplit sans la partir' pation de la volonté et sous l'influence des passions. ■2 1 9 mands, comme le rapporte Leibnilz. Si cela est, il ne parlait pas plus ces langues qu'un homme qui, machinalement, aurait retenu quelques mois dont le sens lui serait inconnu, et, par conséquent, inca- pable d'y attacher l'idée qu'ils expriment. Le mer- veilleux a beau s'en mêler, je ne trouve dans la réponse, si elle est vraie, d'une oiseau à Auguste, qu'un à propos fortuit. « Auguste : Tu ne dis rien? — Le corbeau : Je n'en pense pas moins. » Ce qui est faux, puisque l'essence de la pensée consiste dans la réflexion dont le corbeau était incapable. L'homme seul, par la parole, peut rendre sa pen- sée; l'animal, par ses sons, n'exprime que ses appé- tits, ses désirs ou sa crainte. La parole, dit M. de llumboîdt, est le résultai nécessaire, spontané, de notre organisation. Elle est inexplicable, si on la considère comme liée à un organe ou comme l'œuvre de notre intellect. Le lan- gage, toutefois, ne nous a pas été donné tout formé. «La parole, cet instrument céleste du perfeetion- «nement de l'espèce humaine, lorsque le génie lui «donne l'àme et la vie, n'est pins qu'un composé «monotone de sons, quelquefois bizarres et souvent «désagréables, quand, répétée sans intention, pro- «férée machinalement, et tronquée au hasard, elle «n'est plus, dans quelques oiseaux, que le produit «d'un organe un peu souple, que le fruit d'une «vaine habitude, et que, séparée de l'expression " que la réflexion y attache, elle n "est pas même le «grossier indice d'nti instinct avec lequel ils n'ont < aucun rapport. '. » [jACépèdi 5* cahier du Court ">l i>20 Le chant, expression de la joie, est l'apanage, il est vrai, des volatiles et de l'homme. Le rossignol, le colihri, charment les oreilles délicates par leurs tendres accents. L'alouette est susceptible d'étendre et de perfectionner le sien par l'imitation naturelle; d'autres espèces doivent celte perfection à l'art ; mais, quelque varié et délectable que soit le chant des oiseaux, borné par la nature dans le cercle étroit de leurs passions, il engendre bientôt la triste monoto- nie. Oh! combien le chant de l'homme lui est supé- rieur! Embelli par la nature, cultivé et perfectionné par l'art, agrandi par une imitation choisie, animé par le tumulte des passions sans nombre, il transmet ces passions au cœur avec leurs nuances; le remue, le touche, le flatte, l'irrite, l'enflamme d'amour, le transporte de fureur ou de joie. Chaque animal possède un degré d'instinct plus ou moins merveilleux. La plupart ont des sens plus subtils, mieux développés que les nôtres; leur force, leur agilité, leurs moyens d'attaque et de défense, sont incomparables. Mais, que peuvent leurs facultés auprès de notre entendement et de notre perfectibi- lité? que peut l'instinct sur l'intelligence, la matière sur l'esprit ? A cet effet, il serait essentiel d'entrer dans une sérieuse discussion ; de bien trancher la différence qui sépare l'instinct de l'intelligence. Sous l'empire immédiat du cerveau, l'intelligence perfectible obéit, laisse au moi le libre arbitre. Si les sens sont purement passifs chez les animaux, quant à leurs phénomènes immédiats, ils ne le sont nullement chez l'homme, quant à la cause qui les détermine. La volonté a, sur tous ceux propres à 221 l'être intelligent, une influence permanente et né- cessaire. Lorsqu'elle les commande, leur action est excessivement augmentée; et ils ne s'exercent que très-imparfaitement lorsque la volonté n'y préside pas. Se passant parfaitement du cerveau dans quelques classes, l'instinct commande, asservit. Venues d'im- pulsions intérieures irrésistibles, les facultés qui le caractérisent procèdent de l'appareil nerveux orga- nique (cris des organes des auteurs). Ne pouvant en aucune manière être modifiés, les actes qu'il déter- mine sont indépendants de la volonté de l'animal. C'est ainsi que, plus nous avons de l'intelligence, moins l'instinct nous subjugue directement et impé- rieusement. Voyez aussi l'éducation n'exerçant jamais la même influence sur nos sentiments, nos penchants comme sur notre intellect. Elle peut, jusqu'à un certain point, modifier notre caractère; mais le chan- ger en entier, cela lui est impossible : il reste ina- movible. A force de surveillance, lorsque notre intelligence est forte, et notre volonté prononcée, nous pouvons bien réprimer nos mouvements d'instincts, de senti- ments au même moment où ils se manifestent en nous; mais nous ne saurions jamais les empêcher de poindre ces malheureuses impulsions dites de la chair. Les actes sollicités par l'instinct, diminuent à mesu re que l'intelligence se perfectionne (bienfait de l'édu- cation); souvent ils sont excités sans doute sans la participation du moi (le sommeil, l'aliénation men- tale); mais le propre de l'intelligence est de pouvoir les modifier, les réduire dans de justes bornes. — Triomphe de l'intelligence sur l'instinct. 2-22 \ ouloir est assurément un acte île noire intelli- gence; c'est le moi qui dit : je veux. Il ne petit le dire s'il n'existe pas. Susceptible de perfection, l'intelligence s'agrandit et progresse ; inébranlable par sa nature, l'instinct est incapable de recevoir la moindre modification. Dans les actes des innombra- bles animaux compris dans chaque espèce, il n'y a d'autre différence que celle du plus ou du moins. 11 n'en est pas de même dans notre espèce, où l'homme libre, raisonnable et indépendant, opère à sa guise et de mille manières variées. Cette industrie tant vantée des animaux, n'est-elle pas la même depuis l'origine des siècles? Me citerez-vous l'araignée de Pélisson ? Le fait est-il, d'abord, authentique? Ne pourrions- nous pas le comparer à tant d'autres qu'une imagi- nation exallée se plaît à exagérer, et aime le plus souvent encore à considérer comme sortant du do- maine naturel, mais qui, appréciés à leur juste va- leur, et vus sous toutes leurs faces, peuvent s'ex- pliquer sans peine, trop heureux si, rigoureusement envisagés, ils ne perdent pas de leur valeur en les approchani du flambeau de la vérité? Il est entendu, je pense, que je ne regarde ici le cerveau que comme un ageni purement matériel de l'intelligence, lame en étant la seule vraie cause effi- ciente. Le corps ei l'âme forment un tout naturel et essentiel , et apportent chacun , dans l'exercice des fonctions intellectuelles, leur part différente, en concourant au même but. C'est par les sens, que les impressions du monde extérieur arrivent à l'àme, qui, en étant imbue par le secours du cerveau, en a la conscience et les exprime C'est de la sorte que le corps et l'àme concourent à la formation de nos 223 idées, de nos actes moraux, l'un comme cause natu- relle, l'autre comme cause efficiente. L'àme peut éprouver les perceptions qu'elle a reçues par la trans- mission du cerveau, sans que cette transmission se renouvelle; mais les sens et le cerveau ne peuvent éprouver les impressions des corps, que lorsque les corps sont là, présents, agissant sur eux. C'est pour ne pas avoir décomposé la sensation, que les sensua- iistes ont confondu la perception dans la sensation comme si celle-ci faisait partie de celle-là, et comme étrangère à l'àme. La sensation est bornée aux sens. La perception est la connaissance des attributs des corps; elle vient à la suite des sensations. En accor- dant que nos facultés sont mises en jeu par les sensations, nous sommes, cependant, opposé à l'é- cole de Condillac et de Locke, qui veulent que nos facultés naissent de ces mêmes sensations par voie de transformation directe. La sensation est un acte pur et simple du sens : il y a dans celle discussion deux distinctions à établir, l'action des sens et la perception . En effet, l'action de l'expansion sensilive n'est pas la perception. L'œil, par exemple, peut être fort sen- sible à la lumière, frappé vivement qu'il en esi, sans cependant qu'il y ait perception. 11 suffit pour cela de l'inaptitude, de la maladie du cerveau, qui, ne transmettant pas la sensation à lame, prive celle-ci de la faculté de percevoir. « Le corps étant l'instrument de l'àme, il lui est «d'un bon service, quand il est bien organisé; mais «quand il est mal organisé, il gêne l'àme, et celle- «ci, ayant à lutter contre l'imperfection de son ins- trument, se trouve entravée dans ses opérations : «si même elle manque de vigilance, elle ne tard. ■2*2\ ^ pas à être égarée par lui, comme le musicien est «déroulé par sa lyre, lorsqu'il a négligé de la Lien « accorder. L'àmc doit donc prendre soin du corps « pour se donner un bon organe : or, elle le façon- <( nera, au moyen de la raison et d'utiles habitudes, (i de la même manière qu'on accorde un instrument « de musique, en tendant certaines cordes et en en «relâchant d'autres; elle pourra ainsi le rendre plus « propre à son service, et elle en tirera parti comme «d'un bon instrument, à moins qu'elle même ne se « dérègle avec lui, ce qui arrive quelquefois \. n De quelque manière que nous l'envisagions, le cer- veau est essentiellement l'organe matériel de la pen- sée et de l'intelligence; c'est à-dire que cet organe est nécessaire comme lieu d'exercice , sans toutefois qu'il engendre, lui, l'intelligence, la pensée. Indis- pensable aux facultés de l'intellect , il n'est pas ces faeultés elles-mêmes: seulement, suivant son degré d'aptitude et d'énergie , les actes intellectuels 'ont plus ou moins d'ensemble et d'harmonie. i 1 NtMiïsms, De ta .Vu/un; de l'Homme , p. 8.'i , 80. Nemésius était évëque d'Emcsse , en Phéoicie, vers la lin du iv* siècle . Son ouvrage est le même que les huit livres sur la philosophie, faussement attribués à saint Grégoire , évëque de Nice. Nous avons du arriver à M. de Gérando , qui nous a donné une savante notice sur Nemésius, et à M. .l.-li. Thibault, qui a traduit l'auteur en Français, pour pouvoir apprécier à sa juste valeur un ouvrage des plus remarquables à plusieurs titres , à peine connu des érudits , et qu'aucun philosophe ne mentionne. Le Traih de la tfaturt de l'Homme de Nemésius respire une morale pure, une foi vive et animée, des pensées élevées, un savoir profond et des plus avancés, et une érudi- tion des plus vastes. Il est important à connaître, non-seulemenl sous le rapport du christianisme et de la saine philosophie, mais il excite encore le plus vif intérêt sous le rapport scientifique, l'ar les quelques lignes que je viens de transcrire de Nemésius , on voit qu'il peut cire regardé avec juste raison comme initié dans la phrénnlogic. 225 Lame une, spirituelle, incapable des transforma- tions de la matière, jouit en tout temps d'une égale et parfaite aptitude, instrument aux mêmes sons, mais à suavité et à harmonie différentes, suivant que les organes sont habiles ou inexercés. Depuis notre désobéissance, Dieu a enlevé à notre âme son empire divin pour la rendre tributaire de nos sens. « iNoire «âme pense, par le moyen du cerveau-, parle par le « moyen de la voix , comme elle regarde parle moyen «des yeux. » Les opérations intellectuelles ne sont pas de l'âme seule, pas plus qu'elles ne sauraient être du corps uniquement; mais bien du corps et de l'âme formant une unité naturelle et substan- tielle, comme la philosophie chrétienne nous l'en- seigne. CHAPITRE VI. La question qui consiste à savoir comment il con- vient de comprendre les six jours de la création, nous paraît avoir été étudiée, dans ces derniers temps, d'une manière assez satisfaisante, pour qu'elle puisse être regardée comme insuffisamment résolue. Les six jours dont parle Moïse, nous pouvons sans crainte les concevoir, d'après l'observation des phéno- mènes de la nature, comme six différentes époques indéterminées, mais distinctes et séparées, comme ces six jours mêmes que l'Écriture Sainte nous l'ait luire successivement. De trop nombreuses générations ont, tour-à-lour, été anéantieset reproduites, pourquedegrandes revo- ir. •2-2Ù talions n'aient pas changé, à divers intervalles, la face du globe, avant que les animaux actuels et les hommes qui le peuplent y aient vu le jour. On doit donc comprendre et convenir que de pareilles ca- tastrophes ne peuvent avoir eu lieu dans l'espace des nx jours pris à la lettre. Dieu tout puissant, créateur, qui maîtrise la ma- tière, qui fait tout par sa seule volonté, peut, s'il le juge dans sa sagesse infinie, ne pas appliquer aux opérations immédiates de sa toute puissance, les règles et les lois que lui-même a établies, et qu'il a affectées au cours ordinaire des choses présentes et qui se passent sous nos yeux. Mais, sans doute, hâtant l'action des agents naturels, il a pu rendre instantané le développement de tous les êtres. Comme en un seul jet et avec la rapidité de la pensée, il a pu mouler ces masses et ces blocs de granit et de calcaire qui forment la charpente terrestre-, de même que, plus tard, il a créé les hom- mes et les animaux dans leur complète maturité : personne ici ne le conteste ; et qui de nous oserait juger le pouvoir sans bornes de Dieu à l'origine du monde, d'après l'action lente et graduée des causes secondes qui le perpétuent depuis qu'il est établi? C'est dans l'ordre d'apparition assigné aux subs- tances et aux êtres différents dont se compose le monde visible, et que nous pouvons vérifier en quel- que sorte , que se trouve le caractère évident du récit de Moïse, et non dans quelques expressions d'un sens indéterminé. Et quand bien même la science ne nous donnerait aucune idée précise à l'égard de ces jours, il suffit seulement de se pénétrer de la création mosaïque, ±11 pour se persuader qu'on ne saurait les admettre comme nos jours ordinaires de vingt-quatre heures. IN os jours se mesurent par la révolution que fait la terre autour du soleil dans ce nombre d'heures; et d'après la Bible, nous savons, à n'en pas douter, que cet astre n'a brillé qu'au quatrième jour, c'est-à- dire à la quatrième époque : antérieurement, toute- fois, ne lisons- nous pas ce mot jour appliqué aux âges ou aux jours précédents? Ce terme ne peut donc convenir à nos jours actuels ou ordinaires. Sans coucher ni lever du soleil, il ne peut y avoir de soir ni de matin ; mais certainement nous pouvons noter, sans cela, la fin et le commencement de quelque événement mémorable : Islœ sunt generationes }... m die quo Jvcit Domimis Deus cœlum et terrant '. Voilà comment s'exprime Moïse, en faisant, après les avoir détaillées, une sorte de récapitulation de toutes les reuvres successives de la création. Dans ce cas, le mot die (jour) qui, au reste, dans l'Ecriture Sainte, n'a pas de sens invariable , précis , se rapporte , non à un seul et unique jour, mais bien certainement aux six jours mêmes de la création, et répond en- core mieux à une époque , un temps , comme le veut Daguet, dans son explication du mot qui nous occupe. «Qui, ayant du bon sens, dit Origène, peut penser «que le premier, le second, le troisième jour, etc., «furent sans lever de soleil ni lune ni étoiles. » A chaque page de l'Ancien-Tcstament , nous trou- vons cette expression, jour, indistinctement employée pour marquer le jour proprement dit , l'année ou quelque fait remarquable; de même que le malin et 1 Gtlttiis, <;«[> il . vers. î 228 le soir servent à désigner soit le commencement, soit la fin d'une époque quelconque. Ces pluies abon- dantes et régulières qui tombaient au printemps et en automne, dans la terre promise, étaient appelées les pluies du matin et du soir. Us que ad vesperam et titane, (lies duo millia trecenti , dit Daniel dans sa pro- phétie touchant Notre-Seigneur. Saint Augustin, dans son livre sur la Genèse, et dans sa sublime Cite de Dieu, après avoir fait observer qu'il ne faut pas se hâter de se prononcer sur la na- ture des jours de la création, ni affirmer qu'ils fus- sent semblables à ceux qui composent notre semaine, continue : Quidies cujus modisint, autperdifficile nobis, aut ctiam impossiùile est cogitare, quanta magis dicere ' . Il nous est, en effet, difficile et même impossible d'imaginer, à plus forte raison de dire, quelle est la nature réelle de ces jours. Saint Athanase , saint Barnabe , saint Kusèbe, Ori- gène, le grand Bossuet , Frayssinous, le cardinal Wisemann, etc., n'entendent pas autrement que nous les jours dont nous parlons. Et, d'abord, il nous importe de savoir que celte manière de les compren- dre, n'est pas condamnée par l'Eglise, et qu'on peut la soutenir sans blesser en rien la doctrine ortho- doxe. «Si on fait observer que, dans cette opinion « qui fait des six jours de la création autant d'épô- « ques, le monde pourrait être plus ancien qu'on ne le «suppose, je répondrai que la chronologie de Moïse «date moins de l'instant de la création de la matière « que de la création de l'homme, laquelle n'a lieu que « le sixième jour. L'écrivain sacré suppute le nombre i De Ceneti ad I.itleram, lib. iv, p. '«-5. — Cite de Dttu . liv. i, ch. XI, \i. 18. 22'.» « d'années du premier homme et de ses descendants, « et c'est de la supputation des années des Patriarches «successifs, que se forme la chronologie des livres «saints, en sorte qu'elle remonte moins à l'origine « du globe qu'à l'origine de l'espèce humaine. Si les v( observations géologiques ne demandent pas que les « jours de la création soient plus longs que nos jours «ordinaires, nous continuerons à suivre le sentiment « commun sur la durée de ces jours. Si, au contraire, » nous dit saint Eusèbe , vous découvrez d'une ma- « nière évidente, que le globe terrestre doit être plus «ancien que le genre humain, la Genèse n'aura rien «de contraire à cette découverte; car, il vous est «permis de voir dans chacun des six jours (de la «création) autant de périodes indéterminées, et, «alors, vos découvertes seraient le commentaire « explicatif d'un passage, dont le sens n'est pas encore « entièrement fixé '. » CHAPITRE VII. De l'étude succincte et rapide que nous venons d'ébaucher, il résulte clairement que chaque phase que la science assigne au globe, comme à chaque espèce créée, s'encadre à merveille, et comme par enchantement, avec chaque évolution propre et tranchée de la création mosa'iquc, de telle sorte que nous trouvons une concordance irrécusable entre la science et le récit sacré. « Les observations géologiques récentes s'accordent 1 FiuYssiNor*, Défense du Christianisme tu, p. 47. 2?0 « parfaitement avec la Genèse, sur l'ordre dans le- «quel ont été successivement créés tous les cties « organisés '. » Ainsi, les débris ou les restes des plantes et des animaux des premiers jours de la Genèse, se mon- trent aux premiers âges géologiques, pareils à autant de témoins parlants, et ne sont pas les mêmes que ceux que nous offrent les jours suivants ou les épo- ques ultérieures, et ainsi de suite; de sorte que nous trouvons rangés, comme par âges, des genres végétaux et animaux variés, qui, ayant paru à des distances distinctes et séparées, se laissent retrouver, conséquemment, d'après leur ordre respectif et différent d'apparition. En un mot, Moïse, en nous dévoilant l'ordre dans lequel ont, tour-à-tour, été créés tous les êtres, ce que le contrôle de la science a justifié avec certitude, en nous faisant connaître et admirer la grandeur et la magnificence de Dieu, nous a donné une cosmogonie des plus savantes et des plus exactes, et a écrit, avec un savoir profond et des connaissances avancées, que ne peuvent lui disputer les physiciens et les naturalistes qui font la gloire de notre pays. Versé dans toutes les sciences en général, la phy- sique, l'histoire, la poésie, la législation, etc., s'ac- cordent chez lui avec la connaissance de l'homme et l'étude de la nature entière. Génie supérieur et magique, aucun phénomène ne lui échappe, et il sait tout aussi bien dissoudre, sans peine, le veau-d or3, comme il nous indique, 1 Cuvier, Discours sur les révolutions du globe, p. 122. 2 « Arripiensque vitulum quem fecerant, combussil et coiitrivit usquè ad pulvnviii , etc. I .code, cap. .">2 , vers. 20. 231 aisément, la source d'où émane la rosée abondante des âges primitifs l. L'espace recevait, dans le principe, la surabon- dance excessive de la chaleur de la terre, qui, faute de pouvoir réparer ses déperditions considérables de calorique, marchait avec plus de rapidité , vers son refroidissement. Le ciel, en renvoyant alors en proportion moins de sa chaleur insensible sur la terre, permettait, à son tour, à la rosée d'être des plus abondantes et d'imiter une véritable pluie, sans la- quelle n'aurait pu avoir lieu la germination*. Moïse était donc initié aux moindres détails scientifiques. Donner à la rosée sa véritable source, et toute céleste quelle est, se garder de la faire des- cendre du ciel ; réduire en poudre impalpable et soluble les métaux les plus durs, à laide de réactifs plus puissants que les noires, tout. cela était, pour lui, des opérations dont il se faisait un jeu r>. La médecine, toute sceptique qu'elle voudrait af- fecter de paraître, peut-elle s'empêcher d'admirer et d'admettre l'efficacité et là-propos de l'hygiène et de 1 « Scd fons asccndcbatc terra, irrigaos superGciem ejus » 11 est dit plus liant : « VA omne virgullum ajjri anlequàm oriretur in terra, omnemque " herbam regionis priusquàm gerinînaret : non enim pluerat Domious, i Deos super terrant , et bomo non erat qui operaretur terrain. » Genesis , cap. il, vers, ,'i cl II. 2 Plus la température est élevée, plus l'atmosphère se charge u de nos ehi - uuslrs modernes esl don. plus avancé? 23:1 la thérapeutique juives? L'introduction de la musique dans le traitement de l'aliénation mentale, que, dans ces derniers temps, nous avons vu préconiser en Angleterre et en France, n"a-t-ellc pas été précédée par les sons de la harpe de David, à laide desquels il parvenait à calmer les paroxysmes de la monomanie de Saùl ? Igitur, quandocumque spiritus malus arripic- bat Sa'ùl, David tollebat cilharam , et percutiebat manu suâ } et rcjvcillabatur Saiil, et levius habebat; vecedebat enim ab eo spiritus malus '. Le fiel du brochet, du barbeau, etc., que tous les anciens ophthalmologistes préconisent dans les albu- gos, mentionné par Pline, Scarpa et Blandin, trouve, dans ces auteurs, la justification de son usage, indi- qué par l'Ange qui accompagnait le jeune Tobie vers Raguel, et avec lequel le fils rendit la vue à son vieux père2 : Et fel valet ad ungendos oculos, in quibus fucrit albugo , et sanabuuturz .C'est dans le Tigre quese baigna le jeune Tobie; il ne put donc être effrayé que par un gros poisson d'eau douce : or le barbeau aime les courants rapides, et devient assez grand; le brochet, vorace, destructeur des autres poissons , qui attaque encore les mammifères et les oiseaux aquatiques, croît vite, atteint communément deux mètres et plus de grandeur. Sa bouche, longue et pointue, est armée de dents nombreuses et aiguës; dans bien des pays, on lui donne le nom de poisson-loup. L'un et l'autre de ces poissons vivent dans les fleuves et les 1 Reges , cap. m, lib. i, vers. 23. 2 Pline , lib. ."2 , cap. vu , p. 3î>. — Encyclopédie . t. il , p. 28. — iVou- veau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, t. i. p. 4S9. — Scarp*. Trailé des maladies des yeux, t. 1 , p. 28. 3 Tobit , iap. vi , lib. l, v«rs. 9. 233 rivières. C'est donc à un barbeau, ou mieux à un brocbei, infailliblement, que Tobie eut à faire. Le ruban écarlate que la sage-femme qui assistait Tbamar, la bru de Juda, attacba au bras de l'un des jumeaux, dont la main était sortie au-debors, afin de l'amener le premier, ne prouve-t-il pas à nos accouebeurs émérites, que les Beaudeloques et les Dubois des Juifs avaient su, avant les nôtres, former des La Cbapelles et des Boivins qui connaissaient toutes les règles de la Tocologie, et Tari délicat de pratiquer la Version * ? Jacob n'ignorait pas l'influence exercée par les émo- tions vives et soutenues sur le produit de la concep- tion des femelles des animaux, puisque c'était à l'aide de petits bâtons de diverses couleurs, placés dans l'eau où il abreuvait son troupeau, qu'il cbercbait à obtenir des brebis mères les différentes nuances de lainage des agneaux qu'elles devaient mettre bas. Sans croire qu'il existe une corrélation rigoureuse et exacte entre les qualités physiques de l'objet qui a excité une surprise, une frayeur ou une émotion, et le résultat que ces causes peuvent produire sur un fœtus, alors surtout que les membres ne sont pas encore formés, on ne peut s'empècber d'admettre l'influence qu'elles exercent sur la circulation de la mère; influence qui peut souvent se propager jus- 1 « l'nns protalit manuni in qua ol>stetn\ lijjavit commun, dicens : istc egfëdietur prior. » Genèse, cliap. 08. vers. 27, 28. Quand on voit une main arriver au-dehors , et qu'il est possible do • s'assurer que l'épaule correspondante est au détroit supérieur, loin de " s'effrayer et de la refouler, on la fixe au contraire avec un lacs. Le lacs placé , on repousse l'épaule et on va à la recherche des pieds comme s'il n J avait pas eu do complication. ■ V&LPEA0 , Traiti rompit! d'a«cnwhe uinif , t. il , p ô l."> 294 qua un embryon tendre, amorphe, soit pour provo- quer son avortemenl, soit pour donner lieu à des monstruosités pins ou moins bizarres l. La purification de la femme nouvellement accou- chée, et qui , selon le sexe de l'enfant auquel elle a donné le jour, doit avoir lieu 40 ou 80 jours après la parturition, repose sur l'expérience la plus judi- cieuse. Suivant son idiosyncrasie et sa sensibilité, l'accouchée met plus ou moins de temps à se remet- tre de ses couches, et, en bonne règle, on ne doit jamais lui permettre d'aller trop tôt à l'église, de sortir à l'extérieur. «Les temples sont généralement vastes, froids et «très-librement aérés. Pour ce qu'elles appellent «leurs relevailles, les femmes doivent y rester long- « temps agenouillées; elles ne manquent pas de se «fatiguer avant d'en sortir, et, souvent, elles y pui- ssent le principe des maladies les plus graves. La « religion bien entendue n'exige pas de pareilles im- « prudences. Avant de se transporter aux pieds des «autels, l'accouchée doit avoir repris ses forces; «s'être essayée chez elle, et s'être assurée qu'il ne «lui sera pas dangereux de s'exposer à l'air libre2.» Ainsi. M. Velpeau même, certifie, h son insu peut- être, que Moïse entend bien ce qu'il prescrit. L'usage des ablutions fréquentes, des bains gêné-- raux ; les soins de propreté dans les vêtements ; le con- seil d'éviter le contact de toute personne suspecte de maladie transmissible ; la tempérance dans le boire, le manger et les passions; l'attention exigée dans le 1 Veàr Yobslélrique de Dosés, et la Tératologie de L. Geoffroy Saint lin aire. - Velpeau, Traité complet des accouchements, t n , p« <>M 235 choix des aliments, d'où doivent sévèrement être exclues les viandes noires azotées, grasses, lourdes et indigestes, avec l'obligation de l'exercice et du iravail des champs, etc., nous dénotent une hygiène accomplie, et la seule appropriée à un ciel brûlant et à un climat perfide. /..)• magiio stomaclw jit maxinia pœuacibo, Ut sa nox levis, sit tibi cœna brevis. Cet aphorisme de l'école de Salerne avait été pré- cédé par celui qui en est l'original, et qui avait dit aux Juifs : « L'insomnie, la colique, les tranchées, sont «le partage de l'homme intempérant. Celui qui «mange peu aura un sommeil de santé; il dormira «jusqu'au malin, et son esprit sera tranquille au «réveil. » Si nous laissons la même hygiène nous dire : « L'envie et la colère abrègent les jours, et « l'inquiétude fait venir la vieillesse avant le temps',» nous constaterons combien elle savait apprécier l'in- fluence du physique sur le moral, et comment elle reconnaissait merveilleusement l'action délétère et nuisible des passions tristes et déprimantes sur la vie et la santé. INous n'en finirions pas avec la sagesse et l'opportunité des préceptes de la Bible, et leur exacte reproduction par tous nos grands maîtres les plus vantés, si nous voulions continuer à les dérouler ici. Aux connaissances possédées par Moïse , on vou- dra peut-être opposer le langage de Josué, qui, par l'ordre donné au soleil de s'arrêter, témoigne qu'il est étranger au système astronomique moderne. 1 Vigilia , choiera el tortura viro infrnnito. Somnus saoitatis in Iio- « mine parer. : dnrmict tiscjni- manè, et anima illius euni ipso delectabitur, » l.ccl., rap. \xxi , vers. 23, 24. — <• Zelns et iracuodia minnnnt (lies, et anU tempus senedtam adduccl cogilatus. lied , rap. \\\ , vers. 2t> 23 f. Mais, c'est précisément cet ordre que nous invo- quons, pour prouver la science physique que Ton conteste au successeur de Moïse. Et, d'abord, il fut ordonné au soleil de s'arrêter, comme tous les jours nous disons : « que le soleil se lève et se couche à telle heure, » sans que cette ma- nière de s'exprimer fasse suspecter en rien noire savoir astronomique. Pour se récrier ensuite contre les expressions de Josué, il faudrait prouver qu'il a intimé l'ordre plu- tôt au soleil lui-même qu'à sa lumière de s'arrêter, et nous démontrer que Dieu n'a pas pu arrêter ou ralentir la rotation de la terre sans intercepter l'évo- lution des autres globes. Le repos de la terre doit rigoureusement entraîner l'arrêt du cours de la lune; mais ce phénomène ne fut-il pas précisément com- pris par Josué, lorsqu'il ordonna au soleil de « s'ar- « rêter sur Gabaon, et à la lune, en même temps, «de ne pass'avancer sur la vallée d'Ajalon? Solcontra " Gabaon ne movearis , et luna contra vallcm A jalon. » (Josué, cap. x, vers, xu.) Par la réfraction des rayons lumineux à travers l'atmosphère, l'éclat du soleil paraît toujours avant qu'il soit sur l'horizon, et cet éclat subsiste encore quelque temps après la disparition de cet astre à nos yeux. Voilà ce que nous nommons les crépuscules, dont celui du malin porte le nom d'aurore. Or, comme le soleil parcourt, par heure, quinze degrés de l'équaleur ou de l'un de ses parallèles, il doit arriver que, dans la sphère droite, au temps des équinoxes, les crépuscules doivent durer une heure douze minutes, et que le jour, qui ne devrait être que de douze heures, eu égard à la présence du soleil, se :>:i7 trouve augmenté, par là, de deux heures vingt-quatre minutes. Dans les autres temps de l'année, la variation a lieu en raison de la distance du soleil à l'équateur. Dans les sphères obliques, les crépuscules, en élé. sont d'autant plus longs, que le pôle est plus élevé; en sorte que si la latitude est telle que le soleil, à minuit, ne soit pas tout-à-fait à dix-huit degrés au- dessous de l'horizon, comme il arrive dans le climat de Paris, il n'y a pas de nuit close durant le mois de juin et une partie de juillet. Au-dessus du 66e degré , le soleil ne se couche pas lorsqu'il a atteint le Cancer. Ainsi, dans le Groen- land, il est jour sans discontinuer, tout l'été. Sous le G-ie degré, il ne disparaît guère qu'à dix heures dix minutes du soir, pour se montrer cinquante minutes plus tard : il reste, cependant, trois heures quarante minutes sous l'horizon; mais, comme dans le mois de juin et le suivant, ses rayons sont constam- ment réfléchis sur les montagnes, et que l'horizon est éclairé par un crépuscule qui permet de lire et d'écrire parfaitement, on peut dire que le soleil, dans cette latitude , ne se couche pas. Dans le cas qui nous occupe, il a fallu que Dien, sans nul besoin d'intervertir la loi de l'attraction, dont il est sans contredit l'auteur et le maître, ail fait durer le crépuscule du soir quelques heures, au lieu de quelques minutes. A cet effet, il a suffi que les rayons solaires aient décrit une ligne oblique, au lien d'une ligne droite qu'ils décrivent naturellement ; de même que, pour obtenir sur le cadran d'Ezé- chias la rétrogradation de dix degrés de Yombrc du soleil promise par le prophète Isaie au malade, il n'est besoin que d'une simple inflexion des rayons 2 38 solaires tombant sur l'aiguille du cadran, pour due l'ombre recule ou se projette du côte opposé. Notre horloge solaire divise les jours en vingt-quatre heures équinoxiales, sans allongement ou raccourcis- sement de l'ombre tournant autour du cadran. L'horloge d'Ezéchias était une horloge dite sciatc- rique : elle ne marquait pas l'heure; mais servait à mesurer l'ombre des solstices, et à déterminer ces solstices eux-mêmes par l'allongement de l'ombre du soleil. Dans ce cadran, l'ombre croissait journellement depuis le solstice d'été jusqu'au solstice d'hiver, et décroissait dans la même proportion depuis le sols- tice d'hiver jusqu'au solstice d'été. Ainsi , tous les jouis, à midi, l'ombre montait et se raccourcis- sait, et l'après-midi, au contraire, elle descendait et s'allongeait. Voilà l'explication de ces paroles d'Ezéchias : « Il « est plus facile à l'ombre de baisser de dix degrés «que de remonter du même nombre de degrés. » Mais, pourquoi cette facilité d'un côté et cette dif- ficulté d'un autre! Le voici : supposons que ce soit dans l'après-midi que le prophète ait été trouver Ézé- chias : le soleil, qui suivait sa marche naturelle, des- cendait alors vers le couchant, allongeant l'ombre dans les degrés. C'est l'inverse ou l'ascension de l'ombre qui, à celte heure, ne pouvait avoir lieu naturellement, que demandait Ezéchias à lsaie comme garant de sa promesse. Dieu a certainement pu produire les deux phéno- mènes par le moyen que nous venons d'indiquer, sans que le moindre accident soit advenu sur le globe 239 terrestre; niais nous devons convenir que les deux prodiges n'ont pu avoir lieu sans un mirale; car, alors même qu'il y aurait eu une cause naturelle capable de produire une réfraction considérable des rayons solaires, et de leur faire décrire, au coucher du soleil, une ligne oblique, cette cause ne pouvait se trouver présente à temps nommé pour agir à la volonté de Josué et d'Isaïe. CHAPITRE VIII. Après les travaux des Deluc, Delomieu, Bukland, Cuvier, Brogniart, etc., que ces savants n'ont pas entrepris, sans doute, dans un but préconçu et systé- matique, qui oserait, aujourd'hui, douter du déluge universel, qui a laissé des traces si enracinées chez tous les peuples, et dont la nature, l'histoire, la science, la fable elle-même, celle image défigurée de la vérité, témoignent d'un commun accord pour le metire en évidence? Les vallées dites de dénudation, n'ont-elles pas élé creusées dans les points les plus élevés par l'action impétueuse d'un immense courant d'eau qui a mis à nu, sur les parois de la vallée, les couches corres- pondantes de terrain? Pourquoi ces blocs énormément prodigieux, appe- lés erratiques, longue file de masse volumineuse de rochers affectant sans cesse la direction N.-E. au S.-O.? Pour déplacer et transporter au loin ces blocs dont plusieurs pèsent des milliers de quintaux, il a fallu, d'après M. Klic de Beaumont, un courant 240 d'eau de 1500 pieds de profondeur, qu'il explique par le soulèvement rapide des moniagnes qui, à l'é- poque du déluge, seraient venues prendre tout-à- coup la place des mers, qu'elles auraient chassées au loin avec violence : les montagnes polaires seraient dans ce cas. Ceux qui croient que quarante jours et quarante nuits de pluies torrentielles, et le débor- dement des mers et des cataractes souterraines, n'ont pas suffi à couvrir d'eau, la surface de la terre, qu'ils cherchent encore à combattre l'idée du Secré- taire perpétuel de notre Institut de France! Si main- tenant il est à jamais impossible que les hommes aient à redouter une nouvelle submersion générale, cela ne doit pas nous surprendre , non parce que nous prouvons, par nos calculs, qu'il n'y aurait pas une quantité d'eau suffisante fournie par la terre et les cieux ; mais bien parce que Dieu, dans son indul- gente bonté, nous a promis qu'il n'y aurait plus de déluge : Nequaquàin ultra intcrjicietur omnis caro aquis (îiluvii, ncc erit deinceps diluvium dissipons terrain l. On le voit, toutes nos démonstrations physiques n'inter- viennent sans cesse qu'à la suite des vérités sacrées, et pour les confirmer et les établir humainement. A près les recherches ethnographiques des Schlcgel, Eichoff, Prichard, des Humholdt, Pallas, Kalbi , Kloporth, Abel de Rémusat, Champollion jeune, etc., qui oserait nier que nos langues multipliées ne for- ment pas une filiation issue d'une souche commune et unique, dont la confusion et les idiomes infinis datent de la dispersion des hommes et de la présomp- tueuse tentative de l'édification de la tour de Babel.' 1 Geuesix , cap. ix, vers ) I . Bien que l'étude des langups ail déjà produit <1 heu- reux fruits, en ce qui touche la filiation des races et des divers mélanges, elle est cependant susceptible de jeter encore un plus grand jour sur l'histoire. On pourrait concevoir l'espérance d'arriver par elle à dres- ser l'arbre généalogique de la grande famille humaine. Le fait primitif de la confusion des langues, n'aurait il pas été la cause immédiate de la séparation des races? Quel moyen plus propre pour les réunir, ou, du moins, pour les classer méthodiquement, que de faire cesser cette confusion ! Le dictionnaire complet d'une langue, s attachant à rechercher, surtout, l'origine et la formation des mots, et démêlant les éléments qui sont entrés suc- cessivement dans la formation d'un idiome, serait une monographie du plus haut intérêt. Si on joignait, à ce travail , l'indication et les rap- ports qui se trouvent entre le vocabulaire et les usages d'un peuple, on aurait trouvé et décrit, non-seule- ment l'origine certaine d'une nation, mais, encore, on aurait fait son histoire intérieure. Dans tous les pays, l'idiome parlé par le vulgaire, est mobile comme la civilisation dont il est le reflet' et subit, par le laps du temps, de continuelles trans- formations; tandis que la langue primitive, consignée dans des dépôts soigneusement respectés, reste sta- lionnairc et immuable, parce qu'elle est en dehors des vicissitudes agissant sur l'idiome vulgaire. Leibnitz prétend que la langue allemande, la plus transpositive des langues modernes, a suivi toutes les phases de la constitution germanique la plus irrégulière de toutes les constitutions. Le pre mier, il a aperçu ei indiqué l'utilité de l'étude de la 16 242 langue, par rapport à l'histoire, et par rapport à la connaissance et à la connexion des peuples enlre eux. iNotre patois méridional, le basque, le bas-breton, en particulier, plus primitifs que le français, plus ricbes en radicaux et en expressions, dont la racine réside dans les langues savantes, et plus abondants en mots pittoresques, qui n'appartiencnt qu'à eux, sont dérivés de l'hébreu. Les deux langues les plus analogues, sont l'hébraï- que et la française, ce qui rend eeUe-ci extrêmement propre à traduire l'autre, et qui fait que les plus beaux morceaux de notre poésie, sont traduits et imités de l'hébreu. L'unité de notre race, dont les variétés produites accidentellement ont été transmises par descendance, reconnue par Camper, Blumenbuch, Buffon, Lacé- pède, Semmering, Cuvier, etc., est actuellement mise, non-seulement hors de doute par nos premiers savants, mais sa démonstration a été portée jusqu'à la dernière évidence, au sein de notre Institut natio- nal, par M. Serres, de Paris, dans son rapport sur un voyage, entrepris par M. de Froberville, dans la partie orientale de l'Afrique, située enlre lequateur et la baie d'Élagoa. M. de Froberville a parfaitement reconnu l'affinité qui existe enlre lesINègres, qu'il appelle Ostro-INègres, et la race caucasique. Ce fait a engagé M. Serres à établir, dans ses conclusions : «Que plus on étudié, sous un point de vue d'ensem- «ble, les races Congo-Guinéennes, Cafro-Méchuanes (i etOstro-Nègres, plus Vanité d'origine de l'homme s'y ((distingue et se constitue scientifiquement1.» ' Séance de l'Institut, mois do juillet IS.'iO ■:;.; Ce qui donne aux observations de M. de Froher- ville, qui a retrouvé, parnïi les peuplades qu'il a parcourues, une foule de mois ei d'usages sémitiques et l'usage de la circoncision1, un caractère de fixité qui permet d'en vérifierle résultat, ce sont les soixante daguerréotypes et moules en plâtre , qu'il a offerts à l'Académie des Sciences, et qu'il a pris sur des lètes- types d'individus. Et ceux qui voudraient demander par quel moyen, en admettant la descendance de tous les hommes de Noé et de ses fils, l'Amérique a pu se trouver peuplée, lors de sa découverte, nous les renvoyons aux voya- ges du célèbre Cook , à l'historien Robertson, et à Lacépède qui leur dira que : «Peut-être ne serait-il «pas très-contraire à la vérité, de supposer que les « Péruviens et les autres peuples que Ton a trouves «dans l'Amérique -Méridionale, lorsqu'on l'a dé- couverte, tiraient leur origine dos Malais dis «îles de la Mer du Sud, et que les individus de «la race Mongole, ont peuplé le Mexique et les «autres contrées de l'Amérique -Septentrionale8, » Les différences que nous remarquons parmi les hom- mes, ne consistent que dans la forme extérieure seule. La disposition cl l'arrangement des parties principales et essentielles, et les fonctions propres aux organes, qui sont toujours identiques chez tous font que le oègre n'a pas le cœur situé à droite m les poumons ailleurs que dans la cavité thorachique etc.; que son hématose, sa respiration, s'exécutent 1 Les Sénégalais . les \radus et ions les nègres de la côte de Judée pra- tiquent la circoncision. - '• ours i'hisloirt nalurellt . cahier de Pau \ I. discours d'ou- verture et de clôture, p, 20. 244 ,ii vertu d'autres lois physiologiques, par exempli que celles qui président aux mêmes fonctions chez le blanc. Le temps, le climat ci tant d'autres modificateurs, ont produit des anomalies et des changements pure- ment extérieurs, comme autant de jeux de la nature, qui se complet à exercer, par eux, notre curiosité, pour pouvoir mieux la jouer et la confondre. Une preuve que nos variétés de races humaines , ne sont que l'effet passager d'une cause passagère elle-même, c'est qu'elles ne sont ni fixes ni durables. Le mélange, le croisement, une nouvelle latitude, l'éducation, les font disparaître. ((Selon que les races habitent sur des montagnes «ou dans des plaines, près de vastes forêts ou sur le «bord des mers, dans la zone torride ou dans le voi- «sinage des zones glaciales-, qu'elles sont soumises à a une chaleur excessive ou à une douce température, «h la sécheresse ou à l'humidité, aux vents violents «ou aux pluies abondantes, et qu'elles reçoivent «l'action de ces différentes forces plus ou moins «combinées, elles peuvent offrir chacune, et pré- « sentent, en effet, de grandes différences dans leur «extérieur, et forment, par la nature et la couleur «de leurs téguments, des sous-variétés très-remar- «quables. Le tissu muqueux et réliculaire, qui règne «entre 1'épiderme et la peau proprement dite, s'or- '( ganise ou s'altère de manière à changer la couleur «générale des individus, la nature, la longueur et la «nuance des cheveux et des poils. La couleur géné- « raie est le plus souvent blanche dans les pays tem- « péres et presque froids; les cheveux y sont blonds, « très-longs et très-fins. Le blanc se change en basané, 245 « en brun, en jauuâtre, en olivâtre et même en noir «très foncé, à mesure que la chaleur, la sécheresse, «ou d'autres causes analogues augmentent; la lon- ugueur des cheveux diminue en même temps-, leur « finesse disparaît -, leur nature change; ils deviennent « cotonneux. Le climat de l'Amérique a conservé à « ces cheveux, même sous la zone lorride, presque «toute leur longueur; mais ils y ont perdu leur « finesse', et si le hlanc de la couleur générale n"y a «pas été converti en noir, il y a été remplacé par «un rouge brunâtre, assez semblable à la couleur « du cuivre. Nous ignorons quelle est la plus ancienne «de ces variétés, et, par conséquent, quelle est leur «souche commune; mais il n esi , peut-être, pas (t inutile de faire observer, que si, après avoir choisi, « relativement au premier état de la terre que nous «habitons, une des hypothèses de Leibnitz, de « Iînffon et de Laplace, nous devons supposer que «notre globe a été pénétré, lors de son origine, «d'une chaleur bien plus vive que celle à laquelle «il est soumis depuis plusieurs siècles, l'espèce hu- « maine a dû, à cette époque reculée, présenter sur «toute la surface de la terre qu'elle a occupée, la «couleur noire, qu'elle ne montre, dans nos temps «modernes, que vers les pays brûlés par un soleil « ardent '. » Dans ses recherches sur le tissu pigmentai et sur ses métamorphoses, M. N.-II. Deschamps, après avoir distingué en quatre classes les races humaines, race blanche, race noire, race cuivrée et race olivâtre, 1 Lacétède, Cours d' histoire naturelle, Discoure d'ouverture, au VI, p. -I M. Marcel de Serres considère le nègre comme l'homme priqiitil sérail le débris <\n tni ndc uni 246 nous présente le pigment uni ou celle couche de la peau qui se trouve immédiatement an-dessous de l'épidémie, et dans laquelle est déposée la matière colorante du derme, sous trois formes différentes, suivant que sou lissu est nature), accidentel ou pa- thologique. Le pigment naturel se développe avec l'organisa- tion, indépendamment de louie cause extérieure, à mesure que l'être grandit. Le pigment accidentel se montre sous l'influence de la gestation, de l'insola- tion, etc., etc.; enfin, la négritie partielle chez les blancs, forme le pigment pathologique. Lorsque le pigment qui donne aux. cheveux leur nuance, aux yeux leuréclat, et animeles joues de leur incarnat, vient à manquer, une teinte hlafarde gagne tout le corps: les cheveux se décolorent; l'iris, qui lui doit son opacité aussi bien que sa couleur, devient transparent, et, alors, la lumière qui, dans l'étal normal, ne s'introdpil qu'à travers la pupille, tra- verse l'iris rapidement, et son impression vient hles- ser les nerfs optiques. Dans celle condition, l'homme ne peut supporter l'éclat du jour, et il recherche une lumière crépusculaire. Tel est l'Albinos, chez lequel fait défaut la matière colorante de la peau, soit qu'elle n'ait pas pu se produire, soit qu'une maladie l'ait dé- iruiie. De la sorte s'expliquent la blancheur de sa peau, celle de ses cheveux, de ses poils, et son aver- sion pour la lumière. L'albinisme observé dans notre race, se rencontre de même chez les animaux '. «Tout concourt donc à prouver que le genre hu- « main n'est pas composé d'espèces essentiellement 1 Icadimit impèrialt de médeeint , séance du 20 mai ISM;. 247 ic différentes entre elles; qu'au contraire, il n'y a eu «originairement qu'une seule espèce d'homme, qui, «s'étant multipliée et répandue sur toute la surface «de la terre, a subi différents changements par l'in- « fluence du climat, par la différence de la nourriture, « par celle de la manière de vivre, par les maladies « épidémiques, et aussi par le mélange, varié des in- «dividus plus ou moins ressemblants; que, d'abord, «ces altérations n'étaient pas si marquées, et ne pro- duisaient que des variétés individuelles; qu'elles «sont ensuite devenues variétés de l'espèce parce « qu'elles sont devenues plus générales, plus sensi- « blés et plus constantes par l'action continue de « ces mêmes causes; qu'elles se sont perpétuées, et se ((perpétuent de génération en génération, comme « les difformités ou les maladies des pères et des mères « passent à leurs enfants: et qu'enfin, comme elles n'ont «été produites originairement que par un concours (( de causes extérieures ou accidentelles, et qu'elles (m'ont été confirmées et rendues constantes que par aie temps et l'action continue de ces mêmes causes, «il est très- probable qu'elles disparaîtraient aussi peu uà peu et avec le temps, en même temps qu'elles de- « viendraient différentes de ce qu'elles sont aujour- «d'hui, si ces mêmes causes ne subsistaient plus ou «si elles venaient à varier dans d'autres circonstances «et par d'autres combinaisons1. » Par la comparaison qu'a faite F. Tiedmann du cer- veau du Nègre, tic l'Européen et de l'orang-outang, il a pu vérifier l'opinion qui a prévalu parmi quel- ques naturalistes, à savoir que le IS'ègre est inférieur 1 Bcffon, Bisloirt naturelle de l'Homme , t. 11 , p. 2lo 2*8 ;'i l'Européen, tant sous le rapport de son organisation, que sous celui île ses facultés intellectuelles, et com- me, dans les points où il diffère de celui-ci, offrant de l'analogie avec la tribu des singes. Afin de détruire la fausseté d'une pareille assertion, F. Tiedmann a examiné un grand nombre de cerveaux d'individus de tout sexe, d'âge différent, et appartenant à diverses variétés de l'espèce humaine. Après s'être assuré de leur poids réel par des mesures exactement prises, et avoir déterminé la capacité du crâne, il a vu qu'il n'existe aucune différence appréciable dans le poids moyen et les dimensions moyennes du cerveau du Nègre et de celui du Blanc, et que les nerfs ne sont pas plus volumineux, relativement à la masse cérébrale, dans le premier que dans le second. Dans sa forme extérieure, le cerveau du Nègre n'offre qu'une très- légère différence avec celui de l'Européen ; mais, dans la structure interne, il n'y a absolument aucune différence quelconque , et le cerveau du premier n'est pas plus ressemblant à celui de l'orang-outang, que le cerveau d'un Européen, excepté peut-être dans la disposition plus symétrique de ses circonvolutions. Les conclusions auxquelles Tiedmann est arrivé, par suite de ses recherches, sont en contradiction manifeste avec l'opinion de la prétendue infériorité du cerveau du Nègre, tant sous le rapport de ses dimensions que de sa conformation. 11 attribue les notions erronées qui se sont accréditées jusqu'à lui sur ce sujet, principalement au préjugé qu'avait fait naître l'angle facial qui , chez les Noirs, est moindre que chez les lîlancs, circonstance qui, selon les pré- jugés vulgaires, le rapprocherait des singes, chez lesquels cet angle est généralement plus petit encore. D'après cela 3 Tiedmann conteste qu'il y ait aucune différence innée dans les facultés intellectuelles de ces deux variétés de notre espèce, et soutient que l'infériorité apparente du Nègre n'est que le résultat de l'influence démoralisatrice de l'esclavage , de l'oppression continuelle, et de la cruauté exercée envers cette malheureuse partie de l'espèce par ceux qui l'ont précédée dans la civilisation. Parmi les observations dont la tête humaine a été l'objet depuis Blumembach et Camper, il n'en est pas de plus curieuses que celles qui sont dues à M. Frère, chanoine de Paris. Ces observations por- tent sur le développement occipito-frontal du crâne, suivant l'ancienneté des périodes des races humaines. En dehors des inductions historiques qu'en a déduit l'ecclésiastique distingué que nous citons, il en dé- coulerait le fait important suivant : « Que plus un « type est ancien et primitif, plus le crâne est déve- loppé à la région occipitale et aplati à la région a frontale. » La civilisation a donc, pour effet, de bomber la région antérieure. La nombreuse collection de crânes humains dont le savant chanoine a fait don au Muséum de Paris, et qu'il a recueillie sur les races européennes, montre les divers temps de la marché progressive de ce développement. La compression du front et la dépression des tem- pes du Nègre, qui sont ses marques distinctives de dégradation, dépendent ainsi de son défaut île civili- sation et de l'influence démoralisatrice de l'esclavage. Ce n'est que dans la vie civilisée que l'homme atteint le plus haut degré de perfection physique et morale. Placés dans les conditions sociales exigées 250 par noire condition, alors seulement nous prenons» tous les attributs qui nous constituent les véritables rois de la nature. Notre front se relève de plus en plus pour devenir le siège de nos pensées; nos pen- chants pervers s'ennoblissent, et nos traits s'embel- lissent sous l'heureuse influence des plus douces émotions. Dans l'état sauvage ou de dégradation, l'homme se rapproche, par ses appétits et sa figure, de l'instinct et de la physionomie de la brute. Son visage stupide et sans jeu , ne s'émeut que pour exprimer, dans toute leur laideur, l'abrutissement et le paroxysme de la fureur ! A mesure que les hommes se civilisent, leur tête s'harmonise, se rapproche du beau idéal, et leur nature tend à s'améliorer. C'est dans la Grèce, à Athènes, au siècle de Péri- clès, que le génie des beaux arts a imité ou créé l'A- pollon du belvédère et la Vénus de Médieis, en s'éleva ni à l'idée du beau imaginaire, ou en réunis- sant ou exagérant les traits réels qui servaient de modèle. C'est sous l'inspiration des Auguste, des Léon X, des Louis XIV, à ces époques qu'on peut appeler l'âge d'or de l'Italie et île la France, qu'au milieu de toutes les magnificences intellectuelles, la littérature et les beaux-arts ont enfanté toutes ces merveilles, symboles de civilisation, de concorde et de paix , dont l'éclat éblouira à jamais le regard de la postérité. lïlumcmbach et Cuvier ont fait la remarque que la domesticité est le plus puissant moyen que l'on possède pour produire des modifications chez les ani- maux, des variétés dans l'espèce. La civilisation, chez 251 I homme, est ce qui se rapproche le plus Je cet agent- elle est même plus forte à cause de son influence mo- ralisatrice. L'état primitif de l'homme est la société ■ Masculum etfeminam creavit illos Deus. «L'homme a un penchant à la sociabilité que sa «faiblesse naturelle lui rend absolument nécessaire «et sans laquelle il ne pourrait résister aux bètes «féroces ni se procurer ses besoins, puisqu'il n'a au- cune arme défensive ou offensive, telles que cornes, "gnffes, écailles, ni rien qui ressemble à ces facultés «connues sous le nom d'instinct, que plusieurs es- « peces d animaux tiennent de la nature même, de « se fabriquer des demeures, des vêtements, de chan- « ger de climat selon les saisons, etc. ■ ,, La société, impérieusement commandée par nos besoins et notre nature, est seule appelée à nous perfectionner. Il est absurde de vouloir opposer Pétai sauvage a l'état social, l'ébauche grossière au tableau poli et achevé l'enfant à l'adulte, l'embryon au fruit mur : de pareilles déclamations insultent l'œuvre du Créateur. En formant un être à son image, Dieu a voulu, en le rendant libre et perfectible, qu'il put le choisir pour modèle, en s évertuant, le plus qu'il est en lu, , de se .approcher de ses perfections divines Le sophisme de Jean-Jacques ne mérite pas de réfutation. Il ,fest pas d'état pire, pour l'homme que 1 ignorance; et les bonnes mœurs seront toujours en raison directe d'une bonne instruction. Que ceux qui répètent que la société déprave l'homme, aillent a" Pi'» vue habiter pan,,, les anthropophages et adoptent lru.s mœurs et leurs usages' •au it Ihistoin naturelle a unaïus , y. 7n 252 CHAPITRE IX. En nous résumant, nous dirons que les diverses phases que la géologie fait parcourir à notre planète, nous les trouvons admirableineui consignées et pré- cises dans le premier livre du Penteaeuque, monument historique le plus anciennement connu, où Moïse a écrit, en lettres inspirées, le fond réel de toutes nos connaissances, et le modèle accompli du vrai et du beau. S'il est incontestable que les végétaux el les mol- lusques ont été les premiers êtres organisés créés, et dont nous retrouvons les traces; qu'à leur suite, pa- raissent les poissons vertébrés, les reptiles marins, suivis des mammifères du même genre; que, plus lard , nous voyons arriver les mammifères herbivores, les oiseaux, les reptiles terrestres, et que nous ren- controns, après, les carnassiers, ne semble-l-il pas que nous constatons dans la paléontologie, la répéti- tion manifeste du narré du livre saint? Mais si la science, comme elle en affecte la pré- tention, est certaine, il faut convenir, aussi, que ce narré, à son tour, porte un cachet de vérité incon- testable, et d'une infaillibilité de savoir incontesté. La paléontologie, la géologie , sont des sciences positives. L'histoire des révolutions du globe , en pui- sant chez elles ses documents, prend l'observation pour base- 11 est donc clair que si , dans ses démons- trations, elle se sert des données fournies par les faits seuls, et qu'elle les coordonne suivant les règles de la logique, elle doit en déduire des conséquences non moins sûres qu'évidentes. 253 Ce qui constitue le caractère imposant cl vrai de la Genèse, c'est que son récit, seul d'accord avec la nature et le bon sens, bien avant nos découvertes modernes, et à l'oppose de tous les systèmes fantas- tiques rêvés par l'antiquité, établit que la création a été lente et graduée, et non subite et spontanée. L'ordre et l'ensemble admirables dans lesquels elle nous est présentée, témoignent des dispositions offer- tes par les eboscs actuelles et visibles. Nous y voyons l'intelligence suprême se complaire, en quelque sorte, à se manifester par des successions mesurées et progressives; s'élever du simple au composé, de la grossière matière à l'instinct, de la brute à l'homme. Procédant avec sagesse de l'inorganique à l'organisé, elle a fait progresser la vie vers la perfection, appro- priant en même temps, a chaque être, une organi- sation de plus en plus compatible avec le milieu dans lequel il était appelé à vivre et à se propager1 : Vida cuncta quœ focerat Deus, et erant valdh loua. — Et non pœnitcbit emn. Rien d'inachevé ne pouvait sortir de la perfection par excellence. C'est ainsi que les plantes serni-vasculaires des premiers temps géologiques, avaient leur organisation spéciale en harmonie avec le circumfusa de l'époque. Les reptiles, dont les vaisseaux pulmonaires ne sont que des branches de l'aorte et de la veine cave, 1 Quelques transforma lions »!«■ forme, quelques groupes de phanéro- games, qui peuvent être égaux '>n même inférieurs à certains groupes de cryptogames, ne sauraient altérer cette vérilé. En comparant ces deux grandes divisions du règne végétal, on ne peut se refuser a reconnaître que , pendant les quatre périodes géologiques admises par M Brogni irl, la proportion des phanérogames a éle toujours en augmentant. Celle loi de perfectionne ni existe dans le règne végétal comme dans I' ,,,1,,. règne \ oir De C.wooi le, nitloin iw/ari l/i ' u n g ta\u . Un, p " iii ne formant pas de système particulier; dont le cœur n'a qu'un seul ventricule, d'où naît une artère unique, se divisant en deux branches, qui fournissent chacune un rameau au poumon correspondant, pourraient-ils être regardés comme moins bien organisés que les autres animaux à sang chaud et à double cœur, à cause de la simplicité de leur organisation? lis, c'est grâce à cette économie animale, qu'ils peuvent suspendre à volonté leur respiration, sans que le cours du sang s'arrête. Par elle, ils jouissent de la faculté de pouvoir plonger long-temps dans l'eau, de demeurer enfouis dans des vases ou des trous, dans lesquels l'air, cet aliment de la vie, n'a pas d'accès. Il est donc permis de le dire: la \érilé, l'exactitude du récit de iVloïse sont à la fois prouvées par les nom- breux phénomènes du globe; par l'examen de quel- ques-unes de ses parties; par la tradition unanime des peuples, et par les monuments irrécusables de la civilisation1. Jusqu'à présent, du moins, aucun monument, soit historique, soit astronomique, n'a pu prouver que ce récit fût faux; mais, au contraire, ils sont tous d'accord avec les résultats obtenus par les plus savants philologues, les plus habiles géomètres et les naturalistes les plus distingués-. Quel est, eu effet, le travail accompli parla science de notre siècle, et nous pouvons ajouter, dans le seul but de ravir à la nature ses secrets, qui ne soit venu prouver par quels rapprochements inattendus et sur- prenants, l'œuvre des six jours de la création de la Bible, et les divers autres faits qu'elle renferme, se trouvent en merveilleux accord avec l'apparition 1 Voir la Géographie de Hai.iii , t. i , u. !S7. Voir Préci» d'histoire ancienne, |»ar Poibson cl Cayx, p. I i. diverse des nombreuses créations successives à la sur- face du globe? Pourrait-il en être autrement, lorsque les maté- riaux qui composent l'ouvrage sacré, sont extraits de deux sources certaines : la révélation divine, qui esl infaillible, cl la tradition patriarcale, qui expose les faits passés sous les yeux, recueillis et transmis par des témoins irrécusables? Par sa mère, Jochabed, petite-fille de Lévi, qui avait vécu avec Isaac, Moïse se trouvait seulement éloigne d'Adam de sept générations; il n'a donc pu écrire que ce qui était parfaitement présent à la mémoire de tous les hommes, particulièrement dans un temps où la tradition mutuelle était la seule bistoire que les pères transmissent à leurs enfants, et sur laquelle eux-mêmes s'entretenaient sans cesse. A cet égard, nous ferons remarquer le petit nom- bre d'autorités qui ont servi à nous transmettre et à perpétuer les grandes vérités chrétiennes: dix Pa- triarches, avant comme après le déluge, ont suffi; mais ils avaient vécu des siècles les uns avec les autres; ils s'étaient longuement cl souvent entrete- nus des prodiges opérés par Dieu, les répétant à leur famille, les attestant aux générations suivantes. L'aveuglement, la corruption déborderont de tome part; mais rien, parmi les hommes, ne pourra par- venir à altérer et à éteindre la voix des premiers historiens du monde. Nous noterons que le nom de chaque Patriarche était une sorte de monument dressé pour l'instruction des races futures, il expri- mait ce que leur naissance avait eu de particulier, ou se rattachait à quelque faveur reçue du end , ou à quelque événement mémorable arrive de leur vi- ->56 vant. Ainsi, Ad. un signifie homme terrestre; Eve, mère des vivants; Scth, substitué (il vit le jour après le meurtre d'Abel); Phaleg, division ( ce fut sous lui que les enfants de JNoé se dispersèrent); Saùl veut dire qui est demandé; David, aimé; Salo- mon, pacifique; fioboam , qui lâche le peuple, etc. La longévité des patriarches avait un but pro- videntiel. Leur existence séculaire, admise par liai - 1er, Buffon, Derrham, ne devait-elle pas tout à la fois servir à peupler la terre et à cimenter les bases de la société humaine? En effet, après la créa- tion du monde, où nous ne voyons qu'Adam et Eve, Tàge ordinaire est de neuf cents ans et plus; im- médiatement après le déluge, où INoé et ses fils doi- vent repeupler le monde, Tàge est moins long, et Sem est le seul qui ait atteint cinq cents ans. Dans le second siècle, nous ne trouvous aucun homme qui arrive à deux cent quarante ans; dans le troisiè- me, presque personne n'atteint deux cents ans; alors le monde, ou du moins sa plus grande partie, était peuplée à ce point, que déjà des villes y étaient bâties en assez grand nombre, et que des établissements y paraissaient de toute pari. Insensiblement, et à me- sure que les peuples se sont accrus, la durée de la vie humaine a diminué, jusqu'à descendre enfin à soixante-dix, quatre-vingts ans, et elle est restée au même degré depuis Moïse jusqu'à nous. Ainsi, la longévité humaine a marché en rapport des besoins de la population et des desseins providentiels. Si quelque moyen pouvait contribuer à celle lon- gue existence de nos premiers pères, c'était plutôt assurément l'hygiène patriarcale que Tétai du mi- lieu de l'époque, dont toutefois nous ne contesterons L') i pas l'influence, La régularité, le calme de la vie ci la chastelé sont les sources premières de la force et de la longévité. La pureté des mœurs de l'adoles- cence, fait rhomme sain et le vieillard vigoureux. 11 est reconnu que Tannée patriarcale est de 3G5 jours comme la noire , contrairement à l'opinion que dix années des Patriarches n'équivalent qu'à un de nos ans. Saint Augustin a prouvé que les années patriarcales étaient bien nos années actuelles. Qu'on se rappelle que l'année lunaire juive se com- posait de 1 2 mois , alternativement de 30 et 29 jours, à la fin de laquelle il était ajouté 11 et quelquefois 12 jours, c'est-à dire l mois embolismique, ce qui la mettait d'accord avec notre année solaire1. Abstraction faite de sa divinité, l'Ancien-Testa- ment, envisagé sous le rapport purement humain, est encore le recueil le plus précieux et le plus ins- tructif d'histoire, de science, de poésie, de morale et de législation les plus parfaites. Sévère, mais bienfaisante et juste tout à la fois, la législation qu'il nous présente porte un caractère particulier qui la dislingue de toutes les autres. Avec les devoirs indispensables à un grand peuple, l'hy- giène publique et privée y sont tracées de main de maître, et les lois, considérées surtout en vue du but proposé, témoignent que l'auteur d'un code sem- blable, est bien l'inspiré de Dieu. Si Moïse fait des concessions réclamées par 1 exi- gence du temps et des hommes; ->'il se montre tolé- rant sur la polygamie et l'esclavage, il s'élève, par rapport à l'Etre-Suprême , à une hauteur d'idées, à 1 IX mitait 0«i , lib \\, cap. u\ 17 258 une force de sentiment que L'intelligence humaine n'eût pu jamais approcher. On peut donc assurer que c'est sous la conduite de Dieu en personne, que les Israélites passèrent de l'état nomade à la condition stable la plus policée. Divine et sublime dans le fond et la forme, la Bible offre tout ce qui ressort de la foi sous le voile de l'obscurité et du mystère; mais les vérités prati- ques et essentielles y sont exprimées dans un langage clair et précis, comme autant de sentences salutaires qu'il convient d'imprimer dans la mémoire et de gra- ver profondément dans le cœur. Les faits y sont ra- contés sans exagération et sans fard; mais, lorsqu'il s'agit d'annoncer au peuple ses destinées futures, aux Juifs leur réprobation, à l'univers, la venue d'un Messie , quel style pénétrant ! quelle puissance de persuasion ! Quel poëme peut être comparé au livre de Job? Grandeur dans l'expression, hardiesse et sublimité des pensées, vivacité des mouvements, énergie des peintures, variété des caractères, tout s'y trouve réuni dans le plus haut degré. C'est avec juste raison que M. de Lamartine ne trouve aucun poète ancien ni de nos jours, comparable au saint homme. L'atticisme vanté de Platon , la fougue ardente de Démosthènes,l'élégance suave de Cicéron,et les mille autres qualités de l'orateur renommé, que devien- nent-elles à côté des psaumes de David? Le roi-prophète nous initie admirablement d'abord aux œuvres de Dieu, cherchant à célébrer ensuite la magnificence de Salomon, son fils: tout-à-coup, transporté hors de lui-même, avec quels traits il nous dépeint, assis sur un trône d'azur plus resplendissant 259 ci plus durable que les eioilcs el le soleil, «Celui «qui est plus que Salonion en gloire ci en sagesse! .. Il faut ne jamais avoir lu les psaumes de David ou ne pas savoir les comprendre, pour ne pas éire en- traîné par le prestige d'un savoir et la magie d'un génie qui fascinent et séduisent. Salonion, ce monarque puissant du plus florissant empire, supérieur au reste des hommes par la gran- deur et la magnificence auxquelles il avait conduit son royaume, n'était pas seulement le premier de tous par sa prépondérance et sa sagesse précoce; mais, prodigue à son égard, Dieu lui avait libéralement ac- cordé la connaissance des secrets les plus cachés. En histoire naturelle, quel savant a jamais égalé sa péné- tration, et quel homme, assez perspicace et assez versé dans la connaissance du cœur humain, saurait y lire comme lui dans ses moindres replis? La pureté de sa morale, la noblesse de ses accents, devaient le faire considérer comme une intelligence descendue du ciel pour éclairer les hommes. Son Cantique des Cantiques, ainsi nommé à cause de son excellence, est le morceau de poésie le [dus suave. Cet amour vif et passionné de Salonion pour son épouse chérie, symbole mystique de l'attache- ment ardent que Dieu porte à son Eglise, décèle la louche du coloriste le plus habile et le plus délicat. Il faut trouver les oreilles les moins chastes ci les coeurs les plus impurs, pour être scandalisé d'une naïveté de style, dune franchise d'expression qui tiennent aux moeurs primitives et au langage des (bien taux! Il est vrai , et le maître autel de 1 « Quœ i|isi ecclesito subdilura esse débet sul> dilione Sancttc Eulalim Elnensis, l Per hos annos qninquaginta seu cl amplius , jure ' ecclesiastico possessum fuit per successionem S:meli Felicis, sub diliont Sancta Eulaliœ. » [Bist.du Languedoc, lom. i, preuv.ci.) Eulalit est ensuite ! mine patronne d'Elne, depuis l'an 89 i jusqu'à l'an HiT.'i, dans les documents publiés |>;ir Baluzc. ( Varca, nos 53, 57, 65, 66, 70, 98, loi, I 52, 199, 212, 250, 285, et dans le testa- ment de Rikilde , vicomtesse de Narbonne, fait en 'M\2, et public à Vich I 3 « xxviii. anno Heorici , Régis Francise , un, i0. ) 266 la nouvelle cathédrale, construit en 1069, fut encore dédié à Evlalie, Vierge et Martyre, comme en témoignait une inscription contemporaine1. S'agit-il, dans tous ces documents, de la martyre de JMérida ou de celle de Barcelone, également connues dans le diocèse? C'est une pièce de .l'an 1082, qui nous donne les premières notions certaines à cet égard. On lit, en effet, dans l'acte encore inédit de la fondation du Prieuré de Serrabona, que ce lieu se trouve dans le diocèse de la cathédrale d'Elue , à' Eulalic , Vierge et Martyre de Mérida*. Ce document est daté du 5 des nones de mars, Tan 22 du règne de Philippe, corres- pondant à l'an 1082. Cela n'empêche pas les chartes plus modernes de désigner, long-temps encore, la patronne d'Elne, sous les simples litres de Vierge et de Martyre 3, et l'on ne saurait voir, sous ces déno- minations identiques depuis l'an 825 jusqu'à l'an 1 1 55 et au-delà, qu'une seule et même sainte Eulalie, dont la patrie nous est seulement indiquée par l'acte deSer- rabona. La patronne d'Elne n'a donc jamais été chan- 1 « Anno lxviiii post millesimo Incar « oacione Diïica, Indieione vu. Reverenlisi « mvs Epvs istivs Ecclesie Raimvndvs, et Gavcefredvs i Cornes, simvlqve Azalaiz Comitissa, pariterqve a homnibvs hominibvs istius terre, po tentes, médiocres « atqve minores, ivsservnt hoc altare in onorem Dni « nostri Iesv Christi et Marti ris liac Virginis eivs Eula- o lie editicare propter DevDO et remedivm animas illorvm. n (In Marca Ilispan.J - « Ecclesiam in valle Asperiensi territorio, I>iocesi limerilensis Virginia n tt Mwtyris Eulalie Sedis Elnensis, loco Serrabona vocato. » Cette charte provient des archives de l'église de Solsona. :i En 1080, » aima' Eulatiœ Virgini llclnensis Sedis. » (Marca, n° 29!l. ) Voir encore, pour les années suivantes, jusqu'en I ISS, le recueil de Marca-, 502, 507," 31 1 , 326, 36», 574, 377, 598, 500 et Ï2'i 267 gée, cl l'église de celle ville a été, dès le ixcsiècle, com- me de nos jours, consacrée à sainte Eulalie de Mèrida. 11 en serait bien autrement s'il fallait s'en rapporter à l'auteur anonyme d'une relation, dont les grossières erreurs méritent à peine l'honneur d'une réfutation sérieuse '. Voici, suivant cet auteur, comment le culte des saintesde Mèrida se serait introduit dans notre diocèse: Après la destruction de l'ancienne cathédrale d'Elne, que l'anonyme dit consacrée à saint Pierre, et pendant la construction de la nouvelle église qui , suivant lui , devait cire dédiée à sainte Marie*, il arriva que lé comte de Ronssillon se rendit en pèlerinage à Saint-Jacques de Gallicc. A son retour, ayant entendu parler des miracles opérés à Mérida par les saintes Eulalie et Julie, il prit son chemin par le royaume de Portugal, et se rendit dans la cite de Mèrida, oit étaient conservés les corps des deux saintes. Pendant le séjour qu'il y fit, il se lia de grande amitié avec un archiprêtre chargé de garder les reliques de la cité, et il lui dit qu'il le ferait grand seigneur dans sa terre, s'il voulait se reti- rer avec, lui et emporter les reliques des saintes Eulalie et Julie. L'archi prêtre, séduit par ces promesses, em- porta les reliques confiées à sa garde, et suivit le comte en Roussillon. Celui-ci tint conseil avec l Evêque,le Cha- jùtre et les Prud'hommes de la cite d'Elne ; il offrit de se charger de la construction de la nouvelle église, et d'y faire contribuer tous ses vassaux, sous la condition que le maître-autel en serait érigé en l'honneur de sainte Eulalie. Le conseil se serait empressé d'adhérer à cette demande. i i acte apocryphe a clé public dans le rci ucil de Varca n° 272 268 S'il y a quelque chose de fondé dans ce singulier récit, ce ne peut être qu'un vague souvenir du con- cours prêté, en I0G9, par le comte de Roussillon (iausfred et par ses vassaux, à la construction du maître-autel de la nouvelle cathédrale. Cependant, Al. Forianer ne doutait pas que les habitants d'Elue n'eussent, à celte occasion, sacrifié leur ancienne patronne qui, suivant lui, était sainte Eulalie de Rus- ciriOf pour adopter les deux saintes dont le comte de lloussillon aurait apporté les reliques. Si l'enlèvement des reliques des Martyres de Mérida avait dû amener l'adoption de ces deux saintes comme patronnes du diocèse, ce grand changement serait, sans doute, connu autrement que par l'ignorante relation d'un auteur anonyme; il aurait été constaté avant tout dans l'inscription même du retable érigé en 1060, où il est seulement fait mention de sainte Eulalie, Vierge et Martyre, la seule que l'histoire véridique ait jamais nommée comme patronne du diocèse d'Elne. «Mais le « comble de l'ignorance et de la maladresse de l'ano- « nyme, a dit M. Puiggori ', c'est de faire voler dans «le xic siècle les reliques des saintes Eulalie et Julie et à Mérida, d'où elles avaient clé transportées, en « 770, à Oviédo, capitale des Asluries, où sainte Eu- « lalie est encore la patronne du diocèse. » Nous n'avons ni à rechercher l'origine ni à discuter l'authenticité des reliques des saintes Eulalie et Julie que l'église d'Elne possédait anciennement : nous nous bornerons à relater ici le peu de renseignements que l'histoire nous fournil à cet égard. La cathédrale d'Elne possédait, sans doute depuis 1 Elue, foliée historique. p,m M P. Puiggari. 269 fort longtemps, des reliques de sainte Eulalie, dont il est fait mention, pour la première fois, dans une charte du 8 des kalendes de mars 1 140, par laquelle Raymond, comte de Uarcelone, renouvelle les pro- messes faites aux évoques d'Elnc par ses prédéces- seurs, et s'engage « envers son Seigneur Dieu, la «sainte église d'Elne et la bienheureuse Vierge Eu- « lalie, qui repose dans ladite église ' . » Elue ayant été prise, en 1285, par l'armée du roi de France, Philippe III, les églises de cette ville furent livrées au pillage, et les images des saints furent bri- sées, ainsi que les châsses qui en contenaient les reli- ques2. Celles de la cathéralc furent dispersées comme les autres dans cette horrible scène de destruction ; mais il paraît qu'on les recueillit ensuite, et l'on a conservé une espèce de procès-verbal, rédigé l'année suivante pour la remise de quelques reliques de sainte Eulalie faite par un clerc de Nar lionne à Pons Peytavi, chanoine du monastère d'Espira-de-I'Agly et curé d'O- poul. Voici la déclaration l'aile à ce sujet le 6 des ides d'août 1286, par ledit clerc, nommé Guillaume Serra. ci Je me trouvais, dit-il, à Elue, dans l'église de la «bienheureuse vierge Eulalie, lorsque celle cité fut «saccagée par l'host de notre illustrissime seigneur «le roi de France, et je vis briser et détruire une « châsse ou caisse en bois recouverte d'argent et dorée «à la partie supérieure, avec les images qu'il y avait 1 « Convenio Domino Deo el SancUe Elenensi Ecclesiœ et Btatœ Virgini « Etitalur , quir in pncfala requi ( Vomi . n" 598. ) '-' « F. quant la vila d'Kuna fon presa. entraren en le* Bgleyes de la vila « e robaren les, p Ireocaren les rnjus e yiuatges dels Sants que ] eren, e • gitaren ho lot a perdicio ; e gitaren les reliquies dels S.inU (pu i n. ii mica iel Rey / n r,n , per P. D'Esclot, capilol t 51.) :>70 au coté droit de l'autel. Cette châsse, qui renfermait 'les os du corps de ladite sainte, fui brisée en nia h présence par des Français de fhost de notre roi, et « ils en jetèrent les débris devant l'autel de sainte « Eulalie. Je m'approchai alors, et je ramassai dévo- <( tement deux osde chacun des bras de sainte Eulalie. « Je voulus savoir tout de suite à quel saint ou à quelle « sainte appartenaient ces reliques, et je trouvai, dans « 1 église même , le doyen d'Elne , quelques prêtres «de la ville et quelques autres personnes qui me «dirent que c'étaient des reliques du corps de sainte « Eulalie, Vierge; ce qu'ils m'affirmèrent devant plu- « sieurs témoins et sur le péril de leurs âmes. Mais je «n'ai pas le droit de retenir, et je ne suis pas digne « de conserver ces précieuses reliques : je les remets (.donc à vous, mon cher PonsPeyiavi, pour l'amour «et l'affection que je vous porte, afin que, par vos « soins, elles soient restituées et rendues aux hon- «neurs que cette sainte mérite dans ce monde*. » Guillaume Serra confirma par son serment la vérité de tous ces détails. INous ignorons d'ailleurs ce que devinrent ces reliques; mais il parait qu'en 1340, celles de sainte Eulalie et de sainte Julie furent tirées de dessous le maître-autel de la cathédrale par l'évê- que Gui de Terrena, pour être désormais exposées à la vénération des fidèles2. A partir de celte époque, l'église d'Elne se glorifia de posséder les reliques des deux martyres de Mérida, comme on l'a vu par l'oraison de la messe qui leur est consacrée dans l'ancien Missel du diocèse. Enfin, l'évêque d'Elne Galcerand, dans une charte 1 Galtia Christiana, lom. m, Instrumenta Ecr.l. Helnens., ii° xvn. - Elne, foliée histor., par M. I'. Puiggari. \larca. 271 du 10 juillet 1437, relative à la construction d'un pour sur la Tel, pour aller de Finça aux pays du royaume de France, accorde quarante jours d'indulgence à ceux des fidèles de sou diocèse qui concourront à cette bonne œuvre, «par l'autorité de Moire-Seigneur Jésus- « Christ, dos bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et «des bienheureuses Eulalie et Julie, Vierges et Mar- «tyres, dont les corps reposent, dans notre église cathé- « dralc ' . » Le corps de sainte Eulalie fut encore doté d'une riche turquoise en 1467, parlevêque d'Elue Antoine de Cardona 2. 11 reste à déterminer l'époque où le culte de sainte Julie fut associé, dans le diocèse d'Elne, à celui do sainte Eulalie, sa sœur ou sa compagne. Voici à cet égard, le dernier jugement émis par M. Puiggari : «Le côté oriental du cloître d'Elne appartient au «xnie ou an \ive siècle, selon le jugement de « M. Grille de Beuzelin, et l'opinion de cet archéo- «logue distingué est d'autant plus admissible qu'elle «est justifiée par une particularité qu'il n'avait pas 1 « Auctoritate Domini nostri Jnv \pi, et Beatorum Apostolorum Pelri « et Pauli, ac Realarum Eulalie et Julie, Virginnm et Martirum , quorum « corpora in nostra calhedrali Ecclesia èonqniescunt , Quadraginta dies de « infactis penitenciis in Deo misericorditer relaxamus. » (Archives de la Mairie de Yinça.) 2 Nous avons retrouvé le testament de cet Evéque, daté du 10 septem- bre -1467. On y lit: « ... Corpori vero nostro exanimi cepulturam eligi- « mus in Ecclesia Béate Eulalie Sedis Elue in tumulo in quo predecessorniu i noBlrorum Episcoporom corpora requiescunt et cepuîta fuerunt... !.!.■- n guamusque ipsius Beale Eulalie corpori unam pulcrissimam turquesiaro « quant habemus, quam imponi jubemus capiti eiusdem Beale Eulalie dicte i Sedis : Eciamque leguamus dicte Ecclesie Beale Eulalie unarri chatisfain i meliorem |>n> tabula quam habemus, <] u<- serviat ante altare dicte Eccli i sie Béate Eulalie, eiislendo in solo pro panno pedum. ■ ( Archives d'HU 272 «connue. Eu etïei, sur le côté est, assigné en partie «au xi\e siècle par le hou juge précité, est repré- « sente, en bas-relief, le mariyre de sainte Eulalie ci «de sainte Julie, et il conste précisément que cette ((dernière sainte ne fut connue et associée à l'autre <( qu'en 1340. » (Elue, notice historique.) Il ne nous appartient pas de résoudre la question d'art que soulève M. Puiggari; mais, il nous sera facile de montrer l'insuffisance de la preuve qu'il indique, pour déterminer lépoque où une partie dvi cloître d'Elne fut construite. En effet, quelques monuments sigillographiques, que nous avons dé- couverts dans ces derniers temps, établissent parfai- tement que l'association du culte de sainte Julie et de sainte Eulalie dans l'église d"Elne, remonte à une époque beaucoup plus reculée que celle que l'on indiquait jusqu'ici. Nous pensons, d'ailleurs, que les détails dans lesquels nous allons entrer, indépen- damment de l'intérêt qu'ils peuvent offrir dans cette question particulière, auront encore tout l'attrait de la nouveauté pour l'étude d'une branche de l'archéo- logie , sur laquelle il n'a été, jusqu'ici, rien publié parmi nous. Nous trouvons, d'abord, dans les précieuses archi- ves de l'Hôpital dlllc l, une charte, datée du 8 des calendes d'août 1244, par laquelle TÉvêque d'Elue Bernard (de Berga), accorde quarante jours d'indul- gence aux fidèles qui contribueront, par leurs au- mônes, à la construction de l'Hôpital d'ille et de son église. Ce document porte encore, sur cire brune, le sceau pendant de PÉvêque qui l'a donné, avec contre- « Parchemin A, n° 6. 273 sceau au revers. Le sceau , de forme ovale, a une lon- gueur de 0m, 05, sur une largeur de 0m,03, et se douve dans un assez bon état de conservation *. Il représente l'Évéqued'Elne, de face et en entier, coiffé de la mitre, lenant la crosse de la main gauche, avec trois doigts de la main droite ouverts, pour donner la bénédiction. Tout autour, se trouve la légende -j- s. b : dei gracia helnensis episcopi. La conservation du contre-sceau a été, sans doute, un peu compromise par l'usage auquel cette pièce a été long-temps destinée: car le Frère quêteur, porteur de cette missive, était obligé de la présenter à toutes les personnes dont il sollicitait les secours2. Tel qu'il est, on y distingue encore, au milieu d'un cercle de 0m,018 de diamètre, deux têtes nimbées, qui sont celles des patronnes d'Elne, com- me on le voit par la légende qui se lit tout autour : -j-sr.vi.Ai.iA. .ivr.i \. Celte simple lecture en dit déjà beaucoup sur la question qui nous occupe. Une ins- pection plus attentive semble encore lui donner plus d'importance, et porterait avoir, dans quelques diffé- rences des formes épigraphiqu es des deux inscriptions, une différence de date bien marquée. Les caractères de l'inscription du sceau ont la forme généralement adoptée dans notre pays pendant le xme siècle, tandis que ceux du contre-sceau, notamment la lettre V, semblent se rapporter à une époque beaucoup plus ancienne. Il est vrai que la forme de la lettre A est la même dans le sceau et le contre-srcau. Mous ne nous livrerons pas ici à des conjectures plus ou moins hasardées; mais il en est une de bien naturelle, c'est i Voyez les planches qui accompagnent celle note , n° I. Quatenus cuni nuncius dicli Hospijalis refferens présentes Mterat . 1 ■ nos il eundera benigfle suscipientes, etc. i Ibid. VoyexPl. n 2 18 274 que le contre-sceau de la charte d'Ille est le type du sceau primitif de l'Église d'Elue, attaché à tous les documents diplomatiques émanés de la cathédrale, tandis que le sceau particulier de l'Évéque Bernard de Berga, remonte au moins a l'an 1230, époque où ce Prélat occupait déjà le Siège d'Elne. Le contre- sceau ne variait donc jamais, tandis que le sceau particulier se renouvelait pour chaque Evêque, après son élection. C'est un usage qui a existé dans une infi- nité de Sièges épiscopaux, d'Abbayes et d'autres com- munautés qu'il est inutile de citer ici : il a pu aussi exister à Elne, et nous espérons que des découvertes nouvelles le prouveront un jour. Quoi qu'il en soit, ce contre-sceau devient un de nos monuments archéologiques les plus précieux. Il cessa d'être en usage dans la suite, et, dès le xve siècle, les évêques d'Elne firent graver, au centre même de leur sceau particulier, les deux patronnes du diocèse, sous lesquelles ils plaçaient l'écusson de leurs armes, le tout entouré de légendes particulières. C'est ce qui se voit dans le sceau de Galcerand , promu à l'évêché d'Elne le 6 des ides d'août 1431. Nous avons retrouvé deux chartes de cet évêque : l'une, datée d'Elne, le 12 du mois d'août 1434, rela- tive à la collation d'un bénéfice ecclésiastique fondé dans l'église de Saint-Féliu-d'Avail; l'autre, donnée à Perpignan sub sigillo noslrivicarialàs , le 1 8 août 1 452, pour le fermage des revenus de la cure de Boule- Ternère. Toutes les deux gardent encore les traces d'un même sceau1. Malheureusement, ces chartes sont dans un état de dégradation qui ne permet pas i Planch. n" 5. 275 de distinguer tous les détails du type qui a produit ces deux empreintes. Mais on y reconnaît distincte- ment les deux saintes Eulalie et Julie, représentées de face, et portant, Tune à la main droite et L'autre a la main gauche, la palme du martyre. Chacune d'elles est encadrée dans une niche formée de deux colonnettes avec pinacles fleuronnés , supportant d;ux dômes à pendentifs, dont chacun se couronne d'un petit clocheton. La partie inférieure du sceau porte un écu dont le champ est chargé d'un -lobe surmonté d'un arbre à deux branches, armes parlantes de l'evéque Galcerand, qui appartenait a la famille Albert. L'état des empreintes ne permet pas de lire une seule lettre de l'inscription qui entourait le sceau de ce Prélat. Cest le même type que l'on retrouve dans le sceau de François de Lloris, neveu du pape Alexandre Vf nommé à l'évéché d'Elue le 5 novembre 1499, dont nous avons une charte datée du 18 mai de l'an'lôOI relative à la collation d'un bénéfice fondé dans une eghsed'Ille ' . L'empreinte dusceauy est marquée pres- que partout avec une remarquable netteté. Ce sont comme dans le sceau de 1 evêque Galcerand , les saintes patronnes d'Elue dans des niches à colonnettes surmontées de dômes gothiques, avec pendentifs pinacles et clochetons gracieusement découpés. Mais la différence est grande, sous le rapport de l'art et dans les détails d'une ornementation dont la richesse 1 Cette charte commence ains. : , Francises I)ei et Aposlolice Se.lis » gracia Epwcqpos Glandetacen. et, ,,ro Rcverendo in Xpo Pat« el I» i„o •onnno hanc.sco eaden, gracia Klnen. Episcopo, i„ spiritoalibus et « tcmporahbus V.canus gênerai,, , universis et singnlis IVeUileris, ele . ( Voyez Plancli. n° 4.1 276 trahit l'inspiration nouvelle qui animait déjà toutes les branches des beaux-arts. C'est le souffle de la Re- naissance qui pénètre dans l'art ecclésiastique, et nous verrions sans difficulté l'oeuvre d'un artiste de Rome ou de Florence dans ce sceau d'un Prélat qui passa le reste de ses jours en Italie, fut cardinal de Sainte- Marie-Novelle, patriarche de Constantinople , secré- taire d'Alexandre VI, et mourut à Rome le 22 juillet 1506. L'écu de François Lloris occupe la partie infé- rieure du sceau; mais nous n'avons pu reconnaître les armes qu'il portait, et tout ce que nous avons pu lire de la légende se réduit au mot loris. Nous ne pouvons, faute de monuments, poursuivre cette élude dans le cours du xvie siècle, et le sceau de 1 evéque de Perpignan , François Lopès de Men- doca, que nous trouvons dans une lettre du 6 octo- bre 1628, n'offre plus que lecusson des armes du Prélat ' , avec la légende : don franciscvs i.opes de MENDOCA EPISCOPVS EI.NEN. Nous pourrions ajouter ici quelques considérations archéologiques sur certains monuments tirés de quel- qnes églises de notre diocèse consacrées à sainte Eu- lalie; mais il ne nous reste guère que des œuvres d'art relativement fort modernes, et une des plus intéressantes est, sans contredit, un ancien retable provenant de l'église de Sainte-Eulalie de Vilella , existant aujourd'hui dans l'église de Rigarda. Ce sont des peintures sur bois qui représentent, sous des costumes du xive ou du xve siècle, diverses scènes du martyre des saintes Eulalie et Julie. On peut y remarquer une étrange confusion entre la martyre 1 Planch. n" '■>. 277 Eulalie de Mérida ei son homonyme de Barcelone, confusion adopiée d'ailleurs par plusieurs auteurs ecclésiastiques, entre autres par Baronius ', qui sont allés jusqu'à nier l'existence de sainte Eulalie de Bar- celone. Mais ces considérations, qui ne nous appren- draient aucun détail nouveau sur ce point, ne feraient que développer outre mesure celte note déjà bien étendue. Nous croyons donc, en résumé, avoir dé- n-jntré, par des preuves 'irrécusables, que sainte Eulalie de Mérida est la patronne d'Elne au moins depuis le ixe siècle. Ce point admis, la question de l'époque où le culte de sainte Julie fut associé à celui de sa sœur Eulalie ne saurait offrir de sérieuses difficultés. 11 en fut sans doute, à ce sujet, comme des honneurs rendus aujourd'hui simultanément à saint Julien et à sainte Basilice dans diverses églises de notre diocèse, que les anciens documents repré- sentent comme uniquement consacrées à saint Julien. Aussi, n'hésitons-nous pas à conclure que le culte de sainte Julie est aussi ancien à Elue que celui de sa sœur Eulalie, et nous avons fait voir que leur asso- ciation y remonte au moins à Tan 1230. 7 juillet 1857. 1 Selon ces auteurs, sainte Eulalie de Barcelone aurait été à peu prés îii- connue jusqu'à la découverte de ses reliques, fuite dans la seconde moitié du ix'' siècle. Toujours est-il que la cathédrale de Barcelone, qui lui fut plus tard consacrée, était, en 801 (Vita Ludovici PU, auctore /Utronom. iïisl. rer. Fram . loni. vi, p. 91 ) et encore en '.Mit» (Marcà, 104), sousl'in- vocalion de la S t; celle d'Elne était, au contraire, dès Tan 82S, bous L'invocation de la Vierge Eulalie, qui devait être celle de H rida , la seule qui lût connue à celte époque, selon toute apparence. Ces! une con- sidération qui vient encon à l'appui de l'opinion soutenue dans celle nutici . 278 MONASTÈRES DE L'ANCIEN DIOCÈSE D'ELNE/ Par M. B. AlART, membre résidant. II. ABBAYE DE SAINTE-MARIE DE JAU OU DE CLARIANA, ORDRE DE CÎTEAUX. L'Abbaye de Cîteaux, fondée vers l'an 1098, vil sortir de son sein un nouvel Ordre monastique, dont les constitutions furent confirmées, en 1119, par le Pape Callixte 11. Ces nouveaux disciples de saint Benoît, s'imposèrent le travail selon la règle primi- tive; changèrent seulement l'habit noir en habit blanc, comme le symbole d'un dévoûment spécial à la Sainte Vierge, et déclarèrent qu'ils s'occuperaient uniquement de leur salut, en demeurant soumis aux Évêques. Illustré , presque à son origine, par saint Bernard, l'oracle du xne sièle, l'Ordre de Cîteaux s'attira tant de novices, par sa réputation de ferveur et d'austérité, qu'il put, en moins de cinq ans, en- voyer au loin plusieurs colonies, et fonder les quatre Abbayes de la Ferté, de Pontigny, de Clairvaux et de Morimont, que l'on nomma les quatre filles de Cîteaux. ' Voir, dans le diiième volume de la Société agricole , scientifique ei lit- téraire des Pyrénées-Orientales, une notice historique sur les Trmilaires de Sainte-Marie de Corbiach. 279 Chacune d'elles produisit, à son tour, un giand nom- bre de Communautés, et eut bientôt le rang et les prérogatives de Maison chef-d'Ordre, bien qu'elles demeurassent toujours sous la direction de l'Abbé de Cîteaux. Mais aucune n'égala l'Abbaye de Clairvaux, qui s'était agrégé soixante-seize monastères, et ren- fermait sept cents moines h la mort de saint Bernard (I 1 53). Neuf ans après, les Cisterciens paraissent, pour la première fois dans le Diocèse d'Elne, et fondent l'Abbaye de Jau} sur la montagne de Clariana, ce redoutable passage, si souvent perdu dans les tour- billons de neige; celte porte du mauvais temps, objet de tant de préoccupations pour nos agriculteurs, et cause de tant de dangers pour les voyageurs qui pas- sent du Confient au pays de Roquefort. Bien différents des anciens Bénédictins d'Arles, de la Vall de Soréda et d'Exalada, qui s'établissaient sur les monuments et près des voies de l'antique civili- sation romaine; bien différents, surtout, de ces Cha- noines du second âge monastique, que de puissants fondateurs appelaient dans les riches domaines de Cornella et d'Espira, les Cisterciens cherchaient, avant tout, la solitude, et construisaient leurs cel- lules loin des villes et des villages, près des eaux limpides d'une rivière, au milieu des forets silen- cieuses, dont les cloches argentines faisaient bientôt retentir les échos. Cîteaux et Clairvaux n'avaient pas d'autre origine, et l'on doit convenir que les forêts de Clariana devaient offrir, aux moines du nouvel ordre, un site des mieux appropriés à l'exercice de leur aus- tère discipline '. 1 Ni' s'agirait-il pns du monasloiv de tau, «tnns ce passage où le trou- badour roussillonnais , Pons d'Orlafa , que les rigueurs de sa Mime ont 280 La vallée que Ton parcourt depuis Mosset jusqu'aux sommités de Jau, offre partout, pendant près de dix kilomètres, de riches domaines dont la plantureuse végétation, les vertes prairies et les innombrables cortalades, parsemées le long de la rivière de Cas- tallar, présentent à chaque pas de magnifiques pay- sages, au sein d'une séduisante nature qu'anime une industrieuse et énergique population. L'aspect de la vallée se modifie un peu en appro- chant de la côte qui mène au col de Jau, et le che min qui monte aujourd'hui sur des pentes dénudées, traversait autrefois une magnifique foret que les anciens de Mosset ont vu tomber dans ces derniers temps, et dont on peut encore se faire une idée par la forêt dite de la Muline, qui couvre toute la rive droite de la rivière, en face des ruines du monastère et du col de Jau. Toutes les hauteurs, à partir de ce point, sont le domaine d'innombrables troupeaux dans les mois de la belle saison, le partage des neiges pendant le reste de l'année; et l'on se prend aisément à se figurer que le désir de porter secours aux voyageurs qui traversent alors ce redoutable passage, entra pour une bonne part dans la ferveur religieuse qui poussa réduit an désespoir, dit qu'il veut se faire moine, et se retirer dans un désert? « Si ;ii perdut mou saber, o Qu'a penas sai on m'estau , ii .Ni sai dou ven ni on vau Ni que m Fauc lo jorn ni 'I ser... ii A per paoc no m desesper, a 0 no m ren inonges d'An jau, « 0 no m met dins una clan « On honi no m pogues vezer... « V pourrait-on pas lire manges de Jau . au lieu de la leçon donni M Ravnouard ' 281 les cet) obi lès de Cîteaux dans ces lieux reculés. Le monastère de Jau sciait donc le Saint-Bernard de ces •-parages; ce serait, comme les hôpitaux du col d'Ares et de la Perche, une de ces sentinelles de l'humanité • pic la religion de nos pères postait sur nos monta- gnes, dans les passages dangereux qui introduisaient l'étranger dans le Diocèse d'Elne. On ignore l'époque de la fondation de l'Abbaye de Jau; et tout ce que Ton sait de ses premiers temps, c'est qu'elle fut soumise, en 1 162, par Arlald, évêque d'Elne, à l'Abbaye d'Ardorell, du Diocèse d'Alby, dé- pendant elle -même de la Maison de Pontigny, l'une des quatre filles de Citeaux fondée en 1114, à quatre lieues d'Auxerrc '. Les auteurs du G allia Christiana ne nous en apprennent guère davantage sur cette Abbaye et sur son histoire, qu'ils terminent brusque- ment au commencement du xvme siècle, et c'est seulement avec les débris dos archives de la province* que nous essaierons de combler cette immense lacune. Mais les sources ne sont guère abondantes pour le pre- mier siècle de l'histoire de Jau, justement celui qu'il y aurait sans doute le plus d'intérêt à connaître et a étudier. Lors de sa fondation, Sainte-Marie de Jau reçut, sur la paroisse de Mosset, d'importantes dotations dont les auteurs nous sont inconnus, et sur lesquelles 1 On croit que l'Abbaye nV Jau ou de Clariana, est le monastère désigné sons les noms de Calana et de Vovaria . el sons celui de tionasterium de ta' minrih ou ./ Fano , dans la Votict des Ibbayes de l'Ordre cistercien de • tims. (Gallia christiana, lom. \i ) - Le Cartulaire de Jau se compose «le î! pièces recueillies par M. de Saint-Malo, el de 1\~ autres, qui sont le produit de nos propres recher- ches; on peut v joindre une charte el une liasse déposées aux archives civile' I la Préfecture Ces derniers documents \"i>i de l'an 1753 i l'an 1773 •282 nous donnerons plus loin quelques détails. Vinrent ensuite quelques acquisitions sur le territoire des villages environnants. Mais les solitaires de Clariana, comme ceux de Canigô, de Serrabona, et de presque tous les Ordres monastiques de cette époque, ne tar- dèrent pas à trouver insuffisantes les forêts silen- cieuses, les roches et les solitudes stériles où les avait fixés le premier élan d'une sainte ferveur. Ils com- mencèrent d'envoyer des colonies dans des climats meilleurs et dans des domaines plus productifs, et fondèrent, sur divers points du Roussillon, de véri- tables centres d'exploitation agricole qui, sous le nom de granges , servaient à loger le trop plein du per- sonnel de la maison-mère, et lui donnaient des reve- nus qu'elle se serait difficilement procurés sans cela. On sait, d'ailleurs, que, d'après leurs constitutions primitives, les moines de Cîteaux ne voulaient pos- séder ni dîmes, ni églises paroissiales, ni fiefs, ni villages, ni serfs, mais seulement des fonds de terre ou des métairies qu'ils feraient cultiver par des servi- teurs à gages ou par des frères convers; et ces règles, qui semblent avoir été toujours observées par les Cisterciens de Jau, contrastent singulièrement avec les institutions féodales qui pesaient alors d'un poids si lourd sur les habitants de nos campagnes4. Les plus anciennes granges cisterciennes connues dans le Rous- sillon sont des dépendances de l'Abbaye de Font froide, dont les religieux appliquaient leur travail péniten- 1 On voit, il est vrai, parmi les possessions de Jau , quelques masades, situées à Mosset el à Glorianes; mais nos documents ne nous disent pas s1 les tenanciers de ces domaines étaient, comme tous les autres hommes propres, nmansats el abordais du pays, soumis aux servitudes de la remença personal, de Vintcslia, de la euguoia et de Vexorquia. 283 ciel à l'industrie pastorale, et c'est dans ces vues que- ce monastère s'était pourvu de vastes pasquiers à Tavt- taull (1176), à Vespella et à Pérellos (1187), à Rojà, à Pla-Guillem, ù Costabona et à Garavella'. Leur grange de Saint-Sauveur de Canamals renfermait, dès Tan 1208, plusieurs religieux, des gens de ser- vice, des troupeaux et d'importantes propriétés*. Les granges de Jau semblent avoir eu un but pure- ment agricole, et nous n'hésitons pas à faire remonter leur origine aux premières années du xme siècle, bien que nos documents les signalent beaucoup plus tard. La grange d'Ille est incontestablement de celte époque. On la connaît, dès Tan 1236, sous le nom de Mansc de Sainte-Marie. Le 1b des calendes de sep- tembre de cette année, l'Abbé de Jau et frère Guil- laume Sifin , qui était sans doute le grangier, vendi- rent à l'Hôpital d'Ille une parcelle de terre dont le prix, 30 sous melgoriens, fut consacré par eux à l'a- chat d'un bœuf dont leur manse avait le plus grand besoin5. La grange d'Ille, située en face et à l'ouest de l'église dite aujourd'hui de la Rodona , avait une chapelle et de nombreux fonds de terre compris dans le territoire d'Ille. La grange de Saint-Martin de la Biùa, située sur la rive gauche de la Tet, entre Néfiach et Millas, avait le même caractère agricole : c'était une ancienne fondation des Bénédictins de I Renard de Saint-Malo, Publicatewr (Archives de l'HOpilvl d'Ille, parchemin G, n° \1 II est bien entendu que, dans nos citations latines, nous ne pouvons que respecter scrupuleusement l'orthographe et le texte dot documents originaux. 28* 5 Saint-André de Sorède, acquise par le Monastère de Jau dans le cours du xine siècle. La troisième grange de Jau, anciennement connue sous le nom de Mansc de Cavanach, au territoire de Calce, est le domaine dit aujourd'hui de Jau, sur la rive gauche de l'Agly, entre Estagel et Cases-de-Pèna. Le Monastère de Jau avait pris, vers la fin du xme siècle, ses plus grands développements; il possédait alors tout ce que nous voyons plus tard constituer son domaine; son personnel se montre, dans les actes, plus nombreux qu'à toute autre époque, et nous trouvons parmi les offices claustraux , après Y Abbé, le Prieur, le Cellcricr, le Sacristain, le Gran- gier (Ville, le Grangier de Saint- Martin, et plusieurs autres frères conventuels à côté desquels figurent aussi quelques donats. En 1338, l'Abbé de Jau fut autorisé par Jacques II, roi de Majorque, à incorpo- rer dans le domaine de sa Maison la métairie du Pla de Cavanach, et, la même année, il obtint du même roi une dérivation du Vcrndoble pour l'irrigation de ce domaine '. Les legs pieux abondent en faveur du monastère : un prêtre d'ille se fait ensevelir dans son cimetière2, et des donats figurent en nombre dans les documents de ses annales, se donnant et se con- sacrant, eux et tous leurs biens, à Sainte-Marie de i Rég. 1 de la Proc. Real, fol. 1 1 ."i , et Rég. V, fol. 131, verso. 2 Testament d'Arnald Vcyl, prêtre d'ille, du 5 des nnnes de jau v.H 298: « Klijjo sepulturam meam in eemiterio mooasterii Béate Marie de Cleyriana... • Hem dimito monasterio de Cleyriana prediclo ('.• sol.Bar.Cor.» Le testa- teur, disposant de ses autres biens en faveur de divers particuliers, ne pouvait être ni douât ui moine de Jau; il yadoncici une contravention aux constitutions primitives de Ctteaus , qui interdisaient les concessions de sépulture dans les inonastèriw de cet Ordre. 285 Jau, où ils devaient résider loute leur vie. Cepen- dant, quelques difficultés s'élèvent déjà sur ce point, dès la seconde moitié du xive siècle; certains dûnats refusent déjà de tenir les promesses qu'ils ont faites ', et tout ce que nous savons dès-lors sur la vie inté- rieure des moines de Jau, laisse entrevoir, au sein de la communauté, de scandaleuses inimitiés et de graves désordres, dont on pourra juger par les détails suivants. Le 12 janvier 1372, frère Bertrand, abbé de Jau, nommait frère 15. de Fontjoncosa, prieur de Jau, G. Fabre de Castcllnou et Koger de La Tour, camé- rier de JMontolieu, pour aller le défendre par-devant le Pape, les Cardinaux et tout tribunal compétent, sur les inculpations dont il était chargé par les con frères mêmes de Jau, et les faire punir de la peine du talion : comme aussi pour dénoncer les crimes, énormités, délits et maléfices de quelques-uns d'entre eux, et en requérir le châtiment qu'il promettait de rendre d'un salutaire exemple2. Le 1 G novembre 1404, frère Jean, abbé d'Ardorell, père abbè et. visiteur immé- diat du Monastère de Jau, étant arrivé à ÎMossct pour procéder à sa visite, apprit que l'abbé Antoine ne résidait plus dans son monastère, et qu'il s'était retiré à Ille. Il le somma, sous peine d'excommunication, de comparaître devant lui dans les vingt quatre heu- res, dans la maison d'habitation que le monastère pos- sédait à Mossct, ou dans le monastère, a l'heure de vêpres. La citation fut présentée le lendemain par fi èi v 1 Le 14 août I5GG, Raymond Soléra, de Cornella-de-la-Rivière, s'était Fait donat du Monastère de ■Lui, par un acte notarié dont il contesta, plus tarJ , la validité. Due sentence du '-- novembre 1383, approuvée par le Procureur do Jau , déclara , que cet acte n'était qu'une écriture privée . el l'ancien donnl fut dégagé de Ions se- virm. 1 Bernard Paator, notaire. 28G Jacques Garaud; mais l'Abbé de Jau ne jugea pas à propos d'obéir, et fit appel a son seigneur, le Souverain Pontife , de la peine d'excommunication dont le me- naçait le Père-Abbé. Son refus était motivé sur le peu de temps qui lui était accordé pour se rendre d'ille à Mosset, « et surtout, ajoute l'Abbé de Jau, parce « que j'ai aujourd'hui des ennemis mortels et malveil- lants audit lieu de Mosset, comme tout le monde «en a connaissance; et enfin, parce qu'il n'y a ni «équité ni justice à faire comparaître les parties à « une heure et dans un lieu suspects ' . » Le même jour, il nomma des procureurs pour le défendre auprès du Pape, sous la protection et sauvegarde duquel il met- tait sa personne, son monastère et ses biens. Les ennemis mortels de l'abbé Antoine étaient pré- cisément, à ce qu'il dit, les personnages qui avaieut figuré dans ce débat. Il fut obligé de résigner sa di- gnité d'abbé, et Jean Balterna, son successeur, con- féra la grange d'ille à frère Jacques Garaud, qui fut bientôt sommé de quitter son office par ordre du même abbé. Jacques Garaud protesta, le 30 octobre 1411, contre celte sommation, alléguant entre autres raisons «que rien ne prouvait que ledit Jean Balterna « fût le véritable Abbé de Jau, attendu qu'il n'en avait «jamais reçu la confirmation par bulle apostolique, « cumme cela aurait dû être; en outre, le bruit cou- « rail qu'il nctaitpas entré par la porte pour avoir ladite 1 «..Cum a dictoloco delnsula usque ad locumde Mosseto dislent quatuor i leurc et ampli us. Item, cum ego dictus Abbas de Jauo abeo de présent! - inimicos mortales ac malivolos in dicto loco "de Mosseto , prout est vulgi Per Reverendum Dominum . fratrem John n nom proximum predteatt m», 292 XL Raymond II. — Frère Raymond était abbé de Jau dès le 15 octo- bre 1383. Le 17 mars 1380, cet abbé, désirant permuter son abbaye avec Guillaume, abbé de Lien -Dieu (Diocèse de Rhodez), constitua pour ses procureurs, frère Àmélius Sartre, moine de Jau, et Bernard Rothbald, du Diocèse de \ abres, chargés par lui de résigner pure- ment et simplement son Abbaye de Jau entre les mains du Pape, pour en recevoir la collation et l'investiture de l'Abbaye de Lieu Dieu. Ce projet n'eut pas de suite, puisque l'on trouve encore, jus- qu'au7avril 1391, en qualité d'abbé de Jau, un certain frère Ray- mond, le même sans doute que celui dont il vient d'être question XII. Raymond III. — Il eut pour successeur frère Raymond Prunet, Prieur de l'Hôpital d'Ille en 1395, moine de Jau en 1397, et connu seulement comme Abbé de ce monastère le 28 janvier 139S. C'est à lui que s'adresse la lettre suivante dont nous avons trouvé l'original déposé dans un registre d'.ictes de l'an 1399 : « Au très-révérend Père en Jésus-Christ, dom Raymond, notre « co-Abbé de Jau . « L'abbé d'Ardorell. Très-cher Père, nous souffrons en même « temps que vous de votre maladie, qui nous fait adresser à Dieu « d'abondantes prières pour voire prompte convalescence, de telle « sorte, que vous puissiez veiller sur le troupeau qui vous a été « confié. Ne vous baissez point abattre, et supportez votre mal « avec patience, car Dieu visite et châtie celui qu'il aune. Plût au « ciel qu'il nous fût possible de vous visiter personnellement et de « la bonne manière, pour vous soulager comme il faut avec le peu « que nous avons, car nous le feiions de fort bon cœur, cela et « mieux encore. Que le Très-Haut vous conserve et améliore votre « santé! Écrit dans le monastère d'Ardorell, le vingt juillet L » L'abbé de Jau mourut sans doute dans celte même année. 1 « Revcrendo in Xpo Patri, Domino Raymundn, eo-obbati nostro de.Jauo. « Abbas de Ardorello. Carissime Pater, condolcmus vobis de vestra infir- « mitate de qua Deo fundimus preces, ut silo convaleatis taliter quod super « gregein vobis comissum attendere valeatis; nec ullo modo sitis turbalus, • sel ipsam pacienter sub portetis, nain Deus quem nt Fournis 296 En consacrant ces éludes aux anciens établisse- ments religieux de notre province, nous n'avons pas pour but, comme pourraient le tenter des plumes, plus exercées, de faire revivre le passé par des pein- tures animées, ni d'en ressusciter l'existence et les monuments par une espèce de restauration littéraire réservée à des maîtres plus autorisés. Notre but est beaucoup plus modeste. Nous ne voulons que ravir à une complète destruction quelques fragments du passé, que nous faisons entrer dans ces notices comme dans un dépôt public. INous sauverons tout ce que nous pourrons; car le moindre détail, ['indication la plus \ ulgaire, ont leur valeur aux yeux de l'histoire, et nous dirons sur l'Abbaye de Jau tout ce qui pourra nous éclairer sur son importance, son personnel , ses revenus et sa vie intérieure. ■ PERSONNEL Dl MONASTÈRE. Outre les srangiers d'Illc et de Saint- Martin-dc-la- Riba, le Monastère de Jau comprenait, après l'Abbé, le Prieur, dont trois nous sont connus (Bernard Car- rera, en 1313; Bernard de Te rn ères, en 1347, et Ber- nard de Fontjocosa, en 1372 et 1373); le Cellerier (François Ma rch, en 1313); \e Sacristain (frère Julien, en 1313), et un certain nombre de moines*. Venaient 1 Outre les moines île Jau déjà nommés dans le cours de cette Notice, les docu nts Font encore connaître les noms suivants : Guillaume Bestor, 1298;— Guillaume de Saint-Paul, 1298; — Bernard de Gincla, 1298; — Pierre-Gui llem . 1 298 : — Julien , 1 29S : — Bernard de Terrères, 4298- 1529;- -Jacques d'Odélo, 1300;— Arnald , 1300;— Pierre Frauch, 1307; — Guillaume de Caldes, 1350-4547; — Jean de Campanyau, -1550; — Jean Fabre, IT> 50-1368; — Pierre d'Aulzina, 1546;— Julien Recort, 1550: — Jeun Bénéscl . 1554; Guillaume Elie, 1364-4585: - Pierre Gonill , 297 ensuite les Douais ou Confrères laïques, qui se livraient corps et biens au monastère, où ils remplissaient quel- quefois des fonctions importantes. On n'en trouve plus à Jau à partir de Tan 1388 '. Quant an personnel monastique, on n'en trouve pins de traces dans cette abbaye à partir de Tan 1439, et ce fut seulement plus de cent ans après que deux moines cisterciens vinrent chercher un asile dans ce désert ; mais c'est la un fait purement accidentel, et le silence des do- cuments prouve assez que la vie commune était éteinte dans ce monastère depuis l'occupation fran- çaise de Louis XI. Un testament du 5 mars I 389 contient un legs de messes à célébrer par les prêtres de l'église de Sainte- Marie de Jau. \Jais il est douteux que ces expressions se rapportent à des prêtres possesseurs de bénéfices, comme on en trouve dans la plupart des monastères. I! n'existe aucune trace de fondations de ce genre dans l'abbaye de Jau, et la mention de prêtres de Jau qui est faite encore dans deux testaments de Tan I546, doit s'entendre de deux prêtres séculiers qui avaient affermé, h celte époque, les revenus de l'ab- baye, avec obligation de célébrer les divins offices dans l'église du monastère, tout en faisant leur rési- dence à iMosset. 1 564-4 367; -Bernard Gilabert, \~û7> . Guillaume Blanquer, 1373; Paul de Durfort, \T>~:>: - Vesia-Vesia, 1383 j — Arnald de Laye, 1586; Pierre Martzsa, 1590-4400;— Pierre Torner, 1395-4422; — Pierre PéziUà, I"'i7: arnald Hauger ou Olger, 1598-4400 ;— Jacques Garaud, 1 404 ;— Barthélémy ^ymérieh, 1 456-1 459 ; — Jacques Bote, 1572; — lui Matali , docteur en théologie, 1575-4576. On trouve parmi les donati de lau, Guillaume de VIontélia, 1547-4549 lean Bquiroll, l~>'>i> - Raymon.l SoI.t.i , l.'t'.ti ; — ArnaUl C.isirll 1377-4378; Guillaume Fabre. 1587-1588. 29S L'Abbaye de Jau élaii sous la dépendance du Mo- nastère d'Ardorell, dont l'abbé prenait le litre de Perc-Abbc de Jau, el exerçait sur cette abbaye les droits de visite, avec pouvoir d'excommunication. L'Abbé de Jau pouvait appeler de ces décisions au Souverain Pontife, et l'on voit, par un acte de l'an 1389, que la collation de cette abbaye appartenait au Pape, qui en confirmait l'abbé par bulle aposto- lique. Sauf les grajigers, qui stipulent toujours en leur propre nom, on voit que l'administration tem- porelle de l'abbaye appartenait aux abbés seuls, et, a la date du 4 mars 1367, frère Pierre Conill, moine de Jau, ne put vendre une pièce de terre qui lui appartenait en propre qu'avec la permission de l'abbé Bertrand, son prélat. Cependant, les mesures qui con- cernaient la communauté étaient délibérées et déci- dées en chapitre. L'ordre de Cîteaux est le premier de tous les corps religieux qui ait introduit dans son régime la convo- cation des chapitres généraux. On a vu que l'Abbé de Jau se fit représenter, en 1413, au chapitre cistercien de Tortose, où il était appelé par le Saint-Siège; et, le 22 mai de l'an 1500, l'abbé Jean Boher afferma certains revenus pour le prix de huit livres, « les- -. (|uelles ont servi, dit-il, pour le tall que le Monas- tère de Jau est tenu de payer au chapitre général «qui a été célébré au Monastère de Cîteaux, dans le «duché de Bourgogne» Nous n'avons pas d'autres détails sur la vie intérieure du Monastère de Jau, qui, selon toute apparence, n'était guère riche en mobilier et en objets d'art l. ' La Maison de Mosset, qui avait Abbatis dicti Monasterii de Jauo, fieri feeit inventarium bonorum que • inventa f'uerunt in Domn Abbacie predicte in qua liabitare solet Rev. frater loannes Matali , monachus Ordinis Cisterciensis. In qua quidem domo » fuerunt inventa et ivpeita bona que seijiiuntur : •' En la cambra de la \badia, primo, nna caxa ;;ran, tancada ab clau, la ..quai no ses uberta. Item, un abit blanch, — uns raisons blanchs,— « un Bombrero. — una easaqua blaneba , — niolts drapets, ab un capUXO « uegre, —un llibre dtl GapiM Provincial de TarrogoM, al) unes Epistolet île si Peu, — unastola, — un vissai , — altro copoxo. En la sala ail de dita Abadia : primo, una caxa, en la quai lia un Vissai dolent, v eoiporals • y ornaïuens per dir missa, y ornainens de altar, <;o es toualles \ palits //.m, una camisola blancha. Item, un Brevia,i de pregaini Testes Rev. Fr. Mariions Bertran nachus Monasterii de Corbiacho , ele • 300 blement augmentées et améliorées en 1338. Par aeie du 19 août 1390, l'abbé Raymond afferma, pour six ans, à Pierre Pastor d'Estagell, une grange du Monas- tère de Jau, appelée lo Mas de Cavanach, qui se trou- vait alors sans cultivateur, et nous publions aux pièces justificatives ce document, qui offre quelques ren- seignements utiles pour l'histoire de l'agriculture dans notre pays. Mais les revenus de ce domaine ne .lardèrent pas à être affermés, puisque, par acte du 25 mai 1417, François de \ erniola, seigneur de Calcc, reconnut devoir à frère Jean, abbé de Jau, 34 livres sur le prix d'affermé du Manse de Cavanach.1. La Grange de Saint-Martus-de-i,a-Rira, ancienne dépendance de Saint-André de Surède*, à ce qu'il semble, était située sur la rive gauche de la Tel, sur un coteau qui domine le cours de la rivière, entre ISéfiach et Millas. Une charte du 3 des nones de mars 1266 mentionne la chapelle de Saint-Martin* , et 1 11 existe, d'ailleurs, sur ce domaine de Cavanach, des questions de fief et d'arrière-fief, que la rareté des documents nous empêche d'éclaircir com- plètement. Ainsi, nous trouvons déjà, eu 4585, une certaine Dono Clara, qui se dit veuve du Seigneur de Vilarloncb et fille du seiyneur de Cavanach. Le Manse de Cavanach fut ensuite concédé, en fief honoré, à Georges Garau, par le Vicomte d'ille et de Ganet. Enfin, le 20 octobre 4460, Galcerand- Galcerand de Pi nos, vicomte d'Ule et de Canet, donna tous les droits qu'il possédait sur ce lie! à Guillaume del Viver, seigneur de Calce. Georges Garau devait, à l'avenir, reconnaître ce dernier pour son Seigneur direct, en lui prêtant foi et hommage, avec, un cens de deux dorchs d'huile, en raison du Hanse dit de Cavanach et de ses terres , situé au texritoire.de Calce, et confrontant avec le cours de l'Agly et les territoires de Tautaliull , d'Espira et d'Estagell. (Bernard Fusler, notaire.) - Ce monastère possédait, en I 121 : u Ecclesiaui S, Martini de Ripa, nec- iion et illam S. démentis de Reglela, cnm omnibus terminfa et der.imis, etc. » { Marca, n"s 501» et 464.) ; lrchive$ de l'Hôpital ifllle , parch D, n° 35 toi c'était, au xive siècle, une grange dépendante de l'Abbaye de Jau , dont les revenus consistaient en biens fonds situés au territoire de Millas, et surtout dans celui de INéfiach. Mous non connaissons que deux grangiers , Guillaume de Montélia, donat de Jau en 1317 et 1319, et Guillaume de Conq, en 1320. 11 paraît que les bâtiments de cette grange changèrent de maître et de destination pendant l'occupation fran- çaise de Louis XI et de Charles VIII, puisque, le 30 avril 1487, le procureur de Guillaume de Cara- many, vicomte de Pérellos et de Roda, et seigneur de Millas, personnellement constitué devant la porte de l'église du château appelé lo castclf de Sent-Marti-de- la-Riba, créa bailli dudit château et de son territoire le nommé Mathieu Safont, de Millas, sauf le droit que le Roi de France peut y avoir. La Grange d'Ille, située dans l'intérieur de la ville, à l'ouest du cimetière de la Rodona, remontait sans doute au commencement du xme siècle, et ses fondateurs avaient voulu que le religieux possesseur de ce bénéfice célébrât le service divin pour le repos de leurs âmes, dans une petite, chapelle jointe au manse de cette grange '. On y ajouta des donations ou acquisitions nouvelles, et la grange d'Ille devint un des offices claustraux les plus importants du Mo- nastère de Jau. 1 On lit dans une pièce de l'an t'ill : > Me qui contulit et staluil Mn « nasterio de Jau illud ospicium siu- Ecclesiam alias vulgariter appellatum « ta Casa de Jau, situm in loco de Insula, inlra niuros dicte fille, hoc fecil > paclo adjecto videlicet qnod ibidem continue unus monacfaua enorani ■ ir.uTP abeat cl cellebrare sertis diebus missas et alia bona pia , oficia rantare seo fasere in rerouneracionem pecalorum suorurn el pro salulc .mime sue et suorum, Les titulaires connus de la grange d'ille sont : Guillaume Sifm, en 1236", André de Conch, de 1350 à 1366; Jean Fabre, en 1373; Jacques Garau, dépos- sédé en 1411 ; Pierre Torner, grangicr en 1419; An- toine Baro, en 1430, la quitta pour parvenir à l'abba- tiat, et y fut remplacé par Jean Balterna, ancien abbé de Jau, qui se démit aussi de cet office en faveur de frère Marc Coma, investi de la grange d'ille le 21 juin 1441. Le Monastère de Jau conserva ses posses- sions d'ille jusqu'aux derniers jours de son existence. Dans le territoire de Mosset, le monastère possé- dait les pacages de la montagne dite la Coma de Jau, avec des forêts et une scierie de bois dans le voisinage de l'abbaye. 11 faut y ajouter un terco de dîmes, des masades , des fonds de terre situés aux lieux dits lo Pla-dc-Pons , Falgueres et Mosset-lc-Vell . et surtout dans le voisinage de l'église de Saint- Jidicn-lc-Vicux , dont on voit encore les ruines sur la rive droite de la rivière de Castallar, en face de Corbiach '. Cette 1 Nous n'avons que des données fort incomplètes, pour calculer la somme totale des revenus de Jau. Voici, cependant, quelques chiffres qui, à défaut d'autre chose, prouveront, au moins, les variations que ces mêmes revenus éprouvèrent dans le cours des quatre derniers siècles. Le 21 mars I5G4, tous les revenus que le Monastère de Jau recevait à Ncfiach , à Millas, et à Glorianes, furent affermés au prix de 1-5 livres barcelonaises de tern. — Le 20 janvier MOI, les revenus de Néfiach furent affermés au prix annuel de 9 livres barcelonaises de tern. — Le 51 mars -H86 , les revenus d'ille, sauf quelques réserves d'olives et d'autres fruits, furent affermés au prix annuel de 7 livres \'S sous. Les mêmes revenus d'ille furent affermés pour 8 livres, le 22 mai tfiOO. — Le Monastère et l'Abbaye de Jau furent affermés, pour un an, le 6 février 4S49, à Jean Brunet, prêtre de Mosset, avec charge; de desservir ou faire desservir le monastère en messes et autres offices, au prix de 55 livres de monnaie courante. — Le 19 septembre L')49, ta Coma 72, trois Kcclésiastiques pri- 303 église était peut-être anciennement une obédienr< cistercienne , et le nom de Celler ou forteresse de Jau, que ce quartier portait au xvie siècle, s'applique peut-être à une construction dont les épaisses mu- railles flanquent encore tout le côté occidental de Saint- Julien-le- Vieux . Les ruines de l'Abbaye de Jau se voient encore sur la montagne de Clariana, au bord de la route qui longe la rivière de Castallar, entre les ravins de les Baltes et dcl Sola blanc j à un kilomètre environ au-dessous du col de Jau. INous n'avons aucune description de l'ancien monastère, et Ton peut à peine en reconnaî- tre les parties principales au milieu des décombres et des débris informes qui en occupent aujourd'hui la place. Quant aux documents écrits, on n'en peut tirer que bien peu de lumières à cet égard, et l'his- toire de cette construction sera bientôt faite quand on aura mentionné le parloir ( locutorium) , où se réunissaient les religieux, en ajoutant que des répa- rations furent faites au monastère en 1405, en 1489 et 1549. Une clocbe fut fondue pour le Monastère de Jau en 1489, et l'église existait encore au dernier siècle. Quant aux bâtiments de l'abbaye , nous trou- vons encore, à la date du 2 février 1595, un acte lait par le baron de Mossct, dans le Monastère de Sainte- Marie de Jau. C'est la dernière mention que nous en puissions trouver, et les auteurs du G allia chtistiana nous apprennent que, dans les premières années du rent à ferme L'Abbaye de Jau et tous ses revenus de Mosset et Ad Husqud . avec la Coma de Jau, usaye de la Molina Scrradora, et faculté d'y prendre le bois nécessaire au monastère, le tout au prix annuel de % livres de monnaie courante. En 1 655 , la dime de Mossct rapportait .">(> charges de seigle .i l'Abbé de Jau 304 xvine siècle, on n'y voyait plus ni religieux ni bâti- ments 4. Dans les décombres qui en subsistent, on reconnaît que l'ensemble du monastère formait un grand carré dont tout le côté nord était occupé par l'église, sur une longueur d'environ vingt mètres. C'est la partie la moins ruinée. Le corps de l'abbaye s'étendait sur la face sud de l'église; mais il n'en reste plus, vers l'angle nord ouest, qu'une espèce de voûte qui supportait sans doute un escalier, et tout le reste n'offre plus que des monceaux de pierres, parmi lesquelles on chercherait vainemeut la place du cloître ou de toute autre partie du monastère- L "église s'ouvre du côté de l'ouest, par une petite porte à plein cintre, encore conservée, mais sans bas-reliefs, et, du côté du nord, par une grande porte que l'on considère, à tort, comme la grande entrée de l'abbaye. 11 est impossible qu'il ail fallu traverser l'église de Jau pour pénétrer dans le monastère, dont la grande entrée existait sans doute du côté de lest, sur la roule qui contournait les côtés est et nord de l'édifice. Une disposition analogue se remarque dans l'église du Monastère de Serrabona, dont la grande porte s'ouvre aussi au nord pour communiquer avec le cimetière. 11 est vrai que des ossements découverts autour de Jau feraient placer son cimetière vers le côté méridional de l'abbaye. La voûle de l'église s'est écroulée depuis longtemps et a rempli toute la nef de ses débris. Des fouilles, pratiquées dans ces décombres, feraient peut-être dé- couvrir quelques inscriptions ou quelque autre objet précieux pour l'archéologie ; mais, dans l'étal actuel , 1 n Sila est supra montem de Moocet , sicj , juvta Corbariœ vallem , sed « modo tuin raonacbis luni rrdilîeiis destituta est. » (Oallia christ., t. vi. ) 305 toutes ces ruines n'ont de remarquable que lepais- seur des murs d'enceinte qui, du côté de l'église, ont une largeur de deux mètres et demi, et sont cons- truits avec d'énormes pierres de taille. Tout est dé- sert et silencieux dans cet asile de la prière, que ces solides remparts n'ont pu sauver; mais ces ruines émeuvent encore la pensée. Les forets séculaires qui les entouraient , et dont la religieuse solitude avait attiré les disciples de Cîteaux, ont succombé sous la hache moderne ; ces pierres aussi serviront sans doute à paver un jour la roule du col de Jau , et tout ce qui restera de l'abbaye se réduira peut-être à ces souvenirs qui, hélas! ne sont aussi que des fragments recueillis dans les débris de nos archives. 19 juillet 1857. PIÈCES JUSTIFICATIVES. I. BAIL A FERME DE LA GRANGE DE CAVANACH. 1390. Noveiint univeisi quod nos Rayrauudus, Dei gracia Alibas inonas- teiii Beale Marie de Jauo, scientes et atlendentes quandam grangiam dicti monasterii , vocatam /<■ '/ou froment (20 hectolitres mesure nouvelle) en pain cuit, lequel serait distribué aux pauvres, la seconde semaine de Carême, au cimetière Saint-Jean Je Perpignan (liasse 4, n° 9). Le 2 décembre 1537, on fulmine les lettres apos- toliques de Paul LU, Souverain-Pontife, qui commue la volonté do la dame Aune iVlasdemont, on appli- quant, à perpétuité, à l'Hôpital los div. charges de blé léguées aux pauvres (liasse I, n° 37). 1552. — Don Michel Borolla, chevalier, institue ses héritiers : Dion, son àme et la cause pieuse qu'il éta- blit, nommant ses exécuteurs testamentaires lé Gou- verneur de la province du Roussillon cl les Hospitaliers de l'Hôpital Saint Jean de Perpignan . à qui il enjoint d'acheter, des biens ou deniers de sa succession dos maisons pour recevoir ci entretenir autant d'enfants orphelins qu'on pourra en nourrir do ses revenus. — Testament reçu par .Jean Çaragossa, notaire, à Barce- lone (transcrit au livre Major, fol. 116). 1552. — Jean Arago, de Tautavel, malade à l'Hô- pital, l'institue son héritier. — Testament reçu par Pierre Fabre, notaire ("Livre des Bienfaiteurs, fol. I!)- livre Ier des Mèmorias , pape {M)j. 1557. — Charles-Quint, empereur, permet à l'Hô- pital de désigner une maison, dans chaque ville et village du Roussillon, pour recevoir ses quêteurs Les maîtres de ces maisons jouiront des mêmes pri- vés et exemptions que les personnes qui exercent l'hospitalité envers les Religieux de l'Ordre de Saint- Krancoil —Charte du 18 mars liasse 3, u° 16 21 3J2 1567. — Don Charles de Giginta, chevalier, lègue à l'Hôpital 400 livres, pour être placées en mains sûres ordonnant que l'intérêt de celle somme serve à l'en- tretien d'un lit à l'Hôpital. — Testament reçu par P. Fahre, notaire (livre Ier des Mcmorias , page 144). 1573. — Don Michel Pincart, prêtre, chanoine de la cathédrale d'Elne, institue ses héritiers, Dieu et l'Hôpital; il déclare expressément que son intention est que les revenus de ses biens servent, à perpétuité, à nourrir et habiller les pauvres malades dudii hôpital. Cette succession est assez importante. — Testament reçu par Onufre Castell, notaire (liasse 48, n° 1 ; Livre major, fol. 109). 1580. — Don Jean -Antoine Devi, chevalier, fait donation à l'Hôpital, ou à la cause pieuse de Borrolla, de la cinquantième partie doses biens, déclarant que son intention est que cette cinquantième partie re- vienne à l'Hôpital, quitte et franche de tous droits; que s'il y a des frais à faire pour liquider et estimer ses biens, ils seront à la charge de son héritier. — Acte reçu par Louis Estève, notaire (livre premier des Mémorias, page 204). 1587. — Sixte V, Souverain-Pontife, accorde, par une bulle de cette année, des grâces et des indulgences à tous les fidèles qui feront des aumônes à l'Hôpital (liasse I, n° 36). Philippe II, roi des Espagncs, permet à l'Hôpital de quêter dans les Diocèses de Girone et d'Elne, avec l'approbation du Commissaire-Général de l'In- quisition.— Charte du 25 juillet (liasse 3, n° 20). Don Pierre Portacarrero, Conseiller-d'Élat , Com- missaire-Général de l'Inquisition, permet à l'Hôpital 32:$ d'avoir des quêteurs dans les Diocèses de Girone ei d'JBIne, par aeic du 30 juillet ( liasse 1, n» 23). 1587. —Philippe II, accorde un privilège, par le- quel il est ordonné qu'il ne pourra être représenté aucune comédie à Perpignan, sans qu'au préalable elle n'ait été soumise à la censure du Commissaire- Général de l'Inquisition; il y est ordonné, en outre qu'une portion de la recette des comédies ainsi ap- prouvées, devra être réservée pour les pauvres ma- lades de l'Hôpital.— Charte du 10 août (1.3, n°2l). 1592.— Messieurs les Consuls de mer et Conseil dUmpariage font don de la somme de 120 fr. pour couvrir la salle des femmes à l'Hôpital (livre I" des Mcmorias , page 239). 1594. — L'Université et le Conseil général de Per- pignan font don à l'Hôpital de la somme de 1 .200 fr destinée à lâchai de linge et à des réparations aux locauv (livre I" des Mcmorias, fol. 245). 1598.— Don François de Arevalo Çuaeo, évéque de Guone, permet à l'Hôpital d'établir des quêteurs dans tout son diocèse. —Mandement du 24septembre (liasse 1, n° 24). 1601. — Dame Denise Ilortola, veuve de M* Geor- ges Hortola, docteur-ès-lois, lègue à l'Hôpital l'héritage quelle possède à Villelongue-de-la-Salanque. — Tes- tament reçu par Michel Palan, notaire, le 14 novem- bre ( 'Livre de la Fo}ity fol. 3GI). 1603. — Doua Victoire de Gris et d'Ortaffa Jè-ue a I Hôpital un lit à demi-piliers, paillasse, matelas, draps, etc., et oblige son héritier à l'entretenir — Testameni reçu par Jcan-Autoine Papi, notaire (livre Ier des Mémorias, fol. 21). 324 1619. — Don Antoine Alpine ei Fort institue ses héritiers l'Hôpital et l'Université littéraire de Perpi- gnan par égales portions. — Testament reçu par Pierre Carbonell, notaire à Barcelone, le 2'i septembre (liasse 45, n° 21) 1621. — L'Université de Perpignan fait don à l'Hô- pital de la somme de 400 fr. pour subvenir aux frais des réparations qui doivent être faites à la cave de cette maison (livre 2 des Mèmorias, fol. 22). 1629. — Don Pierre de iMonlalt, chevalier, lègue à l'Hôpital deux semaines de régal, tous les ans, en faveur des pauvres malades. — Testament reçu par Michel Palau, notaire, le 29 juin. 11 en est fait men- tion au premier registre des délibérations, fol. 38. Au deuxième registre des délibérations, fol. 87, le Bureau fixe et détermine, conjointement avec don Dominique de Montait, ces deux semaines de régal h trente deux poules bonnes et recevables tous les ans. 1657. — Fondation de l'Hospice de Notre-Dame- de-Miséricorde de Perpignan par le Conseil général, les Consuls et la Douzaine de la même ville ( Manus- crit de Gros, Bibliothèque publique, carton 0, 2). 1661. — L'église de la Miséricorde, aujourd'hui de l'Hôpital Saint-Jean, est bénie, le 12 juin (carton 0,2). 1674. — Don Hyacinthe de lîos lègue à l'Hôpital plusieurs pièces de terre au territoire de Saint-Assis cle ou al pont Noii, banlieue de Perpignan. — Testa- ment reçu par Michel Montbolo, notaire, le 3(5 mai f Livre de la Font, fol. 163). K)76. — Bref apostolique du Souverain Pontife Clé- ment X, qui concède tics indulgences plénières à tous ceux qui assisteront aux Quarante-Heures eélé- brées dans l'église de l'Hôpital Tinsse I, n° 26 . 325 l()78. — Innocent XI, Souverain Pontife, accorde un bref en faveur de ceux qui meurent à l'Hôpital (liasse I, n° 27). 1681. — Lettres-patentes de Louis \IV, du 21 jan- vier, par lesquelles il fait don à l'Hôpital des droits de main-morte jusqu'à concurrence de 2.000 pistoles (20.000 fr.), sur les fonds de fondation, legs, etc , qui ont été faits ou qui seront faits à l'avenir à cet établissement liasse 3, n° 28). Une erreur de copie a été cause que , dans ma notice sur la fondation de l'Hôpital Saint-Jean, j'ai dit, mal à propos, que Louis XIV avait accordé 100.000 fr. 1685. — Don François Taqui et Çaroca fonde la fourniture de six cierges de trois livres chacun pour brûler, tous les ans, à la chapelle de l'Hôpital, et devant le Très-Saint-Sacrcxnent, les jeudi et vendredi sainls, avec obligation de placer à chacun des cierges les armes de Taqui. De plus, il fonde à perpétuité, dans ladite chapelle, la létc et solennité de iXotre- Dame-d'Espérance, avec toutes les clauses et condi- tions rapportées dans l'acte passé devant i\Ic Barlhé- lemi Coll, notaire, le 12 octobre; et pour établir ces fondations, il lègue tics renies constituées pour une valeur ensemble de 55 fr. fManual de Coll, fol. 143). Monseigneur de Mouimort, évêque d'Elue, adresse à lous les fidèles de son diocèse, un mandement pour les porter ;i secourir l'Hôpital. 1685. — M Florence Caslellet, médecin, Consul de Perpignan, lègue tous ses biens à Noire Dame de Miséricorde — Testament reçu par Marti, notaire (liasse F, n° 3; lettre P, n° 24). 1686. — Ldil de Louis XIV, du mois d'avril, qui réorganise et fonde définitivement l'Hospice de la M\ 336 séricorde. destiné à recevoir les mendiants, les or- phelins et les enfants abandonnés du Koussillon, de la Cerdagne française et du Capcir ' (livre des cou- vertures vermeilles, n° 1 , carton 0, 2). 1686. — Dona Madeleine de Çagarriga, lègue une rente annuelle de deux charges de blé (quatre hecto- litres, mesure nouvelle) à INotre-Dame-de-Miséricorde. — Tesiament reçu par Me Fcrriol, notaire, le 6 août (Livre des Bienfaiteurs } fol. 1)2. 1690. — M. Joseph de iVJarsal, vignierdu Confient, lègue à l'Hospice delà Miséricorde un héritageàFulla, trois champs à Joch, en Confient; une rente annuelle de cinq charges de seigle (1 0 hectolitres), et une rente de trois mesures de haricots (trois doubles décalitres). — Testament reçu par Ballessa, notaire à Vinça, le 3 mars (Livre des Bienfaiteurs , fol. 2). 1692. — Don Raymond de Trobat, Intendant du Bureau, fait divers dons considérables à Notre-Dame- de-Miséricorde (Livre des Bienfaiteurs, fol. 2). M. Després, chanoine d'Elue, lègue à Nolre-Dame- de-Miséricorde la somme de 9.000 francs (Livre des Bienfaiteurs , fol. 2). 1696. — Msr de Flamenville, évêgue d'Elue, accorde diverses indulgences à l'Hospice de la Miséricorde, et lui fait un don de 550 fr. (Livre des Bienfaiteurs , f° 3). Le même Evêque autorise, par mandement, l'Hô- pital à avoir des quêteurs dans tout son diocèse. 1 II établit un nôpital-Gtiu:ral , qu'il unit à l'Hospice de la Miséricorde, destiné à recevoir les mendiants de la province. Vers Tan 1740, les men- diants furent renvoyés; et, dès-lors, cet établissement ne reçut que les enfants trouvés, abandonnés, et les orphelins pauvres. 2 L'Hôpital Saint-Jean et l'Hospice de la Miséricorde possèdent chacun un livre des bienfaiteurs, tenu avec beaucoup de régularité. 327 1696. -Par arrêté du Conseil -d'État, du 20 juillet, Louis XIV réunit à l'Hôpital Saint-Jean les biens et les revenus dont jouissaient les maladreries de la pro- vince du Roussillon, de l'Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem et du Monl-Carmel. Ces maladreries sont au nombre de dix-sept (liasse 3, n° 30). 1700. — Jacques Séré, menuisier de Perpignan, avait institué son héritier une aumône et charité qu'il vou- lait qu'on distribuât, tous les ans, en pain, aux pau- vres de la ville, pendant les mois de décembre et janvier, dans le cimetière Saint-Jean. 11 avait nommé, à cet effet, pour ses exécuteurs testamentaires, l'Au- mônier de \ Aumône commune et les surposcs de la Con- frérie des Menuisiers : il voulait que, par eux, ses biens fussent vendus après sa mort; que les deniers, en provenant, fussent convertis en rentes perpétuelles, et que les revenus d'iceux fussent employés à acheter deux tiers de blé froment et un tiers d'orge, avec les- quels devait être confectionné le pain dont il s'agit. — Testament reçu par Bernard Clémens, notaire, le 11 novembre 1 403. Par arrêt de la Cour, du 20 avril 1700, l'aumône de Jacques Séré est unie à l'Hospice de la Miséricorde (liasse de I à XII). 1705. — M. Dubois de Boizamberl, lègue 1 .400 fr. à l'Hôpital. — Testament reçu par Compter, notaire fibre fies Bien/., f° 38-, livre 2 des Wmorias, f° 200). 1716. — Le 9 février, il est fait un nouveau règle- ment pour l'Hôpital, par Msrdc Flamenville, évêque d'Elne, conjointement avec MM les Consuls, portant rétablissement d'un bureau d'administration, composé de Mît l'Évêque, des Consuls et de quatorze membres, choisis dans les trois ordres, du Clergé, de la Noblesse 328 pi du Tiers-Etat. Les Consuls de celle année, ayant désiré rester au bureau comme particuliers, après la cessation de leur exercice, le nombi e des membres de l'administration est desdors porté à 24 (carionO, 2)\ 1 La régie de l'Hôpital Saint-.!.' m était confiée, avant ITIti, à deux Hospitaliers, extraits au sort à la maison consulaire, aux appointements dé 200 francs chacun par an ; ils étaient remplaces tous les ùVux an8,et'ne pouvaient pas être réélus (Livre vert mineur, fol. !)2 . Ces administrateurs, sjns xèle, sans prévoyance, et étrangers à tout esprit (I économie, pins occupés de leurs propres affaires, que de celles de l'Hô- pital, avaient fait des aliénations considérables. Parmi les plus important) ! . on citait relies des biens de Taxo-d1 Âmo-nl , de Cornella, des pacages delà montagn> ra, des bois et , l'une portion de dime de Huixlbolo, et de la m< i s, « la banlieue de Perpignan. L administration de ces Hospitaliers, qui avaient, pendant plusieurs siè- cles, si mal régi cette uiaiso:i de charité, et dissipe une si grande partie du patrimoine des pauvres, devait néopsairenii ni entraîner de graves désordres Aussi vit-on, en 1710, au scandale de toute la ville, les malades abandonnés, mourant sans secours, manquant dis choses les plus nécessaires, comme du bouillon, du vin, des médicaments, etc. ; les ; - servants, des domesti- oues n'étaient pas payés depuis long-temps , et forgent manquait aussi pour le paiement des mois des nourrices des enfants-trouvés. Ces maux extrêmes fixèrent sérieusement L'attention deMeM'ËvéqueetdeMM- les Consuls, qui, ;.it transportés à l'Hôpital , le '.) février, s'assurèrent par eux-mêmes de la réalité des plaintes qui leur a ' nseigneur de Flamenville et les magistrats municipaux, convaincus que ks vices , que I incurie de l'ancienne administration, étaient la seule cause de tous ces ordres, voulant les faire cesser, rédigèrent un règlement et formèrent un bureau , qu'ils composèrent de personnes desiu'. . j ii i:scs et zélées, prises dans les différents ordres des citoyens, et capables de remplir, envers les pauvres, les devoirs de l'humanité et delà religion-. En conséquence, lurent nommes administrateurs: les sieurs Pierre Escalaïs , Don Antoine de Villadomar, José pli ÎSoguer, lîaymond de Vilar, François Borrell, Jean Maris, Augustin Vaquer, Hyacinthe Ferran, Pierre Valette, François Conill, Jean Puig, Jean Manyoo, Jean Mouran et François Hianis. — Les Consuls de l'année étaient: Don Antoine de Campredon et Saot-Dionis, François Xaupi il Maris, Honoré Vlbafouilleet Guitart, Laurent Grill et LIobet, et François Jalabert A compter de ce jour, les administrateurs ne furent plus extraits au sort comme par le passé; et jusqu'en l'année 1789, leur nomination fut ouraise au chois de MP l'Evéqne et de MM li • Consuls ( carton 0,2). 329 I7ti0. — Louis XV fait don à l'Hôpital de quatre cents quintaux de blé , poids mare, ce i. . — Don Jean-Baptiste Serres de Saint-Romans de Cordières fait à l'Hôpital un legs de G. 000 fr., dont le produit ne doit servir qu'à l'entretien des enfants trouvés — Testament du 14 octobre, retenu par Vassal, notaire. Lue portion de dîme du Doulou , affermée pour la somme de 338 fr. doii servir au même nsage (carton O, 2). 177)7. — De nouveaux statuts et règlements pour le service de l'Hôpital sont faits par M*1" de Llanta, évéque d'Elue, conjointement avec MM. (es Consuls (carton f ), 2). 330 1740. — l\J. de Jalais, intendant de la Province, obtient les bienfaits du Moi; et, de concert avec madame son épouse, ils font plusieurs dons : entre autres, ils fournissent à la dépense occasionnée par la construction des nouveaux bâtiments donnant , à droite, sur la cour de l'Hôpital (Liv.'des BicnJ., fol. 45). M . le maréchal de Noailles, gouverneur de la pro- vince du Roussillon, accorde sa protection spéciale à l'Hôpital (Livre des Bienfaiteurs , fol. 45.) Louis XV fait don à l'Hôpital de la somme de 3 000 fr. L'administration reconnaît les devoir prin- cipalement aux recommandations de M. de Jalais, intendant de la province (Livre des Bien/,, fol. 46). 1742.— M£rJean-MathiasdeLlanta,évêqued'Elne, institue l'Hôpital son héritier. Le même Prélat avait accordé à la Maison la faculté d'avoir des quêteurs dans tout le diocèse par mande- ment particulier daté du commencement de son épis- copat (Livre des Bienfaiteurs , fol. 46). 1744. — MPf Charles-François de Gouy d'Avrin- court, évêque d'Elne, à l'exemple de ses prédéces- seurs, recommande l'Hôpital à la charité des fidèles de son diocèse par mandement (Liv. des Bien/., f°46). 1749. — M. Antoine Peyrotes, avocat au Parlement, subdélégué de l'Intendant du Roussillon , institue l'Hôpital son héritier universel par testament clos et mystique du 19 juillet 1735, remis à JVle Bosch, no- taire le 18 août de la même année, ouvert et publié le 10 juin 1749 (Livre des Bienfaiteurs, fol. 49). 1750. — Msr d'Orri , contrôleur-général, ancien intendant de la province du Roussillon, fait don à l'Hospice de la [Miséricorde de la somme de 5.000 fr. 'Livre des Bienfaiteurs, fol. 4.) 331 1752. — M. île Bénin, intendant de la province, met l'Hôpital sous sa protection spéciale, et lui fait plusieurs dons (Livre des Bienfaiteurs, fol. 50). 1755. — Lettres-patentes de Louis XV, du mois d'apût, qui confirment celles accordées à l'Hôpital par Louis XIV en 1G9G (carton 0, 2). M. le maréchal comte de Mailly, commandant en chef de la province, accorde sa protection spéciale à l'Hôpital, et lui fait un don de 1.400 francs (Livre des Bienfaiteurs , fol. 50). 1756. — M. de Contiens, ingénieur en chef de la province du Roussit Ion , fait don à l'Hospice de la Miséricorde de la somme de 4.500 fr. (Livre des Bienfaiteurs, fol. 5). 1759. — Par acte passé chez JMe Jaunie, notaire, le 18 mai, JVJ. Félix Gonzalvo, citoyen noble de Perpi- gnan, vend à l'Hospice de la Miséricorde, aujourd'hui Hôpital S'-Jean, un jardin attenant à l'Hospice, con- frontant d'orient et du septentrion le même Hospice ; du midi, ta rue appelée de la Miséricorde ou de la Trille , et du couchant, l'église des Cordeliers. C'est remplacement de la cour des femmes, des bureaux de l'Administration et de l'entrée principale de l'Hô- pital (carton A). Mmc Marianne Lefèvre, née Garron, ancienne co- médienne, institue son héritier l'Hospice de la Misé- ricorde, par testament du 30 août de la même année: tionnet, notaire (liasse A, nos I et 2; Livre des Bien- /uiteurs, fol. 5). 1700. — Don Jean de Marguarit, marquis d'Aguilar, intendant du Bureau, fait à l'Hospice de la Miséricorde plusieurs dons considérables, et notamment de la somme de 3.000 fr. (livre des Bienfaiteurs, fol. 5) 332 1762. — M le maréchal doc de Noailles, gouver- neur el capila'uie -général de la province du Koussil- lon, obtient du Roi diverses grâces pour illospice de la Miséricorde, auquel il fait don de la somme de 3.000 fr. ("Livre des Bienfaiteurs, fol. 5). 1764. — M. Français de Çagarriga, prêtre bénéficier de Saint-Jean, donne la somme de 600 fr. à Illospice île la Miséricorde (Livre des Bienfaiteurs, fol. 5). 176o. — iVJ. Ange Deipas, marquis de Sainl-iMarsal , intendant du Bureau, lègue à l'Hospice de la .Miséri- corde cinquante charges de blé ou 100 hectolitres, mesure nouvelle ("Livre des Bienfaiteurs, fol. 6). 1707. — M. François Orbe, receveur des fermes à Prades, institue l'Hôpital son héritier universel. Celle succession, frais liquidés, s'est élevée à la somme de 34.586 fr. — Testament reçu par iMe Doméncch , notaire à Perpignan, le 4 novembre 1759: ouvert le 9 août 1767. Par le même testament, il lègue à l'Hospice de la Miséricorde la somme de 1 .360 fr , destinée à habiller les pauvres de la Maison (Livn des Bienfaiteurs, fol. 54 Hôpital, fol. 6 Miséricorde). 1709. — M. de Blanes, marquis de Millas, fait don à l'Hospice de la .Miséricorde de la somme de 2.000 fr. 'Livre des Bienfaiteurs, fol. 6\ 1772. — M. Louis Saunier, archidiacre d'Elne, institue ses héritiers l'Hôpital Saint-Jean, l'Hospice de la Miséricorde et celui des Repenties. — Testa- ment reçu par Me Jaunie, notaire, le 7 avril (Livre des Bienfaiteurs, fol. 8, liasse A , n° 3). Louis XV accorde diverses grâces à l'Hospice de la Miséricorde, et, la même année, lui fait don de la somme de 12.000 fr. ("Livre des Bienfaiteurs , fol. 7). 333 1774. — M. Antoine Arnaud, receveur-général lègue à l'Hospice de la Miséricorde la somme de 1.200 fr. (Livre des Bienfaiteurs, fol ? IT76. — M. de Vilar, procureur- général, a toujours protégé l'Hôpital, auquel il fait, tous les ans, un don de deux charges de blé ou quatre hectolitres, mesure nouvelle f Livre des Bienfaiteurs, fol. 57). Mmt iMarie de Boisainberl de Vilar donne deux charges de blé ou quatre hectolitres par an, pendant longues années, à l'Hospice de la Miséricorde, auquel elle lègue 100 fr. en la même année (Livre des Bien faite u rs , fol. 8). ^778. — Par contrai retenu par Me Rivière, notaire à Paris, Je 16 avril, M. le maréchal comte de Mailly, président du Bureau, fonde à l'Hospice de la Miséri- corde douze places affectées à perpétuité à douze pauvres garçons de la ville (voyez ma Notice, l()m<-- Bulletin de la Société des Pyrénées-Orientales). La somme de 12.000 fr. versée par M. de Mailly a été employée, selon son désir, à construire le nou- veau quartier des filles, qui se composait d'une salle de travail el de deux dortoirs. C'est aujourd'hui, à l'Hôpital Saint-Jean, le quartier qui renferme le.-> bureaux au rez-de-chaussée, les enfants trouvés au 1er étage et les femmes fiévreuses au 2e étage (car- ton A, liasse N, n° 2; Livre des Bienfaiteurs, fol. 12 1779. —Le 20 juillet, il est fait une convention entre le Bureau de la maison de la Providence i Mâcon, et la Commission administrative de l'Hôpital par suite de laquelle six sœurs île la congrégation du Saint-Sacrement seront envoyées pour servir Jes pau- vres malades (carton (). 2 . 334 1779. — Par acie passé, le 12 septembre, devant M« Jaume, notaire, M. Brutus, prêtre, en exécution du testament de M. Matthieu Garrigua, prieur d'Es- pira-en-Conflent, fonde, au nom de celui-ci, à perpé- tuité, une pieuse aumône en faveur des filles de l'Hospice de la Miséricorde, qui, tous les ans, seront extraites au sort pour jouir, deux des gagnantes, et en cas de mariage seulement, de la dotation de 50 fr. chacune (liasse N , n° 4 ; liasse D, n° 5). M, Matthieu Garrigua, en 17T3, lègue à l'Hôpital la somme de 1 .000 fr. (Livre des Bienfaiteurs, fol. 56\ 1781. — M. Jean de Balanda , grand sacristain d'Elne, conseiller-clerc au Conseil Souverain du Roussillon, intendant du Bureau, fait plusieurs dons considérables à IHospice de la .Miséricorde, et no- tamment de la somme de 3.000 fr. pour la construc- tion des bâtiments adossés au rempart (Hôpital, salle des hommes fiévreux), et il lègue une somme de 1.200 fr. (Livre des Bienfaiteurs, fol. 9, carton A). L'inscription qui concerne ce bienfaiteur est pla- cée dans la petite chapelle du Christ, à droite (Hôpi- tal Saint-Jean). M. Emmanuel Ribes, marchand droguiste, lègue à l'Hôpital, la même année, la somme de 1.000 fr. (Livre des Bienfaiteurs, fol. 58), et pareille somme à l'Hospice de la Miséricorde (Livre des Bienf, fol. 9). Messire Antoine-Bernard Desplas de Barthe, cha- noine de Saint-Paul, lègue à l'Hôpital, la même an- née, la somme de 1 .456 fr. (Livre des Bienf, fol. 59). 1782. — Louis XVI vient au secours de l'Hôpital à une époque où il ne pouvait plus se soutenir par lui-même. Depuis long-temps ses charges étaient si multipliées, que celte maison se voyait dans la dure 335 nécessité d'employer sou capital à y faire honneur. Louis, voulant prévenir les suites d'une aussi tristr situation, commence par assigner, sur le trésor royal la somme de G.000 fr., qu'il ordonne de comp- ter en dédommagement de la dépense occasionnée par les enfants-trouvés nourris à la campagne. La même grâce est continuée pendant les années 1783 1784, 1785, 1786, 1787. 1783. — Le même Monarque, voulant mettre la maison à même de se passer, dans la suite, de secours étrangers, et de se soutenir par ses propres revenus, accorde des lettres-patentes du mois de septembre' qui permettent à l'Hôpital de placer sur particuliers les capuaux de rentes qui lui seront remboursés ■ de recevoir et conserver les biens-fonds qui lui seront donnes, et d employer à l'acquisition de pareils biens ou rentes les sommes qui pourront lui être données ou léguées jusqu'à concurrence de 240.000 francs (Livre des Bienfaiteurs, fol. 63;. Par testament du 27 février de la même année Janine, notaire, M*r de Gouy d'Avrincourt, évêquè d fclne, lègue ses biens à partager entre les pauvres, au choix de ses exécuteurs testamentaires, et l'Hospice de la Miséricorde (liasse A, n<> 2 ; Livre des Bienfaiteurs, fol. II). J 1784. —M. Raymond de Saint-Sauveur, intendant de la province, se dévoue au bien de l'Hôpital, auquel 'Lac PIus,eursdons> e»l«e autres une aumône de 500 fr. 11 se charge encore des frais de certaines ré- parations importantes faites à rétablissement fLivir des Bienfaiteurs, fol. 62). M&rJean Gabriel d'Agay, évêque d'Elne, proiec- leur spécial de l'Hôpital, lui fait différents dons. Il 336 a employé tome ^a charité et son autorité poiu obte- nir, conjointement avec. M. de Saint-Sauveur, inten- dant du Roussi lion, les lettres-patentes que Louis X V I a bien voulu accorder en I 783 pour le don deG.OOO fr. que la maison reçoit tons les ans du trésor royal f Livre des Bienfaiteurs, fol. G!). 1783. — M. Jean-Baptis'e de Kos, comte de Saint Féliu, fait plusieurs dons considérables à l'Hospice de la .Miséricorde ainsi qu'à l'Hôpital fLivre des Bien faiteurs, fol. 55). M. Pierre Dausset, avocat à 111e, lègue tous ses biens à l'Hospice de la Miséricorde — Testament du 26 novembre de la même année, Trullès, notaire (Livre des Bienfaiteurs, fol II, liasse B, n° 1). 1786. — M. le maréchal de Mailly envoie aux ad- ministrateurs de la Miséricorde son buste et le por- trait de son fils pour être placés dans la salle des .réunions (liasse M . n° 4 ; IN , nos 2 et 3). M. Augustin Vidalier, chanoine de la cathédrale, officiai et vicaire-général du Diocèse d'Elue, lègue à l'Hôpital tout son linge, plus des capitaux de rentes constituées faisant un total de 2.100 fr. — Testament reçu par Me Mundi, notaire, le 10 juillet de la même année fLivre des Bienfaiteurs, loi. 65). 1787. — M. Joseph-Hugues Arnaud, seigneur de Laiour-de-Francc ci autres lieux, lègue à l'Hôpital la somme de 1 .200 francs. 11 avait fait don de pareille somme en 1774 (Liv. des Bienf. . fol 56 et 65). Il lègue également 1 .200 fr. à l'Hospice de la Miséricorde. — Testament du 19 septembre 1787 : Jaunie, notaire (Livre des Bienfaiteurs, fol. 15). M. Je chanoine Philippe Selva fait plusieurs dons à fllospiee de la Miséricorde [aimées 1773, 1782 et 337 1787)qui, ensemble, s élèvent à la somme de I.SOOfr. Livre des Bienfaiteurs, fol. I . 1788. — M. Pierre Méric lègue ! .200 IV à l'Hospice de la Miséricorde. — Testament reçu par M' Conte, notaire ( "Livre des Bienfaiteurs, fol. 16). La même année, MF l'Évê pe et MM. 1rs Consuls fout un nouveau règlement pour l'Hôpital Saint-Jean et niospice de la Miséricorde, qui n'est pas mis en vigueur à cause des événements politiques de la pre- mière révolution (liasse A, carton 0, 2). M. Jean de Ribes, directeur de la Monnaie de Per- pignan, fait plusieurs dons à l'Hospice de la Miséri- corde, s'élevant ensemble à la somme de 3.J5Î) fr. ("Livre des Bienfaiteurs , fol. 18). 1789. — M. Joseph-Antoine de Cases, conseiller au Conseil souverain du Roussillon, par testament mys- tique du 20 août, remis le même jour à M* Conte notaire, et par codic.ile aussi mystique du 1" scp'_ tembre suivant, remis le même jour audit notaire ouverts l'un et l'autre lé 18 septembre, lègue à VB.6- pital Saint-Jean et à l'Hospice de la Miséricorde la somme de 000 francs: et, après plusieurs autres legs', institue ses héritiers universels les enfants qu'il aura le jour de son décès, et à défaut, les deux dites mai- sons hospitalières par égales parts et portions. M. de Cases étant mort sans enfants, les deux établissements héritent en commun et par indivis. — Il résulte de ce testament que l'Hôpital et l'Hospice de la Miséricorde ont hérité, savoir: de dix-huit pièces de terre-champ situées aux territoires des communes de CornelJa-del V «.col, Villanpve-de-la-ftaho ei Théza, et que quatre antres propriétés éparses ont été vendues pour Je prix ensemble de 11. 800 fr. (liasse J; Livre des Bien/., fT,? e 338 1789 — M. Malibran donne, au nom d'un bienfaileui qui désire rester inconnu, 1 00 camisoles pour couvrir les malades, hommes et femmes, principalement aux heures des repas (Livre des Bienfaiteurs , fol. 6G). 1 791 - — ■ M. Gérard d'Oms de Sagarra lègue la som- me de 1 .000 fr. à l'Hôpital (Liv. des Bien/., fol. 69). M. de Poeydevant fait don à l'Hôpital Saint-Jean de 12 charges de blé ou 24 hectolitres, mesure nouvelle (Livre des Bienfaiteurs , fol. 67). 1793. — M. Jean Razouls, apothicaire, directeur de l'Hôpital, dans son testament mystique du 28 dé- cembre 1790, ouvert le 19 septembre 1793, Blad , notaire, lègue 1 .200 fr. à l'Hospice de la Miséricorde. Ce legs est payé en assignats (Livre, des Bien/., fol. 20). En vertu de la loi du 23 messidor an II, il a été saisi et vendu par l'Etat, des domaines appartenant à l'Hôpital S'-Jean, pour une somme de 303.000 f. 00 c; Et à l'Hospice de laMiséricorde pour une somme de 167.200 00 Total. .... 470.200 f. 00 c. L'administration centrale des Pyrénées-Orientales, dans sa séance du 14 floréal an V, en exécution de la loi du 16 vendémiaire de la même année, décide qu'il sera cédé aux Hospices, en échange des domai- nes qui leur ont été saisis et vendus, des biens natio- naux appartenant aux émigrés, savoir: A l'Hôpital Saint-Jean, pour une va- leur de 301 .900 f 00 c. A l'Hospice de la Miséricorde, pour une valeur de 1 68.000 f. 00 c. Totai 469.900 f. 00 c. 339 Les propriétés cédées aux Hospices de Perpignan, ont été estimées plus tard , contradictoirement par des experts, à la somme capitale de 978.314 francs 56 centimes, savoir: Hôpital Saint-Jean G25.598f. 56 c. Hospice de la Miséricorde 352.71 G 00 Totai 978.31 4 f. 5Gc. La valeur capitale des biens ren- dus aux émigrés, le 1 er juillet 1 822, en exécution de la loi du 5 décem- bre 1814, et en vertu d'une ordon- nance royale du 11 juillet 1810, a été de 434.978 f. 5G Les Hospices ont dû payer encore aux propriétaires de ces biens non vendus, le montant des fruits liquidés par un ar- rêté de M. le Préfet, en date du 11 août 1823, à 77.157 68 Intérêts exigés par MM 680 79 512.823 03 Reste 465.491 f. 53 c. Ce patrimoine des pauvres s'est augmenté des biens qui, appartenant aux Hospices, n'ont pu être vendus pendant la Révolution, et des rentes constituées, dont le Domaine s'était emparé en 1793, et qu'on leui a rendues sous le Consulat (carton D, 2; — liasse B ). 340 1795. — En juillet, les. garçons de l'Hospice de la Miséricorde sonl transférés au collège de Perpignan, et les filles, d'abord à l'hôtel de Mme de Blanes, en- suite au couvent Sainie-Catberinc de la même ville, par ordre du général Fiers, l'Hospice ayant été con- verti en hôpital pour recevoir les militaires malades de l'armée campée dans la plaine du Roussillon (liasse 0, n° 1). 1794. — Le 30 janvier, les filles et les garçons sont dispersés chez les habitants de Perpignan (LseO, n°1). 1795. — Le 3 pluviôse an III , il est fait un règle- ment concernant les hospices, qui est approuvé, le 16 du même mois, par les administrateurs municipaux de la commune de Perpignan (carton 0, 2). Le 3 messidor an III, les administrateurs du dépar- tement autorisent la commission à placer à la cam- pagne, chez des nourrices, jusqu'à l'âge de dix ans, les enfants trouvés et abandonnés et orphelins pau- vres, l'Hospice de la Miséricorde ayant été supprimé. -1796. — Le 9 juillet, les garçons et les filles sont de nouveau installés à l'Hospice de la Miséricorde, et la commission administrative est réorganisée, con- formément à la résolution du conseil des Cinq-Cents, en date du 1G vendémiaire an V. De nombreuses réparations sont faites aux locaux (liasse Q). La direction des hospices de Perpignan est confiée à une seule et même commision composée de cinq membres, sous la surveillance immédiate de l'Admi- nistration municipale, en vertu de la loi du 16 ven- démiaire an V. Jusque-là, et malgré la réunion des hospices sous une seule commission, les recettes et les dépenses de chacun de ces établissements étaient distinctes et séparées; mais l'arrêté du Directoire :r.i exécutif du '23 brumaire an V, prescrit, arl. 1er, que les revenus des hôpitaux ou hospices civils situés dans une même commune, ou qui leur étaient par- ticulièrement affectés, seraient perçus par un seul cl même receveur, et indistinctement employés à la dépense de ces établissements, de laquelle il serait néanmoins tenu des états distincts et séparés (Con 0,2). 4797. — Le 23 mai, la municipalité de Perpignan nomme une seule commission pour administrer l'Hô- pital et l'Hospice de la Miséricorde (Gon 0, 2; liasse A). 1802. — Les bâtiments, jardins et dépendances de l'ancien Evêché de Perpignan, sont achetés avec-, les fonds appartenant à l'Hôpital Saint-Jean, qui sont versés à la caisse municipale. Cette vente est régula- risée par M. le Préfet, au nom des Domaines et de l'Administration des Hospices le 28 décembre 1828 (carton 13, I). 180a. — M. Jean Balderan, piètre, docteur- ès- droits, ancien curé do Maureillas, par son testament olographe du 6 pluviôse an X.I11 (26 janvier 1805) fait l'Hôpital et l'Hospice de la Miséricorde ses héri- tiers universels, et nomme 1M. Louis Marigo, admi- nistrateur, son exécuteur testamentaire ("Livre des Malfaiteurs , fol. 7-/i). 180(i. — M. Antoine Laboissière, curé de Saint-Jean île Perpignan, chanoine honoraire, grand vicaire de M&r tic La Porte, évèque de Carcassonne, fait divers dons à l'Hôpital, s'élcvant ensemble à 2.300 francs (Livre des Bienfaiteurs, fol. 73). 1809. — Le 1er janvier, les malades sont transférés ii l'établissement qu'ils occupeni de nos jours, et les enfants trouvés, abandonnés et les orphelins pauvres prennent leur place. Cette translation esl approuvée par un décret de S. M. l'empereur .Napoléon Ier, donné à Compiègne le 8 avril 1810. Le même décret concède à perpétuité à l'Hôpital Saint-Jean les bâtiments de l'ancien Hôpital-Militaire et ses jardins, ainsi que 1 église de l'ancien couvent des Cordeliers. En réciprocité, la commission admi- nistrative prend l'engagement d'entretenir constam- ment 700 lits pour le service des militaires malades (carton A). 1*S10. — L'administration des hospices fait fabriquer du sucre et du sirop de raisin pour le service intérieur des deux établissements, sur l'invitation de M. le général Martin, préfet du département, du 5 sep- tembre (carton 0, 2). 181 1. — Décret impérial du 9 janv., concernant les enfants trouvés, abandonnés et les orphelins pauvres. MmeSœur Fontenai, supérieure des Sœurs hospita- lières de l'Hospice de la Miséricorde, fait don de la somme de 900 francs, le 31 décembre, destinée à acheter des chemises pour les filles de cet établisse- ment ÇLivre des Bienfaiteurs , fol. 78). 1813. — Le 11 avril, M. le Préfet écrit à la com- mission administrative, pour l'inviter à faire confec- tionner des soupes économiques , qui devaient être distribuées aux enfants de la Miséricorde ou à des pauvres (carton O, 2). 1813. — Mme Marie-Anne d'Oms lègue la somme de 1.200 1V., à partager entre l'Hôpital et l'Hospice de la Miséricorde. — Testament reçu par Me Serra, notaire, le 7 novembre ( Livre des liicnf'., fol. 77). 181 '/. — Madame Louise de lîourbon Coudé visite l'Hôpital le 22 mai, et donne, à titre de secours, la somme de 200 IV. XiVr< des Bienfaiteurs } loi- 77). :U3 1815. — Le 25 janvier, rétrocession des anciens bâti- ments de l'Hôpital militaire par la Commission admi- nistrative des Hospices au Ministère de la Guerre. L'église et le jardin des Cordelicrs sont laisses à l'administration hospitalière, en indemnité des dé- penses opérées pendant sa gestion, s'élevant, selon elle, à 102.000 lianes, et réduite, par les agents du Ministère, à 41 .000 francs (carton A). 1816. — Par arrêté de S. Exe. le Ministre de l'In- térieur, en date du 27 avril, la Commission admi- nistrative des Hospices et Hôpitaux civils est réor- ganisée. Le 7 mai, la Commission rédige un nouveau règlement pour l'Hôpital et l'Hospice de la Miséri- corde, qui est approuvé par M. le Ministre, le 12 lévrier 1817. Le 7 mai 1816, M. le Préfet nomme un Conseil d administration, composé de 25 membres. Ce Conseil est chargé de nommer dans son sein, à la pluralité absolue des suffrages, une Commission ad- ministrative de cinq membres (carton 0,2). 1818. — M. François Calvet, prêtre, par son testa ment, du 24 juin, lègue 1.000 francs à l'Hôpital, payables quatre ans après son décès, à la charge de placer cette somme en rente constituée, et de faire célébrer, tous les ans, deux messes chantées, l'une le jour anniversaire de sa naissance, 17 octobre, et l'autre le jour de son décès, 30 juin f Livre des lucii/hiteurs, fol. 81). 1820. — La demoiselle Marie Billaros, native île Perpignan, au service de MM1C la comtesse Grille de iMalyac, à Avignon, fait verser, en son nom, par celle dame, à la caisse des Hospices, après son décès, la somme de 1.010 (V., à la charge par l'Hôpital Saint- lean et l'Hospice de la Miséi icoi de, de faire acquitter 344 annuellement, et à perpétuité, deux messes Lasso pour le repos de son âme f Livre des Bien/., fol. 83). 1825. — Madame, Duchesse d'Angoulême, visite l'Hôpital le 24 mai, et donne la somme de 300 fr., pour être distribuée aux infirmiers et domestiques de la maison ( Livre des Bienfaiteurs, fol 84). 1825. — M. Matas, Pierre, journalier, natif de Ges- tiés(Ariége), malade à l'Hôpital, par testament du 28 février, reçu par Me Fabre, notaire, fait un legs universel, en faveur de cet établissement, de tout ce qu'il possède dans le département des Pyrénées- Orientales C Livre des Bienfaiteurs, fol. 87). 1826. — Par testament du 13 décembre, M. de Gazanyola lègue la somme de 000 fr. à partager entre l'Hôpital Saint-Jean et l'Hospice de la Miséricorde ÇLivre des Bienfaiteurs, fol. 101J. 1827. — Construction de la principale porte d'en- trée de l'Hôpital et du passage intérieur qui longe l'Hôpital militaire (carton T). 1829. — Par testament du 9 mai (Casleillo, notaire), M. Michel Conte Llobet, propriétaire, domicilié à Perpignan, lègue la somme de 1.200 fr. à l'Hospice de la Miséricorde, et celle de 2.000 fr. à l'Hôpital ( Livre des Bienfaiteurs, fol. 91). L830. — Mme Marie de Poeydevant lait remettre par son fils la somme de 2.000 fr. à partager entre l'Hôpital Saint-Jean et l'Hospice de la Miséricorde ( Livre des Bienfaiteurs, fol. 91). 1851. — Le Conseil d'administration créé en 1816 est supprimé par ordonnance royale du 2 avril (car- ton O, 2) 1.S55. — M. le Uaron Després , ancien magistrat, ancien Maire de Perpignan, Chevalier de la Légion 345 d'Honneur, fait divers dons aux Hospices, selcvant ensemble à la somme de 14.000 francs; ei il dépose la somme de 4 000 francs, pour être distribuée, après son décès, savoir : trois mille francs à l'Hôpital Saint-Jean, et mille francs à l'Hospice de la Miséri- corde. Ces deux sommes réunies donnent un total de 18.000 francs. ( Livre des Bienfaiteurs, fol. 95). 1855. — Par testament olographe du 10 août, M. Jean-Baptiste Vinyes, propriétaire à Perpignan, lègue tous ses biens, meubles et immeubles, à par- tager entre l'Hôpital Saint-Jean et l'Hospice de la Miséricorde. Les locaux et les terres que les Hos- pices possèdent au territoire de Canet, proviennent de celte importante succession (carton P, 3, Livre des Bienfaiteurs, fol. 96). 1856. — Publication de l'instruction ministérielle en date du 20 novembre, relative à la comptabilité en matière des économes des hospices et hôpitaux civils. Cette instruction a régularisé le service. 1857. — Par testament olographe du 3 mai, M. Jo- seph Llobet d'Auderic lègue en biens-fonds, à parta- ger entre l'Hôpital Saint-Jean et l'Hospice de la Misé- ricorde, pour une valeur de 37.000 fr. environ (Livre des Bienfaiteurs , fol . 96), La commission administrative rédige un nouveau règlement, le 29 juin, divisé en deux parties, l'une concernant l'Hôpital et l'autre l'Hospice de la Misé- ricorde, en exécution de l'ordonnance royale du 31 octobre 1821 (art. 7) et de l'instruction ministérielle • lu 36 novembre 1836 (carton (), 2). Eu août et septembre, le choléra-morbus sévit dans l'Hôpital et y frappe de mort 16 personnes (cart. C, 3). 1839. -—Mme la duchesse d'Orléans, lors de sa visite 346 a I Hôpital, avec M. le duc d'Orléans, le I ? septembre, donne, pour être distribuée aux servants, domestiques et malades de celte maison la somme de 250 fr., ei à l'Hospice de la (Miséricorde, la somme de 1.000 fr. {'Livre des bienfaiteurs, fol. 07; registre des Déliùcra- tiuns, n° 9, septembre 1839). 1840. — Par un traité du 15 avril, approuvé par M. le Ministre de l'intérieur, le 23 juin, même année, les Sœurs Hospitalières de la Maison du Saint-Sacre- ment, dont le siège est à Perpignan, sont chargées du service intérieur de l'Hôpital et de l'Hospice de la Miséricorde (carton P). 18 10. — Frère Isidore est reçu, le 1er octobre, comme infirmier à l'Hôpital (salle des hommes bles- sés). Le portrait de cet homme charitable, donné par M. le Maire de Perpignan, est déposé dans la salle des réunions de la commission administrative. 1812. — Lors de la mémorable inondation du 24 août, jour de la saint Barthélémy, l'eau ayant pé- nétré dans l'Hôpital, cl s'étant élevée à la hauteur de plus d'un mètre, le quartier des aliénés est envahi l'un des premiers. Trente-six malheureux, hommes et femmes, appellent au secours; personne, dans la maison , n'ose affronter le danger pour les sauver. C'est dans ce moment suprême que le caractère éner- gique de sœur Henri se déploie : bravant tous les obstacles, elle parvient jusqu'aux aliénés, et les sauve un à un en les portant sur ses épaules. Son courage se communique alors aux gens de la mai- son, et, ensemble, ils parviennent, non sans peine et sans péril, à mettre les aliénés en lieu de sûreté. M. Soiseau , commis aux entrées, donne , dans celte occasion, des preuves de dévoûmeni, <•( seconde puis 347 samment sœur Henri ; mais, quelques jours après, cci employé esl atteint d'une paralysie qui ne l'a aban- donné qu'à sa mort, arrivée en 1853 1812. — Par testament olographe du 30 novembre, M. Félix-Bruno Delfau, ancien négociant à Perpignan, lègue tous ses biens, meubles et immeubles, à par- tager entre l'Hôpital Saint-Jeau et l'Hospice de la Miséricorde. Celte succession , la plus importante (pie les Hospices aient reçue depuis leur fondation, comprend la métairie de Fonicouvcrte et ses dépen- dances, une maison, sise à Perpignan, rue des Mar- chands, etc. ( Livre, des Bienfaiteurs, fol. 08). 1843. — Les aliénés existant dans l'Hôpital sont transférés à l'établissement spécial de Limoux (Aude). Depuis cette époque, l'Hôpital ne les reçoit que pro- visoirement. Par acte passé devant MMes J.-B. Fabre et Joseph Boluix, notaires, simul- stipulant , l'administration hospitalière vend au Ministère de la Guerre, moyen- nant la somme de 55.000 fr. , l'église des Cordeliers et une partie du jardin de l'Hôpital (carton A). Construction du grand escalier et réparations im- portantes faites aux salles des hommes blessés et fié- vreux, et à celle des femmes fiévreuses (carton T). 1849. — M. François Durand, banquier, adminis- trateur des Hospices, fait restaurer à ses frais la salle Saint-Louis de l'Hôpital (carton T). Par son testament olographe du 15 janvier, Ms1' de Saunhac Ueleastel , évoque de Perpignan, lègue la somme de 4 000 fr., à partager entre l'Hôpital et l'Hospice de la Miséricorde, pour être employée aux (dus pressants besoins des pauvres de ces . Magestat Carlos Quint, Emperador y Rey de Spana ;il) son privilegi dat en Valladolit a divuyt de Mars de M. D. L. Vij. E allre per la S. C. \ Il Ma- gestat dcl Rey don Pjielip Rey <• Senor nostre ara novament alorgat dit en Madril a vint y sinch de Jnliol de M. D. LXXXviLals dits Hospit.il, pobres infants orfens en aquell residinls,regidorseadminis- tradors de aquells Officiais, procuradors, aplrgadors y Baeiners de acjnells atorgats : Los originals dcls quais estan recondits en lo arxiu de dit Espital, y per Hur nimia prolixitat assi insertar se dexan de les quais se donara inspectio y copia per lo notai i infra scrit aïs qui aver la volran, sien als dils officiais, procuradors, Baeiners, acapta- dors, servidors y familliars de f!:t Espital, mullers, lills, companya y famillia llur, concedides 1rs gracies, privilégia, exempeions e franqueses en dits y altres privilegis conteugudes e assenyaladament les devall scrites en lo mémorial al peu dcl présent contiuuades cominât ab dits privilegis la pena de dos mil florins de or de Arago a lots y qualsevol officiais c allies persones y a quiscu délies, e per qniscuna vegada seia fet lo contrai i. E cô per nosaltres dits Admi- nistradprs sie estât eligit y nomenat de la parroquia de per Baciner de dita parroqnia , y per côseguent aver de gaudir y gaudesca de totes les dites y devall scrites gracies, privilegis, exempeions y franqueses. Per tant noti- Gcantvos ab les présents, axi la dita electio y nominatio avein fêla de dit Baciner de la dita parroquia, coin encara los privilegis dalt calendats y gracies en aquells contengudes \ devall contiuuades, c la dita pena per als contrafaents cominada per part de dit Senyor Rpy e per authoritat dcl offici dcl quai usam a vosaltres y a quiscu de vosaltres suplicam, pregam y exortam que al dit elegit per nosaltres en Baciner de dita parroquia, tingan y reputeu per Baciner de aquella, e vullan affa- vorir y benignament tractai y encaminar axi en lo que toca al excercici de son carrech «le baciner coin pera que librament y sens embarch y contradictio alguna puga gamin y gaudescha de les dites \ devall scrites, gracies, exempeions llargament contengudes en fis du- Reals privilegis, en lestimoni «le les quais coses avem manal 3:>() « spedir les présents noslres iiupresses y soin -entes de ma propria « del notari dcvall scrit, y ab lo sagell de dit Espital al peu de les « présents Estampât. Dat en Perpinya a ^ Los privilegis, libertats, gracies, exempeions, c franquescs ab dits privilcgis als officiais, Baciners, aplcgadors y altres ministres de dil Espital y llur familia concedides , son les seguents. 1. Primo son posais y constituits sots protectio y Salvaguarda e guiatge spécial del senyor lley. 2. Son franchs de pagar pontatge e bara. 3. Poden aportar totes armes en defensio de llurs personcs de dies y de nits. 4. No poden esser presos, marcats, penyorats, ni molcstats, ni inqnictats de paraula ni de fet. 5. Per tota la terra del senyor Rey ab los bens de dit Espital e propris de dits baciners y ministres poden estar y habitar y anar salvos y segurs e guiats. 6. No poden esser forçats de tenir algun offici en la vila o ciutat o lloch de ont son baciners. 7. En llur cases e habitacions poden posar e tenir les armes Reals en senyal de Salvaguarda. 8. Gaudexê y froesë de totes les libertats, immunitats, privilcgis e prérogatives que ab varios e diversos privilegis gaudexê los que aculen losfrarcs e acaptadors del ordre de S. Frences dels Observâts. :ï51 RAPPORT SDH L'INDUSTRIE ABEILLÈRE DES PYRÉNÉES-ORIENTALES , Par M. Antoine Siaii, trésorier, membre résidant. INTRODUCTION. Depuis des temps bien éloignés, la culture des abeilles a été très-répandue dans notre Roussillon. Le miel y était très-abondant; la réputation de ce produit, portée au loin, le faisait rechercher à lenvi par tous nos grands seigneurs, et nos anciens Gou- verneurs n'avaient garde d'oublier la quantité néces- saire à la table de nos Rois. La douceur de la température et la régularité des saisons, venaient seules en aide, dans notre pays, aux méthodes les plus simples de culture. Depuis quelques années, notre beau ciel éprouve, malheureusement, des variations atmosphériques jusqu'alors inconnues. Si notre hiver est, dans la plu- part des cantons, sans frimas et sans neige, le prin- temps, en revanche, est capricieux, et son influence agit d'une manière assez souvent fatale sur nos colo- nies d'abeilles. Un guide devenait nécessaire à ceux qui veulent se livrer, avec quelque fruit, à la culture mcllifèrc. Tel est le but de notre travail. Nous signalons les pratiques mauvaises, en expo- sant les méthodes nouvelles qui doivetU être préfé- 3b2 vées, et qu'on ne tardera pas à adopter; car le goùl de la culture des abeilles est inné chez le Boussillonnais. L'apiculture n'est elle pas générale dans le départe- ment? Sur 229 communes, nous n'en comptons que vingt qui y soient étrangères : Cabestany etToulouges, dans le canton Kst de Perpignan: Boni pas et Sainte- iMarie, dans le canton Ouest; Amélie-lcs-iJains, dans le canton d'Arles; Boule-d'Amont, Boule-Ternère, Case-Fabre et Prunet, dans le canton de Vinça; Bourg-Madame, dans le canton de Saillagouse; et dix communes dans le canton de Mont-Louis (l'abon- dance des neiges, pendant une partie de l'année, y rend celte culture très ingrate). Pour amener à bonne fin notre statistique apicul- turale, nous avons sollicité, d'abord, les bons offices de quelques amis et de plusieurs Juges-de-Paix ; ces magistrats se sont renseignés auprès des Maires et des praticiens éclairés. Nous devons des remercîments à ces messieurs, et particulièrement à MM. Noguès, juge-dc-paix, à Olctte; Pla, à Saint-Paul ; Joseph Sans, . à Mont-Louis; Foissin, àSournia; Delmas, à Céret, et à notre collègue, M.Denamiel, juge-de-paix, à Rive- saltes. Pour les cantons de Perpignan, les services de M. Saint-Maurice, commissaire spécial, nous ont été très-utiles. Tous les documents fournis par ces magistrats étant bien insuffisants; et comme nous n'ignorions pas que beaucoup de Maires, gardiens trop fidèles des intérêts de leurs administrés, donnent, assez sou- vent, des notes erronées, lorsqu'il est question de statistiques, persuadés qu'il s'agit de nouveaux im- pôts à créer, nous avons eu recours, pour fortifier nos divers renseignements, à notre collègue, M. Amédée 353 Maurice, agcnt-voyei chef. Nous avons bientôt eu le concours de ses agents dans tous les cantons; et ces messieurs ont rempli, dans l'intervalle de leurs tra- vaux, leur mission avec un zèle et une intelligence remarquables. Nous remercions aussi noire ami, M. Conte, d'Estagel, de ses renseignements. INous accomplissons encore un autre devoir, en remerciant nos collègues de leur concours, et particulièrement M. Companyo, père, pour ses notes sur la flore de chaque canton, ainsi que M. Sauveur de Girvés, pour ses observations sur la culture des abeilles. Nous possédons aujourd'hui une statistique à peu près complète. Nous n'avons pas mis en ligne de compte, dans la production du miel et de la cire, la quantité consommée par les familles des cultivateurs, et celle dont ils font cadeau, et qui n'entrent pas comme produits dans nos appréciations, quoiqu'elles aient une certaine importance. Les récoltes seront plus abondantes celte année dans la plupart des cantons ; déjà celle du prin- temps a fourni, dans le canton de Rivesaltes, deux kilogrammes de plus «Mie la moyenne de l'année ordinaire; ceux de Millas et de Thuir, un kilogram- me; ceux de Saint-Paul, Céret, Argelès, etc., un et deux kilogrammes. Ce n'est pas seulement parce que la floraison est venue en aide aux abeilles; mais, parce que plus de soins. leur ont été donnés. Les cultivateurs ont déjà compris, dans toutes nos con- trées, l'appui salutaire que vous apportez à leurs œuvres, les encouragements que vous désirez leur accorder, et ils cherchent à s'en montrer dignes. Ils ont une preuve de votre sollicitude à leur égard, par les distinctions que, sur notre proposition, vous 23 354 avez accordées, dans la séance du 26 juillet, à M. Lau- rent Eychenne, de Perpignan, par la distribution d'une médaille, qui est la récompense, justement méritée, de la création d'une ruche, appelée à rendre de grands services dans le département; — à M. Laurent La- brousse, de Mantet, dont l'intelligence, bien cons- tatée, dans la direction de ses cinquante-neuf ruches, a été jugée digne d'une autre médaille; — par la men- tion honorable accordée à M. A. Debalène-Picard , de Mont-Louis. Cel apiculteur éclairé et habile mécani- cien, a adopté une ruche, à laquelle il a apporté une heureuse modification : le produit énorme qu'il en obtient en fera multiplier les essais. Le résultat de cette ruche nous a été confirmé par MM. Sans, juge- de-paix, et Azéma, agent-voyer. L'une des- plus grandes difficultés, dans la direction de nos ruches, est d'apprécier l'état de la population, et de savoir y porter remède au besoin. M. François Vilatte, de Rô, dans le canton de Saillagouse, y réussit parfaitement; son rucher, qui est considérable, est constamment des plus prospères: à ces divers titres, une mention honorable lui a été accordée. Lorsque d'autres font leur récolte dans le mois d'août, M. Vi- latte fait la sienne en mars; il a reconnu que c'était la meilleure époque en Cerdagne. M. Thomas Dalbiés, de Rabouillet, est le Nestor des cultivateurs du département : depuis quarante- cinq ans il dirige, avec succès, un rucher nombreux et très-bien établi. En lui concédant une mention honorable , la Société n'a pas eu seulement en vue de récompenser ses longs travaux; mais elle a voulu, que cette distinction servît d'encouragement à un canton, qui a besoin de le prendre pour modèle. 3f>r> L'industrie abeillère possède, dans notre dépar- tement, 10.829 ruches; elles sont dirigées par 1.001 cultivateurs. La production du miel est de 94.40G kilogrammes, et sa valeur de 1 30.090 fr. La production de la cire de 1 7.835 k., et sa valeur de 57.909 Valeur totale. . . 1 93.999 fr. Le revenu moyen de chaque ruche, pour tout le département, serait de 9fr. 78 c. Nous avons désigné celui qui est particulier à chaque canton; il est loin d'être en rapport avec, l'abondance des plantes melli- fères, dont la floraison est constante, jusqu'à 1 époque de la saison hivernale, dans nos plaines, comme sur nos montages, dont nous avons signalé les trihus dans chaque canton. En apportant quelques améliorations à la culture des aheilles, à la forme de nos ruches; en introduisant les pratiques nouvelles acquises à la science, nous ver- rons cette branche intéressante de l'industrie apicole prendre un développement immense : en suivant mê- me sa marche naturelle, le nombre des ruches devrait être, dans cinq ans, de cent mille, et le produit d'un million au moins. Quel prodigieux bienfait pour nos villageois; car ce sont eux qui sont les cultivateurs! Quel puissant sujet de moralisation ; car, ces pauvres gens, en aug- mentant leur bien-être, en rendront grâces à Dieu! Il appartient aux cultivateurs éclairés de servir de guide dans l'application des bonnes méthodes; c'est vin devoir et un avantage pour eux. L'excellence de notre miel sera bientôt proclamée : 3*6 les expositions agricoles de 1855 et de 1856, ont constaté sa supériorité; et le Jury et la Presse ont classé, sans conteste, nos échantillons parmi les plus beaux miels fiançais. Nos miels sont connus, dans le commerce, sous la dénomination de miel blanc, dont le prix varie, sui- vant le degré de blancheur, de 1 fr. 50 c. à I fr. 70 c. le kilogramme; — de miel paille! ( jaune-paille ) du prix de 1 fr. 20 c. ; — de miel roux, plus ou moins foncé, à I fr. environ. 8. 000 kilogrammes de miel roux servent à la con- fection des tourrons (nougats), qui sont consommés vers la Noël : 5.000 kilogrammes sont employés par vingt-et-un commerçants de Perpignan, qui appro- visionnent, en grande partie, de tourrons le premier arrondissement; — 3.000 kilogragmmes, dans les deux autres arrondissements; — et 400 kilogrammes sont employés par Jes pharmaciens de Perpignan, qui approvisionnent les vétérinaires. Une partie de notre miel est livrée au commerce deNarbonne; une certaine quantité est envoyée sur les divers points de la France ou de l'étranger, et le restant est employé dans le département. Nos miels se cristallisent après les fortes chaleurs; la qualité commune se cristallise moins. Le miel recueilli vers le printemps, est dans nos divers cantons, à deux exceptions près, de belle qua- lité : il est d'une blancheur remarquable; il possède un goût et une odeur agréables; il est transparent; il a, néanmoins, la consistance d'un sirop épais. Les qualités des cantons de Prades, et surtout de Mont-Louis, Olette et Saillagouse, possèdent ces qua- lités, et contiennent plus de matières sucrées. Le miel 357 du dernier de ces canions, et particulièrement celui de la vallée de Carol , a un goût qui lai est propre, et qui le place à l'égal de ceux du mont Hymetle, île iVlahon et de Cuba : la flore locale lui donne ces qualités. Ce miel est acheté par les personnes riches de la Cerdagne espagnole. On a déjà apprécié, dans toute la France et à Yé- t ranger, le mérite du miel des cantons de Hivesaltes, Latour et Saint-Paul , limitrophes du département de l'Aude. Ce miel, recherché depuis un grand nombre d'années par le commerce, est expédié sous la déno- minaiion de miel de Narhonne, par celte ville, qui a su en établir le monopole. L'industrie apicole de nos contrées ne tardera pas à se faire jour, et à placer nos produits au premier rang. Bientôt, notre miel prendra son véritable nom, celui de miel roussillonnais. Alors, le miel délicat des communes de Nyer, Py, iMantet, Castell et Vcrnet-les-Bains, si estimé des personnes opulentes qui fréquentent ces thermes, sera recherché. Nos qualités seront améliorées, étant composées du suc des fleurs, qui lui fournissent les éléments les plus précieux ; et nos cultivateurs sauront les perfec- tionner encore, en apportant au façonnement les soins convenables. INous ferons connaître, à cet effet, la meilleure méthode. 358 STATISTIQUE APICULTl RALE. PREMIER ARRONDISSEMENT. Canton de Perpignan (Est). NOMS DES COMMUNES. Perpignan Alénya Cabestanv , Canet , Canohès Corneilla-del-Vercol . Elne , Latour-bas-Elne Montescot Saint-Cyprien Saint-Nazaire Théza Toulouges NOMBRE DE Rl'CIIES. Villeneuve-de-la-Raho. Total 141 54 n 39 3G 10 57 36 4 4 69 62 39 H 4 4 554 PRODUIT MOYEN. O I 5 ô 3 3 TOTAUX. 703 kil. 270 H 456 444 20 114 408 42 276 248 456 » 42 2278 kil. 78 cultivateurs d'abeilles possèdent 554 ruches, produisant 3278 kil. de miel ; prix moyen, I fr. 50 cent 3447 fr. 227 kil. de cire ; prix moyen, 5 fr. 23 cent 737 fr. Valecr totale 4454 fr. Le produit moyen de chaque ruche est de 7 fr. 53 cent. La taille se fait ordinairement deux fois par an : à la fin de mai, après le départ des essaims, et dans le courant de septembre. 359 Les abeilles trouvent à butiner sur les rosacées, les légumineuses et les labiées. Parmi les belles qualités de miel, nous désignerons celles de la commune d'Alénya. Les échantillons de nos collègues, ftJiM. Durand, frères, ont obtenu, au concours de Paris de 1855, une mention particulière. Des Anglais, qui les avaient remarqués, recherchent depuis lors leurs récoltes. Nous citerons encore les communes de La-Tour- bas-Elne, Saint-Cyprien et Canohès. Dans ce canton , et dans le canton Ouest, les ruches ordinaires en bois sont seules en usage; elles ont de O\70 à O',80 de hauteur, sur 0m,30 de largeur. M. Laurent Eychenne en a créé une à comparti- ments, que nous ferons connaître, avec ses avantages sur nos ruches. Plusieurs apiculteurs des environs de Perpignan les ont constatés. Canton de Perpignan ( Ouest ). NOMS DES COMMUNES. NOMBRE de nucacs. PRODUIT MOYEN. TOTAUX. )8 29 > 58 64 • 49 44 okil. 5 » 5 4 • 3 4 90kil. Baho 87 ■ Pia 414 256 VilleIonguc-|>o!vte Saint-Laurent-de-la-Salanque. Torreilles NOMBRE DE BUCHES. PRODUIT MOYEN. Total. 1585 946 23 24 58 <5 2653 -13 kil. 6 TOTAI \ 8079 kil. 5876 50 72 252 60 12369 kil. 108 Cultivateurs d'abeilles possèdent 2653 ruches, produisant I2..69 kil. de miel ; prix moyen, I fr. 60 cent 19790 fr. 1590 kil. de cire ; prix moyen, 5 fr. 23 cent 5|«7 Valeur totale 24957 fr. Le produit moyen de chaque ruche est de 9 fr. 37 cent. Le miel de la plupart des communes de ce canton, a une supériorité reconnue sur tous ceux de la Fran- ce. Celui qui est récolté à Vingrau, Opoul, Péril los, etc., recherché, depuis un grand nomhre d'années par le commerce de Narhonne, a surtout largement contrihué à la réputation qu'a ohtenue le miel que cetie ville livre à la consommation. Les sites de ces communes sont dans les conditions les plus favorables; leurs montagnes sont des plus ri- ches du département en plantes mellifères. Là crois- sent en ahondance le romarin, le thym, la lavande, la sauge, la mélisse, etc. Parmi les cistes, se trouvent le cùtus albidus fastepa blanc a , en catalan)-, le cistus monspeliensis fastepa ncçra, en catalan); le cistus lau- rifolius, ci le cistm utnbelltUus } qui oni une floraison de longue durée 362 • Le miel de ce canton est d'une blancheur parfaite Au commencement de mars, la plupart des ruches de la plaine sont transportées sur les montagnes, où est faite la première récolte vers la fin de mai; en juin, on descend toutes les ruches vers la Salanque: les abeilles y trouvent d'amples provisions sur les légumineuses, principalement sur les fleurs de lu- zerne, de trèfle incarnat, de l'esparcette cultivé et du genêt d'Espagne. La deuxième récolle se fait vers la dernière quin- zaine de septembre. A cette époque, on en enlève seulement le tiers, comme sur tous les autres points du département; les deux tiers restants étant consa- crés à la consommation hivernale des abeilles. — Ce miel est roux. Après cette récolte, les ruches des montagnes y sont de nouveau transportées. La ruche en bois coûte 2 fr.; celle en liège, 3 fr. L'abeille se plaît davantage dans celte dernière; mais elle y est plus exposée aux fausses-teignes. Chaque ruche paye de location , à la montagne , de 25 à 50 centimes. Les bonnes méthodes, comme les bonnes pratiques, sont généralement adoptées dans ce canton. Parmi les apiculteurs qui les exécutent avec le plus d'intelli- gence, nous désignerons: à Baixas, Mme veuve Tarrius- Talayrach, MM. Tarrius- Barrière, Sébastien Gilar, Thomas Raynal; — à Cases-de-Pène, MM. Gaudérique Chichet, Jacques Farines, Jean Bodi , Louis Athiel; — à Périllos, MM. Julien Ferrer, Jean Ferrer, Antoine Espinet, Michel Sarda; — à Vingrau, MM. Jean Fon- tanell, Jean Landriq, Pierre Landriq, André Raynal, Nicolas Béringuer, Jn Espinet, Jacques Sarda, Pierre S63 Bertrand; — à Opoul, M1YJ. Jean Haynal, Joseph Castany, Nicolas Estivac, Laurent Calmont, Laurent Hrétou. Le prix de la ruche hahitée est de 10 à 15 fr.; un hon essaim se vend de 5 à 7 francs. Un mulet ou un cheval porte ordinairement quatre ruches à la mon- tagne: on choisit de préférence, celles qui sont pleines de rayons, pour que le mouvement ne les fasse pas tomher. Canton de IIIUun. NOMS DES COMMUNES. Millas Corbère Corbère-les-Cabanes. . . Corncilla-de-la-Kivière. Le Solcr Neffiach Pézilla-de-la-Rivière . . Saint-Féliu d'Amont. . Saint-Féliu-d'Availl.. . Total. NOMBRE PRODUIT DE HUCHES. MOYEN. 156 4kil. 4 42 4 66 4 284 4 73 3 58 3 63 4 64 5 82 3 968 TOTAUX. 544 kil. 568 264 ■H 36 219 m 252 192 246 3595 kil. 49 cultivateurs d'abeilles possèdent 968 ruches , produisant 5595 kil. de iniel ; prix moyen, I fr. 45 cent 5212 fr. 667 kil. de cire ; prix moyen, 5 fr. 25 cent 2200 ^ ILEDH TOTALE 74 1 2 fr. Le produit moyen de chaque ruche est de 7 fr. 05 cent. Le miel est, en majeure partie, blanc, cl de deuxiè- me (pialiic 364 Ce canton a un nombre très-faible de ruches, eu égard à la richesse de ses plantes aromatiques. On y voit en abondance les rosacées et labiées; parmi ces espèces on trouve beaucoup de thym, de romarin et surtout de lavande. La montagne de Fort- Kéal est riche en bruyères, genêts et cistes. On pourrait améliorer la qualité du miel, en don- nant plus de soins au façonnement. Dans ce canton, ainsi que dans d'autres de la plaine, on ne se pénètre pas assez des graves inconvénients de l'exposition des ruches aux ardeurs du soleil. Nous en ferons connaître avec détail les résultats désa- vantageux. L'expérience a prouvé que mieux vaut trop d'ombrage que trop de soleil, surtout dans nos régions méridionales. La première sortie des essaims a eu lieu , cette année, dans ce canton du 15 au 25 mai; la seconde, du 20 au 31 . Ordinairement, c'est au mois d'avril. Les ruches n'ont pas de dimension uniforme: la largeur varie de 25 à 30 centimètres; la hauteur, de 0m,70 à 1m. Ces dernières sont en petit nombre. Canton «l«» Tliuir. NOMS DES COMMUNES. NOMBRE DE Rucniis. PRODUIT MOYEN. TOTAUX. 242 16 285 M » » » A reporter » 305 NOMS DES COMMUNES. Report . . Canu-las Casleluau Fourqucs Llauro Llupia Ortaffa Passa Pollestres Ponteilla Sainte-Colombe. . . . Saint- Jean -l.asseillc. Terra ts Tordères Tresserre Trouillas Villemolaque NOMBRE DK BUCHES. Total Ferme-Ecole (Gcnnainville) . Total géxébal 285 71 28 16 78 53 65 29 18 57 II 20 33 14 31 33 _'■; 847 48 893 PRODUIT MOYEN- TOTAUX. » H » U » 1* M ii U )> }) V V » 1 ■ » M » » u » • H )l » » " n ■ u » ' » » 2 lui. S hect. 2N7kil. 4 kil. 102 2300 kil. 62 cultivateurs d'abeilles possèdent Silo niches, produisant 21 17 kil. de miel ; prix moyen, I fr. 20 cent 2340 fr. ^9'2 kil. de miel; prix moyen, I fr. 50 cent 288 320 kil. de cire; prix moyen, 3 fr. 23 cent I0«0 Valeob totale 5868 fr. Le produit moyen de chaque ruche des communes est de 4 fr. IS cent. Le produit de chaque ruche de la Ferme-Ecole eil de G fr, SI cent. 366 Dans ce canton, l'art d'élever les abeilles est très- arriéré; aussi leur mortalité y est fort grande , et la production du miel bien faible. 11 est surprenant que les éleveurs n'aient pas suivi les bonnes pratiques que la plupart ont vu mettre en usage par MM. Joseph Ros, B,e et Mart in Villanova, de Thuir, qui étaient parvenus à retirer de leurs ruches 6, 7 et même 8 kil. de miel. Ces méthodes sont simples: elles consistent à chan- ger les ruches de place; à les rapprocher du centre des fleurs mellifères; à les mettre toujours à l'abri d'un soleil brûlant et des vents du nord ; à faire deux tailles par an, celle de l'automne avec modération, pour que les abeilles aient leurs provisions jusqu'à la belle saison ; à nettoyer les ruches, ce qui est hygiénique ; à être vigi- lant à enlever les fausses-teignes, et à écarter les in- sectes nuisibles. Afin d'avoir ses ruches prospères, il est important d'y compter toujours une bonne popu- lation. Si l'on remarque une colonie faible, il faut se hâter de réunir cette colonie avec une autre qui soit convenablement peuplée et approvisionnée. Cest-là une des pratiques les plus essentielles de la culture des abeilles : nous en ferons apprécier les avantages. On doit placer le rucher près des cours d'eau, Teau étant nécessaire à l'éducation du couvain. En faisant la dépouille des ruches, il faut éviter de répandre du miel sur les abeilles, et d'enlever les cellules à couvain, que Ton peut reconnaître facile- ment parce qu'elles sont bombées et plus foneées que les cellules à miel, qui sont plates. Il faut laisser les vivres nécessaires à la nourriture des abeilles pendant la mauvaise saison. Telles sont les notions principales qui doivent servir de guide h l'apiculteur. Nous ferons, h cette occasion. 3«7 un appel à la bonne volonté de MM. Villanova, Hos, Joseph Modat et Farran, médecin, afin qu'ils éclai- rent ceux qui auraient besoin de leur expérience. La flore de celte contrée est composée de rosacées, légumineuses et labiées; on y trouve beaucoup de thym, romarin, lavande et saules. Les localités qui nous paraissent favorales pour re- cevoir les ruches lorsque les plantes mellifères ont cessé leur floraison dans la plaine, sont Calmelles, Llauro, Caixas, etc. On croit avoir remarqué, depuis q ne V oïdium existe, une plus grande mortalité d'abeilles dans les cantons viticoles. Le miel est généralement roux; mais d'un goût très-agréable Celui de la Ferme-École (Germainville) est d'une qualité supérieure. Les échantillons qu'elle avait adressés au concours agricole de 1856 ont été classés parmi les plus beaux des miels français (Api- culte ur praticien , numéro de décembre 1856). l'asiloRi c&e SaSaie-PatiI. NOMS DES COMMUNES. NOMBRE DE Rucni-s. PRODUIT MOYEN. TOTAUX. Saint-Paul 250 36 l'.fl 12 16 42 n ■ u ■ u M Fenouillct Lesqoerde « À reporter ',% :»68 NOMS DES COMMUNES. Report NOMBRE DE HUCFIES. Maury Prugnancs. . . Saint- Arnac. Saint-Martin. Vira Total. 496 230 34 19 47 10 PRODUIT MOYEN. TOTAUX. 83G 4 kil. 5544 kil. 66 cultivateurs d'abeilles possèdent 836 ruches , produisant 5544 kil. de miel ; prix moyen , 1 fr. 50 cent 5016 fr. 665 kil. de cire : prix moyen , 5 fr. 25 cent 2161 fr. ViLEUll TOTALE 7177 fr. Le produit moyen de chaque ruche e-st de 8 fr. 58 cent. Les dévastations opérées à deux époques dans ce canton, sur les arbustes et plantes mellifères, ont beaucoup nui au développement de l'apiculture. Ces dévastations sont d'autant plus regrettables, que la qualité du miel provenant du thym, la lavande, la mélisse, le romarin, le ciste et les bruyères, est une des meilleures du département. Le miel des environs de Saint-Paul et de Maury, se distingue par sa supériorité. Dans la flore qui le fournit, riche surtout en cisti- nées et caryopbyllées, sont certaines légumineuses, des labiées, des caprifoliacées, etc. Lespropriétairosqui possèdent le plus grand nombre de ruches sont : à Saint-Paul, MM. Baptiste Deville et François P>atlle; — à Maury, MM. Vila dit la Grive et Etienne Azais; — a Caudiès, M. Antoine Bot. 369 Ceux qui mollirent \c plus d'intelligence dans l'ex- traction et le faeonitemeni du miel, et qui font ce travail, non-seulement pour leur compte, mais qui vont le faire, à prix d'argent, dans des communes éloignées, sont : à Saint-Martin, M. Chrysogone Ban- quier;— à Saint-Paul, 1Y1M. Raymond Caillens et Barthélemi Aiilhac (Espagnol). Canton de Latciar. NOMS DES OiMMl N'ES. La tour-de-France Bellesta Caramany (!assa;;nes Esiagel I.ansac Montalba Montoer Plane7.es Rasi{[ucres Tautavel Tutu NOMBRE DE RCCUES. 188 .'.0 SI 14 59G 79 468 183 167 moi PRODUIT NOÏEX. TOT.U A. • 5kil. 940 lui. 4 ICO 5 403 A 30 5 21180 4 310 A 672 3 320 3 133 3 915 5 sr>.-; 7734 lui. 132 cultivateurs d'abeilles possèdent 1007 ruches, produisant 7734 kil. de miel ; i>ii\ moyen, I fr. 50 cent 1 1601 fr. 1 123 lui. de cire ; prix moyeo, 3 fr. 23 cent 3700 \ m ED8 toi u i: 13567 li . Le produit moyen de chaque ruche esl de !l fr 56 cent, La majeure partie du miel est blanc et de belle qualité; il csi recollé vers la fin de mai. 370 Les abeilles vont faire leur butin principalement sur le thym, le romarin, la lavande, etc., etc. La seconde récolte a lieu vers la fin du mois d'août ; on n'enlève qu'une partie des gâteaux. Le miel qu'on retire est roux, étant recueilli sur les fleurs du sar- razin et de la marjolaine sauvage. Le prix des ruches habitées varie de 8 à 16 fr. Dans les premiers jours de mars, les ruches qui sont aux environs d'Estagcl sont transportées, à dos de mulet ou de cheval, sur les coteaux incultes qui existent depuis Taulavel jusqu'à Maury. Au com- mencement de juin, on les déplace. Pendant longtemps, on les a établies en partie sur la montagne de Mosset; mais les cultivateurs d'abeilles ont dû y renoncer par suite d'un impôt de 50 centimes que celte commune fixa sur chaque ruche. Comme Mosset a perdu la majeure partie de ses ruches en 1853, à la suite des neiges, et que la flore de sa montagne est abondamment pourvue, cette commune devrait réduire l'impôt à 25 centimes. Les deux premiers essaims sortent ordinairement en avril. Le canton de Latonr est l'un des plus avancés dans la culture des abeilles. Les éleveurs qui donnent les soins les plus éclairés aux abeilles, sont: à Esiagel, MM. Louis Torreilles, François Catala et André Deloncle; — à Taulavel , M. Maurice, maçon; — à Latour, M. Delon; — à Vin- grau, MM. Jean Kaynaud et Bertrand. La qualité supérieure du miel de ce canton, se récolte à partir de Périllos jusqu'à Estagel inclusi- vement. 371 DEUXIÈME ARRONDISSEMENT. Canton de C'érct. MiMS DES COMMUNES. Céret Banyuls-dels-Aspres. . . Calmeilles L'Kcluse Le Perthus Las llles et La Selve . . Le Boulou , Maureillai Montauriol Oms Revues Riuuoguès Saint-Jean-Pla-de-Cors. Taillet Vives NOMBRE PRODUIT DE nu III s. moïe*. 192 5kil. 71 2 Ici] 5 lieet 23G 5 '.7 5 58 5 72 3 7 5 «9 57 120 95 58 52 41 Total. 1)70 o 5 5 5 5 5 5 o TOT A! \. 576 kil. 177 708 141 174 21 G 21 207 105 171 560 285 114 96 82 5455 kil. 176 cultivateurs d'abeilles possèdent T170 ruebes, produisant 5435 kil. de miel ; pri\ yen, I fr. 20 cent 4519 fr "."> I kil. de cire ; prix moyen, 5 fr 1055 \ u iin totale 5472 fr. Le produit moyen de chaque ruche est de 4 fr. 67 cent. Ce faible produit prouve combien l'art (relever les abeilles laisse à désirer dans ce canton : on n'enlève les gâteaux qu'une fois par an, et le miel blanc est mêlé au miel roux dans le façonnement. 372 La production du miel roux est des 3/5 , et celle du blanc des 2/5. Dans ce canton croissent en abondance tous les cistes, les coryllacées. Les abeilles vont butiner sur les chênes , qui y sont très-nombreux ; sur les radiées, et les caprifoliacées; sur les labiées et les légumi- neuses. Ou y remarque beaucoup de genêts d'Espa- gne, de pistachiers sauvages et de bruyères. Les montagnes de Céret et de Reynès, sont couvertes de noisetiers et de cerisiers dits de Saint-Georges, qui fournissent, par leur floraison précoce, une ample moisson aux abeilles. Canton d'Argelès-sur-Uer. NOMS DES COMMUNES. Argelès-sur-Mer • . Albére Banyuls-sur-Mer Collioure Laroque Montesquieu Palau-del-Vidre Port-Vendres Saint-André Saint-Génis Sorède Villelongue-dels-Monts T()TAt NOMBRE DE RUCUES. \\\ 442 4225 270 C3 59 32 65 45 I!» 30 21 20-0 PRODUIT MOYEN. 2 kil. 5 hect. 4 kil. 5 4 5 3 2 kil. 5 hect. 4 kil. 5 5 5 4 TOTAUX. 277 kil. 568 6)25 1080 480 117 80 2611 30 57 00 84 8056 kil. ■ •., I.N6 cul li valeurs d^ihcil los pou nient 2030 ruche», produisant 8956 lui. de miel ; prix moyen , I fr. 50 cent 4 IG42 Fr. 1 2 1 S kil. de cire; prix moyeu, •"» IV. 25 cent 39S8 VaLEI'K TOTALE 15600 fr. Le produit moveii de chaque ruche est de 7 fr. 68 cent. Collioure, Port-Vendres, Banyuls, sont les point.-» du déparlement les plus abondamment pourvus de plantes méridionales. Dans ce canton, on trouve beaucoup de labiées, de rosacées, de cistes, d'osyridées, de bruyères, de bor- raginées : dans cet ordre, les vipérines et les lycopsis. Le miel blanc est estimé, et fournit le tiers de la production; le miel roux très-recherché, donne les deux tiers de la récolte. Dans certains villages du pied des Albères, on ne se contente pas d'enlever tout le miel en automne; beaucoup de cultivateurs négligent aussi d'approvi- sionner le nourrisseur, lorsque les abeilles ne peu- vent pas sortir; il s'ensuit une mortalité très-grande. Un autre inconvénient , c'est l'introduction fréquente dans les ruches de la grosse fourmi, appelée dans la contrée rabaxi (formica truncataj. La récolte du miel roux est faite du 20 au 30 juin. Mors, les ruches sont transportées à la montagne, et on y fait la seconde récolte, dont le miel est blanc. Vers la fin de septembre, on redescend les ru- ches, qui, généralement en liège, ont une hauteur de 0>«,70 à 0m,80, et une largeur de 0m,30 à 0™,35 à la base. L'apiculture pourrait être beaucoup plus étendue sur les Albères en raison de l'abondance des plantes mellifères, et l'on devrait les propager aux environs de S1 \ndré. S'-fiénis, Sorède cl Villongue-dels-Monts. 374 Cantuu «l'Ail»--. NOMS DES COMMUNES. NOMBRE DE BICHES PRODUIT HOTEN. TOTAUX. IIS 234 18 112 i 54 220 52 41 79 ôkil. • 5 4 4 4 5 4 5 5 554 kil. i 1170 Moutalba 72 448 l'alalda Taulis 646 Il 50 208 205 895 Total 1034 4598 84 cultivateurs d'abeilles possèdent 1034 rucbes, produisant 4598 kil. de miel ; prix moyen, I fr. 55 cent 6729 fr. 860 kil. de cire ; prix moyeu, 3 fr. 25 cent 2795 Valeur totale S524 fr. Le produit de chaque ruche est de 8 fr. 24 cent. La taille est faite en septembre et au commen- cement d'octobre à Corsavi, Labastide et Montbolô. On en fait une autre en juillet. La montagne de Valmanya fournit du miel blanc. Généralement, on ne porte pas assez de soin à l'en- lèvement des gâteaux, et le façonnement est vicieux. On reconnaît, pourtant, dans ce canton, des api- culteurs éclairés, dont les pratiques devraient servir d'exemple. On nous cite : à Arles, M. Jean Coste; — à Labastide, MM. Josepb PuigSégni \ Jean iVJalé , 375 Etienne Vincent-,— à Corsavi, MM. J. Delos, François Berdaguer, Paul Cantouera, Joseph Sala; — à Mont- l)olô, MM. Abdon (iuitard, Jean Marly, Guillaume Bourrât; — à Moniferrer, MM. Abdon Vaills, Jean Fabre, Costéja; — à Palalda, M. Pierre AlcoufT; — à Saint-Marsal , MM. Jean Mary, Pierre Tourron; — à Taulis, M. Jean Camo. La flore de ce canton abonde en labiées, en légu- mineuses et en bruyères. Aux environs de Corsavi croissent beaucoup de cistes, surtout le cistus albichis, le trèfle des Alpes et des lavandes. A défaut d'une surveillance assez active sur les ru- ches, l'atropos y cause de grands dommages, ainsi que le chat sauvage qui, avec ses ongles, brise le bois ou le liège de la vieille ruche et dévore les rayons. Canton de Prats-dc-UolIô. NOMS DES COMMUNES. Prats-dc-MolIci Coustouges Lamanère Saint-Laurent-de-Cerdans. Serralongue. . Total , NOMBRE DE RLC.nES. 62S 127 1 55 112 fil PRODUIT MOYEN. 4 kil. 5 hecl 5 kil. 4 5 4 kil. 5 hect. 1 ',31 TOTAUX. 2S26 kil. 635 612 2060 499 (UI32 kil. 116 cultivateurs d'abeilles possèdent 1431 ruches, produisant (.('.7)2 kil. de miel; prii moyen, I fr. "(I .eut 8621 fr. 1320 kil. de cire; prix moyen, 3 fr. 25 cent 4298 Valedb rOTilE -12911 fr. Le produit moyen MS DES COMMUNES. INOMBRE DE RUCHES. 48 54 Catllar no 162 1 1.11 ., il \ illl-ï.'icll 105 1 , ■ ■ B 1)1 1 !■ ;tt ' PRODI H MOYEN. TOT Ai \ 2 kil. 50 gr. 120 kil. 5 kil. 162 6 660 r> 486 S ;: i B lîliô 37S NOMS DES COMMUNES. Report Codalet Conat Corneilla-du-Conflent. Fus et Comes Fillols Faille Los Masos Mosset Moligt Nohèdes Kia et Sirach Taurinya Urbanya Vernet Villefranche , Total NOMBRE DE RUCHES. 477 9 105 100 10 52 84 7 95 12 59 116 34 56 86 70 1552 6 •"> 6 4 5 G 6 4 TOTAUX. 1 943 kil. 27 650 500 20 208 420 28 570 56 214 464 162 2)6 5)6 280 6254 )29 rultivatcurs'd'abeilles possèdent 1552rucb.es, produisant 6254 kil. de miel ; prix moyen, I fr. 50 cent 9551 fr. 1 2 'i7 kil. de cire ; prix moyen, 5 fr. 25 cent 4052 fr. Valeur totale 15405 fr. Le produit moyen de chaque ruche est de 9 fr. 91 cent. La culture des abeilles se fait dans ce canion avec intelligence et succès. Touiefois, plus de soins de- vraient être donnés aux abeilles pendant l'hivernage. La neige qui tomba en abondance à Mosset pendant l'hiver de 1853 y détruisit 300 colonies. 379 La flore de ce canton, composée de rosacées, de caprifoliacées, de caryophyllées, de borraginées, de labiées el de légumineuses, est d'une si grande profu- sion, que des ruches innombrables pourraient y être placées. Les plantes légumineuses ont reçu, dans ces con- trées, et principalement dans les environs dePrades, une grande extension, par suite de rétablissement de canaux d'arrosage, qui permettraient de dévelop- per, sur ces points, l'apiculture sur une plus vaste échelle. Parmi les praticiens éclairés, on cite : à Corneilla, M. Reynès, — à Conat, MM. Pre Respau, et Ticheyre; — à Vcrnet, MM. François Junquet, notre collègue, et François Baillayre. Nous mentionnerons ensuite : à Castell, MM. Em- manuel Buzan, Bernard Mossé et Martin Oliva; — à Clara etVillerach, M. Martin Gaillo, dit Sisccd; — à Fillols, M. François Raymond-, — à Fouilla, MM. Martin Verges, Joseph Horte et Jacques Ala- bert; — à Los Masos, M. Michel Navarre; — à Mosset, MM. Julien Corcinos, François Bousquet el Massia; — àMolitg, M. Joseph Mestres;— à Nohèdes, M. Ra- dondi, dit Poubil; — à Ria et Sirach, M. Martin Ber- nard ; — h Taurinya, M. Félip, dit Baleci; — à Urbanya, M. François Escanyé; — à Villefranche, MM. Fran- çois Laporte et Gaudérique Gensanne; — à Vernet, M. Joseph Soler-Julien. Les essaims sortent du 20 mai au 10 juin; la dé- pouille se fait du 20 au 25 juillet, et, lorsque la saison est favorable, on fait une seconde taille du I.1 au 20 août. .180 Les ruches sont généralement en bois de saule el en liège. La hauteur de celles en bois est de 0m,70 à 0m,75, et elle est de 0m,25 à 0m,30 à la base. Canton de Vfnça. NOMS DES COMMUNES. NOMBRE DE RUCHES. PRODUIT MOYEN. TOTAUX 395 ■ I) ■ 40 43 45 9 242 41 » 66 57 198 18 25 4 kil. H }) 4 4 4 4 4 5 kil. 50 gr. » 6 kil. 50 gr. 4 kil. 5 kil. 5 6 kil. 1580 kil. Uasefabrc » 160 ^ 180 180 56 Ule 848 Marquixanes Uô Prunel et Belpuig 251 148 Saioi-Michel-de-Llotes 990 90 ir.x ToTAI 1129 17 2-1 90 cultivateurs d'abeilles possèdent 1 129 ruches, produisant 1724 kil. de miel ; prix moyen, I fr. 40 cent 6613 fr 690 kil. de cire; prix moyen, 5 fr. 25 cent 2217 Valedb totale 8855 fr. Le produil moyeu de chaque ruche est de 7 fr. Si cent. Les ruches d'Ille ci de Saint-Michel sont en grande 381 partie transportées, vers le commencement de mars, dans la direction de Tautavel. On y fait la première dépouille vers le commencement de juin, et, peu de jours après, on les transporte du côté de Vernet-les- Bains, Castcll et Corneilla-du-Conflent. La deuxième récolte y est faite à la mi-août. Les ruches de Vinça ou des communes voisines restent dans les jardins ou dans les environs des ha- bitations, exposées au midi et abritées contre les vents du nord jusqu'à la mi-juin; alors le miel est retiré, et Ton transporte les ruches vers le Canigou. On y fait une deuxième taille vers le commence- ment d'août. S'il a plu dans le mois de juillet, cette taille est la meilleure. La dernière récolle est faite vers le 15 octobre. Les ruches sont redescendues dans la plaine pour y passer l'hiver et une partie du printemps. Les propriétaires se rendent à la montagne lors de la dépouille du miel. Un homme porte à la montagne de deux à trois ruches, et un cheval ou un mulet en transporte de quatre à six. Le prix de transport est de GO cen- times par ruche, et autant au retour. Le transpoit s'effectue ordinairement de nuit : l'entrée de la ru- che est recouverte d'une toile en fil de fer, et l'on prend toujours les précautions nécessaires pour em- pêcher la sortie des abeilles. On donne ordinairement, par ruche, un peu de miel au propriétaire du terrain. Les ruches sont placées dans des prairies ou dans les bois, et n'ont d'autre surveillance que celle du :»82 propriétaire, qui veille à ce qu'on n'enlève pas le miel , ce qui arrive néanmoins de temps en temps. La majeure partie du miel est blanc et de 2e qua- lité; celui récollé dans la plaine, au printemps, n'est pas aussi beau. Communément, il ne sort de la caisse qu'un fort essaim, composé de 20 à 2A.000 abeilles, dont le poids est d'environ deux kilogrammes et demi à trois kilogrammes. L'on voit aussi des ruches essaimer jusqu'à deux fois, à peu de jours d'intervalle; alors les essaims ne sont que de trois à six mille insectes. Cette sortie a eu lieu cette année au commence- ment de juin; mais d'ordinaire elle a lieu dans le courant du mois de mai. Le prix de la ruche en liège, généralement adoptée à Vinça et aux environs, est de 2 fr. 50 à 3 fr. ; et, quoique plus sujette à être attaquée de la fausse tei- gne, elle est préférée, dans la croyance que les abeilles s'y plaisent mieux, et que le transport en est plus facile. Le prix de la ruche en bois est de 2 fr.; un essaim qui vient de sortir se vend de 3 à 4 fr. ; une ruche ancienne, en plein rapport, de 10 à 12 fr. La citronnelle est employée de préférence pour frotter les ruches neuves, dans la persuasion que les papillons et la fausse teigne y feront moins de ravages. Les ruches en liège de la forme d'un cône ren- versé, ont de 0«n,60 à 0m,75 de hauteur, et 0™,35 de diamètre pris intérieurement. Ces ruches sont for- 383 niées de trois morceaux d'écorce ainsi disposés : deux dans le sens de la hauteur, et le troisième servant de couvercle ; ils sont maintenus à l'aide de chevilles en bois. Tous les joints sont enduits de bouse de vache, à laquelle on ajoute parfois de la cendre pour lui donner plus de solidité. La forme conique tronquée, dont le sommet est en bas, adoptée par la généralité des éleveurs à l'ex- clusion de toute autre, a pour but de permettre aux abeilles de développer leur travail vers le haut de la ruche, en laissant leur entrée libre par la partie inférieure. Cette contrée abonde en cistinées, malvacées, légumineuses, labiées, radiées, caprifoliacées et crucifères, que Ion rencontre dans tous les can- tons. Ce qui fait le mérite de la flore de notre départe- ment, c'est que les plantes de la plupart des familles sont répandues dans diverses régions et fleurissent à des époques différentes, et que, suivant les stations, on y trouve les plantes des diverses latitudes de l'Europe. L'apiculture, dans nos Pyrénées, bien entendue et portée sur une vaste échelle, donnerait des résultats incalculables. Entre Ille et Sournia, se trouvent d'immenses coteaux incultes, pourvus de plantes mellifères qui permettraient de donner le plus grand développe- ment à la culture des abeilles. L'on y voit en nombre les cistes, parmi lesquels le ciste à feuille de laurier (argcntis en catalan), qui sert au chauffage des fouis. Ce magnifique arbuste trouverait digne- .184 ment sa place dans nos jardins; sa fleur blanche res- semble beaucoup à celle de la rose. Ces côleaux incultes sont parsemés de labiées et de légumineuses , et on y compte parmi d'autres plantes mellifères, des bruyères. Entre les agriculteurs éclairés du canton, sont cités : à Vinça , JVllM. André ]Nères, Sauveur de Girvès, notre collègue, François Baco, Macary , adjoint et André Rosal ; — à Kigarda , M. Jean Laguerre; — à Estoher, M. Félip. Us possèdent de nombreuses rucbes. Pour opérer les récolles, quelques cultivateurs se servent d'enfumoirs plus ou moins ingénieux. Il en est en terre cuite de la forme de nos cruches com- munes. A l'aide d'un soufflet adapté à l'enfumoir, on commence par projeter la fumée autour de la ruche pendant deux ou trois minutes. Le goulot de l'enfumoir est ensuite placé au-dessous, par l'inter- valle ménagé pour le passage des abeilles. Les mou- ches sortent alors par toutes les issues; on détache le couvercle > et, avec un instrument en fer de la forme d'une petite pelle, d'un couteau recourbé ou d'un couteau ordinaire, on enlève les gâteaux chargés de miel. Ordinairement, on juge de l'abon- dance de la récolte au son mat que rend la ruche. On se sert aussi avec avantage, pour enfumer les abeilles, d'un linge imbibé d'huile. Beaucoup de cultivateurs exercés, et surtout ceux qui en font métier, détachent les gâteaux sans pren- dre la moindre précaution, et, le plus souvent, ils ne sont pas attaqués par les abeilles. D'autres font l'opération en frappant par intervalles sur la ruche. 385 Canton de Nournia. M)MS DES COMMUNES. Sournia Arhoussols et Marcevol. Carapoussy Feilluns Pézilla Frais Habouillet Tarrerach Trcvillacli Trilla Vivier Total NOMBRE PRODUIT DE HOCHES. MOYEN. 59 0 28 a 57 n 40 » 80 > 55 0 88 l) 25 f) 51 D 54 )) 40 H ■','.){ •'• lvil. TOTAUX. 1964 kil. •'il cultivateurs d'abeilles possèdent '(91 ruches, produisant 1904 kil. de miel ; prix moyen, I fr. 20 cent 2550 fr 527 kil. de cire ; prix moyen, 5 fr !)S! Y w i m totale 55Ô7 fr. Le produit moyen dt? chaque ruche est de G fr. 79 cent. Le miel de ce canton est l'un des plus inférieurs tin département. Nous en trouvons les causes dans les pratiques de son extraction et de son façonnement. La dépouille complète du miel prive, en hiver, les abeilles de l'aliment le plus précieux. Les sirops ou les mauvaises confitures que Ton place dans le nourrisscur, altèrent la santé de ces insectes ou les détruisent. Les ruches y sont irop rapprochées el situées dans 386 les endroits les plus chauds; elles devraient, de pré- férence, être placées dans les expositions les plus ombragées. 11 est étonnant que les cultivateurs ne suivent pas les méthodes de M. Thomas Dalbiès, de Rabouillet, qui soigne, avec beaucoup de succès, un rucher considérable et très-bien établi. Nous le prions de répandre sa pratique : c'est un service signalé qu'il rendra à ses concitoyens. Quels regrets n'éprouve-t-on pas, en voyant une si belle flore aussi mal et aussi peu exploitée. En faisant connaître celle du canton de Vinca, nous avons énuméré en partie la prodigalité de la flore de Sournia; nous ajouterons que les bois et les prairies de cette zone sont couverts de rosacées, caryophyllées, carduacées, labiées, cistinées. Dans le rucher de M. Dalbiès, les ruches sont couchées ; il a reconnu, après quarante-deux ans d'expérience, qu'elles donnent un produit en miel double de celui des ruches droites : les abeilles arri- vent chargées de butin, le déposent sans se fatiguer, et les vapeurs aqueuses ne tombent passur les gâteaux. Dans le courant de mars, M. Dalbiès introduit dans toutes ses ruches une petite quantité d'encens. Cette pratique hygiénique est aussi en usage dans les cantons de Prats-de-i\iollô, d'Arles; et, lorsque l'hiver est pro- longé, on parfume jusqu'à trois fois, avec modération. M. Dalbiès parfume aussi ses ruches avec de la l'innée d'encens, et frotte avec du miel les ruches destinées à recevoir les essaims; il est vigilant a re- eueillir ceux-ci dès leur sortie; il place la ruche droite, près de l'essaim, et les abeilles ne tardent pas à y entrer. Certains cultivateurs i\c ce canton ont la 387 mauvaise habitude d'attendre que la soirée arrive pour s'emparer de l'essaim; ils s'exposent à le perdre, et trouvent alors les abeilles moins trailables. M. Dalbiès fait la taille par un jour calme, en plein midi, et une journée chaude ; les mouches à miel sont alors parties, et il n'en reste qu'un bien petit nombre dans la demeure. Il a reconnu que l'exposition en plein midi, mais .sous l'ombrage des arbres, est la plus favorable dans cette contrée. Son rucher contient 40 caisses, à l'abri des intempéries des saisons. Les avantages d'un rucher sont très-grands, et nous sommes surpris d'en savoir le nombre si restreint sur les points où les ruches sont stationnaires. Canton aïe IMont-Loui». NOMS DES COMMONES. Mont-Louis Les Angles Rolquèrc La Cabanasse Candies Fontpédrouse et Saint-Thomas Fontrabiou.se Formiguères La Llafjonne et CorlaJa Matemale Planes. NOMBRE DE ROI DES. 15 i G 59 PRODL'fr MOYEN. TOTADX. 101! 388 NOMS DES COMMUNES. Report Puyvalador Real Sainl-Picrre-dels-Forcats. Sauto et Fetges La Cassagnc Total. M. Debatène . . . Ensemble. NMMBRE DE RUCHES. 1 00 PRODUIT MOYEN. TOTAUX. 25 177 2 179 8kil. 20 ■1416 kil. 40 1456 kil. 18 cultivateurs d'abeilles possèdent 179 ruches, produisant 1456 kil. de miel ; prix moyen, 1 fr. 50 cent 2184 fr. 485 kil. de miel ; prix moyen, 5 fr. 25 cent • [ 576 Valeur totale 5760 Le produit de chaque ruche ordinaire est de 20 fr. 66 cent. Le produit de chaque ruche de M. Debatène est de 51 fr. 65 cent. Le miel est blanc et de belle qualité. La flore de ce canton se recommande par sa ri- chesse, comme celles d'Olette et de Saillagouse. On y trouve en abondance les labiées et rosacées; parmi les légumineuses, le trèfle des Alpes, dit réglisse des montagnes par nos paysans, qui y fleurit en abon- dance : on le rencontre avec le rhododendron sur toutes les pelouses des hautes montagnes des cantons de Vinça, Prades, Prats-de-Mollô et Saillagouse. On cite dans ce canton comme apiculieurs d'élite : àLaCassagne. M. Blanc;— a Mont-Louis, M. Debatène- Picard, qui fait usage de deux ruches dont nousfaisons 389 connaître les avantages, et qui lui fournissent chacune 20 kilogrammes de miel, d'après les renseignements transmis par M. Sans, juge de-paix (lettre du 15 jan- vier dernier), et M. Azéma, ageni-voyer. Les ruches ordinaires de ce canton, ont à peu près la dimension de celles du canton de Saillagouse : elles consistent en un tronc évidé de sapin, au lieu du tronc de saule, qui sert ailleurs de demeure aux abeilles. La prolongation du froid et des neiges rend très- difficile l'apiculture dans les dix communes que nous voyons privées de ruches. Cantou clc Saillagouse. NOMS DES COMMUNES. Saiflagouso et les hameaux Ro et Bedrignans Angoustrine Bourg-Madame. .'.... Caldégas et le9 hameaux Ilix et Unzés . Dorres Mo Eyne Nahuja < Isséja Palau Latour-de-Carol et Uiutort. . . Porta 1 rqmrhr TIMBRE DE BUCHES. 185 42 18 28 toi 4t; 56 50 12 no 40 -;,s PRODUIT MOYEN. TOTAUX. :î!!0 NOMS DES COMMUNES. Report Porté et les hameaux Quès et Carbassol Odeillo et Via Enveigt et Ur Estavar et Bajanda Err Sainte-Léocadie Targassonne Villeneuve-des-EscaldesetBrau- gouli Valcehollère Egal Total. NOMBRE DE HUCHES. 758 40 92 87 58 26 55 54 8 4 8 II 59 ô 14 ."> 5 4 2 2 D '« S 19 I 12 I ."> 5 9 I 2 DIMENSION DES ni'CIIES. Lon- gueur. 4 '",00' Largeur. 0»\50c PRODUIT de i baque ruche. )2k 108 im,00< 226 du miel. l'.lGk 0m,55< es lfG0' O 22Gof 8^ 964* I GO 1082' 2280"' I 3G57' 394 M iMS ET PRENOMS DES l'nONUÉTAIRES. Report PoUJal, Jean Pidcll, Baptiste Calvet, Baptiste Nou, Côme liab.it, Jacques Rabat, Jean Rabat, Joseph Fournols, Louis Langerma, Jacques. . Fournols, Paul Calvet, Jean Llopet, Barthélémy. . Langerma , Sébastien. Llopet, Louis Raspaut, Martin. . . . Pacoull, Joseph /Boulet, Joseph [Mouné, Paul kBergès, Sébastien. . . iBroc, Pierre jRoig, Jean /Grau, Joseph 'Vidal, Pierre /Selve , Llopet-Barthe . , ISoler, François JMauau, Justin.. \Cathala ISclve, Joseph. . [Giralt, Piètre i, l.iiliiiit, Joseph. A reporter. r-2 m — ~ — s ". — Sa Q -, E3 ~z - 1 -< u r- g O ~ a 226 I 4 ." 8 5 2 5 5 4 6 2 9 0 2 4 15 10 17 IS 10 5 9 16 S 8 13 5 5 1 I 65 :;; ;i: DIMENSION DUS RUCOES. Lon- gueur. Largeur. •1 '",00' 0"\7.j' 0m,35c 0'"/i0c PRODUIT de chaque] du ruche. miel. 8^ :;k ',>- 2280* 3041" 070k 2lt)i' 3570k X 3 — a -< H O H 3647' I 60 806f I 25 462f I 23 270' 5185' :jï)5 V) U ^ r li as ? C O Z SJ ï/î u a NOMS ET PRENOMS es s H a =3 H 5 - DES PROPRIETAIRES. as s 5 - Report . „; (Galent, Joseph o ;Broc, François J (Galent, Paul.. »î /Marty, Dominique. . d VPacoulI, Jean £ ,80c 0"\30< 0m,S0c 0m,30c 0" 6" 6» H 3 du miel, 3370k I 52k 192k IHO* 76k 69* I 50 I 30 X — 5I85< 189' 288' l 50 l (,i,:, I 50 h ; i 30 105 -:;',' 396 il o§ NOMS ET PRENOMS DES NIOPMÉTAIRES. Report < (Durand, Jean . . ï ïBadie, François, «o ( I s - a ^ (Sardone , Jean . . . . 3 JTrogno, Sébastien . H (Baille, Sauveur. . . g (Margaill, Michel =* ( O IPorra, Marie , Anglade, André. Molas , Joseph Dornenach, André. . jBatlle, Pierre ® fQuautin, Jean [Raspaut, Jacques.. . \Molat, Antoine .... © ta /Fabre, Jean Verges, Raphaël [Vidal, Joseph iForgues jParent, Eugène iLavila \Melchior, Gaudérique. jMelchior, Pierre ILlopet, Martin Arnaud, Pierre Bcrjoan, Joseph \Sola, Jean A reporter. . _3 M < S M G98 10 12 14 5 7 5 4 4 7 o 44 7 3 2 o 27 o 44 71 858 DIMENSION DES UL'CIIES. Lon- gueur. 0m,75f O"1^ 0°\70c 0m,80<> Jm,00« Largeur O^SO-: 0'",55< 0m,50c 0"',50c 0m,55^ PRODUIT de chaque ruclic. Sk 4k Sk 4k Kk du miel. x. s 50k 48k 69k 176k 3oè>k >(i27k \ m \ 50 \ 50 I 30 \ 50 397 o NOMS ET PR.ÉNOMS ë 3 *r, es DES rROl'M ETA 1RES. o 5 La!>rousse, Jacques . . 52 4 Bordie, Paul 42 Sirvan, Jcau 5 Laporte, Pierre 2 Labrousse, Laurent. . 21 10 28 858 141 999 DIMENSION DES HUCHES. Lon- gueur. J»>,00<' Largeur 0"\40<= PHOItl II de chaque ruche. 9k du miel. 5627k <269k 6896k 1 60 o 8485" 2030' 10485' Nota. Nous avons porté , dans la commune de Nyer, M. Jacques Labrousse, qui devrait figurer dans celle de Py. M. Pierre Fillols , de Nyer, qui figure comme possédant 4 ruches, en possède 35. 130 cultivateurs d'abeilles possèdent 999 ruches , produisant 6896 kil. de miel 404S5 fr. I5!)i kil. de cire ; prix moyen , 3 fr. 25 cent 4330 Valedh totale 13015 fr. Le produit moyen de chaque ruche est de 15 fr. 05 cent. La flore se compose d'innombrables plantes aroma- tiques. Les abeilles se portent sur les labiées, caryo- pliy lices, rosacées, légumineuses. Dans quatre communes seulement , le miel laisse 398 à désirer sous le rapport du goût et de la blancheur; dans les autres communes, toutes les qualités lui sont acquises, et le font placer au premier rang. Le miel de Py, Mantel et Nyer, a une réputation de supériorité qui le fait rechercher pour les tables de luxe. Dans les environs de ces communes, se trouventen grand nombre le rhododendron, les trèfles et des bruyères. Dans une partie de ce canton , comme dans d'autres contrées montagneuses, le nombre des ruches n'aug- mente pas. Ce résultat est occasionné par les neiges elles pluies multipliées; l'humidité séjournant dans les anfractuosités des rochers où sont placées les ru- ches, provoque des maladies. Alors les populations devenant faibles ont à souffrir des rigueurs de la sai- son; viennent ensuite, au printemps, les variations atmosphériques, qui multiplient les maladies. Pourquoi ne transporte-t-on pas les ruches, pendant la mauvaise saison, dans des régions plus favorables, comme le pratiquent les apiculteurs éclairés? Pourquoi, dans le courant de l'automne, ne marie- t on pas les ruches faibles à d'autres qui ont une bonne population et bien approvisionnées, et qui, proportion gardée, consomment moins, ce qui leur permet de résister aux froids les plus rigoureux? La dimension des ruches ne comporte-t-elle pas d'y réunir jusqu'à trois essaims faibles? Veut-on encore éviter les maladies? il faut laisser aux abeilles le miel nécessaire à leur alimentation, et ne pas leur donner des substances qui leur soient nuisibles. L'état de la température devient-elle variable, ce 399 qui arrive fréquemment au printemps.' il convient d'empêcher la sortie des abeilles, en fermant les issues. Une plus grande surveillance doit' être exercée pour prévenir les dégâts des rats, des fouines et des chats sauvages, qui, après avoir rongé les vieilles ruches, donnent un libre accès à d'autres insectes malfaisants, à l'humidité, et sont la cause de divers autres inconvénients désastreux. Si le pollen est avarié par suite de la confection vicieuse des ruches , apportez-leur les perfection- nements signalés, ou mieux encore adoptez les ruches à quatre compartiments, qui vous fourniront trois bonnes récoltes. Le sieur Laurent Labrousse, de Mantet, fait preuve d'expérience dans la direction de ses ruches : il sait les multiplier. L'époque de la floraison arrivée, il les transporte aux endroits les plus favorables; il les laisse à. la montagne jusqu'à l'arrivée des froids, et, alors, il descend les ruches et les place dans la contrée où le climat est plus doux , à Fuilla et à Villefranche. Les ruches peuplées se vendent rarement. Lorsque la vente a lieu, on les cède à 8, 12 et 15 fr. Dans les diverses cornu nés de ce canton, on emploie la ruche uniforme. La différence des dimensions nous a engagé à faire connaître la production en miel de chacune d'elles. Quant à la production de la cire, elle est à peu près du cinquième. La récolte se fait du 10 au 20 août. La sortie des essaims a lieu en juillet, et elle se prolonge jusqu'au I 5 août 400 RÉCAPITULATION ARRONDISSE- MENTS. CANTONS. NOMBRE des RUCHES. TOTAL GÉNÉRAL des RUCHES. MONTANT du MIEL. TOTAL GÉNÉRAL DU MIEL. 2 5 1 ?■ z ' 2 a. ( a « S 5452 2278k 660 «2369 | .*)."«'.)■( 2309 1 5544 7754 5455k 8956 | 4598 6632 • 6234k 4724 < 1964 6896 i 1436 10256 » » ■ )) » 32289k 2561 9k ! - 51350k Millas Prats-de-MoIlô , (Mette Total des ruches des dix-sept cantons. . . Nous devons y ajouter les niches qui , étant isolées, n'ont pas été comprises dans le relevé, et dont le nombre s'élève au moins à , 18789 300 740 » 0 » )} 87438k » 6968k n V ■ Celles provenant des essaims de cette année, des cantons d'Olette, Mont-Louis, Saillagouse et d'une partie du canton de Prades qui , étant sortis en juin, n'ont pu nous être signalées et qui doivent La moyenne du produit de ces quatre cantons étant de 6 kil 7 hect. , nous trouvons encore une production de miel, sur ces -1040 ruches, de. . . . Ces 6968 kil. de miel , à 1 fr. 50 c. , donnent une valeur de Plus 1855 kil. de cire, ci Valeur de cette cire, à 3 fr. 23 c. le kil. , ri. . Total général des trois abrondisi EMENTS. 19829 94406k 401 GÉNÉRALE. VAl \ ILEUB PRODUIT TOTAL MONTANT VALEUR PRODUIT NOMBRE TOTAL G B N K M A L TOTALE moyen des du . RALE de de des de de de chaque CULTIVA- CIXTIVA- MIEL. DU MIEL. LA «RE. LA CIRE. LA CIRE. LA CIRE. RUCB TEURS. r» ï 17» 227k 757f 7' .-;.-/■ 7 S 990 66 215 6 62 20 49790 1590 5107 9 57 108 5212 : 077 ' 4670k > 15286' 7 65 49 • 521 2X28 l 52(1 1040 4 18 02 16 ] 665 2161 8 58 66 •11001 / 1125 1 570 ii 152 I9'n f,(JjS2 50-ÎHf 5721» ( '" 35 1 k 1 i 1053' ! 4' 67c 170 \ 1218 SOO 2795 i 12096' 7 08 8 2'. 1 56 84 . 352 8(121 1 520 4290 9 03 110 ) ' 9551' 1247k 1 4052' 9' 91e 129 I 6613 j 090 | 22 i2 7 84 90 | 2556 ' . 10483 { '''■"•, 527 1 59 '. » 756 lk 981 4550 24 !99' (i 79 15 03 41 1 50 > 5! s: 2184 , Ï85 1570 20 07 18 I 1 5384 5418 11118 20 07 140 ' S58f 15980* 31881' 1 601 0 » » l> » » U M ii )) « „ )) n II 0 » ■ il 0 „ 10452' » » l> 1) J) » 185 )) 1) l) I II U » l' 6028' ii )) U 136090' I60I ! 40-> LES ABEILLES. Nous allons iracer des notions succinctes sur l'his- toire naturelle des abeilles, persuade qu'elles seront accueillies avec intérêt par nos cultivateurs. Chaque réunion ou famille d'abeilles logée dans une ruche, s'appelle essaim, et se compose de trois sortes de mouches : d'une femelle unique ou mère, dite reine; d'un certain nombre de mâles; d'un plus grand nombre d'abeilles sans sexe, désignées sous le nom d'ouvrières. La mère se distingue facilement, à son corps plus développé, à ses ailes ne recouvrant pas l'abdomen ; elle est destinée à multiplier et à conserver l'espèce. Pendant ses deux premières années, ses pattes et son abdomen ont une couleur jaune doré, qui diminue plus tard. Son aiguillon est plus long que celui des ouvrières; elle ne l'emploie que contre ses rivales. Cinq à six jours après sa sortie de l'alvéole, la jeune femelle va dansles airs pour être fécondée; elle rentre dans la ruche une demi heure après, et parcourt les rayons, escortée de plusieurs abeilles, en examinai]! les cellules: il semblerait qu'elle veut s'assurer si elles sont en bon état pour recevoir les œufs. Deux jours après, elle commence la ponte: elle dépose les œnfs, qui fourniront les mères-abeilles, dans des cellules à forme ovale, placées en -dehors des gâteaux; les œufs des mâles, dans des cellules moins grandes, et, enfin, les œufs des abeilles ouvrières dans les cellules les pins petites. La ponte se prolonge, dans nos contrées, jusqu'à l'arrivée de la mauvaise saison. La grande ponte a heu 4o:î depuis le mois Je mars jusqu'au mois de juin: à cette époque, Ja mère-abeille donne 200 à 300 œufs par jour : sa fécondité est prodigieuse; elle peut fournil jusqu'à 60.000 œufs par an. Selon le degré de chaleur de la ruche, l'œuf d'ou- vrière produit l'insecte parfait au bout de vingt à vingt-deux jours; celui de maie, de vingt-cinq à vingt-sept jours, cl lœuf de femelle donne une mère à l'état d'adulte, au bout de seize jours seulement. Les soins les plus affectueux sont prodigués à la mère par les abeilles dans l'intérieur de la ruche: les unes la brossent; d'autres lui présentent, au bout de leur trompe, des gouttelettes de miel. Le maie, appelé aussi faux-bourdon, est plus gros cl plus noir que l'ouvrière. Lorsqu'il a accompli ses fonctions, qui consistent à féconder la reine, et que les essaims sont partis, étant à charge à la colonie il est massacré impitoyablement : œufs, larves, nym- phes ne sont pas épargnés, la destruction est complète; elle a été observée sur divers points du département. Beaucoup de cultivateurs avaient attribué celte des- truction à des maladies : les mâles reparaissent à la suite de la ponte du printemps. Une loi rigoureuse semble obliger les abeilles à se séparer encore de celles qui sont mal conformées; elles ne les détruisent pas, mais elles les rejettent. Les travaux de plusieurs sortes; qui doivent être accomplis à l'intérieur et à l'extérieur de la ruche sont dévolus aux abeilles ouvrières. Les unes vont ramasser les vivres et les matériaux de construction ce sont les cirièi-es; les autres, sont chargées du cou- vain, et remplissent ces devoirs maternels avec un dévoùment sublime, ce sont les nourricières. 404 Parmi les ouvrières, certaines sont gardiennes , et veillent nuit et jour, à l'entrée de la ruche, à la sûreté générale. Lorsqu'elles reconnaissent quelque insecte suspect, elles font entendre des sons pour annoncer sa présence. Chacun de ces sons paraît avoir une signification particulière. Elles ne laissent la libre entrée de la ruche qu'aux abeilles qui ap- portent du butin; les autres doivent communiquer les sons et choquer les antennes, sans cela les gar- diennes les percent de leurs dards. Lorsque l'ennemi est en nombre, elles appellent à leur secours les ou- vrières qui sont à l'intérieur; quelques-unes sont chargées de battre le rappel ( expression consacrée ). Dès les premiers jours, elles appellent les butineuses à la récolte; en cas d'événement, elles tiennent la population en éveil. A côté d'elles, se trouvent les ventilatrices, dont le devoir est de renouveler l'air, en agitant vivement leurs ailes, afin d'établir un courant qui, introduisant l'air pur de l'extérieur, chasse l'air vicié de l'intérieur. Ces fonctions sont bien pénibles lorsque nos ruches de la plaine se trouvent exposées anx rayons ardents du soleil, et placées sur des dalles ou des briques à proximité du sol. .L'ouvrière vit un an environ; elle remplit ses attri- butions, à l'aide de sa trompe, de son estomac, de ses mandibules et de ses pattes. Son organe le pins im- portant, est son double estomac : la première partie sert de poche pour recevoir le miel ; la seconde, sert, à la fois, à élaborer la cire et à digérer la nourriture. Nous allons voir en fonctions ces insectes indus- trieux. A peine entré dans la ruche, l'essaim est groupé à la partie supérieure:, au milieu, se trouve la mère. Bientôt, les abeilles se détachent, et vont se '»().-, livrer à leurs travaux; on entend des sons, qui fe- raient croire à des ordres donnes. Les cirières sont à l'instant à l'ouvrage, et, après avoir pétri et élaboré la cire, sous forme de ruban la première venue la colle à la voûte de la ruche! La provision épuisée , une autre la remplace; peu a peu un plus grand nombre arrive, et l'édifice avancé rapidement. Sa perfection est le partage des vieilles ouvrières; l'édifice est bientôt complet; les cellules sont achevées. Pendant ce temps, les butineuses rentrent dans le calice des fleurs, pour récoller le pollen, qu'elles fixent, en boules de toutes nuances, à l'espèce de cuilleron qui existe à leurs jambes de derrière; elles retirent ensuite, avec, leur trompe, la matière sucrée qui se trouve dans le fond du calice, et dont elles remplissent leur vésicule. D'autres reviennent, les pattes chargées d'une substance résineuse, appelée propolis, qu'elles recueillent sur les arbres, et qui leur sert à fermer les fentes et les trous, et à fixer les rayons. La provision est reçue par les ouvrières de l'intérieur, qui la déposent dans des cellules ad hoc. Le jour et la nuit, les abeilles sont à l'ouvrage. C'est au moyen de leurs antennes, qu'elles se diri- gent dans l'obscurité, pour accomplir les travaux qui excitent notre admiration. Le pollen qui se trouve placé sur divers points ei surtout dans les rayons du centre de la ruche, est nécessaire à la nourriture du couvain et à la prospé- rité de la colonie. Comme la mauvaise confection des ruche, donne lieu à des vapeurs aqueuses, qui peuvent altérer le miel, il est urgent de modifier les ruches imparfaites 106 ESSAIMAGE. Les essaims sortent quelquefois à la dernière quin- zaine tle mais; mais, ordinairement, celle sortie a lieu en avril , mai et juin , suivant 1 elal de la température des divers eau ions. Les gros essaims soi lent de neuf heures du malin à une heure de l'après-midi; — les petits, de une heure à cinq heures du soir. La force des essaims des ruches ordinaires est de 2 kilogr. et demi, rarement de 3, et se composent de 20 à 24.000 aheiîles environ. Les petits essaims sont ordinairement composés de 3 à G. 000 abeilles. On réunit les essaims lorsqu'ils sont peu nombreux; il en sort assez souvent deux de la même ruche, à quelques heures d'intervalle. Les essaims de la Cer- dagne sont considérables, et pèsent de 4 à 5 kilogr.: notre collègue, M. Sauveur de Girvès, en a eu du poids de 6 kilogram., d'une vigueur remarquable, remplissant la ruche de cire et de miel dans l'espace de dix à douze jours. — Nous avons fait connaître les dimensions gigantesques des ruches de cette contrée, et la puissance de sa flore. Beaucoup de cultivateurs ne sont pas assez vigilants à l'époque de l'essaimage ; il s'en suit que l'essaim part sans être aperçu. Voici les indices de sa prochaine sortie : lorsque la population est forte; quand les mâles commencent à paraître en nombre, et qu'ils ont le vol assuré, on les voit voltiger au soleil, de dix heures du malin à trois heures de l'après-midi, et on entend, dans l'intérieur de la ruche, un battement d'ailes très-pro- noncé. La sortie est prochaine, lorsque les abcillesfonl la barbe, ccsi-à-dire, lorsqu'on les voit, pendant quel- 407 ques jours, groupées aux environs de la ruche ou aux parois extérieures, et que les jeunes abeilles vol- tigent autour. Bien peu d'abeilles s éloignent le jour de la sortie: le petit nombre, qui est allé à la picorée, n'entre pas dans la ruche; quelques-unes vont çà et là, comme si elles étaient en quête d'une nouvelle demeure; on en remarque d'autres qui paraissent très-agitées. Ce jour-là, les gardiennes sont en petit nombre à l'entrée de la ruche; elles paraissent avoir oublié leur mission. La mère sort, et va se placer sur l'un des rebords de la caisse , et l'ait entendre des sons très-vifs; les abeilles sortent aussitôt en masse et en tumulte, environnent la reine, et, formant l'essaim, elles prennent leur, vol, après avoir tournoyé au-dessus de la ruche, pour aller, le plus souvent, se fixer en grappe sur une branche d'arbre. Quelques cultivateurs ont la sotte habitude de frapper sur des casseroles ou sur des chaudrons, pour arrêter l'essaim : si on veut le contenir, il faut lui jeter du sable, de la terre, de la cendre, et avi besoin tirer un coup de fusil à poudre. D'autres, at- tendent l'arrivée de la nuit pour le saisir, alors qu'il est déjà fixé; pendant ce temps l'essaim part, et le plus souvent on le perd de vue. Lorsque l'essaim est placé sur une branche, on lui présente la ruche, l'ouverture en haut : les abeilles y pénètrent; quelquefois la branche est détachée et secouée dans l'intérieur, où les insectes se logent. Si la branche est élevée, ou frappe dessus pour les recevoir sur une toile qu'on a placée sur le sol. Certains culti- vateurs, peu craintifs, .saisissent les mouches à pleines mains, et les jettent dans la ruche. 408 Après avoir quitté la ruche-mère, l'essaim yrenln parfois. A celte occasion, nous rapporterons le fait suivant: «M. André liozat, apiculteur distingué du canton de Vinça, ayant observé jusqu'à trois fuis la sortie du même essaim, eut l'idée de recueillir une jeune mère et de la placer auprès : les abeilles ne tar- dèrent point à la reconnaître et à se grouper à l'envi autour d'elle. L'agitation cessa à l'instant; M. Rozal .s'empressa de présenter une ruche, et toutes les abeil- les y pénétrèrent.» Avant la sortiede l'essaim, toutes les mouches ont soin de se munir de provisions. Nous avons fait connaître le prix de vente des es- saims et signalé, à ce sujet, l'idée superstitieuse de la plupart des apiculteurs des cantons de Saillagouse et de Mont-Louis. Lorsde la sortie de l'essaim, les ouvrières qui avaient été butinerpendant l'essaimage, rentrent dans la ruche- mère, et se mettent avec ardeur au travail ; les jeunes abeilles mâles et ouvrières reparaissent en grand nom- bre, et, peu de jours après, la colonie est assez puis- sante pour en fournir une nouvelle. Une jeune mère est bientôt à sa têle, et l'essaim prend son vol par un beau soleil; deux ou trois jours après, la jeune mère est en état de donner une nouvelle population. Lorsque plusieurs femelles se rencontrent dans la même ruche, elles se livrent un combat acharné, jusqu'à ce que Tune d'elles en reste seule maîtresse. Si le mauvais temps empêche la sortie de l'essaim pendant plusieurs jours, la mère-abeille va détruire les jeunes femelles, qui, impatientes de sortir, font entendre le chant ; mais l'essaimage n'est que relardé. S'il reste encore de jeunes femelles, les nourricières empêchent quelquefois leur desiruelion , en fortifiant d'un au ire couvercle de cire l'alvéole qui les renferm< et en leur fournissant du miel à travers une légère ouverture que pratiquent les captives. Lorsqu'il n'existe plus de couvain de jeune reine, les ouvrières agrandissent une cellule; choisissent une nymphe, qu'elles nourrissent plus abondamment, et la transforment en mère-abeille, dont elle est en étal de remplir ensuite toutes les fondions. Beaucoup d'apiculteurs voient certaines ruches essaimer plutôt que les leurs, ou donner des essaims plus volumineux et des récoltes plus abondantes. Pour obtenir les mêmes résultats, ils doivent enlever les vieux gâteaux qui engendrent les fausses-teignes, conserver le pollen , éloigner les vapeurs aqueuses des ruches, ne laisser jamais les abeilles sans provisions, avoir des populations fortes, imc mère vigoureuse et les ruches en bon état. Si une population est réduite à 10 ou 12.000 abeilles, elle peut à peine suffire aux travaux intérieurs: clic ne peut fournir du miel, puis- que celui qu'elle possède ou qu'elle va chercher, esi nécessaire à sa subsistance; mais si on a eu la précau- tion, au moment où les beaux jours arrivent, et que la campagne; se couvre de fleurs, de marier les popu- lations faibles, ou voit les abeilles faire quatre ou six voyages par jour, et apporter, en douze ou quinze jours, jusqu'à 30 kil. de miel ; et comme la moitié seulement suffit aux ouvrières de l'intérieur, et pins lard au cou- vain, on trouve encore unsurcroîtde 15 kil. Ce n'est pas là le seul avantage que l'on obtient: avec l'abon- dance des pro\ isionset des abeilles nombreuses, toutes les cellules nécessaires à la ponte de la mère seront édi- fiées, ci celle-ci pourra y déposer jusqu'à 300 œufs par jour, et les essaims seront alors de '20 à 30. 000 mouche-. 410 REUNION DES ESSAIMS. Pour réunir deux essaims nouvellement sortis , si l'un d'eux est déjà dans la ruche, certains cultivateurs rapprochent celte ruche de l'autre essaim, pour Ty l'aire entrer. Après la réunion, quelques-uns ont le soin, afin d'éviter le combat, de jeter sur les abeilles un peu de miel, de la farine tamisée ou quelques gouttes de vin; d'antres, au contraire, font tomber toutes les abeilles sur un morceau de toile, même celles qui sont déjà logées dans une ruche. L'on voit alors ces mouches se grouper auprès des mères; on fait choix de l'une d'elles; l'autre est enlevée; la ruche qui est destinée à l'essaim, est rapprochée, et les abeilles vont s'y établir peu à peu. Des cultivateurs moins patients, prennent à pleines mains toutes les abeilles, et les placent avec précau- tion dans la ruche: d'ordinaire, elles s'y logent sans combat. Si l'on veut réunir avec succès, après l'essaimage, deux ruches faibles, la ruche est d'abord frottée avec de la citronnelle, d'autres plantes odorantes ou, par- fois, parfumée avec de l'encens. La réunion ayant eu lien , on a, le plus souvent, l'attention de jeter sur les abeilles, comme nous l'avons dit plus haut, un peu de miel ou du vin ou de la farine. Il ne faut pas négliger de fournir du miel aux abeil- les, si le mauvais temps arrive deux jours après que l'essaim est entré dans la ruche, parce que, ne pou- vant sortir, elles y molliraient de faim. Au printemps, lorsque la campagne est riche en fleurs, s'il s'agit • l'augmenter la population d'une ruche, celle-ci est • Il mise à la place d'une autre bien peuplée; et ausilôt qu'on s'est assuré qu'elle s'est pourvue des abeilles qui reviennent de la picoréc, on l'enlève pour la porter à distance, et la première ruche est remise à sa place. Voilà les moyens bien simples employés dans nos con- ures. Des cultivateurs opèrent aussi par tapottement. Pour faire passer une colonie d'une ruche dans une autre, ou pour la rendre plus peuplée, ils commencent à déplacer les abeilles avec un peu de fumée, et finis- sent l'opération en frappant, par intervalles, sur la ruche. PILLAGE DES ABEILLES. Lorsque les abeilles sont privées de nourriture; que la campagne ne peut leur en fournir, et que la malpropreté, les fausses-teignes ou d'autres insectes malfaisants, se trouvent en grand nombre dans leur habitation, elles la désertent. Cela arrive aussi lors- que la population est très-faible: alors la paresse s'en empare, et, forçant l'entrée des autres ruches, les abeilles vont s'y livrer au pillage. L'absence de la mère les force aussi à la désertion , à l'époque où il n'y a plus de couvain. L'essaimage passé, on reconnaît facilement qu'une ruche est livrée au pillage, lorsqu'on entend dans l'in- térieur et aux environs un fort bourdonnement , et [ne les mouches ennemies sortent en grand nombre gorgées de miel. Ce désordre consiaté , il faul se hâter de boucher les ouvertures des niches et de les déplacer si c'est nécessaire, pour en empêcher le pillage. Le désordre ayant cessé, si la mère est morte, la population est réunie à une autre. 41^ MALADIES. Deux maladies principales attaquent les abeilles. La plus dangereuse est la dyssenterie, qui cause parfois la ruine d'une partie du rucher: elle est occasionnée par Ja mauvaise nourriture donnée aux abeilles pendant l'hiver; par l'altération du pollen, dont la moisissure peut provenir encore des vapeurs qui tombent en eau sur les gâteaux, et de la mauvaise habitude,, surtout, de placer près du sol les ruches dans des lieux humides. Si le printemps est froid et pluvieux, le pollen se trouve altéré; le miel s'en ressent: il est aqueux, et la dyssenterie se déclare. 11 est aisé de juger, alors, combien il est essentiel d'y porter au plutôt remède, à une époque surtout où les abeilles rendent les plus grands services, et peu- vent toutes en être atteintes. Les abeilles affectées de la dyssenterie, lancent leurs excréments dans l'habitation; les rayons en sont cou- verts; le bas de la ruche en porte les traces; la peste est au milieu de la colonie. Four en détruire les effets, il faut soulever un peu la ruche par le bas, afin d'eu chasser l'air vicié, enlever les rayons salis, cl nettoyer la ruche; puis faire cuire du miel avec un peu de vin vieux, à consistance de sirop, et le donner pour nourriture sur un plat, où l'on mettra des brins de paille ou de petits morceaux de bou- chon, pour que les abeilles ne s'engluent pas; s'il y a des rayons vides, il faut verser dessus celte composition. L'autre affection, est la constipation. Les abeilles en sont attaquées aux approches du printemps. 11 H3 arrive assez fréquemment (|iie la pluie ou le froid tle la saison empêchent leur sortie pour rejeter leurs excréments; leur température baisse alors, parce qu'elles n'absorbent plus de miel pour alimenter leur machine animale; les excréments durcissent dans leur corps, et la mort en est la suite. Celte maladie est moins commune dans les ruches en liège: on éloi- gnerait Tune et l'autre, si, pendant les journées froides et pluvieuses, l'on nourrissait la population avec une purée faite avec du miel et de la fécule de fèves, prati- que adoptée avec succès dans le canton de Saiïlagous:'. Les larves et les nymphes mortes ou pourries, lors- que les abeilles ouvrièresontdû leur donnerdu pollen avarié ou d'autres mauvaises nourritures, occasionnent encore une espèce de peste, portant principalement sur le couvain, qui avorte, et qu'on appelle ainsi faux couvain. On doit nettoyer la ruche avec, soin, et enlever les gâteaux qui sont infectés. Dans nos contrées, le vertige, chez les abeilles, est peu connu. Toutes ces maladies proviennent encore des mau- vaises substances sucrées, qu'un grand nombre de cultivateurs fournissent aux abeilles. Lorsque la mère est malade, elle donne une ponte viciée; en effet, la plupart des abeilles naissent alors infirmes. INSECTES, OISEAUX ET QUADRUPÈDES NUISIBLES. Parmi les insectes nuisibles aux mouches à miel, nous reconnaissons dans le département: Les fourmis, surtout la grosse fourmi, que nos paysans appellent rabaxi ("formica truncata, Lamark.). m Dans le genre phalènes, papillons nocturnes, nous trouvons le paon de nuit, appelé en catalan brouxe , de couleur brunâtre, dont les antennes sont très-lon- gues : il pénètre dans les ruches pendant l'obscurité pour manger le miel, et jette le trouble dans la ru- che, en se débattant avec ses ailes contre les habitants. Le sphinx tête de mort (atroposj, papillon crépus- culaire, est bien plus dangereux encore. Après son entrée dans la ruche, son bourdonnement plonge toute la colonie dans la plus grande frayeur; et, lors- qu'il se sent vivement attaqué par les abeilles, il fait entendre un son qui excite, parfois, un tel désordre que les abeilles finissent par se battre entre elles, et le petit nombre qui survit abandonne la ruche. Pour empêcher l'entrée des papillons, il faut ré- trécir les ouvertures; et dans le cas où elles seraient nécessaires à la ventilation, on y appliquera de la toile métallique. L'instinct des abeilles les porte assez souvent à boucher elles-mêmes les ouvertures. Les scarabées s'introduisent à leur tour dans les ruches pour attaquer le miel; mais les mouches sa- vent se défaire de cet ennemi : elles l'emprisonnent avec la propohs. Ce fait, déjà observé dans nos con- trées, a été récemment constaté à 111e et à Perpignan. M. Laurent Eychenne a vu les abeilles pousser les scarabées vers le bas de la ruche, où se trouvait la matière résineuse, et ils y étaient bientôt attachés. On a aussi observé, à Vinça, que d'autres insectes, même des sphinx, étaient emprisonnés dans cette matière. Parmi les vraies-teignes, nous reconnaissons l'es- pèce désignée sous le nom de teigne de la cire fPh. ccrella). Ce papillon est un des plus dangereux en- nemis des abeilles. 415 Ces petits insectes dénotent leur présence par de* grains noirs, qui sont leurs excréments, et que l'on aperçoit sur le tablier, dans l'intérieur de la ruche, de même que Ton peut juger de l'étendue de leurs dégâts par la cire qui, réduite en poudre, obstrue parfois le passage des abeilles, à tel point qu'elles ne trouvent pas d'issue. Aussitôt (|ue l'on a remarqué ces traces, il faut se hâter de retrancher les rayons envahis; et si la géné- ralité était attaquée, il faut diriger la population dans une autre ruche. Le lézard gris, les salamandres, même les couleu- vres, dans nos contrées montagneuses, .-ont les en- nemis îles abeilles. L'on a encore observé, près de nos cours d'eau, que les crapauds les prennent à leur passage. Parmi les oiseaux, les plus meurtriers sont le rouge - gorge, en catalan pit-roig} et les mésanges, principale- ment l'espèce que nos paysans connaissent souslenom de xinxarra. Cet oiseau fait une grande destruction d'abeilles en été, à l'époque des nichées, nourrissant à la fois jusqu'à quinze petits. La mésange établit, d'habitude, merveilleusement, son nid dans le creux des arbres. Le guêpier, autre oiseau que nos éleveurs appellent abeillerole, en détruit énormément; heureusement, il n'est de passage qu'au printemps. Parmi les quadrupèdes, nous citerons, comme étant très-friands du miel, le chat-sauvage, la fouine et la genette, que nos montagnards nomment indistinc- tement gat-fagï. Ils rongent les vieilles ruches avec leurs dents et leurs pattes. 4l(i TAILLE DES HUCHES. La meilleure méthode consiste à faire la taille deux fois par an, comme cela se pratique généralement chez nous. INous avons fait connaître les moyens employés pour opérer cette dépouille dans le canton de Vinça. Nous ne saurions assez recommander de laisser, lors de la taille d'automne, le miel nécessaire à la nourri- ture des abeilles pendant la saison d'hiver : les api- culteurs en seront dédommagés, au printemps, par une récolte plus abondante et des mouches plus nom- breuses. Notre confrère, M. Descatllar, nous a fait part d'un procédé fort singulier, qu'il a vu employer plusieurs fois avec succès dans l'Ampourdan, pour l'extraction des gâteaux, et qui consiste à imprégner sa figure et ses mains de son urine. Par ce moyen, on peut les en- lever impunément, les abeilles, chassées par l'odeur ammoniacale, s'éloignant de l'opérateur. FAÇONNEMENT DU MIEL. Notre miel étant composé avec le suc des fleurs qui lui fournissent les qualités qui le caractérisent, il est essentiel de suivre les bonnes pratiques pour les lui conserver. Voici celles qui sont suivies dans la généralité de nos cantons, pour son façonnement: les rayons bru- nâtres qui ont servi à l'éducation du couvain, ou qui renferment du pollen, sont façonnés à part; ensuite les autres gâteaux sont placés sur des tamis en toile métallique, et dans la Cerdagne, sur des baquets à 417 claire-voie, pour laisser eouler le miel vierge. Comme il reste encore une grande partie de miel dans les gâteaux, on les porte sous le pressoir ; mais la qualité ainsi extraite , est moins belle. Nous allons indiquer une nouvelle méthode, qui doit donner plus de valeur à notre beau miel , destiné aux tables de luxe. On enlève avec un couteau les lames de cire qui ferment les alvéoles des gâteaux; on place ceux-ci sur des claies d'osier, etc., et on les soumet à une douce chaleur; le miel vierge s'écoule bientôt goutte à goutte. Lorsqu'ils n'en fournissent plus, on les brise; on les laisse égoutter de nouveau, et on élève un peu plus la température; on sépare alors le rouget et le couvain qu'ils renferment, et on les soumet à une pression graduée. Par ce moyen, tout le miel finit par s'écouler. S'il est limpide, on ne lui fait subir aucune espèce de purification; mais s'il est trouble, on le laisse reposer pendant quelque temps; puis on l'écume et on le décante. Le mie! est recueilli dans des pots en terre, bien vernissés; il est recouvert de feuilles de papier, et placé ensuite dans un endroit sec et frais, où il se conserve long-temps, même à l'époque des fortes chaleurs. FAÇONNEMENT DE LA CIRE. Après qu'on a extrait le miel des rayons, la cire est mise dans un sac de toile claire, et placée dans un chaudron à demi rempli d'eau. Lebullition est con- servée par le moyen d'un feu doux; le sac est main- tenu au fond de l'eau avec une spatule. A mesure que la cire fond, elle s'élève à la surface; elle est re- tirée avec une grande cuiller, et plongée dans un vase ■27 41$ rempli d'eau tiède, pour la séparer entièrement des matières étrangères. Le sac est mis sous le pressoir; la cire est ensuite coulée dans des plats, pour en former des pains de 20 à 30 centimètres de diamètre et de 2 à 10 centimètres d'épaisseur. On a donné, celte année, au pain une forme plus séduisante, en versant la cire dans un moule en fer- blanc, espèce de carré long de 36 à 40 centimètres, sur 8. Elle se vend 3 fr. 50 c. le kilogramme, tandis que le prix des autres formes est de 3 francs à 3 fr. 25 c. Sa couleur est canari tendre ou jaune orangé, plus ou moins foncé. RUCHES. Les ruches généralement en usage dans nos contrées, sont celles adoptées par nos aïeux. Elles ont été con- servées à cause de leur simplicité , de leur légèreté et de la facilité du transport, une grande partie étant dirigée, à cet effet, de la plaine sur la montagne. Ces avantages ne doivent pas faire méconnaître, tou- tefois, les graves inconvénients qu'elles présentent-, et le cultivateur doit savoir qu'il existe des ruches pouvant rendre la culture plus facile et les produits plus abondants. Sans doute, il est difficile de dépopu- lariser les ruches dont l'usage a été consacré par le temps; mais, lorsque les éleveurs auront reconnu les profils que donnent les ruches perfeelionn ées , ils n'hésiteront pas à les adopter à leur tour. Nous avons indiqué les ruches employées dans la plupart des cantons. Celles de la plaine sont commu- nément formées de quatre planches, à couvercle plat. \ 1 9 sur lequel sont placées trois tuiles. Leur hauteur varie de 70 à 80 centimètres, et la largeur de 25 à 30 : dans le centre, s'entrecroisent deux baguettes pour soutenir les rayons. Ces ruches reposent sur des dalles ou sur des briques placées à 10 ou 15 centimètres du sol. Il serait plus convenable d'établir les ruches à une plus grande élévation du sol, sur des planches sou te- nues par des piquets, et de les abriter, dans nos chaudes régions, avec des haies de roseaux, de romarin ou d'autres arbustes aromatiques, qui sont très -abon- dants chez nous, et de ménager des passages aux abeilles. Mieux vaudrait des ruchers bien organisés. Une bonne méthode, qui s'est maintenue dans nos communes, est l'uniformité des ruches; mais nous serions d avis de leur faire donner, à l'extérieur, deux ou trois couches de couleur à l'huile, en employant le vert surtout. Nous avons désigné les dimensions gigantesques des ruches des cantons montagneux de Mont-Louis et de Saillagouse, qui ne sont guère déplacées des enviions des habitations, à cause du voisinage des fleurs. Il en est ainsi de celles du canton d'OJette qui, la plupart, se trouvent abritées dans les anfrac- tuosités des rochers. Toutes ces ruches ont un double couvercle plat en bois, recouvert d'une large ardoise, pour écarter la pluie et la neige. Une partie est formée des vieux troncs de saules mai saut, dans lesquels les abeille paraissent se plaire. Préoccupés des graves effets du couvercle plat, des apiculteurs ont essayé de lui donner, les uns, un seul plan incliné; les antres, deux; d'autres, enfin . pro- 420 posent île faire au couvercle une ou deux ouvertures, fermées avec de la toile métallique, et de les recouvrir ensuite par trois tuiles ou par une ardoise, qui devra être relevée, aux angles, par de petits cailloux, pour que les vapeurs aient une issue. Ces ouvertures doi- vent être fermées au besoin par des tampons. Dans le but de renouveler les rayons du centre, que les cultivateurs y laissent vieillir pendant plu- sieurs années, quelques-uns ont essayé d'enlever, par le bas, au commencement de février, les gâteaux de cire. Ils ont pratiqué, après l'essaimage, la taille du miel, à partir du centre jusqu'aux rayons du bas; et ils proposent de faire une troisième taille du centre vers le haut, dans le cas où le miel serait assez abon- dant, sans nuire aux provisions réservées pour la mau- vaise saison. D'habitude, les ruches sont placéesdans des endroits isolés, à l'abri du vent du nord. Il n'est pas convenable de les laisser trop exposées au soleil, non-seulement parce que les abeilles souffrent de l'excès de chaleur, mais encore, parce que, la surveillance ne pouvant pas être exercée aussi bien par elles à l'entrée de la ruche, un plus grand nombre de ventilalrices devient alors nécessaire, et que, la température donnant plus d'exhalaisons au miel, attire, en plus grand nombre, les insectes nuisibles Sur les montagnes, les ruches sont établies dans les bois et les prairies, rapprochées des points où les plantes aromatiques sont abondantes. Le propriétaire du terrain, qui se charge de veiller à leur garde, a la précaution de faire enlever les herbes qui sont à l'entour, et qui pourraient nuire à l'entréedesabeilles: la rétribution exigée, à cet effet, est ordinairement de 421 25 centimes par ruehe; dans d'autres canions, le sa- laire est du miel. Les vols nombreux de gâieaux qui ont eu lieu, cette année, lors de la dernière récolte doivent exciter une plus grande surveillance, et faire adopter des ruches dont l'ouverture soit moins facile a ouvrir JNous fournirons, au sujet de deux ruches nouvelles qui existent dans le département, les notes que nous ont adressées ceux qui les possèdent. Nous serons reconnaissant aux éleveurs des divers points du pays, qui en auront fait fessai, de nous communiquer, dans l'intérêt de la culture des aheilles, les résultats elles observations qu'ils auront rccuellis. Pour se rendre compte de l'état de toutes les ru- ches, il faut leur donner un numéro d'ordre, que l'on inscrit sur un morceau d'ardoise, ou sur une planchette fixée à la ruche; et noter sur un carnet le poids delà caisse et de l'essaim, et l'âge de la reine. Nous dirons, enfin, que si l'on veut conserver les colonies pendant l'hiver, époque la plus désastreuse pour les aheilles, il faut que les ruches aient une population assez considérable, avec des provisions proportionnées. On devra encore renouveler l'air, et parfumer légèrement la ruche, soit avec la fumée de l'encens, soit avec quelques gouttes balsamiques, répandues dans l'intérieur de la ruche, deux ou trois fois dans le courant de la mauvaise saison. Les beaux jours arrivés, les mouches auront plus d'action pour se livrer au travail, et les essaims sor- tiront dix à douze jours plus tôt. Nous recommandons l'adoption des ruches à trois ou quatre compartiments; celles divisées en quatre de préférence, parce qu'elles permettent de (aire 122 jusqu'à irois récoltes : l'une, après le départ des es- saims; la seconde, dans le courant de l'automne, et la troisième, au besoin, à la fin de l'hiver, pour la récolte de la cire, lorsque les abeilles commencent à sortir. ÏNotre collègue, M. Sauveur de Girvès, a inventé une ruche, dont il nous a adressé le plan, et qui paraît réunir divers avantages. Lorsqu'elle aura été expérimentée, nous la ferons connaître. INous nous bornons, pour le moment, à appeler l'attention sur les ruches de M. Laurent Eychenne, de Perpignan, et de M. A. Débatène-Picard, de Mont-Louis : nous en donnons les modèles , en les accompagnant de notes explicatives. RUCIIE DE M. LAURENT EYCIIEMSE. Cette ruche réunit les deux principaux avantages, qui consis- tent à faire la récolte du miel avec facilité, et à connaître, en tout temps, l'état des abeilles et celui de leurs besoins, sans être exposé à leurs piqûres. Elle est divisée en trois compartiments égaux, au moyen de deux planchers à grillage, faits avec sept planchettes, de 0m,03 de largeur, pour recevoir les rayons, espacées deOm,01 l'une de l'autre, et jointes par les deux bouts, au moyen d'une demi en- taille, à deux autres planchettes, qui servent à les fixer aux montants de la ruche : ces planchers se trouvent séparés également de 0m,01 des parvis de la ruche, afin que les abeilles puissent circuler libre- ment d'un étage à l'autre et entre les rayons. Trois vantaux , qui s'ouvrent sur le derrière , permettent de la visiter successivement dans tout son intérieur, soit pour la débarrasser des teignes, scarabées, fourmis, etc., qui auraient pu s'y introduire, soit pour enlever les rayons des compartiments du milieu et du bas, auxquels on ne touche pas lorsqu'on fiit la récolte, parce que celui du milieu contient tou- jours le couvain , et celui du bas la provision du miel nécessaire aux abeilles pendant la mauvaise saison. Cette opération, qui a lieu à la fin de l'hiver, a pour but d'augmenter le produit de la cire, de con- server les ruches en bon état et d'exciter l'activité des abeilles. 423 Au milieu du couvercle, est pratiquée une ouverture circulaire de 0"',04 de diamètre, qui est indispensable pour dissiper les vapeurs ibrrnées dans la ruche , et qui font périr souvent les essaims. Cette ouverture sert aussi à leur donner de quoi se nourrir, au moyen d un goulot de bouteille, quand elles commencent à sortir après les lroids: qu'elles n'ont plus de provisions, et que la campagne ne fournit pas encore de Heurs; mais on doit la couvrir avec de la toile métallique assez (inc, pour qu'elle ne donne pas accès aux insectes. Elle est mise à l'abri de la pluie, sans que la circulation de l'air soit interceptée, au moyen de trois tuiles, que l'on pose sur chaque ruche. Les rayons sont fixés au haut et au bas de chaque compartiment, perpendiculairement aux barreaux; et, par cette disposition, ils se trou- vent superposés l'un sur l'autre dans les trois compartiments , et pa- raissent n'en faire qu'un seul de toute la hauteur de la ruche. Les abeilles s élèvent ainsi vers la partie la plus culminante, sans qu'aucun obstacle s oppose à leur marche; la ruche présente l'aspect d'une ruche d'une seule pièce, et les abeilles n'ont pas l'inconvénient de se trouver divisées. Une personne seule suffit pour faire la récolte. Avec un peu de luméc, elle chasse les abeilles de la case qu'elle veut dépouiller; elle détache les gâteaux sans difficulté, et les retire entiers, sans répandre une goutte de miel, et sans blesser une seule abeille. Pendant l'opé- ration, l'essaim reste calme; les mouches continuent, les unes à sortir pour aller butiner, les autres à rentrer chargées de provisions, sans s'apercevoir du larcin qu'on leur fait. L'usage de faire des essaims artificiels est inconnu ici ; d'ailleurs, cette méthode est impraticable avec nos ruches ordinaires. Pour les faire avec la nouvelle ruche, il n'y a qu'à en renverser une vide et a la superposer sur la ruche-mère, de manière que les trous des cou- vercles se correspondent parfaitement, et à bouclier toutes les ouver- tures ; puis, on ouvre le vantail supérieur de la ruche-mère, et on applique sur celte ouverture un châssis en toile métallique, assez claire pour bien distinguer les abeilles, qui, a l'aide de la fumée, ne tardent pas à monter dans la ruche vide. Lorsqu'on a vu passer la mere-abeille , et que l'on juge que l'essaim est assez fort, on sé- pare les deux ruches; mi m bouche les ouvertures avec leurs tam- pons , on dépose celle qui contient le nouvel essaim à quelque dis- . et on l,i laisse fermée jusqu'à la nuit. 424 On doit opérer aux premiers jours du mois de mai, si l'on veut que les nouvelles niches soient dans les conditions favorables des autres ; alors , les essaims précoces ont le temps de remplir leurs ru- ches, qui peuvent être récoltées à l'époque ordinaire de la taille. On peut encore transvaser les ruches avec facilité par la même méthode. RUCHE DE M. DÉBATÈNE-PICARD. Cette ruche est formée de quatre caisses, de 0m,16 de hauteur, soutenues par des languettes de bois. Ces caisses sont percées de petits trous, pour ménager la circulation des abeilles : elles peuvent être enlevées facilement. A l'époque de la première dépouille, qui a lieu du 1er au 10 mai, le couvercle de la ruche est d'abord détaché, afin de lancer la fu- mée; et lorsque les abeilles sont descendues, la première caisse est enlevée pour en retirer le miel : l'opération est faite sans la moindre difficulté, et cette caisse, mise à la place de celle du bas, reçoit les abeilles, qui se hâtent d'y travailler. Pour opérer la seconde dépouille, du 1er au 15 août, on emploie de nouveau la fumée pour déplacer les abeilles. La deuxième caisse du haut est retirée ; et, après l'enlèvement des rayons, elle prend la place de la troisième. De la sorte , les rajons ne vieillissent pas. Le miel est de qualité supérieure ; et, dans cette ruche, les abeilles sont moins sujettes aux maladies, et les produits y sont d'une abon- dance extraordinaire. Pour profiter des avantages immenses de nos plan- tes aromatiques, et leur donner une plus grande extension, ne pourrait-on pas, sur quelques coteaux et sur quelques points de nos montagnes, les pro- pager pendant les journées humides du printemps? Cette pratique, qui serait importante, mériterait des encouragements, qui devraient être donnés aux cul- tivateurs et aux agents cantonnaux qui s'y livreraient sans nuire à l'exercice de leurs fonctions. Pénétré de L'intérêt que mérite noire apiculture, nous solliciterons les bienveillantes dispositions du Conseil-Général, qui nous donne tant de preuves de sa sollicitude incessante pour les diverses branches de notre agriculture. Les ressources mellifères de noue département, et la beauté remarquable de notre miel étant recon- nues, ne pourrions-nous pas aussi espérer que M. le Ministre de l'Agriculture, toujours disposé à favo- riser le bien-être général, fixant son attention sur notre industrie abcillère, lui donnera, par ses encourage- ments, plus d'essor, et contribuera à la replacer au premier rang? Nous serions heureux, en outre, si nous pouvions contribuer, pour notre faible pari, à propager les méthodes de perfectionnement connues; plus heu- reux encore, si nous parvenions à rendre la culture des abeilles plus prospère : notre zèle et nos soins seraient alors amplement dédommagés et noue tâche remplie. Nota. Nous engageons tous les cultivateurs qui veulent suivie les progrès de la science apicole, à ne pas négliger la lecture de X Apiculteur praticien, excellent journal, publié tous les mois, au prix de 6 francs par an, par M. Hvmkt, professeur distingué du cours public d'apiculture, au Luxembourg, et auteur du petit Traite d'Apiculture , dont le modique prix (00 centimes) est à la portée de tous. ♦26 !\OTICE BIOGRAPHIQUE DE FRANÇOIS JAUBERT DE PASSA, MEMBRE CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE, Académie des Sciences , Section d'Économie rurale , Et membre-résidant de la Société Agricole , Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales. Par M. .B. IIattks, Officier d'Académie, Inspecteur de l'Enseignement primaire, membre-résidant. Si, comme l'a écrit un des plus graves biographes latins1, les peuples de l'antiquité aimaient à conserver la mémoire des hommes que leurs mérites rendaient dignes de cet hommage, nous aussi nous devons tenir a transmettre à la postérité les noms de nos compa- triotes dont l'intelligence, les travaux et la coopéra- tion à tout ce qui est utile, ont jeté quelque éclat sur notre province. François Jaubert de Passa avait entrepris cette pieuse et patriotique mission en 1856 *. INous étions loin de craindre qua moins de douze mois de dis- tance, il nous échût le douloureux honneur d'essayer quelques mots biographiques sur lui-même; mais ne 1 Tacite. 2 11 publia dans le journal du département, la biographie de M. Massot, et il avait décrit celle de plusieurs autres compatriotes recommandâmes (de Gazonyola . Siau , P. Durand , etc. ). nous trouvez-vous pas bien téméraire en nous voyant affronter ce rôle avec, notre seule autorité? Nous le craindrions moins sérieusement, si notre écrit n'était destiné qu'à des lecteurs roussillonnais. Quoi qu'il en soit, laissez-nous payer à François Jaubert un tribut de reconnaissante affection , que d'obligeantes re- lations imposent à notre cœur. D'autres, après nous, compléteront noire œuvre, surtout au point de vue des spécialités qui le distinguaient. François Jaubert de Passa naquit en 1784, à Passa, dans le canton de Thuir. Son père et sa mère avaient fait de beaux rêves sur son berceau ; mais la dévo- lution française, en changeant leur position sociale, traversa leurs projets. Cependant, ils ne surent rien négliger pour lui faciliter un avenir honorable. Ils confièrent son éducation élémentaire à l'abbé Jaubert, le même qui releva de ses ruines le Collège de Perpi- gnan. Pins tard, leur (ils entra au Collège militaire deTournon, et perfectionna ses éludes au Prytanée, d'où il sortit pour être incorporé comme sous-lieute- nant dans le I 2e régiment de Dragons ; mais, son père, facilement alarmé des périls qui accompagnaient la gloire militaire à cette époque, le rappela auprès de lui. François Jaubert obéit, mais non sans regret, à cette injonction paternelle. Cependant, il obtint de rester encore à Paris pour y compléter son instruc- tion ou l'approprier à une autre carrière. Sa vie d'étu- diant devint alors très-laborieuse : elle se partageait rntie les cours de l'Académie de Législation, de l'Ecole de Médecine, et les leçons de l'Aeadému des Beaux-Arts, dirigée par David. Sa forte volonté, sa vive imagination, favorisées par une conception prompte, un jugement sûr ei une mémoire des plus V28 heureuses, lui facilitèrent le succès de ses études nouvelles et multipliées. 11 ne tarda pas à être inscrit sur le tableau des avocats, et l'Académie de Dessin lui décerna la médaille d'artiste. Mais, cédant toujours aux nécessités de la famille, il renonça à ses goûts de prédilection, et il crut entrevoir des chances dans la carrière administrative. A Tournon et au Prytanée, il eut pour amis des condisciples dont les familles appartenaient aux illustrations de l'époque. A la fa- veur de ces amitiés, il fut présenté dans les salons de Cambacérès, de Talayran et de Cuvier, où l'avait devancé la renommée de ses succès scolaires. Il fut jugé vite, et un décret du 11 janvier 1806 le nomma Auditeur au Conseil-d'Élat. C'était un brillant pré- lude à une carrière pour ainsi dire improvisée. Mais ne dirait-on pas que la destinée se plut à se jouer de lui, en mêlant l'ironie à la séduction?... Elle jeta encore un obstacle dans cette nouvelle route qu'elle lui ouvrait : une maladie sérieuse menaçait son père, et il fut contraint de demander un congé (1810V, néanmoins, il fut maintenu pendant un an sur les cadres du Conseil-d'État . Le 10 juin 1813, les fonctions de Sous-Préfet à Perpignan lui furent confiées; il les conserva peu de temps, mais au mois d'août 1814, il fut envoyé auprès du général Castaîios, solliciter la retraite de l'armée espagnole. Pour le récompenser du talent et du patriotisme qu'il déploya dans cette mission, le Gouvernement lui donna place parmi les Con- seillers de Préfecture (décret du 5 octobre 1815). L'influence de celte nouvelle position ne fut pas inutile à son pays : connaissant tout ce que peut promettre de richesse l'application d'un bon système 4:20 d'arrosage, surtout dans on pays essentiellement agri- cole comme le noire, il profila de l'appui que lui accordait le préfet, M. Villiers du Terrage, pour organiser le syndical de la Tel (1818-1819). Le règle- ment de ce syndicat, qu'il rédigea lui-même, fut appliqué par ordonnance royale et accepté, enfin, par l'Administration des Travaux publics. En 1817, la rareté des subsistances inspirait des craintes sé- rieuses à l'administration, et les spéculateurs étran- gers aggravaient encore la situation : les désordres qu'amène la disette semblaient imminents; Jaubert de Passa proposa un plan dont l'application prévint toutes les difficultés. 11 provoqua une réunion de douze notables, qui, renonçant généreusement à des profits que les temps rendaient trop certains, firent une mise de fonds pour l'approvisionnement du pays'. M. François Durand s'empressa de s'associer h cet acte de patriotisme; et, mettant au profit de ses con- citoyens les vastes ressources de sa haute capacilé commerciale, il sut faire arriver d'abondantes car- gaisons dans les ports de Saint-Laurent et de Port- Vendres. Un magasin public fut ouvert, et les popu- lations roussillonnaises purent s'y approvisionner au fur et à mesure de leurs besoins, et à des prix mo- dérés. La crise passée, on constata un bénéfice de 1 .500 francs, qui furent distribués aux employés du magasin. François Jaubert de Passa composa et publia deux 1 Voici les noms île ces douze notables, que la reconnaissance publique ne laissera pas périr: MM. Méric, maire, Arnaud, aine, François Durand, Jaubert de Passa, de Bounefoy, Sylvestre Villalonyue, l'arès (de Uivesaltes), Joseph Jaunie, Josepb Delcros-Roib.r, Romeu , Sanyer, Jean Massot, de Rennes. 430 volumes : le premier sur les arrosages «.les Pyrénées* Orientales, et le second, sur les irrigations en Espa- gne. Ce dernier livre, résultat d'une mission scienti- fique, dont l'avait chargé M. le Ministre de l'Intérieur, fut traduit en espagnol et en allemand. Le succès de ces publications l'encouragea à livrer à la presse quelques mémoires sur des sujets d'éco- nomie rurale. Le Gouvernement voulut sanctionner l'opinion publique; et, par ordonnance royale du 11 août 1823, F. Jaubert de Passa fut nommé, comme homme de lettres, Chevalier de la Légion-d'IIonneur. 11 justifia cette distinction par d'autres travaux esti- més. Il était membre de plusieurs Sociétés savantes nationales ou étrangères, entre autres de la Société royale et centrale d'Agriculture, de la Société royale des Antiquaires, de la Société Linnéenne, de celle de Toulouse, de celle de Valence, en Espagne. A toutes il envoya son tribut d'intelligence et de dévoû- ment; toutes avaient su apprécier son utile coopéra- tion. Plusieurs de ses mémoires, sur des objets mis au concours, furent couronnés. Tant de travaux utiles, son activité si constante, ses grandes aptitudes, de- vaient lui ouvrir les portes de l'Institut de France, rare distinction, qui suffit pour faire la réputation d'homme éminent. Ce fut le 3 janvier 1825 qu'il eut lhonneur d'être agrégé, comme correspondant, à cette illustre Compagnie. Depuis cette époque, fixé parmi nous par de nouveaux liens de famille, il renonça à quitter le pays. Jamais il ne négligea d'étendre le cercle de ses connaissances. 11 cultiva le commerce des gens de lettres, des savants, des artistes, pour trouver le moyen d'élever son esprit; et, cependant, ceux qu'il regardait comme ses mai- 431 1res, se plurent, pins d'une fois, à rechercher ses déeisions. Après 1830, 1 élection le fit entrer au Conseil-Gé- néral : il y resta jusqu'à sa mort (IG septembre 1856). Personne n'ignore les éminenles qualités qui le dis- tinguèrent dans cette Assemblée, dont il dirigea plusieurs fois les travaux comme président. On lui doit de nombreux ouvrages, dont la plu- part ont pris rang parmi ceux qui honorent son pays. Les plus connus sont : Mémoire sur les cours d'eau des Pyrénées- Orientales. F"oyage en Espagne, ou arrosage en Espagne. Mémoire sur la culture du chêne-liège. Mémoire sur la culture de l'olivier. Mémoire sur le mûrier. Notice historique sur la rnllc et le comté d'Empurias. Essai historique sur les Gitanos. Recherches sur Roses et le cap de Creus. Carte marine des côtes de la Méditerranée espagnole. Expédition de Philippe-lc- Hardi en Catalogne. Une famille catalane en 11 10. Isidro. Marie de Montpellier. Mémoire historique sur le cloître du Monastir , et les monuments rous sillonnais. Mémoire sur les pasquiers et les forêts de l'Etat. 11 concourut h la publication du grand ouvrage de Taylor et Mérimée, sur la France pittoresque et romanesque, pour lequel il fournit les dessins et les légendes du Roussillon. Recherches sur les arrosages chez les anciens , 4 forts volumes. Cet ouvrage, qui obtint la grande médaille d'or, a eu les honneurs de la traduction eu Espagne. 432 On soupçonne à peine l'incessant travail tic recherches que cet ouvrage dut coûter à son auteur. Mien ne man- que à ce livre pour en rendre la lecture attrayante : les descriptions géographiques, les tableaux de mœurs, écrits dans un style net, concis, serré et fleuri, tout y révèle une vasie érudition, une application patieute et l'expérience d'un écrivain habile. Ce livre, mis au concours depuis vingt-cinq ans, est l'histoire com- plète de l'arrosage et de la législation des anciens; « il manquait à la science agronomique : François Jaubert de Passa l'entreprit dans l'intérêt de la patrie1.» Écoutons-le quand il résume lui-même, dans quel- ques lignes, le but et l'utilité de l'irrigation: « Qui pourrait aujourd'hui calculer ce que l'avenir (.réserve à la France, si l'irrigation s'y acclimate à «l'abri des lois; si de nouveaux et paisibles chan- « tiers de travail s'ouvrent pour les classes indigentes; «si des cultures plus parfaites et plus variées; si des «défrichements, que les eaux dérivées rendent si «faciles, retiennent dans les villages et dans les fer- « mes celte multitude de bras, que le besoin, l'aban- « don, et tant d'autres causes entassent dans les cités « populeuses et partout où les passions ont des foyers «permanents; si les produits agricoles sont plusabon- « dants; si des prairies plus vastes et de meilleurs four- « rages permettent d'améliorer la race chevaline et la « race bovine ; si la nourriture du peuple est plus saine; « enfin, si l'agriculture, parla multitude de ses ateliers, « et par l'aptitude quelle montre à u tiliser tousles bras, «à tirer parti de toutes les forces vitales, devient de pi us « en plus le refuge de tous ceux que la société oublie, « que l'industrie repousse, et que la misère dégrade?» 1 Note du Rapporteur à I Académie. 433 Les travaux de Jaubert de Tassa lui valurent une belle moisson de lauriers dans les champs littéraires: il reçut, outre la croix de la Légion-dllonneur, quatre médailles d'or, trois en argent, plusieurs en bronze et de nombreux témoignages flatteurs de la part des sommités de la science. Là ne se borne pas son bagage littéraire. Il a laissé des manuscrits que nous croyons précieux, entre autres Y Histoire du Roussillon , fruit de ses dernières veilles et de longues méditations: c'était son dernier tribut payé à son pays. Celte his- toire est malheureusement inachevée. Sa vaste cor- respondance avec des personnages appartenant aux lettres, aux sciences, aux arts et à l'administration lui avait donné une supériorité remarquable dans l'art d'écrire une lettre. Admis dans la confidence de ces relations, nous avons pu admirer plus d'une fois des écrits dont il garda d'ailleurs la minute. Ils se distinguent par un style orné de toutes les qua- lités que ce genre exige; et, si nous osons le dire il se complète par ce vernis de politesse exquise, par- la finesse de l'esprit et la justesse de la-propos, qui en font le charme dans les écrivains de cet ordre. Mais, à notre jugement, son œuvre capitale, où il s'est peint lui-même avec ses impressions, avec l'expé- rience des hommes et des choses, est celle que le public ne sera pas appelé à lire, de long -temps encore, telle est du moins notre crainte : ce sont ses Mémoires, qu'il écrivit pour son petit-fils, Henri Jau- bert, et qu'il termina en 1853. Tout en racontant d'abord sa vie d'étudiant à Paris il donne des aperçus surles lettres, les sciences, la phi- losophie, les artset sur les célébritrés contemporaines, qu'il compare rapidement aux maîtres des écoles de 28 434 l'antiquité. Ce sont des esquisses d'histoire, faites avec cette précision qui est le fruit d'une longue attente, éclairée par les rectifications que fournil le temps dans l'appréciation des actions humaines. 11 écrivait pour son petit-fils: il lui devait la vérité, et sa plume aurait refusé d'ohéir aux entraînements qui n'eussent pas eu pourmohile la conscience du vrai et du heau. Ces mémoires composent cinq forts cahiers. Le senti- ment chrétien qui domine dans toutes les pages de cette œuvre, prouve que François Jaubert avait tou- jours placé les événements sous l'influence divine. Parlerons-nous des qualités de son cœur, de l'affa- bilité de son caractère, des charmes, de l'utilité de sa conversation, et surtout de sa pente naturelle vers le sentiment du bien? Nous aurions à citer tous les actes de bienfaisance dont nous fûmes témoin pendant les vingt ans qu'il nous admit dans son inti- mité; et si, comme il l'a écrit lui-même, «vivre c'est aimer», nous dirons qu'il a beaucoup vécu. Il aima les ouvriers et surtout les pauvres. Son ca- binet fut ouvert à tous ceux qui avaient besoin de son expérience- 11 employait son instruction et l'in- fluence qu'elle lui procurait au service d'aulrui. Aux pauvres, il facilita, plus d'une fois, les moyens d'un travail honorable: il recevait tantôt un paysan incer- tain sur l'emploi de laborieuses économies, tantôt un magistrat embarrassé pour la direction d'une affaire municipale*, aujourd'hui, il encourageait un jeune homme dans l'étude des lettres, des arts, des sciences; plus tard, c'était un ouvrier intelligent qui venait recevoir un conseil, c'était une famille désolée qui sollicitait son intervention auprès de l'autorité supérieure pour obtenir une grâce: tous, 435 en se retirant , emportaient pour eux une bonne pensée, une consolation, une espérance, quand ce ne pouvait être mieux; mais tous laissaient pour lui plus d'une parole de reconnaissance, et souvent des larmes pour remerciaient. Ce contact avec des personnes de toutes les condi- tions, le rendit l'homme de tous et lui acquit une grande influence. Combien de fois l'avions-nous en- tendu dire qu'il faut s'employer quand même pour son pays : il s'était adressé à lui-même ces paroles, comme s'il eût craint les combats de l'ambition dont le dernier terme est l'égoïsme. Hâtons-nous de pro- clamer qu'il n'eut pas souvent à lutter, malgré les occasions qui s'offraient à lui séduisantes et sûres; à l'avenir qui lui souriait il renonça trois fois, se con- damnant à paraître joyeux de ses sacrifices. Qui ne sait pas, qu'en 1 828 , le prince Woronzof, gouverneur général de la Crimée , avec lequel il entretenait d'ho- norables relations, l'appelait à Odessa, pour lui confier la charge de directeur-général de l'agriculture? Il lui offrait 40.000 francs de traitement et lui assurait l'a- venir de ses enfants; mais François Jaubertde Passa vivement combattu par l'amour de la patrie, se borna à remercier le prince. A cette même époque, mes- sieurs Bosch, Sylvestre, Yvart , Cuvier, le baron Teissicr, cet ami de Louis XVI, tous membres de l'Institut, et maîtres des premiers postes dans les sciences, les lettres et l'administration, le sollicitaient pour qu'il acceptât une chaire de professeur d'agri- culture au Jardin des Plantes : il obéit aux répu- gnances de M,iie Jaubert , son épouse, que l'idée de quitter la province ou la patrie, avait toujours effrayée. Un peu avant 1840, il était libre d'accepter la place 436 d'inspecteur d'agriculture en Afrique. INous ne par- lerons pas de ses relations avec le prince Esterhazy, qui essaya plusieurs fois de l'attirer auprès de lui , en lui assurant les bénéfices d'une charge administrative très-élevée. François Jaubert de Passa ne s'est donc, pour ainsi dire, jamais trouvé dans son milieu : il dut changer ses habitudes, aimer des travaux et une vie peu conformes à ses goûts ; mais il sut dissimuler courageusement ses ennuis, pour ne pas indisposer de saintes affections, et il s'abandonna à l'étude. Né, pour ainsi dire, dans les champs, il y revint pour y rester avec une riche éducation, un esprit cultivé et le souvenir d'illustres amitiés auxquelles il fit appel moins pour lui et les siens , que pour l'utilité des autres. A. Paris, il était connu et apprécié des sommités de la science : le lecteur roussillonnais ajoutera que, dans son pays, on l'a toujours trouvé empressé à s'employer utilement, et que, dans un grand nombre de communes, son nom rappelle le souvenir d'un service rendu. Sa mort a donc fait parmi nous un grand vide: « Le voilà donc perdu, » s'écria M. Villiers du Ter- rage, «le voilà perdu cet ami, noble, fidèle, coura- « geux , que j'avais eu le bonheur de rencontrer, de «distinguer, de mettre au rang qui lui appartenait! <( Qui dira tout ce que le pays, tout ce que les scien- « ces ont perdu ! ' » L'administration, les arts, les sciences, l'instruction publique, à laquelle il fut si dévoué, les ouvriers, les pauvres, le regretteront toujours*. t M. Villiers du Terrage, ancien Préfet des Pyrénées-Orientales. (Lettre du 19 septembre I8j(>, à M. Edmond Jaubert île Passa. » 2 La dépouille mortelle de François Jaubert de Pasia , fui déposée dans 437 Tel fut François Jaubert de Passa ! Son organisation si libéralement douée, le destinait aux postes les plus éminents; il y aurait atteint, s'il eût pu profiter des circonstances favorables dont il fut le maître et qu'il sacrifia généreusement aux graves devoirs de la fa- mille et au sentiment national. Cependant, celte renommée, acquise par des travaux honorables et accomplis dans un but patriotique, laisserait ici-bas des traces moins lumineuses, un souvenir moins du- rable, si François Jaubert de Passa, aux dernières années, comme aux suprêmes instants de sa vie, qu'il sentit un à un lui échapper, ne se fût aban- donné à la miséricorde divine, avec la confiante résignation du savant qui croit en Dieu, et du chré- tien qui accepte ses décrets. Ce fut le 16 septembre 1856, à trois heures du matin, et au milieu de sa famille, qu'il rendit son âme à Dieu, après les encou- rageantes consolations de l'Église. le caveau de la famille, au Monastir. Le nombreux cortège qui l'accompagnait avec le Clergé jusqu'à la porte du cimetière Saint-Martin, où le convoi fit halte, fut temois , comme nous, d'une marque de reconnaissance et de profonds regrets, que François Jaubert de Passa reçut: au moment où la bière allait être placée sur le char funèbre qui devait remporter au Monastir, un homme se détacha de la foule, s'avança, et, se découvrant la tête, baisa. le cercueil, en fondant en larmes. 438 TRAITEMENT DE L'OÏDIUM, Par M. «I. DENAniEL, Chev. de l'ordre imp. de la Légion-d'Honneur, Docteur en Médecine, Juge de Paix, membre résidant. La recherche des moyens propres à combattre l'oïdium, offre tin remarquable degré d'utilité. Dans cette question, il s'agit, en effet, pour la fortune publique, de sommes considérables à gagner par la conservation d'une des riches récoltes de la France, et d'épargnes très-fortes à faire par le choix du trai- tement. J'offre le résultat de mes observations et de ma pratique, sur le traitement préservatif et curatif de l'oïdium. S'il arrivait que toute ma conviction sur l'efficacité de celui que je propose ne fût pas partagée, au moins résultera-t-il , peut-être, de l'exposé de ma manière de voir, quelqu'un de ces aperçus nouveaux et utiles, que l'examen d'une question, par des esprits divers, et par conséquent à des points de vue diffé- rents,1 a coutume de faire naître. Je veux dire, d'abord, mais sans entrer dans les dé- veloppements qu'exigerait une discussion complète, mon appréciation des traitements proposés jusqu'à ce jour, et principalement de l'emploi du soufre, qui a conquis le plus de crédit, grâce aux expériences et 439 aux écrits dont il a été l'objet de la part d'habiles viticulteurs, et grâce surtout à sa réputation de spé- cifique pour certaine maladie de l'homme. Je tire, premièrement, de ces expériences et de ces écrits, que le soufrage n'a pas de puissance préser- vative pour la récolle de l'année où il est pratiqué, ni pour celles des années suivantes, et nul, à ma connaissance, n'a proposé jusqu'à présent de préser- vatif sérieux; de sorte que le traitement prophylac- tique ou préservatif de l'oïdium, le plus avantageux et le plus efficace, sans contredit, dans toute maladie générale des végétaux, comme dans toute épidémie frappant les hommes, est à instituer. Mais, si on convient que le soufre n'est pas un pré- servatif, on le proclame bien haut, au contraire, comme Je moyen curatif par excellence, et même comme le véritable spécifique de l'oïdium. Ma thèse n'est pas de contester l'efficacité des sou- frages faits avec soin et en nombre suffisant. Je vien- drais plutôt appuyer l'opinion de ses partisans, en déclarant que le traitement par le soufre a sauvé, pour ceux qui l'ont pratiqué avec attention et avec persévérance, une grande partie de la récolte der- nière, dans ma contrée, notamment celle des vignes plantées dans des fonds riches et bien cultivées. Ce que je n'admets pas, c'est que le soufre soit le curatif par excellence; qu'il ait une vertu propre, à lui par- ticulière; qu'il soit, en un mot, le spécifique de l'oïdium, comme on le publie, et qu'il ne faille de- mander qu'à lui, agent trop dispendieux, et même délétère pour le raisin, la guérison de cette maladie. Et, en effet, lorsqu'on cherche à se rendre compte de la manière d'agir du soufre, on reconnaît aisément qu'il n'a qu'une action mécanique sur l'oïdium, dont il entrave la marche et l'accroissement, en détruisant, par le frottement, les ligelles, si ténues et si fragiles, mais si promptes à répulluler; que tout autre corps, liquide ou pulvérulent, propre à exercer cette action mécanique, est son égal en vertu et peut le remplacer. La démonstration de ce mode d'action du soufre, dé- coule avec évidence de ce qu'enseignent les partisans du soufrage, ainsi que des succès obtenus par l'emploi de moyens divers, ne produisant tous qu'un simple effet mécanique de frottement. D'abord, en ce qui concerne le soufre, cela ressort d'une vérité et d'une erreur professées par ses parti- sans. D'une vérité, lorsqu'ils recommandent de pro- jeter soigneusement le soufre sur toutes les parties du cep, sarments, feuilles et fruits, de manière à ce qu'elles soient couvertes de nombreux grains de cette poussière, et lorsqu'ils indiquent la meilleure manœuvre et les meilleurs instruments pour y bien parvenir; d'une erreur et d'une contradiction, qu'il importe de relever, pour ne pas s'égarer dans la pratique, lorsqu'ils disent que le soufre en poudre tomlié sur le sol, en se volatilisant par un soleil ardent, vient se condenser sur les parties ombragées de la vigne et pénétrer ainsi, journellement, dans une foule d'abris, où la simple projection de la poussière ne l'aurait pas poussé : vérité et erreur, démontrées, d'une part, par les succès de ceux qui, mettant ponctuellement en pratique ces préceptes, ont pr :jcté le soufre sur toutes les parties du cep, ci qui, dans les derniers soufrages, prenant les rai- sins dans leur main, ou les roulant dans des vases remplis de soufre , les en ont complètement couverts ; 441 cl, d'autre part, par les revers de ceux plus nombreux qui , opérant avec incurie , jetaient plus de soufre sur le sol que sur les feuilles et les fruits, n'exerçaient ainsi sur eux aucun frottement, et, dès-lors, le répandaient en pure perle. Les partisans du soufre confirment encore eux- mêmes, sans s'en apercevoir, ce mode d'action cu- ratif, par le frottement, de leur prétendu spécifique, lorsqu'ils nous apprennent, qu'au mois de juillet, de fortes pluies n'empêchent pas l'action du soufre, parce qu'il adhère si bien sur les surfaces oïdées et altérées, que l'eau ne V entraîne qu'en entraînant aussi le champignon lui-même, et que , dans les mois de mai et de juin , elles dérangent moins qu'on ne le croyait d'abord. Ils de- vraient même dire, avec autant de vérité et de raison, que la pluie survenant lorsque le cep est bien couvert de soufre, constitue, surtout si elle est abondante et si elle tombe par averses, un des plus puissants adjuvants. Si, après avoir démontré que le soufre n'est ni un préservatif ni un curatif, moins encore un spécifique de l'oïdium; qu'il n'est qu'un palliatif agissant d'une manière mécanique comme tant d'autres agents, nous passons à l'examen des autres moyens employés et re- commandés, nous trouverons chez chacun d'eux des succès aussi bien établis que ceux que le soufre pro- cure, et ne pouvant être attribués qu'au frottement qu'ils exercent. D'abord, la poudre magnésienne sulfurée de mon- sieur Fonta, dans laquelle il n'entre qu'une faible quantité de soufre, un dixième environ, produit d'aussi bons effets que le soufre seul. Cela résulte des articles du Languedocien et du Messager du Midi, du mois <\v juillet 1856; de la préférence même que 442 lui accordent sur le soufre, ceux qui l'ont expéri- mentée ici, et des succès nombreux que M. Fonta relate, en les appuyant des certificais des proprié- taires qui ont usé de sa poudre. Tels ont parfaitement réussi en poudrant leurs vignes avec le plâtre, avec la chaux, avec la cen- dre, etc.; tels, en les lavant avec de l'eau terreuse , de l'eau de savon; tels, en employant la boue, etc.; tels, enfin, démonstration plus palpable, plus frap- pante, de l'action purement mécanique de tous ces agents, par le brossage des raisins: traitement qui eût mérité beaucoup de faveur, et qui eût conquis une place dans la pratique, s'il eût élé plus expéditif et d'une application plus facile dans la culture en grand. Tous ces moyens ont donné des succès et des revers à l'égal du soufrage, en raison de la persévérance et du soin qu'on a mis à réitérer leur emploi dans cha- que recrudescence de l'oïdium; mais aucun n'a pu obtenir la même vogue que le soufre, parce qu'au soufrage s'attache l'idée, si entraînante pour tous les hommes, d'une médication spécifique contre l'oïdium ou la gale de la vigne, ainsi que beaucoup l'appellent, comme contre la gale de l'homme , et aussi ( pourquoi ne le dirions-nous pas?) parce qu'autour d'aucun de ces agents, l'appât du gain n'avait intérêt à faire en- tendre, comme autour du soufre, les cent mille voix de la réclame industrielle et commerciale. Enfin, la Providence, qui, dans sa rigueur et dans sa clémence à la fois, place si souvent pour l'homme le remède à côté du mal, lui laissant seulement le soin d'y regarder pour le voir et le reconnaître, ne nous montre-telle pas, lorsque les vents jettent la pous- sière des routes sur les vignes, ou bien lorsque les 443 orages viennent les laver à grande eau, tantôt une préservation sûre et une guérison durable, tantôt une disparition passagère de l'oïdium? et n'est-ce pas mécaniquement et par frottement que la terre et l'eau agissent dans ces cas? Je termine en produisant contre le soufre deux reproches graves , qu'aucun des autres moyens ne mérite, savoir : son action délétère sur le raisin, et son haut prix. Dès que les raisins guéris de l'oïdium par le soufre, atteignent un faible degré de maturité, surtout ceux de certains cépages, ils deviennent noirs, se vident et se dessèchent, et l'agriculteur perd, en peu d'heu- res, sa récolte, s'il n'en précipite la cueillette antici- pée ; et, quelle que soit sa célérité, il en perd toujours une partie, n'ayant pour toute compensation, que la couleur plus riche que donnent au vin les raisins cueillis avant leur parfaite maturité. L'emploi du soufre, suivant les instructions les plus accréditées, exige, en moyenne, 200 kilogrammes par hectare. Si on l'achetteà 60 francs les 1 00 kilogrammes, prix auquel il s'est élevé, ou seulement à 50 francs, on dépense, à ce dernier prix, 100 francs de matière par hectare, et, pour la France entière, 200 millions de francs, si on vient h traiter par le soufre nos 2 millions d'hectares de vignes, nombre rond. Qu'on réduise du quart, de la moitié, des trois-quarls si l'on veut, ce chiffre, effrayant pour la viticulture, de 200 millions de francs, il restera toujours assez grand pour consti- tuer une dépense énorme, et surtout bien regrettable, lorsqu'on a, sous la main, pour remplacer le soufre, une matière qui ne coûte que la peine de la prendre, aussi efficace que lui et nullement malfaisante. 444 Je ne veux pas m'arrêler à relever Ja dépense de main-d'œuvre qu'occasionnent les cinq, ni même les sept soufrages recommandés, parce qu'elle n'est que peu de chose, à côté de celle qu'impose le haut prix de la matière. Je remarquerai seulement, à celte occasion , qu'un spécifique qui laisse reparaître cinq ou sept fois la maladie, est bien près d'être convaincu, par cela seul , d'avoir usurpé son titre. Ainsi, et cela me paraît bien démontré, le soufre n'est ni un préservatif ni un spécifique ni même un moyen curatif proprement dit de l'oïdium; il ne mé- rite, comme toutes les autres substances employées, que le titre plus modeste et plus vrai de palliatif, qu'on lui donnerait en langage médical, puisqu'il ne guérit pas radicalement; qu'il ne fait que contrarier et ralentir la marche de l'oïdium, jusqu'au temps où le raisin est assez fort pour lui résister et s'en déli- vrer, ou bien, jusqu'à ce que la saison favorable à son développement soit passée : il doit même être mis au dernier rang parmi les palliatifs, ses égaux en vertu, à cause de son haut prix et de son action mal* faisante sur le raisin vers sa maturité. II. Parmi les faits, servant de base à mon traitement de l'oïdium, que je vais citer, les uns ont été géné- ralement observés, les autres ont été peu remarqués, quelques-uns passent inaperçus, et, à tous, il manque d'être réunis et groupés , pour que de leur faisceau les conséquences pratiques jaillissent comme un éclair d'évidence. 1° La première apparition de l'oïdium, dans les 445 contrées qu'il a successivement envahies, s'est faite toujours sur les parties les plus élevées, sur les treil- les d'abord, sur les sommets des pampres ensuite, et finalement sur les raisins. 2° Les vignes frappées, tous les ans, les premières et le plus gravement, sont celles qu'on tient les plus hautes pour les tiges, les bras et les coursons, et celles qui, plantées sur des terrains en pente, sont déchaus- sées jusqu'aux rar.ines par les pluies; tandis que celles que l'oïdium atteint plus tard, plus faiblement, ou même qu'il n'attaque pas, sont à liges et à bras rez- terre ou au-dessous du niveau du sol. Ces différences sont sensibles de commune à com- mune, suivant la tenue plus ou moins haute de la vigne; de quartier à quartier, suivant la situation plate ou en pente du sol; et, dans la même vigne, entre les lignes de ceps des bords que la charrue, dans les labours successifs, chausse et enfouit avec la terre qu'elle entraîne de l'intérieur, cl les lignes du centre, dont les ceps, au contraire, dépouillés insensiblement, par la charrue, de la terre environ- nante, demeurent avec des tiges plus découvertes. Elles sont sensibles aussi entre les ceps voisins des routes, autour desquels' le vent vient déposer la poussière et élever le sol à la longue, et ceux qui, placés plus loin, ne la reçoivent pas el se maintien- nent à tige plus haute. 3° Les raisins les moins atteints de l'oïdium sont ceux qui reposent sur le sol, ou qui en sont les plus voisins, tandis que ceux que la maladie ravage soin toujours les plus élevés. Cela apparaît sur le même cep, sur le même sarment et entre espèces différentes. Ainsi, dès la première année de l'invasion , on put voir, dans nos vignes de muscat, auxquelles on laisse une longue broche qu'on couche sur le sol, les rai- sins de la broche demeurer sains, pendant que ceux des jets verticaux étaient malades; les raisins qui reposaient à terre être respectés, tandis que ceux de la même broche, suspendus au-dessus du sol, étaient détruits par l'oïdium. Quant aux plants d'espèces différentes, les grenaches, dont les raisins naissent au pied même du bourgeon, dès qu'il commence à pousser, sont incomparablement plus ménagés que les carignans et les piquepouls , dont les pousses ont jusqu'à vingt-cinq centimètres de longueur, avant qu'elles laissent échapper les raisins, vers leur som- met. La même différence existe encore entre les plants qui tiennent leurs bras et leurs sarments étalés horizontalement à la surface du sol, et ceux qui les portent dressés verticalement. 4° Toutes conditions égales de plant, de port et de taille, les vignes jeunes, celles qui sont plantées dans des fonds puissants, bien travaillées et taillées de bonne heure, qui ont par là des bois et des fruits plus vigoureux et plus précoces, sont plus ménagées par la maladie, que celles qui, par des causes oppo- sées, ont une végétation chétive, Jente et attardée. 5° Le raisin qui, au moment de la vçraison , n'est que faiblement atteint de l'oïdium, en triomphe, indépendamment de toute médication, soit par la seule force de la végétation , soit parce que ni le fruit ni la saison n'offrent plus des conditions favorables au développement du mal. De là les beaux succès obte- nus par une seule application, pendant la véraison , de tel ou tel autre remède, auquel on en fait à tort revenir l'honneur. 447 6° Les vignes fouettées par la poussière des routes et des chemins, que les vents y jettent, sont préser- vées ou moins gravement atteintes de l'oïdium, à des degrés et à des distances qui varient suivant l'abon- dance de la poussière, la fréquence, la persistance et la violence des vents, et leur exposition plus ou moins directe sous les vents dominants. 7° Les averses qui surviennent avant que le déve- loppement de l'oïdium soit trop avancé, nettoyent si bien la vigne, lui rendent tant de fraîcheur, qu'elle paraît guérie pendant quelques jours. Quel est le viticulteur qui, la première année de l'invasion, lorsqu'il était sans expérience, n'a pas cru à la gué- rison de sa vigne après un orage? 8° Les effets des averses sont plus marqués et plus durables sur les vignes couvertes de la poussière des routes; et ceux qui pratiquent le soufrage ont aussi remarqué, comme je l'ai déjà dit ci-avant, que la pluie entraînant le soufre et l'oïdium, produisait des rémissions plus longues dans la marche de la maladie. De cet ensemble d'observations, que j'ai eu occa- sion de recueillir dans les divers vignobles du canton de Rivesaltes, il découle clairement, pour tout esprit attentif, les indications pratiques qui suivent : Dans le traitement préservatif, fortifier la végéta- tion de la vigne, et placer le raisin sur ou le plus près possible du sol; — dans le traitement cuiatif, laire périr l'oïdium en entravant le développement de ses tigelles, et en les détruisant par le frottement, à mesure qu'elles répullulent. Voyons maintenant comment on peut arriver à remplir ces indications d'une manière sûre, écono- mique et praticable dans la culture en grand. ■US TRAITEMENT PRÉSERVATIF. C'est dans la culture et dans la taille qu'on trouve les moyens de remplir les indications du traitement préservatif. 1° D'abord, en ce qui concerne la culture, il faut donner à la vigne plus de façons qu'on n'avait cou- tume de le faire, trois au moins; la sarcler avec soin et la fumer si c'est possible; y ajouter une taille faite de bonne heure, afin d'imprimer la plus grande vigueur à la végétation, et d'amener le raisin à une véraison précoce, avant que l'oïdium ait pu l'attein- dre d'une manière nuisible. Dans les vignobles qui s'y prêtent, comme les nô- tres, tenus à lige basse, il faut chausser le cep bien haut, rejeter la terre jusque sur ses bras, ne dégager et ne mettre à jour que les yeux des coursons; et, lorsque les bourgeons sont avancés, que les raisins ont paru, il faut élever la terre sous les fruits qui en sont trop loin, ou les abaisser vers le sol, en cour- bant et couchant les sarments, dès qu'ils peuvent s'y plier. Les vignes que j'ai fait chausser ainsi, ont été pré- servées de l'oïdium jusqu'auxapprochesde la véraison. Faiblement atteints alors, les raisins en ont triomphé sans autre secours, et sont arrivés à une complète maturité, dans un état de fraîcheur parfaite, comme aux plus belles années; tandis que ceux des vignes rontiguës qui n'avaient reçu aucun traitement pré- servatif ou curatif, étaient altérés par la maladie. 2° La taille doit être faite de bonne heure; je l'ai déjà dit plus haut. Dans le choix des coursons, il faut conserver de préférence ceux qui parlent de plus bas. On fera mieux encore, si on taille, comme cela se pratique en houssillon pour le muscat, en coupant court tous les coursons et en laissant seulement à chaque cep le sarment le plus vigoureux, q„e nos vignerons appellent llecce ( rayon ). Lorsqu'on taille suivant ce dernier procédé , les yeux des deux extré- mités du sarment doivent être éborgnés; il ne faut laisser que ceux, en nombre suffisant suivant la vi gueur du cep, de quatre à sept ou huit, gni per mettront au raisin de reposer à terre, après que ce sarment aura été couché. 11 convient aussi d ^bour- geonner les pousses qui, partant des yeux conservés mouleraient verticalement, parce que leurs raisins ? tenus élevés au-dessus du sol, seraient atteints de la maladie. On couche ces sarments de bonne heure et on les fixe sur le sol, par leur extrémité libre' avec des pierres ou de la terre. ' Cette taille, que j'ai employée pendant trois ans dans les vignes des quartiers les plus infectés, ,„> a conserve la récolte. On craint, qu'à la longue, elle ne fatigue le cep. Je lai suspendue, cette année sans être bien convaincu qu'elle puisse avoir ce't inconvénient, puisque nos vignes de muscat nui sont ainsi .aillées tous les ans, sans interruption vivent au moins autant que les autres. Il arrive ouc parmi les raisins beaux et abondants que cette taille procure, quelques-uns mûrissent imparfaitement ou au moins plus tardivement; mais c'est un bien faible reproche , lui faire, comparativement aux per.e! dont l'oïdium afflige les viticulteurs •j" 450 TRAITEMENT CURATIF. Aux ressources précieuses du traitement préser- vatif, que je viens de décrire, s'ajoutent celles du traitement que j'appelle aussi curatif, pour me con- former à l'usage adopté, bien qu'il ne soit que pal- liatif, comme tous ceux qu'on a préconisés jusqu'à ce jour. A défaut d'un agent vraiment curatif, qu'on n'a pas encore découvert, on parvient à bien remplir les indications de ce traitement au moyen de toute subs- tance, pulvérulente ou liquide, réappliquée autant de fois que la réapparition du mal l'exige, qui, par son poids et par son frottement, peut briser les tigelles de l'oïdium, détruire cbaque fois les nouvelles pousses du mal, entraver d'abord, et finir par empêcher com- plètement sa végétation. Je ne saurais imaginer de remède plus applicable partout, plus simple, plus économique, moins perni- cieux pour le raisin, d'une efficacité mieux démon- trée, que la terre, à l'état de poussière, prise au pied même du cep, lorsque la nature du sol le permet, partout ailleurs lorsque les vignes sont plantées dans des fonds pierreux ou ardoisés ne pouvant donner de la poussière. Dès que la maladie se montre, il faut poudrer com- plètement les ceps, en y criblant dessus de la terre, bien sèche, avec des cribles en fil de fer ou en toile métallique, à maille très-serrée, de manière à obtenir une poussière abondante, qui pénètre partout. Si la maladie avait fait de grands progrès, si elle était ex- trêmement intense, l'action du lerrage serait puis- 451 sa m nient secondée par une aspersion avec de l'eau à défaut de pluie abondante, au moyen d'une pompe ou d'un arrosoir, de manière à entraîner, par ce lavage avec la poussière, transformée en boue, les tigelles et même les racines de l'oïdium. Dans les terrages que l'on fait après la fin de juin lorsqu'on voit que les pampres ont acquis un °rand développement ; que les feuilles couvrent et cacbent les raisins, de manière à empêcher l'accès de la pous- sière sur eux, comme aussi lorsque la faible intensité de la maladie permet de borner le traitement au fruit seul, on abandonne l'emploi des cribles. Alors une ou deux femmes, munies de la petite houe pointue que nous appelons ascousellère , précèdent les autres* examinent les ceps dont les raisins ont besoin d'être terrés; arrachent, à leur pied, et ameublissent, si elle est trop dure et trop sèche, la quantité de terre jugée nécessaire; puis celles qui les suivent, prennent cette terre par jointées, et la répandent sur les raisins ma- lades, en la pulvérisant par le frottement entre leurs mains. Il serait superflu d'ajouter que, lorsque la terre de la vigne est meuble, le secours des femmes munies de la houe est inutile. S'il arrive que, lorsque le terrage est devenu néces- saire, les pluies entretiennent la terre dans un état de fraîcheur qui ne permettrait pas d'en obtenir de la poussière pour poudrer les pampres ou les raisins il faut, sans perdre un temps précieux, faire son choix pour remplacer la terre, parmi les substances pulvé- rulentes les moins coûteuses qu'on a le mieux à sa por- tée. Dans ces cas, je donne la préférence à la cendre et au plâtre, qu'on emploie de la même manière que la terre. - 4.r,:2 Celui qui traite les vignes par le terrage, doit, s'il veut avoir des succès égaux à ceux des viticulteurs qui les traitent par le soufrage, être aussi vigilant et aussi opiniâtre qu'eux. Il doit épier et combattre le mal chaque fois qu'il reparaît; mais, s'il fait large- ment chacun de ses terrages, il aura à répéter son opération moins de fois que ceux qui soufrent. Ne coûtant rien, la terre peut et doit être répandue avec abondance, avec profusion : l'opération en sera plus complète, la guérison plus durable, la nécessité d'y recourir moins fréquente, la main-d'œuvre moins chère, et, sous tous ces rapports, le traitement moins coûteux qu'avec le soufre, indépendamment de l'é- pargne considérable sur le prix de la matière. Les raisins des vignes ainsi traitées, ne sont pas altérés, vers leur maturité, comme par le soufre; ils y arri- vent sains et sans précocité maladive. L'an dernier, dans une vigne de muscat , blanquette 3 piquepouls et autres plants, que j'avais fait tailler à longs sarments, il me parut nécessaire de seconder ce traitement préservatif par le traitement curatif, le quartier étant des plus violemment atteints par la maladie. A la fin de juillet, un homme, armé de la houe plate à pic fmagaUJ, servit de la terre à deux femmes, ayant chacune un crible en fil de fer, de quarante centi- mètres de diamètre, que j'avais fait faire à fil plus fin et à maille plus serrée que dans ceux qu'on emploie pour cribler le blé, et chaque cep fut terré abon- damment. Cette vigne reprit une belle fraîcheur, ses raisins arrivèrent à maturité, sains et bons comme autrefois, à la fin de septembre; tandis que dans une vigne de muscat voisine, qui avait été traitée par le soufre, les raisins bien conservés jusqu'au degré de maturité où ils peuvent être mangés, éloigné de plus d'un mois de celui où on les cueille pour les pressurer et en extraire le vin, devinrent subitement nous cl périrent dès le milieu du mois d'août. Le vigneron, qui avait commencé à les cueillir pour les vendre en fruit, les perdit presque tous. Je fis Caire la même opération, au commencement d'août, clans une vigne de matarou, taillée et chaussée de la même manière, dans un quartier très-malade, avec un égal succès. La main-d'œuvre, dans la première vigne, dont les ceps sont plus petits, fut à raison de trois journées d'homme et six de femme par hectare; et, dans celle de matarou, dont les ceps sont grands et étalés, elle revint à raison de cinq journées d'homme et dix de femme. Dans l'une et dans l'autre vigne, la terre était tellement dure, par sa nature et par l'effet de la séche- resse, qu'il fallait l'arracher avec le pic, la battre et l'écraser avec le plat de la houe, avant de pouvoir la verser dans les cribles. Dans des sols meubles, un homme fournirait aisément delà terre à trois ou quatre femmes. Ce traitement est rationnellement déduit de l'ob- servation exacte des faits; il n'impose d'autre dépende que celle de la main-d'œuvre: il est au moins aussi efficace que les traitements plus coûteux qui oui été préconisés, à grand bruit, jusqu'à présent. Que les vignerons peu fortunés, qui ont été mis dans la gêne par la perte de plusieurs récolles, le suivent exacte- ment, et ils n'auront pas à envier ceux qui demandent la guérison de leurs vignes à l'emploi do substances pins chères. C'est pour eux. surtout, que j'ai céde 154 aux conseils des personnes qui m oui engagé à le faire connaître, et je croirai avoir été déjà assez utile, s'ils m'ont entendu. Novembre 1837. L'expérience de cette année a confirmé tout ce que j'ai dit dans ce Mémoire, lu, en mai dernier, à notre Société. Le succès du traitement préservatif a été remar- quable dans les vignes taillées de bonne heure, bien cultivées et chaussées très-haut. Je me promettais de montrer à la Commission, plus spécialement, une de mes vignes, plantée en grande partie de carignans, située sur le bord est de la route impériale n° 9, ainsi traitée, qui était saine et intacte au milieu d'autres vignes fortement atteintes de la maladie. Ceux qui ont suivi le traitement préservatif par la taille à long sarment couché à terre, n'ont eu qu'à s'en louer. Leur lot a été : abondance de raisins et exemption de la maladie. J'ai obtenu le même succès que les années précé- dentes dans le traitement curatif par le terrage : succès toujours plus assuré et plus complet, suivant que les vignes sont plus jeunes, dans un fonds meil- leur, et, par conséquent, plus vigoureuses et plus ro- bustes. Il en a été ainsi pour ceux qui ont pratiqué le soufrage. Comme dans les autres années, il a moins bien réussi sur les vignes vieilles et dans les sols maigres que sur les vignes jeunes et dans les bons fonds, chez le même propriétaire, quoique pratiqué par les mêmes ouvriers cl avec le même soufre. Le Journal des Pyrénées-Orientales nous a appris, dans son numéro du 14 aoûl 1857, que plusieurs propriétaires de la Catalogne avaient adopté mon traitement par le terrage, et qu'ils s'en trouvaient bien. Je suis convaincu qu'ils auront complètement réussi, s'ils ont été persévérants à combattre le mal dans chaque recrudescence. La grêle qui, au commencement de septembre, a ravagé notre vignoble, m'a causé une double contra- riété, en m'enlevant la moitié de la récolte et en m'empêchant de montrer à la Commission de notre Société les résultats probants de mon traitement, soit préservatif soit curatif, de l'oïdium. J'espère être plus heureux, l'an prochain, sous ce double rap- port. 156 ^s «Sa &> «S» eSsjsgs <33s <3Ss> "-'^ «Sfc> «Ss> «ïs «3a «S* «ÎÎ3 «S» Séance publique du *27 Juillet l$i)(). ■ PRÉSIDENCE DE M. AUGUSTE LLOUBES. M. le Préfet du département a bien voulu, selon son habitude, assister à celte séance, et, d'un autre côté, l'élévation de la température n'a pas empêché un public nombreux et choisi de rehausser, par sa présence, l'éclat de cette solennité. La musique des Frères des Écoles Chrétiennes a, comme l'année dernière, prêté son concours. Plusieurs lectures ont précédé, selon l'usage, là proclamation des récompenses obtenues. M. le Président a, dans un discours d'ouverture aussi bien pensé que bien dit, exposé, à côté des malheurs des temps, les moyens d'y remédier, et les motifs qu'on a d'espérer, pour une époque rappro- chée, des jours meilleurs. M. le Président s'est exprimé ainsi : « Messieurs, «Que de faits en un an! et combien la vie de la nation française a été remplie! Comme, sous une habile direction, elle a grandi à ses propres yeux et à ceux du monde entier! Pour la rendre toujours digne de la mission qui lui paraît dévolue ici-bas, Dieu lui a envoyé, à la fois, souffrances, gloire, dé- sastres : tout ce qui trempe fortement les âmes. 457 «Lè temps des épreuves ne paraît pas fini; et nous devons partager notre admiration entre les braves, qui, pour l'honneur de notre patrie, souffraient ré- solument, sur la terre étrangère, les privations, les intempéries, les attaques de l'épidémie, et les sim- ples citoyens, supportant, avec la plus louable ré- siliation, la difficulté de vivre au milieu dune cherté continue des subsistances, observant l'ordre le plus parfait, ne cessant pas de développer le progrès de l'industrie et des arts, et prouvant, à Paris, dans deux expositions, la sublimité du génie de la France. «Ces vertus nous sont encore nécessaires. Si l'hé- roïsme de notre armée a brisé comme verre le granit des murs de Sébastopol; si les préoccupations de la guerre ne pèsent plus sur la nation, elle est oppressée par les préoccupations de l'insuffisance des fruits de la terre; et, nous devons le dire, si la paix n'avait pas été conclue, il aurait pu y avoir une crise de subsistances. Le mal n'est pas auss> grand qu'on le pense, et le remède sera facilement appliqué. «Dans les contrées où la moisson est faite, le ren- dement est estimé à demi - récolte; les apparences sont des plus belles d'ans les pays du Nord, où le blé est encore à couper, et l'Algérie, notre belle colonie, peut nous fournir, dès à présent, plusieurs millions d'hectolitres. Nous ne parlons pas de l'Orient, ce pays qu'enveloppent les ténèbres de l'Islamisme, et que vient d'éclairer le flambeau de notre civilisation; mais les céréales formant la base de sa culture, il • prouve des besoins d'exportation qu'il sera heureux de pouvoir satisfaire au moyen des nombreux navires «pie la guerre, qui vient de finir, avait enlevés à la navigation commerciale. Vinsi, point de ce- craintes 458 que l'on aurait pu éprouver sur la difficulté de s'ap- provisionner; mais il faudra de l'économie pour vivre. Les intempéries se sont attaquées à tout, et tout devra se payer en raison de ce fait. «Nous déplorons la perte des pommes de terre semées en avril , et serons heureux que le déficit dans la production de ce pain de tous, soit comblé par les nouveaux ensemencements tardifs, et par l'extension donnée par les cultivateurs prévoyants à la culture du maïs et des légumineux. «Ce seront les terrains irrigués pendant l'été, qui rendront ce service à l'alimentation publique; et nous ne pouvons nous défendre d'un sentiment de reconnaissance vivement senti pour la mémoire de nos pères, qui nous ont légué un système si admi- rable d'arrosages; comme nous ne pouvons nous dé- fendre d'un sentiment d'affliction, en pensant qu'il pourrait être désorganisé, si la théorie réussissait à faire prévaloir certaines doctrines. « Il ne faut pas cependant se faire illusion: si l'exa- gération du moment doit tomber, sous peu, devant une meilleure connaissance du résultat des récoltes, et devant la certitude que le commerce et les faci- lités de la paix, rendront les grains abondants, il y a un fait qui restera, c'est la modification de la pro- duction des céréales en France. «Nous avons fait connaître, dans une autre occa- sion, combien de terrains la plantation de la vigne, avait enlevés à cette culture; nous devons relever maintenant les pertes nombreuses qu'elle fait. C'est dans le Nord qu'elles sont plus sensibles. Quatre cents fabriques de sucre de betterave fonctionnaient avec peine il y a cinq ans. Les ravages de l'oïdium ayant 459 rendu très-lucrative l'industrie de la fabrication des alcools, les anciennes fabriques se sont rouvertes; il s'en est créé de nouvelles, toutes pour distiller de l'eau-de-vie; et des surfaces incalculables sont an- nuellement couvertes de betteraves. « La fabrication des huiles de graine a pris un dé- veloppement extraordinaire : pour l'alimenter, il a fallu ensemencer en choux, en lin et en pavots, les meilleures terres destinées à lemblavure. « Enfin, la production du bétail est surexcitée ; et comme elle ne peut se pratiquer que par 1 abondance des fourrages, l'on fauche des foins là où se coupaient des épis. « Ces cultures industrielles étant relativement très- profitables, elles ne seront point abandonnées. «Si nous ajoutons à tous ces faits, l'accroissement de la population, personne ne sera surpris de la diffé- rence de production de céréales entre le présent et le passé, et de leur insuffisance. Cette position, que nous devons accepter, est un stimulant pour le per- fectionnement de nos cultures, pour une meilleure préparation des terrains et pour la mise à profit du moindre grain de blé. De nouvelles machines à battre fonctionnent dans ce moment : elles dépouillent parfaitement la paille, en utilisant un grand nombre de bras. Leur emploi sera accessible à tous, si les com- munes en font l'acquisition pour en tirer un revenu, comme cela se pratique pour les pressoirs à vin. «Les mécomptes des agriculteurs sont tellement nombreux celle année, qu'ils rendent évidente, pour les plus prévenus, la protection (pie l'État leur doit contre les produits étrangers, et nous espérons qu'elle leui sera rendue dès le retour à des conditions noi- 460 maies. Dans ces mécomptes, le plus grave vient de la vigne. Elle est malade, et cent industries le sont avec elle : pour notre pays, c'est un cancer dévorant. Il semble, cependant, qu'un mieux léger 'se produit; on est si disposé à voir ce qu'on désire, qu'on se trompe peut-être! mais on ne se trompe pas, quand on voit, sous l'influence du soufre, le raisin se développer, et quand on espère par lui enlever sa proie à l'oïdium. 11 est constant que troissoufrages, faits opportunément et avec intelligence, sauvent le plus grand nombre de grappes; c'est beaucoup, et il est permis d'espérer. «Dans sa sollicitude éclairée pour l'agriculture, le Gouvernement vient de lui fournir un puissant moyen d'augmenter la production générale, en pro- posant la loi sur le drainage. Ce n'est point une in- novation qui doive être accueillie avec défiance: l'expérience est faite en Angleterre et en Belgique, et nous n'aurons qu'à exécuter. Que des drains soient fournis à bas prix, et l'on se mettra promptement à l'œuvre. «Nous aurions désiré vous signaler, à l'encontre des prédictions des théoriciens et des économistes, l'abondance des métaux précieux exerçant une in- fluence négative sur le taux de l'intérêt, leur emploi augmentant sans cesse, leur demande devançant leur mise en circulation, et leur action devenant de plus en plus salutaire sur le développement de toutes les industries et de celle des chemins de fer en particu- lier; mais cela nous conduirait beaucoup trop loin. «INous nous bornerons à vous dire que par eux, la paix aurait été immédiatement féconde en résultats matériels, si les besoins de la vie n'absorbaient pas notre attention et une partie de nos ressources. C'est nu relard, niais non pas un ajournement; ei la paix reste, avec la guerre, dont elle a été la conclusion, comme l'événement le plus considérable de notre époque, et comme un monument impérissable élevé à la vaillance de notre armée, au patriotisme de la nation, et à l'énergie et à la sagesse du Prince qui dirige nos destinées. » M. Guiraud de Saint-iVIarsal a lu quelques pages sur les améliorations que réclame, en France, l'agri- culture. Prenant pour point de départ l'état de l'agri- culture en Angleterre, l'auteur en a déduit, par une comparaison méthodique, les causes de noire infé- riorité sous le rapport des progrès agricoles. M. Companyo, père, a communiqué le résultat de ses recherches sur l'olivier et les insectes qui lui sont nuisibles. M. Faurea, ensuite, donné une étude sérieuse sur Horace, Homère et Virgile, considérés comme mora- listes. M. Faure a prouvé qu'il possède à fond les auteurs classiques dont il a vanté les ouvrages. Il admire la douce philosophie d'Horace; la morale naïve d'Homère; celle, enfin, plus raffinée, mais tout aussi saine de Virgile. Celte série de lectures a été terminée par une nou- velle production poétique de M. Fabre : Jean Blanca, le grand plébéien, le défenseur de Perpignan contre Louis XI, l'homme au cœur rudement trempé, qui sacrifie son fils unique au salut de la place. Après cette dernière lecture a eu lieu la procla- mation des récompenses, à la suite des deux derniè- res expositions de fleurs et de fruits. A cette occasion, i\l. le Président a adressé, au non. 462 de la Société, à M. Antoine Siau, le principal organi- sateur de ces expositions, les remercîments qui lui sont dus, tant pour le zèle dont il a fait preuve, que pour les belles collections de plantes qu'il a fournies. Voici la liste des distinctions obtenues par divers exposants : Expositions du mois de Septembre 1855 et du mois de Juin 1S56. Une médaille d'argent à MM. Robin, frères, pour services rendus à l'agriculture. Une médaille de bronze à MM. Jacques Marquy, horticulteur, à Ille, pour le perfectionnement de ses cultures; Aleron, père, pour sa collection de ver- veines; François Astors, pour la bonne tenue et la variété de ses plantes; Pourtet, cadet, pour sa col- lection d'oeillets. Une mention honorable à MM. Stéphane JBédos , pour sa collection d'œïllets; l'abbé Uelhoste, pour sa collection d'reillets; Gaffe, pour sa collection de plantes variées; Autel, pour ses oeillets; Raymond Margail , pour ses plantes potagères; Marc Robert, pour ses belles poires; Laurent Baretge, pour ses belles poires; Pierre Garrette, pour ses dahlias; A. Bresson, pour ses dalhias; François Taillade, pous ses plantes potagères; Jacques Marquy, à Ille, pour le bel ensemble de ses plantes potagères; Blandinières, pour ses melons; Louis Robin, pour la bonne disposition des plantes exposées; Guardia, pour ses bouquets montés; Capon, pour sa culture intelligente et la variété de ses plantes. Outre ces encouragements, la Société a décerné , au nom du département , pour l'amélioration de la race bovine, un grand nombre de primes, dont la somme s'élève à 2 350 francs. 4C3 Séance publique du 26 Juillet 1887. PBÉSIDENCE DE M. AUGUSTE LLOUBES. Cette séance a eu lieu, comme d'ordinaire, dans la grande salle du Musée. M. le Préfet du département et M. Saisset, adjoint au Maire de la ville, assistaient à cette solennité. Plusieurs membres du Clergé avaient pris place dans l'enceinte réservée. M. le Président a ouvert la séance par un discours ferme et concis, que nous donnons in extenso : « llBSHIEl'Bg, « Lorsqu'on se reporte à deux ans en arrière, et que l'on compare la situation économique d'alors à celle d'aujourd'hui, on peut se demander, à bon droit, si ce n'est pas l'exagération qui nous a conduits en pleine prospérité à la dépréciation du crédit public dont nous sommes les témoins. «Du mal présent naîtra un bien sans doute; mais ce ne sera pas sans que d'abord il ait été recueilli de nombreuses épaves. «L'abondance de l'or a rendu possible l'exécution de tous les projets enfantés par le désir de s'enrichir très- vite; le public les a soutenus avec une regret- table facilité; et maintenant qu'il s'agit de compter, il faut indispensablement faire le triage des entreprises bonnes, miles et pleines d'avenir, d'avec celles qui nom été qu'un leurre jeté à la crédulité. 464 uCe travail d'épuration s'effectue aux dépens de bien des gens; niais, une fois accompli, le crédit reparaîtra plus solide et plus vivace que par le passé. La leçon aura profité ou il faudrait désespérer de la sagacité humaine. « Trois années de disette, deux années de guerre, auraient dû commander la prudence, afin de pré- venir une crise économique, qui devait être leur conséquence. Mais la prudence n'a pas été écoutée; et lorsque l'établissement des chemins de fer, qui seront l'honneur de notre époque, pouvait pendant long-temps suffire à peu près seul à notre activité, l'esprit immodéré d'entreprise s'est attaqué à tout : il a provoqué l'éparpillement des capitaux, et il a exporté à l'étranger ceux qu'il laissait libres en France. L'association est certainement une belle chose ; elle enfante des prodiges : c'est elle, qui nous aura donné, en dix ans, des voies ferrées qu'un siècle aurait eu de la peine à achever! Mais elle ne doit pas dépasser la possibilité de la nation ; elle ne doit s'éta- blir que là où l'action individuelle ne peut atteindre, et dans un but d'utilité générale. C'est l'oubli de ces principes; ce sont les causes qui précèdent, qui ont fait la crise actuelle, plus que le défaut de récoltes, et qui donnent le singulier spectacle d'une nation disposant de plus d'or qu'à aucune époque, et en ayant moins de disponible qu'à aucune époque aussi! «Le commerce, l'industrie, l'agriculture, étran- gers à tous ces faits, en ont cependant senti pénible- ment les effets; et pour ne parler que de la dernière, elle a été accablée, à la fois, par la désertion des capitaux, l'absence des revenus et l'augmentation des charges publiques. Notre époque veut des amé- 465 lioralions coniinuellcs, et elles ne peuvent s'obtenir qu'au moyen de centimes extraordinaires départe- mentaux ou communaux, atteignant surtout la pro- priété foncière. Ce que nous eu disons, n'est que pour faire ressortir que le progrès lui-même ajoute aux charges qui pèsent sur la branche la plus im- portante et la moins rémunératrice de la production nationale. « Aussi, sommes-nous préoccupé de la position que les circonstances vont lui faire. D'une part, la concur- rence des produits étrangers; la tendance des esprits vers le bon marché des substances alimentaires; le besoin d'une réduction de leur prix après une longue période de cherté, et de l'autre, un accroissement de charges, une élévation de la main-d'œuvre et un ar- riéré de mécomptes à combler! «L'abondance de céréales, dont nous avons à re- mercier Dieu, atténue sensiblement l'importance de la situation, sans résoudre, cependant, la question comme nous la posons. Nous devons avouer qu'on s'efforce de venir en aide à l'agriculture. Dans ces derniers temps, il a été créé une institution de cré- dit, imitée des Allemands. Nous n'avons pas l'inten- tion de la discuter ici : l'idée qui l'a conçue est généreuse et louable; mais le profit que l'agriculture peut en retirer, n'a pas été encore bien apparent. Le temps, en faisant pénétrer l'institution dans nos mœurs, amènera sans doute les résultats que l'on s'est promis. «Pour réduire les frais de production; pour obtenir un travail effectif plus considérable, on a introduit l'emploi de nombreuses machines. 11 en est de fort utiles, comme il en est qui constituent un progrès 3(» 466 mécanique, sans constituer un progrès agricole. C'est au cultivateur à se bien renseigner avant d'adopter une innovation. La batteuse passe cependant pour bonne , et ce pays-ci l'expérimente en grand celte année. « Cette sollicitude de l'État et des particuliers pour seconder l'agriculture, prouve combien la tâche est difficile. C'est l'art le plus sujet à l'imprévu, et partant aux mécomptes. 11 a, cependant, pour lui la solidité de sa base, et la faveur devra revenir à lui. En attendant, que d'efforts ne devons-nous pas faire pour que la terre ne soit pas à ebarge ! 50.000 bectares sont comptantes en vigne dans notre département : c'est le quarantième de tout le vignoble français. On peut juger par là de l'énormité de la perte que nous subissons depuis cinq ans. Comme nous, bon nombre de départements sont éprouvés; et il faut à un pays une constitution bien robuste , pour avoir manqué de blé, de vin, soutenu une guerre, entrepris d'im- menses travaux, et avoir encore sa fortune debout! «Une mesure d'une haute importance, due à l'Em- pereur, rendra accessible le soufrage des vignes. Les droits d'importation du soufre ont été considérable- ment réduits. Ce précieux minéral , dont un écrivain consciencieux de l'Hérault a divulgué la valeur véna- le sera désormais livré à bas prix. On pourra soufrer sans acheter la récolte. Nous savons avec bonheur que l'opération, prise au sérieux, se pratique en grand pour la première fois chez nous. La méthode d'un viticulteur distingué de l'Hérault, M. Laforgue, est généralement suivie, et les bons effets s'en font sentir. 11 a adopté au physique ce que Ion dit au moral : que mieux vaut prévenir que réprimer. I/expérience lui a donné raison! 4fi7 (i La belle apparence dos vignes, pendant le prin- temps, a trompe beaucoup de personnes: elles n'ont pas fait de traitement et leur récolle sera généralement perdue Leur erreur acte causée par une modification danslamarcliode la maladie. L'oïdium n'envahi t guère plus les ceps pendant la première période de leur dé- veloppement; il en épargne les parties foliacées, pour s'attaquer au fruit. Il fait explosion dès que la chaleur atteint 22°. C'est le minimum de notre température à partir du 20 juin; c'est aussi l'époque où le raisin vient de passer fleur. Ces circonstances expliquent comment le soufrage fait, à ce moment là, est le plus opportun, et comment, avant cette date, on ne peut rien préjuger de la maladie. Devrons-nous soufrer encore long-temps? Le mystère enveloppe la réponse à faire, quoique les probabilités soient malheureu- sement pour l'affirmative. En s'étayant des notions de physiologie végétale, on doit reconnaître qu'une plante parasyte se développe et se perpétue en raison des circonstances atmosphériques qui lui sont favo- rables et du nombre de sujets sur lesquels elle végète. Or, l'oïdium veut la chaleur: il est éclos, il y a douze ans, dans une serre-chaude. Le Midi de la France lui convient à souhait et il s'y tient. Les quatre départements de l'Aude, du Gard, de l'Hérault et des Pyrénées- Orientales, comptent, à eux seuls 310.000 hectares de vignes, couvertes par près de deux milliards de ceps! Comment supposer qu'avec une aussi riche pâture, la terrible mucédinéc qui nous ruine, et qui menace d'envahir tout le règne végétal, disparaîtra d'elle-même. Ce ne sera qu'en la combat- tant à outrance que l'on pourra finir par s'en rendre maître ' 468 « Mettons-nous donc à l'œuvre résolument. Si les labeurs de toute sorte semblent avoir été réservés pour noire époque ; si nous avons été prédestinés pour donner la stabilité aux générations à venir, pour leur léguer le bénéfice des gigantesques travaux que nous entreprenons, et pour réserver à nous seuls la perturbation économique qu'ils causent, soyons en fiers; car, si nos neveux ne sont point reconnaissants, ils devront, au moins, nous admirer. La France, en somme, n'aura jamais fait tant et si bien! Après le discours de M. le Président, M. Com- panyo, père, dans une excursion aux sources de la Tel, a fait la description des rives pittoresques de cette rivière, depuis sa source jusqu'à Prades, et des plaines si riches et si fertiles qu'elle arrose de Prades à la mer. M. Aussel a lu une intéressante notice sur Shakes- peare; et, en montrant l'influence du poète anglais sur notre théâtre, il a comparé la tragédie des Enfants d'Edouard avec la pièce historique de Richard III. M. Crova, fils, a communiqué à l'assemblée une nouvelle méthode pour analyser les minerais de fer; un perfectionnement qu'il apporte à la photographie, et a rendu compte d'une brouette ingénieuse, mais compliquée, inventée par M. Sarda. L'apiculture est une branche très -importante de la production agricole. La Société, dans le but de la relever et de l'étendre davantage dans notre dépar- tement, avait chargé M. Siau d'en faire la statistique. Acceptant sa mission avec le zèle qui le caractérise, M. Siau s'est livré avec ardeur à l'étude de la produc- tion du miel et des moyens de l'augmenter. 11 promet '#69 Oc porter à la connaissance de ions les apiculteurs les renseignements Lien précis qu'il a pris auprès des plus éclairés d'entre eux, ei les notions non moins utiles qu'il a pu acquérir lui-même. L'on a vu, dans l'extrait d'un mémoire dont il a donné lecture, que le nombre des ruches, dans le Roussillon, est de 19.800, et que leur produit s'élève à 200.000 francs environ. Nous verrions avec plaisir que la production du miel pût augmenter dans le Koussillon , et que notre miel, supérieur a celui qu'on récolte dans les autres dé- partements, jouît, hors de chez nous, de la réputa- tion qui lui est due. Dans une autre lecture pleine de verve, M. Faute a montré combien l'état moral de l'homme influe sur son état physique. Il a expliqué les relations récipro- ques de notre nature morale et physique, et s'est attaché surtout à faire voir les salutaires effets de la résignation dans la maladie. La récolte des céréales a été trop abondante cette année, pour qu'il n'en fût pas question dans la séance publique d'une Société agricole. On a écouté avec bonheur une statistique de la récolte du blé dans notre département et dans les diverses contrées de la France. M. l'abbé Delhoste a présenté cette statis- tique bien rassurante, tout en exprimant le désir, trop fondé, qu'une partie de nos vignobles fût ren- due à la production des céréales. 11 appartenait à la Société de prendre sous sa pro- tection un intéressant jeune homme, M. Isidore Borell, qui, très-jeune encore (il n'a pas seize ans), manifeste tie grandes dispositions pour la sculpture. Aussi a-t-il trouvé un chaleureux piolet leur dans M. Tastu-Jaubert, qui, rapporteur de la commission nommée pour examiner et apprécier les essais de M. Isidore Borell, a fait ressortir ce qu'il y a de vrai- ment remarquable dans les bustes qu'il a exposés. Mous espérons que l'appui de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales, pourra faciliter à ce jeune artiste les moyens d'aller se former à Paris. Une louable pensée a inspiré RI. Rlattes, inspec- teur de l'enseignement primaire, dans une notice biograpbique sur RI. Jauberl-de-Passa, membre de la Société des Pyrénées-Orientales et membre corres- pondant de l'Institut. La vie de RI. Jaubert-dc-Passa, éminenl par ses connaissances pratiques et son savoir varié, a été dignement racontée par RI. Rlaties. RI. Sirven a retracé, dans une notice rapide, la vie du Frère Isidore, attaché depuis long-temps à notre hôpital civil. Cet hommage rendu à la vertu chré- tienne a vivement intéressé l'auditoire. RI. Fabre, secrétaire de la Société, a lu ensuite, comme les six années précédentes, une nouvelle pièce de vers de sa composition. Une anecdote de la jeunesse d'Henri IV est le sujet que M. Fabre a traité cette année. Immédiatement après ces lectures, RI. le Préfet, secondé de ML le Président de la Société, a distribué les médailles et les primes accordées par la Société et le Conseil-Général. Deux mille deux cents francs ont été accordés en primes pour l'espèce bovine Cette somme avait été votée par le Conseil-Général. M le Préfet a fait la remise à RI. Rlalèguc, maire 471 de Pézilla, d'une médaille qui lui a élé accordée, au concours de Pau, par Son Excellence RI. le Ministre de l'Agriculture. La musique des Frères de la Doctrine Chrétienne, s'est fait entendre plusieurs fois avec succès pendant la séance. Après la distribution des récompenses décernées par la Préfecture, voici celles qui ont été accordées par la Société. APICULTURE. Médailles de bronze. M. Laurent Eychenne, de Perpignan; M. Laurent Labrousse, de Manlet. Mentions honorables. al. Debatène , de Mont-Louis; M. François Vilatte, de Rô; M. Thomas Dalbiès, de Rabouillet. SCULPTURE. Médaille de bronze. M. Isidore lîorell, de Perpignan. MÉCANIQUE. Médaille de bronze. M. Sarda, de Baho. kl-1 NOTICE SUK LE BLÉ, Par M l'Abbé IIiiiiiimi, membre résidant. Après beaucoup de péripéties, après bien des crain- tes et des espérances qui sont venues tour-à-tour nous attrister ou nous ranimer, nous pouvons, à la fin, nous réjouir : la divine Providence nous a ménagé une bonne, une abondante récolte; nos champs se sont couverts de riches moissons. Les pluies survenues vers le milieu du mois de juin, en faisant verser nos blés, n'ont fait qu'en retarder la maturité; loin de nuire à la formation du grain, elles l'ont nourri amplement et en ont augmenté considérablement le poids et le volume. Maintenant, le pauvre aura du pain; l'hon- nête ouvrier et l'homme des champs, ne devront pas, pour s'en procurer, comme ils ont dû le faire, hélas! trop long-temps, s'imposer de grandes privations, et dépenser la presque totalité du prix de leur journée; le propriétaire et le fermier, voyant leurs greniers pleins, pourront se livrer à d'utiles travaux, à des dépenses convenables pour l'amélioration de leurs terres, après avoir comblé le déficit qu'ils avaient subi ces dernières années, et acquitté, peut-être, des dettes nombreuses, contractées pour subvenir à des besoins pressants et indispensables. Nous avons une bonne, une ample récolle, bien au-dessus de la moyenne, bien supérieure aux récolles 47:? de quelques années qui oni précédé; et quoique les travaux de battage ne soient pas encore assez avancés pour pouvoir donner un chiffre certain, nous croyons pouvoir établir que le rendement de la récolte de 1857, soit dans le Houssillon, soit dans le Confient et le Vallespir, et même dans le Capcir et la Cerdagne, sera au moins de douze pour un. Sauf, quelques légères exceptions, qui n'ont aucune importance, le grain est bien nourri, pesant et fin tout à la fois, donnant beaucoup de fécule et de gluten et peu de son, rendant beaucoup à la panification; il est géné- ralement de qualité supérieure. La Salanque, pour laquelle les pluies prolongées de juin, avaient fait naître des craintes sérieuses, vu la nature humide de son sol, est peut-être une des localités les moins partagées: elle a donné en moyenne, treize pour un, et comme d'ordinaire en première qualité; nosaspres et les terres à l'arrosage des environs de Perpignan, ont donné, approximativement, une moyenne de douze pour un; les pleines fertiles d'Elne et de ses environs, toutes les terres arrosées par le Tech, ont eu aussi un rendement considérable. Les froments et les seigles de nos montagnes, quoiqu'un peu clair- semés en certains endroits, à cause des circonstances peu favorables qui avaient accompagné les semailles, sont généralement bons; la Cerdagne et le Capcir au- ront aussi une bonne récolte, certainement au-dessus de la moyenne. Ainsi, nous pouvons nous réjouir, nous reposer dans la sécurité, et bénir la main de la Provi- dence, qui s'est étendue douce et libérale, et a versé sur nous ses trésors avec abondance. Vous savez au reste. Messieurs, que les nouvelles de la recolle dos autres départements sont bonnes et raturantes: du Midi au Nord, Jes blés sont magni- fiques, et les bras suffisent à peine à les couper; à part quelques localités éprouvées par des orages, il y a partout récolte abondante et en bonne qualité. Aussi, avons-nous vu ces jours derniers se produire, sur nos marchés, une baisse considérable, vu l'élévation pré- cédente des prix, assez modérée, cependant, pour permettre au propriétaire d'honnêtes bénéfices, en même temps que le consommateur pourra manger son pain à un prix raisonnable. Nous n'avons qu'un regret, Messieurs, c'est qu'une plus grande quantité de terres n'ait pas été ense- mencée en blés : cette denrée de première nécessité est, il faut bien le dire, un peut trop négligée depuis quelques années. Les propriétaires, croyant trouver un gain plus considérable et plus assuré dans la cul- ture de la vigne, ont destiné à celle-ci des terres qui n'auraient dû être employées qu'à la culture des cé- réales. Ces terres, naturellement très-fertiles, don- naient une énorme quantité de vin, généralement de qualité inférieure, assez bonne cependant pour les alcools, et rapportaient aux cultivateurs des bé- néfices considérables; mais voilà que l'oïdium est venu déjouer leurs calculs et rabattre un peu de leurs espérances : les vignes ne donnent que peu ou point de fruits, et cette année, encore, elles sont attaquées, quoique plus tardivement et moins com- plètement que L'an dernier, par cette maladie étran- ge, inconnue à nos pères. Il serait temps peut-être de songer sérieusement à rendre à la culture du blé ces terres que la nature lui a destinées, et prévenir ainsi, autant qu'il est en nous, le retour de ces années cala- tnitcuses, où nous avons eu tant de peine à nous pro- 475 curer du pain. Comment, en effet, comment se fait-il que notre beau Roussillon, au ciel si pur, au soleil si ardent, au sol si fécond, irrigué de toutes parts, et cultivé certainement avec intelligence, ne fournisse pas le blé nécessaire à la consommation de ses habi- tants? Comment se fait-il que nous ayons besoin des départements voisins et même de l'étranger, pour ap- provisionner nos marchés et nos boulangeries? Tout le blé récolté dans notre département, un des plus fertiles, cependant, suffit à peine à nous nourrir pen- dant quatre mois; et dans cette année privilégiée, peut-être aurons-nous du pain pour six mois, au dire de personnes compétentes. A quoi attribuer celte différence entre le produit et la consommation? C'est sans doute à l'accroissement rapide de la popu- lation, mais aussi, surtout, h l'exagération de la cul- ture de la vigne, exagération portée au point d'enlever à la culture des céréales, des terres qui devaient lui être réservées. Espérons que nos cultivateurs et nos propriétaires comprendront mieux leurs véritables intérêts, et reviendront bientôt à une culture plus ample et plus étendue des blés et des seigles, ces denrées, non pas seulement utiles, mais très-néces- saires à l'alimentation publique. Maintenant, Messieurs, permettez-moi de vous rap- peler ces belles paroles d'un poète antique, ami de la nature, dont la muse a chanté si noblement et avec tant d'élégance les travaux des champs: «0 fortunés, ô trop heureux les agriculteurs qui connaissent l'a- bondance de leurs biens ! Ils jouissent dans la paix du fruit de leurs travaux ; et avec le calme d'un cœur pur et exempt d'inquiétude, ils voient leurs efforts cou- ronnés de succès, ils sont amplement dédommagés de 476 toutes leurs fatigues. Loin du tumulte des passions; à l'abri des orages et des tempêtes intérieures, ils coulent, à l'ombre des arbres touffus ou sous l'h om- ble toit qui abrite leur famille, des heures douces et sereines après les rudes labeurs de leur journée. Ils confient à la terre, arrosée de leurs sueurs, remuée par leurs bras vigoureux, les semences précieuses qui doivent les nourrir, et attendent du ciel, avec confiance, la pluie douce et bienfaisante qui viendra les féconder. » RAPPORT SUR LA FERME DE VÉZIAN, Par M J. DE 1. 1TOER. membre résidant. La commission nommée pour visiter la ferme de Vézian, appartenant à Mme d'Auberjon, et exploitée par son ebargé d'affaires, M. Calvet, s'est rendue sur les lieux, le jeudi 21 mai. Cette ferme, située sur la gauebe de la roule de Tbuir, à sept kilomètres de Perpignan, est d'une superficie de soixante-douze bectares de terres à l'arrosage. M. Calvet, en homme qui connaît au mieux l'im- portance attachée au seul élément de fertilité, nous a tout d'abord ouvert ses écuries; et le seul aspect de plus de quarante tètes de gros bétail, à peu près réu- nies le long d'un même râtelier, dispose déjà l'esprit du visiteur à une bienveillante appréciation. 477 M. Calvel opère presque tous ses labeurs à 1 aide de vaches ageuaises, d'une aptitude éprouvée pour le travail; leur taille est élevée, leur couleur blonde ou rouge clair, et Ton peut se représenter leur type, en se rappelant les magnifiques attelages que Bor- deaux emploie pour les travaux du port. Cette race se renouvelle constamment à Vézian; et les jeunes produits qu'on y élève ne sont pas la partie la moins curieuse de l'exploitation. Une vache suisse, d'une remarquable beauté , seul reste de quatre vaches achetées par feu M. d'Auberjon, est là pour porter le secours de son lait, pour servir de nourrice aux veaux, dont les mères perdent, par le travail, une partie de leurs vertus laclifères. Cette vache, véri- table type de l'espèce, est d'une robe pie; sa char- pente osseuse est forte, son corps ramassé, sa tête carrée, et elle porte la preuve d'une grande abon- dance de lait, dans ses veines mammaires, grosses et ondulées. L'assolement adopté par M. Calvel, nous a paru appartenir à ce riche système de culture fourragère, qui place l'exploitation qui en est l'objet au rang des mieux dirigées. En effet, de tous -les champs que nous avons parcourus, il n'en était pas, pour ainsi dire, un seul qui ne fût couvert de splendides four- rages, et jusqu'aux blés et avoines, occupant, lors de notre visite, la moitié du domaine, qui ne cachas- sent, dans leurs rangs serrés, un fourrage naissant et plein d'avenir. Comme tout ce qui vient à l'aide d'une abondante fumure, la récolte offrit alors un spectacle des plus rassurants; et comment en pourrait-il être autrement avec une culture toujours améliorante, n'employant qu'avec une certaine réserve les racines 478 épuisantes; pour livrer la plus largo place aux cultures améliorantes du trèfle et du sainfoin. — 11 y aurait, encore, à parler des instruments perfectionnés dont se sert M. Calvet, tels qu'un rouleau à pointes, el un râteau à cheval ; mais ne fesons que constater la pré- sence de ces objets, sans en augmenter 1 importance. Ce qui nous a frappé à Yézian, c'est l'heureuse har- monie qui préside à l'exploitation générale; c'est la culture successive, et souvent simultanée, des four- rages et des céréales; c'est, enfin, la large part faite aux éléments de la fertilité. Les instruments perfec- tionnés sont de bonnes et excellentes choses, surtout entre les mains de M. Calvet; car ils sont là le com- plément d'une agriculture avancée, mais ce n'est pas ce que nous admirons le plus, leur concours pouvant coïncider aussi bien avec une bonne ou une mauvaise agriculture. De toutes ces considérations généralement formu- lées, il résulte, pour nous, l'opinion sincère et moti- vée, que M. Calvet marche des premiers parmi nos meilleurs agriculteurs. Tout respire l'intelligence et le savoir dans l'exploitation du domaine de Yézian. Les étables sont pleines d'un bétail nombreux, bien nourri, bien portant; les granges regorgent de foins, les plus variés et les meilleurs; les champs sont tou- jours couverts des plus belles récoltes, ou très-bien préparés pour les recevoir. Comme base de toute cette prospérité agricole, une immense fosse à fumier, constamment remplie et constamment vidée, et à la tête de cette ferme, sérieusement modèle, comme le moteur incessant de tant de rouages, s'enchaînant admirablement entre eux, un homme blanchi dans le métier, un agriculteur éminemment pratique 479 M. Calvel, enfin, dont l'expérience, aussi généreuse que consommée, nest avare ni des plus sérieuses leçons ni des plus salutaires conseils. Sur un plateau, à quelques minutes de Vé/ian s élève la ferme de Saint-Nicolas, appartenant aussi à Mme d'Auberjon, et confiée encore aux soins de M. Calvet. Nous nous Irouvons-là au milieu d un im- mense vignoble, créé il y a quelques années à peine, et que l'oïdium est venu surprendre au moment où une cave magnifique allait s'ouvrir pour la première fois. Une distillerie, dont la force permettrait d'obte- nir par jour quatre pièces de ;i/fi , est là inactive, atten- dant que le soufre soit parvenu à conjurer le fléau. Autour des bâtiments de la ferme, plus de soixante hectares ont été réservés à diverses cultures, et la nature sèche du terrain , dit asprc, m'a pas empêché M. Calvet d'y obtenir de très-belles récoltes de blé, d'avoine et de sainfoin. Mais M. Calvet ne connaît pas de mauvaises terres; il assouplit les plus rebelles par le travail donné à propos, la dose et la qualité d'engrais voulues; et, surtout, en ne leur donnant à nourrir que des plantes spéciales à leur nature. La difficulté d'obtenir une masse suffisante d'en- grais, sur une propriété dont le terrain ne permet pas une grande variété de fourrages, a inspiré à M. Calvet l'idée de faire l'essai d'un des engrais commerciaux, connu sous le non d'engrais Rolland. Le but de la Commission était de juger la valeur de cet engrais. L'engrais Rolland, dont le principal composé est le sulfate de protoxyde de fer, se traite en le mélangeant, dans une fosse, avec une certaine 480 quantité de paille, recouverte, à son tour, d'une couche de terre. Il y avait deux mois environ que le mélange était opéré, lorsque l'on en a découvert, devant nous, la surface. Les pailles soumises à l'action de l'engrais Rolland, n'avaient acquis qu'un degré médiocre de fermentation, et nous croyons qu'une fois étendues sur un champ, le moindre relard ap- porté à l'enfouissage, eût été la cause presque com- plète de la déperdition des sels. Jusqu'à preuve du contraire, nous classerons l'engrais Rolland au rang de ces nombreuses inventions dont l'apparition fait tant de bruit, et dont on ne parle déjà plus : témoins les engrais Bickès et Dussan; mais, malgré nos pré- ventions, nous n'eussions pas mieux demandé, pour les justifier ou les abandonner, que M. Calvet nous mît à même de comparer les effets de l'engrais Rol- land, avec les effets d'engrais différents. Ce qui augmente encore nos craintes au sujet de la décou- verte Rolland, c'est que nous nous appuyons sur l'analyse qu'en fil, en 1853, M. Ad. Robière, chi- miste, vérificateur des engrais, attaché à la Chambre d'Agriculture de la Loire-Inférieure, analyse qui ne tend à rien moins, qu'à dépopulariser une découverte inutile. 181 VALLEE DE LA TET. AFFLUENTS ET ITINERAIRE, Par M. BOVIS, membre résidant. La rivière de la Tet, primitivement appelée Teia ou Tetis, coupe le département des Pyrénées-Orientales dans sa plus grande longueur. Sa source, un peu à l'ouest de? l'étang de Puig-Peyric ou Prigue, augmente de suite ses eaux de celles fournies par cet étang. Sa première direction est sud-est, jusqu'au-dessous de Mont-Louis, où elle tourne à l'est jusqu'à son embou- chure à la mer, entre Canet et Sainte-Marie. De Puig-Peyric à Mont-Louis, la Tet s'étend sur de larges surfaces peu inclinées, formant des espèces de marais, appelés les Bouillouses } à 1 ï kilomètres, et le Pla dch Abellans , à 4 kilomètres, avant celte ville. — M. Tastu, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, chargé par le Conseil-Général d'étudier la question des barrages destinés à réunir et à conserver des eaux pour alimenter la Tet aux époques des longues séche- resses, qui rendent fort difficiles les irrigations des parties inférieures de la vallée, a signalé les Bouillouses etle t'/" dels lbellansz comme réunissant les conditions les plus favorables à cette vaste entreprise. 482 D'après M . Tastu, on pourrait réunir aux Bouillousc.* 20.398.000 mètres cubes d'eau; au Pla dels Abcllans 3. 1 '18.OOO : en tout 23.546.000 mètres cubes, moyen- nant une dépense, pour ces barrages, de 2.1 00.000 fr. 11 a été présenté, à d'antres époques, des projets de barrages, pour subvenir aux besoins de la Tel. En général, ils seraient moins facilement exécutables, et quelle que fût la dépense, les résultats en seraient temporaires, à cause de l'énorme quantité de pierres, graviers et sables, charriés par la rivière, qui comble- raient, dans un temps plus ou moins rapproché, les bassins préparés pour la conservation des eaux. Les barrages à la Bouillousc paraissent être à l'abri de ce fâcheux résultat, et, sous ce rapport, ils sont évidem- ment préférables. Resterait, toujours, la question majeure de la distribution des eaux entre la haute et la basse vallée , de la désignation de ceux qui de- vraient supporter cette énorme dépense, d'une foule d'autres conditions accessoires, qui rendraient fort difficile, sinon impossible l'exécution de ces projets. L'administration départementale reconnaît, jus- qu'à ce jour, cent canaux puisant leurs eaux à la Tet, servant à l'irrigation et à la mise en mouvement de cinquante usines, moulins, forges, papeteries, etc., non compris la multitude de prises d'eau, également appliquées aux irrigations et aux usines , dans les vallées et vallons latéraux, alimentées par les affluents de cette rivière. Les surfaces arrosées par les seuls canaux de la Tet, sont évaluées à 12.000 hectares; sur ce nombre, 10.51 5 h sont arrosés par le canal de Corbère, dont la prise est au-dessous de Vinça, et par les canaux inférieurs, jusqu'à Perpignan : en tout dix. 483 La Tel serait rapidement épuisée par ces saignées multipliées, si ses nombreux affluents n'en réparaient partiellement les perles; si souvent partie de ses eaux n'échappait à l'avidité des riverains, en coulant sous le sol, pour renaître plus bas; enfin, si à côté de ses bords il uc paraissait, de loin en loin, des sources qui lui redonnent de nouvelles forces pour servir les canaux inférieurs. Jusqu'à Vinça, l'eau ne manque presque jamais. C'est après cette ville, là où les terrains arrosables s'étendent; là où la chaleur plus forte exige de plus fréquentes irrigations, que l'on éprouve quelquefois la disette d'eau; c'est aussi à ces points qu'elle par- viendrait avec difficulté, aux époques de longues sécheresses, lors même que les populations des com- munes au-dessous feraient seules tous les frais des barrages d'alimentation. De sa source à la mer, la Tel parcourt 112 kilo- mètres, savoir : 14k de la mer à Perpignan; 43k de Perpignan à Prades; 18k de Prades aux Graus dO- lette; 17^ des Graus à Mont-Louis; 20 k de Mont- Louis à la source et à l'étang de Puig-Peyric ou Prigue, placé sur un plateau qui fournit également les pre- mières eaux de l'Ariége, de l'Aude et de la Sè-re L'altitude de Puig-Peyric (hauteur au-dessus du°ni- veau de la mer) est de 2.854 mètres; celle du Cani- gou, dont la presque totalité des eaux va à la Tet est de 2.781 -, et le Puig-Carlit, en arrière, au sud des sources de la Tet, est à 2.921 ■» de hauteur. Voici les altitudes des positions principales de la mer aux sources de la Tet : Perpignan, pont de Pierre 2/,-; Ille, i/.2-;Piades,320".; pontdc^in.usdOIcMte' 090'"; Mont-Louis, 1.51 3="; sources, au Puig-Peyric' 484 2.854m. Si la Tel coulait uniformément, tle sa source à la mer, la pente serait de 0U1, 025482 par mètre, tandis que la pente réelle est bien différente, à mn- sure qu'on s'avance vers son point de départ. Différence d'altitudes Distances par KILOMÈTRES. PENTE DE LA TET. De la mer à Perpignan D'ille à Prades 2> 418 178 370 825 4344 4 4* 24 49 4 8 47 20 m. 0,00174 4 0,004910 0,009308 0,020555 0,0484 1 1 0,067000 De Prades aux. Gratis d'Olelte. . Des Graus à la hauteur de Monl- De Mont-Louis aux sources , à 2854»» 14 2k 0,025482 moyenne de pente. Suivons maintenant la vallée, en remontant jus- qu'à Mont-Louis. De la nier à Perpignan , elle paraît se confondre avec les vallées parallèles de l'Agly, du Tecli et même du Réart, dont l'ensemble, jusqu'à une certaine hauteur, forme la plaine du Koussillon, élevée au-dessus des eaux de la mer, par les alluvions successives de ces rivières. Au-dessous de Perpignan, les alluvions de la surface sont sablonneuses; à Perpi- gnan, les cailloux roulés deviennent abondants dans le lit de la rivière, et ils vont en augmentant, à mesure que l'on monte. Entre Perpignan et 111e, jusqu'à Boulé, la vallée est une plaine, presque partout arrosée par les canaux de Corbère. d'Ille, de Perpignan, de Millas, de 485 Pézilla et du Vernet. Los autres points, privés d'irri- gation, sont généralement occupés par l'olivier et la vigne, avec les grenadiers et les aloës pour haies de division. Les orangers sont communs dans les jardins; ils y deviennent de beaux arbres en pleine terre, sur- tout s'ils sont à l'abri des vents du nord-ouest. Un fait assez remarquable, c'est que, sous la surface comprise entre Perpignan, Millas et Thuir, on ren- contre, à une profondeur d'un à quatre mètres, une couche régulière de cailloux roulés, dans laquelle circule une grande masse d'eau, qui vient s'épancher parlielletnen t dans la rivière, le long de sa rive droite, produisant ces fontaines et eaux vives , si tuiles aux communes riveraines. Au Soler, à St. Félin, on s'est procuré, depuis peu d'années, des eaux pour l'irri- gation, en creusant des canaux peu profonds; ce qui a fait baisser, il est vrai, entre Toulougcs et Thuir, le niveau des eaux au-dessous de la surface. Plusieurs canaux d'arrosage, fort anciens, servant aussi de mo- teurs, sont alimentés partiellement par des sources riveraines nu-dessus de Perpignan. Le plus important de ces canaux est celui des Quatre-Cazals, qui sert à arroser partie du territoire de Perpignan, et à mettre en mouvement plusieurs usines. A Perpignan même, la Tct reçoit à sa droite les eaux de la Basse, prove- nant de sources abondantes entre Toulongeset Thuir. Dans ce premir affluent de la Tet, se réunissent les eaux de pluie qui tombent sur de vastes surfaces, de manière que lorsque les pluies sont violentes et sou- tenues, même pendant peu d'heures, la Basse devient, pour Perpignan , bien plus à craindre que la Tel. De Perpignan à Prades, chef-lieu du troisième ar- rondissement, on suit la rive droite de la Tet; on pas- 486 se, successivement, au Soler, 9 kilomètres; à Saint- Féliu-d'Avail, I3k; à Saint- Félîu- d'Amont, 15k; à Millas, 17 k; à Neffiach, 20 k; à [lie, 24^; à Vinça, 34k-5 à Marquixanes, 38 k; à Prades, est placé le 43e kilomètre. La route suit presque toujours un magni- fique pays, par la variété de ses productions agricoles, puissamment activées par un soleil que voilent rare- ment les nuages, et par une irrigation bien ancienne et bien comprise, éléments .sans partage d'une végé- tation luxueuse. Sur le même sol arrosé, la moyenne des récoltes est de deux par an; on y en fait quelque- fois trois. Ille, entre autres, est renommée par ses frui- tiers, ses orangers, cl en particulier par ses pêches. Malheureusement, ces derniers fruits, y sont main- tenant exportés, presque en totalité, avant leur bonne maturité; de manière que celte vente, opérée dans ces conditions, nuit au maintien de leur réputation, comme supériorité incontestable, sur les mêmes fruits provenant d'autres localités réputées, hors du dépar- tement. Depuis que la route impériale suit la direction, plus belle et plus agréable, de Samt-Féliu et de Mil- las, on a laissé Corbère à gauche. La route s'est ainsi éloignée d'une position où il y a à visiter des grottes remarquables par leur étendue, leurs ramifications, leur hauteur intérieure, l'aspect imposant de leurs galeries à plusieurs étages, enfin ses colonnes de sta- lactites, qui se prêtent si heureusement aux descrip- tions poétiques. On n'y pénètre pas, sans être muni de flambeaux allumés, et sans attacher à l'entrée une corde qui, comme le fil d'Ariane, serve à se retrouver dans leurs sinuosités. On n'y voit pas l'eau couler; mais on l'entend tomber dans les profondeurs, d'où 487 s'élève un Vent très-fort, arrivant probablement par les chemins souterrains suivis par les eaux, ei par d'autres ouvertures naturelles, débouchant à la sur- face du sol. Avant d'arriver à Millas, on trouve le iiolés, second affluent important de la rive droite de la Tct. Le Bolés a son origine au pied de la tour de Batère; sa direction est nord jusqu'à Boule, où il tourne à droite vers Test, parallèlement à la Tet jusqu'après Millas, point de réunion. A partir de celle position jusqu'à 111e, la Tel est appuyée, à gauche, contre des falaises, hautes, presque droites, fortement ravinées, produites par des alluvions argileuses, sableuses, marneuses, dont les parties inférieures, chargées de sables, sont des couches puissantes de coquilles marines, ayant leurs analogues dans les mers actuelles. Des dépôts coquil- liers semblables sont reconnus entre le Tech et Ba- nyuls-dels-Jspres. 11 y a aussi des atterrissements de coquilles entre Truillas et Ponieilla; seulement, ici, les débris marins ont une date plus ancienne que les précédents. Après 111e, les flancs de la vallée tendent à se rap- procher, cl on arrive bientôt au col de Ternéra, avant Rodés, ancienne limite entre le Roussillon et le Con- fient. Alors, les affluents provenant de la rive droite augmentent. Le premier, est le Riu-Fagés, commen- çant un peu avant Glorianes, pour se réunir à la Tet au-dessous de Rodés. Au-delà de Vinça ou rencontre la rivière tle Nantilla, originaire des glaces perpétuelles des enfoncements du Canigou, à Test, dont les eaux servent aux moulins, aux forges et aux irrigations de Valmanya, Ballestavy, Finestret et Vinça. Habi- tuellement peu abondantes, quand elles se réunissent 488 à la Tel, à cause de la dissémination de leurs eaux sur les surfaces arrosées, ces rivières se changent en torrents impétueux, lorsque 'de fortes pluies s'a- battent sur le nord-est du Canigon, à de grandes distances. On s'explique l'abondance des eaux que la Tet re- çoit par ses affluents de droite, en considérant que tous les versants du Canigon en sont des tributaires, moins une faible partie au sud, dont les eaux se précipitent dans le Tech par deux voies principales, la Persigoulc, entre La Preste et Prats-de-Mollo; le Riu-Ferrer, à Arles. D'Ule, on arrive à Vinça. pays des bonnes et abon- dantes eaux de boisson, renommé aussi par la beauté de son vallon, qui s'étend de la Tet au pied des pre- mières montagnes qui ceignent le Canigon. La lon- gueur de la plaine de Vinça, partout arrosée et cou- verte d'une culture très variée, est de trois à quatre kilomètres. On y trouve .loch, Rigarda, Finestret; au-dessus est la gorge de Valmanya, qui s'élève jus- qu'à la crête du Canigou. Nos pères choisissaient habituellement Vinça, comme séjour de prédilection pendant les chaleurs de l'été. Alors, c'était un voyage de longue haleine, à cause de l'état ancien de nos routes vers les mon- tagnes. Les diligences passent maintenant à Vinça sans relayer, et on va an delà, à la recherche d'un climat plus tempéré. Sur la rive gauche de la Tet, à quatre kilomètres au nord -ouest de Vinça, au milieu d'une contrée aride, se trouve le village de Marcevol , auprès duquel existait un Prieuré de l'Ordre du Saint-Sépulcre, fondé peu de temps après les Croisades, et qui a été 489 un lieu de pèlerinage pour le Bas-Conflent. Le por- tail de l'église de Ma r ce vol esi d'architecture romane; d'après la tradition populaire, la mère du pape saint Lin, qui succéda à saint Pierre, en 66, fut enlcrrée dans cette église. Si le fait est vrai, on pourrait ad- mettre que la voie de communication ancienne, pour arriver de la haute vallée de l'Agly dans !e Confient, passait par Saint-Paul, iYIontalba, Marcevol, qui a été un lieu fortifié. Ajoutons, cependant, que le nom de Marcevol ne commence à paraître dans le Confient que vers la fin du 11e siècle, et que la fondation de son église devant être postérieure de plusieurs siècles à la mort de la mère du pape saint Lin, on peut douter de la véracité de la créance populaire. Toujours sur la rive gauche, sur les bords de la Tet, à deux kilomètres ouest de Vinça, sont les Bains de Nossa, créés en 1817 par M. Escanyer. Sur la position même des bains, il existait deux sources sul- fureuses, distinguées par le nom de Fonts dal Sqfre, fontaines de soufre, naissant au pied de roehes grani- tiques. Celle eau était froide; l'exploration en aug- menta le volume, mais n'en éleva pas sensiblement la température, <|iii est resiée à 23°,50C. Les sources sulfureuses de Nossa, sont les premières de celle nature en remontant la vallée, et celles ayant le moins d'altitude sur touie l'étendue de la ligne pyrénéenne. Elles sourd en t aux bouts d'une forma- tion granitique, parlant des Pyrénées, passant par Mosset et Molitg, pour venir s'infléchir et se perdre sous le lit de la Tet. Au reste, l'analogie entre les eaux de Nossa et celles de Molitg, est bien plus sensible qu'avec la généralité des autres sulfureuses des Pyré- nées-Orientales. 490 Analyse des Eaux de Nossa, par Anglada. Sulfure de sodium 0,00870» Carbonate de soude 0.07880 de chaux o,003<>5 de magnésie 0.00035 Sulfate de soude 0,04430 de chaux 0,00305 Chlorure de sodium 0,03310 Silice 0,04480 Glairine 0.00660 0,22365 Après leur désulfuralion par l'action de l'air, elles conservent une réaction alcaline prononcée. Elles sont employées en bains et en douches, quand on les a artificiellement chauffées. La position de Nossa, dans une contrée où se trou- vent également des eaux ferrugineuses estimées, se- rait bien favorable à la création de thermes étendus, si les sources y étaient abondantes et avec une tem- pérature naturellement plus élevée. On y réalise, toutefois, dans les conditions présentes, des cures assez multipliées, produites par l'efficacité de ses eaux, quelle que soit leur modification au moment de l'emploi. Entre Vinça et Prades, on passe à IMarqnixanes, village en partie bâti sur les crêtes d'un rocher, en avancement jusqu'à la route. La vallée reprend ensuite de l'ampleur jusqu'à Prades, pour former autour de cette ville une plaine circulaire, d'à peu près 6 kilo- mètres, belle par ses coteaux, arrosés, couverts de prairies- par ses cultures diverses, semblables aux Equivalent de Indiwulfate de soude 0,0259. positions de la vallée déjà parcourue. Quelques pro- ductions du sol y sont peut-être moins hâtives, à cause de l'altitude où l'on est déjà parvenu. D'Ule à Prades, le terrain est très-accidenté, le long de la rive droite de la rivière, par les gorges, vallons et vallées, qui sortent des flancs du Canigou, pour se terminer à la Tet. Le côté gauche de la vallée, depuis Modes jusqu'à Prades, présente, au contraire, beaucoup d'uniformité. C'est une face de montagne, fortement inclinée, non coupée par des gorges ou des vallons, seulement ravinée sur peu de points; cou- verte, en majeure partie, de vignes et d'oliviers. A moiiié chemin et à mi-côte, on voit Eus, dominé par son vieux château, seigneurie ou habitation du Vicomte d'ille1, et enfin Caillai-, renommé par ses fruits. Lorsqu'un chemin de fer se construira de Perpi- gnan à Prades, probablement la voie sera placée sur la rive gauche, à partir de Rodés, à moins qu'une ascension trop régulière ne soit un obstacle, et ne tisse choisir la rive droite, sur laquelle il sera facile de se développer, afin de diminuer la moyenne de la montée par kilomètre. Prades est la station, la position centrale pour les excursions dans Je troisième arrondissement. Toute l'année, entre celte ville et Perpignan, il y a un mouvement considérable de diligences, de voilures particulières pu de louage, tartanes et charrettes, qui augmente encore du mois de mai au mois d'oc- lobre. Une diligence et le courrier de Perpignan, portent directement les voyageurs jusqu'à Mont- 1 C'est dans L'excellent mémoire de M. Mari mit la géographie ancienne du Confient, que uous avons puisé Ij plupart des dates anciennes. 492 Louis et Bourg-Madame. Il y a en outre un service spécial pour Oletie; des voitures de l'administration des diligences, celles d'Olette et celles des thermes voisins, concourent au transport des voyageurs. Les hôtels, à Prades, sont généralement bien te- nus; citons, exceptionnellement, lllôtel Januari à cause de sa table. A Prades, à l'entrée de la route de Catllar, l'alti- tude déjà indiquée est à 320^,28. Ce chiffre a été fixé, en admettant que le sommet du clocher de 1 église est à 350™; et c'est d'après cette donnée, indiquée dans les Annuaires, qu'ont été calculées les altitudes de l'arrondissement, au-dessus de Prades. Le dernier Annuaire du Bureau des Longitudes , celui de 1857, a changé le chiffre de 350, par celui de 385m,1 , que donne la carte militaire, publiée par PEtat-Major; il y aurait donc à ajouter 35 mètres aux altitudes au-dessus de Prades. Malgré cette dernière indication, et jusqu'à nouveau contrôle, nous nous servirons des altitudes admises dans les publications antérieures. Aux environs de Prades, on peut visiter les impo- santes ruines de l'abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa, fondée en 878, après la destruction de Saint-André - d'Exalada. Cette résidence monastique avait attiré d'illustres personnages pour y prendre l'habit reli- gieux. Saint Romuald y avait résidé, et saint Pierre- Urséolo, ancien doge de Venise, y fut consacré et y mourut en 997. L'Abbé de Saint-Michel était un haut dignitaire; sa juridiction s'étendait sur vingt-trois pa- roisses, dont les plus importantes seraient maintenant Codalet, Iîia, Catllar, Valmanya, Fontpédrouse, En, Thués, Cana veilles. 493 Rarement, quitte- l-on Prades pour remonter la vallée, sans aller visiter les Bains de Molitg. On passe sur la rive gauche de la Tet, que l'on suit jusqu'à Catllar, où l'on prend la rive gauche de la Castallar ou Castellane, jusqu'aux Bains. La route de Prades à Molitg est large, helle, hien entretenue; les flancs de la vallée qu'elle côioye sont couverts de vignes et d'oliviers. La dislance parcourue est de sept kilomètres, et aux JBains on est à-peu-près à 450 m d'altitude. Avant 1754, un petit bassin carré, encore existant, servait de hains communs à ceux qui utilisaient les eaux de Molitg. En 1786, le JMarquis de Llupia, sei- gneur de Molitg, et à ce tiire propriétaire des eaux minérales, fit une petite construction, avec six bai- gnoires, desservies par la source qui a conservé son nom. Depuis lors, l'emploi de ces eaux, augmentant graduellement, on a utilisé d'autres sources, qui, après avoir eu des propriétaires distincts, appartiennent, maintenant, h un seul, M. Massia. Carrère, dans son Trailè des Eaux du RoussUlon , publié en 175G, a donné, le premier, des indications sur les eaux de Molitg. C'est dans le Traité des Eaux minérales des Pyrénées - Orientales , par Anglada, en 1 833, qu'on trouve leur première monographie exacte et détaillée ; enfin, en 1841, a paru le dernier travail chimique et descriptif de ces eaux. Dix sources, toutes sulfureuses, sont connues à Molitg: la source Llupia, n° 1, la plus abondante, la plus anciennement employée et la plus estimée, a une température de 38° C. — Sa composition, par litre, est de : 494 Sulfure de sodium 0,0140 Carbonate de soude 0,o:î:ï."> Soude 0,0222 Potasse 0,0081 Sulfate de soude 0,0111 Chlorure de sodium 0,0168 Silice 0,0411 Sulfate de chaux 0,0023 Chaux 0,0013 Magnésie 0,0001 Giairine 0.0073 Perte 0,0030 0,1614 Cette eau, exposée à l'air, conserve avec obstination le caractère sulfureux. La réputation des eaux de Molitg est trop étendue et trop fortement établie, pour qu'il soit nécessaire d'en dire davantage. Ajoutons, cependant, que peu, dans les Pyrénées, peuvent leur être comparées contre les maladies de la peau. Dans les cas exceptionnels où elles ne guérissent pas, elles produisent, du moins, de sensibles améliorations. A ce sujet, nous ferons observer que la différence est grande, majeure, entre la source Llupia, n° I, qui a porté au loin le nom de Molitg, d'avec les autres sources. Ainsi, demandez de l'eau de la source Llupia, chaque fois que vous aurez à combattre des maladies cutanées anciennes, invétérées, fortement développées. AdeuxkilomètresaprèsPrades,en remontant laTet, est Pua, village bâti en amphitbéâtre sur les deux côtés de la rivière, d'où la vue s'étend sur Prades et ses envi- rons, et aussi, en amont, presque jusqu'à Villefranche. Entre Ria et Prades, il y a, sur la rive droite, les deux petites rivières de Taurinya et de Merder, qui tom- 495 bent dans la Tet. Un peu avant Ria, il y a la rivière d'Urbanya on de Conat, qui débouche dans la Tel, sur la rive gauclie. Pendant que la Tet reçoit tant d'affluents à cours permanent par sa rive droite , il n'y a sur sa rive gauche, jusqua Ria, que la Castellane, à Catllar, et celle rivière d'Urbanya. Les autres affluents de gauche sont des ravins, des torrents, où l'eau n'ar- rive que moinentanémeni, accidentellement par les pluies ou les neiges. A un kilomètre au-dessus de Pua, la Tet alimente un ruisseau, servant depuis un temps immémorial à mettre en mouvement diverses usines, et, particu- lièrement des forges. A celles-ci, on avait réuni, il y a quelques années, un laminoir pour le fer, que l'on transforme maintenant en un haut - fourneau , dont le moteur principal sera encore l'eau de ce ruis- seau. Cette position est très-favorable à cette abon- dante production de fer, parce que les minerais de ce métal, si nombreux et si riches, du nord et de l'est du Canigou, y arrivent avec facilité, ainsi que les char- bons de ces contrées. Lorsqu'on a dépassé Ria, la vallée se resserre jus- qu'à Villefranche, éloignée de quatre kilomètres de Ria et à 49 k de Perpignan. Villefranche est une ville forlifiée, placée sur le travers de la route, s'appuyant de chaque côlé sur les montagnes, rapprochées de manière à ne laisser qu'un étroit passage. — A l'entrée de Villefranche, l'altitude est de 392 mètres. Guillem-Raymond, comte de Cerdagne, fonda cette ville, où il établit le siège de la juridiction ri de l'ad- ministration du Confient, dès 1 095. Après le traité des Pyrénées, les fortifications en furent renouvelées sur 49f, les plans de Vauban . Depuis peu d'années, la défense a élé augmentée d'un fort, intermédiaire entre la ville et la position élevée de la citadelle. Une com- munication souterraine lie ces divers travaux. Plu- sieurs bastions ont élé aussi construits dans le roc, en y appliquant des cavernes naturelles, débouchant dans les fortifications ou à côté, et qui s'étendent fort loin dans la montagne. Ces cavernes, après celles de Corbèrc, sont les plus étendues-, elles sont souvent explorées par les voyageurs, après en avoir obtenu l'autorisation du Commandant de la place. Celles de Fuilla, sur l'autre revers de la montagne, en sont une continuation. A côté de Villefranche, il y a du marbre rouge, qui a été, pendant long-temps, le seul exploité et employé dans le Confient et le Roussillon. L'origine de ces cavernes de Villefranche, de Fuilla, de Corbère, ne peut être attribuée au travail des hommes, comme on a pu le supposer. Rarement, observe-ton des formations calcaires jurassiques, sans y reconnaître dans l'intérieur des cavités natu- relles, plus ou moins étendues. Vient, ensuite, l'ac- tion érosive, dissolvante, pétrifiante des eaux, qui augmentent, façonnent ces cavités, en déterminant ces formes si extraordinaires et si variées des cavernes les plus renommées. On ne peut donc admettre que les cavernes de Villefranche, Fuilla, Corbère, ont été ouvertes pour des exploitations métallurgiques, d'autant plus que les gisements métallifères n'exis- tent presque jamais dans cette nature de terrains. Ce que nous disons, ne s'applique pas aux cavités profondes et sinueuses de Sainte Marie, aux environs de La Preste, que l'on a pu comparer aux cavernes de Corbère, et qui, au contraire, sont évidemment 497 le résultat de travaux souterrains pour l'exploitation de filons de cuivre, si communs dans celle localité. Les montagnes qui enclavent Villcfranche, sont calcaires, tandis que celte nature de roche est acci- dentelle, le long de la vallée, à partir dllle. Celte formation, dont un des résultats a été de multiplier les cavités souterraines autour de Villefra'nche, a eu également pour conséquence l'apparition de sources excessivement abondantes d'eau ordinaire, froide, arrivant au jour, sur la rive droite de la Tel, entre ftia et Yillefranche, à travers les strates des terrains jurassiques. Ces sources, peu connues et non signa- lées, sont un bon tributaire de la Tel. A Villcfranche, sont mortes prisonnières deux fem- mes, accusées de complicité dans les empoisonnements de la Brinvilliers. Elles avaient été d'abord enfermées dans le château de Sataesf^uis elles furent transférées à \ illefranche, où la dernière mourut le 1 5 août 1717 après trente-six ans de captivité. C'est à Villcfranche qu'on laisse la route impériale pour prendre à gauche, et aller à Vernel admirer sa riche vallée, et faire une station à l'un de ses beaux établissements. Entre la première enceinte et le pôri'l- levis, on voit, à l'arrivée 02 une de montagnes ei de collines, des vents, parti- culièrement dn nord ouest, jouissent d'un climat tempéré, qui y rend la saison d'hiver tout aussi fruc- tueuse, pour les établissements, que Ja saison d'été. Après le séjour à Ts cruel, on retourne à Villefran- che,que I on traverse dans sa longueur, pour remonter la vallée de lar±et. La route prend la rive gauche de la rivière: on passe à Seul inya , à Joncet, et, enfin, on trouve Olette, à quinze kilomètres de Villefranche. Si, à la sortie de Villefranche, on suit la rive droite de la Tel, au lieu de passersur la rive gauche, on arrive aussitôt à lentrée de la vallée deSahorrc, presque aussi belle, aussi longue et parallèle à celle île Vernet. On y rencontre d'abord Fuilla, et ensuite Saborre, connu par ses forges et l'orme séculaire de sa place. Plus loin est Py, où se trou\ eut des marbres blancs estimés. Les mines de fer sont nombreuses dans cette vallée : les plus importantes sont celles de Torrent, d'Aytua et d'Escaro. Les forges de Py, dont la création remonte à I 127, ont cessé de fonctionner depuis long-temps : le traitement îles minerais de fer dans la vallée, s'était concentré à Saborre; mais, depuis quelesiléboisemeuls se sont étendus, une grande partie de ces minerais sort de la vallée pour alimenter d'autres forges, pouvant encore s'approvisionner de charbons. La rivière de Saborre, appelée aussi rivière de Py, est un des gros affluents de la Tel, en raison de son origine, bien au loin, sur la grande chaîne pyrénéenne. Elle commence par les eaux, produit de la foule des neiges qui couvrent les pics et les enfoncements des montagnes, d'où partent les premières ramifications. Les masses de neige qui s'amoncellent sur ces points élevés, sont, en effet, les seules sources, les véri- 503 labiés réservoirs naturels qui alimentent nos riviè- res. Comme nous lavons déjà cl il , plus la neige est abondante sur nos montagnes, plus nous sommes assurés d'un bon approvisionnement pour nos ca- naux pendant Télé. Dès leur chute sur le sol, à dater de la fin novembre, ces neiges se tassent, se concrélionnent et conservent la solidité , pour se transformer en eau, lentement, successivement, aux époques où les pluies étant habituellement fort rares, nous verrions se tarir les causes essentielles d'approvisionnement de nos cours d'eau. A celte ac- cumulation de neige, ei non à des causes acciden- telles, la Tel et ses affluents, dans la haute vallée, doi- vent d'être faibles en hiver, à moins de grosses pluies locales, lundis que leurs eaux s'élèvent dès le mois de mars, faiblissent, ensuite, pour se maintenir encore assez abondantes, jusqu'à la disparition complète de la neige sur les pics élevés. Alors les eaux ont géné- ralement diminué; elles proviennent, en presque totalité, de la fonte de ces masses de neige, qui s'a- battent dans les encognures des montagnes, où. elles sont à l'abri, ou peu exposées aux rayons directs du soleil: c'est là que se trouvent habituellement les nei- ges perpétuelles dans les Pyrénées-Orientales. A deux kilomètres avant Oieite, on aperçoit, sur la rive droite de la Tet, deux tours rondes, hautes, isolées, appelées La Bastida; à côlé sont des maisons d exploitation rurale. D'après des recherches fort in- téressantes sur le Confient, publiées par M. Mail, et auxquelles nous avons emprunté quelques dates données dans «cl itinéraire, La lîastida était une seigneurie du Vicomte d'Evol; en 1550, une forge catalane y aurait élé établie. 504 Oleite, ancienne résidence de ce Vicomte, l'im des liauls Barons de la Cerdagne , est maintenant le chef-lien d'un canton, sur lequel se tionvent des mines de 1er. de nombreux gisements de enivre, cl de grandes étendues de forets, dont raménagement s'améliore chaque année — L'altitude, à l'arrivée à Olette, est de 584 mètres. L'industrie y a complètement changé depuis la transformation de la route muletière allant à Mont- Louis, !a Cerdagne, l'Ariége, 1 Espagne, en une ma- gnifique roule impériale, n°1l6. Depuis lors, les compagnies de mulets, avec leurs guides, ont dû faire place aux diligences, aux voilures, aux charrettes chargées des vins, des céréales, des marchandises, formant le commerce d'échange entre la plaine et les positions supérieures de la vallée. Les bouteilles en cuir, dites peau de bouc , sont une spécialité de fabrication conservée à Olette. Lorsqu'on veut se diriger vers le Capcir, on peut continuer par la grandïoule impériale, ou bien, on prend la route muletière, assez bien entretenue, qui, en trois heures, vous conduit à Ayguatébia et peu après à îlailleu, première commune du Capcir, en arrivant par celle direction. En cinq heures, on peut aussi, en parlant d'Olelle, traversant sa forêt, parvenir aux étangs de Nohèdes, distingués par les noms le sol désagrégé, meuble, perméable, sont les moins chaudes et presque toujours désulfurées. Celles-ci, poursuivies convenablement, pourraient, assez régu- lièrement, être transformées en sources plus chaudes et sulfureuses. En principe, toutes les sources sont originairement sulfureuses, et, ensuite, selon leur parcours, elles se modifient, de manière à arriver sur le sol, les unes sulfureuses, d'autres complètement désulfurées, condition bien précieuse, par l'impor- tante modification des propriétés thérapeutiques qu'elles acquièrent. On peut s'assurer, là comme ailleurs, de ces modi- fications de nature des eaux sulfureuses, au moyen de deux produits bien connus et bien communs, le sel de saturne ou l'extrait de Saturne, et le sirop de violettes. En projetant quelques gouttes d'extrait de saturne dans un verre d'eau thermale, on obtient des nuances de couleur du brun foncé au blanc. Le brun est un signalement de sulfuralion; le blanc se ma- nifeste avec l'eau lout-à-fait désulfurée. Les nuances intermédiaires indiquent les gradations. Quant au sirop de violettes, on en met une cuillerée dans un verre, que l'on remplit ensuite d'eau minérale; la teinte violette passe au veri, plus ou moins prononcé, selon l'alcalinité de l'eau. Toutes les eaux sulfureuses des Pyrénées-Orientales, après leur désulfuration, jouissent de ce caractère Des précédentes indications, il résulte que les eaux thermales alcalines sulfureuses et non sulfureuses d'O- lette, disséminées sur une surface d'environ quinze hectares, avec des différences de niveau de plus de cent mètres, peuvent être conduites sur un point ou 515 rester divisées, de manière à alimenter un ou plu- sieurs établissements; que leur variété de tempéra- ture et tic composition, y réunit le* analogues des principales eaux minérales en réputation; que la faculté d'avoir des eaux froides à toutes les hauteurs facilitera la réfrigération rapide, par serpeniina^e a" l'abri de l'action de l'air, des eaux trop chaudes et permettra de combiner la médication hydrothéra- piquè, avec les traitements thermaux les plus variés. Jusqu'à présent, peu de sources sont utilisées; en majeure partie, ce sont les eaux désulfurées ou' fort peu sulfurées, expérimentées avec soin, depuis sept ans, en boisson, en bains et douches, dans un peut local provisoire, avec six bai" noires. L'application des eaux riches en sulfuration, ne s'y est pas encore opérée iYnnc manière régulière ni convenable. Des résultats nombreux, annuellement renouvelés spécialisent des sources contre les affections nerveuses les plus rebelles et les plus variées, contre les mala- dies des reins et de la vessie, non compris les cas nombreux de douleurs, rhumatismes, vieilles plaies ankyloses, etc., traités généralement avec succès par les eaux thermales. Divers mémoires sur la composition des eaux d'O- lettc, ainsi (pie les observations médicales recueillies à la suite de leur usage, ont été publiés depuis quel- ques années. Plusieurs de ces mémoires ont été le sujet de rapports favorables à l'Institut cl à l'Acadé- mie de Médecine. A cela nous ajouterons que, si ces eaux classé,., au premier rang, comme produits na- turels, ont également réalisé de beaux succès théra- peutiques, après qu'on a pu facilement les aborder elles le doivent aussi, a la bonne direction imprimée 516 à leur emploi pur M. Puig, médecin-inspecteur, dont tous les baigneurs ont pu apprécier l'inépuisable bien- veillance et la grande modestie, jointe à beaucoup de savoir. COMPOSANTS POL'R MILLE GRAMMES. SOIT.CE SAINT-ANDRÉ, n° 4. leinp. 75° C. Sulfure de sodium Potasse Soude Chaux Carbonate de soude Carbonate de chaux Sulfate de soude Sulfate de magnésie Sulfate de chaux Chlorure de sodium Silice Alumine, fer, magnésie, iode. Alumine, iode, acide-borique*, fer, manganèse, cuivre. . . . Compose azoté Total 0,02829 0,00S2I 0,053 Ï2 0,00813 0,04783 » 0,06500 0,03 ICO 0,44500 0,03000 0,03400 SOURCE DE LA CASC IDE, 11° 1 1, temp. 78° C. SOURCE SAINT-LOUIS, n° 3, plusieurs jets l de 40 à 48° Ci 0,43130 0,03010 0,00940 0,03841 0,00733 0,03842 » 0,00200 0,03200 0,10400 0,04200 0,03600 0,43966 0,007 0,052 0,020 0,070 0,008 0,019 0,036 0,078 0,030 0,010 0,510 ' La première indication de l'existence de l'acide-boriqne dans les eaux sulfureuses des Pyrénées, *'st de M. Bonis, "nies. Cette découverte étant postérieure à la publication des analyses des eaux de Saint-André, de la Cascade, et de celles déjà indiquées, voilà comment la présence de l'acide-borique , dans ces eaux , n'y a pas été signalée. Voir le plan annexé. Dans un travail, publié en 1852, sur les eaux ther- males d'Olette, il a été calculé, qu'en admettant entre elles une composition originaire, uniforme à celle de 517 la source Saint-André, ci en évaluant à un minimum de 2.000 mènes cubes leur volume journalier, elles prendraient au sol intérieur 8(Kl kil. de composants fixes par vingt-quatre heures. Si nous insistons un peu longuement sur celle lo- calité des Gratis, c'est (pi 'avec Nossa, ses eaux sont les seules qui naissent dans la vallée de la Tel; c'est qu'elle nous paraît être aussi la partie de la même vallée, où les forces souterraines se sont manifestées à la surface par les résultats les plus importants. En 1852, eu cherchant à établir la coïncidence de la presque généralité des eaux sulfureuses des Pyré- nées-Orientales, avec le soulèvement du Canigou, entouré par ces eaux, il a été dit, aussi, que, dans les Pyrénées-Orientales, les sources thermales, et en première ligne celles des Gratis, en raison de leur abondance et de leur ihermalité, sont les évents de foyers souterrains de chaleur, ayant pour cratères les embouchures des sources, et pour lave, l'eau chaude qui s'en écoule. 11 y a de vrai, dans ces considérations, que depuis 1560, époque où une faible agitation souterraine fut éprouvée à Perpignan, les Pyrénées- Orientales ont été préservées de tremblements de terre, tandis que les départements de l'autre bout de la chaîne, où les sources thermales sont moins abondantes et moins chaudes, voient rarement passer plusieurs années sans ressentir des secousses du sol, plus ou moins prononcées. Ces observations étaient de nouveau écrites, lors- que nous avons eu connaissance du fait suivant, qui ne paraît pas devoir les détruire. 1-e 'i décembre 1 857, une oscillation de la surface du sol, d'une durée de deux à trois secondes, s'est manifestée à Thues, à 518 01ettc,à Nobèdes, eiplussensiblementàMolilg, tandis qu'aucun mouvement n'a été éprouvé aux positions intermédiaires de Canaveilles, très-élevé sur la vallée ; de Villefranche, entouré de ses calcaires; de Prades, sur ses alluvions: et, en même temps, aucune inter- mittence n'a été aperçue aux sources d'Oleite et de Molitg. 11 est difficile d'admettre que ce soit là un véri- table tremblement de terre, déterminé par les causes ordinaires qu'on leur attribue. Ne serait-ce pas plutôt le résultat d'un éboulement, ou d'un mouvement gazeux entre les Graus et Molitg, sur la ligne de communication intérieure des bouches thermales de ces points. D'après la nature des terrains à la surface, les Graus, Thuès, INohèdeset Molitg dépendraient d'une même formation granitique; ce serait seulement à ces posi- tions extérieures, que le mouvement oscillatoire a pu se rendre sensible, tandis que les couches puissantes, de formation postérieure, entre les Graus et Molitg, ont résisté, par leur masse, à une action souterraine trop faible pour les ébranler. Des Graus à Thuès, la route côtoie la montagne, fortement inclinée, presque partout couverte d'une belle végétation; la rivière est à 10 mètres au-dessous. La faible pente, d'un point à l'autre, fait de celte por- tion de route une promenade agréable, toujours ani- mée par sa fréquentation. Les mines de Canaveilles sont eu face. Thuès est divisé en deux par la rivière; les habi- tations de la rive droite, placées sur une position (■levée, sont les plus anciennes, et elles dominent la vallée; l'église en occupe le point culminant. 519 Dès 1533, une forge avait été moulée à Thuès; elle a cessé de fonctionner, par le manque île chaînons. Celle de Nyer, établie en 1G7I , est dans le même cas. La forge de Thuès, employait les eaux de la rivière de Carença, qui sortent de la gorge de ee nom, à côté de Thuès, pour se joindre à la Tel, rive droite, dont elles sont un des principaux affluents. Les eaux de Carença sont abondantes, toujours lim- pides-, et parmi les belles choses à voir, dans ces magni- fiques montagnes, peu sont aussi imposantes et aussi grandioses, que la gorge elle-même, à partir de son embouchure, jusqu'aux lieux où elle devient inacces- sible. A sou entrée, les deux laces sont des rochers à pic, excessivement élevés, présentant deux murailles parallèles, distantes de quelques mènes sur toute leur hauteur. La perpendicularité de ses faces, se continue pendant plus d'un kilomètre; aussi est-ce avec diffi- culté, et avec quelque péril ([non s'avance, tantôt côtoyant la rivière, tantôt s'élevant péniblement sur un des côtés. L'origine de cette rivière est aux étangs de ce nom et à des sources un peu au-delà, où Ton parvient en six heures par le chemin de S'-'l bornas et de Pratx-dc-Ballaguer, bien préférable à celui qui remonterait la gorge de Carença. Le chemin, par Saint-Thomas, est également suivi, jusqu'à une cer- taine distance, pour arriver, en cinq heures, à 1 er- mitage de Nuria (Espagne), en si grande vénération chez les populations des deux frontières. Des neiges perpétuelles et de riches mines de eni- v re, sont aux environs des étangs. Dans le pays, existe la croyance (prune de ces mines esi aurifère. L'exploi- tation de ces gisements métalliques, a été commencée ii diverses reprises, sans être suivie long temps ni avec 520 régularité. On s'en était particulièrement occupé lors des recherches aux mines de Canaveilles. Jl est éga- lement vrai, que les neiges et le froid rendent celle position inhabitahle, à peu près huit mois de l'année. Les étangs de Carença, comme ceux de Nohèdes, oui été entourés jusqu'à nous d'un prestige supersti- tieux: on les supposait un lieu de réunion des esprits invisibles, ce qui doit nous faire admettre, avec quel- que probabilité, que c'est su r ces points déserts el éloi- gnés dans nos montagnes, que sont venus s'éteindre, pour toujours, les derniers sacrifices druidiques. A quatre kilomètres au-delà de Thuès, est Fontpé- drouse, village d'où sortaient, il y a encore peu d'an- nées, presque tous les muletiers qui dominaient sur la vieille route. A deux kilomètres après Fontpédiouse, on aperçoit du chemin, et à deux cents mètres au- dessous, sur la rive droite de la Tet, le petit hameau de Saint-Thomas, placé à l'embouchure de la rivière et de la gorge de ce nom. Ce cours d'eau, appelé aussi rivière de Pratx-de-Ballaguer, commence à un étang, à l'extrême frontière. Son origine et son par- cours étant dans les mêmes conditions que ceux de la rivière de Carença, les eaux en sont également abondantes, pures, limpides; elles forment un des bons affluents permanents de la Tel. A 500 mètres de Saint-Thomas, dans la gorge, et à quelques mètres au-dessus de la rive gauche de la rivière, naissent trois sources sulfureuses, signalées, en 1833, par Anglada, comme remarquables par leur volume, leur richesse en matériaux médicamenteux, leur température. —Depuis lors, des modifications ayant été opérées à leur point d'émergence, voici un aperçu de ce qui eu a été publié en 1842, dans un 521 rapport à TctTci d'obtenir l'autorisation administrative de les employer en bains, douches, ele. La source n° 1 , s'échappe avec impétuosité dune ouverture irrégulière, à six mètres de hauteur, d'un rocher, à huit mètres de la rive gauche de la rivière ; la source n» 2, dite du Bain, la seule employée, naît, excep- tionnellement, entre le schiste et le granit, à huit mètres sud-ouest de la première, et à quatre mètres de plus de hauteur; la source n°3, dite source de la Prairie, est à cinquante mètres au nord du n° I, et à vingt mètres de la rivière. On comprend, dans ce numéro, divers filets d'eau, sortant des fentes d'une saillie du roc. Ces trois sources sont des sulfureuses bien caractérisées. NUMÉROS I>KS SOURCES. TEMPÉRATURE Centi- VOI UME d'eau |ui minute. RÉACTION de plomb. | SULFURE DE SODIUM évalué par le snlf hydromètre. \ 2 3 59 v'. 57«,2 48«,7o 600 litres. 80 20 brun-noir. brun, brun-clair. 0,0273t; 0,02488 0,02 M 4 La composition par litre de la source n° 1 , obtenue par les procédés réguliers d'analyse, est de Sulfure de sodium 0,0222 Soude 0,0210 Carbonate de soude 0,0478 Chlorure de sodium 0.0150 Sulfate de soude o.oiio Sulfate de chaux, chaux . magnésie. 0,0200 Silice 0.0(520 Matière azotée 0,0600 0,2590 522 Un petit établissement , avec chambres, fut cons- truit on 1SV2, pour utiliser ces eaux. Les résultats ayant été favorables, on a sensiblement amélioré les bâtisses. Malheureusement, pour long-temps encore, il y a, contre le développement majeur de ces ther- mes, d'abord la position des lieux, et particulièrement les thermes des Escaldas, en avant, dans la Cerdagne; et au-dessous, ceux d'Ole tte, de Vernet et de Molitg. Du point où la route domine la gorge deS'-Thomas, elle monte en formant plusieurs lacets, presque jus- qu'à la hauteur de Mont-Louis. Elle passe sous Fetges, où est le pont sm la Tel qui mène sur la rive droite ; alors, on abandonne entièrement la rivière, dont la direction ascensionnelle devient nord-ouest, tandis que la route impériale, vers la Cerdagne, suit l'ouest. A Mont-Louis, la vallée se termine; car, bientôt, on ne retrouve ni route, ni habitai ions, seulement des rochers, des cascades, et ces larges surfaces cou- vertes d'eau, dont les principales sont les deux Bouil- louscs et le Pin dcls Abdlans , que nous avons déjà signalées comme positions réputées préférables pour y établir des barrages, collecteurs des eaux d'appro- visionnement de la Tet, aux époques de pénurie d'irrigation dans la plaine. Ces marais, traversés par- la Tet, recevant aussi les eaux provenant de la fonte lente, et successive des neiges, sont les premières et les meilleures mamelles de la rivière, qu'elles conti- nuent à alimenter, alors que la plupart de ses tribu- taires ont cessé de lui venir en aide, pour subvenir à ces nombreux canaux, l'orgueil, la vie, la prospérité agricole de cette vallée, probablement, une des pre- mières, en France, où l'irrigation se soit établie d'une manière permanente et bien comprise. 523 Les turcs écrits qui fixent des dates à la formation des plus anciens de ces canaux, août du t\e siècle. A cette époque, remontent les ruisseaux de Vernet, (Mi Confient, de Fmlla, de Sahorre, de Saint-Félix. Ceux de Baho et du Vernet, près Perpignan, sont du xie siècle. Evidemment, l'irrigation était prati- quée bien avant dans notre pays; mais, par les con- cessions, on a voulu régulariser et étendre ce qui s'opérait déjà selon la volonté d'un chacun. Mont-Louis est une très-petite ville, sous le rapport de l'espace abandonné a la population civile; tandis que, comme place de guerre, elle est très-importante par sa position, par l'étendue de ses fortifications et de ses bâtiments militaires. Sa citadelle seule peut loger plusieurs milliers d'hommes. Il n'a pu en être question dans les anciennes caries et écrits relatifs au Confient, quoique située à son extrême limite. Après le traite des Pyrénées, l'emplacement en fut choisi par Vau- ban, qui donna également les plans des fortifications. Le choix du lieu fut déterminé, parce qu'on y défend deux des principaux passages pour pénétrer en France par les Pyrénées-Orientales; que celte forteresse est un point d'appui et de ralliement des troupes à l'ex- irême frontière on au-delà, et, au besoin, un lieu de refuge pour les populations avancées de la Cerdagne française. Son altitude, à 1.513 mètres, étant une des plus «levées de France, eomme habitation, elle est bien connue de tous les militaires, qui prétendent, «pie, avec Briançon, à 1 .300 mètres d'altitude, ce sont les deux garnisons les plus rudes en hiver. Les premiers travaux de construction de Mont- Louis, datent de 1681; et afin d'y attirer des habi- 524 lants, il élaii accordé, par un décret de 1G80, des avantages à ceux qui viendraient y élire domicile. Chef-lieu d'un canton, qui comprend aussi le Capcir, Mont-Louis n'a presque pas de territoire en dehors de son enceinte, tandis que les hameaux des alen- tours étendent assez loin leurs possessions commu- nales en forets et pacages. Depuis que les diligences, les voitures d'Olette, de Prades, de Perpignan, vont régulièrement à Mont- Louis, il y afflue bien plus de voyageurs que précé- demment. Avant ce moment, peu d'habitants de la plaine ou les étrangers au département, n'y étant pas appelés pour causes obligatoires, avaient poussé même jusqu'à Olette. La fraîcheur, la salubrité du climat, le grand nom- bre d'excursions à faire autour de Mont-Louis, à pied, à cheval, en voilure, feront annuellement augmenter, dans une progression rapide, le nombre de personnes qui voudront visiter ses alentours, ou qui cherchent un climat tempéré, pendant les mois de chaleur. La vie animale y est excellente, par la qualité qu'y prennent le vin, Je pain, la viande, le gibier, le lait, etc. Les chasseurs y ont le moyen de faire de longues courses à la poursuite des cailles , des perdrix, des lièvres, des izars. Comme conséquence, la table, à l'hôtel Jambon, e*t bonne et bien pourvue ; nous en dirons autant de l'hôtel Vaillant, à la Caba- nasse, sous Mont-Louis. Si l'on séjourne seulement un jour dans cette ville, régulièrement on va visiter la petite chapelle de Pla- nés, qu'on avait dit, d'abord, avoir été une mosquée, el que ses formes triangulaires, font considérer, main- tenant, comme un emblème de la trinilé catholique. 525 A côté de Planés, se trouve le village de Saint-Pierre l'un et Tau ire en tour es de prairies, oùnaissem des eaux qui, réunies à celles qui arrivent de l'est de la Perche après Mont-Louis, tombent dans la rive droite de la Tet vis-à-vis le hameau de La Cassagnc, ancienne route. Résumons, actuellement, en peu de mots, ce qui concerne les affluents et les sourcesqui se déversent dans la Tet. Sur la rive droite, il y a, en descendant la vallée, les eaux débouchant devant La Cassagne* les rivières de Saint-Thomas, de Carença, à Thuès' de Nyer; de Sahorre et de Vernet, à ViUefranche; de Mercier et de Taurinya, entre Ria et Prades; de Nan- tilla, avant Vinça; le Riu-Fagès, au-dessus dïlle; le Bolès, après Millas; la Basse, à Perpignan. La rive gauche, reçoit la rivière d'Évol et de Cabrils, à Olette; d'Lrbanya, après Pua, la Caslellane, à Calllar. Dans cette désignation d'affluents ne sont pas in- diqués celte foule de ravins et de ruisseaux, dont les eaux diminuent ou disparaissent peu après les pluies, pour devenir des torrents au moment des orales. Il y a encore sur la rive droite, les abondantes sources s'échappant des strates calcaires entre Ria et ViUefranche, et cette multitude d écoulements ap- pelés sources, eaux-vives, dans le lit, sur les bords, ou à peu de distance, surtout entre Illeet Perpignan. Ces dernières passent pour être produites par les irri- gations supérieures du ruisseau de Corbère et de ceux au-dessous; de manière que si ces ruisseaux cessaient de fonctionner, il est probable que ces écoulements diminueraient et que beaucoup finiraient par dispa- raître, alors que des pluies locales ne se renouvelle- raient pas assez souvent, pour déterminer les mêmes résultats que les arrosages. 52C En effet, l'eau disséminée à la surface, par l'irri- gation artificielle, se fractionne en plusieurs parts: il y a, d'abord, celle de levaporation ; secondement, celle de l'assimilation par les plantes; troisièmement, la part qui filtre dans le sol, et c'est la plus grande masse. De cette dernière, une partie pénètre trop profondément pour reparaître au jour, à moins que ce ne soit à de grandes distances, c'est celle à laquelle aboutissent régulièrement les puits et les sondages dans la plaine du bassin de la Tet. L'autre portion d'eau qui a pénétré dans le sol, si elle rencontre une couche imperméable à peu de profondeur, res- sort souvent à la surface, à des positions plus ou moins éloignées, produisant les sources et eaux-vives que nous avons signalées. On voit comment se lie la présence de certaines sources avec les irrigations des terrains plus élevés; et, par conséquent, si ces irrigations n'avaient pas lieu bon nombre de ces sources tariraient. Que faut-il en conclure? que, par l'irrigation, on introduit dans la terre beaucoup d'eau, dont une partie, qu'on ne peut préciser, reparaît à la surface, à des dislances variables , selon les localités. C'est une véritable réserve un approvisionnement pour subvenir à des sources inférieures, pendant une durée de temps indéterminé, au moment où la disette d'eau fait suspendre les arrosages plus élevés. Jamais, cepen- dant, les eaux disséminées par l'irrigation, reparais- sent en toialilé, ni à priori, plus volumineuses qu'a- vant leur infiltration dans la terre. Ce que nous disons des terrains peu inclinés, com- prenant l'arrosage de la vallée de. la Tet, d'ille à Per- pignan, s'applique également aux terrains au-dessus 327 de la même vallée et des vallées adjacentes. 11 y a, ici, celte différence , que les lorrains étant, généra- lement, bien plus en pente, formés par un sol meuble peu épais, la majeure partie de l'eau employée à l'irri- gation, coule rapidement à travers ce sol, pour revenir dans les canaux au-dessous, sans, malgré cela, y ren- trer en volume égal à celui originairement distrait. En raison de cette pente, Jes réserves intérieures y sont aussi plus promplement épuisées lors du chô- mage des irrigations. JNous ferons encore observer, que si le fond rocheux est fendillé pronfondément ou caverneux, feau qui suit cette voie peut pénétrer à des profondeurs telles, qu'elle est perdue pour la surface. Le département possède des mines métalliques, des carrières, des forges, des usines, des eaux miné- rales variées, etc., richesses naturelles .exploitées par le plus petit nombre, tandis que les produits de l'a- griculture y sont entre les mains de tous, et en cons- tituent la majeure, la principale industrie. Le sol agricole, produit habituel des alluvions de ses riviè- res, y est aussi sous l'heureuse influence d'un soleil sans partage; de là, la néeessité, l'immense intérêt général et particulier d'y profiter de ces deux favo- rables conditions, pour multiplier la distribution des eaux applicables à l'irrigation. 11 conviendrait, si c'était possible, que pas une goutte d'eau de ses rivières, soit celle visible sur le lit, soit celle qui y coule plus ou moins profondément dans les sables, n'arrivât à la mer avant d'avoir été utilisée et disséminée par l'arrosage. Dans cette distribution, il ne faudrait pas que des droits acquis fussent méconnus, ni même menacés; c'est-à dire, qu'en étendant les concessions, les canaux -.28 déjà existanls ne devraient pas être exposés à avoir le volume de leurs eaux appauvri en faveur des derniers venus. Cette condition, équitable pour tons, pourrait être régularisée au moyen d'une surveillance générale, active, continue, par an préposé spécial, délégué de l'administration, qui demanderait, selon les temps, de fixer le moment où les nouveaux canaux auraient leurs prises fermées. — Cette privation d'eau sérail , moyennement, de deux mois chaque année, excepté lors des longues sécheresses ou aux époques où les pluies se renouvellent en été, causes qui étendent ou diminuent la durée de la pénurie. L'irrigation, dans les cas usuels , emmagasine de l'eau pour la livrer successivement aux terrains placés au-dessous. Si, lorsque l'artère principale est peu abondante, on arrose au-dessus, évidemment alors l'eau enle- vée à cette artère, diminuera d'autant les prises inférieures qui auraient eu pour le même moment, et cette partie d'eau et celle arrivant par filtration de ces mêmes arrosages supérieurs, précédemment pourvus. Quelles que soient les difficultés et les entraves d'application, on sera forcément amené à l'extension des arrosages, à la condition précise, formelle, inalié- nable, de les suspendre momentanément à des épo- ques qui seront déterminées, selon le volume d'eau dansle courant principal où viennent s'approvisionner les canaux déjà existants, etavec l'obligation non moins indispensable, en faveur des arrosants inférieurs, de ne pas conduire les eaux hors de leur bassin naturel, parce qu'alors leur direction souterraine les écarterai i de leur véritable voie. 529 La question des arrosages, étant la plus importanie qui puisse être débattue dans le département des Pyrénées^ Orientales, nous n avons pas cru hors de propos de nous y arrêter, quoique superficiellement, en parlant de la vallée de la Tet. Enfin, dans cette même vallée de la Toi, les eaux thermales paraissent seulement sur deux points, com- me nous lavons déjà signalé, à INossa, rive gauche: aux Gratis d'Olette, où, par leur abondance, elles fournissent un bon appoint à la rivière. Toutes les autres eaux sulfureuses que nous avons signalées naissent dans les vallées latérales de Saint-Thomas de Myer, de Vernel et de IVJolitg. Celles de la Cerda- gne sont en dehors de cette catégorie, puisque leur écoulement, faible ou fort, les réunit aux cours d'eaux qui se dirigent vers l'Espagne. De Mont- Louis, point culminant de la vallée, on se rend dans le Capcir, par une route carrossable, fréquentée de préférence à celle par Railleu, pour les transports des vins et des denrées d'échange. On trouve d'abord La Llagonne, petite commune où l'on exploite des carrières de granit, que l'on façonne en dalles, en pierres de taille et pierres à bâtir. — Bientôt, on pénètre dans le bois de la Mata, que Ton traverse jusqu'au Capcir. Il faut une heure et demie pour cette course. Ce bois de la Mata, par son étendue, ses éclaircies, l'élévation imposante des pins, qui en sont l'essence principale, est un des plus beaux que l'on puisse par- courir. On en tire les poutres, qui descendent par la route de Mont-Louis. Avant l'amélioration de nos voies de transport, elles arrivaient jusqu'à Perpignan par flottaison sur la Tet. Il y a dans |(> Capcir. des 3t >3« scieries mises en mouvement par l'eau, qui débitent, en soliveaux et en planches, les arbres abattus, qui ne sont pas employés en poutres. Le Capcir, uni an Comte de Cerdagne dans le \ne siècle, n'en avait plus été séparé. Don Sanche, dernier roi d'Aragon, qui s'y était rendu, à la recherche d'un climat moins chaud que celui de Perpignan, mourut en 1324 au château de Formiguères, capitale du Comté. Il y a maintenant sept villages, dont le principal, au centre, est toujours Formiguères. La forme du Capcir est celle d'un bassin plat, arrondi à ses extré- mités, sur lequel il n'y a que de l'eau, des champs sans arbres et des prairies-, autour sont des bois de pins, et durant six à huit mois de l'année des neiges- a peu de distance. Aussi, cette contrée est froide et humide; on y presse les semailles, et la moisson y est très-tardive. L'habitant sédentaire ne quitte jamais ses vêtements de gros drap, parce qu'en août, les ■veillées sont habituellement assez froides pour néces- siter de se présenter devant le feu. Dans ces pays, où les pins sont communs, on brûle sur une encoignure placée sous de vastes cheminées, les débris les plus résineux de ces arbres, dont la flamme sert à l'éclai- rage. Cet usage est habituel sur toutes nos montagnes. La rivière d'Aude, qui prend son nom de l'étang $ Aude 3 à côté des Bouillouses , coupe le Capcir et y reçoit une foule d'affluents, qui déjà à Puyvalador, point de sortie, en font un cours d'eau imposant, par son volume, et sa course rapide. Durant huit mois de l'année, au moins, une bonne partie de la population s'éloigne de cette légion froide . Grand nombre d'habitants descendent dans la plaine, y conduisent leurs troupeaux ci y vendent leurs pro- 531 doits. A Perpignan, la vrnle du lait a été presque toujours faite en majorité par des hommes et îles femmes de eette contrée. Nous avons mentionné exceptionnellement cette position du Capcir, parce que, en quelques heures on peut, dans noire département, passer du cl i mal le plus chaud de France, à une station presque Silu- rienne, au-dessus de laquelle il n'y a plus. d'habitation possible. Ainsi donc, dans le département des Pyré- nées-Orientales, malgré son peu détendue et sa faible population, on trouve, à volonté, les positions habi- lées les plus opposées en température, et, par suite les productions naturelles y sont des plus variées. Géologiquement et minéralogiqueinent , on y suit toutes les formations, depuis les alluvions les plus récentes jusqu'aux terrains cristallains, bien anté- rieurs à l'organisation. Les plantes des régions tropi- cales, peuvent s'y récolter, comme celles acclimatées à côté des neiges perpétuelles; enfin, la zoologie y réunit les animaux des cl i mat.-, les plus chauds d'Eu- rope, avec beaucoup de ceux des légions du Nord. Il est rare qu'on séjourne à Mont-Louis sans aller à l'ermitage de Font-lîomeu, placé dans une belle ■forêt, où l'on entre peu après la sortie de Mont-Louis. Ce trajet est d'une heure et demie, et par un chemin où commencent à circuler les voitures. Excepté les trois ou quatre mois de ion hiver, on célèbre presque journellement la messe à la chapelle de cet ermitage dont la fête paironnalc est le 8 septembre. Ce jour là les populations de la Cerdagne, du Capcir, du Haut et Sias-Conflcnt, s'y rendent en masse; et depuis l'achè- vement de la route carrossable jusqu'à Mont-Louis, les visiteurs de la plaine y arrivent en plus grand nombre. 532 A environ 400 mètres de la chapelle, sur le pic d'un rocher isolé, il y avait un petit oratoire, que la piété de quelques fidèles a fait remplacer, depuis peu d'années, par une grande croix , avec le Christ, ayant sous lui, les insignes de sa passion , disposés selon leur ordre, le long d'une large montée, par où l'on gravit jusqu'au sommet de ce rocher. De cette position élevée, appe- lée le Calvaire, la Mirande, le Belvédère, on voit, d'un côté, la chapelle de Font-Homeu, les habitations et le bois qui l'entourent; d'autre part, on découvre Mont- Louis, les villages circonvoisins, les hauts bouts de la vallée de la Tet, et parfaitement tout l'ancien Comté de Cerdagne, divisé maintenant enCerdagne française et en Cerdagne espagnole. Ce Comté, agglomération naturelle, que la politique a partagé en deux, forme un bassin nettement circonscrit de tous côtés par les monts pyrénéens, avec la plupart de leurs crêtes tou- jours blanches de neiges. La coupure de ce bassin, par où s'échappent les eaux, est la vallée de la Sègre, qui les conduit dans la Basse-Catalogne et à la Médi- terranée. De Font-Homeu, on peut aller dans le Capcir, en suivant la forêt; on peut également se rendre aux Escaldas en deux heures, par le chemin de Targas- sonne et Augustrine. Lorsqu'on parcourt ce pays en visiteur, on suit habituellement ce second itinéraire, tout-à-fait favorable pour admirer ce qu'il y a de beau dans ces contrées, encore si peu connues. Aux environs deTargassonne, on ne peut s'empêcherde s'arrêter une première fois devant une grande étendue de terrain, couverte de gros blocs granitiques, amoncelés les uns sur les autres, exemple frappant de ces bouleverse- ments survenus à la surlace du globe, dont ces masses 533 détachées soin un des résultais. On cite des allerris- sements de cette nature sur Jes Alpes; il en est peu, cependant, de comparables à celui de Targassonne. La voie habituellement suivie pour aller de Moût- Louis aux Escaldas, est la route impériale qui conduit à Bourg-Madame, à vingt kilomètres, d'où on arrive en voilure à rétablissement, situé à six kilomètres de ce village. A la sortie de Mont-Louis, on remonte la Perche, dont l'altitude est indiquée à 1.577 mètres, vaste plateau gazonné et ondulé, où ont été souvent réu- nies les armées françaises ou espagnoles, se préparant à attaquer ou à défendre la frontière. Ce passage était très redouté à l'époque des neiges, qui couvraient tous les sentiers, de manière à cacher la véritable direction au voyageur surpris par le mauvais temps. La route, étant maintenant carrossable et entretenue avec soin, ne peut plus être aussi facilement cachée: il est pres- que impossible de s'écarter de la bonne voie, d'autant plus qu'elle est jalonnée par des poteaux, placés de dislance a distance. La Perche faisait partie de la Cerdagnè : elle se termine au col de Riga, une de ces échancrures du sommet des Pyrénées , servant de communication entre les deux versants de ces montagnes. Du col de Riga on découvre, comme du calvaire de Font-Romeu, les deux Cerdagnes, et, au milieu, Puycerda, qui domine eeiie belle contrée, sur laquelle fourmillent les villages ei les maisons d'exploitation rurale. Au pied du col «le Riga est Saillagouse, chef-lien du canton formé par la Cerdagnè française. A div kilo- mètres au-delà, esi Bourg-Madame, lourhani la gre, sur laquelle se trouve une passerelle, dont une 534 moitié appartient à la France et l'autre moitié a l'Espagne. Si on se rend de Mont-Louis aux Escaldas à cheval , on abrège beaucoup, en prenant à droite, après le col de Riga , sans descendre à Saillagouse; on passe par Estavar et par Llivia. A Estavar, il y a des couches épaisses de lignites, qu'on a cessé d'exploiter, tandis que l'extraction de ces lignites est toujours continuée dans la Cerdagne espagnole, où ils sont abondants. Llivia est une ville espagnole, dont on fait remonier l'origine h l'impératrice Livie, femme d'Auguste ; elle forme, avec trois petits hameaux qui l'entourent, une enclave dans le territoire français, communiquant avec la Cerdagne espagnole par un chemin, déclaré neutre pour les deux nations. On a dit souvent que cette enclave fut établie après le traité des Pyrénées, afin de favoriser la contrebande. La cause de cette anomalie dans la délimitation, vint de ce que l'Espa- gne devait céder à la France trente-trois villages, au nombre desquels étaient compris ceux de la vallée deCarol. Llivia étant une ville, ne put faire partie de celte cession ; on la laissa donc avec sa banlieue, et on déclara neutre le chemin qui la soudait à l'Espagne. Llivia étant sur la route qui va à Carol, par Estavar, l'Espagne s'engagea à ne pas y élever de fortifications. De Llivia aux Escaldas il y a une heure de marche; on traverse Villeneuve avant l'arrivée. Les Escaldas, nom dérivé de agitas c aidas , possè- dent plusieurs sources sulfureuses, dont la principale et la plus abondante a été très-anciennement usitée, comme le témoigne nu vieux bassin, servant origi- nairement de piscine On croit même que les Ho- 5S5 mains y avaient construit des thermes, qui ont com- plètement disparu. Un seul établissement réunit maintenant toutes les sources et tous les locaux séparés, destinés à l'ha- bitation et à l'usage des eaux. Nous avons dit que l'altitude de la Perche avait été indiquée à 1 .577 mètres; celle de Puycercla a été trouvée à 1.242. En se basant sur ces données, on peut évaluer, approximativement, celle des Escaldas à 1 .400 mètres. La grande source est une des plus belles des Pyré- nées; son débit a été fixé après de 800 mètres cubes par jour. Sa température, à sa naissance, est de 42°, 5 C; sa composition par litre, d'après Anglada, est de Sulfure de sodium 0,0111 Carbonate de soude 0,0274 Carbonate de potasse 0.0117 Sulfate de soude 0,0181 Chlorure de sodium O.OOGi Carbonate de chaux 0.0003 Carbonate de magnésie 0,0003 Sulfate ne chaux 0,0003 Silice 0,0390 Glairine 0,0075 0,1223 Les bains des Escaldas, placés à l'extrême frontière, dans une contrée qu'aucune division de terrain, dif- ficile à franchir, ne sépare de l'Espagne, sont, en majeure partie, fréquentés par les Espagnols. Depuis long-temps, les riches Barcelonais, s'y rendent en grand nombre pendant l'été. — Régulièrement, ils viennent parGirone, Figuères, Perpignan, d où ils 536 remoiiieui la vallée de la Tet, jusqu'à Mont-Louis, et ils continuent par Bourg-Madame. La route carrossable de Barcelone à Puycerda est commencée. Lorsqu'elle sera terminée, celte voie de communication directe sera très-favorable aux Escaldas, reliés ainsi à la Haute-Catalogne et à cette première ville. A Quès, à Llo, à Dorres, dans la Cerdagne fran- çaise, il y a également des eaux sulfureuses, jusqu'à présent restées sans emploi. A Err, il y a une eau ferrugineuse estimée. Nous clôturons ces indications, en disant que la route impériale n° 1 1 6, aboutissant à Bourg-Madame, prend , à partir de ce lieu, le n° 20 ; elle se continue, alors, par la vallée de Carol, passe entre le Val-d'An- dorre et l'Ariége, d'où elle longe les Pyrénées jus- qu'à Bayonne. 5.t; OBMERV ATIOXS SUR LES INSECTES NUISIBLES AUX OLIVIERS DANS LE DÉPARTEMENT DES PYRÉNÉES-ORIENTALES. Mémoire lu à la Séance publique de la Société Agricole , Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales, le 20 Juillet 1856, l'.ir M le Docteur ConPAIIu, membre- résidant. A tant de calamités qui viennent, tons les ans, frustrer l'espoir de l'agriculteur; à tant de récoltes détruites, soit par les maladies qui attaquent les vé- gétaux, soit par les torrents dévastateurs, sortant avec impétuosité île leurs lits et ravageant nos belles plai- nes, faut-il, encore, ajouter les dégâts produits par des insectes qui portent les plus grands dommages à l'un de nos arbres les plus productifs? L'olivier, cet arbre si précieux du littoral méditer- ranéen; l'olivier, qui demande tant de soins dans son bas-âge, mais qui, après, croît avec, tant de vigueur dans le département des Pyrénées-Orientales; l'oli- vier, dont le fruit forme l'une des plus grandes res- sources du propriétaire, est la proie de divers insectes, qui nuisent à son développement et à sa fructification. LARVE D'UNE MOUCHE. Les unes attaquent les fruits, se nourrissent de leur pulpe, et font ainsi perdre une partie de la récolte. L'année dernière surtout, dans certains rantons de 538 notre département, les oliviers ont été attaqués d'une manière effrayante par une larve qui a dévoré le fruit, au point de le rendre impropre à la salaison, et dont la petite quantité d'huile obtenue, a été d'une odeur forte, d'un goût détestable, et d'un aspect floconneux, qui l'a. rendue peu propre à la consommation. Cepen- dant,nous devions nous attendre h une huile de bonne qualité; car les oliviers avaient peu de fruits, les olives étaient grosses, et leur maturité avait été bien accom- pagnée, par des pluies en été, et parun très-beau temps en automne et en hiver. 11 est triste d'ajouter que cet étatdecboses se renouvelle tous les quatreoucinq ans. Ce ver, ou plutôt cette larve, que les anciens avaient indiquée sous le nom iïaruca; que, plus lard, on désigna sous le nom trop générique de chiron, et que nos contemporains ont classée dans l'ordre des diptères, 2e section , les muscides, du genre myoclc , myoda olcœ (de Lamarck), musca olcœ (Fabri), oscinis olcœ (Lat), cette larve, dis-je, arrivée à sa dernière métamorphose, donne naissance à une petite mouche. Le corps de cet insecte est délié, petit, velouté, d'une couleur dorée. A sa sortie de l'olive, cette mou- che ressemble plutôt à un ver qu'à un insecte parfait: ses ailes, humides, collées, pour ainsi dire sur son corps, la rendent méconnaissable. La chaleur du soleil évapore bientôt cette humidité, réchauffe et vivifie l'insecte, qui étend ses ailes, les soulève à di- verses reprises, comme s'il voulait voler; s'envole, enfin, et se réunit en grand nombre sur les abris que lui présente le lieu où il se trouve. Ces mouches, les unes mâles, les autres femelles, se iapprochent, s'accouplent, se fécondent, et déposent leurs œufs dans les gerçures de l'écorce de l'olivier, où 539 ils passent l'hiver. L'acte de leur reproduction ter- miné, ces mouches meurent et nous laissent une funeste progéniture. A la faveur des chaleurs de la fin du printemps, ses œufs éclosent; les petites larves se portent vers les hranches de l'arbre ; gagnent les rameaux tendres; se dirigent vers la face inférieure des feuilles, où, pendant quelque temps, elles se nourrissent aire dépens de celte substance blanche, cotonnée, succulente, qui les recouvre, et sur les- quelles ces larves laissent la trace de leur passage. il paraît que celte larve subit sa première méta- morphose sur les feuilles de l'olivier. En juillet, elle est assez forte pour s'introduire dans l'olive, assez grosse déjà, au moyen d'un petit trou qu'elle pratique auprès du pédoncule. Elle creuse des gale- ries tout autour du noyau, qu'elle n'attaque jamais; dévore les parties grasses cl pulpeuses, et subit dans le fruit ses diverses métamorphoses. Toutes les larves ne se transforment point en chry- salides, et ces dernières en insectes parfaits à la même époque. La nature, prévoyante en tout ce qu'elle fait, veille constamment à la conservation de chaque es- pèce, et plusieurs de cca mouches, plus précoces ou plus retardataires les unes que les autres, déposent leurs œufs plus tôt on plus tard; et c'est ainsi que, lorsque le mauvais lemps arrive, si leurs germes doi- vent périr, il en est bon nombre qui échappent à la destruction par des causes que nous ne pouvons pé- nétrer et dont la nature seule a le secret. Ainsi, avant la cueillette des olives, bon nombre de ces larves ont quitté leur demeure: on les voit sortir de l'olive, glisser de branche en branche, et descendre jusqu'à terre, pour se métamorphoser et servir de germe à la .r>40 génération future. Nous voyons de ces larves depuis la fin d'août jusqu'en janvier- mais, c'est dans les mois de novembre et décembre, que la plus grande partie se transforment en insectes parfaits, et on voit alors les murs des compartiments où sont déposées les olives, recouverts de ces mouches, qui sont sorties des fruits. Les larves qui ont atteint leur grosseur pour se métamorphoser, sont à peu près de la dimension d'un grain d'orge, dont elles ont la forme; leur couleur est jaunâtre ; elles brunissent en approchant du terme de leur éclosion. Arrivées au pied de l'arbre, les larves se glissent dans la terre, tout autour du tronc ou parmi les broussailles, et même sous les pierres qui se trouvent près des oliviers; elles ne s'enfoncent guère dans la terre que de cinq à six centimètres. Dans cet étal, elles se couvrent d'une coque ou enve- loppe blanchâtre très-mince; elles bravent ainsi les intempéries de la saison (h moins qu'elle ne soit très- rigoureuse), et ressuscitent à la fin du printemps, pour exercer les mêmes ravages. Deux moyens seraient efficaces pour nous délivrer pendant long-temps de ce fléau, ou du moins pour en atténuer les effets; car, pour le détruire complète- ment, nouscroyonsqueceserait impossible, à cause des précautions prises par la nature pour la conservation de chaque espèce. Nous avons dit qu'une très-grande quantité de ces larves restait dans les fruits, et que le plus grand nombre accomplissait sa dernière mé- tamorphose dans les mois de novembre et de décem- bre. Si, dans une année où le fléau se fait remar- quer par les grands dégâts qu'il exerce, on avançait de quelques jours la cueillette des olives; qu'on les 541 fît moudre immédiatement, ou parviendrait, par ee simple moyen, à détruire une masse énorme de lar- ves, qui n'auraient pas encore achevé leur métamor- phose. Si, en même lemps, on répandait au pied des oliviers une certaine quantité de chaux vive, réduite en petits grumeaux, et enterrée par nue façon, à la hêche, tout autour de l'arbre, à la première pluie, ou par l'humidité même de la terre, celte chaux se dis- soudrait et brûlerait toutes les chrysalides qui se trou- veraient au-dessous. Ces deux opérations devraient être faites simultanément et par tous les propriétaires du canton où le fléau exercerait ses ravages. Ces deux moyens sont peu coûteux, d'une exécution facile, et d'une efficacité, dont on peut calculer les avantages; outre cela, la chaux, en elle même, est un bon engrais, qui fait du bien à l'olivier : l'expérience en a constaté les bons effets. CHENILLE D'UNE PYRALE. Il est encore un autre insecte qui se nourrit sur l'olivier, c'est la chenille d'une espèce de pyrale qui ronge l'épiderme des feuilles et se roule dans leur intérieur, pour y subir ses diverses métamorphoses; mais, dès qu'elle a atteint sa grosseur ordinaire, et qu'elle doit se convertir en chrysalide, elle se laisse choir des brandies des oliviers, au moyen d'un fil de soie qu'elle file : on la voit ainsi suspendue auiour de l'arbre. Arrivée à terre , elle subit sa dernière métamorphose dans les broussailles qui environnent la souche. Le petit papillon en sort bientôt, s'ac- couple, se féconde, et les femelles déposent leurs œufs sur l'écorce des oliviers. Le printemps d'après, ces petites chenilles grimpent, en arpentant la souche jusqu'aux branches, et vont sur les jets tendres pour se nourrir au détriment des feuilles de cet arbre précieux. (Ces chenilles, comme celles de toutes les pyrales, appartiennent au groupe des nrpenteuses.) Si ces chenilles étaient bien nombreuses sur les oliviers, elles ne manqueraient pas de faire quelque mal à ces arbres; mais leurs dégâts sont peu sensibles. Elles vivent sur l'olivier ù 1 époque du passage des oiseaux à bec fin; et comme celle tribu est très nom- breuse, elle nous délivre de cette chenille, cl jamais nous n'avons observé qu'elle fît Je moindre mal à la récolle '. COCHEMLLE ET PARASITES VÉGÉTAUX. D'autres de ces insectes, et ce ne sont pas les moins dangereux, se répandent sur les branches: attaquent les jeunes pousses; les couvrent d'une matière noirâ- tre, qu'on a cru d'abord èire le produit excrémentiliel de cette espèce de coccus ou cochenille de l'olivier, et qu'un examen plus attentif a fait reconnaître pour un champignon de la classe des muscédinëes . A diverses époques, et depuisbien long-temps même, nous voyons nos belles plantations d'oliviers envahies par cette es- pèce de cochenille, pelile, violacée, globuleuse, ayant l'apparence d'une galle, qui se colle aux branches de l'arbre, surtout aux jeunes pousses, et y pullule à profusion. Ces insectes transsudent, par lous les pores 1 Lorsi|uc M. le professeur Audoain vint à Perpignan pour observer les dégâts f;i i ts par la pyrale de la vigne, il était aussi chargé d'examiner les oliviers malades. Nous L'accompagnâmes dans les divers cantons où la maladie sévissait, et non-, lui limes part de nos observations. Nous lui avons écrit diverses fois à ce sujet, et il n'est pas à notre connaissance qu'il ait i ien publié sur la maladie des oliviers. 543 de leur peau, une matière onctueuse, qui adhère fortement à l'écorce des branches et aux feuilles de l'arbre. Ces insectes appartiennent à la tribu des cocci- niens (galle, insecte* de Latieille), de Tordre des hémip- tères, section des homoptères. Les cochenilles, en général, vivent sur plusieurs plantes, et y demeurent fixées pendant toute leur vie. Le poids de leur corps, comparé à la brièveté de leurs pattes, montre qu'il leur est difficile de se déplacer-, elles leur servent uniquement à se cram- ponner sur le végétal où elles puisent leur nourriture, en absorbant une partie de la sève au moyen de leur bec acéré. Plusieurs végétaux sont attaqués par les coche- nilles. Le laurier rose, le laurier cerise, l'oranger, le chêne, le chéne-vert, sont les arbres sur lesquels nous avons vu les cochenilles; sur aucun de ces arbres, elles ne font le mal qu'elles occasionnent à l'olivier, et tout récemment au figuier. Comme ces derniers arbres sont estimés par leurs fruits et cultivés en grand dans le département ; que l'apparition de ces insectes donne de sérieuses inquiétudes aux agricul- teurs, c'est seulement de la cochenille de l'olivier et de celle du figuier dont nous allons nous occuper. L'olivier attaqué par la cochenille, ne laide pas à se couvrir d'une matière noire, pointillée de toutes petites taches blanches ou grisâtres, qui adhèrent fortement à l'arbre. Lors des grandes averses, l'eau qui coule des oliviers malades, est noire comme de l'encre, preuve qu'elle a fondit et entraîné une grande partie de celle matière. Toutefois, l'arbre n'a rien perdu de son aspect noir; celle matière y reste collée. o 44 On a cru, pendant long- temps, que celle matière noire n'était que le produit excrémentitiel de la co- chenille. En eiïel, on ne l'observait jamais avant que l'insecte n'eût établi domicile sur les oliviers; mais des observations plus exactes ont démontré que c'était une plante parasite. Nous doutions de ce fait, car nous avions soumis des feuilles et de 1 ecorce d'oliviers ma- lades au microscope; mais, soit que nous ne soyons pas bien exercé au maniement de cet instrument, soit que celui dont nous nous servions ne fut pas d'un fort grossissement, soit, peut-être, que le mo- ment n'était pas propice pour observer la végétation cryptogamique, nous n'avions pu préciser si ce qui s'offrait à nos yeux était un végétal parasite ou non: tout était confus, et nous ne pouvions rien distinguer qui nous donnât la solution du problême que nous cherchions à résoudre. Cependant, nous avions remarqué certains phéno- mènes qui avaient éveillé toute notre attention. Dans cette incertitude, nousnoussommesadressé an célèbre docteur Montagne, membre de l'Institut de France, l'un des savants les plus exercés dans l'étude de la cryptogamie, et que nous avions connu, à Perpignan, lorsqu'il s'occupait déjà du parasite de l'olivier. M. le docteur Montagne, avec celle affabilité qui le distin- gue, fit cesser nos doutes, en répondant très-affec- tueusement à nos lettres, et poussant l'extrême bonté jusqu'à nous envoyer une esquisse du dessin, qu'il a fait à la chambre claire de son microscope, du cham- pignon parasite qui croît sur l'olivier, qu'il a nommé antennaria clœophila, et qu'il nous a autorisé à repro- duire par la gravure. G'csi ce dessin que nous avons fait copier fidèlement, et dont les détails sont consi- 545 gnés sur la planche qui accompagne cette notice1. Mais, nous différons d'opinion avec certains natura- listes, qui pensent que le végétal parasite croît spon- tanément sur l'olivier; et nous persistons à croire que sa végétation est provoquée par la présence de la co- chenille. Ce qui nous a fait penser que la matière noire n'était pas un produit excrémentitiel; que c'était, au contraire, une muscédinée, c'est que les oliviers ne deviennent jamais noirs, sans qu'on n'y ait vu pré- céder la cochenille. Si cette plante crypiogamique croissait sur ces végétaux sans y être précédée par la cochenille, nous la verrions s'y reproduire en abon- dance sans elle. Or, nous ne l'avons jamais observée qu'avec l'insecte. iNous devons donc penser que cette matière visqueuse que sécrète la cochenille, est uti- le, peut-être même nécessaire au développement de cette plante parasite, qui envahit d'une manière complète les arbres, aussilôt que l'insecte s'y trouve; les rend tristes, et altère à un tel point leur végé- tation, que nos récoltes deviennent nulles lorsque les oliviers sont ainsi happés. Cette matière noire y est si abondante, que, dans certains endroits, elle couvre les branches et les feuilles de l'épaisseur d'un à deux millimètres. La matière noire qui couvre ainsi les arbres dispa- raît, dès qu'une cause quelconque a obligé l'insecte de quitter sa place. L'arbre reprend bientôt sa belle végétation : au printemps, les feuilles anciennes et 1 Le doctenr Montagne se trouvait ;'i Perpignan en IS'20. Il avait observa cette iflaladic, cl m avait rendu compte dans un savant mémoire à la Société impériale et centrale d'Agriculture, :2">' Bérie, tome IV, page IC~. Il clasj i cette piaule dans le genre oniettiioria de Link, cl la nomma antennaria elœe phila Moni. t:. 546 noires tombent; les nouvelles pousses restent fraîches et vertes, et on voit de suite un aspect tout différent. Les branches tardent plus long-temps à se dépouiller de cette matière; mais, quoiqu'elles restent encore noires pendant un ou deux ans, il n'en est pas moins vrai que la végétation cryptogamique ne fait plus de progrès; que l'arbre a de la vie, et sa végétation n'est plus contrariée. Si cette plante parasite venait sponta- nément sur l'olivier, elle ne l'abandonnerait pas ainsi dès que la cochenille en a disparu; elle continuerait, au contraire, d'envahir les jeunes pousses, comme elle le faisait lorsque l'insecte vivait sur l'arbre. Les cochenilles restent fixées sur les branches, où elles paraissent ne pas faire le moindre mouvement, sans doute parce qu'elles sont fécondées; car nos observations ne nous ont point démontré comment s'opère leur accouplement (n'ayant jamais pu faire la différence des deux sexes). El les paraissent cou ver leurs petits et si on en écrase quelqu'une, une liqueur, rouge comme du sang, coule de cette coccque. Bientôt, pen- dant les premiers beaux jours de mai, on voit sortir de ces coccqucs, qui paraissent mortes, de tous petits êtres, qui se dirigent vers les jeunes pousses vertes et belles: ce sont des cochenilles, qui grossissent énor- mément en peu de temps; c'est la nouvelle généra- tion, qui vient faire de nouveaux ravages, et qui, après avoir considérablement augmenté en nombre, enva- hit, en peu de temps toute la végétation nouvelle, celle qui porte les grappes de fleurs destinées à donner des fruits pour la récolle prochaine. Mais, comment ces jets tendres pourront-ils résister à deux ennemis différents et immédiats? I°les cochenilles qui, avec leur suçoir, les aiguillonnent et leur font perdre une 547 grande quantité de sève, dont l'insecte se nourrit ce qui fait avorter la fructification; 2° le mycélium, qui se développe presque en même temps .iii- les Pyrénées-Oorientales , on voit rarement le thermomètre drs- céndre â ce degré de froid, 6 sous 0 Réaumur, du moins dans la repion où croissent L's oliviers. Il sérail peut-i Ire convenable que le pays eût quel- es hivers rigoureux, comme nous en avons vu quelquefois; car, depuis , il Iques an s, le thermomètre ni di cend pas à zéro, \us-i , les insectes de diverses tiilms pullulent dons nos plantations d<' fruitiers, u j font un I immense. Celle année, nous .mon* une récolte fabuleuse de poire» :>52 COCHENILLE DU FIGUIER. Ce ne serait pas ici la place de nous occuper d'une autre espèce de cochenille qui attaque depuis deux, ans le figuier. Cependant, comme le fruit de cet arbre, si répandu dans le pays, est très-estimé; que l'apparition de cette cochenille a donné de l'inquié- tude, parce qu'on a pensé qu'elle engendrerait la même maladie de l'olivier, et qu'on perdrait aussi le produit si précieux de cet arbre, nous pensons qu'il n'est pas indifférent d'en dire un mot. Depuis quelques années, nous avons une tempé- rature fort douce ; à peine si, pendant le fort de l'hi- ver, le thermomètre descend à zéro- De là, apparition et multiplication innombrable d'insectes de toute espèce, qui dévorent nos récoltes, surtout nos arbses fruitiers, sur lesquels ils occasionnent des dégâts, qui font tomber les fruits avant leur maturité. La cochenille qui attaque le figuier, est beaucoup plus grande que celle de l'olivier; elle est plus sphé- rique, moins aplatie; elle a une circonférence du d'hiver et do pommes : un puceron s'est emparé de nos arbres , et en a rongé les fe.uilles, au point, qu'en août, les arbres se sont dépouillés d'une manière complète, et que les fruits, qui étaient très-beaux, sont presque tous tombés. — L'oïdium , qui ravage nos vignes , s'est porté dans nos vergers ; nos rosiers sont malades comme la vigne, du moins ils ont les mêmes taches. que les sarments el le même aspect blanchâtre: est-ce le même champignon ou une espèce voisine? c'est ce que nous n'affirmerons point. Nos poires sont aussi toutes couvertes de taches violacées, d'une moisissure qui ressemble bien à celle de l'oïdium. Le même phénomène se l'ait remarquer sur les poires comme sur le raisin ; elles se fendent, se crevassent en long, comme dans le raisin. Nous pensons qu'il serait possible que ce soit le même cryptogame qui exerce ainsi ses ravages sur nos fruitiers. L'an prochain , on est décide » employer les mêmes moyens qu'on emploie pour préserver la vigne. 553 double; elle est ronde, tandis que celle de l'olivier est un peu ovale. Cet insecte transsude une subs- tance blanchâtre, dont il se couvre, et sa coecque reste grisâtre, tandis que celle de l'olivier est d'un brun vineux très-foncé. Si on cherche à enlever cette poussière grisâtre de la coecque de la cochenille du figuier, on la voit prendre une couleur d'un rouge brun. Jusqu'ici, on n'avait pas vu l'arbre attaqué par cette cochenille, changer son aspect normal. 11 ne paraissait pas même souffrir de la présence de ce parasite, dont la fécondité et la reproduction sont si grandes, que sa présence y attire la plante cryplo- gamique comme sur les oliviers. Si on n'y apporte un prompt remède, on peut voir manquer le fruit de cet arbre précieux., et il est temps de se mettre en mesure pour en combattre les effets. Depuis le printemps, l'état des choses a beaucoup changé. Ces insectes se sont multipliés, au point que quelques-uns des arbres sont entièrement couverts de cochenilles, et que la plante cryptogamique les a envahis à les rendre aussi vilains que le sont les oli- viers malades. A la fin d'août dernier, j'eus occasion d'envoyer quelques rameaux d'olivier malade à M. le docteur Montagne; je joignis à la boîte quelques morceaux de figuier, avec des cochenilles; quelques feuilles de cet arbre m'ayant paru un peu malades, je les mis dans la même boîte. Ce savant, après avoir examiné à l'aide de son microscope ces objets, y re- connut deux plantes cryploga iniques de la famille des mtiscêdinées . M. Montagne m'écrit, le 4 septembre : «Les feuilles du figuier m'ont offert la même plante que les oliviers; mais un peu modifiée et accompagnée de deux autres 554 champignons, le maçrasporium sarcinula, Bkrkley, et un lulmiiithospore. » Je donne le dessin du macros* porium, que M. Montagne a eu la honte de m'envoyer. (Voir planche 1, figure 2.) J'ai été aujourd'hui même, 17 octohre 1857, voir ce même figuier sur lequel j'avais cueilli le rameau envoyé à M. Montagne l. J'ai été stupéfait, des progrès que les cochenilles y avaient faits depuis ma dernière visite, etsurtout de l'envahissement de la plante cryp- togamique. Tout l'arbre est couvert de cochenilles; les feuilles et les branches sont entièrement noires; les fruits, dont l'arbre est couvert, sont flétris, ne mûrissent point, et l'aspect de l'arbre, en général, est très-laid, tandis que d'autres arbres de la même pro- priété et de la même espèce( le ôourdissot blanc J, fruit charnu, gros, bien sucré, très-savoureux, ne sont nul- lement attaqués, ei donnent des fruits excellents. Je n'avais pas cru que la présence de la cochenille sur le figuier, y produisît la même plante que sur l'olivier: elle s'y trouve, en effet, mais un peu modi- fiée, d'après M. Montagne. Celte plante croît-elle spontanément sur le figuier? C'est ce que je ne pense pas; car, sur aucun de ces arbres, je n'ai jamais remarqué la poussière noire qui rend l'aspect des arbres si vilains. Sur les feuilles envoyées à M. Mon- tagne, on voyait, à peine, une ombre qui obscurcissait lefond vert des feuilles; et, cependant, le savant que 1 (,'ist .i la propriété de M. .Jacques l'uifj, sur lés coteaux de Cnâtearo- Roussillon, à un kilomètre de la ville, que j'ai cueilli les branchée de fi- guiers malades, ainsi que celles des oliviers. C'est sur celte même propriété que j'ai trouvé le flocon d'oeufs qui m'a donné l'insecte parasite qui détruit le rol'éoptére Faisan) les départs à ce précieux arbre. Cette propriété porte le nom (le la Oktmmiirt; nos troupiers la Fréquentent beaucoup. .).).) nous avons consulté, y a remarque la piaule crypto- gamique; d'où nous devons conclure, qu'il faut la présence de la cochenille sur le figuier, pour y faire développer le champignon parasite, comme cela ar- rive sur l'olivier. Le même moyen qui a fait disparaître et la coche- nille et la plante parasite de l'olivier, employé sur le figuier, y produira probablement les mêmes résultats, .'e ne saurais en conseiller un meilleur et plus écono- mique. Le propriétaire du figuier qui m*a fourni le rameau envoyé à M. Montagne et celui de ce jour, va badigeonner ses arbres. J'espère qu'il en obtiendra un bon effet ; qu'il préservera .ses arbres de l'invasion de ces insectes, et que, l'an prochain, il sera dédom- magé de ses peines par une bonne récolte. COLÉOPTÈRES ET PARASITE ANIMAL. D'autres insectes, enfin, et ce sont les plus dange- reux, s'introduisent dans l'intérieur du bois; y creu- sent des galeries, qui détruisent l'aubier, et font ainsi mourir les jeunes pousses, celles qui devraient don- ner des fruits Tannée suivante. C'est l'aspect des arbres atteints par ce dernier fléau, qui m'a porté à examiner attentivement d'où pouvait venir un pareil effet. J'étais surpris de voir, précisément, les jeunes rameaux, vers lesquels la sève végétative se porte avec plus d'abon- dance, ceux qui doivent jouir de plus de vie, languir, jaunir, se flétrir et se dessécher dans l'espace d'un printemps. Je ne pouvais comprendre d'où pouvait provenir un pareil phénomène, qui se renouvelle plus ou moins tous les ans, et qui frappe ainsi toujours de mort les plus jeunes pousses. Ne pouvant devinei quelle était la cause d'un pa- 3.")(i reil effet, j'ai questionné plusieurs cultivateurs. La plupart ratlribueni aux coups de verge que reçoivent les brandies, quanti on fait tomber les fruits; d'autres, aux froids intenses qui se manifestent, quelquefois, pendant les hivers rigoureux. Ne partageant point la manière de voir des proprié- taires interrogés, parce que j'avais observé, d'abord, que beaucoup d'arbres, qui n'avaient pas donné des fruits dans l'année, et qui, par conséquent, n'avaient pas été frappés par les verges, offraient des traces évidentes de maladie; que de tous jeunes plants, qui avaient une vigueur de végétation qui devait les faire résister au froid , qui n'avaient pas été touebés par les verges, avaient aussi leurs rameaux desséchés et présentaient le même aspect que les arbres plus âgés, malgré, surtout, que depuis plusieurs années, le ther- momètre ne soit pas descendu à six degrés Iléaumur souszéro(on sait parfaitement, par l'observation, que, dans cette contrée, l'olivier ne souffre du froid qu'à neuf degrés, ce qui arrive fort rarement), j'ai dû. chercher ailleurs la véritable cause du dépérissement de cet arbre. Une observation attentive m'a fait connaître la cause du phénomène qui fait périr ainsi les oliviers. 11 m'est bien démontré, aujourd'hui, qu'il faut attri- buer le dessèchement des jeunes rameaux de cet ar- bre, à la piqûre d'une larve qui s'introduit dans les jeunes branches; parvient dans l'aubier, et produit une solution de continuité sur les vaisseaux qui por- tent la sève nutritive. Par ce fait, son mouvement est interrompu, et le rameau meurt instantanément. A force de recherches, on doit, tôt ou tard, arriver à un résultat. J'ai donc, à diverses époques de l'an- JO/ née, examiné les rameaux desséchés, et, pend a ni long- temps ce n'a éié qu'une chose inutile. Cepen- dant, je parvins à découvrir de petits trous parsemés su i l'aisselle des petites branches qui se desséchaient. Nul doute, alors, que ces trous provenaient de la piqûre de quelque insecte; mais il fallait arriver à connaître cet ennemi, et quelle était l'époque la plus favorable pour cela. J'avais remarqué que celait ordinairement vers la fin du printemps que ces rameaux prenaient la teinte jaunâtre, et qu'ils se desséchaient ensuite dans le cours de l'été. Ce ne pouvait être, ni la cochenille qui infeste ces arbres, qui pouvait produire le dessè- chement des rameaux; moins encore la larve de la mouche qui se nourrit du fruit, car on sait qu'elle n'exerce ses ravages que vers les mois de septembre, octobre et novembre : il fallait porter ses investiga- tions autre part. Je visitai avec persistance, pendant le printemps, divers rameaux, et je ne tardai pas à trouver la trace et la marche de la larve qui produit le mal. Une fois assuré de ce fait, il m'a été facile de compléter l'expérience, en arrivant, par gradation, au développement parfait de celte petite larve, et à' sa dernière métamorphose, qui s'opère vers le 15 mai. J'en recueillis quelques-unes, que je déposai dans une boîte, et quinze jours après j'avais l'insecte parfait. J'avais laissé dans une autre boîte quelques rameaux a demi desséchés, persuadé que j'étais qu'ils contenaient quelque larve, qui sortirait bientôt de sa retraite. Cela ne manqua point, et j'eus la solution complète de mes observations, en voyant les trous qu'avaient faits ces petits coléoptères en sortant des rameaux, trous qui étaient bien ceux que j'avais observés sur les bran- ches qui m'avaient fourni les premières indications. .).}? Je déposai clans les boites, avec, les insectes qui étaient nés, des rameaux qui avaient servi à mon expérience, de jeunes branches d'olivier, donlle pied se trouvait dans un vase plein d'eau, afin de les main- tenir dans un élat frais. Je pus ainsi observer, èi tout instant du jour, l'action de ces petits coléoptères : ils s'agitaient beaucoup dans la boîte, et parcouraient les rameaux avec une vitesse extrême. Je présumai, dès lors, que ces insectes cherchaient à s'accoupler, et en effet, je ne lardai pas à m'en convaincre. Feu de jours après, la femelle s'accrochait à une fcnille tendre, et ne bougeait plus de celte position pétulant deux jours: les mâles avaient cessé de vivre. Les feuilles exami- nées, me donnèrent la conviction que la femelle dé- posait ses œufs sur celle feuille; elle avait choisi cette partie veloutée qui couvre le dessous des feuilles, et sur cinq femelles qui avaient été fécondées, toutes avaient choisi la même place pour y déposer leurs œufs : c'était toujours près de la nervure principale, celle qui fait suite au pétiole qui tient la feuille at- tachée à la branche. Les œufs déposés ainsi, formaient un petit ovale, qui contenait, à travers une matière onclueuse qui les fixait sur les feuilles, de 50 à 65 petits globules, d'abord clairs et transparents, qui s'obscurcissaient à mesure qu'ils s'éloignaient du moment de leur ponte. Le huitième jour, on commençait à voir un petit point noir au centre de chaque œuï, qui n'est autre chose que les mandibules de la larve. Du quinzième au dix- huitième jour, la petite larve perçait son enveloppe et se répandait sur les feuilles tendres du rameau, où elle trouvait sa première nourriture. A l'aide du microscope, j'ai pu, dans mon cabinet. 559 suivre les premières expériences, et m'assurer de la marche de cène larve; mais elles se sonl arrêtées là. .le nai pu aller plus loin , car les larves soûl si petites, qu'il serait impossible, sur les arbres, dans leur pre- mier âge, de les voir; elles échapperaient aux yeux les mieux exercés. Tout porte à croire qu'elles se nourrissent , dans leur premier âge, de la substance tendre qui couvre le dessous des feuilles; qu'à un âge plus avancé, elles percent la peau des jeunes rameaux, pour s'introduire dans l'aubier, et conti- nuer ainsi les phases de leur vie, jusqu'à ce qu'elles soient arrivées à leur dernière métamorphose. D'après ce qui précède, il est clair qu'il faut neuf mois à celte larVe pour devenir insecte parfait. Vers la dernière quinzaine de mai, elle se convertit en nymphe. Arrivée dans cet état, la larve a eu l'instinct de venir tout près de la jonction d'une branche du rameau où elle avait établi son domicile, et c'est dans cet endroit qu'elle se métamorphose. Quinze jours après, l'insecte parfait éclot; il n'a d'autre travail que de percer la peau du rameau pour sortir de sa coque, et eu sortant par le petit trou, il laisse son enveloppe. — C'est celle enveloppe qui m'a fourni l'occasion de découvrir sa retraite. Ce n'est que vers la fin d'avril et dans la première quinzaine de mai , qu'on peut suivre la marche de la larve sur les oliviers malades ou atteints par l'insecte. Dès qu'on voit qu'un jeune rameau commence à lan- guir, on est sur de trouver dans son intérieur quelque larve. A cet effet, on n'a qu'à couper le rameau sur la partie saine, cl avec la pointe d'un canif, soulever la peau : on ne tarde pas à découvrir la galerie qu'a faite la larve; elle est toujours entre l'écoree el l'au- 5€0 Lier, mnrchani, du tronc vers l'extrémité desrameaux, circulaircment, souvent en spirale, toujours superfi- ciellement, ne quittant jamais l'aubier pour pénétrer clans la partie ligneuse du bois. Il parait donc que c'est de l'aubier, seulement, que cette larve fait sa nourriture; et que, tant qu'elle est jeune, elle vit au détriment de l'arbre, sans que ses dégâts soient bien sensibles. Mais, dès qu'elle est arrivée au moment de prendre son dernier accroissement pour se méta- morpboser en insecte parfait, elle suit alors la loi commune à tous les insectes. Les larves, dans cet état, consomment une très-grande quantité de nour- riture; deviennent très-voraces, et détruisent alors, en peu de temps, les vaisseaux qui s'entrecroisent dans l'aubier et qu'on peut comparer au tissu cellu- laire du corps humain. Cette solution de continuité empêche la sève de se porter et de vivifier les ra- meaux affectés; aussi, c'est à cette époque, vers la fin de mai, que les dégâts se font, remarquer d'une manière sensible : les feuilles commencent à jaunir, les rameaux se flétrissent, la peau prend une cou- leur terne, qui indique que la branche souffre, et la mort ne larde pas à s'en emparer. Dans le cours de l'été, les branches se dessèchent; elles sont entiè- rement mortes, en hiver; et c'est cet état des rameaux qui fait dire à nos agronomes, que les oliviers ont beaucoup de broutigne ou de secum. Arrivé à la connaissance de l'insecte parfait, il a été facile de le classer. Déjà, la marche de la larve m'avait fait supposer que cet insecte appartenait à la seconde tribu des tétr •ambres; à la famille des gâte-ùois, que La- treille a désignés par le nom dexylophages, insectes ré- pandus dans nos forêts, et qui y font de grands dégâts. 561 L'examen du corps, de la bouche, des antennes et des pattes, me donna la certitude qu'il faisait partie de celte section, qui semble former une transition des corticolcs aux cho-insonitcs , et que Latreille dé- signe par le nom de scoly taircs . Comme celte section ne se compose que de deux genres, il a été aisé de rap- porter notre insecte au genre phlœotribc fphlœ. oleœ , Latr.; hyksinus oleœ, Fabr.; scoly tus olcœ, Olivi). Caractères. — Grosseur de l'insecte, 1 mill. 3/4 Tête cachée par le corselet, sans prolongement ni saillie en forme de trompe; palpes très-petites, pres- que filiformes; mandibules épaisses et courtes. antennes, de la longueur du corselet, insérées sur les côtés du front, vers le bord interne des yeux à funicule de cinq articles ; leur massue formée de trois lamelles, susceptibles de dilatation, ayant la forme allongée et jaunâtre. Corps convexe, ovalaire, noirâtre, revêtu d'un duvet grisâtre. Corselet, chagriné, un peu pointu en arrière, à son insertion avec les élytres; bords un peu relevés. Élytrcs striés, bruns, ayant leur bord un peu relevé. Pattes comprimées, finement dentieulées extérieu- rement; tarses ayant leur troisième article échancré. Ravages. — Les dégâts que la larve de ce petit coléoptère fait aux oliviers, est grand : il s'aggravera davantage par la multiplication des insectes, qui se répandront sur les plantations voisines, si on n'y ap- porte un prompt remède. Dans les environs de Per- pignan, les oliviers souffrent depuis longues années; mais le mal causé par cet insecte, fut bien plus grand, 36 562 il y a trois ans, dans la contrée de Prades. Je fus frappé de la mortalité d'arbres entiers qu'on me fit remarquer dans cet arrondissement, et, comme à Perpignan, on l'attribuait à la rigueur du froid de l'hiver. Par l'exa- men que je fis des branches mortes ou malades, je pus me convaincre que la cause était la même, et que le mal qui existait sur les oliviers de Prades, était produit par la même larve qui rend les oliviers de Perpignan malades. Mêmes petits trous sur les jeunes pousses, mêmes galeries produites par la larve : nul doute, alors, que c'est le même insecte qui produit le même mal. Dans les oliviers de la contrée de Céret et le long du pied des Albères, un pareil fait.fut signalé, il y a déjà plusieurs années, par notre confrère, le docteur Berlam; mais il se borna à constater les dégâts, qui étaient très-grands cette année, sans pouvoir en assi- gner la cause. Il présumait, pourtant, que c'était la présence de quelque insecte qui causait le mal. Les dégâts de cette petite larve sont incalculables; tant il est vrai que les plus petites causes peuvent avoir les plus grands résultats. La multiplication de ces insectes, si chaque femelle pont, en moyenne, 50 œufs, étonne l'imagination. Leurs ravages affli- gent le cultivateur, puisqu'ils l'appauvrissent, en lui faisant perdre, la récolte de deux ans au moins; car, les larves choisissant, pour se nourrir, les plus jeunes pousses, les plus tendres, celles qui, l'année suivante, auraient donné des fruits, ces fruits manqueront, et il faudra attendre deux ou trois ans pour que les jets du printemps puissent remplacer ceux que les larves auront détruits cette année : la récolte subira donc une forte diminution. 563 Je crois avoir trouvé un moyen infaillible pour se débarrasser de cet hôte malfaisant. Il devrait être employé simultanément dans tonles les propriétés infestées. L'autorité devrait prendre l'initiative et veiller à son exécution : ce ne serait rien faire que de l'employer partiellement; car, les insectes des propriétés où on ne l'aurait pas employé, se répan- draient sur les plantations voisines, et y produiraient le même mal. 11 est très-facile, vers la fin d'avril et an commencement de mai, de voir les dégâts qui doivent résulter de l'action de cette larve. A celle époque, elle arrive au moment de sa dernière méta- morphose : les rameaux qui doivent périr, commen- cent à languir; les feuilles jaunissent; la peau prend une couleur terne, qui fait aussitôt voir que la bran- che est malade; il y a un point de démarcation bien prononcé entre ce qui est sain, de ce qui doit périr. Ce serait alors le moment de tailler les branches malades, avec un bon sécateur, et de les brûler im- médiatement. Par ce simple moyeu, qui est à la portée de tout le monde, cl qui n'est pas bien coû- teux, ou ferait périr une innombrable quantité d'in- sectes, qui n'auraient pas eu le temps de s'accoupler ni de pondre, et les oliviers pourraient èlre préservés, pour long-temps, d'un fléau qui va grandissant par la nombreuse reproduction de ces insecies. En cherchant à multiplier les expériences que je faisais, depuis quelques années, pour arriver à la connaissance parfaite des dégâts produits par celle larve, un fait curieux et fort intéressant s'est offert, i moi, l'an dernier. Je voulais renouveler mes re- cherches «elle année; mais, j'en ai été empêche par une indisposition, qui s'est prolonger, et l'époque 564 où j'aurais pu reprendre ce travail, n'étant plus pro- pice à obtenir le résultat que je désirais, je doi9 l'ajourner à Tan prochain. Je vais, cependant , faire part à la Société du fait très-intéressant que le hasard m'a procuré l'an passé. J'avais observé quelques oliviers malades sur les coteaux de Saint-Sauveur, qui conduisent à château- Roussillon; je me rendis sur les lieux le 20 mai. En traversant une plantation d'oliviers, je cueillis quel- ques rameaux malades, et je trouvai quelques larves qui avaient accompli leur dernière métamorphose. Dans un des trous d'une branche, je vis un flocon tout petit, cotonneux, qui, à la loupe, me parut receler de petits globules, semblables à ceux de la larve de l'olivier: je le déposai, avec attention, dans une boîte. Arrivé chez moi, je mis les rameaux cueillis, les larves et celte agglomération d'reufs, dans la même boîte; quelques jours après, les larves du phlœotribus avaient éclos, et les insectes parfaits se promenaient dans la boîte. Deux jours plus tard, ob- servant de nouveau ma boîte, je vis mon flocon d'reufs éclos : une quantité de petits insectes en étaient sortis, et avaient filé une toile, comme les araignées, excessivement fine et forte, qui enveloppait tout ce qui se trouvait dans la boîte. Tous les insectes sortis du rameau, au nombre de onze, enveloppés dans celle espèce de réseau étaient morts. Je les examinai fort attentivement, et je fus convaincu que ces toui petits insectes sortis du flocon d'oeufs, avaient sucé tout l'in- térieur de mes coléoptères, de la même manière que les araignées sucent les mouches et autres insectes qui viennent se prendre aux réseaux qu'elles tendent. J'ai conservé quelques-uns de ces insectes, que j'ai 565 fait dessiner au microscope : ils sont représentés sur la planche, sous le n° IV. Cet insecte serait-il le parasite destructeur du pre- mier? Je serais assez porté à le croire. Si cela était, je ne pourrais donner une solution affirmative, que lorsque des expériences réitérées auront démontré ce fait d'une manière incontestable; ce qui, proba- blement, mérite deux ou trois ans d'observation : pour moi, d'après ce que j'ai vu, je le regarde déjà comme un fait avéré. Je ne suis plus surpris que les dégâts causés par les premiers, soient quelquefois paralysés pour quelques années, sans que les propriétaires aient rien fait pour s'en préserver; c'est que la Providence, dans ses justes prévisions, met toujours le remède à côté du mal. Nous sommes surpris de voir disparaître des myriades d'insectes qui font un très-grand mal à nos récoltes; nous en cherchons la cause dans des hypothèses qui souvent ne sont pas probables, tandis que la plupart du temps, des insectes microscopiques, qui échappent à nos recherches, viennent nous déli- vrer du fléau, sans qu'on puisse s'en rendre compte. J'ai réitéré mes observations en 1857, et sur le même lieu où j'avais- deux ans auparavant, trouvé le flocon d œufs de mes insectes parasites. En mai der- nier, je parcourus les olivettes de celte contrée; je vis, sur un arbre, une branche qui avait l'apparence d'être très-malade; les feuilles étaient déjà jaunes, et l'extrémité des rameaux commençait à se dessécher. Je la détachai de l'arbre et l'examinai très-attentive- ment : le rameau que je cueillis avait à peu près un mètre et demi de long; le bois le plus gros de ce ra- meau était à peu près de la grosseur du pouce; toutes les brindilles qui y tenaient, étaient dans un état de 56f> mortification. Je le coupai en divers morceaux, et déposai le tout dans une cloche, afin d'observer les insectes qui en sortiraient. Quelques jours se passè- rent sans rien voir de particulier. Le 28 mai, je m'aperçus de la sortie de quelques coléoptères. Je vérifiai ma cloche plusieurs fois dans la journée: les phlœotvibus qui sortirent de celle branche, furent au nombre de soixante-cinq. Le 5 juin, lorsque je revins voir ma cloche, le même phénomène que j'avais remarqué, en 1855, s'offrit à ma vue. Une quantité d'insectes, semblables à ceux que j'avais observés, étaient éclos dans la nuit; avaient filé la même toile, et enveloppé le tout d'un réseau pareil: plusieurs coléoptères étaient morls , desséchés par la succion de ce dernier insecte, preuve évidente qu'il est le parasite destructeur de celui qui fait le mal à l'olivier. J"en trouvai plusieurs qui étaient encore collés sur les coléoptères et qui les suceaieni. Dans trois jours, tous les coléoptères étaient morts, pris dans le réseau et sucés. Malgré toute mon atten- tion, je n'avais pas remarqué, cetie fois, sur la branche malade, de flocon d'oeufs semblable à celui qui m'avait fourni les premières observations. On voit souvent, dans les entre-noeuds où sont attachés les pétioles des feuilles, une matière cotonneuse : il serait probable que les œufs de ce petit insecte, fussent déposés en cet endroit. Malgré toute mon attention à examiner cette branche, je ne pus découvrir où se trouvaient les œufs de cette série d'insectes; mais, ce qui est bien constant, c'est qu'ils sont nés dans les premiers jours de juin, dans la cloche où j'avais déposé la branche d'olivier malade, et de laquelle étaieni sortis mes coléoptères. C'est toujours à cette même époque, 567 que les phlœotribcs sont tous sortis du bois où ils ont accompli leur dernière métamorphose. Nul doute, alors, que mon insecte ne soit celui qui détruit les coléoptères; et si, parfois, nos plantations sont déli- vrées pendant quelques années du fléau qui détruit les jeunes pousses, nous ne devons l'attribuer qu à la présence de ces parasites, que la Providence nous ménage, lorsqu'une espèce prend des proportions à faire redouter le mal qu'elle fait, et qui la plupart du temps échappent aux investigations de la science. PARASITE. Description du parasite. — Sa grandeur est de trois quarts de millimètre. — La couleur générale de cet insecte est d'un fauve clair, sans aucune tache. Corps mou, aplati; abdomen frangé tout au tour; deux segments très-prononcés, à la partie inférieure ou analle; deux à la partie supérieure, près du cor- selet; cinq autres segments se laissent voir sur les côtés frangés de chaque côté de l'abdomen, et inter- rompus par une espèce de carapace qui couvre les deux tiers de l'abdomen, sans la moindre apparence d'élytres ni d'ailes membraneuses ; les segments de la partie supérieure du corps très-prononcés, en for- me de bourrelet. Abdomen terminé par deux prolongements ou ap- pendices, un de chaque côté, paraissant creux et terminés carrément. Corselet court; tête assez grosse, surmontée de deux antennes, plus longues que le corj» , s'aiticu- lant sur le front, très-rapprochées entre elles, compo- sées de sept articles, dont les trois premiers arrondis et paraissant s'emboîter l'un dans l'autre: le premier, 568 ïe plus gros; le second, de moyenne grandeur; et fe troisième, plus petit; les quatre autres, assez longs, presque égaux, légèrement aplatis; le dernier, plus plat et paraissant. chagriné": tous d'un fauve clair, comme le reste du corps. Feux placés tout près et en arrière des antennes; noirs et à facettes; excessivement vifs et mobiles. — Quand on examine l'insecte en vie, ce petit point noir tranche sur tout le reste du corps, et sa mobi- lité étonne. Pattes assez grêles, longues; cuisses un peu ren- flées; tarses longs, droits, terminés en crochet, dispo- sés à sauter, à la manière des sauterelles: ils marchent pourtant avec beaucoup d'agilité. Je les ai vu sauter aussi très-lestement lorsqu'ils veulent saisir un insecte; et, en effet, tout, dans leur corps, est établi de ma- nière à ce que l'impulsion des muscles, des cuisses et l'élasticité des tarses, les porte a sauter. Tête petite, cachée par le corselet; bouche com- posée de six palpes labiales, divisées par paires simé- iriques, un peu plus longues les unes que les autres, composées de six articulations. Du milieu de ces palpes sort une languette très-pointue, qui paraît une trompe. Serait-ce au moyen de cette trompe, qu'ils font pénétrer dans le corps de leurs victimes, qu'ils en sucent le sang? La bouche, terminée par cette espèce de trompe, paraît se loger entre les deux pattes antérieures, dont l'articulation laisse peu d'espace. Chacune des autres articulations thorachiques, est séparée par la frange qui termine chaque segment dorsal. Le bas-ventre est terminé par les deux appendices creux dont nou<- avons parlé, et qui doivent servir à filer la soie, qui :>69 leur sert, comme clans les araignées, à former tes ré- seaux pour attraper les insectes qui leur servent de nourriture. Entre ces deux appendices, on voit une partie, dont nous n'avons pu bien distinguer la forme, qui nous paraît être l'anus et les parties sexuelles. Il est bien difficile d'assigner une place à ce tout petit insecte. Il paraît tenir aux ara guides, par divers rapports; aux hémiptères, par plusieurs caractères, et aux orthoptères , par son faciès, en général. INe pouvant lui assigner une place précise dans un des ordres établis et auxquels il se rapporte le plus, je le nommerai: sauterelle, arachnoïde flocusta arachnoidea, Nobis1). Si le hasard ne m'avait conduit à trouver le flocon d'œufs, qui me donna de suite un résultat que je regardai comme concluant, peut-être serait-on resté encore longtemps à connaître le tout petit insecte qui dévore celui qui fait tant de mal à l'olivier, et qui, par-là, entretient l'équilibre que la nature établit pour que les choses ne soient point portées au pire. ÉLATÈRE. iNous avons encore deux autres insectes coléoptères qui vivent sur l'olivier. Le premier appartient à la famille des stcrnoxcs , section des élateres , au genre agrypnus, Eschocholtz, agr. alomarius , Fabr., carbo- 1 L'instrument que nous avons à noire disposition, ne suffit point pour (•tuilier, d'une manière certaiue, des insectes aussi petits. Nous devons à la patience et à la bonne volonté de M. Alphonse Canari, le dessin très- ressemblant de notre insecte. Il Ta fait sur des échantillons qui n'étaient pas évidemment bien préparés, l'ris au dépourvu, comme nous Tétions au moment où nous avons recueilli ces insectes, nous n'avons pu leur donner les soins de préparation qui étaient nécessaires. Nous sentons le plus grand i;re * M Canovi de tons les efforts qu'il s faits pour réussir à compléter les dessins. 570 tiarius, Oliv. La larve de cet insecte vit dans le bois; l'insecte a de dix à douze millimètres de longueur sur quatre de largeur; il est noir, velouté et parsemé de petits points d'un blanc argenté, fort joli, assez rare et recherché des naturalistes. LONGICORNE. Le second appartient à la famille des ictr ambres , section des longicornes, au genre vesperus, de Servil. et Mulzan, stenocorus, de Fabr. et Oliv. Celte espèce est nouvelle; du moins, je ne l'ai vue décrite nulle part, et tous les naturalistes qui ont visité mes collec- tions l'ont considérée comme nue espèce non décrite. J'en donne le dessin sous le n° V de la planche qui fait suile à cette notice. L'aspect de cet insecte, en général, est celui du genre vesperus; on ne peut s'y tromper. La tète grosse, prolongée en arrière, en forme de cou; mandibules courtes, arquées et pointues à leur extrémité; palpes maxillaires, guère plus longues que les labiales; anten- nes filiformes, glabres, un peu écartées à leur inser- tion, plus longues que le corps, ayant leur premier article un peu renflé à l'extrémité, le second fort court, les suivants un peu déprimés et presque co- niques; corselet, un peu rétréci antérieurement, avec ses côtés mutiques; élytres linéaires, arrondis et presque mutiques à leur extrémité; antennes, un peu plus longues que l'abdomen; ailes, de la lon- gueur des élytres; pattes assez longues, grétes, les larses ayant leur dernier article droit et allongé. La couleur de cet insecte, en général, est fauve; son corselet a deux taches de couleur noisette très- tranchée, une de chaque côté; les élytres ont aussi 571 ileux (aches de chaque coté : l'une tout près du cor- selet, l'autre à l'extrémité des élytres, qui sont ova- laires et d'une couleur noisette très-prononcée, ce qui donne un faciès fort joli. 11 a vingt millimètres de longueur, eicinq de largeur. Ses antennes sont fauves; elles ont onze articles, plus longs que le corps, glabres, le premier article un peu renflé à l'extrémité, presque en cône renversé; le second, fort court; les suivants, un peu déprimés; le dernier, plus aplati et mousse. Les pattes fauves, plus claires que le reste du corps, minces et assez longues; leur dernier article droit, allongé, se terminant par deux crochets. Cet insecte vit dans le bois de l'olivier; sa larve y creuse des galeries. 11 paraît fort rare, du moins on le trouve très-rarement. Je n'ai trouvé que deux indi- vidus de cet insecte, dont un sur un olivier. Je croyais qu'il y était accidentellement, ayant pris sur les vieux figuiers plusieurs sujets du même genre, vesperus stre- pens, dont la larve vil sur le figuier et sur le noyer; et, comme dans nos plantations d'oliviers il y a aussi des figuiers, j'avais cru que ma nouvelleespèce vivait aussi dans le bois des figuiers; mais l'individu que je décris fut pris sur le troue d'un vieux olivier, au moment où il sortait de sa retraite. Plus de doute donc que c'est sur l'olivier que la larve passe sa vie. Les deux insectes que j'ai trouvés sont deux mâles. Les femelles sont probablement comme tous les in- sectes de ce genre. Les élytres sont un peu tendres, et ne couvrent que la moitié du corps, et leurs antennes ne sont pas aussi longues que leur abdomen. Je donne à cet insecte le nom de vesperus sex pustulatus, iNobis, à cause des six taches, qui ressemblent à des pustules, placées symétriquement sur les (dynes ci le corselet. 578 EXPLICATION DE LA PLANCHE. Figure Ire. — Elle représente le champignon parasite qui croît sur l'olivier, et qui lui donne cet aspect noir. Anlennaria clœo- phila, Montagne. A , filament raineux de Vantennaria , portant en B un concep- tacle, qui n'est qu'un des articles renflés. C , autre conceptaclc, développé près de l'extrémité d'un rameau. D , un conceptacle libre et ouvert, d'où sortent les spores en E. Figure II. — Macrosporium sarcinula , Berkeley. Champignon parasite qui croît sur les feuilles noircies des figuiers attaqués par la cochenille. A , Mycélium rampant sur la feuille noircie des figuiers. B,B, spores parfaites. C,C,C, spores imparfaites, ou d'un autre âge. Esquisses sur un dessin de M. Montagne, fait à la chambre claire d'Amici. — Toutes ces figures sont vues à un grossissement d'environ 400 diamètres. Figure III. — Elle représente l'insecte qui fait le mal à l'olivier. Phlœotribus oleœ , Latr. A, insecte parfait, vu aux trois quarts. Figure IV. — Parasite animal détruisant l'insecte qui fait tant de mal aux jeunes pousses de l'olivier. Locusta arachnoidea , Nobis. Ces insectes sont vus au microscope, avec un grossissement de f)00 diamètres. Figure V. — ^espéras sex pustulatus , Nobis. De grandeur naturelle. 373 QUELQUES MOTS SUR LE DRAIMGE, Par M. LACROIX, membre-résidant. L'assainissement des terrains humides par leur assè- chement, a, de tout temps, été l'objet des préoccupa- tions et des recherches des agriculteurs. C'est qu'en effet, le champ infesté d'humidité souterraine, ou sur lequel séjournent long-temps les eaux pluviales avant de s'égoutter complètement, est frappé de stérilité. Faire écouler ces eaux stagnantes sous le sol, et faci- liter aux eaux pluviales leur infiltration, c'était rendre au champ toute sa fertilité... Tel était le problème à résoudre, et c'est ce ploblême qu'a résolu, d'une ma- nière incontestable, le drainage, tel qu'il se pratique partout aujourd'hui. C'est de ce progrès agricole, de cette invention, aussi simple que merveilleuse, que je viens vous entretenir en quelques mots. Drainer, c'est saigner la terre au moyen de rigoles assez profondes pour atteindre et faire écouler les eaux souterraines; placer, bouta bout, le long de ces rigoles, des tuyaux cylindriques en terre cuite, assujettis de manière à éviter toute solution de continuité, et rem- blayer ces mêmes rigoles avec la terre primitivement extraite. Voilà l'opération dans toute sa simplicité. Au fur et a mesure de ce travail , les eaux malsaines et stagnantes s'écoulent peu à peu dans les tuyaux par leurs interstices, et bientôt vous avez, au bout de vos rigoles, de véritables fontaines, jusques à parfait assè- chement du sol. 574 Vienne une. pluie, et les eaux, de ces rigoles dou- blent, triplent, quadruplent parfois tle volume; et le sol de votre terre qui, avant, restait humide et dé trempé pendant de bien longs jouis, se trouve bientôt asséché, com me par enchantement, à l'instar des meilleurs fonds. Tels sont, Messieurs, les effets surprenants qui se produisent après le drainage. Quelles sont les conséquences de ce phénomène? La terre, dégagée des eaux stagnantes de son sous- sol , et sur laquelle on ne voyait guère que des joncs, des plantains, des queues de cheval, et autres plantes parasites qui n'ont vie que dans les eaux croupissantes, s'assèche peu à peu et se chauffe facilement aux rayons du soleil. Bientôt, le sol se pulvérise, de manière à pouvoir être convenablement pénétré par l'air; et son prompt assèchement permet au laboureur de le tra- vailler et de le semer en temps opportun, et dans de bonnes conditions. Les plantes reçoivent du soleil la chaleur nécessaire aux diverses phases de la végéta- tion; les racines pénètrent facilement, à leur tour, ce sol devenu hospitalier, et s'y développent à leur aise; et, bientôt, ces plantes parasites dont nous avons parlé, disparaissent, pour faire place à de brillantes récolles. Voilà, Messieurs, les résultats principaux du drai- nage, tels qu'ils se produisent partout; voilà, la révo- lution agricole que chacun connaît et que personne ne met eu pratique ici. Cependant, sans parler de l'Angleterre, où presque toutes les terres sont drainées, ni de la Belgique, nous voyons que l'on draine partout, dans le nord et dans le centre de la France. L'on draine aussi à Bordeaux, à Toulouse, à Montpellier, et nous hésiterions encore à nous mettre à l'œuvre pour profiler du développe- 575 ment de ce progrès agricole, qui fait la fortune de nos voisins! ! !... Est-il donc bien difficile ou bien coûteux de drai- ner? Difficile!., non; coûteux, c'est autre chose. Nous avons déjà dit combien était simple l'opéra- tion du drainage ; cependant, c'est ici le cas d'observer qu'elle ne peut avoir lieu qu'à la condition de pouvoir ménager aux rigoles une pente de deux millimètres par mètre environ, et d'avoir un déversoir assez pro- fond pour y faire écouler les eaux directement, ou au moyen de tuyaux collecteurs. Comme cette dernière condition est ordinairement difficile et parfois impossible à trouver chez soi, la loi de 1854 autorise, le propriétaire qui veut drainer son fonds, à traverser, moyennant juste et préalable in- demnité, celui de son voisin, pour aboutir à la voie d'écoulement. Ce qui mérite le plus d'attention dans les travaux de drainage, c'est de se bien assurer du niveau de pente du sol de la rigole el de la pose exacte des tuyaux. La moindre faute, sur ces deux points, peut compromettre le succès de l'opération. Les rigoles faites suivant les règles de l'art, doivent être talutées, de manière à ce que leur lit ait la moin- dre largeur possible. Elles sont creusées au moyen d'instruments spéciaux, qui permettent aux ouvriers de travailler en se tenant sur le sol du champ, sans jamais descendre dans la tranchée, trop étroite, dans le fonds, pour permettre le moindre mouvement. Afin d'éviter tout écartement des tuyaux, on creuse avec une curette, sur le sol déjà rétréci des rigoles, un ht de trois à quatre centimètres de profondeur, sur lequel on pose les tuyaux, l'un à la suite de l'autre. 57< Pour plus de sùrelé, au point de vue de l'écarté- lement, on relie, le plus souvent, les tuyaux au moyen de manchons qui s'adaptent par moitié dans le supé- rieur et par moitié dans l'inférieur. Ces manchons ne sont autre chose que la cinquième partie, à peu près, d'un tuyau d'un plus fort diamètre. Dans les pays où le drainage est à peine connu, et où l'on manque d'instruments spéciaux, l'on fait la rigole à la hêche et en talus, jusques à la profondeur nécessaire; Ton creuse le lit des tuyaux, au moyen d'une curette; on les pose, à la main, d'une manière très-sûre, et on les cale, au besoin, dans touie leur longueur, ou à chaque bout, avec des pierres qui ne font guère défaut. S'il est possible de se procurer beaucoup de cailloux, sans trop de frais, il est très- avantageux d'en recouvrir les tuyaux, à une hauteur de quinze à vingt centimètres. Celte opération doit être faite au fur et à mesure de la pose et avec beau- coup de précautions: elle procure une garantie contre l'infiltration des terres et des eaux troubles dans les drains, et puis, c'est un drainage nouveau, qui vient en aide au premier, dans les temps de grandes pluies. Le drainage ainsi fait, est fort cher sans doute; mais il est très-sûr. Les auteurs, pas plus que les entrepreneurs de pa- reils travaux, ne sont d'accord sur la profondeur à donner aux rigoles et à leur écartement. Cette diver- gence d'opinions, appuyées d'ailleurs sur des opéra- tions de drainage faites en divers lieux, démontre qu'il n'existe, et ne peut exister sur ce point, de rè- gles précises. En effet, l'une et l'autre de ces condi- tions essentielles d'un bon drainage, dépendent de la nature du sous-sol, de la profondeur de la couche 577 imperméable, qu'il faut toujours atteindre et percer complètement, et de celle des eaux souterraines. Chacun doit sonder son terrain, et prendre les dis- positions les plus propres à la réussite. Tout ce t|ue l'on peut dire, en général, c'est que la profondeur des rigoles, varie de 90e à 1m,20c, et leur écarte- nient de 5 à 15, et même 20 mètres N'importe la théorie suivie en pareille matière, et de quelque manière qu'il plaise à chacun d'opérer, le hut du drainage est atteint, dès que l'on parvient à faire écouler les eaux souterraines et à faciliter l'infiltration des eaux pluviales, de manière à ce qu'elles ne restent plus stagnantes sur le sol. Il arrive, parfois, qu'à défaut de déversoir assez profond, ce double but ne peut pas être atteint; mais il est rare qu'un champ ne soit bordé d'une rigole d'un niveau assez inférieur au terrain labou- rable. Eh bien! Messieurs, cela suffit pour l'objet principal que doit se proposer l'agriculteur.... l'infil- tration et le prompt écoulement des eaux pluviales. Que de terres ne peuvent être semées; que de ré- coltes sont compromises souvent par l'excès d'humi- dité occasionnée par ces eaux!... Si ces terres étaient drainées, en quelque sorte, à ciel ouvert, il n'en serait pas ainsi, et voici comment je comprends ce drainage. Lors du dernier labour, tracez, de distance en distance, des sillons plus profonds et presqu'à niveau du déversoir; régularisez soigneusement la pente de ces sillons; couvrez les t uvaux, placés bout à bout, et remblayez avec précaution. Ce travail, qui vouscoû- Lera bien peu de frais, vous assurera la possibilité «les semailles et la bien venue de vos récolles; car il vous garantit l'écoulement complet des eaux pluviales. 37 578 Je dois convenir que ce drainage si simple n'a point été essayé ; mais chacun comprend aisément combien il est facile de le pratiquer, et quels avantages l'on peut en retirer dans des circonstances données, et où il est impossible dé drainer à fonds. Je me borne à ces simples indications, touchant les opérations de drainage. Le moindre développement, sur un sujet si important, nous entraînerait trop loin. Il ne me reste plus qu'à vous dire quelques mots sur le coût de ce travail, nouveau pour nous. Si nous consultons les auteurs qui ont écrit sur la matière, nous voyons que le prix moyen de drainage d'un hectare de terre, qui se trouve dans des condi- tions ordinaires, est de 250 fr. Cependant, en entrant dans les détails, Ton s'aperçoit bientôt que ce prix doit être presque doublé, dans les pays comme le nôtre, où rien n'est organisé pour ce genre de tra- vail; où l'on a dû, jusqu'ici, acheter très-cher et au loin des tuyaux que l'on pouvait avoir bon marché, et presque sur place; dans un pays, où les ouvriers n'avancent point leurs travaux, comme ils le devraient et le pourraient, faute de guides, de chefs expéri- mentés, et faute d'outils spéciaux de drainage. C'est ainsi, qu'il y a peu de temps encore, il fallait acheter, à Montpellier, à 28 fr. le mille, les tuyaux d'un diamètre intérieur de trente-cinq millimètres, tandis que ces mêmes tuyaux se vendent 18 fr., et 20 fr. au plus, dans le Loiret, dans la Seine-et-Marne et dans divers autres départements, et que ce prix, déjà si élevé, était augmenté d'une manière considé- rable, presque doublé par le port. C'est ainsi qu'avec des outils ordinaires, nos bons ouvriers ne creusent que sept mètres à peu près de 579 •tranchée, de un mètre de profondeur, tandis qu'avec des outils spéciaux ils arrivent à huit et neuf mètres suivant la qualité du sous-sol. Vous le voyez, Messieurs, le prix de drainage d'un hectare de terre, se trouve encore aujourd'hui dans une disproportion tellement défavorable, que, sans tenir compte de la défiance que nous avons généra- lement, dans le pays, pour les innovations, quelque bonnes qu'elles soient, il constitue, à lui seul im véritable obstacle à la pratique de ce progrès agricole dont la plupart de nos terres ont un si grand besoin. Des encouragements sérieux, des mesures efficaces prises par l'administration supérieure, protectrice née de l'agriculture, peuvent donc, seuls, nous faire espérer de le voir s'introduire sérieusement et se populariser parmi nous. Déjà, grâce aux soins intelligents et à la pei>évérance de M. le Directeur de la Ferme-École deux machines pour la confection de tuyaux de drai- nage de toutes dimensions, mises à sa disposition par M. le Préfet, fonctionnent, à Thuir, avec le plus grand succès, et l'on y trouve, aujourd'hui, des drains de qualité vraiment supérieure, et à des prix modérés. Déjà, les plans de drainage de plusieurs domaines ont été dressés par Messieurs les Ingénieurs, sur l'ordre de l'administration supérieure, et donnent aux pro- priétaires toutes les indications désirables pour l'exé- cution des travaux projetés. Encore quelques mesures de ce genre, quelques encouragements nouveaux, et l'impulsion scia don- née ; les obstacles signalés ci -dessus auront disparu, et nous verrons le drainage, si éminemment unie à nos terres humides, se pratiquer sur une grande échelle dans le département. 580 Il ne saurait [n'appartenir, Messieurs, dentier dans le détail des travaux de drainage que je pratique depuis trois ans sur les terres de mon domaine de Toulouges. Tout ce que je puis dire, c'est que, quelque coûteux qu'ils aient été pour moi , qui ai dû tout créer, tout apprendre à mes ouvriers, j'en retire déjà les résultats les plus satisfaisants. Mes rigoles coulent continuelle- ment, même au milieu des plus fortes chaleurs et des temps les plus secs ; mes terres s'améliorent de jour en jour; les terrains les plus humides, les plus ingrats, sont aujourd'hui facilement cultivés et produisent de bonnes récoltes. L'assèchement est, certes, bien loin d'être terminé, peut-être ne le sera-t-il jamais com- plètement sur certains points; mais les effets du drainage n'en sont pas moins constants, et de plus en plus appréciables chaque année. C'est ainsi que j'ai constaté qu'un mauvais terrain, drainé depuis deux ans, mais travaillé avec le plus grand soin, m'a pro- duit, à la dernière récolte, plus de quatre hectolitres de froment, par hectare, que les terres non drainées, et que ce froment pesait deux kilogrammes de plus par hectolitre. J'ai également reconnu un rendement progressif sur les autres produits; mais comme je ne l'ai point précisé exactement, je ne puis en parler que d"une manière générale. Je travaille actuellement au drainage d'une grande parcelle, des plus humides de mon domaine. Je place mes rigoles à la distance de huit mètres, et crains fort de devoir les doubler sur certains poin is. J'espère que ce travail sera terminé le printemps prochain ; et dès que les effets s'en feront bien sentir, je prierai la So- ciété de vouloir bien les faire constater par une com- mission nommée dans son sein. 5NI DE LA RÉUNION DU ROUSSILLON A LA FRANCE, l'ai M. lloiiKii, Archiviste du Département, membre-résidant. La Société des Pyrénées-Orientales a proposé, de- puis plusieurs années, dans son programme, section des sciences et ùellcs-lcltres , la question suivante : «Quelles furent les conséquences, sous le rapport «matériel et politique, de la réunion du Roussillon « à la France, en 1659. » Cette question est restée jusqu'ici sans réponse : on a sans doute pensé, et ce reproche est peut-être fondé, qu'elle était trop large, lorsqu'elle s'appli- quait, non pas à une nation tout entière, mais à une petite province comme la nôtre. J'ai, cependant, tenté de l'examiner, parce qu'elle se rattache aux points les plus importants de notre histoire, et qu'elle peut offrir, dans son ensemble, quelque intérêt pour- nôtre beau pays. Quand on veut juger un peuple à une certaine époque de son existence, il faut examiner les ten- dances du siècle; il faut aussi, surtout, quand il s'agit d'un gouvernement h institutions monarchiques, re- monter du peuple au souverain, de la base au sorn met: en haut se trouvent principalement expliqués 582 tes motifs de la grandeur ou de la décadence d'une- nation. La pensée souveraine, le principe gouver- nemental se reflète inévitablement sur elle. Presque tons les peuples ont vécu de la vie de leurs chefs j ils sont comme un terrain qui produit à raison du soin qu'on lui donne et de la semence qu'on y jette: ils prospèrent ou dépérissent, selon le génie de celui qui les dirige. La France grandit sous Charlemagne; s'abaisse sous ses successeurs, et se relève ensuite, en puisant, dans ses gouvernants, de nouveaux éléments de gloire et de grandeur. Voyez la Russie, c'était naguère une nation barbare: bientôt, recevant la pensée de Pierre-lc- Grand, c'est un pays où fleurissent l'industrie et les arts; l'Espagne, si puissante sous Charles-Quint, dé- périt sous les faibles héritiers de cette riche couronne. Sans doute, cette influence du Souverain, immense, toute puissante, diminue progressivement, à mesure que les mœurs changent, ou que d'autres idées se répandent dans les masses. Un peuple alors veut avoir sa part d'impulsion; mais la main directrice du Pouvoir, quelle qu'en soit la forme, doit toujours, être la sève vivifiante qui verdit tous les rameaux de l'arbre. Jetons maintenant un regard en arrière, afin d'ap- précier les faits, en ce qui concerne l'Espagne; car il ne faut pas perdre de vue que le Pioussillon, pen- dant de longs siècles, a été compté au nombre de ses provinces, et nous verrons quelles sont les consé- quences qui en découlent. L'ancienne Ibérie était très-avancée en civilisation, avant même que la plupart des peuples, ses voisins, fussent sortis de leurs langes. Pourquoi? C'est que la 583 civilisation, connue la lumière, nous vient de l'Orient. Du fond de l'Asie, les sciences et les arts se sont fait jour en Egypte : c'est là que les philosophes de l'anti- quité allèrent les étudier et les importèrent dans la Grèce. Rome les ravit à Athènes vaincue, et du liant du Colyséc ils rayonnèrent sur le monde entier. Étouffés par des hommes venus du Nord, les arts cl les sciences disparurent de nos contrées; mais les barbares qui les refoulèrent, se virent, à leur tour, heurtés par d'autres peuples aussi belliqueux, et venus de climats opposés. Le flot qui les pousse des déserts de l'Arabie et des rives africaines dans les pays des Ibères et des Goths, y introduisit de nou- veau , avec les fiers Sarrasins, le goût des lettres et le bienfait de l'industrie. Le peuple subjugué s'était d'abord réfugié dans ses montagnes; mais dominé par l'amour du sol et par un invincible attachement à sa religion, il descendit bientôt dans la plaine pour reconquérir ses foyers. L'Espagne devint un vaste champ clos, où, pendant des siècles, Chrétiens et Infidèles combattirent avec ardeur. Ces luttes eurent pour résultat de mêler ces deux peuples, et de faire adopter à l'un, non pas les croyances de l'autre, mais une partie de ses goûts et de ses usages. Le Maure de Grenade ou de Valence, couvert de son armure damasquinée, de ses vêtements de soie et d'or, brillant, généreux et brave, servit de modèle aux intrépides soldats de Pelage. Le fier Castillan , moins civilisé, mais brave comme le Sarrasin, géné- reux comme lui, polit ses mœurs farouches au con- tact même de ses ennemis. Son armure de fer, ses vêlements grossiers humilièrent son orgueil ; il désira 584 des armes brillantes, tics habits magnifiques, pour ne pas descendre dans la lice avec, moins d'avantages, et rivaux pour la gloire, ils le devinrent aussi pour le luxe et le goût des arts. Pour satisfaire ces nouveaux besoins, l'Espagnol voulut se mettre au niveau de l'industrie arabe ; 'il apprit à fabriquer de riches étoffes, à travailler les métaux précieux. Les chants d'amour du chevalier maure trouvèrent un écho chez le paladin de Castille, et la cour des Abencerrages devint le modèle de celle des princes espagnols. Les luttes sanglantes entre ces deux peuples, sans diminuer de vigueur, perdirent de leur férocité, et l'on vit souvent le vainqueur secourir le vaincu, au milieu même du champ de bataille. C'est ainsi que se développèrent en Espagne les mœurs chevaleresques du moyen âge; c'est ainsi que naquirent l'industrie et le goût des arts. L'Espagne était un pays de production et de com- merce, et la France, déchirée par ses guerres contre les Normands, était toujours plongée dans les ténè- bres. Plus tard, celle-ci, poussée à son tour par des sentiments religieux et par le prestige de l'inconnu, s'élança, à la tête des nations de l'Europe, dans ces contrées de l'Asie, dépositaire fidèle de la civilisation antique. Ces guerres lointaines eurent, pour la France, les mêmes résultats que l'invasion de l'Espagne par les Maures; mais, pendant que des progrès industriels s'opéraient lentement dans l'ancienne Gaule, de l'autre côté des Pyrénées, les letires et les arts, cul- tivés avec succès, brillaient d'un vif éclat. L'Espagne, alors divisée en plusieurs royaumes y Ô85 comptait les Rois d'Aragon au nombre des Prince.*' les plus puissants et les plus riches de l'Europe. Ils attiraient dans leur cour tout ce qu'il y avait d'hom- mes distingués. Le comié du Houssillou était un des riches fleurons de ce l>ean royaume, et devait suivie, nécessairement, l'Heureuse et puissante impulsion imprimée par la main de ces Rois. De nombreux pri- vilèges lui furent accordés; il en était, à bon droit, jaloux et fier. Perpignan, capitale du Pioussillon, fui érigée en commune par le roi Pierre, en l'année 1 190; c'était-];'1 le premier pas vers l'émancipation de ce que l'on a appelé le Tiers-Etal. A cette époque, Perpignan avait déjà ses coutumes et ses usages particuliers. — Confirmées par ses Comtes, ces coutumes le furent aussi par les Rois d'Aragon lorsqu'ils devinrent les maîtres de ce riche Comté. J'ai dit que les Roussillonnais étaient jaloux de leurs privilèges; citons en un exemple. En 1254, le roi Jacques, obligé de faire la guerre, demande un secours en argent aux Perpignanais: ils s'empressent de le fournir; mais ils ont le soin de stipuler dans l'acte, que ce n'est point forcément, ni en vertu des usages, qu'ils avaient donné celle somme, mais de leur propre mouvement, et sans qu'il puisse être rien préjugé pour l'avenir. Le \\o\ adhéra à ces conditions, et le litre qui fui dressé existe encore. Ce fut en 1349 que le roi Pierre fonda l'Université de Perpignan, où devaient èlre enseignées les diverses branches de la science; c'est dans cette ordonnance qu'il dit que le Roussillon est remarquable, non seu- lement par la fertilité du sol, mais aussi par les hommes éminents qu'il a produits. En l'27G, le roi Jacques L1, imitant les rois eatlo- 586 vingiens; écoutant peut-être plus les conseils d'un père que Ceux d'une saine politique, partagea son royaume entre ses deux enfants. Ce partage inégal, il est vrai, et dont les conséquences furent désas- treuses pour notre pays, par suite de la guerre qu'il provoqua entre les deux Branches d'Aragon, pro- duisit d'abord, pour le Ronssillon, les pins heureux résultats. Jacques, fils puîné, à qui son père avait donné le Royaume de Majorque, les Comtés de Cer- dagne et de Ronssillon et la Seigneurie de Montpel- lier, se trouvait trop éloigné, dans une île, du centre de sa domination ; il choisit de fait la ville de Perpi- gnan pour sa capitale. Au contact vivifiant d'une Cour, le Ronssillon vit augmenter sa prospérité; et cette prospérité ne s'ar- rêta plus lorsque celte province rentra de nouveau, en 1344, sous la puissance aragonaise. INos manufac- tures portèrent leurs produits à un très-haut point de perfection. Il y avait des métiers où se fabriquaient non-seulement les draps, mais encore des étoffes de soie, de velours, de satin, et ces étoffes rivalisaient avec les produits les plus estimés de Valence. Perpi- gnan avait de très-habiles ouvriers, et les ouvrages sortis de leurs mains étaient recherchés par les per- sonnages les plus haut placés. C'est ainsi que nous trouvons dans nos vieilles ar- chives un acte par lequel la princesse Jeanne, fille du roi Pierre IV, fait délivrer a un joaillier de Per- pignan une somme d'argent, pour le prix d'une bague richement travaillée et enrichie de pierres fines, qu'elle lui avait commandée; c'est ainsi que, dans d'autres titres, nous voyons la reine Marie, femme d'Alphonse V, ordonner le paiement de divers objets 587 confectionnés aussi par des ouvriers de Perpignan : parmi ces objets, nous citerons plusieurs douzaines de gants, dont les uns en peau de chevreau, étaient garnis de franges de soie; d'autres, beaucoup plus riches, étaient en soie, avec des franges en fils d or, mêlés de soie. Le goût oriental avait pénétré de la Catalogne en Roussillon. Dans un inventaire du mobilier appar- tenant à la dame Yolande de Pérellos, il est fait men- tion d'une couverture en velours rouge, avec des bandes de drap d'or et entourée de lettres maures- ques; on y trouve aussi mentionnés deux coussins de drap d'or, avec des arabesques, ayant à chaque coin des boutons et des pompons en or. Sur un autre titre, il est dit que l'on met en gage une chaîne en argent, ornée de petites sonnettes, ainsi que d'autres objets dans le genre mauresque. Tous ces divers titres, qui se trouvent dans nos archives, sont des xive et xve siècles : je les ai cités parce qu'ils sont caractéris- tiques. Nos mines, trésors cachés dans nos montagnes, étaient explorées; l'agriculture florissait; nos vigno blés avaient déjà leur réputation, et le vin muscat que l'on tirait du Mas de la Garrigue était servi sur la table des Rois. Enfin, la marine et toutes les diverses branches du commerce prirent aussi nu indicible accroissement. De nombreux vaisseaux, partis de Collioure, allaient porter sur tous les points nos fers, nos blés et nos produits manufacturés; ISos pères sil- lonnaient hardiment la mer, abordaient les plages éloignées, et rapportaient du Levant, en échange de ces produits, le sucre, le coton, la cannelle, le gin- gembre, etc. Les exportations avaient pris une activité 588 Jellc , qu'on trouve, dans nos vieux registres, des défenses faites aux habitants du Roussillon de trans- porter du fer, du blé et autres produits au Soudan d'Egypte, l'ennemi des Chrétiens; mais l'amour du lucre, passion dominante chez les hommes, dans lous les temps et dans tous les pays, faisait parfois taire leurs propres croyances, car le renouvellement de ces défenses prouve l'ardeur des Roussillonnais à poursuivre leurs courses aventureuses. La langue romane, affectionnée des troubadours, était celle des habitants du Roussillon. Plusieurs enfants de ce pays s'illustrèrent dans le culte de la poésie , et les échos allaient redire au loin leurs chants de gloire et d'amour. Peu à peu, cet état de prospérité cessa pour le Roussillon. Ce Comié ne fut plus que le terrain sur lequel éclatèrent ces guerres désastreuses entre les Rois de France et d'Aragon. Avec le manque de sécu- rité disparut l'industrie : Barcelone la riche, si heu- reusement située, absorba à son profit le commerce P1 du littoral. Le Royaume d'Aragon s'efface, à son tour, par le mariage de Ferdinand et d'Isabelle de Castille; et, bientôt, toutes les couronnes d'Espagne furent réu- nies sous une seule main. Le Roussillon, situé à l'extrémité du royaume, gouverné par des chefs qui étaient trop éloignés pour être toujours bien dépendants, descendait insensi- blement du faîte où il s'était élevé. Ferdinand et Isabelle portent tous leurs regards sur le Midi de l'Espagne : leurs efforts pour vaincre les [Maures et les soins de leurs récentes conquêtes, absorbent sur un seul point toute leur attention. Au milieu de ce 589 nouvel accroissement de territoire, le Koussillon, perdu au delà des Pyrénées, demeure presque ina- perçu, et les ordres du Souverain arrivent affaiblis à travers l'administration de Gouverneurs subalternes. C'est ainsi que la grandeur de Tune fait la décadence de l'autre, et l'Espagne s'accroît tous, les jours et sans cesse. Aujourd'hui, la défaite des Maures donne un royaume de plus à Ferdinand; demain, c'est Chris- tophe Colomb qui découvre un nouveau monde, bientôt soumis par les Cortez et les Pizarre ; ensuite, c'est l'Allemagne entière qui échoit par succession à l'héritier de plusieurs royaumes. Le fils de Jeanne- la-Folle et de Philippe-lc lîeau apparaît comme le Charlemagne du xvie siècle : du nord au midi, de l'ouest au couchant, cent peuples divers obéissent à ses lois. Le hras seul de Charles-Quint peut soutenir et manier un sceptre aussi pesant; mais, cette gran- deur inouïe, parvenue à son apogée sous ce maître des deux mondes, diminue et s'éclipse sous ses suc- cesseurs. Lorsqu'un peuple est parvenu au plus haut point d'élévation, faut-il croire que cette puissance immense soit presque toujours un signe certain de chute et de revers? est-elle donc, pour un Empire, ce que sont pour le corps humain ces croissances rapides et anor- males qui entraînent après elles la langueur et la destruction? Voyez-vous ces fiers Rois de Caslille humilier la France, et faire trembler l'Angleterre; arracher à celle-ci l'empire des mers et à l'autre la prééminence européenne? Les voyez-vous, s'appuyant sur leurs formidables vaisseaux rt sur leur invincible infan- • 590 lerie, étendre une main sur la Belgique et l'Alle- magne, tandis que l'autre va fouiller les entrailles du nouveau monde? Leur trône brille au premier rano- des trônes de l'univers. Attendons encore — Peu a peu l'horizon s'obscurcit, et çà et là, seulement, brillent quelques étincelles, lueurs passagères qui viennent bientôt s'éteindre. Grenade n'était plus; les splendeurs de l'Alambra ont disparu. L'Arabe, désolé , abandonne sa patrie; il emporte avec lui la poésie et les arts : le fer et le feu ravagent ces contrées, naguère animées par un génie fécond, enrichies par l'industrie, le commerce et l'agriculture. Quelque temps encore, et ce qui reste de ce peuple, jadis conquérant, mais aujourd'hui soumis, et ne demandant que tolérance et repos, va au nom de Philippe IV , mourir dans les flam- mes allumées par l'Inquisition, ou bien traîner dans les déserts de l'Afrique ses croyances et ses malheurs. Tout devient sombre et soucieux dans cette Espa- gne, jadis si riante et si belle. Le goût des arts a disparu; les riches produits de son industrie ne vont plus approvisionner les marchés de l'Europe, et at- tester son génie et sa grandeur. L'iîspagne s'appauvrit aussi de l'or du nouveau monde. C'est que l'amour du travail a fait place à de fiévreuses ambitions; c'est qu'aux patientes com- binaisons de l'étude et de l'industrie, ont succédé les besoins d'une fortune rapide. L'agriculture est méprisée, l'instruction , relevée par des génies émi- nents, qui avaient fait de l'Espagne le flambeau de l'Occident, tombe et péril; les lois du royaume s'af- faissent; le sceptre de Ferdinand et de Charles-Quint n'est plus qu'un lourd fardeau pour leurs héritiers. 591 Le Houssillon, au milieu de guerres continuelles, el par suite de son éloignement, eut plus que toute aune province à se ressentir de ce dépérissement général. En ce moment, Richelieu, ce grand ministre, auquel le peuple français doit une immense reconnaissance, gouvernait la France au nom de Louis XIII. C'est lui qui, le premier, réunit tous les fils compliqués, dont chaque Seigneur d'alors tenait un bout. A sa voix la France se centralise; la volonté énergique d'un seul homme fait soulever le plateau où s'entassent les mille caprices d'une foule de petits despotes. L'unité française prend une forme; elle grandit sous Louis XIV, et parvient à son entier développement au milieu des agitations de l'immense révolution de 1789. L'encouragement que donna Richelieu aux sciences, aux lettres, à l'industrie, prouve combien la grandeur de la* France lui tenait à cœur. Par ses soins, cette pléiade française, qui a mis au jour une nouvelle littérature, s'agrandit sans cesse : à chaque instant, des hommes d'élite apparaissent et viennent graviter autour de l'immortel Corneille, génie fécond, qui produit et anime d'autres génies. La langue française, polie, travaillée, s'enrichit tous les jours, et devient la langue des peuples civilisés. Les arts sont cultivés avec succès. La peinture la poésie, l'histoire, la philosophie, toutes les sciences prenant un large essor, s'avancent hardiment dans des routes nouvelles et inconnues. Les monuments les produits industriels de la France attestent les pro- grès qui s'opèrent, el font de ce royaume un phare lumineux, sur lequel toutes les nations jettent un regard d'admiration. 592 Le sentiment du beau, importé d'Italie , par cette suite de Florentins qui viennent accompagner, en France, la fille des Médicis, fil éclore celle foule de chefs-d'œuvre qui donnèrent une impulsion si puis- sante aux artistes. A toutes ces gloires, il faut ajouter celle des armes, qui va briller d'un si vif éclat; et parmi les héros dont s'honore la France, l'histoire n'oubliera jamais les noms des Coudé el des Turenne. C'est dans ce moment de croissance et de force pour la France, que le Roussillon fut conquis par ses triomphantes armées. Ainsi, nous trouvons, d'un côté, jeunesse et vigueur; de l'autre, décrépitude et faiblesse. En Espagne, une royauté dégénérée el une puissance éparpillée; en France, un pouvoir unique, tendant sans cesse à se concentrer, assez fori pour se mesurer au-dehors avec la floue anglaise, et pour étouffer, à l'intérieur, dans le sang d'un Mont- morency, les intrigues des grands seigneurs. Ici, des idées d'ordre et d'organisation, des lois respectées, devant lesquelles s'inclinent les plus nobles têtes; là bas, gaspillage et malaise; de ce côté des Pyrénées, une volonté prévoyante, s'avançant rapidement vers l'avenir; de l'autre côté, un gouvernement sans ins- piration et incapable de se frayer un chemin nouveau. En France, agrandissement de territoire; en Espagne, démembrement. Ainsi, en jetant les yeux sur l'histoire des deux pays au moment de la conquête du Roussillon , il est facile de voir quelle influence a eu pour notre province son incorporation au royaume de France. Louis Xlx. voulut retenir et garder à jamais cette nouvelle con- quête ; la France, comme sous les Romains, devait 593 s'étendre jusqu'aux Pyrénées, qui étaient ses limites naturelles. Sous la main ferme et puissante de ce lîoi, le Roussillon se ranime et prend une nouvelle vie. Les faibles successeurs de Charles-Quint, absorbés par les guerres des Pays-Bas, l'avaient presque oublié. Le commerce, si florissant du temps des Rois d'Aragon, les riches manufactures, la culture des lettres, le goût des arts, n'étaient plus qu'un souvenir. Abandonné sur cette pente rapide, le Roussillon n'offrait plus rien de sa primitive grandeur. Louis XIV rassemble les faibles éléments qui surnagent encore pour relever celte province. Ce n'est pas que l'action du nouveau Gouvernement se fît aussitôt reconnaître dans notre pays; il fallut un long-temps. Les mœurs et les habitudes d'une province, qui était espagnole depuis dessiècles, ne pouvaient toul-à-coup changer avec la signature d'un traité; mais, peu à peu, ces tendances hostiles vont s 'affaiblissant. Pour calmer l'irritable fierté des Roussi llonnais, et pour protéger leurs franchises, on institua à Perpignan un Conseil- Souverain. Le Roi de France avait bien compris que le premier moyen de conquérir l'obéissance et l'af- fection d'un peuple, est de respecter ses droits: il chercha à adoucir l'amertume de la conquête, en répandant l'instruction; il releva l'Université; les quatre Facultés y étaient représentées par d'habiles professeurs. Des magistrats, des écrivains distingués, attestèrent les bienfaits de l'administration paternelle de Louis XIV. Un enfant du Roussillon, un peintre éminent, fut une des gloires du grand siècle. On vu bientôt fonder un hôpital nul i taire : l'hôpital des pauvres fut agrandi. Les murs de la ville se rele- vèrent sous la direction de \ auban. Des Gouverneurs 38 594 habiles, exécutant la pensée du Souverain, fireni oublier les mots de vainqueur ei de vaincu : il n'y eut plus que des Français. Plus tard , le Maréchal de Mailly, qui a laissé dans ces contrées d'impéris- sables souvenirs, fut l'interprète le plus heureux des instructions du Gouvernement. Port- Vendres fut créé, et une nouvelle impulsion fut donnée au com- merce et à la marine. Le terrible mouvement de l'émancipation française retentit avec, force jusqu'ici. L'unité nationale, défi- nitivement organisée, changea la province du Rous- sillon en un des quatre-vingt-six départements de la Fiance. Les franchises anciennes, incompatibles avec la révolution qui venait de s'opérer, durent être échangées contre de nouvelles institutions libérales et uniformes. Il y a maintenant deux siècles que notre province est confondue avec la France : gloire et revers lui sont communs, car son histoire est la même; et si, par hasard, le Roussillonnais jette les yeux sur les Pyrénées, il ne se souvient plus que de l'autre côté de ces monts était autrefois son ancienne patrie. 595 DÉCINTREMENT DES VOUTES. MOYENS EMPLOYÉS. -NOUVEAU PROCÉDÉ. Par M. l'ti'inF SStMiHi, Agent-Voyer chef, membre-résidant. Le décintrement des voûtes est considéré, à juste titre, comme une opération très-importante et à laquelle on ne saurait apporter assez de soins pour que l'affaissement des cintres ait lieu simultanément sur tous les points et sans secousse, de manière à obtenir le tassement uniforme de la voûte dans toutes ses parties. Le décintrement immédiat d'une voûte, après la pose des clefs, ne présente aucune différence sensi- ble, dans le tassement, avec le décintrement opéré après la consolidation des mortiers; cependant, on recommande d'attendre celte dernière époque, c'est- à-dire, quinze jours, plus ou moins, suivant la nature des matériaux. Sans doute, la dessication des mortiers dépend de leur espèce, et elle est d'autant plus prompte que les matériaux employés à la confection de la voûte ont une plus grande porosité, et que les joints ont une moindre épaisseur; néanmoins, l'expérience prouve que ce n'est ni dans l'espace de quinze jours ni d'ufl mois et même plus, qu'on peut obtenir le durçisse- ment des mortiers d'une voûte qui repose sur son 596 cintre, et il est parfaitement démontré que les voûtes ne font leur plus grand tassement que lorsqu'on les décilitre, ce qui n'arriverait pas si les mortiers étaient complètement secs, ou du moins, ce qui présenterait ires circonstances particulières que, jusqu'à présent, Ton n'a pas remarquées. Les mouvements auxquels les voûtes sont soumises pendant le tassement, ayant donc leur origine au mo- ment du décintrement, il importe de dégager le cintrage avec toute l'uniformité et toute la simulta- néité possibles, afin de conserver à ces mouvements toute leur action et tous leurs effets dynamiques. Examinons si les moyens mis en usage jusqu'à pré- sent, sont propres à assurer ce résultat. Pendant long-temps, le dégagement des cintres a été obtenu par l'un des procédés suivants: 1° La ruine des points d'appui; 2° La pose, sous les couchis, de cales, qu'on rui- nait ensuite, jusqu'à ce que les couchis fussent ap- puyés sur les fermes. On semble avoir renoncé à ces deux systèmes, à cause de leur défectuosité; comment comprendre, en effet, qu'on puisse obtenir un affaissement uni- forme et régulier, quand on doit faire descendre les cintres par des moyens qui exigent l'ébranlement de tous les points d'appui , et qui occasionnent des se- cousses considérables, puisque ce n'est que par sou- bresauts successifs que chaque ferme est dégagée : des dislocations nombreuses dans les voûtes , des inégalités de tassement considérables, devaient néces- sairement se produire par ce décintrement. En général, voici comment on opère aujourd'hui: on fait reposer les fermes sur des coins en bois dur. 597 s'appuyant deux à deux l'un sur l'autre, par des sur- faces inclinées en sens contraire, et qu'on chasse en les faisant glisser suivant leur longueur. Ce troisième système est moins imparfait que les deux premiers, iuais il présente encore de grands inconvénients. Les coins sont tellement serrés l'un contre l'autre sous la pression qu'ils supportent, que, malgré l'in- clinaison de leurs surfaces, et malgré tout le soin qu'on met à les rendre glissantes en les lubrifiant par un moyen quelconque, le glissement ne peut s'obtenir qu'en frappant de grands coups sur la télé des coins; et, encore, on est fréquemment obligé de les ruiner pour les enlever, ou seulement pour les dégager. De plus, il est impossible d'arriver à l'égalité d'af- faissement pour tous les coins, et cet affaissement brusque et irrégulier provoque souvent, comme avec les autres systèmes, des dislocations considérables dans toutes les parties de la voûte. On a proposé un quatrième procédé, consistant à munir le pied de chat] ne ferme d'une ou plusieurs vis de rappel, de manière à pouvoir régler l'affaisse- ment de chaque cintre, l'un après l'autre, ou l'affais- sement simultané, en manœuvrant ces vis successi- vement ou simultanément; mais ce système n'a pas, que nous sachions, été employé, et il n'existe, sans doute, qu'à l'état de proposition, sans que la pratique en ait sanctionné le mérite ou les défauts. Nous n'en parlons donc que pour mémoire, et nous nous bornons à dire que la multiplicité de ces vis de rappel, indi- quées dans un projet que nous avons vu, nous semble une -cause d'impeifection plus propre à empêcher la régularité de l'opération qu'à en assurer le succès., 598 Frappés de ces inconvénients, les constructeurs ont cherché à les faire disparaître, et un Ingénieur en chef des Ponts-ct-Chaussées, M. Beaudemoulin, a proposé un système très-simple, qu'on prétend avoir appliqué avec beaucoup de succès au décin- trement d'un très-grand nombre d'arches à grande portée, et qu'on a employé , en dernier lieu, à Car- cassonne, pour le décintremcnt du grand pont de l'Aude sur le chemin de fer du Midi. 11 consiste à appuyer la semelle qui porte les cintres sur des billots en bois de sapin , derrière lesquels on place un sac rempli de sable; puis, pour décinlrer, on ruine les billots, de manière à reporter la charge sur les sacs de sable, qui sont vidés au moyen d'un ajus- tage disposé à cet effet. Ce système a été proposé par M. Beaudemoulin en 1849, et il est décrit dans les annales des Ponls- ct-Chaussèes (1849 et 1854, cinquièmes cahiers). Mais, malgré la supériorité qu'on lui attribue sur tout ce qui a été employé jusqu'à présent, il n'est pas encore d'un usage bien répandu, ce qui prouve qu'il ne donne pas non plus la meilleure solution possible, et que, s'il diminue les inconvénients des anciens procédés, son application exige des disposi- tions spéciales, qu'on n'est pas très-désireux de pren- dre, puisqu'on ne peut remédier qu'imparfaitement aux inconvénients des coins, dont l'emploi, généra- lement répandu, est à la portée de tout le monde. Dans le procédé de M. Beaudemoulin, les cintres ne reposent pas directement sur les sacs de sable; ils sont supportés, comme nous l'avons dit, par des bil- lots en bois de sapin. Ces billots, placés debout, dans le sens des fibres du bois, sont, au moment du décin- 599 trement, recoupés dans le sens de leurs libres, de manière à faire affaisser insensiblement le cintre jus- qu'à ce qu'il repose sur les sacs de sable. Cette première opération n'offre aucune différence avec l'emploi des cales sous les couchis, et elle pré- sente tous les inconvénients de ce système aujour- d'hui abandonné. En effet, le recoupage des billots provoque des secousses et des inégalités d'affaissement dans les cintres; et lorsque ceux-ci reposent sur les sacs de sable; lorsqu'on peut régler l'affaissement, en faisant écouler le sable des sacs, les mouvements de la voûte ont été déjà provoqués, un tassement s'est déjà opéré, et ce tassement, suivant la marche inégale de rabaissement des cintres, a du être, lui-même, inégal et irrégulier. Ces inégalités d'abaissement sont restreintes, assure- t-on, dans des limites très-étroites: c'est possible, mais c'est déjà constater le vice que nous signalons; et si, par une cause quelconque , les sacs ne fonctionnent pas avec toute l'incompressibilité prévue, peut-on dire qu'en recoupant les billots de sapin, l'abaisse- ment des cintres n'aura pas lieu avec une inégalité compromettante? Les sacs de sable ne sont, à notre avis, que des aide coins, c'est-à-dire, un moyen de dégager les cales et de faciliter le glissement des coins en bois, en empêchant la ruine d'aucune pièce; on doit donc, proposant un nouveau système de décin trement, les employer dans ce sens, et à ce litre seul ils présentent un but d'utilité parfaitement appréciable. Dans ces derniers temps, M. Dupuit, inspecteur des Ponts-et-Chaussées, s'exprime ainsi dans sa note: « Je nr conteste pas que le procédé indiqué par notre 600 (thabile camarade (M. Beaudemoulin) ne soit utile et (( infaillible; mais je ne pense pas qu'il soit le meilleur «de tous les procédés employés jusqu'à présent, et « je ne verrais pas grand mal à ce que les Ingénieurs «en cherchassent un autre, même après celui que « je vais faire connaître. » Voici le système de M. Dupuit: On monte les cintres sur des coins ordinaires; et quand on veut décinlrer, on place à côté des coins, des verrins, on tourne l'écrou de manière à soulever le cintre, on chasse alors les coins avec facilité, et le cintre reposant sur les verrins est ensuite descendu d'un mouvement qu'on peut maîtriser complètement depuis le commencement jusqu'à la fin de l'opéra- tion. Ces verrins sont des vis à têtes carrées, repo- sant sur des plaques légèrement entaillées; ces vis pénètrent simultanément dans le même écrou , ou en sortent, suivant le sens de la rotation imprimée à cet écrou au moyen d'un levier. C'est avec cet appareil que M. Dupuit a décintré les quatorze arches du Pont-de-Cé, qui avaient 25m d'ouverture: on a employé douze verrins de 14 kilo- grammes chacun, qui n'ont coûté, y compris les plaques, que 903 francs. Les deux plaques ou pla- teaux accompagnant un verrin, pèsent ensemble 25 kilogrammes. Ces mêmes verrins ont été employés au décinlre- ment d'un grand nombre de ponts dans le dépar- tement de Maine-et-Loire et dans les déparlements voisins, et iVI. tyupuit résume comme il suit les avantages de son procédé: «En employant les ver- «rins, on opère avec une précision mathématique:, «on peut descendre le cintre d'une quantité déter- 601 «minée, si petite qu'elle soit; on peut aller aussi AïiEii, membre-résidant. Pour peu que l'on s'occupe d'agriculture, ce n'est pas sans un étonnemenl mêle de tristesse cl de regret que l'on remarque une étrange disproportion dans les produits; et tout disposé que l'on soii à respecter les causes mystérieuses qui président à leur défa- veur, le devoir et le besoin, innés chez l'homme, de tout approfondir, d'aller à la recherche du mal, pour le combattre et essayer de le guérir, nous forcent à jeter autour de nous un regard involontaire, et à nous écrier à la vue de tout objet : « 11 est possible de faire mieux. » » Aussi, pénétré de ce sentiment, nous disons: Le département des Pyrénées-Orientales, sous la double influence d'un climat et d'un sol éminemment pro- ducteurs, demande non-seulement à se suffire à lui- même, mais aussi à pourvoir largement aux besoins étrangers. Nous sommes si loin île ce résultat possible, que quelques considérations, à son appui, ne paraî- tront pas hors de propos a tous ceux, et le nombre en est grand, qu'intéressent la richesse et le progrès de leur pays. De toutes les productions paraissant aujourd'hui sortir de la sphère misérable où on les avait reléguées, 40 626 la production du cheval dans noire département, est celle qui, par ses premiers pas vers une amélioration générale, ses énergiques efforts à secouer l'incrédu- lité dont elle a été l'objet, mérite le plus d'encou- ragements et promet le plus d'avenir. Je pose une question capitale : Quelles sont les premières conditions pour produire de bons chevaux? Un bon climat, un sol fertile, d'abondants pâtu- rages. Partant de ce principe, notre déparlement remplit les conditions essentielles. Voyons ce que Ton a fait jusqu'ici pour les utiliser. Que fait-on aujourd'hui, que doit-on faire encore? Une race de chevaux spéciale au département des Pyrénées-Orientales, n'a réellement jamais existé; et la réputation prêtée aux chevaux dits de Cerdagne, ne fut plutôt qu'un reflet de celle de leurs voisins, les chevaux espagnols. En effet, le cheval de Cer- dagne, détaillé, offre, à peu de choses près, les mêmes défauts d'ensemble justement reprochés à la race de l'autre côté des Pyrénées, et ce n'est pas là son plus grand titre de gloire. Tout le monde sait que le type andaloux ne répond plus à la nécessité de la ligne droite de notre temps; et, pour peu que l'on s'occupe d'élever, le premier soin est de bannir au loin ce type brillant, mais devenu inutile. Le cheval est devenu une machine de transport à la plus grande vitesse possible, et le cheval espagnol, qui ne fut jamais qu'un cheval de parade et de ma- nège, ne convient plus à une époque où l'on ne jure que par la vitesse et par le fond. Mais ce qu'a perdu le cheval espagnol, le cheval de Cerdagne l'a, jusqu'à un certain point, conservé. Ce sont certaines qualités de fond, que paralysent fata- «•27 lemeni les formes les plus défectueuses; et ce fond, inné, a inspiré aux hommes spéciaux l'espoir de lui donner à mouvoir (\vs membres dignes de lui. A cet effet, l'Elat envoie, tous les ans, en Cerdagne, de beaux étalons: mais les éleveurs sont loin encore d'en utiliser la présence, et ne subissent que trop souvent l'influence d'une vieille habitude et de déplorables préjugés, en présentant leurs poulinières aux étalons indigènes, et, cela, pour transmettre aux produits ce cachet, qui est, hélas! à leurs yeux, un litre de noblesse et de race, plutôt qu'une preuve certaine d'abâtardissement. Que de poulains n'avons-nous pas vus, au cœur même de la Cerdagne, maigres, misé- rables, portant une montagne de poussière, de boue et de fumier, et ne trouvant, dans une prairie dis- putée par un nombreux bétail, qu'une insuffisante nourriture! Ceux qui résistent à celle absence com- plète de soins, ceux-là, aguerris par une existence à tous les vents, deviennent, quelquefois; de bons chevaux, robustes et sûrs, mais n'acquièrent jamais cette taille, qui est une des premières valeurs com- merciales du cheval. Ce qui resle à faire clans ce pays, essentiellement destiné à l'élève, est donc de profiler du séjour des étalons de l'Etat, et de faire coïncider les avantages particuliers à la Cerdagne, d'un élevage en libelle. avec des soins plus grands et une nourriture plus abondante. INous connaissons d'habiles éleveurs qui, depuis quelque temps, vont acheter en Cerdagne île jeunes poulains, et les font conduire dans la plaine pour en achever l'éducation. Un prochain avenir nous ap- prendra ce que l'on doit attendre de ce système 628 dont le succès ne nous paraît pas certain. La Cer- dagne, par la force moyenne de ses poulinières et la nature légère de ses fourrages, incline, naturelle- ment, à produire le cheval léger. Si, dès son jeune âge, vous enlevez le poulain à sa destination pre- mière, si vous brisez sa tendance en le soumettant à un climat diamétralement opposé à celui qui l'a vu naître et à des fourrages propres, pardonnez-moi l'expression, à faire du gros, vous contrariez sa na- ture, et tin défaut d'ensemble, d harmonie, doit, ce nous semble, en résulter. INos vagues appréhensions tomberont, peut être, devant l'évidence du succès* et nous devons, pour le moment, nous réjouir de voir des hommes habiles et dévoués au progrès, ne pas craindre les périls d'une nouvelle industrie. Voilà OÙ en est aujourd'hui l'éducation chevaline en Cerdagne, imparfaite et décousue; et elle ne sera ce qu'elle est appelée à devenir, que lorsque, sur les lieux mêmes de la production, des éleveurs sérieux daigneront, au mépris des vieilles coutumes, préfé- rer, aux étalons condamnés du pays, les étalons de l'Étal, et associer aux soins les plus élémentaires une nourriture au moins suffisante. iNotre département a cela de particulier et d'heu- reux , qu'il présente, sur une surface restreinte, trois variétés bien distinctes de climat et de sol, de sorte qu'un jeune produit, selon le point du pays où il est né, finit par présenter, inévitablement, le cachet dû à l'influence du lieu de naissance et du fourrage consommé. Ceci posé, pénétrons au coeur même du Roussillon ; adressons-nous aux plaines alluvionnées connues sous le nom de Snlanquc; à ces plaines qui, sans le secours d'arrosage autre que 629 celui des pluies, s'enrichissent tlu limon des inon- dations, ei paraissent comme privilégiées en obéis- sant aux seules lois de la nature. C'est là que nous trouverons les éléments nécessaires au développe- ment de la question chevaline; c'est de là que sur- gissent les preuves les plus décisives à l'appui de notre foi dans les ressources du pays; et si, un jour, comme il est permis de l'espérer, une race de che- vaux vient à s'y fixer, tout l'honneur en reviendra à la S alai i que , qui en aura été le berceau. Plus nous nous rapprochons de la mer, et plus nous remarquons, dans les animaux, de la force, de la masse, de l'ampleur. Nous avons quitté la Cerdagne et les chevaux minces et nerveux; nous nous éloi- gnons, et, à mesure que l'horizon de la plaine gran- dit, la race se développe et grandit à son tour. Les vallées arrosées nous offrent déjà des types plus étof- fés; et, poursuivant notre examen jusqu'aux bords mêmes de la Méditerranée, nous nous trouvons en présence d'une race aux larges proportions. En un mot, plus nous nous rapprochons de la mer, plus les fourrages deviennent abondants et meilleurs; et cette marche améliorante des espèces, à partir de nos plus hautes montagnes pour arriver, en progres- sant toujours, jusqu'aux limites de notre plaine, est une des preuves éclatantes de l'alliance inséparable et intime de la perfection des races avec la fertilité du sol. Ainsi donc, le département des Pyrénées- Orientales offre trois types bien caractérisés, cl qui, améliorés et étendus, pourraient bien faire un jour, de ce coin de la France, un des marchés les plus variés, les plus abondants. 1° La Cerdagne produit le cheval léger; 630 2° Les vallées connues sous le nom de Ribera.1 produisent le cheval de irait léger* 3° La plaine fSalaiiqucJ, le carrossier et le cheval de gros trait. Qu'a-t-on fait, jusqu'ici, pour utiliser ces merveil- leuses dispositions de la nature? On a trop fait, à notre avis; car tout ce qui fut entrepris avant l'envoi des étalons de l'Étal, fut faussement entrepris, et nous ne devons qu'au hasard de nosfourrages d'avoir conservé, dans l'espèce de la plaine, cette lourde charpente qui, remaniée dans de justes proportions, doit faire espérer des résultats d'autant plus certains, que des éleveurs, trop rares encore, en obtiennent tous les jours. Pendant long-temps, notre agriculture a recruté, pour ses travaux, des chevaux étrangers; elle ne pro- duisait pas, elle achetait, et sur celle réunion d'ani- maux, la plus hétérogène qui fût jamais, il était diffi- cile, en effet, d'asseoir, de fonder une race déterminée. De cette difficulté surgirent les propositions les plus étranges, et celle de faire l'élève du mulet, dans une contrée manquant non-seulement de juments propres à ce produit, mais encore de touie espèce de juments (puisque l'importation seule répondait aux besoins) ne fui pas la moins singulière, et cependant elle obtint faveur. Un établissement d'étalons-baudets fut créé: les quelques juments importées leur furent présen- tées; et l'on s'aperçut, un beau jour, que le nombre des juments diminuait, disparaissait en raison du plus grand nombre des produits : résultat inévitable, puisqu'au lieu de commencer, à l'aide des quelques juments achetées au-dehors, à former une race de chevaux que des croisements successifs eussent peu à peu améliorée, en la multipliant toujours, on s'a- 631 dressa précisément an mulet, dont la nullité repro- ductive mène droit à l'impasse. L'erreur une fois reconnue, avouée, les étalons- baudets n'obtinrent plus qu'un médiocre succès, et finirent même par disparaître officiellement. De gros chevaux, venus alors du Nord de la Franco, et dont la reconnaissance des campagnes n'a pas oublié les noms, commencèrent à jeter, dans notre plaine, quelques produits informes, il est vrai, mais laissant deviner déjà, à travers leur masse grossière, tout ce qu'on pouvait espérer de la remarquable substance de nos fourrages. Depuis, le Dépôt d'Arles n'a cessé d'envoyer dans notre déparlement divers étalons des meilleures races; et jusqu'à présent, l'anglo-normand, associé à nos fortes juments, a fourni de très-beaux résultats. De progrès en progrès, les agents de l'Etat, frappés de ce que l'avenir réservait de brillant à l'élève du cheval dans notre contrée, ont fait augmenter, tous les ans, le nombre des chevaux étalons; et, pour couronner l'œuvre, nous sommes à la veille d'obtenir un vaste établissement, qui offrira aux éleveurs un champ encore plus vaste au choix des croisements. Ce qui reste à faire maintenant, est de contribuer, chacun pour sa part, à la continuation de l'œuvre commencée, et surtout de ne pas se laisser décou- rager par les pompeuses assertions de quelques incré- dules importants, qui prétendent que toute amélio- ration, dans le sujet qui nous occupe, n'est que pure chimère. A ceux-là qui, à notre espoir dans l'avenir, oppo- sent l'accusation de lymphatisme et de mollesse portée contre nos produits, nous répondrons par le démenti le plus formel, démenti que suffit à justifier l'cxpé- 63* rience la plus élémentaire; à ceux-là qui prétendent, aussi, qu'un cheval élevé clans le pays n'est pas long- temps à coûter plus qu'il nese vendra jamais, nousn'au- rions qu'à citer les prix largement rémunérateurs que certains éleveurs connus ont retiré de leurs produits. Du reste, les fourrages de notre déparlement sont, en même temps que les meilleurs d'entre les meil- leurs, d'un bon marché tel, que nous ne croyons pas en avoir vu qui fussent cotés aussi has dans les marchés les plus connus. Prenons, pour exemple, une contrée modèle pour l'élevage, trouvant de larges bénéfices dans l'élève et la vente des chevaux, la Normandie: eh bien! la Normandie vend ses fourrages à un prix bien plus élevé que nous ne vendons les nôtres, ce qui ne l'empêche pas de continuer son commerce, qui fait une partie de sa fortune, en même temps que de sa célébrité. Résumons-nous, et disons qu'en toute chose, notre département ne produit pas la moitié de ce qu'il de- vrait produire. 11 en est, du reste, hélas! de l'indus- trie chevaline, comme de toutes les autres branches de production, tant nous sommes en retard sur les autres parties de la France, qui, elle-même, est très en retard sur les pays voisins. Nous vendons bon marché nos fourrages à l'étran- ger, et l'étranger nous vend chèrement le bétail, que nous avons le tort de ne pas produire nous- mêmes. Dans ce cercle vicieux, se trouve tout le secret de notre abaissement agricole; et l'élève du cheval, qui semble vouloir sortir de l'ornière si long- temps suivie par de ruineux préjugés, sera peut être le signal du réveil d'un pays si richement doté par la nature, et si pauvrement servi par ses enfants. 633 MEMOIRE DE M. ÀYMÉRICH SUR LES INONDATIONS. RAPPORT DE LA COMMISSION. En 183G, la Société Philomat bique de Perpignan, jusienient alarmée des ravages occasionnnés dans le déparlement par le fléau des inondations, faisait un appel à la sollicitude de ses Membres, et leur pro- posait à traiter un sujet ayant pour titre : «Quels sont les meilleurs moyens à employer pour se préserver des ravages de nos grands cours d'eau à l'époque de leurs plus fortes crues?» Deux mémoires furent présentés: l'un par M. l'abbé Forlaner, l'autre par M. Aymérieh. iNous ignorons quelles suites furent données au premier de ces mémoires, dont, d'ailleurs, nous n'avons pas à nous occuper. Quant à celui de M. Aymérieh, nous avons sous les yeux un rapport qui l'apprécie en des termes qui, sans lui cire entièrement défavorables, tendent cependant à faire considérer comme irréalisables le* moyens qui s'y trouvent indiqués, et le rapporteur croit que les sommes énormes qu'il faudrait dépenser seraient peut-être plus profitables au déparlement m on les appliquait à un système de canalisation, etc. 634 M. Aymérich pense que celle appréciation de son travail n'est pas exacte; il en appelle à une appré- ciation nouvelle, et la commission nommée à cet effet présente connue il suit le résullat de ses obser- vations sur le mémoire qui lui est soumis. Eh bien! appliquons le système Aymérich sur nos grands cours d'eau; établissons des barrages étages partout où ils seront reconnus nécessaires, en leur donnant une hauteur suffisante pour qu'ils puissent fonctionner sans être la propre cause de leur des- truction, et sans priver l'agriculture de ses terrains précieux ; que les affluents soient aussi l'objet des mêmes travaux, et ces barrages seront des barrières à l'impétuosité de nos torrents, et formeront, en même' temps, des bassins de retenue bien propres à faire de précieuses réserves pour les besoins de l'ar- rosage. Ko us devons borner là celte appréciation de l'uti- lité et de l'importance de l'application du système Aymérich, parce que de plus grands développements nous conduiraient bien au-delà des limites qui nous sont imposées; d'ailleurs, il ne nous appartient pas de donner des indications techniques, qui ne peuvent résulter que de l'étude de projets réguliers, et nous pensons qu'il suffit d'avoir exposé ce système, pour qu'on comprenne de suite les immenses résultats qu'on peut en espérer. Kous résumant sur le travail de M. Aymérich, nous pensons qu'il lui fait le plus grand honneur; que le système qu'il propose et qu'il proclame avec conviction doit être pris en très-grande considéra- tion, et nous estimons que non-seulement la Société doit à M. Aymérich des éloges, mais nous proposons. 63J encore de signaler à l'administration départementale le mérite qui revient au mémoire de M. Aymérich pour avoir indiqué, en 1836, les moyens qui sont employés aujourd'hui pour combattre les inonda- tions, afin que la priorité de sou système soit cons- tatée et acquise, et qu'il soit ainsi recommandé à la bienveillante attention de l'autorité. Perpignan, le 30 octobre 1856. Signés : A. Maurice, d'André de Saint-Victor , Edmond Besse. EXTRAIT DU MEMOIRE SUR LES INONDATIONS ' , Présenté à la Société par M. A ymkmcii , le 20 décembre 1836. Le département des Pyrénées-Orientales est tra- versé par trois grands cours d'eau ou rivières : le Tecb , la Tel, et l'Agly. Toutes trois prennent leur source dans des points très-élevés, et roulent leurs eaux vers la mer sur une pente rapide qui centuple la puissance de leur courant. Toutes trois calmes et inoffensives, souvent à sec pendant Télé, grossissent prodigieusement et deviennent terribles, soit à la suite de grands orages, soit pendant la saison des pluies. Toutes trois y« uvent être considérées comme des éléments puissants de production; car, grâces au génie particulier des habitants de ce pays, une grande mémoire a éli i L'Empereur dans les premiers jours de mors 1837, el renvoyé par le ministre d'Etal .m Ministre de I' Vgriculturei du Commerce et des Travaux publics, com bjet rentrant dans les aiiri- kittiOM do ce damier Ministri 63G partie de leurs eaux leur est soutirée pour être employée à diverses usines, et principalement aux besoins de l'irrigation. Mais leur cours n'ayant été , jusqu'à présent, ni dompté ni réglé, il arrive fré- quemment qu'elles débordent et causent des dom- mages si grands, que toute la contrée en est profon- dément attristée. 11 n'est donc pas surprenant que la Société Pbi- lomaihique de Perpignan, observatrice attentive et éclairée de jous les besoins moraux et matériels du pays, ait ouvert un concours pour la solution de la question : Quels sont les meilleurs moyens à employer pour se préserver des ravages de nos grands cours d'eau à l'époque de leurs plus fortes crues. Nous allons essayer de répondre à cet appel. Nos trois rivières ont entre elles une si grande ressemblance, que si nous parvenons à exposer, pour l'une d'elles, un système complet dont l'application ait pour effet certain le résultat proposé, notre tâcbe sera remplie. Nous nous bornerons donc à traiter la question pour la rivière de la Tet : c'est la principale, celle qui a le plus de pente, convaincu que les modifi- cations que les autres cours d'eau pourront réclamer seront facilement aperçues. La Tet prend sa source dans la montagne de Car- lit, sur cet immense plateau où des neiges éternelles entretiennent l'étang de même nom, non loin de ceux de Lanoux et de Camporel. Son point de départ est d'environ 1.800 mètres au-dessus du niveau de «37 la mer; son parcours d'environ 1 50 kilomètres. Dans cet espace, aucune cascade, nul accident dans le sol de la rivière ne vient amortir son courant. Cette considération nous permet déjà d'entrevoir quelles peuvent être sa rapidité, sa puissance. Quelles sont les causes de cette rapidité, de cette puissance extraordinaire, voilà ce qu'il faut étudier. Si, par nos recherches, nous trouvons ces causes, nous serons en voie d'arriver à la solution du pro- blème proposé. Le mal provient-il de la surabondance des eaux de source? du trop grand volume des eaux pluviales? Non sans doute. Dans un pays d'arrosage comme le nôtre, et sous notre soleil, l'abondance des eaux peut- elle être jamais trop grande? Le mal provient-il du déboisement de nos mon- tagnes? Tout en admettant sa funeste influence, nous ne pouvons le considérer comme la principale cause des inondations. Le mal gît dans la pente excessivement inclinée du lit de la rivière. C'est en vain qu'on chercherait une autre cause-, c'est elle qui produit à la fois la rapidité et la puissance du courant, qui ne sont que les causes apparentes des maux dont souffre la plaine du Roussillon. INous pensons donc que le meilleur moyen de pré- server les propriétés de la plaine pendant les fortes Cl nés, consiste à amortir l'impétuosité d u courant de la Tet. Ce résultat ne peut cire obtenu qu'en modifiant le plan incliné qui constitue son lit actuel; qu'en créant un système de chutes successives, espacées dans toute sa hauteur. Selon nous, le cours actuel n'est autre chose qu'une immense chute à laquelle 638 rien ne saurait résister : pour s'en rendre maître, il faut la décomposer. iNous proposons de la remplacer par un cours alternativement horizontal et vertical, dont les forces se neutraliseront, et dont le résultat sera d'amener les eaux à un état de rapidité moyenne, c'est- à-dire à un degré qui permette d'en diriger le cours. Maintenant, la question est nettement posée. Elle peut être difficile à résoudre; mais, du moins, on la conçoit clairement : dans cet état, pour triompher de l'obstacle qui se présente, pourquoi ne ferions- nous pas comme les militaires? Quand un ouvrage, disent-ils, ne peut être emporté par une attaque de front, on le tourne. Imitons-les. Eludions d'abord tout le cours de la Tet. Nous remarquons que son inclinaison ne présente pas une ligne droite. Si l'on suppose son pian générai -d'inclinaison coupé par un plan vertical , la ligne d'intersection qui en résultera présentera les accidents suivants: de Carlit aux Graus d'Olette, pente excessive; d'Olette à Hhodez, pente moyenne; de Rhodez à la mer, pente ordinaire. Ces trois degrés d'inclinaison constatés, nous proposons de diviser toute la hauteur du plan en étages, de telle sorte, que le cours de la Tet, au lieu d'être sur un plan incliné dont une extrémité louche à Carlit et l'autre à la mer, devienne un immense escalier aux marches colossales, aux gigantesques paliers. Tout le monde sait que les cascades ont pour effet d'amortir la rapidité d'un courant d'eau, et que cet effet est d'autant plus grand, que leur ligne de chute approche le plus et le plus long-temps de la verticale, et que la différence de niveau entre le sol de la rivière et celui de leur bassin est plus grande. Eh bien ! si, mettant ces considérations à profil, nous construisons. 639 sur un point habilement choisi, un barrage , son effet immédiat sera d'arrêter le courant, de faire gonfler les eaux, et de les forcer à s'étendre sur les terrains environnants*, parvenues au sommet du barrage, elles se déverseront en cascade verticale, et creuseront en contre-bas un bassin d'où elles sortiront presque sans courant. Maintenant si, au lieu d'un barrage construit et fonctionnant comme celui que nous venons d'indi- quer, on suppose qu'il en soit construit dix, douze, quinze, vingt, tous fonctionnant à la fois, je dis que le courant de la rivière en sera amorti. Le système que nous venons de décrire ayant pour but d'amortir la puissance du courant, nous lavons appelé système d'amortissement. 11 résout le problême proposé ; car son principe ne pouvant éire contesté, il est évident qu'il sera toujours possible de construire un nombre de barrages suffisants pour équilibrer la ra- pidité, la puissance d'un courant d'eau quel qu'il soit. Les barrages dont nous venons d'indiquer la cons- truction, peuvent, dans des cas particuliers, être employés comme bassins de retenue-, et, alors, ils ont pour effet, non-seulement d'amortir le courant, mais encore de réduire le volume des eaux. Le ré- servoir de Saint -Ferréol , que nous avons étudié, est un ouvrage de ce genre et pouvant servir de mo- dèle. Four cela, il suffit, en construisant le barrage, de ménager une ou plusieurs vannes de fond , qui ser- vent à manœuvrer les eaux, c'est-à-dire à régler leur sortie. Au bassin de S'-Ferréol, les vannes sont armées d'énormes robinets qui s'ouvrent ou se ferment, selon que le canal du Midi a plus ou moins besoin d'eau. Le bassin de Saint-Ferréol est, sans contredit, un 640 *grand ouvrage, surtout si l'on considère 1 époque où il a été construit, et nous saisirions volontiers celte occasion de payer au grand Biquet notre tribut d'ad- miration et de sincère gratitude, si nous n'étions re- tenu par le sentiment de noire insuffisance. Mais, après avoir jugé, comme nous le devions, le bassin de Saint-Ferréol , du point de vue où nous sommes placé, qu'il nous soit permis d'exprimer noire pensée et de dire combien cet ouvrage est petit et mesquin à côté de celui que nous voudrions voir construire aux Graus dOletle, en élevant le barrage jusqu'à la bau- teur de Canaveilles. Riquet a fait un magnifique et très-utile bassin, et c'est tout ce qu'il pouvait faire avec les faibles données que la nature avait placées sous sa main. Le peu d'importance de ces données l'a- vait contraint à construire des bassins auxiliaires dans l'intérieur de la montagne Noire. Mais, à Canaveilles, la donnée est si grandiose, si riche ; la nature a été si libérale, qu'elle a fait les trois quarts de l'ouvrage, laissant à l'homme le soin de faire le dernier quart. A Saint-Ferréol, on a fait t un bassin; à Canaveilles, il faut créer un étang, un lac, moins grand, sans doute, que celui de Genève ou de Corne, mais formé par le cours naturel de la Tel comme ceux-ci le sont par le cours du Mhône et de l'Adda ; beaucoup plus utile que ces grands lacs, car ses eaux pourront êire, en totalité , employées au profil de l'industrie et de l'agriculture. Le bassin de Saint-Ferréol alimente 'le canal du Midi, et les taxes des marchandises et des voyageurs qui le parcourent, défraient, avec avantage, le capital qui a été employé à sa construction. Il en sera de même si on construit jamais le barrage de Canaveilles : les tributs de l'industrie, les taxes de (i41 ragricuhure, pour les icrrains qui seront mis à l'ar- rosage, acquitteront les intérêts et les dividendes des capitaux qui y seront employés. Quand on considère tout ce que pourrait réaliser un homme de génie qui aurait sous sa main puissante le volume et les millions de mètres cubes d'eau que contiendra l'étang de Canaveilles, l'imagination s'en- flamme, et on se demande comment le projet que nous énonçons a été jusqu'à ce jour inaperçu, et quelle cause pourrait empêcher qu'il ne reçoive son exécution dans un avenir prochain. A la vérité, la formation de l'étang de Canaveilles amènerait la suppression des villages de Thnès et de Fontpédrouse, dont les habitations seraient submer- gées; mais l'indemnité qu'il faudrait naturellement accorder aux habitants de ces deux pauvres com- munes, ne nous paraît pas un obstacle insurmontable et de nature à l'aire considérer notre projet comme chimérique. Nous ajouterons, pour terminer cette digression sur l'étang projeté dn Canaveilles, que la situation est si avantageuse, qu'elle résume tout le système d'amortissement, et qu'un barrage établi aux Graus d'Oleite sur le modèle de celui de Sl-Ferréol , et en mettant à profit les avantages que présente la localité, pourrait tenir lieu des dix ou douze barrages que nécessiterait l'application du système d'amortis- sement employé séparément. Un second barrage, pour plus grande sûreté, placé au goulet de Rho- dez, serait suffisant pour garantir que les eaux de la Tel, parvenues à ce dernier point, déboucheraient dans la plaine dans un tel état, sous le rapport du volume et de la rapidité, qu'il serait possible de les diriger. it 642 II. Dans la première partie, nous avons considéré la rivière dans nos montagnes; nous l'avons vue se pré- cipitant des hauteurs de Mont-Louis dans les bas-fonds de Thuès, roulant tumultueusement ses eaux pres- sées entre deux rives de granit. Nous l'avons montrée domptée, au moyen de deux ouvrages, l'un à grandes proportions, établi à Canaveilles; l'autre, moins im- portant, établi à Rhodez-du-Conflent. Après Rhodez nous sommes en plaine. La donnée ayant complètement changé, les moyens à employer pour maîtriser la rivière doivent changer aussi. Une grande masse d'eau faisant irruption dans une vaste plaine couverte des plus riches cultures, présente toujours quelque danger. Le système d'amortissement nous est un sûr garant que nous n'avons plus à redouter les effets torrentiels de la Tet; mais notre rivière, quoique domptée, n'a pas changé de nature : sa loi est de s'épancher et de s'étendre dans tous les sens. Cette tendance, quoi- que naturelle, quoique modérée, a ses inconvénients, et s'il n'est plus besoin à présent d'ouvrages considé- rables comme ceux que nous avons décrits, il con- vient au moins d'adopter un système de travaux riverains qui soient capables de résister à celle ten- dance. Par ce motif, nous appellerons système de ré- sistance l'ensemble des travaux qui auront pour but de déterminer le lit de la rivière et de résister à sa tendance perpétuelle à en sortir. Les moyens que nous proposons d'employer, ne sont pas nouveaux: ils consistent en un vaste système de 643 plantations riveraines protégées par des endiguements, des empierrements ou enrochements. Ce système a été "employé dans presque tous les départements. Nous l'avons vu pratiquer sous nos yeux, avec le plus grand soin, par des ingénieurs d'un incontestable mérite. Comment se fait-il donc qu'il n'ait jamais rien produit d'utile et de durable? INous ne craignons pas de l'af- firmer, c'est parce que l'on s'est contenté d'opérer sur quelques points seulement, notamment aux environs de Perpignan, au lieu de se livrer préalablement à des études ayant pour objet le cours entier de la Tet. INoire rivière a sa partie haute et sa partie basse. Dans la première se produisent les orages, s'agglomèrent les eaux; dans la seconde se produisent les désastres. JNous sommes convaincu que, pour prévenir ces désastres, il faut contenir les eaux le plus longtemps possible dans la haute région, et vaincre leur courant. Ces considé- rations nous portent à conclure qu'il n'y a pas de bon sysième de résistance possible si, préalablement, on n'a fait une bonne et large application du sysième d'amortissement. Ce n'est pas sans regret que nous avons vu le sys- tème de plantations, dVndiguemenls, etc., décrié, abandonné; car, nous le soutenons, ce système est bon, et, quoiqu'une longue et coûteuse expérience ait prouvé qu'il ne peut rien, qu'il est impurssatit employé seul, nous affirmons qu'il produira d'excel- lents résultats quand il sera employé simultanément, avec le système d'amortissement. Le système de résistance, pour aboutir, qu'on nous permette l'expression, doit être tout d'une pièce. 11 doit commencer h llhodez et se prolonger jusqu'à la mer sans aucune solution de continuité. «4i Les franc-bords de la rivière doivent être larges de 50 mètres au moins sur chaque rive. Le lit de la rivière doit l'être aussi, sauf à réduire' le sol ou terrain de premier établissement au moyen de plantations riveraines, jusqu'à ce qu'il ait atteint sa largeur normale. Lorsque les franc-bords auront ac- quis un degré suffisant de résistance, les eaux, elles- mêmes, seront un auxiliaire puissant pour déterminer cette largeur. Les grèves de la rivière doivent être labourées et épierrées plusieurs fois dans l'année. Le triage de ces pierres procurera de bons matériaux, et le rebut sera employé soit à l'endiguement des franc-bords, soit à leur exhaussement. Les plantations qui doivent garnir les deux rives de la Tet doivent se prolonger sur les rives de ses affluents. Rien ne doit être négligé pour empêcher que ces af- fluents ne rompent leurs digues ou franc-bords en amont, et ne viennent prendre les plantations de la rivière à revers. 11 est à désirer que les plantations, tant des rives de la Tet, que de ses affluents, deviennent propriété départementale, et que leur entretien et leur con- servation soient confiés à une administration spéciale, sous la surveillance du Conseil-Général du départe- ment. 645 IWfc&V Par M. Lotis Fabhe, Professeur au Collège de Perpignan, Secrétaire de la Société. Htijus domtis dominus (Idelitate cunctos supcravit Romanos. Telle est l'inscription, l'honorable héritage Que nous avait transmis la fin du moyen-âge. Nous la vîmes long-temps, comme un noble blason, Indiquer, ou plutôt, décorer la maison De ce grand plébéien, dont l'austère constance Défendit Perpignan contre un des Rois de France, Peut-être le plus grand, s'il eût été moins dur. Elle avait vu passer, incrustée en un mur, Trois siècles orageux, et la grande tempête, Dont les bruyants éclats, foudroyant chaque faîte, Atteignaient, renversaient, brisaient en un clin-d'ceil Tant de vieux monuments élevés par l'orgueil; Elle avait vu passer (grande leçon d'histoire!) Girondins, Montagnards, les Cinq du Directoire, Que mina des partis l'implacable fureur. L'intrépide Consul, le puissant Empereur, Les Bourbons, de retour, la laissèrent intacte. C'est qu'elle rappelait un fameux siège, un acte Barbare, si l'on veut, et des plus inhumains, Héroïque, d'ailleurs, et digne des Romains, Qui donnèrent souvent cent fois plus que leur vie, Pour conserver leur foi, pour sauver la patrie. La noble inscription avait tout traversé, Sans qu'aucun de ses mots se trouvât effacé, Quand certains érudits, d'ailleurs fort respectables, Prêts à voir, en tous lieux, des mythes et des fables. 646 L'accusent tout-à-coup d'avoir transmis Teneur, Et, s'animant, enfin, d'une docte fureur, Prouvent, en invoquant un art contradictoire, (On l'appelle, je crois, critique île l'histoire,) Que personne, en nos murs, ne vainquit les Romains A leuis fougueux transports prêtant alors les mains, L'Edile détacha de l'illustre demeure, L'antique monument, témoignant, à toute heure, Aux regards attendris de la postérité, Quel cas jadis on fit de la fidélité. Espérons, toutefois, que quelque grand poète, De nos justes regrets éloquent interprète, Elèvera la voix pour sauver de l'oubli, Celui que la critique y tient enseveli. Ma muse, en attendant l'éveil de ce génie, Cédant à son transport, ou mieux à sa manie, En quelques vers, ici, tente de faire voir, Jusqu'où peut entraîner l'empire du devoir. I. Il est des régions qui furent destinées A servir de théâtre aux luttes obstinées ; Mais à qui la nature a donné, de tout temps, Pour soutenir leurs droits de rudes habitants. Tel fut notre pays ; tel il serait encore, Si, jamais, du couchant, du nord ou de l'aurore, Ces Barbares, fléaux par les enfers vomis, Autour de nos remparts venaient en ennemis. Tout le prouve.. . En effet, depuis le jour célèbre, Où 1e grand Annibal , parti des bords de l'Ebre, Entraînant sur ses pas les hardis Africains, Pour aller jusqu'à Home attaquer les Romains, Arrêta ses soldats auprès de nos murailles ; Et, craignant, en ces Jieux, le destin des batailles, Obtint par la prière on passage amical, Contre les vœux ardents du peuple son rival. 647 Depuis ce grand traité, pacifique victoire, Écrite en lettres d'or aux fastes de la gloire, Mille peuples divers, Cinibres, Teutons, Romains, Vandales, Wisigoths, Huns, Sucvcs, Alains, Arabes et Normands, dans toute la nature, À leurs affreux instincts cherchant de la pâture, Sur Elne et Ruscino fondirent tour-à-tour. Mais de la liberté, le noble et saint amour, Animant nos aïeux, mille fois leur courage De ces fiers conquérants sut repousser la rage; Et quand il succombait, inondé d'ennemis, Le Roiusillon, vaincu, n'était jamais soumis. En vain ses deux cités sont réduites en cendre ; On voit de leurs débris s'élever et s'étendre Perpignan, qui devait être par le destin A deux peuples rivaux offert comme un butin. Capitale, un instant, d'un Etat éphémère, Comme un fils bien-aimé rentre auprès de sa mère, Il revint sous l'abri du trône d'Aragon, Qui, pour lui, se montrant juste, facile et bon, Le comblait tous les jours des plus beaux privilèges. Aussi, calme et tranquille après plus de vingt sièges, II jouissait en paix d'un bonheur absolu, Depuis un demi siècle à peine révolu, Lorsque des Catalans la révolte soudaine, Le lança de nouveau dans la sanglante arène. Jean deux, roi d'Aragon, reconnaissant d'abord Que pour les réprimer il n'est pas assez fort. S'adresse au Roi français, qui demande en échange, Du s-ccours qu'il promet, condition étrange ! Ce que le Roussillon rapporte au Souverain ; Et quand les Catalans auront repris leur frein , Si Jean paie à Louis les frais de cette guerre, Alors du Roussillon i\ reprendra la terre. Le pacte ainsi conclu, soudain le roi Louis, A sept cents lances fait traverser nos pays, Y laisse garnison, et, le reste, en Espagne, Contre les Catalans commence une campagne. fiiS II. Cependant, nos aïeux, justement irrités, De se voir en vaincus indignement traités, Et livrés aux Français, comme une marchandise, Qu'on porte au Mont-Pieux, pour en être reprise, Moyennant un peu d'or, nos aïeux, en fureur, Fondent sur ces soldats, qu'ils voient avec horreur : Les massacrent, et, fiers de cet exploit barbare, Rappellent leur roi Jean, qui, chose, hélas! peu rare! Oubliant son traité, rentre dans nos remparts, Que bientôt les Français cernent de toutes parts. Mais, enfin, fatigués d'un long siège inutile, Sur l'ordre de leur Prince ils quittent notre ville, Feignant d'y renoncer... Jean deux, qui ne sait pas Ce qu'est ce Roi de France et qui sont ses soldats, Croit qu'ils sont bien partis. En nos murs il ne laisse Que quatre cents guerriers, et lui-même s'empresse D'aller des Catalans combattre les excès. A peine est-il sorti que l'ou voit les Fiançais Revenir plus nombreux, plus forts, plus implacables. Contre leurs bataillons, leurs assauts redoutables, Que fera Perpignan , presque sans défenseurs? Viendra-t-il se livrer à ses fiers oppresseurs? Non! s'écrie une voix... C'était celle d'un homme, D'un Consul plébéien, comme en produisait Rome; Il parle, et, devant lui, sur son arme appuyé, Chacun croit voir un chef par le ciel envoyé : « Citoyens et Soldats! dit-il d'une voix forte, « Que vois-je? L'énergie en vous serait donc morte! « Avez-vous oublié ce que vous avez fait, « Lorsque la tyrannie en nos murs triomphait? « Avez-vous oublié ces nombreuses victimes, « Que vos bras, enhardis par vos cœurs magnanimes, « Osèrent immoler à nos droits méconnus? « Et si nos ennemis sont ici revenus. (!49 « Croyez-vous, citoyens, qu'ils désirent conclure « Avec nous un traite? Mais, c'est leur faire injure! « Ils brûlent de venger le plus beau sang des leurs; « De nous exterminer... Ignorez- vous, d'ailleurs, « Que sujets d'un despote, ou plutôt ses esclaves, « Ils détestent, surtout, des mortels assez braves u Pour oser réunir à la fidélité « L'amour du Souverain et de la liberté? « Rappelons le roi Jean, notre unique espérance ; u Ne comptons que sur lui pour notre délivrance; « Et, si d'autres combats occupent sa valeur, « S'il ne peut revenir, affrontons le malheur! h De nos braves aïeux rappelons-nous la gloire, « Et mourons, s'il le faut ; nou9 vivrons dans l'histoire ! » Ainsi parle Blanca... De leur frayeur remis, Tous veulent à l'instant marcher aux ennemis, Suppliant le Consul de se mettre à leur tête. Comme il l'a soulevée, il calme la tempête : « Bornons-nous, leur dit-il, à soutenir l'assaut; « Mais afin que le cœur ne nous fasse défaut, « Rentrons près de nos fils, nos pères et nos femmes ; « Ranimons au foyer de nos pieuses flammes, ■ La valeur qui soutient, brave et donne la mort. « Nous combattrons demain, guidés par le Dieu fort! » 111. Le ciel tourne, et la nuit vient de ses voiles sombres Envelopper la terre. A la faveur des ombres, L'ennemi s'avançait à pas silencieux ; Mais, un jeune héros, au loin portant les yeux, Dans la ville veillait. C'était le fils unique De Rlanca; comme lui, brave, ardent, énergique. Sa mère, hélas! périt, en lui donnant le jour! Dès lors, sur cet enfant portant son chaste amour, Blanca le chérissait avec idolâtrie, Comme il aimait sa foi, son prince et sa patrie. 650 Le fils du fier Consul, de ronde cette Duit, En écoutant les airs, entend un léger bruit. Un sinistre soupçon dans son âme s'élève ; Et bientôt, à ses yeux, comme au milieu d'un rêve, Sur les bords de la Tet, apparaît un brouillard , Qui s'étend, par degrés, jusqu'au pied du rempart. Aussitôt, vers la ville, il jette un cri d'alarme : « Camarades! À moi! Que tout vous serve d'arme « Contre nos ennemis!... Ils sont-là. sous nos murs, « Et de s'en emparer, ils se croient déjà sûrs. « Venez tous, accourez, réprimons leur audace! « La nuit, comme le jour, qu'ils nous trouvent en face! » Il dit ; et, d'un éclair, qui brille, tonne et part, Il jette raide mort, percé de part en part, Un soldat, un géant, d'une effroyable taille, Qui serpentait sans bruit du pied de la muraille, Et dont la main déjà saisissait un créneau, Où des siens il allait arborer le drapeau. A ce terrible coup, ebaque ennemi s'élance, Et gravit une échelle, en s'écriant : « Vengeance ! » Mais les Perpignanais font, sur les assaillants, Pleuvoir le roc, le fer, les liquides bouillants, Tandis que, coup sur coup, la mitraille, qui tonne, Bondissant sur le mur, par milliers les moissonne. Il faut se retirer et se résoudre encor A bloquer Perpignan , à cerner chaque fort ; Il faut attendre, enfin, qu'armé de la famine, Le temps, des assiégés, amène la ruine. IV. Depuis ce jour de sang, les jours, les mois ont fui; Les Français, obstinés, résistant à l'ennui , Observent les remparts, et gardent la campagne, Afin qu'aucun secours ne survienne d'Espagne. Cependant, si la guerre et ses bruyants transports^ Ne couvrent plus le sol de débris et de morts, 651 In fléau plus affreux, de meurtres plus avide, Exerce dans nos murs son empire homicide : La faim , monstre maudit, implacable vautour, S'acharnant à sa proie et la nuit et le jour. Je ne vous peindrai point les excès de sa rage ; Ces mortels généreux, toujours pleins de courage, Transformés lentement en spectres décharnés; Les femmes, les enfants de ces infortunés, Torturés par la faim, s' efforçant, dans les rues, D'arrêter, de saisir, dans des toiles tendues, Jusques aux plus hideux, aux plus vils animaux : Faible soulagement à tant d'horribles maux ! Offrirai-je aux regards une épouse, une mère, Qui, voyant les douleurs d'un époux et d'un père, D'un enfant au berceau, vainement attaché Des lèvres et des mains à son sein desséché, Demande à ses voisins, au ciel , à la nature, Pour ces êtres mourants un peu de nourriture ; Puis, dans son désespoir, saisissant un couteau... Non !. . . Cachons les horreurs de ce triste tableau ! Du crime et des vertus l'ardente messagère, Tour- à- tour ange auguste et sinistre mégère, Dénonce, cependant, un forfait odieux, Qui révolte, à la fois, et la terre et les cieux. Le fils du Gouverneur en est instruit... Sur l'heure, A pas précipités il gagne sa demeure; 11 arrive; et, serrant le Consul dans ses bras: « Mon bon père, dit-il, ne me refusez pas! « Ecoutez, approuvez un projet que m'inspire « Un malheur inouï, que je frémis de dire. « —Parle mon cher enfuit! — Le Prince, notre Koi , « En quittant nos remparts, exigea notre foi. « Nous avons jusqu'ici tenu notre promesse ; « Nous la tiendrons encor, mais contre nous se dress< (Î52 « Un fléau devant qui se brise la valeur. « Pour tant d'infortunés, pénétré de douleur, « Je veux, de Perpignan franchissant une porte, « Me rendre auprès du Roi, la nuit, seul, sans escorte, « Lui dire tous les maux que nous avons pour lui , « Sans jamais murmurer, soufferts jusqu'aujourd'hui; « Le supplier, enfin, de venir à notre aide ; « Et, s'il faut que ma voix vainement l'intercédé, « Si son bras occupé ne peut nous secourir, « Mon père, auprès de vous je reviendrai mourir. « — Mais les dangers, mon fils, d'une telle entreprise? « — Grâces à vos leçons, mon âme les méprise. « Qu'ai-je à craindre, d'ailleurs? Quels détours, quels sentiers « Dans notre Roussillon ne me sont familiers? « Que n'ai-je point franebi dans mes nombreuses chasses? « A minuit, comme une ombre et sans laisser de traces, « Je me glisse à travers les postes ennemis ; « Peut-être même encor seront-ils endormis, « Quand j'aurai vu passer, dans ma course légère, « Entre leur camp et moi les crêtes de l'Albère. « — Va donc, mon noble fils, dit le père exalté; « Va mériter le prix de la fidélité ; « Accomplis, j'y consens, ta sublime entreprise : « Ton père te bénit ! Que Dieu te favorise ! » VI. De la nuit, cependant, le char silencieux Obscurcit de son ombre et la terre et les cieux. Le jeune homme rêveur, mais toujours énergique, Entend sonner minuit à notre basilique ; Il embrasse son père une dernière fois, Et coud vers une porte... Elle s'ouvre à sa voix; Et, de là, transporté d'une nouvelle audace, Il bondit dans la plaine et dévore l'espace. Le Consul, qui l'a vu s'élancer comme un trait, Malgré sa fermeté, conçoit quelque regret. 653 Il gagne vivement le haut de la muraille, Où, l'oreille attentive, il frémit, il tressaille Au moindre bruit léger ; aux longs cris éclatants Du symbolique oiseau qui mesure le temps. Il implore le ciel, quand soudain, sur sa tête, Sur le camp et la ville éclate la tempête. Parmi le bruit des vents déchaînés dans les airs, Du tonnerre qui gronde et les feux des éclairs, Il croit entendre aussi de tristes cris d'alarmes, De guerrières clameurs et des cliquetis d'armes, Auxquels, enfin, succède un silence profond. Dans l'âme, la terreur ; la sueur, sur le front, Le père écoute encor... Tout est calme et tranquille : Que faire? Il redescend et rentre dans la ville; Mais, en vain cherche-t-il les douceurs du sommeil, Ses yeux restent ouverts... Son esprit en éveil Revoit à chaque instant l'épouvantable image Des dangers de son fils, au milieu de l'orage. VII. L'aurore enlin paraît, et, rallumant le jour, Auprès du Gouverneur ramène tour-à-tour Un peuple tout entier éperdu de misère. Blanca promet à tous un destin plus prospère, Qu'ils devront à son fils, dont les nobles efforts.. Il est interrompu par les bruyants accords Du clairon , qui du camp lui signale un message ; Et bientôt un soldat, au sinistre visage, Arrive en sa présence, un bandeau sur les yeux , Se découvre, et remet au Consul soucieux Un pli , qui renfermait ces terribles paroles : « Une entreprise des plus folles « A jeté cette nuit votre fils parmi nous. « Au lieu de se courber et tomber à genoux , « Il a fait résistance et percé de son glaive « Un de mes braves officiers . 654 « Dont le sang fume encore et contre lui se lève ; « Un conseil qu'ont tenu les chefs de mes guerriers, « A prononcé sa mort. Pourtant je lui fais grâce ; « Mais j'exige, sans quoi son trépas est certain, « Que, sans délai , vous remettiez la place « A votre légitime et clément Souverain. » En achevant ces mots, Blanca, l'homme intrépide. Demeure anéanti; son visage est livide, Puis, ses membres crispés s'agitent violemment. C'est qu'en ce cœur de fer se choquent sourdement De ces pensers affreux qu'aucune voix humaine Ne saurait exprimer. Puis, l'amour et la haine Se peignent, tour-à-tour, sur ses traits altérés. Il porte autour de lui des regards effarés; Et saisissant, enfin, d'une terrible étreinte, L'un des bras du soldat, ému, saisi de crainte: « Suivez-moi, lui dit-il, montons au Castillet; « Là, je vous répondrai. » Là, d'un air où brillait La fierté de son âme, aussitôt il l'entraîne. Devant leurs pas, la foule, indignée, incertaine, S'ouvre, et les voit bientôt paraître sur la tour. Là, Blanca se recueille, et tendant, tour-à-tour, Ses deux mains vers le camp, la ville et les Espagnes, Il s'écrie . « O mon Pioi! qu'au delà des montagnes « Retiennent les complots d'un peuple révolté , « Apprends, du moins, apprends que la fidélité « En tout heu n'est point morte : il est un coin de terre, « Où, malgré tous les maux que leur a faits la guerre, « De généreux sujets savent garder leur foi. « Ton cruel ennemi , qu'on nomme avec effroi , « Profitant du hasard , qui mit en sa puissance » Mon enfant bien-aimé, mon unique espérance, « Vreut le faire mourir, si , vaincu par la peur, « Je ne livre à la fois la ville et mon honneur; « Mais, je connais mon fils : si pour lui ma tendresse « Pouvait forcer mon cœur à la moindre faiblesse . 655 « Il la désavoûrait, il n'y survivrait pas ; « Notre honte serait le coup de son trépas! « Mieux vaut cent fois pour lui succomber avec gloire! « Les martyrs en mourant remportent la victoire ; « Mon fils sera celui de la fidélité! « Et moi, lorsque j'aurai remis cette cité « Au Prince dont le vœu m'en fit dépositaire , « N'ayant plus de devoirs à remplir sur la terre, « Je ne tarderai pas à rejoindre mon fils. « C'est-Ià mon soûl espoir!... Mais je vois réunis « Vos chefs, impatients d'apprendre ma réponse. n Allez! que votre bouche au plus tôt leur annonce « Qu'à défaut d'un poignard, qu'exige leur dessein, « Je leur lance ce fer! Qu'ils en percent le sein « De ce jeune héros, si pur, si magnanime! a S'ils pouvaient cependant s'abstenir d'un tel crime!... « Mais partez! Laissez-nous! Votre message est fait. » De tout ce qu'il a vu le soldat stupéfait Se réveille à ces mots, se hâte de descendre Et regagne le camp, où l'on brûle d'apprendre Le choix du Gouverneur, qu'on voyait sur la tour, D'où, pressé par les siens, il descend à son tour. VIII. Les Français, cependant, instruits de la menace , Et sachant que leur chef n'accorde jamais grâce , Au récit du soldat-ont tous frémi d'horreur. Qui pouvait inspirer une telle terreur? Quels étaient donc ces temps, ce chef, ce cœur de bronze? C'étaient des temps affreux et c'était Louis onze; Et son terrible arrêt dut être exécuté. Jean deux en est instruit De douleur transporté, Mais toujours retenu par un peuple rebelle, Il nomme Perpignan la ville très-fidèle. Il fait plus : de sa foi voulant la dégager, Il dépêche sur l'heure un Majorcain léger. est; A qui le camp français , instruit île son message , Donne, sans hésiter, un facile passage. Il entre à Perpignan. Des squelettes en deuil, Les yeux noyés tle pleurs , escortaient un cercueil. C'est qu'à forcer son cœur en vain on s'évertue, Blanca l'avait prouvé , 'souvent la douleur tue. Le messager royal au cortège s'unit. Le soir même la ville aux Français se rendit. Ceux-ci , le cœur ému de si grandes misères , Traitant ces malheureux comme un peuple de frères, Leur prodiguent d'abord les plus pressants secours. Dès l'aurore suivante on vit un long concours Des deux peuples unis renonçant aux batailles, Célébrer en commun les sombres funérailles D'un jeune homme , un héros , que suivant le désir De l'auteur de ses jours , au suprême soupir, On allait déposer au tombeau de son père. Après avoir rempli ce triste ministère , On grava de concert , on scella dans le mur La pierre qui devait transmettre au temps futur Qu'en ces lieux un mortel, pour la chose publique, Surpassa les Romains en loyauté stoïque. 65"; INEI HOTE IlISTOIII.it - Lue dans la séance publique île la Société agricole, Scientifique et Uttérair'- des Pyrénées-Orientales, le "20 juillet 1857. Par M. loin. Fabke, Professeur au Collège, Secrétaire do la Société. Du Béarnais, père de Louis treize, J'ai l'an dernier célébré la gaîté; Pour aujourd'hui, je vais, ne vous déplu i se, V ous titre un trait de sa tare boulé : Etant encor simple roi de Navarre Et duc d'Albrct , il habitait Nerac. Là , sans souci (pour un roi chose rare) , Souvent avec son fusil et son sac. Et de limiers une meute nombreuse, Il poursuivait, et par monts et par vaux, Lièvres, lapins, et cailles et perdreaux. Presque toujours la chasse était heureuse. Rentrant le soir enivré de plaisir, Le jeune Prince oubliait sa couronne, El près du l'eu savourait à loisir Les simples mets que la faim assaisonne. S'étant un jour égaré dans les bois, Il aperçut, à travers la bruyère, I ne chélive et tranquille chaumière . Rappelant celle où, dit-on, autrefois Eurent reçus Jupiter et Mercure. 42 658 Doux beaux tilleuls, enfants de la nature, De leurs rameaux . en effet , l'abritaient , Et deux bons vieux , deux époux comparables A Philémoo et Baucis l'habitaient, Comme eux pieux et comme eux cbaritables. Bref, notre Roi, qu'aiguillonne la faim, Incognito fait soudain son entrée Chez le Bcrret, nom qu'en cette contrée, Au campagnard donne le citadin , En le voyant coiffé d'une birctle , Bonnet de laine, énorme champignon, Qu'en ce pays porte , en chaque saison , Tout bon paysan , comme ici la barrette. Or, à l'aspect du jeune homme inconnu, Des deux époux la voix hospitalière Lui dit : « Monsieur, soyez le bien-venu! « Tout notre avoir, notre étroite chaumière « Vous sont offerts ; daignez en disposer ; « Mais avant tout veuillez vous reposer, « Et partager notre modeste table. « Chez nous toujours le chasseur égaré « Trouve un fromage extrait de notre étable , « Des fruits divers, des œufs, un vin potable, « Simple repas par le cœur préparé. « — Moi , j'y joindrai le produit de ma chasse, « Dit l'inconnu; j'ai tué dans le bois « Ces deux perdreaux , cette fine bécasse ; « Nous allons faire un vrai festin de rois. » Tous, à l'instant, se mettent à 1 ouvrage. On sert bientôt un dîner savoureux : Potage au lait , rôt cuit à point , fromage. On mange, on jase, on rit, on est heureux. On a dîné... Mais la nuit , de ses voiles, Enveloppant et la terre et les cieux , N'y laisse plus briller que les étoiles: Comment dès-lors reconnaître les lieux? « Passez, Monsieur, la nuit dans cet asile, « Dit le Bcrret; restez, et si demain fi5D « Vous désirez retourner à la ville. « Nous pourrons mieux vous montrer le chemin. « Ici, d'ailleurs, sur la couche rustique, « Que je réserve aux pieux pèlerins » \ ous jouirez du sommeil pacifique, « Qui souvent fuit, dit-on , les souverains, « Dans les splendeurs d'un palais magnifique. » Le jour suivant, en effet, vers midi, Le jeune Prince , en s'éveillant déclare Qu'il croit n'avoir jamais si bien dormi. A s'éloigner voyant qu'il se prépare, Apres qu'il s'est encor réconforté, Par chaque main dont chacun d'eux s'empare , Les deux époux , de leur hôte enchanté Guident les pas jusqu'au prochain village. Le Roi les quitte en leur dominant l'espoir Qu'il reviendra goûter de leur fromage, Car à tout prix ils veulent le revoir. Si quelquefois, en effet , la poursuite D'un daim rapide ou d'un léger chevreuil, De ce coté le conduisait sans suite, Des bons vieillards il visitait le seuil. Pour eux , sitôt qu'à travers le feuillage Apparaissait le jeune et bon Hem i , Car ils savaient et son nom et son âge , Sinon son titre, ils poussaient un grand cri, Et, désertant vaches, bêche et ménage. Couraient chercher leur hôte favori , Qui, chaque jour, trouvait de nouveaux charmes A prendre place au modeste foyer. Mais tout- à-coup le tumulte des armes, Venant changer le chasseur en guerrier, Loin de ces lieux entraîna sa vaillance. Chacun de vous a, Messieurs, je le pense, Lu maintes fois le récit des horreurs De l'anarchie où se trouva la France, Au temps des Cuise et des sombres ligueurs. Eh bien! Messieurs, le Berrel et sa femme <;6o N'en surent ncn , vu qu'au cœw de leur bois Ne vint jamais cette voix qui proclame Les démêles des peuples et des rois. Mais tout chagrins qu'Henri dans leur demeure N'eût plus paru, les deux vieux à toute heure, A tout venant ne parlaient que de lui. Les jours, les mois, les ans même avaient fui , Et les époux le demandaient encore. Un jour enfin notre Berret apprend (Par quel moyen ? jusqu'ici je l'ignore) Apprend qu'Henri, qu'on surnomme le Grand, Lui, qu'il reçut vingt fois dans sa chaumière, Est roi de Fiance et réside à Paris. Il en instruit sitôt sa ménagère. Tous deux de joie et de bonheur épris , Tiennent conseil... Nos prudents personnages. Se souvenant que leur royal ami Aimait beaucoup , adorait leurs fromages , Et, ne faisant jamais rien à demi , Ont arrêté d'en cailler deux douzaines, Cadeau charmant, agréables étrennes, Et , sans retard , de les porter au Roi. Ce jour-là donc, dans l'étroite chaumière, Chacun travaille avec un doux émoi. Quand tout est prêt au gré de la laitière, Dans un panier où l'on passe le bras, Le bon vieillard, dès l'aube matinale, Quitte son toit, et, d'un tranquille pas, Prend son chemin vers notre capitale , Où le soleil, atteignant 'l'horizon, Le voit entrer an bout de trois semaines. Le lendemain, muni de ses étrennes, De son berret, d'un énorme bâton, Il se présente à la porte du Louvre. S'imaginant qu'à chacun elle s'ouvre. « Que voulez-vous? lui dit d'un Ion brutal , « La sentinelle en lui barrant l'entrée. « — Oli ! rien, Monsieur, croyez-le, rien de mal 661 u J'arrive exprès; je viens de la contrée « Où notre Henri naquit. — Retire-toi ! « — Pardon, Monsieur, sans que cela vous fâche , « Je viens ici pour présenter au Roi, « Dans ce panier, ces fromages île vache. » Peu complaisant et ne comprenant rien Au vieux patois de notre vieux bonhomme ; De ses habits , d'ailleurs , de son maintien Et du bâton se méfiant en somme, « Va-t-en, lui dit le soldat en courroux; « Pars sur le champ, » et de quelque bourrade Il assaisonne un langage si doux. Craignant d'avoir commis une incartade, Le bon vieillard s'éloigne incontinent, Et réfléchit que quelquefois on lâche, Sans y penser, un mot inconvenant. (Tl avait dit des fromages de vache!!!) « Ce n'est pas bien, je me suis mal conduit. « Ajoute-t-il , autrement puis-je croire « Qu'on m'eût ainsi vertement éconduit , « Moi qui passai la Garonne et la Loire « Pour apporter un beau présent au Roi? « Dorénavant je serai sur mes gardes. » Et sur ces mots le vieillard se tint coi. Le bon Henri, qu'entouraient quelques gardes. Brillant essaim de nouveaux courtisans, Qui, s'attacbant à son destin prospère, Auprès de lui faisaient les vers luisants, Et l'assuraient de leur foi mensongère. De son salon, Hem i donc, par hasard, Jetant les yeux à travers la fenêtre, Voit dans la cour le malheureux vieillard. Surpris, cherchant qui cela pouvait être, Car c'était bien le costume gascon , Il dit un mot... Soudain un jeune page Descend et court chercher le vieux barbon . Qui . tout joyeux cl désormais plus sage , Entre, mais non sans frissonner d'effroi 669 En revoyant l'affreux factionnaire Bref, le voilà dans le salon du Roi , Tout ébalii , sans rien dire ni faire. Le Béarnais d'abord l'a reconnu. « Chez moi , dit-il , mon aimable compère, « Dans mon palais soyez le bien-venu ! « Mais qu'as-lu fait de notre ménagère? « Est-elle ici?... Mais quoi! serais-tu veuf? « — Non, Monseigneur, attendu qu'elle-même « A fait pour vous ces fromages de bœuf. » Le rire éclate... Henri devient tout blême, Le coeur ému, mais confus et surpris Qu'un habitant de son premier royaume Devant sa cour se fût ainsi mépris, Et se penchant du côté du bonhomme : « Dis donc de vache!... — Ah! sire, vraiment non! « Car pour avoir lâché ce vilain nom , « Un grand pendard , debout à votre porte, « De son fusil m'a bourré sans façon ; « Il pourrait bien vous traiter de la sorte, « Si vous alliez vous exprimer ainsi. « — Rassure- loi , dit avec un sourire « Le Souverain ; j'ai du crédit ici, « Et désormais lu peux entier et dire « Que je le veux... Adieu donc, à tantôt; « Tu voudras bien partager notre table, « On tu verras d'abord la poule au pot , « Quelques bons plats, des fruits, un vin potable, « Simple repas par le cœur préparé. a Nous fêterons surtout tes bons fromages. » Le Prince donc, loin du bruit retiré, Et de la cour suspendant les usages, Fait tête-à-tête avec le bon Berret Un doux repas dont le choix le reporte Aux temps heureux où , simple roitelet, 11 eut des siens l'amour seul pour escorte. Le lendemain , voyant déjà l'ennui Du bon vieillard loin de sa ménagère, 66» Il le renvoie à sa douce chaumière , Non pas à pied; mais en poste... Avec lui , A ses côtés, était un personnage, De (joi les soins et l'ait industrieux Eurent bientôt transformé l'ermitage En un château commode et somptueux. Ainsi le chef du céleste royaume, Par sa parole, avait changé, dit-on, Eu temple saint la demeure de chaume Où s'abritaient Baucis et Philémon. Quant à nos vieux , ils n'eurent en partage Un grand esprit , vu que les souverains N'en donnent point; mais un autre apanage Plus précieux , plus utile aux humains : Un bon cœur qui , répandant les largesses Dont les comblait le prince tous les ans, Leur procura d'éternelles richesses, Heureux trésors des mortels bienfaisants. 664 CARMEN MILTIMETRUM AD LAUDEM BEATISSIM/E VIRGINIS. Kegia mater, Ouam Deus egregiis Miré dotibus ornât, Salvatorc * quideui niiiior, Huiiianum genus angelicumque Sablimis superat, cœlo terrisque eolenda. Virgo parensquc siniùl ; filia sponsa Dei , Horoinique Deo corpus tribuens, Filium gignit Deum. Fn gloriai fons inclytae, Origo dives gratiarum. Ouœ dona nobilem décent bonorem ! Quid tilius matri negalurus potens? tyuam roultis genilrix sancta moniliboi Clara resplendet rutilisque geinmis, Cœlis ut ardent ignea sidéra ! Qnin radians super astra fulget. Keginam mérita dùin célébrant lande pérennité!' Cirmina laeta cœli, \ostra dileclam célèbrent carmina laeta malrcm ! Olebrent quam Deus almis cumulavit Ipse bonis: célèbrent quoe est tùm pia, tùm benigna custos, Grand archllûquien Aunilioque juvans. 0 ter beatus qui tuâ Élégiambique. Spe nititur, te diligens, atque sinu moritur! lambéiégique. Jn Fi*ES, chanoine. Adoaique. Archiloquien. Phérêcratien. Glyconique. Fahsque Hexan: Pentamètre. Anapestique. Trochaïque dimetre incomplet. Iambique dlmètre. Iambique dimèlre surabandant Iambique tnmètre défectueux. Iambique tnmètre. Asclépiade Saphique. Alcaïque. Dactylico-trochaïque Choriambique. Aristophanien. Grand alcaïque. Petit ionien. ■ Saltalor f*t prelérC a StrvatOT de la latinité classique, pour ne lien ôter à la pièce d« SOI taractère religieux. RESUME DES FAITES A L'ÉCOLE NORMALE DE PERPIGNAN, l*AB II. BKOI I.\. DlBECTBIR. ANNEE 1854. Fautes à corriger dans les Résumés météorologiqw - du IX volume: l tableau m ."> , années IS.il , IS.'i2, 1853. La quantité de pluie doit être exprimée ed mttrts (m) et aon en mitlimttrcs (mm). -'• Tableau n° I, année 1852. Température minimum: le ■> mai-, nu titu du 21 février. 13 666 ANNEE 4854. MOIS. Jamier Février Mars \vril Mai , Juin Juillet Août Septembre. Octobre . . . Novembre . Décembre. . Année 4854.. OBSERVATIO PRESSION ATMOSPHERIQUE. MOYENNES MENSCELLES. 9 HEURES DU MATIN. Baromètre I Tempéra- à zéro. ture extérieure mm 750, 99 7C0,29 764,33 759,40 755,14 757.22 758,07 758,89 701,75 757,83 752,90 758,02 MIDI. Barom être à zéro. 6,5 4,47 I 1 ,07 45,55 46,71 49,82 24,10 25,45 21,24 15, IS 9,78 7,59 738,47 44,64 mm 756,74 760,35 764,06 758,98 754,81 756,95 757,71 758,61 761,50 757,13 752,39 758,61 Tempéra ture l'XtrlI.lllV 3 HEURES DU SOIR. Baromètre à zéro. o 9,97 6,78 45,36 46,95 49,44 21,85 26,67 26,20 25,5-2 48,44 42,39 9,33 758,14 47,24 mm 756,19 760,25 763,75 758,38 751, 52 750,50 757,59 758,53 760,80 750,09 751,72 758,44 Tempéra- ture extérieure 9 HEURES DU SOIR. Baromètre a zéro. Tempéra ture extérieure 757,75 o U.S5 8,20 45,85 47,93 20,00 22,99 27,96 28,40 25,42 20,45 14,22 4 5,92 mm 757,19 760,53 764,52 758,92 755,42 7 57,5 S 758,52 759,37 761,81 757,7 i 752,7!) 759,05 MAXIMA ABSOLU?. Maximum. 4 8,91 758,39 o 6,85 5,0 10,25 12,;; 15,34 48,09 21,99 21,58 49,88 44,4 8,90 7,32 mm 771,12 770. 13 772,83 768,03 759,98 764,56 701,50 702,70 Dates. j"iir>. heun 27 -9 s. 28— mit 5-9ir 5— miti 5(1—9$. 25-9 s 2» —9s 24 -9 s 766,50 2 1-9 s 760,12 51— » i ' 765,87 l'r- 709,71 ; 30— 9 r 45,32 700,59 PRESSION ATMOSPHÉRIQUE. mm Moyenne des observations à des beures homonymes (9 h.) . . 758,55 Maximum , le 5 mars.. . , 77^,85 Minimum, le 4 janvier 7o*,20 TEMPÉRATURE Moyenne des observations à '. ld., d'après les maxima el lest W., d'après la moyenne annuell 667 HETEOROLCK5IQUES. ALI II LUE : 43™, 445. MINIMA ABSOLUS. Minimum. mm 757,20 749,42 785,90 741,90 747,02 731,46 732,87 751.17 752,7; 747,2G 758,28 749,06 747,83 Dates. jours, heures. 4 — T> s. 40-9 s. 24—5 s. 22— midi. i—5 s. 6-!) m. 6—5 s. 2-5 s. 8— 5 s. 24-3 s. 25 — midi. 20—D ni. hini:, . des pressions mm 55,92 21,01 46,93 26,43 12,96 15, iO 8,45 14,39 45,56 18,86 27,59 20,68 18,76 HOYENN NI MOIS DES Maxima diurnes. 1 I ,97 8,7 i 16,82 4S,8G 21,40 24,19 29,61 29,48 25,77 20,96 14,54 40,69 19,58 Minima diurnes. o 5,48 2,54 7,44 9,48 44,72 i-i,: 5', 17,84 17,38 I ï,82 I0,G4 5,87 4,77 10,05 TEMPERATURE DE L'AIR. DEMI-SOMME des températures extrêmes. 7,71 5,G2 44,98 14,45 46,56 49,32 25,72 25,58 20,50 45,80 10,1!) 7,75 14,70 MAXIMA AIWUI OS. Maximum. 46,00 18,00 20,43 2G,25 26,70 29,50 57,50 52,10 32,00 28,90 26,00 17,00 23,84 Mies, 27 27 31 42 5 43 21 19 G 2 MINIMA ABSOLUS. Minimum. DIFFtni des ■ extrêmes. o -0,50 i,90 2,00 4,00 6,00 9,50 45,30 14,73 10,50 6,00 2,30 0,15 14 22 23 5 •> |er 51 7 26 25 2'.» 5,29 , 16,50 22,90 22 23 20,70 20,00 : 24,00 1 7,55 21,50 22,90 23,50 16,88 20.35 ENNE DE L'ANNÉE. 0 bues homonymes (9 h.) 14,08 ma moyens I 4,70 huna et minima absolus. 1 5,50 TEMPÉRATURES EXTRÊMES DE L ANNEE. 0 Maximum, h» 21 juillet 57,50 Minimum , le I i février — 1,90 Différence 42, 10 668 MINEE 1854. OBSERVATIOl " NOMBRE DE JOURS PENDANT LESQUELS LE VENT A SOUFFLÉ A NEUF HEURES OU IHATIÎNJ. MOIS. Fctrier. . . . . .. Wril Moi Juin Juillet Août nbrc. Octobre. . . Décembre. . \ '•■<-■' 1854 s pro- portionnel ponr un to- ut de 1000 Q H 1 2 i h 1 » 5 i 5 1 s A 1 i i 6 5 5 i 6 5 5 i ■i 4 ^ i 3 g (i u a 5 r> » » 2 i » i n " n » -it * » i 2 i 4 » » u •1 i. -• J n 2 4 » . » » D & 2 ) » u » * )) » » » » » » \ 5 » » » » u i » » » » » » .-) \ » )> u 2 » \ » i 2 u A 2 \ 1 i )) « i 1 » » » 2 )) 1 M 2 1 2 1 12 r> 10 7 II 10 4 8 4 I I 10 13 s 2 „ \ 4 1 8 1 1 3 2 ■i 5 » 0 3 1 1) 2 0 » 1 5 1 2 5 1 A 5 )i S 5 7 4 ■ .S 29 22 7!) 26 71 88 16 ; i 50 10 6 I 16 I I 36 50 li.-> 51 99 NOMBRE 1)E JOURS PENDANT LESQUELS LE VENT A SOUFFLÉ A raim. '-' 3 » I) » / 2 7 d •"> 4 7 » 8 » 7 » G )) ■ï » 2 » d n i ') » 1 » II 6 » <> » » i 8 « » » )) u 9 (i » » )> » » 8 2 1 » )) » » M 5 » » » 4 1) 8 r> » » 2 -i 1 :> » » U ii » )) 7 4 » » H D )) o 4 » i 1 1 1 9 7 » » 5 2 » 10 S I n 2 )) » 12 II I i .1, 101 44 16 '. i 15 13 56 î : •)•) 100 59 102 10 Le? vents dominants ii Perpignan oui ëlé, en 1854 . ! O-N-O el le IV-O. 669 :téorologiques. - NOMBRE DE JOCRS PENDANT LESQUELS LE VENT A SOUFFLÉ A TROIS HEURES DU SOIR. 1 ._; — ^ D 6 d z S 1 co y. y1. s. i _. ce C/5 d 6 d z 1 ■ 1 ' » » 1 n 1 1 )) 1 f) .s 3 ■' 0 1 » » » n 0 » » » 1 (0 6 1) 1 S ^ 5 1 2 I) )) I h 1 8 5 ■i 1 !» 1 i » A » d D » 1 8 1 H G 2 1 2 » 3 ! i d » 1 i) • i ■'. n 9 » » 1 2 H u l n l> fi 6 " (i » o 2 - D l l U 1 2 A 10 1 fi » 1 1 2 » » i» » 1 3 2 6 1 3 « A 5 3 » )) 1) )) u 1 3 _ 3 0 0 » i) d » i l " \ » / 3 1 2 » 1 » 2 » 11 2 1 n i) y 1 1 » » " i )) » 1 1 u \ 8 13 98 G6 SC 3 i ; !) is 5 58 2; 16 Iv 58 139 ALTITUDE DE LA GIROUETTE : 47m,29J o 2: NOMBRE DE JOURS PENDANT LESQUELS LF. VENT A NEUF HEURES DU -ai 112 >7 Z Z IIFLÉ SOIR. - Z 2 » 5 1 » » 7 i i !» i 2 - » » 7 » •i 3 i S 1 » 4 6 n 2 .; » 3 i » H » » u » II » 11 i d 11 \ d » » » » 1 » )> » 2 " 2 7 9 N 13 N !l * 1 Ci _ 7 '• 3 8 ; A t 3 '■ n 7 ■i 9 i 8 17, • > \ 51 24 83 6G II:. 5 12 621 \ 3 16 . i ; G 2 5 93 h. 7s 56 -\ , 99 670 ANNEE 1834. OBSERVAT! 1 ÉTAT DD CIEL A MEVT HEURES DU MATIN. ÉTAT DU CIEÊ a midi. MOIS. NOMBRE DE JOURS NOMBRE DE JOURS Fluvitnx. Couverts. Nuageux. Beaux. Sans nuages. Pluvieux. Couverts. Nuageux. Beaux. San nuagi \ 9 5 42 4 4 4 3 48 :. \ 6 o 43 6 1 3 4 12 « .Mars 2 4 40 45 •> 4 5 8 8 3 44 14 Avril i 8 5 41 5 •> 17 Mai 4 9 5 43 2 1 î Juin 0 S 5 44 1 5 4 13 I Juillet 4 5 4 4G 8 3 12 < Août \ 4 47 G 1 2 i (7 i Septembre 4 4 5 45 5 2 5 48 Octobre 2 '. 8 17 » 1 2 9 4 7 - Novembre 4 6 5 45 3 4 6 8 13 ct 4 5 7 4 1 4 2 8 8 42 4 Année 4854.. 10 C9 50 4G7 54 49 51 69 177 49 . ^ 671 iTÉOROLOGIQUES. ALTITUDE DD PLDVIOMETRL : 46»,345. ÉTAT DD CIEL A TaOIS HEURES DD SOIR. ÉTAT DD CIEL A BIEUF HEDRES DU SOIS. NOMBRE de QDAiNTITÉ 1 N < 1 M BRE DE jours ^ NOM BRE DE JOURS JOURS de de --""~" - h Couverts. Reanx. Sans nuages. Pluvieux. Couverts. Nuageux. Beaux . Saris nuages. PLIIE appréciable PLOIE. 1 5 0 16 6 2 2 8 18 \ r. o!Ô2323 \ 3 7 II G » 2 7 45 4 2 0,01050 » 2 5 13 II i 1 4 48 8 1 0,00223 5 2 3 IG 4 2 3 7 II S G 0,04600 8 6 4 15 B 3 4 9 13 9 10 0,06700 3 7 G 12 2 3 li 9 12 4 7 0,02250 ; 3 5 H 40 3 4 4 13 7 S 0,02423 i "T G 12 9 5 r ■1 6 14 4 3 0,02550 i 3 ."> 18 S 1 2 G 13 G 3 0,02050 » 2 8 17 4 1 \ \\ II 7 2 0,00750 i S 4 4 4 3 » 9 12 7 2 3 0,0' i 3 9 m 1 0 m 4 40 13 2 1 0,04900 2G 47 63 468 (il 20 43 93 162 17 54 0. 32700 672 OBSERVATIONS HYGROMETRIQUES. ANNEE 1854. (Hicromltre de Saosscre). ALTITUDE : 45°*, '. ',:,. Sloi*. NEUF HEURES du malin. JdQvier Février Mars Avril Mai... Juin Juillet Août Septembre. . . Octobre Novembre . . . Décembre. . . . Moyennes 54,48 64,05 71,03 71,40 64,80 65,64 71,15 79,32 75,40 77,03 69,25 MIDI. 52,05 57,06 60,01 63,77 58,58 57,52 65,36 68,16 68,70 69,74 61,95 TROIS HEURES du soir. 49,:; i 55,45 58,77 61,25 57,00 53,45 58,66 59,90 61,85 64,80 58,06 NEUF HEURES du soir. 54,61 00,06 64,10 71 ,40 61,64' 65,71 67,40 71,15 72,90 74,29 (i.'i,7T> MOYENNES MENSUELLES. 51,91 59,15 63,63 66,95 60,32 60,08 65,14 69,62 69,74 70,71 Moyenne générale. 65,74 RESUME DES FAITES A L'ÉCOLE NORMALE DE PERPIGNAN, PAR 11. ItK.I (t. DlBECTBIB. ANNEE 1855 44 CTi ANNEE 1855. OBSERVATIC 9 HEURES Dl MATIN. Baromètre Tempéra- à ture zéro. extérieure mm 759,84 0 3. '.Il, 749,99 8,91 751,79 9,82 737,47 13,62 754,46 15,01 758,35 48,66 T.iT.T I 739,20 759,09 734,44 755,82 737,42 24,5a 23,81 19,41 46,44 9,48 5,8G 756,29 14,10 PRESSION ATMOSPHERIQUE MOYENNES MENSUELLES. MIDI. Baromètre Tempéra- à ture zéro. intérieure 759,50 7 19,36 T.-il , ',S 736,83 7:, 1,40 738,18 757,22 758, 57 758,47 753,91 / 50, Ol 737,07 55,84 0 7,1 G 14,69 12,82 13.7s 17,40 21,51 2(i,72 2G,IG 22,54 18,58 11.711 8,4G 1G,G8 3 HEURES du soin. Baromètre à zéro. mm 738,00 7 ',$,!!!> 7.'i 1,29 75G,G4 7."i.",;i(; 7.'i7,.SIi 757,05 73S,2I 757,85 733,31 754,95 756,95 Tempéra- ture extérieure 8,45 12, GO 15,50 46,64 47,84 24,84 27,37 27,49 23,83 20,48 43,49 9,4 9 J5.48 17,65 9 HEURES Dl B0IR. Baromètre à zéro. rempéra- turc extérieure mm 730,03 749,22 751,94 737,25 754,13 758,79 738,20 759,54 758,82 755,08 756,05 737,',:; i6,52 4,81 s.; s 8,79 I2,il 13,56 10, Gl 22,27 22,79 19,25 10,03 10,46 G,GG 13, MAX1MA ABSOLUS. Maximum. mm 774,66 7G0,43 705,72 765,06 762,46 764,51 762,04 767,64 707.10 764,82 7(13.2(1 jours. Ihmi 7-0 24—9 31 -9s 15—9 7 — 9 20-9 l'T-9 27-9 8-9 20—9 3-9 768,37 30 — 3 703.07 PRESSION ATMOSPHÉRIQUE. mm Moyenne des observations .;i des heures homonymes (9 h.). . 756,30 Miixiiiiiiin , lf 7 janvier. . . 771 ,GG Minimum, 'c 43 Février 730,92 TEHPÉRAT1 lll Moyenne des observation! / 5 H 2 r) ; 8 II! » )) 5 4 12 » » d 4 !» > » 1 ^ Il . » » \ o II » \ » D 7 » )) 1 » 8 »> \ 2 •1 iO » 1 5 2 8 u ■ » 5 12 2 » « 2 12 I 25 i ; 22 19 ', 68 38 60 52 12 s 53 12 .... i ; IS i ; ;■! 20 i2\ z o 2 10 4 5 5 5 4 4 5 4 o 50 2 I.V 66 NOMBRE DE JOURS PENDANT LESQUELS LE \ENT A SOOFPLÉ A HTIDI. I _ y )1 2 _) 1 2 2 D » \ 4 » »*' 4 11 u » 4 2 i » » « » D 0 i; 13 lu 9 7 II 12 68 28 51 159 21 II .-.u 15 12 ;i .... 25 s 104 42 || 22 2S."i 115 i, Les vents dominants à Perpignan ont été . en I 855 . I O-N-O . le N-O et l'E-N-E. 677 ETEOROLOGIQUES. ALTITUDE DE LA GIRODETXi : 47»,295. NOMBRE DE JOl lis PENDANT LESQUELS LE TINT A SOUFFLÉ A TROIS HEURES DU SOIR. 1 z z 1 _J ■À — i X r — ■ 7". 3 - d o z 6 Z Z - ~™ J. f. j o 0 r> :; u " » » 1 5 1 2 2 6 » 0 G ; 1 » » )} 2 3 » 1 2 1 2 1 o 1 2 U 4 5 )> » 2 II A 1 5 M u 1 » » 2 \ • » 8 '■' » 1 1 1 { ."i D r> I i » 9 A 0 3 5 2 » » 5 l i » G 1 2 3 » ii 5 2 1 1 » » » G 2 3 4 ; 2 "i \ 1 ■ u » M 4 3 6 v) 2 1 \ u 1 i \ 1 •'. 3 • 7 « 1 » 1 » 2 1 u II 3 -1 2 ■"> D 2 1 _' 1) \ » » I» 8 1 3 1 1 » i » 1 » i» 1 13 26 iG 18 71 88 226 S9 60 58 M il l i 16 i -'-' 60 9 6 16 19 22S sj :o 20 o z z NOMBRE DE JOl lis PENDANT LESQUELS LE VBN1 l SOI I 1 I i A NEUF HEURES OU SOIR. z z 1 z •-; i X, en i ■/. z 6 '. ; r 6 6 i z • d Z ■"■ "" y. J\ z 1 1 o 33 z j/ ^ » D ii i » 1 ii 5 )l H * \ M 1 » 5 » 8 » i H >) n 3 2 A •> 1 5 5 1 o 2 2 )) D » 1 I) o >i 3 » » 2 o 1 i -' 6 I i s il ; 10 ; I I 6 7 M 21 9 M 9 23 2 «7 1(1 S 1<> 97 3 101 77 37 25 30 - :. ii. 28 M 28 26( 678 ANNEE 1853 OBSERVATIC ÉTAT DO CIEL ÉTAT DU CIEL A NEUF HEURES OU MATIN. A MIDI. MOIS. Pluvieux. NOMBRE DE JOURS NOMBRE DE J01 Couverts. Nuageux. IIX. Sans Pluvieux. Couverts. Nuageux. Beaux. nuages. nuages 2 ; 8 13 4 J ■ (i 4 12 s » s 7 12 1 1 3 G 17 1 . Mars 4 6 1 '■ 9 3 "i 1 \ 22 18 2 5 2 1 2 3 1 3 7 i 9 ■i:> 17 17 7 Uni Mai 4 2 r 1!) 1 2 5 -'i 17 — ■ > Juillet 1 » 5 24 3 1 n 2. "i Aoôl » 2 7 5 6 13 12 II 5 3 1 7 H) M II) 12 2 Octobre 2 s (i 13 2 1 G !» 13 j Novembre 6 S 5 12 ; V> ' 7 ii .'i " S S 1 i i 2 3 8 IS 3 Innée IS.'i.'i.. 25 52 Ci 186 38 2< il SI» 171 32 679 ETÉOROLOGIQUES . AI.TITI DE M PU \M\IIIBE : 46' ETAT DD CIEL LIAT DD CIEL NOMBRE A TROIS HEURES DU SOIR. A NEUF HEURES DU SOIR. — — de QUANTITE NOMBRE DE JOURS Sans Pluvieux. NOMBRE DE JOURS Sans JOUR - de PLUIE. 'luvicux. Couverts. Nuageux. Beaux. Couverts. Nuageux. Beaux. nuages. nuages. appréi 1 li .', Il) 2 1 5 4 1!) 2 m 0,07700 « (i !) II 2 2 10 9 7 » 7 0,05225 1 o 8 13 4 3 2 9 14 ."> ti o. m » i 4 H 8 1 » 5 15 il 2 0,00660 6 7 6 II 1 7 4 15 6 1 15 0,08227 3 1 G IS 2 1 ■ 9 10 i • i 0,06450 » r> ('» IS 4 1 1 5 1 i 10 5 0.(1172:; 2 i 4 14 ,0 o 2 7 Kl 12 1 0,45500 2 :; 9 12 ■> G 7 8 !> S (il 1700 3 5 9 12 2 1 9 10 8 :' . t 0,02550 ■'> s 7 4 G li 7 7 5 5 in (i 18475 2 7 7 15 2 3 5 If. ~> 5 (i.iil 175 28 :.; 7!» 159 45 2li 50 90 158 cil 66 0 79652 680 OBSERVATIONS HYGROMÉTRIQUES. ANNÉE 1855. (Hygromètre de Saussure). ALTITUDE: i>',4 '..",. Mois. NEUF HEURES du matin. MIDI. TROIS HEURES du soir. NEUF HEURES du soir. MOYENNES MENSUELLES. 81,. "G 82,45 64,25 64,00 68,26 69,50 60,61 67,96 75,17 79,45 82,80 77,48 77,22 75,54 57,19 55,95 65,90 60,85 51,09 60,00 67,05 69,71 77,26 72,74 75,74 75,68 55,48 51,75 64,51 ;;~,80 50,55 54,61 64,80 64,68 72,76 69,29 78,87 80,50 62,19 59,00 77,55 68,85 61,45 66,81 75,56 76,71 81,15 75,19 77,79 78,04 59,27 57,66 68,50 64,24 55,92 i 62,55 70,59 72,64 78,49 7. -.,67 1 Avril Mai Juillet Août 72,77 65,70 62,64 74,95 Moyenne générale. 68,26 -, i LISTE DES MEMBRES COMPi LA SOCIETE AGRICOLE, SCIEATIFIIIIE ET LITTÉRAIRE DES l't RÉXEES-ORIEMMLES. MEMBRES HONORAIRES. 1835. M. Mathieu, 0. *, membre de YInstitut. 1836. M. Guizot, C. &, membre de X Acadcmic fran- çaise. MEMBRES RÉSIDANTS. 1854. M. Abbi.ard, professeurs 1 Kcole-iNonnale. 1855. M. Aï.art, secret, de inspecteur d'Académie. 1833. M. Alzine, imprimeur-libraire (F\*. 1857. M. Amadis, professeur au Collège. 1853. M. Argiot, homme de lctires. 1855. M. Astor, professeur au Collège. 1857. M. Astors (François), propriétaire. 1853. M. Audusson (Olivier), propriétaire. 1838. M. Auge, $>, capitaine d'artillerie en retraite. 1854. M. Aussi:i,, professeur au Collège 18-16. M. Azémar, vice-consul d'Espagne. 1836. M. Bach, ;V;, colonel d'artillerie en retraite. 1857. M. Barber et, Inspecteur d'Académie. IS33. M. Batixe, négociant^). 1855. M. Bédos, avocat. F.rs Fondateurs d.' k Soeiété Boni ddsignéa par la lettre F, MEMBRES CORRESPONDANTS. 1839. Mme Lafabrègue, naturaliste, à Lyon. 1839. Mn,e Mathieu, à Taris. 1839. M™ Tastu (Amablc), à Paris. 1839. M«" Vien (Céleste), à Paris. 1 840. JMme Faure (Anaïs) née Biu, à Limoux. 1842. Mllc Favier (Eulalie), à Marseille. 1833. M. Armonvii.le, secrétaire du Conservatoire des Arts et Métiers, à Paris. — M. Arvers, *, ancien pharmacien militaire, à Perpignan. — M. Bastard, docteur-médecin, à Chàlonnes (Maine-et-Loire). — M. Boobée, géologue, à Paris. — M. Chapsal, piètre, à 111e (Pyrén. -Orientales). — M. Christot, (Jul. de), professeur d'histoire naturelle, à Montpellier. — M. Dis Moulins (Charles), membre de phi- sieurs socic (('■.> savantes, à Lanquais. — M. Denis de Saint-Antoine, président des re- lations intérieures de la Société de Civilisa' tion, à Paris. — M. Dias de Morales, ancien député aux Cor- trs, à Marseille. — M. Ferrus, ancien principal du Collège de Perpignan (/,,N. — M. FraisSE, de Perpignan, directeur des pos- tes, à Celte (/ . — M. Goi i.i r, chirurgien-major au 47e régiment d'infanterie de ligne. — M. Ivan (Michel), docteur-médecin, à Digne. 63G 1833. M. Julia, de Perpignan, professeur de langues. à Alger (F). — M. Marcel de Serres, professeur de géologie, à Montpellier. — M. Siau, de Perpignan, ingénieur des Ponls- et-Chaussées. — M. Tournai-, géologue, à Narbonne. — M. Vène, ingénieur des mines, à Toulouse. 1834. M. Boisgirauo, prof, de chimie, à Toulouse. — M. César-Moreau, directeur fondateur de la Société française de Statistique, à Paris. — M. Cros, avocat, à Carcassonne. — M. Delestre, président de Y Athénée Impérial, à Paris. — M. Dupuy, #, colonel d'éiat-major en retraite, à Toulouse. — M. Godde de Liancourt, président de la So- ciété wià'crsclle de Civilisation, à Paris. — M. Izern, de Perpignan, membre de plusieurs sociétés savantes, à Paris. — M. Pujade, #, doct.-méd., à Amélie-les-Bains. — M. Poulain, chirurgien en chef. — M. Salin (Alphonse), contrôleur de la monnaie des médailles, à Paris. — M. Xatart, iîls, pharmacien, à Prats-de-Mollô. 1835. M. Arago (Etienne), de Perpignan, homme de lettres. — M. Chenu, chirurgien-major au ! 2e chasseurs. — M. Combes, docteur-médecin, à Toulouse. — M. Duisain, chef de bataillon du génie. — M. Ensely, docteur-médecin, à Castelnaudary. — M. Gai. la y, #, de Perpignan, professeur de cor à Y École Impériale de Musique, à Paris. 687 1835. M. Gally-Cazalat, professeur de physique, à \ cisailles. — M. Guinard, aîné, pharmacien, à Bordeaux. — M. Guitkr, ancien notaire. — M. Guyot de Fêre, secrétaire perpétuel de la Société d'Encouragcuiait, à Paris. — M. Itier, naturaliste, directeur des douanes à 31ontpellier. — M. Lecoq, profess. de botanique, à Clermoni- Ferrand. — M. Leucotte, capitaine d'étai-major, à Paris. — M. Maurin (Antoine), de Perpignan, litho- graphe, à Paris. — M. Maurik (Laurent), de Perpignan, litho- graphe , à Paris. — M. Michel, capitaine au 17e de ligne. — M. Nigaud (Esprit), de Perpignan, avocat à la Cour de Cassation, à Paris. — M. Rires, de Perpignan, prof, à la Faculté de Médecine de Montpellier. — M. Sarrus, doyen de la Faculté des Sciences de Strasbourg. I83G. M. Aleron, naturaliste, à Perpignan. — M. Breghot do Lut, conseiller à la Cour im- périale de Lyon, membre de Y Académie impériale de la même ville. — M. Cachet. ièvre, ingénieur des mines. — M. Cai.mètes, *, de Perpignan, premier pré- dent de la Cour impériale de Bastia. — M. CHEVROLAT(Auguste), membre de là Société Entomologique de France^ à Paris. — M. Corhuo, chirurgien-major au 85e de ligne. M. Delocre, docteur-médecin, à Lyon. 688 1836. J\l. Denizart-IIurtzi :l, propriétaire à Lille. — M. Duffourc, ^, colonel du génie. — M. Jui.ia, de Perpignan, capitaine d'artillerie. — M. Lacroix, #, de Perpignan, conseiller à la Cour impériale de Montpellier. — JM. Llanta, de Perpignan, lithographe, à Paris. — M. Merch, très, de \a Société Linnéentie de Lyon. — M. Mulzant, profess. d'entomologie au Lycée et à la Faculté des Sciences de Lvon. j — M. Neppel, industriel, à Paris. — M. Pares (Théodore), 0. #, de Perpignan, ancien procureur-général, à Montpellier. — M. Péricaud, bibliothécaire de la ville de Lyon, membre de Y Académie Impériale de la même ville. — M. Houffia (Corne), maître de Pension, à Baho. — M. Thurbert, ingénieur des mines. — M. \\ alter, ingénieur civil, profess. à X École des Arts et Manu factures, à Paris. 1847. M. Barrau, homme de lettres, à Toulouse. — M. Boluix, de Perpignan, capitaine de frégate. — M. Jasmin, homme de lettres, à Agen. — M. Mercadier, aîné, lithographe, à Toulouse. — M. Beboul, homme de lettres, à INîmes. 1838. M. Bonafos, docteur-médecin, à Sigean. — M. Durosoy, inspecteur des mines. — M. DuviGNAu, homme de lettres, à Agen. — M. Grenier, docteur-médecin, prof, d'histoire naturelle, à Besancon. — M. Vaillant, dessinateur, attaché au Muséum d Histoire naturelle, à Paris. 1839. M. Broc. hier, capitaine du génie, à Paris. — M. CAun.iiAc(Désiré), àPuisségur, prèsBéziers 689 1839. M. Coxjbart d'Atjlnay, membre de VAthénéi ries Arts j à Paris. — M. Du Mége (Alexandre), secrétaire-général de la Société Archéologique ni|i«||irr. Béziers. Châteauroux. Tours. Grenoble. Is Icademû DelpMnale. Jura Société d'Emulation. I ons-le-Saulnier. Landes Sociétt a? Agriculture. Mont-de-Marsan. Loir-et-Cher Société d'Agriculture. Blois. Loire Société a? Agriculture. Mont-Briaon. Loire (Haute-) Société des Sciencu et d'Agriculture. Le l'uv. Loire-Inférieure.... Académie. Nantes. Lot Société Agricole et Industrielle. Cahora. Lot-et-Garonne .... Société d'Agriculture et Arts. Biontauban Lozère Société Agricole, Scientifique et Littéraire. Mende. ,, . . (Société d'Agriculture, Sciences et Arts. \ M.iiuB-el-l.oire J j.\n {Société Industrielle. ) Mauche Société Académique. Cherbourg. Marne. . Mearlha < i 1 1 '< ] i » n s . Nancy. .Metz. Valenciennes. 6% S Académie Impériale. Société d'Agricultwri . Société des Sciences, Lettres cl Arts Société Centrale d'Agriculture. Moselle Société d'Histoire yaturelte. Société d'Agriculture. Société d'Agriculture, Sciences et Arts. Douai. [Société d'Émulation. Cambrai icadt mie Nationale, Agricole, Manufac- turière, etc. iSociété des Sciences, de l'Agriculture Lille et des Arts. Comice Agricole de iarrondiss. de Lille. Vnl Oise Société d'Agriculture. (Académie des Sciences. ras-rt. I de Slatistiaue. Statistique les Antiquaires de Picardie. , Société d'Agriculture. >onime ] IAm \ ai '.culture el du Connu I \griculture el du Commerce. ' ' Société Scientifique et Archéologique. Dr \ icône Société d'Agriculture. Vienne (Hante.-). .. . Société d'Agriculture et du Commet- I Soàcït d'Lmulation. Epil ^ '.une SO' . logique. lA*m ■ nue. bulletin de ' '■ - \gr\cvllur. I SOCIETES ETRANGERES. unique. |oe Brui ^/.7 PropagadoT de la I . ne. . £a Crnnr. : ; . C98 ERRATA. EP1GEAPHIE ROUSSILLONNAISE. Page 1 9 , ligne \ : M 62 , lisez : 1163. — 20, - 12: YR S, lisez: VRBS. — 22, — 2G : Conjonctiou, lise: : préposition. — 24,-22: 1220, liste: «227. — 25, — 9: 1200, lisez: 1220. — 2C, — 14. L'observation relative au commencement de l'année dans le royaume d'Aragon , jusqu'en 1350, serait ici mieux à sa place qu'au n° 10'». Elle expliquerait comment Guillaume Jorda, mort\cAeT janvier 1226, intervient dans un acte public le 26 mars 1 226 , en détruisant la contradiction apparente des termes. _ 54 f — 5: Partout ailleurs, cle, lisez: Nous trouverons quelquefois burgensis, et plus habituellement la simple désigna- tion du lieu de domicile ou d'origine, régi par 1j préposition de : N. de Perpiniano , N. de Tesano, N. de Elna, etc. — 51,- 16: ANNIVERSAIVM, littz: ANNIVEBSARIVW _ 53, - 42 : CAR1TAS, lisez: CARITAT. — J»9, — 3 : la, lisez: le. — 59, — 30: au n° 104, lisez: au n° -101. 699 I Tlll MKIUDES DES HOSPICES. "I.'i, année I2Î7, à la liasse I, n« 2\) , ajoutée: n° 54. \ la note qui se trouve au bas île la page 518, au lieu de: I.e 5 (kl calendes de mai 1524 , Sancho , père de Jacques II, roi de Uajorquc , lisez: Le li des calendes de mai 1524, Sancho, oncle de Jacquee II, roi de }lajorque. Page 545, année is."."i, au lieu de: Par lestement olographe, lisez: Par testament olographe. RAPPORT SUR L INDUSTRIE ABEILLERE. Page 559, ligne 4, au lieu A'Alénya, lisez: de Sainl-Xazairc . Page 56-1 , au lieu de 5.87(1 kilogr. , lisez : 5.676 kilogr. , différence I.SOO kilogr. à reporter aux différents totaux. BIOGRAPHIE DE FRANÇOIS JAUBERT DE PASSA. Page 426 , à la 2e ligne de la 2e note , au lieu de : décrit, lisez : icrit. 700 rABLE DES MATIERES. Épigraphie roussillonnaise (Suite), par M. Je lionnefoy Essai sur le GoiU, par M. Aussel ta l!i!)le devant la vraie science, par M. le docteur Faure Les Patronnes d'Elne, pur M. Alart Monastères de l'ancien Diocèse d'Elne (Abbaye de Sainte-Marie de Jau ou de Clariaua), par M. Alart Éphémérides de L'Hôpital Saint-Jean et de l'Hospice de la Miséricorde de Perpignan (1 1 16 — 1850), par M. Sirven Rapport sur l'industrie abeillère des Pyrénées-Orientales, par M. Si iu . Notice biographique de François Jaubert de Passa, par M, Mettes. . Traitement de l'oïdium, par M. Denamiel Séance publique du 27 juillet ISoG Séance publique du 20 juillet IS57 Notice sur le blé, par M. l'abbé Delhoste Rapport sur la ferme de Vésian , par M. I de Lamer Affluents et itinéraire de la vallée de la Tel, par M. Bouis Observations sur les inseotes nuisibles aux oliviers dans le départe- ment des Pyrénées-Orientales, pur M. le docteur Compauyo Quelques nids sur le drainage, par M. Lacroiv De la réunion du Roussiilon à la France, par M. Morer Déciulremenl des voûtes (moyens employés, — nouveau procédé), par M. A. .Maurice Rapport sur la maladie de la vigne, par M. Bédos Du Sorgho, par M. Malègue Le Cheval dans le département des Pyrénées-Orientales, par M. J. «le Lamer Mémoire de M. Aymérich sur les inondations lilanra , par M. Fabre Les Fromages .anecdote historique), par M. Fabre Carmen mullimctrum ad laudem Beatissimœ Vijginis, par M. Fines. Résumé des observ. météorologiques (4854, ISj.j . par M. Béguin. Liste des Membres composant la Société Liste des Sociétés correspondantes Errata Pagef. I 65 12!» 20 1 27 s 309 ".'il 426 158 456 268 !72 17(1 581 :>'~ 581 606 61 i 625 <;.-,r. 645 657 664 665 681 69 ', 698 FIN ■ '■2 W- ^ §2 §^ t£ gH 5B| _ rv2 C_9 «-= ^ -s: cvj ^2 -£_ t-jj i^Zi Eiia <>° I — i _^ t— 4 fM-j G< αj S t < r^ tii ??? b£ fc^ lu béf ,^9 o Dr <^~ oG p r. S 2£ t^ *-=t? Û-4 CN Cr* est t-uj %h^é> i — -' ! ntes ru - iâp ^AiuIk De 9Tb. l'lIÎci c| ; ; d : : : rr 111; Plan d'un plancher Ruche ouverte ( vue par derrière Ruche fermée , vue par devant. EcWU Je 0"7O peivvvnetr* '■ _ _ -, . - - - - X ' " / .' ' 1 ■ ^ -_*i*i*j w Elévation. &udk De DTfo. tfUa*e4uJ. Plan d'un compartiment Echtlh le a'.lO pour unmttft rz7\ ' S ~: -"- m g >" • Coupe sur A B . SOURCES THERMALES ALCALINES sulfureuses et non sulfureuses d'OIETTE I Pyrénées ■ Orientales ). Appareil pend an V ^^ Coupe sur CD. . " | *~~ "|| Sa Appareil apr f- "S «.(<) Plan supérieur. i: > D an des Coins inférieurs. .- - < ■ ■ COINS A BOULON BEGULATEUR . Appareil pendant la construction clelaVcmte V^i V y.a I. \f Coupe sut A.B. t. -**. --* . 1 CD. L~ h-H .■ I i Appareil après l'affaissement du Cintre. /gr. 5. \~,/ K <: r-M J Plan supérieur. Plan des Ceins intérieurs. r 37 > „ M -fO .to *o *" '•"' S"» * £" Ijfc-H— t— I t-t-7-M-" Fis. IV. r Fia. ///. /. - a I ■ / ,