A . Ufc£(> BULLETIN MENSUEL DE LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION PARI*. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2. BULLETIN / r DE LA SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION FONDÉE LE 10 FÉVRIER 1854 2e SÉRIE — TOME VII ANNÉE 1870 ■ YOVK ■ PARIS AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ HOTEL LAURAGUAIS, RUE DE LILLE, 1 9 1870 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. ORGANISATION POUR L'ANNEE 1870. LISTE DES SOCIÉTÉS AFFILIÉES ET AGRÉGÉES ET DES COMITÉS RÉGIONAUX, ET QUINZIÈME LISTE SUPPLÉMENTAIRE DES MEMBRES. S. M. 1/ EMPEREUR, protecteur. •HT 4 r BUREAU ET CONSEIL D'ADMINISTRATION. MM. DROUYN DE LHUYS, président. A. DUMÉRIL, \ Antoine PASSY, f . > vice-prestdents. De QUATREFAGES, i RICHARD (du Cantal), / Le comte d'ÉPREMESNIL, secrétaire général. E. DUPIN , secrétaire pour l'intérieur. Le marquis de SINÉTY , secrétaire pour l'étranger. J. L. SOUREIRAN, secrétaire des séances. Ch. WALLUT, secrétaire du Conseil. Paul RLACQUE, trésorier. COSSON, archiviste. MM. A. GiLLETde Grand- mont. A. Hennequin. Fréd. Jacquemart. Le Mis de Selve. MM. le baron J. Cloquet. Le baron Larrey. Ruffier. Le baron Séguier. MM. Chatin. Coste. Fréd. Davin. Maure Girard. Vice-président honoraire : M. le prince Marc DE Reauvau. G^ii Secrétaire honoraire du Conseil : M. A. Geoffroy Saint-Hilaire. CD Membres honoraires du Conseil : MM. De Relleyme et Rufz de Lavison. Secrétaire adjoint des séances : M. A. Gillet de Grandmont. *— Secrétaire délégué : M. J. L. Soubeiran. OZ Agent : M. Eug. Grisard. ^rC2e série, T. VII. — Séance publique annuelle. a DELEGUES DU CONSEIL EN FRANCE. Bordeaux, MM. DURIEU DE Mai- SONNEUVE. Boulogne-sur-mer, Alex. Adam. Caen, Le PRESTRE. Cernay (Haut-Rhin), A. Zuucher. Clermont-Ferrand, H. LECOQ. Douât, Havre, Lyon. A L. Maurice. H.Delaroche. G. Bouchard. Marseille, MM. Ant. Hesse. Napoléon- Vendée, D. Gourdin Poitiers, Saint-Quentin, Toulon, Toulouse, Wesserling, Malapert père. Theillier- Des- jardins. TURREL. JOLY. Gros-Hartmann. DÉLÉGUÉS DU CONSEIL A L'ÉTRANGER. Batavia, MM. J. C. Ploem. Canton, Dabry. Constanlinople, DiFOUR. Florence, Prince A. de Démidoff. Lausanne, Chavannes. Londres, C,c J. TAVERNA. Mexico, ChasSIN. Milan, Ch. Brot. Nangasaki (Japon), Dury. New-Orléans, MM. Ed. Silun. Odessa, Pesth (Hongrie) Philadelphie, Québec, Rio-de-Janeiro, Sydney (Australie!, Turin, P. de Bourakoff. Lad islas de Wagner Th. Wilson. Henry Joly de Lot- BINIÈRE. De Capanema. Mac Arthur. Chevalier Baruffi. BUREAUX DES SECTIONS ET DES COMMISSIONS PERMANENTES. t" NECTIOV — Mamntirères. Pigeaux, président. Leblanc, vice-président. Raveret-Wattel, secrétaire. Fleury-Flobert , vice-secrétaire. teSECTIO.V — Oiscuux (Aviculture). Berrier-Fontaine, président. BOURGUIN, vice-président . Cretté de Palluel, secrétaire. André Franche, vice-secrétaire. »e SE. — Reproduction artificielle des Huîtres. — Un prix de 1000 francs sera décerné, en 187 2, pour le meilleur travail indiquant, au point de vue pratique, les méthodes les plus propres à assurer cette reproduction artificielle. L'ouvrage devra en outre faire connaître d'une manière précis»! les conditions à remplir pour obtenir les aulorisations de créer des établissements huîtriers et énum'érer les travaux que com- portent les bancs d'huîtres naturels, aussi bien que les caractères aux- quels on peut reconnaître qu'un banc est exploitable; enfin quelles sont les mesures qu'il conuent de prendre pour l'enlèvement du coquillage. En un mot, ce travail devra constituer un véritable manuel d'ostréiculture. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1871. CRUSTACÉS. 9° — 1867. — Introduction et acclimatation d'un Crustacé alimentaire dans les eaux douces de la France, de l'Alyérie, de la Martinique ou de la Guadeloupe. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1870. Pmx. — 500 francs. QUATRIÈME SECTION. — INSECTES. 1° — 1865. — Acclimatation en Europe ou en Algérie d'un insecte producteur de cire, autre que l'Abeille. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1870. Prix. — 1000 francs. SÉRICICULTURE. 2° — 1857. — Acclimatation accomplie en France ou en Algérie d'une nouvelle espèce de Ver à soie produisant de la soie bonne à dévider et à employer industriellement. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1872. Prix. — 1000 francs. 3° — 1863. — Application industrielle delà soie des Bombyx Cynlhia et Arriudia, Vers à soie de l'Ailante et du Ricin. On devra présenter plusieurs coupes d'étoffes formant ensemble au moins 100 mètres, et fabriquées avec la soie dévidée en fds continus du Honibycr Cyahia ou du H. Arrindta , ou du métis de ces deux espèces et sans aucun mélange d'autres matières. Les tissus de bourre de soie sont bors de concours. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1872. Prix. — 1000 francs. XXII SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. 4» — ISO I — Prix fondé par S. Exe. M. IIKOI 1\ DE IDliS, Membre dn Conseil privé, sénateur, président de la Société. Vers à soie Yama-maï. — Une médaille de 1 000 fr. sera décernée en 1872, pour la meilleure éducation en grand du Ver à soie Yama-maï. On devra : 1° avoir obtenu, dans une seule saison une récolte assez considérable pour pouvoir livrer à la filature et transformer en soie grége de belle qualité, au moins 100 kilogrammes de cocons pleins, ou 10 kilogrammes de cocons vides. 2° Avoir publié ou adressé à la Société un rapport circonstancié, pouvant servir de guide aux autres éducateurs et indiquant le système suivi et les résultats obtenus, au point de vue de la qualité, de la quantité et des bénéfices réalisés. Les concurrents devront faire parvenir les pièces à l'appui de leur candidature avant le 1er novembre 1871. Nota. — Les travaux accomplis, les observations ou les découvertes faites sur l'Yama-maï et sur son acclimatation et sa propagation d'ici au 1" décembre 1871, pourront prendre part aux récompenses ordinaires et annuelles de la Société , les droits des concurrents au prix spécial étant réservés. 5° — 18G5. — Vers à soie du Mûrier. — Études théoriques et pra- tiques sur les diverses maladies qui les atteignent. Les auteurs devront, autant que possible, étudier monographiquement une ou plusieurs des maladies qui atteignent les Vers à soie ; en préciser les symptômes ; faire connaître les altérations organiques qu'elles entraînent ; étudier expéri- mentalement les causes qui leur donnent naissance , et les meilleurs moyens à employer pour les combattre. Concours prorogé jusqu'au 1er juillet 1872. 1er prix. — 2000 francs. 2e prix. — 1000 francs. 6° — fl$G5. — Vers à soie du Mûrier. — Production de la graine de Vers à soie de races européennes. On devra avoir obtenu pendant quatre années consécutives de la graine saine, capable d'être utilisée dans les éducations industrielles d'au moins 10 onces. La graine elle-même pourra et devra presque avoir été obtenue par l'élevage spécial de petites chambrées. Les concurrents devront fournir la constatation légale des faits qu'ils auront obtenus. Concours ouvert jusqu'au 1er juillet 1870. Prix. — 5000 francs. 7° — 1870. — Vers à soie du Mûrier. — Production dans le nord de la France de la graine de Vers à soie de races européennes par de petites éducations. Considérant l'intérêt qu'il y aurait à encourager la production de la graine saine des Vers à soie du Mûrier de races européennes, les prix sont institués pour récompenser dans les bassins de la Seine, de la Somme, de la Meuse, du Rhin, ainsi que dans la portion septentrionale du bassin de la Loire, les petites éducations qui permettront de mettre au grainage des cocons provenant d'éducations dans lesquelles aucune maladie des Vers n'aura été constatée. La Société n'admettra au concours du grainage que les races de Vers à soie de races européennes. PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE. XXIII Elle ne primera aucune éducation portant sur plus de 30 grammes de graines, pour une même habitation. Mise au grainage de plus de 50 kilogrammes de cocons. 2 Prix de 500 francs chacun. Mise au grainage de 25 à 50 kilogrammes de cocons. 2 Prix de 200 francs chacun. Mise au grainage de 10 à 25 kilogrammes de cocons. à Prix de 100 francs chacun. Mise au grainage de 5 à 4 0 kilogrammes de cocons. 10 Prix de 50 francs chacun. Ces primes seront distribuées chaque année, s'il y a lieu, jusqu'en 1880. Les concurrents devront (cette condition est de rigueur) se faire connaître en temps utile, afin que la Société puisse faire suivre par ses délégués la marche des éducations et en constater les résultats. APICULTURE. 8° — 187®. —Études théoriques et pratiques sur les diverses mala- dies qui atteignent les Abeilles, et principalement sur la loque ou pourri- ture du couvain. Les auteurs devront, autant que possible, en préciser les symptômes, indiquer les altérations organiques qu'elle entraîne, étudier expérimenta- lement les causes qui la produisent et les meilleurs moyens à employer pour la combattre. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1875. Prix. — 500 francs. 9» — 187©. — Propagation en France de l'Abeille italienne (Apis ligustica). On devra justifier de la possession de douze colonies vivant, chez le propriétaire depuis deux ans au moins, en bon état, sans dégénérescence ni hybridation, et de douze bons essaims de l'année, parfaitement purs, provenant des ruches mères ci-dessus désignées . Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1875. Prix. — 500 francs. i\ o° — 187©. — Propagation en France de l'Abeille égyptienne (Apis fasciata). On devra justifier de la possession de six colonies, vivant chez le propriétaire depuis au moins deux ans en bon état, sans dégénérescence ni hybridation et de de six bons essaims de l'année, parfaitement purs, provenant des ruches mères ci-dessus désignées. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1875. Prix. — 500 francs. ■ If — 1870. — Introduction en France d'une Mélipone ou Abeille sans aiguillon, américaine ou australienne. Présenter une colonie vivant depuis deux ans chez le propriétaire. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1880. Prix. — 500 francs. XXIV SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOÛLOGIQUE D ACCLIMATATION. CINQUIÈME SECTION. — VÉGÉTAUX. \° — IM»4» — Introduction en France, et mise en grande culture, d'une plante nouvelle, pouvant être utilisée pour la nourriture des bestiaux. Concours prorogé jusqu'au 1er décembre 1872. 1er prix. — 500 francs. 2e prix. — 300 francs. 2° — 187©. — Introduction en France d'une espèce végétale propre à être employée pour l'alimentation de l'homme, ou utilisable dans l'in- dustrie ou en médecine. On devra justifier des qualités de la plante introduite et prouver qu'elle a été cultivée en pleine terre, durant trois années au moins sous le climat de Paris, ou sous un climat analogue. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1880. Prix. — 500 francs. 3° — ISIO. — Utilisation industrielle du Lo-za (Rhamnus utilis), qui produit le Vert de Chine. On devra fournir à la Société sous réserve des droits de propriété, les docu- ments relatifs aux méthodes et procédés employés. On devra également présenter des spécimens d'étoffes teintes en France, avec les produits du Lo-za préparés en France. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1875. Prix. — 500 francs. 4° — 1808. — Utilisation industrielle de l'Ortie de Chine (Boehmeria ulilis, tenacissima, etc.). On devra fournir à la Société, sous réserve des droits de propriété, les docu- ments relatifs aux méthodes et procédés employés. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1872. Prix. — 500 francs. 5° — 1S70. — Introduction en France des espèces de Chênes origi- naires du Japon (Qucrcus scrrala, glanduligera et autres). Considérant les échecs éprouvés généralement dans les éducations des Vers à soie Vama-maï, nourris sur les Chênes européens, on pense qu'il y aurait intérêt à introduire en France les Chênes japonais. Le prix sera décerné à la personne qui pourra justifier de la plantation d'un millier de pieds de Chênes japonais, hauts d'un mètre au moins, et qui aura pu faire avec les feuilles de ses arbres une éducation de Vers à soie Yama-maï. Concours ouvertjusnu'au 1er décembre 1880. Prix. — 500 francs. 6° — flSOl. — Introduction, culture et acclimalalion du Quinquina dans le midi de l'Europe ou dans une des colonies françaises. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1870. Prix. — 1500 francs. 7° — ISTO. — Introduction et culture en France du Noyer d'Amé- rique (Curija alba), connu aux États Unis sous le nom de Hickory (bois employé dans la construction des voitures légères). On devra justifier de la plantation sur un demi-hectare de Noyers d'Amérique, hauts de lm,50 au moins. PROCÈS-VERBAL DE LÀ SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE. XXV Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1880. Prix. — 350 francs. 8° — 187©. — Propagation en Europe et spécialement en France du Mûrier du Japon. Considérant les avantages que présente le Mûrier du Japon, à cause de l'ampleur et des qualités éminemment nutritives de ses feuilles, et aussi à cause de la facilité avec laquelle il peut se multiplier par le bouturage, un prix est institué pour récompenser la personne qui multipliera le plus et le mieux le Mûrier du Japon en France. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1872. Prix. — 500 francs. 9° — 187©. — Propagation du Mûrier du Japon dans le nord de la France. La Société, pensant qu'il y a tout avantage à encourager les tentatives de sériciculture pour grainage, et par conséquent la plantation du Mûrier, dans le centre et le nord de la France ; Considérant en outre qu'aucune variété de Mûrier ne pourra donner des résultats plus assurés que le Mûrier du Japon, récompensera les pro- pagations les plus importantes de cette plante, qui auront été faites dans les bassins de la Seine, de la Somme, de la Meuse, du Rhin et dans la por- tion septentrionale du bassin de la Loire. Ces primes seront distribuées chaque année, s'il y a lieu, jusqu'en 1880. 2 Prix de 100 francs chacun. lx Prix de 50 francs chacun. 4 0°— 1867. — Prix fondé par H. Frédéric JACQUEMART, Membre du Conseil de la Société. Culture du Riz sec. Le prix sera accordé à celui qui aura : 1° Cultivé avec succès le Riz sec pendant trois années, et sur un demi-hectare au moins pendant la dernière année. 2° Exposé dans le meilleur rapport le mode de culture , les mérites de la plante, les produits obtenus, les résultats donnés par la graine obtenue en France, comparés à ceux de la graine exotique. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1873. Prix. — 500 francs. \\° — 1800. — Introduction ou obtention pendant deux années suc- cessives d'une variété d'igname delà Chine (Dioscorea batalas), joignant à sa qualité supérieure un arrachage beaucoup plus facile. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1873. 1er prix. — fiOO francs. 2e prix. — 400 francs. 4 2° — 187©. — Culture du Rambou en France. Le prix sera accordé à celui qui aura : 1° Cultivé avec succès le Bambou pendant plus de cinq années et dont les cul- tures couvriront, au moins pendant les dernières années, un demi-hectare ; 2° Exploité industriellement ses cultures de Bambous. XXVI SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1-880. Prix. — 1000 francs. 1 3° — 1870. — Culture du Bambou, dans le centre et le nord de la France. Le prix sera accordé à celui qui aura : 1° Cultivé avec succès le Bambou pendant plus de cinq années et dont les cul- tures couvriront, au moins pendant les dernières années, un demi-hectare; 2° Exploité industriellement ses cultures de Bambou. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1870. 2 Prix de 1000 francs chacun. 4 4° — 1870. — Multiplication des Bambous. On devra faire connaître et démontrer expérimentalement les procédés les plus sûrs et les plus rapides pour multiplier les Bambous. Concours ouvert jusqu'au 1er décembre 1873. Prix. — 200 francs. NOTA. — Les concurrents aux prix proposés devront faire connaître à l'avance les expériences dont ils s'occupent et les résultats obtenus, sans attendre? pour les porter à la connais- sance de la Société, l'époque de la réunion de la Commission des récompenses. Il importe, en effet, que la Société puisse faire contrôler les expériences pendant leur cours. La séance s'est terminée par la distribution des récom- penses. Sur la proposition de la Commission des récompenses et du conseil d'administration, la Société, réunie en assemblée générale le 18 février 1870, a admis à l'unanimité, au nombre de ses membres honoraires : M. le docteur Hooker, directeur du Jardin royal de Kew. Ce titre a été proclamé dans la séance publique du h mars. Il a en outre été décerné cette année : Premièrement. — Une grande médaille d'or, offerte à la Société par Son Exe. M. le Ministre de l'agriculture et du com- merce. Deuxièmement. — Un rappel de grande médaille d'or. Troisièmement. — Le prix Delalande, fondé par Ma- dame Guérineau-Delalande et consistant en une grande mé- daille d'or à l'effigie d'Isidore Geoffroy Saint-Eilaire. Quatrièmement. — Trois prix et prime, s' élevant ensemble à 1200 fr. PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE. XXVII Cinquièmement. — 1° Quatre rappels de médailles de pre- mière classe. 2° Vingt-six médailles de première classe. 3° Un rappel de médaille de seconde classe. !x° Quatorze médailles de seconde classe. 5° Six mentions honorables. 6° Trois récompenses pécuniaires , s'élevant ensemble à 300 fr. 7° Les deux primes annuelles de 200 et de 100 fr., fondées par feu M. Agron de Germigny. Le Conseil, par décision prise le 11 mars, a arrêté que les discours et les rapports prononcés dans cette séance seraient insérés in extenso dans le Bulletin mensuel de la Société, et placés en tête du volume en cours d'exécution. Le Secrétaire des séances, J. L. SOUBEIRAN. RAPPORT ANNUEL SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION, en 1869, Par M. A. G. de «.KWIMIOM Secrétaire-adjoint des séances (i). Mesdames, Messieurs, Tous les ans, à pareille époque, au moment de proclamer les noms de ses lauréats, la Société d'acclimatation a coutume de se faire présenter un résumé de ses travaux. Chargé par le Conseil de vous le soumettre aujourd'hui, j'ahorderai avec franchise chacun des sujets qui ont été traités cette année, et je ferai connaître en toute sincérité, et quels qu'ils puissent être, les résultats de tant d'efforts. S'il n'est pas pour l'homme de plus noble mission que celle de concourir au bien de tous par l'accroissement des richesses naturelles d'un pays, aucune assurément n'est plus laborieuse et plus longue. L'acclimatation est donc une œuvre de temps et de patience; mais elle a ce mérite des grandes choses : d'être grandie par le nombre et le péril des diffi- cultés vaincues. Hélas ! pourquoi faut-il qu'au début de cette solennité je sois contraint d'évoquer de funèbres souvenirs? MM, Ca- brera, Perrottet, Benjamin Poucel, membres honoraires, et M. Pomme, membre du Conseil, nous ont été prématurément enlevés dans le cours de cette année , ainsi que MM. Dur- chon, docteur Lejeune, Manuel, A. de Rougemont, E. Frick, J. F. Mallet, comte d'Escayrac de Lauture , Teyssier des Farges, Cordeviolla, Alph. de Lamartine, vicomte de Viart, Duval, Boucher de Crèvecœur de Perthes, Kœnig-Bey, Martin de Moussy, E. F. Lallemand, Edm. Béjot, comte Haoul de Montesson, E. Roland-Gosselin, Emile Doùmet, Ad. de Labretonnière, Bérard, Bournet-Verron, le comte de Goltz, (I ) Les notes intercalées dans ce rapport ont été ajoutées par M. leDr Sou- beiran, secrétaire délégué de la Société. RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LÀ SOCIETE. XXIX M. Pichaud, Levesques-Desvarannes, P. Y. Nicolle, le général Rolin, S. A. Buddingh, Bornemann, Pinson Gogomblis Duri- vage , le comte Th. de Puységur , Aube , Dantan jeune , Aug. Grenier, Barthélemy-Lapommeraye , du Bertier, de Francisco-Martin, Boullay, P. G. Gallicher, docteur P. Bor- dier, baron Daurier, Mgr Testard du Cosquer, T. Luce, baron de Béost, Florent Prévost, maréchal Regnaud de Saint-Jean d'Angely, Fauré, Gonot, duc de Rivière, Le Marié des Lan- delles , Tandou , général baron de Berthois , Burlingame , J. Fossin, Prudhomme, Marchant et Rozan. Le temps n'a pu adoucir l'amertume de nos regrets ! Tou- tefois, comme ces monuments d'airain que les tempêtes ébranlent sans les renverser, notre Société reste debout malgré ces pertes cruelles ! Les nouveaux venus comblent les rangs vides et en forment de plus nombreuxet de plus serrés. Les souverains continuent à nous donner leur haute protec- tion, et permettent que leurs noms augustes soient inscrits en tête de la lisle de nos membres (1). Les Sociétés dont les travaux se rapprochent des nôtres demandent à nous être affiliées. Les jardins d'essai ou d'ac- climatation réclament notre appui ; on dirait que chacun aspire à coopérer à notre œuvre (2). (1) LL. MM. le Roi des Belges, le premier et le second Roi de Siam, le Schah de Perse et Son Allesse le Prince Charles de Roumanie ont daigné autoriser l'inscription de leurs noms en lête des listes de la Société, comme membres protecleurs. La Société a été aussi informée des succès obtenus par S. M. le Roi d'Italie dans ses essais d'acclimatation de plusieurs espèces animales clans son parc de la Mandria. INous pourrons citer entre autres les reproductions de Lamas, de Cerfs Wapitis, d'Antilopes Nilgaut et de Bouquetins, etc. La Société a suivi aussi, avec le plus ^rand intérêt, les travaux de piscicul- ture exécutés au chàleau de Loo par les ordres de S. M. le Roi des Pays-Bas. (2) Ces Sociétés ont été cette année affiliées à la nôtre, et nous devons si- gnaler le rapport qui nous a été adressé par le directeur de l'une d'elles, M. R. D. Barnsby, de l'Acclimatation de quelques espèces animales et vé- gétales en Touraine (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 609) ; Turrel, Acclimata- tion dans le midi de la France, idem, p. /|90. M . le Dr Pigeaux, Coup d'œil sur la Société d'acclimatation de Russie {siégeant à Moscou) sous la présidence du grand-duc Constantin [Bulletin XX SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Tel est, Messieurs, l'accueil fait à nos travaux. Telles sont os forces vives de notre Société. Toutefois, ce serait acte d'ingratitude que dépasser sous silence les infatigables efforts dd nos membres les plus éloignés pour étendre notre sphère d'action dans des pays où l'indifférence paralyse souvent les activités les plus généreuses . Pourrions-nous oublier MM . Dabry et Simon, tous deux consuls dans l'extrême Orient, et ces mis- sionnaires au dévouement sublime qui tirent, du fond des provinces les plus impénétrables, les richesses dont ils nous comblent chaque jour? Pas plus que nous pourrions mécon- naître les services de ces étrangers qui semblent s'être donné la noble mission de transporter dans notre pays tous les pro- duits naturels qui font la prospérité du leur (1). 2e série, t. VI, p. Zi02), a fait connaître à la Société les principaux résultats obtenus par cette Société qui a réuni d'importantes collections animales et végétales. La Société a également reçu de l'habile directeur du Jardin d'Anvers, M. J. Vekemans, les renseignements les plus intéressants sur les reproduc- tions d'animaux rares qu'il a obtenues en 1869. Le Jardin du bois de Boulogne a continué avec succès ses élevages d'ani- maux et a obtenu de nombreuses naissances : 5 Cerfs axis (2 mâles 3 fe- melles); 3 Cerfs cochons (2 mâles, 1 femelle); 1 Cerf connai femelle ; 1 fe- melle Cerf d'Aristote ; 1 femelle Cerf des Moluques ; 1 mâle Cerf Wapiti : 1 Cerf femelle du Mexique ; 2 Rennes, mâle et femelle ; 3 Antilopes Nil- gaut (1 mâle 2 femelles); 1 Antilope Blessbock; 2 Mouflons à manchettes femelles; h Lamas (3 mâles, 1 femelle) ; 1 Guanaco femelle; 1 Yak femelle; 1 Hémione mâle ; 1 Ane du Soudan croisé ; 1 Poney de Siam ; 1 Pécari à collier; 3 Agoutis; le Kangurou deBennet; 3 Kangurous thétys; 1 Kangu- rou pétrogale. En outre, un grand nombre d'espèces d'oiseaux ont été re- produites au Jardin dans le courant de l'année 1869. (Voyez A. Geoffroy Saint-Ililaire, Reproductions d'oiseaux obtenues en 1868 et 1869 au Jardin d'acclimatation (Bulletin, 2e série, t. VII, p. 127). (1) Comme par le passé, la Société a reçu de nombreux envois d'animaux et de plantes provenant des diverses parties du monde et que lui ont fait parvenir de généreux confrères, désireux de lui fournir les moyens de poursuivre son œuvre d'utilité publique. Elle a reçu d'Europe des marques de la sympathie de MM. le chevalier Nigra (Bulletin, p. 485), Hetting (p. 699), Brierre (p. 232, Zi39, 488, 715), Huber (p. 6M), marquis de Pompignan (p. 236), Maréchaux (p. 552), E. Vavin (p. 266), Audibert(p. 256), Bossin (p. A9), Sillan (721), Ramel (p. 232), Betz-Penot (p. 708, 709), Dr Sicard (p. Û33), Ramon de la Sagra (p. 267), de Bourakoff (p. 557), Guilloteaux RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIETE. XXXI Messieurs, avant d'aborder l'analyse de vos travaux, je si- gnalerai, comme une mesure d'administration importante, la récente organisation des petits cheptels (1), qui permet, dans de certaines mesures, à chacun d'entre vous d'obtenir, sans frais, les animaux ou les plantes dont il veut tenter la propa- gation. Cette création, réalisée surtout enfaveur des membres éloignés de Paris, a déjà donné d'heureux résultats. Des apti- tudes se sont révélées et nous ne doutons pas que ces petits chepteliers, dans leur modeste sphère, ne nous conduisent à la solution de certains problèmes étudiés infructueusement depuis longtemps. L'acclimatation des plantes fixera d'abord notre attention. Aucun végétal n'a rendu à l'homme, dans l'exploration des (p. 721), Dr Vouga (p. 711), de Saulcy (p. 142), Pasquier (p. 437, 477), Durieu do lUaisonneuve (p. 232), Fortin (p. /188), Le Biguais(p. 701), Maro- zeau (p. 147), Le Marié des Landelles (p. 232), colonel du Martray (p. 256, 433), Vidal (p. 715), marquis de Sinéty (p. 49), Bonnet (p. 439), Bezier (p. 49, 487, 715), Mme Delisse (p. 148), etc. MM. Fréd. Albuquerque (p. 146, 432, 557), Baraquin (p. 715, 718), Ferreira-Lage (p 350), Joly de Lotbinière (p. 431), J. Rossignon (p. 487), Vêlez (p« 232), Dibos (p. 229), etc., lui ont fait de précieux envois d'Amé- rique. L'Asie a été représentée par les envois faits par MM. Duchesne de Belle- lecourt (p. 261, 269), Monseigneur Verrolles (p. 253), E. Simon (p. 257,408), Ploem (p. 720), Descharmes (p. 159, 261), le vicomte Brenier de Montmo- rand (p. 50, 226), Perrottet (p. 258), abbé Minières (p. 257), Dr Frédault (p. 701), abbé Furet (p. 50, 715), Van-Gorkom (p. 18, 140, 465), Bernay (243), Degron (p. 334, 470), etc. Divers produits de l'Afrique ont été donnés par MM. Héritte (p. 256 332), Lambert (p. 49), de Souza (p. 439, 557), Dr Vatrin (p. 334), etc. De l'Océanie sont arrivées des plantes envoyées par MM. Walter Hill (p. 442), d'Eslienne (p. 439), et surtout les riches collections réunies par M. F. Von Mueller (p. 146, 243, 338, 386, 439, 557), en vue de favoriser l'introduction de nouveaux végétaux utiles dans le midi de la France et en Algérie. (1) Comte d'Éprémesnil, Rapport de la commission des cheptels {Bulle- tin, 2e séçie, t. VI, p. 177).— A. Geoffroy Saint-Hilaire, Deuxième Rapport au conseil sur les cheptels (idem, p. 353). Voy. aussi Bull., p. 347.— Ghatin, Note sur la distribution de végétaux utiles par la Société d'acclimatation (idem, p. 544). XXXII SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d'aCCLIMATATION. pays nouveaux, plus de services que l'arbre à Quinquina. Est-il étonnant que notre Société se soit attachée à le répandre sur tous les points du globe? Quand au siècle dernier La Con- damine rapporta de son voyage à l'équateur le premier arbuste de Cinchona, on croyait que ce végétal resterait à jamais le monopole des régions intertropicales de l'Amérique; mais depuis il a franchi les mers (1), il s'est acclimaté dans les Indes anglaises et néerlandaises (2) où déjà on exploite son écorce fébrifuge. Par les soins de notre Société, des semences (1) De nouveaux renseignements ont tenu la Société au courant des progrès de la culture du Cinchona aux Indes anglaises et néerlandaises, et la Société a appris quecetle culture se propageait dans diverses régions du monde. A Sainte-Hélène, grâce au concours dévoué de M. le Dr Hooker, de Kew, on a commencé sur les pointes de Diana-Peak, la culture des Cinchona suc- timbra, ofpcinalis, Calisaya, Pahudiana, dont plusieurs milliers de pieds sont aujourd'hui en pleine végétation (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 645). M. Robert Thompson, qui a été chargé après M. Wilson, de diriger les cultures de Cinchona de la Jamaïque, a reconnu que celte plante trouvait dans diverses localités des Blue-Mountains les conditions les plus favorables à son développement. Sur sa demande, un vaste terrain a été aftecté à la culture des Cinchona et plusieurs acres de terrain ont été consacrés à cha- cune des variétés mises en culture. Il existe aujourd'hui à la Jamaïque plusieurs centaines de milliers de pieds, provenant pour la majeure partie des graines fournies par M. le Dr Hooker, et dont la végétation est luxu- riante. Il est à regretter que l'exemple, donné par le gouvernement colonial, n'ait pas encore été suivi par les planteurs, qui trouveraient dans les régions supérieures à celles du Café des conditions excellentes pour propager ce. précieux végétal {Bulletin, 2e série, t. VII, p. 73). La Société de géographie et de statistique du Mexique ayant, à l'instigation de M. le commandant Maury, cherché à introduire les Cinchona, M. JNieto s'est occupé avec zèle de cette question et est parvenu à des résultats qui promettent un avenir assuré à cette nouvelle culture {Bulletin, 2e série, t. VII, p. 75). Le gouvernement brésilien s'est également préoccupé d'acclimater l'arbre à Quinquina, et des expériences sérieuses ont été faites sous la direction de M. Glaziou, du Paseio publico de, Rio de Janeiro; mais malheureusement la Société n'a pas reçu tous les documents qui pouvaient lui faire connaître les résultats de cette tentative (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 229). (2) De nombreux documents sur le progrès de la culture du Cinchona à Java ont été adressés par M. Van (iorkom, et ont démontré que le succès se continuait comme par le passé (Bulletin, 2e série, t. VI, p, /t8, 6Z|6). RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. XXXIIÎ ont été envoyées aux îles Açores (1) et à la Réunion (2). Mais comme la germination présente de grandes difficultés, notre zélé confrère, M. Rivière, a fait connaître les procédés de semis qui lui avaient le mieux réussi ; et les jeunes plants obtenus en France par sa méthode ont été envoyés en Algérie où se continuent les essais d'acclimatation (3). VEucahjptus globulus, cet arbre d'Australie, dont la crois- sance prodigieuse permet, pour ainsi dire, d'improviser des forêts , dont le bois résistant est éminemment propre aux constructions navales, dont les feuilles renferment divers prin- cipes aromatiques ou amer, que recherchent l'industrie et la médecine, est une de nos plus riches acquisitions. Acclimaté aujourd'hui dans le midi de la France, en Italie, en Egypte, en Espagne, en Algérie, il contribuera certainement un jour ta faire disparaître les plaines désolées de l'Afrique et de l'Amé- rique (h). Nos confrères, MM. von Muelleret Ramel, à qui nous (1) M. J. de Canto, qui a organisé aux îles Açores de nombreuses planta- tions de divers végétaux des différentes parties du monde, n'a pas manqué de faire également des expériences sur la culture du Cinchona. Il a déjà ob- tenu quelques bons résultats, mais sa culture ne se fait encore que sur une petite écbelle {Bulletin, 2e série, t, VI, p. 229 et t. Vif, p. 175). (2) M. le général Morin, dans une communication faite à l'Académie des sciences, a fait connaîlre les progrès, à l'île de la Réunion, de la culture des Cinchona, qu'y ont introduits son fils et le Dr Vinson. Il résulte de renseignements fournis par M. G. Cuzent, pbarmacien de la marine, que la culture du Cinchona a été abandonnée à la Guadeloupe, où, il y a quelques années, .M. le Dr Sainl-Pair en avait tenté l'acclimatation [Bulletin, 2e série, t. VI, p. 6^7). (3) Bulletin, 2e série, t. VI, p. 1Zi3, 239. (/i) Bulletin, 2e série, t. VI, p. 8, 9/i, l/i5,239, 259, 346,431, 621. Les Eucalyptus, originaires de l'Australie, et dont la Société a pu faire de larges distributions, grâce au généreux concours de MM. Von Mueller et Ramel, se développent d'une manière très-satisfaisante clans le midi de l'Europe et en Algérie, ainsi qu'en témoignent les rapports de MM. Richard (du Cantal), Audibert (p. ZiZiO), E. Vavin (p. 162), Auzende, Albuquerque (p. 556), Ma- lingre, Rivière, etc. Il paraît résulter d'expériences faites en Espagne, et dans quelques autres contrées, que les feuilles d'Eucalyptus globulus peuvent avec avan- tage être usitées contre quelques maladies. M. Ramel, qui s'est dévoué tout entier à la propagation des Eucalyptus, a 2e série, t. VII. — Séance publique annuelle. c XXXIV SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. devons cet incomparable végétal, ont encore préconisé cTautres Euca/yptus et des Acacia d'Australie , qu'ils croient appelés à rendre de grands services aux industries les plus di- verses (1). Les plantes textiles exotiques (2) et surtout l'Ortie de Chine ont attiré l'attention de la Société. Les graines en ont été répandues à profusion. Une monographie sur la cul- ture, la récolte et l'utilisation du China-Grass a été insérée dans le Bulletin (3). Vos discussions sur ce végétal ont eu du retentissement partout, jusque dans les collèges. Il vous sou- vient encore de ce jeune écolier qui, fort de la connaissance de cette plante utilisée depuis un temps immémorial par les Chinois, donna une nouvelle et plausible explication d'un vers de Virgile, dont le sens était resté pour lui obscur jusqu'à ce jour (k). Cette Ortie est acclimatée chez nous et peut être ai- sément importée dans les pays tempérés. N'étaient les difii- fail connaître à diverses reprises à la Société les applications auxquelles ces arbres sont propres; les uns servent à faire du papier, les autres sont utilisés par la teinture, d'autres sont odorants, d'autres enfin offrent des qualités remarquables comme bois de construction et sont inattaquables aux insectes, ouauxtarets (Bulletin, p. 338). (1) Bulletin, 2e série, t. VI, p. 52, 145, 146, 148, 431, 557. Plusieurs espèces à" Acacia paraissent pouvoir végéter très-bien en Algérie, et VA . lo- phanta en particulier est appelé, par sa croissance rapide dans les localités les plus arides, à transformer la face du désert. (2) Bulletin, 2e série, t. VI,.p. 345. (3) Ramon delà Sagra, Notice sur l'Ortie delaChine (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 196, 305). Voy. aussi Bulletin, p. 47, 245, 254, 267, 268, 335, 382, 550. Le China-grass, dont l'introduction a vivement préoccupe notre * Société, est depuis un temps immémorial mis en usage dans l'extrême Orient pour faire des étoffes 1res- fraîches et justement estimées. Sa culture a par- faitement réussi en Fi ance et aux États-Unis, et il ne reste plus qu'à en or- ganiser l'exploitation industrielle : des essais sérieux ont déjà été tentés, mais la perfection n'a pas encore été acquise, et par suite la vulgarisation du China-grass se trouve entravée : tout fait cependant espérer que les dernières difficultés seront vaincues et que notre industrie se trouvera doti;e d'une nouvelle source de travail et de succès. (h) De la Blanchère fils. Note sur l'origine du China-grass (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 254, 691.) RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIETE. XXXV cultes que présente l'extraction des fibres, l'industrie aurait déjà tiré un grand parti de ces textiles. C'est le but que le gouvernement des Indes a voulu atteindre en fondant un prix de 25 000 fr. pour une bonne machine à tiller le China- Grass (1). Les Bambous rendent tant de services en Chine et au Japon que s'ils venaient tout à coup à disparaître, la ruine de ces pays serait plus considérable que si chez nous le Chêne et tous les bois durs de construction nous étaient enlevés. Ces gra- minées gigantesques sur lesquelles l'un de nos membres les plus distingués, M. le baron Cloquet, avec sa persévérante té- nacité, avait tant de fois attiré l'attention (2), ont été cul- tivées sur plusieurs points de la France, avec un plein succès. Des espèces nouvelles nous ont été envoyées de l'extrême Orient, el le climat des régions d'où elles sont sorties nous fait espérer qu'elles deviendront une des richesses des pays tempérés (3). La récolte du Safran de Pithiviers était menacée. Les agri- culteurs ont eu recours à votre puissante intervention pour (1) Bulletin, 2e série, t. VIL (2) Bulletin, p. 5, 94, 132, 162, 263,262, 342, 348, 384, 433, 475, 550, 621, 719. D1' Ed. Mène, Des usages du Bambou en Chine (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 31). La culture des diverses espèces de Bambous en France a été l'objet de nombreuses communications faites à la Société. En première ligne, nous de- vons citer M. le baron J. Cloquet qui a fait connaître le résultat de ses cul- tures à Lamalgue près Toulon (idem, p. 383) et dans les environs de l'ours. MM. E. Vavin '(idem, p. 163), Rivière (ibidem, p. 38Zi), le di- recteur du Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne (ibidem, p. 334), ont indiqué aussi des faits qui permettent d'affirmer que cette plante se répandra facilement dans les diverses parties de la France et pourra y de- venir une de nos richesses industrielles. Parmi les espèces qui paraissent les plus appropriées à notre climat se trouvent le Bambusamitis, dont l'importation première aurait été faite en 1840 par M. deJancigny (Bulletin, p. 332) et les Bambusa violascens, et Quilioi, importés récemment de Chine et du Japon et qui offrent une végé- tation très-vigoureuse. (3) Bulletin, p. 245, 632, 791. XXXVI SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. faire venir de l'Anatolie et de la Chine des bulbes de Crocus. Les rapports insérés dans votre Bulletin constatent leur com- plète acclimatation dans le Gâtinais (1). En tête des céréales dont la Société a favorisé l'introduc- tion, je citerai le Blé précoce du Japon (2). Ce froment, qui mûrit avant celui de nos climats, est destiné à assurer en Al- gérie et dans le midi de la France la moisson souvent com- promise par les chaleurs de juillet et d'août; puis viennent les avoines d'été de Sibérie (3), dont les grains gros et pe- sants fournissent une végétation superbe ; enfin, les diverses espèces de Maïs (4), surtout le Carragua, qui donne un four- rage abondant. Les espèces les plus recherchées d'Orangers (5) et de Gre- nadiers (6) ont été importées d'Espagne et de Portugal, prin- cipalement le Grenadier à pépins tendres et imperceptibles de Syrie, pour être répandus dans la Provence. Des discussions de l'assemblée, il est resté acquis à la (1) H. Dumesnil, Note sur la culture, du Safran {Bulletin, 2° série, t. VI, p. 205 et 701), P. Chappellier, Note sur les plantes de la Chine en- voyées par M- E. Simon et sur des plantes de l'Anatolie envoyées par M. Du four (idem, p. 632). Voy. aussi Dr Bailly, culture du Safran [Gazette hebdomadaire, 1870). (2) Bulletin, 2° série, t. VI, p. 168, 262, 486, 703. Le blé précoce du Japon sur lequel M. P.arnel appelait l'attention de la Société, dès l'année 1862, a donné des résultats satisfaisants dans un grand nombre de localités en rai- son même de sa précocité. Cependant quelques personnes lui reprochent d'être l'objet de trop de déprédation de la part des oiseaux qui cherchent à faire leur profit de sa bienfaisante précocité. Nous ne devons pas omettre de rappeler que M. le Dr Pigeaux émet des doutes sur la véritable origine ja- ponaise de ce blé, et a fait remarquer, d'autre part, que les deux envois, qui ont été faits à la Société n'étaient pas identiques, le premier blé étant véritablement précoce, tandis que le dernier ne l'était pas. (3) Bulletin, 2e série, t. V!, p. 29. (4) Bulletin, 2e série, t. VI, p. 157, 487, 708, de Carrière Brémont, le Mats Caragua {idem, p. 648). (5) Bulletin, 2e série, t. VI, p. 144, 162, 165, 256, 332, 342, 384, 432, 702. Nous devons signaler en particulier d'intéressants renseignements sur la culture du Citrus triplera, qui supporte nos hivers aux environs d'Or- léans, et qui peut èlre employé avantageusement à faire des clôtures. (G) Bulletin,'?. 144, 256, 332, 432. RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIETE. XXXVII science que l'infériorité des produits viticoles (1) de l'Algérie doit être attribuée à l'inexpérience des vignerons et à la mau- vaise qualité des plants indigènes. Aussi le Conseil a-t-il saisi avec empressement l'occasion qui lui était offerte d'envoyer à Mgr Lavigerie, archevêque d'Alger, une riche collection des vignes les plus productives; en même temps qu'il faisait con- signer dans vos bulletins les divers procédés de multiplication et de culture qui vous avaient paru les plus efficaces, ainsi que les moyens préconisés pour arrêter les dégâts du Puceron des racines (2). La culture de la Truffe (3), question à la fois pleine d'in- térêt et d'obscurité, dont vous vous étiez déjà occupés, est re- venue devant vous présentée par l'un de nos savants con - frères. M. Chatin, dont l'esprit scientifique est connu de tous, a démontré que la Truffe recherche les terrains calcaires, qu'elle ne pousse pas au delà des régions où mûrit la Vigne ; que les glands des Chênes, au pied desquels se trouvent des truffières, emportent avec eux le principe générateur du tu- bercule ; enfin que des truffières peuvent être créées, mais qu'elles doivent être soumises à certaines conditions de plan- tation, d'exposition, de culture même, en dehors desquelles on ne rencontre qu'infécondité. Bien d'autres communications relatives aux végétaux (4) (1) Catalogue des Vignes de V ancienne collection du Luxembourg ac- tuellement cultivées au Jardina1 acclimatation au bois de Boulogne (Bulle- tin, 2e série, t. VI, p. 57). Voy. aussi p. 137, 166, 508, 5/i9, 66/|. Naudin, la nouvelle maladie de la Vigne et ce qu'on pourrait faire pour y remédier (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 65/i). (2) Monseigneur Lavigerie. Essais d'acclimatation en Algérie, (Bulle- 2e série, t. VI, p. 506, 6M). (3) Bulletin, 2e série, t, VI, p. 167, 230, 236, 263, 5hh. Johanet. La Truffe (Bulletin, 2e série, t. VII, p. 53, 1070). (h) Dr Turrel, le reboisement du Faron (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 216, 317). Quihou, Bapport sur les principales cultures faites en 1868 au Jar- din d'acclimatation du bois de Boulogne (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 12Z|). — Le même, Note sur quelques plantes nouvelles et peu connues cultivées au Jardin d'acclimatation {idem , p. &70). M. Drouyn de Lhuys sur XXXVIII SOCIETE IMrERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. ont captivé à plusieurs reprises l'attention de la Société ; je ne puis les citer toutes, mais il m'est, impossible de passer sous silence celles de notre infatigable confrère, chercheur intrépide, M. Dnchesne-Thoureau, dont on n'a pas oublié les travaux de reboisement, s' étendant à plus de 1 '200 hectares de terrains arides, et les procédés de culture des arbres frui- tiers, de la Vigne et des Asperges (I). Pour clore la liste des végétaux introduits avec succès en France, je citerai les Ignames de Pondichéry (2), le Cha- mœrops excelsa (3), Palmier d'ornement et d'utilité du nord de la Chine, qui fructifie régulièrement sous le climat de Bor- deaux, et une foule de plantes ornementales du Japon. C'est l'acclimatation du Marronnier par Henri IV à la Malgrange (Bull. p. 436). Nous devons rappeler une note de M. Soubeiran sur l'influence fâcheuse poul- ies bestiaux, de diverses plantes mélangées accidentellement aux fourrages [Bull., 2e série, t. VI, p. 166); une communication de M. Sénequier fils sur la météorisation produite par le lupin (ibidem, p. MO); la création d'un jardin d'expériences botaniques et de naturalisation à Gollioure, par M. Nau- din (ibidem, p. 160); les notes de VI. F. Albuquerque sur diverses plantes utiles du Brésil (ibidem, p. 140); deM . Fortin sur YEryobothrya japonica (ibidem, p. 488), de M. E. Simon sur diverses plantes de la Chine (ibidem, p. 257), de M. E. Vavin, sur VArracacha (ibidem, p. 23Zt. Zi39), de M. L. de Wagner, sur la culture des Indigofera en Hongrie (ibidem, p. 227), de M. A. Adam sur la culture des Dunes (ibidem, p. 431), etc. (1) M. ruchesne-Thoureau a continué avec le même zèle ses travaux du culture de plantes utiles et en a fait connaître à la Société les résultats. (Bulletin. 2e série, t. VI.) (2) M. Perrotlet, qui, malgré son grand âge, n'avait cessé de concourir à l'œuvre delà Société, a fait parvenir des spécimens intéressants de diverses ignames nouvelles de Pondichéry (Bulletin, 2U série, t. VI, p. 258. -Voy. aussi Bulletin, p. 164, 621, 714.) M. Auzende a adressé une note sur Ylpomea tuberosa ficifolia dont les racines très-succulenles pourraient être utilisées pour l'industrie et peut- être pour l'usage alimen taire (Bulletin, '2e série, t. VI, p. 243). (3) Dr Cuigneau, le Chamœtops excelsa (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 418), donné une étude très-intéressante de la culture de cet arbre dont nous devons l'introduction à M. lie Monligny et fait connaître les meilleurs pro- cédés pour obtenir sa multiplication d'après M. Durieu de Maisonncuve. C'est chez M. Durieu que le Chamœrops, dont il a donné des graines à la Société, a fructifié pour la première fois à Bordeaux (idem, p. 223). Voy. aussi (Bulletin, p. 245, 440, 621). RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. XXXIX aussi par les soins de notre Société que des plants de Cannes à sucre ont été emportés du Brésil à l'île Maurice (1), où ils vont remplacer les espèces indigènes envahies par la maladie. Je rappellerai enfin, comme ayant ajouté de l'intérêt à la partie botanique de notre Bulletin, certaines recherches bi- bliographiques qui constituent l'histoire de l'acclimatation; et entre toutes, celles de notre confrère M. Viennot, sur l'intro- duction et la propagation du Mûrier en France (2), ainsi que les extraits ou traductions des publications scientifiques étran- gères (3). Depuis quelques années, la sériciculture française est me- nacée de ruine par l'extension de plus en plus générale des épidémies qui frappent le Ver à soie. Plusieurs de nos membres ont, entrepris de rechercher les causes du mal et d'en décou- vrir le remède (h). De leurs études sur l'hygiène des Magna- (1) Bulletin, 2e série, t. VI, p. /|9, 259, Z|32, 485, 716, 723. Par l'inter- vention de la Société, le gouvernement du Brésil a bien voulu l'aire parvenir à l'île Maurice, dont les Cannes à sucre ont été détruites par la maladie, des pieds des meilleures variétés et notamment de la Canne impériale. Cet envoi est arrivé en parfait état de conservation et aura, sans doute, pour résultat de régénérer une industrie réduite à néant par l'invasion de la ma- ladie. (2) E. Viennot, De l'introduction et de la propagation du Mûrier en France (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 192). (3) A. A. Delondre, Le Caoutchouc au Brésil (Bulletin, 2* série, t. VI, p. 79). —Culture de l'arbre à thé à la Jamaïque (idem, p. HO). — Des variétés de thé cultivées dam l'Iiv le (ibidem, p. 496).— Des principaux in- sectes destructeurs du caféier {ibidem, p. 352). — Culture du café dans l'Inde méridionale (ibidem, p. 558). — Culture de l'indigo (ibidem, page 731), etc. (U) Des renseignements fournis par M. Olivier, de la Celle, près Brignole (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 439) semblaient attribuer les échecs observés à l'usage de feuilles trop âgées et trop sèches, mais M. Émery, professeur à Clermont-Ferrand, a fortement attaqué cette opinion en se basant sur des études sur le rôle physique de l'eau sur la nutrition des plantes, publiées par lui en 1865, dans une thèse de doctoral ès-sciences (idem, p. 554). V y. aussi Bulletin, p. 431. La Société a reçu encore cette année un intéressant rapport deM.Ligounhe sur 1rs essais précoces de graines de Vers à soie dans l'établissement de la XL SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. neries (1) , sur la composition chimique des feuilles du Mûrier de diverses provenances ('2), sur les éducations restreintes du nord de la France (3) et les élevages en plein air dans le Midi, la Société a été conduite à conclure que la solution cherchée était contenue dans les propositions suivantes : con- server autant que possible notre race française comme étant plus productive, nourrir le Ver avec le Mûrier du Japon, qui est plus azoté que celui de nos climats, et ne tirer les œufs que du nord de la France, où devront se faire de petites édu- cations pour le grain âge. L'éducation du Ver au Mûrier a été entreprise à Tunis (4) par Société d'horticulture el d'acclimatation de Tarn-et-Garonne. Plusieurs fois lauréat de notre Société, qui appréciait ses travaux: à leur juste valeur, M. Ligounhe est mort récemment au moment où une nouvelle marque d'estime pour ses recherches allait lui être décernée par notre Société. (1) Général A. Morin, Note sur la Magnanerie de M. Mouline (Bulletin 2e série, t. VI, p. f>0/i). M. Mouline, constamment préoccupé de la question des Versa soie, varie ses insertions et ses recherches à ce sujet, à mesure que l'expérience l'éclairé : pénétré de la réalité de la contagion des corpus- cales, qu'ont démontrée les expériences de M. Pasteur, il a cherché à la prévenir au moyen d'une Magnanerie bien ventilée, destinée surtout aux éducations de grainage. Pour obtenir le mouvement de l'air, qui a tendance à stagner dans les coins et à devenir ainsi un foyer d'infection, il fait pas- ser des courants d'air sur toutes les tablettes de la Magnagnerie. (Voy. aussi Annuaire du commerce des soies, p. 171, 1868, Lyon.) (2) Baron de Liebig, Analyse des feuilles du mûrier (Bulletin, 2e série, t. VI, p. Ù00). (3) J. Pinçon, Rapport sur les éducations des Vers à soie de 1866, 1867 et 1868 (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 20). M. Gnilloteaux, de Versailles, a fait une expérience intéressante sur de la graine remise par M. Pasteur à M. Chatin: 2600 Vers lui onl donné 2o00 cocons, dont 100 ont été réservés pour la soie; 100 furent avariés; 2100 papillons se sont accouplés. Cet heureux résultat, dû à la rigueur extrême et vraiment scientifique avec lequel l'expérience a été conduite, est une preuve de l'heureuse pensée quia engagé M. Chatin à préconiser les édu- cateurs de grainage au nord de la Loire, et est d'autant plus remarquable que le succès a été obtenu aux environs immédiats de Paris, qui, depuis plusieurs années, paraît être dans les plus fâcheuses conditions de contagion. INous devons citer aussi les expériences faites à Metz depuis plusieurs an- nées par M. de Saulcy (Bulletin, 2e série, t. VII, p. 37). (Il) Général Kheredine. Sériciculture en Tunisie (Bulletin, 2e série, t. VII, RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIETE. XLI les soins du général Khérédine, l'un de nos membres étran- gers les plus zélés. Cette sériciculture des pays chauds est sans doute appelée à un très-grand avenir; mais en tous cas je n'ai pas besoin de faire ressortir l'utilité de semblables expé- riences, accomplies dans des conditions climatériques si dif- férentes des nôtres. Le Ver Yama-Maï, qui vit au Japon sur le Chêne dans un état de demi-liberté, et qui fournit une soie de peu d'éclat, mais d'une grande résistance, est certainement de tous les Bombyx celui dont l'acclimatation est le plus désirable en Europe. Le transport des œufs s'était effectué jusqu'à ce jour avec des pertes considérables, quelquefois môme totales, et les éducations n'avaient généralement pas réussi ; mais des emballages méthodiques ont permis de faire arriver en France une grande quantité de graines bien vivantes (1), et si les éducations ont été encore peu fructueuses dans notre pays, nous avons à signaler en Bavière les succès obtenus par p. 33). Les éducations très-bien conduites, très-aérées, à la température naturelle, ont été faites, de 1866 à 1869, par des indigènes sous la conduite du jardinier en chef à la Vlanouba, à 25 kilomètres du port de la Goulette : on opérait sur de la graine japonaise, qui donna des bivoltins la première année. Un fait curieux d'atavisme a été observé : la première, année on eut des cocons blancs, la deuxième un tiers de cocons jaunes-verts, la troi- sième moitié: ce fait, qui se présente quelquefois pour les races blanches, semble confirmer l'opinion que la couleur naturelle des cocons est le jaune. La soie du général Kheredine a été essayée par un filateur de l'Ardèche, qui l'a trouvée d'excellente qualité, et s'est plaint seulement d'un étouffage défectueux. (1) Guérin-Ménevillea mis sous les yeux de la Société des œufs dM. Yama mai en parfait élat de conservation, grâce à un emballage méthodique qui permet de donner aux graines des meilleures conditions d'aération et de sé- cheresse (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 153). Depuis M. G. le comte de Montebello a adressé à M. A. Geoffroy Saint- Hilaire une certaine quantité de graines cVA. Yama-maï, dont une partie avait souffert pendant la traversée, en dépit des précautions prises pour assurer leur conservation (Bulletin, 2e série, t. Vil, p. 177). M. Hance a fait connaître cette année, par l'intermédiaire deM. le DrHoo- ker, à la Société Linnéenne de Londres les espèces de chênes dont les feuil- les servent à la nourriture des Vers à soie dans le nord de la Chine (Bulle- tin, 2e série, t. VI, p. 352). XLII SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. madame Baumann. Ses Vers élevés, partie dans des chambres, partie en plein air, sont arrivés à la cinquième génération et la récolte de cette année est évaluée à environ 3000 co- cons (1). Je ne terminerai pas ce qui a trait à la soie sans vous rap- peler diverses études publiées dans le Bulletin et qui vous ont vivement intéressés : c'est d'abord une excellente monographie sur la sériciculture indienne, dans laquelle on puiserait de pré- (1) Madame Baumann a fah à Bamberg (Bavière), depuis 1865, des éduca- tions heureuses tYAtlacus yama-maï, les unes en chambre, les autres à l'air libre ; en 1869, malgré les accidenis (oiseaux, araignées), elle a obtenu 3000 cocons, ce qui prouve que sa graine, dont elle a eu la cinquième gé- nération, est saine et mérite d'être propagée {Bulletin, 2e série, t. VI, p. 553). Nous devons aussi une mention spéciale aux éducations faites à Riga (Rus- sie), par M. Berg, qui reçut, en octobre 1868, des œufs : un certain nom- bre périt par suite de la rigueur de la température qui s'abaissa jusqu'à 12 degrés et 16 degrés. La graine fut maintenue artificiellement au prin- temps, à une température basse, et l'éclosion commença le 7 mai avec des bourgeons de chêne à peine éclos; on la continua au rameau, en mouillant fréquemment, au moyen d'épongés mouillées et de godets à eau, pré- cautions nécessaires, comme on l'a reconnu en France. L'éducation fut faite dans une chambre dont les fenêtres restèrent ouvertes, et la température la plus basse fut de +10°, 6; elle dura environ seize semaines et demie. Dans le but d'obtenir une édosion simultanée des deux sexes, et par suite le plus grand nombre d'éclosions possible, M. Berg eut l'ingénieuse idée de refroidir un peu les cocons mâles, qui ont toujours une tendance à éclore longtemps avant les femelles (Essais d'éducation des Vers à soie japonais A. Yama-maï, faits à Riga) M. Guérin liéneville a aussi fait connaître à la Société les succès obtenus à Vienne (Autriche), par M. le baron de Bret- ton, qui, en 1868, a récolté 18 000 cocons d'Attacus yama-maï (Bulletin, 2e série, t. Vf, p. 15U). Comte J. Taverna,, Educations de Bombyx yama-maï (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 680); il ne pense pas que l'arrosage des vers ait une influence efficace sur la bonté des éducations, contrairement à l'opinion généralement, admise. M. Vidal, de Mont bel (Ariége), a fait connaître à la Société quelques édu- cations qui n'ont malheureusement eu que peu de succès, mais dans les- quelles il a reconnu etproclamé la nécessité de l'humidité pour les chenilles (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 639). MM. deSaulcy (idem, p. 335); Toussaint Rey (ibidem, p. Z|82) ; Maumenct (ibidem, p. 711); Blondel (ibidem, p. 712) ont aussi adressé des rapports sur les éducations d'Attacus yama-maï. RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. XLIII cieux documents pour la création de magnaneries dans nos colonies (1-); ensuite des recherches originales sur le dévidage des cocons perforés (2), des communications sur le Ver de l'Ailante (3), etc. La question de la caprification du Figuier a été soumise pour la première fois à l'Assemblée. Cette opération, qui au- rait pour but d'augmenter considérablement le produit du Figuier, est pratiquée depuis un temps immémorial en Ka- bylie (k) ; elle consiste à déposer sur un Figuier, au moment (1) P. L. Simmonds, la Sériciculture et la production de la soie dans l'Inde (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 533, 59Ji). Cet excellent travail de sta- tistique et de patientes recherches n'est pas susceptible d'une analyse abrégée, mais mérite d'être consulté par toutes les personnes qui s'occupent de la soie et des insectes qui la produisent. (2) Dr Manuel Vicente de la Rocha, Note sur le dévidage des cocons de plusieurs espèces de Bombyx (Bulletin, 2e série, t. VI, p. /ii>7). Si l'auteur de ce travail s'est certainement trompé dans ses assertions, il a eu du moins le mérite de chercher à tirer parti d'un Bombycien, producteur de soie, très-commun dans son pays, et qui paraît susceptible d'être l'objet d'une exploitation régulière. M. II. Givelet, Du dévidage des cocons du genre Attacus (Bulletin 2e série, t. VII, p. 156), a fait, à l'occasion du travail de M. de la Rocha, une série d'expériences très-intéressantes mais encore incomplètes et qui seront continuées sans doute, en 1870, et communiquées à notre Société. Les travaux de MM. de la Rocha et Givelet ont été l'occasion d'observa- tions intéressantes de Maurice Girard (Bulletin, 2e série, t. VII, p. 77). {3) Monseigneur Venolles, évêque de Mandchourie, a fait connaître de nouveaux détails sur les Vers à soie de l'Ailante (Bulletin, 2e série, VI, p. 253). M. Chéruy-Linguet a communiqué à la Société, sous le litre de Allant t- culture pratique, un rapport présenté à la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne (18(59) dans lequel il a résumé de très -bons conseils pour l'éducateur de ,V Attacus Cynthia, insecte dont il a été un des premiers à tirer un parti industriel. Le Bulletin enferme encore quelques autres notices sur la Sériciculture en Californie (p. 397), en Tasmanie (p. 397), à la Nouvelle-Zélande (p. 496), sur l'Association anglaise pour la production de la soie (p. 169) . (h) Colonel Martin, Caprification duFiguieren Kabylie (Bulletin, 2U sé- rie, t. VI, p. 622), cette pratique, déjà connue des anciens et dont Tour- nefort a t'ait une description à l'Académie des sciences en 170a, a été de- puis étudiée par M. Westvvood, et mérite d'être encouragée en Kabylie, où XLIV SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. de sa floraison, des fruits du Caprificus ou Figuier sauvage, qui sont presque toujours piqués par un Cynips: L'insecte sort de sa prison, pénètre dans la Figue en fleur et en assure la fécondation. Beaucoup de fruits qui seraient tombés se trouvent noués par la seule intervention du Cynips. Ce fait est avéré; mais quel est le genre d'action de l'insecte? C'est ce que les travaux de la Société établiront sans doute prochai- nement. Vous avez aussi, Messieurs, écouté avec bienveillance toutes les communications qui vous ont été faites sur l'apicul- ture (1), industrie pleine de richesses; mais peut-être trop délaissée depuis quelque temps. Au grand nombre de documents relatifs à la culture des eaux insérés au Bulletin (2), on peut juger de l'importance des questions qui se rattachent à cette industrie. Les doutes sur la réalisation des pratiques dictées par la science sont anéantis. Chaque jour la lumière se fait ! Ce que l'on croyait hier utopie devient aujourd'hui réalité; et les progrès sont si grands qu'ils nous forcent à dire : ce que nous savons n'est rien auprès de ce que l'avenir nous apprendra ! elle augmente énormément le nombre des figues récoltées. Son étude scientifique permettra sans doute d'éclaircir certains points encore ob- scurs de l'histoire de la caprification. (1) Dr Gillet de Grandmont, Y Apiculture et la ruche Vosgienrie (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 299). La ruche Vosgienne de M. Vançon est une modifi- cation de la ruche à cadres mobiles, et rentre dans ce que l'abbé Bouquet, MM. Grelot et Alsac ont appelé ruche à arcades. Ses avantages sont de sup- primer la pratique barbare de l'étoutfage, et de permettre la récolte par- tielle, ce qui compense le prix plus élevé que celui des ruches en paille d'une seule pièce. (2) Robert B. Roosvelt, sur le Salmo amethystus (Bulletin, 2e série, t. VI, p. Zl9Zi). Torel et du Plessis, Etudes sur le typhus des Perches (Bulletin de la Soc. méd. de la Suisse Romande 1863, Bulletin, — 2e série, t. VI, p. 78). A. A. Delondre, des Saumons (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 392).— .Voie sur le Saumon tolédi (idem, p. 39Zt). — Des espèces de Harengs de la grande Bretagne (ibidem, p. 730. RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. XLV Notre illustre confrère, M. Coste, par ses profondes études embryogéniques, a donc ouvert au inonde entier, dans un champ nouveau, une voie industrielle qui conduira les géné- rations de l'avenir aux moissons les plus riches et les plus faciles. Je ne m'arrêterai pas à rappeler les progrès de la piscicul- ture en France; ceux qui ont été accomplis à l'étranger doivent du reste nous être attribués en partie, puisque c'est de l'établissement français d'Huningue , créé à l'instiga- tion de M. Coste, que sortent les œufs fécondés qui sont distribués au monde entier. En Australie et en Tasmanie, l'acclimatation des Salmonidés est assurée. Les Truites se sont reproduites dans les rivières, et les Saumons, après avoir gagné la mer , ont remonté les cours d'eau pour y déposer leurs œufs (1) . L'Espagne a débuté avec succès en pisciculture (2) . L'Angleterre (3) , la Hollande (à) (1) L'acclimalaiion des Salmonidés en Australie, dont l'introduction est due principalement à la persévérance de MM. Edw. Wilson et J. Youl, est aujourd'hui assurée. 11 résulte eu effet des rapports de sir Robert Officer, que le succès a couronné des efforts généreux, et l'on a aujourd'hui reçu la nouvelle que plusieurs Saumons avaient été péchés dans les eaux du Derwen, à leur retour de la mer. {Bulletin, 2e série, t. VI, p. 338, 551, 699). (2) Fed. Muntadas, Rapport sur l'incubation artificielle et l'élevage des Salmonidés (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 182). Le premier, en Espagne, M. Muntadas s'est occupé sérieusement de pisciculture, et son établissement de 'iedra, en Aragon, donne déjà des résultats remarquables. (3) Depuis longtemps l'Angleterre s'est adonnée aux travaux de piscicul- ture, et cette science est aujourd'hui l'objet des études de MM. Fr. Buck- land, Asworth, Johnson. Cette année, des renseignements intéressants ont été communiqués à la Société par M. Edw. G. Cooper qui, par l'établisse- ment d'échelles à Saumons dans sa pêcherie de Ballisadare (Irlande), a aug- menté singulièrement les produits de sa pèche (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 251). A. Delondre. Élevage de la Truite à Stormontfield, Ecosse (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 656). (Il) J. L. Soubeiran, Rapport sur Vexposilion des produits de Pèche à la Haye en 1867 (Bulletin, 2e série, t. VI, p. Zi/r9, 467 et 561). La pisci- culture a reçu en Hollande les plus précieux encouragements de S. M. le Roi des Pays-Bas, qui a Elle-même organisé à son château de Loo, près d'Apeel- XLVI SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. et la Suisse (1) ont persévéré dans leurs travaux plus sérieux de rempoissonnement. Plusieurs de nos confrères étrangers ont simultanément commencé l'étude des influences de la stabulation sur les Sal- monidés (2). L'acclimatation des Saumons dans les eaux doom, des expériences pleines d'intérêt; elle a été aussi l'objet des travaux de M. .1. deBont, d'Amsterdam, qui, ayant participé aux distribulionsd'Huningue, a cherché à propager les Salmonidés dans plusieurs des rivières de son pays, où ils n'existaient pas encore et est parvenu ainsi à peupler l'Over-Yssel et quelques autres cours d'eau. Les élèves de M. de Bont ont pris un tel déve- loppement, qu'il a pu, dès 1866, pratiquer sur eux la fécondation artifi- cielle. (1) A. de Loës, Essais de pisciculture en Suisse (Bulletin, 2e' série, t. VI, p. 460), a commencé ses expériences en 1867 et a déjà obtenu des résultats satisfaisants par la fécondation artificielle et Féclosion des œufs qu'il a reçus d'Huningue: il s'est surtout occupé delà stabulation dos poissons, qui lui a fourni l'occasion de faire des observations importantes. M. le Dr Vouga a fait connaître, dans une des dernières séances de la So- ciété, les résultats de ses éducations de Truites à Chanelaz près Neuchatel, et a donné quelques détails sur les résultats obtenus à Munich par M. Kiiffer, qui maintient ses élèves en stabulation dans des bassins très-petits, à la con- dition de les nourrir artificiellement et de maintenir un courant d'eau très- rapide. (2) Dr A. Chavannes. Note sur la naturalisation du Saumon du lihin dans le lac Léman (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 36/i). M. Hetting, surintendant de la pisciculture en Norvège, auquel la So- ciété doit déjà de curieuses observations sur diverses questions de piscicul- ture, a adressé de nouveaux renseignements sur la naturalisation du Saumon en eau douce, et fait parvenir des spécimens de poissons ainsi élevés en eaux captives (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 367, 699). A la fin de l'année 1869, sir Robert Officer, président delà Commission de pisciculture en Tasmanie, dans son rapport annuel a fait connaître le fait de la reproduction en eau captive et dans un espace très-restreint du Salmo Trutta. Tous ces faits viennent donc confirmer l'idée émise par le profes- seur Cosle, de la possibilité d'élever les Saumons sans qu'il leur soit permis de se rendre à la mer, et sans qu'ils perdent leurs propriétés alimentaires. Du reste, l'initiative de la France dans cette voie nouvelle de création de ressources alimentaires est reconnue même par les étrangers, et tous se plaisent à reconnaître le service immense que nous avons ainsi rendu à l'hu- manité entière. Nous n'en citerons pour exemple que les paroles de M. Youl (Bulletin, 2e série, t. V, p. 86'i) et de M. le sénateur de Selys-Long- champs (Bulletin, 2e série, t. V, p. Zi59). RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIETE. XLVTÎ douces captives avait été souvent contestée , cette question vient d'être élucidée ; ces poissons, bien que prenant moins de développement dans les lacs que dans la mer, acquièrent cependant une taille marchande tout en conservant de bonnes qualités comestibles, et donnent, dans ces conditions, des œufs qui peuvent être fécondés artificiellement. Les lacs Pa- vin et des Settons particulièrement ont déjà fourni des Sau- mons de plusieurs livres. Tous les nouveaux modes d'incubation, d'éclosion, de sta- bulation, d'alevinage et de transport d'œufs ou de poissons; tous les instruments ou appareils qui facilitent ces opérations diverses ont été étudiés avec soin et consignés ou repro- duits dans le Bulletin (1). L'introduction des poissons utiles exotiques dans les eaux d'Europe a été poursuivie avec ardeur, mais jusqu'à présent sans résultat. Les tentatives d'importation de cette Perche colossale d'Australie (Oligorus mqcariensis) (2), dont la chair est très-délicate, seront reprises dans de nouvelles conditions, ainsi que celles des Gouramis (3), qui, arrivés jnsqu'en France, (1) H. de la Blanchère. Du transport des poissons vivants (Bulletin, 2e série, i. VI, p. 284). — Voy. aussi (Bulletin, p.. 237, 2&8, 331, Le même. Nouveau système d'élevage pour les Salmonidés et de leur nourriture à l'état d'alevins (idem, p. 515). B. iiico. Pisciculture dans le département de Puy-de-Dôme (Bulletin 2e série, t. VI, p. 369. A. Delondre. Considérations sur les espèces de Saumons et de Truites de la Grande-Bretagne (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 269). Le même. Élevage de la Truite à l'établissement de Stormontfield (idem, p. 656). Vançon (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 331). (2) L'Oligorus macquariensis, dont l'introduction dans nos eaux fran- çaises est l'objet des tentatives les plus dévouées de M. Von Mueller, n'a donné, jusqu'à présent, lieu qu'à des mécomptes; mais le résultat heureux, obtenu, il y a quelques années, par M. Éd. Wilson, qui a pu introduire ce poisson dans le Yarra, donne l'assurance qu'on pourra parvenir à le faire arriver vivant à Melbourne et sans doute plus tard en Europe (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 51, 481, 700). (3) M. Dabry. Note sur la culture du Gourami à Java (Bulletin, 2e sé- rie, t. VI, p. 732). —Voy. encore Bulletin, p. Zi5 et 250» XLVIII SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. n'ont pu résister aux fatigues du voyage. Nous ne pouvons douter du succès de ces expériences, surtout en songeant que l'un d'entre vous est parvenu à acclimater en quelques mois une espèce rapportée des rivières de Canton par MM. E. Simon et Géraud (1). Ces petits poissons d'aquarium, très-remarquables par leur grâce et l'éclat de leurs couleurs, ont été confiés à M. Carbon- nier. Observateur intelligent, patient expérimentateur, notre confrère donna tous ses soins à ces animaux délicats, quelque peu mutilés par le voyage. Bientôt il eut la satisfaction d'as- sister aux touchantes scènes de mœurs dont vous avez en- tendu le récit avec tant d'intérêt et qui se rapprochent beau- coup de celles del'Épinoche. « Les mâles, dit M. Carbonnier, faisaient la roue comme des paons et semblaient, par leur vivacité, leurs bonds saccadés et l'étalage de leurs vives cou- leurs, chercher à attirer l'attention des femelles, lesquelles ne semblaient pas indifférentes à ce manège... Remarquant que les mâles se disputaient les femelles et devinant qu'une ponte allait avoir lieu, je choisis le mâle le plus vigoureux et je le plaçai avec une femelle dans un aquarium particulier... Après dix minutes passées à examiner le nouveau domicile, le mâle vint se placer à la surface de l'eau, et absorbant, expulsant, sans trêve, des bulles d'air, il forma ainsi un plafond d'écume flottante... Dès la première ponte, je vis le mâle chercher à avaler tous les œufs qu'il rencontrait ; mais, à ma grande surprise, je reconnus que bien loin de les dévorer, il les ré- collait dans sa bouche et les portait ensuite dans le plafond d'écume... L'opération terminée, il chassa la femelle; pâle et décolorée, elle se réfugia immobile dans un coin de l'aqua- rium, tandis que lui se chargea seul des soins nécessaires à l'heureuse incubation des œufs, reconstituant le plafond d'é- cume dès qu'une lacune venait à s'y produire, prenant avec sa bouche quelques œufs, là où ils étaient agglomérés en trop (1) Carbonnier. Sur l'accouplement d'une espèce de poisson de Chine (Bidlelin. 2e série, t. VI, p. Zi08). Le même. Nouvelle note sur un poissoîi de Chine {Bulletin, 2e série, l. VII, p. 26, 1870). RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. XLIX grand nombre, pour les placer dans un endroit inoccupé, donnant un coup de tête là où la couche d'écume lui semblait trop serrée pour en éparpiller le contenu ; remplissant tous les vides en y produisant de nouvelles bulles... Immédiate- ment après l'éctosion , le mâle continue à prodiguer aux embryons les soins qu'il a donnés aux œufs. Il nage à la pour- suite de ceux qui s'échappent du plafond d'écume, les hume avec sa bouche et les rapporte au gîte protecteur. Je l'ai vu, sans doute pour économiser ses courses , en récolter ainsi huit ou dix dans une seule chasse, et les rapporter sans bles- sures et sans dommage. Gela dure ainsi jusqu'à ce que le nombre et la fréquence des fuites lassent sa patience et lui annoncent la fin de sa tâche. Il abandonne alors sa progéni- ture à elle-même. » Ces observations rappellent en tous points celles qu'a pu- bliées 31. Coste sur les mœurs des Epinoches et des Epino- chettes. Chacun se souvient du merveilleux instinct du mâle, qui construit un nid avec des débris de végétaux, se choisit une compagne parmi les femelles rassemblées en troupes nom- breuses, la conduit au nid, l'invite à pondre, surveille l'incu- bation, défend ses œufs contre la jalousie des mâles voisins, protège ses petits et les recueille avec soin lorsqu'ils s'égarent hors du nid. Mais aussi ce que chacun n'a pu oublier, c'est le style dans lequel ces pages sont écrites et qui les feraient attribuer à Buffon, notre grand écrivain naturaliste. Les jeunes poissons chinois ont acquis aujourd'hui presque la taille de leurs parents, c'est dire qu'ils se reproduiront bientôt et que leur acclimatation peut être cosnidérée comme définitive. Pour terminer l'analyse des travaux de pisciculture, il me reste à citer les rapports de notre savant collègue M. Sou- beiran sur les expositions de Pêche de la Haye. L'étendue et l'importance des documents qu'ils renferment en font de véri- tables monographies sur les Pêches de la Hollande (I). (1) Dr J. Léon Soubeiran, Rapport sur l'exposition des produits dépêche à la Haye en 1867 {Bulletin, 2e série, t. VI, p. M9, 497, 561). 2e SÉRIE, T. VII. — Séance publique annuelle. d L SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. A force de récolter sans ensemencer, on épuise toutes les richesses naturelles. Ce qui est arrivé pour le gibier, pour les poissons de rivière , arriverait fatalement pour les innom- brables produits de la mer ; aussi la Société a-t-elle toujours vivement encouragé les cultures maritimes, industries dont nous devons encore la création à M. Coste, surtout celle des mollusques comestibles, et applaudi souvent aux succès des huitrières d'Arcachon en France, d'Hayling en Angleterre et de Trieste en Autriche (1). L'Assemblée s'est également inté- ressée aux travaux de plusieurs d'entre vous, qui, préoccupés des pertes de naissain, par l'entraînement des courants, ont construit des réservoirs où les influences de la marée sont arrêtées à volonté. Ces parcs, analogues à ceux de Fusaro, ont permis de recueillir, sur des fascines ou autres collecteurs, dans un petit espace, un grand nombre de jeunes Huîtres éminemment propres au peuplement des parcs ouverts {'2). (1) Dr J. Léon Soubeiran. Rapport sur V ostréiculture à Arcachon, Hay- ling et Trieste (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 100). Ce travail démontre que sur trois points différents, en France, en Angleterre et en Autriche, les pro- cédés d'ostréiculture proposés par M. Coste ont été appliqués avec un grand succès, et que l'époque n'est pas éloignée où les Huîtres, obtenues ainsi, seront la seule ressource de production, les Huîtres naturelles tendant de plus en plus à devenir rares et à disparaître par suite delà dévastation désor- donnée des bancs. (2) M. le Dr Gressy, à Carnac (Morbihan), qui a établi sa reproduction d'Huîtres en bassins clos, a obtenu dans un espace de 15 mètres carrés environ 250 0U0 Huîtres ; aussi espère-t-il pouvoir, au moyen de ses bassins, arriver à un facile repeuplement des rivages de son voisinage (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 159). Cet emploi des réservoirs clos pour recueillir le naissain, a déjà été fait par M. Sarah Félix en France et par M. G. W. Hart, en An- gleterre. M. Maréchaux, à Trégunc près Concarneau, a obtenu également, dans un espace clos au moyen d'une digue, une grande quantité de naissain, sur des collecteurs en fascines de bois de bouleau {Bulletin, 2e série, t. VI, p. 552). M. G. W. Hart, qui s'eit surtout attaché à imiter le système de Fusaro, a obtenu des résultats très-remarquables à Hayling, près Pôrlsmoiith, et qui assuraient une exploitation des plus riches si, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, on n'avait modifié les dispositio; s d'amé- nagement. Les collecteurs qui lui ont rendu les meilleurs services sont les RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. LI Les Axolotls, ces Batraciens étranges des lacs du Mexique, continuent à être, pour M. le professeur Duméril, le sujet d'études scientifiques et pratiques. Notre illustre confrère nous a fait connaître les surprenantes transformations qu'ils subissent et la facilité avec laquelle ils s'habituent à nos con- ditions climatériques. Ces Batraciens, dont la chair est un aliment délicat, sont définitivement acquis à nos étangs (1). La culture des Éponges (2), des Coraux (3) et des Perles n'a pas été perdue de vue, et les documents de toute nature, que vous avez recueillis sur ces divers produits serviront quelque jour aux marins agriculteurs. Plus l'acclimatation s'adresse aux animaux des classes supé- rieures et plus elle rencontre de difficultés ; celle des oiseaux en particulier est quelquefois le résultat de bien longs ef- forts (A). fascines de coudrier et le menu gravier (Bulletin, 2e série, t. IV, p. 205). A Delondre, Huîtres de Hem ou de Ham (Bulletin, 2e série, t. VI, page 351).— Le même, Les Huîtres dans le port de Gènes (idem, p. 395), (1) AI. A. Duméril a fait, à plusieurs reprises, connaître les résultats de ses observations sur les Axolotls, sur leurs transformations, leur résistance à rabaissement de la température, etc. Il a particulièrement insisté sur ce fait remarquable qu'aucun des Axolotls, passé à l'étal d'Ambystome, n'avait au- paravant accompli ses fonctions de reproduction. La faculté générative pa- raît tendre à disparaître chez les plus anciens individus, possédés par le Muséum d'histoire naturelle, qui offrent en même temps une sorte de déco- loration. M. Duméril, par le croisement avec un Axolotls, atteint d'albinisme, mais bien vigoureux, est parvenu à se procurer des individus de teinte plus pâles et même presque blancs (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 366, 718). (2) MM. le professeur 0. Schmidt et Bueich ont commencé à Davajarina, dans l'Adriatique, des essais de propagation des Eponges qui s'annoncent sous les meilleurs auspices (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 115). A Delondre. Pêche des Eponges dans la mer Adriatique (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 398). (3) De la pêche du Corail (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 10). (à) A. Geoffroy Saint-Hilaire. Succès obtenus par MM. Coignet et Hen- necart dans la multiplication du Colin de Californie en liberté (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 509). Cet oiseau, introduit en 1852 en France par M. Des- champs, paraît aujourd'hui, après quatre années qui n'avaient pas donné des résultats appréciables, complètement acclimaté dans le département de LU SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Le Colin de Californie a été introduit en France il y a plus de quinze ans, et cependant ce n'est que depuis quelques mois qu'on a pu constater sa reproduction régulière en complète liberté. Ce charmant oiseau a même été déjà chassé dans le département de l'Ain. Ce sport, au dire de ceux qui l'ont pra- tiqué, présente des difficultés de tir qui ajoutent à son attrait, et préservent en même temps le gibier. Parmi les oiseaux appelés encore à augmenter le gibier de plume en France, je citerai la Pintade couronnée (1), le Ti- namou ("2), sorte de Perdrix d'Amérique, et la riche collec- tion de Faisans (3), récemment importés de Chine. Tous ces oiseaux se sont reproduits avec tant de facilité dès la première année de leur introduction, que nous ne pouvons douter de leur prochaine acquisition à nos forêts (h). Je ne puis quitter ce sujet sans consigner ici les conseils qui vous ont été donnés par un de nos entomologistes les plus distingués, pour récolter méthodiquement les œufs de Fourmis l'Ain, où il a trouvé une localité agreste qui le protège contre toutes les chances de destruction. (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 2Zi9. ) (1) J. Cornely van Heemstra, Multiplication en France de la Pintade couronnée (Bulletin, 2e série, t. VI, p. ZiO/t). C'est la première fois que cette espèce reproduit en France: elle a sur ses congénères l'avantage d'un plu- mage élégant, d'une voix moins criarde et de mœurs plus douces. (2) Bulletin, 2e série, t. VI, p. 385, 719. Le Tinamou (Rhynchotes ru- fescens) s'est reproduit cette année chez M. le comte d'Épremesnil. (3) Bulletin, 2e série, t. VI, p. 118, 250,704, 725. Nous devons une mention particulière à M. Mairet, faisandier de M. le baron de Rothschild, à Ferrières, qui a obtenu de bonnes reproductions du Colin de Virginie, de diverses espèces de Faisans et surtout celle de l'Épe- ronnier (Polyplectron bicalcaratum). (h) Paul Aquarone, Accouplement d'un Hocco mâle et d'une poule Nan- kin (Bulletin, 2e série, t. V, p. 357). — Le même. Note sur le Pigeon bleu de Madagascar (idem, p. 361). —G. Bouchard, Le petit Coq de Qruyère (ibidem, p. 592). — A Touchard, Éducation de Perruches Edwards, à crou- pion rouge, etc. (ibidem,, p. 676). — Sabin Berthelot. Les oiseaux migra- teurs (ibidem, p. 660). A. A. Delondre, Àpterix Owenii (Bulletin, 2° série, t. VI, p. Zi9/i). Nous devons rappeler aussi les intéressâmes éducations de Passereaux, par M. Bonfds (Bulletin, p. 385), faites au centre de Paris en demi-liberté. RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. LUI et utiliser pour cette cueillette l'instinct de ces insectes pré- voyants (1). Parmi les Palmipèdes récemment acclimatés en France, je citerai les Cygnes à col noir de l'Amérique du Sud (2) , les Oies de Magellan et des Sandwich, ainsi que les Canards percheurs (3). Je signalerai aussi les Céréopses (û), comme une des plus précieuses acquisitions des Açores. Oublierai-je les multiplications d'Autruches (5) obtenues dans le jardin d'expérience d'Alger et à Florence. Ce qui ar- riva à un personnage important, qui, dans l'impossibilité de se procurer des Autruches sauvages, dut acheter quelques-uns de ces oiseaux domestiques au jardin du Hamma, montre suffisammenl l'utilité de semblables travaux. Les Casoars se sont reproduits à Caen, chez notre confrère M. Le Prestre, de qui nous tenons déjà la solution de tant de problèmes d'acclimatation (6) . Un troupeau de Nandous ou Autruches d'Amérique débar- quera prochainement en France, où cet oiseau précieux par sa chair et ses plumes pourra rendre des services impor- tants (7). (1) Maurice Girard, Le gibier à plumes et les Fourmis (Bulletin, 2e sé- rie, t. VT, p. 118). Dans ce travail, M. Girard donne les indications les plus utiles pour faire la récolte des œufs de Fourmis et pour leur emploi dans l'élevage du gibier. Voy. aussi les observations de M. Chevet à ce sujet {idem, p. 242). (2) Bulletin, p. 1/tO, 491, 615. (3) MM. le Dr Bouillod, Dumont et Marne ont obtenu simultanément la reproduction du Dendrocygna arborea, qui n'avait pas encore été obtenue en France. (4) Bulletin, p. 226, 615. (5j Bulletin, p. 87, 153, 266, 434. M. Desmeure, de Florence, qui avait, il y a plusieurs années, à San Donato, obtenu les premières reproductions d'Autruches observées en Eu- rope, a réussi également cette année, au Jardin zoologique de Florence, à élever cinq jeunes Autruches d'une seule couvée, dont quatre sont aujour- d'hui aussi gros que leurs parents et sont dans un excellent état de santé. (6) Dr F. Le Prestre, Reproduction et domestication du Casoar (Bulletin, 2e série, t. VII, p. 104, 1870.) (7) Bulletin, p. 147, 434, 481, 616, 728, LIV SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. Les expériences sur le Martin-Triste , sorte de Merle, grand chasseur de Sauterelles, se continuent en Algérie et nous' attendons avec impatience que le temps permette d'affirmer l'acclimatation de cet utile oiseau dans notre colonie (1). Les conditions de transport des œufs et des oiseaux à grandes distances (2) ont été étudiées plusieurs fois et avec grand soin par la Société, qui a toujours aussi prêté une grande attention à la lecture des rapports sur les couveuses artificielles (3) et aux conclusions d'une étude sur la struc- ture des plumes des Gallinacés , destinée , suivant l'auteur à jeter quelque jour sur la classification de certains oi- seaux (4). L'Assemblée, qui n'a cessé de réclamer la protection des oiseaux insectivores, a suivi avec intérêt la vulgarisation de l'usage des nids artificiels, et c'est avec satisfaction qu'elle a consigné les services rendus par les moineaux dès leur intro- duction à New-York (5). Messieurs, un grand enseignement ressort de vos études, c'est que le choix des conditions qui conviennent à un animal pour qu'il rende le plus de services, est encore plus difficile (i) Bulletin, p. 256,481,710. M. A. Grandidier a adressé au gouvernement de l'Algérie un certain nombre de Martins -Tristes dont les survivants ont commencé leur nidification. Tout fait donc espérer la prochaine extension de cette espèce acridiphage, dont on prépare en ce moment une nouvelle importation. (2) M. le comte Léon de Perthuis a imaginé une boîte ingénieuse pour faire voyager les oiseaux de grandes distances (Bulletin, 2e sérrè, t. VI, p. 2'jl). (3) Couveuse artificielle (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 648). Un travail important a été communiqué à la Société par M. Lenglier sur l'emploi des couveuses artificielles (idem, p. 707). (l\) M. Jannet trouve dans !a disposition des plumes des Gallinacés un moyen de distinguer les oiseaux appartenant à certaines tribus (Bulletin, 2e série, t. Vf, p. 265). (5) Bulletin, 2e série, t. VI, p. 50, 142, 333). M. Millet a fait connaître de nouveaux faits à la Société qui démontrent l'utilité des nitls artificiels pour favoriser la reproduction des oiseaux insectivores. RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIETE. LV que son acclimatation, et que faute de les chercher assez long- temps, on s'expose quelquefois à repousser, comme inutile, tel animal que dans l'avenir on réclamera de nouveau. L'un des mammifères dont la valeur a été le plus contestée est certainement l'Yak ou Bœuf à queue de Cheval, importé des montagnes de l'Himalaya, où cet animal doux et rustique sert à la fois à traîner ou à porter des fardeaux. Le plus com- pétent d'entre nous en zootechnie , notre savant confrère M. Richard (du Cantal) a accepté la mission d'aller étudier la valeur de ce bœuf, confié aux agriculteurs de nos départe- ments les plus montagneux. Le jugement est aujourd'hui pro- noncé. Cet animal est propre à gravir les chemins escarpés comme bête de somme ou de trait. Ses métis, comme lui, sont sobres, doux et puissants. Son lait et, sa chair enfin sont d'une saveur agréable (i). Les Lamas continuent à se reproduire sans dégénérescence et ans que les toisons aient perdu de leur valeur. Combien n'est-il pas regrettable que l'on n'ait pu rencontrer encore une localité offrant les conditions de pacage qui conviennent k ces utiles mammifères! (2) Nous avons à enregistrer la reproduction des Hémiones, le dressage au trait du Zèbre et du Dauw. Enfin, fait unique jusqu'à ce jour, la naissance d'un métis d'Hémione et de Ju - ment. Ce Mulet, par ses formes et sa structure anatomique, est bien supérieur à celui que donne l'Anesse (3). (1) Richard (du Cantal), Rapport sur les cheptels de la Société (Bulletin 2e série, t. VI, p. 1,81). Voy. aussi Bulletin, p. 53, 9/i, 1Zi9, 331, /j36. (2) Bulletin, 2P série, t. VI, p. 89, 92, 94,340,612. (3) A. Milne Edwards, Note sur un métis d'Hémione et de jument, né au Muséum d'histoire naturelle (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 180). Depuis l'in- lioduction de l'Hémione par M. Dussumier, on a tenté, à plusieurs reprises de croiser cet animal avec l'Anesse et la Jument ; on a réussi dans le pre- mier croisement, mais ce n'est que récemment que le premier métis de i'Hémione et de la Jument a été obtenu par M. A. Milne Edwards. M. 1. Geof- froy Saint-Hilaire qui avait aussi tenté d'accoupler ces deux espèces dont il prnsait que le produit serait très-intéressant et supérieur à celui que donne l'Anesse, n'avait pu réussir clans ses expériences (Voy. aussi Bulletin, p. 1Û9, 382). LVI SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. D'intéressantes communications ont été faites à la Société sur la création des Moutons à laine fine et sur les avantages qu'il y aurait à introduire en Algérie les mérinos Naz et Mau- champ (1). Les Moutons chinois Yang-ti ont continué à donner régu- lièrement deux portées de deux petits par an. Cette race pro- lifique acquise àla France convient aux pays qui, peu soucieux de la laine, se livrent surtout à la production de la viande (2) . Des Antilopes nouvelles (3) ont été importées; les anciennes se sont reproduites ainsi que plusieurs Cerfs de haute et de petite taille (k) ; les Axis, ces petits Cerfs mouchetés du Gange, ne servent plus seulement à l'ornement de nos parcs, car déjà ils peuplent une forêt de l'État (5) . Les dures conditions de captivité imposées depuis plusieurs années aux Kangurous ont démontré d'une façon positive que la complète liberté ne pourrait qu'être favorable à la propa- gation de ce quadrupède d'Australie, dont le poil, la peau et la viande peuvent être utilisés avec avantage (6). La question du Léporide est définitivement tranchée. Ce (1) Général baron Girod (de l'Ain). Note sur la production des races ovines (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 95). Voy. aussi p. 8, 393,437, 490, 614, 638. W. Lockhart. Le Hivang-ijang ou Mouton jaune de Mongolie (Bul- letin, 2e série, t. VI, p. 271). (2) De nouvelles communications de MM. le comte de Maupassant, A. de Surigny, ont tenu la Société au courant de l'éducation de la race chinoise, si remarquable par sa fécondité. La chair de ces animaux offre des qua- lités qui lui assigneront une place distinguée dans l'alimentation (Bulletin, p. 156, 478,614). Des renseignements intéressants ont aussi été adressés à la Société sur les Chèvres et particulièrement sur les Chèvres d'Angora (Bulletin, p. 1, 5, 75, 87,90,92, 94, 149, 392,490, 508, 613, 697). (3) Bulletin, p. 260, 613. (li) Bulletin, p. 153. (5) Introduction du Renne dans les Alpes (Bulletin, 2e série, t. VI , p. 3li9). Cet animal peut très-bien vivre dans les Alpes, et il n'y aurait plus aujourd'hui qu'à continuer l'expérience en abandonnant les Tiennes entièrement à eux-mêmes, pour assurer leur acclimatation. (6) A. Geoffroy Saint-Hilaire, Emploi des peaux de Kanguroo pour la ganterie (Bulletin, 2e série, t. VI, p. 957). RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ. LVII métis du Lièvre et du Lapin existe. Il se reproduit môme, et sa chair, par ses qualités, rappelle celle doses parents (L). Enfin, la Société a écouté avec intérêt les communications qui lui ont été faites sur le Lapin angora, et sur les produits industriels que fournit son poil long, fin et soyeux ; et elle a signalé à l'attention des petits agriculteurs cette éducation peu coûteuse et très-rémunératrice. Tel est, Messieurs, le résumé de vos travaux durant cette année. Je ne crains pas de le dire : vous devez être fiers d'a- voir accompli tant d'œuvres utiles. Que ces succès ne soient pas le signal du repos ! Pour vous rien n'est obtenu tant qu'il reste à faire ! Que dans l'année qui s'ouvre, du plus grand au plus petit, tous coopèrent cà l'œuvre commune ! Imitons la co- lonie des Abeilles, où. chaque habitant, suivant sa nature et ses instincts, choisit sa part de travail! Et puissiez-vous, lors de votre prochaine réunion, après un examen sincère de vos travaux, dire comme aujourd'hui : Je n'ai pas perdu ma journée ! (1) La Société a reçu, pour le concours ouvert sur la question du Léporide, un mémoire très-remarquable de M. E. f.ayot, qui, depuis plusieurs an- nées, s'est occupé avec le plus grand soin de faire des expériences sur la pro- duction de cet animal et qui a démontré la réelle existence d'une race dont la possibilité avait été révoquée en doute par plusieurs naturalistes. Voy. Bul- letin, p. Zi30, 437, 477. RÉCITS D'UN VOYAGE EN CHINE, Par lll. G. Eng. SIMON. Mesdames, Messieurs, Les voyages ont un charme singulier. — Tous, plus ou moins, nous éprouvons, chacun à notre heure, le besoin de protester contre le présent. C'est notre nature ; c'est ce qui nous distingue ; c'est ce qui nous ennoblit. Les uns rêvent au passé, les autres invoquent l'avenir; mais aux récits des pavs lointains, on oublie ses regrets, on ajourne ses espérances, et, pendant un instant confondus, tous échappent avec la même impression de bonheur aux répétitions souvent tristes de la vie quotidienne. C'est parce qu'il s'agissait de voyages que vous applaudissiez, il y a quatre ans, aux récits de l'un de nos collègues qui, en quelques traits vifs et animés, évoquait dans cette même enceinte les souvenirs du Soudan. C'est parce que j'avais aussi à vous parler de voyages; c'est parce que j'ai compté sur le sympathique intérêt que ce sujet inspire, que j'ai osé accepterl'honneur et la flatteuse mission de vous entre- tenir aujourd'hui, et, qu'aujourd'hui j'ai, malgré tant de re- gards et le sentiment de mon insuffisance, le courage de l'accomplir. Comme M. Garnier, c'est dans l'inconnu que je voudrais vous entraîner avec moi. Il vous parlait du désert, je voudrais vous parler de la Chine. Je l'habite, j'en viens, je l'aime et je voudrais vous la faire connaître ou, du moins, vous en donner une idée. Puis, après la conquête des plantes et des animaux, est-il rien de plus attachant que la description des pays mêmes auxquels on les doit? Est-il possible de recevoir un bienfait sans désirer connaître la main qui le donne? Or, messieurs, et vraiment ce n'est que justice de le rappeler dans une cir- VOYAGE EN CHINE. LIX constance aussi solennelle, la Chine est une de nos plus grandes bienfaitrices. Je n'en finirais pas s'il me fallait reconnaître, avec vous, dans nos fermes, au milieu de nos parcs et de nos parterres, toutes les richesses que nous lui avons empruntées. La Soie, la Pêche, le Camellia, le Jasmin, l'Azalée, la Glycine, je veux dire le plus précieux de nos tissus, le meilleur de nos fruits, nos plus belles fleurs, nous viennent de la Chine. Et cependant la Chine n'est pas connue. Pour beaucoup, elle n'existe pas, et, de fait, qu'on ouvre le premier traité venu d'histoire ou de géographie, on n'y trouve pas quatre pages sur cet empire si grand. D'autres ne sont pas bien certains qu'elle existe et la regardent, ainsi que je le lisais, il y a trois jours, dans un journal, comme une invraisemblable contrée. Quant à ceux qui y croient, il en est bien peu qui ne la raillent, ne la dédaignent ou n'en parlent mal. Même parmi ce peu, combien d'avis différents ! Je me souviens des plaisanteries que j'eus à essuyer des mieux informés, quand je partis la pre- mière fois pour la Chine, il y a dix ans. Les uns se moquaient de l'épais et chaud manteau dont je m'étais muni ; les autres, des vêtements presque impondérables que j'emportais. Les uns et les autres avaient tort. Ainsi de tout. La vérité est que la Chine est un pays si vaste et si divers en lui-même, qu'il n'est pas facile, au premier coupd'œil, d'en embrasser les ex- trémités. Prenez les plus hautes montagnes que vous pourrez imaginer, les vallées les plus profondes, les plateaux les plus arides, les plaines les plus fertiles, placez le tout entre les 90e et 120e degrés de longitude, et les 22e et 50,; degrés de latitude; voilà la Chine. Non, je me trompe. Au nord, adossez-la contre les im- menses plates-formes delà Sibérie, d'où lui vient un vent gla- cial à 20 degrés, ou brûlant à 45, selon qu'en passant au- dessus du désert de Cobi, il y rencontre les glaces de l'hiver ou la sécheresse de l'été; appuyez-la à l'ouest sur les cimes altières des chaînes du Thibet, d'où s'épanchent deux des plus grands fleuves du monde; inclinez-la vers la mer sur un dé- veloppement de quinze à dix-sept cents lieues de côtes, et vous aurez, si mon estime est juste, le pays le plus chaud et LX SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d'àCCLIMATATION. le plus froid, le plus sec et le plus humide, le plus pauvre et le plus riche, le plus monotone etleplus pittoresque. Cela dé- pend du point où vous aurez jeté vos regards, et ce sera tou- jours la Chine. Au demeurant, sans exagération et la France exceptée, bien entendu, le plus beau pays de la terre et le mieux doté pour un peuple civilisé, je veux dire pour un peuple capable d'en tirer parti. Il y manque cependant une chose, à cette contrée si fa- vorisée ; il y manque les forêts. Mais ceci n'est point la faute de la nature, c'est l'œuvre de quarante siècles et des 500 mil- lions d'hommes qu'ils ont produits. Il y manque encore autre chose, les prairies. Excepté au Nord, bien loin, à côté du Désert, pas la moindre trace de forêt ni de pâturage. Lcà-bas, où vivent les Loups, les Tigres, les Panthères et les Ours, tant qu'il vous plaira ; mais ici où l'homme peut vivre, point. Mais quoi ! au Nord, des Tigres et des Panthères? des Tigres à côté des Ours? Et, s'il vous plaît, à quoi servent les pâtu- rages ? Placerez-vous aussi des Moutons à côté des Tigres ? Mon Dieu ! Messieurs, ne vous avais-je donc pas prévenus que la Chine est un pays de contrastes. D'ailleurs tout peut s'arran- ger, vous allez le voir. Pour se défendre des frimas, les Tigres et les Panthères, comme, du reste, tous les animaux qui résident en ces froides régions, porteront la laine ; et comme ils n'en seront point devenus plus doux ni moins dangereux pour les Bœufs et les Moutons, la campagne se peuplera de troupeaux d'Antilopes et de gibiers de toute espèce, si nombreux que les mangeurs de bêtes se contenteront de ceux-ci, et n'iront pas risquer teur vie contre les flèches et les balles qui protègent ceux-là, non plus que contre les dents des magnifiques Chiens qui les défendent. En fait, il n'existe pas de plus beaux Tigres ni de plus beaux Bœufs, ni de meilleurs Moutons que ceux de la terre des Herbes et de la forêt de Géhol. Le Tigre est le Tigre noir, plus grand que celui de l'Inde ; sa fourrure est épaisse et douce presque comme celle de la Martre ; le Bœuf atteint sans effort au poids de 8 à 900 kilogrammes, vif, et le Mouton est presque aussi bon que celui de pré salé. El savez-vous com- VOÏAGE EN CHINE, LXt »! bien coûte le gibier à Pékin? Une voiture pour 6 francs Mais j'entends d'autres objections. N'importe, dites-vous, des montagnes sans forêts, des vallées sans prairies, c'est une fiancée sans couronne, un joyau sans monture. Ah ! sans doute les premiers âges de l'humanité étaient bien plus poétiques que ceux d'aujourd'hui! J'envie, comme vous, les arbres majestueux, les feuillages splendides, les om- brages épais des forêts de Ceylan, de Singapore, de Java. Mais les temps sont devenus durs, notre espèce a augmenté et il a fallu lui faire place. Comment pourraient-ils vivre, ces cinq cents millions de Chinois, s'ils n'avaient défriché et cul- tivé les montagnes jusqu'au sommet? Comment pourraient-ils cultiver le Riz? Où puiseraient-ils la masse d'eau qui est né- cessaire à cette plante, si les forêts existaient encore, qui en retiendraient une partie et renverraient l'autre au ciel? Si vous saviez, d'ailleurs, combien même sans couronne ces montagnes sont belles au printemps; si vous les voyiez alors couvertes d'Azalées pourpres, de Rhododendrons et de tant d'autres fleurs que je ne saurais nommer ! La richesse du lapis vous ferait, j'en suis sûr, oublier les draperies. Puis, pour être sans forêts, il ne faut pas croire que la campagne soit sans arbres ; çà et là, sur les pentes douces des coteaux s'échelonnent des bosquets de Bambous au feuillage si gra- cieux et si léger, et autour des champs, des plantations d'ar- bres lui donnent à peu près l'aspect des bords de la Loire ; ou bien, dans les provinces accidentées, celui de nos vergers situés en montagnes. Enfin, il y a bien encore, autour des pa- godes et sur quelques sommets, de rares débris de forêts très-clair semées. Messieurs, les Chinois savent si bien ménager le combus- tible, qu'avec quelques livres d'herbe sèche, qui coûte de 1 à 2 centimes la livre, on parvient chez eux à préparer la nour- riture de toute une famille. Quant au froid, ils ne s'en défen- dent pas au moyen du feu, excepté dans le nord des provinces septentrionales, mais ils s'habillent aussi chaudement que la température l'exige. Ils ne construisent pas non plus de mai- sons bien hautes, de sorte qu'avec les mines de charbon de LXII SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. terre que recèle le sol de certaines provinces, ils trouvent dans leurs plantations d'arbres, dans les racines des arbrisseaux des montagnes et dans les chaumes de leurs récoltes, autant de combustible et de bois de construction qu'il leur en faut. Il leur est un peu plus difficile de se passer de prairies : car enfin, si nombreux que soient les troupeaux de la Mongolie, ils ne peuvent arriver partout, franchir les huit à neuf cents lieues qui les séparent du sud de la Chine. Cependant, grâce à la fertilité des eaux qui, dans les fleuves, les rivières, les lacs et les canaux dont les deux tiers de la Chine sont couverts, fourmillent de poissons, la viande de boucherie n'est pas non plus indispensable. On ne peut vraiment se faire une idée de cette fécondité. Ce n'est pas seulement dans les cours d'eau que l'on pêche, mais dans les rizières, et, pour peu qu'elles tardent à se dessécher, dans les flaques d'eau formées par les orages. Et si j'ajoute qu'il y a des espèces de poissons qui se mul- tiplient d'une façon si prodigieuse qu'elles produisent jusqu'à deux pontes en un mois, vous ne serez pas surpris que les poissons ne coûtent pas plus de 10 centimes, et pour les plus chers, de 50 à 00 centimes la livre. On les pêche avec des filets de toutes dimensions, à la ligne de fond, à la Loutre, au Cormoran; c'est, ainsi que je le disais, la nourriture anim;:le habituelle d'au moins trois cent cinquante millions d'habi- tants, et cependant ils y sont toujours aussi abondants. Mais si le poisson constitue l'élément animal le plus com- mun de la nourriture, ce n'est pas le seul. Le Porc, le Canard et la Poule sont aussi pour eux une très-grande ressource. Le Porc est si bien entré dans l'alimentation générale qu'il coûte plus cher que le Bœuf, bien que celui-ci soit plus rare. Quant aux Canards, c'est par troupeaux de trois ou quatre milliers qu'on les rencontre sur les eaux de la Chine. Le plus souvent ce sont des enfants montés sur des sortes de petites pirogues qui les gardent ; mais j'en ai vu que des Coqs conduisaient du bec jusqu'à l'eau, et de la rive les surveillaient, les rappelant, quand il le fallait, d'un cri aigu que les jeunes canetons pa- raissaient fort bien comprendre. Le Canard est, en Chine, VOYAGE EN CHINE, LXII1 l'objet d'un très-grand commerce : on le sèche, entre deux planches, comme une plante dans un herbier ; et, sous cette forme, on l'envoie jusqu'aux parties les plus reculées de l'em- pire. Et pourquoi n'en parlcrais-je pas? on prépare aussi, de la même façon, mais pour les classes les plus pauvres, les Chiens d'une race particulière que l'on élève pour la bou- cherie dans les provinces du Sud, et même des Rats. Las Chèvres et les Moutons entrent également pour une bonne part dans l'alimentation, mais ils ne viennent qu'après le Porc, le Canard et la Poule. Ainsi, vous voyez que sous ce rapport aussi, les Chinois ont appris à suppléer à l'insuffisance des grands animaux de bou- cherie. Toutefois, la base de leur nourriture, c'est le végétal ; lui seul explique l'étonnante densité de la population chinoise, lui seul explique comment quatre cents millions d'hommes peuvent vivre sur une surface. qui ne dépasse pas, en tout, quatre à cinq fois celle de la France. Il existe dans leur cul- ture sous soixante-dix à quatre-vingts formes, et de ces quatre-vingts espèces, vingt-cinq au moins sont destinées à la nourriture directe de l'homme. Mais la plus précieuse entre toutes, la plus providentielle, c'est le Riz. Aussi comme on lui rend justice en Chine! Pour elle, pour lui donner l'eau dont elle s'abreuve, non-seulement on a renoncé aux forêts, mais on a créé, creusé des lacs immenses, on a percé des mon- tagnes énormes ; pour elle, on retient l'eau des fleuves et des ruisseaux ; du fond obscur des montagnes on la ramène à la surface. Qui pourrait dire par combien de champs a filtré la moindre goutte qui arrive à la mer? Qui pourrait dire ses voyages et ses transformations? Je ne crois pas que l'on ait jamais fait dans le monde une œuvre plus belle et plus gran- diose que le vaste système hydraulique qui, de l'Ouest à la mer, conduit les eaux et les met sous la main du cultivateur. Messieurs, les anciens Perses disaient que « des bonnes » œuvres, la première était de désaltérer la terre, de lui venir » en aide, d'y ramener sans cesse la sève et la fraîcheur ». Si cela est, je n'en connais pas non plus de meilleure ni de plus LX1V SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQl'E D ACCLIMATATION. méritoire. Il y a quatre mille ans bienLôt que ce grand travail a été exécuté, mais la reconnaissance publique n'a pas oublié celui qui l'a entrepris. On montre encore, non loin de Ning- Po, le champ où labourait le petit paysan qui, plus tard, après l'accomplissement de son œuvre, devint le grand empereur Yu. Tous les habitants du canton où il est né, considérés comme ses descendants ou ceux de sa famille, sont exemptés d'impôts; et, dans un temple spécial, on célèbre chaque année son anniversaire avec la même ferveur que si le bienfait datait d'hier. C'est en effet qu'il est toujours présent. Du reste, ce n'est pas seulement au Riz que le Chinois rend justice, mais à toutes les récoltes, et, pour mieux dire, à la terre elle-même ; à la terre qui les produit : au Buffle, au Bœuf, les doux et forts compagnons de ses rudes travaux. Pour le Chinois, l'agriculture est vraiment plus qu'une profession, je dirais volontiers : c'est un sacerdoce. Il se dit ces paroles de l'ancienne loi de la Perse : « Fais justice à la plante, au Tau- j, reau, au Cheval; ne sois pas ingrat pour le Chien. La terre » a droit à la semence : négligée, elle maudit; fécondée, re- # mercie. A l'homme qui l'aura remuée de gauche à droite » et de droite à gauche, elle dira : Que tes* champs portent » tout ce qui est bon à manger, que tes villages nombreux » soient abondants en tous biens. » — Il se dit encore : «Laboure » et sème, celui qui sème avec pureté accomplit toute la » loi. » Et ne croyez pas que je lui prête ces sentiments, il les a. Il les a si bien que, lorsque la terre ne lui répond pas en grains abondants, il s'accuse et se purifie, fait abstinence. Non-seule- ment le cultivateur, tout le peuple et l'Empereur lui-même. Confucius, d'ailleurs, ne leur avait-il pas dit : « Voulez-vous » de bonne agriculture, ayez des mœurs. » Et savez-vous, Messieurs, combien la terre rend en Chine? Elle rend jusqu'à 12 000 kilogrammes de Riz par hectare! Croyez-vous qu'une telle réponse trahisse de mauvaises mœurs ? Croyez-vous qu'on ait le temps de mal faire ou mal penser quand on travaille de façon à lui faire produire autant? Non. Ainsi que le dit je ne sais quel grand penseur dont le nom VOYAGE EN CHINÉ. LXV m'échappe : « Point de culture sans l'ordre. La justice est née » du sillon. Gérés, qui ta Thèbes et à Athènes a rapproché les » hommes et fait les lois, Gérés qui ne semble pas autre que » Théinis, Gérés est la pensée sérieuse des peuples agricoles. » Comment l'agriculture chinoise surtout, qui emprunte à l'eau, si facile à détourner, le principal élément de sa fécon- dité, comment la culture du Riz serait-elle possible sans la justice ? La régularité de la distribution des eaux est une preuve de grande loyauté. Ainsi la patience, la douceur, la justice, la bonté sont nécessairement les qualités dominantes des mœurs chinoises. Ge n'est pas la seule conséquence de ce que je viens de vous dire. On a souvent reproché aux Chinois d'être athées; eh bien, cette prière du travail, les purifications, les expiations auxquelles ils se soumettent aux moindres avertissements du ciel, ne les justifient-elles pas déjà de ce reproche? — Mais, demanderez -vous, qui donc est le Dieu de cette religion, où sont ses autels et ses prêtres, quel est son culte? Messieurs, le Dieu des Chinois n'est pas autre que Dieu; — c'est le Dieu qui, sur l'Oreb et le Sinaï, apparut à Moïse ; — c'est le Dieu métaphy- sique de toutes les races supérieures, qu'ils vont prier, sans intermédiaire, sur les hautes montagnes, ses plus magnifiques autels. C'est Là que se célèbrent les fêtes de la terre et du pre- mier jour de l'an. C'est là que l'Empereur, ainsi que les grands fonctionnaires, comme chefs de la nation et pères du peuple qu'ils représentent, vont, au printemps, implorer les bénédic- tions du ciel, et, à l'automne, le remercier de ses dons. Sans doute, ce culte est peut-être trop simple et ne satisfait point, pour la masse du peuple, au besoin du mystérieux et du surnaturel que tout homme recèle plus ou moins. Et, en effet, en Chine, où le travail est la loi commune, rend fort grave et laisse peu de temps aux raffinements, ces besoins se traduisent souvent, il faut le. dire, d'une façon grossière et brutale. Les mythes les plus gracieux ou les plus sévères du bouddhisme deviennent, pour la plupart, des croyances extrê- mement matérialistes, mais ce sont plutôt alors des exuloires que des dogmes religieux et des croyances établies, et l'on ne 2e série, t. VU. — Séance publique annuelle. e LXVI SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. lésa point érigées en religion officielle. Il peut arriver que les fonctionnaires y sacrifient avec tout le peuple, mais rien ne leur en fait un devoir, et ce n'est, pour ainsi dire, de leur part qu'une simple courtoisie démocratique. Ces superstitions n'ont donc aucune influence sérieuse sur la société ; et, si elles en avaient, celte influence serait bien vite corrigée par celle d'une institution que j'appellerais une religion, si elle n'était toute civile, — je veux parler de la religion de la famille. Je né redirai point ici, après l'avoir exposé en d'autres lieux, en quoi consiste cette religion, ni comment elle se pratique. Mais ce sur quoi je ne saurais trop souvent insister, parce que, hélas ! nous n'avons plus rien en France qui puisse nous en donner l'idée, c'est sur les immenses effets qu'elle a et sur l'individu et sur la société. Je parlais tout à l'heure de religion d'État. Il y en a bien une en Chine, et c'est celle-ci, mais il n'y en a pas d'autre. C'est elle qui groupe autour du père tous les individus de la famille et le rend sacré ; c'est elle qui le fait, non-seulement le chef, mais le prêtre et le juge de la famille. C'est elle qui assure à ses mânes l'inviolabilité, à la famille son sanctuaire. - - C'est la religion de la famille qui groupe toutes les familles pour en former l'État; c'est en vertu de cette religion que l'Empereur règne, plus encore comme « Père et Mère du Peuple », qui est le titre qu'on lui donne, que comme monarque. Je n'oublierai jamais, Messieurs, la tristesse profonde, je dirai même la honte et le désespoir où je restai longtemps plongé, quand je commençai à soupçonner la force, la beauté et la moralité de cette sereine institution. J'entendais les simples paysans, les plus vulgaires des journa- liers, me raconter l'histoire de leur famille, remonter d'aïeul en aïeul, quatre, cinq, six et sept cents ans en arrière, et me dire non pas seulement leurs noms et leur généalogie, mais les faits qui les recommandaient au souvenir de leur postérité et les titres qu'ils avaient à sa reconnaissance. Et moi, medisais-je, enfant d'une classe supérieure et d'une civilisation réputée plus élevée, à peine sais-je où sont enfouies les cendres de mes aïeux les plus immédiats ! Non, je ne puis vous dire, encore une fois, les larmes que cet aveu m'arrachait, l'amertume dont VOYAGE EN CHINE. LXVII il remplissait mon cœur. — Qui donc a parlé d'immortalité, qui donc est plus immortel que ce pauvre paysan chinois ? Il vit avec le souvenir de ses ancêtres ; il vivra, il vivra bien réellement dans le souvenir de ses descendants. Que dis-je? quand il mourra, c'esl ceux-là qu'il ira retrouver, qui l'at- tendent et lui ouvrent les bras : c'est ceux-ci qu'il ira attendre. Pour lui, bien véritablement, la mort n'est qu'un mot, à moins pourtant qu'il n'ait été rayé du livre de famille. Je vous ai dit, Messieurs, que la religion de la famille annu- lait presque entièrement les dangereux effets des superstitions, et je viens de vous indiquer en quelques mots par quelles croyances plus immédiates, plus fortes et plus pures. Je veux maintenant vous montrer son action sur le caractère et la conduite des individus. Messieurs, j'avais (pardonnez-moi de me mettre en scène) un domestique dont j'étais fort content. Actif, fidèle, dévoué, intelligent au point d'avoir appris presque seul à parler le français et à l'écrire un peu, il avait mérité que, de simple palefrenier, je relevasse au grade de maître d'hôtel et d'inter- prète. Un jour, après sept ans de services, il vint me trouver et, s'agenouillant devant moi comme un fils devant son père, me demanda l'autorisation de se marier. Il avait, depuis quelques années, passé l'âge auquel les Chinois se marient ordinaire- ment. Il avait vingt-cinq ans. Je n'avais donc aucune objection à faire à son désir. Mais avec qui voulait-il se marier? C'était une autre question; si bien que quand je lui demandai s'il avait déjà formé un choix, qui l'y avait aidé, et sur qui il s'était arrêté, le pauvre garçon se mit à balbutier, et je vis à son trouble que ce choix était inavouable. « Apo, lui dis-je, lorsque tu es entré à mon service, j'ai » naturellement repris de ton père les droits qu'il a sur toi. » Tu n'oserais point, n'est-il pas vrai, lui conduire la bru » que tu veux lui donner? Comment donc oses-tu essayer de » surprendre mon consentement ? Je vais, si tu le veux, écrire » à ton père que tu n'es plus chez moi, et tu feras ensuite ce » qui te plaira. Mais je ne puis te le donner. Réponds. » En France, sur dix enfants, huit sans doute eussent fait à LXVI1I SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. leurs parents ce qu'on appelle des soumissions respectueuses. Lui se releva en cachant ses larmes et ne se maria point. Cependant, en cette soumission si touchante dans sa simpli- cité, il faut voir autre chose encore que le respect de l'autorité paternelle. Quelle qu'en soit la cause, ou le résultat, elle dénote une douceur de mœurs dont les relations ordinaires, en dehors de la famille, doivent se ressentir. Écoutez leurs moralistes : « Un enfant bien élevé n'aborde le condisciple de son père que » lorsqu'il l'appelle, ne lui parle que pour lui répondre et ne se » retire que quand il le lui permet. » « Honorez comme votre » père celui qui a le double de votre âge, et comme votre frère » aîné celui qui a dix ans de plus que vous. » — Mais peut-être est-ce comme en bien d'autres pays, de la maxime à la pratique il peut y avoir loin ? Ecoutez donc. — Quand je voyageais dans l'intérieur de la Chine, j'étais bien souvent importuné par une foule de curieux qui ne me laissaient aucun répit. 11 n'était vraiment pas rare que je fusse ainsi escorté par 8 ou 10 000 per- sonnes. Eh bien, voulez-vous, Messieurs, que je vous dise comment je réussissais à m'en débarrasser? Mon Dieu, de la façon la plus simple. Parmi ceux qui m'entouraient, j'avisais le plus âgé. Quel qu'il fût, je le faisais inviter à venir me voir, et m'avançant au-devant lui, je lui faisais les politesses d'usage ; et devant tout le monde, le conduisais à la place d'honneur. A l'instant môme, les rumeurs et les quolibets cessaient ; le silence le plus complet s'établissait. En une minute, j'avais établi entre cette foule et moi ce premier lien commun dont l'absence est le plus souvent, à l'étranger, la cause de tous les mécomptes qu'on éprouve ; et ce lien commun, c'était le respect de la vieillesse. Grâce à lui j'avais conquis ma tran- quillité; je n'étais plus un étranger, mais un hôte. — Quant au vieillard, il s'excusait de l'honneur que je lui faisais, excu- sait ses compatriotes de leur manque de savoir-vivre, me demandait de vouloir bien fixer une demi-heure , pendant laquelle je pourrais leur permettre de venir, et après une ou deux coupes de thé, je le reconduisais, et tout le monde par- tait avec lui. Vous dirai-je comment ils 'se traitent, comment ils se par- VOYAGE EN CHINE. LX1X lent entre eux? Parmi les modes de locomotion qui existent en Chine, un des plus commodes et des plus usuels dans les pro- vinces montagneuses où les canaux ne sont pas nombreux, c'est la chaise à porteurs ou le palanquin. J'ai fait à peu près de la sorte (3 ou 700 lieues. On engage quatre porteurs pour chaque palanquin et l'on fait ainsi 8 à 9 lieues par jour. Or, tout fardeau pèse à la longue, même partagé en quatre, et les pauvres de la Chine le savent bien. Que faisaient donc ceux qu'il nous arrivait de rencontrer le long des chemins? « Monsieur, » disaient-ils, en s'approchant de l'un des porteurs, monsieur, » nous n'avons pas encore gagné notre vie d'aujourd'hui, nous » permettrez-vous de prendre votre place et de vous soulager » pendant quelque temps? — Volontiers, monsieur, mais » nous ne pourrons peut-être pas payer bien cher le service » que vous voulez nous rendre. Nous ne gagnons pas beau- » coup. — Qu'à cela ne tienne, monsieur, nous nous en rap- > porterons ta votre générosité. » — Et ces porteurs de ren- contre prenaient la place des autres qui, pendant une ou deux lieues, les épaules déchargées, nous suivaient en chantant. Cependant ce titre de monsieur ne s'échange qu'entre gens qui ne se connaissent pas ou ne se connaissent que peu. Quand on est en relations un peu familières et qu'on est du même âge, on ajoute au petit nom le mot de frère , et il est rare en effet qu'on ne se traite pas comme tels (1). Vous dirai-je, maintenant, Messieurs, jusqu'où peu s'étendre, même vis-à-vis de l'étranger, de l'Européen qui a réussi à se concilier la confiance des Chinois, cette bienveillance géné- (1) Après avoir montré que les Chinois sont des hommes, je n'aurais point, je l'avoue, songé à montrer qu'ils ne sont pas des tigres. Cependant il a été reproduit contre eux, dans une récente solennité, une accusation qui emprunterait au lieu où elle a été rappelée et à la bouche d'où elle est tombée, une telle gravité que je ne saurais la passer sous silence. On leur a reproché des habitudes d'infanticide qu'un illustre missionnaire jésuite du siècle dernier, le P. Amyot, avait pourtant déjà niées avec indignation. On affirme même qu'il circule encore des images représentant des enfants chinois livrés en nourriture aux pourceaux ! Ne serait-il point temps, enfin, de faire justice de toutes ces abominables inventions ? LXX SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. raie? Je n'affirmerai poinl que la chose soit toujours très-facile. Elle ne l'était guère surtout à l'époque où je commençais à parcourir la Chine. C'était peu de mois après le traité que nous lui avions imposé. Je dus pendant quelque temps souffrir de la part des fonctionnaires chinois d'une sorte de surveillance qui, quelque déguisée qu'elle fût, me gênait beaucoup. Mais lorsqu'on la jugea inutile, c'est-à-dire lorsque l'on fut bien per- suadé du caractère tout à fait inoffensif de la mission que je remplissais, et que l'on autorisa mes lointaines explorations des provinces limitrophes du Thibet, savez-vous. Messieurs, com- ment on traitait le petit personnage que vous avez devant vous ? J'ose à peine vous le dire. Quelle est, Messieurs, parmi les plus belles et plus hautes prérogatives d'un souverain, celle que vous envieriez le plus ? Vous serez tous unanimes : c'est le droit de grâce. Eh bien, je l'avais. Partout où je portais mes pas, — couvert en quelque sorte, par la plus courtoise et la plus dé- licate des fictions, du caractère impérial, —j'exerçais ce droit, du présent duquel on n'avait même pas, tellement le fait est dans les mœurs, instruit notre légation de Pékin. Dès mon entrée dans une ville, l'autorité des fonctionnaires disparais- sait devant celle qu'on m'avait conférée. Ils continuaient à rendre la justice, à administrer, mais c'était en mon nom ; et au sortir de la maison, du palais dont on avait fait ma demeure, je trouvais les condamnés de la veille qui venaient solliciter, les uns, une grâce entière, les autres, une diminution de peine. Mais au souvenir de ces honneurs, pour lesquels je n'étais pas fait, combien je préfère celui des simples et bonnes réceptions, de l'hospitalité humble et tranquille que je rencon- trais parfois dans les villages et dans les hameaux ! Souvent, descendus de nos palanquins ou de nos bateaux, laissant derrière nous cortège et bagages auxquels nous don- nions rendez-vous à la station prochaine, nous nous enfoncions avec le bon et dévoué missionnaire qui, affectueusement, m'accompagnait et voulait bien être mon interprète, nous nous enfoncions seuls par les petits sentiers dans les champs, sans avoir pris d'autre précaution que de nous être couverts de notre costume chinois. Nous allions en flânant, nous arrêtant à VOYAGE EN CIIINE. LXXI chaque pas, causant avec le premier passant de la pluie et du beau temps, des récoltes et du reste. Je vois encore un certain arbre sous lequel un jour, n'en pouvant plus de chaleur et de fatigue, nous nous étions laissés tomber. Un peu de gazon, devrai gazon, si rare dans les cam- pagnes chinoises, entourait ses racines, et nous faisait un siège doux et frais sur lequel nous nous étendions avec un plaisir infini. Malheureusement nous n'avions point remarqué non loin de là deux femmes un peu cachées par quelques arbrisseaux, et qui, travaillant dans un petit jardin, ne nous avaient pas non plus vus venir. Or, il faut que vous sachiez qu'il n'est point convenable que des hommes étrangers s'arrêtent longtemps en présence des femmes. Je vois encore la stupeur et le commen- cement d'indignation qui perçaient sur leurs visages quand elles nous aperçurent. Nous savions bien aussi que nous n'étions pas à notre place ; mais comment quitter sans regret l'arbre qui nous abritait du soleil ? Nous essayâmes de conjurer le danger. — « Bonjour donc, les bonnes dames, dit le mission- » naire de sa voix la plus avenante. — Bonjour, mais que » faites-vous là, allez-vous-en. — Cependant, mesdames, vou- » lut-il objecter, nous sommes bien fatigués, et, voyez, les » autres, arbres sont loin. » « Mais quels sont donc ces gens-ci, reprit l'une de nos deux » voisines, et d'où viennent-ils pour manquer de la sorte aux » convenances? Allez-vous-en et ne nous le faites pas répéter.» Penauds et confus nous nous levions pour partir, quand le missionnaire, se ravisant et montrant sa pipe et son tabac : « Au » moins, leur dit-il, vous nous donnerez bien du feu. — Allez » toujours, on vous le portera. » Nous nous en allâmes lente- ment et fûmes bientôt rejoints par un petit garçon de sept à huit ans qui nous apportait du feu. Je le remerciai en lui don- nant un petit couteau de huit sous, et quelques pas plus loin nous nous laissâmes encore une fois tomber. Quelques in- stants après, le petit garçon revenait en nous apportant quatre oranges. Je lui remis cette fois un petit paquet d'aiguilles à coudre, puis il partit. Mais nous ne restâmes pas longtemps seuls. Bientôt il revint encore, conduisant avec lui un vieillard LXXII SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. et deux ou trois hommes qui, après quelques mots de politesse nous invitèrent à venir nous reposer chez eux. Nous accep- tâmes avec empressement, et une heure ne s'était point écoulée, que nous étions les meilleurs amis du monde. Les femmes vaquaient librement devant nous à leurs occupations. Les unes apprêtaient le repas, les autres couvraient la table. Pendant ce temps, tous les hommes du village s'étaient réunis à ceux de la maison et nous causions. Nous causions, ainsi qu'ils le disent, de l'Orient et de l'Occident, de tout ce qui, 'entre ces deux points du monde, intéresse l'homme et constitue son domaine qu'il connaît si peu. Nous parlions de l'Europe, de la France qu'ils connaissent si mal. — Nous parlions de nos parents, car c'est toujours par là que commence l'entretien. Malheureusement ce sujet fut de mon côté bien vite épuisé. « Ils sont morts, leur disais-je. —Ah! pauvre homme, me » répondirent-ils, nous comprenons alors que vous ayez pu » vous décidera quitter votre pays. » Mais, tout en causant, je ne pouvais m'empêcher d'admirer la tenue modeste et discrète, la façon de parler, simple, digne et respecteuse sans timidité de notre hôte et de ses amis. Puis le repas arriva et ce fut lui qui voulut nous servir, lui et ses fils, tous trois debout à nos côtés. Enfin, le soir vint et il fallut songer à rejoindre nos gens. Nous voulions laisser à cette brave famille, tout au moins aux enfants, quelque souvenir de notre passage; mais nous ne pûmes leur faire rien accepter, et nous prîmes congé d'eux. Une autre fois.... Mais je n'en finirais pas si je voulais multiplier ces épisodes, et pourtant il faut que je m'arrête. Messieurs, les voyages ont un charme singulier. Longtemps après les avoir faits on aime à les refaire. La pensée s'y aban- donne avec délices ; et, du pays des souvenirs où elle se laisse emporter, il est difficile de la ramener aux réalités, quand, surtout, elle sent qu'elle n'y est plus seule, mais soutenue par la sympathie non-seulement de la plus brillante, mais de la plus aimable et de la plus indulgente des compagnies. RAPPORT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES (■ Par n. A. l.milltoi SAIVI-IIII ,tmi;, Secrétaire honoraire du Conseil delà Société, Directeur du Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne. Mesdames, Messieurs, Importer, naturaliser, domestiquer les animaux ou les vé- gétaux ; améliorer et propager les espèces déjà acquises ; tels sont les efforts que la Société impériale d'acclimatation récompense. Que les expériences soient tentées, que les résultats soient acquis sur un point quelconque du globe, vos médailles et vos prix, Messieurs, vont trouver les amis du progrès. Chaque année, bon nombre de ces récompenses sont en- voyées au delà de nos frontières, ou par delà les mers, à ceux à qui vous les avez décernées ; le but que poursuit la Société n'étant pas seulement d'acquérir à notre pays les richesses des autres contrées, mais aussi d'encourager les nations voisines et les peuples les plus éloignés à acquérir, pour eux-mêmes, quelques-uns des trésors de la nature, dont plus heureux nous avons déjà la jouissance. Partager ces biens, « plus précieux que tout l'or du nou- veau monde », disait Buffon, c'est ce que vous voulez. « 11 est » des œuvres qu'un seul homme peut accomplir; il en est » d'autres impossibles sans le concours des volontés et l'as- » sociation des efforts (2). » L'acclimatation est de celles-là. (1) La Commission des récompenses était ainsi composée : Membres de droit. — S. Exe. M. Drouyn de Lhuys, président, et M. A. Geoffroy Saint-Hilaire, secrétaire honoraire du Conseil, délégué en remplacement de M. le comte d'Éprémesuil, secrétaire général, empêché. Membres élus par le Conseil. — MM. Chatin, Atig. Duméril, Gillet de Grandmont A. Hennequin, marquis de Sinéty et Ch. Wallut. Membres élus par les cinq sections. — MM. Cretté de Palluel, A. Gindre, Mau- rice Girard, le Dr Mène et Roger-Desgenettes. (2) Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Bulletin de la Société d'acclimatation, 1858, page lxxvii. LXXIV SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. Si tant de résultats importants ou intéressants ont été ob- tenus, c'est au grand nombre des coopérateurs de l'œuvre qu'on le doit. L'homme le plus laborieux, le plus persévérant, n'a qu'une vie pour atteindre le but qu'il poursuit. Une Société telle que la nôtre a tout l'avenir devant elle, et, comme une armée, elle se recrute à mesure que des vides se font dans ses rangs. L'exposé fait par M. de Grandmont vous a prouvé que les travaux de la Société, en 1869, n'ont pas été moins impor- tants que ceux des années précédentes. C'est à moi mainte- nant, Messieurs, de vous signaler les efforts tentés, les résultats obtenus que la commission des récompenses a jugés dignes des prix et médailles de la Société. Parmi les membres de la Société dont le nom devrait figurer sur la liste de nos lauréats, il en est que leur rang auguste met au-dessus de nos récompenses. La Société, voulant témoigner au roi d'Italie et au roi des Pays-Bas sa gratitude pour les efforts que Leurs Majestés ont faits pour l'acclimatation, a voté deux adresses qui leur se- ront présentées. Depuis près de quinze ans, Sa Majesté Victor-Emmanuel s'occupe, avec beaucoup de sollicitude, des questions d'accli- matation. Non content d'encourager les tentatives de ses sujets, le roi a fait faire, dans ses parcs, les essais les plus intéressants. Des navires, envoyés sur différents points du globe, ont rapporté des animaux destinés à des expériences d'acclimatation. Ces essais ont eu des sorts divers; mais la persévérance du souverain n'a pas été lassée par les échecs, et aujourd'hui le succès a justifié sa louable ténacité. Sa Majesté Victor-Emmanuel a aujourd'hui complètement acclimaté, dans l'immense parc de la Mandria , l'Antilope Nylgau, les Cerfs Wapitis, d'Aristote, et d'autres espèces. A Florence, dans le Jardin zoologique et à l'établissement de la Pietraia, qui appartiennent au roi, de nombreuses espèces de Faisans ont été multipliées. Enfin, Sa Majesté a poursuivi avec succès l'acclimatation de nouveaux gibiers et celle de RAPPORT DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. LXXV divers animaux agricoles, notamment, dans les Apennins, celle des Lamas et des Chèvres d'Angora. C'est aux habitants des eaux que Sa Majesté Guillaume 111 a plus particulièrement consacré son attention. Les ques- tions relatives à la culture des eaux devaient tout naturelle- ment avoir une grande importance dans un pays comme la Hollande. Le roi a fait faire, au château de Loo, de nom- breuses expériences de pisciculture, et les résultats obtenus ont puissamment contribué à vulgariser les procédés de mul- tiplication du poisson. Grâce à ce puissant patronage, la Hollande est aujourd'hui entrée dans la voie où, depuis tant d'années, la Norvège marche avec un grand succès. Ces années dernières, le titre de membre honoraire et une grande médaille d'or ont récompensé les heureux efforts de MM. Markham, Mac-Ivor et Van Gorkom. Grâce à ces zélés par- tisans de l'acclimatation, la culture des Cinchonas est aujour- d'hui pratiquée clans les Indes anglaises et néerlandaises, et l'Europe est assurée de ne plus manquer des précieuses écorces de Quinquina, dont une exploitation imprévoyante aurait pu, dans quelques années, anéantir la production. Le docteur Hooker, correspondant de l'Institut de France, directeur du Jardin botanique de Kew, fds illustre d'un père illustre, a donné, depuis nombre d'années , le concours le plus actif et le plus utile aux tentatives d'acclimatation des Cin- chonas, non-seulement dans les colonies anglaises, aux Indes, en Australie, à l'île Saint-Hélène, à la Jamaïque ; mais son aide bienveillante a été d'un puissant secours dans les essais de culture des Quinquinas, faits dans les colonies françaises. Ces titres, Messieurs, assuraient à M. le docteur Hooker droit de cité parmi nous ; la Société, en lui décernant le titre de membre honoraire, lui accorde la plus haute récompense qu'elle puisse donner. Le règlement nous interdit de récompenser nos membres honoraires et les membres de l'Institut. Pour les membres honoraires, la Société a épuisé tous les témoignages de gra- titude qu'elle peut décerner. Quant aux membres de l'In- stitut, ils ont été placés hors concours par une juste défé- LXXVI SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. rence pour le plus illustre des corps savants de la France. Mais si nous ne pouvons leur donner nos médailles et nos prix, nous ne devons pas au moins laisser, sans les men- tionner, les titres qui auraient mérité nos récompenses. M. le baron Cloquet, de l'Institut, à sa terre de Lamalgue, a cultivé, multiplié, propagé avec succès les Bambous. Ses nombreuses expériences , ses intéressantes communications sur ces végétaux, ont été appréciées de chacun de vous, Mes- sieurs. Parmi nos membres honoraires, je dois citer M°r Yerrolles, qui a adressé, cette année, à la Société, des graines de Vers à soie de Mantchourie, et M. l'abbé Furet, missionnaire à Osaka, qui nous a fait parvenir, à différentes reprises, des végétaux intéressants du Japon, des Ipomœa, des bulbes de Lis, des graines diverses. M. Durieu de Maisonneuve, dans des rapports pleins d'in- térêt et d'une exactitude scrupuleuse, a mentionné, à diverses reprises, des faits curieux sur les végétaux qu'il cultive et qui proviennent des graines que la Société lui a confiées. M. Eugène Simon, dont vous avez entendu aujourd'hui une intéressante lecture, a, cette année, doté la France d'un pois- son nouveau. L'importation du Macropode n'est pas le seul titre de notre dévoué confrère aux récompenses de la Société. En 1864, il avait envoyé de Chine en France plusieurs végétaux et no- tamment une espèce de Bambou, qui, cultivée et multipliée au Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne, a pu être déterminée cette année. C'est le Bambusa violascens du nord de la Chine, le plus rustique, le plus vigoureux Bambou qui ait encore été importé en Europe. Que M. Simon reçoive ici l'expression, peut-être un peu tar- dive, mais bien méritée, de notre gratitude pour cette pré- cieuse importation. En 1869, comme les années précédentes, M. Perrottet, a fait à la Société de nombreux envois. Son grand âge n'avait pas ralenti son zèle. Il n'est plusl Nous avons appris, il y a quelques jours à peine, que ce respectable vieillard, ce tra- RAPPORT DE LA. COMMISSION DES RECOMPENSES. LXSVII vailleur infatigable, était mort à Pondichéry. M. Perrottel élait membre honoraire de la Société depuis 1861 ; ce litre lui avait été décerné à raison des acclimatations nombreuses de végétaux qu'il avait obtenues à la Martinique. Conservons, Messieurs, le souvenir de ce vieillard dévoué qui, dans sa quatre-vingt-unième année, cherchait encore, par ses décou- vertes, à enrichir son pays. Prix pour les travaux «le zoologie pure. Un prix a été fondé, en 1867, pour récompenser les tra- vaux de zoologie pure pouvant servir de guide dans les appli- cations. Ce prix a été décerné à M. le professeur Sàrs, de Christiania, ou du moins à sa mémoire; car la mort vient de ravir à la Norvège son plus illustre naturaliste. Les travaux qui ont mérité à M. Sars la haute récompense que nous lui décernons aujourd'hui sont nombreux et d'une grande valeur. Je citerai seulement ses études sur les Méduses et leur reproduction. C'est à M. Sars qu'est due la décou- verte si importante des générations alternantes, découverte seulement pressentie avant lui par Chamisso. Dans l'ordre d'idées qui intéresse la Société, il faut men- tionner aussi les explorations de la mer, a de grandes profon- deurs, faites par M. Sars. Ces études lui ont permis d'élucider plusieurs questions importantes, relatives à l'habitat des ani • maux et à l'influence sur eux de la température. Avec le professeur Rasch, M. Sars a été le promoteur delà pisciculture en Norvège, et l'on sait quels étonnants progrès ont été faits dans ce pays dans la culture des eaux. M. Sars a accompli sur ces matières des travaux importants, et il a per- fectionné de nombreux appareils. Sous son inspiration, son fils M. Ossian Sars, lauréat de la Société, a fait, avec M. Boecl< fils, des recherches du plus haut intérêt sur la reproduction et le développement des Morues, des Harengs, des Pleuro- nectes et des Homards. LXXVIII SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. Prix pour les travaux théoriques. Le prix , pour les travaux théoriques , a été décerné à M. Jules Verreaux. Les titres de M. Jules Verreaux aux récompenses de la So- ciété sont anciens déjà. Chasseur et naturaliste, M. Verreaux a parcouru l'Afrique australe et l'Australie. Il a fait, au Cap, les études les plus intéressantes sur la domestication et le dressage des animaux sauvages. « Depuis trente et un ans, » écrivait M. Verreaux en 1850, que je fais de nombreux » voyages dans des contrées lointaines, j'ai toujours eu soin » de me livrer à des études sur tout ce qui pouvait offrir à » mon pays des ressources nouvelles. » Les résultats de ces études ont été consignés dans un tra- vail intéressant publié par la Revue et magasin de zoologie, en 1850. Depuis, M. Verreaux n'a cessé de s'occuper des questions d'acclimatation, et ses conseils ont été précieux à bien des expérimentateurs. Naturaliste consommé , savant estimé, M. Verreaux s'est acquis en Europe la plus haute con- sidération. La Société fait acte de justice en décernant à M. Jules Verreaux le prix fondé pour les travaux théoriques. Prix fondé par »!""' Guérineau , née Delalande. La Société décerne à M. Alfred GRANDiDiERla médaille fondée en 1867 par madame Guérineau, née Delalande. Nul, pins que cet infatigable explorateur, n'est digne de cette récompense. En 1857, les deux fils de M. Grandidier, ancien notaire à Paris, l'un des membres les plus zélés de la Société d'accli- matation, partirent de Paris, et parcoururent, pendant deux années, l'Amérique du Sud. De 1862 à 1867, M. Alfred Grandidier, celui des deux frères que sa vocation entraînait à la recherche des décou- vertes pouvant être utiles à son pays, explora l'Inde, Ceylan et Madagascar. L'importance de ses recherches dans la grande île africaine le détermina à y retourner, et en novembre 1867, il repartait pour Madagascar, où il est encore. RAPPORT DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. LXXIX L'énergie, le courage dont M. Alfred Grandidier a fait preuve, pendant ces treize ans de voyages, ne sont égalés que par la valeur des services qu'il a rendus à la science. C'est à M. Alfred Grandidier que M. Rouland, alors mi- nistre de l'instruction publique, écrivait en 1860 : « Je ne » puis exprimer qu'un regret, c'est qu'un courage aussi per- » sévérant, un amour de la science aussi sérieux que ceux » dont vous avez fait preuve, pendant deux années passées » dans des pays encore vierges, ne soient pas plus communs. » Parmi les services rendus au pays, il n'en est pas de plus » noble ; l'éclat d'ailleurs en rejaillit autant sur ceux qui les » ont rendus que sur la France. Je veux espérer qu'un tel » exemple ne restera pas sans imitateurs. » Dix ans se sont écoulés depuis que M. Rouland adressait à M. Grandidier les félicitations que nous venons de repro- duire. Que dirait aujourd'hui ce ministre éclairé, en présence des nouveaux services rendus à la science par M. Grandidier, et des patientes recherches qu'il a accomplies. Les publications faites par M. Alfred Grandidier, les collec- tions importantes dont il a enrichi notre Muséum d'histoire naturelle, permettent d'apprécier les titres du voyageur à la reconnaissance publique. La médaille fondée par Madame Guérineau, née Delalande, doit être décernée au voyageur qui aura rendu, depuis huit années, le plus de services au point de vue de l'alimenta- tion de l'homme. M. Grandidier, dans ses voyages, n'a pas négligé ces importantes questions. De l'Amérique, il a rapporté le Chenopodium Quinoa, lé- gume aujourd'hui acclimaté dans nos jardins, plus de soixante variétés de Maïs, dont vingt nouvelles. De Maurice il a transporté en France un grand nombre de Gouramis. De Madagascar, il a importé vivants plusieurs animaux re- marquables. A la Réunion, cent Martins ont été embarqués à destina- tion de l'Algérie. Un certain nombre de ces précieux destruc- teurs de Sauterelles sont aujourd'hui dans la colonie et bientôt s'y multiplieront. LXXX SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. En fondant la médaille que la Société décerne aujourd'hui, Madame Guérineau a voulu rendre un hommage posthume à la mémoire de son illustre frère, le naturaliste Delalande. Pouvait-elle souhaiter que cette médaille fût remise en de plus dignes mains! M. Alfred Grandidier, par son courage et sa persévérance, n'est-il pas un continuateur de Delalande? Le but qu'il poursuit n'est-il pas le même? Découvrir! décou- vrir encore ( I ) ! (1) M. Alfred Grandidier s'est livré de bonne heure aux études et aux recherches scientifiques. Il a entrepris successivement trois voyages qui, à divers titres, ont été fructueux pour la science. Le premier, en collaboration avec son frère aîné, a eu lieu dans l'Amérique du Sud, du 1k octobre 1857 au mois de novembre 1859. Les résultats en ont été consignés dans un rap- port tres-favorable de la section des sciences, comité des Sociétés savantes, dans une lettre du Ministre de l'instruction publique du 24 novembre 18G0, et dans d'autres documents, le tout imprimé dans la relation de ce voyage, publiée par le libraire Michel Lévy en 18(31. Le second voyage s'est accompli en Asie et en Afrique, sans interruption, du 20 février 1862 à mai 1867. Il a eu lieu daus les provinces méridionales de l'Inde, à Ceylan, à Zanzibar et Madagascar. Le Bulletin de la Société géographique, (octobre 1867), les notices imprimées en 1867 et 1868, à l'île Bourbon, concernant Ceylan, Zanzibar et Madagascar, et le journal le Tour du monde en 186'J, rendent compte de ce voyage et de ses résultat? au point de vue de l'histoire naturelle, de l'accli- matation, de l'ethnologie et de la géographie. Dans le troisième et dernier ^yage, qui dure encore, M. Alfred Grandidier a pénétré plusieurs fois dans la partie intérieure de Madagascar, jusqu'alors inexplorée, y a fait de pré- cieuses découvertes pour l'histoire naturelle et a fait, comme dans les deux premiers voyages, des envois importants au musée du Jardin des plantes, tout en continuant ses travaux géographiques, d'acclimatation" et d'histoire naturelle. La relation de ce dernier voyage ne sera publiée que plus tard. Si l'on parcourt les documents sus-énoncés, et notamment les bulletins de la Société d'acclimatation de 1867, 1868 et 1869, il en résulte que parmi les services rendus à la science par M. Alfred Grandidier, on trouve les suivants, qui rentrent plus spécialement dans le programme du prix Delalande, savoir : l'introduction, soit en France, soit en Algérie, et l'acclimaialion : 1° du Mar- tin Uisle(Acridotheres tristis), oiseau chasseur et destructeur de Sauterelles, utile à l'Algérie, où l'acclimatation se poursuit; 2° de deux espèces de Qui- uoa (Chenopodium), plante comestible recommandée par Humboldt; 3° de vingt espèces de Maïs nouveaux, répandus aujourd'hui dans une grande partie de la France; h° àeYAreca rubra ou Chou palmiste comestible, pour l'Algérie et le midi de la France ; 5° et du Cheiropotamus Edwarsi, Sanglier nouveau de Madagascar, qui vit aujourd'hui au Jardin des plantes. RAPPORT DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. LXXX1 Rappel de médaille d'or. Une grande médaille d'or a été décernée, en 1869, à M. Jacques Yekemans, pour ses nombreux travaux d'accli- matation. Vous avez récompensé ainsi, l'an dernier, plus de vingt années de persévérance et les nombreux succès obtenus au Jardin zoologique d'Anvers par son habile directeur. Il faudrait, cetle année encore, décerner à M. Vekemans une récompense hors classe ; car il a encore rendu de nou- veaux services à notre œuvre. Après avoir importé en Bel- gique plus de 40 paires de Faisans vénérés et de nombreux Tragopans de la Chine, M. Vekemans a pu élever, cette année, 80 Faisans vénérés et 20 Tragopans. Ce résultat important assurant d'une façon complète l'ac- climatation en Europe de ces précieux et magnifiques oiseaux, la Société décerne à M. Vekemans un rappel de médaille d'or. Il y a moins de cinq ans, le Faisan vénéré ne figurait pas encore dans les collections de nos musées les plus riches. Au- jourd'hui, grâce à MM. Dabry et Stone qui l'ont importé de la Chine , grâce au Jardin d'acclimatation de Paris et au Jardin zoologique d'Anvers, qui l'ont multiplié, plus de 250 de ces précieux oiseaux sont répandus en Europe, et, avant peu d'années, le nouveau Faisan conquis sur la Chine tombera, dans nos bois, sous le plomb des chasseurs. Médaille d'or. Je vous ai parlé plus haut des poissons Macropodes rap- portés par M. Eugène Simon, et notre secrétaire, vous entre- tenant des travaux de M. Carbonnier, vous a raconté l'histoire des amours de ces intéressants animaux des fleuves de la Chine. Ces poissons ont nidifié, pondu et élevé leurs jeunes. L'ex- périmentateur distingué aux soins duquel ils étaient confiés, à force de patience, en inventant des procédés extrêmement ingénieux, en nourrissant ses élèves d'infusoires qu'il a su 2e série, T. VII. — Séance publique annuelle. / LXXXII SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. produire, mena à bien cette éducation d'un genre tout à fait nouveau. Nos aquaria sont, grâce à M. Garbonnier, enrichis d'une espèce nouvelle, qui doit être considérée comme acquise à l'Europe, A diverses reprises déjà, M. Carbonnier a reçu les récom- penses de la Société ; ses travaux de pisciculture sont connus de tous. M. Carbonnier est l'inventeur de plusieurs appareils de pisciculture, dont l'expérience a prouvé l'excellence; il a, par ses conseils et ses soins, aidé aux transports de poissons dans les régions les plus éloignées, dans le but d'y introduire les espèces que possède la France. Ces titres, Messieurs, et le succès de la belle expérience faite cette année et qui a pour résultat l'acclimatation du poisson Macropode, ont déterminé la Société à décerner à M. Carbonnier la grande médaille d'or, offerte par S. Exe. M. le Ministre de l 'agriculture et du commerce. Prix fondé par un anonyme. En 1868, un prix a été fondé par un anonyme, pour être décerné à celui qui aurait fourni le meilleur travail, avec expériences et discussion des faits antérieurs, sur la question des Léporides. Ce prix a été décerné à M. E. Gayot, pour l'ouvrage inti- tulé Mémoire sur les Léporides. Passant en revue tous les faits relatifs aux Léporides, M. Gayot les discute dans son livre et rend compte des expé- riences concluantes qu'il a fait faire sous ses yeux. Des faits consignés dans ce travail, il résulte que les Lépo- rides sont féconds, et qu'ils peuvent reproduire entre eux, comme avec les deux espèces dont ils sont issus, le Lièvre et le Lapin. Le livre de M. Gayot est un véritable traité sur la matière, et, en lui décernant le prix, la Société croit remplir complè- tement les intentions du fondateur. RAPPORT DE LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES. LXXXIII MÉDAILLES DE PREMIÈRE ET DE SECONDE CLASSES. MENTIONS HONORABLES ET RÉCOMPENSES PÉCUNIAIRES. Première section. — Mammifères. médailles de première classe. M. Barnsby, directeur du Jardin de Tours, a fait connaître à la Société les résultats intéressants qu'il a obtenus dans la multiplication des animaux qui peuplent le jardin placé sous sa direction. Les titres qui donnent à M. Barnsby des droits aux ré- compenses de la Société sont nombreux. Le directeur du Jardin de Tours s'occupe depuis longtemps et avec succès de pisciculture, et les résultats qu'il a obtenus de ces tentatives sont dignes d'éloges. M. Alphonse Milne Edwards, aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle, chargé de la ménagerie, a fait connaître à la Société le produit qu'il était parvenu à obtenir de l'union de la Jument et de l'Hémione mâle. Ce résultat intéressant n'avait pu être obtenu jusqu'ici. La Société avajt, en \ 867, fondé un prix pour récompenser celui qui obtiendrait ce croi- sement; les conditions d'âge du produit n'étant pas encore remplies, la Société a décerné à M. Milne Edwards une mé- daille de première classe. Récompense pécuniaire. Une récompense pécuniaire (100 fr.) a été accordée à madame Chopelin, pour les bons soins qu'elle donne aux ani- maux qui lui sont confiés au Jardin zoologique de Grenoble. Deuxième section. — Oiseaux. Médailles de première classe. M. Desmeure, directeur du Jardin zoologique de Florence, et M. PaviÈRE fils, directeur du Jardin d'essai à Alger, ont obtenu tous deux cette année la multiplications des Autruches en captivité. L'intérêt qui s'attache à ces tentatives de domes- tication est connu de tous, et les observations intéressantes LXXXIV SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. que ces deux lauréats ont faites dans les rapports qu'ils ont adressés à la Société sont de nature à rendre à l'avenir plus facile le succès de ces tentatives. M. le docteur Le Prestre, à Caen, a réussi cette année, à faire multiplier chez lui le Casoar de la Nouvelle-Hollande. 11 a, dans un remarquable mémoire, fait connaître les phases de cette intéressante expérience. M. Stone, qui dans ces années dernières avait réussi à im- porter en Europe un grand nombre de Faisans vénérés et de Tragopans du nord de la Chine, a rendu dans le cours de cette année un nouveau service à l'acclimatation. L'un des animaux le plus vivement désirés par ceux qui s'occupent de l'acclimatation des oiseaux exotiques, le Faisan d'Amherst, a été importé en Europe, et c'est à M. Stone que ce résultat intéressant est dû. M. Mairet, faisandier au château de Ferrières, a obtenu dans ces dernières années, de nombreuses reproductions d'oi- seaux rares et précieux, et en particulier de gallinacés. Des efforts persévérants ont été faits par lui pour multiplier le Faisan de Sœmmeiïng; de nombreuses éducations de Faisans de Svvinhoë, de Crossoplilon, d'Eperonniers,ont été faites par M. Mairet. Rappel de médaille de première classe. M. Plet, faisandier chef au Jardin d'acclimatation, a reçu l'an dernier une médaille d'argent pour avoir, le premier en France, multiplié le Faisan vénéré. En 18ô9, M. Plet a pu élever A3 jeunes oiseaux de celte espèce. Ce résultat assu- rerait à lui seul à notre pays la conquête du Faisan vénéré. Médailles de seconde classe. M. J. Cornély Van Heemstra a multiplié, dans son parc de Beaujardin, près Tours, la Pintade couronnée (Guttera Ver- reauxi). Cet intéressant résultat n'avait pas été obtenu jus- qu'ici; il promet à nos jardins une nouvelle espèce de Pintade, plus jolie et moins bruyante que la Pintade ordinaire. MM. Bouillod, Dumont et Mame ont obtenu la multiplica- tion du Canard percheur (Dendrocygna Arborea). Celte jolie RAPPORT DE LA COMMISSION DES RECOMPENSES. LXXXV espèce de Palmipède , importée depuis quelques années à peine, n'avait jusqu'ici jamais reproduit en Europe. Il est intéressant et curieux de voir cet, oiseau se multiplier pour la première fois, la môme année, simultanément en Bour- gogne, en Normandie et en Touraine. Avant peu d'années, le Canard percheur sera , comme les Canards Carolins et Man- darins, partout répandu. M. Rorerti de Grady, directeur du Jardin zoologique de Liège (Belgique), a obtenu la reproduction en volières du Merle bronzé du Sénégal (Lamprocolius CItalybœus) et du Gorge-bleu de l'Amérique du Nord {Sialia Wilsoni). M. Bonfils a fait multiplier dans sa volière de Paris de nombreuses espèces de Passereaux exotiques. Troisième section. — Poissons, Crustacés, Annélides. Médailles do première classe. Sir Rorert Officer, chargé de la direction de l'acclimata- tion des Salmonidés, en Tasmanie, aidé de feu M. Ramsbot- tom, a pris une part importante à la propagation des poissons d'origine européenne dans la colonie. Grâce à son initiative, les Truites ont été abondamment multipliées en Tasmanie et ont pu être introduites dans les différentes parties de l'Aus- tralasie. Ces résultats importants ne sont pas les seuls qui aient été acquis dans ces lointaines régions, avec le concours de sir Robert Officer. — Les Saumons importés et multipliés dans ces dernières années, et dont l'acclimatation avait valu à M. Goul une médaille d'or en 1869, après avoir gagné la mer, sont aujourd'hui revenus, pour y frayer, dans les fleuves de leur nouvelle patrie. En Angleterre, M. Edw. J. Cooper, de Ballisodare, qui l'un des premiers organisa en Irlande des échelles à Saumons, a pu notablement augmenter la valeur de ses pêcheries et a su, par d'ingénieux perfectionnements, améliorer les échelles à Sau- mons. M. G. W. Hart , imitant à l'établissement d'ostréiculture d'Hayling, près Portsmouth, les pratiques de Fusaro et d'Ar- LXXXVI SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. cachon, a réussi à exploiter industriellement l'essaimage des Huîtres. M. Ilart fournit aujourd'hui en Angleterre du naissain, qui, placé dans des conditions favorables, acquiert le déve- loppement qui donne à l'Huître sa valeur marchande. La pro- duction des jeunes Huîtres à Hayling n'est plus seulement une ingénieuse expérience, mais bien une exploitation com- merciale. En Hollande, M. J. de Bont, d'Amsterdam, s'occupa l'un des premiers de pisciculture ; sous sa direction, de nom- breuses multiplications de Truites, de Saumons, ont été faites. L'Over-Yssel, et d'autres fleuves de la Hollande, ont été, par les soins de M. de Bont, peuplés de Saumons. Depuis plus de dix ans, ce zélé pisciculteur fait connaître en Hollande les avantages de la culture des eaux, et les démontre par des pu- blications et par des expériences pratiques. En Suisse, M. le docteur Chavannes, que la Société a déjà eu plusieurs fois l'occasion de récompenser pour ses expé- riences de sériciculture, s'est occupé l'un des premiers de pisciculture ; il a tenté, comme on l'a fait en Norvège avec succès, l'éducation des Saumons dans les eaux douces. C'est dans le Léman qu'ont été faites ces tentatives, et elles ont réussi. Et M. A. de Loès. à Aigle (Suisse), a organisé un établis- sement remarquable et fait d'importantes observations sur la pisciculture, et en particulier sur les espèces végétales les plus utiles à introduire dans les bassins d'alevinage. En Espagne, M. Féd. MuNTADAS,dePiedra,àAteca(Aragon), est le premier qui ait organisé ies expériences de piscicul- ture. Un vaste établissement a été créé par ses soins, et grâce à ses efforts , des résultats très-importants ont été obtenus dans la propagation des Truites. En France, M. le vicomte de Beaumont a fait d'impor- tantes publications sur la pisciculture; il a particulièrement recommandé l'emploi d'une larve voisine des Simulium pour la nourriture des Salmonidés : il a en outre introduit et pro- pagé le Gardon dans les eaux de l'Aveyron, où ce poisson n'existait pas encore* RAPPORT DE LA COMMISSION DES RECOMPENSES. LXXXVII M. Delouciie, à Saint-Martin-d'Ablois, près Épernay, a donné une très-grande extension à la culture des étangs du domaine dont la gestion lui est confiée. Grâce à son intelli- gente direction, le revenu des étangs dont il a eu à s'occuper a été plus que doublé. M» J. L. Soubeiran, dans de nombreux travaux sur la pis- ciculture, dans ses rapports sur les expositions de Bergen (Norvège) et de Hollande, a fait connaître des appareils et des procédés usités pour la pêche et pour la culture des eaux. Ces intéressantes publications ont fourni à notre zélé secré- taire l'occasion de produire nombre d'aperçus ingénieux , nombre d'observations importantes. Des publications comme celles-là, résumant en quelques pages les progrès accomplis, les expériences tentées, ne sont-elles pas des guides précieux pour tous les gens spéciaux? Médailles de seconde classe. A Trieste, M. Richard, chevalier d'Erco , a fait de nom- breuses publications relatives à la pisciculture. Joignant la pratique à la théorie, M. le chevalier d'Erco a organisé des parcs à Huîtres et a su modifier avantageusement, en profi- tant de circonstances particulières, les appareils collecteurs. En France, M. le docteur Gressy, d'Auray, a obtenu la reproduction des Huîtres dans des espaces clos. Il est superflu de faire remarquer que si le résultat atteint par M. le docteur Gressy pouvait se généraliser, il y aurait à cela grand avan- tage, puisqu'on pourrait éviter ainsi les pertes toujours si considérables du naissain. Mentions honorables. MM. Bueich et 0. Scilmidt ont fait, à Trieste, des expé- riences dignes d'intérêt, relatives à la multiplication des Éponges dans la mer Adriatique ; ces essais sont encore ré- cents, mais les quelques résultats déjà obtenus permettent d'augurer favorablement de ces tentatives. En France, M. Maréchaux, imitant les pratiques de l'éta- blissement d'ostréiculture d'Hayling, en Angleterre, a intro- LXXXVIII SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. duit l'usage des fascines de Coudrier comme collecteurs du naissain d'Huîtres. Ce procédé ingénieux a donné de bons ré- sultats. M. Lieubray, à Lyons-la-Forêt, s'est livré pendant plusieurs années consécutives à la multiplication des Truites et des Saumons, et les observations qu'il a faites pendant l'élevage des jeunes poissons obtenus sont dignes d'intérêt. Récompense pécuniaire. Une récompense pécuniaire de 400 fr. a été accordée à M. A. Goupil, l'un des gardes chargés de l'exploitation de l'établissement de M. le marquis de Selve. L'intelligence, l'ac- tivité du sieur Goupil méritaient une récompense nouvelle. Quatrième section. — Insectes. Médailles de première classe. En Bavière, Madame Baumann, de Bamberg, s'est occupée avec succès de l'éducation des Vers à soie du Chêne du Japon. Ce résultat a paru digne des récompenses de la Société, d'au- tant plus que depuis plusieurs années les tentatives d'élevage de YAttacus Yama-maï, faites en France, ont presque com- plètement échoué. M. P. Lund Simmonds, de Londres, a adressée la Société un remarquable mémoire sur la sériciculture aux Indes. En Tunisie, S. Exe. le général Khérédine, que la Société a eu déjà plusieurs fois l'occasion de récompenser, s'est livré avec succès à la culture des Vers à soie du Mûrier. Les ré- sulats obtenus par S. Exe. le général Khérédine ne pouvaient rester sans récompense. En France, M. Guilloteaux, de Versailles, a fait plusieurs petites éducations de Vers à soie du Mûrier, qui ont parfaite- ment réussi. Les Vers nourris avec les feuilles du Mûrier du Japon ont atteint l'âge de la montée sans donner aucun signe de maladie. Une éducation d'automne ayant été faite pour essayer les qualités de la graine recueillie en 1869, a donné les meilleurs résultats. RAPPORT DE LA. COMMISSION DES RÉCOMPENSES. LXXX1X Médaillée de seconde classe. En Colombie, M. le docteur M. Y. de la Rocha a fait d'in- téressantes observations sur le dévidage des cocons percés d'un Bombyx à cocons ouverts qui vit sur le Spondias. En Russie, M. G. Berg s'est livré avec quelques succès à l'éducation de YAttacus Yama-maï, et a su ingénieusement relarder l'éclosion des œufs de ces Vers à soie. A l'aide de certaines précautions, M. Berg a pu faire différer l'éclosion des cocons contenant des Papillons mâles. Ces intelligentes dispositions ont permis à M. Berg d'obtenir des accouplements, résultat qu'il n'aurait pu atteindre, s'il avait laissé agir la nature, car on le sait, le plus souvent, les Papillons mâles quittent leurs cocons plusieurs jours avant les femelles. En Algérie, M. le colonel Martin a fait d'intéressantes études sur la caprification et sur les procédés employés en Kabylie pour la fécondation des fruits du Figuier. La commission des récompenses a décerné à M. Chéruy- Linguet un rappel de médaille de bronze, pour ses publica- tions sur la culture du Ver à soie qui vit sur l'Ailante. Mentions honorables. M. le docteur Gintrac, de Bordeaux, obtient depuis plusieurs années des résultats satisfaisants en élevant les Vers à soie du Mûrier en plein air; c'est là un résultat intéressant, et grâce auquel M. Gintrac a pu recueillir des graines saines. M. Vançon est l'inventeur d'un système de ruche ingénieux, qui porte le nom de ruche vosgienne. Ce système a paru digne d'être récompensé. Cinquième section. — Végétaux. Rappels de médailles de première classe. Le zèle de Madame veuve Delisse, de Bordeaux, ne se ra- lentit pas; cette année encore elle a cultivé avec succès et intelligence nombre de végétaux, et les rapports qu'elle a adressés sur ses cultures contiennent d'utiles et ingénieuses XC SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. observations. A diverses reprises, madame veuve Delisse a bien voulu prêter son concours à la Société en lui remettant des plantes destinées à des essais d'acclimatation dans de loin- taines régions. M. Chalot, instituteur, a continué cette année à envoyer à la Société des rapports intéressants sur ses cultures. M. Quiiiou, jardinier en chef du Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne, a cultivé, en 1869, un certain nombre de vé- gétaux importants. Non-seulement il a continué à propager les plantes recommandables confiées à ses soins, mais il a pu en multiplier abondamment un certain nombre. Les soins donnés à l'acclimatation du Bambou doivent être mentionnés spécia- lement. Ils mériteraient à M. Quihou une nouvelle médaille, si les règlements nous permettaient de récompenser deux années de suite des travaux de même nature. Nous rappelle- rons aussi l'intérêt que présentent les rapports que fait chaque année M. Quihou sur les cultures du Jardin d'accli- matation; grâce à l'esprit critique qui préside à leur rédac- tion, ces mémoires sont un guide précieux pour les personnes qui se livrent à la culture des végétaux nouvellement intro- duits en France. Médailles de première classe. A la Jamaïque, M. Robert Thompson s'est occupé avec succès de l'acclimalation des meilleures espèces de Cinchonas. Une centaine d'hectares environ ont été plantés dans les Blue-Mounlains, et les résultats obtenus dans ces cultures d'un si haut intérêt sont déjà importants. M. Degron, directeur des postes françaises à Yokohama, a rapporté en France un certain nombre de végétaux japonais. M. Degron n'a pas introduit moins de cinquante espèces dif- férentes, parmi lesquelles dix au moins n'avaient jamais été décrites. Ces végétaux, multipliés pour la plupart par les soins de M. Quihou, jardinier en chef du Jardin d'acclimatation, sont pour l'horticulture d'un haut intérêt. M. Degron, qui est retourné au Japon, s'occupe de nous enrichir encore de nouveaux dons. Il y a quelques jours à RA.PORT DS LA. COMMISSION DES RÉCOMPENSES. XCI peine, noire confrère nous adressait des animaux précieux, nous donnant ainsi l'assurance que son zèle ne se ralentissait pas. M. du Quilio, capitaine de vaisseau de la marine impériale, a rapporté, à diverses reprises, de ses lointains voyages, de nombreux végétaux dignes d'intérêt. Sans parler du Planera acuminata, du Sciadopilys verticillata et d'autres plantes japonaises, il convient de citer une espèce de Bambou origi- naire des environs de Yokohama, qui est avec le Bambusa violascens, envoyé de Chine par M. Eug. Simon, le plus rus- tique qui ait encore été cultivé en France. Ce Bambou a été déterminé l'an dernier et dédié à son importateur, il porte le nom de Bambusa Quilioi. M. Pierre (d'Ismaïliah) a porté à la connaissance de la Société les cultures qu'il avait faites dans les sables jadis sté- riles du désert. Les efforts de M. Pierre lui ont permis de cultiver dans le jardin qu'il a créé à Ismaïliah la plupart des légumes et des fruits delà France, en même temps que les vé- gétaux des tropiques. Pendant que la persévérance des hardis ingénieurs joignait les deux mers en perçant l'isthme de Suez, M. Pierre, par des cultures, fécondait les sables et donnait ainsi un exemple précieux qui a déjà, nous le savons, de nombreux imitateurs. M. Alex. Adam, de Boulogne, a fait sur les dunes qui bordent les rivages de la mer du Nord des travaux impor- tants de reboisement. Les rapports intéressants de M. Adam prouvent que ses efforts ont eu pour effet non-seulement de donner aux sables la stabilité, mais qu'encore ils ont considé- rablement augmenté la valeur des terrains, naguère encore sans prix. Médailles de seconde classe. M. Fréd. Albuquerque, de Rio Grande do Sul (Brésil) , a enrichi la Société de nombreux envois de graines intéres- santes ; il a introduit dans la province qu'il habite la culture de la Vigne sur une grande échelle. M. Albuquerque a aussi tenté avec succès la culture des Eucalyptus, qui dans l'avenir XCII SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. seront un bienfait pour ces régions éloignées comme pour le midi de l'Europe. Au Mexique, M. Nieto (de Cordoba) a fait des essais de culture des Cinchonas, et ses intéressantes tentatives ne sau- raient être passées sous silence. M. P. Vidal, instituteur à Montbel (Ariége), a adressé d'in- téressants rapports sur des cultures de végétaux et des édu- cations de Vers à soie. nécompuaiMC pécuniaire. M. Burchard est attaché depuis trente-trois ans au Jardin d'essai du Hamma, près Alger. Son zèle et son dévouement aux essais de naturalisation dont la surveillance lui est con- fiée , nous ont été signalés. Une récompense pécuniaire de 100 fr. est décernée à M. Burchard. lTiiiic* Agron «le (.eimigny. Les primes fondées par M. Agron de Germigny ont été décernées cette année: la première, celle de 200 fr., à M. Plet, faisandier chef au Jardin d'acclimatation; la se-' conde, celle de 100 fr., à M. Blondel, chef gardien des mam- mifères au même établissement. Le zèle, le dévouement de ces deux coopérateurs de nos essais au Jardin d'acclimatation sont au-dessus de tout éloge; nous sommes heureux de pou- voir leur en donner ici un témoignage public. BULLETIN MENSUEL r r DE LA SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION FONDÉE LE 10 FÉVRIER 185Z|. I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ (1). NOTE SUR LE TRANSPORT DES* ANIMAUX VIVANTS, Par M. A. GEOFFROY S \l\ I -IIILAIRE Directeur du Jardin zoologique d'acclimatation. De tout temps on a fait voyager des animaux ; presque tous les animaux domestiques qui vivent sous notre climat ont été amenés de l'extrême Orient; les navigateurs ont enrichi l'Afri- que méridionale, le Nouveau-Monde, l'Australie, de la plupart des espèces soumises à l'homme qui vivent en Europe. Faire voyager des animaux sauvages, pour les importer en Europe ou pour les envoyer d'Europe sous d'autres climats, c'est ce qu'ont tenté d'une façon suivie et souvent heureuse nombre de marins et de voyageurs. Mais il y a peu d'années encore, ces transports d'animaux rares ou curieux étaient comme une exception ; aujourd'hui il n'en est plus ainsi. Le goût des animaux vivants se développe dans des pro- portions considérables ; aussi voyons-nous augmenter chaque année le mouvement d'importation et d'exportation de Mam- (1) La Société ne prend sons sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletin, 2e série, T. VII. — Janvier 1870. 1 2 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. mifères et d'Oiseaux, que les régions les plus éloignées les unes des autres échangent entre elles. Les jardins zoologiques, les amateurs d'animaux de toutes sortes, dont le nombre croit sans cesse et par tous pays, les tentatives d'acclimatation poursuivies sur beaucoup d'espèces, donnent une véritable importance aux questions relatives au transport des animaux vivants. Aujourd'hui le commerce des animaux est, pour l'Europe seulement, assez actif pour qu'on puisse évaluer son impor- tance annuelle à plusieurs millions. 11 n'existe pas seulement en Europe, mais aussi dans l'Inde, dans l'Amérique du Nord, des négociants qui s'en occupent spécialement. Des voyageurs parcourent les régions les plus éloignées, dans le but de réunir des collections vivantes qu'ils ramènent en Europe pour les vendre, et aussitôt ces marchandises écoulées, ils reparlent, emportant les animaux, qu'ils trouvent aujourd'hui répandus dans nos pays, pour aller les vendre de l'autre côté des mers. L'Amérique du Nord, le Brésil, l'Inde, l'Australie, sont les principales régions avec lesquelles l'Europe échange ses ani- maux utiles, rares ou curieux. Les ports de l'Europe le plus activement occupés de l'im- portation des animaux vivants sont, pour la France : Bordeaux, Marseille, Le Havre et Nantes; pour l'Angleterre : Liverpool, Soulhampton et Londres ; pour la Hollande : Rotterdam et Amsterdam; pour la Belgique: Anvers ; pour l'Allemagne: Hambourg, Lubeck et Trieste. I. — Transports de longue durée. Les animaux que l'on l'ail voyager peuvent être divisés en plusieurs catégories différentes; il faut distinguer en effet les animaux domestiques, dont le transport est relativement aisé, des animaux sauvages. Et encore parmi ces derniers, devons- nous reconnaître plusieurs groupes différents. Nous laisserons de côté les Carnassiers (Lions , Tigres, Ours). Ils tiennent cependant une place importante dans le TRANSPORT DES ANIMAUX VIVANTS. 3 commerce des animaux et atteignent de très-hauts prix; mais, ce qui les concerne ne saurait trouver sa place ici. On peut, au point de vue des transports, diviser les animaux ainsi : a. Les grands animaux , c'est-à-dire la plupart des Rumi- nants, les Équidés, les grands Oiseaux (Autruches et Ga- soars). b. Les petits Mammifères (Singes, Sangliers, petits Rumi- nants, Rongeurs, Kangurous, etc.). c. Les Pigeons, les Gallinacés et les Palmipèdes. d. Les petits Oiseaux. Lorsqu'on a, comme nous, l'occasion de voir fréquemment les animaux nouvellement débarqués et les emballages dans lesquels ils ont subi un voyage long parfois de plusieurs mois, on peut se rendre compte des mortalités inouïes qui survien- nent souvent pendant la roule, malgré les soins les plus as- sidus. Dans la plupart des cas, les cages employées sont absolu- ment défectueuses, et si quelque chose peut surprendre, c'est qu'un seul des animaux ainsi emballés arrive à sa destina- tion. Puissent les quelques conseils que nous allons donner amener d'heureux changements dans les modes employés jusqu'à présent. Les conditions qui peuvent assurer le succès des transports d'animaux vivants peuvent se résumer en quelques lignes : 1° Donner la plus grande tranquillité possible aux animaux pendant le voyage. 2° Employer les cages les moins grandes possibles. 3° Eviter de réunir dans un même emballage un grand nombre de petits animaux. h° Loger les grands animaux seul à seul. 5P Tenir les cages avec la plus grande propreté. 0° Nourrir les animaux à des heures régulières. 7° Les abriter du vent et de la grande ardeur du soleil. Nous allons successivement donner quelques explications sur chacune de ces recommandations. h SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. 1° Le meilleur des emballages sera toujours celui dont tou- tes les faces, sauf une, seront pleines. L'animal captif ne pou- vant être effrayé ou inquiété que sur l'un des côtés de sa pri- son, jouira, en se reculant dans les parties profondes de sa retraite, d'une grande tranquillité. Aussi, les dimensions de la cage devront-elles permettre, surtout aux petits animaux, ce mouvement en arrière. 2° Les cages les moins grandes sont toujours les meilleures. Ici, il faut distinguer ce qui convient aux différentes catégo- ries d'animaux que l'on veut faire voyager. a. Les grands animaux occuperont toujours seuls une caisse ou un compartiment de caisse, assez étroit pour qu'ils ne puissent se retourner. Lorsque de semblables bêtes peuvent se mouvoir librement dans leur prison, non- seulement l'em- ballage devient très-dispendieux et très-embarrassant, mais il a en outre des inconvénients sérieux pour l'animal lui-même. Cet animal, s'il est effrayé, ayant assez déplace pour prendre de l'élan, peut se tuer; ou bien, par le mauvais temps sur mer, ou dans les transbordements, n'étant pas bien soutenu, il peut être jeté violemment contre les parois de sa prison et se blesser grièvement (I). Les grands animaux doivent donc être placés dans des (1) Nous figurons ici un modèle de caisse destinée au transport des ani- maux de grande taille. Les deux grands côtés CG sont formés de planches jointivcs fixées sur des tasseaux TT, placés intérieurement. Ces côtés sont en outre consolidés cha- cun sur une traverse II, placée intérieurement sur le milieu de la hau- teur. Les tasseaux TT sont de bois dur et disposés de façon à recevoir le pla- fond D du haut et le plancher S du bas. Ce plancher S devant supporter le poids de l'animal devra êlre de bois dur, comme les tasseaux. Il devra en outre être garni de trois ou quatre tringles peu saillantes qui serviront à empêcher l'animal de glisser lorsque la caisse sera penchée ; en outre, ce plancher devra êlre percé de trous pour que les urines puissent s'écouler. La façade, c'est-à-dire le bout de la caisse vers lequel sera dirigée la tête de l'animal, est composée de deux parties ; l'une à claire-voie, mobile, glis- sant dans des rainures, permettra à l'air de pénétrer dans la cage à travers les barreaux verticaux A et en outre servira à déposer dans la mangeoire, TRANSPORT DES ANIMAUX VIVANTS. 5 caisses assez étroites pour que les parois de l'emballage puis- sent les soutenir, et assez basses pour que, tout en laissant au dont nous parlerons plus loin, le son ou le grain qui devra être donné aux animaux. L'autre partie delà façade de la caisse, placée au-dessous de la claire-voie, Fig. 1. est pleine et descend jusqu'au plancher. Elle est composée de planches hori- zontales fixées sur deux petits tasseaux intérieurs; il faut également l'arrêter solidement sur les côtés CC Sur celte cloison, à la hauteur qu'on jugera la meil- leure, on fixera intérieurement une petite mangeoire. C'est en soulevant la claire-voie A que l'on déposera la nourriture. La partie la plus inférieure de la façade de la caisse B doit être mobile.se mouvant sur de fortes charnières, elle pourra s'ouvrir pour permettre l'introduction du fourrage et celle du vase dans lequel l'animal pourra boire. Un verrou solide permettra de tenir fermée cette porte. On pourra également par cette trappe enlever le fumier des animaux. Le derrière de la caisse est fermé par une porte P composée de planches jointives horizontales et rendues solidaires par deux traverses verticales pla- cées du côté de l'extérieur. Cette porte à coulisses monte et descend entre deux paires de tasseaux KK fixés sur les côtés CC et formant rainures. Pour introduire l'animal dans la caisse on tient celte porte relevée, et aus- sitôt qu'il est entré, on la fait descendre jusque sur le plancher inférieur. Pour que celte porte à coulisse ne puisse être soulevée, soit par l'animal, 0 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. prisonnier la liberté des mouvements de la tête, il lui soit im- possible de se dresser. Quoique nous ayons dit qu'il fallait que la caisse fût aussi resserrée que possible, il sera bon cependant de lui donner assez de longueur pour que l'animal puisse se reculer de fa- çon à manger facilement, soit par terre, soit dans l'auge pla- cée devant lui. Il est utile que la partie postérieure de la cage soit mate- lassée avec du foin ou de la paille enveloppés de toile solide- ment clouée, ou avec du cuir bourré d'étoupe. Si cette précau- tion est négligée, il arrive fréquemment que la queue et les soit dans les transbordements, on l'arrêtera avec une vis ou mieux avec un pelit iouiniquetfixé à la partie supérieure. La caisse pourra être rembourrée intérieurement, sur les côtés, à la hau -jr*^«œiiiiiii!!i!!!!igjy_ T Fig. 2. teur des flancs de l'animal RR et dans les parties voisines de la tète, mais elle devra toujours l'être sur la face postérieure, sur laquelle porteront la queue et les fesses du captif. Ce rembourrage fixé sur la porte ù coulisse, faisant saillie, pourrait en gêner l'usage; pour remédier à cet obstacle il sera utile d'échancrer un peu le bord de la dernière planche du dessus de la caisse. TRANSPORT DES ANIMAUX VIVANTS. / fesses de l'animal sont blessées pendant le voyage d'une façon irrémédiable. 11 sera bon de rembourrer également les parties de la boite contre lesquelles peut porter la tête; si cependant on fait voyager des bêtes cornues, il faudra s'abstenir de cette précaution qui pourrait devenir nuisible, car le rembourrage déehiré pourrait étrangler les animaux, ou s'enroulanl autour de leurs membres, amener des fractures. h. Pour les petits Mammifères, on peut les transporter sans les resserrer autant que les grands animaux ; une caisse avec une claire-voie sur une seule face, assez grande pour que les animaux puissent s'y mouvoir, conviendra très-bien. Il est bon cependant de s'abstenir de donner à ces emballages trop de hauteur; nous avons vu plusieurs fois des accidents arriver par suite des sauts désordonnés faits par des Kangurous dans un emballage trop élevé. c. Lorsqu'il s'agit de faire faire de longs voyages aux Galli- nacés et aux Palmipèdes, il est bonde leur faire construire des cages ouvertes sur une seule face et divisées en compartiments étroits et profonds dans lesquels les oiseaux seront placés un par un ou deux par deux. Plus les animaux seront lourds, plus il sera important de les isoler (1). (1) Nous figurons ici un modèle de caisse propre au transport des oiseaux Gallinacés. Les deux côtés CG et le derrière B de la caisse sont composés de planches jointives fixées horizontalement sur quatre barres d'angle verticales. Le des- Fir,. 3. sus D, composé de planches également jointives est rembourré intérieure- ment pour préserver les oiseaux des blessures à la tète. La façade est composée de deux traverses TT, à la partie antérieure des- 8 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Ceci posé, il importe de distinguer entre les différentes espèces d'animaux que nous avons groupées dans celte caté- gorie. Les Faisans seront logés deux à deux ; il y aura toujours avantage à ne pas réunir les mâles et les femelles. Les grandes plumes de la queue de ces oiseaux seront arra- chées au moment du départ, ou mieux, coupées à 12 ou 15 cen- timètres de leur naissance. Cette précaution a pour but d'évi- ter que le poids de ces longues plumes ne fatigue les oiseaux quand elles auront été salies par la fiente et la poussière qui, quoi qu'on fasse, se trouveront dans laçage. quelles on a fait des rainures pour recevoir un certain nombre de barres A qui forment une claire-voie donnant aux oiseaux enfermés du jour et de l'air. Au-dessous de la traverse inférieure de cette claire-voie se trouve un ti- roir M qui reçoit les bavoirs et les mangeoires. Il y a deux planchers; l'un fixe, F, sur lequel reposent les oiseaux, est 1 b ■ F , V li ' M 1 T Fie. II. Fie. 5. composé d'une série de barres de bois placées à 1 ou 2 centimètres les unes des autres et fixées à leurs extrémités sur des tasseaux XX, lesquels sont eux- mêmes attachés sur les côtés CC. La fiente des oiseaux passe à travers les intervalles laissés entre les bar- reaux légèrement arrondis et tombe sur le plancher mobile P. Ce second plancher est composé de planches jointives rendues solidaires par de petites barres placées en de-sous. Il est supporté par deux tasseaux ZZ fixés sur les côtés CG et y glisse en- tre deux tringles formant rainures YZ YZ, fixées sur les deux côtés CC. Pour nettoyer ces caisses, il suffira de tirer le plancher mobile qui, sorti de ses rainures, sera facilement débarrassé de la fiente qu'il aura reçue. Lorsqu'il a été remis en place, on l'arrête par un petit loquet tournant sur une vis, qui est figuré. La caisse sera divisée en autant de cloisons qu'on le voudra par des plan- TRANSPORT DES ANIMAUX VIVANTS. 9 Il sera toujours fâcheux de donner un perchoir aux Faisans; ils n'en ont aucun besoin. Ces recommandations s'appliquent aux Pénélopes, Hoccos et Paons comme aux Faisans. Les Perdrix s'emballeront de même. Pour ces oiseaux surtout, il est. indispensable qu'ils puis- sent se reculer dans le fond de leurs cages lorsqu'ils sont effrayés (1); souvent aussi il est utile que la hauteur des com- ches minces. Nous avons partagé la caisse que nous figurons en quatre com- partiments. Les dimensions à donner aux cages varient suivant les animaux que l'on fait voyager. Nous donnerons pour exemple les mesures suivantes : Largeur. Hauteur. Profondeur. Pour 1 Faisan 0m,20 0"\35 0m,Zi5 — 2 Faisans 0"\35 0m,35 0">,Z|5 — 1 Hocco 0m,/|0 0m,80 0m,50 — 1 Dinde 0m,40 lm,00 lm,00 — 1 Coq domestique 0m,35 0"\70 0m,50 — 2 Poules 0m,/40 0,n,60 0m,50 — 1 Oie 0m,35 0m,80 0m,60 1 Canard domestique.. 0m,35 0m,40 0m,60 — 2 Canards domestiques. 0m,û0 0m,40 0,n,60 — 2 Canards de la Caro- 0m,30 0"',35 0m,45 Une — 2 Colins de Californie.. 0n,,20 0m,30 0m,35 — 2 Perdrix 0,u,25 0m,35 0"\35 (1) Signalons un emballage très-ingénieux, employé récemment par M. le comte de Pertlmis pour ramener de Syrie des Francolins. La cage était divisée en deux compartiments, l'un presque obscur, ser- vait de refuge aux oiseaux, l'autre à claire-voie, leur servait de promenoir, [.es animaux à faire voyager, étant de petites dimensions, l'emballage n'était pas trop volumineux, il mesurait pour le refuge 0m,30 sur 0m,25; pour le premenoir 0m,30 sur 0m,40. En tout 0m,30 sur 0m,65. Nous signalerons aussi un autre emballage fréquemment employé pour le transport des Alouettes, des Perdrix et spécialement des Gangas qui sont toujours extraordinairement farouches. Cet emballage est composé d'un fond de bois sur lequel sont fixés aux an- gles quatre petits montants verticaux réunis entre eux, en haut, par des tringles qui forment un quadrilatère de même dimension que la planche de fond. On cloue sur ce fond de la toile qu'on rattache sur les quatre mon- 10 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. partiments leur permette de se tenir à peine debout, enfin, on ne saurait oublier sans péril de rembourrer toutes les parties supérieures de la cage ; car, farouches comme ils le sont en général, ils périssent le plus souvent des suites des blessures qu'ils se font à la tête. Ces plaies arrivent parfois à mettre le crâne à nu, elles causent souvent la mort, et ont, en tous cas, le grave inconvénient de déshonorer l'animal pour toujours. Les Poules et les Palmipèdes sont beaucoup plus faciles à loger en voyage que les Faisans. Souvent l'emballage peut avoir moins de profondeur, et il n'y a pas d'inconvénient à lui donner une certaine hauteur. Si pour les oiseaux dont nous venons de parler, il est inu- tile et même dangereux de mettre un perchoir, il n'en est pas de même pour les Co/i?is et les Colombes qui ne sauraient s'en passer. Seulement, ce perchoir devra toujours être placé de façon que les oiseaux puissent passer librement dessous cl se tenir sans aucune gêne dessus. Les Colins et les Colombes étant ordinairement d'un polit volume, il n'est pas nécessaire de les emballer un par un ou deux par deux, mais il y aura cependant toujours avantage à ne pas les réunir en trop grand nombre. cl. Pour les petits Oiseaux et divers Passereaux, il est d'usage de les réunir au nombre de plusieurs centaines dans une même cage grillagée sur le devant. Il en résulte que les emballages sont assez grands, mais quoique l'usage ait pour ainsi dire consacré ce mode de transport, nous ne saurions l'approuver; il y aura toujours avantage à ne réunir qu'un petit nombre d'oiseaux ensemble et aussi à ne pas mélanger les espèces. tanls et sur les tringles supérieures : on tend entre ces tringles, à la partie supérieure, un morceau de toile. On obtient ainsi une sorte de cage dont tous les côtés, sauf celui du fond, sont d'étoffe. Il en résulte que les oiseaux, s'ils sautent dans leur prison, ne peuvent se blesser, puisque nulle part ils ne peuvent rencontrer un corps dur. Dans le milieu du dessus de toile on coud une sorte de tube de même étoffe par lequel on introduit et relire les oiseaux. Il est inutile d'ajouter qu'en aucun cas cet emballage n'atteint une grande hauteur. 11 est toujours disposé de façon que les oiseaux soient obligés de se tenir accroupis. TRANSPORT DES ANIMAUX VIVANTS. 11 S0 Les inconvénients qu'il y a à réunir dans un emballage plusieurs animaux sont de différentes natures. Les plus ro- bustes, les plus vivants prennent la pâture des plus faibles; il y a lutte, partant fatigue au moment des repas; mais le prin- cipal danger, qui sera évité si l'on tient compte de nos avis, c'est le piétinement. Pour les petits Mammifères (b), il résul- tera du piétinement des fractures et des plaies; pour les Oi- seaux, ils s'étoufferont, s'écraseront et se saliront. Les plumes une fois mouillées, imprégnées de boue et de fiente devien- dront impropres à défendre l'oiseau contre le froid, elles se- ront rigides et ne reprendront plus leur souplesse. Il en ré- sultera ainsi une irritation très-vive de la peau qui pourra avoir pour conséquence de paralyser le travail de la mue après l'arrivée. h" S'il y a inconvénient à réunir de petits Mammifères, il est de toute évidence qu'il y aurait danger à mettre dans la même cage plusieurs de ces grands animaux que nous avons groupés sous la lettre a; nous en avons donné la raison plus haut. 5° La nécessité de tenir les loges avec la plus grande pro- preté n'a pas besoin d'être démontrée. Pour les Mammifères, la station dans le fumier humide peut occasionner des mala- dies des pieds; et lorsque ranimai se couche, la peau se trouve mal de ce contact humide et irritant à la fois. Pour les oiseaux, nous en pourrions dire autant; nous avons vu des Faisans per- dant la peau de leurs doigts par suite d'un long séjour dans la fiente. 11 est donc absolument nécessaire de pouvoir nettoyer sou- vent et commodément les loges. Pour les animaux de la caté- gorie «, le fond de la caisse employée sera percé de trous qui permettront aux urines de s'écouler librement; en outre, une porte à charnières sera placée sur la partie antérieure de la cage au niveau du fond, et la coulisse fermant la porte par derrière pourra être soulevée (voij. les notes). Il sera facile ainsi, avec un crochet, de pouvoir tirer le fumier en avant et en arrière et de le remplacer par de la litière propre. Pour les animaux de la catégorie b, les emballages étant de petites dimensions, le nettoyage sera facile, mais le fond de la caisse devra tou- jours être percé de trous. 12 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Pour les cages destinées aux Oiseaux (c), le fond de la cage devra être double. L'un des fonds fixes sera formé de trineies légères et arrondies, séparées entre elles par des intervalles de 1 à 2 centimètres {voy. les notes). La fiente des oiseaux tombera facilement par ces interstices sur le deuxième fond mobile, qui se manœuvrera comme ce qu'on appelle laplanche des cages à petits oiseaux. Ce fond mobile sera retiré chaque jour et gratté Ce nettoyage pourra se faire sans que les oi- seaux soient dérangés. Quant aux petits oiseaux (d), leurs cages seront garnies d'une planche mobile qui sera grattée chaque jour et sur la- quelle on pourra répandre du sable. (3° Il est admis qu'il y a avantage à nourrir et à abreuver les animaux à des heures régulières. En voyage, cela est encore plus utile qu'à l'ordinaire. Il faut, nous l'avons déjà dit, que pendant la route, les animaux jouissent de la plus grande tranquillité possible ; au bout de quelques jours, habitués à recevoir matin et soir, toujours aux mêmes heures, leurs ali- ments, les animaux ne s'agitent plus et attendent patiemment le moment de manger et de boire. Il est difficile de poser des règles fixes pour l'alimentation des animaux en voyage; le mieux sera toujours de continuer autant que possible le régime auquel ils étaient accoutumés avant le départ. Nous ferons cependant quelques recommandations géné- rales relativement aux distributions d'eau. C'est surtout pour les Palmipèdes que l'excès de l'eau est dangereux. Il semble que les oiseaux aquatiques aient besoin de se baigner et de se laver. C'est une erreur; les pertes causées en voyage par l'abus que ces animaux font de l'eau ne sau- raient s'évaluer. En voulant se laver, ils mouillent leur plumage qui, inces- samment sali, ne pouvant plus reprendre sa souplesse, se colle sur la peau et devient impropre à les garantir du froid. Il sera très-utile de donner aux oiseaux, pendant la route, des graviers, car ces animaux ont besoin de pierres pour TRANSPORT DES ANIMAUX VIVANTS. 13 broyer les aliments dans le gésier. Ils succombent parfois cà la faim quoique bien nourris, quand cette précaution est né- gligée. Il n'est pas inutile de parler ici de la façon dont la nourri- ture sera présentée aux animaux. Les loges des grands animaux (a) seront garnies d'une auge lixée sur la face antérieure de la caisse et la nourriture (grains) y sera déposée par la claire-voie mobile placée à la partie antérieure de l'emballage (voy. les notes); le fourrage sera introduit par la porte à charnières placée sur la même face que la claire-voie et servant au nettoyage ; nous en avons parlé plus haut. C'est également par celte ouverture que les animaux seront abreuvés, on leur présentera un sceau avec de l'eau, mais on le retirera aussitôt la soif satisfaite. Pour les animaux de la catégorie b, la distribution de la nourriture se fera suivant la nature des animaux. Pour les Singes, on leur donnera le manger à la main, on les fera boire dans une casserole à manche qu'on entrera dans laçage ; pour les Rongeurs et Kangurous qui ne boivent presque pas, il n'y aura qu'à mettre la nourriture dans un godet placé dans la caisse. Les Sangliers devront avoir à leur disposition une auge où seront déposés les aliments. Pour les Oiseaux, que nous avons groupés sous la lettre c, la face à claire-voie de leur emballage devra être garnie d'au- ges mobiles de bois qui recevront le grain et de buvoirs de terre ou de zinc. Il sera versé de l'eau dans ces buvoirs deux ou trois fois par jour, mais en petite quantité. Le grain destiné aux petits oiseaux (cl) sera placé, soit dans de petits augets, soit simplement jeté dans le fond de la cage. Quant à l'eau, on la versera dans plusieurs vases trop petits pour que les oiseaux puissent s'y baigner. Comme ces petits animaux ne supportent bien ni le jeûne ni la soif, il faudra qu'ils aient toujours à leur disposition du grain et de l'eau. Les petits godets cà eau seront garnis d'épongés qui, restant sans cesse humides, permettent aux oiseaux de pouvoir tou- jours se désaltérer. 7° Le vent, le froid et les rayons trop ardents du soleil sont là SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. pour les animaux des dangers. Mais de ces trois périls, le vent est sans aucun doute le plus redoutable. Avec les caisses que nous conseillons, il sera toujours aisé d'abriter les ani- maux. 11 conviendra de clouer sur la face cà claire-voie de rem- ballage un rideau de toile forte qu'on laissera tomber toutes les nuits, et aussitôt que le soleil sera trop ardent ou que le vent sera trop vif. Ce rideau aura également l'avantage de mettre les animaux à l'abri de la pluie et les empêchera d'être mouillés par l'eau de mer dans les mauvais temps. II. — Transports de peu de durée. Ce que nous avons dit plus haut est relatif aux précautions à prendre, lorsqu'il s'agit de faire faire aux animaux de longs voyages. Il nous reste à parler des transports de peu de durée. Pour les grands animaux (a), les emballages à employer sont les mêmes; seulement la mangeoire, la claire-voie, la porte delà face antérieure, servant pour le nettoyage, ne sont plus utiles. Il y a tout avantage à ce que l'intérieur de la caisse soit obscur ; le captif n'en est que plus calme. Les petits Mammifères (b), lorsqu'ils n'ont à rester dans les caisses que quelques heures, s'accommodent très-bien d'une caisse pleine sur toutes ses faces, percée de quelques trous seulement pour l'aération. Mais il faut, pour les cours trajets aussi bien que pour les longs voyages, se garder des caisses hautes. Quant aux oiseaux, que nous avons groupés dans la caté- gorie c, les précautions à prendre pour les petits voyages dif- fèrent notablement de ce que nous avons dit plus haut à leur occasion. Il faut distinguer ici deux cas : le premier, relatif au trans- port d'un grand nombre de ces oiseaux à la fois; le se- cond, à l'expédition de ces animaux, isolés ou par couples. Tout le monde connaît les grands paniers plats dans les- quels s'expédient aux marchés les Pigeons, les Poulets et les TRANSPORT DES ANIMAUX VIVANTS. 15 Canards. Dans ces emballages qui contiennent parfois quarante à cinquante tètes de volailles, les oiseaux ne peuvent se tenir debout, ils sont obligés de rester accroupis, immobiles, serrés les uns contre les autres. Ces paniers, ces caisses à claire- voies en dessus et sur les côtés, sont d'excellents engins de transport, non-seulement pour les espèces que nous avons citées plus liant, mais encore pour les Faisans. En effet, les oiseaux, ne pouvant remuer, ne peuvent s'abîmer, et ils sor- tent de ces emballages dans le meilleur état. L'usage de ces grands paniers plats présente cependant un danger. Lorsqu'ils sont maniés sans précaution et trop penchés, il arrive par- fois qu'un oiseau est étouffé sous le poids des autres ; mais il suffît d'un peu d'attention, pour éviter qu'il en soit ainsi. Lorsqu'on veut transporter les oiseaux qui nous occupent, par couple, il faut employer des emballages spéciaux, les- quels diffèrent suivant les espèces qu'il s'agit de faire voyager. Les Poules, les Canards domestiques, les Oies, les Dindons, les Pigeons, seront placés dans des paniers ronds à claire-voie, proportionnés à la taille des oiseaux et assez hauts pour qu'ils n'éprouvent aucune gène [voy. les notes) . On pourra entourer les paniers de toile, si l'on veut, pour abriter les oiseaux. Dans le cas où plusieurs lots, contenant des Coqs, devraient voyager ensemble, cette précaution deviendrait in- dispensable pour éviter que ces animaux puissent se livrer bataille. S'il s'agit de transporter des Faisans, on fera usage de pa- niers ronds d'osier, à parois pleines et de formes très- basses (voy. les notes). Avant de placer dans cet emballage l'oiseau ou les oiseaux qu'on veut expédier, on coudra sur le bord supérieur du panier une toile d'emballage douce, en ayant soin de laisser sur un point une ouverture assez grande pour introduire le ou les Faisans. Une fois l'oiseau introduit, on achèvera de coudre la toile-couvercle, on placera sur elle du foin brisé, et, par-dessus ce rembourrage, on attachera le couvercle du panier (1). (1) iNous donnons ici les dimensions de quelques-uns des paniers employés 16 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Ce mode d'emballage devra être employé également pour le transport des Palmipèdes précieux. Les paniers ronds ont un grand avantage sur les autres. Cette forme permet à l'oiseau de se mouvoir sans briser son plumage, et si plusieurs oiseaux sont réunis, ils ne peuvent se nuire les uns aux autres, puisque l'emballage n'a pas d'angles (1). Nous avons recommandé pour un grand nombre d'animaux les emballages peu élevés comme étant les meilleurs. Il est ce- pendant des oiseaux qui ont besoin, pour voyager dans de nonnes conditions, d'être placés dans des paniers ou des caisses un peu hauts. De ce nombre, sont les Échassiers et en particulier les Flamants, les Grues et les Cigognes. Les petits oiseaux ne supportant pas le jeûne ; il sera pru- au Jardin d'Acclimatation du bois de Boulogne pour l'expédition des oi- seaux : Diamètre. Hauteur. / Faisans vénérés (à queue déme- surément longues) 0m,75 0m,o0 Faisans divers 0m,60 0m,30 Canards de luxe (mandarins et Carolins, elc) 0m,35 0m,25 Paniers pleins. <^ cigognes et grands Échassiers. 0m,70 0"',80 Oies 0m,70 0m,60 Cygnes 0m,80 0m,60 Pigeons de volière 0m,35 0"',25 — de grandes races 0"',60 0m,o0 ./ Coqs et Poules grandes espèces. 0m,60 0m,55 Paniersà j _ pe(iles _ 0R] ^ Qm5() claire-voie, j Canar(ls domestiques 0m,60 0m,35 (1 .) Les Colins peuvent voyager dans des cages grillagées sur le devant, mais nous nous sommes bien trouvé de les emballer dans des boîtes pleines sur les quatre faces, percées de trous et recouvertes d'une toile. Notons aussi une précaution utile pour faire voyager les Paons quand ils sont ornés de leur grande queue. On les place dans un panier rectangulaire allongé, on échancre la paroi qui se trouve en arrière de l'animal, la queue se trouve ainsi en dehors ; pour éviter qu'elle ne soit détériorée, on fixe solidement avec du fil de fer sur le couvercle du panier un bâton, et entou- rant les grandes plumes de la queue, de toile, on les ficellera sur le bâton. Ainsi emballé, l'oiseau parviendra à destination dans un état parfait. TRANSPORT DES ANIMAUX VIVANTS. M dent de prendre, pour les voyages de peu de durée, les mêmes précautions que pour les longs transports. La cage grillagée sur une lace dans laquelle on les placera, devra donc être ap- provisionnée de grain et garnie d'un auget muni d'une éponge mouillée. III. — Dérallage des animaux. Dans les pages qui précèdent, nous avons passé en revue les précautions qui nous paraissent propres à assurer la bonne arrivée des animaux que l'on fait voyager. Examinons mainte- nant ce qu'il sera prudent de faire à l'arrivée pour ne pas compromettre la vie de ces voyageurs, amenés parfois de si loin et au prix de tant d'efforts. Il semblerait que l'animal rendu à destination, il n'y ait plus qu'à lui donner la liberté et à le placer dans un parc ou dans une volière. Il n'en est pas ainsi. Les animaux qui ont subi de longs trajets éprouvent, dans les premiers jours, un abattement singulier, et nous avons vu plusieurs fois des Mammifères et des Oiseaux qui semblaient, au sortir de leur caisse, pleins de vigueur et de santé, succom- ber en quelques jours, malgré les soins les plus intelligents, comme si la fièvre du voyage seule les avait soutenus jus- que-là. Après avoir passé des semaines, des mois, dans un espace restreint, dans un réduit obscur, les animaux ont besoin de s'accoutumer à l'espace et à la lumière (1); cela est vrai, non- seulement pour ceux qui ont voyagé longtemps, mais aussi parfois pour ceux qui n'ont fait que des trajets de quelques heures (2). (1) Ceci bien entendu ne s'applique pas aux gibiers vivants destinés au repeuplement des chasses. Pour ces animaux, il y a tout avantage, dans la plupart des cas, à les lâcher immédiatement dans les lieux auxquels ils sont destinés. (2) Nous ne saurions trop recommander de s'abstenir absolument pour les Mammifères, de les lâcher directement dans le parc qu'ils doivent occu • per. Nous pourrions citer nombre d'exemples d'animaux très-apprivoisés, mangeant à la main qui, changés de place, se sont précipités sur les clôtures et se sont tués, all'olés qu'ils étaient par les émotions du voyage. 2e série, t. VU. —Janvier 1870, 2 18 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Il sera en tous cas sage de laisser les nouveaux arrivés dans un endroit sombre et tranquille ; le compartiment devra être disposé à l'avance, de façon que, pendant les premières heures, on n'ait pas à paraître. L'Oiseau restera accroupi dans le coin le plus obscur, le Mammifère restera couché; ni l'un ni l'au- tre, le plus souvent, ne prendront de nourriture dans les vingt-quatre heures, qui suivront leur déballage. On devra mettre à la disposition de ces nouveaux venus des aliments variés, pour tenter leur appétit languissant. Pour les Oiseaux, la meilleure de toutes les nourritures qu'il convienne d'offrir, c'est le pain mouillé. Quant aux Mammifères, il faudra se garder absolument de leur offrir du fourrage vert ou des feuilles. L'animal, ayant été sevré depuis longtemps de ces aliments aqueux, on s'expo- serait, en donnant cette nourriture trop tendre, à le faire périr météorisé. Il est encore une recommandation qui trouve ici sa place et qui s'applique tout spécialement aux Palmipèdes. Ces oiseaux, après un long voyage, nous l'avons dit plus haut, ont le plu- mage dans le plus mauvais état ; si à l'arrivée, avant que l'oi- seau ait repris quelque vigueur, quand la sécrétion de l'huile servant à graisser les plumes n'est pas encore revenue, on le laissait aller sur un bassin profond, il se noierait à coup sûr. Il faudra mettre de l'eau graduellement à sa disposition. L'oi- seau se nettoiera peu à peu et, au bout de quelques jours, sera en état de reprendre ses habitudes aquatiques. Cette note, malgré son étendue, ne contient sans doute pas encore toutes les recommandations pouvant assurer le trans- port des animaux vivants ; mais elle indique, au moins, celles qui nous ont paru les plus utiles à faire connaître. Bien loin donc de regarder ce travail comme achevé, nous faisons appel à nos lecteurs, et nous serons heureux s'ils veulent bien, par leurs conseils et leur expérience, nous aider à le rendre plus utile encore et plus complet. L'ACCLIMATATION CHEZ LES CHINOIS, Par M. E. SIMON. Les Européens qui ont voyagé en Chine, et dont les goûts particuliers dirigeaient l'attention vers les champs et les jardins, se sont souvent demandé d'où venait la variété vrai- ment remarquable des plantes qui y sont cultivées. Et ce n'est pas seulement le nombre des végétaux qui frappe en effet, c'est surtout l'aspect étranger de certains d'entre eux. Le Bam- bou, par exemple, est un gramen trop grand pour le sol de la Chine, et fait, avec ses productions ordinaires, un trop notable contraste. On le conçoit mieux dans les forêts de l'Inde, au milieu de la puissante végétation des tropiques, mêlé aux ar- bres immenses qu'on ne rencontre que là. Le Palmier {Cha- mœrops excelsa) avec son feuillage sec et bruyant et son tronc dénudé, rappelle trop les sables arides ou les rochers nus et brûlés. On en pourrait dire autant du Cycas. Le Taro aux larges feuilles [Caladium esculentum) n'est pas non plus une plante des marais delà Chine. Il est évident au premier coup d'œil, et sans même avoir égard aux soins dont on les entoure, que ces plantes se trou- vent en Chine dépaysées. Ainsique bien d'autres, dont l'énu- mération serait trop longue, elles jettent dans l'esprit je ne sais quoi de vague et de lointain qui n'est pas un des moin- dres charmes de cette singulière contrée. Elles attestent sur- tout de la part des Chinois, des préoccupations et des efforts on ne peut plus dignes de remarque. Le règne animal en offre aussi de nombreux exemples. Des plateaux du Thibet, le Yack est descendu dans les plaines ; et jusqu'au cœur de la Chine, le Chameau en lon- gues caravanes évoque la solennelle monotonie du désert. Les mystérieuses profondeurs des eaux, les diaphanéités infinies des cieux, les plans les plus infimes de la création se sont également rapprochés de l'homme. Ici le poisson obéit 20 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. à sa voix; pour lui le Papillon, cet enfant de l'air (Tienn-tse), ainsi qu'il l'appelle, s'est fixé, et le Ciron lui-même (Coccus ce- rifera) s'est laissé dompter et gouverner. Ainsi, nulle part l'homme n'a plus commandé à la nature, nulle part elle ne s'est plus soumise. Et si introduire, multiplier une plante utile, domestiquer, acclimater un nouvel animal auxiliaire, industriel, c'est, ainsi que le disait le fondateur de notre société, mériter, non des siens, mais de tous, non-seu- lement du présent, mais de l'avenir, nul peuple n'a, mieux que le peuple chinois, mérité de l'humanité, n'a plus énergique- ment marqué son empreinte dans le monde, ne s'est, en un mot, plus vigoureusement affirmé pour l'avenir comme dans le passé. Cependant, lorsqu'on veut remonter à l'origine de chacunede ses conquêtes, on ne trouve presque aucune indication. Elles se sont faites sans bruit, on dirait presque sans peine, tant on s'est peu soucié de les constater. A en croire les auteurs chinois qui se contentent de cette simple mention, elles date- raient pour la plupart de la plus haute antiquité, ou en d'autres termesellesseperdentdans lanuitdestemps. Etdefait, sirenon- cantà des recherches plus reculées, on s'arrête à l'époque mieux déterminée où elles entrèrent dans le domaine ordinaire, et qu'on tienne compte du temps que dût exiger la période de naturalisation et. de propagation, on est conduit à leur attribuer un passé extrêmement lointain. Sans parler des principaux animaux domestiques dont l'ac- quisition est imputée parles Chinois au règne de Fou-Hi et re- monterait par conséquent à cinq ou six mille ans avant Jésus- Christ, mais en réalité se trouve entourée d'une si grande obscurité, le Ver à soie dont on a fait et parfait si souvent l'histoire et dont personne ne leur dispute la première posses- sion, était déjà au temps des Argonautes l'objet d'une grande exploitation, puisque son produit était assez abondant pour qu'une partie de sa riche toison vint, sur les côtes de la mer Noire et sur les rives du Phase, s'échanger contre lesmarchan- dises de l'Occident. Le Ver à soie du Chêne, qui ne fut soumis en Chine à une L ACCLIMATATION CHEZ LES CHINOIS. 21 éducation régulière que vers le xc ou le xie siècle, était cepen- dant connu et utilisé dès l'an 130 avant Jésus- Christ sous le règne de Oucn-ti. La culture du Bambou de grosse espèce date du troisième siècle avant l'ère chrétienne. Ainsi, et ces exemples suffisent à le prouver, à un âge où les nations les plus avancées de l'Europe gravissaient à peine les premiers degrés de la civilisation, la Chine s'ingéniait à trouver les moyens d'augmenter son bien-être e<~ nous prépa- rait la solution de questions qui, chez nous, ne devaient avoir d'actualité que dix-huit ou vingt siècles plus tard : A une époque où la guerre, de ce côté-ci du inonde, sem- blait la loi de l'humanité, la Chine se faisait l'intermédiaire des plus paisibles échanges ; et lorsque, tracassée par les peu- plades barbares qui l'avoisinaient, elle était enfin contrainte de leur imposer les bienfaits d'une loi sage, elle leur portait encore ce qu'elle avait de plus précieux, partageait avec elles les conquêtes qu'elle avait mis des siècles à s'assimiler, et ne leur demandait en retour que des germes qu'elle se chargeait de féconder. Les prescriptions des Empereurs à ce sujet sont, en effet, très-fréquentes dans l'histoire de la Chine. Aux généraux qu'ils chargentdela conduite des armées, ils ordonnent d'observer et de rapporter usages etproductions ; aux colons militaires qu'ils envoient, ils font confier les plantes et les animaux de leurs pays. C'est ainsi que s'explique la diffusion que nous commençons à remarquer aujourd'hui de presque toutes les récoltes de la Chine, en Corée, en Mandchourie,au Japon, au Cambodje, en Cochinchine, au Thibet et jusqu'aux confins de la Sibérie. Partout, quand les conditions de sol et de climat peuvent s'y prêter, on rencontre le Ver à soie du Mûrier, celui du Chêne, celui du Frêne, le Porc chinois, la Poule chinoise, l'insecte que nous avons déjà appelé le Ciron : et parmi les végétaux, le Bambou, le Coton, le Palmier, l'arbre à cire, le vernis; mais avec cette réserve, aussi juste que remarquable, que nulle part, plantes ou animaux ne se sont conservés ou 3 33 CDrrvîrvoiit aussi pui's, ni aussi vigoureux, ne sont 22 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. plus abondants, ni mieux employés, et en un mot, ne se trou- vent aussi profondément inféodés. C'est que, encore une fois, aucun peuple ne comprit d'aussi bonne heure l'utilité de ces recherches, ne s'y adonna avec au- tant de persévérance, n'y appliqua autant d'intelligence, de douceur et de patience, et ne comprit mieux le rôle de l'homme au milieu de la nature. Suivant en ceci un raisonnement bien différent de celui que tiennent aujourd'hui les économistes qui professent qu'il vaut mieux ne se livrer qu'aux industries qui produisent le plus et coûtent le moins d'efforts, les empereurs Chinois et leurs sujets pensaient qu'on ne pouvait se procurer trop de sources de richesses, dût-on commencer par y consacrer plus de peine qu'en tirer de profits. Dès qu'une production était reconnue seulementpossibledans une province, les Empereurs imposaient à cette province l'obligation de payer une partie de l'impôt avec cette production même, et les sujets se soumet- taient. Ce n'était pas toujours sans murmure il est vrai, comme lorsqu'il s'agit, vers le xie siècle, de généraliser la culture du Coton, mais tout le monde finissait par se soumettre au lieu d'a- cheter à l'étranger le produit qu'on demandait; et voilà com- ment la Chine est aujourd'hui dotée des productions les plus variées et les plus précieuses, et comment aussi, laissant de côté toute considération étrangère à l'ordre d'idées qui m'occupe, son territoire étant mieux meublé a plus de valeur que tout autre au monde. D'ailleurs les Empereurs prêchaient d'exem- ple et s'associaient aux chances d'insuccès. Si l'impôt exigé n'avait pu être produit par une cause indépendante de la vo- lonté du cultivateur, celui-ci n'était point tenu de le rempla- cer et le gouvernement s'en passait. Puis, ils s'attachaient à produire dans leurs domaines privés la plante où l'animal de leur prédilection. Une Impératrice surveillait elle-même, ali- mentait de ses mains les Vers à soie dont le produit constituait son principal douaire, et dévidait leurs cocons. Tsin-Chi- Hoang-Ti, qui fit tant de bien et tant de mal, qui brûla la première grande bibliothèque deux mille ans avant que les Européens n'allassent incendier la seconde, mais qui, le pre- l'acclimatation chez les chinois. 23 mier convertit la dime en impôt régulier et fit de tous ses sujets des propriétaires, Thin-Chi-Hoang-Ti, cultivait lui- même le Bambou qu'il voulait propager. Aujourd'hui et depuis longtemps ces conquêtes sont ache- vées, mais il ne faut pas croire que les Chinois, auxquels on fait trop souvent le banal reproche de ne plus faire aucun progrès, ne songent pas à remporter d'autres victoires et re- gardent même celles qu'ils ont si bien faites comme assurées. On peut dire, au contraire, que rien ne les intéresse davan- tage et n'estl'objet de soins plus constants. Si la Mongolie est en partie cultivée maintenant, et si la population stable aug- mente d'une façon si remarquable, n'est-ce pas aux introduc- tions de toutes sortes que les Chinois n'ont cessé d'y tenter, depuis deux cents ans surtout, que cela est dû ? Aux abords de la Grande Muraille, on ne pouvait même pas, il y a cent ans, cultiver le millet, tant l'hiver y était précoce. Aujourd'hui, on y récolte, entre autres la Pomme de terre, certaines variétés de Sorgho et une espèce de Riz hâtif que l'Empereur Kang-Hi créa de ses propres mains, et qu'il considérait comme une de ses meilleures actions durant un règne de près de quatre- vingts ans. Ne font-ils point encore une œuvre d'acclimatation, en con- vertissant à la vie agricole sédentaire ces turbulentes tribus nomades des frontières du Thibet, auxquelles ils apprennent aujourd'hui même à cultiver leurs céréales et leurs animaux les plus délicats? Et quelles peines, quelle sollicitude pour conserver leurs races dans toute leur pureté ! Chaque année des caravanes de graineurs, venus au Se-tchuen de tous les points de l'Empire chinois, s'en retournent au galop, emportant à cinq, six ou huit cents lieues dès graines de Vers à soie du Chêne, de l'insecte à cire, etc. Quant aux grands animaux, on n'a pas cru trop faire que de les placer sous la protection et dans l'enceinte même des temples et des pagodes. Ce sont les Bonzes qui sont char- gés de veiller à la pureté de leur sang, ce dont ils s'acquit- tent avec autant de scrupule et à moins de frais que nos fermes écoles, nos haras et nos établissements spéciaux. C'est dans 24 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. ces pagodes que les cultivateurs chinois vont chercher ces précoces races de Porcs, ces belles espèces de Poules, de Ca- nards, d'Oies, et ces magnifiques et puissants Buffles blancs. C'est là que les amateurs vont faire renouveler les poissons de luxe qui peuplent leurs aquariums, là qu'ils vont acheter leurs chiens de toutes races. Mais ce serait concevoir une idée bien imparfaite de l'ac- tion que le peuple chinois a exercée sur le domaine de l'hu- manité, que de croire qu'elle reste circonscrite aux limites de son territoire ou de celui des contrées limitrophes. Ce n'é- tait pas seulement pour y chercher un culte qui satisfit mieux que le Déisme simple qu'ils professaient, aux besoins super- stitieux qui caractérisent tous les hommes, que les Empereurs de la Chine envoyaient non-seulement aux Indes, mais jus- qu'en Perse, des jeunes gens qui y passaient un certain nom- bre d'années et qui en rapportaient, outre la connaissance de la langue, des notions complètes sur les coutumes, les mœurs, le climat et les productions des pays qu'ils avaient habités. Des fonctionnaires les accompagnaient et dirigeaient leurs études et leurs recherches. Les rapports de l'une de ces missions, qui eut lieu au vie siècle et dont un ancien missionnaire jésuite, le père Ainyot, nous donne dans ses mé- moires un léger aperçu, montrent suffisamment, et à défaut de documents plus anciens, l'esprit qui dirigeait le gouverne- ment chinois et ses envoyés. Rien n'est plus intéressant; on y trouve entre autres la description de plusieurs îles, qui pa- raissent être celles de Java, Bornéo et peut-être même l'Aus- tralie, d'où cette description autoriserait à penser qu'ils ont apporté ou fait venir en Chine certains Faisans et notamment le Mo-ki, et un" grand nombre d'arbres fruitiers ou fores- tiers. Ceux des anciens missionnaires qui nous ont donné quel- ques extraits des missions scientifiques dont nous parlons, semblent n'y avoir rien vu qui ait rapport à l'Amérique : mais il est probable qu'en les relisant avec attention on y trouverait des indications intéressantes. Passant sous silence la question des races humaines de l'Amérique, que beaucoup l'acclimatation chez les chinois. 25 de savants font venir de la Chine, on peut du moins conjec- turer que les Chinois ont connu et fréquenté le Mexique depuis un temps fort ancien. On a reconnu entre la religion, les mœurs, l'agriculture et les arts des Chinois et des Mexi- cains, des analogies que l'on peut encore aujourd'hui con- stater en partie, et qui tendraient à prouver l'influence des premiers sur les seconds. En tous cas, il est certain que, longtemps avani la conquête espagnole, des relations assez fréquentes existaient entre le Mexique et la Chine. C'est assuré- ment à ces relations que l'on doit attribuer la présence dans les anciennes maisons mexicaines d'objels d'art ou d'indus- trie d'origine essentiellement chinoise, tels que les porcelaines et les laques, ainsi que l'éducation du Ver à soie, la coutume de manger des chiens d'une race particulière et peut-être aussi jusqu'à cette habitude si ancienne en Chine qu'ont les femmes de se comprimer les pieds. Les effets des rapports de la Chine avec l'Europe, au temps de Genghis Khan et de Timour-lan, sont moins connus jus- qu'à présent, mais ceux que je viens d'esquisser dans cette courte notice suffisent au but que je me proposais. Les générations sont ingrates, elles profitent et s'enrichis- sent des bienfaits ; elles oublient les noms de ceux qui lesleur ont légués. Nous n'en n'avons point fini avec la Chine: en ce moment même nous lui empruntons les acquisitions qu'elle a faites des Vers à soie du Chêne et de l'Ailante; nous avons à lui pren- dre ses arbres à vernis, ses arbres à huile, ses arbres à cire, ses insectes à cire, et bien d'autres choses encore. Mais avant de nous endetter davantage vis-à-vis d'elle, il m'a. semblé bon de montrer jusqu'à quel point, jusqu'à quelle limite s'était étendue la salutaire influence d'unpeuple trop longtemps mé- connu, et de rappeler ses droits légitimes à la reconnaissance de l'humanité. NOUVELLE NOTE SUR UN POISSON DE CHINE APPARTENANT AU GENRE MACROPODE, Par M. t AKKOiNMKR Dans un précédent mémoire, publié flans le bulletin de la société (n° de juillet dernier), j'ai déjà eu l'honneur de vous entretenir des poissons chinois, que nous devons au zèle in- fatigable de M. E. Simon. Dans ce mémoire, je vous racontais en détail toutes les péripéties d'un sauvetage, opéré dans les conditions les plus désastreuses, et couronné pourtant d'un plein succès : puis je- signalais ce fait, remarquable et presque sans précédents, d'un accouplement réel et fréquemment répété, entre le mâle et la femelle, également animés d'amoureux désirs; le dépôt des œufs, par les soins du mâle, dans une écume flot- tante produite et entretenue par lui ; je vous racontais aussi la vigilance infatigable dont le mâle faisait preuve pour le meilleur succès de l'éclosion, et je terminais ce premier travail par l'annonce de nombreuses reproductions, qui me rendaient possesseur de plusieurs centaines de jeunes embryons, les- quels ne demandaient, pour passer à l'état d'alevins, qu'une nourriture vivante appropriée à leur petite taille. C'était là la dernière et la plus grande difficulté; je l'ai heureusement surmontée. Voici maintenant le complément de mes observations et le détail des résultats obtenus. Dès la naissance de mes embryons, je dus passer au moins une semaine, les observant à la loupe, et cherchant vainement quelle nourriture leur pourrait convenir. Ce fut, dès le prin- cipe, la cause d'une catastrophe ; je voyais mes poissons, le ventre déplus en plus déprimé, mourir par centaines; je perdis ainsi la presque totalité des deux premières pontes. Mais bientôt les diverses substances organiques, que je leur POISSON DE CHINE. 27 avais offertes comme aliments et qui s'étaient accumulées au (Figure extraite de la Chasse illustrée. 28 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. fond de l'aquarium entrèrent en fermentation, elles donnè- rent naissance à divers infusoires, monades, paramécies, etc. qui vinrent en foule, nageant à la surface, courir contre les glaces transparentes du récipient, et je vis alors mes pois- sons s'en saisir avec avidité et les absorber par milliers'. Bien- tôt leur corps aminci et recourbé en demi-cercle, se gonfla, se redressa, et en inoins de trois jours prit une direction par- faitement recLiligne. Tous mes soins se portèrent, dès lors, vers la production, en quantité suffisante, de cette nourriture animée. D'après les conseils de M. le professeur Paul Gervais, je fis fermenter une décoction de foin, de l'eau de laitue, de la colle de pâte, des matières animales ; mais ce qui m'a le mieux réussi, c'est la fermentation des ramifications de plantes aquatiques coupées en petits morceaux ; j'ai obtenu ainsi, en moins de cinq jours, des millions d'animalcules microscopiques , très-propres à l'alimentation de mes embryons. Pour ne pas salir l'eau de l'aquarium en y versant le liquide de fermentation, je filtre celui-ci et ne donne à mes poissons que le dépôt arrêté par le filtre. Au bout de quinze à vingt jours de cette alimentation, les jeunes poissons sont devenus assez forts pour saisir des proies plus grosses : ils ont. alors environ 10 millimètres de lon- gueur. Ce fait n'est pas sans importance, à mon avis ; il résout un des plus difficiles problèmes de la pisciculture : l'alimenta- tion des jeunes poissons dès leur naissance. Les monades sont certainement la première nourriture de tous les habi- tants des eaux, et si nous avons jusqu'ici rencontré tant de difficultés dans l'élevage artificiel des poissons, nés de fécon- dations factices, c'est que, jusqu'ici, nous n'avons pas su leur procurer la nourriture la plus appropriée à leur taille et à leur force, savoir des proies vivantes, aisément préhensibles et assimilables. Il arrive bientôt un moment où les infusoires ne suffisent plus comme matière alimentaire; j'ai donc du chercher des animaux de plus forte taille pour leur servir de nourriture POISSON DE CHINE. 29 du deuxième degré; j'ai rencontré ce que je cherchais dans les eaux croupies des environs de Paris. On se rendra difficilement compte des soins et des peines que j'ai dû prendre pour conduire à bon port l'acclimatation de mes poissons chinois ; on le reconnaîtra du reste bien suf- fisamment lorsque, distribués en diverses mains (ce qui se pourra faire je l'espère, avant un an d'ici), on voudra faire des élevages et repasser par des épreuves que j'ai subies. Tous les deux jours, depuis quatre mois, j'envoie un homme aux environs de Paris, fouiller dans les mares d'eau croupis; à l'aide d'un tamis de soie, il filtre cent, deux cents seaux d'eau, et me rapporte le résidu ; mon tour vient alors, et je commence un travail de plusieurs heures ; j'opère le triage des animalcules qui fourmillent dans ce dépôt; je mets à part tous. les petits animaux propres à l'alimentation de mes poissons; ce sont desCyclopes et diverses larves, et je rejette ceux qui, féroces et offensifs, seraient un vrai danger pour mes frêles élèves. Tels sont les Nèpes, les Notonectes, les Coryzes, et surtout les petits Coléoptères nommés Hydro- pores; longs de 2 à 3 millimètres, et sans cesse en mou- vement, ils éventrent tous les poissons qu'ils rencontrent. Dans l'eau des fossés des fortifications de Paris, on rencon- tre trois petits crustacés très-propres à servir à l'alimentation du premier âge pour la plupart de nos poissons ; ce sont les Cypris, les Daphnis et les Gyelopes. Les deux premiers ont une carapace trop résistante pour pouvoir convenir à mes poissons chinois, mais les Gyelopes sont extrêmement pré- cieux ; car, outre que leur enveloppe est molle, on en trouve de toutes les tailles et dans presque toutes les eaux ; et de plus, ils subissent plusieurs transformations, pendant lesquelles, à l'élat de larves, ils sont d'assez petites dimensions pour être donnés concurremment avec les Monades. Telle a été en effet, avec quelques larves d'éphémères, la seule nourriture des poissons que j'ai l'honneur de mettre sous vos yeux. Un des plus sérieux ennemis que j'ai eu à combattre dans mon élevage, c'est l'Hydre ou Polype d'eau douce. Ce zoo- 30 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d'ACGLIMATATIUN. phyte, que l'on croirait absolument inofïensif, saisit tout ce qui passe à sa portée. J'en ai vu tenant chacun dans leurs ca- lices un de mes petits poissons. On s'en débarrasse en passant patiemment en revue tous les jours tous les végétaux de l'a- quarium, et en les extrayant à l'aide de pinces; mais il faut recommencer souvent, car les germes sont nombreux et in- saisissables, et se développent avec une prodigieuse rapidité, surtout dans un milieu aussi richemenl animalisé que celui où s'élèvent .mes embryons. Du reste, les Cyclopes eux-mêmes, nourriture préférée de mes chinois, deviennent quelquefois gênants. Comme les mouches à certains moments, ils se ruent sur le poisson, s'y attachent, le fatiguent et le harcèlent au point .qu'il ne prend plus de nourriture et maigrit à vue d'œil. En résumé de ce qui précède, les naturalistes qui étudient spécialement ces petits animaux, connus sous le nom d'Ento- mostracés, rendraient un service signalé à la pisciculture en trouvant le moyen de les produire en tout temps et en grande quantité. Le plus difficile problème de l'élevage artificiel se- rait alors complètement résolu. Lorsque mes poissons sont devenus assez forts, je leur ai donné des larves d'éphémpres, que je me procurais toujours de même par le filtrage des eaux croupies. A trois 'mois, ils ont pu commencer à manger des vers de vase ; dès lors j'ai pu les considérer comme sauvés, et j'ai pu ainsi en conserver trois cents environ, pareils «à ceux que je vous présente. Ces poissons chinois sont doués d'une surprenante fécon- dité ; dans la saison chaude les pontes se font tous les quinze jours. A l'arrivée j'avais dix-sept individus; douze mâles et cinq femelles. Le 21 juillet, une d'elles me donna une pre- mière ponte, puis mourut huit jours après, parce que, séparée des mâles, elle n'avait pu évacuer ses œui'Sj déjà reformés. Deux autres femelles m'ont donné, l'une deux, l'autre une ponte, puis elles sont mortes par suite de gales qui les recou vraient à leur arrivée. La quatrième femelle a fait trois pontes, puis est morte en sautant hors de l'aquarium. POISSON DE CHINE. 31 Enfin la cinquième, qui m'a donné quatre pontes, deux en août et deux en septembre, se porte encore à mer- veille. J'ai également perdu trois mâles, par suite de la gale con- tractée pendant la traversée. Le produit de chaque ponte est de 350 à 450 œufs. Après les pertes nombreuses, subies par suite de l'absence de nour- riture convenable, il ne me reste des premières pontes que 65 individus qui mesurent tous de 3 à h centimètres. J'ai sauvé la moitié environ des pontes postérieures : et de la dernière ponte, sur MO œufs, j'ai réussi à en faire vivre 390, résultat précieux de l'expérience acquise. Malheureusement, dans la nuit du 17 au 1 8 octobre, la tem- pérature étant descendue à 7 degrés cenLigrades, il en est ré- sulté la mort de 250 alevins, ayant de trente à quarante-cinq jours d'âge. Force a donc été de chauffer les survivants. Pour cela, j'ai disposé un aquarium sur un récipient plein d'eau maintenue à une température constante de 18 à 20 degrés, au moyen d'une petite lampe ; mais ce chauffage artificiel ne laisse pas que de dénaturer un peu l'eau où vivent mes ale- vins, et je suis obligé de la renouveler deux fois par jour, à l'aide d'eau ayant la même température. J'ai la certitude que, si mes poissons étaient nés trois mois plus tôt, ou si la température des trois derniers mois eût été celle de l'été, mes jeunes poissons, ayant acquis en cinq mois la force de leurs parents, je n'aurais eu nul besoin de chauf- fage artificiel, et j'aurais pu éviter de grandes pertes. Il est probable que, l'année prochaine, les pontes commenceront dès le printemps, et que dès lors ces causes de mortalité dis- paraîtront. Bien que vivant dans un milieu maintenu artificiellement à une température de 20 degrés, mes jeunes poissons conti- nuent à grandir, et sauf quelque catastrophe inattendue, je puis compter pour le mois de mai prochain sur une cinquan- taine de couples adultes, et sur dix mille au moins pour le mois d'octobre. Les premiers reproducteurs, venus directement de Chine, 32 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. ont supporté toute une nuit une température minimum de '2 à 3 degrés, sans en paraître affectés, ce qui m'autorise à affirmer qu'ils s'acclimateront fort bien dans toutes celles de nos eaux dormantes où vivent la Carpe et les Cyprins dorés. Dans mon premier mémoire, ne connaissant encore de ce poisson chinois que sa beauté et la particularité curieuse de son accouplement, j'ai pu dire qu'il ne serait jamais que poisson de luxe. Aujourd'hui que j'ai pu constater sa fécon- dité et étudier sa structure, en en pratiquant la dissection, j'ai dû changer d'avis. En effet, ce poisson n'a presque point d'arêtes ; l'anus étant placé entre les nageoires pectorales, toute la partie postérieure du corps est pleine et charnue, de sorte que, tout en faisant l'ornement de nos bassins d'agré- ment et de nos aquariums, il se pourrait fort bien qu'il devint un aliment recherché. Un fait de plus prouve du reste en faveur de sa rusticité. Ce poisson, quand l'eau est par trop altérée, aspire des bulles d'air àla surface, et les expulse par les ouïes, suppléant ainsi à l'aération insuffisante de l'eau et fournissant de l'oxy- gène à ses branchies; je ne sache pas que cette faculté ait été reconnue dans aucune de nos espèces indigènes. Il y aurait peut-être pour l'instant de l'imprudence à me déposséder de quelques-uns de ces poissons. Les 300 survi- vants peuvent fort bien être réduits à a 00 d'ici aux chaleurs, mais à la fin de l'été 1870, je me ferai un devoir d'en mettre quelques couples à la disposition de notre société. SÉRICICULfURE EN TUNISIE. LETTRE ADRESSÉE A M. DROUYN DE LHUYS, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION, Par M. le général KHÉRÉDI\K. Monsieur le Président, Dans le mémoire que j'ai eu l'honneur de vous adresser l'an dernier sur diverses cuïlures, je n'ai fait que mentionner mes tentatives d'éducation de Vers à soie. Permettez-moi maintenant d'entrer dans quelques détails au sujet de ces essais. Le premier eut lieu en 1806. La magnanerie avait été in- stallée dans deux pavillons de mon jardin sis à la Manouba, localité distante du port de la Goulette d'environ 25 kilomè- tres. Pour ce premier élevage, confié à des Européens, je lis suivre le même système qu'en France et traiter les vers avec les mêmes soins, les mêmes précautions. La graine employée était de provenance japonaise. J'en avais reçu six onces de 25 grammes; malheureusement le germe de la plupart des œufs avait péri sur les cartons; un quart à peine parvint à éclore. En revanche, les vers nés de cette éclosion réussirent fort bien, ils ne furent atteints d'aucune de, ces maladies, qui font depuis plusieurs années en Europe le désespoir des édu- cateurs, et ils donnèrent des cocons, de grosseur moyenne il est vrai, mais fermes, bien conformés et d'un blanc pur. Huit jours après l'opération du grainage, il y eut une nouvelle éclo- sion et il fallut procéder à un deuxième élevage qui ne fut pas moins satisfaisant. Les plus beaux cocons furent choisis pour la reproduction de la graine qui, cette fois, se conserva par- faitement à l'air libre sur le drap où les papillons avaient pondu. Le premier élevage, commencé le 19 mars, se termina le àli avril, le temps n'ayant cessé d'être pluvieux et variable 2e série, T. VII. — Janvier 1870. 3 3/| SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. pendant cet intervalle ; l'élevage suivant qui se fit dans la nelle saison dura 29 jours. * Deuxième essai. — Commencée le 19 mars 1867 et terminée en 31 jours, cette éducation eut lieu dans la même magna- nerie et fut conduite par des indigènes sous la direction de mon chef jardinier français, qui venait visiter l'établissement deux fois par semaine. Je fis servir, pour cet essai, la graine delà récolte précédente; à ma grande satisfaction, elle donna des vers sains et robustes jusqu'à la fin. Beaux cocons, dont un tiers d'un jaune très-clair. Comme l'année précédente, deuxième éclosion de la graine provenant des cocons blancs. Troisième essai, effectué du 19 mars au 28 avril 1868, dans ma propriété située sur le bord de la mer, entre Car- thage et la Goulette. Les étagères avaient été disposées tant bien que mal dans un magasin d'outillage et dans un petit corridor, exposés à un va-et-vient continuels, à la fumée et à bien d'autres inconvénients, que partout ailleurs on évite avec le plus grand soin pour ne pas compromettre la santé des pré- cieux insectes. Même dans ces conditions, les vers, ainsi que j'ai pu le constater, ne furent pas moins vigoureux et sains que ceux des essais précédents. Ils étaient même plus voraces, peut-être à cause du voisinage de la mer, et très-friands de la feuille de mûrier non greffé, cueillie sur les lieux mêmes. La moitié des cocons obtenus était d'un jaune prononcé tirant sur le vert, l'autre moitié était de l'espèce blanche, qui, dans cette même campagne a donné quatre récoltes. Quatrième essai, au printemps 1869. — Comme nouvelle expérience, l'installation, cette fois, a été faite presque en plein air, dans une cour simplement recouverte de roseaux pour ne pas laisser pénétrer une trop vive lumière et pour protéger les chenilles contre la voracité des milliers d'oiseaux, que mes plantations ont attirés sur cette partie de la plage. C'est encore la graine reproduite chez moi qui a servi pour cet élevage. Rien n'a été fait pour forcer l'éclosion, elle s'est opérée naturellement, tout aussi vite et aussi bien que par les procédés pratiqués ailleurs. Les vers ont été plus vigou- reux encore que leurs ascendants et d'un appétit vraiment in- SÉRICICULTURE EN TUNISIE. 35 croyable; pas un sujet n'a péri de maladie, quoique pendant toute la durée de l'éducation ils n'aient reçu d'autres soins que ceux concernant le délitement et la distribution de la nourri- ture. La feuille, qui composait leurs repas et qu'ils mangeaient de préférence, provenait de jeunes sauvageons plantés en haie, ce qui rend la cueillette facile et rapide par l'emploi de cisailles. Excepté dans le premier âge, elle leur a été distribuée sur rameau. Les trois quarts des cocons récoltés sont jaunes, le reste est de l'espèce blanche. 22 kilogrammes de cocons jaunes ont produit 3 kilogrammes de graine, qui se conserve fort bien, suspendue dans un corridor très-aéré. Les cocons blancs ont été étouffés, à l'exception d'une centaine pour con- server la race. Cette éducation a commencé le 22 mars et a duré vingt-neuf jours. En ce qui concerne la qualité de mes cocons, voici en quels termes l'apprécie un fîlateur de l'Ardèche , M. Isidore Parbort, dans une lettre dont copie m'a été remise par le des- tinataire lui-même : « Je connais les cocons de Tunis. M. Lumbroso, résidant à Marseille, m'adressa, dans le mois de juillet expiré (1868), des cocons verts et blancs de provenance du Japon, mais récoltés à Tunis. Je filai ces cocons et reconnus que la qualité du brin en était fine et supérieure, et si la préparation à l'étouffage eût été faite convenablement, la production eût été supé- rieure » Cette appréciation d'un honorable industriel et le succès de quatre années d'expériences suivies me confirment dans la certitude que la Tunisie est un pays éminemment favorable à la sériciculture, et que cette industrie y prendrait un dévelop- pement rapide en généralisant la culture du mûrier, qui vient si vite et si bien dans ce climat exceptionnellement favorisé de la nature. L'industrie séricigène devrait donc se propager en Tunisie, dans un moment surtout où la maladie des Vers à soie a envahi presque toutes les contrées séricicoles de l'Europe. A cet égard, je détacherai encore de la lettre précitée le pas- sage suivant : 36 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. «... Aujourd'hui, on va chercher cette précieuse se- mence au Japon; vous devez comprendre combien les frais d'importation doivent être onéreux. > La république de l'Amérique du Sud, celles du Chili, de l'Equateur, font des efforts inouïs pour fixer dans leurs con- trées la culture du mûrier et l'éducation des Vers à soie. » Voyez combien il serait plus avantageux d'avoir, non loin de la France, de l'Italie, du Levant, un pays où l'on pour- rait s'approvisionner de graines saines et robustes. » Et ce pays serait incontestablement Tunis, qui offre tous les éléments de succès pour cette grande, riche et belle culture. Quel horizon de prospérité et de fortune pour Tunis! » En terminant cette note déjà trop longue, j'ai l'honneur de vous informer que je vous adresse par ce courrier, pour être distribuée par la Société et essayée en Europe, une partie de la graine de ma dernière récolte (1 kilogramme environ). Si elle y prospère, comme j'ai tout lieu de l'espérer, et que celle qu'on en obtiendra s'y conserve saine, les élevages que je lerai dans la suite seront principalement destinés à la pro- duction de la soie ; si elle n'y réussit que pour une campagne, je m'occuperai avant tout de la reproduction de la semence. Dans un cas comme dans l'autre, si l'industrie séricicole prend dans la Régence, nul doute que ce pays ne devienne, tôt ou tard, un grand marché d'approvisionnement. On remarquera peut-être qu'il se trouve des œufs vides dans la graine que j'envoie; ils sont de l'espèce polyvoltine et ont éclos sur le drap après la dernière opération du grai- nage. Je joins à cet envoi quelques cocons comme échantillon de mes produits. ÉDUCATIONS DE VERS A SOIE en 1869, Par M. de SAULCY. Monsieur le secrétaire, Je viens aujourd'hui, un peu tardivement peut-être, rendre compte à la Société de mes éducations de vers à soie pendant l'année 1869. Ce qui m'a retenu longtemps, c'est que je te- nais à pouvoir parler, sans crainte de me faire illusion, sur le résultat des pontes que m'ont données deux femelles B. Ya- ma?naï, qui auraient pu s'être accouplées sans que j'eusse été témoin du fait. Maintenant le doute ne m'est plus permis! La campagne de 1 869 a été pour moi aussi désastreuse que possible ; mon insuccès est absolu. J'ai mis à l'incubation environ une dizaine de grammes de graine de vers du mûrier, dont la majeure partie appartenait à mes races chinoises de prédilection, la noire, la zébrée et la blanche. J'y avais joint deux cartons de graine envoyés à l'Acadé- mie impériale de'Metz, par S. Exe. le ministre de l'agriculture et du commerce, comme spécimen des fraudes qui se prati- quent pour expédier en Europe des œufs avariés ou de pro- venance suspecte, sous le nom de graine du Japon. J'ai eu la curiosité d'expérimenter cette graine véreuse avec le désir et un peu l'espoir d'y trouver de nouveaux su- jets des races noire et zébrée. Bien que la majeure partie des œufs de cette origine eussent assez mauvaise mine, ils ont donné, à ma grande surprise une superbe éclosion. Je n'ai fait qu'une seule levée qui pouvait bien comporter deux mille larves; c'était autant et plus qu'il n'en fallait pour voir si mes prévisions se trouveraient justifiées. Mais j'en ai été pour mes frais d'expérience, car avant la fin du deuxième 38 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. âge, le tout, ou peu s'en faut, était mort flat. Trois ou quatre larves seulement de cette éclosion sont parvenues au cin- quième âge : elles n'étaient ni noires, ni zébrées, ni belles non plus; pas une n'a filé son cocon, et la flâcherie les a em- portées, comme elle avait tué les premières. Quant à mes trois races que je soignais tout particulière- ment, depuis plusieurs années, elles ont marché supérieure- ment jusque vers le milieu du mois de juin; mais à partir de cette époque elles ont commencé à languir. En effet, la tempé- rature s'est abaissée alors jusqu'au point de rendre malades les feuilles de mûrier en les dénaturant par des alternatives de pluie, de froid et de soleil, tellement que leur pourtour était devenu noir et comme pourri. Peu de mûriers ont échappé à cette fâcheuse influence, et les miens, en particulier, ont été rudement atteints. Je suis convaincu que, malgré la précaution que j'ai prise, pendant un mois entier, de débarrasser chaque feuille de sa partie détériorée, mes vers ont été empoisonnés par une nourriture malsaine. Les mues, à partir de ce moment, n'ont plus marché avec régularité, les âges se sont prodigieusement allongés, et le fait est qu'entre le quatrième et le cinquième, tous mes pauvres vers sont morts de la maladie du flat. C'est à peine si j'ai obtenu sept ou huit cocons chétifs, dont trois ou quatre seulement ont donné leur papillon. Bref! j'ai tout perdu et je ne suis pas plus avancé aujour- d'hui que quand j'ai commencé mes expériences, il y a dix ans! Je n'ai plus qu'un espoir, c'est que bon nombre de jeunes écoliers s'étaient pris de passion pour élever des vers noirs et des vers zébrés, et que de mon côté, j'avais cherché à propager ces deux races autant que possible; et quelqu'un voudra peut-être bien alors me donner un peu de graine et me mettre en mesure de rentrer en possession de ces deux races pour l'année 1870. Toutefois j'ai bien peur que le grainage, fait par des enfants, ne soit entaché de pro- miscuité avec n'importe quelle autre race, de sorte que si je peux retrouver des vers des trois catégories, il me faudra EDUCATIONS DE VERS A SOIE. 39 probablement plusieurs années pour les ramener à leur état de pureté. Si je peux, j'essaierai. Il me reste maintenant h vous entretenir du résultat que j'ai obtenu avec les vers Yama-maï; et tout d'abord je reviens sur cette particularité, que j'ai eu l'honneur de signaler à la Société dans la séance du 30 avril dernier, à savoir que la graine provenant directement du Japon n'a rien donné du tout, car sur cinq ou six cents œufs que j'avais de cette origine, il m'est éclos à peine quatre ou cinq avortons qui n'ont pas vécu seulement huit jours. Heureusement j'avais reçu de mon ami, M. Guérin-Méneville, 25 œufs provenant d'une éducation conduite avec succès par M. le comte de Breton, en Autriche, et une cinquantaine en- viron, issus d'une autre éducation réussie en Provence, par M. Scribe. Ces œufs n'ont pas tous éclos, par la raison que, même parmi les meilleurs, il s'en trouve toujours un certain nom- bre qui sont stériles, mais à partir du 12 avril ils ont com- mencé à donner des larves. Quelques-unes étaient très-belles et bien venantes, quelques autres étaient médiocres, et d'au- tres enfin assez chétives. Ces dernières sont mortes à la pre- mière mue ou, au plus tard, pendant le deuxième âge. Le fait est qu'au commencement du mois de juin, j'avais une vingtaine de larves qui me donnaient la plus grande con- fiance. Cependant la température s'étant abaissée notable- ment, alors, ainsi que j'ai dit à l'occasion des vers du mûrier, malgré qu'elle n'ait point rendu malades les feuilles des chênes, j'ai la conviction qu'elle a apporté un trouble sensi- ble dans la constitution de mes Yama-maï. Effectivement, ceux qui étaient au moment de faire leur quatrième mue ont langui, le sommeil pour quelques uns a duré huit ou dix jours, le changement de peau s'est fait pé- niblement, et le cinquième âge s'est singulièrement pro- longé. Ces conditions mauvaises m'ont enlevé cinq ou six larves qui ont péri de misère ; trois sont mortes par accidents; deux vers très-beaux se sont tachés et ils sont morts presque /|0 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. entièrement noirs ; le 27 juillet, une larve qui avait au moins cent jours d'existence, puisque les dernières naissances étaient du 18 avril, est morte en cherchant à s'envelopper de feuilles, pour commencer son cocon. Au total j'ai obtenu dix cocons médiocres de dimensions et médiocres aussi comme épaisseur de soie. Le premier a été commencé le 25 juin; le second le 28 ; le troisième le 29; le quatrième et le cinquième le 1er juillet ; le sixième le 7 ; le septième le 9 ; le huitième le 20 ; le neu- vième le 23, et le dixième le '2k. Avec dix cocons, j'aurais dû me croire assuré d'obtenir de la graine: mais ma mauvaise chance, forcée en quelque sorte, cette fois, par l'intempérie du mois de juin, avait ré- parti les nymphes sur une période de près de trente jours en les fractionnant en trois groupes assez écartés les uns des autres. Le premier comprenait cinq cocons échelonnés sur un espace de six jours , du 25 juin au 1er juillet. Le deuxième n'a- vait que deux cocons séparés par un intervalle de quarante- huit heures, du 7 juillet au 9 ; le troisième se composait de trois cocons du 20 au 2A juillet. Dans de semblables conditions, mes espérances ne pou- vaient être que bien faibles, et aussi le résultat n'a-t-il guère été plus brillant que les années précédentes. Le 3 août, entre neuf et dix heures du soir, le cocon n° 1 a donné un papillon mâle de la variété jaune, au bout de qua- rante jours. Le h, au soir, il est sorti après trente-huit jours, du coco n° 2, encore un papillon mâle, mais de la variété brune. Le 7, toujours le soir, et au bout de quarante jours, il est éclos du cocon n° 3 une femelle de la variété jaune, et je me suis empressé de la réunir au mâle n° 2, qui attendait depuis trois jours et dont les ailes étaient déjà avariées par les mou- vements violents qu'il avait faits en se débattant dans sa cage. Le mâlen0 1 était déjà épuisé et n'avait plus la force de voler. Le 8 au soir, le cocon n° 6 a donné une femelle brune, au bout de trente-neuf jours. Pour celle-ci, les conditions deve- ÉDUCATONIS DE VERS A SOIE. M naient bonnes, s'il éclosait un mâle le lendemain ou le sur- lendemain, car les femelles résistent un peu plus longtemps que les mâles, et se tiennent d'ailleurs beaucoup plus tran- quilles dans leur prison. Et puis le n° h ne devait pas tarder à sortir! Mais, bêlas! je n'ai plus eu de papillons pendant sept jours de suite, et dès le 11, pendant la soirée, trois jours après son éclosion, la pauvre femelle, vierge par force, a com- mencé à se débarrasser de ses œufs. Dans la soirée du 15, le n° 6 a donné, au bout de quarante jours de cocon, un mâle jaune. Malheureusement c'était trop tard, mes deux premières femelles étaient mortes. Le 17, j'ai ouvert le cocon n" k qui avait déjà quarante-huit jours ; il contenait la nymphe d'un papillon mâle ; elle était en bon état et parfaitement vivante. A partir du 15 août jusqu'au 8 septembre, je n'ai plus rien vu; mais le 8 au soir, le'cocon n° h, où je savais que se trou- vait un mâle, a donné un papillon jaune, après soixante-dix jours ; et le surlendemain 10 au soir, j'ai eu du n° 7, après soixante jours de cocon, une femelle brune. J'ai donc été contrarié jusqu'à la fin, puisque cette femelle ne venait que quarante-huit heures après le mâle qui se trouvait déjà affai- bli quand j'ai pu les mettre ensemble. Se sont-ils accouplés? je ne l'ai pas vu ; et j'ai tout lieu de croire que non, car les œufs pondus par cette femelle sont aujourd'hui fombiliqués de façon à ne pas laisser le moindre espoir. Le 17 septembre, j'ai ouvert les trois derniers cocons qui avaient de cinquante-cinq à cinquante-neuf jours. Dans le n° 8, j'ai trouvé un mâle mort sans avoir eu la force de se dé- gager complètement. Le n° 9 renfermait une femelle dans les mêmes conditions, et dans le n° 10 il y avait une chrysalide dont l'intérieur était en putréfaction et qui appartenait à un mâle. Si l'éducation des Yama-maï a si mal tourné en 1869, je crois devoir l'attribuer au temps déplorable que nous avons eupendantle mois de juin ; et pourtant je conviens qu'elle aélé bien moins contrariante, pour moi, que les deux précédentes, puisque cette fois au moins j'ai eu des papillons des deux Zj2 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. sexes , et que sur dix nymphes, il y a eu quatre femelles dont une, il est vrai, n'a pu se dégager entièrement de sa chrysa- lide ni pcrcerson cocon. Sur les sept papillons qui sont éclos, cinq sont sortis du trente-huitième au quarantième jour; un est venu le soixan- tième jour, et un enfin le soixante-dixième, ce que je n'avais ni vu, ni entendu dire. Dans mes éducations précédentes, j'avais remarqué que la sortie des papillons arrivait généralement vers le quarante- cinquième jour; si l'on prenait la moyenne pour cette année on trouverait quarante-six jours. Ce qui est constant, c'est qu'elle a toujours lieu dans la première moitié de la nuit. Les femelles qui me sont venues cette année étaient de taille médiocre et leur abdomen n'était pas gros proportion- nellement. L*e mâle venu le dernier, quoique bien fait, était aussi de petite dimension. La première femelle a pondu 68 œufs; la seconde, qui n'a pas eu demàle, en adonné 4 5, et la troisième ûl. Ces pontes sont bien faibles si l'on considère que les pontes ordinaires vont à 420 et même à 150 œufs. C'est du moins ce que j'a- vais obtenu la première fois que j'ai eu des femelles vraiment fécondées. NOTE SUR LE JARDIN DE L'USINE HYDRAULIQUE d'ismaïlia, Par M. PIERRE. Le terrain primitif d'ismaïlia est du sable mélangé d'un peu d'argile. Le terrain actuel du jardin, qui entoure l'usine hydrauli- que et qui se trouve adossé à une dune de sable mouvant, est de même nature que la dune, c'est-à-dire du sable très-fin et très-pur, que le vent du Nord a apporté du désert, sur le sol primitif, pendant une longue suite de siècles. L'épaisseur de la couche de sable varie : elle a dans la por- tion élevée du jardin h mètres, tandis que dans la partie basse elle n'est que de 75 centimètres. Dans la dune voisine, l'épaisseur de la couche de sable est la hauteur même, soit 15 mètres environ. Le terrain primitif, desséché depuis les temps où il était couvert par les eaux de la mer, a retenu le sel qu'il renfer- mait alors, et c'est ce qui explique la grande salure de l'eau obtenue en creusant le sol. L'emplacement de l'usine hydraulique ayant, été fixé, un hectare de terrain fut concédé à l'entrepreneur. Le terrain fut clos par un mur, afin d'empêcher le sable de la dune de le recouvrir au moindre vent, et pendant que la Compagnie s'oc- cupait d'amener l'eau douce à l'usine projetée, et de bâtir les premières habitations d'ismaïlia, l'entrepreneur élevait ses constructions et disposait les pompes qui devaient bientôt alimenter d'eau douce Port-Saïd et les campements intermé- diaires. Ceci se passait en 186*2-1863. L'installation des machines terminée, M. Lasseron s'occupa de créer un jardin. Après avoir divisé le terrain, tracé des sentiers et installé des conduites d'irrigation, il planta une !lh SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. collection variée d'arbres et d'arbustes qu'il fit venir d'A- lexandrie: il planta aussi des Mimosas, des Saules, des Sar- ments de vigne et quelques boutures de Peupliers. Tous les arbustes venus d'Alexandrie périrent, le terrain n'étant pas suffisamment préparé à les recevoir. Les Vignes seules, les Mimosas et les Peupliers réussirent en partie. Les Mimosas surtout avaient trouvé le sol qui leur convenait. C'est ainsi que nous avons eu de ces sortes d'arbustes qui, après deux années de plantation, sont arrivés à avoir 50 centimè- tres de circonférence ; les Peupliers et les Saules ne prospè- rent qu'à la condition d'avoir Le pied dans l'eau. En 1865, M. Lasseron, après avoir augmenté l'importance de l'usine hydraulique par l'adjonction d'une nouvelle ma- chine et d'une nouvelle conduite, se lit remplacer par M. Pierre, qui devint depuis régisseur de l'usine pour le compte de la Compagnie. M. Pierre habitait l'Egypte depuis plus de quinze ans déjà et il s'était toujours occupé d'horticulture. Il chercha donc, dans les loisirs que lui laissait sa nouvelle po- sition, à introduire dans l'Isthme les arbres et les plantes d'Europe, d'Egypte et des Indes, qui pouvaient convenir au désert. Il fit venir d'Europe une quantité de graines et de plantes, et les résultats qu'il a déjà obtenus le mettent à même d'af- firmer que l'on peut, sans grande dépense, mais avec des soins, obtenir à peu près toutes les cultures des climats tem- pérés. Dans les cultures maraîchères, il signale principalement celle des Asperges qui donne des résultats merveilleux. Ainsi il fit venir, en décembre 1865, trois cents griffes d'Asperges de quatre ans, et dès le mois d'avril suivant, c'est- à-dire après quatre mois de plantation, les griffes fournis- saient abondamment des Asperges, dont la récolte se continua jusqu'en juin. Elles recommençaient à produire fin septem- bre de la même année jusqu'au mois de novembre, en sorte qu'il y eut deux récoltes. Depuis ce temps et deux fois par an les mêmes griffes sont en pleine production, JARDIN DR L'USINE HYDRAULIQUE d'iSMAÏLIA. lib C'est là certainement un beau résultat, d'autant plus appré- ciable que l'Asperge, très-recherchée en Europe, l'est d'autant plus en Egypte qu'elle y est presque inconnue. M. Pierre fit venir aussi des fraisiers de montagne ainsi que des fraisiers des quatre saisons : Les premiers seuls réus- sissent très-bien, ils donnent un fruit beaucoup plus petit, il est vrai, mais beaucoup plus parfumé et plus abondant que les fraisiers de Smyrne, dont l'introduction en Egypte re- monte à de longues années. — Nous allons laisser parler 31. Pierre. — Les fraisiers que je plantai, dit-il, produisirent des fruits après cinq mois, depuis ils se sont multipliés à l'in- fini et ils donnent à chaque printemps une abondante récolte qui dure deux mois. De nombreux replants ont été pris au jardin de l'usine, pour èlre portés dans les divers jardins de l'Isthme ; j'en ai même envoyé à Alexandrie, ils ont produit et les fruits ont été fort appréciés. Je fis la remarque que les arbustes et les plantes qui se trouvaient à proximité des 31imosas dépérissaient, ce que j'at- tribuai au chevelu de leurs vigoureuses racines qui se répan- dent au loin, quoique peu profondément enfoncées dans le sol. Aussi je les lis tous arracher (en vieillissant d'ailleurs ils deviennent fort laids), et je les remplaçai par des arbres frui- tiers, des Pêchers, des Pommiers, des Poiriers, des Chàtai- gners, des Orangers, des Grenadiers, des Citronniers, des Figuiers, etc., etc. — Aujourd'hui tous ces arbres sont vigou- reux et ils ont produit, depuis deux ans, d'excellents fruits. J'en excepte pourtant les Pommiers, les Poiriers, les Chàtai- gners qui végètent tristement, donnent des fleurs, mais pas de fruits. En revanche, les Pêchers sont prodigieux de force-, — les branches écrasent sous le poids des fruits, et l'activité de leur végétation est telle que des noyaux plantés au moment de la récolte, soit en mai ou juin, produisent des arbres qui don- nent abondance de fruits deux ans après. La Vigne a prospéré aussi d'une manière remarquable. En #6 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. 1866, nous avons eu les premiers raisins et j'ai fait, l'année suivante, deux petits barillets de vin, dont un seul a réussi, le contenu du second barillet étant devenu acide. Ce vin a été fait de la façon suivante : Les raisins mis dans un tonneau ont été écrasés et n'ont pas tardé à fermenter. Tous les jours, matin et soir, je fis renfoncer les marcs qui venaient à la surface, et huit jours après, je tirai le vin. La fermentation continua pendant vingt jours dans les ba- rils; après quoi, le vin s'éclaircit et je le mis en bouteilles. A ce moment il était tout au plus buvable. Cette année il est assez bon ; il a un goût particulier que quelques per- sonnes trouvent agréable. Lors de l'inauguration du canal maritime de Suez, j'ai eu l'honneur d'en faire goûter à M. Duruy, qui a bien voulu me demander ce petit travail sur l'horticulture à Ismaïlia. Cette année, j'ai fait 60 litres de vin seulement ; mais j'ai extrait le jus au moment de la vendange et la fermentation a eu lieu dans le baril où je l'avais renfermé. Elle a duré un mois, après quoi le vin s'est éclairci : il a été mis en bou- teilles fin août et il est à peu près comme celui de l'année dernière. L'an prochain, je me promets d'essayer de faire du vin de paille. Une partie de la vigne est en berceau, l'autre partie est en plein champ avec des roseaux secs pour échalas. Elle se taille d'une tout autre manière qu'en France. Au lieu de la couper très-court, on lui laisse de longues branches, et c'est surtout à l'extrémité de ces branches que viennent les raisins. Je me suis assuré par expérience que la taille de la vigne, telle qu'on la pratique en France, détruit en Egypte la vigueur du bois sans lui faire produire des fruits. En 1866, la Compagnie ayant concédé temporairement un nouveau terrain de plus d'un hectare au Sud de l'usine et arrosé directement par le canal de ceinture, je plantai ce ter- rain, après l'avoir nivelé, de divers arbres et arbustes; à par- tir de novembre 1866 jusqu'en février 1867, je plantai no- JARDIN DE L'USINE HYDRAULIQUE d'iSMAÏLIA- rl7 (animent 800 boutures de deux ou trois espèces et j'obtins sur quelques pieds des fruits au mois de juin suivant, soit six mois après. Les deux récoltes de 1868 et 1809 furent très-abondantes. J'estime qu'un hectare de vigne en rapport et dans les mêmes conditions produirait une récolte d'une valeur de 5 à 6000 francs. Comme chose remarquable, je citerai un cep de vigne, planté il y a quatre ans, qui a produit cette année IZ18 grappes dont quelques- unes pesaient de 500 grammes à 1 kilogramme. Je citerai aussi une grappe dont le poids a été de 2700 gram- mes. Les Muscats, les Pinots de Bourgogne, les Chasselas de Fontainebleau, les raisins noirs à gros grains de Lyon ont donné de bons fruits — la peau du grain est toutefois plus épaisse qu'en France; je fais venir des îles de la Grèce, pour les planter en janvier prochain, toutes les variétés de vigne que l'on pourra se procurer. J'espère par ce moyen arriver à rencontrer les espèces de raisin les meilleures pour obtenir du bon vin sous ce climat ; car j'ai la conviction profonde qu'il y a là une question de fortune et d'avenir pour le pays. D'ailleurs, et en supposant même que l'on ne cultive la vigne que pour en manger le fruit, combien il sera agréable aux équipages des navires qui doivent traverser l'Isthme de rencontrer à Ismaïlia du raisin en abondance, à une époque où l'on n'en a pas en France. 11 est une autre culture, que j'ai faite à titre d'essai et qui m'a également bien réussi en dépit des prédictions contraires que l'on m'avait faites : je veux parler de la culture de la canne à sucre. Depuis trois ans, j'ai obtenu dans le sable pur, mais fré- quemment arrosé, des cannes aussi belles que celles de la haute Egypte, et je suis arrivé à ce résultat qui étonnera certainement beaucoup de personnes, c'est qu'il ne faut que de Feau limoneuse, du soleil et du sable pour donner des cannes à sucre. Or, les J9/200 de l'eau du Nil s'écoulent dansla 48 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. mer en pure perte, les jours de soleil au désert sont de 360 sur 365 et le sol est du sable pur. L'Egypte et notamment le désert qui avoisine le canal d'eau douce peuvent donc trouver d'immenses ressources dans les cultures précitées, mais il lui faut des hommes d'initiative et des bras. Les bras se trouveraient facilement ou seraient remplacés par des machines tout aussi bien qu'en Europe, mais l'impulsion manque, et il est de notre devoir de la don- ner dans la limite de nos moyens en prêchant par l'exemple et en donnant connaissance des faits acquis à ceux qui veulent bien les examiner. Plusieurs planteurs des îles de la Réunion allant en France ou retournant dans leur pays sont passés par le canal de Suez pour juger de près et admirer les immenses travaux de la plus grande œuvre de notre époque. Quelques-uns sont venus visiter l'usine hydraulique et son jardin qu'ils ont vu dans tous ses détails. Je citerai, entre autres, le comte de Lagrange et M. A. de Bragard, planteurs connus et qui ont dit, en voyant les belles cannes à sucre que produit le sable du désert fécondé par l'eau du Nil , qu'un jour les produits du désert d'Egypte lutteraient avec avantage contre les leurs. Je veux espérer que bientôt nous verrons ici des hommes ardents et plus capables que moi de fertiliser le sable par la culture. Les Dattiers poussent partout où se trouvent des noyaux de Dattes recouverts de sable. Quelques Dattiers venus de l'intérieur et replantés à Ismaïlia ont déjà produit des fruits savoureux. Les Dattiers, que j'ai au jardin de l'usine, sont moins avancés, ils résultent de semis faits sur place depuis quatre à cinq ans seulement. Mais ils sont de la plus belle croissance et promettent pour l'avenir. Les essais de Coton n'ont pas réussi. La première année que j'en ai planté (en 1867) je n'ai obtenu qu'une maigre ré- colte et du Coton à soie très-courte, quoique la semence pro- vint d'une excellente qualité. La récolte de 1868 — j'avais fait venir la semence de Lagazig — a donné du Coton avorté. Les gousses, avant de s'ouvrir à maturité, étaient mangées par les pucerons. JARDIN DE L'USINE HYDRAULIQUE d'iSMAÏLIA. Ai Depuis, j'ai renoncé à cultiver le Coton, puisqu'il dégénère et j'ai la conviction qu'il fauta cette plante une terre com- pacte et végétale, que nous n'avons pas encore au désert. Je reviens aux cultures maraîchères. Ces cultures donnent des résultats satisfaisants en général ; mais il est à observer que les Choux, les Choux-fleurs, les Artichauts et les Melons viennent difficilement, — ils sont d'ailleurs d'assez mauvaises qualité, tandis que les Salsifis, les Carottes, les Navets, les Sa- lades de toute espèce, les Haricots, les Petits pois, etc, etc, viennent parfaitement et sont très-bons. Les Pommes de terre ne se développent que pendant l'hi- ver en très-petite quantité, et il faut changer la semence chaque année. En revanche la Patate douce, connue ici sous le nom d'I- gname du Brésil, produit de magnifiques récoltes et ne de- mande presque aucun soin, cà la condition de lui donner sou- vent de l'eau. Comme cette Patate est très-sucrée, qu'elle est extrême- ment abondante et qu'elle n'a pas besoin de culture une fois plantée, il semble que, si on la plantait pour en extraire le sucre, on devrait trouver là une source de fortune. Ce légume commence à se répandre en Egypte et il est très-goûté des Arabes. Les semis de Bercimm (Trèfle blanc du pays) donnent un excellent fourrage à raison de cinq à six coupes pendant la saison (de décembre jusqu'en mai) . Toutefois la Luzerne d'Europe est préférable, attendu qu'elle produit toute l'année, et peut durer de six à huit ans au lieu que le Bercimm meurt chaque année au mois de mai et qu'il faut le semer à nouveau au mois d'octobre. La Luzerne demande à être plantée en sillons, et il faut que ces sillons soient souvent inondés. Les ressources que l'on tire des fourrages sontinappréciables à cause des animaux, que l'on peut élever sans difficulté, et à cause des richesses en humus que le sable acquiert lorsqu'il est converti en prairie artificielle. Une clôture en Boseaux secs entoure le nouveau jardin de h 50 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. l'usine. Elle a été doublée de plantations en Roseaux verts qui ont prospéré d'une façon surprenante. Les Roseaux secs sont d'un grand emploi en Egypte, et par cela même ils ont de la valeur. L'Orge croit partout au désert, quand on peut l'arroser ; les Fèves également. — Ce sont les seules cultures des Bé- douins nomades. Tous les hivers, aux bords du canal d'eau douce, principa- lement aux environs de l'Ouade (ancienne (erre de Gessen), on voit arriver des tribus de Bédouins. — Elles sèment de l'Orge et des Fèves, puis se retirent sitôt la récolte achevée. Le Maïs et le Sorgho réussissent moins bien; il leur faut autre chose que du sable. Les Oignons, dont on fait une si grande consommation dans le pays, viennent également au désert, mais ils sont de petite dimension et leur goût a de l'àcreté, tandis que ceux que l'on cultive dans le Delta sont très-gros et très-doux. Dans un des bassins de l'usine, se trouve une plante aqua- tique superbe et qui réussit admirablement: c'est le Nymphéa Nelumbo, de l'Inde, dont la fleur servit de berceau à Brahma. Cette plante autrefois si commune en Egypte, où elle était connue sons le nom de Lotus, avait complètement disparu du pays. Il y a deux ans quelle m'a été donnée, comme venant de Chine ; elle s'est développée très -vite, puisqu'en deux mois ses feuilles ont couvert son bassin de 400 mètres carrés; je cherche à la propager, car elle donne de très-belles fleurs parfumées et un fruit délicat, auquel les Egyptiens attribuaient la propriété de faire oublier la patrie. La plupart des visiteurs, qui assistaient aux fêtes de l'inau- guration du canal de Suez et qui sont venus à l'usine ont emporté des graines de Nelumbo, mais je doute que l'on parvienne à acclimater cette plante en Europe. Quelques officiers de la marine Impériale de France fai- sant la ligne de l'Inde, de la Chine et du Japon, ont bien voulu me rapporter diverses plantes, entre autres de jeunes plants d'Ananas qui, mis en terre il y a six mois, sont vigoureux au- JAI'.DIN DE L'USINE HYDRAULIQUE d'ISMAÏLIA. 51 jourd'hui, ont pris un grand développement et paraissent de- voir bientôt montrer leurs fruits; des graines de Papayers, des noyaux de Mangues, des noix de Coco,m'ont été aussi don- nés. Le tout a été religieusement planté et j'ai déjà de très- beaux Papayers, desDoums, des Anona thêrtmoia, Un Coco- tier, etc., etc. — J'attends avec impatience le développement de toutes ces plantes, dont quelques-unes peut-être voudront bien s'acclimater au désert, car le pays paraît convenir à bon nombre de plantes tropicales, ainsi qu'à la plupart des arbres de l'Inde et delà Chine. Je serais heureux de pouvoir réussir les graines qui m'ont été données et je soigne avec amour toutes les plantes que l'on veut bien m'adresser. Les arbustes à fleurs sont d'une grande variété en Egypte et nous les avons presque tous au désert, nous cultivons les Poincetia avec leurs grandes feuilles florales du plus beau rouge, les Bignonias variés, les Hibiscus, les Acacias, les Lau- riers roses et blancs qui viennent en touffes serrées, donnent des fleurs tout l'été et une verdure splendide en hiver. Parmi les plantes grimpantes je citerai les Convolvulus, les Chèvrefeuilles, le Cryptostegia grandiflora, Xlpomea alba et d'autres plantes dont les noms me sont inconnus et qui cou- vrent des tonnelles en quelques mois. Les Arum, les Caladium poussent aussi très-vigoureux au bord de l'eau, et j'ai dernièrement mesuré une feuille de Ca- ladium ayant 80 centimètres de largeur sur 95 de hauteur. Une variété de ces Caladium à grosse bulbe, appelés dans le pays Koidayss, est un mets très-recherché des Egyptiens qui le cultivent en grand dans les parties du pays facilement arro- sables ou marécageuses. Le bambou de l'Inde réussit également. J'en ai deux beaux échantillons qui me viennent du Caire et qui ne seraient point déplacés sur les rives du Gange : Les Bananiers viennent moins bien, il leur faut de l'humus et une terre grasse, peut-être même un peu salée, car ils réussissent parfaitement à Port-Saïd au bord de la mer où le sol ne date pourtant que de quatre ans: Ce sol est le produit des dragages du port et il fut pendant des siècles couvert par les eaux du lac Menzaleh. 52 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGÏQUE D'ACCLIMATATION. Les notes qui précèdent ont été faites à la hâte, c'est pour- quoi elles sont un peu décousues ; qu'il me soit permis de finir par quelques réflexions générales : L'Egypte est encore un pays primitif sous bien des rapports, et en particulier sous le rapport de l'horticulture. Aucune innovation ne se fait; l'indolence du fellah s'y op- pose ; il se contente de cultiver les légumes et les fruits que cultivaient ses aïeux, et il le fait de la même manière qu'on le faisait autrefois. Le fleuve qui donne a vie au pays arrose ce qu'il arrosait il y a des siècles. A côté du terrain cultivé, on voit le désert, et souvent même on le rencontre au milieu d'une végétation luxuriante, comme un rocher au mi- lieu de l'océan. Pourquoi ces parties infertiles? est-ce parce que l'eau manque? non, il y en a dans le fleuve vingt fois plus qu'il n'en faut. Mais c'est qu'il faudrait l'élever, soit à l'aide de canaux dérivés en amont, soit mécaniquement, et il y a encore tant de terres incultes et facilement arrosablçs, et puis le peuple est si insouciant; il a si peu de besoins d'ailleurs. — Ce n'est qu'en lui prêchant d'exemple, ce n'est qu'en le stimulant par un appât facile à obtenir que l'on peut espérer lui donner le désir de s'entourer du bien-être, au milieu du- quel l'Européen aime à vivre, et pour revenir à mon sujet, si des essences d'arbres se multipliant aisément, le Saule, le Peuplier, parexemple, étaient plantés le long des canaux d'ir- rigation ou le long du fleuve dans la partie nord de la basse Egypte, ces arbres fourniraient par l'ébranchage des quan- tités considérables de combustible. Le Fellah ne serait pas obligé de faire cuire ses aliments avec les excréments dessé- chés des animaux ; de semblables plantations seraient pour- tant faciles et je ne cesse d'engager autant qu'il est en mon pouvoir les Arabes à les faire, car c'est leur rendre un véri- table service et c'esl embellir leur pays en l'assainissant. LA TRUFFE, Par M. Henri JOHANET. Nous avons pensé qu'on lirait avec intérêt le résumé de l'ouvrage que M. Chat in vient de publier sur ce sujet : Le précieux champignon qui figure, à si juste titre, sur nos tables de luxe, était connu dès la plus haute antiquité. Un gastronome du xvne siècle prétend même la reconnaître dans le dudain des Hébreux, dont il est parlé au livre de la Genèse. Ce qu'il y a de certain, c'est que Pythagore, Théophraste, Dioscoride, Cicéron, Pline le naturaliste, Juvé- nal, Galien et beaucoup d'autres parlent de la truffe dans leurs ouvrages. L'usage alimentaire de la truffe s'introduit, dit on, d'Es- pagne en France au xive siècle ; mais ridiculisé par le poëte Deschamps qui écrivait sous Charles VI, cet usage ne com- mence vraiment à se répandre que sous François Ier, qui l'avait fort apprécié durant sa captivité à Madrid. Les Truffes croissent en des pays très-divers. Cependant, on peut, dire que c'est particulièrement un produit des cli- mats tempérés. Aussi, la plupart des provinces de la France sont riches en truffières. D'où procède la truffe? Quelle est sa nature propre? Bril- lât-Savarin a dit : « On la trouve, mais on ne sait ni comment elle naît, ni comment elle végète ». Il y a dans ce propos une véritable ingratitude de la part du célèbre gourmet. Les natu- ralistes n'ont pas si facilement abandonné la partie. Diverses opinions ont été formulées sur la nature de la truffe. On a dit : C'est le produit d'une fermentation de la terre. Mais un grand nombre de faits péremptoires sont absolument contraires à cette théorie. C'est une excroissance ayant pour origine première un suc tombé des feuilles. Le point de départ d'une pareille hypo- bh SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. thèse, que la science repousse aujourd'hui, fut la découverte inexplicable d'une truffe dans du marc de raisin, que conte- nait un tonneau défoncé placé sous un chêne et en recevant les égoutures. Les uns ont prétendu que les truffes étaient de simples tubercules des racines auxquelles on les trouve quel- quefois adhérentes. Mais il est bon d'observer que cette adhé- rence est très-exceptionnelle et qu'il n'y a pas de continuité organique entre les prétendus tubercules et les radicelles qui s'y trouvent accidentellement engagées. Les autres soutiennent que la truffe est un fruit souterrain, ou bien encore une galle se développant sur les racines à la suite de la piqûre d'une certaine mouche. Dans la première hypothèse, on suppose toujours l'adhérence aux racines d'un arbre, et nous venons devoir qu'elle n'est qu'accidentelle. La seconde hypothèse a de nombreux partisans : mais il importe de remarquer qu'ils ne sont pas même d'accord sur la nature et la couleur de la prétendue mouche truflfigène et qu'on n'a jamais pu découvrir la galerie de sortie de l'insecte. Restent deux opinions : la truffe est un champignon para- site; la truffe est un champignon non parasite. Tout végétal parasite vit aux dépens de la vie d'autres es- pèces, auxquelles il prend les matériaux de nutrition. Or, cette théorie tombe, dans le cas présent, devant l'observation attentive des cas très-rares d'adhérence à la racine des arbres. Il faut donc conclure en disant que la Truffe est un champi- gnon non parasite. Telle est, du moins, l'opinion très-arrêtée de M. Chatin, professeur de Botanique à l'École de Pharmacie de Paris, membre de l'Académie de Médecine, qui vient de publier un livre plein d'observations judicieuses sur la Truffe et les conditions générales de la production truffière. « La Truffe, dit-il, est bien un Champignon et un Champignon non parasite, dans la vraie acception de ce terme; seulement, elle est souterraine ou hypogée, comme tout l'ordre naturel auquel elle appartient Si l'on objectait que l'on n'a pas encore observé la germination de la Truffe, je demanderais si l'on connaît mieux celle de beaucoup de Champignons épigés dont on ne conteste pas cependant, la nature. » LA TRUFFE. 55 On compte une grande variété de Truffes : la plus estimée est la Truffe noire, qui est assez commune dans les diverses contrées centrales et méridionales de la France. Chacun sait que de toutes les essences forestières, les Chênes sont les plus favorables à la production de la Truffe ; mais on trouve celle-ci sous beaucoup d'autres végétaux dont les principaux appartiennent, comme les Chênes, à la famille des Amcntacées. On la rencontre également sous le Noisetier, le Coudrier, le Charme, le Châtaignier, le Hêtre, le Bouleau, le Tremble , le Peuplier , le Platane , le Pin sylvestre , l'Orme, etc Le sol est, on le comprend, l'un des éléments les plus im- portants de la production truffière. La Truffe ne vient pas dans les terrains essentiellement siliceux. Par contre, la trop grande humidité lui est nuisible : telle vallée dont la terre est de même nature que celle des collines qui l'encais- sent, ne produira pas de Truffes si l'humidité y est stagnante, tandis que les pentes bien égouttées de ces collines donneront en abondance le précieux tubercule. Les terres favorables à la Truffe sont les sols calcaires et secs. Si, partant de Poitiers, on se rend à Périgueux en passant par Limoges, on peut s'as- surer, dit M. Chalin, que des truffières existent de Poitiers aux environs de Monlmorillon, où se montrent, sans interrup- tion, des roches calcaires; peu après Monlmorillon, commen- cent les terrains granitiques qui s'étendent jusqu'à Limoges, et de Limoges, aux approches de Thiviers; or, les truffières, qui ont disparu dès que s'est montré le granité, apparaissent de nouveau entre Thiviers et Périgueux, d'où elles s'irradient sur les terrains calcaires, pour s'arrêter encore contre les massifs granitiques et volcaniques.de l'Auvergne, du Yivarais et de la Vendée. Le centre et le midi de la France sont la patrie préférée de la Truffe. À quelques exceptions près, elle habite au delà de la Loire. C'est une opinion populaire en Périgord que la bonne Truffe ne se rencontre que dans les cantonnements qui donnent du bon vin. Une chaleur trop grande lui est défavo- rable et la fait se boiser, suivant l'expression des truftîers. Un 56 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. froid trop considérable détruit complètement les truffes. L'hi- ver de 1867-1868 a gelé plus des trois quarts des Truiïes du Périgord. La présence des Truffes dans la terre est indiquée par des caractères révélateurs, auxquels lestrufïîers prêtent une grande attention. Elles se signalent au chercheur par l'état appauvri ou même l'absence complète de la végétation herbacée. Il n'est pas rare de voir des truffières se déplacer, alors l'herbe repousse sur le côté abandonné et se dessèche dans la direc- tion suivie par la truffière dans sa marche. Les mouches sont encore un indice de la présence des truf- fes. Il est en effet incontestable que certaines mouches volti- gent souvent, avant la saison froide, au-dessus des truffières. Enfin, disons pour mémoire, que les paysans de la Cha- rente croient reconnaître la présence des Truffes au pied d'un Chêne à la couleur de l'écorce, à certaines galles qui crois- sent sur le corps de l'arbre. La Truffe est d'abord blanche et molle, puis successivement gris brun, brun violet et violet noir. Le développement de l'arôme est parallèle à celui de la coloration. Les animaux employés à la recherche de la Truffe, qui la veille ne la sen- taient pas, la découvrent le lendemain, lorsque la maturation est parfaite. On croit généralement que la Truffe est une production spontanée et qu'il ne peut être question de sa culture. C'est une erreur. Nous sommes, il est vrai, dans l'enfance sur ce point, mais il est très-certain qu'on arrive à cultiver la Truffe, et que des progrès dans ce sens sont assurés à l'avenir. La première méthode consiste à essayer de la reproduction de la Truffe par elle-même. On signale quelques résultats heureux obtenus par ce moyen. Il en est autrement delà cul- ture indirecte qui consiste à semer des glands pour récolter des Truffes. Dans la Provence et le Poitou, et ailleurs, le système est en vigueur depuis de longues années. Mais au lieu de pren- dre les glands au hasard, il convient de choisir exclusivement pour les semis les glands venus sur les Chênes, au pied des- quels on a trouvé des Truffes. Le? cultivateurs du Midi font LA TRUFFE. 57 chaque année des expériences décisives, et les truffières se comptent aujourd'hui par centaines d'hectares. Il importe de considérer dans les semis, outre le choix des glands, la saison, les distances, l'orientation. La saison la plus favorable est, le commencement du printemps. Le sol, dans lequel on se pro- pose de créer des truffières, ne demande pas une défonce pro- fonde : un ou plusieurs labours, suivant les herbes à détruire, engagés de '20 centimètres, seront suffisants. Jusqu'à ce que les truffières marquent, savoir pendant les cinq ou six pre- mières années de la plantation, on donnera deux labours par an, au printemps et en automne. Mais dès que les truffières apparaîtront, on ne conservera que le labour du printemps, l'expérience ayant établi que la terre des truffières ne doit plus être remuée, passé le mois de mai, sous peine d'arrêter la production , au moins pour un certain temps. Beaucoup rejettent l'emploi des fumiers pour l'engrais des truffières, mais les feuilles de Chêne et de Châtaignier sont générale- ment favorables à la culture de la Truffe. Les irrigations peu- vent également avoir un bon effet, mais seulement dans le cas où les terres sont susceptibles d'un parfait et rapide assainis- sement. L'abatage ou recépage des arbres truffiers fait disparaître pour une longue période d'années, sinon pour toujours, les truffières qui existaient au pied de ces arbres ; l'élagage des maîtresses branches d'un gros arbre a des résultats à peu près analogues. On a constaté ce curieux détail , qu'à mesure que les arbres grandissent, la truffière s'en éloigne en décri- vant autour d'eux un cercle qui va en s' agrandissant, parallè- lement à la couronne des branches, ou mieux, des racines. La récolte de la Truffe a lieu successivement, comme sa maturation, de novembre à mars. Cette récolte a lieu de deux manières : 1° Recherche et récolte à l'aide du Porc. C'est le moyen le plus connu. On se sert le plus souvent de la Truie pour cette chasse, sa docilité étant plus grande et son odorat plus fin. Le Porc chasse au vent, comme le Chien. Il aspire les émana- tions de la Truffe parfois de fort loin, de AO à 50 mètres. Il 58 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQÛE D'ACCLIMATATION. va droit à la Truffe, enfonce son groin en terre, à une ou plu- sieurs reprises, suivant que la Truffe est superficielle ou pro- fonde, et met, dans tous les cas, celle-ci à nu dans un temps très-court. Alors il tient son travail comme complet, regarde son maître et attend son salaire, consistant en quelques glands. On n'a garde de l'oublier, car il témoignerait son méconten- tement par des grognements et surtout en refusant de se re- mettre en chasse. Le Porc peut chasser depuis l'âge de deux ans, jusqu'à quinze, vingt et même vingt-cinq ans, mais il n'a toutes ses qualités qu'à l'âge de quatre ans. 2° Recherche et récolle par le Chien. Le Chien est employé à la chasse de la Truffe dans le haut Dauphiné, la Champa- gne, la Bourgogne, la Bresse, les environs de Paris, sur quel- ques rares points de la Provence, du Languedoc et du Péri- gord. Le Chien est plus particulièrement l'aide du truffier marron, qui braconne le jour et souvent au clair de la lune. Les Chiens dressés à cette chasse sont des roquets de petite taille à poil ras, ou des barbets. On les forme en leur faisant chercher, cachées sous un peu de terre, de petites Truffes, ac- compagnées d'un morceau de lard qu'on leur abandonne comme récompense. Le Chien évente les truffières, s'en ap- proche en aspirant l'arôme et s'arrête sur les Truffes mûres qu'il cherche à déterrer en grattant vivement le sol droit au- dessus d'elles. Dans certains pays, on les habitue à marquer seulement de la patte la place où est la Truffe. Le Chien du chercheur de Truffes se passionne pour son métier comme le Chien de chasse. On en voit quelquefois marquer bruyam- ment leur joie d'avoir trouvé une belle Truffe ; être tristes, au contraire, et porter la queue entre les pattes quand la chasse a été malheureuse. Les Truffes se trouvent dans le sol à toutes les profondeurs, depuis l'extrême surface jusqu'à un mètre environ, assez sou- vent, elle est assez près pour soulever la terre en petite tau- pinières ou produire de légères fentes. Il va sans dire que, pour les avoir avec toutes leurs quali- tés, il ne faut récolter les Truffes que lorsqu'elles sont mûres. Ici se montre toute la supériorité du Porc et du Chien, qui ne LA TRUFFE. 59 fouillent que les Truffes mûres, laissant celles auxquelles un seul jour manque encore pour arriver à cet état. Les modes d'exploitation de la récolte sont variés. Dans un grand nombre de pays, la récolte des Truffes est laissée libre. Certains propriétaires exploitent par eux mêmes leurs truf- fières, en louant les Porcs et les Chiens nécessaires pour le temps de la chasse. Le partage de la récolte entre le proprié- taire et le chercheur a lieu dans beaucoup de contrées, sur- tout en Périgord. Mais le meilleur mode d'exploitation, avec, celui où le propriétaire récolte lui-même, est l'affermage à prix d'argent, C'est à ce mode que se rattachent chaque jour les propriétaires de nos riches contrées truffières. Le prix du fermage varie de ,20 à 100 francs l'hectare. M. Chatin , dont nous avons signalé l'intéressant ouvrage, et à qui nous empruntons ces détails, a établi la statistique de la production truffière en France. Il commence par attribuer aux Truffes une valeur moyenne conventionnelle de 10 francs le kilogramme, prix de revient. Voici, d'après cette base, quels sont les départements les plus productifs : Arclèche 250 000 francs. Aveyron /l00 000 — Charente Zi00 000 — Corrèze 150 000 — Dordogne 1 200 000 — Drôme 1 200 000 — Hérault 150 000 — Lot 3 000 000 — Lot-et-Garonne 300 000 — Bouches-dii-P.hône 200 000 — Var 200 000 — Vaucluse 3 800 000 — Vienne 250 000 — En tout, la production truffière s'élèverait en France à 15 881 000 francs, représentant 1 588,000 kilogrammes de Truffes. Le commerce français a exporté : En 1865, 57 33A kilogr.de Truffes fraîches ou conservées; 60 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. En 1866, plus de 60 000 kilogr. ; En 1867, 70 000 kilogr. La Russie et l'Angleterre sont nos principaux marchés à l'étranger. On le voit, le commerce des Truffes, qui date seulement de l'année 1770, est déjà important et tend à se développer de plus en plus, et à sortir d'une limite, que lui fixe une produc- tion jusqu'ici abandonnée, surtout dans le classique Périgord, aux seules forces de la nature.. Nous faisons, pour le progrès de la culture des Truffes, des vœux d'autant plus sincères que les propriétés alimentaires de cet excellent Champignon sont aujourd'hui constatées et reconnues. La Truffe, suivant l'opi- nion d'hommes expérimentés, nourrit bien et diminue la consommation de la viande dans les pays où elle est commune. C'est un aliment azoté, animalisé, très-nourris-ant. Contraire- ment à l'opinion du public, la Truffe n'est pas d'une digestion difficile. On a cité souvent, sur ce point, le témoignage du roi Louis XVIII : « Que pensez-vous des Truffes? demandait il un jour à son médecin Portai; je gage que vous les défendez à vos ma- lades. — Mais, Sire, je les crois un peu indigestes. — ■ « Les Truf- fes, docteur, ne sont pas ce qu'un vain peuple pense », répli- qua le roi, tout en terminant un gros plat de Truffes sautées au vin de Champagne. RAPPORT SUR DES CULTURES FAITES A BORDEAUX, DE GRAINES PROVENANT DE LA SOCIÉTÉ, Par M. Dl R1EU l'attention de nos vignerons, relativement à la nouvelle ma- » liulic de la Vigne, qui s'est montrée dans quelques localités » des environs de Cape-Town, mais n'a pas cependant encore » présenté un caractère alarmant, ni causé beaucoup de pré- » judice au commerce des vins. L'attention du docteur Becker, » entomologiste et micrographie allemand, fut d'abord excitée » par l'apparence appauvrie de quelques vignes du district de » Constance et un nouvel examen lui fit découvrir, à l'aide » du microscope, un petit et nouvel insecte de l'espèce Aca- » rus, vivant sur les racines et entre l'écorce et le bois de » la plante. Le préjudice, causé par cet insecte sur le bois de » la Vigne est dû à ce qu'il perce avec sa trompe les vaisseaux » à sève de la Vigne; ce liquide s'échappe par ces trous et » bientôt la vigueur du plant diminue et sa vitalité est, par » suite, détruite. En vous faisant connaître cette découverte » qui pourra aider à élucider quelques points d'une question » qui intéresse votre société, je peux mentionner que jus- » qu'à présent, quoique beaucoup de vignes paraissent dans » un état de santé parfaite, elles présentent une matière » bleuâtre et molle au toucher, si l'on soulève l'écorce avec le » doigt ou un inslrument; on aperçoit avec l'aide du micro- » scope que cette matière est du sucre bien cristallisé, mais » cet état ne se montre que sur les Vignes qui n'ont pas été » soigneusement cultivées et sur les plants chélifs, qui » souffrent de la présence de ces insectes et de l'écoulement » du suc sacchaiïn. Je ne puis vous envoyer dans une lettre » un spécimen de cet insecte, mais je vous adresse un petit » morceau de bois de Vigne attaquée par la maladie, avec » l'espoir que vous pourrez y trouver queljues indications » précieuses. Si vous désiriez un plus grand et plus parfait » spécimen pour faire des comparaisons et pour poursuivre » vos investigations au microscope, je vous l'adresserai par » le premier navire français qui touchera ici. Notre société » vous serait extrêmement obligée de vouloir bien lui fournir 72 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » quelques renseignements sur YAphis, qui a si fatalement » attaqué les Vignes en France et aussi sur les remèdes qui » ont été reconnus les plus efficaces pour combattre ce nouvel » ennemi ; comme nous souffrons ici de la même cause et » il serait peut-être possible que cela vienne de l'introduction » des Vignes de France, je désirerais connaître votre opinion » sur cet insecte et ses effets sur les pouvoirs productifs de » la Vigne. Ne pourrions-nous pas savoir quelle extension la » maladie a prise, si elle continue à se propager, ou si l'on a » pu arrêter son développement. La maladie, si elle peut être » ainsi appelée, ne s'est pas étendue chez nous, quant à » présent, au delà de quelques vignobles et n'est pas regardée » comme une cause de sérieuse alarme. V Oïdium n'a pas » disparu de la colonie, mais il a été matériellement arrêté » et circonscrit par l'application du soufre. En 1860, cette t> maladie se répandit dans toute la colonie avec une grande » violence, menaçant des plus sérieuses conséquences le » commerce des vins. » La sériciculture est grandement encouragée par toute la » colonie, et le Moras Alùa, ayant été introduit de France » dans presque chaque province, nous aurons bientôt une » ample provision de nourriture pour les Vers. En quelques » localités, la maladie n'a pas attaqué les Vers; en d'autres, » les pertes ont été grandes, même sur les œufs importés » directement du Japon. Si vous saviez quelque chose de nou- » veau sur cette importante branche d'industrie, je le rece- » vrais avec reconnaissance. » — M. J. Audiffred dépose sur le bureau des spécimens de ses cultures de Pommes de-terre et adresse le rapport sui- vant : « J'ai reçu, au mois de mars dernier, de la Société d'ac- » climatation, quatre petites Pommes de terre de la Colombie, » dites Marceau, du nom du navire sur lequel le capi- » taine Jules Vavin, qui en a fait cadeau à cette Société, les » a rapportées en France. Je les ai fait planter aussitôt dans » mon jardin, à Corbeil (Seine-et-Oise). Au mois d'avril, le » jardinier a butté les h pieds et en a soutenu par des tuteurs » les tiges, qui étaient longues et touffues. Au commencement PR0CÈS-VERB\UX. 73 » de septembre, il a procéda à la récolte; elle a été d'un dou- » ble décalitre environ. Ce n'est pas seulement la quantité » qui mérite d'être signalée; c'est encore le volume de quel- » ques-uns des tubercules et la qualité de tous. Chaque pied » en contenait un ou deux au moins, qui étaient longs de » 20 centimètres. Ce sont deux de ceux-ci que j'ai l'honneur » de vous faire remettre. Je ne puis en ajouter d'autres plus d petits, en aussi grand nombre que je l'aurais voulu, pour » qu'ils soient distribuées aux membres de la Société, parce » que j'ai déjà donné autour de moi plus de la moitié » de ma petite provision, et qu'un double décalitre n'est pas » considérable. L'un de mes voisins d'Evry (Seine-et-Oise), qui » avait aussi reçu du père du capitaine Vavin trois ou quatre de » ces mêmes Pommes de terre, les a fait planter dans son po- » lager, en a obtenu les mêmes résultats et a fait les mêmes » observations que moi. Il serait, à mon sentiment, désirable, » qu'à cause du nombre, du volume et de la qualité, ces Pom- » mes de terre fissent le plus promptement possible leur » chemin et acquissent leur renommée par les soins de la » Société. A cette fin, veuillez, monsieur le Président, dicter » les mesures que vous jugerez les meilleures. » — M. le général Morin, membre de l'Institut, adresse une note sur les essais d'acclimatation du Quinquina officinal à l'île delà Réunion : « Les semis de graines ont très-bien réussi, » mais quand les jeunes plants ont été mis en terre dans la » plaine, ils ont beaucoup souffert. Ceux, au contraire, qui » ont été mis sur les points élevés de l'île, à une altitude de » 1200 mètres, ont parfaitement réussi, au point que, après » quelques mois seulement de végétation, plusieurs avaient » déjà atteint une hauteur de h à 5 mètres. On peut donc » regarder la possibilité de l'acclimatation du Quinquina à » l'île de la Réunion comme un fait acquis. » — M. le Gouverneur de la Jamaïque, clans une lettre adressée à M. J. Léon Soubeiran, fait connaître les résultats suivants de la culture du Cinchona dans cette île, sous l'habile direc- tion de M. Thompson : « Dès 1860, la Jamaïque fut reconnue » être la colonie anglaise, où la culture du Cinchona pourrait 7 II SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » être tentée avec les plus grandes chances de succès. Faits » d'abord sur une petite échelle, avec quelques pieds de Cin- » chona succirubra , nit'tda et micrantha , les essais furent » continués avec une plus grande extension, en 1866, à Cold a Spring. Depuis, on a choisi, dans les Blue Mountains, à pro- » ximité de Kingstown, 500 acres, dans une localité située » sur le versant méridional, à une altitude de /iOOO pieds en- » viron : on y a défriché une parlie de forêt vierge, à l'expo- » sition Ouest et merveilleusement adaptée à sa destination, » par suite de la disposition variée de ses diverses parties, de » la nature du sol et de la présence de plusieurs cours d'eau. #» Largement approvisionne de graines des meilleures espèces » de Cinchona, par M. le docteur Hooker, de Kew, M. 11. » Thompson obtint d'abord environ 25 000 pieds, dont une » partie fut réservée pour les cultures du gouvernement, et » dont le reste (de 5000 à 10 000 pieds), fut mis à la disposi- » tion des planteurs, pour essayer la culture de cette plante. » Disons, du reste, que presque aucun ne profita de cette fa- » culte ; on vouhiit sans doute attendre le résultat des expé- » riences faites par le gouvernement colonial. En octobre!868, » on planta 3 acres en C. Cûiisai/tt, 7 en G. o/fïcinalis, » 26 en C. succirubra, h en C. Pahudiana et 3 en C. mi- » cranlha. Presque toutes ces plantes, bien qu'ayant été mises » en place, n'étant longues que de 3 à 'i pouces (il est pré- » férable d'attendre qu'elles aient atteint 6 à 8 pouces), ont » parfaitement repris et ontgrandi rapidementde 5 à 6 pouces. » 20 000 pieds furent d'abord ainsi plantés et l'on a continué » à étendre les plantations par des défrichements successifs, » avec le dessein de consacrer 20 a 30 acres à la culture des » espèces réputées les meilleures, telles que les C. succirubra, » Ca/isayael offichialis, et 10 à 20 acres seulement pour les » espèces les moins riches. Malgré une sécheresse extrême et » inusitée, qui sévit de mars à août J869, de même qu'en » 1868, les Cinchona n'ont pas beaucoup souffert , grâce aux » averses de mai qui ont mouillé seulement la surface du sol, » sans le pénétrer, mais qui ont suffi pour prévenir une des- » truction complète. Les plus petits arbres ont été gênés dans PROCÈS-VER BAUX. 7 5 » leur développement ; mais, d'une manière générale, la vé- » gétation des Clnchona est très-belle, plus belle et plus luxu- » riante que celle d'aucun autre végétal importé: la liautcur » moyenne est de h, 5 à (3 pieds, la circonférence des liges, de » h à 5 pouces et tous les arbres sont munis de branches su- » perbes ; un d'entre eux a même fleuri. On compte mettre on » plantation, en 1870, 80 acres nouveaux. » — M. Nieto, de Cordoba (Mexique), donne les renseigne- ments suivants sur la culture du Clnchona au Mexique. « Sur » le conseil de M. le commandant Maury, la Société de » Géographie et de Statistique, en 1006, se procura des » graines de Clnchona succirubra, Calisaya et offïcinalis » et condaminca, provenant des cultures d'Ootocamund. Une » partie de ces graines, malheureusement, a été perdue » par les personnes auxquelles elles furent confiées; mais » cependant on a pu sauver un certain nombre de pieds » de Clnchona Calisaya ai succirubra, qui, après une année » de culture, avaient acquis une hauteur de 35 à 60 centi- » mètres, sous l'ombre protectrice de platanes, disposés à cet » effet. Depuis, ces plantes ont été déposées dans les terrains » définitivement affectés à leur culture, à une altitude de » 853 mètres et à une température moyenne de 21° à 22° cen- » tigrades. A la fin de l'année 1860, la hauteur des pieds » est d'environ 2 mètres et leur circonférence de 0"',11 : les » plants les plus avancés sont ceux qui vivent sur un terrain de » détritus et reçoivent l'ombre protectrice de grands arbres, » contre les ardeurs du soleil pendant le milieu du jour. Tout » récemment, un pied de Cinehona, de M. Nieto, a fleuri, fait ». d'une hàtivité prématurée, que l'on doil rapprocher de ceux » déjà signalés par M. VanGorkomet par M. R. Thompson. » — M. Cornely fait parvenir l'extrait suivant du Harlemsche Courant du 10 décembre 1869 : « Dans le courant de cette » année a eu lieu la première récolle d'écorces du Cinehona » à Java, et à titre d'essai, on en a réuni plus de 900 livres » provenant des plantations de Calisaya et de Pahudiana, » pour les expédier en Hollande, par l'entremise de la Société » néerlandaise du commerce. Ces écorces proviennent des 76 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » plantations laites sur les montagnes de Jang-Kôebau, » Prahac et Malawaf , dans la résidence des Preanger-Regents- » chappen. » — M. de Capanema annonce que le gouvernement Brési- lien vient de recevoir des pieds de Cycas circinalis qui lui ont été adressés, par l'entremise de la Société, par la colonie de Maurice et exprime les remercîments de son gouvernement pour l'intervention de la Société. Il fait parvenir, par le même courrier, un sac de graines du Cassia lirasiliensis, bel arbre d'ornement, dont il pense que l'introduction pourra se faire, avec avantage, dans le sud de la France et en Algérie. — Remercîments. — M. Gh. Fruchier fait hommage d'un Rapport sur le Con- cours régional et agricole de Gap, en 1869. — Remercî- ments. — M. le Directeur du Jardin d'Acclimatation dépose le rap- port de M. Quihou , sur les cultures effectuées pendant l'année 1869. — M. A.Delondre adresse deux extraits du journal Colombo adressés par M. Baraquin, de Para, et relatifs au Mimusops elata et au liertholletia excelsa (Yoy. le Bulletin). — M. J. Huzard fait hommage du Petit Manuel de Poulains dans le Perche; M. J. Collins, d'un mémoire On India rub- ber, history, commerce and Supply ; et M. F. L Vigier, d'une thèse sur les Gommes résines des Ombellifères. — Remercîments. — M. le docteur Pigeaux, à l'occasion du procès-verbal, dit : « Dans une de nos dernières séances, M. Duchesne-Thou- » reau vous a fait une communication sur une modification » avantageuse de la culture de la Vigne, qu'il attribue à tort » à Hooïbrenck, dont il a puisé l'idée dans la théorie de ce » praticien et qu'il croit avoir améliorée dans sa pratique » personnelle. 11 a vu dans l'inclinaison au-dessous de la ligne » horizontale de la branche fructifère une cause puissante » d'activité de la sève et lui attribue la multiple fructification » qu'il vous a montrée. J'ai cru devoir protester, au nom de » tous nos collègues en horticulture, contre toutes ces asser- PROCÈS-VERBAUX. 77 lions comme entachées d'erreurs et ne pouvant pas être reproduites dans nos Bulletins, sans une protestation spé- ciale. D'abord, ce n'est pas Ilooïbrenck qui a inventé la culture de la Vigne à long bois et à sarments inclinés au- dessous de la ligne horizontale. Car, dans maints cantons de France et notamment autour deSaint-Cloud, ainsi que l'a signalé M. Rivière, celte pratique est, de temps immémo- rial, employée avec succès et il est très probable que Ilooïbrenck l'a vu pratiquer dans ces localités. Ce n'est, à plus forte raison, pas M. Duchesne-Thourcau, qui l'a intronisée parmi nous. Quant à l'emploi, comme il le dit, après Newton, d'une force perdue, qu'il utilise par l'incli- naison horizontale du sarment fructifère, pour lui donner plus d'activité, M. Duchesne-Tboureau se trompe du tout au tout, car c'est par le ralentissement de la sève et non par son accélération, que la branche à long bois et hori- zontale, devient plus fructifère. — En effet, pour accroître la pousse de sa branche de remplacement, M. Duchesne- Tboureau a soin de la tenir perpendiculaire, ainsi qu'il convient pour l'obtenir la plus longue < t la plus vigou- reuse possible. Ainsi , sa théorie est vicieuse et n'ap- partient ni à lui ni à celui auquel il l'attribue. Ce qui ne doit pas détourner do la taille de certaines Vignes et non de toutes, à long bois, et d'incliner la branche fructifère jusqu'au niveau de la ligne horizontale, toutes les fois que lo climat procure une suffisante maturation dans l'emploi de ce procédé, système auquel adhère complètement M. Ri- vière, jardinier du Luxembourg. » — M. Maurice Girard, à l'occasion du procès-verbal, pré- sente les observations suivantes : a Je crois pouvoir présenter » à la Société quelques réflexions au sujet des communica- » lions récentes de M. de la Rocha et de M. H. Givelet, sur le » dévidage des cocons d'Atlacides, naturellement ouverts pour j» la sorlie du Papillon. Les assertions de M. de la Rocha ne » peuvent s'appliquer, jusqu'à preuve contraire, qu'à l'espèce a de Colombie, qu'il a désignée sous le nom de Spondiœ, » probablement parce qu'elle vit sur le Spondias pwpurea} 78 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d'aCCLIMATATION. » nommé vulgairement aux Antilles le Citrouillcr. Ou l'cs- » pèce est nouvelle, ou peut-être n'est- elle que Y Attacus ou » Saturnin œtltra de Fabricius, très commun en Colom- » bie. M. de la Rocha a avancé une assertion inexacte quand » il dit (Bulletin de 1869, p. 467), qu'on n'a pas encore su » dévider en France les cocons des Attacus Cynthia vera et » Arrindia (ailante et ricin). Persoz, au Conservatoire des » Arts et Métiers, ainsi que je le rappelle dans un histo- i rique des auxiliaires du Ver à soie, publié dans nos Bulle- » lins en 1864, a essayé le dévidage d'un grand nombre de » cocons ouverts et fermés, et ces espèces figurent parmi les » cocons dévidables. En février 1865, M. Guérin-Méncville a » présenté à l'Académie des sciences des flottes de soie » grégc du Ver de L'Allante, obtenues par dévidage, chez » M. Aubenas, à Loriol (Drôme), avec l'appareil que cet ha » bile filateur a inventé pour dévider les cocons doubles du » Ver du Mûrier. M. le docteur Forgcniol, de Tournai], a » pris un brevet pour un procédé de ce genre; il dévide » aussi bien les cocons, où reste la Chrysalide, que ceux dont le » papillon est sorti. Son appareil, en effet, se modifie de deux » manières dans ce double but. Les cocons pleins sont placés » dans des godets, les cocons vides sur des aiguilles. Cette )> différence dans la manière d'opérer est due au poids variable » de ces cocons. Le h septembre 1868, à l'Exposition des » Insectes, M. Forgemol a expliqué sa méthode dans une » conférence, à la suite de laquelle le dévidage a été opéré » en public. Il est donc bien certain que, d;ms ces espèces, la » Chenille ne coupe nullement le fil à l'orifice de sortie, el » M. Givelet l'a confirmé de nouveau dans sa récente côm- » mimication. Celte section du fil n'aurait lieu, si M. de la » Rocha ne s'est pas trompé, que dans la seule espèce de » Colombie dont il a été question, Dans une lettre que M. le j> docteur Boisduval a reçu de M, Burmeister, celui-ci fait onc- » naître qu'il récolte, au Brésil, trois générations par an de )) Y Attacus aurota et en obtient, au dévidage, de la soie grége ; » c'est l'espèce dont on a pu voir les Papillons à la magna- » nerie du jardin de la Société, en 1867. V Attacus aurota a PROCÈS-VERBAUX. 79 » le cocon ouvert et s'élève sans soins, en plein bois. Ici en- » encore, très-certainement, la Chenille ne coupe pas son fil. » UAttacus aurota ligure parmi les espèces que Persoz avait » reconnu se dévider avec une grande facilité. M. Givelet » pense que la Chenille, lors de la nymphose, altère les fils de » la sortie par une sécrétion corrosive, ce qui rend le dévidage » très-difficile, quand on arrive à ce point pour le fil. Peut- » être faut-il attribuer ce qui s'est produit à la solution de » potasse, beaucoup trop active, employée par M. Givelet. » Les fils de la sortie du cocon ne reçoivent pas le même en- » doit que dans les autres parties. N'est-il pas possible que » le bain trop alcalin ait altéré le fil, non protégé à cet en- » droit, tandis qu'ailleurs il n'a fait qu'opérer un décreusage. » Au reste, M. Givelet a déclaré qu'il n'a dévidé qu'un seul » cocon, et que, par suite, il ne peut se prononcer complé- » tement sur ce point, et remet à une saison favorable de » nouvelles expériences. Qu'il me soit permis de rappeler, à » propos des cocons, que j'ai démontré le premier leur usage » physiologique (Thèse du doctorat de la Faculté de Paris, » juillet, 1869, Sur la chaleur animale des insectes), en me » servant de la pile bismuth-antimoine de Melloni et Nobili. » Le cocon ou la coque terreuse est destinée à protéger la )> Chrysalide contre le froid superficiel qui résulte, à l'air » libre, d'une trop forte évaporation. En effet, les Chrysa- » lides, au moment où on les retire du cocon ou de la coque, » sont toujours à une température un peu plus élevée que » celle de l'air ambiant; mais, si on les laisse à l'air libre, » une forte évaporation se produit, comme la balance le con- » slate, et la température de la surface de leur corps des- » cend alors souvent au-dessous de celle de l'air, surtout dans •• les journées chaudes. » — M. A. Geoffroy Saint-IIilaire présente à la Société, une manchette tricotée avec des fils, faits avec des poils de Lapins angoras. Ce tissu est remarquablement doux au loucher et très-agréable à porter. «L'échantillon que j'ai l'honneur de » présenter à la Société, dit M.Geoffroy Saint-IIilaire, m'a été » remis par iMM. Blaxy frères, négociants h Paris, qui reeher- 80 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE l/ACCLIMATATlON. » client activement en ce moment les poils de Lapins angoras » blancs et gris. C'est surtout aux environs de Caen que l'on » peut se procurer le poil de Lapins angoras ; il est payé » actuellement de 15 à 25 francs le kilogramme, suivant sa cou- » leur, sa finesse et sa beauté. Leblanc est le plus recherché. » — M. de la Blanchère dit que ses cultures de Pommes de terre Vêlez lui ont donné une végétation très-active, mais seulement des tubercules gros comme des noisettes : les gelées ont tué les fanes, qui persistaient. M. Vêlez fils fait remarquer qu'il a reçu l'avis de succès dans la culture de cette variété à Bordeaux, à Tours et à Hyères. M. Vêlez fait don à la Société de quelques graines d'un Ceralonia{?) delà Nouvelle-Grenade.— Remercîments. — M. le marquis de Sclve offre, au nom de M. le marquis Sé- guier deSaint-Brisson,cinq fusées de Maïs blanc du Chili pro- venant d'une distribution de graines, faite par la Société d'ac- climatation en 1 8(52 et cultivées dans le département du Loiret dans un terrain médiocre silicéo-calcaire et sans grands frais. — M. le baron J. Cloquet rend compte de l'état de sa plan- tation de Bambous à Lamalguc près Toulon : « Indépendam- » ment des espèces de Bambous, que je cultive depuis plusieurs » années à Lamalguc , j'ai fait venir l'an dernier de la pépi- » nière de Hammah (Algérie) cent soixante-quinze invididus » appartenant aux espèces Bambusa mitis; B. Thouarsii, » B. distorta, B.variegata, B. spùiosa, B.stricta, B. nk/ra, » B, gracilis. Instruit paii'expérience qu'il ne faut pas trans- » planter ces végétaux avec leurs tiges, comme cela sepralique » en général pour les arbres, je les ai faiU couper à deux ou » trois nœuds du collet, et j'ai eu la satisfaction de voir qu'ils » avaient tous repris racine, donné de petites feuilles, et qu'un » assez grand nombre avaient déjà poussé hors de terre de » nouveaux drageons : tout me fait donc espérer que cette » nouvelle transplantation, comme les précédentes, aura un » plein succès. — Ces Bambous m'étaient parvenus clans un » état parfait de conservation, grâce aux soins avec lesquels » ils sont emballés et expédiés par M. Rivière, directeur de » la pépinière d'Alger ; leur prix est très-modéré. — De ces PROCÈS-VERBAUX. 81 Bambous, les uns, et c'estle plus grand nombre, poussent en touffes et donnent leurs rejetons à la circonférence de, la, ta- cine mère de sorte qu'ils forment un cercle qui s'agrandit tous les ans, tandis que les autres, comme le B. mitis, les />. viridis etglaucescens ont des racines qui tracent en lignes droites comme celles du Chiendent, poussent des drageons alignés, et s'éloignent de plus en plus de la plante mère. — Aussi, dans mes plantations, j'ai eu soin de donner un bien plus grand espace de terrain à ces derniers ; je me suis également occupé de la multiplication par bouture de plusieurs espèces de ces Bambous, suivant le mode que no- tre confrère M. Rivière a fait connaître pour la Vigne, c'est-à-dire de prendre un rameau, une tige secondaire, de n'en conserver qu'un tronçon avec deux ou trois nœuds et de racler l'épiderme entre ces nœuds, de manière à met- tre à découvert les vaisseaux du bois, afin de laisser péné- trer dans la bouture l'humidité et les sucs de la terre, — cela est d'autant plus nécessaire pour le Bambou que la tige est couverle d'un épiderme épais, très-dur, sorte de vernis imperméable à l'humidité. — Plusieurs de mes bou- tures m'ont déjà donné des résultats satisfaisants ; elles ont poussé des racines par le nœud inférieur et une tigelle par le nœud supérieur ; ce mode de propagation sera d'autant plus précieux que ces végétaux n'ont jusqu'à présent donné enFranceni fleurni graines. Plusieurs de nos agriculteurs et pépiniéristes du Var, et à leur tête notre collègue M. le doc- teur Turrel, s'occupent sérieusement de l'acclimatation et de la culture de diverses espèces de Bambous, qui pourront prospérer en France ; que leur zèle ne se ralentisse pas, et d'ici à peu de temps, je l'espère, la culture du Bambou se sera répandue dans tous nos départements et dans ceux du midi surtout. Plusieurs amateurs s'occupent aussi de multi- plier et de propager les Bambous, et je me plais à citer M. Reverdit, de Toulon, qui cullive principalement les //. mitis, nigra et variegata. » — M. le docteur Youga, de Neuchàtel, fait une commu- nication relative à son établissement de pisciculture de Chanelaz 2e SÉRIE, T. \II. - Janvier 1870. 6 S"2 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. et donne quelques détails sur les résultats obtenus à Munich par M. Kùffer. M. le baron Séguier demande si l'eau tombe par déverse- ment ou d'une certaine hauteur. M. Vouga répond : l'eau, qui a une chute de 50 centimètres environ, s'échappe par la super- ficie ; c'est grâce à un courant constant et rapide que M. Kûf- ler peut conserver, dans un espace aussi restreint, en- viron 200 poissons, pesant de un à deux kilogrammes et demi, et qu'il nourrit en leur jetant des débris, rapidement dévorés par eux. M. Hennequin demande si, en Suisse, les cours d'eau sont affermés ou non, et s'il y a des mesures prises contre !a destruction du poisson. M. Vouga répond que la législation varie dans les divers cantons : les mesures protectrices et la surveillance sont in- suffisantes. La nourriture donnée dans ces établissements con- siste en poumon de bœuf bouilli, escargots, limaçons et pois- son blanc. M. de la Blanchère rappelle' que la stabulation existe ;'i Huningue,où il existe encore des Truites, provenant des pre- mières éducations: on les nourrit avec, du poisson blanc, qu'elles absorbent avec une voracité inconcevable ; elles ava- lent des moitiés de Gardon large comme la main. M. A. Duméril fait quelques réserves sur l'opinion avan- cée par M. Vouga, que les divers Truites et Saumons ne sont que des variétés d'une seule race ; car ces animaux pré- sentent des différences d'ostéologie et du système dentaire, qui ne peuvent s'accorder avec l'idée de notre confrère. M. Soubeiran rappelle les faits de stabulation, bien connus de la Société, qui ont été observés au Collège de France, dans le laboratoire de M. Coste, et à Saint-Maur chez M. Roger- 4 Desgenettes. M. de Quatrefages a vu, dans le midi de la France, des Truites, élevées dans un petit bassin, et auxquelles on avait donné des chrysalides de Vers ;Vsoic ; ces poissons les avaient ava- lées avec voracité et avaient pris un accroissement irès-con- sidérable,maisleur chair prit un goù.t détestable, qui ne disparut PROCÈS -VERBAUX. 83 que quelques mois après qu'on cul cessé de leur donner cette nourriture. M. Chalin rappelle que, dans les fermes, où on donne des Hannetons à manger aux Poules, on a remarqué toujours qu'alors les œufs avaient un goût détestable. — M. le secrétaire donne lecture d'un mémoire de M. E. Simon sur l'acclimatation chez les Chinois. (Voy. Bulle- tin p. 49). — M. Rivière lit un rappport de son fils sur l 'éducation des Autruches au Hammah (Algérie) pendant l'année 1869. Le Secrétaire des séances, .T. L. SOUBEIRAN. III. CHRONIQUE. Aperçu géographique et commercial sur la Mandchourie, Par M. H. Fontanier. Par la dénomination do Kwan-tong, juridiction de l'Est, les Chinois désignent la vaste étendue de territoire située à l'est de la Chine, en dehors de l'octroi de Chang-hai-kivan, à l'endroit où la grande muraille vient aboutir au golfe de Liao-tong, à l'extrémité sud-ouest de la Mand chourie. Pour ce qui est de la Mandchourie proprement dite, elle comprenait autre- fois les trois grandes provinces de l'Est; Sheng-ying au Sud, avec Moukden pour capitale, Ki-ria à l'Est, et le Bëi-loung-yiang au Nord-Est. De ces deux dernières provinces, la Chine ne possède plus aujourd'hui que l'extrémité Sud, toute la partie Nord ayant été comprise dans les der- nières délimitations de la Mandchourie. Par sa position slratégique, commandant l'entrée principale dans le Pè-tche-ly, la province de Sheng-ying a toujours été le point de départ des nombreuses invasions tarlares-mongoles sur le territoire chinois, ce qui explique pourquoi la dynastie actuelle attache une si grande importance à rester maîtresse de celte province, l'unique rempart qui lui reste désormais contre les envahissements de la Russie. Au point de vue militaire, le gouvernement n'a rien négligé pour préser- ver les Mandchoux du contact énervant de la civilisation chinoise, en les maintenant toute leur vie sous les drapeaux, et en faisant de Sliend-king, le centre de son commandement militaire des huit bannières tar lares mongoles. C'est aussi de ce point qu'il dirige ses forces sur les différentes provinces de l'empire menacées par la rébellion. A cet égard, la province de Sheng- ying rend un immense service à celle du Tche-ly, trop pauvre et trop dépeu- plée aujourd'hui, pour nourrir comme autrefois les troupes des bannières. Mouckden, étant en outre le séjour officiel assigné aux membres de la fa- mille impériale, se trouve jouir, pour cette seule raison, de la faveur excep- tionnelle des tribunaux indépendants, sur le modèle de ceux de Pékin, ce qui en fait, pour ainsi dire, la seconde capitale de l'empire. Par sa position géographique, la province de Sheng-ying se trouve être eu contact direct avec la Corée, dont elle n'est séparée, au Sud-Est, que par le fleuve Ya-lou-kiùng , à l'Ouest, avec la province du Pè-tche-ly, et au Nord, avec la Mongolie. Aussi sert-elle de transit naturel aux produits de ces diffé- rents pays, à destination de la Chine. Bien que les Russes soient aujourd'hui les maîtres de la presque totalité des côtes de la Mandchourie, il reste encore à cette dernière les nombreux affluents de la province de Sheng-ying, avec la baie du golfe Lkno-toung et la mer Jaune. CHRONIQUE. 85 On peut juger de la richesse des pêcheries de la Mandchourie par la va- riété et la profusion de poissons qu'elle expédie pendant l'hiver sur les mar- chés de Pékin, tels que Thons, Saumons, Esturgeons, etc. Sheng-ying fournit de même toute la province du Tclie-ly et la capitale, de hois de construction, et alimente les chantiers maritimes de la ville de Tchuen-tchâng, où se construisent, de temps immémorial, les jonques de pèche et de commerce pour les mers du Nord. Plusieurs foires importantes ont lieu sur son territoire, où se donnent rendez-vous les habitants des contrées avoisinantes. Ceux du Kan-sou y ap- portent leur poudre d'or et des feutres de première qualité; la Corée, ses produits maritimes, algues et holoturies, ses papiers, ses drogues et notam- ment le fameux Kuo-li sin-sin-ouen, composé sous forme de pilules, et que les Chinois acceptent comme une panacée universelle. Il y a quelques années, Sheng-ying était encore le premier marché poul- ies fourrures, mais à mesure que les Russes s'avancent, ils accaparent ce marché en faveur de leur colonie sibérienne de Kiachkta. Il en est de même, pour la racine de Jen-séng, que l'on ne reçoit plus à Pékin qu'en très- petite quantité, de Corée et du sud de Sheng-ying. Néanmoins, tant que la cour résidera à Pékin, elle conservera à la capitale le monopole des four- rures les plus rares et les plus estimées. On peut également se procurer sur les marchés de Moukden les races de chevaux les plus appréciées : le Poney Mongol, aux formes trapues, au large pied et à la robe si étrangement bariolée, qu'on la dirait peinte artificielle- ment, le grand ch-val de So-lun, le meilleur coureur lartare, et le poney coréen, véritable pygmée. Nous donnerons plus loin de plus amples détails sur les productions de la Mandchourie, parmi lesquelles le commerce européen ne larderait pas à trouver de nouveaux produits d'exportation si, au lieu de se contenter dans ses transactions journalières de l'intermédiaire de Chinois ignorants, ou fei- gnant de l'être, il consentait enfin à sortir de son engourdissement, et à étu- dier le pays par lui-même, ainsi que le font les Russes, au moyen d'agents députés par les chambres de commerce et secondés par la légation russe à Pékin. Il est parfaitement inutile au commerce européen de se plaindre que les laines mongoles lui arrivent avec le suint, tant qu'il n'enverra pas un agent intelligent apprendre aux Mongols à les dégraisser. Ces dernières seraient dans la suite mieux appréciées sur les marchés d'Europe, et deviendraient pour les ports du nord de la Chine, un produit assuré d'exportation. Il en est de même pour les poils de chameau, que l'on commence à se procurer en assez grande quantité sur le marché de Tien-tsin, mais toujours à l'état d'étoupe sale et grossière, recueillie au fur et à mesure qu'elle se dé- tache de l'animal, tandis qu'il serait si facile d'intéresser les Mongols à ré- server un certain nombre de chameaux, uniquement pour la production de leur toison. De cette manière, on obtiendrait bientôt, et en abondance, un S(> SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. produit d'une très-grande finesse, se vendant à plus bas prix que le coton, tout en étant susceptible d'être employé aux mêmes usages que la laine. Mines. — Des provinces de la Mandchourie, celle de Sheng-ying en par- ticulier, surnommée le pays aux dix mille montagnes, a toujours été réputée pour la richesse de ses districts miniers. Mines d'or. — Il n'est fait mention, pour la première fois, des mines d'or de la Mandchourie, qu'à l'occasion d'une grande inondation du fleuve Liacl, qui eut lieu pendant la treizième année de la dynastie mongole. Les eaux en se retirant laissèrent le sol recouvert de sable aurifère et de pépites d'or d'un assez gros volume. C'est aussi à cet événement que les habitants durent la découverte de nombreux filons de quartz aurifère, dans les districts de Lioà- yâhg, Chàn-tc/téng, tie-lin, etc. Le gouvernement chinois se réserva, dans les débuts, le monopole de l'exploitation des mines, où il envoya pendant longtemps les exilés, et défen- dit plus tard, sous les peines les plus sévères, l'ouverture de nouvelles mines. Aujourd'hui les mineurs sont en hostilité ouverte avec le gouvernement et font cause commune avec la rébellion musulmane. Ils exploitent les mines en contrebande, ce qui ne permet pas d'apprécier le rendement des puits d'extraction. D'après le dire des Pékinois, les filons aurifères seraient a peu près épuisés, et il n'y aurait plus que le lavage des sables qui occuperait encore près de cent mille individus. Mines d'argent. — Ll existait, sous la dynastie mongole, trente-six puits d'extraction, en pleine exploitation, dans les districts argentifères de Liâo- yàng et de Kiv-tcheou. Mercure. — Le Mercure que l'on vend à Pékin provient des mines de Sin-ly en Mandchourie. FRTm _ Les mines de Fer du district de Tông-chan-shien employèrent pendant longtemps jusqu'à 500 ouvriers. Étain. — La meilleure qualité d'Étain est celle de Kin-tcheuu. Cuivre. — Les principales exploitations de cuivre sont celles de Ein- lomj-sheou et de Tông-chân-shien. Houille. — La Houille, si commune dans tout le Nord de la Chine, offre encore cela de particulier en Mandchourie, qu'elle se montre au niveau du sol, dans les districts de Ki-rin et de Pen-si-hou. Les Chinois distinguent trois variétés principales de Houille, la première, Un-méï, charbon dur, ou anthracite, et l'on peut dire Tunique, employée dans leurs usages journaliers; la 2e, le Yen-méï, charbon à fumée, ou houille bitumineuse, et la 3e, le Shouy-ho-tan, la meilleure qualité de Houille grasse, réservée pour être vendue aux Européens. Malgré la modicité du prix de revient sur les lieux d'extraction, environ cinq centimes le kilog., ces charbons n'ont pas encore pu faire concurrence à ceux venant d'Angleterre, les moyens de transport étant tout à fait insuffisants. Nitre et Potasse. — Les efflorescences nitreuses sont très-abondantes CHRONIQUE. 5/ clans la province de Sheng-ying, et certaines terres donnent au lavage difl'é- férents alcalis et potasses, entrant dans la confection de savons très-grossiers que l'on voit traverser Pékin pendant l'hiver sous forme de véritables blocs, et qui s'exportent jusqu'à Shang-llaï. C'est avec ces mêmes terres que les Chinois préparent le pi-siao, employé dans les tanneries de Pékin, où se préparent toutes les fourrures provenant de la Mandcbourie, une des prin- cipales industries de la capitale. Pierres dures. — Les pierres dures, jades, onyx, etc., delà Mandcbourie sont très- recherchées dans tout le reste de la Chine. Elles donnent lieu à un commerce très actif, car elles entrent dans la confection d'une multi- tude d'objets, d'an usage journalier chez les Chinois. Ce commerce est en grande partie entre les mains des Musulmans, qui reçoivent, par l'entremise de leurs coreligionnaires établis dans les provinces d'ili du Kan-sou et de la Mandcbourie, les matières premières, qu'ils préparent ensuite à Pékin. Améthystes. — Les Améthystes rouges, ou Hong-pao-che, provenant du Héï-long-kiang* (Amour) sont les plus estimées. La pierre Ou-saï-che, ou des cinq couleurs, provient du fleuve Soit-kidtig. La pierre Lou-toan-che, variété de néphrite verte se trouve à Lin-kou-ta. Le Pm-yn-sJte, le jade blanc sans taches, est extrait des mines du Hoéï-chan- lung. Les Chinois citent encore la pierre Kong-tsin, comme étant d'une très-grande valeur : elle ne se trouve que dans le bas Amour; on la résene uniquement pour l'usage de la cour. Bois fossiles. — Au nombre des pierres dures, les Chinois placent les bois pétrifiés qui tapissent le lit du Héï-long-kiang (Amour), dans la partie de ce fleuve connue des Chinois sous le nom de Houen-tong-kiang , au point de réunion des trois fleuves Song-hoa-kiahg, Héï-long-kiang et Lûn-kiûnt/. Les dernières découvertes des Paisses à l'embouchure de l'Amour suffisent déjà pour donner une idée de la richesse de la Mandcbourie en débris fos- siles de toutes sortes. Les Chinois les désignent sous le nom de Long-kou, ossements de dragon. Ils assurent que les éhoulements de terrain les met- tent souvent à découvert dans beaucoup de localités du sud de la Mand- cbourie. Salines. — Les grandes Salines de Iluï-tcheou, Lin-kûu-ta et du Héï- lung-kiang (Amour), fourniraient du sel à très-bas prix à toute la Chine, sans les droits exorbitants du lise, l'impôt du sel défrayant à lui seul les dépenses de la cour de Pékin. Pkoduction nu sol. — Le sol très-accidenté de la Mandcbourie, offrant sous une latitude relativement restreinte des altitudes différentes, se prèle naturellement à la culture d'une très-grande variété de produits. Blé de Corée. — On cultive de préférence, à Fong- tien-fou (province de Sheng-ying), le Kao-li-kou, ou blé' de Corée, comme étant de beaucoup le plus précoce. Riz. — Le Ta-maï ou grand riz de Fong-tien et de h'in-tcheou es! celui qui résista le plus aux sécheresses de l'été. 88 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Sorgho. — La variété de Sorgho Tchou-tchou est particulière à la Mand- chourie. Lin et Chanvre. — On cultive presque exclusivement le Lin et le Chanvre dans les districts de Liâo-yâ?ig, Kaï-'pin et Hoéïtcheou; on y cultive aussi du Coton, mais &i moins grande quantité. Thé. — La culture du Thé est très-peu répandue en Mandchourie ; à l'exception des plantations du district de Hai-tchuue-wéï, il y croît généra- lement à l'état sauvage. Il est très-peu estimé des Chinois, qui s'en servent pour, frelater les Thés venant du Sud. Il serait cependant susceptible d'être amélioré par la culture, les Chinois étant d'avis que le meilleur Thé est celui qui croît sur les hautes montagnes, dans une atmosphère toujours im- prégnée d'humidité. Girofle blanc et noir. — Bien que le mot Ting-shidng qui figure dans cette nomenclature signifie giroflier, je. pense qu'il est plutôt question de quelque plante aromatique se rapprochant du girofle, que du giroflier des tropiques. ( Jen-shcng. — La récolte du Jen-sheng est de beaucoup diminuée depuis que les fiusses ont absorbé le Nord de la province de Ki-rin; Sheng-ying, et la Corée sont aujourd'hui les deux seuls pays de production un peu impor- tants. Tabacs. — On peut dire, sans crainte de trop s'avancer, qu'il n'est nul pays sur la terre où il se fasse une aussi grande consommation de Tabac qu'en Chine. Tous les Chinois, femmes et enfants, fument et prisent. L'entrée en conversation consiste toujours à échanger les tabatières, et se termine par la pipe. Le Tabac à fumer subit plusieiu s préparations inconnues en Europe. Dans le Sud, les Chinois remplacent l'opium par du Tabic préparé à l'ar- senic rouge; dans le Nord, lesTartares laissent sécher les feuilles de Tabac au soleil, et le fument sans autre préparation. De l'avis des fumeurs chinois, les meilleures qualités de Tabac viennent de la Mandchourie, du Kwan- tong et (VY-tchou. Les tabacs de la province de Sheng-ying sont à grandes feuilles, e! ont beaucoup plus d'arôme que ceux du Sud. Mammifères. — 1° le Sin-sin et le Yai-jen (homme sauvage), du Sud de la Chine (nrovince du Sse-icliuen), sans doute quelque variété de Gorille ou de Chimpanzé; '2° le Jen-shiodng, l'Ours à tète d'homme; 3° Pi-shioûng, l'Ours jaune à fourrure d'une très-grande finesse, du Kwan-touy; U° le Tiao-shioung, Ours à peau de martre de Ning-kou-ta, particulier à la Mand- chourie. On chasse aussi : 1° le Lao-hou, Tigre rayé de Mandchourie ; 2° le Paï- pao, Panthère blanche, qu'il ne faut pas confondre avec le Nga'i-yah-pdo, l'Once de Mandchourie ; 3° le Wou-paô, Panthère noire ; h" le Kin-tsên- pao, Panthère dorée. Ruminants. — Le Heï-nieou, Vache noire du Kwan-tong, réputée pour la qualité de son lait. Cerfs. — Le Tô-lou, grand Cerf-Chameau, le Kan-tâ-han des Tartares, CHRONIQUE. 89 avec le cou très-court, et une espèce de goitre à la gorge, ne pèse pas moins d'un millier de livres. Les cornes du Kan-ta-han, donnent un ivoire très- blanc, servant à confectionner l'anneau que les archers portent au pouce de la main droite. La chasse principale du Tu-lou est à Ning-kou ta et à Ki- rin; le Méï-hoà-lou, Cerf tacheté des environs de Sheng-ying ; le Mâ-lou, Cerf- cheval. Daim musqué. — Le Tchâng et le Skaï seraient, d'après les Chinois, deux petits Mammifères exactement semblables; seulement le Shaï serait seul por- teur de musc. Le Daim musqué est très-commun dans toute la Mandchourie; on préfère de beaucoup son musc en pharmacie à celui du Thibet. Le Daim musqué fait sa nourriture des jeunes pousses d'arbres verts, des feuilles de pin , essences très-communes dans les environs de Sheng-ying. Le Tsi est un mammifère tenant le milieu entre le Cerf et le Chien. Le Kiang, Antilope à unecorne, des environs de Sheng-ying, le même ani- mal qui fut apporté vivant à la Cour de Pékin du temps des Ban, où il vécut, dit-on, fort longtemps en domesticité. Le Boang-xjdng (Mouton jaune). Le Tshin-yâng (Chèvre grise), Antilope gris. Le Tiaoteou, Lapin sauteur de Kwang-ning et Y-tchou. Chameau. — L'élevage des Chameaux coureurs se fait à Sin-lô, où les habitants seraient parvenus, dit-on, comme au Thibet, à obtenir divers hybrides du Bœuf et du Cheval. Chevaux. — Les principales foires de Chevaux sont celles de Sou-ping et de Fo'ig-tien-fou, où se donnent rendez vous les Mongols et les Coréens. Le Yat-md, Cheval sauvage de Sien-péï. Le Yaï-lû, l'Onagre à crinière et à queue très-longue. Molosses de Tartarie. — Dans les districts de Pou-lo et de Fét-yaho, les Chiens tartares sont employés au service de la poste. Le Tien-shûen est une variété de Chien dressé à la eliassi; du Tigre et du gros gibier. Chasses. — La chasse peut être considérée comme le principal, sinon l'unique moyen d'existence des hordes tartares de l'intérieur de la Mand- chourie. Les Tartares ont pour habitude, avant de se mettre en chasse, d'attendre que la neige ait commencé à recouvrir la terre, afin de pouvoir suivre le gibier à la piste. La chasse des animaux à fourrures commence à la huitième et finit à la douzième lune. Les Martres les plus estimées sont celles de So-lun; les Martres jaunes d'Ou-to et celles dites de Corée, encore peu connues en Europe, ont l'extrémité de chacun des poils terminée par plu- sieurs points blancs qui produisent un chatoiement très-agréable à l'œil. Bon nombre de Mammifères particuliers à la Mandchourie, tels que le Tigre à crinière, etc., encore inconnus en Europe, offriraient un véritable intérêt au point de vue zoologique. Amphibies. — 1° Le Kiang-tâ, ou grande loutre du fleuve Houen-long- Kiâng. Avant l'époque de la crue des eaux, les habitants ont grand soin d'exa- miner la hauteur à laquelle le kiang-ta a construit sa demeure, cette dernière 90 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. variinl chaque année, et se trouvant placée à la dernière limite que devra atteindre le fleuve; '2° le Pé-shouy-tâ, la Loutre blanche du Héï loung- kiang ; 3° le Haï-loung, la Loutre de mer ; h° le Haï-hoan, Blaireau de mer, à peau lisse et sans écailles ; une partie des Tartares du fleuve Amour ne portent pas d'autres vêtements que les peaux de Haï-hoan, d'où leur vient leur dénomination chinoise de Yu-pi-tâ-tze, Tartares à peau de poisson ; 5° le Haï-téng ou Kidng-tcng, Cochon de mer des grands cours d'eau, mammifère amphibie à poils noirs; 6° ]e Haï-Leou, Chien de mer, pèse jus- qu'à cent livres, se pêche à Ning-kouta ; les Tartares emploient sa graisse fraîche pour clarifier l'eau, et fondue, comme un tonique très-énergique pour les personnes de constitution délabrée ; 7° le Haï-mao, Chat de mer, à poils jaunâtres; 8r le Haï-pao, Tigre de mer, se chasse à Ning-haï et Ning-koU- ta\ ÇT le Tiao-shpuy, Martre d'eau, petit mammifère amphibie à poils ras. De nombreux baleiniers, pour la plupart américains, ou dé la compagnie russe de l'Amour, viennent hiverner sur les côtes de la Mandchourie et la mer Jaune. Parmi les gros cétacés des côtes du Ségalien, il faut placer le Xieou-yu, poisson à tète de. bœuf, pesant 300 livres, et le Haï-ma, le Cheval de mer, du poids de 50 à 100 livres. Reptiles. — Le Serpent Mali, dit aussi Serpent protecteur de la dynastie des Tshin, le plus gros reptile de la Chine, se rencontre sur les collines boisées de Kwan-lin-tao. Oiseaux. — La monographie des Oiseaux de la Mandchourie, quoique très-écourtée, ne doit pas laisser que d'être assez riche si, comme l'assure l'auteur, de nombreuses variétés d'oiseaux émigrenl chaque année, de la Corée et du Japon, et séjournent sur les côtes de la Mandchourie. Les grands oiseaux de la Mandchourie sont très-cstimés à Pékin, particu- lièrement le Tsao-tiao, Aigle noir de Eong-tien et de Ning^kouta ; le Tze- mûrtiao, Épervier dressé pour la chasse du Chevreuil ; le Ha'ï-tong-lshin, rapace dressé pour la chasse des Oies sauvages; le Hou-pantiao, Aigle moucheté; le Kiaï-pan-tiao, Aigle blanc et noir; le Yû-yû, Aigle pêcheur; le Tsiou, variété d'échassier, à tète nue avec les yeux rouges ; Ho, Grue grise de Mandchourie à tète rouge; le Hao-han-tchen, la fiente de cet oiseau est vendue dans les pharmacies comme médicament, sous le nom de Ou-lin- che ; le Haohautclien, contrairement aux autres oiseaux, se dépouille de ses plumes pendant l'hiver, et pousse un cri lamentable pour se plaindre de son di'vo.iemenl ; le Ydh, variété de Corbeau à bec blanc. Les Chinois di>ent que les jeunes de la der.iière couvée ont l'instinct de nourrir leurs vieux parents lorsqu'ils son! devenus aveugles, pendant dix-huit jours, avant que de les abandonner. Pêcheries de Perles. — Les perles de la Mandchourie, connues en Chine sous le nom de Tong-chou ou Perles de l'Est, sont îrès-estimées. Ce sont sans doute les plus grosses perles connues, elles affectent généralement la forme en olive. Le; colliers trouvés au sac du palais d'Été (Yuèn-ming- yuèn) étaient de perles de l'Est. Les principales pêcheries de Perles son! GURONIQÙE. 91 celles des fleuves Hdi-houen-lciang, Houen-tong-hiang , Ou-la-tchou-kiang. Ces! à Ta-shen-ou-la et à K»-r/rt que résident les eunuques, délégués par la maison de l'empereur pour faire choix des Perles destinées aux dames de la Cour. 11 n'est pas hors de propos de rappeler ici que les Chinois emploient beaucoup de Perles obtenues artificiellement de Moules parquées à cet effet, et qu'ils obligent à produire la matière nacrée, jusqu'à complet épuise- ment de l'animal. J'ai vu des bijoux montés avec ces sortes de Perles, et il était impossible, dans beaucoup de cas, d'établir une différence notable avec les perles naturelles. Celte expérience, — ne serait-ce qu'au point de vue scientifique, — mériterait d'être reproduite chez nous, et nous amènerait peut-être à découvrir quelque procédé plus pratique que celui employé par les Chinois. Insectes. — Insecte à cire. — L'insecte à cire, ou la tchong, est très- commun sur les montagnes des environs de. Sheng-ying, Bombyx. — Les Vers à soie des districts de Haï-tcheou, Yu-sieou et Fong-tien-fou, proviennent de graines venant de Corée. Abeilles. — La Cire et le Miel, dont on fait une très grande consommation à la cour de Pékin, proviennent des fermes de l'empereur, dans les environs de Moukden. (Tiré de la grande Encyclopédie chinoise sur la Mand- chourie.) Croisement du Cerf Wapiti et du Cerf commun. M. le prince Pless, qui possède enSilésie de vastes propriétés, acheta, il y a quelques années, quatorze Cerfs Wapiti, dont sept femelles, à M. le comte Arco, de Berchtegaden, qui les avait directement importés du Canada, et chez lequel ils avaient vécu dans les meilleures conditions. Malgré les soins pris par M. le prince Pless, plusieurs de ces animaux succonibèrcnt bientôt par suite d'une affection charbonneuse, et on fut obligé de déposer les Cerfs restants dans une localité plus élevée, où la reproduction se lit d'une manière régulière; les animaux se trouvèrent quelquefois soumis à un froid de -18 à 20° Pi, dans une station exposée au vent. Le nombre oscilla entre deux et quatorze, ce qui ne donna pas d'encouragement à continuer l'expérience. On se décida, malgré l'avis contraire de plusieurs zoologistes, à tenter le croise- ment avec le Cerf commun. Pour cela on établit dans un parc voisin de celui des Wapitis, quinze Biches, qu'on mit, au moment du rut, en rapport avec un Cerf Wapiti âgé de trois ans; d'autre part, un Cerf de deux ans eut à servir cinq biches. Les produits furent féconds et le troupeau, en 18G8, se montait à vingt-huit têtes de demi-sang. Ces animaux, d'une taille gigantes- que, sont un peu inférieurs, comme dimension et comme bois, au Wapiti ; leur bramement est un peu moins sonore que celui du Cerf commun, auquel ils ressemblent beaucoup. On va continuer ces expériences et lâcher quel- 92 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. ques animaux en liberté dans les forêts, le parc qui les contient aujourd'hui étant devenu insuffisant. (Land and Waler, janvier 1870.) Paul Voelkel. Notes sur quelques mammifères du Groenland. L'un des mammifères les plus importants qui font partie de la Faune native du Groenland est YOurs polaire, le Nennook des Groenlandais, que l'on rencontre tout le long de la côte du Groenland du nord au sud : toute- fois les Ours ne s'y trouvent pas en aussi grand nombre que cela avait lieu autrefois, ou que cela est admis généralement. Ils se montrent du reste plutôt dans la partie septentrionale que dans la partie méridionale de la contrée, et il est rare d'en voir entre le C9° et le 66° de latitude nord. 11 en est tué annuellement de 30 à 60, cl les natifs vendent généralement les peaux 5 rigsdaler environ (11 sh. 3 d. ou 13 IV. 65), à la compagnie mar- chande. Il en est lue occasionnellement près du cap Farewcll un certain nombre qui sont transportés sur des bancs de glace entraînés à la dérive. Dans cette localité, la peau appartient à la première personne qui aperçoit l'ours : celui qui tue l'ours, n'a la propriété que delà graisse et de la chair. Sa nourriture principale consiste en Phoques qu'il poursuit avec une ardeur infatigable ; cependant il est un tant soit peu omnivore et il lui suffit souvent de peu d'heures pour faire disparaître d'une localité tous les œufs d'Eider qui pouvaient s'y trouver. Une espèce de llenard, le Terenniak ou Kaka des Groenlandais, dont il existe deux variétés, le bleu et le blanc, existe en abondance dans la partie méridionale et la partie moyenne du Groenland : on la rencontre rarement dans le nord des possessions danoises, mais elle se li cm vc eu abondance au nord d'Upernavik jusqu'au delà du détroit de Smitli. La couleur ne dépend pas de la saison. La variété blanche est bien plus abondante que la variété bleue; mais elle est d'une valeur bien moindre: les variétés bleue et blanche se croisent du reste Tune avec l'autre, et souvent l'Esqu mau dit: « La mère éiaii blanche et le père bleu, et vice versa. » Le Renard bleu est d'une irès-grande valeur: le prix des peaux Is plus belles peut monter à sept fois celui des peaux du i'.cuard blanc. On en a vendu à la vente an- nuelle, à Copenhague, à des prix de 20 rigsdaler (h sh. 6 d.. ou 5 fr. 65 environ). Au Groenland, la peau de Renard blanc est vendue trois marks (1 sh 1 1/2 d., ou 1 fr. Z|5 environ), et celle du bleu 2 rigsdaler (/| sh. 6 d., ou 5 fr. 65 environ). On tue annuellement 1000 à 2000 Renards blancs et bleus, dont les deux tiers sont bleus, tandis qu'un tiers est blanc. Les Groen- landais ne tuent pas les Renards en été, parce que leur poil d'été n'a pas de valeur commerciale. Le Chien de l'Esquimau appartient à la même espèce que ceux des autres parties du continent américain : du moins, les Chiens du Kamscliatka, du CHRONIQUE. US Sitka, des rives occidentales du détroit de Davis et du Groenland ne pa- raissent pas pouvoir être considérés comme n'appartenant pas à la même espèce. Outre cette espèce, il existe encore, dans le Groenland danois, une autre race de Chiens provenant du croisement de la race du pays avec la race européenne importée par les blancs. Celle dernière race, est désignée par les natifs sous le nom de Meèkè. Les Chiens sont presque tous utilisés au Groenland pour le transport en traîneau. Chez les Esquimaux des rives occidentales du détroit de Davis, un Chien libre précède le traîneau et sert de guide: il évite avec soin les endroits où la glace est rompue. Dans le nord du Groenland, les Chiens sont aussi employés à la chasse de l'Ours : ils servent aussi quelquefois à la chasse au Phoque. La chair des Chiens constitue un manger fort apprécié des habitants du pays : ces derniers l'ont de la peau des Chiens des chaus- sures et ils confectionnent, avec celle des jeunes Chiens, des vêlements d'hiver. Le Lièvre (Lepus glacialis) est un animal commun sur la côte, du nord au sud, de l'est à l'ouest: on ne le rencontre cependant que rarement vers les limites septentrionales des parages du commerce danois et l'on en lue seulement quelques centaines par an. Outre ces animaux, nous devons encore mentionner le Renne, le plus im- portant des mammifères du Groenland, sur lequel nous aurons peut-être ultérieurement l'Occasion de revenir dans un article spécial. (Extrait d'un article du Field du 23 janvier 18G9, p. 6fi, signalant des documents sur Y Histoire naturelle du Groenland, publiés par AI. li. lîrown.) A. A. D. Des Grues. La Grue couronnée du Cap (Ralearica regularum) est une des espèces les plus [belles d'une famille d'oiseaux à laquelle appartiennent les genres Grus, Telrapteryx, Balcarica et Anthropoides. Les espèces de cette famille ne sont pas nombreuses; mais elles sonl répendues largement en Europe, en Asie, en Afrique, en Amérique et en Australie. Toutefois, il ne paraît exister clans ce dernier pays qu'une seule espèce de Grue, la Grue d'Australie (Grus australasiàna), à laquelle sa sociabilité a fait donner vraisemblablement par les premiers colons son nom vulgaire actuel en Australie, The native companion. Cette espèce paraît du reste susceptible d'être apprivoisée de la manière la plus complète, ainsi que toutes les espèces de la même famille en général. Nous observerons ici que la Grue cendrée, qui pouvait être considérée comme un oiseau de la faune orniihologique des Iles-Britanniques, est main- tenant, pour ce pays, une espèce à peu près, sinon tout à fait, éteinte. Sans nous arrêter à Y Anthropoides virgo, ni à l'organisation de la trachée 9/t SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D 'ACCLIMATATION. chez les Grues, sur lesquelles s'étend assez longuement Hauteur de l'article auquel nous empruntons ces renseignements, nous mentionnerons le fait que cet auteur considère la chair des Grues comme excellente, surtout lors- que l'animal est jeune, cl cite à l'appui de son opinion des passages de diffé- rents auteurs, dans lesquels les drues sont mentionnées même comme un manger royal. (Land and Water, 27 novemhre 1869, p. 367.) A. A. 1). Introduction du Saturnin oecronia en Prusse. (Société d'acclimalation de Berlin.) La Société d'acclimatation de Berlin avait reçu le 1/j septembre 1869, de Pensylvanic, 100 cocons de Saturnia Cecropia qu'elle avait répartis entre. MM. Heese, le docteur Poselger et J. Bouché de Berlin, pour procéder à des essais de sériciculture. Chacun des trois éleveurs a obtenu des résultats favorables: M. J. A. Hesse a obtenu 20 nulles et 2 femelles qui lui ont donné 520 œufs; M. le docteur H. Poselger a recueilli à peu près la même quan- tité de graines; enfin, M. .1. Bouché a pu venir ajouter encore 220 œufs à cette provision de graines de S. Cecropia. Toutes ces graines ont été confiées au jardinier de la cour, M. G. A. Fintelmann, pour en continuer l'élevage. La Société d'acclimatation de Berlin a en outre utilisé ses relations avec la Pensylvanic pour se procurer des cocons de S. Polyphemus et de S. Pro- metheus, alin de s'occuper d'essais d'éducation de ces deux espèces de Vers à soie. (Zeitschrift fur akklimatisation, Organ der Akklimatisations-Verein in Berlin, Vil" année, nouvelle série, n" IV -IX, p. 61, 69, 79-81.) A. A. D. Acclimatation d'arbres étrangers aux Indes Britanniques. (Jardin botanique de Calcutta.) Dans l'exposition qui a été faite, dans le Bulletin de la Société, des tenta- tives d'acclimatation des Cinchonas, dans des pays autres que leur pairie originaire, le jardin botanique de Calcutta a été l'objet d'une mention par- ticulière, comme ayant été l'une des pépinières qui ont servi à l'acclimata- tion des Cinchonas dans les Indes britanniques ; mais ce n'est pas sur ce seul point, quelque important qu'il soit, que l'on doit fixer son attention lorsqu'on veut se rendre compte des services que M. le docteur T. Ander- son, surintendant de ce jardin botanique, a rendus à l'acclimatation. Indépendamment de l'ordre méthodique si commode pour l'étude et pour CHRONIQUE. .QÔ 1rs recherches scientifiques dans lequel les plantes de ce jardin sont dispo- sées, grâce aux 'Oins persistants de M. le l)r Anderson dont les connaissances profondes en botanique sont notoires, le jardin botanique de Calcutta ne con- tient pas seulement les arbres natifs des Indes britanniques, mais il contient aussi une grande quantité d'arbres étrangers à ce pays. Toutefois ce n'est que par une longue suite d'efforts que M. Anderson a pu réaliser ces introduc- tions ; en effet, les cyclones qui, en 18ttft et 1867, ont sévi dans ces parages, sont venus successivement anéantir une partie des résultats de ces efforts; ainsi le. cyclone de 1864 avait abattu 1010 arbres de différentes essences et le cyclone de 1867, 751 ; mais si les spécimens uniques de cer- taines essences d'arbres abattus en 186/i ne montaient qu'au chiffre de 8, ils se sont élevés en 1867 à 30. Les Palmiers ont paru dans les deux cas avoir mieux résisté que les autres arbres à l'action du cyclone. On a prélevé un échantillon de chacun des arbres abattus par le cyclone de 1867, pour l'envoyer au musée de Kew, et M. le docteur John li. Jack- son, dans un article publié par le Gardener's Chronicle du 5 décembre 1868, p. 1259, nous fournil sur ceux des arbres étrangers aux Indes britanniques, qui ont fourni ces échantillons des renseignements qui nous permettent d'apprécier les perles que le jardin botanique de Calcutta a faites en espèces étrangères acclimatées, et nous font aussi apprécier les efforts qu'il avait fallu l'aire pour réaliser non-seulement l'introduction des arbres abattus, mais aussi celle des arbres étrangers à la localité qui ont résisté aux cyclones et sont encore debout. M. John H. Jackson, dans un article ultérieur du même journal, s'occupe des échantillons des espèces indigènes abattues. Parmi les espèces étrangères citées par M. John 11. Jackson, nous men- tionnerons le Guazuma tomentosa des Indes occidentales et de l'Amérique du Sud ; V Araucaria Cunninghamii d'Australie, le Caesalpin ia coriaria des Indes occidentales, du Mexique; le Çasuar\na equisetifolia des îles de la mer du Sud, de l'archipel Indien aussi bien que des Indes orientales; le. Cu [tressas sempervirens de la l'erse et du Levant, Cyprès de nos jardins dont une variété, le C. fastigiata, atteignant 50 pieds de haut, est cultivée abondamment dans l'Europe méridionale et dans l'Asie occidentale ; le Col- villea racemosa de Madagascar; le Kigelia pinnata des rives occidentales et orientales de l'Afrique, Mozambique, Nubie, Abyssinie, s'étendant au sud jusqu'à Natal; le Canella albades Indes occidentales; le Swietenia maho- cipe du succès, c'est-à-dire placer les espèces que nous cher- chons à acclimater le plus près possible de leurs conditions d'origine, et si l'intéressante question de la naturalisation du Casoar était jusqu'ici restée indécise, c'est qu'on n'avait pas apporté à sa solution les connaissances pratiques et les soins qu'elle comporte. Aujourd'hui je crois pouvoir établir, à l'aide de nombreuses expériences que j'ai tentées depuis 1853, qu'il ne faut que l'observation rigoureusement suivie de certaines règles, la nécessité absolue d'un calme parfait dans la saison des amours et de l'incubation, pour que toute personne qui le voudra sérieusement puisse, ainsi que moi, réussir complè- tement. L'histoire naturelle pratique est une des plus attrayantes branches de la science qu'il soit donné à l'homme intelligent de- fouiller ou d'observer. Le champ est vaste et le savant ainsi que l'homme de loisir, peuvent, l'un autant que l'autre, y puiser d'intimes et grandes jouissances. Qu'on se garde de croire que, pour atteindre le but désiré, il faille un très-vaste espace, et sacrifier annuellement des sommes importantes; ce serait une erreur : la fortune modeste autant que la plus éle- vée peuvent aspirer au succès ; pour réussir, un grand parc n'est pas indispensable ; un coin de jardin planté de quelques bouquets d'arbres, une bonne exposition, et le problème sera résolu. Les personnes qui ont visité le Jardin zoologique de Grenoble connaissent les succès obtenus par son savant direc- teur, M. Bouteille, elles ont pu se convaincre de visu que s'il a réussi à obtenir plusieurs éclosions de l'Autruche, il ne les a pas dues à l'étendue du parc qu'il leur a consacré ; pour peu que l'on compare l'un à l'autre les deux géants de l'ornitho- logie, leur origine, leurs mœurs, la température que le Casoar peut supporter, et qui tuerait infailliblement l'Autruche, on arrive rapidement à ceLte conclusion, que le Casoar sera faci- lement naturalisé, tandis que la reproduction de l'Autruche, si désirable qu'elle soit, ne pourra réussir que dans certaines REPRODUCTION DE L'ÉMEU OU CASOAR. 107 conditions de climatologie, et entre les mains d'expérimenta- teurs exercés. Je pose donc en principe, et l'avenir me donnera raison, que si un certain nombre de membres de la Société, qu'ils soient au nord ou au midi, veulent bien coopérer au but qu'elle se propose, c'est-à-dire propager et étendre les espèces utiles, il faut qu'ils entrent dans la voie que je me suis tracée, et que j'ai suivie avec ténacité depuis plusieurs années. Pour assurer la domestication du Casoar en France, la vo- lonté de quelques membres doit suffire, et dans peu d'années ce bel oiseau, envisagé au point de vue de l'ornementation, de l'utilité commerciale, de l'alimentation même, deviendra commun et d'un prix relativement peu élevé. Le premier couple que je me procurai fut acheté en Angle- terre, en 1853, à un prix considérable; les oiseaux étaient adultes, grands et parfaitement organisés pour la reproduc- tion, en ne jugeant que d'après les apparences : splendides de plumage et de santé, c'est à peine si, dans les froids les plus intenses de l'hiver, ils avaient recours à l'abri de la cabane garnie de paillassons qui leur était destinée. Six mois après leur arrivée, au mois de novembre, la saison des amours, le mâle devint méchant et se ruait avec fureur contre la clôture de. son petit parc ; dès qu'un visiteur se présentait ou que des Cerfs axis, ses voisins de captivité, s'approchaient, il courait sus aux hommes, aux animaux qui l'entouraient, son gardien même, qu'il avait pris en atïection, qui pouvait dans un autre temps s'en approcher, le caresser, était forcé de prendre les plus grandes précautions pour éviter qu'il ne se blessât ou ne se livrât sur lui à de dangereuses voies de fait. Ces remarques sont d'une grande importance et doivent provoquer de In part des gardiens des soins attentifs qui, bien appliqués, condui- ront infailliblement au succès, écartés ou négligés, à un échec certain. La saison des amours est l'époque critique dans la vie du Casoar; inquiet, tourmenté par des visiteurs inintelligents, ou voisin d'animaux étrangers à son espèce, il ne songera qu'à se défendre, sa colère incessante lui fera oublier sa femelle, et 108 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. l'acte delà fécondation étant incomplet, les œufs seront stériles. Toute personne novice, comme je l'étais alors, qui ne fera pas rigoureusement observer l'isolement et le calme néces- saire au ménage, perdra son argent, son temps et ses peines. La règle à suivre est donc celle-ci : calme absolu, paix pro- fonde, nourriture plus abondante et mieux choisie, l'eau devra être renouvelée avec soin (le Casoar boit beaucoup pendant cette période). En dehors du temps des amours, le Casoar est d'un caractère doux et sociable, il aime la société de l'homme au-devant duquelil accourt etprend àlamain tous les aliments qu'on lui offre ; il suit sans défiance comme sans méchanceté son gardien habituel, aperçoit-il même un étranger, loin de redouter sa présence, il vient solliciter l'aumône d'un peu de pain. Très-ressemblant à l'Autruche par son violent appétit, il s'accommode mal de la diète, et je crois que l'on a avancé une assertion au moins hasardée en disant que, pendant toute la durée de l'incubation, il ne prend aucune nourriture et vit aux dépens de la graisse accumulée auprès des viscères de l'abdomen. Voici ce que toutes les personnes de ma maison, ainsi que moi-même, avons observé : pendant l'incubation, l'oiseau bien habitué à sa demeure, chez lui en quelque sorte , ne songe qu'à remplir ses devoirs de parfait incubateur, mais il se lève pour boire et manger au moins une fois par jour, et si l'on ne prenait pas la précaution de mettre de l'eau et des aliments à sa portée, en ayant le soin d'écarter la femelle qui lui en prendrait la meilleure partie, le pauvre oiseau pourrait parfaitement succomber d'anémie pendant cette longue période de soixante-deux jours; je recommande donc, d'une manière particulière, de lui jeter au moins une fois chaque jour une ration de pain d'orge ou de munition près du nid, et de pla- cer devant lui une jatte d'eau fraîche. Il peut se faire qu'à l'état sauvage, le Casoar résiste longtemps à la diète que lui impose l'incubation ; mais qui ne sait que la domestication affaiblit toujours les résistances organiques et que tel animal qui, à l'état libre, parcourt de longs espaces, supporte de grandes fatigues, s'étiole et meurt en domesticité, s'il n'est soutenu par une alimentation saine et réparatrice. REPRODUCTION DE l'ÉMËU OU C4S0AR- 109 La ponte est dit-on de sept à huit œufs ; le moins que j'aie obtenu a été de neuf, et dans certaines années elle a varié entre douze et dix-huit. Pour que l'oiseau puisse accomplir ses fonctions de bon incubateur, il est à désirer qu'il n'en couve que huit, neuf au plus ; j'ai essayé d'en faire couver par des Dindes, mais cet oiseau peut à peine en échauffer deux, et je n'ai pas réussi. Le mieux serait donc d'essayer d'une couveuse artificielle pour le surplus des œufs. Malheureuse- ment je ne connais aucun succès de ces tentatives; je crois cependant qu'à Anvers un petit naquit, couvé de cette manière, mais ne tarda pas à succomber. J'avoue, à ma honte peut-être, que j'ai sacrifié au péché de gourmandise ces œufs véritable- ment délicieux. Chaque œuf en représente huit ou dix de poule ordinaire; plus la nourriture est abondante au moment de la ponte, plus les œufs sont nombreux. Ils peuvent se conserver frais, en les plaçant délicatement, sans secousse, dans une masse de son convenablement comprimée, en lieu frais, et à l'abri des changements de température. C'est à la négligence des préceptes, que je viens de signaler, que dans mes débuts d'acclimatation, je trouve la cause de mon échec. Laduréedela saison amoureuse estd'environ six semaines, et pendant cette période la femelle, sans jamais être méchante autant que son conjoint, a besoin elle-même d'être entourée de précautions. Elle se livrerait moins aux caresses du mâle, ne choisirait pas un lieu d'élection pour le dépôt des œufs fruits de ses amours; elle les déposerait çà et là, indice presque certain d'insuccès dans leur fécondation, et ce n'est pas seulement aux grands oiseaux que l'on doit appliquer cette importante remarque, mais à presque toutes les espèces de parc ou de volière. Une alimentation plus substantielle né- cessaire au mâle l'est bien davantage à sa compagne, pendant toute la durée de la ponte qui, trop abondante, pourrait amener l'étiolement, l'amaigrissement et la mort de l'oiseau. Une précaution également bonne à prendre et, qu'en effet, je prends presque toujours dans mes parcs et mes volières, est de mêlera l'eau une certaine quantité de sous-carbonate de fer ; ce mélange a le grand avantage de prévenir ou de combattre 110 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d'àCCLIMATATION. la diarrhée, accident trop souvent fatal aux oiseaux domes- tiques. J'ai dit plus haut que le nombre d'œufs est très-variable, et je crois qu'il n'est pas à désirer pour le succès de la repro- duction qu'il dépasse huit ou dix. Si j'en ai obtenu jusqu'à dix-sept de la même femelle, c'est au détriment de sa santé, et très-probablement de leur fécondation. Je conservai le couple pendant quatre ans, sans qu'un seul des œufs ait été couvé ies deux premières années ou par le mâle ou la fe- melle. Eparpillés dans leur enceinte trop restreinte, les oiseaux ne semblaient pas en prendre le moindre souci, on essaya de les rassembler, de les placer sur la paille de leur cabane, soins inutiles ; la troisième et la quatrième année, le mâle plus habitué à son enceinte, moins tourmenté par son entourage auquel il s'était habitué, rassembla les œufs, puis, dans le courant de mars, fit avec ses pattes et son bec, un lit de feuilles sèches, à l'air libre toujours, tourna et retourna les œufs eten conserva dix qu'il couva assidûment pendant soixante- deux jours, ne se levant que pour boire et manger ; mais au bout de soixante jours, son gardienetmoi-même nous remarquâmes l'inquiétude de l'oiseau qui se levait fréquemment du nid et poussait doucement chacun des œufs, plusieurs même furent écartés par lui. Le temps légal expiré, bien convaincu qu'il n'y avait pas d'éclosion, je les enlevai tous : aucun d'eux ne conte- nait même le germe d'un embryon. L'année suivante, le résul- tat fut le même, ponte abondante, incubation soutenue, espé- rances suivies de déceptions complètes. Découragé, je vendis ce beau couple d'oiseaux, l'un des plus beaux que j'aie jamais vu ; ne me doutant guère que ceux que j'accusais n'étaient pas les coupables, mais bien moi qui n'avais pas su deviner leurs habitudes, leurs mœurs, pour les placer dans les conditions né- cessaires à la reproduction, le parc que je leur avais consacré était trop petite sans verdure} privé d'herbes et de bouquets de bois indispensables au succès (sans abri contre les chaleurs de l'été dont ils souffraient beaucoup, et les froids de l'hiver, qui altérèrent les œufs, qu'on eut le lort de laisser exposés à l'air). Il est important de ne pas perdre de vue que la ponte REPRODUCTION DE l'ÉMEU OU CASOAR. iil dure environ six semaines, et qu'il s'écoule souvent trois ou quatre jours d'intervalle entre la sortie de chaque œuf, elle commence habituellement dans les quinze premiers jours de janvier, pour finir au commencement de mars. J'attribuai donc bien à tort mon insuccès à une mauvaise disposition or- ganique, car, placé dans les conditions que j'indique et que je résumerai encore, ce couple aurait très-certainement avancé de plusieurs années la propagation poursuivie et désirée. A cette époque, jefis d'autres conquêtes dans la grande tribu des Cerfs et des Antilopes dont je possédais plusieurs espèces, elles me consolèrent pendant très -longtemps de ma mésaventure sans cependant la perdre complètement de vue. Je lisais çà et là tout ce qu'on publiait sur le Casoar, et mon intérêt se soute- nait par cette lecture. Dans mes pérégrinations et mes visites aux divers Jardins zoologiques de l'Europe, je cherchais à m'éclairer, et de renseignements en renseignements j'arrivai a cette conclusion que j'avais trop vite abandonné mes tenta- tives, et dès lors je cherchai une nouvelle occasion de me pro- curer un autre couple. En 1866, j'assistais à la vente des animaux du Jardin zoolo- gique d'Anvers, magnifique établissement dirigé avec tant d'ha- bileté par M. Vekemans. Une paire de bien misérable appa- rence était à vendre; autour de moi, plus d'un amateur disait que ce couple vieux et malade ne méritait aucune confiance. En examinant attentivement les pattes dont les articulations était souples, sans nodosités, l'épidémie peu épais sans écailles fendillées, je ne partagai pas la pensée commune. Les oiseaux avaient souffert dans une traversée ou par défaut de soins, mais je ne les crus pas vieux, ni sérieusement malades. Leur amaigrissement et leur chétive apparence ne me firent pas peur, et malgré plus d'un sourire qui n'avait rien de rassu- rant, j'en devins propriétaire. Ces remarques je ne les consi- gnerais pas, si elles n'avaient leur côté pratique. Sans être complètement édifié, je ne croyais cependantpas à la mort de mes oiseaux, moi qui connaissais la puissante organisation de cette espèce, et sa force de résistance. J'espérai et j'eus bien raison, qu'avec le repos, une bonne exposition dans une plus H2 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUÈ D'ACCLIMATATION. vaste enceinte que dans le passé, une alimentation abondante et très-réparatrice, je réussirais à les conserver, et c'est pré- cisément ce couple, aujourd'hui splendide, qui m'a donné gain de cause en me dédommageant de toutes mes tribulations. L'achat des Casoars n'est pas aujourd'hui très-facile. L'Aus- tralie n'en fournit qu'un petit nombre, et leurs reproductions ne sont pas tellement nombreuses en Europe qu'on puisse ai- sément s'en procurer. La distinction dessexes mérite également d'être étudiée avec soin, si l'on ne veut pas faire fausse route dans leur acquisi- tion. Le mâle est sensiblement plus grand que la femelle, sa tête est plus volumineuse, la peau de la partie supérieure du cou est d'un bleu plus foncé ; il est plus allongé ; la démarche de l'oiseau est plus hère, plus active ; l'œil est proéminent et il ne porte pas, comme la femelle, une très-abondante touffe de plumes sur la partie antérieure du thorax ; il fait rarement entendre un bruit de vibration gutturale ressemblant au pin- cement d'une corde de contre-basse, ce ronflement très-com- mun chez la femelle, n'est répété par le mâle que dans la saison des amours et particulièrement quand il marche à côté de ses petits qu'il défend et protège avec une tendresse, que l'on pourrait offrir pour exemple. On ne peut guère du reste, qu'à l'âge de dix-huit mois, bien déterminer la différence des sexes ; si celte certitude, à l'aide des caractères que je viens de tracer, ne peut s'acquérir que vers cet âge, on peut néan- moins plus tôt soupçonner la différence des sexes, lesfemelles sont plus petites, plus délicates, n'ont pas la vivacité, l'énergie de mouvements des jeunes mâles, il semble qu'elles ont moins de vitalité, et je suis très-porté à penser que les quatre oiseaux que j'ai cédés au Jardin d'acclimatation, forment bien deux couples; mon opinion se base sur l'étude que j'ai faite des allures de mes jeunes élèves, mais je ne la formule qu'avec réserve et plutôt comme une probabilité qu'une certitude. Attachant une grande importance à la conquête définitive de ce bel oiseau, à sa vulgarisation même, je voudrais, à l'aide de mes observations, arriver à faire naître le désir de sa domestication. REPRODUCTION DE L'ÉMEU OU CASOAR. 113 Que sont, en effet, les efforts d'une seule personne dont la vie est courte et les moyens bornés, s'ils ne sont pas étayés, combinés avec l'assistance du grand nombre? On est, je crois, d'accord sur ce point que parmi les grands oiseaux, la domes- tication du Casoar est la plus particulièrement désirable, tout le monde le dit et cependant, en France, on ne veut pas suivre l'exemple que nous donne l'Angleterre, où un très-grand nombre de parcs et de jardins particuliers possèdent cette belle espèce; il est temps cependant d'y songer; à l'état de liberté, le Casoar est, dans un avenir prochain, destiné à disparaître, la colonisation de l'Australie qui va grandissant en reculant les bornes des terres cultivées, lui fait une guerre sans trêve ni merci ; qui ne sait qu'à l'aide de grands lévriers dressés à cette chasse, on force le Casoar comme on le fait, en Europe, du Cerf ou du Daim. Dans ces interminables plaines austra- liennes, où rien ne fait obstacle à l'ardeur de ses persécuteurs, un très-petit nombre échappent à la dent meurtrière du chien qui les poursuit; il en serait de même des Kangurous, des grandes espèces spécialement, si nos Jardins d'acclimatation ou les parcs particuliers n'avaient résolu le problème de leur facile reproduction. Partout où l'homme s'avance, la destruc- tion des animaux le suit; à Madagascar, l'Epierais, l'oiseau géant, n'existe plus : le Dronte a disparu de l'île de France, et de nos jours, si les Sociétés, heureusement fondées dans toutes les contrées du monde civilisé, ne venaient pas porter remède à cette ardeur fébrile de destruction, nous verrions l'Emeu et le Kangurou disparaître du globe. Le lecteur qui parcourt les publications des voyageurs contemporains, est frappé et at- tristé de voir que le chasseur, sans pitié, tue pour le seul plaisir de tuer; depuis l'introduction de la poudre, les peu- plades africaines, imitant les instincts destructeurs de l'Euro- péen et sans songer au lendemain, déciment les troupeaux d'Antilopes, un de leurs principaux moyens d'alimentation; à vingt lieues autour du Cap, tout le monde sait qu'on ne ren- contre plus ni une Autruche, ni un Zèbre, ni une Antilope, et si les récits de l'infatigable Livingston ne sont pas exagérés, les grands troupeaux, qui peuplaient les solitudes africaines, 2e série. T. VII. — Février 1870. 8 11 II SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. décimés, éperdus fuient devant l'homme, et ne se rencontrent plus que là où il n'a pas encore pénétré. C'est donc une vérité parfaitement établie que tout ami de l'histoire naturelle pratique devra, par des efforts persévérants et sagement combinés, suppléer aux lacunes que j'ai été à môme de déplorer dans les Jardins zoologiques de l'Europe. Ces vastes établissements ne sont pas malheureusement, pour les grandes espèces au moins, des parcs de reproduction. Tous ceux que j'ai visités en Allemagne, en Hollande, en Bel- gique, en Angleterre, manquent des conditions reconnues né- cessaires. Ils sont de merveilleux jardins d'exhibition où les animaux, entassés, serrés les uns contre les autres, servent bien davantage à alimenter la curiosité publique qu'à attein- dre' le but désirable de la reproduction. Le bruit et la foule des visiteurs ne conviennent guère aux habitudes des hôtes de ces jardins; c'est donc à l'initiative des amis de l'histoire naturelle appliquée qu'il faut s'adresser. Le grand avantage des Jardins zoologiques, et il est immense, est de faire naître, d'éveiller le goût de nos études dans l'esprit de leurs visiteurs. Quant à la reproduction, il faudrait que les membres des So- ciétés zoologiques, après avoir fait un choix dans les espèces qui leur conviennent, spécialement celles qui ont leur côté utile, s'appliquassent, dans leurs propriétés, à assurer les succès des reproductions. Les Jardins zoologiques se recrute- raient ainsi des produits obtenus, et chaque année de nou- veaux adeptes y puiseraient les éléments de nouvelles repro- ductions, où tenteraient la naturalisation d'espèces moins connues. Telles sont les pensées qui m'ont guidé depuis de nom- breuses années, et m'ont permis, un des premiers en France, de faire reproduire leCygne noir, l'Antilope nilgaut, le Cygne blanc à col noir, plusieurs espèces de Kangurou, et de cou- ronner mes persévérants efforts parla conquête assurée de la reproduction du Casoar. Ces réflexions, sans me faire sortir de mon sujet, m'en ont toutefois un peu écarté, j'y rentre vite. 1867, l'année qui suivit l'achat de mes Casoars, à Anvers, les vit parfaitement revenus à la santé, et dès la lin de dé- REPRODUCTION DE l'ÉMEU OU CASOAR. 115 cenibre, la ponte commença, pour s'effectuer régulièrement : la première fut de seize œufs et se continua tous les trois ou quatre jours-, dans les premiers jours de mars, l'incubation pratiquée par le mâle (on lui avait laissé douze œufs) se fit d'une manière très-irrégulière, il se levait fréquemment, les dérangeait avec son bec ou ses pattes ; aussi fus -je peu sur- pris, après les soixante-deux jours réglementaires d'incubation, de ne' voir sortir qu'un seul petit. Ce qui fut remarqué par toutes les personnes à même d'observer l'oiseau, ce fut sa persistance à rester huit autres jours encore sur le reste des œufs. 11 est certain qu'il comprenait que son rôle n'était pas terminé, car dans les huit jours qui s'écoulèrent, deux autres petits brisèrent leur enveloppe, et se présentèrent dans d'ex- cellentes conditions de vitalité. Malheureusement la femelle ne voulut pas adopter le premier-né ; en véritable marâtre, elle le blessa à coups de bec, et le pauvre oiseau ne tarda pas à succomber; les deux derniers- nés ne reçurent pas davan- tage de soins, ni paternels, ni maternels : c'est à peine si la nuit, sous les plumes de leur père, ils pouvaient s'abriter et se réchauffer : aussi, comme le premier, ne tardèrent-ils pas à périr. Ici se présente une remarquable observation que les naturalistes ont pu faire : rarement on voit les premières cou- vées réussir, quel que soit le genre ou l'espèce ; il semble que les oiseaux, n'ayant pas encore l'expérience des soins exigés pour l'élevage, laissent périr le premier fruit de leur amour ; j'ai été à même d'observer le même fait pour les grands Pal- mipèdes. En 1868, mes Casoars eurent une ponte de douze œufs seulement, et, comme l'année précédente, le mâle remplit les fonctions d'incubateur, mais avec plus de zèle et moins d'incorrections ; aussi le résultat fut-il plus satisfaisant: trois petits, bien portants, sortirent ta un jour d'intervalle de leui coquille; trois autres n'ayant pu percer l'enveloppe, quoique bien conformés, furent trouvés morts, quand on brisa les œufs. Les six autres œufs étaient clairs. Ces jeunes oiseaux vécurent pendant quinze jours, forts, courageux et alertes, et tout in- diquait un résultat favorable, quand deux furent atteints 116 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE 200LOGÎQUE d'àCCLIMATATION. d'ulcération vermineuse du rectum et, malgré des soins mul- tipliés, ne tardèrent pas à succomber ; le troisième vivait exempt d'accidents, lorsqu'à l'âge de trois mois des symptô- mes de rachitisme (ostéo malacie) se manifestèrent; j'essayai l'emploi des fortifiants, l'eau ferrée, le pain trempé de vin, je fis même administrer des bains et des fomentations toniques, avec la décoction de noyer et d'écorce de chêne : ces moyens prolongèrent son existence, sans lui rendre la santé. A six mois, ne pouvant plus que se traîner, il périt d'épuisement dans le plus complet marasme. L'année 1869 devait me dé- dommager de toutes mes peines par le succès le plus décisif qu'aucun naturaliste ait encore obtenu, et pour le nombre, la forte constitution et la beauté des jeunes produits. La femelle pondit son premier œuf le 14 décembre 1868; on le laissa dans le lit de feuilles mortes pour servir de point de repère à l'oiseau, mais les froids intenses de l'hiver pro- duisirent une longue interruption dans la ponte, qui ne se con- tinua que dans les derniers jours de janvier. Pendant la durée des jours rigoureux, les œufs furent enlevés dunid, conservés dans une caisse bien garnie de son, à l'abri du froid et de la chaleur, et posés doucement de champ. Le premier œuf était toujours resté sacrifié, bien entendu. Dans les premiers jours de mars, le mâle ayant manifesté par ses mouvements, son inquiétude, ses recherches dans les feuilles, qu'il voulait cou- ver, neuf œufs lui furent donnés, et le 23 mars, commencè- rent ses fonctions d'incubateur. Je fis mettre à sa portée de l'eau que l'on renouvelait soir et matin, et trois fois par jour on lui portait une nourriture abondante, de telle sorte que pendant soixante jours l'oiseau ne se leva qu'à de longs in- tervalles, et ne fit que de courtes absences du nid qu'il s'était fait. On écartait autant que possible la femelle qui, les années précédentes, avait souvent tourmenté le mâle, et lui avait en- levé la meilleure et la plus grande partie de sa ration alimen- taire. J'avais eu le soin de faire barrer les allées qui entou- raient leur enceinte , pour que la présence de visiteurs indiscrets et inconnus à l'oiseau ne vinssent pas troubler sa quiétude. Le 18 mai naquirent, dans les vingt-quatre heures, REPRODUCTION DE L'ÉMEU OU CÀSOAR. 117 cinq petits; sur les quatre œufs restant, deux conservaient un embryon à peine développé, les deux autres étaient clairs; de ces cinq nouveau-nés, un plus faible resta languissant pen- dant quelques jours et finit par mourir. Quant aux autres, gais, alertes, bien constitués, dès leur entrée dans la vie extérieure, ils parurent disposés à se déve- lopper. Le père, contrairement aux précédentes années, la première particulièrement, montra dès leur naissance la plus parfaite sollicitude; de l'œil il suivait les mouvements de ses petits, faisait claquer son bec, ou entendre un ronflement guttural, signe de colère particulier à ces oiseaux, si l'on ap- prochait trop près de l'enceinte; à la moindre alerte, les petits se blottissaient sous ses longues plumes effilées, et, fait très- remarquable à noter, la femelle elle-même, jusqu'à cette année hostile ou indifférente, partagea les soins du ménage ; elle faisait bonne garde, marchait avec précaution, pour ne pas effleurer de ses lourdes pattes, les frêles existences de la jeune famille ; et de ce jour il fut permis d'étudier, dans toute son étendue et dans sa vérité, la tendresse du père et de la mère. Comment expliquer ce contraste?... Je ne puis en trouver de raison sérieuse que dans l'habitude contractée de la domestication, de la connaissance familière des personnes qui les entouraient et pourvoyaient à leurs besoins. Chaque semaine les oiseaux grandissaient, et prenaient de la vigueur. C'était vraiment plaisir à voir la jeune famille, marchant, courant, gambadant, toujours escortée du père et de la mère; à deux mois la livrée de l'enfance commença à dispa- raître ; les grandes bandes longitudinales qui s'étendent de la tête au train de derrière, s'effacèrent pour faire place aux fines plumes noires et grises, parure définitive de ces oiseaux ! Leur taille avait atteint 50 centimètres et leur force était telle, leur vitesse si grande, qu'en quelques minutes ils franchissaient un très-grand espace. Ces charmants oiseaux, devenus très- familiers, accouraient au-devant des visiteurs et mangeaient à la main ; leur douceur leur avait fait obtenir la liberté entière du parc : on avait pratiqué aux treillages de leur demeure, des ouvertures suffisantes qui leur permettaient 118 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. d'entrer et sortir sans difficulté ; courant çà et là, sur les pelouses, c'était un délicieux spectacle de les voir s'ébattre et pincer l'herbe tendre et les feuilles qui leur plaisaient. Les parents, sans trop d'inquiétude, les surveillaient toutefois, et dès qu'un bruit insolite se faisait entendre, au signal du rap- pel ils accouraient se réfugier dans l'asile protecteur. Le soir arrivé, ils se blottissaient tous les quatre, formant un groupe tête contre tête, gardés à droite et à gauche par le père et la mère: mal eût été accueilli l'indiscret qui serait venu troubler le sommeil de la famille, et de jour même, l'attachement des Casoars était devenu si grand, qu'il y aurait eu danger pour un inconnu à pénétrer dans l'enceinte réservée ; la personne qui leur donnait des soins quotidiens et qu'ils affectionnaient dans les temps ordinaires, prenait elle-même certaines pré- cautions. Un des grands plaisirs de l'éducateur sera toujours de suivre l'évolution et les phases du développement de cette belle espèce; c'est ainsi qu'à deux ou trois mois, alors que les premières plumes sont sorties, époque quelque peu critique, les jeunes oiseaux excitent le plus vif intérêt ; le moment est venu d'étudier et admirer leurs jeux, qui ne sont jamais plus vifs qu'après les repas ; repus et rassasiés, la récréation com- mence ; pendant une partie de la journée, ils s'exercent à la course, aux sauts les uns au-dessus des autres, forment des cercles, se livrent à des gambades, à mille contorsions les plus bizarres ; à quatre mois et demi, ils avaient près d'un mètre de taille, étaient d'une santé robuste, et couverts de leur véritable plumage, ils faisaient l'admiration de toutes les personnes qui les visitaient ; aujourd'hui qu'ils sont devenus les pensionnaires du Jardin zoologique du bois de Bou- logne et du Jardin botanique de Tours, il est facile de vérifier toute la vérité de ces remarques : je n'ai pu constater le poids qu'ils avaient acquis, mais il ne devait pas être inférieur à 20 ou 25 kilogrammes. Pour terminer ce travail que je serais très-heureux d'avoir entrepris, s'il pouvait engager un certain nombre de membres à imiter mon exemple, je n'ai plus qu'à consigner de très- REPRODUCTION DE L'ÉMEU OU CASOAR. 119 courtes observations, résumé des moyens pratiques de mes essais, car nos études vivent de détails, et c'est leur applica- tion réfléchie et scrupuleuse qui en amène le couronne- ment. Les parcs ou enclos, destinés aux Casoars, doivent selon moi être situés, autant que possible, au sud ou au sud-ouest ; les grands froids comme les très-grandes chaleurs de l'été, bien supportés par les oiseaux adultes, seraient certainement nuisibles aux jeunes élèves; il faut aussi que le terrain soit légèrement incliné, afin d'éviter la stagnation des eaux plu- viales dangereuses à des oiseaux qui ne quittent jamais le sol et couvent à l'air libre; l'humidité des pattes continuée trop longtemps pourrait développer les nodosités, le ramollisse- ment des os, le rachitisme que j'observai une fois. Le petit parc doit être toujours planté de bouquets d'arbres ; cette recommandation est de rigueur, pour le succès de la reproduction : c'est là que les oiseaux reposent la nuit, se réfugient quand il pleut, s'abritent contre l'ardeur du soleil ; c'est là qu'ils construisent leur nid, que s'accomplit aussi le mystère de leurs amours. Quoiqu'ils entrent rarement dans leur cabane, un refuge est nécessaire dans les grandes intem- péries ; l'oiseau est un très bon juge des circonstances où il doit en user, mais il faut se garder de les enfermer, ce serait une cause infaillible de maladie, et peut-être un arrêt de mort. Sans être d'une nécessité absolue, il est à désirer que l'enceinte soit gazonnée ; l'herbe est pincée par les oiseaux qu'elle rafraîchit et entretient en santé, elle a le second avan- tage d'absorber la surabondance d'eau et d'empêcher la forma- tion de la boue. La nourriture des oiseaux adultes est peu coûteuse et des plus simples. Je nourris les miens avec du pain d'orge mé- langé de carottes coupées en fragments, de pommes de terre cuites à l'eau ; et dans la saison des fruits, ces oiseaux sont très-friands de pommes divisées par quartiers ; le fond de la nourriture est le pain d'orge ; l'eau doit être toujours très- abondante, et renouvelée avec soin chaque jour; l'alimenta- tion des jeunes élèves mérite un soin spécial. Le jour de la 120 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. naissance, ils ne prennent aucun aliment; le lendemain je leur ai fait donner un mélange d'œufs durs et de pain légèrement humide, le tout finement pulvérisé. En place de l'aliment dans des assiettes plates, il faut jeter, quand il y a plusieurs petits, le mélange alimentaire sur le dos des oiseaux, ils s'épluchent et en saisissent délicatement les fragments; au fur et à mesure qu'ils grandissent, au bout de huit à dix jours, on diminue la quantité des œufs pour aug- menter celle du pain, on peut également y ajouter du riz à demi cuit et suffisamment ramolli. Lorsque l'enceinte est garnie d'herbe, ils en saisissent déjà les brindilles les plus tendres ; en l'absence de cette herbe, il est important d'y sub- stituer de la salade finement hachée : ce système d'alimen- tation est parfait et doit être continué tout le premier mois. Cette période écoulée, des fragments de pain ordinaire ou de pain de munition suffisent; à deux ou trois mois, on diminue la ration de pain, pour n'en donner qu'une fois ou deux, mêlée de pommes de terre ou de carottes coupées en fragments. Autant il est de rigueur d'éloigner les indiscrets ou toute personne inconnue, pendant la saison des amours, de l'incu- bation, et les premiers jours qui suivent la naissance, autant je recommande, lorsque, lesjeunesCasoars ont acquis un déve- loppement suffisant, de les habituer au mouvement extérieur et au bruit. Les miens n'avaient aucune frayeur d'un chien terrier, ils venaient manger à la main, et suivaient dans le parc tout visiteur qui s'y promenait. Ces considérations pratiques, toutes importantes, sont le fruit de l'observation et la réparation des fautes précédem- ment commises; je crois pouvoir affirmer que le naturaliste, qui voudra bien s'y conformer, arrivera toujours au succès. Sans nul doute, il en sera du Casoar comme de tous les oiseaux de volière, de parc ou de basse-cour, il y aura des années improductives, désastreuses même, sans qu'il soit pos- sible d'en déterminer rigoureusement la cause, mais la moyenne sera favorable, et la conquête aussi désirée que dési- rable de ce magnifique oiseau sera pour toujours assurée. On REPRODUCTION DE l'ÉMEU OU CASOAR. 121 ne tremblera plus à la pensée que si les envois de l'Australie, qui diminuent chaque année par les causes que j'ai signalées, venaient à faire défaut, on perdrait cette grande et pré- cieuse espèce. Dans cette étude je n'ai pas eu à faire apprécier les avan- tages du Casoar, envisagé au point de vue de l'alimentation et des produits qu'on en tire pour le commerce de plumes ; ils ont été si bien indiqués dans de précédents mémoires, par notre illustre et regretté président, par M. Florent Prévost et d'autres écrivains, que la confirmation de faits aussi bien éta- blis n'aurait pas sa raison d'être : je veux seulement insister sur un point pratique d'une grande importance, c'est que la première mise de fonds et l'entretien annuel des oiseaux seront amplement couverts par les produits. Comme oiseaux d'orne- mentation, s'ils ne brillent pas autant par les splendeurs du plumage que certaines espèces de Faisans, les Lophophores et autres, ils ont sur eux le grand avantage de vivre librement à l'air, et de donner à un parc en tous temps par la vivacité et l'énergie de leurs mouvements, les jeux gracieux de leur jeune famille, cette vie d'animation si nécessaire à la cam- pagne, et qui repose des soucis et des ennuis de l'existence agitée de nos villes. ACCLIMATATION D'UN NOUVEAU GIBIER PRIS DANS LA CLASSE DES OISEAUX ; « LA PETITE GROUSSE D'ECOSSE; Par M. le comte de LUPEL. Depuis longtemps je m'occupe de cette question, comme de toutes les questions ayant rapport à la chasse. — On voit à Paris, chez les marchands de gibier, un Gallinacé dont le Coq ressemble à la Poule faisane ; la femelle lui est semblable, mais plus petite: c'est la Grousse d'Ecosse; maïs en Angleterre il y a beaucoup de monde qui appelle aussi Grousse, une espèce de Tétras dont le mâle est noir, beaucoup plus gros, et qui se perche, tandis que la petite Grousse, rousse, sus désignée, ne se perche pas, et vit dans des bruyères servant de pâtu- rages aux moutons. C'est ce Gallinacé qiiil faudrait intro- duire en France, où je crois qu'il réussirait très-bien, pour plusieurs raisons qui sont cause que le Faisan ne réussit pas dans le nord et l'est de la France; car, 1° il faut trop de protection au Faisan ; 2° les endroits qui lui conviennent sont très- rares; 3° sa grosseur et l'éclat de son plumage le ren- dent trop visible dans les forêts, où actuellement on enlève les broussailles, et où les délinquants prennent la bruyère et les genêts (qui, l'été, garantiraient le sol de la sécheresse si nui- sible au jeune bois et semis) ; alorsle Faisan est vu et pris par les Oiseaux de proie ; h° le Faisan étant originaire d'un pays chaud, perd une grande partie de son intelligence et de ses moyens pendant l'hiver, la neige et la gelée ; 5° l'ouverture de la chasse ayant lieu en France trois ou quatre semâmes trop tôt, des compagnies entières de Faisandeaux se laissent mas- sacrer en plaine, près des bois réservés, à l'époque de l'ou- verture de la chasse, dans des récoltes qui sont encore sur pied ; 6° les braconniers nocturnes et dangereux, tuent l'hi- ver le Faisan à la perchée, parce qu'on n'a pas eu la vul- ACCLIMATATION D'UN NOUVEAU GIBIER. 123 gaire intelligence de planter par-ci par- là, dans les bois, quel- ques petits groupes de deux ou trois Sapins ensemble, où la nuit et le jour le Faisan serait à l'abri de l'œil du braconnier et de l'Oiseau de proie ; 7° dans tous les pays, et partout où l'homme met le pied, il est facile de détruire les Carnassiers quadrupèdes et ailés, avec la strychnine, en employant mes procédés, qui en décembre 1868 ont été en partie publiés dans le journal le Moniteur des Gardes. Ma boîte-piége rem- place avantageusement l'assommoir pour la Belette, le Putois et le Chat-sauvage. Prenant les animaux vivants, elle peut être employée dans les bâtiments des fermes, 'sans danger pour les Chats privés. Je n'ai pas encore trouvé le moyen d'empoison- ner la Belette et le Putois ; je crois qu'on réussirait avec l'œuf de Poule, mais de crainte de malheur, je n'ai jamais fait cet essai. On voit, d'après ce qui est dit ci-dessus, que les plus grands obstacles qui empêchent le Faisan de réussir en France, ne s'appliqueraient pas à la Grousse d'Ecosse dont je veux parler: 1° Originaire d'un pays froid comme le nord et l'est de la France, elle ne sera pas engourdie, paralysée et abrulie, comme l'est le Faisan en temps de gelée et de neige. — 2° Étant moins grosse et d'un plumage plus terne, l'oi- seau de proie ne la découvrira pas aussi facilement. — 3° Le Faisan est très-difficile pour le choix du terrain où il peut trouver sa nourriture. La Grousse, vivant sur des terrains maigres et de bruyère, pourra vivre dans les semis et taillis de nos bois et forêts; et je pense qu'elle ne restera pas en plaine le jour, pour s'y faire tuer aussi bêtement que les Fai- sandeaux et le Faisan. Le vol de la Grousse est, dit-on, très- long, d'un à deux kilomètres, ce qui empêche de la retrouver facilement. L'inspection de ce Gallinacé montre que son vol et sa course doivent être des plus rapides. Par leurs relations étendues, MM. les directeurs de la Société d'acclimatation peuvent se procurer des œufs, ou en faire couver en Ecosse chez un correspondant, pour faire envoyer grande vitesse des élèves qui seraient lâchés dans un parc boisé, ou dans une chasse bien gardée, dont le posses- seur suivrait en outre tous mes procédés pour la destruction 124 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. de tous les carnassiers. Il faudrait que le possesseur de la chasse fût en même temps propriétaire du bois, ou au moins, si c'était un locataire de chasse des forêts de l'État, qu'il fût assuré d'une rare et toute bienveillante protection spéciale de la part des chefs forestiers du cantonnement de ses chasses. Il y a vingt-trois ans, on voyait quelques Gelinottes dans la grande forêt de Haguenau ; depuis, elles l'ont abandonnée pour aller je ne sais où. Ce gallinacé à l'avantage de ne pas se faire tuer en plaine comme le Faisan. La Gelinotte de Rus- sie est plus noire que la nôtre. On devrait en essayer: peut-être n'émigrerait-elle pas... En tous cas elle résisterait mieux à nos hivers, qui ont fait du tort aux Gelinottes d'Al- sace, quand la neige durait trop longtemps. La Poule commune, et surtout une petite Poule d'origine sauvage qui est au Jardin d'acclimatation, réussirait dans les bois de France. Il n'est pas si difficile de rendre sauvage la Poule de France et de peupler les grands bois de ce nouveau gibier. Voici comment il peut faire : 1° d'avance détruire au moyen de la strychine les carnassiers quadrupèdes et ailés, en suivant mes renseignements sus-désignés, et employer simultanément mes boites-piéges. Ensuite, dans un taillis fourré, sous un Chêne ayant les branches assez basses faire avec des planches, ou claies de parcs de moulons, un petit enclos à ciel ouvert, contre lequel serait une cabane de berger, ou une cabane quelconque, où le garde-chasse, ou un homme armé, coucherait pendant vingt ou trente jours. Dans ce petit enclos, on mettrait un as- sez grand nombre de Poulets déjà suffisamment forts, de cou- leur terne: il serait bon de couper la crête aux Coqs. Là, sous des branchages, on leur donnerait à manger et à boire le matin, et le soir à l'heure ducoucher; au fur et à mesure qu'ils deviendraient forts, ils voleraient au-dessus de leur enceinte pour se promener et manger dans les environs. On pourrait leur adjoindre quelques couveuses, pour veiller sur eux. Ils se coucheraient dans le Chêne touffu qui est au-dessus de leur petite enceinte; on placerait au bas quelques grosses branches pour les aider à y monter. Leur gardien se montrerait à eux ACCLIMATATION D'UN NOUVEAU GIBIER. 125 le moins possible. Pendant le jour, il ferait avec son fusil des rondes dans les environs , qui seraient en outre bien garnis de boîtes-piéges et de poisons appétissants pour les Chats, les Renards et les Oiseaux de proie ; ayant toujours dans son carnier une petite fiole de strychnine, pour mettre du poison dans les restes d'un poulet ou d'un gibier quelconque, afin que le rapace trouve une mort infaillible à ce petit reste de sa victime, qu'il ne manquera pas de visiter pour la finir. Les Poulets, se fortifiant, s'éparpilleront d'eux-mêmes dans les envi- rons de leur petit enclos, où l'on fera bien de continuer de leur donner de la nourriture. Si l'on a jugé bon de leur adjoindre d'abord quelques couveuses, on fera peut-être bien, plus tard, de tuer ces directrices, si elles sont trop privées, et veu- lent les ramener au village. Tout ramasseur de bois mort, d'herbe, ou délinquant et promeneur quelconque, sera sévè- rement chassé des environs du petit clos où Ton a mis les Pou- lets pour leur apprentissage à l'état sauvage. Si l'on s'y prend avec intelligence, on réussira, surtout dans le bois d'un parti- culier, où l'on peut faire comme on veut, sans être empêché, ou tracassé En employantes mêmes moyens, on pourra réussir à rendre sauvages des couvées de Colins, pourvu que leur provenance ne soit pas d'un pays beaucoup plus chaud que celui où l'on veut les acclimater. La Pintade est naturellement à demi sauvage ; elle a déjà réussi comme gibier dans les environs de Bordeaux, mais je crois qu'elle ne réussirait pas dans la moitié la plus froide de la France. La Pénélope réussirait dans un climat qui ne lui serait pas défavorable. La forêt de Haguenau est en grande partie trop fréquentée par des ramasseurs de bois et d'herbe, etc., pour que le Coq de Bruyère puisse y rester partout ; mais dans les cantons éloignés de village, si les locataires de chasse voulaient, comme moi, faire toutes les dépenses de temps nécessaires pour la destruction des carnassiers, ce magnifique Tétras y serait fort abondant ; il a l'avantage considérable de'ne pas permettre la confusion de la Poule avec le Coq, qui suffit à plu • sieurs Poules. Mais pour ce gibier ii;faut la solitude des grandes 4 26 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. forêts de Pins ; il ne craint pas le froid : il sera très-abondant en Russie, quand on y emploiera universellement tous mes procédés de destruction des carnassiers, notamment par la strychnine et la boîte-piége. Je m'étonne que l'Axis et le Cerf- Cochon ne soient pas encore plus répandus dans les forêts dont la chasse appartient à l'Empereur, et dans les forêts de certains particuliers grands amateurs de belles chasses. Dans les montagnes, on peut y faire revenir des Chèvres à l'état sauvage, mettre aussi des Chamois dans le Jura et les Vosges. Si le Sanglier et ses congénères ne mangeaient pas les Faons, Levrauts, couvées des Gallinacés, je conseillerais le Pécari, qui a plusieurs avantages sur le Sanglier. Le Paon est de la classe des Passereaux, on peut facilement le rendre sauvage, mais il nous faut une loi réprimant efficacement le bracon- nage, pour que ce magnifique oiseau sillonnant les futaies de nos forêts puisse réjouir l'œil des promeneurs. NOTE SUR QUELQUES REPRODUCTIONS D'OISEAUX OBTENUES EN 1868 ET 1869, AU JARDIN ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION DU BOIS DE BOULOGNE, Par M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, Directeur du Jardin d'acclimatation. Cette note a pour objet de faire connaître aux membres de la Société Impériale d'Acclimatation quelques-unes des repro- ductions d'oiseaux, obtenues au jardin du bois de Boulogne dans le courant des années 1868 et 1869. 1° Faisan vénéré (Phasianus Reevesiï), Chine. Le premier Faisan vénéré, reçu au Jardin d'acclimatation, fut le premier exemplaire de cette belle espèce apporté en France. Il a été adressé par M. Dabry, alors consul de France à Han-Keou (Chine) . Ce Faisan était un mâle ; il nous arriva le 29 avril 1866. Bientôt après, le 5 mai de la même année, M. Paul Champion nous rapportait deux autres mâles de la même espèce. M. Dabry nous fit de nouveaux envois, parmi lesquels se trouvait une femelle qui nous parvint en juillet 1866, et, le 9 .mars 1867, nous avons reçu deux autres fe- melles. Accouplé à des Poules faisanes ordinaires, le Faisan vé- néré donna, dès l'année 1867, quatre mâles et une femelle métis qui, mis en parquet l'année suivante, reproduisirent à leur tour. Cette intéressante multiplication obtenue depuis, plusieurs fois et en divers lieux, prouve que le métis du Fai- san vénéré et du Faisan des bois est fécond. Ajoutons que le produit du croisement de ces deux espèces est un bel oiseau dont la taille atteint celle du Vénéré, dont le plumage d'un rouge acajou à reflets métalliques est rehaussé par un très- 128 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. large collier blanc et par une tache blanche sur la tête dont la coloration est généralement noire. La queue est très-dé- veloppée et rappelle un peu, par ses nuances, celle du Faisan vénéré. 11 en est d'ailleurs de ce métis comme de tous les croisements, les produits obtenus sont loin d'être tous sem- blables entre eux ; les uns ressemblent plus au père, les autres plus à la mère. Les Poules issues du croisement qui nous occupe, semblent se rapprocher du type du Faisan vénéré plus encore que les mâles. Pour ne pas revenir sur ces croisements, ajoutons que les Poules métisses réunies à des mâles Vénérés ont donné des oiseaux, dont la coloration et les formes se rapprochent beau- coup de celles du Faisan chinois. Nous possédions, au printemps de 1868, deux parquets, l'un composé du Coq vénéré pur sang, arrivé en avril 1 866, et d'une Poule pure aussi reçue dans l'été de la même année, l'autre d'un des Coqs reçus en mai 1866 et des deux Poules arrivées en mars 1867. Ce dernier parquet ne donna aucun résultat : deux œufs seulement furent recueillis, ils étaient clairs. Les Poules étaient trop récemment arrivées pour pouvoir donner des œufs fécondés. Nous obtînmes heureusement mieux de l'autre par- quet. La Poule unique de ce parquet, arrivée en 1867, donna le 10 avril son premier œuf, qui fut suivi, de deux jours en deux jours, de treize autres. Dans cette ponte, deux œufs étaient clairs, cinq étaient fécondés mais ne purent éclore, les petits moururent dans la coquille. Les sept autres donnèrent sept jeunes, deux femelles et cinq mâles. Durant l'élevage, une femelle succomba; six jeunes ont été élevés. L'incubation avait duré 2/i jours. En 1869, nous possédions les mêmes parquets de repro- duction qu'en 1868. C'est-à-dire deux Coqs et trois Poules de Faisans vénérés. La ponte commença le 7 avril, pour le par- quet où se trouvait la Poule seule (importée en 1867), le 8 avril pour les deux autres Faisanes. Elle se continua réguliè- rement jusqu'au 18 juin suivant. Nous avons recueilli quatre-vingt-trois œufs. Ayant dis- REPRODUCTIONS d'OISEAUX. 129 posé (1) de douze de ces œufs, il ne nous en est resté que soixante et onze ; sur ce nombre, huit ont été clairs, trois jeunes sont morts dans la coquille avant l'éclosion ; nous avons vu éclore les premiers jeunes le 13 mai, les derniers le 18 juillet. Le nombre total des éclosions a été de soixante, mais nous n'avons pu amener que quarante- trois jeunes Faisans vénérés à l'état adulte. Il est bon de remarquer que, sur les dix-sept jeunes perdus pendant l'élevage, trois sont nés dif- formes et ont péri en bas âge, trois ont été écrasés par les Poules couveuses et enfin quatre ont été tués par les autres faisandeaux. Il résulte de cette observation que sept jeunes seulement ont succombé à différentes affections Ces observations prouvent combien les Faisans vénérés sont rustiques, car le printemps de 1860 fut loin d'être favorable aux éducations sous le climat de Paris. Nous avons eu à subir des pluies persistantes, qui pour d'autres espèces d'oiseaux, nous le verrons plus loin, nous ont occasionné les pertes les plus sensibles. L'élevage des Faisans vénérés, en 1868, n'a présenté au- cune particularité remarquable. Notons seulement qu'à l'âge de huit à dix jours environ, ces oiseaux sont singulièrement batailleurs. Les plus forts des couvées se livrèrent des com- bats incessants ; nous avons dit plus haut que nous avions perdu quatre jeunes oiseaux par suite de ces rixes. Les Faisans vénérés sont féconds dès la première année, nous en pouvons donner l'assurance. Deux des Coqs que nous avions élevés en 1868 ont été accouplés (à la faisanderie de la forêt de Saint-Germain et chez M. le vicomte 0. Aguado) à des Poules faisanes ordinaires et ont donné de nombreux pro- duits. Ce point est important, car si le Vénéré comme le doré et l'argenté n'avait été fécond qu'à la seconde année, il y au- rait eu là un obstacle sérieux à sa vulgarisation, et il n'aurait pu devenir ce qu'il sera prochainement, un oiseau de chasse. Avant peu d'années, des Faisans vénérés seront lâchés dans (1) Sur ces douze œufs, sept ont éclos, et le résultat de cet élevage partiel a donné en fin de compte six Coqs vénérés jeunes et une Poule vénérée jeune. 2e série, T. VII. — Février 1870. 9 4 30 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. nos bois : le prix fondé par la Société impériale d'acclimata- tion en 1869 sera bientôt gagné, nous en avonsla certitude. Le nombre des Faisans vénérés aujourd'hui (février 1870) répandus en Europe est considérable, nous l'évaluons à deux cent soixante euviron, savoir : Faisans vénérés, importés en Europe, en- viron 100 60 mâles? 40 femelles? Faisans vénérés élevés au Jardin d'acclima- tation en 1868 6 5—1 — Faisans vénérés élevés au Jardin d'acclima- tation en 1869 43 23 — 20 — Faisans vénérés élevés d'oeufs pondus en 1869 au Jardin d'acclimatation. 7 6 — 1 — Faisans vénérés élevés au Jardin zoologique d'Anvers (1) en 1869 80 40?— 40 ? — Faisans vénérés élevés au Jardin zoologique de Londres (2) 25 ? 15 ? — 10 ? — Totaux approximatifs 261 149 mâles 112 femelles. Ces Faisans vénérés sont aujourd'hui répandus dans tous les établissements zoologiques de l'Europe et chez la plupart des riches amateurs qui se livrent à l'éducation des oiseaux ; il résultera des efforts que chacun va faire pour répandre la nouvelle espèce de Faisan aujourd'hui acclimatée, que d'ici à trois ans, cet oiseau, qui manquait encore en 1865 à la plu- part des grandes collections de nos musées, sera à la portée de tous. Le prix des Faisans vénérés est déjà singulièrement dimi- (1) Voyez, au Bulletin, la note de M. J. Vekemans sur les Multiplications d'oiseaux obtenues au Jardin zoologique d'Anvers. Avec 12 Poules faisanes vénérées pondant, M. Vekemans a élevé 80 jeunes en 1869. (2) Il est juste de rappeler ici que si le Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne a eu la bonne fortune d'élever le premier des Faisans vénérés sur le continent, il avait été devancé pour cette mulliplicalion par le Jardin zoo- logique de Londres. En effet, dès 1867, cet important établissement avait élevé quelques jeunes Vénérés. En 1868, en 1869, de nouvelles reproduc- tions d'oiseaux de cette espèce ont été obtenues, mais aucune de ces édu- cations n'a été considérable. REPRODUCTIONS D'OISEAUX. 131 nué. Il était en 18(58 de 2500 francs le couple. Il n'est plus aujourd'hui que de 800 francs la paire. Nous avons parlé plus haut des métis obtenus du croisement du Vénéré avec le Faisan commun ; cette tentative de croisement nous a réussi, et cela dès 1868, nous l'avons dit plus haut ; mais elle n'est pas la seule que nous ayons faite. Nous avons cherché à croiser ceux de nos Coqs vénérés qui étaient dé- pareillés avec des Poules de Faisans versicolores, dorés et de Wallich. Nous avons complètement échoué. D'autres établis- sements ont été plus heureux que nous. Nous avons acquis dernièrement un couple de Faisans issus du croisement du Vénéré et du Wallich. Il est difficile devoir de plus beaux oi- seaux, et comme volume et comme plumage. Il n'est pas hors de propos de signaler ici quels sont les métis de Faisans qui sont obtenus fréquemment par les ama- teurs et que nous possédons en ce moment au Jardin d'ac- climatation. Nous en donnons la liste. Ces métis sont obtenus par l'al- liance du : Faisan commun avec Faisan argenté (infécond). — - — de Sœmmerring (?). — — — vénéré (fécond). _ — doré (parfois fécond). — — Poule domestique (infécond) . — argenté avec Faisan doré (infécond). — — — Leucomèle (fécond). — noble avec Faisan — — — de Vieillot — Mélanote — Leucomèle — — — r- vénéré - de Wallich (?). 2° Faisan de Swinhoe (Euplocomus Sivinhoë), Formose. Les premiers Oiseaux de celte espèce que posséda le Jardin d'acclimatation furent acquis de M. le baron James de Rothschild, en octobre 1866. Dans la campagne suivante (1867), douze jeunes furent obtenus. En 1868, dix-sept. En 1869, la ponte, commencée le 15 mars, se termina le 25 juin. 132 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Nous avons recueilli de quatre Poules adultes soixante-neuf œufs : quatorze étaient clairs, six jeunes moururent en coquille; les premières éclosions eurent lieu le 25 avril, les dernières le 25 juillet. Le nombre total des jeunes éclos s'éleva à quarante-neuf; au 15 octobre il ne nous restait que quinze jeunes, huit mâles et sept femelles. , Les Faisans de Swinhoë des premières couvées sont tous morts par suite de l'inclémence, de l'humidité du temps. Quoi qu'il en soit, le Faisan de Swinhoë, comme le Faisan argenté, est un oiseau robuste et qui s'élève facilement; il s'est aujourd'hui partout répandu, partout multiplié. Acquis en 18(56, au prix de 2000 francs, il a pu être cédé, en 1 868, aux amateurs au prix de 350 francs. Il vaut, en 1869, 250 fr. Ces chiffres donnent la mesure du degré de vulgarisation où est arrivé cet oiseau, qui aujourd'hui est acquis à nos volières. Le Faisan de Swinhoë ne prend ses couleurs que la seconde année, comme l'argenté et le doré ; malgré cela, il est propre à la reproduction dès l'âge d'un an, moins sans doute qu'après avoir revêtu son magnifique plumage, mais d'une façon déjà satisfaisante. Ainsi, en 1868, nous avons obtenu, de trois jeunes Poules de Swinhoë nées en 1867, quarante et un œufs dont vingt- neuf étaient fécondés. 3° Faisan de Reynaud {Euplocomus lineatus), de Bir- manie. Le Jardin d'acclimatation s'est procuré cette espèce au Jar- din zoologique de Londres, où elle avait été multipliée. La Poule que nous possédions commença sa ponte le 8 avril 1869 et la termina le 25 du même mois. Nous avions recueilli neuf œufs; le résultat de la couvée fut: deux œufs clairs et sept éclosions. Pour cette espèce comme pour les Swinhoë, nous avons presque absolument échoué, car au 15 octobre, il ne nous restait qu'une jeune Poule. L'humidité de la saison a été fatale à ces jeunes oiseaux; il est à remarquer d'ailleurs que la mortalité n'est survenue pour les Faisans de Reynaud, comme pour ceux de Swinhoë, que lorsque les oiseaux avaient REPRODUCTIONS D'OISEAUX. 133 atteint l'âge de six semaines. A l'autopsie ; ils présentaient tous les symptômes qui permettaient de reconnaître qu'ils succombaient à l'influence d'un temps trop humide. Le foie était hypertrophié et les ganglions lymphatiques développés outre mesure. 4° Faisan rleu ou Prélat (Euplocomus Prœtatu s), Coch'm- chine. Cette belle espèce de Faisan est encore aujourd'hui extrê- mement peu répandue, bien qu'elle ait été multipliée plusieurs fois au Jardin d'acclimatation. L'importation du Faisan Prélat date de 1863 (1). M. le lieutenant de vaisseau Rieunier nous envoya le premier Coq qu'ait possédé le Jardin, le 20 septembre 1863. Le 16 janvier 186/i, S. Exe. M. le Ministre de la marine offrit à notre éta- blissement un couple de Faisans Prélats qu'il avait reçu de Saigon. Cette même année, M. le colonel Marchaisse, nous fit parvenir un Coq dans le courant d'octobre; enfin le 5 juin 1865, nous reçûmes un nouveau couple de Faisans Prélats de M. l'amiral La Grandière, alors gouverneur de la Cochin- chine. C'est avec ces animaux que nous avons tenté la reproduc- tion du Faisan bleu. En 1866, nous avons élevé trois Coqs et cinq Poules ; en 1867, cinq Coqs et deux Poules ; en 1868, un Coq et une Poule. En 1869, nos éducations de Faisans Prélats n'ont pas réussi. Nos élèves des années précédentes sont aujourd'hui en Angleterre, en Belgique, en Hollande et en Italie; bien qu'ils soient entre les mains des personnes les plus soigneuses, ces oiseaux sont restés jusqu'ici inféconds; cependant le Faisan bleu est un oiseau rustique et qui supporte très- bien les rigueurs de notre climat. (1) Le premier Faisan Prélat, qui ait été rapporté vivant en Europe fut donné au Muséum d'histoire naturelle de Paris, en 1862, par le R. P. Lare- naudie. C'est à Siam que le R. P. Larenaudie remit cet oiseau précieux à M. Bocourt, envoyé alors en mission à Bangkok, pour ramener les animaux, donnés à S. M. l'Empereur par le premier roi de Siam. 134 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. 5° Faisan iioble (Euplocomus nobilis) , Bornéo. En mars 1867, le Jardin d'acclimatation reçut en don, de S. Exe. le gouverneur des Indes néerlandaises, un mâle de Faisan noble, le premier qui soit venu en Europe. Accouplé avec une femelle de Faisan lencomèle, cet oiseau donna en 1868 plusieurs produits, malheureusement tous mâles. Les joues nues de ces jeunes oiseaux n'ont pas pris les cou- leurs dont nous espérions les voir ornées ; elles sont devenues rouges comme dans le Faisan leucomèle, au lieu de prendre les tons bleus d'outremer, qui colorent les parties nues de la tête du Faisan de Bornéo dont nous parlons. En revanche, les plumes du dos des jeunes métis obtenus ont pris quelques-unes des nuances couleur de feu de cette partie du plumage du Faisan noble. Nous espérions, en 1869, pouvoir élever quelques femelles métisses qui, réunies à leur père, nous auraient donné des jeunes plus semblables au Faisan noble pur; nous avons obtenu un certain nombre d'éclosions, mais l'humidité de la saison ne nous a pas permis d'élever ces jeunes oiseaux. 6° Faisan de Vieillot {Euplocomus Vieilloti), Java. Le Jardin d'acclimatation a acquis, en 1868, un mâle de cette belle espèce de Faisan. Accouplé à une Poule houppi- fère Mélanote, il nous a donné en 1869 plusieurs produits, entre autres, une Poule qui est aujourd'hui réunie à lui ; nous pourrons donc, grâce à elle, élever l'an prochain des métis du Faisan de Vieillot ayant trois quarts de sang, et qui proba- blement seront très-semblables à l'espèce pure. 7° Nous rappellerons ici les éducations du Faisan de Wal- lich (Catreus Wailichu), de l'Inde ; du Faisan versicolore (Phasianus toersicolor) , du Japon; du Faisan de Mongolie (Phasianus mongoliens)^ du nord de la Chine; faites en 1868 et 1869, comme les années précédentes, et qui ne sont pas des faits assez nouveaux pour être signalés avec détails. Nous avons fait, en 1869, de nouvelles tentatives de multi- plication du Lophophore (Lophophorus refulgens). Elles n'ont pu réussir encore. Six œufs, tous fécondés, ont été obte- nus en deux pontes successives. La première commença le REPRODUCTIONS D'OISEAUX. 135 16 avril et se termina le 23 ; la seconde commença le 6 mai et se termina le 10; deux jeunes sont morts en coquille, quatre sont éclos. Un jeune a vécu huit jours, un autre vingt jours ; les deux derniers sont morts au bout de six semaines, alors que nous les pensions sauvés. Nous n'avons pas été plus heu- reux avec les Tragopans de Ternminck (Ceriornis Tem- minckiï), du nord de la Chine. De neuf œufs que nous avons recueillis, sept étaient clairs; les deux jeunes éclos sont morts, l'un après cinq jours, l'autre au bout de dix-huit jours. On pourrait s'étonner de ne pas trouver, dans rénuméra- tion des oiseaux sur lesquels des tentatives de multiplication ontélé faites au Jardin, le nom d'un des oiseaux les plus récem- ment conquis à nos parcs, le Ilo-ki (Crossoplilon auritum), du nord de la Chine. Jusqu'à présent, nous avons complète- ment échoué au Jardin d'acclimatation dans la reproduction de cet oiseau. Ainsi, en \ 868, de deux couples de Ho-kis, nous avons obtenu quarante et un œufs : tous étaient clairs ; en 1869, même insuccès. Heureusement, il n'en a pas été de même partout. Le succès obtenu par les amateurs et les Jardins zoologie jues pour la multiplication du Ho-ki, a été tel que nous évaluons à plus de cent les Crossoplilons nés en Europe en 1868, et au double ceux élevés en 1869. Le prix de ces oiseaux qui était, en 1866, de 2000 francs la paire, est descendu actuellement à 500 francs environ. Ilesf peut-être bon de signaler incidemment que les Ho-kis, aujourd'hui partout répandus, descendent pour la plupart de ceux élevés en 1866 par Mademoiselle de Bellonnet. Le Jar- din d'acclimatation avait acquis alors les dix-huit jeunes élevés et les avait ensuite cédés aux Jardins zoologiques et aux ama- teurs d'oiseaux précieux. 8° Éperonnier (Polyplectron Bicalcaratum), Malaisie. Le Jardin d'acclimatation acquit, en septembre J867, un mâle de cette espèce, et bientôt après (décembre 1867) une femelle. Ces oiseaux entrèrent de bonne heure en amour (fin de février 1868) ; nous en fûmes surpris, car l'hiver avait dû pa- raître bien rigoureux à ces nouveaux importés. 136 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Un premier œuf fut pondu par la femelle de l'Éperonnier, le 18 mars, dans un grand panier placé dans le compartiment intérieur de la volière, à deux mètres au-dessus du sol. Pen- dant douze jours, l'oiseau couva cet œuf unique ; nous l'enlevâmes pour le placer sous une Poule, mais il était clair (1). Un œuf fut pondu de nouveau le h avril, et suivi d'un autre le 6. Voulant éviter que la femelle se mît à couver, ces œufs furent enlevés et confiés à une Poule; l'un était clair, l'autre fécondé, mais il ne put éclore. Le 10 avril, la présence d'un nouvel œuf dans le nid fut constatée; le 12, il y en avait deux. La femelle les couva aussitôt, et le 5 mai deux petits étaient éclos. Ces jeunes oiseaux ont été élevés l'un et l'autre par la mère avec une extrême sollicitude. Ils forment un couple, dont la taille et le plumage ne diffèrent en rien de ceux des adultes. En 1869, notre femelle d'Éperonnier donna son premier œuf le 21 février, son dernier le 27 mai. Ces œufs, au nombre de huit, furent confiés les uns à des Poules couveuses, les autres laissés à la mère. Deux étaient clairs, six fécondés. Mais l'élevage de ces jeunes oiseaux réussit assez mal. Ceux provenant de la ponte des 21 et 23 février, couvés par la mère, naquirent le 19 mars. Les froids les firent souffrir, ils moururent en bas âge. Des quatre autres jeunes, deux périrent dans les premiers dix jours de leur naissance, le troisième mourut à l'âge de deux mois ; le dernier est aujourd'hui par- venu à son entier développement. Des faits que nous avons rapportés plus haut et des obser- vations que nous avons laites, il résulte que l'Éperonnier, différent en cela des Faisans et des Paons avec lesquels il a les plus grands rapports de conformation, couve deux œufs seu- lement, comme le font la plupart des Pigeons. (1) Dans la première couvée de la femelle Époronnier faite au Jardin, nous avons dit que l'oiseau avait couvé un œuf pendant douze jours. Le second œuf de cette première ponte fut retrouvé plus tard par terre dans la litière; il devait avoir été pondu le premier, sans doute le 16 mars, c'est-à- dire deux jours avant l'autre. REPRODUCTIONS D'OISEAUX. 137 L'incubation commence pour ces oiseaux aussitôt le second œuf pondu. Ce fait curieux n'avait pas été signalé jusqu'ici, et il est aujourd'hui constaté par tous ceux qui se sont occupés de la multiplication des Eperonniers. Ces oiseaux, ne pondant que deux œufs à la fois, ne doivent pas faire à l'état sauvage plus d'une couvée, peut-être deux tout au plus. Cette particularité nous prive de l'espoir de ranger jamais parmi les gibiers de nos bois les Eperonniers, dont la rusticité et la vigueur s'accommoderaient cependant très-bien de notre climat. Ces oiseaux au brillant plumage resteront des oiseaux de volière . 9° Pénélope siffleur (Pénélope pipile), Brésil. En 1863, le Jardin reçut en don de M. le comte de Lé- mont, alors consul de France à Pernambuc, un couple de Pé- nélopes siffleurs. Pendant les premières années, ces oiseaux ne marquèrent pas le désir de se reproduire. En 1865, pour la première fois, un œuf fut obtenu. Abandonné par la mère, il fut placé sous une Poule ; il était clair. En 1866, deux œufs furent pondus, ils étaient clairs. Enfin, en 1867, sur deux œufs pondus et couvés par la mère, un vint à éclosion. Le jeune vécut quarante jours environ, puis mourut. En 1868, deux œufs furent pondus; couvés par la mère, ils donnèrent, au bout de trente jours, deux jeunes qui n'ont pu être élevés. Je cite ce fait pour mémoire seulement, car je ne crois pas que cette espèce de Pénélope, la plus belle à mon avis, ait jamais multiplié jusqu'ici en Europe. La grande Pénélope (Pénélope purpurascens) du Mexique a pondu et couvé sans succès au Jardin en 1868. 10° Perdrix de Chine (Galloperdix sphenura, Bambusi- cola torgueola), Chine. Le Jardin d'acclimatation possède depuis longtemps cette jolie espèce de Perdrix. En 1866, M. Paul Champion nous en a rapporté de Chine deux nouveaux couples. Plusieurs fois déjà des œufs avaient été obtenus, mais ils ne nous avaient jamais donné de résultat. En 1867, une installation mieux entendue permit d'obtenir 138 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. quelques éclosions (quatre) ; mais au bout de vingt jours en- viron les petits succombèrent. En 1868, nous avons été plus heureux; le couple qui avait déjà multiplié en 1867, lut placé dans un parquet de 2 mè- tres sur 2 mètres, garni de hautes herbes, complètement entouré de planches ou de paillassons, sur une hauteur de 55 centimètres; le dessus de ce petit parquet était grillagé. Ajoutons qu'une grande boite à élevage, vitrée, adossée au parquet, permettait aux oiseaux de trouver un refuge contre le mauvais temps. La femelle arrangea son nid au milieu du parquet ; elle commença sa ponte vers le 15 mai, et le 16 juin cinq petits étaient éclos. Tous ont été élevés. Détail singulier à noter, la femelle s'occupa tout spéciale- ment de deux des jeunes; c'est au mâle qu'échut la mission de soigner, de couvrir, de guider les trois autres. Remarquons encore qu'à l'âge de quinze jours les jeunes Perdreaux de Chine commencèrent à se percher la nuit. Cet heureux résultat, obtenu en 1868, nous permettait d'espérer mieux encore pour 1869. La femelle de Perdrix de Chine, qui l'année précédente avait élevé cinq jeunes, pondit son premier œuf le 28 avril ; bientôt le nid en contint neuf, qui furent couvés avec sollicitude. Un seul œuf était clair, le 31 mai huit jeunes étaient éclos. Une pluie froide et violente survint, durant la nuit du à juin ; les huit Perdreaux mouillés, transis, périrent tous. 11 n'est pas indifférent de mentionner ici que les jeunes Perdrix de Chine, élevées en 1868 au Jardin d'acclimatation, ont multiplié en 1869 à Paris chez M. le docteur Jannet. Nous ne saurions parler de la Perdrix de Chine, sans faire remarquer combien est désirable la multiplication, la propa- gation de cet oiseau en liberté. Cette espèce est percheuse et par conséquent pourra se défendre, bien mieux que nos Per- drix indigènes, contre l'un des plus grands fléaux de nos chas- ses, le traîneau des braconniers. 11° Colin deSonnini (Eupsychortyx Sonninï), Brésil. Cette jolie espèce de Colins n'avait pas encore pu être éle- REPRODUCTIONS D'OISEAUX. 139 vée en France. Nous avions obtenu quelques œufs les années précédentes, mais sans résultat. En 1868, treize œufs ont été pondus par une femelle : huit étaient clairs, deux fécondés ne purent éclore, trois autres donnèrent Jrois petits qui ont pu être élevés. M. Andelle, à Épinac, a obtenu en 18(38 un succès égal au nôtre dans l'élevage de ces Colins. En 1869, nous n'avons pu multiplier cette jolie espèce. 12° Râle a plastron {Rallus pectoralis), Australie. Le Jardin d'acclimatation acquit, en octobre 1865, deux Râles d'Australie. Placés dans un des parquets de la grande volière, avec d'autres oiseaux, ces charmants échassiers firent, en 1866, deux couvées qui amenèrent sept petits. En 1867, onze jeunes Râles furent élevés, et en 1868, treize. Le Râle à plastron pourra certainement devenir un oiseau de chasse comme l'est actuellement le roi des Cailles on Râle de genêt avec lequel il a de l'analogie ; mais son plumage est plus brillant. • La durée de l'incubation pour les œufs de ces oiseaux est de vingt-huit à trente jours; la mère couve avec une extrême ardeur. Le mâle veille pendant que sa compagne est sur le nid, et partage avec elle les soins à donner aux jeunes après l'éclosion. En 1869, de nouvelles multiplications de Râles d'Australie ont été obtenues ; nous avons fait reproduire non-seulement les oiseaux importés du pays, mais aussi ceux qui étaient nés dans nos volières. 13° Râle du Brésil (Aramides Cayennensis), Brésil. Cette grande espèce de Râle a multiplié au Jardin d'accli- matation, en 1868, pour la première fois. Deux couvées ont été obtenues : de l'une sont nés trois jeunes ; de l'autre, deux. En 1869, ces oiseaux ont également fait deux couvées ; huit œufs ont été pondus, quatre chaque fois, et quatre jeunes ont été élevés. La durée de l'incubation des œufs des Râles du Brésil est de trente jours. 140 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. • Les notes qui précèdent sont presque complètes pour ce qui concerne les multiplications de Faisans obtenues au Jardin d'acclimatation en 1868 et 1869, mais elles sont loin de faire connaître tous les résultats que nous avons obtenus dans ces deux années. Nous citerons seulement les noms de quelques-unes des espèces d'oiseaux dont nous n'avons pas parlé plus haut et qui nous ont donné des œufs ou des jeunes. Parmi les Per- ruches : la P. Callopsitte, la P. ondulée, la P. Edwards, la P. à croupion rouge. Parmi les Colombes, la G. Lumachelle, la C. Longhup, la C. grivelée, la C. violette de Cuba, etc.; le Pigeon Nicobar. Parmi les Échassiers: l'Ibis sacré (ibis religiosa), qui chaque an- née multiplie dans nos volières; l'Œdicnême d'Australie {OEdicnemus gralliarius), qui en 1868 avait donné et couvé deux œufs, et qui en 1869 a fait, le 25 avril d'abord, puis le 15 mai, deux nouvelles couvées de deux œufs chacune, qui n'ont malheureusement pas donné de résultat; La Grue d'Australie (Grus Australasiana) a pondu au Jar- din en 1867 ; elle a couvé en 1 868, à deux reprises différentes. En 1869, en trois pontes différentes, la femelle a donné cinq œufs. La première ponte a eu lieu le 24 février, la seconde le 18 mars, la troisième le 30 juin. Les deux premiers œufs ont été confiés à une Poule, ils étaient clairs. Ceux de la deuxième ponte ont été couvés par le mâle et la femelle, avec une sollicitude extrême, du 26 mars au 2 juin. Ces œufs étaient clairs, comme ceux de la troisième ponte. Il est à remarquer que le mâle de la Grue d'Australie devient absolument intraitable à l'époque de la ponte de sa femelle. Il se jette avec furie sur tous ceux qui l'approchent et s'at- taque du bec et des pieds même à son gardien, pour lequel il témoigne ta l'ordinaire une très-vive affection. Parmi les Palmipèdes, nous citerons les Cygnes noirs, les Canards Carolins, Mandarins, de Bahama, Millouin, Nyrocas, Tadornes, Casarcas, etc.; les Oies de Magellan, des îles Sand- wich, etc.; les Céréopses d'Australie. Ces derniers sont d'une rusticité à toute épreuve, et chaque année la couvée de ces REPRODUCTIONS D'OISEAUX. 1AI jeunes oiseaux a lieu dans le courant du mois de janvier ; les jeunes bravent impunément le froid et la neige. Nous avons aujourd'hui connaissance de reproductions de Céréopses obtenues, non-seulement des jeunes nés au Jardin d'acclimatation, mais des enfants de ceux-là. Dans cette énumération des multiplications faites au Jar- din d'acclimatation, nous n'avons pas parlé de la couvée de Nandous (Rhea americana) qui a été faite en 1869 dans les parcs du Jardin. Les lecteurs trouveront un article spécial dans le bulletin relatif à cette intéressante tentative de repro - duclion. PISCICULTURE A SAINT-MARTIN D'ABLOIS (maune). LETTRE ADRESSÉE A AI. 1'. CARBONNIER, Par M. DEBOUCHE. « Vous m'exprimez le désir d'avoir un rapport sommaire sur » mes travaux de pisciculture depuis que j'ai commencé l'ac- » climatation des Salmonidés dans nos eaux de Saint-Martin » d'Ablois et l'introduction des Anguilles dans nos étangs des » forêts. Si mes notes peuvent être de quelque utilité, je m'y » prête de bonne grâce, d'autant mieux que je ne recule de- » vant aucun obstacle pour améliorer la pisciculture, si aban- » donnée dans notre pays. Voici donc, en résumé, ce que » j'ai fait depuis 18(32. J'ai trouvé, en arrivant ici, des eaux » magnifiques, renfermées dans le vaste domaine de M.lemar- i> quis de Talhouët, aujourd'hui ministre des travaux publics, » et d'un volume si considérable, qu'en sortant des sources » mêmes, elles alimentent des usines de deux et trois paires de » meules. J'ai su que M. Gehin avait fait des expériences, mais » qu'elles n'avaient pas eu de résultats satisfaisants. A qui la » faute? Probablement au manque de soins et à l'inexpé- » rience des gens chargés de surveiller les opérations. J'ai » repris ces. essais en 186Zi-1865, grâce à la bienveillance de » M. l'ingénieur en chef des travaux du Rhin, qui voulut bien » m'envoyer des œufs pour faciliter mon entreprise. Depuis » ce moment, chaque année, l'établissement de Huningue a » mis des œufs à ma disposition, et voici mes résultats som- » maires : En 1864-1865 on m'a envoyé 4500 œufs de Salmonidés, j'ai obtenu 2697 alevins. 1865-1866 — 4000 — — 2477 — 1866-1867 — 5500 — — 2487 — 1867-1868 — 2500 — — 1561 — 1868-1869 — 2000 — — 925 — 1869-1870 (2345 sont en incubation). Totaux... 18500 9147 alevins, PISCICULTURE A SAINT-MARTIN D'ARLOIS. 4/|3 a Je ne parle point des œufs de Feras ; j'en ai reçu beaucoup, » sans qu'un seul ait pu éclore dans nos eaux, malgré tous » mes soins. Ces 9147 alevins de Saumons, Truites saumo- » nées, Truites grandes des lacs, Truites communes et Om- » bre-chevaliers, ont été disséminés de tous côtés. J'en ai » jeté dans les étangs des forêts; aucun n'a été vu depuis ; ils » sont morts sous les glaces, ou par la trop grande chaleur » des eaux en été. J'en ai déposé dans le ruisseau du Sourdon » qui se jette dans la Marne, à Epernay, à 12 kilomètres de » Saint-Martin. On en pêche quelques-uns, et j'en ai pris » moi-même sept cette année dans les cascades, variant de 300 » à 850 grammes. Un Saumon de 7 kilogrammes a été pris » dans la Marne en septembre dernier. J'en ai gardé dans les » pièces d'eau du parc. Voici comment je procède pour ceux- » ci : aussitôt la vésicule ombilicale résorbée, je les dépose » dans des bassins spéciaux de quelques mètres de diamètre, » alimentés par des sources. Le fond de ces bassins est garni » de cailloux roulés, pris dans la Marne ; les parois sont faites » de pierres meulières, avec des loges ménagées de çà et de là, » pour que les petits poissons puissent s'y cacher. Là, ils » sont nourris pendant quelques mois avec de la chair de » poisson blanc, hachée et broyée au mortier; puis, lorsqu'ils » ont de 5 à 8 centimètres de longueur, c'est-à-dire vers la » fin de l'été, je les fais jeter dans les grandes pièces d'eau » du parc, où ils vivent en liberté. Une pièce d'eau qui domine » toutes les autres, et qui se déverse dans celles où sont les » Salmonidés, a été disposée pour recevoir du poisson blanc » (gardon) qui y multiplie facilement sur des herbes plantées » en bordure à cet effet. A certaines époques de l'année, cette » pièce d'eau est vidée au moyen d'une vanne de fond, et le » petit poisson passe par une grille spéciale pour aller servir » de nourriture à mes élèves. Celui qui ne peut passer à la » grille reste pour la reproduction. J'ai ainsi obtenu des » Truites de toutes grosseurs, et dont quelques-unes ont » atteint le poids de 1 et de 2 kilogrammes. Les Hérons, il y » a quelques semaines, m'en ont tué à côté du châleau plu- » sieurs qui pesaient près d'un kilogramme et qui allaient dé- Ikk SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. •» poser leurs œufs, dont elles étaient abondamment chargées. » Jusqu'à cette année, mes éclosions ont eu lieu dans des » appareils système Gehin. Cette année seulement, pour la » première fois, j'ai usé de l'appareil Coste, que vous m'avez » envoyé , et je n'ai qu'à m'en féliciter d'après les résultats que » j'obtiens en ce moment. Je n'ai presque point de pertes » jusqu'à ce jour. » Pour mes étangs, voici ce que j'ai fait : j'en ai treize; » je lésai divisés en deux catégories : huit ont été destinés à la » production, pour la vente du gros poisson ; cinq réservés » comme alevinières, dont quatre pour la Carpe et un pour le » Carrouge, poisson spécial pourlafriture. Les huit étangspour » la production sont aménagés pour être péchés tous les trois » ans : trois une année ; trois l'année suivante, et deux la troi- » sième année, pour recommencer ensuite la même série. Je » pêche en septembre, époque où le poisson est rare et le plus » cher; et je livre environ 10 000 kilogrammes de poisson àla » consommation, chaque année, sans compter mes réserves. » Yoici pourquoi je pêche en septembre : mes étangs sont •» tous en forêt, et ne reçoivent que les eaux du ciel ; il fallait » donc trouver moyen de ne jamais les laisser improduc- » tifs. J'ai fait pratiquer partout des fossés d'assainissement, » qui, en améliorant les forêts, se déversent dans de grands » collecteurs correspondant avec les étangs. De cette façon, » les premières pluies d'automne trouvant la boue des étangs » nouvellement péchés tout humide, il ne s'en perd pas une » goutte, et je puis rempoissonner en octobre et novembre » au plus tard, c'est-à-dire avant les gelées. Mon alevin se a cantonne pendant l'hiver, et je gagne ainsi une campagne. d Si je péchais au printemps, mes étangs seraient à sec tout » l'été; la boue se dessécherait, et je perdrais la majeure » partie de mes Anguilles, tout en perdant une année d'ac- j> croissement, car je ne pourrais rempoissonner qu'à la fin » de l'hiver suivant. Mes alevinières sont pêchées tous les ans; î» j'enlève à chaque fois les Boudières (c'est ainsi que nous » appelons les Carpes qui ont produit), et je les remplace par » de plus jeunes ; j'enlève l'alevin de deux ans pour le rem- PISCICULTURE A SAINT-MARTIN d'aBLOIS. U5 » poissonnement des grands étangs, et je laisse celui de l'an- » née pour la campagne suivante. Je vends ce que j'ai d'excé- » dant, et j'ai toujours sous la main ce dont j'ai besoin pour » rempoissonner mes étangs aussitôt qu'ils ont reçu assez » d'eau pour ne plus craindre les gelées. J'ai essayé aussi, » en 186/i, d'acclimater l'Anguille. Pour la première fois, » j'ai semé environ 50 000 montées d'Anguilles, et chaque an- » née j'en sème encore de 10 à 15 000. On m'avait fait crain- » dre que ce nouveau poisson ne vînt nuire à la Carpe, et ne » diminuât le produit en revenu. Non-seulement mes produits » annuels n'ont point eu à en souffrir , mais les Anguilles ont » purgé les étangs d'une masse de fretaille dont ils étaient » empestés, et je n'ai fait que gagner sous ce rapport. A mes » dernières pêches de septembre, la boue des étangs en était » littéralement noire. C'était merveilleux. A chaque pas que » faisaient les pêcheurs, il surgissait une fourmilière de ser- » pents de toutes grosseurs. Encore quelques années, et le » produit des étangs aura certes doublé. Je pourrai livrer à la » consommation chaque année quelque 1000 kilogrammes » d'Anguilles qui rapporterontautant, seules, que produisaient » autrefois tous les autres poissons, qui n'en seront ni moins » beaux ni plus chers. Un autre travail non moins impor- » tant que j'ai fait faire à tous mes étangs, se sont des poètes, » autrement dit des fosses de 15 à 20 mètres de longueur sur » 10 mètres de largeur et0m,80 de profondeur, auprès de la » bonde, pour les grands étangs, et d'une plus petite dimen- » sion pour les autres. Les terres provenant de ces poêles sont » rejetées sur les côtés. Au moyen de ces poêles, je vide mes » étangs presque à sec, sans tourmenterlepoisson qui vient se » rendre tout naturellement dans cette fosse, où je le prends » d'un seul coup de filet, sans qu'il soit fatigué dans la boue ; » ce qui permet son transport à de bien grandes distances, et » évite beaucoup de mortalité. D'un autre côté, pendant les » hivers rigoureux, tout le poisson se réfugie dans ces poêles » ce qui permet de rempoissonner presque immédiatement i> après avoir péché, et sans attendre que les étangs soient » couverts d'eau. » 2e série, t. VII. — Février 1870. 10 PISCICULTURE A AIGLE (suisse) Par M. A. de LOËS. 1° Truites âgées de deux ans. — Résultat de mes premiers essais. Petit nombre. Elles mesurent 18 centimètres en lon- gueur moyenne. Nourries de poisson blanc, vers, etc., elles se portent bien, et à part quelques pertes dues à des accidents, contre le renouvellement desquels il a été pourvu, je n'ai rien de saillant à communiquer à leur égard. 2° Truitelles, Saumons du Rhin et Ombres-chevalier âgés d'un an. — Sur une cinquantaine de mille œufs fécondés en automne 1868, j'ai obtenu, après résorption de la vésicule, 30 000 petits poissons. 10 000 Truites ont été immédiate- ment versées dans un cours d'eau, au profit de l'État et en présence des autorités. — Restaient après : 10 000 Truites, 7000 Saumons et 3000 Ombres-chevalier, à placer dans les canaux d'alevinage. Je serais fort heureux de retrouver ce nombre aujourd'hui, mais je suis obligé de constater une diminution considérable, s' élevant à 15000 sujets. En général, dans la vie des Salmoni- dés, tout marche bien durant les premières semaines ; le pois- son est vif, saute sur toute espèce de nourriture et donne les meilleures espérances. Puis vient le moment où l'observateur attentif voit que ces petits êtres cherchent à se réunir, às'ag- glomérer ; ils continuent à happer les aliments qui leur sont offerts, mais au lieu de les avaler, ils les crachent. Ils se portent alors en troupes serrées aux extrémités des canaux d'alevinage, avec l'air de dire: « Nous ne nous sentons pas à l'aise, nous voudrions aller plusloin...» Leurs branchies s'engorgent; alors commence la mortalité. Ces faits se passent dans leau la plus pure, la mieux renouvelée, qu'elle soit mélangée on non de plantes, de pierres ou abris de tout genre. Le déchet le plus fort s'est manifesté chez l'Ombre-cheva- lier. Celui de la Truite a été égal à celui du Saumon. L'inconnu! PISCICULTURE A AIGLE (SUISSE). '.,-'»' 14? voilà le désert où s'égare la science, quand elle entreprend l'éducation mystérieuse de ces petits êtres aquatiques. Si le procédé merveilleux de reproduction est un fait acquis, celui de complète conservation des objets produits est encore un secret pour le pisciculteur le plus habile. Avouer que le sa- voir humain ne peut pas encore résoudre ce problème, est parfois très-dur à l'homme qui le cherche. Pourtant, une pen- sée adoucit ce qu'a d'amer ce sentiment d'inquiétude: le tra- vail quotidien et intelligent, aidé de fréquentes découvertes salutaires ou d'expériences douloureuses, prépare nécessai- rement la solution désirée. Toute difficile qu'elle paraît à certains esprits, cette tâche a bien sa grandeur et ses char- mes. Le rêve de l'imagination pourrait y jouer son rôle, si l'étude positive de la science n'avait pas un attrait infiniment plus grand, et si le pisciculteur n'avait pas pour devise : « Cherche ce qui est. » Le genre d'alimentation et l'espace voulu sont sans doute deux éléments très-importants. J'ai pensé, mais trop tard, à la fin de mes pertes de l'an dernier, à une nourriture plus convenable que les précédentes (sang, viande, œufs, etc.) pour le premier âge, à savoir: la Mite (Giron du fromage), qu'il est facile de se procurer en quan- tité, puis la Crevette d'eau douce, qui peuple avec une pro- digieuse fécondité. Ces mets nouveaux ont réussi, la mortalité a diminué ; ce- pendant elle n'a cessé qu'après avoir enlevé toutes les cloisons, cribles, etc., parquant les alevins dans les canaux, et qu'ainsi ils ont pu, à leur aise et volonté, passer dans des bassins spacieux. A l'appui de ce résultat, j'ajouterai que les alevins de Truite, versés pour l'État dans un petit cours d'eau rempli de plantes et de crevettes, se sont trouvés dans le milieu qui leur convenait. 11 m'a été possible de suivre leur développe- ment, et aujourd'hui, malgré ceux qui ontdûêtre dévorés par déplus gros qu'eux, il suffit d'une promenade de quelques mi- nutes, pour en compter çà et là une centaine, qui ont à vue d'œil 8 à 10 centimètres en longueur. Mais tout cela ne rend pas entièrement compte des causes de première mortalité. Il 1Û8 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. ne suffît pas d'essais de diverses sortes pourtrancher la ques- tion ; il faut que la même personne entreprenne des essais comparatifs et réciproquement inverses. A cet effet, j'ai établi un système d'expériences que je me propose d'inaugurer très- prochainement et que je recommande aux pisciculteurs: a. Placer un même nombre d'alevins d'une espèce donnée dans de petits canaux (ou caisses) d'égales dimensions et contenant une même hauteur d'eau légèrement courante sur un fond de gravier. b. Un canal découvert, avec nourriture déterminée. c. Un canal découvert, sans autre nourriture que celle ap- portée par l'eau. d. Un canal couvert, avec nourriture déterminée. e. Un canal couvert, sans autre nourriture que celle fournie par l'eau. f. Un canal découvert, avec végétation et nourriture dé- terminée. g. Un canal découvert, avec végétation fournissant des in- sectes mais sans autre nourriture. h. Statistique rigoureuse. Nous verrons ce qui adviendra. Il y a peu d'années que les études de pisciculture sont pri- ses au sérieux, et cependant un grand pas est fait ; de jour en jour, une lumière éclaire le domaine de l'incertitude, de l'in- connu. Non-seulement les travaux du laboratoire sont indis- pensables, mais la nature doit offrir ses comparaisons direc- tes aux combinaisons en quelque sorte artificielles. C'est dans ce but, et je ne crains point de le dire, encou- ragé par les résultats obtenus, que, l'été dernier, j'ai entrepris sur un terrain dont je suis propriétaire, et qui sera herméti- quement clos, la canalisation d'une source qui fournit environ 1000 litres d'eau excellente par minute. Toutes les expériences possibles pour la conservation de la Truite dans cette eau ont été faites préalablement. Le canal, ou ruisseau serpentant, fermé à son extrémité par des grillages, a plus d'un kilomètre de développement, 0m,60 centimètres de largeur au fond et 0m,25 à 0m,38 centi- PISCICULTURE A AIGLE (SUISSE). 149 mètres de hauteur d'eau, dont la vitesse du courant sera réglée à volonté. Six lacs intermédiaires, d'une capacité minimum de 1 00 mè- tres cubes, formés par les évasements du canal, offriront des abris suffisants aux divers âges du poisson. J'y plante ces jours des Anacharis et des Characées. La maison du régis- seur surveillant est construite. L'entreprise portera le nom de local de Pisciculture de Chalex. Je me propose de diviser le cours d'eau (lequel a un déver- sement spécial de vidange) en trois parties principales ; dans lesquelles j'introduirai une rotation entre alevins, poissons d'un an et poissons de deux ans. Un vaste étang établi à côté de la canalisation et alimenté par une autre petite source d'eau très-douce, est destiné à recevoir du poisson blanc. Ses bords évasés, recouverts de plantes, et en forme de gradins, permettront à l'eau supé- rieure de se chauffer suffisamment dès le printemps, pour fa- voriser la fraie de la Carpe, du Goujon, du Chevaine, de la Tanche, etc. Leurs alevins seront autant que possible recueil- lis pour servir de nourriture aux Truites, Saumons et Om- bres-chevalier âgés d'un et de deux ans. Celte année, je suis en possession de 80 000 œufs de Salmonidés provenant de pêches, conservations de Truites sauvages, achats divers ; l'établissement d'Huningue m'a fourni ZiOOO œufs de Saumons du Rhin, 1000 œufs de grande Truite des lacs, 1000 œufs de Truite commnne et 500 de Truite saumonée. Sur cet en- semble, 25 000 environ sont déjà éclos. A part quelques mil- liers d'alevins que je verserai dans un des cours d'eau de notre contrée et d'un certain nombre que je destine aux expé- riences du laboratoire, je placerai le quantum restant dans mon ruisseau de Chalex. Au mois de février, je compte faire quelques essais sur la Lotte du lac Léman. NOTES SUR LES VERS A SOIE Y AM À-MAI EXTRAITES D'DNE LETTRE ADRESSÉE A M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE , Par M. le Comte Gustave de MONTEBEIXO Je vous ai déjà envoyé deux boîtes contenant le produit des éducations de Vers du Chêne que j'ai faites à Yokohama (1) ; j'espère que les nouvelles graines que je vous adresse arrive- ront à bon port. Je viens de recevoir ces œufs de Bombyx; ils me paraissent de bonne qualité; j'en ai ouvert plusieurs dans lesquels j'ai trouvé, ainsi que cela doit être, le Ver formé et vivant. Puissent-ils être dans le même état en arrivant en France... (2). Je serais heureux que cet envoi pût réussir, car l'an pro- chain, quand je ne serai plus au Japon, il vous sera, je le crains, difficile d'avoir de la graine de Vers Yama-maï. Il ne faut pas croire qu'il suffise d'être dans le pays pour s'en procurer ; on trouve peu de gens disposés à se donner le mal nécessaire pour les recueillir. Je veux essayer de vous donner quelques indications sur les précautions à prendre pour l'élevage de ces Vers, en met- tant à profit mes propres observations et les renseignements que j'ai pu recueillir avec beaucoup de peine. Dans les provinces d'Oshiou et de Sin-Shiou, l'éducation des Vers Yama-maï se fait en grand sur des plantations de chênes assez étendues, spécialement réservées à cet usage ; mais aux environs de Yokohama, je n'ai jamais vu les paysans avoir plus d'un millier de Vers. Us les élèvent dans le but de se faire de grossières étoffes qu'ils tissent eux-mêmes ; la chaîne est de coton et le fil de la trame, provenant de Cocons percés, n'a , ni solidité ni longueur. Ces étoffes sont grossièrement faites (1) Ces graines sont arrivées gâtées par l'humidité. (2) Voyez procès-verbal de la séance du 21 janvier 1870. SUR LES VERS A SOIE YAMA-MAÏ. 151 et teintes en bleu. Je vous envoie, avec l'échantillon de la soie filée par les paysans, un morceau d'étoffe écrue du tissu qu'ils en fabriquent. Si l'on ne pouvait obtenir des Cocons du Ver à soie Yama- maï des produits supérieurs, cela ne vaudrait pas la peine d'en tenter l'introduction en Europe. Heureusement il n'en est pas ainsi, comme vous pourrez en juger par le petit éche- veau de soie grége et les échantillons de tissus de soie de Ver du Chêne que je joins à mon envoi (1). Le prix auquel se vendent ces étoffes et l'usage fréquent qu'en font surtout les femmes pour leurs vêtements de luxe, prouvent combien la soie du Yama-maï est estimée et même recherchée au Japon. Elle coûte plus cher que la soie du Ver du Mûrier, quoi qu'on en ait écrit dans certaines publications en Europe. Une des plus grandes difficultés qui s'opposeront à l'élevage du Ver Yama-maï en Europe, sera d'avoir les feuilles de Chêne au moment où éclosent les Vers, c'est-à-dire au com- mencement d'avril. Cette difficulté sera sans doute vaincue quand on aura introduit en Europe les Chênes précoces du Japon mais avant qu'on en soit là, il faudra suppléer artifi- ciellement à cette lacune de nos climats. La chose est facile quand il s'agit d'éducations en petit, puisqu'il suffit de forcer quelques Chênes en serre pour attendre le développement naturel des bourgeons. Les œufs de Yama-maï doivent être conservés dans un endroit un peu frais, par couches peu épaisses, afin d'éviter la fermen- tation. On les étend sur du papier;et dix jours avant l'éclosion on les voit changer de couleur. Dans le cas où, ayant déjà des feuilles de Chênes, les œufs ne seraient pas éclos, on peut leur faire prendre un ou deux bains de plusieurs minutes dans de l'eau à la température de l'air extérieur, et le lendemain les Vers briseront leur coquille. (1) Voyez procès-verbal de la séance du h février 1870. 152 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Lorsque les Vers sont éclos, on leur donne de jeunes feuilles de Chêne ; au Japon c'est le Quercus serrata qui leur est offert de préférence à tout autre. Ces feuilles devront être renou- velées cinq ou six fois par jour. Une fois les Vers montés sur la feuille, on les transporte sur des nattes, et l'on évite autant que possible de laisser la litière devenir trop épaisse. Au bout de sept à huit jours, quand les Vers sont réveillés de leur premier sommeil, on peut les mettre sur les Chênes en plein air. Ces Chênes sont en général taillés exprès, de façon à ne pas dépasser une hauteur de 5 à 6 pieds, qu'ils atteignent en cinq ans. Dans les endroits où la culture est assez restreinte pour permettre de surveiller et de circonscrire l'espace où se fait l'éducation, on couvre les plants de Chênes de filets, ou bien on enfonce dans le sol, de distance en distance, des bâtons d'où partent des cordes couvertes de lambeaux d'étoffes, ou de lames de bois faisant du bruit, afin d'éloigner les oiseaux. Suivant la température, le Ver fde entre le quarantième et le quarante-sixième jour après son éclosion; les mues sont au nombre de quatre. Il sera prudent d'arroser les Vers plusieurs fois par jour, mais avec modération, quoique j'aie toujours remarqué que ceux que j'ai élevés en plein air eussent toujours une appa- rence plus vivace après une pluie violente, comme il n'en tombe que trop souvent dans ce pays humide ; ils sont alors ramassés sur eux-mêmes, la tête en l'air et les pattes réunies en un seul point ; leur peau est dure, et il est presque im- possible de les détacher de la «branche sur laquelle ils sont cramponnés. La grande sécheresse, le soleil trop ardent, sont nuisibles aux Vers ; le froid et le vent font souvent souffrir ces animaux, et retardent leur développement. Cependant les variations de température que nous avons ici sont telles, que, dans notre climat beaucoup plus régulier, il n'y a presque rien à craindre de ce côté. Je n'entrerai dans aucun détail sur les diverses phases du SUR LES VERS A SOIE YAMA-MAÏ. 153 développement du Yama-maï. M. Guérin-Méneville en a suivi les péripéties du premier au dernier jour, et mes propres observations concordent avec les siennes. Les Vers éclosent ici vers le 15 avril, et continuent à naître jusqu'à la fin du mois; les premiers nés n'ont pour se nour- rir que de petits bourgeons du Quercus glanduligera et surtout du Quercus serrata, qui sont les plus précoces ici et les plus communs sur tous les coteaux. Ils mangent aussi les feuilles du Quercus glauca, espèce de Chêne vert très-répandue au Japon, mais ils préfèrent cepen- dant celles des Chênes à feuilles caduques. Lorsqu'ils sont plus âgés, les Vers se répandent sur les dif- férentes espèces de Chênes du pays, ainsi que sur le Castanea vesca, dont ils se nourrissent, surtout après la seconde mue. J'en ai du reste nourri un certain nombre sur ce châtaignier depuis leur éclosion. Je crois bien que notre Chêne commun de France peut convenir au Yama-maï, mais je vous porterai une certaine quantité de glands des Chênes japonais; ce sera toujours plus sûr. D'après ce que j'ai pu voir, les Japonais vont, vers le mois d'août, cueillir les Cocons dans les bois ; ils échaudent ceux devant donner des mâles, qu'ils reconnaissent à leur forme plus petite et moins arrondie ; ils conservent les Cocons qui donneront des femelles pour faire de la graine. Les Cocons femelles sont placés dans des cages à oiseaux ou dans des paniers d'osier dont les mailles ne sont pas assez larges pour donner passage aux Papillons lorsqu'ils sont éclos. Ces cages ou paniers sont suspendus autour de la maison; les mâles sauvages viennent féconder les femelles à travers les parois de leur prison. Si, par erreur, des papillons mâles ont été conservés, les Japonais les lâchent aussitôt, prétendant que la fécondation a lieu beaucoup plus sûrement quand le mâle est en liberté. Pour ma part, ne me trouvant pas assez rapproché d'un bois pour essayer de ce procédé, j'ai lâché tous mes papillons dans un grand parallélogramme dont les parois étaient formées 154 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION, avec de la gaze. Je n'ai pu remarquer que deux ou trois accouplements ; quand j'approchais une lumière de la boîte, les évolutions étaient telles que des ailes entières restaient souvent sur le carreau. Pendant la journée, les femelles pon- dent peu, se tiennent immobiles et séparées des mâles, qui occupent toujours le côté opposé de la boîte, observation qui, d'ailleurs, a déjà été faite par M. Guérin-Méneville. Les remarques que j'ai faites sur le temps, qui s'écoule entre le moment où le Ver commence le cocon et celui où le Papil- lon apparaît, sont en désaccord avec les renseignements que me donnent les Japonais interrogés à ce sujet. A mon avis, il faut quarante ou quarante-cinq jours pour que la Chenille qui nous occupe se transforme en Papillon ; les Japonais me soutiennent qu'il ne faut pas plus de vingt- six jours. Je crois bien avoir raison, car les Bombyx Yama-maï que j'ai observés à l'état de liberté n'ont pas fait leur apparition avant les miens; on n'a pu m'en apporter aucun avant que les miens ne fussent éclos. Je vous signalerai maintenant une observation à faire, qui n'est pas sans intérêt. On peut, parait-il, reconnaître sur le Ver lui-même le sexe qu'aura le papillon qui en proviendra. On arrive à cette distinction, en considérant les taches métal- liques que portent les Vers sur leurs flancs. J'ai été prévenu trop lard de cette particularité pour pouvoir faire l'expé- rience. Certains Vers ont deux ou trois miroirs sur les côtés, d'autres un seul. Je ferai encore une remarque, et je n'ai pu avoir à son sujet aucun éclaircissement : comment se fait-il que certains œufs n'éclosent qu'au mois de juin? J'ai eu en effet des Vers qui m'ont été apportés au mois de juillet et qui n'ont filé que dans les derniers jours de ce mois, tandis que les autres avaient commencé au mois de juin ou les derniers jours de mai Je vous envoie, mon cher ami, quelques Cocons de Yama- maï, dont le Papillon n'est pas encore sorti. Les Chrysalides qui y sont contenues, quoique encore vivantes, sont attaquées par un Ver parasite. SUR LES VERS À SOIE YAMA-MAÏ. 155 Ce Ver parasite se nomme en Japonais i'Oudji. Il naît d'un œuf qu'une Mouche dépose dans le corps de la Chenille du Yama-mai. Cet œuf, éclos clans le Ver à soie ou dans la Chrysalide, fait dans le corps de l'animal ses métamorphoses, et s'échappe du Cocon lorsqu'il a été percé par le Papillon de la substance duquel il s'est nourri. L'Oudji fait au Japon de terribles ravages. Cet insecte inté- ressera sans doute les naturalistes ; mais ne laissez pas fuir la Mouche qui naît de YOudji ; c'est là une acclimatation qu'il faut bien se garder de faire. Yokohama, le 28 novembre 1869. DU DÉVIDAGE DES COCONS DU GENRE ATTACUS, Par M. 6IVELET. Messieurs, La communication faite à la Société par M. le ministre des États-Unis de Colombie dans la Séance du 27 août dernier, est d'un grand intérêt pour toutes les personnes qui s'occupent de l'acclimatalion des Vers à Soie sauvages. Un propriétaire de la Colombie, M. le docteur Vincent de la Rocha croit avoir découvert la cause qui jusqu'ici s'opposait au dévidage direct et normal de tous les cocons du genre At- lacus, genre auquel appartient le Ver à Soie de l'Ailante, le Bombyx Cy?ithia, qui s'est, vous le savez, si bien acclimaté chez nous. M. de la Rocha en étouffant le ver dès que son travail lui paraît achevé, dévide sans rencontrer d'obstacle le cocon du Bombyx Spondiœ, autre espèce du même genre, dont il ra- mollit le grès dans une dissolution de potasse. Voici comment, d'ailleurs, il explique lui-même cette néces- sité de faire périr le ver. « Le ver avant de se livrer définitivement au sommeil dont » il sortira plus tard transformé en un brillant papillon, et » prévoyant par instinct que , dans ce dernier état , il ne » pourra briser le réseau qu'il a fait lui-même, faute du li- » quide dissolvant que possède le Bombyx Mort, ouvre la porte » qu'il vient de fermer en coupant avec ses mandibules les » fils de soie qui la bouchaient, et les mâchant ensuite pour ». en former une bourre qui empêchera les insectes et les eaux » pluviales de pénétrer à l'intérieur, mais qui ne pourra s'ou- > vrir que de dedans en dehors, afin que par un léger effort, le » faible papillon puisse sortir et en même temps nettoyer » (brosser) son fin duvet , pour se présenter dans toute sa s beauté. DU DÉVIDAGE DES COCONS. 157 * Comme le ver exécute cette séparation quand il a fini de » filer et qu'il est sur le point de vomir l'intérieur du cocon, » il détruit en six minutes les espérances que l'homme a pu » concevoir si l'intelligence de celui-ci ne parvient pas à pré- » venir le mal. Que faut-il faire pour cela? Donner la mort au » ver quelques instants avant qu'il commette le dommage. On 3> obtient ce résultatau moyen delà vapeur de l'eau bouillante » ou par les procédés ordinaires qui suffoquent les chrysalides » du Bombyx. » J'ai pratiqué sur le Bombyx Spondiœ vingt-quatre à » vingt-sept heures après que le ver avait commencé à former » son cocon. » Pour juger jusqu'à quel point les observations faites par M. de la Rocha sur le cocon du Bombyx Spondiœ pouvaient être appliquées au cocon du Cynthia, il y avait d'abord à exa- miner quel est le temps employé par le ver à parfaire son tra- vail sous le climat de Paris ; car l'expérience nous a appris que la durée de ce temps est en raison inverse de la température. Il y avait ensuite à surveiller les mouvements de la Che- nille, depuis l'instant où elle cesserait de filer jusqu'au mo- ment où sa métamorphose en nymphe la mettrait hors d'état de briser par elle-même son enveloppe de soie. Il fallait, en un mot, surprendre par l'observation tous les secrets de l'insecte. La saison étant déjà fort avancée, quand la publication du Bulletin de la Société nous faisait connaître la généreuse et intéressante communication de M. de la Rocha, il ne me res- tait plus de vers qui n'eussent filé. Une obligeante voisine, Mlle de Haut de Sigy voulut bien m'en offrir quelques-uns qui, parvenus alors à leur cinquième âge, ne devaient guère tarder à se mettre au travail. Le premier de ces vers commençait à filer le samedi 9 octo- bre,àdix heures du matin. Le dimanche 10, à la même heure, le cocon n'était pas même assez épais pour cacher complète- ment la chenille qu'on distinguait encore à travers l'orifice; ce ne fut qu'à 3 heures et demie qu'elle disparut enfin sous son réseau de soie. Elle avait mis 30 heures à en arriver là. 158 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. J'ouvris alors le cocon par une section perpendiculaire à son grand axe. Le ver filait encore. Je l'enlevai pour le met- tre dans une petite boite que je refermai sur lui en laissant un peu d'air. Le lundi matin lorsque j'ouvris la boîte, le ver était déjà complètement entouré d'une seconde enveloppe. Cette nou- velle couche de soie était encore blanche. Elle ne reçut sa teinte grisâtre que plusieurs heures après. Le second ver, cependant, s'était mis à la tâche le samedi vers midi. Je n'ouvris son cocon que le lundi à deux heures et demi, c'est-à-dire au bout d'environ cinquante heures. Il travaillait encore ; mais peut-être n'avait-il plus assez de soie à sa disposition pour pouvoir reconstruire une nouvelle de- meure comme l'avait fait l'autre, car ses efforts n'aboutirent qu'à tapisser le fond et les parois de la boite dans laquelle je l'avais renfermé. Il y avait d'ailleurs une autre raison qui pouvait nuire à son travail et lui retirer des forces: malgré mes • précautions, en ouvrant son cocon, je l'avais effleuré avec la pointe de mes ciseaux, et sa blessure était sans doute grave, car il mourait deux jours plus tard, et très-probablement des suites de l'accident. Le troisième filait le dimanche à deux heures. Je le laissai tranquille pendant soixante-douze heures. Ce ne fut que le mercredi 13 que j'ouvris son cocon, comme je l'avais fait pour les premiers. J'avais alors entre les mains trois spécimens de l'œuvre du Cynthia: le premier représenlait le travail de trente heures; le second de cinquante ; le troisième de soixante-douze. En les examinant, on voit que ce travail se fait par couches successives parallèles et entièrement distinctes ; on reconnaît également que chacune de ces couches ne reçoit la teinte qu'elle doit conserver que lorsqu'elle est achevée. La partie supérieure par laquelle doit plus tard sortir le papillon, prend la forme d'un cône laissant à son centre une sorte de couloir ou de gorge. Cette gorge, dont la disposition particulière distingue essentiellement le cocon de l'Attacus de celui que produit le Ver à soie du mûrier, devient de plus en DU DÉVIDAGE DES COCONS. 159 plus étroite, à mesure que le ver avance dans son travail et que les couches se superposent. On remarque également qu'autour de l'orifice les fils de soie ne sont pas réunis par cette matière gommeuse qui donne au reste du cocon l'aspect et la dureté d'un véritable cuir. Il est évident que le ver s'est ménagé par là la possibi- lité d'écarter tous ces fils, sinon de les briser, lorsque viendra l'époque de sa résurrection. Le dernier ver ayant encore filé pendant plus de vingt- quatre heures après son extraction, ce ne fut qu'au bout de cent vingt heures que je me décidai à fendre le quatrième cocon. Mais cette fois le ver ne filait plus et l'orifice était complètement fermé par l'épaisseur des diverses couches de soie. Enfin, le 19, j'ouvrais le cinquièmequi datait de huit jours. Son apparence était exactement la même que celle du précé- dent. Donc celui-ci déjà était bien terminé. J'en eus d'ailleurs la preuve dans l'état des deux chenilles qui demeurèrent sans donner signe de vie à l'endroit de la boîte où elles furent déposées. Le lendemain, en examinant à la loupe avec le plus grand soin ces cinq premiers cocons, je n'y découvrais aucune trace des coupures dont parle M. de la Rocha. Cependant, le premier de mes vers était toujours resté dans sa seconde enveloppe dépourvue des premières couches de soie et, pour cette raison, mal fermée dans la zone supé- rieure. Le jeudi matin, j'avais remarqué que par des mouvements plus vifs que d'ordinaire ce ver portait souvent la tête en de hors du cocon. Je commençais à croire que, son travail fini, il cherchait, comme dit M. de la Rocha, à détruire le réseau qui fermait sa prison. Mais il n'en était rien. Plus tard j'ac- quis la certitude que je m'étais trompé dans cette apprécia- tion et que ces mouvements que j'avais remarqués n'avaient pas d'autre but que d'empêcher l'adhérence des fils de la zone supérieure. C'est une précaution que doit prendre l'in- secte chaque fois qu'une couche se trouvant terminée, il vient 4 60 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. de l'enduire de cette gomme épaisse qui doit la rendre im- perméable à l'eau. Arrivé à ce point de mes observations, j'avais pu consta- ter que le ver ne mettait pas plus de cinq jours à parfaire son cocon, et qu'au bout de huit jours rien n'était altéré. Or, à cet âge, la chenille se trouve dans un tel état d'atonie qu'il n'est guère probable qu'elle puisse faire grand mal à son réseau de soie jusqu'au moment où s'opérera chez elle le phénomène qui doit en faire une nymphe. Je lis donc étouffer, en plaçantleurs cocons dans un bain de vapeur, les vers nos 6 à 11, dix jours après le coconnage, afin de vérifier plus tard l'état de leur réseau. Puis j'observai les vers nos 1, 3, h et 5, afin d'en suivre la transformation. Les premiers symptômes se manifestèrent pour le n° 1 dès le 29 octobre. Dans les efforts que fit la chrysalide pour se débarrasser de son ancienne peau, elle sortit la tête de la coque incomplète qu'elle habitait encore, et ne put la rentrer. Je re- marquai alors, grâce à cette circonstance, qu'une sécrétion limpide se produisait, sous la forme de gouttelettes, sur toute la surface qui restait en dehors. Pour pouvoir étudier la nature et le but du nouvel élément qui se révélait ainsi, je plaçai sur des feuilles de papier de tournesol les vers nos 3, A et 5 qui se trouvaient, eux, com- plètement découverts. Le 5 novembre, le n° 3 se changeait sous mes yeux. Je pouvais observer comment le ver, immobile jusque-là, se gonflait tout à coup, comment un peu plus tard il dégageaitsa tête, comment enfin, resserrant deux à deux les anneaux de son corps, les écartant ensuite, il dépouillait la nymphe de la peau de la chenille. La couleur de cette nymphe, au moment de l'éclosion, était d'un jaune si vif et si clair à la fois qu'elle semblait transpa- rente. Mais cet éclat, qui pouvait justifier son nom de chry- salide, disparaissait bientôt sous des teintes plus sombres. Deux heures plus tard, la nuance était d'un brun très-carac- térisé. Cependant mes soupçons ne se justifiaient pas. La sécrétion que je croyais trouver ne laissait aucune trace. Le papier de DU DÉVIDAGE DES COCONS. ltfl tournesol n'était pas altéré. Le lendemain, les vers nos h et 5 se changeaient à leur tour sans laisser plus d'indices. Qu'était donc devenue cette sécrétion dont j'avais pourtant bien constaté la présence sur la première nymphe? Les trois autres, il est vrai, se trouvant étendues sur le flanc, l'exsudation pouvait s'être produite sur le sommet de la tête et s'être vola- tilisée sans toucher le papier. Je pouvais vérifier la valeur de cette réflexion par une autre expérience. Je fendis, toujours par une section perpendiculaire au grand axe, mais sans la détacher complètement, la zone supé- rieure des trois cocons n09 12, 13 et lli, dont la chenille n'é- tait pas transformée. J'introduisis dans le petit cône soyeux un second cône de papier de tournesol. Ce dernier couvrait exactement toute cette partie du cocon dont les fils ne sont pas liés ensemble par la matière gommeuse. Les trois cocons re- fermés avec soin furent serrés dans une boite jusqu'à l'épo- que de la métamorphose. Si la sécrétion existait réellement, si elle avait pour but, comme je le soupçonnais, de préparer l'issue du papillon en altérant les fils qui entourent l'orifice, le papier de tournesol placé de la sorte devait nécessairement en conserver la trace, puisque le Ver devait projeter sur lui l'agent chimique destiné à imprégner ces fils dont il le séparait. Cette fois, mes prévisions se sont réalisées. L'éclosion des trois nymphes eut lieu du \h au 15 novembre. La teinture de tournesol était, sous l'action du liquide distillé par l'insecte, non pas rougie, mais détruite à ce point de ne laisser que des taches blanches partout où la nymphe avait touché le papier. De ces deux expériences on peut conclure, je pense, que non-seulement la sécrétion existe, mais qu'elle ne se produit que sur un point de la nymphe, sur le point qui se trouve pré- cisément placé de manière à toucher la partie du réseau qui doit être altérée. Il est probable alors que l'insuccès du dévidage est dû principalement à ce que, jusqu'ici, on n'a guère opéré que sur des cocons vides ou bien sur des cocons dont la nymphe était déjà formée. 2e SÉRIE, T. VII. — Février 1870. 11 162 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Si l'on examine, en effet, l'état dans lequel se trouve l'ori- fice d'un cocon dont l'insecte est sorti, on voit que la plupart des fils qui l'environnent sont comme corrodés par un agent chi- mique. La sécrétion que nous venons d'étudier ne doit pas être seule à produire cet effet. Sa mission ne doit être que de le préparer; car lorsque la nymphe change à son tour d'état pour devenir papillon, il se produit encore dans celte métamorphose une nouvelle sécrétion, qui sans doute com- plète l'action de la première. Tous ceux, qui, comme moi, s'occupent de ces Bombyx, ne voient-ils pas souvent, au moment de l'éclosion, de pauvres prisonniers qui ne peuvent réussir à franchir le guichet si l'on ne vient à leur aide en tranchant le cocon. N'ont-ils pas observé que tous ces papillons, qui ne peuvent éclore sans le secours de l'homme, sont complètement privés de celte humidité qu'on remarque sur ceux qui sortent naturelle- ment. Les ailes sont desséchées ; tout leur éclat se perd dans ces nombreux replis que la liqueur absente pouvait seule effacer. Le malheureux insecte les traîne péniblement. Ce qui devait faire la gloire de son nouvel état n'est pour lui qu'un organe inutile et gênant. Il est déshérité du domaine de l'air, et cela par ce seul fait que la sécrétion manque. La présence de cette sécrétion dans toutes les éclosions normales, la na- ture des désordres causés par son absence, nous disent assez, Messieurs, quel doit être son rôle. Quant à la bourre que trouve M. de la Rocha dans la gorge du cocon, nous la retrouvons bien dans le cocon du Cynthia, mais après l'éclosion. De plus, comme on distingue parmi les brins qui la composent quelques débris de ces écailles brillantes qui forment la surface des ailes de ce Bombyx, cela me porte à croire que celte touffe de poils que nous ne rencontrons dans aucun des cocons qui contiennent la nymphe, n'est qu'une légère dépouille que laisse le papillon en traversant la gorge qui lui donne une issue. D'après ces expériences diverses, l'opinion émise par M. de la Rocha se confirmerait, en ce sens que l'insecte, après avoir achevé son œuvre, exercerait lui-même une action délétère DU DÉVIDAGE DES COCONS. 163 sur son propre travail, et que le seul moyen d'arrêter cette ac- tion serait d'en détruire l'auteur avant qu'elle se produise. Mais le docteur me paraît se tromper sur la nature même de l'action, quand il pense que le ver tranche lui-même le ré seau dont il vient de s'entourer, avant même de l'enduire de. la matière gommeuse. Messieurs, quand on observe de près les admirables lois qui règlent en toutes choses l'œuvre delà nature, on voit combien ces lois sont partout et toujours d'une logique merveilleuse. Il n'est guère d'exemple que la nature détruise par lesmêmes instruments ce qu'elle vient de créer. La chenille qui se transforme en nymphe va passer plu- sieurs mois dans un état qui lui retire tout moyen de se mou- voir. Il lui faut une retraite qui la mette à l'abri, non-seule- ment des injures du temps, mais surtout des ennemis pour lesquels elle devient une proie si facile. Le cocon qui remplira ce but ne devra se briser que sous l'effort suprême de l'insecte parfait, quand ce dernier, sous une forme nouvelle, va pren- dre son es-or ; car alors sa demeure n'aura plus raison d'être. Mais, quelque soit l'effort d'un faible papillon, il ne peut pas suffire à ouvrir le passage sans ce double auxiliaire, sans cet agent chimique dont nous avons montré l'existence et l'usage. Notre hypothèse admise, il faut admettre encore qu'il n'est pas nécessaire, ainsi que le conseille le docteur de la Rocha, d'étouffer la chenille immédiatement après l'achèvement du cocon, ce qui présente d'ailleurs de grandes difficultés pour l'élevage en plein air. Il suffit, ce me semble, que cette opéra- tion puisse être pratiquée seulement avant l'époque où la chenille se fait nymphe, ce qui laisse un délai dont la durée dépend de la température. Si nous recherchons l'effet produit par la chaleur sur le changement des nymphes que nous venons d'étudier, nous voyons qu'en laissant à part la première qui s'est trouvée dans des conditions toutes différentes des autres, nous pou- vons les grouper en deux séries égales. Les vers numéros 3, h et 5, qui forment la première, se sont changés tous trois au bout de vingt-six jours. Nous ne pouvons douter que leur mé- I6ll SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. tamorphose n'eût été plus précoce dans une saison plus chaude. Cependant ces trois vers sont restés constamment dans une pièce chauffée dont la température a dû certaine- ment abréger le retard causé par la saison. Nous en avons la preuve dans ce qui s'est passé pour la se- conde série dont la transformation s'est prolongée de quatre jours. Or, les cocons de cette seconde série sont justement restés quatre jours sans chauffage à une température qui ne s'élevait guère qu'à deux ou trois degrés. Comme les chrysalides de chacune des séries qui se sont trouvées dans les mêmes conditions de chaleur et de traite- ment, ont mis à leur changement le même nombre de jours ; comme la différence qui s'est manifestée entre les deux séries coïncide parfaitement avec le temps passé par la seconde d'entre elles dans un milieu plus froid, nous pouvons en con- clure que l'action de la chaleur se trouve suspendue lorsque le thermomètre descend à un certain degré. Ce n'est pas la première fois que je constate ce fait. J'ai eu déjà l'occasion de l'observer en plusieurs circonstances. La manière dont s'exerce l'action de la chaleur sur la vie de l'in- secte est un point important et sur lequel la science n'est pas encore fixée. Il y a là, Messieurs, à faire toute une étude qui nous don- nerait la loi d'après laquelle se règle chaque phase de l'exis- tence de nos précieux Bombyx, loi qui nous permettrait de déterminer et même de modifier, suivant les circonstances, la durée de chacune de ces phases. Cette étude sur laquelle je serais heureux d'appeler l'attention des naturalistes qui peu- vent très-facilement rn'aider dans ces recherches, nous serait fort utile pour diriger plus tard les éclosions des œufs et celles des papillons. Elle est indispensable pour indiquer le temps qu'on peut laisser au ver avant de l'étouffer (1). (1) Le premier problème à résoudre serait celui-ci: quelle est la limite minima à 'partir de laquelle les degrés de chaleur s'accumulent utilement au profil de l'insecte? La solution pourrait être donné par l'expérience suivante : Deux, séries de graines de Bombyx Cynthia pondues dans la même nuit, DU DÉVIDAGE DES COCONS. 1(35 On sait que pour forcer une plante et en tirer des fruits hors de saison, il suffit d'accumuler sur elle un certain nom- bre de degrés de chaleur, et qu'on n'obtient sa fructification qu'en atteignant la somme de degrés fixée par la nature. La loi qui règle ainsi la végétation de l'arbre doit régler égale- ment l'éclosion de l'insecte, qui ne pourrait exister s'il était plus précoce que la feuille qui le nourrit. Ce serait aller pourtant bien au delà de ma pensée, Mes- sieurs, que de croire que, connaissant la loi, on aurait, par cela même, des données absolues sur la vie d'un insecte qui s'élève en plein air et qu'on pourrait prévoir des résultats rigoureusement exacts. Les lois de la nature sans doute sont immuables, mais elles ne peuvent agir isolément. Elles concourent ensemble au but du Créateur dont la sagesse veut que les excès de l'une soient réprimés par l'autre et que tout se pondère. C'est ainsi que l'action du soleil, modifiée constamment par mille causes di- par la même femelle, seraient soumises simultanément à une température constante, différente cependant pour chacune des séries, ce qui pourrait se faire, par exemple, en plaçant la première dans une serre tempérée, la se- conde dans une serre chaude. Soit d le nombre de degrés de chaleur maintenus dans la serre tempérée, d' le nombre de degrés que comporte la serre chaude. Soit n le nombre de jours que la première série aura mis à éclore et n' la durée de la même phase pour la seconde série. Soit x la limite cherchée. Celte limite sera rjfi cVh^ donnée parla formuler = r • Pour fixer les idées par des chiffres, supposons que la serre tempérée soit entretenue constamment à 10 degrés de chaleur, et la serre chaude à 15 ; supposons que dans celte dernière les jeunes Vers soient éclos en dix jours, tandis que dans la serre tempérée on ne les ait obtenus qu'au bout de vingt- (10 X '22)— (15 X 12) _ 40 _ deux jours, la formule deviendra : x — - 2q £^ — TÔ — ""*" c'est-à-dire qu'au-dessous de-j-Zi degrés, la température n'exercerait plus une influence utile au développement de l'insecte. Ce point établi, il suffirait d'additionner chaque jour, au moyen d'un thermomètre à maximum et à minimum, la moyenne des degrés marqués au-dessus de + h degrés, en suivant toutes les phases de la vie du Bombyx, pour connaître la somme de chaleur qu'il doit accumuler avant que chaque phase de sa vie s'accomplisse. 166 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. verses, devient tellement variable, qu'il serait à coup sûr té- méraire d'affirmer que deux cocons filés sur le même arbre reçoivent une part égale de lumière et de chaleur dans le même espace de temps. Quoi qu'il en soit, les différences produites par les conditions particulières à chaque individu ne pourraient jamais être assez considérables pour qu'on ne pût calculer approximativement, presser ou retarder, suivant les circonstances l'époque des éclosions; ce qui serait, Messieurs, d'une très-grande impor- tance. Il me restait à faire une dernière expérience ; c'était de vérifier si les cocons, passés à la vapeur pour étouffer la che- nille, pouvaient se dévider au moyen de la potasse, ainsi que l'avait fait le docteur de la Rocha pour ceux du Spondiœ. Malheureusement, pour cela, je n'avais cette année que bien peu d'éléments. Ma première tentative, je dois l'avouer, Messieurs, ne fut pas de nature à me donner grand espoir. Le bain dans lequel j'avais mis mes cocons, et que j'avais chauffé jusqu'à 50 degrés, contenait 5 grammes de potasse pour 250 grammes d'eau. Malgré tous mes efforts, il me fut impossible d'en tirer autre chose que des débris de fils. Le bain était sans doute trop chargé de potasse. J'en refis un nouveau avec 2 grammes seulement pour le même poids d'eau. Mais alors, des six cocons que j'avais étouffés, il ne m'en restait qu'un seul, ma dernière espérance. Je le jetai dans le bain. Au bout de cinq minutes, l'effet de la potasse devant être produit je le débarrassai de sa première enveloppe, et je parvins cette fois à trouver un bon fil. Mon cocon se soutenait à la surface de l'eau et son poids suffisait pour détacher la soie qui ne se brisait plus comme clans le premier bain. Il fallait cependant, quand le fil arrivait dans la région des boucles qui ferment l'orifice, ralentir de beau- coup la marche du dévidoir. Il y avait toujours là un peu de confusion, la boucle que j'enlevais entraînant ses voisines qui la faisaient casser si je ne la dégageais avec grande précau- tion. Je retirai ainsi un petit écheveau de fil. DU DÉVIDAGE DES COCONS 167 Il y a loin, Messieurs, de ce petit essai au dévidage prati- que qu'il nous faut obtenir. Je dois vous dire pourtant que je n'opérais pas avec un matériel d'une bien grande perfection. Ma bassine n'était qu'une modeste casserole ; quant à mon . dévidoir, c'était un monument construit dans mon village et qui n'eût pas plié sous le câble d'un navire. Si mon inexpérience, armée de ces instruments quelque peu primitifs, a pu trouver un résultat, si minime qu'il soit, il est permis de croire que des gens du métier dévideront sans peine nos cocons du Gynthia lorsque nous en aurons étouffé la chenille au moment opportun. Je crois aussi le suc- cès plus facile quand on peut opérer sur des cocons nouveaux. Le grès durcit avec le temps et son ramollissement devient plus difficile à mesure qu'il vieillit. J'attendrai donc avec im- patience la prochaine saison pour faire d'autres essais qui ne feront, je l'espère, que confirmer ceux-ci. Messieurs, j'ai hâte de terminer, car je crains d'abuser de votre bienveillance. Permettez-moi seulement de reconnaître avec vous ce dont nous sommes redevables au docteur de la Rochaqui vient de nous montrer si généreusemeutla voie dans laquelle il nous faut diriger nos recherches. Bien que trompé par certaines apparences, il a su nous conduire avec une idée vraie à une conclusion vraie. Il a été pour nous comme l'hydroscope habile qui promet une fontaine à l'endroit qu'il indique, et qui se trompe seule- ment sur le niveau de la source. On descend un peu plus; on n'en trouve pas moins l'eau, et le but est rempli. Qu'im- porte le niveau, si nous avons la source ? Honneur donc à ce- lui qui a su la trouver. Avant que les exigences de l'impression n'aient permis à ce rapport de paraître au Bulletin, il a eu l'honneur de provo- quer quelques observations de la part de notre savant con- frère, M. Maurice Girard. Dans ces observations qui ont été reproduites sur le procès- 168 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. verbal de la séance du 7 janvier (1), M. Maurice Girard semble considérer le problème du dévidage des cocons du Cynthia comme résolu depuis longtemps. J'en serais pour ma part fort heureux, mais je crois néces- saire de ne pas laisser d'illusions se produire à ce sujet, et je ne puis m'empêcher de craindre que dans ce cas mon savant confrère n'ait confondu la théorie avec la pratique. De ce que M. Persoz, après avoir essayé à l'éprouvelte la force et la finesse de la soie du Cynthia, en ait conclu que cette soie pouvait devenir plus tard une ressource précieuse pour l'industrie textile, il n'en résulte pas pour cela que le dévidage de cette soie soit encore un fait acquis pour le com- merce. Les soies d'Ailante présentées par M. Guérin-Méneville en 1865, à l'Académie des sciences, ne sont pas, comme le croit M. Girard, des flottes de soie grége, mais bien, au contraire, des soies désagrégées, ce qui est bien différent au point de vue de l'industrie. M. Aubenas, pas plus qu'aucun autre, que je sache, n'est encore parvenu à tirer des soies grèges de nos cocons ouverts. Quant au système de notre ingénieux confrère, M. Forge- mol, il pourrait sans doute occuper une place fort honorable dans les collections de la rue Saint -Martin, mais il m'est im- possible à moi, filateur, de prendre au sérieux un instrument qui porte la façon du dévidage à 50 francs du kilogramme, ainsi que le déclare l'inventeur lui-même dans une note pu- bliée à l'occasion de l'Exposition universelle. Si, depuis cette époque, de nouveaux essais ont donné des résultats plus pratiques, je l'ignore complètement; mais j'ap- prendrai avec le plus grand plaisir que la filature du dépar- tement de la Creuse soit en mesure de recevoir nos cocons et d'en tirer parti à des conditions acceptables. (1) Voyez le Bulletin du mois de janvier 1870, page 77. II. EXTRAITS DES PROCÈS- VERBAUX DES SÉANCES GÉNÉRALES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE DU 21 JANVIER 1870. Présidence de M. A. Passy, vice-président. — Le procès-verbal est lu et adopté. — M. le Président fait connaître les noms des membres récemment admis : , MM. Mathias (Gustave), négociant-commissionnaire, à Paris. Pierre, directeur de l'usine hydraulique, à Ismaïliah (Egypte). Vargas (José Maria), fondateur du journal El Agri- cultor, à Bogota et à Paris. M. le Président informe la Société du décès de M. le baron de Béost, membre du Conseil général de l'Ain. — MM. de Laroche, consul de France au Maroc, et Thozet, adressent leurs remercîments pour leur récente admission. — M. le Dr N. Joly, de Toulouse, fait hommage de plusieurs mémoires : 1° Sur deux cas de mèlomêlie observés chez le Mouton; 1° sur un agneau monstrueux déromèle. — Remer- cîments. — M. A. Touchard adresse une note sur le Faisan de Swinhoé (voy. Bulletin). — M. Desmeure, directeur du Jardin zoologique de Flo- rence, fait parvenir un rapport sur la reproduction des Au- truches (voy. Bulletin). — M. de Charac fïls, de l'île Maurice, fait don de deux nids de Gourami. — Remercîments. — M. Lieubray, de Lyons-le-Forêt (Eure), adresse une note sur ses expériences de pisciculture. — M. Carbonnier transmet une lettre de M. Delouche sur ses travaux de pisciculture à Saint-Martin d'Ablois (Marne). (Voy. Bulletin, p. 14*2). 170 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. — M. Carbonnier transmet également la lettre suivante de M. Federico Mimtadas, de Piedra (Espagne) : « Nous sommes » en pleine campagne, et, quant à présent, cela ne va pas tout » à fait mal, jugez par vous-même. J'ai ramassé 55 000 œufs » des Truites de ma rivière et du Rocher du Diable, depuis le » 30 novembre jusqu'à ce jour. Pour que vous puissiez appré- » cier l'augmentation, l'année passée j'en ni ramassé 40000; » différence 45 000. Nous avons pressé inutilement les Truites » des lacs : elles n'ont rien donné. Peut-être plus lard réussi- » rons-nous. Œufs blanchis depuis le 30 novembre : 5000. » Hier surtout, en passant de l'appareil Coste à une boîte Ja- » cobi des œufs embryonnés, j'en ai perdu 600. C'est l'effet du » courant sur les œufs maladifs.» — M. de Milly transmet une note sur ses éducations de Vers à soie. — M. Dabry annonce l'envoi de cocons etde'graines de Vers à soie provenant des province du Houan, Chan-tong et Chen- si, et communique les lettres suivantes des évêques du Chan- tong et du Chan-si à ce sujet. — Remercîments. — Au sujet de la graine de Vers à soie venue de Chamsi : « La lettre de » Mgr Louis me transmettant la commission de M. le consul » Dabry m'est arrivée tard, et puis, dans cette province, on » n'a guère l'usage de nourrir des Vers a soie, les mûriers y » étant très-rares. Malgré cela, j'ai immédiatement expédié des » courriers en différents endroits ; et ils ont pu trouver un » peu de graine, mais pas de cocons, lesquels avaient été » déjà filés. Du district de Tse-ciou-fou, ce paquet de quatre » dormies (dormite).Les cocons sont blancs ou jaunes, selon » que les Vers à soie sont nourris avec des herbes ou de la » semoule, ou de la feuille de mûrier. Dans les districts de » Pin-iao et de Sèn-céou, il en est de même. Quant aux ren- » seignements, je ne puis dire autre chose sinon que les mû- » riers ici ne sont presque pas cultivés, et ils sont très-rares; » l'on s'en sert plutôt pour en manger les fruits. Quant à la » semence, on la fait éclore de la manière suivante : on l'étalé » et étend sur le lit (je suppose que c'est le Kan, car dans ce » pays-là tous les lits sont des Kans); ensuite on la couvre avec PROCÈS-VERBAUX. 4 71 » de la semoule de farine de blé, et les Vers sortant peu à peu » mangent la semoule. Une fois la semoule finie etles Vers de- » venus un peu plus gros, on les tire du lit avec de la feuille de » dente canino (je suppose que mon Chinois veut dire du Chien- » dent), et on lesmetsur des nattes ou paniers, en continuant » à les nourrir avec de la feuille de Chiendent, dont je mets » quelques feuilles dans la boîte, jusqu'à ce qu'ils puissent » avoir la feuille de mûrier; et s'ils ne peuvent pas en avoir, » ils les nourrissent jusqu'à la fin avec du Chiendent ; et il » en résulte par conséquent que le cocon ne devient pas dur; » et de blanc il devient jaune ou vice versa. Ils sont aussi su- » jets à des maladies et quelquefois ils meurent tous. — Ici l'on dit que pour les conserver il leur faut toujours un climat égal et tempéré, ettjue la nourriture neleur manque jamais. — Au sujet des cocons venus du Chan-tong : 1° Ces Vers à soie » se nourrissent de feuilles de Chêne, dont l'arbre est plus » petit que notre Chêne d'Europe ; dans les montagnes de » Tai-ngan-fou à cent /y de cette capitale (Tsi-nan-fou) il y a » des forêts pleines de cette espèce de Chêne ; les cocons que » j'envoie viennent de ces montagnes. 2° Vers le mois de mai » ou d'avril, les Farfalles ou Papillons sortent des cocons, il » faut lier par une aile les femelles afin qu'elles ne fuient pas » etles mâles vont d'eux-mêmes les chercher pour les fécon- » der ; il faut cependant les garder afin qne les oiseaux ne » les mangent pas. 3° Dix ou douze jours après que les » Farfalles ont déposé les œufs, les Vers à soie sortent, et il » faut les défendre contre les oiseaux. h° Les Vers à soie vi- » vent au grand jour là où il y a des arbres de Chêne, font » les cocons deux fois par an ; en les faisant, ils réunissent « deux ou trois feuilles du même Chêne et ils s'enferment » dedans. Je ne sais pas quelle est la quantité du produit de » ces Vers à soie. Dans cette province, il y a plusieurs loca- » lités où l'on cultive ces Vers à soie, mais l'endroit principal » est clans le district de Tai-ngan-fou au sud de cette, capi- » taie. J'envoie quatre cents de ces cocons avec quelques » feuilles du Chêne dont ils se nourrissent, renfermés dans une » petite caisse avec des trous, enveloppée d'une natte, etc. » 172 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. — M. le Dr Pasquale Mauro Vitali adresse la lettre sui- vante : « En même temps que j'ai l'honneur de vous envoyer » mon petit ouvrage intitulé : Metodo naturelle Chino-Giap- » ponese per la nascita de bachi da seta, je crois devoir » signaler une erreur dans la traduction par M. le Dr P. Mourier » de l'ouvrage Japonais de M. Shimidzeu Kinzaimon in- » titulé : Étude complète de l'éducation des Vers à soie. » Dans la susdite partie de la culture des Vers à soie, faite » assez généralement par la chaleur artificielle au lieu de » la chaleur naturelle de l'air du printemps, une erreur » de forte importance ne saurait être indifférente. Voici ce » qui se lit à la page 8, § 5. Le n° 1 intercalé dans le texte » entre les paroles germination ?ie, doit être transporté dans » laligneimmédiatement supérieure enlreles paroles possible. » Portez. Ce qui est dit dans la note n° 1 n'a pas rapport » à ce n° 1, mais bien ce qui est dit à la note n° 2. Au con- » traire, ce qui est dit dans la note n° 1 doit être porté sous » le n° 2, justement placé dans le texte h la fin de la troisième » période après la parole éclosion. Le célèbre Ouckaki Movi- » kouni dans son Jo-au-sfi-volk (dont le susdit Kinzaimon a » presque copié les préceptes) traduit en français parleDr J.- » G. Hoffinan de Leide et publié h Paris en 18/18 par M. Mathieu » Bonafous, avait déjà dit qu'il faut exposer cà l'air libre les » cartons, le jour de l'équinoxe du printemps, et quelquefois » plus tôt, suivant l'élévation de la température de r endroit » et la marche de la végétation. Or la parole germination » de M. Kinzaimon, ou de son traducteur M. Mourier, ne » doit signifier que la végétation du printemps en général, » ou le bourgeonnement plus tardif des mûriers en par- » ticulier : par contre il y avait besoin d'une note pour indi- » querle sens dans lequel on doit prendre la parole éclosion, » du moment qu'elle signifie généralement la naissance même » des Vers à soie, au lieu au changement de couleur des œufs » qui la précède. J'ai expérimenté, le printemps passé, la » méthode cino-japonaise conseillée dans mon ouvrage, et elle » m'a réussi complètement et avec profit. J'ajoute qu'avec » cette méthode naturelle j'ai obtenu des cocons blancs très- PROCÈS-VERBAUX. 173 » beaux (dont j'ai extrait de la semence de première repro- » duclion japonaise) ce qui ne m'était jamais arrivé avec les * méthodes de naissance anciennes d'après la chaleur artifi- » cielle. On connaît par le Jo-sau-fi-vok que le Ver à soie ja- » ponais est le Ver à cocon blanc, annuel, de quatre mues, » avec deux signes au cou en forme de parenthèses. Mais évi- » demmentces Versa soie, qui donnent des cocons plus gros » et de la soie plus abondante et plus belle, ne résistent pas » à une naissance avec la chaleur artificielle, et c'est pour » cela que tout le monde, habitué à cette dernière méthode, » est obligé de rechercher les Vers à soie à cocons verts que » les Japonais n'estiment pas du tout. » — M. Joly, délégué de la Société à Toulouse, fait hommage d'une brochure intitulée : Rapport sur deux petites éduca- tions de Vers à soie japonais, suivi de quelques réflexions sur l'emploi du microscope appliqué à la sériculture. — Remer- cîments. — - M. Stan. Malingre, de Séville, fait parvenir des glands de Chêne Bellota et donne les renseignements suivants :« Quelques » membres ont émis l'idée de faire quelques essais d'acclima- y> tation dans le midi de la France et en Algérie. Désirant faci- » liter ces expériences, j'ai prié notre collègue M. Antoine » Blasco, de Cordoue, de récolter des semences sur les plus » beaux arbres de cette espèce de Chêne et surtout sur ceux » qui donnent les meilleurs fruits. Répondant à cette invita- » lion, il m'a remis un gros sac contenant des Glands de huit » variétés séparées, que je vous ai envoyés par la voie de Mar- » seille ; j'espère que vous ne tarderez pas à les recevoir en bon » état. Je profite de l'occasion pour répéter que dans mon » opinion, le Chêne à glands doux n'est autre que notre Chêne » vert ou yeuse, modifié par le climat ; en effet, la qualité du » fruit diminue, à mesure qu'on avance vers le Nord et qu'on » s'élève au-dessus du niveau de la mer ; ainsi, sur les plateaux » élevés des Castilles, le Bellota n'est pas vraiment comestible » pour l'homme. On en expédie en France des quantités con- » sidérables qui doivent être mélangées au café ; on en fait » aussi une huile qui, d'après l'inventeur, fait repousser les 17 li SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » cheveux ; mais la grande application de ces glands c'est à l'é- » levage et à l'engraissement des porcs, et je puis vous assurer » que la chair des animaux, qui ont été soumis plus ou moins » longtemps à ce régime, est excellente. L'arbre croît relative- » ment assez vite et résiste à la plus grande sécheresse ; l'irri- » gation nuit à la qualité du fruit; la culture de la terre au » contraire la favorise. Si la Société désirait provoquer des » essais sur une large échelle, je me ferais un plaisir de lui ■» envoyer toute la quantité de semences dontelle auraitbesoin, » en prenant toujours les fruits sur les plus beaux arbres, ce » qui est bien important pour toutes les espèces. » — M. J. Engaurran, de Toulon, adresse des graines du Pinus sabiniana et donne les détails suivants : « Les jeunes » plants redoutent les arrosages fréquents et s'accommodent » mieux d'une terre franche : car nos meilleurs jardiniers, qui » ont traité leurs semis par les procédés ordinaires, ont » échoué. Au contraire, j'avais cédé à un ami quelques graines » qu'il avait laissées sans souci, et cependant une d'elles a » levé et résiste depuis deux ans ; de plus, j'avais remis cinq » graines à M. Olivier, conducteur des ponls-et-chaussées, » lequel faitpartie de notre Société ; il les a confiées à la pleine » terre sur l'île de Roubeaux, terre sans abri et exposée à » tous les vents ; trois ont levé et paraissent résister. Cette » année je fais une nouvelle tentative. Je fais semer une » cinquantaine de graines dans la colline, sur un terrain » maigre et sec. J'ai choisi l'exposition du nord-ouest qui est » la plus exposée au vent, car j'ai observé que ces arbres la » préfèrent. C'est en faisant des expériences répétées avec » des procédés différents que nous arriverons, je pense, à nous » affranchir du tribut que l'horticulteur français paye à » 1'élranger. » — M. le général Morin, membre de l'Institut, fait parvenir une notice sur les essais d'acclimatation du Quinquina officinal à l'île de la Réunion. ' — M. A. Delondre communique l'extrait suivant d'une lettre de M. José de Canto, reçue le 28 décembre 1869 : « J'ai » été obligé, au mois d'avril dernier, d'aller passer deux PROCÈS-VERBAUX. 175 » mois aux îles de Faial et de Pico. J'y ai été témoin d'un » fait très-curieux et, pour moi, très-intéressant, la reproduc- » tion spontanée de V Araucaria excelsa. Le premier arbre » de ce genre introduit aux Açores, en 183(5, appartient au » consul américain, M. Charles-Guillaume Dabney, bien connu » de tous les voyageurs qui ont relâché dans cette île. Depuis » longtemps, le magnifique Araucaria dont je parle portail » des cônes, mais jamais ils n'étaient féconds. L'année passée, » un petit-fils de M. Dabney, qui jouait sous le grand arbre, » a remarqué quelques plantes toutes petites : il a fait part » de sa découverte à son grand-père qui, avec la plus grande » surprise, a rencontré plus de soixante petits Araucaria. Je » les ai vus moi-même, et je dois à l'obligeance de M. Dabney » de posséder une demi-douzaine de ces Araucaria. J'ai l'in- » tention d'en envoyer un au Jardin des plantes de Paris. » M. Dabney m'écrit que l'arbre vient de produire de nou- » velles graines qui ont germé. Je n'ai pas dédaigné les Cin- » chona; j'ai fait planter 250 plants de différentes espèces » dans quatre stations, qui me paraissaient les plus conve- » nables pour cette culture. Si vous n'avez jamais fait un » essai de culture par vous-même, vous ne pouvez pas vous » imaginer combien d'ennuis conspirent contre vous. C'est » vous dire que tout n'est pas rose dans mes essais ; malgré » les contrariétés, il y a un fait incontestable ; c'est que le » Cinchona végète très-bien, une fois bien établi dans des » situations convenables. Je trouve que le C. officinale est le » plus délicat ici : au contraire, le C. succirubra présente une » végétation vigoureuse et franche. L'année prochaine, je » pourrai vous donner des détails plus sûrs. L'observation » d'une année est souvent détruite par les faits qui survien- » lient. Les graines de Ciîichona, que vous m'avez envoyées, » ont bien levé. Des graines que j'ai reçues à différentes re- » prises de la Société, il y en a qui ont levé et qui sont bien » dignes de fixer l'attention. Ainsi, desdernières que j'ai reçues, » j'ai été assez heureux pour voir lever huit plants de Brachy- » chiton populneum, l'arbre à bouteille de l'Australie. Je » vous prie de remercier pour moi la Société et de solliciter 176 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d'aCCLIMATATION. » l'envoi de nouvelles graines, en m'engageant naturellement » à faire connaître le résultat de mes essais. » — M. le Consul général de France à Smyrne annonce que, grâce au concours de M. André Icare, négociant français à Smyrne, il espère être bientôt à même d'adresser à la Société des bulbes de Safran de Yaferanboli, ainsi qu'une notice sur les différents modes de culture mis en usage dans ces pays. — Remercîments. — M. R. de la Blanchère fils adresse un troisième article sur la China-grass (voy. au Bulletin). — M. Ch. F. Dennet, de Boulogne-sur Mer, adresse une note sur la Bamie, nouvelle fibre textile. — MM. A. Delondre et Louis de Glercq font connaître le résultat de leurs cultures des graines qui leur ont été confiées par la Société. — Des remercîments pour les graines qu'ils ont reçues sont adressés par MM. Stan. Malingre, Masson père, marquis de Kerouartz, Durieu de Maisonneuve, Turrel et de Saint- Aubin. — M. A. Geoffroy Saint-IIilairc annonce qu'il vient de recevoir de M. le comte Gustave de Montebello, secrétaire de l'ambassade de France au Japon, en résidence à Yokohama, un envoi de graines de plantes et d'œufs de Vers à soie Yatna- mai. Cet envoi important n'est pas le premier fait par M. le comte de Montebello au Jardin d'acclimatation. Étant à Saint-Pétersbourg en 1862, il nous envoya, dit M. Geoffroy Saint-Hilaire, plusieurs lièvres blancs de Russie qui ont vécu longtemps dans les parcs de notre établisse- ment. Résidant à Madrid en 1865, M. de Montebello parvint, non sans peine, à nous procurer les Pies bleues d'Espagne (Ci/anu- pica Coo/ài), qui plusieurs fois ont pondu dans nos volières, D'un voyage fait en Russie en 1868, ce zélé donateur nous rapporta des Bruants de Neige {Emberiza nivalis), des Ja- seurs de Bohême {Bombycilla garrula), que nous pûmes con- server pendant plusieurs mois, enfin des Durbecs (Loxia enu- cleator) qui vivent encore. PROCÈS -VERBAUX. 177 M. de Montebello partit en avril 18(38 pour le Japon, et sa bonne volonté pour nous ne tarda pas à se manifester ; nous reçûmes de lui un couple de Colombes Turverts du Japon ; on n'avait pas encore constaté l'existence de cette jolie espèce dans ce pays. L'envoi (1) qui nous est parvenu ces jours derniers est d'un grand intérêt : il se compose de semences de végétaux et d'œufs de Vers à soie Yama-maï ; nous étions cette année dans une extrême pénurie de graines de Vers à soie japonais, par suite des échecs généralement éprouvés ces années der- nières dans les éducations de Yama-maï. Grâce aux graines qui nous parviennent, nous pourrons reprendre nos expé- riences et, nous conformant a la volonté exprimée par M. de Montebello, nous en remettrons une certaine quantité à la Société impériale d'acclimatation, qui en fera le partage entre ceux de ses membres qui s'occupent de l'éducation des Vers japonais du Chêne. Les œufs de Yama-maï ont été emballés de deux façons différentes par M. de Montebello. 1° 105 grammes de ces œufs ont été placés dans une petite boîte hermétiquement close, qui nous est parvenue intacte. La graine, à l'ouverture de la boîte, avait bon aspect ; mais nous avons constaté l'éclosion d'un certain nombre de Vers, pour la plupart vivants encore, ou morts depuis peu, car ils avaient encore cette teinte jaunâtre qui les colore au moment de la naissance. Ces graines furent placées dans un endroit froid, à l'abri de la gelée, et les éclosions cessèrent de se produire après quelques jours. 2° 930 grammes ont été placés dans trois boîtes percées de trous et divisées chacune en quatre compartiments. Ces boîtes, sans couvercles, sont fermées par du tulle très-clair. 11 en résulte que les trois boîtes étant placées les unes sur (1) Nous avions déjà reçu, il y a quelques semaines, un premier envoi de graines de Vers à soie Yama-maï, envoyées par M. de Montebello, mais il n'est pas parvenu à bon port; les œufs sont arrivés gâtés par l'humidité. 2e série, T. VII. — Février 1870. 12 178 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. les autres et réunies dans une autre boîte également percée de trous, l'air peut circuler à travers les œufs, condition qui a souvent été recommandée aux personnes qui s'occupent de faire voyager des graines de Vers à soie. M. deMontebello, dans les lettres qu'ilnous adresse, témoigne plus de confiance pour l'emballage dans lequel les œufs sont aérés que pour l'autre. Aussi n'a-t-il risqué dans la boîte her- métiquement close qu'une minime partie des graines qu'il avait pu réunir à grands frais. L'expérience ne justifie pas la confiance accordée aux boîtes aérées. Les graines qui y étaient contenues sont arrivées sen- tant fortement le moisi. Les œufs déprimés se montrent en grand nombre ; en outre, beaucoup d'entre eux étaient éclos, et les corps des jeunes Vers déjà noircis témoignent que ces éclosions ont eu lieu il y a déjà longtemps. De ces faits il semble résulter que les œufs aérés ont subi beaucoup plutôt que ceux emballés hermétiquement l'influence des chaudes régions qu'ils ont traversées pour nous parvenir. Ce résultat ne peut d'ailleurs surprendre lorsqu'on se sou- vient des procédés mis en usage par M. Berlandier, pour rap- porter du Japon les semences de Vers à soie du Mûrier, qui ont été, en 48(35, vendues aux sériciculteurs par les soins de la Société. Ces graines, on s'en souvient peut-être, étaient em- ballées dans des caisses hermétiquement closes, renfermées elles-mêmes dans d'autres caisses plus grandes. L'intervalle laissé entre les parois de ces deux emballages était rempli de poussière de charbon de bois. Le succès a démontré l'excel- lence de cet emballage. A leur arrivée, les 930 grammes de graines de Vers à soie Yama-maï ont été placés dans un lieu froid à l'abri de la gelée, étendus en couches minces. Au bout de quelques jours, l'odeur de moisi a disparu et quelques éclosions survenues nous prouvent que, malgré ce qu'ils ont eu à souffrir, les œufs ne sont pas morts. Parmi les semences de végétaux que nous a envoyées M. de Montebello, nous signalerons les suivantes: PROCÈS-VERBAUX. 179 Camellias, dix variétés dont quelques-unes à très-grandes fleurs. Abricotiers, Cerisiers et Pêchers, dont les fruits sont sans qualité, mais les fleurs remarquables. Lys oranger, en japonais Tinga-yonri; très-belle fleur. Qtiercus glauca, Quercus cuspidata. Retinosporapisifera, Retinospora obtusa, en japonais Hi~ ne-ki. Bladdhia crispa, en japonais Hano-tatzi-hana. Podocarpus macroplujlla, en japonais Hon-mahi, Sin- maki, Inu-maki ou Ksa-maki. Sciadopitysverticillata, en japonais Koya-maki. Pinus densiflora, en japonais Me-matz ou Aka-matz. Pinus parviflora, en japonais Cho-sen (Corée), Goio-no- nats. Pinus Massoniana, en japonais O.-matzou. Nous ne mentionnons ici que les plus importantes espèces. Une partie de cet intéressant envoi sera remise à la Société d'acclimatation, qui en fera le partage entre ses membres. — M. Ricbanl (du Cantal) , offre à la Société, de la part de notre savant et dévoué confrère, M. Joly, membre de la Société d'agriculture de la Haute-Garonne, professeur de la faculté des sciences de Toulouse, et notre délégué dans cette ville, quatre brochures. Dans l'une de ces brochures, l'auteur s'oc- cupe de l'acclimatalion des laines et de l'Alpaga du Pérou dans les Pyrénées françaises. Notre illustre confrère, le général Lebœuf, commandant le 6e corps d'armée à Toulouse, aujour- d'hui ministre de la guerre, a prêté son concours à cette entreprise. La Société impériale d'acclimatation n'a pas hésité à répondre au vœu de la Société d'agriculture de la Haute- Garonne, exprimé par le général Lebœuf; le Conseil a accordé à cette savante assemblée un petit troupeau de cinq Lamas ; les expériences faites sur son pâturage ne sauraient être mieux dirigées. Dans une seconde brochure, M. Joly, qui a toujours secondé avec dévouement la Société d'acclimatation dans ses travaux depuis la fondation, traite de l'éducation du Ver à soie japonais, 180 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. dont notre Société s'est occupée avec tant de succès en faisant venir de es pays lointain des graines qui produisirent un si bon effet; dans ce travail, M. Joly fait ressortir les avantages des études microscopiques pour bien connaître les causes des maladies des Vers à soie et les combattre... La science et la pratique, .dit-il, sont deux poses qui doivent toujours s'unir et se prêter une mutuelle assistance pour le bien de V huma- nité. Dans la troisième et quatrième brochure, M. Joly s'occupe d'anomalies observées dans des Mammifères et des œufs d'oiseaux. M. Richard dépose aussi deux ouvrages offerts à la Société par M. Vianne, ingénieur agricole, directeur du Journal d1 A- griculture progressive, et membre de plusieurs Sociétés d'a- griculture. L'un de ces ouvrages traite des prairies et des plantes four- ragères; de nombreuses gravures qui représentent des plantes fourragères, des graminées surtout, ornent ce beau livre im- primé avec luxe. M. Vianne s'occupe de tout ce qui touche aux soins à donner aux prairies pour les former et les améliorer ; il parle donc de leur irrigation, de leur assainissement, des moyens de les fertiliser par engrais ou amendements, et de ceux d'en récolter les produits. Le deuxième ouvrage a pour titre La Ferme et les Champs . L'auteur traite des machines employées en agriculture, et il en donne les dessins en expliquant les avantages que l'emploi de ces machines offre à la main-d'œuvre agricole. Les races d'animaux domestiques sont aussi examinées dans cet ouvrage, avec les engrais divers employés en agri- culture. — M. le baron J. Gloquet dépose sur le bureau, au nom de notre confrère, le duc de Montellano, des noyaux d'Abri- cots de Tolède, dont les fruits sont très-savoureux et dont les amandes sont douces et employées à faire des dragées. — Remercîments. — M. Pierre Pichot donne lecture d'un mémoire sur les anciens animaux de l'Egypte (voy. au Bulletin, p. 97). PROCÈS-VERBAUX. 4SI A celte occasion, M. le Secrétaire rappelle que dans le vo- lume delà Production animale, notre confrère, M. Bourguin a publié une notice sur le même sujet. — M. Sillan offre à la Société des graines de Pacanier, Ju- (jlans olivœ/ormis, et fait la communication suivante : « Le » Pacanier est une variété du Noyer noir. Originaire du sud » des Etats-Unis, cet arbre magnifique se groupe sur le bord y> des rivières de la Louisiane et du Texas en véritables forêts. » Son tronc gris et son feuillage d'un vert clair, non moins » que l'élégance de sa structure, en feraient un arbre précieux » comme ornement des jardins, s'il n'était déjà placé au pre- » mier rang des arbres utiles. Son fruit, recherché sur tous » les marchés des États-Unis, se vend, en effet, à des prix » très-élevés à la Nouvelle-Orléans, à New-York et dans tout » l'ouest. Le prix moyen de l'hectolitre de Pacanes varie de » 80 à 100 francs ; il est souvent supérieur à ce dernier chiffre, » sans jamais s'abaisser au-dessous du premier. La pacane a » la forme de l'Olive, l'écorce de la Noisette et le noyau de la » Noix de France. Son goût est d'une extrême finesse. La pro- » duction moyenne d'un Pacanier âgé de vingt-cinq à trente » ans s'élève à un hectolitre au moins. Cet arbre n'exige » aucun soin particulier. Sa culture ne diffère en rien de » celle du Noyer de France. Comme ce dernier, il ne produit » que peu ou point avant la seizième année de plantation. Il » existe plusieurs variétés qui s'obtiennent par la greffe. Il est » indispensable de placer plusieurs sujets dans le même ter- » rain ; isolés, ils ne produiraient pas. Le sol louisianais étant » complètement, ou à peu près, privé de calcaire, il est évident » que le Pacanier n'exige cet agent de fertilité qu'en faible » quantité. La chaleur moyenne de la Louisiane est de 28 à » 32 degrés centigrades. Cette température, qui est celle du » midi de la France, se rencontre sur toutes les côtes de la » Méditerranée. On en peut conclure avec quelque certitude » que le Pacanier se trouvera acclimaté du premier coup » dans nos possessions d'Algérie, et probablement dans tout le » midi de la France. Cet arbre serait certainement une con- » quête très-précieuse pour ces contrées, 11 est aisé de se 182 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » procurer en Louisiane des plants et des greffes. Si la Société » impériale d'acclimatation pensait comme moi, que le Paca- » nier peut rendre d'utiles services à l'agriculture française » ou algérienne, je me mets entièrement à sa disposition » pour lui obtenir en Louisiane des sujets et des greffes. » M. Soubeiran fait remarquer qu'il existe déjà dans le midi de la France et notamment à Toulouse des Pacaniers, qui donnent des fruits tous les ans. La culture de ces arbres a été tentée autrefois aux environs de Paris par Bosc, mais n'a pas été continuée, parce que, presque chaque hiver, les tiges étaient tuées par la gelée. M. Richard (du Cantal) dit qu'au Texas il existe des va- riétés de Pacanier dont les fruits sont de dimensions consi- dérables, tandis que d'autres n'ont que des fruits très-petits. M. Siilan répond qu'il en est de même à la Nouvelle- Orléans, mais que l'on greffe les variétés à gros fruits. M. Ghatin pense qu'il sera facile de faire en France pour le Pacanier la même opération : c'est, du reste, le procédé em- ployé habituellement pour les noyers ordinaires. — M. Millet met sous les yeux de la Société les débris trouvés dans l'estomac de Geais tués dans le courant de cet hiver. Parmi ces débris se trouvent des groupes d'œufs de la grosseur d'une tête d'épingle, soudés entre eux et formant de petits bracelets. Notre confrère donne, à cet égard, les expli- cations résumées ci-après: Ces œufs sont ceux d'un Papillon connu sous le nom de Bom- byx neustrie ou livrée (B. neustria, Lasiocampa neustria), dont la chenille fait d'énormes ravages dans les bois, les vergers et les jardins. Vers le mois de juillet la femelle les dé- pose sur les plus petites branches des arbres, où ils sont col- lés les uns à côté des autres, en ligne spirale formant une bague ou un bracelet. L'enduit qui les réunit est brun noirâtre et tellement adhérent qu'on ne peut les détacher qu'en coupant la branche, ou qu'à l'aide d'un grattoir. Ces œufs restent expo- sés à l'extrémité des branches à toutes les influences atmos- phériques et résistent à la pluie, à la neige, aux froids les plus rigoureux de nos climats. Par leur ténuité, leur couleur PROCÈS-VERBAUX. 183 et leur situation, ils échappent complètement, dans les bois et les vergers, à l'œil des échenilleursles plus habiles; et dans les pépinières et les jardins, les horticulteurs ont beaucoup de peine à les découvrir. Les oiseaux qui mangent ces œufs sont assurément des auxiliaires très-utiles. Les services que le Geai rend à cet égard doivent être des circonstances très-atténuantes dans les méfaits qui lui sont reprochés. Il ne faut donc pas classer cet oiseau parmi ceux qui sont absolument nuisibles. — M. Millet fait observer, à cette occasion, qu'on ne sau- rait trop protéger les oiseaux qui sont nos alliés naturels. Parmi ces oiseaux, il en est un grand nombre qui nichent dans les trous et cavités des arbres et des murailles. C'est à ces espèces que les nids artificiels sont destinés. Toutefois, notre confrère fait observer que durant les froids rigoureux, oulorsqueles arbres, les haies, le sol, sont couverts de neige, les espèces d'oiseaux qui ne nichent pas en creux vont cepen- dant s'abriter dans ces nids artificiels où on les trouve quel- quefois réunis en petits groupes. Ces nids servent alors d'a- bris contre les influences atmosphériques qui font périr un grand nombre d'oiseaux utiles aux cultures de toute nature. M. Millet rappelle, à ce sujet, qu'il existe au jardin d'accli- matation un dépôt de nids qui sont livrés à des prix.très-mi- nimes, pour en vulgariser l'emploi. — M. Millet, en rappelant à la Société que, dans la séance du 24 décembre dernier, il lui a fait hommage d'un exemplaire de l'ouvrage qu'il a publié sur la culture de l" eau, à la librairie Marne, à Tours, indique quelques erreurs et omissions, qui se produisent d'ailleurs fréquemment, quand un livre est imprimé loin de la résidence de l'auteur et que toutes les épreuves ne sont pas revues par l'auteur même. Notre confrère signale particulièrement le chapitre relatif aux crustacés. Pour YÉcrevisse , le nombre des espèces est beaucoup plus considérable que celui indiqué cà la page 93 ; car l'Amérique et la Nouvelle-Hollande en présentent un très- grand nombre, et, en France, nous en avons deux espèces dis- tinctes, l'Écrevisse à pattes rouges ou longicorne (Astacus 184 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. longicornis) et l'Écrevisse à pattes blanches ou pallipède (A . albipes, A. pallipes); ces deux espèces n'habitant pas les mê- mes eaux, ne se mêlent pas entre elles et ne pondent pas à la même époque, etc.. Pour le Homard, on a cité, aux pages 103 et 104, les opinions qui avaient l'ait considérer les Zoés comme étant les larves de ce crustacé; mais on a omis un pa- ragraphe relatif aux recherches plus récentes des naturalistes qui ont démontré que les Zoés sont bien réellement les larves de Crabes ; et en reproduisant, à la page 105, unepetite figure extraite d'un livre publié par la librairie Marne et représen- tant un Homard, on a reproduit en même temps celle d'un Zoé avec l'indication que cette larve était celle de ce crustacé. L'erreur provient de ce que ces deux figures se trouvent sur le même cliché. — M. le Secrétaire donne lecture d'unmémoire de M. Pierre sur ses cultures à Ismaïlia. (Voy. au Bulletin, p. 43.) Le Secrétaire des séances, J. L. SOUBEIRAN. III. CHRONIQUI. Rapport sur l'acclimatation du Saumon en Tasinanie, Par le Dr J. Léon Souiseiran. Un des succès les plus remarquables, obtenus en acclimatation est cer- tainement l'introduction du Saumon en Australie, effectuée heureusement dans ces derniers temps, après plusieurs tentatives infructueuses. Nous sommes heureux de pouvoir, grâce à l'obligeance de MM. Edw. Wilspn et J. Youl, présenter un historique complet de ces essais (1). En 1852, M. Boccius, le célèbre pisciculteur, fut chargé par le duc de Newcastle, secrétaire d'État pour les Colonies, de faire le premier essai d'in- troduction, en Australie, d'œufs de Saumon et de Truite, et expédia 50 000 œufs par un navire, où ils furent placés dans un sceau; mais par suite de l'irrégularité avec laquelle l'eau se renouvelait, et des chocs auxquels les œufs furent soumis et qui résultaient des mouvements du navire, Féclosion se fit hâtivement et tout avait péri avant qu'on ne fut arrivé aux tropiques: aussi, fut-on obligé de jeter tout à la mer. En 185Z|, une souscription privée fut ouverte par un certain nombre de colons australiens, dans le but de faire une nouvelle tentative, et M. J. Youl fut chargé de se mettre en rapport avec M. Boccius, pour arriver aux meilleurs moyens de mener abonne fin uue pareille entreprise. Mais M. Boc- cius proposa un plan analogue à celui qui avait déjà donné des résultats fâcheux, c'est à-dire de placer, au milieu d'un large sceau de bois, un tamis de gutta percha, sur chaque trou duquel serait placé un œuf: le tout devait recevoir constamment un courant d'eau, changée quatre fois par jour, mais sans penser à faire de provision de glace, pour maintenir l'eau à uue basse température, pendant qu'on passerait sous les tropiques. M. Youl pensait, au contraire, qu'il faudrait faire usage de glace ou de mélanges ré- frigérants, pour obtenir un abaissement suffisant de la température dans ces régions. Le devis de M. J. Youl montait de 700 à 1000 livres (17 500 fr. à 25 000 fr.), tandis que M. Boccius pensait ne pas devoir évaluer les dépenses à plus de 350 à /|00 livres (8500 à 10 000 fr.). Ne pouvant le convaincre, M. J. Youl laissa M. Boccius à lui-même et continua ses études, en vue de connaître le meilleur procédé à appliquer. En 1858, par l'initiative ardente de M. Edw. Wilson, qui s'est voué entiè- rement aux progrès de l'acclimatation, en Australie, qu'il n'a cessé d'encou- rager de sa bourse et de ses imitations, M. J. Youl se chargea de faire une nouvelle tentative, et 650 livres (16 250 fr.) furent réunis, à cet effet, par (1) De nombreux articles ont été publiés dans The Australasian, sur les di- verses phases de cette acclimatation, de 1858 à l'époque actuelle. — Voir aussi divers articles du Bulletin de la Société impériale d'acclimatation* 186 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. souscription privée; on put ainsi expédier, le 25 février 1860, deLiverpool, environ 30 000 œufs de Saumons, déposés sur des graviers, avec environ 15 tonnes de glaces, placées dans une glacière. Quelques-uns de ces œufs périrent après avoir résisté 67 jours, mais la glace n'était pas en suffisante quantité et la mortalité fut considérable, dès que la température de l'eau eut atteint ll\° Fahr. (+ 40° ), ce qui ne présenta par 29° 52 D. lat. S. et 27° 33 long. 0 (1). A la suite de cette tentativp, due entièrement à l'initiative privée et qui eut un grand retentissement en Australie, une troisième expérience fut décidée, avec le concours des gouvernements coloniaux de Tasmanie, de Victoria et Southland (2), pour procurer à ces pays les meilleures espaces de poissons de l'Europe, et il fut décidé que les œufs de Saumons seraient déposés eu Tas- manie qui, plus méridionale que Victoria, devait offrir un climat plus froid et, par cela même, plus favorable au succès de l'entreprise : ses eaux, d'ailleurs, paraissaient merveilleusement disposées pour recevoir et nour- rir des Saumons. La direction générale de cette tentative fut confiée de nou- veau aux soins éclairés et au zèle, qui ne s'est jamais démenti, de M. J. Youl. Dans le but de recueillir les meilleures instructions, M. Youl se rendit à Paris pour prendre conseil de M. Coste, et, en son absence, eut plusieurs conférences avec Al. Gerbe, son préparateur, qui lui fit étudier les appareils du Collège de France, et lui montra le système d'emballage dans la mousse des œufs destinés à l'expédition ; mais M. Gerbe ne lui dissimula pas que ce procédé, bon pour de petites distances, ne lui paraissait pas devoir être employé utilement par lui, en raison du temps considérable qu'exige le voyage d'Australie. M. Youl se décida alors à déposer ses œufs sur du gravier où ils seraient arrosés par un courant continu d'eau, sans ce:-se renouvelée, et avec la condition de charger sur le navire, une quantité de glace plus grande que celle employée dans les expériences précédentes, de façon à avoir l'assurance que la fusion n'aurait pas tout détruit avant l'arrivée. Mais les armateurs des clippers australiens ne se souciant pas d'embarquer à leur bord une quantité aussi considérable de glace et d'eau qui. disaient- ils, cau- seraient une grande humidité et, par suite, détérioreraient leur cargaison, M. J. Youl se vit obligé de fréter un petit navire, le Beauti fui- Star, qui de- vait être exclusivement affecté au transport de ses œufs : seul il peut dire les tracas que lui causa l'aménagement de la glacière, de l'appareil qui de- vait contenir les œufs et être traversé continuellement par uncouranl d"eau froide ; il lui fallait absolument aviser au moyen de prévenir l'épanchement de cette eau dans le navire, ce qui eût rendu impossible le fret ultérieur d'un autre bâtiment pour de nouvelles introductions. Malheureusement, (1) Tentative d'introduction de diverses espèces de poissons dans les eaux de l'Australie. {Ibid. 2e série, t. I, p. 305, 1864). (2) Le gouvernement colonial de Tasmanie avait voté 3000 livres (75 000 fr.), celui de Victoria 500 livres (12 500 fr.) et Southland ainsi qu'une des provinces de la Nouvelle-Zélande, chacun 200 livres (5000 fr.). CHRONIQUE. 187 diverses circonstances fortuites paralysèrent les efforts de M. Youl, le choix forcé, par exemple, du Heauti fui-Star, navire à marche lente en raison de son faible tonnage, ce qui fut cause de la trop longue durée de la traversée. Mais si le succès fit encore défaut cette fois-ci. on n'en tira pas moins de précieux enseignements de cette malheureuse tentative, car on apprit qu'il fallait laisser les œufs à une température moyenne de 13° Fahr. (— Ù0.), et qu'après un séjour de cent quarante-quatre jours dans la glace, la vitalité per- sistait encore dans les œufs ; en effet, une boîte, contenant des œufs dans la mousse, qui avait été placée dans la glacière, en conservait encore quelques- uns vivants lors de l'arrivée, mais le nombre en était trop restreint pour assurer l'introduction du Saumon et, tout au plus, put-on en élever quel- ques alevins, qui témoignèrent de la possibilité de l'introduction de leur espèce (1). Les Tasmaniens et Australiens ne perdirent donc pas courage (2) et for- mèrent nne association qui confia, de nouveau, à M. J. Youl (3), le soin d'une quatrième tentative, pour le succès de laquelle il prit des soins encore plus minutieux s'il est possible. Il commença, tout d'abord, avec M. Ramsbot- tom (Zi),par instituer, avec le concours de savants pisciculteurs, MM. Franck Buckland, Johnson, Tennant, etc., des expériences dans les glacières qui fu- rent mises très-généreusement à sa disposition par la Wenham Lake ice Company; les œufs y furent déposés dans des boîtes où ils reposaient sur de la mousse et un peu de charbon, et y séjournèrent un temps qui varia de quarante cinq à cent quarante-quatre jours et, chaque fois qu'on en fit l'exa- men, on constata qu'ils avaient conservé leur vitalité. Du reste, pour en avoir une preuve plus certaine, on eut soin d'en mettre, chaque fois, quelques- uns en incubation chez MM. Buckland et Johnson (5), et l'on put constater que 1'éclosion se lit aussi régulièrement que si les œufs n'avaient pas été sou- (1) On avait organisé, à l'avance et avec le plus grand soin, des réservoirs à Redland, distant de six milles de New-Norfolk, sur les bords de la rivière Plenty, tributaire du Derwent. Ces réservoirs furent installés sur le plan de ceux de l'éta- blissement de Slormonliield (P. L. Simmonds, Journal ofapplied sciences, 1870). (2) A la suite de l'insuccès du Beautiful-Star, M. Richard Nettle, surintendant des pêches du Canada, proposa, en 18(32, au gouvernement australien d'expé- dier des œufs de Saumon du Canada par la voie de New- York, de l'isthme de Panama et du Pacifique, ce qui ne demanderait que quarante-cinq jours; il pen- sait qu'on pourrait ainsi éviter aux œufs un trop long séjour sous les tropiques et que, d'autre part, il serait facile de se procurer sur la roule, l'eau pure et la glace nécessaires. Nous n'avons pas eu connaissance qu'on ait donné suite à cette propo-ition. (3) M. J. Youl, dont la persévérante énergie a triomphé de l'inertie qu'il ren- contrait de toutes parts dans son œuvre philanthropique, n'a jamais voulu recevoir aucune rémunération pour ses labeurs, joignant ainsi la générosité au zèle le plus ardent. (4) La Société a été informée, l'année dernière, du décès de ce zélé piscicul- teur {Bulletin, 2e série, t. V, p. 862, 1868). (5) Une partie de ces œufs fut envoyée à Huningue pour y être mis en incu- bation. 488 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. mis à une température aussi basse et aussi prolongée. Ces expériences confir- maient l'espérance de pouvoir, au moyen de la glace, retarder l'éclosiondes œufs assez longtemps pour qu'ils arrivassent sains et saufs en Tasmanie, et donnaient la preuve que ce procédé était préférable à tout autre, puisque le développement embryonnaire, simplement retardé par l'influence d'une basse température, se faisait aussi bien que dans les conditions ordinaires (1). Cette fois, au lieu de confier la précieuse cargaison à un navire mauvais voilier, , comme le Beauti fui-Star, on fit choix du Norfolk, grand et beau clipper, fin voilier, qui fut mis gratuitement à la disposition de M. J. Youl, par ses armateurs MM. Money, Wigram and Co. On eut même la complai- sance de retarder le départ du Norfolk, pour permettre d'achever le parfait aménagement des œufs, qu'au dernier moment plusieurs personnes avaient généreusement adressés à M. Youl, à la nouvelle des difficultés qu'il éprou- vait à parachever son chargement. On obtint ainsi plus 100000 œufs de Sau- mons et de 3000 œufs de Truites qui furent déposés avec soin dans la gla- cière. Enfin, le 2/t février 1864, le Norfolk leva l'ancre, emportantM. Hams- botlom et un aide qui devait lui donner assistance le cas échéant et quatre- vingt-quatre jours après, il arrivait à Hobson-bay ; là, on transborda les œufs sur le Victoria, navire colonial désigné, à la demande de M. Edw. Wilson, pour aller à Hobart-Town. Ce fut à Hobson-bay qu'on ouvrit, pour la première fois, la glacière en présence de plusieurs personnes notables, qui rompirent alors le sceau placé par M. Youl, au moment du départ des docks de Londres, et l'on constata, par l'ouverture d'une des boîles, que la majeure partie des œufs était dans un état satisfaisant ; on plaça chacune des boîtes dans une caisse de bois plus large, où elles furent empaquetées avec le reste de la glace (treize tonnes environ). Onze boîtes qui renfermaient de lx à 6000 œufs de Saumons et environ 500 œufs de Truites, furent distraites de l'ensemble pour être déposées à Melbourne et y être immédiatement soumises à l'incu- bation, sans courir le risque d'un voyage plus long, et dans l'espoir de sau- ver au moins une partie des œufs expédiés d'Angleterre (2). Le 18 avril, le Victoria partit pour IIobart-Town, où il arriva le 20 dans l'après-midi : grâce au concours le plus actif qui fut prêté par la population tout entière, le débar- quement fut rapidement effectué et les boîtes se trouvèrent promptement déposées dans l'établissement de Plenty-hiver : on opéra le déballage avec le plus grand soin et on remarqua que toutes les boîtes n'étaient pas dans un état également satisfaisant de conservation ; les unes avaient une grande partie de leurs œufs en putréfaction, et, dans celles-là, la mousse était noire et affaissée ; les autres, au contraire, ne présentaient que peu de perte, et leur (1) M. Millet, qui a fait également des expériences sur l'influence de l'abais- sement de la température sur le développement embryonnaire des Salmonidés, a reconnu le ralentissement considérable des mouvements du cœur et a observé que la congélation même ne détruisait pas tous les œufs. (Bulletin, t. II, p. 153, 1855). (2) On obtint environ trois cents alevins qui se sont bien développés. CIIftONIQUE. 180 mousse était restée verte et élastique. Somme toute, on retira 30 000 œufs de Saumon en bon état, et environ 300 œufs de Truite (1). Pour éviter une transition trop brusque de température, on mit, dans le courant qui devait couler sur les œufs, des blocs de glace qui, par leur fusion, maintinrent pendant deux ou trois jours, la température de l'eau assez basse; d'autre part, on prit soin de placer une partie des œufs dans un appareil isolé, qui ut alimenté, pendant un temps plus long, avec de Peau provenant de la fusion de la glace. Dans l'un comme dans l'autre cas, le succès fut égal, car on obtint bientôt de jeunes alevins: l'éclosion commença quatre-vingt-seize jours après la ponte et quatre-vingt-onze jours après ledépart de Londres (2); elle se fit d'abord avec une certaine lenteur (3), puis fut plus rapide, si bien que, le 25 mai, on avait 200 poissons et, quelque temps après, un millier, enfin on évalua de 6 à 7000 le nombre des alevins obtenus. L'expédition du Norfolk avait donc enfin donné un succès, et compense les peines infinies prises, pendant dix ans, pour doter l'Australie du poisson qu'elle désirait si ardemment. Nous trouvons, dans l'introduction du Saumon, unepreuve nou- velle de la ténacité dont la race anglo-saxonne est capable, mais nous devons surtout rapportera M. James Youl l'honneur de cette entreprise, car il s'y est donné corps et àme, on peut le dire, et sans lui, probablement, on en serait encore aux tentatives. Lorsque ces alevins eurent résorbé leur vésicule, on les plaça dans des ré- servoirs spéciaux, où ils furent nourris avec du foie bouilli et bâché très- menu. En octobre 1865, on laissa passer des réservoirs de Plenty -river, dans l'eau libre les alevins, qui avaient pris la livrée de Smolt, et qui se dispo- saient à entreprendre, pour la première fois, leur dangereux voyage à la mer. On les a vus plusieurs fois dans le Derwent, depuis leur retour de la mer, cherchant sans doute à gagner les parties supérieures du courant pour y aller frayer. Les commissaires delasmanieont la certitude morale du succès, car ils ont vu, à plusieurs reprises, des Poissons, tout à fait différents des hôtes habituels du Derwent, faisant une chasse active au fretin et qui leur ont paru être des Saumons, mais ils n'ont pu en prendre aucun et donner ainsi unepreuve palpable et indiscutable. En tous cas, si les Saumons sont revenus en eau douce, ils paraissent avoir préféré le large courant du Derwent, et ne pas s'être aventurés dans la rivière de Plenty, pour y déposer leurs œufs, car il eût été facile de les y distinguer, et l'on n'eût pas manqué d'en capturer quelqu'un. Considérant que le Derwent ne nourrit que peu de Poissons qui puissent nuire au Saumon, et peu d'Oiseaux pêcheurs, les commissaires des pêches croient pouvoir affirmer que le temps n'est pas loin où la pèche du Saumon pourra se faire régulièrement en Tasmanie. (J ) De ce nombre ont doit défalquer une certaine quantité d'œufs mal fécondés. (2) Une boîte, qui renfermait des œufs plus âgés de quarante-cinq jours (130 par conséquent), donna peu d'éclosions et par suite peu d'alevins (quatre à cinq). (3) La première Truite naquit le à mai et le premier Saumon le 5 mai 1804. 190 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d'àCCLIMÀTATION. En 1866, sur la requête pressante de M. Edw. Wilson, M. J. Youl con- sentit à prendre encore la direction d'une nouvelle expédition destinée à compléter le succès du Norfolk, et à assurer à la Tasmanie la possession du précieux poisson, qui avait déjà coûté tant de peine et d'argent. Il fut expé- dié, le 20 janvier 1866, par le clipper Dncolnshire 110 000 œufs, amé- nagés comme ceux du Norfolk, et protégés par trente-cinq tonneaux de glaces (1): quelques accidents retardèrent le départ du navire qui n'arriva devant Melbourne que le 1er mai. Les oeufs transbordés sur le Victoria, qui fut de nouveau chargé de les apporter à Hobait-Town, et qui fut aussi retardé par diverses causes, dans son voyage, donnèrent 6000 Saumons et environ 1000 Truites. D'après un rapport officiel de Sir R Officer (2), de la fin de 4867, les produits du Norfolk ont été vus plusieurs fois dans le fleuve Derwent, à leur second retour de la mer: Sir lî. Officer a pu lui-même les voir, à diverses reprises, mais on n'en a pas encore capturé aucun. Il résulte aussi d'une lettre adressée, en septembre dernier, par le gouver- nement delà Tasmanie à VI. Drouyn de Lhuys, qu'en 1869 on n'a pu encore capturer de Saumons, en raison des difficultés que présente la rivière à la pêche, soit au filet, soit à la ligne, mais que les observations contenues dans les derniers rapports de 1867 et 1869, prouvent bien certainement la pré- sence du Saumon en Tasmanie: en effet, en 1869 comme en 1867, la com- mission, de même que quelques personnes dignes de foi, a constaté, en février, mars et avril, la présence, dans le Derwent, de Poissons volumineux ne pouvant être confondus, en raison de leurs dimensions, avec les Mulets native, qui ne pèsent presque jamais plus d'une livre, ni avec des Truites, par suite de l'éclat argenté de leur corps; si, en 1868, on n'a aperçu aucun de ces Saumons, cela tient à ce que ses eaux étaient très hautes et à ce que les Saumons ne se rapprochent assez de la surface pour être vus que dans les basses eaux (3). Les Truites brunes, conservées dans un étang spécial de l'établissement de Plenty, s'y sont aussi multipliées d'une manière très-salisfaisante, et la com- mission a pu en obtenir des œufs pour les distribuer heureusement dans plusieurs localités de la Colonie et, malgré les difficultés du transport, à Vic- toria et à la Nouvelle Zélande. Depuis deux ans, on ne fait plus de féconda- tions artificielles, mais on laisse les Poissons établir eux-mêmes leurs frayères, sur lesquelles on recueille ensuite les œufs : on trouve, à cette méthode, l'avantage de fournir une proportion plus grande d'œufs fécondés (on a ob- tenu 750 éclosionsde 800 œufs). Il y a aujourd'hui à Plenty quatre généra- (1) Quarante boîtes d'œufs de Saumon, vingt de Truites saumonées, et une de Truite brune, ce qui donnait 87 000 œufs de Saumons, 15 000 de Truite sau- monée et 500 de Truite brune. (2) Reports of the salmon commissioners of Tasmania, p. Il, 1867. (3) Bulletin, 2e série, t. VI, p. G99. Depuis l'époque où cette note a été ré- digée, on a reçu, en Angleterre, l'avis que deux Saumons avaient été capturés à leur retour de la mer dans les eaux douces. CHRONIQUE. 101 lions de Truites, el il est impossible de prévoir la limite de leur multiplication: quelques-uiis de ces Poissons atteignent des dimensions respectables : une Truiiede trois ans et demi pesait 9 livres \jk et mesurait 26 pouces i/k de longueur (1). La commission de Tasmanie a aussi tenté l'acclimatation du Sea front, Salmo trutta, espèce un peu inférieure au Salmo salar, dont le Lincoln- shire avait apporté quelques milliers d'oeufs; On obtint environ 1000 alevins, qui ont séjourné dans un bassin, de juin 1866 à octobre 1867, époque où la majeure partie d'entre eux s'étant transformés eu Smolts, furent lâchés avec environ 6000 Salmo salar dans le Plenty-river. On a gardé en captivité, dans un étang spécial, quelques-uns de ces Salmo trutta, dans l'espoir qu'ils pourraient s'y reproduire sans aller à la mer ; on se basait sur les faits observés en Norvège, en Suède et aux Hébrides, où des Saumons se sont propagés dans de grands lacs sans communication avec la mer ; mais il y avait à craindre qu'en raison des petites dimensions de l'étang, il y eût in- succès. Les faits sont venus prouver que ces craintes n'étaient pas fondées; car, après avoir reconnu, en avril 1839, que plusieurs de ces Poissons se remplissaient d'oeufs et de laitance, on a vu, le 25 juin suivant, une pre- mière paire, bientôt suivie de plusieurs autres, préparant leur frayère dans un petit ruisseau qui s'ouvre dans l'étang. La ponte fut terminée fin juillet, et il en résulta plusieurs milliers d'oeufs qui furent mis en incubation et dont on espère obtenir de nombreux alevins. La commission de Tasmanie ne doute pas que les Salmo trutta, mis en liberté en 1867, continuent à pro- spérer, et doivent se reproduire cette année, mais elle n'en est pas moins heureuse de trouver, dans cette reproduction en eau captive, le moyen de faciliter la diffusion de cette espèce et de pouvoir en fournir, dans un avenir prochain, à de nouvelles localités (2). Le succès remarquable, obtenu en Tasmanie, est certainement dû, pour une grande part, à la persévérance des habitants qui n'ont pas hésité à perdre beaucoup de temps et d'argent pour arriver à ce résultat, et nous devons citer, en première ligne de ceux qui s'y sont consacrés, M. J. Youl,que rien n'a pu rebuter dans son œuvre généreuse et d'utilité publique; mais nous sommes heureux de reconnaître ici l'influence manifeste de la France, et nous n'en voulons pas de meilleure preuveque le passage suivant d'une lettre que nous adressait, l'an dernier, notre dévoué confrère M. J. Youl : « Il est,sanscontre- » dit, merveilleux d'avoir pu transporter, avec succès, des oeufs vivants de » poisson aux Antipodes, mais, selon toutes probabilités, je n'eusse jamais » réussi, si je n'eusse visité Paris, où, grâce à l'obligeance de M. Gerbe, » qui a bien voulu suppléer M. Goste en son absence, j'ai pu connaître toutes » les particularités qui pouvaient me diriger. L'Australie, en cette circon- » slance, a contracté une dette immense envers la France (3). » (1) Report of the salmon commissionners of Tasmama, p. 699,1869 . (2) Idem, p. 8. (3) Lettre de M. J. Youl à M. J. L. Soubeiran, du 23 novembre 1868. 19-2 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Hybrides du Saumon. M. nasch, professeur à l'Université de Christiania, a publié le résultat d'expériences entreprises sur l'hybridation entre Salmonidés. Des œufs de Truite de nier, fécondés par de la laitance de Truite d'eau douce, ont donné autant de jeunes poissons robustes que si la fécondation eût été opérée entre parents de la même espèce, et ces jeunes poissons n'ont pas été moins fertiles que leurs parents. Il faut observer que M. H. Widegren ne considère ces deux sortes de Truites que comme des variétés d'une même espèce (M. Rasch, en 1850, avait constaté la parfaite ressemblance de forme et d'habitude des alevins de ces deux espèces et même de ceux de la grande Truite des lacs, Salmo ferox Yarr.). Les expériences de fécondation des œufs de Salmo alpinus par la laitance de Truite commune, ont donné 30 à Z|0 pour 100 d'alevins, dont un certain nombre ont péri aux divers temps de l'incubation, et dont les plus résistants ont presque tous succombé par une sorte d'hydropisie : la fécondation, en sens inverse, des œufs de Truite commune par le Salmo alpinus n'a donné que 1 0 pour 100 de produit, dont quelques embryons mal formés. Les œufs de Saumon fécondés par une Truite ont donné environ hO pour 100 d'alevins de belle apparence, mais dont une partie a succombé à l'hydropisie. La fécondation des œufs de Sau- mon, par le Salmo alpinus, n'a donné aucun produit. II en est de même de la tentative de fécondation des œufs d'un Hybride (présumé) de Salmo alpinus et de Truite ordinaire, au moyen d'une Truite mâle vigoureuse. Propagation du Cephœlis Ipecacuanha. Dans une des dernières séances de la Société botanique à Edimbourg, M. John Sadler a fait une communication sur la propagation de cette plante que l'on a pensé devoir réussir dans quelques districts de l'Inde, comme le Cinchona. Introduit, pour la première fois, du Brésil dans les jardins de l'Angleterre, en 1870, le Cephœlis ipecacuanha est remarquable par la lenteur de sa croissance ; le pied le plus fort, connu dans les Jardins botaniques, at- teint à peine un pied de haut, bien qu'âgé de plus de trente ans. Le procédé de multiplication employé jusqu'à ce jour consiste à en couper des fragments, mais il est très-lent, ne donne qu'un pied ou deux et à de longs intervalles. En 1869, au Jardin botanique, on en coupe transversalement quelques-unes des racines moniliformes, en petits fragments qu'on a déposés horizontale- ment sur la surface d'un pot préparé avec de la terre franche etdu sable blanc. Placés sous une clocbe et dans une couche chaude et maintenue humide, ces fragments ont, au bout de quelques semaines, montré desbouigeons à la partie supérieure de la terre, tandis que les racines se développaient par en bas ; ils se sont développés, ont aujourd'hui chacun deux feuilles, dont la plus large mesure trois quarts de pouce. (P. L. Simmo7is's Journal of appiied Science, n"2, p. 27, février 1870.) Paul Voelkel. i. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE (4)i LETTRE ADRESSÉE A M. LE PRÉSIDENT, Par M. A. GEOFFROY Sll\ I -llll.tlltl A l'occasion des notes envoyées par m. j. vekemans, directeur DU JARDIN ZOOLOGIQUE D'ANVERS. Monsieur le Président, Monsieur Yekemans, directeur du Jardin zoologique d'An- vers, m'a chargé de taire parvenir à la Société d'acclimatation une note sur l'établissement qu'il dirige. Je vous l'adresse, et j'y joins une lettre qui m'a été envoyée par M. Yekemans, et qui contient, avec des détails sur les multiplications d'ani- maux obtenues au Jardin zoologique d'Anvers, des conseils pratiques que les lecteurs du Bulletin accueilleront sans doute avec faveur, non-seulement parce qu'ils sont intéres- sants, mais aussi parce qu'ils émanent de l'un des hommes qui ont le plus et le mieux étudié les animaux. M. Vekemans est passé maître dans l'art de faire vivre et multiplier les ani- maux. C'est un hommage que lui rendent avec moi tous ceux qui s'occupent de zoologie pratique. Dans les notes que j'ai l'honneur de vous faire parvenir, les auteurs nous montrent à quel degré de prospérité est ar- rivé le Jardin zoologique d'Anvers ; mais ce qui n'est pas dit assez, c'est la part qui revient à M. Vekemans dans le succès de cette entreprise. M. Yekemans consacre à la direction de rétablissement qu'il dirige tous ses efforts, toute son intelligence, toute sa vie. Non-seulement il a fait du Jardin d'Anvers l'un des plus con- sidérables et des plus riches du monde, mais il en a fait aussi l'un des plus importants marchés d'animaux. Les relations qu'il a su créer le mettent à même de se procurer les espèces les plus précieuses et les plus rares. Aucune dépense, aucune difficulté ne l'arrête. (1) La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par tes ailleurs des articles insérés dans son Bulletin. 2e série. T. VII. — Mars et Avril 1870. 13 19/t SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d' ACCLIMATATION. L'an dernier, nous avons bien vu de quoi était capable son dévouement, quand, d'un coup, il a enrichi le Jardin d'Anvers de 80 Faisans vénérés, importés à grands frais de la Chine. Les reproductions obtenues au Jardin d'Anvers sont impor- tantes; la lettre qui paraîtra au Bulletin en fait foi, et jamais plus que cette année le succès n'a répondu aux persévérants efforts de M. Vekemans. En effet, j'apprends que la saison dernière 80 jeunes Fai- sans vénérés, H Tragopans de Temmink, sans parler d'autres espèces, ont pu être élevés à Anvers. Pour ce qui concerne le Faisan vénéré, nous somme fondés maintenant à en con- sidérer la conquête comme assurée à nos pays, puisque le Jardin d'acclimatation de Paris et le Jardin d'Anvers ont pu, à eux deux, en 1869, élever 133 jeunes de cette précieuse espèce (L), qui manquait encore à nos musées il y a quatre ans à peine. Il n'est pas hors de propos de rappeler ici à qui est due l'importation des Faisans vénérés en Europe. C'est en 1866 que M. Dabry d'abord, M. Paul Champion ensuite, ont fait parvenir en France les premiers Faisans vénérés qui soient venus sur le continent; la même année; M. Stone, de Londres, un des membres delà Société impériale d'acclimatation, im- portait en Angleterre les premiers de ces beaux oiseaux. C'est de M. Stone que M. Vekemans acquit, pour une somme énorme et qui pourtant ne représente que les dépenses faites pour le voyage des oiseaux, les 80 Faisans dont je parlais plus haut. Non content du succès qu'il avait obtenu dans l'importation du Faisan vénéré, M. Stone a su faire arriver en Europe le Faisan de Lady Amherst(2). C'est au mois de septembre dernier que sont arrivés en Angleterre ces intéressants oiseaux, et c'est encore M. Vekemans qui a su en devenir le possesseur. (1) Voyez la noie de M. Vekemans sur les multiplications d'animaux ob- tenues au Jardin d'Anvers, et la note que nous avons publiée dans ce vo- lume sur les élevages faits au Jardin d'acclimatation du Bois de Boulogne. (2) Je ne veux pas omettrede mentionner ici que dans le courant de 1868, un Faisan mâle de Lady Amberst avait été importé en France. Cet oiseau a été acquis en septembre 1869, par M. Vekemans, au prix de 2300 francs. LETTRE ADRESSÉE A M. LE PRÉSIDENT. 195 Ces Faisans précieux ne pouvaient tomber en de meilleures mains, et je veux espérer que, dès l'année 1870, M.Vekemans aura de nouveau mérité les récompenses delà Société d'accli- matation (1) en multipliant le Faisan de Lady Amherst. Les services rendus par M. Vekemans à l'histoire naturelle, les progrès qu'il a fait faire à l'acclimatation, lui ont conquis, je le disais en commençant, l'estime de tous. Le roi des Belges a répondu au sentiment unanime, quand, à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la création du Jardin zoolo- gique d'Anvers, il a fait remettre ta M. Vekemans la croix de chevalier de Tordre de Léopold. Cette récompense méritée, je dirais presque attendue, a été accueillie avec joie par tous ceux qui ont vu à l'œuvre le directeur du Jardin zoologique d'Anvers. Veuillez agréer, Monsieur le Président, etc. (1) l'ne grande médaille d'or a été décernée à M. Jacques Vekemans par la Société impériale d'acclimatation, dans sa séance du 19 février dernier, pour tous les succès qu'il a obtenus depuis tant d'années dans la multiplication des animaux exotiques. Paris, le 1" février 1870. NOTE SUR LE JARDIN ZOOLOGIQUE D'ANVERS. La Société royale de zoologie d'Anvers a célébré en 1868, par une fête magnifique et qui marquera dans ses annales, le 25e anniversaire de sa fondation. En parcourant, le 6 septembre dernier, ce Jardin qui con- tient tant de richesses, en admirant le spectacle splendide que la Société offrait â ses invités, on se reportait involontaire- ment aux débuts si modestes de ce grand établissement zoolo- gique, et l'on se demandait comment on était parvenu, dans un laps de temps relativement restreint, à donner de si vastes proportions à l'œuvre primitive. Le secret du succès de la Société d'Anvers se trouve tout entier dans l'esprit d'initiative de ses intelligents fondateurs, dans les sympathies très-vives qui leur sont venues en aide, et grâce aux efforts persévérants des directeurs de l'établissement, feu M. Kets et M. Jacques Vekemans, le directeur actuel. Le Jardin zoologique d'Anvers a été fondé en 1843. C'est M. François Loos, ancien échevin et depuis bourgmestre de la ville et membre de la Chambre des représentants, qui en conçut l'idée. Ce magistrat, qui depuis lors a toujours été le soutien le plus éclairé et l'appui le plus ferme de la Société, communiqua son projet à quelques personnes notables d'An- vers, notamment à M. Kets, naturaliste, ainsi qu'à MM. Génie, ancien directeur de la Société de commerce des Pays-Bas, Piéron, échevin, de Cuyper, Rigouts-Verbert et baron de Ca- ters, qui s'empressèrent de lui prêter leur concours. La lâche que s'imposèrent ces honorables citoyens n'éLait pas sans difficultés. Les seuls établissements zoologiques qui existassent à cette époque étaient le Muséum d'histoire natu- relle de Paris, le Jardin zoologique de Regents-Park, à Lon- dres, fondé depuis quelques années, et celui d'Amsterdam, LE JARDIN ZOOLOGIQUE D'ANVERS. 197 qui venait à peine d'être créé et qui déjà prospérait grande- ment. La ville d'Anvers n'avait pas encore à cette époque l'impor- tance qu'elle a acquise depuis, elle ne présentait pas les mêmes ressources que ces grands centres, de plus, les fondateurs de la Société avaient à lutter contre l'indifférence ou plutôt contre l'incrédulité du public ; cependant, ils se mirent cou- rageusement à l'œuvre et réunirent par souscription le mo- deste capital nécessaire à l'installation de la Société naissante. Il fallait, pour diriger le Jardin, un homme capable et instruit, On le trouva en M. Kets, dont le savoir et l'expérience don- naient toutes garanties à l'institution nouvelle, et qui avait consacré toute sa vie à un important cabinet d'histoire natu- relle. — M. Kets, nommé directeur, fit don de ses collections à la Société. Ce fut le point de départ du magnifique établissement que l'on admire aujourd'hui à Anvers, et qui compte parmi les plus puissants et les plus riches du monde entier. L'acte de Société fut passé le 22 juillet 1843. Le capital so- cial était de 100 000 francs, représenté par mille actions. C'est avec ces faibles ressources que la Société subvint aux frais de son premier établissement. Elle acheta d'abord un terrain d'une étendue d'un hectare et demi environ, situé alors à l'entrée d'un faubourg, et aujourd'hui, au centre de la ville agrandie, et y fit construire une salle pour les collec- tions de M. Kets. Dans le principe, le nombre des personnes qui s'intéres- saient au succès de l'entreprise et qui avaient confiance en son avenir, était très-reslreint ; mais peu à peu des dons d'une certaine importance ayant été faits à la Société, soit par des négociants et des armateurs de la ville, soit par des capitaines de navires, le public s'intéressa au Jardin zoologique et prit l'habitude de le fréquenter. Trois années après sa fondation, la Société comptait mille membres payant une contribution annuelle de 25 francs. En présence de ce résultat presque inespéré, le Conseil d'administration n'hésita pas à augmenter progressivement le capital social qui s'élève aujourd'hui au 198 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. chiffre de 365 000 francs. Cette somme, jointe au produit des recettes d'entrée, permit à l'administration non-seulement de créer le Jardin et d'y élever les constructions qui l'ornent au- jourd'hui, mais encore d'acquérir plus de huit hectares de ter- rain dont la valeur actuelle peut être évaluée à 1 500 000 francs au moins. Ce qu'il y a de remarquable dans le succès du Jardin zoolo- gique d'Anvers, c'est qu'il est dû tout entier au zèle intelli- gent de quelques hommes dévoués à la science, et aux sympa- thies qu'ils ont rencontrées dans le public. Ni l'État, ni la ville d'Anvers ne sont intervenus pour assurer la prospérité de . l'établissement. Dans le principe, outre les dons qui ont formé en quelque sorte le noyau des colleclions actuelles, des sous- criptions volontaires permirent à l'administration de construire une fosse aux ours, qui fut alors un des principaux ornements du Jardin. , Pendant les quatre premières années les achats faits par la Société furent peu nombreux. Mais peu à peu, ses ressources augmentant par l'accroissement du nombre de ses membres, l'administration put consacrer une partie notable de ses re- venus à des acquisitions de toute espèce, si bien qu'aujour- d'hui les collections qu'elle possède en animaux vivants peu- vent rivaliser sans désavantage avec celles des établissements du même genre existant en Europe. Certaines familles d'animaux y sont presque complètement représentées. C'est ainsi qu'elles comptent une quarantaine d'exemplaires d'Antilopes parmi lesquels il en est des plus rares. Ses colleclions d'oiseaux de proie, de gallinacés, de pal- mipèdes et autres oiseaux aquatiques, ne sont pas moins re- marquables. La Société possède aussi une quantité innombra- ble de petits oiseaux exotiques, de nombreuses variétés de Perruches, Pigeons et tourterelles de tous les pays. Grâce aux correspondants dont elle s'est acquis le concours dans les contrées lointaines, la Société a été assez heureuse pour pouvoir introduire et. propager certains animaux jusque là fort rares en Europe. Nous citerons notamment les diverses espèces de Zèbres qui se sont reproduites dans son local, les LE JARDIN ZOOLOGIQUE D'ANVERS. 199 Canards mandarins, qu'elle a été la première à introduire en assez grand nombre et qu'elle a vulgarisés, les Faisans les plus rares de toutes provenances, dont elle possède plus d'exemplaires et plus de variétés qu'aucun autre Jardin zoo- logique, et qui, avant peu d'années, pourront être mis à la portée de tous les amateurs. La direction de l'établissement d'Anvers fit, avec les seules ressources de la Société, ce que les institutions les plus puis- santes de l'Europe sont à peine parvenues à réaliser, et dans des proportions moins vastes bien qu'avec l'aide de subsides considérables. Elle se créa comme nous venons de le dire, des relations directes avec les contrées les plus intéressantes du globe et fit elle-même, soit en Egypte (1), soit sur la côte d'A- frique, des expéditions qui eurent pour résultat l'introduction d'un grand nombre d'oiseaux rares, tels que Flammants, Ibis, Pélicans, et bien d'autres encore provenant de ces contrées si riches en produits ornithologiques. Enfin, les efforts de M. Kets (2) et ceux de M. Jacques Ve- kemans qui, après la mort du premier directeur, son oncle, fut, par acclamation, appelé à lui succéder, et qui lit lui-même plusieurs voyages pour compléter les collections du Jardin, lurent couronnés d'un plein succès. Les collections de Palmipèdes et d'Échassiers de la Société d'Anvers sont magnifiques ; on y rencontre les cygnes blancs à col noir, et d'autres moins rares, mais représentant à peu près toutes les variétés connues. Nulle part la reproduc- tion des Oiseaux exotiques n'a été traitée sur une plus large échelle ; celle des Perruches, par exemple, et notamment des Perruches ondulées de la Nouvelle- Hollande, pour lesquelles des volières spéciales ont été installées, a donné des résultats surprenants. Nous devons en dire autant d'un grand nombre (1) C'est en 1839 que M. Jacques Vekemans fit un voyage en Egypte. Depuis, M. le capitaine van Diependaèl se rendit, en 186/j, dans le Soudan, puis en 1865, à Surinam (Guyane), enfin en 1866 au Sénégal. (2) M. Kets, nommé directeur en 18/|3, conserva ses fonctions jusqu'à sa mort, survenue en 1865. M. Jacques Vekemans avait été attaché, dès les débuts, à rétablissement, en qualité de directeur-adjoint. 200 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. de petits Oiseaux, principalement de ceux d'Australie qui se sont reproduits à Anvers dans des conditions vraiment excep- tionnelles. Il en est de même des Perdrix de toute espèce, des Colins huppés de la Californie, de Virginie, d'Adanson, et Plumifères, des Gallinacés, tels que les Lophophores, les Tra- gopans, les Polyplectrons, les Faisans de Sœmmerring, les Crossoptilons, les Faisans versicolores les Euplocomes, etc.; puis les Demoiselles de Numidie, les Hoccos, les Marails, les Casoars, dont les œufs, éclos par l'hydro-incubateur, ont donné les meilleurs résultats. On le voit, c'est par l'élevage des oiseaux et des animaux que les directeurs du Jardin zoologique d'Anvers se sont dis- tingués, et sous ce rapport nous croyons pouvoir dire qu'ils ont rendu d'importants services à la science. Il suffît de visiter le Jardin zoologique d'Anvers pour com- prendre les nombreux succès qui y ont été obtenus. Il y règne un ordre, une propreté extraordinaires, et dans l'aménagement des diverses espèces d'animaux, dans la manière dont ils sont logés et nourris se révèlent une entente de leurs besoins spé- ciaux, une connaissance de leurs habitudes, de leurs goûts, de leurs instincts, qui expliquent les progrès réalisés jusqu'à ce jour par cet important établissement. La prospérité de la Société étant intimement attachée au plaisir que trouve le public à visiter son jardin, la direction avait un double problème à résoudre : donner àsescolleclions une importance scientifique sérieuse ; les présenter d'une ma- nière attrayante. Habilement secondée par des architectes de talent, feu MM. de Marbaix et Lambo, et surtout par l'archi- tecte actuel, M. Ch. Servais qui a su donner à ses construc- tions, même les moins importantes, un rare cachet d'élégance et de bon goût, elle est parvenue à faire du Jardin zoologique une promenade charmante où l'esprit et la vue sont captivés à chaque pas. Sur les principaux édifices qui ornent le Jardin s'ouvrent des perspectives habilement ménagées. Ici est le Musée contenant les collections d'histoire naturelle, et les cages pour les grands carnassiers, les Serpents et les oiseaux exotiques ; là est un café mauresque, plus loin un élégant LE JARDIN ZOOLOGIQUE D'ANVERS. 201 chalet qu'habite le directeur. A côté s'élèvent les minarets d'un temple indien où sont logés les Antilopes, sans contredit la plus belle collection du Jardin. Celte construction s'ouvre sur un parc immense, et est chauffée en hiver par un calori- fère souterrain à air chaud. Nous ne parlons que pour mé- moire de la ferme rustique, actuellement démolie et qui fut incendiée il y a quelques années. Toute une famille d'Anti- lopes Nylghauts, composée du mâle, de la femelle et de ses jeunes, périt dans les flammes. Vers l'extrémité du Jardin, s'élève un temple égyptien. Les peintures de son portique rappellent les tableaux trouvés dans les hypogées des environs des pyramides où sont représentés non-seulement les animaux domestiques de la vieille Egypte, mais aussi les animaux sauvages que les sujets des Pharaons parvenaient à apprivoiser dans leurs établissements agricoles, dix siècles avant que la Grèce eût une civilisation ; — [sur une frise du portique sont inscrits, en caractères hiéroglyphi- ques, la date de la construction, le but de la Société, la dési- gnation de la dynastie régnante, etc., etc. A l'intérieur de l'édifice sont les grands pachydermes, un Éléphant, un Rhino- céros, un Dromadaire, des Chameaux, puis une belle collection de Zèbres et d'Hémiones, enfin deux Girafes, une femelle âgée de cinq ans, née à Londres, et un mâle un peu plus jeune venant directement d'Afrique. Cette partie de l'établissement d'Anvers est peut-être celle où il est le plus facile d'apprécier la sollicitude de la direc- tion pour ses élèves, sollicitude qui s'attache aux moindres détails, et qui ne recule devant aucun sacrifice pour améliorer l'installation des animaux. C'est ainsi que l'étable des Girafes a été triplée pour faciliter les mouvements de ces précieux animaux. C'est ainsi encore que de grandes glaces ont été placées devant leur loge à seule fin d'empêcher les Girafes de respirer l'air vicié par les grands pachydermes. Grâce aux soins dont elles sont l'objet, il est permis d'espérer qu'elles reproduiront. Tout au fond du Jardin est une immense étable javanaise, un véritable modèle comme aérage et comme éclairage, car 202 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. on reconnaît aujourd'hui que la lumière n'est pas moins né- cessaire aux animaux que l'air. On y trouve de grands rumi- nants, tels que Zébus, Buffles, Bisons, Aurochs et des Cerfs Wapitis qui n'y sont que provisoirement. Entre les constructions de types différents s'étendent de vaste pelouses où paissent en liberté des troupeaux de tous les pays. Les plantations, disposées avec une entente parfaite et composées des essences les plus variées, conservent à l'en- semble ce caractère champêtre que le grand nombre de bâti- ments réservés aux animaux enlève à la plupart des Jardins zoologiques. Sur les étangs vit tout un peuple de canards bariolés, de Flammants et de Cygnes rares. Partout le prome- neur rencontre d'intéressants sujets d'étude, qui sollicitent son attention par la manière attrayante dont ils lui sont pré- sentés. Ce sont des oiseaux de proie dans leurs cages im- menses, perchés sur le roc, ou se disputant les débris san- glants offerts à leur voracité ; ce sont les Castors industrieux écorçant des branches d'arbres; la faisanderie plantée d'ar- bres et d'arbustes, le colombier, l'enclos des Poules, celui des Paons, l'immense volière contenant une colline en rocaille plantée de saules et d'arbres verts, où les Hoccos et les Faisans de Sœmmerring ont produit cet été. On remarque encore le parc des Yacks et celui des Mouflons à manchettes, dont la reproduction est régulière ; enfin mille constructions ingé- nieuses, aux formes multiples, mais toutes disposées pour l'agrément du paysage et adaptées aux mœurs et aux besoins de leurs hôtes. Nous avons dit que la prospérité d'un Jardin zoologique dé- pourvu de subsides reposait tout entière sur l'attrait qu'il offre au public. Un des écueils que la direction avait à éviter, sous ce rapport, c'était la monotonie, provenant de la permanence, du peu de variété des collections. Il était à craindre, en effet, que les visiteurs, habitués à retrouver toujours les mêmes animaux au même endroit, ne se fatiguassent de fréquenter l'établissement dont les revenus eussent été ainsi taris dans leur source. Ce danger fut évité grâce à une inspiration heu- reuse, celle de faire des ventes annuelles dont le produit a per- c LE JARDIN ZOOLOGIQUE d'àNVERS. 203 mis à la direction, tout en se défaisant de ses doubles, de com- pléter ses collections, d'acquérir des raretés, de rivaliser, en un mot, avec les plus riches établissements de l'Europe, et même de les alimenter en partie. Ces ventes régulières sont une sorte de bourse annuelle, à laquelle se rendent la plupart des directeurs des Jardins zoologiques de l'Europe, qui, en dehors de la vente publique, y font des affaires considérables. Cette réu- nion d'hommes pratiques est excellente sous tous les rapports : lesidées s'y échangent, les. méthodes s'y discutent, les connais- sances acquises par chacun s'y vulgarisent, et la science de l'acclimatation, la science de l'élève des animaux et des oi- seaux y reçoit une impulsion des plus remarquables. C'est au Jardin zoologique d'Anvers surtout qu'est dû le grand trafic l'animaux qu'on fait aujourd'hui ; presque inconnu il y a une vingtaine d'années, ce trafic est devenu si considérable qu'il se chiffre par millions de francs pour l'Europe seule. Nous croyons qu'on verra avec intérêt les prix auxquels se vendaient, vers 1855, quelques-unes des espèces mises en vente par l'établissement; on pourra juger des changements survenus dans la valeur : Une paire de Cygnes noirs se vendait 1000 francs. — Canards mandarins 1000 — — — de la Caroline 100 — — Colins huppés 600 — — Flammants 700 — — Perruches ondulées 300 — — royales 600 — — — omnicolores '200 — Un Cacaloé's rose 250 — — nasique 300 — Les Bengalis, Sénégalis (la paire). ... 15 ù 20 — Pour donner à nos lecteurs une idée de l'importance crois- sante que prend la Société de zoologie d'Anvers, nous leur dirons que, cette année seulement, elle a reçu plus de trois cents membres nouveaux (1). Les acquisitions faites en 1868 (1) La Société royale de zoologie d'Anvers compte aujourd'hui plus de trois mille deu\ cents membres. 20/i SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. permettront surtout d'apprécier l'étendue des ressources de cet établissement. Ces acquisitions consistent en : 1 Lionne du Sénégal. i Lion 1 Tigre royal. 1 Caracal. 1 Serval. 1 Couagga. 3 Phacochœres. 2 Singes-lions. 2 Girafes, 2 Dromadaires. 2 Chameaux. 1 Aurochs. 1 Zébu blanc. 1 Bison d'Amérique. 15 Antilopes. 1 Yack. 1 Wombat d'Australie. 9 Serpents divers. 3 Autruches du Cap. 3 — Nandou. 8 Cygnes blancs à cou noir. U — Euccinalor. 200 Canards divers. 10 Pélicans. 16 Grues blanches du Mexique. 5 — de Paradis. 2 — du Canada. k — couronnées du Cap. 2 Secrétaires ou Messagers du Cap. lOOTlammants. Plusieurs Poules Sultanes de Cochin- chine et du Sénégal. h Lophophores resplendissants. 80 Faisans vénérés. 21 Tragopans de Temminck. 2 Diardigallës Prélats. 3 Polyplectrons de Cochinchine. 20 Faisans de Wallich. 200 divers autres faisans. Plus de 20 000 divers petits oiseaux exotiques. Plus de 3000 perruches diverses. 2Z| grands Perroquets Amazones. 1 Ara Maximilien. Voyez dans le prochain numéro du Bulletin l'article relatif à quelques-unes des importations et multiplications d'animaux faites au Jardin zoologique d'Anvers depuis sa fondation. (N. R.) REPRODUCTION D'AUTRUCHES A FLORENCE, Par M. DESMEUKE/ Directeur du Jardin zoologique do Florence, Monsieur le Président, Depuis bien longtemps je n'ai pas eu l'honneur de présenter un rapport sur quelque intéressante reproduction ou accli- matation d'animaux rares ou utiles; mais j'ai pour excuse que, depuis que S. E. le prince de Démidoff supprima sa belle ména- gerie de San-Donato, et qu'il se fut formé à Florence une Société pour la construction d'un Jardin zoologique dont on me confia la direction, ce Jardin zoologique, ou, pour mieux dire, cette Société, n'a jamais été assez constituée ou assez riche pour ac- quérir ou pour élever les locaux nécessaires à l'organisation d'un établissement de ce genre ; ce n'est que depuis deux ans que S. M. le roi d'Italie voulant aider celte entreprise, nous prit sous sa haute protection et fit exécuter les plus indispensables travaux, et, par divers achats, compléta plusieurs paires d'a- nimaux rares, depuis longtemps dépariées. Depuis lors, j'eus quelques reproductions qui, bien que n'é- tant pas nouvelles en Europe, n'en sont pas moins intéres- santes ; le but, cependant, que je me propose en ce moment, est de vous donner simplement quelques nouveaux détails que je crois assez intéressants, sur la reproduction des Autruches d'Afrique, dont j'ai eu récemment un exemple qui n'offre, du reste, aucun changement, pour le temps de l'incubation ou la ponte, avec les rapports qui furent transmis à la Société impériale d'acclimatation par S. E. le prince de Démidoff, et qui sont insérés dans le Bulletin de l'année 1860, pages 1 et A39. Seulement, je suis heureux d'avoir constaté dans cette nouvelle épreuve un incident qui donnerait raison à plusieurs voyageurs de l'Afrique, qui assuraient que les Autruches pon- daient en société, c'est-à-dire se réunissaient plusieurs en- semble pour ne former qu'un seul nid. 206 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Voici, du reste, les détails qui donneraient entièrement raison à ces informations. Depuis les dernières reproductions que j'eus chez S. E. le prince de Démidoff et après lesquelles je perdis le mâle repro- ducteur, je restai possesseur de deux seules Autruches fe- melles : la première était celle qui me donna la reproduc- tion de 1859, et la seconde la fille de celle-ci ; étant seules, je laissai ces deux oiseaux ensemble et m'occupai en vain, pen- dant huit ans, de rechercher un mâle; mais, soit qu'au moment de l'acheler, la Société manquât des fonds nécessaires, soit qu'ensuite il ne me fût plus possible d'en trouver un dispo- nible, je restai privé de ce dernier jusqu'en 1868, époque à laquelle S. M. le roi d'Italie reçut un superbe individu de celte espèce, envoyé par le vice-roi d'Egypte, et que l'on plaça au Jardin zoologique sous ma direction ; aussitôt, je l'enfermai avec les deux femelles, me disposant à enlever la plus jeune qui, d'ailleurs, témoignait une crainte assez vive du nouveau mâle. Cependant, les préparatifs de la cage destinée à recevoir ces oiseaux n'étant pas terminés, je les laissai quelques jours ensemble, et bien m'en prit, car je vis, à ma grande satisfac- tion, que tous trois vivaient en bonne intelligence, et bientôt je fus surpris de voir que le mâle s'accouplait alternativement avec l'une ou l'autre femelle ; dans ces conditions, je n'eus garde de les séparer, et j'attendis patiemment ; cependant, l'année 1868 se passa sans reproduction ; les œufs furent faits au hasard, et, malgré tous les soins que j'apportai à les réunir dans le nid (confectionné comme à San-Donato), je ne pus obtenir qu'ils fussent couvés : je les enlevai à la fin de l'été en faisant subir quelques réparations au nid, et surtout en renou- velant complètement le sable qui s'y trouvait, Ce fut dans le courant de mars 1869 que commença la ponte, qui s'opéra alternativement : tantôt la première, tantôt la seconde autruche pondaient dans le nid. Le nombre des œufs fut de dix, qui furent couvés par le mâle et de temps à autre, pendant les absences de ce dernier, par la vieille femelle, car la jeune n'approchait du nid qu'avec beau- coup de crainte; et voici le plus remarquable : c'est que pendant REPRODUCTION D' AUTRUCHES. 207 les nuits el spécialement celles qui étaient les plus froides ou pluvieuses, je remarquai que les trois individus se divisaienL les œufs et en couvaient une portion chacun ; pourtant, la vieille femelle ne s'éloignait que fort peu du mâle, si bien que ce dernier, le matin, lorsque celle-ci se levait, pouvait avec son bec, faire passer de nouveau sous lui les œufs qu'elle lui avait enlevés la nuit, ce qu'il ne pouvait faire pour ceux de l'autre femelle, car, soit la crainte, soit tout autre sentiment, elle emportait les œufs soustraits au mâle assez loin, et je fus toujours obligé le matin de les rapprocher du mâle qui les re- plaçait immédiatement sous lui. C'est ainsi que l'incubation continua jusqu'au 27 juin, jour où il se fit un changement qui appela mon attention, c'est-à- dire que la vieille femelle resta sur les œufs le matin, tandis que le màîe courait dans le parc et était devenu assez mé- chant pour qu'on ne pût pénétrer auprès du nid ; quelques instants après, je vis courir à côté de ce dernier quatre pe- tites Autruches en parfait état, et auxquelles je m'empressai de préparer la nourriture habituelle que je leur donne au mo- ment de leur naissance et dont la description est insérée dans les rapports déjà cités. Le 20 au matin, je vis la femelle sortir cette fois avec cinq petits au lieu de quatre ; le mâle continua à couver encore deux jours, mais sans résultat, et, le 1er juillet, abandonna le nid. .l'entrai alors dans le parc et emportai les œufs, dont un était bêché ; je fis une ouverture plus grande et reconnus que le petit était encore vivant; je pris tous les soins possibles pour le sauver, mais le lendemain je le trouvai mort; les autres œufs furent ouverts, et deux contenaient des fœtus n'ayant pas encore atteint l'entier degré d'accroissement; les deux derniers étaient clairs. La difficulté avec laquelle on pénétrait dans le parc, par suite de la méchanceté de l'Autruche mâle , me décida à séparer ce dernier et la jeune femelle d'avec la vieille et ses petits, ce que je fis sans inconvénient; huit jours après leur naissance, la petite Autruche, née le 28 au matin, tomba ma- lade et mourut deux jours après ; cette mort fut occasionnée 208 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. par un objet trop gros avalé par cet oiseau et qui ne put pé- nétrer jusqu'à l'estomac; les autres sont aujourd'hui presque aussi grosses que leur vieille mère, dont ils sont maintenant séparés, car celle-ci étant depuis quelques jours en amour, je crus important de la remettre avec le mâle, espérant encore obtenir unenouvelle reproduction, dont je me ferai un devoir, s'il y a quelque particularité, de faire part à monsieur le Président. Je ne parle nullement du sexe des jeunes Autruches, car, quanta présent, il est tout à fait impossible de distinguer les mâles des femelles. REPRODUCTION EN VOLIÈRE DU ROUGE-GORGE BLEU ET DU MERLE BRONZÉ, EXTRAIT D'UNE LETTRE ADRESSÉE A M. A. GEOFFROY SAINT-H1LAIRE , Par 91. ROBERTI de GRADY, Directeur du Jardin zoologique d'acclimalation de Liège (Belgique). J'ai l'honneur de porter à votre connaisssance deux faits de reproduction d'oiseaux exotiques qui m'ont paru assez cu- rieux pour être publiés. Jusqu'à présent, les amateurs ont parfaitement réussi à faire reproduire en Europe des Gros-becs des provenances les plus diverses, du nord et du sud de l'Amérique, de l'A- frique et.de l'Océanie; ces derniers plus particulièrement se sont acclimatés avec la plus grande facilité et résistent même mieux en volière aux intempéries de l'hiver que nos oiseaux d'Europe. Mais jusqu'à présent, on ne s'était guère occupé de la reproduction des Becs-fins, d'une nature plus délicate, on la considérait, sinon comme impossible, du moins comme très-dilïicile. Les deux faits de reproduction de Becs-lîns que j'ai l'hon- neur de vous signaler ont été, pour ainsi dire, spontanés, ce qui me fait croire que des expériences faites dans de bonnes conditions aboutiraient au meilleur résultat. Je possédais en .1.868, dans une grande cage, deux Rouges- gorges bleus de l'Amérique du Nord (Sialia Wilsoni); dès les premiers jours du printemps, le couple parut agité ; il cher- chait dans les coins les plumes et autres choses qui pouvaient les aider à construire un nid. Je mis à leur disposition un bloc à Perruches, des plumes, du petit foin, etc. Le couple se mit aussitôt en train de remplir le bloc et d'y former un nid moelleux dans lequel la femelle déposa trois œufs. Un petit vint à bien, mais périt par accident. Cette année, le même couple fut placé dans une volière. Le même bloc à Perruches leur fut rendu. Après que la femelle eut déposé çà et là dans la volière un assez grand nombre d'œufs, elle alla au nid, pondit trois œufs qu'elle 2" série, T. VII. — Mars et Avril 1870. 14 '210 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. couva parfaitement, et dont il sortit trois jeunes ; deux de ces jeunes (mâle et femelle) vécurent, et le troisième, plus faible, fut sacrifié par la femelle. A peine les jeunes purent-ils se suffire à eux-mêmes que la femelle recommença une nouvelle ponte d'où sortit encore un couple déjeunes qui fut aussi bien élevé que le premier (un troisième jeune fut de nouveau sacrifié). Aujourd'hui, jeunes et vieux sont dans le plus parfait état, et l'on peut à peine les distinguer les uns des autres. Malgré la saison avancée, le vieux couple visite déjà son nid, et il n'est pas impossible qu'ils mènent à bien une troisième couvée. Le second fait me paraît plus intéressant. J'avais placé des Merles bronzés (Lamprocolius Chloropte- rus) dans une volière de la faisanderie où se trouvait un nid ayant servi à des Cardinaux. Ayant disposé de quelques-uns de ces oiseaux, leur nombre fut réduit à deux; le hasard vou- lut qu'ils fussent mâle et femelle. Le couple s'unit vers le mois de juillet et forma un nid grossier, composé de plumes, dans celui qui avait précédemment servi aux Cardinaux ; mais ce nid se trouvai L en si mauvais état que les œufs tombèrent au fond de la volière. Je remplaçai l'ancien nid par une petite caisse carrée d'environ 20 centimètres et ouverte par le dessus. J'observai attentivement, et ne fus pas peu surpris de voir le couple remplir la caisse de mousse et de plumes, et s'y tenir assidûment. Au bout de quelque temps le piaillement des petits m'avertit de leur naissance, et, peu de temps après, j'eus le plaisir de compter deux jeunes, qui vécurent parfaite- ment et qui ne se distinguèrent des vieux que par la couleur du plumage d'un vert plus sombre et encore sans reflets mé- talliques. J'ai également eu des œufs de Tangaras écarlates, niais leur nid a été détruit par les autres oiseaux. Beaucoup d'amateurs possèdent des serres assez vastes ; ce serait un moyen de les animer que d'y construire des volières qui serviraient à la reproduction des Becs-fms. Liège, le 15 septembre 1869, RAPPORT SUR L'OSTRÉICULTURE A ARCACHON ET A HAYLING, EN 1869, Par le »'' J. L. SOÏJBEIRAN. La culture des Huîtres intéresse trop vivement notre Société pour que nous ne profitions pas de l'obligeance de notre maître, M.Coste, pour lui exposer ce qui s'est passé àArcachon pendant le courant de l'année dernière, et pour compléter ainsi nos précédentes communications. L'exemple donné par les parcs impériaux placés sous la direction du savant professeur, a été encore suivi par un assez grand nombre de détenteurs de parcs, et, celte année, plus de 600 000 tuiles, enduites de ciment à la chaux hydraulique, ont été déposées sur différents points du bassin : partout le succès a été complet, excepté au Trou du sud, où 80 000 tuiles avaient été placées dans de mauvaises conditions de terrain; le rendement, bon d'une manière générale sur toutes les tuiles, a varié de trente-cinq à cent Huîtres, suivant les conditions plus ou moins bonnes de terrain et d'émergence au-dessus des basses mers, et peut être évalué à une moyenne de soixante- quinze Huîtres par tuile : ces chiffres, qui sont ceux accusés par les parqueurs, paraissent, étant comparés aux résultats des parcs impériaux, être l'expression de la vérité. Une partie déjà du naissain de celte année a été vendue aux parqueurs au prix rémunérateur de 20 000 francs le million, et devra séjourner encore quelque temps dans le bassin, pour y acquérir la taille marchande. On ne peut donc plus aujourd'hui contester que la culture des Huîtres donne des résultats satisfaisants dans le bassin d'Arcachoii, et nous croyons qu'il suffirait de quelques me- sures pour assurer h l'industrie huitrière un avenir qui a été contesté jusque dans ces derniers temps. Quant aux parcs impériaux, qui sont la source principale^ 212 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. pour ne pas dire unique, de repeuplement du bassin d'Arca- chon, ils ont franchi la période la plus difficile; car aujourd'hui ils peuvent vivre par eux-mêmes, puisque la valeur des 100 000 Huîtres, vendues pour le compte de l'inscription maritime et à des prix très-avantageux aux acquéreurs, a permis d'amé- nager les crassats reproducteurs, d'y faire tous les travaux indispensables, d'y déposer environ 150 mètres cubes de coquilles de Sourdons (Cardium edule), etc. Chaque année il émane des parcs impériaux une multitude de germes, qui vont se fixer sur les huîtrières naturelles et contribuer, pour une large part, à leur prospérité : on doit donc les considé- rer comme indispensables au bon état des huîtrières natu- relles, qu'on leur oppose, à tort suivant nous, comme étant aussi productives. Dans les conditions actuelles, les parcs im- périaux sont un bienfait pour le bassin, nous ne craignons pas de le dire, et les phénomènes qui, comme le coup de vent du 20 au 21 septembre, semblaient, au premier abord, devoir leur être le plus préjudiciables, ont accru encore leur influence salutaire, en disséminant dans les chenaux et sur les crassats naturels du voisinage des quantités d'Huîtres et de naissain qui les ont ensemencées, et, par suite augmenterontleur ren- dement. A quelque chose malheur est bon, et ce qui semblait devoir ruiner les parcs impériaux a été une bonne fortune pour les Huîtrières naturelles, et a consacré l'utilité des parcs. Mais, comme nous l'avons déjà dit plusieurs fois, il est indis- pensable, pour prévenir l'annihilation des parcs, d'établir une juste balance entre leur productiom et les quantités d'Huîtres qu'on en retire ; sans cela, on convertira en désert un lieu fer- tile, auquel le bassin doit sa vitalité. Si nous examinons ce qui s'est passé en 1869 sur les parcs impériaux, nous aurons la preuve qu'en dépit de causes insolites de destruction, ils ont continué à donner des résul- tats satisfaisants. Le parc de Grand Ces a eu une reproduction naturelle bonne, surtout sur les coquilles de Sourdons, grâce aux soins minutieux d'aménagement et de nettoyage : la reproduction artificielle sur les 5000 tuiles du parc a été superbe, et fait OSTRÉICULTURE A ARCACHON. 213 regretter qu'on n'y ait pas déposé les 20000 tuiles et les 100 mètres cubes de Sourdons qui devraient normalement être mis en place sur ce parc. Crastorbc, dont la reproduction naturelle a été également bonne, surtout sur les Sourdons (on y en a déposé (50 mètres cubes environ), n'est malheureusement pas suffisamment à l'abri des détériorations laites par le piétinement des chasseurs de Canards et des pécheurs à la courtine, qu'on soupçonne de se livrer aussi sans scrupule à la maraude des Huîtres. Le parc de Lahillon, ancienne huitrière détruite par l'en- vasement et régénérée par des travaux de curage, est le plus remarquable foyer de repeuplement du bassin ; ses 15 000 tuiles se sont couvertes d'une population nombreuse (après le coup de vent du 2i septembre, qui avait arraché nombre de jeunes Huîtres, on comptait encore une moyenne décent Huîtres par tuiles). Partout on voit du naissain ag- gloméré sur les débris de tuiles, les Sourdons, les tuyaux de drainage, les Huîtres mères, etc. Seules, les fascines, excepté sur les tables qui les recouvrent, n'ont fixé que très peu de naissain : ce fait a été observé sur les trois parcs impériaux. Lahillon n'est pas seulement une localité éminemment propre à la reproduction ; j1 n'est pas moins favorable à la rapide croissance des Huîtres. Des expériences, faites pourdonnerle rendementdcs ruches déposées à différentes époques, ont donné les résultats sui- vants, qui concordent avec ceux obtenus à Hayling par M. G, W. Ilart : Dates Moyenne de la pose des ruches. d'huîtres par tuile. 23 juin 1869 106 10 juillet 68 2/i juillet 22 10 août 33 23 août 22 Marée de septembre 1 à 5 22 septembre (après le coup de vent) 0 Après le 22 septembre 0 Un a commencé cette année, §uv le parc de CrmtQrkt & 21A SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d' ACCLIMATATION. disposer des claies, pour y protéger les tuiles couvertes de naissain contre les ravages des parentes, les intempéries des saisons, les atteintes de la vase et l'envahissement des grandes herbes mortes. Cette mesure, dont on doit attendre les meilleurs résultats si l'on en juge par ce qui a déjà élé obtenu à Hayling d'un sys- tème analogue, est encore trop récente pour que nous puis- sions en connaître les conséquences. Deux circonstances fâcheuses se sont présentées durant la campagne dernière, l'élévation considérable delà température pendant l'été, qui a déterminé une grande mortalité des Huîtres et des poissons du bassin, et le coup de vent du 20 au 21 septembre. L'influence de la première de ces deux causes s'est trouvée compensée parles conditions où s'est faite l'émis- sion du naissain : celui-ci, déjà mûr, s'est déposé sur place et d'une seule fois, par un temps calme et. chaud, et a garni en grande quantité les drains, les Sourdons, les piquets, les Huîtres mères, etc. Quant au coup de vent, comme nous l'avons déjà .observé, il a appauvri, ilestvrai, les parcs, en les dépouillant d'une partie de leurs produits, mais ce n'a élé que pour enrichir les crassats voisins et les chenaux, où la pêche com- mune les retrouvera plus lard. En résumé, l'ostréiculture n'a pas perdu de son importance à Arcachon, et il serait à désirer qu'on augmentât de beau- coup le nombre des collecteurs, car on augmenterait dans la même proportion la richesse du bassin. En effet, si l'on portail à \ 00 000 le nombre des collecteurs, ce qui occasionnerait une dépense d'environ 10 000 fr. (1) (1) En outre des 20 tuiles, qui existent déjà, il y" aurait à ajouter 80 000 tuiles, ce qui permettrait de supprimer les tables à fascines, trop coûteuses pour leur produit. Or 1000 tuiles valent 60 fr. \ l 4 000 fr. La chaux pour ces tuiles 6 > pour 80 000 l 800 Le bois 10 ) ( 400 800 .mètres cubes de sourdon 1 500 Fonds pour l'exploitation . . . 2 500 9 200 fr. On peut évaluer les dépenses d'entretien à 4 100 fr. OSTRÉICULTURE A ARCACHON. 215 pour la première année, on arriverait à payer tous les frais de la station et plus du double de la valeur du matériel, dès la fin de l'année suivante, avec le produit de la première saison. En effet, en supposant un produit moyen de 50 Huîtres par tuile, ce qui ne serait que les deux tiers de ce qu'on a obtenu en 1869, on aurait en octobre 5 000 000 d'Huîtres, qui auront alors une valeur de 100 000 fr., suffisante pour couvrir les frais d'exploitation et de matériel, et il resterait encore comme bénéfice le naissain épars sur le sol et sur les coquilles de Sourdons. Nous devons à l'obligeance de notre confrère M. G. W. Hart la communication des faits suivants, qui compléteront notre première communication sur Hayiing. En 1868,1a reproduction a été beaucoup moindre que les années précédentes, car on n'avait qu'un bassin qui fût propre à la reproduction; mais, ayant été conservé plein d'eau depuis l'essaimage de 1867, il renfermait une grande quantité de Cladophora, dont la décomposition fit périr un grand nombre d'Huîtres mères. En môme temps qu'on constatait cet insuccès dans ces conditions, les nouveaux bassins de Hernebay, New- port, Bosham, Lymington, etc, s'enricbissaient d'une grande quantité de naissain. En 1869, on a recueilli à Hayiing de h à 6 000 000 de nais- sains seulement, par suite de causes inhérentes à la direction de la Compagnie. En effet, au lieu de se conformer, comme par le passé, aux préceptes formulés par M. Coste et les autres os- tréiculteurs habiles, on a voulu faire des expériences d'après des idées préconçues, et on les a laites sur une grande échelle : c'est ainsi qu'au lieu de placer dans les bassins les Huîtres, pêchées dans le canal par vingt brasses, d'aussi bonne heure que possible, de façon à leur laisser le temps de s'habi- tuer aux nouvelles conditions de leur existence avant l'essai- mage, et au lieu de ne déposer les collecteurs qu'aune époque aussi rapprochée que possible de cette opération, on a renversé l'ordre, et l'on a obtenu un résultat aussi mauvais que possible. Dans un autre étang, qui, en 1867, avait reçu 600 000 Huîtres mères, on n'en a plus déposé que 16 000, et l'on fait usage de 216 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. vieux collecteurs de rebut et salis : le naissain, peu abondant, mais qu'on peut encore évaluer à 2 500 000 Huîtres, s'est déposé presque en entier sur les pierres des bassins, et non sur les collecteurs. Quel résultat différent eût-on obtenu, si l'on eût fait usage de collecteurs propres, et si l'on n'eût pas lésiné sur le nombre des Huîtres mères ! Ne pouvant donner sa sanction à des opé- rations ainsi conduites, M. G. W. Hart s'est retiré d'Hayling, et va organiser, sur les côtes d'Irlande, de nouveaux établisse- ments d'ostréiculture destinés à leurs produits au marché de Paris. Un fait intéressant a été observé cette année à Hayling. Par suite delà rupture d'une vanne, l'eau d'un bassin de repro- duction vint inonder un bassin voisin en état de préparation et dans lequel ne se trouvait pas une seule Huître. Toutes les pierres de ce bassin se couvrirent de naissain, qui y avait été entraîné par l'eau, et. les rails d'un petit chemin de fer, qui servait aux travaux, furent, tellement couverts de jeunes Huîtres qu'on dut renoncer à s'en servir, leur valeur étant infi- niment moindre que celle de la population qui les avait envahis. OBSERVATIONS SUR LA RUSTICITÉ RELATIVE DE QUELQUES PALMIERS A COLLIOURE (PYRÉNÉES-ORIENTALES) , Par H. Vil IHV Quoique mon jardin d'expériences n'en soit encore qu'à ses débuts, l'hiver peu ordinaire que nous traversons m'a fourni (un peu malgré moi, je dois le dire) l'occasion d'observer la résistance inespérée de divers palmiers aux intempéries de nos climats. J'ai lieu de croire que ceux qui s'occupent d'ex- périences analogues aux miennes trouveront quelque intérêt aux détails qui vont suivre. La dernière semaine de décembre 1869 a été exception- nellement mauvaise à Collioure, ainsi, du reste, que dans toute la région méditerranéenne, même à Alger, où beaucoup de végétaux exotiques, qu'on y regardait comme invulné- rables, ont été tués par le froid. A Collioure, pendant six nuits de suite, la température est descendue à — 3 et — h degrés ; le 29, au lever du soleil, elle était à — 6 degrés, au nord, mais dans un endroit du jardin un peu élevé. Elle a dû des- cendre au moins de 1 degré plus bas dans une autre partie du jardin, moins élevée de 3 à h mètres, et où précisément se trouve une collection de jeunes Palmiers. J'avais de grandes craintes pour ces jeunes arbres, dont l'acquisition a été difficile et coûteuse; mais, inspection faite, j'ai reconnu avec satisfaction que le mal était insignifiant. Un seul palmier a été assez gravement atteint : c'est le Phœnix reclinata, de Cafrerie, qui était, il est vrai, on ne peut plus mal placé, c'est-à-dire au milieu d'un grand carré et loin de tous les abris. Ses grandes feuilles ont été presque entièrement gelées, mais le coeur est resté bon, ce qui me fait espérer qu'il en reviendra. 218 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Tous les autres Palmiers ont admirablement résisté; ce sont : le Livistona (Corypha) australis ; lePhœnix farinifera, charmante espèce demi-naine du nord de l'Inde et de la Chine méridionale, que je recommande aux amateurs de plantes pittoresques ; le Sabal palmetto des États-Unis du Sud, auquel je ne connais qu'un seul défaut, celui de croître lentement ; le Livistona humilis de la Nouvelle-Hollande, espèce plus tro- picale que Y Australis, et qui a été, il est vrai, un peu protégée contre le froid par un grand oranger ; le Jubœa spectabilis ou Cocotier du Chili, dont la rusticité est à toute épreuve ici, et qui, je l'espère, deviendra un jourun arbre important dans la région méditerranéenne ; enfin deux autres Palmiers qui m'ont été envoyés sans noms par M. van Houtte, de Gand, et qui me paraissent avoir aussi un grand avenir dans l'horticul- ture méridionale. Je ne parle ni du Phœnix dactylifera , ni des Chamœrops, depuis longtemps acclimatés dans le midi de la France, et qui, ici du moins, n'ont rien à craindre des hivers les*plus rigoureux. Cette première manifestation de l'hiver n'était pas la seule épreuve réservée à mes plantes; trois semaines plus tard, elles en ont eu une autre à subir, plus redoutable encore. Du 21 au 23 janvier, nous avons eu une chute de neige comme per- sonne ici n'en avait vu, sauf quelques octogénaires qui racon- tent qu'en 1805 il y en eut une comparable à celle-ci. Pen- dant quarante-quatre heures, elle n'apas cessé unseulinstanl de tomber, et sa hauteur sur le sol a atteint et même dépassé 1 mètre en beaucoup d'endroits. Les dégâts qu'elle a occa- sionnés dans les plantations d'arbres, d'Oliviers et de Chênes- liéges surtout, ne seraient pas croyables si on ne les avait vus. Presque tous ces arbres, dans les endroits abrités contre le vent, ont été littéralement mis en pièces par le poids de la neige accumulée sur leurs branches. Tout a été enseveli sous cette épaisse couche de neige, et, pendant une douzaine de jours, c'est-à-dire jusqu'au dégel, la circulation a érté inter- rompue dans le pays. On se serait cru en Laponie. Je regardais comme perdus tous mes Palmiers. A grand' peine j'ai pu, vers le neuvième et le dixième jour, en décou- RUSTICITÉ RELATIVE DE QUELQUES PALMIERS. 219 vrir quelques-uns, en pelletantla neige tassée, durcie et gelée, qui les enveloppait de toutes parts. Je les ai trouvés complète- ment aplatis, comme le sont des plantes d'herbier. Je n'en espérais plus rien, et j'en pris mon parti. Mais quel ne fut pas mon étonnement lorsqu'au dégel, c'est-à-dire le douzième jour de la neige, je vis tous ces jeunes Palmiers se redresser, et finalement reprendre leur position et leur rigidité première, aussi frais et aussi verts qu'avant leur enfouissement? A part quelques feuilles cassées, ils n'ont éprouvé aucun mal de la compression et de la basse température longtemps prolongée qu'ils ont eu à subir. Concluons de là que les Palmiers sont plus robustes et plus endurants des intempéries que leurs provenances tropicales ou quasi-tropicales ne le feraient sup- poser au premier abord. RAPPORT SUR LES PRINCIPALES CULTURES FAITES EN 1869 AU JARDIN D'ACCLIMATATION DU BDIS DE BOULOGNE, Par M. QUIHOU, Jardinier en chef. Messieurs, Pour me conformer à vos désirs, je viens, comme chaque année, vous faire connaître le résultat des cultures expéri- mentales qui ont été faites dans le Jardin du bois de Boulogne, pendant l'année 1869. Mes rapports précédents vous ayant signalé les résultats obtenus antérieurement, je ne m'occuperai aujourd'hui que des nouvelles cultures et de celles des anciennes sur lesquelles une nouvelle année de culture aura modifié mes premières impressions. PREMIÈRE PARTIE. — Plantes d'ornement. Pterocarya du Caucase (Pterocaria Caucasica). — Juglandées (Caucase). Magnifique arbre qui, quoique introduit depuis longtemps déjà, n'est pas aussi répandu qu'il mérite de l'être. Par son port et son beau feuillage, il fait beaucoup d'effet isolé sur les pelouses. Genévrier du Japon à feuilles panachées (Juniperus Japonica variegata). — Conifères (Japon). Nouvelle variété à rameaux compactes, rarement panaché de blanc pur, d'un bel effet. Maclura à trois pointes (Maclura tricuspidata). — Ur- ticées (Chine). Cet arbuste, dont nous avons déjà dit un mot l'année der- nière, a beaucoup souffert de l'hiver. Ses tiges ont été com- plètement détruites jusqu'au sol. Il 3 c(onné un. nouveau jet CULTURES FAITES AU JARDIN D'ACCLIMATATION. 221 très-vigoureux cette année; mais s'il devait en être ainsi chaque année, ce serait un très-grand défaut. Il est probable que, comme pour beaucoup de plantes de ce pays, cet incon- vénient ne se renouvellera plus après plusieurs années de culture. Parrotia de Perse {Parrotia Persica). — Hamaméli- dées (Perse). Petit arbre dont les feuilles, assez grandes, se colorent h l'automne en rouge orangé d'un joli effet. Il est rustique; mais nous attendrons un plus grand développement pour le juger mieux Houx hybride (Ilex hybrida). — Ilicinées (Japon). Nouvelle variété, qui se couvre d'une grande quantité de fruits rouges, du plus brillant effet. Troène de Quiiiou (Lzgustrum Quihoui). — Jasminées (Chine) . Nous vous avons déjà entretenu de cet arbuste dans les rapports précédents, sous le nom de Llgustrum ibota. Un plus grand développement nous ayant permis de reconnaître notre erreur, nous nous empressons de la rectifier. Le char- mant arbuste dont il s'agit est tout à fait nouveau. Il est décrit par M. Carrière dans la Revue horticole, 1er octobre 1869. Osmanthus à feuilles de houx [Osmanthus aquifolius). — Oléocées (Japon). Nouvel arbuste ayant le faciès d'un Houx. Les rameaux sont plus grêles et plus nombreux, les feuilles épineuses sont aussi plus petites et d'un aspect plus joli. Quoiqu'on ne soit pas encore tout à fait fixé sur sa rusticité, il y a tout lieu de penser qu'il résistera à nos hivers et sera un bel ornement dans les massifs. Osmanthus nain à feuilles panachées {Osmanthus nanus variegatus) . Même aspect que le précédent, mais plus joli par la pana- chure de ses feuilles. Également nouveau. 222 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Aucubadu Japon (Aucuba Japonica). — Cornées (Japon). L'Aucuba est connu et apprécié par tout le monde. Aussi n'en parlons nous ici que pour signaler la récente introduc- tion de l'individu mâle, qui permet à cet arbuste, déjà si joli par ses feuilles persistantes, de donner des fruits rouges dans le genre de ceux du -Houx ; d'un grand effet pendant plusieurs mois. Il y en a plusieurs variétés nouvelles, différant entre elles par un feuillage plus ou moins grand et plus ou moins panaché. Cotoneaster de Simmods (Cotoneaster Simmodsi). — Rosacées (Népaul). Nouvelle variété à feuilles un peu grandes et qui se couvre de fruits rouges d'un charmant effet. Spirée de Thunbergi (Spirea Thunbergiï). — Rosacées (Japon). L'année dernière, je vous ai dit que ce petit arbuste don- nait des fleurs blanches et nombreuses, d'un grand effet. Je puis confirmer, cette année, cette même observation; mais je dois dire que la rusticité de l'arbuste laisse un peu a désirer et qu'on devra de préférence le cultiver dans un sol un peu léger. Weigelia à grandes fleurs ( Weigelia arborea grandi- flord). — Gaprifoliacées (Japon). Arbuste plus vigoureux que ses congénères, à feuilles très- grandes, fleurs larges, d'un rouge très-vif à l'extérieur ; très- rustique. Deutzie de Fortune (Devtzia Fortunel). — Philadel- phées (Japon) . Charmant arbuste qui ne diffère du D. scabra que par ses fleurs plus serrées et plus petites; son écorce est de couleur plus claire. Desmodum à fleurs pendantes (Desmodium penduli- flormn). — Légumineuses (Japon). Charmante plante à grandes fleurs purpurines, un peu délicate. CULTURES FAITES AU JARDIN D'ACCLIMATATION. 22?> Chèvrefeuille de Piiilomèle (Xilosleum Philomelœ). — Capri foliées (Japon). Arbuste délicat, dont les progrès sont si peu sensibles que nous ne pouvons pas nous prononcer encore cette année. Iris de Chine (Pardanthus Chinensis), — Iridées (Chine). Celte plante, plus généralement connue sous le nom de Morœa sinensis, n'est pas nouvelle. Ses fleurs tigrées sont très-remarquables; elle souffre des gros hivers sous le climat de Paris. Ortie à feuilles différentes {Urtica heterophylla). — Urticées (Inde). Celte Ortie est très-vigoureuse, son feuillage très-grand est d'un bel effet, et si elle n'avait le désagrément d'être très- piquante, nous la recommanderions comme plante décorative. Peut-être a-t-elle, comme plusieurs de ses congénères, des qualités industrielles (textile), mais nous ne sommes pas fixé à ce sujet. Campanule à grosses fleurs doubles (Campanula me* dium var.) — Campanulacées (indigène). Le genre Campanule est très-connu et très-apprécié pour les parterres ; cette variété bisannuelle est très-vigoureuse et très-florifère; son coloris clair est d'un grand eflet. Les graines produisent des plantes à fleurs doubles et des plantes à fleurs simples. Ces dernières, quoique jolies, n'ont pas le même mérite que celles à fleurs doubles, et on devra les ar- racher pour épurer le semis; il est malheureusement assez difficile de les reconnaître avant la floraison. Gypsophile à feuilles aiguës {Gypsophila acutifolia) .— Cary ophy liées (Europe). Petite plante bisannuelle, à fleurs blanches très-nombreuses et gracieuses, mais peu éclatantes. Elle donne une seconde floraison, peu abondante, h la fin de l'été. 224 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Wiiitlavie à fleur de Glckimâ. (Whitlavia Gloxinioides). — Hydrophyllées (Californie). Plante annuelle se couvrant de fleurs bleues qui ressemblent tout à fait à celles de Gloxinia, mais beaucoup plus petites. Très -jolie en bordure. Eschsciioltzie safrané strié (Eschscholtzia crocea striata). — Papavéracées (Californie). Plante d'un grand effet, qui ne diffère du E. californica que par sa couleur safranée orangée, au centre. Thlaspi blanc nain (Iberis simpervirens nana). — Crucifères (Europe). Charmante plante naine, qui se couvre de fleurs blanches. Très-propre à former des bordures et garnir des talus. Zinnia à feuilles de Tagète {Zinnia Tagetifolia). — Composées (Mexique). Plante annuelle à fleurs doubles, de couleurs variées, un peu moins grandes que celles du Zinnia élégant. Sauge glutineuse {Saloia glatinosa). — Labiées (Cuba). Cette plante, que nous avons reçue cette année, est remar- quable par ses feuilles imbriquées, d'un aspect singulier; elles sont blanches en dessous. Nous ne l'avons pas encore vue fleurir. Pour les plantes suivantes, voyez le rapport de 1868 : Cleome pentaphylla, . Ophiopogon spicatum, Chrysanth&mum carinatum, Philadelphie Ketelerii, Dahlia coccinea. Rhus glabra laciniala, Diervilla multiflora, Scabiosa atropurpurea var. Hydrangea Japonica rosalba. Plantes nouvellement cultivées au Jardin et dont le déve- loppement n'est pas suffisant pour pouvoir être appréciées. Berberis Hookerii, Cydonia Japonica sulfurea Bignonia, perfecta, Berberis Lycium, Ccrasus Sieboldiirosea ple?iat Cydonia Japonica papeleui, Clematis. CULTURES FAITES AU JARDIN D'ACCLIMATATION. 225 Gleditschîa à rameaux peu- Pavia Californica, dants, Pyrus ateagnifolïa, Hydrangea paniculata gran- Stachyurus precox. di/iora, E»i:i Xls:Hi; PARTIE — Plantes industrielles. Bambous {Bambusa). — Graminées (Chine et Japon) . Nous avons pu, celte année, apporter un peu de lumière dans la nomenclature des Bambous que nous cultivons au Jardin depuis plusieurs années. Nous en donnons ici la liste, en suivant l'ordre numérique que nous avions adopté provi- soirement, afin que les personnes qui les ont reçus avec ce numéro seulement , puissent appliquer les noms qui sont maintenant fixés. Les voici : N° 1. Bambusa mitis. Bambou comestible (rustique). "2. Bambusa Quilioi. Bambou du Quilio (dédié par nous à M. le commandant du Quilio, qui en a t'ait don au Jardin en 18(3(5. C'est un des plus méritants par son port, sa vigueur et sa rusticité.) 3. Bambusa aurea. Bambou doré. h. Bambusa gracilis. — Bambou grêle. (Cette espèce soutire de nos hivers jusqu'à perdre ses tiges. Mais elle re- pousse au printemps.) 5. Bambusa Metake. Bambou Métaké. (Mauvaise variété, déjà ancienne, dont nous ne continuerons pas la culture.) (5. Bambusa violacens. Bambou violai re. (Nom choisi par nous d'après la couleur de : es liges. Ce Bambou a été donné au Jardin d'acclimatation, en 186/i,parS. Exe. M. le Ministre do L'agriculture, qui l'avait reçu de M. E. Simon, alors en mission en Chine. B se fait remarquer surtout par la couleur de ses tiges et par la grande quantité de rejets qui sortent de terre toute l'année. Ce sera vraisemblablement le plus vigou- reux de tous.) 7. Bambusa? Bambou non encore déterminé. 8. Ce Bambou est le même que le nQ h {Gracilis). 21' série, T. VIL — Mars et Avril 1870. 15 226 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. 9. Bambusa viride striata. Bambou vert strié. 10. Bambusa? Bambou non encore déterminé. 11. Bambusa? Bambou non encore déterminé. 12. Ce Bambou est le môme que les nos A et 8 (Gracilis). 13. Bambusa? Bambou non encore déterminé. ïh. Arundo mauritanica. (Nous avait été envoyé pour un Bambou ; mais à la végétation, nous avons reconnu le Boseau d'Afrique, qui est dans le genre de V Arundo donax, mais plus grêle.) 15. Bambusa nigra. Bambou noir (anciennement connu, assez rustique, mais n'atteignant pas le développement des nouveaux.) 16. Bambusa viride glaucescens. Bambou vert bleu. (On dit beaucoup de bien de ce Bambou, dont nous n'avons en- core qu'un petit pied.) 17. Bambusa Simonii. Bambou de Simon. (Plante à végé- tation curieuse, dont nous n'avons qu'un petit pied, qui nous a été offert par MM. Thibaut et Keteleer.) Huit de ces variétés (nus 1, 2, 3, 6, 7, 9, 12, 13) sont mul- tipliées et peuvent être livrées aux personnes qui en désire- raient (voyez le catalogue du Jardin pour l'automne 1869et le printemps 1870). Les nus 2 et 6 sont deux espèces nouvelles qui ont été multipliées au Jardin. Jalap {Exogonium pur g a). —Convolvulacées (Mexique). C'est la seconde année que nous cultivons cette plante qui rend de si grands services au Mexique comme plante médici- nale, industrielle et alimentaire, et nous ne sommes pas plus satisfait du résultat que l'année dernière. Les petits tuber- cules qui se forment au pied n'arrivent pas à maturité, faute de chaleur; et nous sommes obligé de la maintenir en végé- tation dans la serre chaude pour la conserver. Nous en avons laissé un pied en pleine terre à litre d'expérience, mais nous avons peu d'espoir de le retrouver au printemps. Moutarde de Chine {Sinapis chhiensisl) — Crucifères (Chine). Nous avons besoin d'une nouvelle année de culture pour CULTURES FAITES AU JARDIN D'ACCLIMATATION. 227 être fixé sur le nom et les qualités de cette plante. Elle est rustique et elle a, dans sa jeunesse, un feuillage pourpré très-distingué. Orge Pages prolifique (Hordeum distichum), et Orge de Punta {H. hexasticum) . — Graminées (Europe et Chili). C'est la seconde année que nous cultivons ces Orges, qui nous avaient donné quelque espoir l'année dernière; mais mal- heureusement les moineaux les ont complètement dévorées avant leur maturité, quoique nous ayons employé tous les moyens usités en pareil cas pour les protéger. TfiiOISIÈME 1BAHTIE. — Plaiaics aliincutaircg. Pomme de terre (Solanum tuberosum). — Solanées (provenances diverses). Notre collection se modifie chaque année parla suppression des variétés médiocres ou cultivées depuis plusieurs années déjà, et par l'addition des nouvelles variétés qui nous par- viennent. Voici celles que nous annonçons cette année, avec quelques indications qui pourront en faciliter le choix. NOM. Baldou Chave Confédérée. . . De Norvège . . , De trois mois . . Hardy , Igname , ■lancée Mangel Wurzel Saucisse , RENDEMENT. abondant moyen abondant médiocre moyen médiocre moyen id. id. très-abondant GROSSEUR. moyenne crosse "id. moyenne grosse moyenne id. grosse moyenne grosse et moyenne MATURITÉ. 8 août id. id. 30 juillet id. 15 juillet 15 août 8 août 30 août 15 août «UAL1TE. très-bonne ordinaire très-bonne bonne id. id. id. ordinaire médiocre id. Nous devons mentionner la Pomme de terre Fêlez, rap- portée par M. Vêlez de la Colombie, où, dit-il, elle a toujours 228 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. été exempte de maladie, quoique toutes les autres variétés en eussent été atteintes. Nous l'avions reçue l'année dernière par l'entremise de M. Radiguet; le produit a été nul. Cette année, une nouvelle importation nous a permis de la cultiver à nou- veau, et lors de l'arrachage des autres variétés (fin juillet), nous avons arraché deux des quatre touffes cultivées et le produit a encore été nul. Les deux autres touffes ont continué à végéter jusqu'aux gelées ; les tiges avaient atteint deux mètres de développement. N'ayant plus rien à attendre à cette époque, nous les avons arrachées et nous avons été agréable- blement surpris de trouver quelques tubercules de la grosseur d'un œuf de poule et d'autres plus petits. Ce résultat est loin d'être satisfaisant, mais il nous permettra de recommencer cette culture l'année prochaine et d'être à même de juger du mérite de ce légume. La trop petite quantité que nous en avons récoltée nous a empêché d'en faire la dégustation. Pois du Chili (Pisum sativum). — Légumineuses (Eu- rope). Nous avons reçu cette année ce Pois, qui ne nous a rien offert de particulier. Nous n'en continuerons pas la culture. DOLIC A DEUX FLEURS (DollCOS biflorus). — LégUini- neuses (Inde). Le résultat que nous avons obtenu l'année dernière, sans être bien satisfaisant, nous avait fait espérer que ce Dolic vaudrait mieux que tous ceux que nous avions cultivés jusqu'alors. Mais une nouvelle année de culture nous a confirmé dans ce que nous avions dit des Dolic auparavant : ils ne peuvent pas être cultivés avantageusement sous le climat de Paris. Pissenlit a cœur plein amélioré {Taraxacum dens leonis). — Composées (Indigène). Nous vous avons entretenus l'année dernière de ce légume, qui rend déjà de grands services comme nourriture hygié- nique et qui est appelé à en rendre de plus grands encore. Chaque année, la culture bien entendue donne des résultats plus satisfaisants comme rendement et qualité du produit. CULTURES FAITES AU JARDIN D'ACCLIMATATION. 229 Nous avons été à même de l'apprécier tout l'été dernier en en mangeant presque tous les jours. Nous ne saurions trop en recommander la culture, qui, faite avec intelligence, donne pendant huit mois de Tannée une très-bonne salade. Pissenlit a larges feuilles, amélioré. Autre variété ayant les mêmes qualités que le précédent. Chicorée sauvage améliorée panachée (Cichorium in- tybus). Cette salade, dont nous vous avons déjà entretenus, et dont la bonne opinion que nous en avons émise n'a fait que s'aug- menter, ne le cède en rien aux pissenlits ci-dessus, et leur est même supérieure à la fin de Télé, surtout lorsqu'on a le soin de la couper souvent, afin de ne pas la laisser durcir. Avoines de Puenta (Âvenasativa). — Graminées (Chili). Une première année de culture nous avait donné de forts beaux résultats et nous espérions beaucoup de cette Avoine, mais cette année les Moineaux nous l'ont complètement dé- vastée avant la maturité, de sorte qu'il ne nous sera plus pos- sible d'en continuer la culture, faute de semence. Blé précoce du Japon (Triticum œstivum). — Grami- nées (Japon) . Ce blé, que l'on peut également semer en mars comme en saison, et duquel on a dit beaucoup de bien, a eu le même sort que nos autres céréales. Nous prions les personnes qui nous en ont demandé l'année dernière, de vouloir bien nous faire connaître le résultat de leurs expériences. Pommes (Malus communis). — Rosacées (Indigène). Parmi les Pommiers que nous tenons de diverses prove- nances, trois nous ont donné des fruits cette année. Ce sont : Pomme rose, fruit magnifique, très-gros, mais manquant un peu de sucre. Pomme (sans nom), fruit petit, cannelé, coloré rouge, assez bon. Pomme fameuse, fruit petit, hâtif, coloré rouge, assez sucré. Nous attendrons une deuxième récolte pour les juger défi- nitivement, après en avoir référé au Comité de pomologïe. 230 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. COLLECTION DE VIGNES. Les Vignes, cette année, ont commencé à offrir de l'intérêt; la moitié environ a donné des fruits. Cela nous a permis de prendre des notes et de découvrir un certain nombre de syno- nymies. Il y a tout lieu d'espérer, grâce aux précautions que nous prenons chaque printemps, que presque tous les Cépages fructifieront l'année prochaine, et que nous serons à même d'éliminer les doubles qui subsistent encore. Pour cela, nous nous entourerons de tous les renseignements qu'il nous sera possible de nous procurer et nous prions, dès aujourd'hui, les personnes qui s'occupent de cette sérieuse question de vouloir bien visiter la collection en septembre et de nous faire part de leurs observations. Nous comptons en outre demander des délégués aux Sociétés horticoles, pour former une commis- sion qui sera invitée à nous signaler les doubles emplois qui subsisteront encore et à nous indiquer les nouveaux Cépages recommandables qui ne se trouveraient pas dans celte collec- tion que nous désirons rendre aussi complète et aussi exacte qu'il nous sera possible. Nous avons déjà augmenté celte collection de vingt-sept va- riétés, que nous cultivions au Jardin et qui provenaient du Canada, de Constantinople et des meilleurs vignobles français. Nous avons continué cette année par une variété de Perse, une de Russie, une d'Angleterre, et enfin par treize variétés arabes, qui nous ont été données par M. Rivière, directeur du Jardin du Hamma, près Alger. PLANTES JAPONAISES. Nous vous avons déjà entretenus de ces plantes qui nous ont été données par le directeur des posles françaises au Japon, M. Degron, dans une note insérée au Bulletin de la Société (numéro d'août 1869). Nous avons multiplié quinze espèces de ces plantes, qui seront livrées l'année prochaine, ainsi que celles que nous parviendrons à multiplier d'ici là. Quelques-unes se sont montrées rebelles à la reprise et nous allons tenter de nouveaux efforts pour les multiplier. D'autres enfin, mais en petit nombre, ont complètement péri. (Voyez la liste sur le Bulletin cité plus haut.) II. EXTRAITS DES PROCÈS- VERBAUX DES SÉANCES GÉNÉRALES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1870. Présidence de M. Dbouyn de Lhuys, président. — M. le Président fait connaître les noms des membres récemment admis : MM. Foussier (A.), avoué, à Paris. Goubaux (Àrm.), professeur à l'École impériale vétéri- naire, à Alfort. Jubin (Emile), directeur de la Société anonyme franco- japonaise, à Yokohama. Labarraque (le docteur Henri), à Paris. LiNDEMANN(le comte de), secrétaire de la légation du Salvador, à Paris. Valéry (Joseph), à Paris. Ubibe (Maurice), à Medellin (Nouvelle-Grenade). — M. le Président annonce ensuite à la Société les pertes qu'elle vient de faire, par suite de décès, de MM. Pomme, membre du Conseil ; Benjamin Poucet, membre honoraire ; Florent Prévost, aide-naturaliste au Muséum d'histoire natu- relle ; et maréchal Regnauld de Saint- Jean-d'Angely. — M. Nieto, de Cordoba (Mexique), adresse ses remerci- ments pour sa récente admission. — M. Drouyn de Lhuys fait hommage d'exemplaires du discours qu'il a prononcé à l'ouverture de la deuxième session Générale annuelle de la Société des agriculteurs de France. — Remercîments. — M. Fréd. Albuquerque, de Rio-Grande-do-Sul (Brésil), écrit: « Les Nandous destinés à la Société sont dans une » propriété à proximité de la ville, où ils sont en liberté, mais » à demi domestiqués ; je viens de recevoir d'un négociant » allemand un beau mâle, que je joindrai à mon envoi. J'at- » tends, pour effectuer mon expédition, d'avoir reçu les in- » structions de M. Capanema. » '23'2 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. — M. A. de Loës, d'Aigle (Suisse), fait parvenir un rapport sur ses travaux de pisciculture en 18(39 (voy. au Bulletin, p. I/46). — M. Richard d'Erco écrit de Triesle, pour donner quel- ques nouveaux détails sur l'ostréiculture dans la mer Adriati- que et sur l'utilité des modifications apportées par lui au système des collecteurs destinés à recevoir le naissain. — La Société d'horticulture et d'acclimatation de Tarn-et- Garonne donne les détails suivants, sur ses expériences de pisci- culture et de sériciculture : « Les poissons étrangers à certains » cours d'eau de notre bassin, Saumons, Ombres, Truites, etc. , » sortis de notre atelier de pisciculture, ont été lancés par » centaines de mille. Déjà on pêche, à la montée, des poissons » qui viennent frayer, et qui ne peuvent provenir que de nos » lancements. — Notre Magnanerie pour les éducations anti- » cipées a aidé, encouragé, conseillé, guidé les éducateurs » du pays, de manière à influer d'une façon très-sensible sur » les produits de cette industrie. » — M. Delouche, de Saint-Martin d'Ablois, donne les rensei- gnements suivants sur le Garrouge : « Je serai heureux de » mettre à la disposition de la Société impériale zoologique » d'Acclimatation, pour elle et pour le Muséum d'histoire » naturelle, un certain nombre de Carrouges, de tout âge et » de toute dimension, pour qu'on puisse étudier les mœurs » et les habitudes de ce poisson, qui croit avec une prodi- » gieuse rapidité, et multiplie d'une façon étonnante. Toutes » les eaux lui sont bonnes ; cependant, il préfère les eaux » boueuses, et fouille la vase au moins autant et peut-être plus » que la Tanche. Son transport est très-facile. Une fois sorti » de l'eau, il ne fait plus aucun mouvement; on le dirait » mort, ce qui permet son transport à sec facilement. Aussitôt » remisa l'eau, il file, et reprend ses habitudes immédiate- » ment. Ce poisson voyage toujours par bandes en troupes, » ce qui cause sa destruction dans les eaux où domine le » Brochet, qui en est très-friand. Je dois pêcher ce printemps » l'alevinière où je multiplie le Garrouge. Je profiterai d'une » température fraîche pour vous en expédier un petit panier, PROCÈS-VERBAUX. 233 » à sec. Si cet envoi réussit dans ces conditions, je pourrai, » je l'espère, vous en faire un second. » — M. Chatin remet à la Société, de la part de M. Sillan, des noyaux de Pèches de Tullins et de Miregoton. — Renier- ciments. — Des remercîments pour les graines de divers Vers à soie qui leur ont été envoyées, sont adressés par MM. Blondel et Raymond. — M. le directeur du Jardin d'acclimatation met à la dispo- sition de la Société 200 grammes de Vers A. Yama-maï, qui lui ont été envoyés par M. le comte Gustave de Montebello, actuellement à Yokohama. — Remercîments. — M. J. L. Soubeiran communique des renseignements sur la culture de la Cochenille au Sénégal, qui lui ont été adressés par M. Pierre (voy. au Bulletin). — Des remercîments pour les graines et plantes qui leur ont été envoyées, sont adressés par MM. Durieu de Maison- neuve, Braine, Rivière, Lucy etFréd. Albuquerque. — Des rapports sur ses cultures sont adressés par M. Brierre (de Saint-Hilaire-de-Riez). — M. le directeur du Jardin offre en don, au nom de M. le comte Gustave de Montebello, des graines de diverses plantes japonaises. — Remercîments. — M. Bigot fait parvenir un rapport sur sa visite au Jardin du Hamma. — M. Naudin, membre de l'Institut, adresse ses remercî- ments, pour le don de graines à1 Eucalyptus amygdallna et de gros haricots blancs (dont il ne se rappelle plus en ce mo- ment le nom botanique) qui lui ont été envoyés au nom de la Société impériale d'acclimatation. — M. Moës fait parvenir un mémoire sur l'analyse des écorces de Quinquina de Java (renvoyé à l'examen de M. De- londre). — M. L. de Wagner fait hommage d'un mémoire qu'il vient de publier sur l'agriculture en Hongrie (remercîments et ren- voi à l'examen de M. Delondre). — La Société d'acclimatation de Tarn-et-Garonne adresse 23/4 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. une liste des plantes qu'elle désirerait recevoir de la Société. — M. Lambert, conservateur des forêts à Alger, adresse un certain nombre de graines et fait parvenir la liste des végétaux dont il désirerait tenter la culture. — Il est déposé sur le bureau un numéro du Moniteur de l'Algérie du l/i octobre 1869, contenant un article sur le reboisement du plateau du Télégraphe, et un numéro de la Gazzetta ufficiale ciel Regno d'Italia du 21 janvier 1870, dans lequel est inséré un article sur un mode de préserver les plantes des attaques des insectes. — M. Richard (du Cantal) fait hommage d'un exemplaire de la quatrième édition de son ouvrage : Étude de la confor- mation du Cheval suivant les principes élémentaires des sciences naturelles et de la mécanique animale. — Remer- cîments. — M. A. Geoffroy Saint-Hilaire présente à la Société des échantillons de soie de Ver Yama-maï, qui lui ont été envoyés du Japon par M. le comte Gustave de Montebello. Les échan- tillons présentés sont : 1° un peloton de soie filée à la main avec des Cocons cardés ; 2° un morceau d'étoffe grossière, non teinte, dont la chaîne est de colon et la trame de soie & Yama-maï ; les tissus de cette nature sont fabriqués clans les environs de Yokohama par les paysans, qui en font usage après les avoir fait teindre en bleu ; 3° un écheveau de soie grége de soie du Ver Yama-maï ; h° trois échantillons d'é- toffe teinte en blanc, dont les parties mates sont de soie du Yama-maï et les parties brillantes de soie du Ver du Mûrier ; 5° un échantillon d'étoffe teinte en rouge éclatant, et faite de soie du Ver du Mûrier. M. Davin présente quelques observations sur ces étoffes et pense que réchantillon dont la chaîne est peu brillante ren- ferme du coton ; ces étoffes sont fabriquées avec des débour- rures ou déchets de soie. — M. de Quatrefages donne lecture d'une lettre du direc- teur de la Revue des cours scientifiques, qui a ouvert une souscription en faveur de la famille du professeur Sars, récem- ment décédé à Christiania, et qui laisse une nombreuse PROCÈS-VERBAUX. 235 famille (neuf enfants) dans une position très -précaire. Sars, dit M. de Quatrefages, pasteur dans une humble paroisse des environs de Bergen, consacra ses loisirs à l'étude de la zoologie et fut l'auteur de quelques-unes des belles décou- vertes de l'époque ; précurseur de Sieboldt, il fit connaître le phénomène si curieux de la génération alternante ; plus tard il découvrit, dans les profondeurs des mers, uncrinoïde vivant, XEncrina loffotensis et inaugura les recherches qui se pour- suivent aujourd'hui avec ardeur en Angleterre et donnent des résultats inattendus pour la science. Les questions qui inté- ressent plus particulièrement notre Société ont été aussi étudiées par Sars, qui a été un des promoteurs les plus actifs de la pisciculture en Norvège; aussi M. de Quatrefages exprime le vœu que la Société d'acclimatation s'associe à l'œu- vre généreuse qui doit sauvegarder de la misère la famille intéressante d'un savant émérite. Une liste de souscription passe dans l'assemblée et l'examen des mesures à prendre au nom de la Société est renvoyé au Conseil. — M. Chatin présente des parties du tronc d'un Bouleau âgé de vingt-cinq ans, et offrant des cavités creusées par les Pics verts. Cet arbre, qui présentait uiu^ cavité sur la moitié de sa hauteur et deux autres plus considérables vers la base, était parfaitement sain, ce qui ne l'a pas préservé des attaques de l'oiseau. M. Bichard (du Cantal) reconnaît que le Pic vert attaque parfois les arbres sains; mais il pense qu'il faut tenir compte, dans la balance de ses mérites et de ses méfaits, de la quantité considérable d'insectes nuisibles qu'il détruit. M. le docteur Pigeaux fait remarquer que le tronc présenté par M. Chatin porte les traces d'un chancre. M. Chalin dit que ce n'est qu'un effet d'insolalion superfi- cielle qui, ne pénétrant pas, n'avait aucune intluence sur l'état de l'arbre. M. Millet dit que le Pic vert attaque les arbres sains, et rappelle à ce sujet les preuves qui en ont été données, il y a plusieurs années déjà, par M. le comte d'Esterno. Cela est in- 236 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. contestable, et la cause en est que le Pic vert ne niche jamais deux ans dans le même nid ; il prépare ainsi des nids dont profitent d'autres oiseaux à bec trop faible pour pouvoir se creuser des cavités dans le bois. La quantité énorme d'in- sectes nuisibles à l'agriculture que détruit le Pic vert com- pense les dégâts qu'il peut causer en attaquant quelquefois des arbres sains. M. de la Blancnere pense que le Pic vert est utile ; il n'ad- met pas que le bec de cet oiseau puisse attaquer du bois par- faitement sain ; il arrache fibre à fibre, mais il lui faut un point de départ, qui est ou une blessure, ou un chicot de branche. — M. le Président fait connaître que la commission des Cheptels continue à fonctionner. A l'approche du printemps, il croit utile de le rappeler au zèle de nos confrères. Du reste, on a déjà reçu un grand nombre de demandes, qui ont été accueillies : les expériences sont en bonne voie, et nous savons que plusieurs ont été couronnées d'un succès satisfaisant, vu la durée encore assez courte de ces expériences. — M. Piamel présente à M. le Président une lettre, une collection de semences et les notes et documents expliquant leur emploi et mérite, de la part de notre nouveau confrère, M. Anthelme Thozet, de Muëllerville, prèsRockhampton. Quant au rapport qu'il a promis de faire sur la propa- gation des Eucalyptus et de YE. globulus en particulier, M. Ramel explique que, n'ayant pas pu effectuer encore son voyage en Afrique, il ne peut donner à la Société un rapport incomplet; mais il fait part des observations qu'il a recueillies dans une tournée qu'il vient de faire dans le midi de la France, de Bordeaux à Nice. M. Richard (du Cantal) dit qu'il a observé à Toulon des Eucalyptus, qui n'avaient nullement souffert du froid, et que, pendant sa mission dans le midi, il a pu constater en Corse, à Nice, à Ilyères, la vigueur de la végétation de ces arbres, qui sont appelés à rendre les plus grands services. M. le baron J. Cloquet confirme l'observation de M. Richard, et dit que chez lui, à Lamalgue, les Eucalyptus ont très-bien supporté huit degrés de froid. PROCÈS-VERBAUX. 237 M. Rivière a fait venir d'Algérie le tronc d'un Eucalyptus âgé de cinq ans et qui mesure 89 centimètres de circon- férence. Cet échantillon, qu'on peut voir à l'Orangerie du Luxembourg, donne une preuve évidente de l'intérêt qu'il y a à multiplier les Eucalyptus dans notre colonie. Il ajoute que cette culture tend à s'étendre en Algérie et qu'à l'imitation de M. Trottier, qui cultive cet arbre en forêt, diverses personnes se mettent en mesure de cultiver Y Eucalyptus. Sur la demande du Président, M. Ramel s'engage à donner à la Société, lorsqu'il sera de retour de son voyage en Algérie, un résumé complet de l'acclimatation des Eucalyptus , à laquelle il s'est voué avec tant d'ardeur. Sur la proposition de M. le docteur Pigeaux, il est décidé qu'un appel sera fait à toutes les personnes qui se sont occu- pées de la culture de ces arbres, pour les prier de communi- quer, à bref délai, à la Société le résultat de leurs obser- vations. — M. Rivière présente des pieds de Cinchona provenant de ses semis, et donne les détails du procédé de culture em- ployé par lui (voy. au Bulletin). — M. Millet donne lecture d'un mémoire relatif à la chasse des Oiseaux (Renvoi au Conseil, qui avisera aux mesures à prendre). — M. Guérin-Méneville lit une note sur des parasites de VA. Yama-maï et en particulier sur YOudji. SEANCE DU 18 FÉVRIER 1870. Présidence de M. Drouyn de Lhuys, président. Le procès-verbal est lu et adopté, après quelques observa- tions de MM. Vavin et Ramel. — M. le Président proclame les noms des membres récem- ment admis : MM. Béarn, prince de Viana (le comte Henri-Gaston de Galard de Brassac de), propriétaire, à Paris. 238 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. Benoît (Edouard), agronome à Planchamp, près Philip* peville (Algérie). Dortic (Théodore), propriétaire, à New-York et à Paris. Galimard, à Vais (Ardèche). Lesourd (le docteur), à Paris. Morisset (Hippolyte), propriétaire, au château de Myennes-sur-Loire (Nièvre) et a Paris. — M. le Président informe la Société du décès d'un de ses membres, M. le duc de Rivière. — Des remerciments pour leur récente admission sont adressés par MM. le comte de Lindemann, le docteur H. La- barraque et A. Goubaux. — Son Exe. M. le ministre de l'agriculture et du commerce informe la Société d'acclimatation qu'il a mis à sa disposition une médaille d'or, pour être distribuée en récompense à la séance du h mars prochain. — Remerciments. — La Société rurale argentine offre de faire avec la Société impériale d'acclimatation des échanges de plantes, graines et animaux (renvoi au Conseil). — Il est déposé sur le bureau une note sur les travaux faits au Jardin d'acclimatation du Caire par les ordres de S. A. le vice-roi d'Egypte. Ce jardin, situé sur les bords du Nil, à Gé- zireh, a été créé il y a quelques aimées déjà ; mais, malgré les soins pris pour abriter les animaux contre le vent du désert, la mortalité y était considérable. Depuis l'année dernière, grâce à des précautions nouvelles pour défendre les hôtes du Jardin contre l'élévation de la température en été et contre le froid en hiver, des résultats beaucoup meilleurs ont été obte- nus, et la mortalité a presque complètement cessé. Outre un certain nombre d'animaux féroces, tels que Lions, Panthères, Jaguars, Hyènes, Servals, Karakal, le Jardin possède une notable quantité d'Antilopes telles que Bubales, Coudous, Leucoryx, Blessbok, qui paraissent dans les meilleures con- ditions. Tout fait espérer que ces animaux se reprodui- ront celte année, comme le font déjà les Gazelles et les Axis. PROCÈS -VERBAUX. *i39 Il existe aujourd'hui à Gézireh quatorze Girafes en très - bon état (ces animaux ne pouvaient jusqu'ici résister au cli- mat du Caire, mais ils paraissent se trouver très-bien des nouvelles installations). Les oiseaux sont également représentés par diverses espèces dans les parquets du Jardin de Gézireh : outre des Pélicans, de nombreuses espèces de Canards, de Perroquets, des Grues couronnées, on y voit des Oies (celles de Guinée se sont seules déjà reproduites), dix-huit Autruches (elles ont commencé à pondre cette année), des Poules et des Faisans, etc. Grâce à d'ingénieuses dispositions, ces derniers oiseaux, dont les œufs tournaient en un temps très-court, ont pu mener à bien leurs couvées. M. Sauvadon, chargé par Son Altesse d'acheter au Jardin du bois de Boulogne une assez grande quantité d'animaux, ajoute les détails suivants sur le Jardin du Caire : « Le Jardin d'ac- » climalation d'Egypte possède en ce moment une assez » grande quantité d'animaux d'Afrique, dont plusieurs espèces » d'Antilopes de grande et petite taille, des Girafes, des Autru- ï> ches, ainsi que d'autres animaux, qui, acclimatés en Europe, » pourraient devenir une ressource pour l'alimentation, et à ce » sujet je veux vous parler d'un animal qui mériterait d'at- » tirer l'attention des personnes de votre Société possédant » des parcs ; c'est le Bubale, qui est très-doux, qui s'appri- » voisc facilementet qui est l'une des plus jolies et gracieuses » Antilopes ; sa chair est excellente, fine et fondante; son » fumet n'est comparable à aucun de nos animaux d'Europe. » Il est impossible de trouver un mets plus délicat qu'un filet » de Bubale. Son Altesse m'ayant chargé d'y goûter, j'en ai » mangé bouilli, à la mode, rôti, et l'ai de toute manière » trouvée excellent. Il faut aussi que je vous parle de la » viande de Girafe : nous en avions une. âgée de huit mois, » qui s'était cassé la jambe et qu'il fallut abattre ; j'y goûtai » également : cette chair est assez bonne, tendre et moelleuse, » d'un goût agréable et fin ; le cœur est très-délicat. La viande » de Bubale et celle de Girafe sont les meilleures que j'aie » mangées en Egypte. Le vice-roi est très-disposé à faire tout » ce qui pourra être utile à l'acclimatation, et aussi à faire 2/|0 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » des échanges avec les Jardins d'Europe ; il a plus que per- » sonne la facilité de se procurer des animaux. » — M. P. L. Simmonds transmet quelques documents sur les progrès de la pisciculture, extraits de divers journaux de la Tasmanie : « Les distributions d'œufs de Salmonidés, pro- venant de l'établissement de Plenty-River, se continuent acti- vement pour servir à la diffusion de ces poissons dans les diverses colonies Australiennes On a déjà péché dans plusieurs localités des Truites brunes; à Bagdad-Creck en particulier, on en a pris des individus longs de dix pouces.... La Tanche, importée par M. le capitaine Langdon et confiée par lui à MM. Allport, est devenue très-commune à Lageon- Nile, où l'on commence à la tuer à coups de fusil; elle paraît aussi prospérer sur quelques autres points de la Tasmanie.... La Perche, introduite en 1868, par MM. Allport, s'est aussi multipliée abondamment dans plusieurs cours d'eau. — Mgr Yerrolles, évèque de Mandchourie, dont le décès avait été annoncé par erreur dans le courant de l'année dernière, fait don d'une petite quantité de graines de Sorgho sucré, d'un Acacia dit Thé noir et de Ginseng. Il joint à cet envoi des graines de Ver à soie du Mûrier : « Quant à la » graine de Vers à soie, voici : cette soie est un peu moins » brillante que celles de Sou-tcheou et Chang-hae, mais elle » est moelleuse et très-solide, — hO degrés et demi de lali- » tude, Saint-Hubert, à la passe des Cerfs, près Kaet-cheou, à » douze lieues du port de Ing-tse. Or, tous ces pays sont sous » ce ciel de fer qui vous est connu, celui de la Mandchourie ; » parfois 40 degrés au-dessous, et, en juillet, 40 degrés centi- » grades au- dessus de zéro; peu de printemps, peu d'automne. » Mûriers mâles, c'est-à-dire qui ne portent pas de fruits; ce » sont, disent les indigènes, les meilleurs. Ces arbres, mâles » et femelles, viennent de boutures ou de sauvageons, et sans » plus d'apprêt. Ils suspendent les feuilles de papier, ou bien » les mettent sur une claie quelconque, dans un appartement » où il n'y a pas de feu, et surtout où il n'y a pas d'odeur du )> roux de cuisine. Ils préfèrent la première ponte à la » deuxième, surtout pour les reproducteurs. J'étais loin de PROCÈS-VERBAUX. 2/|l » penser que l'essai de celte soie, ces graines pussent être » utiles, lorsque M. Dabry m'en fit la demande. Chemin fai- » sant, je lui remis à Chang-hae une bonne moitié de ce que » j'avais pu trouver, avec les renseignements ci-dessus, me » réservant d'offrir moi-même à Votre Excellence cette autre » moitié. » — Des remercîments pour les graines de Vers à soie qu'ils ont reçues, sont adressés par MM. de Saulcy, Raymond, Mariot-Didieux, Nourrigat, Moulin, Piston, marquis de (lines- tous, Fumet, le Président de la Société néerlandaise pour le progrès de l'industrie, le marquis Séguier de Saint-Brisson, et le marquis de Sclve, et par mesdames Boucarut, Broët et G. Dessaix. — M. le marquis de Gineslous transmet, au nom de M. Nourrigat, de Lunel, des spécimens de cocons de Vers à soie du Mûrier, blancs et jaunes, et douze exemplaires de X Almanach séricicole pour 1870, renfermant une notice de M. Nourrigat sur la culture des Mûriers et un extrait de la traduction par M. Léon de Uosny d'un ouvrage japonais sur la sériciculture, pour ce qui concerne \es?narques des carions de graines provenant du Japon. — Remercimeiits. — M. A. Nonay, de Toulon, adresse un rapport sur le Cheptel qui lui a été confié par la Société, et donne les détails suivants sur ses cultures : « Je possède une propriété dans le » coin le plus abrité du littoral méditerranéen, et le thermo- » mètre y descend rarement à zéro. Pendant les froids ri- » goureux de la lin de décembre, rien n'a souffert chez moi, » à l'exception de X Eucalyptus globulus, dont les feuilles » seules se sont desséchées sous l'influence du mistral; les )> Orangers et Citronniers n'ont pas été atteints. Parmi les » Palmiers, objets de tous mes soins, il m'a été permis de » constater la rusticité des espèces suivantes : Corypha aus- ) traits, Latania borbonica, Cliamœrops excelsa,Jubœa spec- » taôilts, Seaforthia elegans, Cocos flexuosa ; le Cocos aus- » traits a légèrement souifert; le Musa ensete a parfaitement » résisté. Toutes ces espèces ne craignent pas un froid de 3 ou f> h degrés, pourvu que le vent ne souffle pas. Je pourrais 2e série, t. VII. — Mars et Avril 1870. 16 2/»2 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » étendre mes citations : mais notre confrère, M. Turrel, doit » vous faire un rapport à ce sujet; il y sera mentionné l'en- » quête sur l'effet du froid par la Société d'acclimatation du » Var. J'ajouterai seulement que mon dernier pied de Cm- » chona a été légèrement atteint dans ses feuilles. Les graines » que vous m'avez envoyées n'ont pas encore poussé, quoi- » que semées avec tout le soin possible. Les glands de Chênes )> trufïiers sont en terre. » — M. l'abbé Furet fait don de quelques oignons de Lys et de Narcisse du Japon, d'un fragment de tige d'un Meriesper- mum ? et d'une patte d'un animal du Japon sur lequel les habitants ont une légende fabuleuse. — Des remerciments pour les graines et plantes qu'ils ont reçues sont adressés par MM. Bouchard, de Glatigny, J. Dausse. — M. Pépin fait hommage d'un rapport sur le Pinus muri- cata, Don. et divers autres arbres cultivés dans le domaine d'Hareourl. — Remerciments. — M. Ch. Dennet, de Boulogne-sur-Mer, adresse un extrait de la France du Nord, du 29 décembre 1869, sur la RamiéeX sa culture. M. le Secrétaire fait remarquer que le gouvernemenl <\^ Indes, sur la proposition des Sociétés d'agriculture et d'horti- culture, vient de proposer un prix de 5000 livres ("25 000 francs) pour l'invention d'une machine permettant la sépara- tion facile et peu coûteuse des fibres de R/teca ou China-gras^ et qui pourrait être substituée au travail à la main qui est trop cher. — 11 est déposé sur le bureau, un numéro des Comptes rendus de la chambre d'agriculture de Maurice, dans lequel sont publiés divers documents relatifs à l'introduction dans cette colonie de Cannes à sucre du Brésil. M. le Secrétaire rappelle qu'un premier envoi fut fait à la sollicitation de la Société, en 1868, par le gouvernement im- périal du Brésil, mais que les longueurs du voyage et la haute température de la mer Rouge avaient influé d'une manière désastreuse sur les Cannes destinées à Maurice. En présence PROCÈS-VERBAUX. 243 de ce fâcheux résultat, le gouvernement du Brésil voulut bien, sur une nouvelle demande de notre Société, faire un nouvel envoi par la voie de France et Egypte, en même temps qu'il prenait des mesures pour en faire un troisième par la voie du Cap. Il résulte des pièces qui viennent d'être trans- mises à notre Société que les Cannes, venues par voie de France, avaient été soigneusement choisies et parfaitement emballées ; aussi sont-elles arrivées toutes, à l'exception d'une seule, dans un excellent état au jardin des Pamplemousses, après un voyage de près de quatre mois. On doit signaler, dans la lettre de M. de Capanema, notre délégué à Rio-de-Janeiro, deux faits nouveaux et importants et sur lesquels des renseignements plus circonstanciés vont lui être demandés. Il s'agit, d'une part, de' l'existence d'une Canne, dite Sistade (variété rayée violet et jaune et quelque- fois violet et rose), qui se serait développée spontanément dans une culture de Cannes d'Otaïti, à une grande distance de Cannes violettes : y aurait-il là un fait d'hybridation entre les fleurs de ces deux Cannes? Le second fait est relatif à la for- mation par grefïe d'une variété qui se serait maintenue fixe. Il sera aussi désirable d'obtenir de M. de Capanema quel- ques renseignements plus circonstanciés sur l'origine de la Canne impériale, qui ressemble beaucoup au Tebœ djœng- djœng du Japon, et sur celle de la variété Ulea, qui a de l'analogie avec le Saccharum chineuse cultivé avec tant de profit à Port-Natal, d'après le docteur Meller. Une dernière question, qu'il sera également désirable de voir résoudre par M. de Capanema, est de savoir si les Cannes de Maurice, in- troduites au Brésil il y a une quinzaine d'années par M. Herbot, y ont été prises^de maladie : on sait déjà par M. Walter Hill que les mêmes espèces, introduites à Bourbon, il y a sept ans, ont échappé jusqu'à ce jour à la maladie. A ce propos, M. Chatin pense qu'on pourrait faire appel à notre confrère M. Sillan pour se procurer des Cannes à sucre de la Louisiane. M. Sillan se met à la disposition de la Société, et dit qu'à i;i Louisiane on ne connaît pas de maladie de la Canne, excepté 2/|/i SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. la présence d'un petit insecte, qui attaque les yeux de la plante quelque temps après sa mise en terre. — M. E. Simon fait hommage d'un exemplaire du Bulle- tin de la Société internationale des études pratiques d'éco- nomie sociale, dans lequel il a publié un exposé des mœurs et des institutions de la Chine, — Remerciments. — M. le Président informe la Société que le Conseil, sur la proposition de la Commission des récompenses, a décidé que M. le docteur Hooker, directeur du Jardin royal de Kew (An- gleterre), serait proposé au suffrage de l'assemblée comme membre honoraire, à titre de récompense pour son concours dévoué àla propagation, dans diverses contrées, des végétaux les plus utiles. L'assemblée adopte cette proposition, à l'una- nimité. M. le Président fait, en outre, connaître que la Commission des récompenses a décerné à feu M. le professeur Sars (de Christiania) le prix de 500 francs pour travaux de zoologie pure. — M. E. Vavin, à propos de la correspondance, fait con- naître que les Eucalyptus ont beaucoup soutïert cet hiver à Toulon. — M. Grandidier communique la lettre suivante de M. Nau- din : « Les Eucalyptus sont des arbres précieux, et ils vien- » nent à peu près aussi bien et aussi vite en Provence qu'en » Algérie ; toutefois, ils ne donnent pas leur produit gratis. » Il leur faut, pour prospérer, une terre riche, profonde et » bien irriguée, faute de quoi ils restent chétifs ; de plus, à » cause de leur tendance à filer sur une tige qui reste long- » temps grêle comparativement à leur hauteur, le mistral et » les autres vents violents les saccagent. J'ai vu chez M. Hu- » bert et Cc, à Hyères, un très-bel Eucalyptus, âgé de six » ans, dont le tronc, déjà gros comme le corps d'un homme, » a été tordu et brisé comme une paille par le vent. Enfin, » Y Eucalyptus a presque le même tempérament que l'Oran- » ger; il gèle à 7 degrés au-dessous de zéro, ce qui limitera » fort sa culture en France. Il ne faut donc pas croire, ce » que les journaux se plaisent à répéter, qu'on pourra reboiser » le midi de la France avec des Eucalyptus et surtout en FROCÈS-VERBAUX. 2/|5 » couvrir les montagnes dénudées ; ce serait se bercer d'un » fol espoir. L' Eucalyptus, en un mot, ne réussira que sur » les bonnes terres et dans les mêmes conditions olimatériques )> que L'Oranger; toute la question alors se réduira à savoir » quelle sera la culture la plus productive en de tels lieux. » M. Richard (du Cantal) ne pense pas que l'irrigation de Y Eucalyptus soit nécessaire pour sa végétation ; il en a vu l'exemple en Corse, où croissent les Eucalyptus vigoureuse- ment, dans des situations nullement irriguées. M. Lecreuxfait connaître que M. Mares doit faire parvenir à la Société des renseignements sur la culture de V Eucalyptus en Algérie. • — M. le Président offre à la Société le premier numéro du journal The Food. — M. Richard (du Cantal), dépose sur le bureau un nou- veau volume de M. de la Blanchcre sur les Oiseaux utiles et nuisibles. — Remerciments. — M. Geoffroy Saint-Hilaire donne lecture d'un passage d'une lettre de M. Maurice Girard, membre de la Société , ainsi conçu : « J'ai mis en surveillance, sous grillage, les cocons » îYAttacus Yama-maï, que vous m'avez adressés et qui sont » présumés contenir YOudji (4). L'Oudji est le fléau de la » Chine et du Japon ; il y fait des ravages considérables. » M. Pasteur a reçu autrefois, dans l'alcool, des Chrysalides » de cet insecte avec la larve ; mais je n'ai pas connaissance » qu'on l'ait encore vu adulte en Europe. Tout ce qui » éclora sera piqué, décrit et envoyé aussitôt à notre Société. » M. le directeur du Jardin d'acclimatation entretient la So- ciété des croisements qui ont été obtenus du Faisan vénéré mâle uni à des Faisanes communes. Il donne lecture d'une lettre qui lui a été adressée par M. Mânes, régisseur du château de Sivry, appartenant à M. le vicomte Àguado ; cette lettre est ainsi conçue : « Sivry, !c 17 février 1870. » Le Coq Faisan vénéré qui a été acquis l'an dernier au Jar- (1) Voyez procès-verbal de la séance du h février 1870. 24<) SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLQGIQUË D'ACCLIMATATION. » din d'acclimatation par M. le vicomte Aguado, a été mis en » parquet avec six Poules communes. Il a produit 65 Faisan- » deaux, dont 15 Poules et 50 Coqs. Les couvées ont très-bien » réussi ; les Faisandeaux sont nés robustes. Ils ont été placés » dans des boites renfermant les mères; ils pouvaient entrer » et sortir à volonté. Les boîtes ont été posées à égale dis- » tance les unes des autres dans des allées garnies d'herbe; » de cette façon, les Faisandeaux ont pu trouver des insectes » en abondance. » J'ai trouvé que ces Faisandeaux dépensaient moins que » les Faisans communs. » Tous les Faisans vénérés métis éclos sont venus à bien, » sans perte. » Ces oiseaux se chassent parfaitement au Chien d'arrêt ; » ils s'enlèvent presque verticalement, à une hauteur plus » grande que les Faisans ordinaires; ils se sont très-bien can- » tonnés ; lâchés au mois d'octobre, ils n'ont pas changé de » canton. » » Les renseignement contenus dans cette lettre, dit M. Geof- » froy, ont été complétés par M. le vicomte Aguado, qui m'a fait j écrire, en date du 21 février dernier, que la chair des Faisans » vénérés croisés était très-bonne à manger. « La Faisanderie de la forêt de Saint-Germain, continue » M. Geoffroy, 'a aussi élevé des Faisans vénérés métis. Le » 20 décembre dernier, deux de ces oiseaux ont été tirés par » l'Empereur. » M. Fouquier de Mazières, inspecteur des domaines et fo- » rets de la Couronne, en résidence ta Saint-Gcrmain-en-Laye, » a bien voulu me faire part de ses observations sur les Fai- » sans vénérés métis; elles concordent absolument avec celles » qu'a faites M. le régisseur du château de Sivry. » J'ajouterai, à cette occasion, que les Axis qui ont été lâchés » dans la forêt de Saint- Germain prospèrent, malgré la ri- » gueur des hivers qu'ils ont eu à subir. Le nombre actuel de » cesCerfs indiens, aujourd'hui acclimatés et vivant à l'état sau- » vage à Saint-Germain est de quarante environ ; l'Empereur, » le II janvier dernier, a tué, dans les tirés de Mari y, trois PROCÈS-VERBAUX. • 247 » Axis. Ces animaux se sont, paraît-il, bien cantonnés, et » s'écartent peu des lieux où ils ont été placés. » M. Chatin ne croit pas que l'introduction du Faisan vé- néré puisse se faire avec de grands avantages, et pense que le Faisan commun lui est préférable pour le poids et la rus- ticité. îl pense qu'on devrait faire des essais de réintroduction de la Perdrix rouge dans les localités d'où elle a disparue. 11 a pu multiplier chez lui. aux environs de Rambouillet, celte espèce, qu'il avait tirée de Saint-Fargeau, en assez grande quantité pour qu'il commence à la chasser : les œufs, mis en incubation sous une Poule, sont, aussitôt après leur naissance, expédiés dans une boite garnie de coton, tandis que la couveuse st mise dans un panier ; en vingt-quatre heures, ils arrivent, à Paris, où on leur donne quelques œufs de Fourmis, et, dès le lendemain, ils sont mis en liberté dans sa propriété. M. Geoffroy pense que le Faisan vénéré viendra varier les ressources des chasseurs. Cet oiseau, un tiers plus gros que le Faisan de Bohême, est très-rustique et n'a que l'inconvénient d'être très-brillant, de présenter des taches blanches à la tête et d'offrir une queue très-longue, ce qui facilitera le tir de cet oiseau : on ne sait pas encore s'il se cantonnera ou non. M. le marquis de Sinéty dit que le Faisan vénéré est très*- commun à Pékin, où il est considéré comme sec et dur. M. A. Geoffroy répond que l'influence de la nourriture modifiera sans aucun doute ces qualités, comme il a eu lieu de le constater pour le Tinamou. M. de Sinéty dit que la Perdrix rouge a disparu surtout, depuis la destruction des haies et halliers, et a été remplacée par la Perdrix grise. M. Chatin ne conteste pas que la Perdrix rouge diminue avec les halliers ; mais elle accepte les endroits boisés et surtout rocheux et c'est dans ces conditions qu'il en tente la réintro- duction. M. Geoffroy Saint-Hilaire donne lecture des lettres suivantes, qui lui ont été adressées, l'une par M. Coignet, l'autre par M. 1- laines de pieds d'élévation l'enferment comme une ceinture. » Les flancs en sont inaccessibles au chasseur le plus intré- » pide. Cette disposition est l'explication de mon insuccès. » Les faits que j'ai constatés et que je puis affirmer sont » les suivants : le nombre des compagnies de Colins a aug- » mente; je ne crains pas de dire qu'ils sont plus gros et plus » vigoureux que ceux mis en liberté; enfin, la Perdrix rouge, » si agile et si élégante en piétant, parait lourde et disgra- » cieuse en comparaison de l'allure légère et orgueilleuse, si je » puis me servir de cette expression, des Colins, qui marchent » la tête levée, un peu en arrière et la crête au vent. Les com- » pagniessont de dix-huit à vingt sujets. 11 n'est pas rare de » voir deux ou trois compagnies réunies. Lorsque les Colins » sont pressés par les Chiens ou chassés par le bruit, ils s'élan- s> cent d'un seul coup d'aile, soit sur un arbre, soit sur un » rocher. Voici, Monsieur, tous les renseignements que je » puis vous donner. Soyez assuré que tous ceux qui me par- » viendront vous seront transmis tout de suite ("2). » « Dans les premiers jours du mois de septembre dernier, je (1) Voyez au Bulletin, tome VI, 2° série, page 509, la note publiée par M. Geoffroy Saint-Hilaire sur la Multiplication des Colins en liberté. ^2) Lettre de M. L. Coignet. PROCÈS-VERBAUX. &&9 » me trouvais en ouverture de chasse sur les bords de l'Ain, » chez M. Louis Coignet, hameau de Confians, commune de S Corvaissint. Par une chaleur torride, je descendais vers la » rivière, marchant sous des arbres, lorsqu'une troupe d'oi- » seaux bruns partit des branches d'un hêtre, au-dessus de » ma tète, et je ne pus savoir d'abord à quel gibier j'avais » affaire, bien que la faune de cette région de la France » me fût connue depuis longtemps. Les oiseaux étaient au » nombre de dix-huit ou vingt. Ils volaient serrés comme les » étourneaux, dont ils représentaient assez bien la couleur et » les allures ; mais ils étaient plus volumineux. La crainte de » blesser des personnes qui suivaient un chemin tracé le long » du coteau m'empêcha de tirer, mais je pus, à loisir, suivre » des yeux la compagnie qui s'éleva avec aisance contre la » montagne et se posa, après un vol de 300 mètres, parmi » des rochers garnis de broussailles et de bruyères. Je vis » ensuite deux ou trois de ces oiseaux bruns grimper en » voletant contre les escarpements des rochers ; d'où je con- » dus que la troupe gagnait les régions supérieures. Les » porte-carniers et les gens du pays, questionnés sur ce fait, » furent unanimes à signaler une compagnie de Colins. Ils » affirmèrent en connaître plusieurs dans un rayon de trois » lieues. Voici les renseignements que je pus recueillir sur » place touchant les mœurs de ces oiseaux. On les rencontre » rarement, parce qu'ils se tiennent dans des escarpements de » rochers inaccessibles; ils y nichent, y dorment et s'y reti- » rentà la moindre alarme. Leur nourriture se compose d'in- » sectes, des baies variées que produisent les buissons des » montagnes, des graines de buis, de bruyère et de gramens. » Si j'en juge par la belle et nombreuse compagnie que j'ai » vue, ils doivent bien se défendre contre l'oiseau de proie, la » bête puante et même le chasseur. Plusieurs fois je passai à » la même heure dans les lieux où je les avais fait lever, sans » parvenir à les rencontrer de nouveau. De tout cela je crois » pouvoir conclure que le Colin est acclimaté dans les monta- » gnes du Bugey ; qu'il trouve dans les escarpements du roc » jurassique et dans la flore qui en dépend, les conditions de sa 250 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » prospérité ; enfin qu'il est destiné à s'y maintenir et à s'y » multiplier. » — M. le directeur du Jardin d'acclimatation annonce l'ar- rivée au Jardin du bois de Boulogne de deuxGrues du Japon, qui lui ont été adressées par M. II. Degron, directeur des Postes, à Yokohama. M. Degron, à l'occasion de cet intéressant envoi, a écrit à M. Geoffroy Sainl-Ililaire une lettre dont nous extrayons ces lignes : «Je viens enfin de réussir, après mille fatigues, à me )> procurer deux Grues du Japon, ces fameux oiseaux que les » Japonais respectent tant et dont la vente est interdite sous » les peines les plus sévères. J'espère avoir mâle et fe~ » m elle. » Les Grues qui nous sont arrivées, ajoute M. Geoffroy Saint- Hilaire, sont des Grues blanches de Chine, espèce décrite autrefois par Vieillot sous le nom de Grus viridirostris, et depuis par le prince Charles Bonaparte, sous le nom de Grus Alonligncsia. Celte belle espèce d'Échassiers avait déjà été importée en France, en 1.854, par M. Ch. de Monligny, alors qu'il revint de Chine, et, à plusieurs reprises, la reproduction de ces Grues a été obtenue à la ménagerie du Muséum d'histoire naturelle de Paris. L'intéressant envoi de M. H. Degron est venu nous prouver que la Grue blanche de Chine, qu'on désigne plus communé- ment sous le nom de Grue de Mantehourie, appartient à la faune Chinoise et en même temps à la faune Japonaise. Les Grues propres au Japon sont les suivantes : Grus mo<- nacha, Grus leucogeranos, .Grus leucauchen. De ces trois espèces, une seule jusqu'ici, la Grus leucauchen^ a été im- portée vivante en Europe, et cela dans ces derniers jours. C'est le Jardin zoologique d'Amsterdam qui a eu la bonne fortune de recevoir ces oiseaux rares. Je ne saurais parler de l'envoi que vient de faire au Jardin d'acclimatation M. IL Degron. sans le remercier publique- ment de la sollicitude qu'il montre pour notre établissement. La Société n'a pas oublié (pie déjà, l'an dernier, nous avons dû PnOCKS-YRRP.AUX. 251 à M. Degron l'importation de plantes Japonaises dn plus haut intérêt, et dont un certain nombre étaient nouvelles (voyez au Bulletin, 1869, p. 470.) — M. Geoffroy Saint-IIilaire donne lecture du passage suivant une lettre de M. Naudin de l'Institut : « 11 serait possible que le Cocos jativa fut le Cocos yataï de d'Orbigny, Palmier dont l'introduction serait fort à désirer, car c'est un des plus rustiques de la famille et probablement l'égal sous ce rapport du Juhma spectabilis, qui est rustique même à Mont- pellier, où les hivers ne sont pas doux. De plus, c'est un arbre fruitier de premier ordre, et môme un arbre agricole, en ce sens que les noyaux huileux de ses grosses drupes sucrées sont fort recherchées du bétail qu'ils engraissent rapidement. La Société d'acclimatation rendrait un vrai service aux cullivatcurs Provençaux et Algériens en intro- duisant en France une bonne quantité de graines de ce Cocos yataï. » — M. le directeur du Jardin d'acclimatation annonce qu'il a reçu un nouvel envoi de graines de plantes Japonaises, qui lui ont été adressées de Yokohama, par M. le comte Gustave de Montebello (voy. procès-verbaux des séances du 21 janvier et du /i février 1870). En outre de ces graines, dont la plus grande partie sera remise aux membres de la Société, l'envoi contenait un cer- tain nombre d'Oignons et de Bulbes de Liliacées appartenant à plus de douze variétés différentes. — M. Geoffroy Saint-Hilaire met sous les yeux de l'assem- blée un bouquet de Bruyères blanches odorantes, qui lui ont été adressées de Brest, par M. du Quilio, capitaine de vaisseau de la marine impériale. En adressant ces fleurs et un pied de Bruyère enraciné, M. le commandant du Quilio a donné sur celte plante les détails suivants : « La Bruyère odorante en arbre, de la Pro- » vence, a été introduite en Bretagne par la marine; elle est. » due à M. Paugam, qui s'était mis en relations avec M. Bo- » bert, jardinier-chef du Jardin de la marine à Toulon. Le » premier arbre de celte espèce doit encore exister au Jardin 252 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » de Brest, à l'angle d'un carré. Je me suis occupé très-sou - » vent, avec M. Paugam, de la propagation de ces plantes » au moyen de boutures faites dans de petits pots sur la » branche. J'ai rapporté de Toulon à M. Paugam, en 1840, » des graines de cette môme Bruyère qui m'avaient été don- » nées par M. Robert; ces graines ont parfaitement réussi. » Cette Bruyère est aujourd'hui acclimatée en Bretagne et » surtout dans les environs de Brest, où elle se ressème et » pousse admirablement. La neige est son plus grand ennemi, » car son poids fait briser les branches; cette bruyère » demande à être coupée, taillée, pincée, pour que l'arbre se » concentre. La fleur, blanche, belle, odorante, est un magni- » fique ornement pour les parcs, dans le mois de février, et » pour les vases de fleurs. » Je me suis adressé, dit M. Geoffroy Saint-Hilaire, pour com- pléter ces renseignements, à M. Blanchard, l'habile directeur du Jardin de la marine à Brest; il a bien voulu répondre à mes questions par la lettre suivante : « En réponse à votre lettre du 5 courant, voici les renseignements que je puis vous donner sur les Bruyères qui existent à Brest, dont M. Du Quilio vous a parlé. La Bruyère que nous cultivons est XErica arborea (Lin.) ; elle est originaire du midi de la France, de l'Espagne et du nord de l'Afrique, elle a été apportée de graines à Brest dans un jardin particulier, où il en existe encore beaucoup, en 182/i ou 1 825, et le premier pied qui ait été planté se voit encore au Jardin botanique, où il a été planté en '1826, par M. Noël, qui était alors jardinier en chef; il mesure aujourd'hui 5 mètres 10 de hauteur, et son tronc, au niveau du sol, se compose de deux branches, qui ont chacune ZiO centimètres de circonférence ; il est dans un très-mauvais état, et nous nousattendons tous les jours à le perdre. Celte Bruyère n'existe pas à l'état sau- , vage dans les environs de Brest; mais partout où il se trouve un jardin et dans les cimetières, on la rencontre assez com- munément; elle se multiplie assez facilement de graines, et relève d'elle-même dans les bordures de Buis. L'époque de sa floraison est ordinairement du 1er au 15 mars ; sa fleur procès-verbaux; 253 » est d'un blanc rose et très-odorante, surtout dans le milieu » du jour. Du temps de M. Paugam, mon prédécesseur, ces » Bruyères étaient coupées, taillées en forme plus ou moins » coniques, et demandaient beaucoup de travail pour les tenir » propres ; aujourd'hui, je les laisse venir en liberté ; elles sont » beaucoup plus propres et donnent des fleurs en plus grande » quantité. Si vous désirez en faire un essai au Jardin d'ac- » climatation, permettez-moi de vous en offrir quelques » jeunes pieds, que je vous ferai passer dans quelques jours » par l'entremise obligeante de M. Mohé, médecin de la ma- » rine, qui doit aller à Paris sous peu ; et si vous désirez en » connaître la fleur, je vous en enverrai un bouquet vers » le 15 mars prochain. Nous avons encore une autre espèce » de Bruyère méridionale qui est aussi belle, mais qui n'est » pas odorante; elle est plus précoce d'un mois environ ; » c'est YErica polytrichifolia (Lin.); mais je la crois aussi » plus délicate; vous en trouverez ci-joint un petit rameau. » — M. Geoffroy Saint-Hilaire dépose sur le bureau de la So- ciété une note de M.'J. Gornely van Heemstra, membre de la Société, sur le Kangurou de Roche (Petragale Xanthopus) et les multiplications obtenues de cette espèce nouvellement im- portée d'Australie (voy. au Bulletin). — M. Geoffroy Saint-Hilaire dépose sur le bureau de la So- ciété une note de M. Alexandre Mairet, faisandier au château de Ferrières, relative aux multiplications d'oiseaux qui ont été obtenues par ses soins dans ces dernières années (voy. au Bulletin). — M. Geoffroy Saint-Hilaire lit un travail de M. Durand, membre de la Société, directeur de la bergerie impériale de Ben Ghicao (près Médéah, Algérie). Ce travail est relatif aux Chèvres d'Angora qui sont entretenues à la bergerie impériale et aux avantages que peu donner dans la colonie la propagation de cette race caprine (voy. au Bulletin). M. Chatin exprime, sous toutes réserves, la crainte que la Chèvre d'Angora ne puisse rivaliser avec la Chèvre ordinaire pour le lait et la rusticité, ni avec le Mouton pour la chair ; les résultats observés en France ont laissé à désirer, et il faut '2hll SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D 'ACCLIMATATION. être très-réservé dans l'appréciation de ce qui se présentera en Algérie. M. A. Geoffroy Saint-IIilaire fait observer que, depuis l'in- troduction des Chèvres d'Angora, le poil n'a pas dégénéré, ce qui est en faveur de la continuation de l'élevage. Il y a une quarantaine d'années, il y a eu une introduction de Chèvres du Thibet; que sont-elles devenues? On les a délaissées, parce que leur duvet avait disparu sous l'influence de nouvelles con- ditions climatériques, fait identique avec celui qu'on a observé sur les Yaks. Chez la Chèvre d'Angora, ce n'est pas un duvet, c'est un vrai poil, qui a gardé toutes ses qualités, finesse, lon- gueur et ondulation, mais qui a l'inconvénient de tomber à une mauvaise époque de l'année. La Chèvre d'Angora est mau- vaise laitière, cela est vrai; mais, d'après M. Durand, en Al- gérie elle donne autant de lait que la Chèvre du pays ; ses Chevreaux sont meilleurs, sa chair de qualité supérieure, ce qui encourage à en faire l'éducation. Aujourd'hui l'acclima- tation de la Chèvre d'Angora est accomplie; il ne reste plus qu'à se rendre compte de ce qu'elle coûte dans une exploitation agricole, pour savoir si l'on doit en continuer la propagation. On eii forme à la Plala, à Cordoba, au Cap de Bonne-Espé- rance, des troupeaux immenses qui, par le métissage et le croisement toujours répété avec un bon type, ont amené à des résultats magnifiques. M. Richard (du Cantal) ne sait pas si la Chèvre d'Angora pourra réussir en Algérie ; mais elle ne réussira pas en France, où elle adonné de mauvais résultats chez les diverses personnes qui se sont occupées de sa culture; sa chair, très- lymphatique, la prédispose à la cachexie aqueuse; sa peau est mauvaise pour la ganterie, elle donne peu de lait, sa toison ne permet pas de la mener paître dans les endroits rocailleux. Toutes ces con- ditions font abandonner la Chèvre d'Angora, qui n'est pas bonne pour la France. Il y a quarante-cinq ans que les expé- riences ont clé commencées, et, depuis le président delà Dour- daignes jusqu'à nos jours, elles n'ont pas donné de résultats satisfaisants. M. Geoffroy désire que la Société ne formule pas encore PROCÈS-VERBAUX^ 255 une décision définitive ; les essais n'ont pas encore été faits dans cle bonnes conditions économiques. M. Cliatiii insiste sur les inconvénients que présente la Chèvre d'Angora cle donner une toison peu abondante, qui tombe à une époque mauvaise, et dont elle perd la majeure partie aux buissons. Il y a dix-sept ans qu'on a commencé son élevage en France, et sans succès ; que sera-ce en Algérie? 11 ne croit pas qu'on doive encourager son acclimatation. M. Ramel demande s'il est vrai qu'on ait croisé la Chèvre d'Angora avec le Mouton, comme le disent les Américains? Ce serait important, car la laine-poil est très-recherchée par l'in- dustrie, et le Lama ne suffit plus. M. Richard (du Cantal) a vu la saillie du Bouc avec la Bre- bis, mais n'en a jamais eu de produits. M. A. Geoffroy dit que des essais de ce genre se font eu ce moment en Algérie, où M. de Bray cherche à faire le Chabin. — Des graines cle divers végétaux sont offertes par MM. le docteur Turrel, Collardeau, Auzende, Audibert, E. Vavin, Laralte-iiriot, Engaurran, et Mme Boucarut. — Remercîments. — La Société vient de recevoir en très-bon état les graines de Vers à soie du mûrier, que lui a adressées S. Exe. i\î. le général Khérédine, de Tunis. Des remercîments seront trans- mis pour cet envoi important. Le Secrétaire des séances, J. L. SOUBEIRAN. III. CHRONIQUE. Educations de Vers à soie étrangers. En 1869, M. Herm. Wolffde Golha fit parvenir à la Société de Berlin des graines de Bombyx mori de Syrie, de provenance directe. A leur arrivée, le h juin, res graines avaient déjà donné de nombreuses éclosions, circon- stance à laquelle a été attribué lïnsuccès complet de deux éducations (MM. Hecese et Bouché de Berlin), tandis qu'une troisième, faite avec le restant des mêmes graines, par AI. Tœpiïer, à Stetlin, a donné d'excellents résultats. Les Vers sont bivoltins, et la race est identique avec le Bombyx mori du Japon. Cette dernière espèce a été élevée avec le plus grand succès à Caput (Prusse), par le capitaine Wagner, qui n'a pas eu un seul Ver ma- lade sur vingt-deux livres et demie de cocons de première qualité. Le Bombyx Cynthia (de l'Ailantus), paraît complètement acclimaté dans la Silésie autrichienne, Des graines de B. Yqma-maï importées directement en 1869, ont donné partout des vers malades, ce qu'on attribue à un transport effectué dans de mauvaises conditions. D'après un des éleveurs les plus expérimentés, M. Zlick, à Bielitz (Silésie autrichienne), tous les envois de graines du Japon ont été abîmés en roule, sauf celui de 1SG3; les Vers provenant de ce dernier sont parfaitement sains. Il ne sullil cependant pas d'avoir de ces dernières graines (de MM. Mack, de Bretton et plusieurs autres), pour obtenir de bons résultats, il faut observer les points suivants : Ne leur donner que des feuilles fraîches; mettre dans l'eau les branches aussitôt coupées ; ne prendre que des branches d'un pouce de diamètre; changer les branches tous les jours au commencement, et plus tard au moins tous les deux jours. M. Zlick croit le B. Yama-maï destiné à rendre de bons services en Autriche. Saturnia Mylitta, Versa soie du chêne de l'Inde. Sur 150 éclosions, M. Zlick a eu 107 cocons; 13 chenilles avaient péri piquées par des araignées ou s'étaient échappées. Le Saturnia mylitta est beaucoup plus robuste que le B. Yama-maï ; des Vers tombés à terre et qui avaient été roulés dans la poussière ou même blessés, si; sont parfaitement remis. Pas un n'a été ma- lade. Les cocons sont immenses, surtout ceux des femelles; cinquante de ces derniers pèsent un demi-kilogramme. L'apparence du cocon n'est pas en sa faveur. Il est d'un brun souvent très-foncé. La soie cependant est d'un beau blanc, l'eau dissolvant la matière colorante. M. Zlick regarde le Saturnia mylitta comme la meilleure acquisition de toutes et croit que les éducations pourraient se faire en plein air comme pour les B. cynthia et Yama-maï. Quant au Ver à soie du Sureau, Saturnia Cecropia, de Pcnsylvanie, M. Zlick, qui en a élevé une fois il y a plusieurs années, ne croit pas qu'il donne un produit d'une très-grande valeur. Ces doutes semblent être con- firmés par les expériences de M. Ed. Karl, de Pragus, qui en loue cependant la rusticité. M. Karl offre des graines de Saturnia Cecropia. (Journal d'ac- climatation de Berlin, 1869.) Paul Voelkel. I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE (1). NOTE SUR LES MULTIPLICATIONS D'ANIMAUX Obtenues au Jardin zoologique d'Anvers. LETTRE ADRESSÉE A M. GEOFFROY SAINT-H1LA1RE, Par M. J. VEHEMAKS, Directeur de cet établissement. Vous me demandez un travail sur les multiplications d'ani- maux faites depuis quelques années au Jardin zoologique d'Anvers; pardonnez-moi si je vous réponds par une nomenclature un peu aride et par quelques observations pratiques qu'une plume plus expérimentée présenterait avec moins de sécheresse ; mais en matière d'acclimatation et de reproduction, les succès qu'on obtient dépendent parfois, vous le savez, de détails si minimes, que de telles expériences sont plus faciles encore à faire qu'à raconter. Parmi nos élèves, je citerai d'abord les Lions, dont une belle paire a produit annuellement et cela pendant quatre ans. Nous avons eu deux fois des Léopards des Indes. Plusieurs Singes Macaques sont nés au local de la Société ; nous avons aussi obtenu, il y a quelques semaines, ce qui est plus remar- quable, un jeune singe Lion (Jacchus Rosalia) , qui malheu- reusement n'a vécu que quelques heures et dont la mère est morte peu de jours après. Depuis un mois, nous avons obtenu un jeune Mandrille mâle qui est parfaitement et soigneusement élevé par sa mère. Les Tiennes produisent régulièrement depuis quatre ans et nous espérons une nouvelle génération de Nylghaux. Depuis dix-huit ans, nous n'avons cessé de voir se multiplier les Cerfs Axis et Hippelaphes, ainsi que les Kanguroos de Bennelt et (1) La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletin. 2e série, T. VII. — Mai 1870. 17 258 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Géants. Nos Mouflons à manchettes placés sur colline rocail- leuse, où ils s'ébattent en liberté, nous donnent aussi les meilleurs résultats ; il en est de même des Yacks, des diverses espèces d'Antilopes, des Cerfs cochons, Porcs-épics, Sangliers, Agoutis, Tatous, Zébus, Lamas, Zèbres de Burchell, Élans du Cap, Gazelles Corinnes et ordinaires, Chèvres de Cachemire, etc. Quant aux Oiseaux, le nombre de nos reproductions est infini, plusieurs sont d'une extrême importance. Les Canards Mandarins que nous avons été des premiers à faire produire, peuvent être considérés comme complètement acclimatés ; ces oiseaux, élevés d'abord comme en serre chaude, vivent aujour- d'hui en plein air. Le Jardin zoologique d'Anvers est le premier qui ait obtenu des reproductions du Cygne noir et qui ait construit une volière pour les Perruches ondulées dont la reproduction est devenue, depuis, générale en Europe. J'ai trouvé le premier mâle de Perruche ondulée chez un marchand d'oiseaux au Havre, je crois en 1847, et la reproduction de ces jolis oiseaux a commencé à Anvers à peu près trois années plus tard, toutefois en petit nombre. C'est seulement depuis 1860 que nous en faisons la reproduction en grand. Un Casoar Emeu, qui a vécu plusieurs jours, a été éclos par l'hydro-incubateur. Parmi les Gallinacés, je citerai le Lophophore, le Crossopti- lon,leTragopan, le Polyplectron, les faisans deSœmmerring, de Swinhoë, versicolores, les Euplocomes et plusieurs autres espèces de Faisans de moindre importance; des Hoccos, et des Marails, les diverses espèces de perdrix, telles que : le Colin huppé de Californie (le premier Colin huppé que j'aie vu était, en 1850, dans la riche collection de feu Lord Derby; j'ai pu, après, en admirer toute une famille chez M. Deschamps, à Paris,) le Colin de Virginie, celui d'Adanson, le Colin plumi- fère, etc. Je donnerai ici quelques-uns des résultats obtenus au Jardin zoologique d'Anvers de 1869 : Une seule Poule de Hocco (Crax globiccra) a pondu six œufs qui ont donné quatre jeunes, dont trois ont pu être élevés (un mâle et deux femelles). MULTIPLICATIONS d'àNIMAUX. 259 Trois poules de Tragopan de Temminck (Ceriornis Tem- minckii) ont pondu dix-huit œufs, qui ont donné onze jeunes (cinq mâles et six femelles), qui tous ont été élevés. Douze poules de Faisans vénérés ont pondu environ 200 œufs qui ont donné 120 jeunes, dont quatre-vingts ont pu être élevés. Une femelle d'Eperonnier Chinquis (Polyplectron Bicalca- ratum) a pondu quatre œufs tous fécondés. Deux ont été couvés par la mère, deux ont été confiés à une poule domes- tique. Les deux œufs couvés par la femelle d'Eperonnier ont donné deux jeunes, qui ont été parfaitement élevés (ils sont mâle et femelle). Les deux œufs couvés par la Poule domestique nous ont donné deux jeunes, qui sont morts quelques jours après leur naissance. Une femelle d'Eperonnier de Gochinchine {Polyplectron Germant) a pondu deux œufs qui ont été couvés par elle-même et qui chacun ont donné un jeune bien portant, aujourd'hui tout à fait élevés. Ces deux jeunes oiseaux forment très- probablement un couple. Parmi les Palmipèdes, je citerai : les Cygnes noirs qui ont été importés pour la première fois dans notre jardin en I8/16 et dont nous avons obtenu la première reproduction en 1 8/18, nous eûmes alors trois jeunes, et l'année suivante six. Depuis cette époque nous avons des Cygnes noirs qui nichent trois fois par an et nous donnent jusqu'à quinze petits par an. Le Canard Mandarin a été importé à Anvers en 1848, nous avons obtenu en 1849 une reproduction de neuf jeunes, la seconde année de vingt-cinq jeunes et depuis nous en élevons une centaine par an. Le Canard de la Caroline se trouvait dans les collections de plusieurs amateurs avant la création des Jardins zoologiques. A cette époque, la reproduction était de peu d'importance. Notre établissement en élève depuis quelques années deux à trois cents par an. Parmi les échassiers, des Demoiselles de Numidie, des Ibis sacrés, des Poules sultanes se sont reproduits. Je termine ici cette énumération, bien incomplète, pour vous 260 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. communiquer quelques observations que j'ai été à même de faire pendant trente-cinq années d'expérience personnelle. Il n'y a pas, à mon avis, de règle fixe pour la conservation des œufs, ni pour le choix du local le plus propre à la re- production de certaines espèces d'oiseaux. J'en ai vu pondre dans des boîtes, dans des greniers, dans des volières très -ordi- naires, puis dans des conditions en apparence bien plus favorables, sans que le résultat différât sensiblement. Je dois dire pourtant que les Jardins zoologiques qui n'ont pas pour la reproduction un emplacement dont l'accès est interdit au public, sont moins favorables à l'élève des oiseaux. Il faut à ceux-ci de la tranquillité, bien qu'à la longue ils finissent par s'habituer à la circulation des visiteurs. J'ai, à proximité du jardin, une propriété particulière servant à l'élève des Faisans et qui nous rend les plus grands services. Quant aux œufs pondus, je recommande tout spécialement à mon faisandier de les enlever chaque jour et de les mettre dans une petite boîte remplie de son, la pointe en bas, en inscrivant sur chacun le nom spécifique de la pondeuse avec la date de la ponte. Les œufs sont rangés ensuite par espèce dans des bacs remplis de son et placés dans une cave bien sèche. Pour plusieurs espèces de Faisans, je n'enlève que les premiers œufs, c'est-à-dire tout au plus une douzaine, et j'abandonne les autres aux Poules faisanes qui donnent ordinairement le plus de jeunes et qui les élèvent beaucoup plus facilement. La meilleure couveuse, celle que l'emploie presque toujours, est la Poule métisse, provenant du croisement de l'espèce nègre avec la poule ordinaire. J'ai soin de faire surveiller de près les couveuses, pour voir si elles n'abandonnent pas le nid. Après le douzième jour de couvaison, il est bon d'examiner si les œufs sont fécondés, ce qu'il estfacile de reconnaître en les encadrant entre le pouce et l'index et en les regardant au jour. Si l'œuf est tout à fait rempli, si l'on ne voit pas le jour à travers, c'est qu'il est clair et il est inutile de le laisser sous la poule. Je recommande ce procédé, car il arrive fréquemment MULTIPLICATIONS D'ANIMAUX. 261 que les couveuses font défaut en pleine ponte. En réunissant les bons œufs par parts égales et en n'en plaçant jamais plus de dix sous la même poule, on a bien vite des couveuses dis- ponibles. Il est regrettable que les personnes qui s'occupent de l'importation des Oiseaux ne fassent pas venir des œufs frais des diverses espèces de Gallinacés , car d'après une expé- rience que j'ai pu faire, j'ai la conviction que les œufs con- servent très-longtemps leur force de germination. Un jour arriva de Mogador à Anvers un navire dont le commandant, me remit quelques petits œufs, reste de la pro- vision dont il s'était pourvu pour la traversée. Celle-ci, contrariée par les mauvais temps, avait duré plus d'un mois. Je plaçai ces œufs sous une bonne couveuse, sans grand espoir pourtant d'en obtenir un résultat; aussi, jugez de ma satis- faction et de mon étonnement quand, après une vingtaine de jours de couvaison, je me vis en possession d'une petite troupe de Perdrix Gambra (Perdix petrosa). Après l'éclosion des jeunes, il importe de ne rien leur donner et de ne pas les déranger pendant les vingt-quatre premières heures. Ils ont besoin, durant ce temps, d'un repos absolu. Après le premier jour, on met les poussins avec la mère dans une boite Gérard (boîte a élevage), en ayant soin de les laisser aussi tranquilles que possible pendant quelques jours. Pour toute nourriture, je leur donne des œufs de fourmis mé- langés avec de la verdure hachée, et je me garde surtout de leur donner à boire. J'ai eu la satisfaction d'élever ainsi avec succès plusieurs espèces de Faisans, en ayant soin seulement d'humecter d'eau leur nourriture composée de farine d'orge et d'avoine, d'œufs durs râpés et d'œufs de Fourmis mélangés avec de la verdure hachée. Il est important, après l'éclosion, de ne donner pendant quelques jours aux jeunes qu'un petit espace à parcourir, pour éviter qu'ils ne se fatiguent, ce qui leur est mortel. On doit insensiblement leur accorder plus d'espace; il faut souvent aussi les changer de place. En cas de maladie des poussins, il y a malheureusement peu de remèdes qui puissent les sauver : pourtant j'ai souvent 2(52 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. employé avec avantage, pour certaines affections, l'huile d'o- live et le chlorure de chaux. Je ne puis cependant assez ré- péter que c'est grâce aux soins minutieux que l'on prend des élèves, aux bonnes conditions hygiéniques dans lesquelles on les place, à la nourriture convenable qu'on leur donne, que l'on parvient à les conserver. Aussi , en vue d'atteindre ce but, je ne prends pour ce service spécial que des hommes intelligents et dévoués, qui sont récompensés en raison de leur zèle et de leur assiduité au travail. Pardonnez-moi d'être entré dans ces détails, auxquels les hommes spéciaux trouveront peut-être quelque intérêt. Mon plus vif désir, en vous les transmettant, est qu'ils puissent contribuer à améliorer les méthodes de reproduction et à engager les éleveurs et les établissements zoologiques à per- sévérer dans leurs essais. Nos collections, déjà si variées, ne pourront qu'y gagner. P. -S. Les amateurs qui s'occupent d'oiseaux ont dû s'étonner de voir combien facilement la plupart des oiseaux des divers climats s'acclimatent en Europe et qu'on est parvenu à conserver pendant toute l'année dans des volières exposées au grand air, sans même avoir besoin de les chauffer en hiver. 11 suffit qu'on leur donne au fond des volières une bonne retraite, où, au besoin, ils peuvent s'abriter, et dont il est même inutile de fermer les portes par les plus grands froids. C'est ainsi que depuis plusieurs années déjà, je suis parvenu à garder les Faisans et presque toutes les collections de Pigeons, de Tourterelles, y compris le Nicobar, de Gros-becs et de divers autres petits oiseaux. Les Palmipèdes en général sont très-rustiques, les Canards Dendro-cygnes exceptés qui sont très-sensibles aux pattes pendant les grands froids qui les font souvent mourir, si l'on ne prend à temps des précautions. J'ai gardé sur un étang, pendant l'hiver 1808-69, toute une Compagnie de Flamants qui, quoique ayant l'air très-délicats, ont pourtant supporté par- faitement les plus grands froids : chose qui m'a très-surpris, ainsi que beau- coup d'amateurs qui s'occupent de l'acclimatation des oiseaux. Vu ce bon résultat, je me propose de ne plus les rentrer en hiver, seulement, par me- sure de prudence, je leur ai fait arranger, près de l'étang, un grand réduit en fagots (forme de Grande cabane), garni en dedans au moyen de nattes de roseaux, afin qu'ils ne puissent se blesser aux pattes. Par suite de ces bons résultats, il est très-recommandable de faire les vo- lières et les enclos avec de bonnes retraites dont le niveau soit d'un bon pied plus élevé, alin de garantir les oiseaux contre les froids et pluies, sur- MULTIPLICATIONS D'ANIMAUX. 263 tout l'humidité qui, en général, est très-pernicieuse pour les oiseaux. Il est aussi essentiel qu'il y règne toujours un bon air. Voici les noms de quelques oiseaux qu'il est bon de rentrer quand il y a déjà 6 degrés de froid, savoir : Paon spicifère, Hocco, Marail, Pigeon couronné, Agami, Poule sultane, Grue couronnée du Sénégal, Roi des Vautours, et Cariama. Il est bien entendu que tout ce qui précède a rapport aux oiseaux déjà acclimatés. Quant à ceux nouvellement importés, les plus grands soins leur sont nécessaires, selon la saison et l'état dans lequel ils arrivent. Il est re- commandable de préserver ces oiseaux des pluies, de les rentrer la nuit, et cela pendant plusieurs jours, aussi de leur donner pendant les premiers jours la même nourriture que celle qu'ils ont eue pendant le voyage, et de ne les amener qu'insensiblement à manger celle que reçoivent ceux de la même espèce. Malgré la saison peu favorable de l'année passée, j'ai réussi à élever des Hoccos, Tragopans de Temmink, Faisans vénérés, Grossoptilons , deux es- pèces de Polyplectron, Faisans de Swinhoë, Versicolores, Horsfieldii, Walli- cbii, métis de Vénérés et d'autres espèces de Faisans de moindre impor- tance; des Canards mandarins, de la Caroline, de Bahama, Casarkas, à sourcils blancs, de l'Australie, etc., etc. En finissant, je vous prierais, mon cher collègue, de faire connaître au grand nombre d'amateurs et éleveurs de vos connaissances, que nous de- vons à l'infatigable importeur de Faisans rares, M. J. Stone (de Londres), la possession d'une femelle et de plusieurs mâles du Faisan de Ladij Amherst, qui, je suis heureux de pouvoir vous le dire, continuent à être dans le plus parfait état et qui font, par leur riche plumage, l'admiration de toutes les personnes qui viennent visiter le Jardin zoologique d'Anvers. REPRODUCTION DES DINDONS SAUVAGES D'AMÉRIQUE EN LIBERTÉ. LETTRE ADRESSÉE A M. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, Par M. Edgar ROGER. Pour rendre tout d'abord justice à qui de droit, je dois vous avouer que si cette année j'ai réussi dans mon élevage en liberté des Dindons sauvages, je le dois à la complaisance d'un Anglais, M. Lambert, qui pendant trois années consécutives a bien voulu me fournir d'œufs. M. Lambert est du reste, à ce que je crois, le premier qui ait importé, sinon en Europe, du moins en France, la belle race dont nous nous occupons ici. En 1866, j'ai reçu une dizaine d'œufs qui donnèrent des résultats. Les jeunes ont été bien soignés, j'ai cherché à prendre les précautions nécessaires pour les abriter du froid, qui, disent les bons traités d'élevage, est toujours funeste aux Dindons. Malgré mes efforts, au bout de dix-sept jours la cou- vée entière était morte. En 1867, nouvel essai de même importance qu'en 1866, tous les œufs sans exception étaient bons, mais la plus grande partie des jeunes mourut en coquille, cinq seulement virent le jour. Ils furent confiés à une bonne Poule cochinchinoise. Je me préoccupai moins de préserver les jeunes oiseaux du froid qu'en 1866, je leur donnai plus de liberté. La Poule fut une conductrice parfaite; jusqu'à la crise du rouge, tout marcha à souhaits. A cette époque tous mes élèves tombèrent malades, deux succombèrent ; je m'attendais à voiries autres en faire autant; car leur état me semblait désespéré. On me conseilla de faire prendre du vin à mes élèves, je leur en donnai et mes malades furent sauvés. REPRODUCTION DES DINDONS SAUVAGES D'AMÉRIQUE. 265 Mes dindonneaux semblaient très-bien comprendre l'effi- cacité du remède que je leur administrais. Chaque matin, au sortir de l'abri où ils passaient la nuit, ils se précipitaient avidement sur le vin que je mettais à leur disposition. Le lot de trois Dindonneaux qui me restait se composait d'une femelle et de deux mâles ; je remarquai avec surprise que la femelle était laissée absolument de côté, et que les deux mâles se prenaient l'un pour l'autre de la plus vive tendresse, ne se quittant pas un instant, ils étaient inséparables. J'essayai de réunir l'un d'eux à la femelle, tous les moyens que j'em- ployai échouèrent. En 1868, je n'obtins pas un seul œuf de ma jeune Dinde, mais je reçus un envoi de vingt et un œufs qui venaient d'une propriété que possède, en Irlande, M. Lambert. Sur ces vingt et un œufs treize réussirent. Je les avais confiés à une Dinde ordinaire et je m'abstins de tous les soins minutieux qui jusqu'ici m'avaient si mal réussi. Les treize Dindonneaux passèrent les premières nuits de leur enfance dans une boîte à élevage, système Jacque, mais dès qu'ils ont pu voltiger, la Poule Dinde qui les conduisait leur fit élire domicile sous un grand hêtre pourpre que depuis lors ils n'ont jamais quitté. Sur les treize Dindonneaux éclos, dix sont arrivés à l'état adulte, un mourut dans les jours qni suivirent l'éclosion, les deux autres périrent par accident. Ces oiseaux vécurent en pleine liberté dans mon parc, qui, vous le savez, est clos de murs élevés et dans lequel se trou- vent des parties cultivées et d'autres boisées. Au printemps de 1860, les femelles se sont isolées. du petit troupeau et ont été pondre dans les endroits les plus fourrés. J'ai eu toutes les peines du monde à savoir où étaient les nids, il y en avait trois. Pour mettre de mon côté le plus de chances possible, je laissai intacts les nids de deux de mes Dindes et j'emportai les œufs de la troisième, pour les faire éclore h la maison et ne pas tout risquer à la fois. Le résultat de ces incubations n'a pas été aussi brillant que 266 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. je l'avais espéré d'abord. Une des Dindes couvant en liberté a été étranglée par un animal sauvage resté inconnu, et les œufs placés sous elle furent ainsi perdus. Une autre Dinde se noya et causa ainsi la perte de sa couvée. Tout compte fait il me reste actuellement treize beaux jeunes Dindonneaux nés en 1869d'œufs pondus et couvés en liberté et qui se sont élevés tout à fait comme des animaux sauvages, puisque jusqu'en octobre dernier ils n'ont vécu que de ce qu'ils ont pu trouver au bois ou dans les champs. Ils dédai- gnaient d'ailleurs les nourritures raffinées queje faisais mettre à leur disposition. Ce régime a d'ailleurs fort bien convenu aux jeunes Dindon- neaux. J'en ai perdu par accident quelques-uns, mais non par maladie. La crise du rouge s'est passée sans causer aucune indisposition, les oiseaux n'ont eu besoin d'aucune médi- cation. Tel est, mon cher ami, le récit de mes tentatives depuis leur début. Je veux redoubler d'efforts en 1870 et arriver à un succès plus complet qu'en 1869. Il est question .aussi de lâcher un couple ou deux de mes Dindons sauvages dans les bois d'un de mes amis, qui ont près de mille hectares d'un seul tenant, et qui sont sévèrement gardés. CREATION D'UNE RACE BLANCHE D'AXOLOTLS A la Ménagerie des Reptiles du Muséum d'histoire naturelle, ET REMARQUES SUR LA TRANSFORMATION DE CES BATRACIENS, Par M. Aug. DUMÉRIL. A la fin de novembre 1868, la Ménagerie a reçu, de M. Méhédin, un Axolotl complètement blanc, à l'exception d'un point du dos qui porte une tache noire grande comme une lentille. Il est très-analogue aux Axolotls d'un vert noi- râtre que le Jardin d'acclimatation a donnés au Muséum en janvier 1864, et sur lesquels j'ai appelé l'attention de l'Aca- démie à plusieurs reprises, mais particulièrement en novembre 1865 (Comptes rendus, t. LXI, p. 775) à cause des transfor- mations qu'ils ont subies. Ce sujet très-remarquable, qui est un mâle, semble constituer simplement une variété albine. Désireux de savoir s'il pourrait, avec des femelles de colo- ration habituelle, créer une race blanche, je lui fis consacrer un aquarium particulier, où furent placées, en même temps, quelques-unes de ces femelles. Dans le courant des années 1867 et 1868, plusieurs fécondations eurent lieu, et un assez grand nombre de nouveau-nés se montrèrent, dès les pre- miers instants qui suivirent l'éclosion, revêtus d'une robe beaucoup moins sombre qu'à l'ordinaire. Cette modification des couleurs persista, chez la plupart, d'une façon très- notable. Aussi, pour continuer l'expérience, les femelles pro- venant de cette première génération, et dont les teintes étaient les plus pâles, furent-elles introduites, quand elles devinrent aptes à se reproduire, dans l'aquarium où leur père, resté seul après les pontes dont je viens de parler, ne tarda pas à féconder les œufs abandonnés par les nouvelles venues. Les embryons étaient encore enfermés dans leurs enve- loppes, que, déjà, sur beaucoup, l'albinisme commençait à se 268 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. manifester. Il s'est prononcé de plus en plus, à mesure que le développement s'est effectué, et il est presque complet aujour- d'hui. On ne peut donc pas douter que les jeunes qui provien- dront des femelles de cette seconde génération dont les œufs seront fécondés par le sujet blanc d'origine mexicaine, ne soient parfaitement semblables à ce dernier. Dans quelques mois seulement, les albinos auront atteint l'époque où la re- production peut s'accomplir, mais il est facile de prévoir, dès maintenant, qu'une abondante population blanche garnira les bassins de la Ménagerie en 1873 . Déjà, deux de ces sujets de teinte blanche, âgés maintenant de dix mois, ont perdu leurs branchies ainsi que les crêtes dorsale et caudale, et ont, par conséquent, subi une métamor- phose complète et sont devenus des Amblystomes. En mentionnant ces deux nouveaux cas de transformation, ce qui en porte le nombre, jusqu'à ce jour, à vingt-neuf seu- lement, quoique l'espèce se multiplie en très-grande abon- dance, je dois faire observer que les changements dont il s'agit sont toujours survenus chez des individus qui ne s'étaient point encore reproduits. Si l'époque où, d'ordinaire, je les ai vus apparaître, c'est-à-dire la fin de la première année de l'existence, est franchie sans qu'ils commencent à se manifester, l'animal reste sous sa forme primitive. Ce sont les jeunes Axolotls qui se transforment. Parmi ces derniers, qui ont revêtu la forme d' Amblystomes, aucune reproduction n'a encore eu lieu. Afin de m'assurer si les mâles, bien reconnaissables à l'exté- rieur comme avant la métamorphose, féconderaient des œufs de femelles non encore privées de leurs caractères de têtards, plusieurs de ces dernières leur ont été données pour com- pagnes, mais aucune ponte n'a eu lieu. Au bout d'un temps dont la durée était suffisante pour démontrer l'inutilité d'une plus longue cohabitation, les femelles furent remplacées par des mâles à branchies extérieures. Cette nouvelle tentative, destinée à exciter les femelles transformées à pondre, resta également sans résultat. La stérilité est-elle donc un état physiologique normal? Le CRÉATION D'UNE RACE BLANCHE d'âXOLOTLS. 269 volume de certaines femelles semble cependant indiquer la pré- sence d'œufs dans les ovaires ; et je viens, en effet, d'en trou- ver une assez grande quantité chez l'une d'elles, sacrifiée dans le but maintenant atteint d'arriver à savoir ce qu'il fallait penser d'une telle supposition. Les glandes ovariques et leur produit, ainsi que les oviductes, n'étaient pas encore arrivés au degré de développement annonçant une ponte prochaine. Ils étaient exactement semblables à ce que représentent, sous le nom d'état virginal, les figures 3 et h de la pi. XXIII, annexée au travail de Everard Home (An account of the org. of géné- rât, ofthe Mexican Proteus (Axolotl) : Philosoph. Trans. Roy. Soc., 1824, p. 410-428). Si la formation des œufs est postérieure à l'époque où l'ani- mal a revêtu sa nouvelle forme, il est étonnant que la vie en commun, durant plusieurs années, d'individus de sexe diffé- rent n'ait amené ni ponte ni fécondation. Ou bien peut-on admettre l'hypothèse, dont je ne saurais, il est vrai, fournir, quant à présent, aucune preuve, que le travail des ovaires avait déjà commencé au moment du début des mutations extérieures et internes, et que, par le fait même de ces dernières, il aurait été arrêté dans son évolution? Chez un mâle transformé, ouvert en même temps que la femelle, les glandes spermatiques contiennent des masses énormes de spermatozoïdes. Ils semblent, au premier aspect, comparables en tout point, par leur configuration et par leurs dimensions, à ceux que j'ai vus au moment de la reproduc- tion des non transformés (Nbuv. Arch. du Mus., t. II, figure à la page 271). Cependant une recherche attentive ne m'a pas permis d'y trouver le contour ondulé, constitué par la membrane plissée propre aux spermatozoïdes arrivés à leur état parfait. M. de Quatrefages, qui les a soumis également à un examen microscopique, n'a pas vu non plus cette membrane plissée. On peut conclure, avec lui, de l'absence d'un caractère si essentiel, qu'ils n'ont pas atteint le degré de perfection auquel ils doivent parvenir pour être aptes à jouer, dans l'acte de la fécondation, le rôle qui leur appartient. Je les ai vus dans l'immobilité, mais M. de Quatrefages a 270 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. été témoin de quelques mouvements lents et roides, analogues à ceux de certains Oscillaires et par lesquels ils semblaient tendre à démêler leur enchevêtrement. Un grand nombre s'est misa vibrer. C'était une sorte de petit tremblement du fila- ment, sans qu'il en résultât aucune de ces translations si fré- quentes, lorsqu'on a sous les yeux des spermatozoïdes à con- tour ondulé. En résumé, la membrane, qui est l'une des particularités importantes de leur structure, manque, et les mouvements sont incomplets. Enfin, les organes femelles, je l'ai dit, ne se montrent pas sous l'aspect qu'ils offrent quand le moment de la ponte approche (voyez pour plus de détails Nouv. Arch. du Mus., t. V, Bullet., p. 56-59) . L'hypothèse à laquelle mon savant confrère est tenté de s'arrêter, est que les spermatozoïdes, comme les œufs, seraient frappés d'arrêt de développement. Les Axolotls auraient ainsi de l'analogie avec les mulets, dont l'infécondité est attribuée à une cause semblable. Ne pourrait-il pas arriver cependant que, après un temps d'arrêt d'une durée indéterminée, le développement du con- tenu des organes sexuels s'achevât, et que les faits vinssent, quoique cela paraisse peu probable, démontrer que cet arrêt n'est pas définitif? En présence de semblables difficultés pour comprendre la véritable signification des faits curieux dont il s'agit, je recon- nais, avec M. de Quatrefages, que l'Amblystomien issu de l'Axolotl est une véritable énigme scientifique. Je crois devoir rappeler ici que, frappé dès le début de l'étrangeté des phénomènes qui se produisaient sous mes yeux, je me suis toujours tenu, en les faisant connaître (1), dans une réserve extrême, où je persiste relativement aux déductions à en tirer. (Extrait des Comptes rendus des séances de l 'Aca- démie des sciences). (1) Nouvelles Archives du Muséum, 1866, t. II, p. 265 et suiv., pi. X. Bulletin de la Société impériale d'acclimatation, 1866, p. 79 et suiv., avec ligures. — Annales des Sciences naturelles. Zoologie, série V, 1867, t. VII, p. 22 et suiv., avec figures. DU DÉVIDAGE DES COCONS DES VERS A SOIE DU GENRE ATTACUS, Par M. H. Mllll I En réponse au mémoire que j'ai lu cet hiver sur le cocon des Attacus (1), j'ai reçu de M. de la Roche de nouveaux docu- ments des plus intéressants. Aujourd'hui le docteur soutient cette opinion que mes observations n'ayant pas été faites dans le même sens que les siennes, je n'ai pu me rendre compte de la rupture du fil, qu'on ne peut constater qu'à l'instant même où le fait se pro- duit. Je me serais, suivant lui, trop occupé de l'œuvre, pas assez de l'ouvrier. A l'appui de cette thèse, il nous donne comme preuve une description micrographique, extrêmement précise, du travail de l'insecte. En suivant pas à pas tous les mouvements du Ver, en nous montrant le cocon se formant pièce à pièce, M. de la Roche nous fait l'anatomie complète de ce petit chef- d'œuvre. C'est bien certainement le mode le plus logique pour apprendre à défaire le merveilleux tissu, dont les moindres détails sont à jamais réglés par une loi divine que rien ne peut changer. Aussi, quand même cette ingénieuse étude, faite avec une patience qu'on rencontre rarement, contiendrait des erreurs, quand même quelques appréciations n'y seraient pas très- exactes, elle n'en serait pas moins un travail remarquable, éminemment utile. Je viens de la traduire ; si j'en juge par moi-même, tous ceux de nos collègues qui s'occupent sérieu- sement des Vers à soie sauvages trouveront à cette lecture un très-vif intérêt. Je vois bien quelques points sur lesquels j'aurai peine à me trouver d'accord avec M. de la Roche. Je ne veux les discuter (1) Voyez le Bulletin de février 1870, page 156. 272 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. qu'après avoir moi-même répété plusieurs fois ses curieuses expériences. Sur une question traitée aussi consciencieuse- ment, la discussion doit être appuyée sur des faits parfaite- ment avérés, et la matière ici est assez délicate pour que l'on puisse s'yâtromper, quelque soin qu'on y prenne. Je me borne en ce moment à joindre à cette traduction quelques notes seulement, qui ont surtout pour but de définir nettement cer- taines divergences entre le cocon de l' Allante et celui du Spondias, et de rendre plus clairs certains passages du texte. LOI OUI RÈGLE L'INSTINCT DU BOMBYX ATTACUS , Par le S» AI. V. de la ROCHE. « La Chenille de l'Attacus perce elle-même son cocon et y forme un passage qu'elle ménage par avance à l'insecte par- fait. Il est assez probable que cet instinct particulier remplace chez l'Attacus le liquide dissolvant que possèdent les Bombyx, qui ferment leurs cocons. Peut-être, cependant, l'Auteur de la nature le lui a-t-il donné pour quelque autre raison, dont nous ne possédons pas jusqu'ici le secret. Quoi qu'il en soit, il est. indispensable de connaître la loi qui régit cet instinct pour surmonter toutes les difficultés que présente le dévi- dage des cocons de ce genre. » En voici l'exposé : » Les Vers à soie du genre Attacus, en filant leur cocon, ménagent une ouverture par laquelle doit plus tard sortir le Papillon. Ce cocon se compose de plusieurs couches de soie appliquées l'une sur l'autre et cependant tissues séparément. Quand V enveloppe extérieure est entièrement formée, le Ver referme provisoirement par un léger réseau V ouverture ré- servée. Puis à l'abri de cette frêle clôture, il reprend son travail et se met à construire les couches intérieures ; sur le bord qui entoure l'orifice de chaque couche, il ajoute une frange composée de longs fils contournés en spirales, et c'est au bout de cette frange qu'il reforme à chaque fois un réseau DU DÉVIDAGE DES COCONS. 273 protecteur qu il coupe successivement et remplace aussitôt, à mesure qu'il termine et vernit une enveloppe nouvelle. L'en- duit dont il se sert pour vernir son tissu est une substance qui resseinble à la gomme et qu'il répand comme une sorte de bave dès qu'une couche est achevée. Sous l'action de cette liqueur la couleur de la soie, qui est blanche par elle-même, prend une teinte particulière et plus ou moins foncée. A son dernier enduit, le Ver mêle une poudre blanche excrémen- teuse dont il couvre son corps avant cV entrer dans son dernier sommeil et de se changer en nymphe. » Le liquide que l'insecte projette sur l'orifice en sortant du cocon n'est pas un dissolvant et ne rompt pas les fils-, il assou- plit seulement la mèche de soie qui ferme le passage. Démonstration. » 11 est utile de bien déterminer, avant toute explication, quelle est la race de Vers que nous avons soumise à nos obser- vations, ainsi que d'indiquer quels sont les instruments dont nous nous sommes servi pour nos expériences. Il sera facile ainsi de vérifier la loi que nous venons d'exposer. » Le Ver dont nous avons étudié le travail est le Bombyx Spondice (1), ou Bombyx Campuzani (2), variété de l'espèce Lebauni de Venezuela, appartenant au genre Attacus. » L'appareil disposé pour nos observations se compose de deux montants fixés sur une table et reliés ensemble par deux petites traverses de bois blanc très-léger. Ces deux traverses ou tringles sont l'une au-dessus de l'autre à hauteur conve- nable, et sur chacune d'elles des divisions sont tracées et numérotées, de manière à recevoir le même nombre de cocons suspendus par leur câble (3) au moyen d'une épingle. La (1) Le Spondias est un arbre de la famille des Hespéridées ; c'est une es- pèce voisine du Citronnier. (2) Cette seconde dénomination serait préférable, ce ver étant polyphage ; il serait juste d'ailleurs de lui donner le nom de celui qui, le premier, Ta trouvé dans l'État d'Antioquie. (Note de l'auteur.) (3) Cordon formé, de plusieurs fds de soie et qui rattache le cocon à la tige en enveloppant le pédoncule de la feuille. (Note du traducteur.) 2e série. T. VII.— Mai 1870. 18 27/t SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. tringle supérieure est couverte de Vers qui viennent de s'en- tourer de leur première enveloppe au travers de laquelle on les voit parfaitement travailler en tous sens ; sur la tringle in- férieure sont placés dans le même ordre les cocons mieux formés qui ont déjà servi pour les observations, soit du même jour, soit des jours précédents. A côté des montants, deux vases de cristal entretiennent la fraîcheur de quelques branches vertes sur lesquelles des Chenilles commencent à filer. En face de l'appareil deux bougies munies de réflecteurs éclairent pendant la nuit en projetant leur lumière sur le haut des cocons. Une paire de ciseaux sans pointe ; des pinces élasti- ques ; deux poinçons boutonnés de grosseur différente, pour vérifier au toucher ce que les yeux ne peuvent observer en dedans du cocon ; une loupe ; une montre ; un thermomètre centigrade et quelques feuilles de papier réactif complètent le matériel fort simple, comme on le voit, dont nous nous sommes servi pour toutes nos expériences et qui nous a fourni des données si précises. Histoire du Ver pendant le coconnage. » Quand le Ver, parvenu atout son développement, ne prend plus de nourriture et que son corps s'est vidé, il parcourt rapidement dans diverses directions les branches qui l'envi- ronnent. Il traîne le bout d'un fil qui sort de sa filière, et qu'il attache bientôt à quelques feuilles qu'il attire vers lui. Grâce à ses premières pattes qui lui servent de mains, il réunit ces feuilles et les assujettit par quelques brides soyeuses qui en maintiennent les bords ; puis il choisit entre elles celle qui lui convient le mieux pour y fixer sa demeure. Il conso- lide alors le pétiole de cette feuille en le liant par des fils à la branche principale, et commence le câble auquel sera plus tard suspendu son cocon. Toutes ces précautions prises, il revient à sa feuille sur laquelle il construit avec de larges mailles une espèce de sac proportionné à sa taille. On y dis- tingue bientôt la forme de l'orifice. A chaque instant le Ver quitte l'intérieur du sac pour aller sur la branche ajouter DU DÉVIDAGE DES COCONS. 275 quelques fils qui fortifient le câble et retourner ensuite jus- qu'au fond du cocon. Cette manœuvre se prolonge jusqu'à ce que ce câble soit suffisamment fort. Il rentre alors dans le sac pour n'en plus ressortir. 11 montre cependant encore de temps en temps la moitié de son corps en posant quelques fils sur la partie du câble voisine de l'orifice. C'est le moment favorable pour placer le cocon sur la tringle transversale dis- posée pour les observations. C'est aussi de cet instant qu'il nous semble rationnel de calculer le temps qu'il faut à la Chenille pour parfaire son travail. Car les heures qui s'écou- lent depuis que le Ver se vide jusqu'à ce qu'il se fixe sont extrêmement variables. Nous avons vu maintes fois des Vers abandonner leur sac presque formé parce que leurs compa- gnons venaient les déranger et troubler leur travail. » L'orifice du cocon semble occuper d'abord toute l'atten- tion du Ver ; après lui avoir donné une forme convenable, il en arrondit le bord en le couvrant de fils et renforce surtout la partie postérieure, celle qui touche à la feuille (J ). Il descend plusieurs fois jusqu'au fond de l'enveloppe et revient à l'entrée; il suspend alors pendant quelques instants le mouvement de sa filière, pour répartir sur divers points du bord une bave qui lui donne un peu plus de fermeté et rend la soie brillante. Pour cette opération le Ver ne paraît pas polir avec ses man- dibules, car on ne voit pas sa tête se balancer du tout. La bave se répand jusqu'aux parois du sac et c'est elle qui donne au cocon du Spondias cet aspect métallique que les pluies seules altèrent en détrempant la soie. Le cocon du Cynthia n'a pas le même éclat. » Le bord de l'orifice se trouvant terminé, le Ver commence à y poser les fils de soie qui doivent refermer provisoirement sa demeure. Il en tend quelques-uns en travers de la porte, puis il descend au fond. Il répète plusieurs fois le même mou- (1) Le bord de l'orifice clans le B. Spondiœ est renforcé d'une espèce de bourrelet qui n'existe pas dans le cocon du Cynthia. L'orifice de ce dernier n'est pas non plus régulièrement arrondi comme celui de l'autre espèce. (Note du Irad. ) 276 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. vement jusqu'à ce qu'un réseau de mailles allongées ait bouché complètement l'orifice du cocon. Ce travail se finit douze heures environ après le moment où le Ver est rentré dans son sac. L'enveloppe qui l'entoure maintenant de tous côtés est encore si légère qu'on distingue parfaitement sa tête et ses anneaux comme s'il était sous une toile transparente. C'est contre le réseau dont nous venons de parler que, s'ap- puiera la frange de la première couche dont le ver va s'occuper et qui doit compléter l'organisation de l'œuvre. Pendant ce nouveau travail, le mouvement de la filière est une suite de spirales qui se croisent vers le centre et s'allongent davan- tage à l'endroit de la frange. Toutefois lorsqu'elle descend vers le fond du cocon, les courbes se modifient et devien- nent plus courtes. La frange prend bientôt la forme d'un cône tronqué, ouvert par le sommet; on peut le vérifier avec un gros poinçon introduit par le bas dans un cocon dont on a coupé le fond avant qu'il soit achevé. La base de cette frange se relie au bord supérieur de chaque couche de soie et fait corps avec lui (1). C'est qu'en effet le Ver construit tout à la fois, et qu'en travers de tous ces fils allongés en spirales, d'autres spirales plus courtes viennent horizontalement relier tout l'ensemble. Il emploie plusieurs heures à ces dernières manœuvres jusqu'à ce qu'enfin l'épaisseur du tissu le dérobe à la vue. » Dans cet état, la plupart des cocons deviennent tout humides. On voit en les ouvrant que la Chenille est mouillée. C'est qu'elle vient, en effet, de vomir sur sa soie une solution gommeuse qui vernit et durcit l'ensemble du tissu. Chez le B. Spondiœ, ce liquide, éprouvé au papier réactif, est légère- ment acide et gluant comme la gomme. Si l'on comprime le Ver entre les doigts au moment où il file, il rend lamême sub- stance. De même, si on le blesse en quelque endroit du corps, (1) La frange n'est que l'extrémité supérieure des spirales allongées dont parle M. de la Roche; elle n'est distincte du corps même du cocon, que parce qu'elle n'est pas imprégnée de la matière gommeuse qui encolle tout le reste, et que les fils sont libres. (Note du trad.) DU DÉVIDAGE DES COCONS. 277 le même liquide s'échappe, bien que cependant, dans ce cas, il soit un peu verdâtre (1); serait-ce parce qu'il contient le tannin et la clorophylle qui viennent du végétal dont l'insecte se nourrit? Doit-on attribuer à ces principes les teintes dif- férentes que prennent les cocons, teintes grises, jaunâtres, rosées, brunâtres, tandis que par elle-même la soie qui les compose est blanche comme la perle ? C'est une question de chimie que le temps résoudra. » Quelques heures se passent, et le cocon se sèche et dur- cit peu à peu. Ou bien le Ver reste en repos et attend le moment où il rompra son fil, ou bien immédiatement il se remet à la besogne et construit la seconde couche avant de rien briser. Nous avons vu des Vers débiles ne pas attendre même que le cocon fût sec pour rompre le réseau ; mais s'ils sont vigoureux, ils laissent sécher la première couche en se mettant à la seconde. Pour que le Ver arrive au point où nous en sommes depuis le moment où il s'est renfermé, nous avons constaté une moyennne de 2/l à 27 heures sous une température de 22 à 25 degrés centigrades. Il s'agit, par exemple, de Vers bien constitués, élevés à l'intérieur ou sortis seulement pendant les derniers âges ; nous n'avons pas encore pu faire d'expériences sur les Chenilles sauvages. s Nous arrivons maintenant au point le plus délicat de nos observations, à l'opération même qui est la base de notre découverte. » Nous avons observé tous les mouvements de l'insecte avec une attention sérieuse, patiente et continue; nous avons étudié le Ver pendant l'opération, nous l'avons examiné avec le même soin avant, et après. Nous avons constaté le mouvement spécial de ses organes buccaux ; nous avons distingué aussi clairement que possible les moments où le Ver emploie ses mandibules et ceux où il se sert seulement de sa filière. Grâce au soleil pendant le jour, à la lumière artificielle pendant la (1) Ce liquide verdâtre a toujours été considéré par les naturalistes comme le sang de la chenille. Là, M. de la Roche commet peut-être une erreur en le confondant avec le vernis du cocon. (Note du trad.) 278 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. nuit, au moyen de la loupe, des ciseaux, des pinces et des poinçons boutonnés, nous avons pu voir et toucher toute cette manœuvre sur laquelle se fonde la loi, simple comme toutes les lois de la nature, qui dirige les mouvements instinctifs de l'insecte. Cela mérile bien une description complète et des détails précis. « Nous avons dit plus haut que la majeure partie des Vers laissent sécher la première ou les deux premières enveloppes qu'ils ont mouillées à mesure qu'elles ont été filées. Il en ré- sulte ceci : c'est que l'opération s'annonce d'elle-même. On entend, en effet, un petit bruit qui ressemble au craquement d'une feuille de parchemin très-sec, dont on froisserait les bords. Ce bruit se distingue parfaitement dans le silence de la nuit à un mètre de distance. Il vient de ce que le Ver saisit avec ses mandibules un certain nombre de fils delà frange pour les froncer (1). On entend donc le son que produisent tous ces fils qui se détachent du réseau et des bords de l'orifice contre lesquels s'appuie le sommet de cette frange. Le Ver ne fait pas en ce moment autre chose que de gaufrer le cône dont il replie les brins vers le fond du cocon ou les attire à lui. Mais il ne tarde guère à exercer les dents de ses mandibules sur le petit réseau, qui, comme nous l'avons vu, referme l'orifice, et se compose de fils tendus d'un bord à l'autre. Il coupe donc successivement ces fibres transversales, et à mesure qu'il les coupe, il les fronce également en les réunissant aux faisceaux de la frange qui se redressent en l'air peut-être par leur propre élasticité, peut-être aussi parce que la tête du Ver, à force de les pousser, leur donne cette direction. Quand les fibres sont faibles, il suffit d'un seul coup des mandibules pour les tran- cher. Mais nous avons constaté jusqu'à dix à douze coups sur certaines fibres doubles ou même composées d'un plus grand nombre de fils, et si le Ver n'a pas pu les couper, il les saisit alors avec ses mandibules et finit par les rompre en les tirant vivement vers le fond du cocon. (1) C'est-à-dire les plisser, afin de leur imprimer comme une sorte de gaufrage. (Note du trad.) DU DÉYIDAGE DES COCONS. 279 » L'instinct de cet insecte est vraiment merveilleux. Il tâte avec ses palpes pour vérifier l'endroit où il trouve le plus de fils obstruant l'orifice, et les coupe aussitôt. En général, pen- dant l'opération, il ne sort que sa tête et son premier anneau, mais parfois il découvre ses deux premiers segments et semble mesurer la largeur de la porte et s'assurer si le passage suffit au Papillon. Les fibres étant coupées, presque toujours le Ver les mâchonne quelque temps et les broie sous ses dents. Ce quatrième acte accompli, il fronce de nouveau et à plusieurs reprises la frange et les débris des fibres pendant quelques mi- nutes. Ce second gaufrage est même plus long que le premier. L'opération entière prend plus ou moins de temps ; nous en avons vu de 6, de 15 et de 22 minutes. Quelques Vers même y mettent jusqu'à une demi-heure. Elle se prolonge lors- que la soie est complètement séchée, ou bien lorsque la Chenille a perdu beaucoup de fils avant de choisir sa feuille ; car, dans ce dernier cas, la frange est moins épaisse, l'orifice du cocon reste à moitié béant et le malheureux insecte fait des efforts inouïs pour le refermer, au moins en apparence. » L'opération consiste donc en quatre actes distincts : fron- cer, couper, rompre et mâcher. Le résultat de ces quatre actes est ce que nous avons appelé la mèche de soie, c'est-à- dire l'ensemble des fils coupés, brisés et mâchés, et des franges gaufrées que le Ver réunit à l'entrée du cocon. » Le fil étant coupé, que fait ensuite le Ver? C'est une ques- tion qui réclamait encore toute notre attention. Il fallait la résoudre pour connaître le point où le dévideur doit recher- cher et trouver facilement l'extrémité du fil. » Nous avions devant nous un grand nombre de cocons, pauvres ou riches en soie et dont par conséquent les orifices étaient plus ou moins resserrés. L'observation nous était donc facile : après avoir coupé, au moyen de ciseaux, la partie supé- rieure du cône qu'un Ver avait fini de froncer, nous avons pu épier ses mouvements. Déjà ses mandibules n'étaient plus en action ; l'opération première se trouvait terminée ; mais possé- dant encore beaucoup de matière soyeuse, la chenille devait nécessairement travailler de nouveau pour construire d'autres 280 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. couches. Nous la vîmes, en effet, diriger sa filière vers le sommet du cône, l'amener au bout de la frange et des fils coupés du réseau, puis y rester quelques instants pour y ré- pandre sa bave et en enduire son fil. Nous la vîmes ensuite et très-distinctement se remettre à filer et construire un réseau plus léger que le premier, mais cette fois, comme nous venons de le dire, sur le sommet du cône et non plus sur le bord même de l'orifice. » La construction de ce nouveau réseau paraît être pour l'insecte d'une telle importance, que si l'on brise des fils avec la pointe des pinces, il revient patiemment les remplacer avec le plus grand soin. Que l'on coupe le bord supérieur de la frange, immédiatement le Ver y retresse un réseau parfaitement visible et qu'on sent très-bien avec le gros poinçon qui ne peut plus alors traverser tout le cône. Nous devons faire observer que pour cette expérience, on ne doit pas couper au delà de l'extrême bord de la frange ; car si l'on venait à attaquer le corps même du cocon, ce ne serait plus un réseau, mais une couche com- plète que le Ver appliquerait pour réparer le dommage. Ce n'est qu'à l'orifice qu'il construit un réseau ; partout ailleurs s'il se fait au cocon une ouverture quelconque, il y remet aussitôt une véritable pièce qui la rebouche entièrement. Mais l'instinct de l'insecte l'oblige toujours à se réserver une porte pour sortir de sa retraite. » Lorsqu'il a relié les diverses parties des extrémités de la frange par ces fils délicats qu'il y croise en tous sens, le Ver descend au bout de deux ou trois minutes au fond de son cocon, où il travaille pendant une demi-heure, quelquefois même une heure. On voit ensuite de temps en temps reparaître sa filière autour de l'orifice. C'est qu'il revient contre le petit réseau former la frange de la couche nouvelle qu'il est en train de filer. Ce travail dure de quatre à douze heures, suivant l'activité du Ver ; puis il se met à froncer et à couper comme il l'a fait pour la couche précédente, toutefois après avoir aussi, comme la première fois, répandu son vernis sur son dernier travail. On peut s'en rendre compte assez facilement en pas- sant dans le cocon le poinçon boutonné et sentir au toucher DU DÉYIDAGE DES COCONS. 281 combien est lisse et ferme la surface intérieure. Nous l'avons également constaté plusieurs fois en ouvrant le cocon. Cette seconde opération du Ver prend moins de temps que la pre- mière. Elle dure à peine quelques minutes. » L'insecte procède de la même manière pour chacune des couches qui lui restent à faire, quel qu'en doive être le nombre. » Lorsqu'il en est à la dernière, le liquide gommeux qui sert à la vernir se mélange à une autre substance excrémenti- tielle, blanche, neutre et tellement abondante qu'elle finit par envahir toute la frange intérieure. Une demi-heure plus tard il semble que le Ver polisse son travail avec ses mandibules, car sa tête se trouve vers le fond du cocon. Nous n'avons ce- pendant pu nous en assurer d'une manière positive. Ce qui est plus certain, c'est que le polissage de cette dernière couche est surtout le résultat du frottement continuel causé par une rotation incessante du Ver pendant les trois jours qui pré- cèdent son inertie complète. Il tourne sur lui-même, la tête en haut, en produisant un bruit qui de temps en temps devient assez distinct. On peut voir ce mouvement en coupant avec soin une partie de L'orifice. Il ne faut pas le confondre avec celui qu'exige la chrysalidation. Ce dernier est tout autre. Quand arrive pour l'insecte le moment de quitter la peau de la Chenille pour se changer en nymphe, il imprime à son corps de fréquentes secousses, tantôt à droite, tantôt à gauche, et d'ailleurs ce changement ne se produit jamais que dix ou douze jours au moins après le coconnage. » Cette poudre sèche dans laquelle il s'enveloppe est poul- ie Ver ce qu'est le rouge d'Angleterre pour l'ouvrier qui polit les métaux. Elle sert à faire briller son œuvre, bien plus qu'à empêcher les poils des tubercules de rester adhérents aux parois du cocon. Car cet inconvénient se présenterait tout aussi bien pour les premières couches quand il les fait sécher avant de briser le réseau, et cependant jamais il n'est couvert de poudre dans ces autres circonstances (1). (1) La poudre blanche que Ton remarque dans les cocons du B. Spondiœ 282 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » Quand le Ver a réparti sur sa dernière couche ce liquide abondant, il lui reste pourtant quelques faibles ressources en matière soyeuse. 11 va les employer à clore une dernière fois l'extrémité de la frange par un réseau excessivement léger. Cette clôture est cette fois tellement délicate qu'il suffit pour la rompre du moindre mouvement automatique. C'est ce que nous avons vu constamment arriver lorsqu'en ouvrant tant soit peu l'orifice nous avons forcé le Ver à tenter de nouveau de jeter quelques fils. Il est rare cependant que cette fine' résille, qu'on prendrait facilement pour une toile d'araignée, ne reste pas intacte, ce que nous attribuons à l'influence de l'air dont la fraîcheur entrant par l'ouverture finit par énerver les mandibules du Ver (1). » A compter du moment où le Ver a coupé son réseau pour la première fois, il lui faut de douze à vingt-quatre heures pour filer complètement les couches intérieures ; ce qui fait en tout de quarante-deux à cinquante-quatre heures pour accomplir cette œuvre merveilleuse. » Le nombre des couches de soie dont se compose le cocon se vérifie très-bien. Il suffit- d'introduire après chaque gau- frage un tout petit fragment de papier réactif. Le Ver file par dessus et cela sert en même temps à expérimenter l'influence que le vernis peut avoir sur le papier chimique. » Tout ce que nous venons de dire a été confirmé par de nombreuses expériences qui toutes nous ont donné les mêmes résultats. » En résumé le Ver coupe deux, trois ou quatre fois les réseaux qu'il construit à l'orifice du cocon, ou il les brise, ou il les broie. Il fronce les franges auxquelles il réunit les débris des réseaux et recommence à filer sur leur extrémité. Enfin il vernit chaque couche successivement et mêle à son dernier et dont il est ici question, est particulière à cette espèce. Elle n'existe pas chez tous les Attacus. On ne la trouve pas notamment, dans le cocon du Cynthia. (Note du trad.) (1) Peut-être ici n'avons nous pas très-bien compris la pensée de l'au- teur; il nous est difficile d'admettre que le Ver ne soit plus en état de briser volontairement une clôture aussi frêle que celle-là. (Note du trad.) DU DÉVIDAGE DES COCONS. 283 vernis une poudre blanche dans laquelle il se roule pour polir son cocon avant d'entrer dans son dernier sommeil et de se changer en nymphe. » Une description technique est rarement aussi claire que le désire l'auteur, et le texte en passant dans une langue étran- gère y perd plus qu'il n'y gagne. Un résumé très-court de cette traduction ne sera pas inutile pour en faire bien com- prendre le sens et la portée. D'après M. delà Roche, le cocon que produit la Chenille de l'Attacus se composerait donc des éléments suivants : 1° Une enveloppe extérieure, long sac à larges mailles et ouvert parle haut, qui doit servir plus tard à donner au tissu la forme qu'il doit prendre. 2° Un réseau protecteur, organe provisoire, tendu comme un filet sur l'orifice du sac et dont les fils se croisent en travers de l'entrée après avoir décrit sur la face intérieure des courbes qui se coupent vers le centre du fond. 3° Une première couche de soie, tissue tout autrement que l'enveloppe extérieure et terminée du côté de l'ouverture par un cône tronqué dont les fils sont gaufrés comme la frange d'un châle. Il0 Un second réseau beaucoup plus petit que l'autre et formé seulement de quelques fils croisés horizontalement au sommet de la frange, mais qui ne parcourent plus les parois intérieures ni le fond du cocon. 5° Plusieurs couches de soie semblables à la première et dont la construction est toujours protégée par le petit réseau de la couche précédente, réseau queleVerest obligé de couper chaque fois qu'il fronce la frange. 6° Un enduit très-gommeux qui durcit à la longue et que le Ver répand sur chacune de ces couches à mesure qu'il les termine. On voit qu'on peut classer ces divers éléments en organes auxiliaires et organes essentiels. Les organes essentiels sont les couches de soie et le vernis qui les couvre ; les organes 284 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. auxiliaires sont l'enveloppe extérieure et les divers réseaux. Tout est prévu pour que la construction soit faite solide- ment et pour que l'ouvrier puisse travailler sans crainte. L'échafaudage qui sert à porterie maçon, la clôture provi- soire qui abrite le sculpteur ; le moule qui donne la forme aux matériaux épars avant qu'ils aient pu prendre assez de con- sistance pour se soutenir d'eux-mêmes ; tous ces moyens que l'homme s'est créés pour construire, l'insecte les connaît et il les utilise et n'en néglige aucun. La feuille qui se rattache par quelques liens solides aux feuille environnantes, n'est-ce pas l'échafaudage contre lequel le Ver doit élever sa demeure et qui doit supporter les pre- mières assises de l'enveloppe extérieure? Le réseau protecteur tendu sur l'orifice et qui ne doit durer que tant qu'il est utile, ne joue-t-il pas le même rôle que la loge de l'artiste au fronton d'un palais? Les spirales allongées et les courbes diverses de la première couche pourraient-elles se soutenir et devenir ensuite par l'accumulation un tissu si serré, si elles n'étaient maintenues dès le début du travail par l'enveloppe extérieure dont elles prennent la forme ? Il n'y a donc dans tout cela rien que de très-logique. L'exis- tence des réseaux peut être la conséquence de celle de l'orifice, et, dans ce cas, la rupture d'un organe, tout à fait accessoire et qui devient un obstacle dès qu'il n'est plus utile, s'explique très-facilement. Il est certain d'ailleurs que s'il en est ainsi, je ne pouvais guère, en procédant comme je l'ai fait au mois d'octobre der- nier, constater la présence de ces toiles si légères dont la trace disparaît à chaque nouvelle couche. Au lieu d'examiner ce qu'avait fait l'insecte, il fallait au contraire suivre tous ses mouvements. C'est une erreur qui sera facile à réparer dès que j'aurai des Chenilles en état de filer, et très-probablement je ne l'eusse pas commise, si les indications données en premier lieu eussent été plus complètes. Si tout se passe bien comme M. de la Roche croit l'avoir constaté, si réellement le cocon est constitué comme nous DU DÉVIDAGE DES COCONS. 285 venons de le voir, que devient le dévidage en présence de ces laits? Sous l'enveloppe extérieure que toujours on retire et qui n'est que de la bourre, on rencontre d'abord la première couche de soie. Si l'on en tire un brin, on se heurte tout de suite aux fils du grand réseau qui ne sont plus que des débris dont les extrémités se perdent dans la frange, mais qui n'en- veloppent pas moins tout le corps du cocon. D'un bord de l'orifice, ces fils s'en vont à l'autre en passant par le fond et enserrent le tissu de la première couche, comme les cercles d'un fût en étreignent les douves. Le brin qu'on doit lirer se contourne en spirales ou plutôt il décrit une série de courbes qui ont la forme d'un 8 fort allongé dont la boucle supérieure est beaucoup plus resserrée que la boucle inférieure. Or, il est impossible de détacher ce brin, si la courbe qu'il décrit se trouve emprisonnée sous plu- sieurs de ces brides solidement rattachées aux bords de l'ori- fice. Il n'est pas étonnant que de pareils obstacles aient fait juger d'abord que les cocons ouverts étaient construits sans ordre, que les fils en étaient complètement enchevêtrés et que le dévi- dage en devenait impossible. Comment se débarrasserde toutes ces entraves par un moyen pratique ? C'est une question qui n'est pas résolue, mais qui peut cependant ne pas être insoluble. Quant à présent, M. de la Roche, comme on le verra plus loin, tranche la difficulté comme Alexandre le Grand trancha le nœud gordien. Il sacrifie la première couche de soie et la met à la bourre. Cette pre- mière couche ôtée, il se retrouve en face des spirales de la seconde que rien ne retient plus, puisque le petit réseau, que le Ver place au sommet de la première frange, ne se compose plus que de simples filaments tendus d'une boucle à l'autre et ne touchant en rien au reste du cocon. Ces filaments coupés sont mêlés à la frange à laquelle ils adhèrent et se dévident avec elle sans qu'on s'en aperçoive. Il en est de même des autres couches de soie. Ce n'est donc pas précisément la rupture du réseau qui 286 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. constitue l'obstacle ; c'est la présence de ses débris entre la première couche et l'enveloppe extérieure. La découverte de ce réseau et surtout de sa forme pouvait seule nous permettre de résoudre le problème. Tel est le système du docteur de la Roche ; ses dernières expériences ont un peu modifié ses premières impressions. Le pauvre Ver, surtout, y a beaucoup gagné. Condamné tout d'abord à une mort violente et très-prématurée, il a eu cette bonne chance qu'on ait pu découvrir, que si sa mort donnait la première couche de soie, elle supprimait les autres, et que l'avantage n'était en faveur de personne. Il faut donc revenir sur cette condamnation. M. de la Roche est si bien disposé en faveur de l'insecte qui vient de lui dévoiler ses plus intimes secrets que du parquet il saute au banc des avocats. Il plaide avec chaleur la cause de l'accusé. Avec toute l'éloquence que donne la conviction, il prouve que l'Attacus est innocent du crime dont je l'ai soupçonné. La liqueur qu'il sécrète daus ses métamorphoses n'est point un dissolvant. L'insecte, en conséquence, n'altère jamais la soie, et c'est pour cette raison qu'il prépare à l'avance l'issue du Papillon. Telle est la thèse du défenseur. Il est ici en face d'un adver- saire qui ne demande pas mieux que de lui donner raison, et qui a pour principe que mieux vaut se déjuger que de consa- crer l'erreur par une sotte persistance. Il est bon cependant qu'une nouvelle enquête, comme mesure de prudence, pré- cède le jugement. Mais il est temps de rendre la parole à mon contradicteur. Je reprends ma traduction au point où je l'ai laissée : « Il reste à démontrer que le liquide qui se produit dans la chrysalidation n'est nullement destiné à rompre les fils qui emprisonnent l'insecte. » Bien que ce liquide par ses propriétés chimiques ait quel- que analogie avec celui que donnent les nymphes des cocons fermés, et qu'il paraisse provenir de l'organe même qui chez DU DÉVIDAGE DES COCONS. 287 celles-ci a cette destination, il ne s'ensuit pas pour cela qu'il ait le même usage et qu'il désorganise la soie. Deux triangles semblables n'ont-ils pas les mêmes angles, sans avoir les mêmes aires. » Prenons comme types de comparaison les cocons du Mû- rier qui, comme cocons fermés, sont ceux qui sont le plus à notre disposition, et les cocons de l'Ailante et du Spondias, communs aux deux contrées. » Le liquide duCynthia et celui du B.Spondiœ doivent pro- portionnellement être plus abondants que celui que possède le Bombyx du Mûrier. Leur Papillon est trois ou quatre fois plus grand, et cependant la quantité de liquide qu'il laisse à l'ori- fice est à peine suffisante pour mouiller un morceau de papier réactif. Il en reste si peu, que pour que le papier en conserve la trace, on doit le mettre au milieu de la frange et compri- mer celle-ci fortement dans les doigts. Dans le cocon du Mûrier, la liqueur dissolvante est au contraire en si grande abondance qu'elle tache non-seulement la partie qui se trouve en contact avec le Papillon, mais même très- souvent plusieurs cocons voisins (1). » Cette liqueur que projette le Bombyx du Mûrier est encore remarquable par son affinité pour l'eau. Si l'on plonge en effet dans de l'eau distillée quelques cocons éclos, elle im- prégnera tout de suite et seulement les parties des cocons tachées par la liqueur. On ne retrouve pas la même affinité sur l'orifice des cocons de l'Ailante , pas plus que sur ceux du Spondias. » Voyons maintenant si les liqueurs se ressemblent pour la propriété de dissoudre la soie. Qu'on prenne, par exemple, des cocons des deux genres au moment de l'éclosion. Qu'on en saisisse les brins de l'orifice avec les doigts ou mieux avec (1) Les taches que l'on remarque sur les chapelets de cocons que les ma- gnaniers conservent pour la reproduction, proviennent, je crois, beaucoup plus du liquide que les papillons rendent après leur éclosion, que de la li- queur que sécrète l'insecte pour altérer la soie. Sous ce rapport le papillon du Cynthia ne le cède en rien à ceux de ses confrères qui ferment leurs co- cons. Mes caisses à éclosion pourraient en témoigner. (Note du trad.) 288 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. les pinces, on pourra vérifier qu'au bord de l'ouverture du cocon du Mûrier, le fil se brise au moindre effort, tandis que la frange de l'Attacus résiste. Si l'on passe une épingle dans les boucles de cette frange, on verra facilement combien elle est solide et loin d'être altérée (1). Je cite ce fait surtout à M. Guérin-Méneville qui, le premier, en a fait l'expérience sur des cocons éclos ; s'il s'en est emparé pour prouver que nos Vers ne rompent pas leur soie, j'ai bien le droit à mon tour d'en conclure qu'ils manquent absolument de liqueur dissolvante. » M. Givelet croit avoir prouvé dernièrement que le Ver, au moment de se transformer en nymphe, sécrète sur sa tète une liqueur qui détruit la couleur azurée du papier de tournesol. Il pense que cette liqueur peut être par son action chimique et corrosive un auxiliaire de celle que sécrète la nymphe quand plus tard elle devient un insecte parfait. » Sans nier son existence, nous avons quelques doutes au moins sur son objet. Nous avons répété les mêmes expériences, mais sans les faire toutefois comme M. Givelet. 11 a coupé le cocon dans le sens du grand axe (2), et n'a pas séparé la partie supérieure. Il y a introduit sous le cône soyeux un second cône de papier réactif, et après la nymphose, il a trouvé le papier complètement altéré. Nous, au contraire, nous coupons au niveau de la porte du cocon tout le cône soyeux et nous le remplaçons par un cône pareil de papier réactif qui tombe comme un chapeau sur la tête de l'insecte. Après la chry- salidation, le papier reste intact (3). Ne peut-il pas se faire (1) J'ai vérifié le fait sur des cocons éclos et sur d'autres dont la nymphe ne s'était pas formée. Je dois reconnaître que partout j'ai trouvé la même so- lidité. (2) 11 y a là erreur de la part de M. de la Roche ; c'est perpendiculaire- ment au grand axe que j'ai fait la section. (3) Il est bon d'observer que j'ai seulement ouvert le cône de soie, comme on ouvre un couvercle fixé par une charnière, tandis que M. de la Roche l'a tout à fait enlevé. Mon cône étant refermé après l'introduction du papier réactif, j'ai maintenu la clôture en plaçant le cocon dans une petite boîte dans laquelle les deux bouts étaient un peu forcés. M. de la Roche, au con- DU DÏVIDAGE DES COCONS. 289 que le cône imprégné plusieurs l'ois des liquides gommeux qui cimentent, chaque couche, n'en conserve plus tard quelques principes acides? Le papier de tournesol est si sensible à leur action, qu'une simple vapeur, pour peu qu'elle soit acide, suf- iitpour l'altérer. » Quanta cette espèce d'humeur qui s'est manifestée sur la tête de la nymphe, il peut très-bien se faire qu'elle soit de la même nature que le liquide qui reste sur la peau neuve du Ver qui vient de changer d'âge, car ce liquide a de même pour but d'aider l'insecte à se débarrasser de l'enveloppe écaillcuse qui protégeait sa tête et à se glisser en dehors de la peau qu'il doit abandonner et qui est attachée sur la feuille de l'arbre par les griffes de ses pattes. Quand le Ver en est sorti, on le voit se sécher en s'essuyant avec les quelques poils qui ornent ses tubercules. » Nous ne sommes pas dans l'erreur en émettant une opi- nion contraire à celle que s'est formée M. Givelet sur l'action corrosive de cette sécrétion qu'il croit provenir seulement de la tête du Ver. Nous disons en termes de médecine : l'action de ce liquide est lubrifiante ; c'est-à-dire qu'elle évite à l'insecte l'usage d'autres agents bien plutôt qu'elle ne sert à combattre ces agents. La nature le lui donne à toutes les époques impor- tantes de sa vie; il aide le Papillon à sortir de sa coque; il débarrasse la Nymphe de la peau de la Chenille et permet à celle-ci de se défaire de la sienne à chacune de ses mues. » M. Givelet a fait encore fausse route en pensant, d'une part, que cette sécrétion ne se produit sur la nymphe que sur les points de son corps voisins de l'orifice, et d'autre part, qu'elle n'a pas d'autre rôle que celui qu'il lui donne. 11 n'a pas songé à faire l'épreuve sur la dépouille toute fraîche qu'abandonne la nymphe. Nous y avons pressé quatre carrés de papier de tournesol d'un demi-centimètre, et tous les quatre ont été imbibés et ont changé de couleur (1) . 11 est donc clair traire, ayant laissé la nymphe à l'influence de Pair, il a pu se produire uw évaporation qui ait changé les résultats. Cela prouve combien ces expériences doivent être répétées pour qu'on puisse en tirer des conclusions certaines. (1) Nous retrouvons ici une seconde preuve de l'évaporation de la liqueur 2' séiiie, t. VII. — Mai 1870. 19 290 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. que la liqueur s'exhale de tout le corps de la nymphe et non pas seulement de la tête pour mouiller l'orifice. Sa mission est toute autre. Il en est de même de la liqueur qui se reproduit plus tard à l'éclosion de l'insecte parfait. » Dans l'ordonnance divine de toute la création, on ne voit aucun organe, aucun instinct donnés aux animaux sans but déterminé. Chez les insectes dont la vie est si courte et qu'on voit de si près, l'étude en est facile pour un esprit observateur. Peut-on penser que cette tendance forcée qui porte l'Attacus à former constamment une bouche à son cocon, ne soit bien un instinct qui remplace chez ce Ver la liqueur dissolvante ? Qu'on retire un Ver de son cocon, lorsqu'il vient de terminer l'une de ses premières couches ; qu'on l'enferme dans une boîte aérée seulement par quelques petits trous, on verra que ce Ver y construira tout de suite une nouvelle enveloppe en ménageant une porte. Qu'on fasse encore une autre expé- rience, que l'on coupe la frange qu'a disposée le Ver au sommet d'un cocon quelques instants avant qu'il rompe le réseau, on le verra, le moment venu, paraître à l'orifice et jouer des mandibules. Bienmieux encore, que l'on coupe la frange quand il la file, il tressera un réseau pour se remettre à couvert. Donc il existe en lui un instinct qui le pousse à préparer l'issue du Papillon et à se mettre à l'abri par une clôture qui protège son travail. Pourquoi, sans cela, déployer tant de zèle à mé- nager cette porte ? Pourquoi mettre tant de temps à la perfec- tionner ? » Le liquide que l'on trouve répandu dans le cocon aussitôt l'écfosion est celui qui s'échappe de la peau de la nymphe, quand le Papillon la quitte. En outre, quand celui-ci s'engage dans l'orifice étroit qu'il lui faut traverser pour sortir de son sac, son ventre comprimé lâche sous forme d'excrément une liqueur dont le poids arrêterait son essor quand sa robe séchée acide, et cette fois c'est chez moi que le fait se produit. J'ai déposé trois vers, prêts à se changer en nymphes, sur une feuille de papier de tournesol; leur chrysalidation n'a pas laissé de traces et très-probablement parce qu'ils étaient à l'air, puisque le docteur, en opérant d'une autre manière, a retrouvé l'a- cide. Note du trad.) DU DËVIDAGE DES COCONS. 291 et ses ailes déployées lui permettraient de le prendre (1). » Donc, si les chrysalides de l'Attacus n'ont pas ce liquide abondant et dissolvant qui distingue les genres qui ferment leurs cocons, il y a tout lieu de penser que c'est pour cette raison que leurs Vers brisent leurs fils, toute réserve faite cependant quant au but principal que doit atteindre la loi, que nous ne pouvons pas plus comprendre que nous ne com- prenons son divin Auteur. » Application de la loi à l'industrie du dévidage. « Le brin que file une Chenille vigoureuse est continu jus- qu'à la fin de la seconde couche, et le réseau que rompt le Ver se trouve entremêlé dans toute l'épaisseur de la première (2). Si l'on ne veut perdre celle-ci, il faut tuer le Ver en temps utile pour qu'il ne brise rien. Les Chenilles plus faibles rom- pent le réseau en terminant la première couche. » Si cependant l'on ne tient pas à cette première couche, et qu'on préfère n'en tirer que de la bourre, on peut laisser le Ver terminer son travail en toute sécurité, mais seulement, dans ce cas, on dévide couche par couche en rattachant chaque fois, et il est inutile de faire périr la Chenille ou d'étouffer la nymphe (3). On peut laisser les Papillons éclore sans crainte (1) Ce doit être une erreur, insignifiante du reste, pour l'argumentation. Le papillon ne se vide que plus tard quand ses ailes sont séchées et souvent même après l'accouplement. (Note du trad.) (2) Il semble résulter des mouvements observés par M. de la Hoche que les fils du réseau ne peuvent se trouver qu'entre la première couche et l'en- veloppe extérieure. Le réseau se construit avant la première couche dont la frange ne se redresse qu'après la destruction de l'organe protecteur. C'est sur cette frange seulement que les extrémités des fils du réseau se perdent dans l'épaisseur, puisqu'Us sont réunis aux diftérents faisceaux dont elle est composée. C'est du moins ce que je comprends d'après le texte même. (Note du trad.) (3) Le poids de l'insecte mort me semble nécessaire pour contrebalancer la force de l'adhérence. C'est une étude à faire dont le résultat peut dépen- dre beaucoup de l'état dans lequel se trouvera le grès sous l'influence du bain préparatoire. (Note du trad.) 292 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. «le dommage et s'en servir pour la reproduction. C'est un grand avantage pour l'exportation. Mais si l'on fait quelques expéditions, il faut avoir biensoin deséparerdes cocons vides ceux que la nature réserve pour conserver l'espèce ; ces der- niers n'éclosent pas en même temps que les autres, et, com- primés dans l'emballage, ils se gâteraient bien vite. » Le dévideur, pour trouver le brin de chaque couche, le cherchera de préférence vers le fond du cocon, bien qu'il soit commencé sur l'orifice même. C'est qu'en effet la plupart des spirales se croisent vers le fond ; on se rappelle que la Che- nille qui y descend au bout de deux ou trois minutes y reste près d'une heure. Nous ne garantissons pas que lorsqu'il coupe les fils qu'il a mis sur la frange, le Ver n'en attaque pas parfois quelques-uns des spirales ; mais ce ne peut être qu'une rare exception, car généralement on les retrouve intacts. » Quand, pendant le dévidage, on arrive à tirer les fils de l'orifice, on doit donner au brin une légère secousse pour le bien dégager des fibres transversales que le Ver a posées sur le bout de la frange. » Le bain qui nous réussit le mieux pour amollir la gomme ou le vernis du cocon est une solution de potasse hydratée dans la proportion de 2 grammes pour 300 grammes d'eau sou- mise à une chaleur d'au moins 60 degrés centigrades. Il est bon d'observer qu'à mesure que Tévaporation concentre le liquide, on doit remettre de l'eau, afin que la solution ne devienne pas trop forte et n'attaque pas la soie. » Nous ne voulons pas terminer ce travail sans faire con- naître à nos sériciculteurs, notre avis sur un point qui s'écarte, il est vrai, du cadre de cette étude. C'est que la meilleure ma- nière de bien déterminer la nature de l'agent dont on doit se servir pour dissoudre le vernis avant le dévidage, serait l'ana- lyse chimique de cette dernière subslance et de la poudre blanche dont elle est mélangée sur la dernière couche. C'est la nature elle-même qui doit nous renseigner, et c'est en recher- chant comment elle procède qu'on trouve le moyen de jouir de ses bienfaits. Nous avons remarqué qu'à la base de la frange intérieure du cocon, le fil de l'Attacus se détache faci- DU DÉVIDAGE DES COCONS. 293 lement et sans qu'on ail besoin du secours de l'alcali. Cette frange n'est pas vernie et rien n'empêche d'y pénétrer le liquide mélangé que l'insecte répand en terminant son œuvre. C'est très-probablement quelque cause analogue qui rend si simple et si facile le dévidage d'une sorte de cocon sauvage rencontré sur les bords du Ilio-Porce. Son fil, qui est solide, d'un jaune brillant et d'un fort bel aspect, se dégage sans effort et sans le moindre auxiliaire. Il esl fâcheux seulement qu'on ne connaisse pas encore la Chenille qui le produit et qui serait si précieuse à notre industrie. » Ce dernier paragraphe soulève une grosse question et dont l'auteur lui-même n'a peut-être pas bien compris toute l'im- portance. En nous faisant connaître l'obstacle principal qui s'opposait au dévidage des cocons non fermés, le docteur de la Roche nous rend bien certainement un immense service ; mais il s'en faut que le dernier mot soit dit. Outre une foule de détails qui doivent être étudiés avant d'être pratiques, il nous reste à résoudre un problème très-sérieux et dont la solution nous est indispensable pour faire de la soie grége. Le fil que donne le Ver se compose de deux brins, qui sor- tent de sa filière par deux trous contigus ; mais immédiate- ment ces brins se réunissent et s'agrègent ensemble, grâce à une sorte de gomme, qui, sous le nom de grès, enveloppe complètement la matière soyeuse. Quand on dévide le cocon du Mûrier, on le baigne dans l'eau chaude, qui ramollit ce grés, mais ne le dissout pas. Il en résulte que plusieurs fils mis 'en contact au sortir de ce bain s'agrègent très-facilement comme l'ont fait les deux brins dont chacun d'eux se compose ; c'est en raison de celte agrégation plus ou inoins réussie que la soie peut ensuite supporter le traitement que demande l'emploi auquel on la destine. Ce qu'on appelle soie grége dans l'industrie, se compose donc toujours d'au moins cinq à six brins, souvent de dix à 294 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. douze, réunis par le grès d'une manière si parfaite qu'on ne distingue plus qu'un fil. Pour obtenir ce résultat, qui fait en grande partie la valeur de la soie, le dévidage s'opère de la façon suivante : Les cocons préparés en nombre suffisant sont jetés dans une bassine dont l'eau, chauffée à un certain degré, doit ramollir le grès. Les brins de chacun d'eux sortant delà bassine vien- nent traverser ensemble un espace resserré qui prend le nom de filière, et dont ils doivent sortir soudés en un seul fil pour monter sur le tour qui formera l'écheveau. Mais comme il faut que la soudure des brins ne fasse défaut nulle part, le fil qui sort de la filière, au lieu d'aller directe- ment au tour, se détourne de sa route et s'en va, soit à droite, soit à gauche, tourner autour du fil de la filière voisine. Les deux fils se rencontrent entre les deux filières et s'enroulent plusieurs fois, l'un et l'autre se prenant mutuellement pour axe. Ils se séparent ensuite pour regagner le tour où ils re- prennent leur place et forment leur écheveau. La pression qui s'opère sur l'ensemble des brins pendant tous ces croise- ments complète l'agrégation, et en même temps, sous l'in- fluence de l'air, le grès se sèche sur tous les points de la soie qui ne sont pas en contact. Arrivé sur le tour, le fil est sec et parfaitement uni. Pour faire de la soie grége, il est donc nécessaire de con- server le grès, et de ne pas le dissoudre. Il faut seulement le ramollir et c'est ce que jusqu'ici personne n'a pu faire pour les cocons ouverts. L'eau chaude ne suffit pas; les alcools n'ont aucune influence; les agents alcalins vont bien au delà du but. Il faut chercher ailleurs, et peut-être, comme l'indique le docteur de la Roche, pourrait-on réussir en reproduisant artificielle- ment la substance que le Ver a tirée de la feuille. C'est donc une analyse à faire, et des plus délicates. Que les chimistes nous viennent en aide ; nous nous chargeons du reste. JARDIN BOTANIQUE DE LIMA LETTRE ADRESSÉE A M. DROUVN DE LHUYS, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ. Monsieur ie Président, Sur la demande du Ministre de l'Empereur à Lima, le pré- sident du Pérou a récemment rendu un décret qui autorise la direction du Jardin botanique de la capitale de cette répu- blique à entrer directement en rapport avec la Société d'accli- matation de Paris pour organiser un échange de plantes et de araines. Par cette même décision, le directeur est invité à réunir, pour la Société française, une collection de semences et de plantes originaires du Pérou. J'ai l'honneur, Monsieur le Président, de vous transmettre, ci-joint, la traduction de ce décret, accompagnée d'une note de M. le baron Gauldrée Boilleau sur la situation actuelle du Jardin botanique de Lima. Agréez, Monsieur le Président, les assurances de ma haute considération, Pour le Ministre et par autorisation : Le Directeur des Consulats et affaires commerciales, Meurand. Vu la note de l'envoyé extraordinaire et ministre plénipo- tentiaire de France, par laquelle il nous fait connaître le désir du président de la Société d'acclimatation de Paris, d'établir avec le Jardin botanique de Lima un échange de plantes et de graines ; vu les propositions analogues faites par la Société d'acclimatation de Queensland et le Jardin des plantes de Mel- bourne, et favorablement accueillies par le gouvernement ; considérant que les échanges projetés de plantes et de semences peuvent être utiles pour le progrès et l'enrichissement du Jar- din botanique de Lima ; qu'ils doivent commencer et se con- tinuer avec toute l'extension possible, de la manière qui 29(5 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. paraîtra la meilleure au directeur du Jardin ; qu'il est d'ail- leurs convenable que le directeur du Jardin botanique s'en- tende directement avec les directeurs des autres Jardins des plantes ou présidents de Sociétés d'acclimatation étrangères, celte voie étant la seule qui permette d' effectuer sûrement les échanges, il a été résolu : Que le directeur du Jardin botanique réunisse et remette au ministre de France, dès maintenant s'il le peut, ou du moins dans le plus bref délai possible, vu l'état actuel du Jardin, une collection de semences et de plantes péruviennes pour la Société d'acclimatation de Paris ; avec l'autorisation pour le directeur du Jardin botanique de Lima de correspondre directement avec ladite Société, sur tous les points qui peuvent intéresser les deux Jardins, en conservant les lettres qui lui seront adressées, et un registre de celles qu'il aura dû écrire, ainsi qu'un inventaire détaillé des envois qu'il aura faits ou reçus, pour en rendre périodiquement compte au gouverne- ment. Cette disposition sera étendue à la Société d"acclimata- tion de Queensland et au Jardin des plantes de Melbourne, ainsi qu'à toutes autres Sociétés, et aux directeurs de Jardins botaniques qui manifesteraient le désir d'entrer en rapports avec celui de Lima. Communiquez les présentes en réponse à la note du baron Gauldrée-Boilleau, expédiez copie au ministère de l'instruc- tion publique pour que le directeur du Jardin botanique en soit informé ; enregistrez et publiez. — Paraphe de S. E. Dorado. NOTE SUR LE JARDIN ROTANIQUE DE LIMA. La création du Jardin botanique de Lima remonte à un décret en date du 18 janvier 1S67, signé de S. E. le colonel Prado, alors président de la république. Cette décision, rendue sur le désir exprimé par le doyen de la faculté de médecine de l'université de San Marcos, assigna à cette fondation un enclos de 27 9/i0 mètres carrés, apparte- JARDIN 1S0TANIQUE DE LIMA. 297 liant à l'État, et situé dans les murs de la ville, à 300, mètres environ de l'hôtel de la Faculté. Le Congrès de 4 808, l'ayant approuvée, vota pour l'exécuter une somme de 558 000 francs, dont 160 000 destinés à l'achat des plantes, et les 390 000 restants à la construction des édifices, serres, aquariums, canaux d'arrosage, etc., nécessaires à l'établissement, dont la direction fut conliée au docteur D. Miguel de Los Rios, doyen de la Faculté de médecine. Les travaux ne sont terminés encore qu'en partie. Quatre aquariums en plein air et quatre serres ont déjà été établis, et d'ici à peu s'élèvera une serre de fabrique allemande que l'on est aujourd'hui en train de monter. Elle mesurera 20 mètres de long sur 8 de large ; 9 mètres de hauteur sur toute sa longueur, et lu mètres sous la coupole centrale. Les dépendances actuelles ne consistent qu'en logements pour le jardinier en chef, M.Charles Klug,etpourses ouvriers, et en magasins pour le matériel. On ne tardera pas, cependant, à remédier à cette insuffisance. Le gouvernement vient d'ad- joindre au Jardin un enclos de 12 000 mètres carrés, sur lequel doivent s'élever les bâtiments nécessaires à l'établisse- ment d'un Musée d'histoire naturelle et d'archéologie péru- vienne formé de la collection récemment acquise par le gou- vernement, du professeur D. Antonio Raimondi, et auquel s'ajouteront des salles d'étude, et des cabinets de physique et de chimie. Une partie des cours .de la Faculté de médecine seront alors transférés à portée du Jardin botanique et des collections, qui pourront ainsi remplir plus complètement leur but pratique. Le Jardin botanique de Lima contient aujourd'hui de 80 à 90 000 plantes, représentant environ 5000 espèces et se répartissant en deux cent cinq familles, suivant le dernier inventaire de M.Charles Klug. Elles ne sont malheureusement pas disposées encore dans l'ordre méthodique que devrait présenter un établissement de ce genre. Plusieurs raisons s'y sont opposées jusqu'à présent. En premier lieu, le désir de flatter les yeux, dans un pays où les masses ne sont pas encore assez accoutumées aux idées scientifiques, pour ne pas recher- 298 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. cher avant tout l'agrément. C'est dans ce but que l'on a établi sur plusieurs points du Jardin des massifs des plantes les plus brillantes, qui attirent l'attention et la détournent des plates- bandes consacrées à la classification par familles. Un second obstacle, dans un ordre d'idées plus sérieux, a été la nécessité de se rendre compte de l'effet du climat de Lima sur des plantes originaires de tous les pays, et que la nature fait naître dans des conditions fort diverses. La climatologie de la côte du Pérou est encore peu étudiée. Bien que la ville de Lima soit située par 12°2'34" de latitude sud, elle jouit, par suite de circonstances météorologiques tout à fait particulières, d'une température relativement basse, et, par suite, une foule de plantes qui croissent parfaitement à l'air libre sous une latitude plus éloignée de l'équateur, doivent, à Lima, être abritées avec soin. Pour citer quelques exemples, la « Victoria regia » ne peut subsister que dans les serres, bien qu'elle croisse spontanément sur le Rio Béni et dans la «Montana», sous une latitude bien plus méridionale, et nombre de « Nymphéa » et de « Nelumbium » cultivés en plein air à Lima, vivent et fleurissent, il est vrai ; mais les fleurs restent fort inférieures aux dimensions qu'elles attei- gnent dans l'état de nature ou dans les serres chaudes, même en Europe. En effet, la température maximum observée à l'ombre à Lima ne dépasse pas en été 30 degrés centigrades, et dans les nuits d'hiver (de juillet à octobre) , elle peut s'a- baisser jusqu'à f 10 degrés centigrades. Les conditions hygrométriques sont également exception- nelles. Tandis que l'hiver, l'atmosphère esta peu près saturée d'humidité, en été, et bien que l'air libre donne encore 3 ou h degrés dupsychromètre, il s'exerce une action desséchante très-marquée : aussi les plantes qui demandent constamment de l'humidité ne supportent-elles pas cette saison. On peut s'en convaincre facilement. Les « orchidées » par exemple, n'ont guère réussi qu'en serre, bien que la température soit suffi- sante pour elles au dehors ; et les environs de Lima n'en pré- sentent qu'une seule espèce spontanée (une « chlorea »). Encore ne la rencontre-t-on qu'en hiver à l'époque la plus JARDIN BOTANIQUE DE LIMA. 299 humide. Pour obvier à cet inconvénient, on a fait planter dans une partie du Jardin un bosquet très-fourré, et l'on espère, lorsque les arbres auront grandi et donneront une ombre épaisse, pouvoir y cultiver les orchidées à l'air libre, soit en pleine terre, soit sur l'écorce des arbres, ainsi que plusieurs autres espèces qui demandent, comme ces dernières, des conditions toutes spéciales d'ombre et de fraîcheur. C'est par une étude attentive des mœurs et des besoins de chaque plante que l'on pourra remédier au désordre apparent du jardin, et arriver à une classification que ces observations rendront de jour en jour plus facile. 11 faudra probablement encore bien des années, en admettant que le gouvernement continue àprêter à l'entreprise l'appui éclairé qu'il lui accorde aujourd'hui, pour que l'ensemble des collections présente un intérêt réel au point de vue de la flore péruvienne. La presque totalité des espèces cultivées aujourd'hui proviennent, en effet, de semences ou de pieds envoyés d'Europe. Les environs de Lima, et quelques échanges avec le Chili et l'Australie ont fourni le reste ; et ce n'est qu'après l'achèvement des construc- tions dont il est question plus haut, que les ressources allouées à la Faculté de médecine lui permettront d'envoyer quelques missions dans le bassin des Amazones, dont la flore est encore peu connue, et où se rencontrent principalement les richesses botaniques, d'ailleurs considérables, du Pérou. Baron Gauldrée Boilleau. II. EXTRAITS DES PROCÈS - VERBAUX DES SÉANCES GÉNÉRALES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE DU 4 8 MARS 1870. Présidence de M. A. Passy, vice-président. Le procès-verbal est lu et adopté après quelques observa- tions de M. Richard (du Cantal) sur sa rédaction. — M. le Président fait connaître les noms des membres récemment admis : MM. Azevédo (Charles), rentier propriétaire, à Paris. Caubert (Auguste), magistrat, à Rouen. Chassin (le Dr), délégué de la Société impériale d'ac- climatation, à Mexico. Clément, administrateur des Eaux de Vais , maison Céas, à Valence. Erhmann, propriétaire, à Paris. Gasnault, propriétaire, à Paris. Girault de Prangey, à Langres. Hardy Passot, à Paris. Page (George-Shepard) , 1 39, Maiden lane , à New-York . Pelletan(J-), rédacteur en chef An Journal des fermes et des châteaux, à Paris. — MM. Ed. Benoît, Gasnault et Pierre adressent leurs remercîments pour leur récente admission. — Des remercîments pour les récompenses qui leur ont été décernées dans la séance publique du h mars, sont adressés par MM. le docteur Hooker, P. Carbonnier, J. Vekemans, Pierre, docteur Gintrac, J. Stône, docteur Le Prestre, J. Ver- reaux, Chevalier d'Erco, P. L. Simmonds, J. de Bont, Roberti de Grady, docteur Bouillod , Al. Adam, colonel Martin, Delouche, A. de Loës, Berg, Oscar Schmidt, Chalot, vicomte de Beaumont, docteur Gressy, Cornely,Bonfils, P. Vidal, doc- teur Chavannes et Mairet, Mmes Baumann, veuve Delisse, et C. Dessaix. M. le Président donne lecture des deux lettres suivantes qui PROCÈS-VERP.AUX. 301 lui onl été adressées en réponse aux adresses que la Société avait fait parvenir à LL. MM. le Roi d'Italie et le Roi des Pays-Bas : « Sa Majesté mon Auguste souverain m'ayant fait l'insigne » honneur de me charger de répondre à la gracieuse lettre » de Votre Excellence, je m'acquitte de cette agréable mission » en la priant de bien vouloir être l'interprète des sentiments » de Sa Majesté le Roi, auprès de l'honorable Société impé- » riale d'acclimatation présidée par Votre Excellence, et de >; lui exprimer en son nom, ses remercîments ainsi que sa y> satisfaction pour les expressions très-cordiales que Votre a Excellence a bien voulu lui manifester. Très-heureux d'avoir » rempli ainsi les ordres de mon Roi, je saisis avec empres- » sèment cette occasion, pour protester ta Votre Excellence les » assurances de ma considération la plus distinguée. » Signé : N. Aghemo. « D'après les ordres de Sa Majesté le Roi, j'ai l'hon- î neur de vous accuser réception de la lettre que vous » lui avez adressée sous la date du 16 février, au nom de la » Société impériale d'acclimatation, et je suis chargé de vous » témoigner la reconnaissance de Sa Majesté pour les senti- » ments qu'elle exprime. En présence d'une attention aussi n délicate, Sa Majesté aime h se rappeler que c'est a des Fran- » çais que nous devons l'initiative dans une question d'un i» intérêt aussi important et général que celle de la piscicul- » ture. Sa Majesté n'entend pas séparer sa considération pour » la Société impériale d'acclimatation, de celle que votre » caractère personnel a toujours su lui inspirer, et elle me » charge, Monsieur, de vous offrir les vœux les plus sincères » pour la prospérité de la Société dont vous occupez si bien la » présidence. •> Signé : Heeckeren van Molecaten. — M. A. Montclar fait parvenir un exemplaire du discours qu'il a prononcé sur la tombe de M. G. S. Perrottet, membre honoraire de la Société, décédé à Pondichéry, le 13 janvier 1870, et qui a été inhumé au milieu du Jardin botanique qu'il avait créé. 302 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. M. de Surigny adresse les renseignements suivants sur les Moutons Ti-yang, qui lui ont été confiés par la Société : « Le )> Bélier chinois (Ti-yang) que j'ai en cheptel se porte toujours » bien ; comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire à la Société, » je n'ai pu obtenir que des métis mâles que j'ai dû vendre » pour boucherie. La viande en est très-bonne, et l'animal » très-précoce. J'ai enfin une Brebis métis d'un an qui, accou- » plée avec le Bélier me donnera des trois quarts de sang » Ti-yang, et je pourrai juger des qualités de cette race. » Pour le moment je puis dire que c'est un animal de bou- » chérie, ayant besoin d'herbages assez substantiels, et pos- » sédant de la laine de mauvaise qualité. Mais le croisement y> peut améliorer la race, et surtout donner de la rusticité à )> l'animal qui mourrait presque toujours de phthisie en » France. » M. le Dr Buvry, président de la Société d'acclimatation de Berlin, adresse la note suivante sur l'état actuel de Phippo- phagie en Prusse : « Le nombre des boucheries de Cheval » s'est élevé l'année passée à dix-neuf. Depuis l'année 1853, » le nombre des chevaux tués constitue la liste suivante : 1853 par 5 boucheries environ 686 chevaux. — 400 — — 700 — — 759 — — 367 — — Zi50 — — 443 — — 618 — — 519 — — 1042 — — 1307 — — • 1742 — — 2141 — — 3115 — — 3911 — — 4026 — 1854 4 1855 4 1856 4 1857 2 1858 2 1859 4 1860 4 1861 3 1862 7 1863 7 1864 8 1865 8 1866 12 1867 17 1868 18 En somme 25226 chevaux. Pour Tannée 1869 le chiffre s'élève à 3849 chevaux PROCÈS-VERBAUX. 303 » De cette somme il faut soustraire soixante-cinq, rejetés » par le contrôle légal comme impropres à la nourriture » humaine, pour cause de maladie, etc. Pour obtenir une » plus grande garantie pour les cas de refus par la police et » pour empêcher que la chair des chevaux rejetés à la bou- » chérie centrale ne fût mise en vente, la préfecture de police » a ordonné que les chevaux trouvés impropres à la consom- » mation, sans être atteints d'une maladie contagieuse, fussent » transmis à la voirie, pour être exploités industriellement. » Concernant l'exploitation des chevaux abattus, il n'y a pas » eu de changement à l'égard de l'année 1868. Le prix de la » chair a été de 25 centimes la livre. Le mouvement industriel » rendu plus libre, par les lois émanées par la confédération » du nord de l'Allemagne, ne s'est pas encore fait sentir par » une augmentation dans le nombre des boucheries de Cheval. » On n'exige plus un certificat de capacité pour l'exercice du » métier; tout ce qu'il faut, c'est une annonce auprès de l'au- » torité municipale et la preuve qu'on se sert de la localité » légalisée par la police. Il nous reste à prendre en considé- » ration le rapport de la consommation de la chair de Cheval » à celle de l'autre bétail. Elle a été la suivante. En 1869, il a » été vendu sur le marché de Berlin. Bœufs et Vaches 78 8/i6 têtes. Veaux 87 601 Cochons 200 939 Brebis. .. 485 316 — M. Decroix fait remarquer que d'après les chiffres con- tenus dans la lettre de M. Buvry, la consommation de la viande de Cheval est restée à peu près stationnaire depuis l'ouverture des boucheries à Berlin (1853) jusqu'en 1861, et que ce n'est qu'à partir de cette dernière époque que l'ac- croissement a été très-notable. S'appuyant sur les statistiques, il fait ensuite connaître les progrès très-satisfaisants de l'hip- pophagie dans la capitale et en province. 11 termine en disant que si les résultats ne sont pas plus satisfaisants encore, c'est que certains conseils municipaux, loin de favoriser l'usage de 304 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. la viande de Cheval, prennent arbitrairement les mesures les plus propres à l'entraver ou à en arrêter le progrès. A l'appui de cette assertion, il cite l'exemple de Beaucaire, où un indus- triel est en instance depuis trois ans pour ouvrir une bou- cherie chevaline, sans avoir pu encore obtenir l'autorisation. M. Richard (du Cantal) fait observer qu'à Marseille, où il n'existe pas de boucheries de Cheval, on renvoie les animaux à Lyon pour y être débités dans les établissements de cette ville. M. Decroix dit qu'il en est de même pour l'approvisionne- ment de Paris, où Ton envoie les chevaux des différentes loca- lités du voisinage et qu'il en vient même de Reims, quand le nombre des animaux y est supérieur aux besoins de la con- sommation. M. de Quatrefages demande si M. Decroix pourrait donner des renseignements sur la classe de la société qui fait le plus d'usage de la viande de Cheval. M. Decroix répond que la consommation se fait par toutes les classes de la Société, et qu'il est assez fréquent de trouver de la répulsion pour cet aliment parmi les ouvriers. M. Delaunay exprime quelques doutes sur la valeur alimen- taire de la viande de Cheval. — M. Dabry transmet la lettre suivante de Mgr Chauveau, vicaire apostolique du Thibet : « Hier soir j'ai eu une longue » conversation avec un Thibétain sur les Faisans blancs » ^^ I^S Siuè-ky des Cbinois. Cet homme m'a fourni plu- » sieurs documents intéressants sur cet oiseau et il m'en pro- » met tant que je voudrai. Je lui rends un prix fort beau pour » le pays, un taël par Faisan, vieux, jeune, mâle ou femelle, » plus certaines dépenses accessoires qui sont inévitables. Cet » oiseau est plus docile et beaucoup moins sauvage que la » Lady Amhersfs pheasant, plus gros aussi, moins beau sans » doute, mais meilleur à manger. Il m'eût été facile de vous » envoyer des Faisans Lady Amhersfs l'année dernière; mais » vous étiez absent, et cela naturellement m'a un peu déso- » rienté. J'ai eu occasion d'écrire deux fois au Consulat de » Han Keou, et comme on ne m'a pas répondu, j'ai pensé PROCÈS-VERBAUX, 305 » qu'il valait mieux vous attendre. Je ne puis prévoir encore » à quelle époque il me sera possible de faire l'envoi en ques- » lion ; probablement en janvier 1870, peut-être en février. » En tout cas j'aurai soin de vous prévenir un ou deux mois » à l'avance. » — M. José de Canto, de Saint-Michel (Açores), donne les enseignements suivants sur ses éducations de Céréopses : « J'ai fait l'acquisition, en 1868, au Jardin de la Société d'ac- » climatation du bois de Boulogne, d'une paire, de jeunes » Céréopses, qui sont arrivés ici sans accident, et qui ont » commencé à faire leur nid à partir du mois de décembre. Ils » étaient en liberté complète, et se promenaient partout dans » mon jardin, étant complètement inoffensifs. Ils ont choisi » pour faire le nid l'abri d'une vieille maison, et le mâle est » toujours resté à coté de la femelle pendant qu'elle reslait au » nid. Au mois de février 1869, je fus très-agréablement » surpris, quand on m'annonça qu'un jeune Céréopse était né. » On a vu le petit encore le second jour, mais à partir du » troisième jour il a disparu, et les Céréopse sont abandonné 7) le nid, où l'on a trouvé trois œufs vides. Cet accident m'a » beaucoup contrarié, et je n'ai jamais su à quoi attribuer la » disparition du jeune Céréopse. Avait-il été enlevé, ou détruit » par un Chien, un Chat, des Rats? Aucun vestige ne restait » pour aider à expliquer le fait. Cet automne, à partir des » premières pluies, vers le milieu d'octobre, mes Céréopses » ont recommencé leur nid, et ils étaient bien plus assidus, » que l'année précédente. Je les avais placés dans un lieu cou- » vert et plus sûr, où ils étaient nourris tous les jours. A ma » grande joie, le 6 janvier, j'ai vu éclore quatre jeunes Cé- » réopses, bien vivants et bien conformés. Peu de jours après » ils se promenaient dans le jardin avec leurs parents. » — M. Fred. Albuquerque, de Rio-Grande-do-Sul (Brésil), annonce l'envoi de trente-six œufs de Nandous pour tenter leur incubation en France. Ces œufs sont arrivés en très-mauvais état et complètement impropres à l'usage auquel ils étaient destinés, mais M. Albu- querque pense qu'en faisant, l'année prochaine, l'envoi à une 2« série, T. VII. — Mai 1S70. 20 306 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. époque moins avancée de la saison, il y aurait plus de chances de succès. — M. le baron de Wolbok (de Carnac) annonce qu'avec l'aide de M. le docteur Gressy, il a organisé une grande exploi- tation d'Huîtrières, sur des terrains émergents (lais de mer durcis) , en dehors de toute navigation, et. improductifs jus- qu'ici, où il a installé des hassins submersibles et d'autres insubmersibles. Il compte immerger cette année 1 500 000 collecteurs, chargés de chaux hydraulique ; il fera connaître le résultat obtenu après que l'essaimage des Huîtres aura eu lieu. M. Chaumel, de Vannes, dans une lettre adressée à M. Coste, donne des renseignements sur l'état de l'ostréicul- ture dans la rivière d'Auragy. La moyenne des Huîtres obte- nue a été d'environ 100 par tuile. M. Thomas, agent percepteur de South Canara (Indes), annonce le prochain envoi d'un rapport sur des essais de pis- ciculture tentés dans son district. M. Baruffi, délégué de la Société à Turin, adresse un numéro de la Gazzetta officielle del Regno d'Italia du 7 mars, dans lequel est inséré un article sur un procédé japonais, d'élevage des Vers à soie. — Remercîments). M. le colonel Martin annonce qu'il fera son possible pour procurer en temps utile, à la Société, les Dockars qui lui sont nécessaires pour faire des études sur la caprification des Figuiers. M. A. Delondre dépose des notes sur la sériciculture, extraites du journal publié par la Silksupply association. M. Guérin-Méneville transmetdela part de M. E. Renard, deux cartons de graines de Vers à soie du mûrier, provenant de la province de Echesoo (Chine), localité très-renommée en Chine pour l'excellence des graines qu'on y produit. — Remercîments. — Des remercîments pour les graines de Vers à soie qu'ils ont reçues sont adressées par MM. Martin de Bessé, Rousseau et Dalgieish. — M. le baron P. G. de Dumast fait hommage d'une note PROCÈS-VERBAUX. 307 qu'il vient de publier : De la sériculture , abusivement nommée sériciculture . — Remercîrnents. — M. le docteur Fock, d'Amersfoort, fait don d'échantillons de graines de Vers à soie, provenant de ses cultures. — Remer- cîrnents. — M. Dabry transmet la lettre suivante de Mgr Chauveau, vicaire apostolique du Thibet : « Il est bien peu de mission- » naires en Chine qui se soient trouvés dans des circonstances » aussi défavorables que moi pour étudier la question qui » préoccupe à si juste titre le Comité des intérêts commer- » ciaux français. Un peu par goût, il faut l'avouer, et beâu- » coup aussi par une disposition particulière de l'admirable * » Providence qu'il faut louer et bénir en tout, depuis plus de » vingt-cinq ans j'ai toujours habité là-bas, bien loin, aux » extrémités de l'empire, dans des montagnes généralement » froides et humides, et me voici depuis plusieurs années » dans une position qui a sans doute toutes les grâces, mais » aussi toute la stérilité du Simplon. Je me vois donc aujour- » d'hui à peu près aussi étranger à tout ce qui concerne la » sériciculture que je l'étais lorsque je suis entré en Chine. » Néanmoins ayant eu occasion mille et mille fois de converser » avec des hommes fort expérimentés dans la matière, je vais » essayer de résumer ici en peu de mots ce que j'ai pu ap- » prendre sur ce sujet, auquel je n'attachais du reste qu'une » importance secondaire et n'apportais qu'une attention fort » distraite. Dans tous les temps, l'éducation des Vers à soie a » été une opération très-délicate. On cite des époques dans » l'histoire chinoise où la soie avait presque disparu du » marché. Depuis six ans environ, les Vers réussissent partout » beaucoup plus mal que dans les anciens jours, ils meurent » plus facilement, produisent moins, et la soie est de qualité » bien inférieure. Tel est le fait. Quelle en est la cause? Nos » bons Chinois se sont mis l'esprit à la torture pour la devï- » ner. On a parlé de la colère des dieux, des péchés des » hommes, de l'odeur de sang répandu dans l'atmosphère à » la suite des grands troubles de ces dernières années, et de » plusieurs autres causes tenant à des idées superstitieuses 308 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. » que le Comité des intérêts commerciaux ne saurait prendre » en considération. L'idée qui semble prévaloir dans ce pays » de l'Ouest, c'est que l'abondance des pluies apporte une per- » turbation générale dans toute la nature. Le petit Ver éclôt > plus difficilement, la feuille du mûrier est plus épaisse, mais » plus sèche, les nuages distillent une espèce de sable gris ou » jaune qui s'attache à la feuille du mûrier et qui est à peu » près toujours mortel pour le Ver. Les Chinois établissent » peu de différence entre les races ; ils en distinguent cepen- » dant trois, et même quatre ; mais cette différence n'est » guère que nominale. Que le cocon soit jaune ou blanc, le » sériciculteur n'y attache pas d'importance. Lors même qu'il » serait en mon pouvoir et que je croirais utile de me pro- » curer les graines demandées, votre lettre est arrivée beau- > coup trop tard ; ces graines ne pourraient être à Shang-hay » qu'à la fin de décembre, et encore tout au plus. D'ailleurs » la soie des contrées qui m'avoisinent est loin d'avoir la valeur » de celle qui se récolte à Min-chan-hién, par exemple, ou > mieux encore à Kià-tin-foû. La soie écrue des beaux pays » du Sé-tchoûan se vend encore 27 et 28 taëls le paquet, c'est- » à-dire 160 onces chinoises ; celle de nos environs ne vaut > guère que 21 ou 22 ; elle est beaucoup moins fine et subit » un déchet plus considérable quand on la travaille; s'il s'agit » d'améliorer les races européennes, il faut évidemment s'a- » dresser à des contrées moins rudes que les nôtres. Les Vers ■» à soie sauvages ne sont pas tout à fait inconnus au Sé- » Ichoûan et au Yûnnàn ; mais on n'en fait aucun cas et l'on » n'en retire aucun avantage ; c'est une spécialité du Koîn- » tcbéou. Quant au Thibet, on sait bien que ce n'est pas la » patrie des Vers à soie. Dans certains districts du Sé-tchoûan » la culture du mûrier est faite avec soin, quelquefois même » avec intelligence. Mais dans tous les pays que j'ai pu eon- » naître plus particulièrement la culture de cet arbre est » extrêmement négligée ; on plante un mûrier comme un » arbre ordinaire et l'on ne s'en occupe plus. Le plus souvent » la feuille n'est point employée à la nourriture du Ver à soie; » elle se vend sur place ou dans le marché pour l'entretien PROCES-VERBAUX. 309 » des parcs. Les mûriers de nos montagnes sont loin d'être » aussi beaux que ceux que nous avons en France. Le gouver- v> nement reste tout à fait étranger au développement d'une » industrie, dont il pourrait tirer cependant de fort grands » bénéfices. Je n'entre dans aucun détail sur l'espèce, la taille, » la couleur des fruits et la culture du mûrier parmi nous, » certain d'avance que je ne suis pas en mesure de vous pro- » curer des renseignements utiles. C'est dans les plaines du » Sé-tchoùan que l'on pourra recueillir les documents impor- » tants en cette matière. J'ai dit plus haut que la maladie des » Vers à soie a existé de tout temps, que la cause en est » encore très-problématique et que les remèdes employés » communément n'ont que des résultats peu satisfaisants. * nous ne connaissons ici que deux maladies des Vers à soie. » Je les désigne sous des noms qui n'ont rien de scientifique, » mais qui se comprennent aisément, le dégoût de toute nour^ » riture et l'infection. Quand les vers à soie refusent de manger » ou mangent très-peu le seul moyen connu jusqu'à présent » d'exciter leur appétit est de jeter sur les feuilles de mûrier » une petite quantité du meilleur vin chinois, nommé partout » Tà-kiû-tsiéou ^ f [jjj JK : on prétend que ce vin rend » l'appétit aux Vers. Dans le cas, très-commun et fort à » craindre, d'infection, on prend un caillou, on le chauffe » jusqu'au rouge, puis on cueille quelques feuilles delà plante » nommée i^fe tH Jf-l Tchou-pi-hong, ou autre plante odo- » riférante, on les écrase le mieux possible ; puis on place le » caillou rougi au feu dans l'appartement où sont les Vers à » soie, on met dessus les feuilles de Tchou-pi-hong , avec quel- » ques gouttes de vinaigre. La fumée qui s'échappe alors du » caillou, du vinaigre et des feuilles réunis calme presque in- » stantanément l'agitation des Vers; ils ne cherchent plus à » s'enfuir et recommencent à manger. Ce sont des moyens » fort simples comme on voit, et tous les éducateurs font » observer que ces moyens, usités d'ailleurs depuis des siècles, f ne sont pas toujours efficaces. » — M. Maurice Girard fait hommage de la troisième édition, 310 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. plus étendue que les précédentes, de son ouvrage sur les Métamorphoses des insectes. Ce livre ne se rapporte que d'une manière indirecte au but principal de notre Société. On y trouvera toutefois certaines indications utiles à consulter sur les Vers à soie, anciens et nouveaux, sur les Abeilles, les mœurs, les erreurs qui régent encore sur la véritable orga- nisation des ruches. L'auteur fait également connaître un certain nombre d'insectes carnassiers, utiles à propager dans les jardins et les parcs, et dont il faut empêcher la destruc- tion. Certaines espèces très-nuisibles sont également éludiées dans cet ouvrage, ainsi les migrations dévastatrices des Ari- diens qui ont désolé récemment notre colonie algérienne, la Mouche tsetsé, fléau de l'Afrique centrale et le plus grand obstacle à la propagation des animaux domestiques; un grand nombre de figures, dessinées d'après nature, facilitent l'in- telligence du texte. — MM. José de Canto, Martin de Bessé et Daguillon, adres- sent leurs rapports sur les résultats de leurs cultures de plantes qui leur ont été envoyées par la Société. — M. Fred. Albuquerque envoie des graines de Marica, espèce de Mimosa très-épineuse à croissance rapide, et qui peut être utilement appliqué à faire des haies impénétra- bles, et des graines de Tùnbauna, arbre très-estimé pour les qualités de son bois. — Son Exe. M. le ministre des affaires étrangères transmet la note suivante de M. deLaya, consul de France à Malte, sur la culture du Thé et de la Cochenille dans cette île : « La » Société d'agriculture de Malte, dans une de ses dernières » séances, a examiné la proposition qui lui avait été faite par » un employé anglais, M. Taylor, de lui procurer des graines » et des plants de Thé pour en essayer la culture à Malte. Une » commission avait été nommée dans une réunion précédente » pour faire un rapport qui a été lu par le révérend P. Lé- » basse, connu par sa science en zoologie et en botanique, et » dont voici un résumé : tout en acceptant avec plaisir l'offre » qui était faite, le rapporteur n'a que peu d'espoir que la ». culture du Thé puisse réussir à Malte sur une grande PROCÈS-VERBAUX-. 311 » échelle. Elle peut cependant être tentée par curiosité et » dans un but d'ornement et d'agrément. Il expose ensuite » les procédés employés par les Chinois pour préparer les » feuilles fraîches qu'ils font d'abord bouillir légèrement, » qu'ils roulent ensuite entre leurs doigts et font sécher à » petit feu pour développer leur arôme, jusqu'à ce qu'elles » prennent la forme de la poudre à canon de qualité infé- » rieure, et qu'ils mettent ensuite pendant une année dans des » vases hermétiquement fermés avant d'en faire leur boisson » favorite. Il parle ensuite de l'altération des Thés destinés » aux marchés européens. Le Thé vert devient noir en mettant » sur les feuilles, pendant qu'elles sèchent, une poudre com- » posée de carbonate de chaux et de bleu de Prusse qui est » un fort poison. La culture du Thé en grand rencontre de » grandes difficultés en Europe , même avec des serres » chaudes, à cause de l'humidité de l'air, de la nature du sol, » et des maladies auxquelles cet arbuste est sujet, et jusqu'à » présent on n'a pas trouvé le moyen de s'affranchir de ce » tribut payé à des contrées éloignées. Le Thé est cultivé sur » les plateaux du Bengale et les pentes de l'Himalaya ; mais il » ne peut naître dans les pays plats et humides. Il a pleine- » ment réussi à Shang-Haï, dans des terres composées, sur » 200 parties, de 135 silex, 33 albumine, 6 carbonate de » magnésie, 13 oxyde de fer, 2 fibres ligneuses, h eau. La » Société d'agriculture ne croit pas devoir encourager la cul- » ture du Thé à Malte comme article de commerce. Il n'en » est pas de même de la Cochenille, dont le climat de Malte, la » nature du sol, l'abondance du caclier dont les feuilles ser- » vent de nourriture à la Cochenille, le grand nombre de » femmes et d'enfants inoccupés et d'autres circonstances » semblent devoir assurer le succès ; ce qui serait un grand » bienfait pour la population agricole que le manque d'un » travail suffisamment rémunérateur a mise dans une véri- « table détresse. » — M. le docteur Martin annonce l'envoi d'Orangers nains cultivés à Pékin, où ils sont traités comme plantes de serres et rentrés soigneusement sous peine de ne pouvoir résister 312 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. aux froids rigoureux de la saison. J'ignore si ces arbustes parviendront à la Société en bon état et sans avoir trop souf- fert des péripéties d'un si long voyage. Quoi qu'il advienne, je vais essayer de consigner ici quelques renseignements sur eux. Des quatre arbustes, deux sont des Citrus microcarpa (Bunge). Au Sud, les Chinois appellent ce Citrus, Kum-quat, au Nord Kin-Kû. Le fruit est rond et ne dépasse guère la grosseur d'une cerise. Les Chinois l'estiment beaucoup pour la fabri- cation de confitures. La deuxième espèce est le Kint-sao. Les fruits sont oblongs, et ont à peu près la forme et la grosseur du fruit du Jujubier (Tsao veut dire jujube). Les fruits de ces arbustes nains sont arrivés à maturité vers janvier. — Remer- ciments. — M. E. Vavin fait parvenir un numéro du Toulonnais dans lequel est inséré un article sur la culture des Euca- lyptus. — M. Carlotti, d'Ajaccio, adresse une note sur les résultats de la culture de, Y Eucalyptus globulus en Corse. — M. Lambert annonce le prochain envoi de documents sur la culture des Eucalyptus en Algérie. — M. À. Delondre dépose des extraits du journal the Food, sur l'approvisionnement de substances animales et les moyens d'accroître l'alimentation animale. — M. Degron annonce le prochain envoi d'une culture d'Orangers du Japon, à fruits sans pépins, et de fruits de Ka-kin (Diospyros Kaki), plante qui pourrait facilement s'ac- climater en Corse et en Algérie. — Remercîments. — M. E. Renard fait don à la Société d'une collection de graines de végétaux chinois provenant de la province de Pat- cheli : « 11 y a trois sortes de Chanvre dont l'espèce la plus » commune m'a paru être le Jute, cultivé si en grand dans » l'Inde ; cette plante s'élève souvent de 10 à 15 pieds de » hauteur et ses tiges privées des filaments servent de com- » bustible, ce Chanvre cultivé en France serait d'une grande » utilité, surtout dans le Nord, à Amiens, où l'on fabrique par s> procédés mécaniques les sacs à grains sans couture, si ap- » préciés de nos cultivateurs. Il y a trois espèces de Millet, PROCÈS-VERBAUX. 313 )> deux de Sorgho et deux de Maïs, qui avec le Blé et l'Orge » forment par exception, dans cette partie delà Chine, la base » de la nourriture du peuple, car le Riz étant relativement » cher, est regardé comme objet de luxe; avec ces céréales » les Chinois font une espèce de pain ou plutôt des galettes, » enfin toutes espèces de beignets, de gâteaux en pâte dure et » molle ; ces derniers, fourrés à l'intérieur d'ail, d'oignons, » de poireau hachés avec quelque ^peu de viande, se vendent » pour quelques sapées, et le plus souvent chauds, sur la voie » publique. Ces céréales sont écrasées en plein air sous des » meules de granit, placées près des habitations et mues par » les ménagères chinoises, ce qui constitue avec quelques » travaux de couture la principale occupation des femmes de » la campagne. Les Pois et Haricots sont de sept espèces, les » uns servent à la nourriture de l'homme et. aussi des bestiaux : » d'autres, écrasés (après avoir subi un premier degré de )) cuisson), dans de forts troncs d'arbres dans lesquels des }> coins de bois sont enfoncés au moyen d'une espèce de Mouton , b produisent une quantité prodigieuse d'huile, et une large » exportation; des tourteaux sont chaque année chargés par » milliers de tonneaux sur des jonques pour Swa-tow, un des » ports ouverts au commerce clans le Fokien, et servent à » l'engrais des terres qui produisent la canne à sucre et qu'on » cultive dans cette province par milliers d'hectares. Afin de » donner une idée de la richesse de production de ces Pois et s Haricots, j'ai joint à l'envoi une tige desséchée, dont les . » gousses attenantes à la plante montreront quel peut en être » le rapport. A Tientsin, j'ai trouvé deux espèces de coton, » mais qui ne mûriront sans doute pas sous notre climat, » mais bien en Algérie. J'ai encore recueilli à Pékin, dans » les deux premières enceintes du Temple du ciel, dont l'une » est plantée de Sophora et l'autre de Mimosa, les graines de » ces beaux arbres à fleurs, et plus avant dans la troisième » enceinte celles d'un Genévrier arbre, qui se trouve planté » en bordure des massifs de Cyprès, les seules essences entou- » rant les différents palais ; là les Cyprès plantés sans doute » depuis plus d'un siècle dans un mauvais terrain sec, sablon- 314 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » neux, et trop peu espacés les uns des autres, n'ont pas » atteint la taille de ces beaux arbres que nous avons en » France, à Trianon et surtout ceux qui se trouvent près du » grand bassin en entrant dans notre beau parc de Rambouil- » let. Mais sur quoi je veux encore attirer l'attention de notre » savante Société d'acclimatation, c'est sur un arbre bien » modeste chez nous, c'est sur un Saule, dont j'envoie les » boutures ; cette essence^jlans le nord de la Chine est assuré- » ment la plus nombreuse, et j'ai eu lieu d'être surpris de » dimensions colossales que ces arbres atteignent en hauteur » et en grosseur, ce qui de loin me les faisait prendre pour » des Ormeaux ; il m'a été donné d'en pouvoir mesurer un » dans les jardins du Palais d'Été : il est très-haut, sans bran- » ches, et a quatre mètres de circonférence; il est parfaitement » sain. J'ai tout lieu de croire que ce Saule est d'une espèce » distincte de celui que nous cultivons en France, d'abord » par ses grandes proportions et ensuite parce qu'il croît dans » des conditions bien différentes au milieu de plaines arides, » sur des talus élevés des chemins où les rares eaux pluviales » peuvent cà peine imbiber la croûte de la terre. Les Chinois » emploient le bois de Saule à beaucoup d'usages et il est sur- » tout appliqué, à cause de sa dureté, à un meuble très-apprécié » de tout homme riche, je veux parler du cercueil, toujours » l'objet d'un grand luxe et qui a des proportions d'épaisseur » de bois, de grandeur bien supérieures aux nôtres; parmi ceux » exposés dans les magasins on reconnaît facilement ceux » fabriqués avec le bois du Saule, dont les veines rougeâtres » alternent sur un fond plus clair; du reste le bois de Saule est » très-apprécié par nos vignerons surtout en Lorraine pour » la fabrication des échalas , qui ont plus de durée que le » Chêne même, quand le bois a poussé dans de bonnes con- » ditions, sans trop d'humidité. Les Genévriers devraient être )> plus cultivés chez nous, soit comme arbre d'ornement, soit » comme rapport, et en les multipliant, on augmenterait sans » doute le nombre de nos oiseaux destructeurs d'insectes et de » Chenilles ; les Merles, les Grives si friands l'hiver des » baies. » PROCÈS-VERBAUX. 315 — M. le vicomte Paul de Chasteigner fait hommage d'un ouvrage sur les Vins de Bordeaux. — Remercîments. — Des remercîments pour les graines qu'il a reçues, sont adressés par M. Marozeau. — M. L. de Wagner, délégué de la Société à Pesth, fait hommage d'une brochure sur l'état de V agriculture en Hon- grie (Remercîments), et annonce que la culture de X Indigo- fer a, faite dans douze localités différentes de la Hongrie, n'a pas réussi, en 1869, en raison de la sécheresse extrême, mais que de nouveaux essais vont être faits en 1870. — M. Jaurand fait don d'un échantillon de Riz impérial de Chine Y a-mi : « On sème ce Riz au printemps dans un ter- » rain ordinaire, qui pourtant ne devrait pas être trop sec ; » on en sème, si l'on veut, dans l'eau comme l'autre riz; envi- » ron vingt jours après la semaille, il doit être en herbe; quand » il est arrivé à la hauteur de trois pouces, on arrache les » herbes parasites ; cette opération se renouvelle encore après » dix jours -, dans le mois d'août il doit être en épis, et en » septembre il doit être mûr. » — Remercîments. — Il est déposé sur le bureau plusieurs numéros du journal le Siècle, dans lesquels M. de la Blanchère a inséré des comptes rendus sur les travaux de la Société. -- M. le Président annonce l'ouverture du scrutin pour l'élection du bureau et d'une partie des memhre du Conseil, et désigne pour faire le dépouillement des votes une commission composée de MM. Hennequin, Grandidier, Gindre, Goubaux et A. Gillet de Grandmont. — M. le comte de Saint-Aignan fait une observation rela- tive à des mesures à prendre en faveur des actionnaires du Jardin du bois de Boulogne. — M. Geoffroy Saint-Hilaire donne lecture d'un passage d'une lettre de M. le docteur Chavannes de Lausanne, ainsi conçue : « Je veux signaler à votre attention le Dolichotis Mara » comme animal facile à acclimater et qui serait par sa chair » d'une utilité bien supérieure au Lapin. Monsieur votre père » en a déjà parlé. Pour le Mara il serait sans doute facile d'en » obtenir à présent qu'il y a de nouvelles colonies dans ces 316 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » parages. Les vœux qu'émet M. le docteur Chavannes, dit. » M. Geoffroy Saint-Hilaire, pour l'acclimatation du Mara, » d'autres les forment aussi, et le Jardin d'acclimatation pos- » sède un couple de ces animaux dont on cherche à obtenir la » multiplication. Le Mara, que les naturalistes désignent sous » le nom de Dolichotis Patagonicus, est de la taille du Lièvre et » a résisté jusqu'ici h la rigueur de nos hivers sans en souf- » frir. C'est un animal d'une agilité extrême et d'une légèreté » à la course dont on se fait peu aisément l'idée. Il serait » vivement à désirer, comme le souhaite M. le docteur Cha- » vannes, qu'on pût faire importer un certain nombre de D Mara, afin que l'acclimatation pût en être poursuivie d'une » façon plus pratique que cela n'est possible dans les parcs » nécessairement restreints du Jardin d'acclimatation du bois » de Boulogne. — M. A. Geoffroy Saint-Hilaire offre à la Société, au nom de M. H. Lunel (de Villeneuve-lès-Avignon), un sac de Riz sec, contenant plusieurs litres de graines, qui proviennent de ses cultures en 1809; notre collègue veut bien nous faire espé- rer une note sur ses cultures. — Remercîments. — M. A. Geoffroy Saint-Hilaire donne lecture d'une note de M. Naudin, membre de l'Institut, sur la rusticité relative de quelques palmiers à Collioure (Pyrénées-Orientales). — Voir au Bulletin, p. 217. M. le baron J. Cloquet fait remarquer que les Palmiers qu'il cultive à Lamalgue, près Toulon, ont bien résisté à l'abaisse- ment considérable de la température de cet hiver et pense que ces arbres peuvent se cultiver partout où croît l'Olivier. — M. A. Geoffroy Saint-Hilaire dépose sur le bureau deux ouvrages publiés par M. Mercier : Notice sur l 'acclimatation et l'éducation des oiseaux de chasse, de luxe et oï utilité, 2eédit., 1870. — Petits oiseaux de volière, 1870. Dans la préface du premier de ces deux ouvrages, M. Mer- cier dit lui-même comment il a été amené à écrire ces livres : « Occupé depuis dix ans, dit-il, aux achats et ventes d'ani- » maux du Jardin d'acclimatation, j'ai pu recueillir de nom- PROCES-VERBAUX. ol/ » breux renseignements , noter les remarques et les re- » cherches que j'ai faites, et inscrire les critiques et les » notions qui m'ont été communiquées par de généreux » praticiens, car les bureaux du Jardin d'acclimatation sont » aussi bien le rendez-vous des amateurs expérimentés que » des personnes qui désirent être initiées et renseignées. » C'est avec ces documents rassemblés que j'ai publié cette » notice, dans le but d'être utile aux nouveaux amateurs et » de réunir les premiers éléments d'un art bien précieux : » l'art, de conserver les animaux et de les faire reproduire. )> En publiant ces deux ouvrages, dit M. Geoffroy Saint-Hi- laire, M. Mercier a rendu un véritable service à l'acclimatation, en réunissant en un seul tout les notions qui sont si néces- saires à ceux qui s'occupent de l'élevage des oiseaux. . — M. A. Geoffroy Saint-Hilaire fait connaître à la Société quelques faits intéressants relatifs aux Castors qui vivent en ce moment au Jardin du bois de Boulogne (voir au Bulletin). — M. J. L. Soubeiran donne lecture d'un rapport sur l'état de l'ostréiculture à Arcachon et à Hayling pendant l'année 1869 (voir au Bulletin, p. 211). M. de la Blanchère pense que l'on doit considérer les parcs impériaux comme des fermes-modèles, mais que leur instal- lation est faite avec un luxe qui est en dehors des moyens des particuliers, et que d'ailleurs les difficultés qu'il y a à poser les collecteurs en temps utile pour éviter qu'ils ne soient souillés par des dépôts, ce qui est très-prompt, sont une cause de dépense trop grande pour les ostréiculteurs en raison du personnel considérable qu'exige l'opération. M. le docteur Pigeaux dit que depuis l'existence de l'ostréi- culture, les Huîtres ont augmenté énormément de prix et dési- rerait qu'on lui fit savoir ce que dit la statistique des Huîtres parues sur le carré des Halles depuis quinze ans. M. le baron J. Cloquet croit que la cherté des Huîtres peut être attribuée à ce que les chemins de fer en ont facilité le transport dans un grand nombre de localités et amené la hausse du prix de ces mollusques, qui se vendent aujourd'hui partout. 318 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. M. le comte de Saint-Aignan ne pense pas que la dévasta- tion des bancs soit le fait de l'ostréiculture et n'est pas d'avis qu'il faille faire incomber à celle-ci la responsabilité du ren- chérissement. M. de la Blanchère dit qu'on a commencé à faire des Huîtres quand il n'y avait plus rien sur les bancs naturels, que leur dévastation a continué, et que quelques millions d'Huîtres, produites par les parcs de l'État n'ont pas paru dans la con- sommation, mais ont été employées à faire des reproducteurs. Il ne croit pas que la consommation plus considérable ait une grande importance pour l'élévation du prix des Huîtres. M. Millet rappelle que le rapport officiel offert à la Société par M. Hennequin, démontre la décadence complète de la pro- duction des Huîtres en France : il en est de même en Angle- terre. Ces résultats sont dus à des épidémies, qui se sont appesanties sur les fruits de la mer et contre lesquels l'ostréi- culture a été impuissante. M. de la Blanchère fait remarquer qu'aujourd'hui la con- sommation d'un certain nombre de mollusques, autrefois dédaignés sur nos marchés, tels que le Cardium edule, est devenue très-grande et suppléera, dans une certaine mesure, aux Huîtres. — M. le docteur Cordier donne lecture d'une note sur la culture des Eucalyptus en Algérie. M. le baron J. Cloquet dit que la culture des végétaux nou- veaux, dont on tente l'introduction, ne réussit pas, par suite des difficultés qu'opposent les anciennes plantes à leur propa- gation. Les maquis de Corse lui semblent donner une preuve de ce fait, et il croit que, pour assurer le succès, il faut d'abord purger le terrain des espèces préexistantes. — M. Rivière fait à la Société une communication sur la culture des Ipomea Bâta tas et des Asperges en Algérie. — M. Millet, appelle de nouveau l'attention de la Société sur son questionnaire relatif à la migration des Oiseaux, qui est inséré dans le Bulletin, numéro de juin 1866. Nous sommes arrivés a une époque de l'année où la plupart des oiseaux qui nous ont quittés à l'automne ou à la fin de l'été, PROCÈS -VERBAUX. 319 vont revenir en France. La fin du mois de mars et surtout le mois d'avril sont très-favorables pour prendre des notes très- précises sur la date du retour de ces oiseaux dans les diverses localités habitées parles membres de la Société. Pour faciliter les observations, M. Millet fait connaître les dates auxquelles plusieurs espèces effectuent généralement leur retour : Caille et Coucou, premiers jours d'avril ; Fauvette à tête noire, fin mars et commencement d'avril ; Hirondelles , première quin- zaine d'avril ; Loriot, en avril ; Martinet, fin avril et commen- cement de mai; Rossignol, première quinzaine d'avril. — M. le Président fait connaître le résultat du scrutin. Le nombre des votants était de 292. Outre les billets de vote déposés dans l'urne par les membres présents, beaucoup de bulletins avaient été envoyés sous pli cacheté et contre-signe ou dans des lettres adressées, soit à M. le Président, soit à M. le Secrétaire général.) Les votes ont été répartis de la manière suivante : Président, MM. Drouyn de Lhuys 292 Vice-Présidents, Duméril 290 A. Passy 290 De Quatrefages 292 Richard (du Cantal) 291 Secrétaire général, Le comte d'Éprémesnil . . . 290 Secrétaires, E. Dupin . . 291 Le marquis de Sinéty .... 291 J. L. Soubeiran 291 Ch. Wallut 292 Archiviste, Cosson 291 Membres du Conseil, MM. Chatin 290 Coste 288 Fr. Davin 290 M. Girard 285 En outre, d'autres membres ont obtenu des voix pour di- verses fonctions. En conséquence sont élus pour l'année 1870 : Président, MM. Drouyn de Lhuys. Vice-Présidents, A. Duméril. A. Passy. De Quatrefages. Richard (du Cantal). 320 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. Secrétaire général, MM. Secrétaire pour l'intérieur, Secrétaire pour l'étranger, Secrétaire du Conseil, Secrétaire des séances. Archiviste, Membres du Conseil, le Comte cI'Épréïviesnil. E. Dupin. Marquis de Sinéty. Ch. Wallut. J. L. SOUBEIRAN. E. COSSON. Chatin. COSTE. Fp«. Davin. M. Cirard. Le Secrétaire des séances, J. L. SOUBEIRAN. îlî. CHRONIQUE. Cochons de Chine. Relativement à l'origine de nos races porcines domestiquées, il faut tenir compte de trois choses : 1° les petits de la race sauvage sont rayés à leur nais- sance; 2n les petits du Cochon domestique ne sont pas marqués; 3' le produit de croisements est rayé et le reste pendant plusieurs générations. En Chine, où tous s'accordent à placer la meilleure race domestique, il n'existe aucune trace de notre Sanglier. D'autres races sauvages se rencontrent en Chine, dont une d'une telle force, d'après les récits des indigènes, qu'elle soi tirait très- souvent victorieuse du combat même avec le Tigre. Cette dernière espèce est repré- sentée au Jardin zoologique de Londres par plusieurs petits arrivés récem- ment Ils sont noirs, ont la peau fine et peu de poil. Les Cochons domesti- ques lâchés dans la Nouvelle-Zélande et autres endroits, et qui sont pour ainsi dire retournés à l'état sauvage, n'en ont pas plus pour cela des petits rayés. ILandand Water, 12 février 1870.) Paul Voelkel, Directeur de l'Institut allemand pour les langues vivantes à Paris. i'ares de Londres. M. lîobinson censure sévèrement le choix d'espèces fait par l'administration pour les jardins publics de Londres. L'auteur de l'article est contre les co- nifères exotiques et les rhododendrons qui, à Londres, paraît-il, sont lo n de prospérer à l'égal de ceux de Paris. Les raisons alléguées par lui sont : de beaux spécimens d'Arbres à feuilles tombantes sont d'un effet infiniment plus agréable que des sujets malingres ou maladifs d'arbres verts. Les Pla- tanes, Saules pleureurs et Hêtres rouges sont ensuite moins chers. Il y a dans Hyde-Park des rhododendrons qui ne sont, en elfet, pas bon marché, car on parle de plus de vingt guinées (500 fr.) pour le prix, de chaque pied. Le grand avantage, quand le climat s'y prête, de planter des arbres verts, c'est de varier le paysage d'hiver. La dernière raison que l'auteur fait res- sortir contre l'emploi, à Londres, de coûteux arbres verls, c'est que le ciel bruineux de l'Angleterre, l'air altéré de la grande ville et les froids d'hiver rendent cette qualité tout à fait illusoire. Il faut préserver ces arbres contre la gelée. On se sert, à cette fin, de nattes d'aube étroitement attachées les unes aux autres de manière à former autour de l'arbre un éleignoir qui rend son elfet comiquedans le paysage. (The Field, 5 février 1870.) p. V. Le Faisan de Sœinmeri'ing. Comme le Phasianus versicolor, celte espèce est propre au Japon. Dans certaines parties du pays elle paraît être assez commune à en juger par les 2e série, t. VII. — Mai 1870. 21 32*2 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. offres fréquentes au marché de Nagazaki. Dans d'autres parties, c'est pré- cisément le versicolor qui paraît la remplacer. Le docteur Temminck, qui l'a le premier signalée aux naturalistes d'Europe, ne l'a connue qu'il y a bien peu d'années. Il n'en avait lui-même jamais vu que des peaux séchées. L'oiseau s'est depuis reproduit aux jardins de Londres et d'Anvers. Quant à l'éducation de ce Faisan, elle est rendue bien difficile par l'hu- meur belliqueuse des mâles. Cette disposition paraît encore augmentée par l'état de captivité de manière à s'exercer jusque sur les femelles. Il est ce- pendant plus que probable, — malgré que l'essai en reste à faire, — que cette espèce serait aussi facile et productive que beaucoup d'autres déjà acclima- tées, si on lui offrait des conditions de liberté pouvant mieux répondre à l'état naturel. Au Japon, le versicolor comme le Faisan de Sœmmerring habite les bois, au voisinage des habitations, ni l'un ni l'autre n'ayant été domestiqués. Le système agricole suivi au Japon, tout en profitant d'une manière presque minutieuse de chaque mètre de terrain, n'en laisse pas moins de nombreux abris à la faune sauvage. En général, on ne met en culture que les terres susceptibles d'irrigation. Ainsi, les cimes des monta- gnes, certaines crêtes et toutes les pentes trop roides sont couvertes de bois ou naturels ou cultivés. Ces retraites à côté des champs favorisent d'autant plus l'accroissement du gibier, qu'au Japon le peuple des campagnes ne pa- raît pas avoir le droit d'en tuer. (The Field, 29 janvier 1870.) Il y a trente ans à peine, le Phasianus versicolor était complètement in- connu en Europe à l'état vivant. Les premiers oiseaux de celte espèce furent importés à Amsterdam, d'où un couple passa en Angleterre aux mains du grand-père du comte de Derby. L'acclimatation dans les îles Britanniques réussit complètement, malgré que la femelle mourut avant la ponte. Le mâle ayant été accouplé d'abord avec plusieurs poules de Faisan ordinaire, on obtint ensuite des trois quarts de sang en l'accouplant avec les femelles issues de ce premier croisement. La même méthode fut suivie jusqu'à extinction de toute différence entre les descendants et l'oiseau père. A la mort du comte, zoologue distingué, sa collection fut vendue aux enchères, et une partie notable des versicolors de Knovvsley fut acquise par le comte Démidoff pour ses propriétés d'Italie. Le reste peupla le Norvvich, par les soins de M. J .J. Gurney. Depuis, de nouvelles importations ont eu lieu et le P. versicolor ligure maintenant dans la plupart des parcs anglais. Ce Faisan joint à la beauté de son plumage les plus grandes qualités comme gibier. (The Field, 25 décembre 1869.) Paul Voelkel. Moineaux au Canada, L'expérience faite à New-York a été tentée presque en même temps au Canada, et a également été couronnée de succès. Le Col Rhodes du détache- CHRONIQUE. 3*23 menl du Canada avait, dès 1867 introduit dans ce pays, un certain nom- bre de Moineaux d'Angleterre, mais ils étaient tous morts pendant l'hiver excessivement rude de 1807-1868. L'année suivante, M. Rhodes renouvela sa tentative et la garnison, de la caserne d'artillerie de Québec eut sous sa protection, sept couples qui, à l'approche du printemps, gagnèrent les bois voisins. De là, il est revenu, pour passer, à la caserne, l'hiver de 1869 à 1870, quatre-vingls Moineaux au lieu de quatorze, de sorte que l'acclimata- tion de cet insectivore, au Canada, peut être regardée comme accomplie (The Field, 25 décembre 1869.) P. V. Reproduction du Cormoran au Jardin zoologïquc de Francfort-sur- le-Mein . Un couple de ces oiseaux arrivés à Francfort, dès 1859, a niché, pour la première fois, en 1867. Le nid a cependant été abandonné avant l'éclosion d'un œuf qui s'est trouvé fécondé. En 1869, les Cormorans reconstruisirent un nid et la couvaison de vingt-huit jours eut pour résultat l'éclosion des trois œufs pondus. Un petit, le plus jeune des trois, disparut bientôt du nid, on ne sait comment. Le dernier éclos mourut dix-huit jours après. Le seul qui soit resté de celte couvée de trois est bien portant, beau et très- privé. Les Cormorans du .lardin de Frankfort sont nourris avec un mélange de poisson haché et de viande de cheval, laquelle ils semblent aimer assez après l'avoir dédaignée au commencement. (Der zoologische Garten, jan- vier 1870.) ' p. Voelkel. Kducation et acclimatation des oiseaux exotiques pour appartements. M. Karl Reuss (de Berlin) est connu en Allemagne pour les bons résul- tats obtenus dans sa volière. Il se propose, par ses éducations, d'acclimater, dans nos appartements, des espèces remarquables par leur chant ou par le brillant de leur plumage. La reproduction en captivité paraît assurée pour un grand nombre d'oiseaux, et l'auteur espère que ces nouvelles acquisi- tions auront le double résultat de ménager les chanteurs insectivores de nos forêts, et de nous affranchir des importations assez coûteuses d'oiseaux étrangers. M. Reuss a obtenu plusieurs générations successives des espèces sui- vantes : Tœniopygia castanotis (de l'Australie), Amadina fasciata, Sper- mestes cuculata, Laijonosticta minima, Uroloncha cantans (tous de l'Afri- que), Amandava punctulata (Indes orientales), Cristhagra Eartlaubii Phoiidocoma miisica, chanteur excellent, que le docteur a, pour ainsi dire', le premier fait connaître en Allemagne. En fait de Perruches, l'article cite' 32/i société impériale zoologique d'acclimatation. comme facilement obtenues, les éducations suivantes: Mnlopsittacus undu- latus, Nymphious Novœ Hotlandiœ. M. Reuiss, pour la première fois on captivité, a obtenu la reprorluction de Psittaculapasserina&u Brésil, espèce dont, depuis, deux générations ont été élevées par le docteur Baldamus (Hjlle, Prusse). D'après l'auteur de l'article, toutes les espèces ci-dessus nommées, sauf la dernière, peuvent facilement être élevées dans toutes les volières. Les diffi- cultés seraient plus grandes pour: Mariposa phœnicolis, Astrilda cinerea, A.undulata, Pglelia subjlava, Meelpoda lippu (tous de l'Afrique), Stagorw- pleura guttata, JLgintha temporalis (Ions deux de la Nonvelle-HoUande), XJroloncha malabarica et Uroloncha punctularia (ce dernier des Indes orientales). A ces éducations, il faut ajouier celles des Euplectes ignicolor, E. melanoganter, Cardinalis virginimus ; Paroaria dominicanaet Spiza ciris. Un des plus beaux succès du D1' Reuss a été la reproduction d'une série de Fondia, enlre autres, du F. madagascariensis, qui est de couleur de feu foncé. Toute cette famille présente, à de certaines époques de l'année, un cbangementcomplrt de coloris sans qu'il y ait mue. Au moment où paraissait l'article que nous résumons, le docleur lïcuss possédait un couple de Euethia canora (de l'île de Cuba), et un auire de Poëphila cincta, en irain tous les deux de couver leurs œufs, ainsi que plusieurs grands Perroquets et Perruches, comme les Palœomis torquatus, Conurus caroUnnisis, Pionias senegalus. Le magnifique Plitycercus exi- mius avait niché; mais les trois petits étaient moris presque adultes. En tout M. heuss complaît dans sa volière plus de 200 lèles, réparties sut- plus de 70 espèces, donl il reproduit avec succès 51. Les résultais, que nous venons de citer, sont dus presque exclusivement au mérite de l'éleveur. En s'adressant aux grandes maisons d'arrivage de Ham- bourg, le docteur ne demande généralement que les spécimens les plus avariés comme ant é.tlcs moins chers. Si, installées chez lui, ces pauvres bêtes se rétablissent si promplement et font leur nid sans perdre un instant, c'est bien là une preuve de plus de ce que peuvent des soins intelligents. Un détail encore dans la reproduction semble mériter d'être cité. M. Reuss avait été obligé, par un déménagement, de tenirses petits amis dans des cages étroites pendant plus de trois semaines. A peine les eut-il élargis de nouveau que, dans la joie peut être d'avoir retrouvé leur liberté, la plupart des oiseaux se mirent à nicher avec un empressement tout à fait inusité. Est-ce que cet enseignement du hasard offrirait un moyen pour obtenir la reproduction d'espèces récalcitrantes? {Revue d'acclimatation de Berlin, n°s 10 à 1" ,„Q .or s Paul Voelkel. p.l/o-JoO-; CHRONIQUE, ^25 Pêche aux Huîtres à Boston. La corporation de Boston vient de publier son ordonnance de pêche, la première promulguée depuis les nouvelles clauses de la lui de 1868, sur les Pêcheries de mer. Cet ordonnance a force de loi, nous en extrayons les principales dispositions relatives à la protection de la pèche : 1° Défense de draguer pour des Huîtres ou des Moules pendant les trois mois de juin, juillet et août, n'importe quelle année ; 2° La corporation est autorisée, pour trois ans. à laisser reposer les bancs pendant six mois; 3° La corporation pourra prohiber la pèche dans certains emplacements par elle désignés : U° Prohibition de prendre des Moules ayant moins de deux pouces de long, ni des Huîtres pouvant passer à travers un anneau de deux pouces et demi de diamètre intérieur. 5° La corporation aura le droit, pour les besoins de la culture, de pren- dre du naissain de Moules et d'Huîtres ; 6° Elle pourra appointer des garde-pêche ; 7° Dans les limites indiquées par la corporation, toute barque ou bateau voulant se livrer à la pèche des Huîtres ou des Moules, devra être muni d'un perm's de pêche. Le taux des permis est le suivant : 3 shilling (3 fr. 75) par tonne de jauge, pour toute la saison (neuf mois par an) ; pour un mois, 9 pences (0 fr. 90) par tonne ; pour une semaine ou au-dessous, 3 d, (0 fr. 30.) 8° Les droits seront consacrés à la protection et à l'amélioration des pêcheries ; 9° Cet ordonnance est promulguée pour soixante ans. (Land and Water, 22 janvier 1870.) P. V. Huîtres d'Amérique. Dans la Great South Bay, Long Tsland, État de New-York, on pêche de grandes quantités de l'espèce d'Huîtres connue sur le marché de New York, sous le nom Blue-burt. Le prix de premièie main est tellement minime que l'importation de ces Huîtres en Angleterre a été prise en considération comme devant offrir de grands avantages. M. Thomas Hall, qui a habité L'Amérique pendant dix-huit ans, dit à ce sujet : « Vers la fin de l'automne, et avant que la baie soit prise par les glaces d'hiver, on pêche ou achète des provisions d'Huîtres devant durer jusqu'au printemps suivant. Peur les garder vivantes, on retire de la baie du \arechque l'on répand dans sa cave de manière à former un lit de 50 centimètres. Sur cette couche, on met le nombre voulu de boisseaux d'Huîtres et Pou recouvre le tout d'une même épaisseur de varech Les Huîtres se conservent ainsi grasses et haîchespen- 326 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D7ACCLIMATATION. dant cinq et même six mois. Il semblerait donc aussi simple qu'avantageux d'en effectuer le transport en Angleterre, en se servant du varech pour les mettre en cale. Par toutes les personnes ayant passé quelque temps en Amérique, le goût de ces Huîtres est regardé comme supérieur à celui des Huîtres d'Angleterre. Une seconde importation d'Huîtres a été effectuée avec un succès com- plet par M. J. Robson, grand fournisseur de comestibles à Southamplon. L'arrivage consiste en plusieurs centaines d'Huîtres dont pas une n'a été trouvée morte. La qualité est supérieure. Dans la note accompagnant cet envoi, il est donné une liste de quatorze espèces différentes qu'on peut fournir. Quant au bénéfice, l'opinion de M. Hall (du 15 janvier) est parfai- tement juste. Les deux envois n'ont été que des essais ; bientôt nous parle- rons de l'arrivée de la première « cargaison ». (Land and Water, 15 jan- vier 1870.) Paul Voelkel. Champignons cultivés dans des écuries. Le baron Joseph d'Hoogvorst de Limmal a obtenu de très-bons résultats en cultivant des Champignons dans de petiles caisses disposées les unes au- dessus des autres comme les rayons d'une bibliothèque, le tout étant placé dans une écurie. Les caisses avaient à peu près lra,20 de long sur 0m,30 de large. Un rideau coulant le long d'une tringle dérobait la culture au jour. L'expérience n'a pas été accompagnée d'émanations malsaines pour les chevaux. Les couches étaient formées de fumier de chevaux richement nour- ris... L'auteur de la note recommande cette forme de culture en faisant res- sortir combien elle prend peu de place et qu'elle n'exige aucun soin. D'après lui, elle devrait surtout être tentée dans les grandes villes. Culture de Champignons. — Le blanc de Champignon de provenance française est recherché en Angleterre. W. P. A., dans une note adressée au Field, en loue encore les qualités supérieures. Nous ne prenons dans cette note qu'une recette destinée à remplacer, pour cette culture, le fumier de cheval. D'après l'auteur qui en a dernièrement renouvelé l'expérience, trois parties de feuilles mortes et une partie de terre végétale bien mélangées et arrosées à mesure que la fermentation avance, avec de l'urine venant direc- tement de l'écurie, donneraient des couches à Champignons aussi excellentes que celles faites avec le meilleur fumier de cheval. (The Field, 5 février 1870.) P. V. Projet d'acclimater aux Indes anglaises le caoutchouc américain. Dans une des dernières assemblées de la Société des arts, M. .lames Collins a lu un mémoire sur la production et l'histoire du Caoutchouc, et c'est à la suite de cette lecture que la question a été agitée de savoir si Pin- CHRONIQUE, 327 traduction du Siphonia (Hevea), dans la péninsule de l'Inde, ne serait pas, dès à présent, à prendre en considération. M. Gollins s'est très-éner- giquement prononcé en faveur de cette idée qui a rencontré beaucoup d'adhésions parmi le reste de la nombreuse assemblée, sauf à étendre l'ac- climatation à toutes les plantes dont le suc laiteux est propre à la fabrica- tion du Caoutchouc. Le prix de cette importante marchandise a presque doublé pour certaines espèces depuis 1861 . Il paraît, en outre, certain que la production réglée par l'art serait moins coûteuse que l'exploitation des forêts vierges. D'un autre côté, le docteur Seemann, connu par ses voyages entre les tropiques, croit pouvoir assurer qu'une véritable nécessité pour cette culture n'existera pas encore de bien des années, vu l'énorme éten- due qui, le long de l'équateur, est couverte de plantes à Caoutchouc. C'est vers les Jardins d'acclimatation des colonies anglaises que se dirigent tous les regards pour l'initiative à prendre dans cette nouvelle œuvre; mais rien n'est encore arrêté pour le moment. (Gardener Chronicle, 26 février 1870.) P V. Acclimatation d'arbres fruitiers. Le rapport annuel pour 1869 de la Société d'horticulture de Victoria contient la notice suivante : Au mois d'avril 1868, la Société reçut, de Chiswick Garden des pousses d'arbres fruitiers coupées au mois d'octobre 1867. Au moment de la réception, les souches n'étant pas en état d'être greffées, il fallut conserver l'envoi jusqu'au mois d'août suivant où le gref- fage eut lieu. Un intervalle de plus de neuf mois s'était donc écoulé entre le moment où les greffes furent coupées et celui où elles furent utilisées ; néanmoins, 66 Pommiers, 72 Poiriers, 24 Figuiers, 5 Vignes et 3 Pruniers furent sauvés de ce premier envoi et prouvèrent ainsi d'une manière écla- tante que n'importe quels arbres fruitiers peuvent être introduits dans des pays lointains avec la certitude d'un parfait succès et presque sans frais. Une caisse d'un volume modéré peut contenir des milliers de greffes. Herméti- quement fermée, on peut, dans la traversée, traiter celle caisse comme une marchandise ordinaire. [The Field, 26 février 1870.) P. V. Boisement aux Indes. Dans l'ouvrage intitulé: Notes on the North- Western provinces oflndia, by a district officier London, W. Allin et Cle, l'auteur insiste sur la haute importance qu'aurait pour ces pays la création de forêts. Deux causes exis- tent dans la partie N.-O. de l'Inde, pour l'appauvrissement de la classe agricole; la nature imperméable du sous-sol, et l'absence complète de tout combustible. Les récoltes pourraient êtres rendues infinimentplus riches par le drainage et elles seraient centuplées, pour ainsi dire, si l'on y consacrait 328 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. l'engrais animal employé jusqu'ici pour le chauffage. Le boisement ne ren- contrerait aucune espèce de difficulté vu le climat, l'étonnante fertilité du sol et l'abondance des terrains non encore soumis à la culture Le gouverne- ment a depuis assez longtemps fait planter des hois, mais c'était ou pour régler l'évaporation et la circulation de l'eau, ou bien pour avoir du bois de construciion, de sorte que tout resterait encore à faire dans le sens indiqué par l'auteur. {The Field, 5 février 1870.) P< V. Ravages du kermès de la vigne {Coccus vilïs L,), en Crimée, Par m. niédiélski. (Extrait du Mémoire russe pnr M. P. Voelkel.) En 1868, les vignerons de la Grimée reconnurent avec effroi l'apparition sur une grande proportion d'une maladie de la Vigne, caractérisée par les symptômes suivants: les feuilles se fanaient sur la plante, les fruits ne par- venaient pas à maturité, et souvent tous les grains d'une grappe se fanaient et se desséchaient. Un suc sucré et poisseux se montrait sur les feuilles et sur le sol même, à une certaine distance autour des ceps ; une poudre blan- che, ressemblant à de la moisissure, couvrait le tronc, les branches, et remplissait toutes les crevasses de l'écorce. La cause de ce désastre fut recherchée avec le plus grand soin par les cultivateurs, qui avaient pris toutes les précautions pour prévenir les dégâts de YOïdium Tuckeri, et M. Niédiélski, qui fit des recherches sur cette maladie, à la requête de plu- sieurs grands propriétaires, reconnut que cette affection est déjà connue depuis longtemps, et est due à l'invasion du Coccus Vitis, qui n'avait jamais, jusqu'à présent, sévi d'une manière aussi formidable sur les vignobles de la Crimée méridionale. Dans son intéressant travail, publié d'abord dans le numéro 2 de la Gazette agricole russe de 1869, et reproduit plus tard dans un tirage à part, M. Niédiélski démontre qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle maladie delà Vigne, que sonapparilion est indépendante de la nature du sol, de l'exposition, de l'altitude, ainsi que de l'humidité etdel'emploid'engrais: l'année 1868 a été sèche pour cette partie de la Crimée jusqu'à une époque posiérieure aux premiers ravages du Coccus; quant aux engrais, l'habitude où l'on est d'enfouir, au pied des ceps, tout ce qui en a été coupé et enlevé, peut avoir contribué à la diffusion de l'insecte. Après avoir donné les caractères de l'ordre des Hémiptères et de la fa- mille des Coccidés, M. Niédiélski fait remarquer que, parmi les Coccus, quelques-uns sont couverts d'une carapace, tandis que d'autres portent une sorte de fourrure, dont les débris forment la poussière blanche que nous avons déjà signalée. 11 divise ces insectes en deux groupes, suivant le rôle qu'ils jouent vis-à-vis de l'homme ; les uns utilisés par l'industrie, après avoir été séchés, ou pour les produits dont leur piqûre excite la sé- crétion, les autres qui jusqu'ici n'ont pas encore pu être utilisés et qui sont CHRONIQUE. 329 préjudiciables à l'homme par leurs attaques sur divers végétaux. Dans ce dernier groupe, M. Niédiélski cite : 1° le Coccus Persicœ, en 1S68, a causé de grands dégâts sur les Pêchers de la Crimée méridionale, notamment sur les terres de MM. Korbé etChoutak, où l'on s'en est débarassé par des lotions d'eau de savon ; 2° le Coccus du Laurier rose, contre lequel les jardi- niers recommandent l'emploi de fortes décodions de tabac, etc. Le Kermès de la Vigne, Coccus Vitis, L., est ovale allongé, d'une lon- gueur d'environ deux lignes, d'une couleur jaune un peu cendrée avec de faibles raies transversales cannelles sur le dos; la tète, le thorax et l'abdo- men sont unis ensemble de façon à lui donner l'aspect d'un Cloporte, mais on distingue aisément, à la partie supérieure du corps, douze raies trans- versales, indiquant la séparation des anneaux du corps : le long du dos existent deux raies, qui vont, sous forme de deux sillons, de la tête à l'extrémité postérieure; sur la tète, sont deux antennes composées de six articles, et un peu plus bas deux petits points noirs, représentant les yeux. En dessous du corps, on voit une trompe, composée des diverses pièces de la bouche dont la longueur est le tiers du corps et au moyen de laquelle l'infecte se fixe sur la plante: cet organe rélraciile ou, du moins, pouvant, à l'état de repos, se replier le long du thorax, forme, lorsqu'il fonctionne, un angle droit avec le corps. L'animal perce peu à peu le tissu cellulaire du végétal et en aspire la sève, qui pénètre dans son tube digestif. Le tho- rax porte trois paires de pattes, formées chacune de trois articles dont le dernier est pouvu de grilles, qui permettent à l'animal de se fixer sur la plante. Chez l'insecte adulte, le corps est dentelé, chaque anneau étant muni d'une dent de chaque côté; cette espèce de frange est saupoudrée d'une fine poussière blanche. A la partie postérieure de l'abdomen, et un peu au-dessus de l'anus, sont deux petits appendices, accolés l'un à l'autre et accompagnés, de chaque coté, d'un autre appendice, dont la longueur égale le tiers du corps. Les bords dentelés du corps du Kermès de la Vigne le rapprochent des Coccus à carapace, aussi bien que la poudre blanche qui recouvre le corps et surtout les bords, et qui paraît remplir les mêmes fonc- tions protectrices que la carapace. Les dents marginales servent à fixer le Coccus surtout pendant l'hiver et lors de la ponte. Les appendices anaux servent pour l'écoulement d'un liquide sucré que l'insecte exsude en très- grande quantité, et que recherchent avec avidité les Abeilles, les Guêpes et surtout les Fourmis, qui en déterminent la sortie (1). Le Coccus Vitis présente les deux sexes ; les mâles n'endommagent pas les ceps, et meurent aussitôt après avoir fécondé les femelles; on rapporte à des individus de ce sexe, n'ayant pu accomplir leurs transformations, des (1) Pendant l'année 1868, on a remarqué, sur divers points de la Crimée méridionale, un suc analogue autour des (ihèues : celte matière, provenant du Phylloxéra Boyer (de la famille des Aphis), avait été identifiée à tort avec le li- quide du Coccus vilis par plusieurs cultivateurs ; mais M. Niéldiélski a constaté que les deux phénomènes étaient dus à des insectes différents. 330 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. individus très-allongés, à pattes très-courtes et très-rapprochées de la tête, qu'on rencontre quelquefoi s. En sortant des œufs, ces insectes restent im- mobiles pendant plusieurs jours, et restent dans le nid serrés les uns contre les autres : ils grandissent rapidement et bientôt commencent à se mouvoir pour aller couvrir toute la Vigne, en suivant les branches et les feuilles. Le Coccus Vitis s'est répandu dans les vignobles de la Crimée avec une rapidité surprenante, il est vrai qu'une seule fécondation fait sentir son in- fluence sur plusieurs générations et que, dans le courant de l'été, chaque femelle pond, à plusieurs reprises, de nombreuses fournées de femelles fé- condées et produisant à leur tour, de telle sorte que cinquante individus, ayant échappé aux gelées de l'hiver, donnent, dans les premiers mois de l'année, naissance à trente millions de femelles qui s'attaquent à la Vigne. Ce n'est qu'à l'approche de l'automne que naissent les mâles pour propager la race au printemps suivant. Au printemps, les Kermès apparaissent en petit nombre et se répandent sur la Vigne, dont ils attaquent surtout les bourgeons et le dessous des feuilles : à mesure que les pampres se développent, l'insecte monte en sui- vant les rameaux les plus exposés au soleil; il multiplie avec une rapidité telle qu'en deux à trois jours les Vignes, jusqu'alors intactes, en sont cou- vertes. Le Kermès affectionne particulièrement le dessous des feuilles, ce qui fait que le suc sucré se trouve exclusivement sur le dessus; sur les Vignes en espalier, il occupe le côlé des feuilles tourné contre le mur. Les feuilles sur lesquelles niche l'insecte commencent par jaunir, puis elles se fanent et finissent par se dessécher; il en est de même des jeunes pousses, dont l'épiderme se dessèche en partie et qui cessent de se déve- lopper. Quelque temps après que l'insecte a envahi les grappes, leurs grains ne grossissent plus et bientôt se dessèchent, par suite de l'afflux sans cesse diminuant du fluide nourricier ; aussi l'invasion du Kermès anéantit-elle la récolte ; le peu de raisin qui échappe donne du vin en petite quantité et de mauvaise qualité. Vers l'automne, quand les insectes commencent à se couvrir de pous- sière blanche, ils se réunissent par groupes d'une vingtaine, forment des nids autour des bourgeons, dans les angles des feuilles, les crevasses de l'écorce, les fentes des échalas. tandis que d'autres s'enfoncent dans la terre à une profondeur d'un mètre et demi (1). Dans le courant de l'hiver, les femelles meurent, mais leurs œufs conservent leur vitalité et au printemps donnent naissance à une nouvelle armée de parasites. Quand, pour le cam- pement d'hiver, les Kermès ont choisi les racines du cep, il en résulte fort souvent la mort de la Vigne, surtout par les gelées précoces, car alors les Coccus gênés dans leur entier développement, et la ponte de leurs œufs, (1) En septembre 1868, M. Niédiélski, dans sa visite aux vignobles de Livadie, Magaratche, Vacil-Saraï et Massandre, a vu qu'une partie des insectes était déjà enfoncée à 60 et 75 centimètres. CHRONIQUE, 331 continuent à vivre pendant tout l'hiver et sucent les derniers restes de sève du malheureux végétal. La sécheresse, plutôt que l'humidité, est favorable au développement du Coccus, contrairement à l'opinion d'un grand nombre de vignerons. L'hu- midité favorise plutôt les Aphis, qui ont fait de grands ravages, en 1868, sur les Poiriers de la Crimée, mais seulement après que la sécheresse eut cessé. Une autre condition essentielle est la chaleur: en effet, les ravages du Coccus ont été beaucoup plus considérables dans les vignobles riverains de la mer, et dans les expositions les plus abritées, tels que ceux de Livadie, Magaratche, Aloupha, etc. : il n'y a pas eu de Kermès à Pozélito, chez M. Freunder, dont le vignoble est situé à 1000 pieds au-dessus de la mer. M. Niédiélski dit n'avoir pas complètement réussi * dans les recherches qu'il a faites pour connaître la variété de Vigne pins pariculièrement sujette à l'invasion du Coccus; ses études ne lui ont pas paru confirmer l'opinion de quelques cultivateurs, que l'insecte préfère les variétés sucrées. A Livadie, les dégâts ont été très-grands sur le Riessling blanc, le Tokai, le Sauterne, et les Muscats d'Alexandrie. Dans le vignoble de la couronne de -Magaratche, il a sévi surtout sur le Pineau franc, le Tokai, le Sauterne, le Muscat d'A- lexandrie et plusieurs variétés blanches et noires ; à Vacil-Saraï, le Sau- terne, le Bordeaux et le hiessling ont été surtout attaqués. On voit, même par cette énumération incomplète, que le Kermès n'a pas recherché plus par- ticulièrement les raisins de treille, ce qui s'expliquerait, du reste, par le fait que l'invasion ne se borne nullement aux grappes ; beaucoup de ces insectes ' restent toujours sur les tiges, les jeunes sarments et les feuilles ; ils se contentent donc du suc acide contenu dans ces parties. Quant à la sécrétion sucrée, elle ne suppose pas l'absorption directe de liquides sucrés, car on connaît beaucoup d'insectes qui rendent un suc sucré sans en avoir pris avec leur nourriture. M. Niédiélski crut cependant avoir remarqué que, parmi les diverses sortes de Vignes, le Kermès choisit surtout celles dont les feuilles sont le plus juteuses et celles qui restent vertes le plus longtemps. En même temps, ce parasite paraît rechercher celles qui sont le plus tendres; cette dernière raison fait que les sortes hâtives, telles que le Chasselas Isa- belle, ont été complètement éparnées, les râpes étant trop dures déjà au moment, où les Kermès ont commencé à les envahir. Le Coccus Vitis, qui avait été déjà étudié en France, en Angleterre et en Allemagne, n'avait pas été mentionné en Russie avant les travaux de M. Nié- diélski, qui désire surtout, par sa publication, provoquer des communications sur ce sujet de la part des cultivateurs de la Bessarabie et du Caucase. Quels préservatifs peut-on employer contre le Kermès de la Vigne ? En 1868, les Vignes de la Crimée avaient été soufrées à trois reprises, et lors- que M. Niédiélski les visita, le soufre couvrait encore les feuilles et les rai- sins. Ce corps n'empêche donc pas l'envahissement de la Vigne par le Ker- 332 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. mes: il paraît même résulter des expéiiences, faites en Crimée, que le soufre en fumigation ne produit aucun effet contre les Aphis et est même fâ- cheux pour les plantes ; quant au Coccus, le soufre ne l'atteint guère, car il vit de préférence à la surface inférieure des feuilles. La décoction de Tabac, préconisée par les jardiniers contre les Pucerons des Orangers et des serres, ne pouvant trouver son applicalion sur une grande échelle et en plein air, M. Niédiélski propose l'emploi d'un moyen qui lui a été très-avantageux contre YErioloma lanigera, insecte du même groupe et de mêmes habitudes : il consisterait à enduire le tronc et les principales branches d'un mélange à parties égales d'huile d'Olive et de kérosène ; on prévient ainsi l'ascension des insectes le long des tiges après l'hivernage, et on tue ceux qui avaient cherché un refuge sous l'écorce du tronc et des branches. M. Niédiélski a, du reste, constaté directement l'action du kéio- sène sur le Coccus Vitis, en prenant une livre de cette sub lance par seau d'eau ; il a obtenu ainsi un résultat très-satisfaisant. L'auteur recommande de faire les aspersions au printemps, avant l'apparition des insectes ; mais il ajoute que ces opérations servent plutôt à" limiter qu'à empêcher complète- ment les dégâts des parasites ; aussi croit-il qu'il serait nécessaire à l'au- tomne, après. la réculte des raisins, d'arroser la terre autour des Vignes, et les ceps eux-mêmes, avec le mélange d'eau et de kérosène. Il est absolu- ment nécessaire, pour protéger la Vigne des Kermès qui ont échappé aux arrosages, d'enduire les troncs du mélange d'huile et de kérosène, en com- mençant par le haut de la racine et en remontant jusqu'à la naissance des ra- meaux d'un an : cette opération doit être faite au printemps avant le bour- geonnement de la plante; le meilleur moyen d'application est un pinceau ou une brosse de tille. L'embarras que causent une telle opération et les ar- rosages ne paraissent à M. Niédiélski que peu de chose en comparaison des soins qu'exige la Vigne : quant à la question de dépense, aucun sacrifice, dit-il, ne doit être épargné pour détruire une espèce dont quatre individus, par leur reproduction, pourraient en trois ans amener la destruction com- plète d'un vignoble. D'autres cultivateurs ont proposé d'autres moyens : M. Zabel recommande d'enlever la terre autour des ceps attaqués et de la transporter dans une autre partie du vignoble; mais I\l. Niédiélski craint que ce procédé ne fa- vorise la propagation des insectes plutôt qu'il ne les détruit. Les rigoles et fossés, proposés aussi par M. Zabel, paraissent aussi inutiles à M. Nié- diélski, car le Coccus se propage surtout en montant le long des tiges, et ces rigoles ne sauraient, en été, empêcher les insectes de passer d'un cep à un autre. Le piince Troubetskoï avait imaginé de faire des creux autour des végé- taux attaqués, de les remplir de chaux vive et de recouvrir de terre; mais M. Niédiélski pense que la chaleur développée par l'hydratation de la chaux pourrait être plus nuisible à la Vigne qu'aux kermès eux-mêmes. M. Niédiélski pense que, comme complément des mesures qu'il a proposées, CHRONIQUE. 33.1 il est nécessaire de brûler tous les sarments coupés ou tombés ainsi que les débris d'écorces, car on détruira ainsi tous les insectes qui se trouveraient accidentellement sur ces détritus. La note de M. Niéliélski est terminée par rémunération des ennemis na- turels du Coccus Vitis ; ce sont les punaises de terre et les guêpes, qui les dévorent, et un Brachytarsas, qui vit en parasite dans le Kermès. Note sur des Pommes de terre et graines du Chili. Le D1' F. Fonck, après avoir habité le Chili pendant plusieurs années, est retourné à Berlin avec sa famille, en rapportant les dernières espèces de Pommes de terre manquant à la Société d'acclimatation de Berlin pour former la collection complète des Pommes de terre du Chili. L'introduction avait été entreprise en 1865, et les nouveaux* échantillons étant arrivés en bon état, l'acclimatation en Allemagne des espèces du Chili peut être regardée comme achevée. Le Dr Fonck lui-même a fourni en tout irenle-deux espèces aux- quelles il faut ajouter celles envoyées par le professeur Philippi à Santiago. Ce dernier membre a envoyé à la Société encore plusieurs Pommes de terre des hauts plateaux de Bolivie ; il est probable qu'à Berlin on entreprendra, dès à présent, la lâche de doter l'Allemagne de toutes les espècesde ce pays, et surtout des Pommes de terre sauvages qui promettent de rendre de grands services, tant pour la protection contre la maladie des espèces existantes que pour la production de variétés nouvelles. Parmi les graines dont parle la note il faut citer : Prumnopitys elegans, Ph. (Podocarpus (inclina, Pœp.), très-beau conifère, dont les fruits se man- gent et qu'il est assez diûicile, même au Chili, de se procurer en grand nombre. {Zeitschrift fur Acclimatisalion, Berlin, p. 185-191, 1869.) Paul Voelkel. Jardin botanique de Melbourne (Australie, Etat de Victoria). M. le docteur Ferd. Mueller, notre collègue, directeur du jardin bota- nique de Melbourne, a adressé de celte \ille à la Société un exemplaire du rapport qu'il a envoyé au gouvernement anglais comme botaniste officiel du gouvernement et comme directeur du jardin botanique de Melbourne; ce rapport est daté de Melbourne, \h septembre 1868 ; un rapport supplé- mentaire du 8 mars 1869 y est annexé. Il nous serait impossible de passer ici en revue tous les faits importants et même intéressants contenus dans le rapport du ïk septembre 1868 et dans le rapport supplémentaire du 8 mars 1869. Notre zélé pionnier de Melbourne dispose du reste d'un assez bel emplacement, puisque le jardin botanique de Melbourne contient près de 'tOO acres de terre (1 acre = 40 ares, 4671) et qu'il s'y trouve un lac Oôk SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. avec ses six îles, ainsi qu'on peut le voir sur le plan annexé au rapport de noire savant collègue: en marge de ce plan, nous trouvons une liste de 165 plantes rares ou importantes signalées dans le plan comme cultivées dans le jardin de Melbourne. Il nous serait impossible de donner clans cette chronique la liste dont il s'agit ; mais peut-être trouverait-elle utilement place dans notre Bulletin. En ce qui concerne le rapport lui-même, nous ne signalerons que quelques-uns des points saillants qui y sont examinés, de même que nous indiquerons seulement quelques-uns des végétaux rares et importants cultivés dans le jardin. Parmi les plantes utiles cultivées au jardin botanique de Melbourne, nous mentionnerons les Cinchonas, le Thé, et notamment la variété originaire de l'Assam (Indes britanniques), le Café, le Chêne-liége, le Bambou, la Vigne, différentes plantes tinctoriales et médicinales, comme le Curcuma, etc., l'Ayapana, le Gelscmium, etc., différentes plantes alimentaires comme le Sapotillier, l'Avocatier, etc. Parmi les arbres existant dans les pépinières et élevés pour la pre- mière fois en Australie en quantités considérables, nous mentionnerons : le Carya tomentosa, le Carya oliviformis, le Juglans cinerea, le Jugions nigra, le Quercus incana, le Quercus castanea, \e Quercus prinos, le Quer- cus maçrocarpa, le Quercus alba, le Pinus inops, le Pinus rigida, le Pinus longifoiia, le Pinus balsamea, le Pinus Fraseri, le Juniperus bermudiana, le Betula tenta. D'autres essences d'arbres ont été introduites récemment, mais ne se trouvent pas encore réellement en quantités considérables : tels sont le Pinus Gerardiana, le Juniperus religiosa, etc. En ce qui concerne les plantes des États-Unis de l'Amérique du Nord introduites en Australie, M. F. Mueller mentionne l'aide généreuse que lui a apportée M. le professeur Asa Gray, de Boston, bien connu pour ses tra- vaux sur la flore de l'Amérique du Nord ; peut-être notre Société aurait-elle aussi de ce côté de bonnes relations à entamer. Une des plantes les plus remarquables dont M. F. Mueller cite les essais de culture en Australie, est le Physostiyma venenosum, l'arbre qui produit cette Fève du Calabar employée actuellement avec tant de succès dans les maladies des yeux. M. F. Mueller mentionne ici ce fait que la Fève n'était pas restée moins de quatre ans en terre sans germer. Nous ferons remarquer qu'un système de constatation de l'action du froid de la nuit sur les plantes et de l'époque de la floraison des diverses espèces a été organisé, et que des notes sont déjà réunies pour tenter de nouvelles cultures : le rapport de 3 867 constatait que, de 1859 à 1867, le jardin bota- nique de Melbourne n'avait pas distribué moins de 355 218 plantes à diffé- rents établissements de l'État de Victoria, et que 49 475 étaient en état con- venable pour être distribuées en 1868, et nous savons avec quelle gracieuse générosité M. Ferd. Mueller envoie à notre Société des plants et des graines et les renseignements nécessaires pour qu'ils poussent et se développent bien. CHRONIQUE. 335 Nous avons été personnellement satisfait des documents qu'il nous a fournis. Notre collègue, malgré les soins qu'il donne à la culture des plantes indi- gènes de l'Australie et à l'introduction des plantes étrangères à cette colonie, n'en continue pas moins de donner tous ses soins aux grands ouvrages sur la flore d'Australie auxquels il apporte depuis plusieurs années une part de travail si importante, notamment les Fragmenta phytographiœ Australien et l'ouvrage si intéressant les plantes d'Australie, publié par M. G. Bentham, de la Société royale et de la Société Linnéenne de Londres. Nous avons appris aussi qu'il se dispose à publier une étude sur les plantes médicinales de l'Australie, encore si peu connues en Europe. Une bibliothèque, un musée, existent déjà au jardin botanique de Mel- bourne ; mais un musée de botanique économique, analogue au musée de Kew (Angleterre), paraît devoir s'organiser, sinon dans la ville de Mel- bourne, du moins dans une des parties du jardin botanique. Bien des points examinés par M. Fcrd. Mueller dans ses deux rapports mériteraient encore d'être passés en revue ; mais leur examen dépasserait les bornes de cette notice: pour le surplus, nous renverrons nos lecteurs aux rapporis même de notre éminent collègue et à ses nombreuses publications sur la flore d'Australie. A. A. D. Sur la différence entre le greffage et la production de nouvelles variétés, Par M. le professeur Schiîltz-Schultzenstein. L'auteur ne regarde le greffage que comme un moyen de reproduction d'une espèce déjà existante, et nie absolument l'altération, soit de la greffe, par la souche, soit de celle-ci par la greffe. Il le range avec la multiplication par boutures, rejetons, feuilles, etc. La source de l'améliora- tion de l'espèce au contraire se trouverait, d'après M. Schultz, clans l'action qu'exerce le fumier animal sur le développement de la fleur et surtout, du pollen. Par l'effet de l'engrais azoté, le pollen devient plus turgescent et plus riche en albumine. L'auteur a fait des expériences avec le Pinus sylvestris, et les résultats qu'il a obtenus complètent ceux de FWrcroy sur le pollen du Dattier. Le croisement, tout en pouvant donner lieu à de nouvelles variétés^ n'est nullement une condition indispensable, comme le prouve la variété infinie qui existe actuellement dans les Pommes de terre, les Maïs et les Dahlias, bien que, dans le principe, ces plantes n'aient été introduites en Europe que par une seule espèce. Les véritables hybrides ne peuvent, du reste, être regardés comme un moyen de perfectionner des espèces données vu qu'ils tte se reproduisent pas plus que les Mulets du règne animal. (Zeitschrift fur Âcclimatisation. Berlin, p. 191, 199.) P. V. 330 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Dans l'article de M. Schultz sur l'amélioration de l'espèce, nous avons vu que l'auteur n'admet pas l'altération de la variété de la greffe par celle de la souche ou vice versa. Dans le numéro que nous citons ici du Garde- ner's chronicle, un correspondant d'Angleterre paraît d'un avis tout op- posé et allègue des expériences faites par lui avec les Pommes de terre Ré- gent (blanche) et Paterson (bleue) en prenant pour souche tantôt l'une tantôt l'autre Dans l'un et dans l'autre cas, le résultat aurait été à peu près le même: des Pommes déterre blanches au même pied avec d'autres bleues, et une foule de Pommes de terre ayant des teintes intermédiaires. (Gardener's Chronicle 25 décembre 1869.) Acclimatation du Soumboul. Dans le centre de l'Asie, surtout dans les anciens États de l'Émir de Bonk- hara, on trouve dans tous les bazars un remède très-eslimé des Orientaux et auquel ils donnent le nom de Soumboul. On s'en sert contre le choléra et pour plusieurs maladies d'estomac. C'est la racine d'une plante qui pousse dans les montagnes de Maguiane, au sud des dernières annexions russes. Avant d'arriver à Bonkhara, le Soumboul passe par trois ou quatre mains, et les marchands qui le vendent dans les villes n'ont pas la moindre idée sur la nature de la plante qui le produit. Il y a quinze ans environ, l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, mit à une prime considérable la première plante de Soumboul qu'on lui présenterait. Personnelle fit con- naître ce végétal, et les recherches même de botanistes distingués qui s'étaient rendus en Asie furent vaines. D'après les descriptions qu'en faisaient cer- tains indigènes, le Soumboul devait ressembler à la plante de la Caroite, ce qui la rangeait dans les Ombellifères. Le secrétaire delà Société de géogra- phie de Saint-Pétersbourg qui, en 1867, était dans le Turkestan, ne put pas avancer la question, mais l'énigme serait résolue, le desideratum serait trouvé, d'après une lettre contenue dans le Bulletin du mois de mars 1870 de celte même Société de géographie russe. C'est un autre botaniste, M. Fedtchenko, qui, en 1868, a réussi au dernier moment àsepro urer des racines vivantes. De retour à Moscou, il les fit planter au Jardin botanique de celte Aille, et actuellement le spécimen le plus avancé l'ait sa troisième feuille. M. Fedtchenko croit à uneOmbtIlifèrc : quelques botanistes le rap- portent à un Angelica. Espérons qu'une autre plante médicale de l'Asie se trouvera bientôt au Jardin du bois de Boulogne, c'est le Jen-Chègne (Gin-Seng), dont il est parlé page 2^0 de notre Bulletin. P. V. ERRATUM, Numéro d'avril 1870, p, 255, ligne 12, au lieu c/eleLama, lisez l'Alpaca. I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE (1). LES CHÈVRES D'ANGORA EN ALGÉRIE LETTRE ADRESSÉE A M. GEOFFROY SA1NT-HILAIRE, Par M. DURAND, Directeur de la Bergerie impériale de Ben-Cliicao. J'ai l'honneur dé vous adresser les renseignements que vous m'avez demandés, dans votre lettre du 17 janvier, sur les Chèvres d'Angora introduites en Algérie par les soins de la Société impériale zoologique d'acclimatation. Le petit troupeau que possède la Bergerie de Ben-Chicao existe depuis dix ans environ. Au 1er janvier 1859, l'établis- sement que je dirige ne possédait encore que deux Boucs de cette race et 7(5 Chèvres indigènes provenant du Djebel- Amour. Le 23 juin 1859, kl tètes Angora, dont 3 Boucs, 23 Chè- vres, 11 Chevreaux et 10 Chevrettes, furent prélevées sur le troupeau que S. E. M. le maréchal Randon, gouverneur gé- néral, avait confié aux soins de M. Frutié, propriétaire à Ché- ragas. Le IZi juin 4 861, le restant de ce même troupeau fit retour à notre établissement. Ce troupeau, ou plutôt ce deuxième lot, se composait de 2 Boucs, \lx Chèvres, 9 Chevreaux et J/i Chevrettes. Ces trois envois successifs formaient donc un total de 73 têtes. 11 faut dire que sur ce nombre, il y avait 25 têtes environ croisées arabes, qui furent éliminées et vendues quelque temps après, en même temps que les bêtes indigènes. La plupart des Chèvres et des Boucs adultes étaient aussi très- vieux et incapables de coopérer utilement à la progression du troupeau. (1) La Société ne prend sous sa responsabilité aucune dos opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletiiu 2e série, T. VU.— Juin 1870. 22 338 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. Depuis cette époque, notre cheptel a suivi une marche pro- gressive, résumée dans l'exposé du tableau statistique ci-joint. En jetant un coup d'œil sur cet état, une chose vous éton- nera sans doute, c'est le chiffre de 173 têtes mortes dans cette période de onze ans. Ce chiffre est fort élevé en effet, et serait de nature à donner peu de crédit à l'élevage de la race d'An- gora, si cette mortalité ne se passait en Algérie où des scènes de destruction bien autrement importantes se passent cons- tamment sous nos yeux. Tous les éleveurs de la colonie savent à quel chiffre peu- vent s'élever les pertes éprouvées par les Arabes dans un seul hiver. L'hiver de 1867-1868 nous en offre un exemple frap- pant : on cite des tribus qui ont perdu jusqu'aux deux tiers ou aux trois quarts de leur bétail. Le troupeau Angora n'a pas eu de tels revers à enregistrer, parce qu'il a toujours été abrité pendant les grandes intempé- ries atmosphériques, et a reçu en même temps, lorsque le ré- gime du pâturage n'était plus possible, une alimentation sup- plémentaire de fourrage sec; mais, à part ces circonstances exceptionnelles, il n'a pas cessé de vivre, exactement comme les troupeaux arabes, des seules ressources naturelles du pays. Un régime plus régulier et plus substantiel eût certainement modifié considérablement la progression qu'il a suivie ; mais malheureusement l'établissement de Ben-Chicao ne s'est ja- mais trouvé, jusqu'à ce jour, dans la possibilité de suivre cette régularité ; ses moyens d'action, beaucoup trop restreints, ne le lui permettent pas; mais cette lacune ne prouve rien contre les avantages que cette race peut offrir en Algérie. Voyons ce que sont nos Chèvres d'Angora dans les condi- tions actuelles, les avantages économiques qu'elles peuvent procurer à la colonie et les inconvénients qu'elles présentent. Ces animaux se sont parfaitement acclimatés en Algérie, c'est un point qui ne laisse plus aucun doute ; ils y vivent et y prospèrent tout aussi facilement que les bêtes indigènes, et nous pouvons affirmer qu'ils n'ont perdu aucune de leurs belles qualités depuis leur importation. LES CHÈVRES d' ANGORA EN ALGÉRIE. 339 o a> 3 -~ io 1 03 O 3'S-2 OO o S s 2«r ai — su-g g 03 S S O 'S r" H Sth CB S ^ - -J, cr a; c- — - a. ra S «5 s'« E2 ^ O »»■ m 3 £ •- 03 _• ce o W fcK*— -- - "73 00 o> frt CO S- -g « ra ^ __. — J= o O "se: 3 £œ ^° Xi 1-1 —• i£ -Ô Ë §^ o - -r> C S 03 00*^ iri - tr. 'fi 0) «3 / 1 coi>^!OtNOMiomo-Hri CD L *S0J10J\0lO «H «-H««H'H«CT«!H «H ■g -s o il j . wtoœ — i-HOs4<(!Meooow i ■O T3 -5 r -miim.ia.iii'j | «rl«rl£NcN«n«-iCM«-.«r: O «ri 00 w = — , 0? •" • i-i CjO)-H'-H j O c/3 [ -aniBiJOH • 03 CJ V ' ■§ sg C a -g .2 -2 5 «j .tz ® ° — o .2" ^^ cr ce «î ■"■ c © ■s «1 T3 î ' s s?! ) . < ta H / M|U0A s^s^sssss^^^ — > 1 § J . -t>«t>" \ -otuoA «ri «n » 1 ^HriacOOM^OOfMwOH 00 *! [ 'jypajja «H «rt «ri «ri «ri «ri «H «ri -H CO «M o m-œ 0) . CN a a OOt^- -S fa i oooooooooooooooooooooocc CO «rl«rl«rl«n«H«H«rH«rl«n«rl«rl«rl 03 3 l |Sj 25 S5 P- O î) o^ s sciences naturelles. L'attention publique s'est préoccupée cette année, d'une manière spéciale, en raison de son intensité, d'une cause nouvelle de perturbation pour notre industrie séricicole déjà si éprouvée. Les cartons de graines japonaises, qui alimentent pour la plus grande partie notre élevage et celui de l'Italie, ont subi une diminution considérable dans leur exportation. Il ne s'agit plus cette fois d'une maladie inhérente au Ver ou à la feuille de Mûrier, mais d'un ennemi extérieur, agile et armé, contre lequel des Chenilles à peau molle et à mouve- ments lents sont sans défense. Chaque classe d'animaux se divise, comme on le sait, en carnassiers et herbivores, et les premiers atténuent la multi- tude des seconds, de façon à amener un équilibre harmonique. Ce sont les insectes qui contribuent le plus à diminuer le nombre des insectes, selon celte loi générale. Les Chenilles accumulent dans leurs tissus une quantité considérable de matière grasse, destinée à permettre plus tard à la chrysalide de passer sans nourriture le temps quel- quefois très-long où se préparent, sous sa dure enveloppe presque immobile, les organes de l'adulte si actif. Il y a Là une réserve alimentaire pour de nombreux insectes qui déposent leurs œufs sur la Chenille. Les larves qui en sortent se re- paissent d'abord de la graisse, de manière à respecter les organes essentiels à la vie de la Chenille. Celle-ci continue à s'accroître, malgré la présence des ennemis qu'elle recèle dans ses flancs, et qu'on appelle des parasites par une accep- tion impropre du mot, car les véritables parasites ne causent pas la mort des êtres qui leur donnent le vivre et le couvert. .')68 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGlQUli D'ACCLIMATATION. Le plus souvent les larves quittent le corps, soit de la Che- nille, soit de sa chrysalide, après en avoir dévoré en dernier lieu tous les viscères intérieurs, et se transforment ; il est beaucoup plus rare qu'elles restent incluses dans les insectes adultes; en général elles ne laissent pas à leur victime la force nécessaire pour subir la transformation ultime. Les anciens naturalistes, comme Goôdart, en voyant sortir du cocon ou de la chrysalide une légion de mouches, croyaient à une mé- tamorphose dans le sens antique du mot, à une sorte de gé- nération spontanée. Les insectes qui sont ainsi les destructeurs par excellence des Chenilles appartiennent à deux types entomologiques.Xes uns sont des Hyménoptères à quatre ailes : tels sont les Ichneu- mons proprement dits, à tarière courte, perçant la peau des Chenilles et déposant leur œuf en dessous. Chaque Chenille n'en contient qu'un seul ou un petit nombre. On en voit sortir à l'état adulte de cocons tout à fait fermés ; ainsi le Metopius dentatus ou fasciatus, grand Ichneumon à corps noir annelé de jaune, déchire avec ses mandibules le cocon clos et papy- racé du Bombyx quercûs, du Bombyx trifolii. D'autres, les Opinons, à abdomen aminci et recourbé en faucille, pondent sur les Chenilles des œufs attachés à des pédicules ; les larves qui en sortent se recourbent aussitôt comme de petits serpents et rongent la peau de la Chenille pour y pénétrer. Les Pirnples ont chez les femelles de très-longues tarières qui peuvent at- teindre sous les écorces les larves et les Chenilles vivant dans les tiges ; ce sont principalement les Pimples qui font périr les funestes Processionnaires du Chêne et du Pin, en enfonçant probablement leurs tarières à travers les parois des bourses soyeuses où elles dorment pendant le jour. Il est une foule d'Hyménoptères bien plus petits dont les services ne sont pas moins efficaces. Ils appartiennent aux tribus des Chalcidiens, des Proctolrupiens, à la famille desBraconides. Nous en voyons voltigeant sur les rideaux de nos appartements qui ont détruit dans nos planchers et dans nos meubles les larves perforantes des Vrillettes (Anobium, Coléoptères). Les Ptéromales sortent en nombre considérable des Chenilles de tous les groupes. Il NOTE SUR LE PAIMS1ÎË OUJI. 3(39 en est de même des Microgasters. Les Hyménoptères parasites des larves se filent d'habitude des cocons pour se transformer. Les Microgasters dont les larves sont devenues adultes quittent ensemble, par une grande quantité de trous, le corps de la Chenille et construisent immédiatement des cocons de couleur variée qui enveloppent la dépouille de la victime. Une des espèces les plus connues et les plus utiles est le ISlicrogaster cjlomerator ou X Ichneumon à coton jaune de Geoffroy. On le voit couvrant de ses petits cocons jaunes le corps des Che- nilles du Grand Papillon blanc du Chou et en arrêtant les ravages; ainsi M. E. Blanchard rapporte que sur 200 Che- nilles de cette espèce nuisible , trois seulement donnèrent leurs Papillons, les autres étant dévorées par les Microgas- ters. Les insectes carnassiers constituent pour l'agriculture une protection bien plus efficace encore que celle des Oiseaux. Dans nos prairies artificielles on voit briller au milieu de la sombre verdure des apparences de cocons blancs ou jaunes pâles, dus aux nombreux cocons agglomérés sur une Chenille et provenant d'une autre espèce , le Microgaster perspi- cuus (1). Un autre ordre d'insectes, les Diptères ou Mouches à deux ailes, concourt d'une manière non moins efficace à la protec- tion agricole. Ces insectes, dépourvus de tarière perforante, collent leurs œufs à la surface du corps des Chenilles, et ce sont les petites larves qui pénètrent sous la peau. Elles sortent, après leur développement complet, suit du corps de la Chenille, qui demeure alors llasque et bientôt desséché, soit du corps de la chrysalide, qui reste réduite à la peau. Ces larves ne se filent pas de cocon, mais deviennent des pupes sous la peau durcie de la larve. Celte peau devient noire ou brune et ressemble à un petit baril dont la mouche nais- sante brise la paroi pour s'échapper. Les plus gros de ces Diptères sont les Echinomyes, à corps hérissé d'épines, et (I) Maurice Girard, Petits protecteurs des prairies artificielles, Insec- toloyie agricole, 1869, p. 15. 2' série, T. VII. — Juin 1870. 24 370 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. dont chaque Chenille ne recèle qu'un petit nombre. D'autres, plus petits, contenus en plus grande quantité dans une seule Chenille, sont les Tachines. Ce sont des Mouches d'un gris d'acier, ressemblant à nos Mouches à viande et à la Mouche domestique. Elles forment un nombre considérable d'espèces difficiles à distinguer. On les aperçoit volant au soleil sur les buissons, sur les orties, où vivent en société les Chenilles des Vanesses. Si l'on examine ces Chenilles à la chaleur du jour, on les voit constamment remuer la tête et agiter leurs corps par de brusques soubresauts, afin d'empêcher les Tachines de se poser sur leurs corps et d'opérer la ponte des œufs. On comprend que ces insectes des deux ordres si utiles pour nous quand ils s'attaquent aux Chenilles dévastatrices, peuvent au contraire porter à notre industrie un grave préju- dice si leurs œufs sont déposés sur les diverses espèces de nos Vers à soie. M. Guérin-Méneville a constaté que le Ver à soie de l'Ailante (Attacus cynthia vera), à l'introduction duquel il a pris une part si active, avec le concours de la Société d'accli- matation , devient la proie d'une Tachinaire, la Phorocera pumicata (Meigen). La plupart de ces entomobies carnassières cherchent, avant tout, de la chair fraîche ; on comprend dès lors qu'une espèce exotique puisse leur convenir, comme nos Chenilles indigènes. J'ai le premier fait connaître que le Ver à soie du Mûrier est quelquefois dans nos magnaneries la proie de Tachines. Le Ver peut filer son cocon; mais la repro- duction est arrêtée, et on trouve les pupes des Mouches dans des cocons réservés pour le grainage et dont il n'éclôt pas de Papillons (Am\. delaSoc. entom.de France, 1864, t. IV, kc série; p. 155). On peut donc s'attendre à ce que, dans les pays de la plus grande production séricicole, la Chine et le Japon, des faits analogues se manifestent. Les Chinois savent depuis long- temps qu'un insecte fait périr les Vers à soie, et , dans nos Bulletins, M. le comte Castellani, dans la relation de son voyage en Chine, a cité comme une cause de désastres la maladie de la. mouche. Le Japon est devenu la dernière ressource de grainage de nos sériciculteurs, et, depuis -quelques années, nuus savons qu'un fléau analogue y entrave la reproduction NOTÉ SUR LE PARASITE OU.JI. 371 des précieuses espèces de Lépidoptères qui nous donnent la soie, au point même qu'en 1869 les ravages d'un insecte pa- rasite sont devenus une véritable calamité. Les premiers renseignements un peu étendus sur son compte qui soient parvenus en Europe sont dus à M. Adams, secrétaire de la légation britannique au Japon. Ils sont con- tenus dans deux rapports, datés de !S70, et présentés au par- lement anglais. Le premier, qui rend compte d'une excursion de M. Adams dans les districts séricicoles de l'intérieur du Japon, a été traduit et publié dans le Moniteur des soies (30 octobre, 6 et 13 novembre 1869). Ces documents sont encore très-incomplets, comme on va le voir. Une des causes les plus graves de perte des Vers à soie est la présence dans la Gbenille et la chrysalide d'une larve parasite nommée Uji, Ouji, Oudji, ce qui veut dire en japonais ver ou vermine, analogue à ce qu'on trouve dans la viande putréfiée. C'est là le nom qu'on lui donne dans les provinces orientales du Ja- pon, celles où se trouvent les comptoirs européens. On l'ap- pelle Koro dans les huit provinces du centre, ou encore Bo. Cette larve est annelée et privée de pattes (ce qui convient également aux larves des Hyménoptères ou des Diptères pa- rasites) . 11 y en a une ou parfois plusieurs par chrysalide. Elle sort de celle-ci après la filature du cocon. Elle perce le cocon avec sa tête pointue d'un trou qui ressemble à celui d'une vrille, ainsi que nous l'a rapporté tout récemment notre col- lègue M. Ravel, établi à Yokohama, et sort en étirant ses an- neaux flexibles, afin de les faire passer par cette étroite ouverture. Les cocons ainsi perforés ne peuvent plus être filés et servent seulement à faire de la bourre. Les Japonais reconnaissent la présence de Y Ouji dans la Chenille ou dans la chrysalide à une assez large tache noire apparente sur un des anneaux, ainsi que l'indique une grossière figure sur bois jointe au second rapport do M. Adams. Quand Y Ouji a quitté le cocon, sa couleur d'un jaune pâle devient rouge brun pour prendre des tons de plus en plus sombres, en même temps que cette grosse larve charnue, qui remplissait toute la chry- salide, se réduit d'un tiers. 372 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d'âCCLIMÀTÀTIoN. Les éducateurs japonais ont la précaution, aussitôt les co- cons formés, de faire un essai sur les chrysalides. Si elles sont tachées et contiennent un ou plusieurs Vers, et cela sur une trop forte proportion, les cocons sont aussitôt étouffés au soleil et envoyés à la filature ; on ne réserve pour le grainage que ceux où la proportion des parasites est faible. Les larves ennemies ont été bien plus nombreuses en 1869 que de cou- tume, ce qui doit amener, dit M. Adams, plus de soie, mais moins de cartons, sur le marché de Yokohama. M. Adams ajoute que les chrysalides de printemps soutirent seules de YOuji, que celles de l'été, c'est-à-dire de la seconde génération des Vers bivoltins, n'en contiennent pas, à de rares exceptions. Gela doit provenir de ce que l'adulte né de YOuji ne vit que peu de jours, et est mort d'habitude à l'époque de la seconde éducation. Les insectes adultes ont pour fonction prédominante la reproduction, ils s'en occupent avant tout, et, à part des exceptions, ils mangent peu et meurent vite. Les Japonais sont dans une complète ignorance sur l'ori- gine de YOuji; ils se contentent de dire que les plateaux élevés de l'intérieur en sont moins atteints que les localités basses ou humides et que les districts confinant à la mer. Dans son premier rapport, M. Adams suppose qu'une Mouche dépose ses œufs sur les feuilles de Mûrier et que ceux-ci pénètrent avec la feuille dans l'intestin du Ver. Cette opinion est évidemment erronée, d'après ce que nous savons des habitudes des Entomobies européennes, soit de l'ordre des Hyménoptères, soit de celui des Diptères. M. Adams, dans son second rapport, reconnaît comme bien plus probable (et c'est certainement la vérité) que l'insecte attaque les Vers a soie eux-mêmes, en déposant un et quelquefois plusieurs œufs dans l'intérieur de leur corps ou sur la peau, de sorte que les jeunes larves vivent des tissus graisseux jusqu'cà leur entier développement où elles font périr la chrysalide en atta- quant ses organes essentiels. Les Japonais sont dans une erreur fatale au sujet de YOuji et ignorent complètement la transformation de la larve en insecte ailé. Ils croient, et ceci nous a été confirmé par NOTE SUR LE PARASITE OUJI. 373 M. Ravel, que le Ver sorti du cocon va mourir, et ils ne s'en inquiètent plus. M. le comte de Montebello rapporte avoir vu les habitants de Yokohama balayer devant leurs portes les chrysalides atteintes de VOuji. Les larves ainsi épargnées donnent des adultes qui, très-probablement, vont alors pondre dans d'autres Chenilles, car bien des espèces peuvent nourrir les mêmes parasites, de sorte qu'au printemps suivant la fu- neste race reparaît aussi nombreuse, et se porte sur la nou- velle éducation de Vers à soie. M. Adams recommande aux Japonais de séparer des autres, lors de la montée, tous les Vers cà soie porteurs de la tache noire qui décèle XOuji, et d'étouffer, aussitôt produits, tous les cocons, afin de détruire le parasite et de pouvoir conserver ces cocons pour la filature, puisque, percés par la larve qui sort, ils ne peuvent plus servir qu'au cardage et donner de la filoselle. M. Adams, dans son second rapport, indique au gouvernement japonais qu'il devrait faire répandre partout dans les districts producteurs de soie une instruction portant que XOuji ne meurt nullement en quittant la chrysalide, mais se transforme en insecte ailé, de sorte qu'il faut détruire XOuji, soit dans le cocon, soit hors du cocon. Si les employés du commerce de la soie y veillent avec sollicitude, on pourra, sinon arrêter le mal, au moins le diminuer beaucoup, et les avantages commerciaux d'une pa- reille mesure sont immenses et évidents. Il reste encore de grandes incertitudes sur la nature ento- mologique de XOuji. M. Adams se sert pour l'adulte du mot vague de Mouche, qui peut convenir aux insectes à quatre ailes ou à deux ailes, aux Hyménoptères comme aux Diptères. Dans son second rapport, M. Adams a fait figurer, d'une ma- nière très-grossière, un Ver à soie taché contenant XOuji, la tache étant entre le troisième et le quatrième anneau, sans qu'on puisse affirmer, dit M. Adams, si elle occupe toujours cette place, une chrysalide tachée, un Ouji venant de sortir et ayant encore la teinte blanchâtre. L'inspection de cette larve, à anneaux un peu boursoufflés, convient autant à un Hymé- noptère qu'à un Diptère. Puis vient un Ouji après quatre ou cinq jours. Cette figure peut convenir à une pupe de Diptère. 374 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Enfin est un adulte, malheureusement mort et desséché dans l'enveloppe nymphale, et dont la figure avec des antennes ne se rapporte pas trop à un Diptère. Cependant sa forme rac- courcie rend assez probable que le dessinateur a eu sous les yeux une Mouche à deux ailes, desséchée et raccornie. C'est évidemment l'inspection de ces deux dernières figures qui a porté M. Guérin-Méneville à affirmer que YUji ou Ouji est un Diptère [Comptes rendus de l Académie des sciences , 18 avril 1870, p. 8M, et Revue et Maç/asin de zoologie, n° 5, p. 180). M. Guérin-Méneville est probablement dans le vrai pour l'insecte figuré par M. Adams, bien qu'il me paraisse un peu hardi en trouvant les figures suffisantes. A' 'ayant pu étu- dier ce Diptère sur nature, M. Guérin-Méneville lui donne, dans une acception générale, comme il le dit, le nom évidem- ment tout provisoire de Tachina ouji. Ce peut être une Echinomya, une Tachina, une Phorocera, etc., nous ne sa- vons absolument rien à cet égard, puisqu'on ne peut affirmer encore en toute certitude que ce soit un Diptère. En effet, l'observation suivante nous révèle une autre phase de la question. M. A dams dit dans son second rapport que YOuji attaque aussi le Yama-maï ou Ver à soie du Chêne du Japon, et à la même époque que le Ver à soie du Mûrier. Seulement comme il n'a pas pu, dans son excursion, visiter le district de Matsumoto, dans le Shinshiou, où la plus grande partie des Vers du Chêne est élevée au Japon, il ne peut rien affirmer de visu, mais il dit qu'on a trouvé le parasite dans certaines des chrysalides en possession d'habitants de Yoko- hama. M. le comte de Montebello, lors de son séjour dans cette ville, a élevé chez lui cette intéressante espèce, et a en- voyé peu avant son retour six cocons non éclos de son éduca- tion de i 8(50, et qui, au dire des Japonais, contenaient des Ouji. Ces cocons me furent remis par M. A. Geoffroy Saint- Hilaire. J'ai constaté d'abord qu'aucun n'était percé, de sorte que le parasite devait être resté à l'intérieur. En les ouvrant, j'ai vu que quatre offraient des chrysalides desséchées, mais vides, mortes par accident, sans parasite. Une cinquième chrysalide présentait à l'intérieur un corps étranger qui NOTE SUR LE PARASITE OTLTI. 375 ballottait. C'était le reste sec et comme momifié d'une longue nymphe brunâtre dont l'adulte n'avait pu sortir ; on aperce- vait seulement le haut de la tête, les yeux, la base des an- tennes. Le parasite remplissait donc toule la chrysalide , comme cela fui aussi constaté pour la plupart des chrysalides de Ver à soie atteintes deVOujiet qui furent envoyées l'année dernière en grand nombre à M. Pasteur. Enfin la sixième chrysalide m'a heureusement offert un adulte bien développé, de la même espèce, desséché avant d'avoir pu sortir. Or c'est un grand Ichneumonien (Hyménoptère), de plus de 3 centi- mètres de longueur, remplissant toute la chrysalide. Après ramollissement il a pu être retiré, mais les quatre ailes sont restées plissées et informes. Soumis à l'inspection du docteur Giraud, dont l'opinion fait autorité en France et en Alle- magne pour tout ce qui concerne les Hyménoptères, il a été aussitôt reconnu pour une espèce, peut-être nouvelle, du genre Anomalon, du groupe des Ophions. Il est voisin, pour la taille, de Y Anomalon héros (Wesmaël) , grande espèce de Syrie et aussi du midi de la France, à longues ailes d'un jaune enfumé. Les Anomalon se transforment dans l'intérieur des chrysalides, sans faire de cocon. Us ont de longues antennes, un abdomen large et comprimé, à pédicule très-long et coudé, les jambes postérieures fortes, à tarses épais, des couleurs noires et d'un jaune ferrugineux mêlées. Ce grand insecte, d'aspect en quelque sorte menaçant, ré- pond bien à ce que nous lisons dans une lettre de M. le comte de Montebello à M. A. Geoffroy Saint-Hilaire, que des Japo- nais lui ont dit qu'au printemps sort des cocons de Yama-maï (de même que chez nous les Metopins des cocons fermés des Bombyx du Chêne et du Trèfle) un animal qui pique et fait beaucoup de bruit à son apparition. L'aspect des grands Tchneumons rappelle celui des Guêpes et des Sphex, à aiguil- lons très-douloureux. Ils font leurs efforts pour piquer quand on les prend entre les doigts. Habituellement leur tarière ne perce pas notre peau ; cependant j'ai éprouvé la douleur de la piqûre, peu cuisante et sans venin, des grands Ophions, et je ne regarde nullement comme improbable que le robuste 'M6 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Anomalon que j'ai trouvé dans la chrysalide du Yama-maï ne puisse faire sentir l'acuité de sa tarière quand la femelle qu'on saisit cherche à se défendre. Nous voyons donc que la question de Y Ouji est loin d'être éclaircie. Celui du Ver du Chêne est-il le même que celui du Ver du Mûrier? N'est-il pas bien plus probable que le mot Uji ou Ouji désigne une larve parasite de la Chenille et de la chrysalide, que, de même qu'en Europe, en Chine et au Ja- pon, plusieurs espèces, tant d'Hyménoptères que de Diptères attaquent les Vers à soie du Mûrier et du Chêne, que les Ja- ponais confondent sous un nom commun toutes les larves éga- lement apodes de ces deux ordres qu'ils rencontrent à l'essai des cocons ? Nous n'oserons nullement généraliser pour le Yama-maï, comme M. Guérin-Méneville paraît le faire pour le Sericaria mori; de même que M. Àdams, nous n'avons vu qu'un seul exemplaire, et nous ne savons nullement si nous sommes en possession du parasite vulgaire et habituel ou d'une espèce moins fréquente. Si la question d'entomologie présente encore, comme on le voit, de nombreuses incertitudes, il n'en est malheureusement pas de même de la question industrielle. Ce qui s'est passé en 18(i9au Japon doit nous donner une idée du dommage que de chétifs insectes sont capables de produire, au point que l'ento- mologie appliquée peut s'élever à la hauteur de questions inter- nationales. Lors de son excursion dans les districts séricicoles du Japon, M. Adams a constaté que, dans les districts les plus favorisés du Sinshiou, la moyenne des Ouji du Ver à soie du Mûrier s'est élevée de 30 à 40 pour 100; dans une autre loca- lité de la même province, non loin des frontières du Koshiou, un essai des cocons lui en a donné 60 pour 100, plus 10 pour 100 de chrysalides mortes. Dans le Musahi, le Joshiou et le Koshiou, la moyenne générale était de (30 à 70 pour 100. Un district du Koshiou atteignait la moyenne énorme de 84 pour 100. En 1868, dit M. Adams, la moyenne des Ouji n'était que de 10 à 25 pour 100, selon les districts. Comme les Japonais, dans leur ignorance, ne font rien pour diminuer le mal, la variation dans le nombre des Ouji tient aux causes naturelles NOTE SUR LE PARASITE OU.TI. 377 habituelles, surtout à d'autres insectes hostiles, c'est-à-dire à des parasites de parasites. Il s'établit ainsi des alternances de nombre entre les espèces, chaque espèce opposée croissant en raison de l'abondance de la proie, puis mourant en grande partie de faim pendant les années suivantes, ce qui fait repa- raître l'espèce antagoniste. En outre viennent les circon- stances atmosphériques et les épidémies. L'exportation séricicole du Japon s'est ressentie d'une façon fort grave du fléau des parasites. M. Adams donne quelques chiffres dans son second rapport qui nous font voir qu'on peut regarder la récolte de 1869 comme diminuée de moitié par cette cause. En effet, l'exportation totale des car- tons de graine en 1869 a été de 1 390 000 contre 2 300 000 en 1868. Les balles de soie exportées ont aussi subi une forte diminution, dans laquelle peut aussi entrer pour une certaine proportion la môme cause, car on a dû perdre bien des co- cons troués parla sortie des parasites, en raison de la négli- gence à l'étouffage. Il y a eu dans les six premiers mois de 1869 un envoi de 6850 balles de soie contre 12 000 dans la même période en 1S68. Les demandes du commerce ont pu influencer beaucoup ce résultat. Quant aux cartons, ils ont été en grande partie la ressource de la France et de l'Italie en 1868 et 1869; par conséquent la différence tient ici à l'insuffisance de la production japonaise par la cause indiquée. NOTE SUR LA GERMINATION DU QUINQUINA (cinchona), Par M. Auguste IU1IÙRE. Dans la séance du 22 janvier 1869, j'ai eu l'honneur d'a- dresser à la Société une lettre par laquelle je l'inlormais du résultat heureux que j'avais obtenu dans la germination des graines de certaines espèces du genre Cinchona (Quinquina), qu'elle avait bien voulu me confier, et, à la date du 19 mars suivant, comme confirmation de ma lettre, je mettais sous les yeux de la Compagnie des pots garnis de ces jeunes plantes, afin de faire connaître avec quelle rapidité s'était opérée leur germination. Le semis avait été fait. dru, comme disent les jardiniers; les Quinquinas, se développant avec assez de vigueur, ne pou- vaient rester plus longtemps dans de telles conditions sans courir les risques de s'étioler et de périr. Je songeai donc au repiquage, et voici comment j'opérai. C'était vers la fin du mois de mars de la même année 1869; on prit de forts godets de 7 à 9 centimètres de diamètre, et après en avoir garni le fond de quelques tessons pour obtenir le drainage, on les remplit de terre de bruyère grossièrement divisée. A l'aide d'une petite spatule en bois, on souleva en- suite, un à un, les jeunes plants, afin de les sortir de terre avec une petite motte ; on les repiqua au fur et à mesure, en en plaçant quatre dans chaque pot et aussi près que possible des parois, afin que plus tard on pût opérer la séparation avec plus de facilité. L'opération terminée, les pots furent placés sur la tablette delà serre chaude où les plantes avaient germé, le plus près possible des vitres ; les arrosages furent donnés de manière à entretenir la terre modérément humide, mais toujours d'une GERMINATION DU QUINQUINA. 379 manière uniforme, condition essentielle pour faciliter la re- prise des Quinquinas. Ainsi traités, les végétaux ne tardèrent pas à pousser vigou- reusement, et bientôt il fallut songer à leur donner une nour- riture plus abondante. A cet effet, on sépara les jeunes plants et on les mit isolément dans des pots proportionnés à leur force, toujours dans la terre de bruyère grossièrement divisée. /C'est dans la première semaine du mois de mai qu'eut lieu cette opération. La chaleur solaire devenant beaucoup plus forte, les Quin- quinas se développèrent, et d'autant plus rapidement 'qu'ils étaient toujours placés auprès des vitres. Nous approchions de la lin du mois de juin. A cette époque de Tannée, beaucoup de plantes exotiques supportent assez mal le séjour de la serre ; on ne tarde pas h s'en apercevoir à nombre d'insectes qui attaquent leurs feuilles. Les Quinquinas en firent, eux aussi, l'expérience ; on les vit bientôt envahis par une espèce connue des entomologistes sous le nom de Thrips hemurrhoidalis , qui dévore l'épiderme des feuilles avec rapidité. Pour combattre ces insectes, j'employai de la fleur de soufre répandue très-légèrement sur les feuilles; le remède fut assez efficace. C'est alors que je voulus connaître la rusticité de ces inté- ressantes et utiles Rubiacées sous notre soleil parisien; je lis sortir des serres une douzaine de sujets que je plaçai d'abord pendant quelques jours à l'abri des rayons trop vifs du so- leil, après quoi je les y exposai définitivement. A mon grand étonnement, les plantes continuèrent à végéter, mais en deve- nant beaucoup plus robustes et en cessant d'être attaquées par les insectes. Encouragé par cette première observation sur la rusticité des Quinquinas , je fis immédiatement sortir de la serre tous les autres, au nombre de 500 environ. Ils restèrent exposés en plein soleil jusqu'à la fin du mois de septembre, époque où mon fils les transporta à Alger. Depuis cette époque, j'ai eu l'honneur, dans la séance du h février dernier, de mettre sous les yeux de la Société quatre 380 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. sujets provenant du premier essai : deux Cinchona succi- rubra et deux Cinchona officinale. On a pu voir quels déve- loppements ils avaient acquis. Les autres pots contenaient des sujets des mêmes espèces, mais de différents âges, les semis ayant été faits à des époques différentes de Tannée qui venait de s'écouler. Je rappellerai dans quelles circonstances. M. Augustin Delondre, notre collègue, dont nous connais- sons les sérieux travaux sur la question des Quinquinas, m'a- vait remis, au printemps de 1870, trois sachets contenant une assez forte quantité de graines des Cinchona succirubra et offïcinalis, et un paquet en mélange d'autres espèces. Ces graines furent semées avec les soins indiqués précédemment, mais à des époques variées : le premier semis ayant eu lieu le 12 juin 1869,1e second le 5 juillet, le troisième le A septembre, enfin le quatrième le 20 novembre. La germination des deux premiers ne se fit qu'imparfaitement; les deux derniers, au contraire, réussirent d'une manière remarquable. Vers la fin de décembre 1869, M. A. Delondre me remit une nouvelle série de graines de ces mêmes espèces; on les sema le 22 janvier suivant, dans les mêmes conditions que les premières, mais cette fois la germination fut un peu plus lente à se faire, cela sans doute à cause de l'âge de la graine qui ne doit conserver sa propriété germinative que pendant un certain laps de temps, bien que je doive faire remarquer que les graines qui m'avaient été remises par M. A. Delondre en 1869 provenaient de la même source que celles semées à l'automne de 1868. On pourrait en conclure que ces graines peuvent à peine se conserver pendant près de deux années et encore à la condition de les lenir, comme le fait M. Delondre, à l'abri du froid, de l'humidité et complètement renfermées, c'est-à-dire privées d'air, et, en outre, que le meilleur mo- ment pour opérer ici les semis serait l'automne. Je continuerai à suivre avec la plus grande attention le dé- veloppement des Quinquinas du Jardin d'Alger, et je m'em - presserai, comme toujours, de faire part à la Société des nou- velles observations qui pourraient lui sembler intéressantes. II. EXTRAITS DES PROCES - VERBAUX DES SÉANCES GÉNÉRALES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE DU 1er AVRIL 1870. Présidence de M. A. Passy, vice-président. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. — M. Drouyn de Lhuys exprime ses regrets de ne pouvoir assister à la séance. — M. le Président fait connaître les noms des membres ré- cemment admis : MM. Calcac.no (Antonio), horticulteur, à Villalranca, Pie- monte (Italie). Lesserteur (Jean-Pierre), restaurateur, à Paris. Romeuf (Baron Maurice de), auditeur au conseil d'État, à Paris. Thomas (le docteur), chirurgien en chef de l'hospice général et professeur de l'École de médecine, à Tours. — M. le Président informe la Société du décès de deux de ses membres, M. Philippe, ancien jardinier en chef du Jardin botanique de Saint-Mandrierà Toulon, et M. Guilhem, ancien receveur général. — Des remercimenlspour sa récente admission sont adres- sés par M. A. Calcagno. — MM. Fed. Muntadas , Barnsby et A. Milne Edwards adressent leurs remercîments pour les récompenses qui leur ont été décernées dans la séance publique du h mars. — M. le Président de la Société d'agriculture d'Alger adresse une note sur les animaux domestiques de race arabe, élevés en Algérie (voir Bulletin). — M. N. Joly, déléguéde la Société à Toulouse, fait parve- nir un Rapport sur un projet d'acclimatation du Llama péruvien dans les Pyrénées françaises. — - Remercîments. — M. l'ambassadeur de la confédération de l'Allemagne du Nord donne communication d'une note ofiicielle adressée à 382 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Son Exe. le Ministre des affaires étrangères sur la protection à accorder aux oiseaux de passage et exprime le désir d'ob- tenir le concours de la Société. — M. le directeur du Jardin d'acclimatation fait connaître que les truites, provenant des œufs offerts à la Société dans le courant de janvier dernier par M. le docteur Vouga, sont aujourd'hui en état de voyager, et invite les membres de la Société, qui en désirent, à les faire prendre dans un délai prochain. — M. le docteur Bordone, d'Avignon, annonce qu'il va com- mencer l'éducation des produits de croisements des Vers à soie du Mûrier (cocons blancs, verts et jaunes), qui depuis huit années lui ont donné de beaux résultats, et invite les per- sonnes qui seraient intéressées à ces questions, à visiter ses chambrées. — M. Flury Hérard offre au nom de M. lé comte de Béarn des graines de B. Yama-maï. — Remercîments. — La Société néerlandaise pour les progrès de l'industrie exprime le désir de recevoir quelques graines d\4. Yama-maï pour faire de nouvelles tentatives. — Des remercîments pour les graines de Vers à soie qu'il a reçues sont adressés par M. le vicomte d'Adhémar de Case- Vielle. — M. le docteur Jeannel appelle l'attention de la Société sur les expériences de sériciculture en plein air exécutées à Bordeaux pendant les quatre dernières années, et exprime le désir que des vérifications de ces expériences soient faites au Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne. — M. le Secrétaire de la Société d'agriculture de Saint- Omer communique deux notes sur l'arboriculture, extraites du Mémorial artésien. — M. Delondre informe la Société qu'il a reçu divers docu- ments d'après lesquels la culture des Gihchonas prendrait un développement de plus en plus grand au Bengale, sous la direction de M. le docteur Anderson, directeur du Jardin bota- nique de Calcutta, et notamment dans les plantations de Dar- jeeling. PROCÈS-VERBAUX. 383 D'autres renseignements ont appris à notre collègue que la culture des Cinchona était en Californie l'objet d'encourage- ments sérieux de la part des autorités de cet État. — M. le ministre de France à La Haye offre, au nom de M. Chamberlam-Mak, de Rotterdam, des graines de Kapok, Erio(lendroiianfrûct((osurn,eth\tconnmti'eiesrenseignements suivants : « Le fruit ci-joint, ainsi que la graine et la laine » épurée, proviennent des Indes-Néerlandaises, d'un arbre qui » croit généralement à l'état sauvage. Il est de la famille des » llombacées et connu sous le nom d,Eriodendro?i anfrac- » tuosum, ou Bombax pentandrum . Les feuilles de cet arbre » sont digilées. Il produit une grande abondance de fruits. La » grande quantité qu'on en importe maintenant en Hollande » prouve cette fécondité. Le prix moyen du produit, qui » presque toujours arrive des Indes sans avoir été épuré, est, » selon la qualité, de "25 à 30 florins (53 francs à 60,50) par » 50 kilogrammes ; l'épuration occasionne un déchet de 70 à » 75 p. 100, en sorte que la laine épurée revient à 50 ou 60 » florins par 50 kilogrammes, prix assez modique vu la grande )> légèreté de la matière qui est excellente pour confectionner » des matelas, etc. On a essayé de filer cette matière, mais $ jusqu'ici ces essais n'ont pas réussi ; les fils sont trop épais » pour être tissés convenablement. L'industrie saura peut-être » vaincre cette difficulté. Il est indispensable, si l'on veut » cultiver la graine, de la faire tremper dans l'eau, à l'inté- » rieur d'une serre chaude, et en la dérobant complètement à » l'action de la lumière jusqu'à ce qu'elle se gonfle et annonce » ainsi un commencement de germination. On mettra ensuite » la graine dans de la terre ordinaire ou végétale, mais tou- » jours sous l'influence de la chaleur et de l'humidité néces- » saire jusqu'à ce que leur développement soit complet. On )> les habituera peu à peu à l'air extérieur, et lorsqu'on aper- » cevra la formation ligneuse, on les confiera à la nature en » plantant les sujets à une distance convenable l'un de l'autre. » La structure de la plante se formera graduellement suivant » l'influence du climat qui modifiera un peu son caractère, et » le sol sur lequel l'acclimatation aura lieu exercera naturelle- 88 A SOCIÉTÉ IMI'ÊUIALË ZOOLGGiQÙÊ rAcCUMAÎÀÎioN. » ment quelque influence sur la dureté de la cosse. Il est » superflu de dire que cette manipulation exige les plus grands » soins si l'on veut réussir. Il se passera quelque temps avant » qu'on obtienne des fruits ; leur apparition dépendra du dé- » veloppement plus ou moins rapide des arbres. Mais, une fois » arrivés à ce développement, les arbres produisent une grande » abondance de fruits. » — M. le marquis Séguier de Saint-Brisson offre une partie du produit de sa culture d'Avoine de Sibérie et donne quelques détails à ce sujet. M. le baron d'Avène fait observer que chez lui, la troisième année, cette Avoine était entièrement dégénérée et qu'elle a, d'autre part, l'inconvénient d'être trop dure pour les chevaux, qui ne la digèrent pas bien. M. Richard (du Cantal) dit que, chez lui, on a soin tous les deux ou trois ans de tirer la graine nécessaire aux semailles d'une localité particulière. M. le docteur Pigeaux pense que la culture intensive est une cause de dégénérescence, et donne des preuves à l'appui de cette opinion tirées d'un ouvrage très-ancien de Constantin César. M. Ramel dit qu'en Australie, à Victoria, l'Avoine de Sibérie est préférée à toutes les autres, et qu'on a quelquefois soin de la couper à demi mûre pour en faire un foin-avoine : quant au choix des graines, il remarque qu'à Narbonne on a soin de prendre pour les ensemencements des graines recueil- lies aux environs de Perpignan. M. Chalin rappelle que M. A. Petetin, qui cultive cette plante en Dauphiné depuis plusieurs années, en est satisfait. Il pense qu'il est bon de changer la graine tous les deux ou trois ans. — M. le Secrétaire informe la Société qu'il a vu, il y a quel- ques jours, M. le docteur Mourier, qui lui a promis de faire parvenir à la Société du Blé précoce du Japon, provenant de ses cultures aux environs de Yokohama, où cette plante est l'objet des soins des Japonais. M. Mourier a également promis de faire un envoi de Bambous et de Riz sec, plantes dont il est assuré que l'introduction serait très-utile en Europe. PROCÈS-VERBAUX. 385 M. le Secrétaire ajoute que M. Mourier a appelé son attention sur le bois de Kiri {Paulownia imperialis), bois qui est très-léger, inattaquable aux insectes et non impre's- sionné parles changements de température. M. Cliatin ne pense pas que le bois du Paulownia soit bon, excepté peut-être pour faire de petits meubles. — M. E. Vavin transmet une nouvelle note relative h la Pomme de terre Marceau. — Des remercîments pour les graines qu'ils ont reçues de la Société sont adressés par MM. le marquis de Kérouartz et Decan. — M. Betz-Penot fait parvenir des épis de Maïs blanc des Etats-Unis d'Amérique, récoltés par M. Guillaury, de Gretz, près de Nemours, et un épi de Maïs panaché. — Piemerciments. — M. le Dr Hanhury fait don d'une caisse de graines à'Ar- gania Sideroxylon, dont il pense que la culture pourrait se faire avantageusement en Algérie. — Piemerciments. — M. le marquis de Sinéty fait don de 150 ceps de chas- selas rose. — Remercîments. — 11 est déposé sur le bureau le programme de l'Exposition internationale des machines et instruments d'agriculture qui doit ouvrir à Arnhem en juin 1870. — M. le docteur Pigeaux donne lecture de la note suivante, sur l' Antagonisme du Renard et du Lapin en Australie ; « L'harmonie de la nature est basée et repose sur l'anta- » gonisme des êtres ; sans l'intervention souvent maudite des » carnivores, les herbivores se seraient bien vite assez multi- » plies pour devenir de véritables fléaux. Un des exemples les » plus évidents de cette vérité méconnue est la pullulation sans » borne des Lapins, introduits sans réflexion suffisante en » Australie, qui en a bientôt éprouvé les ravages. Les habi- » tants ont vainement tenté de les détruire par tous les pro- » cédés connus de destruction, vainement encore ils ont '- dépensé plusieurs centaines de mille francs pour en res- » Ireindre les ravages, car en présence d'une nourriture saine » et abondante, rien n'a pu obvier à cette peste qui menace » de s'étendre sans cesse et d'atteindre bientôt le propre tra- 2e série, t. VII. — Juin 1870. * •>:> 386 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » vail de l'homme et d'opposer une digue suffisante à tout » effort de colonisation. Jusqu'ici les Australiens se sont con- » tentés de gémir sur l'insuffisance des moyens de répression ; » que si cependant ils avaient, sinon connu, au moins suffisam- » ment apprécié les lois de l'antagonisme que nous signa- » ions, ils eussent facilement refoulé l'envahissement de ces » rongeurs-, et quelques centaines de francs employées a inlro- » duire dans ces parages infectés quelques couples de Renards » les eussent bientôt débarrassés de l'excédant de la production » des Lapins sur le nécessaire. Que si par occurrence les Re- » nards étaient arrivés à transgresser la loi d'équilibre et à dîmer » sur la volaille des habitants, je ne doute pas qu'en souvenir » de leur mère patrie, les Australiens auraient vite intronisé » la chasse du Renard, si pleine d'attraits pour nos voisins » d'outre-Manche. Nous convions donc la Société d'acclimata- » tion de France de suggérer à nos chers collègues des Anti- » podes l'heureuse pensée de s'en remettre aux procédés de » la nature pour limiter l'excès de production du Lapin au » strict nécessaire, et nous sommes persuadés que nous ne » leur rendrons pas moins de service que par l'introduction » de la Chèvre d'Angora, du Saumon ou des Moulons multi- » pares si bien appropriés à leurs herbages sans limite ; que si » nous pouvions ainsi payer notre dette envers eux, à l'occa- » sion de l'introduction de la grande famille des Eucalyptus, » nous aurions atteint notre but, celui d'entretenir de bonnes » relations entre toutes les Sociétés d'acclimatation de notre » planète. » M. A. Geoffroy Saint-Hilaire demande si la Société appuie la proposition de M. le docteur Pigeaux. M. le comte de Saint-Aignan ne reconnaît pas au Renard la possibilité de détruire le Lapin, avec lequel il vit en bonne harmonie, et auquel il préfère de beaucoup le Lièvre comme proie ; il ne pense pas qu'il y ait jamais aucune utilité à tenter l'acclimatation du Renard dans aucun pays. M. Richard (du Cantal) observe que les Renards n'empê- chent pas le Lapin de se reproduire, et que les Lapins se multi- plient parfaitement dans les mêmes localités que les Renards. PROCÈS-VERBAUX. 387 — M. A. Rivière annonce qu'il vient de recevoir de son fils l'annonce de la naissance de Casoars au Jardin de Hamma : c'est, la première éclosion qu'on y ait observée de cet oiseau. — M. A. Rivière donne lecture d'un compte rendu sur une visite à la ferme Barrot, à Planchamp, près de Philippeville (Algérie) . — M. le Secrétaire présente, au nom de M. le comte de Mau- passant, une note de M. de la Rochemacé sur des perfectionne- ments apportés au traitement des Lins et Chanvres, et sur la substitution de la ouate de lin et de chanvre à la charpie. (Renvoi aux commissions médicale et industrielle.) SÉANCE DU 29 AVRIL 1870. Présidence de M. Drouyn de Lhuys, président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté après quelques observations de MM. Ramel et Richard (du Cantal) . M. le Président proclame les noms de membres récemment admis, qui sont : MM. Adiiémar (le vicomte Philippe d'), Grande-Rue, 25, à Montpellier. Càmino (Eduardo A. del), à Cienfuegos (île Cuba).' Ravel, négociant, à Yokohama (Japon) et à Paris. Roussèt (Adolphe- Antoine) , à Valréas (Vaucluse). Tissié, banquier, Grande-Rue, 20, à Montpellier. M. le Président annonce ensuite à l'assemblée la mort de nos confrères MM. P. R. Fournier, président de la Société protectrice des animaux, le comte Le Marois, sénateur, et le contre-amiral Aimé xMathieu. — S. Exe. M. le Ministre des affaires étrangères transmet une note, que lui adresse le consul de France à Malte, sur l'acclimatation de la Cochenille (voy. au Bulletin). — M. le consul de France à Valence (Espagne) fait parvenir à la Société un mémoire de M. Félix Robillard, agronome 388 société Impériale zoologique d'acclimatation. français, établi à Valence, sur les procédés qu'il a mis en usage pour cultiver la propriété qu'il possède auprès de cette ville au lieu dit le Cabanal, et pour y établir sur une grande échelle une fabrique d'essences de géranium et d'autres parfums. — M. Aug. Vinson, ancien président du comité d'acclimata- tion de l'île de la Réunion, adresse le rapport sur cette Société lu dans la séance du 21 janvier dernier. — M. le baron de Dumast, président de la Société régionale du Nord-Est, fait parvenir le discours qu'il a prononcé dans la séance publique du 10 de ce mois. — M. le docteur Félix Bamberg, consul de la confédération de l'Allemagne du Nord à Paris, demande un certain nombre d'exemplaires du programme des prix de notre Société, dans le but de les répandre et d'inviter ses compatriotes à concourir à la participation aux concours ouverts par elle. — M. Gudin adresse à la Société ses remerciments pour les animaux qui lui ont été confiés à titre de cheptel. — M. L. Simon adresse à la Société une demande de cheptel de Faisans vénérés. ■ — M. P. de Bourakoff annonce l'envoi à la Société de deux Coqs de Sinope et de graines de Choux marins. — M. A. Sicard fait parvenir un mémoire intitulé : Etudes pratiques sur la vitalité des jeunes Eponges et leur crois- sance. (Voir au Bulletin.) — M. le comte dePina, consul de France à Rotterdam, adresse à la Société quatre feuillets, faisant suite aux huit premiers déjà envoyés, d'une bibliographie ichthyologique publiée par les soins de M. D. Mulder Bosgoed, bibliothécaire du Leeskaa- binet de Rotterdam. — Remerciments. — M. Adolphe Rousset, deValréas(Vaucluse), adresse divers journaux et imprimés relatifs à la sériciculture, et demande par l'entremise de notre Société l'appui nécessaire pour arri- ver à un grainage dans le Turkestan. — MM. le vicomte d'Adhémar de Case -Vielle, marquis de Ginestous et de Saulcy, adressent leurs remerciments poul- ies graines de Vers à soie du Mûrier qui leur ont été envoyées par la Société. PROCÈS -VERBAUX. 389 — M. de Saulcy fait remarquer que, sur l'énorme quantité d'œufs à'Aitaciis Yama-maï qui lui ont été expédiés par la Société, il n'a obtenu que quelques larves qui présentent peu. de chances de succès. — M. le docteur L. Turrel remercie des graines qui lui ont été envoyées par la Société ; il espère obtenir prochainement des graines de divers Palmiers rustiques qui réussiraient en plein air dans la région méditerranéenne. Le Chamœrops excelsa réussit très-bien à Toulon, et ses graines sont devenues abondantes et à la portée de tout le monde. Il complète sa communication par un compte rendu de ses diverses cultures. — MM. Trottier (Algérie), Joseph Auzende, de Toulon, et Carlotti, d'Ajaccio, transmettent à la Société des détails sur la culture de l'Eucalyptus globulus dans ces différents pays. — MM. Grandidier, Gourdin, Barnsby, J. Engaurran et Thuret, adressent leurs remerciments pour les graines de végétaux qu'ils ont reçues de la Société. — M. de Capanema annonce à la Société qu'il s'occupe de l'expédition de Cannes à sucre impériales et autres demandées parla Société pour Malaga. Il compte joindre quelques Pal- miers à cet envoi. — M. Franz Kreuter écrit la lettre suivante : « Je lis avec » le plus grand intérêt tous les bulletins delà Société d'accli- » matation, surtout les articles intéressants et instructifs sur » l'introduction des plantes et végétaux. Dans le numéro 5, » 1869, p. 343, est contenue une discussion sur le Citrus de » la Californie, et il y est exprimé l'opinion que ce genre de » Citrus et le Citrus trifoliata sont identiques. Je ne suis pas » de cet avis; en effet, mon fils, officier dans la marine impé- » riale autrichienne, m'a apporté il y a quelques années un » plant du diras californien, que j'ai fait multiplier, depuis, » par greffes sur des sauvageons venus de Pépins de citrons. » Les deux espèces sont très-différentes; je leur fais passer nos » hivers rigoureux en orangerie. Une propriété du Citrus tri- » foUata est qu'il perd chaque hiver ses feuilles ; au con- » traire, le Citrus de Californie les garde. J'ai reçu aussi par » un autre officier de notre marine une plante très-curieuse 390 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » sous le nom de Citrus australis. Elle fait une figure très-bi- » zarre, quand elle porte ses fleurs innombrables, qui n'ont » qu'à peine un millimètre de diamètre. L'été passé elle a » fructifié pour la première fois dans mon jardin. Ses fruits » n'ont pas dans ce moment plus de la grosseur d'un pois. J'ai » l'honneur d'envoyer à la Société impériale d'acclimatation : » 1° Citrus trifoliata (le plus grand) ; 2° Cilrus calif arnica » (avec les grandes feuilles); 3° Citrus australis (avec les pe- » tites feuilles). J'ai passé une grande partie de l'été dernier » en Serbie et en Turquie, occupé du tracé d'un chemin de » fer en Serbie. A Pristina, en Bosnie, j'ai trouvé un Érable, » qui a été reconnu par les botanistes viennois pour Y Acer » globulus, un arbre de haute taille, d'une portée très-élé- » gante et très-robuste. C'est le plus bel Erable que j'aie vu » jusqu'ici, même plus beau que les Erables de la Golchide. » J'en ai récolté des graines, et j'en mets une partie à la dis- » position de Votre Excellence. » Ces végétaux ont été déposés au Jardin du bois de Boulogne. — M. A. Denis, d'Hyères, accuse réception de graines de végétaux à lui expédiées, et ajoute : « Malheureusement plu- » sieurs de ces précieuses semences étaient avancées, entre » autres, celles que je regardais comme les plus importantes » et dont je sollicite un nouvel envoi, si vous en possédez » encore; elles provenaient d'un Palmier, assez nouvellement » découvert dans la Nouvelle-Hollande et qu'on appelle \ePty- » chosperma Alexandrœ. Nous le demandons inutilement » depuis plus d'une année h tous les marchands horticulteurs, » et aucun d'eux n'a pu nous le faire connaître. C'était donc » pour moi une vraie bonne fortune de trouver dans votre » dernier envoi un petit paquet contenant une quinzaine de » semences. Mais notre joie a été de courte durée, car nous » nous sommes aperçus bien vite que ces semences étaient » tout à fait sèches et que, conséquemment, elles avaient perdu » leurs facultés germinatives. J'ai employé inutilement tous » les moyens possibles pour les rappeler : eau chlorée, esprit- » de-vin, mélanges de divers acides, etc. Qu'y faire? nous » résigner et attendre un nouvel envoi. J'ai reçu de notre PROCËS-VERBAUX, 391 » digne et excellent président une lettre dans laquelle il me » demande quelques nouveaux renseignements sur la culture » de Y Eucalyptus globulus ou ç/lobula dans le département du » Var et notamment à Hyères, et j'aurais déjà répondu si ma » santé, cruellement altérée depuis un mois par une forte at- » taque de strangurie, ne m'avait empêché de me livrer à » n'importe quel travail. Nous venons de traverser l'hiver le » plus rude qu'on ait ressenti dans ce pays depuis 1809 à 1810; » cependant, assez fortement atteintes par le froid, toutes nos » espèces de Palmiers ont résisté aux variations de la saison » rigoureuse, et tellement rigoureuse que le thermomètre, à » Messina, est descendu plusieurs fois, six fois depuis novembre » 1869 jusqu'en mars 1870, à zéro et au-dessous; mon instru- » ment a marqué 2,07 au-dessous de zéro pendant la nuit. » Il est vrai que nous n'a vons pas eu de neige, mais des » pluies froides qui ont occasionné presque autant de mal que » la neige. Mais dans les jardins non protégés par l'abri de la » montagne le mercure est descendu à h et h ~ au-dessous de » zéro; jugez du désastre. Il nous faut remplir bien des « vides et tout au moins dix-huit mois pour que certains » Palmiers dont le feuillage a été touché par le froid puissent » reprendre leur apparence de 1869. J'attends d'ailleurs les » premières pousses du printemps pour faire le relevé de » nos pertes. Je vous le ferai connaître en temps et lieu. » — M. le chevalier Niera demande à la Société de lui procurer pour le ministère royal d'agriculture d'Italie des graines de Gymnothrix laiifolia; ces graines lui ont été re- mises immédiatement par la Société. — M. J. A. Nielo, de Cordoba (Mexique), adresse à la So- ciété, par l'entremise de M. C. Gavoty, trois espèces de graines et demande à la Société d'autres graines de végétaux qu'il pourrait acclimater au Mexique. — M. Fahlman indique l'établissement de M. Jean Wendell à Visby (île de Gottland, Suède) comme étant à même de procurer aux membres de la Société les diverses graines syl- vestres suédoises dont ils désireraient tenter la culture. — M. Graëlls, de Madrid, informe la Société qu'il a étudié 392 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. récemment les bancs d'Huîtres de la côte d'Espagne, et que le ministère de la marine d'Espagne publiera prochainement d'intéressantes notices sur divers engins de pêche. — M. G. Sailly adresse à la Société une demande de graines diverses. — M. le directeur de la Société de propagation de l'instruc- tion en Sologne transmet à la Société deux exemplaires d'une conférence faite par M. Vote, instituteur à Romorantin, sur une éducation de Vers à soie du Chêne A. Yama-maï. — M. V. Ghatel fait parvenir à la Société deux exemplaires d'une notice intitulée : Réponse d M. de iienoist fds an sujet de la chasse aux petits oiseaux. — M. le docteur Vitali, de Milan, adresse à la Société une notice sur l'éducation des Vers à soie au Japon et qui est l'ex- plication delà brochure publiée par M. Hoffmann. — M. le docteur A. Sicard envoie à la Société un règle- ment de l'exposition internationale méditerranéenne qui doit avoir lieu à Marseille du 10 au 19 septembre 1870, sous le patronage de la Société d'horticulture de Marseille. — M. E. Duseigneur fait déposer à la Société trois exem- plaires d'une brochure intitulée : La maladie des Vers à soie. — Inventaire de 1869. — Remerciments. — MM. E. Cooper, Robert Thomson et Joseph Desmeure accusent réception des médailles qui leur ont été décernées dans la séance publique du h mars dernier et adressent leurs remerciments à la Société. — M. Ed. Sillan offre ses sincères remerciments à la So- ciété pour le titre de Délégué à la Nouvelle-Orléans, qu'elle a bien voulu lui conférer. — M. Th. Wattecamps, de Lima, fait remettre à la Société quatre espèces de Maïs de Cuzco, savoir: 1° Maïs royal (grand jaune) , introduit pour la première fois en Europe ; 2° Maïs argenté (plat blanc) ; 3° Maïs bleu [azur] (teinté de rouge) ; /i° Maïs dent de chien (allongé et pointu). — Remerciments. — La Société d'agriculture de l'île Maurice envoie le compte rendu de sa réunion annuelle du 1h février 1870. — M. A. Geoffroy Saint-Hilaire présente des fruits conser- PROCÈS-VERBAUX. 393 vés, d'une espèce très-estimée au Japon, le Dlospijros kaki, qu'il a reçus de M. II. Degron. — M. A. Geoffroy dépose en même lemps sur le bureau une notice de M. le docteur Turrel, sur une race de Bœufs très-petite, désignée sous le nom de Bœufs des Maures (voir au Bulletin) . — M. le Secrétaire présente, au nom de M. Collardeau, de très-beaux spécimens d'Igname, et donne lecture de la note suivante : « La Société a bien voulu me confier quelques tron- » çons et bulbilles de trois variétés d'Ignames, envoyées par » M. Perrottet, de Pondichéry. J'ai eu l'honneur de rendre » compte (séance du 24 décembre 1869) de la germination » tardive de ces plantes et des précautions prises pour en » assurer la conservation pendant l'hiver. L'espoir conçu à » cet égard ne s'est pas réalisé, aucune n'a pu résister aux » rigueurs et à la trop grande durée de l'hiver. En adressant » ces Ignames, M. Perrottet signalait 'comme caractère de » l'une des variétés l'émission latérale de branches ramifiées » et aplaties en forme de palmes et de doigts. J'avais préci- » sèment remarqué dans mes cultures de l'année précédente » plusieurs Ignames présentant ce caractère, et je voulus » m'assurer s'il était permanent, ou s'il ne résultait pas d'un » simple accident de végétation. Dans ce but je plantai à part » ces individus à formes aplaties et palmées, et l'année sui- » vante je récoltai des Ignames parfaitement cylindriques. Il » ne s'agissait donc pas d'une variété fixe, mais d'une bizar- » rerie accidentelle, dont la cause est assez difficile à expli- » quer. En présentant à la Société l'envoi du regrettable » M. Perrottet, M. le rapporteur faisait cette réflexion, qu'il » n'y avait pas beaucoup d'espoirde voir ces plantes acquérir » sous notre climat le développement qu'elles avaient acquis » dans l'Inde, et qui leur avait donné en longueur surtout des » dimensions exagérées. J'ai l'honneur de présenter à la » Société une Igname, récoltée cette année et dont les dimen- » sions, sans atteindre l'exagération de celles de l'Inde, me » paraissent assez remarquables et prouvent que l'Igname peut » atteindre chez nous la même force que dans son climat 394 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. » d'origine et se trouve par conséquent parfaitement et com- » plétement acclimatée. Celle-ci a une longueur de 0m,75, » dont 0m, 20 pour le collet et 0m, 55 pour la partie renflée et » comestible. Son diamètre, de 0m,05 au collet, est de 0m,12 » au sommet du renflement, 0m,20 ou 0m,21 au milieu, et » 0m,22 à la base, moyenne 0m,J7; son poids est de 1220 » grammes pour la branche principale, 260 pour l'appendice, » au total l/i80. C'est un des plus forts échantillons que j'aie » récoltés jusqu'à ce jour; il provient d'une racine oubliée en » terre à la récolte de 1867, et qui depuis a continué à se » reproduire chaque année, avec une nouvelle vigueur, en » capitalisant, pour ainsi dire, à chaque révolution annuelle, » les sucs accumulés dans les produits des années précédentes. » C'est cette double source d'alimentation, les sucs absorbés » par les radicules de la plante nouvelle et la résorption de » ceux emmagasinés dans le tubercule de l'année précédente, » qui seule peut faciliter un si prodigieux accroissement dans » le cours d'un seul été. Nous entendons souvent parler » d'Ignames d'un an, ou d'Ignames de plusieurs années; ce » sont là des locutions qui prêtent à l'équivoque. Le tubercule » de l'Igname est essentiellement un produit annuel, et s'il n'est » récolté que la seconde année, ce n'est pas le tubercule de » la première année qui a continué à grossir, que l'on trouve, » c'est le tubercule de la seconde année qui s'est développé )> sur le collet du premier et en a aspiré la substance à son » profit. Aussi, à côté de chaque tubercule ainsi reproduit, » on trouve : le sac entièrement vide, le squelette du tubercule » de l'année précédente, et l'on peut ainsi comparer l'augmen- » tation de volume et surtout de longueur entre les produits » successifs de chaque génération, s» M. le docteur Pigeaux fait observer qu'il est facile d'obte- nir des racines très-volumineuses dès la première année de culture. M. René de Sémallé dit qu'il a exposé à Clermont-Ferrand douze racines qui atteignaient des dimensions magnifiques, et qui lui paraissent plus remarquables que les spécimens de M. Colladeau. PROCÈS-VERBAUX. 395 M. le baron Séguier rappelle qu'il a eu soin, pour éviter que ses Ignames ne s'enfoncent trop profondément dans le sol, de faire paver la fosse où il les cultive, à 30 ou /i0 centimètres, et que par suite la récolte de ses tubercules, qui forment des empâtements plus ou moins contournés, est très-facile. Il signale en même temps l'observation qu'il a faite, que les racines fraîchement recueillies ont une saveur acre et désa- gréable que ne présentent pas celles qui ont été ressuyées par une exposition de quelques jours à l'air. — M. Frederick Kùhne, de New-York, adresse à la Société un nouvel envoi du Riz sauvage du nord de l'Amérique (Ziza- nia aquatico), ainsi que des graines d'Avoine d'Amérique. Il offre de faire parvenir à notre Société déjeunes sujets des arbres du nord de l'Amérique, appelés Shelbork-Hickory arbre et Locust arbre (Acacia d'Amérique). Ces deux arbres surpassent, le Chêne et sont d'une valeur inestimable comme bois de charpente et d'ébénisterie. — M. le Secrétaire donne lecture d'un rapport de M. Fed. Muntadas, sur ses opérations de pisciculture à Ateca pendant l'année 1869-1870 (voir Bulletin). — M. Duméril fait hommage d'une note qu'il vient de pu- blier sur les Axolotls et entre dans quelques détails sur les fails qu'il a observés. Il insiste particulièrement sur ce point que jusqu'ici les Axolotls transformés ne se reproduisent pas : c'est en vain que, pour exciter le développement générique, il les a placés avec des individus non transformés et prêts à se repro- duire. La non-reproduction des Axolotls lui paraît devoir être attribuée à ce qu'ilny a pas maturation complète des sperma- tozoïdes et des œufs, et il est dans l'intention d'instituer quel- ques expériences pour provoquer cette maturation. M. Paul Gervais demande quel est le mode de reproduction des Amblystomes et désire savoir s'ils sont ovovivipares comme les Axolotls. M. Duméril répond que M. Marsch n'a pas dit que les Am- blystomes sont ovovivipares, mais qu'il a vu des faits sem- blables à ceux que M. Duméril a observés. M. P. Gervais dit que la Salamandre terrestre est ovovivi- 396 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. pare et que ses jeunes sont pondus ayant quatre pattes et des branchies ; l'état de développement des jeunes de la Sala- mandre noire est plus avancé encore. Il pense qu'il serait intéressant de tenter des hybridations des amblystomes avec nos tritons. — M. Millet donne lecture d'un rapport au nom de la deuxième section sur la protection à donner aux oiseaux migrateurs. Après une discussion sur quelques points du rapport, à laquelle prennent part MM. Pigeaux, de La Blanchère, Millet, de Sémallé et Berrier-Fontaine, la Société, sur la proposition de M. le marquis de Ginestous, décide que le rapport de M. Millet sera imprimé aussi rapidement que possible, et notre confrère est prié de le remettre en temps utile pour que la publication puisse être faite avant la prochaine séance. — M. le directeur du Jardin d'acclimatation annonce à la Société qu'il a reçu de M. Deyrolle, naturaliste, qui voyage actuellement dans les montagnes du Caucase, cinq couples de Perdrix Chuckar (Perdix Chuckar). Cette jolie espèce est de la taille de la Bartavelle d'Europe ; elle s'en distingue au pre- mier coup d'œil par la coloration blanchâtre des sourcils. La Perdrix chuckar est jusqu'ici rarement venue en Europe ; la multiplication en sera tentée dans les volières du Jardin d'ac- climatation, et, si elle réussit, on pourra avec des chances de succès en essayer la propagation en liberté. A cette occasion, M. le directeur du Jardin d'acclimatation entretient la Société de deux Perdrix reçues l'an dernier de M. le docteur Watrin, qui les avait rapportées d'Arabie. Ces magnifiques oiseaux, qu'on désigne à tort sous le nom de Bar- tavelles de Syrie, portent dans les collections le nom de Perdix melanocephala. Leur coloration ressemble à celle des Barta- velles, seulement leur tête est colorée de noir, la gorge est d'un blanc pur et rehaussée de noir vif. Ces oiseaux ont la taille d'une Poule de bonne taille. Ces oiseaux ont bien supporté l'hiver rigoureux que nous avons traversé ; nous espérons, dit M. le directeur du Jardin d'acclimatation, en obtenir cette année la reproduction. — M. Geoffroy Saint-Hilaire annonce à la Société que M. le MûCÈS-VÈRBÀÛX, 39/ Comte Gustave de Montebello, qui est récemment arrivé du Japon, a rapporté au Jardin d'acclimatation une belle collec- tion de végétaux japonais parmi lesquels on remarque les espèces suivantes : Sciadopitys verticillota. Pinus de plu- sieurs variétés, Abies variés dont ÏAbies bïfida, Jwiiperus, Cephalotaxus, Podocarpus, Retinospora de différentes espèces, Camélia, Evony mus, Skimmias, et plusieurs Liliacées, etc. Des graines ont également été rapportées par M. de Monte- bello; elles seront mises à la disposition de la Société. Du Japon, le même donateur a rapporté deux couples de Pigeons vinago, beaux oiseaux dont la coloration est du plus bel effet. La poitrine est vert d'eau clair et les ailes d'un vert noirâtre. Ces Pigeons ne craignent nullement le froid et pour- ront sans aucun doute se multiplier dans nos volières, comme s'y multiplient aujourd'hui tant d'espèces de Pigeons, notam- ment ceux de l'Australie. — M. Geoffrov Saint-Hilaire donne lecture de la lettre sui- vante, adressée par M. Gilbert, du vice-consulat de France à Erzeroum, à S. Excellence M. le ministre des affaires étran- gères : « Informé du plein succès de l'élevage des Vers à soie » dansles villages de Guisquim, jemesuissans retardprocuré » des échantillons de semence que j'ai l'honneur de trans- » mettre à Votre Excellence. Il y a à peine dix ans que les » habitants des six villages de Guisquim compris dans la cir- y> conscription d'Ispir (l'Hyspiratis de Strabon), située sur le » fleuve Djorokh ou Acampis des Grecs, à vingt lieues nord- » est d'Erzeroum, se livrent à l'éducation de l'insecte utile » qui, atteint par un fléau mystérieux, ne donne, comme on » le sait, depuis 4 850, dans la plupart des pays séricicoles, » que des rejetons affaiblis. Le procédé employé est fort » simple. L'éducateur campagnard garde la semence sous » l'aisselle, soigneusement enveloppée dans du linge, jusqu'à » ce que les petits vers sortent de leurs coques, après quoi » il les place dans des bassins d'où le Ver, à maturité, » gagne les rameaux de bruyère dont les brindilles doivent » servir de cadre à son travail. Après l'entière confection du » cocon, la transformation de la larve et la métamorphose de m 398 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » celle-ci, le graineur procède à la récolte des œufs qu'il » vend, en temps ordinaire, à raison de 2 francs 36 cen- » limes les 30 grammes Les spéculateurs Lazes faisaient » passer à Gonstantinople la race Guisquim pour des graines » d'Artwin, qui est leur pays; mais les fileurs de Brousse » ayant su découvrir, depuis cinq ans, la provenance des » graines qu'on leur vendait pour desArtwin, ils en confient, » depuis lors, l'achat à des agents spéciaux qui vont, au mois » de mai de chaque année, s'approvisionner sur les lieux a mêmes de production, à des prix fort avantageux. Le ton » des semences produites à Guisquim est grisâtre ; leur état » sanitaire ne laisse rien à désirer, et la production annuelle » s'élève à environ 1480 kilogrammes. » Cette lettre, dit M. Geoffroy Saint-IIilaire, nous a été adres- sée par le ministre des affaires étrangères, avec 5 grammes de graines de Vers à soie. Malheureusement une partie de ces semences nous sont parvenues écloses. Nous espérons cependant que nous pour- rons faire avec ce qui reste de ces graines une petite éduca- tion. Si elle réussit, si les Vers s'élèvent sans avoir à subir de maladies, M. Gilbert aura rendu un grand service puisqu'il aura signalé une contrée où la maladie qui dévaste les contrées séricicoles n'a pas encore pénétré. - M. Vilmorin Andrieux donne les renseignements suivants sur le Pin de Riga : « Le semis des graines de Pin s'effectue » soit à la fin de l'été et en automne, soit au printemps, » soit même en hiver sur la neige; c'est un peu une question » de nature de sol, d'exposition, de climat. Les semis de fin » d'hiver et de printemps réussissent en général assez bien » dès la même année, quand le sol n'est pas trop aride. Du » reste, les graines de Pin ne lèvent la plupart du temps pas » toutes du premier coup, et il n'est pas rare d'en voir sortir » successivement pendant deux et même trois ans. » Le Secrétaire des séances, J. L. Soubeiran. III. CHRONIQUE. Sur les Bambous iiigra et metake. Dans nos deux dernières séances, j'ai eu l'honneur de mettre sous les yeux des membres de la Société diverses espèces d'arbres et plantes utiles introduites et expérimentées sur le domaine de la Société impériale et cen- trale d'agriculture, à Uarcourt (Eure). Je viens aujourd'hui vous présenter deux spécimens de Bambous qui ont été plantés en 1855, afin d'étudier leur rusticité et leur développement sous la température et le climat humides de la Normandie. D'après le récit des voyageurs, les tiges de Bambous rendent à l'industrie, dans de cerlaines circonstances, autant de services que nos essences fores- tières. Elles sont très-appréciées en Cbine, et l'espèce la plus cultivée est, sans contredit, le Bambou noir (Bambusa nigra). Le premier pied fut im- porté de la Chine en France en 1846, par l'amiral Gécille, et un plus grand nombre, ainsi que plusieurs nouvelles espèces, par M. de Montigny, en 1847. Le Bambusa nigra croît dans le nord de la Chine ; il est très-ruslique en France. Planté à Harcourt, en 1857, dans un sol argilo-siliceux, ses liges, munies, dans leur longueur, de petites ramilles qui se développent sur les nœuds, s'élevèrent à 3 et h mètres de haut, et n'ont aucunement souffert, depuis cette époque, de nos hivers les plus rigoureux. Le Bambusa metake, originaire du Japon, fut introduit en France, en 1850, par von Siebold. Cette espèce diffère, par son faciès, des espèces de Bambous de la Chine. Planté à Harcourt en 1856, il s'y développa d'une manière remarquable; plusieurs des anciennes tiges du centre des touffes com- mencèrent à fleurir en 1867, et un plus grand nombre en 1868. Ces tiges, hautes de 2m à 2m,50, se desséchèrent et périrent toutes après la floraison. Le même fait s'est produit également dans d'autres cultures, après quinze années de plantation. C'est un caractère qui n'avait pas encore été observé sur cette plante, et qui fait que la longévité des tiges serait limitée par l'é- poque de sa floraison. Seulement il faut dire que toutes les jeunes tiges de la base qui n'ont pas fleuri, et dont la hauteur est de 0m,50 à lm,50, ont continué le cours de leur végétation, et que les pieds n'ont aucunement souffert de la suppression des tiges qui ont été coupées rez terre. Lorsque les tiges de ce Bambou se disposent à fleurir, il se développe à chacune de leurs extrémités, et sur le côté d'un nœud, une certaine quan- tité de ramilles disposées en une sorte de pauicule lâche, diffuse, terminée par des épis longs de 0"',/i àOm,5. Les fleurs étaient surtout très-abondantes dans le mois d'octobre. J'ai suivi avec intérêt cette floraison, et je n'ai jus- qu'alors remarqué aucune graine. Cette espèce de Bambou est très- rustique, elle trace et drageonne beaucoup de son pied . Je la crois susceptible d'être employée avec avantage pour âOO SOCIÉTÉ lÀlMiUiÀLË ZOOLOGIQÙÈ D'ACCLIMATATION. soutenir les digues et le sable de nos cours d'eau, d'autant plus qu'elle aime l'humidité et la fraîcheur. Ses tiges souterraines, dures et coriaces, sont traçantes, et se redres- sent par la partie supérieure,, à une distance de O^O à 0m,40 du pied mère. Des racines nombreuses se développent à l'insertion des nœuds dis- tancés de 0m,8 à 0m,10 les uns des autres. Les tiges, quoique étant restées pendant une année sans être séparées de la touffe, n'ont été aucunement altérées ; le tissu ligneux en est très-dur, et elles peuvent être utilisées. Il paraît qu'en Chine les jeunes tiges de Bambous entrent dans la nour- riture sous plusieurs formes de mets. Coupées pendant les mois de mars et avril, époque où les jeunes pousses sortent de terre, on les fait cuire à l'eau comme les Asperges, et on les accommode comme on le fait, dans le nord de la France et en Belgique, des jeunes tiges de Houblon. Depuis ces dernières années, plusieurs espèces de Bambous sont cultivées à Cherbourg et aux enviions, dans les propriétés de MM. Deternisien, Her- pin de Fremond, etc. Us y poussent avec vigueur; les tiges atteignent plu- sieurs mètres de haut, et la végétation y étant, pour ainsi dire, continue, les tiges et les feuilles de ces plantes forment d'admirables buissons. Nous possédons, en outre, trois autres espèces très-recommandées de Bambous de la Chine, ce sont les Bambusa aurea, mitis et viridi-glauces- cens, dont les tiges paraissent être employées dans plusieurs industries chinoises. Ces trois espèces sont en expérience ; je me propose d'en rendre compte à la Société lorsqu'elles auront été suffisamment étudiées et appréciées. Des observations sont présentées, après la lecture de cette note, par MM. Brongniart, maréchal Vaillant, Chevreul et Payen, qui examinent les échantillons déposés sur le bureau par M. Pépin, et qui confirment ce qu'a dit l'honorable membre, en ajoutant que tous les Bambous périssent après leur fructification. (Extrait du Bulletin de la Société impériale d'agricul- ture, 1870.) I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE (1). NOTE SUR QUELQUES ESPÈCES DE BOEUFS DE L'INDE, Par M. T. C. V1ENNOT. Les naturalistes, manquant de renseignements suffisants sur plusieurs des espèces du genre Bœuf, n'ont pu encore établir entre elles une classification rigoureuse ; on s'est borné (2) à les répartir provisoirement en quatre groupes. Le premier est celui des Taureaux ou Bœufs proprement dits, dont l'espèce domestique présente le type bien connu. Le second est celui des Buffles, qui se distinguent des précédents par leurs pro- portions plus lourdes, par leurs cornes dirigées en arrière, par leur langue douce au toucher, tandis que celle du Bœuf ordinaire est armée de papilles aiguës et cornées ; enfin pat- leurs habitudes aquatiques. Le troisième est celui desBonases. comprenant l'Aurochs ou Bison d'Europe, et le Bison d'Amé- rique, tous deux remarquables par leur épaisse crinière. Le quatrième groupe renferme les espèces dont le corps entier est recouvert d'une longue toison ; tels sont l'Yack, à la queue touffue rappelant celle du Cheval, et le petit Bœuf musqué des régions arctiques. Les espèces si variées du genre Bœuf ont été décrites une à une par M. Yasey, qui s'est proposé de réunir dans sa mono- graphie tout ce que l'on sait actuellement sur chacune d'elles, afin de mieux appeler l'attention sur les lacunes qu'il signale aux observations des zoologistes et des voyageurs (3). Il l'a (1) La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletin. (2) Moulin, article Boeuf dans le Dictionnaire d'histoire naturelle, pu- blié sous la direction de M. Cb. d'Orbigny. T. II, p. 616-625. (3) The natural history ofBulls, Bisons and Buffaloes (Histoire naturelle des Bœufs, des Bisons et des Buffles). Londres, 1857, in-8, avec 72 figures sur bois, exécutées par l'auteur. 2e SÉRIE, T. VII.— Juillet 187 laines, et les vieux allant toujours par paires, très-faci- d lement apprivoisables, très-doux, très-faciles à nourrir, » toutes choses leur étant bonnes, quoique préférant les fruits » qui les engraissent extraordinairement, il est, à mon avis, le » plus facile de tous à domestiquer, voire même le plus utile ; » avec lui, aucune des objections faites par vos éleveurs en » Europe n'aurait de prise : quel est l'animal qui occu- » perait déjà la place qu'il tiendrait en domesticité ? » — M. le Secrétaire annonce que M. Tegetmeier (de Londres) vient d'adresser à la Société un couple de Poules d'une va- riété particulière et chez lesquelles les plumes offrent une dis- position singulière. — M. le Secrétaire fait connaître que le premier exemple de transformation des Axolotls a été observé ces derniers temps en Angleterre par M. Tegetmeier sur un individu né chez lui au printemps dernier. M. A. Duméril dit que le phénomène de la transformation des Axolotls tend à se généraliser tous les jours, et que des cas ont été observés à Naples et à Wurzbourg, par Kôlliker. — M. J. L. Soubeiran rapporte que c'est par erreur qu'on a annoncé le retour du Salmo salar dans les eaux du Derwent; PROCÈS-VERBAUX. Û<3& il résulte en effet de l'examen qui a été fait par le professeur Gunther, des spécimens envoyés en Angleterre à M. J. Youl, que ces poissons sont des Salmon trout (Salmo Trutta) et non de vrais Saumons. Le succès de l'acclimatation en Tas- manie n'en est pas moins confirmé, car ces poissons provien- nent des expéditions d'œufs faites d'Europe. — Des remercîments pour les graines de Vers à soie qu'ils ont reçues, sont adressés par MM. Bouteille, vicomte d'Adhémar de Case-Vielle et le comice agricole du Vigan. — M.Ch. Huber, d'Hyères, annoncel'envoi prochain d'une planche coloriée représentant une nouvelle introduction qu'il vient de faire, le Dalhia arborea. — M. Brierre (de Saint-Hilaire de Riez) adresse de nou- veaux détails sur ses cultures. — M. Gaétan Partiot, consul de France à Malaga, annonce que des mesures sont prises pour assurer le succès de l'intro- duction des cannes à sucre Impériales du Brésil. — Lady Dorothy Nevill fait don à la Société d'un pied de Cinchona nobilis, $ Erythroxylon Coca et de Marsilea macropus, ou Nardoo-plant, qui a servi de nourriture aux explorateurs de l'Australie, Burk et Willis. — Des remercîments pour les graines qu'ils ont reçues, sont adressés par MM. Chalot, Cormery et Vilmorin-Andrieux. — M. l'abbé Voisin fait don des graines d'une sorte de poi- vre de Chine Hoâ-tsiao. — Remercîments. — M. P. de Bourakoff, adresse d'Odessa un sac de graines de Katran. — Remercîments. — M. E. Millot fait don de graines de China grass} d'un Mus à vernis, et d'un arbre à cire d'insectes. — Remercîments. — M. Chappellier exprime le désir que la Société puisse se procurer des bulbes de Crocus grœcus, qui lui paraît propre à l'amélioration du safran par la voie des semis. — M. Fred. Albuquerque adresse les renseignements sui- vants sur ses cultures de vignes et d1 'Eucalyptus : « Quant aux » renseignements que vous désirez sur mes cultures de Vignes, » je n'ai pas encore grand'chose à vous dire, si ce n'est que » j'ai commencé à essayer l'introduction des Vignes d'Europe 2e série, T. VII. — Juillet 1870. 30 46(5 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. » en 1864, époque où j'ai reçu quelques plants, achetés chez » MM. Vilmorin-Andrieux, de Paris; ces Vignes, plantées assez » près d'une allée d'Orangers, sont restées presque toutes fa- » nées, seulement les Chasselas de Fontainebleau et de Bar- » sur-Aube, auxquels les racines des Orangers n'arrivaient pas, » ont poussé avec assez de vigueur, et produit assez abon- » damment des fruit? dès le commencement; ils se sont même » montrés aussi fertiles que le Huttella, qui est presque exclu- » sivement cultivé ici, et qui est d'une fécondité extraordi- » naire, et ont montré leurs fruits presque un mois plus tôt. Le » noir d'Espagne a aussi montré des fruits, qui tombaient » quelques jours après avoir noirci : en 1867, un muscat » d'Alexandrie a aussi commencé à donner des fruits. En » 1867, j'ai fait de nouveau venir des plants d'autres variétés » de Vignes, de chez MM. Vilmorin, lesquelles, plantées dans » un autre lieu, ont végété assez bien; une variété de Pinot » et de Gamay, en une grande quantité de sarments pour » en emplanter une Vigne clans laquelle je n'ai pas réussi. En » 1868, cherchant des terres plus propices, pour la culture de » la Vigne, que celle que j'habite, j'ai fait arracher toute ma » petite collection et je l'ai mise en pots, pour les emporter » avec moi, mais comme je restai dans la même terre, je l'ai » plantée de nouveau clans une petite portion de bois qui » avait été défriché, et qui me semblait leur offrir des bonnes » conditions tant pour la situation que pour la qualité de la » terre; mais malheureusement je n'ai pas compté avec la » proximité du bois, rempli d'une espèce de Fourmis qui » rongent presque toutes nos plantes cultivées, et avec les- » quelles nous sommes en guerres continuelles ; deux fois déjà » elles ont rongé, à la nuit, mes Vignes qui en ont beaucoup » souffert, ainsi que de l'extrême sécheresse, contre laquelle » nous sommes presque impuissants à cause de la grande » pénurie de bras dont souffrent l'agriculture et même l'hor- » ticulture brésilienne. J'ai en même temps introduit beau- » coup d'autres végétaux, qui aussi ont beaucoup souffert ; » et dont j'ai perdu quelques-uns ; ils étaient disséminés par- » tout dans ma terre, ce qui était la glus grande difficulté PROCÈS -VERBAUX. M>7 » pour les soigner convenablement: aussi j'ai formé le projet, » dès 1865, de réserver une pelite portion de terre pour en » faire un jardin d'introduction, et j'ai conservé en pots les » seize variétés de Vignes que j'ai pu sauver de la collection » que la Société m'a envoyée en 186Q, lesquelles, mieux soi- » gnées, sont dans un très-bon état, et je crois que la plupart » donneront des fruits dès cette année. » De tous les végétaux étrangers dont je poursuis l'intro- » duction, le plus utile après la Vigne est, à mon avis, YEu- » calyptus; si la Vigne doit être, dans l'avenir, une source de » richesse pour la province de Rio-Grande, les Eucalyptus » peuvent l'être dès aujourd'hui pour le Municipio (ou res- » sort de la municipalité) de Rio-Grande, vaste territoire d'au » moins 200 000 hectares, entièrement dépourvu de bois. » Ceux que j'ai mis en pleine terre au mois de décembre 186S » ont grandi d'une manière extraordinaire ; quoique plantés » dans du sable presque pur, un E. globulus a déjà 37 centi- » mètres de circonférence à la base. Les graines que la So- » ciété m'a envoyées dernièrement à' E. globulus, Polyan- n themos et Âmygdalina, ont très-bien levé, mais je n'ai pas » réussi avec le Mahagonij, ainsi qu'avec le Stenocarpus » sinuosus. Trois fois déjà j'ai reçu des graines du Mahagony, » sans jamais réussir à élever du plant; à peine quelques » feuilles séminales ont apparu, sans que leurs pétioles sor- » tissent de terre, qu'elles ont fondu tout de suite. » — M. le Président fait hommage à la Société, au nom de M. Ramel, de deux brochures sur l'application de Y Eucalyptus globulus et sur l'analyse qui a été faite des feuilles de cet arbre, par M. Gloez. Il remet également un numéro du Journal officiel* conte- nant un article sur diverses essences forestières utiles, ainsi qu'un prospectus annonçant le prochain concours de moisson- neuses organisé par les soins de la Société des agriculteurs de France. Il offre aussi, au nom de M. tëalcarce, ministre plénipoten- tiaire de la République argentine, trois échantillons de Maïs (Maïs cuzco, Maïs rouge et Maïs blanc) et des graines d'une â68 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. cucurbitacée, dite Potiron tendre : « Depuis plusieurs an- » nées, dit M. Balcarce, je cultive dans ma campagne à Bru- » noy, près Paris, une variété de Potirons de l'Amérique mé- » ridionale, vulgairement nommés à Buénos-AyrespetilPotiron » tendre (Zapallito tierno), ou de tronc (de tronco), et ap- » pelés de ce dernier nom, parce que cette plante ne trace pas, » comme les autres variétés de la même famille, en longues » tiges rampantes, et parce que le fruit se forme et mûrit » autour du tronc. Ces potirons servent à la consommation » alimentaire, quand ils ont atteint, ou peu s'en faut, le » volume d'une grosse pomme de reinette, et qu'ils sont encore » verts et tendres. On les mange, soit en salade, cuits, coupés » en tranches et mêlés à des haricots verts, après avoir pris )> soin d'enlever les plus fortes graines qui se rencontrent à » l'intérieur ; soit farcis comme les aubergines des contrées » européennes, soit cuits dans le pot au feu comme des » carottes ou des panais. Ces potirons sont farineux et plus » sucrés que les Potirons ordinaires de France, et si l'on s'ap- » plique à les cueillir avant leur entière maturité, ils offrent » le notable avantage de se conserver jusqu'en mars dans les » meilleures conditions alimentaires. La culture en est, au » reste, des plus simples. Ils sont semés en pots et sur couche » à la même époque que les Melons. Dans les premiers jours » de mai, on les met en place, en creusant à quatre pieds de s distance l'un de l'autre des trous dans lesquels on introduit » du fumier et de la terre mélangés de terreau. La plante est » recouverte ensuite d'une cloche que l'on y maintient jus- » qu'au moment où les gelées ne sont plus à craindre. Plus » tard, dans la saison, on peut simplement les semer en » place. Il importe, toutefois, pour que la graine ne joue pas, » de ne point la semer dans le voisinage de variétés de même y> famille. Ce légume, que mes compatriotes aiment beaucoup, 9 a besoin d'être assez fréquemment arrosé. Je le soigne dans t> mon jardin, et ne sache pas qu'il soit cultivé ailleurs. Mon » habitude est de faire venir les graines de Buénos-Ayres tous » les trois ans, et je regrette de n'en avoir aujourd'hui qu'une )> très-petite quantité à mettre à la disposition de la Société ; PROCÈS-VERBAUX. 469 » mais j'en attends, et je m'empresserai de compléter l'envoi, » dès leur arrivée. J'ai la conviction, Monsieur le Président, » que ce Potiron argentin pourrait entrer profitablement dans » la consommation bourgeoise, et qu'au point de vue de la » culture, le soin de cette plante conviendrait aux petits pro- » priétaires et aux agriculteurs qui disposent d'un sol borné. » En résumé, le Zapallito Tierno exige peu de place et il est » très-productif. A l'économie de terrain s'ajoutent une cul- » ture facile, une double application alimentaire et la faculté » de se conserver jusqu'aux derniers jours de février.... Votre » Excellence, dans la séance annuelle de la Société impériale » d'acclimatation du 21 février 1868, a exposé à la Société, » dans une énumération très-brillante et très-remarquable, » l'histoire du Maïs en général. J'ai, aujourd'hui, le plaisir de » présenter à la Société, comme une variété de cette intéres- » santé graminée, quelques graines (les seules que j'aie con- t> servées en bon état) de Maïs rouge cultivé au Pérou dans » le voisinage des montagnes, sur des terrains assez élevés, 2» et qui se montre peu susceptible sous le rapport des in- > fluences du climat. L'épi en est petit. On l'emploie généra- » lement à colorer les gelées et les glaces, ainsi qu'un mets » fait au moyen de Maïs commun concassé, cuit à i'eau, ou au » lait. Ce mets est très-populaire au Pérou, ainsi que dans le » reste de l'Amérique méridionale, où il est connu sous dif- » férents noms : on l'appelle à Buénos-Ayres : Masamorra. » J'ignore si cette variété américaine de Maïs a été naturalisée » en France : en tout état de cause, je crois que si l'on en » tentait la culture, et qu'on arrivât à la généraliser, elle of- » frirait des avantages notables pour les glaciers, confiseurs » et les industriels de même ordre, qui y trouveraient le'moyen » de substituer pour la coloration en rouge une substance » parfaitement inoffensive à celles trop souvent nuisibles dont » ils sont obligés de faire usage. Je remets aussi de la graine » de Maïs blanc, qui s'est recommandé dès longtemps à nos » cultures Américaines par ses qualités tendres, sa grosseur » et la douceur de son goût. On l'applique communément à }> une grande variété de mets agréables et nourrissants. 11 est /|70 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. )) mangé cuit à l'eau, au four ou sur les braises. Râpé, on en » fait des produits divers et délicieux, tels que beignets, des » pâtisseries et des Humitas, dont la nomenclature serait trop » longue ; car dans la République argentine, au Chili et au '» Pérou, comme au Mexique et aux États-Unis du Nord, l'usage » du Maïs blanc, tendre ou encore vert, est universel, ce que » l'on ignore en Europe, où l'on emploie seulement pour des » usages domestiques la farine du Maïs mûr ou durci. Je » viens de dire que beaucoup de mets sont préparés en Amé • » rique avec ce Maïs quand l'épi est tendre encore : dans cette » condition il est nommé à la Plata et au Chili, Choclo : c'est » seulement quand il est pleinement mûr et durci qu'on l'ap- » pelle de son nom générique Maïs ; il ne sert alors que comme » farine. A ces graines, j'en joins quelques-unes d'une autre >) variété dite Maïs del cusco, très-remarquable par son vo- » lume, sa blancheur et la quantité de fécule qu'il contient. » Cette plante parvient à des dimensions extraordinaires. Je » l'ai cultivée à Brunoy dans ma campagne, mais sans jamais » parvenir à la mener à maturité. Je n'ai pu obtenir pour tout » succès que le développement complet de la plante ; il m'a » été impossible d'arriver à la formation de l'épi. Si je ne me » trompe, la Société d'acclimatation aurait déjà reçu de ces » graines, et en aurait fait faire une culture d'essai dans le » midi de la France \ mais j'en ignore le résultat. Rien, en » agriculture, n'est insignifiant ; la plus petite chose a sa va- » leur, la moindre végétation son intérêt ; c'est dans cette » conviction, Monsieur le Président, qui me garantit contre » la crainte d'abuser de l'attention de la Société, que j'ai » l'honneur de lui adresser ces graines exotiques, avec les » quelques indications indispensables pour leur culture, et » que j'y ajoute ici pour Votre Excellence l'expression de ma » haute considération et de mes sentiments les plus distin- » gués. » — A l'occasion de la présentation du rapport sur l'usage de la viande de Cheval qui devient chaque jour plus commun à Vienne (Autriche), M. le curé Delaunay croit devoir protester contre cette alimentation qu'il considère comme contraire à PROCÈS-VERBAUX. kl\ la nature des choses, et il pense que l'hippophagie sera bien- tôt démodée. M. le baron Larrey fait remarquer que les innovations ren- contrent souvent à leur origine des obstacles à leur dévelop- pement qui proviennent de ce qu'elles sont en contradiction avec les idées généralement admises, que le temps permet seul de les juger sans passion. Il demande donc en consé- quence que la question de l'hippophagie soit reprise en temps utile. — M. de La Blanchère donne lecture d'un mémoire ayant pour titre : Comment les poissons meurent. (Yoy. Bulletin, p. 362.) — M. le Secrétaire donne lecture d'un travail de M. de Laya, consul à Malte (transmis à la Société par le département des affaires étrangères), sur la culture de la Cochenille telle qu'il l'a vu pratiquer. — M. Millet met sous les yeux delà Société une série d'esto- macs de jeunes corbeaux freux, qui établissent qu'au mois de mai ces oiseaux nourrissent leurs petits presque exclusive- ment avec des insectes. Sur 650 corbeaux tués dans une pro- priété, MM. Gretté de Palluel et Millet ont ouvert environ chacun cent cinquante estomacs qui contenaient quelques grains de blé, des cailloux, des coquillages et surtout des Vers blancs, quelques-uns en renfermaient jusqu'à huit et neuf. Les freux peuvent donc être considérés à certaines époques comme insectivores précieux ; aussi dans quelques localités de la Picardie respecle-t-on les Corbeaux pour les services qu'ils rendent à l'agriculture. M. Boisduval rappelle qu'il y a trois ou quatre ans, il a publié'un travail établissant exactement les mêmes faits. Dans l'Orne, dit M. Maurice Girard, des herbages qui nour- rissaient cent Bœufs n'en peuvent plus nourrir que dix aujour- d'hui ; il est vrai qu'il y a lieu de tenir compte de la séche- resse : mais une grande partie du mal vient des larves de Hannetons ; qu'on juge par là de la nécessité de protéger les destructeurs de Vers blancs. — M. Ramel, qui le premier s'est occupé de l'introduction de A72 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. YEucalyptus> donne lecture d'un article d'un journal d'Algé- rie qui établit comment certaines régions de notre colonie ont été assainies par X Eucalyptus qui absorbe et détruit les ef- fluves marécageuses. — M. Geoffroy Saint-Hilaire remet une lettre de M. Lunel, sur la culture du Riz sec qu'il fait aux environs d'Avignon, (Voy. Bulletin, p. hhh.) Il donne lecture d'une note de M. Blazy sur l'opportunité de la protection à accorder aux Cailles lors de leur arrivée en France. Les cailles, dit M. Boisduval, mangent beaucoup d'insectes. M. Rose Gharmeux préserve ses Chasselas de pri- meur en lâchant dans ses serres un grand nombre de Cailles, M. le marquis de Sinéty donne lecture d'une lettre de M. Berthemy, consul général a New- York, établissant que les Moineaux introduits d'Europe ont pullulé en effet ; mais que les arbres des promenades continuent, malgré la présence de ces oiseaux, à être dépouillés de feuilles. Cela tient sans doute, ajoute M. Berthemy, à ce que les enfants prennent grand soin de nourrir les Moineaux et que les gardiens des promenades entretiennent toujours pleines les mangeoires de ces oiseaux. Ceci démontrerait que le Moineau franc n'est insectivore que lorsqu'il ne trouve pas toujours une nourriture abondante à sa portée. SÉANCE DU 27 MAI 1870. Présidence de M. Dbouyn de Lhuys, président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — A l'occasion du procès-verbal, M. de Semallé fait con- naître qu'ayant fait usage de Coca depuis longtemps, il n'a retiré de cette substance aucun des avantages qui la font préconiser, et lui attribue le dérangement de ses fonctions digestives. M. le docteur Pigeaux dit qu'il a pris une certaine quantité de Coca, sans aucun inconvénient pour son appétit. M. Richard (du Cantal) dit que les Moineaux font une PROCÈS-VERBAUX. 473 consommation considérable d'insectes, surtout au moment où ils ont à nourrir leurs jeunes. M. le docteur Pigeaux fait connaître qu'il a dans son jar- din une grande quantité de ces oiseaux, qui s'éloignent au moment de la nichée pour chercher leur nourriture animale dans le voisinage ; il a constaté chaque année qu'un certain nombre de Moineaux ne s'apparient pas. M. Millet fait observer que cela tient à ce que la proportion des mâles est beaucoup plus grande que celle des femelles. — M. le Président fait connaître les noms des membres récemment admis : MM. DuERo(le marquis Del), capitaine général, propriétaire, à Madrid (Espagne). Larrea (Manuel-A.), à Quito (Equateur), et à Paris. — M. le Président annonce le décès de notre confrère M. le docteur Vavasseur. — M. P. Dabry, délégué de la Société à Canton, annonce le prochain envoi de plusieurs Faisans, provenant de la pro- vince de Su-len-fou et qu'il suppose appartenir à des espèces nouvelles. — Remercîments. — Il est déposé sur le bureau un numéro de la Gazette des étrangers, dans lequel se trouve inséré un article relatif à la protection à accorder aux oiseaux insectivores. — M. Tegetmeier fait hommage d'un travail de M. Fran- cis-Francis sur les échelles à Saumons d'Angleterre et d'Ir- lande. — Remercîments. — M. P. L. Simmonds transmet les renseignements suivants sur la pisciculture : « Le dernier rapport annuel des pêche- » ries du Canada insiste sur la nécessité d'avoir recours à la » propagation artificielle pour rendre aux eaux de ce pays la » fertilité qu'elles ont perdu. Déjà des expériences ont été » faites, en particulier par M. Wilmot, qui a fait des hybrides » du Salmo salar et du Saumon non migrateur du lac Onta- » rio ; il sera intéressant de voir quelle influence ont exercé les » parents au point de vue des habitudes, slationnaires ou mi- » gratives. Mais les déprédations exercées sur les rivières klk SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. » constituent un obstacle des plus sérieux aux progrès de la » pisciculture. » M. R. Ramsbottom, du New-No rfolk, annonce s'être assuré, par des expériences précises, que \esSmolts séjournent douze mois à la mer avant de retourner en eau douce à l'état de Grilse, et que les adultes passent un même temps dans l'eau salée. — MM. le marquis de Ginestous et A. Rousset remercient des graines de Vers à soie qui leur ont été adressées. — M. le docteur Vicente de la Roche, en faisant parvenir ses remerciments pour la récompense qui lui a été décernée, annonce qu'il continue ses expériences sur l'éducation des Vers à soie et fait parvenir divers articles déjà publiés par lui sur ce sujet dans le Trabajo de Medellin (Colombie) . — M. H. Givelet dépose un mémoire sur les Vers à soie du genre Attaciis, dans lequel il a traduit les nouvelles observa- tions de M. de la Roche, sur le dévidage des cocons (voy. au Bulletin, p. '271). — M. le docteur Clos fait hommage d'une Monographie de la pré foliation dans ses rapports sur les divers degrés de la classification. — Remerciments. — M. le Directeur du Jardin accuse réception de diverses plantes provenant d'un envoi de Lady D. Nevill. M. le Directeur du Jardin d'acclimatation transmet : i° de la part de M. le comte G. Montebello, quelques graines de végétaux du Japon et 15 grammes de B. Yama-maï ; "2° une collection de graines de Gochinchine offerte par M. le vice- amiral de La Grandière. — Remerciments. M. Wallut fait hommage de boutures de Noyer de Jauge. — Remerciments. La Sociélé Néerlandaise pour les progrès de l'Industrie envoie des graines de vers à soie du Mûrier. — Remer- ciments. — M. Rourguin fait hommage d'un volume d'histoire natu- relle qu'il vient de publier sous le titre de : La science à l'Ecole. Le Règne animal. — Remerciments. — M. le Président donne lecture d'une lettre de S. Exe. PROCÈS-VERBAUX. Z|75 M. le Ministre des affaires étrangères, qui transmet une note de M. le baron Gauldrée-Boilleau sur le Jardin botanique de Lima, et la copie d'un décret du président du Pérou, autori- sant cet établissement à faire des échanges avec la Société d'acclimatation. (Voy. Bulletin, p. 295.) L'assemblée vote des remercîmenls à notre confrère M. Gaul- drée-Boilleau et au président du Pérou. — M. le Président donne lecture de la lettre suivante de M. de Vienne, consul de France à Zanzibar : « Je profite du » départ d'un navire français se rendant directement à Mar- » seille pour faire parvenir au département les échantillons » d'une graine oléagineuse que l'industrie pourrait utiliser. » La plante qui la produit, connue dans le pays sous le nom » de Koëme, est appelée scientifiquement Felfaivia pedata. » Elle est abondante à Zanzibar, où les indigènes s'en servent » comme comestible et est inconnue sur la côte d'Afrique, » ainsi que dans les colonies anglaises et françaises. La pro- » portion d'huile qu'elle renferme est, paraît-il, considérable, » mais elle ne peut être évaluée sans les machines qui nous » manquent. Ces divers renseignements m'ont été fournis par » le docteur Kirck, vice-consul d'Angleterre, gérant actuelle- » ment l'agence et consulat de S. M. britannique. L'autorité » de ce botaniste distingué, connu par ses travaux relatifs à la » flore des tropiques, m'inspirait toute confiance en ses appré- » dations, et suivant l'exemple qu'il me donnait en essayant » de faire acclimater cette plante à Maurice, à Mahé et à Bom- » bay, j'en ai envoyé des graines à Mayotte et à Nossi-Bé.» Les graines envoyées par M. de Vienne sont remises à M. Rivière pour en tenter la culture en Algérie. — M. J. L. Soubeiran donne lecture d'un mémoire sur la pisciculture aux Indes, et sur les essais de naturalisation qui ont été tentés dans ce pays par M. le docteur Francis Day. (Voy. Bulletin, p. 352). — M. le Secrétaire présente, au nom de M. Benoît Garnier, des spécimens de graines de divers végétaux de Madagascar, tels que Cajanus, Mimosa et Tanghinia venenosa (Tanguin), dont la noix servait aux épreuves judiciaires des Malgaches. 476 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. M. Garnier offre également des spécimens du Ver à soie de l'Ambravade (Bombyx Cajani), indigène à Madagascar, des cocons bruts et de la soie filée par les Malgaches. Une descrip- tion de cet insecte et de ses produits a été faite par M. Vinson et publiée dans le Bulletin en 1863, t. X, p. 505. — Remer- cîments. M. A. Rivière dit que le Tanghinia, cultivé au Jardin du Hamma, y donne régulièrement des fleurs et des fruits. — M. R. de Semallé présente des spécimens d'Igname, provenant de ses cultures en Auvergne, et qui ont atteint, à l'âge de deux à trois ans, des dimensions très-remar- quables. — M. Giraudeau met sous les yeux de la Société des feuilles et des boutures d'une rhubarbe de la Chine, qu'il a reçue de la Société en 1867. M. le baron J. Cloquet pense que cette rhubarbe pourrait être facilement cultivée pour l'usage alimentaire comme on le fait en Angleterre. M. A. Rivière dit que la plante présentée a quelque ana- logie avec le Rheum palmatum, de môme que les nom- breuses espèces qu'on a reçues de Sibérie, et avec le Rheum australe. M. Soubeiran rappelle que cette rhubarbe provient d'un envoi fait par M. Dabry, qui l'avait reçue du Père Yinçot, mis- sionnaire en résidence à Su-len-Fou entre le Tse-Tchuen et le Chan-si. — M. le Président informe l'assemblée que le rapport sur les oiseaux insectivores, qui devait être présenté à cette séance, n'ayant pas encore revêtu sa dernière forme, la discussion doit être remise à la séance prochaine. — La discussion que M. Decroix désirait engager sur l'hip- pophagie est également renvoyée à une séance ultérieure. — M. A. Rivière présente des œufs d'Autruches pondus au Jardin du Hamma, et fait remarquer que leur volume est beaucoup plus considérable que celui des œufs pondus par des Autruches sauvages. Une seule femelle a déjà donné qua- rante œufs, que le mâle couve avec assiduité et qui devront PROCÈS-VERBAUX. 477 éclore dans les premiers jours de juin. Les Autruches du Hamma donnent un produit assez considérable; en effet, les plumes de quatre à cinq de ces oiseaux ont été vendues 2/j00 francs, et les œufs d'une seule Poule 700 francs, le prix de chaque œuf étant de 12 francs ; les jeunes produits se vendent 500 francs. M. de La Blanchère fait observer que le prix des œufs lui parait très-élevé, en comparaison de celui de Paris, où il n'est que de 3 à h francs. — M. le docteur G. de Grandmont résumant le résultat des expériences qu'il a entreprises sur l'influence de l'oxygène sur les organes respiratoires des animaux en général , dit qu'il considère ce gaz, contrairement à ce qui avait été énoncé jus- qu'alors, comme très-favorable à l'entretien et à la prolonga- tion de la vie. Il annonce qu'en plongeant une cloche remplie de gaz oxygène dans un aquarium , on prolonge de beaucoup la vie des poissons, sans renouveler l'eau de l'appareil. A l'ap- pui de son assertion, il présente à l'assemblée une Épinoche qui, depuis quinze jours, vit dans la même eau au-dessus de laquelle est maintenue une couche d'oxygène, et quatre Gar- dons vivant, depuis cinq heures, dans une très-petite quan- tité d'eau oxygénée. De ces expériences, il conclut que l'oxygène pourrait être appliqué au transport des poissons venant de contrées éloi- gnées sur les bateaux où la quantité d'eau mise à la disposi- tion des voyageurs est relativement minime. M. Millet pense qu'il y aurait inconvénient à donner de l'oxygène aux poissons, et préfère l'insufflation d'air au moyen d'un caoutchouc et d'un soufflet, ce qui évite l'incon- vénient de faire usage d'un appareil. M. G. de Grandmont répond qu'il a fait connaître une expé- rience et n'a pas présenté un appareil : il reproche cà l'insuf- flation d'être très-fatigante, tandis qu'il pense qu'un tonneau surmonté d'une cloche pleine d'oxygène rendrait de grands services, tout en étant extrêmement simple. M. de La Blanchère se rallie à l'application entière de l'oxy- gène : il trouve le soufflet fatiguant et lui reproche de devoir 478 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. être fréquemment mis en usage pour obtenir une oxygénation convenable. M. Carbonnier dit que pour aérer l'eau, il a recours à un procédé très-simple : déposer dans l'aquarium des briques bien sèches et dont toutes les cavités soient remplies d'air que l'eau expulse ; il serait facile d'oxygéner de même ces briques. M. Millet dit qu'il ne connaît pas d'appareil avec lequel on ait transporté des Truites vivantes, à l'exception de celui de Vançon, qui a pu apporter au Jardin d'acclimatation des Truites des Vosges. M. G. de Grandmont répond que le transport s'est fait pour le Vésinet et pour le Jardin, et que le succès a été dû unique- ment à la persistance des efforts de MM. Vançon père et fils, qui n'ont cessé de fournir de l'air nouveau aux poissons, mais cette entreprise n'eût pas réussi avec toute autre personne, car on n'eût pas trouvé le même dévoûment. M. Millet pense que les difficultés ont été la suite du trop grand nombre de poissons accumulés dans la hotte de Vançon. M. G. de Grandmont répond que les trois cents Truites emportées au Vésinet ont été placées dans un réservoir à soufflet, et qu'on n'a fait usage de la hotte que pour opérer le transport de quelques Truites du Vésinet au Jardin d'acclima- tation. Le Secrétaire des séances, J. L. Soubeiran. III. CHRONIQUE. Reproduction des Éléphants à l'état de domesticité. Il n'est peut-être pas connu de tout le monde que l'élevage des Éléphants se pratique dans le royaume de Siam sur une grande échelle. Dans la saison des pluies, quand on n'a guère besoin des Éléphants, on les laisse libres dans les fourrés où on ne les visite qu'une fois tous les quinze jours, pour les empêcher de voyager trop loin. Ils reviennent pour mettre bas. Le petit reste avec sa mère pendant trois ans. On dit que les sujets nés dans ces circonstances sont plus rusés que les Éléphants pris sauvages, et qu'ils sont moins disposés à obéir à des personnes autres que leur maître.— Lecorres- pondant « Z. » ajoute qu'il faut les regarder comme des entants gâtés. Paul Voelkel. Loutres apprivoisées. Un médecin de Nikolaïken, ville de la Prusse orientale, vient d'élever deux Loutres sur lesquelles nous empruntons les détails suivants à un ar- ticle du « Zoologische Garten. » (Mars 1870.) La Loutre n'est pas rare dans les eaux de la Masovie. Sur les nombreux cours d'eau qui relient les lacs de ce pays, elle niche assez souvent , mais il est difficile de la surprendre. Le 11 juillet 1869, un paysan, parti le matin avec sa faux pour scier des joncs vit se sauver de dessus un ancien nid de Canard sauvage une Loutre femelle, et en approchant, il découvrit deux petits de la grosseur d'un poing qu'il vendit à M. le docteur Grun, à Niko- laïken. Celui-ci avait désiré depuis bien longtemps avoir des Loutres toutes jeunes et il s'occupa de ses élèves avec un soin infatigable. Il les mit d'abord dans une cage où il y avait une couverture en laine pour les préserver du refroidissement. Cette couverture fut remplacée plusieurs fois par semaine pour maintenir les Loutres dans des conditions parfaites de propreté. Les petits avaient encore les yeux fermés et ne les ouvrirent que trois semaines après; on peut donc supposer qu'ils venaient de naître quand ils furent trouvés. Les pointes des canines paraissaient cependant déjà. La tête, les fortes jambes de devant, donnaient à ces Loutres quelque chose du Bulldog, tandis que la longueur du corps, la queue conique et pointue leur imprimaient les caractères de l'animal sauvage. Les jambes de derrière traînaient par terre. Ce ne fut que dans le courant de la huitième semaine que la colonne vertébrale prit de la fermeté et une courbure convexe. Pour dé terminer ses élèves à se débarrasser de leurs excréments sans souiller leur nid, M. Gruen les soumit aux mêmes manipulations que les animaux femelles ont l'habitude de faire subir à leurs petits dans le même but. La nourriture, qu'on leur donnait clans une bouleille, consistait dans du A80 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. lait de vache, d'abord tout pur, et mélangé plus tard avec des œufs crus. Les petites bêtes semblaient apprécier beaucoup cette alimentation et gran- dissaient à vue d'oeil. Il faut dire que le docteur leur donnait à boire nuit et jour, autant qu'elles avaient soif. Quand elles eurent trois semaines, M. Grun leur donna du pain trempé dans du lait. Elles suçaient ce dernier à travers le pain comme si c'était une tétine. Elles aimaient tellement leur maître que quand il venait les prendre dans leur cage, elles se bousculaient pour le trouver chacune la première. Hors de la cage, elles se mettaient tout à plat contre terre, en écartant les jambes, et suivant de leurs pelits yeux intelligents tous les mouvements du docteur. La viande passait sans être digérée. Elles dédaignaient le poisson cru, mais le prenaient assez vo- lontiers quand on le leur donnait bouilli et avec leur lait. La première fois qu'on les mit à l'eau, il fallut les y retenir de force; bientôt elles s'accoutumèrent à cet élément. Mises dans une cage plus grande, elles semblèrent très-heu- reuses et s'y installèrent, en laissant un endroit spécialement affecté au dépôt de leurs excréments. Quand M. Grun les appelait, elles grimpaient avec une rapidité incroyable jusqu'en haut des grilles de leur cage. La porte de celle-ci venant à être ouverte, elles se précipitaient sur leur maître en essayant de l'escalader pour qu'il les caressât. A celte époque, elles suivaient le docteur dans toute la maison, et quand à dessein il se cachait, elles le retrouvaient immédiatement en suivant la piste comme des chiens. Attachées à une corde, M. Grun les promena alors sur les bords du lac Spirding pour observer quels seraient leurs agissements. Elles entrèrent bien dans l'eau avec les pattes de devant, mais la trouvant probablement trop froide, elles préférèrent courir le long du bord. Quand elles furent jetées à un endroit où l'eau était plus profonde, elles poussèrent des cris lamentables et revinrent à la nage aussi vile qu'elles purent. Après ces essais, le docteur les prit partout avec lui, sans collier ni chaîne; et, en effet, elles entraient dans le lac, plongeaient, revenaient sans trahir la moindre envie de s'en aller. Elles gardaient toujours les yeux ouverts et avaient l'air de chercher entre les pierres du fond de l'eau. Elles aimaient à jouer comme un chat avec un mouchoir qu'on traînait par terre, et le mordaient si bien qu'on pouvait les soulever sans leur faire lâcher prise. Jamais cependant, dit le docteur, elles ne m'ont fait mal, bien que je leur aie mis souvent un de mes doigts dans la bouche. Elles connais- saient si bien ma voix, qu'un jour, ayant été emmenées dans un bateau par un de mes amis, tandis que j'étais resté sur la rive, elles se précipitèrent dans l'eau à mon appel et vinrent me trouver. Les Loutres grandissant toujours, il leur fut arrangé une mansarde ; mais l'une d'elles, après avoir soulevé des tuiles, se promena sur le toit et tomba de la hauteur de Zim,70, heureusement sans se faire aucun mal. Une fois, la femelle passa toute la nuit sous les marches de l'escalier extérieur, à quelques pas du lac, et rentra le matin aussitôt que la porte fut ouverte. Jusqu'en automne, elles avaient été nourries surtout avec des poissons crus, CHRONIQUE. hSl en hiver avec les restes de la lable, du lait, du pain, de la viande, des lé- gumes, etc. « Elles acceptaient tout, mais avaient besoin de si grosses por- tions, que je préférai, dit M. Grun, leur donner de la viande de cheval crue. Je la leur coupai d'abord; plus tard, au contraire, je les obligeai à se tirer leur nourriture d'un grand morceau. Elles mangeaient tous les jours au moins deux livres de viande, en dehors de toute espèce de choses. Une fois elles burent tellement de bière de Bavière, que le soir en se couchant elles ne purent trouver leur escalier, et que je fus obligé de les monter. La viande était parfaitement digérée à cette époque, où elle formait le fond de leur nourriture; mais quand je leur redonnais du poisson cru, il leur fallait quelque temps pour s'y habituer de nouveau.» Élevées à côté de Chiens, les deux Loutres n'avaient pas peur d'eux et n'avaient pas non plus à en souffrir. Je les promenais cependant toujours seules pour les observer plus à mon aise. Jusqu'à ce moment (les Loutres avaient six mois justes) tout avait bien été ; mais vers la fin de décembre cela changea. Le mâle était beaucoup plus fort et plus amusant que sa sœur, et le docteur le préférait. Soit ja- lousie, soit le premier réveil de l'instinct de la procréation, la femelle de- vint hargneuse, persécutant son compagnon et lui portant des coups de dents dont unie blessa assez gravement à la tète. La petite furieuse fut enchaînée et le docteur guérit le malade. Un voyage força M. Grun de s'absenter. Lorsqu'il en revient, il trouve le pauvre mâle étouffé d'une enflure horrible au cou. C'était la femelle qui, ayant rompu la chaîne, l'avait tué. La jeune Loutre morte pesait 5 kilos, et mesurait 32 pouces (environ 0m,90), du nez à la pointe de la queue. La femelle est maintenant avec le docteur dans sa chambre, ou elle se tient au bûcher, enfouie dans une botte de paille. Cet été , elle devait être dressée à la pèche. Ces observations d'un amateur rappelleront peut-être ce qui a été dit sur l'emploi de la Loutre, dans l'antiquité , comme animal domestique pê- cheur. (Field, 21 mai 1870.) P. V. Protection des oiseaux de mer en Angleterre. C'est en 1537, sous le règne de Henry VIII, qu'une loi fut promulguée en Angleterre à l'effet de soustraire à une chasse illimitée certaines espèces d'oiseaux. L'époque fixée par cette loi pour la prohibition était des derniers jours de mai à août. Avant ce temps, beaucoup d'oiseaux avaient été dé- truits par des filets pendant la mue, où ils n'étaient pas capables de voler. Les peines pour les contrevenants sont un an d'emprisonnement, en outre d'une amende pour chaque pièce prise. La moitié de toute amende était pour la caisse du roi, l'autre moitié pour la personne intervenant pour la loi. Pendant la ponte et la couvaison, il y avait prohibition de prendre des œufs 2e série, T. VIL — Juillet 1870, 31 482 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. également sous peine d'un an de prison et d'une forte amende pour chaqu œuf pris. Plusieurs des oiseaux cités dans le texte de cette curieuse loi of- frent un intérêt particulier pour l'histoire de la chasse, en ce qu'ils sont très-rares en Angleterre de nos jours et qu'ils n'y couvent pour ainsi dire jamais; ce sont : l'Outarde, la Grue, le Butor et la Spatule. Cet acte du Parlement de Henry VIII est cité, par le Field du 13 mars 1869, comme offrant un bon précédant pour la protection dont actuellement tant d'oiseaux auraient le plus grand besoin. En Angleterre, les oiseaux de mer sont tirés tout le long de l'année par les amateurs, les plumassiers et, pendant la saison des bains de mer, par de nombreux chasseurs féminins. Les titres de ces oiseaux seraient, d'après le Field, les services qu'ils rendent : 1° au marin, en l'avertissant de la présence de rochers, bas-fonds et autres dangers de la mer; ils sont sous ce rapport de véritables signaux de brouillard; 2° au pécheur, en lui montrant les emplacements les plus productifs. Le pêcheur reconnaît toujours qu'il est près d'un banc de poissons à ce que les Mouettes et les Goélands tournent autour d'un même endroit où ils fondent de temps à autre pour remonter avec quelques poissons; 3° à l'agriculture, par la destruction d'insectes nuisibles aux récoltes. Beaucoup d'espèces sui- vent la charrue et font disparaître des quantités immenses de chrysalides, nymphes et vers qu'elles saisissent au fur et à mesure que le sol est retourné. Même sans la charrue, elles viennent nettoyer nos champs en friches ; li° à la salubrité publique, en faisant office d'agents de la voirie. — Le Field ajoute à ce plaidoyer le rôle décoratif que jouent les oiseaux de mer dans les paysages côtiers. P. V. Les Perdrix dans la Nouvelle-Zélande. tJne volée de vingt-deux Perdrix a été vue à Byreton, il y a peu de temps. On suppose qu'elle descend des Perdrix introduites par M. H.-J. Wood, il y a quelques mois. Les Perdrix peuvent donc être regardées comme acclima- tées dans la Nouvelle-Zélande. (Field, 7 mai 1870.) P. V. Éducation d'oiseaux exotiques. Nous prenons dans Der zoologische Garten, mars 1870, la liste suivante d'éducations obtenues à Leipzig par M. Thierack : 1° Perruche ondulée (Melopsittacus undul); en 1869, l'éducation a été beaucoup moins heureuse que l'année d'avant, où dans trois couvées suc- cessives un seul couple avait élevé là petits.— Il est à remarquer que chez ces Perruches, les dispositions diffèrent beaucoup selon les individus. Il est d'excellentes couveuses qui ne pondent pas bien, et vice versa. M. Thie- rack a pratiqué sur une grande échelle la substitution d'œufs abandonnés, dt ses expériences ont parfaitement réussi. CHRONIQUE. 483 2° Tœniopijgia castanotis. Le nid avait été fait dans une cage du Harz pour Canaris. Sur une ponte de quatre œufs, il y eut deux éclosions après quatorze jours de couvaison. Les petits étaient couverts d'un duvet gris. Les parents les nourrirent avec beaucoup d'assiduité, et les petits prirent leur vol vingt et un jours après l'éclosion. — Malheureusement les autres liabilanls de la volière firent si mauvais accueil aux petits nouveaux venus que ceux-ci succombèrent peu de temps après. 3° Sagonosticta minima. Ces ravissants petits oiseaux s'étaient servis d'un pelit panier de paille pour faire leur nid. Us le couvrirent d'une voûte et le tapissèrent de plumes. Des quatre œufs qu'ils avaient faits, il sortit quatre petits après douze jours de couvaison. Afin de les garantir d'accidents pareils à ceux qui venaient de frapper les Tœniopijgia, M. Thierack isola les parents et leur nichée en les mettant dans une cage à part. L'éducation fut finie dix-sept jours après l'éclosion. A la suite de ces éducations réussies, on peut citer plusieurs reproduc- tions incomplètes. ti° Cardinalis virginianius. Deux couvaisons à trois et deux petits. Ceux de la première nichée furent trouvés morts sur les bords de la fenêtre, peu de jours après l'éclosion, sans qu'il fût possible de deviner l'auteur du meurtre. La seconde couvaison fut trouvée, le sixième jour, par terre, au- dessous du nid. Réunis dans ce dernier, la mère parut d'abord vouloir s'occuper d'eux ; mais bientôt on la vit tuer ses petits en les précipitant de la hauteur de la fenêtre ou en leur ouvrant la tète à coups de bec. P. V. Kssai d'éducation de Vers à soie japonais (Antherœa Yama- mayu) fait à Riga. M. Berg, conservateur du Musée entomolosique de Riga, ayant reçu des œufs d1 'Antherœa Varna- mai de M. Baumann, de Bamberg, une première tentalive fut faite au mois d'avril 1868 ; mais l'éclosion ayant eu lieu avant qu'on eût des feuilles à donner aux jeunes chenilles, l'éducation était manquée. Il y avait: 10 pour 100 d'œufs non fécondés, 25 de chenilles as- phyxiées dans l'œuf, 55 écloses avant l'époque où tout pouvait être prêt, 10 retardées artificiellement, mais trop faibles ensuite pour être élevées. La .Société des naturalistes de Riga, chargea encore M. Berg de faire venir des graines ; mais afin d'échapper aux influences qui avaient occasionné le premier insuccès, celui-ci se procura les œufs dès le mois d'octobre de la même année, et les distribua pour y passer l'hiver dans différents endroits secs et bien aérés, comme hangars, bûchers, entre les vitres de croisées doubles, etc. Les œufs les plus exposés subirent une température de 12 et 13 degrés R. pendant trois jours consécutifs. Le thermomètre montant à h et 6 degrés avant l'apparition des premières feuilles aux chênes, les graines furent mises USA SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGÎQtJE d'aCCLIMàTATÎON. clans des vases de verre entourés d'eau qu'on renouvelait tous les jours. Le 7 mai, on les transféra dans un milieu de ïl\ à 16 degrés R. Les graines qui avaient été le plus abritées pendant la saison d'hiver laissèrent éclore les petites chenilles le jour même; celles ayant subi 12 degrés R. mirent trois jours à se développer, tandis que les œufs qui avaient été exposés au froid de 13 degrés furent perdus. 6 pour 100 se trouvèrent non fécondés. L'édu- cation roula par conséquent sur 8Zi pour 100 des graines. La première nourriture consista en bourgeons à peine ouverts. A mesure que les Vers se développèrent, ils furent nourris de feuilles et branchettes de plus en plus grandes. Beaucoup d'humidité dans l'air de la magnanerie paraît une condition essentielle. La chenille a besoin d'eau ; ses migrations sont presque toujour s entreprises en quête de cet élément. M. Berg abreuva ses élèves par des éponges mouillées qu'il fixait clans les branches de chênes. Il y attacba de même de petits godets remplis d'eau et couverts de gaze de manière à laisser tremper celle-ci. Les chenilles eurent l'air d'apprécier beaucoup cette innovation. Les tables de la magnanerie furent isolées en mettant leurs pieds dans des verres afin d'empêcher les chenilles de s'égarer. M. Berg exposa son éducation à l'influence du ciel de Riga, en laissant les fenêtres presque toujours ouvertes ; plusieurs fois les Vers eurent à suppor- ter du vent et de la pluie. La température minimum fut de 8°, 50 R. (entre la 2e mue et la 3e) ; le maximum de 18 degrés R. tomba dans les 9 pre- miers jours et dura 18 heures. Les mues s'opérèrent en 2 à 3 jours cha- cune. Plusieurs Vers trahirent les effets de la pébrine après la troisième mue. Les cocons furent achevés en U à 6 jours. Le repos de chrysalide fut de 43 à /i6 jours. Les cocons mâles furent gardés par une température de l/i°,5 à 15 de- grés R. ; ceux des femelles par 17 degrés à 17°,50 afin d'obtenir une éclo- sion simultanée. Le poids moyen des cocons de la première espèce fut de /j£r,872 ; poul- ies femelles, de 6^,679. L'éclosion eut lieu le soir entre 6 et 8 heures. Les phalènes furent assor- ties le même jour; mais l'accouplement ne se fit que la seconde nuit après. Les femelles pondirent k à 8 jours. La vie duYama-maï embrasse, dans cette éducation, environ 16 semaines et demie dont 9 semaines pour la phase de chenille, 6 pour l'état de chry- salide et une semaine et demie pour celui de papillon. Cette seconde tentative a donné les résultats suivants qu'améliorerait pro- bablement l'expérience. 60 pour 100 Chenilles arrivées à l'état de phalène. ^ succombées aux mues. 2 — noyées. 10 — * égarées. CHRONIQUE. AS5 8 pour 100 Chenilles mortes de ]a pébrine. 1 0 — tuées, avant l'éclosion, par un froid de 13 degrés R. G — œufs non fécondés. Paul Voelkel. Cueillette et culture du Safran dans le Gatinais. C'esten automne, dans les premiers jours d'octobre, qu'éclosent les fleurs de safran. Le paysan vient à peinede faire à son champ sa dernière toilette que tout à coup quelques tiges blanchâtres s'empressent de montrer leur sommet au niveau du sol ; les sillons en sont bientôt couverts, et dès lors leur déve- loppement se fait avec une rapidité merveilleuse ; en une seule nuit elles grandissent dans l'ombre, et le matin l'aurore les trouve fleuries, développées en lignes régulières et en nombre infini. Le soleil se lève et ne tarde pas à les faire épanouir. L'air s'embaume de leurs émanations; bientôt le champ de safran attire l'attention au milieu des champs voisins, désolés déjà par les pluies d'automne et les premières gelées blanches. De loin, il ressemble à un long lapis couleur lilas, car aucune feuille verte ne vient encore en rompre l'uniformité. De près, chaque fleur se distingue de sa voisine, tout en ayant avec elle la ressemblance la plus parfaite. La base des pétales est violacée ; la teinte qui les recouvre devient plus claire en allant de la base au sommet, et donne à l'ensemble de la corolle une couleur d'un violet clair tirant sur le bleu tendre. La fleur ouverte laisse apercevoir au centre de ses six pétales trois étamines d'un beau jaune d'or, appelées sim- plement le jaune, puis d'un rouge éclatant particulier, trois stigmates, objet de tous les soins. Les paysans leur donnent, ainsi qu'au style qui les sup- porte, le nom de flèche, par une raison au moins aussi sérieuse que celle des savants qui ont décoré la plante du nom de crocus. Les trois stigmates peuvent, en effet, être comparés à une flèche : le style et deux des stigmates en forment, la pointe ferrée ; le stigmate médian en est le bois. Ce mot de flèche fait image. Crocus, au contraire, vient d'un mot grec qui veut dire filament. Quoi de plus vague, de moins précis pour désigner la plante, entière, du safran ! Aussi les paysans rient-ils de bon cœur en entendant prononcer ce nom de crocus. Us s'égayent, en le défigurant, à faire des jeux de mots qui ne sont pas toujours delà plus parfaite bienséance. La flèche est la seule partie du safran employée dans l'industrie; on la recueille avec le plus grand soin. Bien avant l'aube les paysans se sont levés; armés de paniers, de hottes, suivis quelquefois de charrettes à deux roues, ils sont allés à la cueillette des fleurs. Rangés en ligne, les pieds écartés et tenus dans l'intervalle de deux sillons, de peur d'écraser quelques-unes des précieuses plantes, on les voit le corps constamment baissé cueillir à ras de terre les petites fleurs tout humides de la rosée du matin. ll&6 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Le métier est fort pénible, mais ni la gelée matinale, ni l'humidité, ni la fatigue ne rebutent ces gens, qui voient approcher avec le terme la récom- pense de leurs travaux. Après la cueillette vient une autre opération, qui consiste à éplucher les fleurs, c'est-à-dire à séparer les flèches des corolles : le Safran cueilli le matin doit être irrévocablement épluché dans la journée même, sinon tout est gra- vement exposé à une pourriture immédiate. Aussi faut-il voir les campagnards s'empresser de porter chez leurs voi- sins, qui n'en ont pas cultivé, une partie de leur récolte ; ils la conduisent quelquefois] usque dans les villages et les bourgs d'alentour. Hommes, femmes, enfants, tout le monde se met alors à la besogne ; dans les maisons, dans les granges, au dehors, dans les jardins et les rues, se dressent aussitôt de lon- gues tables autour desquelles prennent place safranier s et safranières. (C'est le nom des éplucheurs et deséplucheuses, contrairement à certains auteurs, qui veulent que le mot de safranières désigne le champ qui produit le Safran.) La provision de Safran s'étale au centre ; chacun y puise, et l'on commence : La main gauche prend le pied de la fleur, la serre pour que le pistil ne soit pas entièrement enlevé ; la droite écarte les pétales et les étamiues, saisit la flèche et l'arrache ; cela se fait en un clin d'oeil ; chaque seconde voit une flèche suivre la précédente; le tas est petit d'abord; il se gonfle, grossit, et le safranier, soucieux de son gain, suppute à l'avance le prix de son travail, grave question souvent oubliée en faveur de plus légères, car dans les longues veillées, les bavardages, les longs rires, les chansons et les contes ne sont point mis de côté. Bien plus, quand on rencontre une fleur double, une fleur bessonnée, on embrasse la voisine, premier pas d'un amour qui se ter- mine, le plus souvent, par un mariage devant le maire et le curé. En tous cas, ces réunions sont, en général, peu bruyantes. Le respect dû aux. vieillards et aux enfants contiendrait les plus immodérés, et puis la besogne est si dure qu'on songe peu aux divertissements à grands fracas. La plupart des figures sont fatiguées, celles des femmes surtout. Avec leurs mouchoirs noués sans art et sans élégance autour de la tète, leur teint hàlé et flétri avant l'âge par l'excès du travail, elles semblent toutes avoir dépassé le temps de la joyeuse jeunesse. En temps ordinaire, on donne en moyenne 2 francs pour éplucher la quan- tité de fleurs nécessaire à produire une livre de stigmates frais. Dans les années où le Safran abonde, où la besogne presse, le prix du même travail s'élève à h francs. Un bon safranier ne peut jamais en dépouiller plus d'un kilogramme, et cela n'étonnera plus quand on saura que ZiO 000 fleurs don- nent à peine ce poids-là de flèches. Les flèches recueillies, on procède sans plus tarder à leur dessiccation; elle se fait rapidement et de la manière la plus simple : on les étend sur des tamis de crin et on les expose pendant une demi-heure et à distance à CHRONIQUE. 487 la chaleur d'an léger feu de charbon. Une livre de Safran sec représente cinq livres de Safran frais; sec, il ressemblerait assez à du tabac turc s'il n'était beaucoup plus rouge. C'est dans cet état qu'on le livre au grand commerce. 11 répand une odeur forte, aromatique, pénétrante, en somme assez agréa- ble, qu'on employait autrefois pour parfumer les appartements, Nos voisins Anglais, Italiens, Espagnols, et surtout Russes et Allemands, les habitants des Indes, de la Chine, du Japon, s'en servent dans les préparations culi- naires, et naguère, mais la coutume en est perdue, les habitants du Gatinais en coloraient des crèmes et des gâteaux. 11 a au goût une saveur légère- ment amère, et il suffit de le tenir à peine un instant à la bouche pour qu'il jaunisse la salive. Ses propriétés résolutives, excitantes, emména- gogues, tour à tour prônées et combattues par les médecins, sont en général ignorées de ceux qui le cultivent. A plus forte raison ne savent-ils pas que les Hébreux l'employaient autrefois à l'aspersion des temples, des théâtres, des salles de festins, et que les sybarites en buvaient une infusion avant de se livrer aux plaisirs de Bacchus et de Vénus. Le prix qu'on en retirera dans la saison, voilà ce qui les intéresse par- dessus tout. A peine font-ils attention aux céphalalgies parfois fort violentes que leur cause son odeur particulièrement insupportable à certaines jeunes personnes nerveuses. Quant à la coloration verte résultant de la combinaison des couleurs bleue de la corolle et jaune des stigmates, qui teint les extrémités de leurs doigts en vert et qui persiste fort longtemps, ils la négligent complètement, en vi- gnerons peu soucieux de la délicatesse de leur épiderme. La récolte du Safran dure environ de quinze à vingt jours. Les fleurs, en effet, n'éclosent pas toutes en même temps; chaque cultivateur (et nous dirons pourquoi) possède trois champs de Safran, et la cueillette se fait un jour sur l'un, un jour sur l'autre, de façon que le travail ne souffre aucune interruption. Ce travail forcé amène souvent une maladie, dont on a peut- être à tort accusé le safran : c'est l'œdème des pieds et quelquefois des jambes. Un médecin fort instruit du pays, et qui paraît avoir sérieusement étudié cette intéressante question, attribue cet accidenta des causes multiples inté- pendantes du Safran. L'excès prolongé d'un travail continuel dans l'humidité des champs, la position gardée longtemps par les safraniers courbés à la cueillette ou assis à éplucher lui paraissent des motifs suffisants pour ralentir la circulation dans les membres inférieurs et déterminer l'œdème. On a vu aussi, mais beaucoup plus rarement, des femmes enceintes ne pouvoir toucher au Safran sous peine d'accoucher prématurément. D'autres ont des pertes continuelles tant que dure la cueillette; on nous en a cité un exemple authentique et frappant. A la fin de la saison, chaque cultivateur a réuni et serré dans une boîte sa récolte séchée ; il attend le passage des marchands en gros, qui par- A88 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. courent le pays et l'enlèvent en délivrant en échange de beaux et bons écus. Le prix moyen du Safran est de 50 fr. la livre. Quand la récolte du Safran, en Espagne, n'est pas extraordinairement belle, l'abondance de la marchandise en France ne le fait pas diminuer de prix ; selon qu'il est de qualité inférieure ou tout à fait supérieure, il des- cend quelquefois à 30 fr. ou monte à 100 fr. la livre. Ce chiffre énorme ne fait-il pas comprendre éloquemment l'amour et les soins du paysan pour les plaines de Safran ? Quand on veut cultiver cette intéressante Iridée, le choix du terrain n'est pas sans importance; sa situation et son orientation sont à peu près indiffé- rentes ; de préférence on le choisit dans la plaine ; mais il faut que la terre en soit meuble, qu'elle se réduise facilement en poudre; elle sera parfaite quand elle contiendra suffisamment d'argile pour garder une certaine con- sistance sans perdre la propriété de s'ameublir. A partir du mois de janvier, on se met à défoncer le terrain à la pioche ; plusieurs binages successifs réduisent la terre menue; on la dépouille de tous cailloux, des moindres pierres. Au mois de mai on donne une seconde façon, puis une troisième au mois de juillet pour faire la plantation des Oignons. Le terrain est pour cela pioché à huit pouces de profondeur ; quand il est bien préparé, on y creuse des sillons successifs distants de six pouces; on y place les Oignons à distance d'un doigt l'un de l'autre. Le premier sillon est tracé fort régulièrement ; à mesure que le semeur (ordinairement un enfant) y plante les Oignons à sept pouces de profondeur, un second travailleur le recouvre immédiatement pour creuser le suivant. On continue ainsi de suite en conservant aux sillons leur parallélisme. Dans le courant du mois d'août, les Oignons commencent à germer ; dès lors, les paysans inquiets de l'avenir s'en vont les visiter; ils en déterrent quelques-uns, examinent le nombre de germes pour connaître à l'avance le nombre moyen de fleurs que chacun donnera ; ce nombre varie, du reste, de deux à sept avec l'âge de la sole et les conditions de chaleur et d'humi- dité annuelles. Quelques jours avant l'apparition des fleurs, c'est-à-dire vers le 1er octobre, on donne une dernière façon au sarcloir; puis vient l'éclosion des fleurs, et la récolte se fait comme nous l'avons dit. La première année de culture donne peu de Safran ; on n'en tient presque pas compte. On recueille néanmoins les fleurs, puis on abandonne le champ à lui-même jusqu'au printemps suivant. Dans l'intervalle, les feuilles, qu'avaient de beaucoup devancées les fleurs, croissent minces, étroites, élancées, traversent l'biver, et atteignent leur maturité vers le mois de mai; on les arrache à la main et on les donne à manger aux vaches. Les Oignons qui ont fleuri au mois d'octobre passé sont morts tous en produisant à l'aisselle de la tige un ou deux Oignons nouveaux, deux caïeux qui fleuriront à leur tour. On laisse en terre ces' Oignons, et la semence CHRONIQUE. 489 pour la seconde récolte est ainsi toute disposée. L'été s'écoule, et si le mois de juillet est sec, le paysan bénit la Providence : la récolte sera bonne. Plein d'ardeur, il donne à son champ une façon dans le courant du mois d'août, et ici piochage, sarclage et ratissage se font à la fois à l'aide d'un seul instrument, employé également dans d'autres cultures, mais qui est parti- culier au pays du Gatinais. On l'appelle lassoire; est-ce parce que son em- ploi est très-fatigant et qu'il lasse ? 11 consiste en une longue lame de fera tranchant mousse que l'on guide à l'aide de deux paires de manches tenus de chaque main par deux personnes, le plus ordinairement un homme et une femme : L'un marchant devant soi, l'autre en arrière, tous deux lui impriment d'énergiques mouvements de va-et-vient. En enfonçant la lame obliquement dans le sol, on parvient à l'aide de la lassoire à façonner en peu de temps une assez, grande surface. Ainsi que l'année précédente, on donne une nou- velle façon au sarcloir quelques jours avant l'apparition des fleurs. La seconde floraison est de beaucoup plus abondante que la première et que la troisième qui suivra ; c'est elle qui produit la récolte véritablement importante. Il y a pour cela deux raisons prépondérantes : les Oignons qui ont fleuri étaient en bien plus grand nombre que les premiers qui furent plantés ; de plus, chacun d'eux a fourni un nombre de fleurs plus coasidé- rable. Pendant la troisième, année, la culture passe par les mêmes phases; mais déjà la récolte va diminuant, et si l'on continuait à vouloir cultiver le même champ ce serait peine perdue. 11 faut arracher les Oignons et les planter ailleurs. L'expérience a prouvé qu'on ne peut récolter le Safran plus de trois ans de suite au même endroit, et qu'un intervalle de dix-huit ans est nécessaire entre deux plantations dans la même terre. Et ici l'on n'accu- sera pas la routine de diriger le paysan; c'est un fait bien avéré ; du reste, la culture du Safran donne de trop beaux revenus pour qu'on n'ait pas essayé de réduire ce long intervalle ; toutes les tentatives ont échoué ! Puisque le Safran est d'un rapport si considérable, que son prix se main- tient toujours élevé, en raison de sa qualité, on se demande comment il arrive que tout le pays du Gatinais ne se couvre pas chaque automne d'un nouveau manteau de fleurs de Safran, et que quelques industriels riches n'accaparent pas à leur profit terrains, ouvriers, et finalement tout bénéfice. La chose est presque matériellement impossible, et l'on pourrait dire que le Safran est la plante démocratique par excellence. Les raisons qui le démontrent sont nombreuses. L'intervalle de dix-huit ans, qui doit nécessairement séparer deux planta- tions dans le même lieu, réduit à un sixième la surface du terrain cultivable par année dans tout le Gatinais. Mais ce pays est riche en autres produc- tions : foin, blé, bois et surtout vignes ; tout cela prend de l'espace, et puis le paysan n'est pas pauvre, il vit à l'aise, et ne serait point disposé a prêter volontiers ses bras au riche propriétaire, qui lui donnerait une trop maigre part dans ses bénéfices. 490 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. D'ailleurs la culture du Safran n'occupe qu'une faible partie de l'année : faudrait-il chômer le reste du temps ? Si la récolte dépassait une certaine li- mite, où trouverait-on le même jour un nombre d'ouvriers suffisants pour recueillir et éplucher une quantité de Safran qui dépasserait celle que peuvent préparer tous les habitants du Câlinais réunis? La culture du Safran est donc forcément restreinte dans lés limites com- patibles avec les circonstances que nous venons d'indiquer. Les terres qui y sont affectées sont louées par les propriétaires aux cultivateurs, et ici le riche prend sa revanche ; il ne peut mettre tous ses terrains en Safran, mais il les loue à un prix qui surpasse du double celui qu'il exigerait s'ils étaient affectés à une autre destination. Ainsi un hectare de terrain, loué pour la culture des céréales de 60 à 70 fr., coûtera de 180 à 210 h\ de location quand on voudra y piauler du Safran. Les mêmes raisons qui forcent le grand proprié- taire à restreindre sa culture de Safran empêche le cultivaient' d'ensemencer une étendue trop considérable. Le cultivateur est ordinairement vigneron, parce que ses occupations à la vigoe l'y gardent pendant une époque déter- minée différente de celle où le Safran l'appelle. Il proporlionne l'étendue de sa culture au nombre de personnes qui composent sa famille. 11 a toujours les trois champs que nous avons annoncés, qu'on appelle soles : une sole est de première, l'autre de seconde, la dernière de troisième année. Ces condi- tions sont indispensables pour une bonne culture ; de plus, elles donnent aux paysans plus de temps pour semer et récoller, et par conséquent plus de chances pour recueillir et éplucher la plus grande partie de Safran pos- sible. Chaque sole varie de vingt-cinq à cinquante perches, c'est-à-dire, de 1250 à 2500 mètres carrés. Le quartier ou vingt-cinq perches produit cinq livres de Safran sec. En prenant une large moyenne, on trouve qu'une famille peut cultiver 30 à ZiO ares de terrain et recueillir quinze livres de Safran, qui produisent un bénéfice moyen de 750 fr. En somme, le Safran vaut des millions au Gatinais. Mais comme toute bonne chose, il a des ennemis qui le rongent par la base dans ses parties les plus intimes : maladies ou parasites. On connaît trois maladies du Sa- ran : le tacon, le fausset et la mort du Safran. Les deux premières, tacon, carie de la pulpe centrale de l'Oignon , fausset, végétation énorme qui croît aux dépens du jeune bulbe, sont in- connues dans le Gatinais. La seule qui y fasse des ravages est la mort du Safran. Les symptômes accusés aux regards par celte maladie sont la débilité de la plante et sa pâleur jaunâtre. Les fleurs qui en sont atteintes sont conte- nues dans un cercle à peu près régulier dont on voit le rayon s'accroître de plus en plus. Le champ qui en est infesté est à jamais condamné ! Jamais le Safran n'y repoussera. Le seul moyen de préserver les autres parties du ter- rain de ce voisinage insalubre consiste à creuser autour du mal une fosse circulaire, barrière infranchissable à l'épidémie. chronique. 494 On a étudié la cause de cette maladie, et l'on a reconnu qu'elle est pro- duite par un cryptogame du nom de Rhizoctonia. La forme circulaire accu- cusée par les portions malades s'explique alors aisément, car on sait que la plupart des Champignons, en se multipliant, couvrent des surfaces limitées par des courbes à peu près circulaires, particularité que les médecins semblent aussi avoir reconnue dans les allures des Champignons parasites de l'homme. Quoi qu'il en soit, ce parasite s'attache à l'oignon du Safran, le ronge au cœur et le tue en suçant par ses racines le suc qu'il contient. (Gazette hebdomadaire de médecine, h février 1870.) Ch. Bailly. Rendement des principaux vignobles californiens. Sonoma Countij. — Il y a quelques années, le rendement était évalué à 650 gallons l'acre en moyenne, ce qui donnerait un revenu de 240 dollars, soit 1200 fr. l'acre. Mais ce rendement a été dépassé et les crus les plus renommés ont donné cette année jusqu'à 700 dollars l'acre, soit 3500 fr. l'acre. La fertilité de ces Vignes est telle, qu'il y en a qui peuvent produire jus- qu'à 13 000 livres de fruit par acre la cinquième année. Quant au degré d'alcool, il varie considérablement suivant l'âge et le cru. Le vin blanc de Sonoma, analysé par le docteur Wetherell, a fourni 8 1/2 d'alcool et le vin rouge 10. Le Hock de 1860 donne jusqu'à l/i pour 100. M. le comte Foucher de Careil a particulière aient visité les vignobles de MM. Craig, Carrigan, Major, Schneider et Dresel. Il résulte de ces chiffres que la plantation des Vignes en Californie devient de plus en plus rémunératrice. Notes de sériciculture. Par M. Aug. Delondre. Les progrès de la sériciculture ont toujours été un des principaux sujets des travaux de la Société impériale zoologique d'acclimatation : c'est par cette raison que, lorsque la Société a appris la formation en Angleterre d'une as- sociation pour le développement de la production de la soie, la Silk supply association, elle a inséré dans son Bulletin un extrait de la séance d'orga- nisation de cette association. Depuis cette époque, celte association a con- tinué à se développer : des ramifications de l'association ont créé des asso- ciations affiliées spéciales, tant à Coventry qu'à Macclesfield, à Derby, et diverses publications ont été livrées au public par l'association. Nous citerons notamment un manuel de sériciculture, Guide to sériciculture, dont l'auteur est M. Thomas Dickins, président de l'association. Ce manuel, qui s'occupe 492 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. spécialement de la culture du Ver à soie du Mûrier et des moyens de la propager en Angleterre et dans les colonies anglaises, mais aussi dans d'autres localités, donne des détails sur la sériciculture en Australie, à Natal, au cap de Bonne-Espérance, en Californie, en Turquie, en Egypte, etc. Le manuel se termine par une relation d'un voyage de M. F.-O. Adams, secrétaire d'e l'ambassade britannique dans les districts séricicoles du Japon : dans ce rapport, on trouve des détails sur la culture du Mûrier et du Ver a soie du Mûrier du Japon, sur l'Uji, sur le grainage, sur le dévidage de la soie, sur les Vers bivoltins, etc., etc., au Japon. A ce rapport sont annexés différents documents sur la culture de la soie au Japon. Outre ce manuel, l'association publie depuis le 1er janvier 1S70, sous le nom de The silk supply Journal, un journal mensuel dont les six premiers numéros ont paru. Nous trouvons dans ces numéros diverses indications relatives aux progrès de la sériciculture dans les Indes Britanniques, à Natal, au Cap de Bonne-Espérance, dans les pays étrangers d'après les rapports des agents consulaires anglais et même en Angleterre : nous allons entrer sons ce dernier rapport dans quelques détails. M. le capitaine Mason réussit depuis trois ans, dans sa magnanerie de Yately, près Farnborougb, à obtenir d'excellentes soies dont il a pu mettre les échantillons, avec des cocons provenant de ses éducations, sous les yeux de la Silk supply association. En Californie, la sériciculture paraît continuer à prendre de l'extension, et divers numéros du Silk supply Journal contiennent des renseignements sur le grainage en Californie fournis notamment par un des correspondants de l'association, M. Francis Berton, quia pu en une année expédier en France, en Suisse et en Angleterre, de G00 à 700 onces de graines provenant de ses éducations. La sériciculture prend aussi de grands développements dans les régions équatoriales de l'Amérique. Le Journal of silk supply contient encore des renseignements sur la sé- riciculture en Egypte, fournis par M. Maxwell Anketell, qui a obtenu dans ce pays, par ses éducations de Vers à soie, de la soie de bonne qualité. Nous mentionnerons, entre autres, des documents sur la sériciculture à l'île Maurice, et la reproduction de la conférence faite à la Société des arts par M. Dickins, Je 2/i novembre 1869, et publiée déjà dans le n° 888 du journal de celte Société. Nous rappelons qu'on a pu voir exposés à la vue de tous, pendant la conférence de M. Charles Dickins à la Société des arts, entre autres spécimens, des cocons provenant d'éducations réalisées au Jardin royal de Kew, qui étaient le résultat de la seconde éducation d'une même année. Un vieux proverbe français dit : Noblesse oblige. Ce proverbe s'appliquerait parfaitement au Jardin de Kew, et à son éminent directeur, M. le docteur J. D. Ilooker, digne lils de son illustre père : on est sûr de retrouver le Dr Hooker, ainsi que le jardin royal, à la disposition de tous, lorsqu'il y a quelque œuvre utile à accomplir et que les moyens d'action qui s'y trouvent peuvent rendre quelque service. CHRONIQUE. h$% M. F. 0. Adams a du reste continué, dans le Silk supply Journal, ces communications importantes sur la sériciculture au Japon et notamment sur TUji. Un fait nous paraît digne d'être signalé : la Silk supply association vient d'organiser au South Kensington Muséum une magnanerie d'essai, une sorte de station séricicole. Lorsque nous voyons celle qui est établie à Gtirz, dans l'empire austro-hongrois, ne nous semble-t-il pas que l'une des stations d'é- ducations précoces de Saint-Hippoiyte du Fort (Gard), de Ganges (Hérault), de Montauban (Tarn-et-Garonnc), pourrait, par exemple, facilement être transformée en station séricicole. Les résultats obtenus à Gôrz sous la di- rection de M. Fr. Haberlandt, démontrent jusqu'à l'évidence l'utilité de cette institution, ainsi que celle des établissements d'essais ou d'examens de graines de Vers à soie, actuellement établis aussi en Autriche. Outre les publications indiquées précédemment, nous recommanderons à ceux de nos collègues qui s'occupent de sériciculture et qui voudraient se tenir au courant des publications parues en Angleterre sur cette question, le rapport annuel sur la sériciculture publié par M. Al. Wallace dans l'an- nuaire d'entomologie {EnlomologisV s annual) de Staintonet les Transactions de la Société d'entomologie de Londres qui contiennent, entre autres travaux sur ce sujet, ceu* de M. Al. Wallace. Nous rappellerons que c'est dans ce recueil qu'a été publié le travail de M. Al. Wallace sur l'ailanticulture qui a remporté en 1865 le prix de la Société d'entomologie de Londres. Le tra- vail de M. Al. Wallace sur l'ailanticulture mentionne, comme chacun le saii, entre autres éducations du Ver à soie de l'Ailante en Angleterre, celles de M. xMongredier à Bratton Clovely, North Devon qui, seul avant 1865, avait tenté sur une grande échelle l'ailanticulture en plein air, celles de de Lady Dorothy Nevill à Dangstein, Peterfield, de Lady Heathcote à Hursley Park, près Winchester, de M. Calvert à East Bergholt, Suffolk et enfin celles de M. Al. Wallace, le véritable promoteur de l'ailanticulture en plein air en Angleterre. Le troisième numéro du Silk supply Journal contient le compte rendu de la première séance générale annuelle de la Silk supply association et de la première assemblée générale de l'association affiliée qui s'est formée à Co- ventry. Notes sur la culture des cincîiouas à Java. (Extraites de documents adressés à la Société impériale d'acclimatation,) Par M. Aug. Delondre. Plusieurs points méritent de fixer l'attention dans les documents envoyés à la Société concernant la culture des Ginchonas à Java, qui du reste con- firment les succès obtenus et constatés déjà dans les rapports antérieurs. A la page 11 du rapport de M. Bernelot-Moens, daté de Batavia U août /|9Û SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. 1869, et à la page 8 de la traduction allemande du même document, publiée par M Hasskarl, nous voyons, après les résultats de l'analyse de plusieurs échantillons de C. dubia, M. Bernelot-Moens arriver à cette conclusion que l'opinion de l'existence d'une variété bâtarde entre le C. pahudiana et le C. calisaya mériterait d'être examinée. Nous sommes complètement de cet avis ; nous ne croyons pas toutefois devoir nous dispenser de reconnaître que tel ne paraît pas être l'avis de M. le professeur Miquel de l'Université d'Ulrecht. Riais nous nesuivronspas l'éminent professeur dans la question personnelle, ni dans la question de compétence qu'il a soulevée si malheureusement et bien à tort à notre avis dans son écrit De Cinchonœ speciebus quibusdam, adjectis iis quœinJava coluntur, publié dans les Annales musei botanici Lugduno-Batavi. Nous nous associerons à l'avis de M. de Vrij, qui proposait, dans un travail ré- cent, de créer par la fécondation artificielle des hybrides de Cinchona cali- saya et de Cinchona pahudiana, et de voir si les hybrides produits se rap- procheraient réellement de l'espèce douteuse indiquée. Dans tous les cas, le fait serait assez curieux pour être élucidé scientifiquement, sans être nié à priori. Nous le recommandons aux études impartiales de M. le docteur Anderson, de M. Thwaites, et de M. Mac Ivor, qui trouveront clans M. Broughton l'aide d'un chimiste réellement expérimenté, sans lequel la question nous paraît difficile à résoudre d'une manière positive : ils pour- raient, dans tous les cas, faire appel à la charmante amabilité et au profond savoir de M. J. E. Howard, d'une compétence et d'une expérience assuré- ment incontestables en pareille matière. M. Bernelot Moens conclut encore de ses expériences que l'opinion géné- ralement admise d'une action décomposante exercée par la lumière du so- leil sur la quinine est inexacte, en tant du moins que l'alcaloïde se trouve encore dans l'écorce dans laquelle la quinine est, suivant lui, probablement combinée avec un acide. Nous avouons que cette conclusion nous étonne lorsque nous tenons compte des faits observés jusqu'ici. Nous pensons donc que Mi Bernelot Moens fera bien de répéter ses expériences sur des écorces de diverses espèces prises dans des conditions variées d'insolation pour voir s'il obtiendra les mêmes résultats. Il ressortirait en outre des expériences du même chimiste qu'une dessic- cation lente ne présenterait aucun inconvénient notable. Nous croyons en- core ici que cette conclusion, pour être défiuiiive, aurait besoin d'être vérifiée en variant les conditions de la dessiccation, et de plus être répétée un plus grand nombre de fois sur des écorces provenant d'espèces variées et d'arbres parfaitement sains. Le rapport de M. Van Gorkom, pour le troisième trimestre de 1869, nous apprend que le nombre des plants appartenant à de bonnes espèces existant à Java, s'élève à 1 067 583, dont 577 227 dans les plantations et Zi90 356 dans les pépinières. M. Van Gorkom nous apprend dans ce rapport qu'il a envoyé 22 caisses contenant 269 plants de C. succirubra et 1581 plants d CHRONIQUE. 495 C.calisaya à Pasaroean, Probalingo, Menado, aux Moluques, aux Gélèbes et à la côte occidentale de Sumatra. Vers la fin d'octobre, quelques milliers de plants qui étaient déjà préparés depuis un certain temps, ont été expé- diés dans différentes parties de Java pour y faire des essais. M. Van Gorkom lie paraît toutefois pas avoir une grande confiance dans la réussite de ces tentatives. Dans une lettre adressée de Java en octobre 1869 par M. Van Gorkom à M. Hasskarl, M. Van Gorkom insiste sur les différentes formes de C. cali- saya qu'il dit avoir observé et qui, suivant lui, seraient au moins au nombre de six. Quant au C succirubra, il ne lui aurait jamais présenté de diffé- rences de formes analogues : sa forme serait toujours et partout restée la même. M. Van Gorkom, dans la même lettre, mentionne le fait que les graines qui lui viennent de la province de Madras germent très-mal, tandis que celles qu'il reçoit de Geylan germent très-bien. Lorsque nous voyons les brillants résultats que notre collègue VI. Rivière a obtenus à Paris dans les serres du jardin du Luxembourg avec des graines envoyées précisément d'Ootakamund par M. W. G. Mac Ivor, transmises si obligeamment par le gouvernement des Indes britanniques et le secrétariat d'Etat des Indes (India office) à Londres et soumises à dessein à la germination par fractions successives pour déterminer l'époque où elles perdraient leur propriété germinative; et lorsque nous constatons que les dernières étaient restées près de deux ans entre nos mains avani d'être mises en terre, nous ne pouvons qu'être surpris de l'observation consignée par M. Van Gorkom dans son rapport. Nous ajou- terons que les plants obtenus par M. Rivière lui ont servi à faire des essais de culture en Algérie. Cent pieds ont été fournis par lui à M. Bellanger, de la colonie fran'çaise de la Martinique, pour y continuer des essais. D'autres ont été envoyés dans le Midi de la France, mais les envois sont encore trop récents pour qu'il soit possible d'en connaître les résultats. Un fait qui nous paraît surtout mériter d'être constaté et qui est signalé par M. Van Gorkom, tant dans son rapport pour le troisième trimestre de 1869 que dans sa lettre adressée à M. Hasskarl, c'est l'envoi fait le 28 sep- tembre en Hollande et consistant en quatorze ballots d'écorces de Cinchonas pesant 933 1/2 livres (d'Amsterdam). Ces ballots, formés d'écorces de Cin- chona empaquetées dans des sacs à café, ont été transportés en Hollande par le Kosmojyoliet 11, se rendant à Rotterdam. Les plantations des Indes néerlandaises commencent donc, comme les plantations des Indes britanniques, à nous faire espérer qu'elles vont bientôt fournir des écorces à la consommation. Les efforts faits par les deux gou- vernements ne sont donc pas restés infructueux. C'est avec une vive satis- faction que nous constatons ce succès. Puissions-nous bientôt en constate! d'autresi â96 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Un végétal utile du Brésil : le Maçaranduba. (D'après des renseignements tirés d'un article de M. Ferreira Penna et envoyés par M. Baraquin.) Par M. Aug. Delondre. Le Maçaranduba (Mimusops data) abonde dans la vallée de l'Amazone, et s'étend jusqu'au 23e degré de latitude sud dans la province de Rio de Janeiro : on le rencontre depuis la province de Para jusqu'à la province de Rio de Janeiro et à celle de Minas Geraes, et depuis Pernambuco jusque sur les bords du Juruena, dans le Matlo-Grosso, où M. Chandler en a reconnu l'existence. Cet arbre s'élève jusqu'à 20 mètres, et son bois est excellent pour les con- structions civiles et navales. La sève de cet arbre, obtenue par incision, est laiteuse: fraîche, elle constitue une ressource alimentaire et est usitée en médecine ; exposée à l'air libre, elle se coagule et donne une sorte de gomme extensible, de gomme élastique, qui, bien que se rapprochant, par ses propriétés, du caoutchouc, de la gutta-percha et de la gomme de balata, ne doit pas être confondue avec ces dernières, ainsi que l'ont démontré des essais faits récemment en France. Cette gomme élastique paraît assurément devoir fournir des ressources utiles à l'industrie européenne : toutefois le Maçaranduba ne se rencontre pas sur les bords des fleuves et des cours d'eau, mais se trouve seulement bien loin dans l'intérieur des terres ; à cette circonstance, qui en rend la récolte et le transport difficile, vient se joindre encore le manque de bras : ce qui paraît devoir ralentir l'essor que l'exportation de ce produit pourrait prendre. Quant au lait du Maçaranduba à l'état frais, les habitants ne le prennent jamais à l'état pur, mais l'additionnent d'une petite quantité d'eau, le mêlent avec le café ou le thé, ou s'en servent pour préparer des bouillies ; ils sup- posent que le lait du Maçaranduba pris à l'état pur serait d'une digestion trop difficile et pourrait exercer des effets fâcheux pour la santé. Le lait de Maçaranduba est du reste employé au Para dans tous les cas où nous em- ployons le lait de vache. Il résulte de ce que nous venons de dire que le Maçaranduba peut être rangé parmi les végétaux utiles qui pourraient non-seulement rendre ser- vice aux habitants du pays, mais aussi constituer un objet d'exportation dont l'industrie européenne pourrait avantageusement tirer parti. I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE (1). RAPPORT SUR DIVERS ANIMAUX DOMESTIQUES DE RACE ARAUE, Par IW. P. H%Ri;s Vespèce bovine, en Algérie, est généralement petite, mais bien proportionnée, très-sobre et très-rustique. Ces qualités sont remarquablement développées chez les Vaches : elles vêlent avec une grande facilité, sans accidents, et parviennent à élever leurs petits au milieu de vicissitudes nombreuses provenant du climat, de pâturages insuffisants et des habitudes barbares des Arabes. On comprend que dans de pareilles conditions les Vaches bédouines aient acquis la réputation de mauvaises laitières ; mais si nous examinons ces animaux placés dans un état nor- mal, c'est-à-dire avec une nourriture suffisante et des abris pendant le mauvais temps, nous les verrons développer aussi- tôt leurs précieuses qualités et donner de bien meilleurs résultats. Un propriétaire des environs d'Alger, qui étudie pratique- ment et avec beaucoup de sagacité toutes les questions agri- coles de ce pays-ci depuis plus de vingt ans dans une des plus belles et des plus vastes propriétés de la Mitidja, m'a donné les indications suivantes : « De bonnes Vaches ordinaires de Guelma, pesant en moyenne 225 à 250 kilogr. en bonne chair et sur pied, d'une valeur de 72 à 75 fr. la pièce (elles vau- draient aujourd'hui de 150 à 160 fr.), m'ont donné 650 a 750 litres de lait chacune dans l'espace de six mois et ont élevé leur Veau en bon état. Elles couchaient en plein air et n'avaient d'autre nourriture que le pâturage de la journée, (1) La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletin. 2e série, t. VII.— Août 1870. 32 /|98 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. dans une grande plaine herbeuse et humide. Mais en choisis- sant les meilleures laitières et en les nourrissant dans l'écurie à la dréche, à. la luzerne, en un mot avec tous les soins que l'on donne aux bonnes Vaches de France, j'ai obtenu de la race de Guelma jusque 1 3 et 14 litres de lait pendant 5 mois de suite. » Voici ce que m'écrit sur ce même sujet un propriétaire qui, depuis de longues années, entretient près d'Alger une belle laiterie dont il retire de beaux revenus : « Parmi les Vaches arabes en général, et celles de Guelma, je pense qu'il y a de bonnes laitières, quoiqu'en petit nom- bre. Il y a bien longtemps de cela, j'avais une Vache arabe que j'ai conservée plusieurs années; elle avait de 10 à 12 litres de lait, et 5 ou 6 mois après la mise bas elle avait en- core de 6 à 7 litres. — J'ai eu connaissance de bien des Vaches arabes, chez différents propriétaires, qui étaient de même qualité. « Il n'est pas douteux qu'avec des Vaches bien choisies et des Taureaux arabes provenant de Vaches arabes bonnes laitières et douces de caractère, on ne parvînt à former une race qui ne serait pas bien inférieure à la Vache bretonne ; mais personne n'a entrepris cette importante affaire. Un éle- veur qui s'y connaîtrait pourrait facilement trouver bon nombre de Vaches assez bonnes laitières, eu égard, bien en- tendu, à leur taille, si on lui donnait une nourriture abon- dante et de bonne qualité. » J'ajouterai, pour terminer, qu'un certain nombre de pro- priétaires, désireux d'avoir chez eux le lait propre à leur consommation, entretiennent toute l'année quelques Vaches au pâturage ; le soir, on les rentre dans une étable où elles reçoivent un peu de foin. Dans ces conditions, on retire tou- jours une moyenne de 3 litres et demi à h litres environ par Vache pendant plusieurs mois ; cette quantité est toujours, bien entendu, en sus des besoins du jeune Veau. En effet, les Vaches arabes ont le défaut d'exiger la présence de leur Veau pour se laisser traire, et de perdre leur lait en perdant leur élève; mais on arrive facilement, par des soins, à faire dispa- raître ces mauvaises habitudes, et les Arabes savent très-bien RAPPORT SUR DIVERS ANIMAUX DOMESTIQUES. /»99 que leurs Génisses, à la première parturition, se laissent par- faitement traire et donnent leur lait indéfiniment, si l'on a soin d'éloigner le Veau aussitôt après sa naissance. Les Vaches laitières d'Egypte ont été signalées, depuis longtemps déjà, au gouvernement, qui en fit venir directe- ment quelques sujets, il y a dix ans, et les lit placer sous la surveillance de M. Bernis, vétérinaire en chef de farinée, dans une propriété des environs d'Alger; ces animaux, moins rustiques que nos races indigènes, avaient besoin, comme les bonnes laitières d'Europe, de soins réguliers et intelligents, aussi n'ont-ils donné que des rendements peu satisfaisants ; on a dû en abandonner la propagation sur la déclaration de M. Bernis lui-même. Prenons maintenant des points de comparaison en Europe. Dans Y Année agricole de 1861, M. Heuzé nous dit qu'une Vache donne 1920 litres de lait en 280 jours, soit une moyenne approchée de 7 litres par jour. — D'après le même auteur, « on a constaté qu'une Vache donnait ordinairement J litre, ZiOO par 100 kilogr. de son poids vif. » — D'après les auteurs allemands les plus recommandantes, Wekkherlin et Pabst, la moyenne du lait donné par les grandes Vaches lai- tières bien soignées et dans les meilleures conditions est de 2008 à 2060 litres par an, y compris le lait pour les Veaux. Ces indications, tirées des meilleures sources, me parais- sent établir des termes de comparaison assez précis pour nous fixer sur la valeur des Vaches africaines. En résumé, il ne suffit pas qu'une Vache soit bonne laitière pour donner beaucoup de lait, il faut qu'elle ait des soins réguliers, intelligents, et une bonne nourriture. Or, actuelle- ment en Algérie, en dehors de la proximité immédiate de quelques grands centres très-clair-semés, il est impossible, grâce au manque de population européenne, d'obtenir l'intel- ligence et surtout la régularité dans les soins. Les Vaches indigènes, surtout celles de l'Est, possèdent les plus précieuses qualités pour nous ; elles sont sobres, s'assimilent avec la plus grande facilité des aliments grossiers, et leur rusticité étonne les Européens. Nous n'avons encore que des bergers arabes ou kabyles ; ils connaissent ces animaux et peuvent leur don- 500 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. ner, sous notre direction, des soins suffisants pour rendre leurs produits productifs. Mais le lait a un attrait irrésistible pour les Kabyles et les Arabes, ils déploient toutes les ressources de leur esprit pour arriver à détourner à leue profit ce doux aliment, et les meil- leures laitières pourraient arriver, entre leurs mains, à ne produire en apparence qu'un rendement insignifiant, si l'on n'exerçait pas sur les bergers la plus active surveillance. La race asine présente aujourd'hui dans le Tell et surtout sur le littoral, des sujets de toutes tailles et de diverses prove- nances. L'Espagne et les Baléares en fournissent beaucoup depuis quelque temps. Quant à la race indigène, M. Lescot, vétérinaire principal de l'armée, en parle en ces termes, dans le Bulletin de la Société impériale d'agriculture d'Alger (année 1868, page J91) : « Ces petits animaux, malgré leur apparence chétive, sont très-forts et très-robustes; générale- ment maltraités, peu ou pas du tout nourris, couverts de plaies et surchargés de travail, ils résistent à une vie si dure et à de semblables privations. On sait qu'entre les mains des indi- gènes, ces animaux vivent ordinairement de ce qu'ils trou- vent, l'Arabe ne prend aucun souci de leur nourriture. Nous ne citons cette petite race que pour rendre hommage à sa douceur, à sa sobriété et aux services multipliés qu'elle rend aux populations indigènes malheureuses, sans jamais en rece- voir le moindre soin. » Ces animaux servent beaucoup au transport des matériaux destinés aux routes et aux constructions ; leur charge de pierres et de sable est de 70 à 80 kilogr., qu'ils portent rapi- dement à pied d'œuvre, soit dans les plaines, soit dans les pentes les plus accidentées, et ils reviennent au trot jusqu'au lieu du chargement. On les laisse brouter pendant une heure ou deux au milieu du jour, et le soir ils couchent, soit dans des écuries infectes sans air, ayant à peine un peu de paille à manger, soit en pleine campagne, n'ayant pour nourriture que l'herbe ou les broussailles du champ où ils reposent. Ils servent souvent de monture, et l'Arabe assis sur leur dos leur fait faire plusieurs kilomètres au trot, sans leur permettre de ralentir leur allure. Enfin, dans les campagnes, ils portent RAPPORT SUR DIVERS ANIMAUX DOMESTIQUES. 501 des fardeaux de bois, qu'on peut évaluer à 100 kilogr., à de longues distances ; on les voit fréquemment chargés d'une balle de farine. Nous avons vu en 1858, avec MM. Cosson, Kralic, Letour- neux et Lapeyraudière, une race plus grande dans le Souf. Ces animaux nous rappelèrent les hémiones par leur pelage et la beauté de leurs formes. M. Lescot les croit probablement originaires d'Egypte. Volailles. — Dans toutes les fermes européennes, dans toutes les tribus arabes, on élève de nombreuses volailles ; les œufs et les Poulets sont l'objet d'un commerce assez actif de la part des indigènes ; le prix des œufs varie de 0 fr. 60 à 1 fr. la douzaine, suivant la saison ; quant aux Poulets, ils valent de 1 fr. 25 ou 3 fr. selon leur beauté. Les Européens ont aujourd'hui presque toutes les races d'Europe, mais celles qui dominent dans les basses-cours sont : 1° Les Cochinchinoises, ou plutôt les produits de leurs croisements, généralement très-beaux et beaucoup plus rus- tiques que la race mère; 2° la race Espagnole qui, parla beauté de ses œufs, sa grosseur régulière et une parfaite ac- climatation, paraît aujourd'hui la plus répandue. Elle se re- trouve aussi en assez grande quantité chez les Arabes -, mais chez ces derniers domine généralement la Poule bédouine ; elle est assez petite de taille, à peu près de la grosseur de la Poule nègre, mais ses formes ressemblent assez à celles de la Poule de Bantam, et à celles des petites Poules anglaises aux pattes nues. Cette Poule est d'une grande fécondité, rustique, très-fami- lière, mais sa qualité la plus remarquable est de couver en toute saison, qualité précieuse qui permet de faire couver à toute époque les œufs des races que l'on veut reproduire. Malgré sa taille moyenne, la Poule bédouine couve facilement quinze beaux œufs ; elle est très-bonne mère, conduit bien sa couvée et la défend avec un grand courage. Par son croise- ment avec les Poules espagnoles ou cochinchinoises, on ob- tient des produits de belle taille et de très-bonnes pondeuses. La Poule indigène s'engraisse facilement et sa chair est très- savoureuse. FAISAN DR LADY AMHERST. Extrait d'une lettre adressée à M. G. Âudelle, directeur des verreries d'Epïnac Par M. lu. D, CARREAU, Missionnaire apostolique au Tliibet, Thibet, Patang, le 27 février 1870. Je réponds à votre intéressante et longue lettre du h juin, à laquelle j'étais bien loin de m'attendre. Ce sont les trois peaux de Faisans, appelés Faisans d'Amherst par nos savants, qui m'ont valu cet honneur; j'en suis vraiment surpris, car je ne croyais pas que ce Faisan, si commun dans nos mon- tagnes, pût exciter un si vif intérêt en Europe. Si j'avais su qu'il en fût ainsi, il y a longtemps que j'aurais fait cet envoi, car rien ne m'est plus facile que de me procurer cette espèce de Faisan. Nos montagnes de Ta-lin-pin en sont pleines, il est vrai, mais cet oiseau ne se trouve que là. J'ai traversé la Chine à pied, à cheval, en barque, en palan- quin, je n'ai jamais rencontré ce Faisan, personne ne m'en a parlé ; mais à peine étais-je arrivé à Ta-lin-pin, à six jour- nées au delà des frontières du Thibet, qu'aussitôt nos chré- tiens venaient m'oiïrir en cadeau ce beau Faisan, et les païens me le vendaient 50 sapèques (20 centimes environ). J'eus un jour la fantaisie, pour rassurer mes parents qui se figurent que ce pays n'est habité que par des tigres et des ours, de leur envoyer quelques peaux de notre superbe Fai- san. Lorsque ma caisse arriva à Shang-haï, chez notre procu- reur, elle fut ouverte en présence du consul anglais, qui éprouva la plus vive surprise envoyant cet oiseau qu'il faisait rechercher depuis si longtemps. Le consul anglais fit aus- sitôt préparer une expédition pour Ta-lin-pin ; rien ne l'ar- rêta, ni les 800 lieues qu'il fallait franchir, ni les dépenses à faire. Ayant quitté Ta-lin-pin pour m'enfoncer de 150 lieues plus à l'intérieur du Thibet , c'est par les lettres de Mgr Chauveau que j'ai appris ce qui s'était passé. FAISAN DE LADY AMHERST. 503 L'an dernier (1869), à la lin de novembre, deux courriers envoyés par le consul anglais se présentèrent à MgrChauveau. Dès le lendemain de leur arrivée, Monseigneur fit afficher sur les murs de la ville, que quiconque lui remettrait un Houa- ze-ky, c'est-à-dire un Faisan fleuri, jeune, bien portant, aurait immédiatement 200 sapèques (20 sous) pour récom- pense. Deux jours après, vingt-cinq Faisans mâles et femelles avaient été apportés. Ces oiseaux furent placés, pendant une quinzaine de jours, dans une grange où on leur donna du riz pour toute nourriture. Aucun Faisan ne périt. Les jugeant engrainés suffisamment, Monseigneur fit mettre les oiseaux dans des cages et les expédia à Shang-haï avec les courriers ; treize arrivèrent vivants chez M. le consul anglais. Immé- diatement sept Faisans partirent pour l'Angleterre, confiés aux soins d'une personne distinguée. Les six autres devaient suivre bientôt après. En outre de ces vingt Faisans d'Amherst envoyés au consul anglais, Mgr Ghauveau en conserva une quinzaine pour satis- faire à plusieurs demandes qu'il avait reçues. Il est si facile de se procurer ces oiseaux, que si les quinze réunis ne suf- fisaient pas, pour 5 ou 6 francs il pourra facilement en doubler le nombre. Le Faisan Houa-ze-ky, ou Faisan fleuri, des Chinois, que les Européens appellent Faisan de lady Amherst, habite toujours des lieux très-escarpés. Lorsque je rencontrais ces oiseaux et qu'ils fuyaient en montant, j'ai toujours pu les ajuster et les tirer; mais s'ils fuyaient en descendant, je ne pouvais les at- teindre, car alors ils disparaissaient avec une excessive rapi- dité. Aussi, après avoir plusieurs fois chassé ce gibier, j'ai trouvé plus commode de me le procurer en imitant les indi- gènes qui le chassent à l'affût, et pendant l'hiver le prennent au filet. Quand les montagnes sont couvertes de neige, quand les ruisseaux sont glacés, les Faisans fleuris sont obligés de des- cendre dans la plaine pour trouver de l'eau. Mais aussitôt abreuvés, ils remontent; dans ces allées et venues, ces oiseaux se prennent dans les filets, et cela d'autant plus facilement 504 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D. ACCLIMATATION. qu'ils viennent en troupes et que les pièges tendus sont peu nombreux, les Chinois faisant peu de cas du plumage et de la chair de ce beau Faisan. Ta-lin-pin est situé sur le 29e degré de latitude et le 100e degré de longitude ; la chaleur est dans ces lieux d'autant plus forte qu'ils sont environnés de montagnes élevées et sans végétation proprement dite. Ces montagnes sont couvertes de broussailles ; de ronces et d'épines et aussi de parties gazon- nées ; ce sont là les lieux où se trouve en abondance le Fai- san d'Amherst ; c'est une erreur de croire qu'on le rencontre comme les autres Faisans dans les forêts ; je ne l'y ai jamais trouvé, et comme il n'existe que dans les environs de Ta-lin- pin, où il n'y a pas de forêts, je doute beaucoup que les en- droits boisés soient de son goût. Plus les montagnes sont escarpées, plus elles sont sauvages, plus on est sûr de ren- contrer beaucoup de Faisans fleuris ; on en fait lever des com- pagnies composées de vingt à trente individus. Les mœurs, les habitudes des Faisans d'Amherst, se res- sentent naturellement des lieux où ils se plaisent ; c'est un oiseau extrêmement sauvage. L'an dernier, je conservai un de ces Faisans, placé dans une écurie garnie de paille ; il se cachait si souvent et si bien, que je fus une fois plus de quinze jours dans la persuasion qu'il était mort. Je le nourrissais de pain et de riz, il devint très-gras. Si un jour on parvient à introduire en Europe cet oi- seau^), il ne sera pas utile de s'occuper de lui donner du confortable ; mais s'il n'a pas dans sa volière un endroit quelconque pour se cacher au moindre bruit, je doute qu'on puisse le conserver. Je pense d'ailleurs que le cli- mat de la France conviendrait bien au Faisan fleuri, car la température des montagnes qu'il habite peut varier de -f- 18 degrés à — 50 degrés (2) . Ces renseignemets sur le Faisan de lady Amherst sont tous rigoureusement exacts, puisque je suis allé moi-même à la (1) L'introduction est faite dès maintenant. — II. (2) Et même an delà, puisque l'oiseau vit dans des lieux dont les cours d'eau sont gelés. — R. FAISAN DE LADY AMHERST. 505 recherche de cette espèce, que je l'ai fréquemment chassée, que j'ai pu en capturer, en nourrir et en élever. On le multi- pliera facilement en Europe, pourvu qu'on ne l'expose pas trop aux ardeurs du soleil et qu'on lui donne des abris qui lui permettent de se cacher lorsqu'il sera effrayé. Vous me demandez, Monsieur, quelles sont les autres es- pèce d'oiseaux que l'on trouve au Thibet ; parmi les Faisans, je puis dire que la contrée que j'habite (à partie Faisan doré) renferme toutes les espèces que j'ai pu voir au jardin d'accli- matation de Paris ; j'en puis citer en outre deux qui, si mes souvenirs sont bien exacts, n'ont pas encore été importés en Europe. Un jour, à Ta-tsien-lou, après avoir gravi pendant plus de six heures' une montagne fort roide, tout à coup, au milieu delà forêt, j'aperçus, couchée sous un arbrisseau, une bande de quinze à vingt Faisans, si noirs, que je crus tout d'abord avoir affaire à une volée de corbeaux. Lorsque je les fis lever, à la petitesse de leur queue, à la grandeur de leurs jambes, à un petit cercle rouge qui fait le tour du cou, et enfin à leurs petits cris perçants, je reconnus aussitôt que c'étaient des Faisans d'une espèce que je ne crois pas avoir vue en France (1). La seconde enfin est le Faisan blanc. Il est très-commun depuis Ta-tsien-lou jusqu'à Tchaman-to au centre du Thibet. On le rencontre à chaque pas, pour ainsi dire, et d'autant plus facilement qu'il n'est guère sauvage. Il va en troupes de cent individus et même plus, et, comme il est au moins de la taille d'un petit dindon, de loin on prendrait la bande de ces oiseaux pour un troupeau d'agneaux. Ce Faisan est tout blanc, excepté le sommet de la tête et l'extrémité de la queue qui sont noirs (2). Il m'est très- facile de me procurer de ces oiseaux, sous peu (1) Sans doute le Ho-ky, Crossoptilon auribum, actuellement acclimaté et presque domestiqué en Europe. — R. (2) Sans doute le Crossoptilon Luysii, dédié dans ces dernières années, à S. Exe. M. Drouyn de Lhuys. Ce bel oiseau n'a pas encore été importé vivant en Europe. — R. 506 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. je vous en enverrai quelques peaux ; vous pouvez ainsi re- connaître cet oiseau et me dire cà l'occasion s'il est connu en Europe. Pour les autres espèces d'oiseaux, je me bornerai à vous citer deux espèces que je n'ai point vues au Jardin d'acclima- tation. A deux journées avant d'arriver à Ta-tsien-lou, j'ai ren- contré un oiseau dont le plumage est peut-être aussi beau que celui du Faisan de lady Amherst. Il est de la longueur de la pie, en a le cri, le vol et la démarche. Sa queue est composée de deux plumes droites à pampres aussi longues que celles de la queue du Faisan fleuri. Les indigènes appellent cet oiseau Chan-cha ; là où je l'ai rencontré, cet oiseau est assez commun, mais il est si fugace que je n'ai pu me le procurer. Aux environs de Pa-tang, j'ai trouvé une Poule sauvage très-belle ; elle ressemble beaucoup au Faisan, sauf la queue qui lui fait complètement défaut. Son plumage est vert et rouge, et sa grosseur est celle d'une Poide de quatre à cinq mois (1). Tels sont, Monsieur, les quelques renseignements que je puis vous donner sur ces pays que nous parcourons depuis dix ans, et que nul Européen n'avait visités avant les mission- naires français. Si nos parages étaient étudiés, je ne doute pas que l'histoire naturelle n'y fit de grandes découvertes, mais je crois cependant que les recherches scientifiques seraient vite abandonnées pour la fouille et l'exploitation des mines d'or et d'argent, si nombreuses au Tkibet. Il n'y a que cinq ans que je suis dans ces contrées et je connais déjà cinq mines. — Il est vrai que le grand Thibétain défend, sous peine de mort, l'exploitation de ces riches gisements; il ne veut pas attirer les étrangers chez lui, surtout les Chinois, qui, une fois qu'ils sont entrés dans un pays, n'en veulent plus sortir et finissent par s'en rendre maîtres. Agréez, etc. L. D. Carreau, Missionnaire apostolique au Thibet. (1) C'est à coup sûr Vlthaginis Geoffroy i. — R, FAISAN LADY AMHERST. 507 P. S. — J'ai oublié de vous parler d'un beau Canard qu'on ne rencontre que sur les plateaux du Thibet II se nourrit d'herbes comme le Canard domestique ; il est peut-être plus gros et son plumage est complètement jaune, sauf un peu de blanc sous le ventre. On appelle cet oiseau le Canard-Lama, à cause de sa couleur jaune, qui est celle des vêtements que portent les Lamas ou prêtres du pays. L'ÉTABLISSEMENT DE NIKOLSK POUR L'ÉDUCATION DE POISSONS DE LUXE, TRADUIT DU RUSSE Par M. «Paul V4ELKEL. Cet établissement mérite une grande attention, aussi bien parce qu'il est le seul de ce genre dans toute la Russie, que par les services qu'il semble destiné à rendre en vulgarisant la pisciculture. L'établissement de Nikolsk se trouve dans le gouvernement de Novgorod, dans le district de Démiansk, sur la route pos- tale qui, de cette dernière ville, conduit à celle deValdaï, à 38 verstes (liO kilomètres) environ de l'une et de l'autre et à 77 verstes (à peu près 80 kilomètres) de Valdaïka, station sur le chemin de fer de Nikolaïévo. Dans sa forme actuelle, l'établissement a été créé, en 1860, par M. Vladimir Pavlovitche Vrasski, propriétaire de Démiansk. Les premiers essais d'incubation avaient été faits par M. Vrass- ki, dès 185/i, avec des œufs de lotte et de gardon. Ces essais n'eurent point de résultat. En automne de la même année, M. Vrasski réussit pour la première fois à féconder des œufs de truite; mais le fretin périt à peine éclos, M. Vrasski ne sachant pas avec quoi les nourrir, et la viande hachée que donnent habituellement les pisciculteurs n'ayant pas été tou- chée par les jeunes truites. M. Vrasski faisait ces expériences dans les pièces mêmes de la maison qu'il habitait. Faute d'autre récipient, il tenait les œufs et les alevins dans des assiettes et des plats. En 1855, M. Vrasski coupait par une digue la Piestofka, ruisseau qui traverse ses propriétés, et construisit en aval de cette digue une maisonnette exprès pour ses essais de pisciculture. Il y amena l'eau de la digue, en continuant à garder les œufs et l'alevin surtout dans des plats et des assiettes, auxquels il ajouta deux caisses de zinc. Les jeunes truites, écloses au printemps de 1856, furent nourries avec des insectes d'eau que fournissaient en abon- ÉDUCATION DE POISSONS DE LUXE. 509 dance toutes les eaux stagnantes des environs. Ce genre de nourriture parut plaire aux truites, et elles grandirent avec rapidité. M. Vrasski les lâcha pour la plupart dans le ruisseau au-dessus delà digue, dès le mois de mai de la même année. En automne 1857, les vingt truites qu'il avait gardées à l'établissement mesuraient déjà 5 verchoks (0m,220). En au- tomne 1856, M. Vrasski établit dans sa maisonnette des caisses de bois avec de l'eau courante. Dans ses expériences, M. Vrasski avait suivi les conseils donnés par les ouvrages de pisciculture français et allemands ; mais les résultats obtenus étaient loin d'être brillants. En effet, il n'obtenait chaque fois des éclosions qu'en nombre insignifiant. « De plusieurs milliers d'oeufs, dit-il dans une de ses lettres, il n'y eut que quelques douzaines d'alevins. Le reste des œufs se gâtait et se perdait faute d'avoir été fécondé. On avait cependant observé, avec une exactitude scrupuleuse, toutes les prescriptions faites par les manuels en vue de la fécondation. » En automne 1856, M. Vrasski s'occupa de l'é- tude microscopique des œufs et de la laitance, et tint un journal dans lequel il enregistra les moindres circonstances et incidents relatifs à chaque fécondation qu'il opérait. Deux mois d'efforts persistants amenèrent le résultat désiré. Le journal et le microscope lui prouvaient que la cause de ses insuccès provenait précisément de l'observation exacte de tous les conseils des manuels étrangers. Il faut pour la féconda- tion que les spermatozoïdes de la laitance du mâle pénètrent dans les œufs de la femelle. A cette fin, les manuels recom- mandaient de recevoir les œufs dans un vase avec de l'eau ; ensuite, de recevoir dans un autre vase avec de l'eau la lai- tance du mâle ; et, enfin, de verser sur les œufs la laitance délayée d'eau. Par son journal, tenu avec exactitude parfaite, M. Vrasski se convainquit que la fécondation était d'autant moins complète que le mélange de la laitance et des œufs avait été plus retardé. Il suffisait de dix minutes écoulées entre l'obtention de la laitance et le mélange de celle-ci avec les œufs pour que la fécondation fût manquée presque tout à fait. Les observations et recherches microscopiques sur les 510 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE DACCLIMATATION. œufs et la laitance démontrèrent que : 1° étant reçus dans de l'eau au moment où ils sortent du poisson, les œufs la résor- bent et ne gardent la faculté d'être fécondés que tant que cette résorption n'est pas finie , c'est-à-dire pendant une demi- heure au plus. Une fois remplis d'eau, les œufs ne reçoivent plus les spermatozoïdes. Reçus dans des vases secs au sortir du poisson, les œufs restent au contraire assez longtemps dans un état neutral et ne perdent pas la faculté, une fois mis dans l'eau, de recevoir les spermatozoïdes ; 2° les spermatozoïdes de la laitance, en tombant dans l'eau, commencent immédia- tement à faire, avec beaucoup de vigueur et de rapidité, des mouvements qui ne durent cependant qu'une minute et demie ou deux au plus ; ce laps écoulé, on ne voit plus que dans quelques rares spermatozoïdes des mouvements particuliers et convulsifs de l'agonie. Quand, au sortir du mâle, on reçoit la laitance dans un vase sec, elle ne change pas pendant plu- sieurs heures, et, dans cet intervalle, les spermatozoïdes ne perdent pas la faculté de se mettre à bouger dès qu'ils se trouvent en contact avec de l'eau. Enfermée dans un tube sec et bien bouché, la laitance conserva sa vertu fécondante pendant six jours. Considérant ces observations ainsi que le fait que les œufs aussi bien que la laitance sont obtenus avec lenteur, leur masse entière ne pouvant sortir à la fois, M. Vrasski arriva à la con- clusion qu'en les recevant dans de l'eau la plus grande partie des œufs réussissent à se saturer d'eau, et que les spermato- zoïdes cessent presque tous de bouger avant qu'il soit possible au pisciculteur de mélanger les œufs avec la laitance délayée. M. Vrasski adopta donc le système des vases secs, et versa sur les œufs la laitance aussitôt qu'il venait de l'étendre d'eau. Le succès fut complet : les œufs se fécondèrent tous sans en ex- cepter un seul (1). Encouragé par ce beau résultat, M. Vrasski ajouta, en 1857, à sa petite maisonnette, un nouvel établisse- nt) Le procédé Vrasski a été indiqué sommairement par M. Soubeiran, dans son Rapport sur V exposition de Bergen {Bulletin, 2e série, t. III, p. 268, 1866;. ÉDUCATION DE POISSONS DE LUXE. 51 1 ment plus considérable, et fonda, en 1860, avec M. Bénardaki et les frères Riéchetkine, une compagnie d'actionnaires pour la pisciculture artificielle, avec un capital de àQ 000 roubles (160 000 fr.). Avec ces fonds, il construisit l'établissement tel qu'il existe aujourd'hui. Dans la Piestofka, il pratiqua plusieurs digues pour parquer le poisson, et, à l'endroit où le ruisseau sort du lac de Piestofska, il organisa un barrage permettant de régler l'écoulement de l'eau du lac. L'établissement actuel se trouve dans un bâtiment de bois sur des fondations de pierres, mesu- rant 15 eagènes sur 6 (à peu près 30 mètres sur ï'2). L'une des extrémités de ce bâtiment est affectée à des habitations. L'établissement proprement dit a 12 sagènes de- long sur la même largeur de 6. Au milieu de ce dernier espace se trouve un grand bassin à eau courante servant de vivier pour les reproducteurs, c'est-à-dire des mâles et des femelles qui fournissent les laitances et les œufs. Ce vivier est de planches. Il a 1 archine et demi de profond sur une longueur de 7 sa- gènes et4archines de largeur. Parallèlement au vivier, il y a des deux côtés huit petits bassins de pierres et briques. Ces bassins ont 10 archines de long sur 1 archine et demi de large et 6 verchoks de profondeur. L'incubation s'y fait sur de petits plats carrés. L'alevin se nourrit dans ces mêmes bassins pendant les premiers mois, jusqu'au moment où il est mis, soit aux parcs, soit dans le lac. L'eau, après avoir quitté la Piestofka, entre d'abord dans un grand réservoir d'où trois conduits la mènent au vivier et dans deux filtres de bois. Dans ces derniers, elle passe sur du sable, et, après ce net- toyage, elle arrive dans les bassins de pierre qui contiennent les œufs et, l'alevin. Près de l'établissement se trouve un grand lac (de Piestof), le ruisseau de la Piestofka, et cinq parcs disposés en gradins l'un au-dessus de l'autre en suivant la Piestofka. Les parcs sont séparés par des barrages, et, pour em- pêcher le poisson de passer de l'un à l'autre, il est placé devant chaque barrage un châssis de bois avec une grille de fil de fer. La construction de l'établissement, la création des barrages, le creusement des parcs, le poisson nécessaire pour commen- 512 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. cer, etc., ont coûté aux entrepreneurs une somme de 50 à 60 000 roubles (entre 200 000 et UO 000 fr.). La localité choisie pour l'établissement est particulièrement propre pour la pisciculture, par l'abondance et la pureté de l'eau courante. Les environs de l'établissement et les deux districts de Valdaï et de Démiansk en général sont riches en petits lacs, petites rivières et ruisseaux, très-favorables à l'é- ducation du poisson. De plus, l'établissement se trouvant sur le partage des bassins du Volga et du Ladoga (1), elle semble destinée à être une station d'acclimatation de premier ordre. Les fondateurs se sont imposé la tâche d'enrichir chacun des deux bassins des trésors de l'autre. Dans le Volga, ils intro- duisent les Lavarets, et ils dotent la Neva du Sterlet et de l'Es - turgeon. Cet été même est consacré par eux à l'acclimatation, dans le lac Seliguère, de plusieurs milliers de Lavarets élevés à l'établissement. Malgré les conditions exceptionnelles prê- tant leur concours à cette création, comme nous l'avons vu plus haut, il lui manque une chose très-essentielle : sa proxi- mité d'un chemin de fer. Il faut faire SOverstes pour atteindre la première station. Cette distance est un obstacle qui em- pêche beaucoup le transport rapide des œufs fécondés et de l'alevin, ainsi que la vente des Truites et des Lavarets de toute taille élevés dans l'établissement. Ces poissons, très-recherchés à Moscou, assureraient un débouché importants s'il y avait un chemin de fer pour l'expédition. A Moscou, on fait actuelle- ment venir les provisions de Saint-Pétersbourg. Pour donner plus d'extension à l'établissement de Nikolsk, M. Vrasski avait sollicité, en 1862, auprès du ministère des domaines impériaux , une subvention de 50 000 roubles (120 000 fr.), pour la compagnie de pisciculture qu'il venait de fonder. Cette subvention fut accordée en 1863, quelque temps après la mort de M. Vrasski (décédé au mois de dé- cembre 1860), à la condition qu'elle serait remboursée à la (1) A un verste de rétablissement se trouve le lac Vieligou, qui par la Yavogne se déverse dans la Pola tributaire de la Lovati 'qui, à son tour, se jette dans le lac Ilmen. De l'autre côté, il y a une distance de vingt-cinq verstesau lac de Seliguère, source de la Sélijarofka, affluent du Volga. ÉDUCATION DE POISSONS DE LUXE. 513 couronne, ou bien que, dans le cas d'une liquidation, le gou- vernement prendrait l'établissement. En 1868, la compagnie ne voulut plus exploiter l'établissement qui, par là, passa aux mains du gouvernement russe. Actuellement, la direction de l'établissement de Nikolsk est confiée à un employé des mis- sions spéciales du ministère des domaines impériaux. Le personnel se compose d'un intendant en chef, d'un intendant en second, d'un surveillant des barrages, d'un charpentier et d'un garde. Le total des appointements monte à 1020 roubles annuellement, les autres dépenses à 800 roubles (3200 fr.). L'éducation porte actuellement sur des Lavarets et des Truites. En 1869, il a été envoyé de Rybinsk 100 Sterlets, pour servir à des expériences de fécondation artificielle com- mencées ce printemps. En automne 1869, l'établissement a reçu de Saint-Pétersbourg une petite quantité d'œufs de Sau- mon fécondés. Les œufs et laitances de Lavaret et de Truite sont obtenus sur place de poissons éclos et élevés à l'établissement. Ces poissons reproducteurs restent pendant presque toute l'année aux parcs, où ils sont nourris avec de petits gardons et des ables. Au commencement d'octobre, on fait écouler l'eau des parcs et l'on prend les plus beaux spécimens de Lavarets et de Truites pour les mettre au bassin de l'intérieur de l'établis- sement. Ce bassin est divisé en plusieurs compartiments par des châssis de bois tendus de grilles de .fil de fer. Dans un compartiment, on met les Lavarets mâles; dans un autre, les Lavarets femelles; dans le troisième, les Truites mâles ; dans le quatrième, les Truites femelles. Vers le 20 octobre, les fe- melles commencent à frayer et l'on procède à la fécondation artificielle. La fécondation des œufs a lieu de la manière suivante. On choisit dans le bassin une femelle mûre, c'est-à-dire dont les œufs s'écoulent à la moindre pression. Deux hommes la prennent, l'un par la tête, l'autre par la queue, les mains enveloppées d'une serviette pour que le poisson ne glisse pas, et ils la tiennent penchée, la queue en bas. L'homme qui a la 2e série, T. VII. — Août 1870. 33 ùH SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. tête tient le poisson de la main gauche et promène la main droite de la lête sur le ventre vers la queue en insistant légè- rement ; cette pression fait venir les œufs en un jet ininter- rompu. L'ouvrier qui tient la queue de sa main droite se sert de la gauche pour recevoir les œufs dans une caisse de zinc à sec. Quand tous les œufs sont sortis, ils placent la fe- melle vidée dans une division du bassin et mettent la caisse avec les œufs sur une table. Après, ils choisissent dans le bassin un mâle et lui ôtent absolument de la même manière sa laitance, qui tombe par gouttes dans un puisoir de fer- blanc. Quand le mâle a été remis dans le bassin, ils délayent la laitance avec un peu d'eau, en tournant avec une plume, et la déversent dans la caisse avec les œufs qu'on tourne égale- ment avec une plume très-doucement de manière à favoriser le mélange. Cela fait, les œufs restent dans la pièce encore pendant dix minutes et la fécondation s'opère, c'est-à-dire que les spermatozoïdes des laitances pénètrent dans l'intérieur des œufs. Quand la fécondation s'est faite, on place la caisse avec les œufs sous un robinet et on les passe à l'eau afin d'en- lever les restes des laitances. L'eau tombant sur les œufs traverse toute la caisse et s'échappe par une ouverture à l'autre bout, qui est munie d'une toile métallique pour que l'eau ne puisse pas entraîner les œufs. L'opération du lavage prend environ une demi-heure. Les œufs sont ensuite disposés sur de petits plats carrés ta bords droits et peu élevés, et on les met pour l'incubation dans les bassins de pierre dont nous avons parlé plus haut. Dans ces bassins, on règle le niveau de l'eau de manière qu'elle ne couvre les œufs que d'un demi-verchok (0m,022). Le temps qui s'écoule jusqu'à l'éclosion est plus ou moins long suivant la température de l'eau. Dans l'établissement de Nikolsk, on maintient l'eau entre un demi-degré et 1 degré R., et les petits poissons com- mencent à sortir des œufs au mois de février ; le gros ne suit cependant qu'au mois de mars. Pendant tout le temps que dure l'incubation, il faut veiller à ce que les œufs soient tou- jours dans un état de propreté parfaite, et il faut avoir soin d'écarter ceux qui sont gâtés et qu'on reconnaît à leur cou- ÉDUCATION DE POISSONS DE LUXE. 515 leur, autrement le moisi qui se forme sur les œufs corrom- pus risque de gagner les autres. Ce triage est excessive- ment pénible et fatigant lorsqu'il s'agit des œufs si petits du Lavaret. Au sortir des œufs, les petits poissons portent au-dessus une petite vessie d'un jaune transparent, et la matière qui y est renfermée leur sert de nourriture pendant la première pé- riode de leur vie. Peu à peu cette vessie est résorbée par le corps du poisson, et, quand elle disparait complètement, le poisson commence à manger. Le temps nécessaire à la résorp- tion dépend de la température de l'eau. D'ordinaire, la petite vessie se perd en trois à quatre semaines depuis le moment de l'éclosion. La vessie du Lavaret est petite et ne l'empêche pas de nager librement à peine sorti de l'œuf. Chez la Truite, la vessie est volumineuse, et, tant qu'elle n'est pas résorbée, l'a- levin se tient beaucoup plus sur le côté qu'il ne nage. La pre- mière nourriture consiste en scarabées d'eau tout vivants et en larves, qu'on retire, en grandes quantités, d'eaux stagnantes, en se servant de petites trubles en mousseline. Au mois de mai, on ajoute à cette nourriture de l'alevin de Gardon à peine éclos. Les œufs du Gardon ont la particularité de s'at- tacher aux objets qu'ils rencontrent dans l'eau. Pour les re- cueillir, on place clans le lac, à l'époque du frai, c'est-à-dire au commencement de mai, des rameaux de sapin qu'on fixe au fond. Le Gardon y dépose ses œufs, qui sont transportés ensuite, avec les branches auxquelles ils sont attachés, dans un des parcs de l'établissement; quinze jours après, on a de petits Gardons qu'on pêche également avec des trubles de mousseline autour des rameaux. Au mois de juin, les jeunes Truites et Lavarets sont élargis, une partie dans les parcs, le reste dans le lac où déjà ils pourvoient eux-mêmes à ce qu'il leur faut. En 1870, l'établissement doit fournir 100 000 Truites et ôO 000 Lavarets ; mais l'organisation dont il dispose lui per- met amplement de faire éclore et d'élever 600 000 petits poissons par an. En outre, s'il s'ouvre quelque débouché pour des œufs fécondés et montrant déjà, à travers l'enveloppe, 516 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. les yeux de l'embryon, l'établissement peut en fournir un million par an. Dans la première année, les jeunes Truites et Lavarets at- teignent de 2 verchoks et demi à 3 verchoks et demi (0,0S8, à 0,154) de longueur. Dans les années suivantes, ils grandissent de 1 à 1 verchok et demi par an. Les Truites mâles élevées à l'établissement donnent parfois de la laitance de la seconde année. Les Lavarets arrivent à leur maturité complète dans le lac de Pétof, qui est compris dans l'établissement, dans la cinquième ou sixième année. Les plus grands Lavarets qui aient été élevés à Nikolsk mesuraient 8 verchoks et demi (0m,27Zi) ; les plus grandes Truites 10 verchoks (Om,li!i). En passant aux mains du gouvernement, l'établissement de pisciculture de Nikolsk fut consacré d'une manière plus ex- clusive à des buts d'acclimatation, et il eut pour tâche de répandre dans les eaux de la Russie toutes les espèces de poisson qui, par leur genre de vie, promettent d'y réussir, en offrant, par leurs qualités alimentaires, des nouvelles res- sources. Cette année-ci, un premier pas fut fait dans cette direction, en mettant dans le lac Seliguère plusieurs milliers de Lavarets élevés à l'établissement. Cette tentative de ré- pandre dans le Volga ce précieux poisson semble devoir réus- sir, d'autant que le Volga est peuplé d'Esturgeons, espèce congénère du Lavaret qu'elle dépasse de beaucoup comme taille. Une circonstance vient appuyer ces espérances, c'est que les jeunes Lavarets, destinésà peupler le Volga, avaient été élevés dans une localité intermédiaire des deux bassins du Ladoga et du Volga, et qu'ils provenaient d'oeufs obtenus dans l'établissement même. L'acclimatation dans cette localité avait été complète. La transition, pour ces Lavarets, a donc été beaucoup plus ménagée que pour ceux pris dans la Neva et même pour ceux provenant déjà d'œufs de Lavarets de la Neva ou du Ladoga. Cette année-ci, on projette encore à l'établis- sement de faire des expériences de reproduction artificielle du Sterlet. Si ces expériences ont le résultat désiré, la diffi- culté de l'acclimatation sera infiniment moins grande pour les Sterlets obtenus à l'établissement, dans la première ou la ÉDUCATION DE POISSONS DE LUXE. 517 seconde génération, qu'elle ne l'aurait été pour ceux du Volga ; c'est ainsi qu'on espère doter le bassin du Ladoga des Estur- geons et de leurs congénères les Nielmas. Ces derniers pois- sons abondent dans le lac de Koubensk qui, par son climat, la nature de ses eaux et celle de son fond, ressemble très- exactement au laclémen. Afin de développer en Russie la pisciculture, on ouvre cette année à l'établissement une vente offrant des Lavareis et Truites depuis six semaines jusqu'à un an, ainsi que des œufs fécondés des deux espèces. L'établissement fournira les œufs quand dans ceux-ci on reconnaîtra, à travers l'enve- loppe , les yeux de l'embryon, car alors, les œufs, couverts de mousse humide et d'une toile, peuvent être envoyés à de grandes distances. Arrivés à destination, ils n'exigent, en fait de soin, que d'être lavés en écartant les œufs gâtés. En les déballant, il faut les mettre dans des assiettes plates, avec de l'eau qu'on renouvelle deux fois par jour. Dans ces mêmes assiettes, on peut aussi garder les jeunes poissons jusqu'à la résorption de la vessie. Quand la vessie a disparu, on peut mettre le fretin directement dans le parc, le ruisseau ou le lac qu'on veut peupler. Le plus grand obstacle pour la vente des œufs fécondés venait de ce que le transport par les mes- sageries était excessivement lent, tandis que l'envoi par la poste était impossible, les règlements prescrivant pour toutes choses humides une fermeture hermétique, fâcheuse pour la vie de l'embryon. L'acheteur était donc forcé ou d'aller cher- cher lui-même les œufs, ou d'envoyer un exprès, moyen coû- teux et même impossible pour beaucoup de personnes. D'après un arrêté du ministère de l'intérieur, les envois d'œufs fé- condés à l'établissement de Nikolsk se feront en vases couverts de manière à laisser entrer l'air. Ces vases seront reçus à la station de Valdaïka, du chemin de fer de Nikolaïefsk. Le trans- port sur toute cette ligne s'effectue dans les wagons de poste jusqu'à la station la plus rapprochée du domicile de l'acqué- reur. Le débit purement industriel de poissons élevés à l'éta- blissement de Nikolsk n'a pas encore pu avoir lieu ; mais il y a lieu de croire qu'il commencera dès l'année prochaine. CULTURE DE ÏA COCHENILLE. LETTRE ADRESSÉE A S, E, M, DROUYN DE LHUYS, PRÉSIDENT DE LY SOCIÉTÉ Monsieur, le Consul de France à Malte vient de m'adresser quelques nouveaux détails (1) sur l'acclimatation de la Coche- nille : des informations ont été recueillies sur ce sujet aux îles Canaries, où la Cochenille est cultivée avec beaucoup de succès, et le Journal de Malte les a publiées dans un article que M. de Laya m'a fait parvenir en l'accompagnant d'une traduction. J'ai l'honneur, Monsieur, pour faire suite à ma précédente communication, de transmettre ci-joints, à votre Excellence, ces deux documents ainsi que la copie de la lettre du Consul de France à Malte. Agréez, etc. Pour le Ministre et par autorisation, Le Directeur des consulats et affaires commerciales, Meurand. LETTRE ADRESSÉE A S. E. M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, Par M. de Laya, consul de France à Malte. Malte, 11 mars 1870, Monsieur le Ministre, Votre Excellence sait que la Cochenille est cultivée avec succès dans les îles Canaries. Le manque de travail dont souf- fre la population des campagnes à Malte ayant fait penser aux ressources qu'elle pourrait trouver dans cette industrie, on s'occupe de réunir des informations qui permettent de compter sur des résultats satisfaisants, avant de faire les (1) Voyez, dans le numéro de mai, page 310, l'extrait d'un rapport sur la culture du Thé et l'acclimatation de la Cochenille dans l'île de Malle, rapport dont il a été donné leclure à la Société d'agriculture de Malte par le R. P. Libassi. CULTURE DE LA COCHENILLE, 519 premières dépenses et de prendre les dispositions que com- porte cette entreprise. On a, en outre, demandé aux îles Ca- naries un mémoire qui pût servir de guide dans la pratique. La source de ce document, le but dans lequel il a été rédigé et les indications qu'il contient, permettent de croire à son utilité, et j'ai l'honneur d'en envoyer à Votre Excellence la texte et une traduction abrégée. La Cochenille a du reste déjà été cultivée à Malte en 1S28 ; mais malgré le climat, dont les conditions paraissent favora- bles et l'abondance du cactier qui sert de nourriture à l'in- secte, les résultats ne répondirent pas à l'espoir qu'on avait fondé, sans que les causes en aient été clairement reconnues. Les fréquents changements de température du climat de Malte y contribuèrent vraisemblablement ; mais l'insuffisance des fonds dont le gouvernement pouvait disposer ne lui per- mit pas, à cette époque, de donner à ces essais les encourage- ments et l'assistance qu'il réclamait, d'autant plus que la population rurale était absolument étrangère à cette indus- trie, et ce fut là la véritable cause de l'insuccès. La tentative a du moins appris que, si l'insecte demande beaucoup de soins, il n'oblige pas à des dépenses considérables ni à de pénibles travaux. La plantation faite et les dispositions bien prises, un homme peut prendre soin de trois cents arbres, et il lui reste encore assez de temps pour s'occuper d'autre chose, Mais un des grands avantages de celte industrie est de pouvoir être exercée par les femmes et les enfants si nombreux à Malte, et qui n'y trouvent que difficilement à s'employer. Agréez, etc. Signé De Laya. MÉMOIRE SUR LA CULTURE DE LA COCHENILLE A MALTE, Traduction de Si. de LAYA, consul de France à Malte. La Cochenille est de la grandeur d'un pois couleur gris argenté, le corps est rouge noir, couvert d'une fine poussière 520 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. blanche et, lorsqu'il vient de naître, l'insecte se meut dans tous les sens; mais, en grandissant, il se fixe sur la feuille d'où il tire sa nourriture. Il y a plusieurs variétés de l'arbuste dont il se nourrit, mais celui qu'on cultive généralement est le commun et vigoureux Cactus opuntia. A l'état sauvage, cette plante produit des fruits en abondance, et elle formait autrefois un des principaux aliments pour les îles Canaries. Mais on a reconnu que le fruit affaiblit l'arbuste qu'on des- tine à élever la Cochenille et, par suite, on a soin de l'extraire dès qu'il bourgeonne. Le cactier est si vivace qu'il pousse au milieu des rochers, là où il semble qu'il y ait à peine assez de terre végétale pour remplir les crevasses ; mais dans cet état, il ne peut servir à nourrir les Cochenilles plus d'une ou deux saisons. Dans des sols riches, et avec abondance de fumier et d'eau, les mêmes plantes continueront à produire d'excellentes récoltes pen- dant dix à douze ans. Le meilleur sol est celui qu'on trouve dans les contrées volcaniques où la pierre-ponce et les scories abondent. Lorsqu'on ne peut pas obtenir un arrosage artifi- ciel, une couche de scories noires, couvrant le terrain à une profondeur de plusieurs pouces, fait beaucoup de bien à l'arbuste, en conservant au sol son humidité et le défendant contre la chaleur du soleil, et aussi en empêchant la crois- sance des mauvaises herbes et maintenant ainsi la terre con- stamment nette. Dans les parties des îles Canaries où l'ancien sol a été couvert par la lave, et sur lequel la végétation ne consiste qu'en lichens, mousses, et çà et là de petites fougères et d'autres plantes, la préparation de la terre pour la culture du cactier est longue et coûteuse. Le cactier est reproduit par les feuilles qui doivent être taillées une par une, et exposées à la chaleur du soleil pen- dant trois semaines environ avant d'être plantées. Les feuilles devront être plantées dans des sillons, à la dis- tance de un mètre. Cette plantation étant faite dans le mois de mai ou de juin, les nouvelles feuilles auront atteint toute leur grandeur en quatre ou cinq mois, et l'arbuste pourra alors être transplanté dans le terrain où il doit rester. Les CULTURE DE LA COCHENILLE. 521 sillons devront être séparés par un intervalle de 2 mètres environ, et chacun des arbustes par un demi-mètre de chacun des deux qui l'avoisinent, afin de laisser un espace suffisant pour leur plein développement qui aura lieu en février ou mars. Il faut avoir grand soin de ne pas entamer le tronc de l'ar- buste. Si, par accident, on l'avait frappé avec la houe, le seul moyen de le sauver serait d'enlever avec un couteau bien effilé la partie atteinte, sans quoi elle deviendrait molle et se moisirait. Une quantité considérable de fumier ordinaire ou de guano est nécessaire pour que l'arbuste réussisse parfaite- ment ; le guano est dangereux s'il n'est pas mêlé à beaucoup d'eau, et il faut aussi y ajouter d'autre fumier. Le cactier, étant bien venu par ces procédés vers la fin de mai ou de juin, est propre à recevoir l'insecte. Dans la partie sud de l'île de Ténériffe, la Cochenille est cultivée en hiver de manière qu'elle soit arrivée à maturité à l'époque de la grande récolte, à la fin de juillet ou d'août. Les principaux planteurs réservent une portion de leurs terres pour les mères. Les mères sont mises dans de petits sacs de gaze de huit ou neuf pouces de long, et dans chacun desquels on verse deux cuillerées ordinaires de mères, après quoi on les suspend au- dessus d'une feuille de cactier. Les petits, dès qu'ils sont nés, se répandent sur la surface de la feuille. Il leur faut plus ou moins longtemps pour venir à maturité suivant la saison et la température : deux mois environ en été et cinq mois en automne et en hiver. En général, la récolte se fait en coupant avec un couteau, près des branches, les feuilles sur lesquelles les sacs ont été placés ; la Cochenille est versée dans de larges paniers, et l'on a soin qu'il ne reste pas un seul insecte sur les branches, car l'arbre en serait affecté pour les récoltes suivantes, vu la grande fécondité de l'insecte; pour cela, on balaye les bran- ches plusieurs fois, à deux ou trois jours de distance. Les feuilles qui ont été coupées sont mises en terre, car par leur fermentation elles forment un excellent engrais. 522 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION, La pluie et le vent pendant l'hiver et, en été, un vent chaud du sud détruisent souvent la moitié de la récolte; pour y re- médier, on étend de la gaze de coton sur toute la plantation, au moyen de pieux et de fils de fer; à la hauteur de sept pieds anglais. Les effets nuisibles de la chaleur par le vent du sud sont diminués par un abondant arrosage dans la matinée, car l'humidité qui s'évapore sauve beaucoup d'insectes. Les Cochenilles récoltées sont placées dans un four, à la chaleur de 150 degrés. Après quatre ou cinq heures, on laisse le four se refroidir graduellement, et quelques jours d'expo- sition au soleil achèvent de les faire sécher. Ce procédé est le plus généralement employé. Quelques personnes préparent la Cochenille en la mettant dans des sacs en quantités modérées ; deux hommes tiennent les sacs par les bouts et secouent vivement en avant et en ar- rière. Ce procédé donne à la Cochenille un brillant poli, et, quoique en définitive un poids moindre soit obtenu, il y a compensation dans le prix payé à Londres. Mais le meilleur procédé pour préparer celle Cochenille, qui a du brillant, n'est connu que d'un petit nombre de personnes qui gardent avec soin le secret, c'est pourquoi le four est encore presque universellement employé pour sécher. Après que la Cochenille a été séchée, on, en ôte la poussière blanche et les piquants des feuilles de cactier. D'excellentes machines ont été inven- tées dans ce but en Angleterre et en Amérique. La Cochenille est ensuite mise dans des sacs qui en contiennent environ 68 kilogrammes chacun et qu'on coud avec soin ; après quoi elle est exportée. Il est impossible de fixer le produit moyen d'une étendue de terre donnée, mais il est généralement admis qu'aucune autre branche d'agriculture n'est aussi rémunérative. La tem- pérature moyenne dans le sud des îles Canaries est d'environ 80 à 85 degrés Farenheit, et elle tombe rarement pendant la nuit au-dessous de 55 ou de 60 degrés. Là où le cactier, qui lui sert de nourriture, vient facilement, la Cochenille peut être cultivée avec succès. CULTURE DE LA COCHENILLE. 5*23 Le compte suivant, qui donne le montant de la première dépense et des dépenses annuelles et des produits par acre (IïO ares) de culture de la Cochenille, a été fourni par un cul- tivateur du centre de la vallée d'Orotava à Ténériffe, Première dépense : Achat de 40 ares de terre 1250 fr. Préparation de la terre, plantation et culture du Cactier pen- dant la première année, avant qu'il ne reçoive les Cochenilles. . . 2250 Sacs, paniers et autres ustensiles 250 Total 3750 fi\ Dépenses annuelles : Huit caisses de mères à 2 francs 50 centimes par livre 800 IV. Travail d'hommes et de femmes 750 12 quintaux de Guano à 16 francs 65 centimes l'un. ........ 200 Dépenses générales 450 Total , 2200 fr, Revenus annuels : Pour 50 livres de mères , 200 fr. pour 8 quintaux de Cochenille à 3 francs 75 cent, par livre. . . 3000 Total.. 3200 fr. Le prix des mères varie beaucoup. Il tombe quelquefois à 90 centimes la livre et s'élève d'autres fois à 3 fr. 10 c. et même à 3 fr. 75 c. Le soin des insectes ne peut guère être confié qu'aux femmes. La culture de la Cochenille donne un revenu de 25 à 30 pour 100 sur le capital employé. CHINA-GRASS, Par M. B. do La 1H-W< III 851 L'accueil indulgent et flatteur que la Société impériale d'acclimation a bien voulu faire ta mes deux premières notes sur le China-grass (Urtica sinensis) dans l'antiquité, m'encou- rage à lui présenter cette troisième, qu'on a bien voulu me permettre de lui offrir et qui clôt la discussion sur la question relative à cette plante chez les anciens. Ce troisième travail est d'une importance beaucoup plus grande que les précédents. Le premier n'était qu'une remar- que suggérée par un vers de Virgile ; le second n'était qu'un rapprochement de ce témoignage de celui d'un moderne et de celui d'un indigène. La note que voici, et qui sera la dernière, comprend l'énoncé, la comparaison et la discussion de tous les textes des auteurs anciens, qui peuvent avoir trait à ce qui nous occupe. I. Deux points à élucider se présentent tout d'abord : 1° Qu'entendaient les Romains par Seres et par Serica regio ? 2° Ont-ils laissé des documents sur le China-grass, et les- quels ? L'étude des géographes et de tous les auteurs compétents antiques ou modernes qui se sont occupés du premier point est fort longue, et je développerai seulement ici les conclusions que j'en ai tirées, en ayant soin d'indiquer tous les auteurs auxquels on peut se reporter pour l'ensemble de la question. Nous citerons en première ligne parmi les anciens : Pline, Solin, Pomponius Mêla, Ptolémée, Strabon, Sénèque, Denys le Périégète; ensuite quelques vieux poëtes et Properce, Claudius, Prudence, Horace, Virgile, Ovide, Juvénal, Martial, Lucain, Stace, Tacite, Silius Italicus, Suétone, Aviénus, Au- sone, saint Avit, saint Jérôme, Vénance Fortunat, saint CHINA-GRASS. 525 Orience, Ammien Marcellin, Isidore de Séville, les Inscrip- tions, Florus,le CodeJustinien, les agronomes, les médecins, les naturalistes, les géographes, Juba, etc. Telles sont les sources auxquelles nous renvoyons, afin de ne pas allonger cette note par des citations intéressantes, mais trop multipliées. Tels sont les témoignages sur lesquels nous nous sommes appuyé pour prendre parti entre les deux opinions principales qui divisent les géographes contempo- rains au sujet du pays des Sères : les uns prétendent qu'il faut comprendre sous cette dénomination la partie orientale de la petite Bokharie et du Thibet, la Chine, le nord de l'Hin- doustan et de l'Indo-Chine. Les autres n'y veulent voir que la partie méridionale du Thibet et la province de Ser-Hend dans l'Hindoustan. L'examen des auteurs anciens nous a amené à discerner la part de vérité que renferme chacune de ces deux opinions et à les rejeter en ce qu'elles ont de trop exclusif. Nous penserons donc, en définitive, que par Serica regio, il faut entendre la Chine, le nord de l'Indo-Chine, l'est de la petite Bokharie, le Thibet et la partie orientale de l'Hindoustan et du Dekhan, car nous savons que des ambassadeurs, venus de Taprobane (Ceylan) à Rome; sous Claude, disaient que de leur pays on voyait les côtes du pays des Sères. Du reste, quand nous n'aurions ni le témoignage des anciens, qui ap- pellent les Sères « gens indica » , ni celui de modernes et des indigènes de ces contrées, le rapport évident entre le nom de ce peuple et ceux de certaines villes, de certains pays de l'Hindoustan, suffiraient presque. Citons seulement la pro- vince de Serd-Hend et les villes de Sérampom, Séringapat- nam, Sérinagore, etc. Ces études et particulièrement l'examen de Ptolémée et de Solin, m'ont conduit à bien distinguer les Sines (Sinœ) des Sères (Seres, imt). En résumé, voici l'hypothèse la plus pro- bable : par Seres, les Romains entendaient tous les peuples qui leur apportaient la soie, et par Serica regio tout le pays d'où sortaient ces peuples. Parmi ces peuples, ils n'en con- naissaient bien qu'un seul, dont ils savaient le nom, les 52ti SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. mœurs et la position, les Sines, qui pourraient bien être une colonie chinoise ou un peuple frère de la Chine (ceci serait à vérifier au pays de Siam). Tout le reste pour eux s'appelait Seres. Plaçons une pointe de compas dans le pays des Laos et traçons un cercle d'un rayon suffisant pour embrasser la Chine, l'Indo-Chine, le Thibet, le sud-est de la petite Bokha- rie, la moitié orientale de l'Hindoustan, et nous aurons à peu près tracé les vastes limites de la Sérique ou pays de la soie. Telles sont les conclusions que j'adopterai et qui, rappro- chées des documents fournis par ma seconde note, forment un ensemble complet sur ce premier point. IL Les considérations géographiques qui précèdent sont né- cessaires pour l'intelligence de ce qui va suivre. Voici com- ment nous allons diviser la question capitale qui nous reste à traiter en dernier lieu, celle de la discussion des documents relatifs à la plante elle-même qui nous occupe. 1° Écarter tous les documents qui se rapportent à la soie du Bombyx. 2° Ecarter tous ceux qui peuvent se rapporter aussi bien à la soie végétale ou au colon qu'au China-grass. 3° Collationner ceux qui semblent désigner plutôt cette plante qu'aucune autre connue. Pour le premier point de cette seconde partie, on peut presque exclusivement renvoyer à Pline, surtout aux livres XI et XII de son histoire naturelle. Les Romains connaissaient parfaitement la soie de Bombyx qui se faisait jusqu'à Cos, et ils la distinguent très-exactement des matières textiles végé- tales. Mais ceci est une question depuis longtemps avérée et établie par des travaux autorisés : passons à des points moins bien déterminés. III. Parmi les ouvrages antiques qui peuvent nous servir a bien montrer que les Romains distinguaient le China-grass (Urtica CHINA-GRASS. 527 mentis) des autres plantes d'Orient qui fournissaient des matières textiles, et qu'ils ne confondaient pas la soie avec les autres, parmi les auteurs qui peuvent nous fournir des renseignements sur notre plante, nous distinguerons trois classes, d'après l'autorité des témoignages. 1° Ceux qui ont parlé du Bombyx, du coton, de la soie vé- gétale et du China- grass. 2° Ceux qui ont parlé du coton, de la soie végétale et du China-grass. 3° Ceux qui ont parlé du coton et du China-grass. h° Ceux qui n'ont parlé que du China-grass. 11 est bien entendu que jusqu'ici je n'introduis le China- grass que comme une hypothèse. Dans la première catégorie, celle qui mérite le plus de créance, se range Pline. Il parle en effet du Bombyx, du co- ton, de la soie végétale et d'une plante où je montrerai qu'on peut bien voir le China-grass. Nous avons éliminé le Bombyx, voyons le coton. Dans le livre XII, chapitre xm, lorsque Pline parle des ar- bres indiens qui fournissent des matières textiles, il s'exprime en ces termes : « Sed unde vestes lineas faciunt, foliis moro » similis, calice pomi cynorrhodo. Serunt eam in campis, nec » est gratior villarum prospectus. » —Quant aux plantes qui donnent de quoi faire des tissus analogues aux tissus de lin, elles ont des feuilles qui ressemblent à celles du mûrier, et un fruit à couronne qui ressemble à un cynorrhodon. On les cultive dans les champs et rien ne rend les campagnes plus jolies à voir. — Tel est un des passages où il décrit le coton. Dans un autre endroit, il appelle cette plante Gossympiam et tantôt aussi Xilon, et il la dislingue de la plante des Sères (China-grass?) « Lanigerœ arbores alio modo quam sérum.» Il dit que le coton est une plante différente de celle des Sères et qui fournit des fils textiles d'une autre manière. Pline a parlé également de la soie végétale. Il l'a décrite et distinguée du colon et du China-grass, spécialement au livre XIX, chap. il. Du reste, c'est une plante africaine, et il le sait bien puisqu'il la place dans l'Ethiopie, 0*28 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE Z00L0GÎQUE D'ACCLIMATATION. Quant aux textes du même auteur qu'on peut rapporter plus directement au China-grass, qu'il appelle « Lanigera se- » rum arbor » (XII, vin), nous les réservons, afin de les ex- poser plus loin avec tous ceux qui touchent au même point. Dans la seconde catégorie, doivent se placer les passages plus vagues qui font allusion à une plante à soie des pays orientaux ; mais sans la décrire de façon qu'il soit possible d'y reconnaître plutôt le China-grass que le coton ou la soie végétale d'Afrique. Parmi ces auteurs, je remarquerai Ovide, dont le témoi- gnage est sans importance, puis Silius ltalicus : « Numera Rubri Prseterea Ponti, depexaque vellera ramis, Femineus labor. » Prudence dit aussi : « Eoo ex orbe petitis Ramortmi spoliis fluitantes su mère cinatus. » Du reste, ces témoignages-ci sont les moins importants de tous, et nous allons en rester là pour passer à d'autres plus considérables. Ce sont ceux des écrivains anciens que nous avons mis dans la troisième classe et qui ont parlé du coton et d'une plante pouvant être le China-grass. Parmi eux, distinguons le roi Juba, dont Pline nous a transmis le témoignage (XII, xxn), et Virgile. Les ouvrages de Juba, roi de Mauritanie, contemporain de Tibère, avaient une grande autorité dans l'antiquité pour l'histoire naturelle et la géographie. Or, il dit que les Sères tirent d'un arbrisseau une matière textile qui sert à faire des toiles plus belles que celles des Indes, c'est-à-dire que les tissus de coton. En deuxième lieu, Virgile nous offre, au IIe livre des Géor~ gigues, vers 121, le premier passage qui ait attiré mon atten- tion sur cette question. Je le replace ici à son rang avec l'ex- plication que j'en donnai dans ma première note. CHINA-GfUSS. 529 Quid nemora yEthiopum mollicanentia lana ? Velteraque ut foliis depectant tenuiasercs? « Dirai-je les bois de l'Ethiopie, blanchis comme une tête de vieillard par une laine moelleuse? Et comment les Chinois retirent d'une plante des fils textiles et fins? » Au reste, ce passage n'est bien important par lui-même qu'en ce qu'il distingue le coton de la plante des Sères, dont nous nous occupons. Il n'aura qu'une importance secondaire parmi les documents relatifs au China-grass lui-même. IV. La discussion de ces derniers va être 1# conclusion de tout le travail. C'est pour nous permettre d'y arriver sans contro- verse et sans rien laisser derrière nous de discutable que nous sommes entré dans tous les détails qui précèdent et que nous y avons cité et expliqué tous ces textes différents. Nous nous proposons donc, en fin dernière, de montrer qu'il y a dans l'antiquité, surtout dans l'antiquité latine, un nombre relativement considérable de passages d'auteurs que l'on peut facilement appliquer au China-grass, où on le re- trouverait même dans les conditions où il est aujourd'hui, soit en Chine, soit dans l'Indo-Chine et les pays voisins. Avant tout, nous placerons ici le texte de Pline qui a trait plus particulièrement à notre plante. « Seres lanitio silvarum nobiles, perfusam aqua depecten- » tes frondium canitiem : unde geminus feminis nostris labor » redordiendi fila, rursumque texendi. Tam multiplici opère, » tam longuinquo orbe pelitur, ut in publico matrona trans- » luceat. » (Pline, VI, 20.) — Les Sères connus par la matière textile qu'ils obtiennent d'une plante ; après l'avoir trempée d'eau, ils en tirent les fils au moyen du peignage ; de là, double travail pour les femmes de nos pays qui ont à raccor- der les fils et à les tisser. Et l'unique but d'un si grand tra- vail, d'un si grand voyage, est de fournir aux dames romaines un vêtement transparent pour paraître en public. — La plante 2e série, T. VII. — Août 1870. 34 530 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. dont il est ici question n'est pas le coton, car Pline lui-même l'en distingue (voy. plus haut). D'ailleurs, c'est bien par le peignage, ainsi que Pline l'indique, que s'obtiennent les fils du Çhina-grass. Remarquons, donc ce verbe depectere (tirer par le peignage), qui est une des locutions caractéristiques de beaucoup des passages que nous allons citer. Après Pline, le grand naturaliste, nos deux principales au- torités sont Solin parmi les Latins, Denys le Périégète parmi les Grecs. Nous allons traduire ici le passage de Solin : « Seres co - » gnoscimus ; qui aquarum aspergine inundatis frondibus, vel- » lera arborum adminiculo depectunt liquoris, et lanuginis » teneram subtilitatem humore dornant ad obseqium. Hoc » illud estseiïcum,inusum publicum damno severitatis admis- »sum, et quo ostentare potius corpora quam vestire, primo » feminis, nunc etiam vins persuaserit luxuriaî libido. » — « Nous connaissons les Sères qui, trempant d'eau une plante feuillue, en tirent par le peignage, quand elle est une fois mouillée, une matière textile, et traitent par l' humidité, de manière à les rendre favorables, ces fils textiles, fins et ténus. Ainsi s'obtient cette soie, devenue d'un usage commun au dé- triment des bonnes mœurs, et au moyen de laquelle les femmes d'abord, et puis aujourd'hui les hommes mêmes, montrent leur corps plutôt qu'ils ne le revêtent ; voilà ce qu'ont fait la corruption et l'impudicité. » — Dans ce passage, comme dans le précédent, nous trouvons décrites ces deux opérations du mouillage et du peignage, qui se rapportent si bien au China-grass, ainsi que l'assertion de Salin, qui nous explique qu'ainsi l'on obtient de la soie. Denys le Périégète confirme encore ces deux témoignages. Je le traduirai exactement depuis le vers 75Zi de sa géogra- phie en vers jusqu'au 757e. « Or les Sères peignent une plante qui fleurit chez eux et font des fils qu'ils en tirent des vête- ments précieux, travaillés de diverses manières. La plante elle-même a une fleur analogue aux fleurs des prés. La toile d'araignée est plus grossière que leurs tissus.» Ce témoignage, moins précis et qui dénote moins d'observation, n'a pas CHINA-GRASS. 531 autant d'autorité que les premiers, cependant nous devons le noter parce qu'il les confirme. Plaçons ici certains vers de quelques poëtes qui ne sont pas sans conséquence, attendu qu'ils montrent que la con- naissance de la plante des Sères était assez répandue, et parce que nous y verrons souvent revenir ce mot de depectere (ex- traire parle peignage), que nous avons remarqué. C'est d'abord Virgile et le vers déjà cité : « Vclleraque ut foliis depectant lenuia Seres, '» pour l'explication duquel je renverrai à ma première note. Viennent ensuite d'autres vers dont la traduction sans com- mentaires suffira. « Seres lanigeris repetebant vellera lucis. » (Les Sères tiraient leur matière textile des bois qui la leur fournissaient). SlLIUS ITALICUS. « Candida Sidonis perlucent pectora filo, Quod Nilotis acus compressum pectine sérum Solvit, et extenso laxavit slamina vélo. » (Sa blanche poitrine se voit à travers les tissus teints à Sidon, dont les fils, moissonnés par le peigne des Sères, ont été dévidés par les jeunes gypiiennes et dont la trame a été étendue en un voile flottant). Lucain. « Jam parât auratas trabeas cinctiisque micantes, Staminé quod molli tondent destipile Seres Frondea lanigerae carpentes vellera sylvas ! (Déjà il prépare les robes dorées et les ceintures brillantes dont les fils sont extraits d'une tige ilexible par les Sères, qui tirent par le peignage une matière textile de la plante qui la produit). CLAUDIEiN. « Vellera depectit nemoralia vestifluus Ser. » Ausone. « Vellera per sylvas Seres nemoraiia carpunt. » Festus Avienus. « Queritusjam seras avaros Auguslum spoliare nemus » Stace. Pour clore cet exposé, citons un auteur qui est déjà du 532 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. moyen âge, mais qui est un écho fidèle et érudit des savants de l'antiquité. Voici comment s'exprime Isidore de Séville : Serica P.egio « Mobilibus fertilis fronlilis frondibus, agribus vellera » decerpuntur, quae ceteris gentibus Seres ad usum vestium vendant. » (Origines, XIV, 3.) Tel est l'ensemble considérable de documents et de témoi- gnages que l'on peut citer sur le point qui nous occupe. Si, après les avoir lus, on me fait cette question : « Maintenant les anciens connaissaient-ils le China-grass? » je répondrai qu'il ne m'appartient pas de prononcer; que c'est à la science, aux naturalistes et aux voyageurs de trouver une réponse. La tâche que j'avais entreprise était seulement d'appeler l'atten- tion sur ce point, et particulièrement sur les textes anciens où peut se reconnaître le China-grass. J'ai voulu en outre, comme je le disais dans ma première note, montrer qu'on peut souvent se tromper en prêtant aux anciens des connais- sances moindres que celles qu'ils ont eues réellement. J'avais espéré, sur quelques indices qui se sont trouvés inexacts, découvrir le nom même de la plante où je voyais le China-grass. Je n'en désespère pas encore, puisqu'il me reste à examiner ce que nous possédons des médecins grecs et de certains auteurs grecs de second ordre. Mais je n'ai pas hésité à présenter mon travail avant d'avoir terminé l'étude de leurs témoignages, parce qu'ils sont peu importants et que la ques- tion n'en est pas moins traitée dans son entier. Du reste, l'in- dulgence et la bonté que la Société a bien voulu me montrer jusqu'ici semblent m'autoriser à croire que, si ces nouvelles recherches m'amenaient à quelque remarque intéressante, elle me permettrait de lui en offrir un court et succinct exposé. II. CHRONIQUE. Croisement d'J»f**«f#f«r UÈidututu avec AstviitMn cinerea. Un màled'Astrilda undulata, après avoir perdu sa compagne au moment de la ponte, fut cause de la séparation d'un Astrilda cinerea, son rival ne pouvant soutenir le combat. Malheureusement la petite femelle mourut en pondant le troisième œuf. (Zoologische Garten. Avril 1870.) Paul Yoelkel. Éducations faites dans la volière du dr Rey, à Halle (Prusse). 1° Tœniopygia castanotis. Après plusieurs tentatives infructueuses , M. Rey a réussi à reproduire cette espèce australienne aussi agréable que facile à nourrir. Le premier couple de ces oiseaux arrivés dans la volière en automne 1868 se mit aussitôt à construire son nid sans se laisser troubler le moins du monde par l'indiscrète curiosité de leurs nombreux voisins, originaires d'Afrique. Us avaient voulu d'abord profiter d'un très-beau nid de Quelea sanguinirostris en le rendant confortable par des tapisseries de fleurs de graminées et de coton ; mais bientôt ce choix dut leur paraître mau- vais, et ils l'abandonnèrent pour aller s'installer dans un simple nid d'osier. Ils le complétèrent et le couvrirent avec les mêmes matériaux que le premier, et le 2/i octobre il contenait quatre œufs. Pendant que les pelits architectes étaient à construire leur demeure, il m'avait semblé remarquer, dit le Dr fïey, que les matériaux que j'avais mis à leur disposition ne leur plaisaient pas tout à fait, et que surtout pour tapisser le nid à l'intérieur, ils cherchaient beaucoup dans un tas de tout espèce de substances sans qu'ils parussent trouver ce qu'ils désiraient. Ils continuèrent même leur recherche quand la couvaison eut déjà commencé. Il va sans dire que je les secondai de tous mes moyens, et à la fin il paraît que j'avais trouvé leur affaire. C'est qu'un jour à peine leur eus-je présenté des poils de différentes espèces de quadrupèdes, que mes petits oiseaux se précipitèrent dessus à qui mieux mieux en choisissant du poil de Chèvre blanc qu'ils portèrent dans leur nid. Le travail de tapissier fut acbevé quel- ques heures après, et la couvaison commença dans des conditions apparem- ment parfaites. Malheureusement je ne devais pas conserver la mère, dont la mort fit périr la nichée quand les petits étaient sur le point d'éclore. » Une nouvelle femelle, arrivée au mois de juin de l'année dernière, a déjà élevé sans accident quatre nichées de quatre sujets chacune. L'incubation prend treize jours, et environ dix-huit jours après l'éclosion les petits quit- 53/| SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. tent la maison paternelle. La robe d'enfant est grise, la même pour les deux sexes. Le changement de costume s'opère très-vite et sans qu'il y ait mue. A l'âge d'un mois ou de cinq semaines, le Tœniopijgia castanotis ne diffère plus de ses parents pour le dessin, il manque seul encore l'éclat des teintes. Dès ce moment, les mâles se mettent à chanter. Les petites femelles cou- vèrent sur leurs premiers œufs, quand elles n'avaient pas encore tout à fait deux mois. 2° Croisement d'Astrilda einerea avec A. undulata. — Deux mâles des premiers prirent femmes parmi ces derniers et l'un de ces mariages mixtes eut pour résultats de ravissants petits hybrides offrant le dessin moulé du père en même temps que le faciès de la mère, le bec étant entre les deux comme forme et couleur. Le nid était tout à fait celui du einerea. L'incu- bation se fait également en treize jours. Les petits quittèrent le nid le ving- tième jour. La première nichée a donné trois, la seconde cinq ; le sexe des produits ne s'est pas encore accusé. 3° Lagonosticla minima. — Éducation heureuse sans incidents curieux, id., Spermestes cuculata. l\" Pytelia subjlava (Amadina sanguinolenta). — Un seul couple, auquel beaucoup d'œufs avaient été soustraits, a fait éclore, rien qu'en un an, cin- quante-quatre peiits sans en nourrir un seul. 5° Croisements entre Astrilda undulata et Lagonosticta minima, ce dernier et Habroopygia cœrulescens, et d'un père que je n'ai su classer, avec Mariposa phœnicotis. Malheureusement les petits n'ont pu être élevés. M. Bey ajoute que, vu les bonnes dispositions de ces espèces exotiques, il vaudrait peut-être la peine d'étudier plus en détails la question de leurs croisements. D'après M. Thierach, le Psittacula passerina serait excessivement dan- gereux à avoir dans une même volière avec d'autres oiseaux qu'il persécute de toutes manières. Un petit de la Perruche ondulée prêt à quitter le nid, fut tué par un mâle de l'espèce en question. Ce dernier s'était introduit dans le nid artificiel choisi par les Perruches et tenait le petit dans ses griffes comme un ciseau de proie. M. Thierach eut de la peine à le séparer de sa victime. Cet observateur croit devoir signaler le Psittacula comme inadmissible dans aucune volière. La même irascibilité n'est pas mentionnée par tous les autres éleveurs, et il resterait à savoir si avec un régime parfaitement sympathique cette espèce ne ressemblerait pns davantage à ces congénères. Nous faisons ressortir qu'il n'a p;is été porté plainte sur le Psittacula passerina dans la Volière du Dr Baldamus de Ilallc (Prusse), M. Baldamus a depuis deux ans donné plus d'extension à ses essais d'éducations. La pièce arrangée en volière me- sure ûm,0 de haut sur 5 mètres de iarge et autant comme profondeur. Elle contient uu saule creux recherché par les Perruches, <}c> roseaux, des , branches d'arbres à feuilles, etc. Le Dr Baldamus insiste sur deux points presque également importants pour la reproduction des oiseaux dont il CHRONIQUE. ^35 s'occupe (presque tous granivores) : de donner aux oiseaux toutes les facilités de se baigner et de se laisser arroser ; de leur fournir abondamment tle la nourriture, d'insectes pendant qu'ils ont des petits à élever ; les grani- vores sont tous soumis à cetle loi, sans en excepter les Psittacula passerim. En dehors de cetle époque, il faut offrir aux oiseaux une nourriture aussi peu monotone que possible. Pour que les habitants de sa volière ne manquent pas d'eau de toilette, M. Baldamus y a établi, en outre de différents bassins, une petite, fontaine à trois étages avec un jet d'eau produisant une pluie très-recherchée des oiseaux. La concorde la plus parfaite n'a été troublée momentanément que pendant le premier temps après l'installation de la fontaine : on lutta pour y trouver sa place. Aujourd'hui, un ordre de con- vention semble s'être établi et il n'y a plus une seule querelle dans la volière. Dans le rapport du Dr Baldamus (Zeitschrifi fiir Àkklimatisation, premier fascicule, Berlin, mai 1870), nous ne prendrons comme dans ceux des autres éleveurs que les éducations complètes : 1° Psittacula passerina ; 2° Foudia madagascariensis ; 3° Croisements de Habropyga astrilda, avec des femelles de H. cinerea. Les petits ont la longue queue du père avec l'aspect général de leur mère. Les mêmes parents ont recommencé à nicher. Sur la question de la fertilité des produits, nous serons peut-être bientôt fixés par les rapports ultérieurs de M. Baldamus. lx° Lagonosticta minima, petit Sénegali rouge. Du 20 juin 1869 au 12 mars, un couple a élevé à bon port huit nichées, plusieurs couples de la seconde génération ayant également commencé à se reproduire. La dernière nichée du couple parent s'était élevée en plein hiver prussien, par un froid de 5 degrés, la nuit dans la volière. Ce fait étonnant a déterminé M. Bal- damus à tenter l'acclimatation du Lagonosticta minima aux environs d'Halle; nous attendons le résultat des premiers essais d'élargissement. 5° Sporothlastes fasciatus, Amadine, d'une éducation facile qui fait qu'il réussiiait peut-être en Europe à l'état sauvage. Pour terminer, M. Baldamus raconte une anecdote d'oiseaux que nous transcrivons. « Le printemps dernier (de 1869), j'avais mis dans un verre de longues liges et feuilles de graminées à l'intention des Eyphantica sanguinirostris. Les oiseaux choisirent, entre toutes, les plus longues en jetant les autres par terre. » Une de ces dernières fut ramassée un matin par la femelle de Foudia madagascarensis, qui la porta à l'étage supérieur de la fontaine. Elle tourna la feuille de tous côtés en la faisant bien arroser par la pluie fine du jet et s'en servit ensuite pour voûter l'entrée de son nid. L'intelligente petite bête répéta la même manœuvre avec tous les brins secs, les trempant jusqu'à ce qu'ils fussent assez souples pour entrer dans sa construction. Je lui donnai des matériaux frais de la même espèce. Elle les employa sans recourir à l'eau; 536 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. mais toujours elle prépara de temps en temps une feuille desséchée, proba- blement dans le but d'affermir la charpente de son nid. » (Zoologische Garten. Avril, 1870.) P. V. Fécondation de la reine des Abeilles. L'opinion reçue parmi la plupart des cultivateurs est que peu de jours après avoir quitté sa cellule, la reine sort de la ruche et s'élève dans l'air pour ce qui a été appelé son voyage de noce. Son départ et son retour ont été souvent décrits. On croit même généralement que la reine ne saurait être fertilisée dans la ruche. Le Toronto Globe affirme, au contraire, que la fécondation de la reine dans la ruche a été observée par plusieurs culti- vateurs. M. Malone écrit à ce sujet : « L'année dernière, j'ai eu plusieurs reines fécondées de cette manière. Je faisais d'abord quelques petites ruches en mettant une cellule de reine dans chacune, de manière à pouvoir l'observer à volonté. Aussitôt la reine éclose, je la pris et l'enfermai, avec des travailleuses et du miel, dans une cage ayant 6 pouces sur 8. Deux côtés de cette cage étaient de bois, le reste de toile métallique. Je plaçai cette boîte dans le haut d'une ruche nom- breuse, mais à laquelle j'avais enlevé sa reine. Le cinquième jour après l'éclosion de la reine emprisonnée, je remplaçai les travailleuses de la cage par sept beaux frelons que je laissai avec la reine pendant quarante-huit heures, en ayant soin d'exclure la lumière. Quand je regardais après, j'ai toujours trouvé (une fois exceptée) un frelon mort ayant la partie inférieure de l'abdomen crevée. Pour m'assurer complètement si les reines avaient été fécondées, je les introduisis dans de nouveaux essaims, en ne laissant qu'une toute petite ouverture pour le passage des travailleuses et, toutes ces reines (excepté celle mentionnée plus haut) commencèrent à pondre quelques jours après et donnèrent de charmantes travailleuses italiennes. A ce sujet, le « Field » voudrait voir multiplier les communications des éleveurs (Field, 23 avril 1870). P. V. L'apiculture en Sibérie. Entre 176i et 1770, les enviions de la forteresse d'Oust-Kamiénogorsk furent colonisés par des paysans qui, ayant d'abord vécu en Russie, s'étaient réfugiés en Pologne pour vivre en pays catholique. Lors de la guerre contre ce dernier royaume, les fugitifs furent découverts par les armées russes et déportés au nombre de plusieurs milliers de famille dans la Sibérie méri- dionale, où on les appela les Polonais. Près d'Oust-Kamiénogorsk, ils avaient fondé les deux villages de Bobrofskoïé et de Séhiçofskoïé. En 1776, le médecin en chef des corps de frontières, M. Berens, se trou- CHRONIQUE. 537 vant dans ces villages lors d'une tournée d'inspection, fut sollicité par les habi- tants de leur procurer les moyens de faire de l'apiculture comme dans leur ancienne patrie. La contrée qu'ils habitaient étant remarquable par la ri- chesse de sa végétation, M. Berens appuya leur demande, et en 1777 on envoya, de la Bashkirie, trente ruches pour être distribuées dans ces deux villages. Dès la première année, chaque ruche produisit trois essaims ; mais beaucoup d'Abeilles périrent, parce qu'on avait ôté trop de miel pour le compte du gouvernement qui regardait ces ruches comme sa propriété. En 1792, le colonel Archéniefski étant en garnison à Oust-Kamiéno- gorsk, fit venir d'Orenbourg cinquante ruches, et grâce à un homme expé- rimenté qui s'en occupait, le transport se fit dans de très-bonnes conditions. Le succès fut complet. Après, M. Archéniefski vendit des ruches et en donna pour rien à ceux des paysans pauvres qui avaient déjà quelques notions, d'apiculture. Cette fois-ci les Abeilles prirent pied dans le pays. Peu à peu les ruches se répandirent d'Oust-Kamiénogorsk à la partie méridionale du gouvernement de Tomsk et dans les steppes. Les premières Abeilles furent élevées aux environs de Tomsk et de Kouznietsk. (Voyez le travail de M. Abramof, intitulé : « Oust-Kamiénogorsk, en 1861. » ) Dans la Stanilsade Lepsinsk, les Abeilles furent introduites par les Kasa- ques envoyés de Bisk pour la colonisation des bords de la Lepsa. On peut juger des avantages que l'apiculture offre dans ce pays, par le fait suivant : « LeKasaqtiedans la maison duquel était logé notre chef, avait acheté huit ruches, il y avait quatre ans. -Elles avaient si bien essaimé qu'alors le Kasaque avait près de £00 ruches fournissant 150 pondes (3 000 kil.) de miel par an. En 1865, le poude (20 kil.) de miel coûtait, à la Stanitsa de la Sepsa, 5 roubles d'argent (20 francs) ; le poude de cire, l/i roubles (56 francs). Les achats étaient faits en gros et en détail par des négociants russes, tartares et kirguizes. Le miel étant un des ingrédients les plus recherchés de la cuisine de l'Asie centrale, où il remplace le sucre, le débit dans les steppes en est toujours assuré. Dans le Stanitsa, il y a environ cinq cents maisons de Kasaques ayant chacune son jardin aux Abeilles ; néanmoins la demande du miel a toujours excédé l'offre. Quelque favorahle que soit pour l'apiculture la vallée de la Lepsa, les Abeilles réussissent encore mieux autour des sources du Tentek, un peu à l'est de la première contrée. Les bois y sont remplis de si grandes quan- tités d'Abeilles sauvages, qu'on y va même de la Lepsa, soit pour prendre des essaims, soit pour tailler les rayons. (Extrait des Esquisses Kirguises, de M. Heins.) P. V. Culture des champignons M. William Tillery recommande deux points innovés par lui : 1° Pour les 538 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. caisses, se servir de plaques d'ardoises au lieu de bois, à cause des insectes attiras par ce dernier ; 2° mélanger le blanc de plusieurs provenances, moyen le plus sûr pour n'avoir jamais de mécompte. Dans la manière de for- mer les lits, M. Tillery diffère moins des autres cultivateurs. Il se sert de fumier de cheval mis en tas jusqu'à ce qu'il commence à s'échauffer. A ce moment, il l'étalé et le remue souvent afin de prévenir un surcliauffement. Ce fumier esj mélangé avec un pende terreau pour faire les Jits. Trois jours après, le blanc est mis, et le tout recouvert d'une couche d'un pouce et demi de glaise sableuse tirée d'un champ où les Champignons viennent na- turellement. Le dessus du lit est battu avec un maillet de bois. Les Champi- gnons paraissent trois semaines ou un mois après. Champignons cultivés en plein air (Field, 5 mars 3 870). — M. Gilbert, qui a obtenu de très-beaux résultats en culiivantdes Champignons en plein air, recommande la manière suivante. M. Gilbert est le jardinier du mar- quis d'Exeter. 1° Préparation du fumier. — Il est essentiel de laisser s'en aller la vapeur acre. Mettre en tas le fumier au sortir des écuries et l'arroser avec de l'eau de fumier. Le retourner le troisième jour. Le laisser fermenter pendant trois autres jours, le retourner pour s'en servir. 2° Le lit. — Sur ma base d'un mètre, répandre une première couche de fumier, épaisse de 0m, 15. La longueur du lit dépendra de la quantité de fumier dont on dispose. Le dessus du terreau sec à raison de quatre pelletées par brouette de fumier. Piler le tout à mesure que l'ouvrage avance, jusqu'à ce que la hauteur nécessaire soit atteinte en donnant au lit la coupe ci-contre. Taper le lit partout du dos d'une bêche légère, en ramenant la bêche en bas après chaque coup. Le couvrir immédiatement avec une natte, de ma- nière à exclure absolument la pluie. Ficher un piquet au milieu et un à chaque bout. Sentir la chaleur au moins une fois par jour ; quand on lui trouve la température du lait, le lit peut être ensemencé. 3° Semence. — Casser le blanc en morceaux de la grosseur d'un œuf. Prendre un morceau dans la main droite, soulever la couche de la main gauche en insérant le blanc, de 25 centimètres en 25 centimètres tout le long du lit. Retaper de manière que la surface soit unie et ferme. h° Revêtement. — Presque toutes les terres sont bonnes pour recouvrir la surface du lit. Mettre une couche de Om,0G, rebattre. Si c'est en hiver, au mois d'octobre, recouvrir le tout d'une couche de 0R\15 de paille ou de fumier parfaitement sec, à l'abri de l'humidité. Replanter les piquets pour veiller à ce que la température ne s'élève pas trop ; en ce cas. découvrir, mais exclure l'humidité au moyen de nattes. Ravivement d'un lit de Champignons. — Nous empruntons au Field du 7 mai 1870 le petit article suivant : M. W. P. Ayret, de Noittingham, nous a envoyé une quantité de très-beaux Champignons, tous fermes et plu- sieurs d'une taille exceptionnelle. Nous mentionnons cet envoi comme se CHRONIQUE. 539 reliant à une nouvelle donnée très-importante pour la culture ictes Champi- gnons. Les sujets en question proviennent d'un vieux litqui, étant « épuisé », allait être, dans le cours ordinaire des choses, réincorporé au terrain com- mun du jardin. 11 y a quelques semaines, un des lits dont M. Ayres avait eu de belles récoltes de Champignons commença à être fini comme tous les lits qui ont fait un certain temps. Sachant qu'il n'était pas impossible de raviver de vieilles couches, M. Ayres le fit piler en remplissant tous les insterstices, et en l'arrosant très-abondamment d'une solution très-délayée de sel et de guano, dans de l'eau de fumier. Il en résulte que ce lit se mit à rapporter mieux que jamais auparavant. Il est à remarquer que tout le lit avait été saturé du liquide en question, tandis que d'ordinaire on croit avoir fait assez en aspergeant légèrement la surface du lit. (Field, 11 décembre' 1869.) P. V. Culture des Asperges. ]\ous signalons aux lecteurs du Bulletin une opinion émise à ce sujet, par un cultivateur anglais dans le Field, du 21 mai 1870. « Je ne désire pas entrer en controverse sur cette question avec vos intelligents correspon- dants « Progressa etc. F. W., bien que différant de l'un et de l'autre. J'ai une expérience de trente ans, et je n'hésite pas à dire qu'une fois le lit bien fait (et le procédé de « Progress » est aussi bon que tout autre), le seul engrais nécessaire pour produire de belles Asperges, c'est le sol ; non, comme dit C. F. W., uniquement pour tuer les mauvaises herbes, mais pour nourrir la plante qui est d'une espèce maritime. En automne, quand les fanes sont coupées, faites ratisser le lit légèrement et y entrer, si le jardinier y tient, une couche légère de fumier frais; mais je ne regarde pas ce point comme essentiel. Ce qu'il faut absolument, c'est donner par mètre carré une livre de sel qu'on laisse à la pluie pour être dissous. La moitié de cette dose peut être répétée au commencement du printemps sans que ce soit tout à fait nécessaire. Grâce à cette méthode, le lit produira toujours des Asperges saines, succulentes et de belle apparence, dont on peut manger tout. Le goût en est aussi fin que pur. Surtout évitez l'engrais liquide, au risque d'avoir la plante poussant des tissus imprégnés d'eau de fumier. Chacun a son goût ! J'ai toujours trouvé que le sol employé de cette ma- nière était le meilleur fumier pour les asperges. Ce que la plupart des culti- vateurs, aussi bien que des consommateurs, regardent comme la perfection des Asperges, c'est-à-dire de longues tiges blanches avec une pointe dorée d'un pouce de long et sans aucun goût, ce ne sont pas des Asperges, mais un légume dégradé par une culture mal entendue. Ils ne croiraient pas que le délicieux végétal obtenu par les Espagnols des côtes de la mer, simplement par l'irrigation avec de l'eau salée est la même plante, s'ils l'avaient vu et bhO SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. goûté une seule fois Je me demande s'il est nécessaire du tout de faire des lits réguliers pour la culture des Asperges. Quant au sel, si quelqu'un entretenait encore quelque doute, il suffirait d'en faire l'essai en soumettant un de ses lits au traitement que je viens d'indiquer. C. R. Brecs (Cokhester, 16 mai). Raison est faite à plusieurs points de cet article, par le correspondant C. F. W., dont nous traduisons la réponse sur les raisons qu'il allègue. M. Brce dit que « le seul engrais nécessaire pour avoir de belles Asperges, c'est le sel , non comme dit C. F. W., uniquement pour détruire les mau- vaises herbes ». M. Bree connaît-il l'habitat de l'Asperge? Elle pousse sur les côtes du sud de l'Angleterre, etc.; d'après M. Withering, elle atteint un pied de haut. Il faut en conclure, cerne semble, que lesel, à lui tout seul, ne fait pas tout. De même, M. Bree n'est pas dans le vrai pour ce qu'il dit des Asperges d'Espagne; car les Espagnols engraissent énergiquement, non pas avec de l'eau de fumier, mais avec des vidanges auxquelles ils ont ajouté des feuilles mortes. L'irrigation avec de l'eau salée, comme ils la pratiquent, est nécessaire pour la santé de la plante. C'est pour cela que je recommandais le sel en disant, d'une manière incidente, que les mauvaises herbes seraient détruites. M. Bree n'exclut pas absolument le fumier sec, « si le jardinier y tient », ce qui sera toujours, je crois. Quant aux « tissus imprégnés de fu- mier liquide », je rappelle que les égouts de Londres concourent essentielle- ment à la culture des Fraises aux environs, et que les Céleris demandent à être constamment arrosés d'eau de fumier. Je n'emploie ni le fumier ni aucune espèce d'engrais pendant que les Asperges sont coupées, par cette raison que c'est inutile. Les Asperges (comme la Rhubarbe, les Carottes, les Navets, les Oignons, les Hyacinthes et beaucoup d'autres plantes dont les bulbes ou rhizomes durent plus d'un an) font leurs premières pousses sur les fonds thésaurises l'année précédente dans leurs tiges souterraines. Il faut leur fournir des matériaux au moment de la formation des nouveaux rhi- zomes, c'est-à-dire en automne, après la coupe. Or, un engrais quel qu'il soit ne pouvant agir sans l'intermédiaire de l'eau, il n'y a aucune raison pour proscrire l'eau de fumier. — C. F. W. (Field, h juin 1870). P. V. Le Ramié (nouvelle fibre textile). La culture du Ramié (Urticautilis ou Urticatenacissimade Roxburgh) est reconnue comme devant être une nouvelle source d'industrie et de richesse. Elle se pratique avec succès principalement sous les climats chauds et dans les terres humides. Cette innovation réclame peu de travail et d'avance de fonds. En voici la preuve. Un fermier du Texas écrit: «La plante Ramié a été cultivée, par » moi-même et par d'autres, sur une échelle assez vaste pour que nous » puissions assurer qu'elle supporte bien le climat. Sur mes terres, elle pous- CHRONIQUE. &M » sait à côté du coton ; elle brave la chaleur et la sécheresse aussi bien que » ce dernier. En hiver, le coton périt tout entier par la gelée. Le Ramié ne » périt que dans la partie qui est sortie de terre. Aussitôt que la gelée est » passée, il repousse et survit de même aux gelées suivantes. Quoique » l'hiver ait été rigoureux, les racines du Ramié n'ont pas été le moins du » monde atteintes. Je considère cette plante comme étant d'une grande va- » leur. Si elle n'était bonne qu'à faire des cordages, elle serait déjà une » culture très-avantageuse et peu fatigante. Je ne sais combien d'années » elle peut durer sans être ressemée ; mais cette année est la seconde année » de mes expériences, et le Ramié repousse en qualité et en quantité supé- » rieures à celles de l'année passée. » La culture du Ramié peut se résumer ainsi : Plantez la racine à 1 mètre carré d'espace comme on plante la Pomme de terre ; les premières pousses seront, en deux ou trois mois, assez hautes pour être renfoncées. Marcottez- les et laissez-les faire souche. Si vous voulez propager, faites des boutures avec la seconde pousse; dès que les tiges auront pris corps et quelques pieds de hauteur, chaque bout de cinq à six pouces suffira pour faire un nouveau pied. Lorsque la souche sera assez épaisse pour rapprocher sa voisine, dé- terrez et faites du plan avec les fragments des racines extraites. Si le sol est propice pour la reproduction, cent pieds de terre reproduiront jusqu'à cent mille pieds par an. On commence à le couper dès que les tiges mûrissent, ce qui s'annonce par le changement de couleur des feuilles et parla noircissure de l'écorce. Le Ramié (américain) est une ortie— YUrtica utilis et non VUrtica nivea ou China-Grass. Sa fibre étant contenue dans l'écorce, comme pour le Chanvre, ni les chenilles, ni les insectes rongeurs ne peuvent l'atteindre. Trois récoltes peuvent être coupées et envoyées annuellement sur notre marché, et chaque récolte produira plus par acre anglais qu'une récolte or- dinaire de Coton; dans les États-Unis, le rendement est d'au moins 1500 li- vres (750 kilogr.) de fibre par acre anglais. La fibre textile du Ramié est beaucoup plus forte et plus fine que celle du Coton ; elle donne plus de profit et exige moins de travail ; une fois plantée, elle se propage d'elle-même indéfiniment. Le procédé de l'extraction est très-simple et peu coûteux. La fibre col- lante extraite de la tige dégage sa gomme et ses matières végétales dans un bain de lessive. Puis on passe au blanchiment. Les fibres du Ramié blanchies et peignées sont non-seulement, par leur beauté apparente, mais encore par leurs qualités réelles, très-supérieures à celles du Coton, du Chanvre et du Lin. Leur longueur, leur blancheur, leur luisant, leur finesse et leur résistance, les rendent comparables à la soie. C'est la force inhérente à leurs fibres et leur privilège, non moins précieux, d'être incorruptibles dans l'eau qui a déterminé les peuples orientaux à les employer depuis un temps immémorial à la fabrication de toute'espèce de cordages, lignes et filets de pêche. 542 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Ces fibres textiles peuvent être teintes de toutes les couleurs, fines ou imprimées. De même elles se prêtent à tous les mélanges avec le coton, la la laine et la soie, dans la composition des effets. L'immense consommation de China-Grass qui s? f.iit en Chine, aux Indes, en Angleterre, en Europe et en Amérique est une sûre garantie delà valeur commerciale du Iîamié,quia des mérites et des avantages supérieurs à l'Ortie blanche (Urtica nivea ou China-Grass). M. Horace Capion, commissionner of Agriculture aux États-Unis, a dé- claré dans un discours fait le 17 novembre 1360 devant une assemblée à la foire agricole de l'État de Géorgie, que le Uamié, introduit en 185Zi au Jardin Botanique de Washington, et propagé pendant plusieurs années au Jardin d'expériences du département de l'agriculture, promet de surpasser le Coton en valeur et utilité. Charles F. Dennet. État de l'agriculture en Hongrie. Race boîine hongroise. — Introduction de races étrangères de bétail. — Pisciculture. — Sériciculture. (D'après des documents envoyés par M. le professeur Ladislas de Wagner et no- tamment d'après ses Landwirthschaflliche ZuslUnde in Ungarn, publiés cha- que année dans le Jahrbuch fur œsterr. Landwhihe, de M. le conseiller des domaines A. E. Komers.) Par M. Aug. Delondre. M. le professeur Ladislas de Wagner a déjà donné, dans le Bulletin de la Société impériale zoologique d'acclimation, 2e série, t. V, p. 8, quelques considérations sur l'élevage du bétail en Hongrie. Dans cet article, M. L. de Wagner est entré dans quelques détails sur cette race bovine hongroise , m remarquable par ses longues cornes très- écartées, dont nous avon-i pu observer des spécimens si curieux au con- cours universel agricole de Paris en 1856 et qu'une artiste française, P.osa Bonheur, a si bien représentée clans quelques-unes de ses belles com- positions. M. L. de Wagner, bien connu de nous par ses nombreux écrils sur l'agriculture, avait dû reste fait insérer antérieurement dans le jour- nal, « Hannoversches Land- und forstwirthschaftliches Vereinsblatt, » des 15 et 22 juin 1867, publié à Hildesheim sous la direction de M. Ed. IMichelsen , le savant directeur de l'Ecole d'agriculture d'Hildesheim, un aperçu plein d'intérêt sur la race bovine hongroise, d'après les travaux de M. Ladislas de Korizmics, bien connu par ses publications sur l'agri- culture en Hongrie et spécialement sur la race bovine hongroise, d'après ceux de MM. Illubek, Pabst, etc., etc., et d'après les observations de M. L. de Wagner lui-même. Cette race peut, comme le savent très-bien ceux qui se sont occupés de la question des races bovines, présenter deux variétés, l'une d'un blanc pur et l'autre d'un gris cendré. On retrouve en- CHRONIQUE. 5/|3 core acluellement des types bien caractérisés de ces deux, variétés, pour la race d'un gris cendré dans les grands troupeaux [Guhja) du domaine de KisJeno, propriété de l'archiduc Joseph, dans le comilat d'Arad, et pour la race blanche dans le domaine de Pusta-Kormôsd, propriété du comte Csaky dans le comitat de Bihar. Le comte Csaky fait du reste tous ses efforts pour perfectionner la race hongroise par un choix convenable des reproducteurs, et il est arrivé à améliorer réellement cette race par sélection. Il a pu notam- ment obtenir ainsi un rendement annuel de lait plus considérable. La race hongroise fournit du reste un certain contingent à l'approvisionnement de nos marchés, et, en 1868, 10 000 tètes de race bovine hongroise ont été exportées de la Hongrie vers Paris. Peut-être la sécheresse de cette année (1870), en nous piivant de fourrages, nous forcera-t-elle à avoir, en 1871, plus largement recours à cette ressource pour notre alimentation. Peut-être, dans un avenir très-prochain, la Hongrie, si privilégiée cette année sous le rapport des conditions atmosphériques, aura-t-elle à nous fournir encore d'autres produits agricoles et notamment des fourrages dont nous man- quons. Pour améliorer la race, hongroise, on a essayé quelques croisements avec les races de Lavaulhal, de Hollande et d'Ayr, mais sans obtenir jusqu'ici des résultats sérieux. Quant à l'introduction et à l'élevage des races étrangères, notamment des races de Suisse, de Hollande et d'Angleterre (races d'Ayr, Shorthorn, etc.), elle a été couronnée de succès. La race hollandaise paraît surtout se com- porter sous le climat de la Hongrie aussi bien que sous son climat natal. Il existe en Hongrie, et notamment chez l'archiduc Albrecht, le comte Brunswick, le comte Carolyi, le baron Sina, etc., etc., des bêtes bovines de race suisse, qui proviennent de la reproduction de la race en Hongrie pen- dant cinq générations successives. La race d'Algau paraît surtout se com- porter en Hongrie comme une race bonne laitière, et son élevage prend par celte raison chaque année une extension bien plus grande. M. Moritz de Blaskowics, inspecteur domainial, a même acheté récemment, pour le domaine de l'archiduc Albrecht, à Altenbourg, un petit troupeau de bêtes bovines de pure race d'Algau. En ce qui concerne !a race ovine, nous rappellerons les tentatives d'amé- lioration des bêtes ovines hongroises par le croisement avec les Mérinos et surtout par le croisement avec les Negrctli. M. L. de Wagner a déjà men- tionné dans le Bulletin, 2e série, t. V, p. 8, les résultats obtenus au moyen de ce dernier croisement par M. Geist, en opérant sur des animaux de choix. Parmi les mesures les plus récentes concernant la race ovine, nous de- vons surtout mentionner la création d'une bergerie modèle sur le domaine royal de Godollô : le troupeau type qui y a été installé, provenait des berge- ries du comte Hunyady. Quant à la race caprine, nous citerons les tentatives d'introduction de la bhh SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. race d'Angora en Hongrie faites par M. le professeur L. de Wagner, bien que, jusqu'ici, elles ne nous paraissent pas avoir donné de résultats. La race porcine tend à prendre beaucoup de développement, et si elle ne s'améliore pas, elle conserve du moins dans un grand état de pureté les caractères des races originaires du pays, la race Mangalicza et la race Szaloîita. Nous avons pu voir ces deux races au concours universel agri- cole de Paris en 1856. La culture du Tabac fait de grands progrès et prend un grand développe- ment : depuis 1851, elle paraît presque avoir quintuplé; elle constitue un objet d'exportation. La régie française fait annuellement des achats assez importants de Tabac hongrois. La production du vin. qui est déjà une des richesses de la Hongrie, paraît tendre aussi à augmenter; toutefois le traitement du vin dans les chais et dans les caves nécessiterait des amélioralions sérieuses. La pisciculture et la sériciculture paraissent avoir surtout fixé en Hongrie, à une époque récente, l'attention du Ministère de l'agriculture et du com- merce ; des prix ont été fondés : aucun succès bien sérieux n'a été le ré- sultat de ces encouragements, ni en pisciculture ni en sériciculture; en ce qui concerne la sériciculture, la seule mesure réalisée a été la plantation d'un grand nombre de Mûriers. Il ne serait pas juste toutefois d'omettre de signaler ici les efforts faits par la Société industrielle de sériciculture de Gross-Zinkendorf, qui ont été encouragés par un prix à l'Exposition d'a- griculture et de sylviculture de Vienne en 1866. Nous ne douions pas du reste que, sous l'influence des encouragements d'un gouvernement à la tête duquel nous voyons des hommes aussi éminents et aussi dévoués aux progrès des sciences dans leur pays que le premier ministre en Hongrie, M. Jules d'Andrassy, et l'ancien ministre de l'agricul- ture et du commerce, M. Etienne de Gorové, aussi bien que le ministre acluel, M. de Szlavy, des résultats réels soient ultérieurement obtenus. Nous avons du reste d'autant plus de tendance à persister dans notre opinion que nous connaissons l'esprit d'initiative des professeurs qui président à l'enseignement de cette école supérieure d'Ungarisch-Altenburg qui est à la tête de l'enseignement agricole de la Hongrie, et que nous savons que, dans un grand nombre d'écoles primaires (Volksschulen) et d'écoles normales primaires (Lehrerbildungsschuler, Lehrerseminare, Lehrer Gymnasien, Lelirerprœparandien) de l'Empire austro-hongrois, la sériciculture fait partie du programme des études. I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ (1). CHASSE DES OISEAUX DE PASSAGE, RAPPORT FAIT, AU NOM DE LA SECTION DES OISEAUX, SIR UN PROJET DE PROTECTION INTERNATIONALE DES OISEAUX DE PASSAGE, Par M. C. MILLET, rapporteur. Les observations faites depuis un grand nombre d'années sur le régime alimentaire des oiseaux de nos climats ont per- mis de constater que la plupart de ces oiseaux se nourrissent d'insectes et autres petits animaux nuisibles aux cultures de toute nature. Par l'examen attentif des débris trouvés dans leur estomac, on a pu déterminer expérimentalement, pour cbaque caté- gorie d'oiseaux, non-seulement la proportion dans laquelle ces oiseaux se nourrissent d'insectes et autres animaux nui- sibles, mais aussi les espèces qu'ils recherchent et détruisent particulièrement, et par suite les cultures qu'ils protègent contre leurs ennemis naturels. Les études entreprises à cet égard, pendant une longue période d'années, en France, par un naturaliste distingué, M. FI. Prévost, dont nous regrettons tous la perte, et celles faites et poursuivies sans relâche depuis une trentaine d'années par votre rapporteur dans les diverses régions de l'Europe, établissent d'une manière incontestable que la plupart des oiseaux sont, pour l'agriculture en général, d'utiles et puis- sants alliés. On ne saurait donctrop se préoccuper de leur conservation. Les oiseaux qu'on trouve en France se divisent en deux grandes catégories : I. — Oiseaux sédentaires ou indigènes. — Ce sont ceux qui restent toute l'année dans nos climats : quelques espèces (1) La Société ne prend sons sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletin. 2e série, t. VIL — Septembre-Octobre 1870. 35 546 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. seulement sont sédentaires ; toutes les autres sont erratiques, en ce sens que, sans quitter la France, elles vont et viennent de la montagne à la plaine ou d'une région à l'autre. IL — Oiseaux migrateurs ou de passage. — Ce sont ceux qui ne viennent en France qu'accidentellement ou temporai- rement. Les uns ne font que traverser notre pays, ce sonl les oiseaux de passage proprement dits; les autres habitent la France pendant une partie de l'année, ce sont les oiseaux migrateurs. Parmi ces derniers, les uns arrivent à l'automne et partent au printemps ; les autres, et c'est le plus grand nombre, arrivent au printemps, nichent en France, et partent à l'automne. La loi du 3 mai 18 \l\ sur la chasse comprend, sous la désignation générale d'oiseaux de passage, tous les oiseaux qui ne sont pas sédentaires. Dans la séance du 16 juin 1865, votre rapporteur a eu l'honneur de soumettre à la Société diverses observations sur les ravages causés par les insectes et sur la nécessité de pro- téger leurs ennemis naturels ; à cette occasion, il a exposé un plan d'études relatif à la migration des oiseaux utiles, en deman- dant le concours de nos confrères qui, répartis dans les divers départements de la France et dans les régions parcourues ou habitées par les migrateurs, pourraient fournir de précieux renseignements. Plus tard, à la séance du 20 avril 1866, ce plan d'études a été développé dans une note qui est insérée dans le tome III, n° 6, juin 1866, pages 272 à 282. Cette note contient le passage suivant : a Les observations que j'ai faites et les renseignements nom- breux que j'ai recueillis m'ont confirmé dans l'opinion quej'ai déjà émise, à savoir, que la protection des oiseaux insectivores ne doit pas être limitée à une seule contrée, et que, pour arri- ver à des résultats utiles et pratiques, il est indispensable d'étendre les études que j'ai entreprises, non-seulement sur toute la France, mais aussi sur tous les pays limitrophes et les contrées fréquentées par les migrateurs (1). Ces études (1) Cette; opinion est aussi celle de nos confrères MM. Turrel et A. dette de Palluel CHASSE DES OISEAUX DE PASSAGE. 5^7 permettront ensuite de déduire avec certitude la marche et les règles à suivre pour établir les bases d'une protection inter- nationale. » Pour préciser nettement la nature des renseignements à fournir, on a joint à celte note un questionnaire qui a été adopté par une commission spéciale, composée de MM. le baron Larrey, comte de Sinéty, Florent Prévost, Geoffroy Saint-IIilaire, el Millet, rapporteur . Cette note, avec le questionnaire qui l'accompagne, a été l'objet d'un tirage a part dont les exemplaires ont été dis- tribués à un grand nombre de personnes, avec prière d'adresser les renseignements, au fur et a mesure qu'ils se produiraient, à M. le Président de la Société. Cet appel fait au bon vouloir des observateurs est resté presque sans effet ; mais votre rapporteur a pu obtenir quel- ques renseignements utiles en s'adressant directement aux personnes qu'il supposait disposées à nous venir en aide. Il a pu ainsi compléter, dans ces dernières années, les nombreuses observations qu'il avait faites personnellement, soit dans les divers départements de la France, soit dans les pays limitro- phes ; il a, d'ailleurs, trouvé de précieux documents dans les faunes relatives à quelques départements ; et, à ce sujet, la Société apprendra avec plaisir que l'un de ses membres les plus distingués, M. le comte de Sinéty, a publié en 1855 une excellente notice pour servir à la faune de Seine-et-Marne, notice qui renferme de nombreuses observations sur la mi- gration des oiseaux. On ne peut que désirer de voir bon nom- bre de nos confrères qui habitent, une partie de l'année, de vastes et beaux domaines, utiliser les loisirs de la villégiature en se livrant à des travaux de cette nature. A l'étranger, on n'est pas resté indifférent au projet d'une protection internationale. On en trouve la preuve dans les pro- positions faites aux congrès des sociétés protectrices des animaux réunis, à Paris et à Zurich, en 1867 et 1869 et notamment dans une note du gouvernement prussien, qui a été renvoyée à l'examen de la Section des oiseaux. Voici cette note : 548 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. « Depuis longtemps le gouvernement prussien s'est occupé » des ravages que les insectes nuisibles exercent sur la cul- » ture des champs, des jardins et des forêts. Des recherches » scientifiques ont constaté que la multiplication de ces in- » sectes est due surtout à la persécution et à l'extermination » de certains animaux qui sont leurs ennemis. » En 1860, les gouvernements des Cercles ont reçu l'ordre » d'interdire, sous peine d'amende, la vente ou la destruction » de plusieurs classes d'oiseaux et de leurs nids. En même » temps le gouvernement a ordonné, dans les écoles de vil- » lage, des cours d'enseignement relativement à ces animaux » utiles. » Ces précautions ont été efficaces pour les oiseaux com- » plétement indigènes ; mais il n'en est pas de même pour les » oiseaux qui voyagent. Ces derniers, pendant leur séjour » d'hiver dans les pays méridionaux de l'Europe, n'y sont pas d suffisamment protégés. » Des savants très-compétents ont donc proposé, dans ces » derniers temps, la conclusion de conventions internationales, » qui, seules, pourraient atteindre le hut désiré. Le vingt- » sixième congrès des agriculteurs et forestiers allemands, » tenu le 24 décembre 1866, s'est rallié à cette opinion, et » s'est adressé aux gouvernements allemands pour solliciter » la conclusion de traités entre eux et les gouvernements » étrangers, notamment ceux de la France, de l'Autriche, de » la Suisse, de l'Espagne, du Portugal, de l'Italie et de la » Grèce. Les conventions pourraient stipuler que les gouver- » nements s'engagent à prendre des mesures, soit par la voie » législative, soit par la voie de simples arrêtés de police, pour » que la capture, l'extermination et le commerce des animaux » dont les principaux se trouvent désignés dans la liste sui- » vante, fussent défendus sous peine d'amende. » (Annexe A.) En France, les oiseaux sont protégés par la loi du 3 mai 18 hh relative à la chasse. Nous aurons toutefois à examiner si les dispositions qu'elle renferme sont suffisantes pour protéger les oiseaux. Celte loi, il faut bien le reconnaître, fut conçue dans Fin- CHÂSSE DES OISEAUX DE PASSAGE. 549 térêt des chasseurs bien plus que dans celui des agriculteurs. Ce qu'on voulait, c'était de conserver le gibier proprement dit: Faisans, Perdrix et Cailles. Quant aux petits oiseaux que dédaigne le chasseur, le texte et la discussion de la loi témoignent assez qu'on était peu frappé alors du rôle important que leur a réservé la Providence dans l'harmonie générale de la création. Cette préoccupation du législateur se révèle dans un grand nombre de dispositions, notamment dans celles des articles h et 11 (Bonjean, rapport au Sénat, 1861). Le premier défend de prendre ou de détruire les œufs et les couvées ; le second prononce, pour ce fait, la peine de 16 à 100 fr. d'amende (1). Mais de quels œufs et de quelles couvées parle la loi? Uni- quement et exclusivement des œufs et couvées de Faisans, Perdrix et Cailles ; ceux de toutes les autres espèces d'oiseaux sont abandonnés à la discrétion des maraudeurs et à l'activité destructive des petits vagabonds de nos villages ! Et cependant enlever ou détruire, soit les nids, soit les couvées des bonnes espèces , c'est entraver leur propaga- tion et leur multiplication; c'est même quelquefois faire déserter ces espèces des contrées ou des cantons qu'elles fré- quentaient habituellement. Il conviendait, par conséquent, d'étendre la défense et la peine aux espèces d'oiseaux réellement utiles. Il y a bien, il est vrai, dans l'article 9, un paragraphe qui permet aux préfets de prendre des arrêtés pour prévenir la destruction des oiseaux (2) ; et l'article 11, 3°, prononce l'amende de 16 à 100 francs contre les contrevenants. (1) Art. h : «H est interdit de prendre ou de détruire, sur le terrain d'au- triii, des œufs et des couvées de Faisans, de Perdrix ou de Cailles. » Art. 11 : « Seront punis d'une amende de 16 à 100 francs : 1° 2° ; 3° ceux qui auront contrevenu aux arrêtés des préfets concer- nant la destruction des oiseaux, etc....; l\° ceux qui auront pris ou détruit, sur le terrain d'aulrui, des œufs ou couvées de Faisans, de Perdrix ou de Cailles. » (l2) Art. 9: « Les préfets pourront prendre des arrêtés pour prévenir a destruction des oiseaux. » 550 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. 11 est manifeste qu'avec les termes élastiques d'une telle clé- légation, les préfets pourraient empêcher beaucoup de mal ; mais, surchargés par des soins divers, craignant d'ailleurs de heurter les préjugés et les habitudes de certaines populations, ces fonctionnaires n'ont, à part de rares exceptions, usé que fort imparfaitement du droit que leur confère la loi. L'article 9 porte, en son paragraphe 3, que les préfets, sur l'avis des conseils généraux, prendront des arrêtés pour déterminer l'époque de la chasse des oiseaux de passage autres que la Caille, et les modes et procédés de cette chasse. Cette disposition a des conséquences désastreuses. En effet, ces arrêtés sont obligatoires pour les préfets, en ce sens qu'ils ne peuvent se dispenser de les rendre ; la loi ne dit pas les préfets pourront prendre des arrêtés, elle dit ils pren- dront. Or, les oiseaux de passage, notamment les migrateurs, comprennent un très-grand nombre d'espèces d'oiseaux émi- nemment utiles à l'agriculture, parce qu'ils sont, sinon exclu- sivement, du moins essentiellement insectivores : on en compte plus de 60 espèces. Et, d'autre part, du moment qu'un arrêté est rendu, l'au- torisation s'applique à toutes les espèces des oiseaux de cette catégorie, lors même que l'arrêté en aurait limité le nombre. Il résulte, en effet, de la jurisprudence de la Cour de cassa- tion (arrêt du 2:2 février 1868, affaire Broussac) que les droits des préfets sont restreints, à cet égard, par les termes mêmes de la disposition de l'article 9, aux seuls objets qu'elle pré- voit, à savoir : l'époque et les modes et procédés de cette chasse, et qu'ils ne peuvent s'étendre jusqu'à la détermination des diverses e>pèces d'oiseaux de passage sur lesquels elle pourrait s'exercer; qu'il suit de là que les préfets ne peuvent, après avoir fixé l'époque et les modes et procédés de la chasse des oiseaux de passage, déterminer limitativement les espèces sur lesquelles cette chasse pourra s'exercer, sans excéder les limites de la délégation législative résultant pour eux du § 3 de l'article 9. La destruction des oiseaux de passage est encore favorisée par une autre disposition de l'article 9, d'après laquelle les CHASSE DES OISEAUX DE PASSAGE. 551 préfets prendront, sur l'avis des conseils généraux, des ar- rêtés pour déterminer le temps pendant lequel il sera permis de chasser le gibier d'eau, dans les marais, sur les étangs, fleuves et rivières. Dans la plupart des départements, en effet, la chasse des oiseaux aquatiques est permise en tout temps. Or, parmi ces espèces, on en compte plusieurs, telles que lîousseroles et Fauvettes de roseaux, qui sont des oiseaux de passage et de puissants destructeurs d'insectes nuisibles. Par conséquent, dans l'état actuel des choses, la loi elle- même prescrit la destruction d'auxiliaires très-utiles à l'agri- culture. Il y a donc opportunité et urgence à modifier l'article 9 de cetle loi dans le but d'interdire la chasse des oiseaux de passage. Toutefois cette interdiction ne devra pas être absolue, parce que cette catégorie d'oiseaux comprend des espèces qui ont un emploi utile comme produits alimentaires, et qui ne sont pas toujours les auxiliaires de l'agriculture : tels sont les Canards, les Grives, les Bécasses et Bécassines, etc.. Les oiseaux sédentaires ou indigènes, c'est-à-dire ceux qui ne quittent pas la France, restent sous la protection de la loi générale ; ils ne peuvent être chassés qu'à tir ou à courre, et tout arrêté préfectoral qui autoriserait à leur égard un autre mode de chasse, avec filets ou engins quelconques, serait entaché d'illégalité et d'excès de pouvoir, car ce droit n'est accordé aux préfets que pour les oiseaux de passage et contre eux seulement. Les préfets peuvent prendre des arrêtés pour prévenir leur destruction, et par conséquent en interdire complètement la chasse, mais ces arrêtés sont purement facultatifs. Ainsi, d'une part, destruction obligatoire des oiseaux de passage, c'esf-à-dire des espèces les plus utiles; et, d'autre part, conservation facultative des oiseaux sédentaires, c'est-à- dire des espèces généralement moins utiles que les premières. Voilà les conséquences de l'article 9. Cet article contient encore une autre disposition qui peut avoir les plus funestes résultats. 552 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. En effet, les arrêtés interdisant la chasse en temps de neige sont purement facultatifs (1). Or, tout le monde sait que, lorsque le sol est couvert de neige, les oiseaux, engourdis par le froid ou privés de nour- riture, ne peuvent échapper auxpoursuites du chasseur même le plus inexpérimenté, et que leur destruction prend de grandes proportions parce qu'ils se rassemblent alors en troupes ou bandes souvent très-nombreuses sur un même point. 11 y aurait lieu, par conséquent, de modifier l'article 9, en ce sens que la chasse des oiseaux utiles serait formellement interdite pendant les temps de neige. On a vu précédemment que les oiseaux de passage ou mi- grateurs sont moins favorisés que les oiseaux de pays ou sédentaires. La distinction établie par la loi s'explique par cette cir- constance que la conservation des oiseaux de passage en France ne tournerait, en grande partie, qu'au profit des pays étrangers ; c'est du moins l'argument que font valoir, encore aujourd'hui, les partisans de la chasse de ces oiseaux. Mais on oublie, dans cette circonstance, que la chasse est d'autant plus destructive qu'elle s'exerce sur une plus grande étendue de terrain et par un plus grand nombre de chasseurs ; que, par conséquent, la chasse des oiseaux exercée à la fois en France et dans les pays limitrophes sera plus désastreuse que si elle n'avait lieu que dans ces derniers pays. Toutefois l'inégalité de protection établie par la loi fran- çaise n'aurait plus sa raison d'être, et les services rendus par les oiseaux seraient beaucoup plus efficaces, si la conservation des espèces utiles à l'agriculture était consacrée par une loi qui serait simultanément mise en vigueur en France et dans les pays limitrophes. Il suffirait, pour atteindre ce but bien désirable, d'une convention internationale. Dans le congrès international des Sociétés protectrices des animaux réuni à Paris en août 1867, cette importante ques- tion a été mise à l'ordre du jour dans les termes suivants : (1) Art. 9 : « Les préfets pourront prendre des arrêtés pour interdire la chasse pendant les temps de neige. » CHASSE DES OISEAUX DE PASSAGE. 553 « Quelles sont les mesures internationales a proposer pour )) empêcher la destruction des oiseaux de passage? » Les longs et intéressants débats qui se sont produits sur d'autres questions non moins importantes pendantles séances de ce congrès, dont la durée n'a été que de quatre jours, n'ont pas permis de formuler d'une manière précise les disposi- tions législatives qui pouvaient être proposées. La question a été portée de nouveau devant le congrès de Zurich en 1868. Votre Section des oiseaux a adopté, parmi les dispositions proposées, celles qui lui ont paru les plus propres à atteindre, d'une manière efficace et pratique, le but que l'on a en vue. PROJET DE DISPOSITIONS LÉGISLATIVES. Article 1er. — Sont interdits la capture, la destruction, la mise en vente, la vente, l'achat, le transport, le colportage, l'exportation et l'importation, soit des oiseaux désignés sur le tableau annexé à la présente loi, soit de leurs nids ou de leurs œufs. Article 2. — Sont également interdits la fabrication, la mise en vente, l'achat, le transport, le colportage, la posses- sion, l'emploi de pièges, engins et appeaux quelconques, servant à attirer ou à capturer les oiseaux désignés ci- dessus. Article 3. — La recherche des oiseaux, des nids, des œufs, des pièges, engins et appeaux pourra être faite à domicile chez les marchands et dans les lieux ouverts au public. Article h. — Les peines prononcées par les articles 11, 12, 13 et lh de la loi du 3 mai 1844 sur la chasse seront appli- quées en cas de contravention aux dispositions qui précèdent. Article 5. — Des décrets détermineront les gratifications qui seront accordées aux rédacteurs des procès-verbaux ayant pour objet de constater les délits et contraventions prévus par la présente loi. Article (3. — L'administration pourra donner exceptionnel- lement et temporairement l'autorisation de chasser et de 554 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. transporter des oiseaux, de prendre et de transporter des nids et des œufs d'oiseaux qui seraient destinés à des établisse- ments publics, à des éludes d'histoire naturelle ou à des essais d'acclimatation. Votre Section des oiseaux pense que ces dispositions pour- raient être comprises dans une révision générale de la loi du 3 mai lSkh sur la chasse, ou être l'objet d'une loi spéciale. L'importance des articles 1, 2 et 3 n'échappera à personne. Le principe qu'ils établissent ne constitue pas une innovation dans la législation, car la loi du 31 mai 18(55, relative à la pêche, contient ces mêmes dispositions qui ont paru être la seule garantie efficace contre les abus qu'il s'agit de répri- mer. Ce principe est, d'ailleurs, emprunté à la loi de lShh sur la chasse. La liberté illimitée de vendre et d'acheter des oiseaux est assurément le stimulant le plus actif de leur destruction; aussi a-t-on toujours considéré que.fl'un des meilleurs moyens de protéger le gibier était d'empêcher les braconniers de tirer profit, en temps prohibé, du gibier qu'ils prennent ou qu'ils tuent. L'interdiction de l'achat et du transport est une consé- quence logique du principe de l'interdiction de la chasse et de la vente, et l'interdiction du transport, en particulier, est un des moyens les plus efficaces de prévenir ou d'entraver la fraude. On fera remarquer à cet égard que, dans l'état actuel des choses, il y a de fàchemes et regrettables contradictions. On ne s'explique pas, en effet, que l'on puisse mettre en vente et colporter des oiseaux et des engins dont la capture et l'u- sage sont prohibés par les arrêtés préfectoraux. C'est comme si le Code pénal, en punissant le vol, autorisait la complicité et le recel. D'ailleurs il est souvent difficile d'atteindre les braconniers dans les champs, dans les bois, surtout pendant la nuit ; il est au contraire beaucoup plus facile de constater la. mise en vente et le transport. Ces dispositions ont paru à votre Section suffisantes pour CHASSE DES OISEAUX DE PASSAGE. 555 atteindre le but que l'on a en vue, à savoir, la conservation des oiseaux de passage réellement utiles. Elle s'est demandé, toutefois, s'il ne conviendrait pas de les compléter par une mesure adoptée chez quelques-uns de nos voisins. En Allemagne, et particulièrement en Prusse, on a frappé d'un impôt assez fort les Rossignols en cage. Dans le congrès des Sociétés protectrices des animaux, tenu à Taris en 1867, cette question a été vivement discutée. On a fait observer que l'établissement d'un impôt sur les oiseaux en cage serait une chose impraticable; que l'on avait pu im- poser les Chevaux et les Chiens, parce que ces animaux sont évidemment connus du voisinage, et que leur existence dans une maison a forcément de la notoriété, mais qu'il n'en saurait être de même pour les oiseaux tenus en captivité clans les appartements. On a ajouté que l'établissement d'un im- pôt sur un objet pareil impliquerait l'exercice d'une inquisi- tion générale insupportable. Ces objections n'ont pas paru fondées, car l'impôt des oiseaux ne serait ni plus difficile, ni plus gênant à appli- quer que celui des Chiens ; il suffirait de suivre, à cet égard, le mode usité en Prusse. On fera, d'ailleurs, remarquer que nos oiseaux d'Europe ne sont habituellement élevés en cage que pour la beauté de leur chant. Or, les oiseaux de passage, qui sont d'actifs insectivores, sont en général d'ardents et forts chanteurs qui se font entendre de très-loin: tels sont les Rossignols et les Fauvettes. Leur possession ou leur présence est dès lors beaucoup plus facile à constater que celle d'un Chien, qui reste souvent très-silencieux dans une écurie, une basse-cour ou un chenil, ou qui est devenu le favori d'un salon ou d'un boudoir. A ces divers points de vue, l'établissement d'un impôt sur les oiseaux tenus en captivité par les particuliers qui n'en font pas commerce, ne paraît devoir présenter aucune difficulté matérielle. Cette mesure, toutefois, pourrait peut-être paraître bien rigoureuse cà l'égard de personnes peu aisées et d'ou- vriers en chambre, qui n'ont souvent d'autre compagnie, d'au- tre distraction qu'un oiseau qu'ils ont élevé et qu'ils soignen 556 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. avec la plus tendre sollicitude. La charge d'un impôt équivau- drait pour eux à une interdiction, et les priverait de ce simple et modeste plaisir qui fait souvent leur unique distraction. Mais ce plaisir, cette distraction, ils peuvent se les procurer avec des espèces d'oiseaux autres que celles dont la conserva- tion est d'utilité publique. D'ailleurs, l'impôt qui frapperait les oiseaux en cage, tels que Rossignols et Fauvettes, serait implicitement un encoura- gement à la capture de ces oiseaux. Il n'y a donc pas lieu de suivre, à cet égard, les usages de l'Allemagne. RÉSOLUTIONS. La Section des oiseaux, Considérant que, parmi les oiseaux voyageurs ou migra- teurs, désignés généralement sous le nom $ oiseaux de passage, on compte plusieurs espèces qui sont les plus puissants auxi- liaires de l'homme pour la destruction des insectes et autres petits animaux nuisibles ; que la loi du 3 mai lb/i/i sur la chasse renferme des dispositions peu compatibles avec la con- servation de ces précieuses espèces ; Émet le vœu : 1° Que les oiseaux de passage dont la nomenclature fait l'objet de l'annexe soient l'objet d'une protection efficace ; qu'à cet effet, la loi du 3 mai 18/iû soit, le plus prompte- ment possible, revisée dans le sens de la conservation de ces précieuses espèces, et qu'à l'avenir les préfets ne soient plus investis du droit de prendre des arrêtés pour en autoriser la destruction ; 2° Que le gouvernement français fasse, auprès des Etats intéressés, les diligences nécessaires pour que les dispositions qui seraient adoptées en France soient mises en vigueur dans ces divers États, et constituent ainsi un code de protection internationale. Telles sont, Messieurs, les résolutions prises par votre deuxième Section. La chasse des oiseaux de passage donne lieu, depuis long- CHASSE DES OISEAUX DE PASSAGE. 557 temps, à des abus qui ont provoqué de vives et nombreuses réclamations. Ces abus ont môme été signalés dans des péti- tions adressées. au Sénat et renvoyées par lui au Gouverne- ment. Préserver les oiseaux d'une destruction qui fait, chaque an- née, d'inquiétants progrès, protéger les cultures de toute nature contre leurs ennemis naturels, tels sont les motifs prin- cipaux qui ont dicté les dispositions du projet élaboré par la deuxième Section. Mais ce grave intérêt n'est pas le seul qui y trouve des ga- ranties : la répression des délits de chasse d'oiseaux aura pour résullat de faire perdre à une classe assez nombreuse de bracon- niers des habitudes d'oisiveté et de désordre qui conduisent à des délits de tout genre, et trop souvent même à des crimes. Exécutée avec sagesse, avec fermeté, la loi dont nous avons préparé le projet sera un bienfait pour notre pays et pour ceux qui l'adopteront. Aussi nous le soumettons avec confiance à votre approbation. On objectera peut-être que les vœux que nous émettons seront complètement stériles. A cette objection nous pouvons opposer ce qui s'est pro- duit, relativement à la loi nouvelle sur la pêche fluviale, pour la propagation du poisson. Dans deux rapports faits à la Société d'acclimatation, les 28 mars 1856 et 21 avril 1865, votre rapporteur insistait sur l'opportunité d'établir, dans nos cours d'eau : 1° des pas- sages destinés à assurer la libre circulation du poisson, et 2° des réserves destinées à la reproduction du poisson. Ces vœux ont été entendus, car la loi du 31 mai 1865 a prescrit l'établissement de ces passages et de ces réserves. On peut donc espérer qu'à l'égard de la protection et de la conservation des oiseaux utiles, un vœu nettement exprimé et fortement motivé par la Société d'acclimatation sera, dans un avenir plus ou moins éloigné, pris en sérieuse considération par le Gouvernement. Pour atteindre plus sûrement ce but, la Section des oiseaux a l'honneur de vous proposer de faire un tirage à part du 558 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d' ACCLIMATATION. présent rapport, et d'en envoyer des exemplaires aux prési- dents du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d'État, au Ministre de l'intérieur, au Ministre de l'agriculture et du com- merce, aux préfets des départements, aux présidents des Conseils généraux et des Chambres consultatives d'agriculture, ainsi qu'aux Sociétés d'agriculture les plus importantes. Il ne suffît pas, en effet, de prendre de bonnes résolutions, il faut aussi aviser aux moyens de les mettre en pratique. Votre Section ne doute pas que ce but si désirable ne soit promptement atteint, quand l'expression de nos vœux aura pour organe notre illustre et dévoué Président. Le projet de dispositions législatives et les conclusions du rapport ont été adoptées en séance générale, le 10 juin 1870. Annexe A. LISTE DE LA PRUSSE. NOMS FRANÇAIS CORRESPONDANTS. 1. Lusciola luscinia Rossignol ordinaire. 2. — Philomela. — Progné. 3. Sylvia cujusque generis Fauvettes. h. Ficedula cujusque generis Pouillols. 5. Saxicola Traquels. 6. Muscicapa cujusque generis Gobe-mouches. 7. Motacilla Hoche-queue. 8. Lusciola suecica Gorge-bleue suédoise. 9. — rubecula Rouge gorge. 10. — phœnicurus tithys Rouge queue tithys. 11. Troglodytes parvulus . . Troglodyte. 12. Alauda cujusque generis Alouettes. 13. Parus Mésanges. 14. Fringilla Fringilles. 15. Picus Pics. 16. Cuculus canorus Coucou chanteur. 17. Yunx torquiila Torcol vulgaire. 18. Certhia farailiaris Grimpereau familier. 19. Upupa epops Huppe vulgaire. 20. Hirundo Hirondelles. 21. Sturnus vulgaris Étourneau vulgaire. 22. Turdus merula Merle. 23. Regulus cristatus Roitelet huppé. CHASSE DES OISEAUX DE PASSAGE. 559 LISTE DE LA PRUSSE. NOMS FRANÇAIS CORRESPONDANTS. 2/i. Pyrrhula rubicilla Bouvreuil. 25. Goracias garrula Rollieï ordinaire. 2(j. Corvus monedula Corbeau choucas. 27. Alcedo ispida Martin -pêcheur vulgaire. 28. Vauellus erislatus Vanneau huppé. 29. Leslris et Larus Labbes et Goélands. 30. Corvus frugilegus Corbeau freux. 31. yEgolius et Surnia Nyctale et Surnie. 32. Buleo Buse. 33. Falco tinnunculus Faucon cresserelle. Considérés comme inoins importants. 1 . Anlhus Pipis. 2. Emberyza Bruants. 3. Fringilla cannabina Linotte vulgaire. lx. — spinus Tarin ordinaire. 5. — canluelis Chardonneret. 6. Lanius minor Pie-grièche à poitrine rose. 7. — collurio — écorcheur. 8. Coccolhraustes vulgaris Gros-bec vulgaire. Nota. — Cette liste comprend des oiseaux qui sont sédentaires ou indi- gènes, et dont il n'y a pas lieu, par conséquent, de s'occuper dans un projet de protection internationale v INDUSTRIE DES PEAUX DE PHOQUES A PROFOS DES PHOQUES ENTRETENUS AU JARDIN D'ACCLIMATATION DE PARIS, Par M. Ernest HÉK11TE. En visitant dernièrement le Jardin d'acclimatation, qui de- vient chaque jour un centre plus précieux d'instruction et d'agrément, je me demandais, à propos des Phoques entrete- nus dans le grand bassin de cet établissement et qui commen- cent déjà, paraît-il, à se civiliser au point de rechercher la volaille, quelle action leur éducation en vie privée, et surtout dans l'eau douce, et, qui sait, peut-être aussi quelque nour- riture distinguée appropriée à leur goût actuel, exerceraient sur la nature et le mérite de leurs peau et poil? Cette ques- tion, qui n'est pas oiseuse, comme je vais l'expliquer, m'a été inspirée par l'étude que j'ai faite au cap de Bonne-Espérance, où je viens de passer près de cinq ans, des Phoques, de leur pêche et de la préparation de leur dépouille. Assurément, peu de personnes savent que cette jolie four- rure à poils courts, soyeux, et brunâtres, qui est de plus en plus adoptée pour les manteaux de luxe des dames, qui sert à border et à ornementer leurs paletots et jaquettes, que l'on emploie aussi pour confectionner des gilets et casquettes d'homme, pour recouvrir des boîtes, des bourses, des blagues à tabac, etc., est, non pas de la peau de Loutre, comme on le croit et l'énonce généralement, mais de la peau de Phoque. Seulement, il faut distinguer, il y a Phoques et Phoques, c'est-à-dire il y a des Phoques qui vivent dans les latitudes froides, dont les eaux âpres et rudes donnent aux animaux une peau épaisse et un poil dur, sec, terne et rugueux ; et il y a des Phoques des régions chaudes, où les animaux, n'ayant pas besoin d'être protégés contre la rigueur de la tempéra- ture, passant au contraire une grande partie de leur temps au INDUSTRIE DES PEAUX DE PHOQUES. 561 soleil et sur des sables chauds, sont doués d'une peau très-fine et d'un poil extrêmement soyeux. La grande généralité des fourrures de Phoque les plus fines, celles qui servent à la confection des plus beaux et riches manteaux de dames, proviennent de Phoques du cap de Bonne-Espérance, ou, pour parler plus exactement, des îles et de la côte des grands Namaquois, au nord-ouest de la colonie anglaise du Cap. C'est dans ces groupes d'îles égale- ment, îles plates et basses, mi-rocheuses, mi-sablonneuses, et dont les principales sont celles d'Ichaboe et des Pingouins, que l'on recueille le guano frais qu'y déposent incessamment les myriades d'oiseaux de mer qui les recouvrent, guano ex- pédié du Cap et livré au commerce sous le nom de « guano d'Ichaboe». Mais ce n'est pas de guano qu'il s'agit ici, et je reviens à mes Phoques, ceux de l'Afrique australe, que je connais plus particulièrement. Les groupes d'îles dont je parlais plus haut, et que la cou- ronne britannique s'est annexés en î 866, avaient été jusque- là librement et arbitrairement exploités, pour le guano comme pour les Phoques, par une compagnie qui a son siège à la capitale de la colonie du Cap, Cape-town ; mais, depuis lors, le gouvernement anglais les a affermés, par privilège à cette même compagnie, pour une période de vingt-six années, à raison de 800 livres sterling, ou 20000 fr. par an. Cette compagnie possède une dizaine d'établissements en baraques de bois sur la côte avoisinant les îles dont il s'agit, et elle emploie à cette exploitation une soixantaine de per- sonnes tirées de la colonie du Cap et gagnant de 80 à 100 francs par mois. On leur envoie, en outre, périodiquement de Cape-town leurs provisions de nourriture, voire même Peau à boire, caries côtes de cette contrée sont de vrais déserts de sable et absolument privées d'eau. Qu'on me permette ici une petite digression, pour dire que les indigènes qui traînent leur vie dans ces parages sont les plus misérables exemplaires de l'espèce humaine. Fixés sur un sol tout à fait aride, ex- clusivement sablonneux et rocheux, ils restent souvent des journées entières sans avoir ni à boire ni à manger. Ils se 2e série, t. VII.— Septembre-Octobre 1S70. 36 562 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. nourrissent de ce qu'ils peuvent trouver surleur passage, ra- cines, baies d'arbustes, insectes, coquillages ramassés sur la plage, détritus putréfiés des Phoques que l'on a rejetés après en avoir retiré la peau et fait bouillir le corps pour en obtenir l'huile. Ces natifs sont quasiment nus, ou recouverts de loques ou sparteries quelconques, qu'ils ont ramassées sur le passage d'Européens et qu'ils se jettent sur les épaules. Leur maigreur est telle qu'ils n'ont que la peau et les os, et ils sont appau- vris et énervés au point que, faute d'avoir assez de courage ou de force pour aller chercher de l'eau à quelques lieues d'où ils sont, dans les montagnes, un grand nombre d'entre eux meurent de soif. Ils sont même dépourvus de l'instinct suf- fisant pour se construire des huttes, et c'est dans de simples éclaircies, pratiquées au milieu des buissons, qu'ils se repo- sent, la nuit, de leurs misères. Après de grandes privations, ils peuvent boire jusqu'à douze bouteilles d'eau et manger jus- que trente livres de viande. Le besoin, d'ailleurs, les rend pillards, quoique étant bons et doux de nature, et l'on doit se garder soigneusement de leurs maraudages.— Heureusement, au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la côte et que l'on gagne les chaînes de montagnes de l'intérieur, la race va en s'améliorant, parce qu'alors surviennent les ressources de la végétation et les courants d'eau, et que le passage de trafi- quants européens occasionne un bien-être relatif. J'expliquerai maintenant comment on procède au sujet de la chasse et de l'élaboration des Phoques, qui donnent, comme on sait, un double produit : la peau et l'huile. On surprend ces animaux étendus sur le dos entre les rochers, et l'on as- somme prestement à coups de gourdin de chêne ceux d'entre eux que l'on peut atteindre, tandis que le plus grand nombre dégringole à qui mieux mieux, de tous côtés, dans l'eau. C'est sur le nez qu'il faut frapper ces animaux, pour les arrêter; autant vaudrait, différemment, frapper sur des sacs de farine ou de plâtre, par suite de l'épaisse couche de graisse clans laquelle ces amphibies sont comme emmaillottés. Les Phoques, ainsi massacrés, sont ensuite dépecés ; puis on fait bouillir leurs corps dans de grands récipients afin d'en tirer l'huile. INDUSTRIE DES PEAUX DE PHOQUES. 563 Les peaux et l'huile sont ensuite envoyées à Cape-town, et, de là, expédiées à Londres, où l'huile se vend à raison de 33 et 3(3 livres sterling la tonne de 252 gallons anglais, repré- sentant l'ià'i litres. Un Phoque fournit en moyenne 2 gallons ou 9 litres d'huile dans la saison où les animaux sont le plus gras, soit janvier et février, et 1 gallon ou h litres blx cent, dans la saison d'hiver, qui est juillet et août. Les peaux sont expédiées, roulées et aussi serrées que possible, dans des bar- riques, au milieu d'une saumure de sel. Certes, à les voir en cet état, aussi bien, d'ailleurs, qu'à voir les feuilles de roses qui sont expédiées, dans une même con- dition, de la Hollande à Conslantinople, où on les convertit en essence de roses, on ne se douterait guère de ce que l'habi- leté de l'homme peut en obtenir. Du reste, à examiner sim- plement une peau de Phoque au naturel, on se ferait difficile- ment une idée de ce qu'elle deviendra par la préparation. Que les personnes qui examinent les Phoques du Jardin d'accli- matation rapprochent en idée leur pelage de ces beaux man- teaux que portent les ladies, et elles ne résisteront certaine- ment pas à un très -grand étonnement. Gomment s'opère donc cette transformation ?... Je vais en indiquer le procédé tout particulier. On enlève tout simple- ment le poil le plus long, celui apparent, qui est comme recouvrant l'animal, et cette extraction se fait en frottant, à l'aide de pierres, le côté interne de la peau, où aboutissent les attaches ou racines de ces poils. Ces racines ainsi usées par le frottement, on enlève aisément ces poils à la main, et il reste le duvet, ce qui constitue le fond du pelage, comme on le trouve, sous le plumage, chez les oiseaux aquatiques. Le poil de dessous, resté seul par l'effet de ce 'procédé, constitue la fourrure fine, soyeuse, velouté^, qui deviendra bientôt un article charmant d'industrie. Les peaux les plus précieuses sont celles des animaux jeunes, ayant environ deux années. Elles sont petites, mais elles sont plus minces et plus souples que celles des animaux plus âgés, et le poil duvet en est plus long, ce qui est un point essentiel. A quatre ans d'âge, la peau est devenue épaisse et dure, cl le poil très- court. 564 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. Les peaux jeunes sont donc réservées pour la confection des articles les plus fins, comme les manteaux de dames, les gilets d'homme, les coffrets, les porte-monnaie, les blagues à tabac, etc. Celles provenant d'animaux âgés ne sont bonnes qu'à être tannées pour servir à la fabrication d'articles com- munSi La première manipulation dont j'ai parlé plus haut est suivie d'une autre qui est si difficultueuse, si chanceuse, pa- raît-il, qu'une seule maison, une maison allemande à Londres, en a le secret. Elle consiste à donner à toutes les peaux, par la teinture, absolument la même nuance, de sorte que, bien qu'un manteau de dame soit formé de six ou sept peaux, il semble qu'il ne soit composé que d'une seule. — Est-ce là vrai- ment une opération si savante, si difficile, qu'elle suffise pour réserver à cette maison étrangère, — même à l'Angleterre, — un monopole d'industrie tout particulièrement avantageux, comme on va le voir? Je ne puis en être convaincu, malgré les assurances que j'en ai reçues à cet égard d'une source très-autorisée, et je penche plutôt à croire qu'il me suffira de mettre en lumière cette information pour qu'elle soit fruc- tueusement recueillie. Quoi qu'il en soit, jusqu'ici la maison dont j'ai parlé est exclusivement en possession de la préparation comme de la réception de toutes les peaux de Phoques provenant de la co- lonie du Cap, les plus fines qui soient dans le commerce. Elle est liée à cet égard, par contrat, avec la société de Cape- town, qui livre pour environ 180 0U0 ou 200 000 fr. de peaux, et obtiendra graduellement, au fur et à mesure qu'elle développera son exploitation, des résultats plus importants. Cette même maison prépare les peaux qui lui sont expé- diées, puis les vend aux confectionneurs et fabricants. On jugera de ses bénéfices parole rapprochement des chiffres suivants : Il y a dix ans, les meilleures peaux brutes étaient payées, au Cap, 16 à 17 schellings pièce, soit 20 à 22 fr. Aujourd'hui, elles sont vendues de 30 à 42 schellings, soit 45 à 50 fr., aug- mentation qui s'explique par le développement qu'a pris l'emploi des peaux de Phoques. Or, la maison citée plus haut, INDUSTRIE DES PEAUX DE PHOQUES. 565 quand elle a préparé ces mêmes peaux, les revend à l'industrie sur le pied de h livres sterling ou 100 fr. pièce, et son mono- pole lui a assuré jusqu'ici le maintien de ce taux excessif. 11 en résulte qu'un manteau de dame qui emploie, comme je l'ai dit, six ou sept peaux, se vend dans la belle qualité, en An- gleterre, de 30 a 35 livres sterling, soit de 750 à 800 fr. — Un gilet d'homme, de semblable fourrure, coûte environ 5 livres oul25fr. On peut juger, par ces indications, de l'intérêt que présen- teraient l'accroissement et la propagation d'une industrie aussi profitable et dont les produits sont de plus en plus re- cherchés, industrie restée jusqu'ici aux mains d'une seule maison, et qui s'est d'ailleurs trouvée limitée par les résul- tats très-resserrés eux-mêmes de la pêche qui la détermine.— D'autre part, si les peaux de Phoques vivant dans les latitudes chaudes, mais pourtant dans l'eau de mer, sont si supérieures à celles des animaux vivant dans le Nord, ne peut-on pas se demander avec intérêt quels résultats donneraient, comme peau et fourrure, l'élève et le traitement des Phoques en domesticité et dans l'eau douce. C'est, ce me semble, une expérimentation captivante à faire. DEUXIÈME ETUDE SUR LEDUC ATION DES AUTRUCHES EN ALGÉRIE, Par M. Ch. RIVIÈRE (1). Messieurs, Dans la séance du 26 juin 1868, j'avais l'honneur de pré- senter à la Société un rapport que venait de m'adresser mon fils sur l'éducation des Autruches domestiquées au Jardin du Hamma, dont la Société générale algérienne m'a confié la di- rection. Déjà, à cette époque, je pouvais constater devant vous la réussite de nos premiers essais, mettre sous vos yeux les observations attentives faites sur la ponte d'un couple de ces remarquables écbassiers, indiquer les diverses particula- rités de l'incubation, de l'éclosion et de l'élevage; et, plein de confiance dans la réussite de la domestication des Autruches en Algérie, j'essayais de détruire ce préjugé qui, ne les ad- mettant que comme bêtes de luxe, niait d'avance les avan- tages que pourrait offrir leur éducation dans notre colonie. Cette fois, après une nouvelle année d'expériences, je me vois à même de fortifier par de nouvelles preuves l'opinion que je m'étais formée alors, et j'ai l'espoir de lui attirer quel- ques nouveaux partisans, lorsque j'aurai fait connaître ce nouveau rapport que m'adresse mon fils sur les expériences de l'année 1869, et que j'ai l'honneur de vous présenter au- jourd'hui. A. Rivière. Jardin d'acclimatation du Hamma, près d'Alger, le décembre 18G9. Mon cher père, L'an dernier, je faisais connaître à la Société d'acclima- tation les résultats des premiers essais tentés au Jardin du (1) Voyez h première étude, Bulletin, 2e série, t. V, 1868, p. 639. ÉDUCATION DES AUTRUCHES EN ALGÉRIE. 567 Ranima relativement à l'éducation de l'Autruche à l'état do- mestique. J'annonçais alors l'éclosion de huit individus et la satisfaction que m'avait donnée leur bonne venue ; je viens aujourd'hui compléter cette étude par différentes observa- tions faites sur une seconde couvée, dont tu as signalé l'appa- rition dans une de tes communications verbales du mois d'avril 1809. Cette seconde couvée a produit à elle seule douze individus parfaitement constitués ; elle est due au couple qui nous avait déjà donné un si bon résultat l'année dernière. La ponte commença le 19 décembre 1868, par un temps superbe, qui ne se démentit que rarement vers la fin du mois et le commencement du mois suivant; elle se poursuivit régu- lièrement tous les deux jours, à quelques heures près. Le premier œuf fut trouvé brisé ; le cinquième présentait à peine la moitié du volume d'un œuf ordinaire : cassé, il ne montrait pas trace de jaune. Je fais remarquer qu'il avait été pondu dans la nuit du 26 au 27 décembre, qui fut signalée par un orage épouvantable. Ce sont les deux seuls incidents impor- tants qui se manifestèrent pendant la ponte. Celle-ci n'avait pas entièrement cessé lorsque survinrent les froids et les mauvais temps, dont j'ai rendu compte à la Société, et j'observai que le mâle, qui n'avait cependant pas encore commencé l'incubation, restait sur les œufs pendant les intempéries, ce qui n'empêchait d'ailleurs pas la femelle de venir pondre à ses côtés. Le 22 janvier 1869. le nid de sable renfermait seize œufs. Le mâle, après les avoir retournés en tous sens, en écarta deux qui roulèrent en bas du monticule dans la cavité supérieure duquel ils étaient placés ; après quoi il se coucha sur la cou- vée jusqu'au lendemain matin. On le força de se lever pour replacer ces deux œufs dans le nid, mais il les repoussa de nouveau. Ces tentatives, plusieurs fois répétées, restant cha- que fois infructueuses, on y renonça. Quelques Mzabites, habitants du désert, qui ont chassé au» trefois l'Autruche, et à qui je racontais cette circonstance, m'ont dit avoir déjà remarqué eux-mêmes, à l'état de nature, 568 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. des œufs ainsi disposés autour du nid ; ils sont destinés, di- sent-ils, à la nourriture des petits au moment de l'éclosion, et, pour appuyer leur dire, ils citent les lieux arides et privés de toute végétation au milieu desquels naît la jeune famille, et où. elle demeure et doit se nourrir sur place jusqu'au jour où ses forces lui permettront de chercher sa vie au loin. Il ne faut pas attacher une grande importance à ces assertions de faits peu prouvés et mal connus ; il me paraît plus naturel de supposer que l'Autruche ne garde que le nombre d'œufs qu'elle peut, couvrir de son corps, et, quand on calcule l'espace qu'occupaient les quatorze œufs, on comprend sans peine pourquoi elle s'accroupit afin de pouvoir embrasser une telle surface, au point que son long cou se trouve étendu sur le sol. Je me propose d'ailleurs, à la prochaine couvée, de laisser les œufs éparpillés par le mâle, autour du nid, et de voir ce qu'il en adviendra. L'incubation commença donc le 2*2 janvier. La femelle con- tinua de venir pondre quelque temps encore auprès du mâle, ou à la place même que celui-ci abandonnait, bien rarement, pour aller prendre sa nourriture ; mais, invariablement, au retour du mâle, l'œuf supplémentaire était exclu, et j'ai pu me fixer sur ce point, car je marquais d'une croix rouge les œufs soumis à l'incubation. La femelle a pondu jusqu'au 15 février ; j'ai donc vérifié le fait huit fois, et je n'ai pu m'empêcher d'admirer l'instinct de l'animal, qui n'a jamais écarté que les derniers venus. Le temps fut favorable jusqu'au 2 février. A partir de ce jour, nous eûmes à subir un abaissement considérable de température et des pluies froides et torrentielles, qui conti- nuèrent sans interruption ; pendant ces mauvais jours, la fe- melle vint se coueher à côté du mâle, pour apporter sans doute son contingent de chaleur. Tous deux étaient parfois tellement mouillés, qu'ils pouvaient à peine se lever ; leurs corps et leurs plumes avaient pris la teinte locale du parc, c'est-à-dire qu'ils étaient littéralement couverls de boue et de vase. C'est dans de telles conditions que se poursuivait l'incuba- ÉDUCATION DES AUTRUCHES EN ALGÉRIE. 560 tion, lorsque, le 9 mars au soir, toujours au milieu de la tem- pête, le premier Autruchon vint au monde, et se réfugia aussitôt sous les ailes paternelles. Le lendemain et le surlen- demain l'éclosion continua ; elle donna naissance à douze individus bien constitués et tous vivants. Des quatorze œufs déposés, il en restait deux sur le sable ; le mâle les abandonna alors complètement. Je m'en emparai immédiatement et tentai de poursuivre artificiellement l'incubation discontinuée. Je les plaçai dans une serre, sur un lit d'ouate recouvert d'une cloche, afin d'y maintenir une température à peu près uni- forme. Au bout d'une dizaine de jours de ce traitement, n'ob- tenant aucun résultat, je fis céder la coquille, et trouvai les petits parfaitement conformés, mais sans vie, sans cependant être entrés en décomposition. La période pluvieuse allait toujours en croissant; il deve- nait impossible de laisser les animaux dans une situation semblable, le parc était transformé en marais, et je n'aurais peut-être pas poussé si loin celte expérience sur leur rusti- cité, si je ne m'étais pas aperçu que les petits n'en étaient pas sensiblement affectés. Deux des moins robustes cependant avaient péri trois jours après leur naissance ; ils auraient pu sans doute être sauvés au moyen de soins plus attentifs, mais il était entendu que nous devions leur faire une condition se rapprochant tout à fait de l'état de nature. Je les ai vus res- ter, pendant plusieurs jours consécutifs, sous les ailes de leurs parents, et c'est là qu'ils prenaient la nourriture qu'ap- portait leur gardien. Bien que, par suite du temps défavorable, leur développement en croissance ne se fit que très-lentement, il arriva toutefois un moment où ils ne purent tous demeu- rer sous cet abri naturel, et dès lors une partie s'en trouva privée. Dans la nuit du 2 au 3 avril, un violent ouragan s'abattit sur le voisinage et s'étendit sur une partie du Sahel; à la lueur des éclairs, notre jardin apparaissait couvert de plu- sieurs centimètres de grêlons, qui tombaient avec fracas, poussés par un vent terrible. Le lendemain, spectacle rare ici, les bananeries étaient abattues, les feuilles coriaces des 570 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Ficus elastica et Roxbarghii, percées par la grêle, et le soleil de midi faisait scintiller des grêlons serrés et congelés au cœur des Gycadées et des Strelitziées, et sur le dos même de nos jeunes Autruches. Ces contre-temps réitérés et cette éclosion si peu favorisée prouvent surabondamment la robusticité de ces animaux, surtout si l'on songe au développement rapide qu'ils ont acquis malgré tant d'obstacles. De pareils faits, on ne saurait le nier, parlent bien haut en faveur de l'acclimatation de cette espèce dans des régions plus septentrionales, et tout porte à croire qu'avec ces nouvelles couvées, traitées et élevées comme je le fais, on obtiendra, dans un temps peu éloigné, les mêmes résultats dans le midi de la France, en y donnant toute- fois des soins plus attentifs. Nos fermiers, du reste, dans les basses-cours, en apportent évidemment bien plus à l'éciosion des couvées de poules, de canards, etc., que je n'ai dû en apporter moi-même pour ces rares et grands oiseaux. On a vu quelle grande part prend le mâle à l'incubation; malheureusement, chez certains individus, l'indifférence est si grande à cet égard, qu'elle est une véritable cause d'insuccès. C'est ainsi que, l'année dernière, un couple parfaitement constitué donna 34 œufs, et, malgré tous nos efforts, le mâle ne couva pas ; la femelle continua de pondre, mais elle ne restait que quelques instants sur le nid et à de longs inter- valles. Dans les premières pages de mon étude de l'an passé, je signalais la prolongation de la ponte obtenue en ne laissant jamais d'œufs sur le nid, afin que les animaux n'aient aucune tendance à les couver ; je citais un couple qui était arrivé ainsi à son cinquantième œuf, et je disais qu'il promettait d'en donner davantage. La ponte se prolongea effectivement fort avant dans l'été (15 juin), et me donna le chiffre énorme de 67 œufs. Transportée à cette époque dans une localité assez éloignée, la femelle pondit le soixante-huitième en rouie, dans sa cage. Jusqu'au quarante et unième œuf (16 avril), la ponte avait continué régulièrement tous les (Jeux jours ; ici olle avait subi un moment d'arrêt, un repos de huit jours en- ÉDUCATION DES AUTRUCHES EN ALGÉRIE. 571 viron, puis elle avait recommencé le 2ù avril jusqu'à la date indiquée plus haut. De ce nombre considérable d'œufs, une partie fut, dans les premiers temps, laissée au mâle, mais celui-ci n'eut aucune velléité de les couver; et d'une si belle ponte, il ne nous resta que les coquilles, qui n'étaient pas à dédaigner toutefois, puisque, par suite de leur rareté à ce moment-là, elles furent vendues 10 francs l'une, et produisi- rent 700 francs. Les Autruches de la couvée de mars 1868, qui ont vingt mois aujourd'hui, étaient complètement formées et avaient atteint la taille de leurs parents au mois de septembre dernier; les mâles entièrement couverts de plumes noires, les femelles de plumes grises. Chez les individus qu'on a élevés jusqu'à présent, on ne distinguait généralement les sexes qu'au bout de trois ou quatre années, et parfois même les sujets étaient si faibles, que ces caractères étaient souvent peu tranchés. L'herbe et la tige (1) d'Opuntia, coupée par tranches, peuvent sans cloute aider à la nutrition, mais la graine, l'orge et le maïs en doivent être la base, et je crois pouvoir attribuer la prompte formation de nos nouvelles couvées en grande partie à la nourriture abondante qui leur est distribuée et aux soins dont on les entoure. C'est de cette façon que j'ai traité, depuis le mois de mai 1 868, une jeune femelle, âgée d'environ quatre ans, chétive et si étique qu'elle pouvait à peine se tenir debout, et qu'il fallait, le matin, trois hommes pour la relever. Elle est devenue tellement robuste, qu'au printemps de cette année elle entrait en rut. Sans espérer de résultat pour cette saison, je songeai cepen- dant à lui donner un compagnon : deux mâles des parcs con- tigus, parvenus au même état de développement, furent essayés en vain ; enfin, un troisième, magnifique et vigoureux, fut introduit dans le parc avec toutes sortes de précautions; malgré cela, une lutte terrible s'engagea aussitôt entre ces deux animaux farouches. Le cas était prévu. Quatre Arabes, aidés du gardien, gens habitués à les manier, se jetèrent ré- (1) C'est ce que les botanistes nomment la tige. 572 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. solùment entre eux et les maintinrent de la même façon que lorsqu'on les change de place : un homme de chaque calé de la bête, tenant de la main gauche la cuisse qu'il serre contre son corps, et de la main droite la naissance de l'aile. On sait que le coup de patte lancé en avant est seul à craindre. Dans cette lutte, qui fut de courte durée, la femelle reçut au cou une blessure longitudinale de quelques centimètres, prove- nant d'un coup d'ongle, et qui ne laissa pas de m'inquiôter un instant. Le parc fut immédiatement divisé en deux parties, au moyen d'un treillage très-clair de lm,50 de hauteur; les animaux se trouvaient donc ensemble, bien que séparés : ils s'accoutumèrent insensiblement l'un à l'autre, et au bout de quelque temps il fut possible d'enlever le treillage. Douze jours après, le premier accouplement eut lieu et continua jusqu'aux fortes chaleurs de juillet. 11 s'est produit alors un temps d'arrêt ; mais, à l'heure où j'écris (décembre 18(39), l'accouplement a lieu cinq ou six fois par jour, ce qui me donne tout lieu d'espérer une première ponte pour celte saison même (i). On le voit, chez les Autruches à l'état de domestication, l'accouplement des sexes offre parfois des difficultés, qu'il faut ajouter a celles de l'indifférence de certains mâles pour l'in- cubation ; ces deux questions seront encore pour moi l'objet de patientes études et d'essais multipliés. Les sujets de la première année de 1868, je l'ai dit déjà, ont vingt mois et sont de la taille de leurs parents ; mais ces derniers peuvent être considérés comme des types de l'es- pèce par leur beauté, leur force et leur stature, qui dépasse de 0m, 30 celle des plus belles Autruches que nous possédions : aussi leur progéniture se ressent-elle d'un si bel accouplement. Il est rare de voir, je le répète, des Autruchons entièrement caractérisés à seize mois, et que le mâle remplace sitôt par des plumes noires les plumes grises communes aux deux sexes dans le jeune âge et que la femelle seule conserve plus tard. (1) Depuis que cette note est écrite, la femelle a pondu deux œufs remarquables par leur énorme dimension; la ponte continue régulièrement et présente les mêmes excellents caractères. ÉDUCATION DES AUTRUCHES EN ALGÉRIE. 573 Cette indécision clans la constatation des sexes obligerait à garder beaucoup plus longtemps les élèves ; il y a donc éco- nomie à leur prodiguer une nourriture choisie et abondante, qui permettra de les caractériser au plus tôt. Les dix Autruchons de la couvée de ce printemps (1869), au mois de mars, étaient si robustes et avaient crû avec une vigueur telle, qu'ils ont été livrables en septembre, c'est-à- dire six mois après leur naissance. Sans qu'il soit nécessaire de faire connaître aujourd'hui le prix auquel ils ont été cé- dés, il me suffira de dire qu'un mâle de notre couvée, âgé de dix-huit mois, et un Autruchon de six mois, ont été payés tous deux 1500 francs. S. M. le Sultan, désirant former un jardin zoologique, avait fait rechercher quelques couples d'Autruches en Tunisie et dans le Sahara ; ces recherches étaient demeurées infruc- tueuses. Le Sultan s'adressa alors au gouverneur général de l'Algérie ; mais la famine et les dernières insurrections avaient sans doute refoulé vers le centre les quelques indivi- dus existants encore, car il fut impossible de s'en procurer; nous-même, malgré nos plus actives démarches, nous n'ob- tînmes pas de résultat. Il nous fut cependant permis de livrer d'abord au gouvernement ottoman une parlie des Autruches qui ne nous étaient pas utiles pour la reproduction, puis seize individus de nos couvées, nous en réservant deux, mâle et femelle, pour nos études futures. Ce n'est pas sans une certaine satisfaction pour notre amour-propre national que nous avons offert les produits de notre jardin d'essai à S. M. le Sultan, lorsque des pays presque tributaires de la Turquie n'avaient pu satisfaire les désirs du souverain. Je ne passerai pas sous silence les difficultés éprouvées pour transporter ces grands animaux à de telles distances, surtout par la voie de mer, et je crois utile de faire connaître les moyens qui ont le mieux réussi, particulièrement en pré- sence des échecs éprouvés jusque ce jour! Mon dessein était de les faire voyager dans des caisses très-étroites, de ma- nière à les empêcher de faire aucun mouvement ; mais ce moyen considéré, à tort selon moi, comme barbare, fut 57/l SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. rejeté, et je dus, bien malgré moi, me conformer à de nou- velles instructions, c'est-à-dire faire construire des cages très-larges et rembourrées. Cette première expédition, confiée aux soins d'un matelot du bord, arriva à Marseille dans les plus fàcbeuses conditions, et les animaux périrent peu de jours après. Une seconde eut le même sort. Je me décidai alors à accompagner la troisième, qui coïncidait avec un de mes voyages. Les animaux, enfermés dans des cages, étaient en proie à une violente agitation et lançaient de tels coups de pattes, que les planches faillirent céder; le balancement les calma â la longue, et ils finirent par se coucher ; mais le roulis leur fai- sait suivre les mouvements du navire, ils étaient rejetés d'un bout de la cage à l'autre, les pattes étaient éraillées et la par- tie postérieure du corps tuméfiée et sanglante. Une Autruche, dans les efforts qu'elle avait faits pour reprendre l'équilibre, s'était pris la patte dans les parties rembourrées de la cage et se trouvait presque suspendue; l'autre avait le cou dans une telle situation, que je dus le redresser à l'aide d'un cro- chet de fer ; enfin, le second jour de la traversée, elles étaient privées de mouvement, les yeux fermés et le bec entr'ouvert. Au milieu des soins dont je les entourais, je découvris un in- convénient plus grave encore. En me penchant vers le fond de la cage, je fus presque suffoqué par le manque d'air et par l'odeur fétide qui s'en échappait, inconvénient provenant de la mauvaise confection de la cage, qui n'était aérée que par la partie supérieure. Enfin, au milieu de toutes ces sollicitudes, les Autruches arrivèrent à Marseille, mais les articulations tuméfiées et congestionnées au point qu'elles ne pouvaient se tenir debout; quelques frictions et autres soins analogues ne tardèrent pas à les ranimer, mais l'une d'elles périt dans la traversée de Marseille à Tripoli. J'avais vu par moi-même les imperfections de ce mode de transport et les dangers qui pouvaient survenir dans une tra- versée ; je fis donc faire, à mon gré, pour une autre expédi tion de douze Autruches, de nouvelles c;iges avec toutes les modifications nécessaires. Ce travail avait lieu dans les aie- ÉDUCATION DES AUTRUCHES EN ALGÉRIE. 575 liers d'art du jardin d'essai, de sorte que je pus en surveiller les moindres détails. Les animaux furent placés deux par deux dans une même cage, séparés par une cloison pleine à la hauteur de la croupe ; les compartiments étant juste de la largeur du corps, les bêtes ne pouvaient faire aucun mouve- ment d'ailes ni de pattes, ni aucun d'avant en arrière, tout en ayant la faculté de se lever et de se coucher. Les planches étaient lisses et parfaitement rabotées, les montants placés en dehors, et, chose capitale, les côtés à claire-voie dans toute la partie supérieure, de même que dans toute la longueur des côtés faisant face à la tête et à la croupe de l'animal ; de cette façon un courant d'air était établi, principalement dans la partie inférieure de la cage. Quelques brassées de coton et de libres de palmier avaient rendu le fond plus moelleux ; une mangeoire, établie à une hauteur convenable, ainsi qu'un vase mobile rempli d'eau, permettaient de prendre la nourri- ture ordinaire. Placées ainsi deux à deux, les Autruches s'ef- frayèrent beaucoup moins ; leurs mouvements brusques furent comprimés dans un étroit espace ; des surfaces polies se trouvaient en contact avec les corps, et les angles étaient adoucis. Une bonne aération, une nourriture saine et rafraî- chissante, autant que possible, leur permirent de supporter une traversée de treize jours, avec des alternatives de calme et de tempête : elles arrivèrent en excellent état à Constanti- nople, et ne sortirent de leurs cages que pour s'élancer joyeuses dans leur nouveau parc. J'avais confié cette expédi- tion aux soins intelligents de leur gardien habituel, que la Société impériale d'acclimatation a récompensé cette année (1869) pour ses bons services. Ce qui offre une certaine difficulté dans l'éducation de l'Autruche en Algérie, c'est l'époque même de l'éclosion, qui a lieu au mois de mars, au moment du froid et des pluies. La nourriture abondante que j'ai fait distribuer a déjà amené un avancement de la ponte. Ainsi le couple en question (n° 10) a pondu, en 1808, son premier œuf dès le h janvier; dans la même année, la ponte a recommencé le 19 décembre ; enfin, grâce à la ration d'avoine ajoutée à la nourriture ordinaire 576 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. pendant l'automne, j'ai obtenu, cette année, une nouvelle ponte le 3 décembre. C'est donc un mois de gagné dans l'es- pace de deux ans ; mais cela ne saurait suffire, car, suivant le caprice du mâle ou la prolongation de la ponte, une éclosion serait possible à cette même époque défavorable. Ce qui serait plus logique, au contraire, ce serait de s'efforcer de reculer cette ponte ; l'éclosion aurait alors lieu aux premiers beaux jours. Mais il faut, avant tout, savoir utiliser les bonnes dis- positions du mâle et se garder de le contrarier à ce moment décisif. En somme, je résumerai en quelques lignes les soins apportés à nos éducations d'Autruches. Parcs spacieux, abrités des grands vents, recouverts de quelques centimètres de gravier et de sable, afin de contri- buer à la propreté et à la conservation du plumage, quand les animaux sont couchés. Vases remplis d'une eau souvent renouvelée. Nourriture composée de maïs, d'orge, d'avoine à l'automne, au commencement de la mauvaise saison, surtout pour les couples destinés à la reproduction. Suppression presque totale de la tige & Opuntia coupée par tranches, et son remplacement par des débris de choux, choux-fleurs, betteraves, salades, etc ; suppression du sorgho. Le plus grand calme observé au moment du rut, de la ponte, de l'éclosion ; éloignement de toute visite des étran- gers. — Nos parcs sont, à cette époque, entourés de paillas- sons qui leur font une muraille infranchissable aux regards. Quant aux nouveau-nés, ma' première étude indique le régime auquel ils doivent être soumis. Mes différents essais ont assez démontré le degré de rusti- cité des jeunes animaux exposés aux intempéries d« la saison hivernale, pour qu'il soit utile de les renouveler ; aussi ai-je résolu de prendre, aux prochaines éclosions, toutes les pré- cautions nécessaires afin d'aider un peu la nature, en proté- geant les Autruchons contre le froid, l'humidité, en un mot contre tous les dangers que j'ai constatés. Sur vingt animaux, ÉDUCATION DES AUTRUCHES EN ALGÉRIE. 577 il est vrai, je n'en ai vu perdre que quatre en deux couvées différentes, mais j'espère éviter toute perte à l'avenir. La totale disparition de l' Autruche du nord du Sahara émeut en Algérie l'Israélite, qui commence à souffrir dans son industrie des plumes et des œufs ; mes dispositions sont prises pour augmenter considérablement le nombre de nos élèves et pour fournir, le plus possible, à ces différents débou- chés. Déjà la plume se vend sur le corps de la bête, et la direc- tion du Hamma se voit obligée de répondre par un refus aux nouvelles demandes qui lui sont faites. Dans cette deuxième étude, mon cher père, je me suis borné à te signaler le résultat de mes essais et de mes obser- vations; je pourrai prochainement l'annoncer l'éclosion de deux autres couvées; pour le moment, il me semble avoir fait suffisamment connaître les traits les plus saillants de l'éduca- tion des Autruches. Une seule chose reste à préciser, c'est l'époque ou plutôt l'âge auquel pourraient déjà pondre et couver les jeunes élèves, sous l'influence du traitement que je leur applique, sachant déjà qu'à dix-huit mois on peut obtenir la caractéri- sation des sexes. Comme conclusion pratique, j'espère pouvoir indiquer dans peu de temps l'avantage réel qui résulterait de quelques grandes éducations, pour l'industrie algérienne, au moment surtout où l'Autruche disparait de nos contrées du Sahara. C'est par des chiflres qu'il est bon de parler aux producteurs ; ceux que je pourrai bientôt faire connaître auront, je l'es- père, plus d'éloquence que mes paroles, cl contribueront peut-être à faire renaître une grande race qui s'éteint, et à relever dans notre colonie l'une des industries les plus lucra- tives. Charles Rivière. 2e série, T. VII. — Septembre-Octobre 1870» 37 PISCICULTURE MARINE. DE L'ACTION DU FROID SUR LES POISSONS ÉLEVÉS EN STABULATION. Par M. Léon VIDAL. L'engouement auquel, durant quelques années, a donné lieu l'art nouveau de la culture et de l'élève des animaux aquati- ques comestibles, semble avoir à peu près complètement dis- paru, et nous sommes obligé de constater, bien à regret, qu'il n'est plus guère question aujourd'hui delà pisciculture, soit fluviatile, soit marine, tandis que, il n'y a pas longtemps encore, on fondait les plus belles espérances sur le succès de cette application nouvelle du génie de l'homme. L'étude spéciale qui fait l'objet de celte note va nous per- mettre, par rapprochement, d'examiner les principaux motifs de l'indifférence, de l'oubli presque complet, auxquels se trouve maintenant vouée une question qui, hier à peine, était encore palpitante d'intérêt. Depuis la publication de nos derniers travaux relatifs à cette science spéciale, nous n'avons pas cessé de poursuivre nos expériences, car nous savons que les conquêtes de l'homme sur la nature ne peuvent s'effectuer que lentement et graduel- lement. Après avoir été séduit par le côté prestigieux, par la nou- veauté et l'imprévu de l'art piscicole, nous avons, ramené par la pratique à un froid examen du vrai et du possible en pareille matière, compris et démontré toutes les exagérations des premières espérances. Sans nier qu'il n'y eût là des res- sources nouvelles offertes a l'industrie humaine, nous avons dû réduire à leur valeur ces ressources en éliminant tout d'a- bord les richesses imaginaires que faisait entrevoir le mirage trompeur à quiconque n'examinait de cette question que le côté purement théorique, à quiconque ne pouvait, à un en- ACTION DU FROID SUR LES POISSONS. 579 thousiasmebien naturel, opposer l'irréfutable objection d'une pratique sérieuse et suivie. Déjà nous avons, sur ce sujet, fait appel à une modération plus grande dans l'enthousiasme, mais nous étions loin de prévoir alors qu'il cesserait aussi vite, sans laisser après lui des traces plus marquées de son existence. Jamais nous n'avons eu la pensée de combattre l'art pisci- cole en ce qu'il a d'utile et de vraiment pratique ; nous nous sommes attaqué aux exagérations, parce que tout ce qui est trompeur produit un découragement funeste au moment où la vérité se fait jour. Ce découragement auquel nous assistons aujourd'hui, nous le redoutions avec raison ; il était la conséquence d'illusions trop grandes et trop longtemps nourries, entretenues pour n'aboutir, en somme, qu'à des résultats de très-minime importance. Selon nous, la question si nouvelle de l'élève des animaux aquatiques devra traverser encore une longue période d'ex- périences diverses, de succès partiels, d'erreurs accidentelles ou inexpliquées ; elle est, en un mot, soumise pour longtemps encore à des tâtonnements sans nombre, à des alternatives infinies de découvertes utiles et d'insuccès, avant qu'ait pris naissance la tradition piscicole, avant que, comme l'agricul- ture, la science des produits comestibles des eaux ait ses règles normales, ses principes suffisamment définis et préci- sés par une pratique longue et continue. Si l'on voulait faire l'histoire des progrès de l'art agricole, on aurait à constater de longues hésitations, des tâtonnements multipliés au sujet de chacune des cultures aujourd'hui uni- versellement adoptées et dont les produits servent de princi- pale base à l'alimentation végétale de l'homme. Et pourtant, la question ici est bien moins complexe, les recherches peu- vent s'effectuer dans un milieu parfaitement accessible à l'expérimentateur, et les conditions de température, de lu- mière, de composition intime du milieu, sont plus aisément analysées, modifiées, appropriées au résultat cherché. L'homme est là dans son élément propre, à la surface de la 580 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. terre qu'il veut remuer à son gré, dans l'air qu'il respire et dont il peut, par des abris, par des clôtures, diriger ou arrê- ter les courants dont il a la faculté, même dans certains cas, d'élever artificiellement la température. En dépit de ces facilités, nous le répétons, la conquête d'une culture nouvelle est précédée de longs tâtonnements; il faut avoir acclimaté l'espèce cultivable, puis découvert le meilleur mode de culture, celui qui, avec les moyens les plus simples, les moins coûteux, produira les résultats les plus avantageux. Que l'on se rappelle, pour citer en passant quelques exem- ples, l'histoire de l'introduction de la Pomme de terre en France, et de nos jours quels efforts ne sont pas faits pour répandre dans l'Inde la culture de l'arbre à thé, pour mul- tiplier en Amérique la culture des Cinchonas, cette essence végétale précieuse dont on extrait le quinquina. Les remarquables travaux sur ces essences diverses publiés par la Société impériale d'acclimatation ne sont-ils pas une preuve suffisante à l'appui de la difficulté que présente la do- mestication des plantes, et ne doivent-ils pas justifier notre opinion relative à la difficulté bien autrement grave qui existe dans l'art de la domestication des espèces aquatiques ? N'oublions donc pas qu'il s'agit d'une science des plus dif- ficiles, où l'imprévu s'ajoute à l'imprévoyance des procédés, où les seules données de la science pure sont continuellement renversées par les causes ignorées d'un monde au sein duquel on n'a commencé à pénétrer que depuis peu : nous voulons parler du monde des infiniment petits, de tout cet ensemble d'êtres organiques répandus dans les eaux diverses, et dont la présence échappe à l'analyse la plus serrée et dont l'effet miasmatique est si considérable. Déjà, dans l'air, ce monde invisible joue un rôle important et dont on découvre trop fréquemment les effets funestes ; mais, combien plus difficile est l'appréciation d'actions de celte nature, dans un élément que modifient, plus intimement et plus fréquemment encore, les diverses circonstances météorologiques. Il ne faut donc pas nous étonner si, après les premiers élans d'une illusion ACTION DU FROID SUR LES POISSONS. 581 bien naturelle à notre esprit, toujours avide du nouveau, quand ce nouveau surtout entraîne après lui tout un ensemble d'idées et de pratiques utiles, nous sommes entrés dans le calme et le silence. L'heure des calculs fantastiques est pas- sée : la pisciculture, comme pierre philosophale, a fait son temps ; nous lui avons demandé plus qu'elle ne pouvait don- ner, elle a refusé obstinément, l'impossible ; force nous est donc de la traiter comme toutes les autres branches de l'in- dustrie, de la considérer comme la source d'un travail, de l'application des bras et de l'intelligence qui peuvent être sérieux, mais surtout et seulement en raison de l'activité du travail et de la somme de l'intelligence dépensée. Ici encore il nous faut retourner à la loi commune : Rien pour rien. Mais il faut là, comme partout, verser un capital à la fois moral et matériel pour obtenir un revenu productif, utile à ceux qui le dépensent, utile à tous. Ça n'est point une raison pour délaisser absolument la pisciculture, en lui gar- dant rancune de ce que, tout comme les autres sources de la richesse sociale, elle ne devient utile et productive qu'après avoir été fécondée par un travail incessant et d'autant plus vigilant et continu, que le champ de l'action est plus différent de celui auquel nous sommes habitués, que son accès est plus difficile. Tel est le véritable terrain sur lequel nous devons placer la question qui nous occupe, et, cela fait, nous dirons que, quelles que soient les entraves contre lesquelles on a à lutter, quelles que soient les difficultés d'une application dont l'eau est le centre d'action, nous devons patiemment poursuivre nos essais, les varier à l'infini, et tendre, en dépit de tout, vers le but final. A ce point de vue, les moindres observations offrent leur part d'intérêt, et la moindre remarque, si peu importante qu'elle paraisse au premier abord, peut devenir, par la suite, d'une grande utilité. Nous invitons donc les expérimentateurs convaincus et cu- rieux à continuer leurs recherches avec courage ; ils peuvent avoir la certitude de ne pas faire des études infructueuses, en 582 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. admettant même que les résultats n'en puissent être constatés de sitôt. Tonte œuvre d'incubation est lente, et la maturité exige, pour se produire, un temps d'autant plus long, que le produit doit être plus considérable. Notre pensée actuelle n'est d'ailleurs que la répétition de celle exprimée déjà, soit dans notre étude sur les résultais de la fécondation artificielle des poissons d'eau douce en France, soit dans notre lecture à la Sorbonne en 1867, soit encore dans une note écrite au sujet de nos essais de mytiliculture industrielle. Dans tous les cas, nous avons invoqué la sincérité des ré- sultats, et nous avons mis en pratique ce conseil, que nous donnons à tous nos confrères en aquiculture, qu'il ne faut pas reculer devant l'aveu des insuccès. Une tentative infructueuse mérite d'être constatée et enre- gistrée tout autant qu'un essai heureux. On gagne autant, en effet, à savoir ce qu'il faut éviter qu'en connaissant ce qu'il faut faire, et, ce que nous blâmons surtout, c'est l'altération de la vérité en pareille matière ; elle conduit cà deux pertes de temps et d'argent, puis à un découragement regrettable, alors que la confession d'un insuccès pur et simple, accompagnée des circonstances diverses de sa manifestation, servirait d'en- seignement pour les voies nouvelles à suivre ; au lieu de recu- ler en présence de difficultés d'autant plus imprévues qu'elles étaient cachées sous le manteau d'une réalisation pratique, on procéderait par d'autres moyens, en évitant les voies dé- fectueuses. Ou bien encore on retenterait à nouveau la même expérience, mais sans illusion aucune et avec la connaissance acquise des résultats infructueux préalablement obtenus en agissant dans le même sens. Nous serions trop heureux qu'il pût être démontré que la pisciculture a fait quelques progrès en France dans ces der- niers temps. Appelé à examiner de près cette question, en 1866, en qualité de membre du jury de l'exposition internationale de pêche et d'aquiculture organisée à Areachon, nous n'avons cessé depuis de nous tenir au courant de tous les faits qui ACTION DU FROID SUR LES POISSONS. 583 s'y rattachent ; or rien n'est parvenu jusqu'à nous qui soit de nature à modifier nos impressions d'alors. Après l'exposition d'Arcachon, nous arrivions à cette con- clusion que l'aquiculture, soit fluviale, soit marine, n'avait encore produit que des espérances de succès, que des pro- messes de résultat. Sans nous laisser éblouir par des chiffres accumulés à plai- sir sur le papier et dont la contre-valeur matérielle n'existait pas, nous demandions des faits pratiques, c'est-à-dire non pas seulement une donnée nouvelle, un mot nouveau, mais des conséquences matérielles nouvelles ; nous voulions voir un sérieux accroissement dans la production des aliments comestibles fournis par nos rivières et par notre littoral maritime. Nous désirions qu'il nous fût prouvé, livres en mains, par un sincère tableau du doit et avoir, de telle ou telle industrie piscicole, que des revenus suffisamment rémunérateurs avaient été produits par des entreprises aquicoles. Rien de la sorte ne nous a été montré, et pourtant, si cela est, il est bon que la lumière se fasse ; le moindre résultat sérieux présente ici une importance capitale qu'il ne faut pas négliger, si l'on veut vulgariser des méthodes bonnes et les faire accepter par les personnes vraiment positives dans les affaires, et qui n'entreprennent des opérations qu'en s'ap- puyant sur des données certaines, sur des bases d'expériences déjà tentées et dont les résultats sont authenliquement connus. Précédemment nous avons examiné encore si l'aquiculture avait apporté à l'alimentation une nouvelle ressource, et si la production de notre littoral maritime avait été plus considé- rable depuis que des tentatives d'application de cet art nou- veau étaient faites sur divers points de nos côtes. Nos conclusions étaient négatives, et nous reconnaissions, comme nous le pensons d'ailleurs toujours, que l'aquiculture, dans aucun cas, ne pourra être un moyen de suppléer à l'in- suffisance des produits de notre pêche côtière. Nous ne re- viendrons pas sur celte question particulière à laquelle nous 584 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE^ ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. ne faisons allusion, en ce moment, que dans le seul but de justifier nos assertions présentes par la suite de nos convic- tions et de nos études toutes spéciales. D'ailleurs, de ce que tous les efforts tentés jusqu'ici pour rendre productive cette science, née d'hier, n'ont point abouti au succès, il ne s'ensuit pas qu'il faille douter assez de l'avenir et de la persévérance opiniâtre de certains hommes pour ne pas croire à la possibilité de quelques conquêtes dans ce genre de culture. Pour nous, nous y croyons fermement, mais, bien entendu, dans les conditions que nous venons de formuler, c'est-à-dire pourvu que l'on n'attende pas tout de rien, et que, sur la foi de certains calculs que la pratique industrielle ne réalise ja- mais, on ne se décourage pas en voyant combien il y a lieu de décompter pour revenir à des moyennes normales telles que les admet l'agriculture et, en général, la raison basée sur des faits observés et reconnus pratiques. De ce qu'une seule huître produit un million d'œufs, il n'est pas plus raisonnable de conclure à la naissance et au déve- loppement d'un million d'huîtres marchandes qu'il ne le serait, dans l'ordre végétal, de compter sur la reproduction de l'état d'arbre fait de toutes les graines, en nombre souvent infini, que porte un seul arbre. Les esprits superficiels croient avoir tout dit quand ils ont cité quelques exemples d'une pa- reille fécondité ; mais ils oublient que la fécondité gît plutôt dans le milieu où a lieu la croissance ou le développement, que dans l'être lui-même qui produit en nombre quelconque le principe de l'organisme vital. Observons ce qui a lieu tous les jours autour de nous. Pre- nons pour exemple, ici un bois de pin, là un bois de chêne quelconque : chaque arbre de ces forêts produit une quan- tité très-considérable de graines, toutes douées de vie à l'état de germe. La reproduction naturelle ne devrait point avoir de limites, si la nature n'imposait celles mêmes de la surface pro- pice et de la faculté de nutrition du sol, sans parler de toutes les causes de destruction de ces germes, qui les anéantissent même avant la moindre période d'incubation. ACTION DU FROID SUR LES POISSONS. 585 Ces bois arrivent tout simplement à s'entretenir naturelle- ment, et les millions, les milliards de graines versées an- nuellement sur leur sol, amènent la reproduction de quelques milliers d'arbres seulement. Des faits analogues se produisent dans le domaine des eaux, avec cette différence que le milieu qui reçoit la se- mence est mobile, immense, infini, et que les causes de destruction, si nombreuses, sont encore plus difficiles à con- naître et puis à atteindre, enfin à supprimer quand on les connaît. Or, nous parlons ici de la production des phénomènes de la nature abandonnée à elle-même, sans que l'art s'en mêle, sans le concours d'aucune méthode artificielle ; mais si nous en venons à la domestication des sujets, combien plus dif- ficile est le succès, combien plus nombreuses sont les causes d'erreur ! Il serait long d'énumérer toutes celles que nous connais- sons ou prévoyons ; aussi voulons-nous nous borner, pour le moment, à une seule : celle qui provient des variations de la température atmosphérique. Aussi bien est-ce le moyen de nous occuper de l'objet spé- cial de cette note. Dans les indications pratiques relatives à l'éducation du Bar et du Muge, conservés en vivier clos, c'est-à-dire élevés en stabulation, nous avons prescrit comme urgente la néces- sité de fournir à ces animaux des abris contre le froid, et nous avons conseillé, à cet effet, un système d'abri flottant, consistant en nattes clouées sur des cadres de bois et libres de suivre le mouvement ascendant et décroissant de l'eau en les maintenant, dès qu'elles sont à la même place, par des tiges verticales fixées au fond et le long desquelles ces nattes peuvent coulisser. Il n'était pas douteux pour nous que ces abris flottants, en s'opposant au rayonnement vers l'espace, étaient un moyen de préserver les sujets élevés contre l'action trop vive du froid, surtout durant les nuits claires et quand le vent souffle avec violence. 586 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Ces précautions n'ont été que partiellement efficaces, et nous avons été amené à remarquer qu'elles étaient incom- plètes. Il fallait encore supprimer tout courant, et cela se conçoit aisément. D'ailleurs les faits, à défaut de raisonnements lo- giques, nous l'ont prouvé, car en même temps que le froid tuait un assez grand nombre de nos élèves dans deux viviers abrités à la surface, mais placés dans un courant d'eau con- tinu, il n'y avait qu'une bien moindre mortalité dansitin vivier situé en dehors du courant, où le milieu, à peu près stagnant, atteignait une température de 5 degrés inférieure à celle du vivier à eau courante. Dans l'eau tranquille, l'abri superficiel supprimait le rayon- nement du fond vers l'espace, et les poissons, protégés par leur propre chaleur rayonnante dont la déperdition ne s'ef- fectue que de proche en proche et lentement, peuvent résis- ter et attendre une température plus chaude. Les individus qui sont placés dans une eau courante, celte eau fût-elle moins froide, subissant au contraire une déperdition rapide de leur chaleur rayonnante, il ne peut se créer autour d'eux une zone protectrice d'eau échauffée à une température un peu plus élevée. Ils se trouvent, comme les animaux et les végétaux placés à la surface du sol, dans un courant d'air; ces individus souf- frent davantage, ce courant fût- il moins froid que d'autres placés dans un milieu plus froid, mais abrité. Il existe donc une complète analogie entre les deux élé- ments, l'eau et l'air, en ce qui concerne leur action sur les espèces à élever, et il importe de tenir compte de cette action de l'eau en mouvement, lorsqu'il s'agit de construire des viviers dans des eaux courantes. Autant le renouvellement du milieu, qui résulte du cou- rant, est favorable en été à la salubrité du vivier et au bien- être des sujets élevés, autant, dans la plupart des cas, le courant est nuisible en hiver. Les questions de température, en aquiculture comme en agriculture, jouent un rôle immense, et l'on ne saurait s'en ACTION DU FROID SUR LES POISSONS. 587 préoccuper trop, parce que, pour la plupart de nos espèces comestibles communes, la difficulté de leur éducation en vi- vier et de leur conservation serait infiniment moins grande, si l'on parvenait à supprimer de la solution du problème d'ensemble la question spéciale cà la température au sein dé laquelle peuvent vivre ces espèces. Nous insistons sur ce point spécial, car là est la cause d'une grande partie des insuccès auxquels sont exposés les aqui- culteurs, qu'il s'agisse de poissons d'eau douce ou de poissons de mer. Dans la nature, il existe, pour chacune des espèces, des re- fuges instinctivement recherchés et découverts, contre toutes les variations nouvelles de la température. Les poissons libres d'aller et venir savent chercher les abris nécessaires ; les mollusques sédentaires ne se reproduisent et ne constituent de vastes colonies que dans les milieux où il existe une température normale favorable à leur dévelop- pement. Dans nos tentatives de repeuplement des eaux diverses, d'é- ducation des espèces comestibles, pouvons-nous faire mieux que d'imiter la nature ? Ne devons-nous pas, par des procédés artificiels, suppléer à la gêne absolue imposée aux sujets que nous voulons élever, et remplacer, pour eux, l'absence de liberté par une pré- voyance éclairée, par la réalisation, dans un milieu res- treint, de ce que nous observons dans des espaces bien autre- ment étendus que tous ceux qu'il nous serait possible de cultiver? La principale des conditions à observer, c'est tout d'abord de ne pas élever dans une région des espèces qui n'y vivent pas à l'état naturel. Non-seulement nous avons vu faire des tentatives d'accli- matation, dans les eaux du midi de la France, du Saumon, espèce qui recherche les eaux froides et vives, et à laquelle une température un peu trop élevée est fatale. 11 y a quelques années, on a, à plusieurs reprises, tenté d'introduire en France le Gourami, poisson qui vit en Chine. 588 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. à l'île Maurice, dans une température normale moyenne de 15 à 20 degrés. C'est là vouloir faire de l'éducation en serre chaude ; c'est là du luxe tout au moins, et jamais on ne pourra considérer comme utiles des essais de ce genre. Nous sommes loin de les blâmer, nous les trouvons fort intéressants, de même que nous trouvons toute étude intéressante, quelle qu'en soit l'ap- plication pratique ; seulement, en plaidant la cause de l'aqui- culture en tant que science appelée à rendre des services, nous lui demandons des produits alimentaires qui soient les analogues du Blé et de la Pomme de terre, et non pas des produits comestibles comme l'Ananas, que l'on ne peut obte- nir qu'en serre chaude. Nous voulons l'utile d'abord, et puis nous serons heureux d'accueillir le luxe. Pour les poissons de rivière, il est aisé de se procurer les espèces propres à la rivière même dans laquelle on fait des essais, ou bien susceptibles de vivre dans le milieu climaté- rique de ce cours d'eau. Et les viviers, si bien abrités qu'ils soient contre le vent et contre le rayonnement superficiel, doivent encore être con- struits de manière que l'on puisse, en hiver, supprimer com- plètement le courant. Il faut que des vannes pleines puissent coulisser le long des grillages de clôture jusqu'au fond, et l'on ne doit permettre le renouvellement que par des ouvertures placées de telle sorte que la communication avec le courant n'entraîne, dans l'entretien des viviers, aucun mouvement rapide et continu. La question est plus complexe au sujet des poissons de mer, parce qu'ils supportent plus difficilement les variations ex- trêmes de température. La plupart de nos poissons d'eau douce recherchent les eaux fraîches et même froides ; dans la mer, au contraire, d'une manière assez générale, le froid est funeste aux espèces qui constituent le fond de notre alimentation. L'examen de l'état naturel des milieux différents prouve bien qu'il doit en être ainsi. ACTION DU FROID SUR LES POISSONS. 589 Dans beaucoup de nos rivières, la profondeur est peu grande, la masse entière du courant subit rapidement l'in- fluence de la température atmosphérique, et il faut bien que les poissons destinés à peupler ces rivières puissent subir ces influences; aussi sont-elles une de leurs conditions d'exis- tence. Dans la mer, à peu de distance du littoral, la couche d'eau atteint une profondeur considérable ; or, la science démontre qu'à 20 mètres environ au-dessous de la surface, la tempéra- ture est normale et demeure continuellement à + k degrés centigrades. A cette profondeur, et plus bas encore, les poissons trou- vent un milieu absolument tranquille et au sein duquel ne se répercutent pas les agitations de la surface. Ce sont ces retraites profondes qui servent de refuge aux poissons de notre littoral, quand la température s'abaisse à un degré qu'ils ne peuvent supporter sans souffrir, et qui entraînerait leur mort s'ils ne pouvaient se soustraire à cette influence en recherchant la température normale du fond. C'est tellement ainsi, que des exemples de mortalité des poissons sont très-fréquents en hiver, et surtout durant les violentes tempêtes de vent du nord, dans les étangs salés de notre littoral et dans les environs d'Arcachon. L'étang de Berre mesure 10 mètres de profondeur dans toute la moitié de sa cuvette, et pourtant il arrive, par cer- tains temps froids, qu'il y meurt des poissons en nombre tel- lement considérable, que la pêche de ce poisson gelé a dû être organisée, et que la faculté est accordée à tous les habitants, qu'ils soient marins ou non, de s'emparer de tous ceux qu'ils trouvent. Dans l'étang de Valcarès, situé dans la Camargue et dont la profondeur maxima ne dépasse guère lm,20, la mor- talité fait de bien plus grands ravages, et les poissons morts, rejetés sur le rivage, y sont abandonnés souvent à la con- somption naturelle ou ramassés pour servir d'engrais. Si les issues de ces étangs vers la mer étaient librement 590 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d'àCCLIMATATION. praticables, le dépoissonnement, à de certaines époques, se- rait complet; car les poissons sentent très-bien les courants d'eau plus chaude qui viennent de la mer; ils les suivraient instinctivement pour gagner les profondeurs tranquilles et chaudes, si des obstacles ne s'opposaient à leur passage : si, dans l'étang de Berre, par exemple, par des engins de tous genres, des bordigues, des tanières de roseau, on ne les maintenait au profit de la pèche et de l'alimentation. Parmi les espèces marines comestibles qui peuplent notre littoral, il en est peu qui puissent résister à une température de 0 degré centigrade. Déjà, et cela est un indice dont tout aquiculteur sérieux doit se préoccuper, les poissons qui fréquentent nos étangs salés sont en nombre très-limité, et si l'on observe les épo- ques de la sortie vers la mer de ces espèces, on arrive à cette conclusion que deux seulement peuvent supporter une tem- pérature assez froide : ce sont le Bar (Loup dans la Méditerra- née) et le Muge; nous exceptons l'Anguille, qui appartient aussi bien à l'aquiculture fluviatile qu'à la culture des poissons de mer. Des Dorades, des Sargues, des Surmulets, des Soles, fré- quentent aussi l'étang de Berre, mais, dès les premiers froids, ces poissons se hâtent de nager vers la mer, et souvent même, surpris en route par une température qu'ils ne peuvent sup- porter, ils meurent avant d'avoir atteint les abris qu'ils cher- chaient. Nous avons, chaque année, constaté ce fait, et il demeure plus que jamais acquis à la science piscicole, que, tout en ob- servant les conditions d'abri les mieux entendues, il ne peut y avoir de tentatives possibles que sur les deux espèces que nous avons désignées plus haut; encore est-on, malgré tous les soins, exposé à des pertes par le froid durant les hivers très-rigoureux. Il ne peut être ici question, dans aucun cas, d'élever artifi- ciellement la température de l'eau ; cela serait possible tout au plus pour conserver dans des aquaria quelques sujets des- tinés à être étudiés. ACTION DU FROID SUR LES POISSONS. 591 Nous ne possédons que des moyens naturels, et ils consis- tent dans les abris les plus parfaits possibles, de telle sorte qu'il y a lieu de renoncer à l'élève de toute espèce non sus- ceptible de résister aux atteintes du froid, en dépit des plus grandes précautions. Les crustacés comestibles de notre littoral redoutent aussi le froid et tout autant que les poissons ; aussi est-il absolument impossible de conserver, en dehors d'installations toutes spé- ciales, des Cancer marnas, des Homards, des Langoustes, des Squilles. Les mollusques comestibles sont moins difficiles à élever dans des eaux où la température suit à peu près normalement celle de l'air atmosphérique. Nous parlons surtout de l'Huître et de la Moule. Pourtant, un froid excessif de même qu'une chaleur un peu trop élevée, amènent des cas de mortalité dans les bancs artificiels de ces mollusques, lorsqu'ils ont à subir, durant un temps un peu trop prolongé, une température anormale. Il n'y a pas longtemps que nous avons lu que le froid avait causé de grands dommages dans des parcs d'Huîtres des bords de l'Océan. Le soleil, agissant dans des conditions analogues, eût pu produire un effet semblable. C'est que, dans les parcs comme dans les claires, les Huî- tres se trouvent en dehors des conditions naturelles de leur existence normale ; elles sont, comme les poissons, enlevées à leur circulation, à leur liberté, et parquées en viviers : des variations de la température atmosphérique, qui n'auraient pu les atteindre dans leurs fonds naturels, les impres- sionnent, les tuent même quand elles se trouvent à sec dans les parcs ou seulement recouvertes d'une couche insuffisante d'eau. La Moule redouterait moins l'action du froid que l'Huître, mais elle craint beaucoup la chaleur quand elle se trouve dans une eau stagnante , fortement chauffée par les rayons solaires, ou complètement à sec pendant quelques heures seulement. 592 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Mais, en ce qui concerne les mollusques, dont nous ne parlons que pour compléter l'examen rapide de l'action du froid en général sur les poissons élevés et conservés à l'état de stabulation, les difficultés auxquelles exposent les tempéra- tures excessives sont bien connues, e{, bien qu'elles amènent des pertes sérieuses, elles sont un obstacle moins grand au succès qu'en ce qui concerne les poissons et les crustacés. Sans revenir sur les considérations par lesquelles nous avons débuté, nous nous bornerons à appeler l'attention de tous nos confrères en pisciculture marine sur toutes les ques- tions de détail qui peuvent faire faire un pas de plus vers le progrès au problème qui nous occupe, et dont la solution, même fort incomplète, amènerait de sérieux bienfaits en augmentant nos ressources alimentaires et en créant au moins une industrie nouvelle, lors même qu'au point de vue alimen- taire les résultats pussent être douteux. Nous venons d'indiquer uno difficulté réelle, un obstacle à peu près invincible ; il se peut que nous ayons un jour l'oc- casion de reconnaître que l'obstacle a été vaincu, et que de précieuses découvertes nous amènent à constater qu'il ne faut jamais désespérer du génie de l'homme, lorsqu'il marche vers l'accomplissement d'un but utile avec persévérance et ténacité. Que nul d'entre nos collègues n'en doute, il nous sera plus doux d'avoir à enregistrer des conquêtes que d'avoir à signa- ler des défaites, et, pour notre part, en mettant tout notre zèle à montrer du doigt les côtés difficiles de la question, nous croirons l'avoir maintenue dans la vraie voie, et avoir ainsi se- condé l'œuvre utile de la Société impériale d'acclimatation, en prouvant que nous avons su profiter des sages leçons qu'elle nous donne. UN DINER DE SIÈGE (17 novembre 1870) RAPPORT Par M. \. GEOFFÎE©* S.%INT-6B1LA1RE . Dans les circonstances où se trouve aujourd'hui placée la population de Paris, alors que les approvisionnements de bé- tail vivant sont- sur le point de manquer; alors que, par pré- caution, l'administration supérieure prescrit la nourriture par les viandes salées pendant une période de trois jours, à la- quelle succédera une période de trois autres jours où la viande de Cheval sera mise en vente, c'est-à-dire quand nous devons nous préparer à nous nourrir de conserves de toutes natures, de conserves salées ou de conserves en boîtes, toute tentative qui peut avoir pour résultat de procurer à la population pa- risienne de la viande fraîche est louable. Beaucoup d'entre nous, plusieurs d'entre vous sans doute, messieurs, ont cherché quelles pourraient être les viandes fraîches à consommer. Les Moineaux, les Merles, les Pigeons ramiers de nos jardins sont des victimes prédestinées, et la qua- lité de leur chair n'a pas besoin d'être attestée. La chasse aux oiseaux, dans la banlieue et dans Paris, se fait activement, trop activement même, puisque souvent, dans les rues de Paris, sur les boulevards et dans nos jardins publics, l'im- prudence des chasseurs a pu causer de regrettables accidents. En dehors de l'enceinte de Paris les petits oiseaux ne man- quent pas; sans parler des Moineaux, des Traquels et d'autres Becs-fins abondent, les Alouettes voltigent nombreuses dans les champs. Les Corneilles vivent en bandes sur certains points de Paris, et leur chair, sans être un régal, lorsqu'elle est dépouillée de la peau, échaudée, puis bouillie, est très-mangeable; la plu- part d'entre vous l'ont sans doute dégustée? Qui de vous ne connaît pas la soupe aux Corbeaux? 2e série, t. Vil. — Septembre-Octobre 1870. oS 59/1 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Les espèces de Mammifères en ce moment à notre portée sont moins nombreuses que les espèces ailées, et cependant elles nous fourniront une quantité d'aliments bien plus con- sidérable. Depuis]longtemps plusieurs d'entre nous se promettaient de déguster la viande du Chat, celle du Chien et celle du... Rat. Grâce à notre collègue, M. le docteur Anatole de Grand- mont, nous avons pu hier satisfaire notre curiosité, et ce n'est pas une curiosité vaine, une tentative bizarre, puisque le ré- sultat de nos dégustations nous permet de venir vous affirmer aujourd'hui que les aliments que nous avons consommés sont bons, très-bons. Permettez-moi de vous rendre compte du repas que nous avons fait, et de vous donner le résumé des opinions émises sur chaque mets par les convives réunis chez le docteur de Grandmont. Nous étions dix : MM. de Quatrefages et Richard (du Cantal), nos vice-présidents ; M. Desmarets, l'illustre avocat, aujour- d'hui maire du 3e arrondissement de Paris; M. Decroix, l'im- perturbable propagateur de l'usage alimentaire de la viande de Cheval; M. Graux (de Mauchamp), le fils du créateur de la race ovine à laine soyeuse; MM. Dégient, Giraudeau, P. de Grandmont, Anatole de Grandmont, notre amphitryon, et moi. Le menu était le suivant : POTAGE. 1° Consommé de Cheval au Millet. RELEVÉS. 1° Brochettes de foie de Chien à la maître d'hôtel. 3° Émincé de râble de Chat sauce mayonnaise. entrées. k° Épaules et fdets de Chien braisés, sauce tomate. 5° Civet de Chat aux Champignons. 6° Côtelettes de Chien aux petits Pois. 7° Salmis de Rats sauce Robert. RÔT. 8° < ligots de Chien flanqués de Ratons sauce poivrade. UN DINER DE SIEGE. 595 LÉGUMES. 9° Bégonias au jus. ENTREMETS. 10° Plum-pudding au rhum et à la moelle de Cheval. Etc. 1° Le potage était parfait, le Millet peut-être un peu dur, mais d'une agréable saveur. 2° Les brochettes de foie de Chien, plat pour lequel, nous l'avons avoué après, la plupart d'entre nous n'étaient pas sans répugnance, les brochettes ont été trouvées exquises. La sa- veur du foie nous a rappelé celle des rognons de Mouton; les morceaux étaient tendres et tout à fait agréables. 3° L'émincé de râble de Chat a été très-goûté. Cette viande blanche est d'un aspect agréable ; les morceaux étaient ten- dres et leur goût pouvait rappeler un peu celui du veau froid. h° Les épaules et filets de Chien étaient tendres. Leur sa- veur a été comparée par plusieurs convives à celle de la viande d'Isard ou de Chamois. 5° Le civet de Chat était de tous points excellent, quoiqu'un peu dur; mais je crois que si nous n'avions pas eu d'autres devoirs à faire remplir à notre estomac, nous serions tous revenus à ce mets parfait. 6° Les côtelettes de Chien avaient été un peu trop marinées • le goût de vinaigre était trop sensible. La chair n'était pas mauvaise, mais un peu filandreuse. 7° Le salmis de Rats nous a semblé très-bon. La plupart d'entre nous ont trouvé que cette viande avait le goût de la chair d'oiseau. 8° Les gigots de Chien étaient bons, surtout les parties sai- gnantes ; les parties trop cuites avaient perdu de leur saveur et étaient filandreuses. Bonne viande en somme, mieux que mangeable. Quant aux Ratons grillés qui flanquaient les gigots, ils ont paru fades, leur chair a été trouvée molle et filandreuse. 9° Les Bégonias au jus ont la plus grande analogie avec l'Oseille. Ce nouveau légume est peut-être plus acide encore 596 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. que l'Oseille. S'il était abondant, il serait à recommander, en ce moment plus que jamais, pour lutter contre les effets de la nourriture à la viande salée. 10° Le plum-pudding à la moelle de Cheval était exquis. M. de Grandmont me permettra de faire une critique du repas qu'il nous offrait. Les viandes étaient peut-être un peu trop déguisées, leur saveur n'était pas assez mise en relief. Notre confrère pourrait répondre, et avec raison, à la critique que je formule, qu'il s'agissait dans notre expérience de voir si ces viandes inusitées pouvaient se manger. Celte preuve est faite, puisque non-seulement nous avons tous pris notre part de chacun des plats, mais que nous avons mangé avec pteisir ces mets nouveaux. Je ne veux pas omettre de remercier ici, en notre nom à tous, M. Lclong, le chef qui avait préparé le dîner. M. Lelong s'en est tiré en artiste consommé. Il a le génie de la cuisine, et il en a aussi l'amour. Il a demandé au docteur de Grand- mont, comme une faveur, de préparer le repas ; c'était presque un droit pour M. Lelong, qui avait pris la part la plus active à la confection du grand banquet hippophagique tenu au Grand- Hôtel, il y a quelques années, sous la présidence de M. de Quatre fages. L'expérience faite hier, messieurs, demande à être pour- suivie, et vous devez vous y associer tous ; car si nous avons été satisfaits de la plupart des mets que nous avons dégustés, on ne saurait asseoir son .opinion sur un seul essai. Ainsi, pour le Chat, quel âge avait celui que nous avons mangé, — à quelle race appartenait-il — M. Decroix pense qu'il était âgé, je suis de cet avis-, — nous savons de plus que c'était un demi-Angora à yeux ordinaires. L'Angora blanc à yeux bleus, celui à yeux rouges (albinos), le Chat espagnol, le Chat rouge, le Chat gris, seront-ils, à égalité d'âge, de même qualité? Je ne le crois pas. Les blancs seront toujours plus délicats. Je ne soulève pas ici la question de régime ; le Chat d'appartement, nourri de pâtées, sera sans aucun doute plus fin que le Chat qui se nourrit dej proie. Le Chat castré, la Chatte, seront sans aucun doute préférables au matou. UN DINER DE SIÈGE. 597 Pour le Chien, je ferai les mêmes observations. Celui que nous avons dégusté était un Lévrier; nous allons en manger d'autres, la question en vaut la peine. Faites comme nous et apportez ici le résultat de vos expériences. Quant aux Rats, messieurs, je suis revenu du dîner d'hier satisfait, mais mes préventions contre ce terrible rongeur subsistaient; elles ont été détruites ce matin. J'ai dégusté à mon déjeuner des Rats en gibelotte, et je ne conçois pas que j'aie pu rester si longtemps sans user d'un aliment aussi ex- quis. Nous avions trouvé hier aux Rats en salmis le goût d'oi- seau; aujourd'hui, en gibelotte, j'ai cru manger d'excellent Lapin. Les muscles des membres antérieurs sont plus fins que ceux des postérieurs ; mais ces derniers sont volumineux et charnus, bien plus qu'on ne saurait se le figurer. Le poids d'un Rat dépouillé, vidé, tête coupée, est de 130 grammes environ, et celui du foie, qui est beau et gros, atteint 16 grammes. Ces chiffres vous montrent qu'il faut peu de Rats pour faire un véritable plat. Nous faisons faire actuel- lement des terrines de Rats et des pâtés de foies de Rat, ce sera une véritable ressource pour les jours à venir du siège, — car il suffît d'avoir mangé une fois ce nouveau gibier pour en vouloir goûter encore. Qu'on se le dise. M. le docteur A. G. de Grandmont, à la suite de la lecture de M. Albert Geoffroy Saint-Hilaire, ajoute : « Notre réunion d'hier (17 novembre 1870) avait pour but de fixer le public sur la valeur alimentaire de la viande du Chien, du Chat et du Rat. Notre expérience a eu un double résultat heureux : le premier a été de me permettre de réunir quelques amis sans diminuer en rien le poids des subsistances municipales; le second, de faire connaître des aliments sains qui convien- nent aux estomacs les plus délicats et les appétits les plus exigeants. » Or, en livrant à l'alimentation les Chiens, les Chats et les Rats, on peut assurément prolonger de plusieurs jours la durée 598 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. du siège, et trois jours, deux jours peuvent apporter le salut, quand on attend sa délivrance des efforts combinés du dedans et du dehors. » Je remercie donc ici toutes les personnes qui ont bien voulu concourir à mon expérience ; mais, sansvous, messieurs, qui avez toujours encouragé ces recherches gastronomiques, elle sera bien vite oubliée si vous ne la prenez pas sous votre puissant patronage et n'en divulguez pas de tous côtés les conclusions, qui sont celles-ci : Le Chien, le Chat et le Rat fournissent une viande saine et nourrissante. » Vos voix seront écoutées, et peut-être aurez-vous la satis- faction de dire : Tel jour j'ai prolongé la défense de Paris. » II. EXTRAITS DES PROCES - VERBAUX DES SÉANCES GÉNÉRALES ET DU CONSEIL DE LA SOCIÉTÉ, SÉANCE DU 10 JUIN 1870. Présidence de M. Drouyn de Lhuys, président. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. — M. le Président fait connaître les noms des membres récemment admis : MM. Bégin, chef de bataillon du 3e régiment de marine à Saigon (Gochinchine). Clarté (Joseph) , employé aux cristalleries de Baccarat (Meurthe). Marini (Heber), ingénieur civil, à Paris. — Des remercîments pour leur récente admission sont adressés par MM. le vicomte Philippe d'Adhémar, Clarté, L. Tissié et Pi. Zaldivar. — Des remercîments, pour les médailles qui leur ont été décernées à la séance publique dernière, sont adressés par MM. Nieto, de Cordoba (Mexique), etFréd. Albuquerque, de Rio-Grande do Sul (Brésil). — M. le comte de Cholet demande si la Société pourrait fournir à un fabricant de Roubaix une certaine quantité de poil de Chèvre d'Angora pure pour faire des essais d'applica- tion industrielle. — M. Sénéquier fait parvenir un rapport sur l'état de son cheptel. — M. Dabry transmet une lettre de Monseigneur Chauveau, vicaire apostolique au Thibet, relative aux difficultés qu'il éprouve à se procurer pour la Société les diverses espèces d'animaux intéressants qu'il désirerait lui faire parvenir. — M. de Bourakofï, délégué de la Société à Odessa, an- nonce l'envoi de Poules de Sinope, de Canards du pays et de graines de Katran. — Remercîments. Les Canards reçus par la Société sont des Canards de Bar- 000 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. barie. Quant aux Coqs, d'après M. A. Geoffroy Saint-Hilaire, ils offrent une grande analogie avec la race de la Flèche, par la forme de leur corps, le port de leur tête et même leur crête. La couleur du plumage est blanche et grise, la queue noire à re- flets ; la couleur des pattes est grise. Cette race est intéressante, mais on ne peut prévoir si ses mérites égaleront ou dépasse- ront ceux des variétés que nous possédons. — M. de La Blanchère présente, pour le concours de l'an- née prochaine, son Dictionnaire général des pêches. — Ren- voi à la Commission des récompenses. — M. le docteur Fr. Day fait hommage d'un exemplaire de ses rapports au gouvernement de Madras , sur les pêcheries d'eau douce dans l'Inde. — Remercîments. — M. Bordone adresse une note sur la maladie des Vers à soie. (Voy. au Bulletin, p. 432.) — Mme la baronne de Pages adresse une note sur ses pro- cédés d'éducation des Vers à soie. — Son Exe. M. le Ministre des affaires étrangères transmet, au nom de M. Gauldrée-Boilleau, un mémoire de M. L. Sada, sur un projet d'association pour introduire et généraliser au Pérou la culture du Mûrier et l'élevage du Ver à soie. — Re- mercîments. — M. le marquis deForbin-Janson, consul général de France à la Havane, transmet un mémoire de M. Jules Lachaume sur la reproduction et les usages du Mangle des Antilles. Il pense, en particulier, que cet arbre pourrait être introduit avantageu- sement sur les côtes de la Méditerranée. M. J. Lachaume ajoute que l'introduction de cet arbre serait avantageuse, car son écorce contient un acide colorant en rouge, très-bon pour la teinture. Cette même écorce est de première qualité pour tannerie cuir; son bois est très-dur et très-propre à faire du charbon; son bois est de première qualité pour les charpentes à couvert, mais employé dans la terre, il ne dure que trois ou quatre ans; ses racines sont le refuge des Huîtres qui vivent en familles, se propagent et sont très-propres et faciles à pê- cher. M. Coste, qui a la direction de la pisciculture et de la propagation des Huîtres en France, pourrait tirer un très-bon PROCÈS-VERBAUX. 601 parti de cet arbre pour propager les Huîtres. Ses racines sont la retraite de tous les oiseaux aquatiques, par conséquent propres aux terrains de chasse. Enfin, les racines, qui retien- nent tous les détritus flottants de la mer et qui sont jetés sur elles par les vagues, forment une digue naturelle contre les envahissements incessants de la mer. — M. Gilbert, d'Erzeroum, annonce qu'il va préparer un envoi de plantes à fruits du Kurdistan. — Remercîments. — Des remercîments pour les graines et plantes qu'ils ont reçues, sont adressés par MM. Martin de Bessé, Maumenet, Léo d'Ounous, Barbaroux et Lecourt-Lory. — M. A. de Lacerda exprime le désir, au nom de l'Institut impérial d'agriculture de Bahia, de recevoir des boutures de la Canne à sucre appelée par les Annamites, Mia-voi. — M. Léo d'Ounous adresse un rapport sur ses cultures et appelle l'attention de nos collègues sur l'Érable rouge de Vir- ginie : « La Société s'est vivement occupée de l'introduction » de l'Érable à sucre. J'ai, depuis quatre ans, dans mes cul- » tures de l'Ariége, un arbre qui l'égale, s'il ne le surpasse » en beauté et mérite : c'est l'Érable rouge de Virginie, dont » la sève abondante peut aussi donner de grandes quantités » de matières sucrées. Il me semble qu'il est destiné à sortir » de nos parcs et jardins potagers, dont il fait l'ornement. » Repoussant fortement sous la hache, les sujets que je cultive » fournissent de nombreux drageons; il a de plus l'avantage » de se couvrir de fleurs et de graines fertiles qui se ressè- » ment naturellement dans les lieux frais ou ombragés. Les » graines mûrissent en juin ; je suis en mesure de vous en » envoyer de bonnes graines. Je ne saurais trop recomman- » der leur culture cà ceux de mes nombreux collègues qui » s'occupent d'arboriculture et de reboisements. » — Il est déposé sur le bureau une notice de M. Bélanger, intitulée : Essai de culture du Quinquina à la Martinique, 1870. — M. Ad. Chatin offre, aunom de M. Guilloteaux, des graines de Vers à soie du Mûrier. — Remercîments. — M. le docteur Hooker fait hommage de graines de 602 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Cedrus deodora et de Juniperus bermudiana. — Remer- ciements. — M. le secrétaire informe la Société que notre confrère M. Wallut a offert à la Société la collection du Musée des fa- milles, depuis sa fondation jusqu'à ce jour, et met à sa dis- position, pour l'illustration du Bulletin, les clichés des diverses gravures de cette collection. — Remercîments. — M. Malingre demande quelques renseignements sur le Sarracenia purpurea, plante qui a été préconisée contre la petite vérole. M. Roisduval ne pense pas qu'on pourrait cultiver cette plante en France, qui offre de très-grandes difficultés de cul- ture, de même qu'un certain nombre de plantes des marais stagnants. M. Soubeiran fait remarquer qu'il a vu plusieurs pieds de Sarracenia en fleur, lors de sa récente visite au Jardin royal de Kew. Il ajoute qu'une demande a été faite à nos confrères des Etats-Unis pour se procurer des pieds de cette plante. M. Vavin pense qu'il est utile défaire des essais, malgré les difficultés de la culture, et rappelle ses tentatives sur YArra- cacha. — M. Millet donne lecture du projet de dispositions légis- latives contenues dans un rapport sur la protection interna- tionale des oiseaux de passage, fait au nom de la Section des oiseaux : « Article \™. — Sont interdits la capture, la destruction, la mise en vente, la vente, l'achat, le transport, le colportage, l'exportation et l'importation, soit des oiseaux désignés sur le tableau annexé à la présente loi, soit de leurs nids ou de leurs œufs. » Art. 2. — Sont également interdits la fabrication, la mise en vente, l'achat, le transport, le colportage, la possession, l'emploi de pièges , engins et appeaux quelconques servant à attirer ou à capturer les oiseaux désignés ci-dessus. » Art. 3. — La recherche des oiseaux, des nids, des œufs, des pièges, engins et appeaux pourra être faite à domicile chez les marchands et dans les lieux ouverts au public. PROCÊS-VERBAUX. 608 0 Art. l\. —Los peines prononcées par les articles 11, 12, 4 3 et ïlx de la loi du 3 mai lSZi/i, sur la chasse seront appli- quées, en cas de contravention , aux dispositions qui précè- dent. » Art. 5.— Des décrets détermineront les gratifications qui seront accordées aux rédacteurs des procès-verbaux ayant pour objet de constater les délits et contraventions prévus par la présente loi. » Art. 6. — L'administration pourra donner exceptionnelle- ment et temporairement l'autorisation de chasser et de trans- porter des oiseaux, de prendre et de transporter des nids et des œufs d'oiseaux qui seraient destinés à des établissements publics, à des études d'histoire naturelle ou à des essais d'ac- climatation. » M. de La Blanchère trouve les dispositions proposées dra- coniennes, et propose de les remplacer par un article unique ainsi conçu : « Tout oiseau mort devient gibier, et comme tel soumis aux mêmes prohibitions. » Gela permettrait d'éviter des héca- tombes de petits oiseaux, tels que les Hirondelles dans le Piémont, les Alouettes prises aux tendues dans le Jura, etc. M. Millet : Cette rédaction a le défaut d'excepter les oiseaux élevés en cage dans le but spécial d'être livrés à la consom- mation, tels que les Ortolans qu'on nourrit avec du Millet, les Cailles et les Rossignols. M. le baron Cloquet : On transporte en Angleterre des quan- tités considérables de Cailles vivantes. M. A. Gillet de Grandmont : Il y a une modification à ap- porter à la rédaction de l'article proposé par M. de La Blan- chère. La plus grande destruction se fait au moyen d'engins prohibés ; ce n'est pas le chasseur qui détruit, mais le bra- connier. Il faut donc assimiler les petits oiseaux au gibier, et n'en permettre la chasse qu'au fusil. M. de La Blanchère : On fait, dit-on, voyager des Fauvettes et des Rossignols en cage. Il nie le fait, car ces oiseaux meu- rent en vingt-quatre heures, s'ils ont été pris adultes. Quant aux Becs-fins, ce sont de vrai gibier, et l'on pourrait faire une 60/j SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. exception nominative pour l'Ortolan, la Caille et la Perdrix. La proposition de M. Gillet de Grandmont est bonne, mais il serait bien difficile de reconnaître les oiseaux tués au fusil ; aussi maintient-il sa rédaction. Pour lui, tout oiseau mort de- vient gibier, et l'article atteint tous les braconniers. M. Berrier-Fontaine demande la prohibition absolue de toutes espèces de filets ou d'engins. M. Millet : Il ne s'agit dans le rapport que des oiseaux de passage pour une protection internationale: or l'Alouette n'est pas un oiseau de passage, d'après la définition donnée par le Code. Le projet n'a trait qu'aux oiseaux de passage et ne s'oc- cupe pas du gibier. On prend et apporte chaque année, sur les marchés, des quantités de Rossignols et de Fauvettes en cage. Ceux pris à la saison des amours périssent facilement; mais les jeunes, même ceux capturés à la fin de l'automne, se gardent assez aisément. M. de La Blanclîère : 11 est assez facile de conserver en cage des jeunes pris au nid ; mais on ne vend, pour l'alimentation, que des adultes, et l'on ne s'amusera pas à faire des éducations en cage pour fournir plus tard les marchés. M. Millet : En Suisse, on prend en très-grande quantité des jeunes, surtout de Fauvettes, sortant du nid. M. Pigeaux demande si une disposition particulière per- mettra de posséder des oiseaux en cage. M. Millet : On a proposé d'imposer ces oiseaux en cage, comme cela a lieu en Prusse ; mais la section n'a pas été de cet avis. M. Gillet de Grandmont : Le projet est trop sévère; il est plus simple délaisser le chasseur tuer les oiseaux au fusil, en prohibant d'une manière absolue les filets au moyen desquels, à certaines époques, on détruit quantité d'oiseaux. M. Millet : L'annexe ne renferme que très-peu d'oiseaux dont l'utilité a été reconnue. M. de La Blanchère n'est pas d'avis que la liste soit complète, et il pense, du reste, qu'elle est très-difficile à faire. M. Gillet de Grandmont : N'y a-t-il pas grand avantage à considérer tous les oiseaux comme gibier, en raison de la dif- PROCÈS-VERBAUX. 605 liculté qu'il y a de distinguer ceux qui sont sédentaires et ceux qui sont de passage? Il propose donc comme article unique : « Tous les oiseaux morts ou vivants sont considérés comme gibier. » M. de La Blanchère se rallie à la rédaction de M. de Grand- mont, parce qu'il faut une énoncialion large. M. Millet : Il faut préciser pour ne pas laisser les faits à l'interprétation des tribunaux, ce qui présenterait des incon- vénients. M. le Président met aux voix l'amendement proposé par M. Gillet de Grandmont : « Tous les oiseaux morts ou vivants sont considérés comme gibier. » L'amendement est repoussé par douze voix contre dix. M. le Président met aux voix les six articles du projet de dispositions législatives, qui sont, adoptés successivement, de même que l'ensemble du projet. — M. Decroix donne les renseignements suivants : « La con- » sommation de la viande de cbeval continue à faire des pro- » grès. Ainsi on a abattu pour la boucherie, a Paris : en 1866, » y0'2 chevaux qui ont donné 180 ZtOO kilogrammes de viande; » en 1867, 215:2 chevaux qui ont donné Zi30 ZiOO kilogram.; » en 1868, 2/i21 chevaux qui ont donné hSà 200 kilogram.; » en 1869, 2758 chevaux qui ont donné 551 600 kilogram. » Les résultats connus pour les cinq premiers mois de 4 870 i> sont plus satisfaisants encore. La fabrication du saucisson » de viande de cheval s'améliore aussi de jour en jour. Les » premiers essais laissaient beaucoup à désirer; mais aujour- » d'hui cet aliment peut rivaliser avec les saucissons ordi- » naires, quoiqu'ils soient à un prix moitié moins élevé. Il y » a même, près de Beaucaire, une fabrique dont les produits » sont de qualité supérieure; aussi le comité de la viande de » cheval, dans sa dernière séance, a-t-il décerné au fabricant, » M. Vincent Giraud, une médaille d'honneur. En accordant » cette médaille, le comité a voulu donner en outre, cà M. Gi- » raud, un témoignage de satisfaction pour la persévérance » qu'il met, depuis trois ans, à demander l'autorisation d'ou- » vrir à Beaucaire une boucherie de viande de cheval, auto- 606 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. » risation qui lui a été accordée le 18 juin 1869, puis retirée, » on ne sait pourquoi, le 30 juillet suivant. » SÉANCE DU CONSEIL DU 29 JUILLET 4 870. Présidence de M. Richard (du Cantal), vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le Président proclame les noms des membres récem- ment admis : Ghappedelaine (le comte de), consul de France à Han-Kéou (Chine). Gensollen, à Hyères (Var). ;Sauvadon, au Jardin d'acclimatation de Gezireb, au Caire (Egypte). M. le Président informe le Conseil du décès de M. Lebou- chcr. — Des rernercîmen ts pour sa récente admission sont adressés par M. A. Larrea. — M. jle docteur Vicente de la Roche et sir Robert Ofiicer adressent leurs remercîments pour les médailles qui leur ont été décernées à la dernière séance publique. — M. Hérilte, consul de France à Elseneur (Danemark), fait parvenir une note sur la chasse des Phoques et la préparation de leurs dépouilles (voy. au Bulletin, p. 560). — M. Guillemin adresse un rapport sur les Chèvres d'Angora qui lui ont été confiées à titre de cheptel. — S. Exe. M. le Ministre de l'intérieur adresse divers docu- ments relatifs à la police de la chasse. — Remercîments. — S. Exe. M. Drouyn de Lhuys fait connaître que Gilbert Pierre, ordonnateur de la marine à la Martinique, vient de lui adresser un Ara bleu de Cayenne. — M. Geoffroy Saint-Hiiaire communique l'extrait d'une lettre adressée à M. G. Andelle, par M. L. D. Carreau, mis- sionnaire apostolique au Thibet,et relative au Faisan de Lady Amherst (voy. Bulletin, p. 502). PROCÈS-VERBAUX. 607 M. Dabry annonce l'envoi de Faisans de Chine. — Remer- cîments. M. Geoffroy Saint-Hilaire fait connaître que deux de ces oiseaux seulement sont arrivés vivants à Paris. — M. le directeur du Jardin d'acclimatation communique une lettre, en date du 19 juin 1870, qui lui est adressée par M. Perrault, directeur de la ferme-essai de Varennes, près de Montréal (Canada) : « Votre dernier envoi de volailles de la v Flèche, de Canards de Rouen et d'Oies de Toulouse, m'est » parvenu dans d'excellentes conditions. Les Oies font l'éton- » nement de nos cultivateurs par leur taille et leur élégance. » Je me propose d'exposer aux concours généraux : 1° du » bas Canada, 2° du haut Canada, 3° de l'État de New- » York, ces oiseaux récemment reçus et ceux du précédent » envoi (Houdan et Crèvecœur). J'ai déjà cinquante petits » Poulets de Houdan et de Crèvecœur; j'en attends encore » autant des couvées qui sont en train. » —M. Desjardins adresse à M. Geoffroy Saint-Hilaire une let- tre, en date du 29 juillet 1870, relative à l'élevage des Outardes Canepetières, dont nous extrayons ce qui suit : « Depuis plu- » sieurs années déjà, je fais couver par des Poules ordinaires » les œufs de Canepetière qui me sont apportés et qu'on ra- » masse sur mes propriétés, sur le terroir de Baunes (canton » de Fère-Champenoise). L'éclosion des jeunes se faisait bien ; » mais la Poule couveuse, à mesure de leur naissance, jetait » mes jeunes Canepetières hors du nid, excitée sans doute par » le cri plaintif que poussent ces jeunes oiseaux aussitôt que » l'œuf est brèche. J'ai vu une fois une couveuse, ne pouvant )> se décider à abandonner tout à fait le nid, ne plus couver » qu'à contre-cœur, et se tenir soulevée de quelques centi- » mètres au-dessus des œufs, et témoigner la plus grande » agitation du bruit qu'elle entendait sous elle. J'ai pensé que » je ne pourrais arriver à obtenir de jeunes Canepetières » qu'en employant une couveuse artificielle, et j'ai en effet » réussi par ce moyen ; cependant je dois avouer que j'ai » subi des pertes et que j'ai bien fait des écoles à cause de » mon inexpérience pour l'éducation des oiseaux. Mes ré- 608 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » sultats de cette année (1870) me permettent d'affirmer qu'on » peut élever des Outardes Canepetières en faisant couver les » œufs par une Poule, en les lui enlevant aussitôt qu'ils sont » brèches, et en les maintenant alors dans une couveuse arti- » fîcielleàune chaleur de ai degrés centigrades, vingt-quatre » heures durant après leur éclosion. Agées d'un jour, les » jeunes Canepetières sont très-gaies, très-vives, mais refu- » sent absolument de manger; même une proie vive les laisse » indifférentes. J'ai été obligé de nourrir ces oiseaux de force. » Je les ai gavés d'œufs de fourmis. Au bout de quelques » jours de ce régime, ils se montraient encore indifférents à » la nourriture vive ou non, posée à terre, mais ils prenaient y> volontiers eux-mêmes les insectes, les œufs de fourmis que » je leur présentais à la hauteur et au-dessus du bec avec » une petite pince. En d'autres termes, il fallait imiter la » mère, qui, sans doute, «à l'état sauvage, présente au bout de » son bec les aliments qu'elle a recueillis pour ses jeunes. i> J'ai dû avoir la patience de nourrir mes élèves à la pince, » pendant trois semaines environ. II doit y avoir un moyen » plus expéditif et surtout plus commode d'alimenter ces » jeunes oiseaux; je n'ai pas su le trouver, et bien des fois » pendant ces longs jours j'ai regretté de mètre imposé » cette lâche quotidienne. Une fois que les Canepetières nian- » gent seules, elles s'élèvent comme les autres oiseaux ; la » nourriture qui m'a le mieux réussi est celle-ci : De l'âge » de vingt-quatre heures à celui de trois à quatre jours, gaver » les oiseaux avec des œufs de fourmis ; ensuite, jusqu'à l'âge » de trois semaines, leur présenter à la main des œufs de » fourmis, des morceaux de jaunes d'auifs durcis, puis des » jaunes d'œufs durcis mélangés de bœuf bouilli ; puis dimi- » nuer les jaunes d'œufs durcis et ajouter un peu de salade. » De l'âge de trois semaines à cinq semaines, supprimer les » jaunes d'œufs et ajouter de la salade hachée avec le bœuf » bouilli. Enfin, jusqu'à l'âge de deux mois et demi, arriver » à donner presque tout : la salade hachée, mêlée de vert, de >) carottes et d'un peu de viande bouillie, le tout mélangé. » Mes Canepetières ont maintenant deux mois et demi, elles PROCÈS-VERBAUX. 609 » ne savent pas encore le goût des grains. J'ai essayé du fro- » ment, de l'avoine, de l'orge; je leur en ai fait avaler de » force quelques grains, ils n'ont pas été digérés. Elles se dé- » cident cependant, depuis quelques jours, à ramasser un peu » d'orge cuite, mais cet aliment se retrouve intact dans les » déjections. Mes élèves ne sont pas sauvages et vivent en » bonne harmonie, mais Us ne supportent pas qu'on les prenne » dans la main. Je ne dois pas oublier de dire que les jeunes » Canepetières sont extrêmement frileuses. Si dans la pre- » mière période de leur existence on les laisse hors de la » couveuse artificielle une heure ou deux, même par le beau » temps, on les retrouve tout engourdies et comme près de » mourir. Ces oiseaux craignent le froid très-longtemps. J'ai » dû leur laisser jusqu'à l'âge d'un mois l'entrée libre d'une » poussinière chauffée à 35 et 40 degrés centigrades. » — M. le directeur du Jardin d'acclimatation transmet à la Société des graines de Vers à soie du Mûrier provenant de l'éducation de Mme Pennequin-Deligny. — M. le docteur Adrien Sicard (de Marseille) fait hommage de deux mémoires : 1° sur l'aquiculture pratique ; 2° sur le Sarracenia, publiés dans le Bulletin de la Société d agricul- ture des Bouches-du- Rhône. — Remercîments. — M.Carbonnier adresse, en date du Jo juin 1870, laletlre ci-jointe : « Je suis heureux de vous annoncer que les jeunes » poissons chinois (Macropodes) nés chez moi le 1er août » 1869 ont fait une première ponte avant-hier, mardi » \h juin. Deux autres couples ont pondu hier, et en ce mo- » ment un grand nombre travaillent à la construction de leurs » nids. Vingt à vingt-cinq couples seront adultes dans une ou » deux semaines. La saison étant favorable, nul doute que » l'élevage des jeunes n'en soit facile et assuré. Ces gracieux » poissons, âgés de dix mois et demi, ont aujourd'hui la taille » de leurs parents; leur couleur est tout aussi belle. Inutile » de dire qu'ils s'y prennent de la même manière dans l'acte » de la reproduction. Ces pontes viennent à l'époque exacte » que j'avais prédite. Trois mois de chaleur me restent main- a tenant pour conduire à l'état d'alevin cette deuxième géné- 2e SÉRIE, t. VII. — Septembre-Octobre 1870. 39 \ 610 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » ration ; c'est plus qu'il ne faut pour que leur force leur » permette de traverser la saison froide de nos pays. » — M. Fausto Paterlini, de Lanato (Brescia), adresse un rapport sur l'éducation de Vers à soie provenant de Tunis. — M. Blondel accuse réception des graines de B. Cynthia qu'il a reçues de la Société. — Le gouverneur de Chypre fait parvenir un mémoire sur les divers procédés de destruction des Sauterelles dans son gouvernement (voy. au Bulletin). — MM. le comte de Galbert, Guillemin, Raymond et Rougane deChantelou, mesdames Roudil et la baronne de Pages, font parvenir des rapports sur leurs éducations de Vers à soie. — M. Chéruy-Linguet, de Taissy (Marne), fait hommage d'une brochure-: La défense de Vailanticulture. — Remer- cîments. — S. Exe. M. Drouyn de Lhuys transmet une lettre de MM. Planchon et Lichtenstein sur le Phylloxéra vastatrix et sur les moyens les plus efficaces pour détruire cet insecte pa- rasite de la Vigne. — M. le docteur Ferd. von Mueller adresse à la Société une collection de semences australiennes. — Remercîments. — M. Fréd. Albuquerque, de Rio-Grande do Sul (Brésil), envoie des graines de Goiaba do Matto. — Remercîments. — M. le colonel Martin fait parvenir une caisse de Dokhar. — Remercîments. — M. le docteur Turrel fait parvenir la note suivante sur. les éducations de Vers à soie dans le Var : « La grande place » que la sériciculture occupe à bon droit dans les préoccupa- » tions de la Société d'acclimatation me fait un devoir de vous » donner des nouvelles de la campagne séricicole dans le Var. a La récolte de soie a doublé et triplé celte année dans les » localités autrefois les plus infestées. Les cocons proviennent » des plus beaux types des races jaunes d'Italie introduites de » 18&5 à 1850, et conservées dans nos montagnes, grâce » aux petites éducations isolées spécialement tentées en vue » d'un bon grainage. Ces petites éducations conduites rigou- » reusement, suivant les lois de l'hygiène, ont permis non- PROCÈS-VERBÀUX. 611 » seulement de conserver ces races, mais même de les régé. » nérer. Aujourd'hui on admet sans contestation que les » maladies ont pris naissance presque partout, dans les grandes » chambrées, et que l'agglomération a toujours produit des » foyers de pestilence, tant par défaut d'aération que par » manque de soins. Cette cause génératrice de maladies est » tellement réelle, que des lots de graines soigneusement » examinées au microscope et reconnues pures de tout cor- » puscule ont donné, clans une éducation mal conduite, des Vers » malades et pébrinés, tandis que des graines déclarées mau- » vaises ont produit au muy une moyenne de l\0 kil. par » once. Aussi nos éducateurs, qui n'avaient consenti qu'avec » hésitation à s'en rapporter aux indications du microscope, » dont ils savent peu se servir et que les paysans ne consulte- » ront jamais, ont-ils perdu la confiance relative qu'on leur » avait inspirée, et se déclarent-ils prêts à soigner convena- » blement leurs petites éducations, puisque de bons soins » sont la garantie essentielle de succès. C'est parce qu'ils ont » eu des graineurs intelligents et qu'ils se sont décidés h dé- » liter et à largement aérer leurs chambrées, que les éduca- » leurs de M. Daubay ont produit cette année pour près d'un » million de soie. Les cocons se sont vendus de 8 à 8 fr. àO c. » pour les races jaunes du pays, tandis que les japonais et les » races mêlées n'ont obtenu que 5 à 7 francs par kilogr. Je » constate ces résultats dont notre honorable collègue » M. Guérin-Méneville a pu s'assurer avec d'autant plus de » satisfaction, qu'ils justifient, par une démonstration pra- » tique, les doctrines que j'avais émises sur la nature et la » guérison des maladies des Vers à soie, dans le mémoire » publié par le Bulletin de la Société d'acclimatation, avril » 18(57. J'ai trouvé une nouvelle et importante confirmation » de mes préceptes chez un honorable sériciculteur de la » Drôme, M. Benons (de Valence), qui va tous les ans faire » clans les localités les plus favorables la graine qu'il livre lui- » même au commerce. M. Benons a fait son éducation de 1870 » au Revers, village situé sur un plateau des montagnes entre » lesquelles se déploie la vallée de Dardennes. Il y a mis en 612 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » éclosion 8 onces de graines dont il a obtenu /iOOO kil. de » cocons, et il n'a pas eu dans toutes ses chambrées un seul » ver malade. Ces beaux résultats, cette remarquable immu- » nité, il les obtient uniquement par l'observation scrupu- » leuse des lois de l'hygiène. Partant d'une bonne graine, » éliminant de ses cocons destinés à la reproduction tous les » japonais verts ou métis , il s'attache exclusivement aux » races pures, blanche ou jaune, et ne met à éclore dans la » même chambrée que les cocons de la même couleur, choisis » parmi les plus parfaits comme forme et comme poids : il » réserve pour la bassine les cocons doubles et ceux dont la » couleur n'est pas franche. C'est la méthode de Backwell, » in and m, appliquée avec jugement et persévérance, qui lui » procure l'irréprochable graine qu'il livre au commerce. » Dès que les Vers sont éclos, M. Benons leur donne, en les » répartissant sur un espace suffisant, de la feuille en abon- » dance, et il opère de fréquents délitages au moyen de filets » ou de papiers percés, de manière à rejeter les déjections. » Il aère largement, et se borne, la nuit, à fermer les jalousies, » en laissant les vitres ouvertes. Il préfère notre région pour » faire sa graine, parce qu'il n'a pas besoin de chauffer ses » chambrées, et qu'il est d'avis d'écarter les moyens artifi- » ciels, pour se rapprocher autant que possible des conditions » naturelles. Il reviendra probablement à Toulon, et son » exemple ne sera pas perdu, car il a constamment employé » pendant toute son éducation huit ou dix femmes qui se » feront un devoir de pratiquer pour leur compte les procédés » qu'elles ont vu employer avec un si éclatant succès. Ce n'est » point par un puéril sentiment d'amour-propre que je fais » valoir cette concordance de mes opinions avec la pratique » des éducateurs qui n'ont certainement pas lu mon mémoire. » Mais il importe de faire remarquer combien les lois de la » nature sont simples et inflexibles, puisqu'il suffit de s'en » écarter pour voir une génération implacable de maux, et de » s'en rapprocher pour observer la décroissance des fléaux » engendrés par notre ignorance. » — Le président de la Société centrale d'agriculture et PROCÈS-VERBAUX. 613 d'acclimatation des Basses-Alpes transmet divers certificats constatant les succès obtenus par M. Th. Gombert (de Ma- lijat) dans l'éducation des Vers à soie par petites chambrées. — M. le directeur général des forêts envoie des exem- plaires du compte rendu des travaux de reboisement des montagnes en 1867-18(38. — Remercîments. — MM. Adrien Sicard, E. Benoît, Naudin, A. Denis, marquis de Kerouartz, Monthiers et Durieu de Maisonneuve, accusent réception des graines qui leur ont été envoyées. — MM. Auzende et E. Benoît font parvenir des rapports sur leurs cultures. — M. Naudin communique la note suivante sur Y Euca- lyptus globulus et les Bambous : « L' Eucalyptus globulus » existe déjà dans quelques jardins de Perpignan, mais il y » souffre dans les hivers rigoureux. Il en serait autrement, » à n'en pas douter, dans les vallées abritées des Albères, » telles que Collioure, Banyuls-sur-mer, etc. Je crois que » le Phormium tenax réussirait partout ici, principalement » dans les ravins, et il y donnerait, pour ainsi dire sans cul- » ture, des produits d'une bien autre valeur que les joncs et » autres herbes indigènes qui remplissent ces ravins. Comme » plante agricole, le Sorgho saccharifère aura probablement » de l'importance un jour. J'en dis autant des petites espèces » de Bambous, telles que les Bambusa nigra, mitis, gracilis, » Arundinaria falcata, etc., qui déjà réussissent on ne peut » mieux dans les jardins de Perpignan, et qui donneront, » quand on le voudra, des cannes bien supérieures, pour les » usages domestiques auxquels on les emploie, à celles qu'on » tire du Roseau de Provence (Arundo donax), cultivé ici sur j> une grande échelle; mais il y aura, comme je le disais plus » haut, la routine à vaincre . J'ai lu il y a quelque temps, avec » le plus grand intérêt, dans le Journal d'agriculture pra- » tique, une note de M. Richard (du Cantal) sur la domesti- » cation de l'Hémione, et je me suis demandé comment il se » fait que le gouvernement n'ait pas encore fondé un haras » spécial pour l'élève de ces beaux solipèdes, l'Hémione, le » Zèbre, le Dauw et l'Hémippe, dont on tirerait de si beaux 6J II SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. » attelages. Permettez-moi, monsieur le Président, d'ajouter » que de tous nos départements français (au nord de la Médi- » lerranée), celui des Pyrénées-Orientales serait celui qui » conviendrait le mieux pour cette utile création : car on y » trouve, avec une chaleur presque africaine en été, et une » température très-douce en hiver, un sol très-arrosé, très- » verdoyant et autrement riche en fourrages de toutes espèces » que l'aride Provence. Et de combien d'autres animaux exo- » tiques et d'oiseaux ne pourrait-on pas aussi tenter la domes- » tication avec grande chance de succès, sans en excepter » l'Autruche, le Casoar et le Nandou ! » — M. Denis (d'Hyères) annonce l'envoi de fruits tVEriobo- trya japonica. « Je viens d'envoyer à la Société impériale » d'acclimatation un petit panier des fruits de Y Eriobotrya » japonica, parfaitement arrivés à leur degré de maturité et > provenant de mon jardin. J'ai l'honneur de vous adresser » en même temps, et pour vous en particulier, quelques kilo- » grammes du même fruit, tellement acclimaté aujourd'hui » dans le Midi, que les marchés d'Hyères et de Toulon en re- » gorgent, et qu'ils s'y vendent à raison de 20 centimes le » kilog. Vous pourrez juger de l'excellence de ce fruit, véri- » table conquête pour le Midi jusqu'à Avignon, où j'ai envoyé, » il y a plus de trente-cinq ans, de jeunes arbres provenant » de nos semis, et qui portèrent, peu d'années après la trans- » plantation, des fruits qui m'ont paru être peu inférieurs )) aux nôtres. Le fruit se mange cru ou cuit à volonté, et je » vous engage à en essayer des deux façons. La cuisson doit » être opérée à petit feu, avec une très-légère quantité de » sucre, la cuisson développant à un point extrême le principe » sucré. On s'occupe en ce moment, à Hyères, d'améliorer. le a fruit sous le rapport de la grosseur et du goût. M. Gastneuil, » pharmacien, en a déjà obtenu de la grosseur d'un œuf de » poule, et des arbres provenant de ses semis donnent déjà i> des produits remarquables, bien que les arbres soient encore » très-jeunes. Il est un autre arbre à fruit dont nous atten- » dons un bon résultat, c'est le Goyavier de la Chine. Au » mois de septembre, il parvient à la parfaite maturité, et PROCÈS -VERBAUX. 615 » j'espère, cette année, tant la floraison a été merveilleuse, » pouvoir vous faire juger de la bonté de ce fruit. Un autre » arbre de la Chine qui prospère ici, est le Cookia punctata, » dont le fruit, qui s'appelle dans l'extrême Orient le Whampi, » ne nous a pas encore fait connaître son goût. Mais l'arbre d est fort robuste, et il a parfaitement résisté au froid extraor» » dinaire du rigoureux et long hiver que nous venons de tra» » verser. Nous espérons encore ajouter à notre liste le fruit » du Philodendron pertnsum, qui arrive à parfaite maturité » en Algérie. Il y a trop peu de différence entre le climat de » l'Afrique septentrionale et celui de notre Provence pour que » nous n'obtenions pas les mêmes résultats, Le Philodendron » pertnsum donne un fruit très-mangeable, s'il faut en croire » certains horticulteurs d'Azérie. Je viens de faire une sin^ » gulière tentative sur l' Eucalyptus g lobulus, c'est de replanter j> un arbre de trois ans, renversé totalement par un coup de )> vent, et que j'avais dépouillé de toutes ses branches et de » ses feuilles. Les unes et les autres repoussent, mais l'arbre » entier se recouvre de feuilles de la première jeunesse. » J'attends M. Ramel, que ce résultat va enchanter. » — M. le docteur Hooker, directeur du jardin royal de Kew, adresse ses remercîments pour le spécimen de Rheum du Thibet qu'il a reçu de la Société, et fait parvenir des graines de Cinchona officinalis et Pahudiana provenant des cultures des Indes anglaises. — Remercîments. — M. Forbes Watson, directeur de l' India Muséum, fait parvenir des spécimens de diverses plantes oléagineuses de l'Inde, et annonce que dorénavant il fera participer notre Société à toutes les distributions de graines faites par lui. — Remercîments. — S. Exe. lord Lyons, ambassadeur de la Grande-Bretagne à Paris, transmet une lettre de M. le gouverneur de Victoria, un mémoire de M. le docteur von Mueller, et divers documents relatifs aux Eucalyptus et ta leurs produits. — Remercîments. — M. Lissignol, secrétaire de la Société d'acclimatation de Melbourne, adresse un rapport de cette Société sur la culture des Eucalyptus et leurs produits. — Remercîments. 616 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. — M. Berthemy, ministre de France aux États-Unis, an- nonce le prochain envoi de pieds vivants de Sarracenia pur- purea, par les soins du chef du département de l'agriculture. — Remerciments. — M. de Geofroy fait don de spécimens d'une plante grim- pante appelée Bellissima et qu'il a reçue de M. Fourcade. — Remerciments. — M. Alex. Adam fait hommage d'un Rapport sur ses opérations dans les dunes de Condette et de Saint-Etienne pendant les années 1868-1869. • — Remerciments. — M. E. Morren adresse ses remerciments pour les graines qu'il a reçues de la Société. — M. le Président informe la Société que S. A. le régent d'Espagne vient d'accorder à MM. J. Léon Soubeiran et Car- bonnier la croix de chevalier de l'ordre de Charles III, pour leurs travaux et publications de pisciculture. — M. A. Geoffroy Saint-IIilaire donne lecture de l'extrait suivant d'une lettre qu'il a reçue de M. le docteur J. C. Ploëm, délégué de la Société à Batavia (île de Java). « Vous recevrez par la malle française qui part le 22 de » ce mois (la lettre est datée de Ruitenrorg, île de Java, » le 18 mai 1870) : un Orang-Outan femelle, du nom de » Fanny, originaire de Bornéo; un Gibbon [Bylobates leu- y> ciscus) femelle, du nom de Kotjo ; trois Louake {Para- » doxurus T) . » L'Orang-Outan a été soigné ici et à mon établissement » de Sindang'-Laya, où il y a une température moyenne sem- » blable à celle de Turin, à peu près pendant deux ans, de » sorte que j'ai l'espoir qu'il supportera le climat de Paris. » J'estime son âge à trois ans à peu près. » L'animal est d'un caractère très-doux et se laissera gou- » verner facilement. Sa nourriture est la même que celle de y> l'homme ; il aime à se couvrir le soir d'une couverture de » laine et à se baigner de temps en temps, après avoir frotté » son corps avec du savon qu'il mouille lui-même. » Fanny aime beaucoup la conversation des hommes et ta » se promener librement ; elle n'a jamais fait le moindre mal PROCÈS-VERBAUX. 617 » à personne. Si elle n'est pas tourmentée, elle conservera la » confiance et sa douceur. » L'Orang-Outan mâle a succombé à l'épreuve que je lui » imposais, le séjour dans des régions élevées. J'espère obtenir » bientôt un autre mâle, je vous l'enverrai après l'avoir mis » ici en état de vivre en Europe. » Le Gibbon a été conservé pendant dix-huit mois à l'état » de liberté chez moi. Il a été capturé dans les forêts vierges » de Java, à la hauteur de 6 à 8000 pieds au-dessus du niveau » de la mer. Ce Singe a environ deux ans, son caractère est » très-doux ; il s'attache beaucoup a la personne qui le soi- » gne; il aime la société, mais se retire fréquemment dans » l'isolement des feuillages. Il sera bon de lui réserver une » retraite et de ne pas l'exposer sans cesse au public. » La nourriture du Gibbon consiste en fruits, riz cuit, » chair de poulet crue et cuite. Ces Singes sont très difficiles » à apprivoiser ; ils meurent d'ordinaire de mélancolie quel- » ques jours après avoir été capturés. » Les trois Genettes, ou Paradoxures, sont d'une espèce » assez commune à Java. Ces animaux se nourrissent à l'état » sauvage de toutes sortes de fruits, mais surtout des baies du » Caféier ; à l'état privé, ces animaux mangent du riz cuit, du » pain et toutes sortes de farines. Les Paradoxures, dans les s> jardins à Caféier, avalent toujours les fruits mûrs; après » avoir digéré la partie molle du fruit, ils rendent les graines : » le café, débarrassé par ce procédé de son écorce, est de tous » celui qui est le plus recherché à Java, car il provient des » fruits les meilleurs et les plus mûrs, le Paradoxure sachant » bien les choisir, tandis que les ouvrières enlèvent des arbres » indifféremment les fruits rouges et ceux qui ne le sont pas. » Je voudrais voir dans votre établissement deux Buceros » lunalus et un Buceros cassidix, qui sont devenus ici des » animaux de basse-cour et vivent en bonne intelligence avec » les poules et les aulres animaux domestiques. » Ces Buceros ont même donné des soins maternels à deux » jeunes chiens que je possède; leur tendresse pour ces nour- » rissons dure encore : ces oiseaux apportent à mes chiens M8 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. » tous les bons morceaux qu'ils peuvent se procurer et les » leur fourrent dans la bouche avec leur long bec, et même » ils les retirent de leur gosier pour les offrir à leurs protégés. » Ces Buceros me servent de chiens de garde, et ils défen- » dent à coups de griffes et de bec {unguibus et rosira) l'en~ » trée de tout étranger, homme ou animal, dans la cour. Au » son de la voix de ces oiseaux, je reconnais si la personne » qui s'approche de la maison est un inconnu. » Le Jardin d'acclimatation a reçu l'un seulement. des Para- doxures annoncés par M. le docteur J. G. Ploëm. Quant aux deux Singes, ils sont arrivés : l'un, le Gibbon, en parfait état de santé ; l'autre, l'Orang, singulièrement faligué et atteint d'une maladie d'entrailles, Le Secrétaire du conseil, Ch, Wallut. III. CHRONIQUE. Éducation du Ver à soie sauvage au Japon. La Chambre de commerce de Lyon a reçu communication, de M, le Ministre do l'agriculture et du commerce, du document suivant, émané du Ministre du commerce à Yeddo, et qui renferme sur le mode d'éducation en plein air suivi au Japon pour la culture du Yama-maï, ou Ver à soie du Chêne, des renseignements très-complets et très-intéressants. « Le Bombyx Yama-maï est élevé en proportions assez considérables dans les provinces d'Oshiou et de Sui-Shïou, au centre de l'île de Nippon, qui sont d'ailleurs les districts séricicoles les plus importants du pays. Quoi- qu'il semble prouvé que ce ver se nourrisse presque indistinctement de dif- férentes espèces de Chênes et de Châtaigniers, c'est le Quercus serrata qui est spécialement cultivé dans ces deux provinces, où des plants maintenus à une hauteur de 5 à 6 pieds au plus sont réservés à cette éducation. » Dès les premiers jours d'avril, à l'époque où les bourgeons du Quercus serrata commencent à s'ouvrir au Japon, les œufs de Yama-maï, qui depuis le mois d'août ont été soigneusement conservés à l'abri de la chaleur, sont étendus sur des feuilles de papier dans des ebambres bien aérées. Vers le 15 avril ont lieu les premières éclosions, et les jeunes vers sont placés sur des branches de Cbène dont le pied baigne dans l'eau, et où ils se nourrissent des feuilles naissantes. Le trop grand soleil est alors la seule chose qu'il faille éviter, et un peu d'humidité n'est pas à craindre. » La croissance est assez rapide pendant les huit premiers jours ; à cette époque a lieu la première mue, et quand, trois jours après environ, il sort de son sommeil, le ver peut sans inconvénient être abandonné en plein air sur les plants de Chêne qui lui sont destinés. » Il a été impossible jusqu'ici d'arriver en Europe à retarder l'éclosion des œufs de Yama-maï pendant un temps suffisant pour que le ver trouve, en sorlant de la coquille, des feuilles déjà assez formées pour le nourrir. Il est donc important, jusqu'à ce que l'espèce produite en Europe pendant plusieurs générations ait pu s'accoutumer à la différence de notre climat, de suppléer artificiellement à cette lacune, en obtenant en serre quelques pieds de Chênes hâtifs. Grâce à ce soin, les jeunes vers pourront être facilement élevés jusqu'au moment où les Chênes placés dans des conditions ordinaires fourniront à leur nourriture. » Il a été reconnu par l'expérience que les différentes espèces de Chênes que nous possédons en Europe, ainsi que le Châtaignier à défaut d'autre aliment, peuvent parfaitement convenir au Bombyx du Japon ; il semble donc facile dès lors, une fois cette espèce acclimatée, d'en propager l'éducation en France, dans les conditions où elle se fait au Japon. » Après quatre mues successives et une période qui varie, suivant la tem- pérature, entre 45 et 50 jours, le Yama-maï commence à filer son cocon sur 620 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. les branches mêmes de l'arbre où il a été élevé. Dix jours après il est d'usage, au Japon, d'enlever tous ces cocons, parmi lesquels on sépare, autant qu'il est possible de les distinguer par leurs dimensions et leurs formes plus ou moins arrondies, les mâles des femelles. Les cocons mâles sont mis à l'étuve pour être plus tard dévidés, et les cocons femelles sous des paniers d'osier, d'où le papillon, dont l'envergure est considérable, ne peut s'échapper. » A l'époque de l'éclosion des papillons, environ quarante ou quarante- cinq jours après la montée, ces paniers sont placés par les Japonais en dehorsde leurs habitations, et les papillons mâles sauvages viennent pendant la nuit, de plusieurs lieues de distance quelquefois, féconder les femelles à travers les mailles des paniers où elles sont enfermées. » A partir de la première mue jusqu'au moment de la récolte des cocons, il n'y a donc aucun soin particulier à prendre du Yama-mdï, qui se déve- loppe de lui-même en plein air. La seule précaution qu'il y ait à observer dans certains cas, est d'éloigner les oiseaux de l'endroit où se trouvent les plants de Chênes destinés à celte éducation. » Les pluies si fréquentes au Japon ne semblent pas nuire au Yama-mdi ; on a pu remarquer, au contraire, qu'après plusieurs journées de sécheresse, une humidité même factice donnait de la force au ver à soie, affaibli par une trop grande chaleur. » Le cocon du Yama-mdi peut être dévidé par le même procédé que le cocon du Bombyx du Mûrier ; les Japonais ont soin cependant de mettre une petite quantité de cendre dans la bassine où se trouvent plongés les cocons, au moment du dévidage, sans doute afin de dissoudre la malière, souvent fort dure, qui tient les fils adhérents. » Ce cocon, d'un blanc verdàtre à l'extérieur, et d'un beau blanc à l'inté- rieur, produit une soie de belle qualité, très-forte, très-brillante et fort recherchée au Japon, où elle ne s'emploie cependant que mêlée au coton ou à la soie ordinaire. n Elle forme, ainsi combinée, comme Votre Excellence pourra le voir par les écbantillons que je joins ici, des dessins brillants d'un assez bel effet sur le fond mat de la trame. Ces étoffes, qui servent à faire les vêtements de luxe des femmes japonaises, se vendent à un prix fort élevé, mais je ne doute pas qu'il ne soit pas facile de faire de la soie du Yama-mdi un meilleur usage en Europe, où les procédés de fabrication que nous avons à notre disposition permettraient de l'employer d'une façon plus étendue, si l'éducation de ce Bombyx pouvait devenir générale. » (Extrait du Bulletin de la Société dé- partementale d 'agriculture des Bouches-du- Rhône, avril 1870.) Culture de VEuculf/ptus en Algérie. Le moulin de la Maison-Carrée était entouré, sur une étendue d'environ 5 hectares, d'un marais infect, d'où s'exhalaient des miasmes qui, il y a trois ans, en rendaient le séjour impossible aux ouvriers de l'usine. CHRONIQUE. 6*21 M. Saulière a transformé ces cinq hectares en un magnifique parc, à l'aide d'une plantation savamment dirigée d' Eucalyptus. Il a fait pomper par une forêt de ces beaux arbres l'excès d'humidité du sol, cl aujourd'hui c'est une saine et agréable habitation, d'où le personnel n'émigre point vers la ville et les hôpitaux. il compte plus de 25 000 sujets de différents âges et de parfaite venue. La ferme Ben-Mahytllin était réputée pour son insalubrité, et plusieurs per- sonnes se souvenaient d'avoir chassé dans les marécages pestilentiels qui la constituaient, il y a quatre ou cinq ans à peine. C'est aujourd'hui une des belles fermes de la plaine, offrant de vastes écuries de pierre, couvertes de tuiles, et autour de laquelle treize mille pieds d'arbres, principalement des Eucalyptus, Saules et Caroubiers, tempèrent les vents et répandent dans l'atmosphère des torrents de vapeur qui ont transformé les conditions hygiéniques, à ce point que le gérant nous disait : « Il y a plus de cinq ans que je n'ai point découché >;, et il nous montrait avec fierté sa femme, ses enfants et les domestiques, tous brillants de santé et de force. Ajoutons qu'il y a trois ans, il n'y avait que vingt-sept arbres sur une pareille étendue de terrain. M. Saulière a entouré tV Eucalyptus la propriété du Gué de Constantine, et modifié l'état bygiénique d'une u;-ine que parcouraient les eaux bour- beuses de l'Harach. Planter en trois ans près de cinquante mille Eucalyptus, détruire la réputation d'insalubrité de trois grandes exploitations, créer des usines rivales des plus puissantes et des plus riches, n'est-ce pas employer dignement les faveurs que la fortune départit à l'homme intelligent? Tout cela s'est fait sans école, avec une suite dans les idées, avec une entente parfaite des saines lois de l'économie agricole, et c'est ce qui nous a fait dire que M. Saulière était un exemple à suivre pour ceux qui étaient timides ou moins riches. En effet, les Eucalyptus, à trois ans, ont douze mètres d'élévation, soixante centimètres de circonférence, à un mètre du sol; à cinq ans, ils comptent vingt mètres d'élévation, et quatre-vingt-dix centi- mètres de pourtour. Un pareil arbre vaut plus de dix francs sur place. M. Saulière a donc fait une spéculation très-fructueuse, car les cinquante mille Eucalyptus qu'il a plantés représenteront, après cinq ans, cinq cent mille francs de bois de construction. Il n'est personne qui trouve que le prix que nous assignons à un arbre qui a les proportions ci-dessus mentionnées ne soit au-dessous du véritable prix d'estimation. Calculez maintenant, par la pensée, la richesse forestière que pourrait contenir la plaine de la Mitidja, et dites- nous si nos impressions sont em- preintes de la moindre exagération. Dans vingt ans, le port d'Alger serait affranchi du tribut qu'il paye à la Suède et à la Norvège, et ses magnifiques chantiers de constructions de navires s'y étaleraient en concurrence avec les chantiers de l'Angleterre.... Citer M. Trottier, c'est citer le nom de l'homme qui a le plus participé à 622 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. ia propagation de YEucalyptus en Algérie : il en est l'éleveur le plus fana- tique, et, si quelque chose peut flatter son amour-propre, c'est de s'entendre dire que nul ne l'a mieux compris ni mieux étudié. C'est ù la foi robuste qu'il avait, qu'est due non-seulement la magnifique pépinière que le Jury a visitée, mais encore la grande exploitation qu'il en a faite sur une étendue de quarante hectares dans la plaine... Ce serait une superfétation que d'insister sur les détails de l'exploitation de la propriété de AI. Trotticr. Tout y res- pire la science de l'arboriculture, et tous ceux qui voudront puiser des renseignements exacts sur la culture de la précieuse essence forestière qui se recommande à l'attention des propriétaires, devront aller chercher des leçons près du maître le plus autorisé par son expérience à les donner. Pour donner une idée de la rapidité de croissance de YEucalyptus, voici les dimensions que nous avons constatées, tant chez M. Saulière que chez M. Trottier. A quatorze mois, un Eucalyptus a 30 centimètres de circonférence à l'n du sol et de 5 à Cm d'élévatiou. A trois ans, 60 centimètres de circonférence et 12 à 13m d'élévation. A cinq ans, 90 centimètres de circonférence et de 20 à 25m d'élévation. Chez M. de Virieux, deux Eucalyptus placés sur la montagne nous ont offert ces dimensions. Chez M. Blasselle, vice-président du Comice, un Eucalyptus présente plus d'un mètre de circonférence à cinq ans. Chez M. Saulière, les Eucalyptus ont complètement desséché les maré- cages qui entouraient la propriété, et nous avons remarqué ce fait très-im- portant à noter : partout où il y avait des plantations d'Eucalyptus, la terre était desséchée à plus de 30 centimètres de profondeur, et là où il n'y en avait pas, elle était humide et vaseuse. Les arbres en général, et YEuca- lyptus en particulier, font donc office de drains et doivent être recommandés à tous les propriétaires de la plaine. (Extrait de VAkhbar du 26 avril 1870.) Le Maïs géant Caragua (1). L'année dernière, après avoir donné lecture à la Société d'un travail fort étendu et formulé des conclusions très-motivéessur la culture du Maïs géant Caragua, je fus invité par notre honorable président, M. le docteur Noulet, à continuer mes études sur ce prodigieux végétal, afin desavoir si je n'aurais pas à modifier mes conclusions. C'était pour répondre à d'aussi bienveillantes sollicitations et dans l'in- térêt spécial des agriculteurs, que j'exposai dans la séance du 29 avril der- nier, et verbalement, la suite de mes expériences faites en 1869 sur ce Maïs ; (1) Voyez Bulletin 1SG9, p. G48. CHRONIQUE. 623 mais à la demande de la Société qui daigna trouver mes dernières expé- riences intéressantes, voici comment je viens les résumer très-succinctement: j'aime à croire qu'elles épargneront, au moins dans notre région, à mes col- lègues des mécomptes à peu près certains. 1° Maïs pour fourrage. Des quantités égales de Caragua et de Maïs ordinaire ont été ensemencées pour fourrage le 27 avril, sur deux terrains très-différents sons le rapport de la fertilité et de l'exposition. Le 3 juillet, par une chaleur de 33 degrés et des pluies fréquentes, le Maïs ordinaire était superbe, complètement développé et avait sorti toutes ses panicules. Le 20 juillet seulement, le Caragua commun était à les indiquer, et déjà il atteignait une hauteur moyenne de 2 mètres ; certaines tiges mesuraient à 0m,20 du sol jusqu'à 8 centimètres et pesaient 2k,200 grammes. Le 17 juillet, le maïs ordinaire fut coupé en entier, déjà trop desséché par un soleil ardent, et consommé. Ce ne fut que le 27 juillet que le Caragua put être coupé et avant le complet développement de ses panicules, car déjà les tiges, atteignant une force trop considérable, mesuraient 6 centimètres et plus de circonférence : déjà même les Bœufs de travail ne le mangeaient qu'avec peine et difficulté, et il n'y avait que les Vaches nourrices et ne travaillant pas qui les broyas- sent aisément. Il résulte donc de ce fait, que dès que ce Maïs dépasse envi- ron 6 centimètres et en atteint 7 et 8 de circonférence, il ne peut être avan- tageusement utilisé par les animaux de travail sans le concasser ouïe diviser, ce qui prend souvent un temps fort précieux, surtout à cette époque de l'an- née. Mais l'avantage incontestable de ce Maïs cultivé pour fourrage est dans la supériorité de son rendement. Il résulte, en effet, de nombreuses expériences et des diverses pesées opé- rées sur des superficies égales des deux Maïs, que la majeure partie du ren- dement est de 90k contre 110k ; d'où nous pourrions conclure que le Caragua produit deux fois plus de fourrage que le Maïs ordinaire. Ce résultat est digne de remarque, surtout si l'on n'oublie pas qu'il résiste aux fortes chaleurs du mois de juillet avec une énergie surprenante, et qu'ainsi il peut pendant tout le mois d'août fournir aux propriétaires le moyen de nourrir leurs animaux d'une manière salutaire et économique. La seule précaution à prendre étant : 1" de le semer fort épais dans une bonne terre argilo-siliceuse, et 2° de le couper avant qu'il ait complètement sorti toutes les panicules. 2° Maïs pour graine. Les mêmes expériences ont été faites sur du Maïs cultivé pour graine dans des terrains divers et toujours sur des superficies égales. Le Caragua et le Maïs ordinaire furent semés le 3 mai dans d'excellentes conditions. 624 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'àGCLIMATATION. Le 3 juillet, le Maïs ordinaire avait sorti toutes ses panicules. Le 17 juillet, le Caragua les indiquait. Le 2 août, le premier avait tous ses épis ; ils étaient beaux et complets. Le 20 août, le second ne les avait pas encore bien développés ; les liges étaient superbes, vigoureuses, vertes, et quelques-unes atteignirent 3m,50 de hauteur. Il n'avait pas pourtant achevé sa croissance et sa taille augmentait un peu au préjudice de ses épis ; ce qui est important à noter, car c'est ce qui se produit dans notre pays où la chaleur, atteignant jusqu'à 33 degrés, n'est pas encore assez élevée. Pour ce végétal, il faut en effet, comme disent les paysans dans leur langage vulgaire, il faut que le Maïs souffre pour donner plus d'épis que de tiges. La récolte du Maïs ordinaire se fil le 25 septembre; un temps magnifique avait déjà accompagné la végétation, et il était tellement sec, qu'il s'égrenait sous la main des ouvriers. Or, à cette date, malgré la température exceptionnelle indiquée de 33 degrés, il était encore très-vert ; de plus, étant survenus vers le 11 octobre quelques jours de pluie, la température changea aussitôt, un froid assez vif se fit sentir, et le Caragua fut cueilli le 20 octobre seulement, avant sa complète maturité et sans être suffisamment sec. Quant aux produits en grains de ces deux Maïs, la moyenne des rende- ments divers sur les deux terrains a été : L'hectare, de 28 hectolitres pour le Garagua, id. de 26 hectolitres pour le commun, sur le bon terrain dit de rivière. L'hectare, de llx beciolitres pour le Caragua, id. de 26 hectolitres pour le commun, sur un coteau ardent et ai gilo-calcaire. Il résulte, pour nous du moins, de ces expériences suivies avec beaucoup d'attention, que, sauf quelques rares c.\ccplions, la culture du Caragua pour graine, dans noire région sujette aux refroidissements subits de la tempéra- ture et aux gelées du mois de septembre, ne permet pas de compter sur ces résultats fabuleux dont on se loue dans des régions plus favorisées. Du reste, ces conclusions sommaires sont complètement identiques avec celles que nous avons formulées dans notre mémoire de 1869, et qu'on pourra consulter si besoin est. (Extrail du Journal d'agriculture pratique pour le midi de la France, juillet 1870.) I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE (1). OBSEQUES De M. le Docteur A. AUGUSTE DUMÉRIL, Membre de l'Institut, vice-président de la Société d'acclimatation. DISCOURS PRONONCÉ AU NOM DE- LA. SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION Par M. de QIATREFAGES, Vice-Président de la Société d'acclimatation. Messieurs, C'est au nom de la Société d'acclimatation que je viens dire un dernier adieu à Auguste Duméril. Elle lui doit bien cet hommage de haute estime et de regrets. — Duméril fut au nombre de ses premiers membres : il a rempli pen- dant près de sept ans les délicates et laborieuses fonctions de secrétaire des séances; il élait vice-président depuis 1861. — Dans ces positions diverses, simple membre ou dignitaire, il s'est toujours montré ce que nous savons tous : homme que l'on aimait, que l'on estimait profondément pour l'amé- nité et la sûreté de son commerce, vrai savant dont il fallait presque toujours deviner la science voilée par une modestie reconnue excessive, même par d'autres que par ses amis. Duméril a montré toutes ces qualités dans la part qu'il a prise aux travaux de la Société. Directeur de la ménagerie des Reptiles, au Muséum, il ouvrit largement ce trop modeste laboratoire à tous les essais présentant quelque chance d'ave- nir. C'est là qu'ont été reçues et conservées ces diverses espèces de Bombyx qui deviendront peut-être un jour de précieux auxiliaires de notre Ver à soie. On sait avec quel intérêt notre collègue surveillait ces expériences, avec quel (1) La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletin. 2e série, T. VII. — Novembre-Décembre 1870, 40 (526 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. esprit libéral il en exposait et en faisait valoir les résultats, n'omettant jamais qu'une seule chose, la part qui pouvait lui en revenir. C'est là aussi que Duméril a fait sur les Axolotls cette belle suite d'observations et d'expériences qui. ont posé à la physio- logie comparée une énigme encore non résolue. Je n'ai pas à insister sur le côté purement scientifique de ces études ; mais je dois rappeler que l'Axolotl, parti du lac de Mexico, est au- jourd'hui élevé en divers points disséminés dans presque toute l'Europe; que les représentants de cette curieuse forme ani- male ont vécu par milliers à la ménagerie du Muséum ; que Duméril a montré la possibilité de les multiplier dans nos étangs, dans nos viviers ; si bien que cet étrange reptile, naguère confiné dans une localité unique et restreinte, peut d'un jour à l'autre, grâce au collègue que nous pleurons, se trouver répandu dans l'univers entier. Je n'énumérerai pas les divers Mémoires, Notes ou Rap- ports, insérés par Duméril dans les Bulletins de la Société. La liste en serait un peu longue. Mais je ne saurais passer sous silence le rôle qu'il a joué comme secrétaire des séances. Appelé à ces fonctions peu après nos premiers débuts, il mit à les remplir toute sa conscience. Tous, nous nous rappelons le soin qu'il apportait au dépouillement d'une correspondance chaque jour plus volumineuse, plus étendue ; personne n'a oublié ces Rapports annuels, résumés à la fois concis et fidèles des travaux accomplis par la Société. La preuve de leur mé- rite, c'est qu'ils ont été acceptés comme modèles. Les succes- seurs de Duméril ont dû en élargir le cadre ; ils n'ont rien eu à changer dans la disposition générale. Adieu, notre cher et bien regretté collègue ! Tu fus un de ceux dont on peut dire qu'on les estime et qu'on les aime d'autant plus qu'on les connaît mieux. Aucun de nous ne t'oubliera. OBSÈQUES DE M. AUGUSTE DUMÉRIL. 627 DISCOURS 'prononcé au nom de l'académie des sciences Par M. le baron IIe MKKEÏ. Messieurs, L'Académie des sciences de l'Institut, au nom de laquelle j'ai l'honneur d'adresser aujourd'hui un dernier adieu à l'un de ses membres les plus justement regrettables, aurait pu confier ce soin à un interprète plus digne et mieux préparé, car hier seulement j'ai appris la triste mission qui m'était offerte, avec la fatale nouvelle qui affligera les collègues et les amis d'un savant de mérite et d'un homme de bien. Ne le voyant plus au milieu de nous, depuis les sinistres événements qui désolent la France, nous pouvions espérer qu'il s'était réfugié dans quelque pays assez distant de la capitale ; mais non, et nous avons dû croire à sa mort, afin de nous rappeler sa vie. M. le docteur Henri-André-Auguste Duméril, membre de l'Institut, professeur au Muséum d'histoire naturelle, vice- président de la Société zoologique d'acclimatation, agrégé libre de la Faculté de médecine, associé ou correspondant de diverses Académies ou sociétés savantes de l'Europe, était né à Paris le 30 novembre 1812. La date de sa naissance se trouvait alors marquée par cette époque désastreuse pour la nation, comme, l'est aujourd'hui la date de sa mort. N'est-ce pas en effet une amère dérision du sort que cette destinée appartenant tout entière au bonheur du travail, à la paix de l'étude, et finissant, ainsi qu'elle avait commencé, au mi- lieu des malheurs de la patrie et devant les calamités de la guerre? Auguste Duméril, originaire d'une famille protestante, était fils du savant illustre et modeste que nous avons tous connu et dont le savoir infini égalait l'infinie bienveillance. Quels rapprochements il y aurait à faire entre ces deux phy- 628 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. sionomies, encore plus ressemblantes au moral qu'au phy- sique, et liées entre elles tout à la fois par les traits du caractère, par les aptitudes de l'esprit et par les sentiments du cœur ! Mais le temps nous manque, il n'est plus réservé aujour- d'hui aux longs discours, il appartient tout entier à l'œuvre commune de la défense nationale, dans le moment même où le canon se fait entendre sur nos remparts. J'écarterai donc, Messieurs, tout, ce que j'aurais voulu vous dire des deux Duméril, pour retracer sommairement à votre souvenir ce qu'a été, ce qu'a fait celui dont nous déplorons la perte. L'éducation heureuse de la famille, le noble exemple de l'existence de son père, si pleinement remplie, et l'excellente direction de ses premiers penchants, avaient développé peu à peu, chez le fils de Constant Duméril, le goût des études scientifiques et plus particulièrement de la zoologie. Il avait compris que l'introduction la plus utile à sa car- rière future devait être la connaissance de l'anatomie. comme base, et il trouvait autour de lui, à côté de son père, de grands modèles à suivre, comme maîtres, dans l'enseignement de l'histoire naturelle. Ces maîtres-là s'appelaient Cuviec, Geoffroy Saint Hilaire, de Blainville, et ceux que je vois ici, noms illustres à jamais, qu'il invoquait toujours avec admi- ration et reconnaissance. L'étude de la médecine devenait complémentaire de celle de l'anatomie pour le jeune Duméril. Il se fait d'abord rece- voir docteur à Paris, presque en même temps que docteur es sciences, après avoir été nommé, au concours, interne des hôpitaux, où il passe quatre années dans des services de médecine ou de chirurgie. Il est nommé ensuite, au concours de iSlih, professeur agrégé près la Faculté de médecine, dans la section d'ana- lomie et de physiologie, en suppléant, à diverses reprises et avec succès, pendant la durée de son exercice, les professeurs Breschet et Pierre Bérard. lise présente, en I8/46, au concours de la Faculté de mé- OBSÈQUES DE M. AUGUSTE DUMÉR1L. 629 decine, pour la chaire d'analomie, et montre les qualités pré- cieuses de son aptitude pour l'enseignement : une instruction solide et variée, un esprit net et méthodique, le don de l'ana- lyse et le talent de l'exposition. De 1844 à 1846, il est appelé aux fonctions difficiles d'aide- naturalisle au Muséum d'histoire naturelle, et devient, en 1847, professeur de zoologie au collège Chaptal. 11 est requis plus tard pour succéder, dans le cours de zoologie du Muséum, à l'adjoint de son père, au savant Bibron, dont la mort prématurée interrompit les importants travaux. Lorsque enfin le professeur Constant Duméril suc- comba lui-même, mais après cinquante années d'exercice dans l'enseignement, il fut remplacé par son fils, qui l'avait déjeà dignement suppléé. M. Auguste Duméril n'osait espérer qu'une place lui fût réservée à l'Institut, pour y continuer l'œuvre paternelle, et y recueillir aussi la récompense personnelle de sa labo- rieuse carrière. 11 semblait désigné d'avance pour prendre rang dans la section d'anatomie et de zoologie ; mais, à défaut d'une vacance, il fut élu, le 4 janvier 1869, membre libre de l'Académie des sciences, en remplacement de M. François Delessert, et se vit bientôt accueilli dans son sein, avec tous les souvenirs qui se rattachaient à la mémoire de son père, avec toutes les sympathies qu'il inspirait lui-même. Que n'a- t-il pu jouir plus longtemps de ce juste honneur rendu à sa vie scientifique? Passons maintenant en revue, Messieurs, les principales œuvres de M. Auguste Duméril, pour indiquer au moins qu'il avait bien mérité sa place à l'Académie. Il soutient, en 1842, sa thèse du doctorat en médecine, ayant pour titre : De T induration des centres nerveux, sous le double point de vue du diagnostic et de Vétiologie. Les développements donnés cà ce travail en font une bonne monographie à consulter pour l'étude des causes de l'augmen- tation de densité du tissu de l'encéphale ou de la moelle épinière. Il publie, en 1843, un mémoire intitulé : Des odeurs, de 630 SOCIÉTÉ IMFÉR1ALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. leur nature et de leur action physiologique. C'est un travail original, plein de recherches curieuses et révélant un ingé- nieux esprit d'observation. L'auteur a fait de cette étude le sujet de l'une de ses deux thèses soutenues, dans la même année, pour le grade de doc- teur es sciences naturelles. Sa thèse pour le concours d'agrégation : De la texture intime des glandes et des produits de la sécrétion en général, est un exposé méthodique des connaissances acquises sur l'anatomie et la physiologie du sujet. Mais sa thèse pour le concours de la chaire d'anatomie, YAnatomie du fœtus, échappe à l'analyse, par l'étendue et la multiplicité des faits qui s'y trouvent exposés. Il a publié, en 18/18, en collaboration avec le docteur De- marquay, d'intéressantes Recherches expérimentales sur les modifications imprimées à la température animale par Téther et par le chloroforme , et sur l'action physiologique de ces agents. Il fait paraître, en 1854, avec MM. Demarquay et Leconte, des Recherches expérimentales sur les modifications impri- mées à la température animale par l'introduction, dcms l'éco- nomie, de différents agents thérapeutiques. Ces nombreuses recherches forment une série de cinq mémoires insérés dans les Comptes rendus de V Académie des sciences, et récompensés, en 1852, au concours des prix de médecine et de chirurgie. Il a développé encore, dans les Annales des sciences natu- relles, des Considérations physiologiques sur les modifications que subit la température animale, sous l'influence de l'intro- duction, dans V économie, de divers agents. Ce nouveau travail forme l'ensemble et le complément des divers mémoires précédemment indiqués. Mentionnons de plus celui qu'il a imprimé dans les Annales des sciences naturelles, en 1852 : Recherches expérimentales sur la température des Reptiles, et sur les modifications qu'elle peut subir dans certaines circonstances . Rappelons aussi qu'il avait publié, en 1853, un mémoire OBSÈQUES DE M. AUGUSTE DUMÉRIL. 031 intitulé : Des modifications de la température animale sous l'influence des médicaments. En 1857, il lit, à la Société de biologie, un travail fait en commun avec M. le docteur Jacquart, ayant pour titre : Des organes musculeux de la déglutition chez les Ophidiens. En 1805, paraît le premier volume de son plus important ouvrage, qu'il terminait en 1809. L' Histoire naturelle des Poissons est une œuvre de maître qui, dans l'opinion des sa- vants les plus autorisés, place désormais le nom d'Auguste Duméril parmi ceux des premiers zoologistes. Son Catalogue de la collection des Reptiles du Muséum témoigne aussi, non-seulement de son zèle scientifique pour compléter une œuvre utile, mais encore de son dévouement filial pour honorer la mémoire de son père, qui, pendant un demi-siècle, avait enrichi cette précieuse collection. Parmi les nombreux travaux qu'il a publiés à part ou in- sérés dans divers recueils périodiques, on distingue les sui- vants, dont je me bornerai cà énoncer les titres, faute de temps et surtout faute de compétence pour les apprécier dignement : Les deux derniers volumes de l'Erpétologie générale, de Duméril et Bibron. Une Note sur un nouveau genre de la famille des Reptiles iguaniens acrodontes. Une Note sur une nouvelle espèce de Reptile de la famille des Geckotiens et appartenant au genre Sténodactyle. Le Catalogue méthodique de la collection des Reptiles du Muséum d'histoire naturelle; ouvrage complémentaire, mais inachevé, de Y 'Erpétologie générale. Trois Lettres relatives aux Catalogues des Reptiles et des Poissons de la collection du Muséum. Un Mémoire sur un nouveau genre de Reptiles sauriens, de la famille des Chalcidiens (le Lépidophyme), et sur le rang (pie les Amphisbéniens doivent occuper dans la classe des Reptiles. Un Mémoire sur les Batraciens anoures de la famille des H y ke formes ou Rainettes. (>32 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. La Description des Reptiles nouveaux ou imparfaitement connus de la collection du Muséum d'histoire naturelle, etc. h' Essai d7 application à la classe des Reptiles d'une distri- bution par séries parallèles. Une Notice historique sur la ménagerie des Reptiles du Muséum d'histoire naturelle, et Observations suivies d'une deuxième notice. Un Questionnaire sur les Vipères de France, rédigé pour la Société zoologique d'acclimatation, qui avait en vue de re- chercher, à l'aide de ce travail, les movens de destruction des Vipères en France. Des Notes pour servir à -F histoire de F erpétologie de l'Afrique occidentale, et, en particulier , de la cote du Gabon, précédées de Considérations générales sur les Reptiles de ces contrées. Une Etude sur les Reptiles et les Poissons de V Afrique centrale, précédée de Considérations générales sur leur dis- tribution géographique. Des recherches plus spéciales sur les Poissons, telles que : Une Monographie sur la tribu des Torpédiuiens ou Raies électriques. Une Monographie de la tribu des Scylliens ou Roussettes (Poissons plagiostomes). Une Notice sur un travail inédit de Ribron relatif aux Poissons plectognathes gymnodontes. Les Dix premières leçons du Cours d'ichthgologie au Mu- séum d'histoire naturelle. Une Note sur une Truite d' Algérie et XEssai sur la clas- sification des Poissons qui forment le groupe des Eche- lle ides. Enfin, sauf la nomenclature adoptée par l'auteur d'après son père et assez difficile à vulgariser, deux volumes sur une Histoire générale des Poissons, complètent à peu près l'œu • vre zoologique de M. Auguste Duméril et rattachent son nom aux travaux les plus remarquables de son époque sur les Rep- tiles et les Poissons, à ce point même, nous disait l'un de nos confrères les plus éminents et les plus autorisés de l'Académie, OBSÈQUES DE M. AUGUSTE DUMÉRIL. 633 que, dans cette voie particulière de la zoologie, M. Duméril fils sera difficilement remplacé. De tous ces travaux, Messieurs, l'un des derniers suffirait, par la nouveauté des recherches, à lui assurer le renom qu'il avait si bien acquis dans ses études spéciales. Les Axolotls, des Batraciens du Mexique, étaient considérés par les naturalistes comme des animaux tout à fait adultes, conservant des branchies pendant toute leur existence. Ils étaient ainsi, avec les Protées et les Sirènes, les Batraciens pérennibranches. Aucun doute ne semblait devoir subsister à cet égard, parce que les Axolotls, pourvus de branchies, comme les larves des Salamandres et des Tritons, se repro- duisent sous cette forme. Mais M. Auguste Duméril, ayant observé depuis longtemps des Axolotls, reconnut et annonça que ces singuliers animaux subissent d'étranges métamorphoses. C'est ainsi qu'il les avait vus, dans certaines circonstances, se transformer en Batra- ciens absolument dépourvus de branchies et n'ayant plus d'autre respiration que la respiration pulmonaire. Cette découverte fut un événement dans la science. M. Du- méril la poursuivit avec un grand soin, et parvint à constater, chez divers individus , la diminution d'abord et ensuite l'atrophie totale des houppes branchiales. Il a même coupé ces organes sans provoquer, dans la vivisecLion, un signe sensible de douleur. Une étude aussi complète, aussi concluante, devait frapper l'attention des naturalistes, et l'un d'eux, notre savant confrère, M. Blanchard, a bien voulu me fournir sur ce sujet nouveau le résumé que je viens de reproduire. II m'a fait apprécier également une curieuse observation de M. Duméril sur la manière dont les Lépidosirènes s'enfon- cent dans une motte de terre, pour y demeurer immobiles, à l'état de léthargie. L'une des dernières communications de notre regretté confrère à l'Académie a été un intéressant mémoire sur YAm- phioxus, représentant le plus dégradé de l'embranchement des Vertébrés. (33/{ SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Terminons là, Messieurs, quoique fort incomplètement, l'exposé trop sommaire de ses nombreux travaux, pour en venir enfin au moment suprême de cette existence si bien remplie pour la science et pour le bien. M. Duméril, comme son père, vivait fort retiré, dans sa retraite du Jardin des plantes, charmant les loisirs de l'étude par les œuvres de la charité, par le soin de la famille et par le culte des souvenirs. Il avait le goût littéraire des autographes, et, depuis lon- gues années, il avait formé une précieuse collection, métho- diquement classée, d'une multitude de lettres, parmi lesquelles la correspondance des savants occupe la plus large place et offre le plus grand intérêt. Sa santé n'avait jamais souffert des fatigues du travail, qui eût été plutôt pour lui un délassement, si, malgré une con- stitution assez forte en apparence, il n'avait ressenti quelque- fois des symptômes inquiétants vers le centre circulatoire, avec œdème des membres inférieurs. Atteint, depuis plusieurs mois, d'une double affection orga- nique du cœur et du foie, dont les prodromes pouvaient faire craindre des suites inquiétantes, il comprit lui-même tout le danger, dès qu'apparut une hydropisie symptomatique et progressive. Il s'en affligeait moins cependant que de la suppression forcée de tout travail, et il aggravait son état par le chagrin de nos malheurs publics. M. Auguste Duméril a succombé, le 13 novembre 1870, au développement de cette complication, autant qu'à la nature même de la maladie essentielle, en donnant autour de lui, à tous les siens, l'exemple du courage dans la souffrance et de la résignation aux douleurs de la patrie, avec cette foi calme et sincère qui attend, sans peur et sans reproche, la fin ou la consolation de tous les maux. Que ne lui a-t-il été donné, Messieurs, d'espérer pour le pays une prochaine délivrance, après avoir entendu, comme nous récemment, dans l'enceinte de l'Académie, le chaleureux et viril langage de l'un de ses doyens d'âge, de l'illustre OBSÈQUES DE M. AUGUSTE DUMÉIUL. 635 directeur du Muséum, venant aujourd'hui même, au milieu de celte assistance nombreuse et consternée, rendre un der- nier hommage, dire un suprême adieu a notre savant et si regretté confrère ! DISCOURS PRONONCE AU NOM DES PROFESSEURS ADMINISTRATEURS DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE Par ML Paul GERV1IS. Messieurs, Le savant professeur du Muséum que nous conduisons à sa dernière demeure avait hérité d'un nom vénéré dans la science, et il était, sous tous les rapports, h la hauteur des obligations que ce nom lui imposait. Doué d'un véritable talent d'exposition, n'ayant d'autre am- bition que les progrès de la branche de Zoologie dont la res- ponsabilité lui était confiée parmi nous, dévoué de cœur aux intérêts de notre grand établissement, il avait su s'attirer la sympathie et le respect de tous par sa probité à toute épreuve, par sa bienveillance et par sa modestie. S'il se flattait, lors- qu'une cruelle maladie est venue l'enlever avant l'âge, de disposer de quelques années encore, c'était dans l'espoir de mener à bonne fin la tâche difficile à laquelle il avait consacré son existence. Vous connaissez tous, Messieurs, l'organisation du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Institué en vue d'une explora- tion scientifique approfondie de toutes les productions du globe, et pour en signaler à l'industrie, à l'agriculture ou aux arts les propriétés tantôt utiles, tantôt nuisibles, le Muséum, établissement unique au monde, s'est toujours appliqué à ré- pondre à ces importantes attributions, et son origine répu- blicaine lui en a, dès le principe, amplement fourni les moyens. 63(5 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Les différentes chaires que la première de nos Assemblées constituantes y a instituées se partagent la responsabilité des immenses collections que la France entrelient, et, pour en rendre la coordination plus utile, on a attaché aux profes- seurs-administrateurs qui les occupent, afin de les seconder dans leurs leçons publiques, ainsi que dans la bonne admi- nistration des produits naturels qu'ils doivent faire connaître au public, des savants distingués portant le titre d'aides-natu- ralistes. Latreille, qui a mérité d'être appelé le prince des entomologistes, Audouin, Adrien de Jussieu, Yalenciennes, Isidore Geoffroy Saint-Hilairc, et d'autres dont je citerais les noms si je n'avais l'honneur d'être aujourd'hui leur collègue, ont été aides-naturalistes avant de devenir professeurs. C'est cette voie qu'a suivie M. Auguste Duméril. Après des études sérieuses en médecine, il avait été reçu interne des hôpitaux et avait obtenu, au concours, le rang d'agrégé de la Faculté de Paris ; c'est alors qu'il fut appelé à remplir les fonctions d'aidé auprès de la chaire de physiologie comparée, dont le titulaire était M. Flourens. Sa nomination remonte à l'année 18Ziâ. En 1851, M. A. Duméril passa, en la même qualité, dans le service d'Erpétologie et Ichthyologie, que son père, André- Marie-Constant Duméril, dirigeait depuis longues années. Dès lors il s'appliqua d'une manière spéciale à l'étude des Rep- tiles, des Batraciens et des Poissons, donnant tous ses soins à la bonne classification, ainsi qu'à la détermination rigoureuse des riches collections relatives à ces différents groupes d'ani- maux, que Lacépède et, après lui, C. Duméril, G. Olivier, Valenciennes et Bibron avaient successivement réunies. Comme ces maîtres, il voulut s'associer d'une manière plus directe aux progrès de la Zoologie, en coordonnant les notes laissées par son prédécesseur Bibron, et en ajoutant des dé- couvertes nouvelles à celles qui avaient servi de base à la rédaction du grand ouvrage entrepris par ce dernier natura- liste et par C. Duméril, sous le litre à1 Erpétologie générale. 11 s'initia à ces savants travaux par la publication d'une par- tie du Catalogue de la collection des Reptiles, publié en 1851; OBSÈQUES DE M. AUGUSTE DUMÉRIL. 637 et, en 1854, son nom fut joint à celui de son père et à celui de Bibron sur le septième ainsi que sur le neuvième volume de X Erpétologie. En outre, quelques mémoires de M. Auguste Duméril augmentèrent bientôt le nombre des faits nouveaux qui sont consignés dans cette importante publication. Ils ont paru dans plusieurs recueils, parmi lesquels il nous suffira de citer ici la première et la deuxième série des Archives du Muséum. Un de ces mémoires est consacré aux Reptiles rap- portés de nos possessions de la côte occidentale d'Afrique ; l'auteur y joint la description de quelques espèces nouvelles de Poissons provenant des mêmes contrées. Dans d'autres mémoires, il expose les remarques faites par lui dans la par- tie de la ménagerie réservée aux Reptiles et aux Poissons ; d'autres encore ont pour objet les découvertes curieuses de notre collègue sur l'organisation, la multiplication et les mé- tamorphoses des Axolotls, ces singuliers Batraciens propres aux lacs du Mexique, dont la chair peut être employée comme aliment. M. Duméril a été assez heureux pour obtenir la forme dé- finitive des Axolotls, qui est abranche, et il a réussi à multi- plier à tel point les individus branchiféres de cette espèce, qu'il lui a été possible d'en fournir les aquariums de presque tous les naturalistes de l'Europe. C'est là un résultat inattendu, qui a beaucoup intéressé la Société d'acclimatation, dont M. Duméril était un des membres les plus actifs -, il a valu à notre regretté collègue une médaille d'or à l'Exposition uni- verselle de 1867. Le zèle de M. Duméril pour le progrès de l'enseignement, son amour des collections, son dévouement administratif et les autres qualités qui faisaient de lui un homme de bien en même temps qu'un homme de science, ne se ralentirent pas, lorsqu'en 1857 il obtint la chaire d'Erpétologie et Ichthyo- logie, dont Lacépècle fut le premier titulaire, et que son père a remplie depuis 1804, soit comme suppléant du célèbre con- tinuateur de Buffon, soit comme professeur-administrateur. Leçons et démonstrations publiques, descriptions et classement d'objets nouveaux, études de synonymie, catalogues, corres- (338 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. pondances avec les autres musées, dons ou objets d'échange adressés à la province, à l'Angleterre, à l'Italie, à l'Allemagne, aux Etats-Unis, etc., il menait tout de front, sans bruit comme sans lenteur, assurant ainsi de nouveaux progrès à l'Erpéto- logie et à l'Ichtliyologie, et en même temps de nouvelles acquisitions à nos galeries publiques. M. Duméril s'imposa, dans ces dernières années, une tâche supplémentaire dont il n'ignorait ni l'étendue ni les difficultés, mais qu'il espérait mener à bonne fin. Lacépède, Daudin, Duméril père, Bibron et lui-même avaient, par une succession d'importantes découvertes autant que par l'application rigoureuse de la méthode naturelle, assis l'Erpétologie sur des bases définitives, et il ne restait plus, pour le moment, qu'à glaner dans cette partie des attributions de la chaire qu'il occupait; d'autre part, les Poissons ordi- naires, c'est-à-dire les Acanthoptérygiens et les Malaco- ptérygiens, avaient, grâce à notre immense collection, fourni à G. Olivier et à Valenciennes les éléments d'un travail analogue ; mais il y avait encore à faire l'histoire de plusieurs groupes importants appartenant à cette dernière classe, groupes que la bizarrerie de leurs formes, les particularités de leur struc- ture et les conditions exceptionnelles dans lesquelles vivent certains d'entre eux rendaient plus difficiles à bien com- prendre. M. Duméril n'hésita pas à se charger de cette savante investigation, et il s'y prépara par quelques monographies qui furent bientôt suivies d'un travail didactique et complet, résumant, sous toutes ses formes, l'histoire naturelle des familles dont il s'agit, c'est-à-dire des Raies, des Squales, des Chimères, des Esturgeons, des Lépidosirènes, des Amies, des Lépisostées, des Polyptères, des Lophobranches et des Plecto- gnathes. C'est à ce nouvel ordre de recherches, entreprises par M. Duméril, que nous devons les deux volumes publiés de son IchtJiyologie générale , le premier imprimé en 1865, le second en 1870. Ainsi devait se trouver complétée, par leur digne continuateur, la belle histoire des Poissons par G. Cuvier et Valenciennes. OBSÈQUES DE M. AUGUSTE DUMÉRIL. 039 Au point où M. Duméril laisse son œuvre, elle est pour ainsi dire terminée : car il ne reste plus, pour la relier à celle des deux grands ichthyologïstes français, qu'à donner la description de quelques familles, telles que les Plectognathes, les Apodes, les Subbrachiens et les Lamproies, familles qui sont loin d'offrir les mêmes difficultés que celles dès à présent terminées. Au même ordre de travaux se rattachent les notices ou mémoires rédigés par M. Duméril sur les voyages que cer- tains Poissons exécutent, sur les avantages que ces animaux offrent pour l'alimentation de l'homme, sur différentes parti- cularités propres à la vessie natatoire ou à la vénénosité des Poissons. On doit encore au même savant des remarques sur les animaux utiles, en particulier sur ceux qui appartiennent à la classe des Reptiles. Il serait aisé d'ajouter à la liste qui précède l'indication d'autres travaux également dus a M. Duméril. Ces travaux sont relatifs aux sécrétions, aux odeurs, à la chaleur animale, au mécanisme de la déglutition chez les Serpents, à l'action physiologique de plusieurs substances utiles à la thérapeu- tique, et à quelques autres questions importantes. MM. les doc- teurs Demarquay, Leconte et Jacquart ont collaboré avec M. Duméril pour quelques-unes de ces recherches; mais nous devons nous arrêter dans cette énumération, déjà plus que suffisante, pour montrer la part importante qui revient au savant professeur du Muséum dans les progrès récents de la science. Notre collègue espérait se créer de nouveaux titres à la reconnaissance publique ainsi qu'à l'estime du monde savant, et il s'apprêtait à entreprendre une révision générale de l'en- semble des collections confiées à ses soins pour en opérer le classement définitif, de manière à mettre à profit les nombreux travaux dont l'Erpétologie et l'Ichthyologie se sont tout récemment enrichies, lorsque, il y a quelques mois à peine, une maladie, dont la gravité a tout d'abord effrayé ses amis, est venue le surprendre et paralyser ses efforts. Les ressources de l'art, les soins pieux de sa digne compagne, l'affection de 6/|0 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. sa famille, à laquelle il était lui-même tout dévoué, n'ont pu arrêter les progrès du mal, et, après de cruelles angoisses qu'il cherchait en vain à dissimuler aux siens, M. Dumêril a succombé, le dimanche 13 novembre 1870, avant d'avoh* accompli sa cinquante-huitième année. L'éloignement de son gendre, récemment appelé à remplir dans une autre ville les fonctions dont il était chargé à Paris, l'absence de son excellent frère, et, sans nul doute, les préoc- cupations suscitées par l'implacable guerre que subit la France en ce moment, ont précipité le triste dénoûment. La mort de M. Duméril enlève au pays un citoyen éclairé, à l'enseignement un de ses maîtres les plus autorisés, et au Muséum un de ses administrateurs les plus difficiles à rem- placer : car il importe de conserver à la chaire qu'il occupait le caractère scientifique spécial qui en assure l'utilité. USAGE ALIMENTAIRE DE LA VIANDE DE CHEVAL. Par M. r. DECROIS, Secrétaire général du Comité de la viande de cheval. RESSOURCES ALIMENTAIRES ET DOCUMENTS ADMINISTRATIFS. Le roi de Prusse et son premier ministre nous ayant annoncé leur intention de prendre Paris par la famine, il me paraît utile, au point de vue de la situation actuelle, et aussi en prévision des sièges à venir, de faire connaître les res- sources que l'on peut obtenir de la viande de cheval. Depuis l'ouverture de la première boucherie, à Paris, sous le patronage du Comité de la viande de cheval, en 1860, la consommation de cet aliment a toujours été en s'accroissant. Les chiffres ci-dessous, dans lesquels sont compris quelques ânes ou mulets, donnent la mesure de ce progrès : 18(36 (2me semestre). 902 chevaux. 1867 2152 — 1868 2421 — 1869 2758 — 1870 (1er semestre). 1992 — 1870 (juillet). ... 371 — 1870 (août) 426 — Jusqu'ici la guerre n'a pas exercé d'influence notable; mais le mois de septembre présente un chiffre qui sort de la marche ascensionnelle ordinaire; nous trouvons un total de 999 têtes, dont 15 ânes. Pour le mois d'octobre, le nombre administratif est de 12/i20 chevaux, 339 ânes et 1 mulet. En 2e série, T. VII. — Novembre- Décembre 1870. /il 642 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. novembre, nous trouvons 7372 chevaux, 27h ânes, non com- pris les animaux abattus par ordre du gouvernement pour la salaison, et non compris encore les abatages clandestins en dedans et en dehors des barrières. Avant que l'administration se fût décidée à faire établir la statistique de la population chevaline, je me suis livré à des recherches dont voici les résultats, traduits en chiffres approximatifs : Au début de l'investissement, il y avait à Paris plus de cent mille chevaux, compris ceux de l'armée. Depuis celte époque jusqu'au 12 novembre, on a abattu pour la consom- mation ou pour l'équarrissage 30 000 chevaux. Il nous restait donc à cette date, d'après mes recherches, 70 000 chevaux. En fixant à 30 000 le nombre des chevaux nécessaire pour l'armée et pour les services indispensables, nous avions encore pour l'alimentation publique àO 000 chevaux. Le poids moyen de viande nette étant à peu près de 250 kil. par cheval, les £0 000 chevaux offraient une ressource de 10 millions de kilos de viande fraîche. En distribuant cette quantité à raison de 50 grammes par habitant et par jour, comme cela avait lieu pour la viande de boeuf, nous avions de la viande de cheval pour cent jours, non compris les viandes salées. Les enfants ne recevant qu'une demi-ration, l'économie faite sur eux peut et doit servir à augmenter la ration des militaires campés en dehors des fortifications. Dans l'intérêt de l'alimentation, diverses mesures ont été prises depuis l'investissement. Voici celles qui me paraissent mériter d'être signalées : Le Comité delà viande de cheval, ayant appris que certains bouchers vendaient la viande à des prix exorbitants , pria M. le Ministre de l'agriculture et du commerce, le h octobre, de tarifer la viande de cheval comme les autres viandes. Le 15 octobre, un arrêté fixait le prix de la viande à 1 fr. 80 le kilogr. la lre catégorie, à 1 fr. kO la 2% et à 0 fr. 80 la &e. Ce tarif n'a pas sensiblement varié pendant plus d'un mois, quoique la valeur des chevaux de boucherie se fût élevée de USAGE ALIMENTAIRE DE LA VIANDE DE CHEVAL. 643 20 ou 30 fr. à 600 ou 700 fr. par tête. 11 en est résulté des plaintes fondées auxquelles il n'a pas été fait droit; aussi les » bouchers assez consciencieux pour ne pas s'écarter du tarif se sont-ils vus forcés de fermer leurs établissements. Le 10 octobre, sur la demande du Ministre de l'agriculture, des ordres ont été donnés dans l'armée, par le Ministre de la guerre, pour que chaque jour les régiments fissent connaître le nombre des chevaux impropres au service et susceptibles d'être livrés à la consommation. Le 17 octobre, le Comité de la viande de cheval appela l'attention de M. le Ministre de l'agriculture sur l'utilité de faire le recensement de tous les chevaux existants à Paris, dans le double but de connaître nos ressources en viande de cheval et de faire abattre et saler ceux qui excéderaient le nombre que l'on pouvait nourrir convenablement. (A celte époque, le recensement du foin et des bœufs avait été ordonné.) . Le recensement dont il s'agit n'a été prescrit qu'un mois plus tard, par arrêté du 25 novembre. Le 23 octobre, notre Comité écrivit à M. le Ministre pour lui signaler le gaspillage qui se faisait de la viande de cheval, dont la consommation était illimitée, tandis que celle de bœuf était rationnée a 60 grammes. Comme on abattait alors environ ZiOO chevaux par jour, le Comité terminait sa lettre en demandant le rationnement de la viande de cheval comme celle de bœuf. Quelques jours plus tard, une commission fut chargée de marquer les chevaux propres à la boucherie et de limiter à 300 par jour le nombre de ceux a abattre, chaque boucher restant libre de vendre sa viande h qui il voulait ; d'où il ré- sultait que les personnes qui la consommaient n'en recevaient pas moins leurs rations de bœuf. Un arrêté du 11 novembre dit que l'État se réserve le droit d'acheter les chevaux de boucherie et d'en répartir la viande et les abats dans les vingt arrondissements, comme cela se faisait pour la viande de bœuf. A partir de ce moment, le gaspillage, l'abatage clandestin, la vente à des prix exorbi- tants, furent considérablement diminués. 6M SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'A CCLIMATATION. On voit par ce qui précède que nous avions encore de la viande pour longtemps. Mais la viande elle-même est-elle absolument nécessaire ? Dans les campagnes on n'en mange que rarement ; les légumistes en Angleterre et en Amérique n'en mangent jamais; en France, les trappistes, qui dorment peu et travaillent beaucoup, ne mangent pas de viande et, ne boivent pas de vin. Tant que nous aurons du pain, nous pourrons résister aux Prussiens. A-t-on jamais vu un homme mourir de faim à côté d'un morceau de pain ! II USAGE DE LA CHAIR, DITE INSALURRE. Après avoir lutté pendant longtemps contre le préjugé des ignorants et l'indifférence de quelques savants, notre Comité de propagation a fini par faire entrer la viande de cheval dans la consommation par toute la France, et notamment à Paris, où il y avait une trentaine de boucheries chevalines avant la guerre actuelle. Mais il reste à combattre un autre préjugé qui porte également une grave atteinte à l'alimentation pu- blique. Je veux parler du préjugé des ignorants, des savants et des administrateurs contre la chair des animaux morts spontanément ou abattus pour cause de maladies. Afin que l'on soit fixé sur la valeur de mes affirmations à ce sujet, je crois utile de mentionner les expériences que j'ai faites et les observations que j'ai recueillies sur l'usage des viandes dites insalubres. Lorsque, il y a une dizaine d'années, j'ai commencé a pro- pager en Algérie l'usage alimentaire de la viande de cheval, comme l'avaient fait bien auparavant le docteur Perner en Allemagne et Isid. Geoffroy Saint-IIilaire en France, on m'ob- jecta que les chevaux sont exposés à contracter des maladies redoutables : la morve, le farcin, etc. Je réfutai cette objection en faisant observer que la cuisson détruit tous les virus qui peuvent exister dans la viande. USAGE ALIMENTAIRE DE LA VIANDE DE CHEVAL. 6/15 Toutefois n'était-il pas à craindre que les personnes aimant la chair saignante, notamment les biftecks et le rôti, qui peuvent être brûlés à l'extérieur et à peine chauffés à l'inté- rieur, ne fussent victimes d'accidents mortels? Pour résoudre la question et ne pas propager un poison au lieu d'un aliment, j'expérimentai sur moi-même l'usage de la chair des animaux atteints du farcin, de la morve chronique et de la morve aiguë. J'ai mangé maintes fois de la viande de chevaux morveux, d'abord cuite, puis saignante, sans res- sentir la moindre indisposition, abstraction faite du dégoût, fruit du préjugé. Une fois engagé dans cette voie, j'ai voulu savoir le bien ou mal fondé de la manière de faire des inspecteurs de la boucherie qui saisissent la viande provenant des animaux malades ou morts. Dans le but de m'éclairer à ce sujet, j'ai mangé, depuis une dizaine d'années, de tous les chevaux morts dans mon service, de n'importe quelle maladie. Jamais je n'en ai éprouvé la moindre indisposition, malgré une répugnance que je ne parvenais à dominer qu'en envisageant l'utilité du but à atteindre. Toutes les expériences que j'ai faites, et dont quelques-unes m'ont inspiré de très-grandes terreurs, sont consignées avec détails dans des notes que je destine à un mémoire pour une société savante. J'ai voulu savoir, d'un autre côté, si les viandes de bœuf et de mouton saisies par les inspecteurs, dans les abattoirs et dans les marchés, sont réellement dangereuses. A cet effet, j'ai demandé et obtenu l'autorisation de prendre au Jardin des plantes une partie de la chair saisie comme insalubre et destinée aux bêles féroces. Pendant cinq à six mois j'ai fait usage de ces viandes, et ma santé n'en a été nullement altérée. Pendant ce temps, j'ai pu en outre me convaincre que bien des gens se nourrissent impunément des viandes dites insalubres. Au point de vue des maladies, il y a lieu de tenir grand compte des médicaments employés. 6!iQ SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D 'ACCLIMATATION. Les animaux morts ou abattus dont j'ai fait usage avaient été traités par des médicaments variés comme les maladies elles-mêmes. Je citerai l'acide arsénieux et la noix vomique administrés à doses toxiques (l). Certains médicaments moins dangereux communiquent à la chair un goût détestable qu'on ne peut faire disparaître : tels sont l'ammoniaque liquide, l'éther sulfurique, l'essence de térébenthine, etc. Mais ce goût ne rend pas la viande malfaisante, ainsi que je m'en suis assuré. Des personnes dont l'estomac est plein d'aliments et l'esprit plein de préjugés diront peut-être que, malgré mes expé- riences, on ne mangera jamais les animaux morts ou seule- ment atteints de maladies. Pour démontrer le contraire, qu'il me soit permis de citer quelques faits. Il y a neuf à dix ans, j'appartenais à un régiment où l'on perdait beaucoup de chevaux par la morve. Après en avoir mangé la chair cuite, puis saignante, et en avoir apprécié les qualités, je regrettai qu'on laissât perdre tant de viande très- nutritive et très-agréable au goût, tandis qu'il y avait tant de pauvres gens affamés. J'eus donc la pensée de m'affranchir moi-même du préjugé et d'offrir du cheval morveux. Mais, auparavant, et dans le but de corroborer mes précédentes expériences, afin de n'avoir rien à me reprocher, j'avalai sept ou huit fois de la chair crue provenant d'animaux morveux. Aucun accident n'étant survenu, je me décidai à dire à plusieurs personnes qui me demandaient ordinairement du cheval, que je n'avais à ma disposition que de la viande de cheval morveux, mais que j'étais convaincu de l'innocuité de cette viande, que j'en faisais usage depuis longtemps, etc. Je concluai en disant : « Voyez si vous en voulez ? » Voici une réponse qui résume toutes les autres : « Ce qui est bon pour vous est bon pour ?ious... » A Paris, capitale de la bonne chère, où le pauvre est mieux (1) D'après M. Leblanc père, il ne serait pas prudent, dans ce cas, de manger les viscères, le foie notamment. USAGE ALIMENTAIRE DE LA VIANDE DE CHEVAL. 647 secouru que partout ailleurs, j'ai continué à manger de tous les chevaux morts dans mon service, sans toutefois en faire manger aux autres, si ce n'est accidentellement. La situation alimentaire que nous fait l'investissement me force à sortir de la réserve que j'ai gardée jusqu'ici, et voilà pourquoi je me hâte de rédiger cette notice. J'ai déjà eu la satisfaction de faire entrer dans la consommation plusieurs chevaux malades ou morts. Citons des exemples : Le 3 novembre, un cheval réformé est depuis quelques jours tellement souffrant d'une méningite, qu'il ne peut sortir. de l'écurie. Il est abattu sur place ; j'examine la viande avec soin ; je dis à une cantinière de m'en faire cuire un morceau, que je mange en présence de nombreux spectateurs, auxquels je dis ensuite : «Vous pouvez en faire usage en toute sûreté d'estomac; j'en réponds devant Dieu et devant les hommes. » Aussitôt le cheval est dépecé, enlevé et mangé au grand bien-être des consommateurs. Le 29 octobre, un cheval d'officier tombe et se fait aux genoux des blessures incurables. Après dix jours de traite- ment et de douleurs atroces, cette pauvre bête meurt de fièvre, d'épuisement, de gangrène, de fusées purulentes, etc. Je procède comme pour le cheval à méningite, et toutes les chairs, y compris le foie, le cœur, la langue, la graisse, sont enlevées et mangées. Eh bien ! toutes les terreurs imaginaires qui m'ont assailli au début de mes expériences n'auraient-elles d'autre ré- sultat que d'avoir fait entrer dans la consommation, pendant le siège, les deux seuls chevaux ci-dessus, que je ne les re- gretterais nullement ; je n'aurais pas perdu mes peines. Mais je sais que déjà mon exemple a été suivi d'autre part. Du reste, parles études que j'ai faites et par les renseignements que j'ai pris depuis que je m'occupe de la question des viandes dites insalubres, j'ai acquis l'intime conviction que si l'on mourait pour avoir mangé d'un animal malade, nous serions tous morts.... La cuisson et la digestion, chacune séparément, détruisent (5/|S SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. les principes malfaisants qui peuvent exister dans la chair. 11 y a donc indication de faire bien cuire les viandes sus- pectes, et il est prudent de ne pas faire usage des viscères des animaux malades : foie, cœur, reins, rate, poumon. Lorsqu'on manipule les viandes des animaux atteints de maladies virulentes, on doit prendre soin de ne pas se piquer aux os ou de ne pas se couper ; il pourrait, en résulter des accidents. Quel aspect, quel goût, quel je ne sais quoi peut avoir la chair d'un animal mort (mouton, bœuf, cheval, poule cholé- rique dont le public a fait un grand usage) ? Comme ma propre répugnance aurait pu égarer mon jugement, au moins au début de mes recherches, voici com- ment, bien des fois, la question a été résolue : J'ai pris à la boucherie un morceau de viande ordinaire ; j'ai enlevé sur l'animal mort un morceau correspondant; je les ai présentés ensemble à des cuisiniers en renom, leur de- mandant lequel des deux ils plaçaient en première ligne, sous le rapport de la qualité. J'ai encore répété l'expérience à l'occasion du cheval d'officier dont j'ai parlé plus haut. Je dé- clare que toujours la réponse a été en faveur de la viande dite insalubre, soit que je l'eusse présentée crue, ou cuite de la même manière, dans la même casserole. Je conclus de ce qui précède, qu'il ne faut jamais se laisser tourmenter par la faim à côté d'un animal de boucherie atteint de maladie ou mort spontanément. III PRÉPARATIONS CULINAIRES. La chair de certains chevaux a un goût et quelquefois une fermeté désagréables aux personnes qui en sont à leur pre- mier essai et surtout qui ont un peu d'appréhension. Voici le moyen proposé par M. le docteur Jules Guérin pour « faire » disparaître autant que possible ces deux éléments d'infério- » rite... Le cheval en bœuf à la mode, c'est-à-dire cuit à USAGE ALIMENTAIRE DE LA VIANDE DE CHEVAL. 6/|9 » l'étouffé dans son jus et assaisonné avec divers légumes et » quelques aromates, constitue une excellente préparation. » L'estragon ou le thym, ajoutés à ce mode de cuisson, réali- » sent la perfection du genre. Préparé de la sorte, un filet de » cheval peut rivaliser avec les meilleurs filets de bœuf au » madère ou à la provençale (1). » Un autre moyen d'attendrir la .chair des vieux chevaux, c'est de les abattre et de les saigner à la manière ordinaire, mais de ne les dépecer qu'après refroidissement. Abattre au soir, par exemple, et enlever la peau ; dépecer le lendemain aussitôt qu'il fait jour (*2). La viande d'un animal qui vient d'être abattu est toujours plus dure que si elle a été un peu reposée. Quoique plus ferme, c/iez certains sujets, que la chair du bœuf, la viande de cheval est plus saine, plus nourrissante et plus propre à fournir un bon bouillon. Celle-là est à celle- ci comme le pain dit de première qualité est au pain dit de deuxième qualité : plus agréable, moins utile. La chair de l'âne est meilleure que celle du mulet, et la chair du mulet est meilleure que celle du cheval. Les chevaux livrés à la boucherie, étant plus âgés que les trop jeunes bœufs ordinairement consommés à Paris, donnent une viande qui doit cuire un peu plus longtemps. Pour les préparations culinaires de la viande de cheval, on peut se servir des indications fournies pour la viande de bœuf; néanmoins voici les bases de quelques recettes destinées à guider les personnes qui, par ignorance et préjugé, accom- modent le cheval de manière à en diminuer plutôt qu'à en augmenter les qualités gustatives et nutritives. Pot-au-feu. - — Prenez 1 kilogramme de viande de 2e caté- gorie (la lrt' catégorie doit être réservée pour d'autres plats); mettez dans 3 litres d'eau ; salez. Placez sur un feu mo- déré ; enlevez l'écume lorsqu'elle est bien formée, un peu (1) Gazette médicale de Paris, 29 octobre 1870. (2) 11 est bon d'émasculer les cbevaux entiers immédiatement après Pabatage. 650 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. avant l'ébullition; après deux heures environ de cuisson, ajoutez les légumes : navets, carottes, panais, poireaux, cé- leri, etc. Continuez à faire bouillir modérément pendant trois à quatre heures, soit cinq à six heures en tout. Si l'on tient plus au bouillon qu'au bouilli, il faut prendre de la viande fraîche et la placer dans l'eau froide ; si l'on tient davantage au bon bouilli, il faut choisir de la viande reposée et la mettre dans la marmite lorsque l'enu est en cbullition. En jetant, la première eau après quelques minutes de cuis- son, comme le font plusieurs personnes, on perd une partie des principes nutritifs déjà dissous, et l'on n'obtient qu'un bouillon affaibli. Si on le juge à propos, on peut dégraisser le pot-au-feu avant de le servir, mais il ne faut pas jeter la graisse ; il faut la recueillir avec soin pour des préparations culinaires ultérieures. Bouilli. — La chair de cheval cédant beaucoup de ses principes au bouillon, le bouilli de cheval est ordinairement plus ferme, plus sec que le bouilli de bœuf. Si on ne le mange pas au naturel, on peut l'accommoder : En miroton. — Mettez dans une poêle quelques cuille- rées de bouillon, du persil, de l'ail, de la ciboule, le tout haché bien fin ; ajoutez du sel et du poivre ; placez le bouilli coupé en morceaux ; recouvrez d'une couche de persil, ci- boule, etc., et faites cuire à petit feu pendant une demi-heure. En hachis. — Faites fondre de la graisse de cheval clans un poêlon ; mettez dedans de l'oignon et des fines herbes. Après une dizaine de minutes, ajoutez une cuillerée de farine pour faire un roux; mettez quatre ou cinq cuillerées de bouillon et devin. Lorsque l'ébullition a repris son cours, mettez le bouilli haché avec de la chair à saucisse (qui peut être remplacée par la pomme de terre, d'après M. l\ Thomas, ou par la mie de pain) ; ajoutez quelques champignons ; faites bouillotte?- pendant une demi-heure. Cheval à la mode. — Choisissez un morceau de première catégorie, un peu reposé ; piquez -le au lard ; ensuite faites-le revenir en le plaçant et le retournant dans de la graisse USAGE ALIMENTAIRE DE LA VIANDE DE CHEVAL. 651 de cheval bien chaude. Après huit à dix minutes, retirez-le et ajoutez dans la graisse une cuillerée de farine; chauffez jusqu'à ce que le roux soit fait. Remettez la viande; mouillez avec du bouillon et du vin rouge; faites cuire à petit feu pendant trois heures environ; mettez sel, poivre, carottes, petits oignons, bouquet garni. Continuez à faire mijoter pendant trois heures encore jusqu'à cuisson convenable. Civet de cheval. — Prenez de préférence du filet ou du faux- filet; coupez en morceaux; faites revenir dans de la graisse de cheval bien chaude et du lard coupé en dés. Ajoutez ensuite un peu de farine en remuant pour faire un roux ; mettez sel, poivre, oignons, champignons, bouquet garni ; versez vin et bouillon de manière à baigner la viande. Faites cuire à feu doux. Haricot de cheval. — Coupez en morceaux du plat de côtes ou du pis ; faites revenir dans de la graisse de cheval ou du lard ; mettez de la farine en remuant pour faire roussir ; ajou- tez sel, poivre, ail, oignons, bouquet garni. Faites cuire à petit feu pendant deux ou trois heures ; mettez pommes de terre et navets. Continuez à faire mijoter jusqu'à cuisson de la viande et des légumes. Horsesteak. — Pour le horsesteak (bifteck) au naturel, il faut un morceau de choix, filet ou au moins faux-filet, sinon il sera dur et peu agréable. Si l'on ne peut avoir qu'un mor- ceau ordinaire, il est bonde le faire mariner pendant deux ou trois jours dans l'huile de cheval ou le vinaigre. — Faire cuire et servir comme le bifteck. Rôti de cheval. — Le rôti est aussi un plat qui exige un morceau de choix; on en augmente la qualité en piquant au lard et faisant mariner dans du vin blanc ou du madère avec petits oignons, fines herbes; retournant et arrosant plusieurs fois par jour pendant trois ou quatre jours, selon la saison ou l'état de la viande. Le filet, ainsi mariné, est souvent donné pour de bon chevreuil. — Faire rôtir comme le filet de bœuf. Langue de cheval braisée. — Plongez dans l'eau bouillante jusqu'à ce que la peau se détache par le grattage ; piquez de lard. Placez dans une casserole dont le fond est garni de bandes (>52 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. de lard; ajoulez sel, poivre, persil, laurier, champignons ou truffes, si vous voulez et si vous pouvez ; ajoutez un peu de bouillon et de vin blanc ; recouvrez de bandes de lard. Mettez le couvercle de la casserole et placez sur un feu doux jusqu'à cuisson convenable. Le cœur de cheval braisé se prépare comme la langue, excepté qu'il n'y a pas lieu de le plonger dans l'eau avant de piquer au lard. Cervelle de cheval à la graisse noire. — Enlevez les enve- loppes et les caillots sanguins qui peuvent exister; plongez dans l'eau chaude non bouillante pour faire dégorger. Coupez en tranches; placez dans une casserole sur des bandes de lard ; ajoutez le même assaisonnement que pour la langue braisée. Faites cuire à feu doux et servez avec de la graisse noire, pré- parée de la manière suivante : Placez la graisse dans une casserole, chauffez jusqu'à ce qu'elle prenne une couleur chocolat; ajoutez sel, poivre, persil, vinaigre. Foie à la chevaline. — Prenez un morceau de foie, laissez- le reposer un ou deux jours, selon la saison ; piquez-le de lard. Placez sur des bandes de lard dans une braisière; ajou- tez sel, poivre, clous de girofle, muscade, oignons, carottes; couvrez de bandes de lard ; mouillez avec du bouillon et du vin, plus un peu de jus de citron et du vinaigre. Faites cuire à petit feu. Le foie sauté à la poêle est généralement trop dur. Le foie peut aussi être cuit dans le pot-au-feu, dont il augmente la qualité. Les rognons peuvent être préparés comme ceux du bœuf, mais ils sont généralement durs. En tous cas, on ne doit pré- parer que la couche extérieure, l'intérieur ayant presque toujours un goût désagréable. Le mou et Xûrate doivent être donnés aux chats. Pâté de cheval (par M. de Beaupré). — Prenez : faux-filet, 1 kil.; jambon, 250 gram.; foie de cheval, 250 gr.; veau, si l'on peut en avoir, 250 gram.; sel, poivre, laurier, persil, ail, quantité suffisante; hachez le tout bien fin. Placez le hachis dans un vase avec 250 gram. de bandes de lard disposées en USAGE ALIMENTAIRE DE LA VIANDE DE CHEVAL. 653 trois couches : une au-dessous, une au milieu et une au-des- sus du hachis. Faites cuire au four. Saucisson de cheval. — On fait avec la chair de cheval du saucisson ordinaire, ta bas prix, et du saucisson de qualité supérieure, à un prix plus élevé. Citons, comme exemple, celui fabriqué à Beaucaire par M. Vincent Giraud. Andouillettes de cheval. — Depuis l'investissement, plu- sieurs personnes se sont mises à fabriquer, avec l'estomac et les intestins du cheval, des andouillettes qui, avec un peu d'amélioration, pourront, je crois, rivaliser avec les andouil- lettes de Troyes. Gelée de cheval (par M. Dufîos, capitaine). — Prenez les extrémités des membres à partir des genoux et des jarrets: cassez les os en plusieurs morceaux, jetez les sabots. Mettez dans autant de litres d'eau qu'il y a d'extrémités ; faites bouillir pendant six à sept heures avec sel, poivre, oignons, bouquet garni et les derniers os delà queue si vous les avez. Passez à travers un linge ; dégraissez s'il y a lieu. Par le re- froidissement, on obtient une gelée excellente pour les assai- sonnements culinaires. La graisse de cheval, meilleure que celle de porc, de mouton ou de bœuf, remplace le beurre dans les préparations culi- naires ci-dessus. Elle est d'un emploi excellent pour toutes les fritures. V huile de cheval est parfaite comme huile à manger. Elle se fige par le froid comme la bonne huile d'olive. Pour obtenir la graisse et l'huile de cheval : Achetez un kilogramme de graisse brute chez le boucher ; coupez en morceaux. Placez dans une marmite avec un demi- verre d'eau ; faites fondre à feu doux ou au bain-marie ; passez dans un linge, laissez refroidir. Une partie se précipite, c'est la graisse ; l'autre surnage, c'est l'huile. La séparation est plus complète par la filtration à travers le papier à filtrer. — Salez, si vous voulez con- server. RAPPORT SUR LA CONSOMMATION DE LA VIANDE DE CHEVAL A VIENNE, PRÉSENTÉ A LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ET ROYALE D'AGRICULTURE PAR LE COMMISSARIAT DU MARCHÉ. Traduction de M. A. Gossfoaux. Par suite de l'invitation du 1er février de l'année courante, n° l'203, le commissaire du marché prend la liberté de répon- dre sub n° 80 aux questions qui lui ont été adressées par la Société impériale et royale d'agriculture, ayant trait de la consommation de la viande de Cheval à Vienne, à son aug- mentation ou à sa diminution, et enfin aux différents usages auxquels elle est destinée dans la consommation. Voici les détails tournis par le commissariat : Par suite d'un décret de son Exe. M. le ministre de l'in- térieur, en date de 1S50, le débit de la viande de Cheval fut autorisé, a condition que celle-ci provint de Chevaux sacrifiés à l'abattoir. A partir de ce moment aussi, la viande de Che- val fut rangée dans le cadre des substances alimentaires. Mais cet ordre trouva alors peu de faveur dans la population de Vienne, qui, imprégnée des préjugés contre cette viande, ne voulut pas l'accepter. C'est pourquoi l'usage delà viande ne fut introduit à Vienne qu'en 185/i, et c'est au mois de mai de cette même année que les premiers animaux furent sacrifiés dans les abattoirs de la ville. Et depuis cette époque l'abatage de ces animaux a toujours marché en croissant. Toutefois les préjugés n'étaient pas encore éteints, ils ne le sont même pas encore aujourd'hui; aussi l'usage de cette viande en souffrit-il. Mais les bouchers de Chevaux de Vienne ayant été forcés d'abattre dans les abattoirs et ayant été soumis à un contrôle très-sérieux de la part de la police sanitaire et industrielle, CONSOMMATION DE LA VIANDE DE CHEVAL A VIENNE. 655 le public de cette ville acquit la persuasion que la viande dé- bitée dans les boucheries provenait d'animaux sains et affectés d'aucune maladie : car il n'y avait que les Chevaux qui jouis- saient de la santé qui étaient admis dans les abattoirs de la ville par le commissaire du marché, à l'exclusion de tous ceux qui étaient émaciés, affaiblis et maladifs. Ces derniers ne pouvaient toutefois pas être confisqués, mais par malheur devaient être rendus aux propriétaires. Ce fut Là la source de fraudes : en effet, ces Chevaux étaient souvent achetés par des bouchers qui les abattaient en dehors des fortifications, malgré qu'il y eût là aussi une autorité sanitaire. Car il faut faire remarquer que les bouchers domi- ciliés en dehors de la ville, dans les localités circonvoisines, ne sont pas tenus à sacrifier dans les abattoirs de la ville, par la raison que ces localités n'entrent pas dans le rayon de Vienne et ont le droit d'abattre chez eux. A cause de cet inconvénient, les bouchers ont la facilité de se soustraire aux lois de la police sanitaire et industrielle, et cela d'autant mieux, qu'ils ont l'avantage de pouvoir abattre dans leur maison et peuvent échapper ainsi plus facilement à un contrôle sévère. Je ne dirai pas ici que, chose claire et facile à comprendre, en dehors de la ville, la surveillance est en général plus relâ- chée. C'est ainsi qu'il arrive que des Chevaux amaigris atteints de différentes maladies, et qui ont été yejetés par la commission du marché, sont abattus dans les localités avoisinantes. Le Cheval, qui, par sa nature, est destiné aux différents besoins de l'homme et qui est souvent l'objet des traitements les plus cruels, est exposé par ses travaux excessifs aux mala- dies les plus variées. Si donc le public doit consommer de la viande de Cheval en sûreté et avec confiance, un contrôle des Chevaux et de la viande de Cheval est non-seulement nécessaire, mais encore tout à fait indispensable. Mais dans quelles conditions ce contrôle peut-il être exercé? Seulement quand les bouchers sont astreints à sacrifier dans les abattoirs et rien que dans les abattoirs. C56 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. C'est donc un point très-imporlant de prendre, partout où l'on abat des Chevaux, partout aussi où l'on veut introduire l'usage de la viande de Cheval, des mesures coercitives pour forcer les bouchers à abattre dans les abattoirs. C'est de cette façon que les bouchers peuvent être surveillés avec une grande rigueur ; c'est aussi grâce à ce moyen que le préjugé du public tombera facilement. L'introduction de la viande de Cheval dans les murs de Vienne est autorisée par la police, et de grandes quantités de cette viande sont importées dans la ville par les bouchers de l'extérieur. Celte autorisation ne tourne pas toujours à l'a- vantage des consommateurs par la raison précitée, à savoir, qu'il est facile de faire, passer de la viande de mauvaise pro- venance, et pour cet autre motif, que le contrôle exercé par la douane aux entrées de la ville sur la viande de passage, et la vérification du laisser-passer , doivent être considérés comme insuffisants et peu rigoureux. Tout Cheval reconnu atteint d'une maladie contagieuse est confisqué et abandonné àl'équarrisseur pour être enfoui ; tout cela, d'après les règles de la police sanitaire. Quoique le préjugé qui tient les esprits contre la viande de Cheval ne soit pas encore totalement levé, et ne pourra sans doute pas l'être complètement dans l'avenir, il est néanmoins permis de croire que celui-ci a déjà diminué dans de fortes proportions. Il est certain que la viande de Cheval est inférieure comme qualité à celle du Bœuf, mais à cause de la modicité de son prix (en effet, la livre coûte 10 jusqu'à 12 neu-kreuzer, c'est- à-dire environ 25 c; tandis qu'une livre de Bœuf coûte de 2/i à 36 neu-kreuzer, ou 50 à 75 c), et au point de vue de l'économie du ménage, elle doit être usitée comme matière alimentaire, non-seulement par les familles pauvres, mais encore par les petites familles industrielles. Par ces différentes raisons qui viennent d'être citées, l'usage de la viande de Cheval a pris du développement. Le tableau suivant peut donner par ses chiffres une idée du cercle d'accroissement de l'usage de cette viande. CONSOMMATION DE LA VIANDE DE CHEVAL A VIENNE. 657 Il a été abattu dans les boucheries de Vienne, sous la direc- tion de la police : En 1865 — 742 \ 1866 — 804 J 1867 — 1319 > pièces. 1868 — 1215 l 1869 — 1555 y Pour ce qui est relatif au débit de la viande «de Cheval, celle-ci est vendue par les bouchers dans leurs boucheries et sous l'auspice des lois de la police sanitaire et industrielle du gouvernement. Elle est aussi en partie mise en charcuterie, et en partie fumée, pour être vendue sous cette forme au public. L'opinion que la viande de Cheval est exclusivement mise en charcuterie est fausse et ne doit être duc qu'à des rensei- gnements inexacts. Les prix de la viande sont en ce moment : 1° Viande à bouillon (vulgo sudfleisch) : la livre, 10 à 12 neu-kreuzer, environ 22 à 25 c. 2° Morceaux pour rôtis : la livre, ïh neu-kreuzer, 30 c. environ, 3° Viande fumée : la livre, 12 à lu neu-kreuzer, 25 à 30 c. environs h° Saucissons : la livre, 2 neu-kreuzer, 5 c. environ. Il est à remarquer que les bouchers de Chevaux ne peuven vendre d'autres viandes que celle de Cheval, et que les fumeurs de celte viande ont aussi le droit de mettre celle-ci en char- cuterie : ceux-ci doivent toujours rester dans les règles de la police sanitaire. Mais le nombre de fumeurs de viande qui transforment celle-ci en saucissons est rare, et ce sont seule- ment les plus pauvres qui pratiquent cet usage. Les constatations ont appris que les Chevaux abattus et dans l'état où ils se trouvent dans les boucheries, pour être livrés à la vente, pesaient habituellement de 350 à 500 livres. Il n'est pas rare de voir sacrifier des Chevaux de 600 à 800 livres. 2e SÉRIE, T. VII. — Novembre-Décembre 1870. 42 658 SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. Le prix des chevaux vendus à la boucherie est très-variable, il oscille entre 20 et 80 florins. La viande de Cheval a été rangée avec raison et en parfaite connaissance de cause dans la série des matières alimentaires ; car celle-ci a toutes les qualités d'une bonne et saine alimen- tation, et en outre le grand avantage de coûter peu cher, ce qui est un grand point pour les consommateurs. L'autorisation de la vente de la viande de Cheval, comme matière alimentaire, est aussi très-avantageuse pour les pro- priétaires de Chevaux. Autrefois il fallait que le propriétaire vendit son Cheval usé pour la modique somme de h florins, ou qu'il l'abandonnât à l'équarrisseur pour l'enfouissage. Il reçoit aujourd'hui pour un Cheval, qui est encore en assez bon état, quoiqu'il ait perdu toute aptitude au travail, le prix assez convenable de 20 à 80 florins (monnaie autrichienne). De cet état de choses il ressort qu'un grand nombre de propriétaires n'abusent plus de leurs Chevaux jusqu'à la der- nière extrémité. Il faut aussi reconnaître que l'économie nationale profite de cette industrie et y trouve une nouvelle source de fonds : car le propriétaire a toujours en main le moyen de pouvoir ven- dre son Cheval et d'en tirer un prix avantageux, du moment qu'il ne pourra plus utiliser son Cheval ; en outre, plus d'une personne, en désespoir de cause, peut se faire boucher de Chevalet trouver dans ce commerce des moyens de subsistance, et même payer à l'Etat les frais de la licence. Et puis la viande de Cheval augmente le cadre des matières alimentaires d'une matière de bonne qualité et coûtant très- peu cher. Toutes ces considérations ne peuvent que recom- mander l'introduction de l'usage de cette viande dans les différentes contrées. Enfin, pour finir, je ferai observer que les bouchers de l'extérieur tuent autant de Chevaux qu'on en tue dans les abattoirs de la ville. Ainsi, pour donner un exemple : en 1869, à Tienne et dans six localités environnantes, on consomma 7 Ihh 000 livres de viande de Cheval. RAPPORT A LA COMMISSION DES RÉCOMPENSES SUR LE MÉMOIRE DE M. GAYOT RELATIF AUX LÉPORIDES, Par M. «9XDRE. Un prix d'une valeur de 200 francs ayant été fondé par un anonyme pour être accordé « à celui qui aura fourni le meil- leur travail, avec expériences et discussion des faits antérieurs, sur la question des Léporides (métis du Lièvre et du Lapin)»., M. Eugène Gayot a présenté sur ce sujet à la Société le re- marquable mémoire que nous allons entreprendre de résumer, en regrettant souvent de ne pouvoir céder la place à la plume élégante et facile de l'auteur. Après avoir cité d'abord la constatation peu encourageante, qu'avait faite Buffon, de l'aversion réciproque du Lièvre et du Lapin, ainsi que les remarques de Cuviersur le soin qu'a pris la nature d'empêcher le mélange des espèces à l'état sauvage, M. Gayot emprunte à M. Nicklès, de Benfeld, la description des Lièvres-Lapins de la vallée du Rhin, et des Lapins-Lièvres déparlement de l'Hérault. L'auteur du mémoire a constaté lui-même, de 1833 h 1837, que les Lièvres-Lapins s'unissent sans difficulté avec le Lapin domestique, et que leurs produits sont indéfiniment féconds. Vient ensuite un passage d'une lettre de M. de Ponton d'Amécourt, laquelle est relative à un animal tué par lui à la chasse en Algérie, et présentant à la fois des caractères du Lièvre et du Lapin. Puis l'opinion de Jacques du Fouilloux, qui, dans sa Vénerie, publiée en 1561, dit « que les Lièvres mâles, dans le temps du rut, courent les Lapines et les couvrent » . Puis une assertion du baron de Gleïchen, qui, sans donner de preuves à l'appui, prétend que l'accouplement des Hases 660 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. et du Lnpin sauvage est un fait généralement connu à Hoching, dans la Prusse polonaise. Puis l'opinion de M. Flaxland, qui dit « qu'en Alsace le Lapin de garenne n'existe pas, et qu'on n'y connaît que deux espèces domestiques : le Lapin de soie, a poil long, et le Lapin-Lièvre, ayant le poil court et la couleur du Lièvre. » Et enfin un passage d'un mémoire de M. Broca, lequel dit à peu près ceci : « Un Levraut ayant été élevé avec un Lapin et une Lapine, celle-ci fut couverte par les deux mâles et mit bas six petits, dont trois Lapins de pur sang et trois Lépo- rides. Un de ces derniers fut disséqué par Richard Owen, qui lui découvrit des caractères anatomiques de nature à dissiper tous les doutes qu'on aurait pu élever sur son origine. » M. Broca, d'ailleurs, a remonté dans le passé jusqu'à un fait qui s'est accompli en 1773, en Italie, au bourg de Maro, chez l'abbé Gagliari, où une petite Hase trouvée dans les champs fut élevée en même temps qu'un Lapereau, qui la couvrit depuis ; ce qui donna naissance à des Léporides qui couvrirent la mère à leur tour et devinrent la souche d'une nombreuse famille de métis se reproduisant entre eux. M. Gavot, pour se conformer au programme du concours, discute les faits, comme il continuera de le faire pour tous ceux que contient son mémoire, avec l'autorité d'un expéri- mentateur clairvoyant. Malheureusement le manque d'espace nous interdit de le suivre dans cette intéressante discussion. Puis il cite M. de Norguet, qui a dit que « dans certains bosquets en plaine des environs de Lille, où les Lapins ne se terrent pas, on rencontre les deux gibiers, Lièvres et Lapins, pêle-mêle et dans la meilleure intelligence » ; ce qui fait entrevoir à M. Gayot « que les Lapins gris et ceux d'une autre couleur pourraient bien n'être pas d'une commune origine : l'espèce grise , sauvage , serait franchement distincte du Lièvre, et les autres variétés seraient sorties d'un type inter- médiaire, qui a subi des mélanges nombreux et qu'on ne re- trouve plus qu'à l'état sauvage ». Nous arrivons ensuite aux Léporides de M. Alfred Roux, ancien président de la Société d'horticulture d'Angoulême, et RAPPORT SUR LES LÉPORIDES. 661 M. Gayot fait l'historique de cette production d'après M. Roux lui-même, qui dit avoir obtenu en 1847, par le croisement du Lièvre et de la Lapine, des produits de 1/2 sang, qui, en s' ac- couplant avec les types purs, ont donné des 3/4 de sang. Mais ces animaux, tenant encore trop du Lièvre, ne sont pas assez féconds pour rémunérer suffisamment l'éleveur. M. Roux a donc dû les croiser avec les 1/2 sang pour en obtenir des individus composés de 5/8 de sang de Lièvre et de 3/8 de sang de Lapin. Ces derniers animaux sont très-féconds et se multiplient entre eux. M. Broca, ayant eu connaissance de ces derniers faits, les mit en lumière, et ils soulevèrent aussitôt des doutes nom- breux. La reprise des expériences initiales fut redemandée, notamment par le docteur Pigeaux; mais M. Roux, n'ayant point conservé ses reproducteurs primitifs, ne jugea pas à propos de s'imposer de nouveaux sacrifices pour combattre ses contradicteurs, et il s'en est tenu à la culture de la race qu'il avait fabriquée et qui lui donnait les résultats industriels qu'il avait recherchés. M. Gayot rapporte ici un fait qui s'est passé dans les envi- rons de Bar-sur-Aube, sous le patronage d'un vétérinaire distingué, M. Guerrapain, qui en a fait le récit dans le Journal de la Ferme. Des Lièvreteaux, ayant été trouvés en plein champ, furent placés sous une Lapine, qui parvint à en élever un, qui depuis la rendit mère; ce dont il advint des Léporides de 1/2 sang. De ces métis on conserva une femelle qui fut fécondée par son père, ce qui donna naturellement des 3/4 de sang. Enfin on fit s'unir un de ces mâles de 3/4 de sang avec sa mère qui était de 1/2 sang, et l'on obtint ainsi des Léporides de 5/8 analogues à ceux de M. Roux. L'auteur du mémoire cite à cet endroit l'opinion d'Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui admet la possibilité du croisement entre Lièvres et Lapins et la fécondité de leurs produits. Nous croyons pouvoir y ajouter celle de Darwin qui dit « qu'il semble résulter d'expériences faites récemment sur une grande échelle, que des espèces aussi distinctes que le Lièvre et le Lapin, si l'on parvient à les faire se reproduire ensemble, donnent une postérité presque parfaitement féconde ». 062 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. M. Gayot raconte ensuite le fait suivant : « En 1866, des enfants prirent sur une route auprès de Saint-Dizier (Haute- Marne) un petit Lièvre d'une quinzaine de jours, qu'ils appor- tèrent à la ville chez madame Thomas, qui lui donna le nom de Bibi et l'éleva dans sa chambre, ce qui le rendit particulière- ment familier et hardi. » Nous ne pouvons nous empêcher de remarquer ici que cette origine de l'animal nous paraît peu authentique, et qu'il reste permis de supposer qu'il pourrait bien n'être qu'un petit Lapin roux, dérobé dans un clapier par ces mêmes en- fants, qui, craignant ensuite d'être châtiés, auraient trouvé plus avantageux de se dessaisir de leur capture à l'aide d'un mensonge. Revenons au récit de M. Gayot. Lorsque Bibi devint en âge, il se prêta sans difficulté à couvrir indistinctement toutes les Lapines qu'on lui présentait, et sa réputation s'étant promptement étendue, on lui en amena un nombre considé- rable, et il eut ainsi une énorme postérité. M. Guyot, ayant entendu parler de Bibi, fit le voyage de Saint-Dizier, et n'ayant pu parvenir à ce qu'on lui cédât l'in- téressant reproducteur, il obtint du moins, de l'obligeance de ceux qui le possédaient, que l'animal serait employé chez eux à des expériences qui furent indiquées. Lorsque vînt le concours régional de Châlons-sur-Marne, Bibi fut exposé en compagnie de trois groupes d'animaux, ses descendants. Le premier grpupe, composé d'animaux de 4/2 sang, directement issus de Bibi ; le deuxième composé d'animaux de 1/2 sang s'étant reproduits inter se; le troi- sième, enfin, était formé par des sujets de 3/4 de sang avec leur père. (Il a été obtenu depuis des animaux de 5/8 par un mélange approprié des produits précédents.) Ainsi exposé, le chef de cette famille fut examiné contra- dictoirement par un grand nombre de personnes, et des doutes furent élevés sur sa qualité de Lièvre, dont il ne pré- sentait pas tous les caractères. On lui trouva la marche du Lapin, bien qu'il n'en donnât jamais le coup de talon et qu'il courût en Lièvre; on fit remarquer de plus qu'il avait l'œil brun du Lapin et non l'œil jaune du Lièvre. Ses répaires fu- RArPORT SUR LES LÉPORIDES. 663 rent examinés et se trouvèrent conformes à la description qu'a donnée du Fouilloux de ceux du Lièvre et semblables à ceux de Lièvres incontestés auxquels on les compara. On examina autant que possible les caractères anatomiques de l'animal, mais on dut se borner à ceux qu'on pouvait apprécier sans faire l'autopsie du favori de madame Thomas. On crut pouvoir en conclure qu'il était Lièvre et appartenait à une variété de montagne. M. Guyot pense que Bibi est un des rares représentants d'une race mixte dont il a parlé plus haut, et il invoque en faveur de son authenticité comme Lièvre le témoignage de sa postérité. « S'il avait été Lapin, il n'eût produit que des Lapins », dit-il, et il n'a produit que des Léporides, si l'on en juge par la description qu'a faite de ceux-ci M. Paulin, vété- rinaire à Saint-Dizier, lequel a constaté que les descendants de Bibi ont en naissant la peau « noir mal teint a et des poils en abondance, comme chez le Levraut, tandis que le Lapin a la peau nue et rose ou gris clair. M. Arloing, chef des travaux anatomiques à l'École vétéri- naire de Lyon, dit la suite du mémoire, a examiné les organes génitaux de deux animaux issus de Bibi, et leur a trouvé des caractères intermédiaires entre ceux que présentent le Lièvre et le Lapin. M. Velter, professeur à l'école de Grignon, a fait, sur la demande de M. Gayot, l'analyse chimique des repaires du Lièvre, du Lapin et du Léporide. Sans pouvoir en tirer d'éclair- cissement pour la question présente, l'auteur du mémoire extrait du moins des chiffres obtenus cette remarque : « que la faculté d'assimiler les aliments semble s'accroître avec le degré de domestication » . M. Gayot a fait ensuite appel au microscope, par l'intermé- diaire de MM. Gobin frères, dont l'examen s'est porté sur les poils et le duvet des trois animaux, et qui ont pu y. constater des différences caractéristiques. « Vient ensuite un passage de M. Crevoisier, de Briey (Mo- selle), qui se rapporte à la fécondité des Léporides, à leur robe, à leur conformation et à leurs habitudes. (364 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Nous n'avons pas cru devoir résumer les caractères tirés de la dégustation de la chair des différents animaux ci-dessus, ces indications nous paraissant devoir être très-variables, et par conséquent peu certaines, selon l'âge du sujet, son genre de mort, son degré de conservation, sa préparation culinaire, et même selon le goût particulier du dégustateur; cependant, toutes choses égales, nous pouvons croire à la supériorité de la chair du Léporide sur celle du Lapin, puisqu'elle tient beaucoup du Lièvre, qui est si généralement estimé. Sans cette supériorité, la production du métis n'aurait pas d'intérêt pra- tique. Enfin, nous croyons que, d'après tous les doutes émis sur la nature de Bibi, nous pouvons dire que cette question n'a jamais été définitivement résolue, et l'argument tiré de la postérité ne nous parait pas aussi péremptoire qu'à M. Guyot, car un Lapin d'apparence indécise peut bien avoir des des- cendants aussi équivoques que lui-même. M. Gayot dit ensuite qu'ayant été informé qu'il existe à Bois-Colombes, près Paris, une Hase qui en est à sa quatrième gestation, des œuvres d'un Lapin noir et blanc, il se rendit à ce pays et qu'il lui sembla que la Hase en question apparte- nait à la même variété que Bibi. Puis il raconte les essais de M. le baron de Beaufort, de Verdun (Meuse), qui s'occupe avec persévérance de l'élevage du Lièvre en captivité, pour arriver ensuite à la production du Léporide. Bien que les débuts de cette entreprise n'aient pas été heureux, on a fini par obtenir d'une Hase et d'un Lapin argenté un Léporide femelle; cette Hase ayant consenti à élever en même temps un Levraut mâle trouvé dans les champs, on put comparer la rapidité du développement chez les deux espèces, et ce fut le Léporide qui l'emporta sur ce point. Enfin, -M. Gayot arrive au récit de ses expériences person- nelles, qui, faute du temps nécessaire, n'ont pu encore être aussi nombreuses qu'il l'aurait voulu. Voici le programme* qu'il s'était tracé et dont nous n'avons retranché que peu de mots : RAPPORT SUR LES LÉPORIDES. 665 (( Poursuivre en même temps la production du métis par l'union du Lièvre et de la Lapine, et celle du Lapin et de la Hase, bien qu'il soit reconnu que cette combinaison est moins féconde. » Ce premier résullat obtenu, s'il n'est pas une impossi- bilité, continuer le croisement jusqu'au terme d'absorption évidente de l'une des deux espèces par l'autre, quel que soit le point de départ, et à ce degré faire reproduire inter se des représentants choisis des deux espèces, Lièvre et Lapin, afin de bien constater par comparaison les effets d'atavisme. » Chemin faisant, faire reproduire également entre eux les métis de la première génération et aussi ceux de la deuxième et de la troisième : ce qui permettrait d'étudier si les produits du métissage à divers degrés, se multipliant in and in, sont susceptibles de se maintenir sans variation, ou s'ils font indis- tinctement retour à l'un des deux ascendants dont ils étaient les intermédiaires. » Obtenir des métis de i/'2 sang et de 3/4 de sang et les ma- rier entre eux pour constater expérimentalement si à ce degré une famille a atteint la fixité qui, sous l'action continue de la sélection, empêche une race de se défaire et la constitue per- manente. » Enfin, en même temps, poursuivre la reproduction du Lièvre en captivité, et étudier l'influence que la continuation de cette captivité peut avoir sur l'espèce. » L'exécution de ce programme devait être longue et coû- teuse, et son auteur estime qu'elle peut nécessiter de dix à quinze années. Néanmoins il la commença courageusement en 1864, et les premières années furent employées à l'élevage de Lièvreteaux recueillis dans les champs, ce qui réussit assez bien au début, si l'on opère dans de bonnes conditions d'hygiène ; ce n'est qu'aux approches de l'âge adulte qu'appa- raît la mortalité. Le premier Levraut élevé reçut le nom de Pierre ; on le maria à une Lapine blanche, qui mit au monde sept Léporides de 1/2 sang, arrivés depuis à leur quatrième génération, à l'époque où l'auteur écrivait (juin 1869). Ce mâle féconda ensuite trois autres femelles, qu'il choisit 666 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. sur une cinquantaine, qui lui furent successivement présen- tées, et il maltraita au contraire impitoyablement celles qui ne surent pas lui plaire. C'est alors que M. Gayot, ayant remarqué que toutes ces dernières étaient invariablement grises, en tira cette observation très-importante, si elle est exacte : que la couleur grise du manteau inspire au Lièvre une aversion innée qui s'oppose au croisement, et il ajoute que jamais, à sa connaissance, Lièvre n'a consenti à couvrir Lapine grise. Il cite à ce propos une communication de M. Camille Flam- marion, relative à une Lapine à poil jaune, qui fut couverte par un Lièvre, et donna cinq Léporides semblables à leur père par la robe et les oreilles. A coup sûr, il eût alors été fort intéressant de multiplier les expériences pour contrôler l'exactitude de la découverte faite par M. Gayot, et nul plus que lui ne devait le désirer.... Malheureusement, la mort de Pierre vint mettre momenta- nément obstacle à la vérification de la nouvelle loi ; il nous faut attendre que les jeunes animaux, qu'on destine à le rem- placer, aient atteint l'âge adulte, et nous avons vu plus haut que c'est làle moment difficile de l'élevage. Qu'il nous soit permis de remarquer en passant que Pierre, repoussant les femelles grises, et Bibi couvrant indistincte- ment toutes celles qu'on lui présentait, sont en complet désaccord. A moins de supposer, ce qui n'est guère croyable, que tous les clapiers des environs de Saint-Dizier sont exclu- sivement peuplés de Lapins de couleur, il nous faut conclure : ou que l'observation de M. Gayot serait sans valeur, ce que nous ne pensons pas, ou que Bibi n'était pas un Lièvre. En raison de tous les faits qu'il a rassemblés et des résultats qu'il a obtenus lui-même, M. Gayot se croit autorisé à dire que le Léporide, dont l'existence était jadis si contestée, est passé aujourd'hui à l'état de fait accompli, et qu'on pourra le repro- duire assez facilement en se conformant à l'observation qu'il a faite relativement à la couleur; et il y ajoute une recomman- dation très-utile, se rapportant à la forme des "cabanes d'éle- vage, qui doivent être circulaires, afin de ne point présenter d'angles dans lesquels la femelle pourrait trouver un. abri RAPPORT SUR LES LÉPORIDES. 667 contre les approches du mâle : un tonneau dressé sur son fond réalise parfaitement cette condition ; mais il est néces- saire de le compléter par une petite cour couverte en grillage et avec laquelle la communication est établie par une chatière. L'auteur n'est pas arrivé tout de suite à adopter cette dis- position, et il en a expérimenté de plus compliquées qu'il a abandonnées depuis, et c'est surtout dans l'examen critique qu'il en fait que se manifestent le mieux les profondes qua- lités d'observation de l'expérimentateur. Enfin, une dernière prescription non moins utile au succès, est celle qui consiste à s'abstenir, au moment de la féconda- tion, déporter le mâle chez la femelle, parce que s'y trouvant en quelque sorte dépaysé, il perdrait par là une partie de la hardiesse, qui lui est très-nécessaire pour vaincre le mauvais vouloir que la femelle lui oppose presque toujours; tandis qu'au contraire, si celte dernière est portée chez le mâle, elle se montre intimidée et dépourvue de cette force de résistance qui lui permet trop souvent de se refuser à l'accouplement. L'auteur du mémoire termine son œuvre par quelques détails sur une race de Lapins qu'il appelle race Saint-Pierre, du nom du pays, où est situé son clapier d'expériences. Le point de départ de celte race est un Léporide 5/8, venant de ceux de Bar-sur-Aube, que M. Gayot a marié avec une Lapine de la petite espèce sauvage. Ces animaux étaient arrivés en juin 1S69 à leur dix-neuvième génération; ils jouissent au- jourd'hui d'une réputation qui s'étend aux environs du pays où ils ont été créés, et l'on en a peuplé des garennes. M. Gayot analyse ainsi ces animaux à trois éléments : Liè- vre, iVo ôt |; Lapin sauvage, ff0 et £; Lapin domestique, -^ et {. Il voit dans cette race une preuve de la fixité des métis, car il y est né jusqu'à la onzième génération des individus de couleur autre que le gris, rappelant par là certains de leurs ascendants; or, M. Gayot, en supprimant constamment, par pure fantaisie, tous ces sujets non gris, se trouve par le fait avoir exercé une véritable sélection qui les a fait disparaître définitivement. NOTE SUR L'ALIMENTATION AU MOYEN DES VIANDES EN POUDRE SÈCHE, Par M. E. SIRHKV. Les discussions qui ont eu lieu dans les dernières séances et l'ordre du jour de celle-ci me suggèrent quelques réllexions que je crois bien faire d'exposer. L'introduction de nouveaux éléments alimentaires, et sur- tout de ceux à l'essai desquels s'est dévoué M. de Grandmont, me parait n'avoir guère été considérée qu'au point de vue de l'état de siège où nous sommes et des privations exception- nelles qu'il entraîne. Si telle était, en effet, la pensée géné- rale que le Chien, le Chat, le Rat, par exemple, ne sauraient être recommandés que comme pis-aller et faute de mieux, ce serait à la fois diminuer l'importance éternelle et toujours croissante de la question de l'alimentation, et méconnaître l'un des enseignements, l'un des profits dont toute épreuve doit être la source. N'y a-t-il donc que les Prussiens qui puissent nous assiéger, et ne sommes-nous pas au contraire, même dans les condi- tions les plus normales, sous la menace constante de la faim, je veux dire du besoin sous toutes les formes? . Je sais bien qu'en temps ordinaire ce besoin n'est pas aussi apparent et que nous ne le ressentons pas aussi vivement qu'aujourd'hui; mais ce n'est que parce que nous. sommes un peuple trop aristocrate, de goûts trop délicats, et que, pour les satisfaire, nous nous laissons un peu trop aller à suivre les trop fameuses doctrines de Malthus. Mais dans une république, dans une démocratie réelle, comme celle où je me flatte que nous allons enfin entrer, où chacun se doit cà tous, où les lois de la morale ont le pas sur toutes les autres prétendues lois, où le mariage est encouragé, honoré et enseigné comme le premier des devoirs sociaux NOTE SUR L'ALIMENTATION. 669 aussi bien que comme le plus sacré de tous les droits, le problème change d'aspect et revient à ses termes véritables et avouables : Il ne s'agit plus de limiter les mariages et la population pour augmenter le bien-être, mais au contraire d'augmenter le bien-être pour créer la plus grande population possible. La plus grande population possible par le mariage, voilà la loi, la loi divine de notre espèce et de nos sociétés; la loi qu'aucune société ne peut contredire ou contrarier sous peine de déchéance ou de mort, l'ultimatum qui nous assiège, et nous assiège sans cesse plus que tous les Prussiens du monde, et qui, encore une fois, ne peut, être accomplie que par l'augmentation incessante aussi du bien-être. Eh bien, augmenter le bien-être, c'est, en définitive, aug- menter la masse alimentaire. Faire produire à la terre tout ce qu'elle peut produire ne suffît pas, il faut arriver à manger tout ce qui peut être mangé. Peu importe que cela soit plus ou moins bon, pourvu que cela ne soit pas mauvais, si l'ani- mal, qui est l'homme, en profite; l'homme à son tour en profite en satisfactions moins brutales, moins matérielles plus relevées, plus nobles et plus dignes de lui. Ainsi, je voudrais que le siège de Paris nous rendit au moins le service, le seul peut-être, mais immense service, de nous aider à introduire dans nos habitudes constantes et au même titre que le porc, et maintenant aussi le cheval les animaux contre lesquels nous éprouvons le plus de répugnance. Ils nous fourniraient par an plusieurs millions de kilo- grammes de viande qui viendraient diminuer le prix de la viande ordinaire, et rendraient par conséquent celle-ci plus accessible aux pauvres gens, sans rappeler les autres consé- quences de cette addition élémentaire au point de vue, soit du bien-être général, soit de la population. Il est d'ailleurs, entre toutes les formes culinaires sous lesquelles les Chinois, qui, depuis plusieurs siècles, ont vraiment leurs préjugés, les emploient, deux préparations qui seraient éminemment propres à dépister le souvenir, la (370 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. seule véritable cause de notre répugnance. C'est la prépara- tion du hachis, et, dans le nord, chez les Mongols plus parti- culièrement, pour la viande de Bœuf et de Mouton qu'ils veu- lent conserver pour leurs provisions de chasse ou de voyages, la préparation en poudre sèche que l'on mélange à la farine d'avoine, de maïs, etc. Sous ces deux formes, en effet, il n'est, on peut dire, aucune sorte ou catégorie de viande qui ne puisse être consommée. La poudre de viande est surtout préférée en ce qu'elle permet de confondre toutes les parties des animaux, sans en excepter les os et la peau ; ensuite, elle permet de mélanger en proportions plus ou moins grandes, sans que l'œil s'en aperçoive, certaines sortes de viandes réputées infé- rieures. Enfin les viandes en poudre ont le grand avantage de se conserver indéfiniment et de pouvoir être transportées, sous un volume relativement faible, à de grandes distances. Les viandes ainsi conservées sont plus saines que les viandes salées, et, sous ce rapport, leur emploi mériterait en outre d'être recommandé pour la marine et pour l'armée. En terminant cette communication, je veux aussi faire con- naître un moyen, également employé par les Chinois, de se procurer en quelques heures, pour ainsi dire, des légumes verts. On prend pour cet usage les variétés de pois, haricots, vesces ou gesses, trop dures pour être consommées par l'homme et que l'on donne ordinairement aux chevaux, un les verse dans des baquets de façon à les baigner d'eau sur un ou deux pouces d'épaisseur, et l'on place les baquets dans un lieu où la température soit suffisante pour les faire ger- mer, près de la cheminée par exemple ; la lumière n'est pas nécessaire. On obtient ainsi en deux ou trois jours au plus des jeunes pousses très-tendres que l'on peut faire cuire ou préparer en salade. !.' HISTOIRE NATURELLE DU GOURAMI, Pau- M. I». DABRY. Le Gourami (Osphromenus olfax, Commerson) est un pois- son d'eau douce originaire de la Cochinchine, d'où il a été importé successivement à Penang, à Malacca, aux îles Mau- rice, de la Réunion, à Cayenne, au cap de Bonne-Espérance et en Australie. Il appartient à la famille des Labyrintliides ou Labyrinthiques (Owen), Pharyngiens labyrinthiformes (Oli- vier). La nature l'a pourvu d'un appareil labyrinthiforme assez compliqué, découpé dans les os pharyngiens supérieurs et destiné à conserver en réserve une certaine quantité d'eau. Le Gourami ressemble par son aspect général au Cyprinus carpio des fleuves et des lacs d'Europe. Il a le corps haut et comprimé, assez épais et couvert uniformément de grandes écailles brillantes et roides. La partie postérieure du dos est beaucoup plus élevée et suivie d'un rapide abaissement du profil vers la queue, ce qui fait paraître le poisson bossu à l'extrémité de l'épine dorsale. Les côtés inférieurs du ventre et de la queue sont effilés et carénés. Le Gourami se distingue en outre par les caractères zoologiques suivants : Tète plutôt courte, comprimée latéralement; le profil vertical un peu rentrant et sinueux. Le museau obtus ; la bouche petite, pro- traclile oblique; la mâchoire inférieure un peu plus avancée ; la langue libre ; les dents des mâchoires fines, petites, velou- tées, très-adhérentes. Le palais lisse. Les opercules étroits; le préopercule finement dentelé. La ligne latérale continue et apparente. Une seule dorsale se prolongeant jusqu'à la caudale, divisée distinctement en deux parties, dont la pre- mière contient 11 ou 12 rayons osseux et la seconde des rayons mous, articulés, plus élevés et assez développés. L'a- nale, attachée à l'opposé de la dorsale, va presque jusqu'à la caudale, et se compose : 1° de 11-12 rayons osseux ; de 19-20 rayons mous plus longs. Les ventrales, petites, un peu en 072 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. arrière des pectorales. Le premier rayon épineux est court; le deuxième, styliforme, se prolonge jusqu'à l'extrémité de la caudale. Les Gouramis adultes présentent une teinte rousse presque uniforme, avec des reflets bruns dorés sur la plus grande partie du corps. Les reflets sont bruns argentés sur le front et le ventre ; le dos et la nuque sont bruns violacés. Les nageoires un peu plus claires. Les mâles adultes portent en outre, à l'extrémité du museau, une tache caractéristique rosée, ronde, que n'ont point les femelles , qui à leur tour sont revêtues d'une teinte plus violacée et moins brillante. Les individus jeunes ont les flancs sillonnés par 8 à 9 traits obliques noirâtres qui disparaissent avec l'âge. Ils portent également deux taches : l'une, brune, à la base des pectorales; l'autre, noirâtre, ronde, de chaque côté de la queue au-dessous de la ligne latérale ; de plus, une petite bande brune traverse l'œil ainsi que le bout du museau, et se retrouve à l'extrémité de l'anche. Tout le corps du Gourami, y compris la tête et les joues, est couvert uniformément de grandes écailles rondes, semblables à celles de la Carpe. Ces écailles, suivant Gunther, sont au nombre de 30 à 33 sur la ligne latérale, et 5/13 sur la ligne transversale des flancs. Le poisson est en outre pourvu d'une membrane branchiostége à 6 rayons, d'une vessie aérienne simple, d'un estomac uniloculaire en forme de cornemuse, de deux longs appendices pyloriques, d'intestins très-longs en spirale et plus dilatés à l'extrémité de la partie postérieure. Le squelette osseux est composé de 12 vertèbres abdominales, de 18 caudales, etc. La désignation spécifique du Gourami est, suivant Cuvier et Valenciennes : B. 6, D. J/i/22, A. 11/19, C. 16, P. îh, H. 1/5; suivant Gunther : B. 6, D. 11, 13/11, 12, A. 9,12/19,21. Ligne latérale, 30,33; ligne transversale, 5/13, C. 2; verti- cale, 12/18, 19. L'organe labyrinthiforme du Gourami, qui, comme nous l'avons dit, est découpé dans une cavité des os pharyngiens supérieurs, près delà troisième branche, se compose de plu- HISTOIRE NATURELLE DU GOURAMI. 673 sieurs membranes et de méandres sinueux plus compliqués que ceux des Ophicéphales et même de l'Anabas. D'après Cuvier, on y distingue h lames ou feuilles principales, qui, à la partie antérieure, se réduisent à deux, dont la plus avancée se divise à son tour en cinq ou six petits rameaux transversaux dont les dimensions vont en diminuant de l'avant à l'arrière. L'organe du Gourami, comme chez tous les poissons de la famille des Labyrinthides, peut contenir une certaine quantité d'eau suffisante pour humecter les branchies inférieures, et leur permettre d'aérer le sang et de maintenir la respiration du poisson lorsqu'il se trouve en dehors de son élément na- turel. Les Labyrinthides peuvent, par suite de cette confor- mation particulière, sortir de l'eau, parcourir une petite distance, et même, dit-on, avec l'aide des épines de leurs nageoires et des opercules, sauter sur les arbustes voisins, dans le but d'y chasser les insectes ou d'y boire l'eau qui se trouve dans le repli de quelques feuilles. Lé savant professeur Duméril considère cet organe comme un accessoire des branchies et analogue pour ses fonctions aux sacs aériens des Caméléons et des Oiseaux (uccelli) (1). Cuvier, à son tour, prétend que cet organe a été donné au Gourami comme un réservoir d'eau destiné à fournir un nouvel élément à la respiration du poisson, lorsque le fluide ambiant vient à manquer. Le docteur Vinson, riche propriétaire de Bourbon, qui a pu étudier dans ses vastes établissements les mœurs des Gouramis, est d'avis, contrairement aux autres opinions, que l'organe labyrinthiforme sert à pomper instantanément l'eau que reçoit la bouche ; un vide momentané se forme alors dans cette cavité des os pharyngiens, et le poisson a plus de facilité pour happer et ingurgiter les objets qui se présentent à une cer- taine distance de ses mâchoires protractiles. Qu'on lui jette, dit le docteur Vinson, un peu de pain; on verra tout de suite comment il l'engloutira avec un mouvement très-curieux des mâchoires et en produisant un bruit très-distinct, qui est (1) Cloquet, Dictionnaire d'histoire naturelle. 2e série, t. VII. — Novembre- Décembre 1870. 43 67/l SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. l'effet de la pénétration du fluide frappant les parois internes de l'organe labyrinlhiforme. Si le vide formé dans la cavité orale n'est pas complet, le poisson rejette sa proie, qu'il reprend aussitôt par une aspiration plus puissante et plus étendue. Cette manière d'agir est si habituelle et si manifeste, que les noirs de Bourbon croient que la première aspiration a pour but de reconnaître si la boulette contient quelque piège ou substance nuisible. Un pareil fait mérite de fixer l'attention des naturalistes, et il est fort possible que le docteur Vinson ait reconnu une nouvelle fonction de l'organe labyrinlhiforme, fonction qui s'ajouterait à la propriété que possèdent tous les Labyrinthides de pouvoir, au moyen de leur organe et de l'eau qu'il contient en réserve, vivre assez longtemps hors de leur élément et supporter le transport dans des sacs à plus d'une lieue de distance. Le Gourami est un des poissons les plus exquis des Indes. Gommerson, dans son manuscrit, déclare que c'est le plus délicat de tous les poissons de mer ou d'eau douce qu'il ait mangés (Nihil inter pisces, tum marinos tum fluviatiles, exquisitius deyustavi). Le docteur Vinson dit que ses chairs sont fermes, de couleur paille, d'un goût fin, qui rappelle un peu celui de la Carpe. Il est servi dans les Indes sur les tables les plus opulentes et les plus somptueuses. Son prix est souvent assez élevé. Actuellement à Saint-Denis (Réunion), un beau Gourami vaut de 15 à 20 francs (1). Le Gourami atteint quelquefois des dimensions remarqua- bles. Le savant botaniste du Petit-Thouars, qui a visité les îles indiennes au commencement de ce siècle, en a vu qui mesu- raient plus de 2 mètres de longueur et pesaient plus de 20 liv. D'après le baron de Roujoux, ces poissons atteindraient, dans leur patrie d'origine, 5 ou 6 pieds de longueur et 50 kilos de poids. Ces particularités sont confirmées par M. Bory de Saint-Vincent, qui a pu, dans son exil à Bourbon, s'assurer personnellement de la véracité de ces récits. Le docteur Vinson (1) En Cochinchinc, on voit fréquemment des Gouramis sur les marchés. HISTOIRE NATURELLE DU GOURAMI. 675 a prouvé récemment, dans son dernier et remarquable article sur l'acclimatation du Gourami, que les dimensions de ce poisson variaient suivant les pays et les conditions externes dans lesquelles il vit. A Bourbon, le Gourami ne dépasse pas ordinairement 8 à 10 kilos ; mais il en a aperçu de 16 kilos et plus. Le plus volumineux qui ait frappé ses regards mesu- rait 92 centimètres de longueur et 39 centimètres de largeur. Les Gouramis sont doués d'une longévité extraordinaire. Des individus ont vécu, dans des pays où ils avaient été trans- portés, plus de trente ans, et n'étaient point parvenus a leur plus complet développement. Leur croissance ainsi que le pro- longement de leur existence sont subordonnés à certaines con- ditions de chaleur, de nourriture et d'espace. Ainsi, dans un bassin étroit, froid, mal aéré, le poisson reste petit et difforme, tandis que dans un grand réservoir bien construit et alimenté par de l'eau à une température convenable, il grossit très- vite et vit très-longtemps. L'alevin à sa naissance a de 2 à h centimètres de longueur. A la fin de la première année, il est long de h pouces. Douze mois après, il a déjà 7 à 8 pouces, et 8 à 10 pouces (22 centimètres) au commencement de la troisième année, époque à laquelle sa chair devient exquise. CONDITIONS PHYSIQUES DES LOCALITÉS OU VIVENT LES GOURAMIS, CONSIDÉRÉES PAR RAPPORT AUX HABITUDES DE CES POISSONS. Les Gouramis habitent communément les fleuves, les lacs, les étangs de la Cochinehine. Ils réussissent aussi bien dans les eaux claires que dans les eaux un peu fangeuses. On a remarqué toutefois que les eaux qui leur conviennent le mieux sont celles qui, tout en étant stagnantes, contiennent des plantes aquatiques et dont les bas-fonds recèlent des retraites pour le poisson. Les zones dans lesquelles vivent les Gouramis font partie des zones intertropicales où la température moyenne annuelle varie de 2/i à 26 degrés centigrades, où la température moyenne d'hiver ne dépasse pas 19 degrés au-dessus de zéro, et où la température la plus basse ne descend pas au-dessous 676 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. de 14 ou 15 degrés (au-dessus de zéro). A Saint-Denis, la principale ville de la Réunion, dans la partie chaude, au niveau de la mer où se reproduisent les Gouramis, la température moyenne des mois de février et de mars, qui sont les plus chaudes de l'année, est de 27 degrés centigrades, tandis que la température la plus basse est de + 17 degrés sur les hau- teurs. Au cœur de l'hiver, c'est-à-dire en juin, juillet, août, la température extrême ne descend pas au-dessous de \h, 15 degrés au-dessus de zéro. Dans les îles indiennes et dans les provinces méridionales de la Chine, la température moyenne d'été varie de 27 à 28 degrés centigrades; à Sumatra, sous la ligne, elle est de 29 degrés. Aux Antilles, où les Gouramis ont été importés, la température moyenne annuelle reste à 25°, 7, quoique la chaleur s'élève jusqu'à 45 degrés. On peut admet- tre en général que dans les localités où vivent les Gouramis, la température moyenne annuelle varie de 24 à 27 degrés, la température moyenne d'été de 26 à 30 degrés, la tempéra- ture moyenne d'hiver de 21 à 26 degrés, avec une variation moyenne thermométrique de 7 à 8 degrés. Température atmosphérique «les localités où vivent actuellement les (.ouramis. jô s o T. V, - j VILLES "S O | Z o ^-i è ~z. 'ç "S [ s 5 c et d 1) ~Z CJ rd QJ W -1 o g -a AUTELHS. o PAYS. tu l'année 182/j, et j'y ai trouvé le Néflier du Japon y donnant » déjà des fruits en assez grande abondance. Je ne sais trop » si M. le chevalier de Beauregard l'avait apporté de Naples, » ou si M. Filhe l'avait reçu en cadeau de l'impératrice José- » phine ; toujours est-il que les arbres prospéraient déjà dans » les deux jardins. Et ce qu'il y a de certain, c'est que l'on » trouvait les fruits chez l'un et chez l'autre, à Hyères, depuis » un certain nombre d'années ; mais les arbres n'y étaient » point multipliés comme ils le sont aujourd'hui. En 1832, » j'en plantai ou semai une vingtaine, et.depuis, chaque année, » j'en ai semé ou planté sur plusieurs points de mon jardin. » Ils en sont arrivés à se semer d'eux-mêmes, et à présent » on en rencontre partout et dans toutes les expositions. » Les terrains arrosables leur conviennent mieux que tous les » autres, mais ils végètent partout, et chaque année ils four- » nissent à la population une grande quantité de fruits, » quel que soit le sol qui les produit. Dans l'Inde, on les » appelle Loquat ; à Bourbon, comme à Maurice, on les nomme » Blbaces, et l'arbre qui les porte, Bibacier. Les enfants peu- ?> vent en manger en aussi grande quantité qu'ils le veulent, » sans qu'on puisse s'apercevoir qu'ils occasionnent n'importe » quel dérangement d'estomac. La Société d'horticulture de » Marseille a promis une indemnité de 100 fr. aux cultiva- » teurs qui amélioreraient l'espèce, soit en obtenant des fruits » plus gros, soit en produisant des bibaces ne présentant » qu'un seul noyau, car ils en montrent tous ou presque tous » deux, trois et quelquefois quatre, mais rarement cinq. A » l'heure qu'il est, la récolte est passée, mais elle a été fort » abondante, et les marchés de Toulon et de Marseille en re- » gorgent. A Hyères, le pays qui en produit le plus, ils avaient » eu à supporter un froid très-vif et soutenu, de telle sorte que » la première récolte avait été touchée peu après la floraison. » Après quelques beaux jours, il y eut une seconde floraison, » l'arbre noua ses fruits, et ce furent ceux-là qui résistèrent » aux rigueurs de l'hiver et qui nous donnèrent une belle et » abondante récolle. Il est très-rare qu'elle ne soit pas telle. On » commence, à Hyères, à soigner l'arbre et les fruits, c'est-à- » dire qu'on lui accorde un peu de fumier ei de l'eau dès le 69 A SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. » printemps ; car de tous les arbres fruitiers, c'est celui qui » offre le premier ses fruits ; on les obtient même avant les » cerises, et année ordinaire, du 15 au 25 du mois d'avril on » commence à faire la récolte. Les fruits sont envoyés sur les » marchés d'Hyères, de Toulon et de Marseille; on en mange » même à Avignon. Je ne sais pas s'ils ont dépassé cette der- » nière ville, mais on les mange dans presque toutes les loca- » lités des départements du Var et des Alpes-Maritimes. J'en » ai obtenu cette année, dans mon jardin, une trentaine de » quintaux, dont j'ai tiré à peu près 20 centimes le demi-ki- » logr. dans le commencement, et le même prix pour le kilogr. » huit jours après ; à Toulon, ils se sont vendus un peu plus » cher. » — M. Ghéruy-Linguet fait don à la Société d'une petite quantité de graines de Vers à soie de l'Ailante. — Remer- cîments. SÉANCE DU CONSEIL DU 19 SEPTEMBRE 4 870. Présidence de M. de Ocatrefàges, vice-président. M. le baron de Méritens annonce l'envoi d'un Porc sau- vage de Formose. — Remercîments. — M. Gastinel-bey fait parvenir à la Société des fruits de Palmier doum. — Remercîments. — M. Vidal, de Montbel, adresse un rapport sur ses éduca- tions de Vers à soie. — M. Durieu de Maisonneuve remercie des fruits de Pal- mier doum qui lui ont été adressés par la Société. — M. Léo d'Ounous fait parvenir un rapport sur ses cultures. — M. Duchesne de Bellecourt annonce que le Phalangiste qu'il destinait à la Société a succombé, mais qu'il espère pouvoir prochainement s'en procurer un nouveau. — M. Gaviria exprime le désir de recevoir de la Société des graines de Bombyx Mari, pour en tenter l'acclimatation dans l'État d'Antioquia (Colombie). Le Secrétaire du conseil, Ch. Wallut. PROCÈS-VERBAUX. 695 SÉANCE GÉNÉRALE DU 18 NOVEMBRE 1870. Présidence de M. de Quatrefages, vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente a été, confor- mément au règlement, lu et adopté dans la séance du Conseil qui a suivi l'ouverture des vacances de la Société. — M. le Président déclare ouverte la session 1870-1871 et prononce l'allocution suivante : « Messieurs, notre session de 1870 s'ouvre 'dans de bien douloureuses circonstances!... Je ne vous parlerai pas des malheurs de la patrie, vous ne les connaissez que trop! A eux se rattache, sans nul doute, la solitude de votre Bureau. Votre Président, un de vos vice-présidents, votre secrétaire général sont absents. Probablement ils auront été surpris par la rapi- dité des manœuvres de l'ennemi et isolés de la capitale. En tout cas, leur patriotisme nous est bien connu, et où qu'ils aient été forcés de s'arrêter, nous sommes certains qu'ils n'oublient ni Paris, ni les intérêts d'ordre supérieur qui se rattachent au salut de cette ville. »Un autre de nos vice-présidents était naguère au milieu de nous. Votre Bureau, plusieurs d'entre vous l'ont accompagné, il y a quatre jours, à sa dernière demeure. Au nom de l'In- stitut, du Muséum et de votre Société, des voix amies et justes ont brièvement rappelé la vie de M. Duméril ; vie digne de servir d'enseignement et de modèle, car elle fut entièrement consacrée à la science et au devoir; vie heureuse, car ses vertus trouvent en elles leur récompense et doublent les joies de la famille et de l'amitié que notre regretté collègue savait si bien ressentir et répandre autour de lui. » Messieurs, malgré ces deuils et ces tristesses, votre Conseil a pensé qu'il était bon de vous réunir, et même de devancer l'époque fixée pour la reprise de nos séances. Plusieurs rai- sons ont motivé cette décision. » Et d'abord il est bon de montrer que l'intelligence fran- çaise a assez de ressorts pour ne pas se laisser abattre par les douleurs du passé, par les anxiétés du présent, par les préoc- cupations de l'avenir. 11 n'est pas sans honneur pour nous de 696 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. constater que la vie intellectuelle sérieuse ne s'est pas éteinte dans Paris investi et privé de toute communication avec le reste du monde. Or, cette vie est partout dans nos murs. Les Académies de l'Institut n'ont pas interrompu leurs séances. A peu près toutes les Sociétés savantes ont repris leurs travaux et les continuent dans la nature du possible. Il nous tardait, messieurs, de voir la Société d'acclimatation se joindre à ses sœurs dans cette protestation par des actes à quelques-unes des calomnies le plus souvent répétées par l'ennemi. Il sait déjà qu'elle n'est pas énervée par la corruption, cette popu- lation virile qui couvre nos remparts et devant laquelle il recule ; il reconnaîtra qu'elle n'est pas affolée de frivolité cette société qui, sous la menace de ses batteries, sait encore s'intéresser aux choses de l'intelligence. » D'ailleurs, messieurs, la Société d'acclimatation a, dans les circonstances actuelles, un rôle patriotique à remplir et des services à rendre. La tactique actuelle de l'ennemi, si diffé- rente de celle qu'avaient fait supposer les fanfaronnades dont il nous est parvenu, dont il nous arrive de temps à autre quelques échos, a changé les conditions de notre résistance. Aux violences subites de ces assauts dont elle nous avait menacés sans nous les faire craindre, la Prusse a substitué les prudentes lenteurs d'un blocus. Les questions d'alimenta- tion ont pris dès lors toute l'importance réservée à celles d'armement et d'instruction militaire. Déjà elles ont été abor- dées ailleurs, et surtout à l'Académie des sciences, à la Société centrale d'agriculture. 11 appartient à la Société d'acclimata- tion d'intervenir à son tour, avec une autorité qu'elle puise dans son passé. En favorisant comme elle l'a fait le dévelop- pement de l'hippophagie, en contribuant à fonder, à multi- plier les boucheries de cheval, en habituant les imaginations à la pensée d'une alimentation nouvelle, la Société a certai- nement rendu à la population parisienne un service dont l'importance doit aujourd'hui être sentie de tous. Elle doit rester, elle restera fidèle à ses traditions ; et tout à l'heure il vous sera rendu compte de quelques essais déjà tentés dans cette voie. PROCÈS-VERBAUX. . Ù97 » Mais avant de donner la parole à ceux de nos collègues qui auront à la prendre, permettez-moi de vous faire une propo- sition qui réunira, je l'espère, tous vos suffrages. » Malgré la marche actuelle du siège, Paris ne doit pas se regarder comme désormais à l'abri d'un bombardement. Rappelez-vous le communiqué envoyé de Versailles à la Ga- zette de Berlin, pour calmer les impatiences de ces bons Allemands, qui trouvent que la destruction de Paris se fait bien attendre. 500 000 quintaux de munitions, leur disait-on, sont déjà réunis autour de la ville assiégée, mais il reste à prendre quelques dispositions pour en faire usage. Mettons que le poids des canons soit compris dans cette évaluation, dont le chiffre me semble bien élevé, il resterait encore un approvisionnement énorme en poudre et en projectiles. Les Prussiens ont-ils renoncé à l'utiliser? A coup sûr, non. El s'ils ne l'ont pas fait encore, c'est qu'ils ne l'ont pas pu. .Peut-être attendent-ils les effets du blocus, et réservent-ils cette tempête de fer et de feu pour le moment où ils croiront les courages déjà abattus par les anxiétés d'un isolement pro- longé par les angoisses de la famine. » Quoi qu'il en soit, nous pouvons, d'un jour cà l'autre, être bombardés. Nos monuments, nos musées, nos richesses scien- tifiques, littéraires, artistiques, peuvent subir le sort du Temple neuf, du Séminaire protestant et de la Bibliothèque de Strasbourg (1). » L'Institut de France s'est ému devant une pareille éven- tualité. Il en a appelé à tout ce qui mérite le nom de civilisé de la possibilité d'un pareil vandalisme; il a protesté d'avance devant tous les corps savants de l'univers eniier. Déjà plusieurs Sociétés savantes de Paris ont répondu à cet appel et ont. (1) Ces trois édifices formaient à peu près seuls un grand îlot de con- structions, trop bien circonscrit et trop étendu pour que les officiers d'ar- tillerie n'aient pas reconnu avec certitude le point incendié. Or, on sait avec quel acharnemeni ils firent pleuvoir les projectiles, aussitôt que le feu se fut déclaré, dans le but évident de l'activer et d'en empècber l'extinction. C'est donc bien de propos délibéré qu'ils ont brûlé cette bibliolbèque dont la réputation méritée s'étendait dans le monde entier. 698 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. envoyé leur adhésion à chacune des Académies composant l'Institut. » Certes, si la Société d'acclimatation s'était réunie la pre- mière, elle les aurait devancées. Mais, du moins, elle n'hési- tera pas, avant de reprendre ses travaux, à déclarer qu'elle s'associe à cet acte inspiré par une haute sollicitude pour la science, la littérature et les arts ; elle prendra son rang dans cette ligue de l'intelligence contre la force brutale, de la civi- lisation contre la barbarie. » La Société adopte à l'unanimité la proposition faite par M. le Président d'adhérer officiellement à la déclaration faite par l'Institut de France, en prévision du bombardement de Paris, et décide en outre qu'elle fera part de cette décision à toutes les Sociétés d'acclimatation françaises et étran- gères. — M. Decroix fait hommage à la Société d'une brochure intitulée : Armées en campagne. Considérations relatives aux ■ hommes et aux chevaux. — Remercîments. — M. Decroix communique les renseignements sur l'ali- mentation au moyen de la viande de Cheval, de Mulet et d'Ane. (Voyez au Bulletin.) M. Decroix dit que, lors de l'exposition de 1867, il a cherché à connaître le nombre des chevaux existant à Paris, et qu'il est arrivé au chiffre de 74 000 animaux, non compris ceux de l'armée et des écuries impériales : ce nombre a été contrôlé par les quantités de fourrages entrées à Paris. M. Chatin confirme par ses propres observations l'exac- titude du chiffre indiqué par M. Decroix, et pense que le chiffre moyen est de 80 000 en temps ordinaire, 100 000 environ à l'époque actuelle. La viande de Cheval est aujourd'hui entrée dans l'alimentation ordinaire, mais c'est peut-être par la classe ouvrière qu'elle est le moins acceptée. M. Chatin ajoute que les distributions de bœuf et de mouton cesseront lundi prochain, jour à partir duquel elles seront remplacées par de la viande salée pendant trois jours, puis on donnera seulement de la viande fraîche de Cheval, les Vaches étant une réserve extrême. PROCÈS-VERBAUX. 699 — M. Leblanc fait hommage d'un Rapport de la Commis- sion d" alimentation du IXe arrondissement, sur les qualités et V emploi de la viande de Cheval. Il ajoute qu'il croit le nombre des Chevaux moindre que ne l'indique M. Decroix. Le procédé qui permettait, par la quantité de fourrage intro- duite, de connaître le nombre des Chevaux, n'est plus pos- sible aujourd'hui depuis l'investissement. Il n'est pas possible non plus de savoir combien de Chevaux ont été clandestinement abattus. Quant au goût particulier de la viande de Cheval, il est très-manifeste et très-désagréable chez certains indivi- dus, les Chevaux entiers. Comme on repoussait d'abord ces animaux de la boucherie, on a pensé à faire disparaître ce goût en les émasculant, la veille au moins du jour de l'aba- tage ; bien que les recherches ne soient pas encore assez complètes, on suppose qu'on obtiendra le résultat désiré. M. Leblanc ajoute que si M. Decroix a mangé de toutes es- pèces de viandes, même probablement d'animaux malades, il croit devoir faire remarquer que le danger n'existe pas dans la viande cuite, mais surtout dans le contact de ces viandes crues ; aussi persiste-t-il à croire qu'il faut exclure de l'ali- mentation tout animal atteint de morve ou de charbon. M. Decroix reconnaît que les Chevaux entiers ne sont pas aussi bons pour l'alimentation ; mais leur goût, à moins qu'ils n'aient servi comme étalons, est moindre que celui de Tau- reau, et il pense qu'il est impossible de reconnaître si un morceau de viande provient d'un Cheval entier ou hongre. Quant au danger du contact, il ne croit pas qu'il soit aussi grand qu'on le suppose, se basant sur ce fait qu'il n'y a pas eu depuis quarante ans une seule mort par suite de piqûres anatomiques, bien qu'il y ait eu des accidents, dans un grand établissement d'équarrissage de Paris. Il a remarqué que la viande prise sur un Cheval mort lui a toujours paru meilleure que celle provenant d'un Cheval tué pour la boucherie. M. Fleury-Flobert demande si ce ne serait pas la saignée pratiquée sur le Cheval, au moment même de l'abatage, qui serait la cause de cette différence de qualité. M. Decroix répond que l'autopsie ne se faisant jamais que 700 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. quelques heures après la mort, il pense que le refroidissement dans la peau serait la cause de cette différence. M. Leblanc dit qu'il ne faut pas manger immédiatement l'animal qu'on vient de tuer; il vaut mieux manger un animal sain qu'un animal malade. Il affirme que M. Decroix a été in- duit en erreur dans les renseignements qui lui ont été four- nis sur l'absence d'accidents mortels par inoculation, dans l'établissement d'équarrissage dont il a parlé, et cite des exemples à l'appui. M. Chatin dit qu'une cause de variation dans la qualité lui a été signalée par divers marchands de viande de Cheval. La nature de la viande ne serait pas la môme chez un animal blessé qui a survécu quelques heures ou quelques jours. M. A. Geoffroy Saint-Hilaire fait remarquer que, d'après ce que vient de dire M. Leblanc, l'émasculation fait disparaître le mauvais goût de la viande de Cheval : l'observation de M. Chatin s'applique à cet état, car l'opération a pu modifier la viande au point de vue de l'odeur et des qualités. M. Leblanc répond : La viande n'est pas de mauvaise qualité, bien que fiévreuse; lorsqu'on émascule au moment de l'aba- tage, la qualité de la viande est moins bonne. — M. Alb. Geoffroy Saint-Hilaire donne lecture d'un rap- port sur un dincr de siège, fait le 17 novembre 1870, avec de la viande de Chien, de Chat et de Rat. (Voy. au Bull. , p. 593.) M. Decroix dit qu'étant en Algérie, il y a quelques années, il a cherché divers aliments nouveaux : les uns, comme le Cactus, l'Agave, étaient mauvais; le Chien, dont il a goûté plusieurs fois, lui a paru bon. M. Chatin pense que l'expérience faite chez M. de Grand- mont était intéressante : il y a longtemps que les Chats ont servi à l'alimentation. Le Rat d'eau constitue un mets agréable. Dans le Dauphiné, les Loirs sont très-recherchés comme ali- ment. Il pense que le Bégonia peut servir, comme correctif, dans certaines conditions d'alimentation, mais qu'il ne pourra être employé habituellement par suite de son excessive aci- dité, due au bioxalate de potasse. M. Chappellier reconnaît que le Rat est excellent. Il y a déjà PROCÈS-VERBAUX. 701 vingt ans qu'il en a mangé, mais il craint qu'on emploie de ces animaux qui auraient été empoisonnés, ce qui aurait des in- convénients sérieux. En dehors de ces mets inusités, il y a, ajoute-t-il, la peau des Bœufs et des Vaches, qui fournirait des ressources considérables. Toutes les peaux, salées même, pourraient entrer dans la consommation, malgré un certain petit goût, sous forme de lanières cuites, comme la tête de veau ou les tripes. M. Millet dit que les mobiles ont mangé des Chiens, des Chats et des Rats cuits simplement à l'eau chaude et au sel, et que cette alimentation est très-bonne. Il pense qu'il faudra mettre une certaine circonspection dans la destruction des Chats, sans quoi les Souris pourraient faire disparaître nos approvisionnements. M. de Grandmont fait observer que ses Rats étaient vivants quand on les lui a apportés. 11 a cherché en vain une bouche- rie de Chien, Chat et Rat, qu'on lui avait dit exister dans le quartier Montmartre, mais il vient d'apprendre qu'il allait s'en ouvrir une dans le quartier de la Chaussée-d'Antin. M. Decroix dit que l'on fait des expériences pour appro- prier à l'alimentation la peau des animaux. On fait déjà des préparations de pieds de Chevaux, et les tripes de ces animaux sont entrées dans la consommation habituelle. M. Fleury-Flobert demande que, pour populariser la viande des animaux dont on vient de parler, la Société réclame de l'autorité l'application des règlements de police de la bouche- rie à toutes espèces de viandes mises en vente. La proposition de M. Fleury-Flobert est renvoyée au Conseil. M. Chatin fait remarquer que l'on a utilisé en ces derniers temps le sang des animaux abattus, et que chaque jour des quantités considérables de cet aliment sont livrées à la con- sommation. Des essais sérieux se font en ce moment pour préparer sur une grande échelle et industriellement i'osséinc qui, débarrassée des carbonates et phosphates, pourra servir à faire des potages. M. de Quatrefages adresse les remercîments de la Société à M. de Grandmont pour son intéressante expérience alimen- 702 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. taire, et à M. Lelong qui a bien voulu se charger de l'exé- cution du diner, en refusant toute espèce de rémunération pécuniaire. — M. Geoffroy Saint-Hilaire, en réponse à une question de M. Barbet, donne quelques détails sur les mesures qu'il a dû prendre relativement aux animaux du Jardin du bois de Boulogne. SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1870. Présidence de M. i)E Quatrefage», vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. Hennequin donne lecture d'un travail de M. E. Si- mon : Note sur F alimentation au moyen des viandes en pou- dre sèche. (Voyez Bulletin, p. 668.) — M. Richard (du Cantal) fait observer que la culture des végétaux a été organisée comme le propose M. Simon. M. Delondre indique que cette culture, notamment en ce qui concerne les Choux, donne déjà des résultats appré- ciables. — M. G. de Grandmont annonce que la question de la consommation des viandes de Chien, de Chat et de Rat fait chaque jour de nouveaux progrès. Sur un rapport très-favo- rable de M. Huzard, la préfecture de police accorde très-facile- ment toutes les autorisations demandées pour l'ouverture d'une boucherie destinée à la viande de ces animaux. Tous les spé- cialistes sont d'accord pour reconnaître à ces viandes de bonnes qualités. Cependant un certain nombre de boucheries ont été momentanément fermées, sur la réclamation de per- sonnes qui prétendaient reconnaître sur les étaux les cadavres de compagnons bien-aimés. Aujourd'hui, pour prévenir toute fraude, un lieu d'abatage a été déterminé et une inspection a lieu dans toutes les boucheries. Aussi peut-on dire que le travail de M. A. Geoffroy Saint-Hilaire fait son chemin. On a reproché aux expériences faites par M. de Grandmont le haut goût des sauces qui déguisait la saveur particulière à chaque PROCÈS-VERBAUX. 703 viande. C'est là une erreur, ces viandes peuvent se manger au naturel et sans assaisonnement. Les côtelettes de Chien, notamment, sont un mets très-délicat et recommandé pour les enfants. Un restaurateur vend, sous le nom de haricot de Mouton, un plat qui n'est autre qu'un haricot de Chien ; peut- être le procédé manque-t-il de délicatesse, mais on n'en sau- rait dire autant du ragoût en question. Enfin, la graisse de Chien a moins de goût que celle du Mouton. Quant au Chat, quel est, dit M. de Grandmont, celui d'entre nous qui n'en a pas mangé? — sans s'en douter, bien entendu. La réputation du Chat est aujourd'hui à l'abri de toute attaque. Il n'en est pas de même de celle du Rat, et c'est vraiment dommage, car le Rat, qui se multiplie très-rapidement, pourrait offrir de précieuses ressources à l'alimentation publique. Du reste, il entre déjà dans la consommation, et certain pâté, dit pâté de remparts, lui emprunte très-probablement une partie de sa saveur. Confirmant les assertions de M. de Grandmont, M. Fleury- Flobert déclare avoir mangé aux avant-postes un morceau de Chien qui, après avoir cuit sept heures, a donné un excel- lent bouilli, bien que d'un goût un peu fort. M. Leblanc se félicite de la mesure concernant l'inspection des viandes de Chien, de Chat et de Rat, mais il exprime la crainte que cette inspection, faite sur des viandes mortes, ne soit pas décisive; il voudrait que les animaux fussent exa- minés vivants. M. G. de Grandmont réplique que l'établissement d'un abattoir public répond au désir de notre collègue ; du reste, ajoute-t-il, la viande d'un Chien enragé n'est pas nuisible. M. Decroix en a mangé sans être incommodé. Enfin, la pré- fecture de police a renoncé à l'usage de faire empoisonner les Chiens par des boulettes répandues sur la voie publique. M. Leblanc conserve ses doutes à l'égard de la viande d'animaux malades, et fait observer que, si la préfecture de police a rompu avec ses anciens errements, les particuliers ont assez généralement conservé l'usage de se débarrasser, par des boulettes empoisonnées, de l'animal incommode d'un 704 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. voisin. Or, même en admettant que l'expérience de M. Decroix fût décisive, celte expérience prouverait tout au plus qu'on peut manger impunément de la viande de Chien enragé, mais non qu'il n'y ait pas de danger à toucher cette viande. M. le Président, résumant la discussion, est d'avis que, dans les circonstances actuelles, il ne faut pas augmenter les répugnances instinctives par des craintes nouvelles, et qu'on doit se contenter d'assurer par un examen sérieux l'innocuité des viandes mises en vente. — 31. Richard (du Cantal) demande le renvoi à la prochaine séance de son travail sur l'entretien des bestiaux, les rensei- gnements donnés précédemment par M. le Président enlevant à ce sujet une partie de son intérêt. — M. Chatin entretient l'assemblée d'une question relative aux cultures maraîchères. Au début du siège, dit-il, en fait d'alimentation animale, on ne pouvait guère qu'utiliser les ressources existantes ; en fait d'alimentation végétale, on pouvait, il y a deux mois, faire des semis ou des plantations utiles; il est bien difficile d'y réussir aujourd'hui. Les Choux, dont a parlé M. Delondre, ne sont qu'un résultat peu impor- tant.Cependant, à la condition de pouvoir disposer des fumiers qui ont été abandonnés presque gratuitement à des spécula- teurs au commencement du siège, on peut encore se livrer avec succès à la culture du Cresson et du Champignon. M. Chatin donne ensuite des détails sur ces cultures, et promet sur ce sujet une note, qui sera insérée au Bulletin. — Avant de lever la séance, M. le Président fait remarquer à l'assemblée que, si les membres du Conseil actuellement à Paris sont encore assez nombreux pour administrer la Société, quand il se présente des résolutions graves, comme les pro- chaines élections, le renouvellement du Bureau, les récom- penses annuelles, ces membres ne se croient pas en droit de prendre sur eux des décisions de celte importance. Donc, pour les questions purement administratives, le Conseil continuera à agir au mieux des intérêts de la Société ; pour les autres, il en ajournera la solution, et, en attendant, il demande la pro- rogation de ses pouvoirs. PROCÈS -VERBAUX. 705 L'Assemblée s'associe aux observations de M. le Président, et décide que les pouvoirs du Conseil et du Bureau sont prorogés. SÉAN'CE DU 16 DÉCEMBRE 1870. Présidence de M. Richard (du Cantal), vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est adopté après quelques observations de MM. Oindre et Leblanc. — A l'occasion du procès-verbal, M. Soubeiran donne les détails suivants sur la fabrication des poudres de viande : « L'excellence des poudres de viande a été démontrée par » les voyageurs arctiques : les Kennedy, les Roc, lesKane, les » Franklin, etc. Dans ces lointaines et périlleuses expédi- » tions, comme aussi dans les cbasses autour de la baie » d'Hudson, on fait usage de pemmican, qui n'est autre » chose qu'une viande quelconque desséchée, broyée et satu- » rée de graisse, et dont une livre équivaut à quatre livres » de viande ordinaire. Découpée en lanières minces, la chair x de l'animal, Bœuf, Cerf ou tout autre animal, est dégraissée » et privée de ses membranes et tendons, puis séchée au four » jusqu'à friabilité ; alors elle est broyée en poudre assez fine » et mêlée à poids égal de gras de Bœuf fondu ou de lard. 5) Pour rendre le mélange plus agréable, on peut, comme l'a T> fait Richardson, y incorporer une certaine quantité de rai- » sins de Corinthe ou mieux de sucre. On mange le pemmican •,) tel quel, ou bien mélangé à de la farine, et le goût en est » agréable. On pourrait aussi faire du tassajo ou char qui, » dont il est employé des quantités énormes dans toute l'Amé- » rique du Sud, qui en exporte aussi des masses considérables » dans diverses colonies pour y servir à la nourriture des » travailleurs. On dégraisse les animaux, Bœufs en général, » qu'on vient de tuer ; on coupe toute la chair en lanières » minces, de façon à ne plus laisser que la carcasse, et l'on » plonge ces lanières un moment dans une solution concen- i> trée de sel (quelquefois on saupoudre légèrement d'une 2e série, T. VII. — Novembre-Décembre 1870. A 5 706 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. » couche de sel fin), puis on les laisse en tas pendant une » douzaine d'heures; après quoi on fait sécher au soleil (on » peut suppléer à celui-ci par un four), et l'on empaquette » pour l'usage la viande, qui a ainsi perdu environ un tiers de » son poids et qui constitue la base de l'alimentation de nom- » breuses populations. » — M. de Quatrefages s'excuse de ne pouvoir assister à la séance par suite de son état de maladie. — M. Fleury-Flobert fait hommage d'un Rapport à la Société protectrice des animaux sur les inventions, appa- reils, etc., propres à diminuer les souffrances des animaux. — Remerciments. — M. le Président de l'Institut de France adresse à MM. les Vice-Présidents et Secrétaires de la Société zoologique d'ac- climatation la lettre suivante : A Messieurs les Vice-Présidents et Secrétaires de la Société zoologique d' acclimatation . « Messieurs, » J'ai l'honneur de vous informer que l'Institut a reçu » communication de l'adhésion donnée à sa protestation du » 18 septembre dernier par la Société zoologique d'acclima- » tation. Cette adhésion, mentionnée aux procès-verbaux des » cinq Académies, demeurera déposée dans nos archives » comme un éloquent témoignage de l'union des Corps savants s de France clans l'intérêt des sciences, des lettres et des arts. » L'Institut me charge de vous adresser ses remerciments, » et vous prie d'en faire agréer l'expression à votre savante » Compagnie. » Veuillez agréer, Messieurs, l'assurance de ma haute con- » sidération. » Le Président de l'Institut, » Baltard. y> — M. Richard (du Cantal) présente, au nom de M. Tellier, une Note sur la consei'vation de la viande ; il appelle l'at- tention de la Société sur l'importance de cette question, et PROCÈS-VERBAUX. 707 demande le renvoi de l'examen des procédés mis en usage par M. Tellier à une commission qui sera composée de MM. de Quatrefages, Richard (du Gantai), Ghatin, A. de Grandmont et Soubeiran. M. Tellier donne sur ses procédés les renseignements sui- vants: « Les moyens présentés à l'examen de la Société d'accli- » matation se résument par deux sortes de traitements, corres- » pondant chacun à des besoins spéciaux. Le premier a pour » objet l'emploi unique du froid ; il doit être appliqué à la » viande destinée à la consommation des grands centres. Le » second est basé sur la dessiccation rationnelle de la viande » dans le vide ; il comporte les produits plus spécialement » destinés à l'intérieur, l'armée, la marine, etc., etc. Tout le » monde connaît l'influence du froid sur la conservation des » substances animales et le trafic important que produit en » Russie le commerce de viandes et Poissons gelés. Toutefois s ce n'est pas là le moyen employé par l'auteur; la congéla- s tion produirait sous nos climats trop d'inconvénients. Ce » qu'il emploie, c'est le froid simple : non pas le froid produit » par la présence de la glace, ce qui donne un froid humide et » d'ailleurs insuffisant, mais des courants d'air sec à une tempé- » rature de zéro ou de — 1 degré. Le mode d'emploi de cet air » froid varie nécessairement, puisqu'on peut l'appliquer, soi! » à des magasins, soit à la cale d'un navire, soit à des wagons » de chemin de fer, questions de détail dont nous n'avons pas » à nous occuper ici ; mais ce qu'il importe de dire, c'est que » M. Tellier, grâce à ce moyen, a conservé jusqu'à neuf se- » moines de la viande absolument vierge de toute préparation, » et que ce délai peut être dépassé s'il était nécessaire. Il es; » bien entendu que ce que nous disons de la viande s'applique » au Poisson, auGibier, en un mot à toutes matières animales, » voire même au transport des œufs de Vers à soie, ainsi que » notre confrère, M. Guérin-Méneville, a pu s'en assurer. » Le second moyen employé par M. Tellier repose sur l'em- » ploi de la dessiccation, mais dans le vide. De temps immé- » morial on dessèche à l'air la viande et le poisson, mais le » moindre inconvénient de ce procédé un peu primitif est de 708 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. » faire qu'un commencement de putréfaction se produit, jus- » qu'à ce que la dessiccation s'arrête; que la conséquence de » ce fait est un aliment qui, à aucun titre, même en temps » de siège, ne saurait figurer sur les marchés européens. » M. Tellier agit autrement. 11 place les matières à conserver y> dans le vide parfait, en présence d'un absorbant énergique. » De cette situation résulte une dessiccation lente, mais a » froid; circonstance essentielle, la putréfaction se produisant •» même dans le vide à certaines températures. Dans ces » conditions, la viande perd environ 20 pour 100 de son » poids et peut se conserver indéfiniment sans aucune pré- » caution. » M. Élie de Beaumont rappelle les faits observés par les géo- logues et démontrant la possibilité de la conservation des matières animales dans les glaces ou terrains glacés. Tout le monde connaît le fait du Mammouth indiqué par Cuvier, qui fut trouvé après l'éboulement d'une falaise de la rivière delà Lena. Cet animal fut dévoré par les Chiens et les Ours, et longtemps après sa destruction, on trouvait encore des poi- gnées de poils ; du reste, on dit qu'il existe encore dans ce terrain une grande quantité de Mammouths ainsi conservés. On sait qu'il y a peu d'années on a signalé la découverte d'un Mammouth à l'embouchure de l'Obi, et que l'Académie de Saint-Pétersbourg a pris des mesures pour assurer sa con- servation. Il existe aussi des animaux nombreux au nord du détroit de Behring, à Escholtz-bay, dans une falaise. La chair n'existe plus, mais il reste dans le sol une assez grande quantité de matière animale pour donner une odeur nauséabonde au soleil. Dans ces régions polaires, la température du sol est de plusieurs degrés au-dessous de zéro, et il ne faut pas descendre aune profondeur considérable pour rencontrer une tempéra- ture constamment inférieure à zéro, où se conservent les ma- tières animales. L'ivoire de Sibérie, qui est employé presque exclusivement par l'industrie à Saint-Pétersbourg, se trouve dans un sol toujours à zéro. 11 est frais et se travaille aussi bien que celui de l'Éléphant vivant à notre époque ; cela tient à ce que l'abaissement de la température a permis la conservation 1 PROCÈS-VERBAUX. /'09 de la matière animale. Dans le terrain parisien, où la tempéra- ture du sol est plus élevée, les défenses des Mammouths, qui y sont assez communes, ont perdu leur matière animale et se fendillent très-aisément au contact de l'air ; les molaires se conservent pins facilement et pourraient se travailler. L'expé- rience de la conservation des matières animales par le froid est donc faite depuis des milliers d'années, et permet d'au- gurer favorablement du résultat cherché par M. Tellier. — M. le docteur Bonnafont fait hommage d'une brochure sur les ambulances et donne quelques détails à ce sujet. — Remerciments. — M. Ramel propose à. la Société la radiation de tous les membres allemands qui portent ou font porter les armes contre notre pays. Après une discussion, à laquelle prennent part MM. Millet, Geoffroy Saint-Hilaire, Bonnafont, Chalin et Wallut, la proposition de M. Ramel est renvoyée par la Société à l'examen du Conseil, qui décidera le moment opportun de l'appliquer. — M. Rivière dit qu'ayant cultivé au Jardin du Luxem- bourg une grande quantité de Bégonia, il a fait des expériences sur leur emploi pour l'alimentation. Les Bégonia lucida, semperflorens et incarnata, espèces à feuilles lisses, lui ont paru se rapprocher de l'Oseille. Les variétés à feuilles velues du Bégonia rex ont été aussi essayées. Cuites une première fois avec du sel et de l'eau, elles étaient acres et détermi- nèrent des troubles de l'intestin. Cuites à l'eau simple, à la manière de l'Oseille, elles donnèrent un produit agréable et sans action particulière sur la digestion. M. Rivière signale le fait qu'il a observé, de la coloration en rouge de l'eau de cuisson de ces Bégonia. M. Chatin pense que le Bégonia peut servir à l'alimen- tation, mais à la condition d'être blanchi plus fortement que l'Oseille, car il renferme une plus grande proportion de bioxalate de potasse. C'est à la présence de ce sel que le Bégonia doit la propriété d'enlever les taches d'encre. — M. Millet, à propos des Pigeons auxquels on fait porter aujourd'hui les messages de la province destinés à Paris, rap- 710 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. pelle l'emploi fait en Chine de sifflets fixés à la queue de ces oiseaux, et dont le bruit peut éloigner leurs ennemis quand ils volent. N'y aurait-il pas lieu, dit M. Millet, d'appeler l'at- tention de l'autorité sur la destruction des oiseaux de proie diurnes : on accorderait une prime de 3 à 5 francs par tête de Faucon détruit. M. Millet croit que, depuis quelque temps, on a introduit quelques-uns de ces rapaces autour de Paris. M. Wallut ne conseille pas l'emploi du sifflet, qui aurait l'inconvénient d'appeler le Prussien. La prime offerte ne lui parait pas nécessaire, car tout Faucon sera tué pour être mangé, sans qu'il y ait besoin de prime. M. Millet fait remarquer que la chasse est interdite et qu'il serait utile qu'elle fût autorisée pour des personnes qualifiées à cet effet. M. Wallut pense que cette mesure est inutile, car chacun tire ce qu'il peut, sans que les règlements lui soient opposés. M. Chatin ne croit pas que l'on puisse .demander au Gou- vernement l'ouverture de la chasse dans les conditions ac- tuelles; il préférerait que la Société proposât des primes plus fortes, 20 francs par exemple, pour la destruction des rapaces. M. Millet dit que ce qu'il demande n'est autre chose que l'exécution de l'article 2 sur lâchasse. Le Gouvernement peut accorder sans abus la levée de la prohibition pour quelques particuliers. Le Conseil sera invité à aviser sur les mesures les plus utiles à prendre relativement aux propositions de MM. Millet et Chatin. — M. A. Geoffroy Saint-Hilaire donne quelques détails sur la situation faite par l'état de siège au Jardin d'acclimatation, et sur l'utilisation, pour l'alimentation, de quelques-uns de ses animaux. (Voyez au Bulletin.) M. Chatin a eu occasion de faire usage de la viande de Cerf, qui lui paraît meilleure qu'on ne le suppose ordinaire- ment. Il a pu en faire un rôti très-bon et du pot-au-feu excel- lent ; il est vrai que l'animal avait été tué au fusil, sans avoir été forcé. M. A. Geoffroy Saint-Hilaire : « L'observation de M. Chatin est très-juste : le Cerf a été calomnié; sa chair est bonne, h rnOCÈS-YEUBAUX. "14- moins qu'il n'ait été tué après une longue poursuite. Ce a'est que la chair des animaux chassés à courre qui est imman- geable. C'est ainsi que le Daim, s'il n'a pas été forcé, donne une viande excellente. SÉANCE DU 30 DÉCEMBRE 1870. Présidence de M. de Quatrefages, vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté après quelques observations de MM. Chatin et Rame! sur sa rédaction. A l'occasion du procès-verbal, M. Soubeiran fait passer sous les yeux de la Société des sifflets de Pigeons, provenant de Pékin et qui lui ont été confiés par notre confrère M. Renard. — M. Ronnafont fait hommage d'une Note sur les ambu- lances internationales et privées. — Remercîments. — M. Chatin complète les renseignements qu'il avait déjà donnés sur l'osséine, que l'on obtient par la digestion des os dans une solution d'acide chlorhydrique étendue de quatre parties d'eau. A ce sujet, MM. Wallut, de Quatrefages et de Grandmont donnent quelques détails sur l'emploi économique de l'osséine. M. Joubert fait observer que les ménagères recherchent actuellement les os pour en faire la base du pot-au-feu, et demande comment cette pratique serait possible en même temps que la fabrication de l'osséine. M. Chatin dit que les os peuvent servir d'abord à la fa- brication du pot-au-feu et être employés après à fournir l'osséine. M. de Quatrefages rappelle que M. Chevreul, qui a repris l'histoire de la discussion sur l'utilisation de la gélatine, a remis en lumière un travail de Proust, qui faisait du bouillon d'os, mais qui n'allait pas si loin dans ses conclusions que Darcet et Cadet de Vaux. M. Millet fait remarquer que la difficulté pour fabriquer ï'osséine dans les ménages est dans le broyage des os. 712 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. M. Châtia répond qu'on peut casser un certain nombre d'os au couperet ou au moyen du pilon. — M. le docteur de Grandmont rend compte de la visite qu'il a faite chez M. Tellier. Il a trouvé l'atelier inactif, par suite de la pénurie du char- bon de terre, mais prêl à fonctionner pour toutes les expé- riences dont la Société a été entretenue à la dernière séance. Il a emporté un morceau de viande, de celle que M. Tellier a indiquée comme préparée d'une manière incomplète. Il dé- clare avoir fait faire avec ce morceau un petit pot-au-feu et l'avoir trouvé satisfaisant ; la viande avait quinze mois. M. Tellier fait observer que la viande emportée par M. le docteur de Grandmont a été préparée à chaud, c'est-à-dire que, pour donner à l'eau que renferment les sucs de la viande une puissance vaporisairice suffisante, on a opéré à 50 degrés, soit à une température, impuissante à coaguler l'albumine et supérieure cependant à celle où la fermentation s'exerce le plus aisément (30 à 35 degrés). Dans ces conditions, même dans le vide, il y a une altération prononcée de la viande, mais qui ne se manifeste plus dès que l'on opère à froid, ainsi que M. Tellier l'indiquait dans la séance précédente. Sur tous ces points, M. Tellier annonce communication d'une note plus complète pour la prochaine séance. L'emploi du suif qui entoure la viande donne lieu encore à quelques explications. M. Tellier fait observer que ce suif est destiné à faciliter l'expédition. Ce suif n'est pas tel que le produit ordinairement l'industrie. Il a été passé par l'appa- reil dessécheur, a perdu l'eau qui naturellement l'imprègne, et est devenu par conséquent bien moins altérable. Quand on veut emballer la viande, on la soumet, dans un bain de suif, à l'action du vide. Ses pores, les interstices qu'elle laisse vides, voient expulser l'air qu'ils renfermaient. La tem- pérature est de plus à 55 degrés. A ce degré, on le sait, les germes miasmatiques sont rendus inertes. Laissant rentrer la pression atmosphérique, le suif bouche tous les pores ainsi vidés ; il n'y a pius qu'à procéder à remballage, qui se fait en plaçant une couche de suif dans des barils ordinaires. On PROCÈS-VERBAUX. 7l!i dresse, dans ces barils, les morceaux de viande ; on remplit le baril, ayant soin que la viande soit couverte d'une couche de suif fondu. En cet état, on laisse refroidir, on ferme, et L'on n'a plus qu'une masse solide qui peut subir toutes les péripéties d'un voyage quelconque. M. le- Président fait observer qu'un procédé qui lui paraît analogue a été soumis, il y a quelque temps, à l'Académie, par un Italien dont le nom lui échappe ; il rappelle que dans le Midi on emploie la graisse très-chaude pour conserver des cuisses de volailles, etc.; qu'il croit qu'il y a effectivement là une voie qui peut être fructueusement suivie par l'industrie. M. Tellier répond qu'en ce qui concerne l'antériorité des moyens, elle lui appartient, ses expériences remontant à plus de trois ans; qu'ensuite il y a une différence très-grande entre le mode par lui suivi et ceux indiqués par M. le Prési- dent, en ce sens que la dessiccation existe réellement, et que, de plus, l'opération est conduite a une température qui ne permet pas la coagulation de l'albumine, circonstance exces- sivement importante, puisqu'elle permet de retrouver ulté- rieurement, a la cuisson, tous les éléments qui constituent la viande à l'état normal. — M. Gillet de Grandmont appelle l'attention de la Société pour l'utilisation, pour l'alimentation, des pieds d'Artichaut qu'on peut faire cuire sans qu'ils soient amers, si l'on a eu la précaution de les butter pendant plusieurs jours. Les jeunes pousses qui se développent sur les Navets conservés dans des caves fournissent une salade excellente. Le Secrétaire des séances, J. L. Soubeiran. III. CHRONIQUE. Curiosités de l'alimentation (<)• Conférence à l'École de pharmacie , par le docteur J. L. Sôi'beiràn. Un prince abyssin, à ce que rapporte un auteur anglais, étant rassasié de tontes les voluptés, et voulant en découvrir une nouvelle, proposa un prix considérable à cet effet. On ne dit pas où fut trouvée cette jouissance jus- qu'alors inconnue, mais je croirais volontiers qu'on dut la chercher dans les plaisirs de la table, car la nature fournit un vaste champ d'expériences, puis- qu'il n'y a peut-être pas un être, qu'il vole, marche ou nage, qui ne serve, comme nous allons le voir, à l'alimentation de l'homme. Ah ! si, comme au temps des fabulistes, les animaux savaient parler, ils seraient unanimes à dire que l'homme est le plus vorace de tous, car il ne se contente pas, comme eux, d'un seul aliment, mais il met à contribution la nature entière. Ils auraient encore plus raison en présence d'un Indien, dont l'estomac élastique peut, après avoir passé p"ar les tortures d'un jeûne prolongé, engouffrer sans inconvénient des masses énormes de nourriture. Que diraient-ils s'ils voyaient le Sakuli de l'amiral Saritcheff, qui dévorait aisément le quart d'un bœuf et vingt livres de lard, ou un immense pudding au riz d'une trentaine de livres (il est vrai qu'il buvait à proportion) ! Mais ce n'est pas de ces exceptions que je dois vous entretenir aujourd'hui, et je veux seulement, au moment où l'espace qu'il nous est permis de parcourir est si étroitement limité, faire avec vous, en pensée, un voyage autour du monde, pour connaître ce qui se mange dans les diverses régions. Commençons donc notre excursion ; mais, comme nous ne nous occupe- rons que des curiosités de l'alimentation fournies par le règne animal, nous devrons ne pas oublier le précepte de saint Paul, qu'il est toujours prudent de ne pas chercher à savoir ce que vous offre votre hùte, si l'on ne veut pas avoir des scrupules, et j'ajouterai, souvent un dégoût extrême. AMÉRIQUE. Régions arctiques. — Les habitants de ces régions, tels que les Esqui- maux et les Groenlandais, ont surtout un goût prononcé pour les matières grasses, ainsi que pour la viande mi-gelée, mi-putréiiée (mikiak des Groen- landais). Pour se les procurer, ils font une chasse active aux Morses, dont le foie est surtout apprécié, et dont ils boivent le sang chaud, immédiate- ment après leur capture ; aux Bœufs musqués ; aux Rennes, dont on re- cherche surtout l'estomac (nerukak) ; aux Renards, que les chiens du pays dédaignent, malgré leur voracité, d'une manière absolue, mais que les (1) Nous avons emprunté un grand nombre des détails de cette conférence au livre très-intéressant da M. P. L, Simuiondi, Curiosdies of food, 1850. CHRONIQUE. 715 hommes dégustent avec plaisir; aux Ours blancs, malgré la saveur dés- agréable de leur graisse. Quant aux Souris, on les met en brochettes sans les dépouiller ni les vider; on leur fait voir le feu, et elles constituent alors un des mets les plus exquis : ce goût ne doit pas étonner chez des peuples où la plus exquise politesse consiste à mâcher un morceau pour l'offrir à Thôte qu'on veut honorer, et qui continue gravement l'opération. Mais ce sont surtout les Cétacés qui forment la base de l'alimentation des peuples arctiques, et dont on mange la chair imprégnée d'buile, soit crue, immédia- tement après la mort, soit à demi pourrie, quand l'animal a passé déjà plu- sieurs mois enfoui sous terre. Les Esquimaux, qui n'ont qu'une faible estime pour la Perdrix, lui préfèrent de beaucoup les oiseaux aquatiques, Canards, Oies, Goélands, etc., qui abondent chez eux, et dont ils sucent la graisse à demi-liquide ; un de leurs régals consiste en un mélange de fruits, de tiges d'Angélique avec des œufs frais, pourris ou même à demi couvés, qu'on arrose d'une large quantité d'huile de Baleine. Hâtons-nous d'expliquer ce fanatisme pour les matières grasses par les rigueurs du climat sous lequel vivent ces peuples, et qui exige une grande quantité d'aliments respiratoires. Quant aux Poissons, qui se trouvent en bandes immenses dans ces eaux glacées, Harengs, Truites, Saumons, etc., les peuples arctiques en consom- ment aussi beaucoup ; mais, pour satisfaire leur goût, il faut qu'ils soient déjà avancés et largement arrosés d'huile de Baleine. Les voyageurs des régions arctiques et les chasseurs de la Compagnie de la baie d'Hudson font un usage habituel du pemmiçan, viande quelconque desséchée, broyée et saturée de graisse, qui peut se manger telle quelle ou cuite en partie, et qui est quelquefois mélangée à de la farine. Cette substance, d'un goût agréable, est très-nutritive, car une livre équivaut à quatre livres de viande ordinaire. Les Indiens la préparent en sécliant au soleil des la- nières de chair de leur chasse, au-dessus d'un feu léger, dont la fumée chasse les mouches, puis ils la broient entre deux pierres sur une peau, ce qui a l'inconvénient d'y laisser un mélange de poils et d'impuretés : les chasseurs pratiquent l'opération avec plus de soin, et y incorporent de la graisse de Bison, et souvent aussi des fruits desséchés d'Amélanchier (1). Les Indiens de l'Amérique septentrionale mangent un très-grand nombre d'animaux, parmi lesquels nous citerons : l'Ours, qui est aussi délicat que le Porc, et dont la graisse blanche comme neige est surtout excellente pour les fritures ; le Chien, qui est un de leurs mets favoris, et qu'apprécient beaucoup les voyageurs et marins du Canada ; l'Opossum (Didelphys virginiana), malgré le dégoût qu'inspire sa forme; le Blaireau, dont la partie la plus fine est la queue et qu'on doit rôtir dans sa peau après l'avoir privé de ses poils : il constitue la pièce d'apparat de leurs festins, malgré la difficulté (1) Richardson, qui avait fait préparer une grande quantité de pemmiçan pour son expédition aretique, dit s'être très-bien trouvé de l'usage de ce produit, auquel il avait mélangé des raisins secs, et mieux encore une certaine quantité de sucre. {Arctic searching Expédition, or a Journal of a boat voyage.) 716 SOCIÉTÉ IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. que présente sa digestion ; le Putois, qu'il faut avoir soin de débarrasser au plus tôt de sa glande odoriférante; le grand Élan, dont on apprécie surtout le mufle au New-Brunsvvick, et surtout le Bison, dont la bosse, qui a la consistance de la moelle, a été célébrée par tous les voyageurs et romanciers. On mange encore à la Louisiane la ebair du Cbat sauvage, qui est considérée comme excellente (nous verrons, du reste, que dans plusieurs pays on a également en haute estime la viande des diverses espèces de Felis). On con- somme aussi plusieurs Ruminants, et, parmi ceux-ci, le Caribou et le Cerf de Virginie, qui est justement apprécié. Les Indiens, et particulièrement ceux du Nouveau-Brunswick, consomment des quantités considérables de Poissons, dont ils trouvent en abondance dans leurs rivières les espèces les plus exquises (Saumons, Truites, Perches, Brochets) ; ils ont soin de dessécher et de conserver pour l'hiver, et pour en faire usage à défaut d'aliments meilleurs, YAcipenser oxyrhynchus, dont la chair, dure et insipide, est de qualité inférieure, mais a l'avantage de se conserver facilement. Les Indiens Chinooks, de la rivière Colombie (Van- couver), sont très-amateurs de rognes de Harengs et d'un petit poisson, nommé Uklekun (Oulachan). qui est tellement gras, que l'on peut s'en servir comme de flambeau (Dr Kane) (I). États-Unis. — On mange les œufs de la Testudo clausa, gros comme des œufs de Pigeon, et surtout ceux de la Testudo carolina (dont la chair est médiocre), ainsi que la chair de diverses espèces de Tortues (la Testudo carolina, si préjudiciable aux plantations de pommes de terre; la Cistudo concentrica, qui est délicate au moment où elle s'enfouit pour hiberner; la Triomjx ferox, etc.). On fait aussi une grande consommation de Grenouilles {Fiana pipiens et mugiens), grosses espèces dont les cuisses donnent une chair tendre, blanche et excellente. Notons encore que quel- ques personnes mangent la chair du Crotale, de l'Alligator et de quelques autres Reptiles. Dans quelques régions, on recueille à leur apparition les Cigales de dix- *scpt ans (2), qui abondent à certains moments, et qui, frites ou bouillies dans l'eau après avoir été dépouillées de leurs ailes, peuvent servir à l'alimenta- tion : ces animaux sont tellement imprégnés de graisse, que, dans le Nou- veiiu-Jersey, on les emploie à la fabrication du savon. Iles Aléouliennes. — On pêche d'immenses quantités de Poissons, qu'on fait sécher pour l'hiver, et l'on fait une énorme consommation d'oiseaux de mer; mais le régal le plus grand consiste dans la chair de la Baleine, à moitié décomposée et dont les naturels mangent outre mesure : du reste, ils assai- sonnent tous leurs mets avec du gras de Baleine ou de Veau marin, qu'ils (1) Dr Kane, in Canadian Journal, lu Mardi 1858. (2) La Cicada septemdecim apparaît à de longs intervalles (d'où lui vient so- nom) par troupes immenses, qui ravagent les champs et les forêts et occasionn nent ainsi des dommages considérables. (Voy. l'roceedings of the Socieiy of Natural Hislory of Boston, 1851, p. 71, et American Journal of Pharmacy of Pluladelphia, t. XL, 1868, p. 451.) CHRONIQUE. 717 considèrent connue indispensable à leur alimentation, mais qui paraît èlrc la cause d'affections charbonneuses très-intenses, auxquelles ils sont sujets (Golovine). Mexique. — On fait griller la peau des Porcs (après en avoir enlevé les poils et la partie la plus extérieure du derme) pour la vendre dans les rues sous le nom de chicharron duro, et servir à l'alimentation du peuple. On prépare, avec la viande des Bœufs découpée en lanières très-minces et des- séchée au soleil, un tassajo ou sesina (1), qui n'est pas désagréable et est très-nourrissant. On consomme aussi la chair du Cerf de Virginie, moins sapide que le Chevreuil, mais cependant d'un goût très-agréable, et dont le sang, bu chaud, passe comme spécifique de l'épilepsie ; cette chair est sur- tout appréciée cuite en barbacoa (2). On mange aussi le Pécari, à la condi- tion de lui enlever promptement sa glande dorsale, sans quoi il exhalerait une odeur nauséabonde insupportable ; le Tatou cachimane, à la chair blanche et très-savoureuse ; diverses espèces d'Oiseaux (3) ; un grand Saurien, le Cyclure pectine, dont la chair blanche, tendre et très-sapide, rappelle celle de l'Anguille; diverses espèces de Poissons. On vend aussi sur le marché de Mexico V Axolotl, espèce de batracien voisin par ses formes des Tritons de nos mares, et qui a été récemment l'objet d'intéressantes observations de notre regretté confrère M. A. Duméril : la chair de l'Axolotl, qu'Hcrnandez dit très-agréable, est surtout appréciée préparée à l'étuvée; elle peut alors riva- liser avec les Anguilles les plus délicates (A. Dugès). On fait aussi, pendant le carême, une grande consommation d'une espèce de Palémon qu'on envoie, séché et dans des sacs, des bords du Pacifique. La poudre de cet animal, qu'on mêle à du riz et du piment pour le faire frire dans la graisse bouillante, et qui a un goût analogue à celui de la vieille morue sèche, est un pauvre manger (Dugès). Il en est sans doute de même du hautlé, sorte de farine qu'on recueille dans les lagunes sur des feuilles de jonc, et dont on fait des galettes assez bonnes à manger, qu'on crie dans les rues de Mexico : cette farine est produite par deux espèces d'in- sectes du genre Corixa (Hémiptères) (4). A Guanajuato, enfin, on vend par (1) Voyez plus loin Amérique du Sud : Charqui, iassajo. (2) La meilleure manière de préparer la chair du Chevreau et du Cerf est la barbacoa. On fait un trou dans la terre, d'environ 0m,70 de profondeur et de largeur proportionnée à la pièce à cuire. On place au fond des pierres plates et par-dessus du bois sec qu'on allume : au bout de deux ou trois heures, le trou doit être bien chaud. On relire alors le feu, et sur les pierres on place une natte neuve humide, et puis la viande frottée d'une sauce ou de graisse salée. Par-dessus on met une autre natte, des raquettes de Cactus, et enfin des pierres chaudes pour empêcher la terre de tomber; on recouvre le tout d'une troisième natte mouillée couverte de terre sur laquelle on allume un bon feu. Au bout de huit à dix heures, la viande est cuite. C'est une exquise préparation culi- naire. (A. Dugès.) (3) On a soin, pour enlever aux espèces aquatiques leur goût de poisson, de les écorcher, au lieu de les plumer. (A. Dugès.) (!i) Guérin-Mcneville, Mémoire sur trois espèces d'insectes hémiptères dont 718 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. douzaines, simplement posées sur de petits carrés de papier, d'où elles ne peuvent s'échapper, lorsqu'on a soin de les placer le haut du corps en l'air, des Fourmis (Myrmecocystus melligerus) dont l'abdomen est gonflé d'une matière sirupeuse, hrune ou blanche, que les enfants sucent avidement (A. Dugès). Iles Bahama. — On y fait une chasse active a l'Iguane, grand Saurien, qu'on a soin de conserver vivant et à jeun pendant un mois après sa cap- ture, avant d'en servir la chair, qui est blanche et tendre comme celle du Poulet. Antilles. — A la Trinité, les Indiens beaucoup de nègres et quelques blancs se régalent de la chair du grand Singe rouge et du Pécari, dont la chair est préférable à colle du Porc, à la condition qu'on lui ait enlevé rapi- dement sa glande odoriférante. On mange aussi quelquefois la chair de l'Al- ligator, qui fournit des grillades excellentes, et dont les œufs, dit le voya- geur Joseph, ne sont pas inférieurs à ceux de la Poule. On fait, à la Jamaïque, une grande consommation de Tortues pour leur chair et pour leurs œufs, et un mets délicat est constitué par des larves de Coléoptères qui vivent dans le tronc des Palmiers, et qu'on nomme Grougrou et Macauco: grillées, elles consiitucnt une des gourmandises du pays. Les Haïtiens ne craignent pas de manger une grande quantité de Serpents, bien que leur chair ait, dit-on, l'inconvénient de prédisposer à la lèpre; il est vrai que, d'autre part, on recherche d'énormes Grenouilles et Crapauds, qu'on déclare supérieurs au Poulet, et qui sont recommandés dans la con- somption. A la Martinique, on mange le Piloris ou Rat musqué, à la condition de laisser à l'air pendant touie une nuit, le corps dépouillé, et de jeter la première eau de cuisson, qui infecte le musc : si l'animal n'était pas en rut, ce n'est pas mauvais. Quant aux nègres, ils font une chasse des plus actives aux Rais qui foisonnent dans les plantations de Cannes, et qui, étant gras et dodus, forment une fricassée excellente. Notons que ces nègres, si friands de Rats, ont une répulsion des plus vives pour le Lapin! mais, par compensa- tion, ils mangent volontiers du Trigonocéphale , malgré son odeur fétide; sa chair, disent-ils, n'a aucun goût désagréable, et Buckland, qui en a •goûté, l'a trouvée ferme et blanche, et analogue à du veau. On voit encore, sur les marchés des Antilles, diverses espèces géantes de Grenouilles, des Requins, et bon nombre de Poissons, parmi lesquels nous citerons le Callipcva, Mugil liza, dont les rognes sont aussi estimées que le caviar chez les Russes. Amérique centrale. — Les Indiens se délectent avec la chair du Felis concolor, et surtout avec celle des divers Sauriens qu'ils croient être un spé- cifique contre le cancer : à Amatitlan, la croyance générale est que la gué- rison est assurée si Ton mange l'animal vivant. les œufs servent à faire une sorte de pain nomme hautlé, au Mexique (Dullet. de la Soc. tfacclim., 1857, t. IV, p. 578). CHRONIQUE. 710 Amérique du Sud. — Sous le nom de charqui, on fait un grand usage à Lima, Aiïca, Panama, etc., de viande salée et desséchée au soleil ; voici le procédé employé au Chili : On tue, par troupeaux de cinq cents à mille, les animaux arrivés à point ; on en sépare la graisse pour en faire le grasa, usité pour la cuisine, et le suif; on coupe la chair en lanières épaisses d'un quart de pouce, en laissant les os de côté ; on la plonge dans une solution concen- trée de sel ou on la saupoudre d'une légère couche de sel fin, et l'on dépose toute cette chair sur la peau pour l'y laisser une douzaine d'heures ; après quoi on fait sécher au soleil et l'on empaquette en ballots maintenus par une sorte de filet de lanières de peau fraîche : la viande a alors perdu environ un tiers de son poids. Une grande quantité de charqui est exportée au Brésil et aux Antilles, pour servir à la nourriture des marins ou des gens de couleur. On fait aussi dans l'Amérique du Sud une sorte de viande dessé- chée, Yassayo, qui donne un bouillon presque semblable à celui de la viande fraîche. La tassajo est une sorte de charqui, préparé à Buénos-Ayres et à Monté\idéo, qui est importé en grande quantité à Cuba pour la nourriture des noirs; il doit être préparé pendant les mois d'hiver (de décembre à mai) pour être de conservation plus facile, plus nutritif et d'une couleur plus appétissante (jaunâtre). Nouvelle-Grenade. — Les Indiens de l'Amérique du Sud, et en particulier ceux de la Nouvelle-Grenade, font une chasse active aux Singes de leurs forêts, et surtout aux Atèles, qu'ils dépouillent et qu'ils boucanent souvent pour faire des provisions : ils se délectent de la chair de ces animaux, qui est blanche, juteuse et agréable, et ne se laissent pas dégoûter par l'aspect pres- que humain de l'animal préparé, qui rappelle le corps d'un petit enfant (Bonnycastle) (1). Ils trouvent également excellente la chair du Capybara (Htj- drocharus capybara), qui est une sorte de lard transparent, très- fade et très- aqueux. Un de leurs mets favoris est l'Iguane, contre la chair duquel les Espa- gnols, à leur arrivée, témoignèrent d'une aversion insurmontable, croyaient- ils, mais qui a complètement disparu aujourd'hui : du reste c'est une opinion généralement répandue dans toute l'Amérique intertropicale, que la chau- des Sauriens qui vivent dans les localités arides est excellente (Humboldt); ce qui ne veut pas dire qu'on s'abstienne de Sauriens vivant dans des lieux humides, car les Indiens mangent l'Alligator, chair et œufs, malgré une odeur musquée assez forte pour rebuter les nègres, et font grand usage de sa graisse. Sur l'Amazone, on fait aussi une grande consommation de Grenouilles qu'on fait bouillir sans les vider et qu'on sert telles quelles (Wallace) (2). Pérou. — Les Péruviens emploient dans leur cuisine les Cobayes (Cavia cobaya) qu'ils échaudent vivants et qu'ils cuisent à la poêle dans sapeau. Ils mangent aussi des Viscaches, à la chair blanche et supérieure à celle du Lapin, ainsi que des Lamas et Alpacas, dont la chair se vend sur tous (1) Bonnycastle, South America. (2) AVallace, Travels on the Amazon; Travels on ihe Ho Negro. 720 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. leurs marchés. Mais le mets national est le chupe, sorte de soupe de viande salée, de piment et de pommes de terre, le plus souvent gelées. On fait aussi une grande consommation d'un petit poisson, Chantisa, qui remonte les rivières en février et mars, et du Sabalo, qu'on pêche au moyen du Barbasco (Jacquinia armillaris), qui l'étourdit. Les Indiens Antis mangent du Singe, qu'ils apprécient beaucoup; du Tigre ; du Perroquet, qu'ils préfèrent aux Poules, qu'ils élèvent par luxe et qu'ils considèrent comme immondes; des Escargots, du Riz et surtout du Manioc (E. Granditlier). Equateur. — La nourriture est presque exclusivement végétale, surtout pour les classes inférieures (Duplouy). Bolivie. — On fait une grande consommation de chair de Lama, qu'on estime surtout quand elle est grasse, mais qui doit être assaisonnée de force agi (piment rouge), pour en faciliter la digestion (Duplouy). Chili. — La nourriture se rapproche beaucoup de celle des Péruviens. On fait grand cas de diverses espèces de Poissons, parmi lesquels le meilleur est YEsox chilensis, employé par les Indiens de Chiloé pour faire des pro- visions fumées exquises ; de diverses espèces de Mollusques et des Oursins. Guyane. — Les naturels mangent souvent du Singe, et particulièrement du Belzébuth, qu'ils préfèrent àl'étuvée. Ils se régalent aussi de la chair du Paresseux, qui est, dit-on, tendre et excellente; du Tapir, du Paca et de l'Agouti; ils ont une aversion superstitieuse pour la chair du bétail (Schom- burgek). Ils estiment le Manati ou Lamcntin, le Chelys matamata, malgré son horrible aspect, ainsi que divers Sauriens et Amphibiens [Pipa suri- namensis). Quant au poisson, ils le préfèrent ayant déjà subi une certaine décomposition, et un peu de putridité ne fait qu'aiguiser leur appétit: un poisson avancé, et du Grougrou ou Tucuman (Curculio Palmarum) ' grillé ou même cru, qu'ils \iennent d'extraire de la moelle d'un Cocotier, constituent pour eux un festin digne d'Apicius ! Brésil. — Les sauvages mangent de tout en général, du Singe, des Rats et Souris; du Jaguar, qui constitue un de leurs régals (1); du Paresseux, du Tapir, du Porc ; du grand Fourmilier, malgré sa chair noire et fortement musquée; du Tatou, à la chair grasse qui rappelle celle du Cochon de lait ; la chair de divers Sauriens, et en particulier du Teguixin monilor; des Four- mis (de grosses espèces), dont l'assaisonnement voulu est une résine ; de longs Vers de terre qui, lors des inondations, viennent se réfugier dans les feuilles des Tillandsia (Wallace). On fait aussi une très-grande consommation de Tortues, dont les œufs servent à faire une graisse plus ou moins consis- tante, la manteiga (2), et dont la chair est aussi très-appréciée. De nom- (1) Les Gauchos disent que la chair du Puma (Felis concolor) est très-bonne et sont unanimes à reconnaître l'excellence de la viande des animaux, grands ou relits, du genre Chat. (2) La mantetqa se prépare de deux manières, ou bien avec les œufs à l'état frais, ou bien avec les œufs un peu fermentes, suivant que l'on désire qu'elle CHRONIQUE. 721 breuses espèces de Poissons entrent aussi dans l'alimentation, mais nous ne citerons ici que ic Pirarucu (Sudis gigas), dont la chair desséchée sert à préparer une farine très-utilement employée dans les explorations de l'Amazone, et qui est apportée en grandes quantités sur le marché de Para. Paraguay. — Les Indiens mangent souvent la chair de Y Alligator scie- rops, qui est assez résistante, mais qui est trèssapide, trop sapide même pour des palais européens. On fait aussi usage de la chair du Tapir, dont la saveur est très-agréable, mais à laquelle on reproche de déterminer souvent des éruptions cutanées très-graves (B. Bossi). Confédération Argentine. — La nourriture nationale de l'Argentin, si l'on peut parler ainsi, c'est le Bœuf, dont la came (chair par excellence) est surtout appréciée en asado, c'est-à-dire embrochée saignante et cuite en plein air devant un feu ardent. Il mange aussi les Talons cuits dans leur cara- pace (excepté le Tatou po-yu, qui se nourrit de charognes); les jeunes Per- roquets (avant qu'ils aient quitté le nid, car, dès qu'ils ont volé, ils devien- nent durs et coriaces). Plusieurs tribus indiennes se nourrissent de chair de Guanaco, déjeunes Nandous (les individus vieux sont abandonnés aux Chiens), et de la viande de Cheval qu'elles trouvent supérieure à celle du Bœuf, surtout si elle provient d'une femelle. Les Indiens Chacos se délectent de la chair du Tamanoir et de celle des Boas et de V Alligator sclerops. Us recherchent aussi avec avidité les Iguanes, dont la chair passe auprès de certaines peu- plades pour prédisposer à la lèpre, tandis que d'autres les considèrent comme spécifiques de la syphilis (Martin de Moussy). Terres Màgellaniques. — Les habitants font une grande, consommation de chair de Guanaco (Camelus huanacus), de Nandou et de Phoque, ou, à leur défaut, de Poissons et surtout de coquillages (de hochas). Iles Malouines ou Falkland. — Le fond de la nourriture consiste dans la chair des Morses et des Phoques, dont la langue est le morceau le plus parfait et dont l'huile claire est très-recherchée pour toutes les préparations culinaires (Dr Pernetty) (1). On fait aussi une large consommation des Outar- soit d'une plus ou moins grande consistance. Quand on veut que la masse huileuse soit plus épaisse, on laisse les œufs pendant cinq jours, plus ou moins, accumulés sur les rives, et l'on procède ensuite à la fabrication. Ls matière grasse que l'on obtient dans ce cas n'est pas employée à l'éclairage, mais au calfatage, sous forme de mélange avec le brai du pays. Pour obtenir une huile moins dense, on jette dans les canots les œufs frais que l'on a réservés pour cette fabrication ; on piétine dessus, en mêlant le tout après y avoir ajouté un peu d'eau. L'albumine se dissout, et au bout de peu de temps l'huile surnage et peut alors être enlevée au moyen de calebasses ou de coquilles, pour être ensuite épurée par l'action du feu dans de grands vases de terre convenablement disposés. On fait ensuite refroidir l'huile rapidement, et on la met en réserve dans de grands pots de terre pour la livrer au commerce. L'huile ainsi préparée peut être employée à la fois et pour l'éclairage et pour l'assaisonnement ; elle sert pour frire le pois- son, etc. (Coutinlio.) (1) Dr Pernetty, tlislorical Journal of Ihe Voyage lo Ihe Falkland islands. 2e série, t. Vil — Novembre-Décembre 1870. 46 722 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. des, qui y pullulent. Les Pingouins sont si abondants, qu'on fait avec leur chair une sorte de farine (Beck-Bernard). AFRIQUE. Algérie. — Dans le Tell, les Arabes du peuple se nourrissent quelquefois de la chair du Lion, bien qu'elle ne soit pas bonne, et même de celle de l'Hyène, qui est encore moins bonne; mais ils se gardent bien de toucher à la tète de l'Hyène et surtout à la cervelle, étant persuadés que le contact seul suffirait à les rendre fous (Damnas). D'après Blumenbach, une tribu guerrière des frontières de la Tunisie se nourrirait presque exclusivement de la chair de Lion. Sahara. — Les naturels font usage, pendant leurs voyages à travers le désert, de la viande du Klabo, ou Bœuf du Bornou (Elmeha des Arabes), qu'ils dessèchent au soleil, et qui porte alors le nom de kadyd ou kéléa (baron Aucapitaine). La chair des Chameaux, sèche et dure, est peu appré- ciée, excepté celle de la bosse, qui forme la pièce essentielle de la diffa, et les langues séchées ou fumées, qui sont l'objet d'un commerce impor- tant. Les Touareg, qui font une grande consommation de dattes, mélangées de lait de Chamelle, ou de beurre, pour prévenir les inflammations gastri- ques que détermine l'usage exclusif de ce fruit cru, mangent aussi à l'oc- casion de la chair fraîche ou desséchée de la Gazelle et du Mouflon (Lerouy); des Porcs-épics cuits sous la cendre sans être dépouillés; des Gerboises; du Zelzague (Scincus), qui, grillé sur les charbons, a le goût du poisson ; de l'el-Ouran ( Varanus scincus), dont la chair passe pour préserver de l'action des poisons et des venins, etc. Chaque fois que l'occasion s'en présente, ils recueillent précieusement les Sauterelles, qui, disent-ils, sont excellentes également pour les hommes et les animaux : ils les mangent, quelquefois en quantité considérable (plus de 300 pour le repas d'un seul individu), fraîches, grillées ou bouillies avec le kous-kuessou ; quelquefois ils les font sécher et les pulvérisent pour hs mélanger à de la farine, du beurre et des épices, et en faire des fritures très-recherchées; mais ils ont toujours soin d'enlever la tête, les pattes et les ailes, pour obéir aux prescriptions de la loi musul- mane (général Daumas). Fezzan. — On fabrique des gâteaux, ayant une saveur prononcées de caviar, avec des œufs d'insectes recueillis dans des flaques d'eau du désert. Abijssinie. — Les nègres de Shangalla, qui se nourrissent ordinairement de racines, font leurs extras au moyen des Lézards et Sauterelles qu'ils peuvent se procurer. Les Abyssins, lorsqu'ils sont dans les régions élevées de leurs montagnes, mangent pour se. réchauffer la viande crue, et en quelque sorte vivante, de leurs Bœufs, dont ils absorbent d'immenses quantités; aussi n'est-il pas rare de les voir tomber en torpeur après ces repas, comme des Boas repus. Ceux d'entre eux qui se piquent d'un luxe pantagruélique dépensent la ma- CHRONIQUE. 723 jctire partie de leur avoir en repas de viande crue : celle alimentation explique la très -grande fréquence des Taenias chez ces peuples. La chair de l'Hippopotame et celle du Rhinocéros sont aussi l'occasion de festins. Un certain nombre de peuplades abyssiniennes, ou de celles qui vivent dans les environs du grand lac Nyanza, font un grand usage de laitage, et en font absorber d'immenses quantités aux femmes pour détermine;- chez elles une obésité exagérée, ce qui est, pour ces tribus, un caractère de suprême beauté : quelques-unes de ces malheureuses., à ce que nous rapportent Speekc et Burton, sont tellement grasses, qu'elles ne peuvent plus se relever, une fois tombées sur le sol ! Presque toutes les peuplades du Nil Blanc ne tuent pas leurs Vaches, mais en boivent seulement le lait, le plus souvent caillé, quelquefois additionné d'une certaine quantité d'urine de Vache, dans l'Obbo par exemple : elles sont aussi très- friandes du sang de leurs bestiaux, qu'elles soumettent, dans ce but, à de larges saignées mensuelles (Sir Sam. Baker). Les Makkerikas ont le goût le plus prononcé pour la chair du Chien, voire même pour celle de l'homme (Baker). Les Sarotzé mangent communément de l'Alligator et trouvent un fumet tout à fait agréable à la saveur musquée de sa chair. Du reste, les cir- constances influent au plus haut degré sur l'alimentation des tribus africaines, qui sont exposées, par suite de sécheresses prolongées, à des disettes terri- bles. Les Ketch, en particulier, sont souvent réduits à triturer entre des pierres la peau et les os des animaux, qu'ils trouvent morts et dont ils font une pâte ; leur misère est telle, qu'ils n'en laissent pas perdre une parcelle, pas même de quoi nourrir une mouche (Sir Sun. Baker). La boisson ordinaire des Ayades est une sorte d'eau de Millet préparée sans feu, et qu'ils entonnent en grande quantité au moyen de coupes énormes (loudda) munies d'une patte comme une sorte de cuiller, et faites avec un fruit de Cucurbitacée. Le lait est aussi leur boisson ordinaire : ils le conservent dans de grands paniers (korio) tressés en paille très-serrée. Cale occidentale. — Les nègres aiment beaucoup le jeune Singe bien assai- sonné et cuit à l'étouffée ; ils raffolent de l'Éléphant dont les pieds et la trompe préparés dans les cendres chaudes d'un large foyer sont excellents au dire des voyageurs. Dès que les nègres apprennent la mort d'un de ces animaux, ils accourent tous, armés chacun d'un large couteau, se mettent à l'œuvre à dépecer l'animal, et s'en gorgent jusqu'à ce qu'il ne reste plus trace de chair; ils font dessécher une portion de celle-ci au soleil (biltongue) et en recueillent précieusement la graisse pour en arroser leurs mets. Le bealee est une sorte de hachis fait de gras et de chair d'Éléphant hachés menu et mélangés de sang ; on enferme le tout dans l'estomac, qu'on suspend au-dessus du feu au moyen d'une corde, en évitant soigneusement qu'il ne brûle : on obtient ainsi un mets délicieux, même sans l'adjonction du sel et d'épices (Baldwyn). Plu- sieurs tribus considèrent les grands Serpents comme un manger délicat, mais plusieurs voyageurs pensent que c'est par une sorte de croyance religieuse 724 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. que ces animaux sont ainsi consommés : on sait d'ailleurs que plusieurs peuplades africaines rendent un culte véritable au Serpent. Sénégal. — Les nègres de la Casamance ajoutent à leur alimentation principalement végétale, dans laquelle le Manioc et le Piment jouent un grand rôle, la chair du Porc et de quelques animaux de leurs forêts. Les Floups ajoutent à leurs mets des Huîtres boucanées et les amandes du Parinarium senegalense (Bertrand-Bocandé). Quelques tribus de la côte du Sénégal et de l'embouchure de la rivière d'Orange ont pour base de leur nourriture le poisson, mais elles attendent pour le manger qu'il soit déjà en partie décomposé, le poisson frais ayant trop peu de saveur. Gabon, — La viande fraîche manque absolument, et les Bœufs qu'on y importe, succombent au bout de peu de temps, ou, s'ils survivent, leur chair devient molle, flasque et sans saveur (Griffon du Bellay). La Banane verte non encore sucrée et le manioc, en pâte fermentée, mêlé de pâte (VOdika (Irvingia gabonemis), font la base de l'alimentation des peuplades du Gabon, telles que les Cammas, avec le poisson et la chair du Lamentin, qui porte le nom de poisso7i femme (Larligue). Fernando-Po. — Les Bubé (Boobies) préfèrent à tout autre aliment le poisson très-pimenté, mais, en cas de disette, ils se rejettent sur les Singes, les Rats, les Serpents et quelques Oiseaux (Friend of the Afiicans). Les Fans ou Pahouins sont anthropophages d'une manière intermittente; mais ni les femmes ni les enfants n'assistent à ces repas, qui semblent être l'apanage exclusif, peut-être religieux, des guerriers (Dr Touchard). le Cap. — Les naturels réduisent en bouillie presque tous leurs ali- ments, Maïs, Igname, en les pétrissant à pleines mains; ils mangent la chair du Lion, du Couagga (1), du Porc-épic, surtout si elle a été boucanée un ou deux jours, et celle des diverses espèces d'Antilopes. Un de leurs régals est la graisse de la queue de Mouton, qu'ils emploient fréquemment en guise de beurre. Ils recherchent aussi les Poissons à odeur forte, les Mollusques (Escargots), dont quelques-uns atteignent des dimensions énormes, et lors- que l'occasion s'en présente, ils se régalent de Sauterelles bouillies, rôties ou frites, et dont ils font dessécher d'énormes quantités qu'ils portent au marché (Rév. Moffat) (2), de larves de Fourmis (Termites) assaisonnées au beurre, de Chenilles frites ou rôties, d'Araignées même(Sparrman). Les Mambari (autre peuplade de l'Afrique australe) sont très-friands de Souris et surtout de Chiens, qu'ils élèvent dans le but de les faire servir à leurs repas. (1) Quelques peuplades cependant manifestent une horreur profonde du Couagga et des autres Equidés ; c'est même pour n'avoir aucune ressemblance avec eux et pour se rapprocher davantage du Bœuf, l'animal qui leur paraît le plus sympa- thique à l'homme, que ces nègres ont pris la coutume de se faire enlever les incisives supérieures (Baldwin). (2) Rév. Moffat, Missionary labours in South Africa. CHRONIQUE. 725 Les Caftes font une consommation prodigieuse de lait sûr et caillé, qu'ils mélangent quelquefois d'un pende Millet; ils ont peu d'estime pour le poisson et horreur du Porc, mais ils mangent la chair du Taureau, cuite ou non, sans en dédaigner aucun organe. Le Chien, dont ils élèvent une race particulière qui n'aboie ni ne mord jamais, est pour eux un mets exquis, à tel point qu'ils donnent une Génisse pour un gros Chien. L'Hippopotame est aussi très-estimé pour sa graisse, pour sa chair (considérée comme maigre par les prêtres des colonies portugaises), qui passe pour avoir des vertus médicales extraordinaires. La chair de Girafe, surtout si elle est jeune, est très appréciée, mais rien n'est succulent comme la moelle de ses os. En géné- ral, les Cafres préparent de la viande sèche (biltongué) avec la chair de venaison et surtout de l'Éléphant, en faisant bouillir quelques instants la chair dans une petite quantité d'eau, puis en pulpant entre deux pierres : ils saturent la masse de viande avec de la graisse, et font étuver de nouveau quelques instants (Baldwyn). Zanzibar.— Les indigènes considèrent une étuvée déjeunes Chiens comme un mets de roi. Madagascar. — La base de la nourriture est le Riz ou l'-Arrow-root, mais quelques tribus mangent aussi du Tenrec, qui est surtout apprécié au moment où il s'enfouit pour hiberner; des volailles fortement pimentées, la chair du Singe babatouke. Le régal le plus grand est le fœtus de Veau : aussi à Imerne, les riches ont-ils en lout temps plusieurs Vaches pleines pour pouvoir les faire tuer, lorsque l'occasion se présente de régaler leurs amis avec le fœtus encore incomplètement développé (H. d'Escamps). ASIE. Sibérie. — Les peuplades du nord de l'Asie font un grand usage d ! viande de divers animaux qu'ils mangent fraîche ou conservée et de Poissons, dont la peau leur sert à faire quelquefois des vêtements (Comte de Sabir). Au Kamtchatka, on fait un grand commerce de la viande sèche de l'Argali, mais la base de la nourriture est le Saumon frais, fumé, ou s (Dr Quémar). Les Tartares mangent de l'Ane sauvage, qu'ils trouvent délicat et de bon goût, et de beaucoup supérieur à l'Ane domestique, dont, disent-ils, la chair est dure et mauvaise. Ils boivent le lait de leurs Brebis qu'ils traient à cet effet trois fois par jour, et qui leur donnent le moyen de faire des fromages aigres; ils en retirent aussi par fermentation et distillation grossière une liqueur à odeur fade et odeur empyreumatique ( A. Hue). La chair des Cha- meaux est peu estimée, excepté la bosse, qui, coupée en petits fragments, sert à beurrer le thé. Thibet. — Les Thibétains n'ont aucun repas réglé ; chacun mange et boit quand il a faim et soif, et puise dans un grand vase, qui chauffe toujours sur le feu et dans lequel bout un mélange de pain, de viande, de riz, etc. : cha- cun, indigène ou étranger, y puise à son gré une tasse du mélange bouillant 72(3 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. et l'ingurgite aussi souvent que l'envie lui en prend, ou rejette sans scrupule dans la marmite l'os qu'il a commencé à sucer et qui ne lui convient plus. Chine. — Les Chinois, dit sir John Bowring, n'ont de répugnance pour rien de ce qui se peut manger; mais leurs aliments principaux sont le Riz, le poisson, le Porc, etc. Quant à leurs boissons, elles sont toujours chaudes, et consistent en eau bouillie et chargée de principes aromatiques, et en sam-shew (esprit de riz) chaud. Les riches et les pauvres mangent beaucoup de Chiens, et l'on voit souvent ces animaux, qui appartiennent à une variété particulière engraissée dans ce but, exposés dans les boutiques des bouchers, à côté de quartiers de Cheval, auxquels le pied reste adhérent pour qu'il n'y ait pas d'erreur sur la qualité de ranimai. Les jambons du Blaireau sont plus estimés que ceux du Verrat, qui est cependant très-apprécié des Chinois. On prépare avec le Rat des soupes qui sont considérées comme exquises, et il se t'ait actuellement, du Scinde en Chine, une importation considérable de Piats salés destinés à l'alimentation. Les viscères des divers animaux sont con- sommés en grande quantité, ainsi que les Canards, dont on mange souvent les jeunes à peine éclos, et les œufs, auxquels on a fait subir une préparation particulière (1). On mange aussi une grande quantité de Poissons, dont les eaux des fleuves et de la mer fournissent de nombreuses et excellentes espèces, et principalement des vessies natatoires desséchées, qui viennent de l'Inde, et qui sont considérées comme des aphrodisiaques puissants, de même que les ailerons de Requin, importés des îles de la Sonde. On mange aussi beaucoup de Grenouilles (Robert Fortune), de petits Crabes à carapace encore molle et qu'on sert tout vivants, des Céphalopodes des genres Sepia et Octopus, et enfin des Tripangs, ou Holothuries, qui sont recueillis sur les côtes des îles Océaniennes (2). r.appelons enfin les nids de la Sdangane qu'on tire de Java, Sumatra et de l'archipel Indien, et qui servent à faire des potages très-appréciés. Du reste les matières mucilagineuses paraissent avoir un attrait tout particulier pour les habitants du céleste empire, qui leur attribuent des propriétés aphrodisiaques merveilleuses. Japon.— On mange beaucoup de Baleines, qui sont considérées comme très- nutritives, et dont on ne laisse rien perdre, car la peau et les viscères sont employés comme aliment aussi bien que la chair ; l'huile est fondue et les os sont utilisés pour l'industrie. Mais la base de la nourriture est le poisson, les coquillages, avec quelques légumes et du Riz. Pendant l'hiver, les riches mangent de la volaille et du gibier, tandis que les pauvres font quelquefois usage du Porc et du Singe ; mais aucun Japonais, quelle que soit la classe à laquelle il appartient, ne consomme de viande de boucherie. On mange dans tout le Japon un Serpent non venimeux, et à Nanbou un Serpent venimeux (1) Paul Champion, Conservation des œufs (Bulletin de Société d'acclimatation, 2e série, 1866, t. III, p. 342). (2) Voyez Charles Wilkes, Narrative of the United States exploring Expédition in the Feejee islands, qui donne les détails les plus circonstanciés sur la récolte et la préparation des Tripangs. CHRONIQUE. 727 (Dr Noury). Ajoutons à ce régime des fruits de Kaki (Diospyros kaki), des sucreries et pâtisseries dont ils raffolent, du thé et de l'eau-de-vie de Riz (sakki), et nous nous ferons une idée assez exacte de la diététique des Japonais ,'Dl Gaigneron). Les habitants de Yéso ne mangent guère que du poisson, des Champi- gnons, des racines et un peu de Riz (C. Friedel). Très-friands de caviar, les naturels consomment aussi quelques Oiseaux, des Holothuries et des Halio- tides (Anfuli) ; ils ne mangent jamais leur riz cuit, mais simplement trempé dans l'eau (Dr Noury). Dans les Kouriles on ne se nourrit guère que de coquillages, de poisson (Hareng et surtout Saumon), frais pendant l'été, salé ou fumé pendant l'hi- ver ; on fait cependant aussi usage d'une sorte de choucroute (I)r Barthe). Birmanie — On mange tout ce qui peut rassasier, sans s'inquiéter de la na- ture de l'aliment ; mais on fait surtout nne grande consommation de gnapee, pâte composée de Poissons et de Crustacés comprimés, le plus souvent à moitié putréfiée et dont l'odeur infecte suffirait pour mettre en fuite un Européen. Plusieurs espèces de Sauriens, dont une, nommée Pada, passe pour être aussi délicate que le Poulet, servent aussi à l'alimentation, de même que les Serpents du pays, auxquels on trouve le goût de poisson, mais qu'on ne sert qu'après leur avoir coupé la tète (il y a cependant quelques espèces qui sont rejetées, car leur chair passe pour vénéneuse). Un vrai régal birman est un plat de Sauterelles frites, dont l'intérieur a été farci d'une languette de viande bien épicée. Siam. — On fait usage, sous le nom de pastoormah, de la chair de l'Élé- phant, mais une grande délicatesse consiste dans les nerfs desséchés des Mammifères ; on apprécie beaucoup aussi un mélange de larves de Fourmis avec des tranches minces de Porc. La nourriture habituelle consiste en Riz, légumes et fruits, en poisson, plus ou moins frais, souvent desséché, ainsi qu'en Moules, Crevettes et divers Mollusques desséchés. On fait aussi une grande consommation de nans-phrik, sauce faite avec la chair d'Écre- visscs putréfiées ; on arrose les repas d'eau bouillie, en infusion avec le thé, et aussi avec de fortes doses (Tarak pur ou aromatisé à la Badiane (C. Friedel) (1). Cochinvhine. — Le Riz et le poisson desséché ont une importance extrême pour l'alimentation ; après les crues, qui ont permis de recueillir d'énormes quantités de Poissons, on commence la culture du Riz, de telle sorte que la récolle de deux aliments principaux alterne. On mange une assez grande quantité de Crocodiliens, et il n'est pas rare d'en voir des individus con- servés vivants dans les bassins des marchands de Saigon. Le Cochinchinois n'a aucune répugnance à manger du Chien (Dr Richaud) (2). Inde. — Le régime alimentaire, dont la base est le Riz, varie beaucoup, (1) C. Friedel, Beitrage sur Kenntniss des Klimas und der KrankheilenOsl- Asiens, etc. (2) Dr Richaud, Essai de topographie médicale de la Cochinchine française. 728 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. car certains animaux sont réputés immondes par quelques castes indiennes, tandis que d'autres les mangent sans répugnance ni scrupule. Les Valieyer recherchent les Rats rôtis et les Carias accommodés au beurre ; les Keller mangent du gibier, tandis que les Koumoutivallou refusent tout ce qui a eu vie et s'abstiennent de toute liqueur fermentée(DrRoubaud). Pour une même caste, du res:e, la diététique n'est pas la même dans les diverses régions, comme l'avait observé Victor Jacquemont, qui a dit que le régime alimentaire des brahmanes paraît devenir de plus en plus animal à mesure qu'on s'avance vers des contrées plus froides, et qui a opposé au brahmane du Deccan, qui repousse toute nourriture animale, celui du Cachenryr, qui mange sans répugnance du Mouton. Le bas peuple et les Européens seuls mangent du Porc, qui est un objet d'horreur pour le plus grand nombre des Indiens. On nourrit cependant un grand nombre de ces animaux aux environs de Patna, principalement en vue de l'exportation à Maurice et à la Réunion. Si l'on en croit le Ceylon Exa- miner, ces animaux dévoreraient souvent les cadavres humains jetés dans le fleuve sacré, le Gange, et même quelques fabricants de jambon ne crain- draient pas d'ajouter à leur marchandise quelques morceaux d'homme ! Les Southall, qui habitent les plaines du Bengale, mangent leurs Bœufs, Poules, Porcs, Pigeons, mais, à leur défaut, ils se contentent parfaitemen1 de Serpents, de Fourmis, de Grenouilles et de Rats des champs. Dans le Cachar nord, on mange principalement l'Éléphant, et lesKooki^s restent auprès du cadavre jusqu'à ce qu'il ait été consommé en entier, sans être éloignés par les effluves putrides qu'il dégage ; ils salent et boucanent tout ce qu'ils ne peuvent consommer immédiatement. Au Malabar, quelques indigènes mangent les Chauves-Souris, d'autres re- cherchent les Rats des caféières (Perameles nasuta); mais presque toute la population apprécie surtout les Chèvres. A Ceylan, quelques natifs mangent le Singe ; les Coolies se régalent de Rats [Perameles nasuta et Golunda Elliuti), frits dans l'huile ou rôtis. Le mets le plus exquis est un pied de jeune éléphant fortement épicé : c'est un mets divin. On préfère à tout gibier, et surtout à l'Axis , dont la chair est sèche et peu grasse, la Chèvre, avec laquelle on fait des grillades excellentes. Les natifs recherchent avec soin le Talagowa (Monitor dracœna), qui est commun dans les provinces maritimes et qui sert à préparer des soupes excellentes, et Y Anaconda , autre reptile qui n'est pas moins succulent. Les habitants des Maldives préparent avec la Bonite un produit qui est connu dans toute l'Inde sous le nom de cummelmums : c'est du poisson desséché dans le sable et ayant acquis presque la consistance de la corne, qu'on râpe sur le riz pour lui donner de la saveur. Cette préparation ressemble beaucoup à un produit japonais préparé avec la chair d'un Sal- monidé. Aux îles Nicobar, le Caïman passe pour un bon aliment, et lorsqu'il a été bien préparé, sa chair a quelque analogie avec celle du Porc, d'après le CHRONIQUE. 729 Rév. Haenscl (1), opinion qui nous paraît difficile à faire concorder avec celle de Sir Sam. Baker, qui compare le goût de celte chair à celui qu'aurait. un mélange de musc, de poisson rance et de viande putréfiée. Bèloutchistan. — Les habitants se nourrissent presque exclusivement de Poissons, dont ils dessèchent des quantités énormes, et dont ils lbntconsom mer à leurs bestiaux une partie mélangée avec des dattes. Arabie. — Le bes peuple ne dédaigne pas la chair de l'Hyène. Dans les temps de disette, on fabrique des espèces de galettes avec des Sauterelles desséchées et pulvérisées ; mais ce n'est pas la faim seule qui fait manger ces insectes, car en temps ordinaire on les sert sur les tables comme hors- d'œuvre (Hasselquist). Malaisic. — Les naturels mangent presque tous les animaux de leurs forêts, depuis le Singe, qu'ils chassent comme destructeur de leurs planta- lions de Riz, et qu'ils dépouillent seulement de son poil (Hughes Low), jus- qu'au Galéopithèque, dont l'odeur n'a rien de repoussant pour eux, et a une grande Chauve-Souris, le Pteroptis edulis, dont la chair blanche, délicate et très- tendre, a une saveur musquée qui leur est très-plaisante. Ils mangent aussi la chair du Tigre, qu'ils considèrent comme un spécifique souverain contre toutes les maladies et qu'ils croient avoir la vertu de communiquer à l'homme du courage et de la sagacité. Les Alligators encore jeunes, les Serpents et surtout les Grenouilles, les Sauterelles, le Cerithium tclescopium, et beaucoup de Mollusques marins ou terrestres, fournissent aussi un appoint aux repas. On recueille précieuse- ment aussi les rognes d'une énorme Alose de la rivière Siak (Sumatra), qui, desséchées, sont transportées ensuite dans toutes les îles voisines. La géophagie n'est pas rare parmi les indigènes, et exerce sur eux pres- que autant de ravages que l'opium, dont ils fument des quantités énormes. Java. — Les indigènes se nourrissent d'une très-grande quantité de Poissons (2), de la chair et des œufs de plusieurs espèces de Tortues, et de Tjoemi-tjoemi (Sepia aculeata, Loligo javanica, etc.), qu'ils mêlent au lliz ; ils font un abus excessif des stimulants (Dr Van Lcent) (3). Moluques. — Les indigènes se nourrissent principalement de sagou qu'ils mangent en bouillie (papeda) ou en gâteaux cuits sous la cendre, et de Pois- sons et Mollusques, qu'ils accompagnent de fruits d'Anona, de Doerian, Duriozibethinus, de Bananes, etc., et qu'ils arrosent de larges rasades de sagueer (sagaivir), liqueur fermentée qu'ils retirent de VArenga saccha- rifera (Van Ha item). Timor. — Le Maïs pilé, grillé et séché ou cuit à l'eau, est la nourriture générale des Timoricns : aux repas de fêtes ils mangent <}u Riz et de la (1) Rev. Haensel, Lellers on Ihe Nicobar islands. (2) Les rizières de Java servent, dans l'intervalle de leur mise en culture, de réservoirs à Poissons, dans lesquels on élève surtout des Ophicéphales (Van Gor- kom). (3) Dr Van Leent, Archives de médecine navale, t. VII à t. XIV, passim. 730 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. cliair du Cerf, ding-ding (Van Leent). Ils font aussi des galettes assez nutritives avec des Sauterelles pilées (Dampier). Philippines. — On trouve régulièrement sur les marchés des Crevettes desséchées, des Grenouilles (appréciées surtout des Européens), et VHydro- saurus salvator, grand Saurien dont la chair passe, à Manille, pour jouir de propriétés restauratives très-puissantes, et dont la peau desséchée sert aux Chinois à faire une de ces soupes gélatineuses, dont ils sont si friands. Célèbes. — Les Alfours, qui se nourrissent principalement de poisson et de sagou, font quelquefois usage de la viande de Tore ; mais, comme ils croient à la métempsycose et sont persuadés que l'âme émigré, au dernier souffle, dans le corps d'un porc, ils ont grand soin, quand on leur sert un de ces animaux et qu'il y a une écume abondante au-dessus de l'eau de cuis- son, de s'informer s'il vient d'y avoir quelque décès dans le voisinage : en cas d'affirmative, ils s'abstiennent de manger (Van Leent). OCKANIE. Dans un grand nombre d'îles on engraisse les Chiens, surtout les jeunes, avec une nourriture exclusivement végétale, composée de bouillie de Cala- dium esculentum, pour les faire figurer, quand ils sont à point, dans les festins de cérémonie. La chair du fiequin est considérée comme un régal, à la condition d'avoir été attendu? quinze jours au moins (Jouan)(t), et quand ils le peuvent, les in- digènes s'en gorgent jusqu'au delà de la saliété.Les animaux de mer, tels que les Mollusques (Loiigo, Sepia), et les Annélides (le Palolo viridis, à Samoa), entrent aussi dans l'alimentation. Quant aux Poissons, que pendant longtemps les naturels considéraient comme des incarnations de leurs dieux et dont ils s'abstenaient, avec cette restriction que le scrupule n'existait plus dès qu'il s'agissait de l'incarnation du dieu d'un compagnon, aujourd'hui que le christianisme a fait des progrès chez eux, ils les mangent crus et assaisonnés à l'eau de mer, en même temps qu'une popoi de Taro (2) (Caladium esculentum) . Iles Marquises. — Le Porc, qui a une chair plus ferme, plus savoureuse et plus digestible que celui de nos pays, ce qui tient sans doute à ce qu'il se nourrit presque exclusivement de Goyaves, n'entre dans l'alimentation des indigènes que lors des fêtes publiques, mais alors c'est un vrai carnage. Le menu peuple refuse de manger la Tortue (Honou), qui remplace aujour- d'hui les victimes humaines dans les cérémonies religieuses; mais il est • (1) Jouan, Archipel des Marquises {Revue coloniale, 2e série, t. XVIII, p. 449; t. XIX, p. 27). (2) Le popoi est une pâte fermentée faite avec les. fruits de l'Arbre à pain, et que l'on conserve pour le cas de disette dans des sortes de silos. Les habitants des îles Pomotou lui préfèrent le lioo, pâte fermentée du Taccaoceanica, qui n'a pas d'inconvénient de leur occasionner les mêmes céphalalgies violentes (Cuzent). CHR0N1OUE. 731 très-friand du Haoua (Raja cephaloptera), surtout si sa chair est déjà à moitié pourrie (Edél. Jardin) (1). Tahiti. — Autrefois les indigènes ne mangeaient guère que du poisson, des coquillages et surtout des végétaux, les fruits du Musa Fehi, du Spon- dias dulcis, la fécule du Tacca oceanica ou du Caladium esculentum, etc.; mais, depuis le séjour des Européens, ils se sont habitués à l'usage de la viande, et principalement des volailles et du Porc (Lavigerie, Nadaud). Us s'enivraient avec le kawa (Piper methysticum), aujourd'hui ils s'enivrent d'eau-de-vie : ce n'est pas le goût du liquide qu'ils recherchent, mais l'ivresse elle-même et son abrutissement (Gazent) (2)! Tonga-Tabou, îles des Amis. — La nourriture habituelle consiste en végétaux et Poissons ; il existe bien quelques Cochons et volailles, introduits par Gook, mais ils ne sont que très-exceplionnellement mangés (de P.ochas). Nouvelle-Calédonie. — Les Néo-Calédoniens (3) ont une alimentation pres- que exclusivement végétale, et, outre le Taro, ils consomment divers fruits, auxquels ils ajoutent quelques Mollusques, et en particulier le Halanus tin- tinnabulum (de Rochas). Quelquefois les indigènes font, au clair de lune, une chasse active à de grandes Chauves-Souris (Vespertilio vampyrus) dont la chair fortement musquée, de même que la matière spermatique, est un objet de régal pour eux (E. Vieillard). Us consomment aussi les rognes du Salmo Scouleri, imprégnées d'huile rance et dont l'odeur des plus nauséeuses ferait reculer tout autre qu'un Néo-Calédonien ; ils dévorent également un grand nombre de grosses Araignées (Epeira edulis) après les avoir rôties à la flamme (Labillardière, père Montrouzier) (/i). Pour compenser ce que leur alimentation ordinaire a de trop végétal, ils y ajoutent, à l'occasion, la chah- humaine (Vinson) (5). Iles Fidji. — Les naturels, qui ne se nourrissent presque que de végétaux, y ajoutent quelquefois des Poissons ou des coquillages, et tout à fait excep- tionnellement, pour les grandes cérémonies, du Porc et des volailles. Ils (1) Edél. Jardin, Essai sur l'histoire naturelle de l'archipel de Mendana ou des Marquises. (2) G. Cuzent, O'Tahili, 1860. — Docteur Nadaud, Plantes usuelles de Tahiti, 1864. (3) E. Vieillard et Desplauche, Essais sur la Nouvelle-Calédonie, J 862. (Il) Père Montrouzier, Notice historique, ethnographique et physique sur la Nouvelle-Calédonie, 1860. (5) Les Néo-Calédoniens, anthropophages, pour subvenir à leur alimentation insuffisante par les végétaux, auxquels ils ajoutent quelques Poissons et Mol- lusques, ont au sujet de cette nourriture des idées sensualistes particulières : « La chair des Européens leur déplaît, elle a une odeur et un goût désagréables; » la chair de l'homme du littoral vaut mieux, pourtant elle sent le poisson ; la » chair des gens de l'intérieur, qui n'usent que de végétaux, est la plus estimée. » Le palais de l'anthropophage est d'accord avec nos usages basés sur la phy- » siologie du goût : nous ne mangeons pas de carnivores, et la chair des her- » bivores est reconnue la plus délicate, la plus facile à digérer. » (E. Vinson, Eléments d'une topographie médicale de la Nouvelle-Calédonie et de Vile des Pins, 1858.) 732 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. usent et abusent du kawa (1), produit de la fermentation des racines du Piper methysticwn (de Rochas) (2). Louisiade, îles Rossel. — Les habitants sont anthropophages et Ton a eu trop peu de rapports avec eux pour avoir des documents assurés sur leur alimentation (de hochas). Australie. — Les naturels, qui se repaissent de tous les animaux qu'ils rencontrent, rôtissent les produits de leur chasse aussitôt qu'ils sont en leur possession, car ils détestent la viande qui n'est pas, pour ainsi dire, pante- lante, et quelquefois même ils jettent tout vivants dans le brasier les Opos- sums (Phalangista vulpina), dont ils recherchent la chair, et dont ils apprécient surtout les jeunes, pris dans la poche de la mère. Jusqu'à l'arrivée des Européens, n'ayant pas de vases susceptibles d'aller au feu, ils ne connais- saient pas les aliments bouillis, mais aujourd'hui ils raffolent des soupes. Toutes les espèces de Kanguroos, grandes ou petites, dont la viande est peu grasse, mais est aussi bonne que celle du Bœuf ou du Veau, entrent dans leur alimentation : les Européens préfèrent la queue, riche en gélatine, qui donne une soupe délicieuse; les naturels recherchent surtout la tête, et font cuire l'animal entier sous un lit de pierres qui sert de foyer. Ils mangent aussi le Chien sauvage (Dingo), le jhjincj Fox (Pteropus), Chauve-Souris qui dévaste les vergers des colons, mais dont la chair grasse et délicate est très-goûlée des voyageurs; les Wimbats {P h ascolomy s), dont la chair a le goût du Porc (3), aux usages duquel les colons le substituent; toutes les espèces de Rats et de Souris qu'ils peuvent rencontrer; le Dipus Mitchelli, sorte de Gerboise, qui forme la base de l'alimentation de quelques tribus(Zi); lesEchid- nés (Echidna hxjstrix), qu'ils trouvent supérieurs au Porc le mieux engraissé. Ajoutons à ces aliments toutes espèces d'Oiseaux et leurs œufs, et particu- lièrement les Emeus, dont la chair et la graisse sont encore plus prisées que celles du Kanguroo ; des Lézards, des Serpents, des Tortues (la Chelodina longicollis entre autres, malgré son aspect serpentiforme), et toutes sortes d'animaux de mer. Pour cuire les Poissons, ils les placent sous les cendres chaudes, enveloppés d'écorces aromatiques qui leur communiquent un haut goût. Les indigènes sont aussi très-friands de larves d'insectes qui vivent dans les Eucalyptus, et auxquels ils trouvent une saveur douce et crémeuse (1) Le kawa se prépare avec les racines du Piper melhysticum. Les vieilles femmes, qui sont chargées de l'opération, mâchent ces racines et les rejettent avec leur salive, quand elles sont suffisamment broyées, dans des vases où on les mélange avec de l'eau et dans lesquels la fermentation s'opère. L'abus de ce liquide détermine chez les naturels une ichthyose presque incurable (Cuzent). (2) Dr V. de Rochas, la Nouvelle-Calédonie et ses habitants, 1862. (3) Les avis sont partagés relativement à la saveur de la chair de Phatcolomys wombat : d'aucuns lui trouvent le goût du Cerf, d'autres celui du Mouton. (4) Sturt a vu un indigène manger une centaine de Dipus Milehelli, qu'il grillait à peine et dont il dévorait le corps, excepté la queue ; quand il avait con- sommé une douzaine de ces animaux,, il croquait en même temps les douze queues. CHRONIQUE. 733 (Bidwell) ; de larves de Termites, de Chenilles de diverses espèces, etc. 11 y a un Papillon, qu'ils nomment le Bugong, et qu'ils mangent cru on qu'ils boucanent pour le conserver. Cet insecte, très-huileux, a le goût de noi\ et détermine, chez les indigènes qui commencent à s'en nourrir, des accidents éméto-cathartiques très-violents, qui cessent après plusieurs jours: une fois ce premier effet passé, cet aliment détermine rapidement l'engraissement des naturels. C'est du reste un résultat ordinaire chez eux, que d'engraisser à la suite de l'ingestion des papillons ou des larves, avec lesquelles ils font des purées. Ils sont également très-amateurs des larves (hardi) fortement aro- matiques, qu'ils récoltent dans les troncs de Xanthorrea hastilis et qu'ils croquent crues ou rôties. Les indigènes de Somerset ont pour hase de leur alimentation quelques racines, et, quand l'occasion s'en présente, les rares Poissons ou Tortues qu'ils peuvent atteindre avec leurs zagaies. Si par hasard quelque Requin ou Marsouin (Halichore australis), ballotté par les flots, vient à échouer sur le rivage, il devient l'occasion de festins où chacun ingurgite gloutonnement d'énormes lambeaux de chair pourrie (Dr E. J. Ilaran). Les naturels d'Adélaïde (1), qui vivent presque exclusivement de Mollus- ques et de Vers des marécages, ont une répugnance invincible pour la chair des Buffles, qui ont été introduits dans leur pays : si quelquefois ils tuent quelques-uns de ces animaux, c'est en vue de prendre leurs cornes, et ils en abandonnent la chair aux Chiens. Ils ne fument ni ne boivent (Belgrave Ninnis) (1). Xouvelle-Galles du Sud. — Les indigènes recherchent avec ardeur toutes les grandes espèces de Sauriens, dont la chair, dit-on, a la plus grande ana- logie avec celle du Poulet, mais que cependant peu de colons se décident à goûter. Nous voici arrivés à l'Europe, mais vous connaissez trop bien les aliments qui y sont habituels, pour que je tente de vous en tracer le tableau. Et d'ailleurs au moment où le cercle qui nous sépare du reste du monde ne laisse pas arriver jusqu'à nous les Bœufs, les Moutons, les Poissons, qui nous font défaut aujourd'hui, je craindrais d'exciter des appétits impossibles à satisfaire. Il est vrai que je pourrais parler des aliments nouveaux qui constituent notre nourriture obsidionale; mais que vous apprendrais-ie du Cheval, qui a acquis aujourd'hui droit de cité sur nos tables, et qui y figure avec honneur, je n'ose dire quotidiennement, et auquel nous ne reprochons plus que d'y apparaître sous des volumes trop restreints. Quant aux Chiens, (1) Belgrave Ninnis, Remaris on the nalural History, Meleorology , and native population of the Northern terntory of South Australia [Statistical Reports on theheallh of the Navy, 1866). Australia, a papular Account ofils physical features, inhabilans, nalural history, and productions, etc. 734 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. aux Chais et aux Rats, ils appartiennent au dilettantisme, ou mieux à l'excen- tricité de l'alimentation, et je ne les crois pas appelés à jouer un rôle sérieux dans notre diététique. Mais quand même nous devrions en faire notre ordi- naire, ne devrions-nous pas accepter avec joie, et sans nous croire des héros, cette nourriture qui nous permettrait de résister plus longtemps à nos envahisseurs et de voir la victoire sourire enfin à nos efforts. Puissé-je n'avoir pas excité le dégoût de vos estomacs civilisés, par le tableau de l'alimentation des sauvages, et vous avoir démontré que tout ce qui se meut sur terre ou dans la mer peut nous nourrir. Finissons par un con- seil : Si les formes des animaux que vous pouvez être obligés d'accepter vous répugnent, faites usage de leurs vîandes-en poudre ou en hachis, car alors le souvenir, cause de tant de répugnances, ne sera pas éveillé, et d'autre part vous n'aurez pas non plus les inconvénients des salaisons : en agissant ainsi, vous sauverez de la famine tout un peuple, qui s'est résolument promis de faire son devoir jusqu'au bout. Advienne que pourra, et nous aussi nous pourrons dire, si tout est perdu, tout, fors Vhonneur. Le Ver ù soie du Chêne de l'Inde {Sutumia JWylitta) en Suisse. M. le Dr R. Henzi, membre correspondant de la Société d'acclimatation de Berlin, reçut, le 10 avril 1869, deux boîtes contenant ensemble cent qua- rante-six cocons vivants de Saturnia Mylitta, venant directement de Pon- dichéry. Le 8 mai, une troisième boîte éleva le chiffre total de ces cocons à 254, dont 2 morts, et 9 éclos en roule, sans que de ces éclosions il fût résulté aucun accouplement : restent 243 cocons en bon état. Jusqu'au 24 octobre, M. Henzi eut 135 éclosions, 67 mâles et 68 femelles, mais seulement 29 accouplements, à cause de l'inégalité des éclosions. Les 29 femelles fécondées pondirent plus de 3000 œufs, qui parurent tous fé- condés, abstraction faite de 100 sur l'état desquels on n'a pu être fixé. Les 108 cocons qui, le 24 octobre, n'étaient pas encore éclos, mais par- faitement vivants, devaient hiverner pour servir à la première éducation de cette année- ci. M. Henzi distribua 1300 œufs aux personnes suivantes : 1° M. Albert Pictet de Landecy, à Genève, 100 œufs. — Résultat : 66 beaux cocons. 2° M. Chavannes, à Lausanne, 120 œufs. — Résultat nul. 3° M. Emile Moser, à Herzogenbuchsen, 60 œufs. — 7 beaux cocons. k° M. Wullschlegel, à Lenzburg, 100 œufs. — Résultat : pas d'éclosion. Second envoi, 100 œufs. — Pas de cocons. 5° Mme Séverin, au Jardin botanique de Berne, 50 œufs. — 16 cocons. 6° M. Jenner, à Berne, 50 œufs. — Pas de cocons. 7° Société d'acclimatation de Berlin, 220 œufs. — Résultat nul. CHRONIQUE. 735 8° M. Zlik, à Bielitz (en Autriche), 220 œufs.— 106 cocons. Voici les résultats obtenus par le Dr Henzi : Jusqu'au 15 juillet, 138 cocons. — Du 25 au 30 juillet, 32 cocons. — Du 7 au l/i août, 63 cocons.— Du 25 août au 27 octobre, 270 cocons. Total des cocons de première génération obtenus par M. Henzi, 503 cocons. Vers la fin d'août, les premiers 1 38 cocons donnèrent autant de papillons. Une foule de graines fécondes résulta de huit accouplements; les petites chenilles sortirent, mais, faute de nourriture, on n'obtint de cette seconde génération que 5 cocons. Au mois de décembre 1869, M. Henzi possédait : 1° De la première génération, 221 cocons.— 2° Delà seconde génération, 5 cocons. — 3° De provenance directe, 108 cocons. Nombre des cocons provenant de cette source, mais d'autres éducations, 195 cocons. Total des cocons destinés à la campagne de 1870 : 529 cocons, ou plus du double de ceux arrivés de Pondichéry, en 1869. M. Henzi croit que, pour l'industrie, il serait aussi facile qu'avantageux d'obtenir, chaque été. plusieurs récoltes de soie, et qu'on pourrait avoir de nouveaux cocons tous les mois, tant que dureraient les feuilles de Chêne. L'éducation n'a pas offert la moindre difficulté. M. Henzi attachait les car- tons avec les graines à de grosses branches de Quercus pedunmlata mises dans de l'eau ; cette dernière était renouvelée tous les deux jours. Après la quatrième ou dernière mue, lorsque les chenilles sont extrêmement voraces, M. Henzi les nourrit sur des châssis en leur donnant tous les jours des feuilles fraîches. La température avait été régulièrement maintenue entre 22°, 50 et 25 degrés cenligr., mais il paraîtrait que sans aucun préjudice pour l'éducation on peut se passer de chauffage. Pour l'accouplement des papillons, M. Henzi a remarqué qu'une certaine liberté était ce qui valait le mieux. Il laissait aux papillons les soins du choix sans les confiner, et trouvait les couples toujours en parfait état de conservation, posés sur les rideaux d'une fenêtre, comme si les Phalènes avaient cherché pendant la nuit la lueur qui entrait par là. Jamais, en suivant cette méthode, M. Henzi n'a eud'œufs non fécondés ; tandis qu'en enfermant chaque couple dans une boîte, la femelle pondait presque tou- jours avant d'être fécondée, et souvent l'accouplement ne pouvait avoir lieu, le mâle, dans ses vives évolutions, s'étant complètement abîmé contre les parois du récipient. M. Henzi regarde le Saturnia Mylitta comme acquis à la Suisse, au moins pour l'éducation abritée. Il croit de même que l'acclimatation en Suisse de Y AU. Yama-maï est un fait accompli. De cette dernière espèce il a obtenu, l'année dernière, 6/i35 œufs fécondés. P. V. ÉTAT DES ANIMAUX, PLANTES ET SEMENCES DONNÉS A LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION , du 1er janvier au 31 décembre 1870 (1). RENVOI NOMS DES DONATEURS. OBJETS DONNÉS. au BULLETIN. MM : 1° ANIMAUX VIVANTS. La Société Néerlandaise Graines de Vers à soie du Mûrier. 47a pour les progrès de l'indus- trie. Albuquerque (Fréd.), à Trente-six œufs de Nandous. 305 Rio- Grande do Sul. Béarn (le comte de). Graines de Bombyx Yama-mdi. 382 BourakofF (Paul de), à Poules de Sinope, Canards d'O- Odessa. dessa. 599 Bouteille, à Grenoble. Cocons vivants. 692 Charac fils (de); de Mau- Deux nids de Gourami. 169 rice. ClIÉRUY-LlNGUET. Graines de Vers à soie de l'Al- lante. 694 Dabry, à Canton. Cocons et graines de Vers à soie de la Chine. 170 Faisans de Chine. 607 Fock (le Dr)j à Amers- Graines de Vers à soie. 307 l'oort. Fumet, à Dombine. Graines de Vers à soie de race bourguignonne. 70 Garnier ( Benoit) , à Ma- Spécimens du Ver à soie de l'Am- 476 dagascar. bre vade. Gilbert, à Erzeroum. Graines de Vers à soie du Mûrier. 397 Gilbert-Pierre., à la Mar- Ara bleu. 606 tinique. [ (1) Pour les livres, voyez les paçes 69, 70, 1G9, 173, 180, -233, 234, 241, 242, 244, 245, 300, 307, 310, 315, 316, 317, 381,388,302, 395, 467,473, 474, 600, 601, 602, 009, 610, 613, 616, 098, 099, 700, 709, 711. DONS FAITS A LA SOCIETE. 1 61 NOMS DES DONATEURS. OBJETS DONNÉS. RENVOI an BULLETIN. Guilloteaux, à Versailles. Graines de Vers à soie du Mûrier. 601 Khérédine (S. Exe. le gé- néral); à Tuais. Graines de Vers ù'soie du Mûrier. 235 Méritens (le baron de). Un Porc sauvage de Formose. 694 MOXTEBELLO ( le COlllte Gustave de), à Yokohama (Japon). Œufs de Bombyx Yama-mai. 233,474 Moulin, à Lamotte. Cocons vivants. < 692 Paterlini (Italie). Cocons vivants. 692 Mme Pennequin-Deligny. Graines de Vers à soie. 609 Ploem (le docteur J. C), à Batavia. Un Orang-outan, un Gibbon et trois Paradoxures. 616 Renard (E.). Deux cartons de graines de Vers à soie du Mûrier de Chine. 300 Verrolles (Msr), (Chine). Graines de Vers à soie du Mûrier. 240 Vouga (le docteur), à Neu- châtel (Suisse). Œufs fécondés de grande Truite des lacs. 2° VÉGÉTAUX. 70 Albuquerqlie (Fréd.), à Rio-Grande do Sul. Graines de Marica et de Tim- bauva. Graines de Goiaba do matto. 310 610 Audibert , à la Crau d'Hyères. Graines diverses. 255 Auzende, à Toulon. Graines diverses. 255 Balcarce, à Paris. Trois échantillons de Mais et graines de Potiron. 467 Betz-Penot, à Ulay. Épis de Mais. 385 Boucarut (Mme veuve). Graines diverses. 255 Bourakoff (de), à Odessa. Graines de Katran. 465,599 Capanema (de), à Rio- Janeiro. Graines de Cassia brasiliensîs. 76 2e série, t. VII. — Novembre-Décembre 1870. 47 738 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION. NOMS DES DONATEURS. ORJETS DONNÉS. RENVOI au BULLETIN. Chamberi.am-Mak, à Rot- terdam. Graines A'Eriodendran anfrac- tuosum . 383 Collardeau, à Paris. Graines diverses. 255 Dexis (Alp.), à Hj ères. Fruits à'Eriobotrya japonica. 614 Engaurran (J.), à Toulon. Graines diverses. Graines de Pinus sabiniann. 255 174 Forbes Watso>t, à Lon- dres. Spécimens de diverses plantes oléagineuses de l'Inde. 615 Fcret (l'abbé), à Gban- trigné. Oignons de plantes du Japon. 242 Garnier (Benoit), à Ma- dagascar. Spécimens de graines de divers végétaux de Madagascar. 475 Gastisel-bey , au Caire. Fruits de Palmier doum. 694 Geofroy (de), à Paris. Spécimens d'une plante grim- pante appelée Bettissima. 616 Grandièrè (le vice-amiral de la), à Saigon. Collection de graines de Cocbin- »■ h i ne. 474 Haxbury (le docteur), à Londres. Graines d'Argam'a sideroxylon. 385 Hooker (le docteur), à Kew. Graines de Cedms deodora et de Jun iperus bermudiana . Graines de Cinchona officinalis et Pahudiana . 601 615 Jaurakd, à Vichy. Graines de Riz impérial Va-mi. 315 Kreoter (Franz) , à Vienne (Autriche). Graines d'Acer globulus. 390 Kuhse (Fréd.), à New- York. Graines de Zizanie aquatique et d'Avoine d'Amérique. 395 Lambert, à Alger. Graines diverses. 234 Laratte-Uriot , à Epiez (Meuse). Graines diverses. 255 Lvnel (H.), à Villeneuve- Graines de Hiz sec. 316 lez-Avignou. i DONS FAITS A LA SOCIETE. 739 NOMS DES DONATEURS Mamxgre ( Stanislas ), à Madrid. Martin (le colonel), à Paris. Millot (E.), à Paris. Moxtebello ( le comte Gustave de), à Yokohama (Japon). MONTELLAXO ( le dllC de ), à Paris. Mueller (le docteur F. von), à Melbourne. Nevill (Lady Dorolhy), à Londres. Nieto (J. A.), à Cordoba (Mexique). Rexard (E.), à Paris. Ségtjier de Saint-Crissox (le marquis de), à Paris. Sillax (Ed.), à New-Or- léans. Sinétï (le marquis de), à Paris. Thozet (Anth.) (Quecns land). Turree (le docteur), à Toulon. Vax Oye vax Duerxe, à Anvers. Vavix (Eug.), à Paris. Vêlez fils, à Paris. OBJETS DONNES. Glands de Chêne Bellota. Dokhar. Graines de China-grass, Rhus et Arbre à cire. Graines de diverses plantes du Japon. Noyaux d'Abricots de Tolède. Collection de semences austra- liennes. Plants de Cinchoaa , Coca et Nardoo. Trois espèces de graines du Mexi- que. Collection de graines de végétaux chinois. Cinq fusées de Mais blanc du Chili. Graines de Pacanier. Noyaux de Pêches de Tullins et de Miregoton. 150 ceps de Chasselas rose. Collection de semences austra- liennes. Graines diverses. Graines de Rotin (Calamus fio- tangus). Graines diverses. Graines de Ceratonia? RENVOI au BULLETIX. 173 610 465 233,474 180 610 465 391 312 80 181 233 385 236 255 70 255 80 7k0 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. NOMS DES DONATEURS. 1 OBJETS DONNÉS. RENVOI au BULLETIN. Verrolles (Monseigneur) (Chine). Vienne (de), à Zanzibar. Voisin (l'abbé), à Paris. Wallut (Ch.), à Paris. Wattecamps (Théod.)., à Lima. Graines diverses de Chine. Graines de Felfaivia pedata. Graines de Poivre hoâ-tsiao. Boutures de Noyer de Jauge. Quatre espèces de Maïs de Cuzeo. 240 475 465 474 392 INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX MENTIONNES DANS CE VOLUME. Abeille, 91, 536. Alouette, 9. Alpaca, 179. Ane, 98, 500. Anguille, 145. Antilope, lxxiv, 100, 102, 198, 201, 257. Astrilda, 533. Autruche, lui, lxxxiii, 106, 205-208, 476,566-577. Axis, 246. Axolotl, li, 267-270, 395, 464. Bar, 585, 590. Bœuf, 100, 101, 401-408, 409-416, 497-500, 542. — Ami, 407. — Gaur, 405-407. — Gayal, 402-404. — .Tungly gau, 405. Bombyx, xxxix, lxxxviii, lxxxix, 22, 77-79, 156-168, 170, 172, 256, 271.294, 307-309, 397, 432- 440, 441-453, 491-493, 610- 612. — Cecropia, 94, 256. — Cyntfiïa, 256, 370. — Mijfiito,2àG, 734. — Mori, xl, 33-36, 37-38, 240, 256. — Spondtœ, 273. — Yama-mai, xli, 39-42, 150-155, 177,234,256,389,483,619. liubale, 239. Buceros, 616. Caille, 472. Canard, 15. — carolin, 259. — mandarin, 199, 258, 259, 507. — percheur, lxxxiv. Carpe, 144. Carrouge, 144, 232. Casoar, lui. Céréopse, lui, 140, 305. Cerf, 710. — Wapiti, 91. Chameau, 85, 88. Chanos argenteus, 353. Chat, 594-597. Cheval, 88, 98, 103, 302-304, 471, 605, 641-653,654-658, 698-702. Chèvre d'Angora, 253-255, 337-345, 543. Chien, 88, 92, 594-597, 702. Cigogne, 16. Coati, 464. Coccvs Vitis, 70, 71, 328-333. Cochenille, 311, 518-523. Cochon, 321, 544. Colin, lu, 10, 16, 248-249. — de Sonnini, 138. Colombe, 10, 140, 177. Corail, li. Corbeau, 471. Cormoran, 323. Corneille, 593. Crossoptilon, 135, 349. Cygne noir, 258, 259. Cynocéphale, 102. Dindon sauvage, 264-266. Ecrevisse, 183. Éléphant, 479. Emeu, lxxxiv, 104-121. 200, 258, 387. Éperonnier, 135, 259, 346. Eponge, li, 424-431. Faisan, lxxxi, lxxxiv, 8, 15, 304. — bleu, 133. — de lady Amherst , 263, 502- 507. — noble, 134. — de Beynaud, 132. — de Sœmmering, 321, 347. lk'2 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. — de Swinhoë, 131, 348, 417-423. — vénéré, 128-131, 194,245,259. — de Vieillot, 134. Francolin, 9. Gangas, 9. Gardon, 508, 515. Geai, 182. Gelinotte, 124. Gibbon, 616. Girafe, 239. Gourami, xlvii, 359, 587, 671-688. Grouse, 122-126. Grue, 16, 93, 140, 250. Hémione, lv, 613. Hocco, 258. Huître, l, lxxxvi, lxxxtii, 211-216, 306, 317, 325, 591. Kangurou, lvi, 7. Lama, lv, 462. Lapin, 79, 385. Lavaret, 512, 513, 515, 516. Léporide, lxxxii, 659-667. Lièvre, 93. Lophopbore, 134. Lotte, 508. Loutre, 479-481. Macropode, xlviii, lxxxi, 26-32, 609. Mammouth, 708. Mara, 315. Martin triste, liv, lxxix. Merle bronzé, lxxxv, 209-210. Moineau, liv, 322, 472, 473. Mouflon, 258. Moule, 591. — à perles, 90. Mouton, lvi, 85. — Ty-yang, 302. Muge, 585, 590. Musc, 88. Nandou, 141, 231, 305, 462. OEdicnème, 140. Oie, 101, 607. Oiseaux, 183, 318, 324, 396, 481- 482 , 533, 546-559, 602-605, 607, 689-691. Oligorus macquariensis, xlvii. Ophiocephalus, 358, 361. Orang-outan, 616. Ouji, 155, 245, 367-377. Ours, 92. Outarde canepetière, 607-609. Paon, 16. Paradoxure, 616. Pénélope, 137. Perche, 240. Perdrix, 396, 482. — de Chine, 137. — Gambra, 261. — rouge, 247. Perruche, 140, 199, 350. — ondulée, 258. Phoque, 560-565. Pic vert, 235. Pigeon, 709, 711. Pintade, lxxxiv, 125. Poissons, xliv, lxxv, 81, 142-145, 240, 352-361, 362- 477, 508-517, 578- 146-149, 366, 473 592. Porc, 544. Poule, 10, 15, 124, 260, 501, 607. Puntius, 359, 361. Râle, 139. Rasbora, 359. Rat, 594-597, 702. Renard, 92. Renne, 257. Rouge-gorge bleu, 209-210. Saumon, xlv, lxxxv, lxxxvi, 70, 143, 146, 184-191, 192, 232, 464, 473. Sterlet, 512. Tanche, 240. Tinamou, 350. Tragopan, 135, 194, 259, 349. Truite, lxxxvi, 143, 146, 170, 240, 354, 364-366, 382, 508, 513, 515. Yak, lv. Zèbre, 198. INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. Abricot, 180. Acacia. 63. Anacharis, 149. Andropogon murîcatusf 68. Anémone, 62. Araucaria, 175. Asperge, xxxviii, 44, 539. Aucuba du Japon, 222. Avoine, xxxvi, 229, 384. Bambou, xxxv, lxxyi, 21, 51, 80, 225, 399, 613. Bananier, 51. Bégonia, 709. Blé, xxxvi, 87. — précoce du Japon, 229. Brachyckiton populneum, 175. Bruyère, 251-253. Cactus, 520. Caladium, 19, 51. Campanule, 223. Canne à sucre, xxxix, 47, 242, 692. Cassia brasiliensis, 76. Casuarina, 62. Cephœlis ipecacuanha, 192. Chamœrops, xxxviu, 19, 389. Champignon, 326, 537. Chanvre, 88, 312. Chêne, 152, 173. Chèvrefeuille de Philomèle, 223. Chicorée, 229. Cbina-grass, xxxiv, 242, 524-532, 540. Cinchona, xxxn,xc, 73-76, 175, 242, 378-380, 382, 493-495. Citrus, 389. Coca, 472. •Cocos, 251. •Cookia punetat.a, 615. ■Cordyline australis) 67. Corypha australis, 61, 67. Coton, 48. Cotoneaster de Simmods, 222. Crambe marifima, 69. Ci/cas circinalis, 76. Cyperus tcxtilis, 68. Dattier, 48. Desmodium à fleurs pendantes, 222. Deutzie de Fortune, 222. Dolic à deux fleurs, 228. Erable rouge, 601. Eriobotrya japonica, 014, 692-694. Eriodendron anfractuosum, 383. Escbscbollzie safranée striée, 224. Eucalyptus, xxxm, 61, 63, 236, 241, 244, 467, 472, 613, 615, 620- 622. Exogonium purga, 66, 226. Felfaivia pedata, 475. Ficus scandens, 68, 226. Figuier, xliii. Fraisier, 45. Genévrier, 313. — du Japon, 220. Ginseng, 85, 88. Grenadier, xxxvi. Gypsophile, 223. Hibiscus, 64. Houx hybride, 221. Igname, xxxvm,49, 393. Iris de Cbine, 223. Ma cl ura à trois pointes, 220. Maïs, xxxvi, 80, 409. — Caragua, 622-624. Mangle, 600. Mimusops elata, 496. Moutarde de Chine, 226, Mûrier, xxxix, 72, 446. — du Japon, 449. Ihh SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D ACCLIMATATION. Musa ensete, 241. Nymphcea nelumbo, 50. Oranger, xxxvi, 311. Orge, 227. Osmanthus à feuilles de Houx, 221. — nain, 221. Pacanier, 181. Palmier, 217-219, 316, 391. Parrotia de Perse, 221. Paulownia, 385. Pêcher, 45. Philodendron pertusum, 615. Pkysostiyma venenosum, 334. Pin de Riga, 398. Pintes sabiniana, 174. Pissenlit, 228-229. Podocarpus andina, 333. Pois, 313. — du Chili, 228. Pomme, 229. Pomme de terre, 227, 333. — Marceau, 72. — Yelez, 64-66, 80, 227. Potiron, 468. Pterocarya du Caucase, 220. Ptychosperma Alexandrœ^ 390. Rhubarbe, 476. Riz, lxiii, 87, 315, 316. — sec, 454-461. Safran, xxxv, 176, 485-491. Salvia, 62. Sarracenia, 602. ■Sauge glutineuse, 224. Saule, 314. Siphoma, 326. Sorgho, 88. Soumboul, 336. Spirée de Thunherg, 222. Tabac, 88. Thé, 88, 310. Thlaspi blanc nain, 224. Troëne de Quihou, 221. Truffe, xxxvii? 53-60. Urtica heterophylla, 223. Vigna villosa, 64. Vigne, xxxvn, 45-47, 71, 76, 230, 465, 491. Weigelia à grandes fleurs, 222. Whitlavia gloxinioides, 224. Zinnia, 224. Zizanie aquatique, 395, TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS MENTIONNES DANS CE VOLUME. Bailly (Ch.). Cueillette et culture du Safran dans le Gâtinais, 485. Blanciiére (H. de la). Comment meu- rent les Poissons, 362. Blanchère (R. de la). China-grass, 524. Bordone (le Dr). Note sur la maladie des Vers à soie, 432, sur un Poisson de . Faisan de ladv Carbonîîier. Note Chine, 26. Carreau (L. D. Amherst, 502. Ciiatin (Ad.). Mémoire sur le rôle de la sériciculture dans le nord de la France, 441. Darry (P.). Histoire naturelle du Gourami, 671. Decroix (E.). Usage alimentaire de la viande de cheval, 641. Deu indre (Aug.). Notes sur quelques Mammifères du Groenland, 92. — Des Grues, 93. — Introduction du Saturnin Cecropia en Prusse, 94. — Acclimatation d'arbres étrangers aux Indes Britanniques, 94. — Jardin botanique de Melbourne, 333. — Notes de sériciculture, 491. — Notes sur la culture des Cinchonas à Java, 493. — Un végétal utile du Brésil : le Ma- çaranduba, 496. — État de l'agriculture en Hongrie, 542. Delouche. Pisciculture à Saint-Martin d'Ablois, 142. Dennet (Charles F.). Le Ramié, 540. Desmeure. Reproduction d'Autruches à Florence, 205. Duméril (Aug.). Création d'une race blanche d'Axolotls au Muséum, 267. Durand. Les Chèvres d'Angora en Al- gérie, 337. Durieu de Maison-neuve. Rapport sur les cultures, faites à Bordeaux, de graines provenant de la Société, 61. FoNTANiER (IL). Aperçu géographique et commercial sur la Mandchourie, 84. Gauldrée-Boilleau (le baron). Jardin botanique île Lima, 295. Geoffroy Saint-Hilaire (A.). Rapport au nom de la Commission des ré- compenses, LXXIII. — Note sur le transport des animaux vivants, 1. — Reproductions d'Oiseaux obtenues en 1868 et 1869 au Jardin d'accli- matation, 127. — Leltre à M. le Président, à l'oeca- sion des notes envoyées par M. .T. Vekemans, d'Anvers, 193. — Un dîner de siège (17 novembre 1870), 593. Gervais (Paul). Discours prononcé aux obsèques de M. le docteur Aug. Duméril, 635. G indre. Rapport sur le mémoire de M. Gayot, relatif aux Léporides, 659. Girard (Maurice). Note relative au Parasite appelé Ouji, 367. Givelet (Henri). Du dévidage des co- cons du genre Attacus, 156, 271. Goubaux (A.). Rapport sur la consom- mation de la viande de Cheval à Vienne, 654. Grandmont(A. G. de) . Rapport annuel sur les travaux de la Société d'accli- matation en 1869, xxvin. Héritte (Ernest). Industrie des peaux de Phoque, 560. Joiianet (Henri). La Truffe, 53. Khérédine (le général). Sériciculture en Tunisie, 33. Larrey (le baron IL). Discours pro- noncé aux obsèques de M. le docteur Aug. Duméril, 627. 7 46 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE d' ACCLIMATATION. Laya (de). Culture de la Cochenille, 518. Le Prestre (le Dr F.). Reproduction et domestication du Gasoar, 10Û. Loês (Aloys de). Pisciculture à Aigle (Suisse), 140. Lunei. (IL). Culture du Riz sec de Chine, 454. Lupel (comte de). Acclimatation d'un nouveau gibier (la petite Grouse d'Ecosse), 122. Mairet (Al.). Educations d'Oiseaux à la faisanderie de Ferrières, 1546. Mares (P.). Rapport sur divers ani- maux domestiques de race arabe, 497. MlLLET (C). ("liasse des Oiseaux de passage, 545, 080. Montebello (le comte G. de). Notes sur les Vers à soie Ymiiii-iiini , 150. Naudin. Observations sur la rusticité relative de quelques Palmiers à Col- lioure, 217. Nieiiii i.ski. Ravages du Kermès de la la Vigne en Crimée, 328. Pépin. Sur les Bambous nigra et nir- takc, 399. Pichot (A. Pierre). Animaux domesti- qués par les anciens Egyptiens, 97. Pierre. Noie sur le Jardin de l'usine hydraulique d'ïsmaïliah, 43. Quatrekai.es (de). Diseours prononcé aux obsèques de M. le docteur Aug. Oninerd, 625, Quihotj. Rapport sur les principales cultures laites en 1869, au Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne, 220. Rivière (A.V Note sur la germination du Quinquina, 378. RIVIÈRE (Ch.,. Deuxième étude sur l'éducation des Autruches en Algérie, 560. Roberti DE Gradt. Reproduction en volière du Rouge-gorge bleu et ur le Jardin de l'usine hydraulique d'Ismaïliah 43 Henri J on an et. — La Tmffe 53 Durieu de Maison'neive. — Rapport sur les cultures, faites à Bordeaux, de graines pro\enant de la Société , 61 Naidix. — Observations sur la rusticité relative de quelques Palmiers à Collioure 217 Quiuou. — Rapport sur les principales cultures faites, en 1869, au Jar- din d'acclimatation du bois de Boulogne , . 220 Baron Gauldrée-Boilleav. — Jardin botanique de Lima 295 A. Rivière. — Note sur la germination du Quinquina. . . 378 H. LutfÉL. — Culture du Riz sec de la Chine 454 R. de la BlàïtCHere. — China-grass 524 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. Procès-verbaux des séances générales de la Société. Séance du 7 janvier, p. 69. — Séance du 21 janvier, p. 169. — Séance du 4 février, p. 231. — Séance du 18 février, p. 237. — Séance du 18 mars, p. 300. — Séance du 1er avril, p. 381. — Séance du 29 avril, p. 387. — Séance du 13 mai, p. 462. — Séance du 27 mai, p. 472. — Séance du 10 juin, p. 599. — Séance du 18 novembre, p. 695. — Séance du 2 décembre, p. 702. — Séance du 16 décembre, p. 705. — Séance du 30 décembre, p. 711. Procès -verbaux des séances du Conseil. Séance du 29 juillet, p. 606. — Séance du 19 août, p. 692. — Séance du 19 septembre, p. 69/1. TABLE DES MATIÈRES. 751 CHRONIQUE. lï. Fontanier. Aperça géographique et commercial sur la Manclchourie. . 84 Paul Vœlkel. Croisement du Cerf Wapili et du Cerf commun 91 A. Aug. Delonclre. Notes sur quelques Mammifères du Groenland 92 Le même. Des Grues 93 Le même. Introduction du Snfurnin Cecropia en Prusse 94 Le même. Arelimatation d'arbres étrangers aux Indes britanniques.... 94 Docteur .T. L. Soubeiran. Rapport sur l'acclimatation du Saumon en Tas- manie 185 Hybrides du Saumon 192 Paul Vœlkel. Propagation du Cephœlis ipecacuûnha .... 192 Le même. Educations de Vers à soie étrangers 256 Le même. Cochons de Chine 321 Le même. Parcs de Londres 321 Le même. Le Faisan de Sœmmcring 321 Le même Moineaux au Canada 322 Le même. Reproduction du Cormoran au Jardin zoologique de Francfort- sur-Mein 323 Le même. Éducation et acclimatation des Oiseaux exotiques pour appar- tements 323 Le même. Pêche aux Huîtres à Boston 325 Le même. Huîtres d'Amérique 325 Le même. Champignons cultivés dans les écuries 326 Le même. Projet d'acclimater aux Indes anglaises le caoutchouc améri- cain 326 Le même. Acclimatation d'arbres fruitiers \ 327 Le même. Boisement aux Indes 327 Niedieski. Ravages du Kermès de la Vigne en Crimée. (Extrait du mémoire russe, par M. P. Vœlkel) 328 Paul Vœlkel. Note sur les Pommes de terre et graines du Chili 333 A. Aug. Delondre. Jardin botanique de Melbourne 333 Le professeur Schultz-Schultzenstein. Sur la différence entre le greffage et la production de nouvelles variétés. (Traduction de M. P. Vœlkel).. 334 Paul Vœlkel. Acclimatation du Soumboul 336 Pépin. Sur les Bambous nigra et metakc 399 Paul Vœlkel. Reproduction des Éléphants à l'état de domesticité 479 Le même. Loutres apprivoisées 479 Le même. Protection des Oiseaux de mer en Angleterre 481 Le même. La Perdrix dans la Nouvelle-Zélande 482 Le même. Éducation d'Oiseaux exotiques 482 Le même. Essai d'éducation de Vers à soie japonais l'ait à Riga 483 CI:. Bailly. Cueillette et culture du Safran dans le Gâtinais 485 Rendement des principaux vignobles californiens 491 752 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D 'ACCLIMATATION. A. Aug.-Delondre. Notes de sériciculture 491 Le. même. Notes sur la culture des Ginchona à Java 493 Le même. Un végétal utile du Brésil : le Mararanduba £96 Paul Voelkel. Croisement de YAstrilda undulata avec YAstrilda cinerea . 533 Le même. Educations faites dans la volière du docteur Rey, à Halle (Prusse) 533 Le même. Fécondation de la reine des Abeilles 536 Le même. L'apiculture en Sibérie . . 536 Le même. Culture des Champignons 537 Le même. Culture des Asperges 539 Cb. F. Dennett. Le Ramié 540 A. Aug. Delondre. Etat de l'agriculture en Hongrie 542 Education du Ver à soie sauvage au Japon . 619 Culture de l'Eucalyptus en Algérie 620 Le Maïs géant Caragua 622 Docteur J. Léon Soubeiran. Curiosités de l'alimentation 714 Paul Wœlkel. Le Ver à soie du Chêne de l'Inde en Suisse 734 Erratum 336 Etat des dons faits à la Société impériale d'acclimatation 736 Index alphabétique des animaux mentionnés dans ce volume 741 Index alphabétique des végétaux mentionnés dans ce volume 743 Table alphabétique des auteurs mentionnés dans ce volume 745 FIN DE LA TABLE DES MATIERES. Paris. ~ Imprimerie de E. Martinet, rue Mignon, 2. '-■ * New York Botanical Garden Librar 3 5185 00259 9361 i$ -" W.j,' W/ v. ry& * -#, :-/, * - ■ — i v iJL i