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IMPRESSIONS

N8 j5 bis.

1826.

CHAMBRE DES PAIRS.

Séance du 11 avril 1826.

DE M. LE COMTE DE PONTÉCOULANT,

Sur le projet de loi relatif à la répartition de l'indemnité stipulée en faveur des colons de Saint-Domingue *.

( Extrait du proces-verbai )

Un onzième opinant est appelé à la tribune.

Depuis près de neuf mois qu'a été publié l'acte du 1 7 avril, une discussion si vive et si approfondie s'est engagée sur la régularité comme sur les avantages ou les inconvénients de ses dispositions ; tant de lumières ont été répandues sur les questions qu'il fait naître , soit par les nombreux écrits auxquels il a donné lieu , soit par la controverse des journaux , que la plupart des membres de cette Chambre ont pu se former d'avance une opinion arrêtée. Le noble Pair lui-même, contrai- rement à ses habitudes parlementaires, est arrivé à cette discussion déjà pleinement décidé à confirmer par son suffrage, tant au fond que dans la forme, et ce qui étoit soumis à la délibération de la Chambre, et

Cette opinion ayant été improvisée , n'a pu être imprimée que par extrait.

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ce qui sembloit devoir n'être même pas mis en ques- tion. Ainsi sa conviction intime étoit, et est encore, que l'acte du 1 7 avril n'avoit aucun besoin de l'appro- bation des Chambres; que c'était un acte complet de la volonté royale, exercée dans toute sa plénitude , mais dans ses limites constitutionnelles , et qui n'était sujet à aucune ratification , sauf l'exercice , s'il y avoit lieu , de la responsabilité ministérielle. On a réclamé contre la qualification d'ordonnance donnée à cet acte, et cette qualification est devenue l'objet de beaucoup d'objections et d'équivoques. Le noble Pair convient que s'il existoit dans notre langage constitutionnel une expression plus solennelle , elle auroit être appli- quée à un acte d'une si haute importance et d'un ca- ractère si différent de celui des simples ordonnances. Mais il a bien fallu se servir du seul mot qui fût usité, et cette querelle de mots est peu digne d'occuper l'at- tention de la Chambre. Parmi les autres objections qui ont été faites contre la forme de l'acte du 1 7 avril, bien peu sont restées sans réponse dans le cours de la dis- cussion. Quant au fond, la religion de la Chambre paroît devoir être suffisamment éclairée. Ce n'est pas dans des théories abstraites que l'on doit chercher la solution d'une question de ce genre, c'est l'état des choses qu'il faut considérer. Or, quel étoit-il depuis trente ans à l'égard de Saint-Domingue? La scission étoit opérée , et l'indépendance acquise et affermie. Quel autre parti auroit-on pu prendre , qui fût meil- leur que celui qu'on a pris? Auroit-on voulu recon- quérir la colonie par la voie des armes? Mais la raison et l'expérience démontrent que le succès d'une pareille entreprise étoit impossible. Auroit-on préféré ne rien

(3) faire? Mais étoit-il de l'honneur de la France de rester dans un état précaire , qui nuisoit à son commerce et sembloit attester son impuissance? Le noble Pair ne sauroit donc hésiter sur le fond même de la mesure , et s'il avoit pu conserver quelques doutes, ils auroient été levés par les développements aussi lumineux que solides qu'a donnés à l'examen de ce point ]e noble rapporteur de la commission. A la vérité , son rapport même a introduit un élément nouveau dans la dis- cussion, par la proposition d'un article additionnel relatif aux droits des créanciers. La question que cette proposition fait naître est aussi importante que diffi- cile. Si c'est une chose inouie en législation qu'une at- teinte , même partielle , portée aux droits des créan- ciers , c'est aussi une catastrophe inouie dans l'histoire que celle qui a détruit à-la-fois la propriété des colons, et le gage de leurs créanciers. Si de fortes raisons mi- litent pour les uns, de puissantes considérations s'é- lèvent en faveur des autres. Le noble Pair attend de la discussion de nouvelles lumières pour se fixer sur ce point, et il se bornerait, en ce moment , à motiver, par le peu de réflexions qui précédent son vote, sur l'ensemble du projet, si deux opinions émises ians le cours de la discussion , avec l'accen'tde la conviction la plus respectable, n'a voient pris pour base de leurs attaques un système dont les graves conséquences exigent absolument qu'on y réponde, et qu'on le com- batte. Ce système se fonde sur une combinaison ha- bile d'erreur et de vérité dans les faits comme dans les inductions qu'on en tire. Dans les exemples cités par les adversaires, ainsi que, dans leurs argumentations, on ne trouve rien qui soit absolument faux; mais on ne

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trouve rien non plus qui soit tout-à-fait vrai. Les deux nobles auteurs de ces opinions ont cherché à établir comme un principe la nécessité de la ratification des Chambres pour des traités conclus en vertu de l'art. 1 4 de la Charte. L'opinant remarquera d'abord que cet article de la Charte présente un texte clair, précis, et qui n'a besoin d'aucun commentaire. Si d'autres articles sont susceptibles de recevoir des interpréta- tions diverses, celui-là n'en admet qu'une seule; il attribue au Roi le pouvoir exclusif, et sans concours , de déclarer la guerre , et de faire les traités d'alliance , de commerce et de paix. Malgré cette disposition ex- presse, on soutient cependant que les traités qui en- traînent la nécessité d'un subside doivent être soumis aux Chambres. Ici trouve son application l'observation que faisoit le noble Pair, sur le mélange du vrai et du faux dans le système qu'il combat. Il n'est pas exact, en effet , de dire que les traités de subsides doivent être soumis à la délibération des Chambres ; il est seule- ment vrai que les conséquences de ces traités rentrent dans leur domaine par la nécessité de leur vote pour l'impôt ou pour l'emprunt, au moyen duquel le sub- side doit être payé ; mais on ne peut tirer de aucune induction pour le traité actuel , la France n'a rien à payer, et elle reçoit, au contraire, une somme de i5o millions. Autant une loi seroit nécessaire s'il falloit, en vertu de l'acte du 17 avril, asseoir une contribution, ou changer même un tarif de douanes, autant elle seroit inutile ici pour autoriser la re- cette de l'indemnité stipulée. Non seulement l'acte en lui-même n'offroit aucun caractère législatif, mais les Chambres n'auroient même pas eu à s'occu-

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(5) per de son exécution, si, pour la rendre meilleure et plus favorable aux colons, on n'avoit voulu apporter aux lois ordinaires trois modifications que le pouvoir législatif é toit seul en droit de prescrire, savoir: Sa re- nonciation de l'État à la portion d'indemnité à la- quelle il auroit eu droit pour les propriétés à lui ap- partenantes, l'exemption des droits de mutation, d'en- registrement et de timbre, et enfin, la disposition relative aux créanciers, soit qu'elle reste telle qu'elle se trouve dans le projet , ou qu'elle soit étendue comme le propose la commission. Cette énumération répond suffisamment à ceux qui auraient voulu que la répartition se fît par une simple ordonnance. On a cité pour établir le droit des Chambres, le traité de novembre 1 8 1 5 qui leur fut officiellement com- muniqué: cette citation est encore juste pour une partie, et inexacte dans une autre. Il est vrai que le traité de i8i5 a été soumis aux Chambres, mais c'est précisément parcequ'il stipuloit un subside et un subside des plus onéreux. Une délibération des Chambres étoit indispensable, et a eu lieu pour assu- rer le paiement de ce subside; mais elle n'a aucune- ment porté sur le traité en lui-même, qu'il ne s'agissoit ni de discuter ni d'approuver. La seule délibération à laquelle la communication a donné lieu dans cette Chambre a été "celle par laquelle le Président a été chargé de se retirer par devers le Roi pour lui expri- mer à ce sujet les sentiments d'amour, de fidélité, de respect et de dévouement inaltérable dont la Chambre étoit pénétrée, ainsi que son zèle à seconder tous lesefforts qu'exigeoientles circonstances, et son entière conformité à la noble et digne résignation du cœur

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paternel de Sa Majesté. Tels sont les termes mêmes de ia délibération. Ainsi rien dans l'exemple cité qui puisse fonder le droit prétendu des Chambres pour cas actuel. On invoque la pratique de l'Angleterre; mais dans ce pays, dont le gouvernement tient beau- coup plus de l'aristocratie que de la monarchie, le Roi, cependant, exerce seul, et de la manière la plus absolue, le droit de paix et de guerre. Il signe seul, il ratifie seul les traités. A la vérité, les Chambres demandent souvent, ou le Gouvernement donne de lui-même, communication des traités, mais ce n'est pas pour les soumettre à une ratification inutile : s'ils sont discutés dans le parlement , c'est sous un tout autre rapport , et dans la vue de reconnoître si les Ministres, en les conseillant au Roi, auroient en- couru la responsabilité. Cette responsabilité, qui, dans ce cas a souvent été exercée, porte sur tout ce qui dans le traité seroit nuisible au bien du pays , soit immédiatement, soit même par des conséquences éloignées; et il est à remarquer que, sur dix ministres mis en accusation au parlement d'Angleterre, six l'ont été pour leur participation à des actes diplomatiques, savoir: quatre pour le traité de partage , et deux pour1 ia paix d'Utrecht. C'est précisément ce qui se pratique à cet égard en Angleterre, que la Charte a voulu in- troduire en France; elle en contient le principe, et il suffirait d'en organiser l'application. Mais il faut ob- server que le système de la ratification par les Cham- bres seroit destructif de toute responsabilité, puis- que apparemment les Chambres ne pourraient accuser et juger un Ministre, pour raison d'un traité qu'elles auroient approuvé, et qui seroit devenu loi de l'État.

( 7 ) La responsabilité ne peut porter que sur l'inexécution ou l'infraction des lois et non sur leur proposition, puis- que les Chambres sont libres d'adopter ou de rejeter. Ainsi le système dont il s'agit seroit attentatoire à la prérogative royale, et anéantirait la responsabilité mi- nistérielle; il seroit facile d'établir en outre qu'il seroit fatal à l'autorité même des Chambres, et pour s'en convaincre, il suffit de se reporter à la mémorable discussion qui s'éleva à ce sujet dans le sein de l'as- semblée constituante. Ceux qui soutiennent aujour- d'hui le système que combat le noble Pair seraient peut-être effrayés d'apprendre que c'est précisément celui que proposoit Barnave, et qui fut repoussé par l'assemblée constituante , sur la motion de Mirabeau, qui, s'ilétoit toujours éloquent, se montra, dans cette occasion du moins , ami de la monarchie, et véritable- ment homme d'État. On vouloit que le Roi fît les traités, mais qu'ils ne fussent rendus exécutoires que par le corps législatif; l'assemblée constituante, que l'on n'accusera pas de trop de prédilection pour les principes monarchiques, jugea qu'une pareille dispo- sition étoit attentatoire àla prérogative royale, et com- promettait la sûreté de l'État et ses véritables intérêts. Gomment voudroit-on consacrer aujourd'hui ce qu'elle crut devoir alors repousser? En vain prétendroit-on sub- stituer le mot d'approbation à celui de ratification ; il n'en seroit pas moins vrai qu'un traité, signé par les Ministres du Roi, et ratifié par lui, ne seroit encore qu'un vain projet, qui n'offrirait aucune garantie aux Fuissancescontractantes. Adopter un pareil système, ce seroit vouloir s'isoler au milieu de l'Europe, et rompre toute communication avec les autres gouvernements.

( 8 ) On a voulu tirer argument de la constitution de 1791; mais cet argument ne prouve-t-il pas contre ceux qui l'emploient? et comment vouloir imposer à l'autorité royale, dans un gouvernement bien réglé, une obliga- tion introduite en baine de la royauté dans la constitu- tion la plus anarchique peut-être, et la plus incompa- tible avec la monarchie, qui ait jamais été conçue? Il en est de même de l'exemple de l'Amérique ; il ne sauroit non plus avoir aucune force, même en théorie, puis- que apparemment on ne veut pas appliquer à une mo- narchie des régies faites pour une république; mais sous le rapport de la pratique cet exemple est encore plus malheureusement choisi, et il suffiroit, pour re- pousser un pareil système, de rappeler comment, par suite de la marche adoptée par les États-Unis, un traité de commerce conclu par le président avec l'An- gleterre n'a pu encore recevoir, après deux ans, la ratification du congrès. L'observation exacte de sem- blables faits ne suffit-elle pas pour proscrire de vaines spéculations et des théories abstraites? Pourquoi au lieu de chercher ailleurs des institutions en mal appro- priées à notre système politique, ne pas nous tenir à la Charte qui nous a été donnée? On nous parle d'exer- cer nos droits; mais la meilleure manière de les exer- cer n'est- elle pas de se renfermer strictement dans leurs limites légales? En les dépassant nous ne pou- vons qu'empiéter sur les droits de la Couronne, sur ceux de l'autre Chambre , ou attenter aux libertés pu- bliques. La communication des traités n'aura, dit-on, aucun de ces inconvénients; mais il faut bien s'enten- dre sur le sens qu'on attache à cette communication. Si l'on entend se borner à une simple demande de ren^

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(9) seignements , nul doute que la Chambre , et chacun de ses membres en particulier, n'ait le droit de réclamer tous ceux qu'il croit nécessaires pour éclairer sa con- science sur les propositions qui lui sont soumises, sauf le droit des Ministres de donner ou de refuser les renseignements demandés, suivant que l'exige l'inté- rêt du pays ou le secret des négociations, et sous leur responsabilité. En ce sens, le droit existe pour les Cham- bres; mais il ne doit pas être étendu jusqu'au point d'en vouloir faire la base d'une délibération spéciale, et d'approuver ou de rejeter le traité qui en seroit l'ob- jet, et de faire entrer ainsi dans le domaine de la légis- lation ce qui doit exclusivement appartenir, sous la responsabilité des Ministres , à l'autorité royale. Ces ob- servations suffisent pour écarter le système qu'il sagis- soit de combattre, et le noble Pair regardecomme inu- tile de suivre désormais le dernier des orateurs qui l'ont défendu dans les recherches auxquelles il a cru devoir se livrer sur les traités qui, dans les divers âges de la monarchie, ont stipulé des cessions de territoire. Il est évident que jamais les colonies n'ont pu, ajuste titre, être considérées comme partieintégranteduterri- toire français. Un décret a bien pu le proclamer ainsi, mais la nature même des choses protestoit contre une assertion qui n'a rien de vrai, ni politiquement, ni grammaticalement, ni géographiquement. Toute cette doctrine est donc icisansapplication. Acesuj et la Cham- bre reconnoîtra qu'il est des questions tellement délica- tes, qu'il ne faut les traiter que dans le cas d'une néces- sité absolue, et que la discussion de celle-ci présenteroit aujourd'hui beaucoup d'inconvénients sans aucune utilité réelle, puisqu'il ne s'agit point de cession , de

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( 10) territoire. Le noble Pair ne répondra pas davantage aux indiscrètes suppositions que s'est permises l'orateur, qui le premier a porté la parole dans cette discussion. S'il peut être admis de forcer les conséquences d'un système pour en démontrer les vices , cette logique a cependant des bornes , et si elles ne s'arrête pas au vraisemblable, elle ne doit pas du moins dépasser le possible , et les suppositions du noble orateur l'ont de beaucoup dépassé. L'opinant s'abstiendra également de répondre à ce qui a été dit par le second orateur sur l'état actuel des colonies qui nous restent, et sur les mesures qui auroient pu être prises pour faire recouvrer à la France la souveraineté sur Saint- Domingue. Il est, en pareille matière, des choses que peut-être il ne faut pas dire , mais que certainement on doit s'abstenir de répéter. Elles ont assurément été dites de bonne foi par le noble Pair; mais n'oublions pas que si les malheurs de Saint-Domingue ont été consommés par le vertige et la fureur, ils ont été com- mencés par des paroles innocentes et de bonne foi. Un mot seulement est encore nécessaire pour combattre une assertion émise par l'orateur dont il s'agit dans la séance d'hier. Il a pensé que l'abolition de la traite des noirs avoit été imposée par l'Angleterre à la France; c'est une assertion qu'on ne peut laisser passer sans ré- ponse : on peut consulter à cet égard les discussions auxquelles la loi d'abolition a donné lieu ; on y verra par qui elle a été soutenue, avec quelle touchante unanimité elle a été accueillie, et l'on jugera ensuite si une telle loi porte le caractère de la contrainte, ou si elle n'a pas plutôt été dictée par la sagesse du Monarque p et par le sentiment de la justice et de l'humanité. Si

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quelque influence étrangère avoit forcé la main à cet égard, avec quel empressement ne seroit-on pas revenu contre la décision prise, aussitôt que la contrainte auroit cessé ! Il est arrivé au contraire que de- puis la promulgation de la loi, si de nombreuses réclamations se sont élevées à son sujet, c'a été seule- ment pour en demander la stricte exécution, pour demander même des dispositions pénales d'une plus grande sévérité , tant cette loi est conforme aux sen- timents d'humanité qui animent tous les Français, et à l'horreur qu'inspire à tous les cœurs cet odieux et in- fâme trafic! Par tous ces motifs, le noble Pair vote l'adoption du projet de loi dans son ensemble, se ré- servant de voter, suivant les lumières que la discussion lui aura fournies, sur l'amendement de la commis- sion.

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